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Full text of "Voyage en Californie pour l'observation du passage de Vénus sur le disque du soleil, le 3 juin 1769; contenant les observations de ce phénomene, & la description historique de la route de l'auteur à travers le Mexique"

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VOYAGE 

EN   CALIFORNIE. 


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EN    CALIFORNIE 

POUR    L'  OBSERVATION 

D  U 

PASSAGE   DE   VÉNUS 

SUR 

LE    DISQUE    DU    SOLEIL, 

Le  3  Juin  \'JC<)'^ 

Contenant  les  obfervations  de  ce  phénomène ,  &  la  defcriptlon 
hiftorique  de  la  route  de  TAuteur  à  travers  le  Mexique. 

Tar  feu  M.  C  H  A  P  p  E    D  A  UTEROCHE,   de.   l'Académie  Royale 

des   Sciences. 

Rédigé  &  publié  par  M.  deCassini  fils,  de  la  même  Académie,  Directeur  en  furvivance 

de  rObfervatoire  R.oyal  de  Paris  ,  &c. 


UNiVLHSll 


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A     PARIS, 

ÇhçzCHARlES.ANTOINE  JOMBERT,  Libraire  du  Roi  pour  l'Artillerie  &  le  Génie; 

rue  Dauphine ,  à  l'Image  Notre  Dame. 

M.    Dec.    LXXII. 
AVEC  "APPROBATION^    ET  PRIVJL  EG  E   DU  ROI. 


A  VA  N  T-P  R  O  P  O  S. 

X-^E  Voyage  de  M.  Chappe  à  la  Californie  fixoit  de- 
puis long-temps  l'attention  des  Savants.  L'obfervation 
du  paflage  de  Vénus  fur  le  Soleil ,  faite  dans  cette  partie 
de  la  Mer  du  Sud,  étoit  fans  doute  une  des  plus  impor- 
tantes &  des  plus  favorables  pour  la  détermination  de  la 
parallaxe  du  Soleil. 

La  nouvelle  du  fuccès  complet  des  opérations  de 
M.  Chappe  arriva  enfin  ;  mais  les  fentiments  qu  elle 
devoir  caufer  furent  bien  altérés  par  celle  de  la  mort  de 
cet  Aftronome,  que  l'on  apprit  en  même  temps,  &  qui 
avoit  fuivi  de  près  l'époque  de  l'obfervation. 

Les  papiers  de  M.  Chappe  ne  parvinrent  en  France 
que  vers  la  fin  de  l'année  1770.  M.  Pauly,  à  qui 
M.  Chappe  les  avoit  confiés  en  mourant ,  les  remit 
entre  les  mains  de  mon  pcre  le  7  Décembre  ,  &  le 
même  jour  ils  furent  dépofés  à  l'Académie.  L'impatience 
du  public  à  connoître  le  réfultac  d'une  obfervation  fi 
intéreffantc  ,  ne  permit  pas  de  difi^érer  plus  long-temps 
à  l'en  inftruire.  M.  de  la  Lande  publia  dans  la  Gazette 
du  14  Décembre  1770  la  parallaxe  du  Soleil  déduite  de 
l'obfervation  faite  à  San-Jofeph.  Par  cet  emprefl^emcnc 
àfatisfairelacurlofité  du  monde  favant,  l'Académie  ne 
fe  crut  point  difpenfée  de  faire  connoître  6c  de  mettre 
fous  les  yeux  du  public  les  détails  circonftanciés'  d'une 
obfervation  fi  Importance   à  difcuter.  Je  fus  chargé  en 


nr 


z  AVANT-PROPOS. 

conféquence  de  mettre  en  ordre  ,  de  rédiger  6c  de  cal- 
culer toutes  les  obfervations  que  M.  Chappe  avoir  faites 
à  San-Jofeph;  enfin  de  tirer  de  Tes  manufcrits  originaux 
tout  ce  qui  méritoit  d'être  publié. 

Ceft  de  cette  commiffion  que  je  m'acquitte  aujour- 
d'hui dans  cet  ouvrage. 

Je  l'ai  divifé  en  deux  parties. 

La  première  contient  la  relation  du  voyage  de  l'Au- 
teur. Ce  que  j'ai  trouvé  de  relatif  à  cet  objet  dans  les 
papiers  de  M.  Chappe  qui  m'ont  été  remis,  étoit  fi  peu 
de  chofe,  que  jen'auroisguerepu  donner  ici  qu'un  Jour- 
nal itinéraire  très  ftérile,  fans  le  fecours  de  MM.  Noël 
&  Pauly.  J'ai  donc  fait  ufage  de  ce  qu'a  pu  me  fournir 
la  mémoire  de  ces  deux  compagnons  de  voyage  de 
M.  Chappe,  qui  ont  eu  de  plus  l'avantage  de  faire  deux 
fois  la  même  route  en  allant  Si  en  revenant  ;  mais,  mal- 
gré ce  fecours,  dont  je  n'ai  dû  même  profiter  qu'avec 
beaucoup  de  difcrétion,  je  ne  me  flatte  point  de  donner 
ici  une  relation  bien  intéreflante  :  l'Auteur  feul  eût  été 
en  état  de  ne  rien  îaifler  à  defirer,  foit  pour  l'inftruc- 
tion ,  foit  pour  l'agrément. 

Cette  relation  efl  fuivie  des  obfervations  phyfiques 
&  des  expériences  qui  ont  été  faites  dans  le  courant  du 
voyage;  elles  ne  font  point  aufficomplettes  ni  peut-être 
en  aufli  grand  nombre  qu'elles  auroient  pu  l'être  fi  elles 
éufl^ent  été  rédigées  par  l'Auteur  lui-même.  J'ai-  été 
obligé  d'en  rejetter  une  grande  partie  faute  de  détails 
afiez  circonft:anciés  qui  pufient  me  faire  juger  de  leur  de- 


AVANT-PROPOS.  3 

gré  de  préciUon  ;  car  je  penfe  qu'il  vaut  mieux  ne  don- 
ner qu'une obfervation  bien  faite,  que  d'eu  rapporter  un 
grand  nombre  de  douteufes.  Pour  dédommager  le  public 
de  la  perte  qu'il  a  faite  par  la  mort  de  M.  Chappe  ,  fur- 
tout  du  côté  de  l'hifloire  naturelle  dont  cet  Académi- 
cien eût  pu  faire  la  plus  ample  moiflon ,  j'ai  joint  ici 
l'extrait  d'une  lettre  de  Don  Jofeph  Antoine  de  Alzatey 
Ramirez ,  adreiïée  à  l'Académie ,  &:  contenant  des  obfer- 
vations  très  intéreflantcs  fur  l'hifloire  naturelle  des 
environs  de  la  ville  de  Mexico. 

La  féconde  partie  contient  le  détail  le  plus  complet  5c 
le  plus  circonftancié  qu'il  m'a  été  poffible  de  le  donner, 
des  obfervations  aftronomiquesque  M.  Chappe  a  faites  à 
San-Jofeph,  relativement  au  pafiage  de  Vénus  qui  étoit 
le  principal  objetdefon  voyage.  Je  n'ai  rien  épargné  pour 
donner  à  cette  partie,  la  plus  importante  de  cet  Ouvrage, 
toute  la  clarté  ,  la  précifion,  &c  l'étendue  que  l'pn  pou- 
voit  defirer  ;  j'ai  calculé  ,  difcuté  ,  &  rédigé  plufieurs 
fois  chaque  obfervation,  que  je  me  fuis  fait  une  loi  de 
rapporter  d'abord  telle  que  je  l'ai  trouvée  dans  le  regiftre 
original  :  fi  j'en  ai  quelquefois  rejette  quelqu'une,  fi  j'ai 
changé  quelque  chofe  au  texte,  ce  n'a  été  qu'après  avoir 
reconnu  très  évidemment  quelque  erreur,  par  des  com- 
paraifons,  des  calculs  ,  &  une  difcuflion  très  attentive. 
C'efl  ce  qui  a  eu  lieu,  par  exemple,  à  l'égard  de  plu- 
fieurs hauteurs  méridiennes  dans  lefquelles  M.  Chappe 
s'efl  trompé ,  par  rapport  au  figne  qui  indique  s'il  faut 

ajouter  ou  retrancher  les  parties  du  micromètre. 

Aij 


4      AVANT-PROPOS. 

L'on  trouvera  d'abord,  comme  je  viens  de  le  dire,  cha- 
que obfervation  telle  que  je  l'ai  tirée  du  regiftre  original , 
enfuite  telle  que  je  l'ai  réduite  par  mes  calculs,  avec  fon 
réfultat  que  l'on  pourra  par  conféquent  vérifier  û  on 
le  juge  à  propos. 

J'ai  terminé  cet  Ouvrage  par  un  cxpofé  des  travaux 
qu'a  occafionné  depuis  deux  fiecles  la  recherche  de  la 
parallaxe  du  Soleil.  Le  Le£leur  y  verra  peut-être  avec 
plaifir  rafiemblés  fous  un  même  point  de  vue  les  réful- 
tats  des  obfervations  des  deux  derniers  pafTages  de  Vénus 
fur  le  Soleil ,  faites  dans  les  différentes  contrées.  Ce  Mé- 
moire pourroit  être  regardé  comme  une  introduction 
ou  le  canevas  d'une  hiftoire  complette  de  la  parallaxe 
du  Soleil;  ouvrage  qui,  entrepris  par  une  plume  habile, 
ne  manqueroit  pas  de  devenir  extrêmement  intéreffant 
pour  les  Savants  ,  ce  morceau  formant  une  branche  prin- 
cipale de  l'hiftoire  de  l'Aftronomie  &  des  progrès  de 
l'efprit  humain. 

Le  Le£leur  aura  lieu  fans  doute  de  regretter  la  main 
de  l'Auteur ,  auquel  je  n'ai  fuppléé  que  bien  imparfai- 
tement de  toute  façon.  Mais  peut-on  peindre  l'objet  que 
l'on  n'a  pas  vu,  avec  les  mêmes  couleurs  que  celui  qui 
l'a  fous  les  yeux  ?  On  ne  difcute  point  les  obfervations 
que  l'on  n'a  point  faites,  avec  la  même  fagacité  que  peut 
le  faire  l'Obfervateur  même.  Les  Journaux  les  pluscir- 
conftanciés  ne  comprennent  fouvent  pas  la  moitié  de  ce 
qu'un  étranger  voudroit  y  trouver  ;  l'Auteur  en  réfervc 
toujours  une  grande  partie  dans  fa  mémoire.  M.  Chappc , 


A  V  A  N  T-P  R  O  P  O  S.  5 

traverfant  le  Mexique  pour  gagner  la  Californie  ou  il 
craignoit  d'arriver  trop  tard,  fe  propofoic  de  faire  en 
repaflant,  à  fon  retour,  par  la  même  route  ,  une 
moiflon  abondante  de  remarques  de  d'obfervations 
curieufes  que  fon  premier  coup  d'oeil  avoir  pu  faifir , 
mais  dont  il  n'a  pas  cru  devoir  faire  note  dans  fes  Jour- 
naux avant  de  les  avoir  vérifiées  par  un  fécond  examen 
moins  rapide.  Combien  n'avons-nous  pas  à  regretter  que 
cet  Académicien  foit  mort  avant  d'avoir  pu  nous  don- 
ner les  moindres  notions  fur  la  Californie,  pays  li  peu 
connu ,  &  par-là  11  digne  de  curiofité  !  Car  pouvons- 
nous  donner  une  entière  confiance  à  des  voyageurs  peu 
inftruits,  ou  à  des  miffionnaires  quelquefois  fi  remplis 
des  objets  de  leur  zele  ,  qu'ils  font  incapables  de  donner 
l'attention  néceflaire  à  tout  ce  qui  eft  étranger  à  leur 
but ,  quand  ils  auroient  d'ailleurs  toutes  les  connoif- 
fances  requifes  pour  fatisfaire  la  curiofité  des  lecteurs? 
MM.  Pauly  &  Noël,  qui  ont  eu  le  bonheur  d'échapper 
à  la  maladie  cruelle  dont  M.  Chappe  a  été  la  victime, 
n'ont  pu  me  donner  aucun  éclairciflement  fur  la  Cali- 
fornie. Pénétrés  de  la  perte  affreufe  qu'ils  avoient  faite, 
ils  n'ont  guère  pu  s'occuper  d'acquérir  des  connoiffances 
fur  un  pays  qui  leur  avoir  été  fi  funefi:e ,  &  dont  mille 
raifons  les  engageoient  à  s'éloigner,  ce  qu'ils  firent  le 
plutôt  qu'il  leur  fut  pofîible.  Il  n'y  a  donc  dans  cet 
Ouvrage  que  la  partie  des  Obfervations  Aftronomiques 
qui  pulfiTe  être  regardée  comme  complette.  Quant  aux 
autres  parties,  foit  HiftorJque,  Phyfique,  ou  Géogra- 


6  A  V  A  N  T-P  R  O  P  O  S. 

phique ,  on  n'y  trouvera  que  peu  de  chofe  ;  j'en  préviens 
le  ledleur,  6c  l'on  ne  peut  en  accufer  qu'un  événement 
d'autant  plus  trifte  pour  moi,  que  j'ai  d'une  part  à  re- 
gretter les  mêmes  pertes  que  le  public ,  &  de  l'autre 
celle  d'un  confrère  6c  d'un  ami. 


V   O   Y   A   G 

EN    CALIFORNIE 

POUR       OBSERVER 

LE    PASSAGE    DE    VÉNUS 

SUR    LE    DISQUE    DU    SOLEIL. 

PREMIERE    PARTIE. 

RELATION  DU  VOYAGE  DE  L'AUTEUR. 


E  partis  (i)  de  Paris  le  iS  Scpceinbrc  ii74'8  peurlVme  Départ  de 
rendre  au  Havre-de-Grace.  où  je  devois  m'eiiijbajrqftter  ;     ^''^' 


'ans. 


^jVflj;;  b'iljl  •uJKj 


"i. 


fi)  Le  Journal  de  M.  Cliappe  hecommçBce  qu'à  fon  dépai't.die 
Cadix  pour  la  Vera-Crux.  Tous  les  faits  que  je  rapporte  ,au  coiti- 
mencement  de  cette  Relation  ,  antérieurs  à  cène  époque  ,_Qnt  été 
tirés  en  partie  de  différentes  lettres  que  M.  Cljappe  a  éttrte^  ,'  &  en 
partie  de  ce  que  j'ai  pu  ralTembler  dés  différe'rrttespetfoHi-f^stjuIi'bnt 
accompagné.-  '..'■'''■    '■■-'''  .  c.'iv..     :      '      >.      ■  •■ 


s  VOYAGE 

j'étois  accompagné  d'un  donieftiquc  &  de  ttois  autres 
perfonnes  qui  s'étoienc  engagées  à  me  fuivre  en  Cali- 
fornie ,  ôc  à  partager  avec  moi  les  travaux  Se  les  dangers 
^  d'un  fî  long  voyage.  M.  Pauly,  Ingénieur  Géographe 
du  Roi ,  des  talents  duquel  j'attendois  les  plus  grands 
fecours,  devoit  me  féconder  dans  mes  opérations  aftro- 
Bomiques  èc  géographiques  :  M.  Noél ,  Elevé  de  l'Acadé- 
mie de  Peinture,  étoitdeftiné  aux  ouvrages  qui  avoient 
rapport  à  fon  art  ;  deircins  de  vue  de  côtes ,  peintures 
d'après  nature  de  plantes,  d'animaux  ;  en  un  mot,  de 
tout  ce  qui  pouvoit  fe  rencontrer  d'intérellant  fur  notre 
route  :  enfin  le  fieur  Dubois,  Horloger,  devoit  veiller 
à  la  conlervarion  de  mes  inftruments,  5c  réparer  les 
petits  accidents  qui  ne  font  que  trop  fréquents  dans  un 
voyage  de  long  cours. 

Lorfque,  fe  rcpréfentant  l'étendue  d'un  trajet  de  plu- 
fieurs  milliers  de  lieues ,  tel  que  celui  que  j'allois  entre- 
prendre, l'on  fongera  qu'un  leul  malheureux  inftant, 
le  moindre  nuage,  pouvoit  en  un  jour  rendre  inutiles 
tant  de  travaux  &i  de  dépenlcs  ;  on  ne  trouvera  pas  fu- 
perfluesfans  doute  les  précautions  que  j'avois  prifes  pour 
tirer  de  mon  voyage  d'autres  fruirs,  qui  puflent,  au  cas 
que  je  manquaflel'obfervation,  dédommagcren  partie  de 
cette  perte  :  l'Adronomie,  la  Géographie,  la  Phylîque 
&  l'Hilloire  Naturelle  étoicnt  les  objets  que  je  m'étois 
propofés.  Si  le  cortège  d'inftrumcnts  tic  de  matériaux  né- 
ceflaires  pour  les  remplir  avoit  quelque  choie  d'embar- 
ralTant  pour  moi,  &:  de  difpendieux  ,  j'en  étois bien  dé- 
dommagé par  l'efpérance  de  rendre  mon  voyage  utile  en 
plu  (leurs  genres. 
Anivée  au  J'arrivai  au  H.ivre-de-Grace  le  z  i  Septembre;  je  trouvai 
Havie-de-  îe  bâtiment  le  Nouveau  Mercure ,  commandé  par  le  Ca- 
Gracc.  pic^jne  le  Clerc,  prêt  à  mettre  à  la  voile  pour  Cadix; 
Je  m'y  embarquai  le  17  avec  toute  ma  fuite  Se  mes  inf- 
:trviments,  §ç.  le  lendemain  nous  partîmes.  La  traverfée 
fyt  très  dure  :  nous  elfuyâmes  un  coup  de  vent  au  notd 

du 


EN     CALIFORNIE.  9 

du  cap  Finiftere,  qui  rendit  la  mer  extrêmement  agitée 
pendant  près  de  huit  jours  ;  les  vents  d'ailleurs  nous  fu- 
rent prefque  toujours  contraires;  de  forte  que  nous  em- 
ployâmes vingt-un  jours  à  nous  rendre  du  Havre-de- 
Grace  à  Cadix  ,  traverfée  qui  fe  fait  communément;  en 
moitié  moins  de  temps. 

Nous  arrivâmes  à  Cadix  le  1 7  Octobre.  La  Flotte  Efpa-  Anivcc 
gnole,  avec  laquelle  nous  devions  pafTer  à  la  Vera-Crux,  Cadii. 
étoit  déjà  en  rade  depuis  un  mois,  &  paroifToit  n'at- 
tendre que  le  moment  de  mettre  à  la  voile.  Je  m'en 
félicitai  d'abord;  car  j'ignorois  combien  ce  départ,  qui 
me  fembloit  lî  proche ,  étoit  encore  éloigné  :  je  pré- 
voyois  encore  moins  les  difficultés  que  j'allois  éprouver, 
&  qui  dévoient  fe  joindre  aux  défigrémcnts  d'un  retard 
qui  me  fit  mille  fois  défefpércr  de  pouvoir  arriver  afTez 
à  temps  en  Californie. 

Dès  le  moment  que  je  fus  débarqué,  je  m'em-prefTai 
d'aller  rendre  mes  devoirs  au  Gouverneur  de  Cadix, 
à  l'Intendant  de  la  Marine  ,  &  à  M.  le  Marquis  de 
Tilly  ,  Général  de  la  flotte.  Je  reçus  de  ces  Meffieurs  l'ac- 
cueil le  plus  favorable.  M.  de  TiHy  ayant  bien  voulu  me 
communiquer  les  ordres  de  fa  Cour,  qui  lui  enjoignoient 
de  m'embarquer  fur  la  flotte  avec  un  Horloger  &  un 
Deffinateur  feulement  ,  je  fus  dans  le  plus  grand  éton- 
nement  de  voir  qu'il  n'étoit  point  qucftion  de  M.  Pauly, 
mon  fécond.  Je  repréfentai  à  M.  de  Tiliy  que  cette 
omiffion ,  qui  tomboit  précifément  fur  le  fujet  de  ma 
fuite  qui  m'étoit  le  plus  néceiîaire,  ne  pou  voit  être 
qu'une  méprife  :  il  le  fentit  parfaitement,  6c  m'aflura 
que  je  n'éprouverois  de  fa  part  aucune  difficulté  à  ce 
lujet.  Mais  malheureufement  l'embarquement  despafla- 
gers  ne  dépendoit  pas  ablolument  de  lui  ;  cela  regardoit 
principalement  M.  le  Marquis  de  Rcal-Theloro ,  Préfi- 
dent  de  In  Contrarlation  ^  ëc  c'étoit  à  lui  qu'il  falloit 
s'adrelîer.  Ce  fut  alors  que  j'éprouvai  de  nouveaux  ob- 
ftacks. 

B 


lo  VOYAGE 

Dans  les  ordres  de  la  Cour ,  communiqués  par  M.  l'In- 
tendant à  M.  le  Prélldent  de  la  Contraâ;aiion  ,  il  n'é- 
toitqueftionquedemoi.  Celui-ci,  enconféquence  ,bien 
loin  de  permettre  que  M.  Pauly  m'accompagnât,  ne 
voulut  expédier  des  ordres  que  pour  moi  feul,  ôc  un 
unique  inllrument. 

L'on  juge  de  ce  que  des  difficultés  fi  inopinées  me 
firent  routirir  :  elles  m'avoient  paru  dans  leur  naiiTance 
facilesàlever  par  de  (impies  explications;  mais  je  vis  bien- 
tôt que  je  n'avois  rien  à  efpérer  par  cette  voie.  Je  pris 
donc  le  parti  de  dépêcher  un  courier  à  M.  le  Marquis 
d'Oilun,  notre  Ambafladeur,  pour  lui  faire  part  de  ma 
fituation,  6c  demander  à  la  Cour  d'Efpagne  des  ordres 
clairs  &  précis  qui  ne  donnaient  plus  fujet  à  de  nou- 
velles contcftations.  Le  courier  revint  au  bout  de  huit 
jours;  ôc  tout  fut  enfin  concilié  à  ma  fatisfadtion.  Je  fis 
tranfporter  mes  inftruments  à  bord  du  vaifieau  comman- 
dant ,  ôc  j'attendis  avec  la  plus  grande  impatience  le 
moment  de  m'y  embarquer  moi-même  avec  toutes  les 
perfonnes  de  ma  fuite. 

Je  comptoisdéjaun  mois  de  féjourôc  d'inquiétude  de- 
puis mon  arrivée  à  Cadix,  6c  le  moment  de  notre  départ 
étoit  encore  incertain  :  calculant  alors  le  temps  nécef- 
laire  pour  nous  rendre  à  la  Vera-Crux,  celui  que  nous 
emploierions  à  parcourir  trois  cents  lieues  de  terre  de- 
puis la  Vera-Crux  jufqu'à  San-Blas  ,  &:  à  traverfer  en- 
fuite  la  Mer  Vermeille  pour  gagner  la  Californie  ;  je 
prévoyois  uneimpofiibilité  morale  d'arriver  aflez  à  temps 
pour  faire  notre  obfervation,  pour  peu  que  l'on  tardât 
encore  à  mettre  à  la  voile.  J'écrivis  à  ce  fujet  à  M.  le 
Marquis  d'Offun,  demandant  qu'au  casque  la  flotte  ne 
partît  pas  fur  le  champ,  il  me  fût  permis  de  m'embarqucr 
fur  le  premier  bâtiment ,  quel  qu'il  fût ,  pourvu  que  fans 
différer  il  pût  nous  tranfporter  à  la  Vera-Crux,  dans  le 
moins  de  temps  poilible. 

La  Cour  d'Efpagne,  fentant  la  néceffité  de  prendre  un 


EN    CALIFORNIE.  n 

tel  parti ,  acquiefça  à  une  demande  que  le  zele  feul 
pouvoit  di£ter.  Il  y  eue  ordre,  en  cas  de  retard  de  la 
flotte,  d'équiper  fur  l'heure  une  balandre  ou  petit  bâti- 
ment pour  me  tranfporter  à  la  Vera-Crux  avec  MM.Doz 
ôc  Médina,  Ofiiciers  de  Marine,  èc  Aftronomes  de  Sa 
Majefté  Catholique,  deftinés  à  faire,  de  concert  avec 
moi  &  dans  le  même  liêû ,  l'obfervation  du  paffage  de 
Vénus. 

Ce  nouvel  ordre  de  la  Cour  chan2;e  bientôt  les  chofes 
de  face  ;  je  touche  enfin  à  ce  moment  fi  defiré  6c  qui 
fembloit  me  fuir  depuis  fi  long-temps.  Un  bâtiment  de 
douze  hommes  d'équipage  e 11:  bientôt  équipé  ;  je  fuis  en- 
core moins  de  temps  à  y  faire  tranfporter  mes  infbru- 
ments  qui  étoient  à  bord  du  vailfeau  commandant  de 
la  flotte.  La  fragilité  du  brigantin  où  j'allois  m'exporcr, 
&  au  fujet  de  laquelle  quelques  pcrfonnesvouloientm'in- 
timider  ,  n'étoit  à  mes  yeux  qu'un  mérite  de  plus  ;  ju- 
geantj  par  fa  légèreté,  de  la  vîtclfe  de  fa  marche,  je  le  pré- 
férois  au  plus  beau  vaifleau  de  ligne.  Nous  partons  enfin , 
&  j'éprouve  en  ce  moment  un  fcnriment  de  joie  &c  de 
fatisfaftion  qui  ne  devoit  fe  renouveller  qu'à  mon  arri- 
vée en  Calitornie. 

Je  ne  m'arrêterai  pas  à  donner  ici  le  Journal  de  rtotre  Départ  de 
traverfée  de  Cadix  à  la  Vera-Crux  (i);  elle  n'oftrit  que  ^^'^'^" 
des  événements  communs  .à  tous  les  voyages  de  long 
cours  fur  mer  :  il  n'eil:  iortc  de  temps  qu'on  n'y  éprouve  ; 
calme,  tempêtes,  vents,  tantôt  favorables,  Se  tantôt 
contraires.  Voilà  en  peu  de  mots  l'hiftorique  de  la  plu- 
part des  voyages  des  marins  ;  nous  pouvons  ajouter,  par 
rapport  au  nôtre,  une  agitation  continuelle  de  la  part 
de  notre  petit  bâtiment,  que  fa  légèreté  rendoit  le  jouet 
de  la  moindre  vague. 

(i)  C'eft  i'.i  que  commence  le  Journal  fuivi  de  M.  Chappe.  Je 
crois  devoir  éxiargner  au  le£teur  l'ennui  des  détails  d'une  longue 
navigacion  qui  n'oiire  rien  de  particulier. 

Bij 


li  VOYAGE 

Je  m'occupai,pendant  toute  cette  traverfée,  de  nombre 
d'expériences  &.  d'obfer varions  phyfiques  &  aftronomi- 
ques  ;  telles  que  la  comparaifon  des  hauteurs  de  différents 
thermomètres ,  les  uns  plongés  plus  ou  moins  avant  dans 
la  mer,  les  autres  expoles  à  Tair  libre  (i):  je  déterminai, 
fous  différentes  latitudes,  la  déclinaifon  ôcTinclinaifon 
de  l'aiguille  aimantée  ;  enfin  je  fis  plufieurs  oblervations 
de  la  diilance  de  la  Lune  aux  étoiles.  Je  ne  cacherai  point 
les  difficultés  que  j'éprouvai  en  voulant  employer  le  mé- 
gametre  à  ces  ob(crvations(2).  J'effayai  plufieurs  fois  de 
faire  ufage  de  cet  inflrument,  je  n'y  pus  réuffir  que  dans 
une  feule  occafion  où  le  vaiffeau  n'éprouvant  ni  roulis 
ni  tangage,  je  vins  à  bout  de  conferver  parfiitement  la 
Lune  dans  la  lunette ,  ce  qui  étoit  impoffible  toutes  les 
fois  que  la  mer  étoit  un  peu  forte  ;  peut-être  n'éprou- 
vai-je  ces  difficultés  que  par  le  défaut  d'ufage;  quoi  qu'il 
enfoit,  je  fus  obligé  d'avoir  recours  à  l'oîtant,  dont  je 
me  fervis  avec  beaucoup  plus  de  facilité  &  de  fuccès.  Je 
tentai  auffi  inutilement  l'obfervation  des  Satellites  de  Ju- 
piter, avec  la  nouvelle  lunette  propofée  à  l'Académie  par 
M.  l'Abbé  Rochon.  Cette  lunette,  il  eft  vrai,  avoir  un 
champ  un  peu  trop  petit;  j'y  confervois  d'ailleurs  alfez 
bien  Jupiter  ,  mais  les  Satellites  m'échappoient. 

Ces  différents  effais  me  donnèrent  lieu  de  penferque 
l'on  réullîra  difficilement  à  inventer  des  inftruments  d'ua 
ufage  facile  à  la  mer,  fi  on  leur  donne  d'autre  appui 
que  la  main  même  de  fObfervateur.  Je  ferai  encore  une 


(i)  On  trouvera  les  détails  de  ces  expériences  à  la  fuite  de  lare- 
lation., 

(z)  Je  dois  avertir  que  toutes  les  réflexions  fjivantes  fur  les 
différents  inftruments  propres  à  obferver  en  mer  &  à  déterminer  les. 
longitudes,  font  tiréesprefquemot  àmotdu  Journalde  M.  Chappe; 
je  ne  me  fuis  jamais  permis  d'y  rien  ajouter  dans  les  mr.rieresi  qiu 
peuvent  avoir  quelque  importance ,  &  fur-tout  dans  celles  où.  l'Ao- 
teur  a  une  façon  de  penfer  q^ui  lui  eft  propre. 


E  N    C  A  L  I  F  O  R  N  I  E.  13 

remarque  fur  la  détermination  des  longitudes  par  des  dif- 
tances  de  la  Lune  aux  étoiles  ;  les  longs  calculs  qu'exige 
cette  méthode,  la  précifion  &:  les  attentions  que  demande 
robfervation  même,  me  font  douter  que  l'on  en  faflc 
jamais  ufage  fur  les  vaifleaux  marchands.  Il  faut ,  je  l'a- 
voue ,  le  plus  grand  zèle  de  la  part  des  pcrfonnes  même 
les  plus  inftruites,  pour  ajouter  aux  fatigues  de  la  mer 
celle  d'une  obfervation  délicate  &:  des  longs  calculs  qui 
Ja  {uivent.  C'eft  ce  qui  me  perfuade  que  l'ulage  des  mon- 
tres fera,  par  fon  extrême  facilité,  plus  généralement 
utile  à  la  marine  :  il  n'exige  point  d'autres  inftruments 
que  ceux  dont  les  marins  fe  font  fervis  jufqu'ici ,  Se  qui 
leur  font  familiers  :  l'obfervation  ne  demande  aucune 
délicatefTe  :  enfin  le  calcul  en  eft  court  Si.  facile  ;  avantage 
de  la  plus  grande  conféquencedans  bien  des  cas,  &  fur- 
tout  à  la  mer. 

Ces  différentes  opérations,  auxquelles  je  me  livrai 
pendant  toute  la  traverfée,  abrégèrent  pour  moi  les 
loixante  &;  dix-fept  jours  qu'elle  dura.  Au  refte ,  la  vie 
que  l'on  mené  fur  mer  n'eft  ennuyeufe  &L  uniforme  que 
pour  ceux  dont  les  yeux  accoutumés  à  ne  rien  voir  jet- 
tent un  regard  indifférent  fur  toute  la  nature  ;  mais  pour 
tout  autre,  il  eft  fur  mer  des  fpedtacles  bien  capables  d'in- 
téreirer  l'efprit  &:  la  raifon  ;  la  nature  a  des  beautés  juf- 
ques  dans  fcs  horreurs,  Se  c'eft  peut-être  là  même  où  elle 
eft  le  plus  admirable  &  le  plus  fublime.  Le  calme  d'un^ 
beau  jour  eft  en  quelque  forte  moins  inréreftant  que  ces 
moments  de  trouble,  oîi  les  Hors,  foulevés  par  les  vents, 
femblent  fe  confondre  avec  le  ciel.  Des  abîmes  profonds 
s'ouvrent  à  chaque  inftant  :  l'homme  frémit  en  ce  mo- 
ment à  la  vue  du  danger  qu'il  croit  inévitable;  mais, 
voyant  bientôt  le  calme  fuccéder  à  la  tempête,  fon  ad^ 
miration  fe  tourne  alors  fur  lui-même,  fur  le  vaifleau  , 
fiir  le  pilote,  reftés  vainqueurs  de  l'élément  le  p!us  ter- 
rible. Un  fentiment  d'orgueil  s'empare  alors  de  lui,  Sc  il 
fe  dit  à  lui-même  :  Si  1  homme  ,  par  fon  individu,  n'eft: 


14  VOYAGE 

qu'un  point  au  milieu  de  ce  vafte  univers  ;  il  eft ,  par  Ton 
génie  &  par  Ton  audace,  digne  d'en  embraflèr  l'étendue, 
&L  d'en  pénétrer  les  merveilles. 

Rien  en  eiFet  de  plus  capable  de  donner  une  haute 
idée  de  la  portée  de  l'efprit  humain  que  cet  art ,  au- 
jourd'hui fi  perfectionné  ,  de  fe  guider  avec  fureté  au 
milieu  d'une  route  inconnue,  &:  de  traverfer,  furunemai- 
fon  flottante,  des  clpaces  immenfcs,  en  dépit  de  deux 
éléments  réunis.  L'on  ne  peur  fans  doute  réfléchir  aux 
dangers  fans  nombre  que  la  mer  nous  oflre ,  fans  s'écrier 
avec  Horace  : 

Illi  robur  &  xs  triplex 

Circa  pedlus  erat ,  qui  fragilem  truci 
Coitimifit  pelago  ratem. 

C'efl:ceque  je  répétai  mille  fois  pendant  notre  traverfée, 
en  fongeant  aux  Chriiliophe  Colomb,  aux  Gryalva;  en 
un  mot,  à  ces  premiers  navigateurs  intrépides,  qui,  pour 
chercher  un  nouveau  monde,  fur  le  feul  foupçon  que 
leur  génie  leur  fucîiîéroit  de  fon  exiftence ,  oferent  en- 
trepYendre,  il  y  a  près  de  trois  iiecles ,  ces  mêmes  voyages 
que  nousregardonsaujourd'hui comme  dangereux,  quoi- 
qu'aidés  de  mille  fecours  dont  la  navigation  étoit  encore 
privée  du  temps  de  ces  grands  hommes. 
Arrivée  à  la  Nous  arrivâmes  à  la  Vera-Crux  le  6  Mai,  vers  deux 
Vc.a-Crux.  hcures  après  midi.  Nous  étant  approchés  delà  côte  juf- 
qu'à  la  diftance  d'une  lieue  Si  demie,  nous  jettâmes 
l'ancre,  attendant  au  lendemain  à  doubler  les  brifants 
qui  défendent  l'entrée  du  port;  nous  ne  pûmes  y  parvenir 
que  le  huitième  jour,  où  nous  entrâmes  dans  le  canal  : 
ce  fut  alors  que,  nous  trouvant  environnés  d'écueilsde 
toutes  parts,  nous  fîmes  fîgnal  à  terre  pour  demander 
un  pilote  côtier,  &  arborâmes  pavillon  François  ;  c'étoic 
le  véritable  moyen  de  n'être  point  fecourus.  MM.  Doz 
&  Médina  avoient  confeillé  avec  raifon  à  notre  Capi- 


E  N    C  A  L  I  F  O  11  N  I  E.  15 

taine  de  fubfticuer  pavillon  Efpagnol  au  fien  ;  il  ne  le 
voulue  point ,  &c  penla  par  là  caufer  notre  perte.  En  effet, 
l'entrée  du  port  de  la  Vera-Crux  étant  défendue  à  tout 
bâtiment  étranger  ,  on  ne  répondit  à  notre  fignal  que 
par  un  coup  de  canon,  pour  nous  obliger  à  mouiller  dans 
,1e  canal  même:  c'étoit  abfolument  vouloir  nous  faire 
périr.  Ce  canal  conduit  au  port  au  milieu  des  rochers 
qui  refferrent  tellement  le  paffage  qu'il  n'y  a  de  place  que 
pour  un  feul  vaiffcau.  Il  louffloit  alors  un  vent  de  nord, 
qui ,  portant  fur  ces  rochers ,  rendoit  le  mouillage  extrê- 
mement dangereux  dans  une  paffe  aufîi  étroite  :  il  fallut 
bien  cependant  fe  réfoudre  à  y  jetter  l'ancre,  fur  l'ordre 
exprès  qu'on  nous  en  fit  fignifier  par  une  chaloupe  qui 
vint  à  notre  bord. 

La  polîtion  où  nous  nous  trouvâmes  écoit  alors  telle- 
ment critique,  que,  décent  bâtiments  dans  le  même  cas, 
il  n'en  échappe  pas  deux ,  comme  nous  l'apprîmes  par  la 
fuite.  Nous  reftâmes  ainfî  dans  l'attente  cruelle  de  nous 
voir  à  tout  moment  entraînés  &c  fracaffés  contre  les 
ëcueils  qui  nous  environnoient,  jufqu'àce  que  le  Gouver- 
neur de  laVera-Crux,  apprenant  que  notre  vaiffcau , quoi- 
que François,  venoit  par  ordre  de  la  Cour  d'Efpagne, 
nous  eût  envoyé  lapermiffion  d'entrer:  elle  fut  reçue  avec 
autant  de  joie  qu'elle  avoit  été  attendue  avec  impatience. 
Nous  levâmes  l'ancre  j  Centrâmes  enfin  dans  le  port  de  la 
Vera-Crux  le  8  Mars  1769  ,  après  une  navigation  de  77 
jours,  étant  partis  de  Cadix  le  21  Décembre  de  l'année 
précédente.  Il  étoit  temps  que  nous  arrivaflions,  n'ayant 
plus,  pour  toute  provifion,  qu'un  mou  ton,  cinq  poules,  & 
de  l'eau  tout  au  plus  pour  huit  jours.  La  précipitation  avec 
laquelle  s'étoit  fait  notre  embarquement  à  Cadix,  ne 
nous  avoit  pas  permis  de  prendre  toutes  les  précautions 
néceffaires  pour  un  fi  long  voyage  :  quinze  jours ,  depuis 
notre  départ ,  s'étoient  à  peine  écoulés  ,  qu'une  moitié 
de  nos  moutons  &  de  nos  volailles  étoit  morte,  &C 
qu'une  bonne  partie  de  nos  autres  provillons  avoit  été 


i6  VOYAGE 

jettée  à  la  mer.  Notre  traverfée,  d'ailleurs,  avoir  été  aflez 
heureufe  jufqu'à  ces  derniers  moments,  qui  furent,  à  la 
vérité ,  cruels  à  pafTer ,  nous  voyant  près  de  périr  à  l'en- 
trée du  port  ,  ôc  redevables  de  notre  perte  à  notre  pa- 
villon ,  qui,  par  l'alliance  des  deux  nations,  fembloic 
devoir  au  contraire  intérelîcr  en  notre  faveur. 

MM.  Doz  Se  Médina  defcendirent  les  premiers  à  terre, 
pour  aller  prévenir  le  Gouverneur  ;  deux  heures  après  on 
m'envoyaune  chaloupe  dans  laquelle  jem'embarquai  avec 
M.PauIy,  mon  fécond.  Ce  vent  de  nord  qui  nous  avoit 
fait  trembler  fi  long-temps  dans  le  canal,  augmentoit 
confidérablement  à  chaque  inllant,  &:.  rendoit  déjà  le 
débarquement  aiTez  difficile  :  nous  atterrâmes  cepen- 
dant ians  accident  ;  mais  une  autre  chaloupé,  qui  nous 
fuivoit,  reçut  un  coup  de  vent  fi  violent,  que  quatre  de 
fes  matelots  furent  jettes  à  l'eau,  &c  ne  gagnèrent  la  rive 
à  la  nage  qu'avec  la  plus  grande  peine. 

Je  ne  fus  pas  plutôt  entré  dans  la  ville  qu'un  ouragan, 
furieux  commença  à  fe  déployer  :  toute  communication 
fut  dès-lors  interrompue  entre  la  terre  &  notre  bâtiment, 
qui  n'eut  que  le  temps  de  fe  réfugier  derrière  le  château 
de  Sr.  Jean  d'Ulua,  feul  abri  des  vaifleaux  contre  les 
vents  du  nord.  Pendant  trois  jours  entiers  que  dura  cette 
tourmente  je  fus  dans  la  plus  grande  perplexité,  ne  pou- 
vant faire  débarquer  mes  inftruments  ni  les  perfonnes  de 
ma  fuite  qui  étoicnt  reftées  à  bord  ;  je  voyois  avec  frayeur 
que  leur  falut  ne  dépendoit  abfolument  quedela  bonté 
des  cables  avec  lefquels  le  vailTeau  fe  trouvoit  amarré. 
Ces  cables  venant  à  céder  S<.à.[c  rompre  euirent  fait  périr 
tout  l'équipage  fous  nos  yeux  fans  qu'il  eut  été  poffible 
de  lui  porter  le  moindre  fecours.  Chaque  année  n'ofFre 
que  trop  d'exemiplesde  pareils  événements,  qui  rendent 
le  port  de  la  Vera-Crux  extrêmement  redoutable  ;  nous 
fûmes  afiez  heureux  cependant  pour  ne  point  augmenter 
le  nombre  des  accidents  funeftes.  Le  calme  vint  enfin, 
&  j'en  faifis  avec  eppreflcment  les  infiants  pour  faire  le 

débarquement 


E  N    C  A  L  I  F  O  R  N  I  E.  17 

débarquement  de  tous  mes  efFets  ôc  de  toute  ma  fuite  ; 
ce  fut  alors  que  je  commençai  à  fentir  bien  vivement  le 
pîaifir  de  nous  voir  tous  réunis  au  port  &  délivrés  des 
inquiétudes  dont  on  ne  peut  être  exempt  fur  un  élément 
aulii  inconftant  que  la  mer.  Le  trajet  que  nous  avions 
encore  à  faire  pour  gagner  la  Californie,  nous  préparoit 
à  la  vérité  plus  de  fatigues,  mais  moins  de  dangers. 

Le  Gouverneur  de  la  Vera-Crux  venoit  de  mourir  au 
moment  de  notre  arrivée  ;  en  attendant  que  le  Vice-Roi 
eût  nommé  à  cette  place ,  le  Commandant  du  château 
en  exerçoit  les  fondions  :  ce  fut  lui  qui  nous  reçut  ;  il 
nous  combla  de  poIicclTes  pendant  tout  le  temps  que  nous 
reliâmes  dans  cette  ville.  Notre  féjour,  au  refte,  n'y  fut 
pas  long;  il  ne  dura  que  le  temps  néceffaire  pour  les  pré- 
paratifs de  notre  nouveau  voyage:  nul  objet  intéreflant 
n'étoit  d'ailleurs  capable  de  nous  arrêter. 

La  Vera-Crux  eft  fituée  dans  la  partie  méridionale  du  Defcriptioa 
Mexique  &c  fur  le  bord  de  la  mer.  Elle  eft  environnée  delaVera- 
au  nord  de  fables  arides ,  &  à  l'oueft  de  marais  deffé- 
chés,  qui  rendent  fa  pofition  en  même  temps  défagréable 
&:  mal-(aine.  Ce  que  j'ai  dit  ci-defTus  faitaffez  connoître 
combien  fon  port  eft  dangereux  ;  les  coups  de  vent  de 
nord  ,  fort  communs  dans  le  golfe  du  Mexique  ,  y  font 
extrêmement  à  craindre.  Ce  port  eft  néanmoins  très  fré- 
quenté, principalement  tous  les  deux  ans  lorfque  la  flotte 
Efpagnole  vient  s'y  rendre,  pour  dépofer  les  marchan- 
difes  d'Europe  qui  doivent  être  vendues  Se  répandues 
dans  le  Mexique,  &C  pour  en  recueillir  cet  argent  dc  ces 
tréfors  immenfes,  dont  la  foif  fit  égorger  tant  de  milliers 
d'hommes,  &l  rendit  les  malheureux  fujcts  de  Moté- 
zuma  la  trifte  victime  de  la  cupidité  des  Européens. 

La  Vera-Crux  ne  renferme  aucun  bel  édifice.  Le  pa- 
lais du  Gouverneur  n'a  rien  qui  le  diftingue  des  autres 
maifons  ,  qui  font  bâties  comme  en  Efpagne.  Il  y  a  une 
églife  &  trois  couvents  de  moines.  Les  rues  font  allez 
droites,  ôc  d'une  largeur  ordinaire.  Des  murailles  envi- 

^  C 


i8  VOYAGE 

ronncnt  la  ville  j  d'oix  l'on  fort  par  quatre  différentes 
portes ,  flanquées  chacune  de  deux  tours  :  il  y  a  deux 
baftions  aux  deux  extrémités  des  murs  qui  donnent  fur 
le  rivage.  Ces  fortifications,  au  refte,  font  en  très  mau- 
vais état  :  la  meilleure  défenfe  eft  celle  de  la  fortereflTe 
du  château  de  St.  Jean  d'Ulua.  Il  eft  bâti  fur  un  rocher 
qui  s'élève  au  milieu  du  port  en  face  &c  à  quelque  dif- 
rance  de  la  ville.  Un  Lieutenant  de  Roi  loge  &  commande 
dans  ce  château,  indépendamment  du  Gouverneur  de 
Vera-Crux  qui  commande  dans  la  ville. 

Dès  le  premier  jour  de  notre  débarquement  le  Subftitut 
du  Gouverneur  avoir  écrit  au  Vice- Roi  du  Mexique  pour 
lui  faire  part  de  notre  arrivée  :  celui-ci  envoya  bientôt 
des  ordres  pour  faciliter  le  nouveau  voyage  que  nous  al- 
lions entreprendre,  ÔC  nous  fournir  le  nombre  d'hommes 
&  de  mulets  dont  nous  avions  befoin  pour  le  tranfport 
de  nos  inftruments  &  de  nos  bagages. 

De  la  Vera-Crux  à  San  Blas,où  nousdevions  nousem- 
barquerpourpafferlaMerVermeille,  nous  avions  environ 
trois  centslieues  de  terre'à  parcourir ,  pays  en  partie  défère 
à  traverfer,  &;  par  les  plus  mauvais  chemins  du  monde  :. 
on  juge  de  l'embarras  que  nous  cauferent  les  préparatifs 
d'une  route  fi  longue  de  fi  incommode.  Nous  fûmes  d'a- 
bord obligés  de  déballer  la  plus  grande  partie  de  nos 
équipages  pour  en  faire  des  petites  charges  propres  à  être 
portées  par  des  mulets:  il  fallut  en  conféquence un  grand 
nombre  de  ces  animaux  ,  d'autant  plus  que  nous  fûmes 
obligés  d'emporter  avec  nous  nos  lits  &C  nos  tentes,  pour 
pouvoir  faire  halte  dans  les  endroits  dénués  d'habitations. 
Le  foin  de  nos  provifions  de  bouche  vint  enfuite.  On 
nous  prévint  que  nous  trouverions  peu  de  reflx)urccs 
en  fait  de  vivres  le  long  de  notre  route.  Les  Indiens  fe 
nourriffent  d'un  alTez  mauvais  pain  fait  de  farine  de  maïs,, 
ou;  bled  de  Turquie.  Ils  écrafent  bien  ou  mal  ce  grain 
entre  deux  pierres  ,  6c  délayant  dans  un  peu  d'eau  la  fa- 
rine groflîere  qui  en  réfulte,  ils  en  forment  une  pâte 


E  N    C  A  L  I  F  O  R  N  I  E.  if 

qu'ils applatilTent comme  une  galette,  &  qu'ils  mettent 
cuire  fur  une  pierre  plate,  en  la  pofant  au  milieu  d'un 
grand  feu.  Ces  pains  s'appellent  des  tortillas ^  &  ne  font 
guère  préférables  au  bifcuit  de  mer,  dontnous  fîmesune 
petite  provifion.  Quant  aux  autres  ragoûts  dont  les  In- 
diens le  régalent,  ils  y  mettent  tant  de  piment,  &  les 
arrofent  d'une  fi  mauvaife  huile  ,  qu'il  eft  impolîible,  fur- 
tout  à  un  François,  d'en  goûter.  Nous  achetâmes  donc 
à  la  Vera-Crux  une  grande  quantité  de  jambons  ôc  de 
pampano  falé.  Je  ne  dois  pas  oublier  de  faire  mention  de 
ce  poiflon. 

Le  pampano  eft  fort  commun  dans  la  partie  méridio-  Pampano. 
nale  du  golfe  de  Mexique  :  il  fe  prend  depuis  le  mois  de 
Février  jufqu'au  mois  d'Avril  ;  paire  ce  temps  on  n'y  en 
trouve  plus.  Ce  pollFon  a  communément  un  pied  &:  demi' 
delong,  &  environfixpoucesde  largeur  ;  il  n'a  point  d'é- 
cailles:  fa  peau,  parfaitement  unie,  eft  de  couleur  gris 
d'ardoife ,  tirant  iur  le  blanc  de  perle  ,  qui  devient  de  plus 
en  plus  jaunâtre  en  s'approchant  du  ventre.  Le  pampano 
n'a  point  de  dents  ;  fa  chair  eft  de  la  plus  grande  délica- 
teiTe  ;  les  Efpagnols  le  mettent  au  deflus  de  tous  les  poif- 
fons  de  mer.  Nous  le  trouvâmes  en  effet  excellent  à  man- 
ger frais  ;  mais  falé  il  perd  toute  fa  qualité.  Nous  n'en 
prîmes,  pour  notre  route,  que  faute  d'autre  chofe  ;  nou? 
n'en  pûmes  pas  même  conlerver  long- temps  à  caufe  des 
grandes  chaleurs. 

L'on  trouve  encore  dans  les  rivières  qui  font  aux  en- 
virons de  la  Vera-Crux  deux  autres  poiffons  ;  l'un  que 
l'on  nommey7zr^o  en  Efpagnol,  &.qui  eft  le  même,  à  ce 
qu'il  m'a  paru,  que  notre  turbot  ;  l'autre  eft  appelle 
corobo ,  qui  fignifie  en  Efpagnol  bojju.  La  forme  de  ce 
dernier  eft  analogue  à  fon  nom.  Ces  poiffons  étant 
fort  communs  ,  je  n'en  donnerai  point  la  defcrip- 
tion. 

Les  animaux  quadrupèdes  que  l'on  trouve  à  la  Vera- 
Crux  6c  dans  le  Mexique,  font  les  mêmes  qu'en  Europe; 

y  c  ij 


20  VOYAGE 

\  mais  ,  parmi  les  infedtes ,  il  en  eft  un  particulier  qui  mé- 

rite d'être  remarqué  ;  on  l'appelle  nigua. 

Nigua  ^^  nigua  eft  noire  ,  &  a  quelque  reiremblance  avec  la 
puce,  dont  elle  n'excède  point  lagrofleur.  Elle  s'attache 
communément  aux  pieds  ou  aux  mains ,  6c  s'infînue  petit 
à  petit  dans  la  chair ,  qu  elle  ronge ,  en  caufant  d'abord 
des  démangeaifons  très  vives.  Elle  s'enveloppe  d'une 
membrane  ronde  de  la  giofTeur  d'un  pois  :  elle  y  pond 
fes  œufs.  Si  on  la  lailTe  trop  long-temps  féjourner  dans 
la  plaie,  ou  qu'en  l'arrachant  on  ait  la  mal-adrelfe  de  la 
crever,  la  partie  attaquée  fc  trouve  remplie  des  œufs  de 
cet  animal,  &:  l'on  eft  alors  obligé  de  couper  toutes  les 
chairs  infectées  de  cette  vermine.  Mais  ce  qu'il  y  a  de 
plus  dangereux,  c'eft  que  la  plaie  devient,  dit-on,  mor- 
telle fi  l'on  y  laiffe  couler  de  l'eau.  Auflî  le  premier  foin , 
après  avoir  arraché  la  nigua  ,  doit  être  de  boucher  avec 
dufuifle  trou  qu'elleafait  en  s'enfonçant  dans  la  chair. 
Cet  infeifle  eft  très  commun  aux  environs  de  la  Vera- 
Crux  ;  les  Indiens  en  ont  les  pieds  rongés  &c  tout  difformes, 
par  les  coupures  &  incifions  qu'ils  font  obligés  de  fe  faire 
chaque  fois  quils  font  mordus  d'une  nigua  :  il  paroît  que 
ce  même  animal  fe  trouve  auflî  dans  une  province  du 
Pérou.  Frezier  (i),  dans  fa  relation  du  voyage  de  la  mer 
du  Sud,  en  parle  à-peu-près  dans  les  mêmes  termes,, 
fous  le  nom  de  pico  :  mais  celui-ci  eft  fans  doute  moins- 
dangereux  que  la  nigua  de  la  Vera-Crux  ;  car  ce  voyageur 
ne  dit  point  que  l'eau  puifle  rendre  fa  morfure  mortelle. 

Nous  partîmes  de  la  Vera-crux  le   i8   Mars  au  foir  ,, 
&  prîmes  la  route  de  Mexico.  Nous  avions  loué  deux" 
litières  ;  MM.  Doz  6c  Médina  fe  mirent  enfemble  dans 
l'une ,  M.  Pauly  ôc  moi  dans  l'autre  :  le  refte  des  perfonnes 
de  notre  fuite  étoit  monté  fur  des  mulets ,  &  nous  pré- 


(  I  )  Relation  du  Voyage  de  la  Mer  du  Sud ,  aux  côtes  du  Chili  Se: 
du  Pérou,  page  214, 


EN    CALIFORNIE.  zr 

cédoit  avec  nos  bagages  que  conduiloicnc  les  Indiens. 
Après  avoir  côtoyé   la    mer   pendant  deux    heures  en 
tirant    vers    le    nord-oueft  ,    nous    en    «quittâmes    les 
bords  pour  nous  avancer  dans  les  terres  à  travers  des  bois 
immenfes  ;   au   bout  de  trois  heures  nous  arrivâmes  à 
une  rivière  de  l'autre  côté  de  laquelle  cft  fitué  un  vil- 
lage que  l'on  nomme   F'ieja  Kera-Crux.  C'étoit  effec- 
tivement en  cet   endroit  qu'écoit  fituée  anciennement 
la  Vera-Crux.  La  rivière  qui  pafle  aux  pieds   de  cette 
ancienne  Vera-Crux  eft  environ  de  la  largeur  de  la  Seine  ; 
on  la  traverfe  dans  un  grand  bac  garni  de  garde-fous, 
formés  par  des  poutres  de  lo  pieds  environ  de  hauteur. 
Nous  ne  vîmes  rien  de  remarquable  dans  une  ville  à 
moitié  abandonnée,  6c  qui  n'eft  même  plus  qu'un  très 
petit  village  ,  habité  feulement  par  des  Indiens;  mais  ce 
qui  nous  rendit  ce  lieu  recommandable,,  ce  fut  la  bonté 
des  rafraîchiflements  que  nous  y  trouvâmes ,  entre  autres 
du  pain    de  froment  infiniment  fupérieur  à  celui  que 
nous  avions  mangé  à  la  nouvelle  Vera-Crux  :  nous  ne 
devions  plus  en  trouver  de  femblable  dans  le  refte  de 
notre  route  ;  auflî  en  fîmes-nous  provifion  pour  quatre 
ou  cinq  jours  :  les  bonnes  fortunes  de  ce  genre  ne  font 
pas  à  négliger  pour  des  voyageurs. 

Nous  partîmes  de  Vieja  V^cra-Crux  le  lendemain 
de  notre  arrivée  pour  nous  rendre  à  Xalapa^  ville  la  plus 
prochaine,  éloignée  d'environdcux  journées  de  chemin; 
nous  ne  rencontrâmes  fur  notre  route  que  quelques  petits 
hameaux ,  compofés  chacun  de  deux  ou  trois  maifons , 
quelquefois  d'une  feule:  le  voyageur  trouve  à  peine  dans 
ces  endroits  de  l'eau  pour  fe  défaltérer.  Depuis  V^icja 
Vera-Crux  jufqu'à  Thermitage  àc  las  Animas ,  c'eft-à- 
dire  dans  un  intervalle  d'environ  quinze  lieues,  on  ne 
rencontre  ni  fources  ni  ruifleaux  où  l'on  puifle  étaneher 
la  foif  cruelle  qu'excite  une  chaleur  excelfve,  &  plus 
encore  la  poufliere  qui  s'élève  fous  les  pieds  des  mulets, 
&.  que  l'on  avale   tout  le  long  du  chemin.  On  trouve 


Il  VOYAGE 

quelquefois,  à  la  venté,  des  femmes  Indiennes  établies 
fur  la  route  ,  qui  vendent  du  lait  aux  voyageurs.  Elles 
ont  coutume  de  fe  tenir  à  quelque  dillance  du  chemin, 
èc  ie  cachent  même  derrière  quelque  arbre  ou  quelque 
buiffbn  :  de  forte  qu'il  faut  être  au  faiç  de  leur  manège 
pour  pouvoir  profiter  de  leur  fecours;  car  elles  vous  laif- 
feroient  pafîer  ,  fur-tout  les  étrangers,  ians  offrir  de  leur 
lait,  mais  les  Indiens  qui  nous  efcortoicnt  nous  avertif- 
loient  auffi-tôt  qu'ils  appercevoient  quelqu'une  de  ces 
femmes;  nous  les  abordions  ;  elles  nous  conduiloient 
alors  à  une  petite  cabane  faite  de  broulTailles  ,  où  fe 
trouvoit  une  vache  dont  elles  nous  donnoicnt  le  lait,  pour 
nous  défaltérer,  à  un  prix  très  modique.  Ces  rcncon-. 
trcs  étoient  toujours  trop  rares  pour  nous. 

Dans  les  belles  contrées  de  l'f^urope,  les  commodités 
de  tout  genre,  répandues  iur  les  grandes  routes,  ne  laif- 
fentappercevoir  au  ypy^gemr  qu'il  change  de  climat,  que 
par  la  variété  des  agién\encs  qu'il  rencontre.  Il  n'en  étoit 
pas  de  même  dans  le  pays  où  nous  nous  trouvions  alors; 
une  chaleur  cxcelfivc,  les  chcmiîis  les  pais  af}reux,&la 
lenteur  de  la  marche  de  nos  mulets  de  charge  ,  nous  per- 
mettoient  à  peine  de  faire  dix  lieues  par  jour,  &  ren- 
doienc  en  même  temps  notre  route  longue  ,ennuyeufe  6c 
pénible.  D'adUurs  rien  d'intéreiïant  ne  nous  dédomma- 
geoit  de  la  fatiiiue;  nous  ne  traverfions  que  des  terres 
incultes  ou  des  bois  ;  nos  regards  ne  rencontroient  par- 
tout qu'une  nature  fauvage;  elle  n'efl:  pas  fans  beautés, 
je  l'avoue  ;  mais ,  à  la  longue ,  l'œil  s'en  rebute  ;  l'unifor- 
mité porte  en  tout  le  dégoût ,  la  variété  feule  a  des 
charmes,  6c  c'eft  elle  que  le  voyageur  va  chercher  de 
pays  en  pays. 

Nous  arrivâmes  à  Xa/tz/Ji2  le    zi   Mars.  Cette  ville, 

Xaiapa,     adolfée  à  une  montagne,  ell:  partagée  en  deux  parties  ; 

l'une  fituée  au  pied,  6c  l'autre  fur  le  penchant  même  de 

Ja  montagne.  Les  maifons  font  de  pierres  de  taille  6c  aflez 

bien  bâties;  il  n'y  a,  d'ailleurs,  aucun  édifice  remar^ 


arrivée  a 


E  N    C  A  L  I  F  O  R  N  I  E.  23 

quable.  Un  commerce  confidérable  attire  tous  les  deux 
ans  à  Xalapa  une  grande  quantité  d'Efpagnols  6c  d'In- 
diens, qui  s'y  rendent  vers  le  mois  de  Mars.  C'eft  alors 
que,  pendant  l'efpace  de  fix  lemaines,  il  s'y  tient  une 
foire  fameufe  où  fe  débitent  toutes  les  marchandifcs  que 
la  flotte  Efpagnole  a  apportées  d'Europe  à  laVera-Crux, 
&  qui  ont  été  de  là  tranfportés  par  terre  à  Xalapa ,  d'où 
elles  fe  diftribuent  dans  tout  le  Mexique.  Ces  marchan- 
difcs d'Europe  confi fient  en  draps ,  foieries ,  mouflelines , 
toiles  de  toute  efpece  ,  &  fur-tout  des  toiles  de  Bretagne 
fines  &  claires,  bijouteries  tant  en  acier  qu'en  fer,  5:c. 
\.ç.s  Mexicains  donnent  en  échange  de  la  cochenille  ou 
de  l'argent  monnoyé.  Je  dis  de  l'argent  monnoyé,  car  il 
n'efl:  permis  à  qui  que  ce  foit  d'avoir  de  l'argent  ou  de 
Tor  en  lingot ,  dont  l'exportation  du  Mexique  eft  abfolu- 
ment  défendue.  La  contravention  aux  règlements  qui 
regardent  les  mines  eft  le  plus  grand  crime  que  l'on 
puilTe  faire  au  Mexique.  Le  faux  monnoyeur  eft  pendu  ; 
l'afTaflin  n'eft  puni  que  de  la  prifon  ou  du  banniftcment. 

J'avois  plufieurs  lettres  de  recommandation  que  l'on 
m'avoit  données  à  Cadix  pour  quelques  négociants  éta- 
blis à  Xalapa  ;  mais  étant  arrivés  fort  tard ,  &  defîrant 
partir  le  lendemain  de  bonne  heure,  j'attendis  à  les  re- 
mettre à  mon  retour.  Les  environs  de  Xalapa  nous  of- 
frirent ce  que  nous  avions  rarement  vu  depuis  laVera- 
Crux  j  des  terres  cultivées,  des  arbres  de  toutes  efpeccs, 
des  bois  touffus,  ce  qui  annonçoit  un  fol  aflez  fertile; 
en  effet,  il  croît  aux  environs  de  Xalapa  de  très  beau 
maïs. 

Au  fortir  de  la  ville  nous  trouvâmes  une  affez  belle 
chauftée,  bordée  de  murs  des  deux  côtés  ^  qui  nous 
conduifit  au  haut  de  la  montagne.  Ce  chemin  eft  ferré, 
&  feroit  fort  agréable  s'il  étoit  moins  roide  ;  la  montagne , 
à  la  vérité,  eft  extrêmement  élevée.  Parvenus  à  fonfom- 
mer,.nous  jouîmes  du  coup  d'œil  le  plus  fingulier ,  nous 
tarouvant,  par  notre  élévation  ,  avoir  les  nuages  pour 


24  VOYAGE 

horizon.  A  quelque  diftance  de  Xalapa ,  je  commen- 
çai  à  rencontrer  le  long  de  la  route  du  fer  difpofé  par 
couches  noirâtres  :  bientôt  après  le  terrein  ne  m'ofl-rit 
plus  que  les  vertiges  de  quelque  volcan  éteint  aux  envi- 
rons; une  moufTe  légère  couvroit  à  peine,  dansquelques 
endroits,  des  pierres  arides  ,&  des  laves  qui  traverfoient 
le  chemin  ;  ce  qui  me  parut  annoncer  que  ce  volcan  n'é- 
toit  pas  éteint  depuis  fort  long-temps ,  puifque  ces  laves 
n'étoient  point  encore  recouvertes  de  la  moindre  terre. 
La  nature,  dans  cet  endroit,  portoit  l'empreinte  du  plus 
grand  défordre. 

De  Xalapa  à  las-Bigas  ,  le  plus  prochain  hameau, 
éloigné  d'environ  fix  lieues,,  nous  ne  fîmes  que  monter 
&  defcendre  ,  travcrfant  une  chaîne  de  montagnes  dont 
la  largeur  efb  comprife  entre  ces  deux  lieux.  Le  hameau 
de  las-Bigas,  ainiî  que  ceux  que  nous  avions  rencontrés 
avant  Xalapa,  n'eftcompofé  que  d'une  ou  dcuxmaifons, 
mais  mieux  bâties.  Depuis  laVera-Crux  les  habitations  des 
Lidiens  ne  font  conffcruitesque  de  fimples  rofeaux  rangés 
perpendiculairement  8c  même  à  quelque  diftance  les  uns 
des  autres  ;  de  forte  que  l'on  y  ell  peu  à  i'abri  des  in- 
jures de  l'air  :  il  règne  en  outre  le  long  de  la  maifon  , 
entre  le  toit  &  le  haut  de  la  muraille  qui  le  foutient, 
un  jour  ou  intervalle ,  pour  laiffer  un  libre  partage  à  la 
fumée  du  feu  que  l'on  fait  au  milieu  de  la  chambre.  Mais 
parte  Xalapa  le  terrein  devenant  de  plus  en  plus  élevé  , 
&  la  température  de  l'air  étant  par  conféquentplus  froide, 
les  habitations  font  conftruitcs  avec  beaucoup  plus  de 
de  foin  &  mieux  fermées  ;  les  murailles  font  de  pierres 
de  taille ,  6c  en  plufieurs  endroits  de  pierres  volcanifécs 
qui  ne  font  point  rares  dans  cette  contrée. 

Les  habitants  de  las-Bigas  font  mulâtres  ;  les  femmes  y 
vont  à  moitié  nues  ,  &  laiflent  voir  la  plus  vilaine  gorge 
du  monde.  L'habillement  ordinaire  des  femmes  Indiennes 
eftcompofé  de  deux  pièces  d'étoffe;  l'une  qui  leur  prend 
à  1a  ceinture  ôc  defcçnd  à  mi-jambe  enferme  de  cotillon  ; 

U 


EN     CALIFORNIE.  ^5 

^l'autre,  en  forme  de  nappe,  leur  enveloppe  les  épaules, 
&  les  couvre  jufqu'à  la  ceinture.  Cette  elpece  de  man- 
relet  qu'elles  appellent  pagnorobos ,  ne  leur  fert  commu- 
nément que  lorfqu'elles  iortent  :  dans  l'intérieur  des 
maifons  elles  l'ôtent  ordinairement,  &  reftent  ainfi  à  demi 
nues.  Quant  aux  hommes,  ils  portent  une  grande  culotte 
de  toile,  femblable  à-peu-près  à  celles  des  matelots,  Bc 
par-deffus  celle-ci  ils  en  mettent  une  autre  de  peau  :  une 
vefle  fans  manches  leur  couvre  le  corps  ;  ou  bien  une  cou- 
verture de  laine,  femblable  au  pagnorobos  des  femmes, 
kur  enveloppe  les  épaules  ;  quelquefois  même  ils  vont 
prefque  abfolument  nus,  comme  dans  certains  endroits 
les  plus  écartés  des  villes. 

L'Indien  a  le  teint  olivâtre ,  les  yeux  &  les  cheveux  noirs, 
la  taille  médiocre,  la  jambe  grolFe  &  fortement  deffinée, 
lenez  écrafé.  Les  femmes  ont  à-peu-prèslamemecouleur, 
&:  n'ont  point  la  figure  agréable:  elles  fe  marient  commu- 
nément à  9  ou  10  ans,  ëc  ont  des  enfants  jufqu'à  3  5  ou 
40  ans;  il  cfl:  rare  néanmoins  qu'elles  en  élèvent  un  grand 
nombre.  La  petite  vérole  &.  la  rougeole  font  deux  mala- 
dies très  communes  dont  il  en  réchappe  très  peu,  fur- 
,  tout  lorfque  que  pour  les  guérir  les  Indiens  leur  font 
prendre  des  bains  de  fueur  qui  les  font  mourir  prefque 
au/lî-tôt. 

Les  mauvais  traitements  des  maîtres  de  ces  Indiens 
contribuent  autant  que  les  maladies  à  détruire  cette  race  ; 
&  les  mines,  à  l'exploitation  defquellcs  on  les  emploie, 
font  tous  les  ans  le  tombeau  d'un  nombre  infini  de  ces 
malheureux.  Les  travaux  immenfes  que  l'on  a  faits  à 
Mexico  pour  faire  écouler  les  eaux  du  lac,  en  ont  au ffi  fait 
périr  plufieurs  milliers  ;  de  forte  que  le  Mexique  n'efl: 
plus  maintenant  qu'un  défert,  en  comparaifon  de  ce 
qu'il  étoitdu  temps  de  Montézuma. 

Le  Gouverneur  de  la  Vera-Crux  avoit  écrit  au  Vice- 
Roi  du  Mexique  avant  notre  départ,  pour  l'inftruirede 
la  route  que  nous  devions  tenir.  Le  Vice-Roi,  en  confé- 

D 


^6  VOYAGE 

quence ,  avoit  eu  la  bonté  d'envoyer  de  Mexico  des  équi- 
pages au-devant  de  nous.  Nous  les  rencontrâmes  à 
Pérotic  y  hameau  éloigné  d'environ  40  lieues  de  la  capi- 
tale. 

Nous  employâmes  quatre  jours  à  nous  rendre  de  Pé- 
rotte  à  Mexico.  La  route  eft  agréable  ;  le  chemin ,  prefque 
toujours  uni,  eft  pratiqué  dans  une  gorge  formée  par 
deux  chaînes  de  montagnes,  qui,  tantôt  fe  rapprochant, 
6c  tantôt  s'éloignant  ,  donnent  naiflance  à  de  vaftes 
plaines.  A  quelque  diftance  de  Pérotte  nous  commen- 
çâmes à  appercevoir  la  fameufe  montagne  d'Orifaba^ 
qui  pafle  pour  la  plus  haute  du  Mexique.  Arrivés  au  ha- 
meau de  Sant'Yago,  nous  ne  nous  trouvâmes  plus  éloi- 
gnés que  de  deux  lieues  de  cette  montagne  ;  elle  nous 
offrit  alors  le  coup  d'oeil  le  plus  agréable.  Son  fommcc 
étoit  abfolument  couvert  de  neige,  tandis  que  le  pied 
ofFroir  l'agréable  verdure  de  terres  parfaitement  culti- 
vées. Cette  montagne  d'Orifaba  s'apperçoit  de  Mexico 
même  qui  en  eft  éloigné  de  plus  de  vingt  lieues. 

11  fe  trouve  fur  cette  route  de  Pérotte  à  la  capitale 
du  Mexique,  une  grande  quantité  de  pierres  volcanifées, 
répandues  en  pluficurs  endroits.  Le  village  de //a^a  prin- 
cipalement en  eft  environné,  &  toutes  fes  maifons  en 
font  bâties.  Nous  arrivâmes  dans  ce  village  le  jour  du 
Vendredi-Saint  au  foir  :  ce  jour  de  trifte  folemnité  pour 
toute  l'églife,  n'eft  pas  moins  reipe£lablc  pour  les  Mexi- 
cains que  pour  nous  ;  mais  leur  façon  de  le  célébrer  leur 
eft  particulière.  En  arrivant  nous  rencontrâmes  une  prc- 
ceiiion  fort  nombrcufe;  une  ftatue  de  la  Sainte  Vierge 
éccir  à  la  tête,  portée  par  des  filles  en  mafques:  un  nom- 
breux cortège  de  gens  également  mafqués  les  fuivoit  ; 
quelques-uns  avec  des  guitares  ,  d'autres  avec  des  balTcs  , 
exécutoient  la  mufique  la  plus  grotefque  ;  de  forte  que 
nous  cuflions  pris  cette  proceflion  pour  une  mafcarade  de 
carnaval,  plutôtquepour  unecérémoniede  religion,  fans 
la  préfence  des  prêtres  quil'accompagnoient,  &  dont  la. 


ce  a 


E  N    C  A  L  I  F  O  R  N  I  E.  27 

gravité  faifoic  le  contrafte  le  plus  ridicule.  Faut-il  s'en 
étonner  ?  La  force  des  armes  n'a  pu  faire  d«  ces  peu- 
ples que  de  fort  mauvais  chrétiens  ;  6c  leur  groffiéreté  les 
a  fait  enchérir  fur  l'ignorance  &  les  abus  fuperftiticux 
qu'on  reproche  aux  Moines  Efpagnols  qui  delfervent  le 
plus  fouvcnt  les  paroifles  Indiennes. 

Nous  arrivâmes  à  Mexico  le  jour  de  Pâques  i6  Mars  à  Arrivée 
midi.  Nous  rencontrâmes,  avant  que  d'arriver  à  la  ville,  Mexico. 
M.  le  Marquis  de  la  Torrc ,  Infpeclcur  de  l'infanterie.  Sitôt 
qu'il  nous  eut  apperçus,  il  alla  donner  avis  de  notre  arrivée 
au  Vice-Roi ,  qui  envoya  des  ordres  pour  nouslailTer  en- 
trer dans  la  ville  fans  nous  fouiller,  &  pour  nous  conduire 
à  la  mailon  des  Jéfuitcs ,  oi^i  notre  logement  écoit  préparé. 
Nous  n'y  eûmes  pas  plutôt  m.is  pied  à  terre ,  que  qUiatre 
Gentilshommes  vinrent  nous  prendre  pour  nous  conduire 
dans  le  palais.  Je  manque  d'expreffions  pour  peindre 
l'amitié  èc  les  politeffcs  que  nous  reçûmes  de  M.  le  Mar- 
quis de  Croix,  Vice-Roi  du  Mexique,  ainfi  que  de  toute 
ia.  Cour  :  il  eut  pour  nous  toutes  les  prévenances  poiîî- 
blcs,  cherchant  à  nous  procurer  tout  ce  que  nous  pou- 
vions defirer,  &  à  nous  rendre  agréable  notre  féjour'  à 
Mexico.  Nous  n'eûmes  point  d'autre  table  quelalienne 
pendant  les  quatre  jours  que  nous  reftâmes  dans  cette 
ville  :  il  eut  la  bonté  d'envoyer  un  cuilînier  ptiur  traiter 
à  la  françoife  les  perfonnes  de  notre  fuite.  Le  lendemain 
de  notre  arrivée  il  nous  donna  un  de  fes  carrûires  pour 
parcourir  la  ville. 

Mexico,  capitale  du  Mexique,  efb  fitué  fur  le  bord  Defcription 
d'un  lac,  6c  bâti  fur  un  terrein  marécageux traverfé d'un  de  Mexico. 
grand  nombre  de  canaux  ;  toutes  les  maifons,  en  cotifé- 
quence,  y  font  bâties  fur  pilotis.  Le  terrein  s'aiTailîeen 
plufieurs  endroits,  &:  l'on  y  remarque  plufieurs  édifices 
qui  fe  font  enfoncés  de  plus  de  6  pieds,  fans  que  le  corps 
du  bâtiment  en  ait  été  dérantré  :  de  ce  nombre  efl:  la 
cathédrale  dont  nous  parlerons  tout  à  l'heure. 

Les  rues  de  Mexico  font  très  larges,  tirées  au  cordeau  ,    "^07"  %.  i. 


i8  VOYAGE 

&  fe  coupent  prefque  toutes  à  angles  droits.  Les  maifons^ 
y  font  afièz  bien  bâties ,  mais  peu  décorées  tant  à  l'inté- 
rieur qu'à  l'extérieur  ;  leur  forme,  d'ailleurs ,  eft  la  même 
qu'en  Efpagne. 

11  n'y  j  point  à  Mexico  d'édifice  fort  remarquable.  Le 
palais  du  Vice-Pioi  donne  fur  une  grande  place  aflez  ré- 
gulière, au  milieu  de  laquelle  ell  une  fontaine.  Ce  palais 
eft  bâti  très  folidcment  ;  c'cft  là  fon  feul  mérite  :  il  n'y 
fautpoint  chercher  de  décorations  ;  Ion  enceinte  renferme 
trois  cours  aflez  belles  ;  dans  le  milieu  de  chacune  eft  une 
fontaine.  L'hôtel  delaMonnoie  qui  eft  litué  derrière  ce 
palais ,  eft  un  bâtiment  fort  coniidérable  ;  plus  de  cent 
ouvriers  y  font  occupés  à  convertir  en  piaftres,  pour  le 
compte  du  Roi  d'Efpagne,  les  lingots  &  mafl'cs  énormes 
d'argent  que  les  particuliers  polTefleu"S  des  mines  vien- 
nent y  apporter  6c  échanger  contre  de  l'argent  mon  noyé. 
On  prétend  qu'il  fe  fabrique  dans  cette  monnoie  environ 
quatorze  millions  de  piaftres  par  .in. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  lupcrbementbâri  font  les  égllfes,. 
chapelles  Se  couvents.  Il  yen  a  beaucoup  à  Mexico  qui 
font  fur-tout  très  richement  ornées  ,  entre  autres  la  ca- 
thédrale :  on  y  remarque  autour  du  maître  autel  uneba- 
luftrade  d'argent  maflif  ;  6c  ce  qui  eft  encore  plus  pré- 
cieux, une  lampe  dont  le  corps  d'argent  eft  d'une  fi 
grande  forme  qu'il  y  entre  trois  honmies  pour  la  nettoyer: 
cette  lampe  eft  enrichie  de  figures,  de  têtes  lion,  & 
d'autres  différents  ornements  d'or  pur.  Les  piliers  de 
l'intérieur  de  l'églife  font  tapifl^és  d'un  fuperbe  velours 
cramoifî  bordé  d'une  large  frange  d'or.  L'on  eft  moins 
étonné  de  cette  richefle  des  églifes  de  Mexico  lorfqu'on 
a  vu  le  tréfor  de  la  cathédrale  de  Cadix,  qui  renferme 
des  richefles  immenfes;  l'or  èc  les  pierreries  les  plus  pré- 
cieufes  y  font  prodigués  fur  les  vafes  ôc  ornements  facrés; 
des  ftatues  de  la  Sainte  Vierge,  &c  autres  Saints,  y  font 
ou  d'argent  maflif,  ou  revêtus  des  habillements  les  plus 
riches. 


EN    CALIFORNIE.  19 

L'extérieur  de  la  cathédrale  de  Mexico  n'eft:  point  fini; 
on  craint  en  l'achevant  d'augmenter  la  malle  du  bâti- 
ment, qui,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  commence  à  s'afFaifTer. 
Je  ne  parlerai  point  des  autres  églites;  il  y  en  a,  je  crois, 
autant  que  de  Saints  dans  le  calendrier. 

On  remarque  trois  places  principales  dans  la  ville  de 
Mexico  :  la  première  eft  la  place  Maïor  ,  fur  laquelle 
donne  la  façade  du  palais;  celle  de  la  cathédrale;  &  le 
marché,  qui  eft  un  double  carré  entouré  de  bâtiments. 
Cette  place  eft  au  centre  de  la  ville  ;  la  féconde ,  immé- 
diatement à  coté  de  celle-ci,  eft  celle  del  l^olador^oxx 
fc  donnent  les  combats  de  taureaux  ;  la  troilieme 
eft  celle  del  Santo-Domingo  :  ces  places  font  alTez  ré- 
gulières ;  au  milieu  de  chacune  eft  une  fontaine.  Au  nord 
de  la  ville,  vers  les  fauxbourgs ,  eft  la  promenade  publique 
ou  YAlameda  :  un  ruifleau  règne  tout  autour,  formant  un 
carré  aiïez  vafte  ,  au  milieu  duquel  eft  un  baffm  à  jet 
d'eau,  où  viennent  fe  réunir  en  étoile  huit  allées  d'arbres 
qui  font  en  fort  mauvais  état  ,  le  terrein  de  Mexico  y 
étant  peu  propre.  Cette  promenade  eft  la  feule  qu'il  y  aie 
à  Mexico  ;  tous  les  environs  de  la  ville  font  marécageux 
6c  coupés  d'un  nombre  infini  de  canaux.  A  quelques  pas 
&  en  face  de  l'Alameda,  eft  le  Quemadero  ;  c'eft  l'endroit 
où  l'on  brûle  les  Juifs  de  autres  malheureufes  victimes 
du  redoutable  tribunal  de  l'inquifition.  Ce  Quemadero 
forme  une  enceinte  de  quatre  murailles,  qui  renferment 
des  fours,  &  par-defTus  lefquelles  on  jette  ceux  qui  font 
condamnés  à  être  brûlés  vifs  par  des  Juges  qui  profeflenE 
une  religion  dont  la  charité  eft  le  premier  précepte. 

Le  peu  de  temps  que  nous  reftâmes  à  Mexico  ne  me 
perm.it  pas  de  prendre  une  plus  ample  connoifTance  de 
la  ville.  On  me  dit  qu'il  y  avoit  une  Comédie  Efpagnole, 
mais  je  fus  peu  tenté  d'y  aller;  macuriofité  à  cet  égard 
avoit  été  plus  que  fatisfaite  pendant  mon  féjour  à  Cadix, 

Je  trouvai  à  Mexico  un  François  oui  parloir  afTez  biea 
l'Efpagnol  6c  le  Mexicain,  &  qui  avoit  une  connoilTance 


yo  V     O     Y     A     G    E 

parfaite  de  coûtée  pays,  qu'il habitoit  depuis  long- temps: 
je  le  pris  pour  interprète,  jugeant  que  îonfccours  pour- 
roic  nous  être  tort  nécellaire  dans  le  relie  de  notre  route , 
5c  principalement  eu  Californie.  A  mefure  que  nous 
allions  avancer  nous  devions  rencontrer  desindiensplus 
iauvages;  M.  le  Vice-Roi  crut  même  devoir  nous  donner 
une  eicortede  trois  foldacs  pour  nous  mettre  en  éracde 
nous  défendre  contre  les  voleurs,  qui  ne  font  que  trop 
communs  fur  les  routes.  Des  troupes  d'Indiens  indomptés, 
que  les  Efpagnols  nomment  Indlos  bravos ,  attaquent 
les  voyageurs  lorfqu'ils  le  fentenc  les  plus  forts  ,  les  maf- 
facrent,  ou  tout  au  moins,  après  les  avoir  dépouillés,  les 
attachent  aux  arbres  voifms,  s'emparent  de  leurs  bagages 
&:  de  leurs  mulets ,  qu'ils  détournent  du  chemin,  &  les 
conduifent  dans  des  lieux  écartés  &  connus  d'eux  fculs  , 
où  ils  partagent  l'argent  ëc  cachent  le  relie  du  butin.  11 
y  a  telle  forêt 6c  telle  montagne,  près  defquelles  nous 
paiîâmes,  que  nos  conducteurs  nous  ont  aflùré  renfer- 
mer 6c  receler  les  plus  riches  tiéfors,  amafîes  parées  bri- 
gands. On  reconnoît  ailement  ces  voleurs  à  un  mou- 
choir qu'ils  tiennent  entre  leur  dents  pour  fe  cacher  le 
vifage  6c  n'être  pas  reconnus.  Quand  on  voit  venir  à  foi 
un  Indien  ainfi  mafqué,  le  plus  fur  eft  de  le  prévenir, 
6c  de  le  tuer  s'il  eft  pollible  :  nous  n'eûmes  point  heu- 
reufement  de  ces  mauvaifes  rencontres.  Après  nous  être 
munis  de  vivres  ,  6c  de  ce  qui  étoit  nécefî'aire  pour  notre 
nouveau  voyage,, nous  partîmes  de  Mexico  le  30  Avril 
\-j6ç).  MM.  Doz  6c  Médina  avoienc  loué  une  voiture  à 
roues;  pour  moi,  prévenu  delà  difficulté  des  chemins, 
je  réfolus  de  faire  le  relie  de  la  route  à  cheval  :  je  n'en  fus 
pas,  à  la  vérité,  plus  à  mon  aife  ;  niais  j'évitai  par-là 
mille  accidents  qui  ne  manquèrent  pas  d'arriver  à  nos 
deux  officiers  Efpagnols,  ôc  qui  nous  retardèrent  plus 
d'une  fois. 

De  Mexico  à  San-Blas ,  oii  nous  allions  nous  rendre  6c 
nous  em.barquer  pour  traverfer  la  Mer  Vermeille,  l'on 


EN    CALIFORNIE.  31 

compte  environ  190  lieues;  il  y  a  fur  cette  route  peu 
d'endroits  remarquables  :  à  mefure  qu'on  s'éloigne  de 
Mexico,  les  habitations  deviennent  plus  rares,  &L  le 
chemin  efl  fouvent  très  mauvais,  dangereux,  &  bordé 
de  précipices.  La  plupart  du  temps  nous  trouvions  à  peine 
du  pain  dans  les  lieux  où  nous  nous  arrêtions  ;  tour  porte 
dans  ces  contrées  l'empreinte  de  la  plus  grande  mifere. 

A  quarante  lieues  de  Mexico  nous  trouvâmes  la  pe- 
tite ville  de  Queretaro ,  remarquable  par  une  manufac- 
ture de  draps  fort  renommée.  Cette  ville  eft  allez  bien 
bâtie  ;  elle  eft  adoilée  à  une  montagne  jointe  à  une 
autre  plus  éloignée  &.  plus  élevée  ,  par  un  iuperbe  aque- 
duc qui  amené  l'eau  de  l'une  fur  l'autre,  d'où  elle  fe 
répand  dans  la  ville  :  cet  aqueduc  eft  très  folidement 
conftruit.  Ces  fortes  d'ouvrages,  en  général,  font  très 
communs  dans  le  Mexique,  èL  font  les  feuls  remarqua- 
bles en  fait  de  bâtifle. 

Ce  fut  aux  environs  de  Queretaro  que  j'eus  la  fatis- 
fadtion  de  voir  &;  de  me  convaincre,  à  différentes  fois ^ 
de  la  vérification  d'un  phénomène  que  j'avois  plus  fou- 
vent  foupçonnéqu'obfervé^n  France, cckii  de  la  foudre 
qui  s'élève  de  la  terre,  au  lieu  départir  du  nuage  félon 
l'opinion  commune. 

Le  3  Mai  au  foir  me  trouvant  proche  de  Molino ,  petit 
hameau  éloigné  d'environ  36  lieues  de  Mexico  ,  j'ap- 
pcrçus,vcrs  le  fud  ,  un  gros  nuage  noir,  élevé  à  une  mé- 
diocre hauteur  au-deffus  de  l'horizon  :  tout  le  refte  de 
i'hémifphere  paroiffoit  enflammé  autour  de  nous.  Ce 
nuage  étoit  foutenu  par  trois  efpeces  de  colonnes,  à 
égale  diftancc  l'une  de  l'autre,  dont  la  bafe  touchoit 
prefque  l'horizon  :  tant  qu'il  refta  dans  cet  état^  des  éclairs 
vifs  ÔC  fréquents  paroiffoient  en  trois  endroits  du  nuage 
au-deffus  de  ces  colonnes;  ôc  en  même  temps  des  traits 
de  lumière  électrique  partoient ,  comme  dans  une  aurore 
boréale,  des  points  de  l'horizon  qui  répondoicnt  au- 
deffous.  Bientôt  après  le  nuage  s'affaiffa  ;  ce  fut  alors 


31  VOYAGE 

que  nous  vîmes  la  foudre  s'élever  à  tout  moment  de  la 
terre,  fous  la  forme  de  fufées,  &  aller  éclater  vers  le 
haut  du  nuage.  Je  craignis  d'autant  moins  de  me  faire 
illufion  à  moi-même,  que,  dans  cette  obfervation,  toutes 
les  perfonnes  de  ma  fuite,  l'interprète,  les  foldats  de 
l'efcorte  ,  qui  n'étoient  prévenus  d'aucun  efprit  de  fyf- 
tême  ,  furent  les  premiers  à  remarquer  ce  phénomène. 
Une  feule  fois  la  foudre  nous  parut  partir  du  nuage.  Deux 
jours  après  nous  vîmes  encore  à-peu-près  lemêmefpc£ba- 
cle,  ôc  nous  fîmes  également  la  remarque  de  la  foudre 
qui  s'élevoit  de  la  terre  aflbz  lentement  pour  qu'on  pût 
diftinguer  fon  origine  &i  fa  direcflion.  On  peut  voir  ce 
que  j'ai  dit  fur  cette  matière  dans  les  Mémoires  de  l'A- 
cadémie, année  I7<î4,  &  dans  mon  Voyage  de  Sibérie. 

Huit  jouis  après  avoir  quitté  Mexico  nous  arrivâmes 
à  Guadalaxara.  Cette  ville  eft  confidérable  ;  c'eft  le  fiege 
d'un  Evêque.  Nous  reftâmes  deux  jours  en  cet  endroit 
pour  nous  y  repofer  ;  j'en  avois  grand  befoin ,  au  bout 
d'une  route  de  loo  lieues,  faite  fur  de  méchants  mulets, 
ôc  durant  laquelle  nous  avions  efluyé  les  plus  mauvais 
temps  par  des  chemins  déteflables. 

Nous  partîmes  le  neuf  de  Guadalaxara,  &  allâmes 
coucher  à  une  fucrerie  appellée  Mutchitilté.  Des  mon- 
tagnes, entaflees,  pour  ainfî  dire,  les  unes  fur  lesautres, 
dominent  fur  cet  endroit  ,  &.  en  rendent  la  fituation 
afFrcufe  :  du  milieu' d'un  rocher  fitué  fur  la  plus  haute 
de  ces  élévations,  fe  précipite  une  fource,  qui,  tom- 
bant 200  pieds  plus  bas  fur  un  autre  rocher,  fait  une 
cafcade  en  forme  de  nappe ,  dont  l'afpedl  caufe  en  même 
temps  l'admiration  6c  l'effroi.  Il  n'efi;  pas  poffible  de  trou- 
ver un  chemin  plus  affreux  &  plus  dangereux  que  celui 
que  nous  fuivîmes  en  fortant  de  Mutchitilté,  pendant  l'ef- 
pace  de  près  de  cinq  lieues  ;  ce  chemin,  qui ,  à  peine ,  a  qua- 
tre pieds  de  largeur,  eft  taillé  fur  le  penchant  de  la  mon- 
tagne, vers  la  moitié  de  fa  hauteur  ,  prefque  à  pic  ;  de 
forte  que  l'on  y  eft,  d'un  côté,  reflerré  parla  montagne 

même. 


siExr.oA  nr.  /-•(     pied-id 


■^B^U 


SWNEO.i    nu   S-iXTOKIO     .in.lD 


DE      MEXICO. 


i&-  £j  irarJrfte  ^fru^ 


EN    CALIFORNIE.  33 

même,  &  de  l'autre  fur  le  bord,  par  des  précipices,  &  des 
abîmes  quelquefois  lî  profonds,  que  l'on  apperçoit  à 
peine  la  cime  des  fapins  les  plus  élevés  qui  croiflent 
dans  le  fond  du  vallon.  Pour  furcroîcnous  eîimes  le  mal- 
heur de  rencontrer  dans  ce  paflage  étroit  une  cara- 
vane d'autres  mulets  qui  venoient  dans  un  fens  con- 
traire à  nous;  cette  rencontre  nous  caufa  le  plus  grand 
embarras,  &  nous  fit  courir  quelque  danger,  fur-tout 
par  rapport  aux  mulets  qui  portoient  nos  grands  inftru- 
ments.  Au  fortir  de  ce  mauvais  pas,  nous  trouvâmes  un 
alfez  beau  chemin  jufqu'à  la  petite  ville  de  Tep'ik ,  où 
nous  ne  nous  arrêtâmes  que  pour  dîner  ,  nous  hâtant 
d'arriver  à  San-Blas,  où  nous  fumes  rendus  le  lendemain 
15  Avril,  après  avoir  employé  28  jours  à  traverfer  le 
Mexique. 

San-Blas  eft  un  très  petit  hameau  ,  fitué  fur  la  côte 
occidentale  du  Mexique  ,  à  l'embouchure  de  la  liviere 
de  S.  Pedro.  Ce  n'eft  que  depuis  quelques  années 
qu'on  a  fait  un  établiflement  dans  ce  lieu  pour  la  com- 
modité du  tranfport  des  vivres  &  des  troupes  que  les 
Elpagnols  envoient  en  Californie. 

M.  le  Marquis  de  Croix  ,  Vice-Roi  du  Mexique,  avoit 
prévenu  depuis  long- temps  le  Commandant  de  San- 
Blas  de  faire  en  forte  d'avoir  un  bâtiment  prêt  à  nous 
pafTer  en  Californie  auiii-tôt  que  nous  ferions  arrivés. 
Aucun  des  bateaux  de  paffage  ne  fe  trouvoit  alors  dans  le 
port:  le  Commandant  hâtoit  la  confi:ru(ftion  d'un  petit 
paquebot,  qui  devoir  être  gréé  ôc  mis  à  flot  dix  jours 
après  notre  arrivée;  mais  ce  terme  étoit  encore  trop 
éloigné  pour  nous.  Le  trajet  de  San  Blas  au  cap  San- 
Lucas  n'eft,  à  la  vérité,  que  d'environ  (>q  lieues;  mais 
les  calmes  &  les  courants  que  l'on  éprouve  fur  la  Mer 
Vermeille,  rendent  quelquefois  cette  travcriée  très  diffi- 
cile &  très  longue.  Nous  avions  peu  de  temps  de  refte 
jufqu'au  moment  de  l'obfervation  du  3  Juin.  Hcureu- 
iemcnt  pour  nous,  il  arriva  lefoirmême  un  paquebot 

£ 


34  VOYAGE 

de  Californie,  lequel  fût  auffi-tôc  deftiné  à  noustranf- 
porter.  Nous  fixâmes  le  moment  de  notre  départ  à 
quatre  jours  de  là,  ne  prenant  que  le  temps  abfolu- 
ment  néceflaire  pour  taire  nos  provifions  de  vivres, 
&  de  tout  ce  dont  nous  avions  befoin  dans  un  pays  où 
nous  ne  devions  rien  trouver.  MelTieurs  les  Officiers  El- 
pagnols  chargèrent  fur  le  bâtiment  de  quoi  conftruire 
un  obfervatoire  complet;  quant  à  moi,  je  pris  feule- 
ment des  toiles  de  tentes,  &L  un  gros  pilier  de  bois  de 
cèdre  pour  fufpcndre  ma  pendule. 

Le  Pilote  de  notre  bâtiment  flattoit  peu  nosefpéran- 
ces,  en  nous  racontant  que  l'année  précédente  il  avoit 
employé  vingt-un  jours  à  palier  de  San  Blasa San-Lucas, 
quoique  dans  une  faifon  plus  favorable  que  celle  où 
nous  nous  trouvions.  J'héfitois  alors  fi  jenemefixeroispas 
fur  le  continent  du  Mexique  ,  plutôt  que  de  rifquer  de 
me  trouver  fur  mer  au  moment  de  l'obfervation  ;  mais 
je  perdis  bientôt  de  vue  cette  relFource  lorfquc  l'on  m'eut 
appris  que  des  pluies  réglées  alloient  commencer  fur  la 
côte  dès  le  mois  de  Mai,  èc  continuer  prefque  fans  in- 
terruption jufqu'à  la  fin  du  mois  fuivant.  Le  meilleur 
parti  étoit  donc  de  s'embarquer  pour  aller  gagner  l'autre 
côté  de  la  Mer  Vermeille,  où  l'on  avoit  l'efpérance  d'un 
plus  beau  ciel. 

Ce  fut  le  I  9  Avril  que  nous  fortîmes  du  port  deSan- 
Blas.  Nous  éprouvâmes  bientôt  ce  que  notre  Pilote  nous 
avoit  annoncé  :  en  effet,  pendant  les  quinze  premiers 
jours  nous  fûmes  le  jouet  des  calmes,  des  vents  contraires 
&des  courants. Enfin,  le 4  Mai  nous  mîmes  ,  pour  la  pre- 
mière fois,  le  cap  en  route  portant  vers  le  nord;  mais  le 
vent  éroit  fi  foible,  Se  par  bouffées  fi  fouvent  interrompues 
de  calmes,  que  nous  fûmes  près  de  5  jours  à  nous  élever 
jufqu'au  port  de  Mazatan  ,  35  lieues  environ  au  nord  de 
San-Blas.  Si  nous  avions  gagné  quelque  chemin  en  lati- 
tude, nous  avions  bien  peu  fait  en  longitude.  Nous 
commençâmes  alors  à  défefpérer  de  pouvoir  arriver  affez 


E  N     C  A  L  I  F  O  R  N  I  E.  3^ 

à  temps  en  Californie  pour  faire  notre  obfervation  :  on 
juge  du  défefpoir  où  nous  laiiloit  cette  penfée. 

Notre  Pilote  croyoit  expliquer  parfaitement  la  caufe 
de  la  contrariété  des  vents,  en  l'imputant  au  courroux 
du  ciel ,  qu'il  prétcndoit  appefanti  lur  nous  à  caufe  de 
nos  péchés.  Pour  détourner  la  vengeance  célefte  il  ex- 
posa fur  l'habitacle  une  oflrande  qu'il  tit  à  St.  François 
Xavier,  en  le  priant  bien  de  nous  envoyer  du  bon  vent. 
Le  remède  du  dévot  Pilote  ne  fit  pas  fur  le  champ  fon 
effet;  car  les  jours  fuivants  nous  fumes  en  plein  calme, 
ou  contrariés  par  le  vent. 

Notre  fituation  devint  alors  chaque  jour  plus  affreufe: 
les  vivres  commençoient  à  nous  manquer,  principale- 
ment l'eau  :  il  fallut  fe  réduire  à  la  ration  d'une  pinte 
par  jour;  encore  cette  eau  étoit-elle  déteftable_,  ayant 
été  mife  dans  des  tonneaux  oùily  avoit  eu  du  vinaigre. 
Tous  ces  petits  défagrénients  auroient  été  comptés  pour 
rien  fî  nous  euilions  pu  en  être  dédommagés  par  quelque 
lueur  d'efpérance.  Nous  nous  trouvions  au  vingt-cin- 
quième jour  de  notre  traverfée;  il  ne  nous  enrefloitque 
dix-huit  jufqu'au  moment  de  l'obfervation,  &:  cependant 
nous  étions  encore  éloignés  de  l'endroit  du  débarque- 
ment. Il  eft  vrai  que  nous  étant  élevés  afTez  avant  vers 
le  nord,  nous  nous  étions  rendu  déformais  favorables 
les  courants  &  les  vents  les  plus  ordinaires.  Mon  dcffein 
dès-lors  fut  de  débarquer  au  premier  endroic  de  la  Cali- 
fornie où  nous  pourrions  aborder  ;  il  m'importoit  peu  que 
le  lieu  fut  défert  ou  non,  pourvu  que  j'y  puiTe  faire 
l'obfervation. 

Enfin  ,  à  l'aide  de  quelques  rifées  de  vents  favorables 
6c  des  courants,  nous  parvînmes  le  16  Mai  au  loir  à 
avoir  connoiflance  des  terres  de  Californie ,  que  nous 
cftimâmes  être  celles  du  cap  San-Lucas,  éloignées  de 
nous  d'environ  18  lieues  ;  nous  nous  en  approchâmes 
le  lendemain  par  un  vent  foible.  Le  18  au  foir  nous 
pétions  qu'à  5   lieues  de  terre.  Je  voulois  ablolumenc 

Eij 


3fé  VOYAGE 

q.ue  l'on  débarquât  fur  la  côte  la  plus  voilîne  ;  mais  je 
fus  feul  de  cet  avis,  &  toute  la  journée  fe  paiFa  en  dif- 
euiîions.  Meilleurs  les  Eipagnols  vouloient  aller  faire  le 
débarquement  dans  la  baie  de  San-Barnabé,  dont  nous 
étions  encore  éloignés  de  plus  de  i  5  lieues  :  c'étoit  par 
conféquent    alonger    notre    voyage,   peut-être   même 
de  plufieurs  jours  i  car  pour  gagner  cette   baie  ,  nous 
avions  coiine  nous  les  vents  de  nord  &  de  nord-oueft 
qui  éioicnt  les  plus  communs.  Ces  Meilleurs  m'objec- 
taient, à  la  vérité,  qu'en  débarquant  fur  la  côte  du  cap 
San-Lucas    on   rilqucroit   le   bâtiment  :   je   répondis  à 
cela  que  j'étois  convaincu  que  Sa  Majefté  Catholique 
préféreroit  de  perdre  un  méchant  petit  bâtiment,  plutôt 
que  les  fruits  d'une  commiffion  auffi  importante  que  la 
nôtre  ^  d'ailleurs  nous  ne  devions  pas  être  les  premiers 
qui  cuflcnt  débarqué  à  la  Million    de    San-Joieph,  Le 
patron,  que  nous  fîmes  appeller  à  ce  fujet,  fut  de  mon 
avis  ;  il  nous  dit  qu'à  la  vérité  le  débarquement  feroit 
plus  difficile  &plus  longen  cet  endroit  que  dans  la  baie 
de  San-Barnabé,   mais  qu'au    refte  il  croyoit  pouvoir 
répondre  du  bâtiment  &  de  l'équipage.  D'après  cette  dé- 
eifion,  qu'il  nous  donna  même  par  écrit,  il  fut  arrêté 
que' nous  débarquerions  à  San-Jofeph.   En  effet,   nous 
jetrâmes  l'ancre  le  19  Mai  aune  demi-lieue  de  la  côte^ 
vis-à-vis  de  l'embouchure  de  la  petite  rivière  qui  paffe  par 
cette  Million.  Mais  pour  être  à  la  fin  de  notre  traverlée, 
nous  n'étions  pas  encore  au  terme  de  nos  inquiétudes^ 
Il  s'éleva  de  la  partie  de  l'eft  un  veut  qui  fraîchit  déplus 
en  plus.  Ce  vent  i  5  jours  plutôt  nous  eût  été  favorable; 
mais  dans  la  circonftance  préfente  il  étoit  infiniment  à 
craindre,  &  nous  menaçoit  d'un  prochain  naufrage  en 
nous  faifant  échouer  fur  la  côte.  MeffieursDoz&;  Médina 
commencèrent  alors,  ainfique  le  Pilote,  à  me  reprocher 
d'avoir  voulu  débarquer  à   San-Jofeph  :  ce  vent   d'eft , 
me  difoient-ils,  nous  eût  été  favorable  pour  la  baie  de 
San-Barnabé.  Il  eft  toujours  aifé  de  juger  des  chofes 


EN    CALIFORNIE.  37 

d'après  l'événement;  d'ailleurs  je  n'avois  donné  la  veille 
que  ;"non  limple  avis  :  ces  Meilleurs,  en  y  acquiefçant, 
Tavoient  (ans  doute  trouvé  bon.  L'événement  me  juftifia  à 
mon  tour  ;  car  le  vent  ayant  commencé  à  calmer,  nous 
eûmes  entin  un  moment  favorable  pour  faire  notre  dé- 
barquement, 6c  nous  en  profitâmes  avec  emprelFemenr. 

Le  Pdote  envoya  d'abord  le  canot  reconnoître  la  côte, 
&  tenter  l'endroit  oîi  l'abordage  feroit  le  plus  facile.  Je 
n'ofai  rifquer  mes  inftruments  dans  ce  premier  eflai  ;  je 
mis  leulement  dans  ce  canot  une  partie  de  mes  menus 
effets.  Le  débarquement  fe  fit  on  ne  peut  pas  plus  hcu- 
reufement.  Je  dilpolai  alors  mes  inltrumcnts  les  plus 
eflentiels  à  être  tranfportés  dans  le  fécond  envoi,  &  je 
deftinai  MefFieurs  Pauly  èc  Noël  à  les  accompagner; 
quant  à  moi,  je  me  réfervaipourle  troifieme  voyage.  Le 
fécond  débarquement  ne  fut  pas  fi  heureux  que  le  pre- 
mier :  M.  Pauly  m'écrivit  du  bord  du  rivage,  qu'il  avoic 
couru  beaucoup  de  danger,  la  chaloupe  ayant  été  fubmer- 
gée  plufieurs  fois  parles  lames;  mais  enfin  ils  en  avoienc 
été  quittes  pour  la  peur,  dc  pour  être  mouillés,  ainfi  que 
toutes  les  caifTes.  Cette  dernière  circonfbance  me  fie 
prendre  les  plus  grandes  précautions  pour  le  tranfporc 
de  ma  pendule  que  j'avois  gardée  avec  moi,  &  pour  la- 
quelle je  craignois  infiniment  l'eau  de  la  m.er  ;  je  pris 
donc  le  parti  de  m'afTeoir  moi-même  defTus  après  l'avoir 
bien  enveloppée,  afin  de  la  garantir  des  lames  qui  pou- 
voient  nous  inonder. 

Notre  fort  nè'dépendit  plus  alors  que  de  l'adrelîe  dit 
patron  de  la  chaloupe,  &  de  l'cxaditude  des  matelots 
à  exécuter  la  manœuvre.  On  avoit  tracé,  dans  les  voyases 
précédents,  la  route  que  nous  devions  tenir,  par  le 
moyen  d'une  bouée,  ou  d'un  tonneau  qui  fiottoit  fur 
l'eau:  notre  patron,  l'œil  fixé  fur  cette  marque,  y  gou- 
vernoit  le  bateau  à  travers  une.jnultitude  de  vagues,  qui, 
avec  un  mugiflement  affreux ,  alloient  fe  précipiter  fur 


38  VOYAGE 

le  rivage ,  Se  fe  brifer  au  milieu  des  rochers  couverts 
d'écume.  Les  matelots,  de  leur  côté,  attentifs  au  com- 
mandement, tantôt  forçoient  de  rames,  tantôt  reiloient 
immobiles,  foit  pour  éviter  une  lame  prête  à  fondre  èc 
à  fe  brifer  fur  la  chaloupe ,  foit  pour  s'abandonner  à  celle 
qui  pouvoir  nous  porter  à  terre  &  nous  faire  échouer 
doucement  fur  la  rive.  C'cft  par  cette  manœuvre  ,  exé- 
cutée avec  toute  l'adrcfle  &:  le  bonheur  poilible,  que 
nous  nous  trouvâmes  enfin  rendus  fur  la  côte  de  la  Cali- 
fornie _,  à  l'entrée  de  la  rivière  de  San-Jofeph.  La  nuit 
étoit  alors  fort  proche  :  réfolu  de  ne  me  rendre  à  San- 
Jofcph  que  le  lendemain  ,  je  me  couchai  fur  le  rivage. 
Ce  fut  alors  que,  jettant  les  yeux  fur  mes  inftruments 
qui  m'environnoient,  6c  dont  aucun  n'avoir  éprouvé  le 
moindre  dommage,  parcourant  en  idée  les  efpaccs  de 
terre  ôc  de  mer  que  j'avois  li  heureufement  traverfés, 
fongeant  fur-tout  qu'il  me  reftoit  encore  un  temps  fuffi- 
fant  pour  me  difpofer  parfaitement  à  mon  obfervation, 
j'éprouvois  à  chaque  inftant  une  facisfadlion  &.  une  joie 
dont  il  m'eft  impoffible  de  donner  l'idée. 

La  nouvelle  de  notre  arrivée  fut  portée  en  peu  de  temps 
à  la  Million  de  San-Jofeph;  on  nous  envoya  aulli-tôc 
des  mulets  :  je  pris  donc  le  parti  de  m'y  rendre,  laifTanC 
M.  Pauly  fur  le  rivage  avec  les  bagages  que  je  ne  pus 
emporter  avec  moi,  mais  qui  furent  transférés  le  lende- 
main. Je  me  hâtai  de  m'établir  à  San-Jofeph  Si.  de  me 
mettre  en  état  de  commencer  mes  obfervations  prélimi- 
naires. J'étois  logé  avec  tout  mon  mond»dans  unevaftc 
grange.  Je  fis  enlever  la  moitié  du  toit  du  côté  du  midi 
pour  y  mettre  Amplement  des  toiles  qui  puflent  s'é- 
tendre &  fe  replier  à  volonté.  Tous  mes  inftruments 
furent  bientôt  drefles  8c  établis  dans  l'état  où  ils  dévoient 
me  fervir  pour  l'obfervation  du  paflage  de  Vénus.  Le 
temps  me  féconda  parfaitement  ;  j'eus  tout  le  loifir  de 
faire  des  obfervations  exactes  6c  multipliées  pour  régler 


EN    CALIFORNIE.  39 

ma  pendule.  Enfin  le  trois  Juin  arriva,  &  j'eus  lieu  de 
faire  i'obfcrvacion  la  plus  complecte  ,  donc  on  va  voir 
les  détails  dans  la  féconde  partie  de  cet  Ouvrage^ 

Le  Lecteur  verra  fans  doute  avec  peine  la  rela- 
tion du  voyage  de  M.  Chappefc  terminer  à  l'endroit  où 
elle  eût  été  la  plus  intérelîante,  par  les  lumières  &.  les 
connoiflances  nouvelles  qu'il  eût  pu  nous  donner  fur  la 
Californie;  mais,ainli  que  je  l'ai  dit  dans  l'avant-propos, 
il  m'a  été  impoUîble  deVuppléer  ici ,  non  plus  que  dans 
bien  d'autres  endroits  de  cette  relation ,  au  filence  de 
l'Auteur;  les  perlonnes  qui  l'ont  accompagné  n'ont  pu 
me  donner  à  ce  iujct  aucune  notion  particulière.  Le  feul 
reflouvenir  qu'elles  aient  apporté  de  ce  pays  fi  fatal, 
€i\  celui  du  trille  événement  de  la  mort  de  Al.  Chappe  : 
je  vais  tranfmettre  ici  le  récit  qu'elles  m'en  ont  fait.  Un 
fujet  aulfi  touchant  ne  pourra  manquer  d'intéreller  le 
le£leur,  ôc  de  renouveller  des  regrets  bien  mérités  dc 
bien  flatteurs  à  la  mémoire  de  Al.  Chappe. 

Il  regnoit  depuis  quelque  temps  au  village  de  San- 
Jofeph  une  maladie  contagieufe,  qui  avoit  enlevé  déjà 
un  tiers  des  habitants  lovlque  Al.  Chappe  y  arriva.  Il  eût 
peut-être  été  facile  de  fe  fouftraire  à  la  contagion  en 
fuyant  de  ce  lieu ,  &:  allant  s'établir  plus  loin  vers  le  cap 
San-Lucas  :  c'eft  ce  que  AlAl.  les  Officiers  Efpagnols  pro- 
poferent  d'abord  ;  mais  il  ne  reftoit  plus  que  peu  de  jours 
jufqu'au  mjomencde  l'obfervationjS:  l'on  eût  perdu,  dans 
un  nouveau  tranfport,  desinftanrs  infiniment  précieux. 
M.  Chappe,  moins  fenfible  au  danger  de  fa  vie  qu'au 
malheur  de  manquer  fon  obfcrvation  ou  de  la  faire 
incompletre,  fignifia  qu'il  refteroit  à  San-Joleph  quoi 
qu'il  dût  en  arriver. 

Chaque  jour  cependant,  la  morr_,  moilTonnant  autour 
de  lui,  l'avertiffoit  du  danger  qu'il  couroit;  mais  chaque 
jour  l'approchoit  du  terme  de  fesvœux,  &  Al.  Chappe 
n'étoic  fenfible  qu'à  cet  objet.  La  joie  qu'il  eut  de  l'avoir 


40  VOYAGE 

rempli  fut,  à  la  vérité,  bientôt  altérée  par  la  vue  du 
trifte  fpe£lacle  dont  il  commença  à  être  le  témoin. 

Dès  le  5  Jum,  c'cft-à-dire  deux  jours  après  robfcrva- 
tion  du  pairage  de  Vénus  ,  Mcffieurs  Doz,  Médina,  & 
tous  lesÊfpagnols  de  leur  fuite,  au  nombre  de  onze  pcr- 
fonnes,  tombèrent  malades.  Ce  ne  fut  plus  alors  qu'une 
confternation  générale  :  les  plaintes  des  mourants,  le 
défefpoir  de  ceux  qui  fe  voyoient  frappés  à  leur  tour  de 
lamaladie,  èi.  qui  n'efpéroicnt  que  Je  fort  commun,  tout 
confpiroit  à  rendre  le  village  de  San-  Jofeph  un  lieu  d'hor- 
reur. Quiconque  a  connu  particulièrement  M.  Chappe 
n'a  jamais  remarqué  en  lui  que  deux  fentiments;  l'amour 
de  la  gloire  ,  6c  celui  de  l'humanité.  Quelle  fituation  que 
celle  où  il  fe  trouva  alors  ,  pour  un  cœur  comme  le  fien  î 
Prefque  feul ,  entre  tous,  que  la  contagion  fembloitrcC- 
pc£ter  jufqu'à  ce  moment,  il  fe  faifoit  un  bonheur  de 
partager  fcs  foins  entre  tous  les  malheureux  qui  l'envi- 
ronnoient;  mais  bientôt  il  fut  lui-même  frappé  de  la 
maladie.  Réduit  à  avoir  befoin  de  ces  mêmes  fccours  qu'il 
donnoit  un  moment  auparavant  aux  autres,  M.  Chappe 
ne  trouva  perfonne  pour  les  lui  adminiftrer.  Meilleurs 
Pauly  &  Noël  écoient  tombés  malades  avant  lui ,  &  fe 
trouvoient  à  toute  extrémité  ;  le  feul  domeftique  de 
confiance  étoitdans  le  même  état  :  tout  le  mondeenun 
mot.  Indiens,  Efpagnols  èc  François,  ou  fe  voyoit aux 
portes  de  la  mort,  ou  bien  s'y  fcntoit  entraîné. 

M.  Chappe  avoir  apporté  de  France  une  petite  phar- 
macie èc  des  livres  de  Médecine.  Devenu  Médecin  par 
occafion  ,  il  avoir  examiné  les  fymptomcs  de  lamaladie; 
&C  feuilletant  enfuite  dans  ces  livres ,  il  y  avoir  cherché  les 
remèdes  convenables.  Mais  il  fe  trouva  bientôt  dans  le 
même  embarras  que  ceux  qui  confultoient  autrefois  les 
Oracles,  dont  la  réponfe  obfcure  renfermoit  plufieurs 
fens  fouvent  contraires,  &  ne  les  rendoir  pas  plus  éclairés 
qu'auparavant.  En  effet,  M.  Chappe  fentant  un  point 
de  côté  vii&lent,  &  ayant  de  temps  en  temps  le  tranfport 

au 


E  N    C  A  L  I  F  O  R  N  I  E.  4, 

au  cerveau,  les  livres  confultés  ordonnoientla  faignée; 
mais  ils  la  défendoient  exprefTément,  &c  indiquoiencles 
purgatifs  ,  dans  le  cas  où  la  maladie  feroic  produite  par 
un  amas  de  bile  :  c'étoit  précifément  le  plus  difficile  à 
diftinguer.  M.  Chappe ,  à  tout  halard,  fe  décida  pour 
les  purgatifs.  Dans  les  moments  de  relâche  que  luilaif- 
foient  les  accès,  il  étoit  obligé  de  préparer  lui-même  fes 
drogues  :  il  n'oloit  fe  fier  à  la  feule  perlonne  qui  reftoit  en 
fanté,  parceque  quelques  jours  auparavant  elle  avoic 
penfé  empoifonner  M.  Noël,  en  prenant  une  drogue 
pour  une  autre. 

Telle  étoit  la  fituation  afFreufe  de  M.  Chappe.  Après 
trois  jours  d'accès  confécutifs,  il  prit  deux  médecines 
qui  lui  firent  les  plus  grands  effets,  &  le  foulagerent  in- 
finiment. Mais  trop  enhardi  par  ce  fuccès,  pouiïe  d'ail- 
leurs par  un  zèle  que  nous  oierons  blâmer  ici,puifqu'il 
étoit  imprudent  j  M.  Chappe  voulut,  le  même  jour  de 
fa  féconde  médecine,  obferver  l'éclipfe  de  lune  du  iS 
Juin. 

On  ne  pourra ,  fans  admiration ,  jctter  les  yeux  fur  les  Seconde  Parc, 
détails  de  cette  obfcrvation.  Il  eft  inconcevable  com- 
ment M.  Chappe,  languifîant,  accablé  parlcsloufirances , 
aff-oibli  par  les  accès  qu'il  venoit  d'ellbyer,  a  pu  donner 
à  ce  phénomène  une  attention  fuivie ,  comme  l'auroit  pu 
faire  le  plus  habile  Obfcrvateur  dans  la  fanté  la  plus  par- 
f<\ite.  M.  Chappe,  à  la  vérité,  put  à  peine  achever  cette 
obfcrvation.  Il  lui  prit  une  foiblcire  ,  ainfi  qu'un  mal  de 
tête  qui  ne  le  quitta  plus  ;  fon  tempérament  robufte 
combattit  encore  quelque  temps ,  mais  ne  fit  que  pro- 
longer fes  foulFranccs:  il  voulut  le  faire  faigner  ;fon  Inter- 
prète, Chirurgien  peu  exercé,  6c  d'ailleurs  en  mauvaife 
lanté,  le  manqua;  mais,  encouragé  par  M.  Chappe  lui- 
même,  il  réuîllt  enfin  à  lui  tirer  quelques  palettes  de 
fang.  Cette  faignée  ne  fit  qu'augmenter  le  mal.  Le  foir 
même  M.  Chappe  crut  fentir  une  obftruclion  ;  il  elTiya 
de  monter  à  cheval ,  &C  fut  un  peu  foulage  :  mais  bientôt 

F 


41  VOYAGE 

les  accès  de  fièvre  le  reprirent,  &  le  réduifirent  dans 
l'état  le  plus  fâcheux  ;  il  louffiroit  les  douleurs  les  plus  ai- 
guës, ôc  manquoit  de  tout  adouciilement.  Le  village  de 
San-Jofeph  n'étoit  qu'un  délert  :  les  trois  quarts  des 
habitants  étoient  morts,  le  relie  avoit  pris  la  fuite  pour 
aller  chercher  un  air  moins  empefté  ;  mais  la  contagion 
s'étoit  déjà  répandue  au  loin.  C'efl:  dans  cet  abandon 
total  que  M.  Chappe  palTa  les  derniers  moments  de  fa 
vie.  Il  expira  enfin  le  premier  Août  au  milieu  de  Mellieurs 
Pauly ,  Noël,  £>c  des  autres  perfonnes  de  fa  fuite,  qui 
avoient  à  peine  elles-mêmes  la  force  de  fe  traîner  auprès 
de  lui,  de  lui  tendre  les  bras,  ôc  de  recevoir  (on  dernier 
foupir. 

M.  Chappe  vit  la  mort  s'approcher  avec  la  fermeté 
&  la  férénité  d'un  vrai  Philofophe.  Le  but  de  fon  voyage 
étoit  rempli ,  le  fruit  de  fon  obfervatîon  ailuré  ;  il  ne 
vit  plus  rien  à  regretter ,  &.  mourut  content.  Le  public  &C 
{es  amis  furent  les  ieuls  qui  perdirent  à  fa  mort.  Leurs 
regrets  font  aujourd'hui  Ion  plus  digne  éloge,  èL  laré- 
compenle  la  plus  flatteuiede  les  travaux. 

MM.  Doz  &c  Médina  s'empreflerent  de  rendre  à 
M.  l'Abbé  Chappe  les  derniers  devoirs.  Le  Curé  ou 
Millionnaire  de  San-Jofeph  étoit  déjà  mort  depuis  long- 
temps, ainfi  que  prefque  tous  les  autres  habitants. 
Efpagnols,  François,  éc  chacun  des  furvivants,  raf- 
femblant  alors  le  peu  de  force  qui  lui  reftoit,  fe 
vit  obligé  de  prêter  {es  mains  au  plus  trifte  des  mi- 
nifteres,  &c  fentitrenouveller  en  ce  cruel  moment  toutes 
les  craintes  6c  les  horreurs  d'un  fi  malheureux  fort.  Parmi 
les  Efpagnols,  M.  Médina  le  trouvoit  dans  un  état  de 
foiblelFe  &  de  langueur  qui  lui  laifloit  peu  d'efpérance  de 
furvivre  long-temps  à  M.  Chappe.  Le fieur  Dubois,  parmi 
lesFrançois,  n'étoit  pas  moins  dangereufement  malade. 
Quant  à  MM.  Doz,Pauly  &  Noël,  leur  fanté  fe  rétablifloic 
de  jour  en  jour.  Malgré  l'impatience  qu'ils  avoient  tous 
de  quitter  San-Jofeph ,  ils  furent  obligés  d'y  relier  encore 


EN     CALIFORNIE.  45 

deux  mois  à  accendre  le  bâtiment  qu'on  étoit  convenu 
avec  M.  Chappe  de  lui  renvoyer  de  San-Blas  pour  le  re- 
paiîer  au  Mexique.  Les  malades  mêmes  nedefiroient  pa^ 
retour  de  la  fanté  avec  plus  d'ardeur,  que  l'arrivée  oe 
ce  bâtiment  ;  on  apprit  enfin  qu'il  venoit  de  m.ouiller 
vis  à-visdeSainte-Annejdansl'aniede  Cer^/vo. MM. Doz 
&  Médina  ,  avec  les  Efpagnols  de  leur  fuite,  à  Tex- 
ception  de  trois  qui  étoient  morts,  fe  rendirent  donc  à 
Sainte-Anne,  ainii  queMeflieursPauly ,  Noël,  ôcledo- 
meftique  de  M.  Chappe.  Quant  à  l'Horloger,  il  ne  put 
être  tranfporté  ;  on  le  lailla  à  San-Jofeph,  en  le  recom- 
mandant à  quelques  Indiens  qui  reftoient  encore  dans 
le  pays,  au  cas  qu'il  pûten  réchapper  :  cependant,  quelques 
jours  avant  de  s'embarquer ,  M.  Pauly  l'envoya  chercher 
pour  le  faire  tranfporter  s'il  étoit  poffible  à  Sainte-Anne , 
&  de  là  fur  le  vaifleau  ;  mais  on  ne  rapporta  que  la  nou- 
velle de  fil  mort,  que  la  douleur  de  fe  voir  abandonné 
dans  un  pays  inconnu  avoit  ians  doute  hâtée.  Nos  voya- 
geurs n'eurent  plus  rien  alors  qui  les  arrêtât  en  Californie. 
Ils  s'embarquèrent  fur  la  Mer  Vermeille,  &c  y  éprouvè- 
rent de  très  gros  temps ,  qui  leur  firent  courir  de  vrais  dan- 
gers :  il  abordèrent  enfin  à  San-Blas.  Là,  M.  Médina  fe 
trouva  dans  l'état  le  pliis  fâcheux.  Depuis  le  moment  où 
il  étoit  tombé  malade  à  San-Jofeph,  il  n'avoit  fait  que 
languir.  Le  fpectacle  de  la  mort  de  M.  Chappe,  la  fa- 
tigue du  tranfport  de  San-Jofeph  à  Sainte- Anne,  &  princi- 
palement de  la  traverfée  de  la  Mer  Vermeille  ,  n'avoient 
fait  qu'aggraver  fon  mal ,  6c  le  conduiiirent  au  tombeau. 
Il  mourut  à  San-Blas  peu  de  temps  après  le  départ  de 
M.  Doz  fon  confrère,  qui  s'étoit  trouvé  obligé  de  le 
quitter  pour  fe  rendre  à  Mexico. 

M.  Médina,  ayant  partagé  les  dangers ,  les  travaux ,  & 
le  malheureux  fort  de  M.  Chappe,  mérite  bien  fans 
doute  d'avoir  part,  avec  l'Aftronome  François,  aux 
éloges   &    aux    regrets    du    public.    L'obfervation  du 

Fij 


44  V    O    Y    A    G    E,  &c. 

pafTage  de  Vénus  ne  fut  pas  faite  avec  moins  de  fuc- 
cès  de  la  part  de  MM.  les  Aftronomes  Efpagnols  que  de 
celle  de  M.  Chappe.  Ce  dernier  d'un  côté.  Meilleurs 
Doz  ôc  Médina  de  l'autre,  chacun  apporta  à  i'envi  tous 
fes  foins  &.  toute  l'adrefTe  dont  il  étoit  capable  à  l'obfer- 
vation  de  ce  phénomène.  Une  noble  émulation  lesfépa-» 
roit  en  ce  moment,  pour  fe  difputer  unfuccès  qui  ne  de- 
voit  tourner  qu'à  l'utilité  du  genre  humain.  Rivalité  des 
Nations ,,  puifliez-vous  n'avoir  jamais  d'autre  but  ! 


Obfcrvanon  de  la  déclinai fon  ù  de  V  inclinai  fou 
de  l'Aiguille  aimantée. 

J'a  I  raflcmblé  ici ,  dans  une  Table  particulière,  toutes 
les  obfervations  que  M.  Chappe  a  faites  en  diflerents 
lieux  fur  la  déclinaifon  &  fur  rinclinaifon  de  l'aiguille 
aimantée.  Les  deux  bouirolcs  qui  y  ont  été  employées, 
font  de  la  conftruclion  du  fieur  Magny  ;  l'une  &  l'au- 
tre exécutées  avec  tout  le  foin  poflible. 

M.  Pauly ,  à  fon  retour,  me  remit  entre  les  mains  la 
bouflble  de  déclinaifon;  l'aiguille  cft  de  fîx  pouces  de 
longueur.  J'en  fis  ufage  pendant  quelque  temps  ,  &  je 
déterminai  fa  déclinaifon  à  l'Obfervatoire  Royal  ,  le 
25  Juillet  1771  ,  vers  trois  heures  après  midi,  de  19°-^. 
Depuis  elle  a  palTé  entre  les  mains  de  MM.  Pingre  &; 
Borda  qui  l'ont  emportée  dans  leur  dernier  voyage  ; 
ce  qui  nous  procurera  une  fuite  curieufe  &  intéreiranre 
d'obfcrvations  fur  la  déclinaifon  de  l'aiguille  aimantée, 
déterminée  dans  un  grand  nombre  de  lieux  différents 
avec  la  même  bouffole. 

Quant  à  la  bouflole  d'inelinaifon  ,  elle  n'a  pas  été 
rapportée  avec  les  autres  effets  de  M.  Chappe,  &.  nous 
la  regrettons  d'autant  plus  ,  qu'il  y  en  a  peu  de  cette 
efpece  qui  foient  bien  exécutées.  M.  le  Marquis  de  Cour- 
tenvaux,  qui  avoit  vu  &  éprouvé  celle  de  M.  Chappe 
avant  fon  départ ,  m'a  affuré  qu'elle  étoic  auffi  parfaite 
qu'elle  pouvoir  être, 

C'eft  communément  par  Tamplitude  du  foleil ,  foie 
a  fon  lever,  foit  à  fon  coucher,  que  M.  Chappe  a  dé- 
terminé fur  mer  la  déclinaifon  de  l'aiguille  aimantée- 
cette  obfervation  eft  ,  comme  l'on  fait ,  beaucoup  pfus- 
facile  ôc  plus  exacte  que  celle  de  l'azimut.  Sur  terre  y. 
comme  au  Havre ,  à  Cadix,  à  la  Vera-Crux ,  M.  Chappe,, 
au  moyen  d'une  méridienne  tracée,  déterminoit  dired:e- 
ment  cette  déclinaifon.  Quant  à  i'inclinaifon  ^  il  l'ob- 


4S  V    O    Y    A     G    E,  &c. 

fervoit  quelquefois  dans  tous  fens  :  il  plaçoic  d'abord  le 
plan  de  la  bouflole  ou  de  l'aiguille  dans  le  vrai  méri- 
dien ;  enfuite  dans  le  plan  du  méridien  magnétique  ; 
&  enfin  dans  un  plan  perpendiculaire  ,  foit  au  méri- 
dien du  lieu  ,  foit  au  méridien  magnétique.  Nous  avons 
eu  foin  d'indiquer  ces  diflerentcs  diretlions  dans  la  Ta- 
ble fuivante. 


JOUKS. 

Longitude 

par  rapport 

à  Pans. 

Latitude. 

Dcclinaifon 

de  l'aiguille 

aimantée 

vers  l'oued. 

Inc 

inaifon  de  l'aiguille  aimantée 
au  dellous  de  l'iioiiion. 

1768 

Dcgt.  Min. 

Dcgr.  Mia. 

Oegr.    Min. 

Ucg. 

Vlin.  vcisle 

Direftion. 

Sept. 

au  Havre - 
de-Grace. 

au    HavreO 
de-Gcace.    \ 

I?     41 

71 

14     Nord. 

Méridien. 

Odob. 

f  66 

jo     Nord. 

Méridien. 

i? 

à  Cadix. 

à  Cadix. 

i>      Il 

C8i 

34     Nord. 
7     Oueft. 

l'ian  magnétique, 
l'erpend.  au  n;érid. 

Dec. 

19 

53          II 

II        13 
1}          0 

64 

jo    Noid. 

Plan  magnétique. 

1769 

Janvier 

I 

iS       ;8 

19       19 

14      IÇ 

î 

17         6 

17       4« 

>4       7 

60 

I     Nord. 

Plan  magnétique. 

7 

>7       47 

17        17 

14     1} 

S 

il          0 

IS        16 

15      57 

60 

t«    Nord. 

Plan  magnétique. 

M 

jo         î 

2;         Il 

8     17 

s? 

;  1     Nord. 

Pl,in  magnétique. 

17 

Î5          • 

i'        33 

8     fo 

18          4 

S'  î4 

7     Nord. 

Plan  magnétique. 

IS 

44       4i 

'     >5 

0     Ouert. 

Peipend.  pi.  niagn. 

14 

4Î        47 

17        13 

I       fO 

iiv. 

I 

Î7        38 

ij        11 

l     3' 

Ç48 

5;     Nord. 

Plan  magnétique. 

1 

ÎS          ' 

'S       >i 

4     10 

>  48 

R4 

^  Y     Nord. 
JO     Oueft. 

Plan  magnétique. 
Peipcnd.  pi.  magn. 

«S      48 

Ç  47 

IÇ     Nord. 
10     Oueft. 

Plan  ni.ignctique. 

7 

IÇ            II 

^8« 

Perpend.  pi.  magn. 

8 

64        50 
7'          ? 

•4     n 

ifi     45 

4      7 
17     30 

i£ 

74        3* 

17     11 

18       0 

«7 

7Î        îo 

•7       47 

4« 

50     Nord. 

Plan  magnétique. 

17 

87       4« 

11        18 

vers  l'eft. 

49 

0     Notd. 

Plan  magnétique. 

Mars 

Ç40 

ç     Nord. 

Méridien. 

»f 

i  Vcra-Crux. 

à  Vcia-Ctux. 

<    18 

ho 

47     Nord. 

Plan  magnétique. 
Perpcndiculane   au 

h» 

}     Oueft. 

plan  magnétique. 

EXPERIENCES 

Sur  la  pefanteur  de  différentes  eaux  _,  &  principalement 
fur  celte  de  mer  ^  depuis  Cad'x  jujqucs  aux  côtes  de 
la  Californie. 

JVloNSiEUR  Lavoifier  lut  en  1768  à  l'Académie  un 
Mémoire  lur  une  manière  de  déterminer  la  peiantcur 
des  fluides  beaucoup  plus  exa£lement  qu'on  ne  l'avoit 
fait  jufqu'alors.  M.  Chappe  fentit  aifément  combien 
cette  méthode  pouvoit  avoir  des  applications  heureufes 
dans  le  voyage  qu'il  alloit  entreprendre  ;  il  pria  en  confé- 
quence  M.  Lavoilier  de  lui  remettre  un  mémoire  inftruc- 
tiFqui  pût  le  guider  dans  ce  genre  d'expérience,  &.  de 
lui  faire  conftruire  un  inftrument  lemblable  à  celui  dont 
il  s'étoit  fervi. 

L'inftrument  qui  futremisenconféquenceàM.l'Abbé 
Chappe  parM.  Lavoifier ,  confiftoiten  un  cylindre  creux 
de  laiton ,  de  4  pouces  de  diamètre ,  fur  une  hauteur  de 
8  pouces  j  ;  le  fond  de  cet  inftrument  étoit  lefté  avec  un 
culot  d'étain ,  dont  la  pefanteur  étoit  telle  que  la  tota- 
lité du  cylindre  étoitprefqueéquipondérableà  l'eau.  La 
partie  fupérieure  de  cet  inftrument  étoit  furmontée  par 
une  tige,  laquelle  fupportoit  un  petit  baflin  de  balance. 
Cet  aréomètre  n'étoit  autre  chofe  que  celui  décrit  par 
Farenhcit  dans  les  T ranf actions  Philofophiqucs ,  année 
1724,  n°.  384;  à  la  différence  feulement  qu'au  lieu  d'être 
exécuté  en  verre  ,  il  étoit  conftruit  en  métal,  que  le 
volume  en  étoit  beaucoup  plus  confidérable  ,  &  qu'on 
avoit  cherché  à  lui  donner  une  forme  portative,  ôc  peu 
embarraftante  en  voyage. 

Cet  aréomètre  pefoit très exa(flement4 livres,  i  once, 
4  gros ,  40  grains. 

Lorfqu'on  le  plongeoitdans  de  l'eau  diftii'éeà  14  de- 
grés-^ du  thermomètre,  on  étoit  obligé  d'ajouter  pour 


48  VOYAGE 

le  faire  enfoncer  jufqu'à  une  marque  gravée  fur  la  tige , 
de  le  charger  d'un  poids  de  i  gros  7  grains  juftes  ;  c  eft- 
à-dire qu'il  déplaçoic 4 livres,  i  once,  5  gros,  47  grains 
d'eau  diftillée  à  14  degrés  ^  du  thermomètre  de  M.  de 
Réaumur. 

Cet  inftrument,  tout  exadb  qu'il  étoic,  ne  pouvoic 
donner  que  le  rapport  des  pclanteurs  des  difFérents  flui- 
des, ôc  cette  pefanteur  relative  ne  luffifoitpas  pour  rem- 
plir l'objet  que  M.  l'Abbé  Chappe  avoit  en  vue;  il  étoit 
nécefl'aire  qu'il  pût  les  rapporter  à  un  volume  confiant, 
&  c'eft  à  quoi  il  ne  pouvoit  parvenir  qu'en  déterminant 
d'une  manière  cxa6le  la  pefanteur  abfolue  d'un  fluide 
quelconque.  M.  Lavoifier  s'étoit  occupé  de  cet  objet 
long-temps  avant  le  départ  de  M.  l'Abbé  Chappe,  Se  il 
lui  avoit  communiqué  le  réiultat  de  Tes  expériences  ;  il 
ne  les  a  pas  encore  publiées.  La  pefanteur  du  pied  cube 
d'eau  diftillée  à  14  degrés-;^  du  thermomètre,  étoit,  fui- 
vant  la  note  qu'il  en  avoit  remife  à  M.  Chappe,  de 
6^  livres,  15  onces,  i  gros,  13  grains. 

Il  n'étoit  pas  difficile,  d'après  cette  détermination,  de 
calculer  quel  étoit  le  rapport  de  volume  du  pefe-liqueur 
à  celui  du  pied  cube;  il  fut  trouvé  de  37847  à  644619, 
d'où  il  fut  conclu  qu'un  grain  ,  fur  le  badin  du  pefe- 
liqueur,  répondoità  17,  0315  fur  le  pied  cube  ;  en  confé- 
quencedequoi,  M.  Lavoifier  conflruifit  pour  M.  l'Abbé 
Chappe  une  table  pour  rapporter  au  pied  cube  les  difl?e- 
renccs  obfervées  fur  le  pefe-liqueur. 

Il  reftoit  encore  une  autre  difficulté  à  vaincre  ,  &  ce 
n'étoit  pas  la  moins  confidérable  :  on  fait  que  l'eau 
change  de  volume  &  de  poids  fuivant  qu'elle  ell  plus  ou 
moins  chaude  ;  mais  ce  que  l'on  ignoroit  encore,  c'efl 
que  la  loi  qu'elle  fuit  dans  fa  dilatation  6c  dans  facondcn- 
fation  n'a  aucun  rapport  à  ce  qui  s'obferve  dans  les  au- 
tres fluides ,  &  notamment  dans  ceux  que  nous  em^ 
ployons  pour  nos  thermomètres. 

JVI.  Lavoifier  avoic  levé  cette  difficulté  en  calculant , 

pour 


EN    CALIFORNIE.  49 

pour  le  volume  du  pefe-liqueur  de  M.  TAbbé  Chappe, 
une  table  de  correction,  pour  réduire  toutes  lespefanteurs 
trouvées  en  celle  qu'on  auroit  eue  à  14  degrés  -^  du  ther- 
momètre de  M.  de  Réaumur.  Cette  table  s'étendoit  de- 
puis douze  degrés  jufqu'à  z}  ;  elle  avoit  été  conftruite 
d.'après  des  expériences  très  multipliées  qui  n'ont  pas 
encore  été  publiées,  &  qui  feront  partie  de  l'ouvrage 
de  M.  Lavoilier  fur  cette  matière. 

Le  iuccès  des  opérations  de  M.  Chappe  fuppofoic 
encore  qu'on  n'emploieroit  que  des  thermomètres  très 
exatfts,  ou  au  moins  dont  la  marche  feroitparfiitemenc 
connue  :  il  s'étoit  muni  en  conféquence  de  deux  ther- 
momètres portatifs  ,  l'un  conftruit  par  Gallonde,  6c 
l'autre  par  Capy;  ils  avoient  été  l'un  &;  l'autre  comparés 
fur  un  troifieme  deGallonde,  qui  étoit  refté  à  Paris  ^  & 
qui  eft  encore  entre  les  mains  de  M.  Lavoificr.  Enfin 
comme  il  étoit  poffible  que  dans  le  cours  du  voyage 
i'inftrument  éprouvât  des  chocs  qui  y  produififlent  des 
enfoncements  èc  des  boffes ,  Al.  l'Abbé  Chappe  avoic 
emporté  avec  lui  de  l'eau  diftillée ,  afin  d'être  en  étac 
d'en  vérifier  fouvent  le  volume. 

Nous  ne  ferons  qu'effleurer  ici  ces  différents  objets, 
parcequ'ils  feront  traités  dans  toute  leur  étendue  dans 
l'ouvrage  que  M.  Lavoificr  fe  propofe  de  publier  ;  nous 
ne  nous  fommes  même  déterminés  à  en  parler  ici  qu'afin 
que  le  public  fût  bien  convaincu  que  M.  l'Abbé  Chappe 
n'avoit  rien  négligé  de  ce  qui  pouvoir  contribuer  à  met- 
tre de  l'exactitude  dans  les  réfultats  ;  c'eft  d'après  ces 
mêmes  confidérations  que  nous  avons  cru  devoir  publier 
dans  tout  leur  détail  les  calculs  5c  les  expériences  de 
M.  Chappe.  Il  eft  bon,  en  fait  de  Phyfique,que  le  public 
ait  entre  les  mains  toutes  les  pièces  ;  qu'il  puifTc  juger 
par  lui-même,  &  avec  connoiiTance  de  caufe  ,  indépen- 
damment de  toute  hypothefe. 

Il  ne  refte  plus,  après  avoir  indiqué  les  moyens  que 

G 


50  VOYAGE 

M.  l'Abbé  Chappe  a  employés ,  qu'à  joindre  ici  quelques 
réflexions  fur  le  réfulcat  de  fes  expériences. 

On  verra  d'abord  dans  le  commencement  de  la  Table 
que  de  deux  épreuves  qu'il  avoir  faites  à  Cadix  fur  de 
l'eau  diftiiléc,  une  donne  une  différence  en  moins  de 

I  grain,  l'autre  une  différence  en  plus  de  ~  de  grain. 
Ces  différences  font  peu  confidérables  en  elles-mêmes, 
puifqu'elles  ne  forment  qu'une  erreur  de  77—  fur  la 
maiïe  pefée  ;  elles  font  néanmoins  beaucoup  plus  fortes 
que  la  précifiondel'inftrument  nedevroitle  comporter. 

II  y  a  toute  apparence  qu'il  s'eft  glilfé  quelque  légère  erreur 
dans ladétcrminationde  la  température  :  une  erreur  d'un 
fixieme  de  degré  fur  le  thermomètre  fufîîroit  pour  ex- 
pliquer cette  différence.  Se  il  efl  difficile  de  répondre 
qu'il  n'ell  point  arrivé  un  aufîi  léger  changement  dans 
la  température  pendant  le  temps  même  de  l'expérience. 
Au  refîe,  comme  la  pefanteur  déterminée  k  Paris  oc- 
cupe précifément  le  milieu  entre  celles  faites  à  Cadix 
par  M.  l'Abbé  Chappe,  &C  que  d'ailleurs  on  a  toutes 
fortes  de  raifons  de  la  croire  plus  exadle  que  les  deux 
autres,  on  s'en  eft  fervi  dans  toutes  les  opérations,  & 
on  a  fuppofé  la  quantité  d'eau  diftillée,  déplacée  par 
l'aréomètre ,  à  1 4  degrés  1^  du  thermomètre ,  de  4  livres , 
I  once,  5   gros,  47  grains. 

Indépendamment  de  ces  premières  réflexions,  on  pourra 
conclure  en  parcourant  les  différentes  colonnes  de  la 
table , 

i**.  Qu'en  général  l'eau  de  la  mer  diffère  peu  de  pe- 
fanteur dans  rétendue  que  M.  l'Abbé  Chappe  a  par- 
courue. 

i^.  Qu'à  Cadix  le  pied  cube  de  cette  eau  s'efl  trouvé 
de  4  à  5  gros  moins  pefant  qu'en  pleine  mer,  ce  qui  vient 
fans  doute  de  la  petite  portion  d'eau  douce  que  les  fleuves 
&  les  ruilfeaux  mêlent  à  l'eau  de  la  mer  dans  le  voifi- 
nage  des  côtes. 


RÉSULTAT  des  Expériences  de  M.  Chappe  fur  la  pefanteur  de  l'eau  douce  ô  de  l'eau  de  mer. 


Page  50. 


Daces 
des 
expé- 
riences, 
Mois 

& 
Jours. 


LongituJ, 


Latitude. 


Nature  de  l'eau 

mife 
en  expérience. 


1768 


Dec. 
6 


M 
«7«9 
Janv. 

5 
17 
»4 

Fév.  1 
4 
4 
f 
J 
6 

7 


Dcg.  Min.  Dcg.  Min, 


8     34 


36     31 


Expérience  faite  à 
Paris  fur  de  l'eau 

diftiliéc. 

Autre  ezp.  faite  a 

Cadix  fur  la  même 

eau  didillée. 

Troifieme    expér. 

faite  à  Cadix  fur  la 

même  eau. 


Eau  de  pluie  reçue 
dcsgout  &  ramaf 
dans  une  cit.  à  Cad. 
Seconde  expérien- 
ce fur  la  même 
eau. 

Eau  de  Sainte-Ma- 
rie à  Cadix. 

Eau  de  merpuifée 
à  Cadix. 

Autre  expérience 
fur  l'eau  de  mer 
à  Cadix. 


I 

0 

30 

0 

357 

1} 

44 
48 

59 

S'- 

»4 
54 

I 

61. 

7 

fit 

7 

«1 

Î4 

fil 

J4 

fi4 

«5 

6$ 

48 

17 

39 

44 
3« 

II 
8 
8 
15 
»3 
17 
15 


Eau  de  mer. 

Eau  de  mer. 
Eau  de  mer. 
Eau  de  mer. 

Eau  de  mer. 


Tempéra- 
ture de 
l'eau  mife 
en  expér. 


,.  r  III  Correélion 

Pefanieur  du  volume  !^^^^,j^;^ 

'l^'"""»^V"i"' la  pefanteur 
perience    ,    déplace  1     '      / 
f      ,        r   ,■    '^  trouvée  en 

par  le  pefe.hqueur  ,1,11      u-o^ 
a  la  température  m-  ^^^    ^(^^^^ 

à  i4deg  î^ 
du  therm. 


température  ... 
diquéc  par  la  colon, 
précédente. 


Degrés. 


14 


13     fô 


14     ^ 


II 


10      ïV 


II 


II      T5 


16  ii 

19  rs 

il  -h 

ij  o 

11  rs 

Il  1^ 

Il  Ti 

15  -h 

Il  -ê, 

14  o 


IV.  onc.  gr.  grams. 


4  X  5  47  O 

4  I  5  jS  o 

4  I  j  51  8 

4  J  5  fiO  I 

4  I  j  fil  ; 

4  1  j  fi;?  o 

4  J  4  »7  o 

4  3  4  13  o 


4     3     4     11     o 

4     3      4     fi4     o 
4      3      3      fifi     î 


4  3 

4  3 

4  3 

4  J 

4  } 

4  3 


43  o 

13  o 

14  o 
14  o 

10  o 

1  o 


Pefant.  du  vol. 
de  l'eau  mife  en 
expér.   déplacé 
par  le  pefe-liq 
à  I4degr^ 
du  thermo- 
mètre. 


4     5     1     71     o 
4     3     3      '4     o 


Grains. 


liv.  onc  gr.  gr. 


—  10  T 


—     66 


+     »   5 


—  Il  8 


—    10   I 


—  10  4 


-h  II  4 

•+■  17  P 
4-  30  i 

+  jy  4 
-+-«14 

4-  51  o 

+  54  9 

+  J8    I 

4-  fil  î 

+  «7  9 

4-  59   i 


3 


fi9      5    '    +  7)  7 


Pefant.  du  vol. 
d'eau  dillillée  , 
déplacé  par  le 
même  initrum, 
également  à  14 
degrés  —  du 
thermomètre. 


DifTcrence. 


liv. 


4  I  5  47  o 
4  ï  y  47  9 
4  I   J  46  o 

4  I   5  fil   4 

4  I  î  fil  3 
4  I  î  ;fi  1 

4  3  4     «  9 

4  3  4     1  fi 


4  3  4  13  4 

4  3  4  19  9 

4  j  4  14  7 

4  3  4  ifi  4 

4  5  4  II  4 

4  3  4  41  o 

4   3  3   68  5 

4   5  3   68    I 

4  5  3   «4  5 

4   3  3   fi6  J 
43411 

4  3  î   71    i 


Différence 

rapportée  au 

pied  cube. 


Pefanteur 

du  pied  cube 

de  l'eau  mife  en 

expérience  314 

degrés  7^  du 

thermomètre. 


Circonftances  des 
expériences,  &  au- 
tres obfervations. 


onc.  gr.  gr.  on.  gr.  grain.  liv.  onc.  gr.  gr.  liv.  onc.  gr.  gr. 


4  ï  5  47  o 
4  I   5   47  o 

4  I  ;  47  o 
4  ï  î  47  o 
4  I   5  47  o 


4  I  ;  47  o 

4  I  J  47  o 
4  I   î  47  o 

4  I  5  47  o 
4  I  ;  47  o 
4   I   5  47  o 

4  I  5  47  o 
4  I  5  47  o 
4  I  5  47  ° 
4  i  ;  47  o 
4  I  J  47  o 
41    5  47  o 


14.4 

14  3 

9   l 

16319 

I    6  17   6 


I  fi  48   4 

I  fi  44  9 

I  fi  49  7 

I  fi  51   4 

I  fi  37  4 

I  fi  19  o 

I  fi   II  9 

I  fi  II    I 

I  6   17   5 

I  6   ip  9 

I  6   16   1 

I  6  14  1 


0  0      3    1J,| 

3  17  7 
X  II  7 
14  fi     o  I 

14  4  71  6 


IJ    I    6J    1 

15   I     5  5 
iJ   i   li  4 


69  IJ  I  13,0 


fi?  IJ   I  18  5 


69  ij  0  68  o 


Ces  ex[i<iien(et  ayim 
^t^  faites  ^  terre  &  avec 
.des  attentions  très  re 
cherchées,  ofi  n'a  pas 
lieu  d'y  toup^onncr 
d'uicui. 


Cette  em  ,  4'après  le: 


^  *.     «..ertc  eag  ,  p-aprcs  tes 

*9    15    4   41    3   lcxp(!t.   de  M.  Cliavpe, 

#  ix   !cs  tables  de  M.  La- 

^voifici  »    comenoit  par 

^livnc  cnvit.  d(.u.<<  grains 

y_    ,  -     .     ..^    -V'te  fdUnlte  ,  &  autant 

69    '5    4  40   7  J  Je  ici  marin. 


€9  15  3 
71  13  7 
71    13   fi 


I 
15  7  1 

f  < 

*■    t 

V 

Tl   o    ' 


Ces  expirionces  lyam 

été  Jaitcs  à  ttire   avec 

'*■  toutes   ks    précautions 

'       néftlTaires,  on  A'.i  p.is 

lieu   d'v    foi'p^onni 

d'citaur, 


■ 


IJ 

1 

44 

i 

14 

7 

11 

8 

H 

11 

7 

14 

45 

7 

14 

31 

I 

14 

41 

9 

14 

II 

7 

14 

4 

47 

0 

14 

4 

30 

0 

71  »4  3 

71  14  1 
71  '4  3 

71  14  5 
71  14  o 

71  13  6 
71  13  4 
71  13  4 
71  13  3 
71  15  4 

71  ï3  5 
71  '3  5 


'■ 

6 

18 

S 

18 

4 

57 
34 

1 
8 

35 

7 

58 

7 

45 

I 

55 

9 

14 

7 

60 

0 

43 

0 

■Incfrtj'ude  ct'onvïron 
If  grains  fut  le  pied 
cube  ,  À  caufe  d'un  peu 
de  Loulis. 


Temps  p:\rfaUeincnt 
calme.   Expér,    cxadc 

Expérience  4xaél«. 

Vn  peu  deroulis.  Tn- 
ccrri  udede  iogtainsfui- 
le  pied  cube. 

Inccrtit.  de  lo  grains 
fur  le  pied  cube. 

Expérience  «.^.iiîtc. 


Expér  knoe  exaae. 

Tnccrtitadftdc  lo  ;i  30 
gr.iiiis  à  «auCe  du  roulis. 

Inccr  îtudeJc  10  5  îc 
gritinsà  caufcdu  roulis. 

Inccnt'-.  de  to  grains 
furl«:  piijd  ciib:. 

Tnccriitunc.'.c  30.^  40 
gruins  a  cîulcdu  rouli, 


Suite  du  Rifuhat  des  Expériences  de  M.  Chappe  fur  la  pefanteur  de  l'eau  douce  &  de  l'eau  de  mer. 


Dates 
des 

expé- 
riences 

Mois 
& 

Jours. 

Longitud. 

Latitude. 

Nature  de  l'eau 

mife 
en  expérience. 

Tempéra- 
ture de 
l'eau  mife 
en  expér. 

Pefanteur  du  volume 
de  l'eau  mife  en  ex- 
périence ,     déplacé 
par  le  pefe-liqueur, 
a  la  température  in- 
diquée par  la  colon, 
précédente. 

Correélion 
pourréduir 
lapcfanteur 

trouvée  en 

celle  qu'on 
aur.  obten. 
à  14  deg. -^ 

du  therm. 

Pefant.  du  vol. 
de  l'eau  mife  en 
expér.   déplacé 
par  le  pefe-liq. 
à  14  degrés^ 
du  .thermo- 
mètre. 

Pefant.  du  vol. 
d'eau  diftillée, 
déplacé  par  le 
même  inftrum. 
également  à  14 
degrés  —  du 
thermomètre. 

Différence. 

Différence 

rapportée  au 

pied  cube. 

Pefanteur  du 
pied  cube  de 
l'eau  raife  en  ex- 
périence à  i4de- 
grés  rs  <ltt  ther- 
momètre. 

Circonftanccs  des 
expériences,  &  au- 
tres obfeivations. 

1-J69 

Deg.  Min. 

Deg. 

Min. 

Degrés. 

liv.  onc.  gr.  grains. 

Grains. 

liv.  onc.  gt.  gr. 

liv.  onc.  gr.  gr. 

on.gr.  giam. 

liv.  onc.  gr.  gr. 

liv.  onc.  gr.  gr. 

Février 

Eau  de  mer  puifée 

8 

«4     51 

14 

H 

après  avoir  palTé 
les  iries. 

Eau  de  mer. 

11 

8 
te 

4     3      3      15     5 

4-  Î9.  1 

43407 

4  I   î  47  0 

I   6  iî,7 

I    14  4  38, « 

71  13  ;  51,6 

Expérience  exafte. 

9 

66     14 

If 

1 

11 

6 

4     3      3     10     0 

+  Î7   1 

4  3  4     î   I 

4  I   5  47  0 

I    6    30    I 

I   14  J  41   4 

71   13   6  j4  4 

Tncertit.  de  60  grains 
fur  le  pied  cube  à  caule 

du  roulis. 

10 

6i     II 

'î 

17 

«       .       . 

11 

s 

JO 

4    3      3     14     5 

+  Î9   1 

43417 

4  I   j   47  0 

I    tf    1«  7 

I   14  4  55   6 

71    13    5   *8  6 

Incettit.    de  10  à  50 
grains  fur  le  pied  cube. 

II 

69     51 

11$ 

II 

.       ,       . 

11 

_7_ 
1  0 

4    3     5     it     î 

+  JS   I 

4  3   3  70  « 

4  I   î  47  0 

r  <  15  < 

I   14  4     15 

71   1}  J   ly  j> 

Inccrtit.  de   10  â  ii 
grains  fur  le  pied  cube. 

II 

70     19 

16 

30 

• 

M     ii 

43370 

+  tfi  J 

4  3    3   «9   J 

4  I  7  47  0 

I  ^  11  y 

I   14  3   56  0 

71   13  4  «9  0 

Expérience  tics  exaae. 

13 

71        9 

16 

4î 

Eau  de  mer. 

13    -h 

4    3     1     71     0 

-h  66  S 

4  3    5   «.f   8 

4  I   f  47  0 

I  £  18  8 

I    14   1   ^y   0 

7r  ij  4     60 

Incertitude  de  }o  à  40 
grains  à  caufe  du  roulis. 

14 

71     14 

'7 

1 

. 

13     ^ 

4     3      3     00     0 

+  6,  7 

4  3   3   <^5  7 

4  I   y  47  0 

I  «  i8  7 

I    14   1   65    3 

7'   13  4    4  3 

Obfcrvation  exadc. 

IJ 

74     42- 

'7 

10 

.       4       . 

it     -à 

4    5     3     li    0 

-t  46  0 

4  3   3  ;8  0 

4  I   5  47  0 

I  ^  II  0 

I    14   I   4      I 

71   13   1  17  I 

Incertitude  de  lû  à  50 
gtains. 

iC 

74     3« 

»7 

11 

Eau  de  mer  puifée 
à  la  vue  des  terres. 
Eau  de  mer  puifée 

^3     -h 

4    5     i     71     0 

+  70  0 

4  3    i  69  0 

4  I   J  47  0 

I  tf  11  0 

I   14   3   47   5 

71   13  4  tfo  y 

t 

Expciience  tccsexaâe. 

* 

i8 

^6     17 

18 

II 

proche  du  cap  Ti- 
beron. 

ij       0 

4    3     5     II    0 

+  61  4 

43414 

4  I  ;  47  0 

i   é  i6  4 

I    14  4  50  4 

71   15  5  «3  4 

Incertitude  de  10  à  ;o 

gtains. 

11 

80     1/ 

ï? 

40 

"     ^ 

4    3     3     ï5     0 

-t-   }8    I 

4  }   J   71   » 

4   '   î  42  0 

1  6  14  1 

I    14  4   II   1 

71   15  y  14  1 

Incertitude  «le  jo  à  40 
gtains. 

11 

81       6 

19 

34 

S     .     : 

"      i 

4    5     3     13     0 

+  48    I 

4  5    3   «I    1 

4  I  J  47  0 

I   6  14  I 

I   14  I  ;j  9 

71  13  1  69  9 

Incertitude  de  10  à  S^ 
gtïins. 

»7 

87    4< 

11 

18 

•          •          • 

"     Tï 

4    3     3     10    0 

-i-  41  6 

4  3   3   61  é 

4  I  5   47  0 

1   6  is  6 

t  14  1  10  (î 

71  13   3  13  < 

18 

Mars 

89     14 

11 

18 

•          •         • 

"     1^ 

4     3     î     *3     o' 

■+■  48   I 

4  5    5  7»    » 

4  I   î  47  0 

1   tf  14  I 

I   14  4  II   1 

71  13  y  14  i 

Expct.  exaSe.  Le  fond 
à  trente  btaffcs. 

X 

«          *          ■ 

Eau  de  mer  puifée 

"   -êé-. 

4    3     )     33     0 

+  46  1 

43471 

4  I   î    47  0 

I   tf   31  1 

I   14  6     J  1 

71   13   7  18  t 

Incertitude  de  jo  ôu  40 
gtains.  Le  fonda  14  br. 

ru    0 

14 

0 

dans  la  Mer  Ver- 
meille. 
EaudeSan-Jofeph 
enCalifornie.dela 

131     0 

4    j     1     50    0 

+  61  3 

4  3   3   39   î 

4  I  i  47  0 

I   y  «4  ; 

I   13  4  4J  7 

71  II  y  y8  7 

Expérience  très  cxifte. 
.   Cette  eau  ,  d'aptes  les 

I  evpcncnces  tiues    par 
\m.  l'Abbé  Chappe,  & 

m    I 

»J 

3 

rivière  la  plus 
près,  que  j'ap- 
pelle A. 
Eau  de  San-Jofeph 

14     1^ 

4    I     4     <f?     0 

+  78  <î 

4  I  <f     3   6 

4  I    5   47  0 

18  6 

^  5S   5 

°9    ')    7    "^    )  S  fier ,  contient  pJi  chaque 
M  lÎTre  9  grains  deux  tiers 
W  de  .ei  marin,  &  quelques 
V  veltiges  defel  dcGIauter. 

1      Cette  csa ,  d'aptes  I  es 

en  Californie  ,  de 

la  rivière  la  plus 

^^ 

( 

^  cxpcrien.  de  M.  Chappe, 
l  Sx.  les  tables  de  M.  La- 

éloignée,  que  j'ap- 

X4   -h 

4    I     4     tfj     4 

-f-  79  0 

4  I   <f     4  4 

4  I   J  47  0 

19  4 

6  6S  7 

70     0  0    9  7^ 

1  voilier  ,   contient    par 
livre  d'eau  neuf  grains 

pelle    B,    &    qui 
pafle  pour  la  meil- 

1 trois  quarts  de  fcl  marin. 

( 

"  .>c  quelques  vertiges  dc 
..U'IdeGlaubcr,        ^ 

leure. 

f    Cette  esu  contient  fut 

%  grains  trois  quarts  de  fcl 

tfo    I  f    tf      4.   0<  '""■'"  P'f '^'^^l'": ''"T":. 
^        -'             ~        J  &  quelques  vcfliiîcs  de 
V  fcl  de  Glaubcr. 

Eau  de  San-Jofeph 

en  Californie,  de 

la  5°  rivière. 

M    -i^ 

4     I     j       19 

+  «J  7 

41    5  «7  « 

4  I   î  47  0 

10  6 

4  «5  p 

EN    CALIFORNIE.  51 

3°.  Qu'à  compter  du  31  Odbobre,  jour  où  M.  Chappe 
ëtoit  par  i  degré  de  longitude  &;  30  degrés  de  latitude, 
jufqu'au  18  Février  où  il  étoic  par  89  degrés  de  longi- 
tude &  21  de  latitude,  la  pefanteur  a  toujours  été  arfez 
uniformément  en  diminuant,  &L  que  la  différence  de  la 
plus  grande  à  la  moindre  a  été  environ  d'une  once  fur 
le  pied  cube. 

4".  Que  le  changement  de  pefanteur  paroît  plutôt 
relatif  à  la  différence  en  longitude  qu'à  la  différence  en 
latitude,  ce  qui  fembleroit  annoncer  que  la  pefanteur 
de  l'eau  de  la  mer  diminue  en  allant  de  l'eft  à  l'oueft. 

5".  Que  M.  l'Abbé  Chappe  n'ayant  parcouru  qu'une 
médiocre  étendue  en  latitude ,  on  ne  peut  prononcer 
encore  d'une  manière  très  pofitivefur  l'augmentation  ou 
la  diminution  de  falure  de  l'eau  de  la  mer,  en  appro- 
chant de  l'équateur,  mais  qu'il  paroît  en  général  qu'elle 
diminue  plutôt  qu'elle  n'augmente,  au  moins  dans  les 
parages  que  M.  l'Abbé  Chappe  a  parcourus, 

6".  Qu'à  la  vue  des  terres  de  la  Californie  la  pefan- 
teur à  paru  fenfiblement  augmenter.  Cette  dernière  ex- 
périence eft  affcz  finguliere  ;  elle  tient  fans  doute  à  la 
difpofition  des  cotes  qui  fourniffent  apparemment  moins 
d'eau  douce  que  l'évaporation  n'en  enlevé;  au  refte  cette 
expérience  eft  unique ,  &  M.  l'Abbé  Chappe  n'a  pas  été 
à  portée  de  la  répéter. 

7".  Enfin,  que  dans  la  Mer  Vermeille  l'eau  eft  fen- 
fiblement plus  légère  que  dans  la  partie  de  la  Mer  du 
Nord  que  M.  Chappe  à  parcourue  ;  ce  qui  s'explique 
très  naturellement  à  caufe  des  grands  fleuves  qui  fe  dé- 
chargent dans  cette  efpece  de  golfe. 

M.  de  Borda  s'eft  muni ,  dans  le  voyage  qu'il  a  entre- 
pris par  ordre  du  Gouvernement  relativement  au  prix 
propofépar  l'Académie  pour  les  longitudes,  d'un  aréo- 
mètre de  même  conftruclion  que  celui  de  M.  l'Abbé 
Chappe ,  à  la  différence  feulement  qu'il  eft  un  peu  moins 
fenfible.  Ses  expériences  fixeront  probablement  nos  idées 

Gij 


5i  VOYAGE 

à  cet  égard  ;  elles  auront  l'avantage  d'avoir  été  faites 
dans  une  étendue  beaucoup  plus  grande  en  latitude. 

Il  feroit  à  fbuhaiter  que  les  Phyficiens  s'attachafl'ent , 
dans  les  voyages  de  long  cours ,  à  enrichir  la  Phyfiquc 
de  nouveaux  faits  en  ce  genre;  ils  pourroient  un  jour 
conduire  à  des  conféquences  importantes  (i). 

(i)  C'eft  M.  Lavoifier  qui  a  bien  voulu  rédiger  lui-même  cet  ar- 
ticle des  expériences  de  M.  Chappe  fur  la  pefanteur  des  eaux  ; 
f  eribnne  ne  pouvoi(  mieux  s'en  acauiccei  que  lui. 


EN    CALIFORNIE. 


53 


Expériences  des  thermomètres  plongés  dans  la  mer, 

J_iE  3  Janvier  17(39  ,  proche  des  ifles  Canaries,  par 
17°  4'  de  longitude,  ôc  17°  40'  de  latitude,  on  defcen- 
dit  dans  la  mer,  à  la  profondeur  de  100  bralTes  ,  un 
thermomètre  enveloppé  dans  de  la  toile  ,  un  autre  à  la 
profondeur  feulement  de  quatre  pieds,  &  un  troifieme 
rcfta  à  bord  expofé  à  l'air  libre. 

Au  bout  d'une  heure  on  retira  les  thermomètres 
jîlongés  ;  celui  qui  n'étoit  enfoncé  que  de  4  pieds  à  la 
lurface  de  la  mer,  marquoit  17°  ,  i;  celui  du  fond  , 
i3°i,&:  celui  du  bord  18°  {. 

Le  5  Janvier,  à-peu-près  au  même  lieu,  on  retira 
les  thermomètres  plongés  au  bout  de  deux  heures. 

Thermomètre  du  bord  ....     18®. 

Thermomètre  de  la  furface.  .    17—. 

Thermomètre  du  fond 1 3  -îr- 

Le  13  Janvier,  par  30°  5'  de  longitude,  &;  23°  iz'de 
latitude. 

Thermomètre  du  bord  .  .  .  .   i-j  ^. 

Thermomètre  de  la  furface  .  .   1 8  4-- 
D'après  ces  expériences,  nous  voyons  donc  qu'à  cent 
brafles  de  profondeur  la  différence  de  la  température  de 
la  mer  avec  celle  de  l'air  fupérieur   eft  d'environ  4°  \. 
Mais  cette   différence  eft- elle  la  même   dans  tous  les 
temps,  dans  tous  les  lieux,  à  différentes  profondeurs?  Jul^ 
qu'à  quel  termel'air  extérieur  peut-il  influer  ?  C'eft  ce  que 
des  expériences  bien  exactes ,  fuivies  &  répétées,  auroienc 
pu  nous  apprendre  ;  malheureufement  celles-ci  font  en 
trop  petit  nombre  pour  que  l'on  puiffe  en  rien  conclure. 
Je  joins  ici  une   autre    expérience   que    fît    encore 
M.  Chappe.    11  boucha  parfaitement  une  bouteille,  Se 
après  en  avoir  recouvert  le  bouchon  avec  de  la  poix ,  il 
la  defcendit  à  500  pieds  de  profondeur  dans  la  mer.  Au 
boutd'un  quart  d'heure,  l'ayant  retirée _,  il  trouva  le  bou- 
chon abfolument  enfoncé  dans  la  bouteille» 


54 


VOYAGE 


Extrait  d'une  lettre  adrejjee  de  Mexico  a  l'Acadé- 
mie Royale  des  Sciences ,  par  Don  Jofeph  Antoine 
de  Al'iate  y  Ramyre^  ,  aujourd'hui  Correfpondant  de 
ladite  Académie  ,  contenant  des  détails  intérejj^ants fut 
l'hifloire  naturelle  des  environs  de  la  ville  de  Mexico  (  i  ). 

iVI.  E  s  s  I  E  U  R  s , 

Le  départ  de  M.  Pauly  pour  Paris  me  procure  l'occa- 
fion  favorable  de  vous  envoyer  différentes  curiofités  de 
ce  pays  (2),  Je  crois  devoir  y  ajouter  une  explication 
que  je  foumets  toutefois  à  votre  jugement  &;  à  vos  lu- 
mières. 

La  mort  de  M.  Chappe  m'a  été  on  ne  peut  pas  plus 
fenfible.  La  Nouvelle  Elpagne  a  perdu  en  lui  un  fujec 
dont  les  lumières  euflent  beaucoup  contribué  à  faire 
connoître  mille  curiofités  naturelles  enfevelies  ici  dans 


(i)  Cette  lettre  ,  écrite  en  Efpagnol,  fut  remife  à  rAcadèmie 
par  M.  Pauly,  en  même  temps  que  les  papiers  de  M.  Chappe  : 
M.  Pingre  fut  chargé  de  la  traduire  en  François  pour  en  faire 
letture  dans  une  de  nos  alTemblées  particulières.  C'eft  cette 
traduârionque  je  fuivrai  ici,  à  quelques  changements  près  ,  qui  ne 
portent  que  fur  l'ordre  ,  le  ftyle  ,  &  quelques  tournures  de  phrafes  , 
mais  nullement  fur  le  fond  des  chofes.  J'ai  cru  auffi  devoir  fupprimer 
tout  ce  qui  fe  trouve  dans  cette  lettre  d'étranger  à  l'hiftoire  naturelle, 
ou  peu  intérelTant  pour  le  public. 

(z)  La  caiiïe  qui  contenoit  les  différents  m.orceaux  d'hiftoire 
naturelle  que  Don  Alzate  annonce  ici ,  n'arriva  que  long-temps 
après  cette  lettre.  L'Académie  alors  nomma  MM.  de  Juflîeu  & 
Fougeroux  de  Bondaroy  pour  en  faire  l'examen  ,  &  lui  en  rendre 
compte.  J'ai  engagé  M.  de  Fougeroux  à  me  communiquer  les  ob- 
fervations  qu'il  a  faites  fur  les  différent!  morceaux  d'hiftoire  naturelle 
dont  il  eft  fait  mention  dans  cette  lettre  ^  il  a  bien  voulu  me  fournir 
les  notes  fuivantes,  &  m'a  permis  de  les  inférer  ici  pour  l'intelligence 
de  !a  lettre  de  Don  Akate. 


EN     CALIFORNIE.  5^ 

l'oubli.  Les  perfonnes  les  plus  capables  de  les  en  tirer, 
ou  ne  s'en  occupent  point ,  ou  ne  font  point  en  étac 
de  les  communiquer  au  public. 

Selon  ce  que  i'ai  pu  conclure  du  rapport  de  M.  Paulv, 
.  Chappe  doit  être  mort  d  une  maladie  epidemique  que  ju  mad 
nous  appelions  ici,  en  langue  Mexicaine,  Tnatla\ahualt  ^  bualc 
&qui  fe  nomme vomilTement  noir  àlaVéra-CruXjàCar- 
thagene&ailleurs.  Cette  maladie  eft  le  fléau  du  Mexique. 
En  1736  5c  1737  elle  enleva  à  Mexico  plus  du  tiers  de 
fes  habitants;  Si  en  1761  6c  1761  elle  fit  encore  les  plus 
grands  ravages,  ôc  dépeupla  ce  royaume.  Il  mourut  au 
moins  vingt -cinq  mille  perfonnes  dans  l'enceinte  de 
cette  ville;  il  eft  vrai  qu'à  cette  rcprife  la  maladie  con- 
tagieufe  fut  accompagnée  de  l'épidémie  de  la  petite  vé- 
role, qui  ne  contribua  pas  peu  à  la  dcflrruction. 

Le  matlazahualt  n'a  d'autre  caufe  ,  à  ce  qu'il  me  pa- 
roît,  que  le  mélange  de  la  bile  avec  le  fang.  En  effet,  les 
perfonnes  qui  en  ibnt  attaquées  ont  une  couleur  pâle, 
&  rendent,  pour  la  plupart,  le  fang  par  le  nez  &:  par  l'a 
bouche;  accident  qui  arrive  à  l'approche  des  crifes  (i). 
La  rechute  eft  plus  dangereufe  que  la  première  attaque, 
qui  eft  rarement  feule.  Dans  l'épidémie  de  1761  (la 
feule  que  j'aie  pu  obferver,  étant  né  dans  le  cours  de  la 
première),  j'ai  remarqué  que  les  purgatifs  6c  Icsfaignées 
ëtoient  très  dangereux  ,  jufques-là  même  que  les  per- 
fonnes qui  fe  failoientfaigner  ou  purger  pour  d'autres  ma- 
ladies ,  étoient  auili-tôt  attaquées  du  matlazahualt.  Cette 
maladie  d'ailleurs  s'attache  principalement  aux  Indiens; 
&  c'eft  toujours  par  eux  qu'elle  commence.  En  17(31  & 
17(32  j  dans  l'cfpace  de  douze  mois  feulcm.ent ,  il  entra 
dans  l'hôpital  royal  (  qui  ne  fert  qu'aux  feuls  Indiens  ) 

(i)  M.  Chappe  n'a  point  eu  de  vomiflemenrs  Des  accès  de  fièvre 
violencs ,  de  grands  maux  de  tête  ,  &  une  pefanteur  à  la  poitrine  , 
fju'il  appelloit  une  obftrudtion  ;  voilà  la  maladie  qui  l'a  enlevé,  & 
qui  ne  paroît  pis  reflembler  à  celle  que  Don  Antoine  de  Alzate 
dctrit  ii.t. 


Simples  & 


5^  VOYAGE 

plus  de  neuf  mille  malades;  il  n'en  réchappa  qu'enviroa 
deux  mille. 

Il  n'eft  guère  de  plante  audî  féconde  en  curiofités  bo- 
vége'crur!  taniques  que  celle  du  mais.  C'eft  par  elle  qu'on  peut  s'af- 
Mais,  iurer  ,avec  la  plus  grande  évidence,  de  la  manière  donc  fe 
nourrit  le  grain  dans  la  plante.  Ceft  parclle  qu'on  vérifie 
qu'aulîî-tôt  que  le  grain  s'eft  rempli,  la  plante  refteinfipide; 
£c  parconféquent  que  les  fucs  qu'elle  contenoit  d'abordonr 
fervi  de  nourriture  au  grain  ,  après  avoir  été  améliorés 
dans  la  plante.  En  effet ,  les  plantes  de  maïs  qui  ne  rendent 
point  de  graine  (elles  font  ici  en  grand  nombre),  font 
toujours  d'une  extrême  douceur.  On  les  apporte  au  mar- 
-  ché  à  Mexico  ;  6c  les  enfants,  qui  en  font  la  plus  grande 
confommation ,  les  mangent  avec  autant  de  plaifir  que 
les  véritables  cannes  de  fucre  :  auiFi  leur  donnc-t-on  le 
nom  de  cannes.  J'ai  exprimé  quelques-unes  de  ces  plan- 
tes,  j'en  ai  fait  bouillir  la  liqueur,  6c  j'en  ai  extrait  un 
lucreparfait.  Dans  le  Mexique,  après  avoir  femé  le  maïs 
on  le  laifle  fans  culture  ;  il  fe  convertit  alors  en  cannes ,  ÔC 
ue  rapporte  aucun  fruit. 

Quoique  plufieurs  Auteurs  aient  donné  de  très  bonnes 
defcriptions  du  magiiey,  plante  dont  on  tire  le  piilque  y 
clpece  de  boiffon  qui  fupplée  ici  à  la  rareté  du  vin ,  il  me 
paroît  que  perfonne  ne  s'eft  donné  Ja  peine  de  détermi- 
ner la  quantité  de  liqueur  qu'on  peut  extraire  de  cette 
plante.  Les  habitants  de  Xachimilco  font  ceux  qui  poflTe- 
dent  le  mieux  la  vraie  manière  de  cultiver  le  maguey;  aufli 
cette  plante  cft-elle  plus  grande  chez  eux  que  par-tout 
ailleurs.  Un  maguey  rend  en  vingt-quatre  heures  plus 
de  deux  arobes  de  liqueur ,  6c  continue  d'en  fournir  au- 
tant tous  les  jours,  dans  l'efpace  de  fix  ou  huit  mois  (i). 

Je  vous  envoie  aullî  un  fimple  qui  me  paroît  être  le 
meilleur  de  ceux  que  l'on  a  employés  jufqu'ici  pour  la 

Cl)  L'arobe  eft  à-peu  près  de  15  livres  j  ainfi  l'on  peur  compter 
ûjr  le  pisd  de  quatre  arobes  environ  pour  le  quintal. 

teinture 


M.iguey, 


Cafcilctie. 


EN    CALIFORNIE.  57 

teinture  en  noir.  Il  fe  nomme  cafcalottc  (i).  L'arbre  en 
eft  grand:  il  croît  feulement  dans  les  pays  très  chauds.  Sa 
feuille  eft  petite ,  &:  reflemble  fort  à  celle  de  Xhuifiachcy 
dont  je  parlerai  tout-à-l'heure.  Sa  fleur  eft  jaune.  L'ac- 
croilTement  de  l'arbre  eft  auffi,  ou  même  plus  lent  que 
celui  du  chêne.  Je  n'ai  pas  befoin  d'en  décrire  le  fruit , 
puifque  j'ai  l'honneur  de  vous  l'envoyer.  On  ne  trouve 
ici  de  noix  de  galle  que  chez  les  apothicaires,  qui  en  font 
ufage  dans  les  remèdes,  8c  font  obligés  de  les  tirer  d'Eu- 
rope, Nous  n'aurions  donc  pas  de  moyen  de  teindre  en 
noir,  fi  la  nature  ne  nous  eût  procuré  le  fccours  de  la  caf- 
calottc. J'ai  dit  que  la  teinture  que  ce  fimple  fournit 
eft  la  meilleure  de  toutes,  parcequ'clle  eft  moins  corro- 
five  que  les  autres  ;  auffi  porte-  t-on  ici  plus  généralement 
des  étoffas  noires ,  parceque  l'expérience  a  convaincu 
que  cette  couleur  eft  la  plus  durable  de  toutes.  En  effet 
on  voit  les  chapeaux  ,  même  les  plus  communs,  ne  perdre 
jamais  rien  de  leur  premier  luftre ,  tl.  fe  mettre  en  lambeaux 
avant  que  la  couleur  en  foit  le  plus  légèrement  altérée. 

iShuifiackc  [  i  )  fcrt  auffi  à  la  teinture  en  noir  ,  mais  avec    L'Luifiachc. 
moins  de  fuccès  que  la  cafcalottc.  Son  principal  ufage 
eft  de  fournir  l'encre  à  écrire.  Cet  arbre  demande  une 

(1)  La  cafcalotte  efl:  une  efpece  d'acacia  \  fon  fruit  eft  une  filique 
{fig.  I  6"  i,  PI.  i)  longue  &:  large  ,  fouvent  repliée  fur  elle-même , 
comme  on  le  voit  {fig.  i  )  ;  elle  eft  compofée  d'un  liber  ou  paren- 
chyme ligneux  a,  mince  (^^.  3  ),  couvert  d'une  écorce  épaiffe^j 
elle  eft  extérieurement  un  peu  rougeâtre,  &  fe  réduit  aifément  en 
une  poudre  fine  ,  lorfqa'elle  eft  feche.  La  goulfe  renferme  plufieurs 
graines  {fig.  4  )  un  peu  applaties  ,  d'un  jaune  clair  &  luifanr. 

On  ûit  que  les  gouftes  de  prefqne  tous  les  acacias  donnent  une 
couleur  noire  :  elles  peuvent  auili  fervir  à  tanner  les  cuirs.  Sloane 
dit  que  \  acacia  indica  fert  à  faire  de  l'encre.  {HiJI.  Jamaica.) 

(ï)  L  liuifiache"  eft  aufti  une  efpece  d'acacia  quia  du  rapport  avec 
Vinga  ou  pois  fucrin  d'Amérique  ,  décrit  par  plufieurs  Botaniftes 
[fig.  5  &  6  ).  L'écorce  de  cette  filique  eft  dure ,  épaiire  &  noire  \  elle 
contient  plufieurs  femences,  chacune  dans  une  loge  particulière 
{fi&'  7)'  '"^  goulle  étant  divifée  par  cloifon  [fig.  5). 

H 


58  VOYAGE 

température  chaude;  on  a  cependant  la  mauvaife  cou- 
tume de  le  planter  dans  des  ccrreins  froids,  tel  que 
celui  de  la  ville  de  Mexico  oii  l'on  en  compte  lepc» 
outre  ceux  qui  font  dans  l'enclos  des  bains. 
Aiuiehustc,  Je  vous  envoie  un  delîein  exa£t  de  l'arbre  monftrueux 
d'Attifco ,  que  l'on  nomme  ahuehucte  ;  {qs  proportions 
font  prifes  avec  la  plus  grande  exaditude.  Cet  arbre  eft 
toujours  d'une  extrême  grofleur.  Je  joins  ici  fa  femence 
ou  fa  noix,  ôc  fa  feuille (i). 
Sabine.  Puifque  j'en  fuis  fur  les  arbres  monftrueux,  il  ne  fera 
pas  hors  de  propos  de  dire  un  mot  au.fabi.no ,  qui  eft  dans 
le  cimetière  de  Popotta ,  village  éloigné  d'environ  une 
demi-lieue  de  Mexico.  Son  tronc,  bien  mefuré,  a  feize 
vares  &  demie  de  circonférence  (  notre  vare  a  un  peu 
moins  de  trois  pieds- de-roi  )  (2). 
Sapote  Dans  la  cour  de  la  maifon  du  Vicaire  on  voit  encore 
blancco.  un  arbre  qui  préfente  un  phénomène  fingulier.  On  a 
coutume  d'attacher  les  chevaux  à  une  de  fes  branches  , 
qui_,en  conféquence,  fe  trouve  abfolument  dépouillée 
de  fon  écorce  ;  de  manière  que  l'on  n'y  voit  que  la  partie 

(  I  )  La  figure  de  cet  arbre  que  Don  Alzate  a  envoyée  ne  pouvant  don- 
ner aucune  lumière  pour  déterminer  fon  efpece ,  j'ai  eu  recours  au 
fruit  &  à  une  feuille  qui  fe  font  trouvés  dans  un  même  paquet  ^  &  à 
leur  infpedlion  ,  j'ai  penfé  qu'ils  pouvoient  appartenir  au  cuprejfus 
lujitanïca  pacula^  fruclu  minori.  (  Inft.  pag.  5  87.  ) 

Les  fruits  font  compofés  d  écailles  {Jig.  8  6"  9  ) ,  &  les  femences 
font  difpofées  en  dedans  comme  elles  le  font  dans  les  coniferesj  ainfi 
c'eft  un  vrai  cyprès  qui  ne  peut  point  avoir  de  rapport  avec  le  cuprejfus 
*■  foliis  acacis,  dccïduis,  chaque  écaille  dans  le  fruit  de  ce  dernier  recou- 

vrant la  femence.  D'ailleurs  la  feuille  qui  s'eft  trouvée  jointe  aux 
graines  de  l'arbre  du  Mexique  eft  compofée  de  folioles  {fig>  10), 
qui  ne  font  point  oppofées,  comme  dans  le  cyprès  à  feuille  d'acacia.  Il 
refaite  donc  de  cet  examen,  que  l'arbre  dont  parle  Don  Alzate  n'eft 
point  le  cyprès  à  feuille  d'acacia  :  ce  n'eft  point  non  plus  celui  de 
Portugal  ,  quoique  l'ahuehuete  ait  un  vrai  rapport  avec  celui-ci  par 
fes  fruits.  C'eft  donc  une  nouvelle  efpece  de  cyprès  non  décrite  ,  & 
qui  entreroit  néceflairement  dans  le  genre  des  cyprès. 

(2)  Le  tronc  de  cet  arbre  a  done  environ  50  pieds  de  circonfé- 
rence. 


EN    CALIFORNIE.  59 

iigneufe.  Malgré  cela  cette  branche  conferve  fa  verdeur  , 
&  donne  du  fruit  comme  fi  elle  étoic  revêtue  de  toute  fon 
écorcc.  L'arbre  eft  beau ,  de  donne  un  fruit  très  agréable. 
Nous  l'appelions  Jàpoie  blanco. 

Je  vous  envoie  une  fcmence  que  nous  appelions ch'ia ;  Chia. 
on  la  met  en  infufion  pendant  deux  heures,  on  y  mêle 
du  fucre,  &  on  boit  la  liqueur.  C'eft  de  cette  femence 
que  l'on  tire  l'huile  dont  nos  Peintres  fe  fervent  pour 
broyer  leurs  couleurs  ,  Se  qui  produit  un  11  bel  effet  fur 
nos  tableaux  :  peut- être  lui  trouvera-nt-on  un  autre  ufage. 
Le  moyen  dont  on  fe  fert  pour  cxtrairel'huile  eft  de  faire 
griller  la  femence,  ôc  de  la  preflcr  enluite(i). 

Jeme  rappelle  une  plante  qui  n'a  pas  ,  je  crois,  fon  égale  cacahuatc. 
parmi  les  plantes  connues  :  on  la  nomme  cacahuate  (2). 
On  connoîtplufieurs  plantes  qui  nous  nourriflent  de  leurs 
racines  :  mais  qu'une  plante  produife  fon  fruit  dans  fa 
racine  même,  c'eft,  je  crois,  une  propriété  particulière 
à  celle  dont  je  parle.  Je  vous  envoie  la  plante  &  le  fruit  ; 
il  ne  me  refte  donc  plus  qu'à  parler  de  la  manière  dont 
on  la  cultive.  Onlafeme  dans  les  pays  chauds;  elle  réufïic 
même  dans  les  climats  tempérés.  On  feme  le  fruit  à  la 
diftance  d'un  pied  ,  6c  l'on  attend  que  la  plante  foit  éle- 
vée d'environ  un  demi-pied;  on  enterre  alors  cette  bran- 
che (  qu'ils  nomment  fifio m lo) ,  de  manière  que  fes  deux 
extrémités,  la  racine  &  la  pointe  ,refLent  couvertes  de 

(i)  Les  graines  que  nous  a  envoyé  Don  Alzate  appartiennent  à  la 
plante  nommée  par  M.  Von  Linnéyi/vi^i  hïfpanïca.  Cette  graine  a  le- 
vé ici,  où  l'on  avoir  déjà  la  plante  depuis  long-temps.  Les  Italiens  la 
cultivent  aullî  \  M.  Harduini  en  a  donné  une  defcription,&  une  figure. 

(2)  Cette  plante  ell:  l'arachinna  ou  l'arachis  de  M.  Von  Linné, 
piftache  de  terre  d'Amérique  \  elle  donne  des  fruits  qui  font  des 
goulTes  dont  la  peau  ell  fort  tendre  &  caflTante  [fig.  ii),  fur-tout 
quand  elle  eft  feclie.  On  trouve  dedans  une  ou  deux  amandes  'fig  1 2) 
qui  font  agréables  au  goût ,  ce  qui  les  fait  nommer  piftaches  de 
terre.  Elle  eft  commune  dans  tous  les  pays  chauds  d'Amérique  :  elle 
a  levé  dans  nos  climats  dans  les  ferres  chaudes,  &  y  a  produit  des 
fruits  \  elle  enfonce  fon  piftil  dans  la  terre  ,  &  le  fruit  y  mùtit. 

Hij 


^o  VOYAGE 

terre  jufqu'au  moment  delà  récolte.  Ce  temps  venu, 
on  levé  les  branches  de  la  plante  pour  en  tirer  le  fruit 
qu'on  y  trouve  en  abondance.  Quoiqu'on  ne  recom- 
mence pas  à  femer  ;  le  champ ,  à  l'aide  de  ce  qui  eft  refté , 
produira  toujours  un  nouveau  plan.  La  quantité  qu'on 
en  confomme  dans  ce  royaume  ,  fur -tout  pour  la 
collation  ,  eft  incroyable.  La  manière  dont  on  prépare 
ce  fruit  pour  le  mettre  en  étatd'êtremangé ,  eftdele  faire 
rôtir  à  un  feu  lent.  On  s'en  fert  auffi  à  d'autres  ufagcs, 
pour  fuppléer  à  la  difette  d'amandes  où  nous  fommcs 
dans  ce  pays.  Ce  fruit  eft  mal- fain,  fur- tout  pour  la  gorge. 
J'avertis  ici  que  la  plante  produit  fon  fruit,  non  dans  la 
racine  qui  s'eft  d'abord  formée,  mais  dans  l'extrémité  qui 
eft  recouverte  de  terre.  Il  faut  ajouter  une  autre  circonf- 
tance  ,  c'eft  que  la  plante  eft  dans  fa  plus  grande  beauté 
lorfqu'il  y  a  du  foleil;  elle  fe  fane  lorfque  cet  aftre  vient 
à  lui  manquer. 
PoifTonsvivi-        Je  VOUS  cnvoic  des  poiftbns  vivipares  à  écailles,  dont 

pares  à  Cwail-     •  -j  '«'j  •        /    s    -rr    •    • 

les.  Voyez  fi-   j^  VOUS  avois  clonne  précédemment  Une  notice  (i).  voici 

gure  I,  Pi.  1.    . __^__ 

(i)  Don  Alzate  a  envoyé  à  l'Académie  ces  poiflbns  confervés 
dans  de  l'eau-de-vie  ;  ils  ont  la  peau  couverte  de  très  petites  écailles  ; 
leur  longueur  varie  depuis  un  pouce  jufqu'à  dix-huit  lignes ,  ôc  ils 
n'ont  guère  que  cinq ,  fix  &  fept  lignes  dans  leur  plus  grande  lar- 
geur :  ils  ont  de  chaque  côté  Se  près  des  ouies  une  nageoire  a  v  deux 
autres  petites  nageoires  b  fous  le  ventre  ,  une  unique  d  derrière 
l'anus  c  ,  qui  fe  trouve  entre  la  nageoire  b  &  celle  unique  d  ;  la 
queue  e  n'eft  point  fourchue  j  enfin  ce  poiflon a  encore  un  aileron/fur 
le  dos,  un  peu  au  defl'us  de  la  nageoire  d,  que  nous  avons  dit  être 
fous  le  ventre. 

On  connoît  dans  nos  mers  quelques  poilTons  vivipares,  comme  les 
loches ,  &c.  Ces  poiflons  ont  pour  la  plupart  la  peau  iilTe  &  fans 
écailles.  L'aiguille  d'Ariftote  eft  vivipare ,  &  cependant  recouverte 
d'écaillés  larges  &  dures  ;  je  l'ai  pêchée  ayant  encore  des  petits  dans 
la  matrice.  Quant  à  ces  poilTons  vivipares  dont  parle  ici  Don  Alzate, 
c'eft  une  efpece  particulière  &  nouvelle  que  nous  lui  avons  obli' 
gation  de  nous  faire  connoître  ;  elle  fe  multiplie  dans  un  lac  d'eau 
douce  voifin  de  la  ville  de  Mexico, 


ni. 


HBi^iamft=fi 


F^.z.         j 


Fiq.3. 


fi1,#;-c 


Fauraa-ovAX'    cùi. 


Kl^  BauSJ-ard   Scu^ 


Peut .  oc 


Fin. 


TiPtu^^rcur    dùl. 


IjL.      ffaua-^iu-i£   SaUp 


EN    CALIFORNIE.  61 

ce  que  j'ai  obfervé  en  eux  cette  année.  Si  en  pre0anc 
avec  les  doigts  le  ventre  de  la  mère ,  on  en  fait  fortir  les 
petits  avant  le  temps  ,  en  les  examinant  au  micro(- 
cope,  on  y  obferve  la  circulation  du  fang  telle  qu'elle 
doit  être  dans  un  poifTon  déjà  grand.  Si  l'on  jette  ces 
petits  poiflons  dans  l'eau,  ils  nagent  aufli-bien  que  s'ils 
avoicnt  vécu  depuis  long-temps  dans  cet  élément.  Les 
mâles  ont  les  nageoires  6c  la  queue  plus  grandes  &  plus 
noires  ;  de  forte  qu'à  la  première  vue  on  peut  facilement 
diftinguer  les  deux  fexes.  La  manière  de  nager  de  ces 
poiflons  eft  finguliere;  le  mâle  Se  la  femelle  nagent  en- 
femble  fur  deux  lignes  parallèles  ,1a  femelle  toujours  au 
defllis ,  Se  le  mâle  au-deflous  :  ils  confervent  auifi  tou- 
jours entre  eux  une  diftance  conftamment  uniforme  ,  Se 
un  parallélifme  parfait.  La  femelle  ne  fait  pas  un  feul 
mouvement ,  foit  de  côté  ,  foit  vers  le  fond ,  qu'il  ne  foit 
à  l'inftant  imité  par  le  mâle. 

Entre  les  infedes  les  plus  finguliers,  on  trouve  ici  une  Aiaignées. 
araignée  qui  mérite  une  attention  particulière.  Elle  ref- 
femble  fort,  par  la  figure,  aux  tarentules  du  royaume 
de  Naples.  Elle  peut  avoir  huit  lignes  de  long;  elle  eft 
velue  :  fa  couleur  eft  cendrée.  Jamais  on  ne  la  voit  le 
jour;  elle  ne  paroît  la  nuit  qu'en  temps ferein,  mais  an- 
nonce une  pluie  prochaine:  c'eftun  baromètre  infaillible. 
Un  Curieux  m'avoit  communiqué  cette  remarque  :  je  l'ai 
fouvent  vérifiée  avec  tout  le  fuccès  pofTible  ;  car  toutes  les 
fois  que  j'ai  vu  de  cette  efpece  d'araignées ,  j'ai  remar- 
qué qu'en  vingt-quatre  heures  le  temps  changeoit ,  Se  fe 
mettoit  à  la  pluie. 

La  maripofa  plateada  ,  ou  le  papillon  argenté  ,  m'a  Papillon, 
paru  ,  Meffieurs ,  d'autant  plus  digne  de  votre  attention , 
qu'il  ne  s'en  trouve  point  chez  vous  j  du  moins  n'en  pi.i.fîg^i 
trouve-t-on  pas  la  defcription  dans  l'ouvrage  de  M.  de  ^  ?• 
Réaumur  (  i  ).  Les  cocons  que  je  vous  envoie  font  curieux 

(1)  Nous  avons  ici  des  papillons  nacrés  qui  ne  différent  de  celui  da 


^1  VOYAGE 

par  leur  ftruâ:ure.  Je  ne  crois  pas  qu'on  en  trouve  de  fem- 
blables  en  Europe.  Vous  expliquerez  mieux  que  pcrfonne, 
'  Meffieurs,  la  manière  donc  le  petit  papillon  ouvre,  en 
nallFant,  Ion  couvercle,  ou  la  porte  de  Ton  cocon  ,  lorf- 
que  vous  aurez  examiné  l'adrelFe  avec  laquelle  elle  eft 
ajultée.  J'ai  tous  les  ans  une  infinité  de  ces  cocons,  ôc 
je  n'ai  encore  pu  m'afTurer,  ni  de  la  manière  donc  le  pa- 
pillon fort,  ni  de  l'induftrie  qu'emploie  le  ver  pour  tra- 

Mexique  &  de  l'Amérique  que  par  la  grandeur.  Les  nôtres  font  plus 
petits  &  un  peu  moins  colorés  Le  climat  peut  produire  ces  variétés 
dans  l'efpece.  Les  papillons  nacrés  dont  il  s'agit  ici,  &  les  nôtres,  font 
des  papillons  diurnes.  M.  de  Réaumur  &  M.  Geoffroy  ont  décrit 
ces  derniers  ,  ôc  ils  annoncent  tous  deux  quils  ne  connoilTent  pas  la 
chenille  qui  donne  ces  papillons. 

Par  analogie  on  pourroit  croire  que  ces  chenilles ,  étant  de  la 
clalTe  de  celles  qui  donnent  des  papillons  diurnes,  ne  font  point 
de  coque  ;  que  les  chryfalides  s'attachent  à  des  branches  d'arbres,  & 
s'y  métamorphofent. 

Si  l'obfervation  de  Don  Alzate  eft  jufte,  &  fi  réellement  le  pa- 
pillon nacré  qu'il  nous  a  envoyé  eft  forti  de  ces  coques  fingulieres, 
il  en  réfulteroit  pour  nous  de  nouvelles  connoilfances.  i°.  Comme 
nous  avons  trouvé  dans  ces  coques  des  dépouilles  de  chenilles  épi- 
neufes  ,  nous  en  pourrions  conclure  que  le  papillon  nacré  provient 
dune  chenille  de  cette  efpece.  z°.  Nous  pourrions  ,  connoilTant  la 
coque  du  papillon  nacré  du  Mexique  ,  qui  a  beaucoup  d'analogie 
avec  les  nôtres  ,  être  plus  à  portée  de  trouver  la  coque  &  la  che- 
nille qui  donnent  ces  papillons ,  très  communs  dans  nos  climats. 
Mais  nous  craignons  que  le  papillon  nacré  que  Don  Alzate  nous  a 
envoyé  ne  foit  point  forti  de  la  coque  qu'il  y  joint ,  &  par  con- 
féquent  cette  obfervation  mériteroit  une  nouvelle  vérification.  Ce 
qui  me  fait  former  ce  doute  ,  c'eft  que  Mademoifelle  de  Merian  a 
décrit  la  chenille  de  ce  papillon  diurrxe  ;  elle  la  regarde  comme  ne 
faifam  point  de  coque  ,  &  die  que  la  chryfalide  fe  fufpend  comme 
la  plupart  de  celles  de  la  même  clalFe.  (  Voyez  Infectes  de  Surinam  , 
tome   I  ,  planche  2.5.) 

Au  refte  cette  coque  {fg.  2  £•  3,  P/.  i)  que  nous  a  envoyé  Don 
Alzate  fera  toujours  finguliere  parle  couvercle  a  que  fe  pratique  l'in- 
fcde  ,  &  qu'il  détache  à  volonté.  On  voie  dans  \a./ig.  i  cette  coque, 
dont  la  porte  a  eft  ouverte  ;  la  charnière  eft  en  é  ,  &  la  coque  eft 
attachée  à  une  branche  dans  fa  partie  c. 


EN    CALIFORNIE.  65 

vaîller  fi  aitiflcinenc  fou  cocon  ,  ni  enfin  comment  les 
hls,  étant  glutineux,  ne  fe  collent  pas  enfembledans  le 
temps  de  la  formation  du  cocon.  J'aurois  bien  des  chofes 
à  dire  fur  nos  papillons,  mais  ce  fera  pour  une  autre  oc- 
cafîon. 

Dans  une  lettre  que  j'ai  eu  anciennement  l'honneur 
de  vous  écrire,  je  crois  vous  avoir  dit.  Meilleurs,  que  j'i-  ^^"'^""ons 
gnorois  qu'il  y  eut  des  pétrifications  dans  ce  royaume.  Je 
me  fuis  allure  depuis  qu'il  s'en  trouve  quelques-unes  dans 
le  petit  lieu  de  Chalma.;  je  compte  m'y  rendre  pour 
avoir  une  plus  ample  connoiflance  de  ces  pétrifications. 
J'ai  vu  des  coquilles  très  précieufes  trouvées  à  Souvra  ; 
leur  matière  cft  précifément  celle  dont  on  tire  l'argent 
&  l'or.  On  m'aflure  auffi  que  dans  la  province  de  Rou- 
era on  a  trouvé,  en  creufant  dans  une  mine,  des  corps 
humains  pétrifiés,dont  on  a  tiré  beaucoup  d'argent  ;&:, 
entre  autres ,  le  corps  d'une  fem.me  tenant  fon  enfant  dans 
l'attitude  de  lui  préfenter  le  fein.  Les  deux  corps  font  par- 
faitement pétrifiés;  ils  ont  rendu  une  quantité  confidé- 
rable  d'argent.  Ce  fait  me  paroiflant  mériter  confirma- 
tion ,  j'ai  voulu  en  être  aiïuré  par  la  dépofition  de  té- 
moins oculaires.  J'ai  écrit  en  conféquence  à  des  perfonnes 
de  ladite  province;  j'attends  avec  impatience  Itfur  ré- 
ponfe. 

J'ai  donné  à  M.  Chappe  une  dent  molaire  ,  fi  exor- 
bitamment  grofle ,  qu'elle  pefoit  plus  de  huit  livres  ;  elle  dune^rTn! 
avoit  plus  de  dix  pouces  de  long  ^  &  le  refte  en  propor-  <^=uf  ûngu- 
tion.  De  quel  animal  venoit  cette  dent?  Je  l'ignore.  On   '*^" 
me  l'avoit  donnée  comme  un  os  de  géant.  Ce  que  je 
puis  aflurer,  c'eft  que  l'émail  de  la  dent  étoit,  en  grande 
partie,  confervé.  Un  Curieux  de  ce  pays  pofTede  aufîi 
un  os  de  jambe,  qui  malheureufement  n'eft  point  en  fon 
entier;  il  en  manque  une  partie.  La  tête  du  fémur  a  un 
pied  &  demi  de  diamètre.  On  a  trouvé  cet  os  près  de 
Toluca.  L'Indien  de  qui  on  l'a  acheté,  s'en  fervoit  pour 
barrer  fa  porte  ;  ce  qui  n'eft  pas  étonnant ,  puifque  ce 


icre. 


^4  VOYAGE 

qui  rcfte  de  cet  os  a  encore  plus  de  cinq  pieds  de  lon- 
gueur. On  m'a  rapporté  que  le  Curé  du  village  de  Tc- 
cali  vient  de  découvrir  des  os  d'une  grandeur  monftrueufe , 
&,  ce  qui  eft  de  plus  étonnant, qu'il  a  trouvé  des  fépul- 
cres  proportionnés  à  ces  os.  Je  m'en  informerai  avec  le 
plus  grand  foin ,  &:  je  vous  communiquerai.  Meilleurs, 
ce  que  j'aurai  découvert  à  ce  fujet. 

Dans  vos  Mémoires  de  1744,  on  parle  de  poifTons  morts 
trouvés  dans  les  puits  de  Mexico,  à  l'occafion  d'un  volcan 
qui  fit  éruption  à  la  Véra-Crux..Rien  de  plus  faux.  Quel- 
que recherche  que  j'aie  pu  faire  ,  je  n'ai  pu  me  procurer 
aucun  éclaircilTementàce  fujet.  AlaVéra-Cruxonn'apas 
la  plus  légère  idée  de  ce  volcan.  A  Mexico,  on  ne  peut 
rien  trouver  dans  les  puits;  ils  font  aulîi  nombreux  que 
les  maifons,  leur  profondeur  n'excède  jamais  fix  pieds. 
L'eau  fe  trouve  à  trois  pieds  au  plus,  &  le  plus  fou  vent 
à  un  pied.  Comment  y  pourroit-on  trouver  des  poiiFons 
morts  ,  puifque  la  Nature  feule  du  terrein  empêche  qu'il 
n'y  ait  des  conduits  foutcrrains. 

Je  parlerai  ici  d'une  fingularité  qui  fe  trouve  dans  le 
domaine  royal  des  mines  de  Pachuca  ,  en  la  dépendance 
immédiate  du  département  del  Salto.  C'ell  une  monta- 
gne formée  de  pierres  qui  ont  toutes  les  figures  imagi- 
nables. On  trouve  les  pierres  toutes  taillées  de  la  grolTeur 
&;  de  la  figure  dont  on  les  peut  defirer;  on  n'a  que  la 
peine  de  les  détacher  du  monceau.  Ces  pierres  ne  font 
pas  rangées  horizontalement ,  mais  perpendiculairement 
à  l'horizon  ;  &  telle  qu'eft  une  de  ces  pierres ,  on  peut 
être  affuré  que  toutes  celles  qui  font  au  delTus  ou  au  def- 
fous  lui  rcllemblent  (i). 

Ce  que  je  vais  rapporter  n'eft  pas  de  même  efpece  , 
mais  ne  mérite  peut-être  pas  moins  d'attention.  Il  s'agit 


(0  Ceci  parok  erre  une  pierre  de  bafalre ,  pareille  à  celle  du 
Comté  d'Antïin  en  Irlande ,  que  l'on  appelle  Pavé  des  Géants. 

d'une 


E  N    C  A  L  I  F  O  R  N  I  E.  6^ 

cl'une  pierre  dont  je  ne  puis  fpëcifîer  la  grandeur ,  parce- 
que  la  plus  grande  partie  le  trouve  enfoncée  dans  la 
terre.  Sa  furface  extérieure  eft  de  plus  de  trois  pieds  ;  fa 
couleur  eft  celle  du  marbre  noir,  à  l'exception  d'une 
tache  ,  ou  plutôt  d'une  incruftation  de  matière  diffé- 
rente qui  s'y  trouve  comme  amalgamée.  La  fmgularité 
de  cette  pierre  confifte  en  ce  que  le  coup  le  plus  léger 
qu'on  lui  donne  avec  le  doigt  y  occafionne  un  fon  avec 
des  vibrations  de  longue  durée  :  auffi  cette  pierre  a-t-elle 
été  nommée  la  pierre  cloche,  tant  le  fon  qu'elle  rend 
relîemble  à  celui  d'une  cloche.  EUefe  trouve  dans  le  lit 
d'une  rivière  qui  ne  coule  pas  toujours,  &  qui  traverfe 
la  ville  de  Cuantla ,  capitale  de  ce  que  nous  appelions 
Ancilpas ,  à  dix-huit  lieues  à-peu-près  au  fud  de  Mexico. 
Voici  un  fait  dont  je  fuis  témoin  ,  6ë  vous  le  ferez 
vous-mêmes ,  Meilleurs ,  puifque  je  vous  envoie  les  pé- 
trifications du  domaine  royal  des  mines  de  Huajannato, 
dont  la  beauté  eft  inimitable.  On  trouve  dans  une  de  ces 
mines,  des  pierres,  ou,  pour  mieux  dire,  dans  toutes  les 
pierres  qu'on  tire  de  cette  mine  ,  de  quelque  manière 
qu'on  les  divife  ,  on  voit  l'image  d'un  cèdre  admira- 
blement imité.  Il  y  a  dans  quelques-unes  de  ces  pierres 
une  particularité  remarquable  ;  la  partie  qui  forme  l'i- 
mage du  cèdre  eft  de  pur  argent,  &:  le  rcfte  de  la  mine 
propre  à  en  fournir.  On  connoît  cette  mine  fous  le  nom 
de  mine  du  cèdre  ^  tant  à  caufe  du  cèdre  repréfenté  fur  ces 
pierres ,  que  parcequ'à  l'entrée  de  la  mine  il  y  a  réelle- 
ment un  très  beau  cèdre;  rencontre  aflez  finguliere  ( i ). 

(i)  Il  y  avoir  dans  la  caifle  que  Don  Alzate  a  envoyée  à 
l'Académie  un  morceau  de  mine  d'argent ,  fingulier  par  les 
cryftaux  fpatheux  qui  s'y  trouvent.  Ces  cryftaux  font  composés  de 
lames  minces  ,  d'un  beau  blanc,  &  qui  ont  peu  de  dureté  ;  expofés 
au  feu  ils  s  y  calcinent ,  &  y  deviennent  plâtre.  Ce  plâtre  eft  très  fin, 
d'un  beau  blanc  ,  un  peu  gros  fous  les  doigts  {fig.  4  ^  PI.  i.)  j  mais 
nous  n'avons  rien  vu  qui  relTemblât  à  un  cèdre.  On  connoît  au  Pérou 

I 


.Tochomites, 


€6  VOYAGE 

yitrifications  ^^  vitrifications  naturelles  que  les  Indiens  appellent 
pelijles ,  fe  trouvent  dans  tout  le  royaume.  Elles  abondent 
à  Mexico,  fur-tout  dans  la  partie  boréale;  mais  le  lieu 
o«  elles  ie  trouvent  en  plus  grande  quantité  ,  eft  le 
village  de  7,uiapequaxo  ,  près  de  Valladolid.  On  y  voit 
des  montagnes  qui  ne  font  pas  d'autre  matière.  C'cft 
de  là  que  ce  village  a  tiré  fon  nom ,  qui  eft  celui  que  l'on 
donne  à  ces  vitrifications  dans  l'idiome  de  Michoacan  (  i  ). 
Les  fils  de  laine  que  je  vous  envoie  s'appellent  en  In- 
dien tochomites.  On  en  fait  des  rubans.  Les  Indiens  les 
teignent  eux-mêmes  par  une  méthode  qui  leur  eft  par- 
ticulière ,  &  fort  différente  de  celle  qu'on  emploie  en 
Europe.  Ils  n'achètent  pour  cela  que  de  la  graine  d'écar- 
Jate;  les  autres  ingrédients  qu'ils  y  mettent,  font  certai- 

«ne  mine  d'argent  qui  prend  la  forme  d'une  plume  ou  d'une  fougère  ; 
ferok-ce  de  celle-là  dont  l'Auteur  auroit  voulu  faire  mention  ici? 

La  caille  de  Don  Alzate  contenoit  encore  des  graines  ,  en  partie 
vermoulues,  &  qui  n'ont  point  levé  \  des  fragments  de  plantes 
qu'il  a  été  impoflîble  de  reconnoître,  &  auxquelles  on  a  attribué  dans 
le  pays  des  propriétés.  Nous  y  avons  trouvé  aufli  des  boutons  de 
fleurs  d'un  grand  magnolia,  ou  cfpece  de  laurier  tulipier  ,  appelle 
dc-îns  le  pays  j'o/o/ôc/^z/.  Don  Alzate  dit  que  cette  fleur  répand  une 
odeur  très  agréable  ,  même  étant  feche  j  que  l'arbre  qui  la  porte  fe 
plaît  dans  les  pays  chauds  ,  où  il  devient  très  grand. 

M.  Noël ,  jeune  Peintre  qui  a  accompagné  M.  Cbappe ,  nous  a 
remis  plufieurs  deffeins  qu'il  a  Eiits  en  traverfant  le  Mexique  ,  &C 
en  Californie.  Ces  defTeins  nous  offrent ,  dans  la  partie  des  végétaux , 
vm  cieige  fur  lequel  fe  trouvent  une  excroiflance  monftrueufe  ,  les 
fleurs  d'un  corallodendron  ou  bois  immortel  d'Amérique,  &  celles 
d'une  autre  plante  qui  nous  eft  inconnue  j  parmi  les  animaux ,  des 
poiflTons ,  des  zoophytes ,  la  main  de  mer  ,  &c.  un  lézard  qui  nous  a 
paru  fingulier  Z<  que  l'on  nomme  caméléon  dans  le  pays  ,  un  qua- 
drupède qtie  nous  n'avons  pu  rapporter  à  aucun  de  nos  genres  dé- 
crits &  connus. 

(i)  Les  vitrifications  que  Don  Alzate  a  envoyées  à  l'Académie, 
font  un  laitier  de  volcan  ,  un  vrai  verre,  ferré,  pefant,  d'une  couleur 
noire  :  c'ell  la  pierre  de  Galinace  des  Efpagnois,  &  probablement 
la  vraie  pierre  Obfidienne  de  Pline.  Les  plus  grands  morceaux  que 
j'ai  trouvés  dans  la  caifle  de  Don  Alzate  ont  3  pouces  ou  3  pouces 


E  N    C  A  L  I  F  O  R  N  ï  E.  Cj 

nement  très  peu  efTentiels  au  fuccès.  C'efl:  ainfi  qu'ils 
teignent,  à  très  bon  marché,  en  rouge  toute  efpece  de 
laine.  Quant  à  leur  méthode,  c'eft  un  fecret  qu'il  m'a 
été  impollible  de  pénétrer,  quelque  effort  que  j'aie  fait 
pour  y  parvenir  (i). 

Je  finirai,  Mefîieurs,  par  un  faitfingulier,  qui  me  pa- 
roît  avoir  un  grand  rapport  avec  les  expériences  électri- 
ques. Dans  une  terre  de  feu  Don  Alonzc  de  Gomez,  Se- 
crétaire duVice-Roi,  file  en  la  jurifdiction  de  Singiuluca, 
au  nord-eft  de  cette  capitale ,  dont  elle  eft  diftante  d'envi- 
ron vingc-dcux  lieues,  il  y  avoit  un  domeflique  perclus 
de  Tes  deux  bras,  je  ne  fais  fi  c'étoit  de  nailFance.  On 
l'occupoit  à  garder  des  ânes.  Revenant  un  foir  des  champs 
à  la  maifon ,  il  fut  furpris  par  un  orage  furieux ,  &  fc  réfu- 
gia fous  un  arbre  pour  fe  mettre  à  couvert  de  la  pluie.  Là  il 
fut  frappé  d'un  coup  de  foudrequi  le  laifTa  quelque  temps 
évanoui.  Il  ne  fut  point  blelfé  d'ailleurs;  au  contraire,  re- 
venu à  lui,  il  eut  la  fatisfacliondefe  trouver  le  libre  ufage 
de  fes  bras  &  de  fes  mains.  Le  fait  eft  sûr  ;  je  le  tiens 
d'un  Eccléfiaftique  d'une  probité  reconnue ,  qui  en  fut 
Je  témoin,  &  auquel  on  doit  d'autant  plus  ajouter  foi, 
qu'il  ignore  ablolument  ce  que  c'eft  qu'électricité  ,  ma- 
tière électrique  :  il  raconte  le  fait  uniquement  pour  fa 
fingularité,  fans  prétendre  l'appliquer  à  aucun  fyftême 
phyfique. 

&  demi  fur  la  plupart  de  leurs  dimenfions ,  &  font  épais  de  trois 
lignes  environ.  Ce  que  dit  Don  Alzate  prouve  qu'autrefois  il  y 
avoir  un  volcan  au  lieu  ou  près  du  lieu  où  fe  trouve  bâtie  la  ville  de 
Mexico.  Tout  ce  pays  en  général  offre  des  reftes  d'anciens  volcans , 
qui  fans  doute  y  ont  été  très  communs. 

(ij  On  n'éprouve  pas  ordinairement  de  difficultés  pour  teindre 
la  laine;  mais  il  n'en  eft  pas  de  même  pour  le  coton.  Cependant 
il  faut  auffi  pour  la  teinture  de  la  laine  des  préparations  dont  il  fe- 
roit  fingulier  que  les  Mexicains  pulTent  fe  difpenfer  pour  teindre  en 
rouse  ces  tochomites. 


68     VOYAGE  EN  CALIFORNIE. 

Telles  font,  Meflieurs  ,  les obfervations  que  j'ail'hon)^ 
ncur  de  vous  communiquer  (i). .  .  &c. 


(i  )  Cette  lettre  ,  dont  nous  venons  de  donner  l'extrait ,  a  été  lue  a 
l'Académie,  &c  entendue  avec  le  plus  grand  intérêt.  On  eft  encore 
redevable  à  Don  Alzate  d'une  carte  du  Mexique  ,  fort  exadte ,  qu'il 
a  faite  fur  les  mémoires  les  plus  fidèles  des  voyageurs  qu'il  eft  à  portée 
de  confulter  dans  le  pays  même.  Il  nous  a  envoyé  aulïï  une  carte  faite 
du  vivant  de  Cortès,  par  laquelle  il  eft  clair  que  dès  ce  temps-là  on 
leconnoifloit  la  Californie  pour  une  prefqu'ille  ,  &  fon  étendue 
ctoit  auftîbien  fixée  qu'elle  la  été  depuis  par  les  dernières  décou- 
vertes. Si  cette  carte  eût  été  publiée  dans  fon  temps ,  elle  eût  épargné 
bien  des  difputes  fur  la  Calitornie.  Le  zèle  de  Don  Alzate  y  Ramirez 
à  nous  communiquer  tout  ce  qui  peut  fe  trouver  d'intéreflant  dans 
un  pays  fi  nouveau  pour  nous  ,  fes  qualités  perfonnelles,  &  fes  con- 
noiirances  particulières,  ont  mérité  les  éloges  &c  excité  la  recon- 
noilfance  de  l'Académie  ,  qui  s'eft  emprelfée  de  le  lui  témoigner ,  ers,. 
l'admettant  au  nombre  de  fes  Correfpondants. 


Fin  de  la  première  Partie. 


OBSERVATIONS 

ASTRON  O  MIQUES 

FAITES  AU  VILLAGE  DE  S.  JOSEPH, 

EN     CALIFORNIE, 

Relativement  au  p^Jf^g^  d^  Vénus  fur  le  Soleil^  le  3  Juin 
de  l'année  1770,. 


SECONDE.  PARTI  E. 


M 


ON  SI  EUR  Chappe  arriva  au  village  de  S.  Jofeph 
le  19  Mai  de  l'année  i']6<)  ,  c'eft-à-dire  quinze  jours 
avant  celui  du  palîage  de  Vénus  fur  le  Soleil.  Il  n'y 
avoir  point  de  temps  à  perdre:  dès  le  lendemain  defon 
arrivée  ,  il  commença  des  obrervations  préliminaires,  qui 
le  mirent  en  état  de  connoîcre  &  de  régler  la  marche  de 
fa  pendule.  Deux  jours  lui  fuffirent  pour  s'appercevoir 
que  le  balancier  étoit  trop  long  ;  il  le  raccourcit.  Il  vint- 
à  bouc  par-là  de  faire  fuivre  à  l'horloge  le  temps  moyen  à 
peu  de  fécondes  près. 

Avant  d'entrer  dans  le  détail  des  obfervations  nom- 


70  VOYAGE    EN    CALIFORNIE. 

breufes  auxquelles  Ce  livra  M.  Chappe  dès  le  moment  de 
fon  arrivée,  il  eft  à  propos  de  dire  un  mot  de  robferva- 
toire  oii  il  s'établit,  &L  des  inftruments  qu'il  employa. 

On  donna  pour  logement  à  M.  Chappe  une  grange  fort 
fpacieufejqui  fervoit  à  renfermer  du  maïs.  Ce  bâtmient 
ie  trouvoit  en  allez  belle  expofition  ;  M.  Chappe  réfoluc 
d'en  faire  fon  obfcrvatoire.  Il  fit  enlever  toute  la  partie 
du  toit  qui  regardoit  l'eftjle  fud  &  roucft,&.lafît  recou- 
vrir avec  des  toiles  qui  fe  replioient  ou  s'étendoient  à 
volonté,  de  forte  qu'en  un  inftant  on  pouvoit  apperce- 
voir  ou  cacher  telle  partie  du  ciel  qu'on  jugeoit  à  pro- 
pos. Le  plancher  étoit  d'une  terre  ferme  6c  bien  battue. 

Les  principaux  inftruments  dcftinés  aux  obfervations 
aftronomiques  étoient,  un  quart  de  cercle  de  trois  pieds 
de  rayon,  delà  conftru6lion  du  fieur  Canivet;  un  autre 
petit  quart  de  cercle  Anglois  d'un  pied  6c  demi  de  rayon  ; 
un  inftrument  des  partages;  une  machine  parallatique; 
une  excellente  lunette  achromatique  de  dix  pieds ,  &  une 
autre  de  trois  pieds  ,  non  moins  parfaite ,  toutes  deux  du 
fieur  Dollond  (  la  lunette  de  trois  pieds  groffiiïbit  un  peu 
moins  que  l'autre  ,  mais  elle  étoit  un  peu  plus  claire); 
enfin  une  excellente  pendule  de  M.  Berthoud. 

Il  fallut  commencer  d'abord  par  faire  confttuire  en 
maçonnerie  trois  piédeftaux  pour  afTeoir  folldement  le 
quart  de  cercle  de  trois  pieds,  l'inftrument  des  partages, 
éc  la  machine  parallatique.  La  pendule  fut  enfuite  fixée 
contre  un  bloc  ou  poteau  de  cèdre  parfaitement  fec , 
qu'on  avoit  apporté  de  San-BIas  pour  cet  ufage.  Ce  po- 
teau avoit  un  pied  de  largeur,  fur  environ  quatre  pouces 
d'épailTeur.  Après  l'avoir  enfoncé  à  deux  pieds  6c  demi 
en  terre ,  8c  en  avoir  affermi  le  pied  par  un  encairtxmenn 
de  maçonnerie,  on  l'aflln-a  encore  par  deux  arcboutants 
qui  le  contenoient  de  deux  côtés,  tandis  que  d'un  troi- 
fieme  il  étoit  appuyé  contre  le  mur,  derrière  lequel  on 
avoit  é'evé  un  maffifde  briques;  de  forte  qu'il  étoit  im- 
poiîiblede  fixer  la  pendule  plus  inébranlablcment.  Cette 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.  7X 

pendule  étoit  en  outre  enfermée  dans  une  boîte  ,  autour 
de  laquelle  on  avoit  collé  du  papier  pour  fermer  tout 
accès  au  vent  &  à  la  poufTiere. 

Pour  foutenir  la  lunette  de  dix  pieds ,  on  drefla  une 
poutre  d'environ  huit  à  neuf  pouces  de  diamètre.  Cette 
poutre  portoit  en  haut  une  potence  qui  tournoit,  à  frot- 
tement doux ,  autour  d'un  axe  vertical.  C'étoit  à  l'extré- 
mité de  cette  potence  que  fcfixoit  la  lunette,  roulant  en- 
tre deux  pivots,  de  façon  qu'on  pouvoir  la  mouvoir  avec 
facilité  ,  foit  dans  le  fens  vertical ,  foit  dans  le  fens  hori- 
zontal. 

Telles  furent  les  difpofitions  par  lefquellcs  M.  Chappe 
fe  prépara  à  l'obfervarion  du  paflage  de  Vénus.  Dès  le 
30  Mai  tous  fes  inftruments  furent  établis  Se  orientés 
tels  qu'ils  dévoient  fe  trouver  au  moment  de  l'obfer- 
vation  du  3  Juin.  L'on  fait  combien  il  elT:  ciTentiel ,  dans 
la  pratique  de  l'aftronomie ,  de  ne  point  attendre  au 
jour  même  d'une  obfervation  importante  pour  s'y  pré- 
parer. M.  Chappe  étoit  obfervateur  trop  habile  fie  trop 
expérimenté  pour  omettre  une  feule  des  précautions 
qui  pouvoient concourir  au  fuccès  de  fon  opération.  «Je 
s>  m'étois  occupé ,  dit-il  dans  un  endroit  de  fon  Jour- 
S5  nal ,  pendant  ma  traverfée  de  Cadix  à  Véra-Crux  ,  à 
»3  calculer  toutes  les  circonftances  du  paflage  de  Vénus 
M  pour  S.  Jofeph ,  à  combiner  toutes  les  obfcrvations  que 
«  je  devois  faire,  à  les  diftribuer  de  façon  que  l'une  ne 
»  nuisît  point  à  l'autre  ^  arrêtant  d'avance  la  place  2c 
"  la  difpofition  de  chaque  inftrument ,  félon  l'opération 
"  à  laquelle  je  le  deftinois.  Je  drcflai  en  outre  une  pan- 
"  carte  oii  toutes  lescirconftances  de  l'obfervarion  étoienc 
53  expofées  dans  leur  ordre  ,  &  je  la  collai  la  veille  contre 
«  le  mur,  en  face  de  mes  inftruments,  afin  de  pouvoir 
i->  me  rappcller  à  chaque  inftant  ce  que  j'avois  k  faire  ou 
35  à  prévoir 'S. 

La  multiplicité  d'obfcrvations  qu'offroit  à  faire  le  phé- 
nomène du  pafTage  de  Vénus,  avoit  d'abord  engagé 


71         VOYAGE    EN  CALIFORNIE. 

M.  Chappe  à  fe  faire  aider  dans  fes  opérations  par  M.  Pau- 
}y  ;  mais  ,  ayant  conlîdéré  que  des  obrervations  de  ce 
genre  ,   déjà  délicates  par  elles  -  mêmes  ,  devenoient 
encore  plus  difficiles  par  la  pofition  du  Soleil  ,  qui  de- 
voit  fe  trouver  prefque  au  zénith,  il  rélolut  de  ne  s'en 
rapporter  qu'à  lui-même.  C'étoit ,  fans  doute,  le  meilleur 
parti  :  peu  d'obfervations ,  mais  bien  faites ,  &  dont  on  eft 
sûr  ,  valent   infiniment  mieux  qu'un   bien  plus  grand 
nombre ,  fur  lefquelles  on  pourroit  former  quelque  foup- 
çon  ,  &  avoir  de  l'incertitude.  L'on  verra  d'ailleurs  que 
M.  Chappe,  par  fon  aélivité  ,  a  fu  ,  pour  ainfi  dire ,  fe 
multiplier;  quoique  {eul  obfervateur  ,  il  n'a  pas  laifTé 
échapper  la  moindre  circonftance  intéreffante  du  paflage 
de  Vénus  :  &  l'on  peut  regarder  Ion  obfervation  comme 
une  des  plus  complettes  qui  aient  été  faites.  M.  Chappe 
jouilToit  encore  en  ce  moment  d'une  bonne  fanté.  Il  ne 
tombamaladequehuit  jours  après,  t'eft  à-dire  le  1 1  Juin. 
Des  accès  de  fièvre  qui  duroient  quelquefois  vingt-deux 
Se  vingt-huit  heures,  interrompirent  tous  fes  travaux 
jufqu'au  i8  Juin,  qu'il  obferval'éclipfe  de  Lune.  Il  fur- 
monta  fa  foiblefTe  pendant  quelques  jours,  &:  fit  plufieurs 
obfervations  jufqu'au  zi  Juin.   Mais  bientôt  la  maladie 
prit  un  tel  accroillcment,  qu'ilfutimpoflîbleàM.  Chappe 
de  fe  livrer  au  moindre  travail  jufqu'au  lo  Juillet.    Je 
trouve  dans  fon  re^iftre  une  obfervation  d'émerlîon  du 
premier  Satellite,  faite  pendant  cet  intervalle;  mais  il 
marque  au  bas  qu'il  eft  extrêmement  incommodé  ,  &.  que 
ia  vue  eft  très  fatiguée  :  aulfi  n'ai  je  fait  aucun  ufage  de 
cette  obfervation.  On  la  trouvera  cependant  rapportée 
à  l'article  quatrième,  parmi  les  obfervations  du  même 
genre  faites  à  S.  Jofeph.  Depuis  le  lo  Juillet  jufqu'au  19 
du  même  mois,  M.  Chappe  fit  encore  un  grand  nombre 
d'obfc  rvations  :  ce  n'eit  pas  qu'il  fe  portât  beaucoup  mieux 
durant  ce  court  intervalle  ;  mais  ce  zèle  admirableauquel 
il  ne  îurvécut  quequelques  in(l:ants,pouvoit  encore  com- 
iioaader  à  la  nature  ôc  la  furmoncer.  Ces  derniers  ejfîort? 

furent 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.  73 
furent  bientôt  fuivis  de  ranéantifTcnicnc  total.  PalFé  le 
19  Juiilet,  on  ne  trouve  plus  la  moindre  obfervation 
dans  le  regiltre  de  M.  Chappc;  fon  Journal  hiilorique 
ie  termine  même  au  7  de  ce  mois. 

M.  Chappe  obierva  donc  à  S.  Jofcph  pendant  un  in- 
tervalle de  deux  mois.  La  diverfité  ,  le  mélange  ,  6c  la 
grande  quantité  de  Tes  obfervations ,  qui  vont  faire  le 
lujetdecette  féconde  Partie,  m'engagent  à  dérangerun. 
peu  l'ordre  de  fon  Journal  &  des  dates,  pour  le  ramener  à 
un  arrangement  plus  fmiple  &c  plus  concis,  en  expofant, 
fous  un  même  coup  d'œil  ,  toutes  les  obfervations  du 


même  genre 


Je  vais  rapporter  d'abord  les  hauteurs  correfpondan- 
tes  prifes  à  S.  Jofeph  les  différents  jours  où  il  a  été  né- 
ccffaire  de  connoître  l'état  &  la  marche  de  la  pen- 
dule pour  les  obfervations  particulières.  Ce  fera».donc  au 
premier  Article  qu'il  faudra  avoir  recours  pour  réduire 
au  tems  vrai  les  heures  des  obfervations  rapportées 
dans  les  articles  fuivants. 

Les  obfervations  qui  ont  rapport  à  la  vérification  des 
inffcruments,  feront  expofées  dans  l'Article  fécond.  Celles 
qui  regardent  la  détermination  de  la  latitude  &  de  la 
longitude  de  S.  Jofeph,  viendront  après.  Enfin  dans 
l'Article  cinquième  on  trouvera  les  dérails  les  plus  cir- 
conftanciés  de  l'obfervation  du  paffage  de  Vénus,  la- 
,quelle,  pour  être  complettement  rédigée  &c  calculée, 
demande  la  connoifTance  des  réfultats  des  obfervations 
précédentes  ,  qui  doivent  donc  naturellement  être  rap- 
portées les  premières. 


fk^ 


K 


74 


VOYAGE  EN  CALIFORNIE. 


ARTICLE     PREMIER. 

Obfervations  pour  établir  Vetat  &  la  marche 
de  la  Pendule. 

J  E  ne  rapporte  point  ici  les  hauteurs  correfpondantes 
prifes  les  II  Se  2  i  Mai  ;  elles  ne  fervirent  qu'à  faire 
recorinoître  qu'il  falloic  raccourcir  le  pendule  d'environ 
une  ligne  un  tiers.  Les  obfervations  intérelTantes  ne 
commencèrent  que  le  zy  Mai. 


Matin. 


Haut. 
(JuSol. 
"H.  M.  Sr  Id:  M. 


Soir. 


H.  M.  s. 


Midi 
conclu. 

'n.'u.7s7 


Le  17  Mai. 


?i   40 

3/;   1 
58   14 
4'J  ly 


57  5° 
î8  10 
j8    50 


it    J4 
19  41 

17    33 


II    <6  47 

46 

47 
48 
48 


Midi   moyen 
Equation 

Midi  vrai. 


56   4- 

~  o  . 


II    5é   47    ; 


10  ;i 

î8 

70  4j 

55 

53  i 

71  3c 

40 

14 

71  30 

41 

^5 

'3  0 

Le  iS  Mai. 


1   iT   19 
iS     1 

15  41 
II    51 


II    $6   y 8    - 

58  I 
î8  i 
58   i 


Midi  moyen. 
Equation. 

Midi  vrai. 


9   59   II   5  ^3 


II   ytf   58  i 


Midi  moyen 
Equation. 

Midi  vrai. 


Matin. 


H.  M.  S. 


Haut, 
du  Sol. 


Soir. 


Midi 
conclu. 


D.  M.j   H.    M.  S.   I    H.    M.  S. 


Le  premier  Juin. 


Il 

iC  { 

se 

c 

I4 

37 

hé 

30 

16 

47 

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58  T 

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69 

30 

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51  i 

70 

0 

45   S 

II  57  47 

40  J9 

48 

38  47 

47 

36  3é 

47 

34  15 

47 

30   4 

47 

17  51  i 

47 

15  45  i 

47 

II    f7   47 
—  o  , 


Midi  moyen    ,         . 
Hq'.iiuion     . 

Midi  vrai.  .  .  11    57  47 

L'Epi  de  la  Vierge. 

8   19   59 

57 

S') 

830     o 


4S  41 

55  3C 

9)1   Irt 

î'    ^  . 

55  4C 

8  yo 

4 

55  37  ; 

55  50 

6  11 

!C    li 

5^  0 

3  40 

ï 

PalTage  moyen. 


8   15   59  T 


Le  1  Juin. 


II    JS    y8    II 


9    39    51  ii58    30 


42-      3 
4^   i(t 


59  o 

•o  o 

48    36   i|éo  30 

|o  47   t'(>i  o 

él  50 


51    59 

55  9 
57  II 
59    30 


o 

«1   30 
(>3     o 


16  9 

13  58 

9  36 

7  15 

5  li 

3  4 

o  51 

58  41 

i6  }i 


ti    58 


Midi  moyen. 
Equation.     . 

Midi  vrai.     , 


II   58      I   i 

—   o>  4 

II    j8     o     4J! 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.  ly 


Matin. 


Haur. 
duSol. 


Soir. 


Midi 
conclu. 


H.    M.  S.    ID.  M.lH.    M.  S.    IH.    M.   S. 


Suite  du  i  Juin.   L'Epi  de  la  Vierge. 


18  7 

19  51 

3  5  19 
35  ^3 
37    lO 

39   J-i 

41    30 


54 

5 

54 

15 

54 

15 

54 

35 

54 

4! 

54 

55 

^S 

5 

SS 

15 

14 

7 

2 1 

11 

10 

34  -r 

lii 

4+  ï 

16 

51 

ï4 

54 

II 

51 

10 

44 

8   i« 


Partage  moyen. 


Le  3  Juin. 


41  »5  3 

S9     0 

46  36  i 

60  0 

48  47 

60  30 

17  8  i 

67  r 

19  19 

«7  30 

It  ÎO  V 

68   0 

13  40  i 

68  50 

14  17 

9    54 


7 
39 
37 
35 


44 
11 
II 

G 


31  5°  I 


S  m 

i  II   j8   If 

15 
15 
15 
15 
'5 
'5 


Midi  moyen 11   58  ij 

Equation —  o. 


40  14 

41  14 

44   3^ 
46   47 
48    j8 
51      9  T 
53    to  1 
55    5>   î 
57   41 
59   55 


58 

30 

59 

0 

59 

3° 

60 

0 

60 

30 

6i 

0 

61 

30 

6t 

0 

6% 

30 

«3 

0 

Le  4  Juin. 

16  4«  5 

14  35  ï 

Il    14  T 

10  15  { 

8      1  k 

5   51  i 

3   40  r 

I    19  { 

59    >8  T 

57  8  -: 


II    J8   30 

50 
30 
3° 
30 
30 
30 
30 
30 
50 


Midi  moyen 11    58   30  { 

Equation —  o  >   3 


Midi  vrai 11    f  8    30  4 


Le  5  Juin. 


9  38 

14 

58 

0 

40 

2-4  ï 

18 

30 

41- 

3«  X 

(9 

0 

49 

9  T 

ÛO 

30 

5' 

10  J 

61 

0 

55 

51 

61 

30 

19   «7  i 

17     5   T 

14  55  i 

8   II   i 

6    10  ï 

5   59   î 


II    58  45  i 

45 

45  i 
45  T 
45  ï 
45   î 


Midi  moyen. 
Equation.    . 

Midi  vrai,  . 


II    j8 


Matin. 


Haut, 
du  Sol. 


Soir. 


Midi 
conclu. 


H.  .M.  S.    in.  M.lH.    M.  S.    |H.    M.  S. 


Midi  vrai 11    58   14    5! 


45  t 
o,  4 


Le  8  Juin. 


II    j8  44  58 


43 
45 
47 
49 
5' 
54 
5« 
58 


II 

14 
35 
46 

57 
18 

19 

30 


Î9 

0 

i  15  54 

59 

30 

13  43 

60 

0 

II  31 

60 

50 

9  il 

61 

0 

7  10 

61 

30 

4  59 

61 

0 

1  47 

6l 

30 

1  0  57 

II    59 


55   : 

34  ■ 

35 

33 

33 

33 

35 

54 


Midi  moyen. 
Equation.    . 

Midi  vrai.  . 


II    59 


55  i 


II    59    33   15 


Le  II   Juin. 


5   ^6 

2-5 

16 


M  i 


10   50  15      73    30  I    itf   37 

51  15   ï  74     o  14  15 

54  37   î  74   30  II   '4 

58  59       75    50  7   51       

Midi  moyen o     }    15  i 

Equation 0,0 

Midi  vrai o      5    15    30 


Le  11  Juin. 


58 
o 
1 
4 
9 

II 


4 
I6 

17 

40 

I 

>3 


61 

30 

61 

0 

61 

ÎO 

«5 

0 

64 

0 

«4 

30 

n 

1 1 


49 


58    16 
J6    Ij 


3  44 
44 
44 
44 
44 
44 


Midi  moyen o     3    44  1 

Equation 0,0 


Mid 


I  vrai. 


3    44   11 


Le  7  Juillet. 


9  14  41 

50  30 

3  I  16 

0  8   } 

16  50 

fl   0 

1  59  14  T 

1 

19  5 

VI  30 

57  3 

4 

11  16 

51  0 

54  51 

4 

Midi  moyen. 
Equation.   . 


4-  o. 


Midi  vrai. 


S     3    Ji 


Klj 


7^ 


VOYAGE   EN  CALIFORNIE. 


Matin. 


Haut. 
duSol. 


Soir, 


Midi 
conclu. 


H,    M.  S.    |D.  M.|H,    M.  S.    jH.    M,  S. 


Le  5  Juillet. 


Matin. 


Haut, 
duSol, 


Soir. 


Midi, 
conclu. 


H,    M.  S.    |D.  M.]H,    M.  S.    |H.    M.  S. 


1  1  ^  '3  r 
lO  I  î  f 
l3      I   {. 


o     8    n 

3?   i 

3)    T 


9    fi   3«  zjf?     o 

Midi  moyen o     8    ?  5   j 

Equation.    .....  ^  ,  -f-  o  ,   4 

Midi  vrai 085559 


Le  1}  Juillet, 


J5 

J'  î 

y? 

0 

f« 

I  T 

J9 

30 

58 

15  5 

tfo 

0 

0 

14 

éo 

3c 

i 

34  i 

61 

0 

4 

4; 

61 

3c 

2  15  7 

22  56 

10  45 

18  54 

!'•.  2.1 

14  i  2 


?     19  8 

28  I 

2-9  î 

18  i 


Midi  moyen 09185 

Equation -+-0,5 


Midi 


9    19    15 


Le  14  Juillet, 


$') 

0 

58 

30 

59 

0 

Î9 

30 

60 

0 

(0 

30 

61 

0 

j  49  50 

52-  ' 

54  II 

56  21 

58   35 
o  43 

^  J4 

Midi  moyen. 
Equation.     . 

Midi  vrai o       9  4^  5^ 


2  19  55 

27  24 

25  15 

13  3 

10  5  I 

j8  41 

16  Jl 


41  î 
41  i 
41  i 
41 

41  i 
41  î 

41    T 


9 

+ 


41     8 

O.   6 


Le  15   Juillet, 


i    9    39    14 

f  4'     -S 

il         4i    35 
i         45    47 
47    58 
5        50     9 


5;   30 
çfi     o 


Ç6 

■7 
57 

58 


40 

54 

38 

13  :i 

36 

11  r 

34 

j 

3  I 

50  T 

29 

41 

54 
f  4 

53 
54 
54 
5S 


Midi   moyen o     9    54  x 

Equation.       ......         +  o  ,   6' 


Midi 


9   55    ^ 


Le   itf  Juillet. 


48  17  T 

57  30 

1  31  55 

0  10   tf 

50  le  ;- 

53  0 

19  44  ï 

5 

51  38  T 

58  io 

17  34  { 

6 

54  47  î 

59   '^ 

15  13  î 

5 

$7  I  i 

«9  }c 

15  15 

7 

59  10 

60     0 

21   I  1 

5 

Midi   moyen.     .....     o   10     6  j 

Equation -+-0,7 


Midi  vrai o   10     7    n 


Le  17  Juillet. 


33  19 

54  0 

35  3°  î 

54  30 

57  41 

^5     0 

39  51 

S^    3° 

42  2 

55  0 

44  ïi 

5(5  30 

2 

47 

14  ^ 

4Î 

3  r 

41 

Ji  T 

40 

41 

38 

3» 

3« 

18  i 

o   10    16 
16 

16 


17 
17 

15  ? 


Midi  moyen. 
Equation 

Midi  vrai.     , 


o   10   16    5 
+  0.9 

o  10   17  9 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.   77 

Parmi  les  hauteurs  correfpondantes  précédentes  , 
celles  du  7,  du  9  &  du  14  Juillet  ont  été  prifes  par 
M.  Pauly.  M.  Chappe,  ayant  été  attaqué  de  la  maladie 
contagicufe  dès  le  1 1  Juin,  fe  trouva  ces  jours-là  hors 
d'état  d'obferver. 

D'après  ces  obfervations  on  a  la  Table  fuivante,  qui 
préfente  fous  un  feul  coup  d'œil  la  marche  de  la  pen- 
dule durant  tout  le  temps  que  M.  Chappe  a  obfcrvé  à 
San-Jofcph,  èc  indique  la  correction  que  l'on  doit  faire 
aux  obfervations  que  nous  allons  rapporter  dans  les  Arti- 
cles fuivants,  pour  les  réduire  au  temps  vrai. 


Retard  de  la' 

Avance  de  la 

Jours. 

Midi  vrai  à  la 
pendule. 

pendule    fur 

le  temps 

vrai. 

Jours. 

Midi   Yrai  à  la 
pendule. 

pendule    fur 

le  temps 

vrai. 

Mai. 

H.   M.   s.  T. 

M.  s.  T. 

Juin. 

H.  M.  s.  T. 

M.  S.  T. 

17 

11    56  47      3 

3    II   57 

11 

0     3    15    3° 

3   15    30 

î8 

Il    56   58     8 

3      1    51 

11 

0      5   44  " 

3  44  11 

19 

Il    57     9   11 

1  50   3P 

Juillet. 

Jain. 

7 

0     S     3   51 

8      5    51 

I 

II    57  47   II 

1  II  48 

9 

0     8   3J   39 

8   3î   39 

X 

II    58     0  4} 

I    Î9    17 

13 

0     9   1?   ly 

9   19   ly 

3 

II    j8    14  j8 

I    45       1 

14 

0     9  4'-   5^ 

9  41  58 

1       4 

II   j8    30     4 

I    19    56 

JJ 

0     9    J5      6 

9   SS     à 

1       S 

II    ;8  44  /S 

I    IJ      1 

16 

0   10     7   II 

10     7   II 

1 

UL= 

II   y?   33   îJ 

0  16   3  5 

17 

0    10    17      9 

10  17     9 

i^^^'•^ 


7S      VOYAGE  EN   CALIFORNIE. 


ARTICLE     IL 

Vérification  des  Inftruments. 

J-j  E  quart  de  cercle  de  trois  pieds  de  rayon  ,  &  la  petite 
lunette  achromatique  de  3  pieds, montéefurunc  machine 
parajlatique  ,  furent  les  inftruments  dont  M.  Chappe  fie 
le  plus  fréquent  ufage.  Il  ell  donc  important  de  confta- 
ter  ici  leur  état.  Je  vais  rapporter  toutes  les  obfervations 
que  j'ai  trouvées  dans  le  regiftre  original ,  relatives  à  la 
vérification  de  ces  inftruments. 
fig. }.  Le  champ  de  la  lunette  du  quart  de  cercle  étoit  garni 
de  trois  fils  fixes  HR,  FI,  CD,  ôc  d'un  curfeuroufil 
mobile  MO. 

part, 

M.Chappetrouval'épaifleur  du  fil  mobile  MO  de3,  i 
L'épailFeur  du  fil  fixe.  .FI  de  3,  i 
L'épaiflcur  du  fil  fixe.  .CD  de  7,  o 

Le  1 8  Mai  au  matin ,  la  diftance  depuis  le  milieu  du  fil 
F  I  jufqu'au  bord  le  plus  prochain  du  fil  CD  fut  trouvée 
de  560  parties.  Le  foir  ayant  été  mefurée  de  nouveau  , 
elle  ne  fut  trouvée  que  de  5  54^"'',  5  \.  C'eft  cette  der- 
nière détermination  que  M.  Chappe  défigne  être  la 
plus  exacte. 

Le  28  Mai,  à  cinq  heures  Se  demie  du  foir,  un  des 
bords  du  Soleil  rafant  le  bord  fupérieur  du  fil  CD, 
on  fit  mouvoir  le  curfeur  MO  jufqu'à  ce  que  lemiliea 
de  ce  fil  touch.u  l'autre  bord  du  Soleil ,  &:  l'on  trouva 
la  diftance  du  milieu  du  fil  F I  au  milieu  du  fil  MO, 
de  139  parties. 

Le  29  Mai,  à  onze  heures  du  matin,  la  diftance  du 
milieu  du  fil  FI  au  milieu  du  fil  MO,  fut  mefurée  de 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.    79 

Il  rëfulte  de  la  première  de    ces  obfcrvacions  ,  que  Parties da  nu- 
793^"'-.^  du  micromètre  répondoient  à   31'    27"  36'",   ;Z"i.ct 
diamètre  vertical  apparent  du  Soleil  ;  èi.  dans  l'obfervation   de. 
du    29   Mai  ,   794'"'"' ,  8   du   micromètre   répondoienc 
à  3  i'  3  5"  5'".  D'oii  l'on  conclut  que 

100  parties  du  micromètre  valent    0°  3'  58"     7'" 
10         .  .  .  0023     48, 7 

I  .  .  .  00222,9 

Le  7  Juin  M.  Chappe  démonta  la  lunette  de  Ton  quart 
de  cercle  ,  pour  melurer  l'épaifTeur  de  l'objedlif  qu'il 
trouva  de  4'''"",  4  ,  &  la  diltance  de  fa  furlace  exté- 
rieure au  bout  du  tuyau,  de  22''="',  2.  La  pofition  des  ocu- 
laires ayant  été  dérangée  dans  cette  opération  ,  il  étoit  à 
propos  de  vérifier  de  nouveau  les  parties  du  micromètre. 

En  conféquence,  le  9  Juin,  vers  trois  heures  &  de- 
mie après  midi,  la  diftance  du  milieu  du  fil  FI  au  mi- 
lieu du  fil  MO  fut  mcfurée  de  trouvée  de  184^''"',  4, 
&  celle  depuis  le  milieu  du  fil  FI  jufqu'au  bord  le  plus 
prochain  du  fil  CD  fut  trouvée  très  exaclcment  de  5^1 , 
5?  ;  ce  qui  donne  le  diamètre  du  Soleil  de  746*""",  3  du 
micromètre.  Or  le  diamètre  vertical  apparent  du  Soleil 
étoit  alors  de  31'  32"  4".  D'où  l'on  conclut  que 

100  parties  du  micromètre  valent  4    13     30 
10  .         .         .         .         .  0    25     22 

I.         .         .         .         .  0231,2 

C'efl:  cette  nouvelle  détermination  dont  il  faut  le  (er- 
vir  pour  toutes  les  obfervations  qui  ont  été  faites  à  San- 
Jofeph,  pafle  le  7  Juin. 

Je  n'omettrai  point  ici  une  remarque  que  fit  M.  Chappe. 
Lorfqu'il  mefuroit  la  diftance  des  fils  FI  &  CD,  en 
faifant  mouvoir  le  curfeur  de  F I  vers  CD,  il  nela trouvoit 
pas  la  même  que  lorfqu'il  faifoit  mouvoir  ce  même  cur- 
ieur  en  remontant  de  CD  vers  FI.  Cette  différence 
fans  doute  doit  être  attribuée  à  la  tenfion  du  relfort  qui 
/l'eft  point  tout-à-fait  la  même,  foit  que  le  curfeur  re- 
fîionce  ,  foit  qu'il  defcende.  De  plusj  on  a  encore  cet 


8o  VOYAGE  EN  CALIFORNIE. 
inconvénienc  dans  cous  les  microme:res;  lavoir  ,  que  le 
reirorc  étant  plus  tendu  à  médire  que  le  curfeur  le  prefle 
en  dctcendanc,.tous  les  tours  du  micromètre  ne  doivent 
point  être  d'une  valeur  égale,  ni  proportionnelle  entre 
eux  ;  de  forte  qu'il  feroit  à  fouhaitcr  ,  pour  une  plus 
grande  exactitude,  que  l'Obfervateur  eût  attention  de 
vérifier  pour  chaque  centaine  départies  du  micromètre, 
ou  pour  chaque  tour  du  cadran,  le  nombre  de  minutes 
èc  de  fécondes  corrcfpondantes  :  ce  qui  peut  fe  faire  très 
facilement  par  le  moyen  des  mires  placées  fur  le  ter- 
rein  ;  méthode  la  plus  exacte  fans  doute  pour  la  vérifi- 
cation du  micromètre.  Si  M.  Chappe  ne  l'employa  pas  à 
San-Jofeph  ,  c'eft  qu'il  n'en  eut  point  le  loifir  dans  l'in- 
tervalle de  fes  obfervations  ;  mais  on  voit  par  une  note 
qu'il  met  dans  fon  regiftre ,  qu'il  fe  propofoit  d'y  avoir 
recours  avant  de  terminer  toutes  fes  opérations ,  que  fa. 
maladie  Sc  fa  mort  ont  il  malheureufement  interrom- 
pues. 

Après  avoir  donné  la  vérification  du  micromètre,  il 
faut  pafler  à  celle  de  la  pofition  de  la  lunette. 
,         M.  Chappe  avant  difpofé  fon  quart  de  cercle  dans  le 

Erreur    du       ,  .  rr.       j  r  i         >       j      i,-    n. 

quart  de  cer-  plan  du  méridien  ,  &:  tournant  le  limbe  de  1  inltrument 
clc  à  regard  tantôt  du  côté  de  l'Orient ,  tantôt  du  coté  de  l'Occident  » 
des  .auteurs.    ^^-^^  ^  différentes  fois  les  hauteurs  méridiennes  fuivantes» 


Hauteur  méridienne  de  /3  d'Hercule. 


u 


7  Juin 
8 

lo 


8 9°  o'  —     4z'"'"-  Le  limbe  versl'Or. 

91  o    -4-   105,  5^ 

91  o    -h   1  o  8 ,  8  >  Le  hmbe  vers  l'Ocç,' 

91  0-4-113,83 


le    7  Juin     %-]" 
15  Juillet  87 

n 


Hauteur  méridienne  d'Arcîurus, 

part. 

30'  —   i9(î,  5 
30 


200,7 


87     30  —  iûi, 6 


Le  limbe  vers  l'Or,' 
llauteuf 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.  8i 


Hauteur  méridienne  d'Arclurus. 


Le     8  Juia     92°  30' 

1 1  Juillet  5)i  30 

13  91  30 

14  92  30 


LelimbeversrOccid. 


Prenant  un  milieu  entre  ces  réfulrats,  on  a 

Haut.mérid.^Sy»   30'  —   I99'""-  le  limbe  vers  l'Or. 
d'Arâ:urus     (92     30    H-  26^,  ôfè  limbevers l'Occid. 


Somme.  .  .      180       o 
Moit.  de  l'excès.     . 
Réduite i 

On  a  pareillement 

Haut,  mérid.   f  89"  o' 
de  /3  d'Hercule^  91     o 


67,  € 
33  8 
25"  erreur  derinftrument. 


42p'"-  le  limbe  vers  l'Or. 
109,  3  le  limbe  vers rOccid. 


180 
Moitié  de  l'excès.  . 
Réduite 


0  -h     67    3 

.     •        33    6-1- 

1  ^ s'  T erreur  de  l'inftrum. 


L'accord  parfait  de  ces  deux  réfulrats  ne  doit  laifler 
aucun  doute  fur  la  vérification  delà  pofition  de  la  lunette 
du  quart  de  cercle  ,  dont  on  peut  fixer  très  exactement 
l'erreur  à  la  quantité  i'  2  5"  -^  dont  cet  inftrument  donne 
les  hauteurs  trop  grandes. 

La  lunette  achromatique  de  trois  pieds  ayant  été  dcf- 
tinée  à  l'oblervation  des  difiTércnces  d'afcenfion  droite 
&  de  déclinaifon  entre  Vénus  &.  le  Soleil,  pendant  le 
pafTage,  M.  Chappe  détermina  avecle  plus  grand  foin  la 
valeur  des  parties  du  micromètre  adapté  à  cette  lunette, 
par  les  mcfures  fuivantes  des  diamètres  du  Soleil. 


Parties  du 
micromètre 
de   îa  lunette 
achromatiq, 
de  3  pieds. 


-/ 


U  VOYAGE  EN  CALIFORNIE. 

Parc,  du  micc.  Diam.  ycttical  app .  du  Soleil. 

2  Juin  à  9  h.  15' du  matin.  843,8 31' 3  3"  53'" 

3  à8      25  842,5 31  33   17 

3  à  3     42duroir.     843,4 3 1  33  15 

D'après  la  dernière  détermination ,  que  M.  Chappe  dé- 
figne  comme  la  plus  exacte,  il  réfulte  que 

1 00  parties  du  micromètre  valent  3'  44"     i'" 
10     .         .         .  .         .  o    22    24,   2 

I.         .         .         ..         .         0214,  4 

Pendant  fon  fé  jour  à  Cadix ,  M.  Chappe,  ayant  mefuré 
une  bafe  fur  le  glacis  de  la  ville,  avoit  fait  la  vérifica- 
tion du  même  micromètre,  &  avoit  trouvé  que  100  part, 
répondoient  à  3' 48"  3'".  Quoique  cette  méthode  de  véri- 
fication, par  la  mefure  d'une  bafe,  foit  la  plus  exaûe, 
je  crois  néanmoins  que  l'on  doit  donner  la  préférence  à 
la  vérification  qui  a  été  faite  prefque  en  même  temps  que 
l'obfervation  du  pallage  de  Vénus  ,  &  qui  par-là  ne  lailTe 
point  foupçonner  qu'il  y  ait  eu  le  moindre  dérangement 
dans  la  pofition  des  oculaires  ôC  la  longueur  de  la  lu 
nette. 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.  83 

«  '  '  """"^ 

ARTICLE     III. 

Détermination  de  la  latitude  de  San-Jofeph, 

1^  ou  s  avons  rapporté  dans  l'article  précédent  les  hau- 
teurs méridiennes  d'Ard;urus  ôc  de  /2  d'Hercule,  obfcr- 
vées  à  différentes  fois  pour  la  vérification  du  quart  de 
cercle.  Ces  mêmes  obfervations  font  les  meilleures  que 
l'on  puilFe  employer  à  déterminer  la  latitude  de  San- 
Jofeph  ,  en  fail'ant  les  calculs  fuivants. 

Hauteur  méridienne  d'Arclurus. 

Obfervée  %-j^  30' — 199  part.  Réduite  87°  11' 3  5"-j- 
Quantité  donthaufle  la  lunette  du  quart 

de  cercle  .  .  .  —      ï  ^  5  T" 

Réfradion        .         .         .         .  —     02-7 


Hauteur  vraie  .         .         ;  87  20    7 

On  trotivc  yar  le  calcul  la  déclinaifon  vraie  d'Arc- 
turus  vers  le  1 5  Juillet  17^9  ,  de       20°  24'  4" -7  boréal. 

Aberration  -+-  9 

Nutation  —  5 

Déclinaifon  apparente d'Ar£turus  20  248-7- 
Hauteur  vraie  .  .  87  zo  7 

Donc,  hauteur  de  l'équateur  .     66  55  587- 
Latitude  de  San-Jofeph     .     .        ^3     4    i  -|- 

Si  l'on  calcule  de  même  par  /3  d'Hercule,  on  a  fa  hau- 
teur obfervée  réduite  de     .     .  88°  58'   13"  T 
Hauteur  vraie           .              .  88    5(j    47   -7 
Déclinaifon  apparente    .     .  22     o    21    -f 

D'où  l'on  conclut  la  latitude  de 

S.  Jofeph  de         .  .  .  ^3      3    34    T 


84      VOYAGE   EN  CALIFORNIE. 

Je  trouve  encore  dans  le  regiftre  de  M.  Ch.ippe  une 
obfervation  faite  le  1 3  Juillet  de  la  hauteur  méridienne 
d'Antarès  qu'il  trouva  de  41°  o'  -f-  124'"",,  %  c'eft- à-dire 
de  41*'  5'  15",  qui,  en  faifant  les  corrections  convena- 
bles, fe  réduifent  à  41°  2'  42",  hauteur  vraie  d'Antarès. 
Je  fuppofe  la  déclinaifon  apparente  de  cette  étoile  de 
25°  54'  5" -7  auftrale.  J'ai  donc  par  cette  obfervation 
d'Antarès  la  latitude  de  San-Jofephde  23°  3'  ii"  ■^. 

Prenant  un  milieu  entre  ces  trois  réfultats,  on  aura 
la  latitude  de  San-Jofeph  en  Californie  de  2  3°  3'  3  6"  -7. 

On  peut  encore  déduire  cette  latitude  d'un  grand  nom- 
bre de  hauteurs  méridiennes  du  Soleil  obférvées  à  San- 
Jofeph,  telles  que  je  les  rapporte  dans  la  Table  fuivante^ 
en  y  joignant  les  réfultats. 


Jours 

du 
mois. 

Haateui  méridienne  du' Soleil 

Lit 

tude  de 

obfervée. 

San 

-Jofeph. 

Juillet. 

D.     M. 

D, 

M.   s. 

12. 

50     /j     -h         8       bord  fup. 

^i 

}      '5 

»3 

50     5y     +     110 

13 

3     M 

14 

91        y     +      196  i 

1? 

5      it 

Ȕ 

89       s     —     S^9<i  bordinfér. 

iJ 

3      Ji 

16 

88      30     —          7,  } 

15 

3     40 

17 

88      }o     —     ijo,  a 

iJ 

1     39 

18 

88      10     —        }i>i 

2.3 

3     49 

^9 

Lai 

88      10     —     i83,9 
itudc  moyenne,         .         :         ; 

i3 

1      50 

15 

3       $ 

Il  paroît  donc  que  l'on  peut  établir  très  exadement 
cette  latitude  de  23°  3'  20". 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.  8 


ARTICLE    TV. 

Obfcrvadons  pour  établir  la  longitude  de  San-Jofepk. 


Jours 

Temps  obfervé. 

Jours. 

Temps 
vrai. 

Mai. 

H.   M.  S. 

Mai. 

H    M.    S 

x8 

i    34   '8^ 

17 

H   37    14 

Emerfion  du  fécond  Satellite.  Ciel  parfai- 
tement ferein. 

1   37  o  V 
39  0  Z' 

Matin 

14  40     6 
41      6 

Emerfion  du  troifiem?. 
Le  fécond  paroît  avoir  recouvré  toute  fa 
lumière. 

45  0  J 

46     é|   Le  troifieme  paroît  avoir  recouvré  toute 

fa  lumière. 

II    i?      3^^ 
33   0   J 

18 

II   ji    59 

Emerfion  du  premier  Satellite.  Lunsttede 

Soir. 

trois  pieds. 

Juin. 

3)    5« 

If  a  recouvré  fa  lumière. 

Juin. 

5 

I    31     5 

Matin. 

4 

13   51  11 

Emerfion  du  premier  Satellite.  Lunette  de 
10  pieds.  Vapeurs  légères  qui  cachent  Ju- 
piter d'inftant  à  autre  ,  ce  gui  rend  cette 
obfcrvation  douteul*.- 

6 

7   Î5      3 

Soir. 

6 

10 

7   J3    58,   Emcrlion   du  premier   Satellite.   Lunette 
de  10  pieds.  Jupiter  parfaitement  termine. 
Obferv.-ition  parfaite. 

10 

II   44   II 

Soir. 

H   40   J7    Emerfiondupremier  Satellite.  Jupiterdans 

les    vapeurs  ,    avant  l'obfervation  ,    s'elt 

éclairci  de  plus  en  plus.   On  voyoit  alors 

parfaitement  les  bandes  &  le  difque  bien 

terminé.  Bonne  obfervation  ,  ayant  bien 

faifi  l'inftant  où  il  eft  forti. 

ai 

II   3Î  49 

Soir. 

11 

11    31    14    Emcrfion  du  fécond  Satellite.  Il  y  a  quel- 
ques vapeurs.  Cependant  on  voit  très  bien 
les  bandes ,  &  le  difque  eft  aiTez  bien  ter- 
luiné. 

15 

8     8   ji 

Soir. 

19 

8      1   yi     Einçrfion  du  premier  Satellite.  Lunette  de 

trois  pieds.  Beau  temps.  J'ai  la  vue  fatiguée 

par  les  veilles  &  la  maladie. 

Juillet. 

Juillet. 

ï4 

0     1   15 

Matin. 

1} 

II    51   4? 

Emerfion  du  premier  Satellite.  Jupiter 
bas  ne  paroît  pas  bien  terminé.  La  Lune 
eft  fur  l'horizon.  Le  temps  d'ailleurs  eft 
beau. 

16 

8    19  S$ 

Soir. 

16 

8   19  45 

Emetfion  du  fécond  Satellite.  Lunette  de 
10  pieds.  Très  beau  temps.  Jupiter  bien 
terminé.  On  voit  parfaitement  ks  bandes. 

;5 


t6        VOYAGE  EN  CALIFORNIE. 

Pour  employer  ces  obfervations  à  la  détermination  de 
la  longitude  de  San-Jofeph,  nous  ferons  les  remarques 
fuivantes. 

Parmi  les  obfervations  que  nous  venons  de  rapporter, 
celles  des  27  &  18  Mai ,  des  6  &c  lo  Juin ,  Se  celle  du 
1 6  Juillet ,  paroiirent  avoir  été  les  mieux  faites  &.  accom- 
pagnées des  circonftances  les  plus  favorables.  En  confé- 
quence  je  les  ai  calculées  avec  le  plus  grand  foin  par 
les  tables  de  M.  Wargentin,  &c  j'ai  trouvé  ; 


£  mer/ion  des  Satellites  pour  Paris. 

Tempsvrai. 

Second.     .     .     27  Mai  22'»     7'     4* 
Premier.    .     .     28             19       06 
Premier     .     .       G  Juin  15      22    17 

Premier     . 
Second 

.     20            19        9   17 
\G  Juil.  15      55>  ii 

Avant  défaire  lacômparaifon  de  ces  réfultats  des  tables 
avec  les  obfervations  deM.  Chappe,  il  faut  avoir  égard 
à  l'erreur  de  ces  tables  Se  à  l'effet  des  lunettes.  En  con- 
féquence  j'ai  calculé  deux  obfervations  faites  vers  ce 
même  temps  à  l'Obfervatoire  Royal  de  Paris  ,  par 
M.  Maraldi. 

Emerjlon  des  Satellites. 

Obfcrvé,  Calculé.         Erreur  des  cabloc.' 

Premier.  .     8  Juin  9*^  51'    9"     9''  50' 40"     —   2.9" 
Second.     .   24  Mai  8    50  30      8    50  41       -+-   ii 

La  lunette  avec  laquelle  M.  Maraldi  a  fait  ce:s  obfer- 
vations efl;  une  lunette  de  15  pieds,  garnie  d'un  excel- 
lent verre  de  Campani,  J'ai  cherché  dans  les  regiftresdc 
l'Obfervatoire  pourvoir  fi  M.  Chappe,  avant  fon  départ, 
n'auroic  point  fait  quelque  comparaifon  de  fes  lunettes 
avec  celle  de  M.  Maraldi  ;  je  n'en  ai  trouvé  qu'ime. 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.  87 

Emerfion  du  premier  Satellite  ^  le  i6  Mars  1 768. 

9''  41'  50"  M.  Maraldi; lunette  de  15  pieds. 

c)    43      3    M.  Chappe;  lunette  achrom.  de  10  pieds. 

9     42   46    M.  Cailini  ;  lunette  achrom.  de  3  pieds. 

D'après  cette  épreuve ,  je  fuppoferai  la  différence  entre 
la  lunette  de  10  pieds  de  M.  Chappe  &  celle  de  M.  de 
Maraldi,  de  13",  dont  celle  de  M.  Chappe  fait  voir  plus 
tard  les  immerfions  6c  plutôt  les  émerfions.  Quant  à 
l'autre  lunette  de  3  pieds,  cette  différence  paroît  n'être 
que  de  4'j  dont  celle  de  3  piedsfait  voir  plutôt  les  immer- 
fions ,  que  celle  de  M.  de  Maraldi  (  i  ). 

Je  calcule  donc  ainfi  la  longitude  de  San-Jofeph. 

Emerfion  du  premier  Satellite, 

calculée  pour  Paris.     .     .     6  Juin   15^21'  17" 

Erreur  des  tables -^H-   2-9 

^fftt.  de  la  lunette  de  i  opieds 

fur  celle  de  M.  de  Maraldi  —  13 

Emerfion  telle  qu'elle  eût  été 

obfervée  à  Paris  avec  la  lu-  .^ „ 

nette  de   10  pieds.  .     .     .     6  Juin   15*122''  33" 

Obfervée  à  San-Jofeph  avec  la 

lunette  de  10  pieds.      .     .     6  7''5  3'   5^ 

Différence  des  méridiens  entre 

Paris  &  San-Jofeph.     .     .  7''28'3  5" 

(i  )  Je  ne  prétends  pas  donner  ici ,  comme  très  exaâe  ,  cette  com- 
paraifon  entre  les  lunettes  d'après  une  feule  épreuve  ;  mais  pour 
approcher  du  vrai,  on  ne  doit  rien  négliger  ,  on  profite  des  plus 
petites  connoiflances.  Si  les  inftruments  de  M.  Chappe  eulfent  été 
rapportés  en  France ,  on  eût  pu  faire  à  loifir  ces  comparaifons  & 
vétifications  \  encore  n'euffent- elles  pas  été  complettes,  n'érant  pas 
faites  par  M.  Chappe  lui-même.  La  vue  de  l'Obfervateur,  fa  ma- 
nière propre  d'obferver  &  d'eûimer ,  influent  plus  qu'on  ne  penfe 
dans  les  obfervations. 


7 

x8 

40 

7 

28 

3^ 

7 

18 

33 

7 

Z9 

ï3 

S8      VOYAGE  EN  CALIFORNIE. 

On  la  trouvera  de  même  par 
rémeriîondu  premier  Satel- 
lite du  28  Mai,  de     ... 

Et  par  celle  du  zo  Juin  ,  de  . 

Par  rémerfioii  du  fécond  Satel- 
lite du  27  Mai,  de.  . 

Par  celle  du  16  Juillet,  de  .     . 

Longitude  moyenne     .     ,     ."^  7  28    53 

MM.  Doz  ôc  Médina  ont  déduit  cette  même  longi- 
tude de  leurs  obfervations ,  ôc  l'ont  trouvée  de  7  heures 
28'  17". 

La  méthode  de  déterminer  les  longitudes  géographi- 
ques par  l'obfervation  des  Satellites  de  Jupiter  eft  fans 
doute  la  plus  fimple,  la  plus  commode,  &mêmeunedes 
plus  exadies  du  côté  de  la  théorie.  Mais  la  pratique  nous 
apprend  que  l'on  n'en  obtient  pas  toujours  l'extrême  pré- 
cilion  que  l'on  croiroit  d'abord  être  en  droit  d'attendre. 
A  moins  d'avoir  obfervé  dans  un  lieu  un  nombre  fuffifant, 
tant  d'immerfions  que  d'émerfionsd'un  même  Satellite, 
que  l'on  puifle  comparer  aux  femblables  obfervations 
faites  dans  un  endroit  bien  déterminé ,  dans  des  cir- 
conftances  à-peu-près  femblables ,  avec  des  lunettes  dont 
on  connoifle  bien  les  différences  &  l'cfFcr,  on  ne  doit 
pas,  je  crois,  fe  flatter  de  pouvoir  déterminer  la  longi- 
tude plus  exaâement  qu'à  20  ou  30"  de  temps  près. 

Quant  à  la  longitude  de  San  Jofeph  que  je  viens  de 
déterminer,  d'après  cinq  émcrfions  tant  du  premier  que 
du  fécond  Satellite,  obfervées  par  M.  Chappe  ,  quoique 
quatre  de  ces  obfervations  ne  difFerent  entre  elles  que  de 
7",  je  crois  néanmoins  devoir  donner  plus  de  confiance  à 
la  longitude  déduite  dirc£tement  de  l'obfervation  du 
paiflige  de  Vénus  fur  le  Soleil  ,  Si.  que  l'on  trouve  de 
7  heures  28'  6",  je  crois  pouvoir  la  fixer  à  7'*  28'  10"  ende- 
gres  1 12°  2  30  . 

Au 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.  89 

Au  refte,  pour  ne  rien  laifler  à  délirer  fur  cette  matière, 
&  renfermer  dans  cet  article  tout  ce  qui  peut  avoir  rap- 
port au  même  objet,  je  vais  rapporter  ici  l'obfervation 
de  l'éclipfe  de  Lune  du  i  8  Juin  17(^9  que  M.  Chappe  a 
faite  à  San-Jofeph  quelque  temps  avant  que  de  mourir. 

Je  la  tranfcris  ici  telle  que  je  la  trouve  dans  le  regiftre 
original ,  écrite  de  la  main  de  M.  Chappe,  &  accompa- 
gnée des  plus  grands  détails. 

Il  faut  fuppofer  i  avance  de  la  pendule  fur  le  temps 
vrai  de  t!  27"—  au  commencement  de  l'éclipfe,  &  de 
z' 41"  à  la  fin.  ' 

EcUpfe  de  Lune  du  1%  Juin  17(39. 

Temps  obfervé. 

Heure  de  la  peu-  Temps  beau  Se  ferein. 

dule. 

10^^45'    o"     On  apperçoit  à  la  vue  que  la  Lune  entre 
dans  la  pénombre  ;  mais  dans  la  lunette  on 
n'appcrçoit  aucun  changement. 
II      8     0       L'éclipfe  eft  commencée,  je  crois,  d'une 
minute.   L'ombre  eft  fi  claire,  &  la  Lune  fl 
bien  terminée,  que  je  penfe  avoir  eftimé  ce 
commencement  trop  tard.  La  lunette  de  trois 
pieds  dont  je  me  fers  ne  fait  cependant  l'efFet 
que  d'une  lunette  de   8  pieds  à-peu-près. 
II    II   41    Grimaldus  entre. 
13   2. 2.  entré. 

Il    17   21   Mare  humorum  entre, 
II    18   35    Galileus  entre. 
19   2'7  entré. 

II    1 9  43    Gajfendus  entre. 
21    20  entré. 

II    27  25   Keplerus  entre. 
î8      I  entré. 

11    30  41   Ariflarchus  entre. 
il   31   30  Tycho  encre. 

M 


5>ô     VOYAGE  EN  CALIFORNIE, 

1 1  h  3  2'    1"  Arijlarchus  entré. 

II   32  4^  Tycho  à  moitié  entré. 

33    32  Tycho  totalement  encré. 
ji    3<3  45    Copernicus  entre. 

38  30  A  moitié  entré. 

39  44  Totalement  entré. 
Il    5 (>   33   Manilius  entre. 
Il    57   30  Dionifius  entre. 

11  57   50  Manilius  entré. 
1158     7  Dionifius  entré. 

12  I   43   Mtnclails  entre. 
2    18  entré. 

12     7  i  3  Plato  entre. 
9  42  entré. 

12   14  58  Eudoxius  entre.|^^,g  ^^^^^^ 

16      I  entre.' 

12    17   30  Arifloteles  entre. 
1219      I   Marc  crifium  entre. 
24  5^  entré. 

33    10   Tymochans  entre,  .j^^^^^^^^^ 
3  5      8  entre,  j 

On  voit  une  demi-douzaine  de  petites  étoi- 
les de  la  huitième  grandeur,  proche  de 
la  Lune. 
12  40  47  Le  bord  de  la  Lune  dans  la  pénombre  :  on 
voit  à  la  vue,  ainfique  dans  la  lunette,  le 
fcgment  de  la  Lune  qui  n'eft  pas  éclipfé. 
12  48  G  Le  bord  de  la  Lune  n'ell  pas  encore  dans 
l'ombre. 

12  54     G  Le  bord  de  laLunes'obfcurcit  un  peu  plus  ; 

mais  décidément  la  Lune  n'eft  pas  encore 
éclipfée,  5c  il  paroît  que  réclipfe  ne  fera 
pas  totale. 

13  I      o  Le  bord  de  la  Lune  dans  le  même  état.  Le 

fegmcnt  éclairé  tourne  vers  ^/"z/Zo/^/^^  ,•  de 
forte  que  dçs  parties  éclipfées  fortent  de 
l'ombre. 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.  91 

13**    j'    o"  La  partie  éclairée  augmente. 

13  10  o  La  partie  éclairée  vis-à-vis  à'Harpalus.  Le 
bord  éclairé  paroît  plus  brillant.  Ondlftin- 
gue  Harpalus  dans  la  pénombre. 

13  15  30  Le  fegment  éclairé,  toujours  vis-à-vis d'//iz/-- 
palus.  Le  bord  de  la  Lune  eft  auffi  bien 
terminé  &  auffi  clair  que  hors  deséclipfes. 

13    20     7  //izr/'û/«J  entièrement  forti. 

13    27    58   Plato  i'orz.^rr  V  CL 

,-  Cr.  ^-  S- i  res  exacte. 

29   17  lorti.  f 

13    31  16  Arifiarchus  fort. 

31  13                       forti. 

53    3  ^  3  ^  Galileus  commence  à  fortir. 

13    38  o  Gr/wa/ij'z^i&.TyOToc/^am  commencent  à  fortir, 

39  58  Grimaldus  forti. 

13   40  47  Eudoxus  forti. 

13  41  14  Tymoehans  forti. 
1343  8  Kepler  fort.  Douteufe. 

48   2D  Copernic  {oxt. 

50    51  forti. 

liL     o    ^^  Manilius  fort.  ■)  t^  /- 

^         ^  r     •  ^  Douteufe. 

I    31  iorn-i 

14  310  Menelails  fort. 
4     I  forti. 

14  II    37  Dionifius  fort. 
II    54  forti. 

14   ,3  20  TycAofort.j^^,^^^^^^^ 

15   25  lorti.^ 

14  21   41    Mare  crijium  fort. 

14  40  36   Le  bord  de  la  Lune  commence  à  s'éclaircir. 
14  41    20  Fin  de  l'écliple. 
14  41    17  Le  bord  dans  la  pénombre. 
14  4(>     o  Le   bord  prefque  auffi  clair  &  auffi  bien  ter- 
miné que  le  reftant  du  difquc  ,  avec  cette 
différence,  qu'il  devient  d'une  couleur  tirant 
fur  le  jonquille  lorfqu'il  eft  vers  le  bord  de 

M  ij 


fi         VOYAGE    EN  CALIFORNIE. 

la  lunette,  au  lieu  que  le  reftedu  difqueeft 
bleu,  ce  qui  eft  une  preuve  qu'il  y  a  encore 
de  la  pénombre  qu'on  voit  à  la  vue  fur  la 
Lune. 

14^48'    o"  Le  bord  de  la  Lune  parfaitement  terminé  j 
mais  il  paroît  encore  barbouillé  à  la  vue. 
L'éclipfe  n'a  pas  été  décidément  totale  ;  elle  ne  m'a  paru 

que  de  onze  doigts  ^. 

M.  Chappe  fe  trouva  d'une  fi  grande  foîblefTe  après 
cette  obfervation ,  qu'il  ne  put  obferver  la  Lune  à  fon  paf- 
fage  au  méridien. 

La  préfente  éclipfc  n'ayant  été  obfervée  dans  aucun 
endroitconnu  (du  moins  n'en ai-jeaucuneconnoifTancejj 
nous  ne  pouvons  la  comparer  qu'au  calcul  qui  en  fixe  le 
commencement  à  Paris  le  18  Juin.  .  .     18^  34' 29" 

Obfervée  à  San- Jofeph 11      5   22 

Différence  des  méridiens  de  San- 

Jofeph  ÔC  de  Paris y'*  i9'     7" 

Fin  de  l'éclipfe  calculée  pour  Paris.   H^    8'  19" 
Obfervée  à  San- Jofeph ^4    3^    39» 

Difi^érence  des  méridiens  de  San- 

Jofeph  èi,  de  Paris  .....       7^  29'  40" 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.  93 


A  R  T   I  C   L  É    V. 

Oifcrvanon  du  pajjage  de  Vénus  fur  le  dijquc 
du   Soleil. 

JLi'iMPORTANCE  de  cette  obfetvation  avoit fait  pren- 
dre à  M.  Chappe  toutes  les  précautions  poiîlbles ,  non 
feulement  pour  y  apporter  de  fa  part  l'attention,  la 
précifion  &  l'adrefTe  dont  il  étoit  capable ,  mais  encore 
pour  n'être  point  trompé  £c  n'avoir  aucun  foupçon  d'in- 
certitude dans  les  opérations  qu'il  avoit  été  obligé  de 
confier  à  d'autres ,  ne  pouvant  abfolument  tout  faire  par 
lui-même.Sondomeftique,  fort  habitué  à  compter,  étoit 
à  la  pendule.  M.  Pauly  fe  tenoit  à  côté  de  lui,:fuivoic 
la  féconde,  nommoit  lès  minutes, :&  étoit  chargé  d'é- 
crire. Non  content  de  l'attention  de  ces  deux  perfonncs, 
M.  Chappe  pluficurs  fois  alla  par  lui-même  vérifier  la 
minute,  principalement  au  premier  ôc  au  fécond  contact. 
M.  Dubois,  l'Horloger,  étoit  occupé  à  tourner  la  vis 
de  la  machine  parallatique,  &  à  aider  M.  Chappe  dans 
la  manutention  des  inftruments. 

•  Pendant  toute  la  matinée  M.  Chappe  avoit  eu  la  pré- 
caution de  n'obferver  que  de  l'œil  gauche  ,  &  de  cou- 
vrir l'autre,  le  réfervant  pour  l'obfervationla  plus  elTen- 
tielle,  celle  du  fécond  contact. 

En  rapportant  ici  l'obfervation  du  pafTage  de  Vénus, 
je  crois  ne  pouvoir  mieux  faire  que  de  tranfcrire  fcrupu- 
leufemcnt,  ôc  prefque  mot  à  mot ,  ce  que  j'ai  trouvé  dans 
le  regillre  original ,  avec  les  notes  ôc  explications  que 
M.  Chappe  lui-même  a  ajoutées. 


94         VOYAGE   EN   CALJfORNIE, 


Temps    obfervé 
à  la  pendule. 


Jui 


uin. 


2  3M7  3i 


3  Juin. 
0     3  30 


Temps  vrai. 


z3H59'i7"   ^"' 


5   M 


Premier  contàcl ,  à  la  lu- 
nette achromatique  de  5 
pieds ,  montée  fur  une  ma- 
chine parallatique. 

J'apperçois  Vénus  fai- 
fant  une  petite  échancrure 
fur  le  bord  du  Soleil  par- 
faitement ternviné.  Je  ne 
crois  pas  que  cette  première 
phafe  s'écarte  beaucoup  de 
la  véritable  ,  parceque  l'é- 
chajicrure  étoit  très  petite, 
:,;q  j;l  j; 

Entrée  du  centre ,  eflimie. 
Je  fus  très  attentif  à  exa- 
miner fi  je  verrois  Vénus 
hors  du  Soleil ,  avec  le  croif. 
fant  qui  a  été  vu  dans  le 
pafTage  de  1 76 1  ;  mais  je  ne 
lapperçus  pas.  Je  remarquai 
feulement  que  vers  le  mi- 
lieu de  l'entrée  de  cette  pla- 
nète on  diftinguoit  une  par- 
tie du  difque  de  Vénus  pro- 
che du  difque  du  Soleil ,  tel 
qu'on  le  voit  dans  la  figure 
première,  planche  troifie- 
me.  Les  deux  cornes  A  &  B, 
ou  continuation  du  difque 
de  Vénus,  fembloient  à  la 
vérité  annoncer  le  com- 
mencement du  croiflant, 
que  je  n'aurai  peut-être  pas 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.  95 


Temps    obfervé 
à  la  pendule. 


i  Jui»^ 


lîo.'.: 


Temps  vrai. 


ÏV  Eq.T 


jfiXp  2j:îîr 


ïipf  ètcu  à  càufe  que  ma  1h- 
necte  groffifloit  beaucoup, 
&  écoic  par  conféquent 
moins  claire. 

Second  contacl. 

A  rentrée  totale  de  Vé- 
nus j'obfervai  très  diftinc- 
tement  le  fecqnd  phéno- 
mène qui  avoit  été  remar- 
qué par  la  plus  grande  par- 
tie desAftronomes  en  \-jG\. 
Leborddudifque  de  Vénus 
s'alongea  (  -v^oy.  jigtire  i  ) 
comrhe  s'il  était  attiré  par 
le  bord  du  Soleil. 
-~  Je  n'obfervai  point  pour 
rînftant  de  l'entrée  totale, 
celui  où  le  botd  de  Vénus 
commencoit  à  s'aionf^er; 
mais  ne  pouvant  pas  douter 
que  ce  point  noir  ne  fît  par- 
tic  du  corps  opaque  de  Vé- 
nus ,  j'oblervai  le  moment 
oii  il  étoit  à  fa  fin  :  de  facon- 
quel  entrée  totale  ne  peuc 
être  arrivée  plutôt,  mais 
peut-être  plus  tard  de  deux 
ou  trois  fécondes.  Le  point 
noir  étoit  un  peu  moins 
obfcur  que  le  refte  de  Vé- 
nus, Je  crois  que  ç'eft  le 
même  phénomène  que  ce- 
lui que  j'obfervai  à  Tobolslc 
len  i7(3U 


96       VOYAGE  EN  CAUJFÛ.RÎîIE< 


Temps    obfervé 
à  la  pendule 


3  Juin. 
5^  53'    9" 


6     z   i6 


6  1 1   3  8 


Temps  vrai. 


5^4' 50"  1 8'"^ 


6     3    57  lî  T 


6    13    19      7  T 


17  2Ç3i:)T 


Premier  contaclalafor- 
tie  ,  avec  la  lunette  de  dix 
pieds. 

Le  Soleil  étoit  ondoyant 
ain{i_ que; Vénus,  ce  qui 
rendoit  cette  obfervation 
très  difficile.  A  ce  premier 
contact  Vénus  s'ell  alon- 
gée  plus  confidérablemenc 
que  le  matin  ,  en  s'appro- 
chanttout-à-coup  du  bord 
du  Soleil. 

Sortie  du  centre^  eftimée 
très  exadlement  à  ce  qu'il 
m'a  paru. 

Second  contact ,  ou  for^ 
tie  totale.  Elle  ne  me  pa- 
roît  pas  être  arrivée  plutôt, 
peut-être  4"  plus  tard ,  mais 
je  n'en  fuis  pas  certain. 


Pour  obfervcr  avec  toute  la  précifion  poffible  les  deux 
contacts  à  la  fortie  ,  je  difpofai  ma  lunette  de  façon 
que  je  ne  fulfe  pas  obligé  de  la  remuer  vers  ces  moments. 
Sans  cette  précaution  j'eufTe  été  dans  le  cas  de  perdre 
de  vue  Vénus;  de  pren4re  le  fond  du  ciel  pour  le  bord 
du  difque  de  cette  planète ,  ôc  de  commettre  ainfi  une 
erreur  énorme,  au  lieu  qu'en  ne  quittant  pas  un  inf- 
tant  de  vue,  au  dernier  contait,  le  bord  de  Vénus 
qui  paroifloit  un  peu  plus  noir  que  le  fond  du  ciel  , 
j'eus  cette  phafe  avec  toute  l'exactitude  poffible. 

J'avais  chargé  M-  Pauly  d'obferver  à  1^  lunçtte  de  trois 

pieds 


ta^.  l7o 


de  îc-.  ûardeJ^    SoiJf- 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.  97 

pkds  les  deux  conta£ls  de  la  forcie  ;  il  étoit  déjà  un  peu 
exercé  aux  obfervations.  Il  obferva  le  premier  contait 
22,"  plutôt  que  moi,  àc  le  dernier  37''  plutôt.  Comme 
il  étoit  à  côté  de  moi^  je  m'apperçus  du  moment 
où  il  quitta  la  lunette  pour  aller  à  la  pendule  ,  ôc 
je  vis  très  bien  qu'il  fixoit  trop  tôt  les  moments  du  pre- 
mier ôc  du  fécond  contait  ;  car  je  voyois  encore  Vénus 
parfaitement  lorfqu'il  étoit  à  la  pendule. 

On  ne  peut  pas  fans  doute  defirer  une  obfervation 
plus  complette  de  plus  détaillée  que  celle  que  nous  ve- 
nons de  rapporter.  On  en  conclut  la  durée  dupaffage^  ou 
demeure  du  centre,  à  San-Jofeph,  de  ^  ^^'  4fTL\^'\() 
&  le  milieu  du  paflage à     .     .     .     .      3     6  13  20,  2 

Mefure  des  diamètres  de  P^énus. 

M.  Chappe  fe  fervit  de  la  lunette  de  3  pieds,  garnie 
d'un  micromètre,  pour  mefurcr  le  diamètre  de  Vénus 
dans  le  cours  de  fon  paffage  fur  le  difque  du  Soleil. 

Diamètre  de  Vénus  en 


Temps  à  la  pendule: 

parties  du  micromètre. 

Evalue. 

3  Juin  i'^    i'     , 

23,5        .        ... 

0° 

0^52"  38'",  8 

I    55 

23,5        .... 

52    38,8 

2      0     . 

23,0        .... 

51   31,  6 

2    17 

23,0        .... 

51   31,^ 

3    3^ 

22,9        .... 

51    18,0 

3    M 

.         22,9         .... 

51    18,0 

Avec  le  quart  de  cercle  de  trois  pieds. 
518     .      27,0      .      ...  ^4  17,  5 


N 


5>8       VOYAGE  EN    CALIFORNIE. 

J'ignore  ce  qui  a  pu  faire  trouver  à  M.  Chappe 
le  diamètre  de  Vénus  iî  différent  de  celui  qu'ont  déter- 
miné les  autres  Aftronomes.  On  voit  fur-tout  avec  éton- 
nement  le  peu  d'accord  de  la  dernière  mefure  prife  au 
quart  de  cercle ,  avec  les  précédentes  prifes  à  la  lunette  de 
trois  pieds.  J'aurois  abfolument  rejette  cette  dernière  ob- 
fervation  lî  elle  n'avoic  été  répétée  deux  fois ,&:  fi ,  d'ail- 
leurs, je  n'euffe  remarqué  qu'en  prenant  un  milieu  entre 
fon  réfultat  &  celui  des  autres ,  on  trouve  le  diamètre 
de  Vénus  de  57",8;  valeur  conforme  à  celle  qu'on  a 
trouvée  jufqu'à  préfent. 

Au  refte,  la  meilleure  manière  de  déterminer  ce  dia- 
mètre eft  de  le  déduire  du  temps  que  Vénus  a  employé 
à  traverfer  le  bord  du  Soleil.  Or  ,  par  les  deux  con- 
tadls  de  la  fortie ,  on  trouve  que  cet  intervalle  de 
temps  a  été  à  1 8'  z  8",  8  ;  ce  qui  donne  le  diamètre  de  Vé- 
nus de  56",  4,  d'autantplusexaiî};  qu'il  faudroit  une  erreur 
d'environ  20"  dans  la  durée  de  cet  intervalle  pour  pro- 
duire une  féconde  d'erreur  dans  la  mefure  du  diamètre. 

Obfervation  de   la  dijlance  des  centres  de  Venus  0  du 
Soleil ,  en  afcenfwn  &  en  déclinaifon. 

La  figure  troifieme  repréfente  la  pofition  du  Soleil  5c 
de  Vénus  dans  le  champ  de  la  lunette  achromatique  de 
3  pieds  montée  fur  une  machine  parallatique.  Cette  lu- 
nette étolt  difpofée  dé  façon  que  le  bord  boréal  du  Soleil 
fuivit  exa£lement  le  fil  FI.  Le  Soleil  s'avançant  de  I 
vers  F,  Monfieur  Chappe  obCervoit  les  pafl"ages  des  bords 
occidentaux  du  Soleil  &:  de  Vénus  au  fil  horaire  HR,  ôc 
faifant  mouvoir  le  fil  mobile  MO,  il  mefuroitladiftance 
du  bord  boréal  du  So^eil  au  bord  de  Vénus  le  plus  pro- 
che. D'oii  il  eft  aifé  de  déduire  les  difi^érences  d'afccnfion 
droite  6c  de  déclinaifon  de  Vénus  6c  du  Soleil  à  chaque 
obfervation. 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES,  je, 


Pajfage  au  fil  horaire. 

Temps  vrai. 

Première  obfervation.  Seconde  obferrac. 

Bord  occidental  du  Soleil o^i-j'  i'^'\6 

BordoccidentaldeVénus. .  o'^  25'  ii",7  .  .  .  o  28  54,  6 
Boi'd  oriental  de  Vénus ...  o  25  15, 7.  ..o  28  58,  6 
Bord  oriental  du  Soleil.. .  o   25  48,  7  .  .  .  o  29   32,   6 

3°  observation.         4=  obfervation.        5' obfervation. 

Bord  occ.  du  Sol.  2h  3  7'  5  6'\-j . .  4^  5 9'  14",$) . .  5*^  6'  5  ^'\c) 
Bord  occ.  deVén.  2  38  58, 7. .4  59  45,9..  5  7  19,9 
Bord  or,  de  Vénus  2  39  2, 7.. 4  59  49,  9  . .  5  7  23,9 
Bord  or.  du  Soleil  2  40   14,  2..  5      i   42,4..  5   9    18,4 

L'on  voit  donc  que  dans  la  première  obfervation  le 
centre  de  Vénus  fuivoit  le  centre  du  Soleil  au  fil  horaire 

//  '         1        '  et  '  If 

33,5  évaluées  0°    7  45 

3i,  5  07  29 

4,  2  o      o  59 

45, 7  o  io  35 


de         ...         . 

Seconde. 

Troifieme.  Vénus  précédoit 

Quatrième     . 

Cinquième.   . 


47  ) 


10  51 


Temps  vraL 
3  Juin  et  15'  13",  7 


r 


\ 


i  39  o>3 
i  43   39,  3 

2      56     2(î, 

3  I  39,  7 
3  9  14,  7 
3   II   19,  I 

3  i5   11,9 

4  59  47»  9 

Lediait).  du  Soleil. 

3  4^ 


Diftance  du  bord  boréal  Différence  de   décli- 

du  Soleil  &  du  bord  bo-  naifon   apparente  des 

rcal  de  Vénus  en  parties  bords  du  Soleil  &  de 

du  micromerre.  Vénus. 

. .    74, 5  évaluées  0°  i   48"    o'",  4 


133,5 

139,5 

143,7 
148,0 

149,0 

150,5 
159,0 
209,9 

Je  l'ai  fuppofé 
d'après  le  cal.  de 

843,4 


4  59     5,0 

5  li  31,4 


5 


21 


55^ 


5  31  34,0 
5  3  5  49,8 
5  3<î  3,0 
5  5<^  i^,^ 
7  48    13, <^ 


31   33    15,® 
Nij 


loû    VOYAGE  EN  CALIFORNIE. 

Auffi-tôt  après  le  premier  contact  de  l'entrée,  c'eft-à- 
dire  à  o^  i'  51"  temps  vrai,  M.  Chappe  mefura  au  grand 
quart  de  cercle  de  trois  pieds  la  différence  de  hauteur 
entre  le  bord  inférieur  boréal  du  Soleil  2c  le  point  de 
fon  difque  où  Vénus  étoit  entrée,  &  il  la  trouva  de 
^8,'""-  5,  ou  î'  43"  6*', 5  dont  Vénus  étoit  plus  élevée: 
de  immédiatement  après  le  premier  contad:  delafortie, 
c'eft-à-dire  à  5**  5  8' 19" -f»  la  différence  dehauteurdu  point 
de  fortie  &:  du  bord  du  Soleil  le  plus  proche  fut  trouvée 
de  8 !•""•,  ou  3'  II"  51'",  5.  Or  par  le  calcul  on  trouve 
que  dans  la  première  obfervation  la  hauteur  apparente 
du  bord  du  Soleil  doit  être  de  89°  32'  47",  ÔC  dans  la 
féconde  de  8°  48'  zi";  ce  qui  donne  la  hauteur  appa- 
rente du  point  de  l'entrée  de  89°  30' 4",  &  celle  du  point 
de  fortie  de  8°  51' 35". 

Ce  n'eft  point  ici  le  lieu  de  fixer  le  principal  réfultat 
que  l'on  peut  tirer  de  cette  obfervation  par  rapport  à  la 
parallaxe  du  Soleil  :  nous  en  parlerons  à  la  fin  de  cet  Ou- 
vrage, Quant  à  préfent  il  fuffit  de  dire  qu'en  fuppofant 
cette  parallaxe  de  8",  6y  lecalcul  de robfervation propre 
de  San-Jofeph  donne 

L'heure  vraie  delà  conjon£tion  de  .     .     2'»45' 57" 

Milieu  du  pafTage 3^45-7^ 

Plus  courte  diftance  des  centres  de  Vénus 

Ôc  du  Soleil     .......  o°io'    7^ 

Lieu  de  la  conjonction    .     .     .     .     2?  13    27   20 

Latitude  au  moment  delà  conjondt.  10   14 

LieuduNœud 2?  14  3^     3 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.  loi 


ARTICLE    VI. 

Eclaircijfements  fur  la  longitude  de  V^era-Crux  ,  de 
Mexico ,  ainfi  que  fur  différents  autres  points  de  Géo- 
graphie ^  touchant  le  Mexique  ù  la  Californie. 

jlJ  a  n  s  la  première  partie  de  cet  ouvrage ,  qui  comprend 
la  relation  du  voyage  de  M.  Chappe  à  travers  le  Mexi- 
que ,  je  n'ai  point  cru  devoir  entrer  dans  le  détail  circons- 
tancié d'un  journal  itinéraire  :  il  n'en  eft  pas  de  même 
ici, où  je  crois  devoir  confirmer  &  conftater  les  correc- 
tions qui  ont  été  faites  à  une  nouvelle  Carte  de 
l'Amérique  feptentrionale  y  dédiée  a  l'Académie  Royale 
des  Sciences  de  Paris  par  Don  Jofeph- Antoine  de  Al- 
\ate  y  Ramire\  en  1768  ,  5c  publiée  dernièrement  par 
M.  Buache.  Les  détails  font  eflentiels  à  l'objet  que  je  me 
propofe  dans  cet  article. 

Je  commencerai  d'abord  par  la  détermination  des 
deux  points  principaux  ;  favoir  ,  la  polition  de  Vcra- 
Crux,  &  celle  de  Mexico. 

De  la  longitude  &  de  la  latitude  de  Vera-  Crux, 

Le  port  de  Vera-Crux ,  autrement  dit  San- Juan  de 
£7/«a,el1:,  comme  l'on  fait,  un  des  principaux  du  golfe  du 
Mexique.  C'eft  là  où  abordent  la  flotte  Efpagnole  &  les 
autres  vaifTeaux  qui  viennent  d'Europe  au  Mexique.  On 
diftingue  Vera-Crux  Kieja  &C  Vera-Crux  Nueva.Ycï^-^ 
Crux  Vieja  eft  iîtuée  à  quelque  diftance  de  la  mer  ,  fur 
une  petite  rivière  qui  fe  décharge  dans  le  golfe  ;  mais  il 
n'eft  queftion  ici  pour  le  préfent  que  de  Véra-Crux  Nueva,, 
dont  la  pofition  eft  la  plus  cflentielle  à  déterminer. 

Le  grand  nombre  de  voyages  que  les  Efpagnols  fonc 


TOI    VOYAGEEN  CALIFORNIE. 

tous  les  ans  à  Vera-Crux  femblcroit  devoir  faire  efpérer 
une  détermination  exa6te de  la  pofitionde  ce  port.  On  va 
voir  cependant  combien  on  étoic  éloigné  juiqu'ici  de  la 
connoîcre. 

Don  Jofeph- Antoine  de  Alzate  y  Ramirez ,  dans  fa 
Carte  du  Mexique,  dédiée  &L  envoyée  en  1768  à  l'Aca- 
démie, place  Véra-Cruxpar  101°  3  o' à  l'occident  de  Pa- 
ris ,  &  par  18"  50'  de  latitude.  Dans  le  Neptune  Fran- 
çois la  longitude  de  ce  lieu  eft  de  100°  17',  fa  latitude 
de  1 9°  (,'. 

Voici  comme  je  détermine  l'une  êc  l'autre. 

M.  Chappe  avoit  emporté  avec  lui  une  montre  ma- 
rine, qui ,  du  Havre  à  Cadix,  fie  dans  le  refte  du  voyage , 
avoit  toujours  annoncé  la  terre  avec  la  plus  grande  exac- 
titude. Le  7  Février  I7<j9  M.  Chappe  fe  trouvant  proche 
de  la  pointe  de  l'ifle  de  la  Dominique ,  la  montre  donna 
la  longitude  de  3  15°  31'.  Or  laCarte  deSoplcj  publiée  par 
M.  Buache  en  1740,  la  donne  de  315°  47'.  Suivant 
M.  Bellin,  dans  (a  Carte  de  1766,  cette  longitude  n'eft 
que  de  31  5°  2'. 

On  voit  donc,  qu'admettant  comme  la  meilleure  la 
longitude  delaCartequidifFere  le  plusdecelledelamontre 
marine,  l'erreur  de  cette  montre  n'étoit,  à  la  Domini- 
que, que  d'environ  10  lieues. 

Trente- fept  jours  après,  c'eft-à-dire  le  14  Mars, 
M.  Chappe  étant  à  Vera-Crux  détermina  le  midi  vrai  à 
la  montre  marine  à  (3^  ^  S?""!"-  L'avance  connue  6c  dé- 
terminée de  cette  montre  fur  le  temps  moyen ,  dévoie 
être  ce  jour-là  de  41"  1 8",  ce  qui  donne  le  temps  moyen 
à  Cadix  au  moment  du  midi  de  Vera-Crux,  de  6^  4'  1 8",  z  ; 
d'où  retranchant  9'  r\"  18'"  pour  l'équation  du  temps, 
on  aura  5  h  54'  56"  54'"  pour  l'heure  vraie  de  Cadix;  y  ajou- 
tant 3  4'  1 6",  différence  des  méridiens  de  Cadix  &  de  Paris, 
on  aura  (>^  29'  13",  ou  97°  i8'4-  pour  la  différence  de 
longitude  entre  Paris  &  Vera-Crux,  qui  fe  trouve  plus 
occidentale. 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.  103 

On  voit  donc  que  la  moindre  erreur  des  cartes  fur  la 
longitude  de  Vera-Crux  eft  de  3°. 
.  Quoique  cette  détermination  de  la  longitude  de  Vera- 
Crux  par  la  montre  marine  ne  foit  pas  auffi  exadle  ou 
auflî  exempte  de  doute  que  fi  elle  avoit  été  déduite  d'ob- 
fervations  aftronomiques  nombreufes  &  bien  faites,  néan- 
moins on  peut  inférer  que  cette  longitude  ne  peut  être 
que  peu  différente  de  la  véritable,  &c  fur-tout  qu'elle 
eu.  préférable  à  celle  que  donnent  les  Cartes.  En  efîxt,  de- 
puis Cadix  jufqu'à  la  Dominique,  la  traverfée  a  été  de 
75  jours,  &fort  orageufe;  néanmoins  on  ne  peut  taxer 
la  montre  que  d'une  erreur  tout  au  plus  de  100  lieues  dans 
la  longitude  de  la  Dominique.  Or  delà  Dominique  à  la 
Vera-Crux  il  n'y  a  eu  que  37  jours  d'intervalle;  ceferoic 
donc  mettre  tout  au  pis  que  de  fuppofer  une  erreur  de 
1 5  lieues  dans  la  longitude  de  Vera-Crux  ,  déterminée 
par  la  montre  marine. 

D'ailleurs,  l'erreur  de  30,  indiquée  par  la  montre  ma- 
rine, fetrouvera  bientôt  confirmée,  par  rapport  à  un  autre 
lieu  peu  éloigné  de  Vera-Crux  ,  par  des  obfervations 
mêmes  aftronomiques. 

PafiTons  maintenant  à  la  latitude  de  Vera-Crux. 

Le  15  Mars  M.  Chappe  obfervala  hauteur  du  bord  fu- 
périeur  du  Soleil  avec  fon  petit  quart  de  cercle,  de  69°  20' 
2Î)'""-,  ou  69°  16'  44",  9.  La  lunette  baifloitde  i  11"-^. 
La  réfraâion  à  cette  hauteur  étoit  de  2  2",  le  diamètre  du 
Soleil  de  1 6'  5".  On  a  donc  la  vraie  hauteur  du  centre  du  So- 
leil de  69°  2'  39":  y  ajoutant  fa  déclinaifon  i°47'43",  ona 
7°  50'  2  2";hauteurdontlecomplément  19°  9'38"eftlala- 
titude  cherchée  de  Vera-Crux. 

D'après  cette  détermination,  l'on  voit  que,  dans  la  Carte 
du  MexiqueVera-Crux  fe  trouvepl acée  environ  z o'  trop  au 
fud. 


104        VOYAGE  EN  CALIFORNIE. 

De  la  longitude  de  Mexico. 

M.  Chappe  ne  fie  aucune  obfervation  à  Mexico  ;  mais 
Don  J.  de  Alzate  nous  a  envoyé  par  le  canal  de  M.  Pauly 
plufieurs  obfervations  d'éclipfcs  des  Satellites  de  Jupiter, 
qu'il  a  faites  lui-même  dans  cette  ville,  ainll  qu'un  petit 
imprimé  qui  contient  les  détails  deréclipfe  de  Lune  qui  a 
eu  lieu  le  II  Décembre  1769. 

Voici  ces  obfervations  telles  que  Don  J.  Alzate  les 
rapporte. 

Immerfion  des  Satellites. 

Obfervé  à  Mexico.  Calculé  pour  Paris. 

i^  Février  1770  à  lé^  38'  49"  ^'"''^™'-  HP  23I»  19'  53'' 

29  à  15  45   0  r  21  30  24 

«4  Mars       à  15  5^  53        T  11  41  48 

Prenant  un  milieu  entre  les  réfultats  des  deux  dernières 
obfervations,  on  en  déduit  la  longitude  de  Mexico  de 
6*^45' 9"  à  l'occident,  ou  101°  15', 

Voici  maintenant  les  principales  phafes  del'éclipfede 
Lune  du  1 1  Décembre  1769 ,  obfervée  à  Mexico. 

Temps  vrai. 

lo'i  i^'    i"  Commencement  un  peu  Incertain. 

28  30  L'ombre  à  Ariftarque. 

29  25  Galilée  tout- à-fait  dans  l'ombre. 
31    33  L'ombre  à  Grimaldi. 

34   20     L'ombre  à  Kepler. 

38  24     L'ombre  à  Platon. 

39  50     Platon  tout-à-fait  dans  l'ombre. 

42  7     L'ombre  à  Copernic. 

43  3  5     L'ombre  à  Ariftote. 
II      3      0     L'ombre  à  Pline. 

3  7     L'ombre  à  Ménélas. 

4  23     Ménçlas  tout-à-fait  dans  l'ombre. 

11^ 


7 

^7 

14 

M" 

i8 

o 

22 

54 

8 

44 

24 

9 

^7 

9 

^7 

43 

5« 

o 

59 

^7 

4 

^4 

13 

12 

13 

45 

OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.  105 

ri'ï    7' 27"    L'ombre  à  Dionlîus. 

L'ombre  à  Mare  cr'ifum. 
L'ombre  à  P romontorium  acutum. 
Mare  crijlum  tout- à-fait  dans  l'ombre. 

12  8  4-4     Grimaldi  fort  de  l'ombre. 
Kepler  fort  de  l'ombre. 
Arirtarque  fort  de  l'ombre. 
Ariftarquetout-à-fait  forti. 
Mare  ferenitads  fort  de  l'ombre. 
Mareferenitatis  tout- à-fait  forti. 

13  4  24     Mare  crijîum  fort  de  l'ombre. 
Fin  incertaine. 
Fin  certaine. 

Je  n'ai  pu  avoir  aucune  obfervation  en  Europe  corref- 
pondantc  à  celle-ci  ;  je  l'ai  rapportée  ici  avec  un  grand 
détail ,  afin  que  ceux  qui  feront  plus  heureux  puifTent  faire 
une  comparaifon  plus  exaclc.  En  attendant,  fi  je  com- 
pare cette  obfervation  avec  le  calcul  qui  me  donne  la  fin 
pour  Paris,  le  12,  à  19'»  5 1' 30",  j'en  déduis  la  longitude 
de  Mexico  à  l'orient  de  Paris  de  6^  37' "t»  mais  jen'hé- 
fite  pas  un  moment  à  donner  la  préférence  au  réfultat 
des    obfervations  de  Satellites  fur  celui-ci. 

L'obfervation  de  la  fortie  de  Vénus  en  1 7(3  9,  faite  à  Me- 
xico par  le  mêmcDonJofcphdeAlzate,  nous  fournit  une 
nouvelle  détermination  de  la  longitude  de  cette  ville. 
M.  de  la  Lande  ayant  calculé  le  contact  intérieur ,  &:  fup- 
pofant  la  parallaxe  du  Soleil  de  8"  -7  >  trouve  que  la 
longitude  de  Mexico  doit  être  de  6\i  49'  52".  Cette  dé- 
termination fera  certainement  préférable  à  toute  autre,  fi 
la  parallaxe  fuppofée  eft  la  véritable,  comme  on  n'en 
peut  guère  douter  maintenant ,  ôc  fi  l'heure  du  conta£b  a 
été  bien  déterminée. 

Je  lailîe  au  Lecteur  le  choix  du  réfultat  qu'il  croira  de- 
voir préférer.  Je  ne  doute  pas ,  au  refte ,  que  le  zèle  de  Don 
Alzate  y  Ramirez ,  notre  Correfpondant,  ne  nous  mette 

O 


io6       VOYAGE  EN  CALIFORNIE. 

bientôt  en  état  d'établir  la  pofition  exadte  de  Mexico, 
d'après  les  obfervations  qu'il  le  propofe  de  faire  dans  cette 
ville.  Il  a  déjà  fixé  la  latitude  à  1 9°  54'. 

Da.ns\s.ConnoiUance  des  temps  on  a  fuppofé  jufqu'à  pré- 
fent  la  longitude  de  Mexico  de  106°.  Don  J.  de  Alzate, 
dans  fa  Carte,  place  cette  ville  à  1 04°  9'  o"  à  l'oueft  de  Pa- 
ris,ou  par  275°-^derifle  de  Fcr.On  voit  doncquela  plus 
petite  erreur  fur  la  longitude  de  Mexico  ,  celle  de  la  Carte 
deD.  J.  de  Alzate,  étoit  encore  jufqu'à  ce  jour  de  2^  44', 

Nousavons  vu  dans  les  articles  précédents  7,^  &  4^,  que 
la  longitude  de  San-Jofeph  devoir  être  établie  de  yh  28' 
10",  ou  1 1  2°  1' 4"  ;  fa  latitude  de  23°  3" -5-. 

M.  Doz  l'a  déterminée  de  25°  5'  1 5";  mais  il  nenousa 
donné  aucun  détail  de  fes  obfervations  qui  puifTe  nous 
faire  juger  de  leur  degré  deprécifion.  D'ailleurs,  les  ob- 
fervations de  M.  Chappe  font  trop  exades  Se  trop  d'ac- 
cord pour  ne  pas  leur  donner  la  préférence  en  ce  point. 

L'erreur  des  Cartes  fur  la  pofition  de  San-Jofeph  n'eft 
pas  moins  confidérable  que  fur  celle  de  Mexico.  En  efFet, 
Don  J.  de  Alzate,  dans  fa  Carte  du  Mexique,  place  San- 
Jofeph  par  21°  de  latitude  ,  &  264°  ^  de  longitude  par 
rapport  à  l'ifle  de  Fer,  ou  1 1 5°  14'  à  l'occident  de  Paris. 
L'erreur  de  la  Carte  de  Don  J.  de  Alzate  eft  donc  de  3** 
12' en  longitude,  &  de  1°  3' en  latitude. 

D'après  les  nouvelles  déterminations  que  nous  venons 
de  conftater,  l'on  voit  donc  que  l'Amérique  &c  la  Cali- 
fornie doivent  être  rapprochées  de  l'Europe  d'environ 
quatre  degrés  de  longitude.  Combien  une  erreur  aufii  con- 
fidérable ne  pouvolt-elle  pas  être  préjudiciable  aux  Na- 
vigateurs! Elle  a  furement  été  funefte  à  plus  d'un  vaif- 
feau,  &  les  autres  n'auront  dû  leur  lalut  qu'aux  erreurs 
particulières  de  leureftime,  qui  auront  compenfé  celles 
des  Cartes. 

PafTons  maintenant  à  la  Géographie  intérieure  du  Me- 
xique. Les  Journaux  de  M.  Chappe  nous  fourniflent  au 
moins  un  itinéraire  de  la  route  deVera-Crux  à  Mexico ,  & 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.   107 

de  Mexico  à  la  côte  occidentale  du  Mexique, fur  la  Mer 
Vermeille. 

Au  fortir  de  Vera-Crux,  onfuitleborddelamer^enal- 
lantverslenordjpendantenvirondeuxheurcsdechemin;  ra-Crus  a 
prenant  enfuite  dans  les  terres,  à  travers  de  méchants  bois,  Mexico. 
on  arrive  au  bout  de  trois  heures  à  une  rivière,  de  l'au- 
tre côté  de  laquelle eftfituée  Kera-Crux  l^iej a,  dont  la. 
diftance,  par  rapport  à  Vera-Crux  Nueva ,  eft  d'environ 
.  5  lieues. 

De  Vera-Crux  Vieja,  on  prendle  chemin  de  Xalapa, 
Ville  la  plus  prochaine,  en  pafTant  par  plulîeurs  villages 
qui  fe  trouvent  proche  de  la  route,  ou  fur  la  route  même; 
tel  eft  le  hameau  de  Serio-Rico^  litué  fur  une  hauteur ,  à 
laquelle  on  parvient  par  une  pente  fort  douce. 

A  2  heures  4"  ou  3  heures  de  chemin  de  Serio-Rico ,  on 
trouve  le  hameau  de  Riconada.  Le  chemin  qui  conduit 
de  l'un  à  l'autre  lieu  eft  très  mauvais,  il  ne  feroit  pas  pof- 
fible  d'y  pafTer  avec  des  voitures.  L'on  compte  environ  fix 
lieues  de  Vera-Crux  Vieja  au  hameau  de  Riconada.  Ce 
hameau ,  au  refte ,  mérite  moins  ce  nom  que  celui  d'habi- 
tation ,  ou  de  fimple  cabaret  ;  car  il  n'y  a  en  tout  qu'une 
feule  maifon.  Quatre  lieues  plus  loin  fe  trouve  un  autre 
lieu  aulfi  peu  confidérable  ,  nommé  el  Plan  del  Reyo. 
Au  fortir  de  ce  village  on  monte  perpendiculairement 
pour  parvenir  à  une  hauteur  fort  élevée ,  d'où  l'on  apper- 
çoit  le  golfe  du  Mexique ,  6c  le  port  de  Nueva  Vera-Crux. 
On  defcend  enfuiie  de  cette  hauteur,  ôc  l'on  arrive  au 
bout  de  deux  lieues  au  hameau  de  Elcoiolé :  enfin,  avant 
d'arriver  à  Xabpa  ,  on  trouve  encore  le  petit  hameau  de 
las  y?«//7zai,  proche  duquel  pafte  un  ruiffeau  d'autant  plus 
remarquable,  que  c'eft  le  fcul  qui  fe  trouve  depuis  Vera- 
Crux. 

Xalapa  eft  adofle  à  une  montagne  fort  élevée  ;  une 
partie  de  la  ville  eft  au  pied,  &:  l'autre  fur  le  penchant 
même  de  fa  hauteur  :  Xalapa  eft  éloigné  d'environ  \G 
lieues  de  Vera-Crux  Vieja.  Le  thermomètre  étant  à  14 

Oij 


io8     VOYAGE   EN  CALIFORNIE. 
&L  à  i(j°,  le  baromètre  s'y  foiuienc  à  2  ^ pouces  j  ji.gnes^^  ^^^ 
village  de  Riconada  &  del  Plan  del  Reyo ,  à  la  même 
hauteur  du  thermomètre  ,  le  baromètre  fe  foutienc  à 


^pouces     .lignes   ^^ 


Au  fortir  de  Xalapa,  on  monte  perpétuellement  pour 
gagner  le  haut  de  la  montagne  où  le  baromètre  fe  foutient 
à  zi^"""^  9''=""  8,  le  thermomètre  étant  à  1°-^.  En  géné- 
ral ,  depuis  cette  ville  en  s'avançantversMexico,  le  ter- 
rein  s'élève  de  plus  en  plus.  A  6  lieues  par-delà  Xalapa, 
on  trouve  le  village  de  las  Bigas.  La  route  poury  parve- 
nir eft  afFreufe  ;  on  monte  bi  on  defcend  ians  cefTe  pour 
traverfer  une  chaîne  de  montagnes,  dont  la  largeur  eft 
comprife  entre  ces  deux  lieux.  Avant  d'arriver  à  las  Bi- 
gas, on  traverfe  pendant  plus  d'une  lieue  un  terrein 
aride,  qui  n'offre  que  les  reftes  &  les  veftiges  épars  de 
quelque  ancien  volcan,  éteint  fans  doute  depuis  quelque 
temps.  D'ailleurs,  à  3  lieues  à  droite  de  la  route,  on 
apperçoit  une  montagne  fameufe  par  un  volcan  qui  y 
exifte  a6tuellement,  &,  plus  encore  par  fon  élévation, 
qui ,  à  ce  l'on  prétend  ,  la  rend  vifible  à  45  lieues  en  mer. 

A  4  lieues  de  las  Bigas  ,  l'on  trouve  le  village  de  Pe^ 
rotte.Le  thermomètre  étant  à  S''  ~,  le  baromètre  fe  fou- 
tenoit  à  11?°""'  2"^'""  4.  Perotteeft  encore  éloigné  d'envi- 
ron 40  lieues  de  la  ville  de  Mexico;  mais  les  chemins  de- 
viennent de  plus  en  plus  beaux  à  mefure  qu'on  approche 
de  la  capitale  ;  la  route  eft  pratiquée  entre  deux  chaînes 
de  montagnes  affcz  élevées,  qui  tantôt  s'en  éloignent  ôc 
tantôt  s'en  rapprochent. 

A  lolieuesdePerotte,  on  trouve  le  village  de  5£2«^I'û^<7. 
A  z  lieues  de  ce  village  eft  la  fameufe  moina.gnc  d'OnJaSa. 
Elle  red'emblc  beaucoup  au  Pic  de  Ténériffc  ;  on  Tapper- 
çoit,  dit- on,  de  Mexico  quand  l'horizon  eft  fort  clair.  Le 
fommet  en  eft  toujours  couvert  de  neige  ,  8c  le  pied  très 
bien  cultivé.  C'eft,  à  ce  que  l'on  prétend,  la  plus  haute 
moutagne  du  Mexique. 

Le  hameau  de  Piedros  Negrosc^  à  4  lieues  de  Sant- 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES.  109 

Yago.  Six  lieues  enfuite  par-delà  on  trouve  celui  de  ^o/za. 
Ventura ,  qui  n'eft  qu'une  fimple  auberge.  Dansée  lieu  le 
thermomètre  étant  à  15",  le  baromètre  fe  ioutenoit  à 
^^poucs  pi'sn"6;  Yei-s  Bonaventura  les  deux  chaînes  de 
montagnes  ,  en  s'étendant  Se  s'éloignant  l'iuie  de  l'autre 
de  plus  de  10  lieues,  forment  unetrès belle  plaine.  A  deux 
lieues  environ  de  Bonaventura,  en  allant  vers  Àpa  , 
village  le  plus  prochain  ,  on  trouve  un  ruifl'eau.  Apa  pa- 
roît  être  à  4  lieues  de  Bonaventura.  A  6  lieues  à' Apa  ,  on 
paiïe  par  un  petit  hameau  nommé  San-Juan  Deakoua. 
Trois  lieues  plus  loin  on  en  trouve  un  autre  appelle  Caf- 
pès  i  èc  enfin  on  arrive  à  la  ville  de  Mexico  ,  qui  eft 
éloignée  de  ce  dernier  hameau  de  6  lieues. 

Telle  eft  la  route  de  Vera-Crux  Nueva  à  la  ville  de 
Mexico,  laquelle  comprend  cnviron7zà75  lieues.  Nous 
avons  déterminé  plus  haut  la  différence  de  longitude  de 
ces  deux  villes  de  5°  9' -5-.  Nous  allons  maintenant  don- 
ner le  détail  de  la  route  de  Mexico  à  la  côte  occidentale 
du  Mexique. 

La  ville  remarquable  que  l'on  rencontre  dans  ce  trajet 
eft  celle  Guadalaxara. 

Quatorze  lieues  au-delà  de  la  ville  de  Mexico,  vers  Routede Mê- 
le nord-oueft ,  l'on  rencontre  le  village  Tepexe  del  Rio.  ^"^°  ,^  ^^~ 
A  deux  lieues  environ  de  cet  endroit ,  en  allant  gagner 
la  F'entaSan  Francifco ^  hameau  qui  n'eft  guère  éloigné 
de  plus  de  7  lieues  ,  on  pafle  le  pont  de  Clauta ,  fur  une 
petite  rivière.  Le  chemin  eft  trèsmauvaiSj  ôc  toujours  en- 
trecoupé de  montagnes. 

De  San-Francilco  ,  on  gagne  le  hameau  de  AJJieda  a 
RoyoArcos^  qui  n'en  eft  qu'à  quatre  lieues.  Cinq  lieues 
plus  loin  fetrouveenfuirelafermedeCi/f/'vo.PairéCuervo, 
on  defcend  perpétuellement  jufqu'à  la  petite  ville  de 
San-Juan  del  Reyo,Ç{mx\çi\  eft  qu'à  4  lieues.  De  San-Juan 
del  Reyo ,  on  gagne ,  à  environ  i  o  lieues  de  là ,  une  autre 
ville  nommée  Querctaro  j  où  fe  remarque  un  fort  bel 


iio  VOYAGE  EN  CALIFORNIE. 
aqueduc.  Dix  lieues  encore  plus  loin  eft  la  ville  de  Zelaya. 
On  quitte  Zelaya  pour  fe  rendre  au  hameau  de  Molino , 
qui  en  efl:  à  6  lieues.  De  Molino  à  la  petite  ville  de  Ira 
Poito ,  l'on  compte  environ  quatre  lieues ,  ôc  cinq  de  là 
au  hameau  de  la  Nouragrande. 

Au  fortir  de  la  Nouragrande ,  on  traverfe  un  pays  abfo- 
lument  défert,  pour  gagner  à  9  lieues  de  là  le  village  de 
la  Cal\ada.  Paflé  ce  hameau,  on  traverle  une  plaine  ab- 
folument  déferte,  pendant l'efpace  de  i  z  lieues, pour  arri- 
ver au  hameau  delSerro  Gordo^com^o(é  de  deux  ou  trois 
chaumières  feulement ,  fort  éloignées  entre  elles  ;  on 
trouve danscetrajetune petite  rivière. Après SerroGordo, 
on  trouve  le  hameau  dclosPicachoSydc  12  lieues  plus  loin, 
on  rencontre  la  rivière  de  Rio  Grande  y  que  l'on  paffe  fur 
un  pont  de  2  6  arches  ,  fore  bien  conftruit,  pour  arriver 
enfin  à  la  ville  de  Guadalaxara  ^  après  un  trajet  d'en- 
viron cent  feize  lieues  depuis  Mexico,  &;  de  cent  quatre- 
vingt-dix  depuis  Vera-Crux. 

La  diftance  de  Guadalaxara  au  lieu  le  plus  proche  de 
la  côte  occidentale  du  Mexique  eft  peu  coniidérable  ; 
mais  pour  gagner  la  côte  à  la  hauteur  de  la  Californie  il 
faut  remonter  beaucoup  verslenord-oueft,  ce  quialonge 
un  peu  cette  route. 

Au  forcir  de  Guadalaxara,  on  trouve  le  hameau  de 
los  Rancho-^,  qui  en  eft  éloigné  de  6  lieues;  &  cinq  lieues 
plus  loin  le  petit  village  de  Malitati ,  d'où  l'on  gagne  à  la 
diftance  de  3  lieues  le  petit  hameau  de  Tekita.  On  entre 
enfuite  dans  les  montagnes  pour  faire  une  route  très  rude 
pendant  cinq  lieues  jufqu'à  la  Magdeleine  ;  de  la  Mag- 
deleine,  on  defcend  à  la  Sucrerie  de  Moutfchlùhéy  qui  en 
eft  à  <j  lieues.  Au  fortir  de  Moutfchitilté  le  chemin  devient 
affreux,  &  bordé  de  précipices  pendant  l'intervalle  de  5 
lieues  ;  les  .3  lieues  fuivantes ,  pour  gagner  Yfllan^  font 
un  peu  plus  praticables.  D'Yftlan ,  on  gagne  au  bouc  de 
3  lieues  le  hameau  àiAova  Catdan ,  6c  5  lieues  plus  loin 
celui  de  Timlarit ,  d'où  l'on  fe  rend  ,  après  7  lieues  de 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES,  m 

route,  au  hameau  de  San-Liond ^  qui  n  eft  qu'à  6  lieue|. 
de  la  petite  ville  de  T^e/J/c^. 

Enfin  de  Tepick  à  San-Blas  on  ne  compte  que  treize 
ou  quatorze  lieues  ,  dans  l'intervalle  deiquelles  on  ne 
rencontre  que  deux  petits  hameaux,' 

Le  port  de  San-Blas  eft  un  nouvel  établiiïement  fur  la 
cote  du  Mexique,  à  l'embouchure  de  la  rivière  de  San- 
Pedro. 

Le  trajet  de  G.uadalaxara  à  San-Blas  eft  d'environ 
260  lieues.  On  emploie  communément  un  mois  à  faire  ce 
voyage. 

Il  y  a  pluficurs  ports  de  la  côte  du  Mexique  fur  la  Mer 
Vermeille ,  d'oii  l'on  s'embarque  pour  la  Californie.  Nous 
commencerons  d'abord  par  celui  de  Matanchel  ^  qui  eft 
le  plus  méridional;  il  eft  au  fud  de  San-Blas  ,  &  formé 
à  l'embouchure  de  Rio  Grande.  Ce  port  eft  mal-fain.  Il 
ne  faut  pas  y  féjourner  long-temps;  auffiy  trouve-t-on 
rarement  des  vaifleaux. 

Au  nord  de  San-Blas  eft  le  port  de  Maiatlan.  L'entrée 
de  ce  pof  t  eft  perpendiculaire  à  la  ligne  nord  de  fud ,  elle 
eft  formée  par  trois  petits  iflots.  A  l'entrée  il  y  a  environ 
28  brafTes  de  fond  ;  6c  dans  le  port,  par-delà  une  broche 
qui  fe  trouve  un  peu  à  l'eft  en  entrant,  il  n'y  en  a  plus 
que  huit  braftes  ;  &  plus  loin,  dans  le  grand  bafîîn  qui 
eft  à  l'intérieur,  il  fe  trouve  fi  peu  d'eau  que  les  barques 
feules  peuvent  y  entrer.  Mazatlan  eft  éloigné  deMatan- 
chel  d'environ  zo  lieues. 

Au-deflus  de  Mazatlan  eft  le  port  de  Ramada. 

Les  vents  de  nord  &  de  nord-oueft  font  fort  communs 
fiir  la  Mer  Vermeille,  &  les  courants  portent  au  fud;  de 
forte  que  pour  gagner  la  Californie  il  faut  s'embarquer  à 
la  côte  du  Mexique  le  plus  nord  poiîible  ;  aulTi  les  lieux 
oii  l'on  s'embarque  le  plus  facilement,  &  où  l'on  trouve 
le  plus  de  vaifleaux,  font  à  l'embouchure  de  la  rivière  de 
Sinaloa ,  &  de  celle  de  Mayo,  De  ces  deux  endroits,  on 


m     VOYAGEEN   CALIFORNIE. 

s'embarquefur  des  petits  canots  à  rames,  ôc  l'on  eit  rendu 
en  trois  jours  à  la  côte  de  Californie. 

De  San-Blas  au  cap  San-Lucas  le  trajet  eft  d'environ 
<jO  lieues,  a  12  lieues  ejnviron  à  l'oueftdeSan-Blas  ;  &:  10 
lieues  plus  fud,  on  trouve  les  trois  iflesdéfertes  de  5re.-Af a- 
rie.  Leur  direction  rcfpedtive  eft  dans  la  ligne  nord-oueft. 
Deux  decesiflesjlcs  plus  proches  deSan-BlaSjfontéloignées 
entre  elles  d'environ  3  lieues  ;  l'on  peu  t  paCTer  entre ,  mais  il 
faut  prendre  garde  à  un  rocher  qui  fe  rrouve  dans  le  partage, 
proche  d'une  des  deux  ifles  les  plus  orientales ,  qui  eft  aulli 
la  plus  petite.  A  l'oueft,  près  de  la  troilîeme  ifle  la  plus 
occidentale ,  ell  encore  une  autre  petite  ifle  qui  a  au 
plus  une  lieue  dans  fa  plus  grande  largeur;  elle  s'appelle 
le  petit  San- Juan.  C'ell  dans  la  plus  occidentale  des  ifles 
de  Sainte-Marie  que  l'on  trouve  à  taire  de  l'eau  à  une 
petite  rivière  qui  a  fon  embouchure  dans  la  mer  vers  le 
fud-ouefl:  de  l'ifle. 

Il  ne  nous  reftc  plus  que  peu  de  mots  à  dire  fur  la  po- 
fition  de  quelques  lieux  de  la  Californie.  La  Million  de 
San-Jofeph  eft  fituée  à  envion  une  lieue  de  la  côte  fur 
une  petite  rivière  qui  fe  décharge  dans  la  Mer  Vermeille. 

Le  cap  San-Lucas,  pointe  la  plus  méridionale  de  la 
Californie,  eft  à  7  lieues  environ  de  San  Jofeph,  vers  le 
fud-eft,  de  forte  que  fa  longitude  &.  fa  latitude  ne  doi- 
vent différer  que  de  quelques  minutes  de  celles  de  San- 
Jofeph. 

L'Abbaye  de  San-Barnabé  fe  trouve  15  lieues  audef- 
fus  de  San-Jofeph  ,  en  remontant  dans  le  golfe.  C'eft  un 
des  endroits  oii  l'on  aborde  le  plus  aifément. 

Enfin,  40  lieues  au  nord  de  San-Jofeph,  en  fuivantla 
côte,  on  trouve  le  village  de  San- Anna  ,  pofition  qui 
n'étoit  point  rapportée  fur  les  cartes. 

)  HISTOIRE 


HISTOIRE 

ABRÉGÉE 

DELA 

PARALLAXE  DU  SOLEIL. 


Expofé  des  travaux  entrepris  a  ce  fujet ,  &  des  réfultats 
du  Pajfage  de  Vénus  fur  le  difque  du  Soleil,  obfervé 
en  176 1   ù   17(^9. 

X-jA  parallaxe  du  Soleil  efl:  un  des  points  de  l'Afti-ono- 
nomie  qui  a  le  plus  joccupé  les  Savants  depuis  environ 
un  liccle.  L'influence  de  cet  élément  fur  tout  le  fyftême 
planétaire  en  rendoit  la  recherche  extrêmement  impor- 
tante. L'on  ne  doit  donc  pas  être  étonné  des  travaux 
nombreux,  des  voyages  pénibles  ,  qui  ont  eu  lieu  de- 
puis quelques  années ,  ni  de  l'emprciïement  qu'ont  mon- 
tré les  nations  les  plus  éclairées  de  l'Europe  à  concourir 
chacune  en  particulier  au  fuccés  de  cette  intéreflfante 
découverte. 

L'Aftronomic,  ainfi  que  toutefcîence  qui  n'efl: fondée 
que  fur  l'obfervation  &:  l'airemblage  des  faits  ,  ne  peut 
avoir  que  des  progrès  lents.  Elle  doit  tout  attendre  du 


y 


114      HISTOIRE    ABRÉGÉE 

temps.  L'époque  de  chaque  fiecle  eft  celle  de  quelque 
nouvelle  découverte  donc  elle  s'enrichit.  Des  génies 
heureux  peuvent  hâter  de  quelques  pas  fa  marche  vers 
la  perfection  ;  mais  il  eft  des  découvertes  qui  tiennent 
à  des  circonftances  que  rien  ne  peut  accélérer;  telle  eft 
la  circonftance  du  paflage  de  Vénus.  Elle  feule  pouvolc 
difliper  abfolumentnos  incertitudes  fur  la  quantité  delà 
parallaxe  du  Soleil;  elle  feule  pouvoir  fixer  avec  la  der- 
nière précifion  un  élément  qui  avoir  varié  jufqu'ici,  fé- 
lon les  opinions  de  divers  Aftronomes,  ôc  félon  les 
différentes  méthodes  qu'ils  avoient  employées  à  fa  recher- 
che. Heureux  notre  fiecle,à  qui  étoit  réfervée  la  gloire 
d'être  le  témoin  d'un  événement  qui  le  rendra  à  jamais 
mémorable  dans  les  annales  des  Sciences! 

Mais  en  quoi  donc  avoit  confifté  jufqu'àce  jour  la  dif- 
ficulté de  déterminer  la  parallaxe  du  Soleil  ?  Qui  a  pu 
faire  varier  les  Aftronomes  fur  ce  point,  6c  rendre  leurs 
méthodes  infuffifantes?  Comment  le  paffagedeVénus  de- 
voic-il  leur  procurer  un  réfultat  préférable  atout  autre ^ 
&  exempt  de  toute  incertitude?  Enfin  quelle  conclufioa 
en  ont-ils  tirée  ?  Ces  queftions  ont  dû  naturellement 
s'offrir  à  l'efpritde  tous  ceux  qui  ont  entendu  parler  dix 
paffage  de  Vénus,  &  qui ,  par  goût  pour  les  fciences  ,  y 
ont  apporté  quelque  intérêt.  Je  me  propofe  de  fatisfaire 
ici  leur  curiofité  ;  d'expliquer  le  plus  clairement  qu'il  me 
fera  polîible  tout  ce  qu'on  peut  defirer  de  favoir  fur  cet 
objet  :  je  ne  prétends  pas  néanmoins  entrer  dans  tous  leg. 
détails  dont  cette  matière  eft  fufccptible,  ils  demande- 
roient  feuls  un  ouvrage  particulier,  &  furpafleroient  les 
bornes  de  cet  article,  qui  ne  peut  être  ici  placé  que 
comme  un  acceffoirc. 
que'  i^parai  La  parallaxe  du  Soleil  eft  la  différence  du  lieu  où  cet  aftre 
laxe  Enciuoi  nous  paroît,  VU  de  la  furface  de  la  Terre,  au  lieu  où  il 
mluité  delà  p^roîtroit  s'il  étoit  vu  du  centre  du  globe;  ou ,  fi  l'on  veut,. 
idéurmincr.      c'eft  l'angle  fous  lequel  paroît  le  rayon  de  la  Terre  vadi» 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.     115 

centre  du  Soleil  (  i  ),  Or  l'on  fent  parfaitement  que  cet  angle 
doit  être  d'autant  plus  petit,  que  le  Soleil  eft  plus  éloi- 
gné de  nous.  La  parallaxe  du  Soleil  eft  donc  dépendante 
de  fa  diftance  à  la  Terre  ;  fi  cette  diftance  étoit  connue, 
on  connoîtroit  aufli-tôt  la  parallaxe  ;  &  réciproquement. 
Mais  dans  le  triangle  parallactique  nous  ne  connoif- 
lons  qu'un  côté  qui  eft  le  rayon  de  la  Terre ^  &  il  n'eft 
aucun  moyen  de  fe  procurer  d'autre  donnée  par  une  me- 
furc  directe.  Voilà  la  première  difficulté. 

Cette  difficulté  arrêta  d'abord  les  anciens  Aftronomes ,  Les  Anciens 
Se  demeura  long-temps  au-deflus  de  leurs  forces  ;  ils  fu-  ^*  détermi- 
rent  réduits  à  former  des  conjectures.  Pétofiris  ôc  Né-  "onjcaStes. 
cepfos.  Rois  d'Egypte,  ne  croyoient  le  Soleil  éloigné  de 
la  Terre  que  de  1970  ftades  fi).Pythagore,  je  ne  fais  d'a- 
près quel  calcul, fixoit  cette  diftance  à  dix-huit  mil  le  lieues. 
Ces  opinions,  comme  l'on  voit,  énormément  éloignées 
de  la  vérité.  Se  que  nous  regardons  aujourd'hui  comme 
ridicules  &.  abfurdes,  étoient  admifes  Se  fuivics  avec  rai- 
Ion  dans  ces  premiers  temps,  oîi  les  connoiftances,  foit 
dans  la  théorie  ou  dans  la  pratique  de  l'Aftronomie,  fe 
trouvoicnt  trop  bornées  pour  pouvoir  y  rien  fubftitucr  de 
préférable.  Ce  ne  fut  que  vers  l'an  î.64  avant  Jéfus-Chrift 
que  l'on  commença  à  avoir  des  idées  moins  grofficres  fur 
cet  objet;  elles  furent  ducs  à  Ariftarque  de  Samos.  La 
rectification  que  ce  Philofophe  apporta  à  l'opinion  de  fes 
prédéccireurs  ,  quoiqu'encore  bien  impartaite,  eft  néan- 
moins d'autant  plus  digne  d'éloge  qu'elle  eft  fondée  fur 
Une  méthode  fort  ingénieufe,  dont  voici  l'idée.  MéthoJed'A- 

Ariftarque,  fuppofant  connue  la  diftance  de  la  Lune  riftarque.    il 

\1T.  1-  >  „..JI  J^  détermine    la 

a  la  lerrCj  vouloir  quau  moment  de  Ja  quadrature  on  p^iaiiaxe  du 
îTiefurât l'angle  d'élongation  entre  le  Soleil  ôc  la  Lune,  Soieildej'. 


(0  Cet  angle  a  donc  fon  fommet  au  centre  du  Soleil ,  &  a  pour 
bafe  le  rayon  de  la  Terre. 

(i)  Cela  ne  fait  pas  130  lieues. 

Pij 


ii5      HISTOIRE    ABRÉGÉE 

ce  qui  lui  donnoit  un  côté  ôc  un  angle  connus  dans  un 
triangle  rectangle,  dont  ladiftance  du  Soleil  à  la  Terre 
fe  trouvoit  être  l'hypotliénule,  fie  étoit  par  conléquenE 
facile  à  déterminer.  Ariftarque,  par  ce  moyen,  parvint  à 
reconnoître  que  la  parallaxe  du  Soleil  ne  pouvoir  pas 
aller  au-delà  de  trois  minutes.  Cette  quantité  ,  à  la  vé- 
rité, étoit  encore  vingt  une  fois  environ  trop  grande; 
mais  Ariftarque  ne  pouvoir  guère  atteindre  alors  à  une 
plus  grande  précilion.  11  fuppoloit  connue  la  diftancede 
la  Luneàla Terre, &:laconnoiiroit  fort  mal.D'ailleurs^ 
Cette  mé-  fa  méthode  rigourcuie  dans  la  théorie  devient  peu  (ure 
thode,  affez    cl^ns  la  pratique ,  cn  cc  qu'elle  cxigc  de  failit  exaclcment 

ingenieufedu     ,  .r  t'  i  iiT  'a>J- 

côTé    de    la    le  vrai  moment  dc  la  quadrature  de  la  Lune  ,  c  elt-adire 
théorie  ,  eft    cclui  OU  l'angle  à  la  Luneeft  juftedc  00°,  ce  qui  nepcut 

facilement  r     •  i>  J      l  •       '    l    •     '      J     1 

fufceptibie  ^c  juger  que  par  1  apparence  de  la  partie  éclairée  de  la 
d'erreur  dans  planète  :  ct  ccttc  apparence  a  des  variations  trop  peu 
Ja  praticjuc.  fenfibles,  &  refte  long-temps  la  même  quoique  laLune 
change  de  place.  On  croit  faire  l'obfervation  au  moment 
précis  de  la  quadrature,  tandis  que  laLune  en  eft  peuc^ 
être  éloignée  d'un  tiers  de  degré  ;  ce  qui  influera  confi- 
dérablement  fur  la  mefure  de  l'angle  à  la  Terre,  par  con- 
féquent  fur  la  diftance  cherchée  &:  fur  la  parallaxe.  Mal- 
gré les  difficultés  de  cette  méthode,  il  eft  pourtant  certain 
qu'elle  eft  fufceptibie  d'une  précifion  beaucoup  plus 
grande  que  celle  qu'en  avoir  tiré  fon  auteur;  en  effet , 
nous  verrons  que  par  fon  moyen  Riccioli  6c  Vendélius 
ont  approché  beaucoup  de  la  vérité. 

La  détermination  dAriftarque  fut  long-temps  la  plus 
<î-iï/pïr°que  exade  &  la  plus  fuivie.  Ptolomée,  plus  'de  trois  fiecles 
par  laquelle  après,  ayant  tenté  la  même  recherche,  mais  par  une  autre 
Ptolomée  dé-    n^^ji^oJe     trouva  2'  50"  pour  la  parallaxe.  La  méthode 

termine  lapa-  ,  >  ,,•  \      r  n  >tt- 

raiiaxe  du  So-    qu'il  employa  n  etoit  autre  choie  que  celle  qu  Hipparque 

îcildei'5o".    ^voit  indiquée.  Elle  confiftoit  à   déterminer   dans  les 

éclipfes  de  Lune  le  diamètre  apparent  de  l'ombre,  6c 

celui  du  Soleil  :  leur  fomme  retranchée  de  la  parallaxe 

horizontale  de  la  Lune,  fuppofée  connue   d'ailleurs j 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.     117 

donnoit  la  parallaxe  du  Soleil  (i).  A  tout  bien  confidé- 
rer,  cette  méchode  d'Hipparque  n'étoit  gucie  préférable 
à  celle dAriftarque,  ni  lulccptible  d'une  précifion  beau- 
coup plus  grande.  En  effet,  elle  eft  également  fondée  fur 
des  éléments  dont  il  efl:   très  difficile  d'établir  la  jufte 
quantité  (2.),  6c  dans  lefquels  la  moindre  erreur  inHue 
confidérablement  fur  les  rélultats.  Auffi  voyons-nous  que 
tous  ceux  qui  ont  tenté  de  s'en  fervir,  tels  que  Ptolomée^ 
Tycho,  &.C.  ont  toujours  trouvé  une  quantité  fort  éloi- 
gnée de  la  véritable:  &  l'on  pourroit  alléguer ,  en  faveur 
de  la  méthode  d'Ariftarque,  que  c'eft  en  la  fuivant  que 
Vendélinus,  au  milieu  du  dernier  fiecle  vers  l'an  K347  ,       VendélinuS 
parvinr  à  réduire  la  parallaxe  du  Soleil  à  i  5",c'cft-à-dire   beaucoup  de 
à  6"  4"  près  de  la  véritable,  précifîon  que  perfonnen'avoit   la  vraie  paraU 
encore  atteinte  avant  lui.  irouv'edÏÏ'. 

C'eft  donc  ici  que  nous   devons  fixer  nos  premiers 
fuccès  dans  la  recherche  de  la  parallaxe  'du  Soleil.  Ric- 
cioli ,  à  la  vérité,  jetta  peu  d'années  après  quelque  in- 
certitude fur  la  parallaxe  établie  par  Vendélinus,  qu'il 
prétendoit  trop  petite  de  moitié.  Eneffer,en  employant 
auffi  les  quadratures  de  la  Lune ,  il  trouvoit  cette  paral- 
laxe de  28".  Riccioli  fe  trompoit  abfolument  ;  fon  réful-     Réfultat  dej 
tat  étoit  deux  fois  trop  grand ,  mais  fon  erreur  ne  venoit    ["''^afàua'^e 
fans  doute  que  du  défaut  de  la  méthode  dont  nous  avons    du  Soleil  juf- 
expofé  ci-deffus  les  inconvénients.  L'on  demeura  donc    l"'»"'^    pre- 
encore  mcertam  pendant  quelque  temps  entre  i5&:28  .    de  létabiiiie- 
C'étoit  beaucoup,  au  refte,  d'être  parvenu  à  réduire  la    '"^'"  '^^  ''■'^- 
parallaxe  du  Soleil  à  une  auffi  petite  quantité.  Nous  al-    ^^j  sdences.' 
Ions  voir  qu'on  ne  tarda  pas  long-temps  à  la  dimmuer 
encore. 

(i  )  Je  ne  me  propofe  pas  ici  de  donner  la  démonftration  de  cha- 
que méthode  5  il  faudroit  des  figures ,  des  explications  ,  en  un  mot, 
des  détails  qui  nous  meneroienc  trop  loin  j  il  me  fuffic  d  en  donner 
l'efpric. 

(2)  11  fuffit  d'avoir  obfervé  une  fois  une  éclipfe  de  Lune,  pour 
juger  combien  il  eft  difficile  de  déterminer  le  diamètre  de  l'ombre  ^ 
dont  la  pénombre  rend  toujours  les  bornes  indécifes. 


ii8       HISTOIRE    ABRÉGÉE 

Déjacommençoicà  luire  ce  beau  jour  que  les  Arts  & 
les  Sciences,  du  pied  du  trône  de  Louis  XIV,  alloient  ré- 
pandre fur  toute  l'Europe,  L'étabhlTement  de  l'Académie 
Royale  des  Sciences ,  époque  à  jamais  mémorable  pour 
les  iîecles  qui  nous  fuivronc  (i),  venoit  de  rairembler, 
pour  ainli  dire  ^  comme  dans  un  foyer  commun,  ces  gé- 
nies éclairés  dont  les  lumières  alloient  faire  briller  à  nos 
yeux  un  nouveau  monde,  un  nouvel  ordre  de  connoit- 
fances.  D'un  autre  côté ,  la  Société  Royale  de  Londres  re- 
prenoit  une  nouvelle  forme.  Digne  émule  de  celle  de  Pa- 
ris, elle  voyoit  fleurir  dans  fon  fein  des  noms  fameux, 
des  Savants  illuftres  ,  capables  d'établir  &  de  foutenir 
entre  les  deux  Nations  une  rivalité  èc  une  égalité  conf- 
tantc  dans  l'Empire  des  Sciences.  Halley,  Flamfteed,  Bra- 
,  dley  en  Angleterre;  Auzout,  Picard,  la  Hire,  Roémer, 

Jean-Dominique  Caflini  en  France,  par  leurs  travaux  ôc 
leur  génie  failbient  éprouver  à  l'Aftronomie  une  entière 
révolution;  chacune  des  parties  de  cette  fcience  fut  entre 
leurs  mains  ébauchée  ou  perfc£tionnée.  On  juge  qu'un 
élément  auffi  important  que  la  parallaxe  du  Soleil  ne 
fut  point  oublié.  Les  obfervations  les  plus  délicates,  les 
méthodes  les  plus  ingénieufes  furent  employées  à  cette 
recherche. 
la  petitefle        Lcs  tcntativcsque  l'on  avoit  faites  jufqu'alors,  les  réful- 
de  la  parai-    tats  qu'on  cn  avoit  obtcnus  ,fuffifoient  pout  faire  connoî- 
iaxeduSokii    ^.^.^    ^^  j^  parallaxe du  Solcil  étoit  une  quantité  extrême- 

eit  une   nou-  I  .^„  r  -/-ni  \r  •  i 

velie  difficui-    ment  petite,  &  ptelque  mlenlible  auxobiervations,  dont 
tédeiadéter-    jgg  erreurs  mêmes  pou voient  la  plupart  du  temps  furpafler 
cette  quantité  Se  ranéantir,ce  qui  la  rendoit  extrêmement 
difficile  à  déterminer.  Il  parut  donc  bien  plusnaturel  d'a- 
voir recours  aux  planètes,  telles  que  Mars  &c  Vénus,  dont  la 


(\)  L'Académie  Royale  des  Sciences  fut  écablie  en  ï666  :  &  la. 
Société  Royale  de  Londres  ,  qui  n'étoit  d'abord  depuis  long-temps 
qu'une  aflemblée  volontaire  de  quelques  particuliers ,  reçut  en  1 660 
une  forme  plus  ftable. 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.     119 

parallaxe  devoir  être  beaucoup  plus  fenfibleque  celle  du 
Soleil,  ôc  par  conféquent  plus  facile  à  déterminer.   La 
parallaxe  d'une  de  ces  planètes  une  fois  connue,  il  étoic 
aifé  d'en  déduire  celle  du  Soleil.  En  eflct,  la  théorie  du    laconciurcde 
mouvement  des  planètes  nous  fait  connoître  pour  tel  inf-    '«"c  des  pla- 
çant que  ce  foit  les  rapports  des  difbanccs  du  Soleil  &c  d'une    pius  ilniible, 
planète  quelconque  à  la  Terre;  &  l'on  faitque  les  paral- 
laxes font  encre  elles  dans  la  raifon  inverfe  de  ces  dif- 
tances. 

Il  ne  fut  donc  plus  queftion  que  de  chercher  à  déter- 
miner avec  la  plus  grande  exactitude  poifible  la  parallaxe 
d'une  planète. 

11  fcroittrop  long  de  détailler  ici  toutes  les  méthodes 
qui  furent  ôc  qui  peuvent  être  employées  à  la  folution 
de  ce  problême.  Nous  nous  contenterons  d'indiquer  les 
plus  ingénieufes  ,  pour  nous  hâter  de  venir  à  celle  du 
palFage  de  Vénus,  qui  eft  notre  objet  principal. 

D'après  la  définition  que  nous  avons  donnée  ci-deiFus 
de  la  parallaxe  ^  il  eft  aifé  d'établir  les  principes  fuivants» 
1  °.  Qu'au  zénith  la  parallaxe  eft  nulle,  c'cft-à-dire  qu'elle 
ne  change  en  aucun  fens  la  pofition  de  l'aftre  qui  s'y 
trouve  ;  mais  depuis  le  zénith  la  parallaxe  de  hauteur  va 
toujours  en  augmentant  jufqu'à  l'horizon  où  elle  eft  la 
plus  grande,  ôc  fon  effet  eft  de  faire  paroître  l'aftre  plus 
bas  qu'il  n'eft  véritablement.  2°.  Que  dans  le  méridien 
la  parallaxe  d'afcenfion  droite  eft  nulle  ;  mais  elle  devient 
déplus  en  plus  fenfible,  à  mefure  que  l'aftre  s'éloigne  de 
ce  cercle  ;  &C  l'effet  de  la  parallaxe  dans  ce  fens  eft  d'aug- 
menter l'afcenfiondroite  de  l'aftre  quand  il  eft  du  côté  de 
l'orient ,  ôc  de  la  diminuer  quand  il  eft  du  côté  de  l'oc- 
cident. 

De  ces   deux  principes   naiflcnt   les    méthodes  fui- 

vant-f";  Déterminer 

,  la     paralbxe 

1".  Qu'un  Obfervateur  fe  place  fur  le  globe  de  la  Terre  dune  planète. 
de  façon  que  la  planète,  dont  il  veut  déterminer  la  parai-  '^^s'^^'land" 
laxe,  pafle  à  fon  zénith  lorfqu'elle  parvient  à  fa  plus    latitudes,. 


Méthode   des 

afcenfîons 

droites. 


Méthode    des 
jdécliiiaifons. 


ïio      HISTOIRE    ABRÉGÉE 

grande  latitude  fupérieure,  cette  latitude  ne  fera  aucu- 
nement afl-e£tée  de  la  parallaxe;  mais  la  planète  parve- 
nant cnfuite  à  fa  plus  grande  latitude  intérieure,  &  fe 
trouvant  alors  éloignée  du  zénith  de  l'Obfervateur  .  fa 
latitude  fera  afledlée  de  la  parallaxe,  &:  le  trouvera  dif- 
férente de  la  première  ,  de  toute  la  quantité  delà  paral- 
laxe ,  qui  fera  ainli  déterminée  (i). 

1°.  Lorfquc  la  planète  pafle  dans  le  méridien  ,  déter- 
minez (on  afcenfion  droite,  qui  eft  alors  indépendante 
de  la  parallaxe.  Six  heures  après  déterminez  encore  une 
fois  cette  afcenlion  droite,  qui  fe  trouvera  alors  afFe6lée 
de  la  parallaxe,  dont  la  quantité  fera  la  différence  des 
deux  afcenllons  droites  oblervéeSj  ayant  égard  toutefois 
au  mouvement  propre  de  la  planète  dans  l'intervalle  des 
deux  obfervations. 

}°.  Deux  Obfervatcurs  placés  fous  un  même  méri- 
ridicn  (i),  mais  à  grande  dillance  ,  l'un  au  nord,  l'autre 
au  midi  de  l'équatcur,  déterminent  en  même  temps  la  dé- 
clinaifon  de  la  planète  au  moment  de  fon  palîage  par  le 
méridien.  Laparallaxe  influe  alors  différemment  fur  cette 
déclinaifon,&:la  rend  difl'érente  dans  l'un  &:  dans  l'autre 
lieu  pour  chaque  Obfervatcur  ,  d'une  quantité  qui  eft  ou 
la  fomme  ou  la  différence  de  l'effet  de  la  parallaxe  dans 
chaque  lieu. 

Tel  cfl:  l'cfprit  des  différentes  méthodes  (3)  qui  ont  été 


(i  )  Ce  n'eft  guère  que  pour  la  Lune  que  cette  méthode  peut  s'em- 
ployer avec  fuccès. 

(zlll  n'eft  pas  néceffaire  qu'ils  foient  fous  le  même  méridien  j 
mais  afin  d'être  plus  clair  &  plus  concis,  je  n^  parle  ici  que  des  cas 
les  plus  fimples  j  qui  montrent  mieux  l'efprir  de  la  mcrhode. 

(3)  Toutes  ces  méthodes  font  expliquées  fort  au  long  dans  l'Af- 
tronomie  de  M.  de  la  Lande  ,  Tome  2.  ,  Livre  IX  ;  dans  les  Inîtitu- 
tions  Aflronomiques  de  M.  le  Monnier  ,  chap.  zi ,  pag.  ^16  ,  8C 
fiiiv.  &  l'on  trouveraune  ample  application  des  deux  dernières  dans 
h  volume  des  Voyages  de  MM.  de  l'Académie. 

imaginées, 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL,     m 

imaginées  ,  &  que  Flamftced ,  J.  D.  Cailini ,  mon  bifaïeul ,    obfcrvationî 

o  \  11)  *  rL  1         '  faites  en  1671 

cC  après  eux  nombre  d  autres  Altronomcs,  ont  employées    pourdcKtmi- 
à  la  recherche  de  la  parallaxe  de  Mars.  Ce  tut  en  1672  que    n"  la  paral- 

1>  ,  •       •       1  A/f  j  •.  r    _  laxe  de  Matx. 

Ion  s  en  occupa  principalement.  Mars  devoit  le  trouver 
cette  année  proche  de  Ion  périgée  en  oppofition  avec  le 
Soleil,  fituation  la  plusfavorable  que  l'on  put  dcfirer.  Une 
autre  circonftance  également  heurcufe  ic  rencontra  en 
même  temps.  M.  Richer,  Membre  de  l'Académie  Royale 
des  Sciences,  étoit  parti  l'année  précédente  pourl'iflede 
Caïenne,  où  il  devoit  faire  nombre  d'expériences  ôc 
d'obfervations  pour  le  progrès  de  l'Aftronomic  &  de 
la  Phyfique.  On  juge  bien  que  l'on  n'avoit  pas  oublié  de 
lui  recommander  les  obfervations  relatives  à  la  parallaxe 
de  Mars,  &  de  fe  concerter  avec  lui  pour  ne  laifler  échap- 
per aucune  occafion  de  vérifier  cet  élément  cflentieL 
Tout  répondit  aux  efpérances  que  l'on  avoir  conçues,  &C 
aux  précautions  que  l'on  avoir  prifes.  M.  Richer,  à 
Caïenne,  ne  cefla  pendant  les  mois  d'Août,  Septembre, 
&  Octobre  1 672  ,  de  comparer  Mars  à  diflerentcs  étoiles 
fixes;  tandis  que  MM.  Picard  ,  Roëmcr ,  &:  Caffini ,  fai- 
foient  en  France,  de  leur  côté,  les  mêmes  obfervations, 
qui  furent  de  part  Se  d'autre  multipliées  ,  répétées ,  faites 
en  un  mot  avec  toute  l'attention  &la  délicatcffe  que  l'on 
pouvoit  attendre  de  pareils  Obfervatcuis. 

Les  obfervations  de  Richer  ne  furent  pas  plutôt  pai've- 
nues  en  France*,  que  l'on  s'emprelTa  de  les  comparer  avec 
leurs  correfpondantes.  Le  premier  réfulat  que  l'on  en  tira 
ne  laifTa  pas  d'abord  de  furprendre.  En  effet,  la  pre- 
mière comparaifon  des  obfervations  de  Caïenne  avec 
celles  de  M.  Picard  nedonna  aucune  parallaxe  pourMars. 
Dominique  Caffini  ne  put  adopter  cette  conclulîon  ;  il 
penfa  que  l'efFet  de  la  parallaxe  avoit  été  anéanti  par 
l'erreur  des  obfervations.  Ayant  donc  examiné  &difcuté 
ces  obfervations,  il  conclut  que  l'on  pouvoit  foupçon- 
ner  un  quart  de  minute  d'erreur,  &C  qu'en  admettant 
tette  quantité ,  la  parallaxe  de  Mars  ne  pouvoit  guère  être 

Q 


112      H  î  S  T  O  I  R  E    A  B  R  É  G  É  E 

plus  grande  que  25".  Cette  détermination  ,  qui  étoit 
.  alors  purement  hypothétique,  devint  bientôt  un    réful- 
tatfixe  ôc certain,  lorfque  M.  Caffini,  venant  à  comparer 
Tes  propres  obfervations  avec  celles  deRichcrjCndéJui- 
fit  la  parallaxe  de  Mars  de  15" -7-.  Non  content  de  cela  , 
Doniiniqiit    M.  Callini  chercha  à  déterminer  cette  même  parallaxe 
ai.ini  deccr-      ,^^.  ç^^  obfervations  feules,  indépendamment  d'aucune 
laxe  de  Mars   comparailon  ;  il  obtmt  encore  le  même  relultat.  Cette 
de  ij'.  dou   double  vérification  étoit  fans  doute  bien  décilive,  6c  en 

Il  conclut  cel-  ^  \  •         r     ■   r  -r  f.  ». 

kduSokiide   mcmc  tcmips  bien  latisrailante  pour  l  Auteur,  qui  y  trou- 
s"  !•  voit  une  preuve  flatteufc  de  la  délicateffe  de  fes  obferva- 

tions, ÔC  de  la  bonté  de  la  méthode  qu'il  avoit  em- 
ployée (  I  )..  La  parallaxe  du  Soleil  fe  trouva  donc  fixée ,  dès- 
lors  ,  à  9" -7.  Cette  détermination  ne  fut  pas,  à  la  vérité, 
adoptée  d'abord  de  tous  les  Agronomes ,  d'autant  plus  que 
plulieurs  d'entre  eux,  employant  les  mêmes  méthodes  qui 
avoient  fi  bien  réulli  entre  les  mains  de  M.  Caffini,  ne 
furent  pas,  à  beaucoup  près,  auffi  heureux,  &  trouvè- 
rent des  réfultats  fort  différents.  En  effet,  M.  Picard, 
comme  nous  l'avons  déjà  dit  ci-defifiis,  par  les  obferva- 
tions, comparées  avec  celles  dcRicher,  trouvoit  la  pa- 
rallaxe nulle,  tandis  que  par  fes  propres  obfervations 
feules  il  la  trouvoit  de  20".  M.  de  la  Hire  pareillement 
trouvoit  des  variétés  fi  grandes  dans  fes  réiiiltats,  qu'il 
commença  par  croire  la  parallaxe  du  Soleil  infenfible  ; 
mais  il  finit,  pour  ainfi  dire,  comme  par  accommode- 
ment, par  la  fuppofer  toutau  plusde  6'^(i).  Il  n'y  eut  que 
M.  Flamfteed,  dont  les  obfervations  s'accordèrent  parfai- 
tement avec  celles  de  M.  Caflini,  puifqu'cllcs  donnèrent 
également  une  parallaxe  de  10".  L'accord  de  ces  deux 
Obfcrvateurs  confommés  n'étoit  pas  un  foible  préjugé 
en  faveur  de  la  juftefiTe  du  réfultat. 

(  I  )  Celle  des  afcenfions  drokes  dont  nous  avons  fait  mention  ci- 
deffus. 

(  z)  Si  cependant  on  veut  employer  pour  ^.Soleil  unefaralluxc  de  6", 
difoic  M.  de  la  Hire  ,  on  aura  ,  &ç. 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.     113 

M.  Halley,  unpeu  trop  prévenu  contre  toute  méthode 
de  déterminer  la  parallaxe  du  Soleil  autre  que  celle  du 
paflage  de  Vénus  ,  étoit  du  nombre  de  ceux  qui  n'ad- 
mettoient  point  la  parallaxe  établie  par  MM.  Flamfleed 
&  Caiîini.  Il  la  fuppofoit  au  contraire  une  fois  &  demie 
plus  grande,  c'elt-à-dire  d'environ  z5"(i). 

Nous  conviendrons  volontiers  avec  M.  Halley  qu'au-     La  mhhoâc 
cune  obfervation  n'étoit  plus  capabledc  fixer  la  vraiepa-   ^^sakenfions 
rallaxe  du  Soleil,  que  celle  du  paiFagc  de  Vénus;  mais   pioyée    avec 
il  faut  avouer  auifi,  &  l'expérience  l'a  bien  prouvé,  que   |uccès&  fans 
la  méthode   de  chercher    cette  parallaxe   par  celle  de  varlé'té^^dans 
Mars,  comme  l'a  fait  mon  bifaïcul,  mériroit  quelque   lesréfultats. 
confiance,  &  étoit  fufceptible  d'approcher  de  très  près 
de  la  vérité.  En  eiFet,  nous  avons  vu  depuis,  que  toutes 
les  fois  que  cette  méthode  à  été  employée  par  un  Obfer- 
vateur  habile  &  dans  des  circonftances  favorables,  elle  a 
toujours  donné  des  réfultats  peu  difFércnrs  entre  eux  ; 
car  en  1704,  Mars  fe  trouvant  dans  la  même  pofition 
qu'en  i6yi,  M.  Maraldi  faifit  cette  occafion  pour  véri- 
fier la  parallaxe  du  Soleil  de  la  même  manière  qu'on  l'a- 
voit  fait  auparavant;  il  la  trouva  de  10".  Quinze  années 
après.  Mars  étant  dans  fon  oppofition,  mêmes  opéra- 
tions de  la  parc  de  M.  Maraldi,  même  réfultat  encore. 
Enfin  M.  de  la  Caille,  fe  trouvant  au  cap  deBonne-Ef- 
pérance  en  1751,  ne  lailTa  échapper  aucune  occafion  de 
déterminer  la  parallaxe  de  Mars.  Les  obfervations  cor- 
refpondantes  furent  faites  avec  le  plus  grand  foin  en 
Europe,  par  tout  ce  qu'il  y  avoitdeplus  habiles  Obferva- 
teurs.  M.  de  la  Caille  de  retour,  après  avoir  difcuté, 
pefé,  &  calculé  toutes  ces  obfervations,  finit  par  pon- 
clurela  parallaxe  du  Soleil  de  io"îf'.  Un  accord  fi  conftant 
entre  des  obfervations  faites  &  répétées  à  différents  temps, 

^»J  ■   ■    »  Il    I— ^«^^^M^»^    Il         l»IW  M-     I  ,  ^— ^— ^  I      -■  ■  .   -—  —,  .— 

(i)  M.  Halley  varia  fouvent  fur  cette  quantité.  Il  fixa  d'abord 
la  parallaxe  à  45",  enfuiteillaréduifit  à  zj  ,&  enfin  à  12,  comme 
(dans  ks  Tables. 


Rélultât  lies 
recherches  fur 
^a  p3ralij.,e 
du  Soleil  juf- 
qu'au  mo- 
ment du  pre- 
*n'ci'  partage 
^'^  Vénus  Ail- 
le   Soleil    en 


114     H  I  S  T  O  I  R  E    A  B  R  É  G  É  E 

en  différents  lieux_,  &c  par  différents  Obrervatciirs,  fcin- 
bloic  affiirer  que  l'on  étoic  parvenu  à  la  vraie  détermi- 
nation de  la  parallaxe  du  Soleil,  qui  fut  dès-lors  fixée  à 
lû"  du  commun  accord  de  tous  les  Aftronomcs.  Plulieurs 
d'entre  eux  même  ne  croyoient  pas  que  le  paffage  de 
Vénus  dût  apporter  un  changement  bien  fenfible  dans 
ce  réfultat ,  èc  n'attendoient  ce  phénomène  que  comme 
une  vériticatlon  de  ce  que  l'on  avoit  déjà  trouvé.  M.  de 
la  Caille  s'en  expliquoit  affcz  clairement  dans  l'intro'- 
duction  à  Tes  Ephémérides  ,  depuis  1765  jufqu'à  1775  ,, 
où  il  die  mot  pour  mot  :  Enfin  ,  toutes  compenfations 
faites ,  on  peut  établir^  comme  une  quantité  certaine ,  k 
moins  d'un  quart  de  féconde  près  ^  que  la  parallaxe  ho~ 
ri-^ontale  du  Soleil  dans  fa  di fiance  moyenne  a  la  Terre  efi 


de  vo"^ 


Ta  BLE   de   la  Parallaxe   du  Soleil  félon 
divers  Afironomes. 


Noms  des  Auteurs. 


Arillarque  de  Samos. 
Ptolémée    .... 
Thycho.      .     .    '.     . 

Kepler 

Vendélinus.  .  .  . 
Riccioli.  .  r  .  . 
J.  Dominique  Calîîni, 

Flamfteed 

Picard.  " .     .     .     . 

La  Hire 

Halley 

Maraldi 

Bradley 

Jacques  Caffini.    .     . 

La  Caille 

Caflini  de  Thury.  .    . 


} 


Vers  l'an 


2(^4  avant  J.  C. 

1 50  après  J.  C. 

1570 

1617 

1647 

\6(.6 


lôyi 


1704 
1719 
I73(î 


—  1719 


Parallaxe  du  Soleil. 


3 
2' 

3' 
1'— 1' 


50" 


15 
28'' 

10' 

o 

6" 
II 


45   —M 

10" 

9"— 12" 
10" 
10'' 

10" 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.     115 

Tel  eft  le  point  où  nous  étions  parvenus ,  lorfque  le 
paflage  de  Vénus  de  1761  vint  nous  procurer  le  moyen 
de  dillipcr  le  relie  d'incertitude  que  nous  pouvions  avoir. 
Se  de  décider  la  queflionjfoit  en  confirmant  le  rélultac 
déjà  trouvé  ,  foit  en  le  rectifiant.  Mais  avant  d'entrer 
ici  dans  le  détail  de  l'obfervation  de  ce  fameux  phéno- 
mène ,  je  vais  tâcher,  comme  je  l'ai  promis  en  commen- 
çant, de  faire  comprendre  comment  la  détermination 
de  la  parallaxe  du  Soleil  pouvoir  en  dépendre;  il  fuffira 
enfulte  de  donner  une  idée  de  la  méthode  que  les  Agro- 
nomes ont  fuivie  dans  leurs  calculs,  pour  conclure  cette 
parallaxe  des  obfervations  qui  ont  été  faites  en  différents 
endroits  de  notre  globe. 

Rappelions-nous  un  moment  ce  que  nous  avons  déjà 
dit  plus  haut.  Nous  avons  vu  qu'en  général  l'effet  de  la    I3    parallaxe 
parallaxe  eft  de  faire  appcrcevoir  un  aftre  dans  un  lieu    <\»  Soleil  fe 

i-rri  1     •        ^     •!       (T.         '-11  -n*  acJuitdel'ob- 

tout  ditt-ercnt  que  celui  ou  il  eit  véritablement.  Dans    fdvationd'ua 
le  temps  donc  où  le  paffage  de  Vénus  fur  le  difque  du    paifage  de 
Soleil  a  lieu  pour  le  centre  de  la  Terre  ,  la  parallaxe  de    ^^°"^' 
Vénus  Se  du  Soleil  changeant  la  déclinaifon,  l'afcenfion 
droite ,  en  un  mot ,  la  pofition  vraie  6c  refpeiflive  de  ces 
deux  planètes  ,  toutes  les  circonftances  de  ce  paffage,  ob- 
fervées  d'un  lieu  quelconque  de  la  Terre,  ne  font  qu'ap- 
parentes ,  c'eft  à-dire  toutes  différentes  de  celles  que  l'on 
obferveroit  du  centre  de  la  Terre  ,  qui  ibnt  les  vérita- 
bles (i).  Les  contacts  obfervés  au  commencement  ôc  à  la 
fin  ne  font  donc  pas  les  vrais  moments  de  l'entrée  ni  de 


(i)  11  pourroit  y  avoir  quelqu'une  des  circonftances  du  paflage, 
obfervée  fur  la  Terre ,  qui  feroit  la  même  qu'obfervée  du  centre. 
Par  exemple,  dans  un  lieu  où  l'un  des  contaâs  arriveroit  au  moment 
où  Vénus  feroit  au  zénith  ,  ce  contaét  feroit  le  même  que  vu 
du  centre  de  la  Terre  ;  mais  cela  ne  change  rien  à  la  conféquence  où 
je  veux  en  venir  ici:  ainfi  je  n'ai  pas  cru  devoir  entrer  dans  le  détail 
de  ces  petites  exceptions  qui  ne  feroient  qu'interrompre  la  fuite  des 
caifonnemencs ,  &c  embrouiller  la  matière. 


ii.<  HISTOIRE  ABRÉGÉE 
la  fortic;  en  conféquence  la  durée  apparente  ou  obfer- 
vée,la  diftance  desccnrres  mefurée,  doivent  être  difFé- 
renres  de  la  durée  ôC  de  la  diftance  des  centres  véritables, 
&  cela  d'une  quantité  relative  à  la  pofition  du  lieu  oii  l'on 
obferve  ,  &C  que  j'appelle  l'ejfet  de  la  parallaxe  (i)  pour 
ce  lieu-là. 
Par  la  durée  Je  fuppofe  quc  dans  deux  lieux  différemment  fitués  fur 
dupaiiage.  notreglobe,on  ait  obiervéladurécdu  pailagedeVénus  f  iu- 
le difque  du  Soleil.  Ces  deux  durées  apparentes  difFéreront 
l'uneplus  ou  moins  querautre(i)  deladuréc  véritablequi 
a  eu  lieu  au  centre  de  la  Terre.  Mais  de  combien  chacune 
en  difFere-t-elle?  D'une  quantité  inconnue,  qui  dépend  de 
la  parallaxe  que  nous  ne  connoiflons  pas  non  plus,  &  que 
nous  cherchons.  Or,  pour  parvenir  à  déterminer  cette 
parallaxe,  fuppofons-la  un  moment  connue  (3),  6c  d'a- 


(i)  Je  devois  dire  des  parallaxes  ;  azlz  parallaxe  du  Soleil  &  celle 
de  Vénus  fe  combinent  ici  enfemble  :  mais  comme  elles  agi  (lent 
toures  deux  dans  le  même  fens,  que  d'ailleurs  elles  font  abfolumenc 
dépendantes  l'une  de  l'autre ,  je  confidere  ici  leur  effet  total. 

(z)  Il  eft  avantageux  qu'elles  différent  aulli  l'une  de  l'autre  le  plus 
qu'il  ell  poffible ,  comme  nous  le  dirons  plus  bas. 

(3)  Cette  méthode  indirecte  de  fauffe  pofition  efl:  d'un  fré- 
quent ufage  dans  l'Aftronomie ,  où  l'on  a  fouvent  à  refoudre  des 
problêmes  de  l'efpece  de  celui-ci.  M.  duSéjour.l'un  de  nos  Confrères, 
lequel  eft  en  poffelîîon  d'une  analyfe  fine  &  délicate  qu'il  a  appliquée 
fi  neureufement  à  la  théorie  des  édipfes  ,  a  déjà  rélolu  rigoureufe- 
ment  nombre  de  ces  problêmes.  Au  moyen  des  formules  qu'il  a  conf- 
truites,  toutes  les  queftionsde  ce  gejiirefe  trouveront  réfolues  d'une 
manière  direde.  Nous  ne  pouvons  que  defirer  avec  empreffemenc 
la  fuite  de  fon  travail ,  &c  le  développement  de  toutes  les  méthodes 
qu'il  nous  promet ,  &  qui  fourniront  un  cours  complet  d  Aftrono- 
niie  analytique,  matière  abfolument  neuve. 

11  faut  fuppofer  connue  la  parallaxe  du  Soleil  ic  celle  de  Vénus; 
mais  cela  ne  fait  qu'une  fuppofition ,  parceque  ces  deux  parallaxes 
ont  un  rapport  connu  entre  elles  :  qui  fuppofe  l'une,  fuppofe  l'autre. 
Par  exemple  ,  fi  l'on  fuppofe  la  parallaxe  du  Soleil  de  j'',  celle  d« 
Vénus  en  conjondion  doit  être  de  n"}6. 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.     127 

près  cette  fupporition,  calculons  l'effet  qu'elle  a  dû  pro- 
duire fur  la  durée  obfervée  dans  chaque  licU.  Si  notre 
ruppofitioneft:  bonne,  elle  nous  donnera  la  vraie  quan- 
tité dont  la  véritable  parallaxe  a  rendu  dans  chaquelicu 
la  durée  obfervée  différente  de  la  véritable;  corrigeant 
donc  de  cette  quantité  chaque  durée  obfervée,  clic  fera 
réduite  à  la  durée  véritable,  qui  doit fe  trouver  la  même 
de  part  Se  d'autre,  de  pour  tous  les  lieux  quelconques; 
linon  recommencez  une  autre  fuppofition  jufqu'à  ce  que 
les  durées  cbfervées,  corrigées  de  l'effet  de  la  parallaxe, 
donnent  toutes  la  même  quantité  pour  la  durée  vue  du 
centre  de  la  Terre.  Alors  la  parallaxe  de  Vénus  &  du 
Soleil  _,  employée  dans  cette  dernière  fuppolîtion,  fera 
la  parallaxe  cherchée. 

L'on  peut  encore  déduire  la  parallaxe  de  la  fîmpîe  Par  un  des 
obfcrvation  d'un  même  contact, foit  del'entrée,  foitde  '°'^''"^^* 
la  fortie  ,  déterminée  dans  plufieurs  endroits  ,  dont  la 
dillérencc  de  longitude  cft  parfaitement  connue.  En 
effet,  fi  Vénus  &c  le  Soleil  n'avoient  aucune  parallaxe, 
leurs  contacls  fcroicnt  dans  le  cas  des  éclipfcs  de  Lune, 
ou  des  Satellites  de  Jupiter,  c'ed-à-dire  qu'ils  arriveroient 
&.  feroient  vifibles  dans  le  même  inftant  pour  tous  les 
lieux  de  la  Terre  ;  de  forte  que  les  heures  de  l'obferva- 
lion  ne  différeroicnt  uniquement  que  de  la  différence  de 
longitude  des  Obfervateurs.  Si  donc,par  une  fuppofition 
S>c  un  procédé  femblablcs  à  ceux  de  la  méthode  précédente, 
vous  dépouillez  de  l'effet  delaparallaxe,  l'obfervarion  du 
contact  faite  dans  chaque  lieu,  vous  aurez  les  heures  de 
chaque  contadl  vrai  (i);  lefquellcs_,  fi  la  fuppofition  eft 
bonne,  ne  doivent  plus  différer  entre  elles  que  de  la  quan- 
tité dont  les  lieux  del'obfcrvation  différent  en  longitude. 
En  faifant  à-peu-près  le  même  raifonnement ,  on  verra 


^ — ■ 


(i)  Nous  appelions  contads  vrais  ceux  qui  ont  lieu  pour  le 
centre  de  la  Terre. 


izS       HISTOIRE    ABRÉGÉE 

Par  la  plus    quclapatallaxc pcut également fc déduii-c derobfervarioti 
ced«ccnïcs'   ^^  ^^  P^"^  courte  diftance  des  centres  de  Vénus  £c  du  So- 
leil. En  effet,  cette  plus  courre  diftance  ne  fcroit-ellc  pas 
la  même  pour  tous  les  lieux  de  Ja  Terre,  fi  Vénus  &:  le 
Soleil  n'avoient  aucune  parallaxe  ?  Otez  donc  de  chaque 
plus  courte  diftance  obfervée  ,  l'effet  de  la  parallaxe  ;  èc 
'  Il  votre  fuppofition  eft  bonne ,  les  diftances  apparentes 
ainfi  réduites  à  la  plus  courte  diftance  véritable,  doivent 
fe  trouver  toutes  égales. 
L'onfentpartaitcmentqu'il  eft  avantageux, pour  la  fureté 
de  toutes  ces  méthodes,  d'avoir  des  obfervationsdu  paf- 
fage  de  Vénus  faites  dansbeaucoup  d'endroits  où  l'effet  des 
parallaxes  foit  oppofé  &C  le  plus  différent  qu'il  eft  polîîblc  j 
car  alors  on  ne  pourra  pas  douter  que  la  fuppofition  qui 
fera   vérifiée  avec  fuccès  fur  toutes  ces  obfervations  , 
ne  donne  la  véritable  parallaxe  du  Soleil  cherchée. 
Tels  font  les  différents  moyens  que  nous  offre  un  paf- 
M.  Halley    fagc  de  Vénus  pour  déterminer  avec  précifion  la  paral- 
prcm°[r  d'â^    ^^^^  '^^  Solcil.  Avant  M.  Halley  ,  perfonne  n'avoit  ima- 
piiqucriepaf-    giné  quc   l'on  pût  employer  aufli  avantageufemcnt  ce 
fagcde  Venus    phénomène.  Ce  n'eft  pas  que  la  remarque  fût  bien  diffi- 

aiarecheiche     'm      v    r  •  •      •>    n.    •     r  1  l.     r  a  1  I 

de  la  parai-    cilc  a  laire,  maisc  eicamli  que  ks  choIcs  ,  même  les  plus 
laïe.  fimples,  demandent  fouvent,  pour  être  apperçucs,  le  coup 

d'œil  de  l'homme  de  génie.  Vénus  avoir  déjà  paflé  en 
1639  fur  le  difque  du  Soleil ,  mais  on  n'en  avoir  fu  tirer 
aucun  fruit.  Ce  ne  fut  que  vers  1678  que  l'idée  heureufe 
d'appliquer  ce  phénomène  à  la  recherche  de  la  parallaxe , 
vint  à  l'efprit  de  l'illuftre  Aftronome  Anglois,  Il  recon- 
nut dès-lors  que  fi  l'on  pouvoir  ,  dans  deux  lieux  choifis 
&  fort  éloignés  l'un  de  l'autre,  obferver,  à  une  féconde 
près  ,  l'intervalle  de  temps  écoulé  entre  les  deux  conta^ls 
intérieurs  de  Vénus  Se  du  Soleil ,  on  en  concluroit  la 
parallaxe  à  un  cinq- centième  près.  Une  pareille  préci- 
fion eût  été  certainement  bien  au-deffus  de  celle  que  l'on 
pouvoir  attendre  des  autres  méthodes  employées  jufques- 
là ,  &  peuc-être  de  toutes  celles  que  l'on  pou  voit  imaginer. 

Dominic^uQ 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL,     iz^ 

Dominique  Caffini,  qui  étoit  alors  fort  occupé  de  déter- 
miner la  parallaxe  du  Soleil  par  les  afcenlions  droites  &: 
les  déclinaifons  de  Mars ,  ne  le  flattoit  pas  à  beaucoup 
près  d'une  il  grande  précifion  dans  Tes  réfultats.  Il  fen- 
toit  parfaitement,  &  l'éprouvoit  nombre  de  fois,  qu'il 
falloir  d'excellents  inftruments,  une  attention  extrême, 
&  la  plus  grande  habileté  de  la  part  de  l'Obiervateur , 
pour  obtenir  feulement  quelque  accord  dans  les  réfultats. 
Rien  au  contraire  ne  devoir  être  plus  facile  à  faire ,  ôc 
plus  fufceptible  d'exa£titude,  que  l'obfervation  du  palTage 
de  Vénus.  Nous  avouerons  cependant, 6c l'expérience  le 
montrera  bientôt ,  qu'il  étoit  prefque  impoffible  d'at- 
teindre tout-à-fait  à  la  préciiîon  dont  s'étoit  Hatté  M.  Hal- 
ley.  Cet  Agronome  fuppofoitdans  l'obfervation  une  juf-  La  parallaxe 
telTcpour  ainli  dire,  imaginaire.  Mais  en  réduifantl'ap-   p^utfedetet- 

M       .         ^  .         "        V  '^       miner ,  a   un 

proxmiation  aun  centième  près ,  nous  pourrons  encore   centiemeprès, 
nous  féliciter  de  jouir  d'une  méthode  qui  donne  l'éçard   pariobferva- 

,,  ,,  '  ,.^.  -T'IJ  tionaupalla- 

de  la  parallaxe,  une  precilion  inconnue  julqu  alors  dans   ge  de  venus, 
rAftronomic. 

L'idée  ingénieufe  de  M.  Halley,  la  méthode  qu'il  pro- 
pofoit  de  fuivre,  ne  furent  bien  développées  que  dans  un 
Mémoire  qu'il  compofa  en  1 7 1 6  (  i  ).  Il  y  aiîigna  les  lieux  de 
la  Terre  les  plus  favorables  pour  l'obfervation  du  pafTage 
de  Vénus  en  17^1,  &  fixa  toutes  les  circonftances  de  ce 
phénomène.  M.  Halley  avoic  alors  60  ans.  Quel  regrec 
fenfible  n'étoit-ce  pas  pour  lui ,  en  fongeanc  qu'il  ne 
pouvoir  fe  flatter  de  faire  lui-même  cette  obfervation 
curicufc ,  &.  d'en  pfartager  les  fruits  qui  lui  appartenoienc 
en  quelque  forte!  Si  quelqu'un  a  plus  de  raifon  que  les 
autres  hommes  de  s'appercevoir  &:  de  fe  plaindre  de  la. 
courte  durée  delà  vie,  c'eft  fans  doute  l'Aftronome.  Ses 
yeux ,  pénétrant  dans  l'avenir  ,  découvrent  &  pré- 
voient   des     obfervations    curieufes    ôc   importantes  ; 


(i)  Voyez  Tranf.  PhUofoph.  pag.  454. 

R 


L'Académie 
Royale  des 
Sciences  exa- 
mine quels 
font  les  voya- 
ges les  plus 
utiles  pour 
l'obfeivation 
«lu  pall'age  de 
yénus. 


Mappemonde 
de  M.  de  Lille. 
II  propofe  la 
méthode  de 
déterminer  la 
parallaxe  par 
les  feuls  con- 
tads. 


130      HISTOIRE    ABRÉGÉE 

mais  le  terme  de  fa  vie  eft  une  barriei-e  qui  s'élève  entre 
ces  phénomènes  &:  lui,  &  qui  lui  ôtcnc  tout  efpoir  d'en 
être  le  témoin. 

Nous  ne  diffimulerons  pas  que  M.  Halley  fe  trompa 
dansquelquespofitionsqu'il  jugeoit  favorables  à  l'obferva- 
tion_,  &:  qui  ne  Tétoient  point.  Une  erreur  dans  fon  calcul 
dedans  les  éléments  qu'il  adopta l'égaraabfolument: mais 
cetteerreur  ne  fut  relevée  qu'environ  quarante  ans  après. 

Pendant  les  dernières  années  qui  précédèrent  celle 
du  paflage  de  Vénus  ,  l'Académie  Royale  des  Sciences 
s'occupa  avec  la  dernière  activité  de  ce  phénomène  pro- 
chain. AfTurée  des  fecours  du  Gouvernement,  invitée 
même  par  lui  à  examiner  quels  feroient  les  voyages  les 
plus  utiles  à  entreprendre  pour  en  préparer  la  réuf- 
ike  ,  elle  agitoit  fans  ceire  dans  fes  aircmblées  tou- 
tes les  queftions  èc  les  recherches  relatives  à  cet 
objet.  M.  de  Lifle,  l'un  de  fes  plus  illuftres  Mem- 
bres, dont  nous  regrettons  encore  aujourd'hui  la  perte, 
exécuta  alors  le  projet  ingénieux,  dont  le  paflage  de 
Mercure  lui  avoir  donné  l'idée  en  1753,  de  faire  voir 
d'un  feul  coup  d'œil  tous  les  endroits  où  l'on  pourroic 
obfcrver  le  paffage  de  Vénus,  &:  défaire  juger  en  même 
temps  du  plus  ou  du  moins  d'avantage  de  la  pofition  de 
chaque  lieu.  Il  conftruilît  à  cet  effet  une  mappemonde 
fur  laquelle  on  voyoit,  au  moyen  de  cercles  qu'il  yavoic 
tracés  ,  l'heure  à  laquelle  chaque  lieu  de  la  Terre  dévoie 
voir  l'entrée  &  la  fortie  de  Vénus  fur  le  difque  du  Soleil. 
Ce  travail  donna  occafioa  à  M.  de  Lfiile  de  relever  l'er- 
reur de  M.  Halley,  &:  de  s'appercevoir  que  la  Baie  d'Hud- 
fon,  &  d'autres  endroits  prefcrits  par  l'Aftronome  An- 
glois ,  n'étoient  nullement  favorables.  Je  renvoie  abfo- 
lumcntleLeifteur  à  cette  mappemonde  curieufe^  publiée 
au  mois  d'Août  1760  ,  ainfl  qu'à  l'excellent  Mémoire  où 
M.  de  Lifle  propofa  de  déterminer  la  paralLixe  du  Soleil 
par  la  fimple  obfervation  des  contacis,  comme  je  l'ai 
expliquéci-delTus.Cetteméchodea  l'avantage  de  pouvoir 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.     131 

être  employée  dans  un  plus  grand  nombre  d'endroits  que 
celle  de  M.  Halley.  En  effet,  entre  tous  les  lieux  où  il 
étoit  poliible  de  fe  rendre,  il  y  en  avoit  très  peu  où  l'ob- 
/ervation  de  la  durée  entière  pût  être  faite,  mais  beau- 
coup où  quelqu'un  des  contacls  devoit  avoir  lieu.  Il  eft 
vrai  que  la  méthode  de  M.  de  Lille  ruppofoit  une  connoil- 
fance  parfaite  de  la  longitude  de  chaque  obfervatoire  ; 
mais  cette  connoiflance  ne  peut-elle  pas  toujours  s'ac- 
quérir foit  dans  un  moment,  foit  dans  l'autre?  De  plus.  Avantage dd 
on  pouvoir  fe  procurer  de  plus  grandes  différences  dans  lamét!ioded« 
les  obfervations  des  contacts  que  dans  celles  de  la  durée,  M.  deLifle,. 
comme  le  montroitlamappemonde  de  M.  deLifle.  Deux 
Obfervateurs  placés ,  l'un  à  la  Mecque,  l'autre  à  l'ifle  de 
Pâques  (i)  _,  pouvoient  avoir  17'  de  différence  dans  l'en- 
trée de  Vénus.  Une  pareille  différence  devoit  avoir  lieu 
dans  la  fortie  oblervée  d'une  part  au  Kamtfchatka  ,  de 
l'autre  au  cap  des  Terres  Auftrales.  Cette  même  fortie  de- 
voit auffi  différer  de  i  2'  à  Tobolsk  &  à  l'iflc  de  Sainte- 
Hélène.  Il  n'étoit  pas  facile,  à  la  vérité ,  de  fe  tranfpor- 
ter  dans  plufieurs  de  ces  endroits;  mais  on  pouvoit  en 
choifir  d'autres  intermédiaires  où  l'on  eût  à-peu-prèsles 
mêmes  avantages.  C'eft  ce  dont  on  s'occupa  beaucoup 
dans  le  courant  de  l'année  1760.  L'Académie  nom- 
ma des  Commiffaires  pour  concerter  entre  eux  les 
lieux  où  l'on  pourroit  concilier  d'un  côté  l'avantage  de 
i'obfervation,  6c  de  l'autre  la  facilité  d'y  aborder  &  la 
commodité  de  s'y  établir.  Le  choix  des  lieux  une  fois  ré- 
glé, l'on  n'étoit  pas  embarraiïé  de  trouver  des  Aftrono- 
jnes  qui  voulu ffent  s'y  rendre.  Un  corps  tel  que  l'Aca- 
démie ne  manque  jamais  de  Sujets  prêts  à  fe  dévouer 
pour  le  progrès  des  Sciences  èi.  la  gloire  de  la  Nation.  Il 
ii'eft  aucun  Académicien  dont  le  zèle  ne  foit  capable  de 


(i)  Cette  ifle  eft  firuée  vers  le  milieu  de  la  Mer  du  Sud  ,  fous 
■Jfi  tropique  du  Capricorne. 


Rij 


L'Académie 
ïmpériale    de 
récersbourg 
démande  à 
l'Académie 
des  Sciences 
de    Paris    un 
Aftronome 
pourvenirob- 
ferveienRuf- 
lîe  le  pafTage 
de  Vénus. 


132  HISTOIRE  ABRÉGÉE 
tout,  chaque  fois  qu'il  cft  qucftion  de  fe  rendre  utile  : 
&  le  choix  que  la  Compagnie  fait  alors  d'un  de  les 
Membres  pour  exécucer  une  entreprile  même  pénible, 
devient  pour  lui  une  préférence  Hatteufe  èc  honorable. 
La  gloire  de  l'Académie  Royale  des  Sciences  fe  trouva 
principalement  intéreflee  dans  cette  occalion  ,  par  un 
événement  qui  fut  en  même  temps  pour  la  Nation  un 
témoignage  àc  un  hommage  flatteur  de  l'cftime  que  le? 
Etrangers  ne  peuvent  lui  refufer.  L'Académie  Impériale 
de  Pétcrsbourci  eut  recours  à  notre  Académie  ,  6c  lui 
demanda  un  de  fes  Membres  pour  venir  fous  les  aufpices 
de  l'Impératrice  obferver  le  paflage  de  Vénus  dans  tel 
lieu  de  l'Empire  que  l'on  croiroit  le  plus  favorablement 
fitué.  On  peut  juger  de  l'empreflemcnt  de  l'Académie  à 
répondre  à  une  pareille  confiance.  Après  avoir  examiné 
tous  les  lieux  delaRulIie  où  l'onpourroit  aller  faire  l'ob- 
fcrvation,  l'Académie  fe  décida  pour  la  ville  de  Tobolsk  , 
capitale  de  la  Sibérie;  ôc  le  choix  d'un  Obfervateur  tomba 
fur  M.  Chappe  d'Auterochc,  jeune  Aftronome  dont  les 
talents  ne  pouvoient  être  furpafles  que  par  le  Zele ,  Sc 
qui  y  réunilToit  un  tempérament  robufte,  propre  à  ré- 
fifter  à  un  voyage  auffi  pénible. 

Pour  tirer  de  l'obfervation  de  Tobolsk  tout  le  fruit  que 
l'on  pouvoiten  efpérer,  il  falloir  fe  procurer  d'autres  ob- 
fervations  corrcfpondantes ,  &C  en  conféqucnce  entre» 
prendre  encore  d'autres  voyages.  Celui  des  Indes  étoiç 
déjà  arrêté  :  M.  le  Gentil ,  à  qui  la  commillion  en  avoic 
été  confiée,  vu  l'éloignement  de  fa  deftination,  avoic 
pris  les  devants,  6c  étoit  parti  dès  l'année  i-y6o  pour 
Pondichéry.  L'obfervation  qu'il  comptoit  y  faire  étoit 
curieufe  &  intéreffante,  il  devoit  y  voir  la  durée  entière 
du  pafTage  ôc  le  milieu  arriver  prefque  au  zénith.  Les  An- 
glois  de  leur  côté  fe  difpofoient  à  envoyer  à  l'ifle  de 
Sainte-Hélène.  Ces  diff^érents  lieux ,  à  la  vérité ,  dévoient 
fervirdctcrmedecomparaifon  avec  Tobolsk;  mais,  com- 
me nous  l'avons  déjà  dit,  on  ne  pouvoit  trop  multiplier  les. 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.      133 

©bfcrvations  ;  l'on  eût  été  condamnable  de  négliger  les 
fituations  les  plus  avantageufcs ,  &c  de  ne  point  profiter 
de  la  bonne  volonté  àc  du  zèle  du  Gouvernement  qui  ne 
demandoit  pas  mieux  que  de  le  prêter  à  tout  ce  qui  pou- 
voir être  utile  relativement  à  l'objet  du  pafTage  de  Vé- 
nus. En  conféquence  ,  M.  de  la  Lande  lut  à  l'Académie 
un  Mémoire  dans  lequel  il  infifta  beaucoup  fur  l'avan- 
tage confidérable  d'envoyer  un  Obfervateur  fur  la  côte 
occidentale  de  l'Afrique  ,  communément  appellée  la 
côte  de  Cafrerie.  Dans  cette  pofition  on  devoit  obtenir 
l'obfervation  la  plus  concluante  _,  celle  qui  dévoie  faire 
face  à  toutes  les  autres,  &  dont  l'obfervation  même  de 
Tobolsk  tiroit  prefque  toute  fon  importance.  M.  Pin- 
gré,  Il  connu  parfes  travaux  aftronomiques,  &:  par  un 
zele  intrépide  dont  il  a  donné  des  preuves  à  l'Académie 
par  tant  de  voyages,  s'offrit  alors  pour  fe  rendre  dans  tel 
lieu  que  l'on  jugeroit  à  propos.  Bien  des  confidérations 
détournèrent  cependant  de  la  côte  de  Cafrerie  malgré 
\qs  avantages  que  l'on  s'y  promcttoit;&  enfin,  après  bien 
des  difcuiîions&:  un  mûr  examen  ,  on  fe  décida  pour  une 
àt%  ifles  de  l'Océan  Ethiopique ,  appellée  l'ijle  Rodrigue. 
On  devoit  y  voir  l'entrée  6c  la  fortie  de  Vénus  j  avan- 
tage que  n'offroit  point  la  côte  d'Afrique. 

Enfind'un  autre  côté,  mon  père,  chargé  parM.IcDuc 
de  Choifeul  àe.  tracer  une  perpendiculaire  à  la  méri- 
dienne qui  traversât  l'Allemagne  jufqu'à  Vienne,  devoit 
profiter  de  cette  occafion  pour  aller  faire  dans  cette  ville 
impériale  l'obfervation  du  paflTage  deVénus,  conjointe- 
ment avec  le  Père  Hell ,  habile  Obfervateur  Allemand. 

Tels  furent  les  différents  voyages  projettes  par  les 
Membres  de  l'Académie.  Nous  allons  dire  un  mot  de  leur 
exécution. 

M.  le  Gentil  partit  des  côtes  de  France  le  26^  Mars  M.  ie  Gentil' 
1760  ,^  &  arriva  le  10  Juillet  à  l'ifle  de  France.  La  guerre  Fndes^°od'n 
allumée  alprs  entre  la  France  6c  l'Angleterre  ne  lui  per-  '^o'c  obferver 
mettant  pas  de  fe  rendre  à  Pondichéry,  il  réfolut  de  s'é-  Yén,js^^^  ^^ 
tablir    à  l'ifle   Rodrigue.  Comme  il   étoit  près  d'exé- 


134      HISTOIRE    ABRÉGÉE 

ciucr  ce  projet,  on  fut  obligé  d'envoyer  de  l'ifle  de  France 
une  frégate  à  la  côte  de  Coromandel  :  cette  occafîon 
écoit  trop  favorable  pour  ne  pas  en  profiter.  M.  le  Gen- 
til s'embarqua  fur  cette  frégate  le  ii  Mars  i-j6i.  Les 
calmes  furent  la  moindre  contrariété  que  ce  vaiîTeau 
éprouva.  Arrivés  à  la  côte  de  Malabar  le  24  Mai  devant 
la  ville  de  Mahée,  nos  voyageurs  trouvèrent  les  Anglois 
maîtres  de  cette  place,  &:  apprirent  qu'ils  l'étoient  aulli 
de  Pondichéry  :  uncprompte  fuite  fut  la  feule  relîourcede 
la  frégate  Françoife.  Il  ne  fallut  plus  penfer  à  la  côte  de 
Coromandel ,  & ,  au  grand  regret  de  notre  Académicien , 
on  réfolut  de  retourner  à  l'ifle  de  France.  Le  jour  de  l'ob- 
fervation  arriva  dans  l'intervalle  de  ce  trajet.  M.  le  Gen- 
til eut  la  douleur  de  fe  trouver  en  mer  le  6  Juin  par  87* 
de  longitude  environ  à  l'ell  de  Paris,  6i  5*  45'  de  lati 
tude  aullrale.  Les  circonftances  d'un  ciel  pur  ôc  ferein 
ajoutèrent  encore  à  fes  regrets.  Il  obferva,  auiîî-bicn 
qu'on  peut  le  faire  de  dellus  un  vaifTeau,  l'entrée  ôc  la  for- 
tie;  mais  onfent  parfaitement  qu'une  telle  obfervation 
ne  peut  être  d'aucun  ufage. 

M.  Chappe  partit  de  Paris  à  la  fin  de  Novembre  i-j6o  : 
M.ciiappe  II  parvint  aifément  à  Pétersbourç  •  mais  ce  ne  fut  qu'a- 
près  une  route  arrreule  ,  incommode  ,  cC  même  dange- 
reufe  pendant  l'efpace  de  près  de  cinq  cents  lieues,  qu'il 
fe  rendit  à  Tobolsk  ,  lieu  de  fa  defttination  (i).  Il  y 
arriva  le  10  Avril ,  èc  eut  tout  le  temps  néceflaire  pour 
fe  préparer  à  l'obfervation  du  6  Juin.  En  attendant  il 
détermina  très  exa£lement  la  latitude  de  Tobolsk,  de 
58°  12'  18  à  12".  Il  obferva  quelques  phafes  de  l'éclipfe 
de  Lune  du  18  Mai,  dont  le  mauvais  temps  empêcha  de 


(i)  On  peut  voir  les  détails  curieux  de  ce  Voyage  dans  le  fuperbe 
Ouvrage  que  M.  Chappe  a  fait  imprimer  à  ce  fujet ,  intitulé: 
P'oyage  en  Sibérie  j  fait  par  ordre  du  Roi  en  1761  j  contenant  les 
mxurs  j  les  ufages  des  Rujfcs  3  en  ^  vol.  in-^°.  i  vol.  de  Canes, 
Çhe^  Débute  père  f  quai  desAuguftins. 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.     135 

voir  les  principales  circonllanccs.il  fut  un  peu  plus  heu- 
reux pour  réclipfe  de  Soleil  qui  eut  lieu  trois  jours  avant 
le  palFage  de  Vénus.  Il  détermina  très  exactement  la 
fin  de  cette  écliple  le  3  Juin  à  6'^  1 1'  8"  temps  vrai.  Le 
paflage  de  Vénus  arriva  enfin  ;  on  en  verra  les  principales 
phaies  dans  la  Table  fuivante,  qui  comprend  aulîi  celles 
qui  ont  été  obiervées  dans  tous  les  autres  endroits  du 
globe.  Je  ne  parlerai  donc  ici  que  de  quelques  circonf- 
rancesdont  cette  Table  n'a  pu  faire  mention.  M.  Chappe 
employa  une  lunette  de  Campagni  de  19^'"'%  l'oculaire 
avoit  i''™"  9"°""  de  foyer,  èc  il  elHme  que  cette  lunette 
devoit  faire  l'eiFet  d'une  lunette  de  355""^'  dont  l'oculaire 
feroit  de  3 '"'"'"  de  foyer.  Le  premier  contad  de  l'entrée 
ne  fut  point  vifible  à  caufe  des  nuages;  mais  l'entrée  to- 
tale, ain/î  que  les  deux  conta£ls  de  la  fortie ,  furent  ob- 
fervés  parfaitement.  L'obfervation  de  M.  Chappe  fut  ac- 
compagnée d'une circonllance  afTez  finguliere  :  à  l'entrée 
&:  à  la  fortie  de  Vénus,  la  partie  de  fon  difque  qui  n'é- 
toit  pas  encore,  ou  celle  qui  n'étoit  plus  lur  le  difque 
du  Soleil,  étoit  vifible  de  environnée  d'une  efpece  d'an- 
neau lumineux,  en  forme  de  croilTant.  Nous  parlerons 
ci-après  de  cette  apparence  avec  plus  de  détail.  Il  fuffic 
de  dire  ici  que  M.  Chappe  ,  à  caufe  de  l'apparence 
de  cet  anneau  j  eftima  le  vrai  contact  intérieur  delà  for- 
tie trois  fécondes  plutôt  que  le  contacl  de  la  partie  ob- 
fcure.  Il  mefuraaudi  avec  différentes  lunettes  le  diamètre 
de  Vénus  dans  le  courant  du  palTage,  &.  le  détermina 
depuis  57"-7  jufqu'à(Î4".Ladiffércnceentre  ces  diamètres 
ne  peut  avoir  été  produite,  dit  cet  Aftronome,  que  par 
l'apparence  de  l'anneau  lumineux.  Voilà  en  peu  de  mots 
le  précis  du  Voyage  &  des  Obfcrvations  de  M.  Chappe, 
nous  allons  bientôt  en  rapporter  le  réiultat. 

M.  Pingre  partit  en  17(^1, &:  arriva  àPiodrigue  au  mois     ^  p.    ,,„ 
de  Mai.  Il  trouva  peu  dereffources  6c  de  commodités  dans    rend  a  ime 
un  lieu  qui  n'eft  habité  que  par  quelques  Noirs,  fous  la  con-    Ro'^r'gus, 
duite  d'un  ieulOfficier.M.Pingré  fut  obligé  d'avoir  fon  ob- 


i3<î      HISTOIRE    ABRÉGÉE 

fcrvatoire  en  plein  air.  Il  n'y  avoir  dans  l'iflc  ni  Maçons 
ni  Menuifiers  pour  lui  en  conftruire  un  plus  folide  &c 
moins  expofé.  A  peine  trouva  t-il  le  moyen  de  mettre 
fa  pendule  à  l'abri  du  vent.  Il  fallut  toute  l'adrefle  &  la 
conltancede  cet  Aftronome  pour  réuffir  à  obfcrver  dans 
un  lieu  fi  incommode,  où  les  inftrumentsécoient  à  chaque 
inftant  expofés  à  être  renvcrfés  ou  dérangés  par  de  fré- 
quentes boufl-ees  de  vent.  Malgré  tous  ces  obllacles  la 
multiplicité  &L  l'accord  des  obfervations  de  M.  Pingre  ne 
laiflent  rien  à  deflrer.  Par  un  milieu  entre  quarante  ob- 
icrvations  il  détermina  la  latitude  de  Rodrigue  de  19°  40' 
40".  Ayant  à  cœur  de  déterminer  aulîi  la  longitude  de 
Ion  obiervatoire  avec  toute  la  préciiion  qu'il  étoic  poiîî- 
ble  d'obtenir,  il  ne  fe  contenta  pas  de  robfcrvation  des 
Satellites  de  Jupiter ,  il  en  fit  un  grand  nombre  d'occulta- 
tions de  fixes  par  la  Lune,  6c  de  diftanccs  à  cette  pla- 
nète; &  après  la  difcufiion  la  plus  délicate,  les  calculs 
les  plus  laborieux  ,  en  un  mot,  après  un  travail  que  lui 
leul  étoit  capable  d'entreprendre,  il  détermina  la  lon- 
gitude de  Rodrigue  de  4'»  3'  26".  Le  mauvais  temps  em- 
pêcha M.  Pingre  de  voir  l'entrée  de  Vénus;  cette  planète 
étoit  déjà  entièrement  furie  difque  duSoleil  lorfque  le  ciel 
fe  découvrit.Notre  Aftronome  s'en  dédommagea  en  déter- 
minant pendant  le  courant  du  paflage  plus  de  éo  diftances 
des  bords  deVénus  &:  duSoleil, d'oiiil  conclut  la  plus  courte 
diftance  des  centres  de  9'  ii",  69.  Leconta6t  intérieur  de 
la  fortie  fut  obfervé  très  exactement.  En  effet ,  M.  Thui- 
lier  ,  qui  obfervoit  avec  M.  Pingre,  l'a  déterminé  dans 
la  même  féconde.  Quant  au  contact  extérieur,  il  paroîc 
un  peu  douteux,  l'interpofition  d'un  nuage  jetta  quel- 
que incertitude  fur  le  vrai  moment  de  cette  dernière 
phafe.  La  lunette  dont  fe  fervit  M.  Pingre  avoit  iSf""*'; 
elle  étoit  de  la  fiiçon  du  fieur  George. 
^  ^  .  ,  Mon  père  fit  l'obfcrvation  du  paflagedeVénus  à  Vienne 
jhury  va  à  dans  1  oblervatoirc des Jeiuites,conjointementaveclerere 
'S/ienne.       Licff^anieS-  Son  AlteircSéréniffime  l'Archiduc  Jofephles 

O  DO  I     *■ 

honora 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.     137 

honora  de  fa  préfence.  Le  temps  ne  fut  pas  des  plus  fa- 
vorables. Quelques  intervalles  à  travers  les  nuages  permi- 
rent cependant  défaire  plufîeurs  obfervations  de  dillance, 
&  celle  du  conta£t. 

Telles  font  les  obfervations  dont  nous  avons  eu  le 
plus  de  détails  ,  &  qui  nous  touchoient  le  plus  particu- 
lièrement. Je  ne  m'arrêterai  point  à  toutes  les  autres  non 
moins  intérelTantes  qui  ont  été  faites  à  Stockolm ,  à  Ca- 
jannebourg,  à  Upfal,  à  Tornéa,  au  cap  de  Bonnc-Ef- 
•pérance,  6c  en  mille  autres  endroits.  La  Table  fui  vante 
cxpofera  fuffifamment  tout  ce  qu'il  eft  efTentiel  d'en 
connoître.  J'ai  cru  qu'il  feroit  agréable  au  Le£teur  d'y 
trouver  raflemblées  toutes  les  obfervations  du  paflage  de 
Vénus  de  17^1  ,  faites  dans  les  différentes  parties  du 
globe.  J'y  ai  du  moins  renfermé  toutes  celles  qui  font 
parvenues  à  ma  connoiflance. 


Table  générale  des  Obfervations  du  pajfage  de  Vénus  fur  le  dfque 

du  Soleil  y  le  6  Juin  1761. 


Noms  des  Lieux. 


Obfcrvatcurs. 


Meffieurs. 


A    Parjs  ,    rOb-  JMaraldi. 
fervatoire  Royal.     (^Belleri. 

Luxembourg.  ...    1  La  Lande. 
Collège   de  Louis-  J  R.  P.  Merville. 
•     -       •  .  .    iR. 


le-Grand. 


iHôtel  de  Cluny. 


Ecole  Militaire. 


P.  Clouet. 
-Mefller. 
)  Libour. 
Sjoly. 
*- Baudouin. 
I  Jeaurat. 


Longitude 
orientale  — 
occident,  -+- 


H.    M.  S. 


+  o 


Latitude. 


D.   M.  S. 


48  jo  14 


Sortie  de  Vénus. 
|f  contra,     x^  contafl. 


8 

iS   41 

8 

18    14 

8 

i8    ij 

8 

i8   40 

8 

j8   16 

8 

i8    30 

8 

i8   )l 

8 

18    }8 

H. 

M. 

s. 

8 

46 

H 

8 

46 

40 

8 

a6 

50 

8 

47 

4 

8 

4<f 

Jf 

8 

4« 

}7 

8 

4«  4} 

8 

4« 

}«• 

8 

4<f  4« 

8 

46  4« 

Lunette  de  18  pieds. 
Lunette  de  6  pieds. 

Lunette  de  18  pieds. 
Télefcopede  6  pouces, 
Télefcope  de  ji  pouc 
Télefcopede5  pieds. 
Télefc.  Nevct.  4  pi.  f 
Lunette  de  1 8  pieds. 
Lunette  de  15  pieds. 
Lunette  de  1 8  pieds. 


138 


HISTOIRE     ABRÉGÉE 


Suite  de  la  Table. 


Noms  des  Lieux. 


Conflans- fous -Car- 
rière  


La  Muette. 


Saint  Hubert.  . 

Lyon 

Orléans.     .  .  . 

Châloiis 

Vire 

Bourdeaux.  .  . 
Grecnwich.  .  . 
Saville-Houfe  . 
Spithal-Squarc. 
Shirburn.  .  .  . 
Hakney.  .  ,  . 
Leskcard.  .  .  . 


Vienne. 


Wezlas.  .  ,  . 
Ingolftadt  .  . 
Monaco  .  .  . 
Vurtzbourg  . 
Schwefingen 
Dilliagen  .  . 
Gottingca  .  . 
Laubac.  .  .  . 
Tirnan  .  .  . 
Munich  .  .  , 


Bologne  , 


Rome .  .  , 
Florence.  . 
Madiid  .  , 
Lisbonne. 
Porto.  .  . 
Selinginsk  , 
Naples.  . 


Obfervateurs. 


Meilleurs. 


La  Caille. 

Fouchy. 
.Ferner. 

Le  Monnier. 

R.  P.  BeraurJ-. 

Joulfe. 

Lertrés. 

Gaultier. 

Definarèts. 

BliC 

Short. 

Cantons. 

Hornsby. 

DoUond. 

Haydon. 
l'R.  P.  Hell. 
J  R.  P.   Liefganig. 
I  _Cafllni  de  Thury 

Ehrmans. 

Kratz. 


R.  P.  Hubert. 
R.  P.  Mayer. 
R.  P.  Hauzer. 
Mayer. 
R.  P.  Schottl. 
R.  P.  Weifl". 


Longitude 
orientale  — 
occident.  4- 


H.  M.S. 


Latitude. 


D.   M.  S, 


o  i^ 

0  i4t 

»  î7 

9  59 

1  43 
8  9 

8  56 
n   39 

9  16 


46 

32- 


13  17 

9   ^7 
i«  43 


—  o  jfi  10 


1 


Rodrigue  .  .  .  ;  . 
Le  cap  de  Bonnç-Efp. 

Copenhague.    .  .  . 
Dronthciin 


o 

—  o 
o 
o 
o 
o 
o 
o 
I 
o 


Zanotti. 

R.  P.  Frizi. 

Caflali. 

R.  P.  Audifredi. 

R.  P.  Ximenez. 

R.  P.  Rieger. 

Ciera. 

D'Alméida. 

Rumowski. 


R.  P.  Pingre. 
Mafon. 


5»     o 

}6  10 
3«  50 
31  Î5 
H  3Î 
31  38 
30  n 
49  45 
°  55 
36  jo 


Sortie  de  Vénus. 
i''  coutad.     i''  contad. 


H.   M.    S.     H.   M.  S. 


48  49   zi 

48   jl   4J 

48  45  ^5 
4J   4î   Ji 

47  5  4     4 

48  j7  10 
48   50   lî 

44  50  18 
51  18  40 
51    30  50 

î'  31  15 
jl    39    IX 

fi  35  5 
50  16  5J 


48  li   51 


—  o  36     5 


8   18   54 

8  z8  i; 
8  16  15 
8  38  44 
8  i6  10 
8  5j  10 
8  15  .5 
8  17  II  i 
8  19  o 
8   18  II r 

8  18  41 T 

8  15    lo 

8  18  45 

8  o  10 


48  3tf  ;o 
48  4;  45 

48  9  55 

49  46  6 
49  II  o 
48    30     6 

5'  31  Î4 

4«  l  o 

48  15  30 

48  5»  5  5 

44   19    36 


O 

o 

+  o 
+  o 
■  o 

—   6 


40  41 

54  48 
14  o 
45  55 
45  40 
57  50 
47   '!■ 


Horrebow. 


—  4     3  16 

—  I     4  15 

—  o  41  41 

—  051  6 


41   55   54 
43  46   55 

40   15       O 

3S  45   13 
40  45     o 

Jl       6       6 
40    50    15 

Auft. 
19  40  40    o 

53    55   15 
Bor. 

5.5  40  45    9 

6  5    4O      0     9 


lo  48 

4  59 

5  4« 


55 
o 


35 
10 


58    16 


18 

i9 


15 
9 


5   4^ 

4   54 


54 
o 

5« 
i8 

5^ 


44  i^ 

44  5 

II  367 

16  55 

3«  49 

5!»  52- 

5  3« 

J  2-7 


8  47 
8  46 
8  4« 
8  44 
8  56 
8  44 
8  51 
8  55 
8  55 
8  37 
8  57 
8  37 
8  Î5 
8  57 
8   19 

45 
41 
42- 
38 
15 
15 
18 


6{ 

16 

17 
51  i 
5« 
10 

59 
17 
59  ï 

9 

5  î 

4 
17 

5 
^5 
15 
51 
49 
50 

4- 
48 

49 


9  18  10 
9  lé  14 
9    36    10 

9   47    56 


11    30 

"  55 
11  50 
18  7 
11   56 

H  5  5 


15    59  41 


9   57  15 

9  13      3 
S   lo  15 


Lunette  de  15  pieds. 
Tc'lcfcope  de  4  pieds. 
Télelc.  Grég.  iS  pou. 
Lunette  de  18  pieds. 
Lunette  de  19  pieds. 
Lunette  de  11  pieds. 
Télcfc.  de  16  pouces 


Lunette  de  15  pieds. 
Télefc.  de  14  pouces. 
Télefc.  de  1 8  pouces. 
Lunette  de  ii  pieds. 
Télefcopc  de  1  pieds. 
Télefc.  de  18  pouces. 
Télefc.  Newt.  4  pi.  i 
Lunette  de  1 1  pieds. 
Lunette  de  i  8  pieds. 
Télefcope  de  4  pied. 
Télefcope  de  6  pieds. 
Lunette  de  3  pieds  {. 
Télefc.  de  i  pieds  f. 
Lunette  de  10  pieds. 
Lunette  de  18  pieds. 
Lunette  de  1 1  pieds. 
Lunette  de  16  pieds. 
Télefc.  Newt.  4  pi. 

Télefcope  1  pieds  t. 
Lunette  de  6  pieds. 
Lunette  de  S  pieds. 

Télefc.  Newt.  4  pi.  f  • 
Télefcope  de  8  pieds. 


Lunette  de  ij  pieds. 


Lunette  de  ii  pieds. 
Lunette  de  8  pieJs, 


ifE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL. 


r  ?9 


Obfcrvations  de  la  durée  du  pajfage  de  Vénus  en  ij6i. 

Noms  des 
Lieux. 

Entrée  de  Venus. 

Sortie  de  Vénus. 

Obfetvateurs. 

Premier 

Second 

Premier 

Second 

contaâ:. 

contaft. 

contaft. 

contaiS. 

Meiïieurs. 

H.  M.   S. 

H.    M.  S. 

H.    M.  S. 

H.    M.  S. 

Tobolsk.    .  . 

L'Abbé  Chappe. 

iS  41      8  i 

19     0   3oi 

14  49   10  f 

IJ      7    4i  î 

Madras.  .  .  . 

Hirft. 

19    51    10 

'9  47   fî 

ij   59   58 

ij  ;j  44 

Abo 



•            •          • 

'J   SS  jo 

II   46   j9 

Il     4  41  r 

Cajannebourg. 

Planman. 

•           •          • 

16    18     s 

il   7  ;9 

11    iS    11 

Scockoltn,  .  .  ■> 

Warçentin, 

i;    XI    37 

i;  39  i5 

II    50      8 

11  48     9 

Khngenltierne. 

•         •         • 

'î    J9    1J> 

11    30    II 

11    48      6 

(  'Bersiman. 

• 

ly  57  45 

11    18      9 

11    46    30 

lUplal.     .  .  .  <  Stromer. 

15   10  45 

ï;  58    y 

tl    18      7 

11   46    13 

(    Mallet. 

ly   37  5« 

11    18      3 

11    46   19 

Tornea...  .  ^Lagçrborn. 

15   4J    Ji 
ij  4J  44 

16     40 
i«     4     I 

11    54      9 
11    54  11 

Il    11    11 
Il    II    18 

Pékin R.  P.  Drofliec. 

•         •         • 

10   10  iS,7 

'f  59   59,3 

i^  '7  57,4 

Calmar. .  .  .       Vykftrôm. 

•          •         • 

IJ    Î5      I 

11    13   40 

Hernofand.  .  |^^[°^; 

15   10  40 

•        •         • 

IJ  58   iS 
IS    38    itf 

11   1?    11 

11   4^  47 
11   46  40 

Calcutta.    .  •    1       .     •     .     ;    . 

8    II    55 

8   14  40 

'4   'f    Si 

14   31     0 

Nora.Les  titres  qui  font  àla  tête  de  chaque  colonne  de  cette  table  en  facilitent  afTcz 
rintelligence  pour  nous  exempter  d'une  plus  longue  explication  ;  mais  il  eft  bon 
d'avertir  particulièrement  le  Ledeur  que  quoique  les  longitudes  &  latitudes  de 
chaque  ville  que  je  rapporte  ici  foient  celles  qui  pall'ent  pour  les  plus  exaftes  & 
les  plus  récemment  déterminées  ,  néanmoins  je  ne  les  garantis  en  aucune  façoa, 
fur-tout  celles  des  lieux  où  l'on  avoit  peu  obfeivc  avant  le  palTage  de  Vénus  :  on 
fait  combien  la  longitude  d'un  lieu  eft  difficile  à  établir  parfaitement.  Cet 
élément  eft  pourtant  eflentiel  pour  tous  les  endtoits  où  l'on  n'a  obfervé  que  la 

.fortie.  J'invite  donc  les  Calculateurs  qui  voudroient  entteprcndrc  quelque  travail 
férieux  fur  le  palfage  de  Vénus  ,  à  commencer  pat  difcuter  avec  foin  la  longitude 
des  lieux  dont  ils  prendront  les  obfervations.  Je  préviens  auflî  qu'autant  qu'il 
m'a  été  pofîible  j'ai  tiré  les  heures  des  contaéls  des  meilleures  fources  imprimées 
que  j'ai  pu  trouver ,  comme  des  Mémoires  des  Obfetvateurs  mêmes ,  ou  de  ceux 
qui  les  ont  les  premiers  publiés  ;  il  pourra  fe  trouver  néanmoins  quelques  diffé- 
rences entre  les  heures  que  je  rappot,te,  &  celles  que  l'on  ttoaver.i  dans  différents 
livres.  Moi-même  j'ai  été  plus  d'une  fois  étonné  dans  mes  recherches  de  voirdif- 
férents  Auteurs  rapporter  une  même  obfcrvation  d'un  même  contaét,  à  plufîeurs 
fécondes  de  différence.  J'aurois  bien  dcfiré  pouvoir  marquer  la  force  des 
lunettes ,  plus  elfcntielleàconnoître  ,  que  leur  longueur.  Je  ne  puis  m'empêcher, 
à  cette  occafion  ,  de  reprocher  à  nombre  d'Aftronomes  leur  négligence  à  accom- 
pagner leurs  obfervations  de  ces  détails  utiles.  La  plupart  fe  contentent  de  dire: 
j'ai  obfervé  avec  une  lunette  de  telle  longueur  ;  ils  n'ignorent  pas  cependant  que 
telle  autre  lunette  de  même  longueur  que  la  leur  pourroit  faire  beaucoup  plys 
ou  moins  d'effet.  Enfin  je  n'ai  point  rapporté  dans  ma  table  plufîeurs  obferva- 
tions qui  ont  été  reconnues  mauvaifes  à  n'en  pouvoir  douter  .telles  ,  par  cïeinple, 
que  celles  de  Tranqui:bar  ,   de  Pétersbourg  ,  de  Grandmont  près  Saint-Thome  , 

-qu'aucun  Aftronome  n'a  cru  devoir  admettre.  Ce  n'cft  pas  à  dire  pour  cela  que 
toute  obfervation  qui  a  pu  être  faite ,  &  qui  n'eft  point  dans  ma  table  ,  foit  mau- 
vaife  ;  il  en  eft  nombre  de  rrès  bonnes  qui  ne  font  point  parvenues  à  ma  conoif- 
fance ,  &  que  j'aurois  été  charmé  de  comprendre  dans  ma  table. 

Sij 


Cfoirtant  & 


140      HISTOIRE    ABRÉGÉE 

Avant  d'entrer  dans  l'examen  des  réfultats  que  Ton 
peut  tirer  des  obfervations  précédentes  ,  il  eft  à  propos 
de  dire  un  mot  fur  quelques  circonftances  fmgulieres 
qui  ont  accompagné  le  palFage  de  Vénus,  6c  en  parti- 
culier fur  l'anneau  lumineux  dont  quelques  Obfervateurs 
-virent  la  planète  environnée.  Le  détail  abrégé  des  obfer- 
vations de  ce  phénomène  fingulier  ne  pourra  qu'intéref- 
fer  le  Ledeur ,  ôc  remplir  le  but  que  nous  nous  fommes 
propofé  de  donner  une  idée  de  tout  ce  qui  peut  être  in- 
téreflant  dans  la  matière  que  nous  traitons. 

M.  Chappe  eft  celui  qui  nous  a  donné  de  plus  grands 
ainieaufijim^  détails  fur  l'apparence  de  l'anneau  lumineux.  Deux  mi- 
lieux vu  au-  nutes  avant  l'entrée  totale  il  apperçut  la  partie  du  difque 
tourdevéuas.  j^  y^nus  qui  n'étoit  pas  encore  fur  le  Soleil ,  6c  remar- 
qua autour  une  petite  atmofphere ^  ou  apparence  lumi- 
neufeen  forme  ctanneau,  tel  que  la  figure  4^  le  repré- 
fente.  A  la  fortie,  la  même  apparence  fe  repréfenta, 
mais  plus  fenfiblement:  c'eft-à-dire  environ  quatre  mi- 
nutes après  le  contact  intérieur  ,  la  partie  auftrale  (du 
difque  de  Vénus)  déjà  fortie  ,  &  qui  devoit  par  confé- 
quent  n'être  plus  vifible ,  parut  encore  ;  elle  étoit  en- 
tourée d'un  anneau  lumineux  ,  en  forme  de  croifTant 
(  voye\  fig,  4  ).  Cette  apparence  fe  conferva  pendant  l'ef- 
pace  d'environ  10',  &  ce  ne  fut  que  quatre  ou  cinq  mi- 
nutes avant  la  fortie  totale ,  que  la  partie  auftrale  exté- 
rieure de  Vénus  &  l'anneau  lumineux  difparurent  abfo» 
lument.  Cet  anneau  ,  ou  plutcst  ce  croiflant  lumineux^ 

f)arut  à  M.  Chappe  occuper  un  peu  plus  des  deux  tiers  de 
a  demi-circonférence  de  Vénus.  Sa  lumière  étoit  d'u» 
jaune  très  foncé  auprès  du  corps  de  la  planète ,  elle  de- 
venoit  enfuite  plus  brillante  vers  la  partie  la  plus  éloi- 
gnée du  corps  obfcur. 

Dans  le  cours  du  paffage  de  Vénus  fur  le  difque  du  So- 
leil, M.  Chappe  ne  vit  aucune  apparence  d'anneau  ni 
d'atmofphere.  Il  penfa  néanmoins,  avec  raifon ,  que  ce 
croiflant  devoit  avoir  parcouru  le  difque  méridional  de 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.      141 

Vénus  dans  l'intervalle  des  deux  contacts.  Cette  conjec- 
ture fut  en  efFet  cortiplettement  vérifiée  par  une  obfer- 
vation  faite  à  Bourdeaux.  M.  Defmarets ,  un  peu  avant  le 
milieu  du  paflage  (&  par  conféquent  lorîque  Vénus 
étoit  entièrement  fur  le  Soleil),  apperçut  la  petite  pla- 
nète éclairée  en  croisant  qui  occupoit  environ  les  deux 
tiers  de  fes  bords  ^  ù  entammoit  le  difque  ^fans  cependant 
que  les  vrais  bords  cejja/fent  de  paroître  terminés.  La 
partie  la  plus  large  du  croijjant  étoit  tournée  vers  le 
bord  méridional  du  Soleil.  Cette  lueur  ,  qui  rejfembloit , 
ditM. Defmarets,  a  celle  qu'on  apperçoit  vers  la  réunion 
de  deux  doigts  qu'on  préfente  a  la  chandelle  en  les  te- 
nant ferrés  3  s'affoiblit^  &  pnrut  changer  de  pofition  a 
mefure  que  V^énus  changea  de  fituation  ,  ainfi  que  le  re- 
préfente  la  figure  5^. 

D'un  autre  côté,  M.  de  Fouchy,  qui  obfcrvoit  au 
château  de  la  Muette ,  vit  encore  plus  que  M.  Defmarets. 
Pendant  toute  la  durée  du  pafTage  il  apperçut  conftam- 
ment  autour  de  Vénus  une  efpece  d'anneau  entièrement 
formé  .y  plus  lumineux  que  le  refle  du  Soleil  .^  &  qui  al" 
loit  en  diminuant  a  mefure  qu'il  s'éloignoit  de  la  pla- 
nète. Cette  couronne  paroijfoit  d'autant  plus  vive  que  le 
Soleil  étoit  plus  découvert. 

Voilà  les  trois  obfervations  les  plus  pofitives  par  rapport 
àl'atmofphere  lumineufequi  parut  accompagner  Vénus. 

Ce  que  plufieurs  autres  Aftronomes  en  obferverenc  fut 
d'une  apparence  beaucoup  moins  fenfible ,  mais  cepen- 
dant peut  vejjir  à  l'appui  des  obfervations  précédentes. 
En  effet,  à  Stockolm,  un  peu  avant  l'immerfion totale, 
&  durant  toute  l'émerfion ,  M.  Wargentin  vit  lapartie  dé 
V^énus  qui  étoit  hors  du  Soleil  environnée  d^un  bord 
lumineux  ,  foible  ,  mais  cependant  fenfible.  A  UpfaI  , 
Meflieurs  Bergman  ,  Melander ,  &  autres ,  ont  tous  re- 
marqué que  le  bord  de  Vénus  qui  n'étoit  pas  encart 
entré  dans  le  Soleil  étoit  ceint  d'une  lumière  foible  ^, 
mais  fenfible  yen  forme  d' anneau  i  de  forte  que  toute  la 


'141       HISTOIRE    ABRÉGÉE 

rondeur  de  'Vénus  parut ^  les  trois  quarts  de  fa  périphérie 
au  dedans  du  Soleil  y  ù  lerefte  au  dehors.  M.  le  Monnier , 
à  Saint-Hubert,  où  il  obfervoiten  préfence  du  Roi ,  vit, 
à  Ja  fortie,  le  difque  entier  de  Vénus,  quoiqu'il  y  en  eue 
déjà  une  partie  hors  du  Soleil. 

En  voilà  fans  doute  allez  pour  confirmer  un  phénomène 
lîngulier.  S'il  n'eût  été  vu  que  d'un  ou  deux  Obferva- 
vateurs,  &:  dans  un  feul  lieu,  on  eût  pu  en  attribuer 
l'apparence  à  quelque  illufion  optique  ;  mais  l'obferva- 
<tion  a  été  trop  générale  pour  quel'onpuifTe  s'en  prendre 
à  l'effet  des  lunettes,  ou  à  quelque  autre  caufc  acciden- 
telle femblable.  Rien  de  plus  fingulier,  à  la  vérité  ,  que 
les  différents  afpects  qu'a  préfenté  ce  phénomène,  félon 
\qs  différents  lieux.  ATobolsk,  c'eft  un  croifl'ant  lumi- 
neux qui  ne  paroît  que  hors  du  difque  du  Soleil.  A  Bour- 
deaux,  au  contraire,  il  n'eft  vifible  que  fur  ce  difque.  A 
la  Muette  ,  c'eft  un  anneau  tout  entier ^  fort  brillant  pen- 
dant tout  le  paffage.  A  Saint-Hubert,  on  ne  voit  de 
croiffant  lumineux  qu'à  la  fortie  &  pendant  toute  la  du- 
rée du  paffage.  \.q%  meilleurs  Obfervateurs  affurent  n'en 
avoir  pas  vu  la  moindre  apparence  à  Paris:  il  n'y  eut  que 
M.  Maraldi  à  qui  Vénus  parut  environnée  d'une  lumière 
rouge-pâle  ,  qui  finijjoit  infenjlblement  en  jaune  ,  ù  s'é' 
tendoit  a  un  demi-diametre  de  J^énus.  Cette  lumière  étoit 
plus  étendue  le  long  du  bord  du  Soleil  pendant  la  fonte. 
Mais  M.  Maraldi,  ayant  vu  quelques  jours  après  les 
mêmes  couleurs  6c  la  même  apparence  autour  du  difque 
de  Jupiter  ,  penfaque  la  lumière  qu'il  avoit  remarquée 
autour  de  Vénus  n'étoit  qu'accidentelle,  ôc  caufée  par 
la  fatigue  de  fes  yeux. 

Cet  anneau  lumineux  annonceroit-iluneatmofphere 
autour  de  Vénus  ,  ou  cette  apparence  ne  viendroit-elle 
que  de  l'excès  du  diamètre  du  Soleil  fur  celui  de  la  petite 
planète  ?  C'eft  fur  quoi  on  n'a  encore  rien  conclu ,  que  je 
fâche,  de  bien  certain  ,  ni  de  fatisfaifant.  Je  ne 
dois  pas  oublier  une  autre  apparence  qui  fut  obfervée  à 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.  143 
Paris  par  M.  de  la  Lande.  Cet  Aftronome  ne  vit  point 
d'anneau  ni  de  crDifTanclumineux;  mais  à  l'inftant  du 
premier  contacb  de  la  fortie  il  vit  u^  certainement 
comme  un  point  noir  qui  fe  détacha  ds  KtriuZiVour  join- 
dre le  Soleil  y  &c  c'efV  alors  qu'il  fixa  le  moment  da  :on- 
tadl  intérieur.  M.  Ferner,  qui  obferva  à  la  Muette  5 
M.  Short  à  Londres,  le  Père  Rieger.  à  Madrid,  M.  Berg- 
man à  Upfal ,  virent  la  même  chofe.  Sans  m'arrêter  à 
former  des  conjectures,  Se  à  imaginer  des  hypothefcs 
qui  offrent  la  plupart  du  temps  plus  de  doutes  que  de  vrai- 
femblance,  je  m'en  tiensàlafimple  expofition^  des  faits 
que  je  viens  rapporter,  &  je  me  hâte  de  paflerà  un  ob- 
jet plus  intéreflant ,  celui  du  réfultat  de  l'obfervatjon 
du  palîage,  par  rapport  à  la  parallaxe  du  Soleil. 

De  toutes  les  obiervations  du  palfagr  de  Vénus  faites 
en  1761  ,  il  n'en  eft  aucune  intéredante  qui  n'ait  été 
difcutée  &:  calculée  par  quelque  Aftronome,  &  princi- 
palement par  M.  Pingre.  Je  ne  puis  donc  mieux  faire  que 
de  rapporter  ici  par  extrait  les  principaux  réfultats  qu'il  en 
a  tirés  (i). 

J'ai  fait  voir  plus  haut  que  l'obfervation  du  pafla^e  de     ^    ti 
Venus  orrroit  trois  diiterents  moyens  de  déterminer  la    Soieii ,  con- 
parallaxe  du  Soleil;  fa  voir,  par  la  durée  ,  par  un  même    <^',"<='^':  '^i*"- 
conta£t ,  &  par  la  plus  courte  diftance  des  centres.  Dans    en  1761. 
la  Table  qui  renferme  toutes  les  obfervations  qui  nous 
font  parvenues ,  on  ne  trouve  que  huit  endroits  où  l'ob- 
fervation  de  la  durée  ait  été  bien  faite.  Nous  les  avons 
raffemblés  datrs  la  Table  fuivante.  L'on  y  voie  auffi  la» 
parallaxe  du  Soleil  qui  réfulte  de  chaque  durée,  compa- 
rée à  celle  de  Tobolsk. 


(i)  Le  Ledeur  curieux  d'entier  dans  un  plus  grand  détail  fur 
cette  m.itiere,  doit  lire  en  entier  deux  favants  Mémoires  de  M.  Pin- 
gre ,  imprimés  l'un  dans  le  volume  de  l'Académie  année  i7<îi> 
page  41 3  j  l'autre  dans  le  vol,  de  l'année  17^5  ,  page  i» 


144      HISTOIRE    ABRÉGÉE 


Villes. 

Purée  obferyie. 

Parallaxe 

horizontale 

du  Soleil. 

H.      M.     S. 

Tobolsk. .  .  . 
Stockoltn.  .  . 
Cajannebourg. 

UpfaJ 

Tornéa.    .  .  . 

Pékin 

Madras.   .  .  . 
Calmar.   .  .  . 

5     48     53   î 
5      50     45    ï 
5     49     54 
5     50     i^ 
5     50       9 
5     49     ii,<^ 
5     51     4} 
S      50     39 

10,^0 

9.    9 
8,94 

10,44 

10,    I 

9.    5 

9»    5 

Ces  obfervations  feroient  certainement  fufEfantes ,  & 
la  véritable  parallaxe  du  Soleil  en  feroit  parfaitement 
déduite ,  iî  les  Obfervateurs  euflent  été  plus  avantageu- 
fement  placés:  mais,  comme  on  le  voit  par  la  Table, 
toutes  les  durées  obfervécs  différent  à  peine  entre  elles 
de  trois  minutes  de  la  plus  petite  à  la  plus  grande  rauffi 
ne  trouve-t-on  pas  dans  les  réfultats  l'accord  parfait  que 
l'on  pouvoit  efpérer.  Nous  ne  pouvons  donc  nous  flatter 
d'pbtenir,par  robfervationdeladuréedu  pafTagede  ly^Ji, 
toute  la  précifion  que  l'on  s'étoit  promife  dans  la  déter- 
mination de  la  parallaxe  par  une  méthode  rigoureufê,  mais 
dont  le  malheur  des  circonftances  nous  a  empêchés  de  tirer 
tout  le  fruit  poffible,  ayant  été  privés  des  obfervations  les 
plus  favorables,  telles  que  celles  des  Indes,  de  l'ifle 
Rodrigue,  de  Sainte-Hélène,  &  d'autres  lieux. 

ïl  faut  donc  avoir  recours  aux  obfervations  du  çonta<3: 

qui 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEÎL.     h5  • 

qui  a  été  obfcrvé  dans  un  bien  plus  grand  nombre  d'en-  Parallaxe  du 
droits.  Parmi  toutes  ces  obfcrvations  M.  Pino-ré  a  choifi  ^°'^'', '  ,';°P" 
celles  que  renrermc  la  lable  luivantc.  On  y  voit  le  re-  fervation  du 
fultat  qu'a  donné  chaque  obfervation  du  contact  inté-  contaa  mté- 

j       t        r       ■  ,        \      ]  A  1  r  ■  rieur  de  la 

ncur  de  la  lortie,  comparée   a  la  même  oblcrvation  fo^ie. 
faite  au  cap  de  Bonne-Efpérance  par  M.  Mafon  ;  à  rifle 
Rodrigue, par M.Pingré;6cà  Pékin,  par  le  P. Droilier, 
Jéfuite. 


Lieux  où  l'on  a  obfèrvé 
la  fortie. 


Cap  de  Bonne-Efpe'rance. 

Rodrigue 

Pékin 

Tobolsk 

Stockclm 

Cajaniicbourg 

Upfal 

Tornéa 

Paris 

Grennwich 

Gocitingen 

Bologne 

Tirnau 

Ingolftadc 

Sliirburn 

Laubac 

Dillingen 

Wezlas 

Lisbonne 

Munich 

Sclivï-ezingen 

Florence.    ,   


Longitude. 


Latitude. 


Contaû  in- 
térieur ob- 
fervé  à  la 
fortie. 


H.  M.  s.  D.  M.,  s. 


ig 

16 
3J 
5i 
5' 

40î 
lî 

49 

o 

lO 

II 

5 

41 

lO 

17 

4Î 

38 

o 

yo 

48 


55 
19 
59 

y8 
59 

H 

^9 

«y 
48 

y 

51 

44 
48 

4« 

yo 
46 
48 
48 
38 
48 
49 
45 


5J  lyAuftral, 
40  40 

54  '5  Boréal, 
iz  11 

50 
50 

yo 
yo 
14 
30 
y4 
36 
50 

o 
o 

o 

y 
30 

î-5 

yy 

o 

yî 


H.  M.  S. 


it  59  ji 
o  }6  49 


o  49 
zi  30 
11  7 
11  18 
11  j4 
10  18 
10  19 

10  j  8 

2-1    y 

11  19 
II    4 


10 
II 
II 


II  10 
19  44 
2-1  y 
8  y5 
Il    4 


t5i 
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G 

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O 

9 

y9i 
I 

ly 

10 
48 
lé 

46 

3y 

18 


Parallaxe  horizon- 
tale   DU  Soleil  ,   en 
prenant  pour   terme  de 
coniparaifon 


C.deB. 
Efpér. 


y, 87 
8,98 

8,é5 

8,33 
8,61 
8,60 
8,  çi 
8.19 

8.y7 
8,;<f 
8,58 
8,41 
8,03 
8,4î 
8,63 
8,11 
8,08 
7,9> 
7,97 
7,79 
7,69 


Réfultat  moyen. 


.  .     8,  ,3 
en  ex- 
cluant 
Rodrigue. 


L'iHe  j 
RodngJ 


Pékin. 


y. 87 


8,98 

10,  10 


10,91 

10,54 
10,  16 

10,15 
10,    o 

10,  lé 

9,  «y 

9,éo 

10, 58 

10,44 

9,4* 
10,15 

10,71 
10,  10 
10,35 
11,50 
10,77 


10,  14     10,48 
en  excluant  le 
cap  de  Bonne- 
Efpérance. 


1^6      HISTOIREABRÉGÉE 

On  ne  peut   efpérer,  comme  nous  l'avons  déjà  dit, 
de  déterminer  bien  exa6tement  la  parallaxe  par  l'obferva- 
tion  d'un  feul   contadt ,    qu'autant  que  l'on   connoît 
parfaitement ,  ou  tout  au  moins  à  lo  ou  1 5"près,  ladif- 
tércnce  de  longitude  entre  les  lieux  dont  on  compare 
les  obfervations.   Il  eft  de  plus  à  deiu'er  que  les  heures 
où  le  même  conta£t  a  été  déterminé  de  part  &;  d'autre, 
différent  fenfiblemcnt  entre  elles.  Ces  conditions  n'ayant 
pu  être  également  remplies  pour  chacun  des  lieux  de  la 
Table  précédente ,  ni  les  obfervations  également  bien 
faites,  on  devoit  bien  s'attendre  à  quelque  variété  entre 
les  réfultats  conclus:  leur  multiplicité  devoit  alors  don- 
ner lieu,  en  prenant  une  quantité  moyenne,  d'approcher 
beaucoup  de  la  vérité.  Mais  il  faut  avouer  que  l'inéga- 
lité qui   règne  entre  les  différentes  combinaifons  que 
nous  ofîre  la  Table  précédente,  jette  la  plus  grande  incer- 
titude fur  la  conclufion  que  l'on  doit  en  tirer. D'un  côté,  en 
portant  les  yeux  fur  la  troificme  colonne,  on  voit  l'accord 
fatisfaifant  de  i6  réfultats  compris  dans  une  même  fé- 
conde ,ce  qui  fcmble  décider  en  faveur  de  l'obfervation  du 
cap  de  Bonne-Efpérance_,  ôcde  la  parallaxe  qui  en  réfulte  ; 
de  l'autre  côté  ,  l'obfervation  de  l'ifle  Rodrigue  èc  celle 
de  Pékin  paroiffoient  fe  réunir  pour  dépofer  contre  celle 
du  cap,  &c  établir  un  réfultat  tout- à-fait  différent:  entre 
autres  l'obfervation  de  Rodrigue  ne  peut  pas  abfolumenc 
fubfiller  avec  celle  du  cap. 

Qui  peut  donc  rendre  ces  deux  obfervations  incom- 
patibles? C'eft  malheureufement  une  queftion  bien  dif- 
ficile à  décider.  Doit-on  avoir  quelques  incertitudes  fur 
la  longitude  du  cap  deBonne-Efpérance,  après  le  long 
féjour  qu'y  a  fait  un  des  plus  grands  Obfervateurs  de 
notre  fiecle(i)?  Celle  de  Rodrigue paroîtinconftetable- 


(i^  M.  l'Abbé  delà  Caille  a  déterminé  la  longitude  du  cap  de 
Bonne- Efpérance  de  i*"  4'  18''.  M.  Mafon  a  conclucette  longitude 
par  fes  propres  obfervations  de  i^  j' ^8". 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.     147 

ment  fixée  par  les  obfervations  de  M.  Pingre.  Il  y  a  peu 
de  différence,  à  la  vérité,  entre  les  heures  de  robferva- 
tioii  des  contacts;  mais  cette  différence  n'eft  guère  plus 
grande  par  rapport  à  nombre  d'autres  endroits  qui  ont 
cependant  donné  un  réfultat  cohérent  avec  les  autres. 
Faut-il  donc  foupçonner  une  des  deux  obfervations 
du  conta6t  ?  Celle  du  cap,  il  faut  l'avouer,  a  toutes 
les  apparences  en  fa  faveur.  Admirons  ici  l'exemple  rare 
que  nous  a  donné  M.  Pingre  dans  cette  pccafion  ,  de 
la  candeur  qui  doit  conduire  le  véritable  Savant  dans  la 
recherche  de  la  vérité.  Cet  Académicien,  frappé  du 
concert  des  réfultats  de  l'obfervation  de  M.  Mafon  ,  eft 
le  premier  à  vouloir  condamner  la  fienne  ;  il  cherche 
même  un  moyen  de  rendre  fori  erreur  probable.  Il  fup- 
pofe  d'abord  qu'il  s'eft  trompé  dans  l'heure  de  l'attouche- 
ment des  bords  ;  &  en  ayant  retranché  une  minute,  il 
trouve  que  fon  obfervation,  aind  corrigée,  procure  pré- 
cifémcnt  les  mêmes  réfultats  que  celle  de  M.  Mafon. 
S'enfuivroit-il  de  là  que  M.  Pingre  eût  effedlivemcnc 
commis  l'erreur  qu'il  fuppofoit?  Ce  n'étoit  tout  au  plus 
qu'un  préjugé  favorable  à  cette  opinion.  Faire  cadrer 
une  obfervatlon  avec  une  autre,  n'eft  point  la  corriger, 
ni  la  rendre  meilleure  ,  à  moins  que  celle  dont  on  veut 
fe  rapprocher  ne  foit  démontrée  parfaite.  L'impartialité 
dans  la  recherche  de  la  vérité  défendoit  également  à 
M.  Pingre  d'admettre  &  de  reconnoîtrc  fon  erreur,  d'a- 
près une  comparaifon  douteufc,  fans  démontrer  aupara- 
vant aux  autres,  &  à  lui-même  ,  l'exiftence  de  cette 
erreur,  ou  du  moins  une  poflibilité  plus  que  vraifem- 
blable.  Ce  fut  avec  la  même  candeur  que  M.  Pingre , 
cherchant  à  découvrir  une  raifon,  un  prétexte  plauTible 
de  foupçonner  fon  obfervation  ,  en  examina  de  nouveau 
toutes  les  circonftances  ;  mais  avec  toute  la  bonne  vo- 
lonté poffible  de  fe  trouver  en  défaut,  il  fut  obligé  de 
conclure  qu'il  n'étoit  pas  vraifemblable  qu'il  fe  fût 
trompé  d'une  minute  ,  comme  il  falloit  le  fuppofcr, 

Tij 


148      HISTOIRE    ABRÉGÉE 

pour  fe  rapprocher  de  M.  Mafon.  En  efFet,  on  ne  peut 
pas  foupçonner  une  minute  d'erreur  dans  l'eftime  d'un 
contact  quife  fait  comme  un  éclair,  ôc  qui  laifle  tout  au 
plus  rObfervateur  en  fufpens  l'efpace  de  crois  ou  quatre 
fecondes.D'unautrecôcél'état  de  la  pendule  ôc (a marche 
oncétéconftatésavantôc  après  robfcrvation.  Il  reftedonc 
un  dernier  ioupçon ,  èc  c'eft  auffi  le  plus  fpécieux.  En 
regardant  à  la  pendule,  on  a  peut-être  pris  une  minute 
pour  l'autre.  Or ,  on  ne  peut  admettre  cette  méprife  qu'en 
luppcfant  qu'elle  ait  eu  lieu  aulîi  pour  le  contact  fui vant, 
&  dans  le  même  fens,  puifque  l'obfervation  de  ces  deux 
contacts,  telle  que  la  rapporte  M.  Pingre,  donne  un 
intervalle  conforme  à  la  théorie  ,  au  lieu  que  fi  l'on  fup- 
pofoit  une  minute  d'erreur  pour  l'un  des  deux  contacts, 
le  diamètre  de  Vénus  auroit  employé  au  moins  une  mi- 
nute de  trop  à  traverfer  le  bord  du  Soleil.  Telles  éroienc 
les  raifons  alléguées  par  M.  Pingre  pour  la  défenfe 
de  fon  obfervation;  plus  il  fe  juftifîoit,  plus  il  augmen- 
toit  notre  incertitude  fur  le  réfultat  qui  devoit  être 
adopté. 

11  rcfte  encore  à  rechercher  la  parallaxe  par  l'obfer- 
vation de  la  plus  courte  diftance  des  centres  de  Vénus 
&:  du  Soleil.  Mais  cette  méthode  eft  encore  plus  dé- 
pendante que  les  autres  de  l'erreur  des  obfervations,  6c 
peu  fufceptible  par  conféqucnt  de  décider  la  qucftion. 
M.  Pingre  cependant  ayant  conclu  cette  moindre  dif- 
tance des  centres  ,  des  durées  obfervées  à  Tobolsk , 
Stockolm ,  &:  autres  lieux  ,  la  compara  à  la  moindre 
diftance  obfervée  à  Rodrigue  ,  &  trouva  une  parallaxe 
favorable  à  fon  premier  réfultat ,  c'eft-à-dire  d'en- 
viron 10";  mais  il  fentit  bien  qu'il  ne  pouvoit  fe  pré- 
valoir d'un  tel  accord.  Pour  confirmer  la  certitude  de  ce 
réfultat,  il  eût  fallu  que  la  durée  du  paftage  eût  été  ob- 
fervée dans  plufieurs  autres  lieux  des  parties  méridiona- 
les de  l'Afie  ou  de  rx\frique. 

Je  ne  dois  point  finir  cet  article  fans  faire  mention  d'un 
Mémoire  imprimé  dans  le  cinquante-troifieme  volume 


rente. 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.     149     . 

ides  Tran{a6lions  Philofophiques.  M.  Short  y  difcutanc     mm.  shon 
fort  au  ionff  la  même  matière  que  M.  Pineré  ,  préten-    ^    Pingre 

!•       ,      II-     "  ,/-   1  j-rp'  1  trouvent   une 

dit  établir  un  relultat  dirrerent,  en  employant  cepen-  parallaxe  du 
danc  les  mêmes  méthodes  que  l'Aftronome  François,  Soleil  diffé- 
&  Ce  fervant  en  apparence  des  mêmes  obfervations ,  fans 
excepter  celle  de  Rodrigue.  Toutes  les  combinaifons  & 
tous  les  calculs  de  M.  Short  donnoient,  avec  un  accord 
flngulier,  8",  5(3  pour  la  parallaxe  du  Soleil.  Il  eft  vrai 
que  M.  Short  s'étoit  permis  de  corrigera  fa  commodité 
l'obrervation  de  M,  Pingre  ;  en  ajourant  une  minute  à 
l'heure  du  fécond  contact  intérieur ,  il  trouvoit  le  moyen 
de  faire  tout  cadrer.  M.  Short  eut-il  tort  ou  raifon  de  ha- 
farder  cette  altération  dans  une  des  données  principales? 
L'événement  ,  il  faut  l'avouer  ,  vient  de  prononcer  en 
fa  faveur  (i)  :  mais  l'on  doit  auifi  convenir  que  M.  Pin- 
gré  eut  quelques  droits  de  fe  plaindre  alors.  Puifqu'il 
perfiftoit  à  {butenir  l'exa6titude  defon  obfervation  ,  on 
devoit,  ou  s'en fervir  telle  qu'il  la  donnoit,  ou  n'en  faire 
aucun  ufage.  11  deviendroit  dangereux  que  l'on  fe  per- 
mît ainfî  de  faire  des  corrc£lions  à  une  obfervation  en 
vue  de  parvenir  à  un  réfultat  connu  èc  fixé  d'avance. 
M.  Pingre  accufa  de  plus  M.  Short  d'avoir  ufé  d'une  fcm- 
blable  infidélité  à  l'égard  de  plufieurs  autres  obfervations^ 
d'avoir  changé  fans  fondement  lalongitudededifFérents 
lieux;  en  un  mot,  d'avoir  eu  pour  but,  moins  la  recher- 
che de  la  vérité  _,  que  la  confirmation  d'un  fyftême 
adopté.  Il  oppofoit  à  M.  Short  les  recherches  de 
M.  Hornsby,  Ion  compatriote,  dont  les  cah'uls  s'accor- 
doient  à  fixer  la  parallaxe  du  Soleil  à  9",  7.  Je  n'entrerai 
pas  plus  avant  dans  cette  difcuifion  ,  on  peut  s'en  inftruire 
plus  au  long  dans  le  Mémoire  que  M.  Pingre  lut  en 


(1)  Parle  palTage  de  17(^9  on  a  reconnu  que  la  parallaxe  dm 
Soleil  étoic  efteitivement  de  8"  ^ ,  telle  que  M.  Short  i'a-voit  dé- 
terminée par  le  paflage  de  17S1, 


d 


150      HISTOIRE    ABRÉGÉE 

176^3  à  l'Académie  ,  mais  qui  ne  fut  imprimé  que  dans 
le  volume  de  1765.  Ceft  alFez  long-temps  nous  arrêter 
fur  un  objet  qui  n'offre  à  chaque  pas  que  de  nouvelles 
incertitudes, 
indécifion        ^^  réfultat  du  pafTage    de    ij6i    fe  réduifit  donc , 

fur  le réfuitat  j'oic  le  dire,  à  nous  rendre  plus  indécis  qu'auparavant. 

dujaflagedc  j^^  parallaxe  du  Soleil  étoit  fixée  entre  9"  ^  &  io"f. 
Le  paffage  de  Vénus  étendit  les  bornes  de  cette  varia- 
tion depuis  8"  4"  jufqu'à  i o"  4" (  i  )•  C'eft  ainfî  que  les  fpécu- 
lations  de  la  théorie  ne  fe  trouvent  que  trop  fouvenc 
démenties  par  la  pratique.  L'on  fe  vit  en  effet  bien 
éloigné  d'avoir  obtenu  la  précifion  annoncée  par 
M.  Halley. 

Onfcdif  ofe  ^'^  ^^^^  ^^^  ^^^^  ^^"^  doute  d'êtrc  inconfolable  de  la 
au  paii'age  de  perte  d'une  pareille  occafion  ,  fî  elle  n'eût  dû  fe  renou- 
1769.  Avan,  yeller  huit  années  après.  Mais  le  palTage  de  1769  nous 
dernier paffa-  laifToit  l'cfpérance  du  dédommagement,  èc  devenoit 
S«'  d'autant  plus  précieux  quec'étoit  le  dernier  phénomène 

de  cette  efpece,  dont  notre  génération  pût  fe  flatter 
d'être  témoin  (2).  L'obfervation  en  devoit  être  mieux 
faite  par  les  mêmes  Obfervateurs  quelepaffage  de  ij6i 
avoir  déjà  exercés  ;  enfin  les  réfultats  dévoient  être  plus 
exa£ls  ôc  plus  concluants  ,  vu  les  circonftances  parti- 
culières ,  plus  favorables  dans  ce  dernier  paffage  que  dans 
l'autre  (3).  Auffiréfolut-on  de  ne  négliger  aucun  des  voya- 
ges que  l'on  pourroit  juger  utiles ,  afin  de  fe  procurer 

(i)  Dans  cette  incertitude  les  Aftronomes  convinrent  alTez géné- 
ralement d'adopter  la  parallaxe  de  9",  en  attendant  le  réfultat  da 
pafTage  de   1759? 

(  1)  Le  pafTage  de  Vénus  le  plus  prochain  n'aura  lieu  qu'en  i  S74; 

(j)  Un  pallage  aulTi  favorable  que  celui  de  1769  n'aura  pas  lieu 
d'ici  à  long  temps.  Ceux  de  i  874  &  18S2  arriveront  au  mois  de 
Décembre,  faifon  ingrate  pour  les  obfervations.  D'ailleurs ,  pour 
en  tirer  tout  le  fruit  pofllble  ,  il  fxudroit  pénétrer  dans  le  Sud  juf- 
qu'au  cercle  polaire  ,  &  même  au-delà.  Dans  le  pafTage  qui  arrivera 
l'an  2004  ,  la  latitude  de  Vénus  ne  fera  pas  afTez  grande ,  &  l'efïet 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.      15, 

les  obfervationsics  plus  complettcs.  L'expérience  eft  notre 
plus  grand  maître,  le  fruit  de  f es  leçons  nous  indcmnife 
du  prix  des  années  qu'elles  nous  courent.  Le  principal 
but  avoir  été  manqué  en  1761  ,  faute  d'avoir  obfervé 
dans  des  lieux  où  les  durées  fuflent  aflez  différentes.  Il 
étoit  eirentiel  de  ne  pas  tomber  une  féconde  fois  dans  le 


même  inconvénient 


M.  de  la  Lande  publia  dès  l'année  17(^4  une  Mappe-  Voyages  in. 
monde  femblable  à  celle  que  M.  de  Liile  avoir  drcflee  '^'"■1"'^^  ï°^'^ 
pour  le  palîage  de  1 76 1 .  M.  Pingre  fît  auffi  imprimer  un  ^^  '" 
Mémoirefortdétailléfurlc  choix&  l'état  des  lieux  où  l'on 
pouvoir  fe rendre  ;& M.  Hornsby  s'occupa  auffi  du  même 
objer.  Toutes  ces  recherches  tendirent  à  démontrer  com- 
bien il  étoit  efTentiel  de  fe  tranfporter  d'un  côté  vers  le 
milieu  de  la  Mer  du  Sud,  de  l'autre  vers  le  pôle  boréal , 
au  nord  de  la  Laponie  6c  du  Kamtschatka.  La  Californie 
èc  le  Mexique  paroiffoicnt  auilî  dans  une  pofitionavan- 
tageufe  pour  l'obfervation  de  la  durée.  Dans  la  partie 
méridionale  de  l'Europe  on  ne  devoir  voir  que  la  forrie; 
&  l'entrée  feule  devoir  avoir  lieu  pour  l'Amérique  méri- 
dionale. Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  décrire  ici  tous 
les  voyages  qui  furent  entrepris  en  conféquence  ,  ni  à 
dérailler  toutes  les  obfervations  qui  furent  faites  fur  la 
furface  du  globe;  ce  qu'il  efl  efTentiel  d'en  connoître  fe 
trouvera  dans  la  Table  générale  qui  va  fuivre  bientôt. 
Il  eft  cependant  trois  principaux  voyages  qui,  par  leur 
importance  &c  l'utilité  que  l'on  en  a  rerirée ,  méritent  d'ê- 
tre ici  diftingués  :  celui  du  R.  P.  Hell  à  l'ifle  de  Ward- 
hus  ;  celui  de  M.  Chappe  à  la  Californie,  Se  celui  des 
Anglois  à  la  Mer  du  Sud. 

Il  eft  inutile  de  faire  connoître  aux  Savants  le  nom 

de  la  parallaxe  fur  les  différentes  durées  du  palfage  ne  fera  pas  à  beau- 
coup  près  aufli  fenfible  qu'il  doit  l'être  en  1769.  Ce  ne  fera  qu'en 
201 1  que  le  paffage  de  Vénus  fera  à-peu-près  auffi  avantageux  que 
celui  de  1769.  Mais  en  1255  >  ^^  5  J"'"  >  Vénus  paflera  fur  le 
Soleil  avec  des  circonftances  plus  favorables  que  dans  ce  fiecle-ci» 


h 


152       HISTOIRE    ABRÉGÉE 

obfervation  ^"  Pei'C  Hcll,  Ccc  AftionoiTie  fuc  invité  à  venir  ob- 
faiteàWaid-  fervei"  le  pafTage  de  Vénus  dans  les  Etats  Se  aux  frais 
du  Roi  de  Danemarck.  On  avoir  vu  pareillement  en 
176 1  la  Rufîie  demander  à  la  France  un  Aftronome. 
Cette  démarche  avoit  fait  ésralement  honneur  à  l'une  &c 
à  l'autre  nation.  Le  choix  du  Souverain  Danois  ne  pou- 
voir qu'être  digne  d'éloge  dans  cette  occafion.  Le  Perc 
Hell  partit  le  28  Avril  17(38,  accompagné  du  PcrcSai- 
novics  fon  confrère.  Il  arriva  à  Copenhague  au  mois  de 
Juin,  &c  après  avoir  traverfé  la  Laponie  il  fe  rendit  à 
Wardhus  le  11  0(£tobre  1768.  C'cft  dans  cet  endroit  qu'il 
sYtablitpour  fairel'obfervation  du  paflage  de  Vénus.  Ce 
phénomène  étant  encore  éloigné,  le  Père  Hell  eut  tout 
le  temps  de  s'y  préparer  ,  èc  de  faire  une  moiflon  abon- 
dante d'obfervations  de  différente  efpece  dont  nous  ef- 
pérons  voir  un  détail  intéreffantdans  l'ouvrage  conlîdé- 
rable  que  nous  promet  ce  Savant  laborieux.  Nous  re- 
grettons feulement  qu'il  ait  rejette  dans  le  dernier  vo- 
lume,  qui  ne  paroîtra  qu'en  1774,  les  parties  aftrono- 
"  miques,  géographiques  &  phyfiques  ,  parties  qui  nous 
intéreflbient  le  plus.  Nous  avons  vu,  à  la  vérité,  dans  un 
petit  imprimé  les  détails  particuliers  du  paffage  de  Vénus 
fur  le  difque  du  Soleil.  Le  R.  P.  Hell  fut  aidé  dans  cette 
obfervation  par  le  PereSainovics  6c  M.  Borgreving.  Ces 
deux  derniers  Obfervateurs  fe  chargèrent  d'obferver  le 
premier  conta£l  de  l'entrée.  Le  Père  Hell ,  prévenu  de 
rimpoflibilité  de  fixer  exa(flement  cet  inftant,  réferva 
toute  fon  attention  pour  le  contaâ:  intérieur.  A  9^  16' 
40"  M.  Borgrcwing  avertit  qu'il  appercevoit  une  petite 
échancrure  fur  le  bord  du  Soleil ,  ce  qui  fut  confirmé 
quelques  fécondes  après  par  le  Père  Salnovics.  Le  Père 
HcU  regardant  alors  avec  une  lunette  de  8  pieds  &  demi, 
eftlma  que  la  partie  du  difque  de  Vénus  qui  étoit  déjà 
fur  le  Soleil  pouvoit  être  évaluée  à  deux  minutes  de  de- 
grés ;  &  que  par  conféquent  le  véritable  contaâ:  extérieur 

dévoie 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL     \^y 

dévoie  être  arrivé  environ  30"  de  temps  avant  le  mo- 
ment que  M.  Borgrewing  avoit  fixé,  c'eft- à-dire  9**  16' 
I  o".  Quoique  la  hauteur  du  bord  du  Soleil  où  Vénus  ve- 
iioit  d'entrer  ne  fût  que  de  7°  37',  on  voyoit  parfaitement 
ôc  diftinclement  les  bords  de  la  petite  planète.  Il  fallut 
redoubler  d'attention  pour  l'obfervation  du  contaét  in- 
térieur. Il  me  paroît  impoliible  d'apporter  plus  de  foin, 
de  mettre  plus  de  concert,  &:  de  mieux  diftinguer  tou- 
tes les  circonftances  que  le  firent  nos  Oblervateurs.  Le 
Père  Hell,  muni  d'une  lunette  achromatique  du  fieur 
Dollond  de  10  pieds  &  demi ,  obferva,  pour  ainfi  dire  , 
en  trois  temps  le  contact  intérieur  de  l'entrée.  A  9^  13' 
37",  6  le  limbe  de  Vénus  lui  parut  avoir  prefque  recou- 
vré fa  forme  circulaire.  Le  Père  Sainovics,  avec  une  lu- 
nette de  la  même  longueur,  fixa  cette  apparence  5"  plu- 
tôt. A  9!^  34'  4'j  6  les  limbes  de  Vénus  &  du  Soleil  fem- 
blerent  au  Père  Hcll  parfaitement  circulaires  ,  de  forte 
qu'ils  paroifloient  fe  toucher  fans  mordre  l'un  lur  l'autre. 
À  ^^  34'  10",  6  un  filet  de  lumière  entre  les  bords  de 
Vénus  &  du  Soleil  annonça  au  Père  Hell  la  féparation 
des  deux  difques.  Le  Père  Sainovics  obferva  ce  filet  de 
lumière  3"  plutôt  ;  ôc  M.  Borgrev^ing  avec  une  lunette 
de  8  pieds  &  demi  ne  le  remarqua  qu'à  9''  34'  3  2",  6  ;  la 
hauteur  du  bord  du  Soleil  étoit  alors  ào.  6^  33'.  Bientôt 
après  le  ciel  fe  couvrit,  le  Soleil  difparut,  &  jetta  nos 
Obfervateurs  dansl'appréhenfion  de  ne  pouvoir  obfervetr 
Ja  fortie  de  Vénus.  Cette  circonftance  empêcha  même 
de  déterminer  aucune  pofition  de  Vénus  dans  le  cours 
du  pafTage  :  la  plus  grande  partie  de  l'expédition 
alloit  être  manquée  fans  un  vent  de  nord-eft  dont  le 
fouffle  heureux  vint  nettoyer  la  partie  du  ciel  où  fe  trou- 
voit  le  Soleil  quelque  temps  avant  le  moment  de  la 
fortie,  dont  robfervation  fut  faite  dans  les  circonftances 
les  plus  favorables.  A  15'^  %-]'  24",  6  le  limbe  de  Vénus 
étant  près  de  toucher  le  bord  du  Soleil,  le  Père  Hellap<^ 

V 

171 


154      HISTOIRE    ABRÉGÉE 

perçut  comme  une  goutte  noire  (i)  Te  former  entre  les 
bords  des  deux  planètes.  Le  P.  Sainovics  appcrçur  aufli 
cette  goutte  noire,  mais  ne  fixa  pas  le  moment  de  fa 
formation.  A  15'»  %-f  }')",6  les  bords  des  deux  planètes 
fe  confondirent   en    détriiifant    la    goutte    noire.  Le 
P.  Sainovics  fixa  ce  moment  une  leconde  plus  tard,  èc 
M.  Borgreving  8"  plutôt;  ce  qui  dcvoit  arriver  ainfi, 
relativement  à  l'effet  de  fa  lunette  qui  lui  avoit  flxit  ap- 
percevoir  l'entrée  plus  tard  que  les  autres.  La  hauteur  du 
bord  du  Soleil  à  ce  premier  contadl:  de  la  fortie  étoit  de 
9"  4 -/.Enfin  la  fortie  totale  fut  déterminée  par  le  R.  Père 
Hell  à  15^14^' 40",  4,  ou  44",  4' ;  par  le  Père  Sainovics  à 
1 5l'45'45",4,ôcpar  M.  Borgrewingà  i  5!^  45' 38"^  4,  le 
bord  du  Soleil  étant  à  10°  4  o"  de  hauteur. 
Obfcrvation        ^^  "^  répéterai  point  ici  ce  que   j'ai  dit  précédem- 
faire  à  San-    ment  fur  le  Voyage  de  Californie.  Les  deux  premières 
jofephenCa-    p^^j-jj^s  de  cct  Ouvragc  en  contiennent  des  détails  fuffi- 
lants.  Je  dirai  feulement  que  la  deftination  de  M.  Chappe 
n'avoit  pas  été  d'abord   pour  la  Californie  ;  on  deliroic 
infiniment  qu'il  pût  aller  dans  la  Mer  du  Sud  ,  fituation 
la  plus  favorable  pour  l'obfervation.  M.  Chappe  projet- 
toit  en   conféquence  de  fe  rendre  dans  quelqu'une  des 
ifles  de  Salomon  ,  fituées  vers  180°  de  longitude,  6c  S'* 
de  latitude  auftrale  ;  mais  il  ne  pouvoit  pénétrer  dans  ces 
parages  que  fur  unvailTeauEfpagnol ,  &.  avec  la  permif- 
fion  de  la  Cour  d'Lfpagne,  peu  curieufe  ordinairement 
de    laiiïer  les  Etrangers   prendre   connoiflance  de  ces 
mers.  AufTi  la  négociation  qui    fut  entamée  à  ce  fujec 
ne  put-elle  réuffir  ;  mais  en  dédommagement  on  confen- 
tit  d'accorder  paflage  à  M.  Chappe  fur  la  flotte  qui  de- 


(i)  Voyez  Ohfervatio  tranjitûs  Venerïs  ante  d'ifcum  SoUs ,  die 
3  Junii  j  anno  ly*?^.  Watdhoëliufii,  d-c.  aR.P.MaximUianoHell^ 
«  S.  ^. 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.     155 

voit  partir  pour  l'Amérique  fcptcntrionale  ,  6c  on  lui 
permit  de  s'établir  dans  tel  lieu  du  Mexique  qu'il  defire- 
roit ,  di.  même  de  pénétrer  jufqu'à  la  Californie  La  Cour 
d'Efpagne  voulut  de  plus  partager  l'honneur  de  cette  ex- 
pédition, en  nommant  de  fon  côté  deux  Aftronomes 
pour  fe  joindre  à  M.  Cliappe  ,  &  faire  avec  lui  l'obfer- 
vation  du  palEage  de  Vénus.  Il  fut  décidé  en  conféquence 
que  M.  Chappe  iroit  en  Californie  ,  èc  s'établiroit  le 
plus  près  qu'il  pourroit  de  la  pointe  auftrale  de  cette 
prefqu'ifle  vers  le  cap  Saint  Lucas  j  afin  d'avoir  la  durée 
la  plus  courte  poflible.  Le  Lecleur  a  été  précédemment 
inftruitdes  détails  de  ce  voyage,  6c  il  ne  fe  rappelle  fans 
doute  qu'avec  peine  ce  qu'il  a  coûté.  Les  fruits  que 
l'Aftronomie  a  retirés  de  cette  obfervation  précieufe 
ne  lui  ont  rendu  que  plus  fenfible,  6c  perpétueront 
à  jamais  le  fouvenir  de  la  mort  de  M.  Chappe,  6c 
de  Don  Salvador  de  Alédina  ,  l'un  des  Aftronomes 
Efpagnols. 

Tandis  que  M.  Chappe  avec  les  Efpagnols  dirigeoit  j^'^^'T^'^ll"" 
fa  route  vers  la  Californie,  une  frégate  A  ngloife,  partie  du  Sud. 
incognito  de  Plimouth  le  2z  Septembre  1768  ,  alla 
doubler  le  cap  Horn,  pour  entrer  dans  la  Mer  du  Sud 
fans  en  attendre  la  permiffion  de  l'Efpagne.  Cette  frégate, 
nommée  l'Endcavour ^  étoit  commandée  parle  Capi- 
taine Cook.  M.  Green ,  habile  Aftronome  ,  élevé  du 
célèbre  Bradley,  ^  le  Docteur  Soiander,  favant  Natu- 
ralifte  ,  élevé  de  M.  de  Linné  ,  y  étoient  embarqués. 
Le  but  étoit  de  connoître  quelques  ifles  de  la  Mer  du 
Sud,  d'en  découvrir  d'autres  nouvelles  ,  6c  de  chercher 
à  faire  l'obfervation  du  paflage  de  Vénus  dans  la  poll- 
tion  la  plus  favorable  que  l'on  pourroit  trouver.  Ce  pro- 
jet fut  rempli  avec  tout  le  fuccès  poflible.  Nos  Voyageurs 
découvrirent  une  quantité  d'ifles  nouvelles.  Ils  abordè- 
rent entre  autres  le  I  jAvril  1769a  l'ifledeTaïti,  fituée par 
izS°  12,'  de  longitude  à  l'occident  de  Paris,  ^  17°  x'è' 

y  ij 


1^6      HISTOIRE    ABRÉGÉE 

5  5''  de  latitude  auftrale.  Ceft  là  qu'ils  fe  fixèrent  pour  l'ob' 
fcrvation  du  paflage  de  Vénus.  Le  temps  fut  des  olus  fa- 
vorables. MM.  Green,  Cook&.Solander  obferverenttous 
trois  de  concert.  Les  deux  premiers  virent  le  contact  ex- 
térieur de  l'entrée  à  5"  de  diflerence  l'un  de  l'autre; 
mais  le  conta6l  intérieur ,  ou  la  formation  du  trait  de 
lumière  qui  eut  lieu  dès  que  le  ligament  noir  fe  détacha , 
fut  fixé  20"  plutôt  par  M.  Green  que  par  M.  Cook  : 
l'obfcrvation  de  M.  Solander  tint  à-peu-près  le  mi- 
lieu entre  les  deux  autres  ,  &  c'ell:  ce  milieu  qu'il  eft 
convenable  de  prendre  dans  cette  occafion  ;  de  force 
que  l'on  doit  fixer  ce  premier  contait  intérieur  à  9^  44' 
4".  Il  y  eut  encore  10"  de  différence  entre  l'obfervation 
de  M.  Green  6c  celle  de  M.  Solander  lors  du  fécond  con- 
tact intérieur  marqué  par  l'interruption  fubite  de  lumière 
entre  les  bords  des  deux  planètes.  L'on  doit  prendre  aullî 
le  milieu  èc  fixer  ce  fécond  contait  intérieur  à  15*^  14' 
8",  ce  qui  donne  la  durée  du  paflage  de  ^^  30' 4".  La 
plus  courte  diftance  des  centres  fut  déterminée  par 
M.  Green  de  10'  2  5",4.  Cette  mefure  a  été  prife  avec  un 
micromètre  de  Dollond.  Telle  eft  l'obfervation  dont  le 
fuccès  nous  étoit  fi  important,  de  qui  devoit  fervir  de 
terme  de  comparaifon  à  toutes  les  autres,  &  principale- 
ment à  celles  du  Nord.  Elle  coûta  la  vie  à  celui  à  qui  nous 
en  fûmes  redevables.  M.  Green  mourut  aux  Indcsàfon 
retour.  Un  autre  Aftronome  éprouva  le  même  fort  dans 
le  même  lieu.  M.  Veron  avoit  accompagné  M.  de  Bou- 
gain ville  dans  fon  voyage  duTour  du  Monde  ;  étant  arrivé 
de  trop  bonne  heure  dans  la  Mer  du  Sud,  il  fut  obligé  de 
pafler  outre,  &  de  renoncer  à  y  faire  l'obfervation  du 
paflage  comme  il  l'avoit  projette.  Arrivé  à  riflede  France,' 
il  voulut  gagner  Pondichery  ^  y  arriva  trop  tard,  &:  mou- 
rut bientôt  après,  plus  à  plaindre  que  MM.  Chappe,  Mé- 
dina ,  &  Green,  qui  avoient  eu  au  moins  la  confolatioa 
d'avoir  rempli  leur  objet. 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL. 


M7 


Table  générale  des  Obfervanons  du  pajpige  de  Vénus  fur  le  difqu^ 

du  Soleil^  le  3  Juin  1769. 


Noms  des  Lieux, 


Obfcrvateurs. 


Melfieurs. 


Longitude    1 
orientale  —   Latitude, 
occident.  -{- 


H.     M.   S. 


A    Paris  ,   l'Ob- 
fetvatoire  Royal. 

Collège    de  Louis- 
le-Grand 

Pafly 

Saint-Hubert.  .  .  . 

Rouen 

Touloufe 

Breft 

Bourdeaux 

Kergars 

La  Miffion  près  de 

Caen. 
Labicde 

Greenvcich 

Spithal-Square.  .  . 
Auftinfriars .... 

Kew 

Windfor. 

Shitbucn.^ 

Oxford.   ..... 

Près  Leicefter.  .  .  . 
Hawkill 


+  o 


rCaffini  de  Tliury. 
/  Maraldi. 

[  Duc  de  Cliaulnes. 

Ç  Meffier. 
J  Baudouin. 

^Zannoni. 

^fouchy. 
J  Bailly. 

(^  Bory. 

{Le  Monnier. 
Chabert. 
{Bouin. 
Dulague. 
'  d'Arquier. 
Garipuy. 
Verdun. 
Duval  le  Roy. 
Larroque. 
I  D'Après. 

{Rochefort. 
Pigott. 
1  Faugere, 
^Maskelyne. 
\  Dunn. 
i  Hirft. 
^Dollond. 
Canton. 
Aubère. 
Docl.  Bevis. 
Harris. 
Maclesfield. 
"(^Barticct. 
^Hornsby. 
S  Clare. 
">  Sykes. 
^-Horfley. 
I  Ludlam. 

{Milotd  Alemoor.     -J-  o 
James  Hey. 


Entrée  de  Vénus 
fur  le  difquc  du  Soleil. 

i'   contart.       i"  contacl, 


D.    M.   S.  H.    M.   S. 


48   jo   I4 


+  00   14!  48   51 


I   57 
4  59 


-h  o     5    3; 


—  o  17  15 


-f-  o 
■  o 
•  o 


II    3? 

11     o 
10  47 


48  45  i; 

49  2-6  43 
45  35  54 
48  13 


44  5°   I 
49   II    10 
II   3éT'44  40  45 


-4-0     9   16   '51   18  40 


9   3i  51  31  15 
9   35 

10  30  51  19  45 

11  40  iji  z8  ij 


Le   3  Juin 


4-  o  1}    17 


ji    39  il 


14  10   ;ji  45    15 


'3   51 
II  ;o 


5i   37     5 
i55   57  37 


7     9 

7      9 

7  10 
7  19 
7  II 
7  II 
7  10 
7  10 
7  9 
7     8 


10 
38 

58 
37 
II 

19 

44  ï 
18   i 

59 


7     tf     o 

7  5  39 
7  7  I 
6  J9  49 
6   59   46 


H.    M.  S. 


au     loir. 

7    38  5  3 

7   38  50 

7    38  JS 

58  45 

58  ji 

3  8  41 

58    33 
}8    M 

38    33 
34  5«  \ 
55    31  ï 
3  3   '»5 

3  5 
35 
35 
1 1 
II 
17 


40 
8 


30 

5« 

7 

5 


15  55 
i7  7 
7  iS  14 
7  17  16 
7   19   15 


19  48 
19    18 

19  10 

^9  15  î 
^9      oi 

IS  I7 

l«    37  è 

M  18  i 

14   Mi 
14  18 

14  11 
U  18  i 

15  9 
lé   48 

16  ;i 


Lunette  achr.  3  pi,  f 
Lunette  aclir.  de  5  pi, 
Lunette  aelir.  j  pi.  -f. 
Lunette  achr.  ;z  pifds. 
Lunette  sclir.  3  pieds. 
Tèlefc.  Crég.  3  pieds. 

Télefcopc  de  30  pouc. 

Lunette  achr.  5  pieds. 
Lunette  achr.  10  pi.{. 
Lunette  de  i  8  pieds. 


Lunette  âç  16  pieds. 
Lunette  de  14  pieds. 
Téleù.  Êrcg.  17  pou. 

Lunette  achr.  6  pieds. 
Télefc.  de  31  pouces. 
1  élcfcope  de  1  pieds. 
Lunette  achr.  3  pi.  f . 
Télefcopc  de  1  pieds. 
Lunette  achr.  3  pi.  \, 
Télefc.  gronit  95  fois. 
Télefc.grofllt  iiofois. 
Télefc.  de  3  pieds  f. 
Télefc.  de  i  8  pouces. 
Lunette  achr.  3  pi.  {. 
Lunette  de  14  pieds. 
Lunette  de  ii  pieds. 
Lunette  achr.  6  pieds. 
Lunette  achr.  3  pi.  i, 
Télefcope  de  l'opouc. 
Lunencachr.  5  ;  pcmc. 
Télefc.  de  18  pouces. 
Lunette  achr.  j  pi.  {. 


-H  r  S  T  O  I  R  E     ABREGEE 


Suite   de   la  Table. 


Noms  des  Lieux. 


Obfervateurs. 


Longitude 
orientale  —  Latitude, 
occident.- 


Meilleurs. 


H.  M.  S.     D.   M.  S. 


H.   M.   S.     !H.   M.    S. 


,C.Tp  Lézard. 
iGil>;akar.  .  , 
.Cadix.    .    . 


iStockoIm. 


UpfaL 


.Grypswald.   .... 

Ponoi 

iCap  Nord 

iSaint-Domingue,cap 
François. 

iiFortRoyal 
{Cambridge,    Nou- 
velle Ansilc:crrc, 
o 


Norriton. 


Lcweflown. .  . 

f'Iiiladelp'iie.   . 

'lie  Coudre. .   . 
.Mexico 


■  Wilfon. 
^D,  Reid. 

John  Bradley. 

Jardine. 

Tofino. 

Wargentin. 

Ferner. 
(  [  Wilcke. 

Melander. 

Bergman. 
I    Salénius. 

Henri  RoliL 

Mailct. 

Bayley. 

Pingre. 

Fleurieux. 

Lafilicre. 

R.  P.  CliriRophe. 

^5^inthrop. 

Smitli. 

Lukens. 
('  Riilicnoufc. 

Biddle. 

Erving. 
\Prior. 

Wnght. 

A.  de  Alzate. 


{ 


V'tersbour». 


OrenburçT. 
">rsk.  .  . 
Juijcf.    . 


■■ekin  .  .  . 

Jinapoor. 

5aravia.  , 
l'akoutsk. 
Manille.    , 


1 


5 


R.  P.  Mayer. 
Le  Frère  Stahl. 
Lexell. 
Albert  Euler. 
KralFt. 
Euler. 
Lovs/itz. 
R.  P.  Dollieres. 
^R.  P.  Collas. 
Degloir. 

Mohr. 

Illenief.  • 

D.  E.  deRonas. 


»  


-\-  o  16  ^■J 

+  o  30  o 

-f-  o  18  4« 

4-  o  54  18 

—  I     i  ji 


—  I     I     I 

o  45  4« 

—  z    36  48 
•    I    34    JO 

-h  4   j8   14 

-+-  4   14  40 
■   4   54    10 

4-  y    10   fo 
+  595^ 


JJ   51   3^ 


49   S7 
31$     4 

56  31 


59  10  51 


J9   JI   50 


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67  4 
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14  \S 

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40  5 
58    47 


17 


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-h  é    ço     o 


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•  5   31  10 

■  ?   44  50 

•  3    18  47 

—  7   36  15 


59  j6  15 


—  6 


—  7 


f7  55 
19  50 

54     4^ 


51   4<î 

51 
47 


Entrée  de  Vénus. 
i"^  contact.  \  i'*  contaft. 


Le  3 
6   54 


6  54 
6  JO 
6  yi 
6  4(î 
8  13 
8  14 
8  i4 
8  11 
8  11 
8   11 


Juin 

5'i 
iS 

7 
8 

35 

51 

S 

r 
45 
15 


9   56   35.3 


i6 
16 
i« 
15 


Il  1 

Ml 

lé  : 
'4 


30       4 


1  II  50 
l  15  15 
l    II    451 


au     loir. 
7   11   57i 
7   »i  14 
7     8  17 
7     8   II 

7  1   30 

8  41  47 
8  41  48 
8  41  4y 
8  40  II 
S  40  9 
S  40  I  j 

8  11  47 

'O  15  3,7 

9  14  5« 

1  44  44 
^  44  45 

1  44  41 

5  33  57 
1  47  30 


30  i; 

50  1 1 

19  5J 

51  13 

31  X4 
31  36 
JO  50 

"■  55  5  5 


Sortie  de  Vénus. 


Il  31 
7  7 


39  55  15 


ij  17  o 

Sud. 
11   O 
l  JO 

36  8 


6 
6l 

14 


15  *5  45.7 
15  î'î  3J>7 

1 5  2-5  40.  7 
'5  ij  47.7 
17  y   6 
17  18  lé 

16  ji  j5 
II  8  14 
11  8  49 
19  y  11 


10  30   13 

10     1   3e 

5>  15  45 


ly  43  40 

15  43  I3ï7 

15  45  ^3.7 

15  44  30>7 

'7  î3  54 

17  36  57 

17  II  6 

II  17 


lé 
^5 


o 
54 
30' 


10  48   31 
10  18  yéj 
9  43   1* 


Télefc.  de  18  pouces. 

Télefcope  de  1  pieds. 

Lunette  de  7  pieds. 
Lunette  de  11  pieds. 
Lunette  achr.  10  pi. 
Télefc.  de  18  pouces. 
Lunette  de  10  pieds. 
Lunette  de  11  pieds. 
Lunette  de  11  pieds. 
Lunette  de  lô  pieds. 
Lunette  achr.  1 1  pi. 
Télefcope  de  1  pieds. 
Lunette  achr.  ^  pieds. 
Lunette  achr.  i  pi.  f 
Lunette  achr.  5  pieds 

Télefcope  de  1  pieds. 

Télefcope  i  pieds  j. 
Lunette  de  41  pieds. 
Lunette  de  5e  pieds. 
Lunette  achr.  4  pi.  {. 


Télefcope  de  i  pieds. 


Lunetteachr.de  18  pi. 
Télefcope  3  pieds  \. 
Télefcope  i  pieds  \. 
Lunette  achr.  7  pieds. 


Lunette  de  1 8  pieds. 
Lunette  de  14  pieds. 

Télefc.  Grég.  j  pi.  i- 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL. 


M9 


Obfcrvations  de  la  durée  du  pajjage  de  Venus  en  17^9. 

Noms  Jcs 
Lieux. 

Entrée  de  Venus. 

Sortie  de  Vénus. 

Obfervateurs. 

Premier 

SecouJ 

Picmier 

S'.cond 

contad. 

contaft. 

contad. 

coiuaft. 

Me(Tieurs. 

H.  M.    S. 

H.    M.  S. 

H.    M.  S. 

y.    M    S.     j 

!\i;'ardlius,  dans_^ 
ilaMerGlaciale 

■r.  p.  Heil. 

R.  P.  Sainovics. 
.Borgrcwiiig. 

î>   16    10 

9    Î4    >o,â 
9    34      7,6 
9    54   32-, 6 

IJ   17   3;, 6 
ij   17    36,6 
IJ   17  28,  <; 

'5  4J   4^,4 
15   45   45 

'5   45    5S, -ijj 

|KoIa.   .... 

Rumowski. 

. 

9   41      1 

15     3J     12. 

.Fore  d'j  Prince 

deGalies.dans  V  Dymond. 

0    57  0,;; 

I    15    M,  î 

7      0   48,  f 

7    19    io,  ij 

labaied-Hud--<  Walles. 
(bn.                   t 
Cajanebourg.    |  Planraan. 

0  57   7,  6 

I    15    11,3 

7     0  45î  5 

7   19     1,1; 

•          •           ■ 

9   io  45  T 

IJ    31   17 

'l.^^L'^Y'^'^^^- 

II    ^^  45 

0   I4    10 

5   53    5^ 

6    II    59 

San  Jofeph  ..f^^^^' 

Calitornic.      ^  ,,  ,  ,. 

1  Medina. 

II    J9    17 
II    J9    14 
U    J9    18 

0   17   i(;,9 
0   17  ij 
0   I7    50 

5   54  Ji^.  5 
5   54  47.5 
5   54  47,5 

é    15    19,1 
6    iz  41 
6   11.   a6 

Ide    du    Roi   ^ 

Gcorsres ,  ou   %  Grecn. 

9    2-5   40 

9   4?    55  T 

15    14     î 

IJ    31    14 

de    Taïti   ,     J  Cook. 

9    15  45 

9   44   15 

15    '4   13 

IJ    31      1 

dans  la  Mer    J  Solander. 

9  44      ■>■{ 

15    32-   13 

du  Sud.            V. 

On  ne  remarqua  point  dans  ce  fécond  paflage  le  même    pj,e'„omeiie 
phénomène  qu'en  \-]6\  ;  je  veux  dire  que  l'on  ne  vit  point  du    ligament 
autour  de  Vénus  ce  croiffant  ou  cet  anneau  lumineux  ^'"^'^"7°'?'^ 
dont  nous  avons  parle  précédemment  (i).  Mais  on  ob-  venus  &  da 
ferva  très  diftindtement  ôc  prefque  généralement  une  ^'"^• 
goutte  noire  (pour  m'exprimer  comme  la  plupart  des  Af- 
tronomes)  ou  une  efpece  àç.  ligament  qui ^  au  moment  des 
contacts  intérieurs  de  Vénus  &  du  Soleil ,  fembla  réunir 
&  attacher  J  pour  ainjl  dire  j  leurs  bords  l'un  a  l'autre  ^  ainfî 


(i)  Si  quelque  Obfervateur  l'a  apperçu  dans  ce  fécond  paiïage, 
i'obfervation  n'a  pas  été  afTez  générale  pour  en  faire  mention. 


Les  Obfer- 
■vateuïs  n'ont 
pas  tous  laili 
le  moment 
du  contaû  de 
la  même  ma- 
nière ,  ce  qui 
a  pucaufer  de 
grandes  difté- 
tences  entre 
les  obferva- 
tions  S:  leurs 
(éikluts. 


i6q       H  î  S  T  O  I  R  E     ABRÉGÉE 

t[u'ii  arrivei-oic  à  peu  près  à  la  féparacion  ou  à  l'approche 
de  deux  corps  ou  globes  enduirs  d'une  matière  glutineufc. 
Vénus  au  premier  contact  intérieur  parut  s'alonger  en  Je 
féparant  du  bord  du  Soleil  qui  fembloit  attaché  au  fie n  :  ù 
au  fécond  contact  intérieur , 'le  bord  de  Vénus  parut  s'alon- 
ger pour  aller  joindre  celui  du  Soleil  quifembloit  l'attirer. 
Cette  apparence  contribua  beaucoup  dans  ce  dernier  paf- 
fage  à  l'exaititude  de  robfervatlon.  Les  bons  Obferva- 
teurs  en  profitèrent  parfaitement  pour  fe  procurer  un 
même  point  de  comparaifon  entre  leurs  obfervations^ 
en  failiffant  un  même  inftant,  une  même  circonftance, 
comme  celle,  par  exemple,  de  la  rupture  du  ligament 
au  premier  conta£b  intérieur.  En  1761  ce  mêmcphéno- 
'mene  avoir  eu  lieu,  mais  peu  d'Aftronomes  l'avoient  re- 
marqué :  le  plus  grand  nombre ,  faute  d'avoir  été  prévenus, 
n'y  avoient  fait  aucune  attention ,  &  dans  ce  cas  cette  cir- 
conftance  avoir  tourné  au  défavantage  de  l'oblervation. 
C'eft  à  cette  raifon  du  moins  que  je  croirois  devoir  attri- 
buer en  grande  partie  le  peu  d'accord  qu'ont  donné  la  plu- 
part des  obfervationsdans  leur  réfultat.  En  effet,  par  l'ob- 
fervation  de  Wardhus  en  1769 ,  nous  voyons  que  dans  le 
conta(fb  intérieur  de  l'entrée  on  a  pu  remarquer  fenfible- 
ment  trois  différentes  circonffances  ,  trois  différents  inf- 
tants  ,  èc  qu'entre  le  premier  &;  le  troifieme  inftant  il  y  a 
eu  13"  d'intervalle  :  or  tel  Obfervatcur  qui  aura  pris  le 
premier  inftant  pour  le  moment  du  contaâ:,  différera 
beaucoup  de  celui  qui  aura  pris  le  troifieme  inftant.  C'eft; 
fans  doute  ce  qui  a  occafionné  d'auffi  grandes  différen- 
ces que  l'on  en  a  remarqué  entre  des  obfervationsdu  pa{- 
fage  de  Vénus ,  faites  cependant  dans  le  même  lieu.  A 
Paris  en  1761  ,  MM.  Maraldi,  la  Lande  &  Joly  ont  ob- 
fervé  chacun  le  contait  intérieur  de  la  lortie  avec  des 
lunettes  de  même  longueur;  cependant  entre  les  heures 
qu'ils  ont  marquées,  il  y  a  eu  i7"dediff^érencedelaplus 
petite  à  la  plus  grande.  A  Upfal ,  MM.  Stromer  &  Mallec 
<pnt  déterminé  la  durée,  l'un  de  ?.4",  5c  l'autre  de  19"  plus 

çourçQ 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.     i6i 

courte  que  M.  Bergman.  A  Tornéa,  l'obrervation  de 
M.  Hellant  a  fait  la  durée  de  5''  50'  9";  celle  de  M.  de 
Lagcrborn   de  5''  50'   21".  Eft-il  étonnant  que  de  pa- 
reilles obfervations  on  aie  tiré  des  réfultats  fore  difté- 
rents  entre  eux?  En  17(^9,  les  ObfervareurSj  prévenus  6c 
exercés  par  le  dernier  paiïage ,  durent  naturellement 
beaucoup  mieux  obferver.  Ils  étoient  convenus  de  pren  •      La  rupture 
dre  pour  le  moment  du  premier  contact  intérieur  celui  où    !^",  ligament 
le  bord  de  Vénus  fe  féparant  du  bord  du  Soleil ,  la  goutte   ^^  "^fparitioa 
ou  le  ligament  noir  viendroit  à  fe  rompre  &  laiflcroit    du  filet  de  lu- 
appcrcevoir  un  filet  de  lumière:  &  de  même  pour  le  fe-   "'^^^^/^'of- 
cond  contact  inteneur  on  devoir  prendre  l'inflant  ou  la   les  deux  inf- 
formation  de  la  iroutte  noire  intcrromproit  le  filet  de  lu-    f^"\^  '^?  P',"^ 

■      t      ri  •  11  !•/-  ^>.       raciles    a  ob- 

mierc  qui  marquoit  la  leparation  des  deux  diiqucs.  Or    feiver.&ies 
il  eft  certain  que  les  Aftronom.es  qui  auront  difting-ué  &;    P'"^^  propres 

d'^  •      I      I       1  1  •  j  •     n  1     •  *      fi^6''     les 

etermme  également  bien  ces  deux  mitants,  doivent   deux  contais 

trouver  l'accord  le  plus  fatisfaifant  dans  le  réiultat  de  intérieurs. 
leurs  obfervations  ;  &c  ce  feroit  alors  le  cas  d'efpérer  d'ob- 
tenir la  parallaxe  du  Soleil  à  un  cinq-cenrieme  près  :  mais 
fongeons  que  pour  atteindre  à  cette  précifion  il  ne  fau- 
droit  pas  qu'il  y  eût  plus  d'une  féconde  d'erreur  dans  les 
obfervations,  ce  qui  eft  impoflible  ;  car  les  meilleurs  Ob- 
fervareurs  ont  avoué  qu'il  pouvoit  y  avoir  3"  ou  4"  d'in- 
certitude, foit  en  plus,  foit  en  moins,  fur  l'heure  qu'ils 
ont  fixée  pour  les  contacts  (  i  ).  Le  Père  Hell  prétend  avoir 
obfervé  la  rupture  du  ligament,  au  contact  intérieur  de 


(i)  Remarquons  avec  le  Père  Hell  que  c'eft  improprement  que 
l'on  dit  :  l'obfervation  des  contacis.  Les  vrais  contacts  de  Vénus  &  du 
Soleil  font  impoflîbles  à  obferver.  C'ell  ce  qu'il  eft  facile  de  démon- 
trer. En  effet ,  ne  faut- il  pas  qu'au  moment  de  l'entrée  le  difque  de 
Vénus  morde  fenfiblement  fur  celui  du  Soleil  pour  que  l'Obferva- 
teurs'apperçoive  du  commencement  du  paiïage  ?  Or  le  moment  où 
l'on  apperçoit  la  moindre  petite  échancrure  eft  celui  où  les  deux  dif- 
ques  fe  coupent  déjà  ,  Se  non  pas  celui  ou  les  deux  planètes  ne  fai- 
foient  que  de  fe  toucher.  Ce  n'eft  donc  que  par  eftime  que  l'on  peuc 

X 


1^2       HISTOIRE    ABRÉGÉE 

l'entrée,  à  moins  d'une  féconde  d'inceicitude  (i)  ;  mais 
tous  les  Obfervateurs  n'auront  peut-être  pas  laid  cet 
inftant  avec  la  même  vivacité,  èc  n'auront  pas  en  des 
circonftances  auffi  favorables.  L'état  de  l'atmofphere  , 
l'effet  des  lunettes  influent  infiniment  fur  une  femblable 
obfervation  ;  &c  c'eft  à  quoi  l'on  devroit  avoir  plus  d'é- 
gard dans  le  choix  des  données  que  l'on  veut  calculer. 
On  cherche  la  parallaxe  du  Soleil  par  un  même  conta£b 
déterminé  en  différents  lieux  ;  on  prend  indifféremment 
l'obfervation  de  Paris ,  celle  de  Pékin ,  celle  de  Rome,  &cc. 
mais  dans  chacun  de  ces  lieux,  eft- ce  de  la  même  façon 


juger  que  le  moment  de  l'atrouchement  ou  du  vrai  conra£b  a  précédé 
l'inftanc  de  la  première  obfervation  de  tant  de  fécondes ,  félon  que 
l'échancrure  a  paru  plus  ou  moins  grande  j  &  l'on  peut  fort  bien  com- 
mettre une  minute  d'erreur  dans  cette  eftime  du  conta6t  extérieur. 
Arrive  enfuite  le  contaifb  intérieur  :  l'Obfervateur  le  fixe  au  mo- 
ment fenfibleoùil  voit  un  filet  de  lumière  féparer  les  deux  difquesj 
mais  c'eft  là  le  moment  où  les  deux  difques  étoient  déjà  féparés  ,  & 
non  pas  celui  où  ils  ne  faifoient  que  de  fe  toucher  en  un  feul  point, 
où  il  n'y  avoir  aucun  intervalle  entre  eux  ,  fans  cependant  que  l'un 
mordît  fur  l'autre.  Le  vrai  contait  eft  donc  déjà  paîfé  au  moment  où 
l'Obfervateur  apperçoit  le  filet  de  lumière  j  mais  de  combien  de 
temps  a-t-il  précédé  l'obfervation  ?  Ce  n'eft  que  par  eftime  que  l'on 
peut  en  juger  à  lo"  près.  On  dira  la  même  chofe  des  contaéts  de  la 
fortie.  L'on  doit  par  conféquent  diftinguer  les  vrais  contacts  d'avec 
ceux  que  l'on  peut  appellet  les  contacts  optiques.  Ces  derniers  font 
ceux  qui  fe  rendent  fenfibles  à  l'œil  de  l'Obfervateur.  Ceci,  au  refte, 
n'eft  pour  ainfi  dire  qu'une  queftion  de  mots  ^  il  fuffit ,  pour  l'objet 
que  l'on  fe  propofe  ,  de  déterminer  un  même  inftant.  Les  contadts 
optiques  bien  obfervés  valent  autant  que  les  vrais  contaéts,  s'ils  pou- 
voient  être  déterminés.  On  doit  feulement  conclure  de  tout  ce  que 
je  viens  de  dire  ,  qu'il  n'eft  pas  poflible  de  faire  ufige  des  contads 
extérieurs  pour  la  détermination  de  la  parallaxe  du  Soleil ,  on  ne 
doit  employer  que  les  contaéls  intérieurs. 

(i)  Mihi  j  ob  fav entes  cœli  circonjlantias  jcontaclus  ijîc  adeo  mo- 
mentaneus  vifus  ejl  ^  ut  de  unius  fecundi  certitudine  dubitare  non  do- 
tuerlm.  (  Obferv.  Tranf.  pag.  60.  ) 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.     1^3 

que  l'on  a  déterminé  le  moment  du  contaib?  eft-ce  avec 
des  lunettes  d'un  effet  à  peu  près  femblable  (i)?  eft  ce 
par  un  ciel  également  fcrein  ?  Peut-on,  par  exemple,  faire 
ufage  avec  fureté  des  obfcrvations  de  Paris  &  d'autres 
lieux  en  1769,  où  le  Soleil  étoit  fi  près  de  l'horizon 
que  fes  bords  étoicnt  tremblants,  ÔL  Vénus  abfolument 
défigurée  ?  Auiîi  je  penfe  que  dans  ce  fécond  paflage  l'on 
doit  s'en  tenir  abfolument  aux  obfervationsde  la  durée, 
qui  ayant  heurcufcment  été  déterminée  dans  les  lieux  les 
plus  favorables  6c  avec  le  plus  grand  fuccès,  nous  offrent 
le  moyen  le  plus  fur  &  le  plus  concluant  de  déterminer 
la  parallaxe  du  Soleil  avec  la  dernière  exactitude.  Cent 
autres  obfervarions  du  (impie  contact,  ou  de  la  plus  courte 
diftance^feroient  fans  doute  d'un  moindre  poids  :  comme 
plus  fufceptibles  d'erreurs,  elles  ne  feroient  que  jetter  de 
l'incertitude  fur  le  dernier  rélultat  qui  doit  être  adopté, 
èc  nous  laifferoient  peut-être  dans  la  même  indécifion 
qu'en  1761. 

Parmi  les  fcpt  obfcrvations  de  la  durée  du  paffige  de       Durée   ia 
Vénus  fur  le  difque  du  Soleil  en  i y 6^,  il  y  en  a  cinq  qui    î.^^^,^^    °^' 
paroiffent  faites  avec  toute  l'exactitude  polîible  6c  dans  les    176p. 
circonftances  les  plus  defîrables  &  les  plus  propres  à  faire 


(i)  Je  penfe  que  ce  n'elt  que  par  l'expérience  que  l'on  peurpar^ 
faicemen:  juger  de  l'effet  des  lunettes.  Se  établir  entre  elles  une 
comparaifon.  Il  y  a  maintenant  à  Paris  plus  d'une  douzaine  de  lu- 
nettes achromatiques  de  trois  pieds  de  longueur  ,  toutes  de  la  même 
conftrudbion  &  du  même  arrifte  ,  M.  Dollond.  Il  s'en  faut  de  beau- 
coup qu'elles  faflent  toutes  le  même  effet.  Il  eût  donc  été  à  defirec 
que  les  Obfervateurs  qui  dévoient  fe  difperfer  dans  différents  lieux, 
pour  l'obfervation  du  paiïage  de  Vénus,  euffent,  avant  de  partir  , 
comparé  entre  elles  les  lunettes  qu  ils  dévoient  y  employer ,  par 
nombre  d'obfervations  faites  enfemble  &  de  concert.  Il  eût  alors  été 
aifé  de  réduire  leurs  oblervarions  dupalTage,  comme  fi  elfes  avoient 
été  faites  avec  la  même  lunette  &  par  lemêmeObfervateur  ;  ce  qui 
n  auroi:  pas  peu  contribué  à  la  jufteffe  Se  à  l'accord  des  réfultats. 


Xij 


1^4     HISTOIRE    ABRÉGÉE 

efpérer  un  réfultatexaft.  Telles  font  lesobfervations  de 
Wardhus,  du  Forc-du-Prince ,  de  Cajanebourg  vers  le 
nord,  fie  celles  de  l'isle  de  Taïti  6c  de  San- Jofeph,  vers 
le  fui,  ainfi  que  les  offre  la  Table  fuivante. 


Noms  des  Lieux. 

Durée  obfervée. 

H. 

M. 

S. 

Wardhus.    .  . 

5 

53 

14 

Fort  du  Prince. 

S 

45 

14,5 

Cajanebourg. 

6 

II 

41,5 

San-Jofepli.  • . 

5 

37 

I3î4 

Ifle  de  Taïti. 

5 

30 

4 

Perfonne  n'a  difcuté  ces  obfcrvations  avec  plus  de  foin 
&  de  fagacité  que  M.  de  la  Lande.  Le  Public  ne  peut  fa- 
voir  trop  de  gré  à  cet  Aftronome  de  l'empreflement  & 
du  zèle  avec  lequel  il  lui  a  rendu  compte  du  réfultac  de 
chaque  obfervation  à  mefure  qu'elle  lui  eft  parvenue.  Je  ne 
puis  mieux  faire  ici  que  de  donner  le  précis  de  l'excellent 
Mémoire  que  cet  Académicien  vient  de  publier,  &  dans 
lequel  il  a  ralfemblé  toutes  fes  recherches  fur  cette  ma- 
tière (i).  La  Table  fuivantc  offre  les  réfultats  de  fes  calculs 
pour  la  parallaxe  du  Soleil  d'ans  les  moyennes  diftances. 
On  trouvera  la  méthode  expliquée  fort  au  long  dans  le 
fécond  volume  de  fon  AJironomie y  édition  de  1771  ,  8c 
dans  le  Mémoire  que  nous  venons  de  citer. 


(i)  A  Paris,  chez  Lattié  ,  Graveur ,  rue  S.  Jacques. 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.     1^5 


Noms  des  Lieux. 


Le  Fort  du  Prince. 
San-Jofeph.  .  .  . 
Ifle  de  Tarti  .  .  . 


Parallaxe  moyenne. 


Wardhus. 


Cajanc- 
bouro; 


Le  Fort 
du 

Prince. 


San-       I 
Jofep  h. 


Parallaxe  Ju  Soleil, d^iîuicc de  la  durûc  er.  j-ifçi 


9,08 
8,  81 
8,71 


8,90 


8,49 
8,48 

8,51 


8,50 


S,  tô 
8,55 


8,  y5T 


8,  jé 


8,55 


54- 


En  omettant  d'abord  toute  confidératlon particulière.       Différentes 
on  voit  qu'en  général  les  obfervations  de  iadurée  dupaf-   parallaxes 
ûge  s'accordent  à  fixer  la  parallaxe  du  Soleil  entre  8",  50,   ^^,^£'^"5  ^f 
&  8" ,  90 ,  dont  le  milieu  eft  S" ,  70.  Tel  efl  auifi  le  réful-   tronomes. 
tat  adopté  parle  R.  P.  Hell.M.Euler,  d'après  Tes  calculs, 
le  fixe  à  8",  68.  M.  Wallot,  Correfpondant  de  l'Acadé- 
mie Royale  des  Sciences,  a  lu  cette  année  à  nos  Aflem- 
blées  les  rélultats   d'un  travail  confidérable  fur  le  paf- 
fage  de  Vénus ,  d'où  il  conclut  la  parallaxe  du  Soleil  dans 
fes  moyennes diftances de  8',  76.  M.  Pingre  établit  cette 
parallaxe  de  8",  88.  Enfin  M.  de  la  Lande  prétend  que 
la  parallaxe  moyenne  doit  être  inconteftablement  réduite 
à  8"-^. 

Quoique  la  différence  qui  partage  ces  Aftronomes  ne 
foit  que  de  trente-huit  centièmes  de  féconde  ,  cette 
quantité  néanmoins  faifant  près  d'un  vingt-troilicmede 
la  parallaxe  totale  ^  n'eft  point  un  objet  à  négliger  ;  il  cft 
efTentiel  de  difcuter  avec  attention  lequel  des  diffé- 
rents réfultats  énoncés  ci  dedus  doit  être  préféré.  Met- 
tons le  Le(fteur  à  portée  d'en  décider  lui-même,  en  lui 
préfentant  les  railons  qui  peuvent  appuyer  le  fentimenc 
de  chaque  Auteur. 

En  jetcant  les  yeux  fur  la  Table  précédente,  on  voit 


i66      HISTOIRE    ABRÉGÉE 

d'abord  qu'il  y  a  fcpt  réfulcats  qui  fixent  avec  un  accord 
fingulier  la  parallaxe  du  Soleil  entre  8",48,6c8'',  56.  L'ob- 
fervation  feule  de  Wardhus  s'éloigne  alFez  coniîdérable- 
ment  de  toutes  les  autres,  &  n'a  pas  à  beaucoup  près  le 
même  accord  entre  fes  propres  rélultars.  Telle  eft  la  re- 
marque que  fiiit  M.  de  la  Lande  :  il  Te  décide  en  confé- 
quence  à  rejetter  robfcrvation  de  Wardhus,  &.  n'adop- 
tant que  les  quatre  autres  dont  les  (cpt  réfultats  ne  s'é- 
cartent entre  eux  que  d'un  huit-ccnricme  de  féconde,  du 
plus  petit  au  plus  grand,  il  a  pour  parallaxe  moyenne  8", 
52  ,  ou  en  nombre  rond  8" -f.  Pour  confirmer  ce  réfultat 
il  a  calculé  avec  cette  parallaxe  de  %"  -^  plulieurs  autres 
obfervations  de  fimples  contacts ,  dont  il  a  déduit  des  du- 
rées qui  s'accordent  parfaitement  entre  elles,  en  les  rap- 
portant à  l'obfervation  de  Paris  ,  comme  on  le  peut  voir 
par  la  Table  fuivantc. 


Noms  des  Lieux. 


Wardhus.  .  . 
Ifle  de  Taïci.  . 
Gutief.  .... 
San-Jofeph.  , 
Iakuftsk.  .  .  . 


Durée  réduire 

au  centre  delà 

Terre. 


5  42-  n,  i 

î  41  4^.9 

;  41  47 

î  41   48 

5  4'  49 


Noms  des  Lieux. 


Cajancbouig. 
Fort  du  Prince. 


Orenbourg.  .    . 


PékiE 


Durée  réduite 

au  centre  de  la 

Terre. 


/     /t 
S  41    50,9 

5  41   ÎI.7 

S   41   Î4 

S  41   5S 


On  voit  encore  que  l'obfervation  de  Wardhus  eft  la 
feule  qui  s'éloigne  du  réfultat  commun;  &  que  toutes  les 
autres  fe  concilient  parfaitement  entre  elles,  dans  la  fup- 
poficion  d'une  parallaxe  de  8"-f.  Telles  font  les  preuves 
fur  lefquelles  M.  de  la  Lande  fonde  fon  opinion.  Mais 
voyons  ce  que  l'on  peut  y  oppofcr. 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.     1^7 

M.  Pingré,  loin  derejetcer  robfervation  de  WardJius, 
prétend  au  contraire  devoir  l'adopter  6c  en  faire  Ton  terme 
de  comparaifon,  tandis  qu'il  fupprime  celle  de  Cajane- 
bourg.  La  raifon  qu'il  donne  eft  certainement  plaufible.: 
l'obfervation  de  Wardhus  paroît  avoir  été  faite  avec  tout 
le  foin,  le  concert  &C  l'habileté  pollible;  elle  efl  extrê- 
mement complette,  &  celle  de  Cajanebourg  l'eft  beau- 
coup moins  ;  le  contact  intérieur  de  la  fortie  n'y  ayanc 
pas  été  obfervé,  il  faut  le  conclure  par  le  calcul.  En  con- 
féquence  M.  Pingré  n'employant  qu'une  feule  durée  ob- 
fervée  dans  le  nord,  celle  de  wardhus,y  compare  toutes 
les  autres  ;  ôi  voici  fcs  réfultats. 


Iflc     de 
Taïti. 


San- 
Jofeph, 


Fort  du 
Prince. 


Parallaxe 
moyenne. 


Wardhus. 


Il 
8,86 


8.88 


9.  19 


9j07 


Il  efl:  à  remarquer  que  M.  Pingré  fupppfe  la  durée  de 
Wardhus  de  5''  53'  17",  plus  grande  de  14"  que  celle 
qu'a  employé  M.  de  la  Lande.      ...j-.jr, 

La  parallaxe  moyenne  entre  ces^  trois  réfultats  feroic 
naturellement  de  9",  07  :  mais  M.  Pingré ,  d'après  la  com- 
binaifon  &  le  calcul  de  nombre  d'autres  obfervations ,  fe 
détermine  à  adopter  S^jS 8..Si  M.Pingre,  après  avoir  com- 
paré les  durées  de  l'isle  de  Taïti  ,•  de  San-Jofeph 
&  du  Fort-du-Prince  à  celle  de  "^^ardhus  ,  eût  cnfuite 
comparé  ces  durées  entre  elles  deux  à,  deux ,  les  réful- 
tats qu'il  en  eiit  tirés  eulTent  été  pour  le  moins  aulTi  con- 
cluants que  ceux  qu'il  a  cherchés  par  les  obfervations  de 
fimples  contads,  £c  peut-être  fe  fût-il  rapgrpché  de  l'opi- 
nion de  M.  de  la  Lande.  »   ;■,    ;  n 

MM.  Euler,  Walloc  Sc  le  P.  Hell  ont  fuivi  le  fenti- 


1^8       H  I  S  T  O  I  R  E    A  B  R  É  G  É  E 

ment  de  M.  Pingre  par  rapport  à  l'obfervation  de  Caja- 
nebourg.  Se  ils  trouvent  tous  trois,  à  très  peu  près,  le 
même  réfultat,  qui  tient  précifément  le  milieu  entre  celui 
de  M.  delà  Lande  ôc  celui  de  M.  Pingre,  comme  on  le 
voit  ci-deflous. 

Parallaxe  du  Soleil. 

SelonM.de  la  Lande  [en  rejettantWardhus].  .  8^',  50 

[en  adoptant Wardhus].  .   8     70 

Le  P.  Hell 8    70 

l:  '  M.  Euler 8     68 

f  '  M.  Wallot 8     j6 

■  M.  Pingre 8     88 

La  queftion  me  paroît  donc  fe  réduire  à  favoir  fi  l'ob- 
fervation de  Wardhus  doit  être  adoptée,  ou  fi  l'on  doit  y 
fubftituer  celle  de  Cajancbourg.    Il  me  femble  qu'il  cft 
aile  de  fe  décider  fi  l'on  en  juge  par  l'accord  de  la  plura- 
lité des  réfultats.  Aurefte,  le  temps,  à  qui  tout  doit  fa 
perfection,  éclaircira  fur  cet  article  mieux  que  nous  ne 
le  pouvons  faire.  Sans  doute  la  longitude  de  nombre  d'en- 
droits cil  les  contacts  ont  été  obfervés ,  venant  un  jour  à 
être  parfaitement  déterminée,de  nouveaux  calculs  procu- 
RcTultat  du    reront  de  nouveaux  réfultats,  de  nouvelles  combinai- 
paiî'agc  de       fons,  qui  Contribueront  à  confirmer  ou  à  rectifier  nos  con- 
]7x?de  8'''î    noiffances  a6luelles:  en  attendant,  la  parallaxe  moyenne 
adoptée.  de  huit  fécondes  &  demie  étant  celle  qui  s'accorde  avec 

les  meilleures  obfervations,  celle  qui  avoit  déjà  été  indi- 
quée par  le  paflage  de  1761  ;  on  peut,  à  ce  que  je  crois, 
radopter,fans  craindre  de  s'éloigner  beaucoup  de  la  vérité. 
Il  me  femble  du  moins  que  la  plupart  des  Aftronomes  fe 
rendent  à  cette  opinion ,  &  même  qu'ils  fe  félicitent  d'ê- 
tre parvenus  à  la  folution  complette  &C  fi  defirée  d'un 
problême  qui,  jufques-là,  leur  avoit  coûté  tant  de  tra- 
vaux mêlés  de  tant  d'incertitudes. 

Ayant  une  fois  établi  la  véritable  quantité  de  la  paral- 
iaxe  du  Soleil,  on  en  a  fait  l'application  à  la  perfection 

du 


DE  LA  PARALLAXE  DU  SOLEIL.    1(^9 

du  fyftêmc  planétaire.  La  vraie  diftance  des  planètes  en- 
tre elles,  &  relpeftivement  au  Soleil  ou  à  la  Terrera  été 
dès-lors  fixée.  On  n'en  connoiiToit  jufqu'à  préfent  que 
le  rapport  :  nous  pouvons  maintenant  aiîigner  ces  diftances 
en  lieues  ,  ainfi  que  les  autres  éléments  des  planètes.  En 
voici  le  calcul  fait  par  M.  de  la  Lande. 


Noms 
des 


PIj 


le  Soleil, 

la  Terre. 

la  Lune. 

Mercure. 

Vénus. 

Mars. 

Jupiter. 

Saturne, 

Anneau. 


Diamètres  à  la 

diftance    moy 

du  Soleil. 


51 


17,0 
4.91; 
7,0 

II. 4 
13.7 
SI, 7 

40,6 


Diamètres 

en  lieues  de 

1185  toif. 

3M'5J 

iS6j 

781 

Ii8o 

278J 

1911 

31644 

18956 

67518 


Diamètres 

par  rapport  à 

la  Terre. 


III,  7j 

I. 

o, 5141 
o,  41176 
o,97Iy6 
0,67059 

I'.  594 

10,  100 
^5.5*7 


GrofTeur  par 

rapport  à  la 

Terre. 


1455015 
I 
o,  01036 
o,  06518  I 
0,91  81Î 
o,  30155 

14793  3 

1030,  } 


Denfité     par 

rapport  à  la 

Terre. 


0,15463 
I 

0,  68706 

1.0377 

1,  1750 
0,71917 
o,  119S4 

o, 10450 


MalTe  par 

Vîtefli  des 

rapport   a 

graves     a 

la  Terre. 

la  furface. 

365411 

455.80 

1 

15,1058 

0,01399 

2.8} 

0,  X4116 

11,673 

1,170^ 

18,717 

0,  1198g 

7.3833 

540,  00 

39,5; 

106, 90 

15,  819 

■         •       • 

•    .   . 

Diftances 
moyennes 
en  lieues. 

54761680 

84515 

15456104 

151441JO 

51966111; 

I 80794791; 

551604504; 

idet 


L'obfervation  des  partages  ne  nous  a  pas  été  moins 
utile  pour  la  théorie  particulière  de  Vénus ,  en  nous  pro- 
curant les  réfulrats  fuivants. 


en 

lySï. 

en  1769. 

Diamètre  de  Vénus  obfervé. 

58" 

Î7".  1 

Plus  courte  diftance  des  cen- 
tres de  Vécus  &  du  Sokil. 

9'  }o" 

10'    7",  7 

Demi-durée  du  paflage.  . 

a" 

5?'     8" 

x""   50'  58" 

Heure  de  la  conjonftion  de 
Vénus  &  du  Soleil. 

i" 

Temps  vrai. 

Temps  vrai. 
10''    14'  iz'" 

Lieu  de  la  conjonûion.  .  . 
Latitude 

8'    15» 

0' 

16'    10" 

Auft. 
}'  4S".  3 

31'  50" 

l'    15°   17'  11" 

Bor. 
0"     4'    4".  4 

i'    14"   3«'    8" 

Lieu  du  Nœud 

i«    14' 

170   H  ï  s  T  O  I  R  E    A  B  R  É  G  É  E,  S:c. 

Tel  cil:  à-peu-piès  le  précis  des  recherches  les  plus  in- 
térefTantes  par  rapport  à  la  parallaxe  du  Soleil,   Je  fou- 
haite  que  le  tableau  que  je  viens  d'en  offrir,  ait  prélenté 
au  Lei^eurune  idée  nette  &C  inftru£live  de  cette  matière. 
J'aurois  pu  fans  doute  entrer  dans  de  plus  grands  détails, 
par  des  difcullions  critiques  6c  détaillées  ;  mais  peut- 
être  n'aurois-je  fait  qu'alonger  ce  Mémoire,  le  rendre 
plus  obfcur,  fans  procurer  d'autres  réfultats  que  ceux  aux- 
quels on  eft  déjà  parvenu.  J'ai  tâché  de  faire  mention. 
des  travaux  les  plus  connus  &  des  meilleurs  écrits  qui 
aient  eu  pour  but  la  recherche  de  la  parallaxe  du  Soleil  ;  il 
j'ai  omis  cependant  d'en  citer  quelques-uns  non  moins 
clignes  d'éloges ,  Ci  je  n'ai  point  parlé  de  tous  les  voyages, 
fi  je  n'ai  point  rapporté  toutes  les  obfervations  qui  ont 
pu  être  faites,  je  prie  les  Auteurs  de  m'excufer:  il  ne  m'a, 
pas  été  poflible  d'avoir  connoiilance  de  tout  ce  qui  s'eft 
paffé ,  fur-tout  chez  les  Etrangers,  Je  devois  auifi  éviter  les 
trop  longs  détails  qui  deviennent  à  la  fin  rebutants  & 
ennuyeux.  Lorfque  deux  autorités  m'on  fuffi ,  j'ai  cru  inu- 
tile d'en  emprunter  dix  (i).  Au  rcfie  je  prie  le  Le£leur 
de  faire  attention  que  ce  n'eft  ici  qu'un  fimple  Mé- 
moire auquel  j'ai  ofé  donner  le  titre  à'HiJioire    abré- 
gée delà  Parallaxe  du  Soleil^  dans  l'intention  d'infpirer 
à  quelque  autre  l'idée  d'en  donner  une  hii^oire  complette 
à  laquelle  j'aurai  eu  la  fatisfatflion  de  contribuer. 


(i)  Il  y  a  peut-être  deux  cents  Mémoires  compofés  à  l'occafion 
du  palTage  de  Vénus  &  de  la  parallaxe  du  Soleil  ;  on  les  trouvera 
répandus  foit  dans  les  Journaux  ,  foit  dans  les  Mémoires  des  diffé- 
rentes Académies,  Chaque  Aftroncme  a  donné  fes  obfervations , 
fes  réfultats,  fon  opinion;  un  in-folio  n'auroit  pas  fuffi  ,  s'il  eût 
fallu  recueillir  toutes  ces  voix ,  &  les  difcuter  l'une  après  l'autre. 

FIN. 


Pe  l'Imprimerie  de  Fr.  Ambroise  DIDOT,  rue  Pavée. 


EXTRAIT    DES    REGISTRES 

JDe   l'Acadéhie  Royale  des   Sciences, 

Du  I"  Juillet  177  t. 

IVIessieurs  Bailly  &  Jeaurat  ,  qui  avoient  écé  nommés  pour 
examiner  un  ouvrage  de  M.  Cassini  fils  ,  intitulé  ,  F'oyage  en 
Californie  pour  l'oèjervation  du  pajfage  de  Vénus  fur  le  difque  du. 
Soleil  j  le  3  Juin  iy6ç)jpar  M.  Chappe  ,  en  ayant  fait  l«ur  rap- 
port ,  l'Académie  a  jugé  cet  ouvrage  digne  de  Timprefllon  ;  en  foi 
de  quoi  j  ai  figné  le  préïent  certificat.  A  Paris  ,  le  i"  Juillet  1772. 

GRANDJEAN  DE  FOUCHY, 

Secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  Royale  des  Sciences. 


PRIVILEGE     DU    ROI. 

JL/  O  U I  S  ,  par  la  grâce  de  Dieu  ,  Roi  de  France  &  de  Navarre  : 
A  nos  amés  &  féaux  Confeillers  ,  les  gens  tenants  nos  Cours  de 
Parlement  ^  Maîtres  des  Requêtes  ordinaires  de  notre  Hotel ,  Grand- 
Confeil ,  Prévôt  de  Paris  ,  Bailhfs,  Sénéchaux  ^  leurs  Lieutenants 
Civils,  &  autres  nos  Jufticiers  qu'il  appartiendra  ,  Salut.  Nos 
bien  amés  les  Membre^  de  l'Académie  Royale  des  Sciences 
de  notre  bonne  ville  de  Patis  nous  ont  fait  expofer  qu'ils  auroienc 
befoin  de  nos  Lettres  de  privilège  pour  rimprelîion  de  leurs  ou- 
vrages. A  CES  causes  ,  voulant  favorablement  traiter  les  Expofants  , 
Nous  leur  avons  permis  &  permettons  par  ces  Préfentes,  de  faire 
imprimer  par  tel  Imprimeur  qu'il  voudront  choifir ,  toutes  les  recher- 
ches ou  obfervations  journalières  ,  ou  relations  annuelles  de  tout 
ce  qui  aura  été  fait  dans  les  afîemblées  de  ladite  Académie  Royale 
des  Sciences  j  les  Ouvrages  ,  Mémoires  ou  Traités  de  chacun  des 
particuliers  qui  la  compofent ,  &  généralement  tout  ce  que  ladite 
Académie  voudroit  faire  paroître  ,  après  avoir  fait  examiner  lefdits 
ouvrages,  &  jugé  qu'ils  font  dignes  de  l'impreffion,  en  tels  vo- 
lumes ,  forme  ,  marge  ,  caraéleres  ,  conjointement  ou  féparément , 
&  autant  de  fois  que  bon  leur  femblera  ,  &  de  les  faire  vendre  & 
débiter  partout  notre  Royaume  pendant  le  temps  de  vingt  années 
confécutives  ,  à  compter  du  jour  de  la  date  des  Préfentes  \  fans 
toutefois  qu'à  l'occafion  des  ouvrages  ci-deirus  fpécifiés,  il  en  puilTe 
être  imprimé  d'autres  qui  ne  foient  pas  de  ladite  Académie. 
Faifons  défenfes  à  toutes  fortes  de  perfonnes  ,  de  quelque  qualité 
èc  condition  qu'elles  foient ,   d'en  introduire  d'imprellion  étran- 


gère  dans  aucun  lieu  de  notre  obéifTance  :  comme  anfli  1  tous  Li- 
braires &C  Imprimeurs,  d'imprimer  ou  faire  imprimer,  vendre, 
faire  vendre  &c  débiter  lefdits  ouvrages,  en  tout  ou  en  partie,  ôc 
d'en  faire  aucunes  tradudions  ou  extraits  ,  fous  quelque  prétexte 
que  ce  puiiïe  être ,  fans  la  permifïïon  expreffe  &  par  écrit  defdits  ex- 
pofanrs,  ou  de  ceux  qui  auront  droit  d'eux,  à  peine  de  confifca- 
rion  des  exemplaires  contrefaits  ,  de  trois  mille  livres  d'amende 
contre  chacun  des  contrevenants  ,  dont  un  tiers  à  nous  ,  un  tiers  à 
THôtel-Dieu  de  Paris  ,  &  l'autre  tiers  auxdits  expofants  ,  ou  à  celui 
qui  aura  droit  d'eux ,  &  de  tous  dépens,  dommages  &  intérêts.  A  la 
charge  que  ces  Préfentes  feront  enregiftrées  rout  au  long  fur  le  Re- 
giihe  de  la  Communauté  des  Imprimeurs  &  Libraires  de  Paris,  dans 
trois  mois  de  la  date  d'icelles  ^  que  rimprenioîi  defdits  Ouvrages 
fera  faite  dans  notre  Royaume  ,  &  non  ailleurs  _,  en  bon  papier  ôc 
beaux  caradteres  ,  conformément  aux  Règlements  de  la  Librairie  j 
qu'avant  de  les  expofer  en  vente  ,  les  manufcrits  ou  imprimés  qui 
auront  lervi  de  copie  à  l'nnprelîion  défaits  Ouvrages ,  feront  remis 
es  mains  de  notre  rrèscher  îk  féal  Chevalier,  le  Sieur  d'Agu  esse  au  , 
Chancelier  de  France,  Commandeur  de  nos  Ordres;  Se  qu'il  en 
fera  enfuite  remis  deux  exemplaires  dans  notre  Bibliothèque  publi- 
que ,  un  dans  celle  de  notre  Château  du  Louvre  ,  &  un  dans  celle 
de  norredit  très  cher  &  féal  Chevalier  le  heur  d'AcuesseaUj  Chan- 
celier de  France^  le  tout  à  peine  de  nullité  des  Préfentes.  Du  con- 
tenu defquelles  vous  mandons  &  enjoignons  de  faire  jouir  lefdits 
Expofants  &  leurs  ayants  caufe  ,  pleinement  &  pailiblement ,  fans 
foufFrir  qu'il  leur  foit  fait  aucun  trouble  ou  empêchement.  Vou- 
lons que  la  copie  des  Préfentes ,  qui  fera  imprimée  tout  au  long  au 
commencement  ou  à  la  fin  defdits  Ouvrages  ,  foit  tenue  pour  due- 
menc  fignifiée,  &  qu'aux  copies  coUationnées  par  l'un  de  nos  amés 
féaux  Confeillers  &  Secrétaires,  foi  foit  ajoutée  comme  à  l'origi- 
nal. Commandons  au  premier  notre  Huiflîer  ou  Sergent  fur  ce  re- 
quis de  faire  pour  l'exécution  d  icelles  tous  aftes  requis  &  nécef- 
faires,  fans  demander  autre  permiffion  ,  &  nonobftaiu  clameur  de 
haro  ,  charte  Normande  ,  &  lettres  à  ce  contraires  :  Car  tel  eft  notre 
plaifir.  Donné  à  Paris,  le  dix-neuvieme  jour  du  mois  de  Février, 
l'an  de  grâce  mil  fept  cent  cinquanre  ,  Se  de  notre  règne  le  trente- 
cinquième.  Parle  Roi  en  fon  Confeil.  MOL. 

Regiflrèfur  le  regiflre  XII  de  la  Chambre  Royale  &  Syndicale  des  Libraires  & 
'Imprimeurs  de  Paris ,  N",  4^0,  fol.  303,  confarmément  au  Règlement  de  171J, 
gui  fait  defenfes,  an.  4,  i  toutes  perfonnes  de  quelque  qualité  &  condition  qu  elles 
/oient,  autres  que  les  Libraires  &  Imprimeurs  ,  de  vendre,  débiter  ,  ^  faire  affl' 
cher  aucuns  livres  pour  les  vendre  ,  foit  qu'ils  s'en  difent  les  Auteurs ,  ou  autre' 
ment  ,  à  la  charge  de  fournir  à  la  fufditc  Chambre  huit  exemplaires  de  chacun  , 
prefcritspar  l'article  laS  du  même  RégUment.  A  Paris,  le  5  Juin  îyjo. 

LE  GRAS,  Syndic, 


H/5T 
5-ci 

COLC 


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