DCB Bayerische IMünchener DigitalisierungsZentrum LX3D StaatsBibliothek | Digitale Bibliothek Ladrey, C. Chimie appliquée à la viticulture et à l’oenologie Leçons professées en 185 6 par C. Ladrey Paris 1857 Signatur: Oecon. 1046 Nutzungsbcdingungen Bille bcachlen Sie folgcnde Nulzungs- bedingungen: 1. Die Daieien werden Ihnen nur lür pcrsônlichc, nichtkommeraielle Zwecke zur Verlügung gestellL 2. Nehmen Sie keine aulomalisierten Abfragen vor. 3. Nennen Sie die Bayerische Slaaisbiblioihek als Eigentûinerin der Vorlage. 4. Bei der Weilerverwendung sind Sie selbsi fur die Einliallung von Rechten Driiier. J L B L'rheberrechlen, verantworüich. Usage Guidelincs Pieuse observe lhe following usage guide¬ lincs: 1 . The files are provided for personal, non- commercial purposes only. 2. Refrain fxora aulonialed querying. 3. Auribuie ownership of the original io ilie Bavarian Siale Library. 4. In using lhe files, il is your own responsibilily u> observe lhe righis ofihird parties, e. g. copyright régulations. I \JeLV i \J ( Cl P} Cl CHIMIE APPLIQUÉE A LA VITICULTURE ET A L’ŒNOLOGIE SE TROUVE : A Dijon, chez M. Loireau - Feuchot , imprimeur-éditeur, place Saint-Jean, 1 et 3; — chez MM. Lamarche etDrouelle, libraires, place Saint-Étienne, — «et chez tous les libraires. A Beaunb, chez M. Bataut-Morot, imprimeur-libraire. A Chatjllon-sür-Seine, chez M. Rodet, imprimeur-libraire. A Semur, chez M. IVJignot,. libraire. A Mortbard, chez M. Pourrier, libraire. DIJON, IMPRIMERIE LOIREAU-FEUCHOT, place SaiDt-Jean , 1 et 3. » . - I i KJ ( \J CHIMIE AP PLI LIMITES DE LA El I KJtL'V/KJfyj CHIMIE appliquée a LA VITICULTURE ET A L’ŒNOLOGIE LEÇONS PROFESSÉES EN 1856 PAR IN. C. LADREY Professeur de Chimie à la Faculté des Sciences de Dijon , ancien élève de l’École normale supérieure, membre de l’Académie des Sciences, Arts et Belles -Lettres de Dijon, de 1 Academie des Sciences et Lettres de Montpellier, de la Chambre consultative d’Agriculture de la Côte-d’Or, du Comité central d'Agriculture et du Conseil d’hygiène et de salubrité du département de la Côte-d'Or, etc PARIS LIBRAIRIE AGRICOLE DE LA MAISON RUSTIQUE rue Jacob, 26, BT CHEZ TOCS LES LIBRAIRES DE LA FRANCE ET DE L'BTRANliBR Septembre I 85) L’auteur et l’editeur se reservent le droit de traduction et de reproduction à l’étranger. I yJtL'V/KJ (KJ I / \J ( \J A M. J. DUMAS Membre île l’Académie des Sciences, Sénateur, ancien Ministre de l’Agriculture et du Commerce, Professeur de Chimie à la Faculté des Sciences de Paris, etc. A M. D. NISARD Membre de l’Académie française, Professeur de Littérature française à la Faculté des Lettres de Paris, etc. Hommage de respect et de reconnaissance. C. LADREY. A LA MÉMOIRE D EUSÉBE GRIS Pharmacien, professeur de Chimie et de Botanique au Collège de Châlillon-sur-Seine (Côte-d’Or). I KJtL'V/KJ AVANT-PROPOS Les leçons de Chimie organique que je fais chaque année dans mon cours de Chimie générale renferment un grand nombre de questions relatives à l’ Agriculture et à l’QEnologie ; mais le programme que je dois rem¬ plir ne me permet pas de les examiner avec tout le soin qu’elles méritent, et surtout de les rapprocher pour pouvoir les approfondir et les discuter. Les heureux résultats produits dans d’autres villes par l’ouverture d’un cours supplémentaire destiné à l’étude des applications nombreuses de la Chimie, de¬ vaient m’engager à entrer dans cette voie, qui répond si bien aux exigences de notre époque. Aussi je n’ai pas hésité à m’imposer cette nouvelle tâche ; Son Excellence le Ministre de l’instruction publique a bien voulu m’au¬ toriser à suivre l’exemple qui m’était donné par plu¬ sieurs de mes collègues, et notre cours de Chimie appliquée compte déjà deux années d’existence. Aujourd’hui je livre au public les leçons professées * en 1856, et, en cédant au désir qui m'a été manifesté si souvent, j’espère que, tout incomplètes qu'elles sont, elles pourront être utiles. Elles montrent quel est l’état actuel de la science sur toutes les questions que nous avons abordées, et combien nous avons encore à ap¬ prendre pour pouvoir analyser les faits avec détails et en discuter toutes les conséquences. Je donne ces leçons telles qu’elles ont été faites, et j’ai réuni dans des notes tous les détails pratiques et les résultats numériques qui n’avaient pu trouver place dans les leçons elles- mêmes. Cette méthode m’exposait à quelques répéti¬ tions, mais elle était nécessaire pour la publication I KJtL'V/KJ VIII d'un essai qui demande, pour devenir complet et rece¬ voir sa forme définitive, à être revu et médité pendant plusieurs années. Enfant de la Côte-d'Or, chargé de renseignement d'une science qui a déjà rendu et qui peut rendre encore de si grands services à l’Œnologie, je ne devais pas rester étranger à la discussion de questions aux¬ quelles se rattachent de si graves intérêts pour notre pays. Si je me suis décidé à rendre publique cette pre¬ mière étude sur la Vigne et sur le vin, fruit d’une année de travail et de recherches, c'est avec l'intention de poursuivre et d’approfondir l’examen de toutes les questions générales qui se rattachent à cet important sujet, et afin d'appliquer ces données à la discussion de quelques points spéciaux relatifs à l’histoire de nos vins. Il ne m'est pas possible de signaler ici tous les ou¬ vrages dans lesquels j'ai puisé d’utiles renseignements; mais qu’il me soit permis de citer d'une manière spéciale X Etude chimique du vin de M. Mulder, X Ampélogra- phie française de M. Rendu, X Ampélographie univer¬ selle de M. le comte Odart, et les importants Mémoires de MM. Boussingault , Bouchardat, de Vergnette. En m’attachant à traduire fidèlement la pensée de ces savants œnologistes, je 11e pouvais manquer de suivre une voie sûre, et d’arriver, dans la pratique comme dans la théorie, à des conséquences exactes et rigou¬ reuses. Dijon, 8 septembre 1857. I KJtL'V/KJfyj CHIMIE APPLIQUÉE A LA VITICULTURE ET A L'ŒNOLOGIE PREMIERE LEÇON S - 26 février 1856 — Considérations générales. Messieurs, Avant d'aborder l’examen des questions que nous voulons étudier, qu'il nous soit permis de vous exposer rapidement le but de ces leçons, de vous en faire con¬ naître l'esprit et le programme, en même temps que nous essaierons de vous montrer comment elles pour¬ ront se rattacher à notre enseignement général , dont elles doivent devenir l’auxiliaire et le complément. Dans toutes les sciences, nous devons distinguer deux parties, la théorie et la pratique, les principes et leurs applications; de même, dans un enseignement quel i I KJtL'V/KJ 2 PREMIÈRE LEÇON. «* qu’il soit , nous pouvons nous placer à deux points de vue différents, qui correspondent exactement à cette division. Or, il importe que les deux faces sous les¬ quelles on peut envisager une même question 11e soient jamais isolées : l’une est indispensable pour que l’autre puisse être comprise et porte ses fruits ; leur réunion permet à notre esprit de mieux saisir la portée de cha¬ cune d’elles, et souvent elle lui fournit un repos et une distraction qui lui rendent le travail plus agréable et plus facile. Mais 011 comprend que les besoins ne sont pas tou¬ jours les mêmes; les résultats doivent varier avec le but que l’on se propose, et par conséquent il faudra, dans chaque condition déterminée, laisser une grande place aux développements essentiels et glisser plus rapidement sur ceux que l’on doit considérer comme moins importants ou tout à fait accessoires. Nous avons toujours regardé comme un complément indispensable d’un enseignement général, l’examen des questions pratiques, qui, tout en complétant notre instruction , nous font mieux sentir toute l’importance et la nécessité des études sérieuses. Les excursions fré¬ quentes que nous nous permettons dans le domaine de l’industrie, de la médecine, de l’iiistoire naturelle, en nous montrant immédiatement le but et les applica¬ tions des données théoriques , servent à les fixer dans notre esprit et à nous y attacher davantage. C’est pour ainsi dire un condiment indispensable et sans lequel une nourriture trop substantielle pourrait bien 11e pas pro¬ duire tous les bons effets qu’011 est en droit d’en attendre. I KJtL'V/KJ CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 3 Mais si une instruction forte et solide exige que nous joignions aux connaissances théoriques l’étude des applications les plus variées , nous devons reconnaître également que dans beaucoup de circonstances il faut faire au côté pratique la plus large part. Si nous n’avons pas tous un égal besoin des premières, aucun de nous ne saurait se passer , dans ses attributions du moins, d’une connaissance approfondie des secondes. D’un autre côté, la Chimie a des ramifications tellement nombreuses, tellement étendues; ses apphcations ont acquis de nos jours une telle importance, que l’étude de cette science est devenue mdispeusable pour tous ceux qui désuent travailler au progrès des arts, de l’agriculture et de l’industrie. En présence de ces nouveaux besoins, nous avons pensé que les détails techniques nécessaires pour l’intel¬ ligence des grandes opérations industrielles ne pouvaient entrer assez complètement dans le cadre de nos leçons ordinaires, et que le moment était venu de consacrer un cours spécial à ces études si importantes. Cette mesure nous permettra de satisfaire aux exigences les plus di¬ verses, sans enlever à notre enseignement son véritable caractère. Ici nous devons avoir plus particulièrement en vue les apphcations de la science , les procédés in¬ dustriels, manufacturiers; cependant nous n’oublierons jamais de les accompagner de tous les détails théoriques, qui peuvent seuls en fan*e comprendre le principe et mettre directement sur la voie des perfectionnements dont ils sont susceptibles. Ainsi, un vaste horizon s’ouvre devant nous si nous nous proposons de parcourir suc- I KJtL'V/KJ \ PREMIÈRE LEÇON. cessivement les différentes branches de la Chimie appli¬ quée , et nous pouvons être assurés que la matière ne nous manquera pas. Dans ces études, nous pourrions suivre un ordre méthodique calqué sur le programme de notre ensei¬ gnement général ; mais il nous a paru préférable d’exa¬ miner d’abord les questions qui doivent nous présenter le plus d’intérêt, et vous comprendrez dès lors le motif qui nous a déterminé dans le choix du sujet que nous allons traiter cette année. L’importance de la culture de la Vigne dans notre pays, la valeur et la réputation de nos vins , les avantages que notre industrie pourra retirer de l’étude des procédés et de la discussion des méthodes : voilà des raisons bien suffisantes pour justi¬ fier le choix d’une matière que ne recommandaient pas l’obscurité qui règne encore sur plusieurs points et les difficultés qu’elle présente ; mais ces difficultés mêmes, conséquences de l’état peu avancé de cette industrie au point de vue scientifique, viennent encore se joindre aux considérations précédentes pour nous engager à répandre autant que possible des notions exactes sur toutes les questions qui s’y rattachent. Notre intention n’est pas de restreindre ce sujet si vaste , en nous bor¬ nant à envisager les différentes parties qu’il comporte au point de vue d’une contrée ou d’une localité parti¬ culière. Nous l’étudierons dans son ensemble, d’une manière générale, et ce premier travail pourra plus tard nous servir de point de départ pour toutes les études spéciales que nous voudrons entreprendre sur la même matière. Nous n’avons pas non plus le désir de I KJtL'V/KJ CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 5 vous donner des méthodes nouvelles qu’il faudrait substituer aux méthodes anciennes : nous nous conten¬ terons d’exposer ce que nous savons sur l’état actuel de l’industrie vinicole , ce que nous voyons pratiquer chaque jour ; nous chercherons à expliquer, autant que possible, le but des différentes opérations et les influences diverses qui peuvent en modifier les effets. Ce moyen nous parait être le meilleur pour provoquer des amé¬ liorations qui seront d’autant plus efficaces qu’elles reposeront sur des bases plus sérieuses et plus solides. Les progrès accomplis dans ces dernières années ont été si rapides, qu’un grand nombre d’industries à peine créées sont arrivées, en peu de temps, à un degré de développement et de perfection tout à fait extra¬ ordinaire. Mais au milieu de ce mouvement universel, au milieu de ces perfectionnements si nombreux et si considérables, on observe une circonstance qui a dù vous frapper , et qui nous offre une exception dont il parait au premier abord difficile de se rendre compte. Les industries qui nous touchent de plus près , celles dont les produits sont pour nous les plus importants, les plus nécessaires, celles à qui personne ne peut rester étranger , semblent précisément avoir échappé à cette loi de progrès que nous observons partout. La fabrica¬ tion du vin en particulier , celle du pain , et bien d’au¬ tres opérations aussi répandues, dont le principe est tout à fait scientifique, dont toutes les phases analysées par la théorie sembleraient devoir être éclairées et diri¬ gées par elle seule, sont encore aujourd’hui, à peu de chose près, ce qu’elles étaient il y a cinquante ans , et I KJtL'V/KJ 6 PREMIÈRE LEÇON . même, pour quelques-unes d'entre elles, il y a des siècles. Un tel résultat doit nous étonner, car, pour ne citer que le pain et le vin dont la nature nous offre les élé¬ ments, mais dont la fabrication est due à l’intelligence et aux efforts de l’homme, nous devons nous demander pourquoi ces substances n’ont pas suivi plus complète¬ ment la marche des autres produits de l’industrie hu¬ maine. Si nous nous intéressons au progrès des grandes opérations auxquelles nous sommes tout à fait étrangers, pouvons-nous rester indifférents quand il s’agit de la préparation de nos aliments les plus importants et des moyens d’améliorer leur qualité ou d’accroître leur pro¬ duction ? Nous ne chercherons pas à développer les causes d’un pareil résultat : il nous suffit d’en avoir constaté l’exis¬ tence et de reconnaître que le moyen le plus sûr pour le modifier, c’est d’éclairer autant que possible toutes les questions qui se rattachent à ces industries si impor¬ tantes. Par là, nous arriverons à vaincre les répugnan¬ ces qui retardent l’adoption des perfectionnements les plus simples et les plus utiles ; nous mettrons à la portée de tous les connaissances nécessaires pour réduire à leur juste valeur les exagérations relatives soit aux avanta¬ ges que peut promettre une nouvelle méthode, soit aux inconvénients qui pourraient résulter de son emploi. En même temps nous atteindrons un but dont l’utilité vous paraîtra également incontestable * en effet, si partout les anciens usages et la routine semblent proscrire l’es¬ sai même le plus rationnel, il n’en résulte pas que nous I KJtL'V/KJ CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 7 soyons à l’abri des fléaux qui compromettent si grave¬ ment les intérêts de l'industrie et du commerce, c’est- à-dire des falsifications et des fraudes. Nous savons, au contraire, que celles-ci sont d’autant plus nom¬ breuses et plus faciles, que la science a pénétré moins avant dans la pratique, et à mesure que la lumière se fait, à mesure que des procédés plus rationnels viennent simplifier les opérations, la fraude est plus difficile, et les hommes éclairés et consciencieux peuvent lutter plus avantageusement contre elle. Nous pouvons le dire sans craindre d’être démenti, il n’existe peut-être aucune industrie où les manipula¬ tions secrètes, les manœuvres frauduleuses, soient plus multipliées que dans le commerce des vins. La plupart de ces opérations 11e présentent, il est vrai, aucun dan¬ ger pour la santé publique, quoique cependant quel¬ ques-unes ne soient pas à ce point de vue tout à fait innocentes. Quant à celles qui entraîneraient des incon¬ vénients graves, nous avons, pour nous en garantir, la vigilance des tribunaux , et aujourd’hui nous pouvons avoir à cet égard une pleine sécurité. Mais les mélan¬ ges, les additions de toute substance quelle qu’elle soit, faites en vue de changer les qualités et la valeur d’un produit, nous paraissent se présenter avec tous les ca¬ ractères de la fraude si l’acquéreur n’en est pas pré¬ venu, et surtout si, comme il arrive le plus souvent, 011 proteste devant lui contre l’emploi de tous les procédés d’altération. Or, il n’existe qu’un moyen de diminuer, sinon de faire disparaître toutes ces manœuvres : c’est d’éclairer le producteur et le consommateur sur la 11a- I I KJtL'V/KJ 8 PREMIÈRE LEÇON. ture du produit, de leur montrer combien il serait plus avantageux de remplacer ces manipulations non avouées par des procédés d’amélioration vraiment rationnels. Le jour où l’on aura la certitude de pouvoir obtenir chaque année à bon marché et en quantité suffisante un vin salubre et de bonne qualité, il sera bien plus facile d’amener la suppression des fraudes qui, dans les gran¬ des villes et à Paris surtout, s’exercent sur une si grande échelle ; l’altération des produits naturels deviendra dès lors sans objet, et leurs qualités mieux connues n’en seront que mieux appréciées. Or, pour atteindre un tel résultat, il faut perfectionner les procédés actuels de fabrication, et répandre le plus possible des notions exactes et complètes sur une matière jusqu’ici trop méconnue de ceux qui auraient du l'approfondir et l’étudier davantage. Nous aurons donc à examiner avec détails les princi¬ pales questions qui se rattachent à la culture de la Vigne et à la fabrication du vin. Mais auparavant, et pour nous donner toute liberté, répondons à une objec¬ tion que nous trouvons reproduite dans toutes les dis¬ cussions qui ont eu lieu sur ce sujet. Le vin , ont dit les partisans de la routine, est un produit naturel ; la meil¬ leure marche à suivre dans sa fabrication consiste à le prendre toujours tel que la nature nous le donne, sans rien ajouter aux éléments qu’elle nous fournit, sans en rien retrancher. En cherchant à suppléer aux principes que le défaut de maturité du raisin , l’absence de cha¬ leur, ne lui ont pas permis d’acquérir en quantité suf¬ fisante, nous ne parviendrons jamais à égaler ce que le i i \j ( CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 9 soleil et la chaleur de l’été auraient produit, et par conséquent il vaut mieux s’abstenir. Disons tout de suite que ceux mêmes qui semblent ainsi proscrire toute amélioration n’ont eu le plus sou¬ vent en vue que des procédés spéciaux, car ils ne nous donnent pas toujours l’exemple de l’abstention ; nous les voyons recourir à des altérations, à des additions tout aussi graves que celles qu’ils ont voulu proscrire ; et dès lors quelle confiance accorder à leurs conseils , à leurs appréhensions? Ce premier point établi, examinons l’objection. Nous reconnaîtrons bientôt que le vin n’est pas un produit purement naturel , c’est un produit artificiel fabriqué au moyen d’éléments que la nature nous donne tout formés. Ces éléments existent dans le raisin dans des proposons assez variables, et chacun d’eux se retrouve dans d’autres plantes, soit qu’il y ait identité complète, ou simplement une grande analogie. Lorsque l’année est bonne, que la maturité du raisin est convenable, il existe dans chaque localité une proportion assez constante entre les divers éléments qui doivent con¬ courir à la formation du vin. Mais si, par une cause quelconque, le raisin n’a pu mûrir, ces proportions sont changées; certaines substances deviennent trop prédominantes; d’autres ne sont pas en quantité suf¬ fisante, et les opérations nécessaires pour la fabrica¬ tion du vin ne peuvent s’accomplir régulièrement ni se compléter. Le vin est alors de mauvaise qualité, et sa valeur diminue considérablement. La question se réduit maintenant à examiner si c’est r I KJiL'V/KJ 10 PREMIÈRE LEÇON. * une témérité d’espérer que la science nous donnera le moyen de remplacer les qualités que l’intempérie des saisons ne nous a pas permis d’obtenir, et si nous devons chercher à résoudre un pareil problème. Or, nous n’a¬ vons qu’à jeter les yeux sur ce qui s’est passé de nos jours dans une industrie voisine, et la réponse nous sera facile. Le sucre, cette substance devenue si indispensable dans nos sociétés modernes, nous a été pendant long¬ temps fournie d’une manière exclusive par les colonies. Ces contrées chaudes, à végétation luxuriante, sem¬ blaient avoir seules le privilège de produire une matière aussi belle, aussi bien cristallisée. Quelle part n’était- on pas conduit à attribuer au soleil, à son action vivi¬ fiante dans la formation d’un pareil produit? Tout à coup il vient à nous manquer, et aussitôt la science se met à l’œuvre pour le remplacer. Ou a pu méconnaître l’utilité de son intervention, on n’a jamais mis en doute sa bonne volonté et sa persévérance, et avec ces deux qualités elle est arrivée à établir ce résultat important et non contesté : c’est que, si un problème a été posé par elle, la solution pourra se faire attendre, mais elle est assurée. Dans la question du sucre , elle nous a fourni immé¬ diatement des produits capables de suppléer à la matière précieuse, dont le besoin se faisait si fortement sentir. Mais ce n’étaient que des sirops colorés, impurs, des sucres non cristallisés et peu agréables. Et combien n’a- t-on pas répété à cette époque : vous pourrez nous don¬ ner des matières ressemblant plus ou moins au sucre, I KJtL'V/KJ CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. H mais remplacer le sucre des colonies par une matière aussi belle obtenue dans nos pays est une chose impos¬ sible : nous n avons pas le soleil des tropiques. Ce j ►en¬ flant la science travaillait toujours; ce qu’elle avait déjà fait lui avait appris ce qu'il lui restait à accomplir et quelles étaient ses forces; et bientôt elle nous donna le sucre de betteraves, comme réponse au défi porté par les circonstances. Ainsi , une racine végétant sous terre, qui n’avait jamais vu le soleil, nous a fourni un produit tout aussi beau que celui qu’on avait regardé longtemps comme inimitable. Si donc un jour nous par¬ venons, avec un vin des plus médiocres, ou avec les substances qui le fournissent, à faire quelque chose qui ne diffère pas plus d’un bon vin que le sucre de bette¬ raves ne diffère du sucre de cannes, croyez-vous que ce résultat ne soit pas des plus importants et qu’il 11e vaille pas la peine d’ètre poursuivi ? Ces considérations nous conduisent à la réponse la plus complète et la moins contestable. Le vin n'est pas, comme 011 l'a prétendu, un produit naturel; la nature ne nous en a jamais fourni, nous lui emprun¬ tons les matières premières et nous leur faisons subir, comme nous le verrons bientôt, des modifications telle¬ ment profondes que quelques-unes disparaissent com¬ plètement. Or, ces substances que la nature a déposées dans les fruits de la Vigne, elle 11e les a pas refusées aux autres plantes, qu’elle a traitées en mère aussi généreuse et aussi prodigue . Si donc, dans certains cas, nos Vignes 11’ont pas éprouvé assez fortement ces influences vivi¬ fiantes qui nous donnent ces éléments dans les propor- I KJtL'V/KJ H PREMIÈRE LEÇON . lions les plus favorables, pourquoi n’irions-nous pas les emprunter à d’autres êtres qui peuvent suppléer à ce qui nous manque accidentellement? La nature est toujours notre grand fournisseur, c’est à elle seule que nous nous adressons; nous faisons ce que fait chaque année le cultivateur en fournissant à la terre les engrais qui lui sont nécessaires, et en suppléant par les engrais artificiels à l’insuffisance des engrais natu¬ rels. Nous ne mettrons à la réussite qu’une seule con¬ dition: c’est la connaissance complète et exacte du produit (pie nous voulons perfectionner, des opérations que nous voulons diriger ; car, si nous devions marcher en aveugles, mieux vaudrait rester stationnaires et proscrire toutes les innovations. . En vous signalant l’un des problèmes les plus impor¬ tants que la science se soit posés dans ces dernières années pour l’amélioration des produits de nos Vignes, nous avons voulu vous montrer que le but que nous nous proposons d’atteindre est de nous instruire pour pouvoir ensuite perfectionner plus sûrement et appré¬ cier toutes les conséquences des opérations nouvelles. Pour y arriver nous prendrons en toute circonstance le progrès dans son sens le plus large et le plus complet , car nous avons l’intime conviction que tout ce qui doit tendre à une amélioration et à l’accroissement du bien- être général ne pourra, en définitive, en dépit de nos calculs restreints, mais quelquefois peut-être après un temps d’épreuves, que favoriser et développer notre prospérité locale elle- même. Nous pouvons donc sans crainte entrer dans la voie I KJtL'V/KJ CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 13 qui s’ouvre devant nous. Retracer aussi fidèlement et aussi complètement que nous le pourrons l’état actuel de notre industrie vinicole ; vous montrer ce qu’elle doit à la science, ce qu’elle peut encore en attendre ; ne pas vous cacher les points où règne encore quelque obscurité, et que nous devons chercher à éclaircir : tel est le programme que nous avons à remplir. Si nous restons trop souvent au-dessous d’une pareille tâche, nous aurons au moins appelé sérieusement votre atten¬ tion sur une des branches les plus importantes de notre agriculture, et, grâce à votre bienveillant concours, cet effort pourra ne pas être inutile. Il vous sera dès lors facile de comprendre pourquoi nous avons cru devoir choisir le sujet pour nous sans contredit le plus vivace, le plus intéressant. D’un autre côté, l’utilité générale de ce nouvel enseignement ne saurait être méconnue. Le développement scientifique et industriel qui s’accomplit autour «le nous et y pénètre chaque jour davantage , ne devait pas nous trouver indifférents. Notre cité n’a pas été des premières à se lancer dans une voie où tant d’autres se sont jetées, peut-être avec un empressement trop peu réfléchi , et uniquement pour suivre le courant et la mode. Elle n’aurait pu le faire, du reste, sans renoncer à ce qui fait sa gloire et sa réputation ; et la culture des lettres l’a sauvée d'un engouement dangereux pour le dieu des temps modernes. Mais rassurons-nous, les transfor¬ mations les plus lentes à s’accomplir sont les plus solides et les plus profitables, et nous pouvons maintenant, sans renoncer à notre passé , entrer dans une carrière a PREMIERE LEÇON. nouvelle, prendre à ce mouvement une part active et durable, avec toute l'assurance de l’homme miir, for¬ tifié par des études sérieuses et par une longue expé¬ rience. Aussi, après avoir payé un juste tribut de pré¬ férence à notre industrie de prédilection, à celle qui fait la gloire de la Bourgogne , nous suivrons le progrès que nous venons de signaler et qui est déjà si manifeste. L’agriculture générale, l’industrie du fer et tant d’au¬ tres nous fourniront pour les années suivantes des sujets non moins importants pour nous, et que nous dévelop¬ perons successivement. I i KJ ( \J PREMIÈRE PARTIE VITICULTURE DEUXIEME LEÇON * — 4 mars 1856 — Division du Cours. — Composition des Cendres de la Vigne. Messieurs, Los études que nous allons entreprendre renferment deux parties tout à fait distinctes et également impor¬ tantes; dans la première, nous aurons à nous occuper de la Vigne, de sa culture, des changements qui résul¬ tent du développement de la plante, et de la maturation du fruit; dans l’autre, nous parlerons du vin, de sa composition et des procédés employés pour l’obtenir au moyen du raisin, produit naturel de la Vigne. Les phénomènes qui accompagnent la vie des plantes et qui servent à l’entretenir se produisent dans deux milieux différents, l’air et le sol ; il nous faudra donc I KJtL'V/KJ 1 6 DEUXIÈME LEÇON . examiner successivement la part de chacun d’eux dans la production de ces phénomènes, afin de pouvoir nous en former une idée exacte et complète ; et, pour com¬ mencer par le point le plus simple , nous étudierons d’abord le rôle et l’influence du sol. Or , nous savons qu’en général le sol sert non-seule¬ ment à fixer le végétal, mais qu’il lui fournit encore une partie notable de ses éléments. Les matières miné¬ rales paraissent indispensables à la vie des plantes; nous en trouvons dans toutes, et, lorsque nous détrui¬ sons les parties organiques par la combustion , toutes nous laissent un résidu qui constitue les cendres. Ces matières, les plantes ne peuvent les prendre qu’au sol ; elles pénètrent dans les tissus par l’extrémité des radi¬ celles et à la faveur de leur solubilité dans l’eau. Si nous retrouvons dans les cendres des parties que l’eau ne peut plus redissoudre, leur solubilité n’en a pas moins été nécessaire pour permettre l’introduction de ces substances dans les plantes, et qu’elles se soient présentées sous une autre forme , ou bien que l’eau ait acquis par la présence de certains agents, de l’acide carbonique par exemple, la propriété de les dissoudre, c’est sous la forme de substances dissoutes qu’elles s'y sont introduites. L’observation des faits nous apprend qu’il y a une relation intime entre la composition des cendres d’un végétal et celle de la terre où il a vécu. En effet, cer¬ taines substances présentant une grande analogie , jouant le même rôle chimique et pouvant par suite se remplacer l’une par l’autre existent souvent simultané- I KJtL'V/KJ DIVISION DU COURS. 17 ment dans les plantes : or, tantôt l’une domine, tantôt c’est l’autre qui se montre en plus forte proportion , et la prédominance de ces diverses matières dans les diffé¬ rents sols nous donne l’explication de ces variations dont l’histoire de la potasse et de la soude nous offre tant d’exemples. Dans d’autres circonstances , ce rem¬ placement d’une substance par une autre ne peut avoir lieu, et certaines plantes exigent nécessairement la présence d’éléments spéciaux pour pouvoir se dévelop¬ per, de telle sorte que si le sol ne les contient pas, la végétation de ces plantes y deviendra impossible. Lors donc que nous voudrons reconnaître si un sol est con¬ venable pour entretenir la vie d’une plante , il sera très-important de savoir, d’une paît, la nature des matières minérales que cette plante peut exiger, et, de l’autre, celles de ces substances que le sol pourra lui fournir. D’un autre côté, la végétation qui s’accomplit pério¬ diquement chaque année a pour but la formation de produits qui sont en général transportés loin des lieux où ils ont pris naissance. Les matières minérales ainsi enlevées appauvrissent peu à peu le sol en le privant précisément des éléments que la plante préfère : nous devons en conclure la nécessité d’une réparation, si nous voulons que la terre ne s’épuise pas et qu’elle suffise à de nouvelles productions. il résulte de là que le cadre de nos études agricoles est bien nettement tracé quant à ce qui regarde le sol ; composition des éléments minéraux du végétal , nature du sol qui lui convient , réparation des pertes que le I KJtL'V/KJ 18 DEUXIÈME LEÇON. sol éprouve pendant la végétation : voilà les trois points que nous avons à examiner. Ce que nous allons faire pour la Vigne, nous devrions l’entreprendre également pour toute autre plante : les phases de la végétation s’accomplissent à peu près de la même manière pour toutes et conduisent à des conséquences analogues. Dans ce qui va suivre nous nous placerons à un point de vue spécial, et si nous cherchons quelquefois des exemples en dehors de la Vigne, ce sera seulement pour nous faire mieux comprendre ou pour établir des points de comparaison qui nous présenteront quelque intérêt. Les éléments minéraux empruntés au sol et intro¬ duits dans la plante par les racines restent dans les cendres. Ils ne s’y trouvent plus associés de la même manière que pendant la vie de la plante ; la plupart étaient combinés à des substances organiques qui se sont brûlées dans le phénomène de l’incinération. Mais ce n’est pas la nature de ces combinaisons qui nous intéresse maintenant, nous voulons seulement con¬ naître les parties fixes empruntées au sol , et nous les retrouvons tout entières lorsque nous avons détruit les matières organisées qui étaient mélangées ou com¬ binées avec elles. La préparation des cendres exige de grandes pré¬ cautions et n’est pas toujours très-facile. Il faut avoir som de bien nettoyer les parties dont on veut obtenir les cendres, mais sans les laver, dans la crainte d’en¬ traîner quelques principes solubles. D’un autre côté, I KJtL'V/KJ NATURE ET PRÉPARATION DES CENDRES. 19 après la combustion il faut s’assurer qu’il ne reste plus de matière organique non brûlée, ce que l’on constate à l’absence de toute parcelle de charbon. Les cendres obtenues bien blanches par la combustion à l’air , on les calcine au rouge faible et on les conserve dans des flacons qu’on bouche hermétiquement. . Si on veut avoir exactement la quantité de cendres que donne une partie déterminée d’un végétal, on en prendra une certaine proportion qu’on desséchera à une température fixe jusqu’à ce que la matière ne perde plus de son poids , et on la brûlera ensuite avec précaution dans une capsule de platine. L’analyse des cendres nous y fait reconnaître con¬ stamment deux parties : l’une soluble dans l’eau, l’autre insoluble. La première renferme des alcalis , potasse et soude combinés avec de l’acide carbonique, de l’acide sulfurique et de l’acide chlorhydrique; on trouve dans la seconde de la chaux, de la magnésie , des oxydes de fer, de manganèse, de l’acide carbonique, de l’acide phosphorique et de la silice. La somme totale de ces principes varie avec les plantes; pour une même plante elle n’est pas la même dans les différents organes ; ainsi, l’écorce et les feuilles nous en donnent plus que les branches et celles-ci plus que le tronc. Pour faciliter l’étude et l’analyse des cendres, on les a divisées en plusieurs catégories, suivant les rapports de leurs éléments. Nous placerons dans la première celles oû dominent les principes alcalins ou terreux, la potasse ou la soude , la chaux , la magnésie ; dans la I KJtL'V/KJ 20 DEUXIÈME LEÇON . seconde, les cendres riches en phosphates ; et , dans la troisième, celles où la silice se trouve en plus forte proportion. Si nous comparons ces indications générales aux résultats fournis par l’analyse des cendres de la Vigne, nous reconnaîtrons tout d’abord que les substances qui ont été trouvées dans ces analyses sont précisément celles que nous venons de signaler comme se rencon¬ trant plus habituellement dans les cendres de tous les végétaux. Ainsi, la potasse , la soude, la chaux, la ma¬ gnésie, les oxydes de fer, de manganèse, l’acide sulfu¬ rique, l’acide phosphorique, la silice, le chlore, l’acide carbonique, telles sont les matières que nous offrent les analyses qui ont été publiées jusqu’ici. Quant à la quantité de ces différentes substances, nous constatons que les alcalis et les terres s’y trouvent à peu près en égale proportion ; réunies, ces bases for¬ ment environ la moitié du poids des cendres et quel¬ quefois davantage; l’acide phosphorique y existe en quantité assez notable ; la proportion de silice est très- faible, cette matière n’y entre guère que pour un centième du poids total . Le poids des cendres fourni aux divers opérateurs par l’incinération d’un même poids de végétal varie très-notablement ; il en est de même de la proportion de leurs éléments. (Voy. note A , page 30.) Ce résultat s’explique facilement par la différence des cépages étudiés, la composition si variée du sol et aussi par la non- identité des conditions où chaque expérimentateur I KJtL'V/KJ CENDRES DE LA VIGNE. 21 s’est placé ; mais , en étudiant des cas spéciaux , nous arriverons à des conséquences qui nous intéresseront davantage. M. de Vergnette a examiné, au double point de vue de la proportion et de la composition générale, les cendres fourmes par les différents organes du Pinot cultivé dans la Côte-d’Or. Voici les principaux résul¬ tats qu’il a obtenus : dans les organes de la végétation, le rapport des sels solubles aux sels insolubles est d’au¬ tant plus grand que la proportion totale des cendres est plus faible ; les parties qui donnent le plus de cendres sont les feuilles et la moelle , et , malgré la loi précédente, la quantité des sels solubles est encore plus grande dans ces organes que dans les autres. Les feuilles et le bois sont les parties les plus riches en sels de potasse ; l’écorce contient une grande proportion de carbonate de chaux; la moelle et le pépin sont surtout riches en phosphates calcaires; pour le fruit, on con¬ state également que moins il y a de cendres plus est grande la proportion des principes solubles ; on trouve, de plus, que pour la même quantité de cendres la pro¬ portion des principes alcalins est encore augmentée. Les analyses plus complètes de M. Boussingault con¬ duisent à des conséquences identiques : les cendres du marc sont plus riches en alcalis que celles du sarment, et celles du vin plus encore que celles du résidu de sa fabrication. Il résulte de là que la quantité et la composition des cendres varient suivant l’organe qui les a fournies, et que, pour une même quantité de cendres, la proportion I KJtL'V/KJ 22 DEUXIÈME' LEÇON. des sels alcalins est plus considérable dans le fruit que dans les organes de la végétation. Les expériences de M. Berthier confirment en cer¬ tains points les résultats qui précèdent, quoique cepen¬ dant sur d'autres ils nous conduisent à des conséquen¬ ces tout à fait opposées. Ainsi, ce savant a constaté que les cendres des feuilles étaient beaucoup moins alcalines que les cendres du bois, et que la diffé¬ rence dans la quantité totale des cendres avait, en définitive, pour conséquence une distribution uni¬ forme des matières alcalines dans les diverses parties du végétal ; les analyses de M. Berthier ont été faites sur un Gamay cultivé aux environs de Nemours, au confluent du canal et de la rivière de Loing. Des expé¬ riences directes ont montré , du reste , que l'influence du cépage sur la composition des cendres peut devenir très-considérable, et c’est peut-être à cette cause qu'il faut attribuer la différence des résultats obtenus par MM. Berthier et de Vergnette. D'autres séries de recherches nous permettent d’éta¬ blir également l'influence du sol sur la composition des cendres de la Vigne. (Voy. note B, page 46.) Un même observateur, M. Hruschauer, a examiné par des procédés identiques des cendres de bois de Vigne ayant crû dans trois terrains différents : un sol quart- zeux du terrain tertiaire moyen , un sol calcaire du t j y terrain devonien , et un sol formé par un micaschiste. Les substances trouvées dans ces trois espèces de cen¬ dres sont les mêmes, mais leurs proportions varient notablement. La quantité de chaux est plus forte dans I KJtL'V/KJ CENDRES DE LA VIGNE. 23 la cendre qui provient de la Vigne ayant végété sur un terrain calcaire , et , par opposition , la proportion d’alcali est moins considérable. L’examen plus attentif des résultats obtenus dans les différents sols peut nous conduire à des conséquences encore plus importantes. Les alcalis et les terres que nous trouvons dans les cendres à l’état libre ou à l’état de carbonates proviennent des sels organiques existant dans la plante, et dont l’acide est brûlé pendant le phénomène de l’incinération. Cette transformation donne à la place des tartrates , des malates de potasse , de soude , les carbonates de ces mêmes bases , et , à la place du tartrate de chaux , du carbonate que l’éléva¬ tion de température décompose et transforme partielle¬ ment en chaux. Cette transformation des sels organiques en carbo¬ nates s’opère toutes les fois qu’on chauffe ces sels au rouge ; elle a lieu également au sein de nos organes , et nous comprendrons sans peine cette ressemblance d’action en nous reportant à l’analogie qui existe entre le phénomène de la respiration et celui de la combus¬ tion. On rend les urines alcalines en mangeant des fruits acides : cela provient de ce que les sels acides de ces fruits sont transformés dans notre économie en carbo¬ nates alcalins qui s’évacuent par les urines, et, en défi¬ nitive, une partie de l’acide organique a été transfor¬ mée en acide carbonique. Or, nous jugerons bientôt de l’importance du rôle que jouent, dans la vie de la Vigne et dans la formation de ses divers produits, ces sels à acides organiques ayant I KJtL'V/KJ 24 DEUXIÈME LEÇON . # pour bases des alcalis et des terres ; il nous suffît de citer le tartre au moyen duquel nous préparons la crème de tartre, c’est-à-dire le bitartrate de potasse, pour con¬ stater cette importance. Si donc la Vigne a besoin d’ab¬ sorber des bases, et si elle se trouve également bien dans une certaine limite de l’absorption de différentes bases, ou comprend qu’elle les prendra dans les diffé¬ rents sols, en quantités variables suivant leur proportion dans le terrain où elle végète ; observons toutefois qu’en admettant que ces variations , ces substitutions soient indifférentes pour la vie , la végétation de la plante , nous devons reconnaître qu’il ne saurait en être de même pour la nature et la qualité des produits qui pourront en résulter, et cette réflexion nous fait pres¬ sentir l’importance que doit avoir une étude appro¬ fondie de la nature de ces substances dans la Vigne et dans le sol. Dans les opérations chimiques, les corps qui peuvent ainsi se substituer l’un à l’autre présentent une grande analogie ; leur remplacement est soumis à des lois qu’on exprime en disant que ces corps se remplacent en pro¬ portions équivalentes. Pour bien comprendre ce que l’on entend par cette expression, prenons un sel très- commun, le sulfate de chaux ; comparons-le à un autre sel, le sulfate de potasse : le premier, supposé anhydre, renferme pour 100 d’acide sulfurique 70 de chaux, et le second pour la même quantité d’acide 1 1 8 de potasse. La quantité d’acide étant la même, on dit que 70 parties de chaux en poids sont équivalentes à 1 1 8 parties de potasse , et , toutes les fois que nous voudrons rempla- I KJtL'V/KJ CENDRES DE LA VIGNE. 25 cer la potasse par la chaux, nous reconnaîtrons qu'il faut ajouter en chaux les 70/1 1 8 de la potasse soustraite. Ces deux quantités équivalentes, 70 de chaux et 118 ê de potasse , renferment la même quantité (20) d’oxy¬ gène, et nous trouvons dans ce fait un caractère auquel nous pouvons reconnaître l’équivalence des bases. Or, si nous nous reportons à l’analyse des cendres de Vignes ayant végété dans des terrains différents, et si nous calculons les quantités d’oxygène existant dans les bases fournies par les trois terrains, nous trouverons : 17.99, 18.81 et 19.05, nombres très-peu différents qui nous prouvent que dans ce remplacement les bases se sont substituées l’une à l’autre en proportions équiva¬ lentes. Ce résultat peut être appuyé non - seulement sur les expériences de M. Hruschauer, mais encore sur d’autres observations faites dans des conditions très- différentes. On trouve en effet, en comparant de la même manière les analyses de cendres de Vigne don¬ nées par MM. Boussingault, Hruschauer, Lévi et Crasso, que les quantités d’oxygène contenues dans les bases diffèrent très-peu , quoique cependant les proportions de chacune de ces bases éprouvent des variations consi¬ dérables. Ce fait doit être lié à un autre résultat qu’il est facile de constater ; c’est que , si les proportions de cendres données par le bois de la Vigne varient dans les diverses analyses , les différences ne sont pas très- grandes, tandis que, pour d’autres plantes, ces varia¬ tions peuvent être considérables. Ainsi, outre la confirmation des faits généraux admis pour les autres plantes, nous arrivons pour la Vigne à 2 I KJtL'V/KJ 26 DEUXIÈME LEÇON. des conséquences importantes par suite de l’examen de ses cendres ; les bases alcalines, et en particulier la po¬ tasse, constituent un de leurs éléments les plus essen¬ tiels, et l’absence d’alcali ou sa trop faible proportion entraîne l’absorption d’une quantité équivalente de chaux et de magnésie ; rappelons-nous également que l’acide pkosphorique forme toujours une proportion no table des cendres de la Vigne. Enfin, M. Boussingault y a trouvé une petite quantité d’alumine, substance que l’on ne rencontre pas dans toutes les cendres ; mais sa présence dans le vin devait faire supposer qu’on la trouverait dans celles de la Vigne. La prédominance des alcalis dans les cendres de la Vigne, constatée surtout dans les parties qui sont em¬ ployées à la confection du vin, a fait supposer que la culture de cette plante devait prendre au sol une plus forte proportion de potasse que celle enlevée par les autres cultures. Cette question, susceptible d’une solu¬ tion expérimentale, a été examinée directement, et il nous sera facile de constater les résultats obtenus par l’expérience. ( Voy. note C, page 5t.) M. Boussingault a calculé la quantité de cendres que donnerait, pendant une année, une pièce de Vigne d’une contenance bien connue par l’inciné¬ ration de ses divers produits, le vin, le marc et les sarments; chacune de ces espèces de cendres a été analysée, et les résultats obtenus ont été rapportés à un hectare. On a pu ainsi déterminer la quantité de matières minérales enlevées, dans une année, au sol par la culture de la Vigne. Si on compare les nombres i I KJtL'V/KJ CENDRES DE LA VIGNE. 27 obtenus à ceux trouvés par le même observateur pour l'action d’autres cultures sur la composition du sol, on trouve, en se bornant aux proportions d’alcalis, que la pomme de terre, la betterave, le blé, enlèvent à chaque récolte une quantité d’alcali plus considérable que celle soustraite par la Vigne dans les mêmes conditions. M. de Vergnette s’est placé à un autre point de vue : il admet que dans la culture du Pinot en Bourgogne il y a environ 25,700 ceps à l’hectare, et que la produc¬ tion moyenne de ce cépage est à peu près de 20 hecto¬ litres pour cette surface de terrain : chaque cep lui a fourni en moyenne 440 grammes de matières exportées, ce qui donne 11,462 kilog. par hectare, nombre qui correspond à 356 kilog. de matières minérales, après l’incinération; sur ce chiffre il y a 69 kilog. 40 de sels solubles ou alcalins et 286 kilog. 60 de sels insolubles. Cette somme de matières salines n’est pas exportée tout entière, car une grande partie contenue dans la feuille reste sur le sol ; si on en tient compte et si on fait le même calcul pour d’autres plantes, on arrive au même résultat que précédemment, ce qui nous montre que la Vigne n’exige pas une somme de matières alcalines plus forte que celle absorbée par les autres récoltes, et que, malgré la grande proportion d’alcalis existant dans les cendres de quelques-uns de sçs produits, sa culture n’en enlève pas plus à la terre que celle des autres plantes. Cette conséquence fournie par les faits est d’ailleurs tout à fait d’accord avec l’hypothèse à laquelle une réflexion bien simple devait naturellement nous conduire, puisque la quantité d’engrais donnée à 28 DEUXIÈME LEÇON. « la Vigne même dans les cas extrêmes est beaucoup plus faible que celle exigée par les autres cultures. Quant aux cendres du vin , elles sont, avons-nous dit, très-riches en alcalis, mais aussi leur proportion est très- faible, elle ne s’est élevée qu’à 0. 19 0/0 dans une Vigne dont le bois avait laissé 2.44 0/0 de cendres. La quantité de matières minérales, et en particulier d’alcalis, enlevée à une localité par le vin qu’elle fournit est donc très- faible, et les Vignes les plus épuisantes sous ce rapport ne sont pas celles qui produisent le plus de vin, mais celles qui donnent naissance au plus grand volume de bois et de feuilles, puisque c’est dans ces organes que se trouve la majeure partie des matières minérales. Dans la Vigne sur laquelle ont porté les études de M. Ber- thier, sur 100 kilog. de sels alcalins enlevés au sol, 80 se trouvent dans les sarments et les feuilles, et 20 dans le fruit; pour avoir ce qui restera dans le vin, il faut encore soustraire de ce dernier nombre les sels existant dans le marc et que l’on peut bien estimer à 8 kilog., de sorte que si une Vigne enlève au sol, cha¬ que année, 100 kilog. de sels alcalins, on n’en trouvera que 12 kilog dans le vin qu’elle produira. Nous terminerons cette étude sur les cendres de la Vigne en faisant ressortir une nouvelle conséquence des résultats obtenus par M. Berthier. Ce savant fait observer qu’une Vigne de l’étendue d’un hectare, et qui contiendrait sur cette surface de terrain 10,000 souches pareilles à celle qu’il a analysée, enlèverait annuelle¬ ment au sol environ 75 kilog. de sels alcalins, dont 15 kilog. pour le raisin et le reste pour le bois et les I KJtL'V/KJ CENDRES DE LA VIGNE. 29 feuilles; mais, si nous supposons 25,700 souches à l’hec¬ tare, nous obtiendrons le chiffre de 192 kilog. de sels alcalins enlevés chaque année ; or, nous voyons que ce nombre est bien plus élevé que celui auquel est arrivé M. de Vergnette dans la même hypothèse. A la vérité, tout est différent dans les deux cas : cépage, nature de sol, vigueur de végétation, culture, quantité et qualité du produit. Observons toutefois qu’en admettant ce chiffre de 192 kilog., le raisin n’y entre que pour 38 kilog. seulement , et qu’une grande partie de la dif¬ férence reste dans le sol. Ce rapprochement nous montre qu’il faut bien nous garder de généraliser les résultats obtenus dans une condition déterminée ; les doimées que nous possédons sur toutes ces questions ne sont encore ni assez multi¬ pliées ni assez précises pour que nous puissions arriver toujours à des conséquences générales; nous devons nous borner à celles que nous avons signalées, en ayant soin de porter nos observations et nos recherches sur les points qui ont besoin d’éclaircissements ou qui ont conduit à des résultats différents et souvent con¬ tradictoires. v NOTES DE LA DEUXIÈME LEÇON A Composition des cendres fournies par les différentes parties de la Vigne. Les cendres de la Vigne ont été analysées par plusieurs savants, et l'ensemble des résultats qu'ils ont publiés per¬ met déjà de déduire de leurs recherches des conséquences importantes. Nous avons résumé dans ces notes les princi¬ paux travaux qui nous ont servi de base, et qui vont nous faire apprécier exactement l'influence de l’organe, du cépa¬ ge et du sol sur la composition et la proportion des cen¬ dres. 11 est à regretter qu’on ne trouve pas toujours indi¬ quées avec détails toutes les conditions dans lesquelles les différents auteurs se sont placés; leur connaissance donne¬ rait l’explication de bien des divergences dont il n’est pas toujours possible de reconnaître la cause. Avant d’examiner ces recherches spéciales, nous allons réunir dans un premier tableau les nombres qui expriment la proportion de cendres fournies dans les conditions les plus diverses par l’incinération du sarment. Au premier abord , les résultats semblent présenter une grande variation, mais si on fait abstraction du chiffre obtenu parM. Berthier pour les cendres d’un sarment garni de ses feuilles, et qu’on tienne compte de la perte par la dessiccation dans le cas où le bois a été desséché avant d’être pesé, on trouve que la moyenne entre les 19 résultats que nous avons comparés est 2.9 sur 100; le minimum des chiffres obtenus est 2.25 et le maxi¬ mum 3.9. Ainsi, malgré la diversité des méthodes et des conditions dans lesquelles s’était opérée la végétation, les nombres trouvés ne diffèrent pas beaucoup et les différences CENDRES DE LA VIGNE. 31 deviennent encore moindres si on s’attache seulement aux résultats obtenus parle même, observateur. On peut en con¬ clure que si la quantité de matières enlevées par le sarment de la Vigne n’est pas toujours la même, elle ne présente pas des variations bien considérables. NOMS des OBSERVAT SURS. LOCALITÉ , nature du terrain ET CÉPAGE. 1 PERTE par la DESSICCATION. Proportion de cendres sur 100 p. de sarment. Kirwan. . . . » | » 3.4 Berthier.. . . Nemours. — Terrain 1/5 du poids très -sablonneux, un primitif après peu calcaire . six mois de coupe . 3.5 1(1 . Puiseaux (Loiret). — 1/4 du poids Terrain argileux, fer¬ dans les mê¬ tile, sous-sol calcaire. mes condi¬ Q s tions . 4.2 ICI • • • • • • Nemours (mo, sarment et fouilles). — Grève caillouteuse à sous-sol calcaire. — Gamay. . » 5.9 Boussingault.' » » 2.44 De Vergnette. Côte-d’Or. — Pinot. . 1/5 de son poids par la dessic¬ cation à l’air. 4.00 Crasso .... Terrain marneux. . . . » 3.9 id . Terrain porphyrique. . » 2.6 id . » » 2.849 Lévi . Worms. — Terre de Liebfrauen . » 2.835 id . id. Weinsheim. . . . » 2.689 Hruschauer . Terrain quartzeux. . . » 2.525 id . Calcaire de transition. . » 2.25 id . Micaschiste . » 2 325 Walz . Deidesheim. Traminer » 2.9 id . id. Ries s lin g. » 3.0 id . id. Rulander. » 2.9 id . Speyer. Traminer . . . » 2.8 id . id . Riessling . . . » 3.1 id . idfc Rulander . . . » 2.9 1 32 NOTES DE LA DEUXIEME LEÇON. # On sait que les différentes plantes, en croissant dans le même terrain, ne lui enlèvent pas les mêmes quantités de substances inorganiques; les nombres suivants montrent les différences observées sous ce rapport entre la vigne et d’au¬ tres plantes; ils nous prouvent également que le maïs peut donner des proportions de cendres très- variables suivant la nature du sol où il a végété, contrairement au résultat que nous venons de constater pour la Vigne. NATURE Proportion des cendres sur IOO parties. 1 OBSERVATEURS. des PLANTES* terraiü qaarticui. soi calcaire. terre de liebfraueu. Hruscliauer. , .! t Vigne. . • Maïs. . . 2.525 6.5 2.25 2.3 » » Lévi . Vigne. . » » 2.835 1(1 Lentilles » » i 2.060 ici . Café. . . » » I 3.190 id . Vesces . » )) 2.402 id . Haricots » * » 3 292 Les nombres que nous venons de rapporter ont tous été extraits des mémoires dont nous allons examiner les princi¬ paux résultats. M. de Vergnette a déterminé la proportion des cendres données par les différents organes du Pinot cultivé dans la Côte-d’Or et qui produit nos grands vins; il a indiqué en même temps la composition générale de ces cendres; ces nombres sont consignés dans son mémoire sur la Physio¬ logie de la Vigne. ( Bulletin de la Société d'encouragement , 1849, p. 391 , 468, 573.) Nous réunissons les résultats qu’il a obtenus dans un tableau afin d’en faire saisir l’ensemble d’une manière plus complète. CENDRES DE LA VIGNE. 33 NATURE de L’OBGiNI. M 5 i 5-5 •«-g « ± s •ai C H § . 15 5-2 1 X L ü w ? - “ “-8 ce g CL CENDRES sur 100 r. en 2 m U3 P « 3 « • en 3 J fi te p en g £ UL3 « —J " K | a as Ü l c/5 ac | C/*- 3 U l -J 1/3 » 5? « Chevelu . 100° 63 6.0 0.6 5.4 10.0 Racine de 3 ou 4 ans. Tige sarmenteuse ré¬ 100° 47 2.8 1 3.0 0.4 2.4 14.2 cemment enfouie.. Bois des vieilles sou¬ 100° 45 0.4 2.6 13.3 • ches . 100° 47 ' 2.6 0.3 2.3 11.5 [Bois de l’année. . . 100° 53 2.8 0.37 2.43 13.2 Moelle . 100° 86 7.5 0.6 6.9 8.0 Feuilles . 110° 68 11.7 0.7 11.0 5.9 Grappes . 110° 66 6.0 0.4 5.6 6.6 Raisin vert opaque. . 110° 65 | 5.0 0.6 4.4 12.0 j id. transparent. 110° 70 2.7 0.5 2.2 18.5 Raisin mûr . 110° 72 2.6 0.4 2.2 15.3 i Pellicule . » » 4.8 0.3 4.5 6.2 Pépin . 110° 25 2.7 0 2 2.5 7.4 Les principales conséquences de ces résultats sont les sui¬ vantes : La proportion des cendres varie suivant l’organe qiie l’on considère; il en est de même de la composition. Ce sont les feuilles qui en fournissent le plus, les bois des vieilles souches et les raisins mûrs qui en donnent le moins. Le rapport des sels solubles aux sels insolubles ou à la quantité totale des cendres est d’autant plus grand que cette dernière est plus petite. Ce rapport est à son minimum dans les feuilles, il atteint son maximum dans le fruit un peu avant sa maturité. M. de Vergnette, dans le résume de son mémoire, donne relativement à ses études sur les cendres les conclusions qui suivent : « Nous ne tirerons pas de conséquences isolées des résultats analytiques que l’on a obtenus par l’examen des cendres de diverses parties du végétal, puisque ces résultats peuvent varier d’une année à l’autre. Mais de la discussion U NOTES DE LA DEUXIÈME LEÇON. comparative des chiffres obtenus, nous reconnaîtrons que les feuilles et le bois sont riches surtout en sels de potasse, que l’écorce contient une grande proportion de carbonate de chaux. La moelle et le pépin sont riches en phosphates calcaires ; la souche et les fortes racines donnent à l’inciné¬ ration un moindre résidu que les feuilles, le jeune bois et le chevelu. » % M. Boussingault a fait analyser les cendres des sarments, du marc de raisin et du vin provenant de la végétation d’une même Vigne pendant l’année 1848. (Ann. de Ch. et de Phys., 3® série, t. XXX, p. 369.) Les analyses ont été faites dans son laboratoire par M. Houzeau; en voici les résultats : SUBSTANCES contenues DANS LES CENDRES. CENDRES de sarments. GENDRES de marc. CENDRES d’un litre de vin. Potasse . | Soude . Chaux . Magnésie . Oxyde de fer, Alumine . Acide phosphorique . Acide sulfurique . Chlore . Acide carbonique . Sable et silice (1) . Perte . 18.0 0.2 27.3 6.1 3.8 10.4 1.6 0.1 20.3 10.9 1.3 36.9 0.4 10.7 2.2 3.4 10.7 5.4 * 0.4 12.4 15.3 2.2 0*842 » 0.092 0.172 » 0.412 0.096 traces. 0.250 0.006 » 100.0 100.0 1*870 (1) La silice en très-faible proportion. 1 Le sarment avait fourni 2. 44 de cendres sur cent parties, et le marc desséché à l’air 6.65 ; un litre de vin en avait donné 1 gramme 870 , ce qui conduit à la proportion de CENDRES DE LA VIGNE. 35 0.49 pour cent, la densité du vin étant supposée égale à 0.960. Le tableau précédent nous montre que les cendres du marc renferment plus d’alcalis et moins d’oxydes terreux que celles du sarment; les cendres du vin contiennent aussi une proportion d’alcalis plus forte que celle donnée par les cendres du marc. En effet, on trouve pour les cendres du vin, sur cent parties : Potasse . 45.0 Chaux . 4.9 Magnésie . 9.2 Mais la proportion des cendres donnée par le vin étant de beaucoup inférieure à celle que fournissent les autres par¬ ties, il en résulte qu’à poids égal il y a dans ce produit de la Vigne une quantité d’alcalis plus faible que dans tous les autres. M. Berthier, qui avait donné, dans son Traité des essais, plusieurs analyses de cendres de Vignes, a examiné récem¬ ment une Vigne des environs de Nemours (Scine-et-Marne). La grève où cette Vigne est cultivée est extrêmement cail¬ louteuse et sablonneuse, mais elle ne manque pas de ferti¬ lité, et son sous-sol est rempli de sources notablement calcaires (t). On a coupé une souche entière à l’époque de la vendange, au mois d’octobre 1850; on a opéré d’une part sur les sar¬ ments garnis de leurs feuilles, de l’autre sur les raisins. Après une dessiccation libre à l’air, le sarment et les feuil¬ les pesaient au mois de mars 450 grammes ; ils ont donné (1) Chimie agricole , Analyse des cendres d’un grand nombre de végétaux, par Berthier, p. 24, et Ann. de Ch. et de Phys., 3e série, t. XXXIII, p. 249. 36 NOTES DE LA DEUXIÈME LEÇON. 26 grammes 50 cent, de cendres blanches , ce qui corres¬ pond à 5.90 sur iOO. Cette cendre, traitée par l’eau chaude et lavée, a fourni : Partie soluble (sels alcalins fondus) 6620 23.4 Partie insoluble (sels terreux). . . 20.30 76.6 26^50 100.0 La partie soluble des cendres a été trouvée composée de : Sulfate de potasse . lg170 18.8 Chlorure de potassium . 0.600 9.6 Carbonates alcalins. ...... 4.280 69.2 Silice gélatineuse . 0.150 2.4 « » 6g200 100.0 La partie insoluble a donné à l’analyse : Carbonate de chaux . 13g170 64.9 Carbonate de magnésie. . . . 1.020 5.0 Phosphate de chaux . 4.180 20.6 Phosphate de fer . 0.510 2.5 Silice gélatineuse . 1.420 7.0 20g300 100.0 Ainsi, la cendre entière renfermait : Sulfate de potasse . 4.40 0.25 Chlorure de potassium . 2.20 0.13 Carbonates alcalins . 16.40 0.97 Carbonate de chaux . 49.82 2.97 Carbonate de magnésie . 3.85 0.23 Phosphate de chaux . 15.70 0.92 Phosphate de fer . 1.83 0.10 Silice . 5.80 0.33 100.00 5.90 CENDRES DE LA VIGNE. Les grappes de raisins récoltées sur la souche pesaient, après dessiccation, 70 grammes; elles ont laissé 2 grammes 96 cent, de cendres ou 4.20 pour cent parties. On a trouvé pour leur composition : Sulfate de potasse . 0*150 5.0 Chlorure de potassium . 0.080 2.7 Carbonates alcalins . 1.330 44.4 Carbonate de chaux . 0.300 10.5 Carbonate de magnésie. . . . 0.360 12.5 Phosphate de chaux . 0.700 23.5 Silice . 0.040 1.4 2*960 100.0 M. Berthier, en rapprochant ces divers résultats, fait res¬ sortir les conséquences suivantes : 1° La souche sèche pesait . 450 grammes Et le raisin . 70 id. 2° La souche a produit : Cendres . 26*50 ou 5.90 0/0 contenant : Sels alcalins . 6*20 ou 1.38 0/0 Sels terreux . 20.30 — 4.52 3° Le raisin a produit : Cendres . contenant : 2*96 ou 4.20 0/0 Sels alcalins . 1*56 ou 2.25 0/0 Sels terreux . 1.40—1.95 4° Ainsi la souche renfermait : 9 fois autant de matières inorganiques que le raisin; 4 fois autant de sels alcalins; 14 fois autant de sels terreux, et entre autres 6 à 7 fois autant de phosphates. 3 I KJtL'V/KJ 38 NOTES DE LA DEUXIÈME LEÇON. Ces résultats fournis par l'analyse des cendres, rappro * chés de ceux obtenus par M. Boussingault, montrent donc que les matières organiques enlevées au sol par la Vigne se trouvent surtout dans les organes de la végétation et dans le marc du raisin. M. Berthier a analysé également les cendres des pépins; il y a trouvé 2.0 pour cent de cendres ayant la composition suivante : Sulfate de potasse . 3.5 , Chlorure de potassium . . 1.5 > 18.5 Carbonates alcalins .... 13.5 J Phosphate de chaux. . . . 50.0 \ Carbonate de chaux. . . . 17.5 ^ 81.5 Carbonate de magnésie. . 14.0 100.0 Observons combien est grande la proportion de phosphate de chaux contenue dans les cendres des pépins : on sait qu’il en est de même pour toutes les graines. Quant aux feuilles, M. Berthier a comparé la composition des cendres de feuilles vivantes, c’est-à-dire en pleine végé¬ tation, à celle des cendres de feuilles mortes recueillies au moment où elles étaient près de tomber. 2 kilogrammes des premières se sont réduits, par une des¬ siccation spontanée, à 500 grammes; dans cet état elles ont donné 42 grartimes de cendres, c’est-à-dire 2.1 pour cent sur le poids des feuilles vertes, et 8.4 sur celui des feuilles sèches. Les nombres suivants donnent leur composition : Sulfate de potasse . 7.0 i Chlorure de potassium . . 0.8 ■ 15.0 Carbonates alcalins. ... 7.2 ' CENDRES DE LA VIGNE. 39 Carbonate de chaux. . . Carbonate de magnésie . Phosphate de chaux. . . Phosphate de fer . . . . Silice . 51.0 3.4 15.3 v 85.0 5.1 10.2 100.0 Quant aux feuilles mortes, elles ont perdu par la dessic¬ cation 33 pour cent de leur poids, 1,500 grammes s’étant réduits à 500 grammes. Elles ont laissé après la combustion un résidu de 11.34 pour cent, par conséquent 56K 7 de cen¬ dres dont voici la composition : Sulfate de potasse . 2.29 Chlorure de potassium . 1.41 Carbonates alcalins . 5.12 Carbonate de chaux . 62.02 Carbonate de magnésie . 8.66 Phosphates de chaux et de fer. . 13.27 Silice . 6.63 100.00 Le tableau suivant résume les résultats obtenus par M. Berthier sur le bois avec les feuilles, les feuilles vivantes et les feuilles mortes, après une dessiccation spontanée à l’air: DÉSIGNATION de l’organe. QUANTITÉ de cendres sur 100 parues. PROPORTION des sels alcalins. PROPORTION des sels terre». Bois garni de ses feuilles. 5.9 1.38 4.52 Feuilles vivantes . 8.4 1.26 7.14 Feuilles mortes . 11.34 1.00 10.34 Ainsi on a trouvé beaucoup plus de cendres dans les feuilles que dans le bois; mais les cendres des feuilles sont moins alcalines que les cendres du bois, et , lorsque la vé- 40 NOTES DE LA DEUXIÈME LEÇON. gétation est active, la distribution dos matières alcalines dans le bois et les feuilles est à peu près uniforme. Consta¬ tons toutefois que dans la Vigne étudiée par M. Berthier les feuilles vertes vivantes n’ont donné que 2.1 0/0 de cendres, nombre inférieur à celui qui représente le minimum des résultats obtenus pour les cendres du sarment. M. Berthier a comparé, toujours sous le rapport des élé¬ ments inorganiques, deux raisins frais appartenant à deux espèces différentes, un Chasselas blanc et un Pinot noir, ré¬ coltés tous deux aux environs de Paris. Chasselas. — Ce raisin a donné sur 100 parties : 4.2 RafTes, 22.0 Marc, 73.8 Jus filtré. Chacune de ces parties a été incinérée séparément, et on a obtenu : Raffes. . . 0.06 ou 1.431 de cendres sûr 100 parties. Marc ... 0.11 — 5.00 id. Jus filtré. 0.194 — 0.263 id. Ces cendres ont été trouvées composées de : RafTes. Marc. Jus. Sels alcalins . 0.020 0.060 0.100 Phosphate de chaux . 0.014 0.030 0.047 Carbonate de chaux . 0.026 0.012 0.035 Carbonate de magnésie. . . » 0.008 0.012 0.060 o.no 0.194 Par suite le raisin entier contenait: Sels alcalins . • • • 0.180 Phosphate de chaux. • • • 0.091 Carbonate de chaux. • • • 0.073 Carbonate de magnésie. . 0.020 0.364 I KJtL'V/KJ CENDRES DE LA VIGNE. A\ Raisin noir. — Ce raisin a donné, sur 100 parties : 3.6 Rafles. 24.0 Marc. 72.4 Jus filtré. Proportion des cendres données par chaque partie : Rafles. . . 0.060 ou t.7 de cendres sur 100 parties. Marc. . .0.110 — 4.6 id. Jus. . . . 0.208 — 0.40 id. Composition de ces cendres : Rafles. Marc. Jus. Sels alcalins . 0.020 0.06 0.154 Phosphate de chaux . 0.014 0.03 0.072 Carb. de chaux et de magnésie. 0.026 0.02 0.072 0.060 0.11 0.298 Cendres contenues dans le raisin entier : Sels alcalins . 0.234 Phosphate de chaux . 0.116 Carbonates de chaux et de magnésie. . . . 0.118 0.468 Ainsi, les résultats fournis par les deux raisins sont très- peu différents; dans les deux cas, les sels alcalins consistent essentiellement en carbonates, ils contiennent en outre une quantité notable de sulfate et un peu de chlorure ; ceux qui proviennent du marc renferment une petite quantité de phosphate. La conclusion générale du travail de M. Berthier, c’est que ce n’est ni le vin, ni même le raisin entier qui enlèvent au sol l’alcali exigé par la culture de la Vigne , mais que la plus grande partie est absorbée par le bois et les feuilles. Les observations laites par.M. Bouchardat sur des jus filtrés provenant de plusieurs espèces de raisins, démontrent éga¬ lement que ces fruits ne renferment qu’une très-faible pro- 42 NOTES DE LA DEUXIEME LEÇON. portion de sels alcalins; il n’v a jamais rencontré plus de 0.067 de potasse, sur 100, et quelquefois la proportion de cet alcali descend à 0.045. M. Crasso a comparé la moelle et le bois d’une même souche. (Ann. der Ch. und Phann ., LV11, 07; LXI1, 59.) Il a trouvé dans la moelle. . . . 4.80 parties de cendres. Dans le bois . 2.47 id. Un jus de raisins mûrs a donné. 0.326 id. Un jus de raisins non mûrs. . . 0.371 id. On doit également à M. Crasso une étude des cendres des différentes sortes de moût, ainsi que des autres parties du raisin. Le tableau suivant résume l’analyse des cendres de quatre variétés, dont nous donnons ci -après la désigna¬ tion : M AT I È R E S contenues DANS I.ES CENDRES. MOUT (1) de raisin* noirs *0!H MURS. MOUT 2) de raisins noirs MURS. MOUT (a) de raisins noirs MURS. MOUT (*) de raisins blancs MURS. Potasse . 66.334 65.043 71.852 62.7 15 Soude . 0.329 0 . 23 1.205 2.659 Chaux . 5.201 3.37 2- 3.392 5.111 Magnésie . 3.276 1.736 3.971 3.956 Oxyde de fer . 0.729 0.127 0.091 0.103 Oxyde de manganèse. 0.820 0.717 0.098 0.305 Acide sulfurique. . . 5.194 5.544 3.651 1.895 Chlore . 0.745 1.029 0.474 0.700 Silice . 1.991 2 099 1.190 2 182 Acide phosphorique . 15.378 16.578 11.073 17.011 100.000 100.000 100.000 100.000 Densité k la temp. de 1 6° 1.060 1.085 1.080 1 1.065 Le moût (t) des raisins noirs non mûrs appartient à l’es¬ pèce du Petit- Bourguignon ou Schwarz Clavner (Melzger); CENDRES I>E I.A VIGNE. 43 le comte Odarl range ce cépage dans la tribu des Pinots, à côté du Pinot ou Noirien de la Côte-d’Or. La vigne qui les produit est cultivée dans un terrain porphyrique. Le moût (2) des raisins mûrs est du même cépage et provient du même terrain. Le moût (3) des mêmes raisins mûrs provient d’une autre localité et d’un terrain marneux. Le moût (4) des raisins blancs mûrs appartient à l’es¬ pèce Grün Sylvaner (Babo et Metzger). Pour compléter ces indications, M. Crasso a analysé les cendres des pellicules et des pépins; voici les résultats que lui ont fourni ces analyses : M AT I Ê R E S contenues DANS LES CRXDRIS. PELUCHES noires DU H° 1. PELLICULES blanches du a® 4. PEPINS du R" 1. PEPINS du w° 4. Potasse . 41.656 46.887 27.868 29.454 Soude . 2.130 1.618 » » Chaux . 20.315 21.731 32.179 35.567 Magnésie . 6.019 4 451 8.527 8 590 Oxyde de fer . 2.107 1.971 0.455 0.647 Oxyde de manganèse. 0.758 0.511 0.348 0.452 Acide sulfurique. . . 3.480 3.882 2.398 2.608 Chlore . 0.496 0.713 0.268 0.355 Silice . 3.464 2.571 0.952 1.273 Acide phosphorique. 19.575 1 5 . 665 27.005 21.054 1 100.000 1 00 . 000 100.000 100.000 M. Crasso avait donné dans ses premières recherches la composition des cendres d’un moût frais, formé par un mé¬ lange de raisins noirs et blancs; les cendres des deux moûts ont été obtenues à part, quoiqu’on les ait réunies pour l’analyse. Les nombres suivants donnent la composition de ces cendres, sur 1 00 parties: U NOTES DE LA DEUXIEME LEÇON. # Potasse . 58.641 Chaux . 6.731 Magnésie . 7.041 Oxyde de fer . 0.494 Oxyde de manganèse . 2.458 Acide sulfurique . 13,582 Chlore . 1.142 Silice . 0.137 90.226 On n'a pas dosé directement l’acide phosphorique dont la proportion complète les 100 parties : il n’y avait pas de soude. Les expériences de M. Crasso nous montrent que la soude, qui dans les cendres du bois se trouve en proportion assez notable, diminue dans toutes les parties du fruit et manque complètement dans les pépins; c’est le contraire pour la potasse, qui, dans le jus surtout, s’élève aux deux tiers du poids des cendres. La proportion d’acide phosphorique, déjà très- grande dans les cendres du moût, le devient encore plus dans celles des pépins. Dans toutes les cendres analysées on a trouvé de l’oxyde de manganèse : l’analyse du sol y avait démon¬ tré la présence de cet élément. Pour apprécier son influence sur le raisin , nous ajouterons tout de suite qu’un vin rouge est plus foncé dans un sol contenant du manganèse que dans une terre qui n’en contient pas; et cet oxyde se trouve en proportion plus considérable dans les cendres de raisins noirs que dans celles de raisins blancs. Sous les n05 1 et 2, nous avons les mêmes raisins avant et après leur maturité; or, la composition des cendres ne pré¬ sente aucune différence appréciable dans ces deux cas; M. Mulder en conclut que, dans la dernière période de son CENDRES DE LA VIGNE. 45 développement, le fruit paraît avoir une vie plus indépen¬ dante et ne participe que très-peu à celle de la plante. M. Walz a examiné les cendres de Vignes appartenant à plusieurs cépages cultivés à Deidesheim et à Speyer, et pla¬ cés dans les memes conditions. La proportion des cendres obtenues varie peu, mais leur composition présente de no¬ tables différences, comme l’indiquent les résultats suivants : (Mulder, De Wijn scheikundig beschouwd. H.) MATIÈRES CONTENUES dans les cendres. TRAMINER- RIESLING RLLAXDER- Potasse . 38.6 27.4 29.0 Soude . 18.2 12 0 26.2 . Chaux . 21.7 19.4 9.8 S Magnésie . ' 0.6 7.7 1.2 Phosphate de fer . . . 1.0 3.1 1.7 « Phosphate de chaux. .1 13.8 26.3 27.0 -S Sulfate de chaux. . . . 2.4 2.3 2 3 0 Chlorure de sodium. . 0.7 0.4 0.2 Q Silice . 2.3 1.8 3.2 100.2 100.04 101.1 Potasse . . . . . 38.9 29.9 26.1 Soude . 18.1 21.7 13.0 Chaux . 21.9 11.3 19.7 Magnésie . 0.9 0.5 8.7 £ Phosphate de fer . . . 2.0 1.8 1.9 >» Phosphate de chaux. . 13.5 26.2 25.0 o. Sulfate de chaux . . . 1.4 2.2 3.3 w Chlorure de sodium. . 1.2 0.3 0.1 Silice . 2.1 3.2 2.1 100.0 100.1 99.9 On voit que les deux derniers cépages présentent de gran¬ des analogies au point de vue de la composition de leurs cendres; de plus, les proportions obtenues d’alcalis et de phosphates s’écartent notablement de celles données par les cendres du Traminer. Toutes les analyses de M. Walz ont 3* 46 NOTES DE LA DEUXIÈME LEÇON. fourni une quantité de soude plus grande que celle qu’on trouve ordinairement. Ce résultat, dont il est jusqu’ici dif¬ ficile de se rendre compte, n’a été accepté qu’avec réserve et on ne pourra l’apprécier exactement que lorsque les études analytiques sur les cendres auront été plus multipliées. M. Lévi s’est demandé si cette grande quantité de soude qu’il a également observée ne provenait pas des engrais. B Influence du sol sur la composition des cendres de la Vigne. M. Hruschauer a fait l’anaiyse des cendres de plusieurs espèces de Vignes situées dans les environs de Gratz, en Styrie, et ayant végété dans des terrains différents. (Arm. der Ch. und Pharm ., L1V, 33t.) — Le tableau suivant donne les résultats obtenus par cet observateur : MATIÈRES contenues DA39 LES CElfDIlBS. SOL QUARTZKUX. Terrain terliairi rao»en 1 SOL CALCAIRE. Terrain dromen. 2 MICASCHISTE. 3 Potasse . 21.68 17.60 19.32 Soude . 5.10 5.10 6.13 Chaux . 20.13 26.51 24.19 Magnésie . 2.96 5.03 6.70 Oxyde de fer ... . 0.10 0.17 0.11 Acide sulfurique . . 1.70 1.67 1.78 Acide phosphorique. 10.30 i 13.80 12.34 Silice . 0.92 OU 1.81 Chlore . 0.32 0.25 0.18 Acide carbonique. . 15.71 20.21 17.67 Charbon et sable . . 21.08 9.39 9.10 100.39 • 100.29 100.26 CENDRES DE LA VIGNE. 17 Si dans ces analyses on fait abstraction du charbon, du sable et de l’acide carbonique, qu’on suppose l’acide sulfu¬ rique uni à la chaux à l’état de sulfate de chaux et le chlore combiné au sodium, on peut, en partant des nombres précé¬ dents, exprimer la composition des cendres de la manière suivante : 1 2 3 Potasse . 34.13 24.93 26.41 Soude . 7.59 7.00 8.57 Chaux . 30.28 35.94 ! 31.78 Magnésie . i.66 7.12 9.16 Oxyde de fer . 0.18 0.24 0.19 Sulfate de chaux . 4.55 4.02 4.13 Acide phosphorique. . . 16.35 19.55 16.87 Silice . 1.45 0.62 2.48 Chlorure de sodium. . . 0.83 0.58 0.41 100.00 100.00 100.00 Calculons d’après ces derniers nombres la quantité d'oxy¬ gène contenue dans les bases, et nous trouverons : f. — f 7.99 2. — 18.81 3. — 19.03 Ces nombres très-peu différents nous conduisent à cette conséquence : c’est que si, par suite de la diversité de nature et de composition des terrains, la Vigne a absorbé les diffé¬ rentes bases en proportions variables, le remplacement de l’une d’elles par une autre a eu lieu dans le rapport de leurs équivalents. 11 nous reste à établir s’il y a dans ce résultat une coïncidence fortuite ou bien un fait général qui s'observe dans toutes les circonstances. M. Lévi a donné également la composition des cendres de deux Vignes des environs de Worras; l’une avait végété dans 48 NOTES DE LA DEUXIÈME LEÇON. la terre de Liebfrauen dont nous donnons plus loin la com¬ position, l’autre dans une terre de Weinsheim. (Ann. der Ch. und Pharm.y L, 42t.) — Voici les résultats obtenus : 1 MATIÈRES I contenues I DA.19LESCR5DRB3. VIGNE de Libbfrauin. VIGNE I de I Weinsheim. 1 1 Potasse . 12.55 19.28 1 1 Soude . 20.65 2.09 1 1 Chaux . . 21.69 31.12 I I Magnésie . 6.56 5.70 I I Oxyde de fer . 3.02 1.16 1 I Acide sulfurique . 1.44 2.20 1 1 Acide phosphorique . 3.79 14.41 I 1 Silice . 1.15 0.00 1 1 Chlore . 1.33 0.41 I I Acide carbonique . 19.26 7.12 1 1 Charbon . 5.11 , 12.69 I I Perte . 3.15 3.82 1 100.00 100.00 I En retranchant, comme nous l’avons fait plus haut, l’acide carbonique et le charbon et en dosant le chlore et l’acide sulfurique à l’état de chlorure de sodium et de sulfate de chaux, on trouve les nombres suivants : Potasse . Soude . Chaux . . . Magnésie . Oxyde de fer . Phosphate de fer . Acide phosphorique. . . Sulfate de chaux . Chlorure de sodium. . . Silice . 17.547 25.314 26.762 2.139 28.902 38.823 9.173 7.483 0.392 » 9.130 3.623 » 16.813 3.439 4.936 3.048 0.869 1.607 » 1 00.000 1 00.000 CENDRES DE LA VIGNE. 49 Les quantités d’oxygène contenues dans les bases sont 21.48 et 19.21. Ces analyses présentent le fait remarquable d’une proportion très-forte de soude coïncidant avec une di¬ minution notable de potasse et de chaux. Si nous soumettons à un calcul analogue les analyses de cendres rapportées précédemment et dues à MM. Boussin- gault et Crasso, nous trouvons pour les quantités d’oxygène des bases : Analyse de M. Crasso . 18.71 Analyse de M. Boussingault . 19.25 Ces nombres, rapprochés des précédents, confirment les conclusions que nous en avons déduites et nous montrent que, si les cendres de la Vigne peuvent contenir des propor¬ tions très- variables de potasse, de soude, de chaux, de magnésie, la somme des quantités d’oxygène contenues dans ces bases n’éprouve que de très-légères variations. Si du reste on réfléchit aux différences que la composition des végétaux, et par suite des cendres, doit présenter aux diverses époques de l’année, on regrettera que les observa¬ teurs n’aient pas tous indiqué les conditions dans lesquelles se trouvaient les plantes qui ont servi à leurs expériences. On s’expliquera dès lors facilement les différences observées dans les résultats obtenus par chacun d’eux, et on com¬ prendra qu’on ne puisse toujours tirer de leur discussion des conséquences suffisamment justifiées. Les expériences de M. Hruschauer nous permettent de compléter ces données intéressantes. Il a fait l’analyse des cendres de tiges de maïs ayant crû dans le môme sol que les Vignes (t) et (2) , et tout à fait dans le voisinage; les nombres obtenus sont, comme on devait s’y attendre, tota¬ lement différents de ceux donnés par la Vigne; nous rappor¬ tons la composition de ces cendres sur cent parties : 50 NOTES DE LA DEUXIÈME LEÇON MATIÈRES contenues dans les cendres. SOL quartzeux. SOL calcaire. Potasse . 11.46 4.00 Soude . 34.31 10.88 Chaux . 4.24 9.68 Magnésie . 1.46 9.58 Oxyde de fer . 0.71 0.61 Acide sulfurique . 0.47 0.68 Acide phosphorique . 9.32 18.76 Silice . 14.98 29.36 Chlore . 3.01 0.28 Acide carbonique . 8.41 3.83 Charbon et sable . 11.27 11.84 99.64 99.50 Si nous calculons, comme pour les cendres de la Vigne, les quantités d’oxvgène contenues dans les bases, nous trou¬ vons 14.09 et 11.34, nombres qui présentent une différence bien plus grande que celle observée pour la Vigne dans les memes conditions. Rappelons-nous du reste que les proportions de cendres fournies par le maïs dans les deux sols étaient très-diffé¬ rentes, de sorte qu’en rapprochant ces résultats nous avons : PLANTES. NATURE du B O 1. PROPORTION des cendres. QUANTITÉ d’oxygène contenue dans les cendres. | TT* _ f V nrnû L Sol quartzeux. . . ! 2.525 17.99 \ Sol calcaire. . . . 1 2.25 18.81 * \inï« * Sol quartzeux. . . 6.5 14.09 Mais- ‘ * ■ ) Sol calcaire. . . . 2.3 11.34 Nous compléterons cette comparaison des cendres de la Vigne avec celles d’autres végétaux ayant crû dans le même sol en rapportant des analyses données par M. Lévi dans le travail que nous avons déjà cité. Toutes les plantes étaient placées très-près l’une de l’autre dans la terre de Liebfrauen ; CENDRES DE LA VIGNE. 51 elles se trouvaient par conséquent dans des conditions iden¬ tiques. M ATI ÈRES contenues dans les cendres. Vigne. Lentilles. Asperges. Sapin. Café. Potasse . 17.5 31.31 28 . 07 10.50 50.91 Soude . 28.5 13.30 3.96 9.97 11.76 Chaux . 30.2 6.21 18.01 i6.15 1.33 Magnésie . ' 9.1 2. U i.ii 13.16 10.90 Oxyde de fer. . . . il 1.98 5.78 3.26 0.66 Chlore . 1.7 i.56 i.10 0.71 1.22 Acide sulfurique. . 2.0 >' 7.81 3.03 traces. Acide phosporique. 5.3 35.82 13.71 1.19 13.59 Silice . 1.6 1.31 13.69 8.38 3.58 100.0 99.96 99. 9G 99.95 99.98 J Ce rapprochement nous montre combien dans un même sol varient les proportions des divers éléments absorbés par les différentes plantes. Quant aux quantités d’oxygène con¬ tenues dans les bases, on trouve, en faisant les calculs de la même manière, des nombres très- différents : Vigne . 21.48 Lentilles . 11.19 Asperges . 12.60 Bois de sapin . 22.60 Café . 17.72 C Sur la quantité de potasse enlevée au sol par la culture de la Vigne. Pour déterminer la quantité de potasse enlevée au sol par la culture de la Vigne, M. Boussingault a calculé le poids total des matières emportées a l’état de sarment , de 52 NOTES DE LA DEl'XIÈME LEÇON. marc de raisin et de vin, puis il a analysé les cendres four¬ nies par ces différentes substances; on n’a pas tenu compte des feuilles qui, restant sur le sol, ne lui enlèvent pas de matières minérales. Le clos du Smalzberg, dans lequel ont été faites ces opérations, est d’une contenance de 170 ares; il est situé près Lampertsloch (Bas- Rhin); le terrain est rempli do. petits tragments de pierre calcaire. En 1848, on a obtenu de cette surface 55 hcctol. 05 devin. Le marc de raisin, desséché à l’air, a pesé 402 kilog.; 100 de marc ainsi desséché ont laissé 6.65 de cendres, soit 32 kilog. 72 pour 492 kilog. La taille de la Vigne, exécutée au printemps de 1849, a fourni 2,624 kilog. de sarment; en 1850, la Vigne en a donné à 100 kilog. près la meme quantité. De 100 de sarments brûlés dans l’état où ils avaient été pesés, on a retiré 2.44 de cendres, soit 64 kilog. 03 pour la totalité du bois On avait incinéré assez de sarment pour obtenir plusieurs kilogrammes de cendres. LTn litre de vin a laissé 1 gramme 870 d’une cendre très- blanche. Nous avons rapporté plus haut les résultats de l’analyse de ces cendres de sarment, de marc, et de vin (page 34); en les rapprochant des données précédentes, on trouve pour les quantités de substances minérales enlevées en une année dans une Vigne de 170 ares : Potasse. Soude. Chaux. Maçnrsie. Acide Acide pfco'plnriqie tülfutUJU? Par les sarments. 11.53 0.13 17.18 3.91 6.66 1.02 Par le marc. . . 12.07 0.13 3.50 0.72 3.50 1.77 Par le vin. . . . 4.64 0 00 0.51 0.95 2.27 0.53 Total. . . 28.21 0.26 21.49 5.58 12.43 3.32 CENDRES DE LA VIGNE. 53 En ramenant à la surface d’un hectare , on a : Potasse . 1 6k42 Soude . 0.15 Chaux . 12.49 Magnésie . 3.24 Acide phosphorique . 7.23 Acide sulfurique . 1.93 M. Boussingault en conclut que la culture de la Vigne, contrairement à l’opinion admise, n’exige pas plus de po¬ tasse que les autres cultures; car, dans le voisinage du clos du Smalzberg, à un hectare de terre Alcalis. Acide phosphorique La pomme de terre enlève. . 63 kilog. 1 4 kilog. La racine de la betterave. . . 90 12 Le froment avec la paille. . . 27 19 M. de Vergnelte, dans son travail sur le Pinot , a fourni les éléments d’un calcul analogue au précédent, seulement il faut procéder d’une manière un peu différente; mais nous allons voir que les résultats conduisent aux mômes consé¬ quences. L’auteur admet que la culture adoptée dans la Côte-d’Or place environ 25,700 ceps de Vigne dans un hec¬ tare, et que la production moyenne de l’hectare planté en Pinot est de 20 hectolitres. Or, la taille enlève chaque année à la souche en moyenne 131 grammes de bois, les feuilles et leurs pétioles pèsent pour chaque cep 192 grammes; pour une production de 20 hectolitres à l’hectare, chaque cep doit fournir 123 grammes de raisins, ce qui corres¬ pond à 18 raisins pour 10 ceps. 11 en résulte qu’une récolte enlève à chaque cep 426 grammes de substances, ce qui donne 11,462 kilog. par hectare. Ces matières brûlées lais¬ sent un résidu de cendres pesant 356 kilog. et formé par 69k40 de sels solubles et 286k60 de sels insolubles. Les analyses faites par M. Boussingault sur les récoltes de 54 NOTES DE LA DEUXIÈME LEÇON. son domaine de Bechelbronn ont fourni des nombres que nous allons rapprocher des précédents. Nous y joignons quelques résultats obtenus en prenant pour base la moyenne d’un grand nombre d’analyses et le rendement ordinaire des cultures les plus usuelles. Les chiffres qui forment le point de départ de ce calcul et de ce rapprochement ont été empruntés à la Chimie agricole deM. Pierre, page 73. Rap¬ pelons-nous, du reste, que la partie soluble des cendres renferme la presque totalité des matières alcalines. QUANTITÉS ENLEVEES CHAQUE ANNEE DÉSIGNATION DES CULTURES. SUR UN HECTARE. Sels solubles. Sels insolubles. Culture du Pinot en Bourgogne. 69* 40 288k 60 Culture à Bechelbronn : \ Des pommes de terre . 75 6 48 3 Des betteraves . 103 5 56 0 Du froment . 28 0 185 0 Récolte moyenne (paille et grain) : Froment . 47 9 292 4 Seigle . 55 2 235 5 Orge . 31 0 174 0 Avoine . 96 8 193 0 Maïs . 130 5 198 0 Fèves . 148 9 123 3 Il semble au premier abord que le Pinot enlève au sol plus de sels alcalins que la plupart des céréales; mais, si l’on réfléchit que M. de Vergnette a fait entrer les feuilles dans les éléments de son calcul et que celles-ci restent presque toutes dans la Vigne, que du reste elles renferment une quan¬ tité de matières salines considérable, on verra que la pro¬ portion de ces matières réellement exportées, même pour CENDRES DE LA VIGNE. 55 les alcalis, doit à peine s’élever à la moitié du chiffre que nous avons inscrit au tableau précédent , et alors on reste fort au-dessous des nombres donnés par les autres récoltes. Ainsi , nous trouvons par cette méthode la confirmation du résultat obtenu directement par M. Boussingault , que la culture de la Vigne n’enlève pas au sol plus de potasse que les autres cultures. A côté des résultats précédents nous devons placer les nombres obtenus par M. Berthier dans les expériences que nous venons de rapporter. Une souche tout entière a été in¬ cinérée; le sarment et les feuilles ont donné 26*50 de cen¬ dres, le raisin 2*96, ce qui donne en somme 29* i6 de matières minérales, dont 7*76 de sels solubles. Or, M. de Vergnette a trouvé qu’un cep donnait chaque année 426 grammes de substances en sarments, feuilles et fruits, et qu 'après l’incinération ce poids fournissait 13 grammes de cendres, renfermant 2*5 de sels solubles. On voit, par conséquent, que la vigne étudiée par M. Berthier enlève au sol une quantité de matières minérales beaucoup plus grande que celle exigée par le Pinot. La souche qui a été coupée était d’une belle venue; le sarment et les feuilles pe¬ saient au mois de mars 450 grammes. Dans les observations de M. de Vergnette, le bois et les feuilles fournis par un cep pèsent en moyenne 323 grammes au moment de la coupe. La différence de ces résultats ne doit modifier en rien la .conséquence générale que nous avons tirée des travaux de MM. Boussingault et de Vergnette, et que confirment sur plu¬ sieurs points les résultats de M. Berthier. La culture de la Vigne n’exige pas une quantité d’alcalis plus grande que celle nécessaire pour la moyenne des autres récoltes, et le vin ne contient qu’une très-faible partie des matières alca¬ lines absorbées pendant la végétation de la plante; mais 56 NOTES DE LA DEUXIÈME LEÇON. ce rapprochement doit appeler notre attention sur les diffé¬ rences que nous offrent, au point de vue de l’épuisement du sol, les diverses natures de cépages, et il nous permet d’expliquer les variations que l’on observe dans la durée des plantations et dans les usages établis au sujet de leur renouvellement. TROISIÈME LEÇON » — 1! mars <856 — Influence de la nature et de la composition du sol dans la culture de la Vigne. Messieurs, Nous avons déterminé la nature et la proportion des éléments minéraux enlevés chaque année au sol par la végétation de la Vigne. Les variations que nous avons constatées sous ce rapport dans les Vignes cultivées sur des sols différents nous montrent qu’il doit exister une relation intime entre la composition de cette plante et celle du sol qui lui fournit une partie de ses aliments. Nous avons reconnu, d’un autre côte, que la substitution possible de certaines substances à d’autres principes analogues permettait à quelques plantes, et en particu¬ lier à la Vigne , de s’accommoder également de circon¬ stances très -diverses. Nous devons maintenant exami¬ ner, en partant des données que l’étude des cendres nous a fournies, quelles sont, relativement à la nature du sol, les conditions qui paraissent convenir le mieux à la végétation de la Vigne. Nous avons à distinguer dans le sol deux parties bien distinctes et dont les effets se font souvent sentir à la 58 TROISIEME LEÇON. fois : la première est la terre végétale au sein de laquelle s’accomplissent plus spécialement les phénomènes de la végétation ; la seconde constitue la partie solide sous- jacente, le sous-sol formé par les roches que l’on ren¬ contre toujours à une profondeur plus ou moins consi¬ dérable. Nous nous rendrons facilement compte de l’influence de ce dernier en nous reportant à ce qui a dû se passer dans la formation de la partie superficielle, qui constitue la terre végétale elle-même. Il nous suffira pour cela d’examiner avec attention les phénomènes qui se produisent encore de nos jours au sein des mers, d’où l’on voit souvent surgir des îles nouvelles, dues soit cà des formations madréporiques , soit à des actions volcaniques. Ce sol nouveau qui arrive au contact de Pair et vient pour la première fois dominer au-dessus des eaux ne présente d’abord aucune trace de végétation; il est massif, solide ; mais bientôt l’action de l’air, de l’hu¬ midité détériore, désagrégé les parties superficielles; les végétaux les plus simples, dont les germes sont transportés par l’atmosphère, se montrent à la surface ; leurs débris s’y accumulent , se mêlent à ceux qui pro¬ viennent des animaux et aux matières minérales enle¬ vées à la roche par les actions qui l’ont désagrégée; ces premières végétations rendent possible le dévelop¬ pement des végétaux plus complexes, dont les graines sont apportées par les vents ou les excréments des oiseaux , et peu à peu , par suite de cette action inces¬ sante des agents physiques d’une part, des êtres vivants de l’autre, il se forme à la surface de la roche une I KJtL'V/KJ FORMATION ET COMPOSITION DU SOL. 59 couche de matière meuble désagrégée, semblable à celle qui constitue la surface de nos champs. Ce mode de formation de la terre arable nous fait comprendre la liaison qui peut exister entre cette couche et le sol sous- jacent : car il est bien évident que cette terre n’aura pas la même composition et sur une roche calcaire et sur une roche volcanique. Il ne faut pas en conclure que ces relations existent toujours aussi complètement ; souvent , et c’est même le cas le plus général , les couches ainsi formées à la surface des roches ne restent pas au lieu même où elles ont pris naissance ; les bouleversements nombreux qui se sont produits à la surface de la terre, l’action moins énergique mais incessante des cours d’eau plus ou moins considérables qui sillonnent cette surface, déplacent constamment ces dépôts et les transportent sur des sols de nature toute différente. 11 en résulte donc qu’il n'y aura pas toujours identité de composition ou de nature chimique entre la terre arable et le sous-sol ; mais les actions qui s’exercent d’une manière incessante sur ce dernier mêleront une certaine quantité de ses éléments à la couche superfi¬ cielle, et la présence d’un sous-sol calcaire dans un terrain siliceux, ou réciproquement, aura sur la végé¬ tation une grande influence, surtout si la roche vient en plusieurs points affleurer à la surface et se trouve ainsi soumise directement à la force dissolvante des agents atmosphériques. N’oublions pas que l’action de l’homme, d’autant plus grande qu’un terrain est mieux cultivé, vient encore I KJtL'V/KJ 60 TROISIÈME LEÇON. # ajouter un nouvel élément à ces changements si nom¬ breux du sol, en tendant à le mettre plus complètement d'accord avec les exigences de la culture qu'on se pro¬ pose d’y établir. Les éléments qu'on trouve dans tous les terrains et qui les constituent dans des proportions variables sont : le sable , l’argile , le calcaire et l'humus. On dit que les terres sont sibceuses , argileuses , cal¬ caires ou humifères , suivant que l’un ou l’autre de ces éléments domine dans leur composition. Il ne faut pas en conclure que les matières minérales du sol sont uniquement formées, dans le plus grand nombre des cas , de silice , d’argile et de carbonate de chaux. Ces substances sont toujours accompagnées d’un grand nombre d’autres principes, dont la nature et les proportions varient considérablement, et qui, amenés dans le sol par des causes accidentelles, s’y trouvent précisément dans les conditions les plus favorables à leur absorption par les plantes. Les agronomes ont adopté une classification empiri¬ que, mais cependant très-juste, et dans laquelle on tient compte non-seulement de la nature chimique du sol, mais aussi de ses propriétés physiques , qu’il est si im¬ portant de considérer et qui jouent un si grand rôle dans la culture de la Vigne. Toutes les terres sont divi¬ sées en deux groupes : les terres lourdes et les terres légères. Dans le premier, on distingue les terres très- fortes, qui contiennent 80 pour cent d’argile ; les terres fortes , qui en contiennent 50 pour cent , et les terres ordinaires, 30 seulement. Dans le second, nous place- DU SOL DANS LA CULTURE DE LA VIGNE. 61 rons les terres sablonneuses , les terres calcaires et les terres humifères , ainsi désignées parce que ces diffé¬ rents principes, le sable, le carbonate de chaux ou l'humus, s’y trouvent dans une assez forte proportion. Si maintenant nous examinons la série des diffé¬ rents sols affectés à la culture de la Vigne en France et dans les autres pays, nous reconnaîtrons que Ton cultive cette plante dans les terrains les plus divers, non -seulement sous le rapport de leur nature, mais aussi sous celui de leur composition chimique. Toutes les terres paraissent propres à la culture de la Vigne, et il n’en est aucune, à moins quelle 11e soit absolument infertile , où ce végétal ne puisse croître et se dévelop¬ per. Ainsi, la Vigne est très-peu exigeante sur la ferti¬ lité du sol ; elle couvre une grande surface de terrains qui seraient impropres à toute autre culture , et nous pouvons citer, pour en donner une idée , les anciens règlements de la Provence qui défendaient de planter de la Vigne avant d’avoir constaté par une enquête la stérilité du sol, et d’avoir obtenu la permission de l’In¬ tendant de la province. Si la Vigne peut croître dans tous les sols, elle se comporte très -différemment dans chacun d’eux. Dans les terres fortes , argileuses , grasses , elle acquiert une grande puissance de végétation, le bois se développe avec vigueur, le produit est abondant ; au contraire, dans les sols maigres , légers , secs , la Vigne est moins robuste , plus délicate ; elle exige une culture mieux entendue, des soins plus minutieux, et son produit est I i KJ ( \J 62 TROISIÈME LEÇON. beaucoup moins considérable. En général, comme nous % le verrons bientôt, si dans une même localité la végé¬ tation de la Vigne est d’autant plus riche que le sol est plus fertile, on observe à côté de ce résultat une conséquence tout à fait inverse quant à la nature et à la qualité du produit. Dans une terre forte, la Vigne se développe davantage, elle fournit une récolte abon¬ dante ; dans une terre légère, elle donnera moins et les produits seront d’une qualité supérieure. On a reconnu en général que les terrains gras, ar¬ gileux, s’ils sont humides, conviennent peu à la Vigne; elle y montre bientôt des symptômes de souffrance qui amènent rapidement sa destruction. Un sous-sol de nature argileuse peut exercer toutefois, dans certains cas , une influence très-avantageuse ; il entretient dans les racines une certaine humidité qui devient très-utile dans les temps de sécheresse ; mais il faut que le sol ne soit pas lui-même trop compacte et que la circula¬ tion de l’air soit facile. Les terres fortes qui satisferont à ces conditions provoqueront dans la Vigne une grande vigueur de végétation. Celle-ci pourra être encore belle et assez vigoureuse dans les sols ouverts , légers et cal¬ caires, si la culture est bien soignée, et si d’autres conditions, celle de l'exposition, sont convenablement remplies. L’observation et l’expérience nous montrent qu’il n’y a pas de nature de sol qui 11e puisse être appliquée avantageusement à la culture de la Vigne; toutes les formations, et par suite toutes les classes de terrains, sont représentées dans des localités très-renommées par I KJtL'V/KJ DU SOL DANS LA CULTURE DE LA VIGNE. 63 les qualités supérieures de leurs produits. Car, si nous parcourons les vignobles les plus connus, nous trou¬ verons un sol granitique à l’Hermitage et dans quel¬ ques parties du Beaujolais, des schistes argileux dans l’Anjou, à Malaga, à Grenade, des sables quartzeux à Xérès, des sables, des cailloux et des graviers dans le Médoc, des calcaires et des marnes dans la Côte-d'Or, des terres crayeuses dans la Champagne , des débris basaltiques à Tokai, des terrains volcaniques dans la Sicile et au Vésuve. (Vog. note D , page 72.) Ces premières données envisagées à un point de vue très-général, ne peuvent nous conduire à aucune con¬ séquence pratique applicable dans une localité déter¬ minée. D’une part, la composition du sol ne paraît devoir jamais être un obstacle; de l’autre, son action est considérablement modifiée, non -seulement par une foule d’autres circonstances dont nous ne pou¬ vons pas encore tenir compte, mais encore par la con¬ stitution physique du sol lui-même. Pour en citer un exemple, nous rappellerons les curieuses observations faites par M. de Gasparin sur l'influence que peut exercer la facilité plus ou moins grande avec laquelle le sol retient et conserve l’humidité. Toutes choses égales d’ailleurs, on obtient des rai¬ sins qui contiennent beaucoup de sucre et peu d’acide dans un sol sec, plus d’acide libre dans un sol frais, et beaucoup d’acide, d’albumine et de mucilage avec peu de sucre dans un sol humide. Le même savant a constaté également que, dans des terres voisines pla¬ cées dans les mêmes conditions, les proportions de % I KJtL'V/KJ 64 TROISIÈME LEÇON. sucre et d’acide obtenues à la récolte peuvent être les mêmes, quoique ces terres soient de nature chimique différente ; mais les qualités et la valeur du vin ne seront pas identiques. On observe souvent que sans changer de nature un terrain peut devenir très-propre à la culture de la Vigne quand la pente ou la dessicca¬ tion possible rendent l’humidité moins grande. Ces considérations nous montrent combien le drainage serait utile pour améliorer le sol de certains vignobles qu’un excès d’humidité rend très-peu favorables à la Vigne. Pour pouvoir formuler les conséquences les plus im¬ portantes des faits que nous venons de rapporter, rap¬ pelons-nous le rôle que jouent les alcalis dans la végé¬ tation de la Vigne, et cherchons avant tout à nous faire une idée nette de l’état sous lequel ces matières existent dans le sol. Les roches volcaniques, les granités, les basaltes ren¬ ferment de la potasse, de la soude, de la chaux, com¬ binées à de l’alumine et de la silice. Ces roches éprou¬ vent à Pair un phénomène de désagrégation et de décomposition par suite de l’action incessante de l’eau, de l’acide carbonique, des autres éléments que cet air contient et des influences météorologiques. Il résulte de cette action un départ des matières qui constituent la roche en deux portions ; l’une renferme les éléments alcalins, avec une partie de la silice, elle est entraînée par l’eau ; l’autre reste sur place , elle renferme l’alumine, la majeure partie de la silice ; et, quand une roche volcanique a été ainsi complètement décomposée, le résidu constitue l’argile. Ce phénomène I KJtL'V/KJ DU SOL DANS LA CULTURE DE LA VIGNE. 65 s'est opéré aux diverses époques géologiques sur toutes les roches d origine ignée, et les débris provenant de leur altération entraînés par les eaux doivent être con¬ sidérés comme le point de départ des formations argi¬ leuses que l’on trouve particulièrement dans toutes les alluvions anciennes et modernes. De nos jours cette action se continue sur toutes les roches volcaniques qui viennent affleurer à la surface et forment le sous-sol d’une grande étendue de terres livrées à la culture. On comprend dès lors très-facilement l’origine des alcalis que ces terrains peuvent abandonner aux plantes, et il en résulte qu’on doit les considérer comme éminem¬ ment propres à toutes les cultures qui exigent que le sol renferme une proportion notable de ces principes. Quant aux autres sols, quelle que soit leur nature, ils contiennent une certaine quantité d’argile. Or, dans celle-ci il reste toujours une partie de la roche non altérée, mélangée à une forte proportion de silice et d’alumine. La culture amène sans cesse à la surface du sol ces fragments non décomposés, qui subissent alors d’une manière plus complète l’action de l’eau et des autres agents, et mettent en liberté une certaine quantité d’alcalis. C’est donc dans les argiles que se trouve la potasse qu’un sol peut abandonner aux plantes, et l’a¬ nalyse a montré qu’elle existe dans ces matières envi¬ ron pour 2 à 4 sur cent du poids de l’argile. Tl nous est facile maintenant de nous rendre compte de la quantité de potasse existant dans un terrain renfermant une proportion d’argile déterminée ; prenons un sol conte- 4‘ TROISIEME LEÇON. 06 nant 25 pour cent d’argile et supposons qu’il y ait dans cette argile 4 pour cent de po tasse , le sol contiendra 1 pour cent de cette même substance. Dans ces condi¬ tions un terrain d'un hectare de superficie et de 0m 50 de profondeur renfermera 10,624 kilog. de potasse. Les terres plus riches en argile nous conduiraient à un chiffre plus élevé, et nous serions au contraire obligé de l’abaisser pour les terres peu argileuses. En rapprochant ces faits de ceux que nous a fournis l'analyse des cendres de la Vigne, il nous est facile de conclure quelles sont les terres les plus propres à sa culture, au point de vue de la fertilité. Aussi les vigno¬ bles que nous pouvons signaler comme les plus favorisés sous ce rapport se trouvent sur les terrains volcaniques. Les terres que l’on doit considérer comme le type de cette culture sont celles où l'on trouve des sous-sols formés de cendres volcaniques ; dans ce cas, l’état du sous-sol rend plus facile la désagrégation des roches qui le composent, et, d'un autre côté, celui-ci se trouve dans les conditions physiques qui nous ont paru préférables à la culture de la Vigne. La décomposition incessante de ces roches fournit constamment à la plante tous les éléments qu’elle tend de préférence à s’assimiler. Les sols primitifs plus anciens qui se rapprochent des précé¬ dents par leur composition et leur origine, et dont les débris mélangés à la terre végétale lui donnent des propriétés analogues, sont aussi favorables que les ter¬ rains volcaniques plus modernes. Nous devons les placer, toujours sous le rapport de la fertilité, immédiatement après les précédents : puis viendront les terrains argi- I KJtL'V/KJ DU SOL DANS LA CULTURE DE LA VIGNE. 67 leux, dont l’élément alcalin n’existe plus que dans les débris qui ont échappé aux décompositions antérieures, et enfin les formations calcaires et sablonneuses ; dans ces dernières le sable et la chaux dominent , mais on y trouve toujours une certaine proportion d’argile, et par suite ces terres pourront encore fournil- des alcalis, quoique d’une manière plus lente et eu quantité moins considérable ; mais la culture et un amendement con¬ venable viendront, dans ce cas, suppléer à la mé¬ diocrité du sol. Ainsi , en partant de ce résultat que les cendres de la Vigne sont riches en alcalis et en bases, nous arrivons à classer les différentes natures de terre suivant l’ordre de leur aptitude à cette culture au point de vue de la fertilité et d’une végétation vigoureuse. Mais l'obser¬ vation a démontré que le produit de la Vigne perd tou¬ jours en qualité ce qu’il gagne en quantité, et que les Vignes les plus productives ne donnent ordinairement qu’un vin médiocre. Ce n’est donc pas dans les parties les plus fertiles de ces différentes natures de terrain qu’il nous faudra cultiver la Vigne si nous voulons avoir des produits «le qualité supérieure ; nous consta¬ tons, au contraire, dans les localités où se trouvent des vignobles renommés, quelh* que soit la nature de leur sol, quelle que soit la formation géologique à laquelle il appartienne , que les terres où la Vigne donne les meilleurs produits sont le plus souvent beaucoup moins fertiles que les terres voisines ; quelquefois même elles seraient tout à fait impropres à d’autres cultures. La Vigne se montre donc comme d’autant moins exi- I KJtL'V/KJ 68 TROISIÈME LEÇON. geante, au point de vue de la composition et de la fer¬ tilité du sol, qu’elle fournit des produits plus estimés; dans certains cas elle doit même être proscrite des terres trop fertiles , et dans beaucoup de localités ou conseille de restreindre sa culture aux terres qui ne peuvent en permettre d’autres. Un grand nombre de crus des plus distingués occupent des étendues considérables qui, sans la Vigne , seraient complètement stériles et impro¬ ductives. Mais, si la composition chimique du sol n’est jamais un obstacle à la formation d’un bon produit, il n’en est pas de même de ses propriétés physiques ; elles sont , au contraire, de la plus haute importance dans la cul¬ ture de la Vigne. Nous avons signalé l’influence de l’humidité, les inconvénients d’un sous-sol argileux imperméable, et nous en avons conclu combien, dans certains cas , le drainage pourrait améliorer le sol des vignobles qui laissent quelque chose à désirer sous ce rapport. Il ne faut pas conclure de ce qui précède que la com¬ position du sol ne joue aucun rôle facile à apprécier et à définir. Nous avons déjà vu combien il est essentiel de la considérer pour se rendre compte de la fertilité et par conséquent du rendement : son rôle n’est pas moins important lorsqu’on se préoccupe uniquement de la qualité. Pour le constater, il sullit d’examiner ce qui se passe dans une localité déterminée, et on reconnaîtra que, toutes les autres conditions restant les mêmes, une modification dans la nature et la qualité du sol entraîne I KJtL'V/KJ DU SOL DANS LA CULTURE DE LA VIGNE. 69 un changement très-appréciable et quelquefois même très-considérable dans les propriétés du vin. Ainsi, dans la Côte-d’Or, avec les mêmes conditions de climat et d’exposition, on sait la différence produite par un sol calcaire ou par un sol argileux ; dans le Beaujolais, on constate également la supériorité des terres calcaires sur les terres argileuses et des terres granitiques sur les premières ; en Espagne , la préférence accordée au terrain d’ardoise nous montre aussi que le choix du sol n’est pas indifférent et qu’il exerce une influence toute spéciale. Nous reviendrons plus tard sur l’ensemble des cir¬ constances qui exercent une grande influence sur les qualités du vin , et qui peuvent changer complètement les effets dus à la nature du sol. Mais, pour mieux faire apprécier le rôle de ce dernier, nous donnerons en terminant quelques-unes des conséquences auxquelles est arrivé M. de Vergnette, à la suite de ses recherches sur les terrains livrés à la culture de la Vigne dans la Côte-d’Or. (1 o\j. note D , paye 73.) Les bons crus de la Côte sont compris dans une zone dont nous aurons bientôt à préciser les limites; mais, dans cette zone , si le sous-sol est formé par du calcaire oolitliique, les vins présenteront un cachet de finesse remarquable qu’ils devront à la prédominance de la silice et de l’oxyde de fer dans la terre végétale ; si la Vigne repose sur des calcaires magnésiens , elle four¬ nira des produits d’une grande délicatesse , mais tout à fait distincts des précédents ; si elle est sur des marnes blanches, la végétation sera plus vigoureuse, et on I i KJ ( \J 70 TROISIÈME LEÇON. aura des vins plus chargés de tartre , plus colorés et plus robustes. Cette influence du sol est très -nettement indiquée dans les qualités qui distinguent les vins blancs de Montrachet ( Puligny et Chassagne), produits par trois vignobles différents que l’on désigne sous les noms de Montrachet , Chevalier - Montrachet et Butard - Montra¬ chet. Ces trois Vignes se touchent, mais leur sous-sol est différent , et la valeur et les qualités des vins qu'elles produisent ne sont pas les mêmes : le Bàtard-Montra- chet repose sur une oolithe régulière , le Montrachet a pour sous-sol un calcaire marneux, et le Chevalier- Montrachet est sur un calcaire renfermant du carbo¬ nate de magnésie. En résumé , la Vigne croît et prospère dans des sols de nature très-diverse ; mais , dans chaque localité où cette plante est cultivée , on trouve des terres plus pro¬ pres à sa culture que d'autres, abstraction faite de tou¬ tes les autres conditions de climat, d’exposition, etc. Si nous désignons ces terres d’une manière générale en disant qu'elles sont légères, poreuses, très-peu fertiles, et que leur composition très-variable doit être con¬ sidérée comme ayant peu d’importance, nous serons dans le vrai, en ce sens que dans des terres ainsi caractérisées, si l’exposition et le climat sont convena¬ bles, on pourra avec un cépage approprié produire de bons vins. Cependant nous devons reconnaître, comme le prouvent du reste les observations de M. de Gasparin et celles de M. de Vergnette, que la nature chimique du sol influera sur la composition des organes de la plante. DU SOL DANS LA CULTURE DE LA VIGNE. 71 et par suite sur celle du vin. Elle en modifiera les pro¬ priétés , et , par conséquent , nous sommes conduits à admettre que la composition chimique du sol exerce une influence propre et très-réelle sur le caractère du produit et le développement de ses qualités. Nous avons également constaté que cette même composition, eu modifiant le degré de fertilité, jouait un grand rôle au point de vue du rendement, et les résultats obtenus dans l’analyse des cendres sont tout à fait d’accord avec ceux que nous donne l’examen des terres les plus fertiles ou les plus propres à développer dans la Vigne une végétation vigoureuse, et à suffire pendant longtemps à une production abondante. NOTE DE LA TROISIÈME LEÇON D Nature et composition des terres livrées à la culture de la Vigne dans les principaux vignobles. Pour compléter les indications générales que renferme la leçon qui précède et confirmer les conséquences que nous en avons déduites, nous allons passer en revue les vigno¬ bles les plus importants et faire connaître la nature des terres qui, dans chacun d’eux, sont consacrées à la culture de la Vigne. On comprendra sans peine la relation qui existe entre celte étude et celle que nous avons faite sur les cen¬ dres : l’une est le complément indispensable de l’autre, et on ne peut se faire une idée nette du rôle que jouent les substances minérales dans la végétation des plantes sans connaître à la fois le sol où elles vivent et les matières qui se trouvent dans leurs cendres. Il ne nous sera pas possible de parcourir toutes les con¬ trées qui fournissent des vins renommés et où la culture de la Vigne est très-développée. Nous ne pourrons même pas donner de grands détails sur celles que l’on regarde comme les mieux connues, et le plus souvent nous devrons nous contenter d'un aperçu rapide et succinct. Mais, en résumant les travaux consciencieux qui nous ont servi de guide, nous avons surtout pour but de montrer leur impor¬ tance et de provoquer dans chaque localité des recherches spéciales, qui peuvent seules combler les nombreuses lacu¬ nes que présente l’histoire chimique de nos vignobles. SOL DES PRINCIPAUX VIGNOBLES. 73 VIGNOBLES DE FPyANCE — * / COTE-D’OR. M. de Vergnette a donné plusieurs coupes faisant con¬ naître très-exactement la nature géologique des montagnes ou sont situés les principaux vignobles de la Côte-d’Or; nous reproduisons deux de ces coupes que nous empruntons à son mémoire sur les terrains où la Vigne est cultivée dans notre département (1) ; elles sont faites perpendiculairement à la direction générale de la chaîne. Mont feutra;. Veiilj. Bligot. 1. Terrain tertiaire de la plaine. | 4. Marnes irisées. 2. Oolithe inférieure. 5. Granité et gneiss. 3. Lias. 6. Porphyre et trapps. Chilmanf. Le dépôt tertiaire qui constitue la plaine, et qui s’étend du Jura aux montagnes de la Côte-d’Or, est formé par des cail¬ loux roulés paraissant provenir de calcaires oolithiques; au- dessous on trouve des marnes argileuses, des argiles et quelquefois des sables argileux. Ces terrains tertiaires con- (1) Actes des Congrès de vignerons français, session de Dijon, p. 308. 5 74 .NOTE DE LA TROISIÈME LEÇON. # tournent les montagnes de la Côte depuis Dijon jusqu'à Beaune, Meursault, etc. Us s’appuient sur les étages de l’oolithc inférieure, qui prennent plus de développement à mesure qu’on s’avance vers le nord, et qui portent nos vi¬ gnobles de renom sur le versant qui regarde la plaine. Nous n’aurons à considérer que cet étage; ceux que l’on rencontre ensuite en s’éloignant de la plaine appartiennent au lias et aux marnes irisées ; ces dernières couches reposent sur les roches granitiques et porphyriques qui commencent les montagnes du Morvan. Lorsqu’on examine de près la nature minéralogique des coteaux qui dominent la plaine, on y trouve des calcaires oolithiques plus ou moins compactes, des calcaires magné¬ siens et des marnes blanches souvent très-coquillières. A ces différentes natures de terrain nous devons ajouter les dépôts lacustres argilo-calcaires qui se trouvent à l’embou¬ chure de quelques vallées ou au-dessous de certaines anfrac¬ tuosités du versant. Si nous y joignons celles que nous fournit la plaine elle-même, nous pouvons diviser en six classes les sous-sols des terrains livrés à la culture de la Vigne dans la Côte qui a donné son nom au département : calcaires oolithi¬ ques, calcaires magnésiens, marnes blanches, alluvions qui existent à l’entrée des vallées, alluvions de la plaine, terres argileuses de la plaine. M. de Vergnejlea réuni dans un tableau les résultats des analyses d’échantillons pris dans les vignobles de la Côte- d’Or et appartenant à ces différents groupes ; nous transcri¬ vons ce tableau, quinousmontrequeles calcaires oolithiques sont très-riches en carbonate de chaux et très-pauvres en argile, que les calcaires magnésiens contiennent 9 0/0 de carbonate de magnésie, qu’il existe 32 0/0 de dépôt argi¬ leux dans les marnes blanches, et 45 0/0 dans les marnes argileuses de la plaine. 75 SOI. DES PRINCIPAUX VIGNOBLES. o n 3 es 05 s rt>. Calcaire oolithique. TOLIiï, Calcaire de Marconnet. B E A T \ K . Calcaire de Marconnet. Bancs supérieurs. Calcaire oolithique. VOLÎYAY. Calcaire de Beaune CIos-des-Mouches. Calcaire d’Orohes. MarnesàbélemDitesdu Lias. Calcaire à gryphées. SAINT-ROMAIN. Calcaire magnésien MBUnSAI'LT. Calcaire terreux. VOLNA Y. Marnes blanches. VOLNAY. ^ Argile sableuse et Calcaire tertiaire. VOLNAV. I KJtL'V/KJ 76 NOTE DE LA TROISIÈME LEÇON. Au-dessus de chacune de ces formations se trouve un dé¬ pôt de terre végétale qu’il nous faut examiner maintenant pour compléter les indications qui précèdent. La superficie du sous-sol oolithique est formée de bancs schisteux très-minces, facilement délitables , et dont les dé¬ bris se mélangent à la terre végétale ; cette terre , dont la couleur est d’un rouge foncé, fait pâte avec l’eau. Les terres qui accompagnent les marnes blanches sont d’un brun jaune, avec des petits grains argileux blan¬ châtres; elles sont de consistance pâteuse quand elles sont humides. Au-dessus des calcaires magnésiens la terre végétale est peu profonde et légère, cependant elle est encore grasse. Les alluvions qui se trouvent à l’entrée des vallées pré¬ sentent à la partie supérieure un banc demi argileux, très- mélangé de pierres, et au-dessus une couche végétale rouge noirâtre d’aspect ferrugineux. Dans les argiles tertiaires de la plaine la terre végétale a une épaisseur de 0m 60 à un mètre; elle se compose de terre d’un jaune brun, ocreuse et parsemée de petits grains plus clairs et plus durs. Lorsque le sous-sol est formé par des dépôts caillouteux, l’épaisseur de la terre végétale ne va guère qu’à 0m 40; dans ce cas, elle est fortement mélangée de petits galets de na¬ ture calcaire. M. de Vergnette, à qui nous avons emprunté les rensei¬ gnements qui précèdent, donne à ces diverses terres végé¬ tales la composition suivante : 100.00 100.00 » » 100.00 100.00 100.00 SOL DES PRINCIPAUX VIGNOBLES 11 LOCALITÉS . I VOLTfAY. I POMMARD. yolwày. pommard. pommard. > I ***«*■ 78 NOTE DE LÀ TROISIEME LEÇON. On voit que les terres des dépôts oolithiques sont très ri¬ ches en oxyde de fer et en silice ; les terres magnésiennes sont siliceuses et contiennent plus de 8 0/0 de carbonate de magnésie. Les terres des marnes blanches sont fertiles et chargées de carbonate de chaux et d'argile. Les terres des alluvions des vallées contiennent beaucoup d’argile et d’oxyde de fer; les terres argileuses de la plaine sont les plus riches en argiles et en carbonates. Dans les alluvions delà plaine à fonds pierreux, les terres sont ferrugineuses, peu calcaires, et au contraire assez siliceuses. Ainsi, les différents sous-sols que nous venons de passer en revue sont formés par divers étages de l’oolithe inférieure, par les alluvions tertiaires de la plaine et les alluvions lo¬ cales. Les grands crus de la Côte reposent presque tous sur la formation oolithique; les Vignes qui sont situées sur les terres de la plaine sont plus fertiles, mais les produits qu’elles fournissent n’atteignent nulle part les qualités que présentent ceux des premières. Nous compléterons les données précédentes en y joignant les résultats fournis par l’analyse du sol dans les vignobles de Montrachet, de la Romanée -Conti et de Chambcrtin. Nous les empruntons à YAtnpêlographie française de M. Rendu : MATIÈRES contenues dans le sol. MONTUACIIBT. ROMANBB-CuNTl CBAMBBKT1*. Sels alcalins . 0.973 1.031 0.931 Carbonate de chaux. . 1.752 7.931 2.127 Magnésie . 0.821 0.987 0.298 Oxyde de fer . 9.3i9 7.392 2.961 Acide phosphorique . . i 0.321 0.257 0.235 Alumine . 3.672 3.476 2.063 Silice soluble . 0.567 0.871 0.110 Matières organiques . . 2.031 2.785 1.973 Résidu insoluble. . . . 80.511 75.261 89.302 100.000 100.000 100.000 SOL PES PRINCIPAUX VIGNOBLES. 79 Si l’on s’éloigne de la Côte dans une direction perpendi¬ culaire, on trouve les Vignes de l’arrière - côte situées sur les marnes du lias, et dans la vallée de la Dheune le sous-sol des vignobles est formé par du granité, de l’arkose et des marnes irisées. Dans le reste du département les Vignes sont plantées dans des terrains appartenant à l’une des catégories que nous venons d’établir; mais leur importance est bien moindre que celle des vignobles de la Côte. TONNE (environs de Tonnerre). Le vignoble du canton de Tonnerre renferme 2,002 hec¬ tares de Vignes; celui de Cruzv, 745. Ces vignobles bordent des deux côtés la vallée de l’Armançon sur une longueur de quatre lieues, depuis Cheney jusqu’à Sl-Vinnemer. De beaux vallons, dont les eaux viennent aboutir à la vallée princi¬ pale, présentent les expositions du midi et de l’est si favora¬ bles à la Vigne. A droite de l’Armançon les montagnes semblent formées de plusieurs coteaux superposés; à gauche elles sont plus rapides. Les meilleurs crus sont exposés au midi et à l’est, ils occupent les coteaux inférieurs; les plus élevés donnent des vins de seconde qualité; les expositions du couchant donnent un vin de qualité inférieure. Les terres où l’on cul¬ tive la Vigne reposent les unes sur l’argile, les autres sur une roche calcaire plus ou moins compacte. Nous donnons l’analyse des terres de trois climats re¬ nommés qui présentent une grande analogie avec celles des bons crus de la Côte-d’Or ; l’exposition de ces Vignes est aussi à très-peu près la même (1). (1) Roy, Annuaire de l’Yonne, 1838, p. 190. 80 NOTE DE LA TROISIÈME LEÇON. MATIÈRES TERRE TERRE TERRE contenues du des des DANS LES TBU lt ES. ÏACMOIWLLON Olivottes. Cotes- Pitois Carbonate de chaux. . . . 43.61 23.80 22.80 Silice . 26.56 26.60 25.90 Oxyde de fer . 8.30 11.10 12.60 Alumine . 9.51 22.60 22.05 Eau . 12.02 15.90 16.65 100.00 100.00 100.00 Nous rapprochons de ces nombres ceux donnés par le doc¬ teur Morelol (1), pour représenter la composition des terres à Vosne, dans la Romande- Conti ; à Nuits, dans le Saint- Georges, et à Beaune, dans les Grèves; dans les deux der¬ nières localités les résultats obtenus ont été à peu près les mêmes. MATIÈRES CONTENUES DANS LES TERRIS. VOSNE. NUITS ET BEAINE. Carbonate de chaux . 42.5 42.3 Silice . 12.0 17.7 Oxyde de fer . 10.0 7.5 Alumine . 29.0 . 22.0 Débris organiques . 4.0 5.5 Sels alcalins . 2.5 5.0 100.0 100.0 M. Rendu donne également la composition du sol dans les Olivottes et le Vaumorillon. Voici les résultats de son analyse : (1) Statistique de la Vigne dans le département de la Côte- d’Or. par le D> Morelol, p. 143 et 145. SOL DES PRINCIPAUX VIGNOBLES. «I MATIÈRES contenues dans le sol. VAUMORILLON. OLIVOTTB8. Sels alcalins . 0.879 ! 1.050 Carbonate de chaux . 59.345 32.830 Magnésie . 0.567 0.335 Acide phosphorique . 0.371 0.350 Oxyde de fer . 0.93* 4.050 Alumine . 2.247 4.150 Silice soluble . 0.187 0.080 Matières organiques . 2.348 6.030 Résidu insoluble . 33.122 51.125 100.000 100.000 CHAMPAGNE. En Champagne, une couche très -peu épaisse de terre vé¬ gétale recouvre les calcaires crayeux du sous-sol, et ce sont ces terrains qui donnent les produits les plus distingués des meilleurs crus. L’analyse de ces calcaires a présenté les résultats suivants : Carbonate de chaux . 0.80 Carbonate de magnésie . 0.02 Argile ou silice . 0.18 1.00 M. de Vergnette, qui a examiné ces terrains, pense que dans la terre végétale , c’est-à-dire dans les résidus fins du sol , la silice doit dominer plus que le calcaire. Le même résultat a été observé dans les lerresdes dépôts oolithiques de la Côte-d’Or, qui sont si riches en oxyde de fer et en silice, malgré la grande proportion de carbonate de chaux qui se trouve dans le sous-sol. M. Rendu donne la composition de la couche arable exis¬ tant dans le vignoble d’Av éi qui repose sur la craie. Cette a 5‘ 82 NOTE DE LA TROISIÈME LEÇON. couche est en general peu profonde; elle est argilo-caleaire et donne à l’analyse les nombres suivants: Sels alcalins . 0.985 Carbonate de chaux . 28.862 Magnésie . 1.401 Oxyde de fer . 4.545 Acide phosphorique . 0.147 Alumine . 0.849 Silice soluble . 0.095 Matières organiques . 3.750 Résidu insoluble . 59.366 100.000 Tous les vignobles de celte contrée reposent sur la craie, quelquefois on trouve seulement à la surface une couche très-mince de terre végétale ; dans d’autres, au-dessus du sous-sol on rencontre une couche plus ou moins épaisse d’une argile calcaire, dans laquelle varient à l’infini les pro¬ portions de calcaire et d’argile. JURA. Dans le Jura, les bons vignobles sont tous en coteaux, tantôt abruptes, tantôt légèrement inclinés. Assis sur le re¬ vers occidental de la chaîne inférieure du Jura, ils reposent sur un calcaire plus ou moins mélangé d’argile. Le sous-sol consiste généralement en une marne compacte qui s’incor¬ pore quelquefois à la terre arable. M. Rendu signale comme le cru le plus renommé du dé¬ partement celui des Arsures; les Vignes qui le constituent sont plantées dans un calcaire marneux. On a trouvé pour sa composition, à Chagnon qui fournit le meilleur vin des Arsures, les nombres suivants : SOL DES PRINCIPAUX VIGNOBLES. 83 Sels alcalins . 1.023 Carbonate de chaux . 1.523 Magnésie . 0.642 Oxyde de fer . 12.280 Acide phosphorique . 0. H 5 Alumine . 3.310 Silice soluble . 0.950 Matières organiques . 7.735 Résidu insoluble . 70 422 98.000 A Château-Chalons, près de Lons-le-Saulnier, existe un vignoble dans lequel on produit un vin jaune dit vin de garde y et appelé quelquefois Madère français. Ce cru n’a pas plus de 20 hectares. Le sol est marneux, il est formé par les marnes du lias, et la partie supérieure est mêlée avec la terre végétale. Le tableau suivant donne sa composition : Sels alcalins . 1-007 Carbonate de chaux . 23.438 Magnésie . 1 • 1 57 Oxyde de 1er . 6.554 Acide phosphorique . Alumine . 2.056 Silice soluble . 0.189 Matières organiques . 5.673 Résidu insoluble . 59.728 100.000 BORDS DE LA SAONE. Les vignobles de la Côte-d’Or s’étendent, comme nous l’a¬ vons vu précédemment, sur la limite d’une grande plaine au milieu de laquelle coule la Saône , à une distance moyenne d’en\iron 12 à 15 kilomètres. Lorsqu’on quitte ce 84 NOTE DE LA TROISIÈME LEÇON. département et qu’on s’avance vers le midi en suivant le cours de la même rivière, on reconnaît qu’elle se rapproche de la ligne de montagnes qui semble former la suite de la Côte-d’Or, et qui se continue presque en ligne directe jusqu’au département de la Loire, en traversant dans leur longueur ceux de Saône-et-Loire et du Rhône. Dans cette longue étendue, les flancs des montagnes tournés du côté de la Saône constituent une grande zone vitifère qui présente sur plusieurs points de grandes analogies avec celle de la Côte-d’Or. La largeur de cette zône varie suivant les formes qu’affecte le relief du sol : si la pente qui s’élève du fleuve à la mon¬ tagne est rapide, la largeur est très-faible ; elle augmente, au contraire, quand l’inclinaison s’adoucit, et, si celle-ci se frac¬ tionne en une série d’ondulations bien marquées, la région vitifère atteint le maximum de son étendue transversale. En arrière, c’est-à-dire à l’ouest de cette zône principale, on en trouve une seconde moins étendue et qui correspond par sa position à l’arrièrc-côte des vignobles de la Côte-d’Or. Les terrains livrés à la culture de la Vigne dans ces con¬ trées appartiennent à un grand nombre deformations très- différentes (1). On y trouve des alluvions et des dépôts ter¬ tiaires, des terrains secondaires, des terrains de transition, des granités et des gneiss. Les premiers, formés de débris de roches plus anciennes entraînés par les eaux, se rencontrent au fond de la vallée; leur limite supérieure dans le département du Rhône s’élève en moyenne à 330 mèt. au-dessus du niveau de la mer, environ 100 mèt. plus haut que celle des terrains de trans¬ port de la Côte-d’Or. Tantôt on trouve à la surface une terre (1) Actes des Congrès de vignerons français, session de Lyon ; Notice sur les terrains où la Vigne est cultivée dans le départe¬ ment du Rhône, par M. Thiolière, p. 559. SOL DES PRINCIPAUX VIGNOBLES. 85 fine mélangée de sable, de carbonate de chaux et d’oxyde de fer, tantôt des débris de granité, de gneiss et de porphyre provenant des montagnes du Beaujolais. Ces divers terrains de remaniement reposent sur des roches calcaires appartenant aux étages jurassiques inférieurs; celles-ci se relevant vers l’ouest, apparaissent au-dessus d’eux sur le flanc des montagnes; quelquefois, comme au- dessous de Villefranche et dans l’arrondissement de Mâcon, ces affleurements calcaires dépassent la limite supérieure de la Vigne; au contraire, entre ces deux points on les voit disparaître presque au niveau de la Saône. Les terrains crétacés et les parties supérieures de la forma¬ tion jurassique ne s’observent pas dans le sol des vignobles du Rhône; mais on y trouve un calcaire oolithique et une série de couches appartenant au lias; des schistes de transi¬ tion, des granités syénitiques complètent l’ensemble des ro¬ ches constituant le sol si varié des vignobles de cette contrée. Ici, comme dans la Côte-d’Or, on constate que les vins pro¬ venant de ces sols granitiques et des terrains calcaires où la terre végétale, en moins grande quantité, semble n’être que le résultat de la décomposition de la roche sous-jacente, sont préférés à ceux que produisent les terrains de transport. Les différentes assises de calcaire jurassique ne donnent pas les mêmes résultats quant à la quantité et à la qualité des vins : à la partie supérieure est un banc de calcaire ooli¬ thique formé de carbonate de chaux à peu près pur; il four¬ nit un terrain sec et produisant peu, mais donnant des vins préférables à ceux que l’on obtient dans les autres couches. Au-dessous on trouve un calcaire blanc marneux, entremêlé de quelques lits de marnes, dont le vin est supérieur à celui du calcaire jaune à entroques sur lequel il repose; ce der¬ nier, recouvert des parties meubles des couches voisines, est plus fertile mais donne des vins moins estimés. 86 NOTE DE LA TROISIÈME LEÇON. Dans le Beaujolais, le vin des assises calcaires est inférieur en qualité à celui des assises granitiques malgré l’identité presque absolue de climat et d’exposition. On a cru pouvoir en conclure que si les affleurements des granités du Beau¬ jolais se continuaient jusque dans la Côte-d’Or, toutes les autres conditions restant les mêmes, les granités y produi¬ raient des vins encore supérieurs à ceux que donnent les terrains calcaires. On a cherché par un rapprochement ana¬ logue à expliquer pourquoi, malgré la grande analogie qu’on observe en certains points entre ces deux contrées, on ne trouvait pas dans la côte du Beaujolais des crus de premier ordre comparables à ceux qui font la réputation de la Côte- d’Or. Dans celle-ci, la zone des bons vins est comprise entre 235 met. et 300 met. d’altitude; elle commence apres les terrains d’alluvion. Dans le Beaujolais, ces terrains dépas¬ sent la limite supérieure d’une zone semblable à celle de la Côte-d’Or, puisqu’ils vont jusqu’à 330 met. de hauteur moyenne, et les terres les plus propres à la Vigne sont au- dessus de celte limite; par suite le point le plus favorable au point de vue de l’exposition se trouve dans de mauvaises conditions relativement au sol. Pour compléter ces indications, nous donnerons les résul¬ tats de l’analyse faite par M. Malaguti du sous-sol et de la terre cultivée de Chenas, commune de la côte du Beaujolais, assise sur le granité presque pur. Som-ioI granitique. Terre eultirée. Silice . 58.50 68.0 Alumine . 24.00 14.0 Potasse . 7.50 5.0 Chaux . » » 0.5 Magnésie . 2.00 4.0 Oxyde de fer et de manganèse. 1.30 2.0 Eau . 5.83 5.0 99.13 98.5 SOL DES PRINCIPAUX VIGNOBLES. 87 Dans le Maçonnais, les bons vignobles occupent des co¬ teaux qui présentent les mômes natures de terrains que ceux du Beaujolais; seulement, le carbonate de chaux est plus fréquent et plus abondant. Certains crus sont situés sur une roche purement calcaire; ceux de Thorins, de Roma- nèche reposent sur le granité et montrent le môme porphyre rouge quartzifère, si commun dans les bons climats du Beau¬ jolais. Quand on descend vers les bords de la Saône, on trouve les terrains d’alluvions remplaçant les terrains pri¬ mitifs, et la Vigne n’y produit (pie des vins communs ; l’a¬ bondance remplace la qualité. A Romanèche, la couche arable est formée, comme nous venons de le dire, aux dépens d’une roche de porphyre quartzifère; elle présente la composition suivante : Sels alcalins . 0.978 Carbonate de chaux . 0.923 Magnésie . 0.457 Oxyde de fer . 11.037 Acide phosphorique . 0.314 Alumine . 3.036 Silice soluble . 0.244 Matières organiques . 1.324 Résidu insoluble . 81.687 100.000 Dans la côte chalonnaise, M. Rendu signale trois sortes principales de terrains : sur les coteaux domine le carbo¬ nate de chaux; il y est ordinairement associé à une certaine quantité d’argile mélangée d’un peu de silice et d’oxyde de fer. A mi-côte, le sol, bien que retenant encore une forte proportion de calcaire, est moins riche en carbonate de chaux; on y trouve un peu plus d’argile que sur le coteau ; 88 NOTE DE LA TROISIÈME LEÇON. elle est toujours alliée à la silice et colorée par de l’oxyde de fer. Dans la plaine, le calcaire diminue de plus en plus, et le terrain devient franchement argilo-silicenx. On a trouvé dans le sol du coteau de Mercurey les nombres suivants : Sels alcalins . 1.185 Carbonate de chaux . 37.025 Magnésie . 0.734 Oxyde de fer . 2.900 Acide phosphorique . 0.321 Silice soluble . 0.185 Alumine . __ 1.600 Matières organiques . 3.405 Résidu insoluble . 50.645 98.000 HERMITAGE ET COTE DU RHONE. Nous venons de voir que dans le Beaujolais la Vigne paraît réussir très-bien dans un sol granitique; un autre vignoble, l’Hermitage, atteste l'efficacité de cette espèce de terrain. Ce vignoble, dont l'étendue est d’environ 150 hectares, s’élève jusqu’à plus de 100 mèt. au-dessus du niveau du Rhône; la pente du coteau qu’il couvre est tellement rapide, que l’on a dû y élever des murs pour soutenir les terres et cultiver en terrasses. La roche sur laquelle repose le vignoble est un granité en décomposition; le sous-sol est par conséquent formé princi¬ palement des débris de ce granité dans lequel on distingue très-nettement du feldspath blanc en volumineux cristaux rhomboïdaux, du quartz blanc demi- transparent et des la¬ melles de mica noir. Le vignoble de l’Hermitage se divise en trois parties dis¬ tinctes pour son produit et la composition de son sol. Le SOL DES PRINCIPAUX VIGNOBLES. 89 sol de la partie au nord-ouest, qui porte le nom de Bessas, est tout entier formé de détritus granitiques dans lesquels se trouvent les débris d’un poudingue formé de cailloux généralement siliceux et liés par un ciment calcaire; ce poudingue accompagne les bords du Rhône depuis Genève jusqu’à la mer. La partie moyenne du vignoble, dite Mial ou Miaux, con¬ tient avec les débris du granité un terrain de transport formé par une terre rougeâtre probablement calcaire, et des débris de poudingue. La troisième portion, qui porte le nom de Greffieux, est recouverte d’une assez grande épaisseur de ce même terrain de transport qui s’élève jusqu’au sommet. Nous empruntons à l’ouvrage de M. Rendu les résultats de l’analyse comparée du sol dans les trois parties qui con¬ stituent cet important vignoble. MATI ÈRES contenues dans le sol. BB3SÀS. MIAL. GREFFIEUX. Sels alcalins . 0.363 0.730 1.009 Carbonate de chaux. . i. 654 35.520 5.568 Magnésie . 0.122 0.220 0.673 Oxyde de fer . 10.161 3.530 4.045 Acide phosphorique . . 0.-298 0.160 0.387 Alumine . 3.032 1.100 4.622 Silice soluble . 0.612 0.900 0.294 Matières organiques . . 3.097 3.240 7.007 4 A BP Résidu insoluble .... 79.661 54.600 76.395 100.000 100.000 100.000 Le prix et le produit de ces trois parties du vignoble varient d’une manière remarquable. L’hectare de la partie dite granitique vaut 30 à 40,000 fr. , celui de la troisième presque le double, et celui du milieu a une valeur moyenne entre celles de la première partie et de la troisième. Ces différences de valeur dépendent de la qualité du vin, 90 NOTE DE LA TROISIEME LEÇON. du plus ou moins d’abondance du produit et de la durée variable de la Vigne dans ces trois parties. Dans la portion granitique, la durée moyenne de la Vigne est à peine de 20 ans ; elle dépasse 40 ans dans la 3e, et est seulement de 2o dans la seconde partie. A côté de l’Hermitage nous devons placer les deux vi¬ gnobles de Côte-Rôtie et de Condrieu; le premier est situé dans la commune d’Ampuis (Rhône) et comprend 38 hectares; au second on doit rattacher les Vignes de Condrieu (Rhône) et celles de la commune de Saint-Michel (Loire) ; réunies, ces deux localités comptent 80 hectares. Toutes ces Vignes sont assises sur des coteaux granitiques exposés au sud-ouest. Le tableau suivant donne la composition de leur sol : MATIÈRES COilTKMURS DA*S LES TEHRKÜ. Sels alcalins .... Carbonate de ctiaux Magnésie . Oxyde de fer. . . . Acide phosphorique Alumine . Silice soluble. . . . Matières organiques Résidu insoluble. . SOL SOL DK CON DM H U. DE CÔTE-RÔTIE 0. 0. 0. 4.454 0.254 3.136 0.491 5.046 84 537 100.000 0.940 1.38 4 0.940 6.551 77 . 1 03 100.000 Si maintenant nous descendons le Rhône, nous quitterons les vignobles à sol purement granitique et nous trouverons le granité plus ou moins associé aux terrains d’alluvion, comme on l’observe déjà dans certaines parties de rHermi- tage. Dans le vignoble de Château -Neuf-du-Pape (Vau¬ cluse), la Vigne est plantée dans un sol argilo-calcairc , SOL DES PRINCIPAUX VIGNOBLES. 9i mélangé de sables rougeâtres et de cailloux roulés ; quel¬ quefois, comme à la Fortia, il est tout à fait argileux ; le plus souvent le calcaire domine dans la couche superficielle et repose sur un sous-sol argileux. Sur l’autre rive, dans l’ar¬ rondissement d’Uzès (Gard), et surtout dans la partie la plus méridionale, les vins de la côte du Rhône sont récoltés sur des terres qui sont pour la plupart exclusivement calcaires. Nous donnons d'après M. Rendu la composition du sol argilo-caillouteux de Saint-Péray (Ardèche) et du sol cal¬ caire de la Nerthe (vignoble de Château-Neuf-du-Pape). MATIÈRES contenues dans le sol. St-PÉRAY. LA NERTHE. Sels alcalins . ] Carbonate de chaux . Magnésie . Oxyde de fer . Acide phospborique . Alumine . J Silice soluble . Matières organiques . Résidu insoluble . 0.395 2.406 0.325 9.969 0.300 , 5.113 0.645 2.356 78.491 1.414 30.021 0.849 5.409 0.419 2.516 0.744 8 . 092 50.536 100.000 100.000 - HÉRAULT. M. Rendu réunit sous le nom de vins du Languedoc ceux des départements de l’Aude , de l’Hérault et d’une partie du département du Gard. Le sol présente peu de varia¬ tions dans l’ensemble de ces vignobles : il est essentielle¬ ment calcaire sur les coteaux, argilo -calcaire dans les plaines formées parles alluvions; sur les plateaux, il est constitué par un calcaire siliceux plus ou moins mélangé de cailloux roulés. Les Vignes plantées dans les alluvions grasses portent le 92 NOTE DE LA TROISIEME LEÇON. nom de Vignes de plaine; les vins qu’elles fournissent sont en général destinés à la chaudière ; les sols maigres d’allu- vion formés par une terre chargée d’oxyde de fer et mé¬ langée de cailloux roulés donnent des vins de commerce estimés ; on les désigne improprement sous le nom de ter¬ rains degrés. Les coteaux ou Vignes de Garrigues fournissent les vins d’exportation. Dans les années très-abondantes on en livre une partie à la chaudière; au contraire, dans les an¬ nées de disette, on met dans le commerce des vins de plaine que l’on coupe avec des vins très-corsés. Parmi les bons crus de l’Hérault , nous citerons celui de Saint-Georges-d’Orques , qui occupe des coteaux bien ex¬ posés, généralement calcaires, recouverts d’une couche vé¬ gétale peu profonde et remplie sur plusieurs points de cailloux roulés; ces dernières parties sont celles qui produi¬ sent le meilleur vin. Les vins les plus distingués de ce département sont sans contredit les vins muscats, et nous devons placer au pre¬ mier rang ceux de Frontignan et de Lunel. Le vignoble consacré à la culture du Muscat à Fronli- gnan se compose d’environ 230 hectares, situés au levant et presque tous en coteaux ; le sol est calcaire, mêlé d’oxyde de fer et de cailloux roulés. * M. Rendu lui assigne la composition suivante: Sels alcalins . 0.57 Carbonate de chaux . 42.85 Magnésie . 0. i 0 Oxyde de fer . 2.25 Acide phosphorique . 0.13 Alumine . 1.49 Silice soluble . 0.30 Matières organiques . 0.50 Résidu insoluble . 45.81 100.00 SOL DES PRINCIPAUX VIGNOBLES. 93 Le vignoble de Lunel est moins considérable ; il ne com¬ prend que 50 hectares , en Muscat. Le sol est argilo-cal- caire, caillouteux; la pente est peu rapide, et l’exposition est généralement celle du midi. PYRÉNÉE8-ORIBNTALBS. Les vins que fournit le département des Pyrénées Orien¬ tales sont connus sous le nom de vins de Roussillon. Nous trouvons dans ces vignobles des terrains de nature variée; à Banyuls-sur-Mer et dans le voisinage, le sol est schisteux; soumis à l’analyse, il a donné : Sels alcalins . 1 .235 Carbonate de chaux . 0.909 Magnésie . 0.882 Oxyde de fer . 10.746 Acide phosphorique . 0.109 Alumine. . . ' . 5.020 Silice soluble . 0.963 Matières organiques . 4.478 Résidu insoluble . 75.658 100.000 La plupart des Vignes y occupent des coteaux abruptes, où la terre est supportée par des terrasses; le quart seule¬ ment s’étend en plaine. Les meilleurs vins se récoltent dans les parties élevées où le sol est schisteux; dans la plaine il est formé par les alluvions. On retrouve encore des vignobles cultivés dans des sols schisteux sur d’autres points du littoral de la Méditerranée, et notamment à Lamalgue, près de Toulon (Var). A Perpignan, les deux tiers des Vignes sont en plaine, le reste occupe des coteaux très-peu élevés ; le sol est argilo- 94 NOTE DE LA TROISIÈME LEÇON. siliceux, souvent calcaire; on trouve à la surface un grand nombre de cailloux roulés. Le vignoble de Rivesaltes est également distribué en par¬ tie sur des coteaux, en partie sur les terres de la plaine. M. Rendu a trouvé que ces dernières présentaient la compo¬ sition suivante: Sels alcalins . 1.852 Carbonate de chaux . 0.785 Magnésie . 0.430 Oxyde de fer . 5.407 Acide phosphorique . 0.074 Alumine . 4.851 Silice soluble . 0.600 Matières organiques . 4.637 Résidu insoluble . 81.364 100.000 GIRONDE. Le département de la Gironde peut être divisé, sous le rapport de la culture de la Vigne, en six contrées où on trouve des terres de diverses natures et des méthodes de culture toutes différentes. Ce sont: l°les Palus qui bordent la Gironde, la Garonne et la Dordogne ; 2° les Graves des environs de Bordeaux; 3° les coteaux et plateaux des arron¬ dissements de Libourne, de Bazas, de laRéole et de Blaye; 4° Y Entre -deux- Mer s sur la rive droite de la Garonne; 5° les plaines et collines de la rive gauche au-dessus de Bordeaux; 6° le Médoc. M. Petit-Lafitte divise ces différents terrains en trois classes, qu’il désigne par les noms donnés à chacune d’elles dans la localité; ce sont: les Palus, les Graves , les Coteaux. 1° Les Palus. — On nomme ainsi des terres riches, pro¬ fondes, fertiles, déposées par les eaux actuelles le long de SOL DES PRINCIPAUX VIGNOBLES. 95 leur cours et qui occupent les bords de la Gironde, de la Garonne et de la Dordogne. Dans ces terres fortes, la végé¬ tation de la Vigne est vigoureuse, la production est abon¬ dante, mais le vin n’est pas de qualité supérieure. 2° Les Graves. — Dans la Gironde on donne le nom de Graves à ces plaines plus ou moins étendues qui recouvrent la formation tertiaire , et qui se trouvent par conséquent intermédiaires entre cette dernière et les formations toutes modernes. La terre y est un mélange plus ou moins com¬ plet et en proportions très- variables de gravier, de sable et d’autres éléments. Son épaisseur varie depuis quelques centimètres jusqu’à 2 et 3 mètres au plus. Le sous-sol de cette nature de terre est quelquefois mais rarement de l’argile; dans quelques endroits on trouve du sable pur ou celte formation ferrugineuse, toujours imper¬ méable , que l’on désigne dans les Landes sous le nom d'Alios. M. Petit-Lafitte fait remarquer que ces terres, désignées par toutes leurs qualités comme tout à fait improductives, semblent faites exclusivement pour la Vigne. Parmi les ter¬ rains connus sous le nom générique de Graves , il cite plus spécialement les graves de Bordeaux, celles du Ciron, qui donnent surtout des vins blancs, et celles de Médoc. Le Médoc comprend tous les terrains situés entre la rive gauche de la Gironde et les Landes, à partir de Blanque- fort, village situé à 10 kilom. de Bordeaux. L’étendue de cet important vignoble est de 50 kilom. ; il est ainsi renfermé entre les alluvions du fleuve, sur plusieurs points à l’état de marais, et les Landes, cultivées principalement en pin maritime. Le centre de l’espace circonscrit par la mer et la Gironde forme un plateau élevé dont les eaux se déversent des deux côtés. Au levant elles se rendent à la rivière par des ruis- I KJtL'V/KJ 96 NOTE DE LA TROISIÈME LEÇON. seaux qui traversent plusieurs bas-fonds à l’état de marais, séparés par des plateaux secondaires. C’est sur ces derniers que se trouvent les fameux vignobles, et on remarque qu’à mesure que l’on s’éloigne du fleuve ou des marais, la qualité du vin diminue. Le sol y consiste en cailloux roulés, arrondis, de grosseur variable, mêlés à du sable, du sablon et un peu d’argile. Celte couche inférieure varie en épaisseur et repose soit sur un sable ocreux, soit sur l’alios ou l’argile. L’abondance du gravier et la présence de l’alios sont les deux circon¬ stances les plus favorables à la qualité du vin. M. d’Armailhacq assure que la composition chimique du sol varie peu dans les vignobles du Médoc; il donne comme type celle d’une terre prise au Château-Lafitte (1), et dans la¬ quelle il a trouvé, sur 1 kilog. : Cailloux roulés siliceux plus ou moins gros. 629«00 Sable fin . 283.00 Silice pure . 62.20 Total de l’élément siliceux. . . . 974g20 Humus . 12.80 Alumine . 7.54 Chaux . 0.40 Oxyde de fer . 0.86 995g80 Nous ajouterons ici la composition du sol des Vignes du Château-Margaux, telle que nous la trouvons dans l’ou¬ vrage de M. Rendu , ainsi que celle de la terre de Sau terne, si renommé pour ses vins blancs. (1) Culture des Vignes et vinification dans le Médoc, par A. d’Armailhacq, p. 60. SOL DES PRINCIPAUX VIGNOBLES. 97 M ATIÈRES 1 contenues DANS LE SOL. SOL de Chateau- Margai X. SOL 1 d’Iqi’em (Saitbrne). Potasse et soude . 1.291 1.167 Caibonate de chaux . . . 0.891 0.830 Magnésie . 0.263 0.456 Oxyde de fer . 3.311 2.856 Acide phosphorique . . . 0.147 0.109 Alumine . 1 ^ g | | 1.590 4.675 Silice soluble . 0.380 0.429 Matières organiques . . . 6.670 85.469 1 Résidu insoluble . 85.427 4.009 1 100.000 100.000 M. d’Armailhacq a reconnu qu’à la simple inspection des terres on pouvait apprécier leur degré de fertilité. Les fonds légers et sableux et la plupart des graves faibles produisent très-peu : il est rare qu’ils donnent plus de six barriques à l’hectare. Les terres noires, qui sont les plus ferrugineuses, n’atteignent pas toujours à celte production; mais le vin y est en général meilleur. Une grave plus forte avec sous-sol de cailloux purs donnera un tiers en plus, et les graves encore plus fortes pourront fournir jusqu'à 15 barriques à l’hectare. 11 y a certains bons crus qui s’élèvent jusqu’à ce chiffre ; mais en général, quand on en approche, la qualité diminue. On estime que, pour obtenir toute la perfection possible, il ne faut pas que le rendement dépasse 9 barriques à l’hectare. Les terres des Landes qui se trouvent à la suite des vi¬ gnobles sont composées d’un sable très-fin, mêlé parfois de petits cailloux ; elles sont presque exclusivement siliceuses : elles contiennent un peu de fer et quelques faibles parties de détritus végétaux. Suivant M. d’Armailhacq, la Vigne y réussit très-bien, et la majeure partie de cette surface serait y G I KJtL'V/KJ 98 NOTE DE LA TROISIÈME LEÇON. propre à celte culture et produirait un vin excellent : il faut seulement que le lieu soit élevé et qu’on puisse faire écouler les eaux; mais ces terres exigent beaucoup d’amendements et les plantations y sont très-coûteuses. 3° Les Coteaux. — Ces terrains appartiennent à la forma¬ tion tertiaire; ils offrent, comme leur nom l’indique, des pentes plus ou moins rapides, souvent telles que cette cir¬ constance suffirait pour en exclure toute autre culture que celle de la Vigne. Cette formation étant constituée dans le bassin deia Gironde par des alternances diverses d’argiles, de calcaires, de marnes et de sables , ce sont ces quatre natures de terres que l’on rencontre dans les vignobles ; chacune d’elles s’y montre d’autant plus exempte de mélanges, que, partant du pied des coteaux, on s’avance davantage vers le sommet. Ce sol est le résultat de la décomposition locale de la roche tertiaire, sur laquelle il repose immédiatement ; il est formé de terres argilo-marneuses fortes dans l’ Entre- deux-Mers et sur la rive droite de la Dordogne , de terres argilo-grave- leuses, comme on le constate sur les plateaux et les plaines élevées de ces mêmes localités, de terres légères et sablon¬ neuses, comme dans les environs de Bazas, de Blaye, etc. Enfin, on rencontre quelquefois des argiles presque pures, fortes , tenaces, surchargées d’oxyde de fer et présentant ainsi les couleurs les plus tranchées, par exemple sur un grand nombre de points de l’Entre-deux-Mers. A côté des Vignes de la Gironde nous devons placer le vignoble de la côte de Bergerac, dans lequel est compris le coteau de Montbazillac, situé sur la rive gauche de la Dor¬ dogne, et qui fournit un excellent vin de liqueur. Ce coteau est à 4 kilom. de Bergerac , son exposition principale est tournée vers le nord, et le vignoble est élevé de t36 mètres SOL DES PRINCIPAUX VIGNOBLES. 09 au-dessus de la plaine. Le sol est fort accidenté et présente des pentes très-rapides : il est formé par une terre calcaire reposant sur un sous-sol marneux. M. Rendu donne au sous- sol la composition suivante : Potasse et soude . 0.045 Carbonate de chaux . 1 .062 Magnésie . 0.058 Oxyde de fer . 7.030 Acide phosphorique . 0.098 Alumine . 5.046 Silice soluble . 0.031 Matières organiques . 11.080 Résidu insoluble . 71.550 96.000 M. Rendu ajoute que, plus l’argile domine, plus le vin a de graisse et de liqueur; quand le calcaire et l’argile s’unis¬ sent en proportions à peu près égales, les vins perdent un peu de leur liqueur, mais en revanche ils acquièrent une grande douceur et beaucoup de finesse; dans les parties où le calcaire domine, le vin a peu de graisse, parfois même il perd sa douceur, mais il conserve toujours la finesse et le bouquet qui caractérisent le Montbazillac. CHARENTE BT CHARENTE-INFÉRIEURE. Le vignoble le plus considérable de France est celui de la Charente et de la Charente-Inférieure; mais la majeure partie du vin qu’il produit est transformée en eau-de-vie. Le sol où l’on cultive la Vigne est de deux espèces : tantôt il est formé par des terres argileuses plus ou moins mélangées de calcaire sur l’oolithe et de sable sur la craie; tantôt par de la craie tendre et marneuse: c’est de ce dernier sol que 100 NOTE PE LA TROISIÈME LEÇON. * provient l’eau-dc-vie la plus renommée connue sous le nom de Champagne. ( Boulard , Congrès d’Angers , 1842, p. 84.) La contrée qui la produit, et qui est également désignée sous ce nom , comprend une partie des arron¬ dissements de Saintes et de Jonzac dans la Charente-Infé¬ rieure, et celui de Cognac dans la Charente; le centre de cette zone porte le nom de fine Champagne , le sol est un tuf blanchâtre argilo-calcaire , reposant sur le terrain crétacé. L'excellente qualité des eaux-de-vie a conduit les vigne¬ rons à ne pas tenir compte de la bonté du vin et à préférer les cépages dont le produit est considérable. Comme autrefois les vins de l’Aunis avaient une grande réputation, on pense que les cépages qui les produisaient ont disparu parce qu’ils ne rendaient pas autant que ceux qui ont été conservés. MAINE-ET-LOIRE. Dans le département de Maine-et-Loire on cultive la Vi¬ gne dans des terrains de nature très-diverse; dans la partie méridionale duSaumurois, ils contiennent générale¬ ment du calcaire mélangé en quantités très-variables à des sables ou à des graviers siliceux et de l’argile; les plus esti¬ més pour la qualité des vins sont les sols légers, très-riches en chaux carbonatée. (Compte-rendu de l’exposition vi- nicole de Maine-et-Loire, 1849-50, p. 9.) Sur les bords du Layon , on trouve également des vi¬ gnobles calcaires; il en est d’autres argilo-siliceux, plus ou moins colorés par l’oxyde de fer et divisés par des frag¬ ments pierreux. Aux approches delà Loire on rencontre une argile riche ensables séparables, et qui contient en outre une grande quantité de cailloux quartzeux; plus à l’ouest on a planté des vignobles sur des argiles compactes produites par la décomposition de schistes rouges et violacés. SOL DES PRINCIPAUX VIGNOBLES. 101 Dans la partie nord-est de l’arrondissement de Saumur, la silice domine ; les terres sont tantôt formées par un sable plus ou moins graveleux , tantôt par des sables légèrement argileux et calcaires. On observe que dans les sols profonds et substantiels la Vigne vit plus longtemps que dans les terres reposant à une faible profondeur sur un sol complètement imperméable. Suivant la nature des terres, on constate dans l’Anjou des variations considérables dans la durée et la vigueur de végé¬ tation des différentes Vignes. GOR8E. Nous avons cité plusieurs vignobles de France situés sur un terrain granitique; nous trouvons encore un exemple de cette nature de sol dans les Vignes de la Corse, et en parti¬ culier à Tallano (arrondissement de Sartène). Ce vignoble, qui fournit d’excellents vins secs comparables à ceux des Pyrénées-Orientales, est exposé au midi, sur une pente très- douce; le sol est granitique; les nombres suivants en don¬ nent la composition : Potasse et soude . 0.083 Carbonate de chaux. . . . 0.09 1 Magnésie . 1.015 Oxyde de fer . 4.075 Acide phosphoriquo. . . . 0.079 Alumine . 3.049 Silice soluble . 0.068 Matières organiques. . . . 9.087 Résidu insoluble . 77.453 95.000 A l’autre extrémité de l’Ile, au cap Corse, on produit des vins secs et des vinsde liqueur dans des vignobles situés les uns sur le granité et les autres dans un sol argilo-calcaire. G* 102 NOTE DE LA TROISIÈME LEÇON. M. Rendu fait observer avec raison quelaCorse, favorisée par un sol et un climat éminemment propres à la Vigne, pourrait facilement disputer à l’Espagne, au Portugal et à l'Italie le commerce des vins secs et des vins de liqueur. Malheureusement l’état de l’industrie vinicole dans ce pays ne répond pas aux avantages de sa position privilégiée. VIGNOBLES D’ESPAGNE ANDALOUSIB. Un auteur espagnol, D. Simon Roxas Clémente, à qui nous devons un Essai sur les variétés de Vignes qui végètent en Andalousie, a donné dans son livre des détails intéres¬ sants sur les terrains dans lesquels on cultive la Vigne dans ce pays. Malheureusement, l’analyse exacte des terres n’a pas été faite et la description qu’il donne des différents sols est souvent incomplète. Les indications suivantes sont extraites delà traduction de cet intéressant ouvrage qui a été publiée à Paris en i 8 1 4 (1). A San-Lucar et dans les environs, les terres sont divisées en quatre classes : 1° YAlbariza ou terre blanche; 2° la terre glaise; 3° les sables; 4* le Bugco ou terre noire. La terre blanche ou Albariza contient de 60 à 70 0/0 de carbonate de chaux; le reste est de l’argile avec lin peu de (1) Estai sur les variétés de Vignes qui végètent en Andalousie, pnr D. Simon Roxas Clemente, traduit par L. M. C., p. 6. SOL DES PRINCIPAUX VIGNOBLES. 103 silice et de magnésie, dans certaines parties la proportion de carbonate de chaux est encore plus grande, et parfois le ter¬ rain ne contient que du carbonate pur. Cette terre est très - absorbante et spongieuse, ce qui la rend très-fraîche et fait qu’elle n’est pas sujette à se durcir et à se fendre, qualités qui lui assurent une supériorité très-décidée sur toute autre espèce de terre pour la culture de la Vigne. C’est une variété impure de craie reposant sur les bancs de sable dont nous allons parler. Le plus grande partie des Vignes de San-Lucar, Xérès et Trébugena sont plantées dans l’Albariza; on la rencontre aussi constamment dans le fameux vignoble de Paxarette à plus ou moins de profondeur au-dessous de la terre végétale. On donne le nom de terre glaise à une matière sableuse agglutinée par un peu de chaux, et mêlée avec de l’argile et de l’oxyde de fer qui lui donnent une couleur rouge ou jaune. Les Vignes plantées dans ces terres rendent à peu près moitié moins que celles qui végètent dans l’Alhariza. Les sables sont formés par un quartz pur, blanc; ils doi¬ vent sans doute leur origine à la décomposition de la terre sablonneuse. On trouve sur ce terrain ainsi que sur les glaises beaucoup de. Vignes à Xérès, à San Lucar, ainsi que la plus grande partie de celles de Rota. La Vigne produit à peu près autant dans ces deux espèces de sols, mais la qua¬ lité du vin est inférieure dans les sables; dans les terres glaises, elle est également moindre que dans l’Albariza. A San-Lucar et à Xérès, la moitié inférieure des collines d’Albariza est occupée par une terre noire appelée Bwjeo, et composée d’argile mêlée avec du carbonate calcaire, de la terre végétale et un peu de sable fin et cristallisé. Le terrain des Vignes d’Algésiras est formé par une terre noire reposant alternativement sur des bancs d’argile et de i 04 NOTE DE LA TROISIÈME LEÇON. terre sablonneuse qui régnent sur toute cette partie de la côte. Les Vignes des environs de Grenade sont pour la plupart plantées sur un sol qui ne diffère de celui de la fertile plaine qui entoure cette ville que parce qu’il est plus léger. 11 contient plus de carbonate de chaux et moins d’argile; ces substances y sont mêlées avec quelques petits cailloux et un peu plus de sable; ce sol contient également moins d’humus que celui de la plaine. Quelques Vignes occupent cependant un terrain égal en fertilité au meilleur de la plaine. On a divisé ce terrain en quatre classes, et l’analyse de quatre échantillons bien caractéristiques a donné les résul¬ tats suivants: MATIÈRES C0STKJCLB3 PANS LHS TBRRBS. classe *2« classe. 3e classe. 4« classe. Carbonate de chaux . . . . Terre alumineuse . Sable . Oxyde de fer . 68 2i 100 69 22 6 3 100 22 11 1 100 62 27 100 11 y a, comme on le voit, une grande analogie décomposi¬ tion entre ces divers terrains; cependant les résultats obser¬ vés dans chacun d’eux sont très-différents, et i] est probable qu’une analyse plus complète en rendrait compte d’une manière plus satisfaisante. Le sable des terrains de la première classe est formé de petits fragments de quartz laiteux, il est propre pour le Pe¬ dro-Xi menés et encore meilleur pour le Montuo perruno. Dans la seconde, la plus grande partie du sable est com¬ posée de très-petits fragments de roche cornée verdâtre et SOL DES PRINCIPAFX VIGNOBLES. 105 de quartz rouge; ce sol convient au Montuo perruno, mais non au Pedro-Ximénès. Dans la troisième, le sahle contient de la roche cornée verdâtre, de l’ardoise argileuse grise et assez de mica, le tout en fragments très-petits; le Pedro-Ximénès y prospère, mais le Montuo perruno ne s’y plaît pas. Enfin, le sable de la quatrième classe ressemble beaucoup à celui de la seconde; on y plante indifféremment le Montuo perruno, le Pedro-Ximénès et le Tinto, mais ce dernier est le seul qui y réusisse bien. Entre la Sierra-Morena et les Cordelières de Moclin, on trouve une formation très-étendue dont quelques parties, très-coupées par les eaux et envahies par des sables et des cailloux mouvants, sont tout à fait stériles. Partout où les tertres formés par les dépôts ont quelque extension, et lors¬ qu’ils ne sont pas trop chargés de sables et de cailloux, ils sont propres à la culture de la Vigne, comme on le voit dans les grands vignobles de Gadiar et dTxixar, et aussi dans quelques parties des environs de Grenade. D. Simon Roxas pense qu’on pourrait utiliser une beaucoup plus grande étendue de ces terres incultes, en y transportant les Vignes qui occupent la plaine. Les cailloux qui abondent dans ces terres modifient les effets de l’argile et les rendent propres à la culture de la Vigne. A Malaga, la plus grande partie des Vignes est plantée dans l’Axarquie; on appelle ainsi' une réunion de tertres et de coteaux aplatis qui quelquefois se réunissent par leur base. Le sol est formé par une ardoise argileuse, traversée par des veines de quartz ; on l’appelle Herriza quand elle est bien unie ou qu’on distingue difficilement la liaison, Lan- tejuela quand elle se sépare facilement en feuilles. Cette dis- I KJtL'V/KJ 106 NOTE DE LA TROISIÈME LEÇON. # tinction est essentielle pour la culture des Vignes de Malaga, parce que les pluies entraînent tous les ans une grande partie des terres qui couvrent les rochers, et, pour réparer cette perte, il faut briser la pierre avec des outils. La Lante- juela, pierre très - tendre , se défait presque d’elle- même et s’ameublit facilement par le travail. La Herriza, au con¬ traire, plus compacte et plus dure, se désagrégé plus diffici¬ lement; aussi les Vignes plantées dans ce dernier sol ont- elles moins de valeur que celles qui occupent le premier. Les Vignes de Malaga ne sont pas les plus productives de l’Andalousie , mais elles sont sans doute celles d’Espagne dont les vins sont les plus précieux. Ordinairement leur qualité est en raison inverse de leur quantité. Le Magalète , antique et célèbre territoire des Vignes de Motril, est un autre groupe de tertres et de coteaux sem¬ blables à l’Axarquie, non-seulement par la nature du sol, la structure, la forme, mais aussi par la richesse de ses productions. Les vins qu’on y recueille, quoique faits gros¬ sièrement, disputent de bonté avec ceux de Malaga. Ces ter¬ tres et ces coteaux ne sont ni si élevés ni si rapides que ceux de l’Axarquie; la couche de terre qui les couvre est plus épaisse et n’est pas aussi exposée à être entraînée par les pluies. La chaux domine dans la composition de ce sol, qui ne paraît pas devoir, comme le précédent, uniquement son existence à la destruction de l’ardoise. Dans les coteaux qui sont au-devant de Motril, on multi¬ plie beaucoup la culture de la Vigne sur une roche égale en tout à celle de Magalète, mais plus humide. 11 résulte de cette différence que les Vignes cultivées sur ce terrain don¬ nent plus de vin, mais ce vin est moins spiritueux et moins délicat que celui de Magalète. Les hauteurs sur lesquelles sont situées les Vignes de I KJtL'V/KJ SOL DES PRINCIPAUX VIGNOBLES. 407 Xolucar, Gualchos et Luxai*, celles qu’on consacre à cette culture dans les Apulxares sont de même de l’ardoise argi¬ leuse. Elles sont en général impropres à toute autre espèce de culture. 11 en est de même des vignobles de la montagne de la Contraviesa, qui parait avoir été formée exprès pour la culture de la Vigne, et qui, à part quelques portions où elle est couronnée de terres calcaires, ne présente dans toute son étendue que de l’ardoise argileuse. Les résultats obtenus dans ces localités et dans un grand nombre d’autres, démontrent l’excellence de la terre d’ardoise pour les plan¬ tations de Vignes, et il est à désirer que la vaste étendue de terrain appartenant à cette formation, et restée inculte jus¬ qu’ici, soit consacrée à cette culture. On trouve aussi du côté méridional de la Sierra-Nevada une ardoise talqueuse très-abondante, et qui, d’après le bon état des Vignes qu’on y cultive, doit être considérée comme aussi favorable que l’ardoise commune. D’après les observations de D. Simon Roxas, la côte d’An¬ dalousie renferme une si grande quantité de terrains d’ar¬ doise incultes, où l’on ne peut cultiver que la Vigne et qui produiraient des vins excellents, que la mise en culture de ce sol pourrait donner à elle seule assez de vin, d’eau-de-vie et de raisins secs pour en fournir à toute l’Europe. Les conséquences qu’il en tire, c’est qu’il faudrait exiler la Vigne de tout terrain susceptible d’arrosement et capable par conséquent de recevoir d’autres plantes cultivées. De plus, les vins obtenus dans ces terres fertiles ont une qua¬ lité bien inférieure à celle des vins provenant des coteaux. Dans plusieurs localités, depuis qu’on a la possibilité d’ar¬ roser les terres, on a transporté les Vignes sur des hauteurs ardoisées, réputées jusque-là tout à fait stériles, et on a li¬ vré les anciennes terres à Vigne à d’autres cultures. Par 108 .NOTE I)E LA TROISIÈME LEÇON'. * cette réforme qui n’avait d’autre but que d’augmenter la valeur des terres nouvellement enrichies de canaux d’arro¬ sage, on obtient un autre résultat sur lequel on ne comptait pas, l’amélioration du vin. On a du reste constaté d’une ma¬ nière incontestable que la Vigne arrosée produit plus de vin que celle qui ne l’est pas; mais la différence sur la quantité est surabondamment compensée par la qualité dans les terres qui ne sont pas arrosées. VIGNOBLES D’ITALIE SIOILB. La Sicile est renommée pour ses vins, et chaque contrée y produit un vin de qualité différente. Les localités dont la production est la plus abondante sont: Syracuse, Mascali, Scoglietlo, Melazzo, le Faro et Marsalla. Les systèmes de cul¬ ture et de fabrication sont absolument les mêmes dans les différents vignobles. Le territoire de Marsalla, ville bâtie sur les ruines de l’ancienne Lilibée , présente de légères ondulations et des coteaux de divers aspects qui sont tous plantés en Vignes. On peut ranger sous trois catégories les diverses espèces de terres que renferme le district vinicolo de Marsalla : 1° Les terres rougeâtres mêlées de gravier; la production y est relativement moindre , mais elles donnent un vin agréable au goût et à l’odorat et qui ne se vicie presque ja¬ mais; 2° Les terres poreuses et grasses, qui donnent un vin plus SOL DES PRINCIPAUX VIGNOBLES. 109 fort et plus abondant mais moins agréable, et se viciant assez fréquemment; 3° Les terres moins propres à la végétation et contenant une proportion considérable de sable, mais où cependant la culture de la Vigne est possible. L’étendue des terres plantées en Vigne dans ce district peut être évaluée à 10,000 hectares; on y fait des vins blancs et des vins rouges : les premiers sont fournis par six espèces de cépages, les autres par trois seulement. La pro¬ duction moyenne annuelle est estimée à 12,720 hectolitres. Les vins de Mascali sont produits par les coteaux de Ri- poslo, qui comprennent tout le territoire du rivage de la mer depuis Riposto jusqu’au pied de l'Etna. Le terrain est argileux sur les côtes , volcanique dans la partie supérieure ; dans différentes localités il se compose de laves très-anciennes et presque toutes fracassées. On n’em¬ ploie pas d’autres terres, quoiqu’on ait reconnu qu’il y avait avantage de les mélanger et d’y ajouter de l’engrais, mais on n’a pas tiré parti de ces observations. La contrée la plus fertile est celle des côtes; elle produit un très-bon vin. Les Vignes qui produisent le vin muscat dit de Malvoisie se cultivent dans l’ile de Lipari et dans celles adjacentes de la Salina et de Stromboli. Les terrains où elles croissent sont volcaniques et argi¬ leux ; il y a dans l’ile de Lipari une contrée dont le terrain est blanc comme la pierre ponce; il donne le meilleur pro¬ duit, mais ce vin est de peu de durée. Ces terrains produisent, indépendamment du muscat dé¬ signé sous le nom de Malvoisie, des vins blancs, rouges et noirs; pour le Malvoisie, on choisit de préférence le terrain qui, léger, noir plutôt humide, est exposé à l’orient en pente inclinée vers la mer. 7 110 NOTE DE LA TROISIEME LEÇON. VIGNOBLES D’ALLEMAGNE BORDS DU RHIN. Le Johannisberg, montagne de Saint-Jean, est la terrasse extrême, le dernier gradin d’un contre-fort du Taunus, qui vient s’abaisser à angle droit sur le Rhin en pleine exposi¬ tion du midi. Le vignoble qui couvre cette colline a une contenance d’environ 20 hectares; une moitié, la plus pré¬ cieuse, s’étend sur une croupe rapide au sud, à l’est et à l’ouest; l’autre partie s’abaisse en pente peu sensible dans les mêmes directions. Il produit ces excellents vins blancs con¬ nus sous le nom de vins du Rhin. D’après Metzger, qui a fait l’analyse du sol, la formation sous-jacente est un schiste argileux mêlé de beaucoup de quartz. Le même auteur a trouvé dans la terre de la sur¬ face, sur 100 parties: Humus . 2 Carbonate de chaux . 9 Alumine. . . . ; . 12 Silice . 73 Débris organiques . 3 Magnésie et oxyde de fer . traces. M. L. Leclerc fait observer que sur plusieurs points l’oxyde de fer paraît plus abondant. Le vignoble renommé qui emprunte son nom à l’ancien château de Johannisberg est placé dans la partie du duché de Nassau nommée le Rhingau, sur la rive droite du Rhin ; on trouve sur la rive gauche, dans les environs de Mayence SOL DES PRINCIPAUX VIGNOBLES. 111 et de Worms , des vignobles importants qui fournissent encore d’excellents vins. On cite dans la première classe des vins du Rhin, à côté des meilleurs produits du Johan- nisberg, le vin de Worms, nommé Liebfraupnmilch (lait de Notre-Dame). Nous avons fait connaître (p. 47) les analyses données par M. Lévi des cendres d’une Vigne ayant végété dans la terre de Liebfrauen (Liebfrauenerdt). Nous complé¬ terons ces indications en faisant connaître la composition de cette terre dont l’analyse est également due à M. Lévi. Potasse . 3.86 Soude . 5.49 Chaux . 3. H Magnésie . 1.90 Oxyde de fer et de manganèse. 7.25 Alumine . 8.30 Silice . 67.90 «7.81 Nous citerons encore sur les bords du Rhin les vignobles du Palatinal, qui occupent sur la rive gauche du fleuve une longue série de collines, et produisent des vins estimés. Les Vignes de Deidesheim , Forst, Wachenheim et Durkheim sont situées sur une pente ondulée qui s’étend de la mon¬ tagne vers le Rhin (1). L’exposition, dans son ensemble, est celle de l’est; mais, par suite des irrégularités du terrain, beaucoup de parcelles sont tournées vers le sud. Les meil¬ leures parties sont celles qui se trouvent vers le milieu de la pente et qui jouissent du soleil du midi. La terre est formée par un sable de. couleur jaunâtre, mêlé d’une faible quantité d’argile et contenant dans quel- (!) Muller, Journal (T Agriculture jjratique , 20 novembre 1H54, p. 402. 142 NOTE DE LA TROISIEME LEÇON. ques endroits un peu de chaux et de mica. Les nombres suivants donnent la composition de deux terres choisies dans les bons climats, l/une provient du Grein, c’est le nom que porte le meilleur canton de Deidesheim; l’autre est d’une Vigne appelée Pièce-de-V Eglise, à Forst. M 4TIÈRES contenues dans le sol TEIDESHFIM. Terre du Grein. Potasse . Soude . Magnésie . Carbonate de chaux . . . . Oxyde de fer . Oxyde de manganèse . . . Acide sulfurique . Acide pbospliorique . . . . Chlore . Silice . Argile . Eau . Matières organiques .... 0.35 »• 0.34 » 1.16 » 94 00 3.34 0.25 0.56 100. FORST. Terre de la Pièce de-l'Egliae. 1.53 traces 0.39 0.53 0.12 0.13 traces 0.06 84.61 3.47 1.92 3.08 99.84 Les vins produits par les vignobles que nous venons de citer sont quelquefois désignés sous le nom de vins du Pala- tinal; ils rentrent dans la deuxième classe des vins du Rhin, à côté des vins de seconde qualité des crus de Johannisberg et de Worms. Nous ajouterons ici quelques mots sur nos vignobles d’Al¬ sace qui produisent de bons vins blancs, dont quelques-uns doivent prendre rang dans les vins de seconde classe dont nous venons de parler. M. Rendu signale surtout dans les Vignes de Ribeauvillé (Haut-Rhin) les clos fameux du Zahnacker et du Trotacker , dont l’étendue malheureuse- SOL DES PRINCIPAUX VIGNOBLES. 113 ment n’est pas considérable. La contenance du premier est de I hectare 13 ares, celle du second de 2 hectares. Le vignoble de Zahnacker occupe le versant méridional d’un coteau fortement incliné; le sol est très-pierreux et présente la composition suivante : Sels alcalins . 0.973 Carbonate de chaux . 1.340 Magnésie . 0.021 Oxyde de fer . 4.650 Acide phosphorique . 0.175 Alumine . 2.500 Silice soluble . 0.110 Matières organiques . 2.049 Késidu insoluble . 87.582 100.000 La plupart des vignobles d’Alsace sont assis sur le grès vosgien ; cette constitution du sol parait convenir à la Vi- gne. Le bon choix des cépages, une culture bien entendue ont fait triompher des obstacles dus au climat. Les Vignes sont situées sur le revers oriental et méridional de la chaîne des Vosges, et elles doivent à cette circonstance des abris qui les protègent contre les intempéries et des expositions très-favorables. VIGNOBLES D’AUTRICHE TOK AI. Le mont Tokai est le premier et le plus élevé d’une série de montagnes qui commencent la chaîne des Karpathes. Quoiqu’il ait donné son nom au vin de ce pays, celui pro- 114 , NOTE DE LA TROISIÈME LEÇON. duit par les collines voisines, le mont Mada, le montTarczal, est bien supérieur; c’est sur ce dernier qu’est situé le vi¬ gnoble de l’Empereur. L’ensemble des montagnes qui supportent ces importants vignobles est désigné sous le nom f Les essences, appelées aussi quelquefois huiles essen¬ tielles, sont des substances volatiles très-odorantes et que leur odeur agréable fait rechercher pour des usages nombreux. Quelques-unes existent naturellement dans les végétaux , d’autres sont des produits artificiels pro¬ venant d’actions spéciales exercées sur d’autres matiè- * 9 & res organiques. La distillation suffit le plus souvent pour les séparer ; mais dans un grand nombre de cas on peut seulement constater leur présence sans parvenir à les isoler en quantité notable, à cause de leur trop faible proportion. * . _ # ® * .f • . * • Parmi les huiles essentielles, quelques-unes ne ren- • • «, * J , \ t * ferment que du charbon et de l'hydrogène. Nous pou¬ vons citer comme exemple l’essence de térébenthine, l’essence de citron, l’essence d’orange ; d’autres con- tiennent en outre de l’oxygène, comme le camphre, £K>) *ys «4M * . > l’essence d’amandes amères ; d’autres enfin renferment % • * x - j ' de l’azote et même du soufre. La composition, les propriétés et la nature chimique de ces substances sont très-variables , et ne nous per- * j < * •s .* ii'f; • *"• *r v 1,*-. o, '• . . 1 - ur ■M y . . ;A: !£ -a/. •’ • I KJtL'V/KJfyj 188 SIXIÈME ET SEPTIÈME LEÇON. mettent pas de donner à cet égard des indications gé¬ nérales qui puissent mieux les faire connaître. Nous dirons seulement que les circonstances extérieures, la température, la lumière, exercent une grande influence sur leur production. Une même plante fournira dans le Midi des quantités d’essence beaucoup plus grandes quelle n’en aurait donné dans les climats du nord. D’un autre côté, quelques points de l'histoire de ces corps permettent d’entrevoir pour quelques-uns la pos¬ sibilité de les rattacher à d’autres groupes de substances naturelles très-répandues , et en particulier à la glycé¬ rine et aux matières sucrées. Parmi les substances que l’on rencontre chez les végétaux et qui 11e contiennent que du charbon, de l’hydrogène et de l’oxygène, nous aurions encore à citer plusieurs groupes de matières très-importantes. Mais les variations nombreuses qu’elles nous présentent, l’absence de propriétés générales propres à les définir et l’incertitude qui règne encore souvent sur leur na¬ ture, ne nous permettent pas de nous en occuper ici; nous signalerons seulement les matières colorantes, les cires, les résines, etc. Tantôt ces matières se trouvent toutes formées et n’éprouvent à l’air aucune modifica¬ tion ; tantôt elles n’acquièrent les proposions qui les distinguent que par suite de l’action que l’oxygène de l’air exerce sur les matières existant dans les tissus des végétaux . Quoi qu’il en soit, ces substances , comme les précédentes, se caractérisent sous le rapport de leur composition et de leur formation par la prédominance DES MATIÈRES ORGANIQUES DE LA VIGNE. 189 des éléments combustibles. Soumises à l’action île l’oxv- V gène, elles se transforment complètement en eau et ei\ acide carbonique. Les matières que nous venons d’examiner ne ren¬ ferment que trois éléments, charbon, hydrogène, oxy¬ gène. On désigne souvent leur ensemble sous le nom de matières végétales, en réservant la dénomination de matières animales pour celles qui, outre ces trois élé¬ ments, contiennent encore de l’azote. Nous n’admet¬ trons pas cette distinction des substances organisées qui semble faire supposer que ces matières sont formées par les animaux et ne se rencontrent pas dans le règne végétal. Au contraire, les matières azotées se forment au sein des végétaux comme les matières ternaires; on les rencontre dans tous leurs tissus, à toutes les épo¬ ques de la végétation ; et c’est au règne végétal que les animaux empruntent ces matières toutes faites pour les assimiler et les transformer au sein de leur orga¬ nisme. Ces matières azotées, qu’il nous reste à examiner, ne présentent pas de grandes différences; elles appartien¬ nent toutes à un groupe très-nombreux de substances dont l’identité de composition est aujourd’hui généra¬ lement admise. On les désigne sous le nom de matiè¬ res albuminoïdes , et ou attribue les différences qu’elles présentent soit à leurs caractères physiques, soit à la diversité des substances qui les accompagnent. Peut-être aussi y a-t-il entre quelques-unes de ces ma- ir 190 SIXIÈME ET SEPTIÈME LEÇON. tières des différences de même ordre que celles que nous avons signalées dans quelques-uns des groupes précédents , et qui proviennent de modifications analo¬ gues. Une circonstance doit faciliter ces transforma¬ tions et les rendre eu même temps très-difficiles à constater et à saisir : c’est que la composition de ces matières est très-complexe ; toutes sont neutres et très- altérables, elle se décomposent très - rapidement sous faction de l’air et de l’eau. Toutes les matières azotées que les plantes renfer¬ ment proviennent des sels ammoniacaux auxquels donne lieu la décomposition des matières organisées contenues dans les engrais. L’azote de l’air peut aussi intervenir dans leur formation, soit directement , soit en produisant au sein de l’atmosphère des composés que les pluies entraînent et conduisent dans le sol. On n’a pas encore pu les rattacher simplement aux autres matières que l’on rencontre dans les végétaux ; on a seulement signalé ce résultat, c’est qu’on peut représenter l’albumine par de la cellulose, plus de l’am¬ moniaque , moins de l’eau. Sans accorder à ce rappro¬ chement plus d’importance qu’il n’en mérite, il est au moins curieux que les matières ternaires neutres (cellulose, amidon, fécule, sucre, etc.) soient formées par du charbon , plus de l’eau, et les matières azotées neutres par du charbon , plus de l’eau et de l’ammo¬ niaque. Il en résulte qu’il est aussi très-facile de se rendre compte de l'origine et de la destruction de ces dernières , puisque leur composition se représente en définitive par de l’acide carbonique, plus de l'eau, DES MATIÈRES ORGANIQUES DE LA VIGNE. 191 plus de l'ammoniaque , moins de l’oxygène , et que, si on leur rend cet oxygène, elles donneront de l’eau et du carbonate d’ammoniaque. Les matières albumineuses présentent les mêmes pro¬ priétés et les mêmes caractères , qu’on les ait extraites des animaux ou des végétaux. On en distingue ordinai¬ rement trois espèces bien caractérisées; ce sont les seules que nous examinerons, les autres n’ayant pas été suffisamment définies et distinguées. Ces trois matières sont : 1° Y albumine , que l’on trouve dans presque tous les sucs végétaux , dans le blanc d’œuf et le sérum du sang; 2° la fibrine qui existe dans le sang des animaux et dans la graine des céréales ; 3° la caséine , que l’on rencontre surtout dans le lait, et à laquelle on peut l’attacher la légumine, contenue dans les graines des légumineuses et dans les graines oléagineuses. L’albumine peut exister sous deux états, à l’état so¬ luble et à l’état insoluble ; dans ces deux cas, la com¬ position est la même. Il suffit de chauffer l’albumine à la température de 70° à 75° pour opérer complètement sa transformation en albumine insoluble ; on dit alors que l’albumine est coagulée ; le blanc d’œuf ordi¬ naire et le blanc d’œuf cuit nous donnent un exemple de ces deux modifications de l’albumine. Si l’on fait bouillir les sucs de plantes qui renferment l’albumine dissoute, celle-ci se sépare coagulée; l’alcool déter¬ mine comme la chaleur la coagulation de l’albumine. On désigne ordinairement sous le nom de fibrine cette matière qui se coagule dans le sang après sa sortie des vaisseaux. On prépare une fibrine végétale identique à 192 SIXIÈME ET SEPTIÈME LEÇON. celle-ci en traitant le gluten par l’alcool ; elle se pré¬ sente sous forme d’une masse molle , élastique , d’un blanc grisâtre. On appelle glutine une matière albumineuse conte¬ nue dans le gluten, mais soluble dans l’alcool, et qu’on peut isoler par conséquent au moyen de ce réactif ; sa composition est la même que celle des autres matières albuminoïdes. Il existe dans les pois, les lentilles, etc. une matière azotée , la légumine , à laquelle on donne quelquefois le nom de caséine végétale pour montrer son identité complète avec la partie azotée du lait des mammifères. Soumises à l’analyse élémentaire, toutes ces matières donnent à peu près les mêmes résultats. Les différen¬ ces observées entre elles sont du même ordre que celles qui existent entre les nombres donnés par différents observateurs pour la même substance. Toutes les ma¬ tières albumineuses développent sous l’influence de l’acide chlorhydrique concentré une belle couleur d’un bleu violet caractéristique. Le tannin précipite celles qui sont solubles , en se combinant avec elles ; il s’unit également avec celles qui ne sont pas dissoutes. L’al¬ cool coagule les matières albumineuses à la manière de la chaleur ei les transforme en leurs modifications insolubles. Un des caractères les plus importants des matières albuminoïdes , c’est qu’abandonnées au contact de l’air et de l’eau elles s’altèrent rapidement et se transfor¬ ment en d’autres substances variables suivant les cir¬ constances qui accompagnent ces transformations. La DES MATIÈRES ORGANIQrES DE LA VIGNE. 193 levure de bière , la lie de vin sont en grande partie constituées par ces matières dans un état particulier de décomposition. Les graines, après la germination, renferment une matière azotée qui jouit de la propriété de provoquer très-rapidement la transformation de la fécule en dex- trine et en sucre. Aussi c'est à la présence et à la for¬ mation de cette matière qu’on attribue les phénomènes qui se produisent dans les plantes pendant cet acte si important de la végétation ; on a désigné cette matière sous le nom de diastase et on l'extrait ordinairement de l’orge germée. De même, dans les fruits, la pectose est accompagnée d une matière analogue, qui jouit de la propriété de la transformer en pectine; on l’appelle pectose. Un grand nombre de phénomènes semblent prouver que la plupart des modifications que nous pouvons produire dans les malières végétales, par l'ac¬ tion de la chaleur ou par celle des acides, sont provo¬ quées pendant la végétation par la présence de matières azotées altérées ou en voie d’altération. Lorsque nous pouvons isoler les matières qui se produisent dans ces circonstances, elles déterminent après leur séparation les mêmes transformations. Ainsi, avec un gramme de diastase extraite de l’orge germée, on peut rendre so¬ luble plus de deux kilogrammes de fécule. Nous aurons à revenir sur ces transformations et d'autres phénomènes analogues lorsque nous pourrons préciser les conditions dans lesquelles ils se produisent et le rôle qu’ils jouent dans la fabrication du vin. Nous rappellerons seulement que toutes les matières albumi- 191 SIXIÈME ET SEPTIÈME LEÇON. m lieuses sont probablement dérivées d'une substance identique modifiée diversement dans ses caractères physiques , son état moléculaire et aussi dans sa com¬ position par sa combinaison avec diverses substances minérales. Il existe aussi chez les végétaux un groupe de substan¬ ces azotées jouissant de propriétés basiques et que l’on désigne sous le nom d’alcalis végétaux ou alcaloïdes. Ces substances, qui présentent beaucoup d’analogie avec la potasse, la soude , l’ammoniaque, semblent créées par la nature pour remplacer dans certains cas les bases mi¬ nérales. On les trouve combinées avec des acides orga¬ niques, et, lorsqu’on les a séparées, elles se comportent tout à fait comme les bases alcalines. Ces composés, étudiés seulement jusqu’ici dans quelques plantes spé¬ ciales, se font remarquer par les effets qu’ils produisent sur l’économie animale. Il nous suffit de citer les noms de la morphine, de la strychnine, de la quinine, pour rappeler combien leur action est énergique et pour montrer que nous n’aurons pas à nous en occuper davantage. Nous avons terminé l’examen des matières organi¬ ques que l’on rencontre dans les végétaux , en nous attachant plus spécialement à celles qui doivent jouer un rôle dans les phénomènes que nous avons à étudier. Nous avons vu la confirmation des faits que nous avions énoncés tout d’abord en cherchant à caractériser DES MATIÈRES ORGANIQUES DE LA VIGNE. 105 ces substances si nombreuses. Toutes peuvent être con¬ sidérées comme ayant pour point de départ l’acide car¬ bonique , l’eau , l’ammoniaque soumis à des influences réductrices. Fai* suite, en faisant intervenir les agents d’oxydation, nous pouvons toujours reproduire en dé¬ finitive de l’acide carbonique, de l’eau et de l’ammo¬ niaque. C’est le caractère le plus constant , le plus gé¬ néral qui puisse servira définir les matières organisées, et nous verrons combien il nous sera utile pour inter¬ préter les phénomènes qui se produisent pendant les différentes phases de la végétation , et que nous allons passer en revue dans la leçon prochaine. NOTES DE LA SIXIÈME ET DE LA SEPTIÈME LEÇON. Lumière polarisée. — Plan de polarisation. — Rotation du plan de polarisation. Les matières sucrées et plusieurs au Ires substances exis¬ tant dans les végétaux exercent dans certains cas sur la lu¬ mière une action remarquable, qui permet souvent de les reconnaître et de les caractériser. Nous avons dû indiquer cette propriété sur laquelle sont fondés des moyens d’ana¬ lyse que nous aurons à développer plus tard. Mais il est bon que nous ajoutions dès maintenant quelques détails pour faire bien comprendre ce que l’on doit entendre par ces expressions : lumière polarisée et plan de polarisation. Nous nous appuierons sur ces notions élémentaires pour expliquer en quoi consiste la rotation du plan de polarisa¬ tion et préparer les éléments nécessaires à l’étude de la Sac- charimétrie. Lorsqu’un rayon de lumière vient rencontrer la surface d’un miroir, il se réfléchit en faisant un angle de réflexion égal à l’angle d’incidence. Le rayon réfléchi et le rayon in¬ cident sont dans un même plan avec la normale élevée sur le miroir par le point d’incidence. On énonce encore cette dernière loi en disant que le plan de réflexion formé par le POLARISATION. 197 rayon réfléchi et la normale coïncide avec le plan d’inciden¬ ce qui comprend cette même normale et le rayon incident. La quantité de lumière réfléchie varie avec la valeur de l’angle d’incidence; mais, pour une valeur déterminée de cet angle, la quantité de lumière réfléchie, et par suite l’inten¬ sité des images observées par réflexion, ne change pas quelle que soit la position du plan d’incidence par rapport à la di¬ rection du rayon incident. Si la lumière que l’on reçoit à la surface d'un miroir a déjà subi une ou plusieurs réflexions, les phénomènes observés ne sont plus les mêmes, et la lumière présente des pro¬ priétés particulières. Supposons en effet un rayon déjà réfléchi et recevons-le sur un second miroir disposé de telle sorte qu’on puisse lui faire prendre toutes les positions possibles par rapport à la direction du rayon. Admettons que le second plan d’inci¬ dence coïncide d’abord avec le premier , puis faisons tour¬ ner le miroir jusqu’à ce que ces deux plans deviennent rec¬ tangulaires; nous constaterons que l’intensité de la lumière réfléchie sur le second miroir variera, et par suite l’image observée par réflexion sur ce miroir sera plus ou moins bril¬ lante; elle présentera son maximum d’éclat quand les deux plans d’incidence coïncideront, et elle atteindra son mini¬ mum quand le nouveau plan d’incidence sera perpendicu¬ laire au premier. Cette variation d’intensité sera plus grande si la lumière a déjà subi plusieurs réflexions. Mais on peut obtenir le ma¬ ximum d’effet après une seule réflexion si on a donné à l’angle d’incidence primitif une valeur déterminée, varia¬ ble pour chaque substance réfléchissante. Il est facile de constater les phénomènes que nous venons de signaler au moyen de l’appareil représenté par la figure suivante : \ 1)8 NOTES DES SIXIÈME ET SEPTIÈME LEÇONS. A B est un tube terminé à ses deux extrémités par deux tambours auxquels sont fixés les miroirs M et M' ; les mi¬ roirs peuvent tourner autour de Taxe qui les porte, et les tambours sont mobiles autour de Taxe du tube. \ Enlevons le miroir M , et recevons sur le miroir M’ le faisceau de lumière qui a traversé le tube; si nous regar¬ dons suivant la droite 01, nous apercevrons dans son pro¬ longement l’image de l’ouverture A, et, lorsque nous ferons varier la position du plan d’incidence en faisant tourner le tambour B, nous constaterons que, pour une valeur dé¬ terminée de l’angle d’incidence, l’intensité de l’image, et par suite la quantité de lumière réfléchie, ne variera pas, quelle que soit la position du plan d’incidence. Plaçons maintenant les deux miroirs; disposons le miroir M de telle sorte que l’angle d’incidence avec la surface soit t POLARISATION . 109 égal à 35° 25’ , en supposant que les miroirs soient en verre; inclinons le tube de manière que le rayon réfléchi le tra¬ verse pour venir rencontrer le second miroir, et donnons au second angle d’incidence la même valeur qu’au premier. Si le second plan d’incidence coïncide avec le premier, ce qu’indique la figure précédente, nous apercevrons l’ima¬ ge de l’ouverture suivant la direction 01, comme si le miroir M n’existait pas. Mais lorsque nous ferons tourner le tambour B, si nous continuons à regarder suivant la di¬ rection du rayon réfléchi , nous verrons que l’image variera d’intensité, elle ira en diminuant, et nous ne tarderons pas à arriver à une position pour laquelle elle sera tout à fait a I éteinte. En examinant les variations d’intensité de cette image, on reconnaîtra qu’elle a son maximum quand les deux plans d’incidence coïncident, et qu’elle disparaît quand ils sont perpendiculaires. La seconde figure indique 200 NOTES DES SIXIÈME ET SEPTIÈME LEÇONS. cetle nouvelle disposition des plans d’incidence. L’intensité de l’image a une valeur intermédiaire lorsque les deux plans font un angle compris entre 0J et 90°. On distingue ces deux états de la lumière que nous venons de caractériser par les expressions de lumière naturelle, lu¬ mière polarisée. La lumière naturelle se réfléchit de la mê¬ me manière, quelque soit l’azimut du plan d’incidence. La lumière est dite polarisée quand elle ne jouit plus de cetle propriété; dans ce cas, le maximum de réflexion a lieu pour une certaine position du plan d'incidence, et la réflexion ne se fait plus quand le plan d’incidence devient perpendi¬ culaire à sa première position. On désigne sous le nom d'angle de polarisation l’angle suivant lequel la réflexion doit se faire pour qu’un rayon de lumière soit polarisé en se réfléchissant à la surface d’une substance. Lorsqu’un rayon de lumière est polarisé, on appelle plan de polarisation le plan suivant lequel ce rayon, reçu sur un miroir, donne le maximum de lumière réfléchie. Si le miroir est formé par une substance transparente, une portion de la lumière se réfléchit, mais une autre por¬ tion traverse la substance et se réfracte. Or, on reconnaît que celte portion est également polarisée, et si on cherche quelle est la position de son plan de polarisation, on con¬ state que le plan de polarisation de la lumière réfractée est perpendiculaire à celui de la lumière réfléchie. Il résulte de là qu’un faisceau de lumière naturelle, arri¬ vant à la surface d’un corps transparent sous un angle convenable, se divise en deux faisceaux : l’un se réfléchit, l’autre se réfracte ; les deux faisceaux sont polarisés : le plan de polarisation du premier coïncide avec le plan d’inci¬ dence, le plan de polarisation du second est perpendicu¬ laire à ce plan d’incidence. On exprime ces faits en disant POLARISATION. 201 que le rayon réfléchi est polarisé dans le plan d’incidence, et que le rayon réfracté est polarisé dans un plan perpen¬ diculaire. En réunissant ces deux faisceaux, on reformerait de la lumière naturelle. Certaines substances cristallisées jouissent d’une propriété que l’on désigne sous le nom de double réfraction . Voici en quoi elle consiste : lorsqu’un faisceau de lumière tombe à leur surface et les traverse, il se divise en deux faisceaux qui suivent dans le milieu cristallisé deux routes différentes. Si on regarde un objet en plaçant par-dessus une de ces substances, on pourra le voir double, pourvu que le cristal ait une épaisseur suffisante. Or, les deux faisceaux d’égale intensité dans lesquels se divise un faisceau de lumière naturelle sont polarisés suivant deux plans perpendicu¬ laires. On constatera facilement cette circonstance en re¬ cevant successivement chacun de. ces faisceaux sur un miroir et en étudiant les propriétés de la lumière réfléchie. Un faisceau de lumière naturelle peut donc, par la double réfraction comme par la réflexion et la réfraction simple, se diviser en deux faisceaux de lumière polarisée, d’égale intensité, mais dont les plans de polarisation sont perpendi¬ culaires. L’appareil que nous venons de décrire permettra de reconnaître si un faisceau de lumière est polarisé et quelle est la position du plan que l’on appelle plan de polarisation. Si un faisceau de lumière polarisée traverse une lame de verre, une couche d’eau, ce faisceau est encore polarisé en sortant de la lame de verre, de la couche d’eau, et le plan de polarisation conserve la même position. 11 existe, au contraire, des substances qui peuvent agir sur la lumière polarisée qui les traverse; la lumière est encore polarisée après son passage à travers ces substances ; mais le plan de polarisation n’est plus le même, il s’est déplacé, on dit , qu’il a été dévié. 202 NOTES DES SIXIÈME ET SEPTIÈME LEÇONS. Représentons-nous un faisceau de lumière polarisée par¬ lant d’un point et arrivant à notre œil, et faisons-lui tra¬ verser une substance pouvant agir sur le plan de polarisa¬ tion; supposons que le plan primitif de polarisation soit vertical, le nouveau plan de polarisation fera avec le pre¬ mier un angle aigu et un angle obtus; on dit que le plan de polarisation a dévié vers la droite ou vers la gauche, suivant que l’angle aigu est à la droite ou à la gauche de l’observateur, ou, en d’autres termes, suivant qu’il faut faire tourner le premier plan vers la droite ou vers la gauche pour atteindre la nouvelle position du plan de polarisation. Lorsqu’un faisceau de lumière polarisée traverse une substance qui dévie le plan de polarisation, l’angle dont ce plan est dévié est d’autant plus grand que la longueur de la couche traversée est plus considérable. Ces deux quan¬ tités varient proportionnellement. Au contraire, deux sub¬ stances différentes qui dévient dans le même sens produi¬ ront en général, pour une même longueur traversée, des déviations différentes. Lorsqu’une substance active, c’est-à-dire faisant tourner le plan de polarisation, est mélangée avec une substance inactive, avec de l’eau par exemple, qui puisse l’étendre ou la dissoudre, la déviation produite est proportionnelle à la quantité de substance active existant dans la dissolution. Toutes les fois que le dissolvant n’altère pas les propriétés de la substance active, les choses se passent comme s’il of¬ frait seulement à ses molécules un espace où elles puissent se distribuer uniformément. Si on mélange deux substances sans action chimique et agissant en sens contraire sur le plan de polarisation, la déviation sera égale à la différence des déviations qu’aurait produites chaque substance ; elle sera nulle si ces dévia¬ tions sont égales. POUVOIR ROTATOIRE. 203 Il c.-t facile, an moyen de l’appareil que nous avons figuré, de reconnaître si une substance agit sur le plan de polarisation et de constater dans quel sens elle fait dévier ce plan. Supposons les miroirs orientés comme nous l’avons indiqué tout à l’heure et comme le représente la figure de la page 198; remplaçons le tube vide AB par un tube rempli d’une dissolution de sucre de cannes dans l'eau : la lumière réfléchie sur le premier miroir devra traverser cette disso¬ lution pour arriver sur le second ; alors nous reconnaîtrons que le plan où la réflexion est maximum n’occupe plus la même position. Pour arriver à ce plan, il faudra faire tourner le tambour B vers la droite. Nous en conclurons que le pas¬ sage au travers de la dissolution de sucre a fait dévier le plan de polarisation vers la droite, et l’angle de rotation nous permettra d’évaluer la valeur de cette déviation. Cette faculté que possèdent certaines substances d’agir sur le plan de polarisation de la lumière est désignée sous le nom de pouvoir rotatoire ; indépendamment du sens de la rotation chaque substance est caractérisée par un pou¬ voir rotatoire spécial, que l’on peut déterminer par l’expé¬ rience; on l’appelle pouvoir rotatoire moléculaire. Pour montrer comment on détermine sa valeur, supposons d’abord un liquide chimiquement homogène, dont toutes les molécules doivent être considérées comme étant égale¬ ment actives. Si nous opérons sur la même substance et avec des tubes d’inégale longueur, les angles de déviation seront proportionnels aux longueurs des tubes. D’un autre côté, la masse étant proportionnelle à la densité, la valeur de la déviation sera également proportionnelle à cette den¬ sité; il faut admettre, bien entendu, que cette variation de la densité écarte seulement les molécules sans modifier leur action propre sur la lumière polarisée. Maintenant représentons par [a] la déviation produite par 204 NOTES DES SIXIÈME ET SEPTIÈME LEÇONS. l’unité d’épaisseur et pour une densité idéale égale à l’unité, et soit « la déviation observée pour une longueur l et une densité d, nous aurons, en vertu de ce qui précède. [a] ld a d’où [a] a Td [a] est le pouvoir rotatoire moléculaire de la substance, et sa valeur peut servir à caractériser chaque substance agis¬ sant sur le plan de polarisation de la lumière. La relation qui précède nous montre que, pour le déterminer, il suffira d’ob¬ server la déviation produite dans un tube d’une longueur connue et rempli d’un liquide de densité également connue. Considérons maintenant le cas d’une substance active dis¬ soute dans un liquide inactif, dans l’eau, par exemple;, ce sera le cas d’une dissolution sucrée , et voyons comment on arrivera à déterminer le pouvoir rotatoire moléculaire. L’expérience montre que, si un même tube est rempli suc¬ cessivement avec des dissolutions de plus en plus riches en sucre, les angles de déviation seront proportionnels aux quantités de sucre renfermées dans le même volume de li¬ quide. Nous appellerons toujours pouvoir rotatoire molécu¬ laire d’une substance la déviation imprimée par une couche de cette substance ayant l’unité d’épaisseur et d’une den¬ sité idéale égale à 1 . Or, soient E le poids du liquide inactif et P le poids de p la substance active nui s’v trouve dissoute; - - sera le 1 * P-+-E poids de la substance active contenue dans chaque unité de poids du mélange. Représentons, comme précédemment, le pouvoir rotatoire moléculaire par [a]; nous aurions, pour une longueur l et une densité d, une déviation égale à [a]/d, si toute la masse était formée de matière active. Mais le POUVOIR ROTATOIRE. 205 rapport de la masse active à la masse totale est seulement P la déviation observée dans cette condition sera donc: P-H L et, si on observe celte déviation a, on aura l'équation [*}ld P P + E a : d’où [*] «(P + E) /r/P Tous les termes du second membre peuvent être délei mi¬ nés par l'expérience; et , par conséquent, il sera facile d'avoir dans ce cas le pouvoir rotatoire moléculaire. Les développements dans lesquels nous venons d’entrer sur la détermination du pouvoir rotatoire moléculaire ne doivent subir aucune restriction, quant à la généralité de leur application, lorsqu'on opère sur un rayon de lumière simple. Ils seront encore exacts dans le cas où on agira sur la lumière blanche, si les déviations des plans de polarisa¬ tion des divers rayons simples sont proportionnelles entre elles; or, c’est ce qui a lieu pour toutes les substances su¬ crées. Nous ne voulons pas faire connaître les particularités qui caractérisent certaines substances qui ne jouissent pas de cette propriété, comme l'acide tartrique; il nous suffit d’avoir montré ce que l’on doit entendre par pouvoir rota¬ toire, et comment on peut déterminer sa valeur dans les cas sur l’application desquels nous aurons à revenir. 13 200 NOTES 1)ES SIXIÈME ET SEPTIÈME LEÇONS. Composition élémentaire des matières organiques que l’on rencontre dans les différents organes de la Vigne. ACIDE T A RT RIQ U h. Composition : Charbon . 32.00 Hydrogène . 4.00 Oxygène . 04.00 100,00 Formule : C8 H6 O'1 11 faut distinguer deux variétés isomériques d'acide, tar- trique : l'acide tartrique droit et l’acide tartrique gauche, ainsi désignés à cause de Faction qu’ils exercent sur la lumière polarisée; le premier fait tourner le plan de pola¬ risation vers la droite, le second vers la gauche. Leur réunion constitue l'acide paratartrique ou acide racémique , qui n’exerce aucune action sur la lumière polarisée. Cristallisé, cet acide contient deux équivalents d’eau de plus que l'acide tartrique. Sa formule est donc C8 H6 O12 -h 2HO ou C8 H8 Ou ; il perd cette eau à la température de 100°. L’acide tartrique ordinaire est l’acide tartrique droit. On peut obtenir un autre acide tout à fait identique avec l’acide paratartrique, mais qui ne peut pas comme ce der¬ nier se dédoubler en acide tartrique droit et en acide tar¬ trique gauche. On l’appelle acide tartrique inactif. COMPOSITION DES MATIERES ORGANIQUES. 207 Les acides désignés sous les noms d’acide mélatartrique et d’acide isotartrique sont des modifications isomériques de l’acide tartriqite obtenues sous l’influence de la chaleur. TARTRATES. L’acide tartrique donne naissance à deux genres de sels : les tartrates neutres, les bitartrates ou tartrates acides. On peut représenter leur composition par les formules suivantes : C8 Hv O10, 2MO ; C8 H4 O10, (MO, HO). Pour la même quantité de base (MO), les seconds contien¬ nent une proportion d’acide double de celle contenue dans les premiers. La formule de l’acide tartrique peut s’écrire d’une manière analogue : C8 H4 O10, 2HO, et elle montre alors très-bien la différence qui existe entre l’acide et les deux genres de sels. Le tartrate neutre de potasse a pour formule : C8 H4 O10, *2KO, et le bitartrate, appelé vulgairement crème de tartre : C8 H4 O10, (KO, HO). Si on ajoute à ce dernier sel une quantité de potasse égale à celle qu’il contient déjà, cette potasse prendra la place de l’eau, et on aura du tartrate neutre. De même, si avec du tartrate neutre on veut faire du bitartrate, il faudra doubler la quantité d’acide de ce sel. En effet, on aura : C8H4010, 2KO-f C8H4010, 2HO = 2[C8H4010, (KO, HO)]. 20R NOTES DES SIXIÈME ET SEPTIÈME LEÇONS. ACIDE «AI.IQDE. Composition : Charbon . 35.82 Hydrogène . 4.48 Oxygène . 59.70 1 00.00 Formule : C8 H6 O10. L’acide malique dévie à gauche le plan de polarisation de la lumière; il présente des modifications isomériques analogues «à celles que nous offre l’acide tartrique. ACIDE CITRIQUE. Composition : Charbon . 37.50 Hydrogène . 4.17 Oxygène . 58.33 100.00 Formule : CllH8Ou. L’acide citrique peut être obtenu cristallisé avec la com¬ position que nous venons d’indiquer; l’acide citrique ordi¬ naire contient, en outre, deux équivalents d’eau qu’il perd à la température de 100° : sa composition est dès lors repré¬ sentée par C1* H8 Ou 4- 2HO. ACIDE TAN NIQUE. On a longtemps confondu sous le nom de tannin ou d’acide tannique plusieurs substances extraites des végé¬ taux et caractérisées par les combinaisons qu’elles forment avec la peau et la gélatine, et par les précipités qu’elles donnent avec les sels de fer. On distingue maintenant plu- COMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 209 sieurs espèces dans ce groupe de substances, liées certaine¬ ment par des analogies très-étroites et que leur composition et surtout leurs transformations différentes ne permettent pas de réunir. L’avenir fera mieux connaître les caractères de, ces divers tannins et nous en dévoilera probablement beau¬ coup d’autres variétés mal étudiées jusqu’ici. Nous donne¬ rons la composition du tannin extrait de la noix de galle : Composition : Charbon . 52.42 Hydrogène . 3.56 Oxygène . 44.02 100.00 Formule : C64 11*2 O34. Lorsqu’on fait bouillir cet acide tannique avec de l'acide sulfurique, il se convertit en acide gallique et en glucose. La formule suivante rend compte de cette réaction, dans laquelle il faut faire intervenir une certaine quantité d’eau : C54 \\a o** + 8 HO = 3L14 H* O10 + C,? H12 O12. Acide tannique. Eau. Acide gallique. Glucose. L’acide gallique existe naturellement dans plusieurs plantes; sa composition est représentée par les nombres suivants : Charbon . 49.41 Hydrogène . 3.53 Oxygène . 47.06 100.00 C F. L LU LO SE. La cellulose est la substance qui constitue les parois des cellules et des vaisseaux dans tous les végétaux. 12* 210 NOTES DES SIXIÈME ET SEPTIÈME LEÇONS. Composition : Charbon . 44.44 Hydrogène . 6.18 Oxygène . 49.38 100.00 Formule : C*MF0010. AMIDON, FÉCULE, D EXTRI NE. On rencontre dans les cellules de certaines plantes une matière blanche formée de petits grains arrondis , de gros¬ seur variable. On la désigne indifféremment sous les noms d'amidon, de fécule, de matière amylacée. Sa composition est la même que celle de la cellulose; on la représente par la même formule. Il en est de même de la dextrine, substance soluble que l’on obtient en modifiant la fécule sous l’influence des aci¬ des, d’une température de 160°, ou de la diastase. GO MM ES. Les matières désignées sous le nom de gommes et de mu¬ cilages présentent la même composition que les matières amv lacées. V Les gommes peuvent, comme l’amidon, se transformer en sucre sous l’influence des acides étendus. SUCRES- Le sucre que l’on obtient par la modification de l’amidon nous offre une composition différente. On passe à cette es¬ pèce de sucre en ajoutant à l'amidon deux équivalents d’eau. COMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 211 Composition : Charbon . 40.00 Hydrogène . 6.67 Oxygène . 53.33 100.00 Formule : C^H^O1*. Ce sucre est souvent appelé glucose; le sucre de fruits présente la même composition. En cristallisant , ces deux sucres absorbent une nouvelle quantité d’eau; leur composition devient alors : Charbon . 30.36 Hydrogène . 7.18 Oxygène . 56.56 100.00 On la représente par la formule : C«Hl*Ou ou ClïH,*01*-f-2HO. Le sucre que l’on désigne sous le nom de sucre de cannes nu de betteraves présente une composition intermédiaire entre celle de l'amidon et celle du glucose. Four passer à l’état de glucose, il doit absorber encore une certaine quan¬ tité d’eau. Composition du sucre de cannes : Charbon . 42.11 Hydrogène . 6.43 Oxygène . 51.46 1 00.00 Formule : C^H^O11. P E CT I N E. On trouve cette substance dans les fruits arrivés à l’état de maturité On admet q’uelle dérive d’une substance inso 212 NOTES DES SIXIÈME ET SEPTIÈME LEÇONS. lubie qu’on appelle peclose et qui accompagne la cellulose. La pectose n’a pu encore être isolée, mais elle présente probablement la même composition que la pectine ou n’en diffère que par les éléments de l’eau. On n’est pas bien d’accord sur la formule de la pectine. Nous citerons la plus simple donnée par M. Mulder : C12 H8 O10, elle correspond à la composition suivante : Charbon . 45 Hydrogène . 5 Oxygène . 50 100 Sous l'influence des alcalis ou de la pectase, la pectine se transforme d’abord en acide pectosique, puis en acide pec- tique. L’acide pectosique, soluble dans l’eau bouillante, se précipite par le refroidissement en une masse gélatineuse. Sa composition diffère de celle de la pectine on ce qu’il ren¬ ferme un peu moins d’eau. Une nouvelle soustraction d’eau le transforme en acide pectique. Lue longue ébulition avec l’eau transforme à son tour l’acide pectique en d'autres acides qui deviennent solubles : l’acide parapectique et l'acide mé- tapectique. MATIERES GRASSES. Les corps gras naturels, huiles ou graisses, sont formés par des mélanges en proportions variables de matières diffé¬ rentes, mais présentant, sous le rapport de la constitution, la plus grande analogie. On désigne ces substances, d’une manière générale, sous le nom de matières grasses neutres. Les plus importantes sont : la stéarine, la margarine, l’oléine. Sous l'influence des bases, elles donnent de la gly- COMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 21 3 cérine, plus de l’acide stéarique ou de l’acide margarique ou de l’acide oléique, qui se combinent avec la base que l’on emploie. L’eau intervient dans cette réaction. La stéa¬ rine est donc une combinaison d’acide stéarique et de gly¬ cérine; la margarine, d’acide margarique et de glycérine; l’oléine, d’acide oléique et de glycérine, t'ne matière grasse naturelle est un mélange de stéarine , de margarine et d’oléine. Il existe d’autres substances analogues dans des matières grasses spéciales; leur constitution est la même. Nous citerons la butyrine, matière grasse se trouvant dans le beurre; elle contient de la glycérine et de l’acide butyrique. Nous donnons seulement les formules des acides stéarique, margarique et oléique, pour montrer que ces trois corps appartiennent à un groupe de composés présentant de grandes analogies : Acide stéarique . C36H3604 Acide margarique . C#4H>404 Acide oléique . C36H3V04 Remarquons combien est faible la proportion d’oxygène. La glycérine est ainsi nommée à cause de sa saveur sucrée; elle est liquide et soluble en toutes proportions dans l’eau et l’alcool ; l’éther ne la dissout pas. Composition : Charbon . 39.12 Hydrogène . 8.70 Oxygène . 52.18 100.00 Formule : C6H806. En comparant cette formule à celle du glucose, nous voyons que la glycérine diffère du glucose en ce qu’elle renferme une plus forte proportion d’hydrogène. La mannite, matière sucrée existant dans plusieurs plan- 214 NOTES DES SIXIÈME ET SEPTIÈME LEÇONS. les, donne lieu au même rapprochement; sa composition conduit à la formule : Cls Hu01*. ESSENCES. La multiplicité des essences ou huiles essentielles, leurs propriétés si variées, ne nous permettent d’entrer dans aucun détail sur leur composition. Nous dirons seulement que la proportion d’oxygène est en général très-faible; sou¬ vent même elle devient complètement nulle, et l’essence ne contient plus que du charbon et de l’hydrogène. MATIERES ALBUMINEUSES. La moyenne des analyses les plus certaines donne les nombres suivants pour la composition de l’albumine : Charbon. . Hydrogène Azote.. . . Soufre. . . Oxygène. . 53.59 6.95 15.65 1.98 21.83 Ils conduisent à la formule : 100.00 Clu H11* Azl8S* Ou En supposant que le soufre y remplace une quantité équivalente d’oxygène, on peut représenter la composition de l’albumine pure et non sulfurée par la formule : C24 H17 Az* O8. COMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 215 Elle conduit aux proportions suivantes : Charbon . 53.93 Hydrogène . 6.37 Azote . 15.73 Oxygène . 23.97 100.00 On arrive à cette formule en ajoutant de la cellulose et de l'ammoniaque et en retranchant de la somme une cer¬ taine quantité d’eau ; on a en effet : 2 C18 H10 O10 + 3 Az H» — 1 2 HO = C84 H17 Az3 O*. Cellulos*». Ammoniaque. Fau. Albumine. ou bien : C84 H57 Az3 O8 = C84 + 8HO -f 3 Az H3, Albumine. Charbon. Eau. Ammoniaque. tandis que l'on a déjà : C14 H10 O10 = C1*— H 1 0 HO. Cellulose- CJiarbon. Eau. Nous avons vu combien cette considération permet de se rendre compte simplement de la formation de l'albumine et de ses modifications. On trouve dans presque tous les sucs végétaux une ma¬ tière azotée dissoute, coagulable par la chaleur; on l’ap¬ pelle albumine végétale. Son identité avec l’albumine que l’on rencontre dans les organes des animaux est générale¬ ment admise. Celle-ci se trouve dans des liquides alcalins; l’autre, au contraire, dans des liquides neutres ou acides. Toutes deux s’altèrent rapidement au contact de l’air; la première, en se décomposant, donne des animalcules mi¬ croscopiques ; dans la seconde, il se développe des végéta¬ tions cryptogamiques. Mais , vient-on à changer la réaction alcaline ou acide des dissolutions, ces productions chan¬ gent alors de nature. 216 NOTES DES SIXIÈME ET SEPTIÈME LEÇONS. Nous signalerons encore, parmi les matières albumineu¬ ses végétales, la glutine, appelée d’abord glaïadine , et qui constitue la partie du gluten des céréales soluble dans l'al¬ cool. La solution de cette substance dans l’alcool ou l’acide acétique est précipitée par l’acide tannique. Quant aux autres matières albumineuses, elles présentent toutes entre elles et avec l’albumine la plus grande analogie au point de vue de la composition , et les différences obser¬ vées dans leur état, leur aspect et quelques-unes de leurs propriétés tiennent très -probablement à des modifications isomériques ou à des mélanges avec d’autres substances. La substitution possible d’une certaine quantité de soufre à une proportion équivalente d’oxygène doit également être prise en considération pour expliquer les différences obser¬ vées. Souvent aussi on peut s’en rendre compte par un commencement d’altération dont il est facile de constater les effets. HUITIEME LEÇON — -29 avril 1856 — Phénomènes qui accompagnent la végétation de la Vigne. Messieurs, La végétation de la Vigne, comme celle de la plupart des plantes qui vivent dans la zone tempérée, présente pendant l’hiver un temps d’arrêt très-nettement mar¬ qué. Cette interruption, si elle n’est pas complète, est cependant suffisante pour faire cesser tous les phéno¬ mènes apparents par lesquels la vie des plantes se ma¬ nifeste à nos yeux ; ce n’est qu’après 1’hiver que com¬ mencent à se montrer les premiers indices qui nous permettent de constater le retour des mouvements in¬ terrompus et l’apparition des phénomènes qui en sont la conséquence. Ce réveil, cette activité nouvelle des fonctions appelle dans le voisinage des bourgeons une grande quantité de sucs qui déterminent leur accroissement et les font 13 218 HUITIEME LEÇON. bientôt changer de forme et d’aspeQJt. L’absence de tout organe extérieur au moment où la végétation semble renaître nous montre que c’est par les racines, et sur¬ tout par l’extrémité des radicelles, que les premières actions se manifestent. Sous l’influence de l’humidité du sol, de la douceur de la température , les spongioles absorbent l’eau qui les environne, et portent ainsi dans les organes les principes minéraux que cette eau tenait en dissolution, et qu’accompagne une petite quantité de matières organiques fournies par les débris des vé¬ gétations antérieures ou par la décomposition des en¬ graisses produits gazeux, acide carbonique et oxygène, que cette eau renferme également, achèvent de formel1 l’ensemble des principes qui doivent concourir au pre¬ mier gonflement des tissus et au développement des bourgeons. Ces sucs, introduits par l’extrémité des radicelles, viennent se mêler à ceux que renfermaient les cellules déjà existantes; l’oxygène de l’air, que la porosité des terrains amène au contact des raciues, a bien pu modi¬ fier quelques-unes des matières qui se trouvent en con¬ tact avec elles pour rendre leur absorption possible, mais il 11e s’est encore produit aucun de ces phéno¬ mènes qui doivent plus tard caractériser la vie de la plante et activer son accroissement. Peu à peu ces sucs arrivent jusqu’à la base des bour¬ geons; ils déterminent le gonflement des cellules, et par suite l’action de l’oxygène de l’air ou de celui qu’ils ap¬ portent cux-mèmes vient modifier les substances qui s’y trouvent renfermées. C’est sous l’influence combinée VÉGÉTATION 1>E LA VIGNE. 219 de la chaleur, de l’humidité, de l’oxygène que ces sub¬ stances se transforment, se dissolvent, déterminent l'ac¬ croissement des tissus par une fixation nouvelle d’une partie des éléments de l’acide carbonique, de l’eau, de l'ammoniaque, et le bourgeon ne tarde pas à sortir de l’enveloppe qui avait servi à le garantir contre le froid; puis on le voit étaler au sein de l’atmosphère ces petites folioles dont l’action propre doit venir modifier la na¬ ture des phénomènes qui se sont produits jusque-là. On comprend, d’après cet exposé, l’influence perni¬ cieuse des gelées tardives du printemps sur la Vigne, alors que les bourgeons ont déjà commencé à s’épanouir, et que les enveloppes destinées à les protéger sont de¬ venues plus sensibles par suite de leur développement et de l’absorption des nouveaux sucs. Ici nous devons signaler en passant un fait bien connu de nos vigne¬ rons, et dont l’explication permet de rendre compte de plusieurs particularités que présente l’action du froid sur les êtres vivants. Lorsqu’à une nuit, ou plutôt à une matinée très-froide et capable d’altérer les bourgeons déjà en mouvement, succède un jour sombre et cou¬ vert, le mal est très- faible et souvent presque nul ; mais si le soleil vient à se montrer quelques heures après le refroidissement, la perte est générale, et tous les bour¬ geons qu’une cause accidentelle n’a pas protégés contre le froid, ou qui ne se trouvent pas placés à l’ombre, ne tardent pas à donner tous les signes d’une complète des¬ truction. Le refroidissement est arrivé d’une manière lente, graduelle ; l’élasticité naturelle, les réactions vitales des 220 HUITIÈME LEÇON. tissus ont pu leur permettre de résister à l'action désor- ganisatrice de cet abaissement de température, s’il n’a pas été trop considérable; et, lorsqu’un ciel couvert leur permet de reprendre peu à peu la chaleur qui leur con¬ vient et de revenir à leur premier état, ils peuvent pas¬ ser sans conséquence fatale ce moment critique. Mais, si après cette grave atteinte ils sont trop promptement frappés par les rayons du soleil, cette brusque transi¬ tion désorganise les tissus déjà fatigués et rend impos¬ sible leur rétablissement. Aussi a-t-on conseillé, pour obvier à ces graves inconvénients qui, dans le Nord, entraînent souvent la perte entière de la récolte de la Vigne, de faire naître à la surface des vignobles des brouillards factices, en allumant des feux dont la fumée, portée par les vents, se répandrait au-dessus des en¬ droits menacés et pourrait agir soit en empêchant le refroidissement, soit eu prévenant ses funestes consé¬ quences suivant l'heure à laquelle l’opération serait pratiquée. Malheureusement, si l’efficacité de ce procé¬ dé est certaine dans le plus grand nombre des cas, on comprend sans peine les difficultés qu?entraine son ap¬ plication. \}oy. note H , page 931.) Les premières feuilles une fois épanouies, l’accrois¬ sement de la plante marche rapidement; la sève devient plus riche en sucs, son mouvement dans l’intérieur du lii surface des organes aériens, et le travail d’élabora¬ tion qui s’opère au contact des parties vertes des feuilles devient le point de départ des réactions qui doivent donner naissance aux matières si diverses que l’on t - l.x i , - v 5S i# * LV' Tl". . . • » ISÎ' S& ir) •S’ V !9, |W R T • . 1 f* « V - é VÉGÉTATION DE LA VIGNE. 221 trouve plus tard dans les différentes parties de la plante . Cette importante fonction, qui consiste dans l'absorption de l’acide carbonique de l’air et sa réduction partielle sous l'influence de la lumière solaire et des parties vertes contenues dans les feuilles, constitue la respira¬ tion des plantes ; la fixation de matières très-riches en charbon en est la conséquence. Là ne se bornent pas les phénomènes qui caractérisent la vie des végétaux; d’autres organes dans lesquels on ne rencontre pas cette matière verte, localisée surtout dans les organes foliacés, agissent d’une manière tout à fait inverse : au lieu de décomposer de l’acide carbonique pour en sé¬ parer de l’ oxygène, ils brûlent au moyen de cet y1; • oxygène une certaine quantité du carbone existant dans les matières déjà formées; dans d'autres cas, se produit une sorte de combustion intérieure, dans laquelle une portion de charbon et «l’oxygèuft se sépare à l’état d’acide carbonique, et il reste une matiere^||^v tout à fait différente. Toutefois le résultat définitif ' cette double action est constamment la prédominance, • du moins pendant la majeure partie de la vie, de lac- tion réductrice, prnsque le poids du végétal augmente' constamment et que la quantité de charbon qu’il ren-.^ÿ4^|: ferme devieut de plus eh plus considérable. -,t; Dans la première période de sa végétation, la Vigne s’accroît rapidement , le bourgeon s’allonge; Pu's» quand il s'est convehablement développé, nous voyons ; . se produire un autreWclre de phénomènes. La grappe.*; qui porte les fleurs se développe à son tour, et nous. ^ ; ; arrivons à l’époque' de la floraison pendant laquelle h* ?. V.î / , f , • V. > v / ./* wl JC ' J, ? * » * < 222 HUITIÈME LEÇON. s'accomplit l’acte si important de la fécondation. Les circonstances météorologiques qui accompagnent cette opération, la manière dont elle se produit, exercent sur la quantité de la récolte future la plus grande in¬ fluence. La Vigne est sujette à cette époque critique à une affection grave que l’on désigne sous le nom de coulure, et qui consiste en ce que la fleur tombe sans laisser après elle un grain propre à mûrir; souvent même les grains de raisin , après s’être développés pen¬ dant quelque temps, s’arrêtent, ne prennent plus de nourriture et sont par conséquent perdus pour la ré¬ colte. Les pluies trop prolongées pendant le temps de la floraison, une température trop basse pendant la nuit, amènent généralement ce résultat. Quelques auteurs le regardent comme la conséquence des intempéries qui ont empêché l’accomplissement régulier des phé¬ nomènes de la fécondation ; mais il paraît que, si les circonstances météorologiques en sont la cause pre- . mière, elles agissent le plus souvent en provoquant un état maladif de la plante qui détermine, par suite d’une mauvaise nutrition, l’avortement du nouveau fruit. (Voy. note H , page 237 .) Aussi nos vignerons ont-ils pour habitude de couper l’extrémité des bourgeons avant la floraison. Par cette opération simple on em¬ pêche la sève de se porter en trop grande abondance vers les extrémités, et on provoque un appel plus com¬ plet des sucs nourriciers vers la partie où la fleur doit prendre naissance et se développer. Les raisins qui ont échappé à cette cause de dépéris- du malate de VÉGÉTATION DE LA VIGNE. 223 sement augmentent rapidement de volume ; puis, lors¬ qu’ils ont atteint à peu près leur développement normal, ü se produit dans chaque grume une série de phénomènes dont l’ensemble constitue la maturation du fruit. C’est seulement lorsque cette dernière période de 1a végétation est accomplie que le raisin doit être récolté, et alors commencent les opérations qui ont pour but la fabrication du vin. Examinons maintenant, pour compléter cette pre¬ mière et rapide indication, les modifications qui se produisent au sein de la plante et du fruit à ces diffé¬ rentes époqttgÿ^ La sève de la Vigne, lorsque commence la végéta- ^ tion , est formée par de l’eau tenant en dissolution une . très -faible proportion de matières salines. L’analyse des larmes a donné les résultats suivants : “ ' ' ' ' " '.'V;:' WmM ssE Eau . . Résidu sec. * . Dans ce résidu on a trouvé du chlorure de calcium, potasse, du tiitartrate de potasse • : f'îyr-# k' ' tasse, de l’albumine, des sels ar A mesure que les phénomène: !.. *• ’l » 7 ‘il LumuiiiuvuwA . js de la végétation s’ac- complissent , la nature de ce liquide se modifie , et, outre l’accroissement cc constate dans la sève eÜe-mème une proportion de plus ^ en plus grande ’de matières dissoutes, et en même - temps on voit augmenter d’une manière très-notable HUITIEME LEÇON. 0-24 un principe dont nous avons déjà signalé le rôle im¬ portant : c’est le bitartrate de potasse. La présence de ce sel dans la sève et dans le liquide que l'on peut extraire des raisins verts ou arrivés à leur maturité est accusée par la formation de la fleur lorsque ces liquides sont abandonnés à l’air. Dans cette altération, à laquelle prennent part les matières azotées qui se trouvent dans la liqueur, l’acide tartrique disparaît ; il est remplacé par de l’acide car¬ bonique; l'oxygène de l’air intervient pour produire cette combustion, et on trouve dans le liquide du carbo¬ nate de potasse. Lorsque le fruit se montre, on le désigne sous le nom de verjus jusqu’à l’époque de la maturation. Pendant cette période le jus qu'il donne diffère très-peu de la sève ; on y trouve seulement une proportion plus forte de sels et d’acides végétaux . Mais lorsque la ma¬ turation commence, des changements plus importants se manifestent au sein du fruit, une nouvelle substance apparait : c’est le sucre. En même temps, les caractères physiques, l’aspect, la consistance, la couleur de la grume se modifient, et, lorsque ces modifications sont accomplies, le raisin est arrivé à un état complet de maturité. Pour les botanistes, le fruit de la Vigne est une grappe formée par la réunion d’un grand nombre de baies fixées à un pédoncule commun qu’on désigne sous le nom de raffe. Ces baies sont globuleuses, à une seule loge, composées d’une pellicule mince et d’une pulpe gélatineuse plus ou moins sacrée au milieu de VÉGÉTATION DE LA VIGNE. 225 laquelle ou trouve les graines qu'on appelle vulgaire¬ ment pépins. Si nous cherchons à déterminer la composition géné¬ rale du raisin mûr, nous y trouverons : 1° De l’eau et des matières minérales (sulfates, chlo¬ rures, phosphates) ; 2° Des acides végétaux libres et combinés avec les bases; celui qui domine est l’acide tartrique, on a constaté également la présence de l'acide malique ; De l’acide tannique ou tannin ; De l’acide pectique et de la pectose ; De la cellulose ; Du sucre ; Une matière mueilagineuse ; Une huile grasse ; Une huile essentielle ; Une matière colorante; 3° Des matières azotées. Ces différentes substances ne sont pas distribuées uniformément dans l’intérieur de la grume. Ainsi, les huiles essentielles existent sur la pellicule; la matière colorante, dans les cellules qui doublent immédiate¬ ment cette pellicule à l’intérieur; le tannin réside en¬ core dans la pellicule et aussi dans le pépin. Ce der¬ nier contient également une huile grasse. C’est dans la partie liquide située au centre rie la grume que se trouvent le sucre et les sels. ( Voy . note /, paye 24 i .) Quant aux proportions de ces substances, elles sont très-variables dans les raisins des différents pays. Sou¬ vent même quelques-unes manquent d’une manière 13“ 226 HUITIEME LEÇON. complète; par exemple, la matière colorante dans les raisins blancs. Nous reviendrons sur ces variations en examinant leur influence sur les qualités et la nature du vin. Nous avons déjà reconnu que les parties vertes des végétaux soumises à l'action de la lumière absorbent de l’acide carbonique et exilaient de l’oxygène, tandis que ces mêmes organes, soustraits à cette influence, absorbent de l’oxygène et exhalent de l’acide carbo¬ nique ; nous savons aussi que les parties du végétal qui ne sont pas vertes présentent ce dernier mode d’action dans toutes les circonstances. Or, toutes les matières végétales qui existent dans un fruit avant sa maturation peuvent, comme nous l’avons vu, se représenter par de l’acide carbonique, plus de l’eau, moins de l’oxygène. Nous pouvons donc nous rendre facilement compte de leur formation, qu’elles proviennent directement d’une réduction par¬ tielle de l’eau et de l’acide carbonique, ou bien de la transformation d’une matière déjà formée. Les principaux phénomènes qui caractérisent la ma¬ turation du raisin sont une diminution dans les pro¬ portions d’eau, de tissu végétal, de matières mucilagi- neuses, puis l’apparition et l’accroissement rapide du sucre. En même temps, la consistance et l’aspect de la grume se modifient profondément ; dans certains cas, une matière colorante d’intensité variable se dépose dans les cellules situées au-dessous de l’épiderme, et proba¬ blement, comme dans toutes les autres espèces de fruits, la quantité de matière azotée s’accroît notablement. VÉGÉTATION DE LA VIGNE. 227 Ou a dit qu’à partir de la maturation le fruit ne re¬ cevait plus rien du végétal, et on en adonné pour preuve la possibilité de faire mûrir les fruits après les avoir séparés de l’arbre. Ce fait prouverait seulement que les éléments existant dans un fruit non arrivé à la maturité peuvent éprouver, sans que la plante y parti¬ cipe , les transformations qui caractérisent sa matura¬ tion ; on sait du reste qu’on l’avance par cette sépara¬ tion. Mais, quand le fruit reste tixé à l’arbre, la sève qui peut y arriver doit contribuer à augmenter la pro- portion des principes que le finit renfermera en défini¬ tive, soit qu’elle y apporte ces principes tout formés, soit qu’elle fournisse seulement ceux qui doivent leur donner naissance par leur transformation. L’influence de la plante pourra de même se faire sentir par l’élimination de certains principes devenus inutiles , et dont la présence pourrait entraver l’entier accomplissement des modifications possibles. Quelques auteurs ont également nié la nécessité de l’intervention de l’oxygène extérieur dans la matura¬ tion ; ils ont constaté que des fruits placés au sein d’u¬ ne atmosphère ne contenant pas d’oxygène , n’en con¬ tinuaient pas moins à se modifier et dégageaient dans ces conditions de l’acide carbonique. Mais il n’en est pas moins vrai que cette absorption d’oxygène a lieu toutes les fois que les phénomènes se passent dans l’air, et que son intervention doit avoir une grande in¬ fluence sur la composition du fruit. Dans ce mouvement incessant qui s’opère au sein d’un organisme vivant , dans les végétaux par exem- 228 HUITIÈME LEÇON. # pie, l'absorption est continuelle; il en est de même de l’élimination, seulement le premier phénomène l’emporte sur l’autre. Or, nous savons comment le charbon et l’hydrogène peuvent se séparer; nous devons nous demander par quelle voie l’azote des ma¬ tières végétales pourrait être éliminé. Chez les animaux, , on le trouve dans l’urine à l’état d'urée , composé qui est du carbonate d’ammoniaque moins de l’eau. Cette urée reprenant à l’air l’eau qui lui est nécessaire pour former le carbonate d’ammoniaque, donne en défini¬ tive , comme résidu de la décomposition des matières azotées de l’organisme , un produit volatil que les plantes utilisent. Si ces plantes sécrètent également des produits azotés, c’est par la sève qu’ils doivent être séparés , mais il est probable que ces matériaux éliminés sont immédiatement repris au sein même de la plante et deviennent le point de départ de nouvel¬ les transformations. On comprend toutefois la possibili¬ té d’une élimination d’azote à l’état de gaz sous l’influ¬ ence d’une combustion complète, comme on a pu le constater quelquefois chez les animaux. Ainsi, les matières azotées s’accumulent dans les plan¬ tes d’une manière incessante ; pendant la maturation elles augmentent rapidement dans le fruit et dans la graine, de mémo qu'on les voit se porter vers l’extré¬ mité des jeunes pousses pendant la végétation. On peut dire que toutes les cellules se forment et se développent au sein d’un liquide albumineux qui sem¬ ble présider à leur organisation, et il est très-probable que les transformations qu’éprouvent au sein de l’orga- VÉGÉTATION DE LA VIGNE. VÉGÉTATION DE LA VIGNE. 229 nisme végétal les substances non azotées , sont liées d'une manière très-intime aux modifications possibles des matières azotées qui les accompagnent. Nous savons d’un autre côté combien sont importantes les fonctions que les matières azotées ont à remplir chez les ani¬ maux ; on comprend dès lors qu’elles ne cessent pas de se produire pendant toute la vie des plantes, car celles- ci doivent les fournir aux animaux. Nous pouvons maintenant nous rendre compte de toutes les modifications et de toutes les transforma¬ tions chimiques observées au sein des êtres vivants , et en particulier des végétaux, pendant l’accomplissement des fonctions vitales. L’eau, l’acide carbonique, l’am¬ moniaque , voilà les composés qui servent à fournir ^ plantes leur charbon, leur hydrogène, leur oxy- yr gène, leur azote. Le soleil, par son action vivifiante,,^ détermine la réduction partielle de ces composes au sein des organes foliacés. Les matières ainsi accumulées ; • jouissent de la propriété de pouvoir se combiner d nouveau à l’oxygène quelles ont perdu, et reproduire de l’acide carbonique, de lcau et de l’ammoniaque, en restituant la chaleur qu’elles avaient absorbée. Ce • ?* dernier phénomène, qui caractérise l’exercice de la vie chez les animaux,, s'observe également chez les plan- . . . / tes, et notamment dans les fonctions si importantes de ; la germination, de la fécondation et de la maturation du fruit. Le premier ordre de faits se passe au con¬ tact des parties vert ef et sous l'influence de la lumière solaire ; le second semble être plus spécialement sous la dépendance de la matière azotée , comme nous le A* ; < • y* < \ S. V / 3 *»■. iv »-.* •- >• f, . • . i- • I . » - 'f- ■** J 4 ^ 230 HUITIÈME LEÇON . prouve l'action de la diastase, de la pectase et de plu¬ sieurs autres substances de même nature. L’atmosphère fournit aux plantes la majeure partie des éléments qui servent à former les matières végéta¬ les; de plus, c’est au sein de ce mélange gazeux que s’accomplit d’une manière incessante, sous l’influence des rayons solaires , ce travail d’élaboration qui leur donne naissance. Le sol, de son côté, sert de support à la plante ; il contribue à sa nutrition, en présentant aux racines de l’eau tenant en dissolution des matières mi¬ nérales et des matières organiques toutes formées , pro¬ venant des engrais ou des débris des végétations anté¬ rieures. Ainsi se trouvent réunis et coordonnés dans une harmonie parfaite les faits qui nous avaient servi de point de départ pour l’étude des phénomènes que nous présente la végétation de la Vigne. Il nous reste maintenant à résumer les conséquences que nous de¬ vons tirer de l’ensemble de ces phénomènes relative¬ ment au but de cette culture , c’est-à-dire à la produc¬ tion du vin. 1 NOTES DE LA HUITIÈME LEÇON GELÉES. Quoique la Vigne soit moins sensible au froid que beau¬ coup d’autres végétaux, cependant un hiver très-rigoureux, des froids très-intenses et longtemps prolongés peuvent faire éclater le bois des vieux ceps et amener quelquefois leur entière destruction; mais ces accidents sont heureusement assez rare|.VT ^ ' ■ ^ M É ’ ^ • On n’en peut dire autant des gelées qui surviennent au commencement du printemps et qui anéantissent souvent en quelques instants tout espoir de récolte. Tantôt une forte gelée peut atteindre le bourgeon encore enfermé dans ses enveloppes; on désigne cet accident sous le nom d'écham- prlure ou de bourre cuite. D’autres fois le bourgeon est déjà en mouvement; gonflé de sucs et en partie développé, il est devenu plus sensible, et une gelée à laquelle il aurait résisté quelques semaines auparavant peut le détruire com¬ plètement. . . Nous avons signalé l’action funeste des premiers rayons du soleil dans le cas où la Vigne avait été atteinte par la Accidents qui peuvent survenir pendant la végétation de la Vigne. 232 NOTES DE LA HUITIEME LEÇON. gelée. Il nous reste à indiquer avec quelques détails les principaux moyens qui ont été proposés pour soustraire la Vigne aux funestes conséquences des gelées printanières. Les vignerons ont remarqué depuis longtemps que cer¬ taines circonstances locales exerçaient sur les effets de la gelée une grande influence, et on peut citer dans presque tous les vignobles des points qui sont ordinairement plus gravement compromis que tous les autres. Le voisinage des futaies, des marais, de terres incultes, une trop grande hu¬ midité du sol, ont été souvent signalés comme favorisant les funestes effets des gelées printanières. Dans ces cas par¬ ticuliers, il faut d’abord faire disparaître, ou tout au moins atténuer autant que possible ces causes permanentes qui viennent accroître souvent dans de grandes proportions un fléau si redoutable. Dans les terres où l’on voudra cultiver la Vigne et que l’expérience aura fait reconnaître comme étant plus expo¬ sées à l’action de la gelée, on pourra diminuer cette in¬ fluence par un choix convenable du cépage. Les différentes variétés de Vigne ne sont pas toutes également sensibles à l’action du froid ; celles qui sont moins précoces et ne com¬ mencent à se développer que tardivement doivent être moins exposées que les variétés plus hâtives : ainsi, la Folle- Blanche, qui donne les meilleures eaux-de-vie de la Cha¬ rente, est un cépage très- sensible aux gelées d’avril; le Colombar, cultivé dans la même localité, est plus tardif et résiste mieux à la gelée. Le plant de Porto, cépage très- estimé des environs de Marseille, donne des signes de végé¬ tation dès les premiers jours de chaleur; aussi est-il très- facilement atteint par les gelées printanières. 11 en est de même du Brun-Fourca et du Tibouren. Au contraire, le Beausset ou Gros-Mourvède du Var est préservé de tout ac¬ cident par l’époque tardive de l’ouverture de ses bourgeons. INFLUENCE DES GELÉES SUR LA VIGNE. 233 Nous pourrions citer dans tous les vignobles des variétés de Vigne présentant ainsi des différences très-marquées au point de vue de l'influence des gelées du printemps; il en résulte qu’il sera toujours possible d’atténuer les effets dé¬ sastreux de certaines dispositions locales par une distribu¬ tion convenable des cépages précoces et tardifs. On a conseillé de retarder l’époque du labour dans les endroits très-sujets à la gelée, car les Vignes sont plus sen¬ sibles lorsqu’elles viennent d’être travaillées. Le drainage peut également devenir un préservatif très-efficace dans les terres à sous-sol compacte et qui conservent par suite de cette cii constance une trop grande humidité. Mais, si certains points sont plus exposés, toutes les Vi¬ gnes peuvent être atteintes, et les moyens préventifs que nous venons d’indiquer deviennent insuffisants. Aussi a-t- on cherché depuis longtemps quels seraient les moyens propres à préserver les Vignes de ces gelées désastreuses qui souvent détruisent dans un instant la majeure partie des bourgeons. L’observation des faits conduit à un procédé très- efficace et dont il est facile de comprendre l’action d’après ce que nous avons dit. La gelée ne survient qu’avec un ciel découvert, et le plus souvent ses effets ne présentent aucune gravité si, au lever du soleil, un nuage intercepte ses rayons et met à l’ombre les parties atteintes. On a donc pensé qu’il serait utile de produire à la surface des Vignes des brouillards factices destinés soit à empêcher le rayonne¬ ment et par suite le refroidissement, soit à intercepter les layons du soleil pour éviter une réaction trop rapide. Pour obtenir ce résultat , oii dispose autour de la Vigne, dans des endroits choisis d’apres la direction du vent ré¬ gnant, des herbes, des roseaux, de la paille mouillée, et lorsqu’on a besoin de se garantir contre une gelée immi¬ nente , on met le feu à ces matières ; la fumée s’étend en • f 234 NOTES DE LA HUITIÈME LEÇON. forme de brouillard à la surface du vignoble et produit le même effet que les nuages lorsque le ciel est couvert. L’efficacité de ce procédé est incontestable, et plusieurs fois on l’a constatée par des expériences authentiques; mais on lui objecte les difficultés que présente son application dans les vignobles de quelque étendue. Ces difficultés ne paraîtront cependant pas insurmontables si on réfléchit aux circonstances dans lesquelles s'accomplissent les phénomè¬ nes que nous examinons. Les gelées des mois d’avril et de mai ne surviennent presque jamais d’une manière brusque; le plus souvent un refroidissement graduel, une succession de quelques nuits froides, sereines, annonce la possibilité du désastre. Il est donc très-facile de prendre d’avance toutes les précautions et de faire les préparatifs nécessaires; les matériaux à employer sont peu coûteux et il ne restera plus qu’à veiller dans la seconde partie de la nuit pour reconnaî¬ tre si l’expérience doit être complétée et si les feux doivent # être allumés. On pourrait ainsi, par un travail et une sur¬ veillance de quelques jours, préserver une contrée tout entière d’une perle qui , après quelques instants , devient tout à fait irréparable. Nous signalerons encore d’autres procédés qui consistent dans l’emploi d’abris de forme variable destinés à protéger chaque cep en particulier et à jouer vis-à-vis de lui le rôle de ce vaste écran que forment les nuages et la fumée , et qui garantit la Vigne tout entière. Quelles que soient la forme de ces abris et la nature de la substance qui les constituent, leur mode d’action est le même et il est facile de comprendre que leur efficacité doit être également cer¬ taine. Ici, comme dans le cas précédent, la seule difficulté provient du temps nécessaire à leur établissement. Mais les mêmes raisons permettent de les surmonter, puisqu’on aura toujours un temps suffisant pour accomplir cette opération. INFLUENCE DES GELÉES SUR LA VIGNE. 235 Dans le courant de 185b, M. le docteur Guyot a essayé, dans les vignobles de Sillerv en Champagne, un système d’abri dont il a constaté l’efficacité. 11 emploie des paillas¬ sons de 45 mètres de longueur et présentant une largeur de 0m40. Ces paillassons, placés obliquement, reposent sur des piquets et recouvrent les ceps, qui présentent sous cet abri une végétation normale et très-belle. (Voy., pour leur construction et leur disposition , le Journal d'agriculture pratique , 20 janvier 1857, tome VII, p. 75.) Les différents procédés que nous venons de passer en re¬ vue pourraient, dans un grand nombre de cas, préserver les Vignes des gelées printanières s'ils étaient mis en applica¬ tion. Malheureusement ils n’ont guère été essayés jusqu’ici que d’une manière tout à fait restreinte. Les expériences tentées à Sillery nous promettent sur ce point des résultats plus complets que ceux qui avaient été obtenus avant M. Guyot. Nous allons voir bientôt que, si les gelées prin¬ tanières peuvent détruire complètement la récolte, elles ont aussi très-souvent une funeste influence sur le reste de la végétation, lors même que leurs effets ont paru d’abord tout à fait nuis. L’emploi des paillassons garantissant la Vigne d’une manière permanente, non-seulement lui épar¬ gne les gelées désastreuses, mais encore lui permet de suivre très-régulièrement les différentes phases de la végétation et la préserve des conséquences que peuvent avoir pour l’a¬ venir les légères atteintes dont on ne se préoccupe pas assez. Nous ajouterons une indication que nous croyons impor¬ tante : souvent, lorsque les bourgeons ont été détruits par les gelées, de nouveaux bourgeons sortent et remplacent les premiers. On favorisera singulièrement cette sortie en taillant de nouveau après la gelée jusqu’au vieux bois, et les nouvelles pousses répareront une partie du dommage. Ainsi, le travail du vigneron, dans tous les cas, sera large- 236 NOTES DE LA HUITIÈME LEÇON. ment récompensé, et on ne saurait trop lui recommander soit d’employer les moyens peu coûteux conseillés pour prévenir les accidents, soit de chercher à en atténuer les conséquences quand le mal n’a pu être évité. Si les gelées du printemps ont une influence si funeste sur la végétation de la Vigne, celles qui surviennent avant la complète maturation dans les contrées où elle ne s'ac¬ complit que vers le milieu de l’automne, peuvent compro¬ mettre tout aussi gravement la récolte. Elles empêchent le fruit de mûrir, et obligent à avancer le moment de la ven - dange. On comprend facilement l’importance d’un système de culture qui permet h ait de s’en prémunir et de régulari¬ ser à celte époque la marche de la végétation. 11 serait intéressant de recueillir des renseignements pré¬ cis sur les dommages causés dans les vignobles par les ge¬ lées du printemps. Ce travail ne présente aucune difficulté, car l’administration des contributions directes fait chaque année cette évaluation d’une manière générale pour toutes les récoltes, et les minutes de ces procès-verbaux sont con¬ servées dans les archives de chaque département. On peut ainsi retrouver l’indication de toutes les gelées dont l’action a été assez désastreuse pour motiver des remises d’impôts. M. Ritter a fait ce relevé pour le département de la Côte- d’Or depuis 1791 ; nous avons réuni dans le tableau suivant les indications de ces gelées avec l’évaluation officielle des dommages. Dans un intervalle de 64 ans on trouve 34 ge¬ lées, qui sont ainsi distribuées : Avril. . 13 gelées réparties sur 10 années. Mai. . . 18 id. 17 id. Juin . . 2 id. 2 id. Juillet. 1 id. 1 id. COULURE PE LA VIGNE. 237 CB 1791 1802 1803 1 804 1811 1815 1810 1817 1819 1820 1821 1823 1825 1826 1832 1830 18 î 3 1 845 1 850 1851 1852 1853 1851 1855 » 11 11 RTiWlTIOS des dommages 1 27 3 27 2 12 3 * » 2 )) 2 » 2 » 6 » » fr. » 8,300 » 18,500 23,700 5.400 776,000 120,000 32.900 175,700 225,000 10,000 555,000 11.900 111,000 15,000 322,300 63,000 27,200 6,200 6,200 55.400 113,800 » Total . 3,012,500 il résulte fie ce tableau que de 1791 à 1855 on a eu envi 3n une année défavorable^. sur trois. * i Va *** . * V Km • ** /• ,• * X-VJ . • * > ■ -..-v , -• i? * ?* j,- . ^ -s* "■ • v • - . mmrnnr U ~ fe**;*- ■ ^mene 238 NOTES DE LA HUITIÈME LEÇON. * est souvent dû à une suite d’accidents qui sont antérieurs à l’époque de la fécondation. En effet, il n’est pas rare de voir le fruit se développer pendant un certain temps, puis se détacher spontanément. Certainement, il est possible que la fécondation n’ait pas lieu; mais ce fait doit être très-rare, à cause des précautions sans nombre prises par la nature pour assurer l’accomplis¬ sement de cet important phénomène. Seulement, il est con¬ stant que cette opération fatigue les plantes. On sait, en effet, combien on diminue leur durée en provoquant une fructi¬ fication trop précoce, et combien, au contraire, on l’aug¬ mente en retardant l’époque de la première fécondation. Il faut donc, pour que le fruit puisse se développer, que la plante se trouve au moment de cette crise dans un état con¬ venable pour pouvoir en supporter toutes les conséquences. Aussi a-t-on constaté que les cépages les plus sujets à la gelée, et par suite les plus délicats, deviennent les moins sensibles à l’époque de la coulure s’ils ont passé sans acci¬ dent l’époquudes gelées. C'est que jusque-là ils ont accom¬ pli sans secousse et d’une manière normale les différentes phases de la végétation, et la plante n’étant pas fatiguée tra¬ verse sans efforts cette crise nouvelle. Si, au contraire, la Vigne a été saisie même légèrement par les gelées du prin¬ temps, si des alternatives de température trop brusques ou des pluies longtemps continuées ont altéré ses tissus et em¬ pêché une élaboration convenable des sucs nourriciers , on comprend qu’elle doive être beaucoup plus sensible à l’action des intempéries quand viendra le moment de la floraison et celui de la fécondation. Cette disposition fâcheuse, détermi¬ née par l’état organique de la plante, sera encore augmentée si ces importantes opérations ne sont pas favorisées par une température et un ciel convenables. On voit donc que la coulure, c’est-à-dire l’avortement du COULURE DE LA VIGNE. 239 fruit, est un accident <|ui sera provoqué non-seulement par les mauvaises conditions dans lesquelles se sera produite la fécondation , mais encore par un état de souffrance dû à des phénomènes antérieurs. On comprend dès lors combien doivent être variées les circonstances qui accompagnent cet avortement; ainsi, nous pouvons constater que tantôt on Pa attribué à une nutrition incomplète du fruit, la sève ne suffisant pas pour l'entretien de tous les organes en voie de développement, tantôt, au contraire, à une végétation trop vigoureuse, à une sève trop abondante qui, appelée avec force vers le nouveau fruit, amenait bientôt sa destruction. L’incision annulaire, autrefois si vantée, avait pour but de remédier à cette affluence trop rapide de la sève, mais l’affaiblissement du cep qui en était la conséquence y a fait renoncer, malgré les effets bien constatés pour empêcher la coulure et hâter la maturation. C’était dans un but analogue qu’on avait conseillé la taille des racines comme remède contre la coulure. La pratique suivie généralement par nos vignerons repose sur un principe un peu différent. Elle consiste à couper quelques jours avant la floraison l’extrémité des bourgeons, et on espère par cette opération empêcher la sève de se por¬ ter trop activement vers cette extrémité et l’obliger à se diriger vers la fleur en quantité suffisante. On voit par l’époque différente de ces deux operations, dont l’une se fait avant la floraison, l’autre après, que les causes de la coulure peuvent être très-variées, et qu’on aurait tort de voir dans ce phénomène la simple consé¬ quence d’une fécondation incomplète. Ces considérations nous conduisent à revenir sur le sys¬ tème de M. Guyot, dont nous avons dit quelques mots en parlant des gelées printanières. Ce système consiste à abri- 240 NOTES DE LA HUITIÈME LEÇON. ter les Vignes sous des paillassons disposés obliquement au- dessus des ceps. Sous cet abri , la végétation s’accomplit très-régulièrement; on peut donc les laisser sans crainte pendant tout le temps où leur influence est utile. Ils pourront par conséquent servir d’une manière perma¬ nente, et, après avoir garanti la Vigne contre les variations de température et les gelées, ils la préserveront de la cou¬ lure. On comprend, du reste, qu’il soit possible de faire va¬ rier la disposition de ces abris depuis la position verticale, et on obéira à cet égard aux exigences de la température. Puis, à l’époque de la récolte, lorsque les gelées d’au- A lomne sont à craindre, on pourra s’en garantir par le même moyen et avancer notablement, par l'influence de ces abris, la maturation du fruit. La présence de ces paillassons aura encore pour avantage de garantir la Vigne contre la grêle, fléau tout aussi redou¬ table que les précédents et qui ne peut guère être conjuré dans l’étal actuel de nos connaissances que par l’existence d’un abri permanent. Les vicissitudes auxquelles est exposée dans nos climats la culture de la Vigne, la fréquence des accidents qui peuvent annuler son produit, nous faisaient un devoir de signaler avec détails les moyens préservatifs proposés jusqu’ici. On peut juger d’après les indications qui précèdent que cette culture exige, dans la première période delà végétation sur¬ tout, des soins incessants, et qu’il est k désirer qu’on fasse dans les diverses localités des études sérieuses et compara¬ tives sur les différents moyens qui ont été préconisés, afin qu’on puisse en constater l’efficacité. Les pertes considé¬ rables auxquelles nos vignerons sont exposés si souvent par suite des intempéries pourraient être diminuées dans une très-forte proportion, et les frais occasionnés par cette amé¬ lioration de la culture seraient largement compensés par COMPOSITION OU RAISIN. de la récolte. Dans le domaine de Sillcry, où s’exécutent les essais de M. Guyot, un moyen préserva¬ teur des gelées du printemps, de la coulure et des gelées d’automne augmenterait au moins de 1,500 fr. le produit annuel par hectare. On voit donc qu’il y aurait, dans ce cas, avantage à appliquer un procédé dont les dépenses seraient au-dessous de ce dernier chiffre, et l’emploi des paillassons n’occasionnerait pas des frais aussi considérables. Nous de¬ vons ajouter qu'à Sillery la Vigne est plantée en lignes et re¬ tenue au moyen de petits pieux entre lesquels sont tendus des tils de fer. Cette disposition est indispensable pour l’ap¬ plication du système de M. Guyot. On trouvera, du reste, dans l’article publié par M. Bar¬ rai dans le Journal d’agriculture pratique , tous les détails nécessaires pour la complète intelligence de ce procédé. Analyse et composition du raisin. Nous avons fait connaître les principaux résultats obtenus sur la nature et les proportions des matières minérales existant dans les différentes parties du raisin. ( Voy . note A , paye 32 et suiv.) tes expériences de M. Berthier ont montré * | t que le jus de raisin clarifié ne contenait qu’une faible pro¬ portion de matières inorganiques, consistant surtout en y i \ > ‘ * • • * * • « »\ - , * # potasse et chaux combinées à l’acide tartrique. Les cendres que donne le raisin proviennent en grande partie de la raffe, de la pellicule, de la matière qui constitue les vais- • " — r • 0 A- * . — * ''*» • 1 % ^ ^ - * • seaux et les cellules, et des pépins. Comme toutes ces sub- t ' * ; ' .t 3 * stances réunies servent a former ce qu’on appelle le marc, 242 NOTES DE LA HUITIÈME LEÇON. on comprend T importance de cette observation pour la fabrication du vin. Nous avons vu que la conséquence à déduire de ces faits, relativement à la culture de la Vigne, c’est que le vin ne contient qu’une très-faible partie des ma- matières minérales exigées par la culture de la plante qui le fournit, et qu’en rendant au sol les autres produits, on lui restitue la majeure partie des éléments minéraux qui lui ont été enlevés. Quant aux matières organiques contenues dans le raisin, nous avons quelques indications à ajouter pour compléter les données qui se trouvent dans les leçons précédentes. Outre l’acide tartrique, dont l’existence dans les raisins n’a jamais été contestée , on a signalé dans certains cas la présence de l’acide citrique et de l’acide malique. Nous croyons avec M. Mulder que ces trois acides ne doivent se rencontrer ensemble que d’une manière tout à fait excep¬ tionnelle. On peut même mettre en doute l’existence de l’a¬ cide citrique dans le raisin. 11 paraît au contraire positif qu’on y a souvent rencontré de l’acide malique , dont la présence a du' reste été constatée également dans le vin, tandis que dans ce liquide on n’a jamais trouvé d’acide citrique. L'acide malique existerait en proportion assez considérable dans le verjus ou le raisin avant la maturité. L’acide tartrique, au contraire, domine toujours très-fortement dans les raisins mûrs. Nous avons parlé d’une variété isomérique de l’acide tar¬ trique qui se rencontre aussi naturellement dans le raisin : c’est l’acide paratartrique. Cet acide, appelé aussi acide ra- cémique, a été découvert h Thann, en 1820, par M. Kestner. Ce savant industriel l’avait obtenu dans le traitement des tartres bruts destinés à la fabrication de l’acide tartrique Plus tard, cet acide ne se montra plus, et ce n’est qu’en COMPOSITION DU RAISIN. 213 1853, à la suite des travaux remarquables de M. Pasteur sur l’acide tartrique, que des observations multipliées per¬ mirent de se rendre compte de la disparition de l’acide ra- cémique à Thann après 1820, et de son apparition dans plusieurs fabriques d’acide tartrique depuis cette époque. L’acide paratartrique existe tout formé dans les tartres bruts d’Autriche, de Naples, de Hongrie, et par suite dans les raisins qui les ont fournis. 11 paraît qu’il ne s’en trouve pas dans les tartres provenant d’autres localités, d’Alsace et de Bourgogne, par exemple. Une fabrique d’acide tartrique qui s’alimentera avec les premiers devra donc voir se pro¬ duire de l’acide racémique, tandis qu’il ne s’en formera pas si les tartres bruts viennent de raisins qui ne- contiennent pas d’acide racémique. Or, il est arrivé précisément que M. Kestner, qui, en 1820, employait des tartres d’Italie, les retire maintenant de l’Alsace et de la Bourgogne; et cette circonstance explique les faits que présente l’histoire de l’acide racémique. En France, on a trouvé des quantités très-notables de cet acide dans les tartres de la Saintonge. L’acide paratartrique n'existe, du reste, le plus souvent . qu’en proportion très-faible par rapport à celle de l’acide tartrique ordinaire, et il n’apparaît que lorsqu'il a été accu¬ mulé dans les eaux-mères par les opérations successives qui concentrent sur un petit volume l’acide existant dans une grande quantité de tartre brut. La proportion de sucre existant dans le jus du raisin est très-variable. L’espèce de cépage, les phénomènes qui chaque année ont accompagné la végétation, sont les prin¬ cipales causes de ces différences. M. Mulder estime à 40 p. 100 le maximum du poids des matières solides que peut donner l’évaporation du jus de certains raisins, et ce poids est en grande partie formé par le sucre; mais dans le plus grand 24 4 NOTES PE LA HUITIÈME LEÇON. nombre des cas, le résidu obtenu est bien moins considé¬ rable. Le poids de ce résidu, en Hollande, descend jusqu’à 10 p. 100. On peut dire qu’en moyenne la proportion de sucre dans le jus des raisins mûrs varie de 15 à 25 p. 100; elle peut aller jusqu’à 30 pour les moûts très -riches en sucre du midi de la France, de l'Italie et de l’Espagne, et on la voit souvent descendre à 13 ou 14 p. 100 dans les moûts que l’on obtient dans le nord de l’Allemagne et de la France. 11 existe plusieurs procédés pour évaluer avec exactitude la proportion de sucre existant dans le jus du raisin. Nous les indiquerons rapidement, en nous réservant de revenir plus tard, lorsque nous traiterons de la fabrication du vin, sur les moyens conseillés pour faire approximativement cette détermination. Le sucre de cannes et le sucre de fruits ne présentent pas les mêmes réactions avec les sels de cuivre lorsque ceux-ci sont dissous dans un liquide alcalin. Le sucre de cannes ne réduit pas l’oxyde de cuivre dans cette circonstance. Le sucre de fruits, au contraire, opère rapidement cette réduc¬ tion; et lorsque le sucre de cannes a été transformé en sucre incristallisable par l’acide sulfurique étendu , il jouit de la même propriété. Le cuivre se précipite à l’état de sous-oxyde, et la quantité d’oxyde de cuivre réduite est pro¬ portionnelle à la quantité de sucre employée. On comprend dès lors qu’il soit possible d’appliquer cette propriété à l’analyse du glucose ou d’un mélange de sucre de cannes et de glucose. Pour que l’opération donne des résultats exacts, il faut prendre quelques précautions dans la préparation du sel de cuivre. Voici les proportions indiquées par M. Fehling comme étant les plus avantageuses; on dissout 40 grammes de sulfate de cuivre pur et cristallisé dans 160 grammes COMPOSITION DU RAISIN. 245 d’eau ; d’un autre côté, on dissout dans un peu d’eau 160 grammes de tartrate neutre de potasse et on y ajoute 600 à 700 grammes d’une lessive de soude caustique, d’une densitç égale à 1.12 ; on verse peu à peu la solution de sul¬ fate de cuivre dans la liqueur alcaline, et, lorsque le mé¬ lange est opéré, on y ajoute assez d’eau pour que le volume total de la liqueur s’élève à 1154.4 centimètres cubes, à la # température de 15°. Le liquide ainsi obtenu présente une belle couleur bleue. Cette liqueur étant préparée , il s’agit d’en fixer le titre , c’est-à-dire de déterminer combien il faut de sucre pour réduire ou décolorer complètement un certain volume de la liqueur. Si on a employé exactement les proportions que nous venons d’indiquer, on trouve que 10ce de cette liqueur exigeront pour se décolorer 0 gr. 05 de glucose sec et pur. Maintenant, pour procéder à l’analyse du jus du raisin, on en prendra un poids déterminé, on le fera bouillir, puis on filtrera la liqueur refroidie , et on y ajoutera une quantité d’eau déterminée. On versera d’autre part dans un petit ballon dix centimètres cubes de la solution du sel de cuivre et on les étendra de 40ec d’eau. On portera ce liquide à l’ébullition , et au moyen d’une burette graduée, on y fera tomber goutte à goutte le liquide sucré que l’on veut analyser. Le précipité, d’abord jaune, puis rouge, se for¬ mera immédiatement et gagnera le fond du vase; en même temps, la coloration bleue diminuera d’intensité, et, quand la réduction du sel de cuivre sera complète, le liquide sera entièrement décoloré. On voit donc que le point important consiste à saisir exactement le moment où s’achève cette réduction ; pour y arriver, on suivra avec attention la marche de la décolora¬ tion, et en meme temps on observera la cessation du pré¬ cipité qui accompagne la réduction. 14* 246 NOTES DE LA HUITIÈME LEÇON. Cette opération terminée, on lira sur la burette la quan¬ tité de liquide employée pour cette réduction, et on saura que cette proportion de liquide contenait 0 gr. 05 de glu¬ cose ; il sera facile d’en déduire la quantité de celte sub¬ stance existant dans le moût soumis à l’expérience. • Si on avait à rechercher la quantité de sucre existant dans une liqueur contenant à la fois du glucose et du sucre cristallisable, on ferait d’abord un premier essai sur une quantité déterminée de ce liquide. Ensuite, on ferait bouillir une autre portion avec Facide sulfurique pour con¬ vertir le sucre de cannes en glucose, et on procéderait à une nouvelle expérience avec le sel do cuivre. Le premier résultat donnera la proportion de glucose, le second com¬ paré au premier fera connaître la proportion de sucre cris¬ tallisable. L’action que le sucre exerce sur la lumière polarisée peut aussi permettre de déterminer la proportion de sucre exis¬ tant dans le moût de raisin. M. Bouchardat, qui a appliqué ce procédé à l’étude des moûts produits par plusieurs cépa¬ ges différents, précipite d’abord l’acide tartrique au moyen de l’acétate de plomb basique. Le précipité qui se forme éclaircit parfaitement la liqueur; on la décolore ensuite au moyen du noir animal. Pour l’observation, on introduit le liquide obtenu dans des tubes d’une longueur connue, et on constate l’influence exercée par la matière sur le plan de polarisation. Suppo¬ sons que l’on connaisse la rotation produite par un poids connu du même sucre agissant sous la même épaisseur, ou, en d’autres termes, le pouvoir rotatoire moléculaire de ce sucre, il sera facile de conclure de l’observation la quantité de sucre existant dans le jus soumis à l’expérience. Nous nous contenterons d’indiquer ce procédé, dont il est facile de comprendre le principe d’après ce que nous composition du raisin. 247 avons dit sur la rotation du plan de polarisation. Nous re¬ viendrons plus tard sur son application pratique. M. Beltz a fait l’analyse du moût d’un Riessling de Grum- bach dont la densité était égale à 1 .08 (1). 11 a trouvé pour la matière azotée environ 1/33* du poids du sucre. M. Mulder fait observer avec raison qu’il faut bien dis¬ tinguer la matière azotée dissoute dans le jus et celle qui accompagne les cellules dans les quelles ce jus est ren¬ fermé. Nous donnerons les résultats obtenus dans l’analyse d’un raisin cultivé en Hollande et dont le jus laissait après l’évaporation 10 p. 100 de résidu. La pulpe fut séparée avec soin des pépins et des pellicules; on retira le jus par la pression et on le filtra sur du papier; le résidu fut lavé avec l’eau jusqu’à ce qu’il ne lui cédât plus rien. Ce résidu chauffé avec de la potasse donna de l’acide pec- tique comme produit de la décomposition de la pectose. On en fil bouillir une autre partie a\ec de l’acide acétique, et la liqueur filtrée fut saturée par l’ammoniaque; elle donna un dépôt blanc, floconneux d’albumine. La proportion d’albumine fut calculée par la quantité d'azote fournie par un poids déterminé du résidu desséché à 110°; on admit dans ce calcul que l’albumine contenait 15.5 d’azote sur 100 parties. Cette première recherche a donné pour la composition des parois des cellules : Cellulose . i _ 86 Pectose . i Matière azotée . i i 100 '1) Jahrb. fur pr Pharm U, 327. 248 NOTES DE LA HUITIÈME LEÇON. # Le jus filtré et clair fut évaporé jusqu’à consistance d’ex¬ trait, et, après l’avoir desséché à H0°, on détermina la quantité d’azote qu’il renfermait. On trouva, par cette ana¬ lyse, que la proportion de matière azotée contenue dans cet extrait s’élevait à 2.42 p. 100 de son poids, et, comme le jus avait perdu par la dessiccation 90 p/ 100, il devenait facile de calculer sa richesse en matière azotée. La composition de ce jus peut donc être établie par les nombres suivants : Matière azotée . 0.24 Sucre . » Gomme, etc . J 9.76 Sels organiques et inorganiques. Eau . 90.00 100.00 En estimant la proportion du sucre à 9 p. 100, on voit que ce sucre était accompagné dans le jus qui a été analysé par une matière azotée dont le poids était tel, que, pour 1 kilogr. de sucre, il y avait environ 22 grammes de ma¬ tière azotée. Cette matière azotée dissoute dans le jus du raisin est celle que nous avons désignée sous le nom de glutine ; elle s’y trouve très-probablement en dissolution à la faveur de l’acide tartrique. M. Mulder pense que, si la présence de cette matière ne saurait être mise en doute, rien ne prouve qu’elle n’est pas accompagnée d’une autre substance appar¬ tenant de même au groupe des matières albumineuses. La matière colorante des raisins colorés existe, avons- nous dit, dans les pellicules. On peut facilement séparer cette substance par les procédés qui servent à isoler les ma¬ tières colorantes. Après avoir lavé les pellicules, en les traitera par l'eau .< * COMPOSITION DU RAISIN. 249 È fet l’acide acétique , puis on précipitera la liqueur obtenue par l’acétate de plomb. Le précipité bien lavé sera décom- î. posé par l’hydrogène sulfuré, et, après séparation du sul¬ fure de plomb , on fera bouillir pour chasser l'excès d’acide r \à sulfhydrique. La liqueur sera évaporée lentement, et le ré¬ sidu sera traité par l’éther pour le débarrasser des matières k . . Igrasses qu’il peut contenir. La matière colorante ainsi obtenue à l’état de pureté est bleue; elle devient rouge sous l’influence des acides. Cette propriété nous explique les changements de colo¬ ration que le raisin présente pendant sa maturation. Dans le verjus, les acides dominent, et lorsque la matière colo¬ rante commence à apparaître, les grumes sont rouges. Mais, à mesure que la maturation s’avance, la propor¬ tion des acides devient moindre; celle du sucre augmente ainsi que celle de la matière colorante. Celle-ci n’étant plus en contact avec une liqueur aussi fortement acide, devient de plus en plus foncée; elle paraît même complètement noire dans les raisins très-sucrés et tout à fait mûrs. Cette coloration d’un bleu foncé à laquelle arrivent les raisins après leur maturité complète, ne se manifeste jamais dans ceux qui conservent constamment une saveur très-franche¬ ment acide. Quelquefois des raisins parfaitement mûrs présentent une coloration toute différente, ce qui montre que la matière colorante n’est pas la meme dans tous les cépages. Outre la matière colorante, les pellicules renferment encore de l’acide tannique. On y a également constaté la Ri . | m j « l t ' k présence d’huiles essentielles odorantes. L’enveloppe de certains raisins, examinée au microscope, présente à sa surface des rugosités semblables à celles de l’écorce de l’orange. ^ gy * r A. ; -■ Jfr Les pépins contiennent une assez forte proportion d’acide 250 NOTES DE LA HUITIÈME LEÇON. tannique, et ils renferment en même temps une huile grasse assez comparable à celles que Ton rencontre dans les grai¬ nes d’un grand nombre de végétaux. Cette huile a une couleur jaune verdâtre, une odeur et une saveur peu agréables; elle est insoluble dans l’alcool; sa densité, d’après M. Zeimer, est égale à 0. 950, et, d’après M. Fauré, à 0.929. Employée pour l’éclairage, elle brûle avec une belle flamme, et donne moins de fumée que l’huile de navette. Il est possible que l’huile lournie par les pépins provenant de différents cépages ne présente pas les mêmes caractères. On a préparé dans le département de la Vienne une huile propre à l’éclairage et donnant une belle lumière. L’auteur la signale même comme pouvant servir à l’usage de la table; suivant lui, les pépins du raisin employé chaque année en France à la fabrication du vin pourraient fournir 5,527,696 kilogrammes d’huile. M. Bourcarel porte ce chif¬ fre, pour la France seulement, à près de 17 millions de ki¬ logrammes. Suivant ce dernier auteur, un hectolitre de pépins rend en moyenne 8 kilogrammes d’huile. On a ob¬ tenu dans des essais qui ont été faits à Dijon 1 0 kilogrammes par hectolitre. M. Fauré s’est proposé de rechercher si les différentes causes d’altération auxquelles les pépins peuvent être expo¬ sés, la dessiccation, l’humidité, l’action de l’air, influaient sur la qualité ou la proportion de l’huile qu’il était possible d’en extraire. En traitant les pépins par l’éther, il a pu en extraire de 15 à 20 p. 100 d’huile. Mais, dans un trai¬ tement en grand, les pépins fiais ont donné 9 et 9 1/2 p. 100; ceux qui avaient longtemps séjourné dans une piquette, 7 p. 100, et ceux qui avaient été exposés à la pluie et au soleil n’ont plus donné que 3 à 4 p. 100. Dans ces expériences on a constaté que les pépins COMPOSITION DU RAISIN. 254 de raisins rouges contenaient plus d'huile grasse que les pépins de raisins blancs. Malgré l’opinion qui paraît généralement admise sur les difficultés et le peu de chance de succès de l’extraction en grand de cette huile, nous avons cru devoir entrer dans les détails qui précèdent pour signaler cette source abondante de matières grasses, complètement perdue jusqu’ici. Car, si cette exploitation n’est pas possible partout où on cultive la Vigne, il peut se présenter des circonstances particulières par suite desquelles elle pourrait devenir très-lucrative, du moins pour un temps. La ville de Brescia, en Italie, en a fait, le siècle dernier, un grand commerce; et, dans le dé¬ partement du Tarn , on l’emploie généralement à l'éclairage. Voici le procédé suivi depuis longtemps en Italie pour son extraction. On réduit les pépins désséchés en pulpe fine, et on chaufle cette pulpe dans une chaudière à 60 ou 80° centigrades, après avoir ajouté 5 litres d’eau chaude par 20 litres de pépins. On remue avec soin, et lorsqu’en passant la pâte sous la main, il suinte un peu d’huile, on met sous la presse. Après la première pression , on réduit la masse en farine et on recommence l’opération. Outre l’huile contenue dans les pépins, il existe encore de la matière grasse dans le jus du raisin, mais elle s’y trouve en quantité très-faible. Les pédoncules qui portent les grumes, et que l’on distin¬ gue sous le nom de raffes , renferment aussi une certaine proportion d’acide tannique; de sorte que cette matière doit être considérée comme existant dans la pellicule, les pépins et les raffes; on n’en trouve pas dans le jus du raisin. Dans ces trois éléments solides, nous trouvons, outre les substances que nous venons de signaler, des sels à acides organiques , de la cellulose et de la matière azotée , que 252 NOTES DE LA HUITIÈME LEÇON. l’on rencontre toujours partout en proportion plus ou moins considérable. L’étude que nous venons de faire des différentes parties du raisin nous montre que les principes qu’il contient ne sont pas distribués uniformément, mais se trouvent locali¬ sés dans des portions tout à fait distinctes du fruit. Ainsi , la pellicule renferme la matière colorante, du tannin , des huiles essentielles; dans le pépin, on trouve du tannin et une huile grasse. M. de Vergnette a fait voir que dans le Pinot les matières qui forment la pulpe charnue présen¬ taient quant à leur distribution le même caractère. Le sucre abonde surtout dans les cellules qui sont immédiatement en contact avec l’épideime. 11 y a, au contraire, une propor¬ tion beaucoup plus forte de matière mucilagineuse dans le parenchyme qui adhère au pépin. L’influence que la chaleur et la lumière exercent sur le développement de la matière colorante et sur la production du sucre nous permet de nous rendre compte de la position que ces dernières substances occupent dans la grume, et nous fait voir toute l’importance des phénomènes météoro¬ logiques qui se produisent à l’époque où s’accomplissent les transformations qui caractérisent la maturation du raisin. NEUVIEME ET DIXIEME LEÇON — C, e» la mai 18.16 — Etude des circonstances qui influent sur la nature et les qualités des produits de la Vigne. Messieurs, Les botanistes ont décrit jusqu'ici quarante-cinq pèces de Vigne. La Vigne cultivée (Vitis vinifcra, Lin est une de ces espèces. On admet que cet arbuste originaire de l’Asie et qu’il s’est étendu d’abord dans les contrées de cette partie du monde qui bordent Méditerranée pour se répandre de là dans l’Archipel, en Grèce, en Italie / sur notre littoral méditerranéen lors de la fondation de Marseille, et par suite dans ' Gaules et les pays voisins. Aujourd’hui la culture de la Vigne s’étend sur une Lt J** '. ‘ » a ]f * ~ ‘ V* - f * T - p très-vaste portion de la surface du globe; mais elle ne remplit pas partout les conditions nécessaires à la fa¬ brication du vin. Dans le voisinage de l’équateur une végétation continue, qui fournit à la fois sur le même | cep das fleurs et des fruits à différents états de matu- i 254 NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇON. rite, rend la vinification impossible. Dans les régions septentrionales, au contraire, une végétation incom¬ plète, qui ne peut aboutir à la maturité du fruit que % dans des circonstances exceptionnelles, produit le même résultat. C’est entre le 30e et le 50e degré de latitude que la culture de la Vigne peut être appliquée à la formation du produit que nous sommes habitués à re¬ garder comme le but de cette culture. Si nous parcourons les contrées viticoles renfermées dans ces limites, nous constaterons combien sont va¬ riées les qualités des vins obtenus dans les diverses localités; il semblerait, eu comparant quelques-uns d’entre eux, qu’il n’v a aucune analogie entre ces différents produits , que nous obtenons cependant avec la même plante et que nous désignons sous le même nom. La cause de ces différences, nous la trouve¬ rons dans l’influence qu’exercent sur les produits de la végétation de la Vigne les circonstances dans lesquelles s’opère cette végétation , et c’est l’examen de ces influences que nous nous proposons de faire maintenant pour compléter ce que nous avions à dire sur la culture de notre plante. Nous aurons à reve¬ nir, lorsque nous étudierons les propriétés du vin, sur quelques-unes des causes dont nous voulons dé¬ terminer le mode d’action; mais l’étude que nous allons faire était nécessaire, car il y a entre ces diverses influences une telle coimexion, qu’il serait difficile, sans cette revue générale, d’assigner la part de cha¬ cune d’elles. Nous savons combien la culture modifie les plantes VARIATION DES PRODUITS DE LA VIGNE. 255 non-seulement sous le rapport des qualités de leurs fruits, mais aussi sous celui de leur aspect, de leur allure, de leur végétation. Nous savons aussi que, dans un grand nombre de cas, les modifications dues à la culture cessent au bout d’un certain temps avec la cause qui les avait produites, et les plantes abandon¬ nées à elles-mêmes reviennent à l’état sauvage, à leur état primitif. Dans d'autres circonstances, au contraire, ces modifications une fois obtenues semblent persister malgré la diversité des conditions dans lesquelles la plante se trouve placée. Quant à ce qui regarde la Vigne cultivée, nous sommes obligés de reconnaître qu'elle renferme un nombre considérable de variétés que l'on désigne sous le nom de cépages. Ces variétés sont dues très-proba¬ blement à la culture, pratiquée dans des conditions différentes de climat, de sol. Nous n'avons pas à dis¬ cuter les opinions émises sur ce sujet, ni à rechercher si une de ces variétés peut se modifier ou retourner au type normal de l’espèce. Nous les prendrons telles qu’elles sont aujourd’hui, avec les caractères qui les distinguent et en les considérant comme provenant d’une espèce unique, et nous nous appuierons seule¬ ment sur les faits et l'expérience pour justifier les con¬ clusions que nous croirons devoir adopter. Nous pouvons dès lors citer au premier rang, parmi les causes qui influent sur la nature et les propriétés du vin, la différence des cépages cultivés dans les diverses localités. Le mode de culture, la composition et les propriétés physiques du sol, le climat, l'expo- 256 NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇON. * sition, les phénomènes météorologiques, sont autant de causes qui doivent aussi exercer une grande in¬ fluence. En les comparant, nous arrivons facilement à les ranger en quatre catégories. En effet, parmi ces influences diverses, les unes viennent de la plante, d’autres du sol, de l'atmosphère ou des conditions spéciales à la localité. Il n’est pas toujours très-facile de retrouver dans chaque cas particulier ce qui peut être produit par telle ou telle cause ; on comprend que le plus souvent ce qui doit servir à caractériser une contrée ou une localité plus restreinte sera produit par un ensemble de phénomènes quelquefois très-complexes et dans les¬ quels il sera difficile d’assigner à chacun sa part d’in¬ fluence. Le mode de culture viendra modifier également les effets dus à chacune des causes que nous venons d’énumérer, et par suite accroître encore les difficultés % •: • I- * ' 1 I ’.ji'i d’une appréciation exacte. Dans presque tous les pays vignobles nous voyons distinguer les vins en deux classes , les vins fins et les vins communs , et ces deux espèces de vins sont don¬ nées par des cépages différents; les cépages qui varient ainsi dans une localité déterminée ne se retrouvent «l * *•.*>• •* • • t l. r '1 # • TTt plus les mêmes dans une autre contrée où on admet pour les vins la même distinction. On se rend facilement compte de la différence ob¬ servée entre les fruits produits par les divers cépages , I * t ^ â ^ a • ■ • ^ ^ car on trouve que leur composition est très- variable. I ] I I a ï i * I A Les principes que nous avons éuumérés sont bien les INFLUENCE DES CÉPAGES. 257 mêmes, mais ils ne se trouvent pas dans les mêmes proportions; de plus, quelques-uns de ces principes n’existent pas dans toutes les variétés, et on comprend dès lors l’influence de cette différence de composition. Cette influence est facile à constater pour ce qui re¬ garde la matière colorante, qui manque dans un grand nombre de cépages et qui, dans les raisins colorés, présente de si grandes variations. 11 en est de même pour les autres substances, qui peuvent quelquefois manquer complètement ou ne se développer qu’en proportions très -faibles. Ces considérations nous conduisent à reconnaître que le mélange et le choix des cépages peuvent servir très- efficacement j\ améliorer dans un vignoble les qualités du vin. Ce moyen est sans contredit le plus naturel et son emploi ne saurait soulever aucune objection. Aussi l’auteur de l’ Ampèlographie universelle , en avançant que partout où on cultive la Vigne il est possible de faire des vins de distinction, a-t-il indiqué comme une des premières conditions pour atteindre ce but le choix raisonné des cépages. Si on a des vins pauvres en couleur, on augmentera leur coloration en introduisant un cépage fournissant des raisins très-riches en matière colorante : le Teintu¬ rier est très-cultivé dans ce but, malgré la mauvaise qualité du vin qu’il produit. , j • En associant à des cépages donnant des vins trop doux des cépages renfermant moins de principes su¬ crés, on obtiendra des vins secs. Cette proportion varia¬ ble de sucre dans les différents cépages devra être prise 258 NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇON. en considération dans la plantation des vignobles des¬ tinés à fournir des vins de chaudière, car la proportion de sucre déterminera celle de l’alcool. Le but du producteur doit tendre à obtenir le maxi¬ mum de produit en tenant compte de la quantité de vin recueilli d’une part , de l’autre de sa qualité ; et , en associant les cépages d’une manière convenable, on pourra souvent augmenter la production sans nuire à 0 la qualité. Non-seulement le mélange raisonné des cépages per¬ met d’obtenir des vins possédant des qualités bien déterminées, mais il est possible de prévenir par ce moyen les maladies auxquelles les vins peuvent ètie sujets; le plus souvent, ces altérations spontanées tiennent à la prédominance ou à l’absence de certains éléments; il suffira de rétablir l’équilibre pour que ces inconvénients disparaissent. Ainsi , des cépages con¬ tenant beaucoup de tannin , par leur mélange avec d’autres qui donneraient des vins sujets à la graisse, par exemple, diminueraient considérablement les chances d’une telle altération. Si nous avons la conviction que le choix raisonné dos cépages conduira aux procédés les plus complets et les plus rationnels pour l’amélioration du vin, nous devons avouer que nous sommes loin de connaître suffisam¬ ment les variétés de Vigne cultivée et les causes qui peuvent modifier leurs qualités quand on les transporte d’un heu dans un autre. Les recherches nombreuses entreprises depuis plusieurs années sur ce sujet délicat ne manqueront pas de l’éclaircir et de conduire à des INFLUENCE DES CÉPAGES. 250 applications importantes des principes que nous venons d'indiquer. Mais dans l'état actuel de nos connaissances, cette introduction de cépages nouveaux dans une con¬ trée ne doit être faite qu’avec discernement et réserve, car, sous ce rapport , les points les plus importants sont encore controversés. Nous avons dit qu'on distinguait souvent les cépages à vins fins et les cépages à vins communs. Or, l’obser¬ vation nous montre que dans les crus distingués on mêle ensemble très -peu de cépages différents, sou¬ vent même on n’en cultive qu’un seul : ainsi, pour • les vins fins , on cultive en Bourgogne le Pinot , dans la Gironde le Carbenet, à l’Hermitage la grosse et la petite Syrrah, dans les Vignes de Tokai le Furmint. Dans les crus secondaires, au contraire, on associe plus volontiers plusieurs cépages, en les laissant toujours peu nombreux. Ce résultat de l’observation a été généralisé par quelques auteurs qui proscrivent d’une manière absolue l’introduction, de cépages étrangers dans les grands crus. Cet avis a été combattu par d’autres qui n’ont pas voulu tirer des faits que nous venons de rap¬ porter une conséquence générale. Suivant ces derniers, s’il est constant qu’on obtient d’excellents vins en n'em¬ ployant qu’un seul cépage, il ne s’ensuit pas que le mé¬ lange de plusieurs nuirait nécessairement à la qualité du produit : ils croient au contraire qu'en procédant d'une manière rationnelle on arriverait à donner à ces vins les propriétés qui peuvent leur manquer, sous 1e rapport de la conservation par exemple, sans leur faire perdre rien des caractères précieux qui les distinguent. 260 NEUVIEME ET DIXIEME LEÇON. Les cépages qui donnent des vins de qualité supé¬ rieure sont peu productifs; il en résulte que, si on ne tient pas à diminuer la qualité , on pourra augmenter la quantité en les associant à d’autres dont le rendement est plus considérable. Sous ce rapport la différence entre divers cépages est telle qu’on trouve dans la même localité des cépages qui donnent 15 et 20 hectolitres à l’hectare , tandis que d’autres fournissent sur la même surface de terrain 160 et même 2-40 hectolitres. Une considération qu'il ne faut pas négliger dans l’étude des cépages, c’est que l’époque de la maturité n’est pas la même pour tous. (Voy. note J , page 276.) Il faudra donc dans les mélanges tenir compte de cette différence , et ne réunir dans les vignobles de peu d’é¬ tendue que les cépages dont les raisins mûrissent à la même époque. Dans les plantations de grande étendue, au contraire , il y aura quelquefois avantage à rappro¬ cher des cépages ne mûrissant pas en même temps, afin de distribuer la récolte sur un plus grand inter¬ valle. La durée des différents cépages est très-variable ; les uns, ceux qui produisent peu, pourront produire pen¬ dant longtemps ; au contraire, ceux qui sont très-féconds dépérissent bientôt et ne doivent pas être associés aux premiers: du reste, ces divers cépages exigent des qua¬ lités de sol tout à fait différentes. Ces indications peuvent conduire à séparer pendant la végétation les cépages dont la réunion n’est pas possible, puis, après la ven¬ dange, on mélangera dans la cuve en proportions con¬ venables les raisins fournis par ces différents cépages. INFLUENCE DES CÉPAGES. 261 Il est inutile d'ajouter qu'avant de chercher à intro¬ duire un cépage dans une localité, il faut s’assurer qu'il y trouvera des conditions climatologiques qui ne s'op¬ poseront pas à son développement et permettront la maturation du fruit. Ainsi, il ne faudra transporter qu’avec réserve dans le Nord les variétés très-précoces , qui, par suite de cette propriété, sont très-sensibles aux gelées printanières, et peuvent même être compro¬ mises par un hiver rigoureux avant l’ouverture des bourgeons. Il est également essentiel que l'époque de % la maturité arrive avant que les nuits froides de l'au¬ tomne et rabaissement de la température aient rendu impossible ce complément indispensable de la végé¬ tation. On a discuté souvent les questions que soulève le transport des cépages d'une contrée où ils sont géné¬ ralement cultivés dans une autre où les conditions de la végétation sont différentes, et on a émis sur ce sujet tles opinions tout à fait contradictoires. 11 faut recon¬ naître qit'il existe un grand nombre de faits pouvant servir à démontrer qu’un cépage transporté d'une loca¬ lité dans une autre a produit dans cette dernière un vin qui rappelle tout à fait les qualités attribuées à ce cépage dans sa mère-patrie. Ainsi, on a fait dans l’Hé¬ rault et en Touraine, avec le Pinot de Bourgogne, des vins qui présentent quelques-uns des caractères distinc¬ tifs de nos vins. Le Furmint, qui produit les vins de Tokai, donne dans le département du Gard un vin semblable au vin de Hongrie. Mais il faut reconnaître que dans certaines circonstances des cépages peuvent » 1 'vl *?• ‘v ».*> r te fi v.'. 262 NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇON. <# acquérir dans des climats différents des qualités tout à fait opposées à celles qui les caractérisaient d’abord. Une étude plus complète des cépages et de l'influence que le climat et la culture peuvent exercer sur leurs modifications permettra plus tard d’expliquer les diver¬ gences que présentent sous ce rapport les opinions émises par les viticulteurs. Nous aurons très-peu de chose à ajouter sur l’influence du sol ; nous avons vu que la Vigne était cultivée dans tous les terrains, que dans tous elle pouvait donner des produits supérieurs; mais nous n’en avons pas moins constaté que le sol, par sa nature et surtout par ses qua¬ lités physiques, avait sur la composition du raisin et les propriétés du vin une grande influence. Ainsi, le cépage et les autres conditions restant les mêmes , on obtien¬ dra dans un sol sec beaucoup de sucre et peu d’acide, dans un sol frais une plus forte proportion d’acide libre, dans un sol humide beaucoup d’ac;de, de mucilage, de matière azotée et une plus faible quantité de sucre. Nous admettons également que la nature chimique du sol, lorsqu’elle constitue le seul élément variable, donne aussi des résultats très-différents, appréciables plutôt dans les qualités du vin et leur développe¬ ment graduel que dans la composition générale du raisin . La coloration du sol est une circonstance qui mérite d’ètre signalée. On observe que la maturité est plus prompte dans les sols colorés et pierreux, qui absorbent une plus grande quantité de chaleur, en même temps INFLUENCE DU CLIMAT. 263 que les pierres de la surface entretiennent fa fraîcheur et l'humidité des parties sous-jacentes. Quant à l’influence du climat, il est facile de la carac¬ tériser d’une manière générale. A mesure qu’on s’a¬ vance vers le midi, les raisins sont plus sucrés; les proportions d’acide augmentent au contraire à mesure qu’on s’éloigne de l’équateur. Les résultats constatés dans une même localité s’accordent tout à fait avec ce que nous venons de dire sur l’action des qualités physi¬ ques du sol; dans les années humides il y a plus d’acide et moins de sucre ; au contraire, si l’année a été chaude et sèche, la proportion de sucre est plus considérable. On voit ainsi que le climat et les saisons influent sur la récolte de la Vigne et par l’humidité et par la tempé¬ rature; cette double action sera du reste variable suivant l’époque de la végétation à laquelle elle se fera sentir , et ses effets ne seront pas les mêmes sur la qualité du produit. Les observations faites en Bourgogne depuis de longues années montrent que si une chaleur forte est favorable à la qualité, elle semble presque toujours peu propre à augmenter la quantité. La récolte a été géné¬ ralement très-faible toutes les fois que la vendange a été faite avant le vingt septembre; c’est au contraire dans ces circonstances que la qualité s’est montrée su¬ périeure. Nous avons du reste signalé ce qui arrivait aux deux limites extrêmes de la culture de la Vigne, dans les régions équatoriales et au-delà du 50 degré de latitude septentrionale. Vers l’équateur la végétation étant coir 264 NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇON. / tinue, pas de vendange possible ; dans le Nord aucune variété ne peut arriver à maturité, et la culture de la Vigne y devient également impossible. Lorsque les gelées d’automne surviennent, elles arrêtent la végétation, les grumes se ramollissent, les sucs qu’elles renferment se décomposent sans éprouver ces modifications qui caractérisent le phénomène de la maturation , et on ne peut obtenir pour tous les cépages que des verjus. Dans l’intervalle, nous pouvons dire que les variations présentées par le vin tiennent surtout aux proportions plus ou moins grandes du principe sucré. Pendant que cet élément varie , d’autres varient également, mais en sens inverse , de sorte qu’on est conduit à admettre la transformation de quelques-unes de ces substances en sucre pendant la maturation. Nous avons vu, du reste, combien était grande l’analogie de composition qui existe entre ces substances. L’existence des mêmes principes dans le fruit , l’ana¬ logie que présente dans les contrées très - éloignées la marche de la végétation de la Vigne, nous permettent de supposer que les différences proviennent surtout de la température plus élevée et de l’absorption de chaleur plus considérable qui en est la conséquence. La matu¬ ration exige une certaine élévation de température; elle est d’autant plus prompte , plus complète , que celle-ci est plus grande. C’est donc sous l’influence de cette température que s’opèrent dans le fruit les modi¬ fications qui ont pour conséquence l’accumulation du principe sucré. Une conséquènce des faits que nous venons de rap- INFLUENCE DE i/ EXPOSITION. 265 porter , c'est la grande influence qu'il faut attribuer à l'exposition dans la culture de la Vigne. Cette influence se constate sur la végétation de toutes les plantes, mais elle est surtout incontestable pour la Vigne et ses pro¬ duits. L'exposition la plus favorable parait être inter¬ médiaire entre le midi et le levant , celle du couchant est peu favorable, celle du nord est en général funeste. On cite quelques vignobles où les Vignes sont exposées au nord, Epernay, Reims, par exemple, mais c’est une exception. On comprend que l’exposition au nord ou au couchant pourra être très - avantageuse dans les localités où l'on doit redouter les gelées printanières ; mais il faudra tenir compte de cette condition dans les choix des cépages. A cette circonstance s’eu trouve liée une autre qui doit être prise en grande considération , c’est l'inclinai¬ son; suivant sa grandeur, elle peut augmenter ou diminuer les avantages ou les inconvénients d’une expo¬ sition déterminée. Nous avons déjà pu apprécier quel rôle joue la chaleur absorbée par un vignoble pendant la durée de la végétation. Or, par suite de l'inclinaison, les rayons du soleil viennent frapper le sol d’une ma¬ nière plus directe et pendant un temps plus long, ils pénètrent plus facilement entre les ceps, et il résultera de cette disposition que la quantité de chaleur absorbée sera plus considérable, et que par suite on pourra obte¬ nir une maturation plus complète. L’altitude, qui exerce sur la température moyenne une si grande influence , ne doit pas non plus être négligée; on devra en s'élevant sur les montagnes obtenir I VJ/lCJ / 266 NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇON. le même résultat qu’en s’avançant vers le nord ; aussi, dans chaque localité, où la Vigne est cultivée, on observe que cette culture n’est possible que jusqu’à une certaine hauteur. Cette hauteur est d’autant plus faible que l’on est déjà plus rapproché vers le nord. Dans le nord de la Suisse, la culture de la Vigne s’arrête à 550 mètres au-dessus du niveau de la mer ; sur le versant méridional des Alpes, elle est possible jusqu’à 650 mètres, et on trouve encore des Vignes à plus de 900 mètres sur les versants de l’Apennin méri¬ dional. On comprend que ces chiffres puissent indi¬ quer le résultat moyen des observations , mais ils n’of¬ frent rien d’absolu pour une localité déterminée , car, suivant la différence d’exposition et d’après certaines circonstances locales , la limite supérieure se trouvera abaissée ou relevée. Les effets si variés qui sont dus à l’action du sol , du climat, de l’exposition et des diverses circonstances qui s’y rattachent, nous conduisent à reconnaitrc combien est importante l’influence qu’exerce sur la végétation de la Vigne et la nature de son produit la quantité de chaleur absorbée par cette plante. La pré¬ cocité plus ou moins grande des variétés différentes montre que leur exigence sous ce rapport n’est pas la même. On a dû dès lors se préoccuper de déterminer l’ensemble des circonstances nécessaires pour que cette végétation s’effectue de manière à remplir le but que l’on se propose d’atteindre. Aussi a-t-on cherché à calculer approximativement la quantité de chaleur que la Vigne devait recevoir pour arriver à maturité ; et INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE. 267 on comprend qu’il soit possible d’arriver par cette voie à reconnaître l’influence d’une augmentation ou d’une diminution produite par une saison plus ou moins favorable. Mais, si la marche à suivre pour ces observations doit être la même partout, les résultats constatés devront varier suivant les localités ; aussi n’est-il guère possible de donner des indications générales. M. de Gaspa- rin a fait sur ce sujet de nombreuses observations dans 1»; midi de la France ; il a constaté que les bour¬ geons de la Vigne commençaient à se développer quand la température moyenne s’élevait au-dessus de 10°, et que la#quantité de chaleur qui semblait nécessaire pour amener à un état complet de maturité les différents cépages était très - différente , comme le prouve du reste l'époque variable de leur maturité. Un chiffre représentant la quantité totale de chaleur absorbée par la plante pendant sa végétation ne doit pas être le seul élément dont ou ait à tenir compte. La durée de la végétation , les différences entre la température maxi¬ mum et la température minimum de chaque jour , les variations brusques que cette température peut éprou¬ ver, sont autant d’éléments qu’il ne faut pas négliger, et qui exercent une grande influence sur la nature et la qualité de la récolte. Si nous y joignons les intempé¬ ries, les accidents généraux ou locaux, dont l’influ¬ ence peut devenir si considérable, nous reconnaîtrons combien sont nombreuses et complexes les circonstances qui doivent intervenir dans l'évaluation des éléments destinés à l’appréciation d’un produit tel que celui 268 NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇON. de la Vigne , tant au point de vue de la quantité que sous le rapport de la qualité. (Voy. note K, page 286.) Nous venons de passer en revue les causes générales qui peuvent modifier les produits de la Vigne et exer¬ cer une influence marquée sur les qualités du vin : le cépage, la nature et les propriétés physiques du sol, le climat, l’exposition, la marche des saisons; cependant on trouve une foule de localités dans lesquelles toutes ces circonstances semblent identiques, et dont les pro¬ duits sont cependant bien différents. Comme on ne pou¬ vait trouver la cause de ces différences , on a cherché à les expliquer par une condition nouvelle très hypothé¬ tique, la situation du vignoble. On a imité ce que font les naturalistes, qui commencent par classer méthodi¬ quement tous les êtres dont les affinités ne sont pas douteuses , et qui réunissent ensuite dans un dernier groupe tous ceux dont la nature est incertaine et dont les caractères paraissent trop éloignés de ceux des familles naturelles reconnues généralement. Une cause particulière ainsi définie ne saurait être admise ; il nous semble préférable d’avouer tout simple¬ ment que nous 11e pouvons nous rendre compte des différences observées. Cet aveu peut avoir au moins pour conséquence d’appeler sur ces anomalies l’atten¬ tion des observateurs, et de provoquer l’étude des phé¬ nomènes spéciaux qui les produisent et les entretiennent . Le plus souvent ces causes mal connues, dont l’influence 11e saurait être contestée, agissent en modifiant les effets produits par les conditions générales que nous avons INFLUENCES LOCALES. 2fc9 énoncées. Les développements dans lesquels nous allons entrer pour une localité déterminée ne nous conduiront pas à une solution complète des questions que soulève l'existence de ces anomalies, mais ils nous mettront au moins sur la voie des recherches qui doivent nous y conduire, et il nous permettront de comprendre la cause de ces influences , qui paraissent quelquefois très- faibles au premier abord , mais qui sont si puissantes quant à leurs résultats. Nous nous bornerons «à l’étude d’une région très- importante à la vérité pour la culture de la Vigne, mais d’une étendue peu considérable, et nous signale¬ rons rapidement le genre d’observations qui a déjà porté un grand jour sur les circonstances particulières où se trouvent placés les vignobles de la Côte-d’Or. Depuis plusieurs aimées M. Ritter fait faire dans le département un nombre considérable d’observations, qui l’ont conduit à reconnaître que dans une région aussi limitée (environ 8,000 kilom. carrés), les phé¬ nomènes météorologiques présentent les différences les plus sensibles dans leur fréquence comme dans leur intensité ; il faut en conclure qu’il doit s’exercer dans cette région des influences locales assez énergiques pour réagir sur l’état du ciel et les différents météores qui s’y produisent. Les causes de ces différences résidant dans le relief, dans la nature et dans le mouvement d’occupation du sol , c’est dans les détails de sa struc¬ ture topographique, de sa constitution géologique, de sa destination agricole qu’il faut chercher le point de départ de ces influences locales. 270 NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇON. La Côte-d’Or est formée entre Dijon et Chalon par un vaste talus qui relie brusquement le plateau calcaire du Mont-Afrique avec la plaine tertiaire au milieu de laquelle coule la Saône , et qui à l’est est limitée par Je Jura. M. Ritter compare avec raison le versant qui regarde la plaine à un espalier servant à abriter nos vignobles. Or, en hiver on trouve souvent sur les hau¬ teurs un soleil admirable et un ciel d’une sérénité par¬ faite , tandis que depuis Dijon jusqu’à la Saône toute la plaine basse est ensevelie dans le brouillard le plus épais. On croit voir alors un vaste lac au milieu duquel s’avancent, comme autant de promontoires, les légers contreforts de la Côte ; d’autres fois, alors qu’un même voile recouvre le ciel entier, on voit la couche nuageuse éprouver au-dessus de la plaine une inflexion brusque et se relever à une hauteur considérable pré¬ sentant l’aspect d’une voûte immense dont les nervu¬ res arrondies et les, parois mamelonnées accusent l’ac¬ tion puissante de l’atmosphère qu’elle emprisonne. Souvent, lorsque l’horizon est couvert de toutes parts, le rideau de images s’arrête sur les bords de la plaine, comme devant une barrière infranchissable, et, tandis que les régions d’alentour sont ensevelies dans l’ombre, le pays bas est inondé de flots de lumière et de cha¬ leur. Si pour étudier ce phénomène on se rapproche de la Côte , on reconnaît que cette disposition curieuse des nuages peut s’observer même lorsque la couche nuageuse du plateau, au lieu de suivre la Côte sous l’impulsion du vent du S. -S. -O., est au contraire pous¬ sée vers la plaine par un vent d’ouest qui tend cous- INFLUENCES LOCALES. 271 tamment, mais en vain, à lui faire franchir cette ligne S. S. -O., N. N.-E. si nettement dessinée dans le ciel. En pareille circonstance , à mesure que les nuages ar¬ rivent au-dessus de l'escarpement de la Côte, ils se dis¬ solvent complètement , de telle sorte que nos vignobles jouissent d'un ciel serein, tandis que sur les territoires les plus voisins le soleil reste complètement voilé. Quelquefois même le phénomène se produit d’une manière plus singulière encore. On voit en effet les nuages venus de l’ouest se dissoudre comme tout à l’heure au-dessus de la Cote, mais reparaître ensuite en se rapprochant de l’est, comme des glaçons charriés par un ruisseau qui se fonderaient dans le voisinage d'une source et se reformeraient ensuite plus à l’aval. Au-dessus de nos vignobles se dessine alors une longue bande de ciel serein qui malgré le vent supérieur peut souvent persister des heures entières. Des phéno¬ mènes analogues ont été observés le long du versant oriental des Vosges, et c’est certainement dans ces faits de dissolution et de reproduction successive des nua¬ ges qu’on trouvera l'explication de ces grandes diffé¬ rences constatées dans la nébulosité du ciel de la Côte- d'Or. En faisant observer qu’on doit être facilement tenté d’attribuer la formation de cette bande à l'influence topographique de l’escarpement qui constitue la Côte, M. Ritter pense que l'examen des détails secondaires du phénomène de la dissolution des nuages indique qu'il ne faut pas se hâter de conclure, et que des obser¬ vations, non pas précisément multipliées, mais surtout 272 NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇON. bien choisies, permettront seules rte résoudre cet intéressant problème. En supposant d'ailleurs que l'influence dont il s'agit soit exclusivement topographique, on peut encore se demander si la dissolution des nuages est un effet du rayonnement direct rte la surface du sol échauffé , ou bien si elle résulte, le long de la Côte, de l'existence de courants ascendants. (Voy . note L, page 307 .) Les détails dans lesquels nous venons d’entrer, et que nous devons à une obligeante communication de M. Ritter, suffisent pour nous montrer que les vignobles de la Côte, en dehors des points que nous avons étudiés et qui se rapportent aux cépages, au sol, au climat, à 1 exposition, à l'inclinaison, se trouvent dans des conditions particulières d'insolation , de lumière, dues à des circonstances locales très-mu ltipliées et très- complexes, dont les considérations précédentes per¬ mettent d’entrevoir l'origine. Sans prétendre qu’il soit possible d’assigner dès maintenant la part qui doit être attribuée à ces influences locales , on ne peut se refuser d’admettre qu’elles doivent agir très-activement et dans un sens très-favorable à la végétation de la Vigne. Seulement , il est essentiel rte ne pas perdre de vue que tous ces phénomènes locaux sont dus A des actions essentiellement différentielles; la différence d'orientation, les dispositions topographiques parti¬ culières , le voisinage de formations de nature et de propriétés diverses, pourront modifier et intervenir même d'une manière complète les conséquences météorologiques obtenues dans un lieu déterminé. INFLUENCES LOCALES. 273 Aiusi , ou voit qu’il 11e suffît pas de constater rigou- reusemeut les conditions dans lesquelles se trouve une région, pour pouvoir en tirer toutes les conséquences possibles relativement à son influence dans la végéta¬ tion ; un élément qui no devra jamais être négligé résulte de la comparaison du point spécialement étudié avec ceux qui l'entourent et l’avoisinent. Si donc l’exposition de nos vignobles est une des causes principales de la supériorité des produits qu’ils peuvent fournil*, la disposition des régions voisines vient encore accroître les heureux effets de cette influ¬ ence favorable, en augmentant la durée de l’inso¬ lation. Ce que M. Ritter a fait pour le département de la Côte-d'Or, d’autres l’entieprendront pour d’autres loca¬ lités; et nous serions bien trompés, si l’étude et la connaissance de ces influences locales ne venaient pas jeter un jour tout, nouveau sur les points encore obscurs que nous avons signalés tout à l’heure. Sans contester l’exactitude des conséquences générales que nous avons établies, nous devons reconnaître que, pour les appliquer dans une localité donnée , il faut encore faire intervenir une condition nouvelle , un coelîicient local , qui tantôt vient pallier le mauvais effet de cer¬ taines circonstances fâcheuses, tantôt, au contraire, détruit certaines influences favorables. Nous pourrons dès lors donner un nom à cette nouvelle condition, sans craindre de tomber dans la faute que nous avons signalée tout à l’heure : les influences locales, c’est 274 NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇON. # semble des circonstances dont nous nous étions proposé d'étudier les effets. Mais, s’il reste encore beaucoup à faire sur l’histoire des cépages, les effets dus à la nature du sol, Fin- fluence des climats et des saisons, on peut dire que tout est à découvrir relativement à la connaissance de ce coefficient local , dont l’importance est d’autant plus grande qu’il peut réagir très-fortement sur les autres conditions. Il faudra que des recherches spéciales soient entreprises dans chaque localité pour qu’on puisse ar¬ river à quelque résultat exact sur ce point délicat ; les données que nous possédons jusqu'à présent sont trop vagues et trop incertaines pour qu’on puisse tirer de leur discussion des conséquences rigoureuses. Ce qui pourra nous guider pour avancer ces études, nécessaire¬ ment très-longues à cause des nombreuses observations qu’elles exigent, ce sera la comparaison des faits con¬ statés et admis avec les conséquences fournies par une application sévère et consciencieuse des données moyennes et pour ainsi dire théoriques. Quand ces deux éléments seront d’accord , nous pourrons en con¬ clure , non pas que l’effet local est nul , mais que son action définitive se balance et se compense assez exac¬ tement de manière à en atténuer l’influence ; quand, au contraire , nous trouverons qu’une large part doit être faite à ces influences mal définies, peu ou point appréciables par les conditions générales, nous pour¬ rons être sûrs d’avoir trouvé un de ces points privi¬ légiés où l’étude de ces phénomènes peut promettre à coup sûr la découverte d’un fait important , ou une INFLUENCES LOCALES. 275 vérification nouvelle d’une loi dont la confirmation et le solide établissement peuvent devenir si intéressants et si féconds en utiles résultats. Nous avons terminé l'étude des questions qui se rap¬ portent à la Vigne, à sa culture, à son développement, à son produit ; il nous reste maintenant à nous occu¬ per du vin , à montrer comment on peut l’obtenir au moyeu du raisin , à examiner sa composition , le carac¬ tère et les causes des nombreuses différences qu’il pré¬ sente , les modifications que le temps peut apporter à sa nature et à ses qualités. En un mot, nous essaierons de faire dans la seconde partie de ces leçons l’histoire chimique du vin, comme nous avons fait dans la pre¬ mière l’histoire •liimique de la Vigne et du raisin. NOTES DE LA NEUVIÈME ET DE LA DIXIÈME LEÇON. J # Liste des principaux cépages dressée suivant l'époque de la maturité du raisin. Parmi les questions que soulève l’étude des cépages , la plus importante est sans contredit celle qui se rattache au transport de ces variétés d’un lieu dans un autre, et à la possibilité d’améliorer les vins par l’introduction de nou¬ veaux cépages. Ce n’est que par des essais nombreux ten¬ tés dans les différents vignobles qu’on pourra réunir les données nécessaires à la solution de ce problème , en même temps qu’on reconnaîtra par cette culture, dans des condi¬ tions variées de sol , de climat, quels sont les cépages faci¬ lement influencés par ces changements, et dans quel sens s’opèrent ces variations. Nous avons insisté sur un point qui est capital : c’est que le cépage puisse arriver à maturité complète dans sa nouvelle patrie, et qu’il s’accommode des conditions souvent très-différentes qu’il pourra rencon¬ trer. On a des exemples qui montrent que cette acclimata¬ tion est possible pour un grand nombre; le transport de quelques cépages dans des localités très-éloignées et des climats différents, la dissémination que nous observons pour d’autres sur une étendue assez considérable, mon- LISTE DES PRINCIPAUX CÉPAGES. 277 Irent que l’existence d'une variété n’est pas liée, pour un temps du moins, à des conditions spéciales et immuables. M. le comte Odart, à qui nous devons la description des cépages les plus estimés dans tous les vignobles , a réuni dans son domaine de la Dorée , près de Tours, une très-belle et très-nombreuse collection de cépages , provenant de tous les pays où la Vigne est cultivée. 11 a dressé la liste des principaux cépages qu'il a eu occasion d’étudier, suivant l’époque de leur maturité dans celte localité particulière. On comprendra facilement l’importance d’un pareil rap¬ prochement. 11 fournira des données très-utiles pour l'accli¬ matation possible des variétés étrangères en Touraine et dans les climats analogues. De plus, en comparant les épo¬ ques de maturation observées à la Dorée à celles qui cor¬ respondent au pays natal de chaque cépage, on verra quelles modifications ont été causées sous ce rapport par le changement de climat, et combien est grande cette in¬ fluence sur les différents cépages. Il serait à désirer qu’on dressât un pareil tableau dans toutes les localités où il existe des collections importantes. Les cépages sont divisés en six groupes, suivant l’époque de leur maturité. La première section ne comprend guère que des raisins de table. Nous avons placé dans la sixième quelques cépages qui ne mûrissent pas en Touraine. M. le comte Odart ne donne pas la date de la maturité pour cha¬ que époque ; mais chacune est séparée de la précédente et de la suivante par une dizaine de jours, et, de plus, le Côt, qui se trouve placé dans la troisième époque, mûrit en Touraine dans la dernière quinzaine de septembre. On comprend du reste que, même sans sortir de cette contrée , il y aura quelques variations dans la concordance de ma¬ turité, car la nature du sol, l’exposition, exerceront une grande influence. Mais le tableau suivant n’en fournit pas 16 278 NOTES DES NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇONS. moins des indications très-suffisantes pour montrer la gra¬ dation qui existe sous ce rapport entre les différents cépa¬ ges, et pour faire connaître quels sont ceux qui dans un climat déterminé mûrissent à la même époque. En empruntant la liste suivante à 1 ' Ampélographie univer¬ selle de M. le comte Odart, nous avons cru devoir faire con¬ naître, toujours d’après les travaux du même auteur, l’ori¬ gine de chacun des cépages , et pour quelques-uns d’entre eux les di décentes dénominations qu’ils ont reçues dans les localités où on les cultive. PREMIÈRE ÉPOQUE Raisins noirs. Le Morillon hâtif ou raisin de la Madeleine (de Paris et de presque toute la France); Jacobs Traube (de l’Allemagne); July grape (des Anglais) ou raisin de juillet. Le précoce de Gênes ou raisin d’ischia, qui fournit en Italie jusqu’à trois récoltes. Raisins blancs. Le Joannenc du Vaucluse. Le précoce blanc ou Madeleine blanche de Malingre. Le vert précoce de Madère ou Madeleine verte de la Dorée (comte Odart). Le blanc précoce de Kientsheim (bords du Rhin). La Luglienga bianca (Italie). DEUXIÈME ÉPOQUE Raisins noirs. Tous les Pinots de Bourgogne doivent être rangés dans cette section. Nous indiquerons la synonymie du Pinot ou LISTE DES PRINCIPAUX CÉPAGES. 279 Noirien de la Côte-d’Or telle que la donne M. le comte Odart : Noirien ou Pinot (Côte-d’Or); — franc Pinot (clos de Migraine, Yonne); — petit plant doré (département de la Marne); — Auvernat noir (Haut-Rhin, Loiret, Loir-et-Cher); — Orléans et plant noble (Indre-et-Loire); — Salvagnin noir (Jura et Cortaillod en Suisse); — schwartz Clàvner (Alsace); — noir de Franconie (collection de Schams près de Budel; — Czema okrugla ranka (Sirmie en Hongrie). Le Puisard, appelé Pendoulot ou raisin perle (Jura), désigné dans le département de l’Ain sous le nom de Métie. Le Neyrou ou Couget (Puy-de-Dôme). On en distingue deux variétés : le gros Neyrou, appelé Moret dans le Cher, et le petit Neyrou. Le plant de la Dole (Genève). C’est le même cépage que la petite Bourgogne (canton de Vaud). Les bonnes variétés de Gamays. Le Teinturier, gros noir (Cher); — Oporlo (Gironde); — tinta Francisca (vignoble du haut Douro); — Romé noir (Andalousie). ILalslnf» gris ou rouge clair. Le Pinot gris, Burot (Bourgogne); — le Fromentot et petit gris (Champagne) ; — l’Auxois, gris de Dornot (Moselle) ; — le gris Cordelier (Allier); — le Malvoisie ou Auvernat gris (Loiret, Indre-et-Loire); — le Fauvé (Jura); — le Malvoi- sien (Doubs); — le grauer Clâvner et le Rulandcr (Alle¬ magne). La Malvoisie rouge d’Italie. Le Chasselas royal rosé, Tramontaner (Allemagne). Halslns tel an es. Le Chasselas de Montauban à gros grains (comte Odart). Le Chasselas hâtif, Chasselas de Bar-sur-Aube. 280 NOTES DES NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇONS. * Le Lignan ou Puisait blanc (Jura). Le grün Sylvaner (bords du Rhin). TROISIÈME ÉPOQUE Raisins noirs. Le Côt du Cher et ses nombreuses variétés ( Vienne, Indre-et-Loire). La synonymie de ce cépage est très-com¬ plexe. Nous citerons l’Auxerrois (Lot) ,* — la Quille-de-Coq (Auxerre); — la Côte-Rouge (Tarn et Dordogne); le noir de Preissac ( Gironde ) ; — le Quercy (Charente); — le Bourguignon noir (Meurthe, Saône-el- Loire). Le gros Gamay. Le petit Baclan ou Beclan (Jura). L’Enfariné (Arbois, Salins, Poligny). Ce cépage est signalé comme étant éminemment tannifère. Le Trousseau (Jura), très-peu sensible aux intempéries. Le Merlot (Gironde), à côté duquel on peut placer le Cauny et le Tarney-Coulant de la même localité. Le Chauché ou Pinot du Poitou. Le Bastardo (Portugal). Le Muscat de Madère , le Muscat noir du Jura et le Muscat d’Eisenstad, plus précoce que les précédents. Le Cailhaba (Hautes-Pyrénées). La Barbera d’Asti (Italie). Le Dolceto nero, cultivé dans les vignobles de Novi, de Mondovi et dans ceux d’Acqui, d’où lui est venu le nom d'Uva di Acqui. Le noir de Zante (îles Ioniennes). Le Kechmish-Ali (Perse). La Serine (commune d’Ampuis, Rhône). Le Vaiano (Toscane). LISTE DES PRINCIPAUX CÉTAGES. R»Ulns de couleur intermédiaire. Le Chauehé gris du Poitou. Le Guindoulenc (Tarn). Le Sûrin ou Fié (cours de la Loire et de ta Vienne). Ce cépage est le même que le Sauvignon de la Gironde et de la Charente, et le Blanc-Fumé du département de la Nièvre. La Malvoisie rousse (Tam-et-Garonne). Raisins blancs. Le Pinot blanc, Charderav ou Chaudenay, Noirien blanc (Côte-d’Or, Yonne, Saône-et-Loire). Le plant de Tonnerre, variété du précédent (Indre-et-Loire). Une autre variété très - répandue est connue dans un grand nombre de localités sous des noms très -différents. Ainsi, il faut réunir : le Morillon blanc, l’Epinette, le Beau- nois (Yonne et Marne); — PAuxois ou Auxerrois blanc (Moselle); — le weiss Clavner ou Gentil-Blanc (Bas-Rhin); — l’Auvernat blanc (Haut-Rhin , Loiret, Loir-et-Cher) ; — l’Arnoison blanc (Indre-et-Loire); — le Savagnin jaune (Jura); — le Meslier jaune (Nièvre); le weiss Sussling (Brisgau). Le Muscadet ou Raisinote de la Gironde. Le Muscadet de la Loire-Inférieure. Le primavis Muscat. Le Muscat blanc hâtif du Puy-de-Dôme (comte Odart). Le Fromenté blanc (Aube); — weiss Traminer (Alle¬ magne). La Folle-Blanche (Charente). Le Diamant-Traube (Crimée). La Malvoisie blanche de la Drôme. Et toutes les variétés de Chasselas. 16' 282 NOTES DES NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇONS. QUATRIÈME ÉPOQUE Raisins noirs. 4 Le Groslot du Cher. Les deux Sirrahs (Hermitage). La grosse Mérille (Gironde), qui prend, en remontant la Garonne, le nom de Bordelais. Le plant de Manosque ou Manosquen (Var et Bouches- du-Rhône), désigné aux environs de Marseille sous le nom de plant de Porto. Le gros Mollar des Alpes. L'Arrouya des Hautes-Pyrénées. Les Verrots ou Tressots de P Yonne. lTne variété de cette famille donne les vins de Coulanges (Yonne) et ceux des Riceys (Aube). On la désigne dans l’Yonne sous le nom de bon Tressot, de Yerrot de Coulanges, et dans les Riceys on l’appelle Nerien ou Noirien. Le Pinot d’Aunis (Loir-et-Cher); — Chenin noir (comte Odart). La Barbera fina (Piémont). Le Corbeau ou gros noir (Lyonnais et Isère). La Nieddera (Sardaigne) ou Nireddie (Sicile). Associé à la Pignatella, il produit le vin de Riposto. Le Touriga (Portugal). Cépage qui donne les meilleurs vins du Douro. Le Muskatellier de Genève. Raisins gris on violet clair. Raisins de Limdi-Kanah (Afghanistan). Cépage obtenu de semis par M. le comte Odart. Le Fendant roux, roth Sussling (Haut-Rhin). LISTE DES PRINCIPAUX CÉPAGES. 283 Le Barbaroux ( Languedoc ) ou Grec rouge ( Tarn - et- Garonne). La Barbarossa (Piémont). Le Fleis roth Velteliner (coteaux du Rhin et du Necker). Le roth Traminer ou Tramin rouge (Alsace et Palatinat). Le Sylvaner rouge (Allemagne). Raisins blancs. Le Jubi ou Augibi (Gard, Hérault). Le Vionnier (Rhône), très-abondant dans le vignoble de Condrieu et de Saint-Michel (Loire). Le Danezy de l’Ailier. Le Tressalier, aussi très- répandu dans la même localité. Le Colombar de la Charente. La Malvoisie verte à petits grains (Italie). Le Pascaou ou plant Pascal (Var et Bouches-du-Rhône). Le Savagnin vert du Jura, grun Traminer (coteaux du Rhin). Le Blanc -Semillon (Gironde), appelé aussi Colombar dans le même département, et Chevrier dans la Dordogne. Le Pedro-Xi mènes (Espagne). Le Verdelho (Madère). Le Sercial ou Esganaçao (Portugal et Madère). Ce cépage fournit le meilleur vin de Madère. Le Terr-Gulmeck (Crimée). CINQUIÈME ÉPOQUE Raisins noirs. L’Aleatico ncro (Toscane et Corse). L’Aramon, plant riche (Gard, Hérault). — L’Ugni noir (Var, Bouches-du-Rhône). — Le Revallaire (Haute-Garonne). 284 NOTES DES NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇONS. Le Brun-Fourca (ancienne Provence). — Le Moulan (Hé¬ rault). — LeMoulard (Gard). — Caula noir (Vaucluse). La Canajola nera (Toscane). Le Carmenet ou Carbenet, encore appelé petite Vuidure (Gironde). C’est le même que le Breton (Jndre-et- Loire et Vienne). — Le Véronais (arrondissement de Saumur). — Le Véron (Nièvre et Deux-Sèvres). Le Fuella ou Fuola (environs de Nice) ; appelé encore, selon M. Demerméty, Boletto nero. Le Giro (Sardaigne). La Picpouille (Var, Bouches-du-Rhône, Gard, Hérault). — Picapulla (Pyrénées et Espagne). Le Monnestel , bois dur (Provence). — Le Morrastel (Es¬ pagne). — Le Perpignan (Tarn-et-Garonne). L’Ulliade ou Ouilliade (Gard , Hérault). — La Morlerille noire (Haute-Garonne). — Le gros Marocain (Charente). Le Sciacarello (Corse). Le Verdot (Gironde). Raisins gris ou violet clair. Le Malvoisie de l’Istri*. L’Arbourlah (Crimée). La Claretta (Nice). — La Blanquette (Gard, Hérault, Pyré¬ nées-Orientales). La Picpouille rose (Haute-Garonne et Pyrénées). Le Piccolito rosso (Italie). Raisins blancs. Le Chenin (coteaux de la Vienne). — Le gros Pinot (co¬ teaux de la Loire). — Le Plant de Brézé (Deux-Sèvres. — L’Ugne Lombarde (Gard). Le petit Pinot de la Loire. LISTE DES PRINCIPAUX CÉPAGES. 285 Le Verdet (Touraine). Les Corinthes (Morée et Archipel). Le Muscat commun. Le Muscat bifère (Gard). Ce cépage donne souvent dans le Midi une seconde récolte. Le gros et le petit Riesling (bords du Rhin). La Malvazia de Sitges (Andalousie). — Cherès (Gard). — Tinto hlanc (vignoble de La Nerthe, Vaucluse). — Verdal (Hautes et Basses-Alpes). La Malvasia bianca (Nice). — Il existe en Toscane un cé¬ page portant le même nom. LeMaccabeo (Espagne, Pyrénées-Orientales). La Roussanne ou Roussette (Ain, Ardèche, Drôme. — Vi¬ gnoble de l’Ermitage). SIXIEME ÉPOQUE Raisins noirs. Le Grenache ou Granache (Pyrénées-Orientales, Hérault, Gard). — L’Aragonais (Madrid). — Le Roussillon , l’Ali¬ cante (Var et Bouches-du-Rhône). — Le Rédondal (Haute- Garonne). La Carcagiola (Corse). Raisin ronge violet. Le Refosco (Istrie). Raisins blancs. La Panse musquée ou Muscat d'Alexandrie (Italie, Espa¬ gne et midi de la France). La Carnaccia bianca (Sardaigne). Le Poumestré (Provence). — Verjus du centre de la F rance. 286 NOTES DES NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇONS. Nous ne voulons pas examiner les questions que pourrait offrir à notre élude la discussion de la liste précédente; nous nous bornerons à rappeler que notre intention a été seule¬ ment de montrer toute l'importance que peut présenter la culture des cépages étrangers et la possibilité de modifier, pour la plupart, les conditions climatologiques dans les¬ quelles ils vivent ordinairement. Mais nous insisterons sur ce point, que c’est par l’expérience seule et par une obser¬ vation attentive qu’on arrivera à reconnaître pour chacun d’eux les modifications qu’il peut éprouver par suite de ce changement, et par conséquent, les qualités qu’il présentera dans les conditions nouvelles où il se trouvera placé. Application de la météorologie à l'étude des phénomènes périodiques de la Vigne. Les premières traces de végétation se manifestent dans les Vignes lorsque la température s’est élevée au-dessus de 9°. Alors les bourgeons commencent à s’ouvrir; les feuilles se développent quand, elle se maintient à 12° ou 14°. La floraison a lieu quand cette température moyenne atteint 17°; suivant M. de Gasparin , la Vigne est en pleine fleur à i8°2, et elle a passé fleur quand la température monte au-dessus de 19°. A partir de ce moment, la chaleur de l’été est nécessaire pour amener la maturation , qui n’arrive guère dans le centre de la France que vers la fin de septembre et souvent même est retardée jusque dans les premiers jours d’octobre. PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES DE LA VIGNE. 287 Mais ces indications doivent varier très-sensiblement sui¬ vant la nature des cépages, et les observations locales ten¬ dant à réunir ces documents pour les différents cépages présenteraient un grand intérêt. Le tableau suivant donne les dates auxquelles ont com¬ mencé les phases les plus importantes de la végétation de la Vigne à Dijon de 1844 à 1852; les observations ont été re¬ cueillies au Jardin Botanique. M. Quetelet a fait de nombreuses recherches sur les phé¬ nomènes périodiques des plantes, et il a montré, dans un mémoire important inséré dans le tome 5e des Annales de l'Observatoire royal de Bruxelles , combien seraient utiles les observations qui auraient pour but de faire connaître, dans chaque localité, les époques de ces phénomènes pério¬ diques pour les plantes les plus usuelles. Nous extrayons des nombreux documents consignés dans ce travail quel¬ ques observations sur la Vigne; M. Quetelet avait recom¬ mandé à ses correspondants d’observer ces phénomènes sur le Chasselas. 288 NOTES DES NEUVIEME ET DIXIEME LEÇONS. en 2 § c mm* • O o- P (t) C *m* • o o- 1 r-« cZ’ 5T p" C 73* O O P O • 5* o s » 3 O • • • P • • 00 00 00 00 30 X 00 X QO X QOXXXX X X X X X S4** «f* 4». 4* «t* +<* ^ 4** 4«* 4** i*' ^ 4^ 4^ W ^ ^ Vin W Cn 4** CO t© ►* 4~ io en D I I ® ce co te Ci o o en o jg Ci CO « E.e! E. ?T • o t© t© *■* *© K, **• te © *4 en co c s 5’ 2. i =• co t© OOCÏ 3 2 O . g, ^ I r te ~ 3 2 o 2. < r CSC — le — en 2 en C P = 1 = ^ te en Ci t© B ? 3 P T P _ o ,, w _ — wwwC o^CCw I c r* t p C c c c P w * ~ o w o o c O c Ci c c P# c B s P te co t© o en te ^ 4*- t© w P w - 1 1“ Ci t •4 en P » *■■ • s I© P ^ W W Bruxelles. Ostende. Utrecht. Dijon. Munich. Parme. Venise. PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES DE LA VIGNE. 289 Tout incomplètes que sonl ces indications, nous n'avons pas hésité à les réunir, afin de provoquer dans les différents vignobles la publication de renseignements analogues, dont la comparaison conduirait certainement à des remarques du plus haut intérêt. L’époque de la maturité suit la même loi que celle des autres phénomènes de la végétation de la Vigne, elle est, comme nous avons mi, très-variable suivant la nature des cépages; mais, en la fixant d’après la date delà vendange, on peut avoir pour chaque localité un chiffre moyen qui re¬ présente l’influence générale du climat et celle des saisons. On a pour plusieurs vignobles des séries donnant cette indication pendant une longue suite d'années; nous ne si¬ gnalerons que les observations laites en Bourgogne, parce qu’elles ont donné lieu à de nombreuses discussions dont nous devons faire connaître le résultat. Les données que l’on possède sur l’époque de l’ouverture des vendanges à Dijon remontent au milieu du quatorzième siècle; on connaît également la date de celle opération pour d’autres localités de la Côle, mais pendant un moindre in¬ tervalle. Nous n’avons pas voulu réunir toutes ces séries, car leur discussion nous entraînerait trop loin; nous nous contenterons de rapprocher les moyennes de dix ans en dix ans de Dijon, Beaune et Yolnay depuis 1701 jusqu'à 1840. La première colonne nous donne dans chaque localité l’épo¬ que moyenne de l’ouverture de la vendange pendant chaque période de dix années; dans la seconde nous avons indiqué le nombre d'années où les vendanges oui commencé en oc¬ tobre dans chacune de ces périodes. En nous attachant plus particulièrement aux chiffres donnés pour la commune de Yolnay, nous ne trouvons dans tout le XVIIIe siècle qu’une seule année (1719) où les vendanges aienl commencé pen¬ dant le mois d’août. 17 200 NOTES DES NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇONS. x x x w w - -I -1 C X P' P' P- P- P- P' P' P X X X X X -I ^ W - O c X ^ Ci V» %> -4-4-4 W IC - > 52! 5g W- W w Q K) K) M CO V* C* © © X © IC © IC K) IC IC -I © •- o •o en o en x p o a S! W — o p r: jd ^ c c m c a> §.§"5 a 3 | ? 5 ^ 3 o -3 o O O Ct> < g ■c T3 2 5 c O 1 o Q. 5 o> cr i 1 1 5 o s mm • O 1 g Qî «4. D C 0 c- o • • cr • 05 2 cp

rt 4< <*» “4 ** t€ O '/ o O o o 1 ° cr tX> 1 ? 1414 14 14141414- 41 4« Cî X 4’ Ï4 14 C I I I I I I w -o | 1 * (P C 3 « VJ D g-» CP *3 1 t» C c 1 •> K CP “J CP 7 31 48 74“ Juin . 1SO0 30 12 71o Juillet . 1907 31 56 67o Août . 19°0 31 51 67o Septembre . . 15o7 30 38 79o Octobre. . . . 9o0 9 ,9 84o Année 1836. — La vendange a commencé le 19 octobre; la récolte a été abondante, et le vin de qualité moyenne. MOIS TEMPÉRATCRE ♦ NOMBRES de JOURS. QUANTITÉS d’eau tombée en MILLIMÈTRES. HUMIDITÉ estimée en degrés dt rbjgronitlre de SAUSSIRK. Avril . 10°6 30 32 74» Mai . 1 4®3 31 52 69° Juin . 20°6 30 90 72° Juillet . 1 2204 31 68 69° Août . 2105 31 73 75° Septembre . . 1500 30 77 81° Octobre. . . . 907 18 27 80° Ces résultats nous montrent que la température moyenne des jours dont se compose la culture et la durée de cette culture ont une grande influence sur les qualités du vin. En 1834, la température moyenne a été de 17°3, et la durée de la culture de 181 jours. En 1833, on a obtenu seulement 14°7 de température moyenne, et la culture a duré 208 jours. Un été chaud favorise certainement la végétation de la Vigne, et, quand cette condition n'est pas satisfaite, le produit est médiocre; mais la température moyenne du com- 308 NOTES DES NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇONS. mencement de l’automne parait avoir plus d’importance. Sous ce rapport, 1834 et 1811 se distinguent très-nettement des autres années. Quant aux pluies, M. Roussingault fait observer que la proportion totale d’eau tombée pendant la culture ne semble pas avoir une influence bien sensible sur la qualité du vin; elle influe davantage sur la quantité. Les récoltes qui ont reçu le moins d’eau ont été les plus abondantes; mais, si on examine la répartition des pluies aux différentes époques de la culture, on arrive à des résultats plus précis, et on trouve que dans les meilleures années il est tombé très-peu d’eau avant la floraison et aux approches de la ven¬ dange. Le tableau suivant résume toutes les observations qui précèdent. On y a joint celles qui correspondent à l'année 181 1 (année de la comète), renommée par la qualité du vin qu’elle a produit. époques Température moyenne Quantités d'eau tombée a mis. de la Teudjufff. jours de culture. pendant la cultore. de I été. du pendant’ curun^ut . de Tautomae. culture. avant la floraisa. pondant le coiuineiit do l’aolomtc. 833 834 835 1836 *26 oct 29 sept 10 oct. 19 oct. 208 181 192 201 1811 1 er oct. 183 1 4°7 1 1703 1 II04 1703 20«3 I7°0 15o8 19«5 12«3 16°7* 21«5 1 2°3 17«5 19o6 1 5o() 459 352 2 45 419 112 42 69 81 426 78 128 28 104 65 En Alsace , la température moyenne pendant la durée de la culture de la Vigne doit être au-dessus de 16° pour que le vin soit d’une qualité supportable. En 1833, année PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES DE LA VIGNE. 309 où cette température n'a pas atteint <5, le vin a été très- mauvais. Si la température moyenne dans cet intervalle descend au-dessous de ce chiflre, on doit s’attendre à des produits plus mauvais encore. C’est ce qui arrive dans le département de la Seine, où, malgré une température moyenne annuelle plus élevée, le climat, moins excessif qu’en Alsace, ne permet guère à la durée de la culture de la Vigne qu’une température moyenne de 14°5. Dans les années où elle atteindra, par exception, 15 et 16°, le vin y sera toujours très-médiocre et analogue à celui qui est récolté sur les bords du Rhin dans les mauvaises années. On voit par tout ce qui précède que, s’il est possible d’a¬ nalyser et de représenter par des chiffres quelques-uns des éléments qui influent sur la récolte de la Vigne, ces élé¬ ments sont très-complexes, et qu’il faut tenir compte d'un grand nombre de circonstances qui peuvent modifier leur influence. M. de Humboldt signale combien , dans la culture de certaines plantes qui exigent l’action directe des rayons solaires pour la maturité du fruit , l’éloignement des côtes est un élément important. 11 pense que les évaluations les plus précises de. la température moyenne des étés ne nous expliquent qu’assez imparfaitement les difficultés qui s’op¬ posent vers le nord ou sur un littoral brumeux , non à la culture de la Vigne, mais à la production de vins potables. Une même quantité de chaleur estivale peut être très-diffé¬ remment distribuée entre les mois de juin, de juillet et d’août. Les températures et l’état hygrométrique de l’air au moment de la floraison de la Vigne et vers la dernière époque de sa maturité déterminent le succès des récoltes. Le tableau suivant dressé par M. de Humboldt indique les rapports qui existent entre certains climats et la culture de la Vigne. 310 NOTES DES NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇONS O n O a O r* 15 c O cr O rt> p P 2 3 3 c CL T »■» • cv N • 5* ■ O cr 3 O P 3 C/i c • • 3 • • • • • O • • t • • • • • — * I C/3 • c en en en CO s K> o> 05 o o o o o O te CO CO eo CO CO o K) *• Cn • • 03 — 05 M *4 u in 00 QO O CS de l’année de l'hiver. du printemps de l’automne. du mois le plus froid. du mois le plus chaud. O •— * • g ■g ST TEMPÉRATURE MOYENNE YICfîîOBLES DE LA CÔTE-D’OR. «w * . 344 •i. Ces rapprochements nous montrent, comme le fait obser¬ ver également M. Boussingault, que, pour que la Vigne puisse produire dans une localité déterminée un vin potable, il ne suffit pas que l’on ait un été et un automne ayant un certain chiffre de température moyenne, mais il faut qu’à une période donnée, celle qui suit l’apparition des grains , il y ait un mois dont la température moyenne ne descende pas au-dessous de 19°. \ • < A Sur les vignobles de la Côte-d’Or Nous avons fait connaitre la nature des différents sols 4 * * I • I , • . i* * , n sur lesquels sont placées les Vignes de la Côte-d’Or. ». * i • • r • * (Pot/, note D, page 73.) Pour compléter la description de ces importants vignobles, nous ajouterons quelques ren- seignements sur la position des crus les plus renommés. jpç Nous les emprunterons, comme les précédents, au mémoire publié par M. de Vergnctte sur les terrains livrés à la cul- §Sv turc de la Vigne dans la Côte-d’Or. 7 L La plaine au milieu de laquelle coule la Saône présente, '•& dans le département de la Côte-d’Or, une hauteur moyenne ; , de 220 mètres 50 cent, au-dessus du niveau de la mer. ftT ' • * * * * 0 ' * r * •’ * ^ C- 'r% 1 * Les sommets de la Côte s’élèvent en moyenne à une hau- leur de 170 mètres au-dessus de la plaine, et c’est sur la pente inclinée qui va de ces sommets à la plaine que sont '$1 placés tous les grands crus de la Bourgogne. Derrière le W* premier étage de collines s’en trouve un second sur le Js- versant oriental duquel sont plantées les Vignes de l’arrière- 312 NOTES DES NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇONS. Côte et dont les sommets sont à 240 mètres au-dessus de la plaine. Enfin, en s’éloignant toujours perpendiculairement à la Côte, on arrive aux points de partage des eaux, qui s’élèvent à 320 mètres au-dessus de la même base. M. de Vergnette fait observer que c’est à l’abri de ces montagnes et aux influences météorologiques qui se développent dans le vaste bassin qu’elles dominent, que nous devons un climat si éminemment favorable à la culture de la Vigne. Les grands crus qui occupent le versant venant rejoindre la plaine ne sont pas placés indistinctement sur tous les points de ce versant. M. de Vergnette a constaté, par des nivellements barométriques pris sur les limites inférieures et supérieures des premiers climats de la Côte-d’Or, qu’ils sont tous compris entre 15 et 78 mètres de hauteur verti¬ cale au-dessus de la plaine, c’est-à-dire entre 235 mètres et 300 mètres de hauteur au-dessus du niveau de la mer. Plus bas, on récolte des vins moins délicats et plus faibles; au-dessus, des vins plus durs et classés comme produits de deuxième et de troisième ordre. Nous avons dit ailleurs que les différences présentées par¬ les vins récoltés dans cette zone privilégiée devaient être attribuées en grande partie à l’influence propre du sol. Nous avons signalé toute l’importance que présentent les observations commencées par M. Hitler au point de vue de l’étude des conditions particulières dans lesquelles se trou¬ vent les vignobles de la Côte. Nous emprunterons encore à son mémoire un calcul qui montrera le rôle que peut jouer dans ces phénomènes la position du premier versant entre la plaine et le second étage de collines qui porte les Vignes de l’arrière-côte. M. Hitler décrit dans ce passage le mode de déplacement d’une éclaircie située au-dessus de la Côte et qui contrastait avec l’état nébuleux du ciel au-dessus de la plaine et de l’autre côté des sommets de la Côte. VIGNOBLES DE LA CÔTE-D’OR. 313 « Le 28 juillet 1854, je me trouvais près de Beaune au pied de la Côte, qui en cet endroit est orientée 30° E.; le ciel, serein pendant la matinée, avait été envahi peu à peu par des cumulus assez clairsemés, charriés rapidement par un vent d’ouest. Néanmoins, pendant une grande partie de la journée j’ai pu observer dans ce ciel couvert une longue éclaircie ayant absolument même orientation que la Côte , et qui s’étendait sur une longueur de 20 kil. entre Beaune et Chagny. « L’axe de l’éclaircie était à mon zénith; je pus parfaite¬ ment reconnaître que tous les nuages venus de l’ouest , à mesure qu’ils arrivaient vers l’E. d’une certaine ligne, se dissolvaient invariablement, puis se reformaient de nouveau à quelque distance plus loin, suivant une ligne parallèle à la première. Je mesurai approximativement à l’éclimè- tre la hauteur angulaire des deux bords latéraux de l’éclair¬ cie, et je trouvai les nombres suivants : « Toute l’éclaircie s’était donc avancée vers l’est ; on pour¬ rait provisoirement s’expliquer ce déplacement en admet¬ tant l’existence d’une nappe ascendante parallèle à la Côte et qui , sous l’influence du vent d’ouest, devait se réfléchir vers l’est. Que l’on suppose maintenant que la couche des :8 3 H NOTES DES NEUVIÈME ET DIXIÈME LEÇONS. + cumulus s’était élevée par l’effet de la chaleur du jour, et l’on voit que cette couche devait rencontrer la nappe ascen¬ dante de plus en plus vers l’est. C’est donc de plus en plus vers l’est que devait se produire et apparaître l’éclaircie fixe, comme je l’ai observé en effet. « Mais, si telle est l'explication du phénomène, ce n’est point l’escarpement de la Côte immédiatement contigu à la plaine et au pied de laquelle je me trouvais qui devait pro¬ duire l’éclaircie; cette éclaircie, à H heures du matin, était au zénith de cet escarpement et même un peu au-delà vers l’ouest; la nappe ascendante infléchie devait donc venir de plus loin, et je ne lui trouve d’origine assignable que dans un second escarpement parallèle au premier, mais à 6 kil. plus à l’ouest. Cette arrière-côte est produite par une faille remarquable orientée 30° E., qui a mis à nu, sur une lon¬ gueur de 20 kil. et 1 kil. de largeur moyenne, une zone de marnes du lias. Cette zone, eu égard à l’inclinaison , à la teinte et à l’humidité relative d'un talus concave parfaite¬ ment exposé au soleil, semble appelée à une action spéciale sur l’atmosphère supérieure. » Si donc les vignobles de la Côte doivent leur supériorité à un concours de circonstances dont on trouve l’explication dans l’examen des particularités qu’ils offrent sous le rap¬ port du climat, du sol, de l’exposition, il faut encore y joindre l’influence heureuse qui provient de la disposition des contrées voisines , et qui augmente les conditions déjà si favorables dans lesquelles ils se trouvent placés. Nous terminerons en donnant quelques- unes des nom¬ breuses observations faites au centre de nos vignobles par M. de Vergnette; elles suffiront pour donner une idée des conditions dans lesquelles s’accomplit dans nos contrées la végétation de la Vigne. • # r J ■£: £ .. éMgM ' . r*v - • ‘ • ^ ' T- 7® - ; :■>;■«• -T“%" . « ? • • , . * •V * * si •• - 4 7Î4L2»v4 ï. VIGNOBLES DE LA COTE-D OR. 315 O tableau nous montre qu’il s’écoule en moyenne 97 jours entre la fin de la floraison et la vendange; qu’en. 1842 la moyenne des maximums de température a été de 24° 29. dans celte période; en 18 il elle n’a été que/dé 20° 88 dans le même intervalle. Les sommes, indiquées au tableau préj cèdent ont été obtenues en faisant .simplement l’addition des maximums observés chaque jour.. M. de Vergnette fait ♦ • •»« ••.»'' « •'* ^ *,*V f T ’> .•*. V*- • . ’ remarquer que l’année 1838 ^qui, a donné dans cette pé-. riode les vins les plus solides, est celle pour laquelle l'époque, 1 -• v ' V. v* •' • de la vendange a été précédée par le moins de pluie. I NATURE 1 des I observations 1838 1839 1810 1841 18 42 1843 18441 1 f Nombres j ! 100 De la | . de , 98 92 97 97 96 99 I I floraison ' jours. I 1 à la . Sommes des / * • ‘ 1 vendange. 1 maximums 2210 2099 2198 2026 2357 2195 2234 1 I 'de température.) i Nombres 15 jours 1 ^ jours 2 6 6 4 5 10 8 avant * de pluie. •u jQuantités d’eau J 1 1 vendange. 1 * tombée \ 26 34 63 56 28 50 41 1 (en millimètres.) 1 Eau tombée i „ 430 557 653 570 480 , 359 1 % m \ du 1er novembre au 1er mars. S • i / \j f \j DEUXIÈME PARTIE ŒNOLOGIE ONZIEME LEÇON — 20 mai 1856 — Considérations générales sur la Fermentation. Fermentation alcoolique. Messieurs, Nous avons terminé l’étude des phénomènes qui se rapportent à la culture de la Vigne ou qui se produi¬ sent pendant la végétation de cette plante ; il nous reste maintenant à examiner ceux qui accompagnent la fa¬ brication du vin. Ce liquide n’existe pas tout formé dans le fruit de la Vigne; on ne l’obtient qu’à la suite d ’opérations assez complexes, qui ont pour but de provo¬ quer dans les éléments du raisin arrivé à sa maturité une transformation analogue à celles que nous avons vues se produire au sein de la plante, et que nous devrons 18- 318 ONZIÈME LEÇON. analyser dans tous ses détails. Personne n'ignore quelle est l’importance de cette partie de la vinification que l’on désigne sous le nom de fermentation ; d’un autre côté , les principes qui prennent une partie active aux réactions qui la caractérisent continuent encore à se modifier lorsque le vin est obtenu et renfermé dans les tonneaux; et, par conséquent, pour comprendre le but et le mode d’action des différentes opérations qui con¬ stituent cet art difficile , pour nous faire une idée des altérations ultérieures dont le vin est susceptible et des modifications normales qu’il peut éprouver, il faut que nous connaissions intimement la nature de ce phéno¬ mène si complexe et si important. Aussi, c’est par son histoire que nous allons commencer cette seconde partie, destinée spécialement à l’étude de la fabrication du vin et de ses propriétés. On désigne en général sous le noin de fermentation une altération excitée dans une matière organique par la présence d’une autre matière organique qui s'altère et se transforme elle-même , mais le plus souvent sans rien céder à la première et sans rien lui emprunter. Les deux substances qui se trouvent ainsi en présence nous offrent une grande différence au point de vue de leur nature, de leur composition : l’une, celle qui pro¬ voque la fermentation et que l'on désigne sous le nom de ferment , est une substance présentant tous les ca¬ ractères des matières organisées et contenant de l’azote; l’autre est une substance organique, mais non organi¬ sée, cristallisable le plus souvent : c’est celle qui éprouve DE LA FERMENTATION EN GÉNÉRAL. • • ‘r;r, - J 349 la fermentation. Sa proportion est ordinairement très- grande par rapport à celle de la première. Le contact de ces deux matières est nécessaire pour que les phénomènes qui caractérisent la fermentation puissent s’accomplir. De plus, cette réaction spéciale ne peut se développer que dans des conditions bien dé- f; terminées : le concours de l’air et de l’eau, une tempé- . rature de 20 à 25 degrés sont indispensables pour qu’elle • " se manifeste. Supprimez ou mocüfiez ces conditions, et JV les phénomènes de la fermentation sont enrayés d’une ' manière complète, ou bien sont seulement ralentis. ■ '* Nous avons reconnu que les matières organiques ^ (g , ^ v | / 1 existant au sein des végétaux pouvaient être considé- rées comme des substances éminemment combustibles ;|£ elles ne renferment jamais assez d’oxygène pour trans-jf| - ^9 t*' k t fwtZ '* . ff former leur carbone* en acide carbonique et leurj hydrogène en eau. • «* Soumises à une oxydation complète, elles donnent de l’acide carbonique et de l’eau, auxquels il faut ajouter! de l’ammoniaque quand la matière contient de l'azote.^ Dans cette combustion produite sous l’influence de ' l’oxygène, on ne peut pas admettre que chaque molé:,c cule de la matière combustible donne successivement « t n i Il . • 1 l V v ■ Vj ’ *. . « , . - * • ‘ • C * ™ r ' . Vil avec cet oxygène de l’acide carbonique et de l'eau. Tous.J?§§lfSf:" les faits s’accordent, au contraire, pour établir qué?t?fgffî$&ç dans cette circonstance les matières organiques coui : plexes perdent se transforment en matières plus simples ; elles|5|^']ÿ t, par suite de ces réactions intérieures, dè^^^ l'acide carbonique. Une partie de leur charbon a été^^gy.. brûlée , et la matière qui reste est encore combustible ; ^ V’s' : 320 ONZIÈME LEÇON. elle contient relativement plus d’oxygène ; l’action ul¬ térieure de l’oxydation provoquera sur elle-même une nouvelle simplification jusqu’à ce qu’elle se convertisse complètement en acide carbonique et en eau. Nous avons fait observer que ces phénomènes d’oxydation partielle, de combustion incomplète qui se passent au sein des végétaux paraissaient être sous la dépen¬ dance des matières albumineuses disséminées dans l’or¬ ganisation végétale. Il en est de même d’autres trans¬ formations dans lesquelles il n’y a pas dégagement d’acide carbonique, mais seulement modification iso- mérique, fixation ou élimination d’une certaine quan¬ tité d’eau. Or, les phénomènes que l’on désigne sous le nom de fermentations présentent la plus grande analogie avec ceux dont nous venons de rappeler les principaux carac¬ tères. La matière qui fermente , cette substance orga¬ nique et non organisée, cristallisable, nous fournit à l’analyse une composition que l’on peut toujours repré¬ senter par une formule chimique renfermant un cer¬ tain nombre d’équivalents de charbon, d’hvdrogène et d’oxygène; nous admettrons qu’elle ne contient pas d’a¬ zote. Les produits auxquels elle donne naissance dans l’acte de la fermentation nous conduisent à une formule plus simple, et cette simplification est le plus souvent accompagnée d’un dégagement d’acide carbonique. Cette opération n’est, pas toujours unique, elle est quel¬ quefois précédée de phénomènes que l’on a tout à fait comparés aux précédents ; ils en forment le prélude, le point de départ obligé, mais ils ne présentent pas le DE LA FERMENTATION EN GÉNÉRAL. ’ * +* • ‘ ^ *A» \ • A' ** - #l «• même caractère; tantôt ils consistent dans l’absorption ou l’élimination d’une certaine quantité d’eau, tantôt •* f % -« ce n’est qu’un dédoublement d’une molécule en deux * . » • • molécules isomériques , mais plus simples, et c’est sur ces molécules déjà modifiées que vient s’accomplir V la réaction qui constitue le phénomène de la fermenta- t;: ^ - k • • i * • • tion proprement dit. Lorsque nous examinons les phénomènes qui se pas¬ sent au sein de l’organisation animale, il nous est facile de comprendre la cause de l’antagonisme qu’ils nous présentent avec ceux par lesquels on a longtemps carac¬ térisé d’une manière exclusive l'accomplissement de la /'M # ^ vie chez les végétaux. Un végétal est immobile; ses^"' ' parties vertes, caractérisées par leur pouvoir réducteur, % 9 p . \ • agissent sous l’influence de la lumière et de la chaleur ? solaire qui leur sont indispensables ; un animal, aiqj contraire, est mobile, doué d une chaleur propre; il brûle incessamment des matières combustibles, il met en liberté et absorbe à son profit les forces mises enj réserve par le végétal dans Lacté de la végétation. Cette oxydation opérée au sein dé l'organisation ani-^ji male est la cause et l’origine des forces que l'animal .; dépense d’une manière incessante. Or, les phénomènes^ de la fermentation présentent avec ceux de l’oxydation la plus grande analogie; il y a dégagement d’aei de^:,t'^M.' carbonique, simplification de la matière organique .; Celle-ci doit être accompagnée d’une mise en liberté,^^;’U- de force qui ne saurait être perdue et qui doit se ma- ^ye nifester quelque part. U y a en effet un dégagement de chaleur très -sensible pendant la fermentation , et la 322 ONZIÈME LEÇON . température est toujours, au sein des masses qui fer¬ mentent , supérieure à celle de l'air ambiant. En même temps, une partie du ferment se détruit, une autre portion se forme , et cette matière semble être le point de départ de la fermentation et en même temps le produit de cette même opération. Nous avons dit que ce ferment était une matière azotée, organisée ; examiné au microscope , il présente des globules de forme elliptique tantôt isolés, tantôt réunis en chapelet. Ces globules sont constitués par une enveloppe formée par de la cellulose et renfer¬ mant la matière active azotée ; c’est l’expression la plus simple de toute organisation. La fermentation s’opère- t-elle par l’action d une certaine quantité de globules déjà existants, tout formés et mis en présence d’une matière fermentescible , ils disparaissent pendant cette opération , laissant un résidu tou t à fait inerte et sans puissance pour développer de nouveau la fermentation. Au contraire, fait-on fermenter des liquides conte¬ nant, outre les matières fermentescibles, des substances azotées pouvant par l’action de l’air donner du ferment, les phénomènes produits seront plus complexes. Outre ce qui se passait dans le cas précédent, nous verrons la proportion de ferment augmenter, elle pourra devenir très-considérable ; une petite quantité aura été détruite, mais il s’en sera formé encore davantage , et, après l’o¬ pération, il en reste plus qu’il n’y en avait auparavant. Dans les deux cas, qu’il y ait ou non multiplication du ferment , une quantité de cette matière correspondant à la proportion de substance fermentescible décompo- DE LA FERMENTATION EN GÉNÉRAL. 323 sée a disparu avant de se détruire ; les cellules se sont développées, il s’en est formé d’autres qui, d’abord plus petites, ont grandi à leur tour pour se décomposer ensuite. Quand la réaction s’arrête par suite de l’épuisement du ferment et malgré la présence d’une certaine quan¬ tité de matière fermentescible , on trouve à la place du ferment un dépôt devenu inactif , où le microscope ne signale plus aucune trace d’organisation , et il est facile de reconnaître dans la liqueur la présence de sels am¬ moniacaux . y • 0 * . . . ►< —T • • . : - » - A v : ÿ&r. V -v- Dans les différentes espèces de fermentation, la coin- position des matières azotées pouvant se transformer en ferment n’a pas été considérée par tous les observateurs comme étant complètement identique ; mais toutes pre- ^ sentent cependant entre elles une grande analogie et sev| rapprochent des matières albuminoïdes. D’après ce que -J nous avons dit sur ces dernières, on voit que, si les* matières qui peuvent donner du ferment doivent toutes |j être placées dans ce groupe de substances, nous nous ^ trouvons conduits naturellement à admettre l’identite ^ de leur composition. Nous pouvons même ajouter que ^ les espèces de ferment les mieux connues et les plus f étudiées jusqu’ici ne présentent , sous ce rapport , que de très-légères différences , tout à fi que fournit l’analyse des matières mêmes. Ces indications générales suffisent pour nous faire , bien comprendre ce qu’on doit entendre par fermenta- 324- ONZIÈME LEÇON. * tion, et nous montrer l’analogie que ces phénomènes nous présentent avec ceux qui caractérisent l’accomplis¬ sement des actes de la vie animale et qui se manifes¬ tent aussi chez les végétaux. Etudions maintenant cette fermentation, que l’on a désignée sous le nom de fer¬ mentation alcoolique , et qui a pour résultat le dédou¬ blement du sucre en alcool et en acide carbonique. Pour que cette opération s’accomplisse , il faut que du sucre ,se trouve en contact avec une matière azotée pouvant jouer le rôle de ferment; à cette conditionnons devons ajouter celles que nous avons reconnues comme nécessaires à toute fermentation, une température de 20 à 25° et le concours de l’air et de l’eau. Si nous mélangeons du sucre blanc réduit en poudre avec son poids de ferment à l’état de bouillie, nous ver¬ rons tout à l’heure comment on peut l’obtenir, le sucre se fond et la masse se transforme en un liquide ayant la fluidité de l’huile d’amandes douces ; il devient jau¬ nâtre et demi-transparent. Il ne se passe aucun phéno¬ mène de fermentation, les globules du ferment examinés au microscope paraissent avoir diminué de volume, et cette matière peut ainsi conserver pendant des années ses propriétés caractéristiques. Le ferment à l’état de bouillie perd par la dessiccation 68 °/0 de son poids; c'est cette eau emprisonnée dans les globules.qui a servi à transformer le sucre en sirop. Nous devons dire ce¬ pendant que le ferment a lui-mème réagi sur le sucre, et ce dernier se trouve converti eu sucre incristalli- sable. Mais si l’on met le ferment en contact avec du sucre FERMENTATION ALCOOLIQUE. 325 dissous dans l’eau, ou bien, ce qui conduit au même résultat, si on ajoute de l’eau au sirop dont nous venons de parler, les phénomènes se passent tout autrement : le ferment éprouve une altération profonde sur laquelle nous allons revenir ; il se dégage un gaz incolore, et le sucre disparait. Le gaz qui se dégage est de l’acide carbonique, et le sucre est remplacé dans la liqueur par de l’alcool. (Voy. note M, page 356.) Dans cette opération, l’air n’intervient pas, et il semble que sa présence ne soit pas nécessaire pour pro¬ duire la fermentation : mais nous avons supposé qu’on avait pris du ferment tout fait, et les choses se passent autrement lorsqu’on met en présence du sucre, de l’eau et les matières azotées telles qu’on les rencontre dans les plantes. Pour que le ferment se forme dans ce cas, l’action de l’oxygène de l’air est indispensable; tant que ce gaz n’a pas été mis en contact avec la ma¬ tière azotée qui produit le ferment , celui-ci n’existe pas et la fermentation ne peut s’accomplir. 11 est indis¬ pensable que l’oxygène de l’air ait agi préalablement sur la matière azotée pour que celle-ci donne naissance au ferment. Cette altération simultanée du ferment et du sucre mis en présence l’un de l’autre constitue deux phéno¬ mènes tout à fait indépendants, en ce sens que l’une des substances ne fournit et n’emprunte rien à l'autre. L’acide carbonique et l’alcool proviennent tous deux du sucre ; le poids de leurs éléments réunis donne une somme précisément égale à celle du sucre décomposé, comme nous allons le reconnaître ; par conséquent ce 19 32 (» ONZIÈME LEÇON. dernier n’a rien pris au ferment, sans la présence du¬ quel cependant il n’aurait éprouvé aucune modifica¬ tion. Cette faculté de se dédoubler en alcool et en acide carbonique, lorsqu’on le place sous l’influence du fer¬ ment dans des conditions convenables, nous a servi précédemment à définir les sucres, et nous avons re¬ connu qu’on devait en distinguer plusieurs espèces qui diffèrent par leur composition et quelques-unes de leurs propriétés. Les formules assignées à ces différentes va¬ riétés de sucre rendent très-bien compte de leur diffé¬ rence de composition. Les nombres fournis par l’ana¬ lyse du sucre de canne correspondent à la formule : « C^H11 011. On trouve dans le sucre de fruits une plus grande proportion d’eau : C1* H1* O1*. Il faut donc ajouter au premier environ 5.25 p. 100 d’eau pour le transformer en sucre de fruits. Lorsque ce dernier est cristallisé, il renferme une plus grande quantité d’eau. Dans cet état, sa formule est : C,sHuOu. Il a donc encore absorbé 40 p. 100 d’eau. Or, si nous examinons la composition du sucre de fruits, il est facile d’expliquer son dédoublement en alcool et en acide carbonique. On a, en effet : G1* H1* O1* = 4GO* -t- 2C*H602. Sucre. A. carbonique. Alcool. FERMENTATION ALCOOLIQUE. 327 En poids , une molécule de sucre qui pèse 480 donne : 4 molécules d'acide carbonique pesant 88 et 2 molécules d’alcool pesant . 02 Somme égale. . . 480 Ou bien , 4 00 parties de sucre donnent : 48.8 d’acide carbonique et 51.2 d'alcool. Lorsque l'on opère sur le sucre de canne, la fer¬ mentation doit être précédée de la transformation de ce sucre en sucre de fruits, laquelle s'opère, comme nous avons dit, par l’absorption et l'assimilation d’une cer¬ taine quantité d’eau. On observe, dans ce cas, que la fermentation s’établit plus lentement, et qu'il faut beaucoup plus de ferment pour un poids donné de sucre de canne que pour le même poids de sucre de fruits; mais, si on l’arrête une fois qu'elle est établie, on ne trouve plus de sucre de canne dans la liqueur : tout a été transformé, dès le commencement de l’opé¬ ration , en sucre de fruits. Si on prend du sucre de fruits cristallisé, outre l’acide carbonique et l’alcool, il se séparera en même temps de l’eau , comme l'indique l'égalité suivante : G12 H14 O14 = 4CÜ2 -h 2C4 H6 O* 4- 2HO. Glucose. A. carbonique. Alcool. Eau. Ces résultats ont été vérifiés directement par l'expé¬ rience. Pendant la fermentation du sucre de fruits on a recueilli et pesé à part l’acide carbonique et l’alcool, et on a obtenu dans deux expériences les résultats qui suivent : 328 ONZIÈME LEÇON. 4# lre expérience, 10.572 d'acide carbonique, i 1 .07 1 d'alcool ; 2e expérience, i 0.032 d'acide carbonique, 1 1 .060 d'alcool. Ces nombres correspondent aux suivants : dans le 1er cas, 48.8 d’acide carbonique, 51.1 d’alcool; dans le 2e cas, 48.8 d’acide carbonique, 50.8 d’alcool. La théorie exige : 48.8 d’acide carbonique, 51.2 d'alcool. On a reconnu également que 100 parties de sucre de canne donnent 51.27 d'acide carbonique et 52.62 d’al¬ cool. La somme de ces deux substances s’élève à 103.8V), ce qui montre bien que, dans ce cas, une certaine quantité d'eau est absorbée préalablement par le sucre et participe à la fermentation. En effet, 171 grammes de sucre de canne absorbent pour cela 0 grammes d’eau, et, par suite, 100 grammes exigent 5.2, ce qui montre que 100 grammes de sucre de canne doi¬ vent donner 51.33 d'acide carbonique et 53.87 d’al¬ cool, nombres qui diffèrent très-peu de ceux que l’ex¬ périence a fournis directement. Lorsque le sucre pulvérisé est mélangé avec du fer¬ ment sec , et même avec du ferment en bouillie , nous avons vu que le phénomène de la fermentation ne se manifestait pas. 11 en est de même lorsqu’on emploie une dissolution de sucre trop concentrée : la fermen- FERMENTATION ALCOOLIQUE. 320 tation ne commence pas, ou bien elle s’arrête avant que tout le sucre soit détruit. Les proportions de sucre et d’eau qui paraissent convenir le mieux pour pro¬ duire la fermentation correspondent à une partie de sucre pour trois à quatre d’eau. Lorsque les dissolutions sont plus étendues, que la proportion de sucre descend par exemple à 1/8 du poids de l’eau, la fermentation se développe plus lentement et sa marche est beaucoup moins régulière. Nous avons dit que la température la plus conve¬ nable était de 20 à 25°. Il ne faut pas qu'elle s’abaisse au-dessous de 10°. Dans cette condition, la fermentation est suspendue. Elle est également contrariée si la tem¬ pérature s’élève au-dessus de 30°. On l’arrête complète¬ ment en portant le mélange à une température capable de coaguler le ferment ou les matières albuminoïdes qui lui donnent naissance ; mais, lorsque la masse est refroidie, l’action de l’air détermine une nouvelle for¬ mation de ferment, et les phénomènes de la fermenta¬ tion reparaissent après un temps plus ou moins long. U nous reste maintenant à étudier le ferment et à voir quelle est sa composition et quels sont ses carac¬ tères, ses propriétés avant et après le phénomène de la fermentation. (Voy. note N, paye 373.) Le moyen 1e plus simple de se procurer une grande quantité de ferment, c’est d’aller le chercher dans la matière que l’on désigne sous le nom de levure de bière. Cette substance se présente sous forme d’une bouillie épaisse, éeumeuse, grise, mêlée de grumeaux noirâtres ; elle se sépare de la bière après la fermenta- 330 ONZIÈME LEÇON. tion ; ou y trouve, outre les globules de ferment, des matières solubles provenant de l’orge et du houblon, ainsi que des substances entraînées. Après plusieurs lavages qui enlèvent les matières étrangères, il ne reste plus qu’un dépôt blanc, grisâtre, homogène, ayant l’as¬ pect d’une bouillie lisse et consistante. Si on l’examine au microscope, on reconnaît qu’il est formé par des globules ovoïdes, simples; quelques-uns sont réunis deux à deux ou en portent d’autres plus petits à leur surface. Leur diamètre varie de 1/400 à 1/100 de mil¬ limètre, et dans leur intérieur ou distingue au micro¬ scope un ou plusieurs amas de granulations. Cette matière ainsi lavée et purifiée par l’eau laisse dissoudre dans l'alcool et l’éther une matière huileuse, jaunâtre, encore mal connue. Le résidu, épuisé par ces deux liquides, présente encore au microscope des globules de même aspect que les précédents; mais leurs dimensions sont plus petites, l’odeur particulière qu’exhale le ferment a disparu , et cette matière a perdu également toutes ses propriétés pour exciter immédiatement la fermentation. Si on la traite succes¬ sivement par des acides faillies et des dissolutions alca¬ lines étendues, il ne restera plus, après ces diverses réactions, que de la cellulose. La matière azotée étant complètement soustraite, le résidu ne pourra plus jouer le rôle de ferment, ni en former de nouveau par l’ac¬ tion de l’air. Les matières albumineuses, quelle que soit leur ori¬ gine, peuvent donner naissance au ferment : ainsi, on a constaté que le gluten, l’albumine, la caséine, la fibrine FERMENTATION ALCOOLIQUE. 33 ! ne tardaient pas, en présence d'une matière sucrée, à déterminer la fermentation, et produisaient un fer¬ ment présentant tous les caractères de la levure de bière ; d’autres matières animales plus complexes peu¬ vent jouer le même rôle et agissent alors en vertu des matières albumineuses qu’elles renferment. Nous devons insister sur un point important : les matières albumineuses abandonnées à elles-mêmes s’al¬ tèrent promptement au contact de l’air, elles se putré¬ fient ; mais, si on les met en contact avec du sucre dans les conditions convenables, le mode de décomposition ne sera plus le même, la présence du sucre provoquera la formation du ferment; résultat d’une altération spé¬ ciale, celui-ci réagira à son tour sur le sucre, et les phénomènes qui caractérisent la fermentation s'accom¬ pliront. En présence de substances différentes du sucre, mais susceptibles de fermenter d’une manière analogue, les matières albumineuses subiront un autre genre d’al¬ tération et il se formera dans chaque cas un ferment de nature particulière. Souvent on verra plusieurs modes d’altération se succéder par suite du changement des conditions dans lesquelles se trouvent les substances mises en présence : ainsi, le lait subit d’abord la fermentation lactique, le sucre qu’il contient se transforme en acide lactique; plus tard, il peut éprouver la fermentation alcoolique, le sucre se dédouble alors en alcool et en acide carbonique. Cet alcool se change à son tour en acide acétique ou vi¬ naigre. Dans ces trois cas, ce sont les matières albumi¬ neuses du lait qui produisent le ferment, et la nature 332 ONZIÈME LEÇON. * de celui - ci varie suivant l’espèce de fermentation. Cet exemple nous montre qu'en modifiant les circonstances, la même matière albumineuse peut engendrer succes¬ sivement des ferments spéciaux et provoquer des trans¬ formations différentes au sein de la même substance. ( Voy. note N , page 373.) Dans tous ces cas de fermentations provoquées par des matières albumineuses, l’action de l’air est indis¬ pensable pour opérer la conversion de ces matières en ferment; mais, dans la fermentation alcoolique, dès que l’action est commencée, l’intervention de l’air n’est plus nécessaire. 11 en est tout autrement dans cette espèce de fermentation, où l’alcool se transforme en acide acétique. Cette dernière substance provient de l’oxydation de l’alcool , et la présence de l’air est indis¬ pensable pour que, sous l’influence du ferment, son oxygène soit absorbé et donne du vinaigre ou de l’acide acétique en se combinant avec l’alcool. (Voy. note M, page 361 .) Lorsque la fermentation alcoolique est en pleine acti¬ vité, quelle que soit l’origine du ferment, on reconnaît que son aspect et ses propriétés sont les mêmes, on y retrouve toujours les mêmes globules , et on peut en conclure par conséquent qu’il n’v a qu’un seul ferment identique avec celui que nous a donné la levure de bière, lequel provient lui-mème des matières albumi¬ neuses de l'orge germée. Il est facile de se rendre compte des phénomènes que nous présente le ferment dans les diverses circon¬ stances où il peut être placé. Si on emploie une quantité FERMENTATION ALCOOLIQUE. 333 limitée de ferment, celle-ci s'épuise pendant l'acte de la fermentation , et on retrouve au fond du vase une matière inerte, désagrégée, qui ne ressemble plus au ferment. Lorsque, au contraire, la fermentation s'opère comme dans la fabrication de la bière, en présence de matières pouvant produire du ferment, en même temps qu'une partie de celui-ci s’épuise, il s'en forme une nouvelle quantité plus considérable aux dépens des matières albumineuses, et après l'opération on peut retrouve]* plus de ferment (pi on n'en a mis. Il est facile de produire quelque chose d’analogue; il suffit d’ajouter à la levure du sucre et une matière albumi¬ noïde : le ferment que celle-ci pourra fournir se déve¬ loppera, et on le retrouvera après la fermentation. Ainsi, la transformation des matières albuminoïdes en ferment consiste dans un phénomène d'oxydation produit sous l'influence de l'air et l’apparition de glo¬ bules présentant toutes les apparences des corps orga¬ nisés, et qui prennent naissance aux dépens de ces matières. L’enveloppe de ces globules est constituée par de la cellulose ; les matières gommeuses, mueila- gineuses , contenues dans la liqueur qui fermente, ser¬ vent à la former. S’il n'y en a pas, on est obligé d'ad¬ mettre pour cet objet l’intervention du sucre lui-mème, et des expériences positives ont vérifié cette consé- tpience. Nous avons vu que l'oxygène de l’ail* était nécessaire pour commencer l’action, mais qu’une fois celle-ci éta¬ blie, elle pouvait continuera l'abri de l’air. Dans ce cas, il faut admettre qu’il y a eu assez d’oxygène dissous 19* 334 ONZIÈME LEÇON. O dans la liqueur pour donner naissance au ferment formé pendant l’opération, ou bien que d’autres ma¬ tières ont été décomposées pour former l’oxygène né¬ cessaire. Les matières ainsi décomposées se séparent en oxygène et en d’autres substances contenant moins de cet élément, et par suite plus riches en charbon et en hydrogène. Dans ce cas encore, s’il n’y avait en pré¬ sence que le ferment ou la matière qui peut le former et le sucre, on est conduit à admettre que c’est ce der¬ nier qui doit subir cette décomposition et fournir l’oxy¬ gène; mais la proportion de ferment qui intervient dans le phénomène de la fermentation est très-faible. M. Thénard a prouvé depuis longtemps que 100 parties de sucre n’exigeaient pa? plus de 2 parties de ferment, et cette quantité doit encore être réduite. Il en résulte que les quantités de sucre qui pourront subir ces alté¬ rations spéciales seront très-petites comparativement à celles qui éprouvent le mode général de décomposition servant à caractériser la fermentation, c’est-à-dire le dédoublement en alcool et en acide carbonique. Dans toutes les opérations industrielles basées sur la fermentation alcoolique des liqueurs sucrées, il reste le plus souvent une quantité très-notable de matières azo¬ tées non décomposées, lorsque la transformation du sucre est achevée. Or, on comprend, d’après ce que nous avons dit, les inconvénients d’un pareil état de choses ; si la liqueur est conservée à l’abri «le l’air, elle ne subira pas d'altération, mais, dès que l’oxygène in¬ terviendra, il agira sur la matière azotée, et l’alcool, si la température est convenable, pourra se transformer FERMENTATION ALCOOLIQUE. 335 en acide acétique. Pour éviter ce résultat, on a proposé un système de fermentation très-usité en Bavière pour la fabrication de la bière et dont il est facile de com¬ prendre le principe d’après ce qui précède. On laisse les liquides fermenter à une température basse. Pour cela, les cuves où la fermentation s’opère sont placées dans des caves dont la température varie très-peu et 11e s’élève guère au-dessus de 10 à 12°. Dans ces conditions, l’oxygène de l'air n'a pas perdu la fa¬ culté de s'unir avec les matières azotées et de donner naissance à du ferment; imds il 11e se combine plus avec l’alcool pour le transformer en vinaigre. Cette dernière action se manifeste très-rapidement à la tem¬ pérature de 25° ; elle est moins forte au-dessous de ce point et elle devient complètement nulle dans les cir¬ constances que nous venons de définir. Il en résulte donc, que cette fermentation à basse température pourra sans danger s’effectuer au contact de l’air. On emploiera des cuves peu profondes dans lesquelles la matière en fermentation présentera à l’air une large surface ; la matière azotée sera plus promp¬ tement et plus complètement altérée, et quand, après cessation de l’action, le liquide sera éclairci, il ne con¬ tiendra plus cet élément d’altération qui lui serait resté dans des conditions différentes, et il pourra par consé¬ quent se conserver bien mieux que ceux qui n’auront pas été traités par ce procédé. L'application de ce système exige que l'on tienne bien compte de tous les points que nous avons signalés, car l’accès de l’air à une température un peu plus éle- 336 ONZIÈME LEÇON . * vée aurait, comme nous l’avons dit, un tout autre résultat. Lorsque nous devons soumettre un liquide à la fer¬ mentation alcoolique, il pourra se présenter deux cas : ou ce liquide contiendra du sucre et des matières azo¬ tées pouvant au contact de l’air développer le ferment, ou bien il y aura eu présence du sucre et du ferment tout formé. Dans ce dernier cas, le mélange peut con¬ tenir en outre des matières albumineuses dont l’altéra- tion augmentera la proportion du ferment. Si le ferment est déjà formé au moment où l’action doit commencer, et que les matières soient intimement mélangées, le phénomène se manifestera régulièrement dans toute la masse et il atteindra très-rapidement son maximum d’activité. Au contraire , s’il n’y a que du sucre et des matières azotées, la marche de l’opération est un peu différente. La formation du ferment a lieu par points isolés et l’ac¬ tion rayonne de chacun de ces centres eu s’étendant de plus en plus; puis il arrivé un moment où sa manifes¬ tation devient générale. Si nous réfléchissons aux inconvénients que peut pré¬ senter une distribution inégale de la température et des autres phénomènes de la fermentation , au retard qu’apporte nécessairement cette production du ferment par points isolés dans la masse, et surtout à la possi¬ bilité d’altérations spéciales dans la matière azotée non transformée en ferment, nous reconnaîtrons qu’il est beaucoup plus avantageux de mettre en présence d’une matière fermentescible le ferment tout formé qui doit » FERMENTATION ALCOOLIQUE. 337 produire les transformations que Ton cherche à obtenir. C’est du reste le cas dans lequel on se place le plus souvent dans l’industrie. Une matière fermentescible et les substances azotées qui raccompagnent sont mises en contact avec le ferment recueilli dans une opération précédente, et rien dès lors ne peut s’opposer à la mar¬ che régulière du phénomène. 0 La levure de bière, comme toutes les substances pouvant se transformer en ferment , perd ses propriétés lorsqu'on la porte à la température à laquelle s’opère la coagulation des matières albumineuses: lorsqu'on la # 1 | • * * * •* k I * t M fait, bouillir avec l’eau, elle devient également inerte. ^ Mais cette disparition de propriété, déterminée par la chaleur, n’est que momentanée; si la levure n’est pas.jÿ . soustraite à l’action de l'air, la matière, albumineuse. • quel que soit son état, pourra toujours donner, sous 1 l’influence de l’oxygène , naissance à du ferment , et,À3 l’opération interrompue ne tardera pas à reprendre son , J? >- a>. •O .* - t K/* as h cours. On a essavé de déterminer quelle était l'influence sur. la fermentation alcoolique des matières étrangères mé- X " 1 * - âjjfô $/$•*’' ÇjÆfy’1 langées aux substances en voie de fermentation , et on i- ^ .*•*> ^ V. V a pu reconnaître que les unes exerçaient une influence > * favorable, que les autres, au contraire, étaient nuisibles à cette opération, et pouvaient même, , dans certaines /■ #-f # 1 ’ * !. . f * 4 f ^ circonstances, l'arrêter tout à fait. . - ,v. L’essence de térébenthine, la créosote, les acides mi- • * • m • • néraux empêchent la fermentation; les acides organi- > : / — ® ^ i * • — / ~ ^ * l l| ( f » 0 0 _ y & t « ^ . fl m ,ï. ques produisent des effets variables, suivant leur pro- portion : à dose faible, ils paraissent la favoriser, la f.'.; ,1 , . 338 ONZIEME LEÇON. rendre plus active; mais, si on augmente la quantité d’acide, il arrivera un moment où la fermentation ne sera plus possible. Les alcalis exercent sur la marche de lu fermentation une influence nuisible ; ils peuvent la suspendre com¬ plètement ; mais l’expérience a montré que cette inter¬ ruption n’était (pie momentanée. Si on ajoute un alcali dans une liqueur pouvant entrer en fermentation , la réaction alcaline deviendra bientôt moins intense ; plus tard , le liquide sera neutre aux papiers réactifs, et, lors¬ qu’il sera devenu légèrement acide, la fermentation commencera à s’établir. On peut même à volonté arrêter la fermentation par l’addition d’un alcali , et la rétablir en saturant l’alcali par de l’acide acétique. Nous savons maintenant en quoi consiste ce phéno¬ mène général qu’on désigne sous le nom de fermenta¬ tion, et quels sont les principaux caractères de la fer¬ mentation alcoolique; il nous reste à appliquer les faits que nous venons d’étudier au cas spécial que l’on a quelquefois désigné sous le nom de fermentation vi¬ neuse, et qui n’est autre chose que la fermentation alcoolique se manifestant au sein du liquide que four¬ nissent les raisins arrivés à l’état de maturité. DOUZIÈME LEÇON » I < • — 27 mai 1856 — r* i-mr. ' - • * •*. •••• * ( .< i • ,* • , Fermentation du moût de raisin Après avoir examiné les caractères généraux des fer mentations > nous avons étudié avec détails les phénc mènes que présente la fermentation alcoolique . Aujom d liui nous allons appliquer les observations que non avons faites à l’étude de la lermenhitioii des jus sucré que nous fournissent les fruits^ en k nous' 'àttacliant plu spécialement a celui dii raisin^ que l’on désigne ordi nairement sous le nom de iïiout. Tant que le jus renfer éfdans un fruit groseille, etc., est soustrart'a'nîétlon de ïi manifeste aucun indicé" de^ fermentation celle-ci puisse s’établir* de toute r l’épiderme du fruit aïi'î'Tè^lchiré, et que jus ait été mis en contact avec l’oxygène sait en efletciue les raisins ùniivont c*> *>/»i raisin. $ 340 DOUZIEME LEÇON. * longtemps lorsque les grumes sont parfaitement intac¬ tes; à cet état, ils se dessèchent, mais n’éprouvent rien qui ressemble à la fermentation vineuse. Gay-Lussac a constaté que si des grumes de rai¬ sin intactes sont écrasées sans qu’elles puissent avoir le contact de l’air, la fermentation ne s’établit pas davan¬ tage ; il a fait passer des grumes bien mûres et bien saines dans une cloche sur le mercure , et a rempli la cloche plusieurs fois de gaz hydrogène pour bien enlever toutes les bulles d’air adhérentes à la surface du verre et du raisin, puis il a écrasé les raisins dans la cloche avec une tige de fer, et il a exposé le tout à une tempé¬ rature de 20°. Vingt-cinq jours après, la fermentation no s’était pas manifestée, tandis qu’elle s’était déclarée le jour même dans du moût auquel on avait ajouté un peu d’oxygène. Après cette époque on a fait passer dans la cloche une petite quantité de ce dernier gaz , et peu de temps après la fermentation a été très- vive. L’oxygène ainsi ajouté a disparu presque complètement; il s’est dégagé un volume de gaz acide carbonique cent vingt fois plus considérable que celui du gaz oxygène intro¬ duit, ce qui prouve bien que ce n'est pas cet oxygène qui a servi à former l’acide carbonique. Ce que nous avons vu précédemment nous permet de nous rendre compte de cette action de l’oxygène. Il y a dans le jus sucré les deux substances nécessaires pour que les phénomènes de la fermentation puissent s’ac¬ complir, le sucre d’une part, une matière azotée de l'autre; mais cette matière azotée a besoin de se trans¬ former en ferment, et c'est pour opérer cette transfor- FERMENTATION DU MOUT DE RAISIN. 341 motion que l’oxygène de l’air est nécessaire; une fois qu’une petite quantité de ferment a pris naissance par suite de cette action, celui-ci réagit sur le sucre, la fer¬ mentation s’établit, et elle continue ensuite sans que le contact de l’air soit plus longtemps nécessaire, comme nous allons le constater bientôt. Cette nécessité de l’action préalable de l’oxygène de l’air, même en quantité très-faible, pour que les phé¬ nomènes de la fermentation se manifestent , explique parfaitement en quoi consiste le procédé de conserva¬ tion des substances animales et végétales imaginé par M. Appert. Toutes ces substances, par leur contact avec l’air, ne tarderaient pas à acquérir une disposition à la fermentation ou à la putréfaction ; mais, si on les expose à la température de l’eau bouillante dans des vases bien fermés, l’oxygène que l’air de ce vase renferme est rapi¬ dement absorbé ; il se combine à une partie de la ma¬ tière azotée qui peut donner naissance au ferment. Ce ferment se trouve exposé, immédiatement après sa for¬ mation, à une température de 100°, il devient inactif, et ne peut plus déterminer la fermentation. Si le vase est bien bouché, cette opération ne s’accomplira pas quand la matière sera revenue à la température ordinaire, quel que soit le temps pendant lequel on la conserve, puisqu’il n’y a plus d’oxygène qui puisse agir sur la matière azotée et provoquer son altération ; mais dès qu’on ouvre le vase, tous ces phénomènes ne tardent pas à se manifester et à se développer avec rapidité, si la température est favorable . Lorsqu'on traite ainsi un suc fermentescible parfaite- 3-42 DOUZIÈME LEÇON. ment limpide, on voit qu’il se trouble, et par cette opé¬ rai ion il perd la propriété de fermenter; pour la lui rendre, il faudra le remettre en contact avec le gaz oxygène. Si on analyse l'air contenu dans les bouteilles après le refroidissement, on trouve qu’il ne contient pas d’oxygène. Gay-Lussac a opéré sur des moûts de raisin conser¬ vés ainsi depuis plus d’un an dans des bouteilles bien fermées, et qui avaient été maintenus pendant un cer¬ tain temps à la température de 100°. Ces moûts ont fermenté aussitôt qu’ils ont été mis en contact avec l’air ; on en a fait passer dans une cloche sous le mercure, et on a introduit dans la cloche quelques bulles d’oxygène ; la fermentation s’est établie rapidement , on a absorbé l’acide carbonique produit par la potasse, et il n’est resté qu’un résidu extrêmement faible , ce qui prouve que l’oxygène introduit avait été absorbé en très -grande partie. On peut ainsi à volonté enlever et rendre successive¬ ment au moût de raisin et à tout suc fermentescible la propriété de fermenter en l'exposant à l’air et en le por¬ tant dans des bouteilles bien bouchées à la tempéra¬ ture de l’eau bouillante ; dans cette dernière opération, le liquide perd sa transparence, puis il se forme un léger dépôt et la matière redevient limpide. L’oxygène de la bouteille est à chaque fois absorbé par la matière azo¬ tée ; mais celle-ci est immédiatement coagulée et rendue inactive. Si on réfléchit aux conditions dans lesquelles s’opère le plus ordinairement la fermentation vineuse, on eom- FERMENTATION DU MOTJT DE RAISIN. 343 prendra parfaitement que le jus de raisin puisse tou¬ jours absorber l’oxygène nécessaire pour permettre à la fermentation de s’établir , et les expériences précé¬ dentes suffisent pour montrer la nécessité de cette ab¬ sorption. Nous avons vu dans l’étude générale de la fermen¬ tation que cette opération une fois établie par suite de la première action de l’oxygène, elle pouvait parfaite¬ ment continuer sans son intervention; nous avons be¬ soin de reconnaître maintenant quelle influence peut avoir le libre accès de l’air dans le cas particulier de la fermentation vineuse. Pour se rendre compte de son influence, on a réparti dans plusieurs vases un moût de raisin récemment ex¬ primé et où la fermentation commençait à s’établir; un des vases a été exposé dans le vide, un autre a été mis en contact avec l’air , mais sans que celui-ci puisse se renouveler , le troisième était au contraire disposé de telle sorte que l’air avait libre accès sur ce liquide en voie de fermentation : les conditions de température étaient les mêmes pour les trois vases. Les quantités d’alcool et d’acide carbonique qui ont pris naissance pendant la fermentation ont été les mêmes dans les deux premiers vases; la proportion d’acide libre n’a pas augmenté, elle est restée exactement la même. Dans celui où l’air avait libre accès, la fermentation s’est établie aussi bien que dans les deux premiers; mais quand elle a été terminée, il ne renfermait guère que le quart de la quantité d’alcool existant dans les deux autres, et la proportion d’acide avait augmenté 3 U DOUZIÈME LEÇON. de telle sorte que la liqueur a saturé cinq fois plus de hase qu’elle n’en saturait avant la fermentation. L’acide qui se produit dans cette circonstance est, comme nous l’avons dit précédemment, le vinaigre ou acide acétique. 11 résulte de ces expériences que, si le concours de l’air est indispensable pour déterminer l’action , il devient non-seulement inutile, mais même dangereux , une fois que celle-ci est commencée, puisque l’alcool formé peut disparaître et se transformer en acide acé¬ tique. On a recherché également quelles étaient les condi¬ tions de température les plus favorables à l’accomplis¬ sement du phénomène : on a trouvé que la tempéra¬ ture de 20 à 25° paraissait la plus convenable pour sa marche régulière, il se ralentit quand la température s’approche de 15°, il s’accélère quand elle s’élève à 30°. Les produits paraissent être les mêmes dans ces deux cas, et pour la quantité et pour la qualité; toutefois, quand la température est plus élevée, il y a une petite différence dans la quantité d'alcool obtenu, sans cepen¬ dant qu’il y ait formation d’acide ; cela peut tenir à la vaporisation d’une plus grande quantité d’alcool avec l’acide carbonique qui se dégage. Nous savons, du reste, que si un jus sucré est porté à une température capable de coaguler les matières azotées qu'il renferme, il n’éprouvera pas de fermentation tant qu'il restera dans les mêmes conditions ; si, au contraire, on abaisse sa température jusque dans le voisinage de zéro , on obtiendra le même résultat. Nous devons ajouter qu’une température de 40 à -45° exerce, soit sur les cuves en FERMENTATION DU MOUT DE RAISIN. 345 fermentation, soit sur les vins déjà mis en tonneaux, une influence spéciale dont nous ne pouvons nous oc¬ cuper maintenant ; nous y reviendrons bientôt. Nous avons parlé du système de fermentation qui consiste à opérer à une température basse et à faci¬ liter, autant que possible, l'accès de l'air. L’application de ce système à la fabrication du vin a été essayée et a paru donner de bons résultats dans quelques vigno¬ bles du Rhin. 11 serait très-intéressant de la tenter dans d’autres localités, et de voir quelle serait son influence sur les différentes espèces de vin. Evidemment, dans un grand nombre de cas, ce procédé pourrait être employé sans crainte ; mais on comprend qu’il est né¬ cessaire, avant tout, de bien déterminer les modifica¬ tions qu’il peut introduire dans les qualités du produit qui en résulte. Passons à l’examen des phénomènes apparents qui caractérisent la fermentation vineuse. Aussitôt que cette action se manifeste, on constate un dégagement de cha¬ leur très-notable, la température s’élève dans la masse et souvent le thermomètre y monte à 35°, la tempéra¬ ture extérieure étant seulement de 15 à 20°. Il en résulte que la température de la masse en fermentation pourra être suffisamment élevée, quoique souvent le milieu ambiant se trouve à une température un peu plus basse . On ne tarde pas à constater également le dégage¬ ment avec effervescence et bouillonnement d’un gaz incolore, d’une odeur piquante. Ce gaz éteint les bou¬ gies, asphyxie, trouble l’eau de chaux : c'est l’acide 346 DOUZIÈME LEÇON. carbonique. En même temps, la saveur sucrée de la liqueur disparaît, sa densité diminue, et le sucre se trouve remplacé par une autre substance : l’alcool, dont la présence donne au liquide, soit par lui -même, soit par les réactions dont il est le point de départ, une saveur spéciale, vineuse , facile à reconnaître. Pendant que ces changements s'accomplissent, il se dépose une matière jaunâtre présentant tous les caractères et toutes les propriétés du ferment, et pouvant, comme lui, dé¬ velopper la fermentation dans une dissolution de sucre. Ainsi , nous retrouvons, dans cette indication géné¬ rale des faits observés pendant la fermentation du moût de raisin , les phénomènes que nous avons précé¬ demment constatés ; leurs caractères sont tout à fait les mêmes, et, par conséquent, les théories que nous avons développées, et qui nous rendent compte de la dispari¬ tion du sucre et de la formation de l’alcool, peuvent être appliquées ici de la manière la plus complète. Mais dans l’étude que nous avons faite sur la fermen¬ tation alcoolique, nous avons mis seulement en pré¬ sence les éléments nécessaires à son accomplissement, et nous nous sommes borné à analyser les réactions caractéristiques. Au contraire, lorsque nous opérons sur du moût de raisin , à côté du sucre , de l’eau et de la matière qui donne naissance au ferment, il y a d’autres substances qui peuvent participer plus ou moins à l’altération spéciale que produit la fermenta¬ tion , ou modifier par leur action propre les caractères de cette opération. La présence de ces substances , comme nous venons FERMENTATION DU MOUT DE RAISIN. 347 de le voir , ne change pas les conditions générales et dominantes du phénomène ; mais elle peut exercer une grande influence sur des réactions spéciales, secon¬ daires, qui deviennent pour nous très-intéressantes, et dont nous avons besoin de nous faire une idée exacte. Ce que nous avons dit précédemment sur la composi¬ tion du raisin arrivé à sa maturité , nous permet d’éta¬ blir très-facilement la composition de cette substance que nous désignons sous le nom de moût, et qui, n’étant autre chose que le raisin mûr écrasé avant la fermen¬ tation , renferme non-seulement le liquide contenu dans les grumes, mais les parties solides de ces grumes elles-mêmes et les pédoncules ligneux qui les réunis¬ sent pour constituer le raisin. Si on exprime le jus que le raisin renferme immédia¬ tement après la vendange, on obtient, même avec des raisins colorés, un liquide presque incolore. Ce liquide contient plusieurs substances différentes comprises parmi celles que nous avons énumérées précédem¬ ment. Nous y trouvons des matières azotées, du sucre, des matières inucilagineuses, des sels à acides orga¬ niques et des acides libres, de l’eau et des sels miné¬ raux. A côté de ce liquide , nous avons le résidu solide ou marc, qui renferme : La peau ou pellicule du grain, et les débris des cel¬ lules; les pépins; la grappe ou raffe. On y rencontre comme principes constituants plus ou moins solubles dans l’eau et l’alcool : le tannin, la matière colorante, des huiles grasses et volatiles. On comprend qu'une 348 DOUZIÈME LEÇON. * faible portion de ces substances a pu se mélanger avec la partie liquide séparée par la pression. Dans les procédés suivis le plus ordinairement pour la fabrication du vin rouge , toutes ces matières sont mélangées pendant l’acte de la fermentation. C’est leur ensemble qui constitue le moût, et on n’en sépare au¬ cune, du moins d'une manière complète. Nous aurons donc à tenir compte de la présence de ces matières dans l’examen des faits particuliers que présente la fermentation vineuse. Nous signalerons d’abord les phénomènes qui résul¬ tent simplement des changements opérés au sein du liquide par la fermentation. La nature de ce liquide est changée; ses facultés dissolvantes sont modifiées; par conséquent , certaines substances dissoutes devront se déposer; d’autres, au contraire, pourront se dis¬ soudre. Ainsi, la matière colorante se dissoudra dans le liquide à mesure qu’il se chargera d’alcool; la pré¬ sence de ce corps déterminera en même temps la pré¬ cipitation d’une partie du bitartrate de potasse, du tartrate de chaux , sels beaucoup moins solubles dans les liqueurs alcooliques. Ces sels seront accompagnés d’une petite quantité de sels minéraux. Un autre or die de réactions aura pour origine l’in¬ fluence que pourront exercer les uns sur les autres les produits qui vont se trouver en présence par suite des transformations que la fermentation a produites. Ces changements peuvent être considérés, jusqu’à un certain point , comme étrangers au phénomène de la FERMENTATION DU MOUT DE RAISIN. 349 fermentation , et nous pourrions remettre leur examen au moment où nous étudierons le vin et les modifica¬ tions qu'il présente avec le temps. Mais il est difficile de les séparer d’autres faits qui sont liés d'une manière intime à la fermentation elle-même, et nous devons compléter les indications qui précèdent, afin de bien montrer comment la production de ces substances est liée aux phénomènes qui caractérisent la fermentation. Nous nous contenterons, du reste, d'indiquer d’une manière générale les caractères et la nature des pro¬ duits qui en résultent , aiiu que nous puissions nous % rendre compte de leur mode de formation. Tout le monde sait qu’en dehors des principes dont nous avons parlé jusqu’ici, on rencontre dans les vins des matières volatiles , odorantes, qui ne s’y trouvent qu’en proportion très-faible, et qui varient dans les différentes espèces de vin quant à leur nature et quant à leurs proportions. Si nous examinons ces matières au point de vue de leur formation et de leur origine, nous en distinguerons de trois sortes. Les unes préexis¬ taient dans le raisin . et, si une partie a été modifiée pen¬ dant la fermentation, une certaine quantité est restée sans altération ; les autres ont été produites par l’acte même de la fermentation, et proviennent d’une décomposition du sucre, qui , sous des influences encore mal définies, a pu dans quelques points donner des résultats différents de ceux qui caractérisent la fermentation alcoolique ; enfin, d’autres ont été formées par suite de l’action que les acides libres existant dans le moût peuvent exercer sur l'alcool ou sur ces produits accessoires eux-mèmes. 20 DOUZIEME LEÇON. « 350 Parmi ces matières, dont ce qui précède nous fait pressentir la diversité, les unes viennent se ranger dans Te groupe de corps dont l'alcool ordinaire est le type, et que l’on désigne sous le nom générique dV- cools ; les autres doivent être placées dans le groupe des éthers , qui a également pour type la substance vulgai¬ rement connue sous le nom d'étlier. Celles qui ^ap¬ partiendraient pas à ces deux catégories rentrent très- certainement dans cette classe moins nettement définie qui comprend les huiles essentielles; nous avons si¬ gnalé l’existence de ces matières dans les raisins et les autres produits de la Vigne. Outre l’alcool ordinaire , on trouve en effet, dans les produits que donne la distillation des vins, d’autres espèces d’alcools présentant avec le premier la plus grande analogie. (Voy. note M, page 364.) 11 est facile d’expliquer la formation de ces matières par une dé¬ composition du sucre semblable à celle qui donne nais¬ sance à l'alcool du vin. Nous ne citerons pour exemple que l’alcool amylique, appelé vulgairement huile de pommes de terre, parce qu’il se forme en quantité considérable dans la fermentation des jus sucrés prove¬ nant de la saccharification de la fécule. L’égalité sui¬ vante nous montre comment le sucre peut donner nais¬ sance à cet alcool amylique : 5 (C1*HltO,î) = 4 (G10 H1* O2 ) -h 20COS + 12 HO. Sucre. Alcool amylique. A. carbonique. Eau. Ainsi , tous ces corps analogues à l’alcool , on peut les considérer comme des produits de la fermentation FERMENTATION DI! MOUT DE RAISIN. 351 au meme titre que l’alcool lui-même. 11 serait égale¬ ment possible d’expliquer leur formation en dehors des modifications que le sucre éprouve; l’expérience n’a pas permis jusqu’ici de résoudre les questions relatives à l’origine de ces matières, et nous devons nous conten¬ ter d’avoir montré combien il est facile de rendre compte de leur production en partant des phénomènes que nous avons constatés. Mais il n’en est pas de meme d’autres composés qui peuvent se produire soit immédiatement pendant le cours de la fermentation , soit plus tard et longtemps après la fin de cette opération. Ces combinaisons, qui jouent un rôle important dans le développement des qualités du vin, appartiennent au groupe des éthers. L’action des acides libres sur l’alcool leur donne nais¬ sance et nous voyons par cette origine bien nettement déterminée, par la différence de leur composition, qu’on ne peut les confondre avec les précédentes. L’alcool, en perdant de l’eau, produit la matière que l’on désigne sous le nom d'éther. Cet éther se com¬ bine souvent avec le corps dont la présence a déterminé sa formation, et il résulte de cette combinaison un produit qu’on appelle un éther composé. Supposons que l’alcool perde un équivalent d’eau , on aura l’é¬ ther ordinaire: mais, si cet équivalent d’eau est remplacé % par un équivalent d’acide , on obtient un de ces corps que nous venons de désigner sous le nom d’éthers com¬ posés. Ainsi, l’acide tartrique, en présence de l’alcool, détermine l’élimination d’une certaine quantité d’eau , il prend sa place et donne l'étlier tartrique ; mais l’acide, DOUZIEME LECOîi. 352 avant de se combiner, perd également lui-même un équivalent d’eau. ( Voy. note M , paye 366.) dette considération suffit pour nous faire comprendre quelle est la constitution d’un éther composé ; c’est de l'alcool dans lequel l'eau a été remplacée par un autre corps , nous voyons commment ces produits pren¬ nent naissance par suite de l’action de l’alcool et des acides. Or, il y a dans le vin des alcools et des acides libres ; de là l’origine de réactions que nous chercherons à ana¬ lyser bientôt d’une manière complète ; mais nous de¬ vons ajouter que, parmi les produits de la distillation des vins , on trouve un éther particulier appelé éther œnanthique et formé par conséquent, d’après ce qui précède , par l’action d’un acide spécial, l’acide œnanthi¬ que, sur l’alcool. Cet acide œnanthique, nous ne l’avons rencontré ni dans le raisin, ni dans le moût. D’où vient- il ? comment s’est-il formé, ou du moins comment pou¬ vons-nous nous rendre compte de sa formation? Parmi les réactions qui peuvent se présenter à nous pour nous expliquer la production de cet acide œnan¬ thique , nous en signalerons deux également possibles et qui s’accordent avec sa composition. L’acide œnan¬ thique peut dériver du sucre, et ce mode de dérivation nous montre en même temps, si on l’adopte, comment on peut s’expliquer la mise en liberté de l’oxygène que la matière azotée a dû absorber pour la formation du ferment. En effet , eu comparant la composition du sucre et celle de l’acide œnanthique , on peut établir l’égalité suivante : FERMENTATION' DU MOUT DE RAISIN. 353 2 (G*,H1*0i,) = C,8H1804-|-CiH* O* -4- 2 CO* -+- 14 O Sucre. Acide œnanthique. Alcool. A. carbonique. Oxyprône. Un autre mode de production nous est révélé par l'histoire de l’acide œnant nique. Cet acide est le même qu’un autre acide retiré des feuilles de géranium et appelé acide pélargonique. Or, ce dernier se produit fréquemment par l’oxydation des matières grasses, et nous savons qu’il existe de ces matières dans les éléments du moût de raisin. On peut donc admettre que l’acide œnanthique résulte de leur altération. Quelle que soit l’opinion qu’on adopte, l’acide une fois formé réagissant sur l’alcool ou sur l’éther tartri- que, peut donner naissance à l’éther œnanthique, que l’on trouve dans tous les vins, accompagné d’une petite quantité d’acide libre. Ces indications suffisent pour nous permettre de com¬ prendre l’origine de ces matières volatiles existant dans le vin après la fermentation. Il ne faut pas confondre l’éther œnanthique avec ces substances auxquelles on doit attribuer ce qu’on appelle le bouquet des vins : mais celles-ci présentent avec la première une grande analogie au point de vue de l’origine et du mode de for¬ mation. Nous tâcherons de résumer plus tard les con¬ naissances que nous possédons sur ce j>oint délicat de l’histoire des vins. Nous nous contenterons aujourd’hui d’avoir montré qu’on dehors des produits que donne la fermentation alcoolique telle que nous l’avons envisagée d’abord, il peul se former dans la fermentation du moût de raisin 20* 354 DOUZIÈME LEÇON . * d’autres alcools et des matières appartenant au groupe de? acides et à celui des éthers. Ce résultat nous servira de point de départ pour l’étude des composés que le vin peut renfermer lorsque sa fabrication est complètement achevée. Du reste, l’analogie qui existe entre la saveur de cer¬ tains vins et celle des raisins qui les ont produits nous montre qu’il existe dans le raisin des matières spéciales pouvant traverser sans altération toutes les phases de la fermentation et tous les changements qui se mani¬ festent pendant la formation du vin. Nous voyons donc que, si les phénomènes de la fer¬ mentation s’accomplissent d’une manière simple , ré¬ gulière, sans complication , quand on opère sur une % petite échelle et dans des conditions bien déterminées , il n’en est plus de même quand elle se produit au sein de grandes masses, et que les matières qui fermentent se trouvent en présence d’autres substances. Dans le premier cas, il ne se développe que de l’alcool et de l’acide carbonique. Au contraire, dans les opérations industrielles, il se passe des phénomènes plus com¬ plexes dont nous pouvons apprécier toute l’importance, et dont il nous est facile de nous rendre compte. Les substances qui accompagnent la matière qui fer¬ mente, et celle qui produit le ferment, les conditions particulières dans lesquelles ces matières se trouvent placées, exercent, une grande influence sur la forma¬ tion de ces produits, sur leur nature et aussi sur leur quantité. Ainsi, cette matière que l’on désigne sous le nom d’alcool amylique, d’huile de pommes de terre, et ude que nous venons de faire de la fermentation ses produits suffira pour donner une idée exacte FERMENTATION DU MOUT DE RAISIN. 355 qui se produit en si grande abondance dans la fermen¬ tation du sucre de fécule , ne se forme qu’en propor¬ tion très-faible dans la fabrication de la bière et dans celle du vin ; il y a donc, dans le premier cas, ditions spéciales plus favorables à cette particulière, et qui se trouvent modifiées au sein autres liquides. Nous terminerons ces considérations générales en ajoutant que l’on observe, dans les diverses espèces de . moût, des différences du même ordre, et qui doivent, par suite avoir les mêmes conséquences. . ... . mi pour donner une idée exacte p des phénomènes qui s’accomplissent pendant sa durée Nous examinerons maintenant les manipulations prati-| quées sur le raisin arrivé à sa maturité, en suivant| l’ordre dans lequel on doit procéder à ces diverses opé-fi • 1, / \9 , V* • K • ^ rations. *4^$^ • ■<, «’ • A *•**'*?$• *■ .'•Sr.pFf'irt'i*''.- «S **.'•*$*:** •" it’U • ri- •t'- i-'à ' ,-t et AlM **■ : :‘S < * / A. «X • * æJ ! « a •* • -# 4» " - • i % • - ■$£ - krp* ‘ ?. T- * « ** • i • — r- « « , > & K | A .. 1 / /a* _ 4 • 1 •Vi A ' - • * *• # • • a * ■*. »' >> .*• :■ • - » NOTES DE LA ONZIÈME ET DE LA DOUZIÈME LEÇON. Nature et composition de l'acide carbonique, de l'alcool et des autres matières qui se forment pendant la fermenta¬ tion alcoolique ou à la suite de cette opération. Nous avons dit quelques mots sur les plus importantes des substances qui se produisent pendant la végétation de la Vigne et que l’on trouve dans le raisin. Nous devons maintenant faire connaître la nature de celles qui se for¬ ment pendan» la fermentation. Nous rappellerons en même temps quelques-unes des propriétés de l'acide carbonique que nous avons vu intervenir si souvent dans les phéno¬ mènes que nous avons étudiés, et qui joue aussi un grand rôle dans les réactions qui se rattachent à la fabrication du vin. L’acide carbonique est un gaz incolore et transparent comme l’air; il a une odeur légèrement piquante, une saveur aigrelette quand il est pur. S’il est mélangé, délayé dans un autre gaz, dans de l’air, par exemple, il perd son odeur et sa saveur. On comprend sans peine ce résultat : l’acide carbonique existe constamment dans l’air, nos or¬ ganes sont habitués à son contact, et, dans ces conditions, ACIDE CARBONIQUE. 357 il nous paraît inodore et insipide; mais, dès que nous le respirons pur, la différence devient très-sensible. L’acide carbonique ne peut ni provoquer ni entretenir la combustion des corps ; au contraire, il éteint les corps en¬ flammés, il asphyxie les animaux, et par conséquent il est également impropre à entretenir la respiration. Ce gaz n’est pas délétère : il asphyxie, comme l’azote , par privation d’oxygène. L’acide carbonique est plus pesant que l’air; la densité de l’air étant représentée par 1, celle de l'acide carbonique est 1 .529. En vertu de cette propriété, il coule à travers l’air comme un liquide. Lorsqu’il se dégage de l’acide car¬ bonique dans un milieu tranquille , au sein d’une cuve en fermentation, par exemple, ce gaz ne s’élève pas à cause de sa densité; il ne se mêle à l’air qu’imparfaitement, l’air est chassé et bientôt l’espace vide est occupé uniquement par l’acide carbonique. Quand le gaz atteint les bords supé¬ rieurs, il s’écoule dans l’air tout autour du bord, comme le ferait un liquide qui se trouverait en excès, et il tend à s’accumuler à la partie inférieure de la pièce; mais, sous l’influence des courants d’air, il se mêle bientôt à l’atmo¬ sphère ambiante. On comprend d’après cela la nécessité d’aérer d’une ma¬ nière convenable les lieux où se dégagent de grandes quan¬ tités d’acide carbonique, car saus cette précaution l’air en serait bientôt vicié et pourrait devenir irrespirable. A plus forte raison l’air contenu dans les cuves elles- mêmes, quand elles ne sont pas remplies par la masse qui fermente, doit-il être considéré comme très - dangereux , et il ne faut pas s’approcher de ces appareils ni descendre dans leur inté¬ rieur sans prendre de grandes précautions. L’acide carbonique existe dans l’air dans la proportion de 4 à 6 dix-millièmes, c’est-à-dire qu’il faudra opérer sur dix 358 NOTES DES ONZIÈME ET DOUZIÈME LEÇONS. mille litres d’air pour en extraire de 4 à 6 litres d'acide carbonique; mais ce gaz peut sans danger se trouver en quantité plus considérable dans l'air que nous respirons. Il n’est pas du tout nuisible à la dose de 4 à 5 p. 100 ; les bou¬ gies s’éteignent quand l’air en contient environ 15 p. 100, et à 30 p. 100 d’acide carbonique l’air devient tout à fait irrespirable. Nous supposons, bien entendu, que cet acide carbonique arrive dans l’air sans altérer les rapports entre l’azote et l’oxygène, comme c’est le cas dans les lieux où s’opère la fermentation; car la composition d’une atmos¬ phère irrespirable sera bien différente si l’acide carbonique qu’elle contient y a été produit aux dépens de son oxygène. Il résulte de là que, si on veut pénétrer dans un air vicié par l’acide carbonique, il sera bon de se faire précéder par une bougie allumée; si elle continue à brûler, on peut y pénétrer sans danger. La ventilation est le meilleur moyen pour purifier les endroits où le gaz s’est accumulé. Si on a besoin de pénétrer dans une cuve incomplètement remplie, mais qui contient de l’acide carbonique , il ne faudra le faire qu’avec précau¬ tion. Il suffira, pour enlever le gaz contenu dans la cuve, d’ouvrir un trou dans les parois un peu au-dessus du ni¬ veau de la vendange ; le gaz en sortira comme le ferait un liquide, et l’air ne tardera pas à le remplacer dans toute la partie vide. Mais le moyen le plus simple et le plus expé¬ ditif pour enlever l’acide carbonique d’une cuve où l’on doit descendre consiste à agiter la masse de gaz. de cette cuve . avec de larges surfaces, des feuilles de carton par exemple; en imitant avec ces espèces de pelles le mouvement qu’il fau¬ drait faire pour puiser de l’eau, on arrivera très -rapidement à déplacer l’acide carbonique; l’air viendra prendre sa place, et on pourra bientôt pénétrer sans danger dans la cuve; on s’en assurera préalablement au moyen d’une bougie. ACIDE CARBONIQUE. 359 L'acide carbonique se combine avec la chaux ; il pourrait être absorbé par un lait de chaux projeté dans un lieu qui contiendrait ce gaz; mais l'aération est préférable toutes les fois qu’on pourra l’employer. L’acide carbonique est assez soluble dans l’eau ; à la tem¬ pérature et à la pression ordinaires, l’eau dissout environ son volume d’acide carbonique. La quantité de ce gaz que l’eau peut dissoudre augmente avec la pression ; mais, quand l’excès de pression cesse , le gaz qui s’était dissous à la faveur de la différence se dégage dans l’air. Le dégagement d’un gaz tel que l'acide carbonique au sein des liquides en fermentation et la solubilité assez grande de ce gaz dans l’eau, nous expliquent pourquoi on ne trouve pas les autres éléments de l’air en dissolution dans les li¬ queurs fermentées. 0:i sait, d’un autre côté, l’action absor¬ bante que le ferment exercerait sur l’oxygène. L’acide carbonique, avons-nous dit, existe constamment dans l’air; absorbé par les plantes, il leur fournit son char¬ bon , et les plantes laissent dégager l’oxygène. Lorsqu’on brûle dans l’air des tissus végétaux et animaux, le charbon que ces matières renferment se combine avec l’oxygène de l’air et donne de l’acide carbonique. Il se pro¬ duit un phénomène analogue pendant la respiration, et l’oxygène de l’air forme, avec le charbon des matières qui constituent nos organes, l’acide carbonique exhalé par les poumons. L’acide carbonique est donc formé par du charbon et de l'oxygène; il contient, sur 100 parties : Charbon . 27.27 Oxygène . 72.73 Sa composition se représente par la formule CO*. Les éléments de l’acide carbonique produit dans la fer¬ mentation alcoolique sont empruntés tout entiers au sucre 360 NOTES LES ONZIÈME ET DOUZIÈME LEÇONS. * # qui fermente; l’air extérieur n'intervient pas pour fournir une partie de l’oxvgène. La composition de l’alcool est tout à fait différente : il renferme les éléments qui restent après qu’on a enlevé au sucre ceux qui servent à constituer l’acide carbonique. L’alcool est liquide à la température ordinaire; à mesure qu’il se forme, il se mélange avec l'eau, à laquelle il est miscible en toutes proportions. Complètement débarrassé de son eau, l'alcool prend le nom d’alcool absolu ; sa densité est égale à 0,802 à la tem¬ pérature de 45°; il entre en ébullition à 78° 4 ; aucun froid n’a pu le congeler. Son point d’ébullition peu élevé permet de le séparer de l’eau avec laquelle il est mélangé. On peut ainsi obtenir par des distillations successives des liquides de plus en plus riches en alcool. Si on veut l’avoir complètement privé d’eau, il faut, avant de procéder à la distillation, mélanger le liquide avec de la chaux. Cette substance se combinera avec l’eau existant dans l’alcool ; celui-ci se vaporisera seul, et on recueillera de l’alcool absolu, c’est-à-dire ne contenant plus d’eau. A cet état, l’analyse a donné pour la composition de l’al¬ cool les nombres suivants Charbon . 52.17 Hydrogène . 13.04 Oxygène . 34.89 100.00 On représente cette composition par la formule : C4 H* O2. v L’alcool absolu abandonné à l’air en attire l’humidité. Lorsqu’on y ajoute de l’eau , les deux liquides se mélangent; ALCOOL. 361 il y a élévation de température et contraction, c'est-à-dire que le volume du mélange est moins grand que la somme des volumes des deux liquides. Lorsqu'on mêle ensemble 53.7 volumes d'alcool 49.8 — d'eau, dont la somme donne 103.5, on n’obtient que 100 volumes de liquide. Les différents liquides alcooliques désignés sous les noms d’esprits, d’eaux-de-vie, sont des mélanges en proportions variables d'eau et d’alcool absolu. Les eaux-de-vie con¬ tiennent environ 50 0/0 d'alcool absolu; on appelle esprits les liquides qui en renferment davantage. L’alcool est le produit de la fermentation alcoolique d’une liqueur sucrée, on l’en sépare par la distillation. Les propriétés spéciales qui distinguent et caractérisent les différentes sortes d’esprits et d’eaux-de-vie au point de vue de l’odeur, de la saveur, pro¬ viennent de matières volatiles, odorantes, qui ont pris naissance pendant la fermentation et qui se sont volatilisées avec l’alcool. L’alcool brûle à l’air avec une flamme peu brillante; le résidu est nul si l’alcool n’est pas trop étendu d’eau. L’alcool faible absorbe lentement l’oxvgène de l’air, de¬ vient acide et se transforme en vinaigre. Cette altération se produit rapidement sous l’influence de matières azotées agissant comme ferment. Il est facile de se rendre compte de cette transformation en comparant la composition de l’alcool et celle de l’acide acétique ou vinaigre. L’alcool perd une partie de son hydrogène qui se combine à l’oxvgène de l’air et s’élimine sous forme d’eau, puis une nouvelle quantité d’oxygène se fixe sur le résidu de cette première modification et donne l’acide acétique. Il se forme un pro¬ duit intermédiaire que l’on désigne sons le nom d'aldéhyde; 21 362 NOTES DES ONZIÈME ET DOUZIÈME LEÇONS. c’est l’alcool déjà privé de l’hydrogène qu’il peut perdre , et cet aldéhyde, en s’oxydant, donne à son tour l’acide acé¬ tique. Ainsi , cette altération de l’alcool est complètement due à l’action de l’oxygène , mais cet oxygène enlève d’abord de l’hydrogène, epsuite il se combine avec le résidu de cette première action. Nous avons vu que 100 parties d’alcool absolu conte¬ naient : Charbon . 52.17 Hydrogène . 13.04 Oxygène . 34.79 Cette quantité d’alcool transformée en aldéhyde ne don¬ nera plus que 95 parties qui contiendront : Charbon . 52.17 Hydrogène . 8.58 Oxygène . 34.79 Mais lorsqu’elle sera définitivement changée en acide acé¬ tique, on obtiendra 130 parties de cet acide, dans lesquelles l’analyse fait reconnaître : Charbon . 52.17 Hydrogène . 8.58 Oxygène . 69.62 Les formules de ces trois corps rendent également compte de ces réactions. On a en effet : Alcool . C4 H6 Os Aldéhyde. ... C4H402 Acide acétique. C4H404 Le vinaigre n’est autre chose que de l’acide acétique •étendu d'eau. ALCOOL. 363 On attribue la découverte de l’alcool à Arnaud de Ville- neuve, alchimiste célèbre, qui vivait à Montpellier vers l’an 1300. Jusqu’à ces dernières années, on n’avait pu pro¬ duire ce liquide que par la fermentation des liqueurs su¬ crées , mais on a pu tout récemment obtenir de l’alcool en dehors de toute fermentation , et nous devons signaler ce fait pour compléter l’histoire de cet intéressant produit. On sait depuis longtemps que l’alcool peut, sous l’in¬ fluence de l’acide sulfurique concentré, se transformer, à l’aide de la chaleur, en eau et en un carbure d’hvdrogène appelé gaz olétiant. On peut représenter cette réaction par l’égalité sui¬ vante : C4H«0* = C*H* + 2HO Alcool Tarborf d'bjdrtf tne . ëao. M. Bçrthelot a résolu le problème inverse. Au moyen du gaz oléfiant ou carbure d’hydrogène, C''H‘, il a fait de l’alcool. Le gaz oléfiant, mis en présence de l’acide sulfu¬ rique concentré, est absorbé par celui-ci à la température ordinaire. Quand l’absorption est terminée, on étend l’acide sulfurique de cinq à six fois son volume d’eau , et on dis¬ tille; on recueille alors de l’alcool présentant toutes les pro¬ priétés de l’alcool ordinaire. Cet alcool peut à son tour être transformé de nouveau en gaz oléfiant, et, avec ce dernier, on peut régénérer de l’alcool. Cette formation d’alcool a lieu quelle que soit l’origine du gaz oléfiant employé. Ce gaz existe parmi les produits de la calcination de la houille qui constituent le gaz de l’éclai¬ rage. On peut absorber, par l’acide sulfurique, le gaz olé¬ fiant que contient le mélange, et le transformer, par suite, en alcool. La transformation du sucre de canne en glucose est ana- 364 NOTES DES ONZIÈME ET DOUZIÈME LEÇONS. «# logue à celle du gaz défiant en alcool. Le sucre de canne et le gaz oléfiant absorbent tous les deux de l’eau pour se con¬ vertir, le premier en glucose, le second en alcool. L'opéra- lion qui consisterait à refaire du sucre de canne avec le glu¬ cose ressemble également à la conversion de l’alcool en gaz oléfiant. Il suffirait d’enlever de l’eau au glucose comme on est parvenu à le faire pour l’alcool. Nous avons indiqué pré¬ cédemment que ce résultat n'avait pas encore été obtenu. Nous avons dit que l’alcool, dont nous venons de retracer les principales propriétés, était le type d’un grand nombre de composés présentant avec lui la plus grande analogie et que l’on désigne sous le nom générique â' alcools. Nous nous contenterons d’indiquer quelques-uns de ces composés et de donner la formule qui représente leur com¬ position; elle suffira pour montrer que tous peuvent se re¬ présenter par un carbure d’hydrogène isomère du gaz olé¬ fiant, plus deux équivalents d’eau. Ainsi, on connaît : C,HvO* = C*H* 4-2HO, alcool méthylique ou esprit de bois. C4 H6 O* = C4HV + 2HO, alcool éthylique ou alcool du vin. C6H*0* ^=C6H6 -f-2HO, alcool propylique. C8H10O* =C8H8 +2HO, alcool butylique. C10HlsO* = C10 H10-f- 2HO, alcool amylique ou huile de pommes de terre. C16H180* = C16 H16 -h 2HO, alcool caprylique. CMH3*0* = C3*HM-j- 2110, alcool cétique ou éthal. A la seule inspection de ce tableau , on comprend que tous ces corps doivent offrir une grande ressemblance dans les 0 transformations dont ils sont susceptibles et qu’ils forment un groupe des plus naturels. Leurs propriétés se modifient COMPOSÉS ANALOGUES A L ALCOOL. 365 lorsqu’on passe de l’un à l’autre; mais cette modification est soumise à une loi déterminée complètement par leur diffé¬ rence de composition. Nous signalerons seulement les va¬ riations de leurs points d’ébullition ; Alcool méthylique . 66° Alcool éthylique . 18° Alcool propvlique . 96° Alcool butylique . 109® Alcool amylique . 132® Alcool caprylique. . . . 184° Tous ces alcools sont liquides à la température ordinaire; l’alcool cétique, au contraire, est solide; il fond à 49° et ne distille qu’à une très-hauie température. Le point d’ébullition s’élève à mesure que la formule se complique; les autres propriétés se modifient de la même manière. 11 se forme de grandes quantités d'alcool amylique dans la fermentation du glucose provenant de la sacchari¬ fication de la fécule; il s’en produit également pendant la fermentation du moût de raisin et d’autres liquides sucrés. Il en est de même de l’alcool propylique. Lorsqu'on extrait par la distillation l’alcool ordinaire contenu dans ces li¬ queurs après la fermentation, une partie de ces alcools passe avec l’alcool ordinaire ; le point d’ébullition plus élevé des premiers nous fait voir pourquoi on les retrouve dans les résidus où ils s’accumulent en vertu de cette propriété. Ainsi, les résidus provenant de la rectification des eaux- de-vie de marc, de la distillation des vins, forment un mé- 9 lange assez complexe de matières volatiles parmi lesquelles nous trouvons l’alcool amylique et l’alcool propylique. On les sépare et on les purifie par des distillations ména¬ gées et répétées. Nous avons parlé de l’aldéhyde et de l’acide acétique que l’alcool du vin peut former par suite de l’action de l'oxy- 366 NOTES DES ONZIÈME ET DOUZIÈME LEÇONS. gène. Ce même gaz exerce sur les autres alcools une action identique et donne naissance à des produits qui sont tout à fait analogues à ceux que nous venons de rappeler. Nous citerons l’acide propionique, C6 H6 O, qui se forme dans la fermentation lente du tartrate de chaux; l’acide butyrique, C8H8Ok, qui se produit dans un mode particulier de décom¬ position du sucre; et il est facile de voir que ces acides déri¬ vent de l’alcool propylique et de l’alcool butylique de la même manière que l’acide acétique dérive de l’alcool du vin. % Il nous reste à parler d’un composé très-important et que l’on obtient par l’action de l’acide sulfurique sur l’alcool ordinaire. Ce composé, c’est l’éther, appelé souvent, mais improprement, éther sulfurique. Nous avons déjà dit que l’alcool, dont la composition est représentée par Cfc H6 O*, pouvait perdre 2HO sous l’influence de l’acide sulfurique concentré et qu'il restait du gaz oléfiant; mais, lorsqu’on fait varier les proportions d’acide sulfurique et d’alcool, on arrive à des résultats qui ne sont pas toujours les mêmes : l’alcool, au lieu de perdre 2HO, peut perdre seulement HO, et alors il restera non plusC*Hfc, mais C*H50, et cette for¬ mule sert à représenter la composition de l’éther. Tous les autres alcools peuvent produire un corps ana¬ logue à l’éther; chaque alcool a son éther corrrespondanl, dont on obtient la formule en enlevant à celle de l’alcool un équivalent d’eau. Ces éthers, en se combinant avec les acides, donnent nais¬ sance à des séries nombreuses de composés, parmi lesquels nous aurons à en étudier quelques-uns qui se forment pen¬ dant la fermentation, ou plutôt après l’accomplissement de ce phénomène et par suite des réactions que les éléments du vin exercent les uns sur les autres. Sous l’influence de l’acide acétique, l’alcool donne un 367 COMPOSÉS QUI DÉRIVENT DES ALCOOLS. produit que l'on désigne sous le nom d'éther acétique ; on peut facilement se représenter sa composition en admettant qu'une molécule d’éther ordinaire s’est combinée avec une molécule d’acide acétique. Ces corps prennent en général le nom d’éthers composés; dans leur formation, l’alcool perd un équivalent d’eau, et l’éther qui en résulte se combine avec l’acide qui a lui-même perdu un équivalent d’eau ; une réaction analogue nous donnera l’éther butyrique si nous remplaçons l’acide acétique par l’acide butyrique. Ainsi, la formule de l’alcool étant C4H605 et celle de l'acide acétique C4H40\ nous aurons, pour représenter la composition de l'éther acétique, C4 H3 O3, C4H50. De même C8 H7 O8, C4H50 nous donnera celle de l’éther butyrique. Ces mêmes acides mis en présence des autres alcools don¬ neront des réactions tout à fait analogues et formeront des produits qui sont des éthers composés correspondant à ces alcools : ainsi, l’acide acétique donne avec l’alcool caprylique un éther possédant une odeur de fruits très-aromatique ; l’essence de poires ( pear-oil des parfumeurs anglais) est un éther acétique formé avec l’alcool amylique ; son odeur éthérée et agréable rappelle tout à fait celle de l’éther acé¬ tique ordinaire. Nous pouvons maintenant comprendre quelle est la con¬ stitution de ce composé découvert en 1836 par MM. Liebig et Pelouze et désigné par eux sous le nom d’éther oenan- thique. Cette substance se trouve dans l’huile que l’on ob¬ tient dans les derniers produits de la distillation des vins. Purifié par des distillations répétées, cet éther possède une odeur vineuse agréable et une saveur qui, d’abord peu prononcée, devient un peu âcre après quelques instants; il bout à 224°. 368 NOTES DES ONZIÈME ET DOUZIÈME LEÇONS. Comme son nom l’indique, il est formé par un acide par¬ ticulier, l’acide œnanthique combiné avec l’éther ordinaire, de même que l’éther acétique est formé par cet éther et l’acide acétique. Lorsqu'on prépare l’éther œnanthique par la distillation du vin ou de la lie, le. produit brut que l’on obtient renferme toujours une petite quantité d’acide œnan- thique; on l’enlève facilement par des lavages à l’eau char¬ gée de carbonate de soude. Cet acide œnanthique peut être préparé au moyen de l’éther œnanthique; il est solide à la température ordinaire et présente une consistance bu- tyreuse; on admet son identité avec un acide appelé acide pélargonique et qui a été extrait des feuilles de géranium. Ce dernier se produit fréquemment par l’oxydation des ma¬ tières grasses. Cet acide œnanthique ou pélargonique présente une com¬ position tout à fait analogue à celle de l’acide acétique, de l’acide butyrique; il appartient à la même série; sa com¬ position conduit à la formule : C18 H18 O4. Si nous nous reportons à la constitution des matières grasses (p. 212), nous pourrons saisir les relations qui exis¬ tent entre tous ces acides, dans lesquels le nombre d’équi¬ valents d’oxygène reste le même, tandis qu’au contraire celui des équivalents de charbon et d’hydrogène augmente constamment de l’acide acétique à l’acide stéarique. 11 est très-probable que les matières grasses contenues dans le raisin jouent un rôle important dans la formation de quel¬ ques-uns des produits que nous venons d’examiner, et on peut, d’après ce que nous avons dit, se faire une idée du nombre considérable de composés qu’il est possible d’ob¬ tenir par suite des réactions mutuelles des corps qui se trouvent en présence dans les liqueurs fermentées et en ■i O.: : COMPOSÉS QUI DÉRIVENT DES ALCOOLS. 369 'W particulier dans les vins. Nous reviendrons plus loin sur quelques-uns de ces composés. Ce qui précède nous montre que, dans le vin, nous avons pour les produire l’alcool et ses homologues, les acides libres, acide tartrique, acide ma- lique, auxquels il faut presque toujours joindre une petite quantité d’acide acétique, des corps gras, et par conséquent c’est aux réactions que ces composés exercent les uns sur les autres qu’il faut attribuer la formation de ces corps qui , malgré leur faible proportion, suffisent pour donner au vin des propriétés spéciales. On ne saurait méconnaître la part active que les acides libres prennent dans la production de ces substances odo¬ rantes et surtout de celles qui appartiennent au groupe des éthers, car nous ne les trouvons pas dans les vins qui ne contiennent pas des acides libres, et, au contraire, elles se' .. j.fr développent plus rapidement dans ceux qui en renferment & une plus forte proportion. D’un autre côté, rappelons-nous les circonstances sur Ics-jÿ, quelles nous avons insisté en parlant des modifications pos'4? ^ ^ 1 •* ‘ * * t sibles des matières organiques qui se forment pendant la végétation de la Vigne, et nous reconnaîtrons qu’il peut se l' *• .. iJ v/% . /. - J produire dans le vin des transformations analogues qui i provoqueront, par suite de ces changements, la formation de composés particuliers semblables aux précédents. Nous • ^ ^ A», verrons, du reste, combien l’étude de ces phénomènes nous sera utile pour nous rendre compte des maladies auxquelles le vin est exposé et des altérations qu’il peut éprouver. r . •>- y- * •&. •v v -fn ***** ît* . - V* f * • * % \ r V: * '' kî\ vvT*. -t .v *%-• >*'• - -a- -, . r\ * - . r' • • - * f 370 NOTES DES ONZIÈME ET DOUZIÈME LEÇONS. N Sur la Fermentation. Les matières qui jouent le rôle de ferment appartiennent toutes à ce groupe de substances azotées que nous avons réunies sous le nom de matières albumineuses, et qui jouent un si grand rôle dans l'accomplissement des phénomènes de la vie chez les animaux et chez les végétaux. Dès que ces matières ont subi le contact de l’air, elles s’altèrent, et la décomposition établie sur un point se continue bientôt dans toute la masse; elle peut même se communiquer à d’autres substances. On comprend dès lors l’influence d’une quan¬ tité, quelque faible qu’elle soit, de matière altérée sur d’autres substances saines, mais pouvant participer à la décomposition qu’elle va propager par son contact. S’il est possible de prévoir, dans un grand nombre de cas, quel genre d’altération subira la matière azotée, et par suite quelles seront les transformations observées dans les sub¬ stances mises en contact avec elle, il existe une foule de circonstances encore mal connues dans lesquelles les phé¬ nomènes produits se modifient et deviennent plus com¬ plexes. La nature de la matière azotée, les conditions dans lesquelles elle se trouve placée, les substances étrangères qui l’accompagnent, exercent une grande influence sur son mode de décomposition, et l’altération qui se communique aux matières fermentescibles change également de carac¬ tère. Pour nous donner une idée de ces diverses transforma¬ tions qu’une même substance peut éprouver sous l’in¬ fluence des ferments, et qui constituent autant de fermenta- 2(C#Hfi0M Acide lactique SUR LA FERMENTATION. tions spéciales, examinons quelques-unes des modifications observées dans le sucre. Nous savons que, sous l’influence de la levure de bière, il donne de l’alcool et de l’acide car¬ bonique ; cette réaction est exprimée par l’égalité suivante : C1,H,101* = 4CO* -4- 2C*H60* Sucre. Acide carbonique. Alcool. Si nous mettons, au contraire, ce sucre en contact avec de la caséine, matière azotée du lait, les phénomènes qui ca¬ ractérisent la fermentation alcoolique ne se manifesteront pas; il n’y aura pas dégagement de gaz ni formation d’al¬ cool ; le glucose se sera transformé en un acide particulier présentant la même composition que lui, mais que sa nature chimique fait représenter par une formule différente; le * glucose ne s’est pas dédoublé en alcool et en acide carbo¬ nique, il s’est dédoublé en deux parties de même composi¬ tion; une molécule de glucose a donné deux molécules d’acide lactique, comme l’indique la relation suivante : Sucre. Il est facile de reconnaître jusqu’à un certain point dans quelles conditions générales s’opèrent ce? deux sortes de transformation , car on peut assez souvent faire succéder l’une à l’autre. Pour qu’un ferment détermine franchement J la fermentation alcoolique, il importe qu’il soit acide; la pré- ) sence d’acides organiques, tels que l’acide tartrique, l’acide | citrique, la favorise d’une manière très - évidente. Si, au contraire, ce liquide, au sein duquel elle s’opère, présente P&ffi une réaction alcaline, il se formera de l’acide lactique sans dégagement de gaz. . , On sait que le lait renferme une matière sucrée qui pré- sente la même composition que le glucose. Abandonne à ' • ■ * i * » • lui-même, ce liquide, qui est ordinairement alcalin, ne V > je 372 .NOTES DES ONZIÈME ET DOUZIÈME LEÇONS. larde pas à s’altérer, et il se forme de l’acide lactique qui se combine avec l’alcali; mais, quand tout l’alcali est saturé, que la liqueur est devenue acide par suite de la présence d’un excès d’acide lactique, les phénomènes changent, et ce qui reste de sucre peul, dans des conditions convenables de température, se dédoubler en alcool et en acide carbonique. C’est ainsi qu’on prépare avec le lait des liqueurs alcooli¬ ques, et par suite du vinaigre. Ainsi, la fermentation alcoolique peut succéder à la fer¬ mentation lactique. Lorsque la caséine est très-altérée, on peut observer encore un autre ordre de phénomènes; la formation d’acide lactique s’arrêtera, il y aura un abondant dégagement de gaz; mais on ne trouvera pas d’alcool dans la liqueur, il y aura un autre acide que l’on peut caracté¬ riser par l’odeur de beurre rance qu’il exhale : c’est l’acide butyrique; d’un autre côté, le gaz qui se dégage contient, outre l'acide carbonique, une certaine quantité d’hydro¬ gène. On peut se rendre compte de cette réaction comme des précédentes en comparant la formule du sucre et celle de l’acide butyrique : C^H^O11 = 4C02 -H 4H -f C8H HY* Sucre. Acide carbonique. Hydrogène. Acide butyrique. Le glucose peut encore éprouver de la part des ferments un genre d’altération tout à fait différent des précédents. Pour le déterminer, il suffit de faire bouillir de la levure de bière avec de l’eau et de dissoudre ensuite du sucre dans la liqueur préalablement filtrée ; la masse est conservée dans * un endroit chaud; bientôt le liquide prend la consistance et l'aspect d’un mucilage épais de graines de lin; le glucose s’est converti en une matière visqueuse qui ressemble à la gomme arabique; il se dégage, pendant celte transforma- SUR LA FERMENTATION. 373 lion, de l’acide carbonique et de l’hydrogène, et il y a en même temps fixation d’une certaine quantité d’eau ; 116 par¬ ties de sucre laissent 127 parties de mucilage. Si on recueille le ferment qui se forme pendant cette opération, on constate qu’il jouit de la propriété de déve¬ lopper immédiatement dans les dissolutions de sucre cette fermentation spéciale que l’on désigne sous le nom de fer¬ mentation visqueuse. On voit par ce qui précède que les altérations qui peuvent se manifester au sein des matières azotées sont très-nom¬ breuses et très-variées; elles changent suivant l’espèce de fermentation qu’elles doivent produire, et la nature de la substance fermentescible n’est pas la seule considération que l’on doive faire intervenir. Cette substance peut rester la,; même, quoique le caractère de la fermentation présente de grandes variations. Il faudra, dans ce cas, les attribuer aux! modifications survenues dans les conditions où se trouvent-: les matières qui prennent part à la fermentation. Le ferment est formé par de petites vésicules dont leçon- tenu seul joue un rôle actif dans la fermentation. La ma¬ tière intérieure peut être séparée en traitant le ierment par * l’acide acétique concentré et précipitant ensuite par le car- •* .• f. • . • • % bonate d’ammoniaque ; elle .contient , abstraction faite des,, cendres et d’après l’analyse de M. Mulder : Charbon. . . .- -, *• • . .-. 53.4 Hydrogène. . • * • • ♦ • • • • • • ... 7.0 Azote . ... 15.8 Oxygène. . . • 23.. s Soufre. . ; . . . . . . S « et par conséquent sa composition est la même que celle do * , * . i ^ ^ ‘ • * i l'albumine. 374 NOTES DES ONZIÈME ET DOUZIÈME LEÇONS. Pour M. Mulder( 1 ), la fermentation est la conséquence d'un changement de la matière albumineuse en une substance soluble dans l’eau, insoluble dans l’alcool, et dans laquelle la proportion d’oxygène est à celle de l’oxygène contenu dans la matière première comme 3 : 2. On l’obtient en trai¬ tant le ferment par l’eau chaude, on peut même la séparer par une simple digestion dans l’eau froide. A cette oxydation ne se bornent pas les modifications qu’cprouve la matière azotée, car il y a formation d’am¬ moniaque. Le corps plus riche en oxygène qui s’est formé d’abord est donc ou décomposé ou précipité par l’alcool qui se forme. Cette altération de la matière albumineuse ne peut s'o¬ pérer sans le concours de l’oxygène. La quantité d’oxygène nécessaire est très-faible, car 100 parties de sucre n'exigent pour fermenter que 0.75 de cette matière oxydée. Si cet oxygène n’est pas fourni par l’air dissous dans l'eau ou par l’atmosphère, le sucre pourra être décomposé et donnera de l’oxygène et des matières huileuses moins riches en oxygène. Le corps soluble oxydé qui provient de l’albumine con¬ tient encore une partie de cette matière non altérée; il peut absorber une nouvelle quantité d’oxygène et provoquer en¬ core la décomposition du sucre. M. Schmidt a montré que l’altération de la matière albu¬ mineuse contenue dans les globules de ferment ne se bor¬ nait pas à un simple phénomène d’oxydation; le corps qui en résulte donne de l’ammoniaque par suite d’une décomposi¬ tion ultérieure. M. Mulder fait observer que, s’il se forme de l’ammoniaque, il doit aussi se produire d’autres composés; mais on ne connaît rien de bien net à cet égard. Nous sa- (i; De Wijn scheikundig beschouwd , 50. SUR LA FERMENTATION. 375 vons seulement que les corps albumineux chauffes avec un alcali donnent très-facilement naissance à un dégagement d’ammoniaque. M. Schmidt a constaté que la levure de bière abandon¬ nait quelque chose à l’eau , car, de deux quantités égales, celle qui n’a pas été lavée laisse après la dessiccation le ré¬ sidu le plus considérable. Suivant lui, 5 centimètres cubes de levure de bière mélangés à 3 grammes de sucre ont perdu, pendant huit jours de fermentation, le tiers de l’azote, que le ferment contenait. Il serait très-intéressant de suivre jusqu’à la tin le mode de décomposition, car il est peu pro¬ bable que pendant la fermentation l’albumine se sépare en ammoniaque, acide carbonique et eau. M. Schmidt a fait encore une remarque importante; il a reconnu que le ferment pesé à l’état sec avait augmenté de poids pendant la fermentation , ce qui ne peut s’expli¬ quer que par la transformation du sucre en cellulose. Une certaine quantité de levure de bière avait laissé 410 de ré¬ sidu sec; après huit jours de fermentation, le même poids a laissé un résidu pesant 628. Il s’était en même temps formé de l’ammoniaque, et par conséquent le poids de la matière 0 albumineuse avait dû diminuer; ce qui est resté après l’o¬ pération était de la cellulose, et cette substance n’avait pu se former qu’aux dépens du sucre. M. Mulder a cherché à établir que l’enveloppe des globules de ferment, uniquement formée de cellulose, n’exerçait au¬ cune influence sur la fermentation. 11 est arrivé aux résul¬ tats suivants : Si on traite le ferment par l’eau , la liqueur filtre claire après quelques heures, et, lorsqu’on y ajoute du sucre, elle développe la fermentation. Le ferment resté sur le filtre, mêlé avec une nouvelle quantité d’eau , donne encore un liquide qui, mis en contact avec le sucre, le fera fermenter. 376 NOTES DES ONZIÈME ET DOUZIÈME LEÇONS. En répétant cette opération, on obtient des liquides dans lesquels la faculté de produire la fermentation diminue de plus en plus, et avec du ferment on ne peut jamais obte¬ nir une liqueur qui décompose autant de sucre que le ferment lui-même qui a servi à la former. Si, après avoir lavé du ferment avec de l’eau pure, on le mêle avec une dissolution de sucre à une température trop basse pour que la fermentation se développe , on obtiendra après la filtration une liqueur qui sera beaucoup plus active que celle préparée avec de l’eau pure. Une dissolution de sucre ainsi employée à une température basse peut enlever aux globules de ferment la majeure partie de la matière albumineuse qu’elle renferme, et il ne reste plus qu’une substance ne contenant presque plus d’azote, insoluble dans l’eau, et qui , mise en contact avec le sucre, ne peut plus provoquer la fermentation. La lie de vin a été l’objet des recherches d’un grand nom¬ bre d’expérimentateurs. Nous avons dit qu’ils avaient été conduits à admettre l’identité de la matière active de ce fer¬ ment avec celle qui se trouve dans la levure de bière. Braconnota trouvé que la lie de vin rouge desséchée con¬ tenait les matières suivantes : Matière animale . 20.70 Matière grasse . 2.10 Phosphate de chaux . 6.00 Bitartrate de potasse . 60.75 Tartrate de chaux . 5.25 Tartrate de magnésie . 0.40 Sulfate et phosphate de potasse . 2.80 Silice mêlée de sable . 2.00 100.00 SUR LA FERMENTATION. Matière gommeuse Matière colorante, r ann i n ..... » quantité indéter¬ minée, mais peu considérable. La cellulose provenant de la lie de vin et celle de la levure de bière ont fourni les mêmes nombres à l’analyse élémen¬ taire. Charbon. . . . Hydrogène. . . Oxygène. . . . CELLULOSE de la levure de la lie de bière. de vio. ordinaire. 1 Schloesherger.) [Mulder.) . 45.5 45.0 44.5 6.9 6.1 6.2 . 47.6 48.9 49.3 100.0 100.0 100.0 MM. Schlossberger et Mulder ont également analyse la partie active du ferment de la lie; le premier l’a séparée par l'acide acétique et précipitée par la potasse; le second a opéré d’une manière inverse, il a traité la matière par la potasse et a précipité ce qui s’était dissous par l’acide acéti¬ que. Ces deux matières ont donné les mêmes résultats, qui ne différent pas de ceux que nous avons rapportés plus haut pour la levure de bière. Schlossberger. Mulder. Charbon. . . . . 55.5 54.4 Hydrogène. . 7.5 7.0 Azote . 14.0 16.0 Oxygène. . . . . *23.0 22.6 M. Mulder a trouvé pour plusieurs échantillons de ferment du vin analysé en masse : Charbon. . . . 51.9 51.3 50.9 Hydrogène. . . 7.2 7.0 7.0 Azote . 11.1 9.5 8.5 Oxygène. . . . 29.8 32.2 33.6 378 NOTES DES ONZIÈME ET DOUZIÈME LEÇONS. * M. Bouchardat a comparé plusieurs ferments recueillis dans la bière et dans le vin; il est arrivé à en distinguer trois espèces qui sont caractérisées par la faculté de dévelop¬ per la fermentation alcoolique. Tous se présentent sous forme de globules plus ou moins arrondis, dont le diamè¬ tre varie de ^ à de millimètre. Leur composition est la même; ils renferment : 1° une matière animale insoluble dans l’alcool, contenant de l’azote, de l’hydrogène, du car¬ bone, de l’oxygène, du soufre, du phosphore; 2° une ma¬ tière azotée soluble dans l’alcool; 3° une graisse solide; •t° une graisse liquide phosphorée ; 5° de l’acide lactique, du lactate de chaux et du lactate de soude ; 6° du phosphate acide de chaux, du phosphate acide de soude. M. Bouchardat assigne comme caractère aux trois espèces de ferment qu’il distingue, les propriétés suivantes : Le premier, placé dans l’eau de sucre à une température variant de 10 à 30°, détermine une fermentation vive qui s’achève dans l’espace de quelques jours; il ne fonctionne pas dans les liqueurs très-chargées en alcool. Il se détruit dans l’acte de la fermentation vive. Le diamètre de scs globules varie de ^ à jJj de millimètre. Le second , placé dans l’eau de sucre à une température de 10 à 12°, détermine une fermentation lente, qui n’est terminée qu’après trois ou quatre mois ; il peut fonctionner dans des liqueurs contenant 16 pour 100 d’alcool. Cet acte de fermentation lente ne le détruit pas sensiblement. Le diamètre de ces globules varie de rJ-j à ^ de millimètre. Le troisième , placé dans de l’eau sucrée à une tempé¬ rature de 10 à 12°, détermine une fermentation lente qui n’est terminée qu’âprès six mois; il fonctionne dans des liqueurs contenant plus de 17 p. 100 d’alcool. Cet acte de fermentation ne le détruit pas sensiblement; le diamètre des globules varie de à ^ de millimètre. SUR LA FERMENTATION. 379 Un fait très-important se trouve signalé dans les expé¬ riences de M. Bouchardat. 11 a fait dissoudre quatre blancs d’œuf et 1 kilogr. de sucre dans quatre litres d’eau conte¬ nant 0.001 d’acide chlorhydrique; les liqueurs, filtrées avec le plus grand soin, furent divisées en deux parties égales : la première, après deux mois d’exposition à une tempéra¬ ture qui avait varié de 15 à 25°, ne présentait encore aucune trace de fermentation ; à la seconde on avait ajouté une disso¬ lution limpide de 10 grammes de tannin dans 100 grammes d'eau; un précipité abondant s’est formé aussitôt, et, après quarante-huit heures d’exposition à une température de 25°, il s’est trouvé transformé en globules de 1/400 de millimè¬ tre de diamètre , produisant sur les liqueurs sucrées la même action que la seconde espèce de ferment dont nous avons parlé plus haut. Nous terminerons cette énumération des principaux tra¬ vaux entrepris sur la nature du ferment en donnant les résultats obtenus par M. Mitscherlich dans l’analyse des cendres de la levure de bière. Ce savant a trouvé dans la levure supérieure 7.65 p. 100 de cendres, el dans la levure inférieure de 7.51 à 7.66 p. 100. L’analyse a donné les nom¬ bres suivants : Acide phosphoriquc. . . Potasse . Phosphate de magnésie. Phosphate de chaux. . . Levure Levure supérieure. inférieure. . . 41.8 39.5 . . 39.5 28.3 . . 16.8 22.6 . . 2.3 9.7 Cette distinction de levure supérieure ou superficielle et de levure inférieure est fondée sur les phénomènes qui se produisent dans la fabrication de la bière par le procédé bavarois. Dans le procédé ordinaire, il se sépare une grande quantité de levure à l’état d’une écume épaisse à laquelle 380 NOTES DES ONZIÈME ET DOUZIÈME LEÇONS. s’attachent les bulles d’acide carbonique qui , la rendant plus légère, la soulèvent vers la surface. Au contraire, dans le procédé bavarois, il se forme un dépôt constitué par le fer¬ ment dans un état spécial ; on l’appelle lie, levure de dépôt ou levure inférieure. Cette lie est impropre à développer les phénomènes de la fermentation tumultueuse ; elle ne peut être employée dans la panification ; sa présence détermine seulement une fermentation lente et tranquille. La levure superficielle obtenue dans l’application de ce même procédé peut, au contraire, provoquer une fermenta¬ tion rapide; mais, à 8 ou t0°, les phénomènes changent de nature, la fermentation s’opère lentement, et il se forme un dépôt qui prend peu à peu tous les caractères de la lie. 11 est facile de saisir, d’après cette distinction, toute l’im¬ portance des observations de M. Bouchardat, dont nous avons rapporté plus haut les principales conséquences. Examinons maintenant en peu de mots les théories pro¬ posées pour expliquer les phénomènes de la fermentation. Nous citerons seulement en passant l’opinion émise par Fabroni et dont les faits ont démontré depuis longtemps l’inexactitude. Il admettait que le sucre et le ferment étaient renfermés dans des cellules particulières, séparées; leur déchirement devenait nécessaire pour produire le mélange des matières contenues et le contact de ces matières suffisait pour développer la fermentation. Deux théories ont été produites pour rendre compte des phénomènes observés pendant la fermentation et des condi¬ tions dans lesquelles ils s’accomplissent. Dans l’une, on considère le ferment comme un être organisé, vivant, se reproduisant à la manière des végétaux inférieurs, et absor¬ bant, pendant son développement, une partie des forces mises en liberté par la décomposition du corps qui fer- SUR LA FERMENTATION. 381 mente. Dans l'autre, on part de ce fait, que, dans un grand nombre de circonstances, il suffit d’un choc, d’un ébranle¬ ment mécanique pour provoquer la décomposition d'un grand nombre de corps, et on admet qu'une décomposi¬ tion chimique, s’opérant au sein d’une substance, y déter¬ mine un ébranlement moléculaire qui suffit pour produire un effet semblable sur les corps en contact. Ainsi, \e sucre ne s’altère pas s’il est seul; mais, en présence du ferment, matière en voie d'altération, il se décomposera lui-mème en vertu de cet ébranlement communiqué par le ferment. Mettez en présence du sucre et des matières azotées dans les conditions convenables, tant que l’air n’aura pu intervenir, il ne se produira rien; mais, une fois qu’une bulle d'oxygène aura commencé l’altération de la matière azotée, le phéno¬ mène se propagera rapidement de proche en proche, et bientôt le sucre y participera. On comprend que la nature globulaire du ferment a pu conduire à cette idée, que le ferment était un être vivant, pouvant se développer et se reproduire par voie de bour¬ geonnement. On voit, en effet, dans certaines conditions, un véritable végétal apparaître dans la levure lorsqu’elle est exposée à l’action de l’air sous l’influence d’une dissolu¬ tion sucrée; mais, comme le fait observer M. Dumas, tout porte à croire que ce végétal, qui ja’est autre chose que le Pénicillium glaucum , se forme là comme au sein de toute matière azotée et que sa présence est sans liaison néces¬ saire avec le développement et l’action du ferment propre¬ ment dit. M. Liebig fait aussi remarquer que les végétaux qui se développent au sein des liqueurs qui fermentent ne doivent pas être considérés comme la cause de cette fer¬ mentation, pas plus qu’on ne peut attribuer les phénomènes de la putréfaction aux animaux que l’on rencontre dans les matières présentant ce mode particulier de décomposition. 382 NOTES DES ONZIÈME ET DOUZIÈME LEÇONS. Certains physiologistes, considérant le ferment comme un être organisé vivant, ont été conduits à admettre que les fermentations sont produites par des germes répandus dans l’atmosphère et qui, venant se fixer sur les matières suscep¬ tibles de décomposition, se développent à leurs dépens et provoquent ainsi leur altération. La première manifestation du phénomène serait donc due à l’action de ces germes et non à une oxydation produite par l’oxygène de l’air. Cette opinion se fonde sur les observations suivantes : Si on introduit dans un ballon de l’eau et de la viande ou toute autre matière azotée, qu’on chauffe ce ballon jus¬ qu’à l’ébullition et de manière à chasser tout l’air; puis qu’on laisse refroidir l’appareil en ne recevant dans le vase que de l’air obligé de traverser un tube chauffé au rouge, la viande se conservera sans présenter aucune trace d’alté¬ ration. Le moût de raisin traité de la même manière ne fermentera pas, et on ne verra se produire dans ces liquides ni infusoires, ni moisissures. Ces mêmes substances se conserveront également si on ne les met en contact qu’avec de l’air tamisé à travers du coton, pourvu qu’on ait détruit préalablement par une élé¬ vation de température suffisante tout ce qui pouvait com¬ mencer leur altération. Ces expériences prouvent seulement que, dans ces circon¬ stances, il ne se développera aucun de ces êtres organisés qui se produisent si rapidement au contact de l’air et de certaines matières organiques; mais on ne peut rien en conclure relativement à l’influence des germes sur la fer¬ mentation, car celle-ci est seulement retardée, et elle finit par se manifester. Dans certains cas même, quand on opère sur le lait, par exemple, les phénomènes ne présentent aucune différence avec ceux que l’on observe dans l’air ordinaire; la décomposition commence de suite, mais SUR LA FERMENTATION. 383 on ne voit pas se produire de moisissures ni d’infusoires. M. Lüdersdorff s’était proposé de rechercher si la propriété que présente le ferment d’exciter la fermentation n’était pas liée à son organisation. 11 prit pour cela deux parties égales de levure, l’une fut mélangée sans préparation avec du glu¬ cose dissous dans de l’eau, l’autre fut d’abord triturée avec soin pendant six heures sur un verre dépoli , de manière a ne plus offrir au microscope aucune trace de texture glo¬ bulaire, puis on la mélangea comme la première avec une dissolution de glucose. Les deux solutions de glucose étaient identiques et elles furent toutes deux exposées à la tempé¬ rature de 35°. Le liquide que renfermait la levure triturée n’avait encore présenté après trois jours aucune trace de fermentation ; l’autre, au contraire, avait commencé à fer¬ menter après une demi-heure, et le phénomène avait mar¬ ché jusqu’à complète destruction du sucre. Il ne faudrait cependant pas se hâter de conclure que la fermentation est produite par la structure organisée du fer¬ ment. M. Schmidt a montré qu’on ne devait pas tirer cette conséquence de l’expérience de M. Lüdersdorfï. 11 a fait voir que la levure avait été très- profondément altérée pendant la trituration et qu’elle avait par suite perdu la laculté de pro¬ voquer la fermentation. Un gramme de levure abandonné à lui-même sous une mince couche d’eau, donne au bout de six heures 0*013 de phosphate ammoniaco-magnésien ; au contraire, ce même poids de levure, trituré pendant le même temps, en a donné 0*056. M. Schmidt a montré de plus que, si cette levure ainsi altérée n’avait plus la propriété d’exciter la fermentation alcoolique, elle n’avait pas entiè¬ rement perdu la faculté d’agir comme ferment, mais qu’elle produit dans cet état particulier d’altération une autre fer¬ mentation : le sucre se change en acide lactique sans déga¬ gement de gaz. 384 NOTES DES ONZIÈME ET DOUZIÈME LEÇONS. <# Ces résultats suffisent pour montrer qu’il n’est pas possi¬ ble d’admettre que l’influence du ferment soit liée à son or¬ ganisation. D’autres observateurs ont cherché à prouver qu’on pouvait le remplacer par un corps poreux quelconque, tel que l’éponge de platine, le charbon, l’amiante, etc., et que le ferment lui-mème n’agissait qu’en vertu d’une action tout à fait analogue à celle de ces corps. On constate en effet très-facilement l’influence des corps poreux pour provoquer des transformations qui ne se produiraient pas sans leur présence ou qui exigeraient des conditions très différentes, relativement à la température par exemple. En admettant que tous les phénomènes de la fennen- tation puissent être produits par des corps poreux, on aurait tort d’en conclure que les ferments n’agissent pas autre¬ ment que ces substances et n’ont qu’une influence pure¬ ment mécanique. Ce dérangement d’équilibre, ce dédou¬ blement du sucre qui caractérise la fermentation alcoolique est produit, en général, par une matière azotée, subissant elle-même une métamorphose, un changement de nature. Mais celte même modification du sucre peut bien se produire sous d’autres influences, par le simple contact d’un corps étranger, par exemple, capable de communiquer un ébran¬ lement comme celui que produit une réaction chimique. Ainsi , les phénomènes de la fermentation ne paraissent pas liés à l’organisation du ferment, à plus forte raison on ne doit pas les attribuer aux végétaux microscopiques qui se développent dans certains cas au sein des corps qui fer¬ mentent; mais il parait très-simple d’admettre que l'altéra¬ tion chimique des matières propres du ferment, en même temps qu’elle se propage dans les matières analogues qui se trouvent dans la masse, peut réagir sur d’autres substances en contact avec ce ferment, et produire chez ces dernières des réactions spéciales, nettement caractérisées dans certains SUR LA FERMENTATION. 385 cas, et susceptibles de se modifier sous des influences très-multipliées. Nous avons reconnu que les matières grasses existant dans certaines parties du moût pouvaient bien ne pas être étrangères à des modifications spéciales qui se produisent pendant la fermentation ou après l'achèvement de cette opé¬ ration. Or, toutes ces matières grasses neutres se dédoublent, comme nous l'avons dit précédemment (voy. noie G, page 2t 2) en deux substances différentes : l'une est un acide gras appartenant à un groupe dans lequel rentre l’acide acétique ; l’autre est un corps que l’on appelle glycérine et qui a été souvent comparé aux sucres. On dit généralement que la glycérine, ainsi que plusieurs autres substances analogues, se distingue des sucres parce qu’elle n’est pas susceptible d’éprouver la fermentation alcoolique. Des expériences récentes dues à M. Berthelot ont montré que la glycérine, la mannite, pouvaient, comme le sucre, donner de l’alcool et de l’acide carbonique ; seulement, cette transformation se manifeste avec des caractères particuliers que nous n’avons pas rencontrés dans la fermentation des matières sucrées. Les phénomènes observés par M. Berthelot dans la fer¬ mentation de ces substances si voisines des sucres permet¬ tront sans aucun doute d’éclaircir un grand nombre de points encore très-obscurs de cette importante opération. Le rôle que jouent très-probablement les matières grasses dans les réactions qui se manifestent au sein du vin , la possibi¬ lité de la présence accidentelle de la mannite dans certains cas, augmentent encore l’intérêt qui s’attache à celte ques¬ tion envisagée d’une manière générale. Aussi nous avons cru devoir entrer dans quelques détails sur ces expériences, car les réactions qui s’y trouvent décrites conduiront certai* 22 386 NOTES DES ONZIÈME ET DOUZIÈME LEÇONS. nement à des applications nombreuses dans l’étude chimi¬ que de la fabrication du vin et des modifications qui s’y manifestent. Les considérations suivantes résument les importants résultats annoncés par M. Berthelot (t). La glycérine, la mannite, peuvent fermenter directement avec production d’alcool et d’acide carbonique ; il y a en même temps dégagement d’hydrogène. La gomme, l’ami¬ don peuvent, dans les mêmes conditions où ces phénomènes se manifestent, donner également de l’alcool sans se trans¬ former en sucre. La température doit être inférieure à 50 degrés pour que l’opération marche régulièrement; elle exige, pour s'accom¬ plir, un temps assez long, plusieurs semaines et même plu¬ sieurs mois. Outre l’alcool, il se forme d’autres substances, de sorte qu’il se développe simultanément plusieurs espèces de fer¬ mentation. Il est nécessaire qu’on fasse intervenir de l’eau, du carbo nate de chaux et une matière azotée. Le carbonate de chaux, en saturant les acides produits, maintient la neutralité de la liqueur; il peut être remplacé par d’autres corps pouvant remplir la même fonction neutralisante. Outre les résultats particuliers à la fermentation de la glycérine, M. Berthelot a pu déduire de ses expériences des conséquences très-importantes relativement à la théorie de la fermentation, il admet que l’influence des matières azo¬ tées tient à leur composition et non à leur forme, ce qui justifie les idées théoriques auxquelles nous nous sommes arrêté. 11 a opéré sur un nombre très -considérable de ma¬ tières azotées d’origine animale, et il a obtenu aveclagéla- 1) Ann de Ch. et de Phys., 3* série, t. L, p. 322. SUR LA FERMENTATION. 387 line les mêmes résultats qu’avec les matières albumineuses. Le développement d’êtres vivants au sein des liqueurs qui fermentent ne paraît jouer aucun rôle nécessaire, car on l’évite très-facilement en opérant à l’abri du contact de l’air. Les expériences de M. Berthelot semblent montrer que la cause de la fermentation réside dans la nature chimique des corps propres à jouer le rôle de ferment et dans les change¬ ments successifs qu’éprouve leur composition. L’on constate, dans ces fermentations spéciales, que la matière azotée se décompose sans pourrir et perd, sous forme gazeuse, pres¬ que tout l’azote qui entre dans sa constitution. Ce même phénomène n’a pas été observé dans l'action de la levure de bière sur le sucre. 11 est, du reste, très-facile de rendre compte du mode de décomposition qu’éprouve la glycérine; on l’explique par l’équation suivante : C6 H8 O6 = Ck H6 O* H- 2CO* + 2H. Glycérine. Alcool. A. carbonique. Hydrogène. Dans le cas particulier de la glycérine, on a pu recon¬ naître la production simultanée d’une petite quantité d’acide butyrique. Lorsqu’on opère sur la mannite, on a l’équation : Cu R» O1* = 2 (C4 H6 O*) + 4CO* -+- 2H. Mannite. Alcool. A. carbonique. Hydrogène. Il se forme en même temps de l’acide lactique et de l’acide butyrique. Or, si la mannite n’existe pas dans le moût du raisin , elle se développe dans cette fermentation particulière des jus sucrés que l’on désigne sous le nom de fermentation visqueuse. Celte transformation spéciale et les réactions qui l’accompagnent peuvent quelquefois se manifester dans les 388 NOTES DES ONZIÈME ET DOUZIÈME LEÇONS. cuves avant l’établissement régulier de la fermentation alcoo¬ lique, et on comprend dès lors tout le parti qu’on pourra tirer des résultats obtenus par M. Berthelot pour expliquer les phénomènes qui se produiront ultérieurement et qui seront la conséquence de cette altération primitive. On voit combien nous avions raison d’insister sur l’im- % portance de la fermentation et sur la nécessité d’entrer dans les plus grands détails relativement à la nature de cette opération et à ses caractères. L’histoire chimique du vin se trouve là tout entière; et, soit que l’on étudie sa fabrica¬ tion , soit qu’on cherche à approfondir les modifications qu’il présente avec le temps, les altérations qu’il peut éprou¬ ver, c’est toujours dans ces réactions intérieures qui se rat¬ tachent aux fermentations et ne sont souvent que des fer¬ mentations de nature particulière, qu’il faut chercher les causes de ces phénomènes et des variations si nombreuses observées dans les vins. 1 J J 1 . TREIZIÉME LEÇON ♦ ^ — 3 juin 1H56 — Des opérations qui précèdent la fermentation. Vendange. — Égrappage. Les opérations nécessaires pour la fabrication du vin J sont très-nombreuses et très-complexes ; nous les exa-J minerons successivement en réunissant d’abord celles « - • ''U qui précèdent la fermentation, et ensuite celles qui nej peuvent être pratiquées qu après sou achèvement. Daiis les premières, nous trouvons la récolte du raisin ou la vendange, les manipulations qu'on lui fait subir avant ù 4 . .3 * . . * son introduction dans la cuve et qu’on désigne sous le ^ nom d'égrappage et de foulage; enfin nous aurons a* • J^. V « nous occuper de la disposition de la cuve elle-même pendant la fermentation. 1* y. T • « 1 Lorsque les transformations qui caractérisent cette dernière action sont arrivées au point convenable, on . i ■«»»•«' procède au décuvage; puis vient le pressurage, et le J vin est introduit dans les tonneaux. A partir de cep ' ■ v;i 390 TREIZIÈME LEÇON . moment il ne reste plus qu'à laisser s’achever les phé¬ nomènes commencés dans la cuve, et, quand toute action a cessé, le vin s’éclaircit ; on sépare le liquide clair par le soutirage , on complète sa clarification par le collage, et on peut dès lors considérer comme ter¬ minées les opérations que comprend la fabrication du vin. Les autres questions que nous aurons à examiner pour achever nos études se rapporteront aux propriétés et à la composition des vins ainsi obtenus , ainsi qu’aux soins qu’ils exigent pour arriver au développement complet des qualités qu’ils peuvent acquérir. Une condition paraît indispensable pour qu’on pro¬ cède à la récolte du raisin destiné à la fabrication du vin, c’est qu’il soit parvenu à une maturité complète ; et il semble au premier abord que, toutes choses égales d’ailleurs, il sera toujours préférable d’attendre que le fruit soit aussi mûr que possible. C’est, en effet, une règle que nous regardons comme rationnelle et très- naturelle. Il ne faut vendanger le raisin que lorsqu’il est mûr ; mais nous devons ajouter tout de suite que dans certaines circonstances on est obligé de procéder à cette opération sans que cette condition soit remplie, et que, dans d’autres cas, il est avantageux de 11e pas attendre une maturation complète que l’on aurait pu souvent obtenir par quelques jours de retard. Nous savons en quoi consistent les phénomènes qui s’accomplissent pendaut la maturation du raisin ; rap¬ pelons rapidement quels sont les signes extérieurs aux¬ quels on paut reconnaître que cette maturité est arri- VENDANGE. 391 vée à son terme. Lorsque le raisin est mûr, la grappe, d’abord verte, a pris une teinte brune assez foncée : le pé¬ doncule, qui présente cette même coloration, se détache facilement de la grume ; celle-ci a perdu la dureté qui caractérise le verjus ; elle s’est ramollie , sa pellicule est devenue plus mince , ce qui lui donne une certaine transparence. La présence du sucre communique au jus que l’on peut en extraire une saveur douce qui augmente à mesure que la maturité s’avance , et qui domine sur celle que produisent les autres éléments. On connaît pour chaque cépage les phases par les¬ quelles passe la coloration des grumes pendant cette période, et par conséquent on aura dans l’examen de la teinte qu’elles présentent un nouvel indice de l’état plus ou moins avancé de sa maturation. Ainsi, la connais¬ sance que l’on a dans chaque localité des propriétés des cépages que l’on y cultive permettra facilement de re¬ connaître, par la dégustation et par l’aspect du raisin, le moment où celui-ci aura atteint sa maturité. Une circonstance très-importante pour l’opération de la vendange, c’est qu’elle soit favorisée par un beau temps. Le soleil et un temps sec sont très-désirables, non-seulement à cause des avantages qu’ils présentent pour les qualités du produit, mais aussi pour prévenir les inconvénients qui en résultent pour la Vigne, lorsque la récolte se fait dans des conditions météorologiques défavorables. Nous aurions pu passer sous silence cette prescription si simple, mais qu’on n’est pas toujours libre de rem¬ plir, s’il ne s’y rattachait pas un fait qu'il est important 392 TREIZIÈME LEÇON. de signaler. On conseille généralement d’attendre pour commencer la récolte que la rosée soit passée, que le raisin soit sec, parce qu’en suivant cette indication on obtiendra un moût moins aqueux et par suite un vin de meilleure qualité. On ne tient guère compte de cette circonstance que dans les grands , crus. Pour les vins communs on a même tout avantage à agir autrement, . l'opération est moins coûteuse et la quantité du produit est plus considérable. Dans les vignobles qui fournissent des vins blancs, en Champagne notamment, on suit une pratique tout à fait opposée : on préfère recueillir le raisin par le brouillard et par un temps humide. L’observation a mon¬ tré que les fruits recueillis dans ces conditions donnaient des vins beaucoup plus faciles à clarifier et à obtenir avec cette limpidité si désirable pour le vin blanc. L’état que présentent le plus souvent les Vignes au moment de la récolte soulève une question que nous devons examiner, car elle va nous conduire à détermi¬ ner l’influence que peut exercer sur le vin une matu¬ rité plus ou moins complète. Il peut arriver que les raisins 11e soient pas partout également mûrs et que cependant l’état avancé de certaines parties ou la crainte des intempéries oblige de commencer les vendanges. Alors il paraît rationnel de trier avec soin les portions arrivées à une maturité complète, soit qu’011 remette à une époque plus éloignée la récolte de celles dont la maturation n'est pas achevée, soit qu’011 les fasse fer¬ menter à part si on doit terminer l’opération immédia¬ tement. Cette prescription d'un triage minutieux doit VENDANGE. 393 être sans réserve pour les grappes pourries et gâtées, qu’on éliminera avec soin; mais quant à ce qui regarde seulement l’état de maturité, nous distinguerons plu¬ sieurs cas, afin de bien montrer dans quelles circon¬ stances elle doit trouver son application. S’il y a une différence bien nettement tranchée entre les raisins d’une même Vigne, comme cela arrive quel¬ quefois lorsqu' 'après une gelée funeste il a pu se déve¬ lopper de nouveaux bourgeons qui ont donné des fruits plus tardifs, on devra laisser tous ces derniers lors d’une première récolte, et, s’ils ne mûrissent pas, on les em¬ ploiera à l’état de verjus; mais, si l’état de la saison leur permet de mûrir, on procédera à une seconde ven¬ dange. Ce phénomène, quoique assez rare, a été observé quelquefois, et notamment en Bourgogne, en 1802, 1825 et 1839. En dehors de cette hypothèse, nous croyons que le triage des raisins, lorsqu’ils ne présentent pas tous le même degré de maturité, n’est guère pratiqué que dans des circonstances exceptionnelles. On y procède quel¬ quefois dans les petites exploitations, lorsqu’on veut faire des vins présentant des qualités particulières , ou bien lorsque les raisins moins mûrs doivent être expo¬ sés au soleil pendant quelques jours. L’opération peut se faire dans la Vigne même sur des tables triangulaires à rebords, et elle n’exige pas un temps bien considérable si elle est confiée à des mains un peu exercées. Nous aurons, du reste, à revenir sur ce triage lorsque nous examinerons les différents pro¬ cédés employés pour l’amélioration des vins. 394 TREIZIEME LEÇON. Le plus ordinairement la vendange se composera donc de raisins mûrs mélangés avec une certaine quan¬ tité d’autres qui ne sont pas encore arrivés à ce même état. Voyons jusqu’à quel point cette circonstance pourra influer sur les qualités du vin. L’expérience a montré que, si les raisins ne sont pas complètement mûrs, les vins sont d’abord âpres, verts, et ne peuvent être livrés immédiatement à la consom¬ mation; mais ils sont de garde, se bonifient avec le temps si ce sont des vins de qualité supérieure, et ils se conservent beaucoup mieux que s’ils avaient été faits avec des raisins parfaitement mûrs. Cette observation se rapporte, bien entendu, au cas où la majeure partie de la récolte est dans un état de maturité très-conve¬ nable et où une faible partie seulement laisse à désirer sous ce rapport. Ainsi, l’absence d’une maturité complète dans quelque portion de la récolte peut bien n’avoir aucun inconvé¬ nient, et nous pouvons comprendre qu’on ait souvent conseillé d’éviter une maturité trop grande et qu’on ne se soit guère préoccupé, même dans les grands vigno¬ bles, d’un triage dont les effets seraient si précieux sans l’observation que nous venons de faire. Ajoutons cependant que, 6i une maturité excessive peut avoir pour les propriétés des vins des résultats que l'on ne cherche pas à réaliser, une maturité incomplète a des inconvénients bien plus graves. Il arrive très-sou¬ vent dans le Nord que la Vigne ne trouve pas tous les ans les conditions convenables pour sa végétation. Alors la maturité n’arrive pas avant la mauvaise saison, et il VENDANGE. 305 faut de toute nécessité procède:1 à la récolte avant qu’elle ne soit compromise par le retour des froids. Or, dans ce cas, on 11e peut obtenir que des vins très-médiocres. Le point qui parait le plus convenable dans nos cli¬ mats est celui que nous venons de signaler. Il convient que, dans la majeure partie d’un vignoble, le raisin ait acquis au moment de la vendange tout son développe¬ ment ; mais on ne devra pas s’inquiéter de l’état un peu moins avancé qui pourra se présenter dans quel¬ ques points, et il ne sera pas nécessaire d'attendre que partout, sans exception , la modification des éléments ait été complète. Ces considérations sont surtout applicables à la ré¬ colte des vins que produit le centre de la France, et nous verrons bientôt qu elles se fondent sur les réac¬ tions que les différents principes existant dans le vin exercent les uns sur les autres et qui exigent entre ces principes un certain équilibre qu’une maturité excessive peut compromettre tout aussi bien que l’excès contraire. Ainsi, le meilleur guide à suivre pour déterminer dans chaque vignoble les conditions les plus favorables, c’est de tenir compte des qualités particulières du vin que l’on se propose d’obtenir, et l’étude que nous ferons bientôt de la composition du vin fournira sur ce point tous les renseignements nécessaires. La température de l’air au moment de la vendange aura une grande influence sur la marche et le dévelop¬ pement de la fermentation. La température du raisin, et par suite celle du moût qu’il produira , sera néces¬ sairement en rapport avec celle de l’atmosphère ; 011 396 TREIZIÈME LEÇON. # comprend dès lors que la fermentation se manifeste beaucoup plus rapidement par un temps suffisamment chaud que par un temps froid. Le raisin introduit froid dans la cuve a besoin de s'élever à une température d’environ 8 à 10 degrés pour que les premiers phéno¬ mènes de la fermentation puissent avoir lieu ; au-des¬ sous il ne se produirait rien. Ceci nous explique com¬ ment, de deux cuves remplies à plusieurs jours d’inter¬ valle, l'une fermentera avant l'autre et la devan¬ cera jusqu'à la lin si la vendange qu'elle contient a été récoltée par un temps plus chaud. Dans les localités où la température est trop basse au moment de la vendange , on est obügé de remédier à cet inconvénient en chauffant légèrement les pièces dans lesquelles sont disposées les cuves. On arrive au même résultat en tirant une certaine quantité de moût, puis en le faisant bouillir avant de le rejeter dans la cuve. Lorsque la température n'est pas assez élevée pour que la fermentation s'établisse, on voit quelquefois le moût devenir un peu filant : il se développe un com¬ mencement de fermentation visqueuse. Le meilleur moyen d'en arrêter les progrès consiste à élever la température du moût , car ce changement de condition amènera bientôt la fermentation alcooüque. S'il est passible de se procurer du moût déjà en pleine fermen¬ tation, sa présence activera d'une manière très-notable la production des phénomènes dont il importe, dans ce cas, d'accélérer le développement. Cette influence de la température extérieure est sur- ÉGRAPPAGE. 397 tout très -grande au commencement de l’opération. Plus tard , quand la fermentation est en pleine activité, une diminution dans la température extérieure ne pro¬ duit aucun effet , à cause de la chaleur dégagée par la fermentation ; il faut cependant empêcher que les cuves ne soient soumises d’une manière trop directe à cette cause de refroidissement. L’opération qui doit suivre immédiatement la ven¬ dange mérite toute notre attention à cause des diver¬ gences que présentent sur ce sujet les opinions théori¬ ques et la pratique qui en est la conséquence. Nous voulons parler de l’égrappage, c’est-à-dire de la sous¬ traction totale ou partielle des grappes avant la fer¬ mentation. Nous avons vu que les matières solides obtenues comme résidu d’un pressurage immédiat ren¬ fermaient la peau du grain, les pépins et la grappe. Or, la première joue un rôle bien important et tout à fait indispensable pour la formation de la matière co¬ lorante dont elle renferme les principes; la seconde, par la présence du tannin dans sa tunique extérieure, peut-être par la dissolution d’une petite quantité de l’huile grasse qu’elle renferme, agit aussi très-efficace¬ ment, et, en admettant qu’elle soit inutile, sa soustrac¬ tion n’est guère praticable ; quant à la troisième , la grappe, cette matière ligneuse qui sert de support aux grumes, on a non-seulement contesté son utilité, mais souvent on a soutenu que sa présence ne pouvait être que nuisible et qu’il fallait s’en débarrasser complète¬ ment. Sous ce rapport les opinions sont très-diverses et 23 398 TREIZIÈME LEÇON. tout à fait contradictoires ; mais il nous sera facile de montrer la cause de ces différences et , en précisant le rôle de cette partie du raisin, d’arriver à déterminer quelle doit être dans chaque cas la meilleure règle à suivre. Il nous est facile d’apprécier la différence qui existe entre les vins blancs et les vins colorés. Pour obtenir les premiers on exprime le jus des raisins immédiate¬ ment après la vendange, et le marc est séparé de la partie liquide du moût ; celle-ci seule est soumise à la fermentation . Ce moût est incolore, quel que soit le cé¬ page qui l’ait fourni, pourvu que le pressurage ait eu lieu sans retard , et avant toute altération des grumes. Nous ne tarderons pas à reconnaître que, dans tout ce qui regarde la fabrication du vin, on ne peut pas avoir une ligne de conduite bien déterminée et pour ainsi dire se faire d’avance un programme invariable ; l’œnologie ne commencera à devenir une science que lorsqu'on se sera bien pénétré de cette idée, qu’il est impossible de tracer une règle fixe pour chaque opération. La matière première que la nature nous offre chaque année pour faire le vin est essentiellement variable quant à la proportion des éléments qui la constituent. Cette pro¬ portion varie presque autant d’une année à l’autre dans un même vignoble qu’elle varie dans les différents cé¬ pages. Il faut donc, pour agir rationnellement, appli¬ quer dans chaque cas particulier des procédés un peu modifiés, et le point dont nous devons surtout nous préoccuper, c’est de déterminer quelle doit être l’éten¬ due de ces modifications. Alors, au lieu de vouloir tout ÉGRAPPAGE. 399 subordonner à un procédé unique et général, nous ar¬ riverons à subordonner nos procédés à la nature et aux qualités de nos produits. On a émis deux opinions très-différentes relativement à l'influence de la grappe : quelques auteurs lui attri¬ buent un rôle purement mécanique; d’autres, s’appuyant sur les expériences de Ghaptal, qui a fait fermenter un mélange de sucre, d’eau, de tartre et de feuilles de Vigne, pensent , au contraire, que la grappe joue un rôle très-efficace et peut suppléer au manque de fer¬ ment. L’influence mécanique de la grappe dans l’acte de la fermentation ne saurait être contestée, surtout dans le cas où l’on emploie des cuves ouvertes. Nous aurons à revenir bientôt sur cette question à propos de la forma- tion du chapeau ; mais nous pouvons dire dès à présent qu’on se mettrait en contradiction avec les faits en sou¬ tenant que l’action de la grappe doit être réduite à ce rôle et qu’elle n’intervient pas toujours par quelques- uns de ses principes constituants. Gliaptal a montré le premier qu’en ajoutant à de l’eau sucrée de la crème de tartre et des feuilles pilées, la fermentation ne tardait pas à s’établir avec tous ses caractères. Nous avons souvent répété cette expérience et toujours avec le même succès. Si on mélange à de l’eau sucrée des feuilles de Vigne, des vrilles ou de jeunes sarments pris à toutes les époques de la végé¬ tation et même sans écrasement préalable, on voit promptement se manifester tous les phénomènes qui caractérisent la fermentation; la masse répand dans les 400 TREIZIEME LEÇON. * premiers jours une odeur toute particulière qui rap¬ pelle la verdeur des ^us que fournissent les jeunes pousses ; mais bientôt cette odeur disparait et fait place à celle qu’exhalent les cuves eu fermentation. Ainsi, non-seulement les parties vertes que la Vigne fournit peuvent agir comme ferment, mais, en déterminant la transformation du sucre en alcool et en acide carbo¬ nique, elles donnent naissance à ces principes odorants qui se forment dans la production du vin. Ces faits nous montrent qu’il faut toujours tenir compte de l’influence que peut avoir la grappe par suite de l’action chimique exercée par ses éléments. En effet, lors même que les autres portions du raisin pourraient fournir plus de ferment qu’il n’en faut pour le sucre contenu dans le moût, et c’est le cas le plus ordinaire, les matières renfermées dans la grappe et susceptibles de donner naissance à du ferment ne participeront pas moins à la réaction générale qui, dans une masse en fermentation, atteint toutes les matières azotées, les dispose à intervenir comme ferment, et augmente par conséquent la proportion de ce dernier. On a reproché à la grappe de donner aux vins une saveur âpre et austère, et c'est, pour avoir des vins plus délicats, plus légers, qu’on a conseillé un égrappage complet; mais on n’a pas tardé à reconnaître que, si par cette opération on obtient des vins préférables dans les premières années, ces vins se conservent moins long¬ temps, tandis que, d'un autre côté, les vins qui ont fermenté avec la grappe et qui ont pris, par suite de ce contact, une saveur un peu acerbe, ne tardent pas ÉGRAPPAGE. 401 à perdre ce caractère. Après un an ou deux il a presque disparu, et le vin conserve une force et une vigueur qu'il n’aurait jamais acquise par tout autre procédé. Ainsi, la grappe produit les mêmes effets que les raisins qui ne sont pas arrivés à un état complet de maturité. En raisonnant par analogie, nous sommes naturelle¬ ment conduits à admettre qu’il est impossible de con¬ clure des faits isolés quelque chose de général sur l’emploi de la grappe. En effet , pour un même cépage, la nature et la proportion des substances solubles con¬ tenues dans la grappe , et par suite son influence dans l’acte de la fermentation, ne doivent pas être les mêmes pour toutes les années. Ces conditions doivent aussi varier d’un cépage à l'autre , mais nous ne possédons presque aucune donnée sur ce point. Lorsqu’un cépage est transporté dans un autre cli¬ mat , il sera très-utile de tenir compte des modifications qu’il pourra subir , pour se faire une idée des inconvé¬ nients et de l’utilité que présenterait la continuation du système auquel on avait donné la préférence dans sa première patrie. Pour des cépages différents, placés dans les mêmes conditions de maturité, de culture, de climat , il doit également y avoir dans le rôle de cette matière des variations notables et qu’on ne peut tou¬ jours prévoir. L’expérience et la pratique seules doi¬ vent nous servir de guide. Nous devons admettre egalement que, si la grappe ne peut céder au vin qu’une petite quantité de principes , son effet sera tout différent suivant que ces principes seront déjà en quantité suffisante ou en excès, ou sui- TREIZIEME LEÇON. m vant qu'ils ne s’y trouveront pas en proportion con¬ venable. Lorsque le vin a déjà une saveur âpre, austère, il sera bon de supprimer une partie de la grappe , et on sera sûr, par là, d’améliorer d’une manière très- notable sa qualité. Opère-t-on sur des cépages 11e pou¬ vant arriver à une maturité complète, et contenant dans la grume trop de ces principes que la grappe pourrait fournir, on doit la soustraire, soit en totalité, soit en partie. Au contraire, lorsqu’on aura des raisins parfaitement mûrs et renfermant une grande quan¬ tité de sucre , la présence de la grappe sera nécessaire pour suppléer à la trop faible proportion du ferment, et il faudra bien se garder de l’enlever. On regarde même comme indispensable dans le Midi d’ajouter quel- quefois des feuilles et des sarments verts pour rendre la fermentation plus complète. Mais dans le cas où 011 transporterait dans nos climats du centre de la France des cépages du Midi ou de l’Espagne, il pourrait, au contraire , devenir très-utile d’opérer la suppression de la grappe, car il est très-probable que le changement de climat introduira dans la grappe des principes peu d’accord avec, la saveur des vins sucrés, et qu’un cli¬ mat plus chaud aurait transformés et élaborés. Dans les climats tempérés , où la proportion du sucre n’est jamais trop considérable , et où la température est souvent inférieure à celle que la fermentation exige, la conservation de la grappe pourra, par suite de l’ac¬ tion mécanique de cette dernière , donner à cette opé¬ ration une plus grande activité. ÉGRAPPAGE. 403 Dans ce cas, comme dans tous ceux où la grappe doit être considérée comme ayant une action avanta¬ geuse , un égrappage partiel devient quelquefois néces¬ saire. On sait, en effet, combien varie l’abondance de la récolte ; ce résultat peut tenir au nombre des fruits , ou seulement à la différence qu’ils présentent dans leur grosseur. Dans ce dernier cas , pour la même quantité de grumes, et, par suite, de moût liquide, la propor¬ tion de liquide peut varier dans de grandes propor¬ tions. On comprend dès lors qu’il faudra faire inter¬ venir cette considération , en même temps que celle de la maturité, pour déterminer la quantité de grappes qu’il sera nécessaire de laisser pendant la fermentation. Le rôle de la grappe considérée comme matière devant agir chimiquement et suppléer à l’insuffisance du fer¬ ment ou du tannin peut être apprécié complètement par ce qui précède. Nous nous bornerons à indiquer quelles sont, à d’autres points de vue, les conséquences de la présence ou de l’absence de ce principe. La suppression de la grappe présente quelques avan¬ tages incontestables : elle rend le volume de la ven¬ dange plus petit d’un tiers , de manière qu’il faut moins de cuves pour la renfermer ; elle évite jusqu’à un cer¬ tain point, dans la fermentation à cuve ouverte, l’acéti¬ fication du vin ; elle augmente sa puissance alcoolique, car la grappe absorbe une quantité notable d’alcool que la pression ne peut fournir que d’une manière incomplète et encore chargé de tous les principes que la grappe contient. Mais , d’un autre côté , la présence de la grappe rend TREIZIÈME LEÇON. la fermentation plus active, pins complète et en même temps plus rapide, et permet de renoncer aux cuvages prolongés, dont bientôt nous reconnaîtrons les dangers. La grappe supplée par sa matière propre à l'insuffisance du ferment, du tannin ; elle n’est pas étrangère à la dé¬ termination des réactions particulières qui se produisent dans le vin pendant la fermentation , et elle joue un grand rôle dans le développement des propriétés qui # assurent à ce produit une longue conservation. En résumé , nous voyons qu’il faut consulter, pour se guider dans la pratique de l’égrappage , la nature du moût sur lequel on opère et les qualités du vin que l’on veut obtenir. La suppression partielle de la grappe sera une amélioration pour des vins très-médiocres ; sa conservation, au contraire, toujours dans des limites convenables, sera pour les vins passables et même pour les bons vins une condition de durée qui , pour beau¬ coup, est indispensable. Si certains vins paraissent pou¬ voir s’en passer , nous croyons qu’ils ne perdraient rien au mélange d’une certaine quantité de cette substance qui , outre son action chimique , exerce encore sur la fermentation, sur son activité, sa régularité, une grande influence à laquelle beaucoup d’auteurs ont réduit son rôle d’une manière complète. La meilleure pratique dans le plus grand nombre des cas nous paraît celle qui consisterait à ne procéder jamais qu’à un égrappage partiel, dout la proportion sera facile à dé¬ terminer en tenant compte de l’état de la récolte et de rinfluence de la grappe. D’un autre côté, nous verrons bientôt que la disposi- ÉGRAPPAGE. 405 % tion des cuves n’est pas toujours la même ; tantôt, la fermentation s’opère dans des cuves ouvertes, tantôt on procède dans des cuves fermées. Ces conditions dif¬ férentes ont dû nécessairement influer sur la pratique relative à l’égrappage, car ses effets ne seront pas les mêmes dans les deux cas. Dans les localités où la fer¬ mentation s’opère dans des cuves complètement fer¬ mées on égrappe généralement; car, dans ce cas, on prolonge la durée du cuvage, et la présence de la tota¬ lité de la grappe introduirait dans le vin une trop grande proportion des principes astringents que cette partie du raisin peut fournir. Dans le Midi , on ne procède pas à l’égrappage parce que, dans le système de cuvage employé, la grappe est nécessaire pour rendre la fermentation possible dans des moûts trop denses , souvent même on est obligé d’y ajouter de jeunes sarments pour augmenter sa propor¬ tion. Mais si l’introduction de l’égrappage est désirable dans ces contrées pour l’amélioration des vins de table, elle n’est possible qu’à la condition de modifier égale¬ ment sur d’autres points la méthode suivie pour la fer¬ mentation. Quant à la manière d’opérer la séparation de la grappe , la plus simple et la moins coûteuse nous pa¬ rait la meilleure. Sans chercher à décrire les différents appareils conseillés pour cet objet, nous dirons seule¬ ment que l’emploi d’une claie, soit en métal, soit en osier, dont les mailles peuvent laisser passer les grumes, est très-convenable pour opérer cette séparation. 11 suffit d’agiter les raisins à la surface de. cette claie 2»‘ 406 TREIZIEME LEÇON. placée sur un cuvier , pour qu’au bout d’un temps très- court il 11e reste plus entre les mains de l’opérateur que les grappes parfaitement dépouillées. La petite quantité de celles-ci qui peut passer à travers les mailles ne présente aucun inconvénient, surtout quand on n’opère qu’un égrappage partiel, et c’est là, nous l’avons reconnu, le cas le plus ordinaire. En France, l’égrappage n’est pratiqué que d’une manière excep¬ tionnelle et pour faire des vins supérieurs. Sur 70 dé¬ partements où la Vigne est cultivée, il n'y en a que 32 où cette opération soit usitée , et , dans la plupart de ces derniers, elle est très-peu répandue. L’égrappage absolu est excessivement rare. Les raisins qui ont été égrappés sont immédiate¬ ment introduits dans la cuve ; quant aux autres , il est convenable de les soumettre préalablement à un fou¬ lage qui a pour but de les écraser , et de mêler d’une manière intime les differents éléments qui doivent prendre part à la fermentation. Nous reviendrons sur ce point important dans la leçon prochaine. * QUATORZIEME LEÇON — 10 juin 185G — Foulage, — Disposition des cuves pendant la fermentation. Messieurs, Le raisin est, aussitôt après la récolte, porté dans les cuves où doit s’opérer la fermentation. Ces vases ont la forme cylindrique ; ils sont ordinairement en bois ; on les fait quelquefois en maçonnerie quand ils doivent avoir de grandes dimensions. Lorsqu’on veut égrapper une partie de la vendange, cette opération se fait au moment de la mise en cuve. Il convient, pour que la fermentation soit uniforme et régulière, que la cuve soit entièrement remplie dans un temps assez court, dans l’espace d’une journée, par exemple. Quelquefois on se contente de jeter tout sim¬ plement les raisins dans la cuve et de les abandonner à eux-mèmes sans leur faire subir aucune préparation; le plus souvent on les écrase d’une manière plus ou moins complète, soit en les foulant avec les pieds à 408 QUATORZIÈME LEÇON. mesure qu’on les jette, soit en les faisant passer entre deux cylindres cannelés que l’on tourne au moyen d’une manivelle. Cette opération est désignée sous le nom de foulage ; elle a pour but d’ouvrir complètement toutes les grumes et de faire sortir le jus qu’elles ren¬ ferment. D’après ce que nous avons dit sur la nécessité de l’intervention de l’air pour commencer la fermenta¬ tion, on comprend qu’on ne doit pas craindre de pro¬ voquer le contact de l’oxygène avec un moût destiné à fermenter; d’un autre côté, la fermentation alcoo¬ lique se développant dans des conditions bien déter¬ minées, et ce phénomène de transformation n’étant pas le seul que puissent éprouver les substances mélan¬ gées dans le moût, il en résulte qu’il faut tout faire pour que cette action se manifeste le plus tôt possible et d’une manière uniforme dans toute la masse, afin d’empécker les altérations locales qui pourraient ré¬ sulter d’une disposition différente. On atteint sûrement ce double résultat en écrasant la vendange au moment où on l’introduit dans la cuve, et on détermine un mélange complet et intime des dif¬ férents éléments du moût. La fermentation devient dès lors une opération unique, uniforme, ayant lieu au sein de la masse tout entière. Dans quelques localités même on porte la vendange sur le pressoir et on mé¬ lange ensuite dans la cuve le marc avec le jus exprimé, pour atteindre ce résultat d’une manière plus com¬ plète. La nécessité du foulage, considéré comme opération CUVAGE. 409 préliminaire à la fermentation, a été rarement contes¬ tée, et les raisons qu’on a données pour le proscrire à cette époque ne sauraient s’appliquer d’une manière générale; aussi nous ne les discuterons pas maintenant. Nous aurons à y revenir plus tard et à voir dans quelles circonstances spéciales il convient de le retarder, et quelles sont les conséquences de cette pratique que l’on doit considérer comme exceptionnelle. La présence de la grappe dans la cuve pendant la fermentation imprime à celle-ci un caractère spécial dont nous devons apprécier les conséquences. Le fou¬ lage a mélangé intimement les divers éléments solides et liquides qui constituent le moût ; lorsque la fermen¬ tation s’établit, le dégagement du gaz, l’élévation de la température déterminent des mouvements dans la masse , et au bout de très-peu de temps la plupart des parties solides soulevées par ce mouvement viennent se réunir à la surface ; le dégagement tumultueux que la fermentation détermine et entretient soulève les ma¬ tières plus légères et maintient «à la surface de la ven¬ dange ou du liquide une masse poreuse plongée en partie dans ce liquide et à laquelle on donne le nom de chapeau ; quand la fermentation tumultueuse est ache¬ vée, ce chapeau s’affaisse et tout mouvement s’arrête. Il était nécessaire de faire connaître cette disposition, car les conséquences qu’elle entraîne sont très-impor¬ tantes pour la discussion d’une question dont nous devons nous occuper : celle du couvrement des cuves ou de leur libre exposition au contact de l'air. 410 QUATORZIÈME LEÇON. Rappelons-nous l’action de l’air au commencement de la fermentation et dans la suite de cette opération, et voyons ce qui doit se passer dans les deux cas que nous venons d’indiquer. Si la cuve est ouverte libre¬ ment à l’air, il importe bien de distinguer le cas où elle sera complètement remplie et celui où il restera encore un espace assez considérable entre la surface de la ven¬ dange et le sommet de la cuve. Dans le premier cas, l’acide carbonique , à mesure qu’il se dégagera , s’écoulera le long des parois de la cuve ; les gouttes liquides projetées par lui et entraînées par son dégagement rapide, seront incessamment por¬ tées dans un milieu qui s’il n’est pas de l’air ordinaire, renferme au moins une forte proportion des éléments qui le constituent ; d’un autre côté, les éléments liquides du moût, appelés par la capillarité dans la partie supé¬ rieure du chapeau, seront incessamment en contact avec cet air, et, si cet appel n’est pas assez considérable, cette masse pourra se dessécher en partie. Or, nous savons les conséquences funestes de ces faits : moisis¬ sure possible de la partie désséchée, et par suite altéra¬ tion de la matière azotée pouvant développer des fer¬ ments spéciaux ; perte d’alcool par l’acidification des parties liquides qui humectent le chapeau ; perte d’al¬ cool par le dégagement du gaz et l’expulsion des bulles liquides, dont un grand nombre ne retomberont pas dans la cuve. Ces iuconvéuients seront moins considérables si la cuve n’est pas entièrement remplie; l’acide carbonique, avant de déverser par-dessus le bord, remplira l’espace CUVAGE. 414 vide, déplacera l’air et isolera la vendange du contact de cet air, dont l’action immédiate sera moins directe et par conséquent beaucoup moins dangereuse. A ce système nous pouvons comparer immédiate¬ ment celui des cuves fermées hermétiquement , et qui ont pour but d’empècher tout à fait l’action de l’air pen¬ dant la fermentation. D’après ce que nous avons vu, il nous sera facile de comprendre que cette opération doit s’accomplir dans ce second système d’une manière aussi régulière et aussi complète. Mais la fermeture hermétique de la cuve empêchant le libre dégagement du gaz, exerce sur la masse une pression dont l’influence n’a pas encore été déterminée bien exactement. O11 sait seulement quelle a pour effet de ralentir la fermentation, car celle-ci exige un temps plus considérable pour se terminer. Les autres résultats annoncés comme conséquence de son action sont va¬ riables, contradictoires même, et par conséquent tout à fait incertains. . On a proposé de permettre le dégagement libre du gaz et de régulariser la pression au moyen d’ouvertures fermées par des bondes hydrauliques; celles-ci empê¬ chent l’accès de l’air et lavent le gaz qui se dégage, de telle sorte qu’on évite les deux inconvénients auxquels on a cherché à remédier par l’emploi des cuves fer¬ mées : l’influence de l’air et la perte des principes odo¬ rants et volatils. On a constaté, en effet, que dans les cuves fermées il y avait une perte directe d’alcool, et qu’une autre par¬ tie de cette matière acidifiée au contact de l’air se trou- .4 1 2 QUATORZIÈME LEÇON . vait également perdue par cette transformation. En dehors de cette double perte on faisait valoir les dan¬ gers que présentait pour la conservation du vin ce com¬ mencement d’acidification, qui devait avoir pour résul¬ tat de rendre plus facile la modification ultérieure de l’alcool. On a proposé une foule d’appareils pour atteindre le, but que nous venons d'indiquer ; tous reposent sur les mêmes principes et ne présentent que de très-légères différences dans l’exécution. Un couvercle en bois luté avec du plâtre ou de l’argile sert à fermer les cuves; au centre du couvercle se trouve un chapiteau en fer- blanc, entouré d’un manchon qu’on peut remplir d’eau, et qui sert de réfrigérant ; deux tuyaux servant au dé¬ gagement des produits volatils vont plonger dans un vase plein d’eau ou de vinasse que les gaz doivent tra¬ verser avant de se répandre dans l’air. Une soupape de sûreté permet de garantir le jeu régulier de cet appa¬ reil. Ainsi, par l’emploi de ce procédé, on empêche l’ac¬ tion de l’air pendant tout le temps que dure la fermen¬ tation; on ne laisse perdre dans l’atmosphère que l’acide carbonique, puisque toutes les parties liquides ou con¬ densables sont retenues dans le tube ou dans le liquide que le gaz doit traverser. Pour bien apprécier les résultats que peut donner remploi d’un pareil système, on avait besoin de savoir assez exactement quelle était la proportion d’alcool que l’acide carbonique pouvait entraîner, et combien il était possible d’en recueillir par le procédé que nous venons d’indiquer. Or, l’expérience a constaté que la CUVAGE. 413 quantité d’alcool qui s’échappe avec l’acide carbonique est très-faible, et que celle que les appareils employés dans les cuves fermées hermétiquement permettent de recueillir est tout à fait insignifiante. ( Voy. note O , page 419.) Quant aux autres principes odorants qui peuvent se développer dans la cuve, leur quantité est si petite, et il en faut si peu pour répandre une odeur sensible, que la fermeture de la cuve ne doit pas sous ce rapport avoir un avantage bien marqué, d’autant plus qu’avec une couche d’eau pour laver le gaz on n’arrêtera pas ceux de ces principes que l’acide carbo¬ nique pourrait eutrainer. Il ne reste donc comme effet utile que la soustraction de l’influence de l’air; quant à l’augmentation de pres¬ sion qui retient l’acide carbonique dans le liquide, non- seulement elle est inutile, mais elle peut même nuire à la fermentation, la retarder ou la rendre moins complète. Nous devons ajouter cependant que, si l’acide carbo¬ nique en se dégageant n’entraîne avec lui qu’une faible proportion des éléments alcooliques du liquide en fer¬ mentation , on a eu tort de conclure que l’on devait borner à cette influence la cause des pertes que la masse doit éprouver par suite de l’ouverture libre des cuves. L’évaporation du liquide, activée encore par l’élévation de température produite pendant la fermen¬ tation, détermine une perte très-notable qui variera suivant l’état hygrométrique de l’air et la disposition du local. On évite tout à fait cet inconvénient en opé¬ rant dans une cuve fermée, quoique le système de fer¬ meture ne soit pas parfait. 414 QUATORZIÈME LEÇON. Voyons maintenant les conséquences que nous four¬ nissent pour la pratique les discussions qui précèdent, en y joignant les observations faites dans différentes localités. La fermeture des cuves n’offre jamais d’inconvé¬ nients ; elle ne diminue ni ne retarde la fermentation, pourvu que la pression n’augmente pas dans l’intérieur de la masse. Une clôture parfaite ou une fermeture her¬ métique ne présente aucun avantage réel; si elle peut permettre la conservation plus longtemps prolongée du marc au contact du liquide, ce procédé est trop dé¬ fectueux pour qu’on puisse le conseiller. Quant à la libre ouverture des cuves, la constitution de ce qu’on appelle le chapeau nous permet de juger ses effets. Cette matière poreuse qui s’élève hors du liquide est replongée dans la masse au moins une fois avant le pressurage ; souvent on l’y mélange plusieurs fois par des foulages successifs opérés pendant la fermentation. Or, sous l’influence de la température assez élevée qui se manifeste pendant cette opération, il peut se dévelop¬ per des phénomènes d’acidification, et cela arrivera presque toujours dans les parties supérieures par suite du libre accès de l’air. Lors du foulage, on introduira donc dans le vin les principes déjà formés d’une fer¬ mentation spéciale, ce qui peut avoir pour l’avenir des inconvénients graves. Mais il paraît, d’un autre côté, que, malgré les dan¬ gers d’un accès trop facile de l’air extérieur, la poro¬ sité du chapeau, l’action de cet air lui-mème soit d’une CUVAGE. 415 manière constante, soit à certaines époques, rendent la fermentation plus active et contribuent à la formation des principes dont les réactions ultérieures doivent avoir, pour les bons vins surtout, une influence très- grande sur le développement de leurs propriétés. Nous nous trouvons donc en présence de trois sys¬ tèmes : ouverture complète des cuves, fermeture im¬ parfaite, et fermeture hermétique. Essayons de préciser par quelles règles on doit se laisser guider dans chaque cas particulier. Toutes les fois que la fermentation sera rapide, prompte et de courte durée, il pourra être indifférent de laisser le chapeau se former librement. Dans ce cas, pour empêcher le contact de l’air, il sera bon de fermer la cuve soit avec un couvercle reposant sur les bords, soit avec un linge retenu par une traverse en bois. Le cha¬ peau, dans la plus grande hauteur à laquelle il parvien¬ dra, ne devra pas venir toucher le couvercle ; il est utile qu’il y ait au sommet de la cuve un espace vide d’au moins deux décimètres, qui permettra à l’acide carbo¬ nique d’isoler suffisamment la vendange. Lorsqu’après la fermentation on voudra procéder au foulage qui précède le décuvage, on fera bien de s’assu¬ rer dans quel état se trouve la partie supérieure du chapeau, et on devra enlever toute celle qui présentera des traces marquées d’acidité et d’altération. Ce mode de procéder peut être tout à fait sans danger , mais il exige de grandes précautions et des soins assidus et in¬ telligents. Si ces conditions sont remplies, il donnera de bons résultats. 416 QUATORZIÈME LEÇON. A côté de ce système nous en recommanderons un autre qui parait très-rationnel, du moins quand on se contente d’envisager les phénomènes généraux de la fermentation, et qui pourra être appliqué dans toutes les circonstances. Les principaux avantages qu’il présente dans beau¬ coup de cas viennent surtout de ce qu’il n’exige, pour * ainsi dire, aucune surveillance , et qu’il ne peut ja¬ mais offrir les dangers que présente le précédent. Dans ce procédé, la grappe, c’est-à-dire la masse qui constitue le chapeau, est maintenue à la surface du moût au moyen d’un couvercle percé de trous ; elle est toujours mouillée par le liquide, sans qu’il soit néces¬ saire que celui-ci vienne se déverser au-dessus du cou¬ vercle. Le dégagement des gaz se fait très-facilement, et il ne s’établit à l’intérieur aucune pression. Un se¬ cond couvercle placé sur les bords supérieurs de la cuve sert à la garantir de l’action de l’air, et on s’ar¬ range de manière à ce qu’il y ait toujours entre les deux couvercles un espace suffisant pour qu’une couche d’acide carbonique puisse y séjourner. Les mouvements qui se produisent dans la masse, l’élévation de température, le dégagement des gaz dé¬ termineront une pression sur le couvercle intérieur, qui exigera qu’il soit maintenu soit avec des poids, soit avec une vis de pression. Ce dernier moyen nous paraît préférable, car il permettra de régulariser plus facile¬ ment la position de ce couvercle, suivant l’activité ou l'affaiblissement de la fermentation. La vis pourra être fixée au plafond de la cuverie, ou plus simplement au CUVAGE. 417 couvercle supérieur, si celui-ci est lui-même solidement établi sur la cuve. Il serait facile de savoir à chaque instant quelle est la position de la niasse par suite du niveau du liquide, et on réglerait en conséquence la hauteur du couvercle intérieur. Ces deux systèmes nous paraissent pouvoir suffire à toutes les exigences, et, s'il fallait entre les deux faire un choix , nous donnerions la préférence au second , qui ne peut, dans aucun cas, présenter d’inconvénients et de dangers, et qui n’entrave jamais la marche régu¬ lière de la fermentation. Les partisans de la fermeture hermétique des cuves ont été forcés de reconnaître que, dans les premiers temps de la fermentation, pendant toute cette période que l’on désigne sous le nom de fermentation tumul¬ tueuse, un simple cou vrement était tout à fait suffisant. Mais, quand l’action devient moins vive, la tempéra¬ ture de la masse s’aba:sse , le dégagement de gaz est plus faible, et une certaine quantité d’air rentre dans la cuve. Si, après cette diminution d’activité, on veut encore laisser s’opérer dans la cuve cette fermentation insen¬ sible qui lui succède et qui ordinairement s’accomplit dans les tonneaux, on comprendra sans peine qu’il se¬ rait dangereux de laisser la masse en communication plus ou moins directe avec l’air pendant ce temps quel¬ quefois très-long, et par conséquent il faudra, dans ce cas, conseiller une fermeture hermétique. Mais nous avons déjà dit que ce séjour prolongé de la grappe dans le vin n’offrait aucun avantage ; nous verrons bientôt 41 B QUATORZIÈME LEÇON. qu’il présente même de graves inconvénients pour la qualité de ce liquide. On ne peut donc faire un argu¬ ment, en faveur de la fermeture hermétique des cuves, d’une condition qu’il faut proscrire et à laquelle on ne doit avoir recours que par nécessité. Nous aurons , du reste, à revenir sur les propriétés du vin dues à l’in¬ fluence de la grappe, lorsque nous parlerons du pres¬ surage. Rappelons un précepte sur lequel nous avons sou¬ vent insisté : c’est qu’il faudra toujours tenir compte de l’état de la vendange, et par suite activer la fermen¬ tation et concentrer la température si le raisin n’est pas assez mùr, la modérer, au contraire, ou tout au moins la laisser marcher librement si la maturité est sufli- saute . Quant à la discussion précédente, il est facile de la résumer en peu de mots : la couverture incomplète des cuves n’est jamais nuisible ; elle est, au contraire, tou¬ jours avantageuse; la fermeture hermétique ne doit pas être conseillée, car il vaut mieux décuver après la fermentation tumultueuse. Le cuvage à l’air libre peut présenter de grands dangers, surtout si on ne saisit pas le moment précis du décuvage. Il nous reste maintenant à déterminer les circon¬ stances qui doivent servir de guide lors de cette impor¬ tante opération, et faire connaitre le moment précis auquel elle doit avoir heu. NOTE DE LA QUATORZIÈME LEÇON Influence de la disposition des cuves sur l’évaporation qui a lieu pendant la fermentation. Parmi les inconvénients qui ont été signalés comme étant la conséquence de la non-fermeture des cuves, un des plus grands est, sans contredit, la déperdition des prin¬ cipes volatils. Gay-Lussac a fait depuis longtemps justice de ces exagérations, quant à ce qui regarde l'entraînement de ces principes par l’acide carbonique. 11 a montré com¬ bien était faible la quantité de matière volatilisée avec ce gaz et par suite celle qui pouvait être condensée pendant son passage au travers de la couche d’eau servant à isoler le sommet de la vendange de l’atmosphère. Des expériences directes ont prouvé ce résultat; mais on a également cher¬ ché à résoudre théoriquement celte partie intéressante du problème de la fermentation. Gay-Lussac suppose un vin contenant 1/8 de son poids d’alcool absolu, c’est-à-dire 12.5 p. 100; il admet que le maximum de température qui se développe dans une cuve en fermentation est de 30°, celle de l’air ambiant étant 15°. 11 est évident que, pendant le cours de l’opération, la température s’élève jusqu’au maximum, que nous supposons être 30°, pour s’abaisser ensuite. On peut admettre sans er¬ reur sensible que, pendant tout ce temps, elle est de 22°5; 420 NOTE DE LA QUATORZIÈME LEÇON. de plus, la quantité d’alcool, d’abord nulle, augmente jus¬ qu’à la tin de la fermentation. On a supposé que l’acide carbonique rencontrait constamment un liquide contenant en alcool la moitié de ce qu’il devait recevoir. Avec ces conventions, qui doivent conduire à un résultat trcs-approché de la vérité, le problème revient à chercher combien l’acide carbonique produit pendant toute la durée de l’action peut entraîner d’alcool, en se dégageant au sein d’un liquide formé de 15 parties d’eau et 1 partie d’alcool et maintenu à la température de 22° 5; on aura ainsi la totalité de l’alcool entraîné; puis, en calculant de la même manière combien ce même gaz peut perdre de ces vapeurs entraînées en se refroidissant de 22°5 à 15° on aura la mesure de la quantité d’alcool qu’il est possible de recueillir. Pour 100 grammes de sucre, il se dégage 48*60 d'acide carbonique, ce qui correspond à 26*85 à la température de 22°5, et à la pression de 0m76. Gay-Lussac a trouvé que la vapeur alcoolique entraînée par le gaz pesait 1*331. Celte même quantité de gaz, en s’abaissant à la température de 15°, perd 0*575 de vapeur alcoolique, et par suite elle con¬ serve 0*756. Ces vapeurs alcooliques contiennent 0.66 d’alcool absolu, et par conséquent 0*756 donnent 1*1 d’eau-de-vie. Cette quantité, d’après les hypothèses que nous avons faites, a été fournie par 410*7 de vin; de telle sorte qu’on recueille en eau-de-vie 4/400 du vin produit. Ce que l’acide carbonique entraîne malgré les appareils condensateurs correspond à 0*83 d’cau-de-vie. Mais cette estimation ne donnerait pas une idée exacte de ce qu’une cuve peut perdre en principes volatils pen¬ dant la fermentation, et surtout elle ne permet pas de com¬ parer ce qui se passe sous ce rapport dans les cuves ouvertes et les cuves fermées. Le dégagement d’acide carbonique CUVAGE. m n’est pas la seule cause de la perle des vapeurs : l'évapora ¬ tion propre du liquide, surtout si U cuve est presque rem¬ plie, l’absorption de l’alcool par le marc, dont une portion doit être sacrifiée souvent quand on opère dans des cuves ouvertes, sont les deux causes les plus importantes de la perte de l’alcool. M. Aubergier a trouvé qu'un vin qui avait fermenté à l’abri de l'air donnait, sur 15 litres, 4 litres d'une bonne eau-de-vie à 209, tandis que le vin qui avait fermente sous le marc dans une cuve ouverte n’avait donné, pour 15 litres, que 3 litres d’une eau-de-vie à 18°. On conclut de ces nom¬ bres que la cuve ouverte avait perdu, par hectolitre de vin, 9l 88 d'eau-de-vie à 19°. M. Lenoir, après avoir comparé ce résultat au rendement des marcs en eau-de-vie par la dis¬ tillation, attribue dans celte expérience une perte de G1 55 à l’évaporation produite par le contact de l'air et le déga¬ gement du gaz acide carbonique ; le reste est du à l’absorp¬ tion d’une certaine quantité d’alcool par le marc. Cette perle, causée par l’évaporation, doit être propor¬ tionnelle à la durée de la fermentation; dans l’expérience de M. Aubergier celte opération avait duré quinze jours. Nous avons rapporté ces indications pour faire ressortir toute l’importance d’un point de vue sous lequel il serait très-utile d’envisager la question relative an couvrement des cuves. On ne se préoccupe guère en général, dans le plus grand nombre des cas, que de la qualité du vin à produire ; mais sa richesse alcoolique peut être, comme on voit, très- variable suivant les dispositions employées pour la fermen¬ tation, et, outre l'influence de ce changement sur les qua¬ lités du vin, il faut en tenir un grand compte dans le cas de la production de vins destinés à la chaudière. 11 importe qu’on sépare bien dans ces discussions les effets dus à un mode de couvrement quel qu’il soit de ceux que peuvent 422 NOTE DE LA QUATORZIÈME LEÇON. produire les appareils de condensation proposés à différentes époques et dont l’utilité est au moins très-contestable. On a partout ou presque partout renoncé à l’emploi de ces appa¬ reils, dont le seul effet était, comme nous l’avons vu, de produire une fermeture hermétique : or, celle-ci ne peut devenir avantageuse que dans des conditions qu’il faut tou¬ jours éviter. Nous devons reconnaître que dans nos pays, et notam¬ ment en Bourgogne , on procède le plus souvent dans des cuves ouvertes. Les objections faites à l’emploi des cuves fermées, telles que nous les avons conseillées, ne nous pa¬ raissent pas suffisamment justifiées Nous avons reconnu que le système de fermentation à air libre pouvait, entre des mains habiles, être employé sans danger; mais l’autre ne paraît offrir aucun inconvénient; il ne fait disparaître aucun des avantages que le premier pourrait présenter, et il est bien plus sûr. Ajoutons qu’il y a dans ce système moins de danger à retarder le moment du décuvage. \ QUINZIÈME LEÇON — 17 juin 1856 — Des opérations qui suivent la fermentation Décuvage. — Pressurage. Messieurs, Après avoir étudié la fermentation et les conditions dans lesquelles elle doit s’accomplir, nous avons à exa¬ miner à quel moment le vin doit être séparé des sub¬ stances solides qui ont pris, comme nous l’avons vu, une grande part à sa formation. On a donné le nom de décuvage à l’opération qui consiste à isoler par décan¬ tation la partie liquide; mais, pour obtenir celle-ci tout entière, il faut exprimer fortement la masse poreuse qui reste dans la cuve, et cette seconde manipulation porte le nom de pressurage. Nous allons passer en re¬ vue les phénomènes qui caractérisent ces nouvelles phases delà fabrication du vin. Nous avons entrevu déjà que le cuvage pouvait être prolongé bien au-delà du temps ordinaire. Lorsque la 424 QUINZIÈME LEÇON. fermentation tumultueuse est terminée , tout le sucre qui peut être décomposé n’est pas encore transformé ; le vin est trouble , et il conserve assez longtemps cette apparence. On désigne sous le nom de fermentation in¬ sensible celte seconde phase de la transformation pen¬ dant laquelle augmente lentement la proportion d’al¬ cool. Cette action ne tarde pas à cesser elle-même ; le vin devient clair , limpide ; les matières en suspension se déposent, et il semble que toute action cesse au sein du liquide. Dans quelques localités on a l’habitude d’attendre ce résultat pour décuver le vin et le mettre dans les tonneaux. La vendange passe ainsi l’hiver dans la cuve, et au mois de mars le vin, parfaitement éclairci, est introduit dans les vases disposés pour le recevoir. Nous avons dit que cette pratique nécessitait, au moins après la fermentation tumultueuse, la fermeture presque her¬ métique des cuves ; mais nous avons ajouté qu’elle ne nous paraissait présenter aucun avantage ; le vin ne gagne rien à rester si longtemps en contact avec la grappe, et ce mélange peut, au contraire, avoir de graves inconvénients si on n’a pas pris soin de garan¬ tir complètement l’accès de l’air. Il est bon que les phénomènes qui s’accomplissent dans les tonneaux après le décuvage se passent entre les éléments du vin lui- même ; ceux-ci s’y trouvent dans les proportions les plus convenables : la disparition de quelques-uns d’entre eux dépouille lentement le liquide et le prépare aux modifications ultérieures qui doivent y développer toutes ses qualités. L’action prolongée de la grappe doit DÉCUVAGE. 425 avoir pour effet d’augmenter dans le vin la proportion des matières astringentes qu’elle peut fournir; il en est de même de la proportion du ferment relativement à celle du principe sucré, que cette disposition fait dis¬ paraître plus complètement. D’un autre côté, ce n'est pas sans danger pour l’ave¬ nir que nous introduisons dans un tonneau un vin éclairci, dépouillé ; il est bon que le liquide et le bois qui le contient fassent, pour ainsi dire, connaissance avant que ces phénomènes qui achèvent de constituer le vin soient terminés ; aussi, les grands vins sont en¬ tonnés immédiatement dans des fûts neufs, et ils 11e les quittent que lors de la mise en bouteilles. Quand un soutirage est nécessaire, c’est dans le même vase qu’on a toujours soin de remettre le vin après l’opération. Dans la plupart des questions que nous avons cà dis¬ cuter, nous avons des distinctions è établir suivant les climats, le cépage, l’état de la vendange. Ici nous n’a¬ vons aucune réserve à faire dans cette proscription des cuvages prolongés indéfiniment ; tous les faits s’accor¬ dent pour démontrer au mo us leur inutilité; ils rendent impossible ou entravent le développement de ces qua¬ lités qui donnent aux vins leur parfum et leur délica¬ tesse. On voit par conséquent que c’est surtout en vue de la conservation des vins, du développement normal et régulier des propriétés qui les font rechercher, qu’il faut rejeter les cuvages de trop longue durée. Il ne nous sera pas aussi facile de trouver une règle certaine pour fixer le moment du décuvage, et il y aurait un grand 24* 4-26 QUINZIEME LEÇON. inconvénient à vouloir procéder toujours de la même manière. L’état de la saison à l’époque de la vendange, la maturité du raisin, la composition du moût, la nature des vins que Ton se propose d’obtenir, sont autant de circonstances qui doivent influer sur la pratique à suivre dans cette opération. La seule indication générale que Ton puisse donner, c’est que dans la grande majorité des cas il y a beau¬ coup moins d’inconvénients à diminuer la durée du cu¬ vage qu'à la prolonger; on n’a jamais à regretter d’a¬ voir décuvé trop tôt, et au contraire un décuvage tar¬ dif peut amener des conséquences très-fàcheuses. On se rendra facilement compte de la justesse de cette règle, si on réfléchit que décuver ce n’est pas arrêter le phé¬ nomène de la fermentation; il pourra s’accomplir et s’achever dans les tonneaux. En décuvant, on se sous¬ trait aux dangers que présente la fermentation dans les cuves, et qu’on n’est pas toujours maître d’éviter com¬ plètement ; on l’empèche de pousser trop loin la modi¬ fication des principes du vin , et on obtient un liquide dont les divers éléments conservent entre eux la pro¬ portion la plus convenable pour le complet développe¬ ment de ses qualités. Déterminer d’avance une durée fixe et invariable au phénomène de la fermentation est donc une chose im¬ possible ; mais on a donné plusieurs signes pour recon¬ naître le moment opportun de procéder à l’opération du décuvage. Nous les examinerons successivement. Une condition nous parait indispensable pour qu’on puisse agir d’une manière rationnelle, c’est que l’on DÉCUVAGE. 427 connaisse avec assez d’exactitude quelle était la com¬ position du moût ; non pas que nous voulions conseiller au vigneron d’en faire l’analyse, mais il doit tenir compte de tout ce qui peut lui donner des indications sur ce point. Les phénomènes qui se sont passés pen¬ dant la maturation , surtout l’état de maturité du rai¬ sin, la saveur et la densité du moût, l’activité de la fermentation, sont autant de circonstances qui, jointes à l’intelligence des résultats produits par cette opéra¬ tion, suffiront pour le guider. Le sucre disparaissant et se trouvant remplacé par de l’alcool, il en résulte que la saveur sucrée du moût ira en s’affaiblissant, pour faire place à une saveur diffé¬ rente due surtout à la présence de l’alcool, de l’éther œnantliique, et qu’on désigne sous le nom de saveur vineuse. On conseille d’attendre pour décuver que cette saveur soit nettement tranchée, car alors la majeure partie du sucre a disparu, et l’action de la pellicule et des autres parties solides a dû être suffisante. En géné¬ ral, ce moment coïncide avec celui où la fermentation, après avoir présenté une activité de plus en plus grande, devient stationnaire et commence à décroître; le goût du vigneron, son habitude sont alors ses seuls guides ; et, s’il ne se trouve pas dans des circonstances excep¬ tionnelles sur lesquelles nous aurons à revenir, si sur¬ tout il est préoccupé de la crainte d’un cuvage trop prolongé, cet examen de la saveur et de l’odeur de la vendange suffira pour lui indiquer avec assez de préci¬ sion le moment du décuvage. Ainsi , il n’attendra pas que le mouvement cesse complètement dans la cuve ; i ( Kj 428 QUINZIÈME LEÇON. dès que la saveur du sucre aura fait place à celle du vin, que l’activité cessera d'augmenter et sera, au con¬ traire, sur le point de décroître, il pourra procéder au décuvage. Mais n’est-il pas possible de signaler ce moment d’une manière plus nette, plus précise; de ne pas abandonner complètement sa fixation à l’arbitraire de chaque par¬ ticulier? Le moyen le plus simple consiste à observer la densité du moût. Avant la fermentation, la densité du moût est , à cause de la présence du sucre , plus grande que celle de l’eau ; cette densité doit nécessaire¬ ment diminuer à mesure que le sucre disparait pour faire place à l’alcool. En définitive, la densité du vin est plus faible que celle de l’eau, et par conséquent, si on décuve quand la densité du moût reste encore un peu supérieure à celle de l’eau, on comprend qu’on se placera à très peu près dans les conditions que nous avons indiquées tout à l’heure. Il est cependant néces¬ saire de tenir compte de plusieurs circonstances, si on veut déduire de l’emploi de ce procédé des indications précises et comparables. Il faut d’abord observer la température à laquelle on opère, car l’aréomètre ne pourra donner la densité du moût qu’à la condition qu’on connaît la température du liquide ; il faut con¬ naître aussi la densité primitive du moût avant la fer¬ mentation; enfin, on doit également avoir des données assez exactes sur la densité moyenne du moût avant la fermentation et au moment du décuvage dans la loca¬ lité où l’on opère. Toutes ces indications sont néces¬ saires, parce que le moment de déçu ver peut être ar- i DÉCUVAGE . 420 rivé, et cependant le moût conserve encore une den¬ sité supérieure à celle de l’eau; d'un autre côté, la den¬ sité peut s’abaisser à zéro, et descendre au-dessous sans que le vin soit suffisamment fait. On voit d’après cela combien il faut peu compter sur les procédés fondés sur l’emploi des aréomètres, puis¬ qu’un moment où le décuvage devient nécessaire leurs indications peuvent être si variables suivant l’état primitif du moût. Nous devons ajouter cependant que l’usage si prompt et si simple de ces instruments les a popularisés, et beaucoup de propriétaires qui rejettent systématiquement les conseils de la science , ne se dé¬ cident qu’après avoir consulté leur gleuco-œnomètre, sans trop savoir le plus souvent quelle est la valeur de ses indications. (Voy. note P , paye 436.) M. de Vergnette, frappé des avantages que présente l'emploi de ces appareils peu compliqués, a cherché à les rendre plus exacts, sans diminuer leur simplicité. Cet habile œnologiste a reconnu que, lorsque la cuve était à son maximum de température, il y avait avan¬ tage à la fouler ; à ce moment la densité du vin est en général représentée par 1.03. Il a constaté également qu’il fallait procéder au décuvage quand la densité avait baissé de manière a être comprise entre 0.99 et 1.01. Il a fait préparer deux sphères dont l'une plonge lorsqu’on la met dans un liquide de densité 1.03 et l’autre dans un liquide dont la densité serait 1 Pour s’en servir, on se procure dans un vase une certaine quantité de moût et on y place les boules ; si elles sur¬ nagent toutes deux , c’est que la densité du moût est 430 QUINZIÈME LEÇON. encore supérieure à 1.03, et il faut attendre ; si l’une plonge tandis que l’autre surnage, la densité est com¬ prise entre 4 .03 et 1 , et il est temps de fouler, et, lorsque les deux boules plongent, on peut procéder au décuvage. Ces boules se construisent et se graduent au moyen de solutions titrées ; leur emploi, fondé sur l’observation seule de la densité, doit représenter les résultats d’une suite nombreuse de remarques faites dans chaque loca¬ lité et pour chaque variété de cépages. Aussi a-t-on construit des boules un peu différentes pour le Pinot et pour le Gamay. D’un autre côté, les indications de cet appareil, comme celles de tous les gleuco-cenomètres, devront être accompagnées de toutes les données que pourront fournir le simple examen du moût, la marche de la fermentation, les circonstances atmosphériques et la connaissance des phénomènes qui auront accompa¬ gné la maturation du fruit et la vendange. Les indications fournies par les aréomètres, quelle que soit leur forme , sont fondées sur la différence de densité du moût avant et après la fermentation, et cette différence est due à la disparition de la matière sucrée et à son remplacement par l’alcool. Il résulte de là que, si l’on voulait procéder rigoureusement, il fau¬ drait déterminer préalablement la richesse du moût en sucre, et suivre ensuite au moyen de l’analyse la dimi¬ nution graduelle de ce principe et l’augmentation de la richesse alcoolique qui en est la conséquence. On saura ainsi la quantité totale d’alcool qu’il est possible d’ob¬ tenir, on est d’ailleurs fixé sur la nature du vin que l’on veut produire, et on connaît les phénomènes qui accom- 431 DÉCUVAGE. paguent les changements que ce vin doit subir. Il est facile d’en déduire la proportion de sucre non décom¬ posé qu’il convient de laisser, et par conséquent on peut avoir tous les éléments nécessaires pour se guider d’une manière sûre dans l’opération du décuvage. Les procédés qui permettent d’apprécier ainsi les quantités de sucre et d’alcool existant dans un liquide ne présentent rien de difficile ni de compliqué, mais ils ne seront pas employés par les vignerons ni par les pro¬ priétaires les plus instruits. On leur substituera de pré¬ férence ceux beaucoup plus simples que nous venons de décrire ; cependant il est à désirer que quelques person¬ nes suivent la première marche et fassent dans chaque localité et pour chaque variété de vin des analyses complètes. Il en résulterait au bout de quelques années des indications pratiques qui rendraient de grands ser¬ vices. Les résultats donnés par ces observations exactes fourniraient des données précieuses et pourraient servir de base pour rendre plus précises celles des instruments en usage. Ajoutons pour ceux qui voudraient procéder rationnellement et qui reculeraient devant les épreuves multipliées, que l’on peut se dispenser de rechercher exactement la proportion du sucre. Suivons la marche croissante de la production de l’alcool, nous constate¬ rons chaque jour une augmentation notable, puis il arrivera un instant où la proportion d’alcool n’aug¬ mentera plus sensiblement ; on saisira dès lors facile¬ ment, en s’aidant des autres caractères, le moment où cesse cette période ascendante dont la fin annonce le 432 QUINZIÈME LEÇON. moment opportun du décuvage , et dès lors toute incer¬ titude disparaîtra. L'importance de ce mode d’observa¬ tion n’échappera pas à ceux qui produisent des vins destinés à la chaudière , car on comprend qu’alors il faut laisser fermenter jusqu’à ce que l’augmentation d’alcool cesse complètement. Ainsi, la détermination de la densité, celle du résidu que le moût laisse après l’évaporation , la constatation de la richesse alcoolique du liquide pendant la fermentation et après fourniront des données très-importantes. On les complétera par le dosage des acides libres, et on aura tous les éléments utiles pour la solution des questions que peuvent soulever les problèmes qui ont pour but l’amélioration du vin. Rappelons-nous maintenant, pour pouvoir formuler les conséquences de cette discussion , quel est le but de la fermentation : transformer le sucre en alcool en présence des éléments complexes qui constituent les parties solides et liquides du fruit, afin de provoquer en même temps la dissolution et la modification de quel¬ ques-uns de ces éléments et d’introduire dans le vin tous les principes qui doivent plus tard contribuer au % développement de ses propriétés. Si ce n’était cette seconde partie de l’action , le pressurage pourrait être immédiat, et c’est ce qui a lieu pour les vins blancs. Or, ces réactions rendent le mélange plus intime, dissolvent % le principe colorant et provoquent la formation de ces substances , que le liquide ne possédait pas d’abord, et dont la production, activée par l’élévation de tempéra¬ ture, est devenue possible par suite de la formation de l’alcool. DÉCUVAGE. 433 Aussitôt donc que la fermentation a atteint son plus grand développement, que la température est à son maximum , le but que l’on se proposait est bien près d’ètre rempli. C’est pour cela qu’il parait rationnel dé fixer à ce moment l’époque du foulage, qui doit l’exci¬ ter encore si c’est possible , ou du moins continuer l’ac¬ tion plus longtemps et distribuer uniformément dans la masse la température élevée qui s’est développée. Puis, à une époque assez rapprochée après le foulage, mais variable d’après la marche des phénomènes qui suivent et la nature du v u que l’on se propose de faire, il faudra procéder au décuvage. Avant de faire rentrer le marc dans la masse , il sera convenable de s’assurer que la partie supérieure ne présente aucune trace d’a¬ cidification et enlever la couche qui serait altérée, comme nous l’avons déjà conseillé. Cet accident ne pourra du reste se présenter que dans le cas où on aurait laissé fermenter dans une cuve ouverte. Ce foulage vers la fin de la fermentation est surtout pratiqué dans les localités où les cuves sont ouvertes, car, si on a soin de maintenu- le marc dans le liquide pendant tout le temps de l’opération, il devient inutile. Le pressurage donnera les parties que ce foulage aurait peut-être mieux mélangées, et l’introduction de ces éléments dans le vin rendra plus active l’action qui se manifestera quand celui-ci aura été introduit dans les tonneaux . Toutefois , si on a quelque raison de désirer ce fou¬ lage préalable soit pour augmenter la coloration , soit pour rendre la fermentation plus active, il est facile 25 434 QUINZIÈME LEÇON. d’y procéder après avoir enlevé les couvercles, qu’on replace ensuite dans l’état où ils étaient avant cette opé¬ ration. Nous n’avons rien dit de cet usage qui, dans le sys¬ tème des cuves ouvertes, consiste à enfoncer chaque jour le chapeau dans la masse ou à l’arroser avec du liquide tiré de la partie inférieure. Une telle pratique a son point de départ dans les dangers que présente la fermentation à l’air libre, et en la suivant on empêche le chapeau de s’altérer trop fortement ou de se décom¬ poser. Mais , dans l’intervalle de chaque foulage, il s’y développe un commencement de fermentation acide, et on fait à chaque fois rentrer dans la masse les principes de cette fermentation spéciale et les produits qui en sont déjà résultés. On* comprendra sans peine que ce mélange puisse exercer sur l’avenir du vin et les ma¬ ladies qu’il peut éprouver une grande influence. Lors¬ que l’on opère dans une cuve ouverte, il vaut mieux ne procéder au foulage que vers la fin de l’opération; mais il faut, comme nous l’avons dit, examiner avec soin l’état du marc à la partie supérieure, et enlever la portion qui serait altérée. En résumé , la saveur du liquide , sa densité ou l’ob¬ servation par la voie de l’analyse de la diminution du sucre et de l'augmentation correspondante de l’alcool, fourniront des données qui , comparées à l’état primitif du moût, doivent servir à fixer l’époque du décuvage. On fera bien de suivre très-attentivement la marche de la fermentation et de tenir compte de l’état de la ven¬ dange. On 11e doit pas oublier non plus qu’il vaut mieux DÉCUVAGE. 43r; décuver trop tôt que trop tard , et que, si un cuvage trop prolongé devient souvent dangereux, on n'a jamais à regretter d’avoir un peu devancé le terme de cette opération. Le moyen le plus commode et le plus rationnel pour enlever le vin quand le moment du décuvage est arrivé, consiste à employer un siphon ou A tirer dans le bas de la cuve avec un robinet. Le marc est ensuite porté sur le pressoir, et le vin obtenu par la pression doit être mélangé avec celui qui a été retiré directement et qu’on appelle mère-goutte. Un procédé très-simple permet d’opérer ce mélange sans difficulté , sans embarras et dans les proportions convenables. Le pressurage1 donne environ le quart de la quantité totale du vin obtenu; il suffira donc au moment du décuvage de remplir chacun des tonneaux aux trois quarts seulement, puis on achèvera avec le liquide fourni par le pressoir. Par ce mélange le vin acquiert une verdeur et une faculté de conservation dont nous connaissons maintenant l’origine, et que n’au¬ rait pas au même degré celui que donne le pied de la cuve si on le laissait seul. Lorsque l’on tient à préparer un vin de bonne qualité, il est préférable de ne pas employer dans ce mélange le liquide de la dernière presse , dont la saveur acerbe communiquerait au vin un goût peu agréable, sans lui apporter aucun principe qui ne s’y trouve déjà en quantité suffisante. NOTE DE LA QUINZIÈME LEÇON P Analyse et essai pratique du moût. Nous nous proposons de passer en revue dans cette note les principaux procédés qui ont été conseillés pour essayer le jus du raisin et pour suivre la marche de la fermenta¬ tion. En réunissant ces renseignements à ceux que nous avons déjà donnés au sujet de l’analyse du raisin (vcy. note 1, paye 241), on aura tout ce qu’il faut pour l’étude complète du moût avant la fermentation et pendant cette opération. On désigne sous le nom d’aréomètres des instruments des¬ tinés à donner la densité des liquides dans lesquels on les plonge, il y en a de plusieurs espèces; mais ceux que l’on emploie dans les opérations relatives à l’œnologie sont tous construits sur le même principe, et nous n’aurons pas à nous occuper des autres. Ces appareils sont ordinairement en verre ; les figures de la planche ci-contre donnent une idée très -exacte de leur forme. AB est un tube sur lequel est placée l’échelle de graduation de l’instrument; la portion BC , plus large, est tantôt cylindrique, tantôt sphérique; cette partie renflée se termine par un appendice D de forme variable, dans lequel on met du mercure ou de la grenaille de plomb dans le but de lester l’instrument. ARÉOMÈTRES. 437 Lorsqu’on plonge un tube ainsi construit et fermé à ses deux extrémités dans un liquide, il s’enfonce d’une quantité qui est en rapport avec ladensité du liquide. Pour qu’il puisse être employé, il est nécessaire que le point d’affleurement tombe dans la portion allongée où se trouve l’échelle de graduation, de A en B. Voyons maintenant quelles indications l’appareil ainsi construit peut fournir : son poids est invariable; quand on le plonge dans un liquide, il s’y enfonce plus ou moins, et le poids de l’appareil donne le poids du volume du liquide qu’il déplace. Supposons que ce volume soit connu et indi¬ qué sur l’échelle, il en résultera qu’on pourra déterminer parcelle simple immersion la densité du liquide, car on connaîtra le poids d’un certain volume de ce liquide, et par suite sa densité, celle-ci n’étant autre chose que le rapport du poids au volume. La détermination du volume plongé sera très-facile. Dans les figures i et 2 l’échelle commence en B à 0 et va jusqu’il 25; il suffit qu’on connaisse le volume de chaque division , et le nombre de divisions auquel correspond le volume fixe de la partie située au-dessous du zéro. Suppo¬ sons , par exemple, que le volume de la partie BD soit égal à 10 centimètres cubes et que chaque division de B à A corres¬ ponde à O.t de centimètre cube; lorsque l’affleurement sera à 10, le volumedu liquide déplacé sera égal à 1 1 centimètres cubes; il deviendra 12 centimètres cubes si le point d’affleu¬ rement se trouve à 20. Le poids de l’appareil est constant, on l’a déterminé une fois pour toutes; on aura donc le poids d’un volume donné du liquide, et par suite sa densité. Mais, dans la pratique, l’emploi de ces appareils est beau¬ coup plus simple; le constructeur fait lui-même tous les calculs, toutes les vérifications, et au lieu d’inscrire sur la tige un nombre qui donne le volume de l’instrument, il ■i38 NOTE DE LA QUINZIÈME LEÇON. indique le résultat final auquel on veut arriver, c’est-à-dire la densité du liquide. C’est ce que nous avons cherché à représenter dans la figure 3. Nous avons un aréomètre sem¬ blable aux précédents et ne pouvant donner comme eux que le rapport du poids au volume du liquide déplacé; l'é¬ chelle donne immédiatement la densité; 1 marque le point d'affleurement dans un liquide dont la densité est 1, c'est- à-dire dans l’eau. Quand l’affleurement sera de 1 à B, c’est qu’on opérera sur un liquide plus dense que l’eau ; le chiffre inscrit à côté du point d’affleurement donnera la densité de ce liquide; si le tube plonge au-dessus de I, c’est qu’on opère sur un liquide plus léger que l’eau; les nombres ins¬ crits sur l’échelle donneront également la densité. Plongé dans l’alcool absolu, l’instrument s’arrêtera au trait marqué 0.79; cela nous indique que la densité de l’alcool absolu est 0.79, celle de l’eau élant t. Ainsi, cet instrument, par suite de calculs laits lors de sa construction, pourra donner immédiatement non pas seulement le volume du liquide qu’il déplace, mais la den¬ sité de ce liquide. Il est possible d’aller plus loin, et nous emploierons bientôt des aréomètres qui, plongés dans un liquide, nous donnent immédiatement la proportion d’alcool que ce liquide con¬ tient; le nombre inscrit sur l’échelle de graduation indique cette proportion. On les appelle des alcoomètres. On a con¬ struit également des saccharomètres, des atidimèlres, pou¬ vant donner parla simple immersion la quantité de sucre, la quantité d’acide existant dans un liquide. Expliquons le point de départ de ces indications diverses, afin qu’on ne soit pas tenté d’exiger de ces appareils ce qu’ils ne peuvent pas donner. Rappelons-nous que les aréomètres tels (pie nous les avons décrits peuvent faire connaître sous quel volume un ARÉOMÈTRES. *439 liquide donné pèse autant que l'instrument employé; ils ne peuvent lien donner de plus. Mais la connaissance du poids et du volume d’un liquide donne sa densité. Connaissant la densité d’un mélange d’eau et d’alcool, d’eau et de sucre, il est facile d’en déduire la proportion d’alcool, la proportion de sucre que contient le mélange, en s’appuyant sur les résultats fournis directement par l’observation de mélanges artificiels. Toutes ces indica¬ tions pourront donc être facilement obtenues quand on aura déterminé de quelle quantité un aréomètre donné s'enfonce dans le liquide qu’il s’agit d’étudier. Mais, pour simplifier les opérations et rendre plus facile l'usage de cet instrument, au lieu d’indiquer sur l’échelle le volume de liquide déplacé ou sa densité , on donne le résultat auquel doit conduire dans chaque cas particulier la connaissance de ces don¬ nées. 11 faudra par conséquent autant d’appareils différents qu’on aura de liquides à étudier. Ainsi la figure 4 représente l’alcoomètre centésimal de Gay-Lussac, donnant en cen¬ tièmes la proportion d’alcool que contient un volume du liquide observé. Un liquide formé d’eau et d’alcool, et dans lequel cet alcoo¬ mètre s’enfonce jusqu’à 50, contient 50 pour 100 d’alcool; dans l’eau pure l’instrument plonge jusqu’à 0; il plonge jusqu’à 100 dans l’alcool absolu. Nous avons figuré sous le numéro 5 l’aréomètre de Car¬ tier, destiné également à l’analyse des mélanges d’eau et d’alcool; cet aréomètre marque 44° dans l’alcool absolu, 10° dans l’eau pure; comme ces deux instruments sont en¬ core également employés et qu'on évalue la richesse alcoo¬ lique des liquides tantôt en degrés de l’aréomètre de Cartier, tantôt en degrés centésimaux, on trouve dans le commerce des aréomètres donnant sur leur échelle la concordance de 440 NOTE DE LA QUINZIÈME LEÇON. ces deux graduations. Nous donnerons plus loin des tables dans lesquelles cette relation est indiquée pour chaque degré ; la figure 10 représente l’alcoomètre avec ces deux échelles. Il est facile de comprendre qu’un de ces tubes en verre étant construit, en faisant varier le poids du lest on fera varier également laquantité dont il plongera dans un liquide déterminé, et, par suite, les indications de l’instrument dans la partie où se trouve l’échelle. D’un autre côté, les don¬ nées fournies par les aréomètres sont d’autant plus précises que les divisions occupent sur l’échelle un plus grand vo¬ lume. Pour ne pas augmenter leur longueur, on en a sou¬ vent construit plusieurs destinés à servir pour les liquides de même nature, mais de composition différente. Ainsi, la figure 6 représente un alcoomètre qui plonge à 0 dans l’eau, et à 15 dans un liquide contenant 15 pour 100 d’alcool; on appelle cet instrument un pèse- flegme; il est employé pour les liquides qui sont très-peu alcooliques. Le suivant (fig. 7) pourra servir pour les liquides contenant de 10 à 50 pour 100 d’alcool; celui de la figure 8, pour ceux dans lesquels il y a de 40 à 80 pour 100, et enfin on en aura un dernier destiné aux liqueurs très-riches en alcool. Dans chacun des termes de cette série on pourrait, comme nous l’avons donné sur la figure 10 et pour l’appareil complet, indiquer les deux échelles de Cartier et de Gay-Lussac. On peut dès lors comprendre très-facilement la valeur des indications fournies par tous les aréomètres, quel que soit leur nom. Tous ces instruments peuvent donner la densité, et ils ne peuvent pas donnerautre chose; mais il est souvent possible, connaissant la densité d’un mélange liquide, d’en déduire des conséquences importantes sur sa composition, soit immédiatement, soit en s’aidant d’autres expériences, et ce sont les résultats de cette comparaison que l’on inscrit sur l’échelle de graduation de l’aréomètre. I t ( \J t » fl I * ARÉOMÈTRES. Un aréomètre donnera donc des indications précises toutes les fois que les résultats qu’il fournit pourront se déduire de la densité, à la condition toutefois que la graduation aura été tracée avec exactitude, et qu’on aura fait préalablement toutes les observations nécessaires pour établir les relations sur lesquelles on s’appuie. Nous ne devons pas omettre une considération très-impor¬ tante. La densité d’un liquide varie avec la température; par conséquent un aréomètre ne s’enfoncera pas également dans le même liquide lorsqu’il sera à deux températures différentes. Il faudra donc tenir compte de la température à laquelle aura lieu l’immersion, car les résultats varieront avec celte température. La graduation de l'instrument se fait à une température déterminée. C’est ordinairement à la température de 15°; quelques aréomètres ont été gradués à t2°5 (10° Réaumur). Une élévation de température diminue la densité, un abais¬ sement l’augmente, et il est facile d’en déduire dans quel sens doit avoir lieu la correction quand on opère à une tem¬ pérature différente de 15°. Pour tous les aréomètres, et en particulier pour l’alcoo¬ mètre de Gay-Lussac , on a construit des tables indiquant pour chaque température la correction qu’il faut faire subir à un nombre donné immédiatement par l’instrument. Nous reviendrons bientôt sur cet objet en traitant spécialement de l’alcoomètre; mais les détails dans lesquels nous venons d'entrer suffisent pour nous faire comprendre la nature des indications fournies par les aréomètres , et le parti qu’on en peut tirer toutes les fois que la connaissance de la den¬ sité peut nous conduire à la solution d’un problème. La détermination de la densité du moût au moyen des aréomètres est surtout faite dans le but de rechercher sa richesse en sucre. Ce procédé pourrait conduire à des résul- 442 NOTE DE LA QUINZIÈME LEÇON. tais exacts si le moût ne contenait que de l’eau et du sucre ; mais la présence des autres matières existant dans le moût doit nécessairement altérer les résultats. Cependant, comme une augmentation dans la densité indique une plus forte proportion de sucre, la connaissance de cet élément peut être très-utile, surtout si des analyses exactes faites sur les moûts de même nature ont montré le rapport qui peut exister en général entre la densité du moût et sa richesse en sucre. On trouve dans le commerce un aréomètre connu sous le nom d’aréomètre de Baumé, qui peut être employé à éva¬ luer la densité du moût. Les divisions vont de 1 à 20; le tableau suivant donne la densité correspondant à chacune d’elles à la température de 12°5, la densité de l’eau étant supposée égale à 1000 à cette même température. DEGRÉS de l’aréomètre. DENSITÉS correspondantes. DEGRÉS de l’aréométre. DENSITÉS correspondantes. i 1008 11 1083 2 1015 12 1091 3 1022 13 1099 4 1029 14 1107 5 1036 15 1116 6 1043 16 1125 7 1051 17 1134 8 1059 18 1143 9 ! 1067 19 1152 10 1075 | 20 1161 Lorsqu’on veut avoir la densité d’un moût quelconque au moyen de cet instrument, ou en filtre une certaine quantité à travers un linge, on ramène le liquide à la température d’environ 12°, en le plongeant pendant quelques instants dans de l’eau de puits, et on y introduit l’aréomètre. Les DENSITÉ DU MOUT. U3 moûts les plus denses ne dépassent guère 16 à i7°, c’est-à- direquelcur densité s’élève un peu au-dessus de 1136, celle de l’eau étant 1000. Schübler, dont nous avons déjà cité les observations sur l’époque de l’ouverture de la vendange , a réuni egalement des documents très-intéressants sur le poids spécifique du moût dans le Wurtemberg, depuis le milieu du dernier siècle; nous donnerons une série d’observations faites aux environs de Stuttgardde 1801 à 1829. 1 - - » ■ - -■ DENSITÉ NOMBRE I ANNÉES. moyenne du MAXIMUM. MINIMUM. des moût. observations. I 1801 1060.5 1072 1045 15 1 1802 1074.8 1076 1060 18 1 1803 1065.0 107 4 1069 18 I 1804 1065.7 1071 1065 23 1 1806 1059.0 1 065 1049 • 22 1 1807 1068.5 1082 1070 22 1808 1064.8 1070 1065 25 I 1810 1066.9 1081 1065 19 1 1811 1081.3 1090 1070 27 1 1812 1063.0 1068 1057 19 I 1813 1061.0 1067 1056 15 I 1817 1051.2 1077 1044 10 I 1818 1073.2 1080 1063 12 Il 1819 1073.2 1082 . 1065 18 Il 1820 1059.4 1 065 1054 15 | 1821 1053.5 1069 1049 23 | 1822 1080.0 1091 1070 33 | 1 823 1061.0 1063 1051 23 | 1 825 1077.1 1080 1067 23 | 1826 1 1 065 0 1075 1060 10 | 1828 1068.4 1 095 1058 13 1 1829 1060.8 1080 i 1051 7 Le résumé des renseignements connus pour les environs de Stuttgard conduit aux nombres suivants : 444 NOTE DE LA QUINZIÈME LEÇON. Densité moyenne du moût. 1754 à 1760 . 1069.3 1761 à 1770 . 1065.2 1771 à 1780 . 1069.3 1781 à 1788 . 1066.1 1801 à 1810 . 1065.6 1811 à 1820 . 1066.6 1821 à 1830 . 1068.0 Ainsi, dans un intervalle de près de cent années, le poids spécifique moyen du moût n’a éprouvé que des varia¬ tions insensibles; le tableau précédent permet du reste d’apprécier les changemenls observés d’une année à l’autre de 1801 à 1829. Schübler a cherché également à évaluer la bonté des moûts, d’après la densité et au point de vue des vins qu’ils peuvent fournir ; voici les résultats qu’il a déduits d’un grand nombre d’expériences comparatives et les appréciations qu’il a données des différents moûts : fetniité. 1030. — Moût de raisins acides et non parvenus à matu¬ rité. 1040. — Raisins non mûrs, donnant un vin faible et qui n-'est pas de garde. 1050. — Moût aqueux et médiocre. 1060. — Moût léger et de qualité moyenne. 1070. — Bon moût, au-dessus de la moyenne. 1080. — Moût très-bon et qui est celui des bons vins de table de la France et de l’Allemagne. 1090. — Moût distingué des vins du Necker et du Rhin. 1100. — Moût supérieur des bonnes années dans le centre delà France et le midi de l’Allemagne. -- Moût très-riche des vins du midi de la France, do l’Italie et de l’Espagne. 1 110. I i \J f \J DENSITÉ DU MOUT. 445 On trouve dans plusieurs auteurs des indications géné¬ rales sur la densité moyenne du moût dans les principaux vignobles. Nous avons réuni dans le tableau suivant les renseignements recueillis sur ce sujet par M. Mulder dans l’ouvrage que nous avons déjà cité. ANNÉES- » 1822 » ■ UIH!]:.1 1811 » » On emploie très-fréquemment, pour essayer les moûts et pour suivre la marche de la fermentation, un aréomètre que l’on désigne sous le nom de gleuco-œnomètre. Cet instru¬ ment est formé par la réunion de deux autres, le gleuco- mètre, appelé quelquefois pèse-moût, et l’œnomètre ou pèse- vin. Le premier est construit pour des liquides plus denses que l’eau, le second pour des liquides ayant une densité moindre que celle de l’eau. Celui qui les réunit tous les deux aura donc une échelle dont le milieu correspondra à la densité de l’eau, et il pourra servir dans les deux cas. Nous avons rapproché ces trois instruments sur la planche ci-contre; les indications se correspondent sur les trois échelles. Le gleuco-œnomètre pourra donc être employé à détermi¬ ner la densité du moût; il montrera plus tard comment varie la densité du liquide pendant la fermentation. D’après ce que nous avons dit , quand le point d'atfleurement s’ap- NOMS des observateurs. Chaptal. Fontenelle. Reuss. Giinzler. id. Scliübler. Metzger. DENSITÉS LOCALITÉS. miDimnni Touraine . Midi de la France . . Environs de Stuttgard Environs de Marbach ibid . Bords du Necker. . . Environs d’Heidelberg 1082 1128 1099 1 05 i 108i 1090 1091 1063 1103 1066 10i7 1074 1050 1039 446 NOTE DE LA QUINZIÈME LEÇON. prochera de I, le moment du foulage sera arrivé, et on pourra procéder au décuvage lorsque la densité sera égale à celle de l’eau , c’est-à-dire quand l’appareil marquera zéro. Telle est du moins la marche générale que nous avons donnée comme représentant ce qui se passe dans nos pays pendant cette importante opération. Du reste, les dévelop¬ pements dans lesquels nous sommes entrés nous ont montré combien les indications fournies par cet instrument sont incomplètes et insuffisantes pour donner une idée nette de la composition du moût et des modifications qu’il doit éprouver. Nous avons pu réunir quelques résultats obtenus à Gevrey- Chambertin au moyen de cet instrument; ils se rapportent aux deux domaines dont nous avons déjà parlé page 294, et sont rapprochés dans le tableau suivant : ANNÉES Degrés fournis par le gleuco-oenométre. WÊKÊÊmUmmÊÊM DOMAINE. Pinot. Gamay. Gamay. 1812 13075 » » 1843 llo75 » » 1845 » 8«50 » 1846 1 3°25 12® 11® 1847 12o 10° 9o 1848 » » 908 1849 13o25 12o U® 1850 12°50 10°50 905 1851 11° 9° 80 1852 12025 10®75 8«5 1853 » » 8° 1854 12075 12°75 » 1 855 12«75 10« 9°2 1856 11075 9o 8®4 1 DENSITÉ Dü MOUT. 447 Ces chiffres nous montrent, d’une part, la différence qui existe dans une même localité entre les moûts fournis par les raisins de différents cépages. Le Pinot donne générale¬ ment des moûts plus denses que ceux fournis par le Gamay. Cette différence n’est pas constante, et il arrive même quel¬ quefois que ces deux cépages donneront des moûts ayant la même densité. Il ne faudrait pas conclure de ce fait que la composition de ces deux moûts est la même, et qu’ils con¬ tiendront, après la fermentation, les mêmes quantités d’alcool. Nous verrons bientôt que de la densité du moût on ne peut conclure avec certitude la proportion d’alcool. Si , d’un autre côté, nous comparons les nombres obtenus dans deux vignobles voisins pour des moûts produits par le même cépage, nous trouverons des différences très-appré¬ ciables et toujours observées dans le même sens. Nous de¬ vons, à la vérité, faire remarquer que ces différences peu¬ vent bien tenir seulement à ce que les deux appareils employés ne concordaient pas dans leurs indications. Cette simple réflexion nous fait voir combien il est préférable de prendre directement la densité du moût, car c'est par ce moyen seulement qu’on peut arriver à des résultats compa¬ rables. Nous trouvons des indications du même genre dans l’ou¬ vrage de I). Simon Roxas-Clemcnle, auquel nous avons em¬ prunté des documents intéressants sur les terres oii l’on cul¬ tive la Vigne dans l’Andalousie. Les densités du moût sont données par les degrés correspondants de l’aréomètre ordi¬ naire. Pour les obtenir, on a exprimé le raisin, on a filtré le jus à travers un linge ; mais on n’a fait aucune correction relative à la température. IL Simon conclut de ses observations que généralement la bonté du moût est en raison directe de son poids ou de sa densité , et que cette densité varie avec les cépages. Les observations consignées dans le tableau que I 4-48 NOTE DE LA QUINZIÈME LEÇON. # B nous avons tracé, d’après cet auteur, se rapportent à la môme année. La date de l’observation indique l’époque à laquelle eut lieu la récolte du raisin soumis à l’expérience : DÉSIGNATION Listan commun. id . id . id . Tempranillo. . . Palomino . Mantuo castillan. id . Mantuo violet. . Torrontes .... Jaën noir .... Mollar noir . . . id . Albillo castillan . Alhillo de Huelba Albillo loco . . . Llorona . Tintilla . Beba . Gienfuentes . . . Heben . Perruno commun Perruno noir . . Perruno duro . . Ferrar commun. Moscatel . Canocazo . des VIGNOBLES Hornillo . La Palmosa id. . . . Miraflores. • • • Lucar San Lucar id. . . . Paxarète . Trebugena Paxarète . Trebugena Cbipiona . San -Lucar Paxarète . id. . . . San -Lucar Paxarète . San -Lucar La Palmosa San-Lucar dates des OR SU VA T IONS. DEGRÉS du MOÛT. 15 septembre. IO05 id . 11° 26 septembre. 1 1°8 19 septembre. H05 5 octobre . . Uo 19 septembre. 10«5 15 septembre. 9o 19 septembre. ] 9o75 id . IO05 27 septembre. 13o 19 septembre. H05 15 septembre. 9o 30 septembre. 12o 15 septembre. t2° 28 septembre. 13o 30 septembre. 12o 28 septembre. 10° 26 septembre. 15o 19 septembre. 9o 30 septembre. 13o 2 octobre . . 15o 19 septembre. 12o 10 septembre. 10° 2 octobre . . 14® 20 septembre. 805 26 septembre. 13o 19 septembre, j H05 Quand le vin sera fait, le même aréomètre servira à donner sa densité, puisqu'il comprend une partie corres¬ pondant à des densités inférieures à celle de l’eau. 11 est bien entendu que dans toutes ces observations il faut tenir compte de la température à laquelle on opère; « DENSITÉ DU MOUT. m, . . «. V.V û>. POI DS en kilogrammes de l’-extrait aec laisse par ..un » hetolitre de moût. POIDS de l’hect» en Ci in CO te ** ° O 00 5. O % \ « t # •* V • / - - •> ►#,* • « « M w w W w % 1 r ■! ]’ .-0 H IC fl V • • 460 NOTE DE LA QUINZIÈME LEÇON. Los densités inscrites Hans le tableau qui précède ont été déterminées par l’expérience; quant aux résidus, ils ont été obtenus en opérant à une température assez basse pour qu’il n'y ait pas décomposition. Après la fermentation, on a re¬ cherché la proportion d’alcool en suivant la marche que nous indiquerons bientôt. On peut voir que la richesse al¬ coolique du vin n’est pas toujours en rapport avec la den¬ sité du moût; ainsi, en 1851 et 1852, la densité du moût a été trouvée la môme; il y avait 1 degré de différence dans le chiflre indiquant la quantité d’alcool. En 1856, à une densité plus faible que celle des deux années que nous ve¬ nons de citer correspondait une richesse alcoolique plus grande. Du reste, on se rend compte de ces différences en comparant les observations faites à Meursault et à Pom¬ mard en 1818; la densité a été la meme, mais le résidu sec a été, dans un cas, 21.53, dans l’antre, 28.84; les ri¬ chesses alcooliques correspondantes ont été 10.99 et 11.64; le moût, qui avait donné le plus faible rcsidu, a fourni, au contraire, un vin plus chargé en matières solides. Ces résultats suffisent pour montrer l’intérêt qui s’attache à des observations de ce genre quand elles sont faites avec précision. Pu reste, tous les nombres que nous avons donnés pour une localité se rapportent à la même Vigne. Lorsque l’on veut déterminer directement la densité d’un liquide, il suffit de peser un même flacon, successivement vide, plein d’eau et plein du liquide. Pour n’avoir à faire aucune coriection relative à la température on peut opérer constamment à la température de 0°; le vase dans lequel on met le liquide à essayer est un petit flacon terminé par un tube capillaire sur lequel est marqué un trait. On remplit ce petit vase avec le liquide dont on veut dé¬ terminer la densité; on le plonge dans de la glace fondante, puis on enlève ou on ajoute du liquide de manière qu’à cette DÉTERMINATION DES DENSITÉS. 461 température qui correspond à zéro l'affleurement ait lieu exactement au trait marqué sur le tube étroit. Quand on voudra peser le petit appareil, il faudra le réchauffer, le ramener à la température de l’air extérieur avant de faire la pesée, car sans cela il se déposerait à la surface du verre de la rosée qui rendrait la pesée inexacte. On fait la même chose pour l’eau, et dès que cette opération a été faite exactement, il suffit d’une seule pesée pour avoir la densité du liquide, pourvu qu’on opère avec le même vase. On a ainsi la densité du liquide à zéro, celle de l’eau étant 1 à cette même température; mais on prend généra¬ lement pour unité la densité de l’eau à la température de 4°, et, pour se conformer à cet usage, il suffit de savoir que la densité de l’eau étant i à 4°, devient à zéro, d’après M. Despretz : 0.999873. Cette densité est, d’après le même savant, 0.999731 à t0° et 0.999123 à 13°. Les volumes occupés par un même poids d’eau à ces • différentes températures sont représentés par les nombres suivants : à 0° . 1.0001269 à 4o . 1.0000000 à 10" . 1 .0002684 à 13° . 1.0008731 La liste suivante donne la densité à 0 des principaux li¬ quides que nous avons eu occasion de citer; ces densités ont été prises-avec le plus grand soin par M. Pierre : 26* NOTE DE I.A QUINZIÈME LEÇON. Alcool . 0.81309 Alcool amylique . . . 0.82705 Ether . 0.73574 Ether acétique .... 0.90691 Ether butyrique. . . . 0.90193 Acide butyrique. . . . 0.98165 Aldéhvde . • 0.80561 Pour compléter ce que nous avions à dire sur l’essai pra¬ tique du moût et l’étude des modifications que ce liquide éprouve pendant la fermentation, il nous reste à parler d’une partie très-importante que l’on désigne sous le nom d’alcoométrie et quia pour but la détermination de la quan¬ tité d’alcool contenue dans un liquide. Nous pouvons distinguer les liqueurs alcooliques en deux classes; les unes ne contiennent que de l’eau et de l’alcool: les esprits, les eaux-dc-vie rentrent dans ce cas; d’autres contiennent, outre l’eau et l’alcool, des substances diffé¬ rentes et qui s’y rencontrent en quantités très-notables: le vin et les autres liqueurs alcooliques provenant de. la fer¬ mentation des jus sucrés appartiennent à cette seconde ca¬ tégorie. Examinons d’abord comment on doit procéder pour faire l’analyse des mélanges dans lesquels il n’entre que de l’eau et de l’alcool, ou du moins dans lesquels les matières étran¬ gères à ces deux substances sont en proportions tellement faildes qu’on peut les négliger. Nous connaissons la densité de l’eau, celle de l'alcool absolu, et il semble au premier abord que l’observation de la densité du mélange suffira pour nous donner immédiatement la proportion d’alcool absolu contenu dans un volume donné de ce mélange. Soient en effet a et 6 les densités de deux liquides, c la den¬ sité du mélange de ces deux liquides dans la proportion ALCOOMÉTRIE. 463 qu’il s’agit de déterminer. Prenons un volume de ce mélange égal à 100, et soit x le volume inconnu de l’un des liquides contenu dans 100 volumes du mélange. Nous aurons x par l’équation suivante: a x d’où x b (100 100 ( c x) b) 100 c; a Ainsi, connaissant la densité c du mélange, les densités a et b des deux substances mélangées, on en conclura la valeur de j-, et, si on calcule la valeur de x correspondant à des valeurs données de c, on pourra faire une table qui, inscrite sur l’échelle de l’aréomètre à la place de la densité, donnerait de suite la composition des mélanges. Récipro¬ quement, cette môme formule donnera la densité d’un mé¬ lange des deux liquides en proportion quelconque. Or, cette marchesi simple ne peut pas être employée dans le cas des mélanges d’eau et d’alcool, à cause d’un phéno¬ mène que nous avons indiqué en examinant les propriétés de l’alcool. Quand on mélange de l’eau et de l’alcool, il y a une contraction qui s’élève à près de 4 centièmes du vo¬ lume du mélange si on emploie 50 volumes d’eau et 54 volumes d’alcool. Il faut donc recourir à l’expérience pour déterminer dans chaque cas quelle est la densité d’un mélange d’eau et d’alcool fait dans des proportions connues, et cette densité une fois déterminée, on l’inscrira dans la table. Ainsi on cher¬ chera la valeur de la densité de tous les liquides contenant 99 d’eau et \ d’alcool absolu, 98 d’eau et 2 id. et ainsi de suite jusqu’aux liquides contenant 1 d’eau et 99 d’alcoo! absolu 464 NOTE DE LA QUINZIÈME LEÇON. On pourra donc construire une table contenant dans une colonne la densité du mélange, dans l’autre sa teneur en alcool, et c’est celle-ci qu’on inscrit sur la tige de l’aréo¬ mètre. Ainsi, ayant la densité d’un mélange ne contenant que de l’eau et de l’alcool, on a tout ce qu’il faut pour avoir la ri¬ chesse alcoolique de ce liquide, si on a fait une fois pour toutes les observations dont nous venons de parler, et, dans I ce cas, les indications de l’aréomètre doivent être considé¬ rées comme exactes. L’aréomètre au moyen duquel on détermine en France la teneur en alcool des eaux-de-vie et des esprits est l’aréo¬ mètre de Gay-Lussac. Cet instrument donne immédiate¬ ment le nombre de centièmes en volume d’alcool absolu contenu dans la liqueur, c’est pour cette raison qu’on l’ap¬ pelle alcoomètre centésimal. L’alcool pur est représenté par 100, et la force d’un li¬ quide spiritueux est le nombre de centièmes en volume d’alcool pur que ce liquide renferme. Les observations et la graduation de l’instrument ont été faites à la température de 15°; il faudra par conséquent ramener le liquide à essayer à cette température ou bien faire une correction dont la valeur a été calculée pour chaque cas particulier. La figure 4 représente l’alcoomètre centésimal de Gay- Lussac. La division 0 correspond à l’eau pure ; la division 100 à l’alcool absolu. Un liquide dans lequel l’alcoomètre marquerait 50 à la température de 15° contiendrait 50 pour cent de son volume d’alcool absolu. Le tableau suivant donne les densités correspondant à chacun des degrés de l’alcoomètre centésimal à la tempé¬ rature de 15°; ces densités ont été calculées par M. Maro- zeau, elles sont contenues dans les colonnes (1). DEGRÉS de l'alcoomètre. BIIKITES C0RRESP0XD4M1S a la température de 45“ calculées. •M 10 U 12 13 U 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 il 42 43 44 45 47 48 49 50 0.994 0.993 0.992 0.990 0.989 0 988 0.987 0.986 0.984 0.983 0.982 0.981 0.980 0.979 0.978 0.977 0.976 0.975 0.974 0.973 0.972 0.971 0.970 0.969 0.968 0.967 0.966 0.965 0.964 0.963 0.962 0.960 0.959 0 957 0.956 0.954 0.953 0.951 0.949 0 948 0.946 0.945 0.943 0.941 0.940 0.938 0.936 trouvées. 12) 0.9991 0 . 997 6 0.9961 0.99 47 0.9933 0.9919 0.9906 0.9893 0.988.1 0 9369 0.9857 0 98 45 „ 0.9834 0.9^23 0 9812 0.9802 0.9791 0.9781 0.9771 0.9761 0.9751 0.9741 0.9731 0.9720 0.9710 0.9700 0.9689 0.9679 0.9668 0 . 9657 0.9646 0.9634 0.9622 0.9609 0.9590 0.9583 0.9570 0.9556 0.9541 0.9526 0.9510 0.9494 0.9478 0.9461 0.9444 0 . 9 427 0.9109 0.9391 0.9373 6.9354 0.9335 DEGRÉS de l’alrooroètre. DtlSITU CORRESPONDIMES a la température de 15° 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 0 934 0.932 0.930 0.928 0.926 0.92 4 0.922 0.920 0.918 0.915 0.913 0.911 0.909 0.906 0.904 0.902 0.899 0.896 0.893 0.891 0.888 0.886 0.884 0.881 0.879 0.876 0.87 4 0.871 0.868 0.865 0.863 0.860 0.857 0.854 0.851 0.818 0-845 0.842 0.838 0.835 0.832 0.829 0.826 0.822 0.818 0.814 0.810 0.805 0.800 0.795 0.9315 0.9295 0.9275 0.9254 0.9234 0.9213 0.9192 0.9170 0.9148 0.9126 0.9104 0.9082 0.9059 0.9036 0.9013 0.8989 0.8965 0.8941 0.8917 0.8892 0.8867 0.8842 0.8817 0.8791 0.8765 0.8739 0.8712 0.8685 0.8658 0.8631 0.8603 0.8575 0.8547 0.8518 0.8488 0.8158 0.8428 0.8397 0.8365 0.8332 0.8299 0.8265 0.8230 0.8194 0.8157 0.8118 0.8077 0.8034 0.7988 0.7939 -466 NOTE LE LA QUINZIÈME LEÇON. Les nombres contenus dans la première colonne de la table précédente ont été obtenus en partant des indications fournies par l'alcoomètre, mais non par l'observation directe des densités; nous en avons rapproché les résultats pu- bliés par Gilpin antérieurement aux recherches de Gay- Lussac; ils sont destinés à donner le volume d’alcool absolu contenu dans un mélange dont on connaît la densité à 15°. Les nombres servant à exprimer cette densité diffèrent très- peu de ceux que contient la première colonne. Si on dé¬ termine exactement la densité d’un mélange alcoolique, on pourra au moyen de cette table déduire rigoureusement la quantité d’alcool. Tous ces nombres correspondent à la température de 15°, et, d’après ce que nous avons dit précédemment sur la dé¬ termination des densités, il serait important d’avoir à zéro les densités des différents mélanges d’eau et d’alcool, ainsi que les degrés correspondants. Nous sommes heureux de combler cette lacune laissée par Gay-Lussac dans l’alcoo¬ métrie en publiant quelques-unes des expériences faites par deGouvenain, savant œnologiste bourguignon , qui s’oc¬ cupait de cette question longtemps avant Gilpin et Gay- Lussac. Les tables dressées par de Gouvenain ont paru en 1792 dans Y Encyclopédie méthodique ; elles ont été revues avec beaucoup de soin par leur auteur à l’époque où parut le travail de Gay-Lussac, et elles sc trouvent dans les mémoires de l’Académie de Dijon pour 1824 et 1825 ; elles donnent, pour toutes les températures de 0 à 20° Réaumur, les densi¬ tés de tous les mélanges d’eau et d’alcool faits en centièmes de volumes. Nous en avons extrait les densités correspon¬ dantes à 0, 8° R, 10° R et 12° R, c’est-à-dire à 0, 10°, 12°5 et 15° du thermomètre centigrade, auquel se rapportent, pour le dire en passant , toutes les indications de tem- Œnologie, par i LÂDRET. page 466 V’ÉS d'al 1205 üO.25 59. 57.50 &6. H. 50 >3. i 1 . 25 >9.50 1-7.75 *6. U.25 1*2.50 10.75 to. il. I. 5. 13. 11. h. 37. 35. il. 30.75 fc.50 35.25 3*. 31.75 3). 50 2T.25 3». $.50 3). $ 50 3». 958.95 957.70 956.20 954.70 953.20 951.60 949.85 918. 10 916.35 941.60 912.75 911. 939.25 937.50 935.50 933.10 931.10 929.30 927.30 925.20 923.20 921.20 918.95 916.60 911.35 912. 909.75 907.50 905.25 903. 900.50 898. 895.50 893. VOLUMES d'alcool pur. 1 d'eau 69 70 71 72 73 71 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 91 95 96 97 98 99 100 31 30 29 28 27 26 25 21 23 22 21 20 19 18 17 16 15 H 13 12 11 10 9 8 7 6 902.50 900.30 897.80 895.30 892.80 890.05 887.55 885.05 882.55 879.80 877.05 874. 10 871.65 868.90 866.15 863.40 860.90 858.15 855.40 852.40 819.40 846.50 8 13. 839.50 836. 832.50 829. 825.50 821 .75 818. 814.25 810.60 891.50 892.06 889.56 887.06 881.56 1 881.81 879.31 ! 876.81 ! 874.31 871.56 868.81 806.08 863 33 860.58 857.83 855.08 852.58 819.83 847.08 841.08 811.08 838.10 831.60 831.10 827.60 821.10 820.60 817.10 813.35 809.60 805.85 802.12 892.50 890. 887.50 885. 882.50 879.75 877.25 871.75 872.25 869.50 866.75 861. 861.25 858.50 855.75 853. 850.50 817.75 845. 812. 839. 836. 832 . 50 829. 825.50 822. 818.50 815. 811.25 807.50 803.75 800.. 890.50 887.91 885.14 882.91 880.41 877.69 875.19 872.69 870.19 867.14 864.69 861.92 859.17 856.42 853.67 850.92 848.12 815.67 842.92 839.92 836.92 833.90 830.40 826.90 823.40 819.90 816.40 812.90 809.15 805.40 801.65 797.88 » i fu \ - ALCOOMÉTRIE. 467 pérature que nous avons données. Le tableau disposé ci- contre renferme tous ces résultats. Nous avons dit qu’on employait encore l’aréomètre de Cartier concurremment avec l’alcoomètre centésimal. L’iin- portance de ce premier instrument nous engage à donner les densités correspondantes à chacun de ses degrés à la température de 12°5. DEGRÉS de CARTIER. DENSITÉS. DEGRÉS de CARTIER. DENSITÉS. DEGRÉS de CARTIBR. DENSITÉS. 1 10 1.000 22 0.916 34 0.845 I 11 0.992 23 0.909 35 0.840 12 0.985 2 4 0.903 36 0.835 13 0.977 25 0.897 37 0.830 14 0.970 26 0.891 38 0.825 15 0.963 27 0.885 39 0.819 I 16 0.956 28 0.879 40 0.814 I 17 0.949 29 0.872 il 0.809 1 18 0.942 30 0.867 42 0.804 1 19 0.935 31 0.862 43 0.799 1 0.929 32 0.856 44 0.794 1 21 0.922 33 0.851 1 Gay-Lussac s’est préoccupé d’établir la concordance des deux instruments. Cette détermination a présenté de grandes difficultés à cause du peu de précision qu’offrent les indications de l’aréomètre Cartier. Les différents instru¬ ments que l’on trouve dans le commerce ne s’accordent pas; ceux mômes que l’administration des contributions indirectes avait mis à la disposition de Gay-Lussac offraient des diflé- rences notables. Pour lever toute difficulté, Gay-Lussac est parti de ce point, que l’aréomètre Cartier devait marquer 10° dans l’eau distillée à la température de 12° 5; puis il a admis que 28° Cartier correspondaient à 74° centésimaux à la température de 15°. 468 NOTE DE LA QUINZIEME LEÇON. Les deux tables suivantes ont été calculées d'après ces données. On trouve dans la première la valeur des degrés centésimaux en degrés Cartier, et dans la seconde la valeur des degrés Cartier en degrés centésimaux. Evaluation des degrés centésimaux en degrés Cartier à la température de 15' iLCOORETRK 1RE0VETHE UCÜOUETRE iKEuMKTRE etolts mal. o 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 21 25 26 27 28 29 30 31 32 33 de Cartier. 10.00 10 23 10.43 10.62 10.80 10.97 11.16 11.33 11.49 11.66 11.82 11.98 12.14 12.28 12.43 12.57 12.70 12.84 12.97 13.10 13 25 13.38 13.52 13.67 13.83 13.97 14.12 1 4.26 14.42 1 4.57 11.73 14.90 15.07 15.24 eeDlraimal. ALCOOMETRE 1HE0IETRE 37 38 39 40 it 42 43 44 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 de Cartier. 15.43 16.22 16.43 16.(36 16.88 17.12 17.37 17.62 17.88 18.14 18.42 18.69 18.97 19.25 19 54 19.85 20.15 20.47 20.79 21.11 21.43 21.76 22 10 22 . 46 22.82 23.18 23 . 55 23.92 2 4.29 24.67 25.05 reniesimül. 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 95 97 98 99 100 de Cartier. 25.45 25 . 85 26.26 26.68 27.11 27.54 27.98 28.43 28.88 29.34 29.81 30.29 30.76 31.26 31.76 32.28 32.80 33.33 33.88 34.43 35.01 35.62 36.24 36.89 37.55 38.24 38.95 39.70 40.49 41.33 42.25 43.19 44.19 Evaluation des degrés de Cartier en degrés centésimaux à la température de 15°. AREOMETRE de Cartier. 10° 10 25 10 50 10 75 11 11 25 11 50 11 75 12 12 25 12 50 12 75 13 13 25 13 50 13 75 14 14 25 11 50 11 75 15 15 25 15 50 15 75 10 10 25 10 50 10 75 17 17 25 17 50 17 75 18 18 25 18 50 18 75 19 19 25 19 50 19 75 20 20 25 20 50 20 75 21 21 25 45.5 46. 1 47.3 49.1 50. 50.9 51.7 52.5 53.3 51.1 54.9 55.0 56.4 ALCOOMÈTRE centésimal AREOMETRE de Cartier. ALCOOMÈTRE centésimal. ff ARÉOMÈTRE de Cartier. 0. 21 50 57.2 33 1.1 21 75 58. 33 25 2.1 22 58.7 33 50 37 22 25 59.4 1 33 75 5.1 22 50 : 60.1 31 6.5 22 75 00.8 31 25 8.1 23 01 .5 31 50 9.6 23 25 62.2 ! 31 75 112 23 50 62.9 35 12.8 23 75 , 63.6 35 25 11.5 21 64.2 35 50 16 3 21 25 04.9 35 75 18.2 24 50 65.5 36 20. 21 75 GO. 2 36 25 21’8 25 66 9 36 50 23.5 25 25 67.5 36 75 25.2 25 50 68.1 37 26.9 25 75 68.8 37 25 28.5 26 69.4 37 50 30.1 26 25 70. 37 75 31.6 26 50 70.6 38 33. 26 75 71.2 38 25 31.4 27 71.8 38 50 35.6 27 25 72.3 28 75 36.9 27 50 72.9 39 38.1 27 75 73.5 39 25 39.3 28 74. 39 50 40.4 28 25 71.6 39 75 41.5 28 50 75.2 40 42.5 28 75 75.7 40 25 43.5 29 76.3 40 50 41.5 29 25 76. 8 40 75 29 50 29 75 30 30 25 30 50 30 75 31 31 25 31 50 31 75 32 32 25 32 50 32 75 77.3 77.9 78.1 78.9 79.4 80. 80.5 81. 81.5 82. 82.5 82.9 83.1 83.9 41 25 41 50 11 75 42 42 25 42 50 42 75 43 43 25 43 50 13 75 il ALCOOMÈTRE rcolfvimal. 84.4 81.8 85.3 85.8 80.2 86 7 87.1 87.5 88. 88.4 88.8 89.2 89.6 90. 90.4 90.8 91.2 91.5 91.9 92.3 92.7 93. 93.4 93.7 91.1 91.4 91.7 95.1 95.4 95.7 90. 90.3 96.6 96.9 97.2 97 . 5 97.7 98. 98.3 98.5 98.8 99.1 99.4 99.6 99.8 27 170 NOTE I»E LA QUINZIÈME LEÇON. Nous avons «lit qu’on distinguait dans le commerce les eaux-de-vie et les esprits. L’eau-de-vie commune marque 19° à l’aréomètre de Cartier; elle renferme environ la moi¬ tié de son volume d’alcool absolu. L’esprit désigné sous le nom de trois-six est ainsi nommé parce que trois litres ajoutés à trois litres d’eau donnent six litres d’eau-de-vie à 19°. C’est l’alcool ordinaire du commerce; il marque 33° à l’aréomètre Cartier, et contient par conséquent 84.4 pour 100 d'alcool. On appelle de même esprit trois cinq celui dont trois volumes ajoutés à deux volumes d’eau donnent cinq volumes d’eau-de-vic à 19°; esprit trois-sept, celui dont trois volumes ajoutés à quatre volumes d’eau fournissent sept volumes de la même cau-de-vic. M. Payen a donné dans son Précis de chimie industrielle w (3* édition, p. 712) les degrés les plus usuels des liqueurs alcooliques que l’on trouve dans le commerce; les degrés de l’aréomètre Cartier sont pris à la température de 12°o, ceux de l’alcoomètre de Gay-Lussae à 15°. Cartier. Gay-I.ussac. Alcool pur (absolu ou anhydre). 44.0 100.0 Alcool rectifié (de mélasse, bette¬ raves, grains, fécule) . 39.0 94.1 Esprit 3/6 des mêmes provenances. 36.0 89.6 Trois-six (esprit de vin de Mont¬ pellier) . 33.0 84.4 Eau-de-vie (preuve de Hollande). 22.0 58.7 Eau de-vie (preuve de Londres). 21.6 58.0 Eau-de-viedouble de Cognac. . . 20.0 52.5 Eau-de-vie communément ven¬ due au détail . 19.0 49.1 Eau-de-vie ordinaire faible. . . 18.0 45.5 j ALCOOMÉTRIE. Les observations sur lesquelles est basée la construction de l’alcoomètre de Gay-Lussar ont été laites à la tempéra¬ ture de 15°; il faudra donc ramener les liquides à cette température toutes les fois qu’on voudra estimer avec cet instrument la richesse alcoolique d'un mélange d’eau et d’alcool. Si on opère à une température différente, il faudra corriger l’indication donnée immédiatement par l’instru¬ ment. Au-dessus de 15°, le nombre observé sera trop fort et devra être diminué; au contraire, on aura besoin de l’augmenter quand on opérera au-dessous de cette tempéra¬ ture. On doit à Francœur une formule qui permet de calculer, dans chaque cas particulier, la correction relative à la tem¬ pérature. En représentant parc l’indication de l’alcoomètre et part la température, la véritable richesse alcoolique du liquide sera représentée par c ± 0.4t. On prendra le signe -}- si t est plus petit que 15°, et le signe — s’il est plus grand. Les corrections fournies par l’emploi de celte formule ne sont qu’approchées. ' Gay-Lussac a calculé des tables qui donnent immédiate¬ ment la correction correspondant aux différentes tempéra¬ tures de 0 à 30°. A la seule inspection de ces tables on peut lire quel est, à 15°, le nombre qui exprime la richesse alcoo¬ lique d’un liquide quand on connaît le nombre trouvé à une température déterminée. Nous avons donné cette table dans la planche ci-contre pour 0° et toutes les températures de 10 à 30°, et, pour les indications de l’alcoomètre, pour chaque degré de 1 à 30 et au-delà, seulement de 3 en 3. La première colonne verticale contient les températures, la co¬ lonne horizontale supérieure renferme les nombres fournis par l’observation directe. Ces deux colonnes ont été répétées 472 NOTE DE LA QUINZIÈME LEÇON. deux fois pour faciliter les recherches. Le nombre exprimant la véritable richesse alcoolique à 45° se trouve dans la case située à la rencontre des lignes horizontale et verticale commençant par le chiffre qui donne la température de l’observation et celui qui a été fourni par l’alcoomètre. Supposons qu’on opère à 25° et qu’on trouve 50 pour exprimer la richesse alcoolique, la richesse véritable sera exprimée par 46.3. Les indications de l’alcoomètre cessent de pouvoir fournir la proportion d’alcool quand le liquide renferme avec l’eau et l’alcool d’autres substances telles que du sucre ou des sels. Dans ce cas on est obligé d’avoir recours à une opéra¬ tion particulière pour pouvoir rendre applicables les consi¬ dérations qui précèdent. Les propriétés de l’alcool permet¬ tent d’arriver à ce résultat par un procédé simple et très- rapide. Le vin et les autres liqueurs fermentées entrent en ébulli¬ tion à une température inférieure à celle de l’eau bouil¬ lante, à cause de l’alcool qu’ils renferment. Quand on sou¬ met à la distillation un liquide de cette nature et qu’on fractionne les produits obtenus, on reconnaît que ce qui passe d’abord est très-riche en alcool ; puis, au bout d’un certain temps, on ne recueille plus que de l’eau; l’alcool existe tout entier dans les premières portions du liquide recueilli. Ce qui passe à la distillation , c’est de l’eau et de l’alcool ; par conséquent le liquide obtenu peut être analysé au moyen de l’alcoomètre, et, lorsqu’on connaîtra sa richesse en alcool, il sera facile d’en déduire celle du vin employé. Mais on peut, en employant une précaution très-simple, se dispenser de tout calcul et obtenir immédiatement la teneur du vin en alcool. Supposons que l’on prenne un volume de vin déterminé, on le soumettra à la distillation jusqu’à ce que tout l’alcool Température de l’observation. Y T /jage 47 I 20 4 2 8 5 20 2# 1 3 22 t 22'* 0 7 21 0 5 | 21 7 0 2 21 5 20 2- 9 7 207 9 1 20 3 9 I 20 8 8 19 7 19 3 8 2 19 7 9 18 7 17 0 18 3 7 4 j 18 7 1 18 6 0 8 17 3 0 5 17 9 0 1 17 9 5 8 10 2 5 5 10 9 29 1 85 1 ! 9: • 9 D 88 9 93 0 98 )) 0 80 i 91 2 96 À » 10* 80 1 91 95 8 » llo 85 8 90 7 95 0 ! w 12° 85 5 90 5 95 4 » 13° 85 3 90 2 95 2 1 14° 85 90 ! 95 m 100 15° 81 7 | 89 7 91 8 99 8 16° 81 i 89 5 94 0 99 7 17° 81 1 89 2 94 3 1 99 5 | 18o 83 9 88 9 94 1 i 99 3 19° 83 0 88 7 93 9 99 1 20° 83 3 88 1 93 7 99 21o ! 22o | 23o 83 88 2 93 1 ' 98 8 82 7 87 9 93 2 98 0 82 i 87 0 93 98 4 | 24° a 82 1 87 i 92 7 98 2 25° 81 8 87 1 92 5 98 1 26J 81 5 80 8 92 2 1 97 9 i 27o : L 81 2 8G 5 92 1 97 7 ! 28° 80 9 80 2 91 7 ! 97 5 29o 80 7 ! 8G 91 5 1 97 3 30° 85 i 90 95 100 1 Température de l’observation. I yJtL'V l KJ IV ALCOOMÉTRIE. 473 se trouve dans le liquide condensé, puis on ajoutera de l’eau distillée à ce produit de manière à reproduire le volume primilif. Il suffira dès lors de plonger l’alcoomètre dans le liquide ainsi formé, et il donnera la richesse alcoolique du vin. En effet, cet instrument donne le nombre de centièmes d’alcool contenus dans le liquide essayé. Or, ce liquide oc¬ cupe le même volume que le vin; il contient tout l’alcool que le vin contenait, par conséquent son degré alcoomé- triquc sera le même que celui du vin. C’est à Gay-Lussac que nous devons cet ingénieux procédé, qui permet de déterminer avec l’alcoomètre la quantité d’al¬ cool contenu dans une liqueur alcoolique quelle qu’elle soit. Les appareils qu’il a décrits ont été modifiés à la volonté des constructeurs; on comprend même qu’on pourrait, à la rigueur, se passer d’un appareil spécial. Celui qui présente les dispositions les plus avantageuses, et qui est le plus fréquemment employé maintenant, est l’alambic Salleron , dont la figure de la page suivante repré¬ sente la disposition pendant l’opération. On a réuni dans une petite boîte toutes les parties dont il se compose et dont voici l’énumération : 1° lîne lampe A alimentée par de l’esprit de vin. 2° Un ballon de verre B qui s’adapte sur le support de la lampe et dans lequel on met le liquide qui doit être soumis à la distillation. 3° Un tube de caoutchouc D fixé par l’une de ses extré¬ mités au serpentin et s’adaptant par l’autre à un tube de verre traversant le bouchon E qui sert à fermer le bal¬ lon B. 4° Un serpentin contenu dans le vase cylindrique C; ce vase reçoit l’eau qui doit servir de réfrigérant pendant la distillation ; il est supporté par trois pieds en cuivre. 3° Une éprouvette à pied L sur laquelle sont gravées trois 474 NOTE DE LA QUINZIÈME LEÇON. divisions; la division supérieure a sert à mesurer le vin soumis à la distillation, les deux autres marquées 1/2, 1/3 Indiquent la moitié et le tiers du volume contenu jusqu’en a; elles servent à évaluer le volume de liquide recueilli pendant la distillation. r3 i 6° Un alcoomètre de Gay Lussac F pou- | I vant s’introduire dans l’éprouvette E. | J 7° Un thermomètre G servant à donner u ; o Q r I la température du liquide au moment ! A de l’essai alcoomctrique, et qui se loge }1 | |f dans une rainure que présente l’éprou- !» j |1 vette. I \r 8° Enfin, un petit tube en verre H ser- " ^ vant de pipette et permettant d’obtenir, sans erreur, un volume de liquide exactement déterminé. Les détails dans lesquels nous sommes entrés précédem¬ ment, l’aspect de la figure suffiront pour montrer comment l’opération doit être conduite et quelle disposition il faut donner aux différentes parties de l’instrument. ALCOOMÉTRIE. m On mesurera le vin en remplissant l'éprouvette jusqu'au Irait* a, puis on le versera dans le ballon ; ou disposera l’ap¬ pareil comme l'indique la figure et on allumera la lampe. Bientôt le vin entrera en ébullition et on verra un liquide limpide, incolore, tomber goutte à goutte dans l'éprouvette par l’extrémité inférieure du serpentin. La régie générale est qu’il faut pousser l’opération jus¬ qu’à ce que tout l’alcool ait distillé. Or, l’expérience a montré que si le liquide e0; l’alcool absolu bout dans les mêmes conditions à 78° 5. l’n mélange d’eau et d’alcool devra donc commencer à bouillir entre 78°o et 100°, et le degré sera d’autant plus rapproché de 100° que le mélange contiendra moins d’alcool. Il faut bien faire observer que, pour se servir de cette in¬ dication avec exactitude, on doit déterminer la tempéra¬ ture à laquelle l’ébullition commence, car pour un pareil liquide le point d'ébullition ne sera pas constant, il ira en s’élevant et se rapprochera de 100", puisque le liquide qui reste devient de moins en moins riche en alcool. Le liquide à essayer est mis dans une petite chaudière chauffée avec une lampe; un thermomètre plongé dans le liquide en donne la température, et il suffit d’observer à quel degré de l’échelle a lieu le phénomène de l’ébullition. Une table correspondante donnera la richesse en alcool. Il y aura une petite correction à faire relativement à la pres¬ sion, qu’il faudra observer au moment de l’expérience; mais on pourra se passer de baromètre en déterminant directe¬ ment la température à laquelle a lieu l’ébullition de l’eau. On comprend qu’il soit possible de graduer le thermo¬ mètre de telle sorte qu’on inscrive sur la tige à côté de la température le degré correspondant de l’alcoomètre, mais il faudra dire à quelle pression a eu lieu cette graduation. Ce procédé a été appliqué au vin tout aussi bien qu’aux liquides ne contenant que de l’eau et de l’alcool; les autres principes volatils que le vin contient sont en proportion trop faible pour exercer une influence notable sur la tem- ALCOOMETRIE. 477 pérature d'ébullition. Quant aux matières dissoutes, l’expé¬ rience montre que leur effet est de retarder un peu le point d’ébullition. Pour s’en assurer, on a soumis du vin à la distillation, on lui a enlevé tout son alcool, puis on a ajouté de l’eau au résidu, de manière à reproduire le. volume primitif. On a constaté d’abord que l’eau pure bouillait à 09° 75. Dans les mêmes conditions de pression , le vin privé de son alcool est entré en ébullition à des températures diffé¬ rentes et variables suivant la proportion d’extrait sec qu’il contenait. Nous mettons en regard les lempératuies d’ébullition et les quantités de matières solides contenues dans le vin essayé : 1 00°0o — 1.80 100°25 — 2.87 1 00°50 — 29.81 M. Pohl a donné une table indiquant les proportions d'al¬ cool absolu contenues dans un liquide bouillant à une tem¬ pérature déterminée sous la pression de 760mm. Alcool îk-uiu sur 100 f. Tmptratnrr. iicoo! absolu sur 100 Température. 0 100° 79 7 9.3 4.3 1 98 79 8 92 70 2 97 82 9 92 03 3 96 85 10 91 41 4 95 90 11 90 80 K* O 95 02 12 90 27 6 94 21 L'auteur admet que la présence d’une proportion en sucre s’élevant même à 15 p. 100 est sans influence sur le point d’ébullition de l’eau. Cette hypothèse est en désaccord avec l'observation que nous avons citée plus haut. 478 NOTE PE I.A QUINZIÈME LEÇON. ' M. Silberrriann a proposé de déterminer la composition d’un mélange d’eau et d’alcool en constatant la dilatation de ce mélange. L’alcool et l’eau, lorsqu’ils sont puis, se dila¬ tent inégalement sous l’influence de la chaleur; l’alcool se dilate trois fois plus que l’eau pour la même augmentation de température. Les nombres suivants donnent la mesure texacle de cette différence de dilatation : Volume à 0. Volume à 100" Différences. Eau . 1.0000 I.04C2 0.043*2 Alcool .... t.0000 U 254 0.1254 En partant de là, on voit que si on prend un mélange d’eau et d’alcool, il se dilatera d’autant plus qu’il contien¬ dra plus d’alcool ; par conséquent, si on a fait une série d’ob¬ servations donnant la dilatation de mélanges d’eau et d’al¬ cool en proportions connues, il suffira d’observer la dilata¬ tion d’un mélange donné pour qu’on puisse en conclure sa richesse en alcool. # M. Silbermann prend un volume donné de liquide à la température de 25°, puis il le chauffe jusqu’à 50°, et l’aug¬ mentation de volume dans cet intervalle donne la propor¬ tion d’alcool; celle-ci est donnée immédiatement par l’é¬ chelle de l’instrument. L’appareil fondé sur ce principe est désigné sous le nom de dilatomètre alcooraétrique; nous l’avons représenté dans la planche ci-contre. T est un thermomètre à mercure marquant 25° en a, 50° en 6. AB est une pipette en verre; elle est dessinée isolément dans la figure *2 pour qu’on en saisisse bien la forme. E est une plaque de cuivre surmontée d’un petit disque de liège servant à fermer la pipette; la tige K, (pie l’on peut I ¥ «i * ) ► l t * • I ► f. * . / ; ;<• ■ • * * ÿ. k * <1 /- • % •;' ••' <* v- *• 4iw •» * . •'■• . >_ • *_• « mp J'I F Jêbtro Piÿn ŒNOLOGIE. PAR Mr LADREY DILATOMÈTRE ALCOOMÉTR1ÇIE UE JT ALCOOMETRIE. 479 faire mouvoir au moyen de la vis F, permet d'ouvrir ou de fermer la pipette. P (fig. 3) est un piston entrant à frottement dans la partie supérieure et élargie de la pipette. La figure 1 donne la disposition de la plaque de cuivre sur laquelle est fixé l’appareil. Quand on veut essayer du vin avec cet instrument, on in¬ troduit ce liquide dans la pipette jusqu’à un trait '/, situé au-dessous du renflement r ; au moyen du piston, que l’on introduit en H, on enlève Pair ou tout autre gaz contenu dans le liquide; la tige du piston est creuse, ce qui permet de l’enfoncer dans la pipette; quand on voudra le relever, il suffira de fermer en O avec le doigt. On a ménagé le ren¬ flement r pour permettre le libre dégagement du gaz sans diviser la colonne. Celte première opération faile, on plonge l'appareil dans de l’eau à 25°; on fait écouler une partie du liquide de la pipette de manière qu’à celle température le niveau s’arrête au zéro (b l’échelle. Il suffit dès lors de le plonger dans un second bain à 30°; le poml de l’échelle auquel le liquide s’arrêtera donnera la quantité d’alcool en degrés de l’alcoo¬ mètre de Gav-Lussac. En résumé, nous voyons qu’on peut, par des procédés très -simples, acquérir des données déjà très- intéressantes au sujet de la constitution du moût. Ces premières notions peuvent être étendues par la recherche et le dosage exac de quelques-uns de ses éléments. Si on réunit les différents procédés que nous avons fait connaître pour leur détermi¬ nation, on sera bien près d’arriver à faire l’analyse com¬ plète du moût. On peut en effet apprécier la proportion d’eau, d'extrait sec. de sucre, d’acide libre; l’analyse des cendres donnera 480 .NOTE DE LA QUINZIÈME LEÇON. les principes minéraux; celle du résidu organique, faite au point de vue de l'azote qu’il contient , nous permettra d’avoir la proportion de matière azotée ou de ferment, et, par con¬ séquent, on aura tous les éléments importants qui existent dans le moût. Les détails dans lesquels nous venons d’entrer sur l’essai pratique des moûts joints à ceux que nous avons précédem¬ ment donnés sur l’analyse du raisin , seront bientôt com¬ plétés par ce qu’il nous reste à dire sur le vin ; ainsi , nous aurons envisagé successivement les trois faces de cette im¬ portante question, qui doit nous conduire en définitive à la détermination exacte de la composition du vin. SEIZIEME LEÇON » — 24 juin 1856 — Des soins à donner an vin après sa fabrication. Messieurs, Lorsque le vin est introduit dans les tonneaux, le mouvement qui s'était manifesté dans toute la masse pendant la fermentation ne disparait pas immédiate¬ ment; quelquefois même il semble reprendre une nou¬ velle intensité . le pressurage ayant introduit dans le liquide des portions qui peuvent bien îv avoir pris au¬ cune part aux transformations opérées dans la cuve. Il est probable que c'est dans cet effet, variable suivant l’état de maturation du raisin, qu'il faut chercher sur¬ tout la cause des différences que présente d’une année à l’autre le mouvement qui se manifeste dans les ton¬ neaux. L’air avec lequel le vin a été mis en contact dans tous les changements qu’on lui a fait subir favorise cette action. Le vin reste tranquille dans les bonnes années, disent les vignerons, et, en effet, dans ce cas, la maturité 48 2 SEIZIÈME LEÇON. étant complète, peu de raisins échappent aux réactions cjui doivent modifier leurs éléments, leur pellicule amincie se déchire par le moindre effort. Au contraire, si la maturité est incomplète, les grains sont plus durs, et on trouve, au moment du pressurage, des raisins encore aussi intacts qu’à l’époque de la vendange. Lorsque, par suite des bonnes conditions dans les¬ quelles se trouve le moût, la fermentation s’accomplit rapidement, elle s’achève en quelques jours, et le tra¬ vail cesse d'une manière à peu près complète. Les prin¬ cipes qui doivent être modifiés ont tous pris part aux transformations qui se sont accomplies dans la cuve. Les produits de cette action qui s’opère dans les ton¬ neaux sont les mêmes que ceux dont nous avons déjà constaté la formation : le sucre non décomposé dimi¬ nue, la quantité d’alcool augmente , et il se dégage de l’acide carbonique. Aussi, dans cette période, il faut avoir bien soin de ne pas fermer les tonneaux ; on ne procédera à cette opération que lorsque tout mouve¬ ment aura cessé et qu’il 11e se dégagera plus de gaz. Au moment de la fermeture, le vase qui renferme le vin doit être entièrement rempli, et il suffit de se rap¬ peler l’action de l’air sur les liquides alcooliques pour comprendre le but et la nécessité de cette précaution. La conséquence de cette prescription, c’est qu’il faudra réparer les pertes de liquide dues à l’évaporation ; aussi doit-on conseiller d’ajouter le plus souvent pos¬ sible la quantité de vin nécessaire pour que le tonneau reste constamment plein. Cette opération est désignée sous le nom i\' ouillage ; elle est très-simple, et nous REMPLISSAGE. 483 tique des procédés défectueux dont les considérations suivantes feront suffisamment sentir les inconvénients. Il est convenable que ce remplissage soit fait avec un vin pareil à celui que renferment les tonneaux ; si cela n'est pas possible, il est essentiel que le vin em¬ ployé à cet usage 11e soit pas altéré, car autrement il vaudrait mieux ne pas remplir que de le faire avec un vin qui pourrait introduire dans la masse du liquide les éléments d'une transformation dangereuse. Quand 011 opère sur de grands vins et qu’on 11e peut pas avoir une quantité suffisante de liquide pour répa¬ rer les pertes produites par l'évaporation, 011 préfère quelquefois, au lieu d’employer des vins de qualité inférieure, maintenir le vaisseau plein en y introdui¬ sant de temps en temps des cailloux bien propres, formés de silice pure, et qui, n’étant pas du tout atta¬ quables parles matières existant dans le vin, ne peuvent en rien altérer ses propriétés. Cette nécessité de conserver toujours pleins les vases qui renferment le vin s’étend au-delà des premiers temps qui suivent sa fabrication. Elle a produit à l’étranger une habitude très- fâcheuse qui a du être souvent la cause de changements dans la qualité et quelquefois de dépréciations éprouvées par des vins qui, traités convenablement, auraient pu conserver tous leurs caractères. O11 remplit les tonneaux avec de l’cau-de-vie et même avec de l’alcool; par là on aug¬ mente leur richesse alcoolique, on leur communique une saveur toute particulière qui masque celle propre 484 SEIZIÈME LEÇON. * au liquide, et il est rare que les vins aiusi additionnés ne perdent pas plus ou moins promptement la fran- * cluse de goût et les autres qualités qui en font le mérite. Nous avons dit que toute action ne tardait pas à cesser dans le vin après son introduction dans les ton¬ neaux, et qu’ alors le liquide s’éclaircissait par le repos. Toutes les matières suspendues se précipitent et vont former à la partie inférieure ce dépôt que l’on appelle la lie. Nous avons déjà fait connaître l’origine des ma¬ tières qui s’y trouvent ; les unes proviennent des alté¬ rations qu’a subies la matière azotée, d’autres se sont précipitées à la suite des changements survenus dans la composition du liquide et qui ont modifié sa faculté dissolvante. Parmi les matières qui constituent cet abondant dépôt, nous devons surtout nous occuper du ferment devenu insoluble et dont quelques parties ont été ren¬ dues inactives, tandis que d’autres sont encore tout à fait propres à entretenir la fermentation. Quand cette matière s’est précipitée, les moindres mouvements, les variations de température peuvent déterminer de nou¬ veau son mélange avec la masse liquide, et la présence de cette substance dans le vin facilitera l'altération des éléments encore dissous et susceptibles d’éprouver des transformations analogues à celles qui ont formé cette première substance. Ainsi, la conservation d’un préci¬ pité de cette nature au contact du liquide éclairci aurait d’abord une influence fâcheuse, mais purement méca¬ nique, celle de pouvoir le troubler toutes les fois que des variations de température ou une agitation quel- SOUTIRAGE . 485 conque produiront des mouvements au sein du liquide. Mais une conséquence bien plus funeste, c’est le mé¬ lange avec les éléments du vin de matières altérées et pouvant provoquer dans la masse des modifications dont les études que nous avons faites précédemment nous permettent d’apprécier toute la portée. Ces considérations s’appliquent non-seulement au dépôt qui se produit immédiatement après le pressurage et qui est le plus abondant, mais encore à tous les pré¬ cipités plus ou moins considérables qui pourront se former par la suite et qui ne devront jamais rester en contact avec le liquide, surtout aux époques auxquelles on sait qu’il pourra se produire quelques mouvements dans la masse. Les éléments du vin paraissent plus dis¬ posés à réagir les uns sur les autres lorsque commence la végétation de la Vigne et dans d’autres circonstances que l’on a cru trouver en rapport avec les phénomènes périodiques qui s’accomplissent pendant sa culture. La véritable raison de ces relations, c’est que les change¬ ments qui se produisent pendant la vie des plantes sont, comme nous l’avons vu, sous la dépendance de la tem¬ pérature extérieure, et il n’est pas étonnant qu’au mo¬ ment où ces plantes sortent de leur sommeil hivernal , par exemple, la cause qui met en mouvement les sucs contenus dans leurs tissus exerce également son in¬ fluence sur des liquides dont les réactions présentent avec celles des sucs végétaux la plus grande analogie. Or, si des ferments actifs se trouvent alors mélangés avec le liquide, des altérations pourront se manifester ; mais, si le liquide est parfaitement clair, il n’y aura *186 SEIZIÈME LEÇON. # rien à craindre, malgré la présence de matières azotées dissoutes, pourvu que, dans ce cas, l’air n’intervienne pas. Pour éviter ces fermentations qui se reproduisent chaque fois que la température s’élève, on a conseillé de conserver le vin dans des caves fraîches à tempéra¬ ture constante. Les éléments du vin peuvent malgré cette précaution réagir l’un sur l’autre ; mais on n’ob¬ serve aucune trace de fermentation avec dégagement d’acide carbonique et formation d’une nouvelle quan¬ tité d’alcool. Pour obvier à tous les inconvénients qui peuvent ré¬ sulter du contact de la lie avec le vin , on procède au soutirage, qui n’est autre chose qu’une véritable décan¬ tation. L’époque à laquelle doit avoir lieu cette opéra¬ tion varie suivant la nature du vin et la manière dont s’est opérée la fermentation. On peut donner comme précepte général, qu’on doit attendre que le vin soit parfaitement clair, et qu’il faut soutirer avant que le retour des premières chaleurs ne ramène dans la Vigne des traces d’une nouvelle végétation. Plusieurs procédés sont employés dans la pratique ; le meilleur nous parait être celui qui fatigue moins le vin et ne l’expose pas au contact de l'air extérieur; il consiste dans l'emploi d'un siphon. Nous ne nous arrêterons pas à un moyen tout à fait inverse de celui qui est généralement employé; dans ce procédé on enlève la lie seulement au moyen d'un siphon allant plonger jusque sur la paroi inférieure du ton¬ neau ; nous croyons que ce moyen a- été peu expéri¬ menté. Il lions parait cependant applicable avec quel- COLLAGE. 487 ques avantages dans le cas où le soutirage doit être immédiatement suivi d’un collage . dont l’influence viendra compléter l’action produite par la première opération ; ensuite le vin sera de nouveau soutiré nar les procédés ordinaires, et on aura ainsi évité les incon¬ vénients d’une double manipulation. Le collage dont nous venons de parler est une opéra¬ tion dont le but est d’achever la clarification du vin, de manière à lui donner toute la limpidité qu’il peut obtenir. Ses effets sont le résultat d’une action mécani¬ que généralement accompagnée d’une réaction chimique entre les éléments du liquide au sein duquel s’opère la première action. La substance la plus employée à cet usage est l’albumine, telle que la fournit le blanc d’œuf, ou cette variété de gélatine que l’on désigne sous le nom de colle de poisson. En expliquant ce qui se passe avec ces matières, on comprendra facilement la théorie de cette opération quelles que soient les sub¬ stances auxquelles ou ait recours , et qui agissent tou¬ jours par les matières albumineuses ou gélatineuses qu'elles renferment. On sait que l'albumine se présente sous deux modifica¬ tions : l une soluble, l’autre insoluble ; que la première peut être transformée dans la seconde par la chaleur et par l’action de quelques réactifs parmi lesquels nous devons citer l’alcool , l'acide tannique. Supposons que la modification insoluble se produise au sein d’un liquide dans lequel l’albumine était dissoute: la matière, en se solidifiant, formera un réseau au milieu de la -488 SEIZIÈME LEÇON. fê dissolution, puis elle se précipitera lentement vers les parties inférieures. Toutes les matières étrangères qui se trouvaient en suspension dans le liquide seront entraînées, elle se déposeront en même temps, et celui- ci présentera u ne limpidité beaucoup plus parfaite que celle qu’aurait pu produire une simple décantation. Le même phénomène sera produit si on mélange à un liquide une dissolution qui puisse se coaguler ou former une combinaison insoluble avec un des éléments de ce liquide, car, dans ce cas, le précipité formé jouera le même rôle que la matière coagulée pourvu qu’il prenne un aspect membraniforme et qu’il se dépose avec lenteur. Ainsi, lorsqu’on ajoute au vin des blancs d’œuf, l’albumine qu’ils contiennent se coagule sous l’influence de l’alcool et du tannin ; si on emploie de la gélatine, celle-ci donne avec le tannin un composé inso¬ luble qui, en se précipitant, produit, de même que l’al¬ bumine coagulée, la clarification du liquide. Toutes les matières employées pour le collage des vins agissent comme les précédentes, et le plus ordinairement ces substances de nature complexe doivent leur efficacité à l’albumine ou à la gélatine. On a conseillé quelquefois un procédé qui diffère à quelques égards de ceux que nous venons de décrire. Il consiste à employer pour le collage de Talumine en gelée ; cette matière , obtenue en précipitant de l’alun par une dissolution de potasse ou de soude, doit être agitée très-fortement avec le liquide; quand ce mélange est complet, on l’abandonne à lui-mème, et l’alumine, en se précipitant, entraine les matières en suspension. SOUFRAGE. 489 Ce moyen peut être essayé toutes les fois qu’on tiendra à ne pas introduire d’élément étranger dans le vin par suite de cette opération. Le traitement des vins relativement au soutirage et au collage doit être très-variable suivant leur nature et leur qualité , et nous ne pouvons entrer à cet égard dans aucun détail, nous nous contenterons d’avoir in¬ diqué le point de départ de ces opérations et d’avoir montré comment on peut se rendre compte de leurs résultats ; nous ajouterons seulement que le vin , après avoir été gardé en tonneau plus ou moins longtemps, subit le plus souvent une dernière opération , c’est la mise en bouteilles , à laquelle on ne doit procéder que lorsqu’il est devenu parfaitement limpide. Ainsi se trouve terminée la série des manipulations que l’on est obligé de pratiquer sur le vin depuis la récolte du raisin. On peut les diviser en trois groupes : au premier se rapportent la vendange et toutes les opé¬ rations qui se pratiquent sur le raisin avant la fermen¬ tation; le deuxième comprend la fermentation elle- même ; enfin , dans le troisième , nous placerons tout ce qui a rapport au traitement du vin après sa fabri¬ cation et son introduction dans les tonneaux. Pour terminer cette étude générale, nous placerons ici quelques détails sur une question très - importante , le soufrage, dont l’examen complétera les indications qui précédent. Nous avons dit que certaines substances jouissaient de la propriété d’arrêter complètement la fermentation 490 SEIZIÈME LEÇON. lorsqu’on les mélangeait avec les liquides susceptibles de fermenter. L’acide sulfureux est dans ce cas , et il suffit de dis¬ soudre dans du moût une certaine quantité de ce gaz, pour l’empêcher de subir les transformations qui carac¬ térisent la fermentation. Les éléments que ce moût ren¬ ferme restent en présence sans se modifier, ils ne perdent pas leurs propriétés, et, dès qu’on enlève l’agent qui pa¬ ralysait leur réaction , celle-ci ne tarde pas à se mani¬ fester. Un grand nombre d’autres substances jouissent de la même propriété, mais elles ne sout pas employées, et nous n’aurons à rous occuper ici que de l’acide sul¬ fureux ou des sulfites. L’opération qui consiste à empêcher dans un moût les phénomènes de la fermentation a reçu le nom de mutisme , et on désigne sous le nom de vin muet un vin doux dans lequel on a enrayé les modifications qui devaient le transformer en vin ordinaire. C'est un ré¬ sultat du même genre que celui qu’on obtient par la destruction du ferment déjà existant et l’élimination de l’oxygène lorsqu’on porte à l’ébullition les liquides fer¬ mentescibles ; l’acide sulfureux, par sa présence, arrête la production des phénomènes qui caractérisent la fer¬ mentation ; de plus, il absorbe l’oxygène, se transforme en acide sulfurique, et empêche par conséquent la pro¬ duction du ferment. On pratique encore le soufrage pour garantir les tonneaux des altérations que pourrait V causer l’oxygène de l’air qu’ils contiennent. La manière d’opérer est des plus simples, elle est fondée sur ce fait bien facile à constater : c'est que l’acide SOUFRAGE. 491 sulfureux gazeux est le produit de la combustion du soufre dans l'air. On prend une bande de toile imprégnée de soufre plus ou moins mélangé de matières aromatiques, on en coupe un fragment qu'on üxe solidement à l'extrémité d'un til de fer, puis on l’allume et on l'introduit dans le tonneau qu'il s’agit de soufrer. Le soufre en brû¬ lant absorbe l'oxygène contenu dans l'air ambiant, et cette combustion remplace cet oxygène par de l'acide sulfureux qui se dissout dans l'humidité que le vase con¬ tient et agit sur les matières qui tapissent les parois. Cette opération préserve les tonneaux des altérations qui peuvent les atteindre lorsqu’ils sont vides et doi¬ vent être conservés longtemps dans cet état. Le soufrage peut être pratiqué non pas dans le but de préserver le tonneau, mais pour garantir le vin qu'il renferme ou pour arrêter dans ce vin le phénomène delà fermentation. Dans ce cas, on mèche le tonneau vide, puis on verse sur la vapeur une certaine quan¬ tité de vin et on agite ; on recommence l'opération du mèchage, et chaque fois on ajoute une nouvelle portion de liquide , en répétant d'autant plus souvent qu'on veut obtenir une action plus prononcée et plus intense. Si le tonneau est à moitié vide et qu’une opération suflise, on fera brûler la mèche dans la partie vide, et on fermera immédiatement, l'acide sulfureux sera peu à peu absorbé et le liquide sera préservé pendant un temps de l’action de l’air. Cette opération du soufrage, quelle que soit la ma¬ nière dont on la pratique, diffère, comme on voit, coin- 492 SEIZIÈME LEÇON. plètement de celle que l’on désigne par le même nom et qui a été conseillée dans ces dernières années contre la maladie de la Vigne. Dans ce cas, on projette à la surface des pallies atteintes du soufre en poudre, et cette matière, soit seulement par son contact, soit à la suite des modifications qu’elle éprouve sous l’influence de l’air et de l’eau , agit avec beaucoup d’efficacité sur le champignon que l’on regarde comme la cause de la maladie. Dans le soufrage des tonneaux et des vins, le soufre agit par la soustraction d’oxygène et par la formation d’acide sulfureux. Ce dernier est un des agents qui peuvent avec le plus d’énergie arrêter les phénomènes de la fermentation. On peut le remplacer par le sulfite de chaux, dont le mode d’action est tout à fait le même. L’emploi de ces matières communique au vin une odeur spéciale, mais qui ne persiste pas, et qui, au contraire, disparait très-facilement. Quand on veut in¬ troduire du vin dans un tonneau mèche précédemment, il suffit de le laver à l’eau avant de le remplir, et le vin n’acquiert aucun goût désagréable. Il en est de même du goût que le vin présente lorsqu’il a été fait avec des raisins qui ont été fortement soufrés; il dispa¬ rait complètement à l’époque du soutirage. DIX-SEPTIÈME LEÇON b — 1 -r juillet 1850 — Modifications apportées à la fabrication du vin dans certaines circonstances particulières. Messi eurs, Les différentes opérations que nous avons passées en revue embrassent d’une manière complète tout ce qui se rapporte à la fabrication du vin, depuis le moment de la vendange jusqu’à celui de la mise en bouteilles. Mais on comprendra sans peine que, si nous avons indi¬ qué le caractère général de cette série de manipula¬ tions, les détails ne sont pas les mêmes dans les diverses localités, et ou trouverait sous ce rapport, dans tous les vignobles , des variations importantes et qui mérite¬ raient une mention spéciale. Notre intention n’est pas d’aborder une discussion détaillée des procédés suivis dans les différents pays , nous sortirions du cadre que nous nous sommes tracé ; cependant, dès que nous examinons d’un peu près ces changements, nous reconnaissons qu’ils sont de deux 28 49 i DIX-SEPTIEME LEÇON. sortes : les uns ne portent que sur des points de détail et sont tout à fait secondaires, ils ne modifient pas d’une manière essentielle l’ordre et le caractère des opéra¬ tions que nous avons énumérées; les autres, au con¬ traire, ont plus d’importance, ils sont faits en vue d’ob¬ tenir des produits ayant des qualités spéciales, et dans ce but le raisin et le moût sont soumis à des traitements particuliers. Plusieurs de ces opérations pourraient entrer avec avantage dans la pratique générale, du moins dans certaines circonstances qu’il sera facile de déterminer. Leur discussion nous permettra donc d’éclairer quel¬ ques poiuts encore obscurs de la fabrication du vin, et elle complétera ce que nous avions à dire sur ce sujet important. Mais nous nous bornerons à les caractériser largement , à en faire sentir le but, les conséquences , sans chercher à les approfondir dans tous leurs détails. Nous suivrons, du reste, dans cette étude l’ordre que nous avons suivi précédemment ; il nous est indiqué par la marche ordinaire et régulière de ces opérations. Les raisins sont ordinairement portés dans les cuves immédiatement après la vendange, et soumis à ce mo¬ ment à un foulage qui, déterminant le mélange des différentes parties et l’absorption de l’oxygène de l’air, facilite et accélère la fermentation. Dans certains cas, on expose les raisins au soleil pendant plusieurs jours, et on ne cherche à y développer la fermentation que lorsqu’ils ont subi par cette exposition uue dessiccation qui réduit quelquefois la vendange au quart de son poids. EXPOSITION DU RAISIN Aü SOLEIL. 495 La durée de cette exposition des raisins en plein air est variable suivant l’état de la saison, de la tempéra¬ ture. Dans les iles de F Archipel quelques jours suffisent; dans nos pays il faut trois semaines et quelquefois da¬ vantage pour atteindre un résultat analogue. Il importe que les raisins soient entiers et le moins altérés possible. Dans quelques localités, au lieu de les récolter et de les transporter sur une surface convenablement disposée, on se contente de les laisser au pied du cep ; quelque¬ fois on tord seulement la queue sans les détacher. Le résultat de cette pratique s'annonce par une dé¬ pression des grains, ceux-ci paraissent ridés; attendris chaque matin par la rosée, se desséchant dans le jour sous Finfluence de la chaleur et du soleil, ils perdent par l’évaporation une portion très-notable de leur partie aqueuse. La proportion des matières solides et par suite du sucre augmente par rapport à celle du moût, celui-ci est plus dense, plus riche en principes sucrés. D’un au¬ tre côté, et dans les premiers jours surtout, la maturité s’achève et se complète ; sous l’influence de la chaleur et du soleil, les principes que le raisin contient se mo¬ difient et se transforment, et ce phénomène contribue encore à l’augmentation de la quantité de sucre. (Vot/. note Q, page' 511.) C’est à ce mode d’opération qu'on doit la préparation de ces moûts si riches en sucre qui dans le Midi et en Orient sont employés pour faire des vins de liqueur. Quant à l’application de ce procédé dans des climats moins favorisés, elle est possible et y a parfaitement réussi, de telle sorte qu’on a pu faire dans le centre delà 4% DIX-SEPTIEME LEÇON. France des vins tout à fait semblables à ceux que l’on obtient dans les pays chauds; seulement il faudra prendre plus de précautions, faire peut-être un triage des raisins destinés à subir cette dessiccation, les surveiller avec soin. On réussira surtout par un automne sec et chaud. Ou obtient un résultat analogue eu retardant l'épo¬ que de la vendange, et nous devons signaler l’influence de cette pratique qui, dans les années où la température de l’automne est favorable, peut être employée sans dan¬ ger et n’entraine aucun frais. On cherche quelquefois à produire cette amélioration du moût par un moyen un peu différent. Le raisin, après avoir été récolté avec le plus grand soin, est porté im¬ médiatement dans la cuve, que l’on remplit avec toutes les précautions possibles et en évitant le tassement. Cette opération terminée, on ;dxnidonne la masse pen¬ dant quelques jours, et après ce temps on foule pour écraser le raisin et provoquer la fermentation. ïl est facile de se rendre compte théoriquement du résultat d’une pareille pratique. Les raisins supposés in¬ tacts ne s’altéreront pas: mais, sous rinfluence de la tem¬ pérature uniforme à laquelle ils vont se trouver exposés pendant trois ou quatre jours, la maturation se com¬ plétera, l’évaporation de l’eau ne sera pas très-considé¬ rable, elle ne pourra avoir lieu qu’à la surface, et, quand on procédera au foulage des raisins, on aura un moût un peu plus dense que celui qu’on aurait obtenu d’a¬ bord. C’est en vue d’arriver à ce résultat que quelques auteurs ont conseillé de retarder le foulage qui doit pré¬ céder la fermentation. * CONSERVATION DU RAISIN. 41)7 Mais nu comprend sans peine combien cette opéra¬ tion peut présenter d’inconvénients et de difficultés. Si la maturité des raisins est avancée et que quelques-uns soient écrasés avant le transport à la cuve, il se mani¬ festera un commencement de fermentation qui, ne se propageant pas d’une manière régulière , pourra se mo¬ difier dans certains points et donner lieu soit à une dé¬ générescence acide, soit à un autre genre d’altération. La réussite de cette pratique repose tout entière sur l’état d’intégrité du raisin, il nous semble donc que les conditions les plus favorables seraient de disposer les raisins dans des tonneaux placés dans la Vigne elle- mèine , puis de ne les transporter à la cuve qu’après le temps nécessaire pour opérer les modifications qu'e l’on veut produire. En admettant qu’il soit nécessaire de les conduire sous des hangars pour les mettre à l’abri, on pourrait toujours les laisser dans les vases qui les au¬ ront reçus immédiatement après la récolte. Cette pratique mérite d’être essayée ; dans les cas où l'on se trouve forcé de procéder à la vendange avant que le raisin n’ait acquis une maturité suffisante, elle pourra augmenter la maturité. En opérant avec précaution et surtout en ayant soin d’éviter tout ce qui pourrait écraser les grumes, on sera certain d’obtenir un meilleur pro¬ duit. Le raisin, pendant le temps de cette conservation, devra être surveillé attentivement, et, s’il survenait quelque altération, on procéderait sans retard à la mise en cuve. Les observations faites par quelques auteurs dans l’emploi de ce procédé vont nous conduire aune reinar- 28* 498 DIX-SEPTTÈME LEÇON. # que importante. M. le comte Odart a constaté que, dans un marc de raisins ainsi conservé, la température s’était élevée d’une manière très-notable, et que bientôt il s’é¬ tait manifesté des traces très-évidentes d’acidification. On peut expliquer très- facilement ce qui s’est passé dans ce cas : une portion du jus s’étant répandue dans la masse sous l’influence de l’air, un commencement de fermentation alcoolique s’est développé, mais l’état de la majeure partie du raisin n'a pas permis à cette fermentation de se propager et de s’étendre : on avait donc dans certaines parties un liquide peu riche en alcool, puisque la fermentation y commençait seule¬ ment, et cet alcool se trouvait en contact avec de l’air et du ferment ou de la matière azotée : dans cette condition , la fermentation acide a succédé promptement à la fermentation alcoolique , quoique celle-ci fut seu¬ lement à son début. C,e même phénomène devra se produire toutes les fois que la fermentation alcoolique ne se développera pas régulièrement , rapidement, de manière à se répandre en peu de temps dans la masse entière et à chasser l'excès d’oxygène. Dès que cette fermentation s'établit franchement, qu’elle a pris le dessus, si on peut em¬ ployer cette expression , le danger est à peu près passé, et les phénomènes qui doivent s’accomplir ne sont plus entraves; mais le commencement de la fermentation constitue le point délicat. Si la température est basse, on doit craindre la fermentation visqueuse; si elle est plus élevée, c’est la fermentation acétique qu’il faut éviter et combattre. MARCHE DE LA FERMENTATION. 499 Plus tard, sur la fin de l’opération, la fermentation acétique pourra reparaître, et elle sera surtout à crain¬ dre pour les moûts faibles et les vins peu riches en alcool ; mais la présence d’une quantité plus grande d’al¬ cool peut l’empéclier pour les bons vins, et les pré¬ cautions que nous avons indiquées à l’occasion du dé¬ cuvage permettent de s’y soustraire , ou du moins de l’empêcher de prendre des proportions dangereuses. On voit donc qu’il importe de surveiller les premiers indices des modifications qui annoncent la fermenta¬ tion, afin de développer celle-ci d’une manière nor¬ male et régulière, et, pour cela, il serait très-important de la déterminer dans toute la masse à la fois. Or , nous trouvons dans l’examen de ce qui se passe dans d’au¬ tres opérations industrielles l’indication de la marche «à suivre pour arriver à ce résultat. Comment s’y prend-on pour développer la fermenta¬ tion dans les liquides qui contiennent du sucre et de la matière azotée ? On mélange les liqueurs fermentesci¬ bles avec une certaine portion de ferment tout fait, ou bien avec le résidu d’une opération précédente. Par ce moyeu on détermine la fermentation partout à la fois , et avec des liqueurs souvent moins riches en sucre que les moûts les plus faibles, on se soustrait à toute chance d’altération, du moins dans ce moment de l’opération. Ainsi la théorie et l’analogie de la fermentation vi¬ neuse avec la préparation des autres liqueurs fermen¬ tées nous conduisent à un procédé à la fois simple et rationnel. Mais nous devons ajouter que la pratique en a sanctionné depuis plusieurs années les bons effets et ROO WX-SEPTIEME LEÇON. n’a signalé dans son emploi aucun inconvénient. Nous pouvons citer M. Thénard, M. deVergnette, M. Pé- tiot , qui l’ont appliqué souvent et toujours avec le même succès. Une expérience facile à faire démontrera d’une ma¬ nière complète l’influence d’une masse en fermentation ou contenant du ferment tout formé sur un autre pro¬ duit qui n’a subi encore aucune altération. Nous suppo¬ sons qu'on opère sur des moûts assez riches en sucre et par une température convenable. Une cuve est par¬ tiellement remplie ; le moût qu’elle contient fermente très- régulièrement depuis quelques heures ; achevons de la remplir avec une nouvelle portion de moût , et , dès que le mélange sera fait, la fermentation pourra devenir tellement active, qu’il sera impossible de la maîtriser et d’empècher la perte d’une partie du pro¬ duit. Nous pouvons citer un cas très-simple et montrant d’une manière très-nette cette influence. Une même vendange devait être répartie entre deux cuves , l’une était vide , l’autre contenait une petite quantité de raisins écrasés qu’on y avait mis la veille par erreur et qu’on était très-disposé à sacrifier. La fermentation commençait à s’y établir, et, à cause de leur faible proportion, ils furent conservés. Après quelques heures, la fermentation marchait très-activement dans cette se¬ conde cuve ; elle était arrivée à son maximum alors qu elle était à peine sensible dans l’autre , et le vin de cette cuvée, que l’on croyait compromise, fut prêt à faire bien avant celui de la première. CONCENTRATION DU MOUT. 501 Ainsi, toutes les fois qu’on pourra craindre que la fer¬ mentation ne s’établisse pas vite et d’une manière fran¬ che, on évitera les inconvénients qui en résulteraient en ajoutant à la masse dti moût en pleine fermentation. Cette addition de moût jointe à une élévation de tempé¬ rature, si la vendange est trop froide, écarteront, comme nous l’avons dit, les dangers dans ce moment si délicat de la fabrication du vin. Nous ajouterons même qu’en aucune circonstance ce procédé ne peut présenter d’in¬ convénients, et souvent il en évitera de très-graves qu’il n’est pas toujours possible de prévoir. La seule précau¬ tion à prendre, c’est de ne pas provoquer une fermen¬ tation trop tumultueuse qui amènerait une perte de matière ; mais, en se réglant sur la température, la ri¬ chesse du moût, l’état de la vendange, on fixera faci¬ lement la quantité de moût en fermentation qu’il con¬ vient d’ajouter dans chaque cas particulier. L’exposition des raisins au soleil, leur conservation dans la Vigne ou dans la cuve, peuvent, comme nous l’avons vu, augmenter la maturité , et accroître par suite la densité du moût et la richesse en sucre. A côté de ces procédés vient se placer celui qui permet d’at¬ teindre ce même résultat par l’évaporation et la con¬ centration d’une partie du moût. Nous avons déjà si¬ gnalé cette opération comme très-utile pour réchauffer une vendange dont la température serait trop basse. Mais on comprend que si on produit pendant quelque temps l’évaporation du liquide, si on opère sur une quantité de moût très-notable, on aura une autre con¬ séquence : le moût deviendra moins aqueux , et par 502 DIX-SEPTIÈME LEÇON. suite sous un volume donné il contiendra plus de sucre. On obtiendrait un effet analogue en produisant la des¬ siccation des raisins par leur exposition dans un four pendant quelques heures. Cette opération, simple et pra¬ ticable quel que soit le temps, donne de bous résultats; outre l’augmentation dans la richesse alcoolique du moût, les vins communs acquièrent une délicatesse et une odeur agréable qu'ils n’auraient pas sans son em¬ ploi. Il faut que les raisins soient chauffés très-faible¬ ment ; on laisse seulement la pellicule se rider, se dé¬ primer comme dans le cas d'une exposition à l’air. Quand on opère avec soin, on peut obtenir des résul¬ tats tout aussi avantageux que ceux fournis par ce der¬ nier procédé. Les observations que nous venons de faire se rappor¬ tent aux manipulations pratiquées sur le raisin ou sur le moût avant la fermentation ; toutes ces opérations ont pour résultat d’augmenter la densité du moût, et par suite la proportion de sucre qu’il contient. Les pro¬ cédés employés sont, comme nous l’avons vu, très-diffé¬ rents, et on choisira dans chaque cas particulier ceux dont l’exécution sera possible, ou dont les effets seront mieux appropriés au but que l’on se propose d’atteindre. Nous n’avons rien de particulier à ajouter sur la fer¬ mentation proprement dite et les modifications qu’on peut introduire dans la marche de cette opération. Si la densité du moût est trop considérable , soit naturelle¬ ment soit par suite des conditions particulières que nous venons de passer en revue, la transformation des ma- VINS MOUSSEUX. 503 tières sucrées sous l’influence du ferment sera très-impar¬ faite , c’est-à-dire qu’elle n'atteindra pas ces substances d’une manière complète 11 restera dans le liquide une proportion de sucre très-notable et le vin conservera cette saveur sucrée qui caractérise les vins de liqueur. On peut encore obtenir un autre résultat relative¬ ment à la fermentation, et nous devons l’indiquer, quoi¬ que nous n’ayons pas l’intention d’étudier les vins spé¬ ciaux dont la fabrication repose sur l’application de ce principe. Supposons un moût liquide séparé du marc avant la fermentation ; celle-ci commencera bientôt à se manifester, et la période de la fermentation tumul¬ tueuse s’accomplira comme à l’ordinaire. Quand elle sera terminée, séparons avec soin le ferment qui se pré¬ cipite au sein de la masse et celui qui vient surnager sous forme d'écume , puis introduisons le vin dans les tonneaux après cette décantation. Lorsque ce liquide aura été éclairci par le soutirage et par le collage, mettons-le dans des bouteilles fermées avec soin et abaikloimons-le à lui-mème : nous aurons au bout d’un certain temps un vin mousseux , et il nous sera très-facile de comprendre la cause de cette pro¬ priété. Nous avons reconnu qu’après la fermentation tumul¬ tueuse, il restait encore une proportion très-notable d’é¬ léments non décomposés ; or, dans l’hypothèse que nous venons de faire, on a enrayé autant que possible la fer¬ mentation lente que leur présence détermine. Elle se manifeste plus tard dans les bouteilles, et l’acide carbo¬ nique produit par la décomposition du sucre ne pou- 504 DIX-SEPTIEME LEÇON. vant s’échapper, se dissout dans le liquide sous l’in¬ fluence de la pression, et détermine par son dégagement le caractère distinctif de ces vins. Pour produire cet effet d’une manière certaine , on ajoute quelquefois une petite quantité de moût non en¬ core fermenté à celui dont la fermentation s’achève, et dès lors on est sur qu’il restera dans le liquide une pro¬ portion de sucre suffisante. Dans d’autres circonstances on filtre le vin pour l’éclaircir avant que la fermenta¬ tion tumultueuse ne soit achevée, et on l’introduit im¬ médiatement dans les bouteilles. Nous devons nous contenter d’indiquer le principe de la fabrication de ces vins spéciaux , et la modification qu’on imprime à la marche de la fermentation pour les obtenir; nous nous sommes borné du reste, comme dans tout ce qui précède, à opérer sur le jus du raisin sans intervention de matières étrangères. Les cuves sont ordinairement placées dans une grande pièce où la température est la même qu’à l'extérieur. On a conseillé d’appliquer à la vinification un procédé très-employé en Bavière pour la fabrication de la bière, et qui consiste à faire fermenter les liqueurs sucrées dans de vastes baquets placés daus des caves , c’est-à- dire exposés à une température basse et constante. Par ce moyen on prévient l’acescence pendant la fermenta¬ tion, on empêche les altérations que les liquides al¬ cooliques peuvent éprouver plus tard, en provoquant en plus forte proportion la modification et la séparation du ferment. Ce procédé, qui parait avoir donné en Allemagne de AMÉLIORATION DES VINS. 505 bous résultats, n*a jamais reçu d’application dans nos pays pour la fabrication du vin. Une température éle¬ vée est au contraire recherchée pendant la vinification , malgré les inconvénients qui peuvent en résulter et les difficultés que présente la conduite des cuves. On pense généralement que cette disposition favorise les réactions qui doivent se produire dans nos vins, et leur permet d’acquérir les caractères particuliers qui les distinguent et les font rechercher. L’élévation de la température extérieure, surtout quand on la considère au moment de la vendange, a une grande influence sur la durée de la fermentation ; celle-ci est d’autant plus courte que la température est plus élevée. On conseille de maintenir lescuveriesà une température d’environ 2-4° ; par ce moyen on obtient une fermentation prompte, rapide , qui diminue singu¬ lièrement les chances d’accidents. L’établissement d'un moyen de chauffage dans les lieux où sont placées les cuves, permet de régler la marche de la fermentation et d’en diriger à son gré les différentes parties. Lorsque le vin est fait et qu’il est de qualité supé¬ rieure , c’est au temps que l’on demande ordinairement le développement lent et graduel de ses propriétés. Sous ce rapport les vins des différents pays présentent de grandes différences, qui doivent provenir surtout de leur composition et des rapports entre les éléments qui les constituent. Pendant ces changements on constate deux ordres de phénomènes : production de ces com¬ posés volatils , odorants dont nous avons déjà parlé à 29 500 DIX-SEPTIÈME LEÇON. propos de la fermentation et dont quelques-uns dévelop¬ pent cette odeur spéciale que Ton désigne sous le nom de bouquet du vin ; d’un autre côté, formation d’un dépôt renfermant des sels et surtout du bitartrate de potasse, de la matière colorante et un peu de matière azotée. Par suite de ce dépôt, le vin se dépouille, perd son en¬ veloppe et acquière une saveur spéciale et en même temps une délicatesse qu’il ne possédait pas dans les pre¬ mières années. Ces modifications lentes, qui s’accomplissent naturel¬ lement au sein du vin, exigent, comme nous l’avons dit, un temps assez long. D’un autre côté, les vignobles les plus renommés, les vins de toutes les années ne sont pas susceptibles d’atteindre au même degré de perfection, et on comprend que, s’ils ne remplissent pas toutes les conditions nécessaires , ils n’arriveront pas à présenter des qualités que le temps n’amène pas seul. De plus, il y a toujours et partout des vins médiocres , et ce sont ceux-là qui dominent. On a donc cherché s’il n’était pas possible de provoquer dans ces vins, d’une manière prompte , rapide , des transformations analogues à celles que nous venons de signaler , et dont le résultat serait l’amélioration et le perfectionnement du produit. L’action que le froid exerce sur les vins permet d’ar¬ river à ce but , sans qu’on soit obligé de recourir à l’in¬ troduction d’une substance étrangère. Lorsqu’on ex¬ pose du vin à une température très-basse , on le voit se troubler même avant qu’il ait atteint la température de zéro. Le précipité qui se forme augmente si on con¬ tinue l’abaissement de température, et quand on atteint CONGÉLATION DES VINS. 507 6 degrés au-dessous de zéro, on reconnaît qu’il s’est formé à la partie interne des tonneaux une légère cris¬ tallisation en feuilles minces; celles-ci s’étendent de plus en plus, se croisent dans le liquide et finissent par traverser la masse tout entière si le froid est assez intense et suffisamment prolongé. Quand ce résultat est obtenu, on procède au souti¬ rage de la partie liquide avant que la température ne s’élève, et le vin obtenu est conservé pendant quelques jours à une température très-voisine de zéro. 11 se forme un dépôt abondant, épais, très-coloré, et le liquide ne tarde pas à s’éclaircir ; après un mois on procède à un nouveau soutirage , et le vin peut alors être remis dans les caves. On comprend, d’après ce qui précède, qu’un effet dou¬ ble sera le résultat de cette opération : il s’est séparé du vin une partie solide renfermant du bitartrate de potasse, des matières colorantes et des matières azotées ; d’un au¬ tre côté, on a également enlevé la partie qui s’était con¬ gelée, et qui est formée d’eau ne contenant qu’une très- faible proportion d’alcool. Ainsi, dépouillement du vin, précipité d’une portion des éléments solides, augmenta¬ tion de sa richesse alcoolique , tels sont les résultats de son exposition à une température basse. Le vin aura acquis plus de force, plus de nerf; sa couleur sera plus agréable, la précipitation du ferment l’aura rendu susceptible d’une longue conservation, et, s’il a contracté un petit goût de raisin cuit, cette sa¬ veur particulière plait généralement et ne lui enlève rien de ses qualités. 508 DIX-SEPTIÈME LEÇON. Dans les pays où le froid est assez intense , il suffît d’exposer pendant quelque temps les tonneaux au con¬ tact de l’air; mais, si la température n’est pas assez basse, on peut y suppléer par l’emploi d’un mélange de sel et de neige. ( Voy . note R, page ôiS,) Lorsque le vin, au lieu d’ètre soumis au froid, est porté à une température élevée, on constate qu’il s’est pro¬ duit un changement très-notable dans sa constitution et dans ses propriétés. Cette opération peut être prati¬ quée soit sur des tonneaux, soit sur des vins en bou¬ teilles que l’on expose dans des bains-marie à une tem¬ pérature de 50* à 75°. Le voyage des vins , leur transport dans des contrées lointaines , les variations nombreuses et fréquemment répétées de température produisent des effets tout à fait semblables. (Voy. note S, page 517 .) Les modifications que le vin peut éprouver sont accélérées , précipitées ; elles se produisent pour ainsi dire sous forme de crises, dont les résultats se rapprochent beaucoup de ceux que le temps aurait pu amener , mais d’une manière plus lente. Si le vin a bien supporté ces épreuves, on doit le considérer comme préservé de toute décomposition pour l’avenir. S’il n’y résiste pas , on peut être sûr qu’il est d’une composition anormale et qu’il ne se conservera pas sans altération. Il ne faudrait pas conclure de ce qui précède que deux vins dont l’un aura subi graduellement les trans¬ formations dont il est susceptible, tandis que l’autre aura été modifié brusquement, pourront devenir com¬ plètement identiques. Ces deux vins seront peut-être INFLUENCE DES YOYAGES. 509 également dépouillés, ils auront perdu par voie d’éli¬ mination ou de dépôt une partie de leurs éléments ; mais les réactions lentes qui se manifestent entre quelques- uns de ces éléments n’auront pas pu se produire égale¬ ment dans des vins conservés depuis longtemps et dans des vins jeunes chez lesquels on aura provoqué forcé¬ ment des améliorations, incontestables à la vérité, mais dont le caractère les distinguera toujours des pré¬ cédents . En résumant les différents points que nous venons d’examiner , nous voyons que le traitement des raisins avant la fermentation , la fermentation elle-même , la conduite du vin produit par cette opération , peuvent être soumis dans certains cas à des conditions spéciales qui amèneront, si elles sont bien déterminées , des ré¬ sultats avantageux dont on pourra tirer parti dans un grand nombre de circonstances. Nous avons voulu, dans cet examen rapide, nous oc¬ cuper seulement des procédés qui permettent de modi¬ fier et d’améliorer le produit de la Vigne, sans em¬ ployer aucun élément étranger et sans faire appel à aucune manœuvre capable de porter ombrage à la conscience la plus délicate et au goût le plus exercé . Les moyens qui sont à notre disposition sont nom¬ breux; appliqués avec discernement, ils ne peuvent être que très-avantageux , et tout nous porte à espérer que, lorsqu’ils auront été plus approfondis et mieux dis¬ cutés , ils pourront être mis à la portée des besoins si variés de nos différents vignobles , et serviront très-ef¬ ficacement à améliorer les vins et à nous rendre de 510 DIX- SEPTIÈME LEÇON. plus en plus maîtres du développement de ces qualités qui leur assurent un prix élevé et un long avenir. La première chose à faire lorsqu’on veut faire l’é¬ tude spéciale d’un vin et des procédés employés pour l’obtenir, c’est de bien déterminer la nature des phé¬ nomènes qui se produisent pendant sa fabrication et l’origine des caractères qui le distinguent. Si ce point important a été bien constaté, il sera facile d’en con¬ clure dans quel sens les procédés employés devront être modifiés pour conduire à une véritable améliora¬ tion ; car une condition qui dans certains cas serait avantageuse , pourrait au contraire amener des résul¬ tats fâcheux dans d’autres circonstances. Ainsi donc, la connaissance approfondie des quali¬ tés du vin et de l’influence que peuvent exercer sur elles les procédés mis en usage dans les différents vignobles, doit servir de guide pour le choix des modifications que l'on peut chercher à introduire dans leur fabrica¬ tion. NOTES DE LA DIX-SEPTIÈME LEÇON Effets produits sur les raisins par leur exposition au soleil ou leur conservation sur le cep. Nous avons réuni dans cette note quelques résultats nu¬ mériques qui montrent l’influence exercée sur la composi¬ tion du moût par l’exposition des raisins au soleil et le retard de la vendange. De Gouvenain a récolté des raisins blancs dans une même Vigne le 10, le 16 et le 21 octobre; il a pesé le moût donné par ces différents raisins et a examiné le vin produit par chacune des espèces de moût. Le tableau suivant con¬ tient les résultats auxquels il est arrivé : DATES de la RBCOI.TE. DENSITÉS DU MOUT à 12 5. RÉSIDU sur 100 p. DENSITÉS DU VIN produit. QUANTITÉS d’eau-de-vie fournies par 100 p. DB VIS. 10 octobre. . . 1070.0 18. î 0.9967 19.0 16 id. . . . 1081.0 21.4 0.9952 21.4 31 id. • • 1083.5 21.6 0.9947 21.8 On voit que la densité du moût a augmenté ainsi que la proportion d’extrait sec qu’il pouvait fournir : la richesse 512 NOTES DE LA DIX-SEPTIÈME LEÇON. alcoolique du vin obtenu a été d’autant plus grande que le moût était plus dense, la quantité d’acide avait diminué en même temps qu’augmentait la proportion de sucre. De Gouvcnain a estimé la teneur en alcool parla quantité d’eau- de-vie ayant une densité égale à 0,935. En 1818, M. de Vergnette a fait la récolte d’une même Vigne en deux fois, les raisins récoltés le 6 octobre ont donné un vin contenant 1 1.30 pour cent d'alcool; ceux qui n’ont été cueillis que le 20 ont produit un vin dont la ri¬ chesse alcoolique était plus grande, il renfermait 11.94 d’alcool. Ces expériences ont été faites sur des raisins blancs. Dans cette même année, M. de Vergnette. a fait à Meur- sault sur des Pinots une autre expérience. Des raisins ont été après la vendange exposés à l’air et au soleil pendant un mois. L’automne sec et chaud était éminemment favorable pour ces essais. Le moût des raisins frais avait laissé un ré¬ sidu de 21.53 pour 100; les raisins exposés au soleil pen¬ dant un mois ont donné 36.54 de résidu pour le même poids. La proportion d’acide libre avait diminué d’une ma¬ nière très-notable, elle était réduite aux 4/5 de la quantité primitive. D’autres raisins exposés à l’air dans les mêmes conditions et pendant le même temps, ont laissé également un résidu de 34.54 sur 100 parties. Le tableau que nous avons donné page 448 donne les degrés du moût fourni par les principaux cépages de l’An¬ dalousie. Pour l’année où ces observations ont été faites, le degré le plus élevé est 15, et encore n’a-t-il été observé que rarement. Or nous trouvons dans le même ouvrage de D. Simon que des Tintilla ont donné après un jour d’exposition au soleil un moût pesant 16°25; des Pedro-Ximénès ont égale- CONGELATION DES VINS. 513 ment produit un moût à 16°, après quatre jours. Un moût de Listan commun, qui pesait le jour de la vendange 1 1°, a pu être porté à 15° par trois jours d’exposition des raisins au soleil. Procédés à suivre pour la congélation des vins. Lorsqu’on voudra soumettre les vins à l’action du froid, il suffira de les exposer à l’air pendant un temps convena¬ ble si l’on se trouve dans un pays où il y ait pendant Khi- ver des froids assez rigoureux. Dans le cas contraire on de¬ vra recourir à l’emploi des mélanges réfrigérants formés par du sel et de la neige ou de la glace pilée. Nous rappor¬ terons à ce sujet quelques-unes des observations faites par M. de Vergnette, à qui nous devons une étude complète des modifications produites sur nos vins par la congéla¬ tion. Les effets obtenus sont d’autant plus intenses et plus prompts, que les fûts qui renferment le vin sont plus petits. Ainsi, en février 1845 (19, 20, 21), du vin qui en tonneaux n’avait éprouvé qu’un déchet de 7 pour 100, était arrivé dans les mêmes conditions, mais dans un quarteau, à une congélation de plus de 20 pour 100. Dans un quarteau de 57 litres, on obtient un résultat plus complet que dans une feuillette de 114 litres, et dans celle- ci l’action est plus grande que dans les tonneaux de 228 litres. Si l’on opère sur des vins nouveaux, il est convenable de 23* 51 4 NOTES DE LA DIX-SEPTÏÈME LEÇON. les séparer de leur grosse lie; un soutirage préalable n’est pas nécesssaire pour les vins vieux. Le tableau suivant comprend les résultats obtenus dans des expériences faites de 1837 à 1844. Il est facile de constater que l’augmentation dans la ri¬ chesse alcoolique du vin ne correspond pas au déchet pro¬ duit par la congélation. On trouve l’explication de ce fait en examinant le liquide provenant de la fusion de la glace qui s’est formée; ce liquide donne à la distillation une petite quantité d’alcool qui compense exactement la différence ob¬ servée. Si la température n’est pas assez basse pour qu’on puisse obtenir ce résultat, il faut recourir à des mélanges de neige et de sel, faits dans la proportion de deux parties de neige pour une partie de sel. L’opération n’est pas aussi compli¬ quée qu’elle le paraît au premier abord, si l’on a tout disposé d’avance pour la préparer et si le temps est favorable. L’appareil employé par M. de Vergnette est un vase cy¬ lindrique en fer-blanc; sa hauteur est de 90 centimètres, le diamètre de la base est égal à 42 centimètres. Le cylindre se termine à la partie inférieure par une calotte sphérique; CONGELATION DES VINS. 51 5 il est fermé à l’autre extrémité par un couvercle que l’on peut enlever ou remettre à volonté. La contenance d’un pa¬ reil vase est de 1 hectol. 14 1. On le fait entrer dans un ton¬ neau placé debout et défoncé par le haut. Lorsque le cylindre en fer-blanc est rempli par le vin qu’on veut congeler, on met dans l’intervalle qui le sépare du tonneau le mélange de neige et de sel, puis on entoure le tonneau d’un linge mouillé. Au bout d’une heure on agite le vin avec une spatule pour détacher les lames de glace qui se sont formées au fond et près des bords. Puis environ une demi-heure après, l’opéra¬ tion est terminée et on décante avec un siphon la portion restée liquide. Le vin doit être passé par un tamis de crin destiné à arrêter les lamelles de glace. On enlève ensuite la glace qui reste dans le cylindre de fer-blanc et on peut procédera la congélation d’une nou¬ velle quantité de liquide. Avec deux appareils de ce genre, deux hommes peu vent dans une journée congeler huit pièces de vin ; la consommation du sel ne dépasse guère 8 à 10 kilogrammes par hectolitre. Lorsqu’on devra opérer sur de grandes masses, on ré¬ duira considérablement la dépense en employant plusieurs appareils et en les disposant de manière à mettre complè¬ tement à profit l’action réfrigérante du mélange. Ainsi, on pourra les réunir dans une même cuve; de plus, avant d’ajouter un nouveau mélange, on enlèvera la par¬ tie liquide qui, se trouvant très-froide, servira pour refroi¬ dir déjà une autre portion de vin, et permettra ainsi d’ac¬ célérer l’opération. On peut encore l’avancer en exposant les tonneaux à l’air pendant quelques nuits, afin que la tempé¬ rature du vin s’abaisse le plus possible. Il est bien entendu que l’on doit choisir pour ces manipulations les jours les plus froids de l’hiver. 516 NOTES DE LA DIX-SEPTIÈME LEÇON. # M. de Vergnette pense que le surcroît de valeur des vins gelés dépasse la perte résultant du déchet et les frais de l’o¬ pération, pourvu que celle-ci soit pratiquée d’une manière convenable. Nous transcrivons les conseils que donne ce sa¬ vant œnologiste au sujet des circonstances dans lesquelles il est avantageux de recourir à ce procédé dans nos pays : « Je conseillerai son emploi aux propriétaires de ces lo¬ calités dont, à tort ou à raison, les vins sont tombés en dis¬ crédit dans ces dernières années. La congélation des vins mettra à la dispositon des acheteurs des vins doués d’une grande solidité et d’une longue durée, et qui devront à ce caractère spécial d’être à l’avenir recherchés par le com¬ merce. « Pour des vins déjà riches à 12.50 pour 100 d’alcool, la seule exposition au froid suffira pour les améliorer, sans qu’on soit obligé d’aller jusqu’à la congélation; pour des vins fins et légers, mais faibles , on devra congeler le vin jusqu’à ce qu’on ait subi un déchet de 10 pour 100. « Il y a, pour les vins mélangés que l’on expose au froid, une moindre congélation que dans les vins naturels d’une égale richesse alcoolique; mais cette opération leur enlève le goût de mélange qu’ils conservent quelquefois longtemps, et ils sont en outre moins sujets aux fermentations secon¬ daires, si fréquentes dans ces sortes de vins. « Enfin, il est une classe de vins que l’on ne doit pas soumettre à la congélation : ce sont les vins qui présentent un goût de méfranchise. La concentration par le froid ne fait qu’augmenter ce défaut. » INFLUENCB DES VOYAGES. 547 S Influence des voyages sur les vins. M. de Vergnette a fait l’analyse de deux vins de Pom¬ mard, récolte de 1842; le n° 1 avait été envoyé à Calcutta en 1847, le n° 2 n’avait pas voyagé. Voici les résultats de son analyse : NATURE des matières DOSBBS. R” 1. POMMARD 1842 revenant de Calcutta. 2. 1 POMMARD 1842. Eau et alcool . 97.71 97.43 Résidu organique . 2.21 2.14 Résidu inorganique . 0.08 0. 1 3 Richesse alcoolique . 12.46 12.50 Quantité de potasse nécessaire pour saturer 100 grammes de vin. . . . 0.47 0.51 Quantité de solution chlorurée néces¬ saire pour détruire dans 100 gram¬ mes la matière colorante bleue. . . 0.10 0.26 Dans le vin n° 1 surnageait un dépôt brun non adhérent au verre; dans le vin n° 2 se trouvait un dépôt adhérent à la bouteille. Les deux vins ont été décantés avec soin. L’analyse montre que le voyage a enlevé au vin une partie de ses principes constituants ; la perte porte surtout sur les sels et les parties organiques. A la dégustation, le vin qui a fait deux fois le trajet de Calcutta conserve de la finesse, un bouquet particulier; on lui trouve un goût de cuit, il est plus sec, plus avancé, il présente tous les caractères d’un vin très-vieux. 518 NOTES DE LA DIX-SEPTIÈME LEÇON. Les vins éprouvent des modifications tout à fait identi¬ ques aux précédentes lorsqu’on les soumet dans un bain- marie à une température de 50 à 75°. Aussi M. de Vergnette conseille-t-il de faire cette épreuve pour s’assurer si des vins peuvent résister à un long voyage. Lorsqu’on doit craindre pour des vins les conséquences d’une exportation lointaine, le meilleur moyen de les met¬ tre en état de la supporter, c’est de les améliorer d’abord par la congélation. Après cette première opération ils seront en état de résister aux altérations que le voyage pourrait amener. Ainsi, on peut par ce moyen préparer les grands vins de Bourgogne pour l’exportation sans les altérer par l’introduction d’aucune matière étrangère. En terminant ces indications sommaires sur un moyen d’amélioration des plus importants, nous appellerons l’atten¬ tion sur l’analogie des phénomènes qui se produisent au sein des vins traités par les différents procédés que nous avons indiqués. 11 nous est facile de traduire ces phéno¬ mènes d’une manière générale; mais nous ne savons rien de bien précis sur les réactions intimes qui s’exercent pen¬ dant leur production entre les éléments du vin. Nous pou¬ vons cependant remarquer que, sous l’influence de la con¬ gélation, des longs voyages, d’une température de 50 à 75°, se développe constamment cette saveur particulière que l’on désigne sous le nom de cuit et que le vin ne prend pas or¬ dinairement avec le temps, à moins qu’il n’ait été préparé avec des moûts concentrés artificiellement; dans ce cas, il la possédait dès l’origine. 11 semble donc que, toutes les fois que nous modifions rapidement soit le moût, soit le vin qui on résulte, il se produit une réaction spéciale toujours iden¬ tique et qui ne prend pas naissance lorsque le jus du raisin est complètement abandonné à lui-même. DIX-HUITIEME LEÇON — 8 juillet 1856 — Analyse et composition dn vin. Messieurs, Nous avons énuméré avec détails les différentes sub¬ stances qui se rencontrent dans le moût de raisin arrivé à sa maturité, toutes doivent se retrouver dans le vin après sa fabrication, seulement leur proportion ne sera plus la même , soit qu’il y ait eu pour quelques- unes départ ou précipitation d’une partie, soit que d’au¬ tres aient éprouvé des transformations qui en ont fait disparaître une certaine quantité. Mais ces modifications ne sont jamais complètes, et il reste toujours une pro¬ portion quelquefois très-faible des matières qui ont été altérées le plus profondément. A ces substances il faut en ajouter une qui n’existe jamais dans le moût, et qui se produit pendant la fermentation seulement : c’est l’alcool, à la présence duquel le vin doit la plupart de ses propriétés caractéristiques. De plus, nous devons 520 DIX-HUITIÈME LEÇON . rattacher à la formation de cette substance celle de tous les corps qui en dérivent ou lui ressemblent et qui prennent naissance soit pendant l'acte de la fermenta¬ tion, soit après cette opération. La proportion de ces éléments si divers doit néces¬ sairement être très-variable dans les differents vins, elle doit également varier d'une manière très-notable pour un même vin lorsqu’on l'examine à des époques inéga¬ lement éloignées du moment de sa fabrication. Il ne nous est donc guère possible d’assigner une composition moyenne, qui puisse être considérée comme représen¬ tant celle d'un vin normal. Nous avons seulement à rechercher quels sont les moyens que l'on peut em¬ ployer pour arriver à doser dans un vin donné les prin¬ cipales substances qu'il renferme, et nous aurons à voir ensuite entre quelles limites varient les proportions de ces substances dans les variétés de vins les plus impor¬ tantes et les plus connues. D’après ce que nous venons de rappeler, et en nous reportant à ce que nous avons vu précédemment, les matières que nous devons trouver dans les vins peuvent être divisées en cinq groupes : 1 0 Principes volatils , eau , alcool , acide acétique, matières odorantes de nature diverse. 2° Des matières organiques non azotées , sucre , tannin, matière colorante, acides libres, etc. 3° Des matières organiques azotées. Des sels à acides organiques. 5° Des sels minéraux. 11 nous faudrait ajouter, pour rendre cette énuméra- DOSAGE DE L? ALCOOL. 521 tion complète, un élément gazeux, l’acide carbonique, que Ton retrouve dissous dans tous les liquides dont la préparation a pour base la fermentation alcooli- % que. Parmi ces différents corps les uns peuvent être dosés très-facilement ; pour d’autres, la détermination exacte n’est guère possible. Nous indiquerons alors les mé¬ thodes approchées, qui peuvent être employées pour ar¬ river à ce résultat. Nous passerons en revue ces diffé¬ rentes opérations que peut nécessiter une analyse com¬ plète, dans l’ordre où elles devront être effectuées , et en examinant pour chacune des substances à doser les procédés les plus simples qui peuvent conduire à ce résultat . La première chose à faire lorsque l’on veut examiner un vin, c’est de déterminer sa densité. Tl suffit, pour cela, de peser un flacon vide, puis plein d’eau et ensuite plein de vin ; on a, par ce moyen, le poids d’un certain volume de vin et le poids d’un égal volume d’eau : en divisant le premier par le second on a la densité du vin. ( Voy . note P , page 460). Lorsqu’on a un liquide ne renfermant que de l’eau et de l’alcool, la connaissance de sa densité permet d’en déduire exactement les proportions de ces deux sub¬ stances existant dans le mélange. Il suffit, pour cela, de rapprocher le nombre obtenu des résultats fournis di¬ rectement par l’observation des densités de mélanges artificiels faits en proportions connues d’eau et d’al¬ cool. 522 DIX-HUITIÈME LEÇON. Mais si le liquide alcoolique à essayer contient, outre l’eau et l’alcool, d’autres substances de nature et de pro¬ portion variables, on ne pourra plus, en partant de la densité de ce liquide, déterminer la quantité d’alcool qu’il contient. Dans ce cas, toutes les fois qu’il sera possible d’isoler l’alcool par la distillation de manière à n’entraîner avec lui que de l’eau, l’emploi des alcoomètres suffira pour donner la proportion d’alcool. Supposons en effet, dans le cas du vin, que l’on prenne un litre de ce liquide, qu’on le fasse bouillir dans un appareil convenable et que l’on condense les produits de la distillation tant qu’ils renferment de l’alcool ; on obtiendra un liquide dans lequel se trouvera tout l’alcool du vin, mélangé à une certaine quantité d’eau. Il suffira de déterminer par conséquent la proportion d’alcool existant dans ce liquide pour avoir celle contenue dans un litre du vin essayé. Pour faire cette détermination, le moyen le plus simple consiste à ajouter au liquide obtenu une quan¬ tité d’eau suffisante pour le ramener au volume d’un litre, la richesse alcoolique de ce mélange d’eau et d’al¬ cool sera exactement égale à celle du vin essayé, et par suite l’emploi de l’alcoomètre donnera immédiatement la quantité d’alcool contenue dans ce vin. La densité des liquides variant avec la température, il faudra tenir compte dans cette expérience de la tem¬ pérature à laquelle on opère. Le procédé pratique dont nous venons d’indiquer les bases se résume ainsi : Pour déterminer la richesse al¬ coolique du vin, il faut en prendre un volume connu. DOSAGE DE L'EAU. 523 le distiller dans un alambic jusqu’à ce qu'on ait recueilli le tiers ou la moitié du volume de liquide employé ; puis ajouter de l’eau au produit de la distillation, de manière à reproduire le volume primitif ; enfin, mesurer avec l'alcoomètre la densité de ce mélange, en ayant soin d'observer la température, ou de le ramener , si on veut éviter la correction, à la température de 15°. (Voy, note P, page 47 2.) Les matières volatiles autres que l'eau et l'alcool, et qui sont contenues dans le vin, passeront en grande par¬ tie à la distillation ; ce sont elles qui forment le point de • départ des propriétés caractéristiques des différentes eaux-de-vie préparées avec les liqueurs fermentées. Mais leur proportion est trop faible pour que nous de¬ vions en tenir compte, et pour qu'elles puissent modi¬ fier sensiblement les résultats que nous obtenons en considérant le produit de cette distillation comme ne renfermant que de l’eau et de l’alcool. La détermination, de l’eau contenue dans le vin se fait par une opération simple, mais dont l'exécution n’est pas sans difficultés. Il suffit de prendre un poids connu de liquide , de l’évaporer lentement de manière à l’amener à consistance d'extrait , et de peser le rési¬ du. La différence donnera l'eau et l’alcool ; comme on connaît la quantité de ce dernier, on en conclura la proportion d’eau ; on aura en même temps la quantité d’extrait , que l’on désigne quelquefois sous le nom de résidu sec malgré son aspect. Le moyen le plus simple pour avoir un poids exact du liquide consiste à le peser directement ; mais, si on 524 DIX-HUITIÈME LEÇON . connaît sa densité , il suffira d’en mesurer un certain volume ; son poids s’en déduira facilement. Pour que les résultats fournis par l’évaluation de la proportion d’eau soient comparables , il importe qu’on opère d’une manière unifoime et qu’on se place tou¬ jours dans les mêmes conditions ; sans cela on s'expose¬ rait à prendre pour des différences réelles celles qui tiendraient seulement à la différence des procédés em¬ ployés. Ainsi, nous conseillerons d’opérer pour cette dé¬ termination sur une petite quantité de liquide, de faire évaporer très-lentement et d’abord à une température basse, puis de porter la matière peu à peu à la tempéra¬ ture de 400° sans la dépasser, et de l’y maintenir jus¬ qu’à ce qu elle ne perde plus de son poids. Le résidu représentera exactement la somme des substances non volatiles à cette température, et la perte de poids nous donnera par conséquent la somme de l’eau et de l’al¬ cool. 11 importe surtout que cette opération se fasse sans que la matière soit décomposée, car on obtiendrait alors des résultats inexacts. Lorsqu’on aura préparé et pesé le résidu laissé par Je vin après son évaporation, il faudra procéder à l’ana¬ lyse élémentaire de ce résidu pour déterminer la quan¬ tité d’azote qu’il contient. Cette opération est le seul moyen qui puisse permettre d’évaluer assez exactement la matière azotée. Celle-ci étant une substance albuminoïde, contient environ 45 pour 400 de son poids d’azote; par consé¬ quent, le nombre trouvé pour ce dernier élément don¬ nera exactement la quantité de matière azotée contenue DOSAGE DU SUCRE. 525 dans le vin. L'analyse complète du résidu , c’est-à-dire le dosage du charbon et de l’hydrogène, pourrait peut- être conduire à des résultats intéressants au point de vue de la comparaison des différents vins ou d’un même vin à différentes époques ; des recherches dans ce sens n’ont pas encore été tentées . Les opérations que nous venons d’indiquer permet¬ tent de séparer du vin les parties volatiles, de doser l’eau et l’alcool, de déterminer le poids des matières solides par l’analyse de ce résidu, de connaître la quantité de matières azotées. Nous devons y ajouter comme étude générale la détermination des éléments minéraux; il suffira, pour avoir leur proportion, d’in¬ cinérer une certaine quantité de l’extrait, et de peser le poids des cendres ; leur analyse donnera leur compo¬ sition exacte. Pour compléter l’aualyse du vin, il reste à doser quelques-uns des principes immédiats qu’il renferme ; le sucre, les acides libres, le tartre peuvent être évalués très-exactement. (Foy. note T , page 532.) Lorsqu’on veut déterminer la quantité de sucre con¬ tenue dans un vin, il suffit de séparer préalablement le tannin, l’acide tartrique, au moyen d’une dissolution d’acétate de plomb, et de doser le sucre dans la liqueur filtrée, soit au moyen de la lumière polarisée, soit en mettant à profit l’action du sucre sur les dissolutions de cuivre. Quant aux acides libres, on peut les doser en em¬ ployant des liqueurs normales alcalines qui permettent de calculer très-exactement leur quantité . 526 DÏX-HTJITIÈME LEÇON. Celui qui domine c/est l'acide tartrique, et on arrive à un résultat assez approché en calculant la quantité d’acide comme si tout était formé par l’acide tar- trique. On peut évaluer à paît la proportion d’acide acétique, en séparant ce dernier par la distillation et en le dosant dans le liquide obtenu. Nous nous contenterons de rappeler ici le principe sur lequel repose ce procédé : on prend une dissolution alca¬ line titrée de potasse, de soude ou d’ammoniaque, et on cherche quelle quantité de cette liqueur il faut employer pour saturer une proportion de vin déterminée; ou bien on verse dans un certain volume de la liqueur alcaline un volume de vin également connu, puis on détermine à quel chiffre se trouve réduit le titre de la liqueur al¬ caline, et de ces faits on déduit la quantité d’acide libre contenue dans le liquide essayé. ( Voy . note P, page 452.) A cette indication sur la quantité des acides libres, on peut en joindre une autre qui la complète, c’est la pro¬ portion de tartre ou de crème de tartre. Nous savons que ce sel est insoluble dans l’alcool ; si donc on traite par de l’alcool à 85 l’extrait laissé par le vin, le résidu contiendra tout le tartre. En le faisant brûler, on trans¬ forme ce tartre en carbonate de potasse, et, si on dose dans les cendres obtenues la quantité d’alcali qu’elles contiennent, on en déduira la proportion de crème de tartre. C’est l’inverse du procédé employé pour doser les acides. On évalue ces derniers avec une solution alcaline , on détermine la quantité d’alcalis avec une solution acide. (Vog. note T, page 550.) Les résultats fournis par cette recherche complète- COMPOSITION DU VIN. 527 ront ceux qu’a pu donner l'analyse élémentaire et l’é¬ tude générale dont nous avons précédemment indiqué la marche ; ainsi, on pourra doser l’eau, l’alcool, la ma¬ tière azotée, le sucre, les acides libres, les sels organi¬ ques, les sels inorganiques, et on aura la composition élémentaire de la somme totale des matières organiques. Nous n’avons pas parlé du tannin et de la matière co¬ lorante; on peut les apprécier d’une manière appro¬ chée, mais les résultats obtenus ne présentent pas le même caractère d’exactitude que ceux auxquels on ar¬ rive pour les autres éléments. Examinons maintenant combien ces différents élé¬ ments peuvent varier dans les diverses espèces de vin. La densité du vin, en général, diffère peu de celle de l’eau ; ordinan*ement elle est un peu moindre, surtout dans les vins très -alcooliques, les matières solides dis¬ soutes n’étant pas en proportion suffisante pour com¬ penser la diminution de densité que cause la présence de l’alcool. Les limites extrêmes de la densité du vin dans les observations que nous avons rapportées sont 0.987 et 1 .089 ; on comprend comment les proportions variables d’extrait et d’alcool peuvent produire ces dif¬ férences. La proportion totale de matière solide laissée par les vins, après évaporation de l’eau, présente de grandes variations dans les diverses espèces. Les différences tiennent surtout à la quantité de sucre qui reste non décomposée après la fermentation. Dans les vins de liqueur, une portion très-notable de sucre 528 DIX-HUITIÈME LEÇON. * ne se transforme pas en alcool et en acide carbonique, soit à cause de l’insuffisance du ferment ou de la pré¬ sence de l’alcool produit, et l’extrait obtenu peut dépas¬ ser le quart du poids total du vin. Dans les vins où la majeure partie du sucre est décomposée, la quantité d’extrait est beaucoup plus faible ; le plus ordinairement elle est de 2 à 3 pour 100 seulement. Dans ce cas il n’y a en sucre que le tiers de ce poids, dans les autres la pro¬ portion de sucre va quelquefois jusqu’à 20 ou 24 pour 100. Quant à la richesse alcoolique, elle est représentée dans les vins les plus médiocres par 4 à 6 pour 100 d’alcool seulement ; les vins les plus alcooliques peuvent contenir jusqu’à 18 à 20 pour cent d’alcool. Nous signa¬ lerons les vins du Rhin dans lesquels la teneur en alcool varie de 6 à 12, et donne le plus souvent de 9 à 10. La richesse alcoolique des bons vins rouges de France est comprise entre 9 et 14 d’alcool pour 100. Le moyen le plus simple de montrer les limites entre lesquelles varient les différents principes contenus dans le vin, consiste à présenter le tableau des résultats obtenus par les différents observateurs; on y trouve en même temps la proportion absolue de chacun de ces principes dans les divers cas particuliers. (Voy. note T, page 532.) Dans l’examen rapide que nous venons de faire des moyens à employer pour faire l’analyse des vins et des substances qu’on y rencontre , nous n’avons rien dit de ces matières odorantes, volatiles qui se forment dans le vin, et qui jouent un si grand rôle dans le dé- BOUQUET I)U VIN. 529 veloppement deses qualités. C’est qu’en effet si le goût, l’odorat nous font reconnaître facilement l’existence de ces corps, si quelques-uns d’entre eux peuvent être isolés en quantité suffisante pour qu'on puisse les reconnaître d’une manière certaine, leur faible proportion ne per¬ met pas de déterminer leur quantité, et souvent même il n’est pas possible de reconnaître avec certitude quelle est leur véritable nature et leur composition. Nous avons déjà parlé de l’éther œnanthique, qui existe dans tous les vins ; nous avons fait connaître, à propos de la fermentation, le caractère chimique et la nature des différents corps qui peuvent résulter de l’ac¬ tion réciproque des acides et des alcools contenus dans le vin. Les dernières recherches faites sur ce sujet sem¬ blent conduire à cette conséquence, qu’en dehors de ces composés, qui peuvent se former dans tous les vins, des produits spéciaux prennent naissance avec le temps dans les grands vins. Il est bien possible qu’il se forme également dans ce cas des éthers ; mais il résulte d’ob¬ servations récentes que ces corps peuvent prendre nais¬ sance dans le vin privé de son alcool, et par conséquent ce serait à la réaction des acides sur les matières con¬ tenues dans l’extrait solide qu’il faudrait attribuer leur formation. Quelques auteurs avaient pensé que le bouquet qui caractérise certains vins provenait simplement d’une harmonie entre les odeurs de plusieurs composés étherés qui pourraient alors être dans ces vins les mêmes que dans tous les autres. Mais il est plus probable que les grands vins doivent ces qualités qui les distinguent, à 30 530 DIX-HUITIEME LEÇON . <# la présence dans les raisins qui les ont produits de ma¬ tières spéciales, particulières à certains cépages, dont la formation, modifiée par la nature du sol, est singulière¬ ment favorisée par une température convenable et par un développement normal et régulier des fonctions de la végétation. Lorsque le vin est fait, qu’il s'est convenablement dé¬ pouillé, il arrive un moment auquel peut avoir lieu la modification de cette matière et la production du com¬ posé odorant auquel est dù ce qu’on appelle le bouquet. Les acides contenus dans le vin, et surtout l’acide tar- trique, paraissent jouer un grand rôle dans cette trans¬ formation ; au contraire, la présence de l’acide acétique semble nuire à cette réaction. Elle a lieu dans différents vins à des époques variables après le moment de la fa¬ brication. Les vins qui ne contiennent presque pas d’acide tar- trique ne peuvent pas développer cette odeur particu¬ lière qui constitue le bouquet. Dans ce cas, les matières contenues dans le raisin conservent dans le vin leur sa¬ veur, leur caractère, et on peut les reconnaître facile¬ ment. Au contraire, la saveur des raisins qui peuvent donner des vins à bouquet ne se retrouve pas dans le vin, et le bouquet de çelui-ci ne rappelle en rien l’im¬ pression particulière produite par le raisin sur nos or¬ ganes. En résumant ce que nous venons de dire sur la com¬ position du vin , nous voyons que, si nous envisageons la question d’une manière générale, nous trouverons dans tous les vins les mêmes éléments, seulement leur BOUQUET 1>U VIN. o3i proportion pourra être très -différente. Dans tous les vins on rencontre de l'eau, de l’alcool, du sucre, des acides, des sels; il faut y ajouter les matières colo¬ rantes dans les vins colorés, le tannin dans les vins qui ont fermenté avec la grappe. Quant à ces prin¬ cipes odorants et volatils qui ne se trouvent qu’en pro¬ portions très - faibles, il y en a également dans tous les vins ; l’action des acides sur l’alcool leur donne nais¬ sance. D’un autre côté, certains cépages privilégiés ren¬ ferment des matières odorantes, aromatiques, qui leur donnent une saveur spéciale et servent quelquefois à les caractériser. Ces matières se retrouvent dans les vins que ces cépages peuvent produire ; mais tantôt elles y restent sans altération, soit qu’il 11e s’y rencontre au¬ cune substance qui puisse exercer d’action sur elle, soit que l’état du liquide 11e permette pas ces réactions ; dans d’autres cas, au contraire, ces matières sont modifiées, elles donnent naissance à des produits nouveaux, dont la présence développe dans les vins des propriétés par¬ ticulières que les substances contenues dans le moût 11’auraient pu faire pressentir. NOTE DE LA DIX-HUITIÈME LEÇON T Composition du vin. Nous avons indiqué dans la leçon qui précède la méthode à suivi e pour la détermination des principaux éléments que le vin contient. On trouvera dans les notes 1 et P les déve¬ loppements nécessaires pour l’intelligence des procédés que nous avons décrits trop brièvement. Cette note est destinée à réunir les résultats obtenus dans les analyses de vin faites par différents observateurs. Nous y ajouterons les réflexions qui seraient utiles pour compléter les renseignements que nous avons donnés précédemment. Les développements que nous avons donnés sur la déter¬ mination de la richesse alcoolique du moût pendant la fer¬ mentation et à la fin de cette opération, sont tout à fait ap¬ plicables à la recherche de l’alcool Jans les vins, et nous n’avons rien à ajouter sur ce sujet. Nous nous bornerons à faire connaître les résultats donnés par plusieurs savants, afin de montrer entre quelles limites varie pour les diffé¬ rentes espèces de vin la proportion d’alcool. Nous commencerons cette série de renseignements en donnant les observations faites par M. de Yergnette sur les vins de la Côte-d’Or. La richesse alcoolique des vins de pre¬ mière cuvée est descendue, à Pommard, à 10.40 en 1839; elle s’est élevée, dans la même commune, à 14.75 en 1846* COMPOSITION DU VIN. ANNEES de la récolte. 1822 1821 1825 1826 1827 1830 1831 1832 1833 1831 1835 1836 1838 1839 1840 NOMS des communes. • • • • Vosne. . . Meursault. Ghassagne ici. Meursault Vosue. . Chassagne Savigny . Puliguy . Gliassague. Meursault id. . . Corcelles Meursault id. id. Corcelles Meursault id. . . Meursault Chassagne Meursault, Cliassagne Volnay . Meursault id. . . Pommard Vosne. . Chassagne Meursault id. id. Pommard id. . . Auxey. . Volnay. . Meursault Volnay . Meursault SuRomain. t • des climats. Romanéc . . Genevrières. » » U Romauée . . » Vergelessc Montrachet » Perrières . » » Sautcnot . id • • • • » » Santenot . »d. . . . id. . . . » Santenot . » » Santenot . id. . . . Rugiens. . Tache. . . » Santenot . » Santenot . » Rugiens. . » » » Premier. . » » QUANTITÉS d’alcool en volume sur 100 parties de vin à 15°. OBSERVATIONS. 12.85 4 aus 1/2 de cercle. 13.27 Vin blanc. 11.50 2® cuvée. 11.33 Passe-tout grain. 10.35 id. 14. Après 18 mois. 12.16 » 12.38 lre cuvée. 14.90 » 11.50 2® cuvée. 13.25 Vin blanc. 9.60 Gamay. 9.50 )) 11.70 » 11.50 » 10.60 Mousseux. 10.35 Gamay. 12. » 11.60 » 12. 10 » 10.66 2e cuvée. 13.30 » 11.60 2« cuvée. 12.60 » 13.10 » 12.70 9 ans de bouteille. 13.05 6 ans de bouteille. 12.13 » 12.40 2e cuvée. 11.20 1er cru. 11. 2e cuvée. 11. » 11.50 » 10.40 1er cru. 10.10 lre cuvee. 8.10 2e récolte, Noirien. 8.70 Gamay. 11. 1er cru. 10.10 Passe-tout-grain. 9.90 Gamay. 30* 534 NOTE DE LA DIX-HUITIEME LEÇON. ANNÉES de la récolte. 1841 1812 1813 1844 1815 1816 1847 Pommard Meursault id. . . id. . . Pommard Meursault Volnay . Chassagne Meursault Pommard id. . . Chassagne Meursault id. . . Pommard Meursault id. . . Volnay . Pommard. Meursault id. . . Pommard. id. . . Chassagne Meursault Volnay . Meursault id. . . id. . . Pommard, id. . . id. . . id. . . Savigny. id. . . Meursault id. . . id. . . Volnav . Rugiens. . . . Genevrières. . Santenot . . . » Rugiens. . . . » Cailleret . . . » Genevrières. . » Rugiens. . . . » Genevrières. . Sous-le-Château Rugiens. . . . » Sous-le-Château Grange le- Duc Nazarettes. . . Genevrières. . Luxeuil .... Rugiens. . . . Maison-Dieu. . » » Fremier. . . . Genevrières. . . Luxeuil. . . . Sous-le-Château Nazarettes. . . Rugiens. . . . Epenots. . . . Maison -Dieu . Guettes .... Vergelesse . . Genevrières. . » Sous-le-Chàteau Grange- le -Duc 11.90 12.48 11.80 0.03 2.61 2.45 12.50 11.70 13.16 10.60 11.80 10.50 12.90 10.53 10.36 9.85 8.80 7.35 8.97 1 1 .51 10.50 13.50 12.57 12.50 12.74 12.86 U.95 14.07 10.97 12.22 11.70 11.90 10.97 11.54 10.27 13.24 11.06 9.98 8.90 OBSERVATIONS, 1er cru. » Passe-tout-grain. » 2e cuvée. 1er cru. 2e cuvée. Vin blanc. Ire cuvée. » 2e cuvée. » Gamay. » Passe-tout-grain. Gamav. id. * Gamay blanc. Vin blanc. 28 cru. » 38 cuvée. 2e cuvée. Passe-tout-grain. » Vin blanc, id. Gamay rouge. Vin blanc. Vendange, 13 oct. Vendange, 7 oct. Vin blanc, 18 oct. 1er passe-tout-grain l«r Gamay rouge. Gamay rouge. COMPOSITION DU VIN. 535 Dans un important travail sur les vins de la Haute-Ga¬ ronne, M. Filhol a déterminé la densité et la richesse alcoo¬ lique de ces vins; nous avons ajouté à ces deux documents la quantité d’extrait laissée par 100 parties de vin; on trou¬ vera plus loin les résultats fournis par leur analyse com¬ plète. LOCALITES. ANNÉES Villandrie . . . id . id . Villemur. . . . Grenade .... Merville .... id . Saint-Paul . . . Lévignac .... Montastruc. . . Verfeil . \ieille-Toulouse id . Portet . id . Cornebarien . . Lardène .... Blagnac . Leguevin. . . . id . 1811 1842 1841 1811 1811 1811 1841 1844 18 U 1841 Martres. . Carbonne, id. . . Saint -Gaudens. . . id . 1813 1814 1811 1841 1841 1813 1811 1813 1812 1811 1842 1811 Caraman . Villefranche . . . . Avignonet . Revel . DENSITÉ ALCOOL à 15 0.992 » 0.993 0.991 0.993 996 998 » 992 » » » » » 995 » » 99 99 à 15° » 12.58 11.10 12.33 10.35 10.60 10.65 10.30 10.33 10.10 9.13 » 8.11 J i 99; 3 » » 99( 2 99 1 » » 5 ! 9.6 8.6 8.5 EXTRAIT sur 100 p. » 2.34 2.40 2.80 2.23 2.13 2.49 2.35 2.30 2.33 2.12 2.10 » » 2.38 2.5 2.5 2 536 NOTE DE LA DIX-HüITiÈME LEÇON. * Nous empruntons également à un travail de M. Bouis quelques données sur la densité et la proportion d’alcool des vins des Pyrénées -Orientales, désignés quelquefois sous le nom de vins du Roussillon. ' - ! NOMS des i LOCALITES. ANNÉES de la RÉCOLTE. DENSITÉS. ALCOOL. Perpignan . 1837 0.993 15. Corneilla-de-la-Rivière . 1837 0.991 li.93 Baixas . 1837 0.996 11.5 Espira-de-l’Agly . j 1837 1.006 14.2 Saises . 1837 0.991 13. Rivesaltes . 1837 0.998 14.6 Cotlioure . 1838 0.999 16.1 Ba nyuls- sur-Mer . ..:.... 1838 0.010 15.90 Prades . . « . 1837 0.993 13.87 Vitlefranclie . 1837 0.992 13 6 Narbonne . 1837 0.993 13. Les vins du canton de Tonnerre (Yonne) ont été examinés par M. Jacob; nous donnerons d’abord les quantités d’al¬ cool fournies par les vins des climats les plus importants : NOMS des C L 1 M A TS. COL LE L R du rin. ANNÉES. PROPORTION d’alcool à 15" Côtes Pitois . Vin rouge. . . 1839 10. id . id . 1810 11. Les Bridâmes . id . 1839 ; 9.33 id . id . 1812 11.66 Vautiercelins . id . 1810 10.33 Charlouts . Vin blauc. . . 1812 11.33 Vaumorillon . id . 1812 11.66 Clos de Troncliov . . . Vin rouge. . . 1810 10.33 Olivottes . id . 1810 11. Perrièrcs . id . 1831 10.66 ^.1 D ALCOOL înrrouge Y i n .blanc Vin rouge Vin, blanc Vin rouge Sol argileux Sol calcaire Sol argileux Sol calcaire Sol argileux Sol calcaire ici. . Vin blanc v .1(1. . • Vin rouge Sol argileux Sol calcaire Sol argileux Sol calcaire Sol argileux Sol calcaire Sol argileux Vin blanc COMPOSITION Dü VIN. 537 Dans des recherches sur les vins du Lot, M. Clary a dis¬ tingué les vins obtenus sur des terrains calcaires et ceux des. terrians argileux. Les premiers forment les vins connus dans le commerce sous le nom de vins deCahors; les autres sont d’une qualité bien intérieure. La moyenne de la pro¬ portion d’alcool est H.36 pour les premiers et tO.O pour les seconds. 1 te ANNÉES. te , COULEUR ■V h r * • V # w V A *v.:* ' no ni: ■ : m s \ ^ ^ é 1 1 “j. >•; . . . 1 ' 4 ^ * | J a., 1 * • • ‘ ;«*>• • - i \ \JK . 1 w •. S? 4 . « ■ ... / 1 » On trouvera dans les tableaux qui suivent d’autres ren¬ seignements sur la richesse alcoolique des vins de France, et en particulier les nombres obtenus par M. Fauré dans l’analyse des grands vins de la Gironde.. 338 NOTE DE LA DIX-HUITIÈME LEÇON. * M. Ch ris tison a déterminé les qualités d’alcool contenues dans différentes espèces de vins; il distillait le vin presque à siccité, en ayant soin que le résidu ne brûlât pas; puis il calculait la teneur en alcool d’après la densité du produit de la distillation. Nous donnons les résultats publiés par l’au¬ teur (1) et la quantité correspondante de l’alcool exprimé en volume. M. Christison ne dit pas à quelle température ont eu lieu ses observations : ! POIDS ALCOOL I DÉSIGNATION d’alcool en I aDhydre volume 1 DBS TW». sur sur 1 100 p. 100 p. 1 Porto, faible . U. 97 18. I id. fort . 21. 1 id. moyenne de 7 espèces . 20. 1 id. blanc . 18. 1 Xérès, faible . 17. 1 id. fort . I id. moyenne de 13 espèces vieillies. . . 15.37 18. id. moyenne de 9 especes conservées. . 14.72 18. Madère conservé longtemps aux G.- Indes, j 16.90 21. id. faible . 14.09 17. Ténériffe conservé longtemps à Calcutta. . 13. 64 17. Cercial . 15.15 18. Lisbonne sec . 16.14 ■m I Amontillado . 12.63 16. 1 Claret de 1811 . 7.72 io. H Château-Latour, 1815 . 7.78 10. 1 Château- Larose, 1825 . 7.61 10. | Bordeaux ordinaire, lre qualité . 8.99 11. 1 Rivesaltes . . 9.31 11. 1 Malmsev . 12.86 10. 1 Rüdesheim, lr« qualité . 8.40 io. H id. ordinaire . 6.90 9. M Hambacb, 1™ qualité . 7.35 1 (1) Ann. der Ch. und Pharm. 37, 125. COMPOSITION DU VIN 539 M. de Vergnette a examiné quelques vins étrangers; voici les résultats de ses observations sur des échantillons dont l’origine était certaine : RICHESSE ALCOOLIQUE .Minimum Porto. . . . Madère. . . Xérès . . . Bordeaux . Bourgogne. Vin du Rhin Marsalla . . Les résultats suivants ont été obtenus par Brande; ils in¬ diquent la proportion d’alcool en volume à 15°5. Brande avait estimé cette proportion en alcool à 0.825 de densité J ^ J 4 /• ' *** -J • (contenant 8 centièmes d’eau). Pour rendre les nombres qu’il a donnés comparables aux précédents, .il a fallu les multiplier par 0.92fe I DÉSIGNATION 1 DBS VINS. NOMS des rnoPR iétaires. EXTRAIT SBC. ALCOOl . | Champagne Moèt . . » 9.78 10.33 I Malaga . M. Bresson. . . . 18.78 16.04 I Liban . % 1 i _ n _ 1G.23 t 4 17.24 1 Madère ....... M. de Liomeau. ;> 4.19 20.29 n Constance. . . . Lacryma-Christi. Lisbonne . . . . Madère . Hermitage. . . . Malaga . Roussillon. . . . 18.29 18.24 17.45 17.04 16.14 45.98 15.96 Syracuse. . . . . . . . 14.15 • * Champagne . 11.81 Tokai . 10.46 Nice. . . . . 13.5 Schiras . 14.4 Frontignan . 11.8 Sp; r ‘N.: • r* < 9 540 NOTE DE LA DIX-HUITIÈME LEÇON. è Nous ajouterons encore les nombres obtenus par M. Hit- schok dans une étude sur les vins d’Orient ; outre la densité et la proportion d’alcool, il a donné la quantité d’extrait sur 100 parties. NOMS ! i 1 des DENSITÉS. ] ALCOOL. EXTRAIT. 1 LOCALITÉS. Hébron . I 1 . . 1.0083 18. 3.1 I id . 1.0086 17. 3.0 I Liban . 1.0121 14 3.1 1 id . 1.0892 10. 9.6 1 id . 1.0880 I 11. 9.6 1 Syrie . . . , 1.0051 . . 1.0220 14. i 2.4 I Chypre . 17. 4.3 1 ïd •#•••••• . . 1 1.0254 17. 4.6 1 Rhodes . . . 0.9920 18. 1.5 1 id . . . ! 0.9909 18. 1.4 1 Corfou . 0.9930 16. 1 1.4 I Samos . . . ! 1.0205 14. 3.9 I id . . . 1 1.0226 15. ! iA 1 S ni y r ne . . . j 1.0162 ! 1 13. 3 3 I Nous devons faire connaître une méthode qui a été quel¬ quefois employée pour la détermination de la richesse alcoolique du vin; elle diffère de toutes celles que nous avons indiquées. Quoiqu’elle ne soit pas d’une rigueur ab¬ solue, sa simplicité et la facilité de son exécution peuvent la rendre utile quand on doit faire un grand nombre d'ob¬ servations. 11 suffit de prendre la densité du vin , d’en faire évaporer à l’air libre un volume connu de manière à le réduire à moitié, puis d’ajouter de l’eau pour le ramener au volume primitif, et de prendre la densité du nouveau liquide. La comparaison des deux densités donne la richesse alcoolique > - ./" COMPOSITION DU VIN. moindre que celle de l’eau PROPORTIONS n ALCOOL ea leulta du vin essaye. M. Tabarié, à qui on doit l’indication de ce procédé, a calculé des labiés qui permettent de conclure de cette double observation la richesse alcoolique du vin soumis à l’expérience. La densité du vin privé de son alcool est plus grande que celle de l’eau ; cette différence est due à la présence des sels et des matières organiques. La densité du vin avant toute altération est plus faible que la précédente, et souvent un admet que la densité du vin est supérieure à celle de la simple dissolution de l’alcool qu'il contient d’une quan¬ tité précisément égale à celle de l’excès de la densité du vin privé de son alcool sur la densitc.de l’eau : ainsi , supposons la densité du vin égale à 0.997* et celle du vin sans alcool * ^ f, « ‘ * à 1.0205. Là densité d’une dissolution égale au volume * J .• v i?,,, ’ ’ ’ ‘ ° du vin et né contenant que de l’eau et de , l’alcool sera 0.996 — 0.0205 ‘ ou. î).976o ^ ce qui donne pour la propor¬ tion de l’alcool en. volume 20.0; les expériences sont faites à la température de 10°. Le tableau suivant donne quelques observations faites d’après nette méthode ; on y a joint les valeurs obtenues niinctemenV afin qu’on puisse jügèr du degré d’approximation qu’elle permet d’obtenir. ' . *< V- ’* •• . • •? — — — ^ ~ — :. .r N#ep, y-{ |. N 0 M S DENSITÉS des i du » - vins. | VIN. , ! -| . DENSITES i * . . uu vin-' / j ‘ , f * sans ’ ‘j* ALCOOL.^ il T ^ j - ■ f » ; s ÜENSITKS. i. •« DK l’alcool yL i i’ , . %* a * • * calculées, observées r 1 Bordeaux. . 0.9951 pl .0089 0.9862 0 9858 Porto. ... 0.9970 1.0205 0.9765 0.9763 Madère. . . 0.9971 1.0181 0.9790 0.9782 Ténérifle . . 0.9945 1.0151 0.9794 0.9790 Riidesheim. 0.9960 .1.0086 J % / 0.9874 0.9881 542 NOTE DE LA DIX-HUITIEME LEÇON. Ainsi, cette méthode donne le plus souvent des résultats trop faibles; les différences ne s’élèvent guère qu’à un demi- degré en moyenne. On doit à M. Blaanderen un grand nombre d’observa¬ tions laites d’après cette méthode ; nous les avons résumées dans les tableaux suivants : \ ns. Madère . Tenérifle . . . . Lacryma-Christi Rivesaltes. . . Champagne. . Bergerac . . . Sauterne . . . DENSITES du DBNSITBS du vin sans PROPORTIONS d’alcool eu volume V I X. alcoul à 10»! 0.9971 1.0184 18. 0.9933 1 0169 20. 0.9947 1.0179 1 20. 0.9974 1.0192 18. 0.9930 j 1.0170 20. 0.9946 1.0179 20. 0.9972 1.0190 18. 0 9931 1.0176 21. 0.9953 1.0170 18. 0.9957 1.0172 18. 0.9946 1.0179 20. 0.9972 1.0190 18. 0.9945 1.0154 17. 0.9933 1.0154 18. 0.9926 1.0152 19. 0.9909 1.0134 19. 0.9936 t.0160 19. ' 0.9925 1.0152 19. | 0.9908 1.0131 19. 0.9930 1.0159 19. 0.9927 1.0164 20. 0.9985 1.0122 20. 0.9911 1.0122 17.5 0.9924 1.0151 19. 0.0600 1.0805 17. 0.0800 1.0946 11. 1 . 0200 1.0349 11. 1.0958 1 1030 13.5 0.9937 1.0090 12. M0YMRP8, 19.1 18.8 COMPOSITION Dl VIN. U3 NOMS des vn». Vins de Porto Vins du Rhin Bordeaux . . Beaune . . . Pommard . . Hermitage. . Benicarlo . . Roussillon. . Saint-Georges Narbonne . . Tavella. . . . Langlade. . . DENSITES du 1 < v i 0.9970 0.997 4 0.9900 0.9920 0.9971 0.9954 0.9932 0.9984 0.9999 0.9901 0.9970 0.9900 0.9951 0.9940 0.9935 0.9948 0.9939 0.9934 0.9953 0.9957 0.9940 0.9940 0.9941 0.9939 0.9945 0.9950 0.9947 0.9972 0.9950 0.9954 0.9949 0.9926 DENSITÉS du vio sa as alcool. | NOrotTIOH d’alcool ea volume à «HS. MOTMNES. 1.0205 20. 1.0192 18. i 1.0189 19. 1.0107 21. J 1.0194 19. 1.0188 20. 19.3 1.0168 20. j 1.0207 19. 1.0227 19. 1.0188 19. 1.0192 19. 1 1.0090 9.5 1.0091 10. 1.0083 11. 1.0085 11.5 j 1.0093 U. 1.0085 11. > 10.6 1.0083 11. 1 .0095 11. 1.0097 10. 1.0086 10.5 1.0084 11. 1.0086 10.5 1 0083 11. 1.0087 11. 1.0095 11. 1.0142 10. 1.0143 13.5 1.0088 10. 1.0115 12.5 1.0094 11. 1.0075 11. | i La quantité de sucre existant dans le vin se déterminera facilement soit par l’emploi de la lumière polarisée, soit par les réactions des sels de cuivre. Nous avons donné ailleurs les détails de ces deux procédés. l 544 NOTE DE LA DIX-HUITIEME LEÇON. Nous pouvons en ajouter un autre qui a été employé par M. Frésenius, et qu’il suffira d’énoncer pour qu’on puisse en saisir le principe. Séparons l’alcool du vin par la distil¬ lation, puis ajoutons du ferment au résidu, la quantité d’a¬ cide carbonique qui se produira pendant la fermentation nous permettra d’estimer la proportion de sucre que le vin contenait. C’est par ce procédé qu’ont été obtenus les nom¬ bres que nous avons donnés page 575. On trouvera, dans les différentes analyses réunies à la fin de cette note, d’autres résultats faisant connaître la quantité de sucre contenue dans les vins. Nous avons pu apprécier, du reste, la différence qui existe sous ce rapport entre les vins secs et les vins de li¬ queur. Dans ceux-ci, la quantité de résidu sec ou d’extrait est très-considérable; dans les autres, au contraire, celte quantité est très-faible. Ainsi, un vin muscat de Rivesaltes laisse un résidu de 24.5 pour cent, dans lequel il y a au moins 22 pour cent de sucre. En admettant qu’il y ait 1/3 de sucre dans les 2 pour cent d’extrait laissé par un vin sec, on aurait pour la proportion de sucre 0.6 pour cent à peu près; le reste serait formé par les sels et les autres matières. Dans les analyses de Frésenius que nous donnons plus loin, le sucre forme à peu près les 6/7 de la quantité d’extrait, et on peut compter sur l’exactitude des résultats. Nous avons fait connaître le procédé qu’il faut employer pour évaluer la quantité d’acide libre contenue dans le moût, et nous avons insisté sur le caractère des résultats obtenus dans cette détermination. Le même procédé peut être appli¬ qué dans le cas du vin, et il donne la quantité d’alcali ca¬ pable de saturer les acides contenus dans un volume ou un poids connu du liquide à essayer. Cette indication, quoique incomplète, fournit déjà une Y Y-Y . : - C ^ : . - • ’ ■ ; Y ’ * ' _ . . . > * * * . • ^ * *« i ^ |* • - . • • * . * * *•* ^ > f Ç •* ' • **«— Z ’ “fl /b" » • • • ‘ COMPOSITION DU VIN . 545 donnée, très-importante pour la comparaison des différents vins et l’appréciation de leurs qualités. Nous avons dit, en outre, comment on pouvait estimer la somme des acides libres par la quantité équivalente d’acide tartrique ou de autre acide.^Y» Supposons qu’on ait déterminé la quantité de liqueur al¬ caline nécessaire pour saturer les acides du vin ; on peut cal¬ culer le poids de soude anhydre existant dans la liqueur employée, et s’en servir pour estimer le rapport entre les acides libres de différents vins. Güning a fait ce calcul, et il • v * * ê f * , • - trouvé les résultats suivants ; ces nombres expriment en . ï .t.\* • I - milligrammes la quantité de soude anhydre nécessaire pour saturer les acides contenus dans 100 cent, cubes des vins es- sayos. / ^ w ; - ->•' • Les observations suivantes n’ont été faites que sur un seul • • - * V ïX***-* * • : ' • hantillon de chacun dés vins désignes. • ' j* ?•' i, . • / : • Bordeaux ordinaire. - . . . ... . . . 232 ■ • • * • • • 'i jn:"* *. • * \JY* San terne ; s. ;• ^ • • • 238 Beaune • >j. » y+r-* i , un Pommard vieux. Y : ........ 282 ■ - • ****** /vv . ;. 232 Y;Y/ Lacryma-Christi. . . . r .r . 226 Y . ■ Rivesaltes . /. . v. . . .. 226 ; Y ^ Benicarlo . . . . . >t-w. . . . . • 307 YY,.... Roussillon. , . . .. ... .' . . . ... ■ 288 JL^ ^St-GeorgesJS^^ES.Jk’jjî^^JX 269 *3 ' NarbonnÿrJHK^^S^jjlJST^PS'jSSO ***&& Tavellà. Y :1 339 à**- fpf'î WW**- Langlade^P^Wyllpy Bergerac . . . . : Y . . 288 4 Le même observateur a fait un calcul analogue sur plu- sieurs échantillons des vins suivants; nous donnerons les Y; moyennes et les limites des résultats obtenus : 1 i 546 -NOTE DE LA DIX-HUITIÈME LEÇON. La nature du vin nous permet de compléter ce que nous avons dit précédemment sur le dosage des acides. Les acides libres contenus dans le vin ou qui peuvent s’y rencontrer, sont l’acide tartrique, l’acide paratartrique, l’acide malique, l’acide acétique; nous devons y ajouter l’acide tannique et une petite quantité d’acides gras. 11 nous semble que, pour le vin, l’estimation des acides libres, pour être aussi complète que possible, devrait donner la proportion d’acide acétique, puis, déduction faite de cet acide, le reste pourrait être évalué en acide tartrique. Or, il est facile de séparer du vin l’acide acétique libre que celui-ci peut contenir. L’acide acétique au maximum de concentration bout à 120°, mais les liquides contenant de l’acide acétique entrent en ébullition à une température moins élevée, et on trouve de l’acide acétique dans les pro¬ duits de la distillation. I n mélange contenant 77 d’acide acétique et 23 d’eau bout à 104°. Mais on comprend que, si on peut avoir une partie de l’acide acétique avant que la masse n’ait atteint 120°, il faudra pousser jusqu’à ce point l’élévation de température pour être sûr d’avoir tout l’acide acétique. Ici se présente une difficulté : l’extrait que donne le vin après la distillation des parties liquides se décompose très-facilement, et l’acide acétique est un des produits de cette décomposition. Il faudra donc opérer avec beaucoup de i .V rçjr.ë' m "V V i • * • 9\ î/«’. (f >; a J': >-• \ » r- ?■ . 7 S . . K».."- ** . :?vV * • , r • * - • i - -« J*?-" «>• *.• ££!• /•• # sw» ?.. > Z?- • *‘Vr- 1 0* Jl V? *v.-' - • 4. • ^ •* • ■* « . « * .VI > * . I,, i 1 ' . • . -x- f • # * •* T .• w — « * * #- , • . ** * y*.- - "jr * T *- ‘r** '. ' ■■ • *\k W;' -‘ 3 * ■ • . • - * . .... - ^ VV *f COMPOSITION l)ü VIN. " ï 547 précautions, et s’arrêter avant l’altération du résidu , quoi¬ qu’on s’expose ainsi à ne pas séparer tout l’acide acétique. L’application de ce procédé donnera l’acide acétique en dissolution dans les produits de la distillation. 11 suffira dès lors de prendre ce liquide et d’y rechercher, par les procé¬ dés que nous avons indiqués, la proportion d’acide libre. Comme cet acide est uniquement formé par l’acide acétique, on en déduira sa quantité d’une manière absolue. Mainte- liant, si l’on remonte aux résultats obtenus sur le vin avant la distillation, il sera facile de retrancher de la quantité d’alcali nécessaire à sa' saturation celle qui a été employée pour l’acide acétiqiie, eT dès lorsTa 'différence pourra être r - esumc i) acide tartrique. ^ _ : En appliquant’cèmîp^^^^îè 'd’évaluer la quan- V tite de soude anhydre qui, dans un vin, sature l’acide acé- - , lique que ce vin contient. M: Mulder a donné ces nombres . * •’ • . _ - r;: . r? en milligrammes pour cent parties de vin : : • * - * W _ -r‘ » * -2... ..1 V»* - ‘ î» -V-vY. Madèrcv • . • . (02 , i ^ • • • • 70 . v- . ... . . } , ^ Vin du Rhin. . . . . . il -v- :V;? j Bordeaux 'Ordinaire. . 53 ; -"^^^utè’rnè'^J^’f^. ; ; ;MkS£$: . . v 54 : Beau ne . .. . ... £+. : v-.^. . 10 i jf£4fc»*PommardCr ;^. .. 41 Hermitage .; • • 65 Lacryma-Chiisti. V;.v . 72 .• ’ V ; *kx 4 . • : -W:-\ . .^«Zllü.fesalle* ....... ... 52 . ^ f*jjwÿfienicarlo' ^ 57 . Roussillon . ^ ?•; ‘. 7 ; . .* . 38 v V’ : ? Narbonne': . r. . . .... 42 ' Tavella. . . . ., v . ^ •., ...... 18 Langlade. .............. \\ vfe*! D“ . S3 * (M ’ jV .v* . . .• 'a - •*« ÂîV%r . - i* : Vk *. wtv n' ’ ' .-.i., ,r k •« •- .*V v ’ H - ' _aA ^ - *t\ • •^fl# 348 NOTE DE LA DIX-HUITIÈME LEÇON. 0 M. Léopold Lefèvre a publié récemment, dans le Journal de Chimie médicale (septembre 1856), des recherches sur l’acidité des vins. L’auteur emploie pour liqueur alcaline une dissolution de carbonate de soude. Le tableau suivant donne le poids de carbonate de soude sec et pur nécessaire pour saturer un décilitre de vin : Carbonate il* >oode fit f'ottgrades Vin de Bourgogne . Vin de Basse-Bourgogne . Vin de Narbonne . Id . Id . Vin du Gers . Id . Id . Id . Id . Vin de Bordeaux, 1852 . Vin de Bar-lc Due, 1844 . Vin de Bourgogne blanc . Vins de crus de médiocre qualité. . . . Id. 1854 ld. 1855 ld. 1 855 Vin gris des mêmes crus, 1849 . . . Vin blanc des mêmes erus, 1849 . . Vin du Var . Vin pris chez des commerçants de Paris Id . Id . 62 70 62 70 72 55 65 70 85 95 58 52 »• »* oo 70 58 70 86 80 76 80 60 75 72 Id ld Id ld ld Id 52 50 U K* oo 51 48 44 COMPOSITION DU VIN. 549 M. Lefèvre s’est proposé de déterminer séparément l’acide acétique et l’acide tartrique. Pour y arriver, il évapore à siceilé une quantité connue de vin, puis reprend le résidu par l’eau bouillante et dose les acides contenus dans la dissolution ainsi obtenue. En admettant qu’on connaisse par un essai préalable la proportion d’acide que le vin contient, on a tout ce qu’il faut pour calculer, d’une paît, l’acide acétique, et, de l’autre, l’acide tartrique. On comprend sans peine le sens de ces indications d’après ce que nous avons dit précédemment. M. Lefèvre a trouvé des vins qui conte¬ naient un grand excès d’acide acétique; dans d’autres, au contraire, la proportion de cet acide était moins considé¬ rable. Les chiffres suivants permettent d’apprécier celle dif¬ férence : la dissolution employée contient 108 grammes de carbo¬ nate de soude par litre. La différence entre les quantités de dissolution nécessaires dans les deux opérations donne la proportion d’acide acétique que le vin contient. Nous donnons plus loin quelques résultats sur les pro¬ portions d’acide obtenues dans des recherches dans les¬ quelles l'auteur a déterminé plusieurs des éléments conte- 550 NOTE DE LA DIX-HUITIÈME LEÇON. a nus dans le vin; il sera facile, d’après ce que nous avons dit précédemment, de calculer tous ces nombres de ma¬ nière à les rendre comparables, car nou? les avons donnés tels qu’on les trouve dans les mémoires originaux. Le dosage des acides et leur évaluation en acide tartrique, déduction faite de l’acide acétique, peuvent être complétés par la détermination de la quantité de tartre ou bitartrate de potasse. Ce sel existe tout entier dans l’extrait obtenu par l’évaporation du vin; en traitant cet extrait par l’alcool, le tartre restera dans la partie non dissoute. Nous avons dit qu’on en estimait la proportion en cher¬ chant la quantité de potasse que ce tartre fournit par son incinération. Pour titrer la liqueur acide employée dans cette opéra¬ tion, on prend 5 grammes de crème de tartre pure et on les brûle dans un creuset de platine; puis, après avoir sé¬ paré la partie soluble des cendres, on la sature avec de l’acide azotique étendu. Il suffit alors d’observer la quantité de cet acide nécessaire pour la saturation de l’alcali , et on en conclut à quelle quantité de crème de tartre correspond I centimètre cube de cette liqueur acide. Si, par exemple, il a fallu 50 centimètres de la liqueur acide, cela veut dire que chaque centimètre cube de cette liqueur représente 0*1 de crème de tartre cristallisée. Nous avons dit que le tannin existait dans les différents éléments solides du raisin qui servent à former ce qu’on appelle le marc. On n’en trouve qu’une très-faible propor¬ tion dans le jus des raisins, quelle que soit leur coloration, pourvu que son extraction ait lieu avant toute altération. On peut admettre qu’elle provient d’une petite quantité de matières solides qui sont restées dans ce jus au moment de COMPOSITION DU VIN. 551 sa préparation, de sorte que le jus du raisin, supposé pur de tout mélange, doit être considéré comme n’en contenant pas. La petite quantité d’acide tannique que l’on trouve dans les vins blancs et les vins de liqueur doit être attribuée à la présence dans les vins, pendant leur fermentation, d’une partie des éléments solides que le raisin contient. Quant aux vins colorés, ils renferment une proportion plus notable d’acide tannique. Celte proportion est d’autant plus grande que le vin est plus foncé en couleur. Il serait très - important de déterminer exactement la quantité d’acide tannique contenue dans les vins non-seu¬ lement au point de vue de leur composition, mais pour permettre d’éclaircir plusieurs points relatifs aux modifica¬ tions que le temps apporte dans leur couleur et leurs pro¬ priétés; mais nous ne connaissons pas de- procédé suscep¬ tible de doser cette substance avec précision , et le moyen dont nous allons parler ne permet pas une exactitude sut- lisante, surtout si l’on tient compte de la faible proportion de cette substance que les vins contiennent. M. Fauré, dans ses importantes études sur les vins du département de la Gironde dont nous donnons plus loin les résultats, a employé, pour mesurer la quanlitd de tannin contenue dans ces vins, une solution titrée de gélatine. Cette solution est préparée dans des proportions telles , que 100 grammes précipitent 1 gramme de tannin pur dissous dans 100 grammes d’eau distillée. M. Fauré opérait sur 100 grammes de chaque’ vin, et la quantité de solution de gélatine employée pour la précipitation complète du tannin était appréciée par la différence de poids que présentait le flacon contenant celte solution avant et après l'expérience, il en résulte que le nombre de centigrammes de la dissolu¬ tion normale de gélatine employée pour précipiter lOOgram- 552 NOTE DE LA DIX-HUITIÈME LEÇON. mes de vin exprime la quantité de tannin contenue dans 10000 parties de vin. Si Ton examine les nombres donnés par M. Fauré, on voit que la quantité de tannin est plus faible dans les vins blancs que dans les vins rouges ; mais la différence n’est pas en rapport avec ce que nous venons de dire tout à l’heure. La proportion de tannin varie de 4 à 6 dix-mil¬ lièmes pour les vins blancs, et de 7 à 13 dix-millièmes poul¬ ies vins rouges. M. Mulder, qui a fait des observations importantes sur la coloration des vins, pense que les nombres donnés par M. Fauré pour exprimer la quantité de tannin contenue dans les vins blancs sont trop considérables. 11 estime, d’après ses propres expériences, qu’en général il y a quatre ou six fois plus d’acide tannique dans les vins rouges que dans les vins de liqueur qui en contiennent le plus. Les essais de M. Mulder sur la présence de l’acide tannique dans les vins blancs ont établi que dans tous les vins il existe une quantité appréciable de cet acide. Le Sauternc lui en a donné des traces à peine sensibles; il en a trouvé davantage dans le Champagne et encore plus dans les vins de Madère, de Ténérifle et du Rhin. Proportionnellement aux quantités signalées dans les vins précédents, il en existe beaucoup dans les Muscats et le Lacryma-Christi. On sait que les vins blancs et les vins de liqueur acquiè¬ rent souvent une coloration jaune très-prononcée, et que les vins rouges, en se décolorant avec le temps, prennent quelquefois cette teinte jaune spéciale aux premiers. Les modifications que l’acide tannique peut éprouver sous l’in¬ fluence de l’air et de la lumière permettent d’apprécier le rôle que ce corps joue dans la production de ces phéno¬ mènes. Nous ne voulons pas entrer dans de longs détails sur ce sujet, mais nous transcrirons quelques-unes des con- COMPOSITION DU VIS. 553 séquences déduites par M. Mulder de ses études sur l’influence du tannin dans les phénomènes que nous venons de citer. La couleur jaune des vieux vins de Porto est due à une altération de l’acide tannique donnant un composé soluble dans l’alcool faible. En dehors de cette substance, dont la couleur est jaune, on ne rencontre dans ces vins aucun corps jaune spécial qui puisse provenir du raisin. Il n’est pas nécessaire de faire intervenir dans les vins rouges une matière jaune spéciale, puisque dans tous il y a de l'acide tannique qui doit se tranformer et que c’est le produit de celle transformation qui modifie la couleur du vin. La coloration jaune que prennent avec le temps les vins de liqueur peut s’expliquer par la même cause, quoiqu’ils contiennent dans l’origine moins d’acide tannique. L’acide tannique, qui se trouve en plus grande quantité dans les vins rouges, participe à la formation du dépôt que l'on observe dans ces vins, car le produit auquel cet acide donne naissance étant très-peu soluble, une partie se préci¬ pite quand il existe en proportion trop considérable poui rester dissous. Pour terminer ce que nous avions à dire sur l’acide tan¬ nique, nous rappellerons la participation de ce corps aux réactions qui se produisent pendant la clarification des vins. On comprendra sans peine que des collages répétés doi¬ vent influer sur la proportion d’acide tannique du vin, et par suite accélérer la production ou modifier la nature des phénomènes qui se manilesteront ultérieurement. Dans les indications que nous avons données précédem¬ ment sur la coloration des raisins (voy. note I , paye 248), nous avons admis qu’elle était due à la présence d’une ma¬ tière colorante bleue qui jouissait de la propriété de passer 554 NOTE DE LA DIX-HUITIÈME LEÇON. au rouge sous l’influence des acides. L’incertitude qui règne encore sur la nature des principes auxquels est due cette coloration et la difficulté que nous avons rencontrée à coor¬ donner les nombreux travaux entrepris sur ce sujet, nous avaient engagé à nous contenter d’énoncer ce fait qui nous paraissait le seul point incontestable. Nous sommes en cela tout à fait d’accord avec les conséquences que M. Mulder a cru devoir tirer de ses observations; il a reconnu que tous les vins rouges devaient leur coloration à une matière colo¬ rante bleue, et que dans les vins de liqueur il n’v avait pas de matière colorante spéciale. On désigne vulgairement sous le nom de rouge vineux cette teinte spéciale produite lorsqu’on met en contact un acide faible ou très-étendu avec la teinture bleue de tour¬ nesol; il se produit un phénomène tout à fait comparable par suite de la présence dans le vin soit du bitartrate de potasse, soit des acides libres qui peuvent être, comme nous le savons, de l’acide tartrique, de l’acide malique et de l’acide acétique. Les proportions variables de la matière colorante et des acides, la nature particulière de ces derniers, expliquent les nombreuses variations de teinte que les vins nous présentent. Quelle que soit la couleur du raisin, si le jus est extrait immédiatement après la récolte, et si la fermentation s’o¬ père sans le contact des parties solides, on aura un vin blanc qui ne pourra prendre avec le temps qu’une faible coloration jaunâtre. Si on agit sur des raisins blancs et que la fermentation ait lieu en présence des pellicules et des autres parties du marc, on aura un vin qui prendra bientôt une teinte jaune très-prononcée; enfin, si les raisins sont colorés, on obtiendra un vin rouge dont l’intensité de colo¬ ration variera avec les circonstances que nous venons d’in¬ diquer. COMPOSITION DU VIN. 555 M. Fauré, dans le travail dont nous avons déjà parlé sur les vins de la Gironde, s’est occupé de la matière colorante de ces vins. 11 pense que leur couleur est due à la présence de deux substances particulières : l’une bleue, l’autre jaune. La première peut être détruite sans que la seconde soit al¬ térée; mais M. Mulder fait remarquer que ce qui reste après qu’on a décomposé par le chlore la matière colorante bleue, c’est d’abord cette subslanee jaune provenant du tannin et qui se trouve aussi dans les vins rouges, et en¬ suite le produit résultant de la décomposition ou de l’oxy¬ dation de la matière bleue sous l’influence du chlore. II en résulte qu’il peut arriver, comme M. Fauré l’a remarqué lui-même, que l’on détruise la matière colorante bleue sans qu’on puisse saisir une matière jaune spéciale. M. Batilliat (1) admet l’existence de deux matières colo¬ rantes dans les vins rouges : il désigne ces substances sous les noms de rosite et de pourprite. La première est d’une couleur rougeâtre; elle est soluble dans l’eau, l’alcool, très-peu soluble dans l’éther; l’albu¬ mine et la gélatine ne la précipitent pas de ses dissolutions; on la trouve en grande proportion dans la lie et le dépôt des vins nouveaux; les vins vieux en contiennent moins. La pourprite doit son nom à la belle coloration pourpre de sa dissolution alcoolique ; l’eau et l’éther ne la dissol¬ vent pas. Les dissolutions alcooliques de pourprite donnent, par l’addition d’eau, un précipité floconneux, et le liquide devient limpide et incolore. Nous nous contenterons d’in¬ diquer, d’après M. Batilliat, les caractères de ces deux matières, sans nous arrêter au* procédés de préparation indiqués par ce savant; car ils ne peuvent pas permettre d’obtenir des produits suffisamment purs. 1) Traité sur les vins de France , par M. Batilliat, page 73. 556 NOTE DE LA DIX-HUITIEME LEÇON. Il est facile de résumer ce qui se passe au sein des vins en suivant les différentes phases de leur coloration, dans lesquelles M. Mulder distingue cinq périodes. Lorsque la fermentation est établie et qu’il s’est formé une petite quantité d’alcool , la matière colorante bleue contenue dans les pellicules commence à se dissoudre, et elle devient d’un rouge pâle en présence de l’acide que le jus renferme. Ce phénomène se produit avec une intensité plus grande quand la fermentation est en pleine activité; mais, la pro¬ portion de la matière colorante augmentant, il n’y a plus assez d’acide pour la faire passer complètement au rouge, et le vin devient plutôt bleu que rouge: il est souvent d’un rouge violet. A cette période succède la fermentation lente pendant laquelle une certaine quantité de matière colorante se pré¬ cipite avec le tartre, le ferment et la matière qui provient de l'acide tannique ; le vin, après ce dépôt, est moins foncé en couleur. En môme temps, il se forme de l'acide acétique dont la présence augmente la proportion d’acide libre et donne par conséquent plus d’intensité à la coloration rouge du liquide. Enfin, nous devons signaler une dernière période pen¬ dant laquelle le tannin, s’altérant d'une manière lente, donne une substance peu soluble qui se précipite avec la matière colorante; de telle sorte que , celle-ci devenant de plus en plus faible, il peut arriver un moment où elle dis¬ paraît complètement, et le vin ne conserve plus qu’une légère teinte jaunâtre. C’est le propre des grands vins de pouvoir parcourir toute cette série de transformations sans perdre la droiture et la franchise de goût qui font un de leurs principaux mérites. .Nous avons vu des vins rouges «le Bourgogne de 1S02, de COMPOSITION DU VIN. 557 1806, qui, parfaitement conservés, présentaient, en 1856, une teinte jaunâtre tout à fait semblable à celle des vins de liqueur. D’autres, plus anciens et remontant à 1785, 1788, offrent ce caractère depuis plusieurs années, et n’ont éprouvé jus¬ qu’ici aucune altération ; le bouquet a disparu, mais le vin n’a pas perdu sa délicatesse et les qualités qui le distin¬ guent. Ajoutons, relativement à la coloration de nos vins, un fait que tout le monde a pu constater et que les considéra¬ tions précédentes permettent de comprendre facilement. Avant que les vieux vins de Bourgogne ne présentent cette couleur jaune, ils passent par cette teinte spéciale que l’on distingue sous le nom de rouge pelure d’ognon. Or, on sait que les matières colorantes bleues qui prennent une cou¬ leur rouge sous l’influence des acides faibles ou d’une pe¬ tite quantité d’acide, prennent, au contraire, une couleur rouge pelure d’ognon quand on les met en contact avec un acide énergique ou une grande proportion d’un acide faible. Il n’est donc pas étonnant que, la proportion de matière co¬ lorante diminuant, celle de l’acide devienne prédominante, et que le rouge vineux fasse place au rouge pelure d’ognon jusqu’à ce que, celui-ci disparaissant à son tour, le vin pré¬ sente une teinte jaunâtre. Nous avons indiqué, en parlant du moût, et dans la dix- huitième leçon, les précautions qu’il fallait prendre pour déterminer exactement la quantité d’extrait ou de résidu sec laissé par ce liquide. Les procédés appliqués au vin don¬ nent un résultat qu’il est important d’avoir pour compléter les données fournies par le dosage des principaux élé¬ ments. Les résultats suivants, donnés par M. Blaanderen, serap- 558 NOTE DE LA DIX-HUITIÈME LEÇON. portent a cent centimètres cubes de vin; ce liquide a été desséché à 110° jusqu’à ce qu’il ne perde plus de son poids; les nombres représentent le poids de l’extrait en grammes. 9 DÉSIGNATION MOYENNES des Maximum. Minimum. de vins. 12 obs*r»ati#os. Madère . 4.54 3.49 4.02 Ténérifle . 3.73 2.84 3.26 Porto . 5.24 3.75 4.45 Vin du Rhin .... 2.15 1.33 i 1.77 Pour les autres vins, les observations n'ont porté que sur un seul échantillon. Bordeaux . . 1.64 Champagne. . . . . . 8.27 Sauterne . . 0.95 Benicarlo . . . 3.11 Beaune . . 1.41 Saint-Georges . . . . 1.81 Pommard . . 1.80 Narbonne . . . 2.20 Hermitage . . 1.72 Tavella . . . 1 .85 Lacryma-Christi . . . 20.12 Langlade . . . 1.40 Rivesaltes . . 24.52 Bergerac . . . 26.81 Les résultats suivants s* rapportent à 100 grammes de vin; la quantité d’extrait est également exprimée en gram¬ mes : Grèce . 4,76 Joss. Marsalla . 4.50 id. France . 2.2 Bouchardal. Tokai . 10.6 LüdersdortT. Quant à ceux qui sont réunis dans le tableau, ils don¬ nent les limites de plusieurs observations faites sur chaque espèce de vin; ils se rapportent à la même base : COMPOSITION l)ü VIN. 559 DÉSIGNATION NOMS des Maximum. Minimum. des VINS. I OBSERVATEURS. Vins de France .... 2.8 ; i.9 Filhol. id . 2.0 1 1.8 LüdersdorIF. Vins du Lot . 4.9 msm Glary. Vins du Rhin . 2.3 1.5 LiidersdorfF. id . 4.2 Frésenius. id . 3.2 Diez. id . 9.9 2.2 Geiger. Vins du Palatinat. . . 10.7 , 1.9 Fischern. Würzbourg . 7.2 1.1 Schubert. Vins d’Autriche. . . . 9.6 ! 14 i Hitchock. Dans les opérations dont nous venons d’indiquer les résul¬ tats , l’eau , l’alcool , l’acide acétique et les autres matières volatiles ont été chassés, et le résidu est formé par le sucre, l’acide tannique, la matière colorante, le ferment, les acides libres, les sels formés par les acides organiques et les sels minéraux. La détermination de la quantité d’extrait que donne le vin est une opération assez délicate. On a toujours à craindre que la matière ne commence à se décomposer. Aussi a-t-on cherché à évaluer par un autre procédé la proportion de ce résidu qu’un vin peut laisser. Voici sur quel principe est fondé ce mode d’observation : on prend un volume connu de vin et on le fait bouillir de manière à chasser l’al¬ cool; quand ce résultat est obtenu, on ajoute de l’eau au ré¬ sidu et on rétablit le volume primitif du vin, puis on prend la densité du liquide ainsi formé, et on en conclut, au moyen d’une table calculée comme nous allons le dire, la quantité d’extrait. On comprend qu’il soit possible de construire pour cet objet un aréomètre, et d’inscrire sur la tige les nombres correspondants à chaque densité. 560 NOTE DE LA DIX-HUITIÈME LEÇON. M. Balling a montré que si on faisait, d’une part, desdis¬ solutions de sucre, de l’autre, des dissolutions d’extrait de vin ou de bière, après dégagement de tous les principes vo¬ latils, à une meme densité correspondraient les mêmes pro¬ portions de sucre ou d’extrait. 11 devient donc possible, en déterminant la densité des dissolutions sucrées de compo¬ sition connue, de construire une table pouvant donner, d’a¬ près la densité du vin privé de son alcool et ramené par une addition d’eau au même volume, la quantité d’extrait contenue dans ce vin. Nous donnons la table dressée par M. Balling d’après ses observations. Elle a été calculée à la température de 17*5. DENSITÉS. ^proportion de sucre i | ou d'extrait sur 100. DENSITÉS. ' PROPORTION de sucre ou d'extrait sur 100. | DENSITÉS. rnupoin io!f du sucre ou d’extrail sur 100. 0 1.036 9 1.070 17 ■BIiM 1 1.040 10 1.074 18 2 1.045 11 1.079 19 1.012 3 1.049 12 1.083 I 1.016 4 1.053 13 1.088 21 1.020 5 1.057 14 1.092 22 I 1.024 6 1.061 15 1.097 23 I 1.028 1 . 032 7 8 1.066 16 1.101 JJ Les développements dans lesquels nous sommes entrés re¬ lativement à l’emploi des densités pour l’analyse de cer¬ taines dissolutions, nous permettent d’apprécier tout de suite la valeur de ce procédé. L’extrait de vin étant formé de plusieurs matières différentes, la densité de. sa dissolu¬ tion ne peut conduire à déterminer exactement sa composi¬ tion. 11 suffit de consulter les chiffres que nous avons don¬ nés pour reconnaître qu’à une même densité peuvent cor- COMPOSITION DU VIN. 561 respondre des quantités d’extraits différentes, et que souvent à une densité plus grande correspond une proportion d’ex¬ trait plus faible. Outre ces réflexions, nous citerons les résultats de la comparaison faite par M. Mulder entre les nombres obtenus directement et ceux auxquels conduit la table de M. Bal - ling. Ils sont réunis dans le tableau suivant : DÉSIGNATION des VH8. DENSITÉS du vin SAN 9 ALCOOL. PROPORTIOl calculée. H D’EXTRAIT trouvée. Madère . 1 J .0169 4.25 3.64 id . 1.0192 4.75 5.54 Ténérifle . 1.0122 3. 2.84 id . 1.0164 •4. 3.73 Vin du Rhin .... 1.0083 2. 1.33 id . ! 1.0097 2.5 2.15 Vin de Porto . . . . j 1.0167 i. 3.75 id . 1.0227 5.5 5.24 Lacryma-Christi . . 1.0805 19.6 20.12 Rivesaltes . 1.0946 23. 24.5 Ces chiffres montrent que la table de M. Balling donne des nombres trop forts quand la proportion d’extrait n’est pas considérable; mais, lorsque cellc-cis’élève au cinquième ou au quart du poids du vin, les nombres fournis par la table sont au contraire trop faibles. On peut dès lors esti¬ mer avec quelle approximation on obtiendra par ce moyen la quantité de résidu qu’un vin laisserait après le dégage¬ ment de toutes les parties volatiles. Il est très-possible que certains vins donnent des résultats d’accord avec les nombres de M. Balling; mais cette concordance n’aura pas lieu pour tous, et ies rapprochements qui précèdent suffisent pour mon¬ trer la limite des différences. 502 NOTE DE LA DIX-HUITIÈME LEÇON. La détermination de la proporlion de matière azotée con¬ tenue dans le vin se fait par le procédé que nous avons in¬ diqué précédemment, page 247. On prendra un poids connu de vin, et on le fera dessécher de manière à l’obtenir à con¬ sistance d’extrait, puis on analysera une portion de ce ré¬ sidu pour avoir la quantité d’azote qu’il contient. La teneur en azote des matières albumineuses étant de 15 pour 100, il sera facile de calculer la proportion de ces ma¬ tières existant dans le vin d’après le nombre trouvé pour l’azote. Le tableau suivant résume les résultats obtenus par M. Blaanderen : DÉSIGNATION DU V1K. EXTRAIT. AZOTE. MATIÈRES albumineuses. Beoicarlo . 2.87 0.026 0.17 Roussillon .... 3.11 0.029 0.19 Saint-Georges . . . 1.81 1 0.020 0.13 Narbonne . 2.20 0.021 0 .14 Pommard . 1.80 0.040 0.26 La détermination de l’azote a été faite par le procédé de MM. Will et Varrentrapp. En nous occupant des éléments minéraux contenus dans la Vigne, nous avons déjà cité les résultats fournis par l'ana¬ lyse des cendres du vin (voy. pages 34 et 52), et publiés par M. Boussingault. Nous avons à compléter cette première in¬ dication en faisant connaître les recherches entreprises sur ce point important de l’analyse des vins. Pour la prépara¬ tion des cendres, on opérera sur l’extrait donné par l’évapo¬ ration, puis on devra déterminer la proportion des cendres pour un poids donné de vin et la composition de ces cendres. Cette dernière opération se fera d’après les procédés suivis COMPOSITION DU VIN. 803 pour l'analyse de ces sortes de matières; nous n’avons pas à entrer dans les détails de la marche à suivre, on les trou¬ vera dans les ouvrages spéciaux sur ce sujet. La discussion des analyses de vin publiées jusqu’ici nous montre qu’on trouve dans tous les vins de la potasse, de la soude, de la chaux, de la magnésie, de l’acide sulfurique, de l’acide phosphorique, du chlore et de la silice. M. Mulder y ajoute l’oxyde de fer et l’alumine comme se rencontrant dans un grand nombre de vins, mais n’ayant pas encore été signalés dans tous. Les plus importantes des matières salines existant dans le vin sont, sans contredit, celles qui, dans ce produit, sont combinées avec des acides organiques, et que l’on retrouve dans les cendres à l’état de carbonates; nous avons parlé de ces sels, et en particulier de la crème de tartre, en nous oc¬ cupant des acides libres. Quant aux autres, nous n’avons rien à ajouter à ce qui a été dit précédemment. Nous nous contenterons seulement de rappeler que, dans les exemples que nous avons cités, nous n’avons parlé que des vins con¬ sidérés comme purs et obtenus sans addition d’aucune substance étrangère. Les résultatsque nous avons pu réunir sur la proportion des matières minérales contenues dans le vin se trouveront dans les tableaux que nous avons placés à la tin de cet te note. Il nous reste à ajouter quelques mots sur ces produits vo¬ latils ou odorants qui, s’ils n’existent dans le vin qu’en pro¬ portions très-faibles, contribuent si puissamment à modifier leur qualité. Nous avons déjà fait connaître quelles étaient la nature et la composition générale de ces produits. Les uns se trouvent dans tous les vins; on les y rencontre im¬ médiatement après leur production. Nous pouvons citer l'éther œnanthique, l’alcool amylique, comme appartenant 564 NOTE DE LA DIX-HUITIEME LEÇON. tft à ce groupe. Les au 1res ne se forment que plus tard, par suite d’une réaction lente que les éléments du vin exercent les uns sur les autres. Mais le moyen le plus rationnel pour classer ces diffé¬ rentes substances consiste à les rapprocher d'après leur composition. Les analogies qu’elles présentent sous ce rap¬ port permettent de saisir la loi générale de leur formation, et de faire connaître toutes celles qu’il est possible de ren¬ contrer dans les vins ou qui peuvent s’y produire. Siplusieurs de ces substances ont été signalées comme exis¬ tant dans les vins ou les produits qui en dérivent, il est bien possible que leur formation ait été la conséquence des traitements que l’on a fait subir aux vins pour les obtenir ; car, les éléments qui peuvent leur donner naissance existant dans les vins, l’élévation de température nécessitée pour la distillation, par exemple, a bien pu faciliter ou provoquer des réactions qui ne s’étaient pas manifestées dans les con¬ ditions ordinaires de température. Nous avons vu que ces composés rentraient dans le groupe des alcools et dans le groupe des éthers dont nous avons fait connaître la composition générale. Nous signalerons dans le groupe des alcools l’alcool amy- lique, l’alcool propylique, et l'alcool eaproïque découverts dans les résidus des eaux-de-vie de marc par MM. Balard, Chancel et Faget. Ces résidus constituent un mélange fort complexe de matières volatiles que l’on peut isoler par dis¬ tillation en fractionnant les produits. Ainsi, tous les pro¬ duits qui passent entre 90° et 425* contiennent beaucoup d’eau et d’alcool ordinaire; ce qui distille entre 125° et 440° est principalement formé d’alcool amylique. La matière qui bout au-dessus de 140° sert à la préparation de l’éther œnanthique. Quand la matière a été par ce procédé sépa¬ rée en plusieurs parties, on purifie les matières qui domi- avons dit précédemment A. rarbooiqut 12C03 il. rarboniquf 5 (C1* H1* O") 1 carbonique 2(.C»H“0*)rH < 2ÇO* 1. carbonique icide raproiqoe COMPOSITION ru VIN. 565 nent dans chaque portion au moyen de nouvelles rectifica¬ tions. M , itfnÉf^n > Le mode de décomposition que le sucre éprouve pour for¬ mer l’alcool ordinaire rend également compte de la pro¬ duction de ces difïérents alcools, et on peut l’expliquer soit i; en admettant que chacun de ces corps se forme séparément, soit en supposant qu’ils prennent naissance simultanément * par la décomposition d’une même quantité de sucre. 11 nous suffira de rapprocher les formules suivantes pour qu’on sai- sisse facilement ce mode de formation d’après ce que nous 4HO Eau. -H2HO San. -t-8HO Eau, 2 (C14 H14 0 1 1 •) = 1 ’ - H u , O* • G6 H8 O* • + 8 CO* -f 4 HO. . .. .. i . m . & • n _ _ 1 Icool proptlique. A.carboniqno. Rau. 2HO. San. (> Hfi O2 “^f-2 ( L6 11804) 4-2C0* ilruol. i Alcool propiliqoe. 1. Carbonique. On pourrait faire plusieurs autres combinaisons du même genre; nous nous contenterons de celles qui précèdent. Elles nous montrenlque les produits de la décomposition du sucre peuvent toujours se représenter par de l’acide carbonique, de l’eau, auxquels il faut ajouter un ou plusieurs alcools. ' »' 4 **'*.- !• f " \ ' *. Or, dans les opérations qui ont pour base la fermentation alcoolique, à côté de l’alcool ordinaire on trouve toujours d’autres produits du même genre. Oh peut donc admettre NOTE DE LA DIX-HUITIÈME LEÇON. Sût) avec assez d'apparence de raison que tous ces produits prennent naissance par suite de modifications qui ont une origine commune. Le second groupe de substances auquel on doit rapporter les matières que nous examinons maintenant est le groupe des éthers. Ces corps sont dus aux réactions des acides sur les alcools. Nous pourrons donc trouver dans les vins tous les éthers possibles avec les alcools que nous avons cités et les acides que le vin contient ordinairement, ou qui peuvent prendre naissance par suite de conditions particulières. Outre fétlier œnanthique existant dans tous les vins et dont nous avons indiqué la composition, nous signalerons l'éther acétique, formé par faction de l’acide acétique sur l’alcool. Une réaction identique peut se produire au contact de ce meme acide acétique et des autres alcools, de sorte que nous pouvons avoir l’éther acétique de l’alcool ordinaire, l'éther acétique defalcool amylique,féther acétique de l’al¬ cool caproïque, etc. Les autres acides tartrique, malique, etc. peuvent donner avec ces alcools des composés éthérés analogues aux précé¬ dents. On comprend que le rapport entre les proportions des dif¬ férents acides et aussi la quantité relative de ces divers al¬ cools auront une grande influence sur la formation de ces produits et sur la quantité de chacune de ces substances qui se formera dans le vin. Nous avons fait connaître celte matière que l’on désigne sous le nom d'aldéhyde, et dont la composition est intermé¬ diaire entre celles de l’alcool et de l’acide acétique. On com¬ prend, d’après la nature de celte substance, qu’elle peut se rencontrer partout où l’acide acétique prend naissance aux dépens de l’alcool. Les observations de M. Chancel sur l'huile que l’on obtient comme résidu de la distillation des eaux- COMPOSITION DI VIN. 567 de -vie rendent très -probable son existence dans les vins. L’intervention des matières grasses que le vin contient doit encore augmenter la liste des matières qu’il est possible d’y rencontrer. C’est à ces matières qu’il (aut attribuer peut-être la formation de l’acide, et, par suite, de l'éther œnanthique. On a trouvé de l’éther margarique dans cette huile don1 nous venons de parler. L’éther butyrique se rencontre sou¬ vent concurremment avec l’éther acétique, et l'acide buty¬ rique peut aussi donner avec les autres alcools des éthers semblables. Les considérations précédentes montrent suffisamment les relations qui existent entre ces corps. Nous ajouterons ce¬ pendant encore une observation faite par M. Nicklès, et qui confirme cet important point de vue. L’acide propionique (C6H604) dérive de l’alcool propylique (C6H80*), comme l’acide acétique (C4H40*) dérive de l’alcool ordinaire (C4H80*). Cet acide se forme quelquefois par suite de la décomposition du tartrate de chaux en présence du ferment. Il avait été désigné sous le nom d’acide butvro-acétique, M. Nicklès ayant cru remarquer dans ce produit une ten¬ dance à se dédoubler en acide acétique et en acide buty¬ rique. En effet, nous pouvons établir l’égalité suivante : 2 (C6 II8 O4) = C4 H4 O4 4- C8 II8 O4. A. propioüMjuf. i. icfiiqur. A. biljnqnf. La présence dans le vin des différentes substances que nous venons d’examiner doit exercer une grande influence sur ses qualités; mais il est difficile de dire si ce qu’on ap- pelle le bouquet des vins est dû à la formation de l’une de ces matières ou à la présence d’une substance particu¬ lière qui détermine au sein du liquide une réaction spéciale entre quelques-uns de ses éléments. 568 NOTE DE LA DIX-HUITIÈME LEÇON. M. Mulder fait remarquer sur ce sujet que, si on distille un vin très-odorant, on obtient une eau-de* vie d’une odeur très-agréable, mais tout à fait différente de celle du vin. Si on mélange de nouveau le liquide qui a distillé avec celui qui est resté dans la cornue, on ne fait pas reparaître rôdeur primitive du vin. Geiger a remarqué qu’un pareil mélange pouvait reprendre du bouquet après quelques années. Nous citerons encore une expérience de Schubert, qui semble montrer que l’alcool ne joue aucun rôle dans la formation du bouquet. Il a réduit du vin au cinquième de son volume, puis il a renfermé le résidu dans un flacon. Après cinq ans, ce liquide, qui contenait 3 à 4 p. 100 d’acide, présentait un bouquet plus développé que celui des vins les plus vieux. Schubert en conclut qu’il a pu se former dans ce vin une matière odorante, mais que ce n’est pas un éther, puisqu’il n’y avait plus d’alcool. Cette matière aro- malique serait le produit de la réaction de l’acide tartrique sur la matière extractive du vin, l’alcool ne participerait pas à sa formation. Il y a quelques années, M. Winckler avait annoncé qu’il avait pu séparer du vin une matière volatile, ayant une réac¬ tion alcaline et possédant l’odeur caractéristique du vin qui avait servi à la produire. Pour l’obtenir, on chassait par la distillation l’alcool et les autres principes qui se déga¬ gent avec lui; puis, on ajoutait au résidu une petite quan¬ tité de chaux, et on distillait de nouveau : alors se volatili¬ sait une matière spéciale que l’on considérait comme la cause du bouquet. 11 est très- possible que cette opération détermine le départ de matières volatiles odorantes exis¬ tant dans le vin ; mais on a reconnu que la réaction alcaline était due simplement à un dégagement d’ammoniaque. Quoi qu’il en soit, on peut regarder comme certain qu’en dehors des composés alcooliques éthérés, dont la nature est COMPOSITION DU VIN. 569 si facile à caractériser, il peut se développer dans le vin d’autres substances odorantes semblables à celles que l’on tronve dans presque toutes les plantes. Le point de départ, l’origine de ces substances, la matière première, si on peut employer cette expression , existent dans le raisin , et c’est sous l’influence des autres éléments du vin que se déve¬ loppe, aux dépens de cette matière, le principe odorant qui sert à les caractériser plus tard. Dans la plupart des recherches entreprises sur la com¬ position des vins, on s’est proposé de déterminer plusieurs de leurs éléments ; nous n’avons pas voulu séparer les ré¬ sultats et nous donnerons pour terminer cette étude les nombres obtenus par les différents observateurs. M. Fauré, dans ses études analytiques sur les vins de la Gironde a donné les nombres suivants pour exprimer leur densité, leur richesse alcoolique et la proportion de tannin : DÉSIGNATION des I | VINS. j { ♦ DENSITÉS. PR0P0RTI0S d’alcool. QUANTITÉS de dissolution de gélatine employées pour précipiter le tannin. , Château- Lafitte. . . . 0.996 8.7 10.1 Château-Margaux. . . 0.996 9.8 9.3 Chàleau-Latour. . . . 0.995 9.3 13.3 Haut-Brion . 0.99 i. 9.0 7.0 i Ces - Destournel .... 0.997 9.0 9.0 ] Brane-Mouton . 0.997 9.0 10.3 > Léoville . 0.996 9.2 8.0 1 Gruau-Larose . 0.997 9.9 8.2 f Kirwan . 0.997 9.3 9.3 f Giscours . 0.997 9.1 12.3 La Lagune . 0.996 9.3 12.0 Lalande-Tronquoy. . . i 0.997 9.9 Sainl-Estèphe-Phélan . | 9.998 9.8 1 7.0 1 _ 32* 570 NOTE DE LA DIX-HUITIÈME LEÇON. .... . DÉSIGNATION 1 des ' I ris*. ! DENSITÉS. - 1 PROPORTION | d’alcool. QUANTITÉS de dissolution de gélatine employées pour précipiter le tannin. . Sauterne . 0.995 15. 4.0 i Barsac . 0.995 14.8 4.3 g l id . 0.995 12.7 4.5 fl 1 id . 0.994 12.3 4.7 i2 / Podensac . 0.997 13.8 4.3 A \ id . 0.997 13.1 4.4 S / id . 0.997 I 12.3 4.8 £ [ Preignac . 0.996 11.5 6.0 1 Carbonnicux . 0.994 13.2 6.0 Langoiran . 0.998 10.3 4.3 Nous avons rapproché les moyennes des résultats obtenus par ce savant dans l'analyse des vins rouges et des vins blancs; on peut les résumer ainsi qu’il suit : Vins rouges. Vius blancs. Alcool en volume . 9.30 11.50 Alcool en poids . 7.36 9.14 Bitartrate de potasse et traces de tartrate de chaux et de fer . 0.21 0.13 Chlorures alcalins . traces 0.01 Sulfate de potasse . 0.02 0.02 Phosphate de chaux . traces 8.01 Extrait . 0.13 0.13 Eau . 92.25 90.51 N on s ajouterons aux renseignements que nous avons don¬ nés précédemment sur les vins de Bourgogne quelques-uns des résultats obtenus par M. Delarue dans l’analyse de ces vins. Les proportions de sels organiques et minéraux sont exprimés en grammes; elles correspondent à 500 grammes de vin. COMPOSITION OU VIN 571 •*>72 .NOTE PE LA DIX-H ITTIÈME LEÇON. # Nous ajouterons également, d’apres M. Jacob, l’analyse des vins de Tonnerre, dont nous avons fait connaître précé¬ demment la richesse alcoolique. Les nombres expriment en grammes la quantité de chacun des sels contenus dans un litre de vin. (Voy., pour la couleur et l'année de la récolte, page 536.) des POIDS t- des sels — pour un litre de vin. — Cx2 H % < s Ué o -J û. . -J} H .2 £ I « « « - w «* X c 3 .2 X -c O 2 s -s Côtcs-Pitois. id . Les Bridai nés Vauliercelins id . Charlouts. . Vaumorillon Tronchev. . Olivottes . . Pcrrières . . 1.012 0.949 1.198 1.201 1.037 0.727 0.700 1.181 1.181 0.918 0.454 0.371 0.449 0.429 0.492 0.394 0.409 0.418 0.408 0.035 0.101 0.119 0.178 0.125 0.189 0.089 0 172 0.213 0.288 0.203 0.300 0.328 0.450 0.480 0.251 0.130 0.0G8 0.137 1.354 0.310 0.097 0.068 j 0.041 0.056 0.070 0.069 0.031 0.060 0.068 0.043 1 0.043 0.048 0.056 0.057 0.012 0.039 1 0.017 0.040 0.052 0.311 0,013 0.014 0.023 0.053 0.020 0.001 0.002 0.013 0.011 0.016 M. Boussingault a fait l’analyse du vin rouge de Lam- pertsloch (récolte de 1846) ; cette analyse a donné : Alcool . 8.73 Glucose, matière extractive . 3.62 Bitartrate de potasse . 0.29 Sulfate de potasse . 0.02 Chlorure de sodium . traces Phosphate de magnésie . 0.05 Phosphate de chaux . 0.02 Eau . 87.27 1 00 00 Nous* avons déjà fait connaître quelques-uns des résultats obtenus par M. Filhol sur les vins de la Haute -Garonne ; nous compléterons ces renseignements par le tableau suivant : V. COMPOSITION DU VIN O/ J s < — _ s. q &j tq' n> a-' a. a. = er 2 o> r* no o> P o en -î -i c O- S CD O CD 3 cr cd w D . g • • s' 2Q xm.^ocO'— O«0t;rXKJO:-ÜtOvJ»-M3)^^Wt«rCK3»- OC>0«^-*'-JtC'C5®**ï'CO©0«05XOO'XOOtO f-* o <-» r-» r* r-» r-* Q O P-* o o -5 n ^ • -1 ^ -5 -D •* • - g » • p P - P P.o a p a a P OOP p o o o CD CD o 2-i CD (D CD Ci O —1 05 2 o. N> to CD CD CD CD CD.Jq (D CD CD CD CD [«o t£ 2 CD 4^ ** CO CO CO- CO CO w • CO 73,73 CO CO CO CO • • O • t w • • 0 • » • •# • • < > a* P P PS "J ~§ i.' • o • • o o o 0-0 J o O o X Oc CC ^r- W t<3 k) 2; o Mi K* Ç- OS X OC X 14) CO — »® ^ -J s- ■8 «* « V> X ^ ^ 1 f ’ k ?• * a .• • • • % , ‘ 'V>v*£ *’**> O O P Û3 O n)K>o o w ^ •.« v rt\ ••A* a* >*r ^ X <«- CO 14) t* hô ■■■■ Ut 05 — C5 05 ce CO O — OC XD©M>C5X-JfGC505 iO * - r>L Ci tv CO -J O* © © C © © rS> “. * "Y, * V ,-• IATK 574 NOTE DE LA DIX-HUITIÈME LEÇON. Les vins du Rhin ont été l'objet d’études nombreuses, et souvent nous avons eu occasion de donner d’utiles indica¬ tions sur leur composition. Schubert a analysé un grand nombre de vins de Würtzbourg; voici quelques-uns des ré¬ sultats donnés par des vins fournis les uns par des cépages mélangés, les autres par des Riesslings et des Traminers cul¬ tivés séparément : ANNEES. ci) [ •S \ æ ) « \ • / ! \ c fi -o> bo a a 1847 1846 1841 1842 1834 1847 1816 1843 1835 1847 1846 18 Î5 1844 1842 1841 1822 1818 1811 1783 1775 1766 1748 1728 DENSITÉS. I ALCOOL. 0.9938 1.0083 0.9954 0.9927 0.9910 0.9916 0.9883 0.9954 0.9762 0.9926 0.9879 0.9947 0 9925 0.9925 0.9925 0.9910 0.9933 0.9929 0.9946 0.9925 0.9921 0.9950 0.9971 8.6 9.1 8 0 9.2 8.6 8.4 10.0 8.4 7.2 6.4 9.9 8.4 8.4 8.7 8.7 9.2 9.3 8.0 8.1 10.4 10.7 9.1 8.3 ACIDE libre calculé comme acide tartrique. 0.82 0.56 1.14 0.65 0.82 0.91 0.65 0.91 0.90 1.06 0.82 0.65 0.82 0.82 0.90 1.35 0.85 0.91 1.02 0.91 0.G9 1.06 1.14 EXTRAIT, 2.8 7.2 3.8 2.9 3.9 3.1 3.5 2.9 3.6 2.6 2 6 3.1 2.6 3.1 2.8 3.5 3.1 3.3 3.5 3.2 3.9 3.3 3.3 Nous avons également extrait les nombres publiés par M. Riez, ceux qui se rapportent aux vignobles les plue impor¬ tants des bords du Rhin, ( Ann. drr Ch. und Pharm. 90, 304.) COMPOSITION DU VIN. 575 ANNEES | LOCALITÉS. ' de la DISStTKS. I récolte. I Forst . id . id . id . id . Deideshcim . id . id . Riidesheim . id . Durkheim. . id . Oppenheim . Steinberg . . Johannisherg. ; 1834 1844 i 1816 I 1848 1852 1846 1 1848 1853 1846 1848 ! 1849 . 1852 1848 18 46 1842 0.9953 0.9954 0.9955 0.9957 0.9964 0.9953 0.9973 0.9998 0.9957 0.9963 0.9956 0.9960 0.9951 0.9955 0.9917 ALCOOL toliime. 11.9 11.6 11.5 11.4 11.2 12.1 12.0 11.2 11.6 11.4 12.0 11.4 11.3 11.6 10.0 QUANTITES de potasse nécessaire pour satnrer les acides. SUCRE 0.48 0.48 0.51 0.47 0.57 0.76 0.33 0.52 0.53 0.55 0.36 0.41 0.51 0.30 0.43 .57 .63 .65 0.11 0.53 0.78 0.39 0.43 0.58 0.64 0.50 0.35 0.42 EXTRAIT 100<> f .1 2.4 2.4 2.5 2.5 2.0 2.0 3. 2.1 2.5 2.1 2.1 2.1 2.1 CENDRES. 0.13 0.14 0.15 0.13 0.20 0.14 0.13 0.15 0.15 0.18 0.17 0.18 0.13 0.15 0.12 Frésénius a fait l'analyse de quelques vins du Rhin, la première année de leur fabrication, quatre mois après la vendange : 576 NOTE DE LA DIX-HUITIEME LEÇON. Dans les résultats inscrits au tableau précédent l’acide est compté comme acide tartrique , le sucre comme sucre de raisin anhydre. Le vin de Steinberg n° 2 est de pre¬ mière qualité. M. Frésenius a conclu de ses recherches que le vin est d’autant meilleur qu’il contient moins d’acide libre et que la bonté du vin n’est pas en rapport avec la proportion d’alcool. Les vins qu’il a examinés étaient, comme on peut le voir, très-riches en sucre; ils n’avaient pas encore subi la fermentation complémentaire, et en juillet ils étaient tous devenus mousseux. Leur composition montre que les quantités de sucre que les moûts contenaient avant la fer¬ mentation peuvent être représentées par les nombres sui¬ vants : Hohenheim . 24.5 sur 100 Markobrunn . 26.3 — Steinberg . 24.1 — id . 28.5 — Nous trouvons également dans les expériences de Fis- chern des renseignements sur les proportions de sucre du moût et du vin. Les vins du Palatinat désignés sous les nu¬ méros 2, 3, 4 sont des vins de Worms; ils proviennent de Liebfrauenberg et sont, comme nous l’avons déjà dit, désignés- sous le nom de Liebfrauenmilch (voy. page 111). Les nu¬ méros 5, 6, 7, et 8 appartiennent à la môme localité, mais ils ont été produits par des cépages dillérents; 5 et 6 ont été donnés par des Riesslings, 7 par des Traminer et 8 par des Rulander. Les deux échantillons de vin des bords du Necker de 1846 appartiennent, le premier à un vin blanc, le second à un vin rouge. COMPOSITION DU VIN. O l i I'ÉSIGNaTION des VINS. Palatinat . id . id . id . id. . . . id . id . id. . Bords du Neckrr. id . id . id . Saxe . Hongrie . id . Mtif. alcool, utrjit. ! Si'CRF. 183i 18 il 1842 1843 1846 1846 1846 1846 1842 18 i 5 1846 1846 1852 1827 1834 9.5 9.9 9.3 10.5 10.4 6.3 5.6 8.4 9.4 9.4 9.3 11.4 4.1 1.9 2.1 2. 3.0 2.6 10.7 1.1 0.1 1.0 1.5 1.3 3.5 1.6 1.5 0.6 0.2 0.7 1.4 0.8 1.2 6.1 Sî'CRK du moût. 19.7 21.7 19.4 19.1 20.3 23.9 21.3 21.2 13.7 12.5 18 0 19.4 20.0 19.3 30.1 Nous terminerons cette revue des principaux travaux sur les compositions des vins en citant les recherches de M. Mayer sur les vins de Malaga, et en faisant connaître les proportions de sucre, d’alcool et d’extrait trouvées dans ces vins. Vin de Malaga id . . id. ..... id . id . id . id . 1.037 1.069 1.069 1.057 1.057 1.056 1.070 VOLUME ' ] POIDS 1 d’alcool sur SUCRE. de 1 l’eitrait 1 sur 100 p. 100 p. 12.5 ! 9.9 14.4 13.2 l » 1 » 13.5 » » 14.9 » o 15.0 14.7 18.4 15.3 i 1 4.5 ! 18.7 16.1 » » 1 1 33 M78 NOTE DE LA DtX-HUITIEME LEÇON. Si on part des nombres précédents pour déterminer la quantité de sucre contenue primitivement dans le moût, on trouve que, pour les dernières variétés des vins, le moût contenait jusqu'à 40 pour cent de sucre; on l’avait amené à cet état en le concentrant par la chaleur. Les développements que nous avons donnés dans cette note et dans celles où nous nous sommes occupés de l’ana¬ lyse du raisin et de l’essai du moût permettront d’apprécier la valeur des résultats obtenus et publiés par les différents auteurs; et, lorsqu’on voudra se livrer à des études du même genre, il sera facile de délei miner quelle méthode il faudra employer pour arriver le plus exactement possible aux résultats que l’on se propose d’atteindre. DIX-NEUVIEME LEÇON - 15 juillet 1856 — Altérations spontanées et maladies des vins. • / .... .-c't - • ‘5/. - l MIOIIÜM !.. ^ . .S. Nous avons examine les différentes opérations qui se v> > w / :& V'/ v: v /. succèdent dans la préparation du vin; puis nous avons fait connaître quelle était la composition générale de ce liquide, et comment la proportion de ses différents éléments variait par îsuite des, modifications qui eon- ; ;«.-V W î - />y % • .y. ... . tinuent a s y produire apres sa fabrication. Mais en • 2 m . • • T • ^ W • dehors de ces changements, dont le développement * M ^ . f #v c .' V • * *’ ^ régulier permet aux Vins d’arriver a leur perfection, il peut s’en manifester d’autres qui , au lieu de les améliorer, les détériorent au contraire et les altèrent. Il nous reste donc',* "pour compléter nos précédentes études, à étudier les caractères de ces altérations qui peuvent se produire au sein du vin, et à rechercher quels sont les moyens de les corriger ou de les pré¬ venir.,/ 7Z "... ~ • : . : .U ^ , •' — • - ^ • * • Notre intention n’est pas de passer en revue toutes “>80 DIX-NEUVIÈME LEÇON. «# les maladies du vin , ni d’indiquer tous les moyens proposés pour les combattre. Nous distinguerons parmi les altérations que le vin peut éprouver t elles qui sont dues à des circonstances accidentelles tout à fait étran¬ gères à sa nature et à ses qualités, et parmi lesquelles nous pouvons citer les goûts de fût, de moisi. Nous laisserons tout à fait de côté ce genre d’altérations. Nous nous occuperons seulement de celles que l’on désigne quelquefois sous le nom d’altérations natu¬ relles; elles se produisent au sein du vin par suite de certaines réactions qui se passent entre ses éléments, et cette indication suffit pour les caractériser. Les détails dans lesquels nous sommes entrés à propos de la fermentation nous ont déjà fait pressentir la pos¬ sibilité de ces altérations. Nous avons vu que, pendant la fermentation du moût de raisin, il pouvait se mani¬ fester quelques symptômes de fermentations différentes de la fermentation alcoolique. La matière azotée sus¬ ceptible de donner naissance au ferment forme, dans ce cas, un ferment spécial dont la présence suffira pour déterminer plus tard le mode de fermentation corres¬ pondant. Ainsi, dès qu’il s’est produit, pendant la fabrication du vin, des fermentations anormales, le germe de ces altérations reste dans le liquide et peut les développer dans la suite si les circonstances sont favorables. Le dépouillement que le vin éprouve dans les premiers temps qui suivent son introduction dans les tonneaux, les dépôts qui se forment ultérieurement, peuvent bien éliminer une grande partie de ces ma¬ tières dangereuses; mais s’il en reste une certaine quan- MALADIES DES VINS. 581 tité, quelque faible qu’elle soit, et si les autres condi¬ tions nécessaires pour la production de cette altération sont satisfaites , elle ne manquera pas de se manifester tôt ou tard. D’un autre côté, nous avons vu combien sont nom¬ breuses les transformations que peuvent éprouver les matières organiques. Nous avons indiqué le caractère de ces modifications, et les détails que nous avons donnés sur ce sujet nous permettront de nous rendre compte de certains phénomènes observés pendant les maladies des vins. Nous étudierons d'abord les affections qu’il est pos¬ sible de rapporter avec certitude à une altération bien nettement déterminée d’un des éléments du vin, puis nous terminerons cet examen rapide en indiquant les caractères généraux des altérations que ce liquide peut éprouver, afin qu’il soit possible de se faire une idée de ces changements si nombreux qui n’ont pu jusqu’ici être analysés et rapportés à une cause bien déterminée. L’altération la plus fréquente des vins est celle qui est due à la transformation de leur alcool en acide acé¬ tique. Quand cette modification, produite, comme nous le savons, par l’oxydation de l’alcool, ne dépasse pas certaines limites , elle ne constitue pas une maladie, car nous trouvons dans un grand nombre de vin£des quantités notables d’acide acétique. La formation de cette dernière substance est la conséquence inévitable de la constitution du vin. Il reste, en effet, constam¬ ment dans le vin une proportion considérable de fer- 582 DIX-NEUVIÈME LEÇON. ment ; le sucre, qui n’a pas été modifié, ne peut plus, à cause de la présence de l’alcool et des conditions dans lesquelles le liquide est conservé, éprouver la fermentation alcoolique. Si le vin a le contact de F air, la modification qui se produira le plus facilement est celle qui résulte de l’oxydation de l’alcool et qui ca¬ ractérise la fermentation acétique. Nous avons dit que dans tous les vins il se formait un peu d’acide acétique ; mais, si le vin est peu riche en alcool, si l’accès de l’air est trop facile, bientôt la matière azotée subira cette altération spéciale qu’elle éprouve dans la fermentation acide, et celle-ci se déve¬ loppera rapidement au sein de toute la masse. La com¬ paraison que nous avons faite entre la composition élémentaire de l’alcool et celle de l’acide acétique nous montre que l’action de l’oxygène est nécessaire pour opérer cette transformation. Elle ne se manifestera jamais dans un vin qui aura été tenu à l’abri de l’air, et, dans tous les liquides où elle aura commencé à se développer, on pourra l’arrêter si on parvient à le soustraire complètement à l’action de l’oxygène. Le moyen le plus efficace pour garantir les vins de l’acidification, c’est donc d’empècher le contact de l’air; de plus, cette simple précaution suffira pour arrêter la transformation quand elle aura commencé ; mais il ne notls sera pas possible de ramener le vin dans son état primitif et de refaire de l’alcool avec le vinaigre qui s’est formé à ses dépens. L’action se manifestera d’abord dans les pallies su¬ périeures du liquide, dans celles qui sont en commuai- V MALADIES 583 •v - par la fleur, due à une végétation cryptogamique qui se développe à la surface du liquide sous l’influence de l’air. Bientôt elle se répandra dans la masse, et la ma¬ tière azotée donnera naissance à ce ferment spécial capable de reproduire et de propager la fermentation acétique et que l’on désigne sous le nom de mère du vinaigré^* ^ ifci/gaU nitf jtfWrjru m* Jiirtîl»n t , ; Ainsi, nous avons deux précautions à prendre pour soustraire le vin à cette altération : empêcher l’action de l’air, séparer le vin du ferment qui s’est précipité et dont le mélange avec le liquide pourrait y provoquer les modifications que l’on cherche à éviter. Le soufrage peut être indiqué comme très-efficace, et il suffit, pour comprendre son action, de nous rappeler le rôle que joue l’oxygène dans cette opération. Le soufre se trans¬ forme en acide sulfureux, et pour cela il absorbe l’oxy- cène de l’air ambiant. Ce phénomène empêchera donc O * * / , -A, • . - . * + 4 • * • A , » -* « . r - . *• . . également cette fermentation spéciale qui donne nais- * f * * sauce à l’acide acétique. L’altération dont nous nous occupons tenant a la * 1 r • "*• ' S /• '• , , , • « • ' formation dans le vin d’un principe acide, on a con- , ~ » * t ^ * i • • . » ■ * seillé, pour en détruire les fâcheux effets, d introduire dans le vin des substances pouvant s’unir à cet acide et donner avec lui un composé neutre ; mais, outre l’in¬ convénient de donner naissance, par cette action, à des sels qui n’entrent pas dans la composition du vin, on combinera ces bases à l’acide tartrique, et par consé¬ quent on fera disparaitre un élément très-utile. Du reste, on comprend la théorie de cette action ; l’acide 584 DIX-NEUVIEME LEÇON. est neutralisé parla base ajoutée, et par suite la saveur acide disparaît. ( )n donne le nom de graisse des vins à une altération caractérisée par une grande viscosité et qui les rend épais et filants comme de l’huile. Cette affection atteint surtout les vins blancs ; on ne l’observe que très-rare¬ ment sur les vins rouges. On l’attribue à la présence d’une matière azotée particulière, désignée sous le nom de glaiadine, et dont l’existence coïncide avec l’absence ou une trop faible proportion de tannin. Sous l’influence de cette matière agissant comme ferment spécial, le sucre qui restait dans le vin se transforme en une matière mucilagineuse, visqueuse, et le liquide perd plus ou moins complètement sa sa¬ veur sucrée. O11 arrête très-bien les effets de cette alté¬ ration en ajoutant au vin du tannin pur ou tel qu’il existe, dans certains fruits, avant la maturité. Le tan¬ nin précipite la glaiadine, avec laquelle il donne un composé insoluble, et, si ensuite on clarifie le liquide par un bon collage, on lui rendra sa limpidité pre¬ mière, et l’accident ne se renouvellera pas. Ce genre d’altération du sucre se manifeste quelque¬ fois avant toute trace de fermentation alcoolique. Ainsi, quand la température est trop basse au moment de la vendange, que le moût n’est pas riche en sucre, et qu’on 11e prend pas les précautions nécessaires pour provo¬ quer immédiatement la fermentation alcoolique, le jus devient quelquefois un peu filant. Lorsque plus tard la fermentation normale s’opère, les substances formées V MALADIES DES VINS. 585 pendant eette altération sont précipitées, et la dissolu¬ tion du tannin exerce une grande influence sur la sé¬ paration du ferment spécial qui a pu se former. S’il est en proportion suffisante , sa présence suffira pour em¬ pêcher cette altération de se manifester plus tard. Ainsi, les deux conditions pour qu’elle puisse être observée, c’est qu’il y ait du sucre non décomposé et que la pro¬ portion de tannin soit très-faible. La composition des liqueurs sucrées où peut se déve¬ lopper la fermentation visqueuse doit nécessairement influer sur les conditions dans lesquelles aura lieu cette transformation. On l’observe dans certains liquides pendant les chaleurs de l’été et sous l’influence d’une température élevée ; dans d’autres circonstances, au contraire , elle se développe à une température basse et elle s’arrête dès que la température devient conve¬ nable pour l’établissement d’une fermentation alcoo¬ lique régulière. Peut-être y a-t-il dans les modifications caractérisées par l’épaisissement des liqueurs sucrées et ordinairement confondues, plusieurs modes d’altéra¬ tion qu’une étude plus complète permettra de distin¬ guer et de définir; mais nous n’avons encore aucune indication certaine sur ce sujet. Lorsque nous avons cherché à nous rendre compte des transformations que pouvaient éprouver les ma¬ tières organiques, nous avons reconnu que sous l’in¬ fluence de l’oxygène toutes ces matières donnaient en définitive de l’eau et de l’acide carbonique. Une modi¬ fication analogue . aboutissant au même résultat, peut 33* 586 DIX-NEÏJVIÈME LEÇON. se produire par suite d’une combustion intérieure, lente, à laquelle prennent part les différents éléments dont la matière se compose. Le charbon s’élimine à l’état d’acide carbonique , l’hydrogène à l’état d’eau, et si la matière en voie de décomposition trouve assez d’oxygène pour se brûler complètement ou que quelques-uns de ses éléments se séparent sans être brûlés , ils ne laisse¬ ront que de l’acide carbonique. Les acides organiques unis à des bases donneront dans des transformations de ce genre des carbonates de ces mêmes bases. Les tartrates, et en partieuher le bitartrate de potasse, peu¬ vent donc nous fournir du carbonate de potasse. Cette altération de la crème de tartre s’observe quel¬ quefois dans les vins, et nous allons voir tout à l’heure quelles sont les conséquences de ce changement au point de vue de leurs qualités. Mais nous pouvons dire tout de suite qu’elle semble être sous la dépendance des matières azotées ou de celles qui accompagnent le dépôt du ferment. Quand elle se manifeste dans un vin renfermé dans un tonneau, elle commence à la partie inférieure du liquide pour se propager de bas en haut, et par conséquent elle suit une marche inverse de celle de l’acidilication qui, produite sous l’influence de l’air, se montre d’abord à la partie supérieure. La marche de ces altérations, la possibilité de la séparation incom¬ plète d’une substance par suite de son dépôt, nous expliquent comment les différentes parties d’un liquide contenu dans le même fût peuvent bien ne pas être identiques. 11 en résulte, pour le signaler en passant, que lors de la mise eu bouteilles il est possible qu’il se MALADIES DES VINS. 587 trouve dans certaines parties des germes d’altération qui n’existent pas dans les autres portions du liquide, et on comprend comment plus tard quelques bouteilles pourront s’altérer, tandis que d’autres resteront parfai¬ tement saines. Cette observation suppose que toutes aient été traitées de la même manière. La disparition des tartrates et leur transformation en carbonates réagit immédiatement sur la couleur du vin ; celle-ci est liée, comme nous l’avons vu, à la pré¬ sence des acides libres; par conséquent, ces acides disparaissant, la couleur devient bleue; elle se fonce de plus en plus, et bientôt la matière colorante s’altère à son tour. En même temps le liquide prend une saveur très - désagréable , laquelle variera suivant la nature des phénomènes qui accompagneront l’altération de l’acide tartrique. Dans les premiers temps l’alcool n’é¬ prouvera aucune modification, le vin conservera la richesse alcoolique qu’il avait auparavant , mais plus tard l’alcool lui-mème sera détruit et transformé en acide acétique. Lorsque l’altération est arrivée à ce point , le réta¬ blissement du liquide n’cst pas possible; il a perdu toutes les qu alités qui distinguent et caractérisent le vin, et on ne peut plus songer à le rendre potable. Mais il est possible dans le commencement d’en arrêter les progrès et de faire disparaître les premières conséquences de son invasion. La première précaution à prendre sera de séparer le vin du dépôt sur lequel il repose ; un léger collage complétera les bons effets de cette première opération. Puis l’addition d’acide tartrique rendra au 588 DIX-NEUVIÈME LEÇON. vin son aspect normal et sa couleur primitive, et comme la proportion de crème de tartre était en général trop faible dans les vins qui ont subi cette altération , on a conseillé de l’augmenter soit en ajoutant directement une certaine quantité de ce sel, soit en versant succes¬ sivement dans le vin des quantités convenables d’acide tar trique et de bicarbonate de potasse. Dans d’autres circonstances la détérioration du vin parait due à une altération directe de la matière colo¬ rante ; le liquide devient trouble , sa couleur est brune ou presque noire, et si on n’arrête pas les progrès de cette affection, on observera bientôt des phénomènes aussi compliqués que ceux qui peuvent se produire dans le cas précédent. Ces modifications éprouvées par les principes consti¬ tutifs du vin sont quelquefois accompagnées d’une vive effervescence et d’un dégagement de gaz dans lesquels on a reconnu de l’acide carbonique et de l’hydrogène. Parmi les procédés conseillés pour les arrêter, nous devons signaler le refroidissement du liquide. On le pro¬ duit par l’introduction dans les tonneaux de vessies remplies de glace ; or, nous comprenons facilement que le froid puisse agir temporairement pour modérer la fermentation ; mais on ne pourra, par ce moyen, que suspendre l’action, et elle ne tardera pas à reprendre son cours quand la température s’élèvera de nouveau. Pour en prévenir le retour il faudra recourir au souti¬ rage, au soufrage du liquide ; puis, en mélangeant ce vin avec d’autres plus jeunes, il sera possible d’achever son rétablissement. MALADIES DES VINS. 589 Les détails dans lesquels nous venons d’entrer sur quelques maladies des vins nous montrent suffisam¬ ment que ces altérations sont dues à des fermentations particulières qui se développent au sein du liquide. Elles provoquent dans ses éléments des transformations qui lui font perdre quelques-unes de ses propriétés , et in¬ troduisent des principes nouveaux produits par la dé¬ composition de ceux que le vin renferme à l’état nor¬ mal. La saveur du liquide est changée, il perd sa limpi¬ dité, sa couleur. Si les altérations qu’il a subies ne sont pas trop profondes, il peut encore être consommé dans cet état ; mais, si on laisse ces transformations suivre leur cours, on arrive bientôt à une décomposition com¬ plète des éléments qui ne permet plus de tirer parti du liquide que pour la fabrication de produits non desti¬ nés à entrer dans l’alimentation. Il arrive quelquefois qu’ après un commencement d’altération le vin se rétablit de lui-mème et perd com¬ plètement les mauvaises qualités qu’il avait acquises ; mais il faut rarement compter sur ce résultat, surtout s’il s’est formé des produits étrangers , car, eu admet¬ tant que l’altération s’arrête et qu’il ne se forme plus de substances nouvelles résultant de cette décomposi¬ tion, ceux qui ont déjà pris naissance restent au sein du liquide, et le vin ne pourrait être rétabli qu’à la con¬ dition de les éliminer. Le rôle que joue la matière azotée dans la production du ferment nous a conduit à reconnaître son influence dans les altérations diverses que nous avons passées en 590 DIX-NEUVIÈME LEÇON. revue ; nous pouvons comprendre dès lors toute l’im¬ portance des opérations qui suivent le décuvage et com¬ bien elles aident à prévenir les altérations. Aussi, quand les vins sont malades, c'est à des pratiques analogues qu’il faut ordinairement avoir recours pour arrêter les progrès de ces altérations. Les indications générales applicables dans tous les cas se réduisent aux suivantes : empêcher l’accès de l’air; précipiter le ferment et le sé¬ parer soit par décantation, soit par filtration si cela devient nécessaire ; rétablir dans le vin le cours régulier des transformations normales par son mélange avec des vins jeunes et non altérés ; isoler, toutes les fois que cela sera possible, le£ portions de vin altérées de celles qui n’ont encore subi aucune altération. Ajoutons qu’on obtient quelquefois d’heureux effets en mélan- • géant à une vendange nouvelle des vins en voie d’al¬ tération, et nous aurons embrassé l’ensemble des procé¬ dés qu’on peut appliquer avec quelque chance de succès. En dehors de ces affections diverses, nous devons si¬ gnaler un état spécial auquel le vin arrive plus ou moins vite suivant sa nature, sa faculté de conservation. Le vin dont les éléments sont réunis dans les propor¬ tions les plus convenables, qui ne contient aucun germe d’altération, éprouvera pendant un certain temps ces modifications normales qui, si elles diffèrent des altéra¬ tions par leurs conséquences, n’en diffèrent pas au point de vue de leur principe. Mais il arrivera un mo¬ ment auquel cette franchise et cette droiture de goût qui ont fait son mérite jusque-là, ne se conserveront plus : le vin aura un goût de passé, de vieux ; il pren- MALADIES DES VINS. 591 dra une saveur désagréable, et, plus tard, il se mani¬ festera de véritables accidents qui amèneront une dé¬ composition complète. C’est pour retarder le moment de cette altération que les vins, après avoir été conservés pendant quelques années dans les fûts, sont mis en bouteilles. Dans ce dernier cas, il est plus facile de les soustraire à l’action de l’air, et on retarde ainsi, on rend plus lentes les transformations qu’ils peuvent éprouver. Si quelques bouteilles s’altèrent, d’autres ré¬ sistent à cette action destructive. C’est ainsi qn’on a pu conserver par les soins les plus minutieux des vins de Bourgogne qui, récoltés en 1785, sont encore au¬ jourd’hui d’une franchise de goût tout à fait irrépro¬ chable. Un vin doit être considéré comme altéré dès qu’il présente une saveur désagréable et capable de le faire repousser. Il peut arriver que cette circonstance se pré¬ sente en dehors des modes d’altération dont nous ve¬ nons de faire connaître la nature. Les matières qui peu¬ vent prendre naissance par suite des réactions que les éléments du vin exercent les uns sur les autres, flattent le plus souvent le goût et l’odorat ; mais il peut s’en produire qui ne satisfassent pas à cette condition ; ainsi, l’éther citrique a une saveur très-amère, et on fait in¬ tervenir sa formation pour expliquer l’amertume que prennent quelquefois certains vins. Nous ne voulons pas dire que ce défaut, cette maladie des vins que l’on désigne sous ce nom, soit toujours due à une cause de ce genre. Mais nous devions la signaler pour achever de montrer l’analogie qui existe entre les transforma- 592 DIX-NEUVIÈME LEÇON. a tions normales et celles qui occasionnent les maladies des vins. Nous nous contenterons d'avoir indiqué le caractère des modifications qui peuvent se passer au sein du vin, et qui montrent combien les études qui se rapportent aux fermentations sont importantes pour conduire à une intelligence complète des propriétés de ce liquide. La connaissance de ces phénomènes, dont tous les détails sont également intéressants, permettra d’arriver à re¬ connaître et à déterminer le caractère de tous les chan¬ gements qu’on peut observer, et c'est alors qu’il devien¬ dra possible de les prévenir avec certitude, et de les arrêter s’ils venaient à se manifester. I l KJ ( l \* \ ' • - Y -J s : •Yi': >■■•'• ■. : - • 1 V" VINGTIEME LEÇON *'• $ Vr>‘ — ‘22 juillet IBM - Amelioration des vins. * • r ■tf7 RS Messieurs,, . " «S*. v. »-f A i* v *f î> » .• Nous avons Jerminé l’étude que nous nous proposions |> de faire sur lavp.répaçatipn du vin, sur sa nature, sur £ sa composition ; nous consacrerons cette dernière séance p, à l'examen 'des procédé^ qui ont été conseillés pour améliorer et pour lui donner, dans certains cas, les DÈ qualités qui Jui manquent. Déjà nous avons eu occasion »'• i>a* • de signaler en passant quelques, faits importants qui ^ peuvent nous servir de guide pour établir les principes m vraiment rationnels de cette amélioration. •"*•1/ * Le vin est un mélange, en proportions très-diverses, ' 3% ^’un grand nombre d’éléments différents; l’alcool, le S ' sucre, le tannin, la matière colorante, la matière azotée s y rencontrent en quantités très-variables, et nous avons r' V'/ * ‘ • v - T&j x' constaté quelle était sur leur proportion l'influence des m**? V;v’* "T , i ; v '.f;- cépages, du climat, de la température. I - -i •w • V :v . %• O ’r k* • . *1* S % - — t ; H ies k 594 VINGTIÈME LEÇON. Il nous semble que la question de Famélioration des vins, envisagée à un point de vue général, conduit à l’examen de deux problèmes également importants, mais très-distincts l’un de l’autre. Tantôt on voudra, dans une localité déterminée, améliorer le vin qu’elle pro¬ duit, en cherchant à faire disparaitre ses défauts, à aug¬ menter ses qualités ; dans d’autres cas, on cherchera à préparer des vins spéciaux dans des circonstances qui ne réunissent pas les conditions indispensables pour que leur fabrication soit possible. La solution complète de ces deux problèmes exige, comme on voit, une connaissance approfondie de toutes les questions que soulèvent la préparation des vins, leur composition et la végétation de la Vigne. Les détails d ans lesquels nous sommes entrés nous ont montré plus d’une fois combien il nous restait encore à apprendre et à étudier sur tous ces points importants et nous pouvons dès lors prévoir que nous n’avons pas tous les éléments nécessaires pour leur discussion. Aussi nous nous contenterons des indications que nous avons données précédemment sur une partie de la question. Nous avons fait voir qu’il était possible, dans nos climats, d’obtenir des vins semblables aux vins de liqueur. Les expériences de M. le comte Odart et de plusieurs autres œnologistes suffisent pour le démon¬ trer. Nous citerons encore les résultats obtenus dans le Gard par M. le docteur Baumes pour ses vins de Tokai. Quant au second point de vue, qui consiste à améliorer dans une localité déterminée la préparation du vin en lui conservant ses caractères distinctifs , nous résume- s k 595 AMÉLIORATION DES VINS. rons d’abord ce que nous avons dit sur ce sujet, et nous ajouterons quelques détails sur un point très-important examiné plus spécialement dans ces dernières années. L’étude des cépages nous a suffisamment prouvé que la connaissance de leurs caractères et de leurs propriétés pouvait être très-utile dans toutes les questions relatives à la fabrication du vin. C’est par un mélange raisonné des cépages qu’il est possible d’arriver avec le plus de certitude et d’une manière tout à fait exempte de dan¬ gers à introduire dans le vin des éléments qu’il ne con¬ tient pas en quantité suffisante, et à neutraliser les mauvais effets dus à la présence de ceux qui dominent d’une manière trop exclusive. Nous avons indiqué le principe de cette amélioration, et nous avons eu bien soin de montrer en même temps combien de lacunes existaient encore dans l’histoire de ces variétés nom¬ breuses, et des modifications qu’elles pouvaient éprou¬ ver par suite des changements de climat, de culture. Lorsque, dans une localité donnée, on aura voulu modifier les qualités du vin par l’introduction d’un cé page convenable, il pourra bien arriver que ce cépage doive être soumis à une culture spéciale dans un ter¬ rain choisi. Alors la récolte des raisins qu’il produira ne se fera pas simultanément avec celle des autres cépages, mais on pourra souvent les mélanger dans la cuve avec les autres, et la fermentation s’opérera sur le mélange. On comprend cependant que ce mélange devienne diffi¬ cile et même impossible, et alors nous nous trouvons conduits à un autre système d’amélioration, qui con¬ siste à mélanger les vins provenant de ces cépages dif- 596 VINGTIÈME LEÇON. * férents. Ce mode d’opération est aussi naturel que le premier. Les éléments constitutifs du vin proviennent tous du raisin et sont des produits de la végétation de la Vigne purs de toute introduction étrangère. Le mélange et le coupage des vins sont des opérations pratiquées depuis longtemps; nous avons indiqué dans la leçon précédente leur influence sur le rétablissement des vins altérés. Considérés comme moyen de corriger les défauts «les vins faibles, de remédier au manque de certains éléments importants, ils ne peuvent être qu’encouragés, car ils permettent de livrer à la con¬ sommation et de rendre agréables des vins dont il ne serait pas possible de tirer un parti avantageux s'ils étaient seuls. Nous commentons déjà à pressentir qu’à côté de l’usage d’une pratique raisonnable, l’abus se rencontrera facilement : car, si on cherchait par ce moyen à imiter les grands vins, à faire passer pour dos vins fins un mélange habilement préparé de vins médiocres, ou com¬ mettrait une fraude, une falsification que la loi devrait atteindre et punir. Nous ne voulons pas cependant poser des limites à l’amélioration et au perfectionnement des vins ; mais, en admettant qu’on puisse arriver par un procédé quelconque à l’imitation des vins des grands crus, on ne doit permettre dans aucun cas l'usurpation des noms par lesquels on les désigne ordinairement. Le mélange des vins et la réunion des cépages ont pour résultat de fournir un liquide dont les différents éléments s’harmonisent aussi bien que possible eu égard au développement de ses qualités. Or, si dans un moût AMÉLIORATION DES VINS. 897 donné quelques-uns de ces éléments sout en propor¬ tion trop considérable ; si d’autres, au contraire, ne se trouvent pas en quantité suffisante, on comprend qu’au lieu de recourir à des cépages différents pour faire dis¬ paraître cette anomalie, on peut se proposer de rétablir tout simplement l’équilibre en prenant pour point de départ celui des éléments qui prédomine, et en ajoutant les autres en quantité suffisante. Nous supposons, bien entendu, qu’on puisse les obtenir à l'état de pureté, soit qu’on les aille chercher dans les raisins eux-mèmes, soit qu’on les emprunte à d’autres plantes. Prenons pour exemple un cas extrême naturelle¬ ment indiqué par le phénomène dominant de la pré¬ paration du vin. Les deux éléments fondamentaux du moût de raisin sont certainement le sucre et la ma¬ tière azotée. Le plus souvent, cette dernière existe en proportion trop forte par rapport à la quantité de sucre qu’il faut transformer, et si l’un des éléments n’est pas en quantité suffisante, c’est l’élément sucré. Si donc on opère sur un moût riche en matière azotée, mais pauvre en sucre, auquel cas on devrait avoir un vin peu alcoo¬ lique et très-disposé aux altérations de toutes espèces, par suite de la prédominance du ferment, on se trouve jonduit à ajouter à ce moût une quantité de sucre con¬ venable pour améliorer le produit qui en proviendra. Quoique le ferment existe toujours en quantité suffi- ante, on peut, quant à ce qui le concerne, être amené une pratique analogue par des considérations d’une utre nature. Supposons un moût très-riche en sucre. 11 peut arri- 508 VINGTIÈME LEÇON. ver que la fermentation ne puisse s’y manifester ; nous avons vu que l’état de concentration de la liqueur pou¬ vait être un obstacle. Dans ce cas, on étend le moût avec une certaine quantité d’eau, et bientôt les phénomènes de fermentation commencent. On conseille même d’ajou¬ ter des feuilles et de jeunes sarments. Ils interviennent et par le ferment qu’ils peuvent fournir, et aussi en per¬ mettant une plus grande division du liquide ; par suite ls activent la fermentation et la rendent plus complète. L’importance du phénomène de la fermentation au point de vue de la fabrication du vin et du développe¬ ment de ses qualités nous permet de nous rendre compte des conséquences que peut avoir sur ces qua¬ lités tout ce qui contribue à favoriser cette opération et à la compléter. La matière azotée se sépare en plus grande abondance; une forte proportion est détruite pendant la fermentation, la température s’élève davan¬ tage, la richesse alcoolique du vin est plus grande, et, par suite, les actions qui s’exercent entre les éléments produisent des effets plus intenses et mieux définis. Les indications qui précédent et que nous avons pu présenter comme de simples conséquences de nos études précédentes, nous expliquent suffisamment comment peut agir le sucre employé pour améliorer les vins soit dans les localités où cet élément 11e se trouve pas en assez grande quantité dans le raisin, soit ilans d’autres vignobles, lorsque l’état de la saison 11’aura pas permis au raisin d’arriver à un état de maturité convenable. Nous reconnaîtrons sans peine que nous 11e trouvons aucune objection à faire au principe de cette méthode : AMÉLIORATION DES VINS. 899 rie nombreuses expériences ont sanctionné les bons ef¬ fets de la pratique, et, si nous avons à signaler dans un grand nombre de vignobles des mécomptes très-sérieux comme conséquences de son application, c'est aux abus de cette opération qu’il faut les rapporter, et non à cette opération elle-même. Nous supposons, bien entendu, qu’une substance employée à l’amélioration du vin sera complètement pure et qu’elle ne pourra dans aucun cas introduire dans ce liquide des principes dangereux et désagréables. Nous avons vu que l’usage des mélanges pouvait être détourné de son but avouable et appliqué à des opéra¬ tions qui présentent tout le caractère d’une fraude ; il en est de même de l’emploi du sucre. Au beu de se borner à se servir de cette substance pour donner sim¬ plement à un moût médiocre la composition qu’il de¬ vait avoir dans une année plus favorable , on a cher¬ ché à déclasser les vins au moyen de ce procédé , et par suite on a été conduit à exagérer considérablement es proportions de sucre employées. Or , si l’on amène par ce moyen à tromper pendant uelque temps sur l’origine et la valeur d’un vin, les Itérations que ce vin ne manquera pas d’éprouver par l suite, et qui se manifestent quelquefois assez promp- ment , viendront faire reconnaître la fraude et pour- lat exposer à des accidents très-graves ceux qui n’a- >ient pas craint d’v avoir recours. Les détails dans lesquels nous sommes entré sur la ture des matières qui existent dans le moût nous per- îttent d’arriver très-facilement à nous faire une idée f>00 VINGTIÈME LEÇON. précise de ce mode d’amélioration et de la valeur des objections qu’on peut lui faire. En admettant qu'on em¬ ploie du sucre raffiné de cannes et de betteraves, il est certain que ce sucre va se transformer immédiatement en sucre fermentescible ; puis il se dédoublera, comme le sucre de raisin, en alcool et en acide carbonique. Mais, si dans la fermentation vineuse, le phénomène gé¬ néral domine tous les autres, il est, comme nous avons vu , accompagné de la production d’autres substances qui jouent dans la composition du vin un rôle impor¬ tant malgré leur faible proportion. Or, ces substances se produiront-elles de la même manière dans un moût naturel et dans un moût auquel on a ajouté du sucre? La présence de ce sucre, sa nature particulière 11e peut- elle pas intervenir pour modifier les phénomènes ordi¬ naires et en produire d’autres? En admettant cette intervention, il nous a semblé qu’elle n’avait rien de dangereux toutes les fois qu’011 se bornait à ramener le moût à son type normal par l’addition d’une faible quantité de sucre. Telle est, du moins, la conséquence à laquelle nous a conduit l’exa¬ men des faits qui sont venus à notre connaissance. Mais il n’en est pas de même quand on cherche à leur donner des qualités qu’ils 11e peuvent acquérir, et qu’on force par conséquent la dose du sucre. C’est donc l’em¬ ploi d’une proportion de sucre trop considérable qu’il faut considérer comme le point de départ de tous les reproches qui ont été faits contre ce procédé. Les incon¬ vénients seront bien [dus graves si on s’est servi de sucre mal préparé et de qualité inférieure. AMÉLIORATION DES VINS. 601 Nous tenions à résumer en peu de mots le principe d’un système d’amélioration qui complète ceux que nous avons indiqués tout d’abord. Le choix et l’alliance raisonnés des cépages , le mélange des vins , voilà les deux moyens qui semblent les plus rationnels. L’addi¬ tion de matières étrangères les complète et permet d’arriver au même but par des voies souvent plus faciles à réaliser. A la question que nous venons de discuter s’en rat¬ tache une autre que nous 11e devons pas passer sous silence et qui va nous fournir une nouvelle et utile application des données précédentes. Les éléments du vin peuvent se diviser en trois groupes au point de vue de leur origine : les uns exis¬ taient déjà en dissolution dans le moût, les autres se sont formés pendant la fermentation aux dépens des matières que le moût renfermait, d’autres enfin doivent leur dissolution à l’action des principes nouvellement formés sur les éléments solides du moût. Or , le marc contient encore une très-forte proportion de ces der¬ nières substances : il nous suffît de citer la matière colo¬ rante pour eu donner la preuve. L’alcool qui s’est formé et le sucre qui a pu rester sans décomposition sont presque en totalité dans le vin , il 11’en reste que très- peu dans le marc. La présence de l’alcool a déjà déter¬ miné le dépôt d’une portion de tartre, et, par consé¬ quent , le vin en conserve moins qu’il n’y en avait dans la partie liquide du moût. Il résulte de ces considéra¬ tions que, si on reprend le marc après le pressurage, si 34 002 VINGTIÈME LEÇON. on y ajoute de l’eau, on aura un mélange qui contien¬ dra tous les éléments que renfermait le moût primitif, moins la matière sucrée. La fermentation du vin s’est effectuée aux dépens de tout le sucre , de toute l’eau et d’une partie seulement des autres éléments. La conséquence facile à déduire de cette observation , c’est que, si ou fait une dissolution de sucre et qu’on y ajoute le marc , on reformera un mélange dont la com¬ position s’approchera beaucoup de celle du moût pri¬ mitif. Un pareil mélange exposé à une température conve¬ nable entrera bientôt en fermentation comme le moût lui-mème. Ce que nous avons dit à propos de la fermen¬ tation nous explique un fait observé par tous ceux qui ont pratiqué cette opération. La fermentation s'y éta¬ blit promptement et elle atteint rapidement le maxi¬ mum d’intensité. C’est qu’en effet il y a là du ferment tout formé, et la décomposition du sucre commence immédiatement et dans toute la masse à la fois. Tout ce que nous avons dit sur la fabrication du vin peut s’appliquer à cette nouvelle opération. La nature et les qualités du liquide qui en proviendra seront nécessairement très- variables suivant les proportions relatives de sucre, d’eau et de marc qui auront été em¬ ployées, et aussi suivant l’origine de ce dernier. Quant aux éléments qui peuvent s’y rencontrer, ils sont les mêmes que ceux que nous avons signalés dans le vin, et, si l’opération a été faite d’une manière convenable, on n’y trouve aucun caractère qui 11e puisse également appartenir à un vin naturel. AMÉLIORATION DES VINS. 603 L’opération que nous venons d’indiquer nous montre que les matières existant dans le raisin n’étant pas toutes absorbées pour la fabrication du vin, il est pos¬ sible de les utiliser pour augmenter la quantité de li¬ queur alcoolique que le raisin peut fournir ; seulement, il est im élément qu’il faut ajouter, c’est le sucre. Nous en avons expliqué le principe dans l’hypothèse dun cas extrême : le vin est fait comme à l’ordinaire, et, au moyen du marc, de l’eau et du sucre, on peut obtenir une seconde cuvée. Ajoutons tout de suite que la dissolution de sucre peut être remplacée par les jus sucrés que certaines plantes fournissent. Dans chaque cas particulier on obtiendra des liquides jouissant de qualités spéciales, et il est facile de comprendre que ce procédé puisse trouver dans l’avenir d’utiles applica¬ tions. Mais si tous les essais qui ont été tentés pour augmen¬ ter la quantité du vin reposent sur le même principe, on peut, d’après le but que l’on se propose, varier la manière de procéder et la marche suivie dans la fabri¬ cation. On comprend dès lors que les résultats seront modifiés suivant la méthode employée. Ainsi, on peut ajouter l’eau et le sucre avant le pressurage, de ma¬ nière à laisser dans Ja seconde cuvée tout le liquide qu’aurait donné cette opération. 11 est même possible de faire cette addition au moût lui-même avant la fer¬ mentation, de manière à faire fermenter tout ensemble et le sucre du raisin et celui qui lui a été ajouté. Ce dernier mode d’opérer, en même temps qu’il aug¬ mente la quantité du produit, peut être considéré 004 VINGTIÈME LEÇON. comme servant aussi à l’améliorer, si on veut se laisser guider dans la détermination des doses par l’étude et l’observation du moût. En effet, lorsque la vendange n’est pas assez mûre, que le moût est de qualité médiocre, le sucre n’existe pas en quantité suffisante ; mais, d’un autre côté, les acides se trouvent en proportion trop forte, tout aussi bien le ferment. L’addition de sucre et d’eau permettra donc de rétablir entre les trois éléments un équilibre auquel on ne pouvait arriver par le seul emploi du sucre. Toute la question consistera donc à rechercher, dans le moût normal que l’on veut imiter, quelles sont les proportions de ces éléments, et, en partant de la composition du moût sur lequel on opère, il sera facile d’en conclure à quel volume il doit être porté par l’ad¬ dition de l’eau, et de combien on doit élever sa richesse en sucre. Tels sont les principes sur lesquels reposent les diffé¬ rents procédés mis en avant dans ces derniers temps pour améliorer le vin et pour augmenter la quantité de ce produit. On voit qu’ils sont tous complètement justifiés par la théorie. L’expérience a déjà prouvé qu’il était possible d’obtenir par leur application des produits pouvant très-bien remplacer le vin et présentant toutes ses pro¬ priétés. On trouve dans tous ces vins un caractère commun dont il est facile de comprendre la cause. Ils se dé¬ pouillent bien plus vite que les autres, ils atteignent plus rapidement le moment auquel on peut les livrer AMELIORATION PES VINS. 605 |Jà la consommation. L'augmentation du principe sucré 5^* ’.’m V * _• -4 ‘ relativement à la proportion de ferment a dû nécessai¬ rement diminuer la quantité de ferment, et, par suite, écarter les chances de fermentations ultérieures. D’un Q 'autre côté, les substances solubles du moût sont restées jpfpresque entièrement dans le vin naturel. Celui produit |g§dans une seconde cuvée contiendra bien moins de ces ^principes qui communiquent aux vins jeunes leur sa- laveur acerbe, et qui ont besoin de subir l’action des • * *• v 9 • $ m ' x Vautres éléments; de se fondre, pour ainsi dire, avec "eux, pour que les effets de leur présence disparaissent ou s’affaiblissent. r ■ • i • •**:>**/?- >•’" ^ Nous nous bornerons à cette indication des procédés ^ conseillés pour , modifier les pratiques généralement sui- feyies dans la vinification. Jusqu’ici nos études avaient attJvr . '-v'W :Tï ■'**'*&-' - uniquement porté .sur Ja Tigno ,et sur son produit pur J\ de tout mélange. L’importance de l’emploi du sucre, fies avantages incontestables qu’il peut fournir si on v a •V;. ” J' ' •* *■ 1 * recours d u ne manière rationnelle et pour l'améliora- /*•!• > '■ vt •«'. »'• ^ v • 1 . 'ffii tion de vins médiocres, la possibilité d'augmenter, dans ■' v. .Ai ■? ? les années où la récolté, est peu abondante, la production ^ Id un liquide dont l’usage est^aussi répandu, nous fai- <ÿ Usaient un devoir de déroger surxe, point à l'obligation fv^tf ^que nous nous étions imposée. Mais nous ne chercherons pas à compléter ce sujet en examinant les effets pro¬ duits par l’introduction dans le vin d’autres éléments. A part des cas très-restreints relatifs «à des fabrications spéciales ou motivés par des altérations qu’il s’agit de • • * . V | , I . ~ ® | 0^ • faire disparaître, l’emploi de substances étrangères doit être constamment proscrit. Leur usage, de même que 606 VINGTIÈME LEÇON. l’abus du sucre, dénature les vins, modifie la inarche de leurs transformations, et doit être souvent la cause de leurs maladies. Nous ne pouvons donc qu’applaudir à toutes les re - cherches ayant pour but d’augmenter la quantité du vin ou d’améliorer la qualité de ce produit dans les années de disette et dans le cas où la maturité n’est pas suffisante. L’emploi du sucre permettra de résoudre ces deux parties du problème soit qu'on prenne du sucre tout préparé, soit qu’on opère sur les jus sucrés que certaines plantes peuvent fournir. La substance étrangère employée dans ce cas éprouve pendant la fermentation une transformation telle, que le produit obtenu après cette opération doit être considéré comme tout à fait homogène. S’il y a entre les produits obte¬ nus et ceux que donne un moût naturel quelques diffé¬ rences, leur influence doit être considérée comme nulle dans les circonstances que nous avons indiquées, car les vins auxquels doit s’appliquer cette amélioration devront être consommés rapidement, et, par conséquent, les ques¬ tions relatives à leur conservation n’ont pas une grande importance. Lorsque l’on aura mélangé au résidu de la fabrication du vin le moût fourni par une autre plante, on aura pour résultat un produit tout aussi naturel que le vin lui-mème, seulement ce liquide présentera des caractères particuliers qui rappelleront son origine. Il en est tout autrement quand on veut, par l’em¬ ploi du sucre, imiter les grands vins ou déclasser des produits qui, malgré leur valeur, ne peuvent prétendre à être considérés comme de premier ordre. 607 AMELIORATION DES VINS. Dans ce cas, on opère sur des produits qui doivent être conservés, et pour lesquels on a le droit de s’at¬ tendre non-seulement à une grande perfection au mo¬ ment de la vente, mais à la presque certitude de la conservation et de l’amélioration. Les grands vins de nos vignobles importants présentent ce double carac- i. tère lorsqu’ils sont purs et qu’ils ont été surveillés avec ? tous les soins convenables. Au contraire, les produits m . 5&L' préparés dans le but de les imiter 11e conservent nas *.f ... s :* . ' . * . ; "V >• v v. - - . 1 . longtemps les propriétés qu’on a pu leur communiquer r artificiellement. ' t 5 ' ’ r ' * On voit donc qu’un même procédé peut être, dans ^ certains cas, très-avantageux et très-recommandable, mais qu’il peut, dans d’autres circonstances, devenir Ç très-blâmable, et mérite d'être alors tout à fait rejeté. ’fy Sachons donc reconnaître ce qu’il y a de bon dans une ;< méthode quelle qu elle soit, et si nous acceptons le bon coté dé*' ses "îippiicatimis^ nous" aurons d’autant plus le droit de hbus:inôîïfrèr 'sévères sur ses inconvénients et v sur les abus quon pourrait en faire. Wdc-f -V ' - : - * , Nous avons terminé, Messieurs, l’étude que nous V* < * •' ^ , • : £ J*- T* ‘ * r nous étions proposé d'entreprendre. Nous avons dis- ' cuté les principaux phénomènes que nous a offerts la ; végétation de la Vigne, et nous avons examiné les ► i' différentes phases de la fabrication du vin. Notre but était d’envisager ces questions à im point de vue géné¬ ral, afin de nous faire une idée de l’ensemble des pro-^ J 4.. ... * priétés que nous voulions étudier, et de nous mettre à même d’en approfondir plus tard quelques points spé- 608 VINGTIÈME LEÇON. * ciaux que nous pourrons discuter avec plus de sûreté et d’autorité. Permettez-moi , en terminant, de vous remercier de votre assiduité et de votre bienveillance; c’est avec l’aide des conseils et de l’expérience de plusieurs d’entre vous qu’il m’a été possible d’arriver au but et de dis¬ cuter les questions pratiques que nous avons rencon¬ trées dans nos études. En passant en revue les points si nombreux de l’Œno¬ logie et de la Viticulture, sur lesquels des expériences sont nécessaires pour éclairer nos connaissances in¬ complètes, j’ai cherché à vous indiquer les moyens de les entreprendre d’une manière sérieuse , comparative ; et j’aurai rempli mon but si j’ai pu provoquer parmi vous le désir de vous livrer à des observations précises qui nous permettraient de substituer à des données sou¬ vent vagues et incertaines des résultats exacts et dignes de confiance. NOTE DE LA VINGTIÈME LEÇON Discussion de quelques questions se rattachant à l'amélioration des vins. Nous avons fait connaître dans la leçon précédente les principes sur lesquels reposent les différents procédés mis en usage pour l’amélioration des vins ou l’augmentation de leur quantité. Sans chercher à traiter complètement les points principaux qui se rattachent à cette question, nous ajouterons ici quelques détails pratiques sur ce sujet im¬ portant. Lorsqu’on veut employer le sucre à l’amélioration d’un vin, la meilleure règle à suivre nous paraît celle-ci : La quantité de sucre ajoutée doit être telle, que la densité du moût soit égale à celle qu’il présente dans les bonnes an¬ nées. lin essai fait sur un petit volume de liquide fera con¬ naître facilement quelle proportion de sucre on doit intro¬ duire dans la cuve. 11 serait plus exact de déterminer la quantité de sucre contenue dans le moût et d’en déduire celle qu’il faut ajou¬ ter pour arriver à la proportion que l’on veut atteindre. Si l’on cherche à augmenter d’une quantité déterminée la ri¬ chesse alcoolique du vin que le moût doit fournir, il faudra partir de ce point de départ que 1,500 grammes de sucre pur et cristallisé développeront dans un hectolitre de moût environ un centième d’alcool pur. 610 NOTE DE LA VINGTIÈME LEÇON. # Si l’on se propose d’augmenter la quantité du vin par une addition simultanée d’eau et de sucre, les doses à employer doivent être subordonnées au but que l'on veut atteindre, à la nature et à l’état de la récolte. Dans le cas où l’on opère avec un marc pressuré auquel on doit ajouter de l'eau et du sucre, il paraît convenable d’employer une dissolution sucrée ayant la même densité que le moût primitif ou celui qu’on a obtenu par une pre¬ mière amélioration. On peut également calculer la quantité de sucre de manière à obtenir un vin ayant la même richesse alcoolique que le premier. 11 faut encore régler une autre question très-importante. Quel volume donnera-t-on à ce nouveau liquide pour for¬ mer une seconde cuvée? Pour se décider sur ce point, il faudra consulter la nature et l’état de maturité du raisin, l’intensité de sa coloration. Les mêmes considérations de¬ vront guider si l’on veut ajouter au moût, avant la fermen¬ tation, l’eau et le sucre destinés à augmenter le produit. On voit donc qu’il est impossible de donner sur ce sujet des règles générales qui puissent être appliquées dans toutes les localités; les indications précédentes permettront de re¬ connaître quelles proportions il faut employer dans chaque cas, et chacun arrivera bientôt à se fixer sur ce point. Nous dirons à cette occasion que nous conseillons à chaque propriétaire de Vignes d’examiner avec attention le moût de sa récolte, le jour de la vendange ou les jours qui pré¬ cèdent. Il suffit pour cela de prendre quelques raisins, de les écraser et d’étudier quelle est la composition du moût. On saurait, par cette observation, comment doit être ré¬ glée la fermentation , et quels seront les caractères du vin. De plus, dans le cas ou on voudrait employer soit le sucre, soit l'eau et le sucre, on aurait toutes les données nécessaires pour fixer les doses qu'il serait convenable d’employer. AMÉLIORATION -DES VINS. (ïll Nous répéterons, sur cette dernière question, ce que nous avons déjà eu l’occasion de dire précédemment. Tous les vignerons ne peuvent pas se livrer à ces observations; mais que dans chaque vignoble elles soient faites avec soin par quelques personnes pendant plusieurs années, et bientôt on pourra réunir des données pratiques suffisantes pour traduire en règles générales, faciles à appliquer, ces résul¬ tats individuels. La manipulation que nous avons indiquée comme pou¬ vant donner une seconde cuvée peut être répétée plusieurs fois, et on aura dans chaque opération un liquide dont la richesse alcoolique variera suivant la quantité de sucre qui aura été employée. On trouvera toujours le ferment en quantité suffisante; mais les autres matières, et en particu¬ lier la matière colorante, pourront s’épuiser, et on com¬ prend que l’on obtienne des liquides présentant des carac¬ tères un peu différents de ceux qu’on a constatés dans les vins naturels. Pour bien faire comprendre la cause de ces différences et pour montrer à quelles conséquences on peut être conduit si on examine ces produits au point de Nue de leur conser¬ vation, nous rappellerons les bases d’une opération faite par M. Pétiot en 1854. La vendange sur laquelle on opérait pouvait produire 60 hectolitres de vin. On a extrait de la cuve, aussitôt après le foulage et avant toute fermentation, 45 hectolitres d’un vin blanc très-légèrement teinté. Celte extraction s’est faite sans pressurage. Le jus obtenu pesait 13® au gleuco-œnomètre. Il fallait ajouter à l’eau 19 kilogrammes de sucre par hec¬ tolitre pour obtenir un liquide de même densité. On a versé dans la cuve 50 hectolitres d’eau sucrée, faite à raison de 18 kilogrammes de sucre raffiné par hectolitre. La fermentation s’est établie immédiatement. Trois jours 012 NOTE DE LA- VINGTIÈME LEÇON. «# après, elle était terminée, et on a retiré de la cuve 50 hecto - litres de vin rouge ayant une très-belle couleur. Dans une seconde opération, on a mélangé au résidu de la précédente 55 hectolitres d’eau sucrée à raison de 22 kilo¬ grammes par hectolitre ; deux jours après, on a retiré après fermentation 55 hectolitres de vin. Une troisième opération a été faite après addition de 55 hectolitres d’eau sucrée à 25 kilogrammes. Après deux jours de fermentation on a pressé le marc et on a obtenu 60 hec¬ tolitres de liquide. Ce marc pressé a pu donner encore une nouvelle fermen¬ tation après addition d’eau sucrée; quant au vin blanc ex¬ trait immédiatement, on l’a introduit dans des futailles pleines à moitié seulement, et douze heures après on a rem¬ pli avec de l’eau sucrée à 18 kilogr. Nous ajouterons, sur les différents liquides obtenus dans ces opérations successives, que la cuvée faite avec de l’eau sucrée à 25 kilogr. par hectolitre, a fourni le vin le plus coloré. Il était plus foncé en couleur que ne l’était cette même année le vin naturel donné par les mêmes raisins. On observe, toutes les fois qu’on opère sur un marc pressé ou non, que la coloration est d’autant plus intense que la quantité de sucre employée est plus considérable. La comparaison de la richesse alcoolique de ces différents liquides va montrer tout de suite ce qui les distingue. Le vin naturel a donné 12 pour cent d’alcool; il provenait du moût pesant 13°, et il aurait fallu 19 kilogrammes de sucre par hectolitre pour amener l’eau sucrée à la même densité. Le liquide de la première opération faite avec de l’eau, con¬ tenant 18 kilog. seulement par hectol., a donné 13 pour cent d’alcool ; celui de la seconde à 22 kilog., 15 pourcent, et celui de la troisième à 25 kil., 17 pour cent. Ces résultats n’ont rien qui doive nous étonner. Dans AMÉLIORATION UES VINS. 613 le moût naturel, il setrouveavec le sucre d’au 1res substances dissoutes dont les unes sont différentes du sucre, les autres présentent avec lui une grande analogie et peuvent éprou¬ ver, mais plus lentement, les mêmes transformations. Les modifications à la suite desquelles ces matières peuvent donner naissance à du sucre ne sont pas suffisamment ter¬ minées, et leur présence empêche le dédoublement de tout le sucre au moment de la fermentation. Dans le moût d’eau sucrée, au contraire, il n’y a que du sucre et du sucre pur, et celui-ci subit d’une manière plus complète les phénomènes delà fermentation. L’alcool produit agit sur la matière colo¬ rante, la dissout en quantité d’autant plus grande, qu’il se trouve lui-même en plus forte proportion et que la fermen¬ tation a été plus active. En même temps, il se dissout dans le liquide d’autres substances contenues dans le marc et qui entrent dans le vin comme principes constituants. Ainsi, nous voyons la différence qui existe entre le moût d’eau sucrée et le moût naturel. Nous avons pu mettre dans le premier l’élément soluble le plus important : le sucre, mais nous n’avons pas formé un liquide identique au moût naturel. La composition des jus naturels est très-com¬ plexe, et nous ne pouvons prétendre à les imiter. Le moût de vin blanc avant fermentation n’est pas seulement de l’eau sucrée; outre les matières qu’un moût artificiel pourra trouver dans le marc, il contient des éléments que ce marc ne peut plus nous fournir. Les conséquences que la théorie nous permet de déduire de cette différence entre les moûts naturels et les moûts for¬ més par l’eau sucrée sont tout à fait confirmées par l’expé¬ rience. Le liquide provenant d’un moût d’eau sucrée est plus tôt fait, plus présent à boire qu’un vin naturel ; il est moins sujet à s’altérer. Sa conservation, depuis trois ans, n’a rien 014 NOTE DE LA DIX-NEUVIÈME LEÇON. * laissé à désirer; il a supporté sans accident les voyages d’outre-mer. Le résultat de ces épreuves a été constaté sur des vins faits avec soin, et non destinés à usurper par des manipulations non avouables la place et le nom des grands vins. La diminution de la matière azotée et l’utilisation com¬ plète du ferment, la disparition de cette matière extractive qui reste en grande partie dans le premier liquide, la moindre proportion d’acide rendent compte des différences que nous venons de signaler, et ces considérations nous montrent qu’il est possible d’obtenir, par les moyens que nous avons indiqués, un liquide très-semblable au vin par ses éléments essentiels, et ne pouvant éprouver, du moins pour un temps, aucune altération pendant les modifications qu’il éprouve après sa production. Nous avons cherché à montrer quel devait être le but du propriétaire dans l’emploi du sucre seul ou avec addition d’eau. Dans le premier cas, la vendange est améliorée, la fermentation est plus active, et le vin est d’une meilleure qualité. Dans le second, on peut augmenter considérable¬ ment sa quantité, puisque nous avons vu qu’avec une ven¬ dange devant produire par les procédés ordinaires 60 hecto¬ litres de liquide, on en avait obtenu près de 300. En Alle¬ magne, où les mêmes questions ont été agitées depuis plu¬ sieurs années, on a beaucoup discuté les avantages et les inconvénients d’un procédé qui rentre dans les précédents, quoiqu’il en diffère sous certains points de vue. Cette méthode a été surtout pratiquée par le docteur Gall, de Trêves, et elle rentre dans celle de Chaptal, en ce sens que son but est d’améliorer le produit; mais cette amélioration est accompagnée d’une augmentation notable dans la quan - tité. Lorsque le raisin n’est pas mûr, la proportion de sucre AMÉLIORATION DES VINS. 645 est trop faible, mais en même temps celle des acides est trop considérable. Or, l’expérience a montré quels sont, pour les vins du Rhin, les rapports qui doivent exister entre les trois éléments les plus importants du moût : le sucre, l’acide, l’eau. Quand ces conditions sont satisfaites, il n’y a rien à faire, mais quand l’un des produits domine, il faut ajouter une certaine quantité des autres pour rétablir l’équilibre. Or, dans les moûts médiocres il y a toujours trop d’acide; il faudra donc, pour faire disparaître les inconvénients dus à l’excès de cette matière, ajouter du sucre et de l’eau. On obtiendra par ce moyen un moût normal préférable au moût naturel. On voit que, pour déterminer les proportions d'eau et de sucre qu’il convient d’ajouter, il faudra tenir compte de la composition du moût sur lequel on opère, et de celle que le moût produit par la même vendange présente dans les meil¬ leures années. Un exemple que nous empruntons à l’ouvrage du docteur Gall suffira pour bien faire comprendre comment on doit procéder. Un moût de première qualité provenant de Riesslings con¬ tient au moins 24 pour cent de sucre et au plus 6.5 pour mille d’acide ; par conséquent, 1 ,000 kilog. de moût nor¬ mal pour ce cépage doivent avoir la composition sui¬ vante : 240k0 de sucre, 6.5 d’acide, 753.5 d’eau et d’autres substances. 1,000.0 Une vendange recueillie à Steinau le 4 novembre 1853 a donné un moûl qui renfermait 16.2 pour cent de sucre et 9.2 pour mille d’acide, 64 fi NOTE DE LA VINGTIÈME LEÇON. * Par conséquent, il y avait dans i,000 kilog. de ce moût : 4 62k0 de sucre, 9.2 d’acide, 828.8 d’eau. 1 ,000.0 Comparé au moût normal, il ne contenait pas assez de sucre, mais trop d’acide et d’eau. L’addition d’une certaine quantité de sucre n’augmentant que très-peu le volume de la liqueur, elle ne suffirait pas pour diminuer notablement la proportion d’acide. 11 est facile de calculer quelles sont les proportions d’eau et de sucre qui doivent exister dans le moût normal quand celui-ci contient 9k2 d’acide. On trouve que sa composition est alors représentée par 340k0 de sucre, 9.2 d’acide et 1066.5 d’eau. Il en résulte qu’il faut ajouter à la vendange, par 1,000 kilog. de moût, 178 kilog. de sucre et 238 kilog. d’eau. Le moût ainsi modifié aura la composition exprimée par les chiffres précédents. Nous nous contenterons d’avoir indiqué le principe de cette méthode sans chercher à entrer dans les détails prati¬ ques de son application. Notre but était seulement de faire connaître l’influence que l’emploi de ces différents procédés pouvait avoir sur la marche de la fermentation, la nature et les propriétés du vin. Nous n’avons pas voulu également nous occuper des effets produits par l’addition d’autres substances que le sucre soit à la vendange, soit au vin ; nous ajouterons cependant quelques mots sur un moyen très-simple et sans danger de diminuer l’acidité des vins due à la présence d’une trop AMÉLIORATION DES VINS. 617 forte proportion d’acide tartrique libre. Il consiste à intio- duire dans ces vins une petite quantité de tartrate de po¬ tasse pur. Ce sel est, comme nous l’avons dit page 173, assez soluble; le bi tartrate, au contraire, est très-peu so¬ luble dans l’eau et encore moins dans l’alcool faible. Si donc on a dans un vin de l’acide tartrique, et qu’on y ajoute du tartrate de potasse, il va se former du bitartrate de potasse qui se précipitera presque complètement, le vin élant, en général, saturé de tartre. Quant aux doses qu’il convient d’employer, on les connaîtra facilement en déterminant la proportion d’acide libre que le vin contient, et en calculant quelle est la quantité de tartrate de potasse nécessaire pour en faire disparaître une partie. Les questions relatives à l’amélioration des vins peuvent être envisagées à d’autres points de vue que nous n’avons point à discuter ici ; on doit, en effet, se demander si ces procédés sont avantageux, économiques, et si leur emploi ne présente aucun danger pour le commerce et les intérêts des pays vinicoles. Nous nous proposons de traiter prochai¬ nement toutes ces questions avec détails ; mais nous ajoute¬ rons dès maintenant une réflexion à laquelle nous a depuis longtemps conduit cette étude; la satisfaction récemment donnée par le gouvernement à des intérêts si importants pour notre pays nous engage à la produire de nouveau. Elle est du reste suffisamment justifiée par les discussions qui précèdent. Les progrès de la science tendent à propager de plus en plus la substitution de produits purement artificiels aux sub¬ stances naturelles qui entraient autrefois presque exclusi¬ vement dans notre alimentation. Leur production prend chaque jour plus d’extension et de développement. 11 est temps «rappeler sur ce fait l’attention de l’autorité, car il 618 NOTE DE LA VINGTIÈME LEÇON. mérite d’être examiné sérieusement à deux points de vue également importants. D’une part, on n’est pas parfaitement d’accord sur les conséquences de cette substitution relativement à l’hygiène et à la santé publiques, et il serait important que des recher¬ ches consciencieuses pussent nous donner à cet égard des renseignements positifs. D’un autre côté, en présence des chances précaires qui accompagnent toujours la formation et la récolte des produits naturels, est-il juste d’imposer aux producteurs, en dehors des charges qu’ils supportent déjà, la concurrence de produits dont la fabrication est certaine, assurée, et qui ne peuvent jamais être soumis à aucune de ces obligations qui pèsent sous peine de ruine sur la production naturelle. Les procédés que nous venons de décrire, employés d’une manière rationnelle, ont paru jusqu’à présent n’offrir au¬ cun danger; mais peut- on comparer aux produits qu’ils fournissent ceux qu’on obtient par l’emploi direct du trois- six et par l’addition d’autres matières? On trouverait en particulier dans l’histoire de l’alcool et de son influence sur l’économie, des faits nombreux pour montrer combien des produits qui semblent identiques diffèrent par leur ac¬ tion sur l’organisme vivant, et, par conséquent, il serait utile de soumettre à une étude et à des observations d’en¬ semble cette question qui prendra chaque jour plus d’im¬ portance et de développement. APPENDICE Indications pratiques sur la saccharimétrie optique. Nous avons indiqué le principe sur lequel repose l’analyse des matières sucrées au moyen de la lumière polarisée ; nous donnerons dans cette note quelques détails sur la disposition des appareils qui peuvent être employés et sur la marche à suivre dans cette opération. L’appareil de M. Biot est composé de trois parties : Une glace reçoit la lumière sous l’angle de polarisation, et donne après la réflexion un faisceau polarisé dont le plan de po¬ larisation est vertical ; ce faisceau traverse ensuite un tube dans lequel on met la substance que l’on veut étudier. Le tube est en verre, il est enveloppé par un tube métallique; deux plaques de glace le ferment à ses deux extrémités; elles sont pressées sur le tube au moyen de deux viroles en cuivre. Si le tube est vide ou rempli par une substance inactive, le plan de polarisation est encore vertical quand le faisceau l'a traversé ; s’il est rempli par une matière active, le plan de polarisation est dévié; le sens de la déviation dépend de la nature de la substance, la grandeur de la dé¬ viation dépend et de la nature de la substance et de l’épais¬ seur traversée. Enfin, au sortir du tube, le faisceau lumi¬ neux est reçu sur un prisme biréfringent, dit prisme analy¬ seur, parce que c’est par le moyen de ce prisme que l’on constate quelle est la position du plan de polarisation. Un cercle gradué permet de déterminer les changements de position imprimés à ce prisme, et, par suite, d’évaluer la déviation de l’angle de polarisation. 620 APPENDICE. Lorsque l’aiguille qui se meut avec le prisme analyseur est au zéro de l’échelle et que le faisceau polarisé n’a tra¬ versé aucune substance active, l’image extraordinaire du prisme biréfringent est éteinte , en supposant qu’on opère avec un faisceau de lumière simple. Si on met dans le tube une dissolution sucrée, cette image reparaît; le faisceau de lumière est encore polarisé, mais son plan de polarisation a varié, et, en admettant qu’on ait employé du sucre cristal¬ lisé, il faudra tourner le prisme biréfringent d’un certain angle vers la droite pour faire disparaître de nouveau l’image extraordinaire. Nous avons quelques développements à ajouter pour faire comprendre comment on doit opérer avec la lumière blan¬ che. Dans ce cas le faisceau extraordinaire ne s’éteint pour aucune position du prisme analyseur; les deux images sont colorées et présentent des couleurs complémentaires. Mais admettons que les déviations des plans de polarisation des divers rayons simples soient toujours proportionnelles, nous en déduirons comme conséquence que l’on pourra mesurer le mouvement du plan de polarisation, en recher¬ chant les déviations pour lesquelles l’image ordinaire et l’image extraordinaire ont des teintes identiques. Or, M. Biot a démontré que cette proportionalité existait pour tous les milieux doués du pouvoir rotatoire, à l’exception de l’acide tarlrique. Le choix de la teinte qui servira de point de repère n’est pas indifférent : il faut une teinte facile à reconnaître et qui varie rapidement et d’une manière très-marquée quand on change même très-faiblement la position de l’alidade. M. Biot a choisi une teinte qu’il désigne sous le nom de teinte de passage ou teinte sensible, et qui a été adoptée par tous les observateurs. Dans cette position, l’image ex¬ traordinaire est violacée, et le plus léger mouvement vers la SACCHARIMÉTR1E OPTIQUE. 621 droite ou vers la gauche la fait passer du bleu au rouge ou du rouge au bleu. Ainsi, dans cette hypothèse et en opérant avec la lumière blanche, la déviation sera donnée par l’angle dont il faudra tourner le prisme analyseur pour retrouver la teinte de pas¬ sage. 11 faut avec cet appareil opérer dans une chambre obscure, et on reçoit sur la glace la lumière des nuages. Supposons maintenant qu’on veuille l’appliquer au dosage du sucre ou de toute autre matière exerçant une action sur la lumière polarisée. La première condition à remplir, c’est que la dissolution ne contienne pas d’autre substance active que celle que l'on veut doser; la présence de matières inac¬ tives est tout à fait indifférente. Ensuite, il faut faire avec un poids connu de substance à doser une expérience pré¬ paratoire servant à faire connaître le pouvoir rotatoire mo¬ léculaire de cette substance. Ce premier essai servira de terme de comparaison et permettra de déterminer combien il entre de la substance active dans les dissolutions que l’on examinera dans les mêmes conditions. Prenons 20 grammes de la substance que nous voulons doser, de sucre cristallisé, par exemple; dissolvons-les dans l’eau et amenons la dissolution à un volume déterminé V. Remplissons avec ce liquide le tube de l’appareil, et soit D la déviation observée. Faisons la même expérience avec la dissolution que nous voulons analyser, et soit IV la déviation produite dans un tube de même longueur. Fn volume V de cette dissolution contiendra un poids de sucre représenté D' par 20»— ■ Si, au lieu d’opérer sur du sucre cristallisé, on examine le sucre des fruits acides, la déviation du plan de polarisation aura lieu vers la gauche, mais on devra procéder de la même manière. APPENDICE. 622 Si l’on avait un mélange de sucre de cannes et de sucre de fruits, la déviation observée serait la différence des dé¬ viations que chacun de ces sucres aurait produites séparé¬ ment, et sa connaissance ne suffirait pas pour évaluer les proportions des deux espèces de sucre. Mais, cette déviation connue, transformons par l’action d’un acide le sucre de cannes en sucre de fruits, puis déterminons la nouvelle déviation. Nous avons dans les deux opérations tous les éléments nécessaires pour calculer la composition de la liqueur au point de vue du dosage des sucres qu’elle ren¬ ferme. Tout revient à déterminer, au moyen des deux obser¬ vations faites, les déviations x et y qu’auraient produites séparément les deux espèces de sucre. Soit D la première déviation observée, on a : D=x — y. Soit D' la deuxième déviation ; elle doit être corrigée à cause du changement de volume produit par l’addition de l’acide, elle donne la nouvelle égalité : nD' =i/-+- roæ. Or n est connu , on a sa valeur par la quantité d’acide employée ; on aura m en déterminant le rapport entre la déviation à droite produite par un certain poids de sucre cristallisé et la déviation à gauche donnée par le sucre in¬ terverti qu’il peut fournir. On pourra donc, au moyen de ces deux équations, calculer les valeurs de a? et de y, et par suite on aura la quantité des deux espèces de sucre existant dans la dissolution. Nous devons encore faire une troisième hypothèse sur la nature du mélange ; il peut être formé de deux sucres dé¬ viant à droite le plan de polarisation, par exemple, de sucre SACCHÀRIMÉTRIE OPTIQUE. 623 de cannes et de glucose. Dans ce cas on aura déjà par une première observation : U '&zj D=®+?/ ; puis, en chauffant avec de l’acide chlorhydrique, le sucre de cannes se changera en sucre interverti ; le glucose ne sera pas modifié et un nouvel essai conduira à une seconde égalité Jjià nD' —y — mx; n et m ont les mêmes significations que dans le cas pré- céden t . > J "! J.‘ ,\£L, " -afife.’’ On voit donc qu’on peut par ce procédé non-seulement I déterminer la proportion d’une substance active existant rÿ*< • ’ • • , \ *• \ * ■ • * . , . k seule dans une dissolution, mais qu’il est possible, dans cer- ** **** • tf # ' * * % tains cas, d’arriver à reconnaître dans quelles proportions se r * • * * 'trouvent mélangées plusieurs substances actives, pourvu qu’on sache quelles sont celles de ces substances existant * • * i, * #’ m . a ^ • M m * t dans la dissolution” .T r \ ‘ ^ ^ î • r Les détails qui précèdent suffisent pour bien faire com¬ prendre en quoi consiste l’appareil de M. Biot,et montrer comment on doit procéder quand on veut s’en servir pour le dosage des sucres contenus dans un liquide ne renfermant pas d’autre substance active. • *. /-/C:'. *i*ui*ï" * : , ■■ .Z-r'- Cet appareil a été, comme nous l’avons dit, employé par M. Bouchardat à l’examen analytique des moûts. Dans le moût, on trouve à côté du sucre d’autres substances actives, l’acide tartrique et les tartrates; on les élimine par l’acétate de plomb ; on achève la décoloration au moyen du noir ani¬ mal. 11 ne reste plus dès lors dans le jus sucré que du sucre déviant à gauche le plan de polarisation, et on peut déter¬ miner sa proportion en partant des indications qui pré¬ cèdent. * APPENDICE. 624 Le pouvoir rotatoire variant avec la température, il est convenable, pour n’avoir à faire aucune correction, de ra¬ mener toujours les liqueurs à la même température. M. Bouchardat opérait à la température de 15°. Le tube employé dans toutes les expériences avait une longueur de 500““. M. Bouchardat a trouvé, comme l’indi¬ quent les nombres que nous donnerons plus loin, que deux degrés de l’appareil de M. Biot, dans les conditions décrites, correspondaient à t p. 100 d’alcool. L’alcool était déterminé, après la fermentation, au moyen de la méthode ordinaire de distillation. M. Biot a découvert que les solutions sucrées suivent les mêmes lois que le cristal de roche dans leur action sur les plans de polarisation des rayons de diveises couleurs; il en résulte que l’on peut toujours compenser l’action d’une cer¬ taine épaisseur de dissolution sucrée par celle d'une plaque de cristal de roche d’une épaisseur convenable et de rotation inverse. Par conséquent, au lieu de mesurer directement le pouvoir rotatoire exercé par une dissolution donnée de sucre, on peut déterminer quelle est l’épaisseur de quartz nécessaire pour compenser son action, et remonter de celte observation à la proportion de sucre existant dans la disso¬ lution. C’est sur ce principe qu’est fondé l’appareil construit par M. Soleil et désigné sous le nom de sacchari mètre. La con¬ struction de cet instrument a permis d’introduire dans la pratique industrielle le procédé analytique dû à M. Biot, et dont nous venons de décrire les bases. Nous donnerons également une idée de la marche suivie par la lumière dans le saccharimètre de M. Soleil. L'appa¬ reil comprend, comme celui de M. Biot, trois parties: le polarisent-, le tube renfermant la dissolution, et l’analyseur. SACCH A RIM ETRIE OPTIQUE. 625 Le polariseur est formé par un prisme biréfringent ne donnant, par suite de sa disposition, qu’une seule image; l'image extraordinaire est rejetée hors du champ de la vi¬ sion; on obtient ainsi dans l’axe de l’appareil un faisceau de lumière polarisée. A la suite est une plaque de quartz, dite plaqne à Jeux rotations ; elle est composée de deux pla¬ ques de quartz à rotations contraires, juxtaposées de manière que la surface de séparation soit verticale. L’épaisseur de cette lame est calculée de telle sorte qu’elle donne la teinte violâtre sensible qm nous avons appelée teinte de passage. Le tube servant à contenir la dissolution présente à peu près la même disposition que dans l’appareil de M. Biot. L’analyseur est formé de plusieurs pièces; on rencontre d’abord le compensateur en quartz. Pour le construire, on prend une plaque de quartz exerçant la rotation soit vers la droite, soit vers la gauche; on la coupe de manière à for¬ mer deux prismes de même angle ; puis, après avoir poli les faces l’une sur l’autre, on les réunit de manière à repro¬ duire une seule lame à faces parallèles. Les deux prismes sont enchâssés dans un cadre en cuivre et peuvent, à l’aide d’un mouvement à crémaillères, glisser sur leurs faces obliques. Ce mouvement permet de faire varier l’épaisseur du com¬ pensateur, en conservant toujours le parallélisme des faces extrêmes. On place au devant des deux prismes une plaque à rotation contraire, d’une épaisseur telle que dans la po¬ sition normale, ou bien au zéro de l’échelle, les actions se compensent. C’est l’ensemble des deux prismes et de cette plaque qui constitue le compensateur. Après le compensateur est un prisme biréfringent , disposé de telle façon qu’une de ses images soit interceptée; puis une petite lunette, placée au devant de ce prisme , sert pour mettre les images à la distance de la vision distincte. Supposons qu’on enlève le tube, que le compensateur soit 620 APPENDICE. au zéro, position dans laquelle son action est nulle : on ve.pa par la lunette un disque uniformément coloré et sé¬ paré en deux parties par une ligne verticale. Cet effet est produit par le prisme polariseur et la plaque à deux rota¬ tions, dont les deux parties exercent la même action, puis¬ que leurs pouvoirs rotatoires, bien que de sens contraires, ont les mêmes valeurs. Mais si on -replace le tube contenant une substance active, il n’y a plus uniformité de coloration entre les deux moitiés du disque; l’une des moitiés, par exemple, devient bleue tandis que l’autre se colore en rouge. Cela tient à ce que l’action du liquide vient s’ajouter à celle de l’un des quartz, et il n’y a plus identité entre les actions produites sur les deux parties. 11 est facile, au moyen du compensateur, de ramener l’uniformité et de reproduire la première teinte, et de cette opération on pourra conclure quelle est l’épaisseur de quartz qui produit le même effet que la substance active contenue dans la dissolution. Une division de l’échelle correspond à un dixième de millimètre de quartz, et au moyen d’un ver- nier on peut estimer les centièmes de millimètres. M. Clerget a trouvé que 16 grammes 471 de sucre candi sec et pur, dissous dans l’eau, donnent une liqueur qui, ra¬ menée au volume de 100“, déterminerait, dans un tube de 20 centimètres de longueur, une déviation compensée par l’action de lmm de quartz. Lorsqu’on voudra se servir de cet appareil pour le dosage du sucre contenu dans un liquide , les considérations que nous avoirs développées page 621 permettront d’y arriver tout aussi facilement qu’avec l’appareil de M. Biot. On peut employer soit la lumière du ciel soit celle d’une lampe. Nous avons indiqué la moyenne des résultats obtenus par M. Bouchardat avec l’appareil de M. Biot. En opérant avec Gouais blanc Gamay. . . . Gros Verrot. Petit Verrot. Melon .... Servoyen vert Servoycn rose Pinot noir. . Pinot blanc . SACCHARÏMETR1E OPTIQUE. 027 p \e saccharimètre de M. Soleil dans les mêmes conditions, et en se servant du tube normal de 20 cent, de longueur, une t notation de 3 divisions 1/3 correspondrait à 1 p. 100 d’alcool. On comprend, d’après ce qui précède, comment ces deux ^.appareils pourront être appliqués à l'étude des phénomènes qui s’accomplissent pendant la maturation des raisins, et à l’examen analytique du moût que ces raisins doivent four¬ nir. Dès recherches analogues à celles de M. Bouchardat [conduiraient bientôt à des lésultats qui, outre leur intérêt :.4 . • immédiat, donneraient sur cette application spéciale de la |saccharimétrie des conséquences pratiques analogues à celles ique M. Clerget a développées sur l’analyse des sucres cris¬ tallisés et des plantes qui les fournissent. Nous donnerons en terminant le résumé des observations faites par M. Bouchardat en 1845 et 1846. Le premier tableau renferme les résultats obtenus en 1845 par l’analyse ,des moûts et des vins produits par les différents cépages ^cultivés dans le département de l’Yonne. UÉTUTIOS obwpé* Hgfl Hir.iliMl alcoolique do v 1 n. 1 (IllSTITÉS df tia QomiTis d’alcool QCmiTÉS d'acides tartnque et maliqoe contenus dans ce vin. QUOTITÉS de dan» un tube de 500m>". 7 V produit . â > [* par on hectare contenu dans ce vin. potasse contenue dans ce vin. — 6°0 3.28 240»* 7 ‘*88 1 12k4 1 5k30 — 905 4.8 160 8 18 67 2 9 44 —1405 6.97 1 90 6 28 36 9 5 13 — 16°5 8.20 60 4 92 20 4 3 91 — 1 805 9.10 1 80 7 28 24 3 3 92 —1705 8.8 50 4 40 17 0 2 35 — 20°0 10.0 30 3 00 7 7 1 23 — 21»0 10.6 20 2 12 4 2 0 74 — 20«0 10.1 15 1 • 1 51 3 91 0 61 -H . r 1 *- î 0 74 3 9t 0 61 9 628 APPENDICE. % Nous placerons à la suile les nombres fournis par ces mê¬ mes cépages en 1846, en y ajoutant quelques cépages qui n’avaient pas été étudiés en 1 845. La comparaison de ces tableaux montrera la différence qui existe entre les produits des mêmes Vignes dans les années médiocres et dans les années où la maturité est suffisante. Elle pourra servir de base et de point de départ pour des calculs relatifs à l’amé¬ lioration des vins préparés dans ces localités avec les diffé¬ rents cépages observés par M. Bouchardat. NOMS des CKPAGBS. DITIAT10H DKKS1TÉS observe du MOI T. dans un lobr 500,nm. Quantités QUANTITÉS QUANTITÉS de vin d'alcool dVides QUANTITÉS produit contenu lartrique par un dan* fl hectare, ce vin. maliqoe. POTASSE . Gamay. . . . Gros Verrot. Petit Verrot. Melon .... Servoyen vert Servoyen rose Pinot noir. . Pinot blanc . Tressot. . . . Pinot gris . . Côt (Auxerre) Gôt (Avallon) 1.067 ÎTÎÎT 1.081 1.071 1.079 1.085 1.095 1.087 1.094 1.085 1.084 25o5 2»° 2i°5 27o 28®5 26o 28® 2505 26o5 150b 160 110 76 70 50 25 17 60 16 » 60 15b 14 4 14 025 9 5 8 4 6 125 3 5 2 38 7 8 2 38 57b 92 8 30 8 18 24 20 3 12 5 5 0 2 98 14 4 3 84 7 8 16 8 10 72 7 82 3 87 4 27 2 35 0 93 0 701 3 06 0 72 » 2 88 Nous n’avons pas voulu séparer les résultats obtenus pour le dosage des acides et de la potasse de ceux fournis par l’examen optique du moût. Ils ont été tous constatés en même temps : le tartrate et le malate de plomb produits par l’action de l’acétate de plomb sur la liqueur ont été dé¬ composés par l’acide sulfhydrique ; puis l’acide tartrique a été précipité par l’eau de chaux, et la proportion de tartrate de chaux a servi a évaluer l’acide tartrique. La distillation 029 S.4CCHARIMÉTRIE OPTIQUE. a donné la quantilé d’alcool, et le résidu de cette, opération a permis de déterminer après calcination la potasse qu’il contenait. Nous avons donné ailleurs les détails relatifs à ces diverses recherches. Ces indications complètent celles que nous avons données précédemment sur les quantités de potasse enlevées au sol par la culture de la Vigne; elles montrent quelles diffé¬ rences considérables nous offrent sous ce rapport les ditlé- rents cépages, et peuvent servir à expliquer l’inégale durée de chaque variété et à donner une idée de l’épuisement que le sol éprouve par suite de leur culture. Nous ajouterons, pour ceux des cépages qui ont été exa¬ minés en 1845 et 1846, la comparaison de leur richesse alcoolique pendant ces deux années. 1845. 1846. Gamay . . . 4.8 10.0 Gros Verrot .... . . 6.9 9.12 Petit Verrot. . . . . . 8.2 12.75 Melon . . . 9.1 12.5 Servoyen vert. . . . . 8.8 12.0 Servoyen rose . . . . . 10.0 12.25 Pinot noir . . . 10.6 13.5 Pinot blanc .... . . 10.1 14.2 Cette comparaison est importante, car, la maturité ayant été complète en 1846, les nombres obtenus cette année montrent, comme nous l’avons déjà fait observer, à quel degré de perfection chacun de ces cépages peut atteindre sous des influences favorables. 3o i f \j BIBLIOGRAPHIE Liste des auteurs cités dans cet ouvrage et énumération des travaux - ' consultés pour la discussion des principales questions. Nous avons réuni dans ce Bulletin bibliographique tous les ou¬ vrages et mémoires que nous avons consultés pendant le cours de ce travail ; noùs avons pensé que cette liste serait étudiée avec fruit 'par tous ceux qui voudraient approfondir les questions que nous avons abordées. Chacun pourra compléter les parties qui l'intéres¬ seront davantage et contrôler les renseignements que nous y avons ''puisésVet les conséquences que nous avons cru pouvoir en déduire. Notre intention n’est, pas de donner le recueil complet de tout ce qui a paru en France et «'i l’étranger sur la Vigne et le vin: les do¬ cuments que nous, avons recueillis jusqu’ici ne nous permettent pas encore d’entreprendre une pareille tâche; nous vouions seulement mettre nos lecteurs en état de remonter à la source des documents que nous avons hous-même étudiés et discutés. De plus, quoique nous noiis^soyons imposé l’obligation de dire dans le texte où se trouvent les- travaux consultés, nous pouvons avoir fait quelques ^missions, et, .avec le nom de l’auteur, la liste suivante permettra ' facilement de #ies>réparër. Outi^e les ouvrages spéciaux dont nous donnons la liste, nous de¬ vons citer les._ Traites de 'Chimie générale et de Chimie agricole, gqin peuvent . fourniras ur la plupart des questions de Chimie ’-vinicôlé d’utilés renseïgnemëhts Rappeler ici les noms de MM. Thé¬ nard, Dumas, Régnault, Pelouzc et Frémy, Gerhardt, Boussingault, Pàyen, Pierre, Malaguti, Baudrimont, etc., c’est indiquer au lecteur Recouvrages lés plus importants dans lesquels on trouvera les déve¬ loppements théoriques sur toutes les questions qui intéressent l’his- ;toire chimique de la Vigne et dir vin.' '' ' I # 1 * 1 f * r 1 •*% V * '*.• V*. Armailhacq (d'). — La culture des: Vignes, la vinification et les vins 'dans le Médoç. (Bordeaux, 1855.) ^Aubergier..—. Sur l’huile de- marc de raisin. (Ann. de Ch. et de Phys., 2« série, U. 210.) — Recherches sur la fermentation et la fabrication du vin. (Congrès de vignerons français ) Balard. — Mémoire sur l’alcool amylique. (Ann. de Ch. et de Phys.,', 3e série, 12. 294,) ■ ‘ ' Balling. — Étude chimique de la fermentation. Prague, 1855.) Barrai. — Recherches analytiques sur les eaux pluviales. (Extrait des Mémoires des Savants étrangers, t. XII.) — Nouveau sys¬ tème de culture de la Vigne. (Journal d’agriculture pratique, 20 janvier 1857.) - A-Wmml Barreswil. — Dosage du sucre. (Journal de Pharmacie, 6. 301.) Batilliat. — Traité sur les vins de France. (Paris, Lyon, 1840.) * Berghaus. — Atlas physique. (Gotha, 1845.) BIBLIOGRAPHIE. 632 Berthelot. — Reproduction de l’alcool par le bicarbure d’hydro¬ gène. (Comptes rendus de l’Académie des sciences, 40. 102. Ann. de Ch. et de Phys., 3e série, 43. 385.) — Sur la fermenta¬ tion alcoolique. (Comptes rendus, 44. 702. 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(Journal d’agriculture de la Côte-d’Or, 1856. 8® série, 1. 169.) — Du rôle des influences locales, (id., 1857, 3e série, 2.) 636 BIBLIOGRAPHIE. Roard. — Traité théorique et pratique de la culture de la Vigne. (Paris, 1805.) Roy. — Essai sur la culture de la Vigne dans les cantons de Cruzy et de Tonnerre. (Annuaire de l’Yonne, 1838, p. 190.) Schmidt. — Influence de l’organisation du ferment dans la fer¬ mentation. (Ann. der Ch. und Pharm., 61. 168.) Schubert. — Recherches analytiques sur les vins de Wurtzbourg. (Pogg. Ann. 1849, 77. 397.) Schübler. — Notice sur la culture de la Vigne et la vinification dans le Wurtemberg. (Stuttgart, 1831.) Silbermann. — Nouveau moyen pour mesurer la quantité d’al¬ cool contenue dans un liquide donné. (Bull, de la Soc. d’Encou- ragement, 1849. 86.) Tabarié. — Nouvel instrument pour déterminer la quantité d’al¬ cool contenue dans le vin ou tout autre liquide spiritueux. (Ann. de Ch. et de Phys., 2e série, 45. 222.) Thénard (P.). — Recherches sur la destruction del’Eumolpe de ia Vigne, dit vulgairement Écrivain. (Ann. de Ch. et de Phys., 3® série, 43. 108.) Thiolière. — Notice géologique sur les terrains où la Vigne est cultivée dans le département du Rhône. (Actes des congrès de vignerons français, session de Lyon, 558.) Turrel. — Engrais qui conviennent à la Vigne. (Congrès de vigne¬ rons français, session de Marseille, 162.) Vergnette (de). — De l’exportation des vins de Bourgogne dans les pays chauds. (Extrait des Mémoires de la Société centrale d’agriculture.) — Mémoire sur la physiologie de la Vigne, et plus spécialement sur la physiologie du Pinot cultivé dans la Côte-d’Or. (Bulletins de la Société d’Encouragement, 1849. 391, 468 et 573.) — Des terrains livrés à la culture de la Vigne dans la Côte-d’Or. (Actes des congrès de vignerons français, session de Dijon, 308.) — Notice sur la vinification dans les grands crus de la Côte-d’Or. (Id., 379.) — Notice sur la récolte des vins dans les grands crus de la Côte-d’Or. ( Id., 418.) — Nouvel œno- mètre. (Id., 257.) — Des effets du froid et de la congélation sur les vins. (Ann. de Ch. et de Phys., 3« série, 25. 353.) — Richesse alcoolique des vins de Bourgogne. (Extrait des Mémoires de la Société d’agriculture de Lyon.) Vialle.— Instruction sur la fabrication du petit vin. (Béziers, 1856.) TABLE DES MATIÈRES Avant-Propos . vu lre PARTIE : VITICULTURE Première Leçon. — Considérations générales . 1 Deuxième Leçon. — Division du cours. — Composition des cendres de la Vigne . 15 Note À. — Composition des cendres fournies par les diffé¬ rentes parties de la Vigne . 30 Note B. — Influence du sol sur la composition des cen¬ dres de la Vigne . 46 Note C. — Sur la quantité de potasse enlevée au sol par la culture de la Vigne . 51 Troisième leçon. — Influence de la nature et de la composi¬ tion du sol dans la culture de la Vigne. . . . 57 Note D. — Nature et composition des terres livrées à la culture de la Vigne dans les principaux vignobles de France, d’Espagne, d’Italie, d’Allemagne et d’Au¬ triche . 7î Quatrième et cinquième Leçon. — Des engrais propres à la Vigne et de leur emploi . 121 Note E. — Sur le rôle des engrais dans la culture de la Vigne et les formes sous lesquelles on peut les em¬ ployer . 150 Sixième et septième Leçon. — Des matières organiques que l’on rencontre dans les différents organes de la Vigne et particulièrement dans le raisin . 163 Note F. — Lumière polarisée. — Plan de polarisation. — Rotation du plan de polarisation . 196 638 TABLE DES MATIÈRES. Note G. — Composition élémentaire des matières organi¬ ques que l’on rencontre dans les différents organes de la Vigne . 206 Huitième Leçon. — Phénomènes qui accompagnent la végé¬ tation de la Vigne . 217 Note H. — Accidents qui peuvent survenir pendant la vé¬ gétation de la Vigne. — Gelées. — Coulure . 231 Note /. — Analyse et composition du raisin . 241 Neuvième et dixième Leçon. — Étude des circonstances qui influent sur la nature et les qualités des produits de la Vigne . 253 Note J. — Liste des principaux cépages dressée suivant l’époque de la maturité du raisin . 276 Note K. — Application de la météorologie à l’étude des phénomènes périodiques de la Vigne . 286 Note L. — Sur les vignobles de la Côte-d’Or . 311 2« PARTIE : ŒNOLOGIE Onzième Leçon. — Considérations générales sur la fermenta tion. — Fermentation alcoolique . 317 Douzième Leçon. — Fermentation du moût de raisin. . . . 839 Note M. — Nature et composition de l’acide carbonique, de l’alcool et des autres matières qui se forment pendant la fermentation alcoolique ou à la suite de cette opé¬ ration . 356 Note N. — Sur la fermentation . 370 Treizième Leçon. — Des opérations qui précèdent la fermen¬ tation. — Vendange. — Égrappage . 389 Quatorzième Leçon. — Foulage. — Disposition des cuves pendant la fermentation . 407 Note O. — Influence de la disposition des cuves sur l’éva¬ poration qui a lieu pendant la fermentation . 419 Quinzième leçon. — Des opérations qui suivent la fermenta¬ tion. — Décuvage. — Pressurage . 423 Note P. — Analyse et essai pratique du moût . 436 Seizième Leçon. — Des soins à donner au vin après sa fabri¬ cation . 481 TABLE DES MATIÈRES. 639 Dix skptieme Leçon. — Modifications apportées à la fabrica¬ tion du vin dans certaines circonstances particulières. . 493 Note Q. — Influence de l’exposition des raisins au soleil et de leur conservation sur la composition du vin. ... 511 Note R. — Des procédés à suivre pour la congélation des vins . 513 Note S. — Influence des voyages sur les vins . 517 Dix-huitième Leçon. — Analyse et composition du vin. . . 519 Note T. — Résultats obtenus par les auteurs qui se sout occupés de l’analyse du vin . 532 Dix-neuvième Leçon. — Altérations spontanées et maladies des vins . 579 Vingtième Leçon. — Amélioration des vins . 593 Note U. — Discussion de quelques questions se rattachant à l’amélioration des vins . 609 Appendice. — Indications pratiques sur la saccharimétrie optique . 619 Bibliographie. — Liste des auteurs cités dans cet ouvrage et énumératioD des travaux consultés pour la discussion des principales questions . 631 UN DE LA TABLE. E R R ATA Page 97, dans le tableau, à la colonne intitulée Sol d’Iqubm (Sàuternk), il faut lire : Matières organiques . 4.009 Résidu insoluble . 85. 169 Page 318, t« ligne, au lieu de : une partie active, lisez : une part active. Page 577, 2e ligne du texte, au lieu de : les compositions des vins, lisez : la composition des vins. Page 604, 6e et 7e lignes, au lieu de : tout aussi bien le fer¬ ment, lisez : tout aussi bien que le ferment. Dijon , imprimerie l.oireau-Feurhot - /KjV >L >■>- / • 1 :* • • _* . • . £ r. • . .• •• , ^ v r. : ‘ ’i •’ • *« ?■*'%- • • « iniÆr ^iVT.-TftrW * J • s-a-'. r ?*r v :> . * /•* *> 5 .h1- M ; *• &.:> • -i . • ;“î • > •■• :. •'. yhcv f y v\ -• ;* ;>• •: .• aw; . * • • • ; » # l * ; • , •w - • 1 < . . . \-»% >*• . * - * • * rfi -• . •• /• • • . ,',i* a'* ’i'Cî'' " • • ’ y># • » i ^ jj. ^ ^ •*,? #>*4 ^ • , \ «gjLéf. •> r ••;.> -v. s£l V -*-v Vr • »• . ■ /--■• - • ‘r. 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