Skip to main content

Full text of "Voyage en France"

See other formats


Ardodin-Dumâzeî 


* 


MRiS 

3ERGIR-LE7RAULT  ET  C"' 


sës^ 


A ®      "N^,    ... 


MJrf^i^yrof 


'^^i   '  ^f-Ztwracf^^^  CTxfurJuÀ'C- 


»    •*'■'  y  ..   y., 


'  yirtegtnrt  J-       s^ 


'îeâumor. 


.# 


~  ■■»     Co/o^ytf       ■-,  ^ 


Gariuitan 


Murel^^^L  '    0s.2è2^^*^^ 


.-'•-1  '         DTV     '         fA^^         ** 

Carte  d'orientation.  —  Extrait  de  la  carte  cantonaJ 


,Tr        Oi^aÂin,>\       yiur-i^iai>Q      .Q*'^^^J  -  \      /       : 


Ce^A- 


^*.»-:i 


COtîÛIR  lîIOIAl  D'ESCOMPTE 


DE      PARIS 


Société  Anonyme,  Capital  150  millions  de  francs 
entièrement    versés 


SIÈGE  SOCIAL  :  14,  rue  Bergère  |   SUCCURSALK  :  2,  place  de  l'Opéra 


Président  du  Conseil  d'Administration:  M.  MERCET,  o.  ^ 
Directeur  général,  Administrateur:    M.  Alexis  ROSTAND, O.iJ^ 


OPERATIONS    DU    COMPTOIR    NATIONAL 

Escompte 

Le  Comptoir  National  escompte  le  papier  de  commerce  sur 
Paris,  la  Province  et  l'Etranger. 

Le  Comptoir  Natioî^al  est  le  seul  Etablissement  français  qui 
ait  des  Agences  aux  Indes  Anglaises,  en  Australie,  en  Améri({ue, 
à  Madagascar,  et  qui  puisse  délivrer,  pour  ces  contrées,  des  lettre.- 
de  crédit  ou  de  recommandation  auprès  de  ses  propres  Agence.=;. 
Il  a  aussi  des  Succursales  dans  les  principales  villes  de  France, 
ainsi  qu'à    Londres,    Liverpool,  Manchester  (Voir  page  4). 

Recouvrements 

Le  Comptoir  National  se  charge  de  l'encaissçment  des  effets 
sur  Paris,  la  France,  les  Colonies  et  l'Etranger,  à  des  conditions 
qui  sont  déterminées  dans  un  tarif  adressé  à  toute  personne  qui 
en  fait  la  demande. 

Dépôts  à  Vue 

Le  Comptoir  National  reçoit  en  compte  de  dépôt,  des  fonds 
qui  sont  constamment  à  la  disposition  des  déposants.  Il  leur 
en  sert  un  intérêt  actuellement  fixé  à  3>2  %•  Un  carnet  de  chèques 
est  délivré,  sur  sa  demande,   à  chaque  titulaire  de  compte. 

Dépôts  à  Écliéance  fixe 

Le  Comptoir  National  reçoit  des  fonds  à  échéance  fixe.  L'intérêt 
de  ces   dépôts   est  actuellement  fixé  : 

De  6  mois  jusqu'à!  an,   2  %       - 1    De  18  mois  jusqu'à  2  ans  3  % 
De  1  an  jusqu'à  18  mois  21/2  %    |    A  2  ans  et  au  delà,    .     3  1/2  % 

Les  bons  sont  à  ordre  ou  au  porteur,  au  choix  du  Déposant. 
Les  intérêts  sont  représentés  par  des  Bons  d'intérêts  également  à 
ordre  ou  au  porteur,  payables  semestriellement  ou  annuellement, 
suivant  les  convenances  du  Déposant. 


Renseignements  sur  les  Valeurs 

Le  Comptoir  National  possède  un  service  d'Etudes  financières 
chargéspécialement  d'étudier  toutes  les  affaires  industrielles,  com- 
merciales et  iinancières,  françaises  et  étrangères,  cotées  et  non 
cotées,  qui  peuvent  attirer  l'attention  des  clients  du  Comptoir  Na- 
tional qui  sont  ainsi  constamment  renseignés  sur  l'origine  et  la 
marche  des  affaires  qui  les  intéressent. 


_   2  — 

Avances  sur  Titres 

Le  Comptoir  National  consent  des  avances  sur  les  Rentes 
Françaises  et  Etrangères,  sur  les  Obligations  de  Chemins  de  fer, 
les  valeurs  émises  par  l'État,  les  villes,  les  départements,  etc. 

Délivrance  de  Chèques,  Envois  de  Fonds 

Le  Comptoir  National  délivre,  contre  provision  préalable,  des 
chèques  ou  des  mandats  sur  la  France  ou  l'Etranger. 

Il  se  charge  de  transmettre  des  ordres  de  paiement  par  corres- 
pondance et  par  télégraphe. 

Prêts  Hypothécaires  Maritimes 

Le  Comptoir  National  a  organisé  un  service  spécial  pour  les 
prêts  hypothécaires  sur  navires  français  ou  francisés.  Les  demandes 
de  prêt  peuvent  être  adressées  indifféremment,  au  Siège  social,  ou 
à  l'une  quelconque  des  Agences  du  Comptoir  National,  en  France 
ou  à  l'Etranger. 

Location  de  Coffres-Forts 

Le  Comptoir  National  met  à  la  disposition  du  public,  pour  la 
garde  des  valeurs,  papiers,  bijoux,  etc.,  des  coffres-forts  entiers 
ou  des  compartiments  de  coffres-forts,  au  Siège  social,  14,  rue 
Dergère,  à  la  Succursale,  2,  place  de  l'Opéra,  à  l'Agence  A^  147^ 
boulevard  Saint-Germain,  et  dans  les  principales  Agences. 


TARIF    DE    LOCATION 


MODELES 


N»  1 

N«3 

N«  3 

N°4 j 

iCoffre-fortentier 


DlMExNSIONS 

Hauteur  Largeur  Profond. 


0-25 
0-65 

2-25 


0-25 
0-65 
0-65 

1-30 


0-50 
0-50 
0"55 

0-50 


PRIX 


Un  Mois 


Trois 

Mois 


100 


Six  Mois    Un  An 


25  » 
40  » 
50    » 


40 

60 

100 

400 


Une  clef  spéciale  unique  est  remise  à  chaque  locataire.  —  La 
combinaison  est  faite  et  changée  à  son  gré  par  le  locataire.  —  Le 
locataire  peut  seul  ouvrir  son  coffre. 

Une  serre  spéciale  est  affectée  aux  caisses,  malles,  etc.,  pouvant 
contenir  de  l'argenterie,  des  objets  précieux,  dentelles,  etc. 

Villes  d'Eaux,  Stations  Balnéaires 

Le  Comptoir  National  a  des  Agences  dans  les  principales  Villes 
d'Eaux  :  Nice,  Cannes,  Vichy,  Dieppe,  TrouviUe-Deauville,  Dax, 
Royat,  leMont-Dore,  Bagnères-de-Luchon  ;  de  sorte  que  les  Etran- 
gers, les  Touristes,  des  Baigneurs  peuvent  continuer  à  s'occuper 
d'^iiffaires  y)endant  leur  villégiature.  , 

Un  service  d'informations  télégraphiques  les  tient  continuellement 
aw  courant  des  nouvelles  politiques  et  financières. 


—  8  — 
Ordres  de  Bours* 


Le  Comptoir  National  se  charge  d'exécuter  gratuitement,  c'est- 
à-dire  sur  simple  remboursemenl  des  frais  réclamés  par  les  Agents 
de  change,  les  ordres  de  Bourse  que  ses  clients  lui  adressent  et 
dont  la  couverture  lui  est  faite.  Il  se  charge  de  l'exécution  des  ordres 
d'achats  et  de  ventes  sur  toutes  les  autres  places  en  France  et  à 
l'Etranger,  moyennant  commission  et  frais  ae  transport  dés  titres. 


Valeurs  de  Placement 

Le  Comptoir  National  délivre  sur  simple  demande  ei  sans  aucuiis 
frais  des  Obligations  des  Chemins  de  fer  de  Paris-Lyon-Méditer- 
ranée, de  l'Est,  d'Oi-léans,  du  Midi,  aux  mêmes  cours  que  ceux 
auxquels  les  délivrent  les  Compagnies  elles-mêmes. 

Il  délivre  immédiatement  à  ses  guichets  les  Obligations  Ville  de 
Paris,  du  Crédit  Foncier,  etc. 


Dépôt  de  Titres 

Le  Comptoir  National  reçoit  en  dépôt  les  titres  de  toute  nature, 
français  ou  étrangers,  nominatifs  ou  au  porteur,  contre  un  très 
modique  droit  de  garde.  Les  Actions  et  Parts  de  Fondateur  du 
Comptoir  National  sont  exemptées  du  droit  de  garde. 

Les  titres  déposés  au  Comptoir  National  peuvent  être  retirés 
de  2  heures  à  4  heures,  le  jour  même  de  la  demande    du  retrait. 


Dépôts  de  Titres  dans  les  Agences 

Le  Comptoir  National  reçoit  également  en  dépôt  dans  ses 
Agences  Etrangères,  à  Londres  notamment^  les  titres  et  valeurs 
qu'on  peut  avoir  hors  de  France.  —  Les  Agences,  organisées  pour 
recevoir  les  dépots  de  titres,  encaissent  les  coupons,  dont  le  montant 
est  payé,  sur  la  demande  des  déposants,  dans  l'un  des  sièges  du 
Comptoir  National,  en  France  ou  à  l'Etranger. 


Garanties 
contre  les  Risques  de  Remboursement  des  Titres  au  pair 

IjC  Comptoir  National  se  charge  de  garantir  contre  les  risques 
de  remboursemenl,  les  titres  cotés  au-dessus  du  pair.  Une  Notice 
contenant  les  différentes  natures  de  valeurs  auxquelles  le  Comptoir 
National  peut  donner  cette  garantie  est  envoyée  sur   demande. 


Lettres  de  Crédit  pour  Voyages 

Le  Comptoir  National  délivre  des  lettres  de  crédit  sur  tous  pays, 
ainsi  que  des  lettres  de  crédit  circulaires  payables  dans  le  monde  entier. 

Le  Comptoir  National  a  organisé  à  sa  Succursale,  2,  place  de 
l'Opéra  (rez-de-chaussée),  un  service  spécial  pour  les  Voyageurs 
et  le  paiement  des  lettres  de  crédit  émises  sur  ses  Caisses  (salons 
de  lecture  et  de  correspondance,  service  de  réception  des  lettres  des 
accréd  tés,  cabine  téléphonique,  boîte  postale,  etc.). 


SUCCURSALi:,    BUREAUX    &   AGENCES 

SUCCURSALE  :  2,  place  de  l'Opéra,  Paris. 


Bureaux  de 

A  -  Boulevard  St-Germain,  147 
B  -  Rue  (le  Rivoli,  108 
C  -  Quai  (le  la  Kapée,  2 
D  -  Rue  Rambuleau,  11 
E  -  Rueïurbigo,  16 
F  -  Place  de  la  République,  2i 
G  -  Rue  de  Flandre,  24 
H  -  Rue  du  4-SepleQibre,  2. 
I  -  Boulevard  Mag^enta,  84 
K  -  Bout.  Richard-Lenoir,  0  2 
L  -  Rue  de  Clichy,  86 


Quartier  dans  Paris  ^ 

M  -  Av.  Kléber  (Passy),  87 

N  -  Ave'.iue  Mac-Mahon,  :^5 

0  -  Boul.  Montparnasse,  71 

p  -  Faubourg  St-Anloine,  27 

R  -  Boulevard  Saint-Michel,  53 

S  -  Rue  Pascal,  2 

T  -  Avenue  de  Villiers,  1 

U  -  Avenue  des  Champs-Elysées,  40 

V  -  Avenue  d'Orléans,  85 
X  -  Rue  du  Commerce,  69  (Grenelle  > 

Y  -  Faubourg  Saiot-Honoré,  124 


Bureaux  de  Banlieue 

Enghien-les-Bains,47, Grande-Rue  1  Levallois-Perret,3,  Place  de  la  République 
ASNIÈRES,  8,  rue  de  Paris  [  Charenton,  50,  rue  de  Paris 

Neuilly-sur-Seine,  92,  Avenue  de  Neuilly. 


Agences 

en  France 

Abbeville 

Castres 

Issoire 

Périgueux 

Agen 

Cavaillon 

Jarnac 

Perpignan 

Aix-en-Provence 

Celle 

Lézignan 

Reims 

Alais 

Chagny 

Libourue 

Remiremoiil 

Amiens 

Chalon-s-Saône 

Lille 

Roanne 

Angoulême 

Cliâleaurenard 

Limoges 

Roubaix 

Arles 

Clermonl-Ferrand 

Lyon 

Rouen 

Avignon 

Cognac 

Maoosque 

Royat 

Bagnères-dc-Liuiion 

Condé-s-Nûireau 

Mans  (lei 

Sainl-Cliamoiid 

Bagnols-s-Cèze 

Dax 

Marseille 

Saint-Dié 

Beau  Caire 

Dieppe 

Mazamel 

Saint-Elienne 

Beaune 

Dijon 

Mont-de--Mar>;\n 

Salon 

Belfort 

Dunkerque 

Mont-Doie  (li't 

Toulouse 

Bergerac 

Elbeuf 

Montpellier 

Tourcoing 

Béziers 

Epinal 

Nancy 

Trouville-Deauville 

Bordeaux 

Ferlé-Macé  (la) 

Nantes 

Vichy 

Bourboule  (la» 

Firminy 

Narbonne 

Villefranche-s-Saône 

Gaen 

Fiers 

Nice 

Villeneuve-s-Lot 

Calais 

Fray 

Nimes 

Vire 

Cannes 

Havre  (le) 

Orange 

Carcassonne 

Hazebrouck 

Orléans 

Agences  à 

l'Étranger 

Londres 

Melbourne 

Tunis 

Majunga 

Liverpool 

Sydney 

Sousse 

Tamatavt 

Manchester 

Bombay 
Calcutta 

San-Francisco 
New-Orléans 

Sfax 

Gabès 

Tanger 

Tananarivi 
Diégo-Suarcï 

Parla.  -  Iiop.  C  LAMY.  4«i.  •-'  <U  U  GhapeU*.  U113 


Ardouin-Dumazet 


31«me  Série 


Monség, 


/ssigeacp 
Duras      .  Fyjmet^-^i 
-ràil:^^i§^y^astlllônn  es 

'èréal 


AGEN  Aïs 
LOMAGNE 

Bas-Quergy 


laRéble  LauzunO   '^'.      vMréal  ^ 


Je/3s\r3stelmoron^  ^p^y^lefleuve  -,stir-tot          Cf^  fl^  § 
dAçenaisS.  ckj^" — *^^v^    o    '-'~^  ^%#«iiwyi*# 

teIjalouK  .o   •ÙsOQarorui.rirnbaut'^  n    ^    P       -^     O       •-/  °     ^  cT^'  ^ 

./.         ^'^  P^mf^^i^^      ^^'"H'^         Lauzertr\''  M^ntpeiat-.  ^  S'ktonm 

IMeracît^  .     ,..'_       H  ^''^^:^3/encej^  ,^4^0       Sl^^     Néqrepelisse 

"française        Q,— i«_CI^^ 

NTAU  BAN 


r^aph 

MézinÀ      }  o    _-';,  , 
-:^-^  Frajicescas  ^^^,".^jy  q 


'#//6w 


*>"^r-'''  6  'v      Castelsàrrasirf 
/-.'-'   j     '  1^  '-cal  m  ira  doux)    oLavit    ^^^  ^'x- v>    ,/,,  <. 

Condorajo       ,-^^Leao,u?e  .^^iSo^^cm^^^^r'"' 

.S?„      G      t&/e/7C<5Ev        ^Ji,  Sv-^        surÔaronnê^:^_'i^Front(Ni~r 

piirancË .'  GnsolIft^Sy  ^ 


Eauze 


1  -1    -,  •;'■        Mfleurance,' 

PARIS 


Bei\gei\-Lev^ault   &  C^\   Éditeurs 


Voyage  en  France 


OUVRAGES  DU   MÊME  AUTEUR 


L'Europe  centrale  et  ses  réseaux  d'Etat.  —  Un  volume  ia-i2.  3  fr.  50  c. 

(Berger-Levraiilt  et  C'".) 

L'Armée  et  la  Flotte  en  1895.  —  Grandes  manœuvres  des  "Vosges.  —  L'expé- 
dition de  Madagascar.  —  Manœuvres  navales.  —  Un  volume  in-12,  avec  nombreuses 
cartes.  5  fr.  (Berger-Levrault  et  C'".) 

L'Armée  et  la  Flotte  en  1894.  —  Manœuvres  navales.  —  Manœuvres  de 
Heauee.  —  Manœuvres  de  forteresse.  —  Un  volume  in-12,  illustrations  de  Paul 
LÉONNEC,  nombreux  croquis  et  cartes.  5  fr.  (Berger-Levrault  et  C'».) 

L'Armée  navale  en  1893.  —  L'Escadre  russe  en  Provence.  —  La  Défense 

de  la  Corse.  —  Un  volume  in-12,    avec   27  croquis  ou  vues  et   une   carte   de  la 
Corse.  5  fr.  (Berger-Levrault  et  C'«.) 
Au    Régiment  —  En  Escadre.  —  Préface  de  M.  Mézières,  de  l'Académie  fran- 
çaise. 1894.  Un  volume  grand  in-8,  avec  350  photographies  instantanées  de  M.  Paul 
Gers.  16  fr.  (Berger-Levrault  et  C'«.) 

Le   Colonel    Bourras.  Suivi  du  Rapport  sur  les  Opérations  du 

corps  franc  des  Vosges   du  colonel  bourras.  1892.  Brochure  in-12,  avec  un 

portrait  et  couvei-ture  illustrée.  (Berger-Levrault  et  C'«.)  Épuisé. 
Le    Nord    de    la    France  en   1789.  —  Flandre.  —  Artois.  —  Hainaut.  —  Un 

volume  in-12.  (Maurice  Dreyfous.) 
La    Frontière    du   Nord   et  les  défenses  belges  de  la  Meuse.  —  Un  volume  in-8. 

(Beaudoin.) 
Une    Armée    dans    les    neiges,    journal    d'un  volontaire   du   corps  franc  des 

Vosges.  —  Un  volume  in-8  illustré.  (Rouam.) 
Études  algériennes.  —  Un  volume  in-8.  (Guillaumin  et  C'«.) 

Les  Grandes  Manœuvres  de  1882  à  1892.  —  Un  volume  in-12  par  année. 

(Baudoin  et  Rouam.) 


Voyage  en  France.  Ouvrage  couronné  par  l'Académie  française  (prix  Montyon 
et  prix  Narcisse  Michaut  en  1901,  décerné  à  l'auteur  du  meilleur  ouvrage  de  littéra- 
ture française),  par  la  Société  des  gens  de  lettres,  par  la  Société  de  géographie  de 
Paris  et  par  la  Société  de  géographie  commerciale.  Série  d'élégants  volumes  in-12, 
avec  cartes  et  croquis  dans  le  texte,  brochés  à  3  fr.SOc.  et  reliés  en  percaline  à  4  fr. 

1"  SÉRIE  :  Le  Morvan,   le  Val  de  Loire 

et  le  Perche. 
2"  SÉRIE  :  Des  Alpes  mancelles  à  la  Loire 

maritime. 
3«  SÉRIE    :     Les     Iles     de    l'Atlantique  : 

I.  D'Areachon  (île   aux   Oiseaux)  à 
Belle-Isle. 

4"  SÉRIE    :    Les    Iles     de     l'Atlantique  : 

II.  D'Hoëdie  à  Ouessant. 
5«  SÉRIE    :     Les    Iles     françaises    de    la 

Manche  ;  Bret:igne  péninsulaire. 
6'  SÉRIE  :  Normandie   (sauf  le   pays   de 

Bray  et  Dieppe). 
7»  SÉRIE  :  Région  lyonnaise,  Lyon,  monts 

du  Lyonnais  et  du  Forez. 
8«  SÉRIE  :  Le  Rliône  du  Léman  à  la  mer, 
Dombes,  Valromey   et  Bugey,   Bas- 
Dauphiné,  Savoie  rhodanienne,  La 
Camargue. 
9"  SÉRIE  :  Bas-Dauphiné  :  Viennois,  Grai- 
sivaudan,  Oisans,  Diois   et  Valenti- 
nois. 
10°  SÉRIE  :   Les  Alpes  du  Léman  à  la  Du- 

rance.  Nos  chasseurs  alpins. 
11"  SÉRIE  :  Forez,  Vivarais   septentrional, 

Tricastin  et  Comtat-Venaissin. 
12»  SÉRIE  :   Alpes   de   Provence  et  Alpes 
Maritimes. 


13"  SÉRIE  :  La  Provence  maritime. 

14"  SÉRIE  :  La  Corse. 

15"  SÉRIE  :    Les    Charentes    et   la   Plaine 

poitevine. 
16"  SÉRIE  :  De  Vendée  en  Beauce. 
17"  SÉRIE  :    Littoral    du    pays    de    Caux, 

Vexin,  Basse-Picardie. 
18"  SÉRIE  :   Région  du  Nord  :  I.  Flandre 

et  littoral  du  Nord. 
19"  SÉRIE  :   Région   du  Nord  :   II.  Artois, 

Cambrésis  et  Hainaut. 
20"  SÉRIE  :    Haute -Picardie,    Champagne 

rémoise  et  Ardennes. 
21"  SÉRIE  :  Haute-Champagne,  Bassc-Lor- 


22"  SÉRIE 
23"  SÉRIE 
24"  SÉRIE 
25"  SÉRIE 
26"  SÉRIE 
27"  SÉRIE 


Plateau  lorrain  et  Vosges. 
Plaine  comtoise  et  Jura. 
Haute-Boui-gogne. 
Basse-Bourgogne  et  Sénonais. 
Berry  et  Poitou  oriental. 
Bourbonnais,  Haute-Marche. 
28"  SÉRIE  :  Limousin. 
29"  SÉRIE  :  Bordelais  et  Périgord. 
30"  SÉRIE  :  Gascogne. 
31"  SÉRIE    :    Agenais ,    Lom^gne    et    Bas- 

Quercy. 
32"  Série:  Haut-Quercy, Haute- Auvergne. 
33"  SÉRIE  :  Basse-Auvergne. 
Sous   presse  :    34"  Série  :    Velay,  Vivarais   méridional,  Gévaudan.  —  35»  Série  : 
Rouergue   et   Albigeois.  —   36"  Série  :    Les    Céveunes  méridionales.  —   37°   SÉRIE  :    Le 
golfe  du  Lion.  —  38"  Série  :  Haut-Languedoc. 

En  préparation  :   39"  Série  :  Pyrénées,  partie  orientale.  —   40"  Série  :  Pyrénées, 
partie  occidentale.  —  41"  Série  et  suivantes  :  Paris  et  l'Ile-de-France. 

Le  prospectus  détaillé  de  la  collection  est  envoyé  sur  demande. 


V 


ARDOUIN  -  DUM  AZET 


Voyage  en  France 

31=  SÉRIE 

Agenais  —  Lomagne  —  Bas=Quercy 


AGENAIS  LOMAGNE  GAURE 

FEZENZAGUET    FEZENSAC    EAUZAN    CONDOMOIS 

BAS-QUERCY    RIVIERE-VERDUN 

(Déparlements  de  Lot-et-Garonne  et  de  Tarn-et-Garonne^ 

nord  du  déparlement  du  Gers,  sud  du  département  du  Lotj 

parties  de  la  Gironde  et  de  la  Haute-Garonne.) 


Avec  22  cartes  ou  croquis 


BERGER-LEVRAULT   &   G^    ÉDITEURS 


PARIS 


O,    EUE    DES    BEAUX-ARTS 


NANCY 

18,     RUE     DBS     QLAC] 

1903 

Tous  droite  réservés 


9 


CARTE  D'ENSEMBLE  DE  LA  31^  SERIE 

Série 

Issigeacp 


Dura 

aRé'ole  ^<3i//J/7  0    ^:.      V^/^real  J2f 

Seyches  ,■.,,■■.■' M.onflannuin^  ^  ^ 


'r\/~T\  "''Casûllônnès 


Série 


7.0/?f/<î/7ai///iv 

^    ^oy     .'■■■        o     ck  \v 


imogne 
S         O  "■■ 


'Prâyssa's^^ 


^    r^n/i    ^    L3I berlue 


Houilles  ^     ^Lavardac^Œjc-^On--"  ■    i  <    /y.^o.^/ ^^^Ç>fi  ^  ^^-.^ 


refisse 


-d  miradoux) 


Francsscas  ^^W(°J^^' 
Eauze 


lÔNTAUBAN 


to^  ^'<^^iixS'(^^^i.^^/^^^ 


Nogppof^ . .  Vicjezëas'àc-.j- q' ""■ 
Jegun 


Wleurance; 


'^       AlGnàli 


-•'^•'•OCo/o^.e    S^' 


30?     Série 


Jou5  /es  croquis  sans  indications  spéciales  compris  dans  ce  volume 
sont  extraits  de  la  carte  d'état-major  au  ilSoooo^. 


VOYAGE  EN  FRANGE 


LA    PLAIAE    DE    LA    GARONNE 


En  amont  de  La  Réole.  —  La  plaine  de  Garonne.  —  Meilhan.  — 
Le  sorgho  à  balai.  —  Les  gavaches  de  Sainte-Bazeille.  — 
Marmande.  —  Une  affiche  électorale.  —  Le  Mas-d'Agenais.  — 
Tonneins  et  la  culture  du  tabac.  —  Comment  on  prépare  le  sol . 
—  Formantes  administratives.  —  La  récolte  et  le  manocage. 


Marmande.  Juin. 

La  Réole  '  est  comme  une  porte  barrant  ou 
assurant  le  passage  entre  deux  contrées  fort  dis- 
tinctes. Depuis  Bordeaux,  on  a  suivi  la  Garonne 
au  sein  d'une  vallée  bien  dessinée  et,  tout  à  coup, 
on  voit  les  collines  riveraines  s'écarter  :  la  vallée 
se  fait  plaine,  large,  verte,  plantureuse  ;  le  fleuve 
y  déroule  en  méandres   ses  ondes   rapides   et 


I.  ag»  série  du  Voyage  en  France,  chapitre  XIL 

VOYAGE  EN  FRANCE.  XXXI. 


2  VOYAGE    EN    FRANGE. 

claires.  Il  est  de  plus  beaux  cadres  pour  un 
grand  cours  d'eau,  il  n'est  guère  de  campagnes 
aussi  somptueuses.  Jusqu'au  delà  d'Agen,  sur 
près  de  loooob  hectares,  cette  large  bande  de 
fécondes  terres  alluviales  présente  un  des  plus 
opulents  tableaux  rustiques  que  puisse  offrir 
notre  pays. 

La  Garonne  frôle  rarement  la  base  des  col- 
lines :  quand  une  de  ses  boucles  vient  y  toucher 
elle  ne  s'attarde  pas,  aussitôt  le  large  courant 
revient  au  milieu  de  la  plaine.  Ainsi  le  fleuve 
vient  heurter  la  côte  abrupte  qui  porte  Meilhan, 
petite  bourgade  dominée  par  des  ruines  féodales. 
Si  la  colline  est  peu  élevée,  la  pente  est  si  raide 
que  le  paysage  prend  de  la  grandeur.  «  Qui  voit 
Meilhan  n'est  pas  dedans  »,  disait  un  proverbe, 
par  allusion  à  la  puissance  de  la  forteresse. 

Le  canal  latéral  est  établi  sur  la  berge  même 
de  la  Garonne.  Le  bourg  domine  donc  à  la  fois 
le  cours  d'eau  déserté  par  la  navigation  —  sauf  à 
la  descente  —  et  la  voie  artificielle  revenue  à  la 
vie  depuis  que  l'État,  en  reprenant  l'exploita- 
tion, a  supprimé  les  taxes  de  péage.  Un  brusque 
méandre  enserre  les  campagnes  du  bourg  de 
Jusix,  fameuses  pour  leur  fertiUté  dans  ce  pays 
si  fertile.  Champs  de  tabac,  de  maïs,  de  sorgho 
à  balais,   prairies   pacagées   par  un  admirable 


LA    PLAINE    DE    LA    GARONNE.  3 

bétail  de  race  garonnaise  sont  un  perpétuel  en- 
chantement pour  le  promeneur  épris  des  choses 
rustiques. 


Échelle  au  ijS'iOOOO' 


Peu  de  villages  au  bord  de  la  Garonne,  dont 
les  fureurs  ont  trop  souvent  amené  des  ruines  ; 
les  habitations  sont  plus  nombreuses  sur  les  hau- 
teurs. Là,  sans  inquiétude,  de  johs  centres  con- 


4  VOYAGE  EN  FRANCE. 

templent  le  sinueux  ruban  des  eaux  étincelantes 
tracé  au  milieu  des  vertes  campagnes.  L'un 
d'eux,  Marcellus,  dont  le  château  a  grand  carac- 
tère, possède  une  petite  industrie  inattendue  en 
un  tel  milieu  :  on  y  fait  des  boutons  de  nacre. 

Un  pont  franchit  le  fleuve  au  village  de  Cou- 
thures,  entouré  de  champs  de  sorgho.  Les  tiges 
et  les  panicules  sont  utilisés  sur  place  à  la  fabri- 
cation des  balais,  industrie  fort  active  aux  bords 
de  la  Garonne  '.  La  route  va  rejoindre  à  Sainte- 
Bazeilles  les  voies  maîtresses  de  la  vallée  :  che- 
min de  fer  de  Cette  et  chaussée  de  Toulouse. 

Le  bourg  où  se  fait  la  jonction  est  fort  heu- 
reusement situé,  dans  la  plaine  de  cultures 
coupées  de  joualles  et  dominée  par  des  pentes 
couvertes  de  vignes.  Une  flèche  dentelée  s'élance 
au-dessus  du  clocher  de  l'église,  charmant  édi- 
fice de  la  Renaissance.  L'humble  ville  ne  touche 
pas  à  la  Garonne,  mais  un  ruisseau  la  borde, 
fait  de  sources,  qui  sont  peut-être  dues  à  des 
infiltrations  ;  il  porte  ensuite  ses  vives  eaux  à  la 
petite  rivière  descendue  des  collines  de  Cambes 
et  de  Puisserampion,  couvertes  de  vergers  de 
pruniers. 

Sainte-Bazeille,  appelée  aussi  Sainte-Bazeille- 


Voyez  pages  i8o  et  suivantes  (Grisolles). 


LA    PLAINE    DE    LA    GARONNE.  O 

en-Bazadais,  appartenait  à  la  région  gasconne 
de  Bazas,  Très  vieille  ville,  elle  fut  ruinée  parles 
guerres  et  les  épidémies.  Dans  les  premières  an- 
nées du  XVI*  siècle,  le  roi  de  Navarre,  seigneur 
d'Albret,  la  repeupla  avec  le  reste  du  pays  gui 
lui  appartenait  jusgu'au  Drot,  en  faisant  appel 
à  des  colons  du  nord  :  Saintongeais,  Poitevins, 
Angevins.  Ces  nouveaux  venus,  dont  l'allure  et 
le  langage  à'oil  ressemblaient  si  peu  à  ceux  des 
Gascons  plus  petits,  plus  vifs  et  gais,  reçurent 
des  populations  méridionales  le  nom  de  gava- 
ches.  Le  nombre  en  fut  considérable,  puisgue, 
du  Drot  à  la  Dordogne,  toute  une  région,  dont  le 
centre  paraît  être  Gastelmoron-sur-Drot,  a  reçu 
le  nom  fort  expressif  de  Gavacherie.  Même  au- 
jourd'hui, après  cing  siècles,  les  gavaches  ont 
gardé  leur  accent  traînant  et  une  partie  des 
expressions  des  pays  à'oil.  Ils  ne  se  sont  pas 
mêlés  à  leurs  voisins,  on  les  reconnaît  à  leur  sta- 
ture plus  forte,  leurs  traits  plus  lymphatigues, 
leurs  cheveux  lisses  ;  les  femmes,  les  jeunes 
filles  surtout,  n'ont  plus  la  joliesse  et  les  yeux 
vifs  des  Gasconnes  et  des  Agenaises. 

La  ville  principale  de  la  vallée,  Marmande, 
n'a  pas  été  peuplée  par  cet  élément,  car  elle 
n'appartenait  pas  à  l'Albret  ;  comme  le  reste  de 
la  Guyenne,  elle  était  à  la  Couronne  depuis  l'ex- 


6  VOYAGE    EN    FRANCE. 

pulsion  des  Anglais.  Un  des  rois  d'Angleterre, 
Richard  Cœur  de  Lion,  la  fonda  sur  l'emplace- 
ment d'une  ville  détruite  ;  c'est  une  bastide 
comme  tant  d'autres  cités  de  la  contrée,  mais 
elle  n'a  gardé  l'aspect  régulier  de  ces  villes 
neuves  que  dans  sa  partie  orientale  ;  ailleurs,  elle 
s'est  agrandie  avec  moins  de  géométrie  et  a  fini 
par  remplir  un  demi-cercle  dans  une  ceinture 
de  remparts  aujourd'hui  disparus;  en  i8i4j  ces 
murs  jouèrent  un  rôle  dans  la  lutte  contre  l'ar- 
mée de  Wellington.  Huit  cents  soldats  qui 
avaient  perdu  leurs  régiments  s'y  groupèrent  et, 
malgré  la  restauration  de  Louis  XVIII,  y  tinrent 
pendant  un  mois  contre  une  division  anglaise. 

Les  murailles  qui  permirent  cette  résistance 
héroïque  et  désespérée  sont  tombées  ;  sur  leur 
emplacement  est  un  large  boulevard  où  les  cafés 
et  les  hôtels  mettent  beaucoup  d'animation,  aux 
abords  de  la  gare  surtout.  La  démolition  a 
donné  de  l'air  à  cette  vieille  cité,  jadis  habitée 
par  une  bourgeoisie  opulente.  Ces  promenades 
et  les  deux  rues  principales,  se  coupant  en  croix, 
sont  plus  vivantes  qu'on  ne  le  supposerait 
d'après  le  chiffre  de  la  population  :  7  000  âmes  à 
peine  dans  l'agglomération  \  ^^lais  les  autres  voies 


I.  La  commune  comprend  9878  habitants. 


LA    PLAINE    DE    LA    GARONNE.  7 

sont  étroites  et  mal  alignées,  malgré  la  régula- 
rité du  plan  ;  les  maisons  sont  en  pauvres  maté- 
riaux. 

L'église,  en  dépit  des  mutilations,  est  un  inté- 
ressant édifice  dont  certaines  parties  remontent 
au  xn'  siècle.  Le  cloître,  de  la  Renaissance, 
doit  son  charme  à  sa  dégradation  même  ;  ses 
arceaux,  supportés  par  des  pilastres  à  chapi- 
teaux, ont  été  envahis  par  la  végétation  arbus- 
tive.  Il  ouvre  sur  une  terrasse  plantée  d'arbres 
et  dominant  la  vallée  verdoyante.  Lorsque  Mar- 
mande  fut  rebâtie  par  les  Anglais,  la  Garonne 
baignait  le  pied  de  cette  terrasse  et  formait  ainsi 
le  fossé  de  la  place.  Le  fleuve  s'est  éloigné  dans 
la  plaine  et  décrit  une  grande  courbe  pour 
venir  toucher  encore  un  angle  de  la  ville,  avant 
de  reprendre  son  cours  solitaire  entre  les  sau- 
laies et  les  prés  :  c'est  là  que  le  pont  suspendu 
a  été  jeté.  L'ancien  lit  du  fleuve  est  oblitéré, 
mais  un  petit  affluent,  le  Trec,  s'est  tracé  un 
sillon  dans  ces  terres  alluviales  et  remplace  la 
Garonne  au-dessous  de  Marmande  où  il  finit. 
Cette  rivière  est  fort  poissonneuse,  à  en  juger 
par  le  nombre  de  pêcheurs  qui  la  bordent  au- 
jourd'hui. 

Le  pont  et  l'égHse  constituent  à  peu  près  toute 
la  partie  monumentale  de  la  ville.  La  sous-pré- 


8  VOYAGE  EN  FRANCE. 

fecture  occupe  un  petit  hôtel  précédé  d\ine  cour 
plantée  de  magnolias  et  voisine  d'une  chapelle 
de  la  Renaissance. 

Marmande  est  commerçante.  Une  affiche  élec- 
torale me  donne  une  idée  de  son  activité  écono- 
mique. «  Citoyens,  dit  un  candidat  dont  un  ad- 
versaire a  lacéré  la  signature,  vous  vendez  mal 
vos  vins,  vos  prunes,  votre  blé » 

C'est  tout  ce  qui  reste,  l'auteur  de  la  procla- 
mation devait  sans  doute  promettre  que  les  blés 
de  la  plaine,  les  pruniers  des  collines,  les  beaux 
vignobles  des  aimables  coteaux  de  Beaupuy  et 
de  Virazeil  connaîtraient  une  nouvelle  ère  de 
splendeur  s'il  était  élu.  Il  n'a  pas  abordé  la 
question  des  bouilleurs  de  cru,  sans  doute  parce 
qu'il  y  a  beau  temps  que  l'eau-de-vie  de  Mar- 
mande, jadis  réputée  et  obtenue  surtout  dans  la 
vallée  du  Trec,  ne  se  distille  plus  ou  ne  se  dis- 
tille guère.  Le  trafic  des  fruits  et  primeurs,  celui 
des  prunes  d'Agen,  ont  remplacé  cette  industrie 
rurale. 

En  amont  de  Marmande,  la  plaine  est  couverte 
d'une  multitude  d'habitations  isolées  dépendant 
de  petits  centres  communaux  composés  à  peine 
de  l'église  et  d'une  poignée  de  maisons.  Seul 
Fauillet  a  quelque  apparence  de  bourg,  mais  il 


LA    PL.AJNE    DE    LA    GARONNE.  9 

se  dresse  sur  un  léger  ressaut  de  la  féconde 
plaine  dont  le  ruisseau  du  Tolzat  baigne  le  pied. 
Les  groupes  d'habitations  les  plus  considérables 
sont  demeurés  sur  les  collines  ;  ils  étaient  à  la 
fois  hors  des  atteintes  du  fleuve  en  furie  et  un 
peu  à  l'abri  des  bandes  armées.  Ces  belles  hau- 
teurs, bien  dessinées  et  découpées  sur  la  rive 
droite  en  falaise  régulière,  ont  offert  leurs  escar-  - 
pements  comme  protection  ;  les  cités  riveraines 
de  la  Garonne  sont  nées  plus  tard  et  se  sont 
accrues  à  mesure  que  les  guerres  devenaient 
moins  fréquentes.  Les  Romains  choisirent  pour 
site  d'une  de  leurs  villes  le  plateau  étendu  entre 
l'Avance  et  la  Garonne.  Des  ruines  ont  été  re- 
connues sur  de  vastes  espaces,  près  desquels 
la  mignonne  bourgade  du  Mas-d'Agenais  occupe 
un  bien  étroit  territoire,  entre  le  fleuve  et  une 
forêt  de  chênes.  On  ne  semble  pas  avoir  iden- 
tifié la  cité  romaine,  mais  les  débris  retrouvés  et 
ceux  employés  dans  la  construction  de  l'église 
en  disent  la  splendeur. 

De  cette  terrasse,  la  vue  est  superbe  sur  la 
plaine,  en  ce  moment  jaunissante,  mais  que  je 
vis  en  mai  dans  toute  sa  splendeur.  Les  mois- 
sons sont  coupées  de  joualles  de  vignes  d'un 
aspect  parfois  singulier  ;  en  guise  d'échalas,  on 
se  sert  de  rameaux  de  saules  qui  souvent  émet- 


10  VOYAGE  EN  FRANCE. 

tent  des  pousses  vertes  et  deviennent  un  petit 
arbre  auquel  le  sarment  s'enroule.  Le  labour  est 
fait  par  des  bœufs  d'un  pelage  fauve,  doux  et 
brillant  ;  ces  animaux  accentuent  le  caractère 
rustique  et  paisible  du  tableau. 

A  rautre  extrémité  de  la  plaine,  les  collines, 
plus  mouvementées  et  hautes,  sont  tapissées  de 
vignes  ;  à  leur  pied,  les  pruniers  forment  des 
plantations  régulières,  les  cerisiers  aussi  sont 
nombreux;  beaucoup  de  bosquets  de  petits  ar- 
bres parsèment  ces  campagnes  heureuses.  En 
août,  les  maïs  montrent  leurs  panicules  ;  le  tabac 
aux  grandes  feuilles  d'un  vert  magnifique  couvre 
de  vastes  champs,  auxquels  on  ne  reproche  que 
Talignement  trop  absolu.  L'herbe  à  Nicot,  comme 
on  l'appela  jadis,  est  ici  dans  son  habitat  pré- 
féré, nulle  part  en  France  elle  ne  montre  autant 
de  puissance  de  végétation. 

Le  tabac  est  cultivé  de  longue  date  dans  la  val- 
lée de  la  Garonne,  les  premiers  essais  de  planta- 
tions en  grand  ont  été  faits  autour  de  Tonneins 
et  de  Clairac;  aujourd'hui  encore  ces  deux  villes, 
puis  Aiguillon  et  Port-Sainte-Marie,  sont  au 
centre  des  principales  cultures  ;  mais  on  plante 
partout  le  tabac  sur  les  deux  rives  du  fleuve  et 
du  Lot. 

Tonneins  est  le  cœur  de  cette  production  ;  de 


LA    PLAINE    DE    LA    GARONNE.  Il 

tous  temps,  ses  tabacs  furent  célèbres,  de  bonne 
Iieure  une  manufacture  y  fut  installée  ;  celle-ci 
est  aujourd'hui  une  des  plus  considérables  de 
France,  sans  elle  la  petite  ville  retomberait  à 
l'état  de  pauvre  bourg  ;  une  grande  partie  de  la 
population  y  est  employée,  des  femmes  surtout. 
La  ville  n'a  guère  d'aspect,  sauf  sur  une  prome- 
nade et  au  bord  du  fleuve.  Composée  jadis  de 
deux  cités  jumelles  que  fît  détruire  Louis  XIII, 
elle  a  ressuscité  sur  le  même  plan.  Jusqu'aux 
premières  années  du  siècle,  on  la  disait  com- 
posée de  deux  «  bourgs  ».  Aujourd'hui,  la  fu- 
sion est  faite,  mais  l'aspect  général  reste  celui 
d'une  médiocre  bourgade  ^  Sur  le  fleuve,  la 
ville  couronne  des  falaises  d'un  grès  grossier, 
jaunâtre,  veiné  de  rouge  ;  de  hautes  maisons 
s'étagent  sur  ces  parois  et  constituent  un  en- 
semble assez  pittoresque. 

Le  climat  est  tiède,  si  doux  qu'un  jardin  de 
l'avenue  de  la  gare  présente  au  passant  un  oli- 
vier et  un  myrte  croissant  en  pleine  terre.  Ce 
quartier  n'est  pas  sans  élégance,  il  possède  de 
jolies  constructions. 

Comme  tous  les  centres  de  cette  plaine,  Ton- 


1.  Population  totale  68oa  habitants,  agglomérée  463o  ;  il  y  a 
décadence,  car  on  compta  plus  de  8000  âmes  à  Tonneins. 


12  VOYAGE  EN  FRANCE. 

neiiis  fait  un  grand  commerce  de  prunes  et  de 
pruneaux  ;  elle  fabrique  des  sandales  ou  espa- 
drilles, des  machines  agricoles,  des  poids  et  me- 
sures, mais  sa  principale  industrie  reste  toujours 
le  tabac.  Les  produits  de  sa  manufacture  ont  de 
la  réputation,  au  point  que  la  plupart  des  bu- 
reaux de  tabac  de  la  ville  font  des  expéditions  à 
une  clientèle  du  dehors. 

Autour  de  Tonneins,  de  chaque  côté  du  fleuve, 
les  champs  de  tabac  couvrent  de  grands  espaces, 
ils  seraient  continus  s'il  ne  fallait  assurer  l'asso- 
lement. Cette  plaine  alluviale  n'est  pas  seule- 
ment favorable  au  tabac  par  sa  fertilité,  elle  l'est 
aussi  parce  qu'elle  est  dans  la  zone  du  globe  où 
la  plante  se  plaît  le  mieux  ;  on  a  remarqué  que 
l'espace  compris  entre  le  [\2^  et  le  4^^  degré  de 
latitude  lui  est  le  plus  favorable.  «  Or  cette  zone, 
fait  observer  M.  Heuzé  %  comprend  le  Maryland 
et  la  Virginie,  le  Lot  et  le  Lot-et-Garonne,  con- 
trées où  la  chaleur  est  assez  élevée  pour  que  les 
plantes  puissent  mûrir  avant  les  froids  d'au- 
tomne et  fournir  des  tabacs  corsés  et  ayant  une 
odeur  pénétrante  et  agréable.  »  Des  deux  dé- 
partements, le  Lot  est  celui  qui  donne  les  feuilles 
les  plus  appréciées  ;  le  Lot-et-Garonne  l'emporte 


Les  plantes  indasirielles.  (Librairie  de  la  maison  rustique.) 


LA    PLALNE    DE    LA    GARONNE.  l3 

pour  la  surface  consacrée  à  la  culture.  Celle-ci 
occupe  3419  hectares,  tandis  que  le  Lot  en  a 
2  100  seulement,  mais  les  terrains  propices 
n'existent  dans  le  haut  Quercy  que  sur  le  bord 
des  rivières,  les  plateaux  sont  des  causses 
arides. 

Le  Lot-et-Garonne,  la  vallée  de  la  Garonne 
surtout,  vient  en  tête  des  départements  pour  le 
nombre  d'hectares  en  tabac,  suivi  de  près  par 
la  Dordogne  avec  3  3oo  hectares.  Par  contre  la 
valeur  moyenne  du  quintal  est  de  106  fr.  54  c. 
dans  le  Lot  et  seulement  99  fr.  70  c.  dans  le 
Lot-et-Garonne  ;  à  ce  point  de  vue,  ce  départe- 
ment est  légèrement  dépassé  par  la  Côte-d'Or  et 
le  Nord,  où  le  prix  du  quintal  est  de  100  fr. 

Ces  trois  départements  limitrophes  :  Dordo- 
gne, Lot  et  Lot-et-Garonne,  font  plus  de  tabac 
que  les  vingt  autres  autorisés  à  cette  culture. 
En  1900,  ils  avaient  couvert  ensemble  9819  hec- 
tares et  la  France  entière  17673  hectares.  Si 
l'on  ajoute  à  ces  chiffres  les  i  396  hectares  de  la 
Gironde,  on  voit  que  la  province  de  Guyenne  est 
de  beaucoup  le  plus  grand  pourvoyeur  de  nos 
manufactures  nationales. 

C'est  une  véritable  source  de  bien-être  pour 
les  populations  du  Sud-Ouest.  Sans  le  tabac  et 
la  culture  fruitière,  la  dépopulation,  si  consi- 


l4  VOYAGE    EN    FRANCE. 

dérable  déjà,  serait  autrement  navrante.  Et 
pourtant  elle  est  excessive. 

Mais  le  tabac  est  d'un  excellent  et  sûr  revenu  ; 
aussi,  en  dépit  des  règlements  compliqués  et  sé- 
vères dont  il  est  l'objet,  le  nombre  des  planteurs 
s'accroît-il  sans  cesse. 

Les  habitants  des  contrées  où  cette  culture 
est  inconnue  ne  s'imaginent  guère  une  régle- 
mentation aussi  étroite,  avant-goût  de  ce  que 
donnerait  le  communisme  s'il  était  jamais  appli- 
qué. Il  n'est  peut-être  pas  sans  intérêt  de  si- 
gnaler à  grands  traits  comment  se  fait  une  récolte 
entourée  de  prescriptions  si  minutieuses. 

En  dehors  des  départements  autorisés  d'une 
façon  définitive  ou  à  titre  d'essai  à  planter  du 
tabac,  nul  ne  peut  songer  utiliser  ainsi  son 
terrain.  Encore  le  cultivateur  doit-il  être  fermier 
ou  propriétaire  dans  une  des  communes  dont  le 
préfet  a  fait  publier  la  liste. 

Ceci  n'est  que  le  point  de  départ  : 
Chaque  planteur  ne  peut,  travailler  moins  de 
vingt  ares.  11  est  obligé  de  faire  une  déclaration 
en  produisant  un  certificat  de  solvabilité  ;  il  ne 
cultivera  en  tabac  que  les  pièces  de  terre  dé- 
clarées et  en  couvrira  au  moins  les  quatre  cin- 
quièmes ;  la  récolte  faite,  il  livre  à  la  régie  tout 


LA    PLAINE    DE    LA    GARONNE.  l5 

le  tabac  recueilli  et  cela  dans  un  magasin 
qui  lui  est  indiqué.  Ce  n'est  pas  tout,  le  plan- 
teur doit  autoriser  l'accès  de  son  habitation  : 
maison,  magasin,  séchoir,  aux  employés  do 
la  régie,  depuis  le  lever  jusqu'au  coucher  du 
soleil. 

Des  pénalités  très  sévères  sont  édictées  contre 
ceux  qui  auront  enfreint  ce  règlement.  La  moin- 
dre est  le  retrait  du  permis  de  culture.  Cette 
dernière  mesure  peut  s'appliquer  en  outre  à 
tous  ceux  qui  ont  été  pris  en  fraude  ou  en  con- 
travention, ou  qui,  pendant  trois  années,  auront 
produit  des  tabacs  de  qualités  inférieures.  Par 
là,  on  entend  des  récoltes  dont  le  prix  moyen 
serait  de  lo  p.  loo  au-dessous  du  prix  moyen 
général. 

Ce  n'est  pas  fini,  et  même  on  ne  fait  que  com- 
mencer! Dès  les  ^emis,  le  cultivateur  est  sous  la 
surveillance  de  la  régie  :  l'exposition  des  plan- 
ches, la  façon  de  les  garantir  du  froid,  la  quan- 
tité de  semence,  l'assainissement  du  sol,  tout 
est  soumis  à  l'inspection. 

Enfin,  en  mai  ou  en  juin,  suivant  le  départe- 
ment, on  commence  à  planter,  mais  à  des  dates 
administrativement  fixées  selon  le  climat  :  dans 
le  Lot,  il  faut  avoir  terminé  avant  le  lo  juin, 
dans  le  Lot-et-Garonne  avant  le  25.  Si  la  saison 


l6  VOYAGE  EN  FRANCE. 

a  été  mauvaise,  une  autorisation  du  préfet  est 
nécessaire  pour  prolonger  le  délai. 

On  ne  plante  pas  la  quantité  que  l'on  veut,  le 
nombre  de  pieds  est  rigoureusement  fixé,  et 
cela  varie  fort.  Tandis  que  le  Nord  et  le  Pas-de- 
Calais,  par  exemple,  peuvent  disposer  4o  ooo 
plants  par  hectare,  les  deux  départements  du 
Ouercy  ne  peuvent  en  mettre  que  loooo.  11  y 
a  cependant  une  tolérance  permettant  un  cin- 
quième en  plus  ou  un  cinquième  en  moins.  Si 
la  régie  n'intervient  pas  dans  la  préparation  du 
sol  et  dans  la  répartition  de  l'engrais,  la  dispo- 
sition même  de  la  plantation  est  minutieusement 
réglée  :  il  faut  la  faire  en  quinconce,  au  cor- 
deau, il  ne  doit  y  avoir  aucune  lacune  dans  les 
rangées.  Il  faut  remplacer  les  pieds  mal  confor- 
més ou  qui  ont  péri  au  début,  mais  quand  le 
premier  inventaire  des  plants  a  été  fait,  toute 
replantation  est  interdite.  En  cas  de  contraven- 
tion, les  pieds  ajoutés  sont  détruits  par  les  soins 
de  la  régie. 

Quant  aux  porte-graines,  les  planteurs  ne  peu- 
vent en  avoir  plus  de  26  par  10  000  pieds  de 
tabac. 

Je  passe  sur  les  labours  et  le  buttage,  qui  se 
poursuivent  jusqu'au  mois  de  septembre,  pour 
revenir  aux  formalités  de  la  régie. 


LA    PLAINE    DE    LA    GARONNE.  I7 

La  première  est  l'inventaire  ;  il  a  lieu  en  juillet, 
les  plantations  sont  mesurées  de  façon  à  con- 
naître par  une  simple  opération  d'arithmétique 
le  nombre  des  pieds  contenus  sur  les  surfaces 
régulières.  Ceux  qui  sont  dans  des  pointes  sont 
comptés  plant  par  plant.  Au  cas  où  il  y  aurait 
un  excédent,  soit  sur  l'étendue  de  terre  décla- 
rée, soit  sur  le  nombre  de  tiges,  le  planteur  est 
puni  d'une  amende  de  26  fr.  par  pied  d'excédent. 

Voici  un  moment  le  cultivateur  tranquille, 
mais  bientôt  il  lui  faut  écimer  la  plante,  c'est- 
à-dire  couper  le  sommet  de  la  tige.  La  date 
de  cette  opération  est  fixée  par  arrêtés  préfec- 
toraux. Dans  le  Quercy,  on  doit  avoir  terminé 
le  i5  août.  L'écimage  a  non  seulement  pour  but 
de  donner  de  la  vigueur  à  la  plante,  mais  aussi 
de  maintenir  à  celle-ci  le  nombre  de  feuilles  ré- 
glementaires. Dans  le  Nord,  on  peut  laisser  de 
six  à  dix  feuilles,  dans  le  Lot  et  le  Lot-et-Ga- 
ronne, le  maximum  est  de  neuf.  Je  passe  sur 
d'autres  prescriptions  concernant  l'enlèvement 
des  feuilles  basses  et  sur  Tébourgeonnement  des 
jets  latéraux  que  le  cultivateur  est  obligé  d'en- 
fouir au  pied  de  la  plante. 

Trois  à  quatre  semaines  avant  la  maturité, 
les  employés  de  la  régie  viennent  s'assurer  que 
ces  travaux  ont  été  faits  et  procèdent  au  recen- 


VOTAGE  EN  FRANCE.  —  XXXI. 


l8  VOYAGE  EN  FRANCE. 

sèment  des  feuilles  :  on  tire  dans  une  direction 
quelconque  du  champ  une  ligne  comprenant 
100,200  ou  3oo  pieds  au  plus.  Sur  cette  ligne  on 
compte  les  feuilles  d'un  certain  nombre  de  plan- 
tes. La  moyenne  obtenue  est  multijdiée  par  le 
nombre  total  des  pieds  de  tabac. 

En  Quercy,  la  récolte  se  fait  de  bonne  heure, 
dès  le  25  août,  trois  mois  après  la  plantation, 
un  mois  avant  le  moment  où  la  récolte  se  fera 
dans  le  Nord.  La  cueillette  n'a  pas  lieu  en  même 
temps  sur  toutes  les  feuilles  d'un  pied,  elles 
sont  détachées  au  fur  et  à  mesure  que  l'on  en 
reconnaît  la  maturité  ;  dans  la  Guyenne,  celle-ci 
est  assez  régulière  pour  qu'on  puisse  couper  les 
tiges  au  lieu  de  cueillir  partiellement. 

Les  feuilles  détachées  de  la  plante  sont  dessé- 
chées après  avoir  été  disposées  en  guirlandes,  la 
tige  étant  enfilée  par  une  ficelle  à  Faide  d'une 
grosse  aiguille.  Ces  guirlandes  sont  ensuite 
mises  à  la  pente,  c'est-à-dire  placées  dans  des 
séchoirs  ou  dans  des  hangars  ;  quand  il  s'agit 
de  tiges,  les  pieds  sont  suspendus,  la  partie 
supérieure  en  bas,  aux  chevrons  des  greniers 
ou  aux  poutres  des  hangars.  La  dessiccation  de- 
mande beaucoup  de  soins  et  d'attention.  Enfin, 
quand  le  tabac  est  arrivé  au  degré  de  siccité 
voulu,  on  effeuille  les  tiges  et  on  les  dispose, 


LA    PLAINE    DE    LA    GARONNE.  IC) 

selon  la  qualité,  la  couleur,  la  grandeur  et  la  lar- 
geur, en  tas  qui  sont  au  nombre  de  huit  :  dans 
chaque  tas,  on  prend  ensuite  un  nombre  de 
feuilles  déterminé  par  l'administration  et  Ton  en 
forme  des  })etits  paquets  ou  nianoques.  La  nia- 
noque,  en  Ouercy,  comprend  seulement  vingt 
feuilles.  Cela  s'appelle  le  manocage. 

Les  manoques  sont  placées  en  tas  et  compri- 
mées par  des  planches,  de  façon  à  faire  subir  au 
tabac  une  sorte  de  fermentation  qui  lui  donne 
plus  de  teinte  et  de  parfum.  Il  faut  un  mois  ou 
six  semaines.  Pendant  tout  ce  temps,  il  importe 
d'éviter  une  trop  grande  chaleur.  Le  thermo- 
mètre permet  de  ne  pas  laisser  dépasser  trente 
degrés. 

Enfin,  le  moment  est  venu  où  le  planteur  va 
livrer  ses  manoques.  Il  les  réunit  en  balles  com- 
prenant un  nombre  déterminé  de  ces  petits 
paquets  :  200  en  Périgord,  260  en  Ouercy.  Un 
arrêté  du  préfet  donne  la  date  à  laquelle  les  pro- 
ducteurs devront  se  rendre  aux  magasins  :  dans 
le  Lot  et  le  Lot-et-Garonne,  cette  date  est  entre 
le  I*'  et  le  3o  janvier.  Des  règlements  disent 
comment  doit  être  chargé  le  tabac.  Aux  maga- 
sins a  lieu  un  classement  qui  permettra  d'établir 
les  prix  à  allouer  ;  mais  quand  cela  est  fini,  le 
planteur  touche  immédiatement  son  argent.  La 


20  VOYAGE    EN    FRANCE. 

base  est  très  variable,  on  la  fixe  selon  que  le 
tabac  est  de  surchoix,  de  première,  deuxième 
ou  troisième  qualité  ou  non  marchand. 

Gomme  on  le  voit,  la  culture  du  tabac  repré- 
sente une  sujétion  constante  pour  le  planteur, 
mais  les  avantages  en  sont  tels  que  celui-ci  ac- 
cepte facilement  ce  contrôle  de  Pautorité  et 
nombre  de  départements  demandent  à  leur  tour 
à  pouvoir  participer  à  cette  culture. 


II 


LA    VALLEE    DU    DROT 

Le  vallon  du  Trec.  —  Les  pruniers  et  les  chenilles  fileuses.  — 
Autour  de  Seyches.  —  Lauzun  et  son  duché.  —  La  Sauvetat. 
—  Eymet.  —  En  Périgord.  —  Au  long  du  Drot.  —  Duras.  — 
Monségur.  —  En  Gavacherie.  —  Gastelmoron-d'AIbret .  —  De 
Monségur  à  La  Réole. 

La  Réole.  Juin. 

La  campagne  de  Marmande  est  vraiment  su- 
perbe en  ce  moment;  les  moissons  n'ayant  pas 
encore  mûri  font  des  nappes  de  moire  verte 
entre  les  vergers,  les  vignes,  les  champs  de  ta- 
bac et  le  maïs.  La  route  qui  conduit  de  la  ville 
à  la  vallée  du  Trec  donne  une  idée  de  richesse 
extrême  ;  partout,  entre  les  cultures,  se  mon- 
trent des  maisons  vastes  et  riantes  ;  elles  s'éta- 
gent  dans  les  vignes,  entre  les  arbres  fruitiers, 
sur  les  pentes  et  la  crête  de  collines  bien  décou- 
pées. Il  y  a  déjà  des  pruniers;  Tarbre  favori  de 
TAgenais  devient  surtout  abondant  vers  Virazeil. 

Hélas  !  l'aspect  de  ces  pruneraies  est  navrant 
cette  année.  Une  invasion  de  chenilles  fileuses  a 


2  2  VOYAGE  EN  FRANCE. 

détruit  la  récolte  :  feuilles,  bourgeons,  fruits, 
tout  a  été  dévoré  par  ces  insectes  répugnants, 
qui  recouvrent  troncs  et  branches  d'un  enduit 
blanchâtre.  Le  mal  n'était  pas  inattendu,  depuis 
trois  ans  on  était  prévenu  de  son  apparition,  mais, 
comme  toujours,  on  ne  s'est  pas  précautionné 
contre  le  fléau.  Le  remède,  d'ailleurs,  n'était  pas 
nettement  indiqué  ;  cette  année  seulement,  une 
formule  a  été  trouvée  ;  je  pourrai,  me  dit-on, 
voir  le  résultat  du  traitement  dans  la  vallée  du 
Lot,  où  parfois  l'on  a  fait  montre  d'initiative. 

Mais  ici,  sur  toute  la  route  que  je  viens  de 
parcourir  au  long  du  Trec  et  du  Drot,  c'est  sinis- 
tre, cette  richesse  perdue,  non  seulement  pour 
l'année  1902,  mais  pour  l'an  qui  vient,  car  les 
bourgeons  à  fruits  sont  dévorés.  Les  fiîeuses  ne 
se  sont  pas  uniquement  attaquées  aux  planta- 
tions de  pruniers  d'ente,  tout  ce  qui  est  de  la  fa- 
mille prunier  a  été  atteint  ;  les  prunelliers  des 
haies  eux-mêmes  sont  envahis.  Les  buissons 
qu'ils  forment  semblent  de  loin  couverts  de  neige 
ou  de  givre  sale.  Et  cela  est  lugubre,  au  milieu 
de  ce  vallon  si  vert  et  frais,  au  sein  duqueLse 
suivent  tant  de  hameaux  heureux. 

Près  d'un  de  ces  groupes  d'habitations,  la  Ga- 
zelle, se  dresse  une  sorte  de  pignon  surmonté 
d'un  campanile,  dernier  débris  d'une  chapelle. 


24  VOYAGE    EN    FRANCE. 

Plus  loin,  le  petit  bourg  de  Seyches  groupe  une 
poignée  de  maisons  autour  de  son  église,  bâtisse 
grise.  On  est  ici  en  pleines  pruneraies  :  pentes, 
petits  plateaux,  vallons  étroits  sont  couverts  de 
plantations  régulières.  Chaque  habitation  pos- 
sède une  annexe  basse,  dont  le  toit  est  un  pro- 
longement du  toit  principal  qu'il  semble  conduire 
presque  jusqu'à  terre  ;  là  se  fait  la  transforma- 
tion de  la  prune  en  pruneau.  Hélas  !  les  fours  ne 
s'allumeront  guère  cette  année. 

La  moindre  commune  a  ses  marchands  de 
prunes  ou  tout  au  moins  des  acheteurs  dans  le 
village  voisin.  Seyches  en  possède,  mais  cet 
humble  chef-lieu  de  canton  ne  fait  pas  un  com- 
merce comparable  à  celui  d'un  bourg  de  ses  en- 
virons: Saint-Barthélémy,  situé  au  cœur  d'une 
vaste  région  agricole. 

Plus  considérable  encore  pour  les  transactions 
est  Miramont,  bastide  régulière  entourant  de  son 
boulevard,  formant  caiTé,  les  îlots  de  maisons 
dessinés 'par  six  rues  qui  se  coupent  à  angle 
droit.  Au  cœur  de  la  ville,  centre  le  plus  peuplé 
de  la  contrée,  s'élancent  une  haute  flèche  de 
pierre  et  le  grand  comble  de  l'église  ;  sur  une 
place  est  la  statue  de  M.  de  Martignac,  le  mi- 
nistre de  la  Restauration.  Le  commerce  est  plus 
actif  dans  cette  petite  cité  que  dans  le  bourg  de 


LA    VALLÉE    DU    DROT.  20 

Lauzun,  qui  doit  à  son  ancienne  prééminence 
seigneuriale  comme  capitale  du  duché-pairie  de 
Lauzun  d'avoir  été  choisi  pour  chef- lieu  du 
canton. 

Lauzun  n'a  pas  le  plan  régulier  de  Miramont, 
c'est  une  vieille  bourgade  possédant  encore  le 
château  d'où  s'élança  vers  son  étrange  carrière 
le  futur  époux  secret  de  la  grande  Mademoiselle  : 
le  comte,  puis  duc  de  Lauzun.  Les  chemins  de  fer 
laissent  à  l'écart  la  féodale  bourgade,  tandis  que 
Miramont,  située  près  du  point  de  jonction  des 
lignes  de  Bordeaux  et  d'Angoulême,  voit  encore 
accroître  son  activité.  Jadis,  quand  le  Drot  était 
maintenu  en  bon  état,  elle  utilisait  cette  voie  de 
navigation  à  laquelle  sa  petite  rivière  de  Dour- 
dène  amène  des  eaux  d'un  vert  laiteux. 

La  jonction  des  chemins  de  fer  se  fait  au  con- 
fluent, en  face  d'une  bastide,  la  Sauvetat,  qui 
n'eut  pas  la  fortune  de  Miramont  ;  il  y  a  bien  peu 
de  maisons  au  long  des  rues  dominées  par  la 
tour  carrée  d'une  vieille  église,  flanquée  de  pi- 
nacles à  chaque  angle.  Ce  n'est  qu'un  point  de 
rencontre  des  voies,  la  gare  où  la  formation  des 
trains  pour  Bordeaux  a  lieu  est  au  delà,  à  Eymet, 
chef-lieu  de  canton  de  la  Dordogne,  à  la  tête  de 
la  navigation  officielle  du  Drot. 

Encore  une  bastide,  Eymet.  On  connaît  sa  date 


20  VOYAGE    EN    FRANCE. 

de  naissance.  En  1271,  on  traça  les  deux  grandes 
rues  en  croix  traversées  par  des  voies  plus  pe- 
tites aboutissant  à  une  enceinte  fortifiée.  Celle-ci 
a  disparu  pour  faire  place  à  des  boulevards  au- 
jourd'hui ombreux.  La  ville  eut  le  bon  goût  de 
conserver  sa  place  centrale  avec  ses  arcades 
irrégulières  :  les  unes  ogivales,  à  grande  ouver- 
ture, d'autres  également  gothiques,  mais  étroites 
et  hautes  ;  certaines  sont  en  anse  de  panier,  cer- 
taines sont  de  simples  galeries  de  charpente.  Au 
milieu,  une  pompe  est  fixée  sur  un  puits  surmonté 
d'une  sorte  de  tour  octogonale.  Cet  ensemble 
est  d'un  effet  singulier,  archaïque  et  charmant. 
Les  ruelles  qui  aboutissent  là  et  sur  les  deux 
rues  sont  étroites,  leurs  maisons  sont  égayées 
par  des  espaliers  couvrant  les  façades,  des  ar- 
bres débordent  sur  les  murs  des  jardins. 

Plus  heureuse  que  d'autres  bastides,  Eymet 
garde  quelques  édifices  ;  le  château  n'a  pas  com- 
plètement disparu,  il  en  reste  un  donjon  à  mâ- 
chicoulis revêtu  de  lierre  et  un  pan  de  muraille 
auquel  une  tourelle  en  poivrière  s'accote  fière- 
ment encore.  Ces  débris  ont  été  aménagés  avec 
goût,  un  jardin  fleuri  de  roses  et  abrité  par 
un  grand  laurier  précède  l'entrée.  En  face,  une 
colonne  surmontée  d'une  croix  a  été  érigée  en 
l'honneur  des  bienfaiteurs  de  la  ville  ;  près  de  là, 


LA    VALLEE    DU    DROT.  27 

devant  une  église  moderne,  un  arbre  de  la  liberté 
abrite  une  de  ces  statues  de  la  République  mou- 
lées en  si  grand  nombre  pour  le  centenaire  de  la 
Révolution. 

Des  roses  et  des  vignes  à  la  plupart  des  fa- 
çades, des  maisons  en  charpente  à  ressaut,  le 
Drot  roulant  des  eaux  glauques  au  sein  de  prai- 
ries, sous  les  aulnes  au  feuillage  sombre,  com- 
plètent ce  riant  décor  urbain. 

Eymet  est  un  centre  pour  le  commerce  des 
prunes,  comme  me  le  révèle  à  Tentrée  une  en- 
seigne :  «  Plus  de  chenilles  !  »  mais  elle  y  joint 
celui  des  comestibles  et  d^  conserves.  C'est  le 
Périgord  ici,  dès  les  premiers  pas  dans  cette 
province  on  trouve  les  spécialités  culinaires  qui 
ont  fait  le  renom  du  pays  des  truffes. 

La  région  du  prunier  s'étend  assez  loin  encore 
vers  la  Dordogne  ;  un  autre  petit  centre  péri- 
gourdin,  Issigeac,  possède  des  foires  aux  prunes. 
La  limite  de  la  grande  culture  de  cet  arbre  est 
déjà  sur  le  versant  qui  regarde  Bergerac.  Les 
pruneraies  diminuent  ou  cessent  lorsque  com- 
mence le  fameux  vignoble  de  Monbazillac^ 

Le  chemin  de  fer  ne  quitte  le  Drot,  au  delà 


I .  Pour  la  région  de  Bergerac  et  les  vins  de  Monbazillac  vi 
29e  série  du  Voyage  en  France,  chapitre  XV. 


la  2C 


28  VOYAGE    EN   FRANCE. 

d'Eymet,  qu'à  la  station  de  Falgueyrat,  d'où  se 
détachera  un  embranchement  sur  Villeneuve-sur- 
Lot,  depuis  longtemps  projeté,  continuation  de 
la  ligne  actuelle  de  Bordeaux  à  Eymet,  par  la- 
quelle l'Entre-deux-Mers  et  le  cœur  de  l'Agenais 
se  relient  à  la  métropole  du  sud-ouest.  Elle  tra- 
verse une  région  qui  dépendait  de  l'Albret  et 
dont  le  repeuplement  par  des  émigrants  de  pro- 
vinces de  langue  d'oil  a  fait  naître  le  mot  de 
«  Gavacherie  ». 

En  route  pour  la  Gavacherie.  Le  chemin  de  fer 
me  conduit  à  Duras  d'où  j'irai  parcourir  ce  petit 
pays.  A  la  Sauvetat,  le  train  s'aiguille  sur  la  voie 
de  Bordeaux  et  le  voilà  descendant  au  long  du 
Drot,  dans  une  aimable  vallée  où  les  maisons 
éparpillées  sur  les  pentes  et  parmi  les  cultures 
du  fond  mettent  beaucoup  de  vie  et  de  gaîté. 
Peu  de  villages,  et  menus,  si  menus  !  C'est  que 
les  habitants  ont  voulu  être  au  milieu  de  leur 
pruneraie  afin  de  pouvoir  plus  tôt  récolter  et 
transporter  leurs  fruits.  Moustier  n'a  même  pas 
de  centre,  l'église  à  haute  flèche  de  pierre  se 
dresse,  isolée,  au  flanc  d'un  coteau.  Sur  l'autre 
rive  du  Drot,  Allemans  est  un  joli  bourg,  bien 
groupé  entre  les  prairies,  les  vignes  et  les  pru- 
neraies.  Plus  loin,  sur  une  sorte  de  promontoire, 


LA    VALLÉE    DU    DROT.  20 

l'église  de  Monteton  se  dresse  au  sommet  de  la 
butte. 

Le  Drot  erre  dans  les  prés  et  reçoit  des  ruis- 
selets  affluents  ;  l'un  d'eux  naît  dans  les  collines 
où  se  dresse  le  féodal  Puyguilhem,  village  chef- 
lieu  de  baronnie,  dont  le  futur  duc  de  Lauzun 
portait  le  titre  quand  il  apparut  à  la  cour  et,  par 
sa  belle  mine,  s'attira  les  faveurs  de  Louis  XIV. 
Un  autre  village  au  nom  sonore,  Pardaillan, 
borde  le  ruisseau  et  s'entoure  de  pruniers.  Tous 
ces  arbres  doivent  faire  un  décor  merveilleux 
au  printemps,  quand  ils  sont  couverts  de  leur 
floraison  de  neige.  En  ce  moment,  ils  sont 
blancs  encore,  mais  de  la  lépreuse  blancheur 
due  à  la  soie  des  chenilles  qui  ont  dévoré  leurs 
feuilles. 

Le  Drot  est  une  bien  pauvre  rivière,  sinueuse, 
sans  mouvement  apparent,  ses  eaux  d'un  vert 
blanchâtre  s'en  vont  entre  des  berges  revêtues 
d'arbres  et  de  taillis.  Ce  paysage  serait  très  pla- 
cide sans  l'allure  belliqueuse  de  la  petite  ville 
de  Duras,  assise  sur  une  colline  escarpée  au 
confluent  de  la  Dourdèze.  Minuscule,  la  cité 
qui  devint  le  siège  du  duché  de  Duras,  constitué 
en  faveur  de  la  famille  de  Durfort,  mais  son 
château  couronné  par  une  tour  à  galerie,  ses 
remparts,  son  église  lui  donnent  une  grandeur 


3o  VOYAGE    EN    FRANGE. 

d'aspect  inattendue.  Le  plan  n'a  pas  la  régula- 
rité de  celui  des  bastides  voisines,  mais  une 
place  à  arcades  révèle  une  ancienneté  aussi 
grande,  plusieurs  maisons  intéressantes  disent 
que  Duras  eut  plus  d'importance  jadis. 

De  la  ville,  on  jouit  d'une  vue  étendue  et  su- 
perbe sur  la  vallée  du  Drot  et  les  collines  qui 
s'étendent  jusqu'à  la  Garonne.  Les  environs  ont 
des  cultures  très  variées;  beaucoup  de  jardinage, 
les  prés  s'encadrent  d'ormes,  de  chênes  et  de 
peupliers.  Les  champs  sont  l'objet  de  soins  assi- 
dus, même  voici  des  pruniers  sans  chenilles  et 
couverts  de  beaux  fruits. 

Le  département  de  Lot-et-Garonne  finit  ici  ; 
de  l'autre  côté  du  Drot,  c'est  la  Gironde,  la 
limite  est  formée  plus  loin  par  le  ruisseau  de 
Dousset.  Celui-ci  atteint  le  Drot  au-dessous  d'un 
coteau  rocheux  surmonté  par  l'église  de  Dieu- 
livol  dont  la  façade  est  un  pignon  aigu  percé  de 
trois  ouvertures.  Sur  l'autre  rive  du  Drot,  une 
bourgade  de  mine  plus  belliqueuse  encore  que 
Duras,  Monségur,  couronne  mieux  sa  colline  et 
l'église  dresse  une  belle  flèche  au-dessus  des 
toits. 

La  rivière  vient  lécher  la  base  de  cette  espèce 
de  falaise  ;  elle  est  navigable  ici  ;  elle  l'est  même 
depuis  Eymet,  d'une  façon  purement  nominale, 


LA    VALLÉE    DU    DROT.  3l 

les  écluses  qui  soutenaient  le  plan  d'eau  étant 
dans  un  tel  état  de  vétusté  que  l'on  ne  peut  s'en 
servir.  A  partir  de  Duras  seulement  le  passage 
des  bateaux  est  possible,  sinon  facile.  Toute  la 
voie,  qui  fut  aménagée  par  une  compagnie,  est 
dans  un  médiocre  état.  Aussi  le  cours  d'eau  de 
100  kilomètres,  dont  64  sont  classés  comme  na- 
vigables, ne  figure-t-il  dans  la  statistique  de 
1899  que  pour  i4  676  tonnes,  transportées  par 
495  bateaux.  Malgré  ce  rôle,  c'est  une  bien  pe- 
tite rivière. 

De  sa  terrasse  Monségur  domine  le  Drot  et 
découvre  de  grands  horizons  sur  trois  des  dé- 
partements de  l'ancienne  Guyenne,  les  cantons 
girondins  de  Monségur  et  de  Pellegrue  surtout, 
qui  sont  la  contrée  particulièrement  appelée 
Gavacherie.  Dans  le  petit  vallon  du  Ségur,  où 
le  chemin  de  fer  s'insinue  un  instant  pour  aller 
traverser  l'Entre-deux-Mers',  un  village,  Gastel- 
moron-d'Albret,  fut  presque  entièrement  peuplé 
par  les  Gavaches.  Mais  la  colonie  a  dû  beaucoup 
se  disperser,  Gastelmoron,  qui  eut  rang  de  ville 
et  dont  les  remparts  croulants  disent  encore 
l'importance,  conserve  une  centaine  d'habitants 


1.  Sur  l'Entre-deux-Mers  voyez  le  chapitre  XII  de  la  29"  série. 


32  VOYAGE  EN  FRANCE. 

à  peine.  Son  surnom  d'Albret'  rappelle  que  les 
princes  de  cette  famille  poussaient  leurs  do- 
maines jusqu'au  Drot.  Le  peu  de  surface  de  son 
territoire,  6  hectares,  montre  que  ce  fut  une  créa- 
tion du  souverain,  puisque  les  habitants  n'ont  de 
terrains  de  culture  que  sur  le  territoire  de  leurs 
voisins.  Le  château  et  l'espace  compris  entre  les 
remparts  constituèrent  la  paroisse  devenue  la 
plus  petite  commune  de  France,  peut-être. 

Aujourd'hui,  Gastelmoron  a  perdu  toute  in- 
fluence, Monségur  l'a  remplacé  comme  centre 
de  cette  partie  du  pays.  Elle  aussi  est  une  bas- 
tide, dont  l'aspect  a  été  défiguré.  Aux  arcades  de 
la  place  on  a  substitué  une  galerie  soutenue  par 
des  colonnes,  ce  qui  donne  plus  d'air  et  de  lu- 
mière aux  boutiques.  Au  milieu  de  l'espace  jadis 
nu,  s'élève  une  grande  halle  de  fer  et  de  verre, 
dénaturant  encore  le  caractère  archaïque. 

J'ai  pris  place  sur  le  siège  de  la  diligence  de 
La  Réole.  Elle  s'en  est  allée  à  grand  bruit  de 
grelots  sur  une  route  en  pente  longeant  de  vieux 
remparts  qui  semblent  avoir  été  entaillés  dans  le 
roc;  en  quelques  secondes  nous  voici  dans  la 


I.  Sur  la  partie  du  duché  d'Albrct  comprise  sur  la  rive  gauche 
de  la  Garonne,  voyez  la  So^  série  du  Voyage  en  France,  cha- 
pitre VII. 


LA    VALLÉE    DU    DROT.  33 

vallée  au  pied  des  coteaux.  Ici  moins  de  pruniers; 
s'il  en  est  encore,  c'est  en  plantations  de  plus 
en  plus  espacées. 

La  vallée  est  bien  belle  au-dessous  de  Mon- 
ségur.  La  variété  et  la  richesse  des  cultures 
sont  extrêmes;  cela  me  rappelle  la  Touraine, 
avec  plus  d'opulence  peut-être.  Au  bord  de  la 
rivière  qui  se  tord  en  courts  méandres,  la  flèche 
de  Coulures  pointe  dans  les  arbres;  en  face,  sur 
un  coteau  dominant  le  Drot  et  le  ruisseau  de 
Saint-Sulpice,  se  dressent  les  puissantes  raines 
du  château  de  Roquebrune  ou  de  Gudleragues. 

Roquebrune,  c'est  deux  ou  trois  maisons  au- 
tour de  l'église  ;  l'une  d'elles,  vaste,  construite 
en  gros  moellons  équarris,  possède  encore  des 
fenêtres  à  meneaux. 

La  route  de  La  Réole  quitte  la  vallée  du  Drot 
et  s'élève  entre  les  vignes,  sur  un  plateau  cultivé 
en  céréales.  Peu  de  hameaux,  l'un  d'eux,  Saint- 
Hilaire,  chef-lieu  d'une  commune,  se  compose 
d'un  château  moderne  et  d'une  église  à  pignon 
entourée  d'auvents  formant  galerie.  Cet  embryon 
de  village  est  sur  la  ligne  de  faîte  entre  la  Ga- 
ronne et  le  Drot.  De  ce  point,  la  vue  s'étend  sur 
les  deux  vallées  et,  bien  par  delà,  sur  un  pays 
immense.  Les  landes  apparaissent,  sombres,  se 
perdant  en  des.  lointains  infinis.  La  vallée  de  la 

VOYAGE    E>-    FRANCE.   —    XXXI.  3 


34  VOYAGE  EN  FRANCE. 

Garonne  s'entrouvre  sous  nos  pieds,  verte,  lumi- 
neuse, parsemée  d'une  infinité  de  maisons  blan- 
ches, avec  son  fleuve  étincelant  dessinant  ses 
grands  contours  au  milieu  de  la  verdure. 

Le  tableau  s'eiïace,  nous  descendons  dans  un 
court  vallon,  la  route  se  fait  rue,  Téquipage  s'ar- 
rête sur  une  vaste  place,  tranquille  aujourd'hui. 
C'est  La  Réole'. 

29^  série  du  Voyage  en  France,  page  18g. 


III 


LES    LANDES    DE    LOT-ET-GARONNE 

La  vallée  de  l'Avance.  —  Casteljaloux  et  ses  usines.  —  Les  pertes 
et  les  sources  de  l'Avance.  —  Dans  les  pinèdes.  —  Les  Lugues. 

—  Houeillès.  —  La  foire  de  Pelbusoc.  —  La  Grande  Lande. 

—  Le  val  de  l'Estampon. 

Sos.  Mai. 

Dans  Tespèce  de  longue  et  régulière  muraille 
dessinée  par  les  collines  de  la  rive  gauche  de 
la  Garonne,  les  rivières  et  ruisseaux  de  l'inté- 
rieur trouvent  issue  par  des  sortes  de  fissures  très 
étroites,  de  loin  on  ne  pourrait  deviner  qu'il  y  a 
là  des  vallons,  tant  l'ensemble  est  massif.  Une 
seule  coupure  paraît  donner  accès  vers  le  sud, 
elle  s'ouvre  en  face  même  de  Marmande  et  livre 
passage  à  l'Avance,  petite  rivière  venue  des 
landes,  dont  le  cours  et  le  débit  sont  remarqua- 
blement réguliers. 

Une  grande  route  et  le  chemin  de  fer  de  Mont- 
de-Marsan  pénètrent  dans  ce  large  pli  bordé  de 
collines  aux  pentes  raides  que  dominent  des 
hameaux  et  des  villages.  Pas  de  gros  centres,  les 


36  VOYAGE  EN  FRANCE. 

habitations  s'éparpillent  sur  les  hauteurs  ;  le 
seul  méritant  le  titre  de  bourg,  Bouglon,  est  de 
belliqueuse  allure  sur  son  promontoire  domi- 
nant de  plus  de  cent  mètres  le  confluent  de  l'Ar- 
genton  et  de  l'A^'ance,  mais  à  peine  groupe-t-il 
cent  habitants  dans  ses  rues  étroites  et  courtes  ^ 
Des  abords  de  ce  minuscule  chef-lieu,  la  vue  est 
immense  et  superbe  sur  la  riante  vallée  et  le 
plateau  boisé  du  Mas-d'A gênais.  Au  sud,  sur 
l'autre  rive,  une  colline  plus  élevée  encore  porte 
Téghse  romane  de  la  bastide  de  Castel-Amou- 
roux.  De  ce  côté,  le  massif  des  collines  est  très 
accidenté  et  atteint  près  de  i8o  mètres  au-dessus 
de  la  mer.  Joli  pays,  verdoyant  et  bien  cultivé, 
qui  vient  finir  sur  une  ligne  étrangement  régu- 
lière, à  la  marge  des  forêts  de  pins  et  de  chénes- 
lièges  des  landes  agenaises. 

A  l'entrée  de  cette  région  si  nettement  tran- 
chée, au  point  de  bifurcation  de  nombreux  che- 
mins ou  routes,  s'étale  largement  une  petite 
ville  qui  sera  le  dernier  centre  de  plus  de  i  5oo 
âmes  jusqu'à  l'Adour.  C'est  l'active  Gastelja- 
loux-,  une  des  cités  principales  de  l'Albret  féo- 
dal, qui  a  dû  à  l'industrie  d'échapper  à  la  déca- 


1.  584  liabitanls  daiis  la  commune. 

2.  3G22  habilaiils  don:  2576  agglomérés. 


LES    LANDES    DE    LOT-ET-GARONNE.  87 

dence  des  bourgades  rurales.  Chose  curieuse, 
cette  industrie,  se  rattachant  étroitement  à  la 
chimie,  est  de  celles  que  l'on  ne  s'attendrait  pas 
à  trouver  dans  les  landes  :  la  production  des 
bougies  et  du  savon.  Elle  est  très  ancienne  d'ail- 


leurs, car  l'usine  remonte  à  1829  et  n'a  pas 
cessé  de  s'accroître;  une  description  du  Lot-et- 
Garonne  publiée  en  18 10  mentionne  déjà  cette 
fabrication.  Le  reboisement  des  landes  %  jadis 


1,  La  conquête  des  landes  par  le  pin  maritime  a  été  exposée 
avec  tant  de  détails  dans  la  2<j^  et  surtout   dans  la  3oe  série  du 


38  VOYAGE    EN    FRANCE. 

nues,  a  fait  naître  d'autres  industries  ;  le  trai- 
tement de  la  résine,  sa  transformation  en  es- 
sence de  térébenthine  se  font  dans  plusieurs 
usines,  la  paille  de  seigle  récoltée  dans  les  clai- 
rières des  landes  est  transformée  en  enveloppes 
de  bouteilles  et  en  nattes  pour  les  châssis  et 
les  serres.  Aussi  la  population  a-t-elle  doublé 
depuis  cinquante  ans,  elle  dépasse  aujourd'hui 
3  600  âmes.  Par  contre,  l'industrie  métallurgi- 
que, autrefois  active  sur  le  territoire,  aux  forges 
de  Neuffons,  a  disparu,  emportant  sans  doute  à 
jamais  l'espoir  que  l'on  avait  à  Casteljaloux  de 
faire  canaliser  jusqu'à  la  Garonne  la  petite  rivière 
de  l'Avance. 

La  ville  possède  un  caractère  bien  particulier, 
grâce  aux  grands  auvents  qui  projettent  parfois 
les  toits  à  trois  mètres  sur  la  rue.  On  pourrait  se 
croire  dans  une  de  ces  régions  des  Alpes  où  les 
toitures  avancées  préservent  de  la  neige  amon- 
celée en  corniche  ;  mais  comme  il  ne  saurait  être 
question  de  neige  en  ce  doux  pays  de  Gascogne, 
il  faut  sans  doute  y  voir  une  précaution  contre  le 
soleil.  L'usage  s'en  perd  d'ailleurs,  les  maisons 
nouvelles  en  pierre  blanche  ou  crépies  n'otfrent 


Voyage  en  France,  qu'il  ne  sera  question  ici  que  de  ce  qui  a 
trait  au  Lot-et-Garonne.  Pour  <:'etle  élude  spéciale,  nous  renvoyons 
le  lecteur  aux  séries  précitées. 


LES    LAiNDES    DE    LOT-ET-GARONNE.  Sg 

pas  ces  grands  appendices.  Si  les  demeures  mo- 
dernes donnent  à  la  ville  un  caractère  prospère, 
elles  n'ont  pas  la  physionomie  pittoresque  des 
anciennes,  accrue  par  la  carcasse  de  poutrelles 
brunies. 

Dans  les  petites  rues  on  trouve  davantage  de 
ces  vieilles  demeures,  quelques-unes,  bien  que 
dégradées  et  rongées,  ont  encore  la  grâce  et  la 
noblesse  du  xvn^  siècle  ;  l'une  d'elles,  ancienne 
maison  religieuse,  possède  un  cloître,  d'un  style 
simple  mais  élégant  encore.  De  toutes  ces  habi- 
tations nobles,  la  plus  curieuse,  la  plus  vétusté 
aussi  est  l'ancien  hôtel  de  Xaintrailles.  Un  af- 
faissement l'a  déjeté,  en  disloquant  les  meneaux 
des  fenêtres,  les  intempéries  ont  rongé  les  mé- 
daillons délicatement  sculptés  qui  ornaient  la 
façade  et  dont  il  reste  à  peine  des  linéaments, 
charmants  encore. 

Peu  de  monuments  ;  l'église  est  un  édifice 
ogival  aux  puissants  contreforts  que  le  goût  du 
xvni"  siècle  a  fait  doter  d'une  riche  façade  de 
style  jésuite. 

Du  Gasteljaloux  féodal —  Castel-Gelos,  Cas- 
tel-Geloux — il  reste  quelques  pauvres  débris  du 
château  et  des  remparts.  La  partie  la  plus  riante 
de  la  petite  cité  est  un  mail  ombreux,  en  ter- 
rasse, dominant  l'Avance  et  ayant  vue  sur  de 


l\0  VOYAGE    EN    FRANCE. 

belles  collines  très  vertes,  un  peu  embrumées 
aujourd'hui  par  la  fumée  des  usines.  Des  sour- 
ces minérales  jaillissent  aux  abords  de  la  ville, 
mais  elles  n'ont  pas  fait  naître  d'établissement. 

L'Avance  est  la  gaîté  de  ces  campagnes,  il 
est  peu  de  petites  rivières  plus  abondantes  et 
claires.  C'est  qu'elle  vient  à  peine  de  naître 
ou  p^itôt  de  renaître  par  d'abondantes  fon- 
taines. La  lande  qui  recouvre  ailleurs  des  masses 
énormes  de  sable  repose  ici  sur  des  assises  cal- 
caires perforées  de  cavités.  Dans  cette  direction, 
toutes  les  eaux  landaises  s'infiltrent  dans  le  sable 
et  vont  rejoindre  ces  rés^rvoir^s  mystérieux. 

Les  sources  sont  à  deux  kilomètres  en  amont 
de  la  ville,  dans  un  beau  site  forestier  de  chênes 
et  de  pins.  Neuf  évents  donnent  issue  aux  eaux, 
d'où  le  nom  de  Neuffons.  Les  fontaines  réunies 
faisaient  mouvoir  les  forges,  elles  actionnent  au- 
jourd'hui une  papeterie  et  une  partie  des  scie- 
ries qui  débitent  le  bois  des  landes  voisines. 
Une  des  sources,  sortie  d'une  excavation  appe- 
lée la  Grotte  des  Fées,  attend  encore  les  explo- 
rateurs de  naïades'. 


I.  Depuis  ma  vssile  à  Casteljaloux,  M.  Martel,  à  qui  l'on  doit 
la  découverte  de  tant  de  (|rottes  et  d'abîmes,  a  tenté  de  pénétrer 
ce   mystère.   Sur  l'invitation   de   INI     Malbec,  maire  de  Monchir- 


LES    LANDES    DE    LOT-ET-GARONNE.  l\l 

Neufîons,  par  son  beau  réservoir  et  ses  arbres, 
est  un  site  charmant.  En  amont,  on  retrouve 
l'Avance,  mais  remplie  seulement  à  l'époque 
des  grandes  pluies,  sous  le  nom  de  Riou  Rouge. 
La  rivière  s'était  perdue  deux  kilomètres  plus 
haut,  près  de  la  Taillade.  Telle  qu'on  la  voit  à 
ce  hameau  avant  l'infiltration,  elle  ne  ressemble 
guère  à  la  masse  d'eau  qui  arrose  Gasteljaloux. 
Les  fontaines  ont  d'autres  aliments  que  les  flots 
disparus  ;  tous  les  ruisseaux  qui  sourdent  de 
la  lande  et  arrivent  à  la  limite  du  terrain  cal- 
caire se  perdent  ainsi  et  viennent  sourdre  à 
Neuffons. 

Ce  point  de  soudure  entre  le  désert  et  les  ri- 
ches campagnes  de  l'Agenais  offre  un  charmant 
paysage  forestier.  C'est  la  lande,  possédant 
même  de  petites  dunes,  formées  par  les  vents  à 
l'époque  où,  la  région  n'étant  pas  boisée,  les 
bourrasques  venues  de  l'Océan  ne  trouvaient 
aucun  obstacle.  Le  pin  n'est  pas  encore  maître 


d'Agenais,  il  est  allé  avec  celui-ci  et  M.  Marboulin  à  la  Tailhade, 
où  se  perd  l'Avance,  a  coloré  le  ruisseau  à  la  fluorescine  et 
reconnu  par  l'examen  des  eaux  de  sources  que  l'on  ne  s'était  pas 
trompé  quant  à  leur  origine.  Il  a  ensuite  visité  les  neuf  résur- 
gences et,  pénétrant  dans  la  grotte,  a  pu  remonter  pendant  deux 
cents  mètres.  Cette  expédition  semble  avoir  fait  reconnaître  que 
toutes  les  eaux  ne  sourdent  pas  à  Neuffons,  beaucoup  se  per- 
draient, mais  on  pourrait  les  obliger  à  suivre  le  courant  principal. 


42  VOYAGE    EN    FRANCE. 

incontesté  du  terrain,  il  est  mélangé  au  chêne 
cultivé  en  taillis.  Des  ruisseaux  clairs,  les  neuf 
fontSj  avivent  la  végétation.  Le  chêne-taillis, 
couvert  d'énormes  galles,  est  presque  atteint  en 
hauteur  par  de  vigoureux  genêts  dont  la  fleur 
d'or  est  la  gaîté  de  ces  solitudes.  Çà  et  là,  quel- 
ques arbres  échappés  à  la  cognée  sont  devenus 
superbes  et  rappellent  la  beauté  de  nos  sylves 
du  nord. 

Ainsi  que  dans  les  Grandes  Landes,  le  pin  est 
soumis  au  résinage.  Ces  arbres  sillonnés  de 
plaies,  les  chênes  soumis  à  l'écorçage  forment 
comme  une  salle  de  torture  végétale  :  les  chênes 
sont  écorcés  sur  pied,  ce  qui  donne  aux  taillis 
un  aspect  étrange  ;  dans  la  pénombre,  les  bran- 
ches semblent  saignantes. 

Des  abords  de  la  route  on  voit  rarement  des 
habitations  ;  les  demeures  des  résiniers  sont  per- 
dues dans  les  bois,  et  les  cultures  de  seigle  sont 
en  de  lointaines  clairières  ;  les  plus  proches  sont 
autour  du  petit  village  de  Pindères,  assis  à 
l'écart  sur  un  des  ruisseaux  absorbés  dans  les 
sables. 

La  forêt  est  belle  par  les  chênes  parfois 
énormes  qui  se  dressent  au  milieu  des  pins. 
Dans  ce  paysage  sylvestre  est  le  hameau  de  Pom- 
pogne,  tout  menu  autour  de   sa  vieille   église 


LES    LANDES    DE    LOT-ET-GARONNE.  4 3 

romane.  On  se  fait  si  bien  à  cette  solitude,  on 
s'attend  si  peu  à  trouver  un  vrai  village,  que 
l'apparition  du  bourg  d'Houeillès  est  une  sur- 
prise. C'est  une  longue  rue  formée  par  la  grande 
route,  sur  laquelle  s'alignent  des  maisons  à 
larges  toits  plats  contrastant  avec  les  murs  de 
poutrelles  et  de  torchis  des  métairies  couvertes 
en  chaume  ;  partout,  même  dans  les  bois,  le 
nombre  des  constructions  neuves  révèle  que  le 
pin  a  amené  le  bien-être.  On  réserve  chaume  et 
torchis  pour  les  servitudes  de  l'exploitation  ru- 
rale. 

Ces  métairies,  au  milieu  de  clairières  où  on- 
dulent les  seigles,  où  les  châtaigniers  mettent 
leurs  frondaisons  puissantes,  sont  plus  nom- 
breuses aux  abords  d'Houeillès.  Le  bourg,  mal- 
gré sa  population  agglomérée  de  35o  habitants 
seulement,  le  reste  étant  réparti  sur  un  vaste 
territoire,  est  animé  par  le  commerce  et  l'indus- 
trie, grâce  à  la  forêt  qui  alimente  des  chantiers 
de  bois  et  donne  un  trafic  considérable  à  la  gare, 
beaucoup  de  traverses  de  chêne  surtout. 

Évidemment,  le  tableau  des  landes  tracé  par 
les  vieux  auteurs  était  exagéré,  le  nombre  et  les 
dimensions  des  chênes  prouvent  que  les  bois 
étaient  déjà  étendus  avant  les  plantations  de 
pins  maritimes.  Il  faut  aller  au  delà  d'Houeillès 


44  VOYAGE  EX  FRANCE. 

pour  trouver  le  désert.  Les  communes  qui  cons- 
tituent le  canton  sont  assez  peuplées  ;  elles  for- 
maient dans  l'ancien  Albret  une  subdivision  ap- 
pelée les  Lugues  et  eurent  de  bonne  heure 
quelque  importance.  L'église  du  chef-lieu  est 
un  intéressant  édifice  de  la  première  époque 
gothique,  méritant  une  visite  par  sa  porte  forti- 
fiée, couronnée  de  mâchicoulis.  Dans  cette  ré- 
gion, sorte  de  marche  entre  l' Albret,  Etat  indé- 
pendant, et  la  Guyenne,  on  trouve  plus  d'un 
exemple  d'églises  ainsi  organisées  pour  la  dé- 
fensive :  leurs  fenêtres,  très  hautes  et  étroites, 
ne  sont  guère  que  des  meurtrières.  Beaucoup 
de  ces  édifices  ont  d'heureux  détails.  Au  sein  le 
plus  profond  des  landes,  le  village  de  Durance 
possède  une  chapelle  appelée  Grange  de  Du- 
rance qui  est,  dit-on,  une  merveille  ;  plus  de 
600  figures,  représentant  de  pieux  personnages 
ou  des  légendes,  y  sont  peintes  avec  toute  la 
grâce  de  l'art  ogival. 

La  lande  change  peu  à  peu  d'aspect.  Au  delà 
de  Houeillès,  le  chêne-liège,  rare  encore,  se 
mêle  aux  chênes  à  feuilles  caduques  dont  la 
grosseur  est  faite  pour  surprendre.  Il  est  de 
beaux  groupes  de  ces  arbres  sur  les  bords  d'un 
ruisseau  clair,  coulant  entre  les  aulnes  sur  un 


LES    LAIDES    DE    LOT-ET-GARONNE.  4^ 

lit  de  sable  d'or  fauve.  Gç  preste  cours  d'eau, 
c'est  le  Giron  naissant,  la  future  et  active  rivière 
des  landes  bazadaises^ 

J'ai  dû  prendre  le  train  à  Houeillès  pour  vi- 
siter le  reste  des  landes  de  l'Albret  jusqu'à 
Roquefort.  La  seule  inspection  de  la  carte  n'en- 
courage guère  à  circuler  pédestrement  sur  ce 
j)lateau  de  bruyères  parsemé  de  pignadars  aux 
contours  étranges,  bandes  longues  parfois  de 
deux  lieues,  alternant  avec  des  massifs  troués 
de  clairières.  Le  train  allant  à  une  modeste  al- 
lure en  cette  contrée  où  les  stations  desservent 
seulement  des  métairies  perdues  dans  les  bois, 
on  juge  suffisamment  du  paysage  par  la  fenêtre 
du  wagon. 

Donc,  en  route  par  les  landes.  Peu  à  peu  les 
chênes  disparaissent,  ou  servent  uniquement  à 
ombrager  les  abords  des  métairies  auxquels  ils 
donnent  des  mails  d'une  majesté  royale.  Ainsi, 
près  de  la  station  de  Tour-Neuve,  la  grande 
ferme  de  Pont-Moyne  possède  de  superbes  om- 
brages sous  lesquels  s'étend  une  pelouse  velou- 
tée. A  côté  de  la  gare,  deux  ou  trois  maisons, 
une  ample  bâtisse  assez  curieuse  par  son  étage 


1.  Sur  le  Giron  et  son  ilollage,  voyez  la  299  série  du  Voyage 
en  France,  chapitre  XIII,  cl  la  So^  série,  chapitre  I^r. 


46  VOYAGE    EN    FRANCE. 

en  encorbellement  et  un  château.  Une  fabrique 
d'essence  de  térébenthine  est  installée  près  de 
la  voie  et  traite  les  résines  recueillies  dans  les 
vastes  pignadars  de  la  commune  d'Allans.  La 
forêt  a  peu  de  profondeur;  vers  le  sud,  on  trouve 
encore  la  lande  rase  de  bruyère.  Au  milieu  de 
ce  désert  surgit  une  croupe  allongée,  sans  doute 
dune  continentale,  appelée  Pelbusoc,  sur  la- 
quelle passe  la  limite  des  départements  de  Lot- 
et-Garonne  et  des  Landes.  Ce  point  commande 
de  vastes  horizons  ;  il  devait  être  le  principal 
accident  du  paysage  avant  la  conquête  par  le 
pin,  aussi  est-il  devenu  un  lieu  de  rendez-vous. 
Chaque  année,  le  i6  juillet,  il  s'y  tient  une  foire 
sur  un  emplacement  signalé  par  la  carte  d'Etat- 
major,  cette  réunion  est  plus  active  encore  au- 
jourd'hui, grâce  au  chemin  de  fer. 

Le  tapis  de  bruyère  naine  apparaît  à  chaque 
instant,  entre  les  longues  et  étroites  pinèdes.  Le 
paysage  s'entrouvre  tout  à  coup,  prodigieuse- 
ment, par  une  des  dernières  grandes  surfaces 
dénudées  du  pays  landais.  Il  y  a  ici  une  ligne 
d'horizon  de  près  de  12  kilomètres  sans  un 
arbre,  sans  autre  accident  de  terrain  que  les 
toits  rouges  et  bas  des  bergeries.  Toute  cette 
zone  appartient  au  département  des  Landes,  la 
barre  à  peine  distincte  des  forêts  de  pins  qui 


LES    L\>DES    DE    LOT-ET-GAROX.NE.  l\J 

bordent  ce  désert  est  la  limite  de  la  Gironde. 
On  est  donc  à  la  ligne  de  partage  des  landes 
entre  les  trois  départements. 

Le  Lot-et-Garonne  est  le  moins  doté  de  ces 
terrains  jadis  stériles  ;  il  n'en  possède  pas  plus  de 
65  000  à  70000  hectares,  chiffre  presque  insigni- 
fiant auprès  de  ses  voisins.  Comme  ceux-ci,  il 
s'est  efforcé  de  gagner  les  landes  par  des  plan- 
tations, mais  il  ne  s'est  pas  borné  au  pin,  il  a 
accru  l'étendue  de  ses  forêts  de  chênes-lièges, 
point  de  départ  de  la  florissante  industrie  de 
Mézin  et  de  Lavardac  dont  je  parlerai  bientôt ^ 

Le  train  pénètre  dans  le  département  des 
Landes,  au  point  où  le  territoire  de  Lot-et-Ga- 
ronne forme  une  sorte  d'enclave  triangulaire. 
En  vue  de  la  lande  qui  semble  sans  fin,  d'une 
solitude  et  d'une  tristesse  infinie,  une  pignadar 
abrite  une  métairie  dotée  du  nom  ironique  de 
Plaisance  ;  encore  les  pins  lui  cachent-ils  le 
morne  plateau.  Mais  une  gare  a  été  élevée  sur  la 
partie  non  boisée  et  l'on  se  i)rend  de  compassion 
pour  les  employés  exilés  ici. 

Les  bois  recommencent  bientôt,  dans  une  zone 
où  le  plateau  se  plisse  en  de  nombreux  ravins, 


I    Chapitre  VI. 


48  VOYAGE  EN  FRANCE. 

OÙ  des  ruisseaux  clairs  se  forment  dans  les  sa- 
bles. Comme  partout  où  la  lande  possède  des 
eaux  courantes,  la  végétation  est  plus  belle,  les 
chênes,  qui  paraissent  de  nouveau,  révèlent  que 
cette  contrée  est  depuis  longtemps  sylvaine.  Ces 
arbres  entourent  des  champs  de  seigle,  les  mai- 
sons moins  rares,  clairsemées  encore,  possèdent 
des  prairies  et  des  vergers.  La  vie,  il  est  vrai,  ne 
se  montre  que  sur  le  bord  de  ces  ruisseaux  par- 
courant des  embryons  de  vallées  ;  dès  qu'on  les 
a  quittés  on  retrouve  la  solitude  des  pins  et  des 
bruyères. 

Sur  les  bords  du  ruisseau  de  Houil,  la  station 
de  Bourriat-Bergonce  fera  sans  doute  naître  un 
petit  centre  ;  déjà  un  grand  commerce  de  bois 
s'opère  à  la  gare  ;  bientôt  le  chemin  de  fer  de 
Bazas  y  amènera  les  trains  de  Bordeaux  et  l'on 
poursuit  la  Ugne  vers  Gabarret  et  Eauze,  en 
attendant  le  prolongement  sur  Auch.  Ce  croise- 
ment de  voies  ferrées  aura  pour  effet  d'amener 
une  population  sur  ce  point.  En  attendant,  la 
gare  ne  dessert  que  de  pauvres  hameaux  bâtis 
au  bord  de  ruisselets  allant  accroître  la  Douze. 

Le  pays  s'ad^aisse  de  plus  en  plus  :  à  Houeillès 
on  était  à  i46  mètres  au-dessus  de  la  mer; 
à  la  gare  forestière  de  Retjons-Lugaut  on  est 
à  85.  C'est  un  confluent  de  ruisseaux  et  de  ra- 


LES    LANDES    DE    LOT-ET-GARONNE.  ^9 

\  iiis  profondément  creusés  dans  la  lande,  quatre 
branches  s'y  réunissent  pour  grossir  l'Estampon. 

On  ne  devine  pas  le  voisinage  des  habitations. 
Lugaut  n'est  qu'une  église  ;  Retjons  est  à  l'écart 
dans  les  bois. 

Le  train  court  encore  sous  les  pins,  traverse 
des  clairières  et  s'arrête  en  face  d'un  site  inat- 
tendu :  une  petite  ville,  Roquefort,  assise  sur 
un  roc  escarpé,  entre  l'Estampon  abondant,  noir 
et  rapide,  et  la  Douze  aux  eaux  souillées  d'ar- 
gile, qui  impose  son  nom  au  cours  d'eau  ainsi 
formé  ^ 


I.  Sur  Roquefort  et  la  région  jusqu'à  Mont-de-Marsan,  voyez 
la  3oe  série  du  Voyage  en  France,  chapitres  VIII  et  IX. 


VOYAGE    E.\    FRANCE. 


IV 


LA    CAPITALE    DU     ((     BEARNAIS    )> 


La  vallée  de  la  Baise.  —  La  bastide  de  Vianne.  —  Lavardac.  — 
Navigation  de  la  Baise.  —  Ateliers  de  bouchonniers.  —  Le  Pont- 
dc-Bordes.  —  Le  moulin  de  Barbaste.  —  Barbaste    —  Nérac 
—  La  promenade  de  la  Garenne. 


^  Nérac.  Juillet. 

A  peine  a-t-on  traversé  la  Garonne  coulant 
au  milieu  de  l'opulente  plaine  de  Port-Sainte- 
Marie,  et  voici  un  paysage  inattendu,  on  pour- 
rait se  croire  à  cent  lieues  de  ces  campagnes 
de  cultures.  Des  arbres  au  feuillage  luisant  et 
crispé,  aux  troncs  boursouflés,  d'une  teinte  li- 
vide, apparaissent  au  flanc  des  collines  :  ce  sont 
des  chenes-lièges.  L'effet  en  est  étrange  après  le 
parcours  des  verg.^rs,  des  champs  de  maïs  et  de 
tabac. 

Ces  végétaux  sont  en  quelque  sorte  des  senti- 
nelles, ils  ne  forment  pas  encore  de  nappe  con- 
tinue, ni  même  de  groupes,  la  forêt  des  suriers 
est  plus  loin.  La  vigne,  le  maïs,  le  tabac  domi- 


LA    CAPITALE    DU    «  BEARNAIS  )) ,  5l 

lient  toujours  dans  ce  couloir  étroit  et  riant  où 
la  Baïse  mène  ses  eaux  peu  limpides,  retenues 
par  les  barrages  écluses.  A  l'entrée  du  val  est 
le  village  de  Feugarolles.  Sur  les  coteaux,  deux 
châteaux,  qui  durent  avoir  de  la  splendeur,  sont 
encore  entourés  des  douves  défensives.  L'un 
d'eux  porte  le  nom  sonore  de  Trenqueléon.  De 
ce  côté,  la  forme  des  mots  eux-mêmes  a  plus  de 
couleur  :  voici,  dressé  sur  une  colline.  Mont- 
gaillard,  plus  loin,  c'est  Xaintrailles  dont  la  sei- 
gneurie appartint  au  brave  Poton,  le  dévoué 
compagnon  de  Jeanne  d'Arc. 

Au  fond  du  val,  bordée  par  la  Baïse,  la  bas- 
tide de  Vianne  a  conservé  son  aspect  du  passé. 
Il  y  avait  là  un  village,  Villelongue,  qui  fut 
remplacé  par  une  ville  entourée  d'une  enceinte 
régulière. 

Depuis  1284,  ces  remparts  flanqués  de  tours 
sont  restés  debout  ;  ce  serait  une  petite  Avignon 
gasconne,  si  les  murailles  n'étaient  découronnées, 
percées  de  portes  ou  de  fenêtres  closes  de  volets. 
Le  mur  de  ville  est  devenu  partie  intégrante 
d'habitations.  Quatre  portes  donnent  accès  dans 
cette  minuscule  cité,  le  soir  elles  offrent  un  cu- 
rieux contraste  par  leur  tracé  archaïque  et  les 
lampes  électriques  qui  brillent  à  la  voûte.  Ce 
centre,  comme  toutes  les   communes  voisines. 


02  VOYAGE    EX    FRANCE. 

est  en  partie  peuplé  de  bouchonniers  travaillant 
les  lièges  du  pays  et  d'Afrique. 

En  amont,  la  vallée  se  resserre,  devient  pres- 
que une  petite  gorge  au  fond  de  laquelle  la  Baïse 
coule,  sombre,  entre  des  pentes  hérissées  de 
rochers.  Un  moment  ce  val  s'entrouvre,  au  con- 
fluent de  la  Gélise,  sous  une  terrasse  qui  porte 
une  autre  bastide,  Lavardac,  dégagée  de  ses 
remparts  et  devenue  grandissante  grâce  à  la 
plantation  des  landes,  à  l'exploitation  des  bois 
et  au  travail  du  liège.  Les  vignobles  des  envi- 
rons donnent  un  vin  transformé  en  eau-de-vie 
d'Armagnac;  de  nombreuses  maisons  en  font  le 
commerce. 

La  ville  proprement  dite,  la  bastide,  petite, 
mais  propre  et  riante,  se  prolonge  par  des  cons- 
tructions neuves  formant  faubourg.  Les  rues 
étroites  sont  bordées  de  maisonnettes  aux  con- 
trevents gris.  Au  pied  d'une  haute  berge,  très 
abrupte,  la  Baïse  forme  un  bassin  animé.  La- 
vardac est  le  port  d'attache  et  le  siège  social  de 
la  Société  générale  des  remorqueurs  de  la  Baïse 
qui  possède  une  trentaine  de  bateaux,  dont  deux 
transporteurs  à  vapeur. 

La  navigation  est  active,  le  port  de  Lavardac 
a  constaté  en  1900  le  débarquement,  T'embar- 


LA    CAPITALE    DU    ((  BEARNAIS  )) .  53 

qiKMnent  et  le  passage  de  près  de  5o  ooo  tonnes 


%%\     ^t^/v  A-$U 


de  marchandises  ^  Bien  des  rivières,  dotées  d'un 

I.  En   1901,  il  y  eut  45  852  tonnes  seulement  dont  26  826  à  la 
remonte  et  zg  626  à  la  desrente.  Cette  diminution  est  due  à  Fin- 


54  VOYAGE  EN  FRANGE. 

débit  autrement  puissant  que  l'indigente  Baïse, 
peuvent  en  envier  l'animation. 

Du  haut  du  pont  de  trois  arches  jeté  sur  la 
vallée,  on  jouit  de  cette  activité  du  petit  port. 
Poteaux  de  mines  et  madriers  apportés  des  fo- 
rêts ou  des  scieries,  fûts  de  vin  et  d'eau-de-vie 
sont  embarqués  sur  les  grands  chalands  ou  les 
bateaux  à  vapeur  porteurs.  Les  ballots  de  liège  et 
les  sacs  de  bouchons  figurent  aussi  dans  ce  fret 
que  le  canal  et  la  Garonne  vont  répartir  dans 
tout  le  Midi,  à  Bordeaux  surtout. 

Deux  quartiers  constituent  Lavardac,  le  plus 
actif  est  la  route  de  Nérac  bordée  d'habita- 
tions et  d\isines  jusqu'à  la  Baïse  et  à  Barbaste, 
en  traversant  la  G  élise.  Cette  voie  a  remplacé 
l'antique  chaussée  romaine,  appelée  laTénarèze, 
qui  a  donné  son  nom  à  la  région  vinicole  de 
r Armagnac  d'Eauzan.  Là  se  trouvent  les  prin- 
cipales manufactures  de  bouchons,  d'autres  sont 
à  Barbaste  qui  est,  en  somme,  un  faubourg  de 
Lavardac  ^  Cette  jonction  entre  les  deux  com- 
munes se  nomme  le  Pont-de-Bordes. 

Les  grands  bâtiments  qui  s'y  échelonnent  sont 
des  manufactures  de  bouchons,  de  semelles  et 


suffisance  de  la  récolte   en  blé  du  Condomois  et  du  Fezensac  qui 
alimentent  en  partie  la  grande  minoterie  de  Vianne 

1.  Population  de  Lavardac,  2  545  habitants;  de  Barbaste,  1898. 


LA    CAPITALE    DU    ((  BEARNAIS  ».  55 

d'autres  objets  en  liège.  Les  fabricants  sont  une 
quinzaine  :  Barbaste  en  a  quatre  ou  cinq,  il  en 
est  d'autres  à  Feugarolles,  Thouars,  Xaintrailles 
et  Yianne.  Xaintrailles  joint  à  cette  industrie 
celle  de  la  tonnellerie. 

Une  odeur  de  liège  assez  écœurante  flotte  dans 
Fair  :  parfum  de  liège  bouilli,  senteur  plus  acre 
des  débris  de  liège  brûlés  dans  les  foyers  pour 
amollir  les  plaques  à  travailler.  La  rivière  est 
souvent  couverte  d'une  poussière  jaunâtre  pro- 
venant des  résidus  de  la  fabrication  dans  les 
usines  hydrauliques. 

Cependant  Lavardac  n'est  pas  le  centre  prin- 
cipal de  la  bouchonnerie,  les  ateliers  sont  plus 
nombreux  à  Mézin  où  la  variété  des  articles  est 
plus  grande  aussi.  C'est  là  que  j'irai  étudier 
cette  intéressante  source  d'activité,  vie  d'une 
région  de  France  que  l'on  s'attendrait  à  trouver 
misérable. 

Non  seulement  celle-ci  doit  au  liège  une  grande 
prospérité,  mais  elle  est  vraiment  charmante. 
Tout  ce  pays  de  Nérac  est  d'une  grâce  exempte 
de  morbidesse.  C'est  riant  avec  une  légère  allure 
beUiqueuse  due  à  la  forme  des  collines  et  à  la 
disposition  des  centres  habités.  On  comprend  en 
le  parcourant  la  prédilection  de  Henri  IV  et  des 
Albrets  et  Bourbons,  ses  ancêtres,  pour  ce  coin 


56  VOYAGE    EN    FRANCE. 

de  leur  Gascogne,  où  la  vie  dut  être  aimable, 
joyeuse  et  facile,  comme  en  témoignent  tant  de 
castels  encore  debout. 

Pont-de-Bordes  est  une  avenue  ombreuse, 
très  fraîche,  que  l'odeur  du  liège  calciné  me 
gâte  un  peu  ;  cependant  les  foyers  en  plein  vent 
sont  amusants,  on  y  brûle  des  copeaux  prove- 
nant de  la  fabrication  des  bouchons  ;  devant  le 
chaud  amas  de  braise  on  voit  les  planches  de 
liège  s'amollir;  de  grands  disques  ayant  60  cen- 
timètres de  diamètre  sont  ainsi  dressés  :  une  fois 
refroidis  sous  presse  ils  conserveront  leur  recti- 
tude. Cet  emploi  des  déchets  comme  combustible 
est  fait  pour  surprendre,  car  ils  trouvent  main- 
tenant un  débouché  dans  de  nombreux  usages  : 
le  liège  en  poudre  est  la  base  du  linoléum  et 
d'une  sorte  de  brique  très  légère.  Même  on  en 
peut  tirer  un  gaz  d'un  pouvoir  éclairant  plus 
considérable  que  celui  du  gaz  de  houille.  Pen- 
dant quelque  temps,  la  ville  de  Nérac,  située 
entre  Lavardac  et  Mézin  et  elle-même  siège  de 
fabriques,  s'éclaira  avec  le  gaz  des  copeaux  de 
liège.  Elle  le  ferait  encore  peut-être  s'il  n'avait 
fallu  des  emplacements  trop  vastes  pour  emma- 
gasiner les  matières  premières. 

Je  ne  reste  pas  longtemps  à  contempler  ces 


LA    CAPITALE    DU    «  BEARNAIS  ».  5"] 

foyers  rappelant  les  ateliers  des  hommes  primi- 
tifs, le  moulin  de  Barbaste  m'attire  davantage; 
c'est  lui,  plus  que  le  liège  et  les  bouchons,  que 
je  suis  venu  voir.  Ce  moulin  n'est  pas  sur  la 
Baïse,  mais  sur  son  affluent  la  Gélise,  coulant  à 
200  mètres  à  peine  de  la  rivière  maîtresse,  au 
pied  de  la  colline  de  Barbaste.  Je  le  connais  de 
réputation  depuis  bien  longtemps,  car  il  se  rat- 
tache à  l'un?  des  scènes  les  plus  populaires  de  la 
vie  du  bon  roi  Henri. 

En  1696,  ce  prince  faisait  le  siège  de  La  Fère  ; 
il  s'était  avancé  sur  la  contrescarpe  pour  exa- 
miner les  défenses  de  la  place,  quand  il  s'enten- 
dit interpeller  en  pur  gascon  par  un  soldat  de 
service  sur  le  rempart  : 

—  Mo  II  nié  de  las  tons  de  Barbaste  ^  prends 
garde  à  la  gâte  que  ha  gatoua  ! 

Cela  voulait  dire  :  «  Meunier  de  la  tour  de 
Barbaste,  prends  garde  à  la  chatte  qui  va  faire 
des  petits  !  » 

Le  mot  gâte  se  traduit  par  chatte,  mais  gâte 
a  aussi  la  signification  de  mine.  Le  roi  comprit 
l'avis  et  se  retira  en  hâte  ;  un  instant  après  une 
explosion  avait  lieu  à  l'endroit  même  où  il  se 
tenait. 

Les  tours  de  Barbaste  étaient  un  des  domaines 
des  ducs  d'AIbret,  Henri  IV  aimait  à  ajouter  à 


58  VOYAGE    EN    FRANCE. 

ses  titres  celui  de  meunier  des  tours  de  Barbaste; 
on  a  même  des  lettres  dans  lesquelles  il  signe 
de  cette  qualité  plaisante. 

Le  moulin,  le  voici  :  enjambant  à  demi  la 
Gélise  qui  tombe  bruyamment  de  son  barrage, 
il  s'appuie  à  un  corps  de  logis  flanqué  de  quatre 
tours  carrées  dont  une  est  elle-même  accotée 
d'une  échauguette  à  mâchicoulis.  Devant  cette 
petite  forteresse  on  a  construit  une  maison  à 
pavillons,  de  style  vaguement  Renaissance  ;  la 
porte  à  fronton  triangulaire  est  surmontée  d'un 
buste  de  Henri  IV.  Dans  une  pelouse  en  pente, 
voisine  de  l'habitation,  est  un  énorme  tronc  de 
chêne,  apporté  des  Landes;  il  a  plusieurs  mètres 
de  circonférence. 

Une  élégante  passerelle  suspendue  jetée  au- 
dessus  du  barrage  relie  le  moulin  à  une  autre 
usine  mue  par  la  Gélise,  c'est  une  bouchonnerie 
mécanique.  En  aval,  un  vieux  pont  ogival, 
n'ayant  pour  parapet  qu'une  barrière  de  fer  et 
sur  lequel  passa  souvent  le  Béarnais,  fait  com- 
muniquer le  moulin  avec  Barbaste.  L'ensemble 
du  site  est  très  curieux  ;  les  quatre  tours  si 
minces,  coiffées  de  toits  aigus,  lui  donnent 
quelque  chose  de  pimpant  et  de  fier. 

Barbaste  est  un  joli  centre,  animé  par  une 
population  remarquablement  spirituelle  et  vive 


LA    CAPITALE    DU    «  BEARNAIS  )) .  69 

(rallure.  Les  ouvrières  qui  sortent  des  ateliers 
de  bouchonnerie  sont  coquettement  vêtues.  Le 
bourg  a  été  transformé  par  le  tracé  de  la  route 
nouvelle.  Elle  traverse  la  Gélise  sur  un  nouveau 
pont,  d'où  le  décor  du  moulin  est  superbe.  Il  y 
a  là  un  coin  d'un  charme  indicible,  qui  semble 
condenser  les  beautés  intimes  de  notre  cher 
pays  de  France.  La  Baïse,  franchie  parla  grande 
arche  d'un  viaduc,  forme  elle  aussi  un  paysage 
riant  et  doux,  s'il  a  moins  de  grandeur.  La  vue 
s'étend  sur  les  jolies  collines  de  Xaintrailles  et 
de  Montgaillard.  Au  sommet  de  la  plus  rappro- 
chée se  montre  l'église  d'Estussan,  dont  le  cam- 
panile triangulaire  percé  de  quatre  ouvertures 
est  d'un  singulier  effet. 

Pendant  que  je  rentre  à  Lavardac,  les  ateliers 
se  vident;  c'est  l'heure  de  la  sortie,  ouvriers 
coiffés  du  béret,  ouvrières  vêtues  de  couleurs 
fraîches  et  gaies  retournent  à  la  ville  ;  une  fusée 
de  rires  monte  sous  les  grands  arbres. 

A  l'hôtel  on  me  sert  à  bon  compte  un  dîner 
plantureux.  Au  dessert,  l'hôtesse  m'apporte  de 
l'eau-de-vie  bizarre  et  exquise,  une  bouteille 
de  vieil  Armagnac  dans  laquelle  est  une  grosse 
poire  duchesse  !  Comment  est-elle  entrée  là-de- 
dans? je  renonce  à  comprendre,  mais  l'on  m'ap- 


6o  VOYAGE  EN  FRANCE. 

prend  que  le  fruit,  aussitôt  formé  et  dégagé  des 
branches  adventices,  a  été  mis  dans  une  bou- 
teille avec  sa  tige,  tout  en  restant  attaché  à 
l'arbre  :  il  a  grossi  de  la  sorte:  à  la  maturité,  on 
a  coupé  la  branche,  la  poire  est  restée,  on  a 
rempli  la  bouteille  avec  de  l'eau-de-vie  à  laquelle 
le  fruit  a  donné  son  parfum.  Quand  il  n'y  a  plus 
d'armagnac  on  en  ajoute  d'autre.  Cette  singu- 
lière préparation  se  fait  à  Labastide-d' Armagnac, 
non  seulement  avec  des  poires,  mais  aussi  avec 
des  pêches  et  des  raisins. 

Ayant  reçu  cette  leçon  de  prestidigitation 
horticole,  je  me  suis  mis  en  route  pour  Nérac. 
A  la  gare  j'assistais  au  chargement  d'une  quan- 
tité de  sacs  et  de  paquets  de  bouchons.  La  cu- 
riosité me  prend  de  lire  les  étiquettes  :  les  envois 
sont  pour  tous  les  coins  de  la  France  ;  ces  noms 
de  petites  villes  visitées  il  y  a  des  années  parfois 
m'emmènent  bien  loin  de  Lavardac  et  de  la  Gas- 
cogne. Voici  un  sac  pour  Chaumont-en-Vexin, 
et  il  me  semble  respirer  la  saine  odeur  de  fruits 
à  cidre  tombés  dans  les  pommages. 

Ce  doit  être  un  plaisir  d'être  homme  d'équipe 
à  Lavardac.  Les  employés  de  la  gare  soulèvent 
sans  peine  d'énormes  fardeaux.  Quels  hercules, 
ces  petits  Gascons  !  Mais  les  ballots  ne  con- 
tiennent que  du  liège,  on  peut  porter  sans  trop 


LA    CAPITALE    DU    «   BÉARNALS  )) .  6l 

de  peine  un  mètre  cube  de  bouchons,  les 
brouettes  et  les  «  diables  »  se  chargent  de  véri- 
tables pyramides  de  caissettes.  Auguste,  l'écuyer 
du  cirque,  pourrait  ici  prendre  les  poses  de 
Samson  qui  réjouissent  tant  son  public  ! 

Le  trajet  est  court  de  Lavardac  à  Nérac, 
quelques  minutes  au  long  de  la  vallée  de  la 
Baïse,  et  voici  le  hall  clair  et  élégant  de  la  gare 
où  se  bifurquent  les  lignes  de  Riscle  et  de  Mont- 
de-Marsan. 

Un  boulevard  que  ne  borde  encore  aucune 
maison  conduit  à  un  grand  mail  planté  de  beaux 
arbres.  Au  delà,  s'étend  une  seconde  ligne  de 
larges  boulevards,  appelée  les  avenues  d'Albret. 
La  route  de  Mézin  y  aboutit  en  face  d'une  statue 
de  Henri  IV,  donnée  à  la  ville  par  le  comte 
Dijon. 

A  noiisté  Henri  —  A  notre  Henri  —  dit  l'ins- 
cription gasconne.  Cette  familière  et  tendre  ap- 
pellation ne  semble  pas  inspirer  beaucoup  de 
respect  à  la  marmaille  de  l'endroit,  les  marches 
du  piédestal  sont  couvertes  de  cailloux  et  de  tes- 
sons de  bouteille.  Cette  négligence  surprend, 
car  la  ville  est  aimable  et  bien  tenue,  les  rues 
sont  propres.  Une  troisième  ligne  de  boulevards 
rappelle  le  tracé  circulaire  des  fortifications  qui 


02  VOYAGE    EN    FRANCE. 

enceignaient  la  capitale  favorite  des  rois  de 
Navarre.  La  partie  la  plus  large  porte  le  nom  de 
cours  Victor-Hugo.  Une  double  rangée  de  bancs 
forme  des  banquettes  presque  ininterrompues 
offrant  un  asile  aux  flâneurs. 

Sauf  dans  les  rues  commerçantes  bordées  de 
boutiques,  la  plupart  des  maisons  sont  envelop- 
pées de  verdure  et  de  fleurs,  roses,  vigne  ou 
jasmin.  Les  vieux  murs  sont  fleuris  de  muffliers, 
de  giroflées  et  de  valériane.  Ces  plantes  amies 
des  ruines  croissent  aussi  sur  les  débris  de  rem- 
parts surmontés  de. vieilles  bâtisses  qui  dominent 
sur  la  rive  droite  le  chenal  étroit  de  la  Baïse.  Un 
pont  dont  l'arche  centrale  est  ogivale  franchit  la 
rivière  et,  par  d'étroites  rues,  entre  de  vieilles  et 
curieuses  maisons,  conduit  au  cœur  du  Petit- 
Nérac,  faubourg  qui,  mieux  que  la  ville  propre, 
a  gardé  la  physionomie  du  passé.  Des  logis  à 
galeries,  des  tanneries,  des  séchoirs  à  mottes 
font  un  pittoresque  décor  de  ces  bords  de  rivière 
sur  laquelle  passent  de  grands  chalands.  Au 
fond,  la  belle  arche  en  anse  de  panier  du  pont 
neuf  complète  le  tableau.  De  la  partie  haute  du 
Petit-Nérac,  étagée  sur  les  rochers,  on  a  une  vue 
charmante:  la  ville  en  amphithéâtre,  les  coteaux 
aux  pentes  douces,  la  Baïse  sinueuse  et  les  ponts. 
Ce  quartier  possède  une  église  moderne,  heu- 


LA    CAPITALE    DU    «  BEARNAIS   )) .  63 

reiix  pastiche  du  xm*  siècle,  dont  l'intérieur  har- 
monieux inspirerait  autant  de  vénération  que  les 
vieux  temples,  sans  les  couleurs  trop  crues  du 
chemin  de  croix. 

Combien  ce  charmant  édifice  —  devant  lequel 
est  le  modeste  hôtel  qu'habitait  Sully  —  est  su- 
périeur à  l'église  du  Grand-Nérac,  lourd  édifice 
d'un  style  ultra-classique,  dont  la  nef  unique 
finit  en  cul  de  four  !  C'est  une  inconcevable 
erreur  de  Louit,  le  grand  architecte  auquel  on 
doit  le  théâtre  de  Bordeaux. 

Nérac  possède  une  chose  admirable  :  sa  Ga- 
renne, ancien  parc  du  château  des  rois  de  Na- 
varre. Peu  de  villes  ont  une  promenade  compa- 
rable à  ces  bords  de  la  Baïse  couverts  de  grands 
chênes  et  de  vieux  ormes,  où  la  roche  apparaît 
sous  un  manteau  de  pervenche  et  de  mousse. 
Des  sources  sourdent,  leurs  eaux  captées  emplis- 
sent des  vasques,  alimentent  des  fontaines  gra- 
cieusement ornées. 

Une  de  ces  fontaines  sort  d'une  grotte  et  forme 
un  petit  bassin  au  milieu  duquel  est  un  rocher 
enveloppé  de  plantes  aquatiques  ;  sur  le  marbre 
est  sculpté  le  corps  d'une  jeune  fille  morte 
noyée.  C'est  la  légende  de  Fleurette,  la  jolie 
jardinière  qui  se  serait  suicidée  par  désespoir 
de  l'abandon  du  roi.  Nul  n'a  songé  à  souiller  ou 


64  VOYACiE    EN    FRANCE. 

balafrer  la  nudité  marmoréenne  de  l'imaye,  et 
c'est  à  l'honneur  de  la  population. 

La  Baïse,  si  dolente  en  apparence,  a  ses  fu- 
reurs ;  on  a  indiqué  sur  les  murs  d'un  petit  édi- 
fice la  trace  des  inondations  qui  élevèrent  le 
niveau  de  plusieurs  mètres. 

Au  bord  de  la  grande  avenue  est  une  gra- 
cieuse fontaine  élevée  en  l'honneur  du  dauphin. 
L'inscription  de  cet  édicule  est  assez  curieuse  : 

Quatorze  sénatevrs  du  siège  de  TEdit  de  Gvienne,  sovbz 
Tautorité  du  davphin  François,  ont  fait  enclore  les  très 
cliastes  ondes  de  ceste  claire  fontaine,  dans  le  monument 
de  ce  gentil  ovvrage,  de  pevr  qu'alcvn  par  l'envye  des 
fontaines  voysines  ne  covpat  ses  veines,  dcstovrnant  sa 
sovrce,  ne  trovblat  son  covrant,  ne  sovillat  sa  sitvation  et 
ses  détovrs. 

Rvisselez  toviours,  petites  ondelettes,  esbattez-vous, 
eavx  délicates,  et  administrez  droit  et  ivstice  à  tovtes  les 
autres  fontaines  !  Que  vostre  flot  argentin  sorte  incessam- 
ment! que  vostre  mobilité  crespelée  savtelle!  que  vostre 
dovx  mvrmvre  siffle  !  que  vostre  liqveur  vitrée  novs  adov- 
cisse,  et  sovbz  l'ombre  de  l'enfant  héroïque,  notre  pro- 
tecteur, d'un  covrs  perpétuel  avec  une  récréation  arrov- 
sante,  toviovrs  relvisante,  éteignez  la  soif  des  citoyens  de 
Nérac. 

C'est  un  peu  long  et  emphatique;  cependant, 
sous  l'ombrage  puissant  de  ces  arbres  dont  l'un, 
le  plus  rapproché,  a  été  planté  de  la  main  du 
roi  Henri,  on  est  ému  au  lieu  de  sourire.  Comme 


LA    CAPITALE    DU    «  BEARNAIS  ».  65 

ces  évocations  aux  pures  ondes  des  fontaines 
nous  ramènent  loin,  bien  loin  dans  le  passé  î 
Cette  époque  du  roi  Henri  avec  ses  luîtes  de  re- 
ligion et  ses  tristesses  avait  au  moins  des  heures 
d'apaisement  et  de  poésie.  Et  ce  n'est  pas  sans 
tristesse  que  l'on  songe  à  nos  heures  moroses. 
D'autres  sources,  puis,  au  fond,  les  belles 
ruines  féodales  du  château  de  Nazareth  accrois- 
sent l'attrait  de  celte  Garenne  où  j'ai  longtemps 
erré,  jusqu'au  moment  où  les  pi  emières  lumières 
s'allumaient  dans  la  ville,  vers  les  pauvres  restes 
du  château  des  rois  de  Navarre  dont  on  devine 
à  peine  la  splendeur  passée. 


VOYAGE  EN  FRANCE.  —  XXXI. 


LES    BOUGHONNIERS    DE    MEZIN 


L'industrie  de  Nérac.  —  Les  bouchonniers.  —  Les  forêts  de  chênes- 
lièges  ou  siiriers.  —  La  culture  des  suriers.  —  Le  commerce 
du  liège.  —  Le  pas  de  Gascogne.  —  Au  bord  de  la  Gélise.  — 
La  forêt.  —  Mézin  et  les  ateliers  de  liégeurs.  —  Sos.  — 
L'école  d'agriculture  et  de  viticulture  de  Saint-Pau. 


Sos.  Juillet. 

Nérac  n'est  pas  seulement  une  jolie  ville,  c'est 
encore  un  centre  de  commerce  fort  actif,  où  les 
eaux-de-vie  de  l'Armagnac  viennent  en  partie 
s'entreposer  '  ;  plusieurs  industries  se  rappor- 
tant à  la  distillerie  des  vins  et  à  la  culture  de  la 
vigne  ont  installé  des  ateliers  dans  cette  partie 
vivante  de  l'Albret.  La  brasserie  et  la  produc- 
tion des  engrais  occupent  également  beaucoup 
de  bras.  Le  commerce  agricole  a  une  part  im- 
portante dans  le  mouvement  des  affaires.  Gomme 


I.  Sur  la  production  des  eaux-de-vie  d'Armagnac,  voyez  la 
3o«  série  du  Voyage  en  France,  notamment  le  chapitre  XX,  et, 
dans  le  présent  volume,  le  chapitre  Vil. 


LES    BOUCHONNIERS    DE    MÉZIN.  67 

toute  bonne  ville  gasconne,  Nérac  met  en  œuvre 
les  volailles  engraissées  au  maïs  pour  la  fabri- 
cation de  conserves  et  de  pâtés.  Les  terrines  de 
Nérac  ont  la  faveur  des  gastronomes. 

La  fabrication  des  bouchons  n'a  pas  pris  à 
Nérac  une  importance  comparable  à  celle  des 
établissements  de  Lavardac  et  de  Mézin,  cepen- 
dant on  y  rencontre  quelques  ateliers,  la  cons- 
truction et  la  réparation  des  machines  à  tra- 
vailler le  liège  se  font  surtout  dans  la  ville.  Mais 
pour  les  centres  bouchonniers,  les  campagnes 
du  Condomois  ou  des  Landes,  Nérac  est  le 
centre  d'attraction.  Jadis  favorisées  par  la  Baïse 
navigable,  les  affaires  ont  été  accrues  depuis  la 
construction  des  chemins  de  fer,  la  ligne  de 
Mont-de-Marsan  notamment,  qui  pénètre  ou 
frôle  la  grande  forêt  de  chênes-lièges,  dont  elle 
recueille  les  bois  et  les  écorces. 

Ces  mots  «  forêt  de  chênes-lièges  »  ne  sont 
pas  d'une  exactitude  absolue.  Il  n'y  a  pas  de 
futaies  exclusivement  composées  de  ces  arbres, 
ils  sont  mélangés  aux  pins  maritimes,  surtout 
dans  la  zone  forestière  conquise  à  la  suite  des 
travaux  de  M.  Chambrelent  \  Mais  à  mesure 
que  les  pins  parviennent  à  l'âge  d'être  exploités 


I.  3o^  série  du  Voyage  en  France,  chapitres  II  et  III  à  VII. 


68  VOYAGE    EN    FRANCE. 

ils  disparaissent  et  laissent  le  chêne  maître 
du  sol. 

Je  ne  reviendrai  pas  sur  ce  que  j'ai  dit  dans 
mon  précédent  volume,  relativement  à  la  cul- 
ture de  cet  arbre  précieux;  il  faut  cependant  rap- 
peler que  le  cliêne-liège  des  Landes  n'est  pas 
considéré  par  les  botanistes  comme  le  véritable 
chêne-liège,  ce  dernier  croît  autour  de  la  mer 
méridionale,  en  Provence,  en  Roussillon,  en 
Espagne,  au  Maroc,  en  Algérie  et  en  Tunisie. 
L'autre  se  plaît  sur  les  rivages  plus  humides  de 
l'Océan,  on  le  trouve  en  abondance  en  Portugal 
et  sur  les  côtes  atlantiques  du  Maroc.  Plus  rus- 
tique que  son  frère  méditerranéen,  il  en  diffère 
par  son  mode  de  végétation  et  sa  plus  grande 
résistance  au  froid.  A  part  cela  il  faut  l'œil  du 
botaniste  pour  distinguer  un  arbre' de  l'autre 
par  l'examen  de  la  cupule  du  gland. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  a  fait  du  chêne-liège 
des  Landes  une  espèce  à  part.  Gomme  il  se  plaît 
sur  la  mer  d'Occident,  on  l'a  nommé  Quercus 
occidentalis .  Dans  les  Landes,  les  bûcherons  et 
les  liégeurs  lui  donnent  le  nom  de  siirier. 

En  Lot-et-Garonne,  le  cadastre  évalue  à 
1 7  846  hectares  la  surface  occupée  par  les  pins 
et  à  5  598  hectares  celle  des  surèdes,  c'est  moins 
que  dans  le   département   des  Landes  où  l'on 


Échelle  au  ijSW  000'. 
LE    CHÈNE-LIÈGE    EX    LOT-ET-GARONNE. 

Les  communes  marquées  n  sont  celles  où  l'on  signale  le  chène-liége.  Les 
chifli-es  indiquent  les  surfaces  constatées  par  le  cadastre  (en  hectares). 

Les  parties  de  la  foret  grisaillées  "^^  sont  les  principales  surèdes  ou  futaies 
de  chénes-liéges  occidentaux  (suriers). 


70  VOYAGE    EN    FRANCE. 

compte  i3ooo  hectares  de  chênes-lièges,  bien 
peu  de  chose  auprès  des  82  700  hectares  du  dé- 
partement du  Var^  Mais  pendant  longtemps  la 
forêt  de  la  région  de  Nérac  passa  pour  la  plus 
importante  de  France  : 

Quelques  chênes-lièges,  disait  Abel  Hugo  vers  i835, 
existent  épars  (sic)  dans  l'Esterel,  en  Provence  et  dans 
les  Pyrénées-Orientales  ;  la  forêt  du  Maransin  dans  les 
Landes  est  formée  d'arbres  de  cette  espèce  ;  mais  la  forêt 
qui  fournit  la  majeure  partie  du  liège  nécessaire  à  la  con- 
sommation de  la  France  se  trouve  dans  le  département 
de  Lot-et-GaronnC;,  sur  la  rive  gauche  de  la  Gélise,  où  elle 
occupe  un  espace  de  huit  lieues  carrées. 

A  cette  époque  les  statistiques  révélaient 
à  Nérac,  Barbaste  et  Mézin  70  fabriques  de 
bouchons  occupant  700  ouvriers  et  livrant 
i3o  000  quintaux  métriques  de  bouchons  et  de 
liège  façonné. 

Les  richesses  de  la  France  étaient  donc  fort 
imparfaitement  connues,  car  la  forêt  de  liège  du 
pays  de  Nérac  ne  pouvait  être  la  plus  grande, 
mais  les  forêts  des  Maures  et  de  l'Esterel 
n'avaient  pas  encore  été  explorées,  elles  étaient 
inexploitées  faute  de  moyens  de  transport,  tan- 


1.    Sur  l'industrie  du  liège  dans  le  Var,  voyez  la  iS^  série  du 
Voyage  en  France,  la  Provence  maritime. 


LES    BOUCHONNIERS    DE    MEZIN.  7I 

dis  que  les  Landes,  voisines  de  Bordeaux,  grand 
port  et  grand  centre  de  consommation^  avaient 
pu  développer  l'exploitation.  Dans  les  Maures, 
au  contraire,  on  n'utilisait  pas  le  liège,  les  ar- 
bres servaient  à  faire  du  charbon  ;  leurs  pousses, 
rongées  par  les  moutons  et  les  chèvres,  ne  pou- 
vaient se  développer  ;  à  peine  tirait-on  un  peu 
de  liège  pour  les  usages  de  la  marine  ou  pour 
tailler  des  bouchons  vendus  à  la  foire  de  Beau- 
caire  ;  mais  quand  l'industrie  eut  pris  son  essor 
et  que  le  liège  reçut  de  si  nombreuses  applica- 
tions, la  Provence  commença  à  préserver  ses 
forêts  :  depuis  i84o,  elle- est  entrée  en  lice  et 
dépasse  de  beaucoup  le  Lot-et-Garonne. 

Cependant  l'emploi  du  liège  s'est  répandu  si 
prodigieusement  que  le  pays  de  Nérac,  loin  de 
souffrir  de  la  concurrence,  a  accru  ses  ateliers  ; 
ne  trouvant  pas  assez  de  matières  premières 
pour  ceux-ci,  il  doit  s'adresser  au  dehors,  à 
l'Algérie  surtout.  Qu'est  cependant  la  produc- 
tion française  auprès  de  celle  des  autres  pays  ! 
D'après  M.  Lamey  ^  les  contrées  où  l'on  récolte 
le  liège  fournissent  environ  687  000  quintaux 
métriques  de  liège  préparé.  Sur  cette  quantité, 
près  de   la   moitié   est  livrée   par  le   Portugal 


I.  Le  Chène-liège.  Paris,  Berger-LcATault  et  C*e. 


"72  VOYAGE  EN  FRANCE. 

(275000),  l'Espagne  vient  ensuite  avec  i4oooo, 
la  France  donne  60  000  quintaux,  l'Algérie 
88000,  la  Tunisie  10  000;  soit  1 58  000  pour  l'en- 
semble des  pays  français.  Quant  à  l'Italie,  sa 
part  de  10  000  quintaux  est  infime. 

En  admettant  le  prix  de  o  fr.  65  c.  le  kilo- 
gramme pour  les  lièges  préparés  —  non  ouvrés 
encore  —  le  Portugal  fournit  au  commerce  du 
monde  pour  17875000  fr.  de  liège,  l'Espagne 
9100000  fr.,  la  France  et  ses  possessions  de 
l'Afrique  du  Nord  10  270  000  fr.  L'Italie  n'atteint 
pas  un  million. 

Nos  lièges  français  sont  en  grande  partie  con- 
sommés sur  place,  tandis  que  le  Portugal  et 
l'Espagne  font  de  l'exportation;  ce  sont  eux 
surtout  qui  alimentent  l'Angleterre,  l'Amérique, 
l'Allemagne  et  les  pays  du  Nord.  Nous  semblons 
avoir  une  part  dérisoire  dans  ce  commerce  ;  en 
réalité,  notre  lot  est  considérable  puisque  nous 
livrons  à  l'étranger  des  millions  de  bouteilles 
de  vins,  de  liqueurs  et  d'eau-de-vie  bouchées 
avec  nos  lièges.  On  a  calculé  que  la  Champagne 
seule  absorbe  tous  les  ans  i5ooo  quintaux  de 
bouchons.  Étant  donnés  les  déchets,  c'est  la 
dixième  partie  au  moins  de  ce  que  le  Portugal 
peut  fournir  avec  son  énorme  production  de  liège 
non  ouvré. 


LES    BOUCHONNIERS    DE    MÉZIN.  78 

Dans  le  Lot-et-Garonne,  la  zone  des  suriers 
est  toujours  sur  la  rive  gauche  de  la  Gélise, 
comme  le  constatait  Abel  Hugo;  elle  comprend 
toute  la  grande  région  boisée  qui  va  finir  vers 
les  landes  d'Houeillès,  mais  le  chêne-liège  se 
fait  de  moins  en  moins  nombreux  à  mesure  que 
l'on  s'éloigne  de  la  rivière. 

Les  chênes-lièges,  par  les  soins  dont  ils  ont 
été  l'objet,  ont  fini  par  constituer  des  massifs 
particuliers  au  sein  de  la  grande  forêt  landaise 
et  le  cadastre  a  pu  en  constater  l'étendue  dans 
21  communes.  C'est  à  l'aide  des  chiffres  commu- 
niqués par  l'actif  directeur  de  l'école  d'agricul- 
ture de  Saint-Pau  que  j'ai  pu  établir  la  carte  des 
surèdes  de  Lot-et-Garonne  en  indiquant  aussi  les 
communes  dotées  de  chênes-lièges  mais  non 
recensées  par  le  cadastre. 

Ces  étendues  s'accroîtraient  sans  doute,  n'était 
la  concurrence  d'autres  régions  liégeiises,  mais 
celles-ci,  qui  ne  possèdent  pas  de  lièges  aussi  fins, 
d'une  teinte  aussi  régulière,  ont  remédié  à  cette 
infériorité  par  des  procédés  de  blanchiment  et 
de  soufrage  qui  permettent  à  leurs  produits  de 
lutter  contre  ceux  de  la  Gélise  et  amènent  la 
réduction  actuelle  dans  l'étendue  des  surèdes  à 
Barbaste,  Lisse,  Poudenas,  Réaup,  Sos,  etc. 

L'exploitation  de  ces  arbres  remontant  à  une 


74  VOYAGE  EN  FRANCE. 

époque  assez  lointaine,  on  constate  le  maintien 
de  méthodes  commerciales  peu  en  rapport  avec 
les  données  précises  de  nos  jours,  c'est  ainsi  que 
la  base  des  transactions  est  encore  sur  bien  des 
points  le  pas  de  Gascogne,  mesure  variant  selon 
la  qualité.  Le  meilleur  liège  marchand  est  vendu 
d'après  un  cube  d'une  largeur  de  o'^'",925  et 
une  hauteur  de  26  planches  sur  le  devant,  28 
sur  le  derrière  et  les  débris  intercalés.  Pour  les 
lièges  de  qualité  moindre  on  met  3o  ou  82  plan- 
ches devant,  38  derrière. 

Déjà  gênant  par  ces  mesures  arbitraires,  le  pas 
de  Gascogne  l'est  bien  davantage  par  la  facilité 
offerte  à  la  fraude.  Le  maître  tireur ,  c'est-à-dire 
bûcheron  qui  détache  ou  tire  le  liège,  s'entend 
souvent  avec  l'acheteur  au  détriment  du  ven- 
deur. Le  pas  qui  devrait  peser  260  kilogrammes 
se  trouve  alors  en  avoir  3oo.  Aussi  s'eff*orce- 
t-on  de  faire  adopter  la  vente  au  poids.  Un  des 
principaux  propriétaires  de  forêts,  M.  Cap- 
grand-Mothes,  directeur  de  l'école  pratique 
d'agriculture  de  Saint-Pau,  est  parvenu  à  impo- 
ser ce  système.  L'emploi  de  plus  en  plus  grand 
des  lièges  d'Algérie,  toujours  vendus  au  poids, 
amènera  sans  doute  une  révolution  plus  com- 
plète. M.  de  Montesquiou,  dans  une  communi- 
cation faite  il  y  a  vingt  ans  au  comice  agricole 


LES    BOUCHONNIERS    DE    MEZIN.  76 

de  Nérac,  évaluait  à  4o  fr.  pour  uu  pas  le  béné- 
fice réalisé  par  la  vente  à  la  pesée. 

Ce  ne  sont  pas  seulement  les  procédés  de  vente 
et  d'achat  qui  doivent  être  transformés,  l'exploi- 
tation elle-même  a  besoin  d'être  conduite  dans 
un  esprit  de  progrès.  Le  traitement  des  arbres 
est  jusqu'ici  assez  barbare.  Lorsque  ceux-ci  ont 
atteint  une  dimension  permettant  de  les  démas- 
clery  c'est-à-dire  d'enlever  la  première  écorce  ou 
liège  mâle,  qui  n'a  aucune  valeur,  il  faut  attendre 
plusieurs  années,  neuf,  dix  ou  douze  ans,  avant 
de  pouvoir  récolter  le  liège  marchand.  Celui-ci 
se  présente  souvent  avec  une  surface  boursouflée 
ou  crevassée  qui  réduit  fort  l'épaisseur  utile.  Il 
importe  donc  d'obliger  l'écorce  ou  siiher  à  croître 
régulièrement,  sous  une  surface  lisse.  M.  Cap- 
grand-Mothes  a  résolu  le  problème  avec  élé- 
gance. Une  fois  le  démasclage  opéré,  on  replace 
sur  la  plaie  le  canon  de  liège  mâle  enlevé  en 
fermant  hermétiquement  les  points  de  suture  à 
l'aide  de  carton  et  on  lie  le  canon  au  moyen  de 
fils  de  fer.  Si  l'on  a  bien  exactement  rappliqué 
l'écorce,  le  liège  qui  se  reforme  en  dessous  est 
absolument  lisse;  au  lieu  des  croûtes,  des  canne- 
lures et  des  boursouflures  on  obtient  une  sorte 
de  pellicule. 

Le  succès  de  l'inventeur  dans  son  domaine  de 


76  VOYAGE  EN  FRANCE. 

Saint-Pau  où  il  possède  10  000  pieds  de  suriers 
a  été  grand,  mais  il  n'en  a  pas  été  de  même 
dans  les  Maures  et  l'Esterel  où  le  chêne-liège 
proprement  dit  n'a  pu  supporter  le  régime  dont 
se  trouvait  bien  le  chêne  occidental  ou  surier. 

Nérac  est  séparée  de  la  forêt  par  la  péninsule 
de  collines  qui  s'étend  entre  la  Baïse  et  la  Gélise. 
Le  chemin  de  fer  et  une  route  y  conduisent  à 
travers  une  jolie  campagne  offrant  bientôt  des 
vues  sur  la  vallée  de  cette  dernière  rivière  ;  du 
sommet  des  coteaux  on  voit  très  bien  la  délimi- 
tation précise  du  pays  de  cultures  et  de  la  région 
forestière.  D'un  côté  de  la  Gélise  des  cultures 
fraîches  et  des  vignes,  de  l'autre  la  sylve  pro- 
fonde :  pins  d'un  vert  sombre,  suriers  tout  roux 
en  cette  saison  par  la  profusion  de  pousses  nou- 
velles qui  prolongent  chaque  rameau. 

Dans  une  clairière,  le  village  de  Lisse  montre 
la  belle  tour  de  son  château.  Un  autre  castel, 
Hordosse,  au  confluent  de  la  Gélise  et  de  l'Au- 
zoue,  appartint  à  du  Bartas  qui  l'habita  long- 
temps et  y  écrivit  une  partie  de  ses  œuvres. 

La  forêt,  de  chaque  côté  de  Lisse,  aboutit  à 
la  Gélise  même,  ses  arbres  se  reflètent  parfois 
dans  l'étroit  courant.  Les  pins  gemmés,  les  tail- 
lis de  chênes  écorcés  pour  la  tannerie  et  les  su- 


LES    BOUCHONNIERS    DE    MEZIN.  77 

riers  constituent  le  peuplement.  Ces  arbres 
croissent  en  plein  sol  landais,  c'est-à-dire  dans 
le  sable  reposant  sur  Talios.  Aussitôt  la  Gélise 
franchie  on  aperçoit  la  roche  perçant  sous  une 
terre  fauve  et  l'on  trouve  les  cultures.  Dans  cette 
zone  fertile,  le  village  d'Andiran  est  en  partie 


peuplé  de  liégeiirs;  on  y  fait  surtout  les  encriers 
légers  en  usage  dans  beaucoup  d'écoles. 

Aux  abords  de  Mézin,  la  culture  a  quelque 
peu  fait  reculer  la  forêt,  la  rive  gauche  de  la  Gé- 
lise offre  une  large  bande  de  champs,  de  vignes 
et  de  vergers  que  la  petite  ville  contemple  du 
haut  de  sa  colline. 

Des  remparts  enveloppaient  jadis  Mézin^  ils 
ont  disparu  depuis  longtemps,  laissant  çà  et  là 
quelques  débris,  et  sont  remplacés  par  des  bon- 


•yS  VOYAGE    EN    FRANCE. 

levards  dont  un,  montant  de  la  vallée,  est  bordé 
d'arbres  superbes.  Dès  que  l'on  pénètre  dans 
les  rues,  on  est  saisi  par  la  senteur  spéciale  du 
liège,  exaspérée  souvent  par  l'ébullition  ou  la 
combustion.  C'est  plus  frappant  encore  qu'à 
Pont-de-Bordes,  car  toutes  les  maisons  sont 
des  ateliers  ou  des  usines  consacrées  au  travail 
du  liège.  Dans  chaque  famille,  père,  mère,  en- 
fants sont  occupés  à  la  fabrication  des  bou- 
chons, des  semelles  ou  d'une  foule  d'autres 
objets.  La  commune  renferme  près  de  3  ooo  ha- 
bitants, dont  2  000  environ  dans  la  ville  elle- 
même,  et  il  y  a  dans  les  ateliers  urbains  ou  de 
la  banlieue  i  ooo  ouvriers  qui  se  livrent  à  cette 
industrie  '. 

La  ville  est  simple,  dans  les  limites  de  ses 
murailles  détruites  et  qu'elle  n'a  pas  dépassées  ; 
mais  l'enceinte  est  remplacée  par  une  rangée  de 
maisons  se  rattachant  aux  anciennes  portes,  dont 
il  reste  les  côtés.  Sauf  la  rue  principale,  de  mé- 
diocre largeur  déjà,  il  n'y  a  que  des  ruelles 
étroites,  montueuses,  pavées  d'une  façon  inégale 
à  l'aide  de  grosses  pierres.  Sur  une  place  dont 
un  des  côtés  encore  entouré  d'arcades  révèle  que 


I.  Mézin  compte  ii  usines,  35  fabricants  patentés,  7  marchands 
de  liège  et  3  marchands  de  bouchons  en  gros. 


LES    BOUCHONNIERS    DE    MEZIN.  79 

Mézin  fut  une  bastide,  est  l'unique  monument 
de  la  ville,  l'église,  fort  bel  édifice  ;  l'abside 
romane  est  une  merveille  de  grâce  robuste  et 
sobre.  Les  fenêtres  entourées  d'ornements  d'une 
grande  pureté  offrent  des  arcatures  retombant 
sur  des  colonnes  aux  chapiteaux  fleuris.  De 
chaque  côté  du  chœur  s'ouvre  une  chapelle  gra- 
cieuse. La  nef  est  ogivale. 

A  côté  de  l'église  s'étend  une  terrasse  d'où 
l'on  contemple  de  vastes  horizons  :  la  riante  val- 
lée de  la  Gélise,  les  campagnes  bien  cultivées 
du  Gabardan  et  du  Gondomois,  et  surtout  les 
espaces  infinis  des  landes  plantées  de  pins  et 
de  chênes-lièges.  Sur  cette  petite  place,  Mézin  a 
érigé  le  buste  du  général  Tartas. 

A  mon  arrivée,  Mézin  semblait  endormie, 
aucun  bruit  ne  se  faisait  entendre.  Sans  le  par- 
fum sui  generis  du  liège  et  les  bouchons  étalés 
sur  des  claies  à  côté  des  portes,  rien  n'aurait  ré- 
vélé l'industrie  de  la  petite  ville.  C'était  le  repas; 
chaque  jour,  de  midi  et  demi  à  deux  heures, 
le  calme  se  fait  ainsi.  Maintenant  les  rues  se 
sont  animées,  hommes  et  femmes  vont  aux  ate- 
liers où  a  lieu  le  travail  en  commun  pendant 
que  toutes  les  portes  et  les  fenêtres  ouvertes 
laissent    apercevoir    l'atelier    familial.    Je    suis 


8o  VOYAGE  EN  FRANCE. 

cordialement  admis  dans  les  maisons  où  je  de- 
mande à  assister  au  travail.  A  domicile,  on  ne 
fait  guère  que  le  bouchon,  la  machine,  si  expé- 
ditive  et  simple,  a  peu  à  peu  supplanté  la  pro- 
duction à  la  main.  Celle-ci  est  préférée  pour  les 
qualités  supérieures,  quand  Touvrier  doit  tirer 
de  son  carré  de  liège  un  bouchon  sans  défaut, 
n'ayant  aucune  partie  mauvaise.  Avec  la  machine, 
le  bouchon  rigoureusement  calibré  est  fait  sans 
tenir  compte  des  parties  crevassées  ou  dures. 

A  la  main  un  bon  ouvrier  ne  fait  guère  plus 
de  800  à  I  000  bouchons  par  jour,  tandis  que  la 
machine  en  livre  4  ooo-  On  est  donc  arrivé  à 
quadrupler  la  production,  même  davantage  car 
certaines  machines  peuvent  faire  jusqu'à  7  000 
pièces.  Cependant  la  consommation  s'accroît  si 
régulièrement  que  le  nombre  des  bouchonniers 
ne  diminue  pas;  bien  au  contraire,  on  n'a  jamais 
fait  autant  de  bouchons  à  Mézin. 

D'après  les  ouvriers  que  j'interroge,  le  salaire 
est  d'environ  2  fr.  5o  c.  à  3  fr.  par  jour.  Les  plus 
habiles  peuvent  arriver  à  gagner  de  18  à  20  fr. 
par  semaine.  C'est  modeste,  comparé  aux  gains 
d'autres  industries,  mais  l'existence  est  facile 
dans  ce  pays  au  climat  si  doux  que  les  jardins 
possèdent  des  oliviers,  cultivés  comme  arbres 
d'ornement . 


LES    BOUCHONNIERS    DE    MÉZIN.  8l 

On  ne  fait  pas  seulement  le  bouchon  ordinaire 
à  Mézin  ;  on  prépare  tous  les  articles  demandés 
par  certaines  industries,  la  pharmacie,  les  pro- 
duits chimiques,  etc.  Afin  de  ne  rien  perdre  de 
leur  clientèle,  certains  fabricants  ont  même  créé 
la  production  de  bouchons  en  bois,  en  verre  et 
autres  matières.  On  fait  les  semelles  et  les  talon- 
nettes, les  rondelles,  les  viroles,  les  cubes,  les 
poignées  de  bicyclettes,  des  objets  pour  la  pas- 
sementerie, que  sais-je  encore  ;  partout  dans  la 
ville  et  dans  les  usines  hydrauliques,  le  liège 
change  de  forme. 

Aussi  n'a-t-on  pu  suffisamment  trouver  de 
liège  dans  la  forêt.  Celle-ci  donne  à  peine  la 
vingtième  partie  de  la  matière  première  des  usi- 
nes de  Lot-et-Garonne.  Mézin  est  devenu  un 
important  client  pour  TAlgérie  et  l'Espagne.  On 
tire  de  ces  pays,  me  dit-on,  3  ooo  balles  par 
année.  La  balle  de  liège  en  planches  est  d'en- 
viron 70  à  80  kilogrammes.  Ce  serait  donc  près 
de  25oooo  kilogrammes  que  Mezin  seul  irait 
chercher  au  dehors. 

La  perte  au  travail  est  énorme,  M.  Lamey 
l'évalue  à  65  p.  100.  Aussi  cherche-t-on  à  utiliser 
les  déchets.  On  les  emploie  à  la  fabrication  des 
briques  de  liège  en  mélangeant  des  débris  gros- 
sièrement moulus  avec  de  la  chaux.  Ces  briques 

VOYAGE  EN  FRANCE.  —  XXXI.  G 


Ô2  VOYAGE    EN    FR,\NCE. 

ont  un  débouché  assuré  dans  beaucoup  d'indus- 
tries, grâce  à  leur  légèreté  et  à  leur  incombusti- 
bilité. D'autres  usines  agglomèrent  ces  résidus 
pour  de  nombreux  emplois  industriels.  Un  fabri- 
cant produit  des  bouées  de  sauvetage.  En  un 
mol,  rien  n'est  perdu  de  ces  détritus  jadis  en- 
combrants. 

Plus  de  trente  maisons  figurent  aux  annuaires 
pour  la  seule  fabrication  des  bouchons  ;  il  en  est 
d'autres  dans  les  villages  voisins,  notamment  à 
Poudenas,  village  bâti  à  l'issue  d'un  court  val- 
lon descendu  de  la  forêt.  Le  travail  industriel 
du  liège  finit  là,  mais  l'exploitation  de  la  forêt  se 
poursuit  plus  loin  encore,  jusqu'à  la  petite  ville 
de  Sos,  le  dernier  centre  un  peu  considérable 
de  Lot-et-Garonne  dans  la  direction  des  Landes. 

Sos  est  dans  la  région  que  l'on  peut  appeler 
Armagnac,  car  elle  a  beaucoup  de  vignes  et 
produit  des  eaux-de-vie.  Une  petite  industrie 
née  de  la  forêt  y  persiste,  la  tabletterie.  C'est 
une  ancienne  ville,  située  sur  la  chaussée  ro- 
maine dite  Ténarèze  ;  on  croit  qu'elle  aurait 
succédé  à  la  capitale  de  la  tribu  gauloise  des 
Sosiates.  C'était  jadis  et  c'est  encore  mainte- 
nant le  point  de  ravitaillement  pour  les  habi- 
tants des  Landes,  les  premières  pinèdes  sont  de 
l'autre  côté   d'un  des  vallons  entre  lesquels  la 


LES    BOUCHONNIERS    DE    MEZIN.  83 

ville  est  bâtie,  vallon  bien  cultivé  au  fond  duquel 
le  village  de  Meylan  est  à  demi  entouré  par  la 
forêt  de  pins  et  de  chênes-lièges.  Dans  une  clai- 
rière voisine,  le  château  de  Saint-Pau  a  été  amé- 
nagé par  M.  Capgrand-Mothes  en  école  pratique 
d'agriculture  pour  le  département  ;  elle  offre 
cette  particularité  de  posséder  une  chaire  de  syl- 
viculture où  l'on  étudie  particulièrement  la  cul- 
ture du  chêne-liège  et  du  pin.  Une  partie  de  la 
forêt,  autour  de  l'école,  est  un  admirable  champ 
d'expérience,  conduit  depuis  bien  des  années 
avec  une  science  remarquable. 


VI 

LOMAGNE    DU    GERS,     GAURE    ET    FEZENZAGUET 


Entre  Agen  et  Lectoure.  —  Le  pays  de  Brulhois.  —  Layrac.  — 
Astaffort.  —  En  Lomagne.  —  Lectoure.  —  La  maison  du  ma- 
réchal Lannes.  —  Fleurance  et  le  pays  de  Gaure.  —  En  Fezen- 
zaguet  :  Mauvezin  et  INIonfort. 


Auch.  Août. 

Pour  les  divers  pays  composant  l'Armagnac, 
Agen  est  le  nœud  des  communications  avec 
Paris  et  le  centre  de  la  France.  Si  Bordeaux  et 
Toulouse  sont  les  centres  d'attraction,  où  va  se 
fondre  une  émigration  si  active,  ils  ne  détermi- 
nent pas  le  principal  courant  d'affaires  ;  encore 
le  mouvement  sur  Bordeaux  emprunte-t-il  tou- 
jours l'Agenais,  c'est  à  Agen  ou  à  Port-Sainte- 
Marie  que  se  t'ait  le  transit  des  marchandises  et 
des  voyageurs.  La  ligne  en  construction  ou  étu- 
diée de  Bazas  à  Auch  modifiera  peu  le  cou- 
rant. 

La  vallée  du  Gers,  moins  importante  que 
celle  de  la  Baise,  moins  riche  aussi,  n'étant  pas 


LOMAGNE   DU   GERS,    GAURE   ET  FEZENZAGUET.    85 

autant  centrale,  a  cependant  bénéficié  la  pre- 
mière des  voies  ferrées,  grâce  à  l'attraction  du 
chef-lieu  et  à  la  situation  d'Agen  sur  la  roule  de 
Paris,  mais  les  relations  du  département  ont  été 
sacrifiées,  puisque  les  deux  principales  villes, 
Condom  et  Auch,  ne  sont  pas  unies  par  des  rails. 
Les  chemins  de  fer  à  petit  écartement  feront 
cesser  cette  situation  en  complétant  les  amélio- 
rations que  doivent  réaliser  les  lignes  d'Eauze  à 
Auch  et  Lannemezan  et  de  Gastelsarrasin  à  Gi- 
mont^ 

Cette  ligne  maîtresse,  d'Agen  à  Auch  et  à 
Tarbes,  est  jusqu'ici  la  seule  qui  desserve  la 
Lomagne,  vaste  région  étendue  depuis  la  ligne 
de  faîte  entre  Baïse  et  Gers,  et  la  Garonne,  vers 
Gastelsarrasin  et  Verdun.  Bien  que  la  Lomagne 
ait  perdu  de  bonne  heure  son  autonomie  en  de- 
venant simple  province  de  l'Armagnac,  son  nom 
a  prévalu  pour  les  petites  villes  de  Lavit-de-Lo- 
magne  et  Beaumont-de-Lomagne,  en  Tarn-et- 
Garonne.  Au  point  de  vue  agricole  et  dans  le 
langage  courant,    elle  a  encore   une   existence 


I.  Le  Conseil  rjéiiéral  du  Gers  est  saisi  d'un  projet  de  chemins 
de  fer  secondaires  comprenant  un  premier  réseau  de  288  kilomè- 
tres, lignes  de  :  Gazaubon  à  Estang  et  Nogaro  ;  Thermes  d'Ar- 
magnac à  Marciac,  Plaisance  et  Mirande  ;  Condom  à  Mirande  ; 
Valence  à  Castéra-Verduzan  ;  Auch  à  Tournecoupes,  Sérempuy  à 
Mauvezin,  Cologne  et  Cadours,  Gimont  à  Saramon  et  Lombez. 


86  VOYAGE  EN  FRANGE. 

propre,  on  dit  la  Lomagne  comme  on  dit  l'Ar- 
magnac ^ 

La  Lomagne  commence  sur  la  rive  gauche  de 
la  Garonne,  après  le  massif  qui  constitue  le 
canton  de  Laplume.  Celui-ci  était  bien  de  l'Ar- 
magnac cependant,  dont  il  constituait  une  divi- 
sion sous  le  nom  de  Brulhois.  Par  ce  dernier 
l'Armagnac  confinait  au  grand  fleuve  du  Sud- 
Ouest  qui  le  séparait  de  la  Guyenne.  Le  Gers  et 
TAuvignon  formaient  les  autres  limites. 

Donc  c'est  en  Brulhois  que  me  conduisait  le 
train  par  lequel  j'ai  gagné  la  petite  ville  de  Lay- 
rac,  à  travers  cette  riante  et  plantureuse  cam- 
pagne garonnaise  qui  fit  l'admiration  d'Arthur 
Young.  Layrac  est  une  mignonne  ville  qui  a 
perdu  son  titre  plutôt  honorifique  de  capitale 
du  pays,  un  instant  porté  par  elle,  alors  que  sa 
rivale,  bourg  moins  populeux,  Laplume,  deve- 
nait chef-lieu  d'un  canton.  Une  belle  église  ro- 
mane domine  par  sa  tour  octogonale  l'amphi- 
théâtre des  toits  bruns.  Au  pied  coule  le  Gers  ; 
l'administration  a  fait  à  la  pauvre  rivière  la  flat- 
terie de  la  considérer  comme  navigable  pendant 
la  demi-lieue   qui  la  sépare  encore   de  la  Ga- 


I.  Pour  la  portion  de  ce  petit  pays  dévolue  au  Tarn-et-Garonne, 
voyez  le  chapitre  XIV. 


LOMAGNE   DU   GERS,    GAURE   ET   FEZENZAGUET.    87 

ronne,  mais  on  y  chercherait  vainement  un  ba- 
teau de  transport. 

Layrac  est  dans  une  situation  charmante,  des 
abords  on  jouit  d'une  vue  étendue  sur  la  vaHée 
de  la  Garonne  et  les  collines  de  TAgenais,  si 
nettement  et  bizarrement  découpées.  Mais,  en 
amont,  la  vallée  se  ferme  et  devient  le  large  cou- 
loir qu'elle  sera  jusqu'au  pied  de  la  terrasse  de 
Lannemezan.  Les  collines  basses,  admirable- 
ment cultivées,  sont  encore  en  partie  couvertes 
de  vignes  dont  beaucoup  issues  de  plantations 
récentes.  Les  céréales  sont  superbes  ;  comme 
sur  l'autre  versant  de  la  Garonne,  la  culture  de 
l'oignon  couvre  de  grands  espaces. 

Au  sommet  d'une  colline.  Fais  se  signale  par 
une  pittoresque  église  ayant  pour  façade  un  pi- 
gnon triangulaire  ;  le  clocher  est  un  simple  pan 
de  mur  très  élevé,  percé  de  niches  où  sont  les 
cloches.  De  ce  coteau,  la  vue  s'étend  sur  la 
vallée,  belle  surtout  par  l'inexprimable  richesse 
de  ses  campagnes,  car  les  formes  sont  trop 
molles  pour  donner  du  caractère  au  paysage. 

Du  côté  opposé,  le  pays  —  le  Brulhois  —  dé- 
coupé par  de  nombreux  vallons,  n'est  pas  moins 
heureux  d'aspect,  mais  les  villages  sont  rares 
et  menus.  Beaucoup  ne  groupent  pas  cent  habi- 
tants autour  de  l'église,  Marmont-Pachas  en  a 


05  VOYAGE    EN    FRANCE. 

seulement  i4  au  centre  sur  les  189  de  la  com- 
mune et  le  bourg  principal,  Laplume,  chef-lieu 
du  canton,  en  renferme  4iO)  un  peu  plus  du 
quart  de  sa  population  totale.  Aussi  n'y  a-t-il 
guère  de  commerce  dans  cette  zone,  sinon  celui 
des  produits  agricoles.  Tous  les  cours  d'eau  qui 
y  naissent  ont  une  origine  commune  sur  les 
lianes  d'une  haute  colline  se  terminant  par  une 
cime  escarpée  d'où  l'on  commande  d'immenses 
horizons.  Là,  très  lier  d'aspect,  est  Laplume  ; 
ce  fut  sans  doute  la  forteresse  qui  maîtrisait  ce 
pays  si  profondément  découpé. 

Le  Brulhois  finit  au  Gers,  au-dessous  d'Astaf- 
fort,  bourg  de  Lomagne  dont  l'aspect  contraste 
avec  l'opulence  des  campagnes  voisines  ;  la  pau- 
vreté des  matériaux  de  construction  explique 
l'aspect  assez  triste  de  ce  centre,  point  d'attrac- 
tion pour  une  partie  de  la  Lomagne,  vers  Mira- 
doux,  pauvre  petite  bastide,  jadis  forteresse 
importante. 

Astaffort  marque  la  limite  de  Lot-et-Garonne  ; 
à  moins  d'une  lieue  on  est  dans  le  département 
du  Gers.  La  rivière  qui  donne  son  nom  à  ce  der- 
nier ne  s'est  pas  accrue  depuis  Auch,  elle  n'est 
guère  plus  large  et  abondante  que  la  Bièvre  en 
amont  de  Paris  et  cependant  elle  a  déjà  parcouru 
167  kilomètres!    Sur  ses  rives  la  vie  est  active 


LOMAGNE    DU   GKRS,    GAURE   ET  FEZENZAGUET.     89 

en  ce  moment,  on  procède  au  battage  et  à 
l'éclaircissage  du  maïs.  Derrière  les  bœufs  qui 
conduisent  lentement  la  houe,  des  femmes  achè- 
vent le  travail. 

Raides  sur  la  rive  droite,  les  pentes  sont 
douces  du  côté  de  l'occident  ;  cependant  un 
mamelon  surgit,  haut,  de  belle  forme,  couronné 
par  le  village  de  Lagarde-Finarçon  entourant 
une  mince  flèche  d'église.  En  face,  sur  un  ro- 
cher à  pic  de  la  rive  droite,  Gastex-Lectourois 
semble  s'affaisser,  tant  ses  maisons  sont  basses. 
Le  fond  de  la  vallée  s'est  évasé,  le  Gers  se  traîne, 
sinueux,  entre  des  prés  encadrés  d'aulnes,  de 
peupliers  et  d'ormes.  Des  bœufs  mènent  les  ma- 
chines faucheuses,  spectacle  qui  surprendrait 
bien  nos  cultivateurs  du  Nord,  habitués  au  tra- 
vail rapide  de  leurs  chevaux. 

Sur  une  colline  une  ville  apparaît,  très  fière 
dans  sa  ceinture  de  remparts  dominant  de  haut 
des  pentes  raides,  elle  dresse  la  masse  puissante 
d'une  cathédrale  aux  tours  rongées  par  les  ans. 
Ce  fut  un  évêché,  en  effet,  jusqu'à  la  Révolution, 
cette  Lectoure,  capitale  de  la  Lomagne  ;  son 
évêque  partageait  avec  le  roi  le  titre  de  seigneur 
de  la  ville.  Longtemps  aussi,  elle  a  été  la  capi- 
tale de  l'Armagnac  et  sa  forteresse  la  plus  puis- 
sante. La  prise  de  la  ville  par  l'armée  de  Louis  XI 


90 


VOYAGE  EN  FRANCE. 


fut  en  quelque  sorte  le  glas  de  la  féodalité.  De- 
puis ce  grand  drame  historique,  Lectoure  a  peu 
à  peu  perdu  toute  importance,  la  suppression  de 
son  évéché  activa  la  décadence  que  le  phylloxéra 
a  encore  accrue.  La  dépopulation  est  plus  active 
que  dans  les  autres  villes  du  Gers.  Il  y  eut  près 
de  7  000  habitants  au  commencement  du  siècle, 
on  n'en  comptait  plus  que  6  ooo  avant  la  guerre 


et  le  dernier  recensement  n'en  signale  pas  4  ooo  '  ! 
r/est  donc  une  commune  en  décadence. 

Lectoure  a  conservé  belliqueuse  mine.  Si  les 
rues  sont  d'un  calme  profond,  la  principale, 
large,  bordée  de  belles  maisons,  garde  l'aspect 
des  petites  métropoles  d'autrefois.  La  cathédrale, 
les  édifices  et  les  promenades  qui  l'avoisinent 


I.  Exactement  4  49o,  dont  2  Sgi  agglomérés. 


LOMAGNE   DU   GERS,    GAURE   ET   FEZENZAGUET.     QI 

ibrment  un  ensemble  charmant.  Cette  église, 
œuvre  de  l'époque  ogivale,  est  belle,  par  le  chœur 
surtout  dont  la  voûte  élancée  est  soutenue  par 
des  colonnes  engagées,  ornées  de  chapiteaux 
sobrement  fouillés.  Autour,  rayonnent  neuf  cha- 
pelles, charmantes  par  leurs  nervures  et  leurs 
clés  de  voûte.  L'une  d'elles  renferme  la  sépul- 
ture d'un  Narbonne  Pelet,  évêque  de  Lectoure. 

L'évêché  avoisine  l'église.  Acquis  par  le  maré- 
chal Lannes,  le  plus  illustre  des  Lectourois,  il  a 
été  donné  à  la  ville  par  la  maréchale.  Ce  palais 
est  devenu  l'hôtel  de  ville  et  la  sous-préfecture, 
il  renferme  aussi  un  musée  dont  la  curiosité 
principale  est  une  galerie  de  portraits  de  géné- 
raux de  la  Révolution  et  de  l'Empire,  nés  dans 
cette  petite  contrée  de  Lomagne. 

Au  chevet  de  la  cathédrale,  une  partie  des  an- 
ciennes fortifications  a  été  plantée  d'arbres;  c'est 
le  Bastion.  Un  kiosque  pour  la  musique,  des 
pelouses,  la  statue  de  Lannes  ornent  cette  en- 
trée de  la  ville.  Le  futur  maréchal  et  duc  de 
Montebello,  dont  l'origine  était  des  plus  humbles, 
travailla  moyennant  six  sous  par  jour  au  com- 
blement des  fossés  et  à  la  plantation  de  ce  mail 
que  son  effigie  orne  maintenant. 

Lannes  est  né  dans  une  étroite  voie,  la  rue 
Montebello,  reliant  la  grande  rue  au  rempart. 


92  VOYAGE    EN    FRANCE. 

La  maison,  que  ne  signale  aucune  inscription, 
est  une  pauvre  bâtisse  de  poutrelles,  aujour- 
d'hui occupée  par  un  menuisier;  elle  a  perdu 
son  aspect  d'autrefois  :  on  y  a  percé  une  fenêtre 
et  placardé  une  devanture  de  boutique.  Le  père 
de  Lannes  était  garçon  d'écurie. 

Près  de  là,  quelques  vieilles  maisons  bordent 
des  ruelles  aboutissant  au  rempart  qui  domine 
la  vallée  ;  deux  chapelles  attirent  l'attention  par 
leurs  porches  sculptés. 

Du  Bastion  la  vue  est  fort  étendue,  merveil- 
leuse même  lorsque  le  temps  clair  permet  de 
contempler  la  chaîne  des  Pyrénées  dessinant 
ses  monts  bleuâtres,  couronnés  de^  neige.  Au 
premier  plan,  sur  une  colline,  se  profde  Ter- 
raube;  dans  la  vallée  les  toits  de  Fleurance  cou- 
vrent un  grand  espace  ;  plus  loin  Auch  se  révèle 
par  les  hautes  tours  de  sa  cathédrale.  Le  pays 
semble  un  sinueux  et  verdoyant  plateau,  tant 
sont  uniformes  par  l'altitude  les  sommets  des 
rides  parallèles  entre  lesquelles  se  creusent  les 
vallées  nombreuses.  Peu  de  villages,  à  peine  çà 
et  là  un  clocher  se  dressant  au  sein  des  damiers 
réguliers  de  culture.  Les  métairies  elles-mêmes 
sont  rares  et  se  confondent  par  leurs  toits  rou- 
ges avec  le  sol  rougeâtre  de  la  Lomagne.  Mais 
tout  ce  pays  est  riche.  On  attribue  la  fertilité 


LOMAGNE   DU   GERS,    GAURE   ET   FEZENZAGUET.    qS 

du  sol  à  sa  nature  calcaire,  contrastant  avec  les 
argiles  ou  boulbènes  de  l'Armagnac. 

Cette  fertilité  n'a  pourtant  pas  empêché  le 
pays  d'être  déserté  et,  partant,  de  s'appauvrir. 
Toutes  les  campagnes  jusqu'à  Saint-Clar,  une 
des  dernières  bastides  que  l'on  ait  édifiées,  sont 
en  voie  de  décroissance.  Lectoure  a  fort  souffert 
de  cette  émigration,  cependant  elle  distille  en- 
core un  peu  d'eau-de-vie  et  fait  un  grand  com- 
merce de  volailles,  ressource  suprême  de  l'agri- 
culture en  Armagnac. 

Si  belle  est  la  vallée  dans  ces  campagnes 
fraîches,  que  j'ai  voulu  la  voir  dans  son  inti- 
mité en  faisant  à  pied  la  route  de  Lectoure  à 
Fleurance,  superbe  chaussée  due  à  M.  d'Etigny. 
Ce  chemin  descend  par  une  grande  courbe  jus- 
qu'au Gers,  en  offrant  de  belles  échappées  sur 
cette  rivière  et  l'étroit  vallon  où  s'écoule  le  flot 
indigent  de  la  Lauze.  Cela  me  rappelle  Angou- 
lème  %  avec  moins  de  majesté  toutefois,  car  bien 
petite  est  la  ville  qui  se  dresse  là-haut  sur 
l'abrupte  colline.  Pour  rejoindre  la  chaussée  j'ai 
suivi  une  rue  passant  devant  la  fontaine  de  Fon- 
télie  qui  sourd  au  pied  des  anciens  remparts, 


I.  \b^  série  du  Voyage  en  France. 


94  VOYAGE  EN  FRANCE. 

SOUS  une  voûte  qu'éclairent  deux  grandes  ogives 
portées  par  une  colonne  basse  à  chapiteaux. 
Une  grille  de  fer  sépare  le  bassin  alimenté  par 
trois  sources  de  l'espèce  de  préau  très  profond 
où  sont  les  robinets.  Le  futur  maréchal  Lannes 
vint  souvent  jouer  dans  cette  sorte  de  fosse  et 
boire  à  la  fontaine. 

Au  bas  de  la  côte,  l'antique  chapelle  de  Saint- 
Gény  attire  l'attention,  son  élégant  pignon  a  été 
bizarrement  flanqué  de  deux  tourelles  coiffées 
d'ardoises,  comme  les  imaginerait  quelque  bour- 
geois parisien,  rêvant  d'une  villa  à  Asnières. 
Près  de  là,  jolie  chute  du  Gers  sur  un  barrage, 
ses  eaux  louches  refluent  sous  les  arbres  et  don- 
nent la  vie  à  un  moulin.  Sur  la  rive  gauche,  les 
pentes,  très  douces,  semblent  une  plaine  ;  sur 
l'autre  les  coteaux  montrent  un  front  de  ces  ro- 
chers calcaires  dont  la  présence  dans  le  sol  a  valu 
aux  terres  arables  le  nom  de  peyriisquets.  Les 
maisons  qui  les  couvrent  ont  des  toits  bas  et 
plats.  En  dehors  de  ces  métairies  isolées  ou  des 
demeures  des  brassiers  —  travailleurs  ruraux  — 
pas  un  hameau..  Aucun  village  ne  borde  la  route 
de  1 1  kilomètres  formant  une  avenue  superbe 
mais  solitaire.  Pendant  6  kilomètres  le  couvert 
est  formé  d'ormes  de  belle  venue,  plus  loin  ce 
sont  des  peupliers  pyramidaux.   Quelques  mé- 


LOMAGNE  DU  GERS,  GAURE  ET  FEZENZAGUET.  qS 

tairies,  très  espacées,  montrent,  à  l'écart  de  la 
route,  leur  façade  de  pisé  ou  de  terre^crue.  Fière- 
ment campée  sur  une  colline,  apparaît  la  flèche 
grêle  de  Castelnau-d'Arbieu.  Sur  l'autre  versant, 
ce  village  domine  la  vallée  de  l'Auroue.  Un 
hameau  voisin,  Urdens,  couvre  un  promontoire. 

Cette  région,  non  moins  fraîche  que  la  Loma- 
gne,  est  encore  un  petit  pays  :  le  Gaure.  De 
bonne  heure,  il  se  donna  à  la  couronne  de 
France  ;  un  des  comtes  d'Albret  à  qui  il  avait 
été  cédé  ne  put  en  devenir  maître  qu'en  prenant 
et  saccageant  la  capitale,  Fleurance,  qui  voulait 
seulement  dépendre  du  roi. 

Dans  le  Gaure,  s'étendent  de  belles  cultures. 
Du  hameau  d'Aurrenque  à  Castelnau,  de  jolis 
coteaux,  bien  dessinés,  sont  surtout  couverts  de 
froment.  Les  vignes  sont  rares,  il  y  a  peu  de 
maïs,  quelques  champs  de  fèves  rompent  l'uni- 
formité. 

Sur  la  route  je  rencontre  un  troupeau  de  ces 
chèvres  des  Pyrénées  que  nous  voyons  dans  les 
villes.  Le  chèvrier  me  raconte  qu'il  est  descendu 
des  monts,  il  y  a  bien  des  années,  avec  son 
père,  s'est  plu  dans  le  pays  et  y  est  resté.  Il 
voulut  aller  à  Paris,  lui  aussi,  moduler  sur  son 
instrument  en  menant  des  chèvres  de  porte  en 
porte,  mais  la  nostalgie  de  Fleurance  le  prit,  il 


gÔ  VOYAGE    EN    FRANCE. 

y  revint  ;  il  fait  pacager  ses  bêtes,  vend  ses  fro- 
mages et  s'estime  heureux. 

Près  d'un  beau  parc  entourant  la  vaste  de- 
meure d'Olympe,  un  vignoble  reconstitué,  dont 
les  sarments  sont  d'une  belle  venue,  montre  ce 
que  pourra  donner  la  vigne  traitée  d'après  les  mé- 
thodes modernes.  La  campagne  est  plus  riante, 
les  habitations  rurales  sont  charmantes  parfois, 
on  devine  l'approche  d'une  ville.  Les  prés  en- 
tourés d'arbres,  la  route,  qui  retrouve  la  bor- 
dure de  grands  ormeaux,  forment  une  sorte  de 
Bocage  si  touffu  que  l'église  de  Fleurance, 
nettement  aperçue  de  Lectoure,  est  maintenant 
masquée,  la  ville  semble  bien  lointaine.  Enfin, 
à  un  coude  de  la  route,  l'avenue  offre  en 
perspective  un  mur  blanc,  c'est  la  première  mai- 
son de  Fleurance. 

A  Feutrée  de  la  ville  une  croix  se  dresse  sur 
un  piédestal  entouré  d'une  barrière,  monument 
commémorât  if  dû  à  la  ferveur  cathohque  d'une 
dame  Colomez  ;  elle  la  fit  ériger  en  1898,  pour 
rappeler  que  le  22  novembre  1086  «  les  fleuran- 
tins  ont  défait  les  huguenots  de  toute  la  contrée 
alliés  contre  leur  ville  ». 

Fleurance  est  une  des  plus  grandes  parmi  les 
bastides  du  Gers.  Mais  elle  a  gardé  peu  de  logis 
remontant  à  sa  création  ;  le  grand  désastre  de 


LOMAGNE   DU   GERS,    GAURE   ET   FEZENZAGUET.    97 

i465,  quand  la  ville  fut  mise  à  sac  par  Jean  d'AI- 
bret,  a  dû  détruire  beaucoup  de  constructions  du 
Moyen  Acje.  Les  rues  sont  larges,  les  maisons, 
en  majeure  partie  construites  en  torchis  ou  en 
adobes,  c'est-à-dire  en  briques  crues,  sont  plates 
et  sans  caractère.  La  grande  place,  entourée  d'ar- 
cades, a  été  occupée  au  centre  par  des  halles  sur 
voûte.  Tout  autour,  beaucoup  de  cafés,  l'un  d'eux 
est  une  «  réunion  Ôl  aficionados  y) .  La  passion  des 
courses  de  taureaux  s'étend  jusqu'ici. 

L'église  est  un  remarquable  mais  lourd  édi- 
fice du  xiv^  siècle.  Dans  l'énorme  façade  ogivale 
sont  creusées  de  belles  niches  sculptées.  Pour  y 
pénétrer  il  faut  descendre  au  parvis  par  des  de- 
grés ;  par  des  degrés  encore  on  accède  dans  la 
nef;  la  voûte,  d'un  aspect  mystérieux  et  sombre, 
est  soutenue  par  de  puissantes  colonnes  d'où  les 
nervures  s'épanouissent  comme  les  branches 
d'un  palmier. 

Près  de  la  gare,  aux  abords  d'un  petit  jardin 
anglais  finissant  à  un  abreuvoir  orné  d'une  île 
de  rocaille,  un  grand  champ  de  foire  révèle  le 
rôle  économique  de  Fleurance.  La  ville  est  un 
centre  commercial  autrement  actif  que  Lectoure, 
son  chef-lieu  d'arrondissement  ;  si  la  popula- 
tion de  la  commune  est  moins  élevée  que  dans 
celui-ci,   le   nombre    des   habitants   agglomérés 


VOYAGE  EN  FRANCE.  XXXI. 


gS  VOYAGE    EN    FRANCE. 

est  plus  considérable  ^  De  très  nombreux  ma- 
gasins et  des  fabriques  de  chaussures  donnent 
de  l'activité. 

Fleurance  est  encore  le  rendez-vous  de  tout 
ce  pays  de  Gaure  dont  elle  fut  la  capitale.  Une 
longue  et  belle  route  s'en  va  par  les  pentes 
douces  de  la  commune   de  Sainte -Radegonde 


dans  la  partie  du  canton  de  Valence  qui  dé- 
pendait du  comté.  Les  deux  plus  gros  centres, 
dans  cette  direction,  sont  de  fort  petits  bourgs 
entourés  de  riches  campagnes,  la  Sauvetat  et 
Saint-Puy.  Ce  dernier  n'a  pas  35o  habitants 
agglomérés  et  c'est  encore  le  plus  peuplé  dans 


I .  Population  totale  4 102  habitants,  municipale  agglomérée  3  243. 
Il  y  a  cependant  décroissance  là  aussi,  Fleurance  a  compté  4  5oo 
habitants. 


LOMAGNE   DU   GERS,   GAURE  ET  FEZENZAGUET.    QQ 

cette  vaste  zone  d'entre  Gers  et  Baïse  ;  or,  la 
commune  a  près  de  i  200  âmes,  c'est  dire  com- 
bien les  habitations  sont  disséminées. 

Du  côté  opposé,  Fleurance  est  le  débouché 
pour  le  canton  de  Mauvezin  et  une  partie  de 
celui  de  Cologne  ;  ce  dernier  bourg,  capitale  du 
petit  pays  de  Gimoës,  est  une  bastide,  comme 
l'indique  son  nom  emprunté  à  l'iVllemagne.  La 
région  de  Mauvezin  a  également  un  nom  parti- 
culier, c'est  le  Fezenzaguet,  dont  l'Arrats  est  la 
rivière  centrale.  La  vallée  étroite  est  bordée  de 
collines  bien  découpées  donnant  parfois  beau- 
coup de  grandeur  au  paysage.  Mauvezin,  centre 
administratif  et  commercial,  fut  la  capitale,  il 
s'étend  au  fond  du  val.  Plus  pittoresque  est  la 
bastide  de  Monfort  qui  vit  naître  du  Bartas  et 
couvre  un  promontoire  abrupt  au-dessus  du  val- 
lon de  l'Orbe.  Un  village  moins  peuplé.  Tourne- 
coupe,  garde  avec  autant  de  fierté  les  confins  du 
Fezenzaguet  et  de  la  Lomagne.  Mais  Mauvezin 
était  mieux  située  pour  avoir  l'influence  militaire 
et  économique.  Les  quartiers  hauts  de  cette 
bourgade  dominent  à  la  fois  l'Arrats  et  la  Gi- 
mone.  Les  deux  longs  cours  d'eau  semblent 
vouloir  se  réunir  ici,  mais,  en  butant  contre  la 
colline  de  Mauvezin,  ils  sont  comme  touchés  par 
une  force  répulsive.  Ils  étaient  à  moins  de  deux 


100  VOYAGE    EN    FRANCE. 

kilomètres  l'un  de  l'autre,  leurs  embouchures 
dans  la  Garonne  seront  séparées  par  six  lieues. 
Après  l'achèvement  des  chemins  de  fer  à  voie 
étroite,  c'est  vers  Auch  que  le  Fezenzaguet  diri- 
gera surtout  ses  relations,  au  détriment  de  Fleu- 
rance,  gare  la  plus  rapprochée  dans  la  direction 
de  Paris. 

De  Fleurance  à  Auch  on  continue  à  remonter 
la  vallée  du  Gers,  offrant  toujours  le  même  spec- 
tacle de  richesse  agricole.  Beaucoup  de  toits 
rouges  dans  les  campagnes.  Quelques  clochers  se 
montrent  :  Céran,  et,  au  fond  d'un  vallon,  Goutz. 
La  bastide  avortée  de  Pis  mêle  son  nom  venu  de 
la  Pise  italienne  à  ceux  très  français,  fleurant  le 
Moyen  Age,  de  Miramont,  Puységur,  Roquefort, 
Mirepoix,  Puycasquier.  Ces  noms  indiquent  bien 
des  points  culminants.  Puységur  couronne  une 
butte.  Roquefort  a  conservé  un  donjon  flanqué 
d'une  tourelle,  Arcamont  est  dominé  par  une 
vieille  tour  à  rouge  toiture.  Sur  un  mamelon 
isolé,  le  donjon,  l'église  et  le  village  de  Roque- 
laure  complètent  le  décor  des  abords  d'Auch'. 
Le  tableau  était  plus  pittoresque  encore  lorsque 
des  moulins  à  vent  occupaient  toutes  les  croupes. 


1.  Sur  Auch,  voyez  la  So^  série  du  Voyage  en  France,  cha- 
pitre XVIII. 


VII 


L'Adour  et  l'Arros.  —  Thermes-d'Armagnac.  —  Aignan.  —  No- 
garo  et  le  bas  Armagnac.  —  La  Douze  et  le  Midour.  —  Eauze. 

—  La  bourse  aux  eaux-de-vie.  —  Les  distillateurs  d'Armagnac. 

—  Lannepax.  —  En  Fezensac.  —  Vic-Fezensac. 


Monlréal-du-Gers.  Août. 

Les  bords  de  TAdour,  dans  la  plaine  de  Bi- 
gorre,  ne  montrent  guère  de  détails  heureux, 
leurs  villages  de  torchis,  d'adobes  et  de  cailloux 
jurent  avec  la  richesse  végétale  qui  les  entoure. 
Cependant,  tout  à  l'heure,  au  passage,  Tarsac 
m'a  montré  une  tour  carrée,  en  pierre  fauve, 
couronnée  par  un  hourd  en  bois  et  donnant  un 
peu  de  caractère  à  cette  rive  du  fleuve. 

L'Adour  vient  de  se  doubler  par  l'appoint  de 
l'Arros,  mais  il  n'a  fait  que  récupérer  en  partie 
les  eaux  qu'il  donna  par  le  canal  d'Alaric.  La 
jonction  a  lieu  au  sein  de  prairies  encadrées  de 
grands  arbres.  Sur  une  colline,  dominant  à  dis- 
tance le  confluent,  se  dresse  le  château  de  Ther- 


102  VOYAGE    EN    FRANGE. 

mes-d' Armagnac,  entouré  de  débris  de  murailles; 
au-dessus  d'un  corps  de  logis  flanqué  d'une  tou- 
relle se  dresse  la  haute  masse  du  donjon. 

Thermes  gardait  un  des  chemins  allant  de 
l'Adour  à  l'intérieur  de  l'Armagnac  ;  la  forteresse 
n'est  plus  aujourd'hui  qu'une  beauté  du  paysage, 
elle  est  comme  enveloppée  dans  les  vignes  qui 
couvrent  la  côte.  Partout,  on  replante;  quand 
on  a  franchi  l'étroite  colline  et  atteint  la  longue 
vallée  où  le  Mi  don,  qui  s'appelle  ici  Midour, 
traîne  ses  naissantes  eaux,  on  est  en  plein  vi- 
gnoble. Ces  plantations,  faites  avec  beaucoup 
de  soins,  entourent  le  village  de  Fustérouau  et 
s'étendent  non  seulement  sur  les  pentes,  mais 
aussi  dans  le  fond  du  val.  Les  anciennes  vignes 
sont  tenues  basses  sans  échalas,  les  nouvelles 
sont  disposées  sur  des  lignes  de  fil  de  fer.  Mal- 
gré ces  efforts,  l'étendue  du  vignoble  est  bien 
faible  en  comparaison  d'autrefois. 

Pour  ces  campagnes,  le  centre  est  le  bourg 
d'Aignan,  groupé  à  une  croisée  de  chemins  do- 
minant la  Ribérette  ;  ce  ruisseau,  particulière- 
ment pauvre  dans  ce  pays  de  rivières  indigentes, 
est  appelé  parfois  Midou  du  Nord,  c'est  une  des 
deux  branches  de  la  rivière.  Aignan  commande 
de  loin  le  pays,  sa  tour  ruinée  en  fait  un  des 
points  saillants  de  l'horizon,  dernier  vestige  du 


LE    FEZENSAG    ET    l'eaUZAN.  Io3 

primitif  château  des  comtes  d'Armagnac  dont 
Aignan  fut  la  capitale  au  début  de  leur  autorité. 
Ces  débris  remontent  au  x*  siècle,  bien  anté- 
rieurs par  conséquent  à  l'église,  bel  édifice  ogi- 
val du  XIV*  siècle. 

Aignan  joue  un  rôle  modeste  dans  l'activité 
de  ce  pays  voué  à  la  viticulture  et  à  la  produc- 
tion des  eaux-de-vie.  Sa  part  est  à  peu  près 
réduite  à  la  transformation  des  lies  de  vin  en 
cristaux  de  tartre,  industrie  fort  répandue  dans 
cette  contrée  du  bas  armagnac.  Le  bourg  est 
humble,  mais  peuplé,  en  comparaison  des  vil- 
lages parfois  constitués  seulement  par  l'église. 
Dans  ce  pays  de  viticulture,  le  vigneron  tenait 
à  habiter  au  milieu  de  ses  vignes,  aussi  chaque 
centre  communal  n'a-t-il  qu'une  poignée  de 
maisons. 

Cependant,  au  cœur  de  cette  région  aux  habi- 
tations éparpillées,  plus  de  2  000  habitants  se 
groupent  à  Nogaro,  ville  régulière,  fondée  à  la 
fm  du  XI*  siècle  et  qui  n'avait  pas  cessé  de  se 
développer  jusqu'à  l'invasion  du  phylloxéra.  En- 
core celui-ci  n'ayant  pas  eu  autant  d'influence 
que  sur  la  région  d'Auch  et  de  Lectoure,  la  dé- 
population a  été  faible.  Cela  tient  à  la  fertilité 
extrême  du  sol  et  au  peu  de  prise  offerte  au  fléau. 
Mais  si  la  culture  est  patiente,  si  le  métayer  s'ef- 


I04  VOYAGE    EN    FRANCE.      ' 

force  de  tirer  parti  du  sol,  c'est  selon  de  vieilles 
méthodes  ;  avec  un  peu  d'esprit  de  progrès  on 
ferait  ici  un  des  plus  merveilleux  terroirs  de  la 
France  entière.  Cependant  la  toiiya,  c'est-à-dire 
la  lande  pâture,  est  encore  considérée  comme 
devant  être  le  pivot  d'une  exploitation  rurale 
bien  conduite. 

La  culture  de  la  vigne  échappe  à  ces  reproches, 
elle  est  poussée  avec  beaucoup  d'attention.  On 
le  doit  aux  qualités  particulières  des  eaux-de-vie 
obtenues  dans  les  cantons  de  Nogaro  et  de  Cazau- 
bon,  où  les  crus  sont  les  plus  réputés  de  l'Ar- 
magnac. Ce  bas  Armagnac  a  dû  le  grand  élan 
vers  la  distillation  à  la  guerre  de  l'indépendance 
américaine,  pendant  laquelle  le  commerce  des 
liqueurs  fortes  se  développa  beaucoup.  Aujour- 
d'hui encore,  Nogaro  est  un  centre  considérable 
pour  les  eaux-de-vie,  plusieurs  maisons  se  sont 
installées  afin  de  recueillir  la  production  du  vi- 
gnoble, étalé  en  nappe  continue  autour  de  la 
ville. 

Les  vignes  atteignent  le  bord  du  Midou  qui 
vient  d'arroser  de  belles  prairies,  si  l'on  peut 
employer  ce  mot  arroser  pour  le  passage  d'un 
ruisseau  aussi  indigent  et  louche.  Plus  nom- 
breuses encore  sont  les  vignes  sur  les  coteaux  de 
Sainte-Christie-d'Armagnac  et  dont  la  Douze 


io5 

ou  Doulouze  occupe  l'autre  versant.  Mais  bien 
souvent  il  y  a  des  pans  de  landes  dans  les  par- 
ties élevées  de  ces  rides  entre  les  rivières.  Si 
l'on  ne  connaissait  la  coutume  des  touyas,  on  ne 
s'expliquerait  pas  de  tels  terrains  perdus  à  côté 
de  riches  cultures. 

La  saison  est  pluvieuse,  et  pourtant  la  Douze 
est  en  ce  moment  sans  eau,  bien  qu'elle  soit 
luxueusement  franchie  par  deux  ponts  sous  le 
bourg  amphithéâtral  de  Manciet,  entouré  de  jar- 
dins et  de  vignes  et  auquel  donnent  accès  des 
routes  plantées  de  grands  ormes.  Manciet,  qui  fut 
une  ville  importante,  est  sur  le  bord  d'un  plateau 
'  presque  désert  s'étendant  jusqu'à  la  GéHse  et  que 
des  landes  couvrent  çà  et  là.  Un  étang  miroite, 
reflétant  la  ramure  des  châtaigniers.  En  appro- 
chant de  la  vallée  de  la  GéHse,  on  retrouve  des 
cultures  plus  nombreuses,  des  métairies  et  une 
petite  ville  apparaît  :  Eauze,  la  plus  vénérable 
des  cités  de  l'Armagnac.  C'était  la  capitale  de 
la  Novempopulanie  et,  avant  Auch,  le  siège  de 
l'évcché.  Les  invasions  barbares  en  avaient  fait 
un  amas  de  ruines  près  desquelles  une  ville  se 
reforma  lentement,  mais  combien  petite  auprès 
de  l'antique  Elusa  des  Ibères  et  des  Romains  ! 

Elusa  était  entre  le  site  actuel  d'Eauze  et  la 
Gélise,  à  peu  près  sur  l'emplacement  de  la  voie 


I06  VOYAGE  EN  FRANCE. 

ferrée  et  de  la  gare.  Le  quartier  se  nomme  encore 
Cieutat  ou  la  Cité.  11  ne  reste  rien  d'apparent 
des  monuments  qui  en  faisaient  une  des  villes 
riches  des  Gaules.  Par  les  objets  découverts  et 
l'étendue  de  la  zone  où  ils  ont  été  recueillis,  on 
peut  cependant  reconnaître  la  grande  surface  de 
cette  capitale.  Il  fallut  la  création  d'une  abbaye, 
cinq  siècles  après  la  ruine,  pour  qu'Eauze  na- 
quît, reprenant  à  peu  près  le  nom  de  sa  devan- 
cière. 

Mais  combien  exiguë  !  La  ligne  d'un  boule- 
vard presque  circulaire  indiquant  l'emplacement 
des  murailles  du  Moyen  Age  donne  à  peine  5oo 
mètres  de  diamètre  à  la  ville.  Celle-ci  est  groupée 
autour  d'une  église  gothique  dont  la  voûte  est 
d'une  belle  envolée.  Des  maisons  à  galeries  de 
charpentes  ou  à  arcades  entourent  l'édifice,  l'une 
d'elles  est  charmante  par  ses  poutres  en  bois 
sculpté  :  un  hôtel  particulier  est  à  demi  masqué 
par  une  grille  couverte  de  roses  ;  beaucoup  de 
fleurs,  beaucoup  de  plantes  vertes  devant  les 
habitations  et  sur  l'appui  des  fenêtres  des  vieilles 
maisons  à  ressaut  qui  bordent  les  ruelles.  Au 
long  du  boulevard  de  ceinture  de  beaux  jardins 
apportent  la  gaîté.  Là  sont  les  arènes  pour  les 
courses  de  taureaux. 

Eauze  a  donné  son  nom  à  l'un  des  petits  pays 


LE  FEZENSAC  ET  L  EAUZAN.         IO7 

de  TArmagnac,  TEauzan^  qui  comprend  son  can- 
ton et  une  partie  de  celui  de  Montréal,  mais  un 
autre  nom  a  prévalu,  au  moins  pour  la  désigna- 
tion du  cru  des  eaux-de-vie  :  la  Tënarèze.  Cette 
région  viticole,  sans  donner  des  produits  aussi 
fins  que  ceux  du  bas  armagnac,  est  supérieure 
au  haut  armagnac  ou  pays  de  Gondom.  La  si- 
tuation intermédiaire  avait  fait  d'Eauze  le  prin- 
cipal marché  des  eaux-de-vie  d'Armagnac.  Au- 
jourd'hui encore,  une  véritable  bourse  se  tient 
le  jeudi  autour  de  l'église,  chaque  distillateur  ou 
bouilleur  de  cru  apporte  ses  échantillons  que 
viennent  déguster  les  négociants  ou  commission- 
naires de  Nérac,  Condom,  Agen,  Auch,  Vic- 
Fezensac,  etc.  Un  moment,  quand  le  vignoble 
de  Cognac  fut  dévasté,  les  commerçants  charen- 
tais  étaient  nombreux  au  marché  d'Eauze.  Ils 
viennent  moins  aujourd'hui.  On  attribue  leur 
abstention  aux  nouveaux  droits  sur  les  eaux-de- 
vie  ;  peut-être  y  faut-il  voir  plutôt  les  effets  de  la 
reconstitution  du  vignoble  à  Cognac  et  dans  sa 
région ^ 

Quelles  que  soient  les  causes  du  malaise,  il  est 


1.  On  dit  Eauze  en  parlant  de  la  ville  et  le  pays  se  nomme 
Auzan,  d'oii  Castelnau-d'Auzan. 

2.  Sur  Cognac  voyez  une  étude  complète  dans  la  iS*^  série  du 
Voyage  en  France. 


I08  VOYAGE    EN    FRANCE. 

grand  dans  la  Ténarèze  aussi,  de  là  cet  abandon 
des  campagnes,  la  ruine  des  propriétaires  qui 
n'ont  pu  faire  face  aux  charges  des  emprunts  et 
le  découragement  des  métayers.  Les  systèmes 
défectueux  de  culture  ne  permettent  pas  d'ob- 
tenir de  rendements  suffisants,  même  ces  rende- 
ments diminuent.  Dans  la  monographie  des 
Landes  agricoles  que  j'ai  souvent  citée  %  M.  Duf- 
fourc-Bazin  évaluait  le  prix  de  travail  à  la  char- 
rue à  170  fr.  l'hectare;  le  revenu  brut  atteignait 
38o  litres  d'eau-de-vie  à  62  degrés,  valant  38o  fr. 
En  déduisant  l'impôt  et  l'intérêt  du  capital  fon- 
cier, on  obtenait  net  170  fr.  ;  mais  la  production 
est  tombée,  le  revenu  net  n'a  pas  même  atteint 
160  fr.  ;  à  ce  taux  le  vigneron  propriétaire  ne 
peut  vivre.  La  situation,  disait  M.  Duffourc- 
Bazin  en  1892,  est  plus  grave  encore  dans  les 
départements  voisins  —  dont  le  Gers  —  que 
dans  les  Landes. 

La  distillation  des  vins  a  lieu  surtout  pour  les 
cépages  àt  folle-blanche ^  les  vins  àe  piquepouls 
étant  vendus  au  commerce  pour  le  coupage  ou 
dans  les  Charcutes  pour  remédier  à  l'insuffisance 
de  la  récolte  locale,  en  vue  de  la  transformation 
en  cognac.  Les  principales  exploitations  ont  des 


I.  Dans  la  3o^  série  du  Voyage  en  France. 


LE    FEZENSAG    ET    L  EAUZAN.  I OQ 

appareils  fixes,  mais  ce  matériel  coûteux  est  de 
plus  en  plus  remplacé  par  des  alambics  ambu- 
lants conduits  par  deux  hommes  exerçant  unique- 
ment la  profession  de  distillateurs,  auxquels  le 
vigneron  ou  un  brassier  vient  en  aide.  Ces  alam- 
bics nécessitent  un  certain  capital,  car  ils  coûtent 
de  6000  à  7000  fr.  Dans  quelques  domaines  il  y 
a  des  alambics  moins  puissants,  fabriqués  dans 
le  pays,  notamment  à  Eauze  et  à  Vic-Fezensac. 

Jadis  la  campagne  de  distillation  était  régu- 
lière, elle  commençait  vers  le  i*^''  novembre  et  se 
terminait  du  i*'  au  i5  février,  mais  depuis  que 
les  eaux-de-vie  artificielles  ont  pris  une  partie  du 
marché  et  que  la  facilité  des  transports  permet 
d'expédier  les  vins  en  nature,  on  distille  surtout 
lorsque  ces  derniers  n'ont  pu  trouver  acquéreurs. 

A  Texposition  de  1889,  l'armagnac  fut  très 
remarqué,  le  rapporteur  du  jury  établissait  ainsi 
la  répartition  des  crus  : 

Le  bas  armagnac  qui  donne  les  produits  su- 
périeurs comprend  dans  le  Gers  les  cantons  de 
Cazaubon  et  Nogaro,  dans  les  Landes  une  partie 
de  celui  de  Gabarret;  ses  eaux-de-vie  ont  une 
saveur  agréable  et  subtile,  avec  de  la  finesse  et 
du  moelleux. 

Celles  de  la  Ténarèze  «  sont  encore  fines  de 
goût  »,  mais  avec  un  peu  moins  de  délicatesse, 


IIO  VOYAGE  EN  FRANCE. 

leur  zone  comprend  le  canton  d'Eauze,  la  partie 
ouest  du  canton  de  Montréal  et  la  partie  de  Lot- 
et-Garonne  s'étendant  des  limites  du  Gers  à  Sos. 

Dans  le  haut  armagnac,  «  les  eaux-de-vie  par- 
ticipent des  mêmes  qualités,  mais  à  un  degré 
inférieur;  elles  ont  moins  de  sève  et  moins  de 
corps  ».  On  les  récolte  dans  la  partie  est  du  can- 
ton de  Montréal  et  dans  l'ensemble  des  cantons 
de  Condom,  Valence,  Vic-Fezensac,  Jegun  et 
partie  de  ceux  de  Montesquiou  et  d'Aignan. 

Ces  eaux-de-vie  d'Armagnac  ont  un  bouquet 
particulier,  mais  ne  possèdent  pas  «  le  fondu,  le 
parfum  et  la  distinction  »  des  produit  charentais. 
Les  vins  d'Armagnac  envoyés  dans  les  Charentes 
pour  la  distillation  ne  donnent  du  cognac  que 
par  les  soins  apportés  et  grâce  à  un  mélange  de 
vieilles  *eaux-de-vie  du  cru. 

Le  haut  armagnac  commence  assez  loin 
d'Eauze  vers  l'est,  avec  le  canton  de  Vic-Fezen- 
sac qui  conserve  le  nom  de  l'ancien  pays  dont 
Vie  fut  la  cité  maîtresse.  Ce  Fezensac  compre- 
nait au  début  de  la  féodalité  tout  ce  que  nous 
appelons  aujourd'hui  Armagnac,  l'Armagnac  pro- 
pre n'en  est  qu'un  démembrement.  De  lambeaux 
en  lambeaux,  formant  d'autres  petits  Etats  féo- 
daux, le  Fezensac  en  est  arrivé  à  comprendre 
seulement  les  cantons   de  Vie  et  de   Montes- 


III 

quiou.  En  1777,  l'illustre  famille  qui  porte  ce  der- 
nier nom  obtint  d'y  ajouter  celui  du  petit  pays. 

Aucun  chemin  de  fer  ne  traverse  encore  le 
Fezensac,  mais  on  doit  commencer,  en  igoS,  la 
construction  de  la  ligne  d'Eauze  à  Auch,  dont  la 
station  principale  sera  Vie.  Actuellement,  cette 
active  petite  ville  en  est  encore  aux  diligences 
qui  la  relient  à  Eauze,  Auch,  Condom,  Nogaro 
et  Mouchan,  station  la  plus  proche. 

D'Eauze,  la  route  du  Fezensac  suit  à  distance 
la  Gélise,  à  travers  une  contrée  où  les  villages 
sont  rares,  mais  qu'animent  de  nombreuses  mai- 
sons de  vignerons.  Chacune  d'entre  elles  est  une 
petite  usine  à  distiller  les  vins.  Noulens  fait  un 
commerce  d'eau-de-vie,  Ramouzens  attend  le 
chemin  de  fer  pour  développer  l'établissement 
thermal  de  la  source  du  Moura.  Plus  loin,  sur  un 
petit  plateau  étalé  entre  l'Izaute  et  l'Auzoue  — 
ou  la  Lauzoue  —  une  bastide  restée  embryon- 
naire rappelle  à  la  fois  l'ancien  état  du  pays  et 
sa  vieille  histoire  :  Lannepax,  la  Lande  de  la 
Paix  ;  ce  nom  serait  dû  à  une  paix  conclue  dans 
la  lande  entre  les  Elusates  et  le  général  romain 
Crassus. 

D'Eauze  à  Vic-Fezensac,  sur  22  kilomètres 
d'une  route  sinueuse,  on  parcourt  ou  longe 
quatre  vallées;  la  dernière  est  celle  de  la  Losse, 


112  VOYAGE    EN    FRANCE. 

très  longue  rivière  —  1 26  kilomètres  —  mais  fort 
indigente,  car  elle  ne  reçoit  pas  une  goutte  d'eau 
de  la  Neste,  malgré  les  instantes  demandes  des 
riverains.  Dans  ce  couloir  étroit,  fond  de  prai- 
ries aux  pentes  tapissées  de  vignes,  est  Vic- 
Fezensac,  un  des  principaux  centres  de  popula- 
tion pour  ce  département  où  les  villes  sont 
petites  ^ 


■^^""^T .v'x  ê^^ 


—  — X  1 1-»    \     __  .         -v     t^jr  ' /r        '  "^  -■      .       J  A         /       — ' 


-^"r?ir^"^- 


T^       -^  Jiejuujuc.  !ïS^>~^ 


T  //«vit 


^^^^:-       .     "      ^.-...A.  ^-^^.. 


^.^^--^^      .,    r  B    ei'  .."'  '^^  ^  ■^'  ''^f     ^  v^:;^-^^ 


Celle-ci  n'a  pas  le  tracé  régulier  des  bastides, 
ses  rues  sont  rarement  alignées,  mais  les  cons- 
tructions révèlent  l'aisance.  Vie  est  un  marché 
très  actif  où  viennent  s'emmagasiner  une  grande 
partie  des  vins  et  eaux-de-vie  de  l'Armagnac. 
La  fabrication  des  alambics,  la  production  des 


I.  Sur  8280  habitants  de  la  commune  il  en  est  près  de  2  5oo 
dans  la  cité  elle-même. 


LE  FEZENSAC  ET  L  EAUZAN.         Il3 

cendres  gravelées  et  des  cristaux  de  tartre  se 
rattachent  intimement  à  cette  industrie  de  la 
distillation,  de  même  que  le  travail  des  vis  de 
pressoirs  et  des  machines  agricoles. 

A  ces  industries  Vie  a  ajouté  depuis  quelques 
années  la  confection  des  chaussures  et  la  fabri- 
cation des  formes  nécessaires  à  cette  dernière. 
Les  commerçants  centralisent  les  plumes,  les 
duvets,  la  laine,  les  tartres  recueillis  dans  le 
Fezensac  et  jusque  dans  le  canton  de  Jegun, 
dont  le  chef-lieu,  bastide  placée  sur  un  mon- 
ticule, est  un  centre  rural,  aux  foires  très  sui- 
vies. La  Baïse,  ayant  Saint-Jean-Poutge  comme 
port  supérieur,  supplée  pour  les  gros  transports 
à  l'absence  de  voies  ferrées. 

Le  Fezensac  n'offre  pas  de  paysages  plus  va- 
riés que  les  autres  petits  pays  qui  Tavoisinent, 
mais  quelques  belles  ruines  relèvent  parfois  la 
monotonie  de  ces  paysages.  La  plus  remarquable, 
Lavardens,  dont  on  voit  de  loin  la  silhouette, 
n'est  plus  en  Fezensac,  elle  appartient  à  l'Arma- 
gnac propre. 

Retour  à  Eauze,  le  soir.  Du  sommet  des  rides 
parallèles,  la  vue  est  merveilleuse  sur  les  Pyré- 
nées lointaines. 

Au  matin  le  ciel  est  si  pur,  la  lumière  si  douce 

VOYAGE  EN  FRANCE.  —  XXXI.  8 


Il4  VOYAGE    EN    FRANGE. 

que  je  renonce  à  prendre  le  chemin  de  fer  et 
gagne  à  pied  Montréal.  D'Eauze  la  route  des- 
cend dans  le  vallon  verdoyant  de  la  Gélise,  rem- 
pli de  beaux  jardins.  La  rivière,  qui  deviendra 
vivante  dans  le  pays  de  Nérac,  est  encore  fossé 
sinueux  dont  les  eaux  immobiles  sont  fleuries 
de  nénuphars.  Au-dessus,  le  plateau  est  couvert 
de  cultures  entremêlées  de  vignes.  Les  fondateurs 
de  bastides  avaient  essayé  d'y  créer  une  ville  ; 
elle  n'a  pu  prospérer  et,  au  lieu  d'être  la  rivale 
d'Eauze,  est  restée  un  petit  village,  mais  Bre- 
tagne-d* Armagnac  a  conservé  sa  place  centrale 
avec  des  maisons  à  galerie.  L'église  est  un  char- 
mant édifice  à  une  seule  nef;  sur  les  colonnes 
engagées,  ornées  de  chapiteaux,  viennent  se 
poser  de  fines  nervures  supportant  la  voûte  en 
berceau.  Plusieurs  rues  de  Bretagne  sont  de- 
meurées à  l'état  de  large  chemin,  telles  que  les 
tracèrent  les  géomètres  du  Moyen  Age. 

Le  site  fut  choisi  avec  goût,  sous  la  ville  avortée 
se  creuse  le  joli  val  de  rizaute,  dominé  par  l'égHse 
moderne  de  Gazeneuve.  Les  vignes  tapissent  les 
pentes,  la  petite  vallée  off're  de  profondes  pers- 
pectives. 

Après  la  Gélise,  autre  plateau  étendu  jusqu'à 
l'Auzoue,  d'où  l'on  a  une  vue  charmante  sur 
Bretagne,  bien  assis  sur  sa  colline.  A  l'écart  du 


LE    FEZENSAC    ET    l'eaUZAN.  Ii5 

chemin  sont  les  belles  ruines  du  château  de  La- 
mothe-Gondrin  capricieusement  tapissées  de 
lierre.  Des  abords  on  jouit  d'une  vue  immense 
sur  de  belles  campagnes,  on  lit  comme  sur  une 
carte  en  relief  la  configuration  en  vallées  paral- 
lèles. Peu  de  villages,  le  groupe  de  population 
le  plus  important  est  Gondrin,  dont  les  toits 
rouges  surgissent  de  la  verdure  au  sommet  d'un 
coteau. 

Enfin  voici,  là-bas,  loin  encore,  Montréal,  bas- 
tide formée  d'une  rangée  de  maisons  aux  toits  de 
teinte  ardente  étalée  sur  l'arête  d'un  coteau  et 
dominée  par  une  vaste  église  à  contreforts.  Le 
site  est  un  promontoire  rocheux  au  pied  duquel 
l'Auzoue  semble  endormie  sous  les  nymphéas. 
La  crête  est  si  étroite  que  l'église  et  quelques 
maisons  ont  dû  s'installer  sur  de  hauts  murs  en 
terrasses  ;  Montréal,  très  petit  bourg  %  doit  à 
cette  situation  un  caractère  de  grandeur  accrue 
par  la  haute  masse  de  l'église,  percée  de  fenêtres 
ogivales  et  dont  le  (Cocher,  tour  carrée,  rappelle 
ceux  des  églises  espagnoles. 

Montréal,  mont  royal,  fut  créé  en  I255,  mais 
il  ne  s'est  pas  développé.  Son  industrie  est  nulle 
et  son  importance  commerciale  plus  faible  que 


[.  555  habitants,  la  commune  entière  en  a  2  062. 


Il6  VOYAGE    EN    FRANCE. 

celle  d'une  commune  de  son  canton,  Gastelnau- 
d'Auzan,  centre  pour  les  eaux-de-vie. 

Montréal,  si  abandonné  soit-il,  si  morose 
quand  on  parcourt  ses  longues  rues  parallèles, 
n'en  est  pas  moins  un  des  grands  paysages  de 
l'Armagnac,  lorsqu'on  le  voit  du  fond  de  sa 
vallée  ou  des  collines  voisines. 


VIII 

LE    GONDOMOIS 

Gondrin.  —  Laressingle.  —  La  vallée  de  la  Losse.  —  Gondom. 

—  Le  commerce  des  eaux-de-vie.  —  La  na\'igation  de  la  Baise. 

—  Valence  et  Beaiicaire,  —  En  descendant  la  Baise.  —  Mon- 
crabeau,  pays  des  hâbleurs. 

Nérac.  Août. 

Profondément  découpé,  le  pays,  à  partir  de 
la  vallée  de  la  Lauzoue,  offre  des  sites  plus  fiers 
pour  l'assiette  des  bourgades.  Gondrin  a  non 
moins  grand  aspect  que  Montréal,  sur  ses  hautes 
collines  aux  pentes  couvertes  de  vignes.  Enve- 
loppé de  grands  arbres,  dominé  par  une  grosse 
tour  d'église  flanquée  d'une  tourelle  à  flèche 
aiguë,  le  bourg  donne  beaucoup  d'allure  au 
paysage.  La  vue  s'étend  sur  d'immenses  hori- 
zons, jusqu'aux  Pyrénées  et  aux  Landes.  Les 
campagnes  voisines  avaient  jadis  beaucoup  de 
vignes,  elles  ont  disparu  en  grande  partie,  rem- 
placées par  les  céréales  ou  laissées  en  friches. 
C'est  pitié  de  traverser  ce  pays  ravagé. 


Il8  VOYAGE    EN    FRANGE. 

La  route  de  Condom  le  parcourt,  par  des  pen- 
tes douces  elle  descend  vers  la  Losse,  bien  peu 
accrue  depuis  Miélan  et  Vic-Fezensac  !  Aucune 
source  ne  lui  a  apporté  un  tribut;  cependant, 
aux  temps  géologiques,  elle  a  fermement  modelé 
sa  rive  droite.  Les  coteaux  de  Laressingle  dont 
elle  frange  la  base  sont  abrupts  et  formaient  une 
situation  militaire  très  forte  ;  les  évêques  de 
Condom,  plus  soldats  que  prélats,  avaient  cons- 
truit là  une  puissante  forteresse,  assez  vaste 
pour  contenir  un  village.  Elle  est  ruinée,  mais, 
hautaine  encore;  les  habitants,  trop  à  l'étroit, 
ont  appuyé  des  maisons  contre  le  rempart,  où 
ils  ont  percé  des  fenêtres.  Au  milieu  de  l'en- 
ceinte se  dresse  le  château  ;  la  chapelle,  de- 
meurée intacte,  sert  d'église  à  cette  petite  pa- 
roisse. 

Des  collines  avoisinantes  on  découvre  de 
grands  espaces  :  d'un  côté  la  vallée  de  la  Losse 
se  creuse  profonde,  de  l'autre  les  pentes  fuient 
doucement  jusqu'à  la  Baïse,  dont  Condom  oc- 
cupe la  rive  droite  escarpée.  La  vallée  est  très 
large,  verte,  lumineuse  entre  des  coteaux  de  mé- 
diocre élévation.  Peu  de  villages,  mais  beau- 
coup de  maisons  isolées.  Condom  est  le  centre 
et  la  beauté  du  paysage  ;  au-dessus  de  la  ville 
se  dresse  la  cathédrale,  sa  tour  carrée  et  la  flè- 


LE    CONDOMOIS.  IIQ 

che  d'une  autre  église  semblent  surgir  des  toits 
d'un  rouge  ardent. 

Condom  a  ce  qui  manque  aux  villes  du  Gers, 
une  rivière  ou  plutôt  l'apparence  d'une  rivière, 
car  la  Baïse  ne  serait  rien  sans  l'apport  des 
eaux  de  la  Neste  amenées  par  le  canal  %  et 
même  semblerait  un  ruisseau  si  elle  n'était  rete- 
nue par  les  barrages  écluses.  En  la  transformant 
en  voie  de  navigation  on  lui  a  donné  la  profon- 
deur d'eau  qui  fait  illusion  sur  la  masse  réelle  du 
flot.  A  Condom,  le  lit  a  été  assez  élargi  pour 
qu'un  port  ait  été  établi  en  amont  d'un  déversoir 
qu'alimente  le  bief  d'un  moulin.  A  peine  un  ou 
deux  bateaux  aujourd'hui,  cependant  la  naviga- 
tion est  plus  active  qu'on  ne  pourrait  le  supposer 
en  un  pays  de  médiocre  industrie.  Faible  en 
amont  de  la  ville  où  la  rivière  ne  dessert  aucun 
centre  populeux  et  n'aurait  même  aucun  trafic 
sans  Vic-Fezensac,  voisin  de  Saint-Jean-Poutge, 
elle  prend  de  l'essor  en  aval.  Une  compagnie  de 
transports  créée  pour  effectuer  un  service  régu- 
lier avec  Bordeaux  possède  une  flotte  de  22  em- 
barcations ayant  un  tonnage  total  de  2  182  tonnes; 
dans  ce  nombre  sont  deux  vapeurs,  l'un,  à  hélice 


I.  Sur  le  canal  de  la  Neste  et  l'alimentation  des  rivières  des- 
cendues du  plateau  de  Lannemezan,  voyez  dans  la  ^o^  série  le 
chapitre  XVI. 


120  VOYAGE    EN    FRANCE. 

à  100  chevaux  de  force,  l'autre,  à  roues  à  Tar- 
rière,  à  26  chevaux.  En  dépit  des  chemins  de 
fer,  cette  navigation  persiste,  même  elle  accroît 
encore  '.  Dans  Tensemble  la  rivière  a  un  mou- 
vement moyen,  né  sur  la  voie,  de  plus  de 
6000  tonnes. 

La  ville  s'élève  sur  une  sorte  de  terrasse  do- 


minant la  Baïse,  d'étroites  petites  rues,  une 
enveloppe  de  beaux  boulevards,  quelques  mo- 
numents intéressants,  telle  est  cette  ville-  qui 
eut  quelque  temps  Bossuet  pour  évêque.  Des 


1.  Mouvement  en  aval  de  Gondom,  du  port  aux  limites  de  Lot- 
et-Garonne,  i44oo  tonnes  en  1900  et  17181  en  1901.  En  amont, 
de  Saint-Jean-Poutge  à  Gondom,  G  908  tonnes  en  1900  et  7999 
en  1901. 

2.  6678  liabitanls,  dont  4^*50  de  population  municipale  agglo- 
mérée. 


LE    CONDOMOIS.  121 

édifices  intéressants  y  retiennent  un  instant  le 
visiteur.  L'ancienne  cathédrale,  de  proportions 
moyennes,  est  charmante,  sa  nef  en  berceau  aux 
multiples  nervures,  aux  clés  de  votjte  sculptées 
ou  dorées,  ses  élégantes  chapelles  latérales,  ses 
grandes  fenêtres  en  ogive,  est  une  belle  œuvre 
de  la  Renaissance.  De  nos  jours  on  a  entouré  le 
chœur  d'une  galerie  ajourée,  en  terre  cuite,  de 
style  flamboyant,  ornée  de  nombreuses  statues 
de  saints  ;  elle  rapetisse  peut-être  légèrement 
l'édifice  mais  sans  nuire  à  l'elîet  imposant  de 
cette  belle  nef.  Sur  un  des  côtés  une  porte  laté- 
rale, admirablement  fouillée,  s'ouvre  entre  des 
maisons. 

L'hôtel  de  ville  est  installé  dans  un  cloître 
ogival,  où  les  nervures  semblent  supporter  la 
floraison  des  clés  de  voûte  délicatement  ouvra- 
gées. De  belles  portes  sculptées  donnent  accès 
dans  l'édifice.  En  parcourant  la  ville  on  rencontre 
quelques  nobles  maisons  ou  hôtels.  Un  de  ces 
logis  remonte  à  l'époque  romane.  Les  boule- 
vards, dans  la  partie  où  ne  s'est  point  portée  la 
vie  bourgeoise,  ont  conservé  des  pans  de  rem- 
parts dans  lesquels  des  habitations  ont  établi 
leur  façade.  L'ancien  évêché  est  devenu  le  Palais 
de  Justice. 

Au    long    du    cours    Scipion-Dupleix,   ainsi 


122  VOYAGE    EN    FRANCE. 

nommé  d'un  historien  local,  sont  de  jolies  habi- 
tations entourées  de  jardins  dont  la  végétation 
presque  méridionale  dit  la  douceur  du  climat. 
Ce  cours  aboutit  à  une  terrasse  ombragée  d'où 
l'on  découvre  la  sinueuse  et  étroite  Baïse  et  le 
faubourg  de  la  gare  renfermant  les  magasins  et 
les  chais  à  eau-de-vie.  De  cette  promenade,  j'ai 
eu,  ce  matin,  la  vue  des  Pyrénées,  se  détachant 
très  nettement  sur  le  ciel.  La  chaîne  donne  une 
grande  splendeur  à  l'Armagnac  en  formant  toile 
de  fond  à  ce  décor  un  peu  monotone  des  longues 
croupes  parallèles.  Au  centre  du  panorama, 
un  grand  massif  neigeux,  celui  de  Gavarnie, 
sans  doute,  se  dresse  avec  une  incomparable 
splendeur. 

Bien  que  Condom  possède  peu  de  vignobles 
aujourd'hui,  ce  n'en  est  pas  moins  le  centre 
principal  pour  le  commerce  des  eaux-de-vie, 
nombreux  sont  les  commerçants  et  les  commis- 
sionnaires. La  navigation  de  la  Baïse  en  fait  éga- 
lement un  entrepôt  pour  les  transactions  en  blés 
et  farines.  La  rivière  lui  apporte  les  produits  des 
cantons  de  Vie  et  de  Valence. 

A  défaut  de  chemin  de  fer,  cette  dernière  ville 
communique  par  voie  d'eau  pour  ses  gros  trans- 
ports avec  la  vallée  de  la  Garonne.  Commerce 
assez  faible  d'ailleurs,  car  Valence  est  sans  in- 


LE    CONDOMOIS.  123 

dustrie  et  la  commune  entière  ne  possède  pas 
I  4oo  âmes.  La  minuscule  cité  produit  grand 
effet  cependant,  par  sa  situation  au  sommet 
d'une  colline  à  demi  entourée  par  l'Auloue  et  la 
Baïse  qui  s'unissent  à  ses  pieds.  Des  murs  crou- 
lants révèlent  le  passé  guerrier  de  cette  place 
dont  le  rôle  militaire  a  pris  fin  avec  Richelieu, 
grand  destructeur  de  castels  et  de  bicoques  for- 
tifiées. Du  haut  de  son  coteau.  Valence  contem- 
ple de  johes  campagnes  entourées  de  châteaux 
anciens.  Sur  la  Baïse  est  la  petite  bastide  de 
Beaucaire,  sur  l'Auloue  sont  les  thermes  de  Cas- 
tera-Verduzan  auxquels  il  manque  un  chemin  de 
fer  pour  se  développer. 

En  aval  de  Condom,  la  Baïse  erre  dans  un 
pays  plus  accidenté,  les  bords  de  la  rivière  rap- 
pellent par  la  grâce  et  l'heureuse  disposition  des 
cultures  et  des  bois  certains  vallons  de  Touraine. 
La  vigne  y  reparaît,  timidement  encore,  mais 
ces  plantations  nouvelles  sont  bien  tenues,  des 
pépinières  de  plants  américains  témoignent  que 
l'élan  est  donné.  Le  maïs  n'a  plus  le  rôle  pré- 
pondérant qu'il  jouait  au  sud  et  que  l'on  re- 
trouve dans  le  val  de  la  Garonne.  Les  blés, 
les  avoines,  les  plantes  sarclées  couvrent  pen- 
tes et  plateaux.  Dans  ce  verdoyant  terroir,  de 


124  VOYAGE    EN    FRANCE. 

belles  maisons  aux  allures  de  château  animent 
le  paysage. 

Les  villages  sont  très  espacés.  En  descendant 
la  rivière  on  fait  1 1  kilomètres  avant  de  rencon- 
trer un  groupe  d'habitations.  Là  est  le  bourg  de 
Moncrabeau,  il  appartient  au  département  du 
Lot-et-Garonne,  mais  fît  partie  du  Gondomois 
comme  Nérac  et  sa  région  ;  les  cantons  de  Nérac 
et  de  Francescas  sont  un  démembrement  de  l'an- 
cien petit  pays  \ 

Moncrabeau  couvre  une  colline  légèrement  ar- 
rondie, projetée  en  promontoire.  Le  clocher  est 
un  singulier  triangle  de  maçonnerie  donnant 
vaguement  l'idée  de  quelque  amer  pour  la  navi- 
gation maritime.  Dans  ce  mur  les  baies  où  les 
cloches  sont  suspendues  semblent  des  orbites. 

Moncrabeau,  dont  le  nom  sonne  si  bien  la 
Gascogne,  serait  le  village  où  la  hâblerie  gas- 
conne l'emporte  sur  les  autres  centres  de  la  pro- 
vince. 11  y  eut  là  une  sorte  d'Académie  de  hâ- 
bleurs dont  les  recueils  d'anas  ont  conservé  le 
souvenir.  Nous  nous  délectons  moins  que  nos 
pères  à  ces  plaisanteries,  aussi  Moncrabeau  est- 
il  oublié,  cependant  les  vieux  auteurs  attribuent 


I.   Le   Gondomois   comprenait  les  cantons  actuels  de  Condom 
et  Valence  (Gers),  de  Nérac  et  Francescas  (Lot-et-Garonne). 


LE    CONDOMOIS.  120 

à  Moncrabeau  une  célébrité  européenne  !  Abel 
Hugo  a  raconté  ainsi,  dans  sa  France  pittores- 
que, les  origines  de  cette  réputation. 

Au  commencement  du  siècle  dernier,  quelques  anciens 
militaires,  quelques  propriétaires,  se  réunissaient  sous  la 
halle  pour  y  parler  des  affaires  du  temps.  Là  comme  dans 
toutes  les  réunions  de  gens  oisifs,  celui  qui  apportait  les 
nouvelles  les  plus  extraordinaires  et  qui  les  débitait  avec 
le  plus  d'assurance  était  toujours  le  mieux  accueilli.  Un 
des  habitués  avait  surtout  acquis  une  grande  réputation. 
Mais  un  homme  d'esprit,  qui  n'était  pas  sa  dupe,  imagina 
de  donner  à  Moncrabeau  le  titre  de  c:  chef-lieu  de  la  diète 
«  générale  de  tous  les  menteurs,  hâbleurs,  craqueurs,  nou- 
«  vellistes,  gens  désœuvrés  et  bourgeois  sans  occupa- 
«  tion  ».  —  Pour  inaugurer  cette  institution,  il  rédigea 
des  lettres  patentes  dans  lesquelles  on  accorde  à  tous  les 
agrégés  «  le  droit  de  mentir  en  tous  lieux  sans  porter 
préjudice  à  autre  qu'à  la  vérité  dont  tous  les  membres  de 
la  respectable  diète  font  la  profession  d'être  ennemis  ju- 
rés, etc.,  etc.  ».  L'imprimerie  répandit  partout  ces  brevets. 
On  en  adressa  à  toutes  les  personnes  qu'on  jugea  dignes 
de  figurer  à  la  diète.  C'est  ainsi  que  depuis  plus  d'un 
siècle  le  nom  de  Moncrabeau  rappelle  l'idée  de  l'exagé- 
ration et  du  mensonge,  quoique  ce  défaut  ne  soit  pas  plus 
commun  sur  les  rives  de  la  Baïse  que  sur  celles  de  la 
Garonne  ou  de  tout  autre  fleuve  de  la  France. 

Au  reste,  les  habitants  de  Moncrabeau  se  prêtent  gaie- 
ment à  la  plaisanterie.  Quand  un  étranger  vient  les» visiter, 
ils  le  conduisent  sous  la  halle,  le  font  asseoir  avec  céré- 
monie sur  la  pierre  dite  de  la  vérité  et  lui  délivrent  solen- 
nellement des  lettres  patentes  de  bourgeois  de  Moncrabeau. 

En  face  de  Moncrabeau,  le  château  de  Charrin 


126  VOYAGE    EN    FRANCE. 

donne  de  la  grandeur  au  paysage,  grâce  à  ses 
hautes  toitures,  à  ses  murs  fauves,  à  ses  fenêtres 
à  croisillons.  Maintenant,  sur  les  deux  rives  de  la 
rivière,  jusqu'à  Nérac,  les  belles  demeures  se 
pressent,  moins  opulentes  que  les  châteaux  de 
la  Loire,  mais  aimables  pourtant  et  ayant  noble 
apparence.  Quand  on  connaît  l'histoire  de  ce 
coin  de  France  et  le  rôle  de  Nérac  comme  capi- 
tale des  roitelets  de  Navarre,  il  semble  que  ces 
gentilshommières  étaient  un  diminutif  des  palais 
de  Touraine  et  de  l'Orléanais,  comme  le  royaume 
des  sires  d'Albret  était  un  diminutif  du  royaume 
de  France. 

Une  belle  végétation  entoure  ces  nobles  logis; 
beaucoup  de  vignes  bien  soignées  tapissent  les 
pentes.  Cela  est  de  plus  en  plus  riant  à  mesure 
que  l'on  approche  de  la  petite  ville.  Voici  les 
ruines  du  château  de  Nazareth,  l'ombreuse  Ga- 
renne, orgueil  de  Nérac,  puis  enfin  l'aimable  ville 
dont  le  futur  Henri  IV  avait  fait  sa  joyeuse  rési- 
dence. 


IX 


LE    PAYS    DES    PRUNES 


Clairac  et  ses  marchés.  —  Au  long  du  Lot.  —  La  Parade.  — 
Castelmoron.  —  L'orme  tortillard.  —  Monclar  et  Sainte-Li- 
vrade.  —  La  culture  du  prunier.  —  Robe  de  sergent  et  prune 
d'ente.  —  Le  commerce  des  pruneaux.  —  La  cueillette  et  la 
cuisson.  —  Villeneuve-sur-Lot  :  la  ville. 


Villeneuve-sur-Lot.  Mai. 

En  quittant  Tonneins  pour  la  vallée  du  Lot, 
j'ai  remonté  un  vallon  très  frais,  admirablement 
cultivé  jusqu'au  sommet  de  collines  bien  décou- 
pées, aux  formes  nettes.  De  la  crête  une  vue 
merveilleuse  m'attendait.  Certes  la  vallée  de  la 
Garonne  est  riche,  pourtant  il  me  semble  qu'en 
voici  une  plus  opulente  encore.  Entre  les  belles 
collines  s'étale  un  large  plan  de  cultures,  ou 
plutôt  de  vergers,  coupés  d'étroites  lignes  de 
céréales  et  de  rangées  de  vignes;  au  milieu, 
étincelant  et  calme,  le  Lot  déroule  de  grands 
replis,  allant  frôler  les  hauteurs  sur  lesquelles 
bourgs  et  villages  sont  crânement  campés.  Au- 


128  VOYAGE    EN    FRANGE. 

dessous  de  la  colline  qui  me  permet  de  découvrir 
ces  immenses  et  superbes  horizons,  une  petite 
ville  aux  toits  plats,  de  tuile  brune,  semble 
sourire  entre  les  pruniers  et  les  figuiers,  se  mire 
dans  la  grande  rivière  et  se  prolonge  sur  l'autre 
rive  par  un  faubourg.  Cette  mignonne  cité  se 
nomme  Glairac,  c'est  un  des  centres  les  plus 
vivants  de  la  riche  vallée,  à  laquelle  la  culture 
du  prunier  et  celle  des  petits  pois  ont  restitué  la 
richesse  détruite  par  le  phylloxéra. 

Avant  le  fléau,  Clairac  possédait  sur  ses  col- 
lines un  beau  vignoble  dont  les  raisins,  traités 
comme  ceux  de  Sauternes  et  de  Monbazillac  % 
c'est-à-dire  récoltés  lorsqu'ils  étaient  recouverts 
d'une  pourriture  spéciale,  produisaient  un  vin 
liquoreux  réputé,  ou  vin  pourri.  Il  en  reste  peu 
aujourd'hui.  De  même  la  préparation  de  la  figue 
séchée,  «  supérieure  à  celle  de  Marseille  »,  d'a- 
près les  vieux  auteurs,  n'est  plus  qu'un  souvenir. 

Le  petit  pois,  dont  je  décrirai  la  culture  et  le 
commerce  en  parlant  de  Villeneuve,  a  pris  la 
place  de  ces  productions;  chaque  mardi,  pen- 
dant la  saison,  il  se  tient  à  Glairac,  dans  l'après- 
midi,  un  marché  important  pour  ce  légume, 
expédié  à  Paris  et  à  Bordeaux.  Puis  on  fait  un 


âge  série  du  Voyage  en  France,  chapitres  II,  XIII  et  XV. 


LE    PAYS    DES    PRUNES.  I29 

peu  d'eau-de-vie  et  surtout  on  cultive  le  prunier 
d'ente.  Ce  serait  même  ici  que  la  culture  de  la 
prune  et  sa  transformation  en  pruneau  auraient 
commencé,  au  milieu  du  siècle  dernier,  sous 
rinitiative  des  moines  d'une  abbaye  voisine. 

Ces  produits  agricoles  plus  que  les  ateliers  de 
chapeaux  de  paille  et  de  feutre,  restes  d'une  in- 
dustrie jadis  florissante,  font  le  bien-être  de  la 
petite  ville  assise  au  pied  des  coteaux  qui  vont 
rejoindre  le  confluent  du  Lot  et  de  la  Garonne 
vers  Nicole  et  Aiguillon,  hauteurs  ttès  raides, 
bien  exposées  au  soleil,  couvertes  de  pruniers 
réguUèrement  plantés  dans  les  vignobles  et  les 
champs  de  céréales. 

Un  chemin  longe  le  Lot,  large  et  vert,  parfois 
bordé  de  grands  roseaux  ou  cannes  de  Provence. 
Les  maisons  des  champs  possèdent  presque 
toutes  un  figuier  à  la  grande  ramure  couvrant 
la  cour  ou  ombrageant  la  façade.  On  va  ainsi 
dans  une  campagne  splendide,  jusqu'à  un  pro- 
montoire au  sommet  duquel  le  bourg  de  Lapa- 
rade,  belliqueusement  campé  comme  il  convient 
à  un  tel  nom,  domine  des  horizons  immenses. 
Malgré  sa  situation,  ses  allures  de  forteresse, 
son  tracé  rappelant  les  bastides,  il  semble  que 
Laparade  n'ait  point  d'histoire.  Le  village  com- 
mande un  des  plus  beaux  panoramas  de  France. 


VOYAGE   EN   FRANCE. 


l3o  VOYAGE  EN  FRANCE. 

Il  était  trop  haut  perché  et  trop  strictement 
guerrier  pour  avoir  une  influence  administrative, 
celle-ci  a  été  dévolue  à  la  petite  ville  de  Castel- 
moron,  mieux  placée  pour  le  commerce  à  un 
coude  du  Lot,  au  pied  d'une  crête  abrupte  et 
étroite,  reste  d'un  plateau  érodé  par  les  cata- 
clysmes géologiques  et  qui  a  laissé  çà  et  là  des 
collines  en  forme  de  table  portée  par  la  roche 
dressée  en  falaises.  Ces  hauteurs  décrivent  un 
petit  bassin  à  l'entrée  duquel  s'étend  Castelmo- 
ron,  dans  une  véritable  foret  de  pruniers.  Plaine, 
bords  du  Lot,  cirque  entre  les  collines,  pentes, 
tables  suprêmes  tout  est  enveloppé  par  ces 
arbres,  il  y  en  a  tant  que  la  culture  proprement 
dite  semble  l'accessoire  dans  cette  région  de 
pruniculture.  Entre  les  vergers  le  Lot,  large  et 
tranquille,  décrit  majestueusement  des  sinuosi- 
tés parfois  brusques.  La  rivière  accroît  la  beauté 
du  paysage  et  lui  donne  un  caractère  roman- 
tique par  les  moulins  monumentaux  appuyés 
aux  barrages  écluses. 

Castelmoron  a  des  allures  de  petite  ville, 
c'est  un  centre  commerçant  où  les  négociants  en 
prunes  sont  nombreux.  Une  source  minérale 
abondante,  appelée  Fonfrède,  est  exploitée.  Les 
villages  voisins  sont  également  de  grands  pro- 
ducteurs de  prunes;  quelques-uns,  comme  le 


LE    PAYS    DES    PRUiNES.  l3l 

Temple  et  Fongrave,  conservent  une  petite  in- 
dustrie curieuse,  celle  des  ormes  nommés  tor- 
tillards à  cause  de  leurs  loupes  qui  les  rendent 
difformes  et  dues  à  une  maladie  appelée  brous- 
sin.  Ces  bois  ont  une  valeur  marchande  consi- 
dérable, ils  sont  précieux  pour  tous  les  emplois 
nécessitant  une  grande  résistance;  ainsi  la  vieille 
artillerie  les  employait  pour  ses  affûts.  La  zone 
de  répartition  de  cet  arbre  s'étend  bien  au  delà 
de  Gastelmoron  vers  Monbahus,  près  de  Mira- 
mont  ;  le  hameau  de  Verdégas,  dans  la  commune 
de  Brugnac,  était  jadis  le  principal  centre  de 
commerce  pour  les  tortillards.  Si  l'artillerie  n'u- 
tilise plus  guère  ces  loupes,  le  charronnage  con- 
tinue à  en  employer  de  grandes  quantités. 

Les  ormes,  encore  nombreux,  disparaissent 
en  quelque  sorte  dans  la  nappe  continue  des 
pruniers:  on  fait  des  lieues  et  des  lieues,  on  peut 
aller  jusqu'au  delà  du  Drot  sans  cesser  de  ren- 
contrer ces  arbres  qui  semblent  la  seule  produc- 
tion des  parties  hautes  de  l'Agenais.  Ils  enve- 
loppent complètement  le  joli  bourg  de  Monclar- 
d'Agenais  dont  les  coteaux  et  les  petits  vallons 
sont  parsemés  d'une  multitude  de  maisons  où 
se  fait  la  préparation  de  la  prune.  Cependant  il 
y  a  du  bétail  :  on  me  signale  à  Monclar  une 
industrie  bien  inattendue,  celle  du  lait  stérilisé. 


l32  VOYAGE  EN  FRANCE. 

Monclar  couvre  le  sommet  d'un  beau  massif 
de  hauteurs,  d'où  la  vue  est  belle  ;  plus  fier  encore 
d'aspect  est  Montastruc ,  petit  village  campé , 
tel  un  manoir  féodal,  sur  un  piton  dressé  entre 
deux  vallées. 

Toute  cette  région  accidentée  est  riante  et 
fertile,  mais  elle  n'a  pas  l'incomparable  opu- 
lence de  la  plaine  du  Lot,  dont  on  découvre  une 
vaste  étendue  du  haut  des  coteaux  de  Monclar. 
La  route  qui  unit  ce  bourg  à  la  petite  ville  de 
Sainte-Livrade  est  un  éblouissement  par  sa  ri- 
chesse agricole.  Si  le  prunier  domine  toujours, 
les  intervalles  entre  ses  rangées  sont  l'objet  d'une 
culture  intensive  :  joualles  de  vignes,  céréales, 
fèves,  petits  pois,  pommes  de  terre,  même  encore 
un  peu  de  chanvre  rappelant  l'époque  où  Agen 
et  Tonneins  avaient  une  florissante  industrie  tex- 
tile ^  Au  milieu  de  cette  splendeur,  presque  au 
bord  du  Lot,  est  ce  que  l'on  pourrait  appeler  la 
capitale  de  la  pruniculture,  la  vieille  petite  cité 
de  Sainte-Livrade.  Si  Villeneuve-sur-Lot  est  le 
centre  principal  pour  ce  commerce,  Sainte-Li- 
vrade est  comme  le  cœur  du  pays  de  production. 


I.  Le  Lot-et-Garonne  a  encore  consacré  loi  hectares  à  la  cul- 
ture du  chanvre  en  1900. 


l34  VOYAGE  EN  FRANCE. 

La  bourgade  qui  a  gardé  la  forme  circulaire,  due 
à  son  enceinte  fortifiée  aujourd'hui  disparue,  se 
groupe  autour  d'une  église  que  surmonte  une 
tour  haute  et  singulière.  Nombreux  sont  les  ma- 
gasins où  les  paysans  apportent  les  pruneaux. 
Un  autre  centre,  Casseneuil,  situé  en  amont  sur 
la  rive  droite  du  Lot,  est  également  un  grand 
rendez-vous  d'affaires  pour  les  producteurs.  Une 
des  maisons,  signalée  par  M.  Baltet,  le  savant 
horticulteur  de  Troyes,  achèterait  chaque  année 
pour  quatre  millions  de  francs  de  prunes.  Ces 
fruits  confits  sont  une  des  marchandises  qui 
maintiennent  un  peu  de  navigation  sur  le  Lot; 
on  les  embarque  à  destination  de  Bordeaux  % 
grand  entrepôt  et  centre  de  répartition  pour  la 
prune  d'ente. 

Ghasseneuil,  où  l'on  a  fait  naître  Louis  le  Dé- 
bonnaire, qui  serait  né  en  réalité  à  Ghasseneuil 
de  la  Charente,  ou  peut-être  à  Chassenon,  autre 
bourg  charcutais  possédant  des  ruines  gallo-ro- 
maines, est  donc  un  centre  florissant.  Il  se  groupe 
autour  d'une  belle  église  du  xiii®  siècle,  au  pied 
de  collines  revêtues  de  pruniers,  comme  la  large 
plaine  du  Lot.  Jusqu'à  Sainte-Livrade  d'un  côté. 


I.  En  ïQOO,  Bordeaux  avait  exporlé  189  855  quintaux  de  prunes 
sèches.  L'année  suivante  il  n'y  en  eut  que  87  625,  mais  cela  tint 
au  faible  rendement  de  la  récolte. 


LE    PAYS    DES    PRUNES.  l35 

jusqu'à  Villeneuve  de  l'autre,  on  est  sans  cesse 
à  l'ombre  de  ces  petits  arbres,  nappe  de  neige 
au  printemps,  vergers  couverts  de  fruits  rosés 
dès  les  premiers  jours  d'août. 

En  dépit  du  nom  de  prunes  d'Agen  donné 
aux  fruits  récoltés  dans  l'Agenais,  la  prune  n'est 
point  produite  autour  du  chef-lieu  de  Lot-et- 
Garonne  ,  ou  du  moins  c'est  à  l'état  d'excep- 
tion; le  véritable  habitat  de  ces  fruits,  dont  les 
qualités  supérieures  sont  un  aliment  de  grand 
luxe,  est  sur  les  bords  du  Lot  et  du  Drot  et  dans 
le  pavs  accidenté  qui  sépare  les  deux  vallées. 
La  variété  servant  à  préparer  le  pruneau  est 
surtout  la  prune  robe  de  sergent  ou  prune 
(fente,  qui  a  fait  disparaître  les  autres  espèces, 
notamment  la  prune  de  roi.  La  prune  d'ente  a 
été  décrite  bien  souvent,  la  définition  la  plus  pré- 
cise est  celle  de  M.  le  docteur  Auricoste,  deLau- 
zun:  «  Ce  fruit  oblong,  renflé  vers  le  milieu, 
violet-rouge  d'un  côté,  violet-rose  de  l'autre,  est 
couvert  d'une  peau  parsemée  de  très  petits  points, 
tantôt  blancs,  tantôt  noirs.  La  chair  est  jaune, 
éminemment  sucrée,  d'un  parfum  relevé,  que  la 
dessiccation  développe  d'une  manière  évidente. 
Le  noyau  ovale,  aplati,  obtus  est  adhérent  à  la 
chair  par  quelques  points  latéraux.  » 


l36  VOYAGE    EN    FRANCE. 

Tel  est  le  fruit  qui  alimente  à  peu  près  exclu- 
sivement cette  branche  de  commerce  en  Age- 
nais,  trafic  considérable  car  on  l'évalue  en 
moyenne  à  5oo  ooo  ou  600  000  quintaux,  valant 
de  18  à  20  millions  ^  En  i8i5  on  estimait  la 
production  à  i  million  et  demi.  C'est  dire  quel 
a  été  le  progrès. 

La  plantation  du  prunier  est  faite  à  l'aide  de 
rejetons  pris  au  pied  des  arbres  en  plein  rap- 
port; les  jeunes  plants  sont  tous  greffés.  A  par- 
tir de  six  ans  le  prunier  commence  à  produire, 
mais  il  n'est  en  pleine  valeur  que  vers  la  dix-hui- 
tième ou  la  vingtième  année.  Alors  chaque  arbre 
donne  en  moyenne  6  kilogrammes  de  prunes, 
on  en  a  vu  livrer  jusqu'à  5o  kilogrammes  à 
l'heureux  pruniculteur.  Pour  établir  la  produc- 
tion moyenne  de  l'hectare,  on  a  trouvé  des  règles 
qui  fixent,  au  minimum,  le  nombre  de  quintaux 
au  vingtième  du  nombre  des  arbres.  D'après  Le 
Prunier,  de  M.  Bruguière,  on  obtient  à  l'hec- 
tare 864  kilogrammes  valant  6x8  fr.  4o  c,  si  l'on 
espace  les  arbres  de  huit  en  huit  mètres;  quand 


I.  La  statistique  de  1900,  époque  de  faible  rendement,  donne 
876677  quintaux  métriques,  valant  11  676  871  fr.  A  cela  il  con- 
viendrait d'ajouter  plus  de  100  000  quintaux  produits  par  les 
départements  limitrophes  :  Gironde,  Tarn-et-Garonne  et  Dor- 
dogne. 


LE    PAYS    DES    PRUNES.  187 

récartement  est  porté  à  dix  mètres,  le  rende- 
ment n'est  plus  que  de  36o  fr. 

La  cueillette  est  entourée  de  soins  minutieux. 
Si  la  prune  tombe  sur  un  sol  trop  dur  elle  se  fen- 
dra et  la  qualité  du  pruneau  sera  bien  amoindrie, 
aussi  a-t-on  soin  d'ameublir  la  terre  au  moment 
de  la  maturité,  ou  de  répandre  une  couche  de 
paille  sous  chaque  arbre.  On  attend  que  la  prune 
tombe  d'elle-même,  l'arbre  n'est  secoué  «  comme 
un  prunier  »  que  dans  les  derniers  jours,  on 
ramasse  tout  d'un  coup  les  fruits  restants. 

Les  prunes  sont  déposées  aussitôt  sur  des 
claies  et  exposées  pendant  deux  jours  au  soleil, 
pour  subir  leflétrissage,  qui  les  prive  d'une  par- 
tie de  leur  eau  et  leur  permet  de  mieux  résister 
au  «  saisissement  »  que  leur  procurera  la  mise 
au  four  ou  à  l'étuve.  Pour  activer  ce  flétrissage 
beaucoup  de  propriétaires  mettent  les  claies  au 
four  le  soir,  afin  de  profiter  de  la  chaleur  qui 
reste  dans  l'appareil. 

Vient  alors  la  cuisson.  C'est  une  opération 
délicate  ;  il  ne  faut  pas  moins  de  trois  exposi- 
tions au  four,  à  des  températures  de  plus  en 
plus  élevées.  Les  deux  premières  ont  pour  but 
de  faire  évaporer  l'eau.  Le  fruit  subit  d'abord 
une  chaleur  de  45  à  5o  degrés,  puis,  après  six 
heures  de  séjour,  il  est  exposé  à  l'air;  on  se  garde 


l38  VOYAGE    EN    FRANCE. 

bien  d'y  toucher  tant  qu'il  est  chaud,  cette  faute 
compromettrait  tout,  la  prune  deviendrait  gluti- 
neiise  et  resterait  molle.  Mais  une  fois  le  refroi- 
dissement opéré,  on  retourne  les  fruits.  Alors  a 
lieu  la  seconde  cuisson,  à  70  degrés  au  plus  et, 
de  nouveau,  un  refroidissement. 

Voici  la  prune  en  état  de  subir  les  hautes 
températures  :  80,  90,  100  degrés,  un  peu  plus 
parfois.  C'est  maintenant  qu'il  faut  veiller,  éviter 
l'excès  de  chaleur  !  Mais  si  l'on  a  bien  opéré, 
on  obtient  le  pruneau  de  choix,  noir  et  brillant. 
«  Ce  degré  de  préparation  est  parfait,  dit  M.  Bru- 
guière,  lorsque  le  fruit  présente  une  peau  ferme 
et  luisante,  lorsqu'il  laisse  sentir  sous  la  pression 
du  doigt  une  chair  tout  à  fait  malléable  et  élas- 
tique, lorsque  enfin  l'amande  enfermée  dans  le 
noyau  est  suffisamment  cuite.  » 

Ce  procédé,  l'ancien,  est  encore  en  usage  dans 
la  plupart  des  exploitations  rurales,  mais  pour 
éviter  une  partie  de  ces  manipulations  longues 
et  coûteuses  et  épargner  le  combustible,  on  a 
imaginé  des  étuves  où  la  chaleur  est  plus  scien- 
tifiquement répartie,  où  l'on  peut  manipuler  les 
claies  et,  par  suite,  réduire  considérablement  le 
prix  de  revient.  Les  années  de  grande  abondance 
surtout,  Tétuve  rend  d'énormes  services,  aussi 
son  emploi  est-il  de  plus  en  plus  répandu. 


LE    PAYS    DES    PRUNES.  iSq 

Il  faut  alors  procéder  au  triage  par  grosseur, 
opération  plutôt  faite  par  les  commerçants  qui 
centralisent  les  fruits  apportés  sur  les  marchés 
ou  dans  les  «  foires  aux  prunes  ».  Le  mouve- 
ment de  ces  réunions  est  colossal.  A  Villeneuve- 
sur-Lot  on  a  vu  jusqu'à  5oo  ooo  kilogrammes  de 
pruneaux  apportés. en  un  seul  jour.  Les  autres 
marchés  principaux  sont  :  Sainte-Livrade,  Gan- 
con,  Castillonnès,  Villeréal,  Miramont,  Eymet, 
Duras,  Castelmoron-sur-Lot  et  Issigeac. 

Dans  ces  villes,  la  prune  qui  avait  déjà  subi 
un  choix  chez  le  producteur  pour  atteindre  un 
prix  plus  élevé,  est  encore  manipulée,  des  ma- 
chines ingénieuses  répartissent  chaque  grosseur. 
Jadis  il  y  avait  dix  qualités,  depuis  \e  fretin  dont 
il  fallait  plus  de  126  pour  faire  une  livre,  jusqu'à 
V impériale-jleiir  dont  l\o  à  45  pesaient  les  5oo 
grammes,  en  passant  par  une  série  de  «  rames  », 
de  choix  et  de  surchoix.  Aujourd'hui  on  se  con- 
tente de  neuf  grosseurs  désignées  par  un  numéro  : 
la  plus  petite,  n°  i,  compte  de  90  à  96  pruneaux 
à  la  livre,  la  plus  grosse,  n°  9,  en  a  38  à  4o. 

Maintenant,  comment  arrive- t-on  à  donner 
aux  prunes  cet  aplatissement  artistique  qui  nous 
émerveille  dans  les  caisses,  incitant  à  la  gour- 
mandise, chez  les  épiciers?  Il  y  a  un  petit  coup 
de  main  :  on  les  fait  passer  entre  deux  cylindres 


l40  VOYAGE    EN    FRANCE. 

de  caoutchouc  qui  les  aplatissent,  on  les  dispose 
ensuite  dans  les  caisses  où  une  machine  appelée 
paqueuse  les  presse  et  donne  la  forme  absolu- 
ment plate  à  la  rangée  supérieure.  Quand  on  n'a 
pas  de  paqueuse,  on  presse  le  couvercle  sous  les 
pieds.  Enfin,  pour  les  envois  lointains,  le  procédé 
Appert  permet  de  conserver  longtemps  les  pru- 
neaux dans  des  récipients  en  métal  hermétique- 
ment clos^ 

Ces  opérations  ont  lieu  en  grand  à  Villeneuve- 
sur-Lot,  ville  maîtresse  pour  le  commerce  de  la 
région,  devenue  de  nos  jours  un  des  plus  grands 
marchés  agricoles  de  France,  située  à  un  coude 
du  Lot  et  reliée  à  Sainte-Livrade  par  une  route 
absolument  droite  et  par  le  chemin  de  fer,  non 
moins  rigidement  tracé.  Il  y  a  là  dix  kilomètres 
à  travers  une  des  plus  somptueuses  campagnes 
de  France. 

Non  seulement  marché  agricole,  mais  aussi 
ville  rurale,  cette  commune  de  près  de  i4ooo 
habitants  ^  n'en  compte  que  7  000  dans  ce  qui 


1.  L'époque  à  laquelle  j'ai  visité  l'Agenais  n'était  pas  celle  des 
prunes  ;  je  me  suis  fait  expliquer  ces  opérations  et,  surtout,  ai 
suivi  Le  Prunier,  intéressant  volume  de  M.  Bruguière  (Paris, 
chez  Masson). 

2.  Exactement  18594. 


LE    PAYS    DES    PRUNES.  l4l 

fut  l'enceinte  et  les  faubourgs  d'une  des  plus 
grandes  bastides  du  Sud-Ouest.  Le  reste  est  dis- 
séminé sur  un  vaste  territoire  de  9  3i2  hectares, 
où  la  population  vit  par  la  culture  du  sol.  Ville- 
neuve ressemble  à  Libourne%  mais  elle  est  plus 
animée,  en  cette  saison  du  moins  où  le  commerce 
des  petits  pois  attire  des  centaines  de  paysans. 
Elle  a  aussi  gardé  son  aspect  du  moyen  âge.  A 
en  juger  par  l'exiguïté  de  la  place  centrale,  les 
fondateurs  ne  comptaient  pas  faire  naître  une 
ville  bien  populeuse,  mais  la  bastide  eut  au  con- 
traire de  belles  destinées.  Cette  place  est  d'un 
caractère  délicieusement  archaïque  par  les  «  cou- 
verts »  qui  l'entourent.  Des  rues  animées  y  abou- 
tissent, sur  lesquelles  s'ouvrent  des  ruelles 
étroites,  semblables  à  celles  d'Eymet^  avec  leurs 
petites  maisons  construites  en  carcasses  de  pou- 
trelles ou  de  briques  plates,  mal  cuites,  que  les 
vents  ont  rongées  en  y  creusant  de  véritables 
sillons.  L'irrégularité  de  ces  constructions,  les 
surplombs,  les  vignes  qui  tapissent  les  façades, 
tout  cela  donne  à  Villeneuve  un  cachet  parti- 
culier que  viennent  accroître  des  portes  de  ville 
percées  sous  de  hautes  tours. 


1.  29e  série  du  Voyage  en  France,  chapitre  I^r. 

2.  Pages  25  et  suivantes. 


ll^2  VOYAGE  EN  FRANCE. 

Dans  ces  rues  passe  une  foule  active,  de  phy- 
sionomie avenante  et  fine  ;  les  femmes  ont  une 
grâce  et  une  souplesse  remarquables.  Même  dans 
ce  pays  d'Agenais  où  l'élément  féminin  offre  un 
type  séduisant,  la  ville  est  réputée  pour  l'art 
avec  lequel  ses  femmes  arrangent  le  mouchoir 
qui  leur  sert  de  coiffure. 

De  larges  boulevards  plantés  de  platanes  ont 
remplacé  les  remparts  ;  ils  viennent  aboutir  au 
Lot  en  deux  lignes  à  demi  circulaires,  envelop- 
pant chacune  une  des  rives;  la  belle  rivière  par- 
tage la  cité  en  deux  quartiers  inégaux,  un  pont 
très  élevé  la  franchit  sur  une  grande  arche 
appuyée  à  des  arcs  plus  étroits.  Ce  pont,  les 
portes  de  ville,  l'éghse,  le  monumental  hospice 
Saint-Cyr  donnent  à  Villeneuve  un  caractère 
pittoresque.  Le  Lot,  avec  son  vaste  moulin  et  ses 
hautes  berges  où  des  eaux  calcaires  ont  modelé 
des  draperies,  est  la  partie  principale  du  décor 
citadin. 

Du  haut  du  pont  la  vue  est  charmante,  la  ri- 
vière écume  sur  un  barrage,  une  colline  régu- 
lière forme  fond  de  tableau,  tapissée  de  cultures 
sur  lesquelles  tranchent  les  lignes  des  prune- 
raies. 

Sur  l'un  des  boulevards  est  la  statue  de  Ber- 
nard-Palissy.  Le  grand  artiste  est  né  dans  l'ar- 


LE    PAYS    DES    PRUNES.     '  l43 

rondissement,  à  la  Gapelle-Biron.  Devant  l'hôtel 
de  ville  on  a  placé  le  buste  d'Armand  Daubasse, 
poète  quercinois  né  à  Moissac  et  mort  à  Ville- 
neuve, dont  les  poésies  ont  été  recueillies.  Ce 
brave  «  peignier  »  en  cornes  ne  savait  cependant 
ni  lire  ni  écrire. 


LES    PETITS    POIS    DE    VILLENEUVE 


A  travers  Villeneuvc-sur-Lot .  —  Les  peigniers  en  corne.  —  L'em- 
ballage des  petits  pois.  —  Au  marché.  —  Les  fabriques  de  con- 
serves. —  La  culture  des  pois.  —  Machines  à  écosser.  —  Les 
pruneaux.  —  Autour  de  Villeneuve. 


Castelnaud.  Mai. 

Peignier  en  corne Ce  métier   d'Armand 

Daubasse  existe  encore  à  Villeneuve.  Le  travail 
de  la  corne  s'y  est  maintenu  et  a  sans  doute 
fait  naître  la  production  des  boutons  de  nacre  \ 
Les  deux  industries  occupent  une  demi-douzaine 
d'ateliers,  mais  leur  chiffre  d'affaires  est  bien 
peu  de  chose  auprès  de  celui  représenté  par  le 
commerce  des  pruneaux  et  des  primeurs,  notam- 
ment des  petits  pois. 

A  l'heure  où  j'arrivai  hier  dans  la  ville,  la 


I.  Je  ne  reviendrai  pas  ici  siu*  la  fabrication  du  peigne.  J'ai  lon- 
guement parlé  de  cette  industrie,  à  propos  d'Oyonnax  (Ain),  dans  la 
8^  série  du  Voyage  en  France,  et  d'Ézy,  Bois-le-Roi  et  Le  Lhabit 
(Eure),  dans  la  6^  série.  Je  la  signale  encore  à  la  Bastide-sur- 
l'Hers  et  Rivel  (Ariège  et  Aude),  38^  série 


LES    PETITS    POIS    DE    VILLENEUVE.  l45 

rue  principale,  sur  la  rive  gauche,  montrait  beau- 
coup d'activité.  Des  femmes  installées  sur  les 
trottoirs  cousaient  des  sacs  que  l'on  pesait  près 
d'elles  sur  une  bascule.  Je  m'étais  approché  et 
avais  constaté  que  l'on  emballait  des  petits  pois. 
En  me  voyant  intéressé  par  ce  travail,  une  des 
ouvrières  m'avait  dit  : 

—  Ça  vous  amuse  de  voir  tant  de  petits  pois; 
si  vous  étiez  matinal,  vous  en  verriez  bien  plus 
encore,  quand  on  les  apporte  aux  fabriques  de 
conserves. 

Gela  me  remit  en  mémoire  le  propos  d'un  ami 
occupant  une  grande  situation  dans  l'adminis- 
tration des  postes.  Je  lui  faisais  part  de  mon 
regret  de  ne  pouvoir  parcourir  l'Agenais  à  la 
saison  des  prunes,  et  il  me  répondait  : 

—  Des  prunes  !  moins  curieux  que  les  petits 
pois.  Tous  les  ans  nos  bureaux  de  Bordeaux 
doivent  envoyer  des  télégraphistes  de  renfort 
à  Villeneuve-sur-Lot.  Tenez,  ils  y  sont  encore, 
ils  resteront  tant  qu^il  y  aura  des  pois  nécessi- 
tant des  dépêches  avec  les  commissionnaires  de 
Paris. 

Au  point  du  jour,  ce  matin,  j'étais  dans  la 
longue  avenue  formée  par  la  route  de  Monflan- 
quin,  où  sont  les  principales  fabriques  de  con- 
serves. Dès  4   heures  je  voyais  affluer  les  voi- 

VOYAGE  EN  FRANCE.  XXXI.  10 


l4G  VOYAGE  EN  FRANCE. 

tures,  chars  à  bancs  conduits  par  des  chevaux 
rapides  ou  des  ânes  galopant  avec  entrain;  ces 
véhicules,  très  légers,  sont  chargés  de  sacs,  ils 
portent  de  loo  à  3oo  kilogrammes.  De  petits 
propriétaires  ayant  une  faible  récolte  et  de- 
meurant à  proximité  apportent  leur  sac  sur 
une  brouette.  Chaque  usine  possède  un  grand 
hall  dans  lequel  les  pois  sont  amenés  et  pesés, 
d'autres  bascules  fonctionnent  sur  le  trottoir. 
Lorsque  la  fabrique  a  reçu  tout  ce  qu'elle  peut 
traiter  dans  la  journée,  elle  ferme  ses  portes,  les 
retardataires  vont  alors  rejoindre  les  autres  pro- 
ducteurs au  marché. 

Celui-ci  se  tient  sur  le  boulevard,  entre  la 
statue  de  Bernard  Palissy  et  l'hospice.  Sans  cesse 
arrivent  les  voitures  avec  leur  chargement.  Les 
animaux  sont  dételés  et  emmenés  à  l'écurie. 
Vers  6  heures  s'ouvre  le  marché.  Les  ache- 
teurs sont  tous  des  commissionnaires  pour  Pa- 
ris et  les  grandes  villes  de  l'intérieur  ou  les 
agents  des  principales  maisons  parisiennes.  Les 
affaires  se  traitent  vite,  car  il  y  a  un  cours  éta- 
bli chaque  jour,  selon  l'abondance  de  la  récolte. 

Aujourd'hui,  me  dit-on,  il  y  a  peu  de  mar- 
chands, un  violent  orage  a  éclaté  la  veille  et 
empêché  la  cueillette  ;  aussi  la  foule,  qui  me 
semble  grande  pourtant,  est-elle  peu  de  chose 


LES    PETITS    POIS    DE    VILLENEUVE.  \[\'] 

auprès  de  celle  des  autres  jours  :  alors,  le  bou- 
levard, jusqu'au  Lot,  est  rempli  de  voitures. 

J'ai  voulu  avoir  des  renseignements  et  tout 
naturellement  stiis  allé  dans  une  usine,  la  plus 
considérable.  J'avais  eu  jadis  des  rapports  avec 
les  chefs  de  la  maison  et  je  crus  pouvoir  m'en 
targuer.  Cela  ne  me  servit  de  rien,  j'eus  un  ac- 
cueil plutôt  froid,  même  bourru  de  la  part  du 
directeur.  Je  n'aurais  pas  supposé  que  le  paci- 
fique petit  pois  pût  rendre  les  gens  aussi  disgra- 
cieux ! 

Heureusement,  il  est  d'autres  usines  à  Ville- 
neuve ;  quelqu'un  à  qui  je  contais  ma  déconvenue 
me  conseilla  d'aller  voir  M.  LafTargue,  président 
du  tribunal  de  commerce,  fabricant  de  conserves, 
commerçant  en  prune  d'ente.  J'eus  vite  oublié 
l'accueil  discourtois  que  je  venais  d'éprouver. 
Non  seulement  M.  LafTargue  me  montra  ses  ate- 
liers, mais  il  a  bien  voulu  me  documenter  sur 
cette  industrie  nouvelle  qui  ramène  la  fortune 
dans  l'Agenais. 

Tout  cela  est  récent  :  depuis  vingt  ou  vingt- 
cinq  ans  seulement  la  culture  des  petits  pois  a 
pris  de  l'importance  ;  l'industrie  des  conserves 
est  bien  moins  ancienne  encore. 

On  a  d'abord  voulu  utiliser  les  terrains  d'où  la 
vigne  avait  disparu,  en  faisant  le  pois  de  primeur, 


l48  VOYAGE  EN  FRANGE. 

il  s'est  trouvé  que  le  sol  et  le  climat  lui  conve- 
naient à  merveille.  Les  commissionnaires  de 
Paris  n'ont  pas  tardé  à  connaître  le  chemin  de 
Villeneuve  ;  ils  ont  acheté  avec  tant  d'entrain 
que  toute  la  campagne  s'est  mise  à  planter  des 
pois  pour  satisfaire  aux  demandes.  Aujourd'hui, 
pendant  la  saison,  chaque  jour  voit  arriver 
70000  à  80000  kilogrammes.  En  1898,  la  gare 
de  Villeneuve  expédia  jusqu'à  cinquante  wagons 
de  pois  par  jour;  ce  chiffre  a  encore  été  dé- 
passé'. 

Encore  faudrait-il  ajouter  à  la  vente  sur  le 
marché  les  achats  directs  faits  par  les  expédi- 
teurs ayant  boutique  et  possédant  leurs  fournis- 
seurs attitrés.  Ceux-là  envoient  directement  les 
pois  à  leurs  correspondants  par  toute  la  France. 
Comme  la  courte  saison  du  petit  pois  ne  saurait 
suffire  pour  couvrir  leurs  frais  généraux  et  don- 
ner un  bénéfice,  ils  ont  demandé  d'autres  pro- 
duits aux  paysans  ;  sous  leur  impulsion  sont  nées 
les  cultures  d'asperges,  de  tomates  et  de  hari- 


I.  La  Statistique  agricole  de  la  France  pour  igoi  évalue  à 
/jSiio  quintaux  métriques,  valant  looSiio  fr.,  la  production  du 
Lot-et-Garonne  en  pois,  le  prix  moyen  étant  de  21  fr.  90  c.  On 
avait  consacré  2  690  hectares  à  cette  culture,  le  rendement  moyen 
étant  de  17  quintaux  86  à  l'hectare.  A  ce  point  de  vue,  le  départe- 
ment venait,  pour  la  valeiu",  après  Se;ne-et-Oise  (1389710  fr.)  et 
le  Nord  (i3i475o  fr.). 


LES    PETITS    POIS    DE    VILLENEUVE.  1 49 

cols  verts,  la  plantation  en  grand  des  pêchers, 
celle  des  amandiers  dont  on  cueille  le  fruit  encore 
frais.  Toutes  ces  cultures  ont  fait  tache  d'huile 
et  s'étendent  loin,  même  Monflanquin  envoie 
des  pois  à  Villeneuve.  Sainte-Livrade  est  devenu 
un  centre  secondaire  et  a  ses  fabriques  de  con- 
serves. Clairac,  trop  loin  de  Villeneuve,  possède 
un  marché  spécial  chaque  après-midi. 

—  Les  affaires  sont  tellement  actives  que  notre 
bureau  de  télégraphe  reçoit  du  renfort  de  Bor- 
deaux, du  i^^  mai  au  6  juin,  époque  la  plus  fé- 
brile. 

—  C'est  ce  qtie  l'on  m'a  dit  à  Bordeaux. 

—  Mais  on  ne  vous  a  pas  dit  que  ces  employés 
reviendront  en  août,  à  Tépoque  des  haricots  verts 
et  des  prunes  !  11  y  a  donc  une  recrudescence 
d'activité  qui  se  prolonge  longtemps. 

Revenons  aux  petits  pois.  La  gare  de  Ville- 
neuve n'en  expédie  pas  moins  de  vingt-cinq 
wagons  par  jour  à  l'époque  où  les  envois  n'ont 
pas  encore  toute  leur  importance  ;  en  pleine  sai- 
son on  atteint  aujourd'hui  soixante.  La  culture 
qui  alimente  le  marché  a  lieu  dans  un  rayon  de 
4o  kilomètres,  ou,  encore,  dans  un  carré  de  5o 
à  60  kilomètres  de  côté.  La  ville  est  devenue  en 
quelque  sorte  le  régulateur  des  prix  pour  cette 
denrée,  car   toutes   les   usines   à  conserves  de 


l50  VOYAGE  EN  FRANCE. 

France  sont  solidaires  pour  les  cours.  Celte  si- 
tuation s'affirme  chaque  jour  davantage,  le  pois 
de  Villeneuve  passe  pour  plus  sucré  et  meilleur 
que  celui  de  l'Ouest.  Peut-être  a-t-on  gâché  les 
prix,  on  a  été  jusqu'à  payer  22  tr.  les  100  kilo- 
grammes. La  moyenne  pour  les  conserves  oscille 
entre  i4  à  20  fr. 

Aussi  le  cultivateur  connaît-il  une  ère  de  pros- 
périté qu'il  ne  pouvait  espérer.  Tel  qui  acheta 
un  terrain  de  i  000  fr.  y  récolte  de  3  000  à 
4  000  fr.  de  pois  par  saison.  Mais  on  a  utilisé 
tous  les  moyens  d'accroître  le  rendement,  le  sol 
est  absolument  jardiné,  les  engrais  chimiques, 
superphosphates  surtout,  sont  régulièrement 
employés.  C'est  ainsi  que  les  revenus  bruts  de 
2  000,  2  5oo,  même  3  000  fr.  par  hectare  ont  pu 
être  atteints. 

La  cueillette  nécessite  beaucoup  de  bras,  une 
femme  ne  pouvant  guère  ramasser  plus  de  5o  ki- 
logrammes par  jour. 

La  fabrication  des  conserves  ne  commence  à 
fonctionner  que  lorsque  Paris,  ayant  les  pois  de 
sa  banlieue,  n'a  plus  à  s'adresser  au  dehors.  Les 
prix  baissent  alors  et  l'industrie  peut  être  ali- 
mentée. Actuellement,  Villeneuve  possède  sept 
usines  ;  elles  emploient  peu  d'ouvrières,  quatre 


LES    PETITS    POIS    DE    VILLENEUVE.  l5l 

cents  personnes  au  plus.  Mais  cela  lient  aux  ma- 
chines qui  ont  permis  d'écosser  avec  une  rapi- 
dité prodigieuse.  Chez  M.  LafTargue,  la  machine 
à  écosser  que  je  vois  fonctionner  rend  loooo  ki- 
logrammes de  pois  par  jour;  pour  obtenir  un 
tel  travail  à  la  main,  il  faudrait  bien  des  dou- 
zaines d'ouvrières. 

Le  reste  de  l'opération  n'est  pas  moins  sim- 
ple, c'est  la  conserve  par  le  procédé  Appert  :  le 
pois,  mis  en  boîte  que  l'on  soude,  est  soumis  à 
l'ébullilion.  La  fabrication  des  boîtes  de  fer- 
blanc  est  une  industrie  importante.  Une  maison 
parisienne,  qui  a  des  ateliers  dans  toutes  les 
villes  où  l'on  produit  des  conserves,  occupe  cin- 
quante ouvriers  dans  sa  succursale  de  Ville- 
neuve. La  fabrication  des  caisses  n'est  pas  moins 
active  ;  bois  de  peuplier  du  pays  et  bois  de  pin 
tiré  des  Landes  sont  mis  en  œuvre  pour  les 
emballages. 

La  même  activité  se  présente  au  moment  où 
les  haricots  verts  peuvent  être  mis  en  boîte.  Mais 
on  n'a  pas  de  machine,  l'homme  ingénieux  qui 
enlèvera  mécaniquement  le  fil  de  ce  légume  ne 
s'est  pas  révélé  encore. 

L'industrie  française  des  conserves  a  sur  ses 
concurrentes  de  l'étranger  l'avantage  du  climat, 
qui  permet  de  livrer  de  bonne  heure,  mais  nos 


7v  >    '.-'         'F 


v-^^ 


L'AGENAiS 

(Département  de  Lot-et-Garonne) 


D  iprei,  la  carte  d  I  tnt  majoi 
11000000'. 


rmTTTTTTr^rTr 


l54  VOYAGE    EN    FRANCE. 

rivaux  s'outillent.  En  Belgique,  une  maison  de 
Malines  possède  dix  machines  à  écosser. 

La  prune  reste  cependant  la  base  du  commerce 
(le  Villeneuve-sur-Lot,  centre  le  plus  considé- 
rable d'achats,  de  préparation  et  d'expédition. 
Elle  y  entretient  toute  une  série  d'industries 
annexes  et  de  commerces  :  caisses,  tonneaux, 
papier,  boîtes  de  fer-blanc,  bocaux.  On  aura  une 
idée  de  l'activité  de  Villeneuve  par  le  chiffre  des 
expéditions  :  elles  atteignent,  pour  le  chemin  de 
fer  seulement,  dix  wagons  par  jour  pendant  trois 
mois.  Le  Lot  participe  pour  une  grande  part  aux 
transports,  par  cette  voie  les  caisses  de  prunes 
sont  dirigées  sur  Bordeaux,  port  d'embarque- 
ment de  ces  produits.  L'époque  de  grande  acti- 
vité va  du  i5  septembre  au  mois  d'avril,  elle 
atteint  son  maximum  en  octobre  et  novembre. 

Cette  production,  qui  répand  les  millions  dans 
une  partie  de  l'Agenais  en  somme  peu  étendue, 
est  menacée  par  les  ravages  des  chenilles  et  con- 
currencée par  l'étranger.  Les  principaux  pays  pro- 
ducteurs sont,  en  Europe,  la  Bosnie  et  la  Serbie, 
en  Amérique  la  Californie.  La  réputation  de  la 
prune  d'Agen  est  telle  que  les  concurrents  s'abri- 
tent derrière  ce  nom  pour  écouler  leurs  produits. 
Les  Américains  vendent  les  leurs  comme  prunes 


LES     PETITS    POIS    DE    VILLENEUVE.  l5.) 

françaises,  les  Serbes,  plus  audacieux,  les  livrent 
comme  prunes  d'Acjen,  ils  en  envoient  sous  ce  nom 
en  France  même  ^  Jusqu'à  présent  le  danger 
n'est  pas  grand,  mais  il  peut  le  devenir.  La  Ser- 
bie expédierait  chaque  année  226  millions  de  ki- 
logrammes, d'après  un  journal  d'agriculture,  mais 
les  chiffres  officiels  de  1887  donnent  pour  la 
Serbie  4i  296  700  kilogrammes  ;  la  Bosnie  expor- 
terait 4o  millions.  Leurs  prunes,  de  plus  en  plus 
soignées,  arrivent  à  lutter  avec  les  nôtres,  qui 
gardent  cependant  encore  la  supériorité  de  goût. 
Ces  deux  pays  ont  l'avantage  de  posséder  à  leurs 
portes,  par  le  Danube,  les  immenses  marchés 
d'Autriche-Hongrie,  d'Allemagne  et  de  Russie. 
La  concurrence  de  l'Amérique  n'est  pas  moins 
menaçante,  elle  est  plus  scientifique  surtout:  les 
Américains  sont  venus  chez  nous  chercher  nos 
arbres,  copier  nos  emballages,  nos  machines  à 
trier  et  emballer,  ils  vendent  meilleur  marché. 

Plus  grand  pour  la  France  est  le  danger  des 
chenilles.  J'ai  dit  comment  les  plantations  ont  été 


I.  En  1901,  la  France  a  importé  499099  kilogrammes  de  pru- 
naux  valant  299417  fr.  Sur  ce  chiffre  l'Autriche-Honçirie,  dont 
les  ports  et  les  douanes  terrestres  servent  à  la  Serbie,  figure  pour 
394602  kilogrammes  et  les  États-Unis  pour  67180  kilogrammes. 
Cette  importation  est  peu  de  chose  auprès  de  nos  exportations  qui 
ont  atteint  g  565  84o  kilogrammes  et  une  valeur  de  7652672  fr. 


l56  VOYAGE    EN    FRANGE. 

atteintes  cette  année  ^  (1902);  l'an  prochain  en- 
core la  récolte  sera  compromise.  Ôr,  ce  fléau 
revient  tous  les  dix  ans  et  ses  effets  se  font  sen- 
tir pendant  quatre  années  !  On  est  enfin  en  pos- 
session d'un  remède  dû  au  très  habile  professeur 
d'agriculture,  M.  de  l'Ecluse  ;  c'est  un  mélange 
de  nicotine,  d'alcool  dénaturé  et  de  carbonate 
de  soude.  Le  prix  du  traitement  ne  dépasse  pas 
par  prunier  sept  centimes.  On  vaporise  le  li- 
quide sur  l'arbre  dans  les  premiers  jours  de 
mai;  les  feuilles  ne  sont  plus  mangeables  et  la 
chenille  qui  vient  d'éclore  meurt  d'inanition. 
Ce  remède,  radical  contre  la  chenille  fileuse, 
doit  l'être  aussi  contre  la  chenille  verte  :  s'il 
est  appliqué  par  tous  on  peut  arriver  à  détruire 
complètement  cette  malfaisante  engeance  qui 
fait  perdre  vingt  millions  par  an  au  Lot-et-Ga- 
ronne pendant  la  durée  de  l'invasion.  Le  prix 
de  l'application,  déjà  faible,  est  encore  abaissé 
de  5o  p.  100  :  l'on  remplace  la  nicotine  par 
l'aloès. 

Villeneuve-sur-Lot  est  le  centre  du  mouvement 
contre  ce  fléau  ;  en  effet,  la  ville,  par  son  genre 
d'affaires,  doit  chercher  à  empêcher  les  éclosions 


1.  Voyez  pages  21  et  suiAanles 


LES    PETITS    POIS    DE    VILLENEUVE.  167 

de  chenilles.  Chaque  retour  de  ces  bestioles 
cause  à  son  commerce  des  pertes  énormes.  Ce 
trafic  est  considérable,  les  recettes  de  la  gare  de 
Villeneuve-sur-Lot  se  sont  élevées  en  igoi  à 
565  000  fr.,  bien  qu'aucun  embranchement  ne 
se  détache  de  la  ligne.  Le  Lot  prend  part  au 
mouvement  dans  une  proportion  assez  considé- 
rable. Une  compagnie  locale  fait  un  service  sur 
Bordeaux  avec  une  flotte  de  cinq  bateaux,  dont 
un  à  vapeur. 

L'activité  économique  explique  l'animation  de 
Villeneuve.  Une  course  dans  ses  campagnes  fait 
mieux  comprendre  encore  la  prospérité  de  cette 
jolie  ville  qui  a  su  garder  l'aspect  du  passé,  tout 
en  se  transformant,  autour  de  la  cité  primitive, 
au  point  d'avoir  Tallure  d'un  grand  centre.  Lors- 
qu'on va  par  ces  champs  sur  la  colline  escarpée 
où  se  dresse  le  petit  village  de  Pujols,  fier  encore 
dans  l'enceinte  de  murailles  d'une  cité  désertée, 
on  a  un  des  plus  beaux  spectacles  de  richesse 
rurale  que  puisse  offrir  notre  pays.  En  ce  mo- 
ment c'est  superbe,  toute  la  plaine  et  les  pentes 
d'harmonieuses  collines  montrent  les  vergers 
de  pruniers  et  d'amandiers  montant  jusqu'aux 
crêtes  encore  couvertes  d'un  manteau  de  bois. 
Les  pois  commencent  à  jaunir,  mais  la  verdure 
tendre   des   haricots   naissants  dessine  des  da- 


l58  VOYAGE    EN    FRANCE. 

miers.  Là-bas,  vers  Penne,  le  paysage  s'embellit 
encore;  des  collines  bien  taillées  ont  des  allures 
de  camp  romain,  aucun  pays  ne  devait  mieux 
solliciter  les  fondateurs  de  forteresses. 

Cette  richesse  se  montre  partout.  L'ancienne 
abbaye  d'Eysses,  devenue  maison  centrale  et  en- 
tourée d'une  haute  muraille,  est  enveloppée  de 
belles  cultures.  Un  pan  de  donjon  est  tout  ce 
qui  reste  de  la  maison  primitive. 

La  route  de  Monflanquin  passe  devant  la  pri- 
son et  traverse  longtemps  le  territoire  de  Ville- 
neuve, au  milieu  des  pruneraies,  des  luzernes, 
des  petits  pois  et  des  céréales.  Les  maisons  ru- 
rales, très  nombreuses,  sont  entourées  d'un  jar- 
din planté  de  figuiers,  de  lauriers  et  de  pêchers. 
On  commence  à  arracher  les  petits  pois  en  cette 
fin  de  mai  ;  le  sol  ne  reposera  plus,  aussitôt 
retourné  à  la  bêche  il  sera  replanté  en  haricots. 

Le  pays  s'élève  peu  à  peu,  bientôt  la  vue  est 
très  étendue  sur  la  vallée  du  Lot,  profonde,  en- 
cadrée de  collines  admirablement  verdoyantes, 
couvertes  de  vergers  réguliers  de  pruniers.  A 
un  tournant  de  la  route,  la  vue  devient  immense 
sur  un  pays  plat  en  apparence  mais  creusé  de 
vallons.  Au  premier  plan,  la  butte  colossale  qui 
porte  Monflanquin  semble  commander  à  toute 
la  contrée.  Au  fond  sont  deux  monticules,  l'un 


LES    PETITS    POIS    UE    VILLENEUVE.  ibç) 

butte  déserte,  l'autre  portant  les  constructions 
superbes  de  Biron,  berceau  de  la  famille  ducale 
de  ce  nom. 

Au  pied  d'une  côte  la  flèche  de  pierre  de 
Sainte-Radegonde,  aiguille  blanche,  semble  sur- 
gir de  la  verdure.  Sainte-Radegonde  n'est  point 
un  village,  mais  une  paroisse  groupant  la  multi- 
tude de  maisons  isolées  appartenant  à  la  vaste 
commune  de  Villeneuve-sur-Lot.  Plus  loin,  sur 
une  colline,  apparaît  Castelnaud,  village  d'une 
éclatante  blancheur. 


XI 


LE    HAUT    AGENAIS 


Au  bord  de  la  Lède.  —  La  culture  des  fèves  —  Monflanquin.  — 
ViUeréal.  —  Les  campagnes  du  haut  Agenais.  —  Monsempron 
et  Libos.  —  Fumel  et  ses  forges.  —  Les  carrières  de  i'Alle- 
mance. 


Fumel.  Juii 


La  région  de  FAgenais,  dans  laquelle  on  pé- 
nètre après  avoir  traversé  la  petite  rivière  de 
Lède,  n'offre  pas  des  collines  aussi  nettement 
découpées  que  la  vallée  inférieure  du  Lot,  mais 
le  massif  n'en  est  pas  moins  très  élevé,  s'il  est 
plus  confus.  Une  infinité  de  vallons  le  partagent 
et  le  plissent.  Les  villages  et  les  bourgs  sont 
bâtis  sur  les  points  culminants  et  conservent 
Tuie  allure  guerrière  et  fière  qui  ne  laisserait  pas 
supposer  leur  faible  population.  Ce  sont  pour 
la  plupart  d'anciennes  bastides.  Castelnaud-de- 
(irattecombe  couvre  une  croupe  où  l'on  extrait 
de  la  pierre  meulière.  Un  autre  village,  Saint- 
Pastour,  qui  possède  une  belle  église,  est  plus 
fièrement  campé  encore.  Le  bourg  le  plus  popn- 


LE    HAUT    AGENAIS.  l6l 

leux,  Gancoii,  est  lui-même  situé  au  point  culmi- 
nant d'un  massif  strié  d'une  multitude  de  ravins 
et  de  combes  qui  deviendront  des  affluents  du 
Lot,  du  Drot  et  de  la  Lède. 

Cette  dernière  rivière  est  un  faible  cours  d'eau, 
mais  elle  constitue  par  la  longueur  de  sa  vallée 
une  région  bien  à  part,  dont  la  ville  de  Monflan- 
quin  est  le  cœur.  Elle  semble  immobile  tant 
sont  lentes  ses  eaux  glauques  sous  le  coteau  de 
la  Sauvetat.  Le  versant  sud  est  raide,  en  partie 
boisé,  l'autre  est  un  verger  de  pruniers.  Beau- 
coup de  petits  pois  dans  les  champs,  mais  plus 
encore  de  fèves.  Ces  légumineuses  sont  la  base 
de  la  nourriture  en  cette  saison;  il  n'est  guère  de 
repas  sans  soupe  aux  fèves,  même  dans  les  meil- 
leurs hôtels  des  villes  ;  assaisonnée  avec  la 
graisse  d'oie  et  de  canard,  c'est  la  garbure  de 
Gascogne. 

Si  les  villages,  ou  plutôt  les  centres  commu- 
naux, sont  peu  nombreux,  les  hameaux  de  quel- 
ques maisons  parsèment  les  collines,  beaucoup 
ont  des  églises,  petites  et  simples  comme  celle 
très  ancienne  de  Gorconat  dont  le  pignon  trian- 
gulaire apparaît  sur  un  éperon  de  roche  calcaire 
appartenant  à  la  formation  géologique  du  Péri- 
gord  voisin.  Des  abords  de  l'humble  temple,  on 
découvre  un  vaste  plateau  couvert  de  pruniers, 

VOYAGE  EN  FRANCE.  XXXI.  Il 


102  VOYAGE    EN    FRANCE. 

sur  lequel  se  dressent  des  coteaux  isolés  en 
forme  de  dômes  ou  de  tables.  D'ici  le  paysage 
de  Monflanquin  se  précise,  le  mamelon  couvert 
de  toits  rouges  n'est  pas  sans  grandeur,  mais  il 
manque  au  sommet  la  tour  féodale  ou  la  flèche 
d'église  qui  ferait  un  beau  site.  Sur  les  rives  de 
la  Lède,  la  campagne  est  encore  d'une  grande 
richesse.  Le  prunier  n'est  plus  Farbre  dominant, 
des  haies  de  grands  chênes  enclosent  les  champs 
et  les  prés.  Beaucoup  de  belles  maisons  bour- 
geoises, quelques  châteaux  sur  le  flanc  des  col- 
lines ;  le  fond,  sous  le  coteau  qui  porte  Calvi- 
niac,  est  une  fraîche  solitude. 

La  route  traverse  la  riviérette  et  s'élève  par 
des  pentes  douces  au  sein  des  pruneraies  rede- 
venues nombreuses;  en  joualles  sont  des  vignes, 
d'étroites  bandes  de  blé  et  de  maïs.  Jusqu'à 
Lacaussade  c'est  comme  une  forêt  de  pruniers,  à 
peine  trouée  par  quelques  toits  de  métairies.  Les 
horizons  grandissent  à  mesure  que  l'on  s'élève, 
mais  les  campagnes  restent  solitaires  :  peu  de 
hameaux;  à  peine,  très  loin,  quelques  groupes  de 
maisons  laissant  deviner  un  village.  Seul  Gancon 
apparaît,  sur  sa  petite  montagne.  Monflanquin 
est  bien  la  dominatrice  de  ce  pays. 

Voici  l'antique  bastide,  de  belle  mine  vrai- 
ment, ainsi  juchée  sur  des  murailles  qui  furent 


LE    HAUT    AGENAIS.  1 63 

sans  doute  des  remparts  et  dont  les  parois 
abritent  des  jardins  plantés  de  grenadiers  et  de 
figuiers  ;  ces  arbres  s'accrochent  aux  pierres  et 
forment  une  tapisserie  belle  de  forme,  de  des- 
sins et  de  teintes.  A  l'entrée  de  ces  jardins 
s'étend  un  mail.  Un  des  arbres  a  cette  inscrip- 
tion :  Défense  de  peser  la  prune  sur  la  rouie. 

Les  jours  de  marché,  l'abondance  des  fruits 
est  telle  que  vendeurs  et  acheteurs,  débordant 
de  la  promenade,  envahissaient  la  chaussée  et 
empêchaient  la  circulation  des  voitures. 

Les  hôtels  et  les  auberges  principales  sont 
ici,  sur  la  grande  route  longeant  la  base  de  l'en- 
ceinte, car  la  ville  est  peu  accessible,  sa  pi-inci- 
palevoie  est  montueuse  et  les  petites  rues  trans- 
versales sont  trop  étroites.  Le  site  choisi  par 
Alphonse  de  Poitiers,  pour  sa  ville  neuve,  milieu 
du  xm^  siècle,  était  excellent  pour  une  forte- 
resse, mais  il  se  prête  assez  mal  aux  exigences  de 
la  vie  moderne,  c'est  pourquoi  celle-ci  se  porte 
aux  abords.  Aussi  la  cité  a-t-elle  gardé  sa  physio- 
nomie, elle  possède  encore  sa  place  à  galeries 
de  formes  variées  :  plein  cintre,  ogive,  charpente 
sur  colonnes.  A  l'un  des  angles  un  pavillon  est 
supporté  par  une  voûte  gothique  dont  les  ner- 
vures s'unissent  par  une  clé  de  voûte  sculptée. 

L'église  a  plutôt  l'air  d'une  fortification,  on 


l64  VOYAGE    EN    FRANCE. 

n'en  devine  le  caractère  religieux  que  par  le 
portail,  sobre  mais  beau,  grâce  à  son  faisceau 
de  colonnetles.  Une  tour  carrée  qui  ne  dépasse 
pas  les  combles  de  la  nef  flanque  Fédifice.  A 
l'intérieur,  de  minces  colonnes  s'élancent  en 
gerbes  de  nervures  donnant  beaucoup  d'élé- 
gance à  la  voûte  de  briques. 

Cette  église  est  au  point  culminant  de  la  col- 
line, sur  une  plate-forme  où  l'on  a  également 
construit  l'école  et  d'où  se  découvrent  des  vues 
immenses  sur  un  paysage  d'une  grandeur  pleine 
de  majesté,  s'il  est  simple  de  lignes.  Au  fond,  le 
château  de  Biron,  groupant  ses  tours  et  ses  rem- 
parts massifs  sur  sa  butte,  est  comme  un  édifice 
de  rêve,  un  Mont  Saint-Michel  terrestre  émer- 
geant des  plateaux  boisés  du  Périgord. 

Du  côté  du  nord,  où  le  souffle  des  vents  âpres 
a  empêché  les  habitants  de  se  porter,  la  butte 
de  Monflanquin  a  gardé  son  aspect  primitif.  Des 
pruniers  revêtent  la  pente  raide,  sous  le  boule- 
vard ou  plutôt  la  terrasse  circulaire  qui  a  rem- 
placé les  remparts  plantés  d'ormes  centenaires. 
La  vallée  de  la  Lède  apparaît  toute  moirée  de 
moissons  ondulantes  dans  lesquelles  s'alignent 
les  pruniers;  vus  de  si  haut,  comme  d'un  à-pic, 
on  dirait  des  arbres  sortis  de  la  main  d'un  tour- 
neur de  la  Forêt  Noire. 


LE    HAUT    AGENAIS.  l65 

Le  coteau  est  un  rocher  calcaire  facile  à  cou- 
per; aussi  le  chemin  de  ronde  fut-il  entaillé  dans 
la  pierre.  Il  offre  sans  cesse  de  nouvelles  vues. 
Du  côté  de  Cancon,  la  campagne  est  parsemée 
de  belles  demeures  d'autrefois  ou  de  villas  mo- 
dernes. Tous  les  coteaux  sont  d'un  vert  doux 
relevé  par  des  rangées  de  pruniers  dont  les 
quinconces  s'étendent  à  l'infini.  Vers  le  sud  et 
le  sud-est  se  prolongent  encore  les  campagnes 
mouchetées  de  petits  arbres;  au  fond,  des  col- 
lines plus  hautes  doivent  beaucoup  de  majesté 
à  leurs  formes  nettes  et  à  leur  isolement. 

Dans  la  ville,  où  je  pénètre  de  nouveau,  il  y  a 
encore  des  maisons  à  ressaut,  donnant  l'idée  de 
ce  que  dut  être  la  bastide  à  son  origine  ;  deux 
ou  trois  tronçons  de  rues  voûtées  complètent 
l'illusion. 

Depuis  un  instant  le  ciel  s'est  obscurci,  un 
vent  violent  accourt,  chasse  les  nuées,  siffle  dans 
les  arbres  de  la  terrasse,  le  panorama  soudain 
s'efface.  Par  ce  triste  temps  remplaçant  la  lu- 
mière éclatante  de  tout  à  l'heure  il  me  faut  gagner 
Villeréal.  J'avais  retenu  ma  place  en  diligence 
sur  le  siège  à  côté  du  cocher,  mais  devant  cette 
bourrasque  je  dois  m'enfermer  dans  la  voiture. 


l66  VOYAGE    EN    FRANCE. 

les  vitres  sont  violemment  secouées  par  la  tem- 
pête et  cinglées  par  la  pluie.  Combien  m'a  paru 
longue  cette  course  sur  un  plateau  ondulé,  où 
je  devinais  à  peine  la  silhouette  des  pruniers 
inflexiblement  alignés  dans  les  champs  ! 

A  Villeréal,  les  petites  rues  sont  changées  en 
lorrents.  J'erre  avec  mélancolie  par  ces  voies  cou- 
pées au  cordeau  ;  la  place  centrale  avec  ses  ar- 
cades offre  un  abri.  Que  de  générations  ont  passé 
sous  ces  voûtes,  depuis  le  lointain  xni^  siècle 
qui  vit  naître  Villeréal  —  ville  royale  ! 

C'est  une  des  plus  régulières  parmi  les  bas- 
tides de  l'Agenais  ;  dans  son  enceinte  presque 
circulaire,  elle  ne  s'est  pas  modifiée  depuis  ses 
origines  ;  l'église  naquit  avec  la  cité  elle-même. 

Toujours  la  pluie,  faisant  abandonner  mon 
projet  de  gagner  Castillonnès,  autre  bastide  de 
plus  fière  allure,  car  elle  commande  la  vallée 
du  Drot  du  haut  de  sa  colline. 

Jusqu'à  Monflanquin,  et  fort  au  delà  sur  la 
route  de  Fumel,  encore  la  bourrasque.  Cepen- 
dant l'averse  est  moins  dense,  on  peut  distinguer 
une  campagne  bien  cultivée  où  la  roche  perce 
sur  nombre  de  points.  La  pierre  exploitée  en  car- 
rière a  permis  de  donner  aux  constructions  une 
beauté  robuste  qui  s'harmonise  avec  les  lignes 


LE    HAUT    AGENAIS.  167 

du  paysage.  Les  centres  de  population  sont  de 
minces  hameaux,  malgré  leur  rang  de  com- 
munes. Les  habitations  isolées  sont  nombreuses; 
chacune  a  son  figuier,  cet  arbre  semble  le  génie 
domestique  du  foyer;  le  jardinet  est  clos  de 
haies  de  lauriers-tins  et  de  rosiers  du  Bengale. 

Cela  est  charmant,  d'autant  plus  que  le  ciel, 
jusqu'alors  maussade,  s'éclaire  enfin,  voici  une 
trouée  dans  les  nuages,  un  pan  bleu  de  firma- 
ment et,  soudain,  le  rideau  sombre  se  déchire, 
le  grand  soleil  apparaît.  Je  n'ai  fait  qu'un  bond 
pour  aller  retrouver  le  cocher  sur  son  siège.  La 
voiture  court  en  ce  moment  entre  les  pruniers, 
très  vigoureux,  formant  coi^me  un  verger  inin- 
terrompu divisé  par  des  joualles  et  de  petits 
champs  de  blé. 

En  regardant  la  carte,  je  suis  surpris  de  tou- 
jours monter  et  je  croyais  suivre  la  vallée  de 
la  Lède.  On  m'avait  dit  pourtant  que  la  voi- 
ture passait  par  Montagnac  et  Salles,  d'où  je 
pourrais  gagner  en  peu  de  temps  La  Gapelle- 
Biron  et  Biron,  tout  en  visitant  les  gorges  de 
Gavaudun.  Le  cocher  devine  la  cause  de  ma 
surprise  : 

—  Ah  !  vous  vouliez  peut-être  aller  à  Gavau- 
dun !  Un  curieux  pays  où  l'on  vient  beaucoup  : 
de    Villeneuve,    d'Agen,   de  Montauban.    G'est 


l68  VOYAGE    EN    FRANCE. 

qu'il  y  en  a  des  rochers,  des  gorges,  des  ca- 
vernes, et  un  château  en  ruines  !  Maintenant  je 
n'y  passe  qu'un  jour  sur  deux.  Les  gens  de  La- 
caussade  ont  voulu  avoir  leur  part  de  la  voiture, 
on  a  divisé  la  poire  avec  Montagnac  ! 

—  Alors  nous  allons  à  Lacaussade  ? 

—  Oui,  si  vous  voulez  ensuite  gagner  Gavau- 
dun,  ça  vous  allonge  de  plus  de  deux  lieues  et 
vous  ne  serez  pas  à  La  Gapelle-Biron  avant  la 
nuit,  à  Biron  avant  demain. 

Je  m'étais  bien  promis  cependant  de  voir  La 
Gapelle  où  naquit  Bernard  Palissy  et  Biron  qui 
conserve  si  fi  ère  tournure  féodale.  Hélas  !  c'est 
près  d'un  jour  perdu  et  j'ai  rendez-vous  à  Agen 
demain  matin. 

Il  faut  faire  contre  fortune  bon  cœur.  Allons 
donc  par  Lacaussade.  Voici  le  bois  de  ce  nom, 
belle  chênaie  croissant  sur  le  rocher  et  envelop- 
pant le  château,  puis  le  village,  tout  menu,  avec 
son  église  très  humble,  n'ayant  qu'une  cloche  à 
son  pignon.  Maintenant  s'étendent  des  champs 
de  céréales  coupés  de  pruniers  et  entremêlés  de 
petits  carrés  de  gesse,  de  vignes  en  joualles^  de 
fèves.  Le  sol  est  de  peu  d'épaisseur,  la  roche 
perce  souvent,  on  se  croirait  sur  un  causse.  De 
là,  sans  doute,  vient  ce  nom  de  Lacaussade?  Des 
petits  bois  de  chênes  apparaissent,  où  déjà  l'on 


LE    HAUT    AGENAIS.  169 

récolte  des  truffes,  si  abondantes  dans  le  Péri- 
gprd  tout  proche. 

Une  colline  rappelant  par  sa  forme  la  mon- 
tagne de  Laon  surgit  au-dessus  du  plateau.  Un 
moulin  à  vent  la  couronne,  mais  aucune  autre 
construction  ne  s'y  montre;  pourtant  un  village, 
Monségur,  s'abrite  sur  l'autre  versant.  Les  pentes 
étaient  jadis  couvertes  de  vignes,  le  phylloxéra 
les  a  détruites,  un  gazon  ras  et  des  genévriers 
se  sont  emparés  du  terrain.  L'aspect  est  misé- 
rable, les  pruniers  eux-mêmes  paraissent  rabou- 
gris. Les  maisons  isolées  sont  petites,  sans  dé- 
pendances, car,  le  bétail  étant  rare,  il  n'est  pas 
besoin  d'étables.  Gela  contraste  avec  la  pureté 
des  lignes  du  paysage  ;  l'hémicycle  décrit  par  la 
colline  a  de  l'allure.  Dans  les  parties  où  la  terre 
est  plus  épaisse  il  y  a  pourtant  quelques  belles 
fermes. 

Le  chemin  atteint  une  sorte  de  col  d'où  l'on 
jouit  d'une  vue  superbe  sur  ce  confm  de  trois 
provinces  :  Périgord,  Agenais  et  Quercy;  on  do- 
mine de  haut  la  vallée  du  Lot,  bordée  par  une 
rangée  de  collines  de  forme  trapézoïdale.  Le  ha- 
meau de  Monségur,  maintenant  visible,  con- 
temple ces  admirables  horizons.  Il  est  blotti  au 
pied  d'une  petite  falaise  de  roches  blanches 
portant  les   ruines   d'un   château.  Au  fond  du 


lyO  VOYAGE    EN    FRANCE. 

paysacje  montent  les  fnmées  noires  des  forges  de 
Funiel. 

La  roule  descend.  Sur  ce  versant  abrité  des 
vents  du  nord,  la  végétation  a  changé.  Le  gené- 
vrier est  remplacé  par  un  arbuste  à  feuilles  lui- 
santes, aux  jeunes  pousses  d'un  vert  tendre, 
aux  élégantes  grappes  de  baies  rouges.  C'est  le 
sumac,  si  commun  dans  tout  le  bas  Ouercy  et 
l'Albigeois,  bien  que  l'emploi  de  cette  plante  in- 
digène par  les  corroyeurs  ait  beaucoup  diminué 
depuis  que  l'on  tire  le  sumac  des  bords  de  la 
Méditerranée,  de  Sicile  surtout.  Il  forme  des 
touffes  buissonnantes  sur  ces  terroirs  calcaires 
où  la  terre  arable  est  de  faible  épaisseur.  C'est 
le  seul  végétal  de  taille  un  peu  élevée,  autour  du 
village  de  Condezaygues.  Certains  mamelons 
sont  absolument  nus,  mais  les  plis  sont  frais, 
des  vignes  et  des  pruniers  enveloppent  le  vil- 
lage :  une  poignée  de  maisons.  A  mesure  que 
l'on  descend,  la  richesse  renaît,  la  végétation 
est  belle  en  cette  terre  rouge.  Sur  un  ressaut 
voici  Monsempron,  petit  groupe  d'habitations  de 
coquette  allure,  une  d'elles  flanquée  d'une  tou- 
relle. L'église  romane  est  un  bel  édifice,  inté- 
ressant dans  beaucoup  de  ses  parties. 

Monsempron  a  donné  son  nom  à  la  gare  de 
jonction  établie  au  confluent  de  l'AUemance  et 


LE    HAUT    AGENAIS.  I7I 

du  Lot,  en  y  ajoutant  celui  de  son  hameau, 
Libos.  C'est  bien  long  à  dire,  Monsempron-Libos, 
et  l'usage  a  prévalu  de  dire  Libos  tout  court  ; 
d'ailleurs  le  hameau  seul  a  profité  de  cette  excel- 
lente situation  ;  le  chemin  de  fer  le  fait  accroître 
et  Monsempron  reste  dédaigné  sur  sa  colline. 
Peut-être  eût-il  mieux  valu  donner  à  la  station 
d'embranchement  le  nom  de  la  ville  voisine, 
Fumel,  située  à  2  000  mètres  de  là  et  consti- 
tuant, grâce  à  ses  forges,  un  petit  groupe  fort 
vivant. 

Un  charmant  chemin  privé,  gracieusement 
ouvert  au  public,  va  de  la  gare  de  Libos  à  Fu- 
mel en  évitant  la  traversée  du  village.  Il  des- 
cend dans  le  vallon  très  vert  où  l'Allemance 
grossie  par  la  pluie  violente  de  la  nuit  et  du 
matin  roule  des  eaux  rougies  par  le  sol  ocreux 
et  ferrugineux  qu'elle  a  traversé.  Toute  cette 
vallée  est  un  gisement  de  fer,  et  le  pays  avoisi- 
nant  aussi.  La  Capelle-Biron,  Gavaudun  et  Salles 
dans  la  vallée  de  la  Lède,  Blanquefort  dans  un 
vallon  aboutissant  à  l'Allemance,  Saint-Front  et 
Cuzorn  au  bord  de  cette  dernière  rivière,  puis 
Fumel  possèdent  des  minières.  L'exploitation 
est  morcelée;  chacune  de  ces  carrières  de  fer 
à  ciel  ouvert  occupe  un  nombre  restreint  d'où- 


172  VOYAGE    EN    FRANCE. 

vriers;  il  y  a  66  minières  et  elles  ont  occupé 
seulement  162  hommes  en  1901.  Encore  le  tra- 
vail a-t-il  été  temporaire  et  intermittent'.  En 
gare  de  Cuzorn,  où  Ton  vient  charger  le  minerai 
sur  wagons,  celui-ci  vaut  environ  5  fr.  la  tonne. 
Les  propriétaires  eux-mêmes  ou  des  tâcherons 
extraient  ce  minerai  au  moyen  de  tranchées  plus 
ou  moins  profondes,  «  très  irrégulières  dit  Tin- 
génieur  des  mines  dans  son  rapport  au  conseil 
général  ;  le  minerai  forme  des  lentilles  verti- 
cales le  plus  souvent  peu  étendues,  dans  une 
argile  presque  toujours  compacte.  Ces  lentilles, 
en  général  d'un  volume  restreint,  ne  sont  guère 
exploitées  que  sur  leurs  affleurements,  et  les 
travaux  sont  arrêtés  dès  qu'ils  atteignent  une 
faible  profondeur,  de  sorte  que  les  exploitations 
se  déplacent  fréquemment.  )> 

On  est  arrivé  aujourd'hui  à  travailler  d'une 
façon  moins  barbare,  le  développement  de  la 
production  ayant  amené  à  conduire  les  re- 
cherches dans  des  conditions  rationnelles. 

Ce  n'est  pas  la  seule  richesse  minérale  de 
cette  vallée  de  FAllemance,  elle  fournit  encore 
à  Fumel  la  castine  nécessaire  aux  hauts  four- 


I.  La  production  s'accroît  cependant  grâce  au  voisinage  des 
usines  de  Fumel.  Elle  a  atteint  46606  tonnes  en  1901,  et  n'était 
que  de  89881  en  igoo. 


LE    HAUT    AGENAIS.  I']3 

neaux,  on  l'extrait  à  côté  même  des  usines  ! 
Dans  le  haut  du  vallon,  Sauveterre  a  de  belles 
carrières  de  calcaire  transformé  en  chaux  hy- 
draulique et  ciment  dans  plusieurs  usines  ;  le 
même  village  possède  des  carrières  de  sable  pour 
moulage  et  une  usine  de  produits  chimiques. 
Fumel  fabrique  aussi  des  chaux  et  des  ciments  ^ 

L'AUemance  est  donc  une  rivière  active. 
Avant  d'atteindre  le  Lot,  ses  eaux  rouges  font 
mouvoir  la  roue  moussue  d'un  moulin  enveloppé 
dans  une  exubérante  végétation.  Le  chemin  ac- 
cède ensuite  au  fond  du  val,  d'où  Monsempron 
apparaît  dans  toute  sa  beauté,  la  haute  abside 
ogivale  de  l'église,  la  tour  carrée,  très  élevée,  cou- 
verte d'un  toit  bas,  forment  un  charmant  décor. 

Au  pied  d'un  coteau,  au  bord  du  Lot,  sont  les 
usines  de  Fumel,  précédant  la  ville.  Hauts  four- 
neaux et  cheminées  fumantes  sont  une  note  bien 
inattendue  dans  ce  paysage  tranquille,  en  une 
contrée  d'où  la  métallurgie,  si  active  jadis,  a  dis- 
paru. Fumel  non  seulement  n'a  pas  périclité, 
mais  il  prospère  chaque  jour.  L'usine  avait  été 
créée  par  la  Compagnie  des  chemins  de  1er  d'Or- 


I.  Production  des  carrières  en  igoi  :  24187  mètres  cubes  de 
castine;  7887  mètres  cubes  de  calcaire  pour  chaux,  hydraulique; 
6008  mètres  cubes  de  calcaire  à  ciment;  120  mètres  cubes  de 
terre  pour  ocres. 


174  VOYAGE    EN    FRANCE. 

léans  qui  l'a  rétrocédée  à  une  compagnie  en  1874, 
comme  elle  rétrocéda  Decazeville.  En  1897  ^^^^ 
produisait  seulement  19089  tonnes  de  fonte  en 
première  fusion,  d'année  en  année  la  quantité 
a  doublé;  en  1901  on  obtint  3o444  tonnes  de 
fonte  en  première  fusion  et  9646  de  fonte  moulée 
en  deuxième  fusion.  Les  hauts  fourneaux  avaient 
employé  4^  270  tonnes  de  minerai  de  l'Allemance 
sur  une  quantité  totale  de  46  606.  La  production 
augmente  encore,  car  ce  petit  centre  ne  se  ressent 
nullement  de  la  crise  métallurgique.  L'établisse- 
ment a  pour  objet  la  fabrication  des  coussinets, 
plaques  tournantes  pour  chemins  de  fer  et  tram- 
ways, des  tuyaux  et  grosses  pièces  de  fonderie. 

Fumel  est  bien  placé  d'ailleurs,  non  seule- 
ment le  minerai  et  la  castine  sont  à  proximité 
mais  le  Lot  est  navigable  jusqu'à  l'entrée  du 
bassin  houiller  de  Decazeville  et  un  chemin  de 
fer  le  relie  aux  charbonnages  par  Cahors  et  Gap- 
denac. 

L'usine  borde  la  rivière,  la  ville  est  plus  loin, 
sur  une  colline  que  surmonte  l'église  gothique 
non  encore  achevée  ;  la  tour  attend  son  cou- 
ronnement et  sa  flèche,  les  hautes  fenêtres  ogi- 
vales, d'un  bel  élancement,  sont  masquées  par 
des  briques. 

Le  vieux  bourg  est  à  l'écart,  sur  la  pente,  re- 


LE    HAUT    AGENAIS.  lyB 

<jardant  la  rivière.  Les  rues  y  sont  étroites,  bor- 
dées de  maisons  de  poutrelles  en  encorbelle- 
ment. Ce  sont  de  tristes  logis  aux  murs  lépreux, 
que  masque  mal  un  espalier  de  vignes,  le  sol  est 
de  terre  battue;  la  ville  moderne  est  formée  par 
la  grande  route  bordée  de  belles  maisons,  de 
cafés  et  d'hôtels.  Fumel  eut  un  rang  important 
dans  la  province  et,  de  bonne  heure,  fut  dotée 
d'une  charte  ;  ses  coutumes  étaient  souvent 
citées  dans  la  jurisprudence. 

La  commune  de  Fumel  a  acquis  une  des  plus 
belles  et  puissantes  ruines  féodales  de  France  : 
le  château  de  Bonaguil,  d'une  allure  massive  ;  il 
passe  pour  la  première  forteresse  construite  en 
vue  de  résister  à  l'artillerie.  Bonaguil  est  trop  loin 
pour  que  je  puisse  le  visiter  ce  soir  :  deux  lieues. 

La  nuit  vient,  le  soleil  est  déjà  masqué  par 
les  collines.  D'une  terrasse  avoisinant  l'église, 
le  paysage  est  d'une  beauté  captivante.  On 
domine  la  large  et  profonde  vallée  ;  au  milieu 
erre  le  Lot,  entre  les  berges  rocheuses  qu'il 
érode.  Le  barrage  écluse  établi  devant  l'usine 
fait  refluer  les  eaux.  Un  pont  suspendu  d'une 
seule  travée  tend  son  tablier  léger  sur  la  nappe 
tranquille.  Au  delà,  une  route  blanche  s'en  va  à 
travers  la  plaine  complantée  de  pruniers. 


XII 


AGEN    ET    SES    CAMPAGNES 

Les  vieilles  forteresses.  —  Tournon-d'Agenais  et  Penne-d'Age- 
nais.  —  Le  vallon  de  la  Marse.  — •  Agen.  —  Le  poète  Jas- 
min. —  Le  commerce  d'Agen.  —  Richesses  agricoles.  —  Au 
long  de  la  Garonne.  —  Port-Saint-Marie.  —  Aiguillon.  — 
Nicole  et  ses  abricotiers. 

Nicole.  Juin. 

Si  l'Agenais  est  un  pays  de  collines  modestes 
par  l'altitude,  bien  des  contrées  où  les  accidents 
du  sol  sont  déjà  des  monts  peuvent  envier  la 
fière  allure  de  ces  coteaux,  leurs  pentes  raides, 
leurs  cimes  nettement  découpées,  les  tables  ré- 
gulières qu'elles  forment  et  d'où  l'on  découvre 
des  horizons  si  merveilleux  par  leur  profondeur, 
leur  transparence  et  leur  splendeur  rustique. 
L'homme  a  accru  cette  beauté  en  campant  ses 
bourgades  sur  les  sommets,  bastides  féodales  qui 
semblent  encore  appeler  au  combat  les  croisés 
de  Montfort,  les  conquérants  anglais  ou  la  che- 
valerie de  la  France  du  Nord,  travaillant  à  son 
insu  à  l'unité  de  la  patrie. 


AGEN    ET    SES    CAMPAGNES.  I77 

Et  cependant  quels  pauvres  bourgs  on  trouve 
en  atteignant  ces  altières  silhouettes  de  cités  ! 
Tournon-d'Agenais  groupe  à  peine  35o  habitants 
sur  sa  colline  surgissant  au-dessus  du  val  étroit 
où  colile  le  Boudouyssou  et  semble  plus  citadine 
que  bien  des  villes  populeuses,  lorsqu'on  l'aper- 
çoit des  campagnes  lointaines.  Et  Penne,  hardie 
et  glorieuse?  étagée  à  la  pointe  d'une  longue  et 
étroite  crête  dominant  de  170  mètres  le  Lot  qui, 
brusquement,  tourne  vers  Villeneuve  pour  aller 
gagner  la  Garonne,  elle  est  superbe  la  lillipu- 
tienne bourgade;  pourtant  il  lui  reste  peu  de 
chose  du  château  que  les  armées  se  disputèrent 
pendant  quatre  cents  ans.  Le  territoire  est  très 
étendu,  4  670  hectares  ;  ses  hameaux  sont  par- 
fois plus  populeux  que  des  communes,  ainsi 
Port-de-Penne  assis  au  pied  du  coteau,  sur  le 
bord  de  la  rivière  et  qui  fut  pour  la  forteresse 
une  tête  de  pont  non  moins  bien  défendue.  De  la 
ville  aujourd'hui  si  chétive,  après  avoir  été  puis- 
sante, on  découvre  un  panorama  immense  sur  la 
vallée  du  Lot  et  les  campagnes  lointaines  du 
Quercy.  La  colline  est  tapissée  de  pruniers  et 
de  vignes,  partout  on  voit  des  vergers.  Au  prin- 
temps, quand  tous  ces  arbres  fleuris  semblent 
couvrir  l'Agenais  de  leur  neige,  le  spectacle  est 
inoubliable. 

VOYAGE  EX  FRANCE.  —  XXXI.  12 


l'jS  VOYAGE    EN    FRANCE. 

Ce  matin,  j'ai  demandé  à  déjeuner  dans  une 
auberge  au  pied  de  la  ville  :  il  n'y  avait  qu'une 
soupe  aux  fèves.  On  m'en  a  servi  une  énorme 
terrine.  Cela  était  parfumé  et  onctueux;  ce 
potage  cuit  avec  des  abatis  d'oie  en  confit  expli- 
quait la  faveur  dont  la  garbure  jouit  dans  tout 
If  Midi.  J'avais  pour  compagnons  de  table  des 
ouvriers  terrassiers  ;  quand  ils  ont  eu  fini,  ils 
ont  versé  dans  l'assiette  un  grand  verre  de  vin  et 
ont  bu  à  même  avec  un  air  de  satisfaction  béate. 
Je  me  suis  borné  à  tremper  les  lèvres  dans  le 
verre  ;  la  mine  de  ces  braves  gens  m'a  révélé 
que  je  commettais  une  infraction  au  code  de  ci- 
vilité. Pendant  ce  temps  l'hôte  déjeunait  d'une 
goiissée^,  c'est-à-dire  d'un  morceau  de  pain  frotté 
d'ail.  Pour  ce  solide  lest  du  matin  on  m'a  de- 
mandé quatre  sous. 

De  Port-de-Penne  à  Agen,  c'est  une  succes- 
sion d'heureux  tableaux;  les  maisons  isolées  ta- 
pissent le  flanc  des  collines  et  le  fond  du  val. 
Une  multitude  de  plis  sillonnent  les  pentes, 
s'ouvrant  parfois  assez  pour  montrer  quelque 
hameau  assis  au  pied  de  ces  tables  régulières  ou 
petits  plateaux  qui  semblent  les  vestiges  d'une 
plaine  érodée  par  les  eaux.  Ainsi  se  blottit  Aura- 
dou  dont  pointe  l'humble  flèche  ;  ainsi  Haute- 


AGEN    ET    SES    CAMPAGNES.  I79 

fage,  grand  site,  grâce  à  sa  puissante  tour  flan- 
quée d'une  tourelle,  et  arc-boutée  de  puissants 
contreforts,  gracieuse  par  les  détails  fleuris  de  la 
Renaissance.  Ce  débris  d'un  château  des  évêques 
d'Agen  est  aujourd'hui  le  clocher  de  l'humble 
église.  De  ce  donjon  on  domine  la  conque  très 
verte  d'un  vallon  creusé  dans  le  coteau  capri- 
cieusement entaillé  dont  la  table  est  un  puissant 
promontoire  .projeté  par  le  plateau  de  Laroque- 
Timbaut. 

Le  chemin  suit  cette  étroite  arête  pour  gagner 
Laroque.  Sans  cesse  on  a  vue  sur  ce  pays  extra- 
ordinairement  découpé  et  vallonné,  où  les  cata- 
clysmes géologiques  ont  multiplié  les  ravins, 
tandis  que  les  parties  non  é vidées  forment  en 
perspective  une  plaine  d'une  horizontalité  pres- 
que absolue.  Sur  une  des  parties  intactes  les 
plus  vastes,  Laroque-Timbaut  commande  l'ou- 
verture de  deux  combes.  Le  petit  bourg  fut  aussi 
une  forteresse,  il  eut  un  rôle  militaire.  De  vagues 
linéaments  de  murailles  rappellent  ce  passé.  Par- 
tout, on  trouve  d'anciennes  cités  fortes.  Quand, 
parvenu  à  l'extrémité  orientale  du  plateau  de 
Laroque,  on  voit  se  creuser  la  vallée  de  la  Petite 
Séoune,  un  autre  village,  Beauville,  se  montre 
à  la  pointe  d'un  coteau,  belliqueux  d'allure 
par  ses  débris  de  murailles.  Ce  fut  encore  une 


l8o  VOYAGE  EN  FRANCE. 

bastide,  dont  le  plan  est  trop  vaste  pour  la 
population  actuelle  de  ce  mince  chef-lieu  de 
canton. 

Toutes  les  pentes  vont  désormais  à  la  Garonne  ; 
routes  et  chemins  de  fer  se  dirigent  vers  la  vieille 
cité  d'Agen.  On  atteint  la  ville  en  suivant  les 
vallons  étroits  où  coulent  de  claires  eaux;  l'un 
d'eux,  qui  suit  la  voie  ferrée,  va  s'ouvrir  sur  la 
plaine  de  la  Garonne,  à  Agen  même,  entre  les 
collines  raides  aux  pentes  entaillées  par  des 
combes,  et  finissant  à  pic  au-dessus  de  la  capi- 
tale de  la  contrée. 

Agen  occupe  un  beau  site,  au  bord  de  la  Ga- 
ronne ;  le  fleuve  vient  frôler  le  pied  de  ces  hau- 
teurs allongées  en  nombreux  vallons  découpés 
dans  le  plateau  avec  une  régularité  plus  frap- 
pante encore  que  sur  les  bords  du  Lot.  Ces  pa- 
rois géométriques  portèrent  la  cité  primitive  qui, 
dès  les  premiers  temps  historiques,  descendit  vers 
le  rivage.  La  plus  rapprochée  de  la  ville,  le  co- 
teau de  l'Ermitage,  offre  une  vue  curieuse  sur 
cette  masse  de  toits  de  tuiles  d'un  rouge  éteint, 
trouée  par  quelques  artères  neuves  ou  des  ave- 
nues plantées  d'arbres.  La  Garonne,  franchie  par 
le  canal  latéral  sur  un  pont-aqueduc  superbe, 
les  voies  ferrées,  les  grandes  routes  qui  s'élan- 


AGEN    ET    SES    CAMPAGNES. 


l8l 


cent  à  travers  la  merveilleuse  plaine,  composent 
un  tableau  captivant. 

L'intérieur  de  la  ville  ne  répond  pas  à  cet  as- 
pect. En  dépit  des  percées  modernes,  c'est  un 
dédale  de  petites  rues  étroites  pavées  de  cailloux 
aigus,  aux  maisons  sans  caractère.  Aux  abords 


mêmes  de  la  gare,  on  entre  dans  les  quartiers 
anciens,  auxquels  la  vénérable  cathédrale  Saint- 
Caprais,  dont  Tabside  romane  est  de  lignes  si 
pures,  enlève  de  leur  vulgarité.  Devant  l'église 
se  tient  en  plein  vent  un  marché  de  primeurs. 
Les  rues  environnantes  ont  beaucoup  de  maga- 
sins ;  quelques-uns  se  livrent  exclusivement  au 


l82  VOYAGE    EN    FRANCE. 

commerce  des  pruneaux.  Si  Agen  n'est  pas  pour 
ce  produit  un  centre  comparable  à  Villeneuve 
et  à  Sainte-Livrade,  il  n'en  a  pas  moins  imposé 
son  nom  à  la  «  prune  d'Agen  ».  Aussi  a-t-on  créé 
l'expédition  des  pruneaux  en  caisses.  Aux  villes 
de  production  le  commerce  en  gros,  à  Agen  l'en- 
voi au  dehors  par  colis  postaux. 

Quelques  maisons  à  arcades  donnent  un  peu 
de  pittoresque  au  large  boyau  appelé  place  du 
marché  ;  sous  ces  galeries  sont  des  boutiques  et 
des  magasins  fort  achalandés  encore,  malgré  la 
concurrence  des  installations  plus  modernes  et 
luxueuses  du  boulevard  de  la  République,  artère 
neuve  aux  constructions  de  pierre  blanche  qui 
coupe  la  ville  perpendiculairement  à  la  Garonne. 
Un  autre  boulevard,  récemment  ouvert  dans  l'axe 
de  la  gare,  achève  de  transformer  Agen  en  appor- 
tant l'air  et  la  lumière  dans  ces  ruelles  irré- 
gulières. Déjà  un  quartier  plus  riant  avait  été 
fondé  près  de  la  Garonne,  aux  abords  d'une 
promenade  fameuse  dans  le  Midi,  le  Gravier^ 
mail  de  grands  arbres  et  de  petits  parterres  sur 
lequel  se  tient  une  foire  attirant  la  foule  de  toute 
la  région.  Le  boulevard  de  la  République  abou- 
tit à  l'entrée  de  ces  allées  touffues,  sur  un  carre- 
four orné  de  la  statue  de  Jasmin.  Le  poète  age- 
nais  que  l'on  s'attendrait  à  trouver  en  costume 


AGEN    ET    SES    CAMPAGNES.  l83 

de  coifïeur,  se  montre  sous  les  espèces  d'un 
monsieur  très  bien  ;  il  a  l'habit  à  la  française 
avec  la  croix  de  la  Légion  d'honneur  et  des 
favoris  de  magistrat.  C'est  le  Jasmin  des  der- 
nières années,  quand  la  célébrité  fut  devenue 
éclatante  grâce  à  Charles  Nodier,  à  Lamartine 
et  à  Sainte-Beuve.  L'inscription  française  dit: 

AU    GRAND    POÈTE    JASMIN 

L'épithète  n'est  pas  excessive;  cet  enfant  du 
peuple  sut  retrouver  la  source  pure  de  l'éternelle 
poésie.  On  a  bien  fait  cependant  de  lui  donner 
son  effigie  de  bonne  heure,  aujourd'hui  on  ne 
songerait  guère  à  un  tel  hommage.  Jasmin  est 
devenu  un  classique  de  langue  morte  ;  même  à 
Agen  on  ne  le  lit  guère,  on  ne  le  chante  plus. 
Le  papier  imprimé,  journal  à  un  sou,  écrit  en 
français,  a  plus  de  lecteurs  et  de  fidèles,  car  il 
répond  aux  préoccupations  presque  exclusives 
de  nos  jours  :  la  politique  et  les  querelles  loca- 
les. Oui  donc  s'intéresse  maintenant  aux  per- 
sonnages d'idylle  et  d'élégie  qu'anima  Jasmin  et 
qui  émurent  les  pays  de  langue  d'oc  ?  Déjà,  en 
pleine  gloire  vivante  de  Jasmin,  on  avait  dit  de 
son  idiome,  traité  de  patois  :  «  Le  patois  est  une 
langue  qui  a  eu  des  malheurs.  »  Et  le  patois  âge- 


l84  VOYAGE    EN    FRANCE. 

nais  rénové,  remis  au  rang  des  langues  par  le 
perruquier-poète,  a  le  malheur  très  grand  de  ne 
pas  servir  pour  satisfaire  à  la  fringale  de  nou- 
velles politiques  dont  sont  agités  les  bords  de  la 
Garonne,  plus  encore  que  le  reste  de  la  France. 

La  statue  du  poète  est  voisine  de  la  boutique 
où  Jasmin  habita  et  qu'un  autre  coiffeur  occupe 
encore,  sur  le  cours  Voltaire  planté  de  grands 
arbres.  Tout  près,  les  superbes  platanes  du  Gra- 
vier répandent  leur  ombre  fraîche.  Une  passe- 
relle franchit  la  Garonne.  Du  tablier  on  a  de 
belles  vues  sur  le  fleuve  traversé  en  amont  par 
un  pont  de  pierre  aux  grandes  ouvertures,  en 
aval  par  le  pont-canal  dont  les  sept  arches  se 
poursuivent  au-dessus  des  prairies  par  d'autres 
arceaux.  Ouvrage  grandiose,  ses  belles  lignes 
rappellent  les  œuvres  les  plus  magistrales  de 
l'art  romain.  Le  fleuve  est  désert;  sauf  les 
barques  qui  vont  s'approvisionner  de  sables  et 
de  graviers  versés  par  de  grandes  dragues,  il 
n'y  a  guère  de  bateaux.  Depuis  que  l'État  a 
repris  possession  du  canal,  la  Garonne  est  de 
plus  en  plus  abandonnée  par  la  navigation. 

A  la  fin  de  l'ancien  régime,  Agen  avait  déjà 
tenté  de  se  transformer.  Les  évêques  élevèrent 
un  joli  palais  devenu  aujourd'hui  la  préfecture, 
ce  devait  être  le  noyau  d'un  quartier  neuf.  On 


AGEN    ET    SES    CAMPAGNES.  1 85 

a  achevé  le  plan  en  construisant  un  palais  de 
Justice  rompant  un  peu  avec  la  banalité  habi- 
tuelle à  ce  genre  d'édifices.  Un  square  sur  le- 
quel se  dresse  le  monument  élevé  aux  morts 
de  l'année  terrible,  un  cours  planté  de  beaux 
arbres,  donnent  à  cette  partie  d'Agen  un  peu 
de  grandeur.  En  pénétrant  dans  l'intérieur  de 
la  ville  on  retrouve  les  rues  étroites  et  banales. 

Peu  d'édifices  à  signaler  dans  cette  cité  irré- 
gulière mais  vivante.  Agen,  malgré  sa  popula- 
tion relativement  faible  %  est  un  des  centres  de 
commerce  les  plus  considérables  du  Midi.  On 
pourrait  dire  qu'elle  vit  par  les  transactions, 
rindustrie  est  de  médiocre  importance  depuis 
que  sa  manufacture  de  toile  à  voile  a  disparu 
comme  ont  disparu  les  corderies  de  la  vallée. 
Cette  usine  alimentait  la  vieille  marine,  on  y 
comptait  trois  cents  métiers  et  six  cents  ou- 
vriers ;  les  corderies,  jusqu'à  Tonneins,  occu- 
paient huit  cents  personnes.  Aujourd'hui  le  rôle 
industriel  d'Agen  se  borne  à  la  fabrication  des 
balais  de  sorgho,  des  colles  et  des  engrais  chi- 
miques produits  dans  les  usines  du  Passage. 

C'est  un  grand  marché  agricole,  pour  la  vente 


I.  22482  habitants  en  1901  ;  près  de  26000  avec  Le  Passage, 
sur  la  rive  gauche. 


l86  VOYAGE    EN    FRANCE. 

des  oies  et  autres  volailles,  pour  Pognon  abon- 
damment cultivé  aux  environs.  Malgré  le  voi- 
sinage de  Toulouse  et  de  Bordeaux,  Agen  a  su 
se  faire  une  large  place  dans  les  affaires  de 
gros.  Ses  maisons  de  denrées  coloniales,  de  tis- 
sus, de  drogueries,  de  quincaillerie,  etc.,  rayon- 
nent sur  toute  une  vaste  région  à  l'aide  d'une 
petite  armée  de  voyageurs  de  commerce.  Aussi 
la  place  a-t-elle  un  bon  rang  dans  la  liste  des 
succursales  de  la  Banque  de  France,  elle  est 
dans  la  première  moitié,  avant  sa  voisine  Péri- 
gueux  pourtant  plus  populeuse,  avant  Montau- 
ban,  Cahors  et  d'autres  cités  plus  industrielles 
ou  considérables  :  Montluçon,  Poitiers,  Avignon 
et  Versailles  ^ 

Le  commerce  est  donc  le  principal  élément 
de  vie  d'x\gen,  ses  représentants  constituent  au- 
jourd'hui la  véritable  aristocratie  de  la  ville,  dé- 
daignant tout  ce  qui  n'est  pas  les  affaires.  Un 
grand  agriculteur  de  la  région  m'en  témoignait 
quelque  dépit  : 

«  L'agriculture,  me  disait-il,  est  non  seule- 
ment la  richesse  du  sol,  mais  aussi  la  richesse 


I.  La  succursale  d'Agen,  dont  dépend  le  bureau  auxiliaire  de 
Villeneuve,  était  au  58^  rang  sur  126  en  1901  pour  le  chiffre  des 
opérations  s'élevant  à  3o  194  100  fr.  Elle  est  descendue  au  69^  en 
1902,  année  où  les  prunes  manquèrent. 


AGEN    ET    SES    CAMPAGNES.  187 

de  la  ville,  intermédiaire  pour  la  vente  de  toutes 
ces  denrées  que  donne  abondamment  l'Agenais  : 
prunes,  primeurs  en  légumes,  pêches,  abricots, 
tomates,  ognons,  sorgho  à  balais,  etc.  Cepen- 
dant le  commerce  croirait  déroger  en  s'intéres- 
sant  à  nos  efforts.  Et  que  serait-il,  le  négoce 
d'Agen,  si  le  revenu  superbe  de  la  terre  ne  per- 
mettait au  ])aysan  de  dépenser  sans  compter  !  » 

Les  chemins  de  fer  ont  beaucoup  d'activité. 
De  même  la  navigation  à  Taide  du  canal  latéral. 
Le  port  d'Agen  et  celui  du  Passage,  qui  est  en 
somme  une  annexe,  eurent,  en  190 1,  un  mouve- 
ment de  40000  tonnes,  chargées  ou  débarquées. 

Une  course  à  travers  les  campagnes  de  l'Age- 
nais explique  cette  prospérité.  Le  tableau  que 
j'ai  déjà  tracé  de  la  plaine  de  la  Garonne  vers 
Marmande  et  Tonneins  se  retrouve  partout,  plus 
saisissant  encore  peut-être  entre  Agen  et  l'em- 
bouchure du  Lot.  De  toutes  les  grandes  vallées 
françaises,  celle-ci,  après  le  Graisivaudan  toute- 
fois, réunit  le  mieux  la  beauté  des  lignes  à  la 
splendeur  de  la  végétation.  On  ne  saurait  trou- 
ver pentes  plus  luxuriantes  que  celles  des  ro- 
cheuses collines  qui  dominent  la  ville  et  se  pro- 
longent jusqu'à  Nicole,  incessamment  coupées 
par  des  vallons  non  moins  riches  d'aspect.  Les 
arbres    fruitiers,  les   champs    d'artichauts,    les 


lOb  VOYAGE    EN    FRANGE. 

champs  cFognons  d'une  verdure  bleutée  envelop- 
pant les  villages  :  Golayrac  et  Saint-Hilaire  dans 
la  plaine,  Lusirjnan  juché  sur  ses  rochers.  Ces 
hauteurs  aux  pentes  raides  sont  de  véritables 
espaliers  exposés  au  soleil  du  Midi  et  protégeant 
eux-mêmes  la  plaine  verte  sillonnée  de  joualles. 
La  vigne  domine  dans  ces  fonds  et  va  jusqu'à  la 
Garonne,  coulant  entre  les  saules  d'un  gris 
azuré. 

L'homme  a  accru  la  grandeur  du  paysage  par 
les  efforts  pour  préserver  ses  pénates  des  gens  de 
guerre.  Clermont-Dessous  en  est  une  des  beau- 
tés; des  débris  de  tours  et  de  remparts,  l'église 
elle-même  semblable  à  une  forteresse,  l'enceinte 
devenue  soutènement  pour  les  jardins  en  ter- 
rasse, commandent  la  Garonne  et  le  ruisseau 
descendu  par  un  beau  val  des  campagnes  de 
Prayssas.  Dans  tous  ces  vallons,  sur  toutes  ces 
collines  sont  des  pruniers,  chaque  village  est 
un  centre  pour  l'achat  des  prunes. 

La  reine  du  paysage  est  la  petite  ville  de 
Port-Sainte-Marie,  un  des  joyaux  de  la  Garonne 
quand  on  la  voit  au  passage  ou  lorsqu'on  la  do- 
mine du  haut  de  son  abrupte  colline.  Ce  n'est 
guère  qu'une  rue  coupée  de  ruelles  étroites  et 
resserrée  entre  le  fleuve  et  le  rocher,  mais  les 
antiques   maisons   de  poutrelles  et  de  briques 


AGEN    ET    SES    CAMPAGNES.  I  Of) 

projetées  en  ressaut,  les  églises,  dont  une  est  en 
ruine,  composent  un  de  ces  tableaux  auxquels 
on  a  coutume  de  donner  le  nom  de  décor  d'opéra- 
comique.  Jamais  décor  n'approcha  de  ceci  par 
la  couleur  et  le  caprice.  Ces  bâtisses  de  poutres 
brunes  et  de  briques  de  teinte  ardente,  les  vignes 
qui  grimpent  aux  façades,  les  fenêtres  de  l'étage 
si  rapprochées  de  son  vis-à-vis  que  l'on  peut 
se  donner  la  main  de  l'un  à  l'autre,  ont  de  la 
vie,  grâce  au  ciel  doux  et  à  cette  population 
enjouée. 

Gomme  ses  voisines,  Port-Sainte-Marie  doit 
sa  vitalité,  contrastant  si  fort  avec  le  site  ar- 
chaïque, à  l'exploitation  des  vergers.  Pendant  la 
saison  on  ne  fait  qu'emballer  des  fruits,  clouer 
des  caisses,  expédier  des  paniers.  Des  magasins 
sont  exclusivement  consacrés  à  la  vente  des  em- 
ballages, des  ficelles,  des  papiers  à  jour  pou: 
garnir  les  caissettes. 

Plus  actifs  encore,  peut-être,  sont,  à  l'embou- 
chure du  Lot,  Aiguillon  et  Nicole.  Aiguillon, 
vieille  ville  bâtie  sur  des  assises  romaines  et 
conservant  autour  d'elle  des  édifices,  intéres- 
sants encore,  d'un  lointain  passé.  Sauf  le  site 
et  quelques  pans  de  muraille,  il  ne  reste  rien  de 
la  forteresse  qui  joua  un  si  grand  rôle,  et  peu  de 
chose  du  luxueux  château  que  fît  construire  le 


190  VOYAGE  EN  FRANCE. 

duc  d'Aiguillon  à  la  veille  de  la  Révolution  et 
dont  s'émerveilla  Arthur  Young. 

A  l'époque  où  celui-ci  la  visita,  Aiguillon  était 
au  cœur  d'une  grande  culture  de  chanvre.  Cette 
plante  couvre  bien  peu  d'espace  aujourd'hui  ! 
Le  sol  divisé  en  domaines  exigus,  appelés  carte- 
rées,  fournit  surtout  des  tomates  expédiées  en 
primeurs. 

Le  Lot  borde  la  petite  ville  et,  presque  aussi- 
tôt, va  atteindre  la  Garonne  après  avoir  décrit 
une  boucle  harmonieuse  devant  la  colline  au 
pied  de  laquelle  Nicole  s'étend  en  une  rue  for- 
mant arc  de  cercle.  Les  campagnes  sont  parmi 
les  plus  riches  du  somptueux  pays;  Nicole  est  le 
centre  de  production  pour  l'abricot  et  le  raisin 
de  chasselas.  La  colline,  franchement  tournée 
vers  le  sud  et  très  raide,  reçoit  et  garde  long- 
temps les  rayons  du  soleil,  ce  qui  lui  permet  de 
voir  mûrir  les  fruits  de  bonne  heure  et  de  pren- 
dre part  à  l'alimentation  de  Paris  et  de  Bordeaux 
en  succulentes  primeurs. 

Ici  les  vergers.  Sur  l'autre  rive  de  la  Garonne, 
le  maïs,  le  sorgho,  le  tabac  surtout  enveloppent 
la  riante  villette  de  Damazan  assise  sur  une  ter- 
rasse que  longe  le  canal.  Damazan  est  une  bas- 
tide, demeurée  intacte  avec  sa  place  centrale 
entourée  d'arcades  et  son  plan,  carré  parfait.  Si 


AGEN    ET    SES    CAMPAGNES.  IQI 

elle  a  perdu  son  enceinte  flanquée  de  tours, 
elle  est  pittoresque  encore  ;  en  dépit  des  siècles 
c'est  une  des  petites  cités  de  l'A  gênais  qui 
rappellent  le  mieux  l'époque  où  seigneurs  et 
abbaves  faisaient  surgir  des  villes  et.  y  réunis- 
saient les  populations  jusqu'alors  éparpillées 
dans  d'infimes  hameaux  ou  dispersées  par  les 
longues  guerres. 


XIII 


LE    BAS    OUERGY 


L'Aveugle  de  Castelcaiier.  —  Le  canal  latéral.  —  La  Séoune.  — 
Puymirol.  —  En  Tarn-et-Garonne.  —  Valence-d'Agenais.  — 
Auvillars.  —  Saint-Nicolas-de-la-Grave.  —  Moissac.  —  Du  bas 
Ouercv  au  Ouercv-Blanc. 


Moissac.  Juin. 

Si  Villeneuve-sur-Lot  a  ses  petits  pois,  Ageii 
possède  Tognon.  Toute  sa  campagne  est  con- 
sacrée à  ce  légume  dont  les  champs  de  teinte 
bleuâtre  alternent  avec  les  céréales  d'un  Acrt 
doux.  En  amont  d'Agen  ces  cultures  couvrent 
une  belle  plaine,  entre  la  Garonne  et  les  collines 
étrangement  découpées  de  Bon- Encontre  qui 
présentent  une  suite  de  fronts  escarpés  sembla- 
bles à  des  murailles.  Un  de  ces  promontoires 
porte  une  statue  de  la  Vierge.  Sur  un  autre, 
massif  isolé  semblable  à  un  oppidum  antique, 
est  un  hameau,  popularisé  par  le  poème  de 
Jasmin  :  l'Aveugle  de  Castelcaiier. 

«  Du    pied  de  cette  haute  montagne,  où  se 


LE    BAS    QUERCY.  igS 

dresse  Castelculier,  dans  la  saison  où  le  pom- 
mier, le  prunier  et  l'amandier  blanchissaient 
dans  les  campagnes,  voici  le  chant  qu'on  en- 
tendit un  mercredi  matin,  veille  de  Saint- Jo- 
seph : 

Les  chemins  devraient  fleurir, 
Tant  belle  épousée  va  sortir  ; 
Devraient  fleurir,  devraient  gréner. 
Tant  belle  épousée  va  passer.  » 

Ce  nom  sonore  de  Castelculier  évoque  donc 
surtout  la  poésie  populaire.  De  village  il  n'en 
est  pas  :  c'est  trois  ou  quatre  maisons  blotties 
sous  des  ruines  féodales.  La  population  de  la 
commune  se  presse  plus  bas,  près  de  la  Séoune 
et  du  canal  latéral,  au  bourg  de  Grandfonds 
étalé  au  milieu  de  cultures  plus  riches  encore. 
C'est  comme  du  jardinage  :  les  blés  couvrent 
des  bandes  exiguës  et  étroites,  on  devine  qu'ils 
sont  là  pour  l'assolement  et  seront  remplacés 
bientôt  par  les  melons,  les  ognons,  les  carottes 
et  autres  plantes  potagères. 

Le  canal  coule  à  travers  cette  plaine.  Le  mot 
est  juste,  car  la  rivière  artificielle  est  si  bien  ali- 
mentée que  le  courant  est  sensible.  Les  berges 
sont  plantées  de  mûriers  dont  la  vigueur  prouve 
que  le  ver  à  soie  pourrait  être  élevé  ici,  comme 

VOYAGE    EN  FRANCE.   —   XXXI.  13 


194  VOYAGE    EN    FRANCE. 

il  Test  en  Tarn-et-Garoiine  ^  Sur  le  flot  tranquille 
que  le  remblai  tient  au-dessus  de  la  plaine, 
passent  les  lourdes  gabares  dont  le  nombre  s'est 
fort  accru  depuis  le  i^""  juillet  1898,  date  de  la 
reprise  par  l'Etat  du  canal  concédé  à  la  compa- 
gnie du  Midi.  En  1897,  le  trafic  était  seulement 
de  171  779  tonnes.  Il  s'élevait  jusqu'à  817  61 5  en 
1900  pour  descendre  à  271  565  en  1901,  par  suite 
de  la  crise  viticole.  Mais  l'ascension  reprend. 
De  nombreux  types  d'embarcations  :  barques, 
coutrillons,  sapines,  postes,  bateaux,  vapeurs 
circulent  désormais  sur  la  voie  navigable  ;  2  277 
franchirent  en  1900  l'écluse  d'Agen,  près  de 
2  800  furent  enregistrés  à  Moissac.  Et  cette 
bande  d'eau  est  redevenue  une  des  gaîtés  du 
paysage,  grâce  à  l'animation  qu'elle  répand. 
Elle  a  été  établie  avec  quelque  souci  du  pitto- 
resque, les  ponts  qui  la  franchissent  sont  le 
plus  souvent  des  tabliers  suspendus  rattachés 
à  des  culées  en  forme  de  bornes  et  bordés  de 
parapets  peints  en  vert. 

Au  pied  de  Gastelculier  le  canal  traverse  la 


I.  Le  Lot-et-Garonne  figure  cependant  parmi  les  27  départe- 
ments séricicoles  en  1900,  mais  il  n'a  que  deux  sériciculteurs 
sur  les  186214  de  la  France  entière.  Ces  éleveurs  ont  obtenu 
43  kilogrammes  de  cocons.  Seul  l'Indre-et-Loire  est  inférieur,  avec 
un  sériciculteur  ayant  produit  21  kilogrammes. 


LE    BAS    OUERGY.  IQt) 

Séoune  sur  un  pont-aqueduc,  de  lignes  sobres 
et  décoratives.  La  petite  rivière  descend  des 
parties  hautes  du  Ouercy-Blanc  et  s'accroît  peu 
à  peu  d'autres  sources  et  ruisselets  venus  par 
de  nombreux  vallons  creusés  dans  le  plateau  qui 
porte  Bourq-de-Visa.  Peu  d'eau,  malgré  la  lon- 
gueur du  cours,  mais  une  vallée  aimable  par  la 
forme  des  collines,  sans  cesse  coupées  d'ouver- 
tures de  vaux,  de  combes  et  de  ravins.  On  trouve 
moins  de  ces  bastides  si  communes  en  Agenais  ; 
Bourg-de-Visa,  la  principale  agglomération  dans 
le  haut  de  la  vallée,  est  un  petit  bourg  encore 
entouré  de  débris  de  remparts.  Au  bord*  même 
de  ce  long  sillon,  Castel-Sagrat  et  Montjoy  ont 
aussi  fière  mine;  plus  bas,  Puymirol,  grand  site 
commandant  le  confluent  de  plusieurs  branches, 
est  une  bastide  édifiée  en  1246,  sur  une  colline 
isolée,  forteresse  naturelle  aux  puissants  escar- 
pements. Dans  la  vallée  de  la  Petite  Séoune, 
qui  aboutit  dans  le  beau  bassin  de  Puymirol, 
une  autre  bastide,  la  Sauvetat-de-Savères,  borde 
le  ruisseau  ;  elle  est  restée  infime. 

Ces  petits  centres  n'ont  pas  l'aspect  riant  des 
bourgs  de  la  grande  vallée  garonnaise,  parcou- 
rue paresseusement  par  son  fleuve  rapide,  rou- 
lant entre  les  saules  nains  d'un  gris  bleu.  Les 
cultures  finissent  à  cette  bordure,  égayées  au- 


igÔ  VOYAGE    EN    FRANCE. 

tour  des  villages  par  les  arbres  fruitiers  :  pru- 
niers, pommiers,  abricotiers  et  amandiers.  Le 
sorgho  à  balais  est  la  plante  dominante. 

Après  Lafox  les  collines  se  rapprochent  de  la 
Garonne,  laissant  à  peine  une  étroite  bordure 
pour  la  route,  la  voie  ferrée  et  le  canal,  qui  s'en 
vont  côte  à  côte  au  long  du  grand  cours  d'eau. 
Sur  chaque  rive  les  habitations  se  pressent,  là- 
bas  celles  de  Sauveterre,  Saint-Nicolas-de-la-Ba- 
lerme  et  Saint-Sixte,  ici  Saint- Jean-de-Thurac. 
A  Saint-Nicolas,  un  élégant  pont  suspendu  tra- 
verse le  courant  où  le  village  mire  ses  jolies 
maison*.  En  face  une  falaise  de  roches  jaunâtres 
couronne  de  raides  pentes.  De  là-haut  la  vue  est 
bien  belle  sur  l'immense  plaine  garonnaise  et, 
vers  le  sud,  les  collines  de  Lomagne  découpées 
par  les  vallées  descendues  de  Lannemezan.  Les 
jours  clairs  on  voit  les  Pyrénées  neigeuses  se 
profiler  sur  le  ciel. 

Plus  loin  les  collines  s'écartent,  mais  elles 
sont  raides  encore,  l'une  d'elles  porte  le  village 
de  Clermont-Dessus,  tout  pimpant  avec  ses  toits 
rouges,  ses  terrasses  grises,  une  grande  maison 
à  allure  de  château  et  le  pignon  triangulaire  de 
l'église.  Il  domine  la  plaine  où  se  balancent  les 
grands  panicules  de  sorgho,  et  le  gros  bourg  de 
la  Magistère  allongé  au  Ijord  du  fleuve.  Cler- 


LE    BAS    QUERCY.  IQy 

iiiont  est  encore  de  Lot-et-Garonne,  mais  son 
actif  voisin  appartient  à  Tarn-et-Garonne. 

Au  cœur  de  la  plaine  est  la  première  ville  de 
ce  nouvel  organisme  administratif,  Valence- 
d'Agen,  une  bastide  populeuse,  régulièrement 
étalée  sur  la  grande  route  et  aujourd'hui  agran- 
die en  prolongement  des  voies  du  Moyen  Age  ; 
celles-ci,  bordées  de  maisons  blanches,  attei- 
gnent la  voie  ferrée.  Une  église  neuve  dresse 
sa  flèche  au-dessus  de  la  ville  et  complète  le  dé- 
cor, avec  le  château  de  Gastels  assis  sur  une 
colline  dominant  la  Bargelonne. 

Valence  est  un  rendez-vous  pour  les  cultiva- 
teurs de  la  Lomagne,  de  l'Agenais  et  du  bas 
Ouercy,  les  marchés  sont  animés  par  un  bétail 
nombreux,  embarqué  à  la  gare.  Le  commerce  de 
la  volaille,  celui  des  plumes  et  duvets  y  sont  fort 
actifs.  Avant  le  triomphe  des  plumes  en  fer, 
c'était  un  des  points  où  la  plume  d'oie  était 
transformée  à  l'usage  des  scribes.  Cette  indus- 
trie n'a  pas  complètement  disparu,  mais  les 
appréteurs  ont  dû  ajouter  d'autres  branches  à 
leur  fabrication,  ils  préparent  les  plumes  pour 
la  parure  féminine. 

Les  fondateurs  de  Valence  avaient  tracé  leur 
bastide  loin  de  la  Garonne  ;  de  nos  jours  on  a 
compensé  ce  désavantage  par  le  canal  latéral,  il 


igS  VOYAGE    EN    FRANCE. 

longe  la  ville  et  forme  un  port  actif.  Canal  et 
chemin  de  fer  enserrent  ainsi  Valence  dont  ils 
ont  accru  le  rôle  de  débouché  pour  la  longue 
vallée  de  la  Bargelonne. 

De  hautes  collines  forment  promontoire  au 
confluent.  A  la  pointe,  Goudourville  se  groupe 
autour  de  la  masse  grise  d'un  château  dont  le 
pavillon  principal  est  couronné  de  mâchicoulis. 
Les  pentes  étaient  jadis  tapissées  de  vignes  dans 
lesquelles  les  bourgeois  de  Valence  avaient  cons- 
truit des  vide-bouteilles.  Le  phylloxéra  est  venu, 
bien  peu  de  ceps  ont  résisté,  et  les  petits  ré- 
duits de  vignerons  font  un  étrange  effet  au  mi- 
lieu des  blés  et  des  luzernes  qui  ont  remplacé 
les  pampres.  Dans  la  plaine  où  Pommevic  dresse 
sa  lourde  tour,  on  retrouve  encore  l'opulence 
agreste  de  l'Agenais  ;  jusqu'à  la  Garonne  les  cé- 
réales, le  maïs,  le  sorgho  couvrent  les  alluvions 
fertiles. 

Sur  le  fleuve,  le  village  d'Espalais  fait  face  à 
une  mignonne  ville  amphithéâtrale  regardant  les 
belles  campagnes  de  Valence.  C'est  Auvillar, 
une  des  bastides  de  la  Lomagne.  Les  ruines 
de  ses  fortifications,  une  ample  église  et,  vers 
le  bord  du  fleuve,  une  élégante  chapelle  font 
de  cette  antique  bourgade  un  des  beaux  décors 
du  fleuve,  ici  rejeté  vers  les  collines  de  Gas- 


LE    BAS    QUERCY.  IQC) 

cogne,  après  avoir  quitté  celles  du  Quercy  à 
Malause. 

La  Garonne  est  large  parfois,  mais  à  demi 
sauvage.  Des  bancs  de  gravier  encombrent  son 
lit,  des  fourrés  et  des  bois  d'arbres  aquatiques 
la  bordent.  Au  milieu  de  grandes  plantations 
de  peupliers,  elle  reçoit  le  Tarn,  en  apparence 
aussi  puissant,  mais  roulant  moins  d'eau  dans 
un  cours  plus  calme. 

En  aval  du  confluent,  où  les  collines  querci- 
noises  baigneraient  leur  base  dans  la  Garonne  si 
canal  et  chemin  de  fer  n'avaient  entaillé  ces  co- 
teaux pour  se  frayer  passage,  un  pont  suspendu 
d'une  extrême  légèreté  franchit  route,  rails,  canal 
et  fleuve  en  jetant  en  trois  travées  son  tablier 
oscillant.  Il  se  prolonge  par  une  route  tracée 
droite  à  travers  la  plaine  jusqu'à  une  bastide 
construite  au  sein  de  luxuriantes  cultures  :  Saint- 
Nicolas -de -la -Grave  ,  grosse  commune  mais 
humble  ville  ^;  elle  a  gardé  son  plan  régulier,  dé- 
bordé par  des  faubourgs  bâtis  au  long  des  routes 
et  des  chemins  ruraux.  Au  cœur  est  l'église  ro- 
mane. Il  ne  reste  des  défenses  que  les  débris  du 
château  construit  par  Richard  Cœur  de  Lion. 

De  plus  fière  mine  sont  d'autres  bourgs  bâtis 


I.  Population  totale,  2^42  ;  agglomérée,  i  19g. 


200  VOYAGE    E\    FRANCE. 

à  l'extrémité  de  la  plaine,  sur  Ja  terrasse  formée 
par  les  hauteurs  de  Lomagne  ;  Caumout,  Cas- 
telmayran  durent  être  aussi  fondées  d'un  seul 
jet,  celle-ci  sur  l'emplacement  d\m  oppidum 
gaulois.  Des  pentes  qu'elles  occupent,  on  jouit 
d'une  vue  très  ample  sur  la  plaine  verdoyante 
au  cœur  de  laquelle  est  Saint-Nicolas,  sur  la 
Garonne  errant  solitaire  et  les  deux  villes  de 
Moissac  et  Castelsarrazin,  si  voisines  et  toutes 
les  deux  chefs-lieux  d'un  arrondissement.  Castel- 
sarrazin est  une  bastide  régulière  à  l'écart  des 
deux  fleuves,  Moissac  une  vieille  cité  allongée 
entre  le  Tarn  et  les  collines. 

Le  Tarn,  cependant,  n'est  pas  la  vie  pour 
Moissac,  la  ville  semble  bouder  sa  belle  rivière; 
les  eaux  qui  l'animent  sont  celles  du  canal, 
étroit  ruban  contenu  entre  des  quais  de  pierre. 
Cité  calme,  presque  morose,  en  partie  construite 
en  briques  et,  par  cet  aspect,  sorte  de  vestibule 
du  pays  toulousain,  Moissac  serait  insignifiante 
sans  le  merveilleux  ensemble  monumental  cons- 
titué par  son  église  et  son  cloître.  Encore  l'église 
n'a-t-elle  guère  à  présenter  que  son  porche,  la 
nef  offrant  surtout  de  l'intérêt  aux  architectes  et 
aux  archéologues  par  les  caractères  particuliers 
de  sa  construction. 


LE    BAS    OUERCY.  201 

Le  porche  est  une  pure  merveille  à  laquelle 
des  monographies  nombreuses  ont  été  consa- 
crées. 11  serait  difficile  de  le  décrire  en  quelques 
lignes.  Rarement  l'art  roman  a  déployé  autant 
de  souplesse,  de  variété  et  de  richesse  d'orne- 
mentation. Le  linteau,  qui  repose  sur  deux  pié- 
droits et  un  trumeau,  est  décoré  de  rosaces  rap- 


pelant les  plus  beaux  morceaux  de  la  sculpture 
antique.  Au-dessus  le  tympan,  entouré  d'un  arc 
à  cintre  brisé,  est  peuplé  de  personnages. 

Quant  au  cloître,  c'est  un  des  plus  beaux  que 
nous  possédions  ;  peut-être  est-il  comparable  à 
Saint-Trophime,  la  merveille  d'Arles.  Il  est  d'une 
conservation  bien  rare.  Les  arcades  en  ogive 
reposent    alternativement    sur    une    colonnettc 


202  VOYAGE    EN    FRANCE. 

isolée  et  sur  deux  colonnettes  accouplées,  sur- 
montées de  chapiteaux  admirablement  fouillés. 
Aux  angles  et  au  milieu  de  chaque  galerie,  un 
pilier  carré  offrant  sur  une  face  une  figure 
d'apôlre,  rompt  l'uniformité  de  la  colonnade. 
Entre  les  arcades,  une  ouverture  en  forme  de 
losange  donne  de  la  lumière  et  accroît  la  légè- 
reté de  la  muraille  qui  supporte  le  toit  de  tuiles 
moussues  projeté  en  auvent.  La  cour  intérieure 
est  plantée  d'arbres  entourés  de  parterres  fleu- 
ris; cette  verdure  et  ces  fleurs  augmentent  l'im- 
pression de  paix  que  fait  éprouver  l'admirable 
retraite  monastique.  La  haute  tour  de  l'église 
ferme  un  des  côtés  de  l'horizon,  tandis  que,  de 
l'autre,  le  ciel  bleu  du  Midi  accentue  la  splen- 
deur idéale  du  cloître. 

Sauf  cela,  que  voir  à  Moissac?  Le  sous-préfet 
habite  un  charmant  hôtel  du  siècle  dernier,  le 
théâtre  est  entouré  d'arcades  de  briques,  hautes 
et  claires,  formant  halle.  Çà  et  là  quelque  belle 
demeure  d'autrefois;  puis  une  très  vieille  église 
Saint-Martin,  qui  aurait  été  construite  bien 
avant  l'an  mil. 

La  colline  qui  domine  la  petite  ville  est  cou- 
verte de  pavillons  coquets,  maisons  de  repos 
dans  les  vignes  avant  que  le  phylloxéra  ait  ra- 
vagé la  contrée. 


LE    BAS    OUERCY.  203 

Pas  d'industrie  spéciale,  mais  un  commerce 
assez  considérable  de  produits  agricoles.  Les 
campagnes  récoltent  beaucoup  de  prunes,  sé- 
chées  comme  dans  la  région  du  Lot.  Même  la 
prune  de  Moissac  est  une  marque  réputée.  Les 
vergers  fournissent  aussi  à  l'exportation  des  abri- 
cots, des  cerises,  des  pommes,  recherchés  sur  les 
marchés  de  Paris.  Toutes  les  collines  exposées 
au  midi  sont  couvertes  d'arbres  fruitiers.  Les 
maisons  d'expédition  recueillent  également  les 
œufs  et  les  volailles,  produits  en  abondance  dans 
cette  région  du  maïs. 

L'arrondissement  de  Moissac,  pour  la  plus 
grande  part,  c'est  le  bas  Ouercy,  région  de  val- 
lées parallèles  descendues  des  abords  des  caus- 
ses de  Gahors  et  de  Limogne  et  qui  viennent 
aboutir,  avec  une  sorte  de  rythme,  à  la  plaine  de 
la  Garonne  entre  Moissac  et  Valence.  Cela  rap- 
pellerait un  peu,  en  sens  inverse  et  en  petit, 
l'éventail  des  rivières  descendues  du  plateau  de 
Lannemezan,  mais  ici  les  sources  des  ruisseaux 
s'écartent  et  les  embouchures  se  rapprochent. 
Cette  succession  de  vallons,  offrant  d'incessantes 
montées  et  descentes,  n'a  pas  permis  de  doter  le 
pays  de  voie  ferrée  ;  il  est  donc  peu  accessible, 
d'autant  plus  que  la  contrée,  malgré  son  éten- 


2  04  VOYAGE    EN    FRANCE. 

due,  n'a  aucun  bourg  dont  la  population  agglo- 
mérée atteigne  i  ooo  habitants.  Lauzerte  etMon- 
taigut-de-Ouercy,  chefs-lieux  de  canton,  sont  de 
petits  bourgs  devant  uniquement  rang  de  ville  à 
leur  ancienne  situation  de  places  fortes  et  au 
rôle  administratif  qu'elles  eurent  sous  l'ancien 
régime.  11  en  est  de  même  dans  la  partie  supé- 
rieure des  vallées,  à  laquelle  on  a  donné  le  nom 
de  Ouercy-Blanc  à  cause  de  la  nature  de  ses 
roches,  délitées  en  poussière  couvrant  le  pay- 
sage à  l'époque  des  sécheresses.  Gastelnau-de- 
Montratier  et  Montcuq,  malgré  leur  fier  aspect, 
sont  aussi  de  médiocres  bourgades. 

C'est  pourquoi  les  projets  de  chemin  de  fer 
pour  relier  Cahors  à  Moissac  ne  se  sont  pas  réa- 
lisés jusqu'ici  ;  les  études  se  poursuivent,  rame- 
nant les  plans  primitifs  à  la  construction  d'une 
ligne  à  voie  étroite.  Celle-ci  desservira  un  terri- 
toire qui  fut  un  des  grands  domaines  seigneu- 
riaux du  Midi,  aux  temps  féodaux,  le  pays  de 
Durfort,  berceau  de  Tillustre  famille  de  Durfort 
de  Duras.  Il  existe  encore  une  commune  de  ce 
nom,  mais  il  n'y  a  ni  bourg,  ni  village,  ni  ha- 
meau; la  commune  de  Durfort,  malgré  sa  popu- 
lation de  I  120  habitants,  ne  possède  nulle  part 
une  agglomération. 

Il  en  est  de  même  pour  toute  la  contrée,  sauf 


LE    BAS    QUERCY.  200 

Cazes-Moiidenard  qui  groupe  près  de  5oo  âmes, 
les  communes,  dans  la  vallée  de  la  Grande  Bar- 
(juelonne,  ne  sont  que  le  groupement  admi- 
nistratif d'une  multitude  d'habitations  rurales 
éparpillées.  Par  contre  la  vallée  de  la  Petite 
Barguelonne,  parcourue  de  bonne  heure  par  une 
route  reliant  Cahors  à  la  vallée  de  la  Garonne 
vers  Valence,  a  été  jalonnée  de  petites  for- 
teresses dont  Lauzerte  fut  la  plus  importante. 
Cette  minuscule  ville  occupe  le  sommet  d'une 
colline  isolée  entre  le  Lendou  et  la  Petite  Bar- 
guelonne. Elle  a  crâne  allure  encore;  ses  restes 
de  fortifications,  son  isolement,  son  élévation 
à  80  mètres  au-dessus  du  fond  des  vallées,  l'es- 
carpement de  sa  colline  en  font  un  beau  site 
dont  on  est  très  fier  dans  le  >Ioissagais. 

Les  hauteurs,  bien  découpées,  avaient  sur 
leurs  pointes  avancées  des  châteaux  ou  des  bas- 
tides ;  celles-ci,  n'ayant  pas  eu  la  bonne  fortune 
de  se  développer,  sont  demeurées  de  pauvres 
villages.  Mais  comme  les  noms  sont  sonores  ! 
C'est  Montagudet  couvrant  un  promontoire  ; 
Monbarla,  deux  ou  trois  maisons  sur  une  aire 
aplanie  au  sommet  d'un  coteau  ;  Miramont,  vrai 
village  dont  le  nom  dit  assez  le  site  dominant  et 
les  vues  grandioses  offertes  sur  les  campagnes. 

Plus  hàu{,   dans  le  Ouercy-BIanc,  près  de  la 


206  VOYAGE    EN    FRANCE. 

bordure  du  causse  où  naissent  les  indigents 
ruisseaux  qui  forment  les  pauvres  riviérettes  de 
Barguelonne  et  de  Séoune,  les  bourgades  n'ont 
pas  un  aspect  moins  guerrier.  Montcuq  couvre 
une  colline  dominant  de  loo  mètres  la  Petite 
Braguelonne  et  se  serre  étroitement  autour  du 
donjon  de  son  ancien  château.  Ici  le  pays  est 
extraordinairement  plissé  ;  de  longs  vallons,  très 
rapprochés  l'un  de  l'autre,  partent  du  causse, 
leurs  côtés  se  frangent  par  une  multitude  de 
ravins.  Le  causse  lui-même  n'offre  pas  la  table 
régulière  qu'il  présente  du  côté  de  Limogne.  A 
ces  approches  de  Gahors,  il  est  fragmenté  par 
des  sillons  sans  nombre,  couloirs  secs  érodés 
dans  la  roche  blanche. 


XIV 


LOMAGNE    ET    RIVIERE    VERDUN 


Le  vignoble  de  Tarn-et-Garonne.  —  Castelsarrazin.  —  Noms  de 
rues.  —  En  Lomagne.  —  Lavit-de-Lomagne.  —  Beaumont-de- 
Lomagne.  —  L'élevage  des  chevaux.  —  Montech.  —  Le  ma 
réchal  Pérignon.  — ■  Verdun.  — ■  La  Rivière  Verdun.  —  Gri- 
solles. —  Culture  du  sorgho.  —  La  fabrication  des  balais. 


Grisolles.  Juin. 

La  plaine  de  la  Garonne,  si  vaste  déjà  dans 
l'Agenais,  devient  immense  dans  cette  région  du 
Ouercy  à  travers  laquelle  erre  le  Tarn  que  vient 
grossir  1  Aveyron.  Pays  aux  lignes  fuyantes, 
où  les  vieilles  provinces  ne  purent  se  tracer 
de  limites  précises,  le  Languedoc  y  pénétrait 
comme  un  coin  entre  le  Ouercy,  subdivision  de 
la  Guyenne,  et  la  Lomagne,  pays  gascon.  Le 
département  de  Tarn-et-Garonne,  région  artifi- 
cielle si  mal  équilibrée,  établi  par  la  volonté  de 
Napoléon  à  l'aide  de  lambeaux  pris  aux  voisins, 
ne  fit  en  somme  que  perpétuer  l'ancien  état  de 
choses.  Les  chemins  de  fer  donnent  désormais 


208  VOYAGE    EN    FRANCE. 

une  unité  réelle  à  cet  organisme  factice,  depuis 
que  Montauban  est  devenu  un  des  grands  points 
de  jonction  du  réseau.  Cette  situation  est  due 
à  l'ouverture  de  la  ligne  nouvelle  de  Limoges  à 
Gahors  et  Montauban,  qui  se  poursuit  jusqu'à 
Toulouse  par  les  rails  de  la  Compagnie  du  Midi, 
et  relie  directement  Paris  à  la  Garonne. 

Cette  plaine,  devenue  un  des  points  de  ren- 
contre des  grandes  voies  de  communication,  n'est 
guère  moins  riche  que  celle  de  l'Agenais,  mais 
son  opulence  n'apparaît  pas  aussi  bien  aux  yeux. 
Il  n'y  a  pas  les  bordures  de  collines,  les  vergers 
et  l'extrême  variété  des  cultures.  Maïs,  blés, 
vignes,  sorgho  couvrent  à  l'infini  l'immense  ter- 
roir. Depuis  le  confluent  de  l'Aveyron  et  du 
Tarn  jusqu'à  Castelsarrazin,  c'est  une  nappe  de 
vignes  presque  ininterrompue  autour  de  Laville- 
dieu.  Le  phylloxéra  est  passé  là,  mais  on  re- 
plante avec  ardeur,  les  jeunes  vignes  sont  pleines 
de  promesses.  Le  Tarn-et-Garonne  est  un  des 
départements  où  la  reconstitution  a  été  poussée 
avec  le  plus  d'activité.  On  peut  dire  que  le  vi- 
gnoble de  Lavilledieu,  principalement,  est  en 
entier  rétabli.  Les  vins  rouges  de  cette  zone  sont 
excellents.  «  Ils  ont  une  belle  couleur,  du  spiri- 
tueux et  un  bon  goût.  » 

Les  pampres  s'étendent  jusqu'aux  abords  de 


VOYAGE    EN  FRANCE.   —   XXXI 


2  10  VOYAGE    EN    FRANCE. 

Caslelsarrazin,  bastide  languedocienne  établie 
ass«z  loin  de  la  Garonne,  mais  devenue  port  de 
navigation  intérieure  grâce  au  canal  latéral  qui 
la  longe.  Le  chemin  de  fer  la  dessert  aussi  par 
le  grand  détour  capricieux  qu'a  fait  naître  le 
désir  de  relier  ensemble  les  trois  villes  princi- 
pales de  Tarn-et-Garonne  :  Moissac,  Castelsar- 
razin  et  Montauban. 

Le  canal,  à  défaut  du  fleuve,  est  la  gaieté  de 
la  petite  ville  autour  de  laquelle  errent  de  pau- 
vres ruisseaux  indigents  dont  un,  l'Azine,  aurait 
fait  naître  le  nom  de  Castel-sur-Azine.  Les  habi- 
tants préfèrent  une  origine  moins  prosaïque,  ils 
se  croient  sur  l'emplacement  d'un  camp  arabe  : 
Castelsarrazin.  En  réalité,  ce  nom  apparaît  seu- 
lement au  xm''  siècle,  il  supplantait  Villelongue, 
un  village  sans  doute,  remplacé  par  la  régulière 
bastide  actuelle. 

Entre  des  allées  de  tilleuls,  en  ce  moment  fleu- 
ris, s'étend  un  grand  bassin  où  les  bateaux  sont 
peu  nombreux  désormais  ;  l'activité  de  la  navi- 
(jation  pour  la  ville  est  faible,  ce  n'est  qu'un  lieu 
de  passage. 

D'autres  avenues  enveloppent  Castelsarrazin, 
couvrant  Je  site  des  remparts  et  des  fossés  au- 
jourd'hui disparus.  Une  partie  de  ces  allées 
établies   sur   la  terrasse    regardant  la  Garonne 


LOMAGNE    ET    RIVIERE    VERDUN.  2  11 

possède  des  arbres  superbes.  C'est  la  prome- 
nade du  Château.  Un  de  ces  végétaux,  entouré 
d'une  grille,  est  vénéré  comme  arbre  de  la  Li- 
berté. Les  noms  de  voies  publiques  indiquent 
le  civisme  des  habitants  :  il  y  a  le  boulevard 
du  Dix-Août,  le  boulevard  du  Vingt-deux-Sep- 
tembre  et  la  rue  de  la  Raison.  Si  l'on  pénètre 
dans  l'intérieur  par  les  petites  voies  tracées  au 
cordeau,  on  trouve  d'autres  vocables  inattendus. 
J'ai  relevé  les  rues  du  Devoir,  de  la  Tempérance, 
de  l'Union,  de  la  Justice  et  de  la  Fraternité  ;  la 
place  de  la  Réunion,  les  rues  de  l'Avenir,  de  la 
Discrétion  et  de  la  Vertu,  la  place  du  Progrès  et 
le  boulevard  du  Ouatre-Septembre.  C'est  à  croire 
que  les  âmes  d'Honoré  d'Urfé  et  de  M.  de  Robes- 
pierre planaient  au-dessus  du  conseil  municipal 
lorsque  l'on  baptisa  les  voies  pubhques.  Il  reste 
encore  une  rue  Neuve-des-Capucins,  sans  doute 
parce  qu'il  ne  restait  plus  de  vertus  à  honorer. 

L'avenue  de  la  gare  porte  un  nom  de  circons- 
tance, c'est  le  faubourg  du  Progrès. 

Peu  de  monuments  dans  la  ville,  dont  la  po- 
pulation est  d'ailleurs  en  majorité  rurale,  c'est- 
à-dire  répandue  sur  le  territoire  environnante 
Sur   la  promenade   du   Château   est   la   lourde 


I.  Population  totale,  7808;  agglomérée  au  chef- lieu,  3  SgA* 


212  VOYAGE    EN    FRANCE. 

église  Saint- Jean  riche  en  stalles  sculptées; 
l'église  Saint-Sauveur,  qui  marque  la  fin  de  la 
période  romane,  possède  une  tour  octogonale  en 
briques.  L'église  ruinée  des  Carmes,  devenue  la 
prison,  garde  une  tour  rouge  aux  gargouilles 
de  pierre  et,  parmi  les  bâtiments  conservés,  le 
tombeau  de  Lamothe  Canilhac,  gouverneur  de 
la  Louisiane,  qui  fonda  la  ville  américaine  de 
Détroit,  bastide  elle  aussi,  mais  autrement  flo- 
rissante que  Castelsarrazin'. 

Cependant  cette  dernière  s'est  accrue.  La 
Compagnie  française  des  métaux  y  exploite  une 
de  ses  usines  pour  le  laminage  du  cuivre,  la 
})roduction  du  maillechort  et  du  laiton,  la  fabri- 
cation du  papier  d'étain.  Les  établissements 
sont  hors  de  la  ville,  assez  loin  pour  que  Castel- 
sarrazin  n'ait  pas  perdu  son  aspect  de  calme,  ils 
bordent  le  canal  par  lequel  lui  viennent  les  char- 
bons et  une  partie  des  matières  premières. 

A  cela  se  borne  l'activité  manufacturière  de 
Castelsarrazin,  grand  marché  agricole  dont  les 
foires  sont  très  fréquentées.  Le  dernier  jeudi  de 
juillet  il  s'y  tient  une  foire  aux  chiens.  Cette 
contrée  est  une  de  celles  où  l'on  chasse  le  plus; 
la  ville  compte  plusieurs  expéditeurs  de  gibier. 


I.   Détroit  comptait  286704  habitants  en  1900. 


LOMAGNE    ET    RIVIERE    VERDUN. 


2î3 


Une  industrie  assez  répandue  est  celle  des  oise- 
leurs qui  font  des  hécatombes  d'oiseaux  de  pas- 
sage et  dont  Emile  Pouvillon  a  dit  l'existence 


ôntech 


Échelle  au  ij 3-20  000: 

de  bohème  dans  son  Jean  de  Jeanne ,  roman  qui 
rend  si  bien  la  vie  monotone  de  ces  plaines 
quercinoises,  sans  autre  beauté  que  leur  courte 
splendeur  printanière. 

L'élevage  et  l'engraissement  des  oies  et  des 


2l4  VOYAGE    EN    FRANCE. 

canards,  qui  tient  ici  une  si  grande  place  dans 
l'industrie  rurale,  sont  pour  Castelsarrazin  une 
autre  source  de  profit,  toutes  les  contrées  voi- 
sines y  amènent  leurs  produits  de  basse-cour. 

Quand  le  chemin  de  fer  de  Beaumont  sera 
achevé  et  poursuivi  jusqu'à  Gimont,  la  partie  la 
plus  riche  de  la  Lomagne  trouvera  son  débouché 
naturel  dans  la  ville  languedocienne. 

Le  territoire  de  la  commune  est  énorme,  il  ne 
couvre  pas  moins  de  7  602  hectares  et  s'étend 
jusqu'au  confluent  du  Tarn  et  de  la  Garonne. 
Aussi  les  hameaux  sont-ils  nombreux  sur  ce 
vaste  espace.  L'un  d'eux,  Gandalou,  qui  com- 
prend trois  ou  quatre  maisons,  une  église  et  une 
école,  occupe  le  site  d'un  ancien  camp  dont 
Torigine  remonterait  aux  Vandales  dit-on,  mais 
qui  est  vraisemblablement  gaulois.  Des  talus  de 
quatre  à  huit  mètres  de  hauteur,  entourés  de 
fossés  encore  apparents  sur  un  point,  suppor- 
taient la  plate-forme  servant  aujourd'hui  d'as- 
siette au  hameau.  Un  chemin  à  travers  les  vignes 
conduit  au  château  de  Leriet  bâti  sur  une  haute 
butte,  sans  doute  artificielle  elle  aussi.  De  là  on 
découvre  tout  le  grand  vignoble  vers  Labastide- 
(lu-Temple,  Albefeuille  et  Lavilledieu. 

La  commune  s'étend  jusqu'à  la  Garonne  qui 


LOM.VGNE    ET    RIVIERE    VERDUN.  2  10 

sépare  cette  presqu'île  languedocienne  d'entre  le 
Tarn  et  le  fleuve,  du  vert  pays  de  Loinagne  dont 
une  partie  a  été  arrachée  au  Gers  pour  contri- 
buer à  donner  rang  de  chef-lieu  à  Montauban. 
Deux  des  rivières  du  plateau  de  Lannemezan 
drainent  leurs  eaux  en  Lomagne  :  l'Arrats  et  la 
Gimone.  Entre  elles,  d'autres  ruisseaux  ont 
creusé  leurs  vallons  dans  cette  base  du  grand 
cône  de  déjections  pyrénéennes  ^  :  ruisseau  Pro- 
fond d'Auvillar,  Cameson,  ruisseau  d'Ayroux, 
Sère  ;  puis  en  amont  de  la  Gimone  la  Tessonno 
et  le  Lambon.  Le  terrain  délimité  par  le  faîte  où 
prennent  naissance  ces  ruisseaux  constitue  la 
Lomagne  de  Tarn-et-Garonne.  Le  bord  du  fleuve, 
de  chaque  côté  de  Verdun,  a  pris  le  nom  de 
Rivière  comme  tant  de  rivages  fluviaux  dans  le 
Midi  :  c'est  la  Rivière  Verdun. 

La  Lomagne  est  un  pays  purement  agricole, 
produisant  d'excellents  vins  autour  d'Auvillar 
et  davantage  livrée  à  la  grande  culture  dans  l'in- 
térieur. Les  communes  y  sont  plus  nombreuses 
que  dans  la  plaine  garonnaise,  les  habitants  se 
groupent  volontiers  autour  de  l'église  et  de  la 
mairie.  Tous   ces  petits  centres   de   population 


I.  Sur  le  plateau  de  Lannemezan,  les  rivières  qui  y  naissent 
et  leur  alimentation  par  la  Neste,  voyez  la  3o^  série  du  Voynge 
en  France,  chapitre  XVI. 


2l6  VOYAGE    EN    FRANCE. 

sont  au  sommet  des  collines,  sauf  sur  la  Gimone 
dont  la  vallée,  plus  large,  parcourue  par  une 
grande  route,  est  bordée  de  villages. 

Peu  de  prairies,  les  cours  d'eau  étant  trop 
faibles  pour  l'irrigation  et  souvent  à  sec  pendant 
l'été.  liCs  principaux  n'auraient  même  qu'un 
fond  vaseux,  si  on  ne  leur  amenait  une  part  du 
débit  recueilli  dans  la  Neste  par  le  canal  d'ali- 
mentation des  rivières  du  Gers. 

Le  plus  long  de  ces  fossés,  la  Sère,  n'a  presque 
pas  d'habitations  sur  ses  bords,  depuis  Gastel- 
mayran  dont  il  longe  la  terrasse,  jusqu'au  pied 
de  la  haute  croupe  qui  porte  Lavit-de-Lomagne. 
Ge  fut  ici  la  capitale  de  la  Lomagne,  à  l'origine 
de  l'époque  féodale,  avant  que  Lectoure  fut  deve- 
nue la  forteresse  et  la  ville  maîtresse  de  la  con- 
trée ^  Lavit  est  encore  un  centre  assez  populeux 
mais  dont  toute  l'importance  est  due  à  son  rang 
de  chef-lieu  de  canton,  à  ses  marchés  et  à  ses 
foires.  La  ville  principale  de  cette  région  est 
Beaumont-de-Lomagne,  plus  au  sud,  dans  la 
vallée  de  la  Gimone. 

Grosse  agglomération  pour  le  pays  :  près  de 
3  ooo  âmes  sur  une  population  de  3  782,  c'est-à- 


I.  Sur  Lectoure  et  la  partie  de  la  Lomagne   appartenant   au 
département  du  Gers,  voyez  le  chapitre  VI,  page  85. 


L03IAGNE    Eï    RIVIERE    VERDUN.  217 

dire  de  peu  inférieure  au  centre  urbain  de  Cas- 
telsarrazin,  Beaumont  est  une  baslide  fort  régu- 
lière, mais  seules  les  rues  allant  de  l'est  à  Fouest 
sont  rectilignes,  les  autres  suivent  la  légère  in- 
flexion courbe  donnée  par  le  rempart  qui  flan- 
qua la  nouvelle  cité.  Le  fondateur,  Eustache  de 
Beaumarchès,  qui  agissait  pour  le  compte  du 
roi,  avait  conçu  un  plan  encore  plus  régulier 
par  le  nombre  des  parcelles  que  par  le  tracé. 
Il  voulut  mille  maisons  avec  mille  jardins  d'un 
arpent  chacun.  Mille  arpents  devaient  être  con- 
sacrés à  la  vigne.  A  cette  date  de  1279,  on  rêvait 
donc  d'une  grande  ville.  Les  espérances  ne  se 
réalisèrent  point,  mais  Beaumont  n'en  est  pas 
moins  une  des  bastides  qui  ont  le  mieux  pros- 
péré. Cependant  la  population  a  décru,  il  y 
avait  jadis  plus  de  4  5oo  âmes.  La  perte  du 
vignoble  a  été  cause  de  cette  déchéance  ;  au- 
jourd'hui la  replantation  fait  des  progrès  et  les 
belles  campagnes  de  la  Gimone  reprennent  leur 
aspect  de  prospérité. 

La  place  centrale  de  Beaumont  a  partiellement 
conservé  son  aspect  d'autrefois,  elle  garde  quel- 
ques-unes des  arcades  qui  l'encadraient.  Au 
centre  est  une  vaste  halle  où  se  font  d'actifs 
échanges.  L'église  est  un  bel  édifice  des  xiv^  et 
XV*  siècles. 


2l8  VOYAGE    EN    FRANCE. 

Centre  de  commerce  que  le  chemin  de  fer  de 
Castelsarrazin  développera  encore,  Beaumont- 
de-Lomaçjne  a  peu  d'industries,  pourtant  un  ate- 
lier y  produit  des  fouets  et  des  cravaches.  Les 
plus  importantes  affaires  ont  pour  objet  la  vente 
du  gibier  et  surtout  des  volailles  qui  abondent 
dans  toute  la  Lomagne.  La  campagne  voisine  est 
un  pays  d'élevage  de  chevaux  excellents,  dont 
un  officier  des  haras  a  dit,  dans  un  rapport  au 
préfet  :  «  Le  cheval  de  Beaumont  est  le  meilleur 
des  chevaux  de  cavalerie,  il  est  en  général 
étoffé,  près  de  terre  ;  il  accuse  du  sang  et  s'il  a 
la  force  qui  lui  permet  de  porter  du  poids,  il  a 
la  trempe  et  la  vigueur  qui  en  font  un  remar- 
quable cheval  de  service  sur  route.  »  Aussi  les 
remontes  font-elles  tous  leurs  efforts  pour  con- 
server cette  variété  précieuse,  et  empêcher  les 
éleveurs  d'en  altérer  la  pureté  en  allant  chercher 
des  pouliches  dans  les  Pyrénées  :  «  La  produc- 
tion de  leur  pays  vaut  cependant  mieux  que  celle 
qu'ils  vont  chercher  au  loin  à  grands  frais.  » 

La  ville  de  Beaumont  s'efforce  de  développer 
l'élevage,  elle  possède  une  société  de  courses  et 
a  créé  ime  foire  spéciale  pour  la  vente  des  pou- 
lains et  des  mulets. 

La  route  nationale  d'Auch  à  Montauban  relie 


LOMAGNE    ET    RIVIERE    VERDUN.  2I9 

Beaumont  au  chef-lieu.  Après  avoir  suivi  la  vallée 
de  la  Gimoiie,  elle  quitte  la  rivière  pour  s'élever 
sur  les  hauteurs  qui  bordent  la  Garonne  et  dont 
les  pentes  forment  le  pays  de  Rivière  Verdun. 
Du  point  culminant,  au-dessus  de  Bourret,  la 
vue  est  immense  sur  la  plaine  que  parcourent 
Garonne,  Tarn  et  Aveyron.  Au  pied  de  la  côte, 
le  fleuve  se  tord  entre  des  prés  et  des  planta- 
tions réguhères  de  peupliers. 

C'est  un  cours  d'eau  sauvage,  la  navigation  v 
devient  de  plus  en  plus  rare  depuis  que  le  canal 
latéral  est  exonéré  des  droits  prélevés  autrefois 
par  la  compagnie  fermière.  Aussi  la  vie  s'est-elle 
portée  au  cœur  de  la  plaine,  où  la  rivière  artiii- 
cielle  amène  non  seulement  l'animation  de  la 
batellerie,  mais  encore  la  force  motrice.  Grâce 
à  l'alimentation  abondante  due  à  la  Garonne  qui 
lui  verse  6887  litres  par  seconde,  à  Toulouse, 
le  canal  peut  en  outre  fournir  des  eaux  d'irriga- 
tion.. Dans  la  plaine  du  Tarn-et-Garonne,  36  pri- 
ses d'eau  donnent  à  l'agriculture  i3o  litres  5  par 
seconde  ^  Les  usagers  paient  une  redevance  de 
trente  francs  par  litre  et  par  an. 

La  force  motrice  est  d'un  revenu  plus  consi- 


I.  Haute-Garonne  :  87  prises,   887   litres  5;  Lot-et-Garonne  : 
7  prises,  18  litres  i  ;  Gironde  :  3  prises,  46  litres. 


2  20  VOYAGE  EN  FRANCE. 

dérable  pour  l'Etat.  Sur  toute  l'étendue  du 
canal  il  y  a  vingt  usines  dont  les  redevances  attei- 
gnent ensemble  80612  ir.  Le  Tarn-et-Garonne, 
à  lui  seul,  en  compte  cinq  pour  lesquelles  les 
usiniers  versent  en  chiffre  rond  3oooo  fr.  Mais 
on  pourrait  utiliser  autrement  la  force  hydrau- 
lique !  Le  mouvement  se  fait,  d'ailleurs  ;  il  y  a 
de  nombreuses  demandes.  Le  canal  qui  donne 
déjà  la  force  pour  élever  les  eaux  d'alimenta- 
tion d'Agen  ne  sert  qu'à  deux  usines  d'électri- 
cité; il  pourrait  éclairer  toute  la  vallée. 

La  plus  considérable  des  usines  du  canal  est 
la  grande  papeterie  de  Montech,  près  de  la 
petite  ville  régulière  de  ce  nom  qui  dresse  une 
belle  flèche  d'église  au  milieu  de  la  plaine 
monotone  en  partie  occupée  par  une  forêt  de 
I  327  hectares.  Cette  manufacture  a  donné  un 
grand  développement  à  la  navigation.  Grâce  à 
elle  le  port  de  Montech  est,  après  Agen,  le  plus 
important  du  canal;  il  a  un  mouvement  total  dé- 
passant 20  000  tonnes.  Les  houilles,  les  bois,  les 
pâtes  à  papier  nécessaires  à  l'usine  comptent  dans 
ce  chiffre  pour  près  de  i5  000  tonnes.  En  dehors 
de  cette  industrie,  Montech  renferme  plusieurs 
fabriques  de  sandales,  c'est-à-dire  d'espadrilles, 
et  se  livre  à  la  curieuse  production  des  boutons  et 
des  fleurs  d'orangers  pour  ornements  de  mariage. 


LOMAGNE    ET    RIVIERE    VERDUN.  22  1 

Dans  cette  partie  de  la  plaine,  il  y  a  peu  de 
hameaux  ou  d'habitations  isolées.  Contrairement 
à  l'usage  des  populations  vers  Castelsarrazin,  les 
habitants  se  groupent  plutôt  en  gros  bourgs  ; 
ainsi  Escatalens,  un  des  centres  de  l'élevage  des 
chevaux  dans  la  plaine,  et  Finhan,  qui  possède  le 
château  de  Pérignon  appartenant  encore  à  la 
famille  du  glorieux  vainqueur  de  Peyrestortes 
et  de  Figuères,  le  futur  maréchal  d'Empire, 
devenu  marquis  à  la  Restauration.  Pérignon  est 
né  près  d'ici,  dans  la  bastide  haute-garonnaise 
de  Grenade. 

Sur  l'autre  rive  de  la  Garonne,  coulant  soli- 
taire entre  les  grandes  plantations  de  peupliers, 
le  bourg  de  Mas-Grenier,  construit  sur  un  plan 
de  bastide,  est  une  ancienne  ville  monacale,  le 
Mas-Grenier  ou  Mas-Garnier,  qui  posséda  jus- 
qu'à la  Révolution  une  abbaye  de  bénédictins. 
Il  n'en  reste  que  de  pauvres  débris  ;  l'église  a 
disparu,  celle  du  bourg  est  un  remarquable  édi- 
fice moderne. 

Ici  les  collines  de  Lomagne,  qui  bordaient  le 
fleuve  depuis  l'embouchure  de  laSère,  s'écartent 
peu  à  peu.  La  Garonne,  au  lieu  de  frôler  le  pied 
de  hauteurs,  erre  à  travers  la  plaine,  au  milieu 
de  cultures  superbes  dans  lesquelles  domine  le 
sorgho.  Sur  la  rive  gauche,  la  plaine  se  nomme 


222  VOYAGE  EN  FRANCE. 

pays  de  Rivière  Verdun,  du  nom  d'une  petite 
ville  bâtie  sur  une  sorte  de  terrasse  qu'une  levée 
protèije  contre  les  fureurs  du  fleuve.  La  Garonne 
qui  baignait  jadis  la  ville  coule  maintenant  un 
peu  au  delà,  l'ancien  thalweg  a  été  planté  d'ar- 
bres comme  toutes  les  laisses  de  la  Garonne 
dans  cette  partie  de  son  cours. 

Verdun,  une  des  plus  banalement  régulières 
des  bastides  de  la  contrée,  est  formée  de  deux 
longues  rues  parallèles  coupées  en  croix  par  la 
route  de  Dieupentale,  mais  de  nouveaux  quar- 
tiers ont  débordé  de  ce  plan  bien  aligné  et  mon- 
trent quelque  caprice  à  suivre  des  routes  et  des 
chemins  plus  sinueux.  Verdun,  qui  fut  une  cité 
forte,  a  encore  une  ancienne  porte  de  ville. 

Aucune  industrie,  la  Rivière  Verdun  est  un 
pays  purement  agricole.  Son  chef-lieu  n'a  même 
pas,  comme  Grisolles,  petite  ville  qui,  de  l'autre 
côté,  borde  le  canal,  la  mise  en  œuvre  des  pani- 
cules  de  sorgho  à  balais  dont  les  champs  couvrent 
partout  de  si  grandes  étendues.  Elle  est  trop  à 
l'écart  de  la  grande  circulation  représentée  par 
le  chemin  de  fer  et  le  canal.  Ses  relations  avec 
le  reste  du  département  ont  lieu  par  Dieupen- 
tale qui  possède  la  gare  et  un  port  très  animé  '. 


I.  Mouvement  (en  1901),  6809  tonnes. 


LOMAGNE    ET    RIVIERE    VERDUN.  2  23 

D'ailleurs,  toute  cette  région  est  déjà  dans  la 
sphère  d'attraction  de  Toulouse.  Elle  regarde 
vers  la  grande  cité  garonnaise  plus  que  vers 
Montauban. 

De  Verdun  à  Grisolles,  un  chemin  court  à  tra- 
vers les  champs  de  sorgho  et  de  maïs.  On  est  ici 
dans  le  principal  habitat  de  ces  cultures  qui 
restent  prépondérantes  jusqu'aux  premiers  vi- 
gnobles de  l'Aude.  Le  département  de  Tarn-et- 
Garonne  ne  participe  à  la  production  du  sorgho 
que  dans  cette  plaine,  et  l'étendue  totale  est 
faible,  mais  nulle  part  les  champs  ne  sont  plus 
rapprochés. 

Le  produit  principal  est  la  sommité,  c'est-à- 
dire  le  panicule  porte-graines  qui  sert  à  faire 
les  balais  lorsque  la  graine  a  été  recueillie.  La 
semence  sert  à  l'engraissement  des  volailles,  les 
tiges  sont  employées  comme  litière  et  comme 
combustible.  Semé  en  mai,  le  sorgho  se  récolte 
en  septembre,  les  sommités  sont  mises  à  sécher 
dans  un  grenier  ou  sous  un  hangar  pendant 
quinze  jours  avant  de  procéder  à  l'égrenage  ; 
celui-ci  doit  être  fait  avec  beaucoup  de  soin  pour 
ne  pas  endommager  les  pédicelles.  Les  ouvriers 
l'effectuent  en  raclant  le  panicule  avec  un  couteau 
en  bois.  Il  ne  faudrait  pas  moins  de  260  veillées 
à  un  homme  pour  égrener  la  récolte  d'un  hectare. 


2  24  VOYAGE    EN    FRANGE. 

Au  bord  de  la  Garonne,  cette  plante  donne 
45  à  5o  hectolitres  de  graines  pesant  64  kilo- 
f [ranimes  à  l'hectolitre  et  valant  six  à  sept  francs. 
Les  panicules  donnent  en  poids  de  i  000  à  i  5oo 
kilogrammes  et  sont  vendues  de  vingt  à  trente 
francs  les  cent  kilogrammes  ^ 

Les  panicules  égrenées  et  bien  sèches  sont 
mises  en  bottes  et  portées  aux  fabriques  de  Gri- 
solles qui  ont  peu  à  peu  remplacé  la  production 
à  domicile.  Grisolles  faisait  autrefois  de  la  cou- 
tellerie, elle  possède  encore  un  atelier  pour 
cette  fabrication.  Ce  grand  bourg,  aux  maisons 
soigneusement  blanchies,  n'a  guère  d'autre  édi- 
fice qu'une  vaste  église  moderne  et  des  halles 
en  fer.  Les  environs  se  livrent  à  l'élevage  du 
cheval;  chaque  année,  des  courses  ont  lieu  sur 
un  hippodrome  très  fréquenté. 

Dans  la  plupart  des  habitations  on  travaille 
aux  balais,  mais  les  femmes  préfèrent  l'emploi 
à  l'atelier,  aussi  se  dispute-t-on  les  places  dans 
les  huit  ou  dix  manufactures  de  Grisolles.  A 
certaines  heures,  le  passage  des  ouvrières  qui 
apportent  les  balais  finis  ou  vont  rendre  les  ma- 
tières premières  donne  beaucoup   d'animation. 


I.  Cette  culture  est  confondue  dans  les  statistiques  décennales 
avec  le  millet.  Dans  les  départements  garonnais  elle  couvre  :  Haute- 
Garonne,  ^78  hectares  ;  Lot-et-Garonne,  421  ;  Tarn-et-Garonne,  347- 


LOMAGNE    ET    RIVIERE    VERDUN.  220 

L'usine  livre  le  sorgho  simplement  fixé  autour 
du  manche  par  des  fils  de  fer  disposés  à  l'aide 
d'une  machine.  L'ouvrière  achève  à  domicile. 
Elle  place  le  balai  ébauché  dans  une  sorte  de 
mâchoire  en  fer  qui  maintient  les  brins  dans  la 
forme  voulue,  l'objet  est  aplati  à  l'aide  d'un 
martinet  de  bois  dont  le  mouvement  est  donné 
par  le  pied. 

Ensuite,  avec  une  forte  aiguille  et  de  la  ficelle 
de  couleur,  l'ouvrière,  armée  d'un  fort  bracelet 
de  cuir  se  prolongeant  jusqu'à  la  main,  procède 
à  la  couture.  Cela  ne  va  pas  sans  effort  ;  il  faut 
trois  ligatures  pour  faire  un  balai. 

L'objet  n'est  pas  à  point,  il  doit  être  ébarbé 
par  une  section  nette,  c'est  encore  l'œuvre  de 
l'usine,  où  la  machine  procède  avec  rapidité.  Il 
y  a  six  principaux  établissements  à  Grisolles,  le 
plus  grand  occupe  quatre-vingts  personnes  pour 
la  préparation  et  le  finissage.  Les  manches  em- 
ployés sont  tirés  des  landes  ou  des  bords  mêmes 
de  la  Garonne,  dont  les  peupliers  servent  à  cet 
usage. 


VOYAGE  E>-  FKANCE.  XXXI.  15 


XV 


LA    RIVIERE    MONT  ALBANAISE 


Le  pays  de  la  brique.  —  Montauban.  —  Industrie  de  la  soie.  — 
Lafrançaise.  —  La  Rivière  du  Tarn.  —  Villebrumier.  —  Entrée 
en  Haute-Garonne.  —  Villemur  et  ses  usines.  —  Le  vignoble 
de  Villaudric  et  de  Fronton.  —  Pompignan  et  son  château. 


Montauban.  Juillet. 

Depuis  que  Montauban  est  le  point  de  pas- 
sage pour  les  voyageurs  allant  de  Paris  aux 
Pyrénées  par  Toulouse,  c'est  la  porte  d'entrée 
du  pays  de  la  brique,  autrefois  ouverte  dans 
l'Albigeois.  Le  voyageur  a  traversé  des  villes 
de  pierre  blanche  dans  le  Berri,  puis  les  cités  de 
robuste  granit  du  Limousin  et,  de  nouveau,  les 
calcaires  vers  la  Dordogne  et  le  Lot.  Soudain, 
lorsqu'on  a  franchi  l'Aveyron,  c'est  un  autre 
inonde  par  la  culture,  les  habitations,  l'aspect 
général  de  toutes  choses.  En  dépit  de  l'his- 
toire qui  fit  de  Montauban  une  ville  du  Ouercy, 
c'est  bien  ici  la  région  toulousaine,  le  pays  de 
«  terrefort  »  où  le  sol  est  d'argile  et  de  marne 


LA    RIVIERE    MONTALBANAISE.  227 

mêlées    aux   cailloux   roulés   par    le    fleuve  de 
Garonne. 

Montauban  elle-même  est  par  excellence  la 
cité  de  la  brique,  une  brique  d'un  ton  rosé,  lisse, 
de  peu  d'épaisseur,  se  prêtant  à  merveille  à  l'ar- 


chitecture, autrement  noble  et  gaie  à  l'œil  que 
la  brique  informe  et  rugueuse  des  villes  du 
Nord  comme  Roubaix  et  Lille.  Puis,  sous  ce  ciel 
heureux,  loin  des  brumes  et  des  fumées,  elle 
garde  un  ton  délicatement  chaud.  Aussi  les  édi- 
fices ne  prennent-ils  pas  l'aspect  sévère  qu'ils 
ont  déjà,  par  exemple,  vers  Albi.  Le  pont  de 
Montauban  a  été  construit  de  i3o3  à  i3i6,  et 


228  VOYAGE  EN  FRANCE. 

pourtant  les  six  siècles  ne  lui  ont  laissé  aucune 
empreinte,  sinon  celle  qu'il  doit  à  son  style  ar- 
chaïque, à  ses  arches  en  ogive  et  à  ses  avant- 
becs. 

Du  parapet,  la  ville  a  de  l'allure  ;  de  grands 
édifices  de  brique,  un  amphithéâtre  de  toits  en 
pente  douce,  les  berges  très  hautes  du  Tarn,  les 
maisons  de  la  rive  gauche  ou  Ville -Bourbon 
dressées  sur  ces  falaises  ou  descendant  jusqu'au 
flot,  composent  un  site  dont  on  se  souvient.  A 
l'entrée  de  la  vieille  cité,  le  débouché  du  pont  est 
encadré  par  la  Bourse  et  l'Hôtel  de  Ville  où  sont 
les  musées.  Ces  édifices  n'ont  pas  de  grandes 
prétentions  architecturales,  mais  la  brique  lisse, 
les  lignes  sévères ,  les  sobres  ornements  leur 
donnent  quelque  beauté.  Et,  se  souvenant  qu'In- 
gres est  de  Montauban,  on  se  prend  à  penser  que 
cette  netteté  des  formes  architecturales,  frappant 
ses  yeux  dès  l'enfance,  est  peut-être  pour  quelque 
chose  dans  la  précision  du  dessin  chez  le  grand 
peintre  montalbanais. 

Dans  l'axe  du  pont,  un  monument  aux  morts 
pour  la  patrie  précède  un  square  exigu,  bordé 
de  belles  maisons  modernes  en  brique  avec  des 
cordons  de  pierre  blanche  ;  au  fond  est  l'église 
Saint- Jacques,  montrant  au  visiteur  venu  du 
Nord  le   premier  spécimen  de  ces  beaux   clo- 


LA    RIVIERE    MONT  ALBANAISE.  229 

chers  octogones,  marque  du  pays  toulousain  ; 
une  haute  flèche  couronne  la  tour. 

Derrière  cette  éghse  s'étend  la  place  Natio- 
nale, principale  curiosité  de  Montauban.  Elle 
est  sur  le  plan  de  tant  de  places  centrales  dans 
les  bastides  de  la  région,  mais  elle  a  été  bâtie  au 
XVII*  siècle  et  garde  la  marque  de  cette  époque  ; 
les  maisons,  hautes  de  trois  étages  et  d'aspect 
monumental,  sont  portées  sur  des  arcades.  Aux 
quatre  angles  aboutissent  des  rues  dont  l'entrée 
est  signalée  par  des  porches  formant  arcs  de 
triomphe.  L'ensemble  est  majestueux  mais  sé- 
vère, à  cause  de  la  teinte  de  la  brique  et  de  l'uni- 
formité de  l'architecture. 

Autour  de  Ja  place,  les  rues  sont  étroites 
comme  dans  la  plupart  des  villes  du  Midi,  mais 
propres  et  animées.  Peu  de  monuments,  à  peine 
faut-il  citer  le  beffroi  appelé  la  Grande  Horloge. 

En  dehors  de  ces  vieilles  artères  une  courte 
rue  neuve  longe  l'insignifiante  cathédrale,  d'un 
lourd  style  classique,  bâtie  en  pierre,  dont  la 
sacristie  renferme  une  des  œuvres  capitales  d'In- 
gres :  le  Vœii  de  Louis  XIII. 

L'ancien  Montauban  finissait  là,  des  boule- 
vards et  des  allées  marquent  l'emplacement  des 
remparts  contre  lesquels  vint  se  briser  l'armée 
royale  commandée  par  Louis  XIII  en  personne. 


23o  VOYAGE    EN    FRANCE. 

Au  delà  s'étend  fort  loin, jusqu'au  chemin  de  fer 
de  Lexos  qui  si  longtemps  relia  Montauban  à 
Paris,  un  immense  quartier  neuf  aux  longues 
voies  régulières  dont  les  principales  aboutissent 
à  un  rond-point  voisin  de  la  gare.  Celle-ci  a  pris 
le  nom  de  «  Ville  Nouvelle  ».  C'est  une  station 
de  médiocre  activité,  la  gare  principale  est  de 
l'autre  côté  du  Tarn,  au  faubourg  de  Ville-Bour- 
bon. 

Derrière  la  cathédrale,  la  préfecture,  précédée 
d'un  square,  est  le  point  le  plus  vivant  de  la 
ville  ;  sur  cette  petite  place  et  les  allées  de  Mor- 
tarieu  qui  l'avoisinent  sont  les  cafés  élégants,  le 
kiosque  à  musique,  la  promenade  où  il  est  de 
bon  ton  de  se  rendre.  Dès  neuf  heures  du  soir, 
le  reste  de  la  ville  est  endormi,  ici  il  y  a  foule. 

Les  allées  de  Mortarieu  se  prolongeaient  par 
les  allées  des  Carmes  sur  la  haute  terrasse  au- 
dessous  de  laquelle  coule  la  petite  rivière  du 
Tescou.  On  a  voulu  élargir  la  promenade,  en  la 
faisant  porter  sur  un  grand  mur  de  brique  qui 
aurait  dominé  un  joli  jardin  public  planté  d'ar- 
bres méridionaux  —  il  y  a  un  olivier  —  mais  le 
mur  s'est  écroulé,  entraînant  l'esplanade.  Et  il 
reste  un  désert  de  gravats  au  milieu  duquel  fait 
triste  figure  le  monument  d'Ingres  par  Etex. 
Il   reproduit  en   bronze  la   fameuse   Apothéose 


LA    RIVIÈRE    MONTALBANAISE.  23  I 

d'Homère  dont  tous  les  personnages  se  mon- 
trent en  demi-relief.  Au  centre  de  cet  hémicycle 
est  la  statue  du  peintre.  Le  tout,  entouré  d'im- 
mondices et  de  débris.  L'abandon  est  provisoire, 
me  dit-on,  on  nettoiera  quand  on  aura  établi  la 
terrasse. 

Malgré  les  persécutions  qui  suivirent  la  ré- 
vocation de  l'édit  de  Nantes,  Montauban  est 
restée  une  sorte  de  petite  Genève.  Les  protes- 
tants y  sont  nombreux  et  influents,  une  des 
deux  facultés  de  théologie  de  la  religion  ré- 
formée y  est  installée.  Un  séminaire  pour 
les  futurs  pasteurs  y  complète  un  petit  foyer 
d'études. 

La  ville  doit  à  Ingres  le  développement  de  son 
musée  qui  serait  bien  pauvre  sans  les  dons  du 
peintre.  La  bibliothèque  est  riche.  Il  y  a  là  un 
certain  réveil  de  vie  intellectuelle,  plusieurs  litté- 
rateurs du  Quercy  sont  parvenus  à  la  notoriété 
en  restant  fidèles  à  la  province  et  à  sa  petite 
capitale,  sans  aller  vivre  à  Paris. 

Mais  l'industrie  est  languissante,  Montauban 
n'a  pas  profité  de  sa  situation  aux  bords  du 
Tarn  navigable,  de  l'Aveyron  qui  l'est  un  peu  et 
de  la  Garonne  dont  le  canal  latéral  décuple  la  va- 
leur. On  lui  a  donné  un  embranchement  pour  fa 


232  VOYAGE    EN    FRANCE. 

relier  à  ce  canal,  mais  son  port  vient  bien  après 
celni  de  Montech,  nn  peu  avant  Dieapentale  et 
Moissac'. 

L'activité  commerciale  est  due  aujourd'hui 
aux  produits  du  sol.  Montauban  est  devenue  un 
grand  expéditeur  de  primeurs  et  de  fruits,  de 
raisins  chasselas  et  de  pêches  surtout,  elle  envoie 
en  quantité  les  gibiers  et  la  volaille.  Ses  rivières 
font  mouvoir  les  roues  de  grandes  minoteries. 
Jadis  elle  était  au  rang  des  producteurs  de  soie, 
pour  les  bas  notamment;  il  ne  lui  est  resté  que 
l'industrie ,  considérable  encore ,  des  tamis  à 
bluter  les  farines.  Plusieurs  filatures  y  moulinent 
les  soies  provenant  de  cocons  récoltés  dans  la 
région  et  trois  usines  utilisent  ces  fils  pour  tisser 
la  gaze  à  bluter. 

On  fait  encore  un  peu  de  sériciculture  en  Tarn- 
et-Garonne,  sur  les  bords  de  l'Aveyron  et  du 
Tarn  et  dans  le  département  voisin,  le  Tarn,  où 
la  vallée  de  l'Agout,  vers  Lavaur,  possède  d'assez 
nombreux  mûriers.  Le  nombre  d'éleveurs  en 
1900  fut  de  289,  peu  de  chose  évidemment  auprès 
des  186914  de  la  France,  mais  ils  ont  fourni  à 
la  consommation  7  SgS  kilogrammes  de  cocons 
frais.  Les  deux  cantons  de  Montauban  sont  ceux 


I.  En  1901  le  mouvemenl  a  été  de  8860  tonnes. 


LA    RIVIÈRE    MONTALBANAISE.  2  33 

qui  se  livrent  le  plus  à  cet  élevage  ;  d'après  une 
enquête  de  i884,  le  poids  de  cocons  par  hectare 
était  de  o,45,  tandis  que  ses  voisins  étaient  bien 
au-dessous  *.  Il  est  certain  que  ces  pauvres  ré- 
coltes ne  peuvent  suffire  aux  besoins  de  Tindus- 
trie  locale  ;  Montauban  doit  s'adresser  aux  Cé- 
vennes  et  à  rExtrême-Orient. 

D'autres  petites  industries  existent  dans  la 
ville  :  comme  toute  la  région  elle  fait  des  san- 
dales ;  la  fabrication  du  peigne  paraît  avoir 
essaimé  de  Villeneuve-sur-Lot,  celle  des  cha- 
peaux de  paille  est  venue  de  Caussade,  mais 
sans  posséder  l'importance  qu'elle  a  atteinte 
dans  cette  dernière  ville.  Jadis  Montauban  fai- 
sait un  commerce  considérable  de  sumac,  il 
reste  une  seule  maison  pour  la  vente  de  cette 
plante  à  tannin. 

En  somme,  l'importance  de  Montauban  pour 
le  mouvement  des  affaires  est  moins  grand  qu'à 
Agen,  malgré  une  population  plus  nombreuse^. 
Aussi  la  succursale  de  la  Banque  de  France 
ne  vient-elle  qu'au  quatre-vingt-onzième   rang 


1.  Caussade,  o,oog  ;  Villebrumier,  0,08;  Villemiir  (Haute-Ga- 
ronne) ;  0,01  ;  Toulouse,  0,08. 

2.  Population  totale,  3o5o6;  garnison,  écoles,  séminaires,  etc., 
5527.  Il  reste,  de  population  municipale  agglomérée,  17201.  Plus 
de  7  000  habitants  sont  donc  répartis  dans  les  campagnes. 


2  34  VOYAGE    EN    FRANCE. 

pour  le  chiffre  des  affaires',  après  Le  Puv,  après 
nombre  de  villes  bien  moins  populeuses,  no- 
tamment, dans  la  région,  Narbonne,  Mazamet 
et  Mont-de-Marsan. 

Peu  de  villes,  peu  de  gros  bourgs  dans  les 
campagnes  voisines.  En  aval,  quand  le  Tarn  a 
reçu  l'Aveyron,  le  plus  gros  centre  avant  Mois- 
sac,  Lafrançaise,  est  une  commune  de  plus  de 

3  000  âmes,  mais  celles-ci  réparties  dans  les  ha- 
meaux et  les  bordes  ou  métairies  ;  il  n'y  en  a 
pas  mille  dans  le  bourg,  très  vivant  par  le  com- 
merce, grâce  à  sa  situation  à  Tissue  de  la  plaine, 
sur  les  premières  pentes  du  Ouercy  accidenté. 
La  petite  ville  occupe  une  terrasse  abrupte  domi- 
nant le  Tarn  à  plus  de  cent  mètres,  en  vue  de 
l'immensité  de  la  plaine,  des  campagnes  de  la 
Lomagne,  des  Pyrénées  et  de  la  grande  perspec- 
tive ouverte  sur  Toulouse  par  la  Garonne.  Cette 
bastide,  construite  vers  1270,  n'a  pas  débordé 
son  plan  régulier.  C'est  le  lieu  de  rendez-vous 
pour  une  grande  partie  du  Ouercy  par  ses  mar- 
chés et  foires.  Une  de  celles-ci,  tenue  le  29  sep- 
tembre, jour  de  Saint-Michel,  est  consacrée  à  la 
vente  des  chiens  ;  le  19  octobre  a  lieu  une  foire 


I.  18662.300  fr.  en  igoi. 


LA    RIVIÈRE    MONTALBANAISE.  2.35 

aux  chevaux.  La  coquette  industrie  des  fleurs 
artificielles  s'est  implantée  à  Lafrançaise. 

Cette  partie  des  environs  de  Montauban  est 
peu  accessible  pour  le  visiteur,  il  n'y  a  guère 
d'autres  moyens  de  communication  que  des 
voitures  postales  circulant  surtout  la  nuit.  Par 
contre,  la  vallée  du  Tarn,  en  amont,  est  desservie 
par  une  ligne  de  fer  importante  se  dirigeant  sur 
Castres,  Mazamet  et  Bédarieux,  et  longeant  la 
grande  rivière  jusqu'au  confluent  de  l'Agout, 
qu'elle  remonte  ensuite. 

La  vallée  du  Tarn  est  plus  belle  que  la  plaine 
de  Garonne,  grâce  aux  collines  qui  viennent 
tomber  à  pic  au  bord  du  flot.  A  l'endroit  où 
l'embranchement  du  canal  latéral  atteint  le 
Tarn,  les  barrages  qui  soutiennent  le  plan  d'eau 
donnent  à  la  rivière  la  majesté  d'un  fleuve.  Les 
deux  rives  sont  couvertes  d'arbres  fruitiers,  les 
mûriers,  en  très  grand  nombre,  sont  d'une  belle 
vigueur;  les  pruniers,  cerisiers,  pêchers  abon- 
dent, on  cultive  beaucoup  le  noisetier.  Souvent 
quelque  grand  pin  parasol  ombrage  une  mé- 
tairie et  donne  de  la  majesté  à  ce  paysage  un 
peu  monotone. 

Cultures  extrêmement  variées.  Blés  et  maïs 
d'abord,  haricots,  fèves,  petits  pois,  beaucoup 


236  VOYAGE    EN    FRANCE. 

de  vignes,  surtout  sur  les  coteaux  de  la  rive 
droite.  Chaque  ferme  a  son  pigeonnier,  dont  la 
l'orme  particulière  est  la  caractéristique  du  pays 
montalbanais.  Ce  sont  de  hautes  tours  carrées, 
construites  en  briques  crues,  enduites  de  chaux; 
le  bas  sert  de  magasin,  la  partie  supérieure 
offre  un  toit  en  crémaillère,  c'est-à-dire  un  toit 
inférieur  occupant  la  moitié  de  la  largeur,  un 
autre  plus  élevé  couvrant  l'autre  moitié.  Entre 
les  deux  est  le  gîte  des  pigeons,  où  les  oiseaux 
ont  accès  par  de  nombreux  trous  régulièrement 
disposés.  Ces  pittoresques  constructions  dépas- 
sent en  hauteur  les  autres  parties  de  la  ferme. 
Celle-ci  est  généralement  construite  soit  en  pisé, 
soit  en  briques  crues,  la  brique  cuite  est  réser- 
vée pour  l'encadrement  des  portes  et  des  fenê- 
tres. Un  enduit  de  teinte  claire  masque  ces  pau- 
vres matériaux,  mais  il  s'écaille  souvent  et  cela 
donnerait  une  allure  lépreuse  si  le  soleil,  la  lu- 
mière, l'opulence  des  cultures,  quelques  espa- 
liers vigoureux  n'imprimaient  au  contraire  de  la 
beauté  et  de  la  couleur  à  toutes  choses. 

La  coquetterie  est  réservée  pour  le  colombier, 
souvent  peint  de  couleur  tendre,  soigneusement 
crépi  et  badigeonné  quand  la  demeure  familiale 
reste  nue  sous  son  grand  toit  plat. 

Tel  est  ce  pays  de  la  Rivière,  comme  on  appelle 


LA    RIVIÈRE    MONTALBANAISE.  287 

les  rives  du  Tarn  et  de  rAveyron,  tandis  que  le 
massif  de  collines  entre  les  deux  cours  d'eau 
se  nomme  le  Ramier.  Cette  Rivière  redevient 
pays  vignoble  ;  vers  Rressols  et  Gorbarieu  on  a 
beaucoup  replanté.  Les  villages  des  ribiérencs  se 
suivent  au  long  du  Tarn.  Labastide-Saint-Pierre 
V  mire  une  jolie  église  moderne;  avec  les  pins 
parasols  de  la  campagne,  elle  donne  de  Tallure 
au  paysage.  Reyniès  est  bâti  à  un  passage  de  la 
rivière,  Orgueil  s'éparpille  à  l'écart.  Tous  ces 
villages  fournissent  des  ouvrières  à  la  grande 
fabrique  de  pâtes  alimentaires  de  Villemur.  Un 
train  de  marchandises  partant  le  matin  de  Mon- 
tauban  possède  quelques  wagons  de  troisième 
classe  qui  recueillent  femmes  et  jeunes  filles.  Je 
Fai  pris  jusqu'à  Nohic,  pour  gagner  Villebrumier. 

Nohic  est  un  vieux  village,  dont  l'église,  bâtie 
à  l'écart,  est  à  la  fois  sinistre  et  charmante,  sui- 
vant l'heure;  toute  menue,  très  vétusté,  elle 
dresse  un  haut  pignon  de  briques  que  les  siècles 
ont  décoloré.  Le  Tarn  coule  à  une  demi-lieue  de 
là,  au  pied  d'une  terrasse  qui  porte  cette  partie  du 
Ramier  derrière  laquelle  le  Tescou  s'est  creusé 
une  vallée  régulière  et  profonde. 

Au  bord  même  de  la  rivière,  la  bastide  de 
Villebrumier,  toute  petite,  mais  d'une  parfaite 
régularité,  s'abrite  dans  une  sorte  de  pli  formé 


238  VOYAGE    EN    FRANCE. 

par  la  côte  régulière.  Ce  n'est  guère  qu'un  vil- 
lage, le  dernier  du  Tarn-et-Garonne  en  remon- 
tant le  Tarn  ;  à  i  800  mètres  à  peine  commence 
la  Haute-Garonne. 

Un  chemin  rural  longe  le  Tarn,  apaisé  sous 
les  barrages  de  navigation  retenant  ses  eaux 
d'un  vert  sombre,  que  la  moindre  pluie  tombée 
dans  le  Rouergue  changera  en  flots  rouges. 
Il  aboutit  à  Villemur^  une  bastide  encore,  mais 
mieux  développée  que  Villebrumier,  grâce  à 
l'industrie  et  à  sa  position  à  un  important  pas- 
sage de  la  rivière. 

Cette  petite  ville  eut  jadis  une  population  de 
plus  de  5  000  âmes,  descendue  à  4  000  aujour- 
d'hui ;  la  dépopulation  a  surtout  frappé  la  partie 
rurale.  Elle  offre  sur  le  Tarn  un  pittoresque 
décor,  par  ses  hautes  maisons  de  briques  rouges 
portées  sur  des  voûtes  ou  des  terrasses,  leurs 
galeries  en  surplomb,  les  balcons,  les  toits  irré- 
guliers. La  rivière,  retenue  par  un  barrage,  fait 
mouvoir  une  grande  usine  sur  la  rive  gauche  ; 
de  l'autre  côté  elle  actionne  un  curieux  moulin 
en  forme  d'abside,  revêtu  d'une  haute  toiture. 
La  grande  usine  est  une  des  plus  puissantes 
fabriques  de  pâtes  alimentaires  de  France,  elle 
occupe  six  cents  ouvrières  venant  pour  la  plu- 
part des  campagnes  voisines.  Des  fabriques  de 


LA    RIVIÈRE    MONT  ALBANAISE.  289 

gluten,  des  papeteries,  une  fabrique  de  carton- 
iiarjes,  une  autre  pour  la  confection  des  mesures 
en  bois  et  une  soufflerie  de  poils  complètent 
l'ensemble  de  manufactures  qui  a  fait  accroître 
Villemur. 

L'intérieur  de  la  ville  est  de  médiocre  intérêt, 
les  rues  étroites  n'ofl'rent  pas  de  constructions 
ayant  quelque  apparence,  l'église  est  son  unique 
monument.  Le  Tarn  seul  lui  donne  quelque 
attrait,  il  est  la  vie  par  ses  grandes  usines,  la 
lumière  électrique  qu'il  fournit  et  la  navigation. 
Un  joli  quai  ombragé  le  borde  en  amont. 

Rien,  cependant,  ne  retient  longtemps  ici,  je 
m'en  vais  donc  à  Grisolles,  à  travers  la  plaine 
qui  donnait  les  vins  jadis  célèbres  de  Fronton  et 
de  Villaudric  que  l'on  commence  à  produire  de 
nouveau. 

Aussitôt  le  Tarn  franchi  et  le  petit  quartier 
ouvrier  de  la  gare  traversé ,  on  est  en  pleines 
cultures,  le  hameau  de  Magnanac  est  entouré  de 
moissons  blondes  ;  peu  à  peu  elles  semblent  sub- 
mergées dans  le  vignoble  de  plus  en  plus  étendu. 
Vignes  basses  à  ceps  noueux,  divisées  en  larges 
rangées  à  travers  lesquelles  les  bœufs  au  pelage 
d'un  roux  tendre  conduisent  la  charrue  ;  les 
animaux  sont  accouplés  par  un  joug  très  long. 


2  4o  VOYAGE    EN    FRANCE. 

permettant  de  passer  au-dessus  des  ceps  sans 
les  effleurer. 

Villaudric  apparaît,  sa  flèche  blanche  pointant 
très  haut  ;  plus  loin,  Vacquiers  dresse  une  autre 
flèche  très  effdée  au-dessus  d'un  mamelon  su- 
perbe. 

Le  chemin,  par  ses  fossés  et  son  étroit  trottoir, 
sert  de  pacage  aux  oisons  que  des  vieilles  femmes 
ou  des  fillettes  conduisent  ;  ces  bestioles  au  duvet 
jaune  sont  en  nombre  invraisemblable.  A  chaque 
instant  on  en  voit  sortir  des  fermes  aux  grandes 
arcades,  aux  hangars  dont  les  toits  plats  sont 
soutenus  par  des  piliers,  aux  grands  pigeonniers 
isolés.  Cet  ensemble  évoque  l'idée  de  la  plaine 
lombarde. 

Les  fermes  sont  aussi  des  celliers,  car  la  vigne 
est  souvent  maîtresse  absolue  du  sol.  Tous  les 
vieux  plants  ne  sont  pas  morts.  Le  produit  est 
assez  abondant  pour  qu'un  seul  acquéreur  de 
Paris  ait  pu  dernièrement  faire  un  marché  de 
plusieurs  milliers  d'hectolitres.  Toute  cette  par- 
tie de  la  plaine  est  une  argile  grise  très  com- 
pacte que  recouvre  la  nappe  de  ceps.  Il  n'y  a  de 
grande  végétation  qu'aux  abords  des  hameaux 
et  des  fermes  où  les  arbres  fruitiers  sont  nom- 
breux et  variés  :  pruniers,  pêchers,  coignassiers 
et  noisetiers. 


LA    RIVIÈRE    MONTALBANAISE.  24 1 

Sur  le  bord  d'une  terrasse  ravinée  est  bâti 
Villaudric  ;  dans  les  constructions  neuves  les 
briques  crues  font  place  aux  briques  cuites  alter- 
nant par  assises  avec  les  cailloux  roulés.  Dans 
son  ensemble,  ce  pauvre  bourg  terreux  est  d'as- 
pect vétusté,  on  ne  sait  pas  ici  faire  des  murs 
de  pisé  comme  autour  de  Lyon  où  l'on  édifie 
avec  la  terre  des  bâtiments  de  plusieurs  étages 
laissant  une  impression  de  force. 

Beaucoup  de  maisons  sont  abandonnées,  le 
phylloxéra  ayant  sévi.  Cependant  Villaudric  reste 
fameux  par  ses  vins.  A  Toulouse  et  dans  tout  le 
Lauraguais,  le  villaudric  est  la  bouteille  fine  que 
l'on  sert  le  plus  volontiers.  Ce  cru  et  celui  de 
Fronton  son  voisin  sont  les  meilleurs  de  la  Haute- 
Garonne;  ils  ont  «  plus  de  finesse,  de  délicatesse 
et  de  bouquet  )>  que  les  excellents  vins  de  Tarn- 
et-Garonne. 

Lorsque  M.  Rendu  publiait  son  Ampélographie 
française.  Fronton  avait  1 827  hectares  de  vignes, 
Villaudric  525.  Peut-être  l'étendue  est-elle  en- 
core égale,  car  on  a  beaucoup  reconstitué  et  le 
vignoble  dépasse  fort  la  surface  en  céréales.  De 
Villaudric  à  Fronton  on  est  sans  cesse  au  milieu 
de  ces  rangées  de  ceps. 

Fronton  est  un  grand  bourg  construit  en  bri- 
ques crues,  partie  au  long  d'une  grande  route, 

VOYAGE  EN  FRANCE.  XXXI.  16 


242  VOYAGE    EN    FRANCE. 

partie  autour  d'une  église  dont  le  clocher  est 
une  haute  tour  carrée  sans  caractère.  Les  enca- 
drements de  briques  rouges  des  ouvertures,  le 
badigeon,  les  grands  auvents  donnent  un  peu 
de  pittoresque.  Le  commerce  est  assez  actif, 
grâce  à  la  vigne.  De  nombreux  commission- 
naires en  vins  y  ont  leurs  bureaux. 

De  la  vigne,  toujours  de  la  vigne.  La  campagne 
en  est  monotone  car  on  ne  trouve  plus  ici  les 
grandes  fermes  flanquées  de  leurs  pigeonniers. 
Au  bord  du  talus  de  la  route  croissent  des  cistes, 
que  je  ne  m'attendais  guère  à  trouver  sur  ce 
plateau  si  éloigné  de  la  Méditerranée.  Il  faut 
atteindre  le  versant  de  la  Garonne  pour  revoir 
les  céréales. 

De  cette  terrasse  la  vue  est  immense  :  d'un 
côté  sur  le  versant  du  Tarn  que  je  viens  de  par- 
courir, de  l'autre  sur  la  Rivière  garonnaise  semée 
de  fermes  et  de  hameaux  ;  le  lleuve  se  devine  à 
une  large  zone  d'arbres  qui  en  dessine  les  sinuo- 
sités. Au  delà,  Grenade  montre  son  damier  ré- 
gulier de  maisons  ;  vers  le  sud,  Toulouse  dresse 
ses  tours  et  ses  flèches  émergeant  d'une  brume 
légère  '.  Au  pied  de  la  côte  s'étend  Grisolles  ;  la 


I.  Sur  Toulouse  et  Grenade,  voyez  la  38"  série  du  Voyage  en 
France. 


LA    RIVIÈRE    MONTALBANAISE.  243 

flèche  élégante  et  svelte  de  son  église  surgit 
au-dessus  des  fauves  toits  plats.  Dans  un  groupe 
d'arbres,  le  château  de  Fontanas  apparaît,  flan- 
qué d'une  mince  tourelle.  A  la  sortie  de  la  petite 
ville,  le  canal  trace  un  étincelant  sillon  dans  la 
plaine. 

Un  sentier  entre  les  moissons  conduit  à  Pom- 
pignan,  de  là  on  a  sans  cesse  sous  les  yeux  la 
plaine  immense  et  les  pentes  molles  entre  les- 
quelles s'ouvrent,  très  évasés,  la  vallée  de  la 
Save  et  des  vallons  latéraux.  De  grands  fenouils 
et  des  genêts  en  fleurs  mêlent  leurs  odeurs  péné- 
trantes. Voici  Pompignan,  village  modeste  qui 
semble  écrasé  sous  la  masse  de  son  château, 
édifice  de  brique  conçu  dans  le  style  classique. 
Cette  belle  demeure  fut  celle  de  Lefranc  de 
Pompignan,  qui  dut  une  célébrité  durable  à  son 
ode  à  J.-B.  Rousseau.  Ce  magistrat,  qui  avait 
titre  de  marquis,  fit  reconstruire  l'église,  il  vou- 
lut y  être  inhumé  :  c'est  un  temple  assez  simple, 
dressant  au  pied  de  la  colline  une  tour  carrée, 
en  brique,  couronnée  de  balustres. 

Le  village  est  entouré  de  champs  de  céréales 
d'une  extrême  vigueur.  Arthur  Young,  en  1787, 
s'émerveillait  de  cette  richesse  agricole  de  «  Pom- 
pinion  »  où  il  dîna  au  «  Grand-Soleil,  auberge 
excellente  )>.  La  Beauce  n'offre  pas  de  blés  et 


2  44  VOYAGE    EN    FRANCE. 

d'avoines  comparables  à  ceux-ci.  Mais  les  do- 
maines sont  de  peu  d'étendue,  pans  de  verdure 
aux  teintes  variées  sur  lesquels  tranchent  des 
guérets  rougeâtres. 

Tout  à  l'heure  couvert,  le  temps  s'est  éclairci, 
le  paysage  s'agrandit,  on  voit  peu  à  peu  se 
dessiner  le  rideau  merveilleux  des  Pyrénées 
bleuâtres,  festonnées  de  neige. 

A  l'entrée  du  village  un  bruit  gai  de  battoirs 
et  d'eau  jaillissante.  Une  fontaine  tombe  dans 
un  bassin  abrité  par  un  toit  de  charpente.  A  côté 
sont  les  communs  du  château,  drapés  de  lierre, 
encadrant  une  grille  qui  permet  d'apercevoir  des 
pelouses,  de  grands  arbres,  des  corbeilles  de 
roses.  Gela  semble  un  rêve,  après  les  mono- 
tones étendues  des  vignes  de  Fronton.  Le  châ- 
teau couvre  une  haute  terrasse  de  brique  om- 
bragée de  tilleuls  et  domine  le  village  aux  toits 
de  tuiles  projetés  en  auvents.  Bien  des  maisons 
abandonnées,  ruines  navrantes  car  la  brique 
crue  s'est  délitée  sous  la  pluie.  Pompignan,  jadis 
animé  par  le  roulage,  a  bien  perdu  avec  le  canal 
et  le  chemin  de  fer  qui  passent  à  ses  pieds  sans 
lui  laisser  voyageur  ou  trafic. 

Près  de  l'église  la  mairie-école  est  précédée 
d'une  allée  fleurie  de  roses  ;  un  vieux  pigeon- 
nier, qui  fut  peut-être  le  colombier  féodal  du 


LA.    RIVIÈRE    MONTALBANAISE.  245 

marquis  de  Pompigiian,  complète  le  site  tran- 
quille. 

Au  long  du  canal  bordé  d'ormes  et  de  frênes, 
coulant  à  la  marge  de  la  plaine  couverte  de  maïs 
et  de  sorgho,  le  chemin  de  halage  conduit  à  Gri- 
solles. Le  sorgho  est  en  champs  réguliers  ou  en 
lignes  encadrant  le  maïs.  Celui-ci  montre  déjà 
ses  panicules  et  ses  épis  ;  le  sorgho,  plus  haut 
et  mince,  n'a  encore  qu'une  tige  garnie  d'un 
feuillage  rubané  et  flottant. 


XVI 

LES    CHAPEAUX    DE    PAILLE    DU    OUERCY 


Au  bord  de  l'Aveyron.  —  Les  pèches  de  l'Honor  de  Gos  —  Une 
ville  gauloise  disparue.  —  Real  ville  et  le  vallon  de  la  Lère.  — 
La  fabrication  des  chapeaux  de  paille,  son  origine,  ses  dévelop- 
pements. —  Les  usines  de  Gaussade.  —  Quelques  mots  sur  la 
production  des  tresses.  —  La  ville  de  Gaussade.  —  Sur  le  causse. 
—  Septfonds. 

Septfonds.  Juillet. 

Ce  n'est  pas  seulement  la  Garonne  et  le  Tarn 
qui  parcourent  l'immense  plaine  montalbanaise, 
r.Vveyron  la  borne  vers  le  nord  et  ses  rives  ne 
sont  pas  la  partie  la  moins  riche  et  la  moins  fertile 
du  superbe  terroir.  L'abri  du  massif  quercinois 
crée  une  zone  privilégiée  par  la  douceur  du  cli- 
mat; le  sol,  meilleur,  se  prête  mieux  aux  cultures 
maraîchères;  là  s'alimente  le  commerce  de  pri- 
meurs de  Montauban,  en  voie  de  progression 
constante.  La  course  à  travers  cette  partie  de  la 
plaine,  par  la  route  de  Cahors,  offre  plus  de 
gaîté,  grâce  aux  arbres  et  aux  belles  maisons 
rurales  ayant  toutes  le  classique  pigeonnier. 

Sous   l'écran  des   collines,  véritable  espalier 


LES    CHAPEAUX    DE    PAILLE    DU    QUERCY.       2  47 

au  soleil  du  midi,  les  pentes  de  rAveyron  sont 
plus  belles  encore.  On  y  récolte  la  superbe  pêche 
à  noyau  non  adhérent,  appelée  l'Honor  de  Cos 
et  plus  connue  dans  le  commerce  comme  pêche 
de  Montauban.  Le  fruit  est  gros,  dur,  à  chair 
jaune.  Son  nom  singulier  d'Honor  de  Cos  est 
celui  d'une  commune  couvrant  le  sommet  des 
collines  et  les  pentes  de  riants  vallons  où  sont 
disséminées  les  habitations  rurales,  car  il  n'y  a 
pas  de  village,  malgré  la  population  de  plus  de 
I  200  âmes.  Quant  à  Cos,  c'est  un  hameau  occu- 
pant une  abrupte  terrasse  des  bords  de  TAvey- 
ron,  il  a  succédé  à  la  cité  gauloise  de  Cosa, 
longtemps  florissante  par  le  commerce  et  dé- 
truite sans  doute  par  les  barbares.  Une  autre 
commune,  Picquecos,  en  garde  également  le  sou- 
venir. Cos  n'est  pas  même  une  commune,  il 
dépend  de  Lamothe-Capdeville. 

Si  les  hauteurs  et  leurs  vallons  bien  exposés 
au  soleil  sont  le  domaine  des  arbres  fruitiers,  les 
bords  de  la  rivière  offrent  d'admirables  cultures 
de  blé,  de  maïs,  de  luzerne,  de  pommes  de  terre. 
Vers  Albias  les  deux  rives  sont  d'une  extrême 
opulence.  Elle  a  frappé  des  Anglais,  fabricants  de 
conserves  en  quête  de  matières  premières  pour 
leurs  chers  pickles  ;  ils  ont  proposé  aux  habitants 
de  Cayrac  de  se  livrer  à  la  culture  des  cornichons. 


248  VOYAGE  EN  FRANCE. 

jusqu'alors  confinée  autour  de  Toulouse.  Les 
Gayracois  ont  accepté,  les  essais  se  font  avec 
assez  de  succès  jusqu'à  présent,  peut-être  va-t-il 
se  créer  là  une  de  ces  spécialités  de  cultures  de 
plus  en  plus  nombreuses  dans  notre  pays. 

Le  choix  de  Gayrac  s'explique  :  la  fertilité  du 
sol  est  extrême,  les  collines  abritent  des  vents 
du  nord,  la  Lère  et  TAveyron  arrosent  ce  terroir. 
Il  est  peu  de  coins  plus  favorisés  en  France  que 
les  bords  inférieurs  de  la  belle  rivière  venue  des 
causses  et  où  les  poissons  se  jouent  en  foule. 

A  l'entrée  de  la  petite  vallée  de  la  Lère,  la 
bastide  de  Réalville  s'étend  au  pied  d'un  coteau 
planté  d'arbres  fruitiers.  Au-dessous,  la  rivié- 
rette  coule  entre  les  prés  et  les  cultures.  Le 
site  était  admirablement  choisi  pour  une  ville, 
mais  le  centre  d'attractions  reste  à  Gaussade  et 
s'y  maintient  d'autant  plus  que  celle-ci  est  deve- 
nue une  cité  industrielle  très  vivante,  dont  le 
nombre  d'habitants,  après  avoir  fléchi,  s'est  re- 
levé à  mesure  que  la  population  ouvrière  était 
davantage  attirée.  Gas  bien  rare  dans  ce  pays 
purement  agricole  où  chaque  dénombrement 
constate  une  navrante  décroissance  ^ 


I.  De  3747  habitants  le  nombre  s'est  élevé   en  moins  de   dix 
ans  à  4  5o8,  dont  8017  de  population  agglomérée. 


LES    CHAPEAUX    DE    PAILLE    DU    QUERCY.        249 

Cette  activité  est  due  à  la  confection  des  cha- 
peaux de  paille,  née  dans  une  petite  ville  du 
voisinage,  Septfonds,  où  elle  se  maintient  encore, 
très  vivante.  On  a  pu  en  retrouver  l'origine. 
D'après  un  article  d'un  journal  de  Montauban', 
elle  remonterait  à  1798;  les  premiers  essais 
seraient  dus  à  une  bergère  nommée  Pétronille 
Cantecor,  qui  imagina  de  tresser  de  la  paille  de 
seigle  ou  des  brins  de  jonc,  puis  de  coudre  les 
tresses  pour  en  faire  des  chapeaux.  Elle  réussit, 
créa  un  petit  commerce  et  fut  bientôt  obligée 
de  former  des  élèves.  De  Septfonds,  on  alla  ven- 
dre à  Gaussadcj  puis  à  Montauban  et  jusqu'à 
Toulouse.  Les  rustiques  coiffures  confectionnées 
dans  les  veillées  de  Septfonds  se  répandaient 
peu  à  peu  ;  après  les  champs  de  foire  du  Quercy, 
du  Rouergue  et  du  Languedoc,  elles  allèrent 
plus  loin  encore.  Les  fabricants  de  chapeaux  de 
Lyon  et  du  Dauphiné  eurent  vent  de  cette  con- 
currence, mais,  bien  avisés,  ils  profitèrent  de 
cette  main-d'œuvre  à  bon  marché  pour  s'appro- 
visionner à  Septfonds  des  tresses  nécessaires  à 
leur  industrie. 

Déjà  la  petite  ville  isolée  sur  le  premier  gra- 


I.  Résumé  par  M.  Gébelin  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de 
géographie  de  Bordeaux. 


2 Do  VOYAGE  EN  FRANCE. 

din  des  causses  commençait  à  livrer  des  pro- 
duits moins  rudimentaires.  Pélronille  Cantecor 
dirigeait  toujours  sa  maison,  devenue  impor- 
tante à  partir  de  i83o;  à  côté,  d'autres  étaient 
nées.  On  ne  se  borna  pas  à  produire  la  tresse  : 
puisque  le  Dauphiné  faisait  des  chapeaux  de 
meilleur  goût,  plus  élégant,  on  irait  chercher 
des  ouvriers  là-bas.  Ainsi  fut  fait.  En  pleine  crise 
politique,  en  1849,  on  voyait  enfin  Septfonds 
entrer  en  lice  pour  les  articles  de  choix. 

Quelques  années  encore  furent  nécessaires 
pour  passer  du  petit  atelier  à  l'usine,  il  fallut 
l'époque  de  prospérité  dont  les  deux  termes 
furent  la  guerre  de  Grimée  et  la  guerre  du 
Mexique  pour  faire  pénétrer  l'usage  du  chapeau 
de  paille,  objet  de  faible  durée,  parmi  les  gens 
habitués  de  tous  temps  au  chapeau  de  feutre, 
presque  inusable.  Le  règne  des  machines  com- 
mençait, machines  à  coudre  les  tresses,  machines 
pour  la  mise  en  forme,  etc.  L'ouvrière  la  plus  ac- 
tive pouvait  à  peine  faire  dix  chapeaux  par  jour, 
la  machine  à  coudre  permit  d'en  faire  quatre  à 
ciiu{  fois  plus.  La  machine  elle-même  se  perfec- 
tionne sans  cesse^  d'abord  mue  par  le  pied  de 
l'ouvrière,  elle  a  reçu  le  concours  de  la  vapeur;  à 
son  tour  l'électricité  pénètre  dans  la  fabrication. 

Il  vint  un  moment  où,  malgré  ses  accroisse- 


LES  CHAPEAUX  DE  PAILLE  DU  QUERCY.   25 1 

ments  successifs',  Septfonds  ne  put  suffire  aux 
demandes.  Alors  l'industrie  se  porta  à  Caussade. 
Elle  eut  des  capitaux  et  put  faire  grand.  L'impor- 
tateur de  la  fabrication,  M.  Rey,  est  aujourd'hui  à 
la  tête  de  la  production,  il  est  maire  de  la  ville  et 
a  reçu  la  croix  de  la  Légion  d'honneur  des  mains 
de  M.  le  président  Carnot  pour  le  développement 
qu'il  a  su  donner  à  ce  groupe  de  fabriques. 

Cet  exode  n'a  pas  suffi,  pour  trouver  la  main- 
d'œuvre,  d'autres  maisons  sont  allées  s'installer 
à  Montauban,  à  Réalville,  à  Servanac,  à  Saint- 
Antonin. 

Mais  quel  changement  !  La  bonne  vieille 
tresse  de  paille  de  seigle,  faite  à  la  veillée  dans 
les  métairies  du  causse,  n'est  plus  !  Du  moins, 
on  en  fait  si  peu  que  cela  est  à  peine  à  signaler. 
Pour  leurs  matières  premières,  Caussade  et  Sept- 
fonds ont  surtout  recours  à  la  Chine  et  au  Japon, 
à  l'Italie,  la  Suisse  et  la  Belgique.  La  Chine 
fournit  la  tresse  usuelle,  celle  dont  l'emploi  est 
classique  ;  le  Japon  envoie  des  pailles  mieux 
travaillées,  destinées  au  bel  article  de  fantaisie  ; 
l'Italie  fournit  les  tresses  les  plus  fines,   la  Bel- 


I.  Septfonds  n'avait  pas  plus  de  800  habitants  quand  l'industrie 
y  naquit;  en  1861,  au  début  de  l'emploi  des  machines,  le  nombre 
s'élevait  à  1  2o3  ;  vingt  ans  après,  à  i  869  ;  au  dernier  recense- 
ment, 1901,  il  est  de  2  871. 


2  52  VOYAGE    EN    FRANCE. 

gique  produit  entre  Liège  et  Maëstricht  une 
tresse  légère  destinée  à  former  le  dessous  de 
bord  des  chapeaux.  Enfin  la  tresse  du  pays, 
dite  de  Toulouse,  produite  dans  le  Lot-et-Ga- 
ronne, le  Tarn-et-Garonne  et  le  Lot,  entre  pour 
une  faible  part  dans  la  confection  des  chapeaux, 
elle  est  très  ordinaire  et  «  moins  avantageuse  » 
que  celle  de  l'extrême  Orient. 

Il  y  a  quelques  années  encore,  nous  étions  tri- 
butaires de  l'Angleterre  pour  l'approvisionnement 
en  tresses  de  Chine  et  du  Japon  ;  celles-ci  allaient 
s'entreposer,  se  faire  teindre  et  blanchir  dans  la 
ville  de  Luton  qui  est  le  Gaussade  anglais,  d'où 
elles  revenaient  en  France  grevées  des  droits  et 
bénéfices  des  intermédiaires.  Les  commerçants 
du  groupe  lyonnais  ont  fait  des  efforts  pour  atti- 
rer directement  ces  produits.  Aujourd'hui  la 
France  reçoit  par  Marseille  une  quantité  de  tresses 
de  Chine  supérieure  à  celle  que  nous  fournit  l'An- 
gleterre. Il  est  hors  de  doute  que  nous  arriverons 
à  nous  débarrasser  du  tribut  en  créant  des  ate- 
liers de  blanchissage,  de  teinture  et  d'apprêt  ^ 

Les  deux  petites  villes  du  Ouercy  n'ont  pas 


I.  Voici,  d'après  la  statistique  de  igoi,  la  quantité  de  tresses 
de  paille  tirées  de  l'étranqer  par  la  France  :  Chine,  669  680  kilo- 
grammes ;  Angleterre,  675  885  ;  Italie,  343  662  ;  Suisse,  255  643  ; 
Japon,  g5  i33  ;  Belgique,  64  334;  Allemagne,  19962. 


LES  CHAPEAUX  DE  PAILLE  DU  QUERCY.   2  53 

encore  d'agents  en  Chine,  elles  font  leurs  achats 
par  l'intermédiaire  de  commissionnaires,  cepen- 
dant l'importance  de  leur  production  permettrait 
des  relations  directes  avec  ces  pays  lointains 
dont  elles  tirent  leurs  «  cantons  »,  du  nom  du  port 
principal  de  provenance.  La  valeur  des  affaires 
atteint,  dans  le  groupe,  de  cinq  à  six  millions  de 
francs.  On  compte  une  quarantaine  de  fabriques. 
Septfonds  seul  en  a  vingt-deux,  dont  quatre  très 
importantes.  Caussade  n'en  compte  que  quatre, 
mais  égales  à  Septfonds  tout  entier  pour  la  quan- 
tité de  produits.  On  fait  dans  les  deux  villes  de 
4  000  à  5  000  chapeaux  par  jour  ;  la  gare  de 
Caussade,  qui  sert  en  même  temps  à  Septfonds, 
envoie  i5oooo  caisses  dans  l'année  pour  toutes 
les  directions,  France,  colonies  et  étranger. 

Je  visite  Caussade  pendant  la  morte  saison. 
M.  Rey  fds,  qui  a  bien  voulu  se  faire  mon 
guide,  me  dit  que  le  travail  s'est  ralenti  depuis 
le  commencement  de  juillet  et  cessera  bientôt 
pour  reprendre  seulement  en  septembre  et  oc- 
tobre. Tous  les  commerçants  en  chapeaux  de 
paille  sont  approvisionnés  maintenant,  et  la  mode 
pour  l'an  prochain  n'est  pas  encore  dessinée.  On 
profite  de  ce  chômage  pour  préparer  les  modes 
nouvelles  et  faire  les  collections  de  voyage  qui 
ne   comprennent   pas   moins   de    200   types   en 


2  54  VOYAGE    EN    FRANCE. 

moyenne.  Avec  les  débouchés  sans  cesse  ouverts 
dans  les  pays  ensoleillés,  le  chômage  diminue 
peu  à  peu  ;  déjà  certaines  années  laissent  à  peine 
le  mois  d'août  pour  fermer  les  ateliers  et  pro- 
céder aux  réparations.  Si  je  n'assiste  pas  à  la 
grande  fièvre  du  travail,  les  ateliers  de  MM.  Rey 
ont  encore  beaucoup  d'ouvrières;  entre  leurs 
mains  se  déroulent  les  blanches  tresses  qui 
prennent  rapidement  la  forme  plus  ou  moins 
précise  d'un  chapeau.  Ce  rudiment  sorti  de  la 
machine  se  nomme  cloche. 

Gaussade  et  Septfonds  possèdent  2  000  ma- 
chines de  divers  systèmes  pour  la  couture. 

En  quittant  les  ateliers  de  couture,  les  cloches 
vont  auxatehers  de  dressage.  Jadis  le  travail  de 
mise  en  forme,  qui  donne  au  chapeau  son  aspect 
définitif  et  sa  rigidité,  se  faisait  à  la  main,  il  était 
très  pénible.  Depuis  1866,  époque  011  la  machine 
à  coudre  fit  également  son  apparition,  le  dres- 
sage est  fait  par  des  presses  hydrauliques;  les 
deux  centres  en  comptent  200.  Le  chapeau  est 
disposé  sur  un  moule  en  métal  chaufTé  au  gaz, 
sur  lequel  la  presse  vient  appuyer.  Chaque  fabri- 
que produit  elle-même  son  gaz. 

Les  machines  sont  très  ingénieuses  ;  parmi  les 
plus  récentes  il  en  est  qui  font  des  coutures  invi- 
sibles et  donnent  aux  chapeaux  ainsi  préparés 


LES    CHAPEAUX    DE    PAILLE    DU    QUERCY.       2  55 

l'aspect  des  chapeaux  tressés  de  toutes  pièces 
dans  rAmérique  centrale,  ou  des  chapeaux  rem- 
maillés fournis  par  la  Toscane. 

Tout  en  ayant  sa  forme  et  sa  rigidité,  le  cha- 
peau n'est  pas  achevé;  il  faut  mettre  la  coiffe  qui 
est  tissée  et  préparée  au  Put,  la  garniture  de 
cuir,  le  ruban,  le  galon  de  bordure  s'il  y  a  lieu. 
Tout  cela  nécessite  encore  beaucoup  de  femmes 
aux  ateliers  ou  à  domicile,  les  hommes  sont  uni- 
quement occupés  au  dressage. 

Pendant  que  je  note  ces  particularités,  mon 
aimable  guide  me  montre  une  multitude  de  cha- 
peaux dont  la  commande  est  récente  et  qu'il 
faut  envoyer  en  hâte  :  ils  sont  destinés  aux  em- 
ployés d'octroi  de  Paris,  à  qui  l'on  veut  adoucir 
les  rigueurs  de  cet  été  caniculaire.  Dans  un  autre 
atelier,  j'assiste  au  travail  délicat  du  dressage 
des  chapeaux  de  rotin.  Les  cloches  de  cet  ar- 
ticle de  luxe  arrivent  àCaussade  dans  les  caisses 
qui  ont  transporté  à  Java  des  allumettes  de 
Suède. 

A  Caussade  la  main-d'œuvre  est  payée  à  façon 
ou  à  la  journée.  Les  salaires  varient  de  2fr.  5oc. 
à  4fr-  pour  les  hommes,  de  i  fr.  5oc.  à  3  fr.  pour 
les  femmes.  Ce  sont  des  chiffres  modestes,  mais 
dans  ce  doux  pays  où  la  vie  est  facile,  ils  repré- 
sentent une  somme  bien  plus  élevée  qu'ils  ne  le 


2  56  VOYAGE    EN    FRANXE. 

feraient  dans  le  Nord.  Sauf  le  chômage  annuel 
régulier,  de  plus  en  plus  restreint,  survenant 
d'ailleurs  à  une  époque  de  l'année  où  il  y  a  moins 
de  privations,  le  travail  est  constant,  grâce  à 
l'intelligence  des  industriels  qui  ont  su  ouvrir 
des  débouchés  et  sont  parvenus  à  chasser  les 
concurrents  étrangers  du  marché  français.  De 
ces  rivaux,  les  plus  dangereux  étaient  les  An- 
glais, qui  ont  dans  leur  ville  de  Luton,  en  Bed- 
fordshire,  la  manufacture  la  plus  considérable  du 
monde  pour  la  fabrication  du  chapeau  de  paille 
el  surtout  pour  la  préparation,  le  blanchissage  et 
la  teinture  des  tresses.  Cette  ville  de  35ooo  âmes 
possède  plus  de  loo  usines  ou  grands  ateliers. 
Un  tel  centre  est  assuré  d'énormes  débouchés 
par  l'étendue  du  domaine  colonial  britannique. 
En  Suisse,  la  petite  cité  argovienne  de  Wohlen 
est  le  cœur  de  la  production,  nous  lui  achetons 
des  tresses  pour  une  somme  considérable;  la 
Toscane,  où  l'on  fait  directement  la  tresse  avec  la 
paille  du  pays,  est  moins  une  concurrente  pour 
nous  qu'une  des  sources  d'alimentation  pour  les 
produits  de  quaUté  supérieure'.  L'Allemagne,  qui 


I.  J'ai  déjà  parlé  de  la  fabrication  des  chapeaux  de  paille  dans 
diverses  séries  du  Voyage  en  France  :  'j^  (Saint-Symphorien-siu"- 
Coise),  chap.  IX;  cf  (Saint-Georges-d'Esperanche),  chap.  II; 
22^  (Nancy),  chap.  VII. 


LES    CHAPEAUX    DE    PAILLE    DU    QUERCY.       2D7 

possède  ses  principaux  établissements  à  Lin- 
denberg  en  Bavière  et  à  Dresde,  et  la  Belgique 
ne  sont  plus  considérées  par  nous  comme  des 
rivaux  dangereux. 

En  France  deux  autres  groupes  de  chapellerie 
de  paille  :  Nancy  et  la  région  lyonnaise  avec  ses 
ateliers  de  Lyon,  Saint-Symphorien-sur-Coise, 
Saint-Georges-d'Espéranche  et  Grenoble,  cons- 
tituent les  grands  points  de  fabrication,  ils  ont 
ce  qui  manque  à  la  contrée  de  Caussade  :  les 
usines  de  teinture  et  de  blanchiment. 

Cette  intéressante  industrie  a  été  favorisée 
par  notre  régime  douanier  qui,  considérant  la 
tresse  comme  une  matière  première  indispen- 
sable, ne  la  frappe  pas,  et,  par  contre,  impose 
des  droits  élevés  aux  produits  fabriqués.  Cette 
législation  favorable  a  fait  cesser  l'invasion  du 
marché  français  par  les  chapeaux  anglais  et  alle- 
mands. 

La  ville  de  Caussade  est  avenante,  grâce  aux 
boulevards  ombreux  qui  l'enveloppent,  à  son 
jardin  public,  aux  belles  constructions  de  cette 
ceinture  gagnée  sur  l'emplacement  des  fortifica- 
tions. A  l'intérieur,  c'est  une  vieille  cité  aux  rues 
sinueuses,  bordées  de  hautes  et  sévères  cons- 
tructions de  brique.  Au  cœur,  l'église  recons- 

VOYAGE  EN  FRANCE.  XXXI.  17 


2  58  VOYAGE    EN    FRANCE. 

truite  a  gardé  de  l'édifice  primitif  une  belle  tour 
octogonale  de  style  toulousain.  D'une  construc- 
tion massive  entourée  de  créneaux  s'élance  cette 
tour  à  trois  étages,  de  hautes  fenêtres  jume- 
lées se  répètent  sur  chacun  des  huit  pans.  Au- 
dessus  se  dresse  une  belle  flèche  à  crochets.  Il 
n'y  a  pas  d'autre  monument,  à  moins  de  donner 
ce  nom  à  l'ample  maison  bourgeoise  qu'habita 
M.  de  Maleville. 

Gaussade  est  un  petit  centre  agricole  assez 
vivant,  grâce  à  de  riches  campagnes  qui  élèvent 
beaucoup  de  volailles  dont  la  qualité  est  renom- 
mée. Bâtie  au  pied  du  causse,  dont  elle  a  pris 
le  nom  et  qui,  appelé  causse  de  Saint-Antonin 
ou  de  Gaylus,  est  l'extrémité  du  causse  de  Li- 
niogne,  elle  doit  à  ce  sol  calcaire  d'être  déjà  un 
producteur  de  truffes. 

La  rivière  de  Lère  forme  pour  ainsi  dire  la 
bordure  du  causse  et  le  sépare  du  pays  strié 
de  vallées  appelé  le  Ouercy-Blanc  en  laissant  à 
l'écart  sur  le  plateau  la  petite  ville  de  Septfonds 
encore  plus  exclusivement  vouée  que  Gaussade 
à  la  fabrication  du  chapeau  de  paille.  Une  route 
absolument  droite  réunit  les  deux  villes,  sépa- 
rées par  7  kilomètres;  elle  s'élève  insensiblement 
depuis  Gaussade,  située  à  iio  mètres,  jusque 


LES    CHAPEAUX    DE    PAILLE    DU    QUERGY.       269 

sur  le  causse,  à  198,  d'où  elle  descend  dans  le 
bassin  de  Septfonds. 

De  grands  platanes  font  de  cette  large  voie  une 
majestueuse  avenue.  De  chaque  côté  le  sol, 
d'une  terre  rouge,  offre  le  même  aspect  de  ri- 
chesse agricole  que  les  plaines  du  Tarn  et  de 
l'Avejron,   cependant  les  maisons  rurales  sont 


moins  vastes;  à  peine  çà  et  là  quelques  grandes 
fermes  flanquées  du  haut  pigeonnier  sur  lequel 
les  oiseaux  roucoulent. 

Les  habitations  font  partie  de  la  commune  de 
Monteils,  qui  ne  possède  aucun  village  et  dont 
le  territoire  forme  comme  le  perron,  aux  pentes 
douces,  du  causse.  Les  vues  deviennent  gran- 
dioses, on  voit  surgir  des  collines  portant  à  leur 


26o  VOYAGE    EN    FRANCE. 

sommet  d'antiques  bourgades  féodales  conser- 
vant un  I)e]li({ueux  aspect.  Montalzat,  bastide 
du  xm*  siècle,  coiffe  une  de  ces  collines,  à  3oo 
mètres  d'altitude,  et  commande  d'immenses  ho- 
rizons sur  le  bas  Ouercy,  le  Ouercy-Blanc  et 
l'.Vgenais.  Ces  bourgs  ainsi  juchés  sur  des  som- 
mets semblent  encore  en  sentinelles,  bien  que 
depuis  des  siècles  la  paix  se  soit  faite  dans  ce 
pays  que  tant  de  sang  arrosa.  Leurs  noms  ré- 
vèlent ce  caractère  dominateur  :  Montpezat, 
Montalzat,  Mirabel... 

Le  causse  devient  rocheux  à  mesure  qu'on  y 
accède,  des  blocs  ou  des  dalles  calcaires  servent 
de  limites  aux  champs.  Si  l'on  construit  encore 
un  peu  en  briques  crues,  comme  dans  la  plaine, 
la  plupart  des  maisons  sont  en  gros  moellons  et 
les  hangars  sont  soutenus  par  des  piliers  de 
pierre  brute.  Sur  la  dalle  rocheuse,  la  terre  est 
assez  épaisse,  les  bœufs  retournent  cette  glèbe 
rougeâtre.  Les  espèces  ici  se  mêlent  :  la  race 
garonnaise  montre  encore  ses  attelages  d'ani- 
maux à  la  robe  claire,  d'autres .  attelages  sont 
composés  de  bœufs  de  Salers  à  la  puissante 
ossature,  au  pelage  sombre.  Dans  les  enclos 
beaucoup  de  poulains  et  de  jeunes  mulets,  dont 
on  fait  l'élevage. 

Le  hameau  de  Dardenne  borde  la  route,  un 


LES    CHAPEAUX    DE    PAILLE    DU    QUERCY.        26 1 

pigeonnier  surmonté  d'une  flèche  d'ardoises  sem- 
blable à  celle  d'une  église  se  dresse  au  bord  de 
la  route  dont  c'est  ici  le  point  culminant.  Une 
grande  cuvette  se  creuse,  sorte  d'affaissement  du 
causse;  au  fond  apparaît  Septfonds,  derrière 
laquelle  le  terrain  se  relève  en  une  pente  ver- 
doyante rayée  par  le  ruban  blanc  des  routes. 

Le  causse  s'étend  à  l'est,  plateau  ondulé  jus- 
qu'aux petits  monts  qui  bordent  l'Aveyron  vers 
Saint-Antonin  ;  du  côté  opposé  Puylaroque, 
Montalzat  et  Montpezat  semblent  avoir  grandi. 

Voici  Septfonds,  grand  damier  de  rues  régu- 
lières étalées  dans  le  verdoyant  bassin.  C'est  une 
bastide,  œuvre  de  ce  grand  bâtisseur  de  villes 
qui  avait  nom  Alphonse  de  Poitiers.  Le  plan  gé- 
néral est  celui  d'un  triangle  dont  un  des  côtés 
limite  la  ville.  Le  fondateur  avait  choisi  le  site 
occupé  par  une  abbaye  dont  l'église  est  devenue 
celle  de  la  cité  nouvelle. 

Septfonds  conserve  sa  régularité  et  ses  rues 
tracées  au  cordeau.  Les  vieilles  habitations  de 
poutrelles  et  de  torchis  se  profilant  en  ressaut, 
ont  presque  toutes  disparu.  Le  bien-être  amené 
par  l'industrie  a  fait  construire  des  demeures  de 
pierre,  ,  plus  confortables,  mais  aux  façades 
plates  et  monotones.  Des  fils  électriques  vont 
partout,    apportant  la  lumière   et  la  force.  Le 


262  VOYAGE    EN    FRANCE. 

courant,  produit  par  une  chute  de  la  Lère,  est 
conduit  jusqu'à  Caussade. 

Sur  les  portes  quelques  vieilles  femmes  font 
encore  la  paillole,  tresse  de  paille  fine  et  flexible 
du  causse  ;  c'est  avec  la  production  de  Puy- 
laroque,  de  Lalbenque  et  de  Cayliis  le  vestige 
d'un  travail  jadis  général  dans  la  contrée. 

De  grandes  bâtisses  abritent  les  ateliers,  les 
fenêtres  ouvertes  laissent  apercevoir  les  ou- 
vrières, femmes  et  jeunes  filles,  qui  cousent  la 
tresse,  placent  les  rubans  et  les  coiffes  aux  cha- 
peaux. Quelques-uns  de  ces  établissements  sont 
vastes,  mais  la  plupart,  de  modestes  dimen- 
sions, donnent  peu  l'aspect  industriel.  Les  cons- 
tructions nouvelles  répondent  mieux  aux  besoins 
d'hygiène,  les  ouvertures  sont  de  grandes  baies 
par  lesquelles  pénètrent  à  flots  l'air  et  la  lumière. 
Jusque  dans  la  campagne,  au  long  des  chemins 
et  des  routes,  entre  les  prés  et  les  vignes,  on 
rencontre  ces  ateliers  et  l'on  aperçoit  les  ouvriers 
travaillant  au  dressage  des  chapeaux. 


XVII 


LES    GORGES    DE    l'aVEYRON 


La  gare  de  Lexos.  —  Au  long  de  l'Aveyron.  —  Les  rochers  du 
causse .  —  Saint-Antonin.  —  Le  plus  vieil  hôtel  de  ville  de 
France.  —  La  vallée  de  la  Bonnette.  —  Les  phosphates  du 
Tarn-et-Garonne.  —  Gouffre  de  la  Goule.  —  Caylus.  —  Sur  le 
causse.  —  En  descendant  l'AvejTon.  —  Penne  et  Bruniquel.  — 
Montricoux  et  Négrepelisse. 


Montauban.  Juillet. 

On  sait  combien  certaines  gares  de  la  Com- 
pagnie d'Orléans  sont  amples  et  coquettes.  Par 
un  souci  bien  rare  chez  les  ingénieurs,  ceux-ci 
ont  pensé  que  les  chemins  de  fer,  pour  être  mo- 
dernes et  utilitaires,  pouvaient  cependant  avoir 
un  caractère  architectural.  De  même  que  les 
ingénieurs  militaires  d'autrefois,  les  d'Argen- 
court  et  les  Vauban,  ne  dédaignaient  pas  d'ap- 
porter des  préoccupations  d'art  dans  leur  plan, 
de  même  quelques-uns  des  constructeurs  de  ce 
réseau  ont  su  créer  des  œuvres  charmantes.  La 
ligne  de  Vendôme  est  à  ce  point  de  vue  une 


264  VOYAGE    EN    FRANCE. 

chose  unique.  Mais  çà  et  là,  sur  le  réseau,  d'au- 
tres jolies  stations  ont  été  édifiées. 

Celle  de  Lexos  est  un  petit  bijou,  d'autant 
plus  surprenant  qu'il  se  trouve  en  pleine  soli- 
tude. Il  n'y  a  pas  de  commune  de  Lexos,  mais 
un  hameau  de  quelques  feux  dépendant  de  la 
commune  de  Varen  en  Tarn-et-Garonne  et  bâti 
au  bord  de  l'Aveyron,  dont  la  rive  gauche  est 
dans  le  département  du  Tarn.  Le  chemin  de  fer 
de  Paris  à  Toulouse  par  Gapdenac  abandonne  la 
rivière  pour  aller  dans  le  sud,  laissant  à  l'écart 
la  ville  de  Montauban.  Afin  de  relier  celle-ci  à 
Paris,  on  a  construit  un  embranchement  au  long 
de  l'Aveyron.  Longtemps  importante,  cette  ligne 
est  fort  secondaire  depuis  qu'une  voie  moins 
accidentée  et  plus  directe  conduit  de  Limoges  à 
Cahors  et  à  Montauban. 

Quand  fut  construite  cette  ligne  de  l'Aveyron, 
on  ne  prévoyait  guère  la  création  d'une  rivale 
outillée  pour  les  grands  trains,  et  Lexos  sem- 
blait destinée  à  rester  une  des  importantes  bifur- 
cations du  réseau,  c'est  pourquoi  la  gare  fut  non 
seulement  ample,  mais  monumentale  aussi  par 
la  beauté  des  proportions  et  des  lignes  et  l'heu- 
reux mélange  de  la  pierre  et  de  la  brique. 

Maintenant  l'aimable  édifice  est  endormi  ; 
voici  plusieurs  fois  que  le  hasard  de  mes  courses 


LES    GORGES    DE    l'aVEYRON.  265 

m'amène  à  Lexos  et  je  suis  toujours  seul  au 
buffet  devenu  hôtel.  Peut-être,  quand  cette  su- 
perbe région  du  Quercy,  de  la  Marche  du 
Rouergue  et  du  haut  Albigeois  sera  mieux  con- 
nue, Lexos  deviendra-t-il  centre  pour  le  tou- 
risme. Le  chemin  de  fer,  entre  Lexos  et  Montri- 
coux,  vaut  à  lui  seul  une  visite. 

Plusieurs  vallées  s'ouvrent  sur  ce  point,  tou- 
tes belles,  mais  diversement.  La  plus  longue, 
celle  du  Gérou,  apporte  à  l'Aveyron  les  eaux 
nées  autour  de  la  noire  Carmaux  et  qui  ont 
coulé  au  pied  de  l'amphithéâtrale  Cordes  '  ;  en 
amont  la  Baye,  un  peu  plus  bas  la  Seye,  descen- 
dues au  fond  de  couloirs  creusés  dans  le  causse 
de  Limogne.  Mais  le  vrai  joyau  du  pays,  une 
des  merveilles  du  Midi,  c'est  la  vallée  de  l'Avey- 
ron elle-même,  dans  cette  courte  partie  de  son 
cours  où  la  rivière  sépare  le  Quercy  de  l'Albi- 
geois. 

Combien  cette  contrée  diffère  de  la  plaine 
montalbanaise,  pourtant  si  proche  !  Les  collines, 
très  hautes,  rapprochées,  sont  en  partie  cou- 
vertes de  châtaigniers,  ces  arbres  alternent  avec 
les  cultures  et  les  prairies.  Peu  à  peu  ces  pe- 
tits monts  s'escarpent  encore,  le  rocher  appa- 


I.  35e  série  du  Voyage  en  France. 


206  VOYAGE    EN    FRANCE. 

raît  près  de  Fenavrols,  hameau  commandé  par 
les  restes  d'une  forteresse  :  tour  et  corniche  de 
mâchicoulis.  Au  bord  de  l'Aveyron,  une  cons- 
truction vitrée  porte  une  inscription  :  Fenayrols- 
les-Bains.  Il  y  a  ici  quatre  sources  d'eaux  froides, 
sulfatées  calciques  mises  récemment  en  exploi- 
tation :  Bombouzole  n°^  i  et  2,  l'Église  et  Ville- 
neuve. 

Dans  cette  gorge  où  les  beaux  matériaux 
abondent,  les  constructions  ont  de  l'élégance  et 
de  la  couleur;  près  de  Teussac  un  colombier  de 
belle  allure  se  mire  dans  la  rivière,  lente  et  pro- 
fonde, assombrie  par  les  hautes  roches  de  la  rive 
gauche.  Sur  la  rive  droite,  jusqu'à  Saint-Anto- 
nin,  il  y  a  beaucoup  de  vignes,  bien  tenues,  sur- 
tout dans  la  partie  reconstituée. 

Les  rochers  rappellent  les  murailles  des  grands 
causses  ;  par  leurs  formes  et  leur  hardiesse  ils 
ont  fait  naître  la  légende.  L'un  d'eux,  le  roc 
Dansaïre,  passait  autrefois  pour  le  rendez-vous 
des  sorcières  qui  venaient  y  danser  au  clair  de 
la  lune.  Plus  loin  ces  parois  s'escarpent  encore, 
les  plus  belles  se  nomment  les  rochers  d'An- 
glars,  leur  crête  domine  de  260  mètres  les 
bords  de  la  rivière  et  la  petite  ville  de  Saint- An- 
tonin,  assise  au  confluent  de  la  Bonnette  et  de 
TAvevron. 


LES    GORGES    DE    l'aVEYRON.  267 

Un  pont  du  xni^  siècle,  qui  a  perdu  une  grande 
partie  de  son  caractère  par  suite  de  son  élar- 
gissement, franchit  rAveyron  et  conduit  dans 
cette  ancienne  petite  ville,  si  curieuse  et  pitto- 
resque, qu'il  faudrait  préserver  avec  soin  de 
toute  transformation.  Sauf  les  moulins  à  phos- 
phate installés  sur  la  rivière,  rien  n'est  venu  en- 
core en  troubler  l'aspect  archaïque.  Saint-An- 
tonin  n'eût-elle  que  ses  maisons  gothiques  ou 
romanes,  ses  portes  sculptées,  ses  ruelles  aux 
perspectives  imprévues  qu'elle  serait  chère  aux 
Français  épris  des  vieilles  choses  de  la  patrie. 
Mais  elle  a  mieux  encore  :  la  doyenne  de  nos 
maisons  communes,  une  habitation  noble  cons- 
truite vers  iioo  et  aménagée  en  1269  pour  ser- 
vir d'hôtel  de  ville.  Depuis  lors,  elle  n'a  pas 
cessé  d'être  le  lieu  de  réunion  pour  les  élus  de 
la  cité.  Dans  le  cours  de  tant  de  siècles  elle 
avait  subi  bien  des  outrages,  mais  elle  restait 
robuste  avec  ses  arcades  où  l'arc  brisé  s'es- 
seyait,  ses  fenêtres  romanes  divisées  par  d'élé- 
gantes colonnettes  aux  chapiteaux  révélant  la 
verve  et  l'énergie  d'une  belle  époque  d'art.  Au 
premier  étage,  une  rangée  de  colonnettes  est 
disposée  en  claire-voie  séparée  en  trois  parties 
par  deux  piliers.  La  grande  salle  est  éclairée  par 
les  fenêtres  qui,  dans  chaque  travée,  occupent 


268  VOYAGE    EN    FRANCE. 

les  intervalles  entre  les  colonnettes.  Un  beffroi 
carré  flanque  le  vénérable  édifice  auquel  Viollet- 
le-Duc,  grand  restaurateur  s'il  en  fut,  a  rendu 
son  caractère  :  plus  peut-être  qu'il  eût  convenu, 
disent  certains  archéologues. 

Ce  joyau  semble  insuffisamment  respecté,  des 
affiches  souillent  les  murs  et  les  frêles  colonne? 
sont  reliées  par  des  fils  de  fer  destinés  à  supporter 
des  lampions  aux  jours  de  réjouissance  publique. 

La  partie  de  la  ville  située  aux  abords  de  la 
rivière  abonde  en  vieilles  maisons  de  briques 
enchâssées  dans  la  carcasse  de  charpente  ;  sou- 
vent les  portes  ogivales  sont  timbrées  d'écus- 
sons  disant  que  Saint-Antonin  fut  un  séjour  de 
gentilshommes.  Dans  des  ruelles  étroites,  pau- 
vrement habitées  aujourd'hui,  on  trouve  aussi 
des  vestiges  d'un  passé  plus  opulent;  de  grandes 
fenêtres  à  meneaux  ont  été  murées  par  économie 
de  vitres,  on  n'y  a  gardé  qu'un  jour  rare. 

11  manque  à  ce  tableau  une  église  d'autrefois; 
celle  qui  dresse  aujourd'hui  une  belle  flèche  est 
un  diminutif  de  cathédrale  gothique  à  trois  nefs  ; 
si  l'œuvre  est  intéressante ,  il  lui  manque  ce 
parfum  du  passé  dont  le  reste  de  la  cité  est  im- 
prégné. 

Non  seulement  Saint-Antonin  a  conservé  l'as- 
pect du  vieux  temps,  mais  elle  a  même  des  in- 


LES    GORGES    DE    l'aVEYRON.  269 

dustries  dont  le  nom  est  toute  une  évocation 
d'antiques  coutumes.  On  y  fait  des  serges,  des 
cadis  et  des  bourrats. 

Pour  préparer  ces  tissus  servant  encore  à 
habiller  les  habitants  des  causses  et  de  l'Albi- 
geois voisins,  Saint-Antonin  a  ses  fdatures,  ses 
marchands  de  laine  et  des  teintureries.  La  con- 
fection des  sangles  et  des  surfaix  qui  occupe 
tant  de  bras  à  Penne  s'y  est  également  implan- 
tée. Enfin,  pendant  quelque  temps,  on  put  croire 
qu'un  vent  de  fortune  soufflait  sur  le  pays  avec 
la  découverte  des  phosphates  sur  le  causse.  Ces 
roches  étaient  broyées  dans  les  usines  échelon- 
nées sur  la  Bonnette  et  l'Aveyron.  On  en  extrait 
encore,  mais  bien  des  poches  sont  épuisées. 
Même  en  1901  la  production  fut  nulle.  «  La 
seule  carrière  exploitée  l'année  précédente  a  été 
abandonnée  à  la  suite  de  travaux  de  prospection 
n'ayant  donné  aucun  résultat  »  dit  l'ingénieur 
des  mines  dans  son  rapport  au  conseil  général. 
Peut-être  les  recherches  seraient-elles  plus  ac- 
tives sans  la  concurrence  des  phosphates  d'Al- 
gérie et  de  Tunisie. 

Les  poches  qui  contenaient  la  phospliorite  se 
trouvent  au  nord-ouest  de  Saint-Antonin,  sur  la 
partie  du  causse  étendue  entre  Septfonds  et 
Caylus.  Bien  que  les  exploitations  soient  mortes 


270  VOYAGE    EN    FRANCE. 

OU  plutôt  endormies  j'ai  voulu  mettre  le  pied 
sur  le  causse,  déjà  parcouru  jusqu'à  Septfonds. 
On  peut  l'atteindre  directement  en  suivant  la 
route  qui,  dès  Saint-Antonin,  s'élève  sur  les 
hautes  parois  de  cette  sorte  de  canon  au  fond 
duquel  se  tord  l'Aveyron,  mais  j'ai  préféré 
remonter  jusqu'à  Gaylus  par  la  vallée  de  la  Bon- 
nette. 

La  route  forme  autour  de  Saint-Antonin  un 
large  boulevard  planté  d'ormes  puissants  et 
touffus  et  se  prolonge  sous  les  platanes  au  long 
de  la  riviérette  aux  eaux  vives,  à  chaque  instant 
retenues  par  des  barrages  destinés  à  faire  mou- 
voir les  moulins  à  phosphate  qui  s'échelonnent 
jusqu'à  Gaylus.  Il  y  en  a  six  sur  ce  parcours 
de  12  kilomètres,  trois  autres  fonctionnaient  à 
Saint-Antonin  même  et  l'on  en  comptait  trois 
sur  l'Aveyron,  un  en  amont,  deux  en  aval.  En 
ce  moment  ces  usines  n'ont  plus  à  broyer  les 
phosphates  rougeâtres  dont  la  poussière  a  ma- 
culé les  murs. 

Les  retenues  de  la  Bonnette  animent  le  pay- 
sage par  leurs  petites  cascades.  La  vallée  est 
profonde,  bien  encadrée  ;  parfois  les  pentes  se 
dressent  en  fauves  falaises.  La  vigne  couvre  de 
nouveau  les  coteaux  ;  tout  cela  est  très  méri- 
dional d'aspect.  Dans  une  sorte  de  cirque,  le 


LES    GORGES    DE    L  AVEYRON.  27 1 

vieux  petit  château  de  Monge,  très  défiguré, 
conserve  deux  tourelles  carrées. 

Par  un  vallon  tortueux  et  encaissé,  une  autre 
rivière  atteiut  la  Bonnette  et  vient  faire  mouvoir 
les  roues  d'une  scierie  et  d'une  tannerie  qui 
forment  le  hameau  du  Martinet.  Ce  petit  cours 
d'eau  sort  d'une  abondante  source  appelée  la 
Goule,  issue  d'un  des  mystérieux  abîmes  qui 
criblent  le  causse.  L'eau  est  d'une  admirable 
transparence  ;  à  certaines  époques,  le  gouffre 
dégurgite  des  flots  troubles,  sans  doute  après 
quelque  violent  orage  autour  de  Septfonds. 

En  amont,  la  vallée  devient  fort  belle.  Sur 
la  rive  gauche,  elle  se  plisse  en  d'admirables 
combes  séparées  par  des  collines  bien  décou- 
pées projetées  en  promontoires;  au  sommet  et 
sur  les  pentes  sont  des  maisons  blanches  et  le 
vieux  château  de  Malterre  aménagé  pour  l'exis- 
tence moderne;  au  fond  se  suivent  les  moulins 
à  phosphate,  sous  leur  couche  de  poussière 
ocreuse.  Tout  cela  large,  riant,  lumineux,  en- 
touré d'une  intense  verdure.  Des  hameaux  se  ju- 
chent très  haut,  ainsi  celui  de  Joanny  qui  couvre 
un  rocher  à  875  mètres  d'altitude,  dominé  lui- 
même  par  le  signal  de  Saint-Rome  qui  en  a  Sgi. 

Sur  l'arête  du  causse  il  y  a  beaucoup  de  mai- 
sons, cette  vallée  est  couTcrte  de  constructions. 


272  VOYAGE    EN    FRANCE. 

dont  beaucoup  fort  anciennes.  Ainsi,  sur  la  rive 
gauche,  le  vieux  caslel  de  Gos,  fort  rébarbatif 
avec  ses  murailles  et  ses  tours  noirâtres  avoi- 
sinant  une  chapelle. 

Soudain  apparaît  Caylus,  dominé  par  un  pan 
fauve  de  donjon  ruiné,  dressé  sur  un  rocher 
isolé,  et  un  château  neuf  ou  trop  restauré.  La 
ville  occupe  le  fond  d'un  cirque  encadré  par  les 
parois  du  causse  ;  les  toits  bruns  s'éparpillent 
en  amphithéâtre.  Au  milieu  s'élance  la  flèche  de 
l'église. 

La  bourgade  est  exiguë  et  simple.  La  vie  est 
toute  sur  la  route  de  Septfonds  qui  décrit  une 
grande  boucle  pour  s'élever  sur  le  causse,  là 
sont  les  auberges  et  nombre  de  boutiques.  L'in- 
térieur est  plus  curieux,  l'église  possède  un  joli 
chœur  et  de  hautes  verrières  ;  en  face  est  une 
maison  gothique  ornée  de  médaillons  sculptés. 
Sur  la  place,  dont  un  des  côtés  a  une  galerie 
d'arcades  ogivales,  de  vieilles  halles  en  lourdes 
et  massives  charpentes  reposent  sur  des  piliers 
de  pierre.  Près  de  là,  une  maison  gothique  con- 
serve une  jolie  porte. 

Une  boutique  annonce  par  une  pancarte  de 
la  bijouterie  de  Livron.  J'entre  pour  faire  quel- 
que acquisition  d'objets  que  je  suppose  avoir  un 
cachet  local.  On  m'offre  des  médailles,  des  croix, 


LES    GORGES    DE    l'aVEYRON.  278 

des  chapelets,  souvenirs  d'un  pèlerinage  àNotre- 
])ame-de-Livron,  chapelle  construite  en  i3o2  et, 
depuis  lors,  lieu  de  réunion  des  fidèles.  Le  petit 
édifice  a  été  construit  près  d'une  des  abon- 
dantes sources  issues  d'un  abîme  au  pied  du 
causse,  non  loin  du  vieux  village  de  la  Capelle- 
Livron,  intéressant  par  ses  ruines  féodales  et 
son  église  romane.  Toute  cette  vallée  supé- 
rieure de  la  Bonnette  abonde  en  sites  singuliers  ; 
un  habitant  de  Gaylus  m'en  parle  avec  enthou- 
siasme ;  il  voudrait  me  conduire  à  Saint-Projet 
où  la  petite  rivière,  un  moment  perdue  dans  les 
profondeurs  du  causse,  au  sein  d'un  cirque  su- 
perbe, reparaît  par  une  abondante  source  jail- 
lissant du  rocher.  Près  de  là  est  une  grotte  pro- 
fonde où  l'on  pénètre  en  barque. 

Mais  il  faudrait  des  mois  pour  voir  toutes  ces 
merveilles  naturelles  dont  le  causse  de  Limogne 
est  couvert  ;  innombrables  sont  les  abîmes,  les 
avens,  les  igues  où  se  perdent  les  eaux.  Je  pré- 
fère gravir  les  pentes  du  causse  par  la  route  de 
Gaussade  tracée  en  corniche  au  flanc  du  vaste 
cirque  qui  encadre  Caylus  :  rochers  percés  de 
grottes,  empanachés  de  figuiers  noueux,  tapissés 
de  buis,  parfumés  par  le  chèvrefeuille  dérou- 
lant ses  lianes  fleuries. 

En   montant  on  a  sans  cesse  la  petite  ville 


VOYAGE  EN  FRANCE.  XXXI. 


274  VOYAGE    EN    FRANCE. 

SOUS  les  yeux,  on  devine  comment  elle  s'est  for- 
mée autour  de  cette  roche  isolée  qui  porta  la 
forteresse  des  comtes  de  Gaylus  et  que  l'on  dé- 
figure aujourd'hui  en  l'entaillant  à  la  mine.  Le 
fond  du  cirque,  d'un  dessin  géométrique,  doit 
beaucoup  de  gaîté  aux  vignes  peuplées  de  pa- 
villons de  forme  souvent  pittoresque.  Les  ter- 
rasses cultivées  et  les  assises  rocheuses  font 
comme  une  succession  de  gradins. 

Voici  le  causse.  La  vue  est  bornée,  car  des 
bois  masquent  Septfonds.  Il  y  a  de  belles  cultures 
entre  ces  taillis,  riches  en  truffes.  Le  causse  de 
Limogne,  ici  du  moins,  ne  répond  pas  à  la  des- 
cription classique.  Il  y  a  une  couche  profonde 
d'un  sol  fertile  où  les  céréales  viennent  bien. 
Ils  ne  sont  pas  rares,  assure-t-on,  les  paysans 
dont  la  propriété  rapporte  soixante  sacs  de  blé. 
Beaucoup  d'avoine,  quelques  vignes,  des  prés 
naturels  ou  artificiels.  «  On  voit  des  gens,  me 
dit  un  brave  homme  avec  qui  je  redescends  à 
Gaylus,  qui  font  100,  200  quintaux  de  foin, 
même  5oo.  »  Cela  n'empêche  pas  l'habitant  du 
causse  de  parler  avec  un  peu  d'envie  des  ré- 
coltes en  vin  des  bourgeois  de  Saint-Antonin. 
Ceux-ci  ont  beaucoup  replanté,  le  succès  est 
venu  :  en  1901  on  a  obtenu  autour  de  la  ville 
3 000  barriques  de  220  litres. 


LES  GORGES  DE  L  AVEYRON.         27O 

«  Si  seulement  on  retrouvait  des  phospha- 
tes !  »  Mais  la  «  prospection  »,  comme  l'on  dit 
maintenant,  est  peu  fructueuse,  les  poches  si- 
tuées à  Albertas,  près  d'Audubert,  ont  bien  été 
vidées. 

Retour  à  Saint-Antonin,  arrêt  avant  d'entrer 
en  ville  pour  contempler  un  cirque  de  roches  en 
avant  duquel  se  dresse  une  immense  pyramide 
rougeâtre.  Il  y  a  bien  des  choses  à  voir  encore 
ici  :  la  grotte  du  Capucin,  les  ruines  du  château 
de  la  Valette  où  naquit  le  grand-maître  de  Malte 
qui  fonda  la  ville  de  la  Valette,  et  de  grands 
rochers,  et  des  igues  et  des  dolmens...  ! 

Plus  intéressante  est  la  vallée  que  je  des- 
cends en  chemin  de  fer  jusqu'à  Penne.  La  ligne, 
tantôt  longeant  l'Aveyron,  tantôt  coupant  les 
boucles  par  des  tunnels,  longe  ou  troue  les 
immenses  rochers  de  ce  couloir  du  causse.  Ceux 
de  la  rive  droite  sont  fantastiques,  tant  ils  sont 
dentelés  et  colorés.  Parfois  le  défdé  est  si  étroit, 
que  la  rivière  a  trois  ou  quatre  mètres  à  peine 
de  largeur  :  ici  elle  se  précipite  entre  des  ro- 
ches, là  elle  sommeille,  puis  les  parois  s'écartent 
un  instant,  dessinant  le  joli  bassin  de  Gazais  : 
un  pont,  un  banc  de  sable  bordé  de  laveuses 
qui  rient  au  passage  du  train.  De  nouveau  les 


276  VOYAGE    EN    FRANCE. 

parois  se  rapprochent,  moins  farouches  toute- 
fois. L'Aveyron  s'est  foré  un  lit  dans  la  roche 
et  continue  son  œuvre  ;  pendant  les  crues  il  va 
laver  les  bords  de  sa  vallée  où  il  a  mis  à  nu  la 
pierre  lisse  et  blanche. 

Les  à-pic  recommencent,  percés  de  cavernes  ; 
le  chemin  de  fer  les  longe  en  suivant  toutes  les 
boucles  de  la  rivière.  Un  immense  rocher  sur- 
plombe le  chemin  de  fer  ;  le  voici  dépassé  et 
l'on  voit  s'entr'ouvrir  un  bassin  verdoyant  com- 
mandé par  les  étranges  ruines  du  château  de 
Penne,  murailles  rouges  dressées  sur  un  rocher 
de  même  teinte  semblable  à  une  lame  de  cou- 
teau. Au-dessous,  à  mi-hauteur,  s'allonge  le 
bourg  de  Penne.  Son  clocher  est  une  tour  à 
mâchicoulis. 

Le  site  est  plus  saisissant  d'en  bas,  vu  au  pas- 
sage. J'ai  une  déception  en  montant  à  ce  village 
de  si  grandiose  allure  ;  il  est  d'une  absolue  placi- 
dité, la  population  se  voue  à  la  fabrication  des 
sangles.  Cependant  on  est  frappé  par  la  situa- 
tion formidable  de  la  forteresse,  encore  belli- 
queuse malgré  son  état  de  ruine  ;  le  château 
était  comme  suspendu  sur  la  vallée  et  par  delà 
l'Aveyron  semblait  menacer  le  causse  aux  pa- 
rois percées  de  grottes. 

La  vallée  est  moins  grandiose,  au  lieu  des  ro- 


2' 


ches  à  pic  ce  sont,  jusqu'à  Bruniquel,  de  raides 
pentes  revêtues  de  broussailles.  Jadis  il  y  avait 
beaucoup  de  vie  ;  des  forges  et  des  fonderies 
exploitaient  le  minerai  du  pays,  longtemps  elles 
furent  actives,  on  faisait  des  rails  et  des  pièces 
de  wagon.  Les  usines  n'ont  pu  résister  à  la  con- 
currence des  établissements  placés  à  proximité 
de  la  houille  et  de  minerais  plus  riches. 

Le  village  de  Bruniquel,  qui  avait  donné  son 
nom  aux  forges,  constitue  un  des  grands  sites 
de  la  vallée.  Sur  de  hautes  roches  fauves  dres- 
sées entre  l'Aveyron  et  la  Vère  débouchant 
d'une  gorge  profonde  et  verte,  apparaît  un  vieux 
château  semblable  à  quelque  palais  de  légende 
par  ses  terrasses,  ses  viaducs,  ses  galeries,  sa 
tourelle  aiguë.  Le  château  a  deux  faces,  l'une 
farouche,  l'autre  riante.  Le  village,  très  ancien 
lui  aussi,  possède  de  vieilles  maisons  intéres- 
santes et  offre  des  vues  superbes  sur  les  deux 
vallées.  Le  site  est  plus  aimable  que  Penne, 
mais  la  forteresse  n'a  pas  une  assiette  si  puis- 
sante, aussi  les  seigneurs  de  Bruniquel  qui  au- 
raient voulu  posséder  leur  voisine  avaient-ils 
pris  pour  devise  : 

RIEN    SANS    PEINE    (Pcnnc). 

Désormais  la  vallée  de  l'Aveyron  perd  de  sa 


278  VOYAGK    EN    FRANCE. 

sauvagerie,  les  pentes  s'abaissent  et  s'émoussenl, 
le  roc  disparaît  souvent  sous  de  maigres  taillis. 
Voici  Montricoux,  sentinelle  placée  à  l'issue  du 
cours  héroïque  de  la  rivière.  Le  bourg  possède 
un  de  ces  clochers  octogones  caractéristiques 
du  pays  toulousain,  un  reste  de  donjon,  une 
tour,  des  débris  de  remparts.  Jadis  il  farllait  for- 
cer ce  passage  pour  pénétrer  dans  la  vallée. 

Et  maintenant  c'est  la  plaine,  il  n'y  a  plus  sur 
le  chemin  de  Montauban  que  la  minuscule  ville 
deNégrepelisse,  reste  d'une  bastide  souvent  sac- 
cagée et  brûlée.  Ses  maisons,  très  basses,  s'ali- 
gnent autour  d'une  église  à  flèche  dentelée.  Sur 
la  plaine  les  collines  viennent  mourir  en  pentes 
douces  mêlant  leurs  vergers  à  ceux  des  terres 
basses  coupées  de  joualles  de  vignes  et  de  ran- 
gées de  figuiers  et  de  pruniers.  Les  grands 
pigeonniers  se  dressent  de  nouveau  près  des  mai- 
sons. Là-bas  on  aperçoit  les  édifices  de  Mon- 
tauban. 


XVIII 

LES    CINGLES    DU    LOT 

De  Fumel  à  Cahors.  —  Les  cinqles.  —  Ruines  d'Orgueil.  —  Du- 
ravel  et  ses  mines.  —  Puy-l'Évèque.  —  La  patrie  du  maréchal 
Bessières.  —  Castelfranc.  —  Luzech.  —  Le  tabac  dans  le  Lof. 
—  Mercuès  et  son  château.  —  Cahors.  —  La  vieille  ville.  — 
Les  monuments. 

Cahors.  Juin. 

Si  la  vallée  du  Lot,  au  lieu  de  servir  à  des 
relations  locales,  avait  la  bonne  fortune  de  relier 
de  grandes  cités  et  d'être  parcourue  par  la  foule 
des  voyageurs,  elle  serait  célèbre  entre  toutes. 
Elle  renferme  de  grands  paysages  et  possède  la 
grâce,  dans  sa  partie  inférieure,  à  travers  le 
Quercv,  comme  elle  est  superbement  farouche 
dans  Fabîme  creusé  au  sein  du  Rouergue.  Même 
pour  le  touriste  qui  répugne  aux  grandes  mar- 
ches, le  passage  au  long  de  cette  vallée  creusée 
en  pleine  table  des  causses  et  emplie  d'une  végé- 
tation luxuriante,  laisse  le  plus  éblouissant  sou- 
venir. Placez  ces  paysages  à  l'étranger,  ils  seront 
célèbres,  chez  nous  on  les  ignore. 


2  8o  VOYAGE  EN  FRANCE. 

Cette  partie  du  cours  de  la  grande  rivière 
entre  Capdenac  et  Fumel  n'est  pas  moins  riche 
que  celle  de  TAgenais  ;  étroite,  elle  offre  sans 
cesse  de  nouveaux  tableaux.  Le  Lot  a  une  direc- 
tion bien  régulière  de  l'orient  à  l'occident,  mais 
il  poursuit  son  cours  avec  lenteur  et  caprice, 
dessinant  des  boucles  d'une  harmonie  singulière, 
méandres  auxquels  les  riverains  de  la  Dordogne 
ont  donné  le  nom  de  cingles,  expression  qui  ne 
s'applique  pas  moins  bien  au  beau  cours  d'eau 
de  Gahors,  ville  emprisonnée  dans  un  de  ces 
plis.  Il  y  a  un  moulin  du  Cingle  à  Puy-l'Evêque. 

Cette  région  finit  à  Fumel  ',  où  l'embouchure 
de  la  petite  rivière  de  Thèze,  descendue  du  beau 
val  que  domine  l'antique  bastide  de  Montcabrier, 
marque  l'entrée  de  l'Agenais. 

Dans  ce  grandiose  couloir  du  Lot,  la  rivière 
va  capricieusement  de  l'une  à  l'autre  pente,t  ici 
serrée  de  près  par  la  montagne,  de  l'autre  bordée 
par  une  petite  plaine  aux  riches  cultures.  A  Fu- 
mel elle  rasait  le  pied  du  rocher  qui  porte  la 
ville  ;  aussitôt  qu'on  a  franchi  la  Thèze  on  pé- 
nètre au  sein  d'une  étroite  et  belle  plaine,  tandis 
que  la  rive  opposée,  jusqu'alors  basse,  se  hérisse 
en  raides  parois. 


I.  Sur  Fumel,  voyez  page  171, 


LES    CINGLES    DU    LOT.  28 1 

Dans  la  partie  plane,  des  champs  de  tabac, 
du  maïs,  des  vignes  qui  prolongent  leurs  nappes 
jusque  sur  les  pentes  douces  égayées  de  hameaux 
et  de  bordesj  c'est-à-dire  de  maisons  rurales  iso- 
lées. Quelques  châtaigniers  dressent  leur  tronc 
puissant,  couronné  d'une  vaste  ramnre  ;  beau- 
coup de  cultures  de  primeurs  autour  des  habi- 
tations. 

Sur  la  rive  gauche,  au-dessus  de  la  falaise, 
se  montrent  des  substrnctions  occupant  le  fond 
d'une  grande  boucle  du  Lot.  Ruines  de  la  ville 
d'Orgueil,  dit  la  carte  d'Etat-major  qui  donne  à 
cette  sorte  de  plate-forme  le  plan  régulier  d'une 
bastide  exiguë.  Les  livres  que  j'ai  feuilletés  en 
route  ne  disent  rien  sur  cette  cité  disparue  dont 
la  situation  était  superbe.  Deux  villages,  Sotu- 
rac  etTouzac,  ont  hérité  d'Orgueil.  Près  du  pont 
qui  franchit  le  Lot  est  un  hameau  dont  l'église 
romane,  moderne,  est  simple  et  charmante  avec 
son  élégant  pignon-campanile.  De  l'autre  côté 
du  Lot,  Touzac  se  groupe  autour  d'un  clocher 
lourdement  coiffé  d'un  dôme.  Les  eaux  du  Lot, 
transparentes  et  vertes,  plongent  du  sommet 
d'un  barrage  concave  ;  la  rivière  achève  de  dé- 
crire un  de  ses  cingles  les  plus  réguliers  autour 
de  la  péninsule  de  Touzac,  petite  plaine  d'une 
fertilité  extrême,  divisée  en  champs  étroits  où 


282  VOYAGE    EN    FRANCE. 

croissent  les  blés,  les  maïs  et  les  harieols,  sépa- 
rés par  des  cordons  ou  joiialles  de  vigne. 

Plus  loin  c'est  la  boucle  rythmique  dessinée 
autour  du  bourg  de  Duravel  assis  dans  une  si- 
tuation charmante,  au  creux  d'un  beau  cirque 
de  verdure.  Ce  fut  une  ville  forte,  héritière  d'une 
cité  romaine  et  dont  l'église  romane  est  une  des 
plus  anciennes  du  Quercy.  Un  château  flanqué 
de  tours  accroît  la  beauté  de  ce  paysage. 

Duravel  redevient  le  centre  d'une  importante 
exploitation  de  minerai  de  fer.  Jadis  traité  sur 
place,  en  des  hauts  fourneaux  aujourd'hui  dis- 
paruSj  ce  minerai  «  liydroxydé  oolithique  »  est 
maintenant  un  des  éléments  de  prospérité  de 
Fumel  dont  il  partage  le  développement.  Depuis 
cinq  ans  la  production  ne  cesse  de  s'accroître. 
En  1897,  l'extraction  atteignait  6600  tonnes; 
en  1901  elle  en  fournissait  21  774,  toutes  diri- 
gées sur  Fumel,  sauf  891  tonnes  expédiées  aux 
usines  du  Saut-du-Tarn,  à  Saint-Juéry.  En  outre 
on  a  eu  l'idée  d'exploiter  les  scories  des  an- 
ciennes forges,  qui  traitaient  le  minerai  d'une 
façon  si  barbare  que  l'on  peut  de  nouveau  en- 
voyer ces  résidus  aux  hauts  fourneaux  et  en  reti- 
rer du  métal  en  quantité  fort  appréciable;  Fumel 
en  a  reçu  3  799  tonnes  en  1901.  Les  minières  ne 
sont  pas  de  grandes  exploitations,  chaque  gise- 


LES    CINGLES    DU    LOT.  283 

ment  est  mis  en  valeur  par  un  bien  petit  nombre 
d'ouvriers  puisqu'il  y  a  42  de  ces  exploitations 
et  123  travailleurs  seulement.  Ces  gîtes  sont  ré- 
partis sur  toutes  les  hauteurs  de  la  rive  droite 
jusqu'aux  abords  de  Puy-l'Evêque,  dont  la  gare 
expédie  une  grande  partie  de  la  production. 

A  mesure  que  l'on  avance  dans  la  vallée,  les 
sites  deviennent  plus  grandioses,  ce  n'est  plus 
seulement  la  richesse  des  cultures  qui  attire  l'at- 
tention, mais  l'allure  des  collines,  leur  élévation, 
les  villages  bien  campés  sur  ces  hauteurs,  une 
fière  tour  carrée.  Plus  loin  apparaît  la  bour- 
gade de  Puy-l'Evêque  assise  sur  l'isthme  d'un 
grand  cingle  dont  la  longueur  est  de  six  kilo- 
mètres et  demi  alors  que  l'intervalle  à  Puy-l'Evê- 
que est  de  sept  cents  mètres  à  peine.  C'était 
une  excellente  situation  pour  une  ville  forte  ; 
aussi,  de  bonne  heure,  y  eut-il  des  défenses;  les 
évêques  de  Cahors,  grands  seigneurs  ecclésias- 
tiques, puissants  comme  des  barons ,  y  possé- 
daient un  château  auquel  ils  donnèrent  leur  nom. 
Il  en  subsiste  encore  le  donjon  carré,  appuyé  sur 
des  contreforts.  Le  tableau  est  superbe,  les  mai- 
sons grises  collées  au  flanc  du  roc,  le  donjon,  de 
hauts  pavillons,  des  tourelles  donnent  une  appa- 
rence guerrière  à  cette  cité  désormais  humble  et 
pacifique.  Il  est  peu  de  paysage  citadin  plus  sai- 


284  VOYAGE    EN    FRANCE. 

sissant  que  celui  de  la  bourgade  élarjée,  dorée 
par  le  soleil  et  frôlée  par  le  Lot  que  franchissent 
un  pont  du  chemin  de  fer  et  un  pont  suspendu. 

Ce  méandre  est  d'autant  plus  singulier  que  la 
péninsule  tient  à  peine  aux  collines,  un  ruisseau 
le  coupe  comme  un  fossé  et  fait  mouvoir  une 
usine  qui  a  pris  le  nom  du  contour  :  le  moulin 
du  Cingle. 

C'est  maintenant  la  partie  la  plus  curieuse  de 
cette  rivière  aux  sinuosités  presque  géométri- 
ques. La  route  côtoie  le  Lot  en  face  du  grand 
cingle  de  la  Gardelle  occupé  à  la  pointe  par  le 
village  de  Pescadoire,  c'est-à-dire  de  \di pêcherie; 
elle  coupe  ensuite  une  autre  boucle  en  traver- 
sant le  riche  village  de  Prayssac  qui  semble  sur- 
gir des  prairies  et  des  cultures  et  s'étale  large- 
ment autour  d'une  église  à  haute  flèche.  Sur  la 
place  de  ce  petit  bourg  se  dresse  la  statue  de  Bes- 
sières  :  le  futur  duc  d'Istries  naquit  à  Prayssac. 

L'intérieur  de  ce  cingle  est  couvert  de  mai- 
sons isolées,  construites  au  milieu  de  cultures 
ombragées  de  noyers;  il  est  étroit  et  allongé; 
son  voisin,  occupé  par  la  commune  d'Anglars, 
a  une  courbure  d'une  circonférence  presque  par- 
faite, comme  tracée  au  compas.  En  face  d'An- 
glars, au  débouché  du  vallon  du  Vert,  Castel- 
franc    offre    le    plan    des    bastides,    c'est    une 


LES    CINGLES    DU    LOT.  285 

ancienne  cité  qui  dépendit  des  évêqiies  de  Ca- 
hors.  Elle  étale  ses  ruelles  dans  le  vallon  étroit 
où  le  Vert  tombe  d'un  barrage.  Sur  l'autre  rive 
du  Lot,  Anglars  n'est  pas  moins  pittoresque, 
grâce  à  son  château  couronné  de  mâchicoulis. 
Du  côté  de  Castelfranc,  ce  sont  des  pentes 
raides,  revêtues  de  chênes,  en  face  la  plaine 
s'élève  légèrement,  tapissée  de  vignes  que  des 
plantations  nouvelles  accroissent. 

La  vallée,  tout  à  l'heure  illuminée  par  un  ar- 
dent soleil,  s'est  soudain  obscurcie,  de  lourds 
nuages  masquent  l'arête  du  causse,  des  éclairs 
les  sillonnent,  une  pluie  diluvienne  s'abat.  En 
quelques  minutes  tous  les  plis  deviennent  des 
torrents  apportant  au  Lot  des  flots  troubles,  à 
peine  ai-je  eu  le  temps  de  me  réfugier  dans  une 
maison  de  Mirandol.  Mais  l'ouragan  s'en  va 
aussi  rapidement  qu'il  est  venu.  Pendant  que  je 
poursuis  la  route  tracée  au-dessus  du  chemin  de 
fer  dominant  lui-même  le  Lot,  j'ai  le  merveilleux 
spectacle  d'un  immense  arc-en-ciel  appuyé  sur 
les  deux  rebords  de  la  vallée  et  dessiné  sur  le 
fond  des  nuées,  d'un  noir  d'encre,  qui  portent 
maintenant  l'averse  sur  Gahors. 

Sous  un  ciel  radieux,  par  un  vivifiant  soleil 
j'atteins  Luzech,  petite  ville  assise  sur  le  plus 
rétréci  des  isthmes  du  Lot.  Il  y  a  juste  place 


286  VOYAGE  EN  FRANCE. 

pour  celte  bourgade  de  sept  cents  âmes  à  peine 
dans  la  langue  de  roc,  large  de  cent  quatre-vingts 
mètres,  que  la  rivière  n'a  pu  percer;  du  point  où 
elle  atteint  la  ville  pour  revenir  sur  l'autre  face 
elle  décrit  un  ovale  allongé  de  cinq  kilomètres. 
Pour  éviter  ce  long  détour  aux  bateaux,  les  ingé- 
nieurs ont  coupé  l'obstacle  et  transformé  en  île 
l'intérieur  du  cingle;  la  dérivation  partage  Lu- 
zech  en  deux  parties. 

Luzech  fut  de  bonne  heure  une  situation  mili- 
taire; sur  la  colline  à  laquelle  se  rattache  l'isthme 
sont  des  retranchements  d'origine  gauloise,  bien 
distincts  encore,  où  quelques  archéologues  ont 
voulu  placer  la  fameuse  Uxellodunum  que  l'on 
croit  avoir  occupé  le  sommet  du  puy  d'Issolu'. 
Ce  réduit  antique  serait  l'oppidum  de  Vlmpernal. 
Plus  tard  une  ville  se  forma  sur  l'isthme  même, 
sous  la  protection  d'un  château  dont  le  donjon 
est  encore  debout  avec  des  portions  de  remparts. 

La  presqu'île  et  les  coteaux  qui  l'entourent 
sont  plantés  de  vignes  et  ombragés  de  noyers. 
Noix  et  vins  sont  désormais  les  principaux  objets 
de  commerce.  Le  plus  important  vignoble  est 
sur  la  rive  gauche,  il  entoure  Saint-Vincent-rive- 
d'Olt,  rappelant  la  forme  Oit  au  lieu  de  Lot,  en 


I.  Voyez  32^  série  du  Voyage  en  France,  chapitre  IV. 


LES    CINGLES    DU    LOT.  287 

usage  dans  la  partie  supérieure  du  bassin  et  qui 
semble  bien  être  le  nom  de  la  rivière. 

En  amont,  les  collines,  plus  abruptes,  portent 
d'un  côté  le  causse  de  Gahors  et,  vers  le  nord, 
un  autre  petit  causse  étrangement  criblé  de  dé- 
pressions. Ces  parois  sont  très  raides  à  l'endroit 
où  elles  dominent  le  cingle  de  Parnac,  sans 
végétation  sinon  de  maigres  broussailles;  les 
sentiers  qui  les  gravissent  ressemblent  par  leur 
pente  et  leur  tracé  à  ceux  des  hautes  mon- 
tagnes. L'intérieur  des  cingles  contraste  par  leur 
opulence  végétale  et  l'état  luxuriant  du  vignoble 
avec  ces  côtes  stériles.  Les  rangées  de  ceps  tran- 
chent sur  le  sol  rougeâtre.  Beaucoup  de  tabac 
aussi,  la  vallée  du  Lot  est  un  des  plus  grands 
producteurs  de  France  pour  cette  culture  ;  le 
département  vient  aussitôt  après  ses  voisins  du 
Lot-et-Garonne  et  de  la  Dordogne  pour  l'éten- 
due occupée,  mais  les  dépasse  pour  la  valeur 
des  feuilles.  Le  tabac  du  Lot  est  le  meilleur  de 
France  ;  en  1900  la  Régie  le  payait  106  fr.  54  c. 
le  quintal,  alors  que  le  prix  moyen  était  de 
99  fr.  70  c.  dans  le  Lot-et-Garonne  et  de  80  fr. 
dans  I9.  Dordogne  \ 


I.  En  1901  le  prix  moyen,  pour  le  Lot,  était  de  io6  fr.  3o  c. 
(Sur  la  culture  du  tabac,  voyez  chapitre  1^^.^ 


288 


VOYAGE    EN    FRANCE. 


La  course  a  été  longue  depuis  Fumel  ;  je  n'ai 
pas  le  courage  de  l'achever  jusqu'à  Cahors,  tant 
l'orage  a  rendu  boueux  les  chemins;  j'ai  ter- 
miné l'étape  en  chemin  de  fer  depuis  l'arrêt  de 
Parnac.  Le  paysage  s'aperçoit  bien  par  les 
portières  du  wagon.  Voici,  en  face  d'un  cin- 
gle très  brusque  et  court,  Douelle  qui  groupe 
ses  maisons  blanches  autour  de  l'église;  il 
occupe  une  terrasse  rocheuse  dont  le  bord  porte 
un  petit  château  à  haut  pavillon;  un  ruisseau 
traverse  le  village,  grossi  par  la  pluie,  il  tombe 
en  cascatelles.  Le  chemin  de  fer  franchit  le  Lot 
sur  un  beau  viaduc  de  brique  rouge ,  court 
au  sein  de  vignobles  en  vue  de  châteaux  cam- 
pés sur  des  croupes  ou  des  arêtes.  Au  loin, 
une  falaise  du  Lot  est  couronnée  par  un  autre 
château,  celui  de  Mercuès,  très  vaste,  bientôt 
masqué  à  la  vue  et  que  l'on  revoit  enfin,  fort 
beau  malgré  les  traces  trop  apparentes  d'une 
restauration.  Elle  a  grand  air,  cette  résidence  des 
anciens  évêques  de  Gahors,  redevenue  maison 
épiscopale.  Le  site  est  un  des  plus  intéressants 
de  la  vallée  ;  en  face  de  Mercuès,  dans  un  cingle, 
le  village  de  Pradines  couvre  un  rocher,  les  ruines 
d'un  château  ont  été  occupées  par  des  habita- 
tions qui  s'y  sont  comme  incrustées.  Au-dessus 
du  chemin  de  fer  de  la  vallée,  la  grande  ligne 


LES    CINGLES    DU    LOT.  289 

de  Paris  court  sur  de  hautes  arcades.  Tout  cela 
constitue  une  de  ces  «  fabriques  »  chères  aux 
peintres  d'autrefois.  Les  deux  voies  ferrées  su- 
perposées suivent  un  moment  le  Lot,  puis  leurs 
rails  s'unissent  pour  aller  trouer  l'enceinte  gallo- 


JaCé 


romaine  de  Gahors  et  pénétrer  sous  le  hall  de  la 
gare. 

Gahors  n'occupe  pas  seulement  l'isthme  d'un 
cingle  comme  les  petites  villes  de  sa  vallée,  elle 
remplit  une  de  ces  péninsules  du  Lot  et  se 
trouve  ainsi  entourée  d'eau  sur  presque  toutes 
ses  faces.  La  ligne  intérieure   des  quais,  d'une 

VOYAGE  EN  FRANCE.  —  XXXI.  19 


290  VOYAGE    EN    FRANCE. 

extrémité  à  l'autre  du  rempart  antique,  a  près 
de  cinq  kilomètres,  la  plupart  de  nos  grandes 
villes  n'ont  pas  un  tel  développement  au  long 
de  leur  rivière.  Le  site  est  comparable  à  celui  de 
Besançon,  mais  les  hauteurs  qui  l'enferment  ne 
sont  pas  des  montagnes  et  la  cité  est  infiniment 
moins  populeuse,  il  y  a  i4ooo  âmes  seulement 
dans  la  commune  de  Gahors,  aussi  l'intérieur  de 
la  presqu'île  n'est-il  pas  entièrement  rempli  par 
les  habitations,  celles-ci  se  pressent  seulement  à 
l'est  où  les  vieux  quartiers  sont  formés  de  rues 
étroites  et  sombres.  Dans  l'autre  partie,  séparée 
de  la  première  par  le  large  boulevard  Gambetta, 
les  habitations  s'espacent  sur  des  rues  neuves 
encore  imparfaitement  bâties  ;  même  elles  ne 
vont  pas  jusqu'au  Lot,  ces  bords  de  la  rivière 
restent  déserts. 

Gahors  est  une  des  plus  antiques  cités  des 
Gaules,  elle  en  fut  aussi  une  des  plus  florissantes 
et  sa  prospérité  s'est  prolongée  jusqu'au  milieu 
du  xviii*  siècle,  époque  où  son  Université  fut 
supprimée.  Déjà  elle  avait  subi  un  grave  désastre 
quand  elle  perdit  l'espèce  de  monopole  qu'elle 
exerçait  pour  le  commerce  des  vins  dont  elle  fut 
l'entrepôt  obligé  jusqu'à  l'avènement  de  Henri  IV. 
Le  bon  roi  lui  fit  payer  cher  son  attachement  à 
la  Ligue. 


LES    CINGLES    DU    LOT.  29 1 

Le  phylloxéra,  en  ruinant  son  riche  et  célèbre 
vignoble  de  «  vins  noirs  »,  l'a  empêchée  de  re- 
prendre l'importance  que  semblerait  aujourd'hui 
lui  assurer  sa  situation  à  un  important  croise- 
ment de  voies  ferrées.  Cependant  elle  n'a  guère 
l'aspect  d'une  ville  déchue  ;  comme  pour  la  plu- 
part des  villes  du  Midi  où  la  population  vit  vo- 
lontiers au  dehors  il  suffît  d'un  large  cours  bien 
ombragé  pour  que  toute  la  vie  se  porte  là  et 
donne  l'illusion  d'une  grande  cité..  A  Cahors 
cette  voie  maîtresse  parcourt  entièrement  la 
ville,  passe  au  front  des  promenades  et  des 
principaux  édifices.  C'est  le  boulevard  Gam- 
betta,  sur  lequel  se  dresse  le  monument  du 
grand  tribun,  fils  de  Cahors.  Pour  lui  faire  place 
on  a  relégué  dans  les  cours  de  la  préfecture  les 
effigies  de  deux  autres  quercinois  illustres,  qui 
méritaient  mieux  pourtant  :  Murât  et  Bessières. 

Le  contraste  est  grand  de  ce  boulevard  large, 
ombreux,  vivant  et  de  la  vieille  ville  qu'il  borde. 
Là  sont  des  ruelles  sans  lumière,  souvent  voû- 
tées. La  rue  de  l'Université  qui  conserve  le  sou- 
venir d'una  institution  glorieuse,  florissante  pen- 
dant plus  de  quatre  siècles,  est  une  suite  de 
porches  obscurs,  la  rue  des  Boulevards  est  une 
ruelle  sordide  !  Si  l'on  ne  répugne  pas  à  s'aven- 
turer dans  ces  corridors  puants,  on  est  surpris 


292  VOYAGE    EN    FRANCE. 

de  découvrir  des  hôtels  d'une  architecture  par- 
fois exquise^  des  fenêtres  ouvragées  comme  des 
châsses.  Voici  une  porte  en  bois  sculpté,  don- 
nant accès  dans  une  cour  au  fond  de  laquelle  se 
dresse  une  tour  éclairée  par  quatre  étages  de 
fenêtres  à  meneaux. 

La  plus  large  de  ces  artères  du  vieux  Cahors, 
bien  étroite  encore,  la  rue  Nationale,  possède 
elle  aussi  d'anciens  logis  percés  de  belles  fenê- 
tres. Les  voies  qui  y  aboutissent  ont  si  peu  de 
largeur  que  l'on  peut  atteindre  les  murs  de  cha- 
que côté  en  étendant  les  bras.  Ces  venelles  sont 
moins  tristes  vers  le  Lot,  autour  de  la  char- 
mante et  vénérable  église  Saint-Urcisse  qu'avoi- 
sinent  de  très  vieilles  bâtisses  de  brique  et  de 
torchis. 

Au  cœur  de  l'antique  cité  est  la  cathédrale, 
plus  semblable  à  une  forteresse  qu'à  une  église, 
mais  dont  certaines  parties,  la  porte  du  Nord 
surtout,  sont  de  pures  merveilles.  L'intérieur 
produit  un  effet  étrange  par  la  largeur  et  la  nu- 
dité de  sa  nef  blanchie  à  la  chaux  et  recouverte 
de  vastes  coupoles.  Le  chœur  est  aussi  orné  et 
peint  que  la  nef  est  nue. 

En  montant  au  point  culminant  de  la  ville,  on 
trouve  encore  de  nombreux  édifices  publics  ou 
particuliers  révélant  un  passé  de  splendeur.  Sur 


LES    CINGLES    DU    LOT.  agS 

la  place  des  Petites-Boucheries  est  une  inté- 
ressante maison  de  1642;  une  immonde  impasse 
conduit  à  l'hôtel  Pelegri  dont  la  tour  est  un 
joyau  de  la  Renaissance  —  navrant  d'abandon. 

De  ce  côté,  le  quai  du  Lot  s'étend  au  pied  d'un 
rocher  couronné  par  la  tour  sévère  dite  le  Palais 
du  Roi,  édifice  défiguré  pour  servir  de  prison. 
Un  vieux  pont  franchit  la  rivière,  on  l'appelle  le 
pont  Neuf  depuis  sa  construction  au  xiv'  siècle  ! 
Par  son  tablier  étroit,  sa  forme  en  dos  d'âne  et 
ses  arches  ogivales,  il  complète  ce  décor  du 
moyen  âge,  accru  par  l'aspect  gothique  des  mai- 
sons. 

Au  sommet  du  coteau,  où  le  boulevard  abou- 
tit d'un  côté  à  la  place  Thiers,  de  l'autre  à  la 
place  Lafayette,  reste  debout  le  palais  féodal 
construit  par  le  pape  Jean  XXII,  né  à  Cahors; 
seule  la  tour  carrée  encore  couronnée  de  cré- 
neaux a  gardé  quelque  caractère. 

La  place  Lafayette  est  au  point  culminant  de 
la  ville.  Un  monument  élevé  aux  enfants  du  Lot 
morts  pour  la  patrie  en  occupe  le  centre  ;  il  fut 
inauguré  par  un  discours  de  Gambetta  qui  fit 
passer  un  frémissement  dans  la  foule  accourue. 
J'étais  des  auditeurs;  aujourd'hui,  sur  cette  es- 
planade solitaire  où  l'on  n'entend  d'autre  bruit 
que  le  son  du  clairon  s'élevant  de  la  caserne  voi- 


2  94  VOYAGE    EN    FRANGE. 

sine,  je  retrouve  en  moi  l'impression  profonde 
laissée  par  la  parole  ardente  de  l'homme  en  qui 
la  patrie  un  moment  s'incarna. 

Quel  contraste  entre  ces  souvenirs  et  le  calme 
paysage  contemplé  de  cette  terrasse  dominant 
le  Lot,  vert  et  indolent  î  La  rivière  coule  au  pied 
de  collines  raides,  aux  formes  nettes,  cassure  du 
causse;  l'ourlet  des  prairies  l'encadre,  semé  de 
maisons  blanches.  Un  château  féodal  domine  un 
hameau.  Ces  coteaux  sont  blancs  et  âpres  depuis 
que  le  phylloxéra  a  détruit  la  vigne  qui  les  recou- 
vrait. Sur  ce  sol,  qui  est  à  peine  une  pellicule 
de  calcaire  décomposé,  sous  laquelle  on  trouve 
aussitôt  la  roche  vive,  on  n'a  pu  replanter  encore. 
Le  vignoble  de  Cahors  renaît  seulement  dans  les 
terres  profondes.  Mais  il  est  loin  d'avoir  recon- 
quis tout  l'espace  perdu.  Jadis  il  couvrait  24  000 
hectares  sur  les  deux  rives  du  Lot,  de  Duravel 
à  Gajarc.  Qu'en  reste-t-il  aujourd'hui?  Au  temps 
(le  la  grande  prospérité,  la  production  principale 
était  celle  des  vins  noirs  destinés  surtout  au  cou- 
page des  vins  par  le  commerce  de  Bordeaux. 
Ces  vins  jouissaient  d'une  grande  réputation,  ils 
sont  de  ceux  dont  Henri  IV  parlait  volontiers. 

Non  loin  de  la  place  Lafayette,  les  faubourgs 
s'annoncent   par  un  charmant  pavillon,  ancien 


I.ES    CINGLES    DU    LOT.  29;) 

corps  de  garde,  appelé  la  Barbacane.  Plus  loin 
on  rencontre  le  rempart  qui  fermait  la  boucle 
du  Lot  et  délimitait  avec  la  rivière  le  vaste  espace 
occupé  par  la  ville.  Ces  fortifications,  œuvre  du 
XIV*  siècle,  ont  encore  grande  mine. 

Ce  n'est  pas  le  seul  édifice  militaire  du  moyen 
âge  que  conserve  la  capitale  du  Ouercy;  un  des 
ponts  du  Lot,  dit  de  Valentré,  est  un  des  plus 
curieux  édifices  de  ce  genre  que  le  moyen  âge 
nous  ait  laissés.  Avec  ses  avant-becs,  les  hautes 
portes  ouvertes  dans  les  tours  qui  enjambent  le 
tablier,  et  que  couronnent  des  guettes  à  mâchi- 
coulis, le  pont  est  une  évocation  saisissante  du 
passé.  Il  conduit  au  pied  du  causse,  près  du 
gouffre  d'où  jaillit  la  fontaine  abondante  de  Di- 
vonne  dont  le  nom  fut  longtemps  porté  par  la 
cité  des  Cadurques.  La  source  a  perdu  sa  beauté, 
une  usine  la  masque,  elle  emploie  les  eaux  à 
faire  mouvoir  ses  roues. 

Cette  manufacture  est  un  des  très  rares  éta- 
blissements industriels  de  Cahors,  la  cité  vit 
surtout  par  son  rang  de  chef-lieu  de  départe- 
ment et  son  rôle  de  marché  pour  la  vallée  du 
Lot  et  le  causse.  Elle  fait  l'expédition  des  fruits 
et  des  primeurs,  fabrique  des  pâtés  de  foie  gras, 
centralise  une  partie  de  la  production  en  noix  et 
en  truffes  de  sa  région.  Tout  cela  ne  détermine 


296  VOYAGE  EN  FRANCE. 

pas  un  grand  mouvement  d'affaires.  La  succur- 
sale de  la  Banque  de  France  est  au  122*  rang 
sur  126;  des  chefs-lieux  bien  moins  peuplés: 
Foix,  Vesoul,  Digne  et  Privas,  viennent  avant 
Gahors  ^ 

La  seule  usine  considérable  est  la  manufac- 
ture nationale  où  sont  transformés  les  meilleurs 
tabacs  de  France. 


[.  Montant  des  opérations  en  1902  :  4  578  900  fr. 


XIX 


LE    GAUSSE    DE    LIMOGNE 


En  Quercy-Blanc.  —  Montpezat,  INIolières,  Gastelnau-Montratier  et 
Monteux.  —  Sur  le  causse  de  Limogne.  —  Les  phosphates  et 
les  truffes.  —  Lalbenque.  —  Bach.  —  Limogne.  —  Les  marchés 
de  Concots.  —  Aspects  du  causse.  —  Descente  à  Cahors. 


Gahors.  Juillet. 

Quand  on  a  traversé  le  causse,  de  Saint-An- 
tonin  ou  de  Caylus  à  Caussade,  le  pays  entre 
cette  ville  et  Montcuq  frappe  par  sa  variété  d'as- 
pect et  de  production.  Autant  le  causse  était  plat 
et  monotone,  autant  cette  zone  du  Ouercy-Blanc 
est  accidentée.  Là  naissent  une  foule  de  ruis- 
seaux qui  se  creusent  de  longues  vallées  paral- 
lèles entre  de  belles  collines,  striées  elles-mêmes 
d'innombrables  ravins  et  de  courts  vallons. 
Si  l'abondance  des  sources  répondait  à  la  multi- 
tude des  ruisseaux  tracés  sur  les  cartes,  il  n'y 
aurait  pas  en  France  de  pays  plus  frais  et  mer- 
veilleusement arrosé.  Malheureusement,  tous 
ces  suintements  réunis  au  fond  d'une  vallée  par- 


298  VOYAGE    EN    FRANCE. 

fois  très  longue  ne  font  guère  qu'un  ruisseau  in- 
digent et  languissant. 

Mais  le  sol  est  fertile  ;  malgré  la  rareté  des 
eaux  courantes,  il  se  couvre  d'une  végétation 
vigoureuse.  Entre  Caussade  et  Montpezat  on 
traverse  beaucoup  de  prairies  encadrées  d'ar- 
bres ;  les  pentes  sont  couvertes  de  vignes,  de 
fèves,  de  champs  d'ails.  Le  prunier  d'ente  repa- 
raît et  forme  de  beaux  vergers.  Par  l'ouver- 
ture des  vallons  ou  du  sommet  des  côtes,  sem- 
blent surgir  les  féodales  bourgades  :  ici  près  de 
la  route  la  fière  Montalzat  ;  là-bas  Puylaroque 
plus  hardi  encore.  Un  des  massifs  les  plus  ca- 
ractéristiques porte  la  vieille  bastide  de  Mont- 
pezat trônant  au-dessus  de  vallons  dont  le  plus 
important  voit  former  le  ruisseau  de  Lembous. 
Les  pentes  sont  couvertes  de  champs  de  fèves  et 
de  vignes,  leur  vin  est  réputé  dans  le  Quercy. 

Si  Montpezat  est  de  bien  médiocre  étendue, 
ses  débris  de  défenses  et  une  belle  église  du 
XIV*  siècle  renfermant  beaucoup  de  richesses 
artistiques  la  rendent  attrayante.  H  y  a  notam- 
ment de  curieuses  tapisseries. 

La  route  se  tient  presque  sans  cesse  sur  les 
crêtes  entre  le  Lemboul  et  le  Lemboulas,  jalon- 
nés par  les  églises  de  la  Salvetat  et  d'Espanel, 
pour  aller  traverser  le  bourg  de  Molières,  autre 


LE    CAUSSE    DE    LIMOGNE.  299 

bastide,  moins  hardiment  campée,  mais  com- 
mandant encore  de  beaux  horizons.  Ces  longues 
et  étroites  vallées  que  Ton  domine  sont  terres 
de  cultures  et  de  vergers  ;  vers  leur  naissance 
l'aspect  caussenard  du  pays  s'affirme  peu  à  peu. 
Les  bois  de  chênes  où  l'on  récolte  la  truffe  sont 
de  plus  en  plus  nombreux.  Causse  fertile,  celui- 
ci,  ne  rappelant  guère  les  rocailleuses  surfaces 
du  Sauveterre  et  du  Méjean  \ 

Les  chênaies  sont  entourées  de  cultures  de  cé- 
réales et  les  habitations  sont  nombreuses,  grises 
et  tristes  sous  le  grand  soleil,  malgré  les  véran- 
das et  les  perrons  décelant  quelque  souci  de 
confort. 

Le  chemin  de  fer  s'élève  sur  le  causse  par  de 
grandes  courbes,  la  route  monte  plus  droit, 
touchant  à  la  têle  d'une  partie  des  vallons  qui 
viennent  se  creuser  dans  ce  vaste  plateau.  Peu 
de  villages,  les  chefs-lieux  de  communes  sont 
des  hameaux  d'une  dizaine  de  feux  à  peine  ; 
pour  trouver  des  agglomérations  de  quelques 
centaines  d'âmes  il  faut  aller  loin  dans  ces  vallées. 
Là,  au-dessus  de  la  Lutte ,  Castelnau-de-Mon- 
tratier  est  encore  pimpante  dans  les  débris  de 
son  corselet  de  pierre  qui  couvrait  une  pointe  de 


I.  34^  série  du  Voyage  en  France. 


3 00  VOYAGE  EN  FRANCE. 

colline  escarpée,  au-dessus  de  la  petite  Bargue- 
lonne,  aux  pentes  couvertes  de  pruniers  d'ente. 
Montcuq  n'est  pas  moins  belliqueuse  d'aspect; 
cette  ancienne  cité  batailleuse  a  conservé  le  don- 
jon de  son  château. 

Ces  petites  forteresses  contre  lesquelles  vin- 
rent se  buter  les  armées  jusqu'à  la  dernière 
grande  lutte  intérieure,  quand  Richelieu  et 
Louis  XIII  cherchèrent  à  écraser  le  protestan- 
tisme guerrier,  ne  sont  point  du  causse.  Celui-ci 
ne  possède  aucun  centre  méritant  le  nom  de 
ville.  La  plus  grande  agglomération,  Lalbenque, 
est  un  bourg  très  étalé,  entre  les  bois  de  chênes 
mis  en  exploitation  réglée  pour  la  récolte  des 
truffes.  Ces  chênaies  l'emportent  en  étendue  sur 
le  sol  arable  :  bien  traitées,  elles  assurent  un 
revenu  supérieur  à  celui  des  céréales. 

Ces  bois  ne  donnent  pas  beaucoup  de  beauté 
au  paysage.  Ils  encadrent  les  champs  pierreux 
entourant  les  grises  métairies  ou  bordes.  Des 
affaissements  où  s'infiltrent  les  eaux  de  pluie, 
des  cloups  où  se  perdent  de  courts  ruisseaux, 
des  mares  que  l'on  a  baptisées  lacs,  telle  est  la 
campagne  entre  Lalbenque  et  Bach. 

Bach,  au  sein  d'une  vaste  clairière,  plateau 
percé  de  cloups,  fut  le  grand  marché  de  truffes 
du  Lot  avant  que  la  plantation  de  chênes  truf- 


LE    CAUSSE    DE    LIMOGNE.  3oi 

fiers  autour  de  Martel  eût  donné  la  prépondé- 
rance à  cette  ville.  Aujourd'hui  encore,  on  ré- 
colte en  quantité  ce  succulent  cryptogame  dans 
toutes  les  communes  des  cantons  de  Limogne 
et  de  Lalbenque. 

Le  pays  avait  une  autre  source  de  fortune  : 
les  phosphates,  signalés  sur  tant  de  points  et  en 
telle  abondance  apparente  que  l'on  put  croire 
les  dépôts  inépuisables  ^  Ce  précieux  minéral 
remplit  des  poches  à  la  surface  même  du  causse 
où  leur  recherche  a  développé  chez  les  carriers 
un  flair  tout  particulier.  Les  gisements  sont  le 
plus  souvent  décelés  par  un  affaissement  du  sol, 
mais  parfois  on  les  devine  à  des  indices  dont  la 
constatation  rappelle  la  fameuse  perspicacité 
des  Apaches.  La  terre  remuée  par  les  taupes, 
la  fouille  des  chiens  et  des  truies  à  la  découverte 
des  truffes  révèlent  la  richesse  cachée  sous  le 
gazon. 

La  découverte  des  phosphates  du  Quercy  re- 
monte à  i865,  elle  est  due  à  M.  Poumarède, 
mais  l'exploitation  ne  s'est  développée  que  de 


I.  Le  phosphate  de  chaux  a  été  reconnu  dans  le  Lot  à  Arcam- 
bal  (traces),  Bach,  Beaiu-egard,  Bouziès,  Cabrerets  (traces).  Con- 
çois, Crégols,  Escanips,  Esclauzels,  Gréalous,  Larnagol,  Limogne, 
Lugagnac,  Marcilhac-sur-Célé,  Puyjourdes,  Saillac,  Saint-Cirq-la- 
Popie  (traces),  Saint-Jean-de-Laur,  Saint-Martin-Labouval,  Va- 
raire  et  Vaylats. 


302  VOYAGE    EN    FRANCE. 

nos  jours.  Cette  matière  se  présentait  sous  forme 
de  concrétions.  «  Souvent,  dit  M.  Risler,  le  phos- 
phate a  une  structure  rubanée  qui  rappelle  la 
calcédoine,  quelquefois  la  marne  est  composée 
de  boules  arrondies  ou  de  morceaux  cylindri- 
ques qui  se  séparent  facilement  en  couches  con- 
centriques. Sa  cassure  fraîche  a  Téclat  de  la 
porcelaine  ou  de  Tivoire.  La  couleur  est  blanche, 
jaune-rougeàtre  ou  brune,  quelquefois  bleuâtre 
ou  noire.  » 

Parfois,  au  milieu  des  matières  associées  au 
phosphate,  on  trouvait  des  ossements  de  mam- 
mifères, si  nombreux  que  l'on  a  doiné  à  ces 
couches  le  nom  de  nougat  d'os.  Mais  cela  est  un 
souvenir,  tous  les  gîtes  connus  sont  épuisés,  sauf 
c:ux  de  Larnagol  et  de  Cajarc. 

La  route  de  Montauban  à  Figeac  parcourt 
cette  curieuse  et  morose  région  où  l'homme 
parut  de  bonne  heure,  à  en  juger  par  le  nombre 
considérable  de  dolmens  et  de  tombelles  qui 
parsèment  le  causse.  Elle  traverse  les  maisons 
très  éparpillées  de  Varaire  et,  s'élevant  sans 
cesse,  atteint  le  bourg  de  Limogne,  qui  a  donné 
son  nom  au  plateau.  Cet  important  carrefour  de 
routes  aurait  fait  naître  un  centre  plus  vivant  si 
le  causse  n'avait    été    aussi   peu   peuplé.  Mais 


LE    CAUSSE    DE    LIMOGNE.  3o3 

l'espace  est  mesuré  aux  cultures,  parmi  toutes 
ces  chênaies  et  ces  cloups  sans  nombre  qui  per- 
forent le  causse.  La  récolte  des  truffes,  si  elle 
répand  le  bien-être,  nécessite  de  grands  terrains 
et  ne  demande  pas  de  très  nombreux  travail- 
leurs. Pendant  l'hiver,  depuis  la  dernière  se- 
maine de  novembre  jusqu'en  mars,  il  y  a  beau- 
coup d'activité  pour  ce  commerce  spécial,  les 
foires  et  les  marchés  voient  accourir  les  négo- 
ciants en  truffes. 

Il  y  a  d'ailleurs  une  tendance  marquée  au 
progrès,  l'élevage  du  mouton,  jadis  empirique, 
a  beaucoup  été  modifié.  Suivant  l'exemple  des 
éleveurs  du  causse  de  Gramat%  les  propriétaires 
et  les  fermiers  procèdent  à  une  sélection  atten- 
tive de  leurs  troupeaux.  Des  reproducteurs  tirés 
de  la  contrée  de  Gramat  ont  amené  un  sang 
nouveau,  les  bêtes  se  prêtent  mieux  à  l'engrais- 
sement, donnent  une  laine  plus  abondante  et 
iine.  Une  grande  part  de  ce  changement  est  due 
au  comice  agricole  de  Concots  qui,  sous  le  nom 
de  Comice  des  bas  plateaux  du  Quercy,  encou- 
rage l'élevage  par  de  nombreux  prix  annuels  ^ 
«  L'émulation  est  féconde,  dit  un  rapport  au  con- 
seil général.  Grâce  à  des  encouragements,  il  y  a 


I    32^  série  du  Voyaffe  en  France,  chapitre  V. 


So/j.  VOYAGE  EN  FRANCE. 

des  progrès  sensibles.  L'élan  est  donné,  il  suffit 
de  l'entretenir  et  de  le  généraliser.  » 

Goncots,  où  se  tiennent  ces  fêtes  agricoles,  est 
un  bourg  sur  la  route  de  Gahors,  dans  une 
clairière  au  milieu  de  grandes  truffières,  à  une 
croisée  de  chemins;  au  centre,  une  vieille  tour  a 
été  transformée  en  beffroi.  C'est  un  lieu  de  ren- 
dez-vous pour  les  habitants  des  hameaux  et  des 
métairies  épars  entre  les  bois.  Ses  marchés  sont 
peut-être  plus  considérables  encore  que  ceux 
de  Limogne,  les  truffes  y  abondent  ;  les  fabri- 
cants de  conserves  s'y  alimentent  en  gibier  et  en 
volailles.  Les  bergeries  y  envoient  ces  exquis 
fromages  de  brebis  dont  le  causse  est  fier.  Enfin 
ses  gisements  de  phosphate  alimentent  la  gare 
de  Saint-Martin-Labouval,  par  laquelle  se  fait  la 
plus  grande  part  du  trafic  du  causse  de  Limogne. 

Celui-ci  est  particulièrement  sévère  entre 
Concots  et  Lalbenque,  où  les  villages  gris  sont 
entourés  de  bois  et  de  champs  sans  fraîcheur, 
car  l'eau  vive  manque  sur  cette  table  de  pierre 
et  les  imperceptibles  mares  baptisées  lacs  n'ont 
même  pas  l'étendue  des  pauvres  «  lavognes  » 
des  causses  de  Sauv.eterre  et  du  Larzac  ^ 


I.  Sur  le  causse  de  Sauveterre,  voyez  la  34*^  série  du  Voyage 
en  France;  sur  le  Larzac  la  35^  série. 


LE    CAUSSE    DE    LIMOGNE.  3o5 

Pourtant  cela  est  riche  et  riant,  comparé  aux 
solitudes  des  autres  causses  !  Les  centres  d'ha- 
bitation, si  clairsemés,  ont  eu  quelque  impor- 
tance ;  ainsi  Escamps,  encore  dominé  par  la  tour 
d'un  château  féodal. 

On  ne  se  borne  pas  à  récolter  les  truffes  dans 
les  chênaies  naturelles,  partout  on  plante  de 
nouveaux  bois^,  très  vigoureux,  bien  alignés, 
contrastant  avec  les  arbres  élagués  semblables 
à  des  mâts  contre  lesquels  on  aurait  planté  du 
feuillage.  En  dehors  de  ces  reboisements,  le 
causse  est  d'une  belle  aridité;  il  est  certaines 
pentes  où,  sauf  une  nappe  de  graminée  rougeâ- 
tre,  rien  ne  croît  ;  quand  on  la  voit  horizonta- 
ement,  cette  plante  légère  donne  l'illusion  d'une 
mousse  rose  et  moirée.  Les  talus  des  chemins, 
ceux  plus  accentués  du  chemin  de  fer,  montrent 
le  sous-sol  de  roche  blanche  à  peine  recouvert 
d'une  pellicule  de  terre.  Mais  les  creux  sont 
mieux  partagés,  il  y  a  une  couche  assez  épaisse 
pour  permettre  des  plantations.  Le  revenu  assuré 
du  chêne  devrait  être  un  aiguillon  pour  les  pro- 
priétaires. Etant  donnés  les  bénéfices  amenés 
par  la   truffe,   les  parties  restées   découvertes 


I.  J'ai  longuement  parlé  de  la  trufficulture  dans  la  So^  série  du 
Voyage  en  France,  chapitre  XVIII,  je  me  borne  donc  à  signaler 
ici  les  particularités  propres  aux  causses  du  Lot. 

VOYAGE  E>-  FRANCE.  XXXI.  20 


3o6  VOYAGE    EN    FRANCE. 

sur  le  causse  semblent  le  produit  d'une  aber- 
ration. 

A  Gieurac  se  creuse  un  vallon  sec  très  pro- 
fond, descendant  au  Lot  vers  Arcambal;  près  du 
hameau  de  Cayran,  aux  maisons  de  pierre  grise, 
un  autre  ravin  descend  à  Cahors.  De  là,  par 
l'ouverture  du  val  d'Arcambal,  on  découvre  la 
grande  vallée  profonde  et  le  plateau  qui  con- 
tinue le  causse  de  Gramat. 

La  route  et  la  voie  ferrée  vont  droit  à  Cahors, 
grand  rendez-vous  de  la  contrée.  Au  pli  où  elles 
descendent  aboutissent  de  nombreux  ravins 
sans  eau,  prenant  très  souvent  naissance  dans 
un  cirque  régulier.  La  roche  semble  plus  stérile 
que  jamais;  pourtant,  grâce  au  voisinage  de  la 
ville,  on  a  tiré  parti  de  tous  les  coins  où  il  y  a 
un  peu  de  terre  ;  la  vigne  qui  avait  disparu  se 
montre  de  nouveau  ;  mais  il  y  a  bien  de  ces  an- 
ciens vignobles  envahis  par  la  nappe  odorante 
de  la  lavande  et  que  Ton  reconnaît  seulement 
par  les  murs  écroulés  des  clôtures  et  des  ter- 
rasses. Les  fonds  de  ravins  ont  parfois  la  pau- 
vre verdure  des  chênes  étêtés. 

Ce  paysage  est  surtout  caractéristique  à  l'en- 
droit où  aboutissent  les  chemins  de  l'Hospitalet 
et  de  Labastide-Marnhac.  L'aridité  y  est  extrême 
et  le  nom  de  Sept-Ponts  donné  à  une  halte  de 


LE    CAUSSE    DE    LIMOGNE.  SO'] 

la  voie  ferrée  semblerait  une  ironie  si  Ton  ne 
voyait  les  ravines  nombreuses  franchies  par  la 
route.  De  hautes  croupes  calcaires  réverbèrent 
implacablement  les  rayons  du  soleil  ;  à  peine 
quelques  chênes  rabougris  se  dressant  au-dessus 
des  touffes  de  lavande.  Le  fond  du  val  montre 
comme  lit  de  torrent  une  dalle  blanche,  polie 
par  les  eaux  d'averses.  Cette  partie  du  plateau 
de  Limogne  porte  dans  le  langage  du  pays  le 
nom  de  causse  de  Gahors. 

A  mesure  que  l'on  approche  de  la  ville,  la 
végétation  se  montre  ;  le  fond  du  vallon  a  été 
enrichi  par  les  terres  qu'amenèrent  les  pluies 
d'orages,  un  beau  plan  de  culture  s'étend  de 
chaque  côté  du  thalweg.  Des  pans  de  vigne 
jeune  et  vigoureuse  font  présager  une  prochaine 
reconquête  par  les  cépages  de  Cahors.  Ces  plan- 
tations sont  égayées  par  les  petites  maisonnettes 
semblables  aux  mazets  de  Nîmes,  où  les  bour- 
geois cadurciens  viennent  passer  leur  dimanche. 

Soudain  la  ville  apparaît,  très  pittoresque  par 
la  masse  de  ses  toits  rouges  d'où  surgit  sa  lourde 
cathédrale  au  dôme  d'ardoise  ;  les  tours,  les 
ruines,  puis  le  pont  de  Valentré  d'un  si  saisis- 
sant effet,  constituent  un  superbe  décor. 


XX 


LE  LOT  ENTRE  ROUERGUE  ET  OUERCY 

Le  Lot  de  Cahors  à  Capdenac.  —  Arcambal.  —  Le  vallon  du  Vers 
et  l'oppidum  de  MOTsens.  —  La  font  Polémie.  — •  Saint-Géry.  — 
Saint-Cirq-Lapopie.  —  Les  phosphates  de  Larnagol.  —  Cajarc. 

—  Gouffres  de  l'Oule  et  de  Lantouy.  —  Rouergue  et  Ouercy. 

—  En  vue  de  Capdenac. 

Capdenac.  Juillet. 

Les  chemins  de  fer  sont  une  belle  chose,  infi- 
niment précieuse,  mais  ils  ont  tué  ce  qui  eut 
été  un  des  charmes  du  pays  de  France  :  la  navi- 
(jation  à  vapeur  sur  les  grandes  rivières.  On 
n'éprouve  nulle  part  autant  de  regret  que  dans 
ces  longues  et  belles  vallées  du  bassin  girondin  : 
Dordogne,  Lot,  Tarn,  où  la  visite  du  pays  sur 
une  embarcation  un  peu  rapide  serait  la  plus 
merveilleuse  des  excursions.  Mais  il  faut  être 
millionnaire,  c'est-à-dire  avoir  un  yacht  à  soi,  pour 
se  donner  ce  plaisir,  à  moins  de  faire  comme 
ces  deux  Anglais,  mes  voisins  de  chambre  au 
buffet  de  Capdenac,  qui  remontent  le  Lot  sur  un 
bateau  de  toile  démontable,  et  se  proposent  de 


LE  LOT  ENTRE  ROUERGUE  ET  OUERCY.    SOQ 

visiter  ainsi  tous  ceux  de  nos  cours  d'eau  capa- 
bles de  recevoir  leur  frêle  esquif. 

De  telles  joies  me  sont  interdites.  Tout  au  plus 
puis-je  flâner  un  peu,  quittant  parfois  le  train 
pour  faire  à  pied  une  partie  du  chemin,  et  mon- 
ter de  nouveau  en  wagon  quand  la  fatigue  se 
fait  éprouver.  Quant  à  faire  le  trajet  sur  un  des 
chalands  qui  naviguent  sur  le  Lot,  ce  serait 
folie.  Ils  sont  peu  nombreux  et  mettent  bien  des 
jours  à  se  haler  de  bief  en  bief  ! 

La  belle  rivière  est  plus  abandonnée  encore, 
depuis  que  les  rails  sont  continus  des  abords  du 
bassin  houiller  de  Decazeville  à  l'embouchure 
du  Lot  dans  la  Garonne,  sur  262  des  297  kilo- 
mètres classés  comme  navigables.  Pourtant  le 
mouvement  n'a  pas  complètement  cessé,  même 
on  constate  avec  quelque  surprise  une  augmen- 
tation de  tonnage.  En  1900  il  avait  circulé 
I  638  bateaux  sur  l'ensemble  de  la  rivière,  avec 
un  chargement  de  4^  5o6  tonnes;  en  1901  il  n'y 
en  eut  que  i  5o5,  mais  portant  54  679  tonnes. 
Cet  accroissement  de  i3  p.  100  est  dû  au  trans- 
port des  houilles  dans  le  cours  supérieur,  entre 
Bouquiès  et  Larroque-Bouilhac,  et  à  celui  des 
bois.  Ces  marchandises,  les  minerais  de  fer  et 
les  denrées  agricoles  sont  les  principaux  élé- 
ments de  trafic. 


3 10  VOYAGE    EN    FRANCE. 

Mais  entre  Cahors  et  Capdenac,  pendant 
quinze  lieues,  je  n'ai  pas  rencontré  un  bateau  et 
n'en  ai  pas  vu  un  seul  amarré  aux  quais  de 
Cahors. 

Le  Lot,  cependant,  semblait  réservé  à  plus 
d'avenir,  c'est  une  des  rivières  dont  la  direction 
et  l'abondance  relative  faisaient  une  des  artères 
vitales  du  réseau.  Aussi  des  plans  extraordi- 
naires furent-ils  élaborés  pour  réunir  le  Lot  à  la 
Dordogne.  On  devait  remonter  l'Alzou,  «  établir 
le  point  de  partage  à  l'hôpital  Beaulieu  près  de 
Rocamadour,  traverser  le  Celé  sur  un  pont  de 
100  mètres  de  hauteur  et  de  i  ooo  mètres  de 
longueur,  et  ensuite,  par  une  galerie  souterraine 
d'environ  5o  ooo  mètres  (sic),  atteindre  le  Lot  à 
Capdenac  ».  11  faut  sans  doute  lire  5  ooo  mètres 
pour  ce  tunnel  ;  même  réduit  à  ces  proportions, 
le  projet  ainsi  décrit  par  Abel  Hugo  n'en  est  pas 
moins  extravagant.  Où  aurait-on  pris  l'eau  pour 
alimenter  le  canal  sur  ce  causse  de  Gramat  cri- 
blé comme  une  gigantesque  écumoire  par  les 
cloups,  gouffres  sans  nombre  ! 

Si  je  signale  cette  conception  étrange  c'est 
pour  montrer  combien  on  connaissait  peu  cette 
région  il  y  a  soixante  ans.  Le  nom  même  de 
causse  n'est  pas  encore  signalé,  on  se  bornait  à 
dire  «  de  vastes  plateaux  calcaires  » . 


LE  LOT  ENTRE  ROUERGUE  ET  QUERCY.   3ll 

Après  avoir  franchi  le  Lot,  la  ligne  de  Cap- 
denac  commence  à  suivre  la  rivière  dont  elle 
épousera  fidèlement  les  contours.  Voici  le  pitto- 
resque tableau  de  Gahors  étage  au  bord  de  la 
rivière,  avec  ses  ponts  et  ses  ruines,  ensuite  le 
curieux  paysage  de  couloirs  entre  les  causses, 
où  la  végétation  est  d'autant  plus  opulente  que 
les  tables  supérieures  sont  plus  arides  ;  au  pied 
d'une  de  ces  falaises  est  le  château  de  Larroque, 
encore  féodal  d'aspect,  et  le  village  assis  à  l'en- 
trée d'un  vallon,  en  face  de  roches  couronnées 
par  des  ruines  et  une  chapelle.  Plus  loin,  dans 
un  bassin  dont  la  fraîcheur  fait  mieux  ressortir 
la  teinte  grise  des  roches,  La  Madeleine  égrène 
ses  maisons  couvertes  de  toits  d'un  rouge  très 
sombre.  A  l'écart  de  ce  village  de  teinte  fanée, 
un  hameau  tout  blanc  entoure  l'église,  toute 
blanche. 

Le  Lot,  grâce  aux  barrages  accolés  d'écluses 
dont  les  portes  s'ouvrent  rarement,  montre  un 
flot  très  ample.  Les  eaux  d'un  vert  profond  que 
les  pluies  transformeront  en  coulée  d'ocre,  étin- 
cellent  entre  des  cultures  luxuriantes  où  le  blé 
et  le  tabac  tiennent  la  plus  grande  place. 

A  l'issue  du  vallon  sec  descendu  de  Cieurac, 
au  débouché  de  la  route  de  Limogne,  le  village 
d'Arcambal  possède  un  château,  curieux  assem- 


3 12  VOYAGE    EN    FRANCE. 

blage  de  grandes  bâtisses  et  de  tours,  portées 
sur  une  terrasse  tapissée  de  lierre.  Au-dessus, 
le  causse  offre  quelques-uns  de  ces  igues  ou 
abîmes,  au  fond  desquels  on  a  trouvé  des  grottes 
et  de  petits  lacs.  Sur  l'autre  rive  du  Lot,  à  Sa- 
vanac,  une  grande  construction  grise  conservant 
des  traces  d'ogive  fut  une  église. 

La  vallée  se  resserre,  souvent  les  parois  de 
rochers  viennent  plonger  dans  l'eau  verte  ;  ces 
roches  se  dressent  de  plus  en  plus  hautes,  leurs 
escarpements  sont  superbes  de  forme  et  de  cou- 
leur. Les  chênes  verts  les  enveloppent  parfois 
de  leur  ramure  arrondie.  Au  Cazoul,  ces  falaises 
hautes  et  blanches  constituent  un  décor  tou- 
jours changeant,  qui  devient  grandiose  près  de 
Biars,  dont  la  jolie  chapelle  romane  a  été  trop 
restaurée.  Un  rocher  qui  oblige  le  Lot  à  dé- 
crire un  cingle  est  surmonté  d'une  immense 
croix. 

Dans  un  vallon  profond,  sous  des  roches  trans- 
formées jadis  en  habitation  par  des  murs  mon- 
tant jusqu'au  toit  de  l'encorbellement,  est  le  vil- 
lage de  Vers;  calciné  par  le  soleil,  ses  toits  roux 
enveloppés  de  végétation^  il  se  blottit  autour  de 
son  église  de  briques  et  de  pierre  blanche  coif- 
fée d'une  flèche  d'ardoise. 

Le  roc  offre  des  traces  du  travail  humain,  des 


LE  LOT  ENTRE  ROUERGUE  ET  OUERCY.   3l3 

tranchées  le  sillonnent,  là  passaient  les  eaux  de 
la  font  Polémie  que  les  Romains  amenèrent  à 
Gahors  pour  alimenter  la  cité.  Cette  puissante 
source  se  déverse  aujourd'hui  en  entier  dans  la 
petite  rivière  du  Vers  qui  se  creuse  un  sillon  ré- 
gulier et  profond  au  sein  du  causse  de  Gramat. 
Les  falaises  sont  très  belles  dans  cette  gorge 
et  furent  de  bonne  heure  mises  à  profit  comme 
fortification  naturelle,  la  route  qui  remonte  la 
petite  rivière  offre  sans  cesse  de  beaux  tableaux 
dont  le  plus  célèbre  est  formé  par  la  citadelle 
naturelle  de  Mursens  (ou  Murcens)  que  les  Gau- 
lois renforcèrent  à  l'aide  d'une  muraille  de  plus 
de  six  kilomètres  de  développement.  Les  traces 
de  cette  enceinte  sont  très  apparentes  encore, 
aux  yeux  des  archéologues  du  moins,  car  le  sim- 
ple touriste  ne  les  devine  guère.  Malgré  toutes 
les  recherches  on  n'a  pu  identifier  cet  oppidum  ; 
en  désespoir  de  cause,  quelques  savants  ont 
voulu  y  voir  Uxellodunum.  Le  plateau  est  sup- 
porté par  de  vertigineux  à~pic  dont  l'un  montre 
à  mi-hauteur  une  cavité  appelée  le  roc  de  Gorp 
ou  d'Aucor.  Les  légendes  les  plus  singulières 
circulaient  sur  cette  fente  inaccessible  dans  la- 
quelle on  voit  cependant  une  traverse  de  bois 
qui  servit  d'appui  à  un  toit.  Les  habitants  y  si- 
gnalaient  une   statue    de   guerrier  gardant  un 


3l4  VOYAGE    EN    FRANCE. 

antre  où  était  un  veau  d'or.  M.  Martel  y  est  par- 
venu à  l'aide  d'échelles  de  corde  et  a  reconnu 
que  cet  ancien  abri  n'avait  rien  de  terrible  ou 
de  mystérieux;  il  se  termine  par  une  sorte  de 
cheminée  qui  pourrait  bien  aboutir  à  quelque 
igue  aujourd'hui  fermée  du  plateau  de  Mursens. 
En  amont  de  ce  site  antique,  le  Vers  coule, 
plus  profondément  encaissé  encore,  au  sein  du 
plateau  ondulé,  très  découpé,  qui  constitue  le 
canton  de  Lauzès  et  où  de  belles  cultures,  no- 
tamment du  tabac,  se  montrent  entre  des  rochers 
souvent  admirables  de  forme.  Même  dans  les  par- 
ties les  plus  arides  en  apparence  on  peut  arriver 
à  créer  des  terres  d'un  bon  rapport.  L'énergie 
du  travailleur  produit  des  merveilles.  En  1894 
le  jury  du  concours  régional  signalait  un  pro- 
priétaire, M.  Paillet,  qui  avait  transformé  en 
beau  domaine  de  cultures  et  de  vignes  un  pan 
de  causse  de  20  hectares.  Ces  landes  rocheuses 
étaient  auparavant  incapables  de  faire  vivre  une 
famille  ;  mais  tous  dans  la  ferme  se  sont  mis  à 
l'œuvre,  les  cinq  filles  de  M.  Paillet  travaillent 
comme  des  hommes,  «  exécutant  avec  habileté 
tous  les  travaux  agricoles  sans  exception  ».  La 
commission  faisait  rappel  d'un  prix  accordé  à 
M.  Paillet  dix  années  auparavant  et  accordait 
une  médaille  de  bronze  et  cinquante  francs  à 


LE  LOT  ENTRE  ROLIERGUE  ET  QUERCY.   3l5 

chacune  de  ses  cinq  filles  «  pour  s'être  si  in- 
telligemment livrées  à  ce  travail  des  champs, 
source  première  de  la  fortune  et  de  la  moralité 
publique  ».  Le  rapport  disait  à  ce  sujet  :  «  Le 
cultivateur  est  toujours  riche,  qui  a  beaucoup 
d'enfants  le  dispensant  de  l'emploi  des  bras 
mercenaires.  » 

Malgré  ses  roches,  le  causse  est  peuplé  autour 
de  Lauzès  ;  il  y  a  de  nombreuses  maisons  dans 
cette  partie  accidentée  de  l'immense  table  de 
pierre.  Pour  le  retrouver  dans  toute  sa  solitude 
il  faut  aller  de  Lauzès  à  Saint-Géry,  par  les 
pistes  rocailleuses  qui  mènent  au  bord  du  grand 
escarpement  percé  de  grottes  aux  ouvertures 
circulaires,  sous  lequel  se  blottit  un  petit  bourg 
doté  d'une  gracieuse  église  romane  moderne. 
Saint-Géry  est  le  chef-lieu  d'un  canton  partagé 
entre  les  causses  de  Gramat  et  de  Limogne.  Sur 
ce  dernier,  autour  d'Esclauzels,  il  possède  de 
beaux  bois  de  chênes  truffiers  confinant  à  ceux 
de  Concots. 

Le  site  a  non  seulement  de  la  grandeur,  mais 
de  la  grâce.  En  face  de  Saint-Géry,  le  hameau 
de  Pasturac  étage  ses  maisons  au  pied  de  fa- 
laises blanches  ;  son  église  dépasse  la  cime  des 
grands  peupliers  d'Italie  formant  rideau  au  bord 
de  la  rivière.  Les  grandes  parois,  rouges  du  côté 


3l6  VOYAGE    EN    FRANGE. 

Opposé  au  soleil,  blanches  sur  Tautre  rive,  l'in- 
tense verdure  du  fond,  les  eaux  écumant  sur 
un  barrage,  les  hameaux  blottis  autour  de  leur 
église  constituent  un  tableau  d'une  réelle  splen- 
deur. Et  le  décor  se  continue,  toujours  chan- 
geant ;  les  immenses  rochers  blancs  suivent 
harmonieusement  les  courbes  du  Lot  dans  lequel 
ils  baignent  le  pied.  Parfois  ils  font  place  à  des 
pentes  revêtues  de  taillis  ou,  comme  aux  Mas- 
suries,  à  de  petits  bassins  cultivés  ou  tapissés 
de  vignes.  Plus  loin  les  parois  du  causse  se  rap- 
prochent, la  route  a  dû  les  trouer  en  tunnel 
dans  un  site  égayé  par  un  manteau  de  chênes 
verts. 

Dans  un  pli  du  Lot,  Bouziès  possède  de  hauts 
pigeonniers  carrés  qui  lui  donnent  l'aspect  d'une 
vieille  cité  forte  chargée  de  garder  cette  gorge 
où  route,  chemin  de  fer,  chemin  de  halage  ont 
dû  être  frayés  par  des  encorbellements  ou  des 
tunnels.  Là  aboutit  le  Celé,  délimitant  avec  le 
Lot  une  péninsule  étroite  et  longue  que  défen- 
dait jadis  le  château  fort  de  Gonduché,  bâtisse 
d'aspect  sinistre,  percée  de  fenêtres  à  meneaux. 
Le  Gelé,  moins  large  que  le  Lot,  est  abondant 
et  clair.  Son  flot  serait  plus  considérable  encore 
si  une  partie  n'avait  été  bue  plus  haut  par  des 
fissures  de  son  lit  qui  se  prolongent  jusqu'au 


•^.T^ 


LE  LOT  ENTRE  ROUERGUE  ET  OUERCY.   Ô I  ^ 

Lot,  OÙ  les  eaux  perdues  reparaissent  en  sour 
ces  de  fond. 

De  chaque  côté,  le  causse  est  revêtu  de  tail- 


lis  de  chênes  qui  fournissent  en  quantité  des 
écorces  pour  la  tannerie,  chênes  verts  et  chênes 
à  feuillage  caduc  sont  également  utilisés. 


3l8  VOYAGE    EN    FRANCE. 

Un  détour  amène  au  plus  grandiose  des 
paysages  de  la  vallée,  le  rocher  qui  porte  le 
bourg  de  Saint-Girq-Lapopie.  Ici  l'homme  a 
complété  l'œuvre  de  la  nature.  Au  sommet  des 
rochers  puissamment  colorés,  Tample  vaisseau 
de  l'église,  dont  le  clocher  carré  est  flanqué 
d'une  tourelle,  semble  flotter  dans  les  airs;  tout 
autour,  de  vieilles  maisons  bordent  l'abîme,  des 
ruines  de  forteresse  complètent  la  splendeur  du 
site.  Par  sa  beauté  altière,  l'antique  ville  forte 
garde  encore  son  prestige,  mais  elle  renferme 
à  peine  la  population  d'un  village  ;  la  culture  de 
la  vigne  et  les  travaux  de  boissellerie  sont  les 
pacifiques  occupations  des  habitants. 

Au  pied  de  Saint-Girq,  le  Lot  borde  une  pe- 
tite plaine  très  verte.  Plus  loin,  à  l'entrée  d'un 
vallon,  Crégols  mire  dans  la  rivière  une  jolie 
église  et  un  vieux  château. 

Le  rythme  est  régulier  de  ces  étroits  et  de  ces 
bassins  d'une  luxuriante  végétation.  Dans  l'un 
d'eux  est  Saint-Martin-Labouval  dont  la  gare  est 
le  lien  entre  Concots  et  Limogne  et  le  reste  du 
pays.  Là  viennent  s'embarquer  les  phosphates 
des  ((  causses  du  Quercy  »,  comme  l'annonce  au 
passant  la  grande  inscription  peinte  sur  un  en- 
trepôt. D'autres  dépôts  de  ces  engrais  naturels 
sont  à  Cénevières,  encore  un  beau  site.  Le  rocher 


LE  LOT  ENTRE  ROUERGUE  ET  QUERCY.   SlQ 

projeté  en  encorbellement  est  couvert  par  un 
grand  château  dont  les  parties  anciennes  remon- 
tent, dit-on,  à  Waïfre,  duc  d'Aquitaine;  encore 
habité  aujourd'hui,  il  conserve  de  belles  tapisse- 
ries. Un  ruisseau  né  d'une  grande  fontaine  dans 
la  paroi  du  causse  y  fait  mouvoir  les  roues  d'un 
moulin  à  phosphate. 

C'est  ici  la  région  la  plus  riche  à  ce  point  de 
vue,  la  seule  du  Lot  où  l'on  continue  l'extraction. 
Larnagol,  à  la  courbure  d'un  cingle,  possède  les 
gisements  les  plus  considérables  de  phospho- 
rite;  une  des  carrières  en  contenait,  dit-on,  plus 
de  3o  000  mètres  cubes  ^ 

Larnagol,  à  la  racine  du  cingle,  et  Calvignac 
ont  des  rochers  rouges  à  pic,  couronnés  de 
maisons  d'un  grand  effet;  vu  de  loin,  ce  passage 
dans  lequel  le  Lot  déplie  harmonieusement  ses 
méandres  est  d'un  effet  fantastique.  Ces  parois 
abruptes  s'entr'ouvrent  en  vallons  très  riches 
qui  alimentent  en  fruits,  en  truffes,  en  primeurs 
une  partie  du  marché  de  Paris. 

Pour  échapper  à  cette  prison  de  roches,  le 
chemin  de  fer  franchit  le  Lot,  troue  les  pénin- 


I.  En  1 901,  on  a  extrait  du  phosphate  au  lieu  dit  Druilles,  près 
de  Larnagol,  et  aux  Prajous,  près  de  Gajarc.  La  production  des 
carrières  a  été  de  7000  tonnes.  En  1886,  le  Lot  avait  produit 
26  000  tonnes,  valant  847  800  fr. 


320  VOYAGE    EN    FRANCE. 

suies  par  des  tunnels,  coupe  la  base  des  col- 
lines en  mettant  à  jour  des  cavernes  jusqu'alors 
ignorées.  La  route  a  préféré  se  tenir  sur  le  flanc 
de  ce  soutènement  du  causse,  elle  domine  de 
haut  la  rivière  et  souvent  n'a  pu  s'asseoir  qu'à 
l'aide  de  murs  cyclopéens. 

Ce  passage  est  une  belle  entrée  pour  la  petite 
ville  de  Cajarc,  assise  au  bord  du  Lot,  dans  un 
grand  hémicycle  de  verdure  et  de  roches,  en  face 
du  village  de  Salvagnac,  première  commune  de 
l'Aveyron  sur  la  rive  gauche  de  la  rivière.  Cajarc 
est  singulièrement  disposée.  Elle  a  pour  noyau 
une  vieille  église  au  clocher  d'ardoises  percé  de 
mansardes,  entourée  d'une  rangée  circulaire  de 
maisons  entre  lesquelles  s'insinuent  d'étroites  et 
sombres  ruelles  ;  mais  les  fossés  et  les  remparts 
sont  tombés,  un  large  boulevard  bien  ombragé 
les  a  remplacés,  des  constructions  plus  amples 
bordent  le  côté  extérieur  à  la  ville  primitive. 

Cajarc  est  un  petit  centre  commerçant  possé- 
dant des  entrepôts  de  phosphates.  Il  est  connu 
des  géologues  par  quelques  curiosités  naturel- 
les. Sur  son  territoire,  au  pied  de  cette  partie 
du-  causse  d'entre  Lot  et  Celé  à  laquelle  elle 
donna  son  nom,  jaillit  une  abondante  fontaine 
tombant  en  cascade  et  dont  les  eaux  sont  tel- 
lement chargées  de  calcaire  qu'un  énorme  amas 


LE  LOT  ENTRE  ROUERGUE  ET  QUERGY.   321 

de  tuf  s'est  formé  sous  la  chute.  Plus  curieux 


-^^Uiat  I  t/i 


encore,  plus  célèbres  aussi  sont  les  gouffres  de 
rOule  et  de  Lantouy. 


VOYAGE   EN   FRA>-CE.    XXXI. 


21 


32  2  VOYAGE    EN    FRANCE. 

Ce  dernier  dorme  toute  Tannée  naissance  à 
une  source,  tandis  que  l'abîme  circulaire  de 
TOule  ne  déverse  de  l'eau  qu'après  les  longues 
pluies;  alors  le  ruisseau  va  rejoindre  l'autre 
bassin.  Le  Lantouy  est  un  entonnoir  plein  d'une 
eau  d'un  bleu  laiteux,  ouvert  dans  un  ravin  pro- 
fond du  causse  de  Limogne  formant  limite  entre 
les  départements  de  l'Aveyron  et  du  Lot;  son 
courant  rejoint  la  grande  rivière  à  un  kilomètre 
plus  loin.  Longtemps  ce  gouffre  passa  pour  in- 
sondable, les  habitants  prétendant  que  l'on 
n'avait  jamais  pu  trouver  le  fond.  Gomme  tou- 
jours, il  a  fallu  renoncer  à  la  légende  :  M.  Martel 
et  ses  ardents  collaborateurs,  bravant  la  menace 
d'être  entraînés  par  un  tourbillon,  se  lancèrent 
à  l'aide  d'un  canot  Berthon  sur  ce  lac  lilliputien, 
large  de  lo  mètres  et  long  de  i5.  On  reconnut 
alors  une  profondeur  maxima  de  8  mètres  et  l'on 
distingua  nettement  un  fond  de  sable,  vase,  gra- 
vier et  herbes  aquatiques  ! 

Au-dessus  du  gouffre  sont  les  ruines  d'un  an- 
cien monastère,  renversé,  dit  la  légende,  pour 
punir  les  nonnes  de  .s'être  livrées  à  un  accès 
d'anthropophagie  sur  un  jeune  enfant.  Depuis 
lors,  chaque  année,  le  jour  de  la  Saint-Jean,  on 
entend  les  cloches  du  couvent  maudit  retentir 
au    fond    de    l'abîme.    Un  prêtre   du   diocèse. 


LE  LOT  ENTRE  ROUERGUE  ET  QUERCY.   32.3 

M.  l'abbé  Gary,  a  raconté  Taventure  dans  une 
poésie  patoise  : 

Per  Sen  Jan,  qiion  méjonet  sono, 
Dempei,  d'un  aire  triste  et  lont, 
D'elcouben  l'on  aou  lo  compono, 
Per  Sen  Jan,  quon  méjonet  sono, 
01  foun  ploiira  coumo  un  efon. 

A  la  Saint-Jean  quand  minuit  sonne,  —  Depuis  d'un 
air  triste  et  lent,  —  On  entend  la  cloche  du  couvent,  — 
A  la  Saint-Jean,  quand  minuit  sonne,  —  Au  fond  pleurer 
comme  un  enfant. 

Cajarc  est  à  la  marge  du  Rouergue  ;  si  son 
causse  est  une  dépendance  de  celui  de  Grainat, 
les  rochers  en  face  font  partie  du  causse  de  Li- 
mogne,  sous  le  nom  de  causse  de  Villefranche. 
Désormais,  jusqu'à  Capdenac  le  Lot  sépare  les 
deux  départements  comme  il  séparait  les  deux 
provinces  ;  le  ruisseau  de  Lantouy  forme  une 
autre  limite.  Salvagnac  est  le  premier  promon- 
toire de  ce  causse;  son  château  à  mâchicoulis  et 
son  église  semblent  surveiller  l'ancienne  fron- 
tière. 

Des  deux  côtés,  surtout  vers  Gadrieu,  les  ro- 
chers sont  immenses.  A  Saujac  ils  obligent  la  ri- 
vière à  un  grand  détour,  à  Montbrun  ils  Jui  font 
décrire  un  cingle  élégant  maîtrisé  par  les  belles 
ruines  d'un  donjon  et  de  remparts  sous  lesquelles 


324  VOYAGE    EN    FRANCE. 

les  maisons  du  village  semblent  collées  à  la 
paroi  calcaire.  On  se  demande  comment  les  ha- 
bitants peuvent  rejoindre  leurs  demeures  bâties 
à  pic  sur  des  strates  successives  disposées  en 
encorbellement.  L'église  paraît  juchée  au  som- 
met d'un  escalier  dont  les  marches  seraient 
alternativement  des  maisons  et  des  rochers  cou- 
verts de  figuiers.  La  route  ne  parvient  à  traver- 
ser le  défilé  qu'en  se  frayant  passage  par  des 
tunnels,  comme  Ta  fait  le  chemin  de  fer. 

En  Rouergue,  sur  un  rocher  verdoyant  se 
dresse  la  belle  masse  du  château  de  Campoulan, 
entourée  d'une  galerie  à  mâchicoulis.  Un  autre 
château  de  moins  fier  aspect  précède  Ambeyrac, 
gracieusement  assis  à  l'entrée  d'un  val  dominé 
au  fond  par  l'église  de  Montsalès.  Ce  rivage 
offre  beaucoup  de  grandeur  :  un  petit  plateau,  le 
causse  de  Laroque,  se  termine  sur  le  Lot  par  de 
hautes  et  vertes  parois  sous  lesquelles  se  blottit 
l'église  de  Laroque,  semblable  à  une  forteresse. 
Les  édifices  et  les  ruines  se  suivent.  En  Ouercy 
<c'est  le  château  délabré  de  Saint-Pierre  ;  en 
Rouergue,  les  ruines  de  Balaguier  et  des  maisons 
de  teinte  fauve  couronnent  un  rocher  tapissé  de 
verdure. 

Au  delà,  si  le  paysage  est  toujours  saisissant 
par  les  formes  et  la  couleur,  il  n'a  plus  autant 


LE  LOT  ENTRE  ROUERGUE  ET  QUERCY.   325 

de  hardiesse.  Les  pentes  sont  plus  douces  et  plus 
vertes,  la  roche  rouge  est  enveloppée  de  cultures 
et  de  bois.  Les  villages  eux-mêmes  n'ofïrent  pas 
l'aspect  grisâtre  qu'ils  avaient  plus  bas  ;  ils  se 
juchent  à  mi-côte,  sur  des  ressauts.  Au  fond  du 
val  sont  de  beaux  massifs  de  noyers  et  de  châtai- 
gniers; près  des  crêtes  les  vignobles  se  touchent. 
Une  grande  route  venant  de  Figeac  franchit 
le  Lot  au  hameau  de  la  Madeleine  et,  par  de 
grandes  sinuosités,  va  s'élever  sur  le  causse  de 
Villefranche.  Elle  dut  être  animée  jadis,  mais 
aujourd'hui  le  chemin  de  fer  a  bien  restreint  son 
utilité,  car  il  y  a  ici  un  des  principaux  nœuds  de 
voies  ferrées  du  Midi,  au  pied  du  formidable  ro- 
cher de  Capdenac  portant  une  vieille  cité  à  demi 
ruinée,  sous  laquelle  est  née  la  jeune  et  vivante 
bourgade  de  Gapdenac-Gare  \ 


I.  Sur  Capdenac  et  la  région  du  Quercy,  entre  le  Lot  et  la 
Dordofjne,  voyez  la  32«  série  du  Voyage  en  France. 


INDEX    ALPHABÉTIQUE 


DBS  KOÏS  DE  LIEUI  ET  DES  PRINCIPALES  CULTBRES  ET  INDUSTRIES 


Pour  f.ciliter  les  recherches,  les  noms  des  départements  sont  dési- 
gnés pair  des  lettres  majuscules,  les  chapitres  concernant  un  dépar- 
tement sont  indiqués  par  des  chiffres  romains. 

Les  noms  de  provinces,  petits  pays  de  l'ancienne  France,  régions 
naturelles  et  colonies  sont  en  caractères  gras. 

Les  chiffres  gras  indiquent  les  parties  du  volume  plus  spécialement 
consacrées  à  la  description  des  sites  ou  des  centres  d'habitation. 

Les  industries  et  les  cultures  sont  désignées  par  des  lettres  italiques. 

Toutes  les  autres  indications,  noms  de  lieux,  de  montagnes,  de  pays 
étrangers,  sont  en  caractères  ordinaires. 

Pour  les  départements,  se  référer  au  nom  de  chacun,  à  sa  place 
al]»hahélique. 


Adour  (fleuve),  36,  loi. 
Agenais  (chap.  I,  II,  IX  à 

XII),  84,  S6,  207,  208,  260, 

280. 
Agen  (Lot-et-Garonne),  2,  85, 

107,  i32,  178,  180  à  187, 

192,  194,  219,  287. 
Agout  (rivière),  282,  235. 
Aignan  (Gers),  102,  iio. 
Aiguillon  (Lot-et-Garonne),  10, 

i29,  189,  190. 
Alaric  (canal  d'},  101. 
Albefeuillc  (Tarn-et-Garonne), 

214. 
Alliertas  (Tarn  -  et  -  Garonne), 

275. 
Albi  (Tarn),  227. 


Albias  (Tarn-et-Garonne),  347. 
Albigeois,  170, 226, 265,269- 
Albret  (pays  d'),  5,  37  à  83. 
Algérie,  68,  71,  72,  74,  81, 

269. 
Allemagne  (empire  d'),  72,  i55, 

202,  206. 
AlJemance  (rivière),  170,  171, 

172,  178,  174. 
AUemans  (Lot-et-Garonne),  28. 
Allons  (Lot-et-Garonne),  46. 
Alzau  (rivière),  3 10. 
Amandier  (^culture  de  /'),  149. 
Ambeyrac  (Aveyron),  824. 
Amérique,  72,  i54. 
Amérique  centrale,  255. 
Andiran  (Lot-et-Garonne),  77. 
Anglars  (Lot),  284,  285. 
Angleterre  (royaume),  72,  202. 


328 


INDEX    ALPHABETIQUE. 


Angoulème  (Charente),  98. 
Arcambal  (Lot),  3oi,  3o6,  3ii. 
Argenton  (ruisseau),  36. 
Arles     (Bouches  -  du  -  Rhône), 

201. 
Armagnac,  S.-?,  54,  84  à  86, 
89,  93,  102,  io4,  112,  ii3, 

116. 
Armagnac  (Bas-),  107,  109. 
Armagnac  (Haut-),  107,  110. 
Arrats  (rivière),  99,  21 5. 
Armagnac  (voir  Eaux-de-vie). 
Arros  (rivière),  loi. 
Asperges  {culture  d'),  i48. 
AstafTort    (Lot-et-Garonne), 

88. 
Auch  (Gers),  48,  85,  88,  92, 

100,  io3,  107,  m. 
AUDE  (département  de  1'),  228. 
Audubert  (Tarn- et- Garonne), 

275. 
Auloue  (rivière),  128. 
Auradou    (Lot  -  et  -  Garonne), 

178. 
Auroue  (rivière),  95. 
Aurrenque  (Gers),  g5. 
Autriche-Hongrie,  i55. 
Auvignon  (rivière),  86. 
Auvillar    (Tarn -et- Garonne), 

198,  2l5. 
Auzoue  ou  Lauzoue  (rivière), 

76,  m,  ii5,  117. 
Ayancé  (rivière),  9,  35  à  t[X. 
AYEYRON  (département  de  1'), 

322  à  325, 
Aveyron   (rivière),    207,    208, 

219,  226,  281,  282,  284, 287, 

246,247,248,259,261,264 

à  278. 


j    Avignon  (Vaucluse),  186. 
Ayroux  (ruisseau  d*),  21 5. 
Azine  (ruisseau),  210. 


Bach  (Lot),  3oo,  3oi. 

Baise  (rivière),  5i,  52,  61,64, 

67,  76,  84,  85,  99,  ii3,  118 

à  126. 
Balaguier  (Aveyron),  325. 
Balais  de  sorgho,  4,  i85,  223 

à  225. 
Banque  de  France,  186,  288, 

284,  296. 
Barbaste  (Lot-et-Garonne),  54, 

55,  57  à  59,  78. 
Bargelonne  (rivière),  197,  198, 

206. 
Bas-Armagnac  (vogez  Arma- 
gnac [Bas-]). 
Bas-Quercy,  197  à  206,  260. 
Banville    (  Lot  -  et  -  Garonne  ), 

179- 
Bavière  (royaume  de),  257. 
Bay  (rivière),  265. 
Bazas  (Gironde),  5. 
Beaucaire  (Gers),  128. 
Beaumont-de-Lomagne   (Tarn- 

et- Garonne),    85,    216    à 

219. 
Beaupuy  (Lot-et-Garonne),  8. 
Beauregard  (Lot),  3oi. 
Bedfordshire  (comté    d'Angk- 

terre),  256. 
Belgique,  i54,  25i,  a52,  257. 
Bergerac  (Dordogne),  27. 
Berri,  226. 
Besançon  (Doubs),  290. 


INDEX    ALPHABETIQUE. 


329 


Biars(Lot),  Si-î. 

Bièvre  (rivière  de  Paris),  88. 

Bigorre,  101. 

Biron   (Dordogne),    i5g,    1O4, 

167,  168. 
Blanquefort  (Lot-et-Garonne), 

171. 
Boites  de  fer-blanc,  i5i. 
Bonagiiil  (ruines   de)   [Lot-et- 
Garonne],  175. 
Bon  -  Encontre    (  Lot  -  et  -  Ga  - 

rpnne),  199. 
Bonnette   (rivière),   aôj,    270, 

271,  273. 
Bordeaux  (Gironde),  1,84,119, 

128,  i34,  145,  i54,  i57,  186, 

190. 
Bosnie(province  autrichienne), 

i54. 
Bouchons  {fdbr.  de),   55,  67 

à  83. 
Boudouyssou  (rivière),  177. 
Bougies,  37. 

Bouquiès  (Aveyron),  309. 
Bourg -de -Visa  (Tarn -et -Ga- 
ronne), 195. 
Bourriat-Bergonce    (gare    de) 

[Landes],  48. 
Bouziès  (Lot),  3oi,  3i6. 
Bressols   (Tarn -et -Garonne), 

237. 
Bretagne-d'Armagnac    (Gers), 

ii4,  ii5. 
Brugnac   (  Lot  -  et  -  Garonne  ), 

i3i. 
Brulhois   (pays    de  ),   8G  à 

88. 
Bruniquel    (Tarn-et-Garonne), 

277. 


Cabrerets  (Lot),  3oi. 

Cadours  (Haute-Garonne),  85. 

Cadrieu  (Lot),  323. 

Cahors  (Lot),  174,  âo4,  2o5, 
206,  290  à  296,  3oG,  3io, 
3i I,  3i3. 

Caisses  d'euiballage,  i5i. 

Cajar  (Lot),  294,  3o2,  3 18,  320, 
325. 

Californie,  i54. 

Calvignac  (Lot),  319. 

Camcson  (riyère),  21 5. 

Gampoulan  (Aveyron),  324. 

Canal  latéral  à  la  Garonne,  54, 
193,  194,  198,219,231,235, 
245. 

Cancon  (Lot-et-Garonne),  139, 
161,  162,  i65. 

Capdenac  -  Gare  (  Aveyron  ), 
174,  325. 

Capdenac  (Lot),  280,  3io,  323, 
325. 

Gapelle  -  Biron  (  Lot  -  et  -Ga- 
ronne),  143,   167,   168,  171. 

Capelle  -  Livron  (la)  [Tarn-et- 
Garonne],  273. 

Carmaux  (Tarn),  265. 

Cartonnages,  239. 

Castel-Amouroux  (Lot-et-Ga- 
ronne), 36. 

Castelculier  (Lot-et-Garonne), 
192. 

Castelfranc  (Lot),  285. 

Casteljaloux  (Lot-et-Garonne), 
36  à  40. 

Castelmayran  (Tarn  -  et  -  Ga  - 
ronne),  200,  216. 


33o 


INDEX    ALPHABETIQUE. 


Gaslelmoron-sur-Drot  ou  d'Al- 
bret  (Gironde),   5,   31,  32. 

Castelmoron-siir-Lot  (Lot-et- 
Garonne),  i3o,  i3i,  189. 

Castelnau-d'Arbieu  (Gers),  95. 

Caslelnaii-d'Auzan  (Gers),  107, 
116. 

-Castelnaud  -  de  -  Grattecanibe 
(Lot-el-Garonne),   109,    160. 

Gastelnau-de-Montratier  (Lot), 
299,  3oo. 

Caslel - Sagrat  (Tarn -et -Ga- 
ronne), 195. 

Gastels  (cbâteau  de)  [Tarn-et- 
Garonne],  197. 

Castelsarrazin  (Tarn -et -Ga- 
ronne), 200,  208,  210  à 
214,  220. 

Castéra-Verduzan  (Gers),  85, 
128. 

Castex-Lectourois  (Gers),  89. 

C^astillonnës  (Lot-et-Garonne), 
189,  iGG. 

Caumont  (Tarn- et -Garonne), 
200. 

Crfiussale  (Tarn-et-Garonne), 
288,  2/18,  249,  251  à  258, 
297,  298. 

Causse  de  Gabors,  208,  206, 
287,  295,  807. 

Gausse  de  Gramat,  3oG,  3io, 
3i5,  828. 

Causse  de  Laroque,  824. 

Causse  de  Limogne,  208,  206, 
258,  265,  274,  297,  299,  807, 
8i5,  823. 

Causse  Méjean,  299. 

Causse  de  Saint-Antonin  ou  de 
Caylus,   258,  269,  274,  297. 


Ciusse  de Sauveterre,  299,  3o4. 

Causse  de  Villefranche,  828, 
825. 

Causse  du  Larzac,  804. 

Cayhis  (Tarn-et-Garonne),  262, 
270,  272  à  274,  297. 

Cayrac  (  Tarn-et-Garonne),  248. 

Cayran  (Lot),  3o6. 

Gazais  (Tarn-et-Garonne),  276. 

Cazaubon  (Gers),  85,  io4,  109. 

Cazeneuve  (Gers),  ii4- 

(-azes-Mondenard  (Tarn-et-Ga- 
ronne), 204. 

Cazoul  (le)  [Lot],  812. 

Celé  (rivière),  810,  820. 

Cénevières  (Lot),  3 18. 

Céran  (Gers),  100. 

Cérou  (rivière),  265, 

Cévennes,  233. 

Chanvre  (culture  du),  182, 
190. 

Chapeaux  de  feutre,  129. 

Chapeaux  de  paille,  129,  288, 
249  à  262. 

Charentes  (région  des),  108, 
1 10. 

Charrin  (.-bateau  de)  [Lot-et- 
Garonne],  125. 

Chasselas  (raisin),  190. 

Cbasseneuil  (Charente),    i34, 

Cbasseneuil  (Lot-el-Garonne), 
i34. 

Cbassenon  (Cbarente),  i34. 

Cbaumont-en-Vexin  (Oise),  60. 

Chaussu/'es,  98,  ii3. 

Chène-li^ge,  4A»  4?»  5o,  O7  à 
83. 

Cheval  {élevage  du),  218. 

Chine  (empire  de  la),  25i,  252. 


INDEX    ALPHABETIQUE. 


33  I 


Cieurac  (Lot),  3o6,  3ii. 

Cieulat  (  faubourg  d'Eauze  ) , 
loG. 

Cingle  (moulin  du)  [Lot],  280. 

Ciron  (rivière),  A5. 

Clairac(Lot-et-Garonne),  128, 
129. 

Clermont-Dcssous  (Lot-et-Ga- 
ronne), 188. 

Clermonl-Dessus  (Lot-et-Ga- 
ronne), 197. 

Cognac  (Gers),  107. 

Colayrac  (  Lot  -  et  -  Garonne  ), 
188. 

Colles,  180. 

Cologne  (Gers),  85,  99. 

Concots  (Lot),  3oi,  3o3,  3oA, 

■  3i5,  3i8. 

Condezaygues  (Lot-et-Garon- 
ne), 170. 

Condom  (Gers),  85,  107,  iio, 
III,  118  à  123. 

Condomois  (pays  de),  54, 
67,  79,  117  à  126. 

Conduché  (Lotj,  3 16. 

Corbarieu  (Tarn-et-Garonne), 
237. 

Corderie,  i85. 

Cordes  (Tarn),  260. 

Cornichons  {culture  des),  248. 

Cos  (Tarn-et-Garonne),  247. 

COTE-D'OR  (département  de 
la),  i3. 

Coutellerie,  224. 

Coutures  (Gironde),  33. 

Crégols  (Lot),  3oi,  3i8. 

Cuivre  {laminage  du),  212. 

Cuzorn  (Lot-et-Garonne),  171, 
172. 


Damazan     (Lot-et-Garonne), 

190,  191. 
Danube  (fleuve),  i55. 
Dardenne    (Tarn-et-Garonne), 

260. 
Dauphiné,  249,  25o. 
Decazeville    (Aveyron),     174, 

309. 
Détroit  (États-Unis),  212. 
Dieulivol  (Gironde),  3o. 
Dieupentale  (Tarn-et-Garonne), 

222,    232. 

Digne  (Basses- Alpes),  29G. 
Divonne   (source    de)   [Lot], 

295. 
DORDOGNE    (département 

de    la),   i3,    25    à   27,    i3G, 

287. 
Dordogne  (rivière),  5,  226,  280, 

3o8,  3io. 
Doueile  (Lot),  288. 
Dourdène  (rivière),  25. 
Dourdèze  (rivière),  29. 
Dousset  (ruisseau  dej,  3o. 
Douze  ou  Doulouze  (rivière), 

48,  49,  io4,  io5. 
Drot  (rivière),  5,  22,  25  à  33, 

i3i,  i35,  161,  166. 
Durance   (  Lot  -  et  -  Garonne  ) , 

44. 
Duras  (Lot-et-Garonne),   28, 

29,  30,  3i,  139. 
Duravel  (Lot),  282,  294. 
Durfort   (  Tarn  -  et  -  Garonne  ), 

204. 
Dresde  (Saxe  royale),  207. 
Druilles  (Les)  [Lot],  3 18. 


332 


INDEX    ALPHABETIQUE. 


Eaux-de-vie,  8,  Ss,  69,  66,  q3, 
102,  107  à  110,  112. 

Eaux  minérales,  m,  i23,  i3o, 
266. 

Eauzan  (pays  d'),  54,  105 
à  116. 

Eauze  (Gers),  48,  105  à  111, 

^  114. 

École  d'agriculture  de  Saint- 
Pau  (Lot-et-Garonne),  74, 83. 

Engrais  chimiques,  i85. 

Entre-Deux-Mers,  28,  3i. 

Escamps  (Lot),  3oi,  3o5. 

Escatalens  (Tarn-et-Garonne), 
221. 

Esclauzels  (Lot),  3oi,  3i5. 

Espadrilles  (voir  Sandales). 

Espagne  (royaume  d'),  68,  71, 
81. 

Espalais  (Tarn-et-Garonne), 
198. 

Espanel  (Tarn-et-Garonne), 
298. 

Essence  de  térébenthine,  46. 

Estampon  (rivière),  49- 

Estang  (Gers),  85. 

Esterel,  70. 

Estussan  (Lot-et-Garonne),  Sg. 

États-Unis,  i55. 

Eymet  (Dordogne),  25  à  27, 
3o,  iSg,  i4i- 

Eysses  (Lot-et-Garonne),  i58. 


Falgueyrat  (Dordogne),  28. 
Fas  (Lot-et-Garonne),  87. 


Fauillet  (Lot-et-Garonne). 

Feneyrols-les-Bains  (Tarn-et- 
Garonne),  266. 

Fère  (La)  [Aisne],  67. 

Feugarolles  (Lot-et-Garonne), 
5i,  55. 

Fezensac  (pays  de),  54, 110 
à  113. 

Fezenzaguet  (pays  de),  99. 

Figue  (culture  de  la),  128. 

Figuëres  (Espagne),  221. 

Finhan  (Tarn-et-Garonne),  22 1 . 

Fleurance  (  Gers  ),  92 ,  gS  à 
100. 

Foire  aux  chiens,  212,  234- 

Foix  (Ariège),  296. 

Fonfrède  (source  de),  i3o. 

Fongrave  (Lot-et-Garonne), 
i3i. 

Fontanas  (château  de)  [Tarn- 
et-Garonne],  243. 

Fontélie  (fontaine  de)  [Gers], 
93. 

Font-Polémie  (source)  [Lot], 
3i3. 

Formes  pour  chaussures,  11 3. 

Fromage,  3o4. 

Fronton  (Haute-Garonne),  239, 
241,  242,  244- 

Fumel  (Lot-et-Garonne),  171 
à  175,  280. 

Fustérouan  (Gers),  102. 


Gabardan  (pays  de),  79. 
Gabarret  (Landes),  48,  109. 
Gandalou  (Tarn-et-Garonne), 
214. 


INDEX    ALPHABETIQUE. 


333 


Gardclle  (la)  [Lotj,  284. 
Garonne  (fleuve),   i  à  20,  35, 

39,  5o,  54,  85,  86,  87,  100, 

129,    177,    180    à    199,   2o5, 

207,  2i4,  219,  221,  222,  2»7, 

•>3i,  234,  242,  246,  309. 
Gascogne  (chap.  III  à  VI). 
Gaure  (pays  de),  96  à  100. 
Gavacherie  (pays  de  la),  5, 

28,  3i. 
Gavarnie    (Hautes- Pyrénées), 

122. 
Gavaudun  (Lot-et-Garonne), 

167,  168,  171. 
Gazelle  (la)  [Lot-et-Garonne], 

22. 
Gélise    (rivière),    52,    54,    58, 

59>  73,  76,  77.  79.  io5,  m, 

114. 
GERS  (département  du),  88  à 

126,  2l5, 
Gers  (rivière),  84  à  100. 
Gimoës  (pays  de),  99. 
Gimone  (rivière),  99,  21 5,  216, 

219. 
Gimont  (Gers),  85,  214. 
GIRONDE  (département  de 

la),   i3,  3o  à  34,  47,   i36, 

219. 
Gondrin  (Gers),  ii5,  117. 
Goudourville     (Tarn-et-Garon- 

ne),  198. 
Goutz  (Gers),  100. 
Gramat  (Lot),  3o3. 
Grandfonds   (Lot-et-Garonne), 

193. 
Grand-Nérac  (quartier  de  Né- 

rac),  63. 
Gréalous  (Lot),  3oi. 


Grenade-sur-Garonne  (Haute- 
Garonne),  242. 

Grenoble  (Isère),  257. 

Grésivaudan,  187. 

Grisolles  (Tarn- et- Garonne), 
222,  223,  224,  225,  242, 
245. 

Guilleragues  (château  de)  [Gi- 
ronde], 33. 

Guyenne  (chap.  I,  II,  VII 
à  XX),  86. 


Haricots  verts  {récolte  des), 
i48,  149.  ' 

Haut-Armagnac  {voyez  -\i'ma- 
gnac  [Haut-]). 

Hautefage  (Lot-et-Garonne), 
178,  179. 

HAUTE-GARONNE  (départe- 
ment de  la),  219,  224,  238 
à  243. 

Honor-de-Cos  (1')  [Tarn-et-Ga- 
ronne],  247. 

Hôpital  Beaulieu  (Lot),  3io. 

Hordosse  (château  de)  [Lot-et- 
Garonne],  76. 

Hospitalet  (L')  [Lot],  3o6. 

Houeillès  (Lot-et-Garonne),  43, 
44,  48,  73. 

Houil  (ruisseau  de),  48. 


îssigeac  (Dordogne),  27,  139. 
Issolud  (puy  d'),  286. 
Italie  (royaume  d'j,  72,  25 1. 
Izaute  (rivière),  m,  ii4- 


334 


INDEX    ALPHABETIQUE. 


Japon  (empire  du),  25i,  262. 
Jasmin  (le  poète),  182  à  184, 

192,  193. 
Java  (île  de),  255. 
Jegim  (Gers),  iio,  ii3. 
Joanny  (Tarn-et-Garonne),  271 . 
Jiisix  (Lot-et-Garonne),  2. 


Labastide- d'Armagnac  (Lan- 
des), 60. 

Labastide-du-Temple  (Tarn-el- 
Garonne),  2iA- 

Labastide-Marnhac  (Lot),  3o6. 

Labastide -Saint -Pierre  (Tsrn- 
et-Garonne),  237, 

Lacapelle  Biron  Çuoir  Capelle- 
Biron). 

Lacaussade  (Lot-et-Garonne), 
168. 

Lafox  (Lot-et-Garonne),  197. 

Lafrançaise  (Tarn-et-Garonne), 
234,  235. 

Lagarde-Finarçon  (Gers),  89. 

Lait  stérilisé,   i3i. 

Laiton,  212. 

Lalbenque(Lot),  262,  3oo,  3oi, 
3o4. 

Lamothe-Capdeville  (Tarn-et- 
Garonne),  247. 

Lamothe-Gondrin  (château  de) 
[Gers],  iio. 

Landes,  37  à  49,  67,  117, 
i5x. 

LANDES  (département  des), 
47  à  49,  68,  70,  71. 


Languedoc,   207   à  214, 

249. 
Lannemezan  (plateau  de), 

87,   196,  203,  2l5. 
Lannepax  (Gers),  m.  , 

Lantouy  (gouffre  de)  [Lot],  32 1, 

322,    323. 

Laon  (Aisne),  169. 

Laparade  (  Lot-et-Garorme  ), 
129,  i3o. 

Laplume  (Lot-et-Garonne),  86, 
88. 

Larnagol  (Lot),  3oi,  3o2,  3o3, 
3o4,  319. 

Laroque  -  Bouilhac  (  Ave\Ton  ), 
309. 

Laroque-Timbaut  (Lot-et-Ga- 
ronne), 179. 

Laroque-Toirac  (Lot),  324- 

Larroque  (château  de)  [Lot], 
3ii. 

Larzac  (causse  du),  3o4. 

Lauze  (rivière),  93. 

Lauzerte    (Tarn-et-Garonne), 

204,    205. 

Lauzès  (Lot),  3i4,  3i5. 
Lauzoue   (rivière)   [voir   Au- 

zoue]. 
Lauzun    (  Lot  -  et  -  Garonne  )  , 

25. 
Lavardac  (Lot-et-Garonne),  47, 

52  à  56,  60,  67. 
Lavardens    (ruines  de)  [Gers], 

ii3. 
Lavaur  (Tarn),  232. 
Lavilledieu  (Tai'n-el-Garonne), 

208,  214. 
Lavi t-de-Lomagne  (  Tarn-et-Gr.- 

ronne),  85,  216. 


INDEX    ALPHABETIQUE. 


335 


Layrac  (Lot-et-Garonne),  86, 

87, 
Lectoure   (Gers),    89    à    94, 

96,  97,  io3,  216. 
Lède  (rivière),    161,  162,  167, 

171. 
I^embon  (rivière),  210. 
I.eniboul  (rivière),  298. 
Lembous  (ruisseau),  298. 
I^cmboulas  (rivière),  298. 
Lencou  (rivière),  2o5. 
IJ?re  (rivière),  248,  258,  262. 
Leriet   (château    de)  [Tarn-et- 

Garonne],  214. 
Lexos  (Tarn-et-Garonne),  264, 

2G5. 
Libos  (Lot-et-Garonne),  171. 
Liboume  (Gironde),  i4i. 
Liège  (Belgique),  202. 
Liège  {exploitation  et  prépa- 
ration du),  02,   55   à   59, 

66  à  83. 
Lille  (Nord),  227. 
Lirnogne  (Lot),  3oi,  3 18. 
Limousin,  226. 
Lindenberg  (Bavière),  207. 
Linoléum,  56. 
Lisse    (Lot-et-Garonne),    73, 

76. 
Li\Ton  (Tarn-et-Garonne),  272, 

273. 
Lomagne,   84  à  96,  196, 

197,   198,  200,  207,  215  à 

219,  234. 
J-.ombez  (Gers),  85. 
Losse  (rivière),  118. 
LOT   (département  du)  [chap. 

XVIII  à  XX],  12,  i3,  10,  19, 


Lot  (rivière),  22,  127  à  159,. 
i6g  à  178, 180, 189,  2o3,  226, 
278  à  296,  308  à  325. 

LOT-ET-GARONNE  (départe- 
ment du)  [chap.  I  à  XIII], 
iio,  124  à  191,  219,  224, 

252,    287. 

Louisiane  (Etats-Unis),  212. 
Loule  (gouffre)  [uoir  Ouïe]. 
Lugagnac  (Lot),  3oi. 
Lugaut  (Landes),  49- 
Lllg-lies  (pays  des),  44. 
Lusignan    (Lot-et-Garonne),. 

188. 
Luton  (Angleterre),  252. 
Lutte  (ruisseau),  299. 
Luzech  (Lot),  285,  286. 
Lyon  (Rhône),  241,  249. 

M 

Madeleine  (la)  [Lot],  3ii. 

Madeleine  (la),  commune  de 
Faycelles  (Lot),  325. 

Mfiëstricht  (Hollande),  252. 

Magistère  (la)  [Tarn-et-Garon- 
ne], 197. 

Magnanac  (  Haute  -  Garonne  ), 
239. 

Maillechort,  212. 

Malines  (Belgique),  i54. 

Malterre  (château  de)  [Tarn- 
et-Garonne],  271. 

Manciet  (Gers),  io5. 

Maransin,  70. 

Marcellus  (Lot-et-Garonne),  4- 

Marche  duRouergue,  265. 

Marciac  (Gers),  85. 

Marcilhac-sur-Célé  (Lot),  3oi. 


33Ô 


INDEX    ALPHABETIQUE. 


Marrnande  (Lot-el-Garonne),  5 
à  8,  21,  35,  187. 

Marmont- Pachas  (Lot-et-Ga- 
ronne), 87,  88. 

Maroc  (empire  du),  68. 

Marseille  (Bouches-du-Rhône), 
262. 

Martel  (Lot),  3oi. 

Martinet  (Le)  [Tarn-et-Garon- 
ne],  271. 

Maryland  (États-Unis),  12. 

Mas-d'Agenais  (Lot-et-Garon- 
ne), 9,  36. 

Massuries  (Les)  [Lot],  3i6. 

Maures  (pays  des),  70,  71. 

Mauvezin  (Gers),  85,  99. 

Mazainet  (Tarn),  234. 

Méditerranée,  170. 

Meilhan  (Lot-et-Garonne),  2. 

Mercuès  (Lot),  288. 

Mesures  en  bois,  239. 

Métallurgie,  38,  173,  174, 
277. 

Meylan  (Lot-et-Garonne),  83. 

Mézin  (Lot-et-Garonne),  47 > 
55,  56,  67,  77  à  82. 

Midou  ou  Midour  (rivière),  102, 
104. 

Miélan  (Gers),  118. 

Mines  de  fer,  172,  174,  282. 

Min-jterie,  54,  232. 

Mirabel(Tarn-et-Garonnc),  260, 
261. 

Miradoux  (Gers),  88. 

Miramont  (Gers),  100. 

Miramont  (Lot-et-Garonne), 
24,  25,  i3i,  139. 

Miramont  (Tarn -et -Garonne), 

205. 


Mirande  (Gers),  85. 
Mirandol  (Lot),  285. 
Mirepoix  (Gers),  100. 
Moissac    (  Tarn  -  et  -  Garonne  ), 
143,  194,  200  à  203,  204, 

210,    232. 

Molières   (Tarn- et- Garonne), 

298,  299. 
Monbahus    (Lot-et-Garonne), 

i3i. 
Monbarla   (Tarn- et- Garonne), 

205. 

Monbazillac  (Dordogne),  27, 
128. 

Monclar-d'Agenais  (Lot-et-Ga- 
ronne), 4o,  i3i,  i32. 

Moacrabeau  (Gers),  124  à 
126. 

Monfort-du-Gers  (Gers),  99. 

Monge  (château  de)  [Tarn-et- 
Garonne],  271. 

Monségur  (Gironde),  30,  31, 
32,  33. 

Monségur  (Lot-et-Garonne), 
169. 

Monsempron  (Lot-et-Garonne), 
170,  171. 

Monsempron-Libos  (gare  de), 
170,  171,  173. 

Montagnac  (Lot-et-Garonne), 
167. 

Montagudet  (Tarn-et-Garonne), 
2o5. 

Montaigu-de-Quercy  (Tarn-et- 
Garonne),  204- 

Montalzat  (Tarn-et-Garonne), 
260,  261,  298. 

Montastruc    (Lot-et-Garonne), 

l32. 


INDEX    ALPHABETIQUE. 


337 


Montauban  (Tarn-et-Garonne), 
186,208,  210,  215,223,228 
à  234,  247,  249,  25i,  264, 


^Montbrun  (Lot),  323. 
Montcabrier  (Lot),  280. 
Montcuq    (  Lot  )  ,     206 ,    297  , 

3oo. 
Mont-de-Marsan  (Landes),  ?.34. 
Montech   (Tarn-et-Garonne), 

220,    232. 

3*Ionteils    (Tarn-et-Garonne), 

209. 
Montesquiou  (Gers),  iio,  m. 
Monteton  (Lot-et-Garonne), 

29. 
Montflanquin     (Lot-et-Garon- 
ne), 149,  161,  162  à  166. 
Montgaillard  (Lot-et-Garonne), 

5i,  59. 
^lontjoy    (Tarn-et-Garonne), 

195. 
^lontluçon  (Allier),  186. 
Montpezat    (Tarn-et-Garonne), 

260,  298. 
Monfréal-du-Gers  (Gers),  107, 

110,  115,  116,  117. 
3Ionlricoux  (Tarn-et-Garonne), 

278. 
Montsalès  (Aveyron),  324. 
Mouchan  (Gers),  m. 
Moura  (Gers),  m. 
Moustier   (  Lot  -  et  -  Garonne  ) , 

28. 
Mouton  (^élevage  du),  3o3. 
Miircens  ou  Mursens  (Lot),  3i3, 

3i4. 
Mûrier   (^culture    du),    193, 

232. 


N 


Nancy  (Meurthe- et -Moselle), 
206,  267. 

Narbonne  (Aude),  234. 

Navigation  Jluviale,  3o,  02  à 
54,  119,  120,  i34,  107,  187, 
309. 

Nazareth  (château  de)  [Lot-ot- 
Garonne],  65,  126. 

Négrepelisse  (Tarn-et-Garon- 
ne), 278. 

Nérac  (Lot-et-Garonne),  56,  61 
à  65,  76,  107,  ii4,  126. 

Neuffons  (Lot-et-Garonne),  38, 
40. 

Nicole  (Lot-et-Garonne),  129, 
187,  189,  190. 

Nîmes  (Gard),  807. 

Nogaro  (Gers),  85,  io3,  io4, 
109,  III. 

Nohic  (Tarn-et-Garonne),  287. 

NORD  (département  du),  i3, 16. 

Notre-Dame-de-Livron  (Tarn- 
et-Garonne),  273. 

Noulens  (Gers),  m. 


Ognon  {culture  de  /'),  192. 
Oiseleurs,  218. 

Oit  (nom  ancien  du  Lot),  287. 
Orbe  (niisseau),  99. 
Orgueil  (ruines  d')  [Lot],  281- 
Orgueil  (Tarn-et-Garonne),  287. 
Orléanais,  126. 
Ormes  tortillards,  i3i. 
Ouïe  (gouffre  de  1')  [Lot],  821, 
822,  828. 


VOYAGE  EN  FRANCE.  —  XXXI. 


338 


INDEX    ALPHABÉTIQUE. 


Papeterie,  220,  289. 

Papier  d'étain,  212. 

Pardaillan  (Lot-et-Garonne), 
29. 

Parnac  (Lot),  287,  288. 

PAS-DE-CALAIS  (département 
du),  16. 

Passage  -  d'Agen  (Le)  [Lot-et- 
Garonne],  i85,  186. 

Pastiirac  (Lot),  3i5. 

Pâtes  alimentaires,  287,  288. 

Pécher  (culture  du),  149,  247. 

Peignes  de  corne,  i48,  144? 
233. 

Pelbusoc  (Landes  et  Lot-et-Ga- 
ronne), 46. 

Pellegrue  (Gironde),  3i. 

Penne -d'Agenais,  i58,  177, 
178. 

Penne-d'Albigeois  (Tarn),  269, 
276,  277. 

Pérignon  (château  de)  [Tarn- 
et-Garonne],  221. 

Périgord,  19,  25  à  27,  161, 
164,  169. 

Périgueux  (Dordogne),  186. 

Pescadoire  (Lot),  284. 

Petit-Nérac  (quartier  de  Nérac), 
63. 

Petite-Barguelonne  (  Tarn -et - 
Garonne),  2o5,  800. 

Petite-Léonne  (rivière),  179, 
195. 

PejTcstortes  (P^Ténées- Orien- 
tales), 221. 

Phosphate  de  chaux,  269,  270, 
275,  801,  8o4,  3i8,  820. 


Picc[uecos  (Tarn-et-Garonne), 
247. 

Pis  (Gers),  100. 

Pise  (Italie),  100. 

Plaisance  (Gers),  85. 

Plaisance  (Landes),  47- 

Plateau  de  Lannemezan  (voyez 
Lannemezan). 

Plumes  d'oie,  197. 

Pois  (petits)  [culture  des],  128, 
i4i,  145  à  154. 

Poitiers  (Vienne),  186. 

Polémie  (fontaine)  [Lot],  8i3. 

Pommevic  (Tarn-ct-Garonne)y 
198. 

Pompignan  (Tarn-et-Garonne), 
243  à  245. 

Pompogne  (Lot -en -Garonne), 
48. 

Pont-de-Bordes  (Lot-et-Garon- 
ne), 54,  56,  78. 

Pont-Moyne  (ferme  de)  [Lot- 
et-Garonne],  45. 

Port-de-Penne  (Lot-et-Garon- 
ne), 177,  178. 

Port-Sainte-lNIarie  (Lot-et-Ga- 
ronne), 10,  5o,  84,  188. 

Portugal  (royaume  de),  68.  71, 

Poudenas  (Lot-et-Garonne),  78, 

82. 
Pradines  (Lot),  288. 
Prajous  (Les)  [Lot],  3i8. 
Prayssac  (Lot),  284. 
Primeurs,  246,  247. 
Privas  (Ardèche),  296. 
Provence,  68,  70,  71. 
Prunes  et  pruneaux,  27,  134 

à  140,  182,  208. 


INDEX    ALPHABETIQUE. 


Pruniers  (culture  des),  21,  22, 

29,  134  à  140. 
Pnjols  (Lot-et-Garonne),    157. 
Puycasquier  (Gers),  100. 
Puvguilhem  (Dordogne),  2g. 
Puvjourdes  (Lot),  3oi. 
Puylaroque  (Tarn-et-Garonne), 

261,  262,  298. 
Puy  (Le)   [Haute-Loire],  284, 

255. 
Piiy-1'Évêque  (Lot),  288. 
Puymirol     (Lot-et-Garonne), 

195. 
Puységur  (Gers),  100. 
Pyrénées  (chaîne  des),  92, 

118,  117,  122,196,218,226, 

284. 
PYRÉNÉES   -  ORIENTALES 

(département  des),  70. 


Quercy  (chap.  XIII  à  XX), 

17,  18,  ig,  i6g,  177. 
Quercy-Blanc,    ig5,    204, 

258,  260,  2g7. 


Raisin  {culture  du),  igo. 
Ramier  (pays  du),  287. 
Ramouzens  (Gers),  m. 
Réalville    (Tarn-et-Garonne), 

248,  25l. 
Réaup  (Lot-et-Garonne),  78. 
Regnics    (Tarn-et-Gai'onne), 

287. 
Rcole  (La)  [Gironde],  i,  84. 
Retjons  (Landes),  4g- 


339 

Retjons-Lugaul  (gare  de)  [Lan- 
des], 48. 
Ribérette  (ruisseau),  102. 
Rivière  -Montalbanaise, 

228  à  245. 
Riviére-Verdun  (pays  de), 

219  à  223. 
Rocamadour  (Lot),  3 10. 
Roc-Dansaire    (Tarn-et-Garon- 
ne), 266. 
Roc-de-Gorp  ou  d'Aucor  (Lot), 

3i8. 
Rochers-d'Anglars  (Tarn-et-Ga- 
ronne), 266. 
Roquebrune  (château  de)  [Gi- 
ronde], 33. 
Roquefort  (Gers),  100. 
Roquefort  (Landes),  4g- 
Roubaix  (Nord),  227. 
Rouergue,  288,    24g,   27g, 

322  à  325. 
Roussillon,  08. 
Ruisseau-Profond,  21 5. 
Russie  (empire  de),  i55. 


Saillac  (Lot),  801. 

Saint-Antonin  (Tarn-et-Garou- 
ne),  261,  266  à  270,  275. 

Saint-Barthélémy  (Lot-et-Ga- 
ronne), 24. 

Sainte-Bazeille  (Lot-et-Garon- 
ne), 4)  5. 

Sainte  -  Christie  -  d'Armagnac 
(Gers),  104. 

Saint-Girq-Lapopie  (Lot),  3oi, 
3i8. 

Saint-CIar  (Gers),  98. 


34o 


INDEX    ALPHABETIQUE. 


Sainl-Front    (Lot-et-Ciai-onne), 

171. 
Sainl-Gény    (chapelle)   [Gers], 

Saint  -  Georges  -  d'Espéranche 
(Isère),  2.56,  257. 

Sainl-Géry  (Lot),  3i5. 

Saint-Hilaire  (Gironde),  33. 

Sainl-Hilaire  (Lot-et-Garonne), 
188. 

Saint-Jean-de-Laur  (Lot),  3oi. 

Saint- Jcan-de-Thurac  (Lot-et- 
Garonne),  196. 

Saint-Jean-Poutge  (Gers),  11 3, 
119,  120. 

Sainl-Juéry  (Tarn),  282. 

Sainte  -  Livrade  (Lot-et-Ga- 
ronne), i32,  139,  i/|0,  1/19, 
182.      . 

Saint-Martin- Labouval  (Lot), 
201,  3o4,  3i8. 

Saint  -  Nicolas  -  de  -  la-  Balerme 
(Lot-et-Garonne),  196. 

Saint  -  Nicolas  -  de  -  la  -  Grave 
(Tarn-et-Garonne),  199,  200. 

Saint-Pastour  (Lot-et-Garon- 
ne), 160. 

Saint-Pau  (  Lot-et-Garonne  ),73, 
ih,  76,  83. 

Saint-Pierre  (château  de)  [Lot], 

32/i. 

Saint-Projet  (Tarn-et-Garon- 
ne), 273. 

Saint-Puy  (Gers),  98. 

Sainte-Radegonde   (Gers),  98. 

Sainte-Radegonde  (Lot-et-Ga- 
ronne), iDg. 

Saint-Rome  (signal  de)  [Tarn- 
et-Garonne],  271. 


Saint-Sixte  (Lot-et-Garonne), 
196. 

Saint-Sulpice  (ruisseau  de),  33. 

Saint  -  SA'mphorien  -  sur-  Coise 
(Rhône),  256,  267. 

Saint-Vincent-Rive-d'Olt,  287. 

Salles  (Lot-et-Garonne),  167, 
171. 

Salvagnac  (AvejTOn),  320,  323. 

Salvetat  (près  Montpezat) 
[Tarn-et-Garonne],  298. 

Sandales  ou  espadrilles,  12. 

Sangles,  276. 

Saramon  (Gers),  85. 

Saujac  (Aveyron),  323. 

Saut-du-Tarn  (Tarn),  282. 

Sauternes  (Gironde),  128. 

Sa  uvelat  (La)  [Lot-et-Garonne], 
25,  28. 

Sauvetat-de - Savères  (  Lot-et- 
Garonne),  195. 

Sauvetat-du-Drot  (La)  [Gers], 
98. 

Sauvetat-sur-Lëde  (La)  [Lot-et- 
Garonne],  161. 

Sauveterre  (Lot-et-Garonne), 
196. 

Sauveterre-la-Lémance  (  Lot-et- 
Garonne),  173. 

Savanac  (Lot),  3 12. 

Savon,  37. 

SEINE-ET-OISE  (département 
de),  i48. 

Séoune  (rivière),  193,  igS, 
206. 

Septlbnds  (Tarn -et-  Garonne), 
249,  250,  25i,  253,  254, 
258  à  262,  269,  270,  274. 

Sept-Ponts  (Lot),  307. 


INDEX    ALPHABETIQUE. 


34  I 


Serbie    (  royaume    de  ) ,    i54  , 

i55. 
SL're  (ruisseau),  216,  251. 
Serempuy  (Gers),  85. 
Sériciculture,  194,  282,  233. 
Sen-anac    (Tarn  -et  -  Garonne), 

25l. 

Seyches  (Lot-et-Garonne),  24. 

Seye  (rivière),  265. 

Sicile  (île  de),  170. 

Soie  {industrie  de  la),  532, 

233. 
Sorgho  {culture  du),  4,  222  à 

225,  245. 
Sos  (Lot-et-Garonne),  72,  82, 

83,  iio. 
Solurac  (Lot),  281. 
Soufflerie  de  poils,  239. 
Suisse,  201,  256. 
Sumac,  170,  233. 


Tabac  (culture  du),  10,  12  à 
20,  287. 

Tabletterie,  82. 

Tailhade  (La)  [Lot-et-Garon- 
ne], 4i' 

Tamis  à  bluter,  2Z2. 

TARN  (département  du),  264, 
3o8. 

Tarn  (rivière),  199,  200,  207, 
208,  2i5,  219,  228  à  241, 
246,  259. 

TARN-ET-GARONNE  (dépar- 
tement de)  [chap.  XIII  à 
XIX],  85,  i36,  194. 

Tarsac  (Gers),  loi. 

Tartres,  ii3. 


Temple  (Le)  [Lot-et-Garonne], 

i3i. 
Ténaréze   (voie  romaine    et 

pays  de),   54,   59,    82,   107, 

108,  109. 
Térébenthine  (voir  Essence  de). 
Terraube  (Gers),  92. 
Terrines  de  Nèrac,  67. 
Tescûu  (rivière),  237. 
Tessonne  (rivière),  21 5. 
Teussac     (Tarn -et -Garonne), 

266. 
Thermes  -  d'Armagnac    (Gers), 

85,  101,  102. 
Thèze  (nvière)y  280, 
Thouars  (Lot-et-Garonne),  55. 
Toile  à  voile,  i85. 
Tolzat  (ruisseau),  9. 
Tomates  {culture  de),  i48. 
Touneins  (  Lot  -  et  -  Garonne  ), 

10   à    12,    127,    i32,    i85, 

187. 
Tortillards  (voyez  Ormes). 
Toscane  (province  d'Italie),  255, 

256. 
Toulouse  (Haute-Garonne),  84, 

18G,  223,  226,  233,  234,  241, 

242. 
Tour  aine,  33,  126. 
Tournecoupe  (Gers),  85,  99. 
Tour-N^uve  (Lot-et-Garonne), 

45. 
Tournon-d'Agenais  (Lot-et-Ga- 
ronne), 177. 
Touzac  (Lot),  281. 
Trec  (rivière),  7,  8,  21,  22. 
Trenqueléon  (château  de),  5i. 
Truffes,  3oi,  3o4,  3o5. 
Tunisie,  68,  72,  269 


342 


INDEX    ALPHABETIQUE. 


Urdens  (Gers),  go. 
Uxellodimum    (cité    gauloise), 
286,  3i3. 


Vacquiers     (Haute- Garonne), 

240. 
Valence-d'Agen    (Tarn -et -Ga- 
ronne), 197, 198,  2o3,  2o5. 
Valence-sur-Baise   (Gers),    85 

.  98,  iio,  122. 

Valenlré  (pont  de)  à   Gahors, 
295,  807. 

Valette  (château  de  la)  [Tarn- 
et-Garonne],  270. 

Valette  (La)  [île  de  Malte],  270. 

VAR  (département  du),  70. 

Varaire  (Lot),  Soi,  802. 

Varen  (Tarn-et-Garonne),  2G4 

Vaylats  (Lot),  801. 

Verdégas    (Lot-et-Garonne), 
i3i. 

Verdun-sur-Garonne    (Tarn-et- 
Garonne),  222,  228. 

Vère  (rivière),  277- 

Vers  (Lot),  812. 

Vers  (rivière),  818. 

Versailles  (Seine-et-Oise),  186, 

Vert  (rivière),  284,  280. 

Vesoul  (Haute-Saône),  296. 

Vianne    (Lot-et-Garonne),    5i, 
54,  55. 


Vic-Fezensac  (Gers),  107,  109, 
iio,  111  à  115,    118,  119, 
122. 
Villaudric    (  Haute  -  Garonne  ),- 

289,  240,  241. 
Ville  -  Bourbon     (  faubourg    de 

Montauban),  228. 
Villebrumier    (Tarn-et-Garon- 
ne), 233,  237,  238. 
Villemur (Haute-Garonne),  "idS, 

287,  238,  239. 
Villeneuve-sur-Lot   (Lot-et-Ga- 
ronne),   i35,    189,  140    à 
158,    177,    182,    186,    192, 
233. 
Ville  -  Nouvelle    (  faubourg    de 

Montauban),  280. 
Villeréal  (Lot-et-Garonne),  189, 

165, 166. 
Vins  noirs,  291. 
Virazeil   (Lot-et-Garonne),    8, 

21. 
Virginie  (États-Unis),  12. 
Viticulture,   107  à  110,  128, 
239  à  243,  274,  291,294, 
807. 

W 

Wohlen  (Suisse),  256. 


Xaintrailles    (Lot-et-Garonne), 


01,  00,  09. 


TABLE  DES  CARTES 


Carte  d'ensemble  (en  face  du 
titre). 

Vallée  de  la  Garonne  entre 
Marmande  et  Tonneins,  3. 

Entre  la  Garonne  et  le  Drot,  28. 

Environs  de  Gasteljaloux,  87. 

La  Baise  de  VianneàNérac,  53. 

Le  chêne-liège  en  Lot-et-Ga- 
ronne, 69. 

Environs  de  Mézin,  77, 

Lectoure,  90. 

Fleurance,  98. 

Vic-Fezensac,  112. 

Condom,  120. 

Le  coude  du  Lot  entre  Sainte- 
LivTade  et  Villeneuve -sur- 
Lot,  i33. 


L'Agenais  (feuille  double),  162 

et  i53. 
Agen,  181. 
Moissac,  201. 
Confluents    de   la   Garonne    et 

du  Tarn,  du  Tarn  et  de  l'Avey- 

ron  (Bas-Ouercy),  209. 
La    Lomagne    de    Tarn-et-Ga- 

ronne,  218. 
Montauban,  227. 
Caussade  et  Septfonds,  25g. 
Le  Cingle  de  Cahors,  289. 
Confluent  du  Lot  et  du  Celé, 

319. 
Le  Lot  à   Cajarc,   gouff'res   de 

rOule  et    de   Lantouy,    821. 


TABLE  DES  MATIERES 


I.  —  La  plaine  de  la  Garonne. 

Pages, 
En  amont  de  La  Réole.  —  La  plaine  de  Garonne.  —  xMeilhan.  — 
Le  sorgho  à  balai.  —  Les  gavaches  de  Sainte-Bazeille.  —  Mar- 
mande.  —  Une  affiche  électorale.  —  Le  Mas-d'Agenais.  —  Ton- 
neins  et  la  culture  du  tabac.  —  Comment  on  prépare  le  sol.  — 
Formalités  administratives.  —  La  récolte  et  le  manocage.   .   .  i 


II.  —  La  vallée  du  Drot. 

Le  vallon  du  Trec.  —  Les  pruniers  et  les  chenilles  fileuses.  — 
Autour  de  Seyches.  —  Lauzun  et  son  duché.  —  La  Sauvetat. 
—  Eymet.  —  En  Périgord.  —  Au  long  du  Drot.  —  Duras.  — 
Monségur.  —  En  Gavacherie.  —  Castelmoron-d'.Ubret.  —  De 
Monségur  à  La  Réole 21 


III.  —  Les  landes  de  Lot-et-Garonne. 

La  vallée  de  l'Avance.  — Casteljaloux  et  ses  usines.  —  Les  pertes 
et  les  sources  de  l'Avance.  —  Dans  les  pinèdes.  —  Les  Lugues. 
—  Houeillès.  —  La  foire  de  Pelbusoc.  —  La  Grande  Lande.  — 
Le  val  de  l'Estampon 35 


IV.  —  La  capitale  du  «  Béarnais  ». 

La  vallée  de  la  Baïse.  —  La  bastide  de  Vianne.  —  Lavardac.  — 
Navigation  de  la  Baïse.  —  Ateliers  de  bouchonniers.  —  Le  Pont- 
de-Bordes.  —  Le  moulin  de  Barbaste.  —  Barbaste.  —  Nérac. 
—  La  promenade  de  la  Garenne 5o 


346  TABLE    DES    MATIERES. 


V.  —  Les  bouchonniers  de  Mézin. 


Pages. 


L'industrie  de  Nérac.  —  Les  bouchonniers. —  Les  forêts  de  chê- 
nes-lièges ou  siiriers.  —  La  culture  des  suriers.  —  Le  com- 
merce du  liège.  —  Le  pas  de  Gascogne.  —  Au  bord  de  la  Gé- 
lise.  —  La  forêt.  —  Mézin  et  les  ateliers  de  liégeurs.  —  Sos.  — 
L'école  d'agriculture  et  de  viticulture  de  Saint-Pau 66 

VI.  —  Lomagne  du  Gers,  Gaure  et  Fezenzaguet. 

Entre  Agen  et  Lectoure.  —  Le  pays  de  Brulhois.  —  Layrac.  — 
Astaffort.  —  En  Lomagne.  —  Lectoure.  —  La  maison  du  maré- 
chal Lannes.  —  Fleurance  et  le  pays  de  Gaure.  —  En  Fezen- 
zaguet :  Mauzevin  et  Montfort Sfj 

VII.  —  Le  Fezensac  et  l'Eauzan. 

L'Adour  et  l'Arros.  —  Thermes-d' Armagnac.  —  Aignan.  —  No- 
garo  et  le  Bas-Armagnac.  —  La  Douze  et  le  Midour.  —  Eauze. 

—  La  bourse  aux  eaux-de-vie.  —   Les  distillateurs  d'Arma- 
gnac. —  Lannepax.  —  En  Fezensac.  —  Vic-Fezensac loi 

VIII.  —  Le  Condomois. 

Gondrin.  —  Laressingle.  —  La  vallée  de  la  Losse.  —  Condom. 

—  Le  commerce  des  eaux-de-vie.  —  La  navigation  de  la  Baïse. 

—  Valence    et    Beaucaire.  —    En  descendant    la   Baïse.  — 
Moncrabeau,  pays  des  hâbleurs 117 

IX.  —  Le  pays  des  prunes. 

Clairac  et  ses  marchés.  —  Au  long  du  Loi.  —  La  Parade.  —  Cas- 
telmoron.  —  L'orme  tortillai'd.  —  Monclar  et  Sainte- Livrade. 

—  La  culture  du  prunier.  —  Robe  de  sergent  et  prune  d'ente. 

—  Le  commerce  des  pruneaux.  —  Le  cueillette  et  la  cuisson. 

—  Villeneuve-sur-Lot  :  la  ville 127 

X.  —  Les  petits  pois  de  Villeneuve. 

A  travers  Villeneuve-sur-Lot.—  Les  peigniers  en  corne.  —  L'em- 
ballage des  petits  pois.  —  Au  marché.  —  Les  fabriques  de  con- 
serves. —  La  culture  des  pois.  —  Machines  à  écosser.  —  Les 
pruneaux.  —  Autour  de  Villeneuve i i44 


TABLE    DES    MATIERES.  347 

XI.  —  Le  Haut  Agenais. 

Pages. 
Au  bord  de  la  Lède.  —  La  culture  des  fèves.  —  Monflanquin.  — 
Villeréal.  —  Les  campagnes  du  haut  Agenais.  —  Monsempron 
et  Libos.  —  Fumeletses  forges.  —  Les  carrières  de  l'Allemance.       i6o 

XII.  —  Agen  et  ses  campagnes. 

Les  vieilles  forteresses.  —  Tournon-d'Agenais  et  Penne-d'Age- 
nais.  —  Le  vallon  de  la  Marse.  —  Agen.  —  Le  poète  Jasmin. 

—  Le  commerce  d'Agen.  —  Richesses  agricoles.  —  Au  long  de 
la  Garonne.  —  Pont-Saint-Marie.  —  Aiguillon.  —  Nicole  et  ses 
abricotiers 176 

XIII.  —  Le  Bas-Quercy. 

L'Aveugle  de  CastelcuUer.  —  Le  canal  latéral.  —  La  Séoune.  — 
Puymirol.  —  En  Tarn-et-Garonne.  —  Valence-d'Agenais.  — 
Auvillars.  —  Saint-Nicolas-de-la-Grave.  —  Moissac.  —  Du  Bas- 
Quercy  en  Quercy-Blinc 192 

XIV.  —  LoMAGNE  ET  Rivière- Verdun. 

Le  vignoble  de  Tara-et-Garonne.  —  Castelsarrazin.  —  Noms  de 
rues.  —  En  Lomagne.  —  Lavit-de-Lomagne.  —  Beaumont-de- 
Lomagne.  —  L'élevage  des  chevaux.  —  Montech.  —  Le  maré- 
chal Pérignon.  —  Verdun.  —  La  Rivière-Verdun.  —  Grisolles. 

—  Culture  du  sorgho.  —  La  fabrication  des  balais 207 

XV.  —  La  Rivière  Montalbanaise. 

Le  pays  de  la  brique.  —  Montauban.  —  Lidustrie  de  la  soie.  — 
Lafrançaise.  —  La  Rivière  du  Tarn.  —  Villebrumier.  —  Entrée 
en  Haute-Garonne.  —  Villemur  et  ses  usines.  —  Le  vignoble 
de  Villaudi'ic  et  de  Fronton.  —  Pompignan  et  son  château.    .      226 

XVI.  —  Les  chapeaux  de  paille  du  Quercy. 

Au  bord  de  l'Aveyron.  —  Les  pêches  de  l'Honor-de-Cos.  —  Une 
ville  gauloise  disparue.  —  Réalville  et  le  vallon  de  la  Lère.  — 
La  fabrication  des  chapeaux  de  paille,  son  origine,  ses  déve- 
loppements. —  Les  usines  de  Gaussade.  —  Quelques  mots  sur 
la  production  des  tresses.  —  La  ville  de  Gaussade.  —  Sur  le 
causse,  —  Septfonds 24G 


348  TABLE    DES    MATIERES. 

XVII.  —  Les  gorges  de  l'Aveyron. 

Pages. 
La  gare  de  Lexos.  —  Au  long  de  l'Aveyron.  —  Les  rochers  du 
causse.  —  Saint-Antonin.  —  Le  plus  vieil  hôtel  de  ville  de 
France.  —  La  vallée  de  la  Bonnette.  —  Les  phosphates  de 
Tarn-et-Garonne.  —  Gouffre  de  la  Goule.  —  Caylus.  —  Sur  le 
causse.  —  En  descendant  l'Aveyron.  —  Penne  et  Bruniquel. 

—  Montricoux  et  Négrepelisse 263 

XVIII.  —  Les  cingles  du  Lot. 

De  Fumel  à  Cahors.  —  Les  cingles.  —  Ruines  d'Orgueil.  —  Du- 
ravel  et  ses  mines.  —  Puy-l'Évêque.  —  La  patrie  du  maréchal 
Bessières.  —  Caslelfranc.  —  Luzech.  —  Le  tabac  dans  le  Lot. 

—  Mercuès  et  son  château.  —  Cahors.  —  La  vieille  ville.  — 

Les  monuments 279 

XIX.  —  Le  causse  de  Limogne. 

En  Quercy-Blanc.  —  Montpezat,  Molières,  Gastelnau-Montratier 
etMonteux.  —  Sur  le  causse  de  Limogne.  —  Les  phosphates  et 
les  truffes.  —  Lalbenque.  —  Bach.  —  Limogne.  —  Les  mar- 
chés de  Concots.  —  Aspects  du  causse.  —  Descente  à  Cahors.      297 

XX.  —  Le  Lot  entre  Rouergue  et  Quergy. 

Le  Lot  de  Cahors  à  Capdenac.  —  Arcambal.  —  Le  vallon  du 
Vers  et  l'oppidum  de  Mursens.  —  La  font  Polémie.  —  Saint- 
Géry.  —  Saint-Cirq-Lapopie.  —  Les  phosphates  de  Larnagol. 

—  Cajarc.  —  Gouffres  de  l'Oule  et  de  Lantouy    —  Rouergue 

et  (Juercy.  —  En  vue  de  Capdenac 3o8 


Nancy,  impr.  Berger-Levraull  et  G'e. 


CHEMINS  DE  FER  DU  MIDI 


VOYAGES  CIRCULAIRES  A  PRIX  RÉDUITS 

AUX  PYRÉNÉES  ET  M  PEOYEÎ^CE 

]>"<;  classe.      2e  classe. 

Iler,  2e  et  3*  parconrs  ....  68  fr.  51  fr. 

4«',  5e,  6e  et  7«  parcours  ...  91  68 

8c  parcours 114  87 

Durée  :  20  jours  pour  les  sept  premiers  parcours  et  25  jours  pour  le  huitième. 
Faculté  de  prolongation  moyennant  supplément  de  10  p.  100. 

En  outre,  il  est  délivré  des  billets  spéciaux  d'aller  et  l'etour  à  prix  réduits  en 
Tue  de  permettre  aux  voyageurs  porteurs  de  billets  de  voyages  circulaires  de 
visiter  des  points  situés  en  dehors  du  voyage  circulaire,  notamment  les  Eaux- 
Bonnes  et  les  Eaux-Chaudes,  stations  thermales  desservies  par  la  gare  de  Laruns- 
Eaux-Bonnes. 


BILLETS  D'ALLER   ET  RETOUR   DE  FAMILLE  POUR   LES  VACANCES 
Durée  de  validité  :  33  jours,  non  compris  celui  du  départ. 

a)  Pendant  les  périodes  ci-après  indiquées  de  chaque  année,  il  est  délivré  au 
départ  de  toute  gare  ou  halte  des  quatre  premières  catégories  du  réseau  du  Midi, 
aux  Familles  d'au  moins  trois  personnes  payant  place  entière  et  voyageant  en- 
semble, des  billets  d'aller  et  retour  de  famille  de  l^e,  2«  et  3"  classe,  pour  toute 
gare  ou  halte  des  quatre  premières  catégories  distantes  d'au  moins  125  kilo- 
mètres de  la  gare  de  départ. 

lo  Pour  les  vacances  de  Pâques,  du  samedi,  veille  de  la  fête  des  Rameaux,  au 
lundi  de  Pâques  (inclus).  La  durée  ne  peut  être  prolongée. 

2°  Pour  les  grandes  vacances,  du  15  juillet  (inclus)  au  1er  octobre  (inclus).  La 
durée  des  billets  délivrés  pendant  cette  période  peut  être  prolongée  moyennant 
paiemeut  d'un  supplément  de  10  p.  100  du  prix  total  du  billet. 

Le  prix  s'obtient  en  ajoutant  au  prix  de  quatre  billets  simples  ordinaires  le 
prix  d'un  de  ces  billets  pour  chaque  membre  de  la  famille  en  plus  de  deux. 

b)  Il  peut  être  délivré  au  chef  de  famille  titulaire  d'un  billet  de  famille,  et  en 
même  temps  que  ce  billet,  une  carte  d'identité  sur  la  présentation  de  laquelle  il 
sera  admis  à  voyager  isolément  à  moitié  prix  du  tarif  général,  pendant  la  durée 
de  la  villégiature  de  la  famille,  entre  le  lieu  de  départ  et  le  lieu  de  destination 
mentionnés  sur  le  billet. 

{Pour  plus  amples  renseignements  consulter  le  tarif  G.  Y,,  no  2  [chap.  S].) 

Avis.  —  Un  livret  indiquant  en  détail  les  conditions  dans  lesquelles  peuvent 
être  effectués  les  divers  voyages  d'excursions,  de  famille,  etc.,  sera  envoyé  gra- 
tuitement à  toute  personne  qui  fera  parvenir  au  Service  commercial  de  la  Com- 
pagnie, 54,  boulevard  Haussmann,  à  Paris  (IXe  arrondissement),  le  montant  de 
TafFranchissement  dudit  livret,  soit  0  fr.  25  c. 


CHEMIN  DE  FER  D'ORLÉANS 


EXCURSIONS    EN    AUVERGNE 

ET  DANS  LE  LIMOUSIN 

AVEC  ARRÊT  FACULTATIF  A  TOUTES  LES  GARES  DU  PARCOURS 
Tarif  G.  V.  no  5  (Orléans). 


La  Compagnie  d'Orléans  délivre,  du  /tr  Juin  au  30  Septembre,  des  billets  d'Excursions 
en  Auvergne  et  dans  le  Limousin,  valables  perdant  'M  jours,  au  départ  des  gares  dé- 
nommées ci-dessous,  ainsi  qu'aux  gares  et  stations  intermédiaires,  à  prix  réduits  et  com- 
portanl  les  itinéraires  Â,  B  et  C  déterminés  comme  suit  : 

Itinéraire  A. 

L'itinéraire  A  comprend  : 

1"  Le  parcours  circulaire  ci-après  défini  ; 

Vierzon,  Bourges,  Montluçon,  Chamblet-Néris  (Bains  de  Néris),  Évaux-les-Bains 
(Bains  d'Évaux),  Eygurande,  La  Bourboule  (Baius  de  la  Bourboule),  Le  Mont-Dore 
(Bains  du  Mont-Dorei,  Boyat  (Bains  de  Bovai),  Clermont-Ferrand,  Largnac,  Dssel, 
Limoges  (par  Tulle,  Brive  et  Saint-Yrieis,  ou  par  Eymouliers),  Vierzon; 

2o  Le  parcours  aller  et  retour,  entre  le  point  de  départ  et  le  point  de  contact  avec  le 
circuit  ci-(lessns. 

Le  point  de  contact  avec  le  circuit  est  Vierzon  pour  les  points  de  départ  Paris, 
Orléans,  Blois,  Tours,  Le  Mans,  Angers  et  Nantes;  Saint-Sulpice-Laurière,  pour 
le  point  de  départ  Poitiers;  Limoges-Bénédictins,  pour  le  point  de  départ  Angou- 
lème;  Brive,  pour  les  pomts  de  départ  Périgueux,  Bordeaux,  Agen,  Montauban, 
Toulouse. 

Itinéraire  B. 

L'itinéraire  B  compremi  : 

Ir  Le  parcours  aller  et  retour  du  point  de  départ  (Paris,  Orléans,  Blois,  TourS, 
Le  Mans,  Angers  ou  Nantes)  à  Vierzon; 

2'3  Le  parcours  circulaire  ci-apres  défini  : 

Vierzon,  Bourges,  Montluçon,  Chamblet-Néris  (Bains  de  Xéris),  Évaux-les-Baius 
(Bains  d'Évaux  ,  Eygurande,  La  Bourboule  (Bains  de  la  Bourboule),  Le  Mont-Dore 
(Bains  du  Mont-Dore),  Boyat  (Bains  de  Boyat  ,  Clermont-Ferrand,  Largnac,  Vic- 
sur-Cère,  Arvant,  Figeac,  Bodez,  Decazeville,  Bocamadour  (Padirac  et  Miers), 
Brive,  Limoges    par  Saint- Yrieix  ou  par  Uzerciie),  Vierzon. 

Itinéraire  C. 

L'itinéraire  C  comprend  : 

lo  Le  parcours  circulaire  ci-après  défini  : 

Limoges-Bénédictins,  Meymac,  Eygurande,  La  Bourboule  (Bains  de  La  Bour- 
boule), Le  Mont-Dore  (Bains  du  Mont-Doie),  Boyat  (Baius  de  Royat),  Clermont-Fer- 
rand, Largnac,  Vic-sur-Cère,  Arvant,  Figeac,  Rodez,  Decazeville,  Bocamadour 
(Padirac  et  Miers),  Brive,  Limoges  (par  Saint-Yrieix  ou  par  Uzerche); 

2°  Le  parcours  aller  et  retour,  entre  le  point  de  départ  et  le  point  de  contact  avec  le 
circuit  ci-dessus. 

Le  point  de  contact  avec  le  circuit  ci-dessus  est  Limoges-BénédiCtins,  pour  les  points 
de  dépari  Poitiers  et  Angoulême;  Brive,  pour  les  points  de  départ  Bordeaux  et  Péri- 
gueux  ;  Capdenac,  pour  les  points  d«  départ  Agen,  Montauban  et  Toulouse. 

La  durée  de  validité  de  ces  billets  (30  jours)  peut  être  prolongée  d'ime,  deux  ou  trois 
périodes  successives  de  10  jours,  moyennant  le  paiement  d'un  supplément  égal  à  10  p.  100 
du  prix  du  billet. 


CHEMIN  DE  FER  D'ORLÉANS 


VOYAGES  DANS   LES    PYRENEES 

Tarif  G.V.  n"  105  (Orléansj 
La  (Compagnie  d'Orléans  délivre  toute  l'auaée  des  Billets  d'excursions  comporiant  les 
trois  itinéraires  ci-après,  permettant  de  visiter  le  Centre  de  la  France  et  les  stations  bal- 
néaires des  Pyrénées  et  du  golfe  de  Gascogne. 

Itr  Itinéraire. 
Paris,  Bordeaux,  Arcachon,  Mont-de-Marsan,  Tarbes,    Bagnères-de-Bigorre, 
Montréjeau,  Bagnéres-de-Luchon,  Pierrefitte-Nestalas,  Pau,  Bayonne,  Bordeaux, 
Paris. 

2,'=  Itinéraire. 
Paris,   Bordeaux,   Arcachon,    Mont-de-Marsan,  Tarbes,   Pierrefitte-Nestalas, 
Bagnéres-de-Bigorre,  Bagnères-de-Luchon,  Toulouse,  Paris  {via  Montauban-Cahors- 
Limoges  ou  vid  Figeac- Limoges). 

3e  Itinéraire. 
Paris,  Bordeaux,  Arcachon,  Dax,  Bayonne,  Pau,  Pierrefitte-Nestalas,  Bagnè- 
res-de-Bigorre, Bagnères-de-Luchon,   Toulouse,   Paris  {via  Moniauban-Cahors-Li- 
moges  ou  via  Figeac-Linioges). 

Durée  de  ijalidité  :  30  jours  (non  compris  le  jour  du  départ). 
Prix  des  billets  :  Iro  classe  :  163  fr.  50  c.  ;  —  2e  classe  :  122  fr.  50  c. 
La  durée  de  validité  de  ce»  billets  peut  être  prolongée  d'une,  deux  ou  trois  périodes 
successives  de  10  jours,  moyennant  le  paiement,  pour  chaque  période,  d'un  supplément  égal 
à  10  p.  100  despiix  ci-dessus. 

BILLETS  POUR  PARCOURS  SUPPLÉMENTAIRES 

non  compris  dans  les  itinéraires  des  billets  des  voyages  circulaires  ci-deaans. 

Il  est  délivré  de  toute  station  des  réseaux  de  l'Orléans  et  du  Midi,  pour  unn  autre  station 

de  ces  réseaux  située  sur  l'itinéraire  des  billets  d'excursion,  ou  inversement,  des  billets 

d'aller  et  retour  de  ire  et  de  2^;  classe,  avec  réduction  de  25  p.  100  en  Irc  classe  et  de 

20  p.  100  en  2<;  classe  sur  le  double  du  prix  ordinaire  des  places. 

PUBLICATIONS 

ÉDITÉES    PAR    LES    SOINS    DE    LA    COMPAGNIE    d'ORLÉANS 
Et  mises  en  vente  dans  ses  gares. 

Le  Liivret-Guide  illustré  de  la  Compagnie  d'Orléans  {Notices,  Vues,  Tarifs,  Horaires) 
est  mis  eu  vente  au  prix  de  30  centimes. 

lo  a  Paris  :  dans  les  bureaux  de  quartier  et  dans  les  gares  d'Austerlitz,  Pont-Saint- 
Michel,  Quai  d'Orsay,  Luxembourg,  Port-Royal  et  Denferl; 

2o  en  Province  :  dans  les  gares  et  principales  stations. 

Les  publications  ci-apres,  éditées  par  les  soins  de  la  Compagnie  d'Orléans,  sont  mises  en 
vente  dans  toutes  les  bibliothèques  des  gares  de  son  réseau  au  prix  de  25  centimes  : 

Le  Cantal.  —  Le  Berry  (au  pays  de  George  Sand).  —  De  la  Loire  aux  Pyrénées 
—  La  Bretagne.  —  La  Touraine.  —  Les  Gorges  du  Tarn.  —  Poitou-Angoumois.  ^ 
Excursions  en  France. 

LA  FRANCE  EN  CHEMIN  DE  FER  (Itinéraires  géographiques). 

De  Paris  à  Tours.  —  De  Tours  à  Nantes.  —  De  Nantes  à  Landerneau,  et  embran- 
chements. —  D'Orléans  a  Limoges.  —  De  Limoges  à  Clermont-Ferrand,  avec  em- 
branchement de  Laqueuille  à  La  Bourboule  et  au  Mont-Dore.  —  De  Saint-Denis-près- 
Martel  à  Arvant  (ligne  du  Cantal).  —  De  Tours  à  Angoulème.  —  D'Angoulème  à 
Bordeaux. 

Premières  livraisons  d'une  collection  qui  sera  continuée. 

Pour  recevoir  franco  ces  publications,  ajouter  à  la  lettre  de  demande  0  fr.  60  pour  le 
Livret-Guide,  Q  fr.  35  pour  chacune  des  autres  brochures  et  0  fr.  30  pour  chacun  des  iti- 
néraires géographiques. 

La  Compagnie  d'Orléans  a  organisé  dans  le  grand  hall  de  la  gare  de  Paris-Quai  d'Orsay 
une  Exposition  permanente  d'environ  1  600  vues  artistiques  (peintures,  eaux-fortes,  litho- 
graphies, photographies),  représentant  les  sites,  monuments  et  villes  des  régions  desservies 
par  son  réseau. 


BERGER-LEVRAULT  &  C'S  LIBRAIRES-EDITEURS 

PARIS,  5,  rue  des  Beaux-Arts.  —  18,  rue  des  Glacis,  NANCY. 


Un  Chef  d'état-major  sous  la  Révolution.  Le  général  de  Billy,  d'après 
sa  correspondance  et  ses  papiers,  par  le  lieutenant  Lottin.  kjoi.  L'n  vo- 
lume in-8,  avec  un  portrait  et  une  carte,  broché, 5  l'r. 

Carnet  d'étapes  du  dragon  Marquant.  Démarches  et  actions  de  l'ar- 
mée du  Centre  pendant  la  campagne  de  1792.  Publié  d'après  le  ma- 
nuscrit original,  par  G.  Vallkk  et  a.  i^ariset.  1898.  Un  volume  in-12  de 
318  pages,  avec  une  carte,  broché 3  fr.  50  c. 

Un  Général  de  l'Armée  d'Italie.  Sérurier  (1742-1819),  d'après  les 
Archives  de  France  et  d'Italie,  par  Louis  Tuetey.  1899.  Un  volume  in-8  de 
392  pages,  avec  portraits,  gravures  et  cartes,  liroché 5  i'r. 

Le  Général  Le  Grand,  baron  de  Mercey  (1755-1828).  Mémoires  et 
souvenirs  (Valmy,  Landau,  Malines,  Novi,  Clialon,  Tournus,  Màcon),  par 
< ".h.  RÉMOiND.  Un  volume  in-i 2,  avec  portraK,  broché 3  i'r.  50  e. 

Le  Général  Auguste  Colbert  (1793-1809),  traditions  et  souvenirs  tou- 
chant sa  vie  et  son  temps,  par  le  mai'quis  de  cIolbert-Ghabanais.  3^  édition. 
1888.  Trois  volumes  in-i 2,  brochés 12  i'r. 

Le  Général  Curély.  Itinéraire  d'un  cavalier  léger  de  la  Grande-Armée 
(1193-1815).  Publié  d'après  un  manuscrit  authentique,  par  le  général 
Ch.  Thoumas.  1887.  l^'i  volume  in-12  de  440  pages,  avec  portrait  et  fac- 
similé   3  Ir.  50  c. 

Souvenirs  et  campagnes  d'un  vieux  soldat  du  premier  Empire 
(1803-1814),  par  le  commandant  Parquin.  Avec  une  introduction  par 
A.  Aubier.  Nouvelle  édition.  1908.  Vn  volume  in-8,  avec  un  portrait,  bro- 
ché   6  fr. 

Lasalle.  D'Essling  à  "Wagram.  Correspondance  recueilhe  et  pubhée  avec 
notes  biographiques  par  A.  Robinet  de  Cléry.  1892.  Beau  volume  in-8,  avec 
1.3  gravures,  une  carte  et  un  tableau  généalogique,  l^roché 5  fr. 

Souvenirs  militaires  d'un  officier  du  premier  Empire  (1795-1832), 
par  J.-N.-A.  No'èl,  colonel  d'artillerie.  1896.  Volume  grand  in-8,  avec  un  por- 
trait, une  gravure  et  6  cartes  ou  plans,  broché 6  fr. 

Souvenirs  militaires  (1805-1818),  par  A.  Tririon,  de  Metz.  Volume  in-12, 
i)roché 4  i'r. 

Les  Grands  Cavaliers  du  premier  Empire.  Notices  biographiques,  par 
le  général  Cli.  Thoumas  : 

—  jre  série  :  Lasalle ,  Kellermann ,  Montbrun ,  Les  trois  Colbert, 
Murât.  1890.  Un  volume  grand  in-8,  avec  4  portraits,  broché.     7  fr.  50  c. 

—  2e  ser/e  :  Nansouty,  Pajol,  Milhaud,  Curély,  Fournier-Sarlovèze, 
Chamorin,  Sainte  -  Croix ,  Exelmans  ,  Marulaz,  Franceschi-De- 
lonne.  1892.  Un  volume  grand  in-8,  avec  H  portraits,  broché  .  .     7  fr.  50  c. 

Grands  Artilleurs.  Drouot,  Sénarmont,  Éblé,  par  le  capitaine  Maurice 
(jiKOD  DE  l'Ain.  Ouvrage  couronné  par  l'Académie  française.  1894.  Beau 
volume  in-8  de  4f>5  pages,  avec  4  portraits,  broché  .........     8  fi\ 

L'Espionnage  militaire  sous  Napoléon  I".  Cb.  Scbulmeister,  par  Paul 
MuLLER.  1896.  Un  volume  in-12,  broché 3  fr. 

Le  Général  Bourbaki,  par  le  commandant  Grandin.  1897.  Un  volume  in-8 
de  3oj  pages,  avec  portrait  et  autogra|)he,  broché 5  fr. 

Lettres  du  Maréchal  Bosquet  (1830-1858).  1894.  Un  volume  in-8  de 
408  pages,  avec  portrait  en  héhogravure,  ijroché 5  fr. 

Souvenirs  de  la  guerre  de  Crimée  (1854-1856),  par  le  général  Fay, 
ancien  aide  de  camp  du  maréchal  Boscjuet.  2^  édition.  1889.  (Couronné  par 
l'Académie  française.)  Volume  in-8,  avec  une  planche  et  3  cartes,  br.     6  li'. 

Français  et  Russes.  Moscou  et  Sévastopol,  1812-1854,  par  Alfred  Rambaud. 
b"  édition.  1892.  Un  volume  in-12,  couverture  illustrée 3  fr.  50  c. 


imp.  hcrger-L( 


BERGER-LEVRAULT  ET  C'%  LIBRAIRES-ÉDITEURS 

PARIS,  5.  rue  des  Beaux-Arts.  -  18.  rue  des  Glacis,  NANCY. 


Ardouin-Dumazet 


Volumes  in-12  d'environ  4oo  pages,  avec  cartes  et  croquis 
Chaque  volume,  broché,  3fr.  50  —  Élégamment  relié,  ^fr. 

..     ,  .     ^  Viennent  de  paraître  : 

6\}^  série.  Gascogne. 

^*"  série.  Agenaîs,  Lomagne  et  Bas-Quercv. 
32'  série.  Haut-Quercy  et  Haute-Auvergne. 
33^  série.  Basse-Auvergne. 


Ces  quatre  nouveaux  volumes  succédant  si  rapidement  à  trois  autres 
dont  nous  annoncions  il  y  a  peu  de  temps  la  publiration,  montrent 
avec  quelle  ardeur  et  quelle  persévérance  M.  Ardouii.-Du.uazet  poursuit 
1  œuvre  considérable  qu'il  a  entreprise,  œuvre  sans  précèdent  et  sans 
équivalent  dans  aucune  littérature. 


Cet  immense  travail  touche  à  sa  fin;  cinq  autres  Yolumes,  en  effet, 
sont  livrés  à  l'imprimerie,  et  l'auteur  achève  en  ce  moment  les  deux 
séries  consacrées  aux  Pyrénées.  Quarante  volumes  seront  donc  publiés 
à  la  fin  de  1903  ;  il  ne  restera  plus  à  terminer  que  les  volumes  con- 
sacrés à  Paris  et  à  l'Ile-de-France.  Notre  pays  possédera  alors  l'étude 
la  plus  complète,  la  plus  documentée  et  la  plus  vivante  qui  lui  ait  en- 
core été  consacrée. 

Ce  qui  donne  au  Voyage  en  France  d'Ardouin-Dumazet  son  in- 
térêt le  plus  vif,  c'est  qu'il  est  l'œuvre  personnelle  d'un  unique  écri- 
vain qui  a  bien  réellement  vu  les  paysages,  les  villes,  les  industries 
qu'il  décrit.  D'autres  ouvrages  portant  un  titre  semblable  ont  été  pu- 
bliés ;  ils  étaient  ou  des  compilations  ou  l'œuvre  d'auteurs  divers 
manquant  forcément  de  l'unité  de  vues  et  de  points  de  comparaisons. 
M.  Ardouin-Dumazet,  au  contraire,  est  allé  à  travers  toute  la  France, 
consacrant  quinze  années  à  cette  exploration.  Il  a  pu  dresser  un  ta- 
bleau très  précis  de  notre  patrie,  en  même  temps  que  très  animé,  en 
dire  toutes  les  beautés,  toutes  les  sources  d'activité.  Aucun  livre  n'est 
plus  propre  à  faire  aimer  davantage  la  terre  française. 

Les  quatre  volumes  que  nous  présentons  aujourd'hui  ont  trait  à  des 
contrées  bien  diverses.  Entre  les  Landes  de  Gascogne  et  les  monts 
d'Auvergne  aucun  point  de  comparaison  ne  semble  pouvoir  s'établir  ; 
et  pourtant,  quand  on  aura  lu  ces  livres,  on  verra  quelles  affinités 
mystérieuses  unissent  les  branches  de  la  grande  famille  française.  La 
conquête  de  la  lande  par  la  forêt,  la  création  en  Auvergne  d'une  race 
de  bétail  moulée  pour  ainsi  dire  sur  le  sol  lui-même,  sont  des  œuvres 
tout  à  l'honneur  de  notre  peuple  et  que  nous  exalterions  sans  doute 
si  elles  étaient  étrangères. 

La  Gascogne,  telle  qu'elle  est  envisagée  dans  la  30'  série  du 
Voyage  en  France,  ne  comprend  pas  la  partie  pyrénéenne  de  la 
province,  et  l'étendue  du  volume  a  nécessité  le  retrait  des  chapitres 
consacrés  au  nord  du  département  du  Gers  et  au  sud  du  Lot-et-Garonne  ; 
on  les  retrouvera  dans  la  31*  série.  Mais  le  livre  n'en  a  pas  moins  une 
unité  parfaite;  la  plus  grande  partie  est  consacrée  à  la  région  des 
Landes,  à  ce  désert  des  vieux  géographes  qui  est  devenu  en  moins 
de  cinquante  ans  un  des  pays  les  plus  riches  et  les  plus  florissants 
de  France.  Même  après  Edmond  About  qui  a  raconté  cette  conquête 


sous  la  trame  du  roman  dans  Maître  Pierre,  M.  Ardouin-Dumazet  a 
su  rendre  vivante  l'œuvre  merveilleuse  du  reboisement  d'une  contrée 
misérable. 

Cette  histoire  de  la  forêt  landaise,  celle  des  Dunes,  sont  des  pages 
qu'il  faut  lire  si  l'on  veut  bien  comprendre  ia  vaillance  propre  à  cette 
race  française,  calomniée  surtout  par  elle-même,  par  ceux  de  ses 
enfants  qu'hypnotise  si  étrangement  ce  qu'ont  fait  les  autres. 

C'est  la  vie  de  la  lande  régénérée,  l'existence  de  ses  résiniers,  ses 
paysages  sylvestres,  ses  lacs  solitaires,  ses  rivières  claires  que  M.  Ar- 
douin-Dumazet nous  décrit  avec  un  charme  pénétrant.  De  là  il  nous 
conduit  à  travers  les  forêts  de  chêne-liège  du  Marensin  et  de  la  Ma- 
rennes,  dans  la  Chalosse  couverte  de  maïs  et  de  vignes,  en  vue  des 
Pyrénées  neigeuses;  puis,  au  moment  de  pénétrer  dans  l'étonnant 
éventail  de  rivières  descendues  du  plateau  de  Lannemezan,  il  nous 
conduit  sur  ces  hautes  terres,  raconte  comment  ces  cours  d'eau  se 
sont  formés,  comment  le  génie  humain  a  complété  l'œuvre  de  la  na- 
ture en  allant  chercher  dans  le  gave  de  Neste  les  eaux  des  neiges 
pyrénéennes  pour  alimenter  quinze  de  ces  rivières  trop  pauvrement 
dotées.  Alors  au  long  de  l'Adour,  de  la  Baise,  du  Gers  et  des  autres 
vallées,  c'est  la  visite  des  petits  pays  qui  se  partagèrent  la  province 
gasconne,  Marsan,  Gabardan,  Tursan.  Pardiac,  Astarac,  Armagnac  et 
tant  d'autres  encore  î 

La  31°  série  est  consacrée  à  l'Agenais,  à  la  Lomagne  et  au  Bas- 

Quercy,  région  heureuse  où  la  Garonne  reçoit  ses  grands  affluents 
venus  des  Cévennes  :  Lot  et  Tarn  ;  où  elle  hume  les  rivières  descen- 
dues de  Lannemezan  avec  l'aumône  que  leur  fait  la  Neste,  pays  rural, 
même  par  ses  industries.  M.  Ardouin-Dumazet  dit  la  splendeur  rustique 
de  la  plaine  garonnaise,  la  culture  du  tabac,  l'exploitation  du  chêne- 
liège  autour  de  la  charmante  cité  de  Nérac,  le  travail  des  bouchonniers 
à  Mézin  et  sur  les  rives  de  la  Gélise.  De  là  il  nous  fait  visiter  les  pays 
de  Lomagne  et  de  Gaure,  l'Eauzan,  le  Fezensac  et  le  Condomois,  mi- 
nuscules provinces  ayant  conservé  leur  individualité  malgré  l'excessive 
centralisation  moderne. 

Voici  maintenant  le  pays  des  prunes  avec  ses  vieilles  et  historiques 
«  bastides  »,  les  vergers  somptueux,  le  fiévreux  commerce  des  petits 
pois  à  Villeneuve-sur-Lot,  les  grands  paysages  de  l'Agenais,  leurs 
fières  ruines  féodales.  Ensuite  Agen  et  les  souvenirs  de  Jasmin,  les 


bords  de  la  Garonne  vers  la  Lomagne  et  le  pays  de  Rivière,  l'élégante 
Montaiiban  et  sa  plaine  d'une  richesse  merveilleuse. 

Et  de  nouveau  les  grands  paysages,  avec  les  gorges  de  TAveyron, 
les  causses  de  Caylus  et  de  Limogne,  les  actives  cités  de  Gaussade  et 
de  Septfonds  où  tout  le  monde  travaille  à  la  confection  des  chapeaux 
de  paille.  Le  volume  se  termine  par  la  description  de  la  vallée  moyenne 
du  Lot,  remontée  de  Fumel  à  Capdenac,  région  de  sites  superbes,  eaux 
pures,  grandes  falaises-  de  roches,  vives  fontaines,  antiques  et  fières 
petites  cités  dont  Cahors  est  la  reine. 

A  la  partie  la  plus  âpre,  mais  la  plus  curieuse  aussi  de  ce  Quercy 
est  consacrée  la  32®  série:  Haut- Quercy  —  H  au  te- Auvergne. 
C'est  la  région  des  avens,  des  gouffres,  des  pertes  de  rivières,  des 
sources  mystérieuses  et  puissantes.  La  vallée  du  Celé  et  les  abimes 
de  la  Braunhie,  les  plateaux  de  Gourdon  couverts  de  noyers,  l'admi- 
rable vallée  de  la  Dordogne  parcourue  des  confins  du  Périgord  jusqu'à 
ceux  de  l'Auvergne  et  du  Limousin.  Martel  et  son  causse,  Souillac  et 
le  charmant  bassin  de  Saint-Céré  où  naquit  Canrobert,  le  Puy  d'Issolu 
où  se  déroula  un  des  grands  drames  de  la  conquête  des  Gaules  par 
César.  Plus  haut  Gra mat  et  son  causse  creusé  de  gouffres,  le  site  inou- 
bliable de  RocamaJour,  et  Padirac  avec  ses  galeries  de  stalactites  et  sa 
rivière  souterraine,  une  des  merveilles  de  la  France. 

Soudain  le  décor  change,  aux  calcaires  Assurés,  excavés,  découpés, 
dressés  en  falaises,  succèdent  les  granits  de  formes  moins  nettes,  mais 
entassés  en  montagnes  autrement  élevées.  Nous  y  pénétrons  par  le 
pauvre  Ségala  entouré  par  le  Gelé  arrosant  la  riante  vallée  de  Maurs 
et  la  gorge  splendide  où  la  Gère  bondit  entre  les  roches.  C'est  la 
Haute-Auvergne  autour  des  formidables  débris  de  son  volcan.  M.  Ar- 
douin-Dumazet  s'y  attarde  volontiers,  11  nous  intéresse  à  Aurillac,  le 
grand  centre  de  la  contrée,  nous  fait  pénétrer  dans  les  paysages 
de  la  Cliàtaigneraie,  dont  il  dit  la  mélancolie.  Puis  voici  encore  le  Lot 
vers  Entraigues  où  il  reçoit  la  Truyère,  les  sévères  plateaux  de  la 
Viadène,  et  cette  solitude  étonnante  et  sublime  des  gorges  du  Lot 
entre  Entraigues,  Estaing  et  Espalion. 

Nous  abordons  la  haute  montagne  :  l'Aubrac  aux  pelouses  sans  fin, 
peuplées  d'un  bétail  innombrable;  ses  lacs,  le  triste  plateau  de  la 
Margeride  étendu  à  ses  pieds.  Vers  le  nord  la  haute  vallée  de  la  Gère 
si  riante  et  fraîche,  le  massif  du  Cantal,  la  belhqueuse  Saint-Flour  sur 


sa  montagne,  le  viaduc  de  Garabit,  la  maussade  Planèze  et  la  curieuse 
Ghaudesaigues  dont  les  habitants  se  chautïent  avec  les  euux  thermales 
qui  abondent  et  sonî  même  utilisées  à  la  cuisine. 

Achevant  le  tour  da  massif  cantalien,  M,  Ardouin-Dnmazet  visite  le 
Gézallier  et  ses  hauts  pâturages  avant  de  descendre  vers  les  petites 
villes  d'Allanche,  de  Marcenat  et  de  Gondat,  peuplées  de  colporteurs 
dont  il  nous  dit  les  curieuses  mœurs  commerciales.  C'est  de  là  qu'il 
atteint  Mauriac  pour  faire  l'ascension  du  Puy-Mary,  montagne  autour 
de  laquelle  rayonnent  tant  de  vallées,  et  visiter  la  pittoresque  Salers, 
cœur  de  l'Auvergne  pastorale. 

La  33«  série  acl'.ève  la  description  de  cette  belle  province  par  la 
Basse-Auvergne,  c'est-à-dire  la  partie  du  pays  de  Gombrailles  dé- 
volue à  la  Creuse,  tout  le  déparlement  du  Puy-de-Dôme  et  le  nord  de 
celui  de  la  Haute-Loire.  Peu  de  pays  ont  été  plus  décrits  que  ceux-là, 
surtout  les  massifs  des  monts  Dôme  et  des  monts  Dore.  L'auteur  du 
Voyage  en  France  a  su  pourtant  découvrir  des  choses  nouvelles. 
Après  George  Sand  il  sait  nous  dépeindre  cette  Gombrailles  dont 
Ghambon  est  le  joyau.  La  Limagne,  que  tant  d'écrivains  ont  chantée 
depuis  Sidoine  Apollinaire,  est  révélée  dans  toute  sa  richesse  agreste. 
A  Riom  la  cité  parlementaire,  l'active  Clermont,  la  ville  momiflée  de 
Montferrand,  M.  Ardouin-Dumazet  commence  la  visite  des  monts  phlé- 
gréens.  Il  nous  conduit  au  sommet  du  Puy-de-Dôme,  en  suivant  la 
chaîne  de  volcans  jadis  hideux  mais  transformés  par  les  jeunes  forêts, 
dans  les  champs  de  lave  de  Yolvic  ;  au  bord  de  la  Dordogne  naissante 
où  la  foule  se  presse  à  la  Bourboule  et  au  mont  Dore.  De  là,  suivant 
la  Dordogne  encore  ton*ent,  nous  allons  visiter  les  landes  de  Bourg- 
Lastic  devenues  camp  d'instruction,  la  vallée  sauvage  du  Chavanon, 
les  orgues  de  Bort  d'où  les  horizons  sont  si  grandioses,  et  les  nappes 
de  basalte  que  domine  Latour-d'Auvergne. 

Alors  c'est  l'ascension  du  Sancy,  la  visite  aux  lacs  qui  entourent  ce 
géant  de  l'Auvergne,  du  lac  Pavin  à  Besse-en-Chandesse  ;  la  visite  de 
tout  ce  massif  superbe  du  mont  Dore  et  la  descente  au  long  des 
couzes  qui  conduisent  à  Issoire  par  les  ruines  gigantesques  de  Murols. 

Ici  nous  trouvons  l'Allier.  L'infatigable  voyageur  en  parcourt  les 
rives,  depuis  Monistrol  jusqu'aux  contins  du  Bourbonnais,  les  quittant 
parfois  pour  monter  sur  la  Margeride  sauvage  ou  sur  les  petits  monts 
du  Devès.  Le  patriote  qui  nous  avait  fait  visiter  jadis  Alésia  et  le  sile 


—      G      — 

d'Uxollodunum  nous  fait  accomplir  le  pèlerinage  de  Gergovie  et  re- 
trouvei'  les  traces  de  Vercingétorix. 

A  la  fin  du  voluaie  nous  avons  quitté  l'Allier  pour  la  Dore,  après 
avoir  visité  Pont-du-Château  et  ses  mines  d'asphaite,  la  vénérable 
Billom,  Lezoux  et  ses  riches  campagnes.  Et  nous  voici  dans  le  Livra- 
dois,  vers  OUiergues  enfoncé  dans  son  cirque,  et  l'industrieuse  Ambert. 
Là  sont  nos  plus  vieilles  papeteries  de  France  dans  les  vallons  soli- 
taires ouverts  au  pied  des  monts  du  Forez.  Plus  loin,  voici  les  pre- 
mières dentellières,  sur  le  plateau  glacé  de  la  Chaise-Dieu  où  se  dresse 
nne  des  plus  merveilleuses  églises  abbatiales.  Par  cette  haute  et  morne 
plaine,  en  traversant  Craponne,  nous  gagnons  la  vallée  de  la  Loire 
pour  prendre  pied  sur  la  rive  droite  du  fleuve,  dans  ce  pays  vellave 
auquel  sera  consacrée  la  plus  grande  partie  de  la  34'  série. 

Ceci  n'est  qu'une  sèche  ènumération  des  principaux  chapitres  de 
ces  volumes,  qui  n'auront  pas  moins  de  succès  que  leurs  prédéces- 
seurs. Comme  eux  ils  se  recommandent  par  la  vivacité  des  descrip- 
tions, le  pittoresque  obtenu  sans  être  cherché  et  les  qualités  littéraires 
qui  rendent  attrayants  cet  ouvrage  énorme  cependant. 

Aussi  les  récompenses  n'ont  pas  manqué  au  Voyage  en  France. 
L'Académie  française  par  deux  fois,  la  Société  des  gens  de  lettres 
jugeant  un  de  ses  pairs,  la  Société  de  géographie  et  la  Société  de 
géographie  commerciale  de  Paris  ont  couronné  l'œuvre.  Celte  dernière 
lui  a  décerné  la  médaille  de  France  dès  le  vingtième  volume,  et  son 
rapporteur  disait  : 

Il  y  a  donc  encore  des  coins  insuffisamment  connus  en  France  ? 
Posez  cette  question  devant  M.  Ardouin-Dumazet  !  Il  vous  répo?i- 
dra  en  vous  montrant  les  volumes  déjà  parus  de  son  u  Voyage  en 
France  »,  Œuvre  encore  inachevée,  sans  doute;  mais  fallait-il 
atte/idre  encore,  après  vingt  volumes,  pour  récompenser  l'œuvre  ? 
Aucun  de  nous  ne  l'a  pensé. 

L'auteur  nous  entraine  de  ptrovince  en  jirovince,  de  ville  en  ville, 
d'usine  en  usine.  C'est  ua  tour  de  France,  effectué  avec  le  compagnon 
le  plus  aimable,  le  plus  instruit,  le  plus  débrouillard,  le  plus  insa- 
tiablement  curieux  qui  se  puisse  imaginer.  M.  Ardouin-Dumazet  en- 
tend étudier  de  près,  voir,  toucher,  comprendre  ce  qu'il  décrit,  ce 
qui  fait  qu'une  fois  en  jmssession  de  son  sujet,  il  l'expose  avec  une 
aisance  extrême,  avec  le  talent  de  se  faire  lire  jusqu'au  bout. 

Lu  plume  est  alerte,   sans  prétention  ;  pas  de  ptl^CL^éoloyie  ;  des 


monceaux  de  faits  et  de  chiffres,  dressés  jwur  l'édification  du  lecteur 
par  les  voies  les  plus  courtes.  Pays,  mœurs,  production  industrielle, 
agriculture,  conditions  du  travail,  dans  chaque  localité,  tout  est  passé 
en  revue  avec  intelligence  et  sincérité.  Uauteur  nous  appartient  sur- 
tout par  le  côté  économique  et  commercial.  On  sent  que  l'on  a  en  lui 
sur  ce  terrain  un  guide  à  qui  l'on  peut  se  fier. 

L'un  de  nous  a  dit  que  l'œuvre  de  M.  Ardouin-Dumazet  était  ce  qui 
avait  été  publié  de  plus  agréable  et  de  plus  complet  en  ce  genre 
sur  la  France  depuis  le  célèbre  voyage  d'Arthur  ïoung  à  la  fin  du 
xvin°  siècle.  Les  préoccupations  de  l'auteur  moderne  sont  inoins  ex- 
clusivement ag?'icoles  que  celles  de  son  prédécesseur,  et  Arthur  Young 
parcourait  lentement  nos  campagnes  sur  une  jument  grise,  tandis  que 
M.  Ardouin-Dumazet  use  de  tous  les  moyens  de  locomotion. 

Notre  auteur  a  été  soldat  avant  d'être  écrivain.  Franc-tireur  en 
i870,  il  combattit  à  Dijon,  à  Nuits,  à  Yesoul  ;  il  s'engagea  en  1872 
dans  un  régiment  de  ligne,  passa  de  là  aux  tirailleurs  algériens, 
forma  une  Société  de  géographie  à  Tlemcen,  fut  élu  membre  de  la 
Société  de  géographie  de  Bordeaux  et  membre  correspondant  de  notre 
Société.  Il  était  alors  caporal.  Le  suivre  dans  les  nombreuses  péri- 
péties de  sa  carrière  m'entraînerait  trop  loin.  Il  s'est  fait  lui-même, 
il  a  été  un  écrivain  d'une  fécondité  extraordinaire,  il  a  enfin  composé 
une  belle  œuvre  sur  notre  pays  :  nous  lui  avons  donné  la  médaille 
de  France. 

Ce  que  la  Société  de  géographie  commerciale  a  pensé  du  Voyage 
en  France,  la  Société  de  géographie  de  Paris  l'avait  dit  en  lui  attri- 
huant  le  prix  Félix  Fournier. 

M.  Ardouin-Dumazet  s'effoi'ça  donc  de  faire  une  étude  sérieuse  très 
documentée  et  très  au  courant,  en  s'appuyant  non  pas  seulement  sur 
ce  qui  avait  été  écrit  avant  lui,  mais  en  allant  sur  place,  en  consul- 
tant les  industriels,  les  commerçants,  les  propriétaires,  tous  ceux, 
en  un  mot,  qui  étaient  en  état  de  lui  fournir  des  renseignements 
vécus.  On  sent  tout  ce  qu'il  faut  d'esprit  critique  et  d'indépendance 
pour  7ie  pas  se  laisser  influencer,  pour  négliger  les  querelles  locales, 
les  amours -propres  froissés  et  ne  retenir  de  ces  informations,  souvent 
oiseuses  et  interminables,  que  le  trait  décisif  et  l'argument  qui  porte. 
Ce  n'est  plus  ici  le  sec  et  fastidieux  résumé  d'un  auteur  qui  abrège 
des  documents  officiels,  c'est  l'impartial  exposé  d'efforts  personnels 
encore  tout  vibrants  de  la  lutte,  et  cela  donne  au  style,  avec  une 
trame  solide,  une  intensité  de  vie,  une  propriété  d'expression  qui  sont 
la  caractéristique  même  de  cet  ouvrage. 


Pour  tous,  le  nom  d'Àrdouin-Dumazet  et  le  Voyage  en  France 
sout  désormais  iQ^éparables.  Nous  avons  cité  déjà  le  mot  de  ce  pro- 
fesseur d'une  de  nos  grandes  Universités,  disant  qu'il  voyait  là  pour 
la  première  fois  «  une  géographie  nationale  vraiment  digne  de  ce 
nom,  autant  sous  le  rapport  des  recherches  nouvelles  et  inattendues, 
que  de  la  méthode  d'exposition,  et  qui  laisse  bien  loin  derrière  elle 
tout  ce  qui  a  été  tenté  dans  ce  genre  ;  —  en  un  mot,  une  œuvre  mo- 
derne dans  la  meilleure  acception  du  terme  ». 

Le  succès  du  Voyage  en  France  est  d'autant  plus  frappant, 
que  l'auteur,  tout  à  son  œuvre  et  à  ses  travaux  spéciaux  d'écrivain 
militaire,  n'a  pas  recherché  le  bruit  autour  de  sa  remarquable  crëik- 
tion.  Les  distinctions  et  les  encouragements  dont  elle  a  été  l'objet  lui 
sont  venus  sans  qu'il  les  ait  sollicités.  Cet  ensemble  de  livres  consa- 
crés à  un  même  sujet,  qu'à  bon  droit  on  peut  appeler  une  bibliothèque 
nationale  et  qui  constitue  un  des  plus  considérables  labeurs  de  ce 
temps,  s'est  imposé  par  sa  seule  valeur. 

Nous  ne  saurions  trop  insister  sur  ce  point.  Ce  n'est  pas  une 
géographie  duns  le  sens  étroit  de  ce  mot.  C'est  encore  une  œuvre 
littéraire  et  historique,  d'une  portée  considérable.  L'Académie  fran- 
çaise, appelée  pour  la  seconde  fois  à  couronner  le  Voyage  en 
France,  a  tenu  à  bien  marquer  son  sentiment  à  cet  égard,  en  lui 
attribuant  le  prix  Narcisse  xMichaut,  qu'elle  décorne  tous  les  deux  ans 
à  l'auteur  du  meilleur  ouvrage  de  littérature  française. 


Volumes  parus  : 

l'o  Série:  LE  MORVAN,  LE  VAL  DE  LOIRE,  LE  PERCHE.  —  Le  flottage 
en  Morvan  —  les  bûcherons  du  Nivernais  —  au  pays  des  nourrices  — 
le  Nivernais  industriel  —  le  Nivernais  pastoral  —  une  usine  nationale 
(Guérigny)  —  Gien  et  la  Puisaye  —  la  Sologne  —  paysages  solognots 

—  les  colons  de  Sologne  —  la  Sologne  berrichonne  —  le  safran  en 
Gâtinais  —  Orléans  —  les  roses  d'Olivet  —  les  troglodytes  du  Vendô- 
mois  —  les  vignes  du  val  de  Loire  —  la  capitale  des  tanneurs  • —  la 
Champagne  tourangelle  —  Rabelais,  guide  en  Touraine  —  la  réglisse 

—  la  Touraine  industrielle  —  Mettray  —  le  Perche  —  le  percheron  en 
Amérique  —  le  Grand-Perche  —  les  forêts  du  Perche — la  vallée  delà 
Sarthe  —  ce  que  deviennent  les  hêtres  —  la  Flèche  et  le  payslléchois. 

—  370  pages  avec  19  cartes  ou  croquis. 


2«  Série:  DES  ALPES  MANCELLES  A  LA  LOIRE  MARITIME.  —  Les  Alpes 
lîiancelles  —  le  pavé  de  Paris  —  la  Ghanipag-ae  mancelle  —  Sablé  et 
ses  marbres  —  Laval  et  Port-du-Salut  —  chez  les  Chouans  —  dans  la 
Mayenne  —  l'agriculture  dans  le  Bas-Maine  —  aiguilles  et  épingles  — 
le  point  d'Alençon  —  le  Camembert  —  Fiers  —  la  Suisse  normande  — 
Angers  et  les  ardoisières  —  ardoises  et  primeurs  —  le  guignolet  et  le 
vin  d'Anjou  —  Saumur  —  la  bijouterie  religieuse  —  le  Bocage  vendéen 

—  sur  la  Loire,  d'Angers  à  Nantes  —  Grand-Jouan  —  Clisson  et  les 
lacs  de  l'Erdre  —  le  lac  de  Grand-Lieu  —  la  Loire,  de  Nantes  à  Paim- 
bœuf.  —  356  pages  avec  24  cartes, 

(Ces  deux  volumes  ont  été  couronnés  par  l'Académie  française  dès 
leur  apparition;  les  23  suivants  ont  obtenu  une  nouvelle  et  haute 
récompense.) 

3»  SÉRIE  :  LES  ILES  DE  L'ATLANTIQUE.  —  1.  D'Arcachon  à  Belle-Isle. 

—  L'île  aux  Oiseaux  —  la  Seudre  et  les  îles  de  Marennes  —  l'île  d'Ole- 
ron  —  île  d'Aix  —  île  Madame  et  Brouage  —  île  de  Ré  —  île  d'Yen 

—  île  de  Noirmoutier  —  de  l'île  de  Bouin  à  Saint-Nazaire  —  archipel 
de  la  Grande-Brière  —  île  Dumet  et  la  presqu'île  du  Croisic  —  Belle- 
Isle-en-Mer.  —  318  pages  avec  19  cartes. 

4«  Série:  LES  ILES  DE  L'ATLANTIQUE. —II.  D^Hoerfic  à  Owma/i^.  — Ile 
d'Houat  --  La  Charte  des  îles  bretonnes  — île  d'Hoëdic—  le  Morbihan 
et  la  presqu'île  de  Rhuys  —  île  aux  Moines  —  petites  îles  du  Morbihan 

—  îles  d'Ars  et  d'Ilur  —  île  de  Groix  —  île  Chevalier  et  île  Tudy  — 
archipel  des  Glénans  —  la  ville  close  de  Concarneau  —  île  de  Sein 

—  île  de  Molène  et  îlots  de  l'archipel  d'Ouessant  —  l'île  d'Ouessant — 
îles  de  la  rade  de  Brest.  —  322  pages  avec  25  cartes. 

5«  SÉRIE  :  ILES  FRANÇAISES  DE  LA  MANCHE  ET  BRETAGNE  PÉNINSULAIRE. 

—  Les  îles  de  l'Aber-Vrac'h  —  île  de  Siec  —  île  de  Batz  —  Morlaix  et 
son  archipel  —  les  Sept-lles  —  île  Grande  (Énès  Meur)  et  son  archipel 

—  archipel  de  Saint-Gildas  —  les  îles  d'Er  —  archipel  de  Bréhat  — 
le  Goëllo  et  le  Penthièvre  —  au  berceau  de  la  Tour-d'Auvergne  —  en 
Cornouailles  —  au  pays  de  Brizeux  —  Bretagne  celtique,  Bretagne 
française  —  Mi-Voie  et  Brocéliande  —  de  Vitré  au  mont  Saint-Michel  — 
la  Hollande  de  Normandie  —  Saint-Malo,  la  Rance  et  Dinan  —  Gran- 
ville,  les  Chausey  et  les  Minquiers.  —  407  pages  avec  29  cartes. 

6«  Série:  COTENTIN,  BASSE-NORMANDIE,  PAYS  D'AUGE,  HAUTE-NORMAN- 
OIE,  PAYS  DE  CAUX.  —  Une  ville  de   chaudronniers  —  les  Vaux-de-Vire 

—  la  Déroute  et  les  lignes  de  Carentan  —  le  duché  de  Coigny  —  la 
Hougue  —  Cherbourg  et  la  Hague  —  Bayeux  et  le  Bessin  —  la  campa- 
gne de  Caen  —  la  foire  de  Guibray  —  du  Bocage  à  la  mer  —  le  lit- 
toral du  Calvados  —  la  vallée  d'Auge  —  en  Lieuvin  —  Trouville  et  la 
Côte-de-Gràce  —  Je  marais  Yernier  et  la  Rislo  —  Évreux  et  le  Saint- 
André  —  tringlots  et  enfants  de  troupe  —  les  draps  d'Elbe uf  —  de 


0^ 


v^ 


^o\;age  en  j^rance 


VOLUMES  PARUS 


Morvan,  Val  de  Loire  et  Perche. 

Des  Alpes  mancelles  à.  la  Loire  maritime. 

Les    Iles  de  l'Atlantique  :  I.   lïÂreachon  à  Selle-hU. 

—  II.  D'Ho'édlc  à  Ouessant. 

Iles  de  la  Manche  et  Bretagne. 

Normandie. 

La  Région  lyonnaise. 

Le  Rhône,  du  Léman  à  la  mer. 

Bas-Dauphiné. 

Les  Alpes,  du  Léman  à  la  Durance. 

Forez,  Vivarais,  Tricasliu,  Comtat-Venalssln. 

Alpes  de  Provence  et  Alpes  maritimes. 

Région  marseillaise  et  Côte  d'Azur. 

I>a  Corse. 

Charentes  et  Plaine  Poitevine. 

De  Vendée  en  Beauce. 

Vexin,  Picardie  et  pays  de  Caux. 

Nord  :  I-  tlandre  et  Littoral. 

IVord:  n.  Artois,  Cambréiia  «t  Hainaut. 

Haute-Picardie,  Champagne  rémoise  et  Ardenncs^ 

Haute-Champagne;  Basse-Lorraine. 

Plateau  lorrain  et  Vosges. 

Plaine  Comtoise  et  Jura. 

Haute-Bourgogne. 

Basse-Bourgogne  et  Senonais. 

Berry  et  Poitou  oriental. 

Bourbonnais  et  Haute-Marche. 

Basse-Marche  et  Limousin. 

Bordelais  et  Pérlgord. 

Gascogne. 

Agenals,  Lomagne  et  Bas-Quercy. 

Ilaut-Quercy,  Haute-Auvergne. 

Basse-Auvergne. 


SOUS  PRESSE  : 

34.  Velay,  Vivarais  méridional,  Gévaudan. 

35.  Rouergue  et  Albigeois. 

36.  Cévennes  méridionales.  -, 
87.  Golfe  du  Lion.  ^ 

38.  Haut-Languedoc  . 

>       EN  PRÉPARATION  :  \ 

39.  Pyrénées  (Partie  orientale).  —  (Départements  des  Pyrénées-Orlent.iles,  Aude,  Arlége 
A''.  Pyrénées  (Partie  occidentale).  —  (Départements  des  Hautes  et  Uasses-Pyréné<;s  ) 
4i-j;i.  Paris  et  l'Ile-de-France. 


—     12     — 

l'Avre  à  Ja  Risle  —  de  la  Risle  à  l'Aiidelle  —  Rouen.  —  le  royaume 
d'Yvetot  —  !e  Mascaret  —  le  Havre.  —  455  pages  avec  30  cartes. 

7«  Série:  LA  RÉGION  LYONNAISE:  LYON,  MONTS  DU  LYONNAIS  ET  DU 
FOREZ.  —  Lyon  —  rôle  social  de  Lyon  —  a  travers  Lyon  —  la  Groix- 
Kousse  et  Vaise  —  du  Gourguillon  au  mont  d'Or  —  la  plaine  du  Dau- 
phiné  —  Vienne  et  le  pays  des  cerises  —  le  mont  Pilât  —  les  monts 
du  Lyonnais  —  de  Vichy  a  Thiers  —  de  TLiiers  à  Pierre-sur-Haute  — 
Montbrison,  la  plaine  du  Forez  et  Saint-Galmier —  les  monts  de  Tarare 

—  le  col  des  Sauvages  et  Thizy  —  Cours  et  Roanne  —  le  berceau  de 
Félix  Faure  —  la  diligence  des  Écharmeaux  —  le  Beaujolais  et  la  foire 
de  Montmerle  —  Teinturiers  et  tireurs  d'or.  —  34-i  pages,  19  cartes. 

8°  Série:  LE  RHONE  DU  LÉMAN  A  LA  MER  :  DOMBES,  VALROMEY  ET 
BUGEY,  BAS-DAUPHINE,  SAVOIE  RHODANIENNE,  LA  CAMARGUE. —Eu  Dombes 

—  la  Bresse  et  le  Bugey  —  la  corne  et  le  celluloïd  —  Saint-Claude 
et  ses  pipes  —  la  Valserine  et  la  perte  du  Rhône  —  le  Vairomey  et 
Belley  —  les  lacs  du  Bas-Bugey  —  les  Balmes  viennoises  —  l'île  de 
Grémieu  —  la  Hollande  du  Dauphinô  —  du  lac  d'Âiguebeleite  au  lac 
du  Bourget  —  le  lac  d'Annecy  —  Albertville  et  l'Arly  —  les  horlogers 
de  Cluses  —  le  Rhône  de  Bellegarde  à  Seyssel  —  les  défilés  de 
Pierre-Chàtel  —  Yillebois  et  le  Sault  du  Rhône  —  le  Rhône,  de  Lyon 
à  Valence  —  le  Rhône,  de  Valence  à  la  mer  —  en  Camargue  —  les 
Saintes-Maries-de-la-Mer  —  les  vignobles  et  les  troupeaux.  —  325  pages 
avec  22  cartes. 

9«  Série:  BAS-DAUPHINÉ  :  VIENNOIS,  GRAISIVAUDAN,  OISANS,  DIOIS  ET 
VALENT INOIS.  —  Le  lac  de  Paladru  et  la  Fure  —  du  Rhône  à  la  Morge 

—  la  noix  de  Grenoble  —  Voiron  et  la  Chartreuse  —  Grenoble  —  de 
Grenoble  à  la  Mure  —  la  Mateysine  et  Yizille  —  Uriage,  le  Pont-de- 
CJaix  —  rOisans  —  en  Graisivaudan  —  le  pays  du  gratin  —  Tournon, 
Tain  et  l'Ermitage  —  le  Valentinois  —  Grest  et  la  Drôme  —  le  chemin 
de  fer  du  col  de  Cabres  —  les  premiers  oliviers  —  Dieulefit  et  la  forêt 
de  Saou  —  le  Vercors  —  le  Royannais  —  les  Ouatre-Montagnes  — 
357  pages  avec  23  cartes. 

10«  Série:  LES  ALPES  DU  LÉMAN  A  LA  OURANCE.  —  Les  chasseurs 
alpins  —  en  Tarentaise  —  en  Maurienne  —  dans  les  Bauges  —  le 
Genevois  —  le  Léman  français  —  du  Faucigny  en  Ghablais  —  des 
Dranses  au  mont  Blanc  —  les  alpages  de  Roselend  —  le  poste  des 
Ghapieux  —  la  redoute  ruinée  du  petit  Saint-Bernard  —  au  mont  Iseran 

—  au  pied  du  mont  Genis  —  une  caravane  militaire  —  le  Briançonnais 

—  du  mont  Genèwe  au  val  de  Névache  —  en  Yallouise  —  le  Queyras 

—  les  Barcelonnettes  au  Mexique  —  les  défenses  de  l'Ubaye  —  Embrun 
et  Gap  —  du  Ghampsaur  en  Valgodemard  —  en  Dévoluy  —  du  Trièves 
en  Valbonnais.  —  374  pages  avec  25  cartes. 


—      13      — 

ne  Série:  FOREZ,  VIVARAIS,  TRICASTIN  ET  COMTAT-VENAISSIN.  —  La 
vallée  du  Gier  —  lacets  et  cuirasses —  les  armuriers  de  Saiiit-Élienne 

—  rubaniers  et  cyclopes  —  le  pays  des  serruriers  —  la  vallée  de 
rOndaiue  —  Annonay  et  ]a  Déôme  —  le  Meygal  —  la  Genève  du  Viva- 
rais  —  du  Rhôae  aux  Boutières  —  sous  les  mûriers  de  l'rivas  —  de 
Viviers  à  Vais  —  le  Pradel  et  le  Teil  —  en  Tricastin  —  l'enclave  de 
Valréas  et  les  Barounies  —  les  dentelles  de  Gigondas  —  le  Pont-Saint- 
Esprit  —  la  principauté  d'Orange  —  Carpentras  —  au  mont  Ventoux 

—  en  Avignon  —  la  fontaine  de  Vaucluse  —  les  melons  de  Cavaillon. 

—  362  pages  avec  25  cartes. 

12«  SÉRIE  :  ALPES  DE  PROVENCE  ET  ALPES  MARITIMES.  —  Au  pays  de 
Tartarin  —  la  foire  de  Beaucaire  —  Uzès  et  le  pont  du  Gard  —  les 
huiles  de  Salon  —  iN'oël  chez  Mistral  —  le  félibrige  et  Saint-Uemy-de- 
Provence  —  des  Âlpilles  en  Arles  —  d'Arles  en  Cruu  —  au  pied  du 
Luberon  —  les  pénitents  des  Mées  —  la  vallée  du  Buech  —  de  Gap 
à  Digne  —  les  brignoles  de  Barrême  —  les  amandiers  de  Valensole 

—  les  faïences  de  Moustiers  —  le  Plateau  du  Var  —  Aix-en-Provence 

—  les  champs  de  Pourrières  —  du  Carami  à  l'Argens  —  de  Draguignan 
à  Grasse  —  les  parfums  de  Grasse  —  de  Menton  aux  Mille-! ourdies 

—  la  Vésubie  —  la  Tinée  —  les  gorges  du  Var  —  du  Var  à  l'Ubaye. 

—  382  pages,  30  cartes,  dont  celle  des  Alpes  hors  texte. 

13«  SÉRIE  :  LA  PROVENCE  MARITIME.  —  La  petite  mer  de  Berre  —  les 
Bourdigues  de  Garonte  —  de  Roquefavour  au  Pilon-du-Roi  —  les  mines 
de  Fuveau  —  les  cài)riers  de  Roquevaire  —  à  travers  Marseille  —  les 
ports  de  Marseille  —  du  vieux  Marseille  aux  cabanons  —  de  la  Ciotat 
aux  calanques  —  Toulon  —  la  rade  de  Toulon  —  la  batterie  des  Hommes 
sans  peur  —  l'archipel  des  Embiez,  les  gorges  d'Ollioules  —  les 
cerisaies  de  SoUiès-Pont  —  Hyères  et  les  Maurettes  —  les  Lies  d'Or  : 
Giens  et  Porquerolles,  Bagaud,  Port-Gros  et  le  Levant  —  des  Maures  à 
Saint-Tropez  —  traversée  nocturne  des  Maures  —  au  pied  de  l'Estérel 

—  Cannes  et  Antibes  —  les  îles  de  Lérins  —  Nice  —  Nice-Cosmopolis 

—  Nice,  camp  retranché  —  de  Nice  à  Monaco  —  Menton  et  la  frontière. 

—  405  pages  avec  28  cartes. 

U«  SÉRIE  :  LA  CORSE.  —  La  Balagne  —  Calvi  et  la  Balagne  déserte 

—  la  Tartagine  et  Gortè  —  de  Tavignano  à  Pentica  —  la  Gravone  et 
Ajaccio  —  autour  d'Ajaccio  —  la  Cinarca  —  une  colonie  grecque  —  les 
cédratiers  des  calanches  —  une  vallée  travailleuse  (Porto)  —  dans  la 
forêt  corse  —  le  Niolo  —  les  gorges  du  Golo  —  Mariana  et  la  Casinca 

—  la  Castagniccia  —  autour  de  Bastia  —  le  cap  Corse  —  de  Marseille 
à  Sartène  —  les  bouches  de  Bonifacio  —  une  vendetta  (Porto-Vecchio) 

—  le  Fiumorbo  —  un  essai  de  grande  culture  —  l'immigration  luc- 
quoise  —  la  vallée  du  Tavignano  —  l'avenir  de  la  Corse.  —  320  pages 
avec  27  cartes  ou  croquis,  7  vues  et  une  planche  hors  texte. 

15«  SÉRIE  :  LES  CHARENTES  ET  LA  PLAINE  POITEVINE.—  Le  pays  d'Àn- 
goumois  —  les  papiers  d'Angoulêrae  —  au  pays  des  colporteurs  —  les 


—     14     — 

merveilles  de  la  Braconne  —  les  sources  de  la  Touvre  —  une  usine 
nationale  :  Ruelle  —  de  la  Charente  au  Né  —  la  Champagne  de 
Cognac — le  vignoble  de  Cognac  —  la  fabrication  du  cognac  —  les  Pays- 
Bas  de  Jarnac  —dans  les  Fins-Bois  —  le  Confolentais  — de  la  Tardoire 
à  la  Dronne  —  la  double  Saintongeaise  —  Ja  Charente  maritime  (de 
Saintes  à  Rochefort)  —  La  Rochelle  —  les  vignes  et  les  laiteries  de 
l'Àunis  —  les  bouchots  à  moules  —  Niort  et  la  plaine  ])oitevine  — 
l'école  militaire  de  Saint-Maixent  —  les  protestants  da  Poitou  —  les 
mulets  de  Melle.  —  385  pages  avec  26  cartes. 

16«  SÉRIE  :  DE  VENDÉE  EN  BEAUCE.  —  La  vallée  de  la  Yonne  à  Sanxay 

—  de  Lusignan  à  Poitiers  —  les  armes  blanches  de  Châtellerault  — 
en  Mirebalais  —  Oiron  et  Thouars  —  la  Vendée  historique  —  les  Alpes 
vendéennes  —  le  Bocage  vendéen  —  la  forêt  de  Vouvant  —  les  marais 
de  la  Sèvre  Niortaise  —  le  Marais  vendéen  —  Luçon  et  son  marais  — 
l'estuare  du  Lay  —  la  Vendée  moderne  —  le  pays  d'Olonne  ^ —  de  la 
Loire  à  la  Vie  —  de  Bressuire  en  Gâtine  —  le  Thouet  el  l'École  de 
Saumur  —  au  pays  de  Rabelais  —  de  Tours  au  pays  de  Ronsard  — 
la  Beauce  dunoise  et  Blois  —  les  champs  de  bataille  de  la  Beauce  — 
la  Beauce  chartraine  —  Perche-Gouët,  Thimerais  et  Drouais.  —  388  pages 
avec  30  cartes. 

17«  SÉRIE  :  LITTORAL  DU  PAYS  DE  CAUX,  VEXIN,  BASSE-PICARDIE.  —  Les 
falaises  de  Caux  —  Dieppe  et  la  vallée  de  la  Scie  —  de  valleuse  en 
valleuse  —  l'Aliermont  —  le  pays  de  Bray  —  en  Vexin  —  les  table- 
tiers  de  Méru  —  les  éventaillistes  au  village  —  le  pays  de  Thelle  — 
Beauvais  —  les  opticiens  du  Thérain  —  la  vallée  dorée  —  de  la  Brèche 
à  la  Noyé  —  l«s  tourbières  de  Picardie  —  Amiens  —  dans  les  hortil- 
lonnages  —  les  bonnetiers  du  Santerre  —  pendant  les  manœuvres  — 
l'Amiénois  et  la  vallée  de  la  Bresle  —  les  dernières  falaises  —  les  ser- 
ruriers de  Vimeu  —  d'Escarbotin  à  la  baie  de  Somme.  —  398  pages 
avec  24  cartes. 

18«  SÉRIE  :  FLANDRE  ET  LITTORAL  DU  NORD.  —  Roubaix  —  la  forte- 
resse du  collectivisme  —  Tourcoing  et  le  Ferrain  —  le  Val  de  Lys  — 
le  vieux  Lille  —  le  nouveau  Lille  —  mœurs  lilloises  —  la  Flandre 
guerrière  —  l'agriculture  dans  le  Nord  —  les  villes  industrielles  de  la 
Lys  —  la  Flandre  flamingante  —  les  monts  de  Flandres  —  les  Moëres 

—  Dunkerque  et  son  port  —  la  pèche  à  Islande  —  Fort-Mardyck  et 
Gravelines  —  dans  les  Wateringues  —  en  Morinie  —  Langle,  Bredenarde 
et  Pays  reconquis  —  la  fabrication  des  tulles  —  en  Boulonnais  —  Bou- 
logne et  ses  plumes  métalliques  —  la  côte  boulonnaise  —  de  la  Canche 
à  l'Authie  —  le  Marquenterre  et  le  Ponthieu  —  le  cheval  boulonnais. 

—  456  pages  avec  30  cartes. 

19«  SÉRIE  :  ARTOIS,  CAMBRÈSIS  ET  HAINAUT.  —  Les  sources  de  la 
Somme  —  le  champ  de  bataille  de  Saint-Quentin  —  la  vallée  de  l'Omi- 
gnon  —  de  la  Somme  à  l'Ancre  —  le  pays  des  phosphates  —  la  Nièvre 
picarde  —  le  pays  d'Arras  —  Âzincourt,  Enguinegatte  et  Thérouanne 


—  le  pays  noir  de  Béthune  —  l'armée  au  pays  noir  —  Alleu,  Weppes 
et  Escrebieux  —  Bapaume  et  la  source  de  l'Escaut  —  En  Gambrésis 

—  Caudry  et  le  canton  de  Glary  —  Cambrai  —  la  plus  grande  sucrerie 
du  monde  —  en  Ostrevent  —  de  la  Scarpe  à  l'Escaut  —  le  pays  noir 
d'Anzin  —  Valenciennes  et  le  Hainaut  —  la  vallée  de  la  Sambre  — 
la  vallée  de  la  Solre  —  Fourmies  —  la  trouée  de  l'Oise.  —  398  pages 
avec  28  cartes. 

20"  SÉRIE  :  HAUTE-PICARDIE,  CHAMPAGNE  RÉMOISE  ET  ARDENNES.  —  En 
Noyonnais  —  en  Soissonnais  —  en  Laonnais  —  les  vanniers  de  la  Thié- 
rache  —  le  familistère  de  Guise  —  la  vallée  de  l'Oise  et  Saint-Gobain 

—  Coucy  et  le  Tardenois  —  Reims  —  Épernay  et  le  vignoble  d'Ay  — 
la  montagne  de  Reims  et  ses  vins  —  le  camp  de  Ghàlons  —  les 
Champs  catalauniques  —  le  Rethelois  et  le  Porcien  —  entrée  dans 
l'Ardenne  —  le  royaume  de  la  quincaillerie  —  la  principauté  de  Ghâ- 
teau-Regnault  —  les  Dames  de  Meuse  —  les  Givets  —  Rocroi  et  le 
cheval  ardennais  —  le  champ  de  bataille  de  Sedan  —  Sedan  industriel 
et  ses  annexes  —  De  l'Argonne  en  Champagne  pouilleuse  —  la  héron- 
nière  du  Grand-Écury  —  Vertus  et  le  mont  Aimé.  —  40 1  pages,  22  cartes. 

21«  SÉRIE  :  HAUTE-CHAMPAGNE,  BASSE-LORRAINE.  —  La  Brie  champe- 
noise —  la  Champagne  pouilleuse  —  le  Perthois  et  le  Der  —  le  val 
de  l'Aube  —  le  pays  de  Morvois  —  les  Bonnetiers  de  Troyes  —  le 
pays  d'Othe  —  de  Troyes  à  Glairvaux  —  en  Bassigny  —  les  couteliers 
de  Nogent-le-Roi  —  la  montagne  d'Auberive  —  le  plateau  de  Langres 

—  du  Bassigny  en  Ornois  —  le  Vallage  —  la  métallurgie  en  Cham- 
pagne —  en  Barrois  —  le  Blois,  la  Voide  et  le  Pays  des  Vaux  —  les 
opticiens  de  Ligny  —  Vaimy  et  le  Dormois  —  les  défilés  de  l'Argonne 

—  Varennes,  le  Clermontois  et  les  Islettes  —  le  Verdunois  —  Dom- 
remy  et  Vaucouleurs — les  côtes  de  Meuse.  —  419  pages  avec  27  cartes. 

22«  SÉRIE  :  PLATEAU  LORRAIN  ET  VOSGES.  —  Le  Luxembourg  fran- 
çais —  le  pays  du  fer  —  le  Jarnisy  et  Briey  —  la  Woëvre  —  le  pays 
de  Haye  —  l'Ecole  forestière  de  Nancy  —  Nancy  —  le  Vermois  et  le 
Saulnois  —  le  Xaintois  —  Luthiers  et  Dentellières  —  dans  les  Fau- 
cilles —  la  Vôge  —  un  pèlerinage  à  Roville  —  Épinal  et  l'industrie 
des  Vosges  —  les  images  d'Épinal  —  de  la  Mortas:ne  à  la  Vezouse  — 
la  Vologue  —  les  lacs  Vosgiens  —  la  principauté  de  Salm-Salm  et 
Saint-Dié  —  le  Val-d'Ajol  et  Plombières  —  la  Haute-Moselle  —  les 
Vosges  militaires  —  la  Moselotte  —  le  Ballon  de  Servance  —  au  Ballon 
d'Alsace.  —  427  pages  avec  27  cartes. 

23"  SÉRIE  :  PLAINE  COMTOISE  ET  JURA.  —  Les  vanniers  de  Fayl-Billot 

—  le  bailliage  d'Âmont  —  la  Saône  franc-comtoise  —  la  vallée  de 
rOgnon  —  les  Vosges  comtoises  —  Besançon  et  ses  horlogers  —  le 
couloir  du  Doubs  —  le  pays  de  Mnntbéliard  —  Belfort  et  le  Sundgau  — 
Beaucourt  et  ses  satellites  —  le  Lomont  —  les  fruitières  jurassiennes 

—  les  sources  de  la  Loue  —  le  lac  de  Chaillexon  —  le  Saugeais  et  le 
Baroichage  —  le  lac  de  Saint-Point  —  de  Champaguole  au  Val  de  Mièges 


—     IG     — 

—  l'Ecosse  du  Jura  —  Morez  —  la  vallée  des  Dappes  et  la  Faucille  — 
le  pays  de  Gcx  —  les  Lapidaires  de  Septmoncel  et  de  Saint-Claude  — 
GJairvanx  et  le  Graudvaux  —  la  Moyenne  Montagne.  —  423  pages 
avec  25  cartes. 

24«  SÉRIE  :  HAUTE-BOURGOGNE.  —  Dijon  —  dans  les  hnublonnières 

—  les  Pays  bas  de  Bourgogne  —  le  vignoble  de  la  Gôte-d'Or  —  la 
côte  dijonnaise  —  la  côte  de  iNuits  et  Giteaux  —  Beaune  et  sa  côte  —  le 
finage  et  Dôle  —  la  forêt  de  Ghaux  et  le  Yal  d'Amour  —  le  Boa  Pays  — 
Chalon-sur-Saône  et  la  Bresse  chalonnaise  —  Bresse  bressane  et  Rever- 
mont  —  la  Bresse  louhanaise  —  la  côte  mâconnaise  —  au  long  de  la 
Saône  —  de  royaume  en  empire  —  au  pays  de  Lamartine  —  la  côte 
chalonnaise  et  Cluny  —  des  Grosnes  au  Sornin  —  en  Brionnais  — 
Charollais  et  Combrailles  —  la  Loire  bourguignonne.  —  399  pages 
avec  30  cartes. 

2b«  SÉRIE  :  BASSE-BOURGOGNE  ET  SÉNONAIS.  —  Le  seuil  de  Longpendu 

—  la  vallée  de  la  céramique  —  le  Creusot  —  Bibracte  et  Autun  —  le 
pays  de  l'huile  —  le  Morvan  bourguignon  —  en  Auxois  —  autour 
d'Alésia  —  le  vignoble  des  Riceys  et  l'Ource  —  Châtillonnais  et  Dues- 
mois  —  aux  sources  de  la  Seine  —  l'Avallonnais —  la  Cure  et  l'Yonne 

—  en  Auxerrois  —  le  Tonnerrois  —  en  Sénonais  —  la  Puisaye  —  le 
Gàtinais  français  —  le  Gàtinais  Orléanais  —  entre  Sologne  et  Gâtinais. 

—  373  pages  avec  24  cartes. 

26«  SÉRIE  :  BERRY  ET  POITOU  ORIENTAL.  —  Le  Sancerrois  et  la  Forêt 

—  les  Forêtins  —  les  arsenaux  de  Bourges  —  le  camp  d'Avord  et  la 
Septaine  —  le  canal  du  Berry  —  du  Cher  à  l'Arnon  —  une  colonie 
d'aliéués  —  porcelainiers  et  forgerons  du  Berry  —  Issoudun  et  Chà- 
teauroux  —  la  Champagne  berrichonne  —  la  vallée  du  iNahon  —  les 
moutons  du  Berry  —  la  basse  vallée  de  l'Indre  —  en  Brenne  —  de  la 
Glaise  à  la  Creuse  —  de  Touraine  en  Acadie  —  les  carrières  du  Poi- 
tou —  la  Beauce  montmurillonnaise  —  entrée  en  Boischaut  —  les 
1  ingères  d'Argenton  —  le  pays  de  George  Sand  —  la  Creuse  et  la  Gar- 
gilesse.  —  365  pages  avec  25  cartes. 

27«  Série  :  BOURBONNAIS  ET  HAUTE-MARCHE.  —  Nevers  et  le  bec 
d'Allier  —  Moulins  et  Souvigny  —  Sologne  bourbonnaise  —  la  vallée 
de  la  Besbre  —  monts  de  la  Madeleine  —  Limagne  bourbonnaise  — 
le  berceau  des  liourbons  —  des  côtes  Matras  à  la  Sioule  —  de  la 
Sioule  à  la  BouMe  —  houillères  de  Commentry  —  la  forêt  de  Tronçais  et 
Montluçon  —  un  tour  en  Berry  —  entrée  dans  la  Marche  —  les  maçons 
de  la  Creuse  —  la  tapisserie  d'Aubusson  —  au  long  de  la  Creuse  — 
les  Trois-Gornes  et  la  Sedelle  —  aux  sources  de  la  Gartempe  —  du 
Taurion  à  la  Maulde  —  le  plateau  de  Gentioux.  —  3j2  pages  avec 
27  cartes. 

28^  SÉRIE  :  LIMOUSIN.  —  La  basse  Marche  —  les  montagnes  de 
Blond  —  les  monts  d'Ambazac  —  Limoges  —  émaux  et  porcelaines 


—      17     — 

—  aalour  de  Limoges  —  Saint-Juaien  et  ses  gantiers  —  aux  conCms 
du  Périgord  —  la  Chine  du   Limousin  —  la   haute  vallée  de  la  Vienne 

—  Treignac  et  les  Monédières  —  Meymac  et  Ussel  —  le  plateau  de 
Millevaches  —  la  Corrèze  et  Tulle  —  le  cbàtjau  d'Lîzerche  —  ardoises 
et  primeurs  —  Ségur  et  l'Àuvézùre  —  de  Pompadour  à  la  Vézère  — 
Brive-la-Gail larde  —  iXoailles  et  Turenne  —  la  Dordogne   limousine 

—  entre  Argeniat  et  Tulle.  —  350  pages  avec  24  cartes. 

29^  SÉRIE  :  BORDELAIS  ET  PÉRIGORD.  —  Le  Libournais  —  les  vins  de 
IJordeaux  —  bordeaux  —  l'activité  bordelaise  —  navigation  sur  la  Gi- 
ronde —  le  Mcdoc  des  grands  vins  —  les  landes  du  Medoc  —  la 
pointe  de  Grave  —  la  Gironde  saintongeais.e  —  Biayais  et  Bourgeais  — 
le  Saint-Émilionnais  —  l'Entre  Deux-mers  —  en  Bazadais  —  la  Dor- 
dogne en  Périgord  —  la  Double  —  de  la  Dronne  à  la  Nizoune  —  Péri- 
gueux  et  ITsIe  —  le  pays  du  père  Bugeaud  —  le  Nontronnais  —  chez 
nos  aïeux  préhistoriques  —  les  truiïes  du  Sarladais.  —  411  pages 
avec  31  cartes. 

30*»  SÉRIE  :  GASCOGNE.  —  Le  Bazadais  —  la  conquête  des  Landes  — 
les  landes  de  Bordeaux  —  autour  du  bassin  d'Arcachon  —  Arcachon 
et  les  dunes  —  le  Captalat  de  Buch  —  le  pays  d'Albret  —  le  iMarsan 
et  le  Gabardan  —  de  la  Midouze  à  la  Leyre  —  le  pays  de  Born  —  les 
lièges  de  .Marantin  —  de  Dax  au  Vieux-Boucau  —  Cap-Breton  et  la  Ma- 
remne  —  la  Chalosse  —  la  Rivière-Basse  et  le  Tursan  —  le  plateau 
de  Lanneme/an  —  le  Pardiac  et  l'Astarac  —  l'Armagnac.  —  340  pages 
avec  26  cartes, 

31«  SÉRIE  :  AGENAIS,  LOWIAGNE  ET  BAS-QUERCY.  —  La  plaine  de  la  Ga- 
ronne —  la  va  lec  du  Drot  —  les  landes  de  Lot-et-Garonne  —  la  capi- 
tale du  Béarnais  —  les  bouchonniers  de  Mézin  —  Lomagne,  Gaure  et 
Fezenzaguet  —  le  Fezensac  et  l'Eauzan  —  le  Condomois  —  le  pays 
des  prunes  —  les  petits  pois  de  Villeneuve  —  le  tiaut-Agenais  —  Agen 
et  ses  campagnes  —  le  Bas-Quercy  —  Lomagne  et  Rivière -Verdun 

—  la  rivière  m  intilbanaise  —  les  chapeaux  de  paille  du  Quercy  — 
les  gorges  de  l'Aveyron  —  les  cingles  du  Lot  —  le  causse  de  Limôgne 

—  le  Lot  entre  Rouergue  et  Quercy.  —  Avec  22  cartes. 

32«  série  :  HAUT-QUERCY  ET  HAUTE-AUVERGNE.  —  Le  Côlé  et  la  Brauuhie 

—  Gourdon  et  la  Bouriane  —  le  causse  de  Martel  —  de  César  à  Gan- 
robert  —  le  causse  de  Gramat  —  de  Gapdenac  au  Segala  —  les  gorges 
de  la  Gère  et  Auriilac  —  la  Châtaigneraie  —  Gampnac  et  Viadéne  — 
dans  l'Aubrac  —  en  Carladès  —  Saint-Flour  et  la  Planèze  —  Luguet 
et  Cézallier  —  le  Féniers  et  l'Artense  —  du  sommet  du  puy  Mary  — 
les  bœufs  de  Salers.  —  Avec  21  cartes. 

33«  série:  BASSE-AUVERGNE.  —  Combrailles  et  Franc-Alleu  —  les 
houillères  de  la  Combrailles  —  la  Limagne  —  le  puy  de  la  Poix  — 
Clermont-Ferrand  —  au  puy  de  Dôme  —  le  reboisement  dans  le  Puy- 
de-Dôme  —  le  mont  Dore  —  le  camp  de  Bourg-Lastic  —  les  orgues 


—     18     — 

de  Bort  —  le  puy  de  Sancy  et  les  lacs  d'Auvergne  —  du  mont  Dore 
à  l'Ailier  —  du  Velay  à  la  Margeride  —  de  Brioude  à  Issoire  —  Ger- 
govie  —  de  l'Allier  à  la  Dore —  en  Llvradois  —  du  Livradois  en  Forez 
—  de  la  Loire  aux  Boutières.  —  Avec  23  cartes. 


Sous  presse: 

34«  série  :  VELAY,  VIVARAIS  MÉRIDIONAL,  GÉVAUDAN.  —  Le  Lignon- 
Yellave  —  le  pays  d'Emblavés  et  le  Puy  —  la  dentelle  du  Puy  —  Po- 
lignac  et  le  volcan  de  Bar  —  le  mont  Mézenc  —  à  la  source  de  la 
Loire  —  le  lac  d'Issarlés  —  le  lac  du  Bouchet  —  entrée  en  pays  cé- 
vennol  —  de  la  Gère  à  l'Ardèche  —  au  long  de  l'Ardèche  —  ascension 
du  mont  Lozère  —  Mende  et  le  Gévaudan  —  le  plateau  de  la  Marge- 
ride  —  le  palais  du  roi  —  le  causse  de  Sauveterre  —  les  gorges  du 
Tarn  —  autour  du  causse  Méjean  —  entre  causses  et  Gévennes  — 
Bramabiau  et  l'Aigoual. 

35«  série  :  ROUERGUE  ET  ALBIGEOIS.  —  La  basse  Marche  du  Rouergue 

—  le  bassin  de  Decazeville  —  la  montagne  qui  brûle  —  Rodez  et  le 
causse  du  Gomtal  —  Espalion  et  le  causse  de  Bozouls —  le  causse  de 
Séverac  —  Millau  —  les  brebis  du  Larzac  —  à  travers  le  Larzac  — 
les  caves  de  Roquefort  —  le  rougier  de  Gamarés  —  à  travers  le 
Ségala  —  entrée  en  Albigeois  —  le  pays  de  Gocagne  —  Garmaux  et 
ses  mines  —  entre  Tarn  et  Dadou  —  les  vins  de  Gaillac  —  Castres  et 
son  causse  —  une  page  d'histoire  industrielle  —  Mazamet,  la  Mon- 
tagne-JNoire  et  le  Thorè. 

36«  série  :  CÉVENNES  MÉRIDIONALES.  —  La  Gardonnenque  —  le  bassin 
d'Alais  —  le  Guidon  dn  Bouquet  —  entre  Uzès  et  Anduze  —  la  Salen- 
drenque  —  le  Gardon  de  Mialet  —  la  Vallée  française  —  Bramabiau 
et  l'Aigoual  —  la  haute  vallée  de  l'Hérault  —  la  vallée  de  la  Dourbie 

—  de  l'Hérault  au  Vidourle  —  Sommiéres  et  le  Salavès  —  les  gorges 
de  Saint-Gui Ihem  —  la  vallée  de  la  Lergue  —  Villeneuvette  et  Béda- 
rieux  —  l'Escandorgue  et  l'Espinouze  —  la  Vernazobres  et  la  Cesse 

—  en  Minervois. 

37"  série  :  GOLFE  DU  LION.  —  Mmes  —  le  JNemauzès  —  les  mazets 
des  Garrigues  —  aux  bords  du  petit  Rhône  —  Aiguesmortes  —  le 
vignoble  des  Sables  —  la  Vannage  et  la  Vidourlenque  —  Montpellier 

—  la  cité  morte  de  Maguelonne  —  Cette  —  Agde  et  l'étang  de  Thau 

—  le  fleuve  Hérault  —  Béziers  et  le  Bitterrois  —  Narbonne  —  le  lac 
Rubrensis  —  La  Nouvelle  et  Leucate  —  Rivesaltes  et  la  Salanque  — 
les  jardins  de  Perpignan  —  au  pied  des  Albéres  —  Port-Vendres  et 
Banyuls. 

38e  série  :  LE  HAUT-LANGUEDOC  —  Le  Sidobre  et  Lacaune  —  les  monts 
de  Lacaune  et  l'Espinouze  —  du  Suumail  en  Cabardès  —  de  Saint- 


—     19     — 

Paponl  à  Sorèze  —  les  rigoles  du  canal  du  Midi  —  en  Lauragais  — 
Garcassonne  et  le  Carcasses  —  dans  les  Corbières  —  le  Fenouillèdes 

—  les  défllés  de  Pierre-Lis  —  le  Razès  —  le  Kercorbis  —  le  Mirepoix 

—  de  l'Ariège  à  la  Garonne  —  Toulouse  —  le  pays  toulousain  —  en 
Bas- Gomminges  et  Néboazan. 

En  préparation  : 

39»  série  :  PYRÉNÉES  (PARTIE  ORIENTALE).  —  Le  Vallespir  —  le  Gon- 
flent —  la  Gerdagne  —  le  Capcir  —  au  col  de  Perthus  —  au  pied  du 
Canigou  —  la  vallée  de  la  Têt  —  le  pays  de  Sault  —  autour  de  Foix 

—  le  Donézan  —  la  haute  Ariège  —  la  mine  aux  mineurs  de  Raucié 

—  le  pays  de  Sérou  —  la  grotte  du  Mas-d'Azil  —  le  Gouserans  —  les 
ours  d'Ustou  —  la  vallée  de  Luchon  —  le  val  d'Âran  —  le  haut  Gom- 
minges. 

40°  série  :  PYRÉNÉES  (PARTIE  OCCIDENTALE).  —  La  barre  de  l'Àdour — 
le  pays  de  Labourd  —  en  pays  basque  —  de  l'Adour  au  Gave  —  la 
basse  Navarre  —  la  Soûle  —  entrée  en  Béarn  —  vallée  d'Aspe  —  de 
la  vallée  d'Aspe  à  la  vallée  d'Ossau  —  la  vallée  d'Ossau  —  Oloron  ù 
Sauveterre  —  le  gave^  d'Orthez  à  Pau  —  autour  de  Pau  —  entrée  en 
Bigorre  —  le  Lavedan  —  Gavarnie  et  Cauterets  —  la  plaine  de  Tarbes 

—  le  haut  Adour  —  le  pic  du  Midi. 

41"  et  42»  séries  :  PARIS  ET  L'ILE  DE  FRANCE. 


Nous  ferons  connaître  dans  une  prochaine  notice  le  plan  de  ces  vo- 
lumes par  lesquels  se  terminera  le  Voyage  en  France. 

Juillet  1903.  Les  Éditeurs, 

BERGER-LEVRAULT  &  C**. 


VIENT   DE   PARAITRE 

Affiche  illustrée  du  VOYAGE  EN  FRANCE.  Magnifique  planche 
en  cliromotypographie,   113  X  78  cm,  paysiige  des  Alpes  du  Dauphiné, 

par  H.  Ganier-Tanconville.  Prix 1  fr.  25  c. 

En  plus,  pour  l'envoi  plié  par  la  poste  .   , 30  c. 

—  —  roulé  sur  bois,  par  colis  postal 1  fr. 


BULLETIN  DE  COMMANDE 


Je,  soussigné,  prie  la  librairie  Berger-Levrault  et  C'^,  5,  rm 
des  Beaux-Arts,  à  Paris,  de  m' expédier  franco  Q)  les  volume, 
ci-après  du  Voyage  en  France,  au  prix  de  3  fr.  50  c.  bro 
chés,  ou  4  fr.  reliés. 


"G 


l'C   SERIK. 

2e    SÉRIE  . 

3e   SÉRIE  . 

4^   SÉRIE  . 

5e   SÉRIE  . 

6»   SÉRIE  . 

7"^    SÉRIE  . 

8e   SÉRIE  . 

9e  SÉRIE  . 
lOe  SÉRIE  . 
ne  SÉRIE  . 
12e  SÉRIE  . 
l3e  SÉRIE  . 
14e    SÉRIE  . 


o 

CD 

'S: 

o 

00 


d'eiem- 
plaires. 


Ije  SERIE 

l6e  SÉRIE 

17e  SÉRIE 

l8e  SÉRIE 

I9«  SÉRIE 

20e  SÉRIE 

2I«  SÉRIE 

22^  SÉRIE  , 

23e  SÉRIE 

24e  SÉRIE 

2')C  SÉRIE  , 

aGe  SÉRIE  , 

27^  SÉRIE 

28e  SÉRIE  , 


TOTAL  des  volumes 


NOMBRE 
d'eiem- 

pliiires. 


âge  SERIE  . 

3oe  SÉRIE  . 

3ia  SÉRIE  , 

32e  SÉRIE  . 

33e  SÉRIE  . 

34e  SÉRIE  . 

3V  SÉRIE  . 

36e  SÉRIE  . 

37e  SÉRIE  1 

38e  SÉRIE  . 

39s  SÉRIE  , 

4oe  SÉRIE  . 

4ie  SÉRIE  . 

42e  SÉRIE  . 


{  Brochés  à  3  fr.  5o  c. 
(  Reliés  à  4  fr 


NOMBRE 
d'eiem- 
liiaires. 


<D 

O 


pour  le  montant  l    .  ,    \  je  leur  adresse  ci-ioint  la  sommi 

\  desquels  \  '' 

de en  mandat-poste  ou  chèque. 

A ,  le igo 


Ecrire  très  lisiblement 
et  indiquer  la  yaro 
destinatrire  pour  les 
culis  postaui. 


Nom  : 

Adresse 


(1)  Les  ouvrages  dont  le  montant  est  joint 
à  la  commande  sont  expédiés  franco. 


BERGER-LEVRAULT  &  O^,  LIBRAIRES -EDITEURS 

PARIS,  5,  rue  des  Beaux-Arts.  —  18,  rue  des  Glacis,  NANCY. 


Guide  pratique  de  l'amatetir  de  fruits.  Description  et  culture  des  va- 
riétés  de  fruits  classés  par  séries   de  mérite,  composant  les  rollections 

{)omoIogiques  de  l'établissement  horticole  de  Simon-Louis  frères  à  Plantières- 
ès-Metz.  Suivi  d'une  table  alphabétique  de  tous  les  synonymes  connus, 
français  et  étrangers,  appartenant  à  chaque  variété,  a»  édition,  revue  et 
corngée.  Un  volume  grand  in-8  de  SgS  pages,  broché 6  fr. 

Le  Chêne-liège.  Sa  culture  et  son  exploitation,  par  A.  Lamet,  conservateur 
des  forêts  en  retraite.  iSgS.  i  volume  gr.  in-8,  avec  2  planches,  broché.    6  fr. 

Incendies  en  forêt,  Évaluation  des  dommaffesj  par  A.  Jacquot,  inspecteur 
des  Eaux  et  Forêts.  1908.  Un  volume  grand  in-8  de  4oo  pages,  broché.    8  fr. 

Dégâts  causés  aux  forêts  par  les  balles  du  fusil  de  l'armée.  L'in- 
deinnité  qu'ils  eœiffent  et  son  règlement,  par  J.  George,  garde  général  des 
Eaux  et  Forêts.  igoS.  Un  volume  grand  in-8,  avec  i3  flgures  et  10  planches 
en  phototypie,  broché " 4  fr. 

Les  "Vignes.  Recherches  expérimentales  sur  leur  culture  et  leur  exploita- 
tion, par  A.  MiJHTz,  professeur  à  l'Institut  national  agronomique,  membre 
du  Conseil  supérieur  de  l'agriculture.  1896.  Un  volume  grand  in-8  de  58ï 
pages,  broché ' 12  fr. 

Le  Traitement  des  bois  en  France.  Estimation,,  partage  et  usufruit  des 
forêts,  par  Gh.  Broiluard,  ancien  professeur  à  l'Ecole  forestière.  Nouvelle 
édition.  1894.  Un  beau  volume  in-8  de  700  pages,  broché  ....    7  fr.  50  c. 

La  Sylviculture  pratique.  Les  boisements  productifs  en  toutes  situations. 
Mise  en  valeur  des  sols  pauvres,  par  A.  Fillon,  inspecteur  des  forêts. 
{Ouvrage  couronné.)  1889.  Un  volume  broché  .   .  , 3  fr. 

L'Agriculture  et  les  Questions  sociales,  par  M.  Darbot,  sénateur,  prési- 
dent du  Conseil  général  de  la  Haute-Marne. 

—  Tome  1er.  La  Crise  agricole.  —  L'Industrie  chevaline.  —  Les  Réjormes  démo- 
cratiques. 1899.  Un  volume  grand  in-8  de  896  pages,  broché 5  fr. 

—  Tome  IL  La  mévente  du  blé.  —  Le  risque  projessionnel.  —  La  taxe  doua- 
nière  sur  les  vins,  etc.,  etc. —  La  police  sanitaire  des  animaux.  1901.  Un 
volume  grand  in-8  de  65o  pages,  broché 7  fr.  50  c. 

Traité  d'analyse  des  matières  agricoles,  par  L.  Grandeau,  inspecteur 
général  des  Stations  agronomiques.  8e  édition,  considérablement  augmentée. 
Deux  volumes  in-8,  avec  171  figures,  une  planche  en  couleurs  et  5o  tableaux, 
brochés 18  fr. 

Électricité  agricole,  par  Camille  Pabst,  ingénieur  agronome.  1894.  i  volume 
in-8  de  890  pages,  broché 5  fr. 

Les  Ennemis  de  l'Agriculture.  Insectes  nuisibles.  Maladies  cryptogamiques. 
Altérations  organiques  et  accidents.  Plantes  nuisibles,  par  G.  Rampon,  pré- 
parateur au  laboratoire  agronomique  de  Loir-et-Cher.  1898.  Beau  volume  in-8 
de  416  pages,  avec  i4o  figures,  broché 6  fr. 

Chasse  et  Pêche  en  France,  par  L.  Boppe,  ancien  directeur  de  l'École 
nationale  forestière.  1900.  Un  volume  in-12  avec  figures  et  graphiques  en 
couleur,  relié  en  percaline  gaufrée 4  fr.  50  c. 

Traité  pratique  de  Pisciculture.  Exploitations  des  mares  et  étangs,  par 
A.  Peupion,  inspecteur  adjoint  des  forêts.  1898.  Beau  volume  in-8  de  665  p., 
broché 7  fr.  50  c. 

Le  catalogue  complet  de  la  Librairie  BERGER-LEVRAULT  et  C'^ 
est  envoyé  sur  demande. 


BERGER- LEVRAULT  &  G^%  LIBRAIRES -ÉDITEURS 

PARIS,  5,  rue  des  Beaux-Arts.  —  18,  rue  des  Glacis,  NANCY. 

L'Europe  centrale  et  ses  Réseaux  d'État.  Belgique,  Hollande,  Alsace- 
Lorraine,  Allemagne  du  Sud,  Prusse,  Danemark,  Suisse,  Autriche- Hong  rie, 
par  Ardouin-Dumazet.  igoS.  Un  volume  in-12,  broché 3  fr,  50  c. 

Un  Coin  des  Cévennes.  Le  Vigan  et  ses  environs,  par  C.  Chante, 
membre  du  Club  cévennol.  1897.  Un  volume  in-12,  broché 2  fr. 

Corse  et  Italie.  Impressions  de  voyage,  par  G.  Beroy.  1897.  Un  volume 
in-12,  broché. 3  fr. 

La  Question  des  Zones  franches  du  pays  de  Gex  et  de  la  Haute- 
Savoie.  L'origine.  Le  régime  acluel.  Les  conséquences.  La  suppression,  par 
Euîjène  Guichard  et  Maurice  Gommant.  igo3.  Un  volume  in-8,  avec  une 
carte,  broché 2  fr. 

La  Vie  à  Évian-les-Bains,  par  Emile  Daullia.  1890.  Vol.  in-12,  br.  .     2  fr. 

Mes  Tournées  commerciales  aux  pays  Scandinaves  (1896-1900),  par 
Prosper  Ramon.  1901.  Un  vol.  in-12,  av.  le  portrait  de  l'auteur,  br.  1  fr.  25  c. 

La  Hongrie  économique,  par  Guillaume  Vautier.  1898.  Volume  in-8  de 
400  pages,  avec  carte,  broché ,'.... 10  fr. 

Le  Commerce  français  en  Orient.  La  Serbie  économique  et  commer- 
ciale, par  René  Millet,  ancien  ministre  de  France  en  Serbie.  Avec  le  con- 
cours du  M"  H.  DE  ToRCY.  1889.  Un  volume  in-8,  avec  2  cartes,  broché.  5  fr. 

Du  Danube  à  la  Baltique.  Allemagne.  Autriche-Hongrie.  Danemark.  Des- 
criptions et  souvenirs,. par  Gabriel  Thomas.  2<ï  édition.  Un  volume  in-12  de 

,    600  pages,  broché 3  fr.  50  c. 

Six  semaines  en  Russie.  Sites.  Mœurs.  Beaux-arts.  Exposition  de  Moscou. 
Industrie.  Finances,  par  Jacques  Revel.  i894.  Volume  in-12,  br.     3  fr.  50  c. 

A  travers  la  Norvège.  Souvenirs  de  voyage,  par  L,  Margot.  Un  fort  volume 
in-12,  broché 3  fr.  50  c. 

Huit-jours  en  Bosnie,  par  E.  Meignen.  1897.  In-12  avec  photographies  et 
dessins  de  G.  Scott  et  A.  Bloch 1  fr. 

Du  "Weser  à  la  Vistule.  Lettres  sur  la  marine  allemande,  par  Edouard 
LocKROY,  député,  ancien  ministre  de  la  marine.  1901.  Un  volume  in-12,  bro- 
ché. .'.'.:.'.  ...... 3  fr.  50  c. 

La  Chine  à  terre  et  en  ballon.  Reproduction  de  272  photographies  exécu- 
tées par  des  ofiîciers  du  génie  du  corps  expéditionnaire  el  groupées  sur 
42  planches  in-4  en  pholotypie  avec  légendes  explicatives.  igoS.  Sous  cou- 
verture imprimée 12  fr.  50  c. 

,  En  ujri  élég^n,t  portçf^uille  en  percaline  gaufrée  or  et  couleurs,  plaques  spé- 
ciales.  15  fr. 


Dictionnaire  des  Communes  (France  et  Algérie),  avec  indication  des 
perceptions  dont  chaque  commune  fait  partie.  Suivi  de  la  liste  alphabétique 
des  communes  des  colonies  et  des  protectorats.  Nouvelle  édition,  entièrement 
mise  àjour.  1903.  Un  volume  in-8  de  726  pages,  relié  en  percaline  souple,    6fr. 


Kancy,   imp.  iicrger-l.evrault  et  Oie. 


Uni?ersity  of  Toronto 
Library 


DO  NOT 

REMOVE 

THE 

GARD 

FROM 

THIS 

POCKET 


Acme  Library  Card  Pocket 

Under  Pat  "Réf.  Index  Ffle" 

Made  by  LIBRARY  BUREAU 


M 


.^     ^ovjage  en  j^rance 


VOLUMES   PARUS 


15 

15 
17 


Rïorvan,  Val  de  Loire  et  Perche» 

Des  Alpes  mancelles  à  la  Loire  maritime. 

Les   Iles  de  l'Atlantique  :  l.   ff  Arcaohon  à  ««««-Mfl 

—  II.  D'Hoëdic  à  Oue$$ant. 

Iles  de  la  Manche  et  Bretagii<î. 

Normandie. 

La  Région  lyonnaise. 

Le  Rhône,  du  Léman  k  la  mer. 

lias-Dauphiné. 

Les  Alpes,  du  Léman  à  la  Durance. 

Forez,  Vivarais,  Tricastin,  Comtat-Venaisaln. 

Alpes  de  Provence  et  Alpes  maritimes. 

Région  marseillaise  et  Côte  d'Azur. 

La  Corse. 

Charentcs  et  Plaine  Poitevine. 

De  Vendée  en  Beauce. 

Voxin,  Picardie  et  pays  de  Caux. 

Nord  :  I.  t^aiulre  et  Littoral. 

Nord  :  II.  Artoiê.  CambritU  tt  Hainaut. 

Haute-Picardie,  Cliampagne  rémoise  et  Ardenncs< 

Haute-Champagne;  Basse-Lorrain©. 

Plateau  lorrain  et  Vosges. 

PJainc  Comtoise  et  Jura- 

Haule-liourgogne. 

Basse-Bourgogne  et  Senonal^. 

B«>rry  et  Poitou  oriental. 

Bourbonnais  et  Haute-lMarcbe. 

Basse-.M:iri'he  et  Limousin. 

BordelJiis  et  Périgord. 

Gascogne. 

Agenais,  Lomagne  et  lias-Quercy. 

Haut-Quercy,  Haute-Auvergne. 

Basse-Auvergne. 

SOUS  PRESSE  : 
Velay,  Vivarais  méridional,  Gévaudan. 
Rouergue  et  Albigeois 


••fiASS 


Cévennes  méridionale 
Golfe  du  Lion. 
Haut-Languedoc. 

EN  PRÉPARATION  : 
Pyrénées  (Partie  orientale).  —  (Départemente  des  Pyrénées-Orientales^Aude,  Ariôgc 
Pyréni'es  (l'.arîie  occidentale). 

Ji.  PiU'is  (^;  1  :  ^  ■■  ;  .■  ■  .-. 


(Uéparlements  des  Hautes  et  Basses-Pyrénées  ) 


^î'iwXh, r? 'r-fi^i^i^ !-^£-^ ;/- 'c-^^Tii