DATE DUE =, = o = AUOT £ . É d in } D PU pe hé k . + É . R + 4 * > £ | BIBLIOTHÈQUE .. é ce. L » fe ÉTIENNE | nes CHRÉTIENNE | , APPROUVÉE LA « LA + *. . * "PAR Ma L'ARCHEVÊQUE DE TOURS . o : 4 : DE x : E2 Le 2e SÉRIE IN-12 À n .. + 4 à , à ‘ . L2 d \ d ‘ 4 us LA + M L & + - Ê | # : +" us + Ne" L . . + v LA e : +. e <: . . . © * » , { Ü + “COLE. Le 12 . ” a ’ p : . OPRIÉTÉ DES ÉDITEURS . e | .… L € . ‘*. | 0. # LR * dé [A ‘ LE, (ll M Capricorne des Alpes, — Le Paon de jour. — Sphynx de la vigne. ESQUISSES ENTOMOLOGIQUES , où HISTOIRE NATURELLE DES INSECTES LES PLUS REMARQUABLES Par M. l'abbé J.-J. BOURASSÉ Professeur de Zoologie au petit séminaire do Tours, membre de la Sovicté entomologique de France Les œuvres de Dieu sont admirables: Ecccés,, ch, 11. L'ouvrage étonne; muis c'est l'empreinte divine dont il porte les traits qui doit nous frapper. BurFon. HUITIÈME ÉDITION TOURS ALFRED MAME ET FILS, ÉDITEURS 1873 d> ; \) À f. EAU) ' us N n [t F « + «RA] .” ANTON ME 071 En AA AL + Dee. 1e NA « st AO EE in TRÈS 5 j À Ad l dus 2 A Sa LE ù Fu 0 « 1 ré. ' 6 LE L'étude de l’histoire naturelle, jusque dans ses branches les plus dédaignées , est fertile .en leçons touchantes, en enseigne- ments utiles pour l'intelligence et pour le cœur. La nature est la révélation sensible de la divine providence ; c’est un livre où tout homme peut voir écrites, en une langue merveilleuse, la grandeur, la sa- gesse et la puissance de Dieu. Élever l’âme de la créature au Créateur, tel a été notre but principal en composant cet ouvrage. L'histoire des insectes , géné- ralement peu, connue, nous a fourni des matériaux abondants pour arriver à cette fin : mœurs variées, habitudes surpre- 8 nantes, instinct prodigieux, travaux de tout genre, industrie savante, ruses, combats, petites guerres, s'offrent en foule à l'observation et à l’admiration des natu- ralistes. Nous dédions ce livre à la jeunesse chrétienne, et nous espérons que dans les Esquisses entomologiques elle trouvera souvent l’occasion de louer et de bénir Dieu. Il west pas de créature si petite et si me- prisée qui ne nous montre la bonté de Dieu. Imitation de Jésus-Christ, livre Il, chap. 1v. INTRODUCTION ORGANISATION DES INSECTES Rien, dans la création, ne saurait fixer nos re- gards et exciter notre enthousiasme comme le spectacle merveilleux de l’organisation. Les lois qui régissent les astres, les propriétés attachées aux substances organiques, les phénomènes qui nous surprennent dans la nature morte, ne pour- ront jamais entrer en comparaison avec les pro- diges renfermés dans le plus frêle organisme. La vie matérielle, l’ensemble des fonctions physio- logiques qui la conservent et qui la perpétuent, cette succession de combats et de résistances nécessaires pour la maintenir, offriront toujours à l'esprit de l’homme attentif le fait le plus sur- * | æ, ‘ INTRODUCTION - prenant et le problème le plus inextricable. Pour quiconque veut réfléchir, la vie et ses organes produisent une des preuves les plus frappantes de l'existence d’un Dieurcréateur, de même qu’une manifestation des plus sublimes de sa toute-puis- sance. Si l’organisation en général est si admirable, notre étonnement ne devra-t-il pas s’accroître en considérant cette multitude innombrable de petits insectes qui échappent à notre vue, dont le corps cependant renferme, dans des proportions infiniment réduites, les organes les plus compli- qués? Si l’étude des productions de la nature exalte le sentiment religieux, le spectacle de la structure merveilleuse des insectes doitnous forcer à pousser un cri d’adoration; nous y contemplons en miniature le chef-d'œuvre de la puissance créatrice. Le corps des insectes est généralement protégé par une peau très-dure , coriace et d'apparence cornée, Elle représente une sorte de squelette extérieur, puisqu'elle soutient et renferme les organes mous, toujours situés à l’intérieur, Dis- position inverse de celle que nous observons dans les animaux des classes plus élevées, et qui nous permet de conserver les insectes dans nos collec- tions avec tant de facilité, dans toute la pureté des formes de l'animal vivant, dans toute la fraicheur de ses ornements. L2 INTRODUCTION ‘1 Le corps des insectes est partagé en plusieurs segments, et c’est précisément de cette division que leur est venu leur nom, d’un mot latin qui signifie entrecoupé. Onsen compte quatre : la tête, le thorax, l'abdomen et les membres. La tête porte la bouche, armée parfois de fortes mandibules arquées et de mâchoires bien aigui- sées , destinées à saisir et à déchirer une proie, comme le bec aigu des oiseaux carnassiers. Ces parties de la bouche sont quelquefois profondé- ment modifiées : tantôt elles s’allongent en une trompe roulée en spirale, à l’aide de laquelle le papillon suce le nectar au fond de la corolle des fleurs; tantôt elles s’avancent sous la forme d’un bec pointu ou rosire, qui sert à la punaise à percer la peau des végétaux et à en sucer la séve; tantôt elles serchangent en un suçoir composé d’un four- reau solide, renfermant plusieurs fines épées, au moyen desquelles le cousin nous cause des tu- meurs si importunes ; tantôt enfin.elles se trans- forment en un suçoir simple et charnu , comme celui avec lequel la mouche des maisons aspire les liquides qui forment sa nourriture. La tête est également chargée de jolies an- tennes, de formes très-variées : ce sont de gracieux panaches, de longs filets délicats et mobiles, d’une structure admirable, puisqu'ils renferment*des nerfs pour la sensibilité, des muscles pour le mou- vement , des trachées pour la circulation de l'air, » 12 INTRODUCTION un liquide nourricier pour réparer les pertes oc- casionnées par l’effet de la vie. Qu'on examine attentivement les antennes si déliées de la grande sauterelle verte, et l'on sera surpris d’une dispo- sition si extraordinaire. A côté des antennes et voisins des parties-de la bouche, on voit deux yeux , dont la surface exté- rieure est régulièrement divisée en petites facettes, que les entomologistes ont considérées comme fai- sant l'office d’yeux séparés et distincts. Outre ces deux yeux, les abeilles, les guêpes, les frelons en ont encore trois autres, beaucoup plus petits, dis- posés en triangle, sur le milieu du front. Le thorax, composé de trois anneaux, dont le premier s'appelle corselet, supporte les pattes, constamment au nombre de six , et les ailes, en nombre variable. Les pattes sont composées de plusieurs pièces différentes articulées les unes au bout des autres. Les plus importantes à connaître sont la hanche, la cuisse, la jambe ou tibia, et le tarse. Nous devons avertir que les entomologistes ont attaché une grande importance au nombre des petits articles qui composent le tarse. Ils en ont fait le fondement de distributions générales dans l’ordre des coléoptères, et s’en sont avantageuse- ment servis pour caractériser quelques familles dans les autres ordres. Les ailes varient et par le nombre et par la structure ; tantôt il y en a deux seulement, comme INTRODUCTION 13 chez la mouche domestique; tantôtil y en a quatre, comme chez le papillon, la libellule et le hanneton. Quand les ailes supérieures sont dures, coriaces, on les appelle élytres ; quand elles sont transpa- rentes comme de la gaze, on les nomme simple- ment ailes membraneuses. Les papillons ont leurs quatreailes membraneuses recouvertes d’une fine poussière d’écailles colorées. L'abdomen ou le ventre ne supporte jamais de membres, et se trouve formé par une suite d’an- neaux rélinis les uns aux autres par une mem- brane souple qui n'empêche pas leur mobilité. Chacun de ces anneaux est percé latéralement d’une petite ouverture en forme de boutonnière, nommée stigmate, destinée à prêter passage à l’air dans l’acte de la respiration. L’abdomen est sou- vent terminé par des instruments très-variés, pour aider la ponte des insectes : ce sont des tenailles solides, des tarières bien aiguisées, des scies fine- ment dentées, des vrilles très-pénétrantes, des sabres recourbés, des couteaux bien affilés ; ce sont souvent des armes offensives et défensives, ter- ribles parce qu’elles sont empoisonnées , comme le dard des guêpes et des abeilles. Si nous pénétrions dans l’intérieur du corps des insectes, quelle réunion de ressorts merveilleux, d'organes admirables, n’aurions-nous pas à con- templer ! , Les anciens disaient : La nature est admirable 14 INTRODUCTION dans les plus petites choses ; pour nous, plus in- struits et plus reconnaissants , nous dirons : Dieu se reconnait à son œuvre, CLASSEMENT, DES INSECTES EN DIFFÉRENTS ORDRES Le fondement de l’histoire naturelle , c'est la classification. Les insectes étant excessivement nombreux, il a été nécessaire de les distribuer en diflérents groupes naturels. Ces groupes sont ce qu’on appelle les ordres ; ils sont au nombre de douze. Les entomologistes, pour les différencier, ont emprunté les caractères à la structure des ailes et à la disposition des organes de la bouche. Voici le tableau des ordres tels qu’ils sont le plus géné- ralement adoptés aujourd’hui. 1% ORDRE. — COLÉOPTÈRES Les coléoptères ont deux ailes membraneuses, repliées sous deux espèces d’ailes dures, coriaces, nommées élytres. Exemple : carabe, capricorne, charançon. INTRODUCTION 15 9 ORDRE. — LÉPIDOPTÈRES * Les lépidoptèresontquatre ailesmembraneuses, recouvertes d’une poussière écailleuse. Leur bouche estmunie d’une trompe roulée en spirale. Ex. : pa- pillon. 3e ORDRE. — DERMAPTÈRES Les dermaptères ont les ailes supérieures co- riaces, très-courtes , et les inférieures rayonnées, pliées transversalement et longitudinalement. La bouche est munie de mandibules et de mâchoires. Ex.: forficule, vulgairement perce-oreille. 4° ORDRE. — ORTHOPTÈRES Les orthoptères ont les deux ailes inférieures longitudinalement repliées sous des élytresmolles, presque membraneuses. Leur bouche est munie de mandibules et de mâchoires. Ex. : sauterelle, grillon. 5° ORDRE. — HÉMYPTÈRES Les hémyptères ont deux ailes inférieures croi- sées sous des élytres demi-membraneuses. Leur bouche est munie d’une trompe aiguë, recourbée sous la poitrine. Ex.: punaise, cigale. 6e ORDRE. — NÉVROPTÈRES Les névroptères ont quatre ailes membraneuses, 16 INTRODUCTION traversées de nervures réticulées. Leur bouche est munie de mandibules et de mâchoires. Ex.: libel- lule, vulg. demoiselle, éphémère. 70 ORDRE. — HYMÉNOPTÈRES Les hyménoptères ont quatre ailes nues, vei- nées, inégales. Leur bouche est munie de mandi- bules et d’une trompe souvent très-petite. Ex. : abeille, fourmi. - 8e ORDRE. — DIPTÈRES Les diptères n’ont que deux ailes nues, veinées, et, par-dessous, deux balanciers. Leur bouche consiste en une trompe droite, coudée ou rétractile. Ex.: mouche, cousin. 9° ORDRE. — RHIPIPTÈRES Les rhipiptères ont deux ailes membraneuses, plissées en éventail, Leur bouche est complète. Ex.: stylops. 10e ORDRE. — THYSANOURES Les thysanoures n’ont pas d'ailes. Leur ‘abdo- men est garni sur les parties latérales de fausses pattes, et à son extrémité, d’un appendice propre au saut. Ex.: podure. 112 ORDRE. — PARASITES Les parasites n'ont pas d'ailes. Leur bouche. INTRODUCTION 17 consiste en un petit suçoir accompagné de deux mandibules en forme de crochets. Ex. : pou. . 12e ORDRE. — SUCEURS Les suceurs n’ont pas d'ailes. Leur bouche est composée d’un suçoir renfermé dansune espèce de fourreau cylindrique composé de plusieurs pièces articulées. Ex. : puce. On trouvera sans doute bien aride cette sèche nomenclature des ordres ; mais ce tableau est es- sentiel à connaître : on peut le regarder comme la clef de l’entomologie. Nous engageons fortement les jeunes naturalistes à surmonter la peine que pourra leur coûter l'intelligence de tous les ordres, . leurs efforts seront pour eux une source de jouis- sances par la suite. MÉTAMORPHOSE DES INSECTES Un des spectacles les plus extraordinaires et les plus intéressants que puisse nous offrir l’étude de l'histoire naturelle, c’est sans contredit celui des transformations ou des métamorphoses des in- sectes. Tous ces petits animaux qui nous charment 1 LOT INTRODUCTION par l'élégance de leurs formes, par l'éclat de leurs couleurs, par la grâce de leurs allures, par la bi- zarrerie de leurs instincts, par la singularité de leurs mœurs, n’ontpastoujours présentéles mêmes, dispositions organiques extérieures, Tous ont dû passer par un état humble, méprisé, trop souvent fatal à un grand nombre : tous, au sortir de l’œuf, ont rampé sous la forme de larve, de ver ou de chenille. Cette chenille au corps velu, hérissé d’é- pines, couvert de tubercules , à la démarche pa- resseuse, aux goûts dépravés, inspire à tout le monde un dégoût involontaire. Bientôt cependant cette hideuse chenille, guidée par un merveilleux instinct, pressent une vie plus glorieusé, et se pré- . pare avec ardeur et joie un tombeau qu’elle re- garde comme le berceau d’une existence nouvelle et brillante. Au sein de la mort s’opère un mystère de transformation ; l’insecte déchire son linceul, étale ses ailes élégantes et prend son essor. Cette chenille que nous méprisionsnaguère voltige main- tenant au milieu des fleurs, plus belle que les fleurs elles-mêmes ; sous la forme d’un gracieux et léger papillon, elle promène son inconstance à toutes les fleurs des champs et des prairies. Telle est en abrégé l’histoire des changements de tous les insectes; tous ont été rampants, et, après quelques jours d’un sommeil léthargique admirable, ils se sont éveillés pleins de vie et de beauté. INTRODUCTION 19 Ces changements étaient connus des anciens, puisque Aristote , le prince des naturalistes, en parle dans son livre sur l’histoire des animaux : on leur avait donné le nom de métamorphoses. Cependant, si nous voulons parler exactement, ce sont moins des transformations, des métamor- phoses, que des évolutions de formes, que des développements successifs. Ce fut l’illustre Swam- merdam qui démontra le premier cette proposi- tion, en mettant en évidence la nymphe ou la chrysalide sous les téguments de la chenille et le papillon sous l’enveloppe de la nymphe. Il compa- rait gracieusement la chenille à un frais bouton de rose. Sous les sépales du calice on aurait peine à soupçonner la reine des fleurs, et pourtant tous les pétales y sont repliés sur eux-mêmes et à l’état rudimentaire. Les douces influences d’une tiède température accélèrent le développement, et bien- tôt la belle fleur épanouit sa corolle et répand son parfum. De même le papillon aux ailes bigarrées se trouvait dans le corps de la chenille, mais à l’é- tat rudimentaire ; celle-ci se débarrasse successi- vement de plusieursenveloppes grossières, et laisse échapper de son sein le plus beau des insectes. En contemplant des phénomènes si surprenants et, il faut bien aussi l’avouer, si inexplicables, rendons hommage à la puissance , à la grandeur, à l’inépuisable libéralité du Créateur de toutes choses. 20 INTRODUCTION ŒUFS DES INSECTES Tous les insectes sont ovipares, à l’exception des pucerons, qui sont ovo-vivipares pendant une saison de l’année. Les œufs des insectes sont gé- néralement très-pelits, et se présentent sous la forme, de graines de millet, quelquefois excessi- vement ténues. Ils offrent des couleurs variées, parfois des dessins et des sculptures en relief disposés avec une symétrie admirable. À l’aide du microscope simple on peut développer ces sur- prenantes miniatures et admirer la merveilleuse délicatesse du ciseau de la nature dans les mille plis et replis, dans les imperceptibles saillies et cavités de ce miraculeux travail. Que nos arts et notre industrie paraissent bornés, au spectacle de la perfection presque infinie que montrent toutes les œuvres de Dieu ! Les œufs des insectes sont de formes très-diffé- rentes , quelquefois très-bizarres. Il y en a d’ar- rondis, d’ovales, de cylindriques, de plats, de déprimés, de prismatiques, d’anguleux; quel- ques-uns sont en forme de poire ou de pomme; d’autres, en forme de turban, de bateau ou de INTRODUCTION 2t tambour. Les œufs de la nèpe cendrée, vulgaire- ment appelée scorpion aquatique , sont oblongs, et portent à leur extrémité supérieure une sorte de couronne formée de sept épines ou rayons grêles, qui les fait ressembler à la semence du chardon bénit. L’excessive fécondité des insectes est bien propre à exciter notre surprise. L’imagination est effrayée à la vue de la multitude incalculable des œufs des poissons; et pourtant les œufs de quel- ques espèces d’insectes sont encore plus nom- breux. Le bombyx ou ver à soie dépose environ cinq cents œufs; le cossus ronge-bois, mille; quelques pucerons, deux mille; la guêpe ordi- naire, au moins trente mille; les reines des abeilles, au moins quarante à cinquante mille. Le célèbre micrographe Leuwenhoëch a calculé que la mouche ordinaire des appartements pou- vait produire en trois mois plus de sept cent qua- rante-six mille œufs. C’est en faisant allusion à cette multiplication, presque sans bornes, des in- sectes, que Linnée a dit avec justesse que trois mouches consumaient aussi vite qu’un lion le cadavre d’un cheval. C'est maintenant que nous pouvons admirer le prodigieux instinct qui porte les insectes à dépo- ser ces germes précieux, espoir de leur postérité, dans les conditions les plus favorables au déve- loppement futur de la jeune larve qui doit éclore. " pa. \ 22 INTRODUCTION On s'étonne involontairement en voyant les pré- cautions suggérées par la prévoyance et par la sollicitude la plus éclairée. Quand l'œuf n’est pas revêtu d’une coquille assez solide , il est protégé tantôt par un enduit gommeux de saveur amère, tantôt par une humeur corrosive, quelquefois par une moelleuse enveloppe , composée de poils soyeux que la mère arrache courageusement de son propre corps. Il ya, dans les soins qui en- tourent laponte des œufs, mille ruses, mille ar- tifices qu’on ne saurait soupçonner. Tantôt l’œuf est fixé à l'extrémité d’un long pédicule, comme celui de l'hémérobe-perle ; tantôt il est caché dans une fente adroïtement pratiquée sur la tige des végétaux, comme celui de l’hylotome du rosier ; tantôt il est protégé dans un sac de soie , comme celui de l’hydrophile brun ; tantôt, enfin, par un étui solide semblable à un fourreau de cuir, comme celui de la blatte. Tout cela est admi- rable; mais qui a appris à l’insecte parfait qui vit du nectar des fleurs à choisir la plante gros- sière destinée à nourrir la larve qui doit sortir de l'œuf? Qui le dirige dans son choix de manière à ce qu'il ne commette jamais la moindre erreur ? N'est-ce pas Celui qui entend le cri des petits oiseaux qui demandent leur nourriture? La va- nesse-io ou le paon dujour,un de nos plusélégants lépidoptères, ira toujours déposer ses œufs sur les orties armées d’aiguillons redoutables; la nym- INTRODUCTION 23 phale-iris, aux couleurs changeantes, ira placer les siens sur les feuilles du peuplier ; le papillon- machaon, sur le fenouil et Sur les autres ombelli- fères; la belle-dame, sur le chardon aux ânes, sans envier une nourriture plus délicate au sphinæ du lauwrier-rose, à la piéride du chou, ou à la piéride du navet. Les œufs des insectes éclosent sous l'influence de la chaleur solaire; mais, comme si nous de- vions rencontrer toutes lés merveilles dans l’his- loire des insectes, il y en a quelques-uns qui couvent leurs œufs avec une ardeur extrême. La forficule , connue vulgairement sous le nom de perce-oreille, se tient constamment sur ses œufs, suivant une observation de l’illustre naturaliste Dégéer, et la pantalome grise, ou punaise des champs, selon le même auteur, conduit attenti- vement ses petits, comme la poule ses poussins. LARVES DES INSECTES En brisant la coquille de l'œuf qui le tenait prisonnier, l’insecte diffère beaucoup de ce qu’il sera plus tard. Il faut être initié aux mystères des transformations pour soupçonner des rapports si Fe 2h | 24 INTRODUCTION obseurs. L’insecte se présente d’abord sous la forme d’un ver ou d’une chenille. Linnée, l’im- mortel naturaliste suédois, lui a donné, en cet état, le nom de larve, qui signifie masque, parce que l’insecte est caché sous une apparence trom- peuse. La forme générale du corps varie beaucoup chez les larves des différents insectes ; jamais elle ne se montre agréable, gracieuse, élégante. On éprouve naturellement une vive répugnance pour cespetits insectes, encore couverts de leurs langes, et il a fallu du courage aux entomophiles pour la surmonter. Beaucoup de larves sont nues, beaucoup d’au- tres aussi sont recouvertes de poils et d’épines. Quelques-unes n’ont que de petits bouquets d’un léger duvet, d’autres sont vêtues de délicates vil- losités , d’autres sont extrêmement velues. C’est un ornement autant qu'un moyen de préserva- tion. Cependant il y a des chenilles qui en re- çoivent d'importants services; elles sont garan- ties par ce moyen contre les suites de chutes violentes ou de frottements douloureux. Le corps des larves est souvent paré des cou- leurs les plus variées, les plus riantes et les plus riches. Il est généralement d’une teinte uni- forme analogue à la couleur de la plante qui doit nourrir la larve, avec des bandes, des taches, des gouttes rouges, jaunes, vertes, bleues, noires, de toutes les nuances et de tous les tons. Ce sont >, INTRODUCTION 25 parfois d’élégantes broderies , des dessins admi- rables , des lignes qui ondulent et serpentent avec un caprice plein de goût, des festons qui se dé- coupent d’une façon charmante. Quand on consi- dère attentivement le vêtement de certaines che- nilles , on est étonné de sa magnificence, de son éclat, de sa somptuosité, et, si l’on osait vaincre un préjugé, on dirait que les chenilles sont très- belles. Quelques - unes ont une robe riche sans profusion , élégante et distinguée; d’autres ont un habit tigré, bariolé, diapré comme un habit d’arlequin; d’autres sont d’une modestie et d’une simplicité qui ne sont pas dépourvues de grâce. Les larves ont des dangers à courir et des pé- rils d'autant plus redoutables, qu’elles sont hors d'état, pour la plupart, de s’y soustraire par la fuite. Il faut bien avoir recours à la ruse quand on n’est pas le plus fort et quand on ne porte pas d'armes défensives. L'histoire de certaines larves est vraiment curieuse sous le rapport des res- sources , de l'adresse et du savoir-faire. Les unes salissent leur robe de poussière pour se rendre invisibles aux yeux de leurs ennemis; les autres placent sur leur dos un fardeau dégoûtant pour éloigner la voracité des oiseaux ; d’autres se sus- pendent à un fil de soie jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à craindre. La nature a donné à quelques larves des ap- pendices singuliers pour se défendre contre les 2 r% ‘ « . + ne” æ 26 INTRODUCTION attaques de leurs ennemis. L’un des plus remar- quables de ce genre ést celui dont est pourvue la chenille d’un lépidoptère assez commun , la dié- ranure vinule. Cette larve présente, près de la tête, un tentacule bifide, dont chaque branche est terminée par un bouton criblé de trous comme la pomme d’un arrosoir. Quand on linquiète, elle lance par ces petites ouvertures, à une dis- tance assez considérable, un liquide caustique qui cause une douleur très-vive lorsqu'il vient jusqu’aux yeux. Outre cette arme, cette chenille en possède une autre non moins singulière dans la queue fourchue qui términe son abdomen. C'est un véritable fouet, à l’aide duquel elle chasse les ichneumônsequisviennent l’attaquer. La larve de lachrysomèle du peuplier présente sur les côtés de son corps de petits tubercules coniques et noirâtres. Quand elle craint quelque danger, elle laisse couler par le sommet de ces tubercules une humeur blanche d’une odeur forte et nauséabonde. : | 1 La chenille d’une espèce du genre io a le corps tout couvert d’épines longues et rugueuses ter- minées par une point@aiguë qui cause une dou- leur poignante en pénétrant dans les chairs. D’autres chenilles américaines, épineusesy pro- duisent le même effet : telle est, entre autres, celle gigantesque de la cérocampe royale de l'A- mérique du, Nord, qui- vit sur le platane. Elle ”r " INTRODUCTION 27 - porte derrière la tête sept ou huit épines robustes de près de trois centimètres de longueur, et, lorsqu'on l’inquiète, elle relève la tête et la secoue avec vivacité. Cette attitude menaçante et ces redoutables épines la rendent un objet de ter- reur pour le vulgaire, qui la craint à l’égal du serpent à sonnettes, et lui a donné le nom de diable cornu du platane. Les insectes à l’état de larves se distinguent par une insatiable voracité, et font une énorme consommation de nourriture. C’est alors surtout que les ravages des espèces nuisibles sont à re- douter. À mesure que la larve grandit, elle est obligée de changer de peau, parce que ses tégu- ments ne sont jamais élastiques. Un ou deux jours avant la mue, la larve cesse de prendre de la nourriture ; elle devient faible et languissante; ses couleurs se flétrissent , elle cherche une re- traite où elle puisse subir en sûreté cette crise maladive, trop souvent fatale. Après quelques heures .de mouvements pénibles, d’oscillations fatigantes, d’agitations convulsives, le moment critique arrive : la peau se fend sur le dos , la tête se partage en trois pièces triangulaires , la larve se dégage peu à peu de sa prison. Ces violents efforts l’ont épuisée ; elle demeure engourdie pen- dant quelquesinstants; mais quelques repas bons et copieux lui ont bientôt rendu toute son énergie et toute sa vivacité. 28 INTRODUCTION ‘ C’est sous cette forme que le plus grand nombre des insectes passent la majeure partie de leur existence : il y a néanmoins des différences ex- trêmes entre eux relativement à sa durée. Les larves de la mouche de la viande atteignent toute leur taille et sont prêtes à se changer en nymphes en six à sept jours; les larves des abeilles, en vingt jours; tandis que la larve du hanneton vit au moins trois ans; celle de l’oryctère nasicorne, un de nos plus grands coléoptères indigènes, quatre à cinq ans; et la larve du lucane cerf- volant, jusqu’à six ans. NYMPHES DES INSECTES Les larves arrivées à leur complet développe- ment se préparent par quelques dispositions pré- liminaires à entrer dans le profond sommeil qui doit les conduire à une vie plus distinguée. Elles sont poussées par un instinct inexplicable, comme tous les actes instinctifs, à entrer dans une nou- velle période , la plus noble de leur existence, mais aussi malheureusement la dernière. Dans le sentiment de leur faiblesse, dans la crainte des dangers qui doivent les environner, elles cher- Sphynx Lête de mort. — Ghryvalide. — Nymphe. PO © A, pr, INTRODUCTION 31 chent un asile solitaire dans lequel elles puissent s'endormir en toute sécurité. C’est alors qu’on les voit errer de tous côtés, remplies d’inquié- tude et comme hors d’elles-mêmes ; elles s’en vont diligemment à la découverte d’un bon et sûr gîte. Elles s’arrêtent et se fixent dans le premier endroit qui leur semble convenable , dans une fente d'arbre, dans une crevasse de muraille, sous des feuilles mortes, sous des mousses. Sa- tisfaites d’avoir trouvé un abri qu’elles jugent favorable, elles disposent promptement et propre- ment leur nouveau domicile, et, comme appe- santies par un faix invincible , elles ne tardent pas à tomber dans un lourd sommeil, semblable à la mort. Quelques espèces privilégiées n’ont pas besoin d'aller à la recherche d’une habitation ; elles ont le talent de s’en construire une, belle, chaude, commode, bien close et bien sûre. Elles filent une coque de soie, douce et moelleuse en- veloppe dans laquelle elles stenferment parfaite- ment, comme dans une chambre sépulcrale, Les larves prennent alors une nouvelle forme et le nom de nymphes ou de chrysalides. Les nymphes ne sont pas généralement gracieuses dans leurs formes ; elles ressemblent assez à ces momies égyptiennes , dont les membres sont for- tement collés le long du corps et qui ne pré- sentent qu'une masse emmaillotée des pieds à la tête. Leur corps n’est pas orné de couleurs variées # 32 INTRODUCTION et brillantes , à l'exception de quelques chrysa- lides tachetées d’or et d'argent; il est vêtu dans la plus grande simplicité, couvert de teintes sombres, obscures, tristes et comme de deuil. Engourdies dans une immobilité complète, qu’a- vaient-elles besoin d’être si pompeusement parées ? Les insectes demeurent à l’état de nymphes pendant un espace de temps très-variable, suivant les espèces. Quelques-unés sont prêtes à prendre leur essor au bout de deux à trois jours, tandis que d’autres sont endormies pendant plusieurs mois, et quelquefois pendant plusieurs années. L'observation attentive pourrait faire connaître la maturité de la nymphe et faire prévoir l'époque à laquelle doit sortir l’insecte parfait. Cette dé- livrance a lieu d’une manière admirable dans sa simplicité. Le plus souvent la nymphe se fend par le milieu du dos, et l’insecte en sort avec quelque peine, en tirant successivement ses membres de leur enveloppe, comme d’un étui. Parfois de la partie antérieure de la nymphe il se détache une petite calotte ou segment sphé- rique, et, par cette porte circulaire, l’insecte parfait trouve une issue convenable. Quand la nymphe est entourée d’une coque soyeuse, l’ani- mal est pourvu à sa naissance d’une liqueur par- liculière, d’une sorte de méconium, destiné à produire un ramollissement partiel propre à faci- liter la séparation du tissu. INTRODUCTION 33 Qui pourra jamais comprendre et expliquer les . mystérieuses métamorphoses des insectes? Ne pourrions-nous pas considérer cette mort féconde, ce tombeau transitoire, comme les emblèmes de la mort et du tombeau du chrétien, qui ne s’en- dort quelque temps au fond du sépulcre que pour y reprendre plus tard une vie plus glorieuse et plus belle! HA s ESQUISSES ENTOMOLOGIQUES COLÉOPTÈRES LES CICINDÉÈLES Au premier rang des coléoptères se placent les carnassiers, et à la tète de ceux-ci les bril- lantes etlégèrescicindèles. Les coléoptères car- nassiers sont généralement agiles, intrépides, avides de meurtre, et, semblables aux carni- voresdesclasses supérieures, ils dédaignent les proies mortes, et ne s'attachent jamais à celles quirépandentdéjàlesexhalaisonsrepoussantes de la décomposition. Aux instincts du carnage et de la destruction unissant l'audace et le cou- rage, ils aiment le libre exercice de la chasse : ce sont les lions et les tigres du petit monde des insectes. Possédant dans leurs longues mandi- 36 HISTOIRE NATURELLE bules arquées , garnies de pointes et de dente- lures aiguës, des armes terribles, ils se jettent dans le danger avec le sentiment de leur force et de leur puissance. C’est un spectacle vrai- ment curieux d'observer ces insectes vifs, bons coureurs, montés sur leurs _grandes pattes, porter fièrement la tête haute et dres- ser pompeusement leurs belles antennes fili- formes, qu'ils agitent gracieusement, Les cicindèles sont faciles à reconnaître à leur tête transversale, à leurs gros yeux, à leur corselet arrondi, à leurs mandibules fortement recourbées et à leurs mâchoires hérissées de poils. Ce sont des insectes largement partagés des dons de la nature. Outre l’exquise odeur de rose qu'ils exhalent par transpiration, ils offrent des couleurs riches et variées. La cicin- dèle champétre nous présente un vêtement d'un vert agréable, relevé de lignes métalliques sur ses bords, et élégamment chargé de cinq petits point blancs. L'abdomen réfléchit les nuances les plus éclatantes du rouge cuivreux et du vert bronzé : un moelleux duvet recouvre et protége deses délicates villosités le sternum et la base des membres. La cicindèle hybride porte un Carabe doré. — Calosome sycophante. — Cicindèle hybride. DES INSECTES 39 habit terne, maisbordé surlessuturesde lignes cuivreuses et varié de deux taches blanches en . croissant et sur le milieu d’une bande sinueuse... Ces insectes sont vifs, lestes, forts, essentiel- lement carnassiers. Ils se plaisent, pendant la plus grande chaleur du jour, dans les lieux solitaires, secs et sablonneux, occupés à pour- suivre les petites mouches et les autres petits articulés qui composent leur nourriture , sur lesquels ils tombent avec une légèreté et une précision surprenantes. Leur vol est rapide, mais limité dans son étendue. Habile à éviter la main qui veut la saisir, l’agile cicindèle change à chaqueinstant de direction, et, quand . on croit la tenir captive, elle se trouve déjà loin de tout danger. La larve de la cicindèle champêtre est douée d'un instinct bien remarquable. Elle est hexa- pode et de la forme d'un gros ver. Elle se creuse avec des fatigues inouïes un trou cylin- drique profond, dans lequel elle établit sa demeure. Avec sa grosse tête elle en ferme exactement l'entrée, et se tient patiemment en embuscade jusqu'à ce que le hasard lui amène quelque proie. Elle attend quelquefois long- ÿ 40 HISTOIRE NATURELLE temps; car le métier de chasseur est un métier de patience. Quand un insecte imprudent vient pour son malheur à passer sur ce pont fatal, un mouvementde bascule le faitsoudain rouler au fond du précipice, où deux fortes mandi- bules le déchirent et le dévorent. C’est ainsi que la ruse peut suppléer à la force et à la légèreté. LES CARABES ET LES CALOSOMES» . Les carabes et les calosomes sont, parmiles redoutables par leur taille, par leur force etleur voracité. Ils sont pourvus d’armes. Ce sont de fortes mandibules pointues , qui brisent et broient sans peine le corps des pauvres petits insectes devenus leur proie. La fuite, souvent le seul refuge du moins fort, ne saurait sous- traire leurs victimes à leur avidité et à leurs mâchoires meurtrières. Légers à la course, montés d’ailleurs sur de longues jambes, ils atteignent promptement ceux qui cherchent à + insectes chasseurs, les plus intrépidesetlesplus « - DES INSECTES ” 41 les éviter. Heureusement pour la gent articu- lée, la plupart des espèces sont attachées à la terre sans pouvoir s'élever par le vol, Leurs ailes supérieures sont intimement soudées et ne recouvrent point d'ailes membraneuses. Les carabes se font remarquer aux traits suivants : leur physionomie est stupidement féroce; leur corps est ovale et convexe ; la tête portedelonguesantennesfiliformes; le corselet est également découpé en cœur; les élytres sont légèrement rebordées; les pattes sont fortes et robustes. Le carabe doré, désigné dans nos campagnes par le nom de sergent, se - fait distinguer par son uniforme brillant, d'un vert doré; et par ses-pieds et ses an- tennes pâles. Le carabe purpurin est beaucoup plus allongé que son frère.le sergent, et le bord de ses élytres présente de belles nuances violettes et purpurines. Le carabe bleu se re- connaît parmi les autres à son bel habit bleu d'azur. Tous les carabes répandent une odeur forte, pénétrante, nauséabonde , analogue à celle de quelques plantes vénéneuses ; elle est due à une sorte de transpiration onctueuse, Si on les saisit sans précaution, ils lancent au 42 HISTOIRE NATURELLE visage et souvent dans les yeux un liquide âcre, caustique et très-fétide. Défiez -vous surtout du carabe purpurin et du procruste chagriné. Tous ces insectes se tiennent le plus ordinairement sous les pierres, sous les mous- ses et sous les gazons. Les calosomes méritent bien à tous égards la dénomination qu’on leur a imposée. Leurnom est composé de deux mots grecs qui signifient beau corps. En effet, les calosomes sont parés des plus somptueux ornements. Le calosome sycophante, le plus commun, se fait remarquer autant par ses formes élégantes que par la richesse de ses vêtements : son corselet, taillé en cœur, comme celui des carabes, est peint d’une couleur bleue ternie par un léger glacis brunâtre ; ses élytres, arrondies, brillent de tout l’éclat de l’or le plus fin et le mieux poli, tandis que son abdomen, couvert plus modes- tement, ne se distingue que par une couleur azurée mêlée de violet et de noir. Le calosome est plus solitaire que le carabe ; il ne se trouve que dans les bois; ses mœurs n’en sont pas moins cruelles. Réaumur, dans ses célèbres mémoires sur l'histoire naturelle desinsectes, Se Brachine-pétard. — Gyrin nageur. — Dytique de Ronol. DES INSECTES "45 nous a fait connaître un trait de barbarie que nous nes devons pas laisser ignorer. La larve du calosome sycophante se nourrit habituelle- ment de chenilles. Pour se procurer des vivres plus abondants, elle va établir son domicile au milieu même du nid des chenilles procession- naires. Celles-ci, paisibles et débonnaires, ne se défient nullement de la fourberie et des mau- vaises intentions de leur nouvel hôte, et, au moment où elles s’y attendent le moins, le traître en fait un horrible carnage. Sa mauvaise foi et sa gloutonnerie sont quelquefois punies par elles-mêmes, le malheureux périt victime de sa gourmandise. Le LES BRACHINES ET LES HARPALES Nous avons vu et admiré des insectes mer- veilleusement organisés pour l'attaque ; exami- nons maintenant quelques espèces auxquelles le Créateur, dont la providence n’a pas oublié jusqu'au plus imperceptible brin d’herbe, jus- qu’au plus chétif vermisseau , a donné d'ingé- 46 HISTOIRE NATURELLE nieux moyensdedéfense.Lesbrachines,comme malheureusement tous les êtres faibles, sont exposés à mille dangers sans cesse renaissants, Ce sont des insectes de petite taille, mais aux formes d'une élégance et d’une coquetterie re- marquables. Leur corselet svelte et allongé se détache en rouge sur des élytres vertes ou bleues; leur tête, decouleur ferrugineuse, porte gracieusement de jolies antennes. Leurs mou- vements sont vifs, pleins de pétulance, dirigés par une brusquerie charmante. L'œil s'arrête avec ravissement à les considérer dans leurs courses vagabondes. Les brachines se mettent à l'abri sous les pierres, dans les lieux secs et chauds, ordinairement en troupes nombreuses. IL n'est pas rare cependant d'en trouver des individus errant à l'aventure. Leur faiblesse semble les mettre à la merci de leurs adver- saires, et la plupart succomberaient infaillible- ment sans une inconceyable propriété dont ils jouissent, Ala partie inférieuredel’abdomense trouve un petit réservoir contenant un liquide, de nature acide, qui a la propriété de détoner en se vaporisant subitement au contact de l’air. Quand un pauvre petit brachine se voit pour- DES INSECTES 47 suivi par un grand carabe ou par quelque autre impitoyable chasseur, il a recours à son unique moyen de résistance : il fait entendre une légère explosion, et aussitôt on voit une fumée blanchâtre sortir de dessous ses élytres. La vapeur est caustique et dangereuse.Lechas- seur, étonné, s'arrête, il hésite; souvent il re- brousse chemin. S'il se hasarde à continuer sa poursuite, 1l se voit assailli de nouvelles et terribles explosions. Les espèces indigènes du genre intéressant des brachines doivent à cette drme défensive , Siextraordinaire, leurs noms de brachine-pétard, de brachine à explosion, de brachine-pistolet, etc. La nombreuse ou plutôt l’interminable série des harpaliens se trouve rangée par les natu- ralistes à la fin de la tribu des carabiques. Elle forme un groupetrès-difficile à bien connaître, à cause de l’infinie variété des formeset des cou- leurs. C’est toujours lemême type général avec des modifications imperceptibles. Les harpales sontpeut-être lescoléoptèreslesplusrépandus. Leur habit est de couleur obscure, quelquefois avec des reflets métalliques ; leur tête est ornée d'antennes filiformes ; leur abdomen est sou- 48 HISTOIRE NATURELLE . vent cuivreux ; leurs pattes sont pâles. Dès les premiers jours du printemps jusqu à la fin de l'automme on en rencontre des légions sous les pierres dans les endroits un peu humides. Leurs mœurs sont assez connues, elles nevré- vèlent pasun grand instinct. Cesont de petits chasseurs qui s’attachent au menu gibier, et qui font une énorme destruction de larves et de petits insectes de tout genre. … LES DYTIQUES ET LES GYRINS Lescicindèlesetles carabessont la terreur de leurs semblables sur la terre, les dytiques et les gyrins sont le fléau des insectes qui se dé- veloppent pacifiquement dans le sein des eaux. Les carabes sont les brigands et les meurtriers des espèces terrestres , les dytiques sont les corsaires etles pirates des espèces aquatiques. Ces derniers ont une organisation qui les fait navigateurs habiles. Leur corps, convexe en dessous, ressemble à la carène d’un navire, et les tarses aplatis, élargis encore par des soies DES INSECTES 49 roides font l'office de bonnes et solides rames : aussi rien n'égale la vitesse avec laquelle ils fendent les eaux. Rien n’est curieux comme de contempler, sous un rayon de soleil qui vient éclairerjusqu'au fonddesmarécages, lestroupes nombreuses de dytiques foltrer ou poursuivre gaiement leur proie : leurs mouvements se font avecuneprestesseincroyable, etenmêmetemps avec une aisance, avec une facilité, avec une élégance rares. Quelquefoisils se balancent ca- pricieusement, ou se laissent nonchalamment tomber au fond des eaux, comme un grain de sable d’or qui descend en tourbillünnant. Les dytiques aiment et recherchent l’eau, comme leur élément naturel, et cependant ils - ne sont point étrangers aux plaisirs de la terre et de l’air. Quand ils sont las de leur humide séjour, ou bien quand ils sont poursuivis par de robustes ennemis, ils se retirent dans les herbes du rivage, ils vont se promener sur la terre ferme. Si la fantaisie les y sollicite, ils déploient leurs ailes et prennent joyeusement leur essor. Enfin, fidèles à leur élément de pré- dilection , quelquefois pour échapper au bec des oiseaux trop avides, ilsreviennentau milieu 3 ". 50 HISTOIRE NATURELLE + de leurs lacs et de leurs étangs reprendre leurs habitudes accoutumées, et recommencer leurs courses folles. Habitants de la terre, de l'air et de l'eau, les dytiques sont des animaux privi- légiés : quel homme n’a jamais envié leur sort? « Mais ce n'était pas assez, dit M. Dumé- ril (1), que la conservation de l'insecte fût as- surée sous l’état parfait ; la larve nue, n'ayant pour défense que ses mandibules , est obligée d'user d'artifice pour se soustraire à la voracité de ses nombreux ennemis. Aussitôt qu'elle se sent saisie par quelque oiseau aqualique ou par quelque poisson , son corps, dont les anneaux étaient distincts et rapprochés par les muscles, devientflasque etmollasse,; il s'allonge ; sa peau àpre, coriace et couverte d'une boue, s'aban- donne aux inflexions diverses, cède aux ti- raillements, résiste imperturbablement aux pi- qüres, aux déchirures légères, sans manifester le moindre signe de vie, et ressemble à celle d’un cadavre dans un état de demi-putréfac- tion, probablement dans le but de dégoûter la convoitise des animaux qui ne dévorent que des proies vivantes. » & (1) Consid. gén. sur les insectes, in-80. a . DES INSECTES si Les gyrins, vulgairementconnussous le nom de tourniquets, se tiennent constamment à la surface des eaux tranquilles, où on les voit tra- cer deslignes circulaires qui se coupent, se mé- lent, s’entre-croisent dans tous les sens. A les voir prendre leurs ébats et promener vivement leurs capricieux méandres , on dirait de petites étincelles brillantes agitées sur leseaux parune forceinconnue. Les yeux des gyrins sont admi- rables dans leur organisation; ils sont partagés en deux, de manière qu’une partie reçoit l’i- mage des objets inférieurs, tandis que l’autre reçoit la perception des objets situés hors de l'eau. Qui pourrait surprendre des insectes si clairvoyants? Ils évitent la dent des poissonsen s’élançant dans l'air; ils échappent au bec as- sassin de l’hirondélle en plongeant subitement. Admirons la bonté de Dieu, qui a donné de si étonnants instincts et de si surprenants moyens de conservation à de chétifs animaux ! Puisque sa paternelle sollicitude s'étend à de pauvres petits insectes, comment n'entourerait-elle pas de soins prévenants l'homme, doué d’in- telligence, l'homme, le roi de la création? »2 HISTOIRE NATURELLE » LES STAPHYLINS Partout où la chasse est facile et le gibier abondant, on est sûr de rencontrer des staphy- lins. Ils aiment les lieux frais et humides, parce qu'’ilssont peuplés d’une grande quantité de pe- tits insectes qui fuient les ardeurs du soleil. Ils recherchent encore les prairies et les haiescou- vertes de fleurs; ils se plaisent sous les feuilles, sous les écorces, dans les plaies de certains arbres; ils se promènent dans les sentiers peu fréquentés; ils rôdent même quelquefois sur les grands chemins. Quelques espèces, repous- santes par leurs goûts dépravés, se laissent at- tirer par les matières végétales ou animales en décomposition. Les staphylins sont carnassiers; mais ils nc doivent pas être comparés aux carabes ni aux harpales. Ceux-ci se font remarquer par une voracité insatiable , par une basse gourman- dise, par une gloutonnerie honteuse; ceux-là, au contraire, tempèrent leurs mœurs cruelles, comme chasseurs, par des habitudes plusnobles PA AE QUES MN 9 dut qe Staphylin érythroptère, — Taupin. — Bupreste. DES INSECTES 55 et plus distinguées. Ilssont braves, courageux, intrépides ; le danger les étonne sans les dé- concerter. Ils savent effrayer leurs ennemis par une attitude menaçante; comme le scor- pion, ils relèvent leur abdomen au-dessus de leur dos, et, dans cet état, ils se retirent lente- ment, battant en retraité, plutôt que prenant la fuite. À leur posture décidée, à l'assurance de leurs mouvements , à la fierté de leur dé- marche, oncomprend sans peine qu'ils doivent posséder des armes redoutables. En effet, ils sont munis de deux mandibules pointues, d'une force et d'une dimension propres à inspirer la terreur, et à l'extrémité de leur abdomen ils portent deux petites vésicules blanches, qui répandent une odeur forte et caustique. Les staphylins ont confiance dans leur armure, et ils peuvent passer à bon droit pour les plus intrépides des coléoptères. Tous les staphylins sont faciles à reconnaître au premier abord à leur abdomen allongé et à leurs élytres raccourcies Leur tête est généra- lement grosse , leur corselet bien développé. Ilssont montés sur de bonnes et solides pattes, et, mieux partagés que plusieurs carabiques, +4 56 HISTOIRE NATURELLE ils volent avec promptitude et aisance : agiles à la course, ils ne sont pas moins habiles au vol. Semblables à beaucoup d'animaux, et, nous pourrions ajouter, si nous l'osions, à un cer- tain nombre d'hommes, ils abusent de leurs facultés : leur activité dégénère en pétulance et en étourderie, leur courage en témérité ; dans leur vol trop précipité, ils viennent impru- demment se heurter à tous les obstacles. Le géant de la tribu des staphylins etune des espèces les pluscommune; dans toutes nos cam- pagnes, le staphylin odorant , se tapit ordinai- rement sous les pierres et recherche les lieux sombres et peu fréquentés. Il est vêtu d'habits de deuil ; tout son corps est noir et d'un ton très-foncé. Le staphylin-bourdon se fait distin- guer par les délicates villosités de diverses cou- leurs qui forment son vêtement et sa parure. Il ne faut pas oublier le staphylin érythroptère, re- marquable par la belle couleur écarlate de ses élytres. Accordons, en terminant, une mention honorable au pédère littoral, charmant insecte, à la taille allongée, aux élytres luisantes et violacées, au corselet rouge, à la tête mobile , parée de deux antennes élégantes. LE DE. PE DES INSECTES 57 LES BUPRESTES ET LES TAUPINS Les buprestes et les élatérides ou taupins composent la famille des sternoxes, ainsi nom- més à cause d’un appendice remarquable du sternum. C’est dans cette famille qu’on ren- contre la forme la plus élégante unie à l’éclat des couleurs les plus riches et les plus splen- dides. IL est impossible, en examinant ces bril- lantsinsectes, dene pointadmirer l’inépuisable libéralité de Celui qui a semé tant de beautés dans lemonde, et qui a vêtu si somptueusement les insectes et les lis des champs! Les buprestes marcheraient à la tête de tous les insectes , si la prééminence était due à la richesse de l'habit. Leur nom, fondé sur un préjugé injuste, a1ait été changé par l'entomo- lagiste français Geoffroi en celui de richard , pour rappeler les couleurs métalliqu: s de leur vêtement. [1 serait vraiment difficile de conce- voir quelque chose de plus magnifique que leur parure pleine de luxe. L'or le plus resplendis- sant y mêle son éclat à celui de la pourpre et * 5 ÿ8 HISTOIRE NATURELLE de l’azur. L’acier bruni, l'argent le plus étince- lant s’y confondent avec le rubis, le saphiret l'émeraude. Aussi les grandes espèces des Indes sont-elles montées, comme des pierres pré- cieuses, en bagues, en colliers ou en pendants d'oreilles. Elles font l'ornement des collections d'histoirenaturelle. Ces insectes, si largement partagés desfaveursdelanature,doiventtoutes leurs beautés au climat qu'ils habitent. C'est aux rayons d'un soleil brûlant qu'ils allument le feu de leurs éblouissantes couleurs, comme tous les êtres se développent sous la double influence de la lumière et de la chaleur. Les petites espèces qui vivent dans nos contrées froides ou tempérées , ne partagent que d’une manière incomplète les brillants attributs de leurs frères. À la pâle lumière du soleil dunord, la vivacité des couleurs blanchit et s'éteint. : Les élatérides ou taupins forment une nom- breuse phalange : ils sont vulgairement connus sous le nom de sauteurs. Ils sont doués d’une facultétrès-singulièrequirépandun certain in- térêt sur leur histoire. Lestaupins ont les pattes excessivement courtes, et la partie supérieure du corps très-aplatie, de manière que, renver- DES INSECTES 59 sés sur le dos, il leur serait complétement im- possible de reprendre leur position naturelle. Ils auront beau s’épuiser en efforts, leurs tenta- tives seront vaines. I] faudra donc se résigner à mourir. Admirons la sage prévoyance du Créa- teur! Par le secours d'uné organisation bien simple, et merveilleuseparsa simplicité même, ilspeuventse délivrerimmédiatement d'une po- sition si critique. Ils détendent subitement une espèce deressortsituésousla poitrine, s'élèvent à une certaine hauteur, et retombent sur les pattes. Ce ressort consiste en une pointe dure, mousse, quientre par frottement dansune sorte de cavité creusée à la partie antérieure du mé- sothorax. C'est par le jeu de cette machine si peu compliquée que les jolis taupins évitent la gène d'une situation périlleuseet se soustraient à une mortassurée. Les taupins sont, dans nos campagnes, sous la protection spéciale des en- fants. Ilest sévèrement défendu de leur faire aucun mal et de les tourmenter. S’exposerait à un grand malheur quiconque mutilerait cruel- lement ou aurait la barbarie de mettre à mort ces charmants insectes , qui partagent l'inno- cence et les bonnes qualités des bêtes-à-Dieu , 60 HISTOIRE NATURELLE Une espèce exotique bien curieuse, le pyro- phore luisant, jouit de la propriété de la phos- phorescence pendant la nuit. Onobserve sur les parties latérales du corselet deux petites taches brunes , qui resplendissent, dans l'obscurité, d’un éclat phosphorique très-vif. On dirait, dans les forêts du nouveau monde, une petite torche vivante qui promène partout sa vacil- lante clarté, ou plutôt quelques légers feux follets qui roulent et tourbillonnent en l'air. . Au rapport des voyageurs, cet insecte rend quelques services aux indigènes du pays qu’il habite. On a raconté que sa lumière est assez vive pour éclairer le travail des femmes in- diennes, et que les sauvages de l'Amérique méridionale l’attachaient à leurs pieds pour se conduire dans leurs voyages nocturnes. LE LAMPYRE ET LES LUCIOLES Le lampyre est bien connu de ceux qui ont passé les beaux jours à la campagne, à cause de la lueur phosphorique qu'ilrépand dansl’herbe et dans les buissons lorsque la nuit commence Lampyre luisant — Vnillette opiniätre, — Nécrophore enterreur, DES INSECTES 63 à voiler la terre. Toutes les parties de son corps nesontpasindifféremment douéesde cette éton- pante faculté de la phosphorescence ; la partie lumineuse est située à l'extrémité inférieure de l'abdomen, où elle se distingue à la clarté du jour comme une tache d’un fauve clair. Tout ‘est extraordinaire dans l’admirable privilége dont jouit le lampyre; dans notre climat, la femelle seule, quoique aptère , possède cette: surprenante propriété. Elle peut, suivant sa volonté, allumer ou éteindre son merveilleux flambeau. Dans les belles nuits d'été, elle ap- paraît comme une petite étoile tombée dans les herbes ; elle brille et scintille comme une es- carboucle perdue dans les bois. Si elle redoute le moindredanger, side gros nuages noirs mon- tent à l'horizon, si l'atmosphère en feu présage une tempête, elle éteint prudemment son flam- beau et va se cacher sous les feuilles ou sous les écorces des arbres. L’esclavage flétrit et tue tout. Captive loin des lieux fortunés où brillait chaque soir son mystérieux fanal, elle ne tarde pas à perdre et ses dons et la vie. L'air des champs, le parfum des bois, l'influence de la liberté, peuventseuls conserveraux animaux et + wrMhe FU 64 HISTOIRE NATURELLE leurs admirables instincts et les merveilleux présents que leur a prodigués la nature. La main de l’homme flétrit tout ce qu’elle touche; les fleurs se fanent ; les légers papillons se dé- colorent; les oiseaux les plus gais se taisent et languissent; les lampyres voient leur feu brillant jeter une dernière étincelle et s’éva- nouir pour toujours. On a comparé le génie au joli petit lam- pyre. Le génie sans entrave brille, et brille sans cesse au milieu des ténèbres de l’igno- rance et des ombres de l'envie. Otez la li- berté, vous détruisez l'inspiration, vous étei- gnez la flamme sacrée. L'Italie possède une espèce de lampyre en- core mieux partagée que celle de notre pays. Les deux sexes sont pourvus d'ailes et jouissent de la même propriété. Les lucioles, en leur con- servant leur nom italien, glissent et voltigent dans les airs en longues phalanges lumineuses. On dirait une fine pluie d'étoiles qui se déta- chent dela voûte du ciel etqui se balancent dans l'atmosphère. C'est un spectacle qui surprend vivement les voyageurs , quand pour la pre- . mière fois ils voient ces vivantes étincelles vol- . DES INSECTES 5 tiger de fleur en fleur et s’élancer par milliers comme du foyer d’un incendie. La figure ne répond pas toujours aux belles, qualités. Le rossignol, le musicien des bois, a le plumage terne ; le ver-à-soie estrepoussant ; la cochenille est hideuse; le luciole d'Italie est revêtu de couleurs très-modestes : sa tête , $es antennes et ses élytres sont brunes; son corse- let, sa poitrine et ses pattes sont fauves; son… abdomen est noir, avec les deux derniers an- neaux d'un jaune clair et vif. La taille n'est point élégamment prise, l'aspect général n'a riea de distingué. —< Dieu distribue ses dons d'une manière iné- gale et comme il lui plaît; soyons satisfaits de la part qui nous est échue , sans porter envie à nos frères! LA VRILLETTE La vrillette a été ainsi nommée parce qu'elle a l'habitude de percer le bois de trous d'un! dia- mètre étroit et parfaitement ronds. C'est un 66 HISTOIRE NATURELLE petitcoléoptère aux couleurssombresetternes, aux allures lentes et craintives, aux mœurs cachées et furtives. La tête, munie de mandi- bulessolides,estengagée profondément dans le corselet; lesélytressontgénéralementobseures et quelquefois légèrement tachetées. Avec une physionomie si inoffensive,avecdes apparences si modestes , la vrillette est un animal dan- .gereux par les ravages qu’elle cause dans les boiseries des appartements et surtout dans les pièces de charpente. La larve, armée de mâ- choires dures et bien aiguisées, se creuse dans le bois de longues galeries sinueuses, qui s’en- tre-croisent dans tousles sens : en peu de temps elle fait des dégâts d'autant plus à redouter qu'ils sont irrémédiables. Beaucoup d'insectes savent éviter les em- büches de leurs ennemis par une foule de ruses et d'artifices. C’est un combat où la finesse et la supercherie triomphent souvent de l'audace et de la force. La vrillette n’a pas de ressources multipliées, elle ne connaît qu'un stratagème. Quand elle craint quelque danger, quand on veut la saisir, elle glisse légèrement et se laisse tomber. Elle retire subitement ses antennes et DES INSECTES 67 ses pattes, et, dans une immobilité complète, elle ressemble à un petit fragment de bois des- séché. La couleur obscoreet pulvérulente de sa robe ne trahit pas sa ruse, parce qu'elle se con- fond avec la teinte du sol. Rien au monde ne pourrait décider la vrillette, en cet état, à se déceler par le moindresigne de vie. Quelles que soient les tortures qu'on lui fasse endurer, on ne vainera jamais sa constance ; et une espèce, soumise au violent supplice du feu, n'a pas manifesté le plus faible mouvement : c'est à cette fermeté qu'elle doit son nom de vrillette opiniâtre. Lorsqu'elle croittout péril passé, peu à peu elle commence à se remuer, mais douce- ment et avec précaution; enfin elle s’enhardit et s'enfuit lestement,. Les insectes dece genre offrent un petit phé- nomène qui mérite de fixer l'attention. Il ar- rive quelquefois, lorsqu'on est seul dans une chambre et parfaitement tranquille, que l'on entend un petit bruit régulier, continu , assez semblable au mouvement d’une montre, Quel- ques personnes l'ont attribué à une araignée , d’autres à l’hémérode pulsatoire; la vrillette en est la véritable cause. On s'est quelquefois 68 HISTOIRE NATURELLE effrayé de ces bruits étranges, surtout dans le silence et dans l'obscurité de la nuit; l’imagi- nation frappée avait été jusqu'à les considérer comme un présage de mort. Dans les campa- gnes, la superstition les nomme encore les horloges de la mort. La pauvre petite vrillette, dans ses joyeux ébats, est bien loin de s’ima- giner qu'elle cause si grande frayeur. LES NÉCROPHORES Beaucoup d'insectes ne semblent avoir été créés que pour animer et embellir le spectacle de la nature. Beaucoup d’autres ont reçu une destination utile dont nous ignorons l’impor- tance. Nous aurons occasion de connaître et d'apprécier les immenses services que nous de- vons à plusieurs espèces. C’est en contemplant attentivementlesprécautionsinfinies dontnous sommes environnés, que nous trouvons partout des motifs de reconnaissance envers Dieu. Les nécrophores et quelques autres insectes de la famille-des clavicornes ont reçu pour tâche de DES INSECTES 69 débarrasser la terre des débris de la vie ani- male. C'est donc dans les cadavres en décompo- sition où dans leurs dépouilles que vivent et se développentlaplupart desespèces. Ces insectes s'attachent tellement à leur proie, que toutes les parties en sont promptement décomposées. Les uns s'attaquent aux chairs , d’autres pré- fèrent les tendons, d’autres ne veulent que la peau, d’autres enfin ne recherchent que les plumes et les poils. Chacun, suivant ainsi son goût particulier, concourt au but général. Les éléments qui composent le corps d’un animal sont rapidement rendus à la nature, au lieu de vicier l'air et de porter dommage aux êtres vi- vants. Comme tout dans la création est soumis à des lois admirables ! Avant d'étudier les mœurs intéressantes du nécrophore enterreur, indiquons les principaux traits de sa physionomie. Son aspect général n’est pas aussi dégoûtant que ses habitudes. Sa tête, assez grosse, supporte de belles antennes terminées par un renflement en forme de bou- ton ; son corselet arrondi, ainsi que son abdo- men, estrecouvert de poils duvetés; ses élytres, tronquées, présententsur un fond noir de larges 70 HISTOIRE NATURELLE bandes rouges, transversales et irrégulières. Le nécrophore germanique est un peu plus grand que le précédent et tout entier d’un noir opaque, avec une ligne rouge sur le bord des élytres. Les nécrophores ont la coutume d’enfouir dans la terre les cadavres des petits quadru- pèdes qu’ils trouvent à la campagne. Il est fort curieux d'observer les efforts et les ressources de ces animaux pour mener à fin leur hardi projet. Ils se réunissent en grand nombre pour procéder aux funérailles d’un rat ou d’une taupe. Les uns creusent un tombeau , comme des fossoyeurs, tandis que les autres soulèvent lecadavreau-dessusdesiravailleurs. Onrecom- menceetl'on pousselestravaax avecune grande activité, successivement dans chaque sens, de facon qu'en vingt-quatre heures la victime est enterrée dans une fosse de dix à quinze centi- mètres de profondeur. Toutes les manœuvres nécessitées par un travail si prodigieux ont été parfaitemententendues:maintenantchaquein- secte doit partager les fruits du labeur.Ce n’est point pour eux-mêmes que les nécrophores se livrent à une si vaste entreprise : c'est pour as- Hydrophile brun, — Géotrupephalangiste, — Cétoino dorée. DES INSECTES 73 surer une abondante nourriture à leur posté- rité. Ils ont soin, en effet , de déposer leurs œufs dans le cadavre, au sein duquel ils se développeront sans courir aucun danger. Les insectes qui partagent les mêmes goûts et les mêmes fonctions que les nécrophores sont les boucliers, les nitidules, les dermestes, les anthrènes et les escarbots, tous répandus dans la nature avec une sorte de profusion. LES HYDROPHILES L'histoire de l’hydrophile est devenue fort intéressante par les observations de Lyonnet, de Dégéer et de plusieurs autres naturalistes, parmi lesquels il ne faut pas oublier M. Miger, auteur d’un savant mémoire publié dans les Annales du Muséum d'histoire naturelle. L'hy- drophile brun est un des plus grands coléop- tères de France; son corps, de couleur obscure, est fortement convexe en dessus, tandis que le sternum, relevé en carène, se prolonge posté- rieurement en une pointe dure et aiguë. Bon nageur, l'hydrophile présente des pattes con- 4 T4 HISTOIRE NATURELLE formées pour le libre exercice de la natation ; les tarses sont comprimés et garnis sur leurs parties latérales de soies roides qui servent à les élargir en forme de rames. L'abdomen,com- posé d’anneaux très-solides, peut produire un certain bruit en se frottant sur l'extrémité des élytres. Cet insecte marche très-maladroite- ment, ou plutôt sur la terre il se traîne avec difficulté; mais il nage et vole fort bien. La particularité la plus frappante dans les mœurs de l'hydrophile brun, c’est que la fe- melle possède la faculté de fabriquer un petit sac de soie dans lequel elle renferme ses œufs. Cette espèce de berceau dans lequel repose un si précieux dépôt, est rempli d’air et flotte sur l’eau. Les œufs ysont maintenus par une espèce de duvet et éclosent au bout de douze à quinze jours. La température de l’atmosphère hâte ou retarde la naissance des larves. Ces insectes ont à peine quitté leur nid, qu'on les y voit ren- trer, sortir denouveau, s’y attacheren groupes, et se jouer tout autour, jusqu'au moment où le besoin de nourriture les force à s’en écar- ter, et les disperse tous. Les larves de l’hydrophile ressemblent à des DES INSECTES 7 vers mous, allongés, déprimés et noirâtres, pourvus de six pieds et d’une tête écailleuse, armée de mandibules fortes et crochues. Elles sont voraces et carnassières. Non-seulement elles dévorent les autres larves qui se dévelop- pent sur la vase des étangs, les petits mollus- ques qui y passent toute leur vie, mais encore le frai des poissons. Leur excessive multipli- cation dans les viviers est toujours très-funeste à la reproduction des poissons, dont elles su- cent quelquefois le sang, en se cramponnant fortement à leur ventre. Parvenu à l’état d’in- secte parfait, l'hydrophile perd ses mauvaises inclinations et ses goûts déprédateurs. Il se contente d’une nourriture végétale, et mange les feuilles des plantes aquatiques lorsqu'elles commencent à subir la décomposition. LES INSECTES STERCORAIRES Sous le nom d'insectes stercoraires, nous com- prenons une très-longue série d'insectes qui se développent dans les matières les plus dégoù- tantes. Quoique plusieurs soient ornés de cou- 76 HISTOIRE NATURELLE leurs métalliques et brillantes, une certaine horreur s'attache à leur souvenir, et nous n'en eussions pas parlé, si nous n’y avions vu une occasion favorable de faire remarquer les soins de la Providence jusque dans les plus vils ob- jets. Tout dans la nature est coordonné aux volontés suprêmes de Dieu : chaque être ap- pélé à l'existence est en même temps appelé à remplir une fonction déterminée. Quelque grande que soit notre ignorance sur une foule d'objets dont nousn'apercevons pas la fin, cette fin n’en existe pas moins, prévue et dirigée par la sagesse souveraine. Les insectes stercoraires n'ont pas reçu une destination brillante ; mais elle n’en est pas moins d’une incontestable uti- lité. Ces petits animaux, condamnés à de tristes habitudes, ont pour fonction de balayer, pour ainsi dire, la face de la terre, et de faire dis- paraître promptement les immondices qui la souillent. Les miasmes infects et putrides qui s'enéchapperaientsans cesse répandraient dans l'air des principes délétères propres à causer des accidents aux êtres qui auraient le malheur deles respirer. Bénissons Dieu, quiaenvoyédes légions incalculables de petits insectes qui s’at- DES INSECTES 77 tachentaux corpsquisubissentladécomposition putrideeten font disparaître promptement jus- qu'aux derniers vestiges! C'est surtout dans les pays brûlés par un soleil ardent , où la fermen- tation et la dissolution sont plus rapides, que les services rendus par ces insectes deviennent sensibles et précieux. C’est sans doute par re- connaissance que les anciens Égyptiens avaient rendu les honneurs divins à une grande espèce qui vit dans le nord de l'Afrique, et que nous retrouvons dans l’Europe méridionale; l’ateu- chus sacré recevait une petite part de l'encens que ce peuple superstitieux jetait d’une main prodigue sur les autels de ses innombrables divinités. On rencontre son image respectueu- sement gravée sur les monuments les plus an- tiques de l'Égypte, parmi les autres. figures symboliques ; on retrouve son effigie en terre cuite, en émail, ou même en pierres précieu- ses, jusque sous les bandelettes en papyrus des momies. Les bousiers, les onthophages, les aphodies, les géotrupes, répandus dans nos pays avec une incroyable multiplicité, nous procurent les mêmes avantages. Quoique leurexistence, plus 78 HISTOIRE NATURELLE que modeste, soit ignorée de la plupart des hommes, leurs services obscurs, quand ils sont connus, sont bien propres à exciter notre sur- prise, et en même temps à faire naître dans notre cœur un sentiment de reconnaissance envers Dieu, le créateur et le conservateur de toutes choses! L'œil attentif au spectacle de toutes les œuvres de Dieu sait découvrir des preuves de sa prévoyance pleine de bonté jus- que dans les choses où on les soupçonnerait le moins. LES CÉTOINES LES HOPLIES ET LES HANNETONS Par un beau jour d'été, sur une rose parfu- mée, vous avez quelquefois observé un gros insecte tout brillant d’or : c’est la cétoine com- mune. Sa tête, légèrement aplatie, porte deux antennes lumineuses ; son corselet triangulaire est enrichi de couleurs métalliques. Les ély- tres, non moins éclatantes, sont agréablement variées de petites gouttes blanches et étroites ; l'abdomen, recouvert de délicates villosités, se DES INSECTES 79 fait remarquer par de belles nuances ceui- vreuses. La cétoine est sans contredit un de nos plus somptueux insectes. Elle unit l'éclat de la parure à l'élégance des formes : elle ne dépare point la richesse de ses ornements par des mœurs gloutonnes, ni par des instincts destructeurs : elle passe au sein des fleurs sa vie joyeuse et pure. ( Le nom de cétoïne, donné à ce charmant in- secte, ne signifie absolument rien : il se trouve dans Hésiode appliqué à un animal qu'on n’a pas reconnu. Que j'aimerais bien mieux voir conserver à cet insecte, ainsi qu'à beaucoup d’autres, les noms pleins de charmes que la re- ligion avait inspirés à la langue pittoresque du peuple ! La cétoine était l’insecte de Sainte-Ca- therine; la crysomèle du gazon, le petit mou- ton de Sainte-Agnès ; la gentille et innocente coccinelle , l'insecte de la Vierge, ete. Toutes ces dénominations fraîches et riantes, emprun- tées aux croyances religieuses, ne valaient- elles pas bien ces grands mots grecs et latins, si prétentieux et si froids! Û Accordons, en passant, une mention hono- rable à la hoplie argentée, à cause de sa gen- 80 HISTOIRE NATURELLE tillesse et de l'élégance de sa parure : c'estun des plus jolis coléoptères de notre pays. Mais sa beauté, partageant la condition de toutes les beautés d’ici-bas, est passagère et fugitive. Elle est produite par de légères et fines écailles azurées que le moindre attouchement ternit, que le moindre frottement fait disparaître pour toujours. Les hannetons forment une race détestable à cause des dommages qu'ils nous occasionnent. Avant de paraître sur la terre, ils ont vécu trois à quatre années dans le sein de la terre, à l'état de larves. Ces larves sont fort connues sous le nom de vers blancs et de turcs ; elles sont molles, allongées, ridées, et d'un blanc sale un peu jaunâtre. Quand elles ont pris tout leur accroissement, elles s’enfoncent en terre à Ja profondeur de trente à quarante centimètres, cessent de manger, se construisent une maison- nette très-unie et se métamorphosent en nym- phes. Le hanneton ne tarde pas à sortir, et il choisit ordinairement le soir d’une belle jour- née de printemps. Ce n’est point un insecte car- nassier, ni avide d’une nourriture immonde : il se contente des feuilles des végétaux. Mais 4. né el n | NET D Guoane cerf-volant. — Blaps présage-mort. — Opâtre des sables. DES INSECTES 83 comme il est d’une gourmandise peu commune, ses déprédations causent les plus grands dégâts dans la campagne. A l’étatdelarve,le hanneton a détruit les racines des légumes et des arbris- seaux ; à l’état d’insecte parfait, il ronge les bourgeons et les feuilles des arbres. C'est sur- tout à la fraîcheur du soir que le hanneton prend ses ébats; mais il vole si lourdement et d’une manière si étourdie, qu'elle est passée en proverbe. L'homme n’est pas le seul ennemi que le hanneton ait à craindre : les oiseaux de basse- cour, les oiseaux nocturnes et rapaces lui font la chasse, et plusieurs petits quadrupèdes, tels que les belettes, les rats, les fouines, les blai- reaux, les recherchent pour s’en nourrir, sous leurs différentes formes. LES LUCANES Le lucane cerf-volant est le géant des coléop- tères de notre pays; il peut atteindre jusqu'à huit centimètres de longueur. Il présente une 84 HISTOIRE NATURELLE organisation singulière. Ses mandibules sont démesurement saillantes, arquées, fortes, den- telées ; elles sont mises en mouvement par des muscles énergiques et puissants. Malheur à l'imprudent qui place ses doigts entre ces deux terribles pinces ! Sa tête est très-développée, aplatie sur le sommet, bordée de côtes relevées formant des lignes sinueuses fort élégantes, armée de deux pointes mousses, au-dessus des antennes, échancrée à la partie postérieure, vers le corselet. Les pattes sont vigoureuses et terminées par des crochets aigus. C’est à l’aide de ces crocs recourbés et acérés que l'animal se cramponne solidement sur le tronc et sur les branchés des arbres, où il passe sa vie à l'état parfait, Le lucane n’est pas dépourvu d'instinct, de hardiesse et de courage. Sa démarche estlente, noble et fière. Sûr de l'excellence de ses armes, il semble ne jamais fuir; il se retire majestueu- sement en levant ses deux mandibules mena- çantes. Il n’est point méchant par nature, il est même assez bénin; aussi les enfants l’aiment-ils beaucoup et le font-ils servir à leurs jeux. Cet insecte vit peu detemps sous sa dernière forme, DES INSECTES 85 Dégéer, célèbrenaturalistesuédois, pense qu’il se nourrit de la liqueur mielleuse répandue naturellement sur les feuilles du chêne. A la fraîcheur du soir, on le voit prendre ses ébats et voler lourdement autour des grands arbres. La larve du lucane cerf-volant se développe lentement au sein même des vieux chènes ; comme elle y vit plusieurs années, elle y cause de grands ravages. C’est un gros ver blan- châtre, dont la tête est brune et munie de deux fortesmâchoiresdestinées à ronger le bois. Que ce bois soit sain et bien portant, qu’il soit mort et desséché, il n’est pas plus soustrait à ses at- teintes destructives. La substance ligneuse la plus dure, malgré la résistance qu’elle offre à la dent cornée de l’insecte, est bientôt réduite en une espèce de lan. Parvenue à sa grosseur, la larve du lucane se prépare à subir sa der- nière transformation. Elle n’est pas habile en industrie, et pourtant elle sait construire une sorte de maisonnette avec la sciure du bois qu'elle a rongé. Tous les petits fragments en sont réunis par une espèce de salive tenace qu'elle laisse couler, à cet effet, en assez grande 86 HISTOIRE NATURELLE abondance. Renfermée dans sa cellule bien close, la larve tranquille tombe dans un som- meil lourd et profond; elle ne tarde pas à prendre sa figure parfaite. Le lucane mutilé conserve encore dans ses différentes parties une vitalité extraordinaire etinexplicable, Les membres séparés du tronc continuent de se mouvoir longtemps encore; la tête même arrachée du corselet garde la vie non-seulement pendant quelques heures, mais encore pendant plusieurs jours. Il faut user de précaution en la saisissant ; car les mandibules ont assez de force pour mordre jusqu'au sang. La blessure est d'autant plus profonde que les mouvements sontcomme convulsifs. Quelleex- plication. pourra-t-on apporter à ce phéno- mène? Aucune. La physiologie pourra hasar- der quelques conjectures, mais elle est im- puissante à donner une raison démonstrative. Jusque dans les choses les plus vulgaires et les plus simples, Dieu a gardé ses secrets. Outre le lucane cerf-volant, on trouve en- core dans notre pays le lucane chevreuil et le dorcus parallélipipède. DES INSECTES 87 LES BLAPS ET LES OPATRES Les blaps ont fort mauvaise réputation : ce sontd'assezgros insectesde couleur noire, dont le corps exhale une odeur repoussante. Leurs mauvaises qualités, leur forme peu attrayante, leurs mœurs noctures et solitaires, toutsemble conspirer contre eux. Leur nom est tiré d'un mot grec qui signifie nuire; et, en effet, ces in- sectes hideux ne sont bons à rien. Ils ont reçu la dénomination vulgaire de porte-malheur, et bien des gens superstitieux seraient encore ef- frayés de leur présence. C'est à cette opinion que l'espèce la plus commune doit son nom de blaps présage-mort. Plus innocents et plus curieux sont les opä- tres, insectes très-communs sur les cheminset sur les sables. Pour échapper à l’œil de leurs ennemis, ilsonteu la précaution de se déguiser, de salirleur habit d'une fine poussière qui les confond avec la teinte générale du sol qu'ils parcourent. A la moindre apparence du dan- ger, ces insectes replient exactement tous leurs membres dans de petites fossettes creu- 88 HISTOIRE NATURELLE sées sur leur corps, destinées à les recevoir, et dans une immobilité complète ils offrent l'aspect d'un grain de sable , d’un léger gra- vier ou d’une petite motte de terre. Un œil prévenu a quelque peine à les découvrir. La force a ses avantages, la finesse a les siens aussi. On trouve fréquemment l’opâtre des sables, et un autre insecte qui s’en rapproche beaucoup, l’aside grise. LES CANTHARIDES ET LES MÉLOËS Les cantharides sont desinsectes devenusin- téressantsparlesnomhbreux services qu'ils nous ont souvent rendus, Combien de malades leur ont demandéla guérison, etcombien d’infirmes iront encore leur emprunter le soulagement à leurs douleurs! Quand des humeurs viciées ou trop abondantes viennent détruire l'harmonie qui constitue la santé, c’est à l’aide de la dé- pouille de ces insectes qu’on parvient à opérer une salutaire révulsion. La cantharide (lytea vesicaloria) a été longtemps la bienfaitrice du genre humain, C’est un insecte aux élytres d'un Gantharide, — Mélod, — Charançon de la Livèche, ? | * th Li a 0 nt Se DES INSECTES 91 vert doré, au corselet cuivreux et allongé, aux antennes noirâtres, au corps agréablement élancé. La cantharide vit généralement en s0- ciété, ou du moins en troupes nombreuses, sur les jasmins, les lilas et surtout sur les frênes. C’estsur ce dernierarbre qu’on voit enétéleurs légions odorantes. Tous ces insectes, en effet, répandent une odeur forte, désagréable et tout à faitparticulière.Ilssetiennentsur lesfeuilles, qu'ils rongent avec avidité. Au mois de juin et de juillet, on lesrecueille en grand nombre. On les fait périr à la vapeur du vinaigre, et après une complète dessiccation on les réduit en une poussière très-fine dont les pharmaciens se ser- vent pour préparer les vésicatoires. A valée par imprudence, cette poudre devient un poison violent dont les suites sont toujours extrème- ment funestes. Quelle est la véritable cause de l'espèce de brülure ou de la vésication produite par la dé- pouille de la cantharide? Doit-on l’attribuer, comme quelques auteurs l'ont fait, à la couleur métallique qui recouvre l'enveloppe exté- rieure , ou bien faut-il la chercher dans. une propriété spéciale à ces insectes et à quelques 92 HISTOIRE NATURELLE autres fart rares? Cette question n'est pas en- core très-bien éclaircie. On peut affirmer que l'enveloppe tégumentaire des insectes ornés de couleurs métalliques, produit constam- ment sur la peau une action inflammatoire. C’est ainsi que plusieurs carabiques et quel- ques cicindélètes ont paru doués de cette pré- cieuse qualité. Il faut avouer que les méloès et les mylabres, qui ne sont nullement parés de couleurs métalliques, partagent avec une énergie assez bien développée les heureux priviléges des cantharides. Les méloëès sont des insectes à la démarche pesante et embarrassée , à la lourde stature, aux formes arrondies et sans grâce. Elles ré- pandent une odeur désagréable, produite par une humeur jaunâtre qui suinte de toutes les articulations du corps, quand on y porte la main. Sous leurs élytres molles et tron- quées, on ne voit pas d'ailes membraneuses. Plusieurs naturalistes ont fait d'intéressantes recherches sur les propriétés vésicantes des méloès, qu'on trouve en si grande abondance dans nos campagnes, depuis le mois de mai jusqu’à la fin de l'automne. DES INSECTES 93 Le genre mylabre nous fournit une nouvelle occasion d'admirer la féconde et inépuisable bonté de la Providence. Les insectes qui s’y rapportent possèdent les mêmes propriétés que la cantharide à vésicatoire, et se trouvent précisément dans les contrées où celle-ci ne se rencontre jamais. LES CHARANÇONS Tous les charançons sont faciles à recon- naître au premier coup d'œil. Voici le trait le plus frappant et le plus significatif de leur physionomie : le front se prolonge antérieu- rement en une espèce de trompe ou de corne, à l'extrémité de laquelle sont placés les or- ganes de la bouche. La tête, ainsi conformée, leur donne un aspect bizarre; elle est chargée de deux antennes brisées, vers le milieu, par un angle brusque , à la base desquelles se trouvent les yeux, souvent échancrés et pré- sentant assez bien la forme d’un croissant. Le corps est généralement globuleux et protégé par des élytres très-solides : les épingles à collection s’émoussent presque toujours sur 94 HISTOIRE NATURELLE leur peau sèche comme un parchemin, dure comme de la corne. Beaucoup de charançons sont agréablement vêtus de couleurs bril- lantes et variées. Si dans notre pays nous ne possédons pas le riche charançon que les na- turalistes ont nommé entimus imperialis , grande espèce couverte d'or, nous possédons de petits charançons fort élégants, qui ne lui cèdent guère pour l'éclat et la vivacité des ornements : ce sont le rynchites bacchus, le rynchites betuleti, et quelques jolis polydrusus. Soyons avares de compliments envers les charançons; car la plupart des espèces sont malfaisantes. Quelques -uns s’attaquent à nos légumes, d’autres aux fruits, d’autres à la vigne, d’autres enfin aux céréales qui compo- sent le fond de la nourriture de l’homme. Aussi leur a-t-on déclaré depuis longtemps une guerre à mort, et cherche-t-on à les dé- truire par tous les moyens possibles. Si nous avons justement à nous plaindre du charançon du pois (brucus pisi), du charançon de la noix et de la noisette (balaninus nucum, B. avellanæ ), c’est surtout contre le charançon du blé (ca- landra granaria) que doivent tomber toutes DES INSECTES 95 nos malédictions. Ce petit insecte est d'autant plus redoutable que ses dégâts se font sans qu'on puisse les souptonner, et qu'ils sont sans remède lorsqu'on vient à les découvrir. La larve vit dans l’intérieur d'un grain de froment , aux dépens de la farine, en évitant avec soin d'attaquer la coque ou le son, qui lui sert d’abri. Quand elle s’est bien repue et qu’elle est parvenue au terme de son ac- croissement, elle subit ses transformations ; toujours dans sa petite maisonnette et loin des regards. Enfin l’insecte parfait perce sa prison et paraît au dehors. Cet insecte, que nous ne saurions qualifier trop fortement, ce fléau de nos magasins se multiplie d’une ma- nière effrayante et en fort peu de temps : on a calculé qu’un seul couple pouvait produire, dans l’espace de quatre à cinq mois , une Co- lonie de plus de six mille petits charançons. Aussi les ravages qu'ils peuvent causer et qu'ils causent malheureusement trop souvent dans nos greniers et dans nos granges, sont vraiment épouvantables. On a cherché par beaucoup de moyens à préserver le blé de l’attaque de ces méchants 96 HISTOIRE NATURELLE insectes : on n’a pu encore y arriver complé- tement. Le moyen le plus simple et le plus ef- ficace est de placer le blé dans un endroit bien aéré et de le remuer fréquemment. Lorsqu'il est infesté par une grande quantité de charan- çons, le meilleur remède est de porter le blé dans un four assez fortement chauffé pour tuer tous ces petits dévastateurs. LES XYLOPHAGES Les xylophages sont de petits mangeurs de bois, comme leur nom, tiré du grec, le signifie littéralement. Ils sont généralement de petite taille et de couleur obscure. Si l’on voulait analyser rigoureusement leurs caractères, on trouverait qu'ils ne diffèrent essentiellement des charançons que par l'absence de trompe. Ils ont les mâchoires très-solides, pour atta- quer et pour ronger la substance du bois. Leur corps est presque toujours arrondi ou dé- primé, et dans quelques colydium il s'allonge considérablement. Les xylophages composent encore une race maudite à cause des torts qu’ils nous font. Quand ces insectes se multi- DES INSECTES 97 plient outre mesure, c’est une véritable cala- mité. Nous devons surtout signaler, pour ses dévastations, le scolyte destructeur. C'est un insecte de taille médiocre qui se développe non-seulement dans le bois mort, mais encore jusque dans l'intérieur des arbres les plus vi- goureux et les mieux portants. Il perce les couches ligneuses dans tous les sens; il creuse des galeries sinueuses dans toutes les direc- tions; il ne tarde pas à pénétrer jusqu’au centre. L'arbre attaqué par ce terrible des- tructeur montre bientôt les symptômes d’une maladie intérieure. Ses rameaux se penchent, ses feuilles se flétrissent ; son écorce se sou- lève par lames légères ; il ne peut résister longtemps au mal qui le dévore, il périt. Les plus beaux troncs d’arbres ainsi attaqués ne peuvent plus être employés comme bois de construction, ni sciés en planches de menui- serie; le scolyte les a criblés d’une trop grande quantité de petits trous. D'autres espèces exercent leurs ravages sur les beaux et grands sapins du Nord. En peu de temps leurs tiges élancées, dont l'industrie 5 98 HISTOIRE NATURELLE humaine a su tirer un parti si avantageux , sont tellement endommagées, qu’elles ne sont plus bonnes à rien. L’hylurgus piniperda est encore de ces animaux qu'on peut ranger parmi les fléaux qui affligent les hommes. On a vu des forêts entières de sapins périr vic- times de cet épouvantable rongeur. Dans plu- sieurs localités de la France, des plantations de sapins ont été détruites en quelques an- nées. Aussi, quoique petit, cet insecte n’en est pas moins méchant et terrible ; il mérite bien toutes nos exécrations. Dans la Provence, où le soleil plus bienfai- sant permet la culture de l'olivier, les agri- culteurs redoutent les atteintes d’un autre insecte de la même race. C’est encore un hylurgus, qui s'attaque principalement aux jeunes rameaux , qui les épuise, et qui les fait promptement périr. Tous les xylophages méritent la proscrip- tion, et le naturaliste qui parviendrait à trou- ver le moyen de détruire les espèces les plus nuisibles mériterait toute la reconnaissance publique. DES INSECTES 99 LES CAPRICORNES On comprend vulgairement sous ce nom tous les insectes renfermés dans la belle fa- mille des longicornes. Ils se distinguent à leurs antennes d’une longueur démesurée,, à leur corps généralement effilé, à leurs pattes hautes et fortes. Ils prennent tous un rang distingué parmi les insectes remar- quables. Si l’onne considérait que la richesse et la couleur de l'habit, d’autres espèces feraient valoir des droits incontestables à la supériorité. En prenantl’ensemble des qualités belles et aimables, en joignant la douceur des mœurs, l'innocence des habitudes aux agré- ments de la forme et aux avantages utiles, les _capricornes, quoique remarquables sous plu- sieurs rapports, sont obligés de se contenter d'un rang secondaire. Le naturaliste se déci- dera toujours difficilement à accorder la pre- mière place à des animaux qui, pendant une partie de leur existence, nous ont occasionné des dommages. Les larves des capricornes se développent à l'intérieur du bois, et, comme 100 HISTOIRE NATURELLE elles sont d'une taille assez grande, elles cau- sent des dégâts presque aussi redoutables que ceux produits par les xylophages. Ce qu’il y a de plus fâcheux, c'estqu'elles ne se contentent pas de manger le bois sec et mort, elles ron- gent les arbres les plus sains et les plus verts. Après avoir passé deux à trois ans à percer et à manger le bois, elles se métamorphosent et sortent de leurs prisons durant les beaux jours de l'été. Le capricorne héros, le plus grand des longi- cornes de notre pays, se fait remarquer par ses magnifiques antennes, qui ornent sa tête sans la charger, et qui donnent à sa démarche un certain air de grandeur et de noblesse. IL a le corselet rugueux , hérissé même d’épines roides et pointues : en le faisant mouvoir sur le mésothorax, il produit par son frottement une espèce de cri ou de stridulation assez dis- tincte et bien connue; presque tous les longi- cornes ont la propriété de faire entendre ce petit bruit. Nous pouvons faire observer, en passant, que la production du son est bien différente chez les insectes et chez les animaux supé- DES INSECTES 104 rieurs. Ceux-ci modulent l’air qui sort de leurs poumons au moyen d’un appareil par- ticulier qui constitue la glotte. Les vibra- tions des cordes sonores, qu'on appelle dans l’homme les cordes vocales du larynx, expli- quent facilement l’origine physique de la pa- role. Les insectes qui ne respirent pas par les poumons, mais par des trachées, espèces de vaisseaux aériens qui font circuler dans leur corps le fluide atmosphérique, de la même manière que les artères et les veines condui- sent le sang dans toutes les parties de notre corps, nepeuvent pas par conséquent produire du bruit, un son quelconque, de la même ma- nière. Ce n’est que par le frottement que la plupart des insectes donnent naissance à cer- tains bruits bien connus des naturalistes. Les criquets, les grillons et les cigales, dont le chant est si perçant et si rude à l'oreille, ne doivent pas faire exception. Le capricorne musqué (aromia muschata) se recommande à notre intérêt par plusieurs qualités, d’abord par le luxe de son vêtement, ensuite par la douceur de son parfum. Ses élytres sont d'un beau vert doré; son corselet, 102 HISTOIRE NATURELLE de la même couleur, est armé de deux pointes aiguës ; ses longues antennes présentent une nuance azurée du plus gracieux effet. L’odeur assez forte de muse, qu'il exhale au loin, in- dique sa présence et trahit son asile. Ce capri- corne ne peut nous dédommager, par la suavité de ses émanations balsamiques, de l'odeur re- poussante de plusieurs insectes. Quand nous nous plaignons de la fétidité de la punaise des champs, n'oublions pas le musc de l’aromia, ni l’odeur de rose des cicindèles et de quelques autres insectes des sables. Le genre callidie ne dément point son nom, qui, en grec, signifie beauté. Il est composé d'insectes fort jolis et fort élégants. Le callidie clavipède est le plus grand de la famille, et le callidie sanguin, une des espèces les plus ri- ches par son vêtement de couleur purpurine. LES CRIOCÈRES ET LES ALTISES Vous avez sans doute observé sur le lis blanc un joli petit insecte revêtu d'un uni- forme rouge, avec la tête, les antennes et les DES INSECTES 103 pattes noires. IL est la joie et l’amusement des enfants, qui lui ont donné respectueusement le nom de bêtes-à-Dieu , de même qu'aux coc- cinelles, et qui l'ont pris spécialement sous leur protection. Il est expressément défendu de lui faire le moindre mal : quiconque lui donne la mort ou imprudemment ou malicieu- sement doit sûrement s'attendre à quelque graad malheur. Qu'il se tienne pour averti, les enfants l'ont dit. Le criocère du lis fait en- tendre un petit cri, ou plutôt une légère stri- dulation, en frottant l'extrémité libre de son abdomen sur la partie inférieure des élytres. Ce charmant insecte, si propre, si luisant, si coquet , dans son habit d'écarlate , s’est dés- honoré, pendant la première période de sa vie, par des habitudes malpropres et dégoûtantes. Il mérite peut-être que nous l’excusions un peu, parce qu’il cherche à se dérober aux atteintes de ses ennemis : la dure nécessité exige bien des choses. Il salit sa robe, et se tient caché sous un petit {as d’ordures. Enfin le criocère abandonne cette triste ressource, il se change en nymphe, et paraît bientôt dans tout le luxe de sa parure. 104 HISTOIRE NATURELLE Défiez-vous beaucoup de ces petits insectes de couleurs variées et de taille médiocre, qui sautent et s'agitent si vivement dans nos jar- dins. Leurs cuisses postérieures, forlementren- flées , les soulèvent énergiquement, commedes ressorts qui se détendent subitement. Ce sont des animaux destructeurs, quis'attachent prin- cipalement à nos légumes. Lesuns sont cuivrés, les autres sont dorés, les autres ont leur vête- ment bigarré, comme celui d’un comédien; les autres sont ornés de taches, de bandes, de gouttes, de points, de nuances très-diverses. Linnée les a nommés altises, d’un mot grec qui signifie sauleurs. LES COCCINELLES Qui ne connaît les gentilles coccinelles, ces charmants insectes vulgairement appelés bétes- à-Dieu, quelquefois calherinettes, petits bœufs et peliles tortues? Elles se distinguent autant par la grâce de leur forme, par l'agrément deleurs couleurs , que par la simplicité de leurs habi- tudes et par l'innocence de leurs mœurs. Ce ne DES INSECTES 105 sont point des insectes malpropres et dégoù- tants : les coccinelles sont lustrées , brillantes, proprettes; ce ne sont pas non plus de ces in- sectes voraces et cruels : les coccinelles sont pacifiquesetinoffensives ; ce sont encore moins des insectes nuisibles : les coccinelles, à l’état de larves, rendent même quelques services aux agriculteurs. Elles ressemblent assez à des demi-sphères, par la convexité de leur dos et par l'aplatissement de la partie inférieure de leur corps. Leur robe, d’un fond jaune, rouge, orangé ou noir velouté, est agréablementtigrée de couleurs vivesetgaies : sielle n’estpas somp- tueuse, si ellen'estpasenrichiedereflets dorés, argentés ou cuivrés, elle n’en est pas moins de bon goût. L'abdomen est revêtu plus simple- ment de couleurs sombres et obscures. Un insecte si plein de grâces et de bonnes qualités devait-il être poursuivi par une foule d'ennemis acharnés ! La coccinelle est exposée à mille dangers sans cesse renaissants, Elle n’é- chappe à un péril que pour tomber dans un autre plus redoutable encore. Aussi n'est-il pas rare de rencontrer sur les feuilles fraîches et vertes des tilleuls quelque infortunée trat- s" 106 HISTOIRE NATURELLE DES INSECTES nant tristement l'aile mutilée d'une manière déplorable par le bec d'une hirondelle trop avide. Par quel moyen peut-elle se soustraire à une mort certaine ? Au moment où elle sent le péril, elle contracte fortement ses pattes le long de son corps, et laisse sortir par toutes les articulations de ses membres un liquide jaunâtre d’une odeur forte et d’une saveur amère. L'oiseau trop glouton, qui se précipite aveuglément sur sa proie, est bien vite puni de sa gourmandise. 1 Les jolies coccinellesse montrent dès le com- mencement du printemps. À l’état de larves, elles se nourrissent uniquement de pucerons, et se montrent les plus utiles auxiliaires de l'horticulteur, en détruisant des animaux fu- nestes à nos plantes les plus précieuses. Admi- rons la Providence, qui envoie de chétifs ani- maux pour arrêter la multiplication excessive des insectes parasites qui épuiseraient nos ar- bres fruitiers! LÉPIDOPTÈRES LES PAPILLONS DE JOUR Les papillons diurnes sont sans contredit les . plus charmants animaux connus. Quel groupe zoologique pourrait leur disputer la préé- minence par la grâce, l'éclat, la fraîcheur, la gentillesse et l'innocence ! Si l'on examine la gracilité des formes, quelle délicatesse admi- rable! Si l'on considère la beauté descouleurs, quelle magnificence inouïe! Ne dirait-on pas que la nature a jeté sur leurs ailes légèrestoutes les nuances qui brillent au ciel, sur la terre et dans les prairies? Toutes les teintes semblent se jouer et se fondre pour former leur éblouis- sante parure. C’est l’azur changeant et le vert si doux à l'œil ; c’est la pourpre aux somptueux reflets, avec le velours aux tons moelleux ; c'est le blanc pur des lis relevé par de légères bro- 108 HISTOIRE NATURELLE deries bigarrées ; c’est l'éclat métallique del'or et de l'argent tempéré par les tons mats du gris et du noir. Quelle étonnante prodigalité des faveurs les plus rares et les plus enviées! Si l'on préfère s'attacher à la prestesse des mouvements, à la gracieuseté des poses, à \’aimable inconstance des goûts, à la coquette nonchalance des allures, quel ensemble de qualités belles et riantes! Tout charme dans le petit papillon, si gai dans ses manières, si paisible dans ses mœurs, si enjoué dans son caractère, si changeant dans ses préférences. Non moins que les fleurs, il est dans les beaux jours l'ornement des cam- pagnes. Les papillons et les fleurs, existences privilégiées, mais fugitives et passagères, exis- tences subordonnées et liées entre elles comme par des liens mystérieux etsecrets. Lorsqueles premières haleines d’une saison moins rigou- reuse ont fait épanouir les gracieuses corolles de quelques jolies fleurs deschamps, c’est alors que les papillons brisent l'enveloppe de la nymphe qui les retenait captifs. Hélas! les fleurs se fanent bien vite, les papillons se flé- tissent bien promptement. Les fleurs les plus DES INSECTES 109 belles et les plus parfumées ne conservent leur fraicheur qu’un matin ; les papillons les plus somptueux n’ont qu’un éclat éphémère. Quand les fleurs cessent d’embellir nos campagnes, les papillons disparaissent sans retour. Em- blèmes des plaisirs d’ici-bas, les papillons et les fleurs brillent un instant, et s’'évanouissent pour jamais. à La tète des papillons diurnes est ornée de deux antennes terminées par un renflement léger en forme de bouton. Ce sont deux char- mantes aigrettes qui parent leur tête sans la charger, et qui complètent les dons qui leur ont été si largement départis. Leur bouche con- siste en une espèce de trompe ou de langue roulée en spirale et appuyée sur deux palpes hérissées de poils ou d’écailles. Ils s’en servent comme d’un chalumeau, pour sucer au sein des fleurs le liquide mielleux que leur calice renferme. Le vol des papillons est brusque et saccadé. Ce mouvement plein de bizarrerieest produit par le jeu alternatif des ailes qui frappent l'air l'une après l’autre, Ce vol irrégulier, désor- donné, capricieux , les protége avantageuse- 110 HISTOIRE NATURELLE ment contre les poursuites de leurs nombreux ennemis. Si les papillons sont les plus beaux des in- sectes, ils en sont aussi les plus délicats et les plus fragiles : le moindre attouchement les ternit et leur enlève leurs brillantes couleurs. Celles-ci sont dues à de fines et imperceptibles écailles fixées à la partie supérieure et infé- rieure des ailes:elless’attachentfacilementaux doigts, comme une poussière colorée. C’est à cette admirable organisation que les papillons doivent leur nom de lépidoptères, de deux mots grecs qui signifient ailes à écailles. En déve- loppant ces petites écailles au moyen du mi- croscope, l'œil est témoin d’un spectacle très- curieux. Les divines perfections du Créateur reluisent jusque dans les moindres ouvrages sortis de ses mains! LES PAPILLONS CRÉPUSCULAIRES Les papillons crépusculaires sont plus mo- destes que les précédents dans leurs habitudes et dansleurs ornements. Ils sont généralement DES INSECTES 111 revêtus de couleurs sombres, quelquefois ce- pendant de teintes gaies, mais pâles, ternes, peu voyantes. L'éclat et la richesse ne consii- tuent pas la vraie beauté. Combien de sphinx, tels que le sphinx du laurier-rose et celui de la vigne, qui, dans leur simple et élégante pa- rure, ne le cèdent à aucun des lépidoptères les plussomptueux!Cesinsectes,considéréscomme formant une famille naturelle, tirent leur prin- cipal caractère de leurs antennes, qui sont en massue allongée en fuseau. Tous sont désignés vulgairement sous le nom de sphinx, parce que la nymphe de plusieurs espèces a été comparée à ces monstreségyptiens accroupis surde hauts piédestaux de granit, aux abords des temples. Cette ressemblance est un peu éloignée, et la chrysalide de ces lépidoptères aurait de plus grands rapports avec ces momies égyptiennes emmaillottées des pieds à la tête. Les sphinx sont très-agiles ; ils voltigent de fleur en fleur avec une rapidité, avec une pétu- lance , avec une brusquerie qui font plaisir à voir. À peine semblent-ils toucher aux fleurs qu’ils se hâtent de caresser en courant. Quel- quefoisils planent au-dessusd’unebelle corolle 112 HISTOIRE NATURELLE pleine de miel, etavec leur langue effilée ils lui enlèvent sa douce liqueur. On dirait que l'air est leur domaine, qu'ils n’ont jamais ap- partenu à la terre, tant leur vol est facile, tant ils se plaisent à leurs courses aériennes! Les enfants leur ont donné le nom d’oiseaux-mou- ches, à cause de leur grâce, de leur gentillesse, et à cause de la forme de leurs écailles légères et aplaties, qui ressemblent à des plumes. Il n’est personne qui n'ait observé sous ce rap- port le sphynæ du caille-lait , si commun par- tout où il y a des fleurs, dans les belles journées du mois de juillet. Le géant de cette famille, dans nos contrées, est sans contredit le sphynx têle de mort, ainsi appelé à cause de plusieurs taches noires pla- cées sur son dos, qui rappellent une tête de mort. La superstition, en considérant avec : frayeur la disposition singulière de ces taches de mauvais augure, en a tiré de fâcheux pro- nostics. Malheur à qui rencontrerait dans son chemin cet insecte messager de la mort! Mal- heur au pays sur lequel tombaient en grande quantité ces funestes avant-coureurs dutrépas, il devait être la proie d'une terrible mortalité! DES INSECTES 113 Le sphinx atropos n’est plus aujourd’hui qu'un animal curieux, il a perdu ses tristes attributs. Quand on le saisit, il fait entendre un bruit aigu, une espèce de piaulement, que Réaumur attribueaufrottementdes palpes surlatrompe, mais dont la cause réelle n’est pas encore posi-. tivement connue, malgré les expériences qu’on a, tout récemment encore, tentées à ce sujet. La chenille de ce grand lépidoptère vit ordinai- rement sur les feuilles de la pomme de terre ; elle est jaune avec des raies bleues sur le côté. LES PAPILLONS NOCTURNES Les lépidoptères nocturnes, que les anciens naturalistes avaient tous confondus dans la dé- nomination générale de phalènes, ne volent qu'après le coucher du soleil, et d’une manière si maladroite, qu’on serait tenté de croire que l'organe de la vue ne leur est d'aucun secours. Semblables aux hiboux et aux chouettes, ces insectes sont éblouis par la clarté du jour, et ne jouissent de la vie que lorsque les autres pa- raissent en être privés, plongés dans lesombres 114 HISTOIRE NATURELLE et dans le sommeil. C’est ainsi que la vie ne quitte jamais la terre, et que nous pouvons admirer une suite continuelle de mouvements divers. Les papillons de nuit sont caractérisés par les antennes allongées et grèles, quelque- fois finement pectinées et panachées. Le cossus ronge-bois est un des plus beaux noctuélites de l'Europe. Ses ailes sont agréable- ment variées de plusieurs couleurs artistement nuancées, dans lesquelles dominent le gris et le bleu. Si l'éclat leur a été refusé, l'harmonie des tons peut être considérée comme une compen- sation suffisante. L’œil ami des teintes douces agréablement fondues s'arrête avec autant de plaisir sur les couleurs suaves et moelleuses des papilons de nuit que sur les reflets bril- lants et tranchés des lépidoptères diurnes. La chenille du cossus est devenue très-célèbre en entomologie par l'admirable description anato- mique qu'en a faite le savant et patient Lyon- net. Gette chenillese développe dans l'intérieur du bois de l'orme, du chêne, du saule, et res- semble à un gros ver à tête noire. La grand paon de nuit est le plus grand pa- pillon de nos contrées; il atteint jusqu’à douze W,, Bombyx feuillemorte. — Mante religieuse. — Sauterelle verte. DES INSECTES 4117 centimètres d'envergure. Ses ailes sont arron- dies, de couleur brune nuagée de gris, avec une sorte d'œil sur le milieu. Sa chenille vit ordinairement sur le rosier, sur le pommier ou sur l’orme; elle est revêtue d’un uniforme vert avec des boutons jaunes ou bleus. La feuille-morte a été ainsi nommée parce que ses ailes fauves, chiffonnées, ressemblent assez bien à un petit paquet de feuilles dessé- chées. Rien de plus bizarre que l’aspect de ce papillon. Il vit au milieu des bois, où sa forme le confond avec les feuilles des arbres qui l’en- tourent. C’est un moyen excellent d'échapper à la vue de ses ennemis. Que la Providence est admirable jusque dans les précautionsdont elle entoure les plus faibles insectes ! On pourrait dire de ce lépidoptère, avec autant de raison qu’on l’a répété si souvent pour la phyllie, qu'on trouve dans nos bois des feuilles tombées des arbres qui prennent la fuite quand on veut les prendre. Les pyrales sont de petits papillons , ornés souventde couleursmétalliques très-brillantes, connus par l'habitude qu'ils ont de voltiger autour des flambeaux allumés. Emblèmes des 148, , HISTOIRE NATURELLE ambitieux, en voulant s'approcher trop près du soleil, elles se brülent et perdent la vie. Les habitants des campagnes les ont longtemps re- gardées avec un œil superstitieux. On attachait à leur destin le succès de ses entreprises, et plus d’un homme, avec la pauvre petite pyrale, a vu périrses espérances ets’évanouir de beaux rêves. La chenille de la pyrale de la vigne est un des plus redoutables fléaux pour les pays vignobles. Non moins que la pyrade, la feigne mérite toutes nos malédictions. A l’état de chenille, elle fait de grands dégâts sur nos vêtements, et en général dans tous les tissus de laine. Elle vit ordinairement dans les draperies, les pelle- teries, les tapisseries, dont elle ronge la sub- Stance la plus pure et la plus délicate. Pour mieux se déguiser, la teigne se renferme dans un étui de même couleur que l'étoffe qu’elle dévore. Pendant l'hiver et au temps de leurs méta- morphoses, les teignes interrompent leurs tra- vaux. Cet instinct de conservation qui guide si bien tous les animaux, les avertit elles-mêmes que, pendant l’époque critique de leurengour- DES INSECTES 119 dissement, il leur faudra un asile plus sûr que leur demeure ordinaire. Les teignes quittent alors les draps, lesétoffes, d’où le moindre acci- dent pourrait les détacher; elles s’en vont, mu- nies de leur vêtement, chercher quelque fente de meuble, quelque coin obscur pour y sus- pendre leur fourreau, au moyen de plusieurs paquets de fils. Un tissu soyeux clôt les ouver- tures; les teignes y demeurent en repos jus- qu'au moment où, munies de quatre ailes ar- gentées, elles quittent pour toujours cette retraite passagère. LE BOMBYX DU MURIER OU LE VER A SOIE Le bombyx dumûrier est un des lépidoptères les moins ornés, et sans contredit il est le plus utiles des insectes. En le disgraciant du côté de la figure, la Providence semble avoir voulu nous donner une leçon utile : que la modestie peut cacher les plus grands talents. C’est un insecte de taille moyenne, à stature ramassée, dont les ailes sont blanchâtres , avec deux ou trois raies obscures transversales et une tache 120 HISTOIRE NATURELLE en forme de croissant. La chenille du bombyx du mûrier est connue de tout le monde sous le nom de ver à soie; par son produit précieux , elle alimente plusieurs riches et importantes industries. Leveràsoieestoriginaire des provinces sep- tentrionales de la Chine ; il ne fut introduiten Europe que dansle vi°siècle. Des missionnaires grecsen apportèrentdes œufsà Constantinople, sous le règne de Justinien , et à l’époque des premières croisades sa culture se répandit en Sicile eten Italie; mais ce ne fut guère que du temps de Henri IV que cette branche d’indus- trie acquit quelque importance dans nos pro- vinces méridionales, dont elle forme aujour- d'hui l’une des principales richesses. Dans le midi de la France on appelle les vers à soies des magnans, et de là le nom de ma- gnanerie qu'on donne aux établissements dans lesquels on les élève. La nourriture du ver à soie consiste en feuillesdemärier, et c’est par conséquent de la culture de cette plante que dépend la possibilité d'élever cet insecte. Le mûrier blanc est l'espèce la plus généralement employée à cet usage : il peut donner quatre à DES INSECTES 121 cinq quintaux de feuilles et même quelquefois dix à douze quintaux. Cet arbre s'accommode assez bien de tous les terrains, eton le cultive avec succès jusque dans le nord de l’Europe. Le mûrier, comme le ver à soie, est originaire de la Chine. Il fut apporté en Europe par les deux moines grecs qui importèrent le bombyx du mûrier : présent plus estimable que la dé- couverte d’une mine d’or; c’està la religion que nous le devons. La plupart de nos industriels modernes ne savent guère qu'ils sont rede- vables de cet immense bienfait à deux pauvres missionnaires chrétiens, qui avaient pénétré dans l'empire chinois pour y annoncer l'Évan- gile. Les premiers vers à soie furent élevés à Constantinople par la main de l’impératrice et des dames de la cour. Cette éducation devint bientôt à la mode, et fut tentée par beaucoup de personnes. La culture du mûrier se répandit rapidement dans le Péloponèse, et fit donner à cette partie de la Grèce son nom moderne de Morée. De là les müriers et les vers à soie pas- sèrent en Sicile par les soins du roi Roger, et prirent dans la Calabre une extension rapide. Quelques gentilshommes qui avaient accompa- 6 122 HISTOIRE NATURELLE gné Charles VIII en Italie, pendant la guerre de 149%, ayant connu tous les avantages que ce pays retirait de cette branche d'agriculture, voulurent en doter leur patrie, et firentappor- ter de Naples des müriers qu'on planta dans la Provence et dans le Dauphiné. Il y a une trentaine d'années on voyait encore à Monté- limart le premier de ces arbres plantés en France sil y futapporté par Guy-Pope de Saint- Auban , seigneur d’Allan. Aujourd’hui les mü- riers couvrent une grande partie du midi de la France, et se cultivent avec avantage dans les provinces septentrionales. Les vers à soie vivent à l’état de chenille en- viron trente-quatre jours, et pendant ce temps ils changent quatre fois de peau. Chaque mue est une crise pénible qui en fait mourir quel- ques-uns. Ils consomment une plus grande quantité de nourriture à mesure qu'ils appro- chent de leur terme. Quelques jours avant leur métamorphose, ils mangent avec un appétit insatiable, et font avec leurs mandibules un bruit très- fort, semblable à celui d’une pluie épaisse. Lorsque les vers à soie veulent filer leur co- DES INSECTES è 123 con, ils grimpent sur des branches qu'on a soin de placer à leur portée. Leur corps devientmou, et ilsort de dessous leur bouche un fil de soie, qu'ils traînent après eux. Bientôt ils se fixent, jettent autour d'eux une multitude de fils d’une finesse extrême, et construisent leur coque soyeuse en tournant continuellement sur eux- mêmes. Les divers tours de ce fil unique s’ag- glutinent entre eux, et il en résulte une enve- loppe dont le tissu est ferme, et dont la forme est ovoïde. La couleur de cette soie varie : tan- tôt elle est jaune, tantôt elle est d’un blanc éclatant, suivant l'espèce de ver qui l’a pro- duite. Afin de pouvoir tirer parti de la soie, on est obligé de faire périr les chrysalides. Pour les tuer, on les transporte dans un four médiocre- ment chauffé; quelquefois on se borne à les exposer pendant deux ou trois jours à l'ardeur du soleil. Chaque cocon est formé par un fil d’une longueur immense et d’une finesse ex- trême, qu'il faut ensuite dévider. Pour facili- ter cette opération, on est obligé de faire trem- per les cocons dans de l’eau chaude, afin de dissoudre la matière gluante qui colle entre 124 HISTOIRE NATURELLE DES INSECTES eux les divers tours de ce fil; puis on réunit plusieurs de ceux-ci en un seul faisceau, qui, à l’aide de machines appropriées, est enroulé autour d’une bobine, et constitue un seul brin de soie filée. Il reste ensuite une bourre très-épaisse , que l’on carde avant de la filer : elle donne diverses matières plus ou moins avantageuses, connues dans le commerce sous le nom de filoselle ou de coconille, avec lesquelles on fabrique différents objets de seconde qualité. DERMAPTÈRES LES FORFICULES Les forficules, quoique inoffensives , sont encore la cause de frayeurs mal fondées; elles doivent à un injuste et absurbe préjugé leur nom vulgaire de perce-oreille. Les tenailles qui terminent leur abdomen ne peuvent être dan- gereuses que pour les insectes ; elles ne seraient pasassezfortes pour percer la peau de l'homme. Il y a cependant des personnes qui redoutent extrêmement cette arme innocente. Quand même la forficule s’engagerait dans le conduit externe de l'oreille, elle ne pourrait occasion- ner tous les ravages dont on l’accuse. Sans doute elle ferait éprouver une douleur vive, parce que la membrane du timpan qui ferme le conduit auditif est extrêmement sensible ; mais elle ne causerait pas les accidents graves qu'on lui a si longtemps attribués calomnieusement. La forme générale des forficules est peu gra- 126 HISTOIRE NATURELLE cieuse. La tête est munie de mandibules lon- gues, mais faibles; le corselet est arrondi; les élytressonttronquéesetexcessivementcourtes. Elles ressemblent à un petit morceau de par- chemin desséché, et servent à recouvrir deux ailes membraneuses pliées transversalement et longitudinalement. Les pattes, quoique d’une grande faiblesse , jouissent d’une excessive mobilité, et communiquent à l'animal une agilité extraordinaire. Ce qui rend intéressante l’histoire de la for- ficule, c'est l'instinct admirable d'amour ma- ternel qu'elle témoigne à ses petits. La forficule dépose ses œufs dans quelque lieu humide et obscur, sous la mousse, sousles pierres, sous les écorces. Elle veille avec la plus active solli- citude sur ce précieux dépôt. À peine ose-t-elle s'en éloigner pendant quelques instants pour chercher sanourriture. Si par malheur quelque accident vient à les disperser, elle les recueille courageusement et les transporte délicatement au nid entre ses mandibules. Avec leur déve- loppement arrivent de nouveaux devoirs et de nouvelles inquiétudes. Au sortir de l'œuf, les jeunes larves sont faibles et débiles : elles tré- DES INSECTES 127 buchent à chaque pas, elles sont arrêtées par les moindres obstacles. La mère redouble de soins et de zèle; elle les conduit prudemment à l'abri des ardeurs du soleil , dans les lieux les plus convenables où ils pourront trouver une nourriture abondante et facile. En contemplant cette intéressante famille, vous verriez la for- ficule, semblable à une poule entourée de ses poussins, se livrant à une foule de mouve- ments rapides, allant de l'un à l’autre de ses petits, les rappelant par un signe de rallie- ment à l'approche du danger. C’estalors qu’elle fait usage des tenailles qui arment l'extrémité de son abdomen, qu'elle les ouvre, les agite. les relève d’une façon terrible et menaçante. Bientôt les petites forficules ont atteint la force suffisante pour se passer des soins de leur mère et pourvoir d’elles-mêmes à leur nour- riture. Elles se dispersent alors et mènent une vie isolée et indépendante. Lesforficules sontfrugivoresettrès-voraces. Comme elles semultiplient promptement, elles désolent les horticulteurs par leurs dégâts. Elles aiment les lieux frais et ombragés; on peut les y attirer pour les détruire. ORTHOPTÈRES LES MANTES ET LES PHYLLIES L'organisation extérieure des mantes pré- sente les formes les plus fantastiques qu'on puisseimaginer. À voirleurlong corselet maigre et plat, leurs antennes fines comme des soies, leurs pattes antérieures se repliant, s'étendant d’une façon hideuse, s’agitant d’une manière désordonnée, on éprouve involontairement un certain sentiment de dégoût et même de frayeur. Comme si tout, dans cet insecte sin- gulier, devait s'éloigner des formes générale- ment connues; les élytres, de couleur ver- dâtre, ressemblent assez bien à une feuille d'arbre flétrie et desséchée. L’imagination devait nécessairement mêler des fables à l'his- toire de cet insecte extraordinaire. Aussi n’y a-t-il peut-être aucun animal à propos duquel on ait débité un plus grand nombre d'absur- dités. Lesanciens naturalistes, qui se plaisaient à recueillir tous les propos populaires, nous HISTOIRE NATURELLE DES INSECTES 4199 ont conservé des traits qui ne sont pas dé- pourvus de tout charme dans leur bizarrerie. Dans certaines localités, les mantes passaient pour sorcières, et il fallait bien se garder de considérer leurs gestes diaboliques : en les examinant, on s’exposait à de terribles dan- gers. Dans le midi de la France, on les avait envisagées sous un autre rapport. Comme elles joignent souvent les pattes antérieures, et qu'elles se redressent , immobiles et pensives, en contemplant le ciel, on les avait nommées prie- Dieu, ou, dans le langage provençal, prega-Diou. Suivant cette opinion, elles étaient surtout fort charitables. Quand un pauvre pe- tit enfant s'égarait dans les champs, ou qu'il perdait sa route, il pouvait en toute confiance s'adresser à la mante religieuse ; celle-ci, sans attendre, dressait une de ses longues pattes dans la direction du chemin qu'il fallait suivre. Quoique les mantes aient perdu de nos jours leur bonne et leur mauvaise réputation , elles . sont cependant, parmi les orthoptères, les in- sectes les plus dignes d'attirer l'attention. Les phyllies, qui vivent dans l'Inde, ne sont pas moins curieuses à connaître que nos 6 130 HISTOIRE NATURELLE mantes indigènes. Leurs formes sont égale- ment monstrueuses, leurs allures bizarres. Leurs élytres, traversées par de nombreuses nervures, ressemblent parfaitement à des feuilles végétales. De là les récits accrédités des voyageurs sur les merveilles des pays les plus éloignés de l'Orient, où l'on voyait, entre autres choses surprenantes, des feuilles déta- chées des arbres qui prenaient la fuite quand on voulait les saisir. Aujourd'hui les feuilles des arbres de l'Inde n’ont plus la faculté de voltiger ni de courir : on connaît mieux les phyllies. Pour rappeler cette fable, et en même temps pour indiquer un des traits les plus caractéristiques de sa forme extérieure, l'espèce principale a été nommée phyllie- feuille. — LES SAUTERELLES Les sauterelles sont des insectes malheu- reusement trop connus; Car elles exercent leurs ravages dans tous les pays. Elles doivent être rejetées avec ces animaux qui ne se font connaître que par le mal qu'ils produisent. Phyllio-feuille. LS L DES INSECTES 133 Montées sur de longues pattes, aux cuisses postérieures fortement renflées, elles s'élan- cent à de grandes distances: Leurs élytres sont molles, demi-membraneuses , et servent à protéger deux ailes pliées en éventail. Leurs mandibules et leurs mâchoires sont élargies en meules pour broyer plus facilement les substances végétales. Rien n’égale la gour- mandise, la voracité insatiable de ces insec- tes dévastateurs. Partout oùjils se [trouvent réunis en troupes nombreuses, ils causent d’épouvantables dégâts. Dans nos|contrées septentrionales ou tempérées, nous n'avons jamais trop à nous plaindre des maux occa- sionnés par les sauterelles; mais, si nous nous transportions en Asie, ou dans l'Afrique mé- diterranéenne, nous serions vraiment épou- vantés à la vue des dévastations terribles qu’elles y exercent. C'est un fléau plus redoutable que le passage d’une armée enne- mie. Elles se rassemblent en légions innom- brables, parfois en nuées épaisses qui obscur- cissent le soleil. Dans leur vol lourd et bourdonnant elles produisent dans le lointain un bruit sourd et lugubre comme celui de 134 HISTOIRE NATURELLE l’orage qui grondeàl’horizon. Tout à coup elles s’abattent dans la campagne, pressées comme les gouttes d’une pluie épaisse ; elles rongent tout ce qui se présente à leur dent avide. Les moissons, les arbrisseaux, les feuilles des arbres, tout ce qui offre un peu de verdure disparaît en quelques jours. Après elles, il n’y a plus à attendre qu’une horrible famine. Par surcroît de malheur, il arrive quelque- fois qu'après avoir tout dévoré, elles meurent dans les champs qu’elles ont dévastés. Leurs cadavres amoncelés par millions répandent dans l’air une odeur iufecte qui cause souvent la peste. Ainsi ces animaux malfaisants ap- portent dans les contrées qu’ils ravagent les deux plus terribles fléaux qui désolent l’hu- manité : la peste et la famine. Par une compensation qui ne paraîtra que justice, plusiéurs peuples d'Asie et d'Afrique se nourrissent de sauterelles : ce sont les acri- dophages des historiens grecs. Ils font dessé- cher au soleil le corps de ces insectes, après l'avoir laissé tremper pendant quelques heu- res dans une eau chargée de sel. Ensuite ils le broient, le réduisent en une sorte de fa- DES INSECTES 135 rine grossière, avec laquelle ils font une es- pèce de bouillie, ou quelquefois des gâteaux; d’autres les mangent grillées, rôties au frites. Une pareille nourriture est sans doute fort peu restaurante, et il faut être réduit à une grande nécessité pour faire usage d’un si dé- testable gibier. Outre différentes espèces de criquets, aux ailes roses ou bleues, on trouve encore dans notre pays la grande sauterelle verte, la saute- relle tachetée, la sauterelle grise, ete. LES GRILLONS ET LES COURTILIÈRES Qui ne connaît les grillons, qui font enten- dre leur chant monotone au pied des haies, dans les prairies et au coin de nos foyers? On en distingue deux espèces bien caractérisées : le grillon domestique et le grillon champêtre. Le premier, d’une couleur cendrée, se tient généralement dans les cuisines, auprès du four des boulangers, où il fait entendre sans cesse sa rauque chansonnette. Les villageois l'aiment et le respectent : ils défendent de le _ 436 HISTOIRE NATURELLE \ tuer. Pendant le jour, ‘il demeure blotti dans le fond de sa cellule, gardant le plus profond silence. Au*soir, il commence à chanter; et, quand la nuit est bien close, il rôde de tous côtés, cherchant quelques miettes de pain pour en faire sa nourriture. Les grillons pro- duisent leur petit cri aigu par le frottement de leurs élytres les unes sur les autres. Les grillons champètres diffèrent peu des précédents. Ils se retirent dans de petits sou- terrains qu'ils se creusent eux-mêmes, où ils guettent leur proie. Pendant la plus grande chaleur du jour, ils ne cessent pas un seul instant de jouer de leur rude instrument de musique; ils semblent s’exciter mutuellement et réussissent à produire un bruit assourdis- sant. Leur nourriture consiste en petits in- sectes de toute espèce qu'ils saisissent fort adroitement. Néanmoins, malgré leur grosse tête, ils sont stupides ; car les enfants s’amu- sent à les faire sortir de leur trou en leur pré- sentant un fétu ou un petit brin d'herbe. La courtilière ou taupe-grillon est un insecte singulier par ses formes, et malheureusement fort nuisible par ses habitudes, Il est de couleur Gourtilière. — Grillon domestique, 4 sn À . DES INSECTES 139 brune ; sa tête est petite, allongée ; les anten- nes sont assez développées; le corselet est étendu et forme une espèce de cuirasse qui paraît veloutée; les élytres ne couvrent que la moitié de l'abdomen; elle sont croisées l’une sur l’autre , et elles sont traversées de grosses nervures longitudinales noires. L'ab- domen est terminé par deux appendices fili- formes assez longs. Les pattes antérieures sont aplaties, dentelées et tranchantes; elles servent tantôt de pioche pour creuser la terre, tantôt de scie pour couper les racines; elles sont douées d’une force prodigieuse, et on est étonné de voir avec quelle facilité l'insecte écarte et renverse des obstacles considérables. La courtilière mène une vie souterraine ; comme la taupe, elle se creuse de longues ga- leries , dans lesquelle elle parcourt le sol, en y cherchant les insectes dont elle se nourrit. La courtilière cause de grands dégâts dans les jardins potagers, en coupant et en rongeant les racines des meilleurs légumes. Elle s’atta- que principalement aux melons et aux laitues. On lui fait une guerre active; mais elle sait éviter les embüches qu'on lui tend. Pendant 140 HISTOIRE NATURELLE DES INSECTES le jour elle reste tranquille, et pendant la nuit elle cause toutes ses dévastations. Cet insecte possède un instinct particulier pour protéger ses œufs. Il fabrique une espèce de sphère creuse dans l’intérieur de laquelle il introduit ses œufs, quelquefois au nombre de trois cents. L'ouverture en est ensuite soi- gneusement fermée. La mère n’abandonne pas au hasard l'espoir de sa postérité. Elle veille sur le berceau de sa famille, elle le transporte quelquefois à la surface de la terre pour y jouir des douces influences de la cha- leur; d'autres fois elle Le retire jusqu’au fond de son terrier quand elle craint l'humidité, ou qu'elle redoute quelque autre péril. A peine écloses, les larves se dispersent, et trouvent elles-mêmes leur nourriture. HÉMIPTÈRES LES PENTATOMES ET LES RÉDUVES . Qui n’a maudit la punaise des champs, en sentant l'odeur excessivement mauvaise qu’elle répand autour d’elle quand on l’inquiète ? Elle s’enveloppe comme d’une atmosphère pesti- lentielle propre à rebuter ou à éloigner ses ennemis. L’organe odorifique des pentatomes ou punaises champêtres est situé dans le der- nier anneau du thorax. Il a la forme d’une petite vessie globuleuse, et communique au dehors par le moyen d’une ouverture ou bou- tonnière, située entre la deuxième et la troi- sième paire de pattes. L'odeur des pentatomes est très-pénétrante, et s'attache même aux fruits sur lesquels a marché cet insecte dé- goûtant. Il ne faudrait pourtant pas maudire 142 HISTOIRE NATURELLE toutes les punaises sans distinction. Exécrons la pentatome grise, qui sent si mauvais; mais aussi donnons quelques compliments au lygée de la jusquiame, qui répand une odeur de thym, et à une espèce de miris qui exhale un parfum exquis de pomme de reinette. Le réduve ne se présente pas à nos regards avec une physionomie plus attrayante que celle des pentatomes; mais il possède en sa faveur une bonne recommandation, il travaille pour nous. La réduve est l'ennemi naturel et irréconciliable de la punaise des lits, cet insecte hideux qui vient troubler notre som- meil et sucer notre sang. Sous ses trois états de larve, de nymphe et d’insecte parfait, le réduve fait activement et constamment la chasse à sa proie. Il ne sort ordinairement que le soir, et il aime à voltiger autour des flambeaux. Gardez-vous bien de le saisir im- prudemment, car il est armé d'un bec pointu qui distille un venin dangereux ; sa piqüre est aussi douloureuse que celle de la guêpe et du frelon. Durant les deux premières phases de sa vie, il est plus timide, parce qu’il n’a pas encore acquis toute sa force ni toute sa légè- . DES INSECTES 143 reté, Il a recours alors à une ruse fort singu- lière pour ne point inquiéter ses victimes. Il se déguise si parfaitement, qu'au premier abord il est impossible de le reconnaitre; il faut être prévenu pour découvrir son men- songe. Il se recouvre de toutes les matières étrangères qu’il peut ramasser autour de lui : tantôt il fixe solidement autour de son corps de la farine, du plâtre, des balayures, des cheveux : tantôt il choisit des sciures de bois, du fil d'araignée, de la cendre : il fait arme de tout ce qui se présente à lui. Ce vêtement d'emprunt augmente quelquefois de deux tiers le volume de son corps. Ce travestisse- ment le soustrait à plusieurs dangers, et sur- tout favorise ses intérêts, en lui permettant d'approcher de sa proie sans être aperçu. Le réduve n’a pas plutôt découvert quelque pu- naise, qu'il se met en marche, avançant obli- quement par bonds et par soubresauts, comme un flocon de laine poussé par le vent. Si la punaise s'inquiète, son ennemi s'arrête, la rassure par son immobilité; puis recommence son manége, Enfin la persévérance est couron- née de succès; le réduve est à portée, d'un 144 HISTOIRE NATURELLE bond il s’élance sur sa victime, la perce de sa redoutable trompe, et suce avidement son cadavre. Du reste , le réduve , arrivé à l’état d’insecte parfait, se hâte de rejeter ce costume malpropre , désormais inutile; autant il était sale et poudreux, autant il se montre mainte- nant luisant et propre. L'espèce si remarqua- ble par ses instincts de ruse a éténommée très- justement le réduve à masque : elle est fort dE ” commune. LES CIGALES Tout le monde se rappelle avoir récité dans son enfance une des fables les plus naïves de notre bon la Fontaine, dans laquelle la cigale est taxée d’imprévoyance et de paresse, parce qu’elle n’amasse aucune provision, et qu’elle passe tout son temps à chanter. Quand, dans vos promenades champêtres, vous avez en- tendu les stridulations bruyantes de l’insecte qui nous occupe, s’il ne vous est pas arrivé de murmurer contre leur importune mono- tonie, au moins très-probablement vous au- rez passé avec indifférence, en vous rappelant DES ANSECTES 145 peut-être les vers calomniateurs de notre illus- tre fabuliste. Vous porterez un jugement moins sévère et plus impartial quand vous connai- trez quelques traits de la vie de notre petit troubadour, et que vous aurez étudié son merveilleux instrument, Dès les premiers jours nébuleux de l’automne, la cigale garde le silence, se traîne péniblement et meurt. Pouvait-elle passer mieux l’été qu’en chantant gaiement à sa manière les louanges du Créa- teur, la belle saison, la vie de la nature, sous les chauds rayons du soleil? À quoi lui eussent servi les greniers d’abondance, puisque les premiers froids la tuent? Lorsque vous aurez pu saisir quelqu'un de ces petits musiciens ailés, examinez attenti- vement toutes les pièces qui composent son instrument de musique. Vous y observerez un organe vibratoire, des cavités pour réper- cuter les sons et pour leur donner un timbre plus éclatant. En voici d’ailleurs Ja descrip- tion d'après Réaumur : Sous l’abdomen on découvre de chaque côté deux plaques écail- leuses en larges cuillerons cornés. Chacun de ces opercules recouvre une cavité qui renferme 7 146 HISTOIRE NATURELLE un miroir, une membrane plissée et une timbale. Essayons de donner une idée de la forme, de la disposition et du jeu de ces diverses pièces. La timbale est une membrane dure, sèche, élastique, convexe en dehors, tendue comme une peau de tambour, sillonnée légèrement et soutenue par des arceaux assez bien paral- lèles. Deux muscles viennent s'attacher solide- ment à cette membrane : l’un très-petit, dont la destination paraît être de tendre fortement la timbale; l'autre, très-développé, se fixe aux parois de l'abdomen, et donne insertion à un gros tendon qui va se fixer au fond de la con- cavité de la timbale. Quand l’insecte contracte ce muscle, la timbale subit aussitôt une dé- pression; s’il le relâche, au contraire, la membrane ressaute et reprend sa convexité, en vertu de l’élasticité de son tissu et des sil- lons qui le renforcent. Ce sont ces contractions et ces relâchements alternatifs et rapidement répétés par une sorte de trépidation de ce gros muscle, qui produisent ces stridulations sonores que l’on est convenu, à tort ou à rai- son, d'appeler le chant des cigales. Cependant ces ébranlements, quelque vifs DES INSECTES 147 qu’on les suppose, ne produiraient qu'un bruit peu intense, s’ils n'étaient augmentés par quelque organe répercuteur; absolument comme nous observons que cela se passe dans le violon, dont les cordes, mises en vibration sous l’archet, ne rendraient qu'un son maigre, si elles n'étaient appuyées sur une table d'harmonie. Le miroir et la membrane plissée remplissent, dans l'instrument de la cigale, le même but que la caisse sonore dans tous les instruments de musique à cordes. Quelle dis- position surprenante! Auprès de chaque timi- bale on remarque une petite ouverture en forme de stigmate, qui laisse échapper au dehors l'air mis en mouvement par la stridu- lation de l'organe. Voilà, sans contredit, un merveilleux mé- canisme, Refuser d'admettre qu'une intelli- gence ait présidé à la création, à la disposition e de toutes ces pièces, serait aussi absurde que de soutenir qu'un forte-piano ne suppose nulle invention, aucun art, et que les touches et les cordes en sont placées par hasard pour rendre un son harmonieux sous les doigts d'un musicien habile. 148 HISTOIRE NATURELLE LES PUCERONS La plupart des insectes se font remarquer par leur extrême mobilité. A les voir si vifs, si alertes, si inquiets, on serait tenté de dire que le mouvement est leur vie, que le repos est un état de souffrance. Combien de fois n'avons-nous pas admiré la merveilleuse rapi- dité, la capricieuse agitation des myriades de petits insectes qui animent la nature! Com- bien de fois notre œil n’a-t-il pas suivi, plein d’étonnement, le vol précipité, prompt comme l'éclair, des jolis papillons qui tourbillonnent dans les airs, ou des abeilles butineuses qui bourdonnent autour des fleurs”? A côté de tant de mouvement, les pucerons nous donnent le contraste dela plusprofonde inertie.Cesontdes ehémiptères presque engourdis, sédentaires, fixés pourtoute leur vie à labranche dont ilssu- cent la séve. Vousavezsouventobservéles puce- rons du rosier, verts, pâles, immobiles, pressés sur les tiges les plus tendres et les plus suc- culentes. Leur trompe, enfoncée dans l'écorce du végétal, aspire sans relâche le liquide res 0 vil DES INSECTES 149 nourricier. Rien ne saurait les distraire de leur occupation, pas même le plus grand danger. Ils paraissent insensibles, recevant avec la même indifférence les rayons d'un soleil dévorant, ou les torrents d’une pluie d’orage. En vain le lion des pucerons se promène dans leurs rangs et en fait une horrible destruction : ils n’ont souci du malheureux sort de leurs frères, jusqu’à ce que la dent meurtrière de leur ennemi les choisisse eux-mêmes pour victimes. Quoique les pucerons soient stupides et paresseux, leur histoire présente cependant quelques traits dignes d’être remarqués. Pendant toute la belle saison, ilssont vivipares. A peine éclos, le petit puceron se met à marcher aussitôt, et va se placer à la suite des membres de la famille plus âgés que lui. Il se forme ainsi des lignes parfaitement régulières qui suivent toute la longueur de la tige, à mesure que la société s'accroît. Ces files sont tellement symétriques et bien ordonnées, que l'on croirait que chaque animal occupe une place déterminée qu'il ne doit pas quitter. Quand les pucerons se développent sur les feuilles, leur manière de se grouper est tout 150 HISTOIRE NATURELLE à fait singulière : ils tournent tous leur tête vers un point antérieur, et forment ainsi une serie de bandes circulaires; chaque puceron, en naissant, a l'instinct de se placer comme ses compagnons , et jamais il ne dérange l'ordre établi. Quand le diamètre du cercle devient trop grand, les pucerons se placent les uns sur les autres ; ilse forme ainsi jusqu’à deux ou trois couches superposées. Les insectes du rang supérieur font passer leur trompe entre ceux qui les supportent, et, grâce à la lon- gueur de cet instrument, ils soutirent les sucs de la plante destinée à les nourrir. Les pucerons se multiplient avec une pro- digieuse rapidité. IL n’est guère d'animaux qui puissent nous présenter une fécondité si extraordinaire. Le célèbre Réaumur a fait, à ce sujet, des observations curieuses. Un puce- ron, dit-il, peut produire environ 90 petits; au bout de deux à trois semaines, chacun en aura produit 90 autres ; cette seconde géné- ration sera de 8,100; la troisième, par le même calcul , sera de 729,000; la quatrième, de 65,640,000 ; la cinquième présentera le chiffre effrayant de 5,904,900,000 pucerons. DES INSECTES 151 En quelques mois, quellé incroyable multipli- cation! Puisque ces insectes sucent la séve des végétaux, combien ces innombrables lé- gions vont-elles causer de dégâts dans nos jar- dins et dans nos champs! Ne craignonsrien, la Providence a tout disposé convenablement ; il existe dans toute la nature une harmonie que rien ne saurait troubler. Les espèces nuisibles servent de pâture à une grande quantité d'au- tres espèces qui mettent promptement des bornes à leur excessive multiplication. À la suite des pucerons, on est presque sûr de rencontrer une troupe de fourmis attirées par la gourmandise. Les fourmis se montrent toujours avides de miel et de matières sucrées. A l'extrémité de l'abdomen des pucerons , on observe deux petits tubes par où s'écoule continuellement une liqueur douce et miellée. C’est pour s'emparer du précieux liquide que les fourmis se mettent à la piste des pucerons. On dit même qu’elles flattent de leurs antennes leurs amis les pucerons, afin de les engager à épancher une plus grande abondance de cette manne délicieuse. Nous nous sommes montré peut-être un peu 152 HISTOIRE NATURELLE sévère en enveloppant tous les pucerons dans le même jugement : quelques espèces ne sont Pas sans une certaine industrie. Je ne citerai que l’exemple du puceron de l’orme. Il a le secret de faire pousser des excroissances assez considérables pour abriter complétement sa famille. Cette végétation contre nature donne un gite et la nourriture à tous ses habitants. La petite société, sans craindre aucun danger, peut vivre à l'aise, à l'abri du vent, de la pluie et des ardeurs du soleil. Le puceron du pommier n’est pas habile à se procurer une demeure; mais il n’est pas moins en sûreté. Il est tout recouvert d’une espèce de duvet cotonneux qui le garantit et le déguise. Si par malheur son moelleux habit éprouve quelque accident, la perte est bientôt réparée; de nouveaux flocons sortent du corps et enveloppent l'animal. En finissant l’histoire des pucerons, je ne puis m'empêcher de citer ces paroles de La- treille : « Expliquez-nous tous ces mystères avec des systèmes donnant tout au hasard, ou bien en admettant des lois sans vouloir en reconnaître le suprême ordonnateur, » DES INSECTES 153 LE CERCOPE ÉCUMEUX Nous ne saurions nous lasser de répéter que Dieu est admirable dans toutes ses œuvres, au spectacle des merveilles de la création. À mesure que l’on avance dans l’étude de l'his- toire naturelle, il semble qu’on découvre sans cesse de nouveaux horizons et de nouveaux cieux. Aux magnificences inouïes de l'organi- sation se mêlent les mille détails des instincts prodigieux des plus chétifs vermisseaux. Un savant observateur, Durgès, auteur de la Physiologie comparée, termine par ces paroles ses considérations sur l’industrie extraordi- naire des insectes : « N'est-ce pas une preuve des plus frappantes de la sagesse qui à tout dispensé dans l'univers, que de voir des es- pèces trop faibles et trop peu raisonnables pour se conserver par elles-mêmes, être préservées d’une destruction inévitable par le don de quelques prérogatives toutes spéciales, toutes restreintes au seul but de leur conser- vation, et portant néanmoins le cachet d’une 7 154 HISTOIRE NATURELLE méditation profonde , d'une appréciation lu- mineuse des effets et des causes? » Ces réflexions nous viennent à la mémoire en considérant les précautions dont la Provi- dence a daigné entourer de pauvres petits insectes dépourvus de moyens de défense. Le cercope écumeux , à l’état de larve et de nymphe, est complétement nu, exposé aux insultes des saisons et aux attaques de ses nombreux ennemis. Ajoutons à cela que cet insecte est doué de peu d'activité, et qu’il ne possède aucun moyen de se soustraire au danger. Comment pourra-t-il donc préserver ses membres délicats des ardeurs meurtrières du soleil? Comment échappera-t-il à l’œil perçant de cette multitude de petits oiseaux occupés sans relâche à chercher une nourri- ture tendre et appétissante pour leurs petits nouvellement éclos? Tout est admirablement prévu : si les périls sont grands et imminents, la défense est toute prête, défense d'autant plus surprenante qu'elle ne coûte ni soins ni efforts multipliés. Le cercope, pour sa nour- riture, suce, à l'aide d’une trompe aiguë, la séve des végétaux. Son corps est organisé de DES INSECTES 155 manière à laisser passer par les pores dont sa peau est criblée une certaine quantité du suc végétal. En quelques instants, le petit insecte est recouvert entièrement d’une espèce de matière floconneuse , semblable à ces petites vésicules produites par l’eau de savon. En voyant cette masse d’écume blanche, on ne soupçonnerait nullement la présence d’un être vivant. Le premier mouvement qu'on éprouve à la vue de cette espèce de bave, c'est un profond sentiment de dégoût. Le cercope a atteint son but; il passe tranquille- ment les deux époques les plus critiques de sa vie. Quand il a subi ses métamorphoses, il est agile; il sait se soustraire à tout accident par les bonds prodigieux qui le mettent en un clin d'œil hors de la portée de ses ennemis. LES COCHENILLES Après le ver à soie ou bombyx du mürier, la cochenille du nopal est, sans contredit, l'insecte le plus précieux pour l'industrie humaine. Il fait la richesse de plusieurs con- 156 HISTOIRE NATURELLE trées , et il a donné naissance à une branche importante d'industrie ; c'est sa dépouille qui fournit aux teinturiers et aux peintres les plus belles couleurs écarlates et cramoisies. Long- temps on employa la cochenille dans les arts sans en connaître la véritable nature : on s'imaginait que c'était une petite baie ou un fruit pulpeux. Plumier, auteur d'une histoire des plantes d'Amérique, fut le premier na- turaliste qui reconnut que c'est un insecte hémiptère. C'est principalement dans les provinces du Mexique, sur différentes espèces de cactus, que l’on recueille la cochenille. On a tenté à diverses reprises de naturaliser cet inestimable insecte dans plusieurs pays; mais jusqu'à présent on n’a réussi que fort imparfaitément. On a tout lieu d'espérer que les essais du gouvernement français dans nos possessions du nord de l’Afrique seront couronnés d'un en- tier succès. Quand on examine le mâle et la femelle de cette intéressante espèce, on est tout surpris d'abord de l'extrême différence qui les dis- tingue : l’un est ailé, et fort vif, l'autre est DES INSECTES : 157 aptère, etcondamnée à la vie la plus sédentaire. À peine les premières chaleurs de la douce saison ont-elles fait sentir leur vivifiante in- fluence sur les œufs des cochenilles, que des myriades de larves se dispersent de tous les côtés sur les expansions charnues des cactiers. Ce premier voyage est le dernier pour le plus grand nombre de ces animaux. Ils choisissent un endroit convenable pour y trouver leur nourriture, plongent leur trompe déliée sous l'écorce de la plante, et se fixent là pour toute leur vie. Dans une immobilité complète, leur corps grossit promptement, et devient bientôt semblable à une excroissance végétale. C'est alors que commence la récolte des cochenilles. Pour les détacher de la branche sur laquelle elles sont solidement cramponnées, on se sert d'un couteau à lame émoussée, que l’on passe avec précaution entre l’épiderme du végétal et leurs corps renflés. Pour empêcher.les co- chenilles de perdre de leur poids, et par con- séquent de leur valeur, on les fait périr immédiatement, soit en les plongeant dans l'eau bouillante, soit en les exposant à la chaleur élevée d’une étuve. Lorsque la saison 158 HISTOIRE NATURELLE est favorable, on peut compter sur trois récol- tes successives dans la même année. La vie si monotone de ce petit animal nous offre une des plus touchantes précautions que la Providence ait inspirées à une mère pour protéger ses petits. La cochenille n’est ni ha- bile, ni forte, ni industrieuse. Elle n’a point de soie pour filer une coque moelleuse; elle n’a point d'outils pour creuser l'écorce; elle n’a point de mouvement pour choisir un asile assuré. Admirez cet acte de dévouement ingé- nieux! Elle étend sous elle un petit lit de duvet, et dépose ses œufs entre l'écorce et son propre corps ; puis elle reste immobile sur ce dépôt précieux, meurt à la même place, et protége encore de son cadavre desséché sa chère progéniture. On distingue dans le commerce plusieurs variétés de cochenilles sous le rapport de la richesse des nuances. La cochenille jaspée, ou mestèque, est mélangée de grains rougeâtres; c'est la plus estimée et celle qu’on fait sécher à l’étuve. La cochenille noireforme une seconde variété, qui a été passée à l'eau bouillante; enfin la cochenille sylvestre, qu'on a obtenue DES INSECTES 159 sans aucune culture préalable, donne la troi- sième variété, beaucoup moins estimée que les deux précédentes. La couleur magnifique connue en peinture sous le nom de carmin n’est autre chose que le principe colorant de la cochenille combiné avec de l’alumine. Dans nos provinces méridionales. On trouve la cochenille du Kermès sur une espèce de chêne vert. Le principe colorant est plus fixe que celui de la cochenille du nopal; mais malheureusement il est terne et presque sans éclat. Enfin la laque ou gomme-laque, qui sert pour la cire à cacheter et pour faire de beaux vernis, est une matière résineuse qui exsude de quelques végétaux exotiques à la suite des piqüres d’une espèce d’insecte appartenant au genre coccus ou cochenille. NÉVROPTÈRES LES LIBELLULES OU DEMOISELLES Parmi les insectes si remarquables de l'ordre des névroptères, Les plus connus sont les libel- Jules, désignées vulgairement par le nom de demoiselles. T1 est difficile de rencontrer des formes plus gracieuses et un port plus élégant. Leur taille est svelte et dégagée, leur corsage coquettement allongé, leur corps capricieuse- ment effilé. Les couleurs les plus riches et les plus variées ornent leurs vêtements, et se ré- fléchissent à l'œil en gerbes dorées, cuivreuses, azurées, avec toutes les nuances de l'iris. Sur leur dos on voit gracieusement attachées qua- tre ailes légères, transparentes comme la gaze la plus fine, traversées de nombreuses et dé- licates nervures entre- croisées artistement comme les mailles d’un filet. A leur base se fondent en tons moelleux le jaune et le rouge, et à leur extrémité sont posées deux petites taches, comme deux perles de rosée. La tête, Pentatôme gris, — Libellule déprimée, — Éphémère vulgaire. HISTOIRE NATURELLE DES INSEOTES 163 appuyée sur le corselet, auquel elle ne tient que par un imperceptible pédicule, se trouve chargée de deux énormes yeux de couleur d'émeraude. La surface brillante de ces yeux est composée de milliers de facettes miroi- tantes, que les entomologistes ont considérées comme formant autant d’yeux parfaits et distincts , de sorte que les dix-sept mille fa- cettes de l'œil de la libellule lui assureraient une clairvoyance dont il nous.est impossible de nous faire une idée. L'abdomen, composé de longset grêles anneaux, jouit d'une extrême mobilité, et se termine par deux petits cro- chets en forme de tenailles. Rien n’égale la vivacité, la légèreté, la pé- tulance des libellules. Tantôt elles s’élancent en avant avec impétuosité, tantôt elles recu- lent précipitamment, tantôt elles se perdent dans les nues, tantôt elles glissent légèrement sur la surface des eaux , ou effleurent la ver- dure des prairies. Quelquefois elles planent au milieu des airs et demeurent immobiles comme un flocon de duvet arraché par une épine au cou d’un oiseau. Que pourrait-on comparer à la souplesse des mouvements, à la LA 164 ” HISTOIRE NATURELLE grâce des poses, à la nonchalance des allures des jolies libellules? La nature leur a prodigué ses dons et ses faveurs. L’imagination des poëtes n’a pas dédaigné de prêtersescharmes à l’histoire deslibellules; écoutonsles paroles de l’auteur de Notre-Dame de Paris : « I n'est pas, dit-il, que vous n'ayez plus d'une fois suivi de broussaille en brous- saille, au bord d'une eau vive, par un jour de soleil, quelque belle demoiselle verte où bleue, brisant son vol à angles brusques, et baisant le bout de toutes les branches. Vous vous rappelez avec quelle curiosité amoureuse votre pensée et votre regard s’attachaient à ce petit tourbillon sifflant et bourdonnant d'ailes de pourpre et d'azur, au milieu duquel flottait une forme insaisissable , voilée par la rapidité même de son mouvement. L'être aérien qui se dessinait confusément à travers ce frémisse- ment d’ailes vous paraissait chimérique , ima- ginaire, impossible à toucher, impossible à voir. Mais, lorsque enfin la demoiselle se re- posait à la pointe d’un roseau, et que vous pouviez examiner, en retenant votre souffle, les longues ailes de gaze, la longue robe d'é- DES INSECTES 165 mail, les deux globes de cristal , quel étonne- ment n'éprouviez-vous pas, et quelle peur de voir de nouveau la forme s’en aller en ombre et l'être en chimère ! » Faut-il qu’un insecte si plein de charmes dépare toutes ses belles qualités par des mœurs voraces et sanguinaires! Dans un si beau corps se trouvent des instincts de car- nage et de destruction. La libellule fait Ja chasse aux petites mouches et aux petits in- sectes brillants dont les légions innombrables bourdonnent et s’agitent autour des haies et sur les fleurs. Elle épie sa proie, elle s'élance dessus avec la rapidité d’un éclair et avec la précision d’un aigle qui fond sur sa victime du milieu des nues. Fidèle à l'élément qui la vit naître, la libel- lule ne manque pas de revenir lui confier le précieux dépôt de sa postérité. Balancée sur une large feuille de nymphæa, elle baigne dans l'onde la moitié de son corps, et y laisse tomber, sous la forme d'une grappe; les ger- mes que verra se développer et briller le prin- temps prochain. Au sortir de l'œuf, la larve de la libellule a le corps mou, allongé, vermi- 166 HISTOIRE NATURELLE forme; elle se meut lentement sur la vase des marécages, où elle cherche sa nourriture. Dans cet état si modeste et si humble, qui pourrait soupçonner le brillant insecte que nous venons d'admirer? La tête présente une organisation bien singulière : c'est un masque qui lui donne un aspect extraordinaire et re- poussant. Ce masque est composé d'une pièce principale triangulaire et de deux autres par- ties latérales, mobiles et garnies de crochets aigus et fortement recourbés, à l’aide desquels l'insecte saisit sa proie. Arrivée au terme de sa dernière métamor- phose, la nymphe sent au dedans d’elle-mème un nouvel instinct qui lui fait connaître qu’elle est appelée à une existence plus noble et plus brillante. Elle quitte l'eau et grimpe sur la tige de quelque plante aquatique, où elle se cram- ponne solidement. L'humidité qui baïgnait son corps ne tarde pas à s’évaporer. La peau se fend sur le dos, et l’insecte en sort comme d'une prison. Ébloui par les merveilles de sa vie nouvelle, encore faible et fragile, l’insecte demeure quelque temps dans une complète immobilité. Mais bientôt ses membres se for- DES INSECTES 167 tifient, ses ailes se dessèchent et s’agitent; il prend son essor. La capricieuse libellule est l'emblème des amitiés inconstantes et légères. Les qualités du cœur, plus que les charmes du corps, la vertu, plus que la beauté extérieure, sont le fondement etle nœud d’une amitié véritable, LES ÉPHÉMÈRES N'’avez-vous pas souvent observé une foule de petits insectes s'élever des marécages en colonnes pressées, et s'exercer sur leurs bords à des danses aériennes? Ce sont les éphémères. Existences frêles et fugitives, qui naissent quelque temps avant le coucher du soleil , et qui ne verront pas le lever de cet astre le lendemain. Agités par des instincts mobiles et passagers , ces insectes ne connaissent, pour ainsi dire, que la naissance et la mort : pour eux, les minutes sont des jours, et les heures se déroulent en longues années. Balancés sans cesse sur leurs ailes diaphanes, ils ont bien vite épuisé la petite goutte de vie que la nature a versée dans leur sein. 168 HISTOIRE NATURELLE Trop fidèle image de la vie humaine, les éphémères arrivent à la mort après les agita- tions de quelques instants. Cependant, par une compensation bien légitime, leur courte existence à l'état parfait a été précédée d'une vie plus obscure mais plus longue. Leurs lar- ves remplissent la vase des rivières, des lacs et des étangs. Protégées par une pierre ou par une touffe de conferves, elles prennent leurs ébats et vivent du produit de leur chasse. Malheur aux petits vermisseaux qui se trou- vent à leur portée! Ils périssent misérable- ment, et deviennent leur proie. Après avoir ainsi vécu deux à trois années, les éphémères quittent leur séjour, se dépouillent de leur enveloppe grossière, et apparaissent dans tout l'éclat de leur dernière forme. Étonnées de leur métamorphose, elles agitent peu à peu leurs ailes légères, et bientôt elles s'élancent vives et joyeuses. La taille des éphémères est élégante et bien prise. Sur leurs épaules sont fixées quatre ailes transparentes, un peu chiffonnées. Leur corps , vêtu très-modestement, présente à son extrémité deux ou trois soies fines et articu- DES INSECTES 169 lées. La tête, humblement baissée, recouvre la bouche, à peine visible; elle ne porte point d'aigrette ni de panache. Les éphémères n'excilent pas notre surprise par la somptuo- sité de leur parure; elles se recommandent à notre intérêt par la singularité de leurs habi- tudes; elles sollicitent notre sympathie par la brièveté de leur existence. C'est surtout dans les soirées d'automne que les éphémères déploient leurs innombrables phalanges sur les rives des lacs et des ruis- seaux. Le lendemain matin, leurs cadavres jonchent tristement la terre ou floitent à la surface des eaux. Il en existe une espèce si remarquable par la blancheur éclatante de ses ailes, que le moment de sa chute rappelle ces jours d'hiver où la neige tourbillonne et tombe par flocons. Si l'inconstante libellule est l'emblème de la légèreté, l'éphémère fugitive doit être con- sidérée comme le symbole de la fragilité de la vie. Puisque notre existence est si passagère ici-bas, pensons quelquefois aux lieux où brille une éternelle jeunesse. 170 HISTOIRE NATURELLE + LE FOURMI-LION Notre nature nous porte à détester les ani- maux violents, qui n’obtiennent rien que de vive force ; elle nous incline à porter le plus vif intérêt à ceux qui n’ont recours qu'aux ressources de l'instinct, de la finesse, de la ruse et du savoir-faire. Nous n’aimons pas les mœurs voraces et féroces des carabes; mais nous étudions avec charme les habitudes so- ciales et industrieuses des abeilles et des four- mis. Parmi les insectes habiles, nous devons placer le petit fourmi-lion à un rang distingué. Il n’est personne curieux des traits de l’in- stinct, j'oserais presque dire de l'intelligence des animaux , qui ne connaisse l'histoire de ce singulier insecte. A l'état parfait, le fourmi-lion présente dans sa physionomie générale beaucoup de res- semblance avec la vive et gracieuse libellule. IL s’en distingue néanmoins, malgré son air de famille, par ses antennes globuleuses, par ses ailes horizontales, et par son abdomen moins effilé. Insecte chasseur, le fourmi-lion voltige Fourmi-lion. — Sa larve, == Sa nymphe. 0 Len | 2 À ” AN J a . #. / d D } 1 | v / Aurr £ - LPS d : FRA ; } TRE de | . s : . RE « é— NE ç Li Û L DES INSECTES 173 de buisson en buisson, en quête d’une proie facile. Mais ce n’est point dans son existence aérienne qu'il nous offre des mœurs dignes de fixer notre attention, c'est pendant la pre- mière période de sa vie, à l’état de larve. L'œil le plus fin, s'il n'était prévenu, ne découvrirait jamais, ne soupçonnerait même pas le léger et mobile fourmi-lion dans sa larve courte et disgracieuse. Sa tête porte deux longues mandibulesenforme de crochets ; son corselet est très-court, son abdomen coni- que et assez renflé. Pour comble d'infortune, cette pauvre larve, d’une figure si peu at- trayante, est forcée de marcher à reculons. Pourtant elle doit vivre de proie. Comment pourra-t-elle atteindre les animaux qui doi- vent faire sa nourriture? Le chasseur le plus agile n’est jamais sûr de voir sa table bien servie | IL y a un proverbe bien connu qui dit : Quand on n’est pas le plus fort, il faut être le plus fin. Le fourmi-lion le sait sans doute; car il emploie les procédés lex plus ingénieux, pour tendre un piége aux imprudents, pour se pro- curer des provisions abondantes. 174 HISTOIRE NATURELLE Sur un sol sablonneux, fin , sec, aride, ex- posé au soleil, mais protégé contre le vent et surtout contre la pluie, à l'abri d’un vieux tronc, d’une grosse racine qui sort de terre en se tordant comme un serpent, d’un mur en ruines, vous avez sans doute observéde petites cavités bien proprettes, bien creusées en forme d’entonnoir. Vous avez beau regarder au fond du précipice, votre œil n’aperçoit rien; le fourmi-lion s’y trouve cependant, mais il est soigneusement caché. Blotti dans son trrier, il attend patiemment que quelque étourdi vienne rouler dans l’abime. Que de fatigues, que de travaux il lui a fallu pour creuser cetteexcavation admirable ! Le fourmi- lion, après avoir tracé plusieurs sillons dans tous les sens, comme pour explorer le terrain le plus convenable, s'enfonce légèrement sous le sable, et, se servant de ses cornes en guise de pelle, il lance au loin les déblais de la ca- vité qu'il se creuse. Il travaille avec activité ; le sable est jeté en haut avec une force sur- prenante, et tombe sans cesse tout autour comme une pluie fine. Mais le travail a cessé subitement : quelle est la cause de cette inter- DES INSECTES 175 ruption? C'estune petite pierre, rocher énorme pour notre mineur, qui se trouve trop pesante pour être rejetée d’un seul coup de tête. Com- ment se tirer de ce pas difficile? le cas est embarrassant. IL saura bien vaincre cet ob- stacle par le moyen qui fait tout surmonter : par le courage et par le travail. Le fourmi- lion ne balance pas un instant; il parvient, souvent après des efforts incroyables, à placer le corps étranger sur son dos; il se met intré- pidement à gravir le talus, pour le déposer au dehors, L'équilibre cest difiicile à garder; par- fois la pierre trébuche et roule au fond du trou. Nouveau Sisyphe, le fourmi-lion se re- met à la besogne et recommence sa périlleuse opération. Enfin le succès couronne ses persé- vérants efforls, il est arrivé sans encombre jusqu'au bord de sa cavité, et se débarrasse joyeusement de son fardeau. Maintenant voilà tout préparé. Le fourmi- lion se tient aux aguets. Quelque malheureuse fourmi du voisinage vient-elle en rôdant in- considérément sur les bords de l’abime, le sol mobile trahit ses pas, elle roule ; elle cherche en vain à se cramponner, elle tombe entre les 176 HISTOIRE NATURELLE mandibules aiguës qui s'ouvrent pour la dévo- rer. Essaie-t-elle à échapper à son funeste sort, c'est inutilement, une grêle de petits grains de sable l'étourdit et l'abat. Le cadavre dessé- ché est ensuite repoussé au loin pour ne point faire soupçonner la retraite d’un ennemi. Après un temps plus ou moins long, suivant que la chasse a été plus ou moins heureuse, le fourmi-lion se livre à des mouvements désor- donnés. 11 laboure dans toutes les directions le sol qui lui a prêté asile, et, quand il paraît épuisé de fatigue, il commence à filer une pe- tite coque de soie. Son travail est rapide : on dirait qu'il a hâte de terminer. Quelques fils lâches et gluants se couvrent d’une fine pous- sière, destinée à confondre le tissu avec la terre environvante ; peu à peu la texture de- vient plus serrée , et constitue un moelleux lit de repos, dans lequel la nymphe va passer son sommeil de transformation. Plusieurs hommes pourraient aller s’in- struire auprès du petit fourmi-lion, si patient et si laborieux. Ils y trouveraient sûrement encore une belle occasion d'admirer et de louer Dieu dans ses œuvres. DES INSECTES AT LES TERMITES Pendant longtemps les voyageurs désignè- rent les termites sous le nom de fourmis blan- ches. Ce n’est pourtant pas qu'il y ait dans leur physionomie le moindre trait de ressem- blance, mais c’est qu'ils partagent l’activité laborieuse de nos insectes travailleurs. Les termites africains composent des peuplades de guerriers et d'architectes, dont les expédi- tions sont redoutables aux hommes mêmes, dont l’industrie surpasse peut-être celle des guêpes, des sphéges, des abeilles et des castors. Chaque république, formée d'une popula- tion immense, présente trois ordres de ci- toyens : les ouvriers, munis de mâchoires propres à ronger et à retenir les corps; les soldats, pourvus d’une grosse tête et de redou- tables mandibules terminées en pointe ai- guë ; enfin les chefs, chargés de pourvoir aux besoins de la société et de communiquer tous les ordres nécessaires à la sûreté commune. Mieux organisée que nos gouvernements, cette petitenation nous offre le spectacle d'une g* 178 HISTOIRE NATURELLE société parfaite. La subordination est admi- rable, la paix profonde, Chaque individu est content de sa position sociale, parce que cha- cun doit passer successivement par tous les degrés de la hiérarchie, à mesure qu’il subira de nouvelles métamorphoses. Les larves sont condamnées à la plus rude besogne; après leur première transformation, devenues nym- phes, elles entrent dans le corps des soldats et veillent à la police publique; enfin elles sont arrivées à leur forme parfaite, elles font de droit partie de l'état-major général, elles prennent place parmi les chefs. Quelle consti- tution digne d'envie! Les termès ouvriers sont chargés de con- struire l'habitation commune : ils doivent l’entretenir dans un bon état. Gette habitation ressemble ordinairement à un petit monticule de gravier fin, matière par elle-même peu solide, mais qu'ils ont le secret d’affermir en réunissant les moindres parcelles avec une bave visqueuse très-tenace. Le toit hospitalier s'élève quelquefois à une hauteur de trois à quatre mètres : édifice d’un travail prodigieux pour un animal dont la taille ne dépasse pas DES INSECTES 179 quatre à six millimètres. Les monticules ont tantôt la forme d’un pain de sucre, tantôt la forme plus élégante d'une voûte circulaire ou d’un dôme; d’autres fois ces nids sont sphéri- ques et bâtis dans des arbres à une hauteur de plus de vingt mètres. Ces derniers, de la grosseur d’un baril, sont composés de par- celles de bois, de gomme et de sucs d’arbre, dont ces insectes savent former une sorte de pâte qui se durcit au soleil. Ceux qui sont bâtis en terre ressemblent de loin aux huttes grou- pées d’un village. L’extérieur est souvent re- couvert de gazon ; il est assez solide pour ré- sister à toutes les injures des saisons, aux plus violents orages des tropiques, aux atta- ques des ennemis : on a dit que les taureaux sauvages pouvaient monter dessus sans les ébranler. L'intérieur de la cité est un vrai labyrinthe, recélant mille compartiments, mille détours ténébreux. Au milieu est un logement spa- cieux : c'est le palais de la reine. Tout autour s'étendent en longues galeries d'innombrables cellules pour loger les œufs et pour servir de magasin : on y place en abondance des provi- 180 HISTOIRE NATURELLE sions de gomme ou jus épaissi des plantes. Dans ces rues sinueuses, au milieu de ce dédale compliqué, des millions de termites, toujours placés à la file, se retrouvent, se communi- quent, s'entendent parfaitement et prompte- ment, pour tous les travaux. Le termès fatal a été bien nommé, à cause des dégâts qu’il occasionne dans les habitations de l'homme. Les désastres dont il est l’auteur sont d'autant plus à redouter qu'on ne peut ni les prévoir, ni même les soupçonner. Ces insectes malfaisants, réunis par bandes, pas- sent sous terre, dans de longs boyaux qu'ils creusent comme des mineurs; ils parviennent ainsi sous les fondements des bâtiments, et attaquent les potéaux et les poutres qui les soutiennent. Le mal sera bientôt irremédiable. Avec leurs mâchoires tranchantes comme des ciseaux , les termès rongent promptement les pièces de bois les plus intactes et les plus saines ; ils n’attaquent que l'intérieur et se gardent bien d'entamer Île plus légèrement l'écorce extérieure. 11 résulte de ces dévasta- tions, continuées longtemps, que la poutre la plus solide en apparence ne conserve plus "+ 1 DES INSECTES 181 qu'une mince épaisseur facile à rompre au premier choc. Les charpentes principales étant ainsi sourdement minées, il arrivera qu’au premier souffle d’une tempête tout l'é- difice s'écroulera d’une manière subite. Ces insectes, dignes de toutes sortes d’impréca- tions, qui aiment à détruire les ouvrages de l’homme , se défendent avec une extrême opi- niâtreté quand on les attaque. Lorsqu'on fait une brèche à leur maison , tous les soldats se précipitent à l'ouverture, s’élancent sur l’a- gresseur, et, s'ils peuvent l’atteindre, ils le percent de leurs longues mandibules , sans vouloir lâcher prise. Leur morsure est pro- fonde et cruelle. Ils ne rentrent dans leur habitation que lorsqu'ils croient tout danger passé. Heureusement les termès ont une foule d'ennemis qui en détruisent chaque jour un très-grand nombre. Parvenus à l'état parfait, ces insectes si vifs, si fiers, si belliqueux, si intraitables, se laissent surprendre, pour ainsi dire, sans résistance par les animaux qui leur font la guerre pour s’en nourrir. Les termès voyageurs, plus rares et plus 182 HISTOIRE NATURELLE grands que les termès belliqueux, ont des mœurs aussi intéressantes que ceux dont nous venons de parler. Smeathman, naturaliste an- glais, décrit ainsi une de leurs expéditions : « J'entendis un jour, dans une épaisse forêt, un sifflement prolongé, chose alarmante dans ce pays, où il y a beaucoup de serpents. Le bruit me conduisit à quelques pas du sentier, et je vis avec autant de plaisir que de surprise une armée de termès sortant d'un trou creusé dans la terre, et avançant avec toute la vitesse dont ils étaient capables. À moins de trois pieds de cet endroit, ils se divisèrent en deux corps ou colonnes composées principalement d'ouvriers. Ils étaient douze à quinze de front, et marchaient aussi serrés qu’un (rou- peau de moutons, traçant une ligne droite sans s’écarter d'aucun côté, On voyait çà et là, parmi eux, un soldat trottant de la même ma- nière sans s'arrêter ni se tourner; et comme il paraissait porter avec difficulté son énorme tête, je me figurais un très-gros bœuf au mi- lieu d’un troupeau de brebis. Tandis qu'ils poursuivaient leur route, un grand nombre de soldats étaient répandus de part et d'autre DES INSECTES 183 de la ligne, quelques-uns jusqu’à un pied de distance, postés en sentinelles, ou rôdant comme des patrouilles, pour veiller à ce qu'il ne vint point d’ennemis contre les ouvriers; mais la circonstance la plus extraordinaire de cette démarche, c'était la conduite de quel- ques autres soldats, qui, montant sur les plantes qui croissent çà et là dans le fond du bois, se plaçaient sur la pointe des feuilles, à douze à quinze pouces du sol, et restaient suspendus au-dessus de l’armée en marche. De temps en temps, l’un ou l’autre battait de ses pieds sur la feuille, et faisait le même bruit ou cliquetis que j'avais observé de la part du soldat qui fait l'office d’inspecteur, lorsque les ouvriers travaillent à réparer une brèche dans l'édifice des termès belliqueux. Ce signal, chez les termès voyageurs, produisait un prompt effet; l'armée entière répondait par un sifflement et obéissait à l'ordre en doublant le pas avec la plus grande ardeur. Les soldats qui s'étaient perchés et qui donnaient ce si- gnal demeuraient tranquilles sur la feuille. Ils tournaient seulement un peu la tête de temps en temps, et semblaient aussi attachés à leur Ne 12 [A 184 HISTOIRE NATURELLE poste que des sentinelles de troupes réglées. Les deux colonnes de l'armée se rejoignirent à environ douze à quinze pas de leur sépara- tion, n'ayant jamais été à plus de neuf pieds de distance l’une de l’autre, et ensuite descen- dirent dans la terre par deux ou:trois trous. Elles reprirent leur marche, et continuèrent de s’avancer sous mes yeux pendant plus d'une heure que je passai à les admirer, et ne sem- blèrent ni augmenter ni diminuer en nombre, à l'exception des soldats, qui quittaient la ligne de marche, et se plaçaient à différentes distances, de chaque côté des deux colonnes; car ils me parurent à la fin beaucoup plus nombreux. LES PHRYGANES Nous ne pouvons nous lasser d'admirer la prévoyante bonté de la Providence, en étu- diant l’aimable science de l’entomologie. Quel est le petit insecte qui n’a pas reçu ses dons particuliers de la main créatrice ? La phrygane a été traitée avec faveur; elle est habile et DES INSECTES 185 rusée, À l’état parfait, elle ressemble assez à un de ces lépidoptères nocturnes qui vien- nent inconsidérément voltiger, la nuit, autour des flambeaux. Elle enveloppe ses œufs d'une matière gélatineuse, et les attache aux feuilles ou aux tiges des plantes aquatiques. Il en naît une larve qui se développe dans l'eau des ma- rais, des étangs, des ruisseaux. Couverte d’une peau fine et délicate, cette pauvre larve va devenir la proie des poissons ou des oiseaux aquatiques, qui en sont très-friands.Quoique dénuée de ressources pour échapper par la fuite, ou pour résister par la force, elle sait pourtant déjouer toutes leurs attaques par les secrets d’un art admirable. À peine échappée de son berceau, elle fabrique un petit fourreau de soie, qu’elle recouvre de différentes ma- tières pour le fortifier ; c’est là qu’elle brave les poursuites de ses ennemis. La phrygane se couvre de petits fragments de bois, de gra- viers , de débris de feuilles, et même de pe- tites coquilles encore occupées par leurs habi- tants. Partout elle transporte avec elle sa mai- sonnette, d’où elle ne fait sortir que l'extré- mitéantérieure deson corpsquandelle marche. 186 HISTOIRE NATURELLE Les larves des phryganes, en revêtant leur fourreau de matériaux divers, dont l’assem- blage constitue un accoutrement si étrange, n’ont pas seulement pour but de lui donner plus de solidité, mais aussi de le lester plus convenablement, afin de pouvoir se diriger dans l’eau. Ce lest donne au fourreau une pe- santeur à peu près égale à celle du fluide où il flotte, et l'y maintient en équilibre. La seconde phase de l'existence de la phry- gane est exposée à autant de dangers que la première. Pendant le temps de sa vie de nymphe, elle a grand besoin de son étui pour se protéger : plongée dans un état de profonde léthargie, elle ne saurait en nulle façon éviter la dent meurtrière des animaux qui cherchent à la dévorer. Avant de s’endormir de son som- meil de transformation , elle a soin de fermer chaque extrémité de sa cellule avec une espèce de grillage solide et serré, composé de cor- dons de soie croisés. Les mailles en sont assez rapprochées pour qu'aucun insecte n’y puisse avoir accès, et assez écartées pour donner passage à l'eau, qui lui est nécessaire pour la respiration. DES INSECTES 187 La nymphe s’éveille pour revêtir sa der- nière forme. Elle brise la cloison qui la rete- nait captive, en la protégeant , et elle s’élance pleine d'inquiétude sur la tige la plus voisine. Bientôt sa peau se dessèche, se boursoufle, se déchire sur le dos et prête passage à la phry- gane. Les ailes se dégagent , s'étendent, s'a- gitent, les antennes se déroulent, les pattes quittent leur enveloppe : en moins de deux minutes la métamorphose est opérée, la phry- gane s'envole, et devient léger habitant de l'air. HYMÉNOPTÈRES LES HYLOTOMES Quand on étudie l’histoire naturelle des in- sectes, on est frappé à chaque instant des pré- cautions infinies que ces petits animaux savent prendre pour protéger efficacement leurs œufs et les larves qui doivent en sortir. C'est un ensemble de combinaisons prudentes, de tra- vaux assidus, d'opérations prévoyantes, de tentatives pleines de finesse, de stratagèmes industrieux, qui surprend notre admiration. Les hylotomes se font remarquer, entre tous les autres, par leur organisation et par leur talent. Ils portent à l'extrémité de l’ab- domen une petite scie finement dentée, qui leur sert à entailler l'écorce des végétaux , afin d'y placer convenablement leurs œufs. Cette scie est accompagnée de plusieurs lames bien aiguisées qui facilitent son action, et qui HISTOIRE NATURELLE DES INSECTES 189 aident encore à conduire l'œuf dans la fente nouvellement pratiquée. Quand on examine soigneusement au miscroscope ces outils si délicats, si fins, si luisants, si polis, c'est à peine si l’on ose établir une comparaison entre les œuvres de Dieu et les produits dont notre industrie est si orgueilleuse. Que sont nos scies grossières à côté de ces instruments presque imperceptibles, dont toutes les den- telures sont parfaitement taillées, très-régu- lièrement espacées, si ténues, que l'œil étonné ne les contemple qu'avec une vive surprise ? Placez un petite aiguille, la plus fine que nos arts perfectionnés puissent produire, auprès d'une des lames de l'hylotome, et vous com- parerez la première à une grossière barre de fer, tandis que l’autre vous paraîtra lisse, brillante, d'une exquise propreté, d’une élé- gance admirable. Il y a ici toute la différence de la perfection aux informes ébauches d'un art impuissant, Pour bien connaître l'emploi de ces magni- fiques instruments, suivons dans son travail l’hylotome du rosier, espèce commune, assez peu farouche pour se laisser approcher et ob- 190 HISTOIRE NATURELLE server sans inquiétude. L’insecte voltige lour- dement avec ses quatre ailes chiffonnées ; il ressemble, au premier aspect, autant à une mouche qu'à un hyménoptère. Il choisit sa- gement une branche d’églantier, verte et tendre, pour trouver moins de résistance à ses efforts. Il se cramponne solidement à l’aide de ses pattes postérieures, munies de crochets recourbés, et il se place la tête en bas pour faire jouer son outil plus commodé- ment. Aussitôt il déploie sa petite scie, et il fait une entaille très-promptement par un mouvement rapide. L’hylotome laisse couler immédiatement dans la blessure du végétal une petite gouttelette d’une liqueur corrosive qui attaque assez fortement l'écorce pour y faire naître immédiatement plusieurs petites bulles : ce liquide vénéneux est destiné à brüler les deux bords de la plaie pour empé- cher leur réunion, et aussi pour arrêter l’é- panchement de la séve. En retirant son instru- ment, l’insecte laisse tomber un petit œuf qui doit trouver à cet endroit asile et même nour- riture, puisque, baigné par les sucs végétaux, il augmente de volume avant d’éclore. Jchngumon manifestateur, — Cynips du Bédéguar. — Sphége. DES INSECTES 193 Bientôt Les larves de l'hylotome s’échappent deleur berceau, et se répandent sur le rosier, dont elles dévorent les feuilles. Elles sont vo- races, gloutonnes, d’une avidité insatiable. Elles atteignent promptement leur dévelop- pement complet, et s'apprêtent à subir leur métamorphose. Elles quittent l’arbuste qui les a nourries, et s’enfoncent en terre, où elles se filent avec soin une jolie coquedesoie, pour y passer à l'aise et en sûreté le temps de leur transformation. LES ICHNEUMONS Commençons l’histoire des ichneumons en esquissant légèrement leur portrait. Ce sont des hyménoptères d'une taille élégante et bien prise , de forme allongée , d’un aspect agréa- ble, d’un extérieur avenant. Il faut être bien craintif pour se défier de ces animaux pacifi- ques et inoffensifs. Leur corselet arrondi porte quatre ailes membraneuses, transparentes, inégales. L'abdomen est lisse, brillant, orné de couleurs vives et variées ; il porte à son extré- mité trois longs filets, en forme d’épées , dont nous connaîtrons bientôt l’usage. La tête est 9 CT COS CON 194 HISTOIRE NATURELLE , réunie au corselet par un pédicule très-mince ; elle est ornée de deux antennes gracieusement roulées, et presque toujours en mouvement. Les ichneumons ne demeurent jamais oi- sifs; on les voit sans cesse rôder de tous côtés. A leur agitation, à leur inquiétude, on juge aisément qu'ils sont préoccupés et qu'ils sont en quête de quelque objet. Que cherchent- ils donc avec tant d’ardeur? L'étude de leurs mœurs va nous l’apprendre. A l’état de larves, les ichneumons vivent en parasites dans l’in- térieur du corps de pauvres animaux qu'ils rongent tout vivants. Ils vont sans cesse à la poursuite de quelque gros insecte à peau molle, pour le percer de coups d'épée, et lais- ser dans son corps plusieurs œufs, qui s’y dé- velopperont à ses dépens. C’est le plus sou- vent aux chenilles rases que les ichneumons confientleur fatal dépôt. À peine ont-ilsaperçu leur victime qu'ils fondent dessus avec impé- tuosité, Ils la criblent de blessures et placent dans chaque plaie un petit œuf qu'ils introdui- sent à l’aide de l’oviducte. La malheureuse chenille, étourdie par uneattaque si imprévue, a beau se débattre et se tordre sur elle-même, DES INSECTES 195 elle n’est abandonnée que quand elle à reçu quarante à cinquante coups, et autant d’en- nemis dans le corps. Elle tombe comme épui- sée et comme désespérée, mais bientôt les douleurs cessent et les plaies se cicatrisent; elle reprend ses anciennes habitudes, mange avec son appétit ordinaire, sans se douter qu’elle porte dans son sein un germe de mort. À peine écloses, les petites larvesdévorent la chenille; mais, par un instinct étonnant, elles ne s'attaquent qu'aux parties accessoires, sans jamais attaquer les organes essentiels à la vie. Elles mangent seulement la graisse que la chenille mettait en réserve pour le temps de ses métamorphoses, et ces adroits parasites se gardent bien de toucher aux sources qui produisent la nourriture de l'animal, nourri- ture d’ailleurs qui tournera tout entière à leur profit. Quand elles ont acquis tout leur déve- loppement, elles percent la peau de l’infortu- née chenille, sortent toutes à la fois et se fi- lent une petite coque de soie, pour y subir leur dernière transformation. Bientôt la che- nille qui les a nourries s'agite et meurt dans des convulsions, 196 HISTOIRE NATURELLE Une petite espèce d’ichneumon se développe dans le corps des pucerons. Elle ronge leurs or- ganes intérieurs avec tant d'adresse, qu'elle se sért de leur peau pour se faire un abri pendant le temps de sa métamorphose; elle s'éviteainsi la peine de fabriquer une enveloppe de soie. LES CYNIPS Les cynips sont de petits hyménoptères fort remarquables par leur industrie. Avant d’é- tudier leur savoir-faire, examinons leur phy- sionomie et faisons leur signalement. Les cynips ont le dos bossu, la tête fortement in- clinée en avant, le corselet globuleux , l’abdo- men renflé et joint au thorax par un pédicule grêle et court. Les quatre ailes, membra- neuses , traversées de délicates nervures, sont assez grandes, diaphanes, élégantes et lus- trées. Quoique disgracié de la nature dans plusieurs parties de son corps, le cynips pos- sède des instincts admirables et un instrument merveilleux. C'est par là qu’il est pour nous plus intéressant qu'une foule d'autres insectes seulement remarquables par la beauté de leur EL DES INSECTES 197 babit. A l'extrémité de son abdomen se trouve une espèce de tarière, roulée en spirale à sa base comme un tire-bouchon; cet instrument, extrêmement mince et faible, est soutenu par . deux lames plus solides, à l'aide desquelles le cynips le dirige aussi bien que le meilleur ou- vrier pourrait diriger son outil. Il sert à en- tamer l'écorce des végétaux , et en mêmetemps à conduire un petit œuf dans l'ouverture qu'il vient de faire. L'insecte, tout en opérant avec sa tarière, distille uneliqueur douée d'une vertu particulière, si l'on en juge par les phénomènes qui ne tardent point à se manifester dans la plante. La séve afflue avec abondance à l'en- droit blessé, cause bientôt une véritable tu- meur, de forme et de dimension variables. Ces excroissances singulières , appelées galles, se développent très-promptement, etdiffèrent dans presque tous les végétaux. Les galles sont fixées presque indifférem- ment à toutes les parties du végétal. On en voit sur les feuilles à leur surface supérieure et inférieure ; on en voit sur les fleurs et quel- quefvis jusque dans leur corolle. L'arbre de nos climats qui nourrit peut-être le plus d’in- 198 HISTOIRE NATURELLE sectes, le chêne, ce roi de nos forêts, est piqué surtoutesses partiespar desespèces différentes, et l’on peut trouver plus de vingt galles qui ont chacune leur forme particulière. Ces galles res- semblent parfois à des fruits non-seulement par la forme, mais encore par la fraîcheur et par la coloration; on dirait tantôt une cerise ronde et vermeille collée sur une feuille de chêne; tantôt une grappe de groseilles sus- pendue, par un phénomène étrange, aux branches d'un arbre étonné de porter de pa- reils fruits qu’il n’était pas destiné à connai- tre; là vous diriez une tête d’artichaut arrê- tée dans sa croissance, un champignon, un bouton de fleur. Ces végétations contre na- ture ont été observées depuis longtemps, et l’industrie humaine a su tirer parti de quel- ques-unes pour son avantage. La galle de l’yeuse ou chêne vert, arbuste commun dans l'Asie, aux environs d'Alep, sert en médecine et dans les arts. Quoiqu’on ait attribué à cer- taines galles des vertus imaginaires qu’elles ne possèdent pas, il est juste de reconnaître que quelques espèces sont fort utiles, et l’on pourrait soupçonner avec fondement que d’au- DES INSECTES 199 tres, jusqu'à présent négligées , pourraient procurer des avantages. La galle de l’églantier, grosse pelote mousseuse ou chevelue, connue anciennement sous le nom barbare de bédé- guar, a beaucoup perdu de sa réputation : pen- dant de longues années on lui avait attribué, à tort ou à raison , des propriétés merveilleuses dans la cure de nombreuses maladies. Dans l'intérieur des galles, de quelque na- ture qu'elles soient, les larves trouvent un asile et des provisions. Elles sont logées très- commodément, comme le rat du bon la Fon- taine, qui demeurait dans un fromage de Hol- lande. Les murailles de leur maison servent à les protéger et à les nourrir. Dès que les larves bien repues ont cessé de manger pour se transformer en nymphes, la galle, qui les a défendues contre les injures de l'air et con- tre les attaques de leurs ennemis, se durcit beaucoup pour leur prêter un abri plus sûr encore pendant le temps de leur sommeil lé- thargique , qui dure quelquefois une saison entière. Les cynips passent ainsi l'hiver, sans avoir rien à redouter du froid et de la faim ; et quand la belle saison vient consoler la na- 200 HISTOIRE NATURELLE ture, ils percent leurs maisons pour aller vol- tiger et prendre leurs ébats. LES SPHÉGES Les premières chaleurs du printemps ont éveillé la nature engourdie par les rigueurs de l'hiver : les fleurs élèvent leurs tiges déli- cates etépanouissent leurs corolles parfumées. Les premières chaleurs du printemps ont en- core animé une multitude innombrable de pe- tits insectes qui s’en vont tournoyant dans les airs, bourdonnant dans les bois, bruissant dans les herbes, butinant sur les fleurs, guer- royant sur les sables. Leurs légions vives, alertes, folâtres, volent, sifflent, murmu- rent, grondent, crient, chantent, et par leurs mouvementscapricieux, parleursébatsjoyeux, donuent de la vie aux plantes, par l'éclat de leur parure embellissent les fleurs elles-mêmes. Pendant les beaux jours, il vous est sans doute arrivé quelquefois de diriger vos pas dans des lieux sablonneux exposés aux rayons d’un soleil ardent. Vous avez été étonné de trouver le désert peuplé d’une infinité d’in- DES INSECTES 201 sectes brillants voltigeant avec vivacité, cou- rant avec agilité, allaht, sautillant, s’agitant avec une ardeur admirable. Quelques-uns se cachent dans de petits souterrains qui leur servent d'habitation ; quelques autres parais- sent prendre plaisir à errer de tous côtés ; d’au- tres, moins pacifiques, semblent poursuivre leurs semblables et leur faire la guerre. Quelle agitation! quelle mobilité! quelle surabon- dance de vie! Arrêtons-nous à examiner ce curieux in- secte au corselet allongé et velu, à l'abdomen séparé du thorax par un long et grêle pédi- cule. Ses antennes sont toujours vacillantes, ses quatre ailes membraneuses tremblent sans cesse : on les dirait agitées d’un mouvement convulsif. C'est le sphége du sable ; il se livre à un violent exercice, et creuse une cavité pour y loger sa progéniture. Il travaille avec tant d'ardeur qu'il fait voltiger autour de lui un nuage de poussière ; les grains de sable les plus volumineux sont traînés avec courage en dehors de la galerie; enfin la persévérance est couronnée du succès : la maisonnette est complétement terminée. Elle est propre, spa- 9 202 HISTOIRE NATURELLE cieuse, très-convenable. Le sphége y dépose un œuf, et s’empresse d’aller chercher des pro- visions pour la jeune larve qui doit prochai- nement éclore. Le sphége, instruit par un instinct que nous ne saurions trop admirer, change ses mœurs et ses habitudes. Il est généralement d’hu- meur tranquille ét débonnaire, s’en allant paisiblement sucer le nectar des fleurs, man- ger le pollen autour de leurs étamines dorées. 11 connaît les besoins de la larve, il sait qu’elle doit se nourrir de substances animales. Tout à coup il est devenu un animal dur, fa- rouche, belliqueux. Il s’élance dans la cam- pagne à la poursuite des insectes qui doivent devenir sa proie. Par une sage prévoyance, il ne s'attache qu’à des insectes mous et pouvant fournir une nourriture facile et abondante. Malheur aux larves pleines d’embonpoint et aux chenilles dodues! Le sphége tombe dans un nid de chenilles processionnaires , et les enlève les unes après les autres. Au moment où il les saisit, il les perce avec l’aiguillon dont son abdomen est armé, il verse dans la plaie une gouttelette d’un liquide vénéneux Lt nd h DES INSECTES 203 qui a la propriété de paralyser les mouve- ments sans ôter la vie. Les infortunées che- nilles, ainsi blessées, sont placées les unes à côté des autres comme une provision de chair fraîche, pour servir successivement de pà- ture à la larve vorace du sphége. Cette larve, en effet, ne tarde pas à briser la coquille de l’œuf; elle se jette avidement sur la nourri- ture placée à sa portée, et s’en repait jusqu'à ce qu’elle soit assez développée pour se chan- ger en nymphe. Comment la provision s’est- elle trouvée précisément dans la quantité né- cessaire pour amener le jeune insecte à un complet développement? Rien ne manque, rien n’est superflu, tant l'instinct que le Créateur a donné à ces petits êtres est un infaillible guide! Le sphège commun s'attache de préférence aux grosses araignées férocés : il leur livre des combats terribles où il remporte toujours la victoire. Dès qu'il aperçoit une toile bien tendue pour arrêter au passage quelque im- prudent moucheron, il se précipite courageu- sement sur la loge de l’araignée perverse. Il déchire la toile; il frappe sa victime d'un coup de poignard; il la saisit et l'emporte 204 HISTOIRE NATURELLE malgré sa résistance. Les pattes de l’araignée tombent coupées par les redoutables pinces de son impitoyable adversaire. Le hideux animal va ex pier dans lestortures les maux qu'il a faits aux malheureux qui sont tombés dans ses filets. re LES FOURMIS 5 L’Écriture sainte, dans le livre de la Sa- gesse, renvoie les paresseux à la fourmi. Quel insecte, en effet, pourrait nous offrir un plus frappant modèle de persévérance, d'activité, de courage, d'ordre, d'union? C'est unedes plus louables fins que nous puis- sions nous proposer dans l'étude des diverses productions de la nature, que de chercher, outre les sujets d’admiration et de reconnais- sance envers le divin auteur de tout ce qui existe, des exemples de travail, d'obéissance, de soumission, et même d'ingénieuse industrie, de prévoyante économie, propres à nous four- nir d’utiles leçons. L'uuivers devient ainsi un grand livre ouvert à nos yeux, où nous pou- vons trouver de continuelles instructions et pour notre esprit et pour notre cœur. Ke DES INSECTES 205 L'histoire des fourmis, déjà célèbre , est devenue plus intéressante encore, dans ces derniers temps, par les curieuses expériences des naturalistes modernes. Nous y trouvons non-seulement des talents d'architecture très- prononcés, mais encore des mœurs et des ha- bitudes dignes d’arrêter toute notreattention. La république des fourmis est régie par des lois admirables, par une constitution sage- ment ordonnée; elle nous présente des for- mes usitées chez plusieurs peuples civilisés. Nous voyons ici des peuples pasteurs, là des peuplades guerrières , ici des races sédentai- res, plus loin des tribus errantes et nomades, comme les Arabes du désert. Il n’est personne sans doute qui ne soit curieux de faire un voyage dans la république des fourmis. Nous aurons un vif plaisir à les accompagner, à les guider, à leur servir de ci- cerone. Le petit monde des insectes est en- core bien nouveau; peu d'hommes, jusqu'à présent, y ont entrepris des voyages d’explo- ration : et pourtant rien n’est plus facile ni plus amusant que ces agréables expéditions ; une tige , une feuille, un brin d'herbe , nous 206 HISTOIRE NATURELLE offrent une contrée peuplée par plusieurs pe- tites nations de mœurs et de coutumes variées; les endroits secs et sablonneux , le bord des eaux, la lisière des bois, la verdure des prai- ries, les jolies fleurs des champs, quels beaux et charmants pays à parcourir et à visiter! Commençons notre voyage chez la nation des fourmis en examinant leurs constructions et leurs monuments d'architecture. Quels sont ces dômes élevés dont la gracieuse cou- pole s’arrondit et monte au milieu des forêts? Avançons et étudions les détails de l'édifice. Tout l'extérieur est recouvert de petits frag- ments de bois formant la toiture et s’inclinant vers le sol par une pente rapide pour faciliter l'écoulement des eaux pluviales. Tout est bién ménagé pour que l'inondation ne puisse pas pénétrer jusque dans l’intérieur de l’habita- tion. Vous voyez sur les côtés ces petites ou- vertures irrégulières, ce sont les portes de la ville. Aujourd’hui elles sont ouvertes parce que le ciel est serein et la température chaude : si le temps était triste et pluvieux , elles se- raient exactement closes, et même, par crainte de surprise, soigneusement barricadées. DES INSECTES 207 Nous voilà maintenantsous la voûte dudôme. On descend dans l’intérieur de la ville par des avenues circulaires disposées en formes de pé- ristyles en spirale. Suivons la route battue et pénétrons plus avant. Quelle admirable symé- trie ! quelles dispositions surprenantes! En quel endroit sommes-nous arrivés? — Nous nous trouvons au centre de l'habitation , au milieu d'une place ‘publique, dont le plafond est sou- tenu par de nombreux piliers, Une foulede rues viennent aboutir à cette place publique, comme des rayons à un point central. Ce vaste carre- four était nécessaire pour la libre circulation. C’est d'ailleurs un forum où les fourmis se ras- semblent souvent, probablement pour délibé- rer sur les affaires de l'État. Nous pouvons nous diriger au hasard par quelqu'une des rues que nous apercevons en si grand nombre. Voyez-vous ces petites mai- sons bien alignées, bien gentilles et bien pro- prettes? C'est là le domicile particulier des citoyens. Remarquez-vous, un peu plus loin, ces cases si régulières et ces longues galeries si élégantes? C'est là que sont soigneusement déposées les larves et les nymphes, espoir de . 208 HISTOIRE NATURELLE la patrie, germes précieux de la postérité. Nous pouvons entrer, et observer à loisir ces petits corps blancs, ovales, comme emmail- lottés; ce sont les nymphes, appelées si im- proprement les œufs de fourmis. Bientôt leur enveloppe se brisera pour laisser sortir un nouveau citoyen. Un peu plus loin nous aper- cevons les larves, petits vers pâles , entourés de mille soins et de mille précautions mater- nelles. Aujourd’hui chacun est paisiblement retiré et couché dans son dortoir; dansles beaux jours ordinairement les fourmis vont les expo- ser à la chaleur bienfaisante du soleil. On les transporte délicatementsousles toits de l'habi- tation, et au moindre danger, à la moindre alarme, au premier souffle d’un vent froid , à la première ondée on les reconduit diligem- ment dans leurs logettes et dans leurs cellules. Vous désirez sans doute voir maintenant les greniers d’abondance, l’entrepôt commun des provisions et des vivres mis en réserve pour là mauvaise saison. Vous savez qu'en voyageant on perd toujours quelques-unes de - ses illusions : eh bien, vous apprendrez avec étonnement que les fourmis ne font jamais de DES INSECTES 209 magasins. Ce que nous serions tentés de pren- dre pour des vivres, ce sont le plus souvent les matériaux de réparations à faire à la ville, ou tout au plus quelques menues provisions pour la consommation journalière. Vous vous affligez de voir disparaître de l’histoire des fourmis un des traits les plus intéressants: mais réfléchissez un instant. À quoi bon les fourmis travailleraient-elles à remplir d'am- ples magasins, puisqu'elles n’en ont pas besoin durant la saison rigoureuse? Aussitôt, en effet, que les froids deviennent piquants et les forcent à rester au gîte, elles tombent dans un engourdissement léthargique, et passent ainsi, plongées dans le sommeil le plus pro- fond , tout le temps de la saison mauvaise. Quittons maintenant la ville des fourmis fauves, pour aller visiter les admirables tra- vaux des fourmis sculpteuses. Chemin faisant, je vous ferai la description du palais des pe- tites fourmis rouges. Ces dernières sont encore plus savantes architectes que les premières. Elles forment un monticule de terre dans le- quel est construit un merveilleux labyrinthe souterrain, composé de galeries, d'arcades 210 HISTOIRE NATURELLE bien cintrées, et de diverses salles communi- quant entre elles par des corridors réguliers. Les chambres se divisent en nombreuses cases ou logettes. On voit ailleurs de longues ave- nues et des places publiques, des colonnades, des contre-forts et des arcs-boutants, qui sou- tiennent les voûtes et préviennent les éboule- ments. Quoiqu'il y ait parfois des irrégularités dans le plan de l'édifice, les diverses pièces néanmoins se rattachent avec goût l'une à l’autre, tantôt par une voüte hardie, jetée comme un pont entre deux bâtiments, tantôt par une galerie ouverte en œil-de-bœuf, pour communiquer d’un étage à l’autre. Les parties des bâtiments qui cadrent mal, les erreurs de construction sont démolies et réparées aussitôt qu'aperçues, On ne voit pas, comme dans nos villes, un mélange choquant de masures et de palais. Les fourmis sculpteuses ont une tâche plus rude encore que les fourmis fauves et les four- mis rouges. Avec leurs mandibules pour seul outil, elles creusent le bois le plus dur, et l’on est, malgré soi, frappé d’un vif étonnement à la vue des ouvrages considérables qu'avec de si DES INSECTES 211 faibles moyens ces petits animaux parvien- nent à exécuter dans le tronc des arbres. Écoutons Huber, célèbre naturaliste gene- vois, qui nous a fait connaître les principaux traits des mœurs des fourmis. « Qu'on se représente l’intérieur d’un arbre entièrement sculpté, des étages sans nombre, plus ou moins horizontaux, dont les planchers et les plafonds, à cinq à six lignes de distance les uns des autres, sont aussi minces que des cartes à jouer, supportés tantôt par des cloi- sons verticales formant une infinité de cases, tantôt par une multitude de petites colonnes qui laissent voir entre elles la profondeur d’un étage presque entier, le tout d'un bois noirâtre et enfumé, et l’on aura une idée assez juste de l’habitation des fourmis fuligineuses. « La plupart des cloisons verticales qui divisent chaque étage en compartiments sont parallèles ; elles suivent le sens des couches ligneuses, toujours concentriques, ce qui donne un air de régularité à l'ouvrage. Les planchers pris dans leur ensemble sont hori- zontaux : les petites colonnes sont d’une à deux lignes d'épaisseur, plus ou moins arron- AIN HISTOIRE NATURELLE dies, d’une hauteur égale à l’élévation de l'é- tage qu'elles supportent, plus larges au haut et au bas que dans le milieu, un peu aplaties à leur extrémité et rangées en lignes, parce qu'elles ont été taillées dans des cloisons parallèles. « Quels nombreux appartements, quelle multitude de loges, de salles, de corridors, ces insectes ne se procurent-ils pas par leur seule industrie, et quel travail une si grande entreprise n’a-t-elle pas dù leur coûter ! Ici ce sont des galeries horizontales, cachées en grande partie par leurs parois, qui suivent les couches ligneuses dans leur forme circu- laire; ces galeries, parallèles, séparées par des cloisons très-minces, n’ont de communi- cation que par quelques trous ovales pratiqués de distance en distance. Là des parois percées detoutespartssont transformées en colonnades qui soutiennent les étages et laissent une com- munication parfaitement libre dans toute leur étendue; le parquet, creusé en forme desillons inégaux, sert à retenir les larves des fourmis. « Les étages creusés dans de grosses ra- cines offrent plus d’irrégularités que ceux qui sont pratiqués dans le tronc même de l'arbre; DES INSECTES 213 on y trouve encore des étages horizontaux et de nombreuses cloisons ; mais, si l'ouvrage est moins régulier, il gagne du côté de la dé- licatesse, car les fourmis profitent alors de la dureté de la matière, pour donner à leur bâtiment une extrême légèreté. Elles savent aussi recueillir les débris de bois qu’elles ont détachés, les unir ensemble à l’aide d’une bave visqueuse, et s'en servir pour calfeutrer les fentes et les ouvertures inutiles. » Maintenant que nous connaissons les habi- tations des fourmis par notre visite domici- liaire chez les fourmis fauves et les fuligi- neuses, appliquons-nous à étudier les mœurs des peuplades les plus importantes. Les fourmis sont très-avides de substances sucrées : elles en font leur principale nour- riture. Venez considérer avec moi une singu- lière manœuvre de quelques petites fourmis qui rôdent sur les branches de rosier. Elles semblent caresser de leurs antennes les pu- cerons qui s'y trouvent en grand nombre, et leur prodiguer les signes de la plus vive affection. C'est l'intérêt et la gourmandise qui les attirent ainsi à la suite des bandes de puce- COR, COR | à 214 HISTOIRE NATURELLE rons. Ceux-ci laissent épancher continuelle- ment un liquide mielleux par deux tubes situés à l'extrémité de leur abdomen. Les fourmis sont là pour s’emparer de la précieuse liqueur à mesure qu’elle coule, et même elles flattent doucement les pucerons de leurs pattes et de leurs antennes, pour les engager à laïsser couler plus abondamment le délicieux nectar. Quand elles en sont rassasiées, elles courent à la fourmilière pour faire part de leur bonne fortune à leurs compatriotes ; les fourmis ne sont point égoïstes, elles partagent leur bien avec celles qui en manquent. En effet, obser- vez ce qui se passe ici sous nos yeux. Une petite fourmi semble tomber aux pieds de celle qui revient de butiner, et lui demander une portion de son précieux liquide. Une gouttelette de la liqueur sucrée est suspendue à la trompe de la distributrice, et l’autre se met en devoir de la sucer. Elle a reçu sa pitance, elle s'éloigne maintenant alerte et joyeuse. Pendant la mauvaise saison, les pucerons sont l'unique ressource de plusieurs espèces de fourmis. Les fourmis jaunes, entre autres, qui ne sortent presque jamais de leurs de- » DES INSECTES 215 meures, et qui ne vont guère festiner sur les fleurs et sur les fruits, savent enfermer avec elles, dans leurs souterrains, tout un troupeau de pucerons chargés de les nourrir; en re- muant les fourmilières, on voit les racines qu'elles ont soin de conserver, couvertes de plusieurs espèces de pucerons. « La fourmi- lière, dit encore Huber, est plus ou moins riche, suivant qu’elle a plus ou moins de puce- rons : c’est leur bétail, ce sont leurs vaches et leurs chèvres. On n'eût pas deviné que les fourmis fussent des peuples pasteurs! » Ce qu'il y a de plus merveilleux dans le gouvernement de nos petits républicains, c'est l'amour ardent dont chacun se sent animé pour le bien de l'État; tous sont prêts, au besoin, à braver tous les périls, à sacrifier leur vie pour le salut commun. Voici un acte d’incomparable courage. Dans ladévastation d'une fourmilière, unegrosse fourmi horriblement coupée en deux eut la force de redresser son corps mutilé, de saisir une nymphe égarée, de la reporter triom- phalement au fond de lademeure : elle mourut épuisée après cet incroyable effort de dévoue- ment et de patriotisme, 216 HISTOIRE NATURELLE Qui ne se sentirait ému d’un tendre intérêt en contemplant les petites fourmis s’agiter au- tour d’une de leurs sœurs blessée, pour essayer de calmer ses souffrances? Latreille, ayant coupé les antennes à une fourmi, observa l'une de ses compatriotes qui s’empressait autour de la pauvre malade, et qui versait sur ses plaies une petite goutte de salive sucrée, comme un baume salutaire. Cependant cette nation si fière, qui ne connaît point de maître, a parfois des guerres à soutenir etse trouvecontrainte à subir la loi du plus fort. Plusieurs espèces de grandes fourmis féroces, comptant sur la vigueur de leurs mandibules et sur leur force physique, aiment mieux entre- prendre des conquêtes que de travailler. Elles sont montées sur de longues jambes et portent pour armes de guerre une bouteiïlle à venin, un aiguillon empoisonné et des mandibules arquées. Leur démarche est brusque, hardie, soldatesque, et leur physionomie porte l'em- preinte de la dureté et de la colère. Écoutons l’intéressant récit du célèbre Huber. « Un soir, dit-il, je vis à mes pieds une légion d'assez grosses fourmis rousses qui, après de DES INSECTES 217 longs circuits dans la prairie, arrivèrent près d’un nid de fourmis noires-cendrées, dont le dôme s'élevait au milieu du gazon. Quelques fourmis de cette espèce se trouvaient à la porte de leur habitation. Dès qu'elles découvrirent l’armée qui s'approchait, elles s'élancèrent sur celles qui se trouvaient à la tête de la cohorte; l'alarme se répandit au même instant dans l'in- térieur du nid, et leurs compagnes sortaient en foule de tous les souterrains. Les fourmis rousses , dont le gros de l’armée n'était qu'à deux pas, se hâtèrent d'arriver au pied de la fourmilière : toute la troupe se précipita à la fois et culbuta les noires-cendrées, qui, après uncombattrès-court,maistrès-vif,seretirèrent dans leur habitation. Les fourmis rousses gra- virent les flancs du monticule, s'attroupèrent sur le sommet et s'introduisirent en grand nombre dans les premières avenues ; d’autres groupes de ces insectes travaillèrent avec leurs mandibules à pratiquer une ouverture vers la partie latérale de la fourmilière : cette entre- prise leur réussit, et le reste de l'armée péné- tra par la brèche dans la cité assiégée. Elles n'y firent pas un long séjour : trois à quatre 10 218 HISTOIRE NATURELLE minutes après, les fourmis rousses sortirent à la hâte par les mêmes issues , tenant chacune à la bouche une larve ou une nymphe de la four- milière envahie. Elles reprirent exactement la route par où elles étaient venues, et se mirent sans ordre à la suite les unes des autres. Près de la fourmilière qui avait souffert cet assaut, on voyait un petit nombre d'ouvrières noires- cendrées, perchées sur des brins d'herbes, tenant à leur bouche quelques larves qu'elles avaient sauvées du pillage et qu’elles rappor- tèrent à leur habitation. « Je suivis les fourmis rousses chargées d’un ample butin d'œufs, de larves et de nymphes, et j'arrivai devant elles à leur demeure; mais * quelle fut ma surprise en voyant à la surface un grand nombre de fourmis noires-cendrées ! Je soulevai la couche extérieure de l'édifice ; il en sortitencore davantage, et je commençais à croire que c'était aussi une de ces fourmilières pillées par les fourmis rousses, lorsque je vis arriver à la porte du nid la légion de celles-ci, chargée des trophées de la victoire. Son retour ne causa aucune alarme aux noires-cendrées ; lesfourmis rousses descendirentavecleur proie DES INSECTES. 219 dans les souterrains; les noires-cendrées ne parurent pas s’y opposer : j'en vis même plu- sieurs s'approcher sans crainte de ces fourmis guerrières, prendre quelques-uns de leurs fardeaux et les emporter dans le nid. « Cettesingulièredécouverte piqua vivement ma curiosité : pour connaître les relations de ces deux espèces de fourmis, j'ouvris une de leurs fourmilières, et j'y trouvai un grand nombre de fourmis rousses au milieu des noires-cendrées, et je commençai à acquérir quelques notions sur leurs rapports mutuels. Les noires-cendrées s’occupèrent tout de suite à rétablir les avenues de la fourmilière mixte, et emportèrent dans les souterrains les larves etlesnymphesque j'avais mises à découvert. Les rousses, au contraire, passèrent indifférentes sur les larves sans les relever, etne se mélèrent pas un instant aux travaux desnoires-cendrées. « Mais bientôt la scène change tout à coup. Plusieurs fourmis rousses quittent la fourmi- lière, s’approchent de toutes celles qu'elles voient venir et les touchent avec leurs antennes pour leur donner le signal du départ. Une co- lonne s'organise, s’avance en ligne droite et 220 HISTOIRE NATURELLE traverse la prairie, elle s'avance avec rapidité, et cependant on n'y remarque aucun chef : toutes les fourmis se trouvent tour à tour les premières ; dans leur ardeur, elles semblent chercher à se devancer. Arrivées à plusde vingt pieds de leur habitation, elles s'arrêtent, se dispersent, et tâtent le terrain avec leurs an- tennes, comme des chiens flairant le gibier; elles découvrent bientôt une fourmilière sou- terraine. Les noires-cendrées sont restées au fond de leur demeure; les fourmis rousses, ne trouvantaucuneopposition, pénètrent dans une galerie ouverte ; toute l'armée entre successi- vement danse nid, s'empare des nymphes et sort par plusieurs issues ; aussitôt elles pren- nent la route de la fourmilière mixte, courant à la file avec rapidité; les dernières qui sortent de la fourmilière assiégée sont poursuivies par quelques-uns des habitants, qui cherchent à leur dérober leur proie ; mais il est rare qu'ils y parviennent. « Suivons encore la troupe pillarde. Elle re- tourne à l'assaut de la fourmilière qu’elle a déjà dévastée; ses habitants ont eu le temps de se rassurer et de placer de fortes gardes à chaque DES INSECTES 221 porte. Les rousses, en trop petit nombre d'a- bord, fuient lorsqu'elles voient les noires-cen- drées en défense; elles retournent vers leur troupe, s'avancent et reculent à plusieurs re- prises, jusqu’à ce qu'elles se sentent en force ; alors elles se jettent en masse sur une des ga- leries, chassant, mettanten déroute lesnoires- cendrées; toute l’armée est introduite dans la cité souterraine et enlève une grande quantité de larves, qu’elle emporte à lahâte ; mais onne voit jamais lesrousses emmener d'insectes par- faits, c'estaux larves seules qu'elles en veulent. A leur retour à la fourmilière mixte, les larves reçoiventencore le meilleuraccueil : les noires- cendrées ont serré la première récolte ; chacune des rousses pose derechefsa nymphe à l'entrée de l'habitation, ou la remet immédiatement à quelque noire-cendrée, et celle-ci s'empresse de la porter dans l’intérieur du nid, » Plus tard les larves et les nymphes devenues insectes parfaits sont transformées en ouvriè- res, etuetravaillent plus que pour l’avantage de leursnouveaux maîtres. Ellespréparent lanour- riture, elles prennent soin des réparations de la cité. Possédant toute la confiance de leurs 222 HISTOIRE NATURELLE patrons , elles ont vraiment le maniement des affaires publiques, et obtiennent la plus hono- rable souveraineté, celle qui a pour fondement la prudence et le talent. Notre voyage étant heureusement terminé, pouvons-nous nous empêcher delaisser s'exha- ler de notre âme un cri de surprise etd’admira- tion! Quels étonnants instincts! quels prodi- gieuxtravaux!quellesurprenanteorganisation! quelle diversité de mœurs! La création n'est-elle pasun miroir qui réfléchit aux yeux de l’homme attentif les infinies perfections de Dieu ? LES GUÉPES ET LES FRELONS La Fontaine a dit dans quelque endroit que l’art de construire des cellules dans le genre de celles des abeilles surpasse le talent et le savoir des frelons. Ce jugement de notre bon fabuliste est un peu trop sévère. Quoique les guêpes et les frelons composent une troupe fort incom- mode, on ne peut cependant, sans injustice, leur refuser le génie des constructions symé- triques. Cene sont passürement des architectes DES INSECTES 223 de premier mérite; mais il n’est pas nécessaire d’égaler l’industrie merveilleuse des abeilles pour avoir droit à des approbations : il existe des travailleurs plus modestes qu'il ne faut ja- mais calomnier. Les guépes et les frelons for- ment des sociétés laborieuses et habiles, qui savent bâtir des cellules très-légères, assez élégantes, d’ailleurs parfaitement appropriées aux besoins de la famille, parfaitement con- venables pour leur destination. Les nids des guëpes prennent des formes très-variées. Quelques-uns ressemblent à une grappe suspendue à une branche d'arbre ou à l’angle d’une muraille; d’autres, à un vase rempli de petites cellules, porté par un pédi- cule assez allongé; d’autres, à de grosses fleurs ternes et décolorées, dont les pétales seraient remplacés par des lames sèches et légères. On ne voit pas sans surprise, suspendus à l'ex- trémité des branches du chêne et du bouleau, d'énormes guêpiers, sous la formed'unecloche ou d’un ballon. La plupartde ceshyménoptères se font une habitation souterraine, comme la guêpe commune. C'est une vaste entreprise pour de si chétifs animaux , dont l'exécution 224 HISTOIRE NATURELLE serait propre à piquer notre curiosité, si nous pouvions nous décider à prendre quelque in- térêt à connaître les ressources et l’industrie d'insectes qui-causent tant de dégâts. Les guêpes commencent par creuser dans la terre une galerie sinueuse et assez profonde Pour que l'eau des pluies ne puisse, par in- filtration , y causer une humidité mortelle. À l’aide de leurs mandibules et de leurs pattes elles parviennent, avec des fatigues inouïes, mais aussi avec un courage et avec une énergie incroyables, à creuser leur souterrain en fort peu de temps. Pour s'épargner cette rude be- sogne, elles s'établissent quelquefois tout sim- plement dans le trou abandonné de quelque taupe. Par ce moyen leur tâche est considéra- blement simplifiée; il ne leur reste qu'à net- toyer leur domicile et à le disposer suivant leur convenance ou leur bon plaisir. C'est toujours au fond de la galerie que se trouve établi le guëêpier, de forme arrondie, composéde plusieursétages de cellules rangées régulièrement et distribuées mathématique- ment, comme celles des abeïlles. Les matériaux de la construction ressemblent beaucoup à du DES INSECTES 225 papier gris ou à un carton léger. C’est une pré- paration particulière dont les guêpes possèdent lesecret, composée depetits fragmentsd’écorce broyés d'une manière très-fine et unis solide ment par une espèce de bave visqueuse qu'elles dégorgent à volonté. L'intérieur présente des distributionsbien entenduesetpleines de goût. Les gâteaux, placés d’un seul côté, sont séparés les uns des autres par de petits planchers sou- tenus sur des piliers qui en assurent la solidité ‘et qui negênenten rien la circulation des habi- tants du guêpier. Il est très-curieux de voirles guêpes à l'ouvrage ; elles marchent à reculons, frappent attentivement la matière qu'elles fa- çonnent avec leurs têtes etavecleurs pattes, la polissent avec leurs mâchoires, reviennent à plusieurs reprises avec une patiente persévé- rance, et ne s’en vont que lorsqu'elles ont obtenu le fini et la solidité convenables Nous avons vu jusqu'à présent le beau côté de l'histoire des guêpes, continuons jusqu'au bout. Gardez-vous d'approcher trop près de l'habitation des guêpes : ce sont des animaux d'un mauvais voisinage ; surtout ne vous avisez pas d'attaquer leur repaire sans précaution, 10" 226 HISTOIRE NATURELLE vous ne manqueriez pas d’éprouver que leur aiguillon cause une blessure très-douleureuse. Il n’y a guère d’animal dont la piqüre soit plus cuisante que celle du frelon : défiez-vous tou- jours de cette bète-là, elle est traître et mé- chante. Les mœurs des guêpes sont cruelles, leurs habitudes rapaces et sauvages. Elles forment des attroupements qui parcourent la campagne pour piller et dévaster. Souvent elles font des invasions dans les ruches des abeilles, se gor- gent de miel, et massacrent les larves et les nympbhes. D'une gourmandise insatiable , elles se jettent sur les meilleurs de nos fruits, aus- sitôt qu'ils commencent à mürir. Leurs mà- choires immondes souillent et gAtent les belles pêches vermeilles, les poires dorées, les rai- sins transparents. Ces insectes farouches sont paresseux etimprévoyants, ils n’amassent point de provisions pour l'hiver. Dès les premiers froids de l'automne, on les voit dans les cam- pagnes périr de froid et de misère. Les guêpes et les frelons sont devenus, dans le langage du peuple, l'emblème de la malice et de la cruauté. ET, DES INSECTES 19 1 rt LES ABEILLES Les fourmis industrieuses ne sont pas les seuls insectes qui forment des sociétés régu- lières ; il suffit de citer les abeilles diligentes, qui recueillent pour nous, dans la corolle des fleurs, le doux nectar de leur miel. Dans tous les pays et à toutesles époques, lesabeilles ont fixé l'attention des naturalistes et des sages, et depuis Aristote jusqu'à Rédarès on a écrit bien des volumes sur leur intéressante histoire. Les anciens, qui plaçaient partout le merveilleux, n'ont pas manqué d’embellir leurs récits par de riches et brillantes fictions. Pendant fort longtemps dans l'histoire naturelle la fable remplaça la vérité, parce que l'imagination avait remplacé l'observation. Grâce aux tra- vaux et aux recherches de patients et savants naturalistes, et surtout aux expériences de M. Huber de Genève, la science des abeilles est devenue tout aussi positive que celle des autres animaux. Les abeilles et les fourmis ne sont pas régies 228 HISTOIRE NATURELLE par les mêmes principes : les unes sont sou- mises à un gouvernement monarchique, tandis que les autres obéissent à un gouvernement démocratique. Elles se distinguent les unes et les autres par la vigilance, par l’activité, par l'amour de l'ordre et du travail , autant que par leur bonne organisation sociale. Les abeiïlleset les fourmis formeront toujours une excelleute école, où beaucoup d'hommes pourront ap- prendre les vertus qui leur manquent. Dans le principe, les abeilles vivaient dans le bois en sociétés nombreuses ; un vieux tronc d'arbre rongé par le temps et la vétusté, une cavité rocailleuse leur prêtaient asile. On trouve encore de ces peuplades libres dans les forêtsde l'Europe et de l’Asie. À l'état sauvage, les abeilles produisent beaucoup plus qu'à l'état domestique. Leurs ruches naturelles et soli- taires fournissaient aux premiers hommes une nourriture saine, abondanteet précieuse. Les observateurs de la nature, qui voyaient les pro- duits de ces insectes devenir de jour en jour d’une utilité plus générale , cherchèrent à les fixer dans un état permanent de domesticité. Ils durent sans doute parvenir facilement à DES INSECTES 229 leur but; mais l’époque de cette éducation date de loin, et même, si l’on veut en chercher la première origine, on ne tarde pas à se con- vaincre qu’elle se perd dans la nuit des temps. Toute ruche est peuplée d'habitants de trois sortes, organisés diversement suivant leur des- tination : ce sont la reine, les ouvrières et les bourdons. Esquissons un peu les traits des in- dividus qui composent chaque classe : si nous ne pouvons en présenter un portrait fini, don- nons au moins un croquis fidèle. La reine ou mère abeille se montre avec la forme typique des abeilles mellifères; maisson abdomen est beaucoup plus allongé et plus renflé à sa base. Il est armé d’un aiguillon ter- rible, dont elle est quelquefois obligée de faire usage. Destinée à gouverner, à commander, à donner naissance à de nouvelles populations, exempte de rudes travaux, auxquels se livrent tous les membres de la famille, elle n’a point les instruments que nous allons étudier et admirer chez les ouvrières. Les ouvrières forment l'immense majoritéde la population d’une ruche : leur nombre varie de vingt à vingt-cinq mille, tandis qu'on ne. 230 HISTOIRE NATURELLE compte que quelques centaines debourdons.Ce sont elles qui sont chargées de l'exécution de tous les grands travaux nécessaires à l’établis- sement et à la conservation de la société. Leur organisation admirable les destinait évidem- ment à être les architectes de la villecommune, et en même temps à récolter sur les fleurs les provisions indispensables. Leurs jambes posté- rieures présententun enfoncement triangulaire en forme de palette ou de corbeille, où elles amassent la poussière des fleurs. Le premier article des tarses postérieurs, très-dilaté et couvert de poils épais, est une véritable brosse, avec laquelle l'abeille enlève le pollen dont elle s’est couverte en butinant sur les corolles. Ses fortes mandibules servent à façonner la cire; la trompe, fléchie pendant le repos, s'étend à volonté pour aspirer les sucs mielleux. Enfin les abeilles ouvrières, chargées encore de la défense de la cité, sont munies d'une arme re- doutable. Elles portent d’ailleurs en elles-mé- mes une énergie intraitable; elles sont douées d’un courage invincible, porté quelquefois jus- qu’à l'audace. Elles savent faire respecter leur domicile; malheur au téméraire qui viendrait DES INSECTES 231 imprudemment les attaquer ! L'homme lui- même ne pourrait les troubler impunément. L’aiguillon consiste en une pointe très-aigué, protégée par deux pièces accessoires, dentelées sur leurs bords comme un fer de flèche. Cette disposition ne s'oppose nullement à l’introduc- tion du dard dans les chairs, mais empêche absolument sa sortie : l'abeïlle ne peut le tirer qu'avec de grandes précautions : aussi dans son irritation le laisse-t-elle souvent dans la plaie, et perd-elle la vie avec son armure. Ainsi l'a- beïlle semble destinée à nous donnercetteleçon utile : que la violence est presque toujours fa- tale à celui qui l’emploie. La piqûre de l'abeille cause toujours une douleur très -poignante, moins par la blessure produite par l’aiguillon que par l’inoculation d’une petite gouttelette d’un venin très-actif, toujours mortel pour le plus grand nombre de ses ennemis. Les bourdons ou les mâles, que les natura- listes aimeraient mieux entendre appeler fre- lons, sont dépourvus d'armes et d'outils de tra- vail. C’est une troupe paresseuse qui s’écarte peu de la ruche, qui préfère se nourrir des pro- visions déjà faites que d'aller les recueillir sur 232 HISTOIRE NATURELLE les fleurs. Ce sont des membres parasites, qu’on souffre par nécessité, pendant les chaudes jour- nées de l’été, mais qui seront sacrifiés, au com- mencement de la saison rigoureuse, comme des bouches inutiles. Vers la fin de l’automne, quand le soleil est moins ardent, quand les fleurs sont avares de leurs trésors, les abeilles, jusqu'alors douces et pacifiques, deviennent dures, méchantes et cruelles ; elles massacrent impitoyablement tous les bourdons de la ru- che, dont les cadavres jonchent tristement la terre. C’est surtout en étudiant les travaux des abeilles que nous apprécierons mieux et leurs mœurs, et leurs instincts, et toute leur orga- nisation sociale. Nous trouverons souvent dans ce spectacle intéressant l’occasion d'admirer la bonté infinie de l’éternelle Providence. Lorsqu'une colonie d’abeilles a choisi sa de- meure, elle commence immédiatement son œu- vre d'appropriation. On dirait que le travail est un besoin chez ces insectes, tant ils s’y portent avec ardeur. Chacun des membres de la grande famille a sa besogne déterminée : tandis que les uos restent au logis pour le nettoyer, lesautres DES INSECTES 233 voltigent dans la campagne pour recueillir une substance amère, nommée propolis, qui doit servir à fermer exactement toutes les fentes et à enduire tout l'intérieur de l'habitation. Le propolis est une sorte de liqueur résineuse, de couleur rougeûtre, qui se trouve principale- mentsur les bourgeonsde certains arbres.Cette substance est employée avec promptitude et avec industrie ; elle a quelquefois servi à pré- server la société d'accidents funestes. Une li- mace imprudente s'était engagée téméraire- ment dans l’intérieur d'une ruche. A l'aspect d'un ennemi d’un genre inconnu, les abeilles sont alarmées. Bientôt elles fondent sur lui et le criblent de coups d’aiguillon. La limace a beau se replier surelle-mêmeetsecouvrir d'une: : bave épaisse, elle expire bientôt. Nos abeilles essaient de tirer son cadavre et de le jeter au dehors. La masse trop considérable résiste à leurs efforts réunis. Que faire cependant? le corps, en se décomposant, va remplir la ruche d'exhalaisons funestes. Une résolution ingé- nieuse est bientôt arrêtée; les abeilles se dis- persent dans les champs, ramassent une grande quantité de propolis eten recouvrent tellement 234 HISTOIRE NATURELLE le corps de la limace, qu'il peut subir la décom- position cadavérique sans infecter la ruche. On a vu des mulots qui avaient osé troubler la tranquillité publique, périr de même, percés de mille coups d’aiguillon et ensevelis sous une couche de propolis , sur la place où ils avaient été tués. ; L'habitation commune est proprement dis- posée : les travaux en cire vont commencer. Il faut maintenant élever la partie la plus essen- tielle de l'édifice, les alvéoles, pour loger les larves, espoir de la postérité, et pour renfer- mer les provisions de pollen et de miel. On a longtempsignoré la nature et l'origine de la cire mise en œuvre par les abeilles. Un auteur ancien a émis l’opinion que la poussière fécondante des plantes était la cire brute avec laquelle les abeilles forment leurs rayons. De- puis cette époque, tous les naturalistes se sont fait l'écho de cette assertion, sans chercher à la vérifier. Un botaniste illustre, B, de Jussieu, disait encore dans le siècle dernier qu'il s'était assuré que le pollen des fleurs contient les prin- cipes de la cire parfaite. Cependant Huber fils est venu, par des expériences positives, ruiner DES INSECTES 235 l'opinion de ses devanciers, et démontrer que la cire est produite par le miel et les matières sucrées élaborées dans les organes propres aux abeilles. Ses observations ont été justifiées par l'examen attentif des faits. Sesexpériences, ré- pétées par tous les savants de l'Allemagne et par la plupart des naturalistes de France, ont amené le même résultat : tous, en séquestrant les abeilles d'une ruche et en les nourrissant dans leur prison avec du miel ou des matières saccharines, les ont vues produire de très- beaux et très-forts rayons de cire. C'est dansleursecondestomacque lesabeilles élaborent la cire : elles la dégorgent ensuite par la trompe sous une forme écumeuse et blan- châtre. Plusieurs naturalistes et éducateurs d'abcilles ont remarqué ce fait intéressant. Néanmoins on est forcé de convenir que toute la cire employée par les abeilles n’est point produite de cette façon. Schirach vit sortir la cire, en petites lamelles, des anneaux inférieurs de l'abdomen aux hyménoptères. M. Audoin, professeur au jardin des Plantes à Paris, in- dique encore cette sécrétion comme la plus abondante. Dans l'état actuel de la science, il 236 HISTOIRE NATURELLE faut donc admettre que la cire des abeilles provient de deux organes élaborateurs, du second estomac, et de la membrane qui unit les anneaux de l'abdomen. # Ces insectes industrieux travaillent la cire avec un art admirable, Leurs outils sont leurs mandibules et leurs pattes. Ils savent disposer leurs alvéoles sur un plan parfait, d’après des formes mathématiques si bien combinées, qu'ils ont adopté précisément la figure qui ménage le plus la place et les matériaux. C’est un véri- table problème géométrique résolu d'une ma- nière irréprochable. Qui a pu enseigner aux abeilles à se construire des gâteaux composés d’alvéoles à six faces d’une régularité si sur- prenante? N'est-ce pas Celui dont la providence s'étend jusqu'aux plus faibles moucherons? Les talents d'architecture, si extraordinaires chez plusieurs animaux, sont une nouvelle manifes- tation de la sagesse du Créateur! Un rayon ou gâteau est la réunion des cel- lules ou alvéoles, placées sur deux faces oppo- sées. Réaumur, dans ses Mémoires sur l’his- toire naturelle, dit qu’un rayon composé de vingt-cinq centimètres de long sur vingt-huit DES INSECTES 237 de large peut contenir neuf mille cellules com- munes. Swammerdam assure qu'une bonne ruche peut en contenir cinquante mille. Les rayons sont plus ou moins nombreux dans une ruche ; mais communément on en compte de six à huit. Les abeïlles commencent leur ouvrage par le point le plus élevé de la ruche, et ellks éta- blissent les fondements de tous les rayons avant de les finir. A peine ont-elles conduit un rayon à une certaine longueur, qu'elles en ébauchent un autre; de sorte que, dans deux à trois jours, leur habitation présente le commence- ment de tous les rayons qu’elle contiendra. La rapidité avec laquelle les abeilles établissent leur ruche est incroyable. Des gâteaux de plu- sieurs centimètres de diamètre sont l'ouvrage d'un seul jour, et, dans la saison chaude, par un beau temps, leur habitation est finie en moins d'une semaine. C’est un curieux spec- tacle de voir ce peuple d'insectes occupé à con- struire. D'un côté, c'est un architecte qui pose. les fondements, établit les dimensions et me- sure les espaces; de l’autre, c'est un sculpteur qui façonne et qui embellit. Ici, c'est un ou- 238 HISTOIRE NATURELLE vrier qui charrie la matière; là, c’est un autre qui la prépare, qui la taille et qui la met en œuvre. Enfin représentez -vous vingt mille ouvriers construisant un grand et somptueux palais , et vous aurez quelque idée d’un essaim en travail. Aussitôt que les cellules sont achevées, la reine, qui doit seule multiplier l'espèce, com- mence la ponte, qui dure jusqu’à l’automne. Dans sa vigilante sollicitude, elle ne confie ses œufs aux alvéoles que lorsqu'elle les a visités elle-même. Si par hasard elle dépose plusieurs œufs dans la même cellule, les ouvrières se hâtent d'enlever les œufs surnuméraires. Il n'y a pas d'exemple dans la nature d’une fécon- dité aussi extraordinaire que celle de la mère- abeille : le nombre des œufs qu’elle dépose chaque année peut s'élever de cinquante à soixante mille. Le développement des abeilles à leurs diffé- rentsétats est extrêmement rapide. Les œufs ne tardent pas à éclore sous l'influence de la tem- pérature qui les enveloppe. Ils laissent échap- per une petite larve, ridée circulairement et d’un blanc bleuâtre. Les abeilles nourrices lui DES INSECTES 239 préparent, pour sa nourriture, une espèce de bouillie gélatineuse, d’un goût insipide, que le naturaliste Huber croit être un mélange de pollen et de miel, soumis dans l'estomac des abeilles à une élaboration préparatoire. Les nourrices distribuent cette bouillie avec des soins et des précautions incroyables : elles en modifient la quantité selon l'âge et l'espèce de l'individu qui doit se développer. D'abord elles la font légère et sans saveur, ensuite plus nour- rissante et moins insipide. Les larves de reine ont une nourriture particulière semblable à une gelée épaisse, et qui seule est capable de donner tout leur accroissement aux organes du jeune insecte. Aujourd'hui il parait démontré que les œufs de reine sont semblables aux œufs d'ouvrières , et que la différence de nourriture produit seule un changement d'organisation. Lorsque les larves sont arrivées à leur entier développement, elles tapissent leur cellule d’un léger tissu de soie ; en même temps lesouvrières en ferment l'ouverture par une cloison en cire. Enfin les nymphes brisent de tous les côtés à la fois leurs liens et la porte de leur prison. La population de la ruche s'accroît démesurément, 240 HISTOIRE NATURELLE et bientôt elle sera si considérable, que la ruche ne pourra plus la contenir. Une partie devra nécessairement émigrer pour s’en aller fonder ailleursune nouvelle colonie. Un grand tumulte se fait entendre, les abeilles voltigent de tous côtés comme pleinesd'inquiétude. Enfin la reine s'élance au dehors, et un joyeux essaim se pré- cipite après elle. Ordinairement, après s'être balancé quelques instants au-dessus de la ruche qu’il veut abandonner, l’essaim va se poser sur quelque arbre voisin, où on peut le recueillir, pour l'établir dans une ruche nouvelle. Les abeilles de la ruche-mère, privées de leur reine, sé hâtent d’aller délivrercelle qui, la pre- mière,estarrivée à l'état d’insecte parfait. Cette reine doit dominer seule dans la ruche; la pré- sence de toute rivale jetterait dans la société le désordre, la division; toutes les jeunes reines encore captivessontdoncdestinéesà périr, C’est la reine elle-même qui se charge du massacre. Huber va nous le raconter : « Dans une ruche où se trouvaient cinq ou six cellules royales, la jeune reine, sortie de son berceau depuis dix minutes à peine, alla visiter les autres cellules encore fermées ; elle se jeta avec fureur sur la DES INSECTES 241 première qu’elle rencontra. A force de travail elle parvint à en ouvrir la pointe ; nous la vimes tirailler avec ses mandibules la soie de la coque qui y était renfermée ; mais probablement ses efforts ne réussissaient pas à son gré, car elle abandonna le bout de la grande cellule, et alla travailler à l’extrémité opposée, où elle par- vint à faire une plus grande ouverture. Elle se retourna pour y introduire son ventre , et fit divers mouvements en tous sens, jusqu’à ce qu'elle réussit à frapper sa rivale d'un coup d'aiguillon. Alors elle s’éloignadecettecellule , et les ouvrières, qui jusqu’à ce moment étaient restées spectatrices de son travail, se mirent, après qu'elle eut quitté la cellule, à agrandir la brèche qu'elle avait faite, et en tirèrent le cadavre d’une reine à peine sortie de son en- veloppe de nymphe. « Pendant ce temps la jeune reine victo- rieuse se jeta sur une autre cellule royale, et fit également une large ouverture; mais elle ne chercha pas à y introduire son dard. Cependant la nymphe que contenait cette cellule ne put échapper davantage à la mort qui l’attendait. En effet, dès qu'une grande cellule est ouverte 11 242 HISTOIRE NATURELLE avant le temps, lesouvrièresen tirent ce qu'elle contient, sous quelque forme qu'il s’y trouve, de larve, de nymphe ou d’insecte parfait, et la reine libre ne manque pas d'entamer tous les alvéoles royaux. » Quelquefois la victoire n’est pas aussi facile ; ce n’est pas contre une nymphe embarrassée , c’est contre une ennemie égale en force et en courage que la reine doit combattre: quand il arrive qu'une jeune reine échappéedesa prison apparaîtau milieu dela ruche quegouverne déjà une souveraine, il s'engageun duel terriblequi se termine toujours par la mort d'une des ri-. vales. « Dès que les deux reines furent à portée de se voir, ditHuber, témoin d'un combat, elles s’élancèrent l’une contre l’autre, avec l’appa- rence d’une grande colère, et se mirent dans une siluation telle, que chacune avait ses an- tennes prises dans les màâchoires de son enne- mie; la tête, le corselet, le ventre de l’une étaient opposés à la tête, au corselet, au ventre de l’autre; elles n'avaient qu’à replier l’extré- mité postérieurede leur corps, elles se seraient percées réciproquement deleur aiguillon, etse- raient mortes®toutes les deux dans ce combat. 1% CHER" des ” n d'u use A: As n.. D. 4 Dia | el # « DES INSECTES F 248 Mais la nature n’a pas voulu que leurs duels fissent périr les deux combattantes : on dirait qu’elle a ordonné aux reines qui ge trouve- raient dans la situation périlleuse que je viens de décrire, de se séparer à l'instant même. Aussi, dès que les deux rivales sentirent que leurs aiguillons allaient se croiser, elles se dé- gagèrent l'une de l’autre, et chacune s'enfuit de son côté. « Quelquesinstantsaprès que nosdeux reines se furent séparées, leur crainte cessa, et elles recommencèrent à se chercher; bientôt elles 8 s'aperçurent, et nous les vimes courir l’une contre l’autre. Elles se saisirent encore comme la première fois et se mirent exactement dans la même position; le résultat en fut le même; dès que leurs ventres s’approchèrent, elles ne songèrent plus qu’àse dégager l’une de l’autre, ets’enfuirent.Lesabeillesouvrièresétaientfort agitées pendant ce temps-là, et leur tumulte semblait s'accroître lorsque les deux adversai- res se séparaient. Nous les vimes , à deux diffé- rentes fois, arrêter les reines dans leur fuite, les saisir par les jambes et les retenir prison- nières plus d'une minute; enfin, dans une. M bé. 244 HISTOIRE NATURELLE DES INSECTES troisième attaque, celle des deux reines qui était la plus acharnée ou la plus forte courut sur sa rivale au moment où celle-ci ne la voyait pas venir, elle la saisit avec ses mandibules à la naissance de l'aile, puis monta surson corps et ramena l'extrémité de son ventre sur les der- niers anneaux de son ennemie, qu’elle parvint facilement à percer de sonaiguillon ; elle lâcha alors l’aile qu’elle tenait entre ses mandibules et retira son dard; la reine vaincue tomba, se traina languissamment , perdit ses forces très- vite et expira bientôt après. » La saison triste force les abeilles à se renfer- mer dans leurs habitations. Le miellat se des- sèche sur les feuilles; les fleurs, devenues plus rares, refusent leur nectar aux abeilles buti- neuses, les vents froids et les pluies de l’au- tomne les engourdissent et les retiennent cap- . tives. Les premières gelées les font tomber dans une sorte de sommeil léthargique. Elles se blottissent alors entre leurs gâteaux et au- près de leurs provisions. Elles demeurent ainsi pressées les unes contre les autres jusqu'à ce que le printemps vienne les ranimer par sa tiède température. | DIPTÈRES LES MOUCHES Parmi les insectes nuisibles et importuns, les mouches doivent occuper à plus d'un titre une place distinguée. Par leur contact impur elles gâtent et souillent tout ce qu'elles appro- chent. Les premières elles goùtent aux mets qu'on sert sur nos tables ; elles se fixent sur nos aliments avec une effronterie et une opi- niâtreté difficiles à vaincre. Très-friandes des matières sucrées , elles se jettent par troupes sur les meilleurs produits de nos vergers. Elles s'attachent à leur proie avec une incroyable persistance, et par leur entètement elles ont souvent désespéréla patience la plus soutenue. Aux mois de juin, de juillet et d'août, leur excessive multiplication devient si incommode dans les cuisines, dans les garde-manger, et DS 246 HISTOIRE NATURELLE même jusque dans les appartements, qu'on est obligé de leur faire une guerre ouverte et de chercheràlestueren leur présentant du poison. Il y a une certaine espèce de mouche qui suce le sang des animaux , et qui quelquefois s’atta- que aux hommes eux-mêmes. Elle enfonce son bec pointu sous leur peau et se repaît avide- ment du sang qu’elle fait jaillir en assez grande abondance. Elle s’acharne si fortement à sa vic- time, se gorge tellement de nourriture, qu'on peut la tuer sur la plaie qu’elle a faite, Toutes les mouches n'ont que deux ailes, membraneuses, ordinairement transparentes, quelquefois ornées de couleurs brillantes et bi- garrées. Sous ces deux ailes on remarque deux petits filets, plus ou moins développés, qu'on a nommés balanciers, parce qu'ils servent à régler leur vol. La tête est chargée de deux gros yeux colorés, à facettes. Vue au [micro- scope , rien n’est plus riche que la tête d’une mouche.On y voitavec profusion l'or, l'argent, l'éclat des pierreries les plus variées et les plus étincelantes. Comment la tête d'un in- secte si dégoûtant a-t-elle été ornée si magni- fiquement? Combien de têtes folles et pleines DES INSECTES 247 de vanité qui cherchent à se parer de vains atours, et quisont moins riches que cette tête de mouche! Les animaux les plus disgraciés peuvent encore confondre notre orgueil. Leurs pattes offrent une conformation fort remar- quable. Sous leurs tarseson voit une petite pe- : lote de poils serrés qui peut faire l'office de ventouse. C’est à l’aide de cette disposition que les mouches peuvent, sans aucune peine, se maintenir et marcher dans toutes les situa- tions sur les corps les plus lisses et es plus polis, comme les vitres des fenêtres. Les larves des mouches se développent dans les matières les plus sales et les plus immondes. Quand elles veulent se métamorphoser, ellesne se dépouillent pas de leur peau; mais cettepeau extérieure se durcit, devient écailleuse et les protége eflicacement. Après un certain temps, la mouche, arrivée à sa forme parfaite, fait tom- ber une petite portion de la coque et sort de sa prison par cette ouverture. Elle ne paraît alors qu'avec des ailes plissées et entortillées; mais bientôt celles-ci s'étendent, s'agitent, se des- sèchent, deviennent brillantes, et l’insecte prend son vol. “ & 248 HISTOIRE NATURELLE On connaît une quantité presque infinie d'espèces de mouches; elles'ont été classées avec beaucoup de soin par plusieurs natura- listes qui se sont occupés spécialement de l’or- dre des diptères, LES COUSINS Les cousins sont de petitssinsectes méchants etcruels. Ils sont malheureusementbien connus de tout le monde à cause des piqüres doulou- reuses qu'ils nous font. On éprouve invo- Jontairement une émotion pénible, un mou- vement d’impatience, quand on entend à son oreille leur bourdonnement aigu. IL est peu d'insectes dont nous ayons autant à nous plain- dre. Quelques autres nous font des blessures plus cuisantes et peut-être plus dangereuses ; mais aucun n’est aussi acharné à nous pour- suivre. Dans quelle campagne n’est-on pas sans cesse harcelé par les cousins? A peineest-on en sûreté contre eux dans les villes et dans les maisons. Dans quelques contrées méridionales - Fourmi rousse, — Cousin commun. — Puce, — Pou. | & de P ” 4 du. dt + cdi © : HUE +. Nes. DES INSECTES 251 de l’Europe, on ne peut s'en garantir, pendant la nuit, qu'en mettant au lit une enveloppe de gaze qu'on appelle cousinière. IL y a des pays où ils sont encore plus redoutables qu’en Eu- rope. Au rapport de tous les voyageurs, en Afrique et en Amérique on a beaucoup à souffrir de ces insectes, connus sous le nom de maringouins. Leurs blessures, faites par des pointes extrêmement fines, sont peu dou- loureuses ; mais souvent elles sont suivies d’en- flures qui durent plusieurs jours, et qui quel- quefois deviennent considérables. Les cousins sont donc nosennemis déclarés; ils en veulent à notre sang, ils troublent notre repos, ils nous causent des démangeaisons insupporta- bles. Cependant, quand on les examine atten- tivement, on est forcé d'admirer même l’in- strument avec lequel ils nous tourmentent, on est étonné des habitudes curieuses de leur vie à ses différentes phases. L'habile naturaliste Réaumur a donné des détails très-intéressants sur les mœurs et sur l'organisation des cousins, dans ses immortels mémoires sur l’histoire naturelle des insectes. La trompe ou l'aiguillon du cousin est com- $ « + . 252 HISTOIRE NATURELLE posée de plusieurs parties en forme d'épée ou de filets très-déliés, dont quelques-uns sont garnis extérieurement de dentelures dirigées en arrière. Il est difficile de savoir le nombre de ces parties, parce qu’on ne peut les séparer sans les déranger ou les casser. Leuwenhoëck n’en a compté que quatre, Swammerdam six, et Réaumur en a observé et décrit cinq. À la vue simple on n’aperçoit que le fourreau velu, garni de petites écailles, ayant une fente lon- gitudinale à sa partie supérieure, et terminé par une espèce de bouton percé dans son mi- lieu. Cet aïiguillon, ou plutôt cet assemblage d’aiguillons, est de substance cornée très- solide, et renfermé dans un fourreau qui sert à le protéger solidement. Réaumur a fort bien expliqué le mécanisme de la succion que l'in- secte opère sur notre peau par le moyen de sa trompe. « Après que le cousin s'est posé sur le lieu qu’il doit piquer, on voit qu'il fait sortir du bout libre de sa trompe une pointe très-fine; qu'il tàte successivement la peau à quatre ou cinq endroits avec le bout de cette pointe, probablement afin de choisir l'endroit où se trouve un vaisseau dans lequel le sang DES INSECTES 253 puisse être puisé à son gré. Quand il a fait son choix, on en est averti par la petite douleur que la piqüre cause sur-le-champ; la pointe de l’aiguillon s’introduit dans la peau ; l'étui qui enveloppe cet aiguillon, quoique solide, a une sorte de flexibilité ; il se courbe à mesure que l'aiguillon pénètre dans les chairs. À me- sure que l’aiguillon pénètre, l'étui se courbe davantage ; il s’y fait même un angle de plus en plus aigu ; enfin l’étui s’est plié tout à fait en deux sur la longueur quand la tête du cousin est près de toucher la peau. » La plaie occasionnée par un dard aussi dé- lié devrait se cicatriser promptement et sans douleur. Il n’en est point ainsi. Il s’elève à l'endroit blessé une tumeur très-irritante, produite .par une gouttelette d’une liqueur vénéneuse que le cousin laisse couler sous la peau. Plus on porte la main sur cette tumeur, plus elle s'agrandit, plus elle devient cuisante. La piqûre du cousin dans des endroits du corps plus délicats, comme les paupières et les joues, occasionne quelquefois un gonfle- ment considérable. On peut le guérir par le moyen de l’alcali volatil. 254 HISTOIRE NATURELLE Comme ces insectes n’ont pas toujours occa- sion de se rassasier de sang, ils ont encore d’autres aliments en partage ; ils sucent aussi les plantes; on les trouve souvent sur diffé- rentes fleurs, et particulièrement sur les cha- tons du saule, Dans les jours chauds et dans les lieux éclairés par le soleil, on remarque qu’ils se tiennent tranquilles jusque vers le soir,etqu'ilss'attachentau-dessousdes feuilles. Cependant ils n’attendent pas toujours le com- mencement de la nuit pour paraître; ils se livrent à leurs poursuites importunes dès le milieu du jour, surtout dans les bois. C'est dans les eaux croupissantes des mares et des étangs que vivent et,se développent les larves des cousins. Elles sont dépourvues de pattes, sont très-vives et très-nombreuses. Elles se nourrissent de débris de substances animales et végétales, et préviennent par con- Les cousins, qui ne semblent utiles à rien, sinon à exercer la patience des hommes, ont encore un but qui concourt à l'harmonie générale de la nature. La dernière métamorphose du cousin, qui ‘DES INSECTES 255 d'un animal aquatique va en faire un volatile, est un des traits les plus curieux que nous offre l'histoire naturelle des insectes. La nympbhe qui s'apprête à quitter son humble séjour monte à la surface de l’eau et s’y tient immo- bile. Sa peau se gonfle et se fend sur le dos; la déchirure s’augmente promptement, et laisse paraître le corselet du cousin. La tête com- mence à se dégager; c'est un moment très- critique pour l'animal : l’eau, qui était son élément, lui serait maintenant funeste. Com- ment éviter tous les dangers qui l’assaillent? Un soufile dans l'air, le mouvement d’une feuille qui tombe, une secousse maladroite- ment donnée, une petite oscillation vont le submerger! Voyez avec quelle dextérité, avec quelles précautions il dégage sa tête et son corselet, avec quels efforts habilement ména- gés il peut, par les contractions successives de son abdomen et sans le secours de ses mem- bres, se débarrasser peu à peu de sa dépouille. La peau de la nymphe est devenue un petit batelet capable de supporter le cousin, qui se dresse au milieu comme un mât. Si le vent vient à soufller, l’insecte reste immobile, et 256 HISTOIRE NATURELLE DES INSECTES la frêle nacelle glisse sur. l’eau. Au premier moment de calme, le cousin dégage ses pattes, ses ailes, et s’élance dans les airs. L’excessive multiplication des cousins en ferait un des fléaux les plus redoutables, si rien n’en diminuait le nombre. Mais le Créa- teur les a entourés d’une multitude d'ennemis dont ils font la nourriture. Sans compter les poissons, qui dévorent une immense quantité de leurs larves, les hirondelles leur font une guerre de tous les instants et les détruisent par milliers. PARASITES ET SUGEURS LES PUCES ET LES POUX Les puces sont de petits insectes tristement célèbres par leurs piqûres insupportables. Elles sont avides du sang des hommes. Pourvues de pattes renflées à la partie postérieure, elles s’en servent comme d’un ressort pour sauter vive- ment et s’élancer à d'assez grandes distances. Au moindre danger, elles ont recours à ce moyen, qui les soustrait promptement aux atteintes de leurs ennemis. Leur peau est dure, coriace, d’un brun foncé, et élastique. Leurs antennes sont filiformes et composées seule- ment de quatre articles. La trompe qui consti- tue leur bouche est formée de trois parties, dont deux latérales servent de fourreau à une 258 HISTOIRE NATURELLE troisième très-fine et très-aigué. C’est en intro- duisant dans les chairs cette trompe acérée que les puces nous causent une douleur si vive, et qu’elles réussissent à s’abreuver de notre sang. Les métamorphoses des puces sont en tout semblables à celles des insectes des autres or- dres. Ces animaux sont ovipares, et de chacun des œufs il sort une petite larve, qui passe par l’état de nymphe avant de devenir insecte parfait. Ils déposent leurs œufs à la base des poils des autres animaux, sur les cheveux de l'homme, sur les plumes des oiseaux. Quatre à cinq jours après avoir été pondus, ces œufs laissent échapper de petites larves, sous la forme d’un ver allongé, cylindrique, dont le corps est divisé en treize anneaux. Ces petites larves velues sont très-agiles et très-gour- mandes, Après quinze à seize jours, elles sont arrivées à leur entier accroissement ; elles se renferment alors dans une petite coque très- blanche en dedans, sale et couverte de pous- sière en dehors, et s’y changent en nymphes. Le travail de transformation est court en été il ne dure ordinairement que deux à trois jours; DES INSECTES 259 en hiver il est beaucoup plus long. La puce se hâte de sortir pleine de vivacité et d’appétit. C’est surtout dans les premiers jours de sa vie qu’elle est plus cruelle et plus intolérable. La seule espèce de puce que nous ayons en Europe se trouve non-seulement sur les hommes, mais encore sur plusieurs espèces d'animaux, comme les chiens, les chats, et même les vaches et les lièvres. Elle attaque de préférence les femmes et les enfants, sans doute parce que leur peau est plus tendre et plus délicate, peut-être encore parce que leur sang est plus doux et plus liquide. On a ra- conté sur l’industrie de cette puce une foule d'histoires merveilleuses. Nous n'avons pas l'intention de les répéter, parce qu’elles doi- vent presque toutes être rangées parmi les fables et les contes absurdes. Il y a en Amérique une autre espèce de puce qu'on appelle puce pénétrante ou chique; elle s’introduit sous les ongles des pieds et sous la peau du talon pour y déposer ses œufs. La plaie est extrêmement douloureuse, et se change facilement en ulcère malin, si l’on ne se hâte pas d’y apporter remède. On peut se préserver 260 : HISTOIRE NATURELLE de cette incommodité fâcheuse en se frottant les jambes avec des plantes âcres et amères. Passons maintenant à l’histoire d’un animal plus dégoûiant encore que la puce, je veux dire le pou. Le corps de ce vilain insecte est plat et divisé en plusieurs articulations ; la tête est munie d’un véritable suçoir, en forme de tube, par lequel l’insecte aspire le sang; les pattes sont munies, à leur extrémité, de deux crochets dirigés l'un vers l’autre, à l’aide desquels l’in- secte se-cramponne aux poils des animaux. Les poux sont ovipares, et multiplient beau- coup. Ils déposent leurs œufs, connus sous le nom de lentes, sur les cheveux et sur les habits des gens malpropres. Des expériences ont prouvé au célèbre naturaliste Leuwenhoëck qu'en six jours unpou peut donner naissance à cinquante œufs ; que les petits sortent des œufs au bout de six jours, et qu'environ dix-huit jours après en être sortis, ils peuvent pondre à leur tour. D’après ces observations et les calculs de l’auteur, deux poux peuvent être la souche de plus de dix-huit mille petits dans l’espace de deux mois. Les poux disparaissent de la tête des enfants à e d pes INSECTES 261 quand ceuxci sont parvenus à un certain âge, à moins qu'ils ne soient entretenus par une excessive négligence. Ils se développent aussi quelquefois en immense quantité sur le corps de l’homme, dans une terrible maladie qu'on nomme maladie pédiculaire. Les œuvres de Dieu seul sont admirables. EccLés., Ch 11. À 3 F 4 s APPENDICE LES CHENILLES Surmontons pour quelques instants une ré- pugnance puérile ; allons étudier les instincts si pleins d’intérêt de quelques espèces de che- nilles. Nous rapporterons de notre étude plu- sieurs traits frappants, propres à nous faire admirer de nouveau la libéralité touchante de Dieu pour des animaux que nous avons jugés si vils et si méprisables. L'observateur retrouve l'empreintedu doigt divin tout aussi clairement sur le corps de la chenille que dans la corolle de la plus gracieuse fleur des champs ; il recon- naît les soins attentifs de la Providencedans les habitudes et dans l’industrie de ces insectes dédaignés, d’une manière aussi évidente que dans les précautions presque infinies qui en- tourent les créatures les plus élevées. APPENDICE, — DES CHENILLES 263 Parmi les chenilles, les unes vivent con- stamment solitaires, les autres passent la plus grande partie de leur première existence à l'état de larves, réunies en familles nom- breuses. Nous serons témoins des ressources les plus variées, des habitudes les plus di- verses, selon le genre de vie qu'il leur a été donné de suivre. Nous nous attacherons spécialement à l’his- toire des chenilles lieuses, des plieuses, des rou- leuses, des hydrocampes ou chenilles d’eau, et des processionnaires. Les chenilles lieuses sontgénéralement d’une taille médiocre et recouvertes de couleurs som- bres :elles ont été ainsi nommées parce qu’elles ont la coutume de réunir plusieurs feuilles en un petit paquet. Pour arriver à consolider le faisceau , qui doit plus tard leur être utile, il leur faut user de patience et de génie. Elles cherchent d’abord à parvenir à la pointe des feuilles, afin d’y attacher quelques fils soyeux : de là dépend tout le succès de l'opération. Dès que deux ou trois feuilles ont été rapprochées par leur extrémité, elles sont peu à peu serrées dans toute leur longueur au moyen de nom- 264 APPENDICE " breuses cordelettes. Bientôt le paquet devient volumineux par l'addition des feuilles les plus convenables et les plus voisines. Les liens des- tinés à les retenir sont tellement fermes, que des efforts assez grands ont quelque peine à les faire céder. En paix au milieu de‘son nouveau domicile, la chenille y trouve et l’abri et des provisions abondantes ; le parenchyme des feuilles lui donnera sa nourriture de prédilec- tion, tandis que le toit des feuilles la défendra contre toute surprise dela part de sesennemis, la protégera contre toutes les variations de l’at- mosphère. On rencontrera souvent les paquets de feuilles de la chenille plieuse sur les poi- riers,sur lesronces,sur lesépines,surlesrosiers et sur les pommiers. Les plus jolis ouvrages en ce genre, ceux qui sont tissus avec plus d'art, se rencontrent sur le fenouil, sur les saules et sur les osiers. Voici, dans l’histoire de la che- nille plieuse, un fait qui prouve une pré- voyance qui supposerait presque de l'intelli- gence. Lorsque la tige, dont les dernières feuilles ont été liées, se développera par l'effet naturel de la végétation , elle détruira letravail de notre petite ouvrière. Ne craignons rien :2 LE 7 7 _ DES CHENILLES 265 celle-ci commence par ronger le bourgeon suspect, elle n’a plus rien à redouter de ce côté-là. Quel instinct étonnant! Les chenilles rouleuses ne le cèdent pointaux précédentes en industrie ni en habileté. Leurs travaux demandent autant de courage, et peut- être de plus grandes ressources. On peut les observer sur une foule de plantes, mais parti- culièrement sur le chêne, lorsque les feuilles ontatteinttout leur développement. Cesfeuilles sont contournées de mille manières plus extra- ordinaires les unes que les autres. Tantôt ce sont des cornets enroulés avec grâce , tantôt ce sont des tübes cylindriques serrés avec force ; quelquefois plusieurs feuilles sont attachées ensemble pour former des tuyaux plus solides. Comment de faibles insectes, n'ayant pas d’au- tres outils queleurs pattes, leurs mâchoires et leurs filières, ont-ils pu faire céder des feuilles si robustes, les retenir dans des positions si contraires à leur élasticité naturelle? Exami- nons=les à l'ouvrage. A l’aide de cordons de soie tendus d'une ex- trémité de la feuille à l’autre, les chenilles rou- leuses en fléchissent un peu la surface par la 12 266 APPENDICE traction de ces petits câbles. Lorsque le pre- mier mouvementaeulieu, unenouvelle rangée de cordons plus courts que les premiers aug- mente la courbure déjà obtenue; un troisième rang de fils tirés avec plus d'énergie rapproche encore les extrémités; par une suite demanœu- vres de la même espèce, le travail s’avance peu à peu, et, à force de persévérance, notre petit ermite arrive à terminer sa cellule. Quelle con- stance pour mener à bonne fin une entreprise si difficile ! Combien de foisletravail est-il sus- pendu par quelque obstacle inopiné! La grosse nervure du milieu de la feuille oppose souvent une résistance insurmontable aux efforts redou- blés de notre laborieuse chenille ; ea perd point courage : on dirait qu’elle comprend la raison de l’inutilité de ses tentatives. En effet, elle se met aussitôt à ronger la nervure trop ferme, son travail n’éprouve plus aucun re- tard et se termine heureusement. Il est impossible de passer sous silence l'in- dustrie d’une petite chenille rouleuse quise dé- veloppe communément sur l’oseille, au mois de septembre. Par un procédé fort ingénieux , elle a le talent de se fabriquer un rouleau composé DES CHENILLES ‘267 de plusieurs tours fixés les uns sur les autres. C'est un travail fatigant , qui dure plusieurs jours; mais la constance surmonte toutes les difficultés. La science de notre petite mécani- cienne ne se borne pas à se fabriquer une mai- son en forme de colonne ; il faut maintenant qu’elle parvienne à l’établir perpendiculaire- ment , comme un obélisque sur sa base. C’est un problème dont la solution embarrasserait plus d'un savant. Elle établit tout un système de cordages, qui dressent insensiblement sa maisonnette et en assurent la solidité. Les chenilles plieuses réclament notre atten- tion à leur tour. Elles ont le talent de se con- struire une habitation en forme de petite boîte aplatie ; elle ont l’art de plier une feuille, quel- quefois en divers sens, pour se loger commodt- ment. Retiréesdans leur cabanetendue de soie, elles en mangent les murailles , formées de la surface des feuilles. Elles ont grand soin de ménager les fibres et l’épiderme du côté op- posé, afin de ne point ouvrir la porte à l’en- nemi et au froid qui leur donnerait la mort. Personne assurément ne s’imaginerait qu'il y ait une chenille qui vit dans l’eau. C’est là 268 APPENDICE cependant que l'hydrocampe vit et se déve- loppe. Elle se nourrit de la substance de quel- ques plantes aquatiques, qu’elle ne peut ren- contrer qu’à une certaine profondeur. Admi- rons une disposition merveilleuse! Cette chenille, entourée d’eau de tous côtés, a besoin pourtant de respirer l'air atmosphérique ; baignée parle liquide, elle serait promptement asphyxiée. Alors elle se fabrique une coque de soie impénétrable à l'humidité, qui renferme une provision suffisante d'air respirable. Chose singulière, la tête de l’insecte peut sortir de cette cavité et y entrer sans donner passage à l’eau. Quand le papillon arrive à sa.dernière forme ; il parvient à la surface de l’eau sans accident, et prend joyeusement son essor dans les airs. Combien d'autres prodiges n'aurions -nous pas à dévoiler si nous voulions décrire les tra- vaux de la chenille du cossus, qui se creuse des galeries dans l’intérieur de l'arbre au sein duquel elle se développe, et tisse derrière elle une toile solide pour lui servir de point d’ap- pui; les procédés de la chenille qui s'enve- loppe des fragments qu'elle détache de l'é- DES CHENILLES 269 corce du chêne, et se compose ainsi une coque qui ressemble à un ouvrage de marqueterie ; et l’habileté de la chenille aux teintes d'éme- raude, qui se fabrique, sur une feuille da même arbre, un berceau de soie en forme de petit bateau ; et l’industrie de celle qui attache sa coque en grain d'orge à une tige de grami- née , ou de celle qui roule une feuille de frêne en cornet et suspend au milieu sa coque en grain d'avoine! Le naturaliste religieux, ins- truit à rapporter tout ce qu'il voit vers l’au- teur de la création, rencoutre à chaque pas, dans l’etude des mœurs des animaux, de nou- velles et pures jouissances! Il faudrait avoir l'esprit rempli de ténèbres bien épaisses pour ne point voir partout l’effet d’une intelligence toute-puissante et parfaitement sage ! Plusieurs espèces de chenilles forment des sociétés nombreuses, de véritables républi- ques, gouvernées par des principes communs de bien général et de défense mutuelle. Les processionnaires composent une des familles les plus peuplées et les mieux policées. Les ci- ‘toyens de cette petite nation sont de taille moyenne, noirs sur la partie supérieure du 270 APPENDICE corps et couverts de longs poils blancs. Ne vous hasardez pas à porter sur ces chenilles une main imprudente; car ses poils légers pénè- trent facilement dans les pores de la peau et y causent des démangeaisons analogues à celles que produit la piqüre de l’ortie. Si vous vou- lez examiner leur nid, prenez quelques pré- cautions : en l’ouvrant précipitamment, il s’en échappe une poussière épaisse, formée des débris de ces villosités délicates, qui occasion- nerait sur la figure une inflammation fort douloureuse, semblable à un érésipèle. Toutes les processionnaires travaillent si- multanément à construire une habitation com- mune. C’est un riche pavillon de soie, où chaque individu possède une case pour se re- poser et se soustraire à l’avidité de ses enne- mis. Vers le soir, ces chenilles quittent leur domicile pour aller chercher leur nourriture. Elles suivent un ordre de marche fort singu- lier et fort remarquable. On en voit d’abord s'avancer une seule qui ouvre la marche en explorant le terrain avec précaution ; puis les autres suivent à la file, deux, trois, quatre ou cinq de front, dans un alignement parfait. DES CHENILLES 271 C'est comme un troupeau de moutons qui ne marche qu'à la suite d’un chef conducteur. Le guide vient-il à s'arrêter, toutes nos chenilles s'arrêtent au même instant; reprend-il sa marche, on continue la route; s'engage-t-il par un détour, toute la ligne y passe après lui. Aussitôt que le corps d'armée expéditionnaire est rendu sur une branche verte bien garnie de feuilles tendres et fraîches, on se débande pour prendre place au festin. Dès que le repas est fini, on s'apprête à retourner au nid. Une chenille s’avance, une autre la suit, les rangs se réorganisent, on se place convenablement, le bataillon défile, et nos processionnaires regaguent leur palais de soie, en observant le même ordre qu’en sortant. Elles retournent exactement sur leurs pas, et, afin de prévenir toute erreur, elles laissent derrière elles de longs sillons de soie qui servent à les diriger. Elles vont hardiment sur un chemin connu ; mais si l’on interrompt les fils, on est témoin d’un grand trouble. Les chenilles sont inquiè- tes ; elles se pressent, elles se heurtent, jus- qu à ce qu'une d’entre elles, plus impatiente que les autres, renoue le fil rompu. 272 APPENDICE — DES CHENILLES Nous finissons cette histoire de quelques chenilles en répétant ces belles paroles de saint Augustin : « Chaque espèce a ses beautés natu- relles. Plus l’homme les considère, plus elles excitent son admiration, et plus elles l'enga- gent à louer l’auteur de la nature ; il s'aperçoit qu'il a tout fait avec sagesse, que tout est sou- mis à son pouvoir, et qu'il gouverne tout avec bonté. » FIN DE L'HISTOIRE DES INSECTES CARACTÈRES SPÉCIFIQUES DES INSECTES INDIQUÉS DANS CET OUVRAGE Le but que nous nous sommes proposéen écrivant cet ouvrage nous a empêché de donner pour chaque insecte une description scientifique. Nous avons tou- jours cherché à diminuer l’aridité nécessairement atta- chée à ces sortes de définitions, indispensables pour les entomologistes classificateurs. Les noms vulgaires des insectes peuvent varier suivant les localités : la syno- nymie d’ailleurs est toujours embarrassante ; pour ces raisons nous avons jugé utile de placer ici les carac- tères zoologiques des espèces dont nous avons raconté l’histoire, Les jeunes naturalistes trouveront peut-être, dans cette nomenclature courte et simple, un point de départ pour entrer dans la connaissance si attrayante des familles, des genres et des espèces entomolo- giques. Li 12 CARACTÈRES SPÉCIFIQUES +» = > COLÉOPTÈRES CrcINDÈLE champêtre. Cicindela cumpestris. Fabri- cius. — D'un vert terne en dessus, métallique en dessous ; antennes noires; cinq points blancs sur chaque élytre, — Commune en France. CicpèLe hybride. Cicindela hybrida.Fabr.— Élytres cuivreuses vers le point de jonction, ayant chacune deux taches en croissant et une bande blanche. — Commune. , Carnage doré. Carabus auratus. Fabr.— Ovale, vert doré en dessus ; antennes et pattes rousses. — Très- commun. CaRABE purpurin, Garabus purpurascens. Fabr. — Oblong ; noir; bords du corselet et des élytres ayant un reflet de pourpre. — Moins commun. CaRABÉ bleu. Carabus cyaneus. Fabr. — Ovale, allongé ; un peu déprimé ; violet en dessus; élytres rugueuses. — Rare, ProcrusTE chagriné. Procrustes coriaceus. Fabr. — Un des plus grands carabiques; noir luisant en dessus, mat en dessous; élytres chagrinées. — Très-commun. Cazosome sycophante. Calosoma sycophanta. Fabr. — Dessous du corps, tête et corselet d’un noir bleuâtre ; pattes noires; élytres d’un vert doré, à reflets cuivreux. — Rare. BraGine pétard. Brachinus crepitans. Fabr.— Des- sous du corps, tête et corselet fauves; élytres entiè- DES INSECTES 275 rement d’un noir bleuâtre, variant au verdâtre. — Commun. BRAGHINE à explosion. Brachinus explodens. Duf. — Ferrugineux; élytres presque lisses, bleues, sans taches rouges à la base; abdomen obscur, — Com- mun. : BramNE pistolet. Brachinus sclopeta. Fabr.— Plus petit que les précédents. ; dessous du corps d’un rouge ferrugineux ; élytres d’un noir bleuâtre, ayant \ leur suture en partie fauve. — Commun. HarpPaLe. Harpalus. Latr.— Ge genre a été sous-divisé _-en un très-grand nombre d’autres genres. La tribu des harpaliens renferme une quantité prodigieuse d’espèces. Dyrique bordé. Dyticus marginalis. Fabr. — De la famille des hydrocantares ; noir en dessus, d’un brun jaunâtre en dessous; le mâle ayant les élytres lisses, la femelle les ayant rayées. Tout le corps semble bordé d’une bande claire. — Commun. Gyrin nageur. Gyrinus natator, Fabr. — D’un noir foncé et luisant; pattes jaunes; élytres avec des * stries fines, — Commun. STAPHYLIN odorant. Staphylinus olens. Latreille. — Corps entièrement noir; tête plus large que le corse- let. Il répand un odeur nauséabonde, — Commun. STAPHYLIN à élytres rouges. Staphylinus erythropte- rus. Latr. — llytres et pattes fauves, bord posté- rieur du corselet d’un jaune doré. — Rare. STAPHYLIN bourdon. Staphylinus hirtus. Lat.— Noir, très-velu, avec le dessus de la tête, du corselet et 276 CARACTÈRES SPÉCIFIQUES les derniers anneaux de l’abdomen couverts de poils épais d’un jaune doré et lustré. — Rare. STAPHYLIN à tête dorée. Staphylinus chrysocephalus. Latr. — Tête couverte de villosités à reflets dorés ; quelques petites taches d’un roux obscur sur le cor- selet et les élytres. — Très-rare. PepÈre littoral. Pœderus riparius. Latr, — Corps allongé, d’un fauve jaunâtre; élytres bleues; les deux derniers anneaux de l'abdomen d’un noir bleuâtre. — Commun. BuPRESTE géant. Euchroma gigantea. Latr.— Long de six à sept centimètres, d’un vert doré ; abdomen à reflets rouges. — Cayenne. AGRYLE élargi. Agrylus latus. Latr.— Corps d’un cui- vreux mat; élytres finement pointillées.— Commun. TaupiN lumineux. Pyrophorus nocticulus. Latr, — Long de quatre centimètres; d’un noir fauve; le corselet ayant de chaque côté une tache brune lu- mineuse pendant la nuit. — Antilles. TauriN ferrugineux. Steadoderus ferrugineus. Latr, — Long de trois centimètres; d’un rouge ferrugi- neux en dessus, noir en dessous, — Rare. î LamPyRrE, ver luisant. Lampyris noctiluca. Latr. — Élytres noirâtres; antennes simples; corselet demi- circulaire, recevant'entièrement la tête, avec deux taches transparentes en croissant. La femelle est aptère. — Rare. Lucio d'Italie, Colophotia italica.Latr.= Petit; cor- selet rougeûtre ; élytres brunes; les deux derniers anneaux de l'abdomen d’un jaune citron. — Italie, DES INSECTES 277 VRILLETTE opiniâtre. Anobium pertinaæ. Latr.— Noi- râtre ; quatre lignes élevées sur le corselet; élytres à stries formées par des points. — Rare. NÉCROPHORE enterreur. Necrophorus vespillo. Latr. — Noir; deux bandes ondées d’un rouge jaunâtre sur les élytres. — Commun. NÉCROPHORE germanique. Necrophorus germanicus. Latr, — Grand, noir; bord extérieur des élytres d’un rouge vif. — Rare. HypropHiLe brun. Hydrophilus piceus. Latr. — Long de quatre à cinq centimètres ; ovale, d’un brun noir luisant ; une pointe très-aigue au sternum. — Com- mun. ATEucRUs sacré. Afeuchus sacer. Latr.— Grand, noir, lisse; bords du chaperon découpé en six dents; deux tubercules sur la tête. — Égypte, et assez souvent France méridionale. Céroine dorée. Cetonia aurata. Latr. — Antennes noires, tête verte, corselet d’un vert doré, finement pointillé; élytres d’une belle couleur d’or, avec quel- ques petites taches blanches ondées. — Commune, CÉTOINE marbrée, Cetonia marmorata. Latr. — Elle ressemble un peu à la précédente, mais le corps est plutôt bronzé que doré ; les élytres sont traversées par des bandes irrégulières ressemblant assez aux veines du marbre, — Commune, Hopute écailleuse. Hoplia farinosa. Fabr.— Dessus du corps couvert d’écailles brillantes d’un bleu argenté; dessous couvert d’écailles argentées avec une teinte d’un vert doré. — Commune. 278 CARACTÈRES SPÉCIFIQUES HANNETON commun. Melolontha vulgaris. Latr. — Corps rougeâtre, couvert d’un duvet fin et cendré; bords de l'abdomen ayant une rangée de taches triangulaires et blanches. — Très-commun. LucanE cerf-volant. Lucanus cervus. Latr. — Noir; élytres brunes; mandibules prolongées en deux cornes fourchues à l'extrémité; la femelle a les man- dibules courtes. — Commun. LUGANE chevreuil. Lucanus capreolus. Fabr. — Plus petit que le précédent, auquel il ressemble beau- coup. — Commun. Dorcus parallélipipède. Dorcus parallelipipedus. Fabr. — Espèce semblable à la femelle du lucane chevreuil. Les deux sexes n’ont jamais de longues mandibules. Oparre des sables. Opatrum sabulosum. Latr.— Noir ou d’un gris cendré finement chagriné; les élytres ayant trois lignes longitudinales crénelées.— Gom- mun. Asipe grise. Asida grisea. Latr, — D'un noir terreux ; élytres ayant des lignes irrégulières dentées ou on- dées. — Commun. BLaps porte-malheur. Blaps mortisaga. Latr. — Noir foncé; corps ovale, élytres soudées, ayant leur extrémité prolongée en une espèce de queue échancrée. — Commun. k CANTHARIDE à vésicatoire. Lytta vesicatoria. Fabr. — D'un vert doré; antennes noires ; une ligne profondé- ment enfoncée sur le milieu de la tête.— Commune. MéLoës automnal. Meloe autumnalis. Latr. — D'un DES INSECTES 279 bleu foncé; corps renflé; élytres courtes, sans ailes membraneuses ; une légère ligne enfoncée derrière la tête; corselet très-concave au bord postérieur. — Commun. BrucHE des pois. Bruchus pisi. Latr. — Noirâtre ; pattes fauves ; une tache grise au milieu du bord postérieur du corselet; élytres striées.— Commun. CHARANÇON impérial. Butimus imperialis. Fabr. — D’un vert doré brillant, avec des lignes élevées, entremélées de points enfoncés de la même couleur. — Amérique méridionale. -Poryprusus du coudrier. Polydrusus coryli. Latr,— Taille petite ; corps allongé, entièrement recouvert de petites écailles vertes et brillantes. — Commun. RyncniTE Bacchus. Rynchites Bacchus. Latr. — Joli petit charançon. Bec allongé, corps arrondi orné de couleurs purpurines. — Commun. CHARANÇON du blé. Calandra granaria. Latr.—Très- petit; d’un brun marron obscur; corselet ponotué; élytres finement striées. — Commun. SCOLTE destructeur, Scholytus destructor. Latr. — Élytres brunes, tronquées et striées ; tête couverte de poils gris-cendré. — Commun. APATE capucin. Apate capucina. Fabr. — Corselet bossu ; abdomen et élytres rouges. — Commun. v CAPRICORNE héros. Hammaticherus heros. Latr. — Long de quatre à cinq centimètres; noir ; antennes très-longues ; corselet épineux. — Commun. CAPRIGORNE musqué. Aromia moschatæ. Dej, — D'un 280 CARACTÈRES SPÉCIFIQUES . vert brillant, quelquefois cuivreux ou bleuâtre. — Commun. CAPRIGORNE de Kelher. Purpuricenus Kœlheri. Latr. — Corps noir; élytres d’un rouge sanguin; corselet présentant souvent deux petites taches rouges. — Rare. Cazuipie clavipède, Callidium clavipes. Latr,— D'un noir opaque ; cuisses renflées. — Rare. GaLLIDIE sanguine. Callidium sanguineum. Latr. — Corselet arrondi, tuberculé, d’un rouge vif, ainsi que les élytres; le reste du corps noir. — Commun. CRIOGÈRE du lis. Crioceris merdigera. Latr, — Tête noire, ainsi que le dessous du corps; élytres et corselet rouges. — Commun. ALTISE potagère. Altica oleracea. Latr. — Oblongue; d’un bleu verdâtre luisant; antennes noires; élytres finement ponctuées. — Commun. CoccrNELLE sept-points. Coccinella septem-punctatu. Latr, — Hémisphérique, noire, une tache blanche sur les bords latéraux du corselet ; élytres fauves, ayant sept points noirs. LÉPIDOPTÈRES LE PAPILLON paon du jour. Vanessa io: Latr. — Ailes anguleuses ; dessus d’un fauve rougeâtre; avec une grande tache, en forme d'œil, sur chacune; dessus des ailes noirâtres. — Commun. VANESsE du chardon, Vanessa cardui. Latr. — Ailes dentées, dessus rouge varié de blanc et de noir, DES INSECTES 281 dessous marbré de gris, de jaune et de brun, avec cinq taches en forme d’yeux bleuâtres.— Commun. SPHINX tête de mort. Brachyglossa atropos. Latr. — Ailes supérieures mélangées de brun foncé et de jaune, corselet marqué de taches noires imitant à peu près une tête de mort. — Commun. SPHINX du liseron. Sphinæ convoluuli. Latr. — Ailes supérieures variées de raies brunes plus ou moins foncées, les inférieures ayant des bandes d’un brun noirâtre; abdomen alternativement rayé de rouge et de noir, — Rare. SPHINX de la vigne. Sphinæ elpenor. Latr. — Ailes supérieures d’un vert olive, ayant des bandes rouges. — Commun. Gossus ronge-bois. Cossus ligniperda. Latr. — D'un gris foncé ; ailes supérieures ayant en dessus de petites lignes noires très-nombreuses formant des veines entremêlées de brun et de blanc. — Rare. Le GRAND-PAON de nuit, Attacus pavonia. Germ. — Le plus grand papillon de notre pays; corps brun ; ailes grises, avectun grand œil composé de cercles de couleurs variées. — Rare, La FeuILLE-MortE. Gastropachæ quercifolia. Germ. — D'un roux brun; ailes supérieures traversées par trois lignes noirâtres etonduleuses; ailes inférieures dentelées. Li . Le VER à soie. Lasiocampus mort. Schrank. — Ailes blanches, avec deux ou trois raies obscures et une tache en croissant; antennes brunes et pectinées. — Originaire de la Chine. j #- _x 1 e 282 CARACTÈRES SPÉCIFIQUES Bompyx processionnaire. Lasiocampus processionea. Schrank. — D'un gris cendré ; antennes pectinées, fauves; quelques lignes transversales peu mar- quées. — Commun. PyraALE de la vigne. Pyralis vitis. Latr.— Dessus des ailes supérieures d’un verdâtre foncé, avec trois bandes obliques noirâtres. — Commun. TEIGNE des tapisseries. Tinea tapezella. Latr.— Aïles supérieures noires; leur extrémité postérieure, ainsi que la tête, blanche; le bord supérieur un peu re- levé. — Commun. DERMAPTÈRES ForFICULE ordinaire. Forficula auricularia. Fabr.— : : 4 Brune ; tête rousse; pieds d’un jaune d’ocre; élytres rougeâtres. — Commun. ORTHOPTÈRES Mare prie-Dieu. Mantis religiosa. Fabr.— Verte; corselet caréné ; élytres plus longues que les ailes; pattes ravisseuses. — Commun. Payzue feuille-sèche, Phyllium siccifolium. Fabr.— D'un vert jaunâtre ; corselet court, dentelé sur les bords; des feuillets dentelés aux cuisses; élytres courtes. — Indes. SAUTERELLE émigrante. Acridium migratorium. Latr. — Vert ou brun; jambes postérieures d’un roux vif; élytres brunes tachetées de noir. — Commun. DES INSECTES 283 GriLLON champêtre. Gryllus campestris. Latr.— Noir, court et épais ; tête grosse; ailes traversées de gros- ses nervures; cuisses rugueuses. — Commun. GRILLON domestique. Gryllus domesticus. Latr. — Semblable au précédent, excepté pour la couleur, qui est jaunâtre ou grise. — Commun. COURTILIÈRE commune, Gryllo-talpa vulgaris. Fabr. — Jambes antérieures ayant quatre dents; élytres de la moitié de la longueur de l'abdomen. — Commun. HÉMIPTÈRES PENTATOME grise. Pentatoma grisea. Latr.— D’un gris jaunâtre, obscure, ponctuée de noirâtre; membrane des élytres blanches, avec des points noirs; jaunâtre en dessous. — Commun. Punaise des lits. Cinex lectulurius. Latr. — Sans ailes, d’un roux foncé. — On prétend qu’elle fut apportée d'Amérique. REDUVE à masque. Reduvius personatus. Latr. — En- tièrement noirâtre ; écusson terminé par une pointe droite. — Commun. CIGALE commune, Cicada plebeia. Latr. — Noirâtre, tachetée de jaunâtre ou de roussâtre ; élytres ayant sur leur moitié inférieure des nervures testacées, et sur l’autre moïtié des nervures noirâtres. — Commune dans la France méridionale. CerGoPE écumeux.Cercopis spumaria.Fabr.—Dessus d’un cendré noirâtre ; élytres ayant chacune deux > ni * 284 CARACTÈRES SPÉCIFIQUES taches blanches formant un angle près du bord extérieur, — Commun. PucERoN. On en connaît plusieurs espèces, variant de couleur suivant la plante sur laquelle elles se nour- rissent. CocHENILLE du nopal. Cocus cacti, Latr.—D’un rouge foncé; abdomen terminé par deux soies assez lon- gues ; ailes grandes et blanches, — Mexique. NÉVROPTÈRES LIBELLULE vulgaire, Libellula vulgatissima. Latr, — Côtés du corselet et de l'abdomen jaunes; ailes blanches; taches marginales des ailes d’un brun ferrugineux. — Commune. AGRION vierge. Agrion virgo. Latr. — Espèce ayant plusieurs variétés remarquables. Le corps est tantôt bleu, tantôt doré, tantôt soyeux; les ailes bleues ou vertes. — Commune. ÉPHÉMÈRE vulgaire, Ephemera vulgata. Latr.—Abdo- men terminé par trois filets; pattes pâles, à taches obscures; ailes et corps mélangés de jaune et d’obs- cur. — Commun. Fourmi-Lion. Myrmeleon formicarium. Latr.—D'un cendré noirâtre; corselet tacheté de gris roussâtre ; ailes ayant les nervures et quelques taches d’un brun noirâtre, — Commun. PHRYGANE commune. Phryganea vulgata. Latr. — Noire; pattes fauves; ailes d’un fauve testacé et uniforme. — Commun. « 4 DES INSECTES 283 HYMÉNOPTÈRES HYyLoToME du rosier. Hylotomus rosæ. Latr. — D'un jaune foncé ; antennes et têtes noires, ainsi que le dessus du corselet; tarses annelés de noir, — Gom- mun. ICHNEUMON piqueur. Ichneuwmon compunctor. Latr. — Noir; bouche ferrugineuse, ainsi que les pattes; abdomen pédiculé. — Commun. Gynres de la galle à teinture. Cynips gallæ tinctoriæ. Oliv. — Fauve pâle, à duvet soyeux et blanchâtre; yeux noirs ; tache d’un brun noirâtre et luisant sur l'abdomen, — Asie Mineure. Gynrps du bédéguar. Cynips rosæ. Latr.— Pattes et abdomen roux, ailes transparentes. — Rare. SPHÉGE des sables, Sphex sabulosa. Latr, = Premier anneau de l’abdomen noir, le second et le troisième fauves, les autres d’un noir bleuâtre ; tête ornée d’un duvet argenté. — Commun, GUÊPE commune. Vespa vulgaris. Latr, — Noire; pattes jaunes ; abdomen jaune, avec une bande noire dentelée. — Commun. GuêPE frelon. Vespa crabro. Latr. — Corps varié de ferrugineux et de noir; anneaux de l'abdomen en partie jaunes et en partie bruns, — Commun, AgeiLLe domestique. Apis mellifica. Latr.— Noirâtre, pubescente, à poils d’un gris jaunâtre obscur ; quel- ques lignes d’un duvet cendré, hd 286 CARACTÈRES SPÉCIFIQUES DES INSECTES DIPTÈRES Mouce des maisons. Musca domestica. Latr. Mouce dorée. Musca cœæsar. Latr, Moucue bleue de la viande. Musca vomitaria. Latr. Cousin commun. Guleæ pipiens. Latr. — Cendré; abdomen annelé de brun; ailes transparentes, sans taches ; antennes du mâle plumeuses. SUCEURS ET PARASITES Puce commune. Pulex irritans. Latr. — D’un brun marron, Puce pénétrante. Puleæ penetrans. Latr. — Très- petite; d’un noir rouge. Pou de la tête. Pediculus cervicalis. Latr. — Cendré; corps découpé latéralement. FIN TABLE INTRODUCTION. — Orga= nisation des insectes. Classement des insectes . en différents ordres. Métamorphoses des in- sectes, Œufs des insectes. Larves des insectes, Nymphes des insectes. Esquisses ENTOMOLOGI- QUES. — COLÉOPTÈRES. — Les cicindelles. Les carabes et les calo- somes, Les brachines et les har- pales. Les dytiques et les gy- rins. Les staphylins. Les buprestes et les tau- pins, 57 Le lampyre et les lu- cioles. La vrillette. Les nécrophores. Les hydrophiles. Les insectes stercoraires. Les cétoines, les hoplies, les hannetons. Les lucanes. Les blaps et les opâtres. Les cantharides et les méloès. Les charançons. Les xylophages. Les capricornes. Les criocères et les al- tises. Les coccinelles. LÉPIDOPTÈRES.— Les pa- pillons de jour. Les papillons crépuscu- laires. 102 107 110 288 Lespapillonsnocturnes, 113 Le bombyx du mürier ou le ver à soie. } 4119 | Les phryganes, 184 Denwarrëres.— Les for- HyMÉNOPrèREs, — Les à ficules. 195 hylotomes. 188 ORTHOPTÈRES. — Les Les ichneumons. 193 mantes et les phyl- Les cynips. 196 lies. » . 129 | Les sphéges. 200 Les sauterelles. 130 | Les fourmis, 204 Les grillons et les cour- Lesguèpeset les frelons. 222 tilières. 135 | Les abeilles. 297 HémiprËres. — Les pen- DiprÈères. — Les mou tatomesetlesréduves. 441 ches, 246 Les cigales. 144 | Lestcousins. 248 Les pucerons. 448 | PARASITES ET SUCEURS. Le cercope écumeux. 153 — Les puces et les Les cochenilles, 155 poux: 257 NévaoprÈères.— Les li- APPENDIGE. — Les che- bellules ou demoi- nilles. 262 selles. 160 | CARACTÈRES SPÉCIFIQUES Les éphémères. 167 | L Des INSECTES. 273 IR » es TABLE Le fourmi-lion. Les térmites. 2922. — Tours, impr, Mame. (JUN - -“987