MÉTAMORPHOSES MŒURS BT INNTINGTS DES INSECTES v Le LE" En. x 4, ” 3 : L L & = L N — + | x PARIS, — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2. | 1 “ æ, Y: # . à ta P Nr re La es Dé bin dé dd 4 EM, BLANCHARD, LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE. LA PÊCHE AUX INSECTES AQUATIQUES (forèt de Fontainebleau), IMPR, FRONTISPICE, DE E, MARTINET, énhehhl urine te dt bras 2 LOT ax 0f MÉtRES lue S CSSESSS s A MÉTAMORPHOSES HŒURS ET INSTINCTS > INSECTES (INSECTES, MYRIAPODES, ARACHNIDES, CRUSTACÉS) PAR ÉMILE BLANCHARD MEMBRE DE L'INSTITUT Professeur au Museum d'histoire naturelle" Ouvrage illustré de 200 figures intercalées dans le texte ET DE 40 PLANCHES TIRÉES A PART PARIS GERMER BAILLIÈRE, LIBRAIRE-ÉDITEUR RUE DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE, 17 1868 Tous droits réservés, F ds 7 ‘ —© Ou pe Es Rs ep | DL Lo A nus — ut. LE nie: a ARR, M LE MONDE DES INSECTES. Avec une incroyable profusion sont répandus dans la nature les êtres appartenant à la grande division zoologique que l’on nomme les ANIMAUX ARTICULÉS. Les Animaux articulés, ce sont les Insectes, les Myriapodes, les Arachnides, les Crustacés, tous les animaux que le grand Linné appelait les Ansectes (Insecta). à Les Insectes abondent sur presque toute la surface du globe. Dans les forêts, dans les champs, au milieu des marécages, les Insectes courent, voltigent, bourdonnent. Dans les eaux tran- quilles, ils fourmillent et se combattent sans relâche. C’est le mouvement, l’activité, la destruction, la vie, sous les aspects les plus variés. Sur les terres glacées, sur les glaces elles-mêmes, là où toute existence nous semble impossible, et où, dans la saison la moins rigoureuse, s’aventurent seules quelques familles d'Esquimaux, 1 ne RS EU | TN TON TT 1 DT TT PE CT 2 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. s’agitent encore des myriades d’Insectes. Leurs espèces ne sont pas nombreuses dans ces régions désolées, mais, par une sorte de compensation, les individus de chaque espèce se montrent en immenses légions. Les plantes et les animaux, par la vague abandonnés sur le rivage, les débris organiques jetés par le flot sur la grève, les débris qui décèlent le passage des hommes, servent à les nourrir. Sous les tropiques, dans ces contrées où la création se mani feste avec une splendeur éblouissante, la scène est partout ani- mée de la façon la plus saisissante par des multitudes d’Insectes aux élytres plus éclatantes que les métaux, aux ailes diaprées de suaves nuances ou parées de. couleurs étincelantes à faire pâlir les pierres précieuses. Sous nos climats, où rares sont les beaux jours pleins de lumière, les parures des Insectes sont en général fort modestes, et cependant le charme que répandent ces humbles créatures est immense. Se figure-t-on des prés où ne voltige ni une Mouche, ni un Papillon ; la lisière d’un bois dont toutes les fleurs sont délaissées, où ne se fait entendre le moindre bourdonnement? Ceux qui se laissent captiver par les beaux sites, par les riants paysages, ont- ils jamais songé à l'impression que produirait la campagne la plus verdoyante et la plus fleurie sans la présence de ces milliers de créatures? Rien, souvent, n’appellerait l'attention. Nul mou- vement ne viendrait, ou distraire l'esprit d'une préoccupation, ou faire naître une pensée dans l'esprit inoccupé. Les Oiseaux se cachent ou demeurent à grande distance de l’observateur; les Insectes s'offrent partout à ses regards. Sur les côtes maritimes, des espèces particulières vivent sur la grève mouillée par la vague, s’éloignant à peine du rivage. La mer cependant a peu de véritables Insectes au milieu de ses populations si nombreuses et si prodigieusement variées. Dans les eaux salées, les Crustacés remplacent les Insectes. Les Crus- TO" O7 CONTE TS LE MONDE DES INSECTES. 3 tacés abondent sous toutes les latitudes, donnant le spectacle d'habitudes étranges, de surprenantes métamorphoses révélées par des études encore bien récentes. Le promeneur errant dans la campagne ou dans les allées de la forêt; le philosophe faisant le tour de son jardin, avec la conscience que touf ce qui est du domaine de la nature offre de nobles enseignements à l'esprit humain, est facilement porté à la contemplation de tous ces. Insectes, les uns paisibles, les autres pleins d’agitation. Durant une partie de l’année, l’activité est sans égale dans ce petit monde. Les Chenilles, les larves dévorent avec une avidité incomparable; elles mangent, elles rongent sans cesse, devant grandir dans le moins de temps possible. Les Insectes ailés se recherchent, se poursuivent, pour accomplir au plus vite leur mariage de quelques moments. Les femelles fécondées sont en quête d’un endroit propice au dépôt de leurs œufs. Les espèces laborieuses, tous ces Hyménoptères, ces Mouches à quatre ailes, comme le vulgaire les appelle, qui semblent vivre uniquement pour le travail, se montrent occupées comme si elles avaient conscience qu’elles n’ont point un instant à perdre. C’est l’Abeille solitaire creusant le sol ou les murs décrépits, bâtissant des cel- lules ; puis humant le miel, récoltant le pollen des fleurs, et s’em- pressant de porter ces provisions dans les cellules destinées à recevoir un œuf. C'est le Sphex aux allures vives, enlevant une chenille où un autre insecte, et se hâtant d'aller l’enfouir dans son nid pour servir de pâture à sa larve. Ailleurs, l’Ichneumon, au corps svelte, aux antennes vibrantes, rencontre une chenille, et lui perçant la peau d’un coup de sa tarière, dépose un œuf dans le corps de l'animal sans défense. Les espèces carnassières, fortement cuirassées et vigoureusement armées, sont à la pour- suite des espèces phytophages. Les larves carnassières, à la peau molle et facile à blesser, tendent des piéges avec une habileté incroyable et se tiennent à l'affût pour s'emparer de leur proie. n LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Sur un autre point, le spectacle est différent. Le cadavre d’un animal est gisant sur la terre, le sol est souillé d'immondices. Des Diptères s'arrêtent sur ces matières dont la présence blesse nos sens; des Coléoptères les fouillent. Bientôt des larves four- millent au milieu de ces affreux débris, les anéantissent ou les disséminent dans la terre. Merveilleuse mission de ces Insectes! Ils fertilisent le sol en éparpillant les détritus; ils font disparaître les matières dont les émanations vicient l'atmosphère. ; Mais tous ces êtres ne remplissent-ils pas un rôle au sein de la nature? Une plante se propage à l'excès ; les Chenilles arrètent la propagation exagérée de cette plante. Les Chenilles apparaissent en nombre trop considérable ; les Ichneumons se multiplient à leur tour, et tuent les Chenilles par milliers. Les espèces phytophages, dont la vie est facile, tendent toujours à accroître leurs popula- tions ; les espèces carnassières empèchent cet accroissement. Ainsi, à travers les siècles, est maintenu l'équilibre dans la création. Des perturbations peuvent se produire : les Sauterelles voyageuses viennent parfois désoler une vaste contrée. Ces per- turbations sont plus ou moins passagères. Si, en Europe, on a continuellement à s'inquiéter des espèces nuisibles, c’est que les immenses cultures ont altéré l’ordre de la nature. Dans le tourbillon où s’agitent tant de créatures dont la mer- veilleuse histoire est encore si peu connue de la généralité des hommes, dominent constamment les deux grands instincts dévolus à tous les êtres : l'instinct de la conservation et l'instinct de la reproduction. L'instinct de la conservation donne à l'individu l’art de se procurer sa subsistance, la volonté de fuir, et la ruse pour échapper à des ennemis redoutables ou la hardiesse pour les combattre, L'instinct de la reproduction se traduit chez le grand nombre des animaux par le sentiment qui porte l'individu d'un sexe à s'unir à un individu de l’autre sexe. LE MONDE DES INSECTES, 5 Parmi les Oiseaux, l'amour de la progéniture existe chez le mâle comme chez la femelle. Au contraire, dans le petit monde que nous nous préparons à étudier, les mâles ont achevé leur mission dès l'instant qu'ils quittent leurs femelles; mais les femelles, les mères, n’ont pas fini. A la vérité, beaucoup d’entre elles n’ont plus à remplir qu'un devoir bien limité. Guidées par leur instinct, elles vont déposer leurs œufs dans l'endroit où ces œufs seront le mieux à l'abri des chances de destruction, où les jeunes larves qui doivent naître bientôt se trouveront dans la situation la plus favorable pour rencontrer la subsistance. Après leur ponte, ces femelles meurent; leur postérité est abandonnée à la Providence, qui ne l'abandonnera pas. Une des plus grandes merveilles de la création, c'est le spectacle de la perfection organique à tous les degrés chez les ôtres. Dans chaque groupe, dans chaque famille de ce monde immense qu'on appelle le Règne animal, il y a des espèces d’une organisation moins parfaite que les autres, ayant des instincts peu développés; des espèces d’une organisation plus élevée, ayant des instincts admirables, des lueurs d'intelligence plus surprenantes encore. Des femelles préparent des retraites, construisent des habita- tions pour leur postérité, emplissent ces demeures de provisions, et ne disparaissent de la scène qu'après avoir assuré l'existence de chaque larve qui sortira de leurs œufs. Quelquefois l'instinct de la maternité se manifeste sous une forme différente : la mère nourrit ses jeunes depuis leur naissance jusqu'au jour de leur métamorphose, n'oubliant jamais le devoir qui lui est imposé. Ailleurs, c'est une mère vivant sans souci de sa progéniture, mais entourée d’une foule de travailleuses, d’une nuée de nour- rices qui suppléent à son insuffisance. L'instinct de la maternité, avec toutes ses ardeurs sublimes, se montre chez quelques-uns de ces êtres dont nous allons esquisser l’histoire. LA D LL. 0. COS 22 TT OT FRET 6 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Telle Araignée enveloppe ses œufs d’un tissu moelleux, et ne se contente pas de cet abri. Elle ne les quitte pas d’un instant. Obligée de courir à la recherche d’une proie, elle porte constam- ment son précieux sachet. Le jour où naissent ses petits, ceux- ci sont trop faibles pour être abandonnés; la mère s'en va en chasse, les emportant sur son dos. En présence du danger, cette mère, ordinairement craintive, devient d’une vaillance sans égale quand il s’agit de défendre ses enfants. La crainte de voir sa pro- géniture enlevée semble lui donner le courage du désespoir. Tous ces Insectes, tous ces Animaux articulés, les uns menant une vie paresseuse, les autres l'existence la plus laborieuse, les uns ayant le goût de la solitude, les autres le besoin de la société, nous fournissent les modèles d’une infinité d'instru- ments: instruments de travail, instruments de combat. Les animaux les plus élevés en organisation, les Mammifères, qui sont les premiers parmi les êtres, peuvent avoir des mains pour saisir, des griffes puissantes pour retenir une proie, des dents pour la déchirer. Les Oiseaux ont un bec et des ongles, et ce sont là les seuls instruments dont ils disposent. Voyez les Insectes, les Arachnides. Quelle variété d'instru- ments! quelle diversité infinie dans les modifications de tous les appendices! Les mandibules sont des pinces, des tenailles, des ciseaux, des meules, des lancettes; les mâchoires, des pièces triturantes, des trompes, des suçoirs. La lèvre infé- rieure est souvent une filière. Les appendices locomoteurs peuvent être adaptés à une foule d’usages : ils deviennent des bèches, des outils propres à fouir, des pinces, des rames; ils portent parfois des râteaux, des fourches, des dévidoirs, des brosses, des corbeilles ; tous instruments construits avec une per- fection qui laisse bien loin derrière elle la perfection qu'attei- gnent les plus habiles ouvriers dans la confection des instruments en usage parmi les sociétés humaines les plus civilisées. Ce n’est pas tout encore, cependant. Ne voyons-nous pas des Insectes LE MONDE DES INSECTES. 7 dont l'abdomen est pourvu à son extrémité d’une pince ou d’une tenaille, d’une tarière, d’une scie, d’un glaive empoisonné ? Parfois un poëte s’avise de décrire les armes ou les instru- ments que la nature a mis au service d’un animal. Dominé par la pensée de produire un grand effet, il puise dans son imagi- nation la plus large part de sa description; il appelle à son aide les expressions les plus retentissantes, Les épithètes les plus éner- giques. Effort inutile, il demeure loin de la réalité. A celui qui est parvenu à connaître seulement un peu l'organisation de cer- tains êtres, il semble que l'ambition du poëte a été de montrer l'indigence de l’esprit humain dans le domaine des idées créa- trices. Rien n’est beau que le vrai, comme l’a si bien dit un des plus grands lettrés de notre siècle. Constater à peu près les formes et jusqu’à un certain point les usages de tous les instruments des Insectes, si divers en appa- rence, ce fut l'œuvre des premiers observateurs, des naturalistes du xvu et. du xvu siècle. L'œuvre des observateurs de notre siècle, ce fut d'étudier les détails avec plus de rigueur, et surtout de reconnaitre, dans ces instruments si différents de forme et d'usage, les mêmes organes modifiés de toutes les façons imaginables. On croyait à l'existence, chez les Animaux articulés, d'une foule d'organes, et surtout d'appendices dissemblables ; tout à coup on découvre dans ces appendices des ressemblances fon- damentales complètes. On démontre aussitôt que chez tous les Animaux articulés ce sont invariablement les mêmes organes, les mêmes appendices situés dans des rapports constants, mais modifiés dans leur conformation, dans leur développement, et adaptés ainsi à une infinité d’usages particuliers. La nature semblait aux premiers observateurs être sans règles; son étude, un immense dédale. L'investigation habile, la comparaison intelligente, montrent bientôt la nature avec des règles fixes, avec un plan d'organisation commun à tous les représentants de chacune des grandes divisions du Règne animal. À dé à. D és ds ds Lt de =. ‘on 8 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. L'étude alors était devenue plus simple; dirigée par une vue philosophique, elle était rendue plus attrayante. Une grande vérité était mise en lumière. Un demi-siècle s’est écoulé depuis la démonstration de cette vérité. Après ce demi-siècle employé par les investigateurs à dé- terminer en détail les Aomologies de toutes les parties du corps des Animaux articulés, une vue générale doit compléter l’œuvre des naturalistes qui ont si heureusement constaté les transfor- mations des pièces de la bouche et des organes locomoteurs des Articulés. Tout changement dans la forme d’un appendice sera désormais le signe d’une habitude, d’un instinct spécial, ou au moins d’une particularité dans les conditions d'existence de l'animal. Les usages des parties extérieures des Insectes, des Ara- chnides et des Crustacés ont été déjà bien souvent signalés par les observateurs. Leurs observations sont devenues un point de départ, les faits acquis sont devenus nombreux, et à présent on peut montrer partout la relation intime qui existe entre la con- formation de l'être et les circonstances au milieu desquelles sa vie doit s’écouler. Étudions les caractères des principaux repré- sentants de la classe des Insectes ou de la classe des Arachnides; apprenons à connaitre les mœurs de ces Insectes ou de ces Arachnides, et bientôt il nous sera facile, à la seule inspection d'une espèce vue pour la première fois, d’être assurés des con- ditions d'existence, des mœurs, des instincts de cette espèce, et même de la nature de son industrie, si elle est organisée pour être habile à certains travaux. Il y a cinquante ans, Cuvier écrivait : « Donnez-moi un os, » que dis-je, une facette d'os, et je reconstruirai l'animal dans » son entier. » La science s’est agrandie depuis le jour où cette asserlion émerveillait, à juste titre. Maintenant l'examen de la mandibule ou de la mâchoire d’un Insecte, ou mieux encore de l’une de ses pattes, peut nous suffire, non-seulement pour LE MONDE DES INSECTES. 9 concevoir une idée exacte des formes générales de l'être tout entier, mais aussi pour découvrir des indices très-sûürs de son genre de vie. Est-il rien de plus propre à imposer le sentiment de l’admi- rable harmonie qui existe dans les œuvres de la nature, que la possibilité, conquise par la science, d'arriver par la considération d’un seul fait à un ensemble de déductions marquées du carac- tère de la certitude ? Pour tous les yeux attentifs, c’est un spectacle à la fois étrange et d'une grandeur singulière que celui des Insectes industrieux, déployant dans leurs travaux l’art le plus raffiné. L'instinet porté ainsi au plus haut degré dont la nature offre des exemples, con- fond la raison humaine. Le trouble de l'esprit augmente, lorsque intervient l'observation patiente et minutieuse de tous les détails de la vie des êtres les mieux doués sous le rapport de l'instinct. Les individus d’une espèce exécutent toujours les mêmes tra vaux sans avoir rien appris; l'instinct, et l'instinct seul, done, les dirige. Mais, pour l'exécution du travail, des obstacles surviennent, des accidents se produisent; l'individu tourne l'obstacle, il choisit le meilleur endroit pour l'établissement de sa demeure, il pare à l'accident, il se met en garde contre le danger. Parfois, gagné par la paresse, au lieu de construire un nid, il prend possession d’un vieux nid et le répare. L'Insecte, que l’on veut supposer agissant à la manière d'une machine, donne à chaque instant la pensée qu'il se rend compte de la situation où il se trouve placé, et d’une foule de circonstances fortuites, et par conséquent impossibles à prévoir. Se rendre compte d’une situation mauvaise et chercher à la rendre meilleure, savoir choisir, concevoir l'idée de s’épargner un travail tout en voulant parvenir au même but, devenir paresseux quand on a été créé pour être laborieux, est-ce de l'instinct? C’est impossible à admettre. Comment alors se refuser à croire que même de très-petits animaux peuvent être doués 10 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. d'une certaine dose d'intelligence ? Étudions, étudions notre sujet; après avoir bien suivi les actes les plus remarquables qui se passent dans ce monde des Animaux articulés, une conclusion inévitable sera rendue manifeste. C’est que des opérations con- sidérables, poursuivies sous l'empire d’un instinct spécial, sont impossibles sans l'intervention de l'intelligence. Les phénomènes de la vie des Insectes et des Arachnides sont l'indice d'organisations très-complexes et très-parfaites. Si les formes des parties extérieures, et surtout des appendices des Ani- maux articulés, ne peuvent manquer de solliciter l'attention d'un observateur, même assez superficiel, l'organisation intérieure de ces créatures, souvent d’une taille fort minime, est bien faite pour exalter l'imagination d’un scrutateur de la nature. Tous ces appareils d’une si étonnante complication : système musculaire, système nerveux, appareil digestif, appareil respiratoire, appa- reil circulatoire, organes de la génération, fonctionnant dans un corps de quelques millimètres de longueur, et même dans des corps que nos yeux ont peine à apercevoir, semblent parfaite- ment autoriser cette réflexion mille fois répétée, que la nature est surtout admirable dans les infiniment petits. Les Insectes ont à offrir d’autres sujets d’étonnement : leurs sens, par exemple. En présence de ces espèces carnassières pleines de ruse, est-il possible de n’être pas émerveillé en voyant avec quelle sûreté elles s’élancent sur leur proie, en remarquant comme elles saisissent sans hésitation leur victime au défaut de la cuirasse? N'est-ce pas la preuve d’une vision très-parfaite ? Les yeux des Insectes, souvent d’une dimension énorme, ont une structure étrange. Ce sont des appareils d'optique con- struits d’après un principe encore inconnu aux physiciens. Nous avons dans ce fait une indication à côté de bien d’autres, que l'étude patiente des animaux est appelée à conduire à des découvertes peut-être susceptibles d'applications de la plus haute importance. LE MONDE DES INSECTES. 11 Naturalistes, nous sommes encore fort en peine pour déclarer où est le siége de certains sens chez les Animaux articulés, et pourtant l'existence de ces sens est évidente. On n'a pas réussi à démontrer en quoi consiste l'organe de l’odorat chez les Insectes, mais on voit chaque jour que beaucoup de ces êtres sont attirés de fort loin par les odeurs. Les mâles de’ plusieurs espèces arrivent de distances énormes et parfois en foule autour d'une femelle. On ne parvient point à se former une idée de la nature du sens qui les dirigé. Il y à ici une faculté si éloignée de toutes les facultés de l'Homme, que l'Homme doit demeurer probablement à tout jamais incapable de comprendre un pareil phénomène. Lorsqu'un être est petit, on est porté à s’imaginer que son organisation doit être très-simple, son intelligence absolument nulle. L'effet du volume est incroyable sur une foule d’esprits. La dimension d’une Baleine, la taille des Reptiles des anciennes périodes géologiques, commandent l'attention, excitent l'intérêt. L'attention s'éveille difficilement s'il s’agit du plus admirable phénomène de l'organisme d’une Mouche. Et cependant les fa- cultés des êtres les plus humbles fournissent des enseignements précieux pour la raison du philosophe. Dans les sens se trouve l’origine de toutes les idées sur le monde physique. C'est à la perfection des organes des sens que l'Homme doit sa facilité d'acquérir des notions si étendues sur les choses sensibles. Dès l’instant qu'un acte est dirigé par une faculté qui échappe à ses sens, il lui devient impossible de le comprendre, par conséquent de l'expliquer. Personne sans doute n’expliquera jamais comment le Pigeon voyageur retourne sans hésitation à la maison d'où on l’a enlevé, ni comment le Bombyx devine, à la distance de vingt kilomètres, la présence d'une femelle cachée dans un taillis ou placée sur un balcon. La vue, l’odorat, se manifestent avec des qualités remarquables chez des Arachnides, chez beaucoup d’Insectes. On s’imaginerait dif- 12 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. ficilement des yeux constitués pour voir une foule d'objets chez une créature incapable de se former aucune notion de ces objets ; un odorat d’une incroyable subtilité, là où différentes odeurs ne feraient éprouver aucune impression : le sens de l’ouie chez un être indifférent à tous les sons ; des organes de tact d’une cer- taine délicatesse chez un animal absolument inhabile à juger de toute propriété d'un corps. Beaucoup d’Insectes, d’Arachnides, de Crustacés, offrent des preuves incontestables de nombreuses perceptions. Il n’est rien dans les circonstances de la vie de ces êtres dont on ne doive chercher la relation avec l'organisme. Par aucune autre voie on n'arriverait à saisir d’une manière aussi complète toute la gran- deur de la création. Les Insectes, par leur nombre prodigieux, par leur infinie dis- persion sur la terre ; les Crustacés, par leur abondance dans les mers, occupent une place immense dans la nature. Comme s'il avait été besoin pour ces êtres d’une multiplicité poussée aux plus lointaines limites, chaque individu peut revêtir successive ment les formes les plus dissemblables, être soumis tour à tour aux conditions d'existence les plus opposées. Les métamorphoses des Insectes ont été dans tous les temps et chez tous les peuples un sujet d'étonnement. Le phénomène est demeuré inexplicable jusqu'au jour où la civilisation moderne s’est élevée par les sciences au-dessus de toutes les civilisations antérieures. Le phénomène a été expliqué par la science. Les transformations sont les phases du développement de l’Insecte. Le Papillon, nommons-le tout de suite, puisque c’est l’insecte le plus facile à observer dans ses métamorphoses; l’insecte toujours cité comme l'exemple de la plus curieuse et de la plus frappante transformation; le Papillon n’existe avec toutes ses remarquables perfections qu'après avoir vécu sous une autre forme. L'animal nait à l'état d'embryon. L’embryon, c’est la chenille. La chenille formée dans l'œuf a déjà les principaux organes que l’on trouvera LE MONDE DES INSECTES. 13 chez le Lépidoptère parvenu à l’état adulte; mais ces organes doivent se modifier et se perfectionner, d’autres organes appa- raîitre à une époque plus avancée du développement. Pendant la première période de son existence, l'Insecte, n'ayant d'autre besoin qu'une alimentation abondante, augmente chaque jour de volume, sans qu'il se produise aucun changement dans ses formes extérieures. Il est arrivé au terme de sa croissance, et c’est à peine si dans l'organisme interne on commence à apercevoir les vestiges de nouvelles parties. L'animal cesse de prendre de la nourriture, se ramasse sur lui- mème ; sa peau se fend. La peau de la chenille tombe, et alors se montre un corps presque immobile, où la vie ne se décèle que par de légers mouvements. C’est un corps emmaillotté où se tra- hissent déjà cependant les formes de l’Insecte adulte. C’est un moule où vont se constituer et se solidifier toutes les parties de l'animal. C’est la chrysalide. Le Scarabée, la Cétoine, toutes les espèces du même ordre, naissent également dans un état d'imperfection extrême, pré- sentant des formes qui n'auraient jamais permis, avant l’obser- vation, de soupçonner les formes des adultes. Ce sont encore des larves, et ces Insectes, suivant les types, plus ou moins avancés dans leur développement au sortir de l'œuf, ont parfois une longue existence avant de se transformer comme le Lépidoptère en une nymphe immobile. L'animal, quittant l'enveloppe de cette nymphe après avoir acquis toute la perfection organique, toutes les beautés que la nature a départies à son espèce, vit l'espace d’un nombre de jours bien limité. L'Abeille, la Guêpe, la Mouche, commencent leur existence sous les apparences d’un ver, et subissent des transformations analogues à celles du Lépidoptère et du Coléoptère. La Sauterelle, au contraire, dès sa naissance ressemble à ses parents. Elle en a les formes, les allures, les habitudes ; il ne lui manque que les ailes, ces organes qui sont, chez toute espèce Lé +» mi D À t ‘otie. ét cé def Did sd + _— 44 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. d’Insecte, le signe de la condition la plus parfaite qu’elle puisse atteindre. Nous voyons ainsi des Sauterelles sans ailes à côté de Sauterelles ailées; les jeunes ou les larves, et les adultes. Les jeunes changent plusieurs fois de peau pendant la crois- sance. Après une mue qui doit être l’avant-dernière, les jeunes Sauterelles se montrent avec des rudiments d'ailes emmaillottés : alors on les dit à l’état de nymphes; mais ces nymphes sont actives comme les larves et les adultes. Ainsi, au sein de ce monde des Insectes, se rencontre, sous tous les rapports, la diversité infinie, avec un plan général dont l’unité est le grand caractère. Dans les mers, les Crustacés n’offrent pas un spectacle moins curieux que les Insectes répandus sur les terres. Pour le très- grand nombre des espèces, des changements successifs marquent les périodes de leur existence ; des métamorphoses nombreuses les font paraître tour à tour sous les formes les plus diverses et dans des conditions d'existence particulières. La Langouste, animal pesant, organisé surtout pour une marche lente au milieu des rochers, est à une époque de sa vie un animal nageur capable de s’aventurer dans les hautes mers. Le Crabe éprouve une série de transformations avant d’être l’animal que l’on voit courir sur toutes les grèves. En considérant le rôle des Insectes dans la nature, on en vient aisément à distinguer ces animaux en espèces nuisibles et en espèces utiles. N’est-il pas dans le sentiment de l'Homme de tout rapporter à lui-même, de penser que tout a été créé pour son usage ? Si les Moustiques et quelques autres vilains parasites étaient habiles à discuter, peut-être, cependant, décideraient-ils que l'Homme a été créé pour les nourrir de son sang. Mais ce sont là des choses d’un ordre bien élevé pour notre faible intelli-- gence, il est prudent de ne pas trop chercher à les approfondir. L'Homme ayant incontestablement le droit de se défendre, il est nécessaire qu'il cherche à détruire les bêtes qui l’attaquent; * ben dl … 7-28 tiré, Ludo DA. * tmazit: se noie OR Ch de re éd, rs des à Sté" "140 LE MONDE DES INSECTES. 15 il est juste qu'il s'efforce de ne pas laisser manger ses récoltes. Pour atteindre son but, un moyen simple est à sa disposition : le moyen, c'est d'apprendre à connaître ses ennemis. Les espèces utiles sont celles qui tuent les espèces nuisibles, et surtout les espèces susceptibles de fournir des produits. N’avons- nous pas les Insectes tncloraux : le Kermès antique, donnant sa belle couleur cramoisie ; la Cochenille du nouveau monde, dont on tire la plus riche couleur; les Cynips, produisant les noix de galle que portent les Chènes de l'Orient, pour nos teintures noires et pour cette encre employée à fixer toutes les pensées bonnes ou mauvaises? De nouvelles investigations feront sans doute connaître un jour d’autres trésors du même genre. La médecine n’a-t-elle pas trouvé un agent précieux dans la Cantharide? et il y a par le monde entier des espèces qui possè- dent les mêmes propriétés que la Cantharide. Les Abeilles fournissent de la cire destinée à confectionner des logements pour leurs larves; elles amassent du miel pour se nourrir et pour alimenter leur postérité ; et n’existet-il pas une foule de gens persuadés que les Abeilles amassent du miel et fabriquent de la cire pour le bien de l'humanité ? Des Chenilles, après avoir pris leur entier accroissement, se mettent à filer, et de leur fl à construire un cocon. Le cocon dans lequel s’enferme la Chenille sur le point de subir sa trans- formation, dans lequel va reposer la chrysalide, c’est l'abri destiné à protéger la chrysalide, l'être incapable de se dérober ou de se défendre contre les dangers extérieurs. Le fil dont est formé le cocon peut être une substance précieuse : le fil du cocon de cette Chenille qu'on appelle communément le Ver à soie es, croyons-nous, la plus belle matière textile qui soit au monde. Ainsi, une Chenille est devenue chez les nations civilisées la source d'un luxe prodigieux, la source d'immenses richesses. Des produits analôgues d’une valeur inférieure, obtenus dans plüsieurs parties du monde, et surtout en Asie, tendent à péné- tt dé L is < bats. - 7 16 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. trer en Europe ; ils pourront encore accroître les richesses et étendre le luxe. Aux yeux d’une infinité de personnes, les animaux vraiment utiles sont les animaux comestibles. Or, les Crustacés : Homards, Langoustes, Écrevisses, Crevettes, Crabes, ete., ne font-ils pas une excellente figure sur nos tables, et ne sont-ils pas une res- source importante pour les habitants des côtes! A la vérité, dans notre Europe, tous les Insectes sans excep- tion sont dédaignés comme aliment, sans doute à tort. Les Romains faisaient leurs délices d’une larve qu’ils nommaient le Cossus; les Hovas de Madagascar, les Chinois, d'autres peuples encore, mangent des chrysalides de Ver à soie. En cela, ils font preuve, suivant toute probabilité, d’un goût plus raffiné que nous ne le supposons. L'Europe a beaucoup emprunté à la Chine; elle agirait peut-être avec sagesse en lui empruntant un usage dont on ne saurait plaisanter, avant d'avoir, comme il convient, formé son opinion par l'expérience. A Mexico, on recueille dans le lac les œufs de certains Insectes aquatiques, et, quand ces œufs ont été réduits en une sorte de farine, on en confectionne des pains qui se vendent journellement sur les marchés de la ville. En Afrique, en Asie, en Australie, si les Sauterelles voya- geuses causent souvent la dévastation, les peuples savent y trouver quelque dédommagement : ils mangent ces Insectes que leurs téguments coriacés rendent peu attrayants pour la table. Les affamés ne songent pas aux mets délicats. Lan Mis CR à Ed : Se TC OS OP AT 7, IT LA SCIENCE AUX PRISES AVEC LE MONDE DES INSECTES. Les connaissances acquises sur les mœurs, les instincts, l'organisation, le développement des Insectes, des Myriapodes, des Arachnides, des Crustacés, ne remontent pas à une époque bien ancienne. Les plus importantes d’entre elles sont tout à fait modernes. Dans l'antiquité, les métamorphoses des Lépidoptères, l’in- dustrie des Abeilles, les habitudes de quelques autres espèces, avaient frappé les yeux et même l'imagination d'un petit nombre de contemplateurs de la nature. Ce fut tout. L'étude vraie, la recherche sérieuse, commencent avec le xvir' siècle. D'ailleurs, aux yeux des anciens, la transformation de la chenille en Papillon, c'était le changement réel d'un être en un autre être. Dans leur esprit, c'était une véritable métamor- phose dans le sens des exemples que donne la Fable. bat éd de _. CC TS ES Te 7 18 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Aristote avait saisi le caractère extérieur le plus remarquable des Articulés : — un corps divisé par des incisions, ou, pour parler plus exactement, un corps formé d’une suite d’anneaux. Par le nom appliqué à ces animaux, il avait exprimé le carac- tère. L’appellation hellénique a été littéralement traduite chez les Romains par le mot Jnsecla. Le grand naturaliste de l'antiquité connaissait fort peu de chose de l’organisation des Insectes : il croyait ces animaux privés de sang; il ne savait à peu près rien de leur mode de reproduction. Cet état d’ignorance, qui persista fort tard, n'embarrassait guère les premiers contemplateurs de la nature. Dès l’instant qu'ils ne réussissaient pas à se rendre compte de l'apparition d’une espèce, ils déclaraient que tous les individus de cette espèce s'étaient engendrés de la matière en décomposi- tion, de la chair corrompue, du limon, ete. Ce procédé simple pour se tirer d’une difficulté, pour paraître instruit d'un sujet sur lequel on ne possède aucune notion, a été à toutes les époques fort goûté de certains auteurs. Les adeptes des sciences naturelles, et surtout quelques anato— mistes, furent les premiers à reconnaître que l’on avait suffisam- ment disserté sur les œuvres des anciens, et qu’il fallait désor- mais chercher à s’instruire par l'étude de la nature. Leur influence dans le mouvement intellectuel qui caractérise l'époque de la renaissance a été immense. Bien avant les philosophes, les naturalistes signalèrent la nécessité de l'observation directe, l'utilité de l'expérience, et en montrèrent aussitôt les heureux résultats. C’est en réduisant en préceptes philosophiques leurs idées déjà mises en pratique avec succès, que François Bacon s’est acquis sa plus grande gloire et a le mieux servi la cause du progrès de l'esprit humain. ; La recherche était désormais la seule voie indiquée à tous ceux qui avaient l'ambition d'apporter de nouvelles lumières. En 1651, une association était fondée à Florence pour le pro- LA SCIENCE AUX PRISES AVEC LE MONDE DES INSECTES. 49 grès des sciences, c'était l’Académie de l'expérience (Accademia del Cimento). Le désir de tout voir, de tout observer, produisit des naturalistes habiles et ingénieux. L'amour de la recherche, la passion de l'expérience, amenèrent de brillantes découvertes dans le domaine de la nature animée. Les investigateurs étaient récompensés de leurs efforts par d'immenses révélations. Les succès, faciles dans un temps où les ténèbres se dégageaient à peine, devaient remplir leur âme d'enthousiasme pour l'étude, d'une admiration sans bornes pour les merveilles de la vie des êtres. Aucun sujet n'était capable d’exciter de plus sérieuses préoc- cupations que le mode de naissance et de propagation de tous ces animaux inférieurs, sur lequel les idées les plus éloignées de la vérité et de la raison étaient restées en crédit depuis l’anti- quité. Aussi, de ce côté, les expériences furent poussées avec une extrême résolution. On vit l'illustre Harvey, immortalisé par la découverte de la circulation du sang, s’adonner à de longues études sur la reproduction des Insectes, et être conduit, par ses laborieuses recherches sur le mode de propagation des Animaux, à se former cette conviction si éloignée des opinions régnantes, que tout ce qui vit provient d’un œuf : Omne vivum ex ovo. Harvey, qui naquit à Folkstone le 2 avril 1578, et mourut à Londres. le 3 juin 1658, avait gagné auprès des professeurs de l'Italie, labrizio d’Acquapendente, Casserio et quelques autres, cet esprit d'investigation qui l’a conduit à de si beaux résultats. Il démontra la présence du sang chez les animaux que les anciens regardaient comme privés de ce fluide, Tout porte à croire que ses observations spéciales sur les Insectes étaient importantes. L'ouvrage ne nous est point parvenu. La maison du médecin de Charles 1° fut incendiée dans un jour de tourmente révolu- lionnaire, les manuscrits du savant furent détruits : la populace n'a jamais respecté le génie. 20 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. L’expérimentateur qui, l'un des premiers, mit en pleine lumière le mode de reproduction de divers Insectes, est ce célèbre médecin d'Arezzo qui naquit en 1626 et mourut en 1698, Francesco Redi. L'amour de l'étude et l'amour du vrai, qui toujours se confondent, animaient l'esprit de cet illustre membre de l'Académie de la Crusca. Redi a laissé un livre contenant le récit de ses expériences relatives à la génération des Insectes. Le livre, accompagné de planches d’une belle exécution, parut à Florence en 1668. Un proverbe emprunté aux Arabes, placé en épigraphe, exprime le sentiment de l’au- teur : « Celui qui fait des expérieñces accroît le savoir; celui » qui est crédule augmente l'erreur », dit ce proverbe. Parmi les résultats des expériences du médecin d’Arezzo, éeux qui ont été cités le plus souvent, sont relatifs à la naissance des Mouches dont les larves se repaissent de la chair corrompue. N'était-ce pas pour les crédules, gens fort dédaigneux de l'observation patiente, une preuve manifeste de génération spontanée, que la présence des vers sur les viandes, sur les cadavres d'animaux ? Ces vers pouvaient-ils provenir d’ail- leurs que de la substance même sur laquelle on les trouvait? Redi s’assura que la chair en putréfaction, toujours envahie par des vers pendant la saison chaude si elle est exposée à l'air, est constamment à l'abri de toute atteinte de ces animaux si elle est conservée dans des vases clos. Il vit les vers de la viande, ayant pris leur croissance entière, se changer en pupes, d'où sortaient de grosses mouches bleues, vertes, noires à rayures blanches, et il vit de ces mêmes mouches déposer leurs œufs sur la viande, et de ces œufs naitre des vers, ou, pour parler exactement, des larves absolument semblables aux premières. Ainsi fut démontrée assez facilement l’origine de ces animaux, dont les apparitions constantes semblaient être sans explication possible. Un contemporain, un compatriote de Redi s’est signalé dans LA SCIENCE AUX PRISES AVEC LE MONDE DES INSECTES. 21 le même temps par une étude importante d'un autre genre. Marcello Malpighi, docteur de l’université de Padoue, né à Crevalcuore, entre Bologne et Modène, le 10 mars 1628, profes- seur de médecine tour à tour à Bologne, à Pise, ‘à Messine, puis médecin du pape Clément XIT, mort à Rome le 29 novembre 1694, est l’auteur d'un travail bien connu sur le Bombyx du Mürier, qui fut publié à Londres en 1669. Le premier, Malpighi voulut connaître l’organisation d’un Insecte sous ses états de larve et d’adulte. En Italie, le Ver à soie, en grande estime pour les biens qu’il procurait au pays, devait être choisi de préférence à toute autre espèce. Malpighi décrivit et représenta les différents appareils orga- niques de la Chenille et du Papillon. 11 reconnut la disposition des principaux centres nerveux, les particularités essentielles de l'appareil alimentaire, les formes des organes de la reproduc- tion; il fit la découverte de l’appareil respiratoire, si caractéris- tique chez les Insectes, et du cœur, habituellement désigné sous le nom de vaisseau dorsal, D’un seul coup la science avait fait un grand pas. À cette époque, où des naturalistes de l'Italie acquéraient dans l'Europe savante une juste renommée, la Hollande avait d’infa- tigables investigateurs qui devaient également arriver à une haute célébrité. Tout le monde a entendu parler du premier micrographe, Antoine de Leuwenhoeck, dont la carrière fut longue ; car, né le 4 octobre 1632, il vécut jusqu'au 6 août de l'année 1723. Leuwenhoeck avait compris que de nombreuses découvertes élaient réservées à l'observateur qui pourrait étudier les objets à l’aide de grossissements considérables. Il imagina les micros- copes simples, consistant en de petites lentilles où de petits glo- bules de verre enchâssés dans des platines d'argent munies d'une aiguille servant de porte-objet. Le naturaliste s'était fait con- structeur d'instruments, et il sut tirer bon parti de son talent 22 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, manuel. Leuwenhoeck, incessamment préoccupé de l'idée de constater des faits, ne songea guère aux déductions que l’on pou- vait en tirer. On se figure, en effet, les impressions de l'homme de recherche, voyant pour la première fois, dans tous les corps soumis à son microscope, des êtres ou des choses dont personne n’a encore soupçonné l’existence; le désir de porter partout : son précieux instrument doit s'emparer exclusivement de son esprit. Chaque observation procurait une découverte, une révé- lation, une conquête. Leuwenhoeck examine du sang, il découvre les globules; le produit des organes mâles, il voit les corpuscules fécondateurs ; une goutte d’eau, il en reconnait les habitants ; les êtres qualifiés d’Infusoires, tout un monde. Il étudie sous le microscope les os, les dents, les muscles, le foie, la rate, etc., et il constate les traits les plus frappants de la structure intime de ces parties. Mais on était à une époque où le mode de propa- gation de divers animaux était beaucoup en discussion ; Leu- wenhoeck ne manqua point de fournir sa part d'observations sur un sujet de cette importance. On ne pouvait expliquer, ni les apparitions presque soudaines, ni la prodigieuse multiplication des plus affreux parasites de l'Homme; le savant Hollandais se chargea de l’explication : il avait eu l’épouvautable courage de faire l'expérience sur son propre corps. IL est un compatriote de Leuwenhoeck qui conservera toujours une grande place dans l'histoire des sciences zoologiques, Jean Swammerdam, le plus habile investigateur de l’organisation et des métamorphoses des Insectes au xvn' siècle. En Swammerdam apparaissent un amour de la vérité, un talent d'observation, un esprit de recherche que l’on doit estimer d'un ordre bien élevé, quand on s'arrête par la pensée à l'état des connaissances scien- tifiques au temps où vivait ce naturaliste. Swammerdam, né en 1637, commence sa carrière par la médecine. Des études sur l'Homme et les Mammifères ne l'ayant pas conduit à des résultats bien nouveaux, il songe qu'il existe une classe d’ani- LA SCIENCE AUX PRISES AVEC LE MONDE DES INSECTES. 93 maux dont l'organisation est encore presque inconnue, Les Insectes s'offrent à ses yeux comme un champ de découvertes ayant pour lui l'immensité. Les métamorphoses et l’organisa- tion intérieure des Insectes l’occupent désormais d’une manière toute spéciale. En 1669 il met au jour une Histoire générale de ces animaux. Le but principal de l’auteur est de montrer par des expériences combien sont fausses les idées reçues relative- ment aux transformations des Insectes. On en était encore aux opinions des anciens. L'expérimentateur, afin de s'assurer si les parties de la Chenille et du Papillon n'étaient pas parfaitement les mêmes, avait coupé une ou plusieurs pattes sur des Chenilles : les Papillons étaient nés avec autant de pattes qu'on en avait coupé sur les Chenilles. Ainsi, plus de doute sur un point essentiel : l'Insecte, Chenille et Papillon, était un individu à différentes époques de son existence. À la vérité, tout n’était pas éclairei par cette démonstration. L'auteur, avec ses contemporains, croyait que toutes les parties de l’adulte existent déjà en petit chez le jeune. Si les formes, pendant le jeune âge, étaient autres que chez l'adulte, c'était un masque, larva. Une première vérité était dévoilée; la vérité entière ne devait apparaître qu’à une époque encore bien éloignée. En 1675, Swammerdam publie une histoire de l'Éphémère. L'ingénieux naturaliste avait compris l'extrême intérêt attaché à l'étude d’une espèce aux différentes phases de son existence. I] sut montrer les changements les plus notables qui s’opèrent pen- dant les transformations d'un Insecte des plus remarquables par la diversité de ses conditions biologiques sous les états de larve et d’adulte. Swammerdam, toujours ardent pour les recherches, continua à poursuivre de magnifiques travaux qui n’ont échappé à la destruction que par une sorte de miracle. Après avoir, comme Malpighi, reconnu l'existence du cœur chez les Insectes et les 24 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. traits les plus frappants de cet organe; après avoir constaté les caractères généraux des principaux systèmes organiques ; ayant exécuté de nombreux dessins et rédigé un vaste ouvrage, véritable monument scientifique, il tomba dans le dénûment. L'esprit de cet homme malheureux, pendant des années en perpétuelle extase devant les merveilles de la création qu'il savait si bien découvrir, se troubla. En 1680, à peine âgé de quarante-trois ans, Swammerdam mourut dans l'isolement et presque ignoré. Cinquante ans plus tard, Boerhaave, ce médecin parvenu à une des plus hautes renommées et arrivé à une immense fortune, achetait les manuscrits et les dessins de Swammerdam, et bientôt après (1737), il publiait à ses frais le vaste ouvrage que l'auteur avait voulu appeler le Livre de la nature: Biblia naturæ. Boerhaave assura ainsi à son pays une de ses gloires les plus nobles. Les espèces indigènes avaient été le sujet de toutes les études des auteurs dont nous venons de rappeler les principaux titres. Voir les transformations des belles et grandes espèces de l'Amé- rique du Sud pouvait être une véritable tentation. Cette tenta tion s’empara de l'esprit d'une femme. Marie Sibylle de Mérian, née à Francfort le 12 avril 1647, mariée en 1667 à un graveur de Nuremberg du nom de Graff, s'était passionnée dès sa jeunesse pour l’histoire naturelle, et en particulier pour l'observation des métamorphoses des Insectes. Séparée de son mari et établie: en Hollande, ce pays où la zoologie était cultivée au xvr' siècle avec tant de succès, Sibylle de Mérian rêva d'aller peindre les chenilles des brillants Lépi- doptères et les larves des grands Coléoptères de Surinam. Le projet fut bientôt réalisé. Accompagnée de ses deux filles, elle partit pour Surinam en 1699, et y fit un séjour de trois années. Le produit de ce voyage a été un beau livre publié en 1705, et intitulé : « La métamorphose des Insectes de fo t.."éé ufr. Aus LA SCIENCE AUX PRISES AVEC LE MONDE DES INSECTES. 25 » Surinam; ouvrage où les chenilles et les vers de Surinam » sont dessinés et décrits dans toutes leurs transformations, » d’après le vivant et représentés avec les plantes sur lesquelles » ils ont été trouvés. » Sibylle de Mérian mourut à Amsterdam, le 13 janvier 1717. Son ouvrage, qui eut de nombreux admirateurs, peut encore être consulté de nos jours avec quelque profit. Des connaissances déjà importantes sur le mode de reproduc- tion et sur l’organisation des Insectes étaient acquises. Sur les mœurs, les instincts, les métamorphoses de la plupart de ces animaux, on n’avait encore que des notions peu étendues. Mais, en 1683, naissait à la Rochelle un homme qui devait contribuer d'une manière éclatante au progrès de l'histoire des Insectes. Cet homme était Ferchault de Réaumur, l’auteur d’une foule de travaux sur les sujets les plus variés. En 1703, à l’âge de vingt ans, Réaumur vient à Paris, où bientôt, par l'intermédiaire de son parent, le président Hé- nault, il est mis en relation avec leS principaux savants de l'époque. Des études mathématiques occupent d'abord le jeune homme, et la publication de quelques mémoires de géométrie lui ouvre dès 1708 les portes de l’Académie des sciences. Pres- que aussitôt Réaumur abandonne les mathématiques et semble tout particulièrement attiré vers l'histoire naturelle. Il se livre à des recherches sur l'accroissement des coquillages, sur la soie des Araignées, sur les mouvements des Mollusques et des Zoo- phytes, sur la formation des perles, ete. Il entreprend des expé- riences sur la digestion, qui jettent d'assez vives lumières à l'égard de cette fonction, pour faire regretter que l’auteur n'ait pas eu l'inspiration qui, plus tard, devait tant illustrer le nom de Spallanzani. Au commencement du xvin' siècle, l’idée des applications de la science à l’industrie électrisait les investigateurs. Réaumur fut conduit ainsi à s'occuper de l’art du cordier, de l’art du 26 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. tireur d’or, de la suspension des voitures, à publier un traité sur l’art de convertir le fer en acier, après avoir découvert des procédés de fabrication dont la valeur a été longtemps mécon- nue‘. I] fit ensuite un mémoire sur la porcelaine, et il donna un moyen pour faire du verre blanc. En 1731, il avait imaginé la graduation du thermomètre qui, plus que ses magnifiques travaux scientifiques, a rendu son nom populaire. Cependant ce chercheur infatigable, stimulé par des sujets de tous les genres, s'était épris de l'étude des métamorphoses, des instincts, des mœurs des Insectes. Après avoir inséré quel- ques mémoires particuliers dans le Recueil de l'Académie des sciences, il pensa que ses nombreuses observations sur les In- sectes, réunies en un corps d'ouvrage, se montreraient dans leur jour le plus favorable. Six volumes, publiés de l’année 1734 à l’année 1742, composèrent ainsi la vaste publication portant le titre modeste de Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes. L'anteur avait plus de cinquante ans lorsqu'il commença cette publication, bien faite pour rendre son nom impérissable. Il avait étudié dans le silence, jusqu’au moment.où il eut amassé un énorme ensemble de faits intéressants. Réaumur, déjà riche de sa gloire acquise par d’autres travaux, favorisé d’une situa- tion indépendante, n'était sollicité par aucune considération à produire ses brillantes recherches sur les Insectes avant l'heure qu'il avait fixée lui-même. De nombreuses relations lui procuraient une quantité d'objets d'études, et le naturaliste avait disposé dans son cabinet des boîtes grillées, des cloches, de petites volières, où il pouvait épier aisément les manœuvres et les transformations d’une foule 1 «Ilest inconcevable comment cet habile métallurgiste (Réaumur) a su découvrir » et développer la théorie de l’acier, et l’on ne sait ce que l’on doit le plus admirer, » ou de la sagacité et de la rectitude d'esprit de l'illustre savant, ou de la stupidité » des fabricants d'acier qui sont restés si longtemps sans le comprendre. » (Lan- drin fils, Traité de l'acier, 1859, page 80.) LA SCIENCE AUX PRISES AVEC LE MONDE DES INSECTES, 27 d'Insectes. Passant une partie de l’année à Conflans, dans le voisinage de Paris, à une époque où les environs de la capitale pouvaient encore être appelés la campagne, il était dans les conditions les plus heureuses pour observer nos espèces indi- gènes. Les mémoires de Réaumur ont bien puissamment contribué aux progrès de l’histoire naturelle. On y reconnait partout la profonde sagacité et la patience inébranlable de l'observateur. Jamais les moindres détails n'avaient été aussi scrupuleusement examinés. Le nombre immense de faits recueillis par un seul homme étonne, et l’étonnement se change en admiration pour l'auteur, quand on s’est rendu compte de la fidélité avec laquelle ils sont exposés. Iei tout est vrai, et l'intérêt du récit est si grand, qu'on croirait pouvoir en faire honneur à l'imagination, si l’on ne savait l'imagination humaine incapable d'atteindre aux merveilleuses réalités de la nature. Aux yeux de tous ceux qui se sont voués à l'étude, l'ou- vrage de Réaumur est un chef-d'œuvre, et l’on se demande- rait comment ce chef-d'œuvre, où tant de pages sont consa- crées à la narration des phénomènes les plus curieux de la vie des animaux, n’est pas connu de tout le monde; comment de telles pages n'ont pas acquis la popularité des descriptions de Buffon, si l'explication n’était facile. La forme brillante, l’élé- vation, l'élégance, qui font admirer le style de Buffon, ne se rencontrent pas dans les écrits de Réaumur. Dominé par le désir de tout rapporter avec une extrème exactitude et de n’omettre aucun détail, l’auteur des Mémoires sur les Insectes est lent dans son récit, et cette lenteur ne fait pas toujours rayonner la clarté. Réaumur n’était pas remarquablement pénétré des avantages de la méthode : les espèces dont il raconte l’histoire avec une entière fidélité ne sont presque jamais désignées d’une manière précise ; les différentes parties du corps des êtres dont il parle sont signalées par des descriptions quelquefois assez obscures. 28 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. La rigueur et la simplicité des termes scientifiques n'étaient pas de son temps. Si les Mémoires sur les Insectes n’eurent pas ce vaste reten- tissement qu'on nomme la popularité, ils reçurent l'accueil qu'ils méritaient de la part des hommes éclairés; ils excitèrent chez quelques-uns l'admiration et une sorte d'enthousiasme pour les recherches sur les animaux qui offrent le spectacle des instincts les plus curieux. Ainsi, Charles de Geer, maréchal de la cour de la reine de Suède, conçoit l'ambition d’être le conti- nuateur de Réaumur, et il donne ‘une longue suite de mémoires auxquels une grande estime est accordée. Ces mémoires, publiés de 1752 à 1778, ne forment pas moins de sept volumes accompagnés de planches. Le baron de Geer, né le 10 février 1720, mort le 8 mars 1778, écrivant à une époque où la langue française était souvent employée par les savants étrangers, adopta pour l'exposition de ses recherches la forme et le plan de l'ouvrage de notre illustre compatriote. À son début, il salue en ces termes celui qui a été son guide : « Je ne saurais me dispenser de dire que personne » n'a égalé, dans la science des Insectes, l’illustre M. de Réau- » mur, qui fait l'admiration de toute l'Europe savante, et » qu'un auteur (M. Bonnet) a nommé, à juste titre, l'ornement » de la France et de son siècle. » De Geer était venu glaner à la suite d'un investigateur d’une habileté consommée; ses mé- moires ne pouvaient avoir la plupart un intérêt aussi considé- rable que ceux de son prédécesseur. Il eut le mérite cependant d'apprendre encore un grand nombre de faits sur les métamor- phoses et les mœurs des Insectes, de nommer et de décrire plus exactement que Réaumur les espèces qui avaient été l’objet de ses recherches. Au milieu du xvin siècle, un service éclatant et d’un tout nou- veau genre fut rendu à la science. Pierre Lyonnet, né à Maes- tricht le 21 juillet 1706, secrétaire interprète des États généraux LA SCIENCE AUX PRISES AVEC LE MONDE DES INSECTES. 29 de Hollande, mort le 7 janvier 1789, s'était épris, comme de Geer, des travaux de Réaumur. Il s’adonna à la poursuite d'observations sur les mœurs et les métamorphoses des Insectes. Mais, après la joie d’avoir constaté des détails encore ignorés, Lyonnet eut la déception de se voir devancé par d’autres, et sur- tout par de Geer. Il prit alors en dégoût les recherches qu'il avait commencées, et conçut l’idée de faire, dans le silence, un travail que nul sans doute ne songerait à entreprendre, que oul surtout, bien probablement, ne réussirait à exécuter, s’il y avait songé. Convaineu par ses premières études que l’or- ganisation des Insectes présentait une richesse, une complication dont personne n'avait même le soupçon, il se mit à l’œuvre avec la ferme volonté d'en offrir une magnifique démonstration. Lyonnet a pris soin de nous informer du motif qui avait stimulé son ardeur, car, dit-il, « me serais-je imaginé qu'un mouve- » ment aussi ignoble que celui du dépit eût pu produire cette » espèce de résolution, et me faire entreprendre et finir un. » ouvrage aussi pénible que celui-ci. C’est pourtant ce qui est » arrivé. » L'étude de la Chenille du Saule par Lyonnet a été appelée par Cuvier « le chef-d'œuvre de l'anatomie et de la gravure ». Lyonnet à travaillé avec l’unique ambition de faire connaître l'organisation d’un Insecte jusque dans ses moindres détails. Les parties extérieures, les muscles, les nerfs, les trachées, l'ap- pareil digestif, ont été étudiés avec le soin le plus serupuleux et toute l'habileté imaginable. Nous sommes loin ici de l’'ébauche que Malpighi a donnée de l'anatomie du Ver à soie. C'était une grande chose pour le progrès de la zoologie, de montrer qu'un Insecte, une Chenille, un animal réputé infé— rieur, possédait une organisation extrêmement complexe. Un semblable travail portant sur une seule espèce, et sur un seul état de cette espèce, ne pouvait alors, en l'absence de termes de Comparaison, conduire à des aperçus généraux. 30 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Toutes les parties de la Chenille du Saule ont été non-seule- ment décrites, mais encore représentées avec une étonnante perfection. Il est impossible d’être un véritable anatomiste sans avoir acquis quelque habileté dans l’art du dessin. Lyonnet avait cette habileté, et il jugea indispensable d'acquérir un talent . d'un autre genre. Il a gravé lui-même les planches magni— fiques qui accompagnent son ouvrage. Pendant plusieurs an- nées il s'était livré à des essais qu'il communiquait à divers savants, afin d’avoir leur opinion sur son talent dans l’art de la gravure. C’est après ce pénible apprentissage qu'il exécuta les planches qui n’ont cessé de faire l'admiration des savants et des artistes. Charles Bonnet, de Genève, philosophe et naturaliste, né en 1720, mort en 1793, occupe aussi une place dans l'histoire du mouvement scientifique du xvu° siècle. On lui doit des expériences sur la respiration des Chenilles, sur les appendices de ces insectes, et les recherches plus importantes sur le mode de reproduction des Pucerons. Ces recherches, auxquelles Bonnet doit en grande partie la célébrité de son nom, ont appris l'un des faits les plus singuliers relatifs à la propagation des êtres. Mais il est encore un observateur que l’on ne saurait oublier : François Huber, de Genève, comme Charles Bonnet, né le 2 juillet 1750, mort le 22 décembre 1831, le célèbre historien des Abeilles. Celui-ci a eu le mérite de constater la plupart des faits remarquables de la vie de l’Abeille, l’insecte intéressant parmi les plus intéressants, mais aussi le plus difficile à observer. Huber à les sympathies entières de ceux qui connaissent son œuvre et son infortune. Il était aveugle depuis sa jeunesse, et une telle affliction ne l’a pas empêché de se consacrer avec un incomparable succès à l'étude d’un sujet demeuré obscur pour les yeux des plus clairvoyants. Il avait trouvé ce qui lui manquait dans la personne d'un domestique dévoué, devenu bientôt un intelligent collaborateur. Huber, possédant un esprit LA SCIENCE AUX PRISES AVEC LE MONDE DES INSECTES. 31 d'investigation peu commun, d'ingénieuses idées pour l'expé- rience et les yeux d'autrui, a réussi à composer la plus fidèle histoire de ces curieuses sociétés de l’Insecte qui produit le miel et la cire. Son ouvrage (1792) est encore aujourd'hui le ivre de tous ceux qui s'occupent des Abeilles. Le fils de l’auteur des Nouvelles observations sur les Abeilles, Pierre Huber, a continué l'œuvre de son père, et à son tour il s'est placé au rang des plus patients et des plus habiles obser- valeurs, par des études sur les mœurs des Bourdons et des Fourmis. Lorsque l’on songe au nombre prodigieux des Animaux arti- culés : Insectes, Arachnides, Crustacés, répandus sur notre globe, on imagine à peine qu’on puisse arriver à la connaissance de tant d'animaux. L'étude d’un pareil monde semble devoir cllrayer l'esprit le plus ferme et le plus entreprenant. Long- temps on ne crut guère à la possibilité de connaître exactement dans leurs caractères, dans leurs habitudes, dans leurs méta- morphoses, dans leur organisation, tous ces êtres, ayant pour la plupart des dimensions fort exiguës. Aujourd’hui cependant on ° est bien avancé à cet égard, et la difficulté d'acquérir des notions très-précises sur ce monde est devenue moins considérable qu'on ne pourrait le supposer au premier abord. Pour parvenir à un aussi beau résultat, la coopération d’une foule d'hommes d’aptitudes diverses a été nécessaire ; le labeur a dû être immense ; le talent de l'ordre le plus élevé a dû souvent se manifester. Rien de cela n’a manqué. La science s’est con- süituée ; les comparaisons ont conduit à de Justes appréciations ; les généralisations alors ont été possibles : la méthode a été créée. La méthode imaginée dans le but de bien conduire sa raison, suivant la belle expression de Descartes, en permettant de classer heureusement les faits, de grouper les idées, de distin- guer ce qui est général de ce qui est particulier, a fourni le 02 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. moyen de rendre simple et attrayante l'étude d’un sujet dont l'étendue est sans limites. En histoire naturelle, s'agit-il d'ordre, de méthode, de classi- fication, le nom de Linné se présente aussitôt, rayonnant d’un éclat que le temps ne saurait diminuer. Un naturaliste de l'Angleterre, Jean Ray, avait compris la nécessité de distribuer les animaux d’une manière méthodique ; mais Linné, le premier, a disposé par classes, ordres et genres, le Règne animal aussi bien que le Règne végétal. Dans la pensée du célèbre naturaliste suédois, la classification avait pour unique but de conduire aisément à la détermination de chaque espèce. Le caractère le plus apparent, commun à un groupe d'espèces, devait être choisi sans préoccupation de la recherche de carac- tères pouvant avoir plus d'importance. Linné, classant les végé- taux d’après le nombre des étamines, sans s'inquiéter si la conformité dans le nombre de ces organes n’amenait pas le rapprochement de plantes fort différentes sous tous les autres rapports, si la diversité du nombre des étamines ne se rencon- trait point chez des plantes très-voisines les unes des autres par l’ensemble de leur structure, avait réalisé son idéal. . Les classifications de ce genre ont reçu le nom de systèmes ou de méthodes artificielles ; mais l’auteur du Syslema naluræ, n'ayant pas rencontré chez les animaux un caractère simple pour grouper les espèces, il fut souvent conduit, par la force des choses, à les classer selon leur degré de ressemblance, et à se rapprocher ainsi de ce que l’on devait appeler bientôt la méthode naturélle. Linné a dressé l'inventaire de la nature dans les limites où on la connaissait de son temps; il a été presque le créateur des classifications, il a su attribuer à chaque espèce une désignation précise ; il a introduit la nomenclature la plus parfaite qui ait été imaginée. L'influence de Linné sur la marche de la science a été immense. LA SCIENCE AUX PRISES AVEC LE MONDE DES INSECTES. 33 Le naturaliste de la Suède avait à peine achevé son œuvre, que notre illustre botaniste Laurent de Jussieu, élevant sa pensée à une hauteur plus grande, s’attachait à apprécier l'im- portance relative des caractères fournis par toutes les parties des végétaux, et groupait les espèces d’après la somme de leurs ressemblances. Il fut conduit ainsi à reconnaître les divisions qui réunissent le mieux les représentants des formes typiques ; divisions qui ont été appelées les familles naturelles. La méthode qui, au xvnr' siècle, donna à la botanique un si beau lustre, ne tarda pas à être appliquée en zoologie. Latreille, qui naquit à Brives le 29 novembre 1762 et mou- rut le 6 février 1833, membre de l’Institut et professeur au Muséum d'histoire naturelle, disposa les Insectes d’après les principes de la méthode de de Jussieu, dans un écrit publié à Brives en 1796, portant pour titre : Précis des caractères géné- riques des Insectes disposés dans un ordre naturel, par le cioyen Latreille. C'était un premier essai. Quelques années plus tard, un nouvel ouvrage du même auteur offrit une exposition si exacte des caractères des Insectes, des Arachnides et des Crustacés, et presque toujours une si juste appréciation des affinités natu- relles de ces animaux, que les recherches toutes modernes n’ont amené de ce côté qu'à des rectifications d'ordre secondaire‘, Pour une branche de la zoologie, Latreille est à jamais le véritable auteur de la partie méthodique. Étranger aux études anato- miques et physiologiques, bornant ses recherches aux parties extérieures, il a montré dans la plupart des circonstances une habileté consommée, un tact merveilleux. Dans la période où les travaux relatifs à la classification et à la méthode avaient, en l’état de la science, une importance du premier ordre, Georges Cuvier est venu apporter une vue qui n'était pas encore entrée dans l'esprit des classificateurs. L'illustre ! Genera Crustaceorum et Insectorum, A vol., 1806-1809. 3h LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. uaturaliste s’est peu occupé des êtres dont nous avons iei à tracer l'histoire, mais ses travaux, ses idées, ont exercé une influence générale sur la zoologie. Cuvier a reconnu que tous les animaux se rattachaient à quatre types principaux ‘; toutes les investiga- tions ultérieures ont fourni des preuves que c'était une vérité. Cuvier a établi ce grand fait, que la classification devait être la représentation fidèle des ressemblances et des dissemblances dans l’organisation entière des animaux : e’était laisser bien en arrière le temps où la classification avait simplement pour objet de conduire à la détermination des espèces. Au commencement de notre siècle, l’idée d’une unité de plan d'organisation chez les animaux s'était manifestée. Par quel- ques-uns l'idée fut adoptée avec enthousiasme, comme une nouvelle lumière conduisant à voir la création dans toute sa gran- deur. Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, occupé particulièrement des Vertébrés, en fut le promoteur principal et l’énergique défen-— seur, s'appliquant sans relâche à fournir des preuves à l'appui de cette doctrine, les produisant avec plus ou moins de bonheur, mais toujours au profit très-réel de la marche de la science. Un autre savant, de Savigny, s'empara de l’idée comme bonne, et en fit une admirable application aux Animaux articulés. De Savigny, né à Provins le 17 avril 1777, se trouva, à l’âge de vingt et un ans, un des membres de cette commission scien- tifique attachée à l’expédition conduite par le général Bona- parte, qui aborda le 1 juillet 1798 sur la plage d'Alexandrie. Deux zoologistes étaient chargés d'étudier les animaux de cette antique Égypte restée si grande dans le souvenir des peuples, Geoffroy Saint-Hilaire et de Savigny. Le partage des attribu- tions fut bientôt réglé entre les deux jeunes savants : c'était le partage de la nature elle-même. Le premier eut à s'occuper des Vertébrés, le second des Invertébrés. 1 Tableau élémentaire du Règne animal, 1798, et Règne animal, 1" édit., 1817 ; 2° édit., 1828-1830, LA SCIENCE AUX PRISES AVEC LE MONDE DES INSECTES. 35 Lorsque l'empereur Napoléon, qui recherchait pour son pays tous les genres de gloire, conçut la pensée de faire de la relation des travaux exécutés sur la terre d'Égypte un ouvrage d’une magnificence jusqu'alors inconnue, de Savigny observa toutes les parties extérieures des Animaux articulés avec un soin minu- tieux que nul encore n'avait apporté dans de semblables études. Les représentations qu'il a données des plus petits détails sont de véritables chefs-d'œuvre. 11 est impossible, en contemplant ces images si fidèles, de ne pas se trouver pénétré d'admiration pour le talent de l'observateur, de ne pas être saisi d’un sentiment de respect pour l’auteur, dont la conscience ne s’abandonne jamais à la moindre défaillance dans des recherches difficiles, dont personne de son temps peut-être ne comprendra tout le prix. Si nous avions ici à démontrer que le naturaliste n'arrive à des généralisations vraies, ne s'élève à des vues d'ensemble d'une portée réelle qu'après l'étude et la comparaison de tous les détails, de Savigny devrait être cité en exemple. Le savant, en effet, que nous avons vu animé de Ja volonté inébranlable de tout reproduire avec une scrupuleuse exactitude, se trouva bientôt frappé d'un grand fait général. Les Insectes, les Crustacés se montrèrent à son esprit comme des animaux toujours con- struits sur le même plan et pourvus absolument des mêmes appendices. Tel Insecte, disait-on, a des mandibules et des mächoires, tel autre a une trompe, tel autre a un suçoir, ete. De Savigny, comparant les pièces dans leurs rapports entre elles, dans leurs connexions, suivant le langage de la science, reconnut dans la bouche de tous les Insectes des appendices en pareil nombre, con- servant les mêmes rapports, quelle que soit la diversité de leurs formes et de leurs usages. Les changements qui s’opèrent dans la constitution d’un Lépidoptère passant de l'état de chenille à l'état de Papillon fournirent à l'auteur une nouvelle preuve de l'adaptation d'organes semblables aux conditions biologiques des 36 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. animaux. La bouche des Crustacés présentant d'ordinaire dans sa composition un nombre de pièces plus considérable que celle des Insectes, cette circonstance le conduisit à reconnaitre que des pattes peuvent être converties en mâchoires, et que les appen- dices de tous les Animaux articulés sont absolument de la même nature. Les deux mémoires de Savigny, présentés à la première classe de l'Institut en 1814 et 1815, et publiés en 1816, sous le titre de : Théorie des organes de la bouche des Animaux inver lé- brés et articulés compris par Linné sous le nom d’Insectes, marquent véritablement une époque. En exposant avec une clarté admirable la réalité entière sur les homologies et les transformations des appendices des Arti- culés, de Savigny a servi puissamment le progrès de la science; ila mis en pleine lumière une grande vérité ; 1l a rendu simple et évident ce qui était rempli d’obscurité et d'embarras pour tous les esprits; il a révélé une belle page de l’histoire de la création. De Savigny, l'observateur exact et patient, le théoricien bril- lant, le penseur profond, à été de bonne heure bien tristement arrêté dans la carrière qu'il suivait avec tant d'éclat. Atteint d’une affection des yeux, les vingt-sept dernières années de sa vie se sont écoulées dans une nuit perpétuelle, avec d'horribles souffrances physiques et morales. Marie-Jules-César Le Lorgne de Savigny, membre de l'Institut depuis le 30 juillet 1821, est mort le 5 octobre 1851. Les idées qui régnaient au xvir et au xvin° siècle sur les méta- morphoses des animaux s'étaient bien modifiées dans l'esprit des naturalistes déjà éclairés par les recherches anatomiques. On n’en était plas à croire que toutes les parties d’un être exis- taient déjà sous une forme très-réduite, dès les premiers moments de sa formation. On savait positivement que des organes existant à une époque de la vie disparaissaient parfois LA SCIENCE AUX PRISES AVEC LE MONDE DES INSECTES. 37 en totalité, et que se constituaient de nouveaux organes à des périodes plus ou moins avancées du développement de l'animal. Les faits vraiment acquis à la science étaient rares encore, mais tout tendait à pousser les zoologistes vers une voie de recherches qui semblait promettre d'importantes découvertes : l'étude des embryons, l'étude du développement des animaux. Un professeur de l’université de Marbourg, Moriz Herold, donna en 1815 l’histoire du développement d’un Lépidoptère : la Piéride du Chou. Les changements qui se produisent dans l'organisation de l’Insecte depuis l'état de chenille jusqu'à l’état de Papillon avaient été suivis jour par jour. Dès ce moment il fut possible de concevoir une idée nette de la nature des méta- morphoses des Insectes. On doit au même auteur des recherches plus récentes sur la formation dans l'œuf de l'embryon des Araignées et des Insectes : beaucoup de faits constatés; beaucoup d'erreurs d’interpréta- tion. Le moment était venu où les investigations sur les premières phases du développement des animaux allaient prendre une extrême importance : les zoologistes avaient appris que chez tous les êtres, les organes apparaissent successivement; que ces organes subissent bien des changements avant d'être constitués comme on les trouve chez les adultes. Le titre seul d’un mémoire publié en 1817 par un professeur de Munich, C. Pander, suffit à indiquer le mouvement scientifique qui se manifestait. Histoire de la métamorphose que subit l'œuf de la Poule pendant les cinq premiers jours de l'incubalion, tel était le titre de l'ouvrage. Deux naturalistes de l'Allemagne, Rathke, professeur à Kæœnigsberg, mort en 1860, et M. de Baer, depuis longtemps professeur à Saint-Pétershourg, ont pris une part immense au mouvement qui, en moins d’un demi-siècle, a donné d'admirables résultats. M. de Baer, guidé par les vues de l’ordre le plus élevé, porta ses investigations sur les principaux types du Règne animal, et reconnut que la marche du développement n’était pas la même 38 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. dans ces divers types. Au début de la formation embryonnaire, tout semble pareil chez le Vertébré, l’Insecte, le Mollusque, mais des différences essentielles ne tardent pas à se prononcer entre ces animaux. M. de Baer a été conduit, par ses recherches d'embryogénie, à reconnaitre dans le Règne animal quatre formes principales. C'était une confirmation éclatante des idées de Cuvier. Les voies avaient été complétement différentes; le résultat était identique. Les observations de M. de Baer, publiées de 1827 à 1828, n'eurent pas d’abord le retentissement qu'elles méritaient. Mais il y a dans les sciences des instants où une question occupe les esprits, où les chercheurs agissent sous l'empire d'une idée, chacun croyant être seul à la posséder. Ainsi M. Milne Edwards, poursuivant des recherches sur les Crustacés, dans l'ignorance des travaux de M. de Baer, arrivait à des résultats concordants avec ceux de ce savant. M. Milne Edwards s'était assuré que pendant la première période du développement, la ressemblance était à peu près complète entre toutes les espèces appartenant à un même type; qu'entre des espèces fort dissemblables à l’état adulte, les distinctions se manifestent progressivement jusqu'au moment où les individus ont pris d’une manière définitive leur cachet spécifique. C’est en 1829 que M. Milne Edwards a énoncé ce fait d’une haute importance pour la zoologie. Des connaissances précises sur les premières phases du déve- loppement des êtres devaient achever de faire disparaître des idées absolument fausses relativement aux relations des diffé rentes formes du Règne animal. Pendant longtemps on s'était complu dans la croyance à une série de dégradations insen- sibles et régulières de l'Homme à l'Éponge, l'échelle des êtres de Leibnitz et de Bonnet. De là à imaginer, d’après quelques apparences, que les formes des animaux inférieurs représen- taient exactement les formes embryonnaires des animaux supé- rieurs, il n'y avait qu'un pas. L'étude profonde et comparative LA SCIENCE AUX PRISES AVEC LE MONDE DES INSECTES. 39 de l'organisation des animaux adultes eût é6t6 suffisante pour montrer combien ces vues de l'esprit, dans leur généralité, s'accordaient mal avec la réalité; les recherches sur le dévelop- pement des principaux types du Règne animal ont obligé à les regarder comme des rêves de l'imagination, et à certains égards comme des résultats d'observations superficielles. Depuis trente-cinq ans, les zoologistes se sont beaucoup appli- qués à observer les Animaux articulés dès le moment de leur naissance, et parfois à les étudier dans l'œuf. Les lumières que ces recherches ont jetées sur les affinités naturelles de plusieurs types sont saisissantes. Les affinités et la condition d’un assez grand nombre de types étudiés seulement dans la forme adulte, ou dans une période de leur existence, avaient été entièrement méconnues. L'observation de ces mêmes animaux au sortir de l'œuf et dans les diverses phases de leur vie a amené souvent une véritable révélation. Les exemples en seront rapportés dans le cours de cet ouvrage ; ce sera l’occasion de mentionner les auteurs de nombreuses découvertes dont nous ne pouvons faire l'énumération dans un simple aperçu historique. En présence de résultats concluants souvent obtenus par la considération des caractères de l'animal dans son premier ge, d'éminents zoologistes se sont aisément persuadé que l’on était désormais en possession du moyen d'apprécier dans toutes les cir- constances, et avec une parfaite certitude, la nature des êtres, les rapports naturels de chaque type. Aussi les classifications présen- tées d'après cet ordre d'idées ont été nombreuses : MM. Agassiz et van Beneden, entre autres, ont eu d'heureuses inspirations. Nulle part encore l'idéal n'a été atteint. Le développement embryon- naire n'est point connu jusqu'ici d’une manière suffisante dans tous les types du Règne animal, pour fournir les lumières qu'à la vérité nous sommes en droit d'attendre du progrès de la science. Les phénomènes les plus apparents ne pouvant manquer de fixer tout de suite l'attention des observateurs, les phénomènes h0 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. difficiles à saisir sont souvent considérés comme étant relativement de peu d'importance. C'est là une cause d'erreur assez fréquente. Il existe des animaux qui subissent des métamorphoses com- plètes, d’autres qui n’éprouvent que des changements peu consi- dérables, depuis leur naissance jusqu'à leur état adulte. La diffé- rence est frappante; souvent, néanmoins, elle existe entre des types liés entre eux par les plus grandes ressemblances dans l'ensemble de l’organisation. L'Insecte de l’ordre des Coléoptères, le Hanneton, le Capri- corne, naît dans un état embryonnaire très-peu avancé ; en nais- sant, il a l’aspect d’une sorte de ver. L'Insecte de l’ordre des Orthoptères, la Sauterelle, le Perce- oreille, au sortir de l'œuf, ressemble aux adultes, il ne subit point de véritables métamorphoses. Cependant, par tous les détails de leur organisation, le Coléoptère et l'Orthoptère n'offrent que des différences d'ordre secondaire. Le Coléoptère a des relations bien plus étroites avec l'Orthoptère qu'avec le Lépidoptère, auquel il ressemble par son mode de développement. Parmi les Crustacés, il y a des exemples de différences ana- logues dans la marche du développement, et ces exemples sont encore bien plus saisissants. Certains Crabes, observés vers le moment de leur naissance, s'étaient montrés presque semblables à leurs parents; on avait conclu de ce fait que les Crabes en général ne subissaient pas de métamorphoses. On savait, d'autre part, que l'Écrevisse naît avec les formes de l'adulte ; de ce fait, ajouté au précédent, on avait conclu que les Crustacés, au moins les plus élevés en organisation, n'éprouvent aucun changement notable dans le cours de leur existence. C’est le contraire qui est la vérité pour le très-grand nombre des représentants de ce groupe z0ologique. Un naturaliste de l'Écosse, John Vaughan Thompson, a le premier apporté une suite d'observations intéressantes sur ce sujet. Des recherches récentes nous ont fait connaître LA SCIENCE AUX PRISES AVEC LE MONDE DES INSECTES. 41 les transformations dans une foule de genres de la classe des Crustacés. Ces animaux, pour la plupart, passent donc par des formes successives, tandis que quelques-uns d’entre eux présentent à peine de légères modifications dans leurs appendices. Une diffé- rence aussi considérable n’est nullement l'indice d'organisations particulières. La Langouste, dans son premier âge, est un être tout différent de l'adulte ; au contraire, le Homard, en sortant de l'œuf, est un animal presque pareil à ses parents. Néanmoins la Langouste et le Homard, ayant la même organisation générale, demeurent les représentants de deux familles voisines. Ces faits sont loin de diminuer l'importance que les zoologistes de nos jours attachent à la connaissance des phases du dévelop- pement des animaux. Ils attestent une chose, la nécessité de se rendre compte exactement de la nature des phénomènes observés. Tous les animaux d’une même classe, d'un même ordre, quel- quefois d'une même famille, ne naissent pas ayant un semblable degré de développement. Chez les uns, le développement s’ef- fectue presque en entier dans l'œuf. Tei il n’y a pas de métamor- phoses, pas de transformations, mais seulement un accroisse— ment, et à une époque déterminée l'apparition des organes de la reproduction. Chez les autres, le développement qui s'effectue dans l’œuf s'arrête de bonne heure ; l'animal naît à l’état d'em- bryon, à l’état de larve, et là, suivant que l’état embryonnaire est plus ou moins avancé, il y a des changements successifs plus ou moins considérables, de véritables métamorphoses. Dans l'étude de deux types, il est donc toujours nécessaire de faire porter les comparaisons sur des individus qui sont dans la même période de leur développement organique, et non pas, d'après leur âge calculé, de l'instant de leur naissance. Ces vues, pour n'avoir encore été nulle part très-clairement exposées, n’en sont pas moins senties de nos jours par divers naturalistes. 12 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Si depuis une quarantaine d'années les études sur le dévelop pement des Animaux articulés ont enrichi la science d'un grand nombre de faits d’un haut intérêt, les recherches sur l'organisa- tion de ces mêmes animaux ont fourni des résultats encore plus considérables. MM. Victor Audouin et Milne Edwards, par leurs travaux sur le système nerveux et la cireulation du sang chez les Crustacés, ont apporté, les premiers, des connaissances exactes sur un sujet où les notions précédemment acquises étaient fort imparfaites et souvent entachées d'erreurs. Un anatomiste consciencieux, patient, et habile à représenter par le dessin les objets qu'il avait étudiés, Straus-Durekheim, né à Strasbourg en 1790, mort à Paris en 1865, l'auteur bien connu d'une magnifique monographie anatomique du Hanneton, publiée en 1828, a découvert la structure du cœur ou vaisseau dorsal des Insectes, et il a donné les plus belles figures que nous possé— dions encore des muscles et de l'appareil respiraloire d'un Insecte. Dans le même temps, un professeur de Dresde, M. Carus, a démontré l'existence de la circulation du sang chez les Insectes. Un savant, recommandable par ses nombreux travaux sur l'anatomie, sur les mœurs et les métamorphoses des animaux de la même classe, Léon Dufour, né à Saint-Sever (Landes) en 1782, mort le 18 avril 1865, a fourni à la science pendant une période de plus de cinquante années une multitude d'observa— tions intéressantes. Un des naturalistes de l'époque moderne, dont les recherches ont contribué particulièrement aux progrès récents de nos con- naissances sur les Articulés, est George Newport. Les travaux de ce savant portent le cachet d’une finesse d'observation et d'une sagacité rares, d’une justesse d'appréciation saisissante, d’une habileté consommée dans l’art des dissections, d’un amour de la vérité entière élevé à sa plus haute expression. LA SCIENCE AUX PRISES AVEC LE MONDE DES INSECTES. 3 George Newport, né le 14 février 1803 à Canterbury, est mort à Londres le 8 avril 1854. Médecin par nécessité, naturaliste par goût, il est l’auteur d'une admirable Étude du développement du système nerveux chez un Insecte (le Sphinx de Troëne). C'est Newport qui a révélé les principaux faits relatifs à la structure de cet appareil organique chez les Articulés. On lui doit une série de mémoires sur l'anatomie, la physio- logie et les métamorphoses des Insectes; sur plusieurs sujets, des découvertes d’un intérêt exceptionnel que nous aurons plus tard l’occasion de rappeler, ainsi qu'une importante étude du dévelop- pement des Myriapodes. George Newport est certes un des grands savants qu'ait eus l'Angleterre ; mais l'Angleterre s’en est peu doutée, surtout tant qu'il a vécu. Aux prises avec les dures nécessités de l’exis- tence, l’homme digne d'occuper une haute position, l’homme auquel auraient dû être procurées toutes les facilités pour l’exé- cution de ses brillants travaux, n'a pu consacrer qu’une partie de son temps à ses recherches scientifiques. Dans les dernières années de sa vie, qui n’a pas été bien longue, Newport avait reçu de la munificence royale une petite pension. Cette faveur, nous sommes heureux de le dire, était venue à la suite des chaleu— reuses marques d'estime souvent données aux œuvres du natu- raliste anglais par un de nos zoologistes, un des savants les plus illustres de notre époque. N'ayant guère le droit de parler des résultats des plus récentes investigations entreprises sur le système nerveux et le mode de circulation du sang chez les Insectes, ou des dernières recherches sur l’organisation des Arachnides ; ne pouvant, d'autre part, mentionner des centaines de mémoires relatifs à des sujets spé- ciaux, nous terminerons ici notre aperçu historique. Dans le Cours de cet ouvrage, on verra ce que les travaux de la période scientifique actuelle ont apporté de faits intéressants. Cependant, après avoir jeté un rapide coup d'œil sur les hh LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. travaux qui ont particulièrement contribué à élever nos con- naissances sur les Animaux articulés au degré qu'elles ont atteint de nos jours ; après avoir montré comment ont été décou- verts successivement les principaux phénomènes de lorgani- sation et de la vie de ces êtres; après avoir dit comment la classification ou la méthode en zoologie a conduit à comprendre le plan de la nature et à formuler les généralisations qui sont le triomphe de la science, il n'est peut-être pas inutile d'ex- primer en peu de mots de quelle façon on est arrivé à enregis— trer tous ces Insectes, Arachnides, Crustacés du monde entier, qui forment d'immenses collections. Tant que les observateurs n'eurent sous les yeux que les espèces de leur pays, ils songèrent peu à donner des descriptions et des figures des espèces indigènes. Mais, après la découverte de l'Amérique, alors que le goût des explorations lointaines gagna les peuples de l'Europe, les navigateurs rapportèrent de leurs expéditions des animaux qui frappaient leur imagination par leur beauté ou leur étrangeté. Les Hollandais et les Anglais recueillirent beaucoup d'insectes, d’Arachnides, de Crabes remarquables par leur taille, par leurs formes, par leurs cou— leurs. On commença à former des collections de ces Insectes exotiques. Ces collections eurent bientôt des admirateurs, des enthousiastes. Le désir de peindre et de faire des descriptions des magnifiques Papillons de Java et d'Amboine, où des Antilles et de l'Amérique du Sud, des énormes Scarabées, des splendides Buprestes, des Araignées géantes des régions tropicales, ne tarda pas à se manifester. Pendant le cours du xvin° siècle, on vit ainsi paraître les recueils très-généraux de Seba, de Sloane, de Petiver, le recueil de Drury, spécial aux Insectes, celui de Pierre Cramer, consacré exclusivement aux Lépidoptères, etc. La zoologie descriptive prit son véritable caractère quand Linné s’appliqua à donner le signalement exact de toutes les espèces qu'il put connaître, et à imposer à ces espèces une nomen- LA SCIENCE AUX PRISES AVEC LE MONDE DES INSECTES. 45 clature fixe et précise. Le chemin était tracé, les collections se multiplièrent : chaque jour fournissait l’occasion d'observer des animaux que l'on voyait pour la première fois. Il y eut un grand zèle de la part des collectionneurs pour décrire les espèces nou— velles. Un professeur de l’université de Kiel, Jean Christian Fabri- cius, pendant plus de trente années (1775-1808), s'est occupé uniquement de nommer, de décrire et d'enregistrer les Insectes de tous les pays, et les ouvrages de cet auteur sont devenus en quelque sorte le point de départ de l’entomologie descriptive. Depuis 1815, les voyages s'étant multipliés dans toutes les parties du monde, beaucoup de ces voyages ayant été effectués dans le seul but de recueillir les objets d'histoire naturelle d'une contrée, les collections des musées de l'Europe, et même les collections spéciales de certains amateurs, ont pris d'immenses proportions. Il n'était plus possible à un homme de faire un nouvel inventaire des représentants connus de la classe des Insectes, où même des représentants d’un seul ordre de cette classe; alors les uns se sont livrés particulièrement à l'étude d'une famille, les autres à l'étude d’un genre. On a eu des mono- graphies descriptives. L'étude des espèces d’une famille est encore un travail long, minutieux. Beaucoup d'amateurs possédant un, deux ou trois Insectes nouvellement obtenus, brûlaient souvent du désir de les faire connaître, de leur donner un nom : des recueils pério- diques destinés à recevoir les descriptions et. les images des espèces nouvelles furent fondés en Angleterre et en France ; des sociétés se sont constituées dans le but de faciliter la publication de mémoires descriptifs. Et voici comment il existe par le monde des centaines d’entomologistes qui récoltent, classent, déter- minent, décrivent des Insectes, et seraient presque désolés d’ap— prendre quelque chose de l’organisation ou des conditions d'existence de ces êtres qui, placés dans leur collection, sont à leurs yeux autant de joyaux. h6 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. On se tromperait beaucoup, du reste, en estimant de peu d’im- portance ces collections où chaque espèce est soigneusement étiquetée et placée à côté des espèces qui lui ressemblent le plus; on se tromperait encore en n’attachant pas une valeur sérieuse à ces ouvrages, mémoires, notices, consacrés à de pures descrip— tions. Ces collections et ces publications nombreuses nous ont conduit à connaître les animaux qui peuplent le monde, et à pou- voir désigner ces animaux d’une manière précise. Aujourd'hui on est fort avancé à cet égard. Les explorations lointaines nous fournissent chaque année des espèces nouvelles, mais il est bien rare que ces espèces n'appartiennent pas à des formes déjà par faitement connues. Le besoin de déterminer exactement les êtres que l’on étudie dans les manifestations de leur existence est de première néces- sité. Des observations de Réaumur et de quelques autres natu— ralistes ont perdu une grande partie de leur intérêt, par suite de la façon vague dont les espèces ont été désignées. Une connais sance rigoureuse des groupes zoologiques et des plus légères modifications dans les formes extérieures des animaux donne à l’anatomiste et au physiologiste les idées de comparaison sans lesquelles toute généralisation est impossible. Ce sera l'éternel honneur de Georges Cuvier d’avoir montré que le véritable zoologiste, dans l'étude des animaux, ne saurait parfaitement comprendre son sujet, s'il vient à se désintéresser de l'étude de certaines parties. ns me ARR, 2 III LES CARACTÈRES DES ANIMAUX ARTICULÉS. Une définition précise des sujets qui sont à traiter est abso— lument nécessaire pour la clarté de l'exposition. Cette néces- sité nous commande, avant d’entrer dans aucune considération spéciale, de déterminer rigoureusement les signes auxquels on reconnait, entre tous les êtres de la création, ceux dont il s’agit pour nous d'écrire l'histoire. Autrefois on appelait Insecte, tout animal ayant le corps symé- tique, formé d’une suite d’anneaux et pourvu d’appendices ou de membres articulés. Cette caractéristique s'applique à tous les êtres distingués depuis longtemps déjà sous les noms d'Insectes, de Myriapodes, d'Arachnides et de Crustacés. Les représentants de ces quatre groupes constituent un ensemble parfaitement naturel, qui est l'embranchement ou plutôt le sous-embranchement des ArricuLés. IL a été rappelé précédemment que Cuvier avait distingué dans h8 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. le Règne animal quatre types principaux ; il a été mentionné que toutes les recherches zoologiques et anatomiques exécutées en si grand nombre jusqu'à notre époque avaient montré la valeur de cette distinction; il a été noté que les études d'embryogénie de M. de Baer étaient venues apporter des preuves de la justesse de vue de notre grand naturaliste. Les quatre types reconnus par Cuvier ont reçu le nom d'em- branchements. | Toute connaissance un peu complète se formant par la com— paraison, nous devons présenter les caractères du type zoolo- gique ou de l’embranchement dont nous avons à nous occuper, en opposition avec les caractères des autres types ou des autres embranchements. Les quatre grandes divisions du Règne animal sont les Verrésrés, les Anecés, les Morzusques et les Zoopayres. Les Verrésrés (Mammifères, Oiseaux, Reptiles, Poissons) ont le cerveau et la moelle épinière, ou le tronc principal du système nerveux, renfermés dans une enveloppe osseuse, cartilagineuse ou fibreuse, qui se compose du crâne et de la colonne vertébrale, le cerveau et la moelle épinière occupant la région supérieure et dorsale de l'animal. Les AnneLés (Insectes, Arachnides, Crustacés, Vers),sont dé- pourvus de squelette intérieur. Leur système nerveux est com— posé de centres médullaires placés dans la région supérieure de la tête, représentant le cerveau des Vertébrés, et d’une double chaine ganglionnaire située au-dessous du tube digestif, et occu— pant ainsi la région ventrale. Les Annelés sont caractérisés encore, et au plus haut degré, par leur corps parfaitement symétrique, divisé par des incisions, et paraissant de la sorte composé d’une suite d’anneaux. Les Mozzusques, dépourvus, comme les Annelés, de squelette intérieur, ont également des centres nerveux représentant le cerveau, et des masses médullaires ou ganglions disséminés hé sm. LES CARACTÈRES DES ANIMAUX ARTICULÉS, u9 au-dessous de l'appareil digestif, d’une manière plus ou moins irrégulière, et réunis par des cordons nerveux. Les Mollusques, dont le corps n'offre jamais de divisions annulaires, sont des animaux plus ou moins contournés. Les Zoopayres, que l’on appelle aussi les Animaux rayonnés, ont un système nerveux d'un volume très-réduit, formant une sorte d'anneau autour d'un axe central. Ces animaux ont les différentes parties du corps disposées comme des rayons autour d'un centre *. Aïnsi qu'on l’a appris par les observations de M. de Baer, citées dans notre précédent chapitre, les quatre grandes formes principales du Règne animal sont caractérisées dès les premiers temps de la formation embryonnaire. Chez les Vertébrés, l'embryon offre de très-bonne heure, à la face dorsale, une petite ligne longitudinale que l’on désigne sous le nom de ligne primitive. C'est un sillon qui plus tard se soulève et où se constitue la colonne vertébrale. Le vitellus est situé à la région ventrale. Chez les Annelés, l'embryon ne présente aucune trace de ligne primitive. Le vitellus occupe la région dorsale, Le développement a lieu suivant un axe longitudinal, par deux moitiés latérales. Chez les Mollusques, l'embryon, massif, sans ligne primitive, présente déjà la torsion caractéristique du type auquel il appar- tient. Chez les Zoophytes, l'embryon offre une disposition rayonnée très-apparente dès le moment où il commence à se constituer ; ! Autrefois, avec Lamarck, on partageait le Règne animal en deux grandes divisions : les Animaux vertébrés et les Animaux sans vertèbres. Aujourd'hui, dans le langage ordinaire, on dit souvent encore les Vertébrés et les Invertébrés. C’est une manière d'opposer les Vertébrés à tous les autres types du Règne animal, mais C'est une expression sans aucune valeur scientifique, car les Annelés, les Mollusques, les Zoophytes, sont autant de groupes aussi nettement caractérisés que les Vertébrés. [es li 50 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. les appareils organiques se groupant du centre à la circonfé- rence comme autant de cercles. Dans cette énumération des quatre grands types du Règne animal, ne figure pas le nom des Articulés ; celui des Annelés le remplace. À ce sujet, une courte explication est nécessaire. Cuvier avait établi l'embranchement des Articulés. Pour l'au- teur du Règne animal, les Articulés comprenaient les Annélides ou les Vers à sang rouge, les Crus.acés, les Arachnides et les Insectes. À l’époque à laquelle écrivait ce naturaliste, régnaient encore des idées absolument fausses sur la nature des Vers proprement dits, les Vers parasites et intestinaux par exemple. En l'absence de toute connaissance précise de l'organisation de ces êtres, on s'était imaginé que leur organisation était d'une extrème simplicité. IL n’y a jamais rien aux yeux de celui qui n’a rien su voir. Des esprits de l'ordre le plus élevé n'échap- pent pas toujours à cette faiblesse. En l’état de la science à cette époque, les Vers inférieurs avaient été rejetés dans l'embranchement des Zoophytes. De Blainville, un zoologiste remarquablement habile à discerner les relations naturelles des Animaux, montra que les Vers intestinaux et les Sang— sues, ainsi que les autres Vers à sang rouge, appartiennent au même type. Depuis, la démonstration de ce grand fait à été aussi complète que possible. Si les Annélides sont privés d'appendices comme ceux des Insectes ou des Crustacés, ils ont souvent néanmoins des soies mobiles et des mâchoires; les Vers inférieurs n’en ont pas, mais tous les représen- tants du groupe ont des caractères communs plus essentiels : par exemple l'annulation du corps et la disposition du sys- tème nerveux, qui les rattachent aux Insectes, aux Arachnides, aux Crustacés. Le nom d’Articulés ne convenait plus à l'en semble. Au contraire, le nom d’Annelés lui convenait à tous égards. La substitution de l’un à l’autre était donc naturelle et nécessaire. LES CARACTÈRES DES ANIMAUX ARTICULÉS. 51 Mais dans cet embranchement des Annelés, comprenant à la fois les Insectes, les Myriapodes, les Arachnides, les Crus- tacés, les Annélides et les Vers inférieurs, il était impossible de ne pas reconnaître deux divisions principales. D'un côté, les Insectes, les Myriapodes, les Arachnides, et les Crustacés ; tous les animaux à membres articulés. De l’autre côté, les Annélides ou les Vers autrefois nommés, les Vers à sang rouge, et les Vers inférieurs, parmi lesquels les Vers intestinaux ou parasiles, aujourd'hui répartis en plusieurs classes, forment la part la plus considérable. Par cette considération, M. Milne Edwards a été conduit à admettre dans l’'embranchement des Annelés deux sous-embran- chements : les Articulés et les Vers. Cette séparation exprime heureusement l'existence des deux grands types ou des deux formes principales de la division des Annelés. Ainsi c’est d’une portion seule de l’embranchement des Annelés que nous avons à nous occuper; cette portion est le sous-embranchement des Articulés. Nous venons de voir ce qui caractérise particulièrement ces derniers; il reste à examiner à quels signes on distinguera aisé— ment, en toutes circonstances, un représentant d’une division primaire du groupe des Articulés d’un représentant des autres divisions du même groupe. Ces divisions portent le nom de classes, comme toutes les divi- sions analogues du Règne animal, et ici les classes sont au nombre de quatre : les Insectes, les Myriapodes, les Arachnides et les Crustacés. Le nombre des appendices locomoteurs qui existent chez les représentants de ces quatre classes fournit le caractère le plus frappant, commun à toutes les espèces de chacune de ces divisions. Ainsi, chez les Insectes, il y a invariablement trois paires de pattes. Les Insectes sont les animaux à six pattes, les Fexapodes, 52 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. suivant une appellation qui leur a souvent été appliquée. Ilarrive parfois que le caractère ne se manifeste pas dès les premiers temps de la vie; chez les adultes, il se montre toujours avec une évidence complète. Chez les Myriapodes, il y a des pattes en nombre très-consi= dérable. Tous les anneaux du corps, à l'exception du dernier, portent une paire de ces appendices. Le nom vulgaire de Millepieds fait allusion au caractère le plus apparent de ces animaux. Les Arachnides ont invariablement quatre paires de pattes. A la vérité, quelques-uns des représentants de cette classe n'ont pas plus de trois paires d'appendices locomoteurs au début de leur existence; mais ces espèces acquièrent toujours, à une époque plus ou moins avancée de leur développement, la quatrième paire de pattes, caractéristique du type auquel elles appartiennent. Les Crustacés ont en général des pattes au nombre d'au moins cinq paires, souvent de sept paires. Les appendices s’atrophient ordinairement chez les espèces dégradées, et c’est à l’aide de diffé- rentes considérations qui seront produites dans la suite, que l'on rapproche ces espèces offrant tous les caractères essentiels de leur type. Au reste, dès à présent nous pouvons noter que les Crustacés sont conformés pour une respiration aquatique, tandis que les représentants des autres classes, à l'exception de certaines larves d'Insectes, sont conformés pour une respiration aérienne. Beaucoup de particularités d'organisation conduisent à dis tinguer entre eux les Insectes, les Myriapodes, les Arachnides et les Crustacés. Cependant ces particularités pouvant faire défaut chez les espèces dégradées de chacune de ces classes, il devient impossible de les énoncer comme des caractères généraux . Après l'indication du fait le plus frappant, la différence dans le nombre des appendices de la locomotion, nous avons tout avan- LES CARACTÈRES DES ANIMAUX ARTICULÉS. 53 tage, pour l'exposition claire du sujet, à nous attacher d’abord à l'étude des représentants d'une classe en particulier. En pas- sant ensuite aux autres classes, les comparaisons se produi- ront, et feront ressortir les différences aussi bien que les ressem- blances et les analogies. La classe des Insecres viendra ici la première. Les pattes ou appendices locomoteurs, au nombre de trois paires, ont été signalées comme le caractère le plus général propre à faire distinguer les Insectes des Arachnides et des Myriapodes ; mais les Insectes ont pour la plupart, dans leur état adulte, des appendices remarquables dont aucun représentant d'une autre classe d’Articulés n'offre l'exemple. Ces appendices, ce sont les ailes. La présence des ailes est l'indice d’un perfec- tionnement organique avancé chez les Insectes. Elles n'existent point chez les espèces dégradées, ou en d’autres termes, les espèces qui s'arrêtent de bonne heure dans leur développement, comme les parasites et quelques femelles. Voici comment un caractère des plus saisissants ne peut entrer dans la caractéris- tique générale des Insectes. Les Insectes respirent par des orifices percés dans les tégu— ments, etils ont tous, sans exception connue, un appareil respi- ratoire diffus, et tellement diffus, qu'il est disséminé dans toutes les parties du corps. Mais le caractère n’est pas exclusif. La même disposition des organes de la respiration existe chez les Myriapodes et chez les Arachnides inférieurs. Les autres systèmes organiques nous offrent des faits du même genre. Pour comprendre la valeur des généralisations auxquelles conduit l'étude de notre sujet, il est nécessaire de prendre une connaissance sérieuse de l’organisation des principaux repré sentants de chacune des classes du groupe des Articulés. Nous arrêtant en premier lieu à la classe des Insectes, il s’agit avant tout de se former une idée nette de l’organisation spéciale à ces animaux, à l’exelusion de ceux des autres classes. Sans cette 54 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. étude préliminaire, jamais les différents phénomènes du déve loppement ou des métamorphoses des espèces ne pourraient être bien compris; jamais les habitudes, les mœurs, les instincts, les lueurs d'intelligence de nos divers Insectes ne s’offriraient à nos yeux avec leur véritable caractère; jamais les conditions d'existence si diverses de ces Insectes ne sauraient être appré- ciées, si elles n'étaient considérées dans leurs rapports avec la conformation organique. Sans cette étude préliminaire, le sen timent vrai de la nature ne pourrait s'acquérir; l'esprit philoso- phique manquerait de son appui le plus ferme pour demeurer dans la vérité, en voulant interpréter les faits dans la grandeur de leur manifestation. Seulement, avant d'entrer d’une manière intime dans notre sujet, notons, pour n'avoir plus à y revenir, certains points relatifs à la classification et à la nomenclature, sur lesquels il importe d’être fixé. La classe des Insectes se partage très-naturellement en douze ordres. Ces ordres sont les Lépidoptères, les Hyménoptères, les Coléo-" ptères, les Orthoptères, les Thysanoptères, les Névroptères, les Hémiptères, les Aphaniptères, les Strepsiptères, les Diptères, les Anoplures et les Thysanures. Ces noms, à l'exception des deux derniers, indiquent que les ailes ont offert pour chaque groupe le caractère le plus apparent, le plus facile à constater; mais c’est en traitant de chaque division en particulier, que nous aurons à signaler tout ce que les ailes présentent de traits caractéristiques. L'arrangement des ordres que nous venons d'énumérer n'a pas une extrême importance et il ÿ a un intérêt fort médiocre à commencer par un groupe plutôt que par un autre, à moins que l'on ne soit dirigé par une vue spéciale. Il semblerait naturel de s'occuper en premier lieu des espèces les plus parfaites et de passer successivement aux autres formes, de façon que vienne la dernière la forme la plus dégradée. Mais les dégradations ou LR te ee LES CARACTÈRES DES ANIMAUX ARTICULÉS. 55 les arrêts de développement ne se manifestent pas avec la régu- larité que les philosophes d'une autre époque s'étaient plu à admettre. Dans chacun des ordres, il existe des espèces plus élevées que les autres sous le rapport de leur organisation, et les affinités naturelles de chaque type sont souvent très-mul- tiples. Le naturaliste doit donc s'attacher bien plus à la définition rigoureuse des types qu'à l’ordre dans lequel ils sont énumérés, puisque en aucun cas une série linéaire ne saurait être l'image d’une réalité. Les divisions qui viennent après les ordres sont les familles, et après les familles les tribus. Autrefois la nomenclature de ces divisions était absolument arbitraire. C'était une foule de noms tirés tantôt d’un caractère, tantôt d’un détail de mœurs. Au grand avantage de l'étude scientifique, ces noms ont pu être supprimés. Il y a une quarantaine d'années, un zoologiste anglais, Swainson, a eu l’heureuse idée de prendre pour le nom de la famille le nom même du genre principal de cette famille, en lui adjoignant une terminaison ou désinence particulière. Comme, “en général, on apprend avant tout à connaitre les grands types par leur nom, l’appellation de la famille reste aisément dans la mémoire. Les désinences adoptées par les auteurs varient encore, mais le principe est admis aujourd'hui par presque tous les natu- ralistes. Un exemple fera comprendre ce système de nomenclature à la fois si simple et si avantageux. Tout le monde, assurément, connait les noms génériques de Scarabée, de Locuste, d’Apis (Abeille); or, les noms de familles: Scarabéides (Scarabæideæ), Locustides (Locustidæ), Apides (Apidæ), indiquent aussitôt qu'il s’agit d'espèces offrant les caractères: essentiels des Scarabées, des Locustes ou Sauterelles, des Abeilles. Les appellations Scarabéines, Locustines, Apines, sont appli- quées à des groupes moins étendus, que l'on nomme les tribus. On emploie les dénominations de Scarabéites, Apites, Locustites, PP PR PSE PE TO PR NT PT 56 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. pour les groupes plus restreints, qui sont en quelque sorte les grands genres. Parfois les familles sont les divisions les plus importantes que l’on puisse admettre dans un ordre; mais parfois aussi quelques caractères réunissant plusieurs familles ou sépa- rant l’une d’elles de toutes les autres, il y a alors avantage, pour la précision dans l’énoncé des faits, à adopter une division inter- médiaire à l’ordre et à la famille, comme le sous-ordre ou la section. Nous en trouverons des exemples. IV LA CHARPENTE EXTÉRIEURE ET LES ORGANES DU MOUVEMENT DES INSECTES. L'enveloppe extérieure a une consistance très-variable. C’est en général une peau très-résistante, mais flexible. Chez beau- coup d'espèces parvenues à l’état adulte, le tégument est de consistance coriace, mais chez une foule d'Insectes toutes les parties extérieures offrent une grande épaisseur, une solidité extrême, une dureté considérable. C’est jusqu’à un certain point l'apparence de la corne; la ressemblance ne va pas au delà de l'apparence. La corne fond en brûlant; le tégument des Insectes, exposé à la flamme, se carbonise et conserve sa forme. La composition chimique est absolument différente. Le tégument d'un Insecte, mince et flexible comme la peau du Ver à soie, dur et épais comme l’enveloppe d’un Scarabée ou d'un Charançon, est toujours formé essentiellement d’une sub- slance particulière que l’on désigne sous le nom de chitine. Cette substance existe chez tous les Articulés, et même chez les Vers 58 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. connus sous le nom d’Annélides. Sa présence est caractéristique des animaux de l’embranchement des Annelés, à l’exelusion de beaucoup de Vers inférieurs. La chitine a été découverte en 1823 par un jeune expérimentateur, Auguste Odier, connu seulement par un mémoire sur la composition chimique des parties cornées des Insectes, et par l'observation d’une petite Sangsue parasite sur les branchies de l'Écrevisse. La chitine est extrêmement facile à isoler. On plonge un Insecte tout entier dans une dissolution de potasse caustique, qui doit être renouvelée et maintenue constamment à une tempéra- ture élevée. Tous les organes se détruisent; la matière colorante, les matières grasses, les sels qui peuvent entrer en plus ou moins forte proportion dans la constitution du tégument, disparaissent, et alors on obtient dans toute son intégrité l'enveloppe de l'animal réduite à une sorte de membrane blanche presque transparente. C'est la chitine. Si l'opération a été bien conduite, aucune déchi- rure ne s’est produite; les formes de l'Insecte sont restées intactes; les appendices, les crochets, les épines, les poils, aussi bien que les anneaux du corps, semblent n'être plus qu'une simple lame vitreuse. Le tégument est formé de deux couches : l’une, profonde, molle, présentant des cellules simples, et n’offrant aucune trace de chitine; l’autre, extérieure, constituée essentiellement par la chitine, à laquelle s'ajoutent en plus ou moins grande abondance, suivant les espèces et suivant l’état de développement de ces espèces, du pigment ou matière colorante, des sels calcaires, de la matière grasse. La couche profonde est la peau; la couche extérieure ou superficielle est l’épiderme. C'est l'épiderme, et l’épiderme seul, qui se détache complétement à différentes époques chez les Insectes en voie de développement. Tout le monde sait en effet que les larves, les chenilles, le Ver à soie, subissent des changements de peau qui marquent les périodes de leur exis- tence. LES ORGANES DU MOUVEMENT DES INSECTES. 59 La peau et l’épiderme, ou couche chtinifiée, sont en rapport intime l’une avec l’autre. La peau, toujours mince, est une sorte de feutrage de fibres où l’on observe souvent, outre les cel- lules simples, de petites glandes cutanées en communication avec des canaux plus ou moins gros, qui traversent perpendiculaire- ment l’épiderme et se continuent même dans l'intérieur des poils. L'épiderme, examiné sous un grossissement considérable, offre une surface figurant un assemblage de cellules régulières dont les contours apparaissent avec une extrême netteté, si la matière colorante en trop grande abondance n’intercepte pas la lumière. Un professeur de l’université de Tubingue, qui s’est occupé spé- cialement de la structure des tissus, le docteur Franz Leydig, pense que l’épiderme des Insectes est formé de lamelles super- posées, et que l'apparence de cellules est due à cette superposition de lamelles; mais cette opinion est peu admissible. De minu- tieuses recherches seront nécessaires pour reconnaitre exacte- ment le mode de constitution de l’épiderme des Insectes. Le caractère général et particulièrement essentiel de l’Animal annelé, c’est d’avoir un corps composé d’une suite d’anneaux que plusieurs auteurs, d’après Moquin-Tandon, désignent sous le nom de zooniles. Ces anneaux, chez diverses larves par exemple, affectent du premier au dernier une uniformité remarquable. La tête cepen- dant est déjà constituée en une seule masse dans l’Insecte sor- tant de l'œuf. Dans le corps de tout Insecte adulte, il y a trois portions par- faitement distinctes : la tête, le thorax et l'abdomen. Dans le corps de beaucoup de larves, on distingue la tête des parties qui viennent à la suite; mais si l’on n’aperçoit encore aucun ves- tige de pattes, comme c’est le cas chez la plupart des larves d'Hyménoptères, de Diptères et même de quelques familles de Coléoptères, il n’y a pas de différence bien appréciable entre les anneaux du thorax et ceux de l'abdomen. On ne saurait alors les 60 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. déterminer autrement que par la place qu’ils occupent dans la série. Dans sa plus grande simplicité, ainsi que les larves dont le développement est peu avancé en offrent l'exemple, l'anneau présente un tissu homogène dans toute son étendue ; une dépres- sion transversale sur une ligne où le tissu est aminei, le séparant de l'anneau qui le précède et de l'anneau qui le suit, indique ses limites. Lorsque l'anneau se perfectionne, des espaces prennent une consistance coriace. D'abord très-restreints, ces espaces s’éten- dent à la manière des points d’ossification dans le squelette des Animaux vertébrés, finissent par se rapprocher et souvent par s'unir d'une manière intime. Dans l’anneau ainsi en voie de constitution, on ne tarde pas à distinguer deux arceaux, l’un supérieur, l’autre inférieur, lais- sant dans leur intervalle, de chaque côté du corps, un espace membraneux plus ou moins étendu. Mais un fait important à noter, c’est que les arceaux se forment constamment par deux moitiés. Une ligne de séparation très-visible entre les deux pièces principales persiste souvent fort tard. Cette séparation, très- visible sur le corps de certaines larves, comme celle du Calo- some sycophante que nous offrons en exemple, se montre aussi très-distinctement sur la tête de la plupart des chenilles, et même sur les anneaux de l'abdomen de divers Insectes parvenus à l’état adulte. On reconnaît ici, avec toute l'évidence possible, le mode de développement si remarquable et si caractéristique chez les Arti- culés, consistant dans la formation primitive de deux moitiés identiques. Tous les anneaux du corps sont semblables à leur origine; mais tous ces anneaux n'arrivent point par les progrès de l’âge au même degré de développement. Il est aisé de s'assurer, par l'examen des trois parties principales du Corps, que le perfec- LES ORGANES DU MOUVEMENT DES INSECTES. 61 tionnement s'effectue d'avant en arrière. Chez telle larve, la tôte est déjà solidement constituée et pourvue d’appendices ; toutes les autres parties de l'animal sont encore molles et sans vestige d'appendices. Chez telle autre larve, ce n’est plus seule- ment la tête qui se trouve déjà fort avancée dans son développe- ment, les anneaux du thorax eux-mêmes sont déjà en partie soli- difiés, et ils portent chacun une paire de pattes. Au contraire, les anneaux de l'abdomen ont relativement peu de consistance et ils n’ont point d'appendices. Ces différences persistent dans les adultes. Les anneaux de l'abdomen ne portent jamais de membres ; seule, l'extrémité de cette portion du corps est souvent pourvue de pièces solides, en rapport avec les organes de la reproduction. Ce mode de développement nous conduit à examiner d’abord la partie la plus simple de la charpente extérieure des Insectes, c’est-à-dire l'abdomen. Il deviendra facile ensuite de com- prendre les complications qui surviennent dans la constitution des anneaux du thorax. L'abdomen parait être formé, à l’origine, de neuf ou dix anneaux. Îl est cependant quelques larves où l'on en a compté douze où même davantage. En comparant les anneaux d’une larve et d’un adulte de la même espèce, on s'aperçoit que le changement éprouvé par les progrès de l’âge ne consiste pas seulement dans le degré de consistance des téguments, mais aussi dans la diminution du nombre des anneaux. Cette dimi- nution, à la vérité, n’est qu'apparente ; il n’y a pas eu d’atro- phie de certaines pièces, mais une réunion, une soudure de plusieurs d’entre elles. Ainsi n'est-il pas rare que les premiers anneaux de l’abdomen se soudent au dernier anneau du thorax, que plusieurs des derniers anneaux se réunissent, laissant par- fois une légère trace de leur soudure, ou rentrent à l'intérieur, portant les pièces solides dépendantes des organes de la repro- duction. Prenons un exemple. Une espèce de Lépidoptère nous servira RS SR Don mm 0 nn A do ce Vin à 15 RL LL 62 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. avec avantage pour ce premier examen. Le changement qui s'effectue chez l'animal passant de l’état de chenille à l'état de papillon est, à certains égards, moins considérable que pour beaucoup d’autres Insectes. Le grand Paon de nuit, à cause de ses grandes dimensions, est particulièrement favorable. au TT ii CLMERMITTE Burouh. MESNARD LARVE OU CHENILLE. ADULTE OU PAPILLON. Le même Insecte (grand Paon de nuit, Attacus Pavonia major) à l'état de larve et d'adulte, vu en dessous pour la comparaison des différentes parties du corps. Chez la chenille, l'abdomen, qui commence avec le quatrième anneau du corps, comme dans tous les autres Insectes, est formé de dix anneaux à peu près d’égale dimension, à l'exception de l'avant-dernier, un peu plus court que les précédents, et du dernier, réduit à un simple tubercule. Ici la consistance est par- tout la même. C’est une membrane d’un tissu homogène. Le LES ORGANES DU MOUVEMENT DES INSECTES. 63 troisième, le quatrième, le cinquième, le sixième et le neuvième anneau, portent à la face ventrale une paire de tubercules garnis d'épines à leur extrémité. Ces tubercules, destinés à disparaitre quand l’animal passera à l’état de chrysalide, remplissent pour la chenille l'office de pattes. Ce ne sont pas néanmoins de véritables pattes, mais seulement des prolongements de la peau; de là le nom de fausses palles dont on se sert assez fréquemment pour les désigner. Remarquable exemple de la simplicité des moyens qu'emploie souvent la nature pour adapter certaines parties d’un animal à des conditions d'existence particulières, surtout lorsque ces conditions doivent être transitoires. Comparons maintenant l'abdomen du papillon à celui de la chenille. Le nombre des anneaux n’est plus le même. Nous n’en comp- tons pas plus de sept bien apparents. Le premier s’est réuni au thorax; les deux derniers, rudimentaires et portant de petites pièces, sont rentrés dans l’intérieur de l'abdomen, à la manière des tubes d’une lunette. L'examen des parties, les coincidences survenues dans le groupement des centres nerveux, ne laissent guère de doute sur la nature de la modification qui s’est opérée par les progrès de l’âge. On désirerait néanmoins une étude de l'enveloppe tégumentaire des Insectes suivie pas à pas jus- qu'à sa constitution définitive, mais cette longue étude n’est pas encore faite d’une manière complète. Le changement dans la consistance des téguments est sen- sible. Cette consistance reste faible chez le Papillon ; cependant, si le corps a été débarrassé des poils dont il était revêtu, nous reconnaissons aisément que la portion dorsale et la portion ven- trale ont pris une consistance coriace, tandis que les parties laté- rales ont conservé leur mollesse primitive. C’est l'anneau avec ses deux arceaux simples bien constitués : l’arceau dorsal et l’arceau ventral. Beaucoup d’Insectes, au contraire de ce qui se voit chez le 6h LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Papillon, ont les téguments de l'abdomen très-durs, très-résis- tants, et la plupart des larves des Coléoptères carnassiers, qui naissent à un degré de développement déjà fort avancé, ont les L'LHER'ITTE MES N.2Vcun LARVE DU CALOSOME SYCOPHANTE (Calosoma sycophanta). Très-grossie, vue par la face dorsale et par la face ventrale, anneaux de l'abdomen en grande partie couverts de plaques solides, dont la disposition est propre à éclairer sur la constitu- tion fondamentale des anneaux. Arrêtons notre attention sur la tbe. dédmut da A 22 > “hi be 4 bd 5 ont d'u dé dt bétets dnn) à PTS ST LES ORGANES DU MOUVEMENT DES INSECTES. 65 larve d'un Coléoptère carnassier, le Calosome sycophante, l’une des plus grandes espèces de notre pays. L’abdomen présente ici, comme dans la Chenille, neuf anneaux bien distincts. Nous en compterons dix, en prenant pour un anneau un tubercule servant de support à la partie postérieure de l'animal. Considérés en dessus, ces anneaux offrent une large pièce dorsale divisée par un sillon indiquant son mode de con- stitution, et, de chaque côté, une petite pièce répondant à celle des anneaux du thorax qui existe au-dessus de l'insertion des pattes, et que l’on nomme, à raison de cette situation, l'épimère. La grande pièce latérale et les deux pièces latérales constituent l'arceau dorsal. Passons à l'examen de l’arceau ventral. Les parties latérales n’occupent encore qu’un espace assez restreint; le développement de l’arceau inférieur n’est pas aussi avancé que celui de l’arceau supérieur. Au centre de l'anneau, on remarque deux séries transversales de pièces solides : la pre- mière, formée d’une seule pièce assez large ; la seconde, d’une rangée de quatre très-petites pièces. Par leur coalescence, ces parties viendront constituer la lame ventrale ou sternale, et en y ajoutant les deux pièces latérales répondant aux episternums des anneaux thoraciques, nous aurons l’arceau inférieur dans son entier. L'arceau très-simple de l'abdomen du Lépidoptère se forme par une seule lame commençant par deux points d’ossification latéraux ‘; l’arceau plus complexe de notre larve de Coléoptère par deux rangées de pièces. L'anneau le plus parfait d’un In- secte doit se constituer par quatre séries; car, dans les anneaux les plus complets du thorax des adultes, on ne compte pas moins de quatre pièces à la suite les unes des autres. Le thorax est cette partie du corps que l’on appelle vulgai- rement le corselet, s'il s’agit d’une Abeille, d’une Guêpe, d'un 1 A défaut d'un terme spécial consacré, on est obligé d'employer le mot ossificalion pour indiquer la solidification des pièces du système tégumentaire des Articulés. 5 66 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Papillon, d'une Mouche. Le nom de corselet est, du reste, une expression vague ; car, en l’appliquant à un Coléoptère, à une Sau- terelle, à une Punaise de bois, on ne désigne point par ce mot le thorax tout entier, mais seulement le premier anneau du thorax. Dans la classe des Insectes, le thorax est formé invariable- ment par les trois anneaux placés à la suite de la tête. La posi- tion de ces anneaux conduit à les déterminer infailliblement, même chez une larve vermiforme, dont les anneaux du thorax et de l'abdomen sont absolument semblables. Le caractère essen- tiel des trois anneaux thoraciques est de porter les pattes; le caractère du second et du troisième anneau est de supporter les ailes, qui existent chez toutes les espèces arrivées à l’état adulte, sans avoir subi manifestement ce que Geoffroy Saint- Hilaire a appelé un arrêt de développement. La présence des pattes, et surtout la présence des ailes, ont rendu nécessaire un développement très-considérable des anneaux thoraciques, et particulièrement des deux derniers. Pour loger les muscles volu- mineux destinés à mouvoir les appendices de la locomotion, un vaste espace était indispensable, ainsi que des surfaces maül- tipliées pour fournir des points d'attache à ces mêmes muscles. La composition du thorax des Insectes a été, il y a environ quarante-cinq ans, l'objet d’une fort belle étude de la part de Victor Audouin. Ce naturaliste, guidé par les vues de Geoffroy Saint-Hilaire et de Savigny, a constaté l’uniformité de plan dans la composition des anneaux thoraciques de tous les Insectes, et, afin de donner au sujet toute la précision possible, il a désigné par des noms les différentes pièces qui entrent dans la constitution du thorax *. 1 Ce travail a été présenté à l’Académie des sciences en 1820, mais il n'a été publié (sans être totalement achevé) qu’en 1824, dans les Annales des sciences natu- relles (t. 1, p. 97 et 416), sous le titre de Recherches anatomiques sur le thorax des Animaux articulés et celui des Insectes heæapodes en particulier. — Victor Audouin, membre de l’Institut et professeur au Muséum d'histoire naturelle, né à Paris, le 2 avril 1797, est mort le 9 novembre 18/41. LES ORGANES DU MOUVEMENT DÉS INSECTES. 67 Cette nomenclature, aujourd'hui adoptée par tous les zoolo- gistes, est fort simple. Un nom particulier distingue d’abord chacun des anneaux thoraciques. Le premier, avec lequel s'articule la tête, est le prothorax ; CALOSOME SYCOPHANTE (Calosoma sycophanta). Insecle adulte grossi, dont les principales parties du corps ont été séparées, @, la têle; — b, le prothorax; — c, de mésothorax ; — d, le métathorax ; — €, l'abdomen. 68 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. le second, supportant les ailes de la première paire, est le méso- thorax ; le troisième, supportant les ailes de la seconde paire, est le métathorax. Le mode de formation des anneaux de l'abdomen ayant été constaté, la constitution exacte des anneaux thoraciques est devenue facile à déterminer. La différence se borne à une com- plication un peu plus grande dans ces derniers. Les trois anneaux du thorax ayant la même composition, avec la connaissance d'un seul anneau, de celui, par exemple, dont la composition est la plus parfaite, la connaissance des deux autres se trouve égale- ment acquise, Dans la chenille (le Ver à soie), les anneaux du thorax n’of- frent encore aucune pièce solide. Par leur texture, par leur dimension, ils ne diffèrent pas des anneaux de l'abdomen. Leur position et la présence des pattes sont les seuls signes caracté- ristiques qu'ils présentent à l'observateur. Le grand développe- ment du mésothorax et du métathorax du Lépidoptère ne com- mence que dans la chrysalide, et ce commencement n'a été jusqu'ici l'objet d'aucune étude sérieuse. La larve du Calosome, sur laquelle s'est déjà arrêtée notre attention, a les parties thoraciques très-cuirassées. En dessus, nous voyons les trois anneaux revètus, comme les anneaux de l'abdomen, d’une double pièce dorsale, accompagnés de chaque côté de la petite pièce latérale que Victor Audouin a nom- mée l’épimère, à cause de sa position au-dessus de la hanche. Voilà l’arceau supérieur. La pièce dorsale est très-crande, mais elle n'offre aucune division transversale, et cependant, dans l’Insecte adulte, il y aura, aux deux anneaux qui supportent les ailes, quatre parties distinctes, formant une série longitudinale. Des recherches approfondies sur les changements qui se manifestent pendant l'état de nymphe restent à poursuivre. A Ja face inférieure, les anneaux thoraciques de notre larve de Calosome sont en grande partie membraneux. Une petite LES ORGANES DU MOUVEMENT DES INSECTES. 69 pièce qui apparait au centre, est la pièce sternale. Très-rudi- mentaire encore, elle prendra un grand développement chez l'adulte. Sur les côtés de l'arceau inférieur existe la pièce dési- gnée par Audouin sous le nom d’episternum, à raison de sa situa- tion au-dessus de la pièce sternale, ou le sternum proprement dit. Très-séparées souvent de cette dernière pièce chez les larves, les deux pièces sont toujours en connexion intime chez les adultes, Dans les Insectes adultes pourvus d'ailes, le mésothorax et le métathorax, qui ont pris de grandes dimensions relativement aux autres anneaux du corps, sont souvent tellement soudés l’un à l'autre, que leur désunion est impossible, Le mésothorax, qui supporte les ailes de la première paire, a presque toujours un développement supérieur à celui du métathorax ; aussi, dans cet anneau, les différentes parties sont en général plus apparentes que dans le suivant. La pièce dorsale, que nous avons vue simple chez les larves, présente ici quatre divisions transversales marquées par des saillies ou des dépressions. Notre figure du Calosome sycophante permet de les distinguer. Ces pièces, intimement réunies, ont reçu de Victor Audouin les noms de prescutum, de scutum ou écu, de seulellum où écusson, et de postscutellum. La première, toujours très-rudimentaire, est une petite lame dirigée verticalement au bord de l'anneau et demeurant à l'état membraneux chez une foule d’Insectes. La seconde, qui supporte les ailes, est la plus vaste. L'écusson, souvent très-réduit, est dans beaucoup d'espèces, notamment les Coléoptères, les Hémi- ptères, une pièce qui s'avance entre les élytres. La dernière pièce, quelquefois cachée dans l'intérieur de l'anneau, souvent réduite à une sorte de bourrelet en arrière de l’écusson, con- court à former l'articulation des ailes. Le sternum est simple et plus ou moins grand, suivant les types; l'episternum lui est intimement uni, et, dans Ja plupart 70 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. des cas, le sternum et l’episternum, aussi bien que les épimères, sont soudés au point de ne plus laisser voir la trace de leur union. Deux petites pièces latérales, dépendantes du mésothorax, sont très-apparentes chez certains Insectes, les Hyménoptères et surtout les Lépidoptères; elles s’avancent sur les ailes anté- rieures, formant des épaulettes, ainsi qu'on les désigne vulgaire- ment. Dans la nomenclature de Victor Audouin, ce sont les paraptères. Dans le métathorax, la lame dorsale antérieure est atrophiée ; l'écusson et le postécusson sont en général confondus et reçus dans une échancrure du seutum, qui conserve toujours une grande ampleur. Dans le prothorax, les pièces dorsales sont par- fois indiquées, comme dans plusieurs Orthoptères, par des sil- lons transversaux. Chez d’autres Insectes, on n'aperçoit que deux parties. On a supposé, dans ce cas, l’atrophie des deux pièces postérieures. Le plus souvent aucune division n'est apparente, et, en l'absence d'observations suffisantes sur le développement du système tégumentaire, 1l est impossible de déclarer avec certitude s’il y a fusion entre elles de parties primitivement dis- tinctes, ou si, dès l'origine, il y a une formation simple. Le mode de réunion des pièces du thorax mérite d'être connu. Ces pièces sont des lames plus où moins épaisses, et une simple juxtaposition des bords n'offrirait qu'une solidité médiocre et ne fournirait pas à l'intérieur de surfaces convenables pour les attaches de tous les muscles. Une disposition très-simple, au contraire, donne la solidité et fournit les attaches nécessaires. Que l’on prenne deux cartes, avec l'intention de les souder l’une à l’autre par un de leurs bords : le moyen d'avoir le meilleur résultat sera de relever à chacune des deux cartes le bord qui doit ètre soudé, et de coller ensuite l’une à l'autre la portion relevée des deux cartes; on aura alors une lame verticale qui maintiendra avec la plus grande solidité les surfaces horizontales, Less nt dant ED da 7 US 2e ue A _ tn LES ORGANES DU MOUVEMENT DES INSECTES. 71 L'union de deux pièces thoraciques ne se fait pas autrement, et donne lieu ainsi à la présence, dans l'intérieur du thorax, de ces lames verticales, qui ont reçu le nom d’apodèmes. Les lames qui unissent les pièces sternales prennent souvent un développement énorme, affectant d'ordinaire la forme d’un Y, et servant non- seulement aux attaches musculaires, mais encore à maintenir la chaine ganglionnaire qu’elles embrassent d’une manière étroite chez les Insectes les plus parfaits. Ces lames, appelées du nom d'entothorax, pour exprimer leur situation à l’intérieur du thorax, ont été regardées par Victor Audouin comme des pièces particulières; ce ne sont en réalité que les lames d’union très- développées des pièces sternales, ou, en d’autres termes, les apodèmes. Pour ne rien omettre d’essentiel dans cette rapide descrip- tion du squelette tégumentaire des Insectes, nous devons faire mention d'une série de petits cercles plus où moins épais que l'on voit sur les parties latérales du corps. Ils sont bien appa- rents chez une infinité de larves : les chenilles lisses, les larves des Scarabées, du Hanneton, le Ver blanc, ete. Chaque petit cercle circonserit l’un des orifices respiratoires ; on le nomme le péritrème. Ge mot signifie « autour du trou ». La tête de tout Insecte, avons-nous dit, est formée primor- dialement de plusieurs anneaux. Le fait est certain ; la démons- tration est encore incomplète. Au moment même de la naissance des larves, aucune division annulaire n'existe dans la tôte ; mais, sachant que toute paire d’appendices est supportée par un anneau particulier, voyant à la partie inférieure de la tête trois paires d'appendices, les mandibules, les mâchoires et la lèvre inférieure (seconde paire de mâchoires), des naturalistes se sont persuadé que la tête de l’Insecte était, comme le thorax, formée de trois anneaux. Les trois paires de pièces buccales représen- teraient done exactement les pattes du thorax. Il y a une grande probabilité en faveur de la justesse de cette appréciation. RO cu L''ié s AAB :n dal. = ba | D. à A A à _— 72 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Cependant, comme la tête porte en dessus des appendices : les yeux, les antennes, la lèvre supérieure, deux hypothèses ont pu être produites. En regardant la tête comme formée de trois anneaux, les mandibules, les mâchoires, la lèvre inférieure, étaient considérées comme appartenant aux arceaux inférieurs ; les yeux, les antennes et le labre aux arceaux supérieurs, de même que les ailes pour le thorax. En supposant les appendices supérieurs dépendant d’anneaux distincts de ceux qui portent les pièces buccales, on a été conduit à admettre l'existence pri- mordiale d'un plus grand nombre d’anneaux. La première hypothèse semble plus probable; l'étude d’embryons très-jeunes, si l'on parvient à faire cette étude, pourra seule lever toute incertitude à cet égard. Le thorax porte les appendices de la locomotion. Ces appen- dices sont les pattes, qui appartiennent aux arceaux inférieurs, et les ailes, qui dépendent des arceaux supérieurs. Les pattes existent souvent dès le jeune âge, mais très-pelites alors ; elles ne prennent leur grand développement que chez les adultes et chez les individus déjà assez proches de cette dernière condition. Les pattes, dès le moment de leur apparition, sont au nombre de trois paires, ainsi qu'on a pu le voir dans la caractéristique des différentes classes du sous-embranchement des Articulés. On distingue les pattes d'après leur position relative. Celles qui sont attachées au prothorax, sont les pattes antérieures ; celles du mésothorax, les pattes intermédiaires; celles du métathorax, les pattes postérieures. Les pattes des Insectes, organes locomoteurs pouvant être adaptés à une infinité d’usages particuliers, présentent la plus grande diversité imaginable dans leurs formes et dans leurs adaptations spéciales, et c’est là un des côtés les plus intéressants de l’histoire d’une foule d'espèces. Néanmoins les pattes ont toujours la même composition, quels que soient leurs formes, a vf dé no ind st :. os ts “dé are . Last “CDs ce Mr . dés Dé. à d'ou ts sut és. LES ORGANES DU MOUVEMENT DES INSECTES. 73 leurs usages, le degré de leur développement. Elles sont con- stituées par une suite d'articles insérés à la suite les uns des autres, et que l’on nomme la hanche, le trochanter, la cuisse, la jambe et le tarse. Ces noms ne doivent faire supposer aucune homologie avec les parties qui reçoivent les mêmes appella- tions chez l'Homme et les Animaux supérieurs. Quelques traits d’analogie seuls ont déterminé cette nomenclature. M. Milne Edwards en a proposé une autre plus rationnelle, et si nous ne l'employons pas ici, c’est afin de ne pas introduire des termes peu connus, que beaucoup d’esprits se résignent difficilement à accepter. La hanche est la pièce basilaire qui s'articule avee l'anneau thoracique. Le trochanter, la petite pièce qui vient à la suite, articulée de manière à se dresser sur la hanche et paraissant ne former qu'une division de l’article suivant. La cuisse ‘est une tige, ordinairement assez longue, qui se dresse pendant la marche, suivant en cela le mouvement du trochanter. La jambe, insérée dans une échancrure inférieure de la cuisse, forme un angle avec cette dernière en descendant vers le sol. Le tarse est la partie de l’appendice qui pose sur le sol; c’est le pied de l'Insecte, formé d'un seul article chez les chenilles, chez la plupart des larves, divisé en deux, trois, quatre, cinq articles chez les adultes. Le tarse est presque toujours terminé par deux crochets mobiles, rarement par un seul, si ce n’est chez des larves. L'examen des figures représentant la chenille et le papillon du grand Paon de nuit, le Calosome à l'état de larve et d'adulte, donnera l’idée exacte des caractères et du développe- ment des différents articles des pattes. Les ailes existent chez l'immense majorité des [nsectes parve- nus à l’état adulte. Elles sont au nombre de quatre, soit de deux paires : l’une attachée au mésothorax, l'autre au métathorax. A la vérité, tous les représentants de l’une des plus grandes divisions de la classe des Insectes sont réputés n'avoir que deux “ 7h LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. ailes; mais c'est là un fait inexact. Les ailes de la seconde paire ne font pas défaut, elles sont à l'état rudimentaire. Dans la plupart des Insectes, les ailes se présentent sous l’ap- parence d’une membrane nue ou couverte d’écailles, soutenue par des lignes saillantes ou baguettes, de consistance coriace, plus où moins ramifiées, et que l’on appelle les nervures. Chez les espèces d’un ordre entier de la classe des Insectes, les ailes antérieures prennent la consistance des téguments, et forment une sorte d’étui qui enveloppe les parties supérieures du corps. La membrane alaire, souvent fort mince, paraît simple ; cependant il est aisé d'acquérir la preuve qu'elle est double, Au moment de l’éclosion de l’Insecte, à l'instant où il vient de quitter son enveloppe de nymphe ou de chrysalide, l’adhérence entre les deux membranes est encore assez faible pour qu'on puisse sâns grande difficulté opérer leur séparation. Cette sépa- ration des deux membranes peut s'effectuer encore chez les Insectes dont les ailes sont fort épaisses, comme les Sphinx parmi les Lépidoptères, en recourant à une immersion un peu pro- longée. Les nervures ne sont autre chose que des tubes de consistance coriace, contenant dans leur intérieur des ramifications tra- chéennes. Ces nervures se divisent plus ou moins, suivant les types, présentant dans certains groupes des séparations qui per- mettent aux ailes de se plier. Les nervures des ailes ont été l'objet des observations de divers entomologistes, s’efforçant de trouver, par leur comparaison, des caractères propres à distin- guer les genres. Des noms ont été appliqués aux principales nervures par plusieurs auteurs; mais, sous ce rapport, l'en tente ne s’est pas établie. Quoi qu'il en soit, on reconnait dans les ailes trois régions principales, indiquées par les grosses ner- vures qui naissent de la portion basilaire : une nervure costale, une nervure subcostale, une nervure médiane. Ces nervures, se ramifiant, viennent à se réunir entre elles sur divers points, et TD TT 7 VA) ss LES ORGANES DU MOUVEMENT DES INSECTES. 75 de là résultent des cellules nettement délimitées. Dans certaines divisions de la classe des Insectes, outre les véritables nervures, il existe une foule de petites nervures transversales constituant une sorte de réseau. Ces dernières ont été appelées des nervules. C’est au moyen de pelites pièces écailleuses, situées à l’origine des principales nervures, que les ailes sont mises en mouve- ment par le jeu des muscles. On s'est beaucoup occupé des organes du vol chez les Insectes; un travail de Chabrier (de Montpellier) est souvent cité à ce sujet. Malgré les efforts des naturalistes, une explication satisfaisante du vol n'a pu encore ôtre donnée. Les appendices de la tête sont de deux sortes : les pièces buc- cales, que nous examinerons en traitant de l'appareil digestif, et les parties qui appartiennent aux organes des sens, les yeux et les antennes. Nous n'avons à considérer en ce moment que les parties extérieures des yeux. TÊTE DE LA GUÊËPE FRELON (Vespa crabro), Très-grossie, vue de face et de profil, pour montrer les yeux composés, occupant les parties latérales, les ocelles situés sur le front et les antennes, Ces organes se constituent en général assez tardivement. Beaucoup de larves sont aveugles; d’autres ne possèdent que des yeux dont le développement est peu avancé. Chez les adultes, 76 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, au contraire, ces organes ont des proportions énormes. Il y en a souvent de deux sortes. Les uns, très-gros, occupent les côtés de la tète : ce sont les yeux composés, que l’on nomme également les yeux à facettes. Les autres, situés sur la région frontale, sont les yeux simples, que l’on appelle habituellement les ocelles, et que plusieurs auteurs nomment les stemmates. Les yeux composés, très-rarement portés sur des pédicules, ont leur surface, c’est-à-dire la cornée, exactement enchâssée dans le tégument, Elle est transparente et formée d’une sub- stance lamelleuse, Cette cornée est composée d’un assemblage de petites facettes convexes, de forme hexagone, juxtaposées comme les cellules des gâteaux d’Abeilles. Ces facettes, difficiles à distinguer à la vue simple, même chez les plus gros Insectes, sont habituellement désignées sous le nom de cornéules. On considère chaque cornéule comme un œil distinct; et, dans la plupart des Insectes, il y en a plusieurs milliers dans un œil composé. On en a compté 4000 dans l'œil de la Mouche domestique, 6236 dans celui du Bombyx du Mürier, 11 300 dans celui du Cossus perce- bois, 12 544 dans celui d’une Libellule, 25 000 dans celui d'un Coléoptère du genre Mordelle. Les cornéules, plus épaisses sur leurs bords que dans leur portion centrale, varient beaucoup sous le rapport de leur dimension, suivant les types. Il est des Insectes, comme l’Abeille, dont les yeux portent des cils im— plantés sur les bords des cornéules. Les yeux composés, dont la grosseur est souvent plus consi- dérable chez les mâles que chez les femelles, offrent différentes colorations dues à la présence d’un pigment qui existe au-dessous de la cornée. Les yeux ont fréquemment ainsi les couleurs étin- celantes de l'or et des pierres précieuses, parfois des teintes changeantes presque éblouissantes. Les ocelles apparaissent sur la région frontale, dans l’espace compris entre les yeux composés, sous la forme de petits glo- bules brillants. A à ep he ln À À … ie méfiobs da UN Éd tt gt tt ee SSL RS RS CS RE Le + LES ORGANES DU MOUVEMENT DES INSECTES. 7 1 Ces yeux simples n'existent pas, à beaucoup près, dans tous les groupes de la classe des Insectes. Dans les espèces qui en sont pourvues, ils sont presque toujours au nombre de trois et dis- posés en triangle ; mais, à cet égard, il y a des différences assez sensibles. Dans certains Insectes, on n’observe que deux ocelles, plus rarement un seul. CORNÉULES DES YEUX DE L'ABEILLE CORNÉULES DES YEUX D’UNE LIBELLULE (Apis mellifica), (Æschna forcipata). Vues sous le même grossissement, À Les autennes sont des appendices mobiles, multiarticulés, offrant toutes les variations imaginables dans leur forme, dans leur longueur. Le vulgaire les appelle des cornes. Elles s’insè- rent sur divers points de la tête, tantôt sur les côtés, tantôt en dessus, plus ou moins en avant ou en arrière, par une sorte de bulbe dans une cavité cotyloïde. Les antennes sont toujours très-petites chez les larves; chez les adultes, elles prennent d'ordinaire un développement considérable, et paraissent jouer un rôle important dans l’existence de l'animal. Dans leur plus grande simplicité, les antennes sont des tiges divisées par des articulations, avec un premier article souvent beaucoup plus grand que les autres et constituant une sorte de pédicule. Mais chez une infinité d’Insectes, les antennes ont des articles élargis, parfois tous leurs articles pourvus de rameaux. C’est dans l’his- 18 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. toire de chaque type que nous chercherons à découvrir le but des différentes formes qu’affectent ces appendices. Le système tégumentaire des Insectes, sorte de squelette exté- rieur, fournit toutes les attaches des muscles qui déterminent les mouvements des appendices et des différentes parties du COrps. Les muscles des Insectes sont formés d’une multitude de fibres parallèles ou peu divergentes, ayant des stries transver- sales bien prononcées, analogues à celles des muscles des ani- maux supérieurs. Les fibres musculaires, empilées les unes sur les autres, très-peu adhérentes entre elles, présentent, sous le microscope, l'apparence de fines lanières. Les muscles, d'ordinaire enveloppés par une gaine fibreusce admirable de délicatesse, en général attachés directement sur les pièces qu'ils sont destinés à mouvoir, quelquefois fixés par des tendons d'origine, se partagent souvent en faisceaux plus ou moins nombreux. Cette division, si fréquente chez les Ani- maux articulés, a jeté Lyonet, l’auteur de l'Étude anatomique de la Chenille du Saule, dans une grave erreur. Le consciencieux naturaliste compta tous les faisceaux mus- culaires comme autant de muscles distincts. Il en trouva 4061 - chez la Chenille, chiffre bien supérieur à celui des muscles de l'Homme et de tous les Vertébrés. La plus simple réflexion pourtant aurait dû être suffisante, semble-t-il, pour faire aper- cevoir la réalité. Les mouvements d’une chenille étant très- uniformes, les instruments ne sauraient être aussi multipliés que chez les animaux où la diversité des mouvements est extrême. En examinant les muscles d’une manière comparative chez des espèces appartenant aux principaux groupes de la classe des Insectes, des dissemblances, très-grandes en apparence, s'offrent aux yeux de l'observateur. Mais bientôt, à son atten- tion, se révèle l'existence d’un fonds commun dont les éléments a at à | ot — POP PC ST ex LES ORGANES DU MOUVEMENT DES INSECTES. 79 tantôt se séparent ou se confondent, tantôt prennent un déve- loppement considérable ou s'amoindrissent à l'extrême. Les muscles deviennent plus nombreux, si les mouvements doivent être très-variés; seulement, on arrive à reconnaître que l'accroissement du nombre des muscles est dû à de simples divisions. Les fibres se partagent en deux ou trois faisceaux ou même davantage, au lieu d’être réunies en une seule masse. Dans tous les cas, les muscles qui déterminent les mouve- ments généraux des appendices, ou les mouvements particuliers des divers articles des membres articulés, sont antagonistes les uns des autres : les extenseurs ou élévateurs en opposition avec les fléchisseurs, abaisseurs ou rétracteurs. Les anatomistes ont modifié les noms, suivant la direction que prennent les pièces mises en jeu. C’est ainsi qu'un fléchisseur devient rétracteur ou abaisseur, selon le caractère de la pièce sur laquelle il doit agir. IL est remarquable de voir par quel procédé la nature varie les mouvements d’un appendice ou seulement d’une partie de cet appendice. La situation ou l'étendue d’une échancrure, une faible saillie formant un point d'arrêt, suffisent pour modifier les mouvements des appendices. Pour que l’action des muscles se trouve en rapport avec le mode d’articulation des pièces, un léger déplacement des attaches, une variation {rès-peu apparente dans l'étendue des surfaces, suffisent à produire un effet différent, Si les mouvements d’une pièce ont une course plus grande qu'à l'ordinaire, le muscle, simple lorsque le mouvement est restreint, se décompose en plusieurs faisceaux capables d'agir isolément, de façon à fournir avec une étonnante précision tous les degrés possibles dans le mouvement. Dans la tête sont logés les muscles qui mettent en jeu les antennes et les pièces buccales; dans le thorax, ceux qui font mouvoir les pattes et les ailes. Ces derniers forment des masses puissantes et très-complexes chez les adultes; ces muscles sont tt atét RÉ 80 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. faibles relativement chez les larves, et disposés d'une manière plus uniforme. Les muscles de l'abdomen sont des bandelettes longitudinales propres à amener la rétraction ou l'extension des anneaux; des bandelettes transversales peu nombreuses, capables de produire un resserrement, et des faisceaux obliques qui permettent aux anneaux de se contourner dans le sens latéral. Si les anneaux de l'abdomen sont privés de mobilité, comme cela se voit chez beaucoup d’Insectes, et en particulier chez les Coléoptères, les muscles abdominaux s’atrophient en grande partie. Dans tous les temps, les observateurs même assez superficiels ont été frappés de l'énergie des mouvements des Insectes. La force énorme, relativement à leur taille, que déploient ces animaux est parfois saisissante. N’a-t-on pas trop fréquemment sous les yeux l’exemple de la Puce s’élevant, par l'effort de ses pattes postérieures, à une hauteur quarante ou cinquante fois plus considérable que celle de son propre corps? Alors on voit, en imagination, à quels prodiges se livrerait un homme capable de produire, proportionnellement à sa masse, un mouvement aussi énergique que celui de la Puce. Placez un Escarbot sous un chandelier, et l’Insecte le fera remuer par ses efforts pour se mettre en liberté, disait le plus célèbre des écrivains de l'Écosse; ce qui est la même chose, ajoutait-il, que si l’un de nous ébranlait par de semblables efforts la prison de Newgate. Des remarques du même genre ont été faites en maintes cir- constances. Combien de personnes se sont émerveillées en con— templant de petites Fourmis trainant des fardeaux vingt fois lourds comme elles-mêmes. L'exemple des Fourmis a été cité par Pline, et tant de fois il a été répété, qu'on n’en saurait dire le chiffre. Toujours on s'étonne à la vue de ces Hyménoptères, Sphex et Pompiles, aux formes grèles, portant à leur nid une proie bien plus volumineuse et beaucoup plus pesante que LES ORGANES DU MOUVEMENT DES INSECTES. 81 leur propre corps, sans que leur vol cesse d’être rapide et assuré. On a essayé de compter le nombre des vibrations des ailes d'une Mouche, et le nombre a été trouvé prodigieux. De nos jours, le voyageur emporté par un train lancé à toute vapeur s'amuse souvent à regarder à la portière les Insectes, les Mou- cherons, qui voltigent avec une aisance incomparable. Ces frêles Diptères, malgré l'agitation de l'air, vont, viennent, retournent, s'élèvent et s’abaissent, continuant leur manége des heures entières, comme s'ils avaient à nous montrer que la plus grande vitesse dont nous disposons est insignifiante pour la puissance de leurs ailes délicates. Récemment, un jeune naturaliste de la Belgique, M. Félix Plateau, a cherché à déterminer rigoureusement la force mus- culaire d’un certain nombre d'espèces de la classe des Insectes, voulant donner le caractère de la précision à des faits connus jusqu'ici par des observations trop générales. À l'aide de petits appareils d'une construction assez simple, l’expérimentateur a vu que le Hanneton est capable de tirer un poids de 14 à 15 fois, en moyenne, supérieur à celui de son corps; que le poids tiré a pu être élevé jusqu'à 21 fois celui du corps de l’animal; que le Carabe doré traîne, en moyenne, un poids de 17 fois, et dans les cas extrêmes, de 22 fois celui de son corps; que la force des petites espèces est toujours relative- ment très-supérieure à celle des plus grosses. Cette dernière observation s'accorde avec ce qui était déjà établi par le calcul : le poids du corps augmentant suivant le cube, la force motrice mesurée par Ja section des muscles ne s'élève que suivant le carré. D'après la moyenne des estimations, un Cheval pesant environ 600 kilogrammes ne traine pas un fardeau excédant 400 kilo grammes. D'après les calculs de M. Plateau, si le Cheval était doué de la même force relative que certains Coléoptères (les 6 ie LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Donacies), la traction qu'il pourrait exercer pendant quelques instants dépasserait 25 000 kilogrammes. Les Insectes, avec leurs tarses munis de griffes, ont la faculté de se cramponner, et, par ce moyen, d'exercer nn effort beau— coup plus considérable que l'animal privé d'une armature ana- logue. Cette considération surtout a conduit à douter de l’exac- titude rigoureuse des résultats obtenus dans les expériences instituées dans le but de déterminer la force de traction des Insectes. M. Plateau pense avoir suffisamment neutralisé l’avan- tage des griffes; les surfaces offertes pour la marche aux sujets employés dans les expériences, comme des cartons revêtus de mousseline, semblent cependant être bien favorables à l'usage des griffes ou crochets qui terminent les tarses. M. Plateau, dirigeant ses expériences sur les Insectes les plus remarquables par la puissance de leur vol, comme des Névro- ptères et des Diptères, a vu que telle Libellule emportait un fardeau d’un poids équivalent à une fois et demie celui de son corps; que plusieurs Mouches s’envolaient avec un objet ayant presque le double de leur propre poids. De grandes différences ont été observées dans la force mani- festée par des Insectes de la même espèce; aujourd'hui il serait intéressant de rechercher les coïncidences entre la puissance des mouvements et l’activité respiratoire des individus. V LE SYSTÈME NERVEUX. — LES ORGANES DES SENS. En considérant, chez les Insectes, l'appareil qui anime les muscles et tous les organes, c’est-à-dire le système nerveux, on ne doute plus que des animaux pourvus d’un appareil de la sensibilité et du mouvement aussi volumineux et aussi com- plexe, ne soient doués de facultés d’un ordre déjà bien élevé. Les parties principales consistent dans une suite de centres: médullaires unis entre eux par des cordons. Ce sont les parties qui correspondent physiologiquement au système cérébro-rachi- dien de l’homme et de tous'les Animaux vertébrés. C’est le sys- tème nerveux de la vie animale. Il existe primordialement une paire de ganglions dans chaque anneau du corps ; mais, par suite de la centralisation qui s'opère par les progrès du dévelop- pement, il y a tous les degrés de déplacement et de fusion de certains centres médullaires. Ces degrés de centralisation don- nent la mesure précise de l’état de développement, où mieux UD MOINE ON TOURS RE T ? De ES À nd dr 84 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. de l'état de perfectionnement organique auquel l'espèce est parvenue. C’est là un magnifique résultat acquis par la science. De tous les noyaux de la chaîne ganglionnaire dérivent les nerfs du mouvement et de la sensibilité. A cette portion du système nerveux s'ajoutent un grand sympathique et un ensemble de petits noyaux, dont les filets nerveux se distribuent aux divers appareils organiques. C'est le système nerveux de la vie végé- tative ou de la vie organique. L'examen de la double chaîne ganglionnaire conduit immé- diatement à une première distinction : les ganglions placés dans la tête, au-dessus de l’œsophage, et la chaîne sous-intestinale. Les ganglions logés dans la tête, au-dessus de l’œsophage, sont appelés habituellement les ganglions cérébroïdes, ou, dans leur ensemble, le cerveau. La tôte étant constituée par plusieurs anneaux, il n'est pas douteux qu'il n’existe dans cette partie de l’animal, pendant les premiers temps de la formation embryonnaire, plusieurs gan- glions placés à la suite les uns des autres; mais, chez les plus jeunes larves, la fusion est déjà complète : il y a une seule paire de noyaux. Dans la larve, ces deux noyaux sont assez petits relativement à la dimension de la tête; pendant l’état de nymphe, ils aug- mentent beaucoup de volume ; chez l'adulte, ils occupent sou- vent la plus grande partie de la cavité céphalique. À cet égard, il y a, entre les types, des différences notables qui permettent encore d'apprécier le degré du perfectionnement organique de l'animal. Dans tous les cas, les ganglions cérébroïdes sont plus ou moins réunis sur la ligne moyenne. L'ensemble est donc une masse bilobée. Du cerveau naissent les nerfs des yeux, des antennes, de la lèvre supérieure et les cordons qui unissent les ganglions céré- broïdes au ganglion sous-æsophagien, sans compter le système nerveux viscéral, qui réclame un examen particulier. LE SYSTÈME NERVEUX. 85 SYSIÈME NERVEUX DE L'ABEILLE (NEUTRE). a. Gorveau et nerfs optiques médians, —b. Nerfs antennaires.—c. Nerfs optiques. — d. Ganglion sous-æsophagien. — €. Ganglion prothoracique. — f. Ganglion mésothoracique, — g. Ganglion mélathoracique, — h, h. Gan- glions abdominaux, 86 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Chez les Insectes, assez nombreux, qui possèdent deux sortes | d'organes de vision, c’est-à-dire des yeux simples et des yeux composés, comme l'Abeille par exemple, les yeux simples sont toujours situés sur la portion moyenne,.de la tête et exactement au-dessus du cerveau. Ces organes reçoivent les nerfs internes, les nerfs de la première paire, qui, dans tous les cas, sont d'une extrême brièveté. Les.nerfs de la seconde paire, dans les Insectes pourvus d'yeux simples, deviennent ceux de la première paire chez toutes les espèces où ces organes font défaut. Ils se rendent aux antennes. Très-grêles chez les larves dont les antennes sont fort peu développées, ils prennent un volume assez considé- rable chez les adultes. Naissant de.la face inférieure des gan- glions cérébroïdes, les nerfs antennaires présentent d'ordinaire à leur base un petit renflement médullaire qui, parfois, acquiert une assez forte dimension. Les nerfs de la troisième paire sont les nerfs optiques. Leur grosseur est telle chez une foule d'In- sectes, qu'on les prendrait aisément pour des prolongements latéraux des ganglions cérébroïdes. Il est cependant beaucoup d'espèces où la dimension des nerfs est relativement médiocre. Ces nerfs ne prennent en général leur développement que pen- dant l’état de nymphe. Dans les larves encore aveugles, ils sont fort grèles; dans certaines larves actives où les veux composés ne sont pas constitués, mais où il existe déjà des yeux simples à la place qu'ils devront occuper, les nerfs optiques sont en mème nombre que les yeux. Leur réunion, qui devra s'effectuer par les progrès de l’âge, ne s’est encore opérée que vers l'origine. La larve du Dytique fournit un exemple de ce mode de forma- tion des nerfs optiques. En outre, on remarque deux nerfs grêles qui émergent de la face inférieure des lobes cérébroïdes et vont se distribuer dans les muscles de la lèvre supérieure, et ensuite les deux cordons qui embrassent les côtés de l'æsophage pour s'unir au ganglion inférieur de la tête, le ganglion sous-æsophagien. En arrivant à l'examen de la chaîne ganglionnaire sous-intes- LE SYSTÈME NERVEUX. 87 tinale, une nouvelle distinction est encore nécessaire. La dis- CERVEAU ET SYSTÈME NERVEUX VISCÉRAL CERVEAU ET SYSTÈME NERVEUX VISCÉRAL DE LA LARVE DU DYTIQUE. DU DYTIQUE ADULTE. 88 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. tinction est de la plus grande simplicité; elle se rapporte aux trois parties principales du corps : la tête, le thorax et l'abdo- men. On a ainsi le ganglion sous-æsophagien ou le ganglion de la portion inférieure de la tête, les ganglions thoraciques, les ganglions abdominaux. Le ganglion sous-æsophagien s'offre d'ordinaire comme une seule masse dont les angles antérieurs, en manière de bras, s'unissent avec les cordons qui entourent l’æsophage. La partie postérieure de cette masse médullaire forme les cuisses, qui se continuent avec les cordons ou connectifs du ganglion protho- racique. Seulement, chez certaines larves, on aperçoit distinc- tement deux noyaux dans le ganglion sous-æsophagien. En général, leur fusion complète s'effectue de très-bonne heure. Les nerfs des pièces buccales tirent leur origine de ce centre médullaire ; ce sont, de dedans en dehors, les nerfs de la lèvre inférieure, les nerfs des mâchoires, les nerfs des mandibules. La disposition de ces nerfs a une telle fixité chez tous les Insectes, qu'on a pu en tirer une éclatante démonstration de la nature des appendices de divers Animaux articulés. Le volume des nerfs buccaux varie selon le développement des appendices, et, comme il arrive souvent que les pièces de la bouche s’affaiblissent, ou mème s'atrophient quand l'animal passe de l’état de larve à l'état adulte, leurs nerfs s’affaiblissent également pendant la marche du développement. Les ganglions thoraciques sont au nombre de trois paires ; 1l y en à une paire pour chacune des parties du thorax, le pro- thorax, le mésothorax et le métathorax. Les deux noyaux com- posant chaque paire de ganglions se confondent de très-bonne heure; de la sorte, on ne distingue ordinairement, même chez les larves, qu’une seule masse médullaire dans les trois anneaux thoraciques. Chez toutes les larves, et chez un grand nombre d'adultes, les trois centres nerveux thoraciques demeurent noñ- seulement {rès-distincts, mais encore très-séparés l’un de l’autre. Ar nl. : LE SYSTÈME NERVEUX. 89 Dans les espèces les plus parfaites, il y a au contraire rappro- SYSTÈME NERVEUX DU BOMBYX DU MURIER SYSTÈME NERVEUX DU BOMBYX DU MURIER À L'ÉTAT DE PAPILLON. A L'ÉTAT DÉ VER A SOIE, chement et même fusion complète de ces centres nerveux, ou au moins des deux derniers. 90 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Comparons les ganglions thoraciques du Bombyx du Mürier à l’état de Ver à soie et à l’état de papillon, nous aurons un exemple frappant des modifications qui peuvent se produire quand se perfectionne beaucoup l'organisation d'un Insecte. Le ganglion prothoracique est, dans tous les cas, uni au gan- glion sous-æsophagien par des cordons ou connectifs plus ou moins longs, comme sont unis entre eux les centres nerveux de toute la chaîne ganglionnaire. Dans le Ver à sote, les trois cen- tres nerveux thoraciques sont petits et espacés de toute la longueur des anneaux. Dans le papillon, ces mêmes centres ner- veux, dont le volume a considérablement augmenté, se sont inti- mement unis, et se trouvent de la sorte ramassés au centre du thorax, c'est-à-dire dans le mésothorax. Il n’y a plus qu'une masse médullaire allongée; mais, à des étranglements assez pro- noncés, comme à l'origine des nerfs, on reconnait aisément les limites de chacun des trois centres nerveux. Chez d’autres Insectes, le ganglion prothoracique reste tou- jours très-distinct du ganglion mésothoracique. Il en est ainsi chez tous les Coléoptères, les Orthoptères, les Hyménoptères; le ganglion du mésothorax et celui du métathorax se confondent seuls chez les espèces qui atteignent le plus haut degré de perfection. Dans la larve de l'Abeille, les trois centres nerveux thoraci- ques sont disposés presque exactement comme chez la chenille du Bombyx du Mürier; disposition ordinaire, du reste, dans la plupart des larves. Chez l'Abeille adulte, l'accroissement de volume des parties est énorme ; mais le ganglion du prothorax a conservé sa place primitive, tandis que les ganglions mésotho- racique et métathoracique se sont confondus en une seule masse. La centralisation qui amène la réunion des centres nerveux thoraciques ne se produit, au reste, que dans les types les plus parfaits. Dans le très-grand nombre des Insectes, ces centres nerveux demeurent toujours isolés les uns des &utres. LE SYSTÈME NERVEUX. 91 Le ganglion prothoracique fournit les nerfs des pattes de la première paire ; le ganglion mésothoracique, les nerfs des pattes de la seconde paire et des ailes antérieures ; le ganglion méta- {horacique, les nerfs des pattes de la troisième paire et des SYSTÈME NERVEUX DE LA LARVE DE L'ABEILLE, ailes postérieures. Les origines de ces nerfs sont invariables, quel que soit le degré de diffusion ou de centralisation de la chaine ganglionnaire. Les ganglions de l'abdomen sont au nombre de neuf paires chez une infinité de larves. Ce nombre persiste parfois jusque 62 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. dans l’état adulte. Dans les larves où l’on compte dix anneaux à l'abdomen, on n'a jamais observé plus de neuf centres médullaires. La marche du perfectionnement organique d'avant en arrière, que nous avons constatée dans l'étude du sys- tème tégumentaire, est bien manifeste aussi pour le système nerveux. Relativement aux centres médullaires du thorax, les ganglions de l'abdomen sont petits; les deux noyaux, presque toujours confondus dans les centres nerveux thoraciques, de- meurent souvent distincts dans les ganglions abdominaux. Les ganglions du thorax étant ramassés sur le même point ou tout à fait réunis, les ganglions de l'abdomen, dans la plupart des cas, restent espacés. La centralisation ne se prononce pas au même degré dans la région postérieure du corps que dans la région moyenne, ni dans celle-ci au mème degré que dans la région antérieure. Dans une chenille, le Ver à soie par exemple, la chaine gan- glionnaire abdominale présente huit ganglions. Les sept pre- miers, reliés les uns aux autres par de longs connectifs, sont logés dans les sept premiers anneaux de l’abdomen. Le huitième ganglion, notablement plus gros que les précé- dents, a déjà été refoulé vers la partie antérieure du septième anneau. Son volume indique qu'il est le résultat de la fusion d'au moins deux ganglions. Un mouvement vers la centralisa- tion s’est donc prononcé dans la partie postérieure de la chaîne abdominale. En effet, dans d’autres Insectes moins avancés dans leur développement, le huitième et le neuvième ganglion de l'abdomen occupent le huitième et le neuvième anneau. À peine la chenille est-elle transformée en chrysalide, que la chaine ganglionnaire offre un changement manifeste : les cordons qui unissent les centres nerveux ont subi une ondula- tion ; bientôt ils se sont raccourcis ; les centres nerveux se sont ainsi rapprochés les uns des autres. Chaque jour, les premiers ganglions de l'abdomen se sont portés davantage vers les cen- LE SYSTÈME NERVEUX. 98 tres médullaires thoraciques, et les derniers se sont rassemblés. C'est la portion moyenne de la chaîne qui éprouve le moins de changements ou qui éprouve les changements les plus tardifs. Le papillon est éclos : la chaîne abdominale semble formée de quatre ganglions seulement ; les ganglions des deux premiers anneaux de l'abdomen de la chenille ont entièrement disparu, en se confondant avec le centre médullaire du métathorax ; ceux des quatre derniers anneaux se sont réunis en une seule masse. Ce sont là des faits faciles à observer, en étudiant jour par jour le système nerveux sur des chrysalides transformées dans le même temps. Un autre Insecte, l'Abeille, peut nous fournir l'exemple d’un changement plus considérable que celui qui nous est offert par le Bombyx du Mürier. La larve de l’Abeille est un être plus imparfait ou moins avancé dans son développement que la che- nille ; l'Abeille est un être plus parfait que le Papillon. Dans cet Insecte, trois des ganglions abdominaux sont venus se confondre avec le centre nerveux métathoracique. Il est un groupe de l’ordre des Coléoptères, la famille des Scarabéides, dont toutes les espèces ont les ganglions abdomi- naux remarquablement centralisés. Dans la larve du Hanneton, le Ver blanc, ces ganglions sont rassemblés vers la partie anté- rieure du corps et accolés les uns aux autres. Chez le Hanneton adulte, tous ces ganglions ne forment plus qu’une masse allongée, unie au centre nerveux métathoracique. Chez tous les représentants de la classe des Insectes, les pro- grès du développement amènent des changements analogues dans le système nerveux. Le développement s'arrête plus tôt ou plus tard, suivant les types; la centralisation est poussée ainsi plus où moins loin, portant tantôt davantage sur une portion de l'appareil, tantôt sur une autre portion. Le degré de centralisa- tion donne donc le degré de perfection relative auquel par- viennent les différents types. 9 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. La centralisation la plus grande étant reconnue dans l'éco nomie animale, on a le signe de l’organisation la plus parfaite. Il y à dans cette connaissance acquise tout un enseignement qui ouvre la carrière à bien des applications. Les parties qui viennent d'être décrites appartiennent au système nerveux de la vie animale. Le cerveau fournit prin- cipalement les nerfs des organes des sens; la chaine ganglion— naire, les nerfs des mouvements et de la sensibilité. Nous avons encore à porter une attention spéciale aux par- lies du système nerveux affectées aux appareils organiques. C'est le système nerveux de la vie végétative ou de la vie organique. Autour des ganglions cérébroïdes se trouvent groupés de très-petits noyaux médullaires, signalés depuis longtemps par les anatomistes, mais dont les attributions particulières ont été reconnues il y a seulement une vingtaine d'années. Cet ensemble de petits ganglions, avec les nerfs qui en dérivent, se partage naturellement en trois portions distinctes : les ganglions et les nerfs intestinaux: les ganglions et les nerfs du vaisseau dorsal ou de l’appareil circulatoire; les ganglions et les nerfs des trachées ou de l'appareil respiratoire. Les noyaux médullaires de ce système, extrêmement petits chez les larves, augmentent notablement de volume chez les adultes, comme on peut le voir sur les figures où ils sont repré- sentés chez le Dytique sous son premier et son dernier état. Le système nerveux intestinal règne sur la ligne moyenne du tube digestif. Simple ou impair chez le plus grand nombre des Insectes, il est double dans sa partie postérieure chez plu= sieurs types, notamment dans les Sauterelles. Au devant du cerveau on distingue un petit ganglion ordinairement de forme triangulaire. À raison de sa situation, Lyonet a appelé ce noyau médullaire, le ganglion frontal. Le nom imposé par Lyonet a prévalu. té ganglion frontal offre de chaque côté un cordon qui, en se recourbant, vient s'unir à la face inférieure des PF - » L LD SDS 2 À La LE SYSTÈME NERVEUX. 95 lobes cérébroïdes. En arrière, il émet un seul nerf qui, en se dirigeant sur l'æsophage, passe sous les ganglions cérébroïdes et s’unit aussitôt à un très-petit noyau médullaire. De ce point descend un nerf envoyant sur son trajet des rameaux très- déliés, et atteignant un troisième ganglion placé à l’extrémité du jabot. De ce dernier centre nerveux partent deux ou trois nerfs fort grêles qui s'étendent sur le gésier et l'estomac, où leur ténuité devient telle, qu'il est fort difficile de les suivre davantage. Les ganglions de l'appareil circulatoire situés de chaque côté de l'æsophage, adhérents à la face postérieure du cerveau, reliés l'un à l’autre par une étroite commissure, sont appliqués contre le vaisseau dorsal. Ils fournissent chacun un nerf qui descend sur le côté de cet organe. Chez les Hémiptères, les deux noyaux médullaires passent sous l'aorte et se con- fondent en une seule masse. Les ganglions de l'appareil respi- ratoire sont unis aux précédents par un cordon assez court, et, s'appuyant sur les trachées qui pénètrent dans la tête, ils envoient à ces tubes des filets que l’on a réussi à suivre assez loin. Les anatomistes ont beaucoup cherché à quelle partie du système nerveux des animaux supérieurs il convenait d’assi- miler le système nerveux de la vie végétative des Insectes. En considération de ses fonctions, Newport a estimé qu'il répondait aux nerfs pneumogastriques de l'Homme et des Animaux supérieurs. L’appréciation de l'ingénieux anatomiste anglais est évidemment l'expression de la réalité. Ce n’est pas tout encore. Au-dessus’ de la chaîne ganglion— naire, on découvre aisément, chez les larves, un nerf tirant son origine du ganglion sous-æsophagien, présentant de dis- tance en distance de petits renflements médullaires, desquels dérivent des filets qui vont s'unir aux nerfs naissant de la chaine ganglionnaire. 11 y a un de ces petits noyaux dans chaque zoonite, mais souvent on cesse de les distinguer nette- ment vers la partie postérieure du corps. Ces noyaux se sont 96 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. confondus avec les centres médullaires de l'abdomen. Cepen- dant il arrive que le grand sympathique demeure distinct dans toute sa longueur, même chez des adultes :le Bombyx du Mürier en offre un exemple. C’est de cette portion du système nerveux principalement qu'émanent les filets qui vont animer les orifices PORTION ANTÉRIEURE DU GRAND SYMPATHIQUE tégnant au-dessus de la chaîne ganglionnaire, chez le Ver à soie (Bombyæ Mori). respiratoires, l'extrémité du tube digestif, les organes de la génération. Le grand sympathique des Insectes a été vu et signalé pour la première fois par Lyonet dans la Chenille du Saule. Cet anatomiste, n’en ayant nullement apprécié la nature, appela les petits noyaux et les filets qu’il observa au-dessus de la chaine LE SYSTÈME NERVEUX. 97 ganglionnaire, du nom de brides épinières. Plus tard, le grand sympathique fut décrit et représenté avec un grand soin dans quelques Insectes, et notamment dans le Sphinx du Troëne, par Newport, qui le nomma système nervèux surajouté, sans établir de comparaison avec une portion quelconque du système ner- veux des Vertébrés. Il y a une dizaine d'années, sa véritable nature a été démontrée. Le grand sympathique semble ne pas exister chez le plus grand nombre des Articulés; mais, comme dans plusieurs types il a été possible de le voir s'unir et se confondre graduelle- ment avec la chaine ganglionnaire, par suite des progrès de l'âge et de la centralisation du système nerveux, il est certain qu'ailleurs son absence apparente est due simplement à son union intime avec la chaîne. Si rien de semblable ne se produit chez les Vertébrés, cela doit être attribué à la colonne verté- brale, qui oppose un obstacle absolu à un rapprochement entre le grand sympathique et la moelle épinière. Le grand sympathique des Insectes est toujours impair ; - mais il est évident qu'il doit être double primordialement, comme les autres parties du système nerveux. Si l’on parvient à l’observer chez des embryons, on en acquerra probablement la preuve matérielle. D'ailleurs, si les ganglions se montrent simples dans tous les individus étudiés jusqu’à présent, parfois les cordons sont doubles. Dans les Articulés, la chaîne ganglionnaire étant tout à fait ventrale, le grand sympathique se trouve occuper un plan supérieur. Dans les Vertébrés, au contraire, la moelle épinière étant tout à fait dorsale, il occupe un plan inférieur. Cette différence est en harmonie avec la position relative des prin— cipaux viscères, dans ces deux grands types du Règne animal. I ne faut pas toutefois attacher à ce dernier fait une trop grande importance, car il ne suffit pas, comme l'ont supposé certains naturalistes , de renverser un Insecte sur le dos pour " Î 98 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. y découvrir le plan exact de l'animal vertébré, On le sait, chez {out animal articulé, le cerveau et la chaine ganglionnaire, qui représente la moelle épinière des Vertébrés, sont situés dans des rapports différents. Tous les faits aujourd’hui connus, touchant le système ner- veux des Insectes, conduisent à dire qu'il y a chez les repré- sentants de cette division zoologique : des nerfs de sensibilité . spéciale, naissant du cerveau; des nerfs mixtes, sensibles et moteurs, provenant de l’encéphale et de la chaîne ganglionnaire; un système nerveux affecté à la portion antérieure du tube digestif, aux organes respiratoires et aux parties principales de l'appareil circulatoire, remplissant le rôle des nerfs pneumo- gastriques des animaux supérieurs; et enfin un véritable grand sympathique accompagnant la chaine ganglionnaire dans toute sa longueur, comme ce nerf accompagne la moelle épinière dans les Vertébrés. Les ganglions et les nerfs ont en général une assez grande . transparence, et parfois cette transparence est telle, qu'on à peine à les distinguer. Les anatomistes sont obligés d'employer, pour leurs dissections, l'alcool, et mieux encore l'essence de térébenthine, qui, en raffermissant toutes les parties du système nerveux, les rendent d'un blanc opaque. Les centres médul- laires, blanes chez la plupart des Insectes, sont ordinairement d'une teinte jaunâtre chez les Lépidoptères. En l’état de nos connaissances, cette coloration ne présente aucune signification. Les noyaux médullaires sont formés de cellules, les unes plus petites, les autres plus grandes, mais leur arrangement n'a pas encore été observé d'une manière rigoureuse. Depuis les recherches de Newport, on sait qu'il existe dans chaque nerf deux faisceaux de fibres, absolument comme dans les nerfs spinaux des Vertébrés. C’est particulièrement sur la chaine ganglionnaire que l’on distingue aisément les deux ordres de fibres nerveuses. Les colonnes supérieures passent sur les LE SYSTÈME NERVEUX. 99 noyaux médullaires dans toute la longueur de la chaine, se faisant remarquer par leur couleur plus blanche que celle des parties sous-jacentes, surtout si la préparation a été soumise à l’action de la térébenthine. Les colonnes inférieures sont partout en rapport intime avec les cellules ganglionnaires. Tous les nerfs thoraciques et abdominaux sont formés de fibres prove- nant des faisceaux supérieurs et des faisceaux inférieurs, aux- quels s'ajoutent des filets du grand sympathique. D’après la situation relative des deux ordres de fibres et d'après quelques expériences moins concluantes qu'on ne le souhaiterait, les colonnes supérieures sont formées de fibres motrices, les colonnes inférieures de fibres sensibles. Des expériences ont été faites dans le but de déterminer le rôle physiologique des différentes parties du système nerveux des Insectes. Mais la difficulté de produire des lésions très- partielles sans occasionner de blessures irop graves sur de petits animaux, étant extrême, ces expériences n’ont pu donner tous les résultats désirables. Les centres médullaires cérébroïdes ayant une prédominance manifeste sur les autres centres nerveux, par leur volume, par leurs relations directes avec les organes des sens, ne possèdent pas cependant, d’une manière exclusive, les facultés qui appar- liennent en propre au cerveau des animaux supérieurs. Si l’on arrache la tête d’un Insecte, en prenant la précaution d’empê- cher l'écoulement du liquide sanguin au moyen d'un peu de cire molle, l'animal, pouvant vivre encore assez longtemps, continue à exécuter des mouvements réfléchis. Un éminent professeur de Montpellier, Antoine Dugès, vit une Mante dont il avait enlevé la tête agiter ses pattes de devant comme pour saisir une proie. Un Hanneton, une Abeille, une Sauterelle privée de sa tête ne manque pas de frotter avec la patte la partie de son corps que l'on vient à toucher. On a souvent remarqué que les Criquets et les Sauterelles dont on a pressé 100 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. le tarse, portent aussitôt leur patte à la bouche et lèchent de leurs palpes la partie qui a été froissée. Plusieurs heures après avoir été décapitée, une Sauterelle, dans les mêmes circon- stances, exécute le même mouvement, comme si elle avait encore le pouvoir de se servir de ses palpes. Ces faits tendent à prouver que toutes les facultés instinctives ne sont pas localisées dans le cerveau, et se retrouvent jusqu'à un certain point dans les centres nerveux de la chaine sous- intestinale. Néanmoins, lorsqu'on vient à piquer les lobes céré- broïdes en traversant le tégument à l’aide d’une aiguille, ou à l'inciser, l'animal éprouve un trouble considérable; il tombe ordinairement dans une sorte de torpeur. Sous l'influence d’une excitation, il s’agite, mais ses mouvements sont irréguliers, sa démarche mal assurée; souvent il décrit des cercles, soit droite, soit à gauche : c’est ce que nous avons observé plusieurs fois; c'est aussi ce qui, d'autre part, a été constaté par un natu- raliste de la Suisse, Al. Yersin, auteur de recherches sur les fonctions du système nerveux des Insectes. Il est fort difficile d'enlever l’un ou l’autre des ganglions thoraciques sans déterminer une blessure extrêmement grave, qui occasionne une abondante hémorrhagie et entraîne bientôt la mort. Si l’on fait une forte piqüre à l’un des centres nerveux, il se produit une gêne dans les mouvements des pattes et des ailes suivant le point de la lésion. M. Faivre, aujourd'hui pro- fesseur à la Faculté des sciences de Lyon, poursuivant des expériences sur le système nerveux du Dytique, a cru recon- naître que la respiration s’arrêtait d'une manière instantanée dans le cas seul où était pratiquée l’ablation entière du gan- olion métathoracique. Cette observation s’accordait peu avec les faits anatomiques; car il est bien démontré que les muscles affectés aux mouvements respiratoires reçoivent leurs nerfs des divers noyaux de la chaine ganglionnaire et surtout du grand sympathique. L’expérimentateur, agissant sur un Insecte défa- “mb nt tn dt à ml mobi tés dd ol dd ton 26 à dm. cb, À. 2 cd fu À nn CN SOS SR LD Sn 2 LES ORGANES DES SENS. 101 vorable à cause de la centralisation de son système nerveux et de la dureté de ses téguments, n'aura pas suffisamment tenu compte de la mutilation subie par l'animal. Visiblement pré- oceupé de l'idée de retrouver chez les Insectes des faits analogues à ceux qui ont été signalés par M. Flourens à l'égard des fonc— tions des centres nerveux des animaux supérieurs, l’auteur n'a plus songé que la diffusion des organes respiratoires rendait bien improbable une action nerveuse complétement localisée. En choisissant, pour les expériences, des Insectes préférables au Dytique, comme des Orthoptères, et en particulier la grande Sauterelle verte, on parvient à détruire le ganglion métathora- cique sans blesser extrêmement les parties voisines. IL est facile alors de constater que les mouvements respiratoires de l'abdo- men persistent en l'absence du dernier ganglion du thorax. Au reste, M. Baudelot a parfaitement montré, par des expériences pratiquées sur des Libellules à l’état adulte et à l’état de larve, que chaque ganglion abdominal est un foyer d’innervation, con- courant pour sa part à l’accomplissement de l'acte respiratoire. C'est encore sur les Orthoptères qu'il a été le plus facile de voir les effets de la section des connectifs entre les divers centres médullaires. D'après nos observations, comme d’après les recherches de Yersin, si la section de la chaîne ganglionnaire a été opérée, l'activité des centres nerveux persiste d'autant plus qu'ils restent unis en plus grand nombre. La vitalité s'éteint assez rapide- ment dans les ganglions tout à fait isolés. Sous le rapport des sens, beaucoup d’Insectes sont admirable- ment partagés. Aucun doute n’est possible à cet égard. A chaque instant, l'observation nous révèle dans ces créatures l'existence de sens d’une remarquable perfection. Aussi paraît-il désespérant d'être encore, malgré des efforts inouis de la part des natura- listes, dans une ignorance extrême, ou tout au moins dans une pénible incertitude au sujet du siége de l’ouïe et de l'odorat, au PET ET 102 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, sujet de la véritable structure de l'appareil de la vision, et surtout de la manière dont s'effectue la vision. Le toucher existe avec plus ou moins de sensibilité, suivant la nature des téguments, et suivant la condition particulière des appendices. Chez les larves à peau molle, toutes les parties du corps sont douées d’une très-grande sensibilité ; le plus léger contact suffit à déterminer, sur l'animal, des frémissements, des mouvements de contraction énergiques. La peau est-elle garnie d’épines, de poils, même d’un simple duvet, la sensibilité s'en trouve considérablement augmentée. Les poils ont presque tou- jours pour usage de donner, à l'animal qui en est pourvu, un tact d’une extrème délicatesse. Le corps est-il revètu d'un tégu- ment dur et épais, le tact devient certainement plus obtus, mais alors se manifestent d’une façon merveilleuse les ressources de la nature pour suppléer, dans une certaine mesure, à l'inertie d’une cuirasse. Les jambes et les tarsès se trouvent garnis de poils, d'épines mobiles, qui au moindre attouchement font tres- saillir l'animal. Souvent le dernier article des tarses est muni en dessous de lamelles flexibles, de pelotes, qui permettent à l'Insecte d'éprouver une sensation particulière, selon le carac- tère des objets sur lesquels il marche. Il ÿ a en outre des organes plus spécialement affectés au toucher : les antennes, les palpes des mâchoires et de la lèvre inférieure. Regardons l'Insecte en quête de sa subsistance, sans cesse nous le verrons toucher de l'extrémité molle et spongieuse de ses palpes tous les objets qu’il aperçoit. Examinons ces Insectes qui s'avancent avec hésitation, comme s'ils éprouvaient une inquiétude, leurs antennes s’agitent en tous sens pour tâter les corps environ- nants, battant l'air pour apprécier le danger. Observons ces Abeilles ou ces Fourmis qui se rencontrent, elles se touchent de leurs antennes, nous donnant à penser qu'à l’aide de ces organes elles ont le moyen de se reconnaitre et même d'entrer en com- munication intime. Certaines espèces portent à l'extrémité de LS Le de coût ds tn née dns it à nn 7 à ie fs cord de drafn mi folle "ét tt de SSD Pause ES LES ORGANES DES SENS. 103 leur abdomen des filets, des appendices plus ou moins déliés ; ce sont aussi des organes très-propres à l'exercice du toucher. Le goût est manifeste chez les Insectes, et particulièrement chez les espèces herbivores. On a la certitude qu'il réside dans la cavité buccale, comme chez les Vertébrés. Dans les espèces phytophages, dont le goût semble fort délicat, la petite langue molle, spongieuse, adhérente à la base de la lèvre inférieure, parait être le siége principal de ce sens. Combien de chenilles vivent sur une seule plante ou sur quelques plantes de la même famille ! Privez-les du végétal qui leur convient en y substituant un autre végétal: pressées par la faim, elles le goûteront; mais, après l'avoir goûté, elles le délaisseront, se laissant mourir d’ina- nition plutôt que d'y revenir. Pour les carnassiers, en général, le goût n'a certainement pas la même délicatesse, la dureté de toutes les parties de l'appareil buccal en fournit l'explication. L'odorat est évidemment très-subtil chez une foule d’Insectes. À cet égard, les preuves abondent : de la viande même encore fraiche est-elle exposée à l'air, en peu de moments les Mouches apparaissent dans l'endroit où l’on n’en voyait aucune aupara— vant; des cadavres d'animaux, des immondices, sont-ils aban- donnés sur le sol, qu'aussitôt arrivent, de toutes les directions, les Insectes qui se repaissent de ces matières ou qui y déposent lenrs œufs. L'odorat seul les dirige, la vue ne les guide en aucune façon, car si l’objet de leur convoitise est caché, ils n’éprouvent pas le moindre embarras pour l’atteindre. Un exemple remar- quable de la puissance de l'odorat chez divers Insectes, exemple bien souvent cité, est celui qui nous est offert par quelques fleurs exhalant une odeur fétide, très-analogue à celle de certaines matières en putréfaction. Dans nos bois, croit une belle plante bien connue, le Gouet ou Pied-de-veau (Arum maculatum). La fleur de cette plante, joli cornet de couleur blanche, répandant une odeur pour nous fort désagréable, est très-fréquemment remplie de Mouches, d'Escarbots, de Staphylins, qui recherchent di se. ss éme NE és HO D RS SR : Lo. sn du. . SRE. di SA de oi LL sé 104 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, les corps en décomposition. Il est curieux de voir alors ces Insectes en quète de leur nourriture ou d’un endroit convenable au dépôt de leurs œufs. Ils s’agitent en tous sens, si bien trompés par leur odorat, qu'ils semblent ne pouvoir abandonner la fleur pour eux absolument inutile. Les espèces herbivores n'ont pas, bien probablement, un odorat de la même finesse; pourtant, une chenille jetée dans un champ au milieu de plantes fort diverses trouve la plante qui lui convient. Peut-elle être guidée autrement que par l’olfaction ? À coup sûr elle ne distingue pas le végétal d'après ses caractères botaniques. Les Insectes ont un odorat, et certains d’entre eux possèdent une incroyable finesse d’odorat; par l'observation, on en a des preuves continuelles d’une évidence qui défie toute contestation. Mais, où se trouve le siége de ce sens? quel est l'organe sus- ceptible de percevoir les odeurs? A cet égard, les conjectures ont été produites à l'infini, aucune n’est satisfaisante ; les expé- riences ont été multipliées à l'extrême, aucune n’est coneluante. Réaumur a considéré les antennes comme l'organe de l'odo- rat. Cette opinion, adoptée par plusièurs naturalistes , a été repoussée par le plus grand nombre. Elle a été repoussée par le motif très-sérieux que l'organe, n’ayant pas de surface humide, ne possède en aucune manière la condition principale nécessaire à l'exercice de la fonction. A la vérité, il y a vingt ans, un ento- mologiste de l'Allemagne, Erichson, ayant reconnu à la surface des antennes de nombreuses fossettes offrant à l'intérieur une délicate membrane, pensa que là était le véritable siége de l'odorat. Plusieurs observateurs se sont attachés à l'étude de ces pores ou fossettes, et l'un d’entre eux, M. J.-B. Hicks, a vu à chaque pore, en arrière de la membrane décrite par Erichson, un petit sac parfois multiloculaire recevant une branche du nerf antennaire. L'auteur n’a pas osé se prononcer sur le rôle de ces organes. Servent-ils à l'olfaction? servent-ils à l'audition ? L'incertitude est demeurée. LR RS di LES ORGANES DES SENS, 105 Le sens de l’odorat a été attribué aux palpes. Moins encore cependant que les antennes, les palpes semblent appropriés à l'exercice de la fonction. Se fondant sur l’analogie, c’est-à-dire sur la manière dont s'exerce le sens olfactif chez l’homme, comme chez tous les Animaux vertébrés, divers physiologistes se sont dit: L'air est le véhicule des odeurs; pour percevoir une odeur, une aspiration d'air est indispensable ; dans les Insectes, le siége de l’odorat doit se trouver vers les orifices de l'appareil respiratoire. La thèse a été présentée au siècle dernier en Hollande, par Baster; elle a été admise ou défendue en France, par Duméril, Cuvier, Straus-Durekheim. Seulement, avec l'impossibilité de découvrir une trace d’organe spécial dans le voisinage des orifices respiratoires, on n’a eu à enregistrer qu'une simple hypothèse. D’autres physiologistes, frappés de la connexion qui existe chez nous entre le sens du goût et le sens de l’odorat, ont pensé que, chez les Insectes, l’odorat résidait dans la bouche, tapissée de membranes toujours lubrifiées , remplissant ainsi, au moins l’une des conditions nécessaires à l'exercice de la fonction. Au milieu de ces diverses opinions contradictoires, chacune appuyée sur une considération d’un certain poids, au moins en apparence ; au milieu des résultats d'expériences nombreuses qui ont consisté à soumettre de diffé rentes manières des Insectes aux odeurs les plus pénétrantes, offrant encore plus de contradictions, il faut bien reconnaître une lacune dans la science. La faculté d'entendre que’ possèdent les Insectes ne saurait être douteuse pour personne. Un léger bruit suffit souvent pour les effrayer. Beaucoup d'espèces produisent des sons, une stri- dulation, une musique qui est pour elles un moyen de commu- nication, un cri d'appel. Le Grillon mâle, comme la Sauterelle, exécute au moyen de ses ailes antérieures une stridulation qui résonne au loin, et la femelle du Grillon écoute pour reconnaître d'où provient cette musique, et après avoir écouté, après avoir DR élite né. 106 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. reconnu la direction vers laquelle elle doit se diriger, elle aecourt sans hésitation. De même, la Cigale appelle sa femelle en lan- cant ses notes aiguës. L'enfant des campagnes qui imite le chant de la Cigale ou du Grillon, réussit à tromper l'insecte, à le faire venir à son appel. Le sens de l’ouïe est done manifeste. Où est le siége de ce sens? Une probabilité grande nous apparait, mais pour la science une probabilité est peu de chose. Les naturalistes, pour la plupart, sont persuadés que les antennes sont les instruments de l'audition. Dès le siècle dernier, cette opinion s'était fortement enracinée dans l'esprit de divers observateurs. On avait remarqué que beaucoup d'Insectes dres- sent leurs antennes si un bruit vient à éclater. On avait constaté aussi que les Insectes capables d'émettre des sons, ceux qui manifestent le mieux la faculté d'entendre, possèdent en général des antennes très-développées. Les zoologistes modernes ont presque tous admis l’opinion de leurs devanciers. D'un autre côté, des physiologistes ne pouvant se résigner à voir un appareil auditif où n'existe ni une cavité, ni une mem- brane tendue, un organe enfin dont la conformation se rappro- che à quelques égards de l'oreille des Vertébrés, ont repoussé cette idée. Ils ont cru trouver l'organe de l'ouie dans tous les petits enfoncements existant à la surface de la tête ou du thorax, parfois dans des taches pâles. Un observateur, M. Lespès, pense un jour avoir découvert tous les caractères d’une oreille interne dans les petits sacs situés en arrière des pores des antennes; mais aussitôt, un zoologiste de Genève, M. Claparède, s'efforce de prouver que ces caractères n'existent pas. Jean Müller, le célebre professeur de Berlin, considère, sur le métathorax d'un Grillon, deux enfoncements déjà signalés, et il déclare que ce sont probablement les organes de l’ouie. M. de Siebold étudie davan- tage les organes placés dans les Orthoptères, sur divers points du thorax ; il y voit une conque, un tympan, une capsule remplie d’un fluide transparent qui lui paraît représenter un labyrinthe sl md lens 2 4 dl bus taie sd VISE TT CUT FTU 09 LES ORGANES DES SENS. 107 membraneux, et il estime alors avoir mis hors de doute ce qui était simplement une supposition de la part de J. Müller. Cependant, à pareil avis, surgissent de bien puissantes objec- tions. Les Orthoptères seuls présentent ces organes, et pourtant ils ne sont pas les seuls en possession de la faculté d'entendre. Ces organes reçoivent leurs nerfs de l’un des ganglions du thorax; or, comment, en l'absence de preuves concluantes, croire que l'appareil auditif n’est pas en rapport avec les lobes cérébroïdes? L'opinion que les antennes servent à l'audition s'appuie assurément sur des raisons plus fortes. Emise d’abord par des considérations assez vagues, elle a pris une importance réelle par suite des expériences de Savart, notre éminent physicien, expériences qui ont montré la facilité avec laquelle des tiges vibrantes peuvent transmettre les sons. En effet, les antennes ‘sont articulées de manière à ressentir les moindres vibrations de l'air. Même dans les espèces où ces appendices se trouvent réduits, comme chez les Cigales, où ils consistent en une tige extrêmement grêle, avec une portion basilaire massive, on recon- nait encore une disposition heureuse pour une vibration facile. Le nerf qui parcourt les antennes est toujours volumineux, rela- tivement à leur grosseur, et cette circonstance nous indique que ces appendices doivent être le siége d'une sensation spéciale. L'idée que les antennes sont des organes d’audition se trouve encore très-sérieusement justifiée par le fait de l'existence incon- testable d’un véritable appareil auditif à la base des antennes des Crustacés. La situation de cet appareil a conduit M. Milne Edwards à regarder les antennes de ces animaux comme des instruments de nature à contribuer, par leur faculté vibrante, à la perception des sons. Les antennes des Insectes semblent donc être à la fois des organes propres à l'audition et au toucher. Les observations les plus simples nous montrent que beaucoup d'Insectes sont merveilleusement doués sous le rapport de la vue. 108 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Les organes de la vision sont si apparents etleurs caractères Si ma- nife stes, que chacun, sans hésitation, les reconnait pour des yeux. Leur volume, en général fort considérable, varie à l'infini. Chez les espèces qui passent leur vie dans les ténèbres, les yeux font entièrement défaut. Il y a peu d'années, un savant de l'Écosse, M. Andrew Murray, a présenté une série d'observations à ce sujet. Il a déjà été noté que souvent les Insectes possèdent è à la fois deux sortes d'yeux, des yeux simples et des yeux composés. Les premiers manquent chez les représentants de plusieurs groupes, les seconds existent presque toujours. Les yeux simples, ocelles ou stemmates, offrent par leur struc- ture quelque ressemblance avec les yeux des Vertébrés infé- rieurs. Ils se composent d'une cornée arrondie ou ovalaire, plus où moins convexe; d’un cristallin enchâssé dans cette cornée; d’un corps vitré sur lequel repose le cristallin; d'une rétine, formée par l'épanouissement d’un nerf optique; d'un pigment coloré, entourant en entier le globe de l'œil et remplissant le rôle de la choroïde chez les Animaux vertébrés. Les ocelles, offrant l'aspect de petits globules, et ayant une réfraction très-grande, sont évidemment construits pour la vision à très-courte distance. Les yeux composés ou à facettes sont constitués par une multi- tude d'yeux intimement unis, ainsi qu'on a pu en juger dans la description des parties tégumentaires *. A l'extérieur, c’est un assemblage de cornéules de forme hexagone, où l'on peut souvent distinguer une portion circulaire correspondant à la cavité interne. A l’intérieur, ce sont des tubes parfaitement délimités, en rapport avec les facettes. Les anatomistes, Straus-Durckheim, Dugès, Jean Müller, Leydig, ete., ont vu, en arrière de chaque cornéule, un corps conique ou cylindrique plus ou moins allongé, transparent, de consistance gélatineuse. Ce corps est regardé comme jouant le 1 Page 77. LES ORGANES DES SENS. 109 rôle du cristallin; toujours rétréci en arrière, il parait être en connexion directe avec un filet du nerf optique dilaté à l’extré- mité de façon à former une sorte de rétine. De même que dans les yeux simples, un pigment coloré, en général d'un brun foncé, remplit tous les intervalles, entourant chaque cristallin et son filet nerveux. Les cornéules, ordinairement transparentes, comme de petites capsules de verre, laissent apercevoir le pigment qui entoure chaque œil; de là cette coloration noire que présentent les yeux d’une foule d’Insectes. Parfois aussi les cornéules, en conservant une grande transparence, affectent des teintes assez prononcées ; de là ces yeux brillants, comme des émeraudes, éclatants comme des perles d'or, que l’on admire chez certaines’ espèces. Malgré nombre de travaux recommandables, la structure des yeux composés des Insectes est loin d’être connue d’une manière parfaite, tant l'étude approfondie du sujet offre de difficultés. J. Müller à voulu expliquer comment la vision s'effectue au moyen des yeux composés. Il s’est persuadé que chaque œil cor- .respondant à une facette ne peut recevoir l'impression que d’un point très-himité d’une image; que la vue des Insectes, s’exerçant comme au travers d’un crible, doit être très-confuse. L’obser- valion ne permet pas d'admettre un seul instant une semblable théorie; mais la vérité est qu’en l’état actuel de la science, nous ne pouvons donner une explication satisfaisante de la manière dont se produit la vision par les yeux composés. Ces organes sont souvent énormes; il n’est pas rare qu'ils occupent la plus grande partie de la tête. Chez une infinité d’es- pèces, leur dimension est plus considérable dans les mâles que dans les femelles. La configuration des yeux subit de curieuses variations qui coincident avec les circonstances biologiques. Les yeux apparaissent tordivement chez les Insectes. Beaucoup de larves sont aveugles; les autres n’ont que des ocelles. Ghez les larves les plus avancées dans leur développement, on étend dis "ft di 110 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. trouve de petites agglomérations d'yeux simples. Il y en a six de chaque côté chez la larve du Dytique. On peut donc être assuré que les yeux composés se forment par l'union tout à fait intime d'yeux simples. M. Claparède a eu l’excellente idée d'étudier ces organes dans leur développement par l'observation des nymphes. Des détails anatomiques ont été constatés. Sur la question principale, aucune lumière nouvelle ne s’est produite. L à ” hdumss - 24. jou sc ns LR | RS OS On di don nid de +. dir à“ cd SR Gé. D pe Éd St VI LES APPAREILS ET LES FONCTIONS DE NUTRITION. Rien n'est plus joli, plus merveilleux, à une infinité d'égards, que les différents appareils des fonctions de uutrition chez les Insectes. L'appareil digestif, l'appareil cireulatoire, l'appareil respira- toire, présentent des particularités de structure et des dispositions caractéristiques au plus haut degré. L'appareil digestif et ses annexes ont souvent une complication qui dénote, chez les Insectes, une grande perfection organique. Les organes de la manducation ou de la succion sont invaria- blement conformés sur le même plan, ainsi que de Savigny en a donné l’éclatante démonstration. Malgré des différences pro digieuses dans les formes, dans le développement, dans les usages, dans les adaptations de ces organes, il est aisé de s’en former promptement l'idée la plus nette, à raison même de l'unité de plan. NO NS CS OT NS I e— nr bu Phil 412 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Si nous examinons, en premier lieu, la bouche dans un insecte qui se nourrit de substances solides, un Insecte broyeur, suivant l'expression adoptée par les zoologistes, nous aurons un point de départ qui rendra fort simple l'étude des pièces buc- cales de tous les autres Insectes. La Sauterelle est bien partagée sous le rapport du dévelop- pement de ses pièces buccales; elle fournira ainsi un exemple très-favorable. PARTIES DE LA Bouctik DE LA SAUTERELLE VERTE (Locusla viridissima). 4. Le labre. — 2, 2. Les deux mandibules, — 3, 3, Los deux mâchoires. — #4. La lèvre inférieure, — 5, La langue, La bouche est pourvue de six pièces articulées : un labre ou lèvre supérieure, deux mandibules, deux mâchoires, une lèvre inférieure, és Me Ci d'où ue té te. TE 10 te cn RU doi: et fs De LES APPAREILS ET LES FONCTIONS DE NUTRITION. 113 Le labre, que l’on appelle également la lèvre supérieure, est une lame simple, transversale, articulée dans toute sa largeur avec le bord antérieur de la tête. Cette lame forme la limite supérieure de la bouche. Fréquemment, une échancrure, un sillon médian offre l'indice certain que cette pièce est constitue primordialement par deux portions latérales. Les mandibules, insérées exactement au-dessous du labre, sont des pièces épaisses, massives, aiguës à l'extrémité, tranchantes et dentées au bord interne. Douées d'un mouvement latéral de dehors en dedans, elles agissent comme des tenailles en se r'ap- prochant, où à la manière d'une paire de ciseaux, pour diviser les substances alimentaires. Les mâchoires, articulées en arrière ou au-dessous des man- dibules, suivant la position donnée à la tête, sont deux pièces aplaties, terminées par deux lobes, garnies au bord interne de dents ou de pointes acérées, pourvues au côté extérieur d’un palpe, sorte de tige divisée en plusieurs articles. Les mâchoires ont pour usage d'achever la trituration des substances déjà coupées par les mandibules et d’en opérer l'introduction dans la cavité buccale. Enfin, la lèvre inférieure, qui ferme la bouche en dessous, pièce impaire, articulée avec le menton, divisée dans son milieu, portant un palpe de chaque côté, présente ainsi les carac- tères de deux mâchoires qui seraient soudées sur la ligne médiane. La lèvre inférieure, seulement un peu mobile de bas en haut, retient les aliments triturés par les mâchoires, aide à la préhension, surtout avec le secours de ses palpes. Tous les Insectes masticateurs où broyeurs, suivant les appel- lations usitées, ont la bouche pourvue des mêmes pièces toujours fort reconnaissables; ces pièces, insérées dans des rapports inva- riables, étant seulement un peu modifiées dans leurs formes et dans leurs proportions. Parfois les mandibules, très-ordinairement les mâchoires et la 8 aitu LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. lèvre inférieure, se montrent formées de plusieurs parties bien distinctes. Une intelligente comparaison de ces parties, poursuivie dans les principaux groupes de la classe des Insectes, a conduit un zoologiste, M. Brullé, à reconnaître un mode de constitution uniforme pour les différents appendices de la bouche. De grands changements s'effectuent dans les caractères de l'appareil buccal, chez les espèces de certains groupes, si le régime des adultes diffère beaucoup de celui des larves. Les Lépidoptères nous en offrent l'exemple le plus saisissant. La chenille a une lèvre supérieure bien développée, deux fortes mandibules agissant à la manière de celles de la Sauterelle, deux mâchoires libres, et enfin une lèvre inférieure limitant en dessous le cadre buceal. On reconnaît done sans le moindre effort, dans la bouche de la chenille, les mêmes parties que dans la bouche de l’Orthoptère. Mais voici l'Insecte transformé ; il est devenu Papillon. Au premier abord, c'est à croire que rien de l'appareil buccal de l'animal à son jeune âge n’a persisté. Une trompe délice, et au-dessous de cette trompe deux palpes écailleux, sont les seules parties apparentes. Aussi, pendant longtemps, ne vint à personne l'idée de comprendre le changement opéré par la transformation de la chenille en Papillon. Savigny, on l'a vu, a été sur ce point le véritable clairvoyant. Portons sur le Papillon l'attention que l’habile naturaliste y porta lui-même. Un premier soin indispensable est de détacher toutes les écailles qui couvrent la partie antérieure de la tête. Alors on distingue au-dessous du front une toute petite lame transversale. La position de cette pièce impaire ne laisse prise à aucun doute, c’est la lèvre supérieure. De chaque côté on remarque une pièce d’une extrême petitesse : ce sont deux pièces situées exactement au-dessous du labre, c'est-à-dire les mandibules, désormais sans usage aussi bien que la lèvre supé- rieure, et réduites à l’état de vestiges par suite d’une atrophie. Au-dessous des mandibules, nous avons la trompe, formée de — pin dé one à Léon à dl het gone fm CRÉÉ LiDE éd LES APPAREILS ET LES FONCTIONS DE NUTRITION. 115 deux longues tiges flexibles intimement rapprochées, canaliculées à l'intérieur, de façon à ménager un conduit. Une observation un peu attentive fait apercevoir à la base de chaque tige un palpe rudimentaire, appendice caractéristique d’une mâchoire. Le caractère essentiel et la position des parties montrent clairement BOUCHE DU MÊME INSECTE, Le Sphinx du Troëno (Sphinæ Ligustri) à l'élat de larve. et à l’état de Papillon. a, lèvre supérieure, — b, mandibules, — €, mâchoires. — d, lèvre inférieure, — €, antennes, — f, yeux. que ce sont les deux mâchoires fort allongées qui constituent la trompe. Enfin, au-dessous de la trompe, se montre, comme dans la bouche des Insectes masticateurs, une pièce impaire portant un palpe de chaque côté. C'est la lèvre inférieure devenue très-petite, bien que ses palpes aient d'assez grandes dimensions. Les Insectes suceurs, Hémiptères, Diptères, ete., dont la bou- che est un bec ou un suçoir, ont également un labre, deux man- dibules, deux mâchoires, une lèvre inférieure ; seulement ces pièces où au moins quelques-unes d’entre elles deviennent des stylets, des gaines, ete. C’est dans l’histoire des différents types de la classe des Insectes que nous examinerons ces intéressantes A di de le it dt don it ads | 116 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. particularités de formes et en même temps de curieuses adapta- tions à un genre de vie spécial. La cavité buccale, tapissée par une membrane lubrifiée par la salive, est d'ordinaire pourvue d’appendices pharyngiens. Ainsi en arrière du labre, on trouve souvent un lobe plus ou moins développé et soutenu par des tiges de consistance coriace; on le désigne, d’après Savigny, Sous le nom d'épipharynæ. A la base de la lèvre inférieure, il existe, dans le plus grand nombre des Insectes masticateurs, une sorte de bouton charnu appelé la langue ou l'hypopharynæ. Le tube digestif, en continuité de tissu avec la membrane tapis- sant la cavité buccale, se porte de l'extrémité antérieure à l’ex- trémité postérieure du corps, tantôt en ligne droite, tantôt en décrivant des circonvolutions. Des renflements et des étrangle- ments successifs marquent les divisions du conduit alimentaire : l’œsophage, l'estomac, l'intestin grêle, le gros intestin. Des glandes complètent le système digestif, les glandes salivaires, et des tubes grèles, désignés par les anatomistes sous les noms de vaisseaux de Malpighi, de canaux biliaires ou de canaux urino- biliaires. _ Le canal alimentaire est constitué par plusieurs tuniques superposées. C'est d'abord une enveloppe délicate, homogène, que l’on a comparée à une membrane péritonéale ; puis une cou- che musculeuse formée de fibres transversales et de fibres longi- tudiuales, particulièrement solides aux deux extrémités du canal. Une membrane muqueuse sous-jacente à la couche musculeuse forme la paroi interne, qui est tapissée par un épithélium. Après la mastication ou après la succion, les aliments ont passé dans la bouche, la salive les imprègne ; ils pénètrent dans l’œsophage. L'œsophage est un conduit à parois extensibles, traversant le thorax en ligne droite. Ordinaïrement étroit chez les espèces qui vivent de matières fluides, il acquiert parfois une largeur M en ne à de du de “es Éd CSS DS D dons dé mél RS _ - . LES APPAREILS ET LES FONCTIONS DE NUTRITION. 117 N RS ts KE ' NU 7 2 SANTE SF) ù as à dE CH es C BURN APPAREIL DIGESTIF D'UN INSECTE HERBIVORE APPAREIL DIGESTIF D'UN INSECTE CARNASSIER la Sauterelle verte (Locusta viridissima). le Dylique bordé (Dytiscus marginalis). a, l'œ@sophage, —b, le jabot,— c, le gésier, — 4, l'estomac.— e, l'intestin grêle, —f, le gros inteslin ou rectum. — ÿ, les glandes salivaires, — }h, les canaux urino-biliaires, Ma dt: et 118 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. assez considérable chez les espèces qui se nourrissent de matières solides. Souvent un élargissement très-notable se manifeste à la partie postérieure de l’œsophage. Le nom de yabot, emprunté à l'anatomie des Oiseaux, désigne cette portion élargie. Le jabot permet à l'animal d'accumuler, de tenir en réserve une forte quantité d'aliments. Nous le trouvons dans des Insectes herbi- vores, dans de grands mangeurs, comme les Criquets, les Sau- terelles, ete., et surtout dans les Insectes qui font provision de nourriture pour leurs larves. Ces derniers possèdent la faculté de dégorger. De la sorte, l’Abeille dépose dans ses cellules le miel qu’elle a puisé au fond des fleurs. Il y a des espèces chez lesquelles le jabot devient excentrique et se développe de côté, de manière à former une poche ou une panse latérale. Dans quelques groupes, le jabot s'isole entièrement du canal œsopha- gien, et devient un sac appendiculaire : c’est le cas pour les Lépidoptères. Parfois, comme chez une foule de Diptères, ce sac est pourvu d’un long col grêle, s’ouvrant dans l’œsophage plus ou moins près de la bouche. Ce jabot appendiculaire parait jouer un rôle dans l'acte de la succion; cependant le mécanisme de cette pompe aspirante ne nous est pas encore très-bien connu. Le plus ordinairement, à l’æsophage succède l'estomac ; mais, chez beaucoup d’Insectes, il existe au devant de l'estomac une poche à parois musculeuses, épaisses et résistantes, séparée de l’œsophage par un étranglement ou un bourrelet. C'est un premier estomac, un estomac de trituration analogue au gésier des Oiseaux, dont on lui donne le nom. Le gésier, garni à l’intérieur de colonnes charnues ou de pièces dures, a pour usage de faire subir aux aliments une nouvelle trituration avant leur passage dans l'estomac. L'existence du gésier n'était néces- saire que chez les espèces carnassières ou herbivores, qui avalent des substances très-solides. Cette poche fait défaut chez les espèces dont les aliments ne réclament aucune trituration énergique. L'estomac, en rapport direct tantôt avec l'œsophage, tantôt LES APPAREILS ET LES FONCTIONS DE NUTRITION, 119 avec le gésier, varie dans les plus larges limites. Parfois, comme dans la Sauterelle, c’est un vaste sac un peu cordiforme, terminé en forme de conduit tubuleux, à parois épaisses, présentant une surface extérieure lisse. Plus souvent c’est une partie du tube digestif, allongée, intestiniforme, tantôt lisse à sa surface, tantôt couverte d’une multitude de petites glandes, comme dans le Dytique et beaucoup d’autres Insectes carnassiers. Là s'effectue l’acte principal de la digestion. Les aliments, déjà fort divisés, que reçoit l’estomac, y subissent l’action du suc gastrique. Ce liquide, toujours acide, au moins dans l’état de digestion, possède les mêmes propriétés essentielles que chez les Vertébrés. Il réduit en pulpe, en chyme, les substances ingérées. Le suc gastrique est versé dans l'estomac en plus ou moins grande abon- dance, selon le régime des espèces. Les glandes qui le sécrètent sont très-développées dans la plupart des Insectes qui vivent de matières animales, les Carabes, les Dytiques, les Bousiers. Les glandes qui couvrent la surface de l’estomac de ces animaux, sous l’apparence de villosités ou de petits cils allongés, affectant la forme de doigts de gant, ont des parois celluleuses remplies d'utricules. Les glandes stomacales d’une foule d’Insectes ne se montrent pas à l'extérieur; on les trouve logées dans l’épais- seur des parois de l'estomac, sous la couche musculeuse. C'est ce que l’on voit chez les Insectes herbivores, qui consomment de grandes quantités de nourriture, et dont les parois de l'estomac sont fort épaisses. De même que dans l'Homme et les Ani- maux supérieurs, la sécrétion du suc gastrique est provoquée par l’état de plénitude et d’excitation de l'estomac. Dans cette condition, les glandules versent leur produit en abondance, et ce produit possède alors ses propriétés digestives au plus haut degré. Dans l’état de vacuité de l'estomac, le suc gastrique, très-peu abondant, perd son acidité, et parfois même devient alcalin. Le phénomène est analogue à celui qui est observé chez les Vertébrés. 120 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. L'intestin succède à l'estomac; son origine est indiqué, à l'exté- rieur par un étranglement et par l'insertion des canaux urino- biliaires ; à l'intérieur par un repli, une sorte de pylore, arrètant le passage des aliments, tant qu'ils ne sont pas suffisamment digérés. L'intestin varie à l'infini sous le rapport de la longueur : tantôt il est absolument droit, tantôt il décrit quelques sinuosités, tantôt encore il est plusieurs fois replié sur lui-même. Souvent il a été affirmé que l'intestin offrait, selon le régime, des modifi- cations analogues à celles que l’on observe parmi les Mammi- fères. Des exemples ont été signalés, où il est court chez les espèces carnassières, et très-long au contraire chez les espèces herbivores. En effet, dans la Cicindèle, le Carabe, ete., les plus carnassiers des Coléoptères, l'intestin est à peu près droit; dans le Hanneton, animal essentiellement phytophage, l'intestin forme de nombreux replis, tant sa longueur est considérable relativement à celle du corps. Il n’en fallait pas davantage pour concevoir la tentation de généraliser. Pourtant ici la généralisa- tion était malheureuse. Le Dytique est un animal féroce, exclu- sivement carnassier ; son intestin, quatre fois replié, comme le montre notre figure, a une assez grande longueur. La Sauterelle est un animal herbivore, et son intestin, décrivant à peine quel- ques ondulations, a peu de longueur. En réalité, la dimension de l'intestin ne permet pas de préjuger le régime d’un Insecte. C'est ailleurs qu’il faudra rechercher le but de la nature, dans ce genre de modification d’une partie de l'appareil digestif, car, actuellement, ce but n’est pas encore découvert. Parfois l'intestin conserve à peu près le même diamètre depuis son origine jusqu’à l’orifice anal; mais, le plus souvent, sa partie postérieure est marquée par un renflement très-prononcé. On distingue alors l'intestin grêle et le gros intestin ou rectum. Dans beaucoup d’Insectes, le rectum porte des. boutons charnus dont l’usage ne nous est pas connu. Cette partie du tube digestif devient quelquefois une poche latérale. Chez le Dytique, cette LES APPAREILS ET LES FONCTIONS DE NUTRITION. 121 poche rejetée sur le côté affecte une forme étrange, celle d’une sorte de bonnet. | Les glandes accompagnant le canal alimentaire sont les glandes salivaires et les vaisseaux urino-biliaires. Les glandes salivaires, placées de chaque côté de l’œsophage, sont des tubes contournés, des poches à parois celluleuses, des grappes d’utricules. Très-ordinairement il y a deux ou trois paires de glandes, et ces glandes en général sont au moins de deux sortes. Dans la Sauterelle, par exemple, où les glandes salivaires sont fort développées, elles consistent en une paire de grappes utriculaires et en une paire de poches ou de sacs de forme allongée. Dans l'opinion de quelques anatomistes, les pre- mières seraient les véritables organes sécréteurs, les secondes les réservoirs ; mais c’est là une erreur. Les unes et les autres ont également des parois celluleuses contenant des utricules qui donnent un produit spécial. Un mélange des liquides provenant des deux sortes de glandes s’effectue dans le canal commun qui conduit la salive à la bouche ou dans la bouche elle-même. L'existence d'au moins deux sortes de glandes salivaires chez un grand nombre d’Insectes est certaine. C’est une complexité qui n’est pas sans analogie avec ce que l’on voit dans les Animaux supérieurs. La salive est très-franchement alcaline, et tout indique que non-seulement elle sert à faciliter la déglutition en humectant les aliments, mais qu'elle exerce une action chimique compa- rable à celle de la salive des Vertébrés. Elle a un autre usage chez les Insectes suceurs ; elle agit sur les végétaux et les ani- maux, de façon à déterminer une excitation propre à amener vers la piqüre une abondance de matière fluide. On en verra des exemples remarquables dans le cours de cette histoire. Il est des cas où les glandes salivaires sont détournées davantage encore de leurs fonctions ordinaires. Dans les chenilles et diverses autres larves, elles deviennent les vaisseaux qui fournissent la soie. 122 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Les glandes intestinales sont des tubes aveugles insérés au point d'union de l'estomac et de l'intestin. Ces tubes, toujours assez longs, entortillés sur le canal digestif, quelquefois fortement accolés à une partie de l'intestin, sont au nombre d’au moins deux paires. C’est le cas pour tous les Coléoptères; mais, chez une foule d’Insectes, les Orthoptères, les Hyménoptères, ete., ils sont en nombre beaucoup plus considérable et très-variable. Fram boisés sur leurs bords, souvent d’un jaune verdâtre, comme dans la Sauterelle, parfois d'un brun foncé comme dans le Dytique, les tubes urino-biliaires sont particulièrement caractéristiques de l'appareil digestif des Insectes. Ils ont été appelés canaux ou vaisseaux de Malpighi, du nom de l’auteur qui les a signalés le premier, vaisseaux hépatiques, canaux biliaires, canaux uri- naires, canaux urino-biliaires, selon l’idée que l’on s’est formée de leur fonction. Leur produit a été le plus ordinairement consi- déré comme étant de la bile; ce devait être alors des corps rem- plissant les fonctions du foie. D’un autre côté, la présence d'acide urique et même de caleuls ayant été constatée dans ces tubes, plusieurs physiologistes estimèrent que ces canaux faisaient l'office des reins. D’autres physiologistes ne pouvant douter que ces organes ne soient en même temps le siége d’une sécrétion spéciale très-analogue à la bile, ont vu probablement avec raison, dans les canaux de Malpighi, des organes chargés du double rôle du foie et des reins. De là le nom de canaux urino- biliaires qu'on paraît aujourd’hui préférer à tout autre et qu'il convient sans doute de leur attribuer. La graisse se forme en grande masse chez les espèces qui hivernent, et surtout chez les Insectes à l’état de larves qui doivent passer un temps assez prolongé à l’état de nymphes. Dans d'in nombrables vésicules retenues par des brides de tissu connectif, la graisse s’accumule autour du canal digestif, et finit quelquefois par envahir les interstices de tous les organes et mème de toutes les fibres musculaires. On voit cette substance, très-abondante LES APPAREILS ET LES FONCTIONS DE NUTRITION. 123 au moment de la métamorphose de la larve, disparaître presque CHENILLE, PAPILLON. Appareil digestif du Bombyx du Müûrier à l'état de Ver à soie et à l'état de Papillon. 124 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. entièrement chez l'adulte. Elle a servi à la nutrition pendant la période d'inactivité de l’animal, la période de nymphe. Chez des larves carnassières, arrivées à l’époque de la transforma- tion, le tissu adipeux devient le siége d’une production d’acide urique; c'est ce qui a été démontré par des expériences de M. Fabre. IL est curieux aussi de jeter un coup d'œil sur les modifications qui s’effectuent dans l'appareil digestif d’un Insecte passant de l'état de larve à l’état adulte. Prenons le Ver à soie pour exemple. Chez la chenille, l'œsophage est fort court; l'estomac, sorte de long cylindre, forme à lui seul presque tout le tube digestif; l'intestin, dont l’origine est indiquée par l'insertion des canaux urino-biliaires, est d’une remarquable brièveté. Chez le Papillon, l'œsophage s’est allongé, un jabot s'est constitué, l'estomac s’est raccourci, et l'intestin a considérablement aug- menté de longueur, le rectum est devenu une vaste poche. Par l'observation des chrysalides, on peut suivre tous les change- ments qui s’opèrent entre ces deux états, celui de la larve et celui de l'adulte. Chez les Insectes, il n’y a point de veines pour puiser le chyle contenu dans l'intestin, moins encore de vaisseaux propres pour porter dans le sang les produits de la digestion, c’est-à-dire des vaisseaux chylifères. L'intestin est baigné par le sang veineux, et c’est au travers des parois de l'intestin que passe le produit de la digestion, pour enrichir sans cesse le sang de nouveaux matériaux. Le sang des Insectes est un fluide coagulable, presque inco— lore, ayant souvent néanmoins une teinte jaune ou verdâtre très-prononcée : c'est le cas pour les espèces herbivores. La matière verte des feuilles donne au sang cette coloration. L'ori- gine de la teinte verte ou jaune n’est pas douteuse; la teinte existe manifeste dans le sang des chenilles, elle n'existe pas dans le sang des papillons; pendant la période de nymphe ou de LES APPAREILS ET LES FONCTIONS DE NUTRITION. 425 chrysalide, la matière colorante est éliminée par l'intermédiaire des vaisseaux urino-biliaires. Certaines expériences ont montré, au reste, avec un caractère absolu d'évidence, comment le sang reçoit de l'intestin les matériaux qui lui sont nécessaires, com- ment le sang reçoit des matières qui doivent être éliminées de l'économie, et en particulier des matières colorantes. Si l’expé- rience est faite sur des Vers à soie, on saupoudre les feuilles de Mürier avec l’indigo ou de la garance; le sang des Vers soumis à ce régime devient bleu ou rougeâtre. Le sang, le fluide nourricier, est formé chez les Insectes comme chez l'Homme lui-même, de deux éléments : une portion liquide et des corpuscules solides, les globules du sang. Ces globules sont en nombre immense, et ils affectent une forme spéciale. Ils sont allongés comme des navettes. Dans le sang des adultes, ils ont un noyau bien distinct; ce noyau manque dans les globules sanguins des larves. Les caractères physiques du sang nous étant connus, nous devons examiner de quelle façon ce fluide circule dans l’écono- mie, de quelle façon il est porté à tous les organes pour les nourrir; mais auparavant il est indispensable de bien connaître l'appareil d’une fonction intimement liée à la circulation du sang, l'appareil de la respiration. Rien de plus admirable, de plus ravissant à la vue que l’appa- reil respiratoire d’un Insecte. On ouvre l’Insecte sous l’eau, comme il est nécessaire de le faire pour toutes les dissections de ces animaux, et alors se montrent de tous côtés des tubes remplis d'air, magnifiques arbuscules ayant l'éclat de l'argent, divisés sur tous les organes, dans tous les muscles, en branches et en rameaux d’une incomparable délicatesse. Les tubes respiratoires sont habituellement désignés sous le nom de trachées, nom emprunté à la botanique. L'appareil respi- ratoire, reconnu dans ses caractères généraux par Malpighi, par Swammerdam, n’a été étudié dans sa structure que plus ESS Lt à be 126 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. tardivement. Lyonet, qui a décrit et figuré avec un soin minu- tieux les branches et les rameaux des trachées de la Chenille du Saule, a su découvrir la constitution de ces tubes. En 1815, un professeur de l’université de Halle, Sprengel, dans un mémoire spécial, et plusieurs après lui, se sont occupés de la manière dont ces organes sont constitués. Cette structure est vraiment merveilleuse. Nulle part on n’est plus frappé des incomparables ressources de la nature qu’en observant les tra chées des Insectes. C’est la réalisation de la ténuité, de la délica- tesse extrème d’un organe avec une extrème élasticité et une force de résistance surprenante. PORTION DE TRACHÉE DU DYTIQUE, TRÈS-GROSSIE. Une trachée est un tube formé de deux tuniques, entre les- quelles se trouve interposé un fil contourné en spirale. C’est la présence de ce fil spiral, ayant quelque analogie avec celui des vaisseaux des plantes, que l’on appelle les trachées, qui a fait donner le même nom à des organes différents sous tous les rap- ports, et qui, à une autre époque, a fait croire à l'existence de certaines ressemblances entre les Insectes et les plantes. L'air pénètre dans l'appareil respiratoire par des orifices en forme de boutonnières, situés Le plus ordinairement sur les côtés du,corps. Quand on examine des chenilles, des larves dont la LES APPAREILS ET LES FONCTIONS DE NUTRITION. 127 peau est lisse et d'une teinte pâle, ces ‘orifices, que l’on désigne sous le nom de stigmates, entourés de leur cercle, de consistance APPAREIL RESPIRATOIRE DES LARVES AQUATIQUES, — ÉPHÉMÈRES. (Gloe bioculata. ) (Ephemera vulgata.) dure, de couleur noire, brune ou rougeâtre, apparaissent avec une extrème netteté. La larve du Hanneton en fournit un exemple frappant. L- LR mur 128 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Dans le plus grand nombre des cas, les stigmates sont placés exactement sur les côtés du corps. Il y en a une paire au proto- thorax, une paire à chacun des huit premiers anneaux de l’abdo- men. Jamais il n’existe d’orifices respiratoires, soit au mésotho— rax, soit au métathorax. Dans les circonstances où l’on a signalé l'existence de stigmates au mésothorax, on parait avoir été trompé par un chevauchement du prothorax ; lorsqu'elle a été constatée au métathorax, c’est que le premier anneau de l’abdo- men sétait uni au dernier anneau du thorax. Cette absence d'orifices respiratoires aux deux anneaux ;qui portent ou qui doivent porter les ailes donne une certaine consistance à l'idée depuis longtemps émise, que les ailes sont en grande partie constituées par des trachées rejetées au dehors et emprisonnées entre deux lames tégumentaires. La position et le nombre des stigmates varient encore dans une large mesure, avec des conditions biologiques très-particulières. Chez la plupart des Coléoptères, par suite d'un développement inégal des arceaux supérieurs et des arceaux inférieurs de l’ab- domen, les stigmates se trouvent refoulés sur la région dorsale : il faut soulever les élytres pour les apercevoir. Cette position leur assure une protection spéciale. Dans la plupart des larves de Diptères, il n'existe qu’une seule paire de stigmates, et ces orifices occupent exactement l'extrémité postérieure du corps. Cette disposition était rendue nécessaire par le genre de vie de ces Insectes. Des larves carnassières s'engagent en entier dans le corps de leur victime, ne laissant au dehors que leur dernier anneau; de la sorte, elles continuent à respirer librement, ce qui eût été impossible si leurs stigmates avaient été placés sur les côtés. Il en est de même pour toutes ces larves de Diptères, avides de substances animales ou végétales en décomposition, qui peuvent s’agiter au milieu de ces matières, sans courir le danger d’avoir leurs orifices respiratoires obstrués. Chez des larves et des nymphes aquatiques, comme il y en a beaucoup LES APPAREILS ET LES FONCTIONS DE NUTRITION. 129 parmi les Névroptères, l'appareil trachéen n’a plus d’orifices extérieurs. C'est au moyen de certaines dispositions organiques spéciales que l'air arrive dans les trachées. Chez les Éphémères, des lamelles minces, larges folioles sim- LARVE ET NYMPHE AQUATIQUES, — PHRYGANE (Phryganea flaviconnis). ples ou lames étroites et frangées, formées par des expansions cutanées, sont attachées par paires aux sept premiers anneaux de l’abdomen. Des trachées se ramifient dans l'épaisseur de ces lamelles, et, au travers de leur tissu perméable, puisent le fluide respirable. Chez les Phryganes, larves et nymphes, ce sont des paquets de filaments ou des houppes branchiales qui sont affec- tés au même mode de respiration. En considérant d'une manière un peu superficielle les stig- mates des Insectes, il vient aisément à la pensée que ces ouver— tures doivent être singulièrement exposées à laisser pénétrer des poussières ou d’autres corps étrangers. Mais lorsqu'une attention sérieuse se porte sur le mode de construction des orifices respira- toires, dans les divers groupes de la classe des Insectes, l'admira- tion pour les infinies ressources de la nature saisit l'observateur. 9 130 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. L'Insecte at-il une peau très-molle, ce qui est le cas ordinaire pour les larves, les stigmates ont leur bord corné, le péritrème, assez large, assez épais, assez dur pour résister à tout froissement, et les deux bords de la boutonnière si bien taillés, qu'en se rap- prochant, ils déterminent une ocelusion parfaite de l'orifice respi- ratoire. L’Insecte est-il destiné à vivre dans une condition où ses stigmates se trouvent fort exposés, soit au contact de corps étran- gers, soit à l'introduction de poussières, les bords de ces stig— mates sont garnis alors de cils, de franges, de plumules, d'une délicatesse sans pareille, affectant la plus merveilleuse disposi- tion pour empêcher l'entrée des plus petits corpuscules. La vie de l'animal pouvant être mise en danger par l'intro duction, dans l'appareil respiratoire, de matières gazeuses, esl également protégée par Îles dispositions organiques les plus curieuses. De petits muscles placés dans diverses directions, el devenant, par cette différence de direction, antagonistes les uns des autres, permettent à l'Insecte d'ouvrir et de fermer com plétement ses stigmates. Ces muscles sont sous la dépendance de ln volonté de l'animal, comme le montrent toutes les expé- riences. Tandis que chez l'Homme, que chez les Animaux à sang chaud en général, la respiration peut à peine être arrêtée quelques instants sans amener l’asphyxie, elle peut être suspen- due chez les Insectes pendant un temps fort long, sans accident grave. Il y a plus de quarante ans, un ingénieux physiologiste, William Edwards, remarqua le premier que des Insectes entiè- rement plongés dans les gaz les plus délétères continuaient à marcher, à agir, sans manifester un grand trouble. Il vit en même temps que des Insectes placés dans un air atmosphé- rique très-légèrement chargé de vapeurs délétères ne tardaient pas à être asphyxiés. Au premier abord, un pareil résultat devait paraître inexplicable ; mais la connaissance exacte des dispositions organiques des orifices respiratoires devait bientôt ét À Cr ns is Ut, 1 DE nn “alé. dune. des Lans Re SSD ES “en ii due th dde sn ils tes diet cn di à 54 fé it qe D : LES APPAREILS ET LES FONCTIONS DE NUTRITION. 151 conduire à tout expliquer. En effet, l’Insecte plongé dans du gaz acide carbonique, dans de l'hydrogène sulfuré et saisi soudaine ment par l'impression violente que produit le gaz délétère, ferme ses stigmates et cesse de respirer. Il ne périra alors qu'après un DUR STIGMATES DE DIVERS INSECTES. 1. De la larve du Hanneton, — 9, Du Dytique bordé, — 3, De la chenille du Sphinx du Troëne. temps assez long, par le défaut de respiration. Au contraire, l’Insecte placé au milieu d’un air vicié continue à respirer, et alors peu à peu les petites quantités de gaz délétère introduites dans l’appareil respiratoire font sentir leur action toxique, amè- nent l’asphyxie, déterminent la mort. Les résultats sont analogues avec les substances anesthésiques, l’éther, le chloroforme, etc. Les trachées sont en continuité intime de tissu par leur tunique interne, soit avec les orifices, soit avec les bords des stigmates. Cette membrane, si mince, si délicate, est constituée essentiel- lement, comme les parties tégumentaires, par la chine. Aussi, comme toutes les parties tégumentaires, elle serenouvelle à chaque âge de l'animal. Quand une larve change de peau, avec la peau abandonnée se trouve abandonnée une dépouille de la tunique interne des trachées. La tunique externe, au contraire, est une membrane celluleuse ne contenant aucune parcelle de chitine ; elle n'adhère point aux parties tégumentaires avoisinant l’ori- 132 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. fice, elle demeure libre, simplement accolée au fil spiral. Ce dernier règne dans toute l'étendue des trachées, donnant à ces tubes, même les plus déliés, une incroyable résistance relati- vement à leur ténuité, et ménageant un espace entre les deux tuniques trachéennes. Les trachées représentent donc un tube renfermé dans un tube d’une capacité un peu supérieure, le tube interne séparé du tube externe par un spiral analogue à un ressort à boudin. Dans les larves, les conduits respi ratoires sont toujours simples ; dans la plupart des Insectes adultes, ces tubes diffèrent peu de ceux des larves : ce sont toujours des arbuscules infini- ment ramifiés. Mais chez les types qui se distinguent par un haut degré de perfectionnement organique, certaines trachées se dilatent et forment des ampoules, de petits ballons plus où moins volumineux. Les Scarabéides, à l'état adulte, ont ainsi un grand nombre de trachées vésiculeuses. Straus-Durckheïm en a donné de magnifiques figures d'après le Hanneton, Des dispositions analogues existent chez divers Orthoptères. Cest parmi les Hyménoptères, cependant, que l’on observe les trachées vési- euleuses les plus remarquables ; à la base de l'abdomen elles forment deux poches immenses d'où partent toutes les branches qui vont se ramifier Sur les parties environnantes. Le procédé par lequel se modifient les trachées tubuleuses de la larve en trachées vésiculeuses chez l'adulte est simple, de cette simplicité grande qui est le caractère des plus beaux phénomènes de la nature. Dans la trachée tubuleuse destinée à devenir une ampoule, une vésicule, une vaste poche, le fil spiral se retire peu à peu, la double paroi de la trachée affaiblie cède dans une certaine mesure sous l'effort de l'air qui la presse, la trachée s'élargit. C'est un véritable anévrysme normal, mais cest un anévrysme qui s'arrêtera à un point rigoureusement déterminé ; jamais l’affaiblissement de la paroi trachéenne ne sera poussé assez loin pour amener une rupture. Quand le fil spiral a dis- LOL ons fs | CS OR EL, de, dl ne de Le it bei tel dé dit dt et Sn Een, DE Ge du à te de, à à ttès PU TT NT PS ET VE LE LES APPAREILS ET LES FONCTIONS DE NUTRITION. 133 paru, les’ deux tuniques de la poche respiratoire se sont rapprochées, ont pris adhérence l’une à l’autre sur certains ÿ ADOUREAU, a APPAREIL RESPIRATOIRE DE L'ABEILLE (Apis mellifica). points, mais non pas sur leur surface entière ; des rigoles se trouvent ménagées pour permettre l'introduction du sang. L'activité de la respiration varie beaucoup chez les Insectes, selon la température, selon l'énergie des mouvements, selon les 134 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. circonstances dans lesquelles ces êtres sont destinés à vivre. Les inspirations et les expirations d'air peuvent ainsi ôtre très-lentes ou assez fréquentes; le jeu des muscles dilatant et resserrant successivement les parois de l’abdomen et les orifices respira- toires amène tour à tour l'entrée de l’air nouveau et l'expulsion de l'air vicié par le fait de la respiration. Au repos, surtout à une basse température, les Insectes respi- rent très-faiblement. Dans leurs moments d’agitation, la respira- tion s'accélère, comme il est facile de le voir en observant les pa- rois de l'abdomen qui se soulèvent et s’abaissent avec fréquence. Tel Insecte calme, se traînant sur le sol ou sur le feuillage d'une plante, a peu d’air dans ses trachées. Son corps est-il pesant, il lui devient impossible de s'envoler lorsque son appareil respiratoire est peu rempli; l’Insecte alors soulève ses ailes , fait d’énergiques efforts pour dilater son abdomen et faire entrer autant d'air qu'il sera possible dans toutes ses trachées. Dès le jeune âge on apprend à connaître cette manœuvre en marty- risant des Hannetons. L'animal exécute ses mouvements d'inspi- ration avec une telle régularité, qu'il semblé compter; ce qui fait dire aux enfants que le Hannelon compte ses écus. Continuellement on cite les voyages des Criquets, on parle des longues colonnes de ces Insectes traversant d'immenses espaces; cependant, lorsqu'on se promène dans les champs, on voit les Sauterelles, les Criquets, sautillant, franchissant à peine quelques mètres, s'ils s’'envolent à l’approche d’un danger. Comment donc ces Insectes, lourds, médiocrement agiles, parviennent-ils à cer- tains moments à se soutenir dans l'air pendant de longues heures, des journées entières? Rien de plus facile à comprendre après l'observation de leur appareil respiratoire. Chez la Saute- relle, chez le Criquet presque au repos, toutes les trachées sont aplaties comme des rubans; elles contiennent une toute petite quantité d'air. Au moment du départ pour uñ long voyage, le Criquet, comme le Hanneton, se gonfle d'air, et son corps se PP KR TT ET SP RAN TINTIN FT UT RIT 4 "RS re "E i-. slt: À. dits LES APPAREILS ET LES FONCTIONS DE NUTRITION. 135 trouve ainsi fort allégé relativement à la masse d'air qu'il déplace. Une conséquence de la respiration est la production de cha- leur. Cette production est en général d’une extrême faiblesse chez tous les Animaux à sang froid, dont la respiration est fort peu active. Il en est ainsi pour tous les Insectes qui s’agitent médiocrement. Mais chez ceux dont les mouvements deviennent très-énergiques et continus, la respiration s'accélère, un dégage- ment de chaleur parfois assez considérable se produit. Tout le monde sait qu'il règne souvent une température fort élevée dans l'intérieur des ruches d’Abeilles. Newport s’est attaché à détermi- ner les températures que peuvent atteindre ces Insectes dans les différentes circonstances de leur vie. Mais quelques expériences faites sur des Lépidoptères qui étonnent toujours par la rapidité et la continuité de leur vol, les Sphinx, nous ont fourni la preuve que les Insectes étaient véritablement des Animaux à sang chaud dans leurs instants d'extrême activité. Newport avait reconnu le fait à l'égard du Sphinx du Liseron. Le docteur Breyer, obser- vant la même espèce par une température de 17 degrés, s’assura que la chaleur du corps de l’Insecte s'était élevée à 32 degrés. M. Maurice Girard, qui s’est beaucoup occupé de cette intéres- sante question, a constaté de son côté une élévation de tempé- rature très-remarquable chez des Sphinx Téte-de-mort. Or, après ces faits bien reconnus, lorsque nous reportons notre attention sur les Insectes voyageurs, les Sauterelles, et surtout les Criquets, nous sommes assurés que ces animaux, déployant toute l'énergie de leurs mouvements, consomment alors une assez grande quantité d'oxygène; que l'air dont ils sont gonflés se trouvant acquérir une forte chaleur, acquiert plus de légèreté sous le même volume. Les Criquets voyageurs deviennent de petites montgolfières, et tout explique comment ces animaux pesants sont rendus capables de traverser d'immenses espaces. Chez tous les Animaux, le sang, le fluide nourricier, circule 136 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. avec plus ou moins de régularité, selon le degré de perfection de l'appareil circulatoire. Dans tous les cas, l'appareil se com- plique ou se dégrade suivant la condition des organes respira- toires. Chez les Insectes, la diffusion des organes respiratoires est extrême; l'appareil de la circulation du sang serait fort dégradé, s’il ne se complétait par un emprunt à un autre Sys- tème organique. IL a fallu bien des efforts pour mettre en lumière le mode de circulation du sang chez les Insectes, et encore aujourd'hui il reste quelques détails à éclaircir. L'histoire des opinions qui ont régné aux diverses époques de la science sur cette fonction physiologique et des décou- vertes successives est vraiment curieuse. Malpighi et Swammerdam s'étaient assurés de la présence d'un organe pulsatile situé le long de la ligne dorsale, sous le tégu- ment. C’est un vaisseau doué de mouvements de contraction et de dilatation, où de systole et de diastole, selon le langage des anatomisles, vaisseau très-facile à apercevoir sur certaines che- nilles et d’autres larves dont la peau est lisse. Tout le monde à observé ses battements sur des Vers à soie. Malpighi et Swammer- dam n'avaient pas hésité à dire que le vaisseau dorsal est un cœur. Malpighi et Swammerdam avaient eu raison; cependant ces habiles naturalistes ne parvinrent à acquérir aucune notion sérieuse touchant le phénomène de la cireulation du fluide nour- riciér chez les Insectes. Jusqu'à une époque bien rapprochée du temps actuel, on ne pouvait comprendre la circulation du sang en l’absence d’artères et de veines constituant un appareil aseulaire plus où moins analogue à celui de l'Homme et des Ani- maux supérieurs. Malpighi, après avoir reconnu le cœur chez les Insectes, ne réussit pas, par la meilleure des raisons, à découvrir des artères et des veines ; mais, considérant la petite taille des Insectes, la difficulté qu’il pouvait y avoir à trouver des vaisseaux d'un diamètre extrêmement minime, ces vaisseaux ne recevant Le à LÉ LES APPAREILS ET LES FONCTIONS DE NUTRITION. 137 du sang aucune couleur particulière, il resta convaincu de l’exis- tence de vaisseaux qu'il n'avait pu apercevoir. Lyonet, sans avoir étudié la structure intime du cœur de la Chenille, dont il a fait une si belle anatomie, a donné des figures exactes de cet organe; il a reconnu ses attaches musculaires, auxquelles il a attribué le nom d'ailes du cœur, qui est resté en usage. L’habile naturaliste, néanmoins, ne parvint pas plus que ses devanciers à concevoir la moindre idée du mouvement circu- latoire chez les Insectes. Vingt ans auparavant, un observateur anglais qui prenait plaisir à examiner toutes sortes d'objets sous le microscope, Baker, avait distingué dans les pattes, au travers des téguments, des courants sanguins; il était demeuré incapable de comprendre la portée de son observation, personne ne l'avait remarquée. À la fin du siècle dernier, Cuvier, jeune, plein d’ardeur pour les recherches anatomiques, plein de sagacité pour reconnaitre où devaient se porter les plus grands efforts afin d'arriver à de notables progrès scientifiques, fit de sérieuses tentatives pour découvrir le mode de circulation du sang chez les Insectes. Il conçut l'espoir de trouver par la dissection les vaisseaux de ces animaux. Peine perdue, il ne trouva point d'autre vaisseau que le vaisseau dorsal. Ne pouvant, avec les idées qui le dominaient, concilier l'existence d’une véritable circulation en l'absence d’un système vasculaire, il se persuada qu'aucun mouvement cireula- toire ne se manifestait chez les Insectes, que le fluide nourricier demeurait en repos. Alors, avec l’habileté à tout expliquer du penseur, Cuvier imagina une explication ingénieuse, qui, don- nant saüsfaction à l'esprit, devait faire accepter aisément et pour longtemps une grave erreur. Le fluide nourricier, disait-il, ne pouvant aller chercher l'air, c’est l'air qui vient le chercher pour se combiner avec lui. Trente ans s'étaient écoulés depuis la publication du mémoire de Cuvier sur la Nutrition dans les Insectes, lorsqu'un profes- 138 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. seur de l’université de Dresde, M. Carus, eut l'idée de sou- mettre à l'examen microscopique de petites larves aquatiques dont la peau a une certaine transparence, des larves d'Éphé- mères et d'Agrions. L'investigateur reconnut aussitôt une cireu- lation très-rapide; il vit le fluide nourricier traversant le cœur, s'épancher dans la tête, puis revenir d'avant en arrière en bai- gnant tous les organes et en formant des courants très-réguliers. Il distingua en même temps d'une manière parfaite les mouve- ments du vaisseau dorsal qui coïncident avec la rentrée et la sortie du sang. La découverte de M. Carus était à peine annoncée, et déjà elle se trouvait confirmée d’une façon éclatante par une découverte d'un autre ordre. Or s'était toujours imaginé le vaisseau dorsal un tube simple; l’auteur de l’Anatomie du Hanneton, Straus- Durckheim, révélait la véritable structure du cœur des Insectes. Il avait constaté dans le vaisseau dorsal l’existence d’une portion cardiaque et d’une portion aortique; dans la portion cardiaque, l'existence d'ouvertures pour la rentrée du sang, de valvules propres à empêcher son reflux. La question, éclairée tout à coup d’un jour nouveau, prit, aux yeux des naturalistes, un intérêt extrème ; les observations se succédèrent, et sans ajouter rien d’important aux résultats acquis par les recherches de Carus et de Straus-Durckheim , elles mirent ces résultats hors de doute. Mais quelques années encore, et George Newport, qui ne s'arrête à aucun sujet sans laisser la marque de son passage, reconnaît l'enveloppe du cœur, c’est-à-dire le péricarde, et les canaux assez bien délimités, régnant sous la paroi supérieure de l'abdomen, qui servent à ramener le sang des parties inférieures et latérales du corps jusqu'aux orifices du vaisseau dorsal. Malgré tout, l'appareil de la circulation du sang chez les Insectes semblait être étrangement dégradé pour des animaux où l’on reconnaissait d’ailleurs une perfection remarquable des LES APPAREILS ET LES FONCTIONS DE NUTRITION. 139 autres appareils organiques. La fonction elle-même semblait être plus dégradée encore que l'appareil lui-même. On admettait que le sang pouvait aller nourrir tous les tissus sans être porté à ces mêmes tissus dans un état de division extrême, comme cela se voit chez tous les animaux qui ne comptent point parmi les plus imparfaits, On admettait que le sang pouvait échanger suffisam- ment l’acide carbonique produit par la combustion organique, contre l'oxygène de l'air introduit dans les trachées, en courant en grande masse sur les parois des organes respiratoires. On croyait enfin à ce qu'il y avait de plus incroyable, dans un temps où les relations de l'appareil cireulatoire avec les organes de la respira- tion étaient déjà parfaitement connues dans la plupart des types du Règne animal; on croyait à l'indépendance des organes de la res- piration et de l'appareil cireulatoire chez les Insectes. On oubliait qu'un organe respiratoire n’est jamais et ne saurait être jamais qu'une dépendance de l'appareil de la circulation du sang. En effet, un organe respiratoire peut être défini dans sa généralité, une partie quelconque de l'organisme, dans laquelle s'infiltre le sang pour se mettre en contact avec le milieu dont il absorbera l'oxygène. Ainsi l'organe respiratoire peut être une poche plus ou moins cloisonnée, recevant dans son intérieur l'air atmosphérique, c'est-à-dire un poumon; il peut être une branchie, un système de tubes rameux, c’est-à-dire des trachées, une expansion des téguments des appendices, de l'abdomen, etc., c'est-à-dire des lamelles comme chez beaucoup de Crustacés, ou même simple- ment la peau, si cette peau est très-perméable, comme c’est le cas dans une foule d'Animaux inférieurs. [y a vingt ans’, un naturaliste qui avait peine à se persuader que la dégradation de l’appareil cireulatoire des Insectes admise par tous les auteurs fût réelle, entreprenait une série d'expé- ! Voyez Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. XXIV, p. 870 (mai 1847), et Annales des sciences naturelles, 3° série, 1848, t. IX, p. 359. CC TO) 140 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. riences, avec la volonté ferme d'y porter tout le soin imaginable, toute la persistance possible, pour arriver à reconnaître la vérité. Ainsi qu'à plusieurs de ses devanciers, l'idée de l'existence de vaisseaux artériels s'était offerte à son esprit; les injections de liqueurs colorées montrèrent jusqu'à la plus entière évidence qu'il n’y avait nul vaisseau au delà de l'aorte décrite par Straus, et particulièrement bien observée par Newport. Mais, d’un autre côté, apparut un fait inattendu, l'introduction dans l’épais- seur des parois trachéennes du liquide répandu dans les cavités du corps. Il n’y avait done pas d’artères proprement dites pour porter le fluide nourricier à tous les organes, mais il y avait un appareil d'emprunt, la périphérie des trachées qui remplissait le rôle des artères; il y avait la pénétration du sang dans les organes respiratoires, ce qui est le caractère universel, si étran- gement méconnu, de tout organe respiratoire. Dans les expériences où sur des Insectes vivants on a rempli toute la périphérie des trachées au moyen d’une injection colo- rée, huileuse, qui ne laisse aucune salissure après les organes, il est merveilleux de voir les trachées, même les plus délicates, se dessinant en innombrables ramuscules rouges ou bleus sur la teinte blanche des muscles et de la plupart des organes. L'in- jection ne peut rester que dans l’espace où elle est étroitement emprisonnée ; la démonstration a un caractère d’évidence qui ne laisse nulle possibilité à l'incertitude. Instruit par l'expé- rience, en détachant quelque gros tronc trachéen sur un animal plein de vie, il n’est pas très-difficile de retrouver des globules sanguins engagés entre les deux tuniques des tubes respira- toires. Ces nouveaux résultats acquis à la science, des naturalistes italiens, et particulièrement Carlo Bassi, eurent l'idée de faire manger à des Vers à soie de l’indigo ou de la garance, en sau- poudrant les feuilles de Mürier avec l’une ou l’autre de ces sub- stances. Après quelques jours, ils trouvèrent chez les Insectes Ads, LES APPAREILS ET LES FONCTIONS DE NUTRITION. 1 soumis à ce régime le sang et les trachées colorés en bleu ou en rose. Le fait, d'abord peu compris, fut étudié de nouveau et bientôt expliqué. Quand un animal dont le sang est incolore absorbe des matières colorantes, ces matières passent dans le sang et lui donnent une teinte plus ou moins prononcée. L'Insecte étant ouvert sous l’eau, le liquide sanguin se trouve retenu dans l'épaisseur des parois trachéennes où il est engagé ; de là cette coloration qui avait fort surpris les premiers observateurs. Une grande question physiologique venait d'être éclairée d'une nouvelle lumière. Il n’en fallut pas davantage pour cha- griner ceux que tout succès révolte, que toute découverte met en fâcheuse humeur. Certains naturalistes déclarèrent que rien n'existait de tout ce qui avait été vu et démontré. Ceux qui se montraient si drdents pour en rester aux notions du passé, tenaient à prouver que leur habileté à ne rien voir était indis- cutable. Leur satisfaction dut être complète : sur ce point, ils n ont jamais été contredits. Après tous les faits constatés aujourd’hui sur une multitude d’Insectes appartenant aux divers ordres, il est aisé de définir d'une manière générale l'appareil de la circulation du sang dans ce type zoologique. Chez tous les Insectes, il existe un cœur sous la forme d’un vaisseau dorsal, centre de la circulation, ayant une portion car- diaque enveloppée d’un péricarde d’une grande délicatesse, et une portion aortique. La portion cardiaque, occupant à peu près toute la longueur de l'abdomen, est fixée des deux côtés par un ensemble de fibres musculaires qui, dans chaque anneau, se rapprochent pour s'unir à un même point d'attache sur les parties latérales de la région dorsale, Ce sont les ailes du cœur. Cette portion car- diaque est le plus ordinairement divisée en une suite de com- partiments ou de chambres rendues très-apparentes par une légère dilatation, suivie d’un étranglement plus ou moins pro- 142 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. noncé. Le nombre des chambres du cœur ‘varie suivant les types; ce nombre est généralement en rapport avec celui des stigmates et des faisceaux trachéens de l'abdomen. Dans les —— L 127% M & CŒUR OÙ VAISSEAU DORSAL D'UN INSÈCTE, D'APRÈS LE DYTIQUE (Dytiscus marginalis). Lépidoptères, les Coléoptères, les Orthoptères, ete., ily a sept ou huit chambres, dans beaucoup d'Hyménoptères et de Diptères quatre ou cinq, et moins encore chez certains Diptères et chez la plupart des Hémiptères. À chacune des chambres du cœur, il y ETS PES PT UE Te VOST OI PR IPTC TPS EC RE UT) VE POTTER UE TT Te TS TT 4 L2 2 LES APPAREILS ET LES FONCTIONS DE NUTRITION. 143 a une paire d'orifices pour la rentrée du sang. Ce sont de petites fentes en forme de boutonnières, très-faciles à aper- cevoir. À l’intérieur, un repli de la paroi constitue une valvule qui s'oppose à tout mouvement rétrograde du liquide introduit dans le vaisseau dorsal. Les parois du cœur sont assez épaisses, formées d’une membrane interne et d’une tunique extérieure musculeuse. Ces parois sont souvent renforcées par des bande- lettes musculaires très-élastiques, qui donnent à l'organe la puis- sance de résister à des mouvements fort énergiques. La portion aortique du vaisseau dorsal est un tube simple qui traverse le thorax, en reposant sur l’æsophage, et qui passe ensuite sous le cerveau, où il se termine en s’élargissant et en perdant ses parois. Le sang est conduit ainsi dans la tête, où il tombe dans les espaces compris entre tous les organes, et revient d'avant en arrière en formant plusieurs courants; l’un de ces courants règne au-dessus de la chaine ganglionnaire, les deux plus considérables sur les parties latérales et inférieures du corps. Dans ce trajet, le sang, passant en grande masse au voisinage de l’origine des tubes respiratoires, s'engage en partie dans l’espace compris entre les deux membranes trachéennes, maintenu béaut par le fil spiral. Le fluide nourricier est porté de cette manière, dans un état de division extrème, à tous les organes, comme il y est porté chez les Animaux supérieurs, au moyen des vaisseaux artériels. Ainsi introduit entre les deux tuniques constituant les tubes respira- toires, le sang se trouve n'être séparé de la colonne d'air que par une seule membrane fort délicate; il subit la réoxygénation, il s'artérialise pendant son trajet même, pour devenir propre à nourrir les tissus. Les trachées, tubes aérifères dans leur portion centrale, deviennent dans leur périphérie de véritables vaisseaux nourriciers. Le sang s’échappant par les extrémités, comme il s'échappe des extrémités des artérioles chez les animaux qui manquent de veines proprement dites, retombe dans les ET TT dudit À L 2 F'OIVT 144 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. espaces interorganiques, ce qu'on a appelé le système lacunaire. Dans l'Homme, dans les Animaux supérieurs, il y a une double cireulation , la grande cireulation et la circulation pulmonaire: Dans les Mollusques, dans les Articulés, les organes respiratoires se trouvent sur le trajet de la grande circulation ; il n'y a donc pas de cireulation spéciale pour les organes respiratoires. Chez les animaux où il existe simplement une circulation générale du fluide nourricier, les capillaires et les veines manquent; ou du moins manquent des capillaires et des veines ayant des parois propres, c'est-à-dire des vaisseaux susceptibles d'être isolés par la dissection. Les capillaires sont d’étroits espaces ménagés entre les fibres musculaires; les veines, de simples trajets endigués d’une façon plus ou moins irrégulière par les organes voisins, par les parois du corps, par les replis de la peau à la jonction des anneaux. Les dispositions des muscles, la forme particulière des canaux, les mouvements ordinaires du corps, déterminent la marche du sang dans une direction déterminée, et empêchent tout mouvement rétrograde. Ainsi, chez les Insectes, le sang veineux qui court dans les grands canaux des parties latérales du corps, est repris en partie par des vaisseaux afférents au cœur. Ces vaisseaux ou ces canaux occupent les rigoles comprises entre les arceaux supérieurs des anneaux du corps; un peu detissu cellulaire circonserit ces canaux, où l’on ne trouve point de paroi membraneuse. Ces canaux chargés de reporter le sang au cœur sont en continuité de tissu avec le péricarde. Le fluide nourricier arrive done dans l’espace compris entre le cœur et le péricarde. Cette délicate enveloppe remplit le rôle de l'oreillette dans les Animaux supérieurs. Au moment de la dilatation du cœur ou de la diastole, les orifices des chambres du cœur, les orifices auriculo-ventriculaires, suivant l'appellation généralement adop- tée, s'ouvrent et permettent l’entrée du sang, qui va de nouveau parcourir le chemin que nous lui avons vu suivre à travers tous les organes et les tubes respiratoires. AT à ae tits: baume dre dés à à été dd. LS VII LES SÉCRÉTIONS ET LA REPRODUCTION Beaucoup d'insectes donnent des produits particuliers ; ils ont des sécrétions spéciales fort intéressantes à étudier, car ces produits jouent ordinairement un rôle considérable dans l'exis- tence des espèces qui les fournissent. Divers organes peuvent être le siége de ces sécrétions. Un simple aperçu un peu général sur ce sujet suffira en ce moment; les détails trouveront leur place dans l’histoire des familles. Tout le monde a remarqué l'odeur pénétrante que répandent certains Insectes. Si l'on vient à toucher une Coccinelle, le petit animal si connu sous le nom de Béte à bon Dieu, une odeur assez désagréable se manifeste et demeure très-persistante après les doigts; on peut même apercevoir le suintement d’une liqueur jaunâtre sur les côtés du corps, en arrière du prothorax : c’est la liqueur odorante. Ce Coléoptère, d'un vert métallique, que l’on rencontre fréquemment dans nos campagnes, Courant avec 10 CR CS OS LC SR — :. né A LE st a à bons d | ! ethnie. ent à dt à HÉril Tiré tn | Si < dd 116 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, une extrême agilité, le Carabe doré, laisse échapper une odeur repoussante quand on l'inquiète. Les Coléoptères si abondants dans les mares et les ruisseaux, que l’on appelle les Dytiques, font écouler à la surface de leur corps une liqueur blanche, dès qu'on vient à les saisir; cette liqueur est nauséabonde. Ces sortes d’éjaculations odorantes sont produites par des glandules ou des follicules situés sous le tégument, et dont les conduits, toujours très-courts, s'ouvrent entre les anneaux du corps et parfois entre les articulations des membres. Les sécrétions de ce genre sont évidemment un moyen de défense; il n’est pas douteux que des animaux voraces renoncent souvent à s'emparer de l’Insecte qui tout à coup répand autour de lui une odeur très-pénétrante. Il est aussi des Insectes qui exhalent une sorte de parfum; quelques Capricornes sont remar- quables sous ce rapport. L'odeur de rose qu'ils répandent a sa source également dans de petites glandes sous-cutanées. Nous ignorons si ce parfum est de nature à éloigner les ennemis des Capricornes odorants. La plupart des Hémiptères répandent une odeur infecte, l'odeur de Punaise, si caractérisée et si bien connue. C'est une sécrétion produite chez les adultes par une sorte de sachet placé à la base de l'abdomen, et s'ouvrant au dehors par deux fentes, dans l’espace compris entre les pattes postérieures. Tant que ces Hémiptères, les Punaises de bois, comme on les nomme vulgai- rement, ne sont pas arrivés à l'état adulte, tant qu'ils demeurent privés d'ailes, ils ont, à la face dorsale de l'abdomen, deux glandes odoriférantes s'ouvrant chacune au dehors par deux petits pores. Au moment où ces Punaises de bois subissent leur dernière mue, au moment où elles prennent leurs ailes, les glandes dorsales s’atrophient; leurs orifices extérieurs se {rou- vant cachés sous les ailes, leur sécrétion resterait sans effet. Mais, en même temps que ces glandes s’atrophient, se constitue la glande ou Le sachet oceupant la région ventrale, La connais LES SÉCRÉTIONS ET LA REPRODUCTION. 47 sance de ce fait curieux est due aux observations récentes d’un jeune naturaliste, M. Jules Künckel, C’est presque. le seul exemple connu jusqu'à présent du remplacement d'un organe par un organe semblable, pour que la fonction puisse s'exercer toujours d’une manière aussi complète que possible dans diffé rentes conditions de la vie. Beaucoup d'Insectes sont pourvus de glandes logées dans la partie postérieure de l'abdomen. Ces glandes simples ou doubles, souvent accompagnées de réservoirs, sécrètent un liquide âcre, caustique, acide, plus ou moins volatile. Elles ont leur orifice au voisinage de l'orifice anal. Le tissu des conduits éjaculateurs est contractile, et des muscles particuliers venant à agir sur ces conduits, à l'instant même où s'exerce sur les glandes une pres- sion produite par les parois de l'abdomen , l’éjaculation s’effec- tue. Les glandes anales varient extrêmement sous le rapport de la configuration, et la nature de la liqueur qu'elles sécrètent parait également varier d’une manière très-notable. Parfois cette liqueur, lancée avec plus ou moins de force, s’écoule en répan- dant son odeur âcre, pénétrante. La plupart des Coléoptères Carnassiers possèdent ainsi la faculté d'eflrayer leurs ennemis. Parlois la liqueur est tellement volatile, qu’elle s'échappe brus- quement sous forme de vapeur. En soulevant des pierres le long des chemins, au milieu des champs, il est ordinaire de mettre à découvert des groupes de petits Coléoptères au corps rougeätre, aux élytres bleues. Ces petits Insectes, que l’on nomme des Brachines, fuient en lançant avec explosion leur vapeur acide. Malheur à l’imprudent qui a regardé de trop près! la vapeur, atteignant les yeux, cause une atroce sensation de brûlure. Le même danger est à craindre de la part des Fourmis. L’entomo- logiste, remuant une fourmilière et examinant de très-près, ne manque guère de recevoir les atteintes de l'acide que ces Insectes émettent au dehors lorsqu'ils sont inquiétés. L'acide Particulier que sécrètent les Fourmis a été étudié dans ses 118 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. propriétés, et les chimistes lui ont appliqué le nom d'acide formique. ; Dans un grand nombre de familles de l'ordre des Hyméno- ptères, les femelles sont pourvues d'un appareil analogue, dont la <écrétion a un caractère tout spécial : c’est le venin que l’Abeille, que la Guêpe introduit au moyen d'un aiguillon fort acéré. L'ap- pareil consiste en deux longs tubes simples où ramifiés, se réunis- sant d'ordinaire en un canal commun, aboutissant à un réservoir en forme de poche. Un conduit excréteur aboutit à l’aiguillon. C’est dans l'histoire des Hyménoptères, el de l'Abeille en parti- culier, que nous examinerons tous les détails de la conformation de ce curieux appareil, tant redouté de ceux qui voient s’appro- cher des Guèpes ou des Abeilles. Chez les Abeilles et quelques autres Hyménoptères, il existe encore une sécrétion fort remarquable, la cire, qui transsude à travers le tégument et s’accumule, sous forme de lames minces, à la face inférieure du second et du troisième anneau de l’ab- domen. Chez beaucoup d'Hémiptères, les Cochenilles, certains Pucerons, des Fulgores, il se produit aussi à travers la peau une exsudation de matière cireuse qui prend sur le corps de l'animal l'aspect d’une efflorescence blanche, et qui est très-propre à le garantir du contact de l'eau pendant la pluie ; parfois cette ma— lière s'échappe en volumineux flocons. Le mode de production de la matière cireuse est loin encore d'avoir été étudié d'une manière satisfaisante ; peu de recherches attentives ont été faites sur ce sujet. Une autre production curieuse de certains Insectes est celle de la lumière. Tout le monde remarque les Lampyres, habituel- lement désignés sous le nom vulgaire de Vers luisants. En Amé- rique, de grands Taupins (Pyrophores), dont chacun a entendu parler dans ces dernières années, où plusieurs individus ont été apportés vivants du Mexique, sont l'objet de l'étonnement et de l'admiration des voyageurs. Il en est de même des grands Ful- LES SÉCRÉTIONS ET LA REPRODUCTION. 119 gores de la Guyane et du Brésil, de plusieurs Fulgores de l'Inde et de la Chine. La lumière se montre sur les côtés de l'abdomen chez les Lampyres, sur le prothorax, par deux espaces ovalaires, chez les Élatérides du genre Pyrophore, dans un brilbdiéilent de la tête chez les Fulgores. La matière qui produit la lumière, logée dans de petits amas de cellules, est épaisse, granuleuse, et ne présente aucune trace de phosphore, comme l'ont démontré toutes les recherches. De très-nombreuses trachées entourent et pénètrent les cellules. Cette particularité anatomique a conduit à supposer que la lumière est produite par une combustion entretenue par l'oxygène contenu dans les trachées. La lumière s'éteint ou se manifeste avec intensité, selon la volonté de l’ani- mal, ou du moins selon son activité. Il suffit en effet d’exciter l'Insecte dont la lumière a disparu, pour qu'il la fasse reparaître aussi brillante que possible. Le système nerveux agit ainsi tout particulièrement, à n’en pas douter, dans la production de cette lumière, ce qui explique ses intermittences. La fécondité des Insectes est bien connue, trop connue des agriculteurs, qui ont fréquemment à gémir sur les ravages causés dans leurs plantations. Pour toutes les espèces, il y a des indi- vidus des deux sexes, des mâles et des femelles. Certains auteurs, même aujourd'hui, considèrent, il est vrai, les Pucerons vivipares comme des hermaphrodites; mais le fait est loin d’être suffisam- ment démontré. Dans quelques groupes de la classe des Insectes, il est des espèces vivant en sociétés, dont la plupart des individus demeurent incapables de multiplier. Ce sont ordinairement des femelles chez lesquelles les organes de la reproduction, sous l'influence d’une nourriture particulière, restent dans un état rudimentaire. Personne n'ignore qu'on appelle ces individus stériles qui forment la foule dans les sociétés d’Abeilles et de Fourmis, les neutres ou les ouvrières. I y a dans toutes les espèces, entre les organes de la repro- duction des mâles et des femelles, une ressemblance générale 150 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, très-manifeste. Ces organes, toujours symétriques, occupent la partie ventrale de l’abdomen et aboutissent à son extrémité, un peu en arrière de l’orifice anal. Chez les femelles, les ovaires sont formés de tubes plus où moins nombreux, amincis graduellement vers le sommet et rapprochés de façon à constituer un faisceau. Dans ces tubes ou ces gaines ovigères se développent les œufs. Ceux qui occupent la partie inférieure, ordinairement arrivés à maturité au moment où l’Insecte apparaît sous sa dernière forme, ont toute la grosseur qu'ils peuvent acquérir. Les œufs placés au-dessus, souvent moins avancés dans leur développement, ont un plus faible volume, et ceux qui se trouvent à l'extrémité des tubes sont fort petits. Les œufs pressant les parois des gaines, ces parois s’ap- pliquent exactement à leur surface, de sorte que les œufs, rangés à la suite les uns des autres, figurent une sorte de chapelet. Cette inégalité dans le développement des œufs n'existe, au reste, que chez les espèces capables d'effectuer des pontes succes- sives. Les Insectes dont la vie est très-courte font une seule ponte; tous leurs œufs sont mûrs en même temps. Si les gaînes ovigères contiennent une petite quantité d'œufs, les ovaires demeurent libres, reposant simplement sur la paroi de l'abdomen; si ces gaines, au contraire, sont nombreuses et fort longues, les ovaires sont maintenus par un ligament suspenseur fixé à la base du thorax. Les œufs, en se détachant de leurs gaînes, tombent dans une sorte de sac, qui areçu de Léon Dufour le nom de calice; de là ils passent dans un tube, qui est l'oviducte. Les oviductes des deux ovaires se réunissent en arrière pour former un oviducte commun. Une poche, d'ordinaire assez vaste, existe chez le plus grand nombre des Insectes, et à son défaut, une dilatation de l’oviducte. Cette poche, communiquant par un conduit avec l’oviducte commun, reçoit pendant l’accouplement la liqueur fécondante. Une autre capsule, s’ouvrant dans l’oviducte, en général un na hé Shen à ed An ent eh nd dr dns art dit D 2O 4 “futé Mn SSL SSSR SL LES SÉCRÉTIONS ET LA REPRODUCTION. 151 peu au-dessus de la poche principale, quelquefois en arrière, comme chez le Dytique, a été reconnue par les observations de MM. de Siebold et Stein pour un réceptacle de la semence. C’est BURGUNT APPAREIL VEMELLE DU DYTIQUE ‘ (Dytiscus marginalis). a. Les ovaires, — b, Leur calice. — e, Les oviductes., — d. La poche copulatrice, — €, Gaïne de l'oyiducte, f. Glandes anales, — g. Exlrémité du rectum, dans son passage au devant du col de ce réservoir que l'œuf | reçoit l'imprégnation. Des glandes accessoires complètent d'ordinaire l'appareil femelle. Les œufs, on le sait, sortent du corps des femelles 152 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, imprégnés d'une matière visqueuse, qui leur fait contracter adhérence entre eux et sur les corps où ils sont déposés. Ce sont des glandes spéciales, s'ouvrant vers l'extrémité de l’oviducte, qui sécrètent cette sorte de vernis. Ces organes simples ou doubles affectent souvent une forme tubuleuse; mais leur configuration rarie à l'infini entre les divers groupes. Il y a même des glandes dont le rôle reste pour nous fort douteux. De ce nombre, on peut citer deux glandes ramifiées comme des arbuscules, qui existent chez beaucoup de Lépidoptères. On a pensé que ces organes étaient le siége de la production d’une liqueur odorante propre à dénoter, pour les mâles, la présence des femelles. Rien encore, cependant, n’est bien démontré à cet égard. L'appareil mâle se compose de deux organes producteurs de la liqueur fécondante, disposés symétriquement comme les ovaires des femelles. Ces organes sont formés, dans divers types, de plusieurs tubes aveugles groupés d’une manière très-analogue aux gaines ovigères. Souvent ils consistent en un long tube simple, enroulé sur lui-même à la manière d'un peloton de fil. Dans plusieurs familles, notamment chez les Scarabéides, ils sont formés de six, huit ou dix petites capsules, chacune portée sur un pédoncule. Dans la plupart des cas, les organes des mâles ont une enveloppe générale fibreuse. Les deux canaux déférents représentant les deux oviductes se réunissent comme ces derniers en un canal unique. Vers leur point de jonction, il existe ordinairement des glandes acces- soires de forme variable, qui sécrètent une sorte de mucosité : ce sont les glandes mucipares. . L'organe d’intromission offre toutes les modifications imagi- nables. En général, il est recouvert de pièces solides de la nature des parties tégumentaires. Les corpuscules fécondateurs (spermatozoïdes) affectent en général la forme de fils terminés en pointe extrêmement fine ; souvent ils sont repliés en manière de boucle, et parfois on LES SÉCRÉTIONS ET LA REPRODUCTION. 153 les trouve attachés par une extrémité à une sorte de ruban. Les œufs des Insectes varient de la manière la plus remar- quable sous le rapport des formes extérieures. Il y en a de par- faitement arrondis, d'ovalaires, d’oblongs; les uns avec leur surface lisse, les autres avec leur surface cannelée. Au moment de l’éclosion, il est des cas où les petites larves déchirent l’enve- loppe de leur œuf; cette enveloppe est mince. IL est des cas, au contraire, où la cogulle de l'œuf, dure et épaisse, résisterait aux mandibules de la petite larve. Les œufs présentent alors la plus curieuse conformation. Semblable à un petit barillet, l'œuf a un couvercle qui adhère médiocrement; la jeune larve voulant venir à la lumière presse, et la déhiscence du couvercle s'opère. Les œufs n'étant imprégnés que pendant leur passage dans l’oviducte, lorsque leur enveloppe solide est parfaitement consti- tuée, il fut longtemps impossible d'expliquer comment s’effec- tuait la pénétration des corpuscules fécondateurs. Une petite découverte assez récente a fourni l'explication : la coquille de l'œuf présente à l’un de ses pôles un ou plusieurs trous, aux- quels on donne le nom de micropyles; ces ouvertures suffisent pour donner accès aux corpuscules. Les micropyles sont très- diversement caractérisés et en nombre plus ou moins consi- dérable, suivant les types. D’intéressantes observations ont été faites à ce sujet par M. le professeur Rudolph Leuckart (de Giessen). Dans les circonstances ordinaires, l'œuf, avant d’être fécondé, ne se compose que de la vésicule germinative et du vitellus. Mais, dans quelques circonstances, le travail embryogénique a lieu sans fécondation. En un mot, il est des femelles qui repro- duisent sans l'intermédiaire d'aucun mâle. Divers Lépidoptères en fournissent des exemples accidentels; les Pucerons, les Abeilles, ete., des exemples réguliers. Le nom de parthénogenèse est employé pour désigner cette reproduction par des femelles vierges. 154 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Les Insectes, pour le plus grand nombre, naissent à un | degré de développement encore peu avancé, un état embryon- naire, l’état de larve, suivant l'expression consacrée. De l'in- stant de leur éclosion jusqu'à la fin de leur croissance, les Insectes, sous leur forme de larves, subissent des mues ou chan- gements de peau, sans éprouver de modifications notables dans leur organisme. Arrivés au terme de leur croissance, ils changent de forme, et ils tombent dans une période d’immobilité, l’état de nymphe ou de chrysalide. C’est en quelque sorte un œuf nou- veau, et en même temps c’est un moule dans lequel s'achève le développement de l’animal. En sortant de leur enveloppe de nymphe, les Insectes sont complétement adultes. Les espèces qui éclosent, n'ayant aucune ressemblance mani- feste avec leurs parents, et qui doivent passer par une phase d'immobilité, comme les Lépidoptères, les Coléoptères, les Hy- ménoptères, sont appelées habituellement : les Insectes à méla- morphoses complètes. | Il est des types, les Orthoptères (Sauterelles), les Hémiptères (Punaises), ete., dont le développement organique s'effectue presque en entier dans l’œuf. Ceux-ci naissent avec les carac- tères des adultes. A l'intérieur, les organes de la reproduction ; à l'extérieur, les organes de vol seuls, ne sont pas constitués. Dans cette première condition, on considère l’Insecte comme une larve, mais c’est une larve peu comparable à celle d’un Lépi- doptère ou d’un Coléoptère. À une époque, les ailes se montrent sous l'apparence de moignons emmaillottés : on dit alors l'animal à l’état de nymphe, mais cette nymphe est active comme la larve et l'adulte. On nomme les Orthoptères, les Hémiptères, ete., des Insectes à métamorphoses incomplètes. Nous verrons des types qui, sous le rapport des phases de leur développement, sont in- termédiaires aux premiers et aux derniers. VIII LES LÉPIDOPTÈRES. Les traits essentiels de l’organisation générale des Insectes nous étant connus, nous devons esquisser l’histoire particulière des représentants de chacune des grandes divisions. Il ne s’agit pas seulement de reconnaître les lraits caractéristiques des divers types. Nous avons en même temps à examiner chez les espèces les détails de leur conformation qui les obligent à vivre dans des conditions déterminées; nous avons à constater pour quels usages sont construits leurs appendices. Nous avons surtout à suivre ces espèces dans leurs métamorphoses, dans les manifestations de leurs habitudes, de leurs instincts. Nous commençons cette histoire par celle des Lépidoptères, par la simple raison que les Lépidoptères sont les Insectes dont les métamorphoses ne sont absolument étrangères à personne, IL'est d’ailleurs assez indifférent de commencer par les Coléo- ptères, les Hyménoptères, les Lépidoptères, puisqu'il n'existe nn hic ie 2 ide vhs à te ÈS à Hd, dén RÉ à, Éd ns RS de, nd à 156 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. pas d’enchaînement régulier entre les divers groupes. Dans les classifications, les types les plus parfaits sous le rapport de leur organisation viennent d'ordinaire les premiers. Les Hyméno- ptères industrieux occupent ainsi le rang suprême parmi les Insectes; mais les Hyménoptères les plus dégradés sont loin d’être supérieurs à une foule de types appartenant aux autres ordres. Avec le plan que nous avons adopté, les phénomènes les plus simples nous conduiront par une heureuse gradation aux faits les plus complexes. Les Lépidoptères présentent une physionomie si particulière, que les plus ignorants n'hésitent jamais à reconnaître un Insecte de cet ordre. C’est un Papillon, s’écrie chacun : Papillon de jour, Papillon de nuit. Le doute n’est possible à personne. Le nom de Lépidoptère, ou le nom plus vulgaire de Papillon, apporte l'idée d’un être aux formes légères et élégantes, aux couleurs vives et variées ou aux teintes délicatement nuancées. Les ailes, le plus souvent d'une grande ampleur relativement au volume du corps, donnent à la plupart des Lépidoptères les mouvements un peu saccadés qui désignent ces Insectes à l'atten- tion. Les ailes, au nombre de quatre, toujours formées d’une double membrane incolore, parcourues par des nervures diver- sement disposées suivant les types, sont revêtues d'écailles microscopiques superposées à la manière des tuiles d’un toit. Les belles couleurs, toujours admirées, que présentent les ailes d’une foule de Papillons, appartiennent aux écailles. Les oppo- sitions de teintes, si violentes qu’elles soient, n’offrent jamais ici aucune découpure, jamais aueun contraste désagréable à l'œil, comme cela se voit ailleurs, si deux couleurs absolument diffé rentes se trouvent rapprochées. Sur l'aile d’un Lépidoptère, une bande rouge, jaune, bleu clair traversant un espace noir, il y a sur les bords des deux parties un enchevêtrement des écailles diversement teintées qui échappe aux yeux, tout en produi- sant un charmant effet, Combien de peintres gagneraient à LE. LR . mile PAST OT PE OUR PE TT 0 ES CN NT Te TS les nt — LES LÉPIDOPTÈRES. 157 observer sur les ailes des Lépidoptères comment la nature pro- cède pour obtenir sans dureté les plus vives oppositions de coloris! PORTION TRÈS-GROSSIE DE L'AILE ANTÉRIEURE DC GRAND PAON-DE-NUIT (Attacus Pavonia-major) montrant le mode d'implantation des écailles, À la vue simple, les écailles des Lépidoptères sont de la pous- sière, la poussière s’attachant aux doigts qui ont effleuré l’aile d'un Papillon; sous le microscope, ce sont des objets d’une ravissante délicatesse, de formes parfaitement déterminées et pleines d'élégance, d’une structure complexe. Variables selon les genres et les espèces, variables aussi selon les différentes parties de l'aile, les écailles peuvent être plus ou moins allongées, plus ou moins élargies en éventail, arrondies au sommet ou découpées de manière à figurer des dents ou des festons aigus. À la base de chaque écaille existe un pédoncule que l’on pren- drait pour un manche ou une poignée, lorsque le microscope donne à l’objet une dimension un peu considérable. C’est la partie implantée dans la membrane alaire. La surface des écailles offre ordinairement plusieurs carènes longitudinales, bien parallèles et également espacées. Entre ces carènes, des arêtes transversales très-rapprochées les unes des autres forment un réseau d'une incroyable délicatesse, d’une admirable netteté, 158 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Ces lignes saillantes sont destinées saris doute à faire contracter aux écailles une sorte d'adhérence entre elles. 1 | (] Il | ji Dh | hi) | | | 240 ÉCAILLES DE LÉPIDOPTÈRES DE DIFFÉRENTS GENRES, 1, 2. Papillon Machaon, — 3, 4. Morpho Ménélas, — 5, Hespérie miroir. — 6. Sésie apiforme, — 7, Zygène de la Filipendule, — 8, 9, 10, Sphinx du Troënc, — 41. Piérophore pentadactyle. Tous les Lépidoptères ont pour caractère, comme l’exprime leur nom (emdo, écailles; rre9x, ailes), d'avoir les ailes revètues d’écailles à la face supérieure et à la face inférieure. Parfois cependant le caractère se dégrade. Il y a des Papillons dont les ailes sont en grande partie transparentes. Les ailes sont transpa- rentes parce qu'elles sont nues; mais encore, chez ces Insectes, les écailles existent toujours sur les bords, sur les nervures, sur quelques espaces. Le caractère ne manque donc jamais. Quand il s’agit des particularités extérieures des Lépidoptères, il ne faut pas s'arrêter à la seule considération des ailes. BR 7 PT TN 7 DU Eté des bn oui Sn nette à» dd td + à jee à nr done fs qe dd LÉ dé SNS né LES LÉPIDOPTÈRES. 159 Les pattes sont presque toujours très-frêles, relativement à la masse et au poids du corps. Ces Insectes, en effet, marchent peu pour la plupart, surtout les espèces diurnes. Ils ne font guère usage de leurs pattes que pour se poser. En général, les trois paires de pattes sont également développées, mais dans quelques groupes de Papillons de jour celles de la première paire sont atrophiées. Plus petites que les autres, dépourvues de crochets à leur extrémité, mais très-velues, elles demeurent sans usage, appliquées contre la poitrine. Les pattes des Lépidoptères sont couvertes de poils et d’écailles: les postérieures portant parfois des faisceaux de longs poils, et dans EXTRÉMITÉ DES TARSES DE DIVERS LÉPIDOPTÈRES, 1, Papillon Machaon, — 2. Héliconie apsoudès, — 3, Vanesse Paon-de-jour, — 4, Sphinx du Troëne, la plupart des espèces nocturnes, des pointes auxquelles on donne le nom d’éperons. Le rôle de ces pointes, dont le développement est très-variable suivant les genres, n’a pu encore être décou- 160 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. vert. Les tarses se terminent par des crochets qui ont toujours la même configuration chez les Nocturnes, mais qui se modifient au contraire d’une façon très-remarquable parmi les Diurnes. Chez certains types, les crochets sont simples et très-longs ; chez d’autres, ils sont divisés; chez d’autres encore, ils sont complé- tement partagés jusqu'à leur origine, et dans leur intervalle il existe une sorte de pelote ou de semelle flexible. Cette curieuse variabilité des crochets dans les Lépidoptères a été signalée par M. Doyère, il y a environ vingt-cinq ans. On s’imagina que l’on pourrait employer les caractères fournis par ces parties à la distinction des genres ou des groupes. On se trompa. Dans le même genre, des espèces voisines peuvent avoir, les unes des crochets simples, les autres des crochets bifides. C’est une simple adaptation à des conditions biologiques. Chaque espèce a des crochets conformés pour se poser sur des fleurs, sur des feuilles, sur des trones, où il est plus ou moins facile de se maintenir. La tête des Lépidoptères n'est jamais très-grosse. Les antennes, composées d’une longue suite d'articles, offrent toutes les formes imaginables. Les yeux sont presque toujours assez gros et velus, et souvent il existe sur le front des ocelles dont on s'explique d'autant moins la présence, qu'ils sont ordinairement recouverts par les poils et les écailles de la tète. Les Lépidoptères ont une bouche conformée d'une façon particu- lière et adaptée à un genre de vie spécial. La lèvre supérieure et les mandibules n’ont plus aueun usage; ces pièces, nous avons déjà constaté le fait, sont réduites à l’état de vestiges. Des précautions infinies sont nécessaires pour les trouver cachées sous les poils et les écailles qui garnissent la tête. Les mâchoires, au contraire, ont en général un remarquable développement. Minces, étroites, flexibles, extrêmement allongées, intimement rapprochées l’une de l’autre sans être soudées, mais excavées à leur côté interne de manière à former un canal, elles constituent une trompe. Cette trompe a souvent la longueur du corps de l'animal et ET éd cn 25 on LES LÉPIDOPTÈRES. 161 parfois bien davantage. Son allongement était indispensable au Papillon puisant sa nourriture dans le fond de la corolle des fleurs. Mais la trompe varie beaucoup sous le rapport de sa dimension, selon les espèces. De là un indice certain de la nature des fleurs de prédilection pour l'espèce. Le Papillon buti- nant sur les fleurs à corolle étalée n’a besoin que d’une petite trompe; il en faut une longue à l'espèce qui préfère les fleurs à corolle en cornet. Il est des Lépidoptères dont la trompe est rudimentaire; ce sont ceux qui ne prennent aucune nourriture. Tout le monde sait que le papillon du Ver à soie ne mange jamais. Des Insectes de divers groupes n'arrivent à l’état adulte que pour se reproduire. Le but étant rempli, ils meurent. Cette trompe, grande ou petite, si elle n’est pas absolument rudimentaire, est toujours roulée en spirale pendant le repos. De la sorte elle occupe peu de place; elle ne peut en rien gêner les mouvements de l’animal. L'Insecte est-il pris de la tentation de humer le nectar d'une fleur, soudain, par un effort des muscles maxillaires, la trompe se déroule. Les palpes des mâchoires, si développées chez les Insectes broyeurs, sont ici tout à fait rudimentaires; organes réduits à l’état de vestiges, ils existent comme simples témoins d'organes ayant un rôle important chez une foule de représentants du monde des Insectes. Les palpes de la lèvre inférieure conservent presque toujours, au contraire, des proportions notables; suivant toute probabilité, ils agissent comme organes de tact. Les Lépidoptères, parmi lesquels nous comptons les Insectes les plus magnifiques entre tous les Insectes, offrent peu de laits remarquables dans leurs habitudes. A l’état de larves ou de chenilles, ils ont encore parfois des instincts curieux; mais à. l'état de papillons, ils vivent quelques jours, paraissant n'avoir d'autre rôle à remplir que d'embellir la nature. Ils satisfont à la loi de la reproduction; les femelles pondent leurs œufs dans l'endioit convenable, prenant les soins nécessaires à leur pro- 11 162 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. tection avec un instinct qui n’est jamais en défaut, puis tous les individus adultes disparaissent. On ne saurait, dans l'état actuel, expliquer comment se pro- duit la coloration chez les Lépidoptères des différents groupes. A ce sujet, des faits seulement peuvent être notés. Toutes les espèces de certains genres se trouvent avoir les mêmes nuances. Les espèces les plus brillantes appartiennent aux régions les plus chaudes et les plus humides : l'Amérique du Sud, les iles de la Sonde et les Moluques et certaines parties de l’Inde. La plupart des groupes du Règne animal offrent des exemples analogues qui ont été partout signalés. Dans le grand genre pour lequel on a réservé le nom de Papillon (Papilio), on voit des groupes entiers composés d'espèces dont le système de coloration est uniforme. Des espèces de ce genre, répandues aux Moluques, aux iles de la Sonde, dans l'Inde, dans la Chine méridionale, ont des ailes d’un noir de velours, sablées de bleu ou de vert métallique et ornées de taches ou de bandes de la même nuance. D’autres espèces du genre, propres à l'Amérique du Sud, aux Antilles, au Mexique, se distinguent par des ailes postérieures parées d’une grande {ache ou d’une bande d’un rouge écarlate à reflets d'opale sur un fond noir. D’autres encore, et en très-grand nombre, ont les ailes bigarrées de jaune et de noir. Les Piérides, le grand Papillon du Chou en est le type, ont généralement les ailes blanches; les Coliades, les ailes jaunes; les Argus, de couleur bleu de ciel chez les mâles, brune chez les femelles. Les Danaïdes ont la tête et la poitrine ponctuées de blanc; les splendides Morphos de l'Amérique méridionale ont la plupart les ailes d’un bleu métallique chatoyant. Il existe ainsi très-souvent une sorte d’uniformité dans le système de coloration d'espèces appartenant à des groupes naturels plus ou moins étendus. Ceci s'applique aux repré- sentants de beaucoup de divisions du Règne animal, mais on en \ LES LÉPIDOPTÈRES. 163 est surtout frappé à l'égard des Lépidoptères et des Oiseaux. Cherchons-nous les causes de la coloration des Lépidoptères, le but de la nature en attribuant certaines nuances à des espèces, nous demeurons dans l'ignorance. Les causes déterminantes de la coloration d’un animal nous échappent encore d'une manière à peu près complète; c’est l’action seule de la lumière plus ou moins intense dont nous apercevons parfois les effets. Le but de la nature au contraire nous apparaît clairement dans diverses circonstances. Tel animal vit sur les branches ou sur le feuillage d’un arbre, il aura les teintes sombres du bois ou les nuances vertes des feuilles; c'est une livrée qui dissimule sa présence et le fait échapper à des ennemis. Une infinité de Chenilles en offrent l'exemple. Pour les Lépidoptères diurnes qui recherchent la lumière, paraissant destinés à être l’ornement des campagnes, les couleurs ne sont pas des moyens de dissimulation. Le docteur Boisduval a cité de nombreux exemples remar- quables de Lépidoptères pareillement colorés appartenant à différentes familles. Dans nos campagnes, volent au bord des sentiers les Zygènes et l’Euchélie du Seneçon, ayant également des ailes d’un vert bronzé, ornées de taches rouges comme le plus beau carmin. Dans nos bois, se mélent les Mélitées ou les Pamiers avec la Lucine, espèces de genres très-dissem- blables, si pareilles par leur coloration, que de loin on ne les distingue pas entre elles. Dans les mêmes lieux, c’est une Phalène toute blanche (Geometra dealbata) qui semble vouloir se confondre avec un Papillon de jour, une Piéride (Pieris Napi). À la Chine, le voyageur, trompé par la couleur, peut prendre pour des frères, une Phalène (Phalæna papilionanis) et des Danaïdes aux ailes tachetées de vert. Dans l'Amérique du Sud, les faits du même genre sont nombreux. A Surinam , une Pha- lène (Phalæna osiris) et un Papillon (Papilio ammon) vivent ensemble, portant la même livrée. Au Brésil comme à la 164 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Guyane, ce sont d'élégants diurnes, des Héliconies et des Castnies appartenant à cette division que les anciens natura— listes appelaient les Crépusculaires, d’un aspect tellement sem- blable, que les yeux les confondent en les voyant voler dans les sombres forêts du nouveau monde. Les Piérides ont la plupart les ailes blanches, mais quelques- unes sont parées des couleurs jaunes, rouges, noires des Lépido- ptères d’une autre famille, les Héliconies. Et ces Lépidoptères, Piérides par tous leurs caractères de chenille, de chrysalide, de papillon, Héliconies par leurs couleurs, voltigent aux mêmes lieux. Un voyageur anglais, habile entomologiste, M. H. Bates, qui a recueilli d’intéressantes observations sur les Lépidoptères de la vallée de l'Amazone, a vu, parmi les Héliconies vivant en immenses troupes, les Piérides qui leur ont emprunté leurs nuances, des espèces de plusieurs autres genres de Diurnes et même des Phalènes toutes si pareilles aux Héliconies par leur coloration, par leurs habitudes, par leur vol, qu'il devient impos- sible dans cette foule de distinguer les unes des autres. L'auteur anglais pense que la nature, en donnant à la Piéride ou à la Phalène l'aspect des Héliconies, lui a fourni un moyen d'échapper aux animaux insectivores. L’explication ne semble pas heureuse. L'oiseau chasseur aurait-il donc une préférence pour la Piéride sur l'Héliconie ? Parmi les Lépidoptères, les individus des deux sexes sont souvent tout pareils, mais très-fréquemment aussi ils présentent dans leur coloration des dissemblances extrèmes et parfois de très-grandes inégalités dans leur développement. Il est des femelles privées d'ailes ; il en est de si imparfaites, qu'on les prendrait aisément pour des larves. Il n’est pas d'ordre, dans la classe des Insectes, dont les méta- morphoses aient été autant observées que celles des Lépidoptères. Les larves, les chenilles, comme on les appelle habituelle- ment, de la plupart de nos espèces européennes, ont été décrites LES LÉPIDOPTÈRES, 165 et figurées. Lés chenilles d’un assez grand nombre d'espèces des autres parties du monde ont également été l'objet de repré- sentations plus ou moins fidèles. Il y a une séduction pour l'artiste, pour le peintre, à faire le tableau de l’Insecte aux couleurs ou aux formes étranges, et de la plante qui le nourrit. C'est l'animal et le végétal unis par la puissance créatrice, un poëme de la nature qui attire volontiers un esprit obser- vateur. Les chenilles, à bien peu d’exceptions près, se nourrissant de végétaux, il est facile et amusant de les élever en captivité, de les voir grossir, puis se métamorphoser. Cette éducation est pleine d’attrait pour les amateurs de Papillons. Ils épient le moment de l’éclosion, et se trouvent posséder des individus qui n'ont pas secoué leurs ailes, qui n’ont pas perdu une écaille, qui enfin sont d’une ravissante fraicheur. C'est un but plus sérieux cependant qui a conduit beaucoup de naturalistes à s'occuper des chenilles. Sous leur première forme, les Lépidoptères offrent plus d'intérêt à certains égards que pendant la dernière période de leur existence, où ils se mon- trent dans tout leur éclat. Les chenilles, du reste, ont aussi leur beauté, et parfois une beauté singulière. Il est impossible de com- prendre le sot préjugé, répandu parmi les personnes ignorantes, qui leur fait regarder ces Insectes comme dangereux ou répu- gnants. En comptant bien, nous ne trouverons guère, en Europe, plus de trois ou quatre espèces dont on doive se méfier, etencore n'y en a-t-il qu'une seule vraiment redoutable. Celles-ci ont des poils aigus qui se détachent avec facilité, pénètrent l'épi- derme et causent une démangeaison. Mais toutes les autres che- nilles sont des animaux que l’on peut toucher sans le moindre inconvénient, des animaux qui se nourrissent exclusivement des plantes sur lesquelles on les rencontre, et qui ne justifient le dégoût sous aucun rapport. Dès le moment où l’on commença à observer les larves des 166 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Lépidoptères, l'intérêt s’attacha à leur étude. Tous les Pa pillons semblent'vivre à peu près de la même manière; les chenilles offrent de nombreuses différences dans leurs conditions d'existence. Des espèces de Lépidoptères, assez dissemblables à l’état de papillons, se ressemblent à l’état de chenilles. Des espèces si voisines à l’état de papillons, que leur caractérisation était des plus difficiles, ont des chenilles faciles à distinguer par leur coloration, par la nature de leur régime, par leur séjour de prédilection. Des rapports manifestes entre les espèces d’un même type pen- dant leur premier âge s’obscurcissent chez les adultes, comme on en a des exemples frappants aujourd'hui dans toutes les grandes divisions du Règne animal. Le sentiment de cette vérité avait déjà conduit, en 1775, deux amateurs de Vienne, Denis et Schiffermüller, à classer les Lépidoptères d’après les caractères des chenilles. Les ouvrages spécialement destinés à faire connaître les Lépi- doptères sous leurs formes de chenilles et de chrysalides sont nombreux. Même en ne s’occupant pas des anciens livres, dont les figures étaient grossières, on peut énumérer une série de belles publications sur ce sujet. Dans le siècle dernier, un observateur américain, John Abbot, avait décrit et représenté avec une remarquable perfection les chenilles, les chrysalides, les cocons d’un grand nombre d'espèces des États-Unis. Son ouvrage a été publié avec luxe à Londres, en 1797, par Smith. Pour les métamorphoses des Lépidoptères d'Europe, on consulte toujours les planches d’un peintre d’Augsbourg, Jacob Hübner, qui ont paru de 1806 à 1818. En 1832, le continuateur de l'ouvrage bien connu de Godart sur les Papillons de France, Duponchel, commença une publication sur les chenilles des espèces européennes. Dans le même temps, trois entomolo— gistes, MM. Boisduval, Rambur et Graslin, s’associèrent pour un travail du même genre. Ces ouvrages, recommandables à es. ot Rat LUN sn Cite al emat r4 à no": tés rfi pbs LD LES LÉPIDOPTÈRES,. 167 plus d'un titre, n'ont pas été achevés. Certaines chenilles se trouvent partout, mais d'autres sont difficiles à rencontrer, et les recherches infructueuses découragent les investigateurs. Les métamorphoses des plus petits Lépidoptères occupent aujourd’hui plusieurs observateurs. L'ouvrage le plus considé- rable et le plus complet qui ait paru sur ce sujet, est celui d’un auteur anglais, M. Stainton. Depuis quelques années, un entomologiste de Lyon, M. Millière, fait connaitre les premiers états encore inobservés de beaucoup d'espèces rares, accompagnant ses descriptions de charmantes figures, dont le naturaliste ne laisse à personne le soin de l’exé- cution. Les Lépidoptères étant si bien connus dans leurs métamor- phoses, n'aurons-nous done à présenter à leur sujet que les observations des auteurs spéciaux ? Non, certes. Dans ce champ si exploré, mille petites découvertes restent à faire. On a décrit les formes générales et les couleurs des chenilles, les conditions de leur existence, les caractères des chrysalides, les particularités que présentent les cocons. C'est déjà beaucoup, mais il y a davan- tage à considérer. Toutes les chenilles ont une tête bien distincte, un Corps plus ou moins allongé, composé de douze anneaux, une bouche pour- vue de pièces propres à la mastication, avec une filière pratiquée dans la lèvre inférieure, trois paires de petites pattes attachées aux trois premiers anneaux, et que l’on nomme habituelle- ment les pattes écælleuses, en outre des pattes membraneuses, le plus ordinairement au nombre de cinq paires. Les premières sont les vrates pattes; elles deviendront les pattes du papillon. Les autres sont les fausses palles; constituées par de simples prolon- gements de la peau garnis de crochets à l'extrémité, elles sont absolument transitoires : l’Insecte adulte n’en conserve aucune trace. Les pattes et les pièces de la bouche ayant presque la même ”. À hd © 'ÉMRE 16 del à D Le: de TS 168 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. configuration chez toutes les espèces, aucun observateur n'a songé à les regarder de bien près. Or, l'examen de ces parties nous conduira à des aperçus d’un réel intérêt. Une vue nouvelle nous montrera l’existence des Lépidoptères dans leur premier âge, sous un aspect qui n'a même pas encore été entrevu. Nous verrons alors combien sont admirables, chez ces êtres, les adaptations des appendices aux conditions d'existence de chaque espèce. L'examen d’une patte suffira à nous apprendre si cette patte appartient à une chenille qui grimpe après les tiges ou qui se tient sur les feuilles, ou qui vit à l'intérieur du bois, ou qui séjourne dans la terre, à la racine des végétaux, ou qui demeure cachée dans l'intérieur des feuilles. L'observation du labre ou lèvre supérieure, cette petite pièce avancée au-dessus des mandibules, nous dira comment l’Insecte prend sa nourri- ture. En poussant notre investigation à l'intérieur de l'animal, la considération des glandes qui produisent la soie nous per- mettra de décider sans autre information si nous avons affaire à une chenille devant subir à découvert sa transformation en chrysalide, ou à une espèce qui s’enferme dans un cocon faible ou solide. Les chenilles, arrivées au terme de la croissance, cessent de prendre de la nourriture; les unes choisissent un endroit convenable pour se fixér par une partie de leur corps ou pour s'enfermer dans une coque soyeuse, les autres s’enfoncent dans la terre. En cet état, la chenille se raccourcit, sa peau se fend, et alors se montre la chrysalide, un être emmaillotté, presque immobile, où se dessinent déjà à l'extérieur les formes générales du papillon. Les formes des chrysalides sont souvent très-caractéristi- ques ; aussi les classificateurs y ont donné la plus grande atten- lion. Affectant presque toujours des formes anguleuses chez les (4) Voyez page 114, Mébesdées., -ai rt des dé di n° dde done sin ln. fie à Mo NÉ L'ÉSS à 22) à Sd LES LÉPIDOPTÈRES, 169 espèces diurnes, elles sont oblongues, arrondies et de couleur brunâtre chez les espèces nocturnes. Il est presque toujours assez facile de distinguer les unes des autres les espèces de Lépidoptères. Les contours des ailes, les détails de leur coloration surtout, fournissent des signes qui n’échappent pas à des yeux attentifs. Mais vient-on à s'efforcer d'établir de grandes divisions, des familles, des genres, dans cette multitude si attrayante, la difficulté se trouve plus grande que dans la plupart des autres ordres. La raison en est simple : l’or- ganisation générale des Lépidoptères varie dans les limites les plus étroites entre les espèces de l'aspect le plus différent. Aussi les classificateurs se sont donné, sinon beaucoup de peine, au moins beaucoup de tracas, pour grouper ces Insectes de la ma- nière la plus naturelle. Les appendices ne subissent que des modifications assez mini- mes. Le régime étant partout le même, les organes de la diges- tion conservent un grand caractère d’uniformité. Le système nerveux n'offre pas cette diversité de degrés de centralisation, si remarquables dans plusieurs des autres ordres. Tous les Lépi- doptères ont, à peu de chose près, le même degré de perfection organique. Les Nocturnes, et surtout les Bombyx, ont, sous ce rapport, un léger avantage sur les Diurnes et les Phalènes, mais l'avantage est faible. | Linné n'avait distingué que trois grands genres dans l’ordre entier des Lépidoptères: les Papillons, les Sphinx et les Phalènes. Les trois genres constituèrent, dans la classification de Latreille, les familles des Diurnes, des Crépusculaires, des Nocturnes. Quand le nombre des subdivisions admises commença à être considérable, les trois familles devinrent des sections ou des divisions supé- rieures aux familles. Puis on s’aperçut que les noms de Diurnes, de Crépusculaires et de Nocturnes ne répondaient pas dans tous les cas à l’idée que l’on devait s’en former et que les trois sections n'étaient pas différenciées par des caractères précis. Tout le 470 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. monde reconnut qu'il n’y avait que deux grands types dans l’ordre, l'un représenté par les Diurnes, l'autre par l’ensemble des Crépusculaires et des Nocturnes. Les premiers ont tous des antennes terminées en massue; pour eux le nom de Rhopalocères fut inventé par Duméril. Pour les autres, le docteur Boisduval imagina le nom d'H étérocères, appellation assez peu satisfaisante, SPHINX DU TROEËNE VU EN DESSOUS, montrant d'un côté le frein de l'aile postérieure engagé dans l'anneau de l'aile supérieure, de l'autre côté le frein dégagé de l'anneau, puisqu'elle signifie les Lépidoptères aux antennes de toutes les formes. D’autres noms ont été tirés d’une particularité plus impor- tante. Chez les Diurnes, les ailes postérieures ne sont retenues en aucune façon aux ailes antérieures ; leurs mouvements sont indé- pendants. Chez tous les autres, à peu d’exceptions près, les ailes postérieures sont attachées aux ailes‘antérieures au moyen d'un frein. Cette différence a conduit à donner à la première grande division le nom d’Achalinoptères (ailes sans frein), et à la seconde celui de Chalinoptères (ailes pourvues d’un frein). Rien de plus simple que ce petit appareil. C’est une portion de 2 n ur cb à LES LÉPIDOPTÈRES. 171 de la nervure costale de l'aile postérieure qui s’isole sous la forme d’un crin très-roide, et s'engage dans un petit anneau de l'aile antérieure qui repose sur la grosse nervure costale. Tous les Lépidoptères, un peu abondamment répandus dans notre pays, portent des noms qui appartiennent à la langue fran- çaise. Ces noms, probablement d’une origine assez ancienne, ont été consacrés par les naturalistes du dernier siècle. Geoffroy, auteur d'une Æistoire des Insectes des environs de Paris, publiée il y a un peu plus de cent ans, les a presque tous enregistrés. Quelques années après, un moine de l'ordre des Augustins, Engramelle, a également désigné par leurs noms vulgaires les Papillons d'Europe, dessinés par Ernst, un peintre allemand, dont les planches sont encore citées dans les ouvrages spéciaux. LES LÉPIDOPTÈRES AUX AILES DÉPOURVUES DE FREIN (Achalinoptères). C'est ici que l'élégance des formes, que toutes les splendeurs du coloris apparaissent comme dans une suprême manifestation. Les ailes des Papillons de jour, ordinairement d’une extrême ampleur, offrent tous les contours imaginables. Nous voyons des ailes dont les bords sont gracieusement arrondis, des ailes dont le bord postérieur porte un prolongement tantôt court et élargi, tantôt grêle et allongé, sorte de queue donnant à l'animal un port vraiment majestueux. Les Lépidoptères diurnes, toujours remarqués même des plus ignorants, ont reçu une infinité d'appellations vulgaires. N'y a-til pas les Porte-queue, ceux que Linné avait appelés les Che- valiers (Equites)? Le naturaliste suédois, souvent animé d’un sentiment poétique, ne distinguait-il pas les Chevaliers troyens 172 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. etles Chevaliers grecs? N'y a-t-il pas les Parnassiens, les Argus, les Sylvains, les Satyres, ete.? Linné n'a-t-il pas nommé les Lépidoptères diurnes aux teintes sombres les Papillons plébéiens ruricoles et les Papillons plébéiens urbicoles ? Les beaux Lépidoptères que les naturalistes ont longtemps Ro r ss = = PORTION TERMINALE DE L'ANTENNE DANS DIVERS GENRES. 4, Papillon Machaon, — 2, Argynne Grand-Nacré. — 3. Thécla W blanc, — 4. Hespérie sylvain, appelé les Diurnes, et que tout le monde appelle les Papillons de jour, n’ayant point les ailes postérieures retenues aux ailes antérieures, ont un vol très-saccadé. Au repos, leurs ailes se redressent contre le corps, ne laissant plus voir que leur face infé- rieure. Ces Insectes n’emploient leurs pattes grêles, insuffisantes pour la marche, qu'à se poser, Les tarses ont d’admirables g disc ti nûl 2 Ti, méfie dd Dh 0 EN TT OT OT NN ON LES LÉPIDOPTÈRES. 173 petites griffes presque imperceptibles à la vue simple. Ces griffes étant diversement construites suivant les types, on ne saurait douter qu'il n’y ait des griffes disposées pour prendre adhérence sur certains végétaux, d'autres conformées pour se fixer sur d’autres végétaux. De petites particularités dans les habitudes de nos Lépidoptères restent encore à observer. Toutes les espèces ont des antennes qui se terminent par une massue, tantôt grêle, tantôt très-grosse, arrondie ou aplatie. Les différences que présentent ces appendices servent souvent à caractériser certains groupes. Ces Insectes semblent devoir être partagés en quatre grandes familles, les Papilionides, les Nymphalides, les Erycinides, les Hespérüdes ; auxquelles il convient peut-être d’en ajouter une cinquième, comprenant un fort petit nombre d'espèces de l’Amé- rique du Sud, des Moluques et des îles de la Sonde, les Cydimo- rides. Les Parinionipes sont caractérisés par des pattes antérieures bien développées, par des palpes entièrement garnis d’écailles ct si courts, qu'ils ne dépassent pas les yeux, par des antennes terminées en une massue allongée. Cette famille renferme plu- sieurs genres dont les espèces, abondamment répandues en Europe, attirent l’attention de tous ceux qui, pendant l'été, se promênent dans les campagnes. C’est le Flambé et le Machaon, nos représentants du genre Papillon proprement dit; ce sont les Papillons blancs ou les Picrides ; les Coliades, que vulgairement on nomme le Souci, le Soufre, le Citron. Les espèces du genre Papillon, disséminées par la terre entière, peuvent compter parmi les plus beaux ornements de la création animée. Passer la revue de ces espèces dans la col- lection de notre Muséum d'histoire naturelle, c’est se procurer le spectacle de toutes les élégances imaginables dans les formes, de toutes les merveilles du coloris. Nulle part, en effet, on ne l'ouverait des ailes mieux découpées. Le prolongement que ét et. Be: rs maté LL de” : 474 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. portent les ailes postérieures, figurant parfois une longue traine, donne à tout l'animal un air de haute distinction. Sur les ailes de ces Insectes souvent ce sont d’éclatantes couleurs, plus souvent de ravissantes nuances, parfois de délicieux effets detransparence. Les teintes sont-elles modestes, ces teintes sont si agréablement mélangées, qu'elles produisent toujours un charmant effet. Trois espèces de Papillons porte-queue vivent en France : le Flambé (Papilio podalirius), répandu dans toute l'Europe tempérée et méridionale, le nord de l'Afrique et l'Asie Mineure; l'Alexanor (Papilio aleæanor), qui habite nos départements des Hautes et Basses-Alpes, et enfin le Machaon (Papiho machaon), le plus commun, qui vit dans toute l'Europe, dans le nord de l'Asie jusqu'aux montagnes de Cachemire et dans le nord de l'Afrique. IL est le plus commun, nous le prenons pour type du genre. Inutile de le décrire, il n’est personne qui ne l'ait vu voler dans les champs, où il se pose sur lesOmbellifères, sur les Luzernes ou les Trèfles fleuris ; personne qui n’ait remarqué sa $ rande taille, ses ailes jaunes rayées et tachetées de noir, ses ailes postérieures ornées d'une rangée de taches ocellées d'un bleu tendre. Le Machaon paraît une première fois, dans l'année, au mois de mai, une seconde fois au mois de juillet. Sur les Ombellifères, et particulièrement sur le Fenouil et la Carotte, se montre, pendant les mois de juin et de septembre, une bien belle chenille, longue de 4 à 5 centimètres : c’est la chenille du Machaon. D'une couleur générale verte de la plus grande fraicheur, elle a pour ornements des anneaux d’un noir de velours et de gros points d'un rouge fauve. La chenille est-elle au repos, rongeant sa plante hors de toute inquiétude, rien de remarquable ne la distingue des autres re chenilles; mais vient-elle à être touchée, que, soudain, elle fait . saillir entre la tête et le premier anneau un tentacule fourchu EM; BLANCHARD, PAGE 474 LIBRAINIe GERMER LAILLIENE, IMPR, DE £, MARTINET, MÉTAMORPHOSES DU PAPILLON MACHAON (apilio Muchaon). LES LÉPIDOPTÈRES. * ! 475 figurant deux cornes. C’est un moyen sans doute d'effrayer l'ennemi; le moyen est faible pourtant, car aucune liqueur n'est projetée, une odeur désagréable, seule, se trouve répan- due. Toutes les chenilles du genre Papillon et celles de quelques genres voisins sont munies du même appareil rétractile. La chenille du Machaon a une tête assez petite, dont le tégu- ment n’est pas beaucoup plus ferme que celui des autres parties du corps. L'Insecte se nourrit d’un feuillage de peu de résistance : ses mandibules sont assez faibles et leur bord tranchant n'a,pas de dentelures. Sa lèvre supérieure est échancrée, mais elle n’est pas fendue, et ceci indique que l'animal ronge des feuilles ou très-petites ou très-découpées, qu'il n’est nul besoin de retenir PATTES MEMBRANEUSES DE QUELQUES CHENILLES. 1. Papillon Machaon. — 2, Vanesse Petite-Tortue. -— 3. Charaxès Jasius. — #. Thécla W blanc. avec force. Les pattes membraneuses de la chenille du Machaon sont celles d’une larve qui grimpe après des tiges herbacées faciles à saisir. Ces pattes se terminent par quelques rangées d'épines au bord interne; le bord externe n’est garni que de petits poils, de cils propres à rendre le toucher fort sensible. Dans les appendices de la chenille, nous reconnaissons leur usage fout à fait spécial; la comparaison donne à notre appré- ciation le caractère d’une entière certitude. Dans la Caroline, 176 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. la Virginie, la Louisiane, il existe un Papillon porte -queue (Papilio asterias), dont la chenille, comme celle du Machaon, vit sur les Ombellifères; les parties de la bouche, les pattes, sont semblables à celles de notre espèce indigène. Dans les mêmes contrées, la chenille d’une espèce voisine (Papilio troilus) se * trouve sur des Lauriers. Elle a un labre plus fendu que celui des autres espèces pour maintenir la feuille qu'elle ronge; elle a les épines des pattes membraneuses sensiblement plus fortes, car le végétal sur lequel elle marche est moins facile à entamer que des Ombellifères. Nous pouvons comparer à ces espèces la chenille d'un beau Papillon porte-queue du Bengale (Papilio hector), aux ailes noires, veloutées et tache tées de blanc et de rouge. Celle-ci a une tête revêtue d'une enveloppe très-résistante, un labre profondément échancré, des mandibules fortes, dentelées à la manière d'une scie, des pattes membraneuses pourvues d'épines plus fortes, plus nom- breuses que chez les espèces dont il vient d'être question. Évi- demment, l'espèce du Bengale grimpe après des tiges difficiles à saisir; elle ronge de grandes feuilles dures. On nous assure qu'elle vit sur des Aristoloches. Cette chenille nous présente ainsi des particularités de conformation dont la signification ne saurait être douteuse, mais elle porte sur le dos deux rangées de tubercules, tandis que la chenille du Machaon est parfai- tement lisse. La raison de cette différence nous échappe encore. Dans le petit groupe auquel appartient le genre Papillon, on distingue quelques genres voisins, fort remarquables à diffé rents égards : les Ornithoptères, les Thaïs, les Parnassiens. Les Ornithoptères, bien reconnaissables à leur grande taille, à leur tôte assez forte, à leurs ailes antérieures très-longues, à leurs ailes postérieures dentelées, mais sans aucun vestige de pro- longement, sont de magnifiques Insectes qui habitent particu- lièrement les iles de la Sonde, les Moluques, les Philippines. Le voyageur qui aborde à l’île d'Amboine, ravi du spectacle de . LES LÉPIDOPTÈRES,. 177 la nature, si riche en cette contrée, s'émerveille encore à la vue de l'Ornithoptère Priam (Ornthoptera Priamus). Ce Papillon, au port majestueux, a une envergure de 15 à 20 centimètres. Sur les ailes du mâle, le noir de velours et le vert brillant et soyeux produisent de charmants contrastes. La femelle, plus grande que le mâle, est modestement parée; ses ailes sont d’un brun foncé avec des taches blanches. Les habitants de la Provence, de tout le midi de l'Europe, de l'Asie Mineure, du nord de l'Afrique, voient voltiger, dès le com- mencement du printemps, de ravissants Papillons de moyenne taille, dont les ailes délicates, gracieusement festonnées, tachetées ou quadrillées de rouge et de noir sur un fond jaunûtre, et bordées d’une ligne noire en feston, offrent un dessin étrange et tout à fait caractéristique. Ce sont les Thaïs. Les chenilles de ces Lépidoptères ont le corps garni de grèles tentacules sur- montés de petits poils roides, et des pattes membraneuses armées de solides crochets. Elles vivent sur des Aristoloches. Une espèce de Thaïs, remarquable d'élégance, ayant les ailes pos- térieures terminées par une longue queue, a été découverte au nord de la Chine. C'est le Sericinus telamon. Dans la plupart des régions du monde où s'élèvent de hautes montagnes, on observe les Parnassiens au corps robuste, aux antennes courtes, aux ailes rigides comme une lame de parche- min, presque dénudées d’écailles au sommet et à la face infé- rieure. Sur les Alpes, le Jura, le Puy-de-Dôme, les Pyrénées, le Caucase, la Sierra-Nevada, se montre communément en été le Parnassien Apollon (Parnassius Apollo), auquel ses grandes ailes blanches, semi-transparentes, tachetées et saupoudrées de noir, et ornées de taches rouge-vermillon cerclées de noir et pupil- lées de blanc, donnent un aspect gracieux et un peu extraor- dinaire, qui ne manque guère d'attirer l'attention des touristes. La chenille du Parnassien Apollon, noire, veloutée, portant des mamelons bleuâtres et des points orangés, se nourrit des 12 PT TT TT TPE D SI ._ sea - ns +4 di était 4, - - 178 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Saxifrages et des Crassulées qui abondent dans les endroits rocail- leux des montagnes. Au moment de se transformer en chry- salide, elle s’enveloppe d’un léger réseau de fils soyeux. C'est seulement après s'être construit cet abri, qu'elle s'attache à la fois, comme les autres Papilionides, par l'extrémité du corps et au moyen d’une ceinture. La plupart des chrysalides des Lépidoptères diurnes demeurent à nu. Quelques-unes au contraire sont enveloppées d’un réseau. Suivant toute probabilité, dans les lieux où elles vivent, elles seraient exposées, sans ce vêtement protecteur, à des dan- gers dont les autres espèces ne sont pas menacées. La faculté de produire un peu plus de soie qu'il n’est ordinaire pour les représentants du même groupe a été ainsi donnée à certaines chenilles qui, transformées en chrysalides, peuvent avoir des ennemis nombreux. Sur l'Himalaya, dans les montagnes du Népaul, de la Daourie, de la Sibérie, au Kamtchatka, sur les montagnes Rocheuses dans l'Amérique du Nord, habitent des Parnassiens qui ne se distinguent les uns des autres que par de légères différences. Ces Lépidoptères, disséminés par le monde et dans chaque région, cantonnés sur un espace circonserit, semblent bien fournir une preuve que la création actuelle est postérieure aux grands phénomènes géologiques qui ont déterminé la configu- ration de la terre. Les Ornithoptères, les Thaïs, les Parnassiens, ont des chenilles pourvues, comme celles des Papillons, d’un tentacule fourchu, rétractile. Ces divers genres forment une division naturelle de la famille des Papilionides. Les espèces de l’autre groupe de cette famille n’ont, sous leur première forme, aucune trace d'organe rétractile. Le grand genre de ce groupe est celui des Piérides, les blanches Danaïdes de Linné. Les Piérides, tout le monde en Europe les connait, et chacun les appelle les Papillons du Chou. En effet, leurs chenilles se à À à etais. foot tt nd à die jé ut ÂRES MS DS D de on D 0 ÉD dd Sd de) cn nd sad Éâi LES LÉPIDOPTÈRES. 179 nourrissent particulièrement de Crucifères, de Résédas, de Capucines. Elles se font remarquer par leur pubescence et par leur forme atténuée aux deux extrémités. Leurs chrysalides, anguleuses, portent une pointe en avant. Les adultes ont tou- jours des ailes peu découpées et sans prolongement, des palpes assez longs, hérissés de poils. Les Piérides, Insectes de moyenne taille, constituent un genre très-nombreux en espèces. Nous en avons quelques-unes en Europe; il y en a en quantité dans les régions intertropicales de l’Afrique et de l'Asie, en Australie. Le type du genre est le grand Papillon de Chou, de Geoffroy et d'Engramelle (Pieris brassicæ), que l’on voit voler pendant la belle saison dans tous les jardins, dans toutes les prairies de l'Europe entière. La Piéride du Chou est répandue également dans l'Asie Mineure, en Égypte, dans tout le nord de l'Afrique, en Sibérie, dans les montagnes de Cachemire et du Népaul, et même au Japon. Sa chenille fait le désespoir de ceux qui jouis- sent du bonheur de cultiver leurs choux. Qui n’a vu, dans les potagers, cette chenille verdâtre, parée de trois longues lignes jaunes interrompues par de petits tubercules noirs surmontés de poils? Qui n’a vu cette même chenille, arrivée au terme de sa croissance, traversant les chemins, et grimpant après les murailles pour gagner une corniche, une saillie sous laquelle elle vase transformer en chrysalide ? Elle marche habituellement sur des feuilles larges, épaisses, impossibles à saisir comme une lige, aussi ses pattes membraneuses ont-elles un cercle de crochets beaucoup plus étendu que celui des espèces du genre Papillon. Les chenilles de la Piéride du Chou vivent par petits groupes, de sorte que le plus beau Chou peut souvent être fort endommagé dans un temps rapide, si rien ne vient les troubler. Ces Insectes sont bien communs, et cependant il y a un petit Hyménoptère (le Microgaster glomerator) qui en détruit d'immenses quantités, Sans ce précieux auxiliaire des AR ibai dt. cd doit d Dit éd. à als 180 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. cultivateurs, les potagers seraient bientôt mis en facheuse condition. Les autres Piérides de notre pays sont le petit Papillon du Chou (P. rapæ); la Piéride du Navet, ou le Papillon blanc veiné de vert, de Geoffroy (P. napi); la Piéride daplidice, ou le Papillon blanc marbré de vert, que l'on ne voit jamais dans les jardins : sa chenille ronge les Résédas et les Crucifères qui croissent dans les champs. Dans les Alpes et les Pyrénées, apparaît une espèce voisine de cette dernière, la Piéride callidice (Pieris callidice). Voici deux Piérides qui se ressemblent sous beau- coup de rapports, l’une est l'espèce de la plaine, l’autre l'espèce de la montagne. IL est encore une autre Piéride fort commune en Europe, c'est le Gazé (Pieris cralægi). Pour certains auteurs, le Gazé est le type d’un genre particulier. Sa chenille dévore les Aubépines des haies. Après l'avoir signalée, Linné la traite de peslis horlo- rum. 1 n’en faut pas plus pour se convaincre que le célèbre natu- raliste devait posséder un jardin. Certaines Piérides d’assez petite taille, dont les ailes délicates ont le plus ordinairement leur face variée de vert, composent aujourd’hui le genre Anthocharis. Ce nom exprime l'idée que ces Lépidoptères ont la grâce des fleurs, et en effet l’Aurore (Anthocharis cardamines), le Papillon si commun au printemps dans les avenues des bois, légitime parfaitement une si belle appellation : le mâle a les ailes antérieures ornées d’une très- grande tache aurore. Dans le midi de la France et dans une grande partie de l’Europe méridionale, il y a l’Aurore de Pro- vence (Anthocharis eupheno), dont le mâle se distingue par ses ailes entièrement jaunes. Mais, sous le rapport de la coloration, il existe quelque chose de plus curieux chez certains Anthocharis aux ailes blanches en dessus dans les deux sexes. L'Anthocharis belia se trouve dans le midi de la France et accidentellement jusqu'aux environs de Paris, dans presque toute l'Europe mérI- és cd ne dé Det de he CE LA mé les dd. Eh ana cs _ sta tie hdd tout 2" nn Cd a RMS RS LES LÉPIDOPTÈRES. 181 dionale, dans le nord de l'Afrique. Il a deux générations par an. Les Papillons éclosent au mois de mars et d'avril de chry- salides qui ont passé l'hiver; leurs ailes postérieures, en dessous d’un vert tendre un peu jaunâtre, sont parées de taches du blanc vacré le plus pur. Ces Papillons donnent naissance à une nou- velle génération; les individus adultes paraissent de la fin de juin au commencement d'août. Ceux-ci, un peu plus grands que ceux du printemps, ont leurs ailes postérieures marquées des mêmes taches, seulement ces taches sont d’un blanc mat. La variété. dont les taches blanches ont perdu leur apparence de nacre a été longtemps regardée comme une espèce particulière (Anthocharis ausonia). Le docteur Boisduval, le premier, a reconnu la vérité. Une espèce voisine est répandue, au printemps, dans une grande partie de la péninsule ibérique et sur les côtes méditerranéennes de l’Afrique. C'est l'Anthocharis belemia. Comme l'A. bea, elle a des taches nacrées à la face inférieure des aïles de la seconde paire. Aux mêmeslieux, en été, volent des Anthocharis bien sem- blables à ceux du printemps, mais les mêmes taches sont mates. C'était l’Anthocharis glauce. Or, l’analogie ne saurait laisser aucun doute. Les Anthocharis belemia et glauce sont de la même espèce, et toujours l’un est la souche de l’autre. Ce fait présente un véritable intérêt, en nous montrant une coloration modifiée par des circonstances extérieures. Nous aurons à en citer un autre exemple plus remarquable encore. Un'Anthocharis aux formes plus robustes que les espèces pré- cédentes avait été observé en Crimée et dans le district d'Oren- bourg ; à l'état adulte, il semblait n’offrir rien de particulier : mais le docteur Rambur, l'ayant rencontré au pays d'Andalousie, aux environs de Malaga et de Grenade, l’étudia dans ses transfor- mations. La chenille de ce Lépidoptère vit dans les champs, sur des Crucifères. Pour se transformer, elle file, comme les Parnassiens, une légère coque. La chrysalide, assez courte, sans pointes latérales, étranglée au milieu, a une forme très-différente sde de is") à il. à métis 2 ue. à. de à . bé dns, de | Lun lé dr. à de. dns de SO à 2 pe à D Store 182 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. de celle des autres Papilionides. Il n’en fallait pas davantage pour déterminer un entomologiste à voir dans cette espèce le type d’un genre. M. Rambur prit pour le nom générique un souvenir de l’histoire d'Andalousie, et le Lépidoptère de Grenade et de Malaga, qui, par sa coloration, ressemble à l'Aurore, s'appelle aujourd'hui le Zegris eupheme. D'autres Papilionides bien connus ont des habitudes et des transformations tout à fait analogues à celles des Piérides et des Anthocharis. Des ailes jaunes, des antennes courtes d'une jolie teinte rosée, font aisément reconnaître ces Lépidoptères, le Souci, le Soufre de nos campagnes (Colias edusa et C. hyale), le Solitaire et le Candide (C. palæno et C. phicomone) des Alpes. Ils composent le genre Colias. Leurs chenilles vivent sur les Trèfles et diverses autres Légumineuses. Le Citron, si remar- quable par ses ailes antérieures terminées en pointe aiguë, n'échappe à l'attention de personne. Dans l'hiver même, si par hasard la température vient à s’adoucir et le soleil à se montrer, le Citron se met à voler dans les champs, dans les jardins. Dans nos départements méridionaux, les aïles du mâle se couvrent d’une belle teinte aurore. Les Papillons de cette espèce hivernent en se réfugiant dans des trous de murailles et des cavités des arbres. Après un séjour de plusieurs mois dans ces sombres retraites, ils en sortent les ailes toutes déflorées et souvent fort déchirées. La chenille de ce Lépidoptère vit sur le Nerprun. Le Citron (Rhodocera rhammi) est devenu le type d’un genre, le genre Rhodocère, dont le nom rappelle une particularité commune aux espèces du groupe des Coliades, les antennes couleur de rose. Dans les régions intertropicales des deux continents, et surtout en Amérique, il existe des Coliades aux antennes plus effilées que chez les autres (genre Callidryas), qui en certaines contrées se montrent par myriades. Un voyageur anglais, Schomburgk, Rs édansatltns mn i nons tit es mé Dubé, ès à duésia edf nl de) Éd dé te L ri LES LÉPIDOPTÈRES. 183 rapporte qu'un jour, en remontant la rivière Essequibo, il vit, de huit heures du matin à cinq heures du soir, sans interruption, de ces Insectes traversant la rivière en nombre incroyable, Les Indiens de quelques localités recueillent leurs chenilles pour s’en nourrir. Après les avoir fait griller, ils les mélangent avec la farine de Manioc, qu'ils tirent de la racine du Cassave (Jatropha). Après les Papilionides viennent les Nympnarmes. C’est une belle et nombreuse famille, que celle des Nymphalides. On y voit des formes extrêmement diversifiées, des couleurs variées à l'infini, des parures splendides et d’humbles ornements; on y remarque des habitudes assez dissemblables entre les repré- sentants des divers groupes. Les Nymphalides sont toujours faciles à distinguer des Papi- lionides. Elles nese posent que sur quatre pattes. Chez ces Lépi- doptères, les pattes antérieures sont en partie atrophiées et im propres à la marche; leurs tarses, dont les derniers articles sont très-petits, manquent de crochets. Ces pattes, très-velues, de- meurent immobiles, appliquées sur la poitrine, figurant une sorte de palatine. Les Nymphalides se reconnaissent encore à leurs palpes longs, bien garnis d’écailles jusqu’à l'extrémité. Il y a de ces Lépidoptères dans toutes les régions du monde, les contrées brülantes et les pays glacés. Ces Insectes forment néan- moins un ensemble parfaitement naturel, où l’on distingue une multitude de petits groupes particuliers, ou, si l’on aime mieux, de grands genres. | Les Nymphalides présentent entre elles des différences no- tables, sous leur premier état. Dans certains genres, les chenilles, de forme cylindrique, portent des prolongements charnus; dans d'autres genres, elles sont épineuses; elles ont des épines simples ou des épines rameuses; ailleurs elles sont lisses, amincies en arrière, ici avec une large tête munie de longs tubercules, là avec une tête petite et inerme. Mais si les chenilles offrent entre elles des différences frappantes, les chrysalides se ressemblent 184 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. toutes par la manière dont elles sont attachées. Les chrysalides des Nymphalides n’ont point, comme celles des Papilionides, un lien, une ceinture propre à les maintenir par le milieu. Fixées seulement par l'extrémité de leur corps, elles demeurent sus- pendues la tête en bas. La plupart des chrysalides de cette famille se font remarquer par des taches d'argent et surtout des taches d’or. C’est dans ce fait curieux que se trouve l’origine du nom de chrysalide, dérivé du mot grec (xpvros), qui signifie or. Des amis des biens matériels s'étaient volontiers persuadé qu'il y avait de l'or véritable dans ces petits corps condamnés à l’immobilité. Comme il arrive sou- vent en toutes choses, l'apparence était prise pour la réalité. Un pigment de couleur blanche, un peu d'air emprisonné sous un tégument jaunâtre et semi-transparent, suffisent pour produire l'effet du précieux métal. Réaumur a tracé en un long discours les manœuvres de la chenille qui se suspend pour se transformer en chrysalide. Avant lui, bien des observateurs avaient été témoins de ce spectacle de la chenille qui, sous les yeux, devient chrysalide dans l’espace de quelques minutes. Le spectacle est à la portée de tout le monde, mais personne n'avait compris ce qui se passait. La chenille, avec la petite quantité de soie dont elle dispose, s'attache par l'extrémité de son corps. Une fois ce petit travail exécuté, elle se laisse suspendre; alors elle se raccourcit presque à vue d'œil, sa peau se flétrit, elle se fend sur le dos : la chrysalide apparaît, se contournant pour se débarrasser de sa dépouille de chenille. Bientôt toute la partie antérieure du corps est dégagée, la peau de la chenille est refoulée en arrière. Encore quelques efforts, et cette peau se détache en totalité. An moment où elle va tomber, la chrysalide, qui est armée à son extrémité postérieure d’hame- çons, s'accroche au petit amas de soie déposé par la chenille pour se fixer elle-même. Dans la famille des Nymphalides, les Danaïdes composent une Cl LR TL ddr te ut do ll mnt mt a en bte Dh cree -2i ne St SR de te né NS LES LÉPIDOPTÈRES. 185 division particulière, une tribu, les Danaïdines, composée de quelques genres fort remarquables, dont presque toutes les espèces sont étrangères à l’Europe. Ces Lépidoptères ont le Corps allongé, une physionomie un peu particulière ; cependant il est assez difficile de formuler un caractère précis, propre à les faire distinguer sûrement des autres Nymphalides. Chez ces dernières, la grande cellule qui occupe le centre ou le disque de l'aile est ordinairement incomplète; dans les Danaïdes et les genres voi- sins, cette même cellule est toujours complète, étant fermée par une nervure transversale. Les Danaïdes proprement dites et les Idéas, qui appartiennent au même petit groupe, offrent toutes cette particularité que leur thorax est ponctué de blanc. Leurs chenilles, glabres, portent des prolongements charnus, flexibles, dont l'usage ne nous est pas bien connu, en l'absence d'observations directes. Les chrysalides sont lisses et ornées de larges taches dorées d’un éclat magnifique. Une teinte fauve, plus ou moins irisée, colore les ailes des vraies Danaïdes, teinte relevée par des taches noires et blanches. Ces jolis Lépidoptères sont disséminés dans les ré- gions les plus chaudes du globe, l'Amérique, l'Asie, l'Afrique. Dans les îles de la Grèce, on voit voler parfois une espèce de Danaïde (Danaïs chrysippus). Cette même espèce a été prise, assure-t-on, sur les côtes de Calabre ; mais poussés par le vent, les papillons peuvent franchir d'énormes espaces, et ceux-là, sans doute, étaient nés sur la côte africaine. Les Idéas de l'Inde et des îles du Pacifique ont des ailes délicates, d’une grandeur énorme, blanches et marquetées de noir. Les Héliconies, qui se distinguent des Danaïdes par leurs ailes oblongues, souvent assez étroites, sont de charmants Lépido- ptères; ils ont l'élégance de la forme, toutesles parures que donne la variété infinie du coloris. En abondance à la Guyane, au Brésil, dans une grande partie de l'Amérique du Sud, ces Lépi- doptères sont remarqués de tous les voyageurs. Nous en avons Le de RER à noi dde doté nd ft à LR 27 185 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. des espèces qui ont les crochets des] tarses doubles, d'autres espèces où ces crochets sont simples. À coup sûr, il y a là des adaptations à certaines conditions d'existence, des caractères qui coïncident avec certaines habitudes. L'observation n’a encore été dirigée de ce côté par personne. Les chenilles des Héliconies sont épineuses, et ressemblent, sous ce rapport, à quelques-unes de nos Nymphalides les plus communes. La seconde tribu de la famille des Nymphalides, celle des Nymphalines, se compose d’une nombreuse suite de genres. Les espèces de plusieurs d’entre eux comptent parmi les plus beaux Lépidoptères de notre pays. Ce sont les Argynnes, aux antennes terminées par une large massue aplatie, aux ailes arrondies, de couleur fauve, parsemées en dessous de taches blanches, brillantes comme l'argent, comme la nacre, comme les perles fines. Vul- gairement, les Argynnes s’appellentles Nacrés: ce nom exprime heureusement leur caractère le plus frappant pour tous les yeux, s'il n’est pas le plus important. Dans les avenues, dans les clai- rières de nos bois, volent, depuis le mois de mai jusqu’à la fin de juillet, ces papillons recherchés des jeunes amateurs : le Tabac- d'Espagne (Argynnis paphia), le Grand-Nacré (4. aglaia), le Petit-Nacré (4. lathonia), le Collier argenté (A. euphrosyne). Les chenilles des Argynnes ont le corps couvert d’épines ra- meuses; elles vivent en général sur les Violettes, mais se cachent si bien pendant le jour, qu’il est toujours difficile de les rencon— trer. Leurs chrysalides sont anguleuses et ornées de taches mé- talliques. On distingue des Argynnes, des Lépidoptères qui leur ressem- blent beaucoup par l'aspect général, par la coloration; seulement ceux-ci, de taille toujours très-médiocre, n’ont pas de taches blanches métalliques à la face inférieure des ailes, et la massue de leurs antennes est moins élargie. Leurs ailes sont fauves et quadrillées de noir; de là le nom vulgaire de Damuers que l’on donne à ces Insectes. Ce sont les Mélitées des naturalistes. Comme LES LÉPIDOPTÈRES. 187 les Argynnes, elles se plaisent dans les bois, s’exposant moins que ces dernières au plein soleil. Tout dans leurs allures est plus modeste. Les chenilles des Mélitées, en général de couleur grise ou noirâtre piquetée de blanc, sont couvertes d’épines courtes, épaisses, ciliées de poils roides. Elles vivent sur des plantes basses. L'espèce la plus commune dans notre pays, la Mélitée athalie (Melitæa athala), se trouve sur le Plantain, la Jacée, la Valériane, etc. Dans le même petit groupe que les Argynnes et les Mélitées, nous avons les Vanesses, si connues de tout le monde; les Vanesses aux ailes anguleuses ou festonnées, peintes de riches couleurs; papillons qui, pour la plupart, éclosent sous nos yeux, le long des chemins, qui fréquentent les jardins, qui traversent de leur vol sautillant les rues des hameaux. Le Paon-de-jour, le Vulcain, la Petite-Tortue, la Belle-Dame, ne sont-ils pas partout? Leurs images ont été faites plus souvent que celles des hommes les plus illustres ou des plus nobles personnages. Prenons à part, pour un moment, l'espèce la plus séduisante de cette charmante pléiade de Vanesses, le Paon-de-jour (Va- nessa 10). Il ne lui manque que de venir d’une contrée bien lointaine et peu fréquentée pour valoir cent fois son pesant d’or. Qui n’a admiré ses ailes si élégamment découpées, d’un rouge tirant sur le rouge-brique, d’une incomparable fraicheur ; cha- cune portant une large tache analogue à l’œil du Paon, où le noir, le jaune, le bleu tendre violacé figurent une pupille, une prunelle, un iris. Un vieil historien des Insectes, Mouffet, un médecin anglais de la seconde moitié du xvr° siècle, a exprimé son admiration pour la belle Vanesse par cette simple épithète : omnium regina. Le Paon-de-jour se montre au printemps; il paraît de nouveau en été; souventil reparaît encore en automne. C’est sur les Orties que vivent ses chenilles. Sous leur premier état, les Vanesses 188 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, habitent en commun; les individus d’une même ponte ne se séparent guère les uns des autres avant le terme de leur crois- sance, avant l’époque de la métamorphose. Sur une tige d'Ortie, les chenilles se pressent les unes les autres, rongeant la mème feuille. Quand tout est rongé, la troupe entière se porte sur une autre tige. Les chenilles du Paon-de-jour sont d’un noir de ve- lours pointillé de blanc; chacun des anneaux de leur corps, à l'exception du premier, porte six épines rameuses, ou fout au moins ciliées de poils roides. Leurs pattes membraneuses ont un cercle d’épines très-fines; elles sont construites pour grimper sur les tiges peu résistantes d’une plante herbacée. Pour se transformer en chrysalides, ces chenilles se fixent ordinaire ment aux feuilles de la plante qui les a nourries ou aux plantes du voisinage. Quinze jours après, les papillons éclosent. Le Paon-de-jour n’est pas la seule Vanesse ayant des chenilles qui mangent les Orties. La plus commune est la Petite-Tortue (Vanessa urticæ), dont les générations se succèdent rapidement pendant toute l’année. Le Vulcain (Vanessa atalanta), aux ailes noires traversées par une bande d’un rouge écarlate, se nourrit également des Orties au temps de sa première condition. Les chenilles du Vuleain, d'un gris jaunâtre, ont des habitudes plus solitaires que celles des autres Vanesses; presque toujours on les trouve isolées. La Belle-Dame (Vanessa cardui), aux ailes rosées, a presque le monde entier pour patrie. D’après plusieurs observations, elle émigre en grandes troupes, parcourant d'immenses espaces, lors- que les vents lui sont favorables ; fait certain, on la rencontre en Europe du nord au sud, en Afrique, dans une grande partie de l'Asie, jusqu'en Australie et même en Amérique. Ses chenilles vivent sur les Chardons, rassemblées en groupes plus ou moins nombreux. La Grande-Tortue (Vanessa polychloros) n’est guère moins commune que les précédentes dans notre pays. Ses chenilles EM, BLANCHAND, PAGE 188. \\ (KR 27\\\NS y N | ABAGUE AN LIBRAIRIE GERMER DAILLIÈRE, INPI, DE E, MARTINET. MÉTAMORPHOSES DE LA VANESSE PAON DE JOUR (Vanessa io}, nent AL us (HR TONNES: L cire ressent 10 Aie Fer sui - : d AM 4 + l rs k ratée ïs ts HOUSE "ra | P CHA ar th tr 325 94 ARE sh ee OR | Pa CR ni Ar CE) MORTE not ft ph s4û b ar Frn LS pet 2 ANSE 2 x}] sv Gr he xf PE ENLE dits ren alatia Ait a” L Vus + tn 245 L Le 4 . EC paré à peine PE D LE pire SE Ari | utalés cost 0e Gba RME ÉTALTE ch À PLLIEET + Hosts Ju M RS font i RS Lure retie FE OT EEn titane dy. | es tqurte as Anis en MAR 1 lun Sfr ur tv OR hui a finir probe ‘ Ar sé à want ai DTA OL TAC UT OT EST RE AU r'hATLE x il na «7 CTI ETS f 1. potes v aurite But «leu £ yrede x 740: Ra Van UETE sg fre DRE rhaih L +) sn ot: AT] ects Nu ef dei MNT EI Se MIRE ES s ebfs NP tt gran FanS, | ' ru ti En È LES LÉPIDOPTÈRES. 189 vivent particulièrement sur les Ormes, et dans les localités où on les rencontre, il est ordinaire d’en voir plusieurs milliers réunis sur les mêmes branches. Le Morio (V. antiopa) est la plus grande de nos Vanesses ; plus grande et beaucoup moins répandue que ses congénères, elle est fort prisée des amateurs. C’est d’ailleurs un fort beau Papillon : des ailes festonnées d’un brun marron avec une bor— dure jaune clair, précédée d’une série de taches bleues. Le Morio a un vol plus élevé que les autres Vanesses, il est plus difficile à Saisir; ce qui fait le désespoir des jeunes chasseurs. Sa chenille vit par groupes plus ou moins nombreux dans les cimes des grands Saules. Le Robert-le-Diable (Vanessa C. album), aux ailes fauves marquées de noir, toutes découpées sur le bord terminal, ayant en dessous un petit trait blanc courbé qui figure exactement la lettre C, est partout fort commun. Ses chenilles, assez réguliè- rement teintées de blanc rosé dans leur portion antérieure, vivent sur les Orties et assez fréquemment aussi sur les Ormes. Dans le midi de la France, le Robert-le-Diable est remplacé par une espèce voisine, dont la ligne de la face inférieure des ailes offre la figure d’une Z (Vanessa L. album). Enfin, dans le même genre, il est encore une très-petite espèce (Vanessa prorsa), fort curieuse à raison de la variabilité de sa coloration, variabilité qui avait fait croire à l'existence de deux et même de trois espèces distinctes : c’est la Carte géographique. Lorsque vers la fin d'avril et dans les premiers jours de mai, on visite ces bois pleins de fraicheur, arrosés par de petits ruisseaux faisant entendre leur murmure cher aux poëtes, on voit vol- tiger, puis se poser sur les Orties, qui, sous l’ombrage et dans la terre humide, poussent verdoyantes, de charmants petits Papil- lons bien reconnaissables pour des Vanesses, à leur port et surtout à la forme de leurs ailes. Ces ailes si fraîches, qu’elles semblent veloutées, ont une couleur fauve, extrêmement vive, sur RE RD. sn à ce cs na fn dt. nd du diss finit. An sci met on SE til fit av Lin es À ‘6 RE st: 190 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. laquelle serpentent dans tous les sens des lignes noires, sembla- bles aux lignes d’une carte géographique, ce qui explique le nom vulgaire de l’Insecte. Si l’on retourne aux mêmes lieux pendant le mois de juin, les Vanesses carte-géographique ont disparu ; les grandes Orties sont chargées çà et là de grappes de petites chenilles noires, finement pointillées de blanc et couvertes d’épi- nes très-rameuses. C’est la progéniture des jolis Papillons du mois d'avril. Ces chenilles, parvenues au terme de leur croissance, s'isolent successivement ; chacune va s'attacher à une feuille et bientôt se transformer en chrysalide ; chrysalide grisâtre ayant la forme anguleuse de celles des autres Vanesses. Nous sommes au mois de juin, la température est chaude, le développement de nos Lépidoptères marche vite. Deux semaines s’écoulent ; arrive le mois de juillet, et les petites Vanesses carte-géographique éclosent. L’observateur qui aurait, comme nous venons de le dire, suivi toute leur existence depuis l'apparition du printemps, serait bien étonné. Les Papillons du mois de juillet ne ressem- blent plus du tout par leur couleur à ceux du mois d'avril : leurs ailes sont noires, sillonnées de lignes blanchâtres. Voilà qui est bien étrange. Continuons cependant à suivre cette espèce dans son existence. Les Vanesses carte-géographique aux ailes noires pondent leurs œufs, et dans les mois d'août et de septembre les Orties se trouvent de nouveau rongées par des masses de petites chenilles semblables à celles que nous y avons trouvées au mois de juin. Comme les premières, les chenilles de l’automne se suspendent, se transforment en chrysalides. Si l'automne, par un de ces hasards qui se produisent assez rarement dans notre belle France, prolonge l'été, au mois d'octobre peut-être, quelques Papillons seront éclos : leurs ailes n'auront ni la coloration noire des Papillons du mois de juillet, ni la coloration fauve des Papillons du mois d'avril, mais une coloration intermédiaire. Cette éclo- Sion tardive est très-accidentelle, mais il est facile de la produire sn “un É..r imdéh LES 2 A bah sd à fie AS D past" dns da des de 2 dal à hate Ce dt ed de nt doll he hd in stt LES LÉPIDOPTÈRES. 191 à volonté en maintenant des chrysalides dans une atmosphère chaude. La plupart des chrysalides, et le plus souvent toutes les chrysalides, passent l'hiver; les Vanesses carte-géographique éclosent au printemps. Tous les individus ont des ailes fauves. C'est en 1827 qüe le docteur Boisduval, le premier, reconnut que les petites Vanesses, jusque-là considérées comme étant d'espèces distinctes, étaient en réalité de la même espèce. Ainsi toute bonne observation conduit à la vérité. Quelques Anthocharis, avons-nous vu, présentent, entre leurs deux générations du printemps et de l'été, une différence remarquable dans la nature de leurs ailes blanches; la différence de coloration est bien autrement considérable chez les Vanesses carte-géographique. C’est un fait des plus curieux et des plus intéressants. Nous ne pouvons donner une explication satisfai- sante du phénomène, parce qu'il estisolé, qu'il ne se produit pas chez d’autres espèces. Mais, dans notre exemple particulier, nous voyons la couleur noire apparaître chez les individus qui se sont transformés à une époque à laquelle la lumière est vive, la chaleur forte; la teinte fauve, teinte affaiblie, en quelque sorte pâlie, chez les individus développés pendant le temps où la chaleur est faible, la lumière souvent päle. Les Nymphales constituent un groupe particulier (Nympha- lites) dans l'immense famille des Nymphalides. C'est un grand genre où les variétés de forme et de couleur sont à l'infini. Les Nymphalites ont en général un corps robuste pour des Papillons de jour, des ailes postérieures dont le bord interne est une assez large gouttière propre à recevoir l'abdomen, des palpes plus rapprochés l’un de l’autre que chez les Vanesses et les Argynnes,. Ces Lépidoptères ont peu de représentants dans notre pays ; ils en ont en foule dans les régions intertropicales, en Afrique, dans l'Amérique du Sud, aux Indes. Les chenilles de ces Insectes ont souvent des leintes vertes d’une extrême fraicheur ; les unes portent des épines sur tous les anneaux du corps, les autres sont ot re RÉ RS. io, d D er 192 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. lisses, avec la tête armée de pointes plus ou moins robustes; leurs chrysalides ont des formes assez variées. Le grand genre des Nymphales a été divisé en une multitude de genres ; mais c’est là un détail que nous n'aurions pas Cru utile de mentionner, si nous ne voulions faire remarquer qu'ilest fort ordinaire de voir de longues suites d'espèces regardées comme des divisions particulières ou des genres, présentant toutes le même système de coloration, presque un uniforme. Dans les parties chaudes de l'Amérique, il existe une foule de mignonnes Nymphalites d'espèces différentes, ayant des ailes rouges plus où moins marquées de noir, où, semblable à un signe cabalistique, le chiffre 80 ou 88 se trouve inscrit en gros caractère à la face inférieure des ailes de la première paire (genre C'alagramma). Parmi les Nymphalites de notre pays, tout le monde connait les Sylvains (Limenitis). Leur nom vulgaire est bien choisi, car jamais ils ne volent dans les campagnes, mais seulement à la lisière des bois ou dans les avenues des forêts. Le Petit-Sylvain (Limenitis sibylla) est assez commun dans nos bois pendant le mois de juin, quelquefois encore pendant le mois de septembre. Sa cheuille, d’un vert clair pointillé de vert plus foncé, portant sur le dos deux rangées d’épines charnues et rameuses, vit sur les Chèvre- feuilles. Les feuilles de ces arbrisseaux sont lisses, assez dures, les petits crochets des pattes en couronne des chenilles du Petit- Sylvain seraient peut-être insuffisants pour s’y fixer avec force. L’inconvénient qui pourrait en résulter pour l’Insecte est conjuré par une faculté et un instinct qu'il partage avec d’autres espèces. La chenille étend à la surface de la feuille des fils soyeux, et la voilà pourvue du moyen de s’accrocher aussi vigoureusement que possible. Sa chrysalide est tout anguleuse, d'un brun ver- dâtre sombre ; elle est ornée de brillantes taches d’argentet d'une large tache d’un vert clair à la partie supérieure de l'abdomen. Dans nos départements méridionaux, on trouve. le Petit RL LL .: ni scimetanes à 6 ar nas nt Éd de dE dé à LÉ Mc Mot HT fi dif LES LÉPIDOPTÈRES. 193 Sylvain azuré (Limenitis camilla), et dans nos grandes forêts, le Grand-Sylvain (Limeniis Populi), dont les chenilles se tiennent vers les cimes des Peupliers et quelquefois des Saules. Celui-ci particulièrement a un vol élevé et soutenu, et les amateurs, avec leur filet en main, font souvent des courses furieuses pour s’en emparer. Cependant le chasseur qui reste calme peut profiter aisé- ment d'une habitude singulière de quelques Nymphales. Dans les allées où les chevaux ont laissé des témoins de leur passage, on voit le Grand-Sylvain descendre peu à peu, et finir par se poser sur les fientes, dont il hume la partie liquide avec une sorte d’avidité. Les vraies Nymphales (Nymphalis) ont deux représentants en Europe. Ce sont des Papillons au corps robuste, aux ailes arron- dies, aux antennes graduellement renflées en une massue en forme de fuseau. Ces Lépidoptères ont un vol puissant, ce qui s'explique par le grand développement de leur thorax. Leurs chenilles ont un corps lisse, la tête pourvue de deux pointes diri- gées en arrière, le dernier anneau muni de deux petits crochets. La plus commune de nos Nymphales est bien connue sous le nom vulgaire de Petit-Mars où de Mars changeant (Nymphats ilia). ‘est un grand et beau papillon aux ailes sombres, ayant de ma- gnifiques reflets d’un violet changeant et des taches blanches ou jaunâtres. Il vole près des rangées de Peupliers qui bordent certains cours d’eau, ou à la lisière des bois et des forêts, dans les endroits où se balancent les Trembles. Sa chenille, d’une jolie teinte verte, vit pendant lé mois de mai sur les Peupliers, les Saules, les Trembles, se tenant souvent à une hauteur où il est malaisé de l’atteindre. Cette chenille, lente dans sa marche, paraît d'ordinaire comme engourdie; elle se maintient cependant sans la moindre difficulté sur ces arbres longs et flexibles, que le vent agite parfois avec une violence extraordinaire. Les griffes et les ventouses de ses pattes membraneuses ne lui suffiraient sans doute pas toujours pour s’accrocher assez fortement aux feuilles 13 194 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. qui viennent à être secouées dans tous les sens. Tout est prévu par la nature. Ces chenilles, mieux encore que les chenilles des Sylvains, tapissent de soie les feuilles sur lesquelles elles doivent se tenir ou marcher, et de la sorte elles peuvent demeurer indif- férentes aux secousses les plus brusques. Dans les grands bois, on aperçoit dans les mois de juin et de septembre notre seconde espèce de Nymphale, volant jusque vers les cimes des arbres. C’est le Grand-Mars (Nymphabs iris). Plus grand, plus beau encore, plus rare que son congénère, il est bien plus précieux pour les jeunes amateurs. Sa chenille se trouve au printemps sur les grands Chênes. Une des singularités de la vie des Nymphales, c'est leur dédain absolu des fleurs, leur goût pour la séve qui s'échappe du tronc des arbres malades, pourles fientes d'animaux. Ges Lépidoptères offrent un contraste étrange : beauté superbe, avec le goût de ce qui, à nos yeux, est repoussant. Dans le petit groupe des Nymphalites, il existe des espèces de grande taille, au port majestueux, aux ailes postérieures plus ou moins prolongées’en une sorte de queue. Ces espèces appartiennent principalement à l'Afrique et aux parties chaudes de l'Asie; on en a fait le genre Charaxès. Ces Lépidoptères ont tous les caractères essentiels de la famille des Nymphalides, et avec cela ils offrent dans leur aspect général, dans la coupe de leurs ailes, une analogie frappante avec des espèces du genre Papillon (Papilio), et à côté d'eux les vraies Nymphales, aux ailes arrondies, semblent représenter les Piérides de la famille des Papilionides. C’est un fait remarquable qui se reproduit continuellement entre les espèces de familles appartenant à un même ordre, comme entre les types appartenant à divers ordres. Des caractères essentiels très-prononcés les séparent; des analogies dans l'aspect, dans la coloration, dans les habitudes, semblent les rapprocher. Les analogies sautent aux yeux des moins clairvoyants ; les ressemblances importantes, fondamen- M Aie. 1 me ché Dr di. Ja AS Le ss ue à fé UT SET US VU NOIRS Ni DUT SN US, AUS TT __… ” L LES LÉPIDOPTÈRES. 195 tales, demandent à être sérieusement étudiées. Aussi est-il aisé de comprendre les fautes si fréquentes des classificateurs. Une espèce de Charaxès habite à la fois une partie de l'Afrique et l'Europe méridionale. C’est le Jasius (Charaxes jasius), qui n'est pas bien rare dans notre Provence. Magnifique papillon, à peu près égal en dimension au Machaon et au F lambé, ses ailes brunes en dessus, bordées par une large bande d’un fauve clair, ont en dessous une multitude de raies de presque toutes les nuances imaginables. Sa chenille, verte, finement cha- grinée, amincie en arrière, a un port superbe. Sa tête, extré- mement large, ayant des téguments fort durs, indice certain que l’Insecte doit se nourrir d’un feuillage très-résistant, porte quatre prolongements obtus, inclinés en arrière, de la con- sistance des autres parties : on dirait une sorte de diadème. Est-ce un ornement, une parure ? Est-ce un appareil ayant un usage spécial ? Nous l’isnorons encore. Les pattes membraneuses de cette chenille sont bien organisées pour saisir avec force ; profondément excavées en dessous, elles constituent une ventouse ayant son bord interne garni d’un double rang d'épines, et le côté externe très-couvert de poils roides propres à rendre le tact d'une grande sensibilité. La chenille du Jasius vit sur les Arbou- siers ou arbres aux fraises, les jolis arbrisseaux de la Provence, que l’on plante volontiers dans les Jardins de Paris et de ses environs, malgré la nécessité de les mettre soigneusement en serre pendant la saison rigoureuse. Nous avons peu de chose à dire des représentants d’un petit groupe de Nymphalides dont le type est le genre des Morphos. Tous sont étrangers à l'Europe. Ils vivent dans les contrées chaudes et humides de l'Amérique; par l'énorme envergure de leurs ailes, par leur vol élevé et rapide, ils étonnent le voya- geur, et l'éblouissent par l'éclat métallique de leurs ailes. Les Morphos, les plus grands des Papillons de jour, ont des antennes grêles, un corps frêle, avec des ailes arrondies d'une 196 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. extrème amplitude. Tout le monde voit et remarque, exposé aux vitrines des marchands d'objets d'histoire naturelle ou de curiosité, un splendide Papillon aux ailes d’un bleu d'azur chatoyant et d’un éclat tout métallique. C’est le Morpho Menelas, fort com- mun au Brésil et à la Guyane. Cet éclat que présentent les ailes de certains Lépidoptères, notamment les Morphos, est dû à un effet de lumière qu’il n’est pas aisé d'expliquer d’une manière satisfaisante, dans l'impossibilité où nous sommes encore de reproduire le même eflet. Nous avons étudié la disposition des écailles des ailes métalliques de ces Papillons, nous avons observé ces écailles isolément, ce que personne n'avait fait jusqu’à présent. Ici les écailles ne sont pas superposées comme à l'ordinaire; rangées par files parfaitement droites, un faible intervalle est laissé entre chacune d'elles. Au-dessous des écailles qui paraissent bleues, se trouvent des rangées d’écailles plus petites, transparentes, ondulées à la surface et polarisant la lumière. Ces dernières se montrent en partie dans les intervalles des écailles colorées, et jouent sans doute un rôle fort important dans l'effet produit. Les écailles, qui semblent bleues, prises isolément et observées sous le microscope, ne sont plus bleues. Presque opaques, comme granuleuses dans leur épaisseur, il devient impossible de ne pas les croire brunes. Un autre Morpho (Morpho Laertes), abondant au Brésil, a les formes et la taille du précédent, avec des ailes d’un blanc métal-. lique légèrement bleuâtre, dont le miroitage est également obtenu par la superposition de denx couches d’écailles. Mais, puisque nous parlons ici des Morphos à cause de leurs dimensions et de leur magnificence, il faut citer le Morpho qui dépasse en éclat, en splendeur, tout ce qu’il est possible d'imaginer. Incom- parable est le seul terme qui puisse être employé en parlant de ce Lépidoptère, et il faut le prendre dans son acception la plus vraie. Ce Morpho (Morpho cypris), particulier à la Nou- velle-Grenade, fréquente les carrières où se fait l'exploitation LES LÉPIDOPTÈRES. _ 497 des émeraudes, comme s'il voulait montrer que la beauté des pierres les plus précieuses est une misère comparativement à sa propre beauté. Que l’on se figure ses grandes ailes d’un bleu éblouissant, traversées par une bande jaunâtre à reflets métal- liques d’un charmant contraste; le bleu passant au vert, et sur tout au violet, offrant en un moment tous les effets imagi- nables, selon le jeu de la lumière, tous les éblouissements qui défient la comparaison. Les femelles de ces splendides Papillons sont en général beaucoup plus modestes, ce qui ne les empêche pas d’être encore extrêmement belles. Leurs ailes ont des tons jaunâtres, roussä- tres, qui se mélangent avec quelques parties bleues. En dessous, elles ont à peu près les mêmes couleurs pâles, les dessins, les taches ocellées des ailes des mâles. Nous en tenant aux affinités naturelles, nous passons sans transition des plus éclatants Papillons du monde aux plus sombres, les Satyres, les plébéiens de Linné. Le grand genre des Satyres, ou plutôt le groupe des Satyrites, a le monde pour patrie. En Europe, on rencontre ces Insectes dans toutes les localités, les champs découverts, les plaines arides, le bord des chemins, les bois couverts, les montagnes élevées, froides, nei- geuses. Depuis le printemps jusqu’à la fin de l'automne, il est impossible de se trouver dans un endroit quelconque sans voir . voltiger des Satyres aux ailes ternes, grises ou brunâtres. Ce sont les Lépidoptères des herbes les plus vulgaires, des herbes qui poussent en tous lieux. Leurs chenilles vivent sur les Graminées : mais si communes qu’elles soient, on ne les voit jamais. Il est besoin de l’art de l’entomologiste le plus exercé pour les décou- vrir : pendant le jour, elles se cachent au pied de la plante, dont elles ont les teintes vertes, et c’est seulement la nuit qu'elles voyagent un peu en rongeant les feuilles. Papillons de jour, chenilles de nuit; chenilles de Jour, Papillons de nuit, tel est le contraste que nous offrent une foule de Lépidoptères. 198 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Les chenilles des Satyrites ont toutes la même forme générale : un corps finement velu, atténué vers l'extrémité comme les Pois- sons, et le dernier anneau muni de deux petits crochets. Les chrysalides sont courtes, ramassées, Sans aucune de ces saillies bizarres qui sont ordinaires aux chrysalides de beaucoup de Nymphalides. Le grand genre Satyre des entomologistes d'il y a quarante ans a été bien subdivisé. On distingue maintenant les Argés, les Érébies, les Chionobas, les vrais Satyres, sans compter ceux qu'il est inutile de mentionner. Les Argés sont aisément reconnaissables à leurs antennes minces à peine renflées vers le bout, et surtout à leurs ailes blanches variées de noir. Une seule espèce de ce type se trouve répandue dans les parties centrales et septentrionales de l'Eu- rope. C'est le Demi-deuil (Arge galathea), fort commun au milieu de l'été, dans les taillis et à la lisière des bois. Sa colo- ration blanche et noire lui a valu son nom vulgaire, qui est tout à fait expressif. La chenille de ce Satyre vit sur les plus humbles Graminées. Les autres Argés habitent l'Europe méri- dionale, l'Asie Mineure, le nord de l'Afrique. Les Érébies (Erebia), ou les Satyres nègres des auteurs, sont les Satyres des montagnes. Ils abondent sur les Alpes, les Pyré- nées, le Caucase, l'Himalaya, les montagnes Rocheuses, ete. Ha- bitants des pays froids, ils se trouvent jusqu’en Laponie. Ce sont de petits Papillons ayant des ailes noires ornées de taches ocel- lées fauves ou rougeâtres. Sur les plus hautes montagnes et dans les contrées les plus septentrionales de l’Europe et de l’Amé- rique, l'Islande, le cap Nord, la Sibérie, le Kamtchatka, vivent les Chionobas, ou les Satyres hyperboréens. D'un fauve terne ou d’un gris jaune pâle, ces Papillons semblent avoir été teints par les brumes. Une seule espèce du genre (Chionobas aello) se montre sur nos Alpes. Les vrais Satyres sont les habitants de nos plaines. Ayant un EM, BLANCHARD, PAGE 498. ESS LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE, IMPR, DE E, MARTINET. MÊTAMORPHOSES DU SATYRE DEMI-DEUIL (Arge Galathea) à À à ; Easy. 8 Ale Ci CE , ; = +, ; L & “ 12-Natsets fr ON { 1 : e x VEND LAVE Le 4 F e me cr. . ; : . ons LL. Ê ’ - é ni . - ns ‘ $ - : s - ral! + 4 > 2 ++ x Mat fc , : UT A x y 4 , < OESNET TU | Ta CHA ” A À NS N'FNNTA E s ï 0 « f “ VEm «rt Pa at FRS « 4 À DV NT ELT ; - J é . i : n : L ? "1 S: 4 pe Fe 2 AL = ) L this p . h a eu . à 4 PA + Tu . « « FA . . À . il F r « ; LES LÉPIDOPTÈRES, 199 vol bas qui ressemble à un sautillement, des teintes tristes, brunes, grises, ou d’une nuance fauve sans vivacité : ; ils parais- sent être, au milieu de la foule des espèces parées de belles cou- leurs, de véritables plébéiens, comme Linné en avait jugé. On les voit partout, depuis le commencement jusqu’à la fin de la belle saison. : Les plus grands sont le Silène (Satyrus circe), qui est surtout répandu dans nos départements méridionaux ; le Sylvandre (S. hermione), se posant habituellement sur les roches. Dans les localités arides et montagneuses, le Grand-Nègre-des-bois (S. phœdra), auquel ses ailes très-sombres, avec des taches ocel- lées, donnent une assez belle apparence. Parmi les espèces de taille moyenne, volent, dans les endroits arides et rocailleux, le Faune (S. fauna) et V Agreste(S. semele). Les plus communs sont l'Ariane d'Engramelle(S. mæra) et le Satyre de Geoffroy (S. me- gæra), qui voltigent sur les chemins, et surtout le long des murailles ; le Pireis (S. ægeria) et la Baccanthe (S. dejanira), qui habitent les bois et se cachent dans les fourrés; le Myrtil (S. ja- nira), qui aime les clairières, recherchant les fus des Ronces, de même que le Tristan (S. hyperanthus). Les plus petits, ayant généralement les ailes fauves, d'un ton uniforme, sont l Ama- ryllis (S. tithonus), le Mélibée (S. hero), le Céphate (S. arcanius), le Procris (S. pamplilus), le plus petit et le plus abondant entre tous. Il est des espèces de Satyrites de l'Amérique du Sud bien différentes des nôtres sous le rapport des contours et de la coloration des ailes. Les Hætera du Brésil et de la Guyane ont les ailes festonnées et en partie transparentes. Leurs écailles, presque disséminées, deviennent très-grèles en certains endroits et finissent par être de simples petits poils; la membrane alaire est irisée : de là de très-jolis effets de miroitage, des teintes mordorées qu’on n’observe pas ailleurs. Les Érvanpes, troisième famille ce Lépidoptères diurnes, 200 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. pourraient, au premier abord, passer pour des réductions des espèces des deux familles précédentes, Papilionides et Nympha- lides. Véritables miniatures, parmi les Papillons de jour, elles sont aussi bien partagées que les grandes espèces sous le rapport des formes, sous le rapport de la variété, de la suavité du coloris. Pour les unes, les formes des espèces du genre Papillon semblent avoir été imitées; pour les autres, les formes des Nymphales. Pour des yeux exercés, il est extrêmement facile de recon- naître à première vue une espèce quelconque de la nombreuse famille des Érycinides. Un port particulier, une physionomie spéciale, servent suffisamment à ceux qui ont étudié les collec- tions. Les caractères qui distinguent ces Lépidoptères, soit des Papilionides, soit des Nymphalides sont faibles en réalité. Les pattes antérieures sont fréquemment impropres à la marche, comme chez les Nymphalides., mais il est ordinaire qu'elles atteignent le même développement que les autres chez les femelles. Dans tous les cas, les crochets des tarses sont extrè- mement petits. Les antennes sont terminées en massue ovalaire. Les palpes ont le dernier article nu presque dégarni d’écailles. A l’état de chenilles, les Érycinides sont vraiment remarqua- bles. Leur corps est court, ramassé, large, avec une très-petite tête. C'est l'apparence des Cloportes, par conséquent un aspect très-différent de celui de toutes les autres chenilles. Pour se transformer, elles s'attachent exactement comme les Papilionides, au moyen d’une ceinture et par l'extrémité du corps. Les chry- salides sont courtes, massives, obtuses. Les Érycinides ont très- ordinairement les ailes postérieures terminées par un prolongement caudiforme d’une longueur très- variable suivant les espèces. Aussi les anciens entomologistes appelaient-ils ces jolis Papillons, les Petits-Porte-queue. Gette famille de Lépidoptères se partage d'une manière très-naturelle en deux groupes, les Lycénites et les Érycinites.' Les premiers Dé Mitnsens. 6 attend pt 7 den nu dd di li dé dé Se de, ns Lo té né. does dé LES LÉPIDOPTÈRES. 201 ont des palpes qui dépassent notablement la tête; les seconds ont ces mêmes palpes tout à fait exigus, Les Lycénites ont de nombreux représentants en Europe, entre soixante-dix et quatre-vingts, que l’on répartit dans quel- ques genres faciles à distinguer. Les Théclas, les Polyommates, les Lycénas. Les Théclas ont leurs ailes postérieures prolongées en une petite queue, des antennes avec une massue médiocre ment épaisse. Ce sont de petits Papillons brunâtres en dessus pour la plupart, et en dessous d’une teinte claire, avec des lignes ou des dessins caractéristiques des espèces. Prenons pour exemple l’un des Théclas les plus communs dans notre pays : le Porte-queue brun à ligne blanche de Ernst, où Thécla W blanc (Thecla W album). Le papillon est tout brun en dessus, avec une ligne blanche près du bord ; il est d’un gris clair en dessous, avec des lignes noires, rouges et blanches, l’une de ces dernières figurant, vers l'extrémité des ailes posté- rieures, la lettre W parfaitement reconnaissable : de là le nom adopté pour l’Insecte, et un caractère qui permet de le recon- naître sans difficulté. La chenille de cette espèce vit sur les Ormes et quelquefois sur l'Aubépine. Courte, élargie, déprimée en dessus, comme les autres chenilles de Lycénites, elle a toute l'apparence d’un Cloporte; cependant elle n’en a pas la couleur. La chenille du Petit-Porte-queue brun est ordinairement d’un vert-pomme qui ne diffère pas beaucoup de la couleur des feuilles de l’Orme, lorsqu'elles ont encore toute leur fraicheur printa- nière. Sa tête, très-petite, brunâtre, se retire entièrement dans le premier anneau du corps pendant le repos. Sur chacun de ses anneaux couverts d’une fine pubescence, on remarque deux petites saillies dorsales, et de chaque côté un trait plus obseur que la teinte générale de l'animal. Les pattes écailleuses de cette chenille sont très-petites ; les pattes membraneuses sont également fort courtes, et comme le corps est loin d'être svelte, on peut être assuré que l’Insecte doit être fort lent dans sa marche. ns. Lot it nl s tal en. 22h ns EL te nn ti nb Me Se. ee ne din mn: à db 202 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Les épines des pattes membraneuses circonscrivent une cavité SK NN NÙ NS MÉTAMORPHOSES DU THÉCLA W BLANC (Thecla W album). agissant à la manière d’une ventouse : c'est un indice que la che- nille marche sur une surface d'ordinaire plane comme une feuille, a à ne dl tt D Di SE li. SO nt den. ii. à à st. DD Rs. LL di, étés LES LÉPIDOPTÈRES, ; 203 qu'elle ne grimpe guère après les tiges. En effet, toutes les che- nilles des Lycénites, très-lentes dans leurs mouvements, se déplacent fort peu. Après avoir rongé une feuille, elle se porte sur la feuille voisine, et c’est là leur plus grand voyage. De la couleur du feuillage au printemps et blotties habituellement à la face inférieure des feuilles, ces chenilles sont difficiles à apercevoir. C'est une sauvegarde contre leurs ennemis, tous les insectivores, qui volontiers en feraient leurs délices. Les chenilles du Thécla W blanc se trouvent communément sur les Ormes de nos routes, des pares, de la lisière des bois ; elles se transforment en s’attachant aux feuilles sur les- quelles elles ont vécu. Les chrysalides, légèrement pubescentes, sont d’un gris brun, avec une rangée latérale de points noirs. Comme chez toutes les espèces du groupe, les anneaux de leur abdomen sont immobiles. Le papillon éclôt une quinzaine de Jours après la métamorphose de la chenille, et on le voit voler pendant tout le mois de juin. On n’a pas encore observé où il dépose ses œufs, ni sous quelle forme l’Insecte passe l'hiver. Tous les autres Théclas ressemblent à celui-ci par leur genre de vie comme par leur transformation. Le Thécla du Prunellier (Thecla Spini) se montre souvent dans les jardins. Le Thécla du Chêne (Thecla Quercs), dont les ailes sont glacées de bleu violacé, n'est pas rare dans les bois. Le Thécla de la Ronce (Thecla Rubi) est commun dans la plupart des taillis où croît la plante qui nourrit sa chenille. Il offre une coloration exceptionnelle chez les Lépidoptères; ses ailes, brunes en dessus, sont en dessous d'un vert clair uniforme. Une espèce de la Californie (Thecla du- melorum, Boisd.) en est toute voisine, ayant ses ailes absolument de la même couleur. Il est du reste très-remarquable de voir combien une foule d'espèces de la partie occidentale de l'Amé- rique du Nord ressemblent-aux espèces de l'Europe tempérée. Le genre des Polyommates se distingue des Théclas par les antennes, dont la massue est plus courte et plus épaisse, et par 204 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. les ailes postérieures sans prolongement. Le nom de Polyom- mates, qui signifie beaucoup d'yeux, fait allusion aux petites taches cerclées, assez semblables à des yeux, qui ornent la face infé- rieure des ailes de ces jolis Lépidoptères. En dessus, les ailes des Polyommates sont en général d'un fauve doré et d’un éclat métallique produit à peu près de la même manière que chez les Morphos. Toujours chez les femelles, quelquefois chez les mâles également, ces ailes brillantes sont tachetées de noir. Pendant leur premier âge, les Polyommates ressemblent extrêmement aux Théclas. L'espèce la plus commune du genre est le Pronzé de Geoffroy (Polyommatus phlæas ). Comme quelques Vanesses, elle a une grande partie du monde pour patrie; elle vole partout sur les chemins, dans les champs rocailleux, dans tous les endroits découverts. Le Polyommate de la Verge-d'or (Polyommatus virgaureæ) est le plus étincelant : les ailes du mâle sont d’un rouge doré uniforme. C’est une espèce qui habite les Alpes et qui ne se trouve jamais que dans les pays de montagnes. Le Polyommate chryseis (Polyommalus chryseis), où l'Arqus-satiné-changeant d'Engramelle , presque aussi beau, mais d’un ton un peu violacé et chatoyant, est par- fois abondant dans les grandes forêts. C’est charmant, au mois de juin, de le voir briller au soleil, dans les petites avenues de la forêt de Chantilly. Sous le nom de Lycéna, on a distingué des Polyommates toutes les petites espèces aux ailes bleues en dessus, quelquefois brunes chez les femelles, et généralement ornées en dessous d'une multitude de taches ocellées. Ce sont de vrais Argus, comme les appelaient les anciens entomologistes, et comme nous voudrions les appeler encore, si le nom d’Argus ne désignait, depuis Linné, une espèce en particulier. A ce genre se rattache le Porte-queue bleu strié de Geoffroy (Lycæna bætica), d'un bleu grisâtre en dessus, tout strié en des- sous, et orné à l'angle des ailes postérieures de quelques points ps nt A LS. nt à SP LES LÉPIDOPTÈRES. 205 ocellés, ayant une pupille d'or. C’est un joli petit papillon, auquel la petite queue de ses ailes donne infiniment d'élégance. IL est fort répandu dans l'Europe méridionale, en Afrique et en Asie, et il est devenu commun dans une grande partie de la France, depuis que le Baguenaudier a été propagé dans les pares et les jardins. Sa chenille vit dans les siliques de cet arbrisseau et en ronge les graines. La plupart des Lycenas n’ont pas de rayures à la face inférieure de leurs ailes, mais seulement des taches ocellées. Partout, dans les plaines, au milieu des champs de Trèfle, de Sainfoin, de Luzerne, voltige l'Argus bleu (Lycœna alexis). Le mâle a les ailes du plus beau bleu de ciel, avec des reflets cha toyants; la femelle a les ailes brunes. Sa chenille vit sur les Légumineuses les plus répandues. L’Argus bleu céleste (L. adomis), un peu moins abondant que le précédent, est peut-être encore plus joli. L'Argus bleu nacré (L. corydon) se plaît dans les ave- nues des bois et dans les plaines arides. Les chenilles de ces espèces vivent sur différentes Légumineuses. Les Erycinites, dont les variétés de formes sont extrèmes, habitent les régions chaudes du monde. Par leurs premiers états, par leurs métamorphoses, d'après les observations de plusieurs voyageurs, elles diffèrent fort peu des Lycénites. Une seule espèce de ce groupe se trouve en Europe, et cette espèce a la coloration et toute l'apparence d’une petite Mélitée : des ailes fauves quadrillées de noir. C’est la Lucine ou le Fauve à taches blanches d'Engramelle (Nemeobius lucina), Lépidoptère très-com- mun au mois de mai, dans les clairières des forêts et des grands bois. Sa chenille possède la physionomie des Cloportes, comme celle des autres Erycinides, et sa chrysalide, ramassée, obtuse, est couverte d’une fine pubescence. Les Hespérupes, qui forment notre quatrième famille de l’ordre des Lépidoptères, s’éloignent d'une manière très-notable des types précédents. Ce sont des Diurnes qui déjà se rapprochent 206 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. des Nocturnes d’une façon saisissante. Ils ont un corps épais; une tête forte, élargie; des antennes renflées en une massue allongée comme un fuseau, et souvent courbée à l'extrémité, à la façon d’un crochet ou d’un hameçon. Leurs pattes sont bien déve- loppées, et les postérieures en particulier sont fortes, avec leurs jambes munies de deux paires d’épines. Les ailes de ces Lépi- doptères ont une ampleur très-médiocre, relativement au volume du corps; elles ont très-généralement des couleurs grises, bru- nâtres, fauves. Les Hespériides étaient mises par Linné au nombre des Plé- béiens; cette classification était justifiée par une taille petite, par des couleurs ternes, par un vol saccadé, lent, humble en quelque sorte. En considération de leur allure incertaine, Geoffroy les nommait les Estropiés. Ces Lépidoptères voltigent dans les endroits couverts, les étroites allées des bois, les taillis sombres; ils semblent presque confus de se montrer à la lumière. Les Hespériides sont parfai- tement des Diurnes, et elles affectent une analogie d’allure sur- prenante avec certains Nocturnes. Si les Hespériides, à l’état adulte, diffèrent beaucoup des familles précédentes, elles s’en éloignent aussi sous leur première forme. Leurs chenilles, par leur aspect, par leurs mouvements brusques, rappellent la démarche des Pyrales. Elles ont un corps mince, allongé, une tête grosse, arrondie. Pour dissimuler leur présence, elles se cachent souvent dans les rigoles d’une feuille dont elles retiennent les bords au moyen de quelques fils. Au moment de subir leur transformation, elles établissent avec plus de soin leur retraite, puis elles s’attachent par l'extrémité de leur corps comme tous les autres Diurnes, et s’enlacent en outre avec un certain nombre de fils entrecroisés : c’est une sorte de réseau très-léger. Les chrysalides sont minces, longues, angu- leuses. Les Hespériides ne sont, à proprement parler, qu'un grand LES LÉPIDOPTÈRES. 207 genre; mais, d'après des particularités ou des détails de faible importance, elles ont été réparties en plusieurs genres. Les espèces étrangères à l'Europe ont une taille moyenne. Ce sont les Eudames, surtout abondants dans l'Amérique du Sud. Quel- ques-uns d’entre eux se trouvent dans les régions méridionales de l'Amérique du Nord. Leurs premiers états ont été représentés dans le grand ouvrage de Smith et Abbot, et M. Agassiz a étudié les métamorphoses de l'Eudame tityre (Eudamus lityrus), dont la “a 2 } = MÉTAMORPHOSES DE L'IESPÉRIE MIROIR (Pamphila aracynthus). chenille vit sur le Robinier faux-Acacia. Les Hespéries de notre pays sont toutes fort petites. On a donné le nom de Pamphiles à celles qui se plaisent dans les bois couverts. Leur corps est plus mince que celui des autres Hespéries, et leurs antennes, ayant une massue ovalaire, ne se terminent point par un crochet. 208 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Tous les amateurs connaissent et recherchent l'Hespérie miroir (Pamphila aracynthus). Le papillon est en dessus d’un brun noirâtre, le mâle presque sans taches, la femelle un peu tachetée de jaunâtre. Dans les deux sexes, les ailes postérieures sont ornées en dessous de taches blanchâtres cerelées de brun, que l’on prendrait volontiers pour autant de miroirs. C'est ce qui a valu à l’Insecte son nom vulgaire, partout en usage. Le Hirorr vole parfois très-communément dans les grandes forêts, pen— dant les mois de juin et de juillet. Sa chenille se trouve au prin- temps sur les Graminées. D'une couleur verte, bien pareille à celle de l’herbe qui la nourrit, se tenant au pied de la plante, elle est difficile à découvrir. Elle se transforme comme nous l'avons dit des Hespériides en général. Une autre espèce de même genre, plus répandue que la pré- cédente, est appelée l'Échiquier par les vieux entomologistes du dernier siècle (Pamphila paniscus). Elle a des ailes fauves, avec un treillis noir, figurant assez bien un damier où un échiquier. Les Hespéries proprement dites ont un corps robuste et des antennes terminées par un petit crochet. Toutes les espèces ont des ailes d’une teinte fauve uniforme, présentant parfois quelques lignes noires. On les voit voler pendant tout l'été dans les brous- sailles et à la lisière des bois, comme l’Hespérie bande-noire de Geoffroy (Hesperia linea), comme l'Hespérie sylvain (Hesperia sylvanus). Les espèces qui ont des ailes festonnées de couleur grise et marquetées de brun ou de noir composent un genre particulier (Syrichtus). La plus répandue dans les endroits où croissent des Mauves, des Althæas, est la Grisette (S. malvarum). On la voit souvent dans les jardins. Sa chenille, pour se mettre à l'abri, roule une partie d'une feuille de la plante dont elle se nourrit. Le Point-de-Hongrie d'Engramelle (Hesperia tages—G'e Eryn- ms), une de nos plus petites Hespéries, dont les antennes sont peu renflées, se montre partout au printemps et à la fin de l'été. LES LÉPIDOPTÈRES,. 209 LES LÉPIDOPTÈRES AUX AILES RETENUES PAR UN FREIN (Chalinoptères). Les Lépidoptères dont les ailes sont ordinairement pourvues d’un frein forment une division infiniment plus considérable que la précédente. C'est un ensemble de types plus nombreux, en général mieux caractérisés, parfois représentés par des mul- titudes d'espèces à peine distinctes les unes des autres par quelques.détails de coloration où quelques autres particularités de fort peu d'importance. Dans cette vaste division, on observe aussi des habitudes plus diversifices, des mœurs souvent plus curieuses que chez les Diurnes (Achalinoptères). Tous ces Lépidoptères étaient appelés autrefois les Crépuscu- laires et les Nocturnes. Encore employés dans le langage vul- gaire, ces noms méritent d’être conservés comme des expressions agréables à toutes les oreilles, à raison de leur simplicité et de l'idée générale qu'ils laissent dans l'esprit. Ces noms, cependant, ont dû être abandonnés des naturalistes : aucun caractère précis ne séparait les Crépusculaires des Nocturnes, aucune distinction n était possible entre les espèces qui volent au crépuscule et les espèces qui volent dans la nuit. Tout dort quand la nuit est complète. Mais en confondant dans une même grande division les Cré- pusculaires et les Nocturnes, le nom de Nocturnes ne pouvait-il être conservé pour désigner l’ensemble? Les entomologistes de l'époque actuelle ne l'ont pas pensé. Parmi les Nocturnes, il est beaucoup d'espèces qui volent au grand Jour, qui ne volent même que dans le temps où le soleil est dans son éclat. Le nom était capable d’induire en erreur; c'était assez pour le condamner. 14 210 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Les Lépidoptères crépusculaires et nocturnes ne possèdent en commun aucun caractère aussi général que la présence du frein servant à maintenir les ailes postérieures fixées aux ailes anté- ANTENNES DE QUELQUES LÉPIDOPTÈRES CHALINOPTÈRES. 4. Sphinx du Troëne. — 2: Bombyx cecropia, — 3, Fidonie à plumels. “ rieures; néanmoins le caractère disparait dans quelques genres. Les antennes, conservant chez tous les Diurnes une configuration peu différente, varient ici, au contraire, dans les plus larges limites. Ces appendices affectent très-ordinairement la forme de LES LÉPIDOPTÈRES,. 914 fils ou de soies, mais souvent aussi ils sont garnis de crénelures, de barbes, de longs rameaux, et dans plusieurs groupes ils sont renflés vers le bout, offrant les formes de massues les plus diverses. Dans la division des Lépidoptères aux ailes pourvues d’un frein, Crépusculaires et Nocturnes, dominent les teintes grises et brunâtres, teintes de murailles et de troncs d'arbres, teintes tristes de la nuit. Mais il est de ces Nocturnes dont les ailes ont de délicates nuances claires d’une certaine vivacité, seule ment elles sont dépourvues du brillant, du chatoyant des ailes des Diurnes. Les Nocturnes qui recherchent le grand jour, qui se plaisent au soleil, qui vivent, en un mot, de la vie des Diurnes, ont aussi parfois les couleurs éclatantes de ces derniers, mais le tou est plus mat : c’est le mat des plus belles couleurs que pré- sentent parfois les animaux de la nuit, où des animaux qui, pendant le jour, préfèrent les endroits les plus sombres des forêts, comme certains oiseaux des mieux parés. Un œil profon- dément exercé saisit la différence entre les écailles de l'aile d’un Papillon de jour et celle du Papillon de nuit le plus richement coloré; la différence est impossible à définir, elle échappe presque à toute description. Chez les Crépusculaires et les Nocturnes, les ailes ne se redressent jamais, Pendant le repos, elles se rabattent sur le COrps. Des Lépidoptères, singuliers par leur aspect sous la forme de papillons, remarquables par leurs habitudes sous la forme de chenilles, constituent le genre des Sésies (Sesia), genre qui, à lui seul, est presque une petite famille entière (famille des SÉSIIDES). Les personnes dont l'œil est peu habitué aux distinctions entre des objets ayant entre eux une vague analogie, prennent aisé- ment les Sésies pour des espèces d'Hyménoptères assez voisines des Guêpes. Un corps élancé, et surtout une coloration particu= NPD OU TT CTI 1 to tif Rs RÉ di 212 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. lière, fond noir avec des bandes jaunes, contribuent beaucoup à leur donner l’apparence de ces derniers Insectes. Leurs ailes semblent n'être plus des ailes de Papillons ; étroites, en grande partie nues et tr ansparentes, ‘elles n'ont d'écailles que sur les nervures, sur les bords, sur quelques espaces très-limités. Con- servant le caractère essentiel des ailes de Lépidoptères, elles offrent presque la physionomie d' ailes d'Hyménoptères. IL est assez étrange de voir ici des Insectes d’un ordre, revêtant la livrée des Insectes d’un autre ordre, avec lesquels ils semblent n'avoir aucune relation. On s'explique des analogies de cette nature entre certaines espèces vivant aux dépens d'autrui et les espèces destinées à être les victimes de ces dernières. C’est l'uniforme emprunté pour tromper sur sa qualité. Mais entre les Sésies et les Guêpes, les Crabrons, ete., il ny a rien de pareil. Les Sésies, aux antennes en fuseau, crénelées surtout chez les mâles, aux jambes de derrière fortement éperonnées, volent en plein jour, d’un vol horizontal et rapide. Souvent elles se posent sur des arbres ou des arbustes; elles viennent y déposer leurs œufs, œufs très-petits et de forme arrondie. Leurs chenilles, au corps allongé, presque cylindrique, vivent dans l'intérieur des troncs d'arbres, des branches, des racines, mème de certains fruits. Pâles, décolorées, comme des êtres qui ne s'exposent jamais à la lumière, on les reconnaît aisément pour des larves lignivores. La plupart des Sésies sont de petite taille, mais la plus commune dans notre pays est aussi la plus grosse. C'est la Sésie apiforme ($esia apiformis) que l'on voit souvent au mois de juin et au commencement de juillet, volant près des Peupliers qui bordent les rivières et les canaux, ou courant avec agilité sur les troncs. Peut-être vient-elle d’éclore ou cherche-t-elle à opérer sa ponte. Ses œufs sont déposés sur l'écorce, à peu de distance du pied; les petites chenilles éclosent, et, rongeant le bois, elles pénètrent à l’intérieur, chacune creusant sa galerie. La vie [de :'+m hé ses, É2RS code hdmi ail EM, BLANCHARD, LIBRAIRIE GENMEN BAILLIËIE. IMPR, DE Es MARTINET, MÊTAMORPHOSES DE LA SÉSIE APIFORME (Sesta apriformis ). DE ns | sb 6 à. msi di ne Den né donc tt à te Une à rémit émt ait T dite 5e Lt ads d LD SES EE SN LES LÉPIDOPTÈRES. 243 de ces chenilles paraît être assez longue, deux années; elles deviennent assez fortes et finissent par établir dans un trone des loges très-spacieuses, au grand dommage de l'arbre. Cependant ces larves semblent s'attaquer exclusivement à des Peupliers qui ont déjà souffert; l'abondance de la séve d’un arbre sain leur serait sans doute nuisible. I est curieux d'observer la chenille de la Sésie apiforme dans ses caractères, de remarquer combien tout en elle est admirable- ment adapté à son genre de vie, de constater combien il lui serait impossible d’être soumise à d’autres conditions d’exis- tence. Ses pattes écailleuses sont plus petites que chez la plupart des autres chenilles; un peu grandes, elles eussent été fort gênantes pour circuler dans une étroite galerie. Ses pattes mem- braneuses sont également très-courtes et ne sont nullement conformées pour saisir, mais bien pour prendre la plus forte adhérence possible sur une large surface ; leurs épines très-acé- rées forment une couronne complète. La tête de cette Chenille est revêtue d’un tégument rougeñtre fort dur, car elle doit faire un effort considérable lorsque ses mandibules puissantes en taillent le bois. Le labre, n’ayant rien à maintenir, ne présente aucune échancrure. Le corps tout entier de l’Insecte a une peau molle avec de petits tubercules et des poils rares propres à rendre l'animal très-sensible à tous les contacts. La chenille de la Sésie apiforme sécrète un peu de soie, mais pas en quantité suffisante pour constituer à la chrysalide un abri capable de la bien protéger. Pour que sa coque ait toute la résis- tance désirable, elle agglutine de la poudre de bois. La coque, rugueuse à l'extérieur, est parfaitement lisse à l’intérieur. La chrysalide a la forme générale des chrysalides des Nocturnes, mais elle est tout autrement armée que la plupart d’entre elles, et cette armature n'est pas un vain ornement; elle lui permet d'exécuter un mouvement de progression. Le Papillon, à sa naissance, ne saurait traverser à nu une galerie, sans lacérer son D RS Et LS à ee 5 me nu nn nd En dal Te tbe -: 214 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. corps et ses ailes aux rudes parois. À peine a-t-il dégagé ses pattes, qu'il entraîne avec lui sa dépouille de chrysalide, comme l’escargot emporte sa coquille. Cette enveloppe, garnie d’une rangée d’épines sur chaque anneau de l'abdomen, et de fortes pointes à l'extrémité, ne glisse pas aisément sur le bois ; l’Insecte arrive ainsi protégé jusqu’à l'issue de la galerie. Parvenu au dehors, il se dégage complétement, le voilà libre : la dépouille de la chrysalide, fendue par le dos, reste d'ordinaire accrochée à l'endroit même où elle est devenue inutile. Notre dessin raconte bien mieux, au reste, l’histoire de la Sésie apiforme qu'un long discours. Les Zvcénines, les Lépidoptères qui ressemblent le plus aux Sésies, n’ont pas cependant une parenté fort étroite avec ces dernières. Il y a un certain rapport dans la forme du corps, mais les Zygénides ont des antennes épaissies vers l'extrémité, des jambes postérieures sans ergots, portant tout au plus de très- petites pointes à l'extrémité. Le genre principal de cette famille, qui a beaucoup de représentants étrangers à l'Europe, est le genre Zygène (Zygæna). Quels charmants Lépidoptères que les Zygènes. Une taille assez petite ; un abdomen cylindrique ; des ailes étroites, d'un vert ou d’un bleu très-foncé, métallique comme le corps lui-même, ayant de plus des taches ou des bandes d’un rouge carmin; des antennes grandes, contournées en dehors et renflées en une longue massue, signalent ces Insectes à l'attention. Ils volent en plein jour, en plein soleil, butinant sur les fleurs des plantes basses les plus communes. Le mois de juillet les voit éclore en grand nombre dans toutes les parties centrales et méridionales de l’Europe. On s'étonne de la dimension de leurs antennes sur leur petite tête. C'est ce qui avait le plus frappé les anciens naturalistes, qui appelèrent nos Zygènes les Sphinx-Béhers. Toutes les Zygènes connues ont entre elles les plus grands rapports par l'aspect général, par les proportions et même par Pace 214. - Nr = = PAQUET em LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE, MÉTAMORPHOSES DE LA ZYGÈNE DE LA FILIPENDULE (Zygana Filipendulw). IMPR, DE E, MARTINET L nn d.h bit: 0) T'éflnentbé À 146.4 fi tés dis Dé dar‘ Sd tn Dé D ES LES LEPIDOPTÈRES. 245 les couleurs, les reflets et l'apparence soyeuse du corps et des ailes, comme par les habitudes. A leur état de larves, elles se ressemblent davantage encore par leurs caractères extérieurs comme par leur genre de vie. L'espèce la plus répandue dans une grande partie de l'Eu- rope est la Zygène de la Filipendule (Zygæna Filipendulæ). Le Papillon, d'une couleur bleu d'acier, orné de taches du plus béau carmin sur les ailes de la première paire, ayant les ailes postérieures rouges, avec une simple bordure presque noire, se montre souvent en abondance vers le milieu de l'été. Rien de plus charmant que de voir de ces jolis Papillons réunis en assez grand nombre, accrochés aux fleurs des Pissenlits, des Char- dons, des Scabieuses et autres fleurs des champs. La Chenille de la Zygène de la Filipendule, un peu bour- souflée, garnie ‘de petits faisceaux de poils fins, d’un jaune pâle avec des rangées de taches noires, a une tête fort petite et des mandibules faibles comme la plupart des espèces qui se nourrissent de feuilles tendres. Elle vit non-seulement sur la Filipendule, mais sur beaucoup de Légumineuses. Près de se métamorphoser, elle construit sur les tiges une coque allongée, couleur jaune-paille, d’un tissu mince et ferme comme du par- chemin, la soie étant enduite d'une grande quantité de vernis. Les jeunes chenilles éclosent à la fin de l'été, et demeurent engourdies pendant l'automne et l'hiver; elles se réveillent au printemps, et grimpent après les plantes dont elles doivent se nourrir. Les Procris, Lépidoptères très-apparentés aux Zygènes, ont des antennes grèêles, doublement pectinées chez les mâles, un peu denticulées chez les femelles, et des ailes d'une teinte uniforme. Pour se transformer en chrysalides, les chenilles des Procris, peu différentes de celles des Zygènes, filent entre des feuilles une coque à parois peu résistantes. Le type du genre est la Turquoise (Procris Statices), bien reconnaissable à 216 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. ses ailes de la première paire, entièrement d'un beau vert soyeux. Dans quelques parties de l'Europe méridionale, en Italie, aux îles Baléares, etc., les vignobles sont fréquemment dévastés par le Procris de la Vigne (Procris ampelophaga). Un naturaliste de Florence, Carlo Passerini, a publié, il y à près de quarante ans, de curieux détails sur cet Insecte. Nulle famille de l'ordre des Lépidoptères n’est mieux caracté- risée que celle des Srmnemes. Un corps très-volumineux ; des antennes épaisses, prismatiques, crénelées en dessous, particuliè- rement dans les mâles et terminées dans les deux sexes par une petite pointe; des ailes longues, étroites, très-fortes, donnent aux Sphingides un aspect tout particulier qu'on ne retrouve dans aucun autre groupe du même ordre. Ces Lépidoptères, pour la plupart de grande taille, étonnent par la vivacité de leurs allures. Dans les chaudes soirées de l’été, on peut les apercevoir fendant l'air avec une incroyable rapidité. Leurs ailes robustes, solidement maintenues, leur permettent de planer, de se maintenir sur place par une sorte de frémissement. C’est ainsi que les Sphinx, qui presque tous ont une trompe fort longue, puisent le miel dans le nectaire des fleurs sans jamais se poser. Ils rappellent les mouvements des oiseaux-mouches tant de fois décrits par les voyageurs en Amérique, et c’est aux oiseaux-mouches que plu- sieurs auteurs ont comparé quelques-uns de nos Sphingides. Ces beaux Lépidoptères aux ailes mates, souvent teintées de fraiches et suaves nuances, sont répandus dans une grande partie du monde ; ils disparaissent seulement dans les contrées très-froides. Les Sphingides ont été fort recherchés, et il en existe dans les diverses collections plusieurs centaines d'espèces. Le docteur Boisduval en énumère 341 dans une étude spéciale qui n'a pas encore été mise au jour. En Europe, nous n'en comptons pas moins de trente et quelques espèces. Les Sphinx, si remarquables à l’état de papillons, sont peut- être plus curieux encore à l’état de larves ou de chenilles, Ce sont hd dus élèee re. DD: be A She ja D, 2 HD, Dés nuit 7e. mt à 7 Bis le diet din af on be ne - tes A mie is aruitn héfteé ies Ut, fée ds ÉD LS SR Sr tt LES LÉPIDOPTÈRES. : 217 de grosses chenilles qui, au repos, prennent fréquemment une attitude des plus singulières. Solidement fixées sur la tige d’une plante au moyen de leurs pattes membraneuses, elles redressent toute la partie antérieure de leur corps, inclinant un peu leur tête enfoncée dans le premier anneau, et conservant, des heures entières, une immobilité absolue. Dès longtemps les observateurs ont été frappés de cette attitude. En imagination, ils ont pu se trouver transportés à Thèbes, et y voir le Sphinx jetant au passant sa terrible énigme. Le nom du monstre fabuleux est devenu le nom des Insectes qui rappelaient une pose étrange. Mais l'homme est en réalité si peu inventif, qu’il est bien à croire aussi que les anciens avaient puisé l'idée dans la nature, ayant remar— qué sans doute l'attitude des chenilles de Sphingides, pour la donner au monstre auquel ils attribuaient la tête d’une femme et le corps d’un lion. Les chenilles des Sphingides ont la peau lisse, presque toujours luisante, le plus souvent ornée de couleurs vives et de charmants dessins. En général, elles sont un peu amincies en avant, et elles portent au-dessus du dernier anneau de leur corps un appen- dice courbé à la manière d’une corne, mais qui figure parfaite- ment une sorte de queue. Nous n'avons aucune idée de l’usage d’un semblable appendice qui existe chez des chenilles faciles à observer, fuyant peu la lumière, comme l'indiquent leurs vives et fraîches nuances. Sur le point de se transformer en chrysalides, les chenilles des Sphingides s'enfoncent plus ou moins dans la terre, s'y forment une loge, qu’elles tapissent soigneusement avec la petite quantité de soie dont elles disposent. C'est merveille ici, comme pour toutes les espèces de Lépidoptères qui se métamor- phosent en terre, où très-ordinairement elles doivent passer la mauvaise saison entière, de voir de quelle façon l'Insecte, qui produit très-peu de matière soyeuse, réussit à se former un abri, Une chrysalide est dans la terre, enfermée dans une loge dont “les parois sont cimentées simplement par un peu de soie ou 218 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. mème par une matière qui, n'étant pas véritablement étirée en fils, ressemble à de la bave. Pour vivre, pour se développer, cette chrysalide a besoin de n'être point pressée par la terre, de n'être point continuellement mouillée. On se demande par quel miracle les parois de sa loge ne vont pas s’affaisser lorsque sur— viennent les interminables pluies de l'automne, de l'hiver et du commencement du printemps. L'observation et l'expérience ennent que c’est un miracle bien simple. La matière soyeuse qui retient les molécules terreuses est inattaquable par l'eau. Si mince que soit la couche, elle résiste admirablement à toute appr pénétration du liquide. Certaines chenilles de Sphingides se transforment au ras du sol; produisant un peu plus de soie que les autres et agglutinant des corps étrangers, fragments de feuilles, débris d'herbes, elles s’emprisonnent ainsi dans une sorte de coque. Les chrysalides n'offrent aucune particularité notable. De la forme générale des chrysalides de Nocturnes, elles se terminent par une petite pointe, et leur couleur uniforme est d’un brun ou sombre ou un peu rougeàtre. Pour les Sphingides, si nombreux en espèces, on à admis quelques distinctions génériques. Le nom de Sphinx a été ré- servé spécialement pour des espèces dont la trompe est plus longue que le corps entier de l'Insecte, et l'abdomen de forme cylindro-conique. Deux espèces du genre sont assez com- munes dans notre pays : le Sphinx du Troëne (Sphinx Ligustri) et le Sphinx du Liseron, ou Sphinx à cornes de bœuf (Sphinx Convolvuli). j Sur les Troënes aux petites fleurs blanches qui forment les haies des pares, sur les Lilas de nos jardins, on aperçoit assez communément une magnifique chenille longue de 8 à 10 cen- timètres, d’un vert tendre, avec des bandes latérales obliques d’une teinte violet clair. A la fin de juillet ou vers le commencement du mois d'août, la FAP VS UNSS PTT NT NT OT ST TT TS LES LÉPIDOPTÈRES. 219 belle chenille descend au pied de l’arbrisseau dont elle a rongé le feuillage, et tout aussitôt s'enfonce dans la terre, y établit sa loge, se transforme en chrysalide, et demeure en cet état jusqu'au mois de juin de l’année suivante. C’est à cette époque que se montre le Papillon. Le Sphinx à cornes de bœuf, comme l'appelle l’entomologiste Geoffroy (S. Convoloul), vit sur les Liserons. Moins commun en France que le précédent, il est d’une taille un peu supérieure, et sa trompe est d’une extrème longueur. Sous le nom de Deiléphiles (Deilephila), on a distingué des Sphinx dont la trompe n'excède pas la moitié de la longueur du corps et dont l'abdomen a une forme très-conique : ce sont les plus nombreux et les plus beaux entre tous les Sphingides de l'Europe. Les chenilles, pour la plupart, ne le cèdent guère aux Papillons par la variété de leurs couleurs, par la fraicheur de leurs nuances. L'une des espèces les plus répandues dans notre pays est le Sphinx du Tithymale ou de l'Euphorbe (Deilephila Euphorbiæ), qui se montre deux fois chaque année, en juin et en septembre. Sur les Euphorbes, ces plantes élégantes au sue lai- teux, que l'on appelle de leur nom vulgaire Réveil-matin, plantes des terrains rocailleux, vivent les chenilles de l'un de nos plus jolis Sphinx. Sur une seule tige de l'Euphorbe il n’est pas rare de voir plusieurs chenilles, surtout quand elles sont encore jeunes. Grosses, elles ont besoin de s'éparpiller davantage, car alors elles consomment beaucoup de nourriture. Ces chenilles sont singulièrement parées. Sur leur corps, ordinairement d’un noir profond, courent dans toute la longueur trois lignes rouges comme le carmin, l’une sur le dos, les autres au-dessus des pattes; des points jaunes très-serrés sont disposés sur les anneaux comme des rangées de perles; puis des taches rondes, tantôt Jaunes, tantôt rouges, tantôt blanches et rouges, se répètent sur deux files le long des flancs. Par exception, quelques-unes de ces chenilles, avec les mêmes RÉ RS SR ECS RS LS dde AR né rs td a du ds di à abs aus de 220 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. lignes, les mêmes taches, les mêmes points, ont un fond vert brillant. C’est à la fin de juillet qu’elles ont pris tout leur accroisse- ment. S'enfonçant en terre, elles se transforment en chrysalides après s'être constitué une loge. Mais c'est pour un temps bien court. Quelques semaines plus tard, éelôt le Sphinx du Tithymale; nous le verrons voler au crépuscule du matin et du soir, butinant parfois sur les fleurs de l'Euphorbe. C’est un charmant [nsecte aux ailes antérieures d'un gris rose avec trois taches et une bande ondulée d’un vert foncé, aux ailes postérieures d'un rouge rose avec deux bandes noires. Les chenilles du Sphinx du Tithymale reparaissent une se- conde fois sur les Euphorbes; celles-ci descendent en terre vers la fin de septembre ; les chrysalides passent l'hiver. Presque toujours le voyageur qui, au printemps, parcourt la Calabre, la Sicile, le nord de l'Afrique, s'arrête ravi à l'approche d'un torrent. En certains lieux, le spectacle est magnifique sous un ciel splendide, les montagnes apparaissent éblouissantes; dans un lit rocailleux, raviné, l’eau se précipite avec fracas, et de chaque. côté de la rive s'élèvent en masses touffues les Lauriers-roses tout chargés de fleurs. Le naturaliste promène-t-il ses yeux sur les tiges flexibles du charmant arbrisseau qui remplace dans l'Europe méridionale les Saules et les Osiers de l’Europe centrale, il aper- çoit, solidement eramponnées aux tiges qui se courbent sous l'effort du vent et se redressent avec force, de grandes chenilles vertes, ornées de chaque côté d’une belle tache bleue. Ce sont les chenilles du Sphinx du Laurier-rose (Sphinx Neru). suffit de connaître la nature du végétal sur lequel vivent ces superbes Insectes pour être persuadé qu'on doit leur trouver certaines particularités de conformation. La chenille, destinée à vivre sur des tiges dures souvent secouées avec violence par les vents des côtes de la Méditerranée, a nécessairement des pattes membra-— neuses pourvues de griffes puissantes. Il est peu de chenilles, en EM, DULANCHARD, ASFACUET LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE, mt mnt nm" hf un lande tt dés des D De ANS D QE MÉTAMORPHOSES DU SPHINX DE L'EUPHORBE (Sphinx Euplorbiæ). rAGE 290 “nil 1 | Al { li] | ( . | ul us [N É — = al UE ie il ; L " l IMPR. DE E, MARTINET. LES LÉPIDOPTÈRES. 291 effet; dont les pattes possèdent une plus belle armature. La du- reté et l'épaisseur du feuillage que ronge la chenille du Sphinx du Laurier-rose nous disent que cette chenille a une tête forte, une lèvre supérieure très-dure et très-largement échancrée pour ètre en état de maintenir la feuille épaisse, des mandibules ex— trèmement fortes et denticulées de façon à pouvoir couper cette feuille sans difficulté. Au milieu de l'été, la chenille du Sphinx du Laurier-rose a pris toute sa croissance; elle se construit sur la terre une coque com- posée d’un peu de soie et de débris de végétaux en la protégeant avec des feuilles mortes; le papillon éclôt en septembre et même en octobre. Le papillon est un des plus beaux Lépidoptères. Une envergure de 10 à 12 centimètres; des ailes antérieures admi- rablement nuancées de rose et de vert tendre, avec une tache blanche et un point noir près de leur origine; des ailes posté— ricures d’un beau noir dans leur première moitié, d'un vert clair nuancé dans leur seconde moitié, donnent à ce Lépidoptère un aspect ravissant. st Parfois il arrive que le Sphinx du Laurier-rose se montre dans le centre et même dans le nord de la France. En 1839, on en trouva un assez grand nombre de chenilles sur les arbustes en caisse qui décorent les jardins de Paris. Ce fut une joie immense parmi les amateurs qui avaient été assez heureux pour les décou- vrir. Des Papillons égarés sous notre climat avaient sans doute effectué leur ponte sur les pauvres Lauriers-roses végétant loin de leur beau ciel de la Méditerranée. Cette introduction fortuite, dont on a déjà eu plusieurs exemples, ne s’est pas perpétuée. Dans les contrées où vit le Sphinx du Laurier-rose, se trouve une espèce voisine plus petite, mais également fort belle : c'est de son nom vulgaire, le Phénix, et de son nom scientifique, le Sphinx celerio. Sa chenille se nourrit des feuilles de la Vigne ; elle se transforme au ras du sol, en réunissant pour s’abriter plu- sieurs feuilles au moyen de quelques fils de soie. Lit ès ve de. all té RS, “nn « mé À 229 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. D'autres Sphingides de notre pays, appartenant au genre Deiléphile, sont fort remarquables et fort connus, comme le Sphinx de la Vigne, ou le Grand-Pourceau (Deilephila elpenor), et le Petit-Sphinx de la Vigne, ou le Pehi-Pourceau (Deilephila por- cellus). Le Sphinx de la Vigne a un corps rosé rayé de vert tendre ; des ailes de cette dernière nuance, avec des bandes du rose le plus frais et le plus velouté; des ailes postérieures de la même teinte, rose, avec leur base noire et leur frange blanche. Cette ravissante espèce se montre deux fois chaque année. Sa chenille épaisse, avec ses trois premiers anneaux amincis et rétractiles, ordinairement brune, quelquefois verte, striée de noir, ornée de deux taches orbiculaires noires, encadrant chacune un cercle d’un blanc vio- lacé, a une apparence boursouflée qui lui a fait donner le nom de Grand-Pourceau. Elle a été trouvée sur la Vigne, mais il est plus ordinaire de la rencontrer dans les endroits huinides, sur des Epilobes. Ayant la faculté de produire un peu de soie, elle ne s'enfonce jamais dans la terre, mais elle se construit, à la surface du sol, une coque légère en réunissant de la mousse ou des feuilles sèches. Le Sphinx Petit-Pourceau semble être une réduction du Sphinx de la Vigne, mais ses couleurs sont moins vives et ses ailes ont leurs bords sinueux. Sa chenille, véritable pourceau, à en juger par l'aspect, a la forme et à peu près la coloration de l'espèce précédente; privée d'appendice caudal, elle porte à la place une sorte de verrue. Elle vit ordinairement sur cette plante basse à fleurs jaunes que l'on nomme le Caille-lait (Galum verum). On distingue sous le nom de Macroglosses quelques-uns des plus petits Sphingides, ayant une trompe extrêmement longue, des antennes en massue, l'abdomen large terminé par une brosse de poils. Ces Lépidoptères se montrent habituellement en plein jour en produisant un fort bourdonnement. Ils ont un vol d’une rapidité étonnante ; ils pompent le miel des fleurs en planant. LES LÉPIDOPTÈRES. ë 293 Le plus commun des Macroglosses, le Sphinx du Caille-lait (Macroglossa Stellatarum), est brun, avec des raies noires sur les ailes antérieures et les ailes postérieures d'un jaune fauve. C’est le Sphinx qui a été le plus souvent comparé pour son vol aux oiseaux-mouches. D’autres Macroglosses ont les ailes transpa- rentes comme les Sésies (Macroglossa bombyliformis et M. fuci- forms). Tout le monde à vu où au moins entendu parler du Sphinx (Téle-de-mort), un très-gros Lépidoptère dont la trompe est courte et épaisse, les antennes sans renflement et terminées par un petit crochet. C'est pour les naturalistes modernes le type du genre Acherontia (Acherontia alropos). Son corps est noirâtre avec une grande tache pâle sur le prothorax, où se dessinent deux gros points noirs et deux petites lignes figurant à peu près, si l'on y met un peu de bonne volonté, un crâne humain, Ses ailes antérieures, d’un brun noir, sont nuancées de gris et de roux; ses ailes postérieures, d’un jaune fauve, sont traversées par deux bandes noires. Le Sphinx Tête-de-mort a la facilité d'émettre un son aigu que l'on à comparé à un cri. Ce fait presque unique chez les Lépidoptères a prodigieusement intrigué les observateurs long- temps inhabiles à découvrir l'organe mis en jeu pour la pro- duction du bruit. On s’est livré à toutes les suppositions ima— ginables, et ainsi le sujet a fourni matière à une foule décrits. Aujourd'hui, on croit être assuré que cette stridulation est déterminée au moyen d’une petite capsule membraneuse située de chaque côté du corps à la base de l'abdomen, et recouverte par un faisceau de poils susceptibles d'entrer en vibration. Dans quelques parties de la France, on a vu parfois le Sphinx Tête-de-mort se montrer en assez grande abondance. Le volume considérable de l'Insecte, ses couleurs sombres, le dessin de son thorax, où l’on voulait reconnaître l image d’une tête de mort, Son cri aigu, son apparition nocturne, ont pu frapper l'imagination PP NT PR PR tes 224 . LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. de personnes ignorantes. L'inoffensif Lépidoptère a été, en cer- tains lieux, considéré comme un présage du plus mauvais augure. On assure qu’en Bretagne, il n’en à pas fallu davantage en plu- sieurs circonstances pour semer la terreur parmi des populations superstitieuses. Le: Sphinx Tête-de-mort n'a qu'un défaut; il aime trop le miel, et son avidité se porte souvent à s'introduire dans les ruches où il cause les plus graves désordres. La chenille de ce Lépidoptère, la plus grande de toutes les chenilles que l’on rencontre en Europe, est aussi l’une des plus belles, étant d’une teinte verte très-fraiche, avec tous les anneaux, à partir du quatrième, ornés d’une sorte de chevron d’un bleu vif où d'un violet plus ou moins foncé. Elle vit sur des plantes de la famille des Solances; on la trouve quelquefois dans les champs de Pommes de terre, où dans les haies, sur la Douce- amère, sur le Lyciet, ete. Elle s'enfonce dans la terre pour se transformer. Le Sphinx Tête-de-mort est plus commun en Asie et en Afrique qu'en Europe. M. Boisduval pense que les individus que l'on prend dans notre pays nous viennent des côtes d'Afrique, car, sous notre climat, dit-il, toutes les chrysalides de cette espèce périssent en hiver. Nous avons peine à croire, cependant, que le fait soit général; le Sphinx Tête-de-mort étant surtout fréquent dans nos départements de l'Est et de l'Ouest les plus éloignés des côtes méditerranéennes. Les plus grands Sphingides connus (genre Brachyglossa) habitent l'Australie. Leurs chenilles vivent sur ces jolis arbris- seaux du genre Banksia, au feuillage plein d'élégance, dont on trouve des échantillons dans nos serres. Quelques Sphingides de l'Europe et de l'Amérique septen- trionale ont une trompe rudimentaire, des antennes flexueuses crénelées en dessous dans les mâles, des ailes dentelées. Ce sont les Smérinthes, que leurs caractères rapprochent manifestement des Bombyx. Leurs chenilles sont remarquables par leur tête LES LÉPIDOPTÈRES. 295 de forme conique et par leur peau chagrinée. Le Sphinx Demi- Paon (Smerinthus ocellata), le Sphinx du Tilleul (S. Tiliæ), le Sphinx du Peuplier (S. Popul), ne sont pas rares dans notre pays. On trouve leurs chenilles particulièrement sur les Peu- pliers, mais fréquemment encore sur les Saules, les Bouleaux ou d'autres arbres. Dans le midi de la France, on rencontre le plus grand de nos Smérinthes, le Sphinx du Chêne (S. Quercis). De toutes les familles de Lépidoptères, il n’en est pas de plus intéressantes que celle des Bouexcmes. Dans cette famille, le nombre considérable des représentants, les grandes dimensions d'une foule d'espèces, la beauté de beaucoup d’entre elles, les formes étranges de quelques-unes, les curieux instincts de la plupart de ces Insectes, et par-dessus tout les services EXCEp— tionnels que le produit de diverses espèces, de l’une en parti- culier, reud chez tous les peuples civilisés, sont autant de motifs d'attrait ou d’intérôt. À l'état de papillons, les Bombycides ont généralement un corps épais, massif, sans être robuste comme celui des Sphin- gides; des ailes d'ordinaire fort amples; des antennes pectinées, souvent semblables à des panaches dans les mâles ; une trompe rudimentaire ne pouvant servir à aucun usage ; des palpes fort courts. Chez le plus grand nombre des Bombyx, on constate toujours avec surprise une étrange faculté dont on a peu d'exemples. Les mäles sont attirés par des femelles de leur espèce à d'énormes distances. Une femelle est-elle emportée dans une maison, à l’intérieur d’une ville, loin de toute végétation et placée sur une fenêtre, même à un étage élevé, il est ordinaire que dans la soirée, des mâles arrivent en grand nombre autour de cette femelle, souvent après s'être heurtés aux mu ailles, aux fenêtres, à tous les obstacles, car la vue ne les dirige en aucune façon. M. Jules Verreaux, dont les voyages ont été extrêmement profitables aux sciences naturelles, nous a rapporté qu'étant en 15 Lt her à été dés es min tic A Me ft ie NT té bio aitu Sie ln » 226 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Australie, il lui arriva un jour de saisir une femelle d'une petite espèce de Bombyx, et de l'emprisonner dans une boîte. La boîte mise dans la poche, il continua son excursion ; des males de la même espèce ne cessèrent de voltiger autour de lui, et quand il rentra dans sa demeure, deux cents Papillons l'y sui virent. On a cherché à expliquer cette faculté des Bombycides par la subtilité de l’odorat, mais il nous est difficile de com- prendre qu'une odeur insaisissable pour nos sens puisse être reconnue à la distance de plusieurs kilomètres. Nous remar- quons seulement ce qui semble n'avoir jamais été remarqué, que les Lépidoptères mâles attirés de loin par leurs femelles, Bombycides et Phalénides, ont tous des antennes rameuses. Il yaau moins un indice dans cette coïncidence ; peut-être une étude approfondie de la structure des antennes de ces Insectes fournira-t-elle une révélation. Cette grande famille se partage d’une manière naturelle en plusieurs tribus et en une longue suite de groupes secondaires. La tribu des Bombycines comprend les espèces les plus re- marquables ; toutes ayant une trompe presque imperceptible et des palpes très-petits. Ce sont d’abord les Endromites, aux ailes étendues, marquées d’une tache sur leur disque. C'est à ce petit groupe qu'appartient le Bombyx du Müûrier, ou, en d’autres termes, le Ver à soie. Le genre Bombyx ayant été infiniment di- visé, le Bombyx du Mürier est devenu le type du genre Séricaire (Sericaria). Là l’histoire du genre est l’histoire d’une seule espèce, histoire si souvent faite, si souvent reproduite avec plus ou moins d'agrément, quenous avons peule désir de la recommencer. A qui il plairait de lire ce que nous savons de l'origine du Bom- byx du Mürier et de son introduction en Europe, nous pourrions renvoyer à une conférence sur la production de la soie que nous avons publiée il n’y a guère plus de deux années”. 1 Voyez Revue des cours scientifiques, 2° année, page 274. LES LÉPIDOPTÈRES. 5297 Nous nous bornons ici à la simple mention des faits qui inté— ressent notre histoire générale des Lépidoptères. Toute description de l’Insecte adulte, de la larve, du cocon, de la chrysalide, serait superflue; il n’est personne qui ne possède une notion exacte du Bombyx du Mürier sous ses divers états. Mais comment ne pas rappeler l’étonnant contraste qui nous est offert par cet Insecte ? Le Ver à soie, le Bombyx du Mürier, dont le produit est sans pareil, n’arien de séduisant, ni par les formes, ni par les couleurs, et il appartient à cet ordre des Lépidoptères où chacun admire les formes les plus gracieuses et toutes les magnificences du coloris. Il ÿ a des chenilles de Bombyx qui ont sur les anneaux de leur corps des perles rouges comme du corail ou des rubis, d'autres qui portent des globules verts comme des émeraudes ou bleus comme des saphirs. Celles-ci fournissent une soie qui n'a ni la finesse ni l'éclat de la soie en usage en Europe. Notre humble Ver à soie, le Bombyx du Mürier, qui donne au monde tant de belles parures, n’en a aucune lui-même. Par cet exemple, nous l'avons dit ailleurs, la nature montre que le plus beau trésor peut se trouver là où l'apparence est la plus modeste. La comparaison du Ver à soie avec les autres chenilles nous permet d'apprécier les rapports naturels des Bombycides avec les Sphingides. Par sa forme, par la présence d’un tubercule à l'avant-dernier anneau du corps, la chenille du Bombyx du Mürier ressemble manifestement à certaines chenilles de Sphinx ; elle en diffère beaucoup, il est vrai, par l'énorme développement de ses glandes séricigènes. Quand on vient à ouvrir un Ver à soie parvenu au terme de sa croissance, le canal intestinal remplit la plus grande partie de la cavité du corps, et sur les côtés débordent deux gros tubes fort contournés sur eux-mêmes, tant leur longueur est considérable! Ce sont les glandes qui sécrètent la soie, où du moins la matière visqueuse, qui sera 1 Voyez page 193. Hot mule és hé ‘ns à As de dé. HR. 228 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. étirée de façon à constituer des fils soyeux. Ces glandes passent sous le canal alimentaire, et chacune se continue en un tuyau {rès- grêle, une filière. Les deux filières se réunissent à peu de distance de la tête; il n’y a plus alors qu'un seul canal traversé par deux fils d'une extrême finesse, canal où aboutissent les conduits de deux pelites glandes dont le produit est une sorte de vernis qui réunit les deux fils en un seul, donne à ce fil le brillant de la soie et la propriété de résister à l’action de l’eau, c’est-à-dire ses propriétés physiques ét chimiques. Le canal dans lequel se constitue le fil soyeux s'engage dans la lèvre inférieure, et se termine à son extrémité dans une petite papille percée d’un trou. Le Ver à soie, comme toute autre chenille, conduit ainsi son fil avec sa tête en contournant son corps de manière à décrire des tours réguliers. Ce qui donne une qualité précieuse à la soie du Bombyx du Mürier, c’est la facilité avec laquelle son vernis peut être ramolli par l’eau bouillante sans être altéré, et la facilité avec laquelle peuvent être intimement réunis les fils de plusieurs cocons dévidés simultanément pour constituer la soie grége. Les Papillons du Bombyx du Mürier éclosent environ trois semaines après la transformation en chrysalide. La ponte a lieu, et les œufs n’éclosent qu'au printemps suivant. Il est cependant des races qui donnent deux ou trois générations par an. Tout le monde sait aujourd'hui commentle Bombyx du Mûrier, originaire de la Chine, a été introduit et s’est répandu en Europe; comment il a été propagé en France par Henri IV, sous l'inspi- ration du célèbre agronome Olivier de Serres; comment il est devenu la source de l’une des plus immenses industries et du luxe des vêtements et des ameublements que l’on admire chez les nations civilisées. A diverses époques, l'industrie de la soie a été plus ou moins compromise par des maladies qui ont atteint le Bombyx du Mürier. IL y a vingt-cinq à trente ans, c'était la muscardine, maladie singulière causée par une Mucédinée qui se développait LES LÉPIDOPTÈRES, 229 dans le corps des Vers à soie. Depuis longtemps cette affection est devenue rare, mais voilà une suite d'années que les précieux Bombyx sont attaqués par une maladie terrible qui a recu les noms de pébrine et de gattine. Un naturaliste de l'Italie, M. Emilio Cornalia, a constaté le premier que l'organisme de tous les indi- vidus atteints était rempli de corpuscules d'une forme déter- minée. Du reste, la manière dont s'engendrent ces corpuscules n'a pas encore été reconnue, et les altérationssuccessives qu'éprou- vent les organes des Insectes malades n'ont été étudiées en aucune façon. En l'absence de minutieuses investigations anatomiques, on estresté dans l'ignorance au sujet de la marche de la maladie, chez les individus affectés. Pour échapper au mal, on recommande les soins hygiéniques dans les éducations, et le choix d'individus sains pour la reproduction. Peut-être ces moyens, à la portée de tous les éducateurs, suffiront-ils à faire disparaître une calamité dont l'industrie a déjà tant souffert. Le genre Endromis, qui donne son nom au groupe dans lequel nous plaçons le Bombyx du Mürier, a pour type une espèce d’'Eu- rope, le Versicolor (Endromis versicolora). A l'état de chenille, cet Insecte, qui rappelle beaucoup l'aspect des Sphingides, vit sur les arbres de nos forêts. Les Bombyx plus particulièrement doués des beautés et des formes curieuses que nous avons signalées, sont du genre des Atlacus de Linné (groupe des Attacites, genre Saturnia de beau- coup d'auteurs). Presque tous de grande taille, avec des ailes d’une ampleur magnifique, ces Insectes ont des antennes effilées vers le bout, portant sur les côtés des rameaux régulièrement disposés qui atteignent une longueur considérable chez les mâles‘, La tête de ces Papillons se trouve ainsi merveilleusement empanachée. Chez la plupart des Attacus, les ailes sont arrondies sur les bords, mais chez diverses espèces du genre elles ont des bords fes- I Voyez page 210, l'antenne de l’Attacus cecropia, 230 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. 7 tonnés, et parfois les ailes postérieures ont un prolongement en forme de queue ou de traîne qui autoriserait à dire, si l'on em- ployait le langage de Linné, que ces Lépidoptères sont les Cheva- liers parmi les Nocturnes, comme les Papillons proprement dits sont les Chevaliers parmi les Diurnes. Dans plusieurs Attacus de l'Afrique australe et de l'ile de Madagascar, la queue des ailes postérieures est d’une longueur sans pareille et vraiment sur— prenante. Chez ces Insectes, les ailes aux formes tant diversi- fées, avec des teintes douces, comme il convient à des êtres de la nuit ouau moins du crépuscule, ont souvent de fraîches nuances, et presque toujours, sur leur disque, une tache figurant avec plus ou moins d'exactitude les caractères d'un œil, où un espace transparent, entièrement privé d’écailles et semblable à un miroir. Les chenilles des Attacus, massives et de forte dimension, sont des plus belles que l’on puisse imaginer. Les unes portent des tubereules vivement colorés surmontés de poils; les autres portent des épines rameuses ou verticillées d’une extrême élé- gance. Ces chenilles produisent une soie abondante, et pour subir leur métamorphose, elles se construisent entre les feuilles des arbres de volumineux cocons. La soie de plusieurs Attacus est utilisée à la Chine, et dans l'Inde de temps immémorial, et depuis un certain nombre d'années on fait de grands efforts pour intro- duire et acclimater en Europe plusieurs de ces beaux Insectes. Les Attacus sont disséminés à peu près par le monde entier. Le plus commun dans notre pays est le Grand-Paon de nu (Attacus Pavonia-major). Le Papillon a des ailes d’un gris nébu= leux, parées vers le centre d’une tache ocellée noire, où la pru- nelle consiste en un espace presque diaphane de la forme d’un croissant, où l'iris est fauve et cerclé de blanc. La chenille, d’un vert-pomme de la plus grande fraicheur, a des tubereules d’un bleu d'azur surmontés chacun de sept poils roides, quelques-uns élargis à l'extrémité, comme de Fe LS LES LÉPIDOPTÈRES. 231 petites massues. Elle a des pattes membrancuses, larges, con- formées pour saisir les tiges avec force, et sarnies d'un cercle d'épines propres à accrocher solidement. ZDUACENT PATTES DE QUELQUES CIENILLES DE NOCTURNES, 1. Sésie apiforme. — 2. Grand-Paon de nuit. — 3. Gucullie du Bouillon-blanc. — 4, Noctuelle des moissons, La chenille du Grand-Paon de nuit vit sur la plupart des arbres fruitiers; mais elle se trouve en abondance particulière ment sur les Ormes de nos routes. Vers le mois d'août, elle se prépare à subir sa transformation, et quitte l'arbre dont le feuil- lage l’a nourrie. Sa belle couleur verte a jauni alors; on la voit fréquemment traverser les chemins, et gagner une corniche de muraille ou un endroit quelconque, bien abrité, pour y tisser son cocon. Ce cocon, très-volumineux, dur, fortement impré- gné de matière agglutinante, affecte la forme d’une poire. Ouvert par le petit bout, qui est disposé à peu près comme l’en- tonnoir d’une nasse, le Papillon peut sortir sans grand effort, tandis que l'accès du cocon, de dehors en dedans, demeure impos- sible pour les Insectes qui voudraient y pénétrer. Cette disposition est expliquée par ce fait, que la chenille du Grand-Paon de nuit, après avoir conduit son fil jusqu'à l'extrémité de sa coque, le 232 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. replie sur lui-même, au lieu de le tendre sur le côté opposé en décrivant des cercles continus, comme le fait notre Ver à soie et tant d’autres chenilles. Les autres représentants européens de ce beau genre des Attacus sont le Petit-Paon de nuit (A. Pavonia-minor), dont la chenille vit indifféremment sur la plupart de’ nos arbres; le Moyen-Paon (A. Pavoma-media), qui est propre à la-Hongrie; le Cécigène (A. cæcigena), une remarquable espèce de la Dal- matie, et l’Attacus d'Isabelle (4. Zsabellæ), magnifique Bombyx aux ailes d’un vert tendre, avec des rayures pâles, découvert en Espagne par le professeur Graëlls, de Madrid. Les tentatives faites pour introduire en France de nouveaux Bombyx producteurs de soie sont de date assez récente. Ce fut seulement en 1831 qu'un naturaliste français, au retour d'une exploration dans l'Inde, M. Lamare-Picquot, rapporta des chry- salides d'un magnifique Attacus dont la soie est employée par les Indous pour la confection d’étoffes fort estimées pour leur solidité (Attacus mylitta). On eut à Paris l'éclosion des Papillons; on en obtint des œufs, et bientôt des chenilles, qu'on ne réussit pas à élever. Du reste, à cette époque, personne ne voulut voir autre chose qu'un objet de curiosité dans l’essai que M. Lamare-Picquot se proposait de tenter. Se procurer un nouveau Ver à soie quand déjà on en possédait un, semblait une singularité, une rèverie. Cependant, en 1840, une caisse remplie de cocons provenant de la Louisiane arrive au Museum d'histoire naturelle de Paris. Les cocons, formés d’une soie brune d'apparence assez grossière, sont examinés; tous contenaient une chrysalide vivante. Il s'agissait d'attendre l’éclosion des Papillons; elle ne se fit pas attendre. Dans le cours du mois de mai, on vit naître plus d’une centaine d'individus de l’Atlacus cecropia, magnifique Papillon d'une dimension supérieure à celle de notre Grand-Paon de tr 20 mt LES LÉPIDOPTÈRES. 933 nuit. Beaucoup de femelles effectuèrent leur ponte, et quelques jours après on était en possession d’une multitude de petites chenilles. Rien de plus curieux que les changements que ces chenilles éprouvent à chaque mue. A leur naissance, elles sont |resque noires, garuies d’épines verticillées qui les font ressem- bler à de petits Hérissons; au bout de quelques jours, leur teinte générale est un peu éclaircie, les tubercules portant les épines sont devenus plus saillants. Un premier changement de pean étant survenu, le corps est d'un gris verdâtre ou roussâtre, avec tous les tubercules et leurs épines d’un noir brillant, Après une nouvelle mue, l’animal est d'un vert tendre avec cinq rangées de taches noires, deux magnifiques tubereules d’un rouge carmin sur le second et le troisième anneau, et deux tubercules d’un jaune clair sur la partie dorsale de tous les autres anneaux; chaque tubercule porte plusieurs épines verticil- lées entièrement noires. Une troisième mue a lieu : le corps en- tier de la chenille, ainsi que la tête, est d’un vert plus vif, passant au bleu azuré sur le dos, avec quelques points noirs sur les parties latérales et sur la tête; les tubercules formant deux rangées dorsales, sont plus gros proportionnellement, surtout les tuber- cules rouges; tous les autres tubercules se terminent par une seule épine. Enfin, la dernière mue s’est effectuée : l’Insecte est d'un vert pâle, avec tous les tubercules latéraux d’un bleu clair ; les tubercules rouges sont devenus orangés, et, comme les autres, ils ne portent plus qu'une seule épine. Chez nulle autre larve, à ses divers âges, on n’a observé de changements de coloration aussi notables. | Plusieurs centaines des chenilles de l’Attacus cecropia, élevées au Museum d'histoire naturelle en 1840, filèrent leur cocon vers la fin de l'été. Le cocon de cette espèce est double, en quelque sorte; il a une enveloppe dure, sèche, parcheminée, facile à isoler du véritable cocon intérieur. Celui-ci est composé d’une soie que l’on parvint à dévider, non pas comme les cocons he dns Pa DS sil ré sc 477 ‘sn PR PT EP OT I EE 254 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. du Bombyx du Mürier, au moyen d’une simple immersion dans l'eau bouillante, mais à l’aide d’une eau un peu alcaline. Les résultats de cette expérience et de l'éducation de l'espèce américaine furent signalés la même année à l’Académie des sciences par M. Victor Audouin. Tout semblait annoncer que l’Insecte américain ne périrait pas en France. En 1841, on eut en effet l’éclosion des Papillons dont les chenilles avaient été élevées l'année précédente, puis des œufs et de nouvelles chenilles. Depuis cette époque on a fait, à plusieurs reprises , soit au Mu- seum , soit ailleurs, des éducations de l'Attacus cecropia, mais la soie fournie par cette espèce étant d'une qualité inférieure à celle de plusieurs autres Attacus, on n'a pas persisté. Quelques années après la tentative faite dans notre Museum d'histoire naturelle, M. Guérin-Méneville s’efforça d'appeler l'at- tention sur did ht lune Ne ét ti then dé. ‘ù hé ; 9 EM, BLANCHARD, race 234. LIBRANUL GERMER DAILLIÈRE. IMPR, DE E. MARTINET, MÉTAMORPHOSES DE L'ATTACUS LUNA (Attacus luna). nue ordi LES LÉPIDOPTÈRES. 235 des Attacus étrangers à l’Europe, est un très-bel Insecte. Le Papillon a des ailes d’un verttendre, avec une petite tache ocellée vers le centre et une frange blanche ; ses ailes postérieures sont prolongées en forme de queues. La chenille, d’un vert-pomme, avec des tubercules rosés, se trouve habituellement sur le bel arbre de la Floride et de la Caroline que l'on nomme le Liqui- dambar, mais elle mange aussi volontiers du Saule, du Prunier, du Bouleau, etc. Son cocon est ovalaire et d’une teinte blonde extrèmement pâle. En songeant à un moyen d'augmenter le bien-être au sein des populations de certaines parties de la France, nous résumions dans les termes suivants les facilités et les avantages que l’on trouverait dans l'introduction de divers Attacus. « Les chenilles de ces Lépidoptères se nourrissent de plantes très-semblables à celles de notre pays, et vivent parfaitement sur les espèces qui croissent en France..…., c’est-à-dire que ces animaux peuvent être élevés dans notre pays sans qu'on soit obligé de leur consacrer aucune culture. Dans le voisinage des bois, on leur trouverait sans frais une nourriture abondante. Les Aubépines qui servent de clôture seraient également utilisées pour la nourriture de ces Bombyx. Les gens les plus pauvres de nos campagnes, auxquels il serait impossible de se procurer des feuilles de Mürier, trouve- raient autour d'eux la nourriture de leurs nouveaux Vers à soie, et ils obtiendraient ainsi un produit d’une assez grande valeur. Les femmes, les enfants, toutes les personnes incapables de se livrer à un labeur pénible, suffiraient pour s'occuper un peu chaque jour, pendant quelques semaines seulement, des soins à donner à ces chenilles. » Ces paroles devaient-elles engager les personnes en situation de favoriser l'introduction en France d’une nouvelle branche d'industrie, à faire quelques efforts dans ce but? Nous aimerions pouvoir l’affirmer, mais la vérité est que l'indifférence demeura complète. 236 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. En 1854, se fondait la Société d’acclimatation. Nul, plus que son président, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, ne s'était occupé de l'introduction et de la domestication des Animaux utiles ; nul plus que lui n’était capable pour ces questions de faire naître l'intérêt dans l'esprit des plus indifférents. L'introduction d’Insectes producteurs de soie fut à l’ordre du jour. On songea de nouveau aux Attacus de l'Amérique, mais l'attention se portait bien davantage vers l'Inde et la Chine. M. E. Tastet, qui avait visité la Chine, y avait appris l'existence, dans la province de Su-Tchuen, de Vers à soie sauvages se nourris- sant de feuilles de Chêne ou de Frêne et donnant un beau produit fort utilisé dans le pays. Au siècle dernier, le père d'Incarville en avait parlé, en notant que leurs cocons étaient gros comme des œufs. La Société d’acclimatation s’empressa de se mettre en rapport avec quelques-uns de nos missionnaires pour obtenir les précieux Vers à soie du Chêne sauvage. D'un autre côté, deux espèces signalées cinquante années auparavant (1804) par un auteur anglais, le docteur Roxburgh, comme domestiquées dans l'Inde de temps immémorial, les Vers à soie Tusseh et Arrindy, étaient mises, d'après les rapports récents, au nombre des animaux dont il fallait tenter la naturalisation en France. La première espèce est celle-là même qui fut rapportée en 1831 par M. Lamare-Picquot (Attacus mylta) ; la seconde, une espèce (Attacus arrindia) que les entomologistes confondaient avec un Bombyx de la Chine, mais qui fut de suite exactement déter- minée au Museum d'histoire naturelle. On avait appris du reste que, depuis plusieurs années, on cherchait en Italie à se procurer l’Arrindia de l'Inde qui vit sur le Ricin. MM. Bergonzi et Baruffi faisaient les plus énergiques efforts pour avoir un heureux résultat. Une difficulté inattendue se présentait. Presque tous les Attacus connus dans leurs métamorphoses n’ont qu'une génération par an ; ils demeurent en chrysalides durant huit à neuf mois. Chez l’Arrindia on Attacus du Ricin, au contraire, les générations se LES LÉPIDOPTÈRES. 237 succèdent avec rapidité en toute saison. Envoyait-on des œufs, à l’arrivée les chenilles étaient écloses et trouvées mortes, faute de nourriture. Envoyait-on des cocons, les Papillons naissaient immanquablement pendant le voyage, et lorsqu'on ouvrait leur boîte, on les voyait desséchés et les ailes déchirées pour s'être débattus dans leur prison. Le seul moyen de parer à un semblable inconvénient était de ne faire accomplir aux chrysalides qu'une partie du voyage à la fois. L'île de Malte fut choisie comme station intermédiaire, et avec l’assistance du gouverneur, Sir William Reid, une éducation ayant été faite avec succès dans cette localité, l'introduction du Bombyx du Ricin s’effectua bientôt en Italie, en France et sur quelques autres points de l'Europe. Au Museum, les nouveaux Vers à soie prospérèrent sans difficulté avec les soins intelligents d’un employé de la Ménagerie, M. Vallée, sous la direction de M. Milne Edwards. M. Guérin-Méneville eut de son côté les plus heureux résultats, ainsi que M. Hardy, à Alger. Les éducations du Bombyx du Ricin ne tardèrent pas à se multiplier de tous côtés. L’Insecte était acclimaté ; il pouvait être propagé en Europe sans difficulté, malheureusement il n’était pas tou- jours facile de lui procurer sa nourriture de prédilection ; on eut recours à d’autres végétaux que les chenilles mangeaient sans trop de peine, mais il y avait là néanmoins une source de graves embarras. Quelquesannées plus tard, une espèce de la Chine très-voisine du Bombyx du Ricin et depuis fort longtemps connue des entomolo- gistes, le Bombyx de l’Aïlante (Atlacus cynthia), fut introduite en Italie par le P. Annibale Fantoni. En 1858,M. Gucrin-Méneville, mis en possession de cet Insecte par des savants italiens, a réussi à le propager très-rapidement. Depuis longtemps il l'élève sur une grande échelle au bois de Vincennes, et il s’est attaché, dans une suitede notes et de mémoires, à montrer tout le parti qu'on pourrait tirer de son cocon, évidemment préférable à celui du Bombyx du Ricin. Une foule de personnes ont fait des éducations du Bombyx 248 LÉS MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. de l’Ailante. M. Givelet, entre autres, dans un domaine situé à quelques lieues de Paris, à obtenu pendant ces dernières années des quantités si considérables de cocons, qu'on peut concevoir l'espérance d'avoir prochainement un produit assez abondant pour devenir l'objet d'une industrie spéciale!. La facilité avec laquelle se cultive l’Ailante dans d'assez mauvais terrains est de nature sans doute à encourager la propagation du Bombyx qui se nourrit du feuillage de cet arbre. Le Ver à soie sauvage du Chêne, dont s'était occupée tout d’abord la Société d’acclimatation, était aussi parvenu en France, grâce au concours de quelques-uns de nos missionnaires, et sur- tout de monseigneur Perny. À Lyon, il était arrivé des cocons en 1853. M. Jordan obtint des Papillons, puis des œufs et des chenilles, mais là se borna le succès. Peu après, M. Guérin- Méneville, se trouvant en possession de cette espèce, la fit con- naître (Attacus Pernyi), et réussit à en faire des éducations avec le Chêne de notre pays. Il obtint également l'espèce du Japon (Altacus yama-maï), qui n'avait pas encore été observée. Ces deux Bombyx, très-voisins du Bombyx tusseh (Atlacus mylitla), ont de volumineux cocons formés d’une soie offrant de remarquables qualités comme matière textile. Le Yama-maï semble du reste mériter la préférence sur son congénère. Aussi, depuis quelques années, plusieurs personnes font de grands efforts pour le multi- plier. Elles ont eu plus ou moins de succès dans leur entre prise, mais nous n’oserions faire de citations particulières à ce sujet, n'ayant pas la possibilité de tout énumérer ?. On a parlé souvent des Bombyx de l'Inde et de la Chine comme capables de remplacer, jusqu’à un certain point, le Bombyx du Mürier. C’est une faute grave. Aucune soie n’est vraiment com- parable à la soie ordinaire. Pour dévider les cocons des Attacus, 1 Un ouvrage de M. Givelet, l’Ailante et son Bombyæ, a été publié en 1866. 2 Une publication de M. Personnat (de Laval) sur le Yama-mar a 616 faite en 1866. bal ar ue à ECTS PS 4 » ù ‘RE. de 2, LORD DE 7" als bol oi Mint nf, tn ht x “has ns. sont se Lt. 5 LES LÉPIDOPTÉÈRES,. 239 les fils ne se détachant pas par l’action seule de l’eau bouillante, on y ajoute de la cendre ou une autre substance alcaline qui permet le dévidage. De la sorte, le vernis de la soie est attaqué et les brins de plusieurs cocons ne s'unissent point comme cela a lieu dans le dévidage des cocons du Bombyx du Mürier. Rien ne prouve, il est vrai, qu'un moyen d'opérer, conduisant au résultat que l’on obtient dans le dévidage de la soie ordinaire, soit introu- vable, mais jusqu'ici, à notre connaissance, il n’est pas trouvé. Du reste, en admettant que le même avantage soit réalisable avec les cocons du Bombyx de l’Aïlante et du Yama-maiï, on n'aurait pas encore une soie comparable, pour l'éclat, à la soie du Bombyx du Mürier. Il s’agit donc en réalité d’une autre matière textile, très-bonne pour la confection de tissus d’une grande soli- dité et d’un aspect fort agréable, comme on a pu en juger par des échantillons fabriqués et soumis à diverses teintures. De nouvelles matières textiles, faciles à produire dans les régions où n'existe pas l'industrie de la soie, rendraient, pensons- nous, d'assez grands services pour que l’on puisse s’en contenter. Une belle espèce de nos forêts, la Hachette d'Engramelle, con- situe un genre particulier du groupe des Attacites (Aglia tau) Le Papillon a les ailes fauves avec une tache bleue. Le nom de Rombyx a été plus particulièrement réservé pour les espèces qui, avec des antennes très-pectinées dans les mâles etun corps massif, ont des ailes d’une étendue médiocre, compa- rativement à celles des Attacus. Leurs chenilles ne sont pas tuberculeuses, mais très-velues. Plusieurs Bombyx fort communs dans notre pays sont intéres- sants à plus d’un titre; il en est de si nuisibles à la végétation, qu'il faut plaindre le cultivateur assez malavisé pour ne point s’en préoccuper. Le Bombyx connu sous le nom vulgaire de Minime à bande (Bombyx Quercis), peut être pris pour le type du genre. Le mâle a les ailes d’un brun ferrugineux, avec un point central blanc et 240 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. une bande transversale jaune ; la femelle, les ailes d’un jaune päle avec le point blanc et une bande très-claire à la même place. IL y a done une grande dissemblance dans la couleur des individus des deux sexes ; il y a également dissemblance dans la taille, car la femelle est beaucoup plus grande que le mâle. Le Minime à bande est répandu à peu près partout, dans les jardins aussi bien que dans les bois. Lorsqu'on possède une femelle nouvellement éelose, si l'on veut attirer une foule de mâles, il suffit de la placer lé soir sur une fenêtre ou sur un balcon. Aucune espèce n'est plus favorable pour répéter l'expérience si souvent faite, dont le résultat cause toujours la surprise, tant l'étrange faculté des Bombyx est demeurée inexplicable. Les Minimes à bande se montrent au mois de juillet; au mois d'août, les femelles pondent leurs œufs sur les feuilles. L’éclosion des chenilles a lieu au bout de peu de jours; mais après leur nais- sance, elles ne prennent aucune nourriture, elles vont hiverner; hiverner avec la température du mois d'août. C’est un fait singu- lier dont les Lépidoptères nous offrent plus d'un exemple. À peine écloses, ces chenilles se mettent en quête d’une retraite; chacune va se loger dans une cavité dans la fissure d’une écorce, et elle attendra ainsi le printemps pour sortir de son réduit et aller gagner le feuillage dont elle doit se nourrir. Pendant neuf mois, elle se passera de tout aliment; elle demeurera dans un engourdissement complet, dans une sorte de léthargie, jusqu'à ce que les chaleurs de la saison nouvelle amènent son réveil. Les chenilles du Minime à bande, d’un gris cendré, avec des raies latérales noires, quelques marques rougetres et une ligne jaune de chaque côté, sont couvertes de longs poils soyeux qui ondulent gracieusement quand elles marchent. Dans les bois, elles dévorent les feuilles des Chênes, des Ronces, des Genèts ; dans les champs, elles rongent les Groseilliers, les Prunelliers, etc.; dans les jardins, elles mangent les Lilas et les Troënes. Pour se trans- former, elles s’établissent, soit entre les branches, soit sous des LES LÉPIDOPTÈRES. 91 rebords de murailles, soit dans des excavations, et filent un cocon ovalaire de couleur brune, à parois épaisses, d’un tissu serré et très-tenace. Les champs de Trèfle sont quelquefois maltraités sur certains points par la chenille d’une espèce voisine , le Petit-Minime à bande d'Engramelle (Bombyx Trifoli). À l'automne, on rencontre, cou— ant à travers tous les chemins, une belle et grande chenille couverte de longs poils d’un roux châtain, ayant des incisions annulaires d'un noir de velours. Alors au terme de sa croissance, elle cherche un refuge pour hiverner, ne devant filer son cocon que l’année suivante. C’est la chenille d’un Bombyx (B. Rubi) que l’on appelle vulgairement la Polyphage, à raison de son indiffé- rence dans le choix de sa nourriture. Un Bombyx de petite taille (B. neustria), dont le nom commun s'applique à la chenille, la Livrée, est le plus répandu en Europe. Le Papillon a les ailes d’un jaune fauve ou roussätre, avec deux raies plus ou moins foncées sur celles de la première paire ; il se montre en juillet, un peu partout, mais surtout dans les vergers. La femelle fait sa ponte d’une manière très-singulière. Les œufs, fortement agglutinés, sont disposés tout autour de petites branches comme des anneaux ou de longs bracelets. Les petites chenilles n'éclosent qu'au printemps ; lorsque les arbres sont dépouillés de leurs feuilles, ces bracelets s’aperçoivent sans la moindre difficulté, et peuvent être aisément détruits. On ne devrait jamais y manquer, car le Bombyx neustrien n’est pas moins nuisible aux arbres fruitiers que les Liparis, mais le fait n’était sans doute pas à la connaissance des auteurs de la loi sur l’éche= nillage. Dès leur naissance, les chenilles se réunissent en groupes nombreux, et s’enveloppent d’une toile soyeuse retenue aux branches et au feuillage ; c’est seulement lorsqu'elles ont acquis toute leur taille qu’elles s'isolent. On a conseillé, pour les détruire, de couper les branches qui portent les bourses; mais il est facile de concevoir combien serait énorme le travail nécessaire pour 16 242 LÉËS MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. une semblable opération. Les Livrées sont velues, presque noires, avec une raie blanche sur le dos, trois raies fauves et une raie bleue de chaque côté. Elles vivent sur différents arbres, mais ce sont les Poiriers et les Pommiers qui ont le plus à souffrir de leur LE BOMBYX NEUSTRIEN OÙ LA LIVRÉE (Bombyæ neustria ). Une petite branche chargée d'œufs. — Le Papillon mâle au repos. — La femelle au vol. — La chenille, présence. Au moment de se transformer, elles filent une coque mince, saupoudrée d’une poussière jaune ressemblant à de la fleur de soufre. Les chenilles d’une espèce qui vit sur les Pins (B. pityocampa) sont souvent très-préjudiciables aux arbres des forêts de l’Alle- magne. Ce Bombyx est aussi très-répandu dans les landes de Gascogne. Le Bombyx processionnaire (B. processionea) est certes le LES LÉPIDOPTÈRES. 243 plus curieux parmi nos espèces européennes. Le Papillon, d'assez petite taille, ayant des ailes grises, très-pâles chez la femelle, tra- versées par trois bandes obscures, a une apparence bien modeste. Il parait dans les forêts vers les mois d'août et de septembre. Le; femelles déposent leurs œufs en paquets sur le tronc ou sur les grosses branches des Chênes, couvrant leur ponte avec les poils laineux qui garnissent l'extrémité de leur abdomen. Au mois de mai éclosent les chenilles. Celles-ci se groupent au nombre de plusieurs centaines, et filent en commun sur les trones une toile à mailles lâches et irrégulières, sous laquelle elles demeurent tran- quilles pendant le jour. Le soir, elles grimpent dans le feuillage, mangent avidement, et le matin regagnent leur nid ou en con- truisent un nouveau. Assez vagabondes dans leur Jeune âge, elles conservent plus ordinairement une résidence fixe quand elles ont pris un assez grand développement, mais à chaque mue elles établissent une nouvelle demeure. Un nid couvre parfois une portion considérable d’un tronc, et il consiste alors en plu- sieurs toiles superposées, difficiles du reste à distinguer à cause de l’enchevêtrement des fils. Les chenilles processionnaires ont frappé d'étonnement tous les observateurs par l’ordre établi dans leurs pérégrinations, et qui justifie leur nom. Si l'on examine un de leurs nids au milieu du jour, tout y est calme, les chenilles sont pressées les unes sur les autres et presque immobiles. Dès que le soleil a passé, un mouvement se produit, puis une agita- tion générale se manifeste. Une chenille sort du nid et commence à grimper sur le tronc; elle est suivie exactement par une autre chenille, celle-ci par une troisième ; cette troisième, par un rang de trois où quatre individus, qui est suivi à son tour par un ‘ang plus nombreux, et ainsi de suite. Les rangs vont d’abord en S'élargissant d'une manière assez régulière, mais le gros de la colonne finit par former une masse plus ou moins confuse. Au lieu d’une seule chenille au second et au troisième rang, 1l peut y en avoir deux ou trois, mais invariablement un seul individu 24h LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. ouvre la marche. Après leur excursion nocturne dans le feuillage et après s être repues, ces chenilles voulant regagner leur retraite, cest dans le même ordre qu’elles effectuent la descente. Si après avoir épuisé le feuillage d'un arbre, elles se portent sur un autre arbre, c’est toujours dans le même ordre qu'a lieu leur déplacement. On croirait qu'un individu donne le sigual du départ et devient le chef reconnu de la troupe entière, mais rien ne distingue la chenille qui marche en tête de celles qui la suivent, et nous ne pouvons ici que constater un instinct assez singulier. Parvenues au terme de leur croissance, les Proces- sionnaires, qui ont renforcé les parois de leur nid avec les dépouilles provenant de leurs mues, demeurent rapprochées, et chacune construit le cocon dans lequel elle va se transformer en chrysalide. Notre dessin montrant les Processionnaires en marche, et attaquées par un gros Coléoptère, le Calosome sycophante et sa larve, a été exécuté au bois de Boulogne avec la plus serupuleuse fidélité. Le cadre restreint n’a pas permis cependant de représenter le nid dans son entier, ni la colonne de chenilles complétement développée. Les Chênes du bois de Boulogne ont été fort maltraités dans ces dernières années par les Processionnaires. Le conservateur du bois, M. Pissot, auteur de plusieurs observations intéres- santes sur les Insectes, a réussi à détruire d'immenses quantités de ces chenilles au moyen de l'huile lourde de goudron; mais les Chênes du voisinage étant abandonnés à leur sort, les Papil- lons se répandent partout, et vont déposer leurs œufs dans les endroits que l’on croyait le mieux purgés. Les chenilles processionnaires ne sont pas dangereuses seule- ment par les dévastations qu’elles commettent ; leurs poils, qu’elles perdent continuellement, pénètrent dans l’épiderme avec une étonnante facilité, y produisent une sorte d’urtication et des démangeaisons insupportables, dont la persistance est fort longue. Il ne faut donc jamais toucher ces chenilles avec les doigts, ni nn créer iii à ntété mt dl 5 dt ts dt PIN PS PT QE thon blue és mih < Léte it. dé. 94, EM, NLANCHAND, PAGE 944. Lie RU NN : | UX LIBRALRIE GENMER DAILLIÈRE, INPR, DE E, MARTINET. MÉTAMORPHOSES DU BOMBYX PROCESSIONNAIRE ET DU CALOSOME SYCOPHANTE (Dombyz processionneu et Calosome sycophantu). LES LÉPIDOPTÈRES, 245 observer leurs nids en se plaçant sous le vent, car le visage et les mains recevraient les atteintes de ces poils redoutables. M. Ratze- burg cite des circonstances où des bestiaux et des chevaux, en arrachant les feuilles des arbres, se sont trouvés fort maltraités par les poils des Processionnaires, qui avaient atteint ces ani- maux au voisinage des yeux, aux narines et à la bouche. Divers Bombyx vivent en société et confectionnent des nids comme les Processionnaires, lorsqu'ils sont à l’état de chenilles. I y en a une espèce au Mexique bien connue aujourd’hui (Bombyx madruno), qui a été signalée autrefois par Humboldt. Depuis une époque fort ancienne, le Museum d'histoire naturelle possède des nids analogues provenant de Madagascar. Ce sont des poches à parois assez épaisses. M. Ch. Coquerel a étudié et décrit sous leurs différents états les Insectes qui les construisent (Bombyx Radama et B. Diego). Des Bombycides que l’on distingue sous le nom de Lasio- campes se signalent à l'attention par leurs palpes très-longs figurant une sorte de bec. Le type du genre est la Feuille-morte (Lasiocampa quercifolia), gros Papillon aux ailes festonnées, d'une couleur fauve, ferrugineuse, qui a valu à l’Insecte son nom vulgaire. Sa chenille, qui acquiert une longueur de 9 à 10 centi- mètres, est grise, velue et remarquable comme les autres espèces du genre par deux replis de la peau à la partie antérieure du corps, qui s'écartent par moments et laissent voir deux interstices bleus semblables à des colliers. Cette chenille se trouve souvent sur les arbres fruitiers. Un petit Bombyx de Madagascar, caractérisé par ses ailes coupées obliquement (genre Borocera), est l'objet d’une culture particulière dans le pays, comme nous l'a appris M. Vinson. Les Hovas élèvent ses chenilles, qui se nourrissent de l’Ambre- rate, une sorte de Cytise, pour la soie de leurs cocons et poux les chrysalides dont ils font un aliment. A côté des vrais Bombyx se placent les Liparites, ou les genres dé Ab mt ‘hi 246 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, Orgyia et Liparis. Geux-ci ont un corps relativement assez mince, au moins les mâles. Les Orgyias sont des Lépidoptères de taille fort médiocre, où nous trouvons des exemples de femelles pri- vées d'ailes, ou plutôt n'ayant que des moignons d'ailes. Examinons l'espèce la plus commune du genre, l'Orgyia an- tique, ou l’Etoilée de Geoffroy (Orgyta antiqua), sous ses diverses formes. Elle est d'autant plus facile à observer dans la nature, que ses générations se succèdent à peu près sans interruption pendant toute la belle saison. Dès le mois de mai on rencontre sur le feuillage des Peupliers de petites chenilles tout à la fois bien jolies et bien bizarres. Dans leur plus grande dimension, ces chenilles, garnies de brosses et d’aigrettes, n’ont guère plus de 2 centimètres de lon- gueur; elles sont d'un gris bleuâtre qui passe souvent au brun où au noir. Sur les deux côtés, leur premier anneau est orné d'un long faisceau de poils inégaux terminés chacun par un petit renflement. Ce sont de charmantes aigrettes dirigées en avant, que l'Insecte agite avec une grâce particulière. Le onzième anneau porte un semblable faisceau de poils incliné en arrière, et sur le cinquième il y en a un de chaque côté, moins long que les autres. Nos chenilles de l’Orgyia étoilée ont encore bien d’autres ornements. Sur la portion dorsale de leurs quatrième, cinquième, sixième et septième anneaux, s'élève une brosse jaune ou blanche taillée avec une entière perfection; une rangée de tu- bereules rouges, surmontés de petites aigrettes, règne toutle long des flancs. Pour se métamorphoser, ces chenilles se filent une coque ; mais n'ayant à leur disposition qu’une faible quantité de soie, elles y mélangent leurs poils, qui tombent avec facilité au moment de la transformation, et comme les parois de la coque sont en- core fort minces, des feuilles maintenues à l’aide de quelques fils sont ordinairement employées à servir d'abri. Le Papillon éelôt deux à trois semaines après la transforma- LES LÉPIDOPTÈRES. 247 tion de la chenille, Le mâle est un Papillon au corps mince, aux TRES EVAGUN= MÉTAMORPHOSES DE L'ORGYIA ÉTOILE {(Orgyia antiqua). antennes pectinées, aux ailes d’un brun fauve, avec quelques 248 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. raies plus sombres et une petite tache blanche; la femelle est un animal gris, privé d'ailes, n’en ayant du moins que des rudi- ments, de véritables moignons. À l’aide de ses pattes, elle se traîne péniblement, car son ventre, très-gros, est alourdi par la quantité d'œufs qu'il contient. Gette femelle, dépourvue de toute beauté, n’a nul besoin de se déplacer pour rencontrer un mâle. Les mâles la recherchent, etavec l'instinct et l'aptitude ordinaires aux Bombycides, ils savent la trouver même dans l’endroitle plus caché. Aussitôt fécondée, on la voit cheminer sur le tronc de l'arbre, où bientôt elle dépose ses œufs en un paquet. Ces œufs, petits, arrondis, sont agglutinés au moyen de la liqueur visqueuse dont ils sont imprégnés au moment de la ponte. Les Liparis ont les antennes plus longues que les Orgyies, très- pectinées dans les mâles, mais assez faiblement dans les femelles. Chez ces dernières, l'abdomen est épais et laineux. Les chenilles des Liparis, un peu déprimées, portent des poils roides, souvent disposées en étoiles. Dans le centre et le nord de l'Europe, ces Lépidoptères sont les plus communs des Bombycides : la plupart des espèces du genre sont fréquemment fort nuisibles à la végétation. Le Zigzag (Liparis dispar), le Zigzag à ventre rouge (Liparis monacha), l'Apparent ou le Bombyx du Saule (Liparis Salics), le Bombyx cul-brun (Liparis chrysorrhæa), causent chaque année des dégâts considérables, et dans certaines circonstances, par suite de la plus impardonnable incurie et d’une législation qui contraste étran- gement avec les lumières de la science de notre époque, ils deviennent de véritables fléaux pour l’agriculture. La loi sur l’échenillage, en date du 26 ventôse an IV, de- meurée en vigueur jusqu'à présent, est ainsi conçue : «Arr. 1er, Dans la décade de la publication de la présente loi, » tous propriétaires, fermiers, locataires ou autres faisant valoir » leurs propres héritages ou ceux d'autrui, seront tenus, chacun » en droit soi, d’écheniller ou faire écheniller les arbres étant sur ns. amis" À à PT ne MO NTTT SE | - D. ET LES LÉPIDOPTÈRES, 249 lesdits héritages, à peine d'amende, qui ne pourra être moindre de trois journées de travail et plus forte que dix. » Aur. 2. Ils seront tenus, sous les mêmes peines, de brüler sur-le-champ les bourses et toiles qui seraient tirées des arbres, haies ou buissons, et ce, dans un lieu où il n'y aura aucun danger de communication du feu, soit pour les bois, arbres et bruyères, soit pour les maisons et bâtiments. » Arr. 3. Les administrations de département feront éche- niller dans le même délai les arbres étant sur les domaines na- tionaux non affermés. » Arr. 4. Les agents et adjoints des communes sont tenus de surveiller l'exécution de la présente loi dans leurs arrondisse- ments respectifs; ils seront responsables des négligences qui y seront découvertes. » Arr. 5. Les commissaires du Directoire exécutif près les municipalités sont tenus, dans la deuxième décade de la publi- cation, de visiter tous les terrains d'arbres, d’arbustes, haies ou buissons, pour s'assurer que l'échenillage aura été fait exac- tement, et rendre compte au ministre chargé de cette partie. » Arr. 6. Dans les années suivantes, l’échenillage sera fait, sous les peines portées par les articles ci-dessus, avant le 1er ventôse (20 février). » Arr. 7. Dans le cas où quelques propriétaires ou fermiers auraient négligé de le faire pour cette époque, les agents et les adjoints le feront faire aux dépens de ceux qui l’auront négligé par des ouvriers qu'ils choisiront; l’exécution des dépenses leur sera délivrée par le juge de paix, sur les quittances des ou- vriers, contre lesdits propriétaires et locataires, et sans que ce payement puisse les dispenser de l'amende. » Arr. 8. La présente loi sera publiée le 1° pluviôse (20 jan- vier) de chaque année, à la diligence des agents des communes, sur la réquisition du commissaire du Directoire exécutif. » En vertu de cette loi, des affiches sont fréquemment apposées 250 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. dans la plupart des départements de la France, afin d'engager les populations à ne pas trop négliger leurs intérêts. De temps à autre, même à Paris et dans le département de la Seine, des affiches rappellent les prescriptions de la loi relative à l’échenillage. Ainsi a été placardé à la fin de jan- vier 1867 « Un arrêté du Préfet de police, en date du 14 de ce mois, pris en conformité de la loi du 26 ventôse an IV et de l'article 471 du Code pénal, qui prescrit la publication à nouveau d’une ordon- nance du 25 février 1859, concernant l’échenillage des arbres, bois, haies et buissons d'ici le 20 février prochain. » On devra, disait cet arrêté, brûler soigneusement les four- reaux à chenilles. » Cette opération, par suite de la multiplication extraordinaire des chenilles dans les environs de Paris, est devenue d’une né- cessité absolue. » La multiplication des chenilles, véritable fléau de l’agricul- ture, est due à la destruction des oiseaux, destruction à laquelle les propriétaires se livrent avec tant de plaisir et de cruauté, sans en prévoir les tristes résultats pour les récoltes. » Tous ceux qui ne sont pas absolument étrangers aux plus simples notions d'histoire naturelle s’étonnent à bon droit des termes vagues de la loi du 26 ventôse de l'an IV, qui ne mar- que aucun progrès sur les prescriptions antérieures. Nous voyons que cette loi a été édictée uniquement en vue des dégâts qu'occasionne souvent le Lipariscul-brun (Zparis chrysor- rhœa) dans le nord et le centre de la France, puisqu'il s'agit de nids que l’on peut et que l’on doit détruire pendant lhiver. Mais cette espèce n'est pas toujours la plus nuisible; elle ne se trouve pas dans toutes les parties de la France. Il ÿ a beaucoup de che- nilles aussi redoutables ou plus redoutables pour la végétation, qui n’éclosent qu'au printemps, et dont la loi ne s'occupe en aucune manière, Gelles-là ne font pas de nids; ce n’est done pas bé si. : ne “f hits LES LÉPIDOPTÈRES. 251 par les moyens prescrits qu'il est possible d’en opérer la des- truction. D'un autre côté, si le but de l’article 2 ne laisse aucun doute, que faut-il par de l’article 12", ordonnant l’échenillage avant le 20 février. Il n'y a guère de chenilles courant sur les arbres pendant l'hiver, «L'échenillage, dit M. Merlin, est l’action de détruire les che- » nilles, ou plutôt les nids et enveloppes qui renferment les œufs » de ces Insectes. Ce soin, qui est d’une si grande importance » dans l'intérêt des fruits et récoltes, semble avoir dû être de tout > temps l’un des principaux objets de la police rurale; on cite » cependant, comme ayant introduit en France l'obligation de » l’échenillage, l'arrêt du règlement du Parlement de Paris du » 4 février 1732. On n'avait eu recours jusque-là qu'aux exor- » cismes et aux réquisitoires. » Un historien du Dauphiné, Chorier, raconte que, vers le com- mencement du xvr' siècle, les chenilles s'étaient tellement multi- pliées dans cette province, que le procureur général crut devoir faire un réquisitoire pour leur emoindre de déquerpir et vider les lieux. En 1543, un membre de la municipalité de Grenoble exposait au conseil que les limaces et chenilles commettaient de grands ravages; il demandait en conséquence « qu'on priât M. l’official de vouloir excommunier lesdites bêtes, et procéder contre elles par voie de censure, pour obvier aux dommages qu'elles faisaient journellement et qu’elles feraient à l'avenir ». Le conseil prit un arrêté conforme à cette demande. On pourrait citer beaucoup d’autres documents du même genre! À l'époque à laquelle se rapporte l'arrêt du règlement que nous avons cité, les ravages causés par les chenilles avaient été tels, plusieurs années de suite, qu'il avait été jugé urgent d'y ! M. Millet, inspecteur des forêts, a réuni sur ce sujet beaucoup d'informations curieuses, qu'il a bien voulu nous communiquer, mais les limites de notre cadre ne nous permettent pas de les rapporter. 252 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, remédier par des mesures générales et plus efficaces. « L'année » 1731, dit Fournel, fut si favorable à la germination des œufs, » qu'on vit se renouveler le fléau des sauterelles d'Égypte. » Les feuilles, les fleurs, les boutons des arbres, étaient dévorés » aussitôt leur apparition: en sorte qu’au mois d'août, les bois et » les forêts offraient la même apparence qu’au mois de janvier. » L'exemple d’un pareil malheur provoqua la sollicitude des ma- » gistrats sur les moyens de le prévenir par la suite; et c'est à » cette époque que fut introduite l'obligation de l'échenillage. » Partout, on le voit, des expressions vagues, générales, qui dénotent l'absence des notions les plus élémentaires sur le sujet. Le Liparis eul-brun est ce petit Papillon tout blanc dont l’extré- mité du corps est garnie de poils d’un brun doré, que tout le monde connaît. Il se montre à la fin de juin et au commence- ment de juillet. La femelle pond ses œufs en paquets à la face inférieure des feuilles ou sur les branches, et les reconvre de ses longs poils laineux en frottant son abdomen, de manière à les pro- téger et à les masquer complétement. Les petites chenilles nais- sent à la fin d'août ou en septembre, et tout aussitôt elles se fabri- quent en commun, sur les hautes tiges, une tente soyeuse qui les met à l'abri des dangers extérieurs. Elles passent ainsi l'hiver. Dès que le feuillage commence à pousser, elles se répandent partout et causent la dévastation parmi les arbres fruitiers et quelquefois sur les arbres des forêts. Elles sont d'un brun noir, garnies de tubercules portant des poils roussätres en aigrettes, avec des taches rouges sur le dos et deux rangées de taches blanches. Elles se métamorphosent au mois de juin dans une coque à parois minces, entremêlées de poils. Toutes les habi- tudes de l’Insecte indiquent qu’on peut le détruire facilement pendant l'hiver en enlevant les bourses ou en les arrosant avec des huiles communes. Le Liparis du Saule, ou l’Apparent (Liparis Salicis), un peu plus grand que le précédent, a les ailes d’un blane argenté et le à Us LES LÉPIDOPTÈRES. 253 corps tout blanc. La femelle pond ses œufs sur les troncs des Saules et des Peupliers. Ceux-ci, de couleur verdâtre, sont disposés en rosaces et recouverts d’un enduit blane. Les chenilles éclosent au printemps et dépouillent souvent les arbres de toutes leurs feuilles. D'une couleur grise noire, avec des tuberceules surmontés de poils roux, une série de grandes taches dorsales blanches ou d'un jaune très-pâle et deux lignes de la même teinte, élles sont faciles à reconnaitre. Pour détruire cette espèce, il y a un moyen fort simple : c'est de barbouiller avec de l'huile, du goudron, ou toute autre substance, les plaques d'œufs que l'on aperçoit sans peine, surtout lorsque les arbres sont dépouillés de leurs feuilles. Le Zigzaqg (Liparis dispar) abonde presque partout, dans les jardins, sur les routes, dans les forêts. Le Papillon mâle a des ailes grises traversées par des raies sinueuses très-foncées; la femelle, beaucoup plus grosse, a des ailes blanches avec des lignes noires. Elle dépose ses œufs en paquets sur les troncs d'arbres et les recouvre avec les poils laineux roussâtres de son abdomen. Les chenilles éclosent au mois de mai et acquièrent vite une assez forte taille; leur peau est noire réticulée de gris et garnie de tubercules, les premiers bleuâtres, les autres ferrugi- neux, {ous surmontés de longs poils roides qui pénètrent aisé- ment l'épiderme et causent d'assez vives démangeaisons. Elles se transforment dans un réseau extrêmement lâche. Une espèce voisine, le Zigzag à ventre rouge (Liparis monacha), ayant les mêmes mœurs, est peu répandue en France, mais fort commune en Allemagne, où elle exerce souvent d'immenses ravages dans les forêts. M. Ratzeburg a donné, sur cet Insecte comme sur beaucoup d'autres, d’intéressants détails dans son grand ouvrage sur les Insectes nuisibles aux forêts. On comprend que ce n’est pas par l’échenillage qu'on peut détruire ces divers Liparis. Ce sont les pontes seules qui peuvent être anéanties pendant l'hiver, sans qu'il en coûte de grands eflorts. 254 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Des Lépidoptères ayant d’intimes rapports de conformation avec les Orgyies et les Liparis, mais presque tous parés de vives et fraîches nuances, sont les Arctiites. Les espèces du genre Écaille proprement dit (Aretia) peuvent être citées comme des plus jolies parmi les Lépidoptères nocturnes. L' Écaille martre (Arctia caa) est commune par l'Europe entière. Sa chenille est connue de presque tout le monde; car vivant sur une infinité de plantes basses, elle court continuellement à terre par les chemins et les allées des jardins avec une étonnante rapidité. Assez grosse, de couleur noire, portant des tubercules surmontés de longs poils soyeux, noirs sur le dos, d'un roux vif sur les côtés, elle attire aisément l'attention. Pour se transformer en chrysalide, elle s'établit sous des pierres ou sous des feuilles, et se construit une coque à parois faibles, dans laquelle elle fait entrer une partie de ses poils qu’elle perd au moment où elle commence à filer. Le Papillon éclôt quinze à vingt jours après la métamorphose de la chenille, Ses ailes antérieures, d’une envergure de 6 à 7 cen- * timètres, sont brunes, avec des lignes blanches semblables à des rigoles dirigées dans tous les sens; ses ailes postérieures, d’un beau rouge relevé par six on sept taches d’un bleu foncé, cer- clées de noir. Les autres Écailles les plus remarquables de notre pays sont l'Écaille rose (Arctia Hebe), la Grande-Écaille brune (Arctia matronula) de nos départements de l'Est, l'Écaille marbrée (A. illica), Y Écaille mouchetée (A. purpurea), la Bordure ensan- glantée (A. russula), ete. Certaines espèces de ce genre (Archa pudica) et de quelques genres voisins font entendre une stridu- lation au moyen d’une petite capsule qu’elles portent de chaque côté du thorax. M. Guénée a publié d’intéressantes obser- vations sur ce sujet. Les Callimorphes,charmants Lépidoptères dont les formes sont plus grêles, plus élégantes que celles des Écailles, possèdent une trompe assez développée. L'une, l'Écaille marbrée rouge (Calli- LES LÉPIDOPTÉRES. 255 morpha dominula), a les ailes antérieures d’un vert bronzé, avec douze à quatorze taches blanches, les ailes de la seconde paire d'un rouge magnifique relevé par trois taches noires; l’autre, la Phalène chinée de Geoffroy(C. hera), en diffère surtout par ses ailes antérieures traversées par des raies blanches. Chez ces Insectes comme chez diverses Écailles, il arrive parfois que les couleurs rouges des ailes passent au jaune. Certains amateurs sont arri— vés, à l’aide d'une évaporation acide, à produire artificielle- ment un changement de couleur analogue, en se gardant bien d'avertir de leur fraude. Des auteurs ont décrit ces individus dénaturés comme de curieuses variétés, ou, suivant leur lan- gage, comme des aberrations. Le mot aberration n'est-il pas ici en effet bien choisi ? - On distingue sous le nom de Lithosiites de petites espèces d’une texture frêle, ayant des ailes qui enveloppent le corps pendant le repos et souvent des antennes très-minces. Les Lithosies ont des ailes fort étroites et des antennes en forme de soies. La plupart de leurs chenilles se nourrissent des Lichens qui croissent sur les troncs d'arbres. Les Euchélies ont des ailes plus larges et agréa- blement colorées, et l’une d'elles, bien jolie et bien abondante, est remarquée dans foutes les campagnes d’une grande partie de l’Europe. C’est le Carmin du Seneçon (E. Jacobeæ), comme l’ap- pelait Geoffroy , le Papillon délicat qui vole et se pose avec les Zygènes, dont il a les couleurs. Ses ailes antérieures, d’une teinte bronzée, ont deux raies et deux taches du carmin le plus vif; ses ailes postérieures, de cette dernière nuance, ont une frange noirâtre. La chenille de cette charmante espèce, noire et annelée de jaune, vit sur les Senecons qui croissent dans les champs incultes et au bord des chemins. Dans le Midi de la France, et dans les pays dont la Méditerranée baigne les côtes, vole l'été une Euchélie plus gracieuse encore (E. pulchella) ; celle-ci a les premières ailes blanches, parsemées de points noirs et ornées de seize ou dix-sept petites taches d’un rouge écarlate. 256 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Dans cette intéressante famille des Bombycides, il est un grand genre devenu le type d’une tribu particulière. C’est le genre des Psychés. Psyché, tout le monde connaît l’origine de ce mot gracieux ; avant d'être le nom de la ravissante princesse antique aux ailes de Papillon, il signifiait l'âme, le souffle. Qu'il convient donc à merveille, ce joli nom de Psyché, aux Papillons auxquels il a été attribué! Une taille toute mignonne; un COrpS mince couvert de longues soies; des ailes à peine revèêtues d'écailles, grises, brunes, noirâtres, et en même temps presque diaphanes ; de petites antennes plumeuses, sont les signes exté- rieurs des Psychés. Ces Lépidoptères, qui réalisent ce que l'on peut imaginer de plus délicat, ont comme les autres Bombycides une trompe toute rudimentaire. Ils n’ont besoin d'aucune nour- riture pendant les jours comptés de leur existence. Mais les Psychés n’appellent point l'attention seulement par le charme et la grâce de leurs formes, elles offrent un intérêt exceptionnel par le genre de vie de leurs larves, par la dissem— blance des individus des deux sexes. Les mäles seuls ont toutes les perfections que nous avons indiquées; les femelles sont dans PAT GE LÉ ae “D Ln. — LA PSYCHÉ DU GRAMEN (Psyche graminella). La femelle et la chrysalide. la condition la plus misérable que l’on puisse trouver parmi les Lépidoptères. Nous avons vu chez les Orgyies des femelles se traînant péniblement en secouant leurs moignons d'ailes, les femelles des Psychés ne savent pas même se traîner; elles quit- tent leur enveloppe de chrysalide, elles éclosent et demeurent immobiles. A considérer leur corps absolument dépourvu d'ailes ils: 1 Msn ét nee ne DÉS dé de HS it nt lit didier s datée rh ii édit an, LES LÉPIDOPTÈRES. 257 et semblable à celui des larves, leurs pattes rudimentaires, leur abdomen mou, leurs anneaux thoraciques égaux et écailleux, il serait impossible de croire que l’on a sous les yeux des Lépido- ptères adultes, si l'observation n'avait conduit à connaître l’his- toire entière des Psychés. Il y en a beaucoup d'espèces en Europe, et comme elles sont toutes fort petites, il est souvent nécessaire, pour se les procurer, d'élever leurs chenilles. On observe assez facilement ces chenilles, car elles vivent constamment dans des fourreaux qu’elles contectionnent avec une certaine quan- tité de soie et des débris de végétaux disposés avec infiniment d'art. Certaines espèces emploient des fragments de feuilles, d'autres des fétus coupés tous à peu près de la même dimension ou des bûchettes. Quelques-unes fabriquent leur habitation por- tative avec des brins de Mousse fort bien arrangés. M. Millière en a fait connaître un charmant exemple (Psyche Gondebautella). Les fourreaux, si bizarrement construits à l'extérieur, sont tapis- sés à l'intérieur de la soie la plus fine et la plus douce. Les Psy- chés portent leur fourreau comme le Colimaçon porte sa coquille; pour se déplacer, elles sortent tout juste la tête et les anneaux thoraciques, afin que leurs patles écailleuses puissent s’ac- crocher sur les feuilles ou les tiges des herbes. Veulent-elles se reposer, au moyen d'un peu de soie elles fixent leur habitation et rentrent tout à fait à l’intérieur. Rien de plus singulier que de voir un de ces petits tuyaux remuer et progresser sur les plantes, tandis qu’on n’aperçoit pas l’Insecte qui le fait mouvoir. Les pattes écailleuses des larves de Psychés sont parfaitement constituées, ces appendices seuls servant à la marche. Les pattes membraneuses, très-petites et pourvues d’une couronne com- plète de crochets, n’ont d'autre usage que de permettre à l'animal de maintenir fortement sa demeure portative. Les chenilles, arrivées au temps de leur métamorphose, n'ont besoin, ni de filer une coque, ni de chercher un refuge: leur fourreau est un abri qui a tous les avantages possibles. 17 tv t- nend j is dé asie nu Un Len à né à © dt ms td à © : NS AL OP ET TT n r * CA be, ; 358 LES MÉTAMORPHOSES DES INSBCTES. L'Insecte attache son fourreau contre une branche, un tronc, une muraille, et le ferme soigneusement. Cette opération achevée, il se retourne de façon à présenter la tête vers l’extré- mité du fourreau demeurée libre. À lieu la transformation en chrysalide; le papillon éclôt. Si c’est un mâle, il s'échappe aus- sitôt de sa prison; si c'est une femelle, elle demeure dans le réduit où elle est née, l'ouvrant assez cependant à l’aide des aspérités de son enveloppe de chrysalide, pour sortir la partie postérieure de son corps. Les mâles, attirés de loin par sa pré- sence, voltigent bientôt en nombre autour d'elle. Là voilà fécondée; sans changer de place, sa ponte est effectuée et reste protégée par son corps. Elle meurt. Ses petites chenilles éclo- sent à l'abri du danger, et commencent à dévorer le cadavre de leur mère, dont elles épargnent seulement les parties les plus dures. C’est après s'être soumises dans leur premier àge à ce ré- gime bien singulier pour des larves de Lépidoptères, qu’elles se dispersent sur le feuillage et que chacune construit son fourreau. Un auteur, Bruand d'Uzelle, a passé une longue suite d’an- nées à recueillir les Psychés dans une grande partie de la France, etil en a publié la monographie. Mais après les traits généraux de l’histoire de ces Lépidoptères que nous venons d'indiquer, il est bon d'arrêter un instant notre attention sur une espèce du genre en particulier. Ce sera la plus grande, la plus facile à rencontrer, la plus commune dans notre pays, c'est-à-dire la Psyché du Gramen (Psyche graminella). Le vieil entomologiste Geoffroy, entraîné à une confusion par une sorte d'analogie de mœurs, l'a nommée la Teigne à fourreau de paille composé. Au printemps et au commencement de l'été, il est ordinaire de voir se promener la chenille de la Psyché du Gramen. Assez vagabonde, elle est souvent errante surles herbes, les Graminées, sur les Bruyères, sur les Genêts, quelquefois sur les murailles. 11 est facile de l’apercevoir ; lorsqu'elle est grande, son fourreau 2 258 GE 2 u EM. BLANCHARD PAGE 95 LIBNAIRIE GERMEN BAILLIÈRE, INPR, DE E, MAUTINET. MÉTAMORPHOSES DE LA PSYCHÉ DU GRAMEN (Psyche graminella), LES LÉPIDOPTÈRES. 250 n'a pas moins de 2 à 3 centimètres de longueur. Composé de petits morceaux de feuilles, tous taillés à peu près dans les mêmes proportions et artistement imbriqués de façon à figurer comme des falbalas, ce fourreau est ordinairement garni dans sa portion antérieure d’une ou deux rangées de brins de bois ou d'herbes disposés dans le sens longitudinal. Ces brins sont fournis par les plantes que la chenille affectionne, le Genêt, la Bruyère, les Graminées. Nous venons d'examiner ce fourreau lorsqu'il a acquis sa plus grande dimension ; mais quand la che- nille était jeune, le fourreau était petit, et cependant c’est tou- Jours le même fourreau. L'Insecte n’abandonne pas sa demeure devenue trop étroite, pour en confectionner une nouvelle. Quand > par suite de son accroissement, il se trouve resserré, 1l fait avec ses man dibules une fente à son habitation portatiwe; les bords de la fente s’écartent; une pièce formée d’un peu de soie et de débris de végétaux comblera l'intervalle. Tant de fois l’animal aura besoin de s’agrandir, tant de fois il recommencera la même manœuvre, afin d'augmenter la capacité de son fourreau . Cette chenille, d’un gris pâle, avec sa tête et ses trois anneaux thora- ciques d'un brun roux marqués de points et de lignes noires, est sans beauté. Toute parure est inutile à qui doit vivre constam- ment dans l'obscurité. Il y a quarante ans, un naturaliste anglais, Lansdowne Guil- ding, observait les mœurs et les transformations de Lépido- ptères d'Amérique très-voisins de nos Psychés, mais d’une taille bien supérieure. Ces Insectes, ayant des ailes plus longues que les vraies Psychés et des antennes terminées en manière de soie, reçurent le nom générique d'OEceticus, faisant allusion à la maison que les larves portent avec elles. Depuis cette époque, des espèces du même genre ont été rencontrées en diverses parties du monde. L’une des plus remarquables est l'OEcétique de Saunders (OEceticus Saundersü), fort commune en Australie. Léa dé de de nt 2 dé Cod D né. nt. - en 2 si de 0 260 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Le mâle, qui a une envergure de 4 à 5 centimètres, a les ailes enfumées avec des veines transparentes; la femelle, très-massive, longue d'environ 4 centimètres et demi, ressemble par son aspect à celles des Psychés européennes. La chenille construit un four- reau qui atteint la longueur de 15 à 16 centimètres, d’une soie grise, fine et serrée, et dont les parois épaisses sont garnies à l'extérieur de büchettes espacées. Elle accroche ordinairement son fourreau aux branches d'arbres par de longs fils assez forts pour résister à l’action des vents impétueux qui règnent souvent en Australie. L'espèce décrite par un savant entomologiste de l'Angleterre, M. Westwood, a été observée dans toutes ses habi- tudes par notre voyageur M. Jules Verreaux. Divers Bombycides, chez lesquels s’affaiblissent notablement les caractères de la famille, sont rangés dans une tribu particu- lière, les Hépialines. Ces Lépidoptères ont des antennes courtes, faiblement pectinées ou simplement dentelées, même dans les mâles; un abdomen allongé, avec l'oviducte presque toujours saillant chez les femelles. Cette division comprend les Hépiales, dont les antennes, fort petites, sont à peine dentelées ou même moniliformes. Ce sont des Insectes peu nombreux en Europe, et au contraire très-ré- pandus dans certaines régions du monde, l'Amérique, l'Afrique, l'Australie en particulier. Les chenilles des Hépiales, s’attaquant aux racines de divers végétaux, ne se montrent jamais à la lumière; aussi sont-elles minces, allongées, décolorées. La plus grande espèce euro- péenne est l’Hépiale du Houblon (Hepialus Humuh), le mâle ayant des ailes blanches, argentées, avec une bordure rou- geûtre, la femelle des ailes d’un jaune vif, traversées par deux bandes d’un rouge fauve. Cet Insecte est fort commun dans le nord de l'Europe et dans les montagnes; il abonde dans quel- ques parties de la Suisse. L'Australie est la terre des grandes Hépiales. L'une d'elles 2 VO D PT OP PS EE PO PE EI 2 LES LÉPIDOPTÈRES, | 261 (Hepialus grandis), aux ailes grises, a une chenille énorme, entièrement blanche, qui vit dans les troncs des Casuarinas, les curieux arbres sans feuillage de la Nouvelle-Hollande. Les pau- vres naturels de cette terre déshéritée pour les substances alimen- taires recherchent les larves de la grande Hépiale, et la mangent toute vivante, avec une avidité digne de véritables sauvages. Ils se plaisent, nous a rapporté M. J. Verreaux, à humer l'inté- rieur de ces larves comme s’il s'agissait d’un fruit très-mür. Un autre genre de la même tribu est celui des Zeuzères, très- reconnaissables à leur corps épais, à leurs antennes pectinées à la base et terminées en manière de soie, surtout chez les mâles. Le type est bien connu : c’est la Zeuzère du Marronnier d'Inde (Zeuzera Æscuh), où la Coquetle des vieux entomologistes, un Papillon blanc très-velu, dont les ailes sont couvertes de points ou de petites taches d’un bleu d'acier. Sa chenille vit dans l’in- térieur du tronc des Marronniers d'Inde. D’une couleur jaune, avec des points noirs, elle rappelle par son aspect, par sa dé- marche, les chenilles des Sésies. Il y a des conditions d'existence semblables, les analogies de conformation doivent se manifester. La Zeuzère du Marronnier n’est certainement pas un Insecte in- digène; elle nous est venue du pays qui nous a fourni l'arbre aujourd'hui cultivé dans nos pares et nos grands jardins. Les Cossus sont voisins des Zeuzères, mais leur corps est plus épais, leurs ailes plus larges, leurs antennes pectinées jusqu'au sommet. L'espèce commune est le Cossus Perce-bois (Cossus li- griperda); le Papillon bien reconnaissable à ses ailes grises, nébuleuses, avec des taches et de fines rayures cendrées et blan- châtres; la Chenille d’un rouge vineux, portant quelques poils rares. C’est la Chenille du Saule, rendue célèbre par la belle monographie de Lyonet. Dans plusieurs localités, en effet, les Cossus rongent les vieux troncs de Saules; dans notre pays, ils vivent particulièrement dans les troncs d'Ormes. Creusant d'énormes galeries, ils amènent fréquemment la mort de très- | PT nr nt dé oh dé de le. dE AR ns 5 ts. 262 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. grands arbres. La chenille du Cossus fournit un admirable exemple des adaptations à un genre de vie spéciale; ce sont les particularités essentielles des chenilles de Sésies et des Zeuzères, plus prononcées que chez ces dernières. L’Insecte, destiné à ronger un bois dur, est pourvu d’une lèvre supérieure large, épaisse, sans échancrure, et de mandibules dentées d'une extrême puissance. Pour marcher avec facilité, dans les galeries qu'elle a creusées, cette chenille a des pattes membraneuses courtes et garnies d’une véritable couronne de crochets. Lyonet ayant donné des figures exactes de ces pattes, on s'est imaginé que les crochets formaient à peu près dans toutes les chenilles un cercle complet ; de là le nom de pattes en couronne, employé d'une manière générale pour désigner les pattes mem- braneuses. Dans la plupart des cas, cependant, les crochets n'oc- cupent qu'un demi-cerele; la couronne entière existe seulement chez les espèces qui cheminent, soit dans l'intérieur des tiges ou des troncs, soit dans l'épaisseur des feuilles. D'autres Bombycides (ceux de la tribu des Notodontides) se rapprochent manifestement des Noctuelles par les proportions de leur corps et de leurs ailes, ayant cependant des antennes pectinées chez les mâles et une trompe rudimentaire, mais bien distincte, moins atrophiée que chez les autres représentants de la famille. A l’état adulte, ces Insectes n’offrent aucune particu- larité bien frappante; à l’état de larves, au contraire, ils présen- tent plusieurs singularités, notamment ceux du petit groupe des Notodontides, composé de quelques genres faciles à dis- tinguer. Le nom de Dicranures a été attribué aux Notodontides ca- ractérisés sous leur forme de Papillons par des antennes un peu contournées et assez fortement pectinées dans les deux sexes, et sous leur forme de chenilles par une curieuse modification des pattes membraneuses de la dernière paire. Entre les diverses espèces du genre, arrêtons un instant notre attention sur la plus LES LÉPIDOPTÈRES, | 263 commune. C'est de son nom vulgaire : la Queue-fourchue (Dicra- nura vinula). LA QUEUE-FOURCHUE (Dicranwra vinula). Le Papillon femelle et la chenille, Dès les derniers jours d'avril et pendant tout le mois de mai, se montre fréquemment dans les endroits humides un beau Pa- pillon de nuit très-reconnaissable à sa teinte générale d’un gris presque blane, avec des points et des raies sinueuses d’un noir assez vif ou d’un gris cendré. Le soir, l’Insecte vole près des Peupliers et des Saules; pendant le jour, il se cache sous le feuillage ou sur le tronc de ces arbres. La femelle a bientôt effectué sa ponte, et dans le mois de juin on trouve les chenilles isolées sur les feuilles des Peupliers. Toutes petites encore, leur LS MR OL Me LS" . … ménrat " : RS LS, nt Ù ee dt Fa ” 264 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. couleur est presque noire. Quelques semaines plus tard, elles ont subi plusieurs mues, et leur taille est devenue très-forte. Ges chenilles lisses, avec leur grosse tête susceptible de rentrer dans le premier anneau du corps, avec le troisième anneau élevé et comme bossu, avec leur extrémité postérieure munie de deux prolongements souvent redressés, semblables à deux queues d'où l'on voit saillir à la volonté de l'animal un tentacule flexible, ont un aspect singulier. D'un beau vert tendre, la Queue-fourchue présente sur la région dorsale, étendue comme une sorte de manteau, une longue marque en losange d’un brun vineux avec une bordure blanche. Elle a des pattes membraneuses massives pour porter son corps pesant, et ces pattes sont armées de très- longues épines. Les queues, presque blanches, sont garnies de tubercules noirs. La singularité offerte par cette chenille, c'est la transformation des dernières pattes membraneuses en deux appendices, sortes de queues percées pour le passage de tenta cules, sans doute attribués à l'animal comme moyen de défense dans des circonstances qui n’ont pas été observées. A l’aide de cet appareil, la chenille parvient peut-être à éloigner les Ichneu- mons et les Mouches cherchant à introduire leurs œufs dans son corps. Au terme de sa croissance, la Queue-fourchue, descendant au pied de l’arbre qui l’a nourrie, file une coque très-épaisse, très- résistante, agglutinant, avec une grande quantité de vernis, des détritus végétaux; l’Insecte passe l'automne et l'hiver à l’état de chrysalide. Des Notodontides voisins des Dicranures, les Harpyies, aux antennes pectinées terminées par une soie, ont des chenilles plus bizarres encore. Le type du genre est surtout particulière- ment remarquable : la Harpyie du Hêtre (Harpya Fagi). La chenille, que l’on trouve au mois d'août et de septembre dans les forêts et les grands bois, habituellement sur les Hètres et quelquefois aussi sur les Chênes, les Aunes, les Bouleaux, à un aspect vraiment extraordinaire, D'un brun pâle ou d'une LES LÉPIDOPTÈRES. 265 teinte de cuir uniforme, elle n’attire point l'attention par sa couleur, mais elle a des pattes écailleuses de la seconde et de la troisième paire d’une longueur extrême, qui demeurent souvent pendantes. Les anneaux de son corps, du quatrième au septième, présentent deux gibbosités terminées en pointe; du neuvième au DUR CUN LA HARPYIE DU HÂTRE (Harpyia Fagi). Le Papillon mâle au vol, — Le Papillon femelle au repos, — La chenille. dernier, ils ont un élargissement latéral très-considérable, avec des crénelures sur le bord. Les pattes membraneuses posté rieures sont converties en deux tubes grêles. Pendant le repos, la chenille de la Harpyie du Hêtre tient ordinairement redressées les deux extrémités de son corps. La bizarrerie est à la fois dans pe Lol été dl 1 2 Ter en nl ce. à ms ne nt ne À, D. le ES à 5 à 5 266 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. les formes et dans les attitudes, sans que nous puissions en ex- pliquer jusqu'à présent les causes déterminées par des circon- stances biologiques. Ces longues pattes écailleuses n'existent chez aucune autre larve connue de Lépidoptère, et ici leur longueur semble n’offrir aucun avantage à l'animal. Pour se transformer en chrysalide, la Harpyie du Hêtre file une coque légère qu'elle garantit avec des feuilles. Le genre des Notodontes est, dans le groupe, le plus nombreux en espèces. Le nom fait allusion à un caractère de plusieurs de leurs chenilles, qui ont sur quelques anneaux de leur corps des gibbosités parfois surmontées de pointes. Ces larves lisses, ou garnies de poils très-clairsemés, vivent sur les arbres. Les Pa pillons se reconnaissent aisément à la présence d’un pelit lobe au bord interne des ailes de la première paire. Les Notodontes les plus communs dans notre pays sont le Bois veiné de Geoffroy (Notodonta Ziczac), qui, à l’état de chenille, vit sur les Sanles, les Peupliers, les Bouleaux. Le Chameau d'Ernst (Notodonta drome- daria), affectionnant pendant son premier âge les Bouleaux des forêts; la Demi-Lune noire d'Engramelle (Notodonta chaonia), une des nombreuses espèces du Chène. Diverses autres espèces de la même tribu ont généralement des ailes plus longues que d’autres Notodontides; on les rat- tache à quelques genres particuliers, et surtout au genre Pygæra. Leurs chenilles, longues, un peu déprimées, sont plus ou moins garnies de poils. L’une des espèces les plus communes, appelée par Geoffroy la Lunule (Pygæra bucephala), à raison de la forme d’une tache blanche des ailes antérieures, se trouve, dans son premier état, sur la plupart de nos grands arbres, les Chènes, les Ormes, les Hôtres, les Bouleaux, les Tilleuls. C'est une grosse chenille poilue, brune, variée de jaune et ornée de six raies longitudinales d’une teinte pâle. Elle s'enfonce dans la terre pour se métamorphoser. Une espèce plus petite, la Hausse Queue fourchue d'Engramelle (Pygæra anachorela), se tient sur établi ds ET 7. OT PT PE APP RE TO A ÿ D 2e LES LÉPIDOPTÈRES. 267 les Saules, cachée entre des feuilles qu'elle attache au moyen de quelques fils. Le plus vaste groupe de l’ordre des Lépidoptères est la famille des Nocrvéuipes. C’est une immense légion d'espèces de tous les pays d’une apparence très-uniforme. Les Noctuélides d'Europe, au nombre de près de huit cents, ont été la plupart étudiées avee soin dans leurs caractères, dans leurs métamorphoses, dans leurs conditions d'existence, et néanmoins les naturalistes faisant les plus grands efforts pour établir parmi ces Insectes des divi- sions génériques, ne sont arrivés à aucun résultat satisfaisant. En l'absence de véritables caractères pouvant fournir parmi les Noctuélides les distinctions que l’on cherchait, on s’est contenté souvent de détails de coloration, de la préférence des chenilles pour certaines plantes. Maloeré tout, il est demeuré impossible de donner un moyen sûr de reconnaître les divers genres établis dans la famille. Aussi il y a un extrême intérêt à étudier cette multitude de Lépidoptères si pareils par tous les détails de leur organisation, et dont les espèces néanmoins sont parfaitement distinctes les unes des autres. En réalité, la très-grande majorité des Noctuélides appartient à un seul genre, le genre Noctuelle (Noctua), qui a une foule de représentants. L'étude comparative de toutes ces espèces voisines fournit un grand enseignement. Voici dix, vingt, trente Papillons ou même bien davantage, dont tous les traits essentiels de l'organisation sont semblables, dont toutes les différences appréciables con- sistent dans des détails de coloration ; il faut croire qu'ils proviennent d’une souche unique, que leurs faibles caractères distinctifs sont des modifications déterminées par des circon- stances extérieures? Certes, si les idées qui se sont fait jour à diverses époques, les idées de Lamarcek et de tant d'autres, les idées reprises et développées par M. Darwin, avaient quelques vérités pour fondement, on devrait le penser. Mais loin de là, on a ici un exemple capable de faire com- « Tr A 0 ET CO NT CP ET 268 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. prendre la valeur de ces idées sur de prétendues modifications continues des espèces. En étudiant ces Noctuelles exclusivement dans leurs caractères, lorsqu'elles sont parvenues à l'état adulte, on serait amené à concevoir les doutes les plus graves sur les distinctions spécifiques; mais en observant ces Insectes dans toutes les phases de leur existence, dans les conditions où elles sont fatalement destinées à vivre, toute incertitude disparait. Des Papillons presque semblables ont des chenilles offrant des particularités distinctives des plus manifestes. Ces chenilles vivent dans des conditions dissemblables; elles affectionnent des végétaux différents; elles ont des pattes construites pour marcher sur une plante, et se trouveraient mal à l'aise pour grimper après des plantes recherchées par des espèces voisines. Il n'est pas de groupes du Règne animal, enfin, où l’on puisse reconnaitre avec plus de sûreté combien chaque espèce organisée pour vivre dans des conditions déterminées est privée de la possibilité de subir d’autres conditions d'existence. Les Noctuélides se distinguent aisément de tous les Bomby- cides; elles ont une trompe de moyenne longueur, des palpes saillants, des antennes en forme de soie, simples ou finement denticulées. Ces Lépidoptères, en général de petite taille, attei- gnent rarement des proportions un peu considérables. Comme l'indique la dimension de leur trompe, ils prennent de la nour- riture. Leurs chenilles sont le plus souvent rases. Il est certaines Noctuélides qui rappellent sensiblement le port des Bombyx; ce sont les Acronyctes et quelques genres voisins (groupe des Acronyctites). Sur les Ormes, les Bouleaux, les Tilleuls, sur la plupart des arbres fruitiers, se trouve commu nément, à la fin de l’été et en automne, une Chenille noire, ornée d’une bande dorsale jaune, de marques rouges sur les côtés, d'une raie grise au-dessus des pattes, et portant une longue émi- nence noire sur le quatrième anneau et une forte gibbosité sur le onzième. Au moment de se transformer, l’Insecte descend LES LÉPIDOPTÈRES. _ 269 sur le tronc et s'établit entre les fissures de l'écorce, souvent jusqu'au pied de l'arbre, et aussi abrité que possible, il se forme une coque légère. Le Papillon éclôt vers le mois de juin de l’année suivante. Pendant le jour, on le voit collé sur des troncs ou des murailles. Ses ailes grises, avec des lignes noires, et sur- tout un signe très-net figurant d’une manière exacte la lettre grecque b, le font reconnaître à la première inspection. Le signe caractéristique a valu à l'espèce son nom vulgaire et son nom scientifique, le Psi (Acronycta psi). Les végétaux de tous les genres nourrissent des Lépidoptères. Les Mousses, les Lichens qui poussent sur les arbres, sur les mu- railles, même dans nos villes, sur les quais et les parapets des ponts, sont la pâture de petites chenilles sombres très-apparentées aux Acronyctes : ce sont les mangeuses de Mousses, les Bryophiles. Retirées pendant le jour dans des trous ou des crevasses, elles sont difficiles à découvrir; c’est dans leurs petites retraites qu'elles forment leur cocon composé de soie et de Lichen. Examinons maintenant les vraies Noctuelles sans nous pré- occuper de toutes les distinctions génériques admises dans les ouvrages descriptifs. Il est important de les connaître, car plusieurs d’entre elles se multiplient avec une étonnante facilité et causent parfois d'immenses ravages dans les grandes cultures. À l'état de Papillons, les vraies Noctuelles (Noctua) ont des antennes ciliées, un peu pectinées dans les mâles et des palpes hérissés de longs poils; à l'état de chenilles, elles sont cylin- driques, presque rases, et se nourrissent de plantes basses ou de racines; en général, elles se métamorphosent dans la terre. Une des espèces les plus communes, les plus curieuses par les habitudes, les plus importantes à connaître pour les cultiva- teurs, est la Noctuelle des moissons (Noctua segetum — Genre Agrotis) des entomologistes modernes, qu'Engramelle nommait la Moissonneuse. Le Papillon a les ailes antérieures brunes ou fauves, un peu plus claires chez les mâles que chez les femelles, mas à | LÉ ‘en aû dé nc LI F1. Di. La ._—. j0 270 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. marquées à la base d’une double ligne ondulée suivie d'une tache brune, au centre de deux autres taches, l’une ronde bordée de noir, l’autre réniforme, au bord d'une série de taches noires en forme de lunules, et les ailes postérieures d’un blane opalin. _ Les Papillons éclosent dans les derniers jours de mai ou dans les premiers jours de juin, un peu plus tôt ou un peu plus tard, sui- vant la température. Les femelles déposent ordinairement leurs œufs en petites plaques à la face inférieure des feuilles ou vers l’origine destiges des plantes à racines pivotantes, les Betteraves, les Chicorées, ete. Les chenilles ne restent jamais sur les feuilles ; elles entrent en terre et s’y tiennent cachées constamment pen- dant le jour; la nuit seulement elles voyagent, mais sans atta- quer le feuillage. Rongeant les racines au collet, elles les creu- sent profondément, et arrivent à les couper, si leur volume n'est pas considérable. Parvenues à leur plus grande dimension dans le mois de juillet, les chenilles de la Noctuelle des moissons ont alors une longueur de 4 centimètres à 4 centimètres et demi. Leur corps, lisse, luisant, d’un gris verdâtre assez sombre, porte sur chaque anneau deux rangées transversales de points verruqueux d'un noir brillant, surmontés d’un poil. Leurs mandibules sont fortes et. tranchantes, et ainsi parfaitement constituées pour entamer des racines; leur lèvre supérieure n'a pas d’échan- crure, ce qui s'explique avec le genre de nourriture que pren- nent ces Insectes ; leurs pattes membraneuses, très-courtes, pré- sentent à leur extrémité une cavité fort petite, circonscrite par un rebord dur, où les crochets font à peine saillie. La chenille, que les cultivateurs appellent le Ver gris, trouve ainsi toute facilité pour marcher dans la terre, mais elle aurait une grande difficulté à grimper, ses pattes n'étant pas construites pour saisir. Nous avons ici un exemple bien frappant des adap— tations des organes à des conditions d'existence déterminées pour l’animal. Les chenilles de la Noctuelle des moissons, arrivées au terme es er nn een ortti md route ds à), Ve RE NS) de) 2 os LES LÉPIDOPTÈRES. 271 de leur croissance, se façonnent une loge dans la terre à une très-faible profondeur. Ne produisant que très-peu de soie, elles en ont assez cependant pour consolider les parois de leurs cellules et les rendre imperméables à l’eau. Quand la saison est chaude, les Papillons éclosent dès le mois d'août; au mo- ment de sortir, ils entraînent avec eux l'enveloppe de la chry- salide, qui les protége et leur permet de traverser une couche de terre d'une certaine épaisseur, Comme les espèces dont les larves vivent dans le bois, ils n’abandonnent cette dépouille qu'après être au dehors. Lorsque les Noctuelles naissent au milieu de l'été, on voit de nouveau leurs chenilles pendant l'automne; celles-ci se transforment en chrysalides aux ap- proches de l'hiver, mais si elles ne sont pas au terme de leur développement quand les premiers froids se font sentir, elles hivernent et ne subissent leur métamorphose qu'au prin- temps. [y a dans la manière dont se succèdent les générations et les transformations de cette espèce des variations dépendantes de la température sur lesquelles se sont mépris la plupart des auteurs qui en ont parlé. La Noctuelle des moissons, Insecte depuis longtemps réputé des plus nuisibles, devient en certaines circonstances un fléau pour l’agriculture. En 1865, la multiplication de cette espèce dans plusieurs départements de la France, et surtout dans ceux du Nord et du Pas-de-Calais, était prodigieuse, les ravages qu'elle exerça presque incroyables. Au collet:de chaque Bet- lerave, sans aucune exception, il y avait une quantité consi- dérable de chenilles; en grattant un peu la terre, entre les lignes de Betteraves, on en mettait à découvert sur tous les points. En certains endroits, il a été possible d'en recueillir plus d’une centaine sur l'étendue d’un décimètre carré. Certes, quand on étudie les habitudes, les mœurs de l'Insecte, il est facile de comprendre sa multiplication excessive, comme les causes qui peuvent à certains moments le faire disparaître, tn nn dada, + , ”,. 272 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. L'ameublissement extrême de la terre fournit à la chenille les conditions de séjour les plus favorables, comme l'abondance de la plante qui lui convient lui assure sa subsistance. Que l’on raffer- misse la couche superficielle de la terre, ce qui ne semble être en aucune façon nuisible à la végétation, et les chenilles auront peine à vivre; que lon enlève les plaques d'œufs sur les feuilles des jeunes Betteraves, au commencement de juin, et l'on sera assuré de préserver les champs. Si l'espèce nui- sible disparaît plus ou moins, après s'être montrée en abondance, c’est à plusieurs causes qu'il faut attribuer le fait : la mulüpli- cation des Ichneumons, qui tuent les chenilles ; des pluies conti- nues au moment de la naissance des Papillons, qui empêchent l’accouplement de ces Insectes; les circonstances qui amènent le tassement de la terre. Plusieurs auteurs ont dit que la Noctuelle des moissons attaquait les végétaux les plus différents, notam— ment les Céréales. C’est là une erreur, comme nous avons pu nous en convaincre par des observations attentives et très-nom- breuses. La Noctuelle Double-tache (Noctua exclamatiomis) est égale- ment fort nuisible aux plantes potagères. Sa chenille, un peu plus allongée, un peu plus claire que celle de la Noctuelle des moissons, vit de la même manière, aux dépens des racines, sans presque jamais sortir de terre. Le Papillon est facile à reconnaitre à ses ailes d’un gris clair, ayant, outre les deux taches centrales ordi- naires, deux lignes vers la base, la seconde unie à un trait que l’on a comparé à un point d'exclamation, une raie trans— _versale denticulée de couleur noirâtre, et une ligne pâle près du bord. La Noctuelle du Blé (Noctua Tritici) attaque particulièrement les racines des Céréales. Le Papillon, dont les ailes sont d’un gris cendré, avec des taches plus obscures et une raie presque blanche, a été souvent confondu avec d’autres espèces. Aux États-Unis, des espèces extrêmement voisines des Noc- rt ht un cn ol ampmime atlanatl "tal nice à 2) LES GE CRE LES LÉPIDOPTÈRES. 273 tuelles d'Europe (Noctua messoria, N. devastalor, ete.) vivent dans les mêmes conditions et ne sont pas moins préjudiciables à la végétation. On trouve la description de ces Insectes dans les ouvrages de M. Harris sur les Insectes nuisibles. On donne le nom de Triphènes à des Noctuelles ayant les antennes simples dans les deux sexes, etles ailes postérieures, en partie au moins, d’un jaune fauve. Leurs chenilles vivent sur des plantes basseset se tiennent presque toujours cachées. La Fiancée (Triphæna pronuba) est un assez grand Papillon que l'on voit communément dans les jardins et parfois jusque dansles maisons. Ses ailes de la première paire sont brunes, variées de gris ; ses ailes de la seconde paire, d’un jaune fauve, avec une large bor- dure noire. La chenille de cette Noctuélide, grise ou verdätre, avec des lignes jaunes et des taches noires disposées en séries, dévore les Oseilles, les Laitues, les Choux, rongean( surtout le cœur de la plante. Elle s'enfonce dans la terre à l’automne, et se transforme en chrysalide au printemps. Une espèce plus petite (Triphœæna orbona) est presque aussi commune. De nombreuses Noctuélides ayant des antennes simples, le thorax et l'abdomen pourvus de poils et d’écailles relevés en une sorte de crête, sont classées dans un groupe particulier (Hadénites). Leurs chenilles, en général vivement colorées, se nourrissent de différentes plantes, et ne fuient pas la lumière, comme celles des Noctuélites. Citons comme type du genre Hadena, la Potagère (Hadena oleracéa), si commune dans les jardins potagers : sa chenille, verte, avec des raies blanches et jaunes quand elle est jeune, souvent brune quand elle a pris toute sa taille, ronge les Oseilles, les Épinards, les Choux. Elle se con- struit dans la terre une coque formée de particules terreuses liées avec de la soie. Le Papillon a les ailes de la première paire d'un gris roux, présentant au centre un anneau ovale blanchâtre, puis une tache jaune réniforme, puis une raie transversale dente- lée, presque blanche, Une autre espèce, la Brassicaire (H. Bras- 18 274 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. sicæ, — genre Mamestra de divers auteurs), est un plus grand fléau encore pour les maraîchers. Sa chenille, brune ou d’un vert foncé, est celle que l’on trouve continuellement entre les feuilles ou dans le cœur des Choux. Elle se transforme en chrysalide dans la terre, et le Papillon éclôt au printemps de l'année suivante. Celui-ci a des ailes d'un gris sombre varié de noir. Dans le même groupe, les Dianthécies se font remarquer par les ailes des Papillons parées de couleurs assez vives et de dessins nettement tracés, comme par les habitudes des chenilles. Celles-ci dévorent les boutons et les fleurs, surtout le calice des OEillets, des Nielles, de la Coquelourde, de la Saponaire, c'est-à-dire, des plantes de la famille des Caryophyllées (Dianthæœcia capsin- cola, D. conspersa, ete.). Les Noctuélides du groupe des Leucaniites se reconnaissent à leurs ailes étroites de couleur pâle, sans dessin marqué, souvent comme veinées, à leurs palpes saillants, à leurs antennes pubes- centes ou crénelées. Les chenilles des Leucanies, presque blan= ches ou d’un gris rosé avec des lignes plus sombres, vivent sur des Graminées et se tiennent toujours cachées. Chenilles et Papil- lons semblent décolorés; aussi Engramelle nomme-t-il l'espèce la plus commune en Europe, la Bléme (Leucama pallens). D'autres espèces du même groupe composant le genre Nonagrie représentent, par leurs habitudes et par certaines analogies de conformation des appendices, les Cossus et les Hépiales de la famille des Bombycides. Leurs chenilles, fort allongées, à pattes très-courtes, vivent dans l’intérieur des tiges de Graminées et de Cypéracées. Les Papillons ont le corps et surtout l'abdomen très-longs. La Nonagrie de la Massette (Nonagria Typhæ) se trouve fréquemment dans les tiges des Massettes, qui eroissent dans les étangs et les marais. Dans cette vaste famille des Noctuélides, il faut distinguer encore quelques petits groupes particuliers, les Xylinites, les Plu- siites, les Catocalites. Au premier de ces groupes appartiennent rs PP PR TOUS OUT DEV OT ER, 7,0 ee NE NL I M TT RO VE è = LES LÉPIDOPTÈRES. 275 les genres des Xylines et des Cucullies. Les ailes de la plupart de ces Lépidoptères sont veinées comme ces bois recherchés pour la confection des meubles élégants. Aussi est-ce le mot qui, chez les Grecs, désigne le bois, qui a été choisi pour le nom du genre principal du groupe : Xylina. Les Xylines ont le thorax garni de poils et d’écailles formant une sorte de crête, des ailes longues et étroites, des antennes absolument filiformes chez les deux sexes. Dans leur premier âge, elles offrent différentes colorations. Pour se transformer en chrysalides, les chenilles se cachent en terre et filent une coque mélangée de soie et de débris de toute nature. Sur les élégantes Scabieuses, sur les Linaires qui poussent au bord des chemins ou à l'abri des murailles, vivent des chenilles de Xylines (genre Cleophana) qui ne craignent pas trop de se montrer à la lumière : elles sont jolies ; leur corps, lisse, d’un vert tendre chez quelques espèces, est orné de lignes blanches; chez d’autres espèces, il est paré de longues bandes alternativement Jaunes et blan- ches et parsemé de points noirs (la Xyline de la Linaire, Xylina Linariæ). Mais parmi les Xylines, l'espèce la plus charmante est celle que l'on peut observer le plus aisément, Vers la fin de mai, et pendant le mois de juin, voltige souvent, au voisinage des plates-bandes de Pieds-d’alouette, un petit Papillon dont les fraiches nuances s'aperçoivent même au crépuscule. Son corps et ses ailes postérieures sont d’un gris de perle, ses ailes anté- rieures d’un rose violacé tendre avec des raies plus foncées. C'est la Xyline du Pied-d'alouette (Aylina Delphinü, genre Chariclea). Bientôt les fleurs et surtout les fruits des Pieds- d'alouette sont rongés par les chenilles de cet Insecte. Ces chenilles, luisantes, d’un blanc rosé ou violacé, ont sur les côtés deux raies jaunes, sur le dos une suite de traits noirs, et sur chaque anneau de gros points également noirs. Elles se (transforment dans la terre, où elles fabriquent une coque 276 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. avec des grains de terre agglutinés au moyen d’un peu de soie. La Xyline du Pied-d'alouette ne se rencontre jamais, dans notre pays, hors des jardins. Le Pied-d'alouelte nous a été apporté de la Perse; l’Insecte est venu avec la plante, il ne l'a jamais quittée. Toutes nos plantes indigènes lui sont indiffé- rentes, même le Pied-d’alouette des champs. À la Louisiane, dans la Géorgie, une espèce de Xyline est particulièrement nui- sible aux Cotonniers. Les Cucullies se rapprochent beaucoup des Xylines, mais on les reconnait sans difficulté à quelques particularités très- frappantes. Les écailles de leur thorax forment, en avant, une sorte de capuchon (cucullus); de là le nom expressif de Cu- cullie. Sur l'abdomen règne également une crête bien pro- noncée. Ce sont aussi de belles chenilles que celles des Cucullies. Observons plutôt. Comme on a voulu le montrer sur la planche voisine, il fait un beau soir d'été; les belles plantes de la famille des Scrophu- lariées, les Molènes ou Bouillons-blances, sont en fleur. Des che- nilles qui demeuraient cachées et comme engourdies pendant la chaleur du jour, se mettent à grimper et à ronger les feuilles. Leur peau lisse, d'un blanc jaunâtre, a la plus grande frai- cheur; sur la teinte pâle se détachent de gros points noirs. Des chenilles parvenues à leur entier accroissement avant les autres sont descendues au pied de la plante. Elles se sont plus ou moins enfoncées en terre, et pour se transformer en chrysa- lides, chacune, avec un peu de soie et quelques grains de terre, s’est constitué une coque de chétive apparence. Des Papillons sont déjà éelos; ils voltigent près de la plante qui les a nourris pendant leur premier âge, venant encore parfois humer un peu du miel de ses fleurs. Ce sont d’élégants Nocturnes, dont les ailes antérieures, semblables à ces bois dont on admire les veines, ont une couleur d’un brun roussâtre passant insensible- ment à un ton roux d’une certaine vivacité. Ÿ 276 AGE 210, EM, DLANCHAND, + è à N à N LOL 4 CL LIBRAIRIE GERMEN BAILLIÈRE, IMPR, DE E. MATINET MÉTAMORPHOSES DE LA CUCULLIE DU BOUILLON-BLANC (Cucullia Verbasci). : DS f UT EC LE JAN on LES LÉPIDOPTÈRES, 277 C'est l’histoire entière de la Cucullie du Bouillon-blane (Cucullia Verbasci). N existe un assez grand nombre d'espèces de ce genre, et plusieurs d’entre elles se ressemblent tellement à l'état de Papillon, qu'il est parfois fort difficile de les distin- guer avec certitude. Observées dans toutes les phases de leur existence et dans leurs habitudes, les distinctions spécifiques deviennent manifestes. C’est ce que le docteur Rambur s’est attaché à montrer il y a plus de trente ans. La Cucullie du Bouillon-blane (Cucullia Verbasa), à l'état de chenille, ronge les feuilles. La Cucullie de la Scrophulaire (Cucullia Scrophulariæ), presque pareille à cette dernière à l’état de Papillon, en diffère notablement sous sa forme de chenille par la coloration; elle en diffère aussi par ses habitudes, car elle s'attaque surtout aux fleurs et aux fruits. D'autres espèces de Cucullies présentent des différences du même ordre, ou vivent exclusivement sur certaines plantes. Tout devient précis, quand l'étude est complète. D'autres Noctuélides ont aussi des antennes simples, un cor- selet pourvu d’une crête, mais on les reconnaît bien aisément à leur parure. Elles ont seules, parmi les Noctuélides, des ailes ornées de taches d’or, d'argent, d'espaces cuivreux ou sablés d'une couleur métallique. Elles forment le petit groupe des Plu- sites, dont le genre principal est celui des Plusies, nom qui signifie richesse. Quelques espèces de ce genre, particulières aux régions alpines, offrent un si heureux mélange de dessins métal- liques et de couleurs tendres d’une incomparable délicatesse, que les amateurs les montrent comme les Joyaux de leurs collections. Les Plusites sont remarquables, sous leur forme de chenilles, par le petit nombre de leurs pattes membraneuses; elles n’en ont que deux paires, où toutes les autres larves de Lépidoptères dont nous nous sommes occupés jusqu'à présent en ont quatre. Aussi ces chenilles ont une démarche singulière ; elles progres- sent en repliant leur corps d'une façon qui ressemble aux 278 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. mouvements des chenilles de Phalénides, ce qui leur à valu l'épithète de Semi-arpenteuses. La plus commune des Plusies dans notre pays, la Plusie gamma (Plusia gamma), est très-modestement parée, si on la compare à ses congénères. Ses ailes de la première paire, grises et noirâtres avec des reflets bronzés, portent pour tout ornement une tache d'aspect argenté, ayant à peu près exactement la forme du gamma grec (y). Sa chenille, couverte de poils épars, comme les feuilles des Orties, est verte, avec six raies blanches et deux raies latérales jaunes. Pour se transformer en chrysa- lide, elle file une petite coque de soie pure ; mais la soie étant peu abondante, la coque est faible. L'instinct de l'animal sup- plée à ce défaut; à l’aide de quelques fils, la Plusie retient des feuilles qui masquent sa coque et lui font une protection. La chenille de la Plusie gamma est une bête nuisible dans les années et dans les localités où elle est très-abondante. Assez indifférente sur le choix de sa nourriture, elle s'attaque à une foule de plantes herbacées, et parfois elle exerce d'assez grands ravages dans les potagers. Réaumur lui a consacré un de ses mémoires, sous ce titre : Des Arpenteuses à douze jambes, ou des chenilles qui ont fait de grands désordres, en 1705, dans les léqumes du Royaume. « H n’est pas aisé, dit Réaumur, de se représenter » la quantité de ces chenilles, qui a paru cette année aux envi- » rons de Paris et dans une grande étendue du Royaume, » comme depuis Paris jusqu'à Tours, en Auvergne, en Bour- » gogne, ete. Elles ont commencé par attaquer les légumés; elles » ont ravagé presque tous les jardins Rose des environs de » Paris, appelés marais, à un tel point, qu'on n'y voyait au plus » que des fragments de feuilles; les plantes n'avaient plus que » des tiges et des côtes de feuilles. » Les dégâts qu'exerce la Plusie gamma ont rarement une pa- veille gravité, néanmoins les cultivateurs doivent toujours se méfier de cet Insecte. Si les conditions atmosphériques lui sont Rd, ht -à, 25 à à rap lie Mettre ps dt di : à lis réal ti ut de Lens LES LÉPIDOPTÈRES. 279 favorables pendant quelques années, il peut dans un temps se montrer en très-grande abondance, et cela d'autant mieux, que ses générations se succèdent avec une étonnante rapidité durant toute la belle saison. Si l'on se promène sur les rives plantées de Saules et de Peu- pliers, par une matinée où une soirée de la fin d'été, ou par un temps couvert et pluvieux, on voit voler, puis se poser sur les troncs, des Noctuelles d’une taille bien supérieure à celle des autres Noctuélides et d’un aspect très-saisissant par la couleur vive de leurs ailes postérieures. Ce sont les Lichenées (Catocala). Les Papillons ont les antennes longues et grêles, le thorax arrondi; les premières ailes grises, nuancées, et les ailes posté- rieures bleues, rouges ou jaunes. Au repos, les ailes de la pre- mière paire étant seules visibles, les Lichenées, fixées, immobiles sur des troncs où dés murailles, sont difficiles à apercevoir. Lorsqu'on les approche de trop près, elles s’envolent et étalent leur beauté, mais c’est toujours pour aller se poser de nouveau dans le voisinage. Les chenilles de ces Lépidoptères ont des formes très-caracté- ristiques : très-allongées, arrondies en dessus, aplaties ou con- caves en dessous, garnies de poils disposés de chaque côté comme une frange, leur aspect frappe les observateurs les plus superficiels. Habituellement d'une couleur grise, avec des marbrures plus claires, plus foncées, brunes ou verdâtres, souvent blotties dans des crevasses du tronc ou des branches, ces chenilles offrent si bien les teintes de l'écorce et des Lichens, que leur présence est parfaitement dissimulée. Pour leur métamorphose, les Lichenées se contruisent entre les feuilles une coque à réseau lâche. Les chrysalides sont couvertes d’une sorte d’efflorescence qui rap- pelle celle de certains fruits : des prunes, par exemple. La Lichenée bleue (Catocala Fraæini), la plus grande de nos espèces indigènes, la seule dont les ailes postérieures soient de couleur bleue, n’est pas rare surles Peupliers, La Lichenée rouge 280 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. (Catocala nupla) est la plus commune sur les bords des rivières et des canaux. Nous citerons enfin comme type remarquable de la famille des Noctuélides, les Érèbes (groupe des Érébites), non pas pour leurs métamorphoses, qui sont à peine connues, mais à raison de la taille exceptionnelle de plusieurs d’entre eux. Les Érèbes, pour la plupart, sont des Lépidoptères d' Amérique ayant des couleurs sombres. L'Érèbe chouette (Ærebus strix), espèce fort commune au Brésil et à la Guyane, et que l’on apporte journel- lement en Europe, a des ailes d'une envergure de 20 centimètres, d'un gris pâle, avec une multitude de raies ondulées ou dentelées grises ou noirätres. On distingue, sous le nom de Paarénnes, les représentants d'une grande famille assez bien caractérisée. Les Phalénides ont presque toutes un corps assez frêle, comparativement à celui des Bombycides et des Noctuélides; des ailes très-amples, relative- ment au volume du corps, ordinairement horizontales pendant le repos ; des antennes en forme de soies, très-souvent pectinées ou même flabellées chez les mâles; une trompe rudimentaire, membraneuse, sans usage pour l'animal, et des palpes assez petits. Mais c’est particulièrement sous leur première forme que ces Lépidoptères sont remarquables. Les chenilles des Phalé- nides, longues, cylindriques comme les tiges d'une plante, n'ont en général que deux paires de pattes membraneuses; il y en a trois dans un petit nombre d'espèces; elles manquent aux an- neaux qui, dans toutes les autres chenilles, supportent les trois premières paires de pattes membraneuses. Par suite de ce fait, le mode de progression est fort différent de celui des autres larves de Lépidoptères. Les chenilles des Phalénides voulant avancer commencent par prendre un appui avec leurs pattes écailleuses; détachant alors la partie postérieure de leur corps et la portant en avant, elles fixent leurs pattes membraneuses; détachant ensuite les pattes LES LÉPIDOPTÈRES. 281 écailleuses, elles étendent complétement le corps pour recom- mencer les mêmes manœuvres, Dans ce singulier mode de progression, ces chenilles semblent mesurer, arpenter le sol, ce qui leur a valu les noms de Géo- mètres et de Chenilles arpenteuses. Ce n’est pas toutefois l'unique singularité de ces Insectes, Doués d’une incomparable puissance DURCUNT CHENILLES D'UNE PHALÉNIDE DANS LEURS DIVERSES ATTITUDES (Ennomos illustraria). musculaire, on les voit, le corps dressé, rigide, demeurer fixés pendant des heures entières par leurs pattes postérieures seules. Dans cette attitude, leur immobilité est complète, et leurs cou- leurs, ordinairement vertes ou brunes, étant précisément celles des végétaux et du bois, il est difficile, sans un examen fort attentif, de ne pas les prendre pour de petites tiges ou pour des — Lt à “> à Hi: - à de LAS. dd à sé D bb 7 D SO . Lis PU TT 282 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. morceaux de bois. Il est peu d'Insectes mieux conformés pour dissimuler leur présence. C’est un moyen donné par la nature à des êtres sans défense, d'échapper à leurs ennemis. Lorsque ces chenilles se trouvent inquiétées, elles se dérobent aussitôt en se laissant choir suspendues à un fil, de façon à ne pas se blesser et à pouvoir remonter sans grande difficulté. La famille des Phalénides est très-nombreuse en espèces, toutes de taille médiocre et vivant à peu près dans les mêmes conditions. On les a réparties dans une longue suite de genres, mais tous ces genres sont séparés les uns des autres par des caractères trop faibles pour qu'on ait avantage à en constituer des groupes d’un ordre plus élevé. Ces Lépidoptères ne sont pas sans analogie avec les Bomby- cides: de même que parmi ces derniers, il en est dont les femelles sont privées d'ailes ou n’en ont que des rudiments ; il est aussi une infinité de mâles dont les antennes pectinées ou plumeuses ont l’aspect de véritables panaches. Les Phalénides mâles étant comme les Bombyx attirées de fort loin par leurs femelles, il y a une double coïncidence nous donnant à penser que le grand développement des antennes a réellement un rapport avec l'aptitude singulière de beaucoup de Bombycides et de Phalénides. Examinons maintenant les formes principales de la famille des Phalénides ou des Géomètres. Une espèce assez répandue en Europe, remarquable par ses ailes antérieures anguleuses et ses ailes postérieures prolongées en une sorte de queue, comme chez divers Papilionides, est devenue le type du genre Urapteryx, l'Urapteryx du Sureau (Urapteryx sambucaria), dont les ailes jaune-soufre sont traversées par des raies brunâtres. Sa che- nille, qui est ridée et tuberculeuse, file une coque soyeuse pour y subir sa transformation. Cette coque ayant des parois peu résistantes, l’Insecte la protége au moyen de quelques feuilles et la suspend aux branches par de longs fils. CRERRE AS TETE VII RSS ets à don Le LES LÉPIDOPTÈRES. 283 Les Ennomos, dont la taille est très-inférieure à celle des Urapteryx, ont aussi des ailes dentelées, mais sans prolongement caudiforme. Elles ont des teintes jaunes roussâtres, avec des bandes et une multitude de petits traits d’une nuance plus intense (Ennomos illustraria). On a réservé le nom de Géomètres pour des Phalénides ayant des antennes pectinées, des palpes terminés par un long article dégarni d’'écailles, par des ailes larges faiblement dentelées et très-généralement d'un beau vert. La plus grande espèce de nos contrées est la Géomètre papillonaire (Geometra papilionaria), qui babite les forêts. Sa chenille, entièrement verte, offrant des gib- bosités sur plusieurs anneaux, vit sur les arbres de haute futaie. Il est de charmantes Phalénides, dont les ailes larges sont presque toujours élégamment peintes, dont les antennes, chez les mâles, ressemblent à des plumes t; on les nomme les Fido- nies. Elles volent en plein jour, et au repos redressent les ailes comme de véritables Diurnes. La Fidonie à plumets (Fidonia plumistaria), Vune des plus jolies espèces du genre, habite la Provence. Ses ailes fauves, couvertes d'atomes noirs agglomérés en certains endroits, de façon à figurer des taches et des bandes, ont un aspect char- mant. La chenille de cette espèce, qui a été observée par M. Mil- lière, vit sur les Légumineuses du midi de l'Europe que l'on appelle les Dorychum. La Fidonie du Pin (F. piniaria), fort abondante en Allemagne, et quelquefois aussi en France, dans les plantations d'arbres verts, a été signalée en certaines con- trées comme nuisible aux Pins. Une de nos plus remarquables Phalénides est le type du genre Zérène, caractérisé par des antennes simples, des ailes amples et arrondies. Cette Phalénide est la Zérène des Groseilliers ou la Mouchetée de Geoffroy (Zerene grossularia). A la fin du mois de (1) Voyez page 210, 28/4 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. mai et dans les premiers jours du mois de juin, les Groseilliers épineux, souvent les Groseilliers rouges ou noirs, et quelquefois les Pôchers et les Abricotiers, ont leurs bourgeons et leurs jeunes feuilles attaqués par les chenilles de cette espèce. Ge sont des Géomètres d’un aspect très-particulier, faciles à apercevoir sur les feuilles et les tiges. Par une singularité presque exception- nelle, leurs couleurs ressemblent à celles des Papillons et ne servent guère à dissimuler leur présence. Une teinte générale d'un blanc mat un peu jaune, et des séries de taches oranges et noires, leur font un uniforme très-voyant. Des poils noirs, assez roides, très-disséminés, leur donnent un tact très-sensible. Averties d’un danger, ces chenilles se laissent choir au plus vite, suspendues par un fil. Ayant peu de soie, elles établissent leur coque sous des feuilles. Les Papillons éclosent au mois de juillet; près des haies, des champs de Groseilliers, ete., ils se montrent en plein jour. Ne sont-ils pas parés comme des Diurnes? Les écailles de leurs ailes, il est vrai, sont mates, mais leurs nuances sont vives. Le corps de ces Papillons est fauve et tacheté de noir, Leurs ailes sont d’un blanc un peu roux et chargées de gros points noirs; sur celles de la première paire, il y a en outre deux raies fauves Les Phalénides qui volent en plein jour sont assez nom- breuses. Ainsi on voit continuellement, au printemps et à la fin de l’été, dans tous les endroits un peu humides, une espèce assez voisine de la Zérène des Groseilliers, et que sans doute on devrait placer dans le même genre. Ses ailes, d’un beau jaune, sont tachetées de noir : c’est la Phalène panthère de Geoffroy (Mela- nippe macularia). On remarque également pendant tout l'été, sur les champs de Luzerne, la Phalène aux barreaux (Acidaha cla- thrata), petit Papillon aux ailes d’un jaune pâle, ornées de raies et de taches noires figurant une sorte de grillage. Nous avons réservé le nom générique de Phalène pour des espèces qui diffèrent beaucoup de toutes les précédentes par leur Maé sin. ‘4 id Un, CRE 0 dé, = nn. db. “à 4. ts dote LADA. L ds ES LES LÉPIDOPTÈRES, 285 corps robuste. Véritables Lépidoptères de nuit, elles ont des ailes MÉTAMORPHOSES DE LA ZÉRÈNE DES GROSEILLIERS (Zerene grossularia), élroites, avec des teintes grises ; un thorax très-velu, comme lai- 286 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. neux ; des antennes pectinées dans les mâles ; une apparence enfin qui rappelle beaucoup celle des Bombyx. Plusieurs de ces Phalènes ont aussi, comme certains Bombyx, des femelles dont les ailes sont à l’état rudimentaire. Le type de ce genre Phalène, restreint à des limites étroites, est la Phalène du Bouleau (Pha- læna betularia). La chenille, une des plus grosses arpenleuses, de couleur verte ou brunâtre et couverte de petites verrues, vit sur les grands arbres des forêts, et particulièrement sur les Bou- leaux, les Trembles, les Peupliers. Au mois de septembre, quand elle a acquis toute sa taille, elle descend dans la terre, s’y forme une loge ovalaire, etse transforme en chrysalide. Le Papillon éclôt au mois de mai ou de juin de l’année suivante; son corps, ses ailes d’une teinte grise, presque blanche, sont parsemés d’une multitude de petites taches et d’atomes confus d’un gris sombre. Les plus grands individus de cette espèce ont une envergure de plus de 5 centimètres. Sous le nom de Nyssies (Nyssia), on distingue des vraies Phalènes des espèces à antennes plumeuses chez les mâles, à thorax épais, revêtu de longs poils soyeux, dont les femelles ue portent que de petits moignons d'ailes tout fripés. Les. Hiber- uies, ainsi nommées à cause de leur apparition pendant les mois d'hiver, ont le corps moins robuste, les antennes finement pecti- nées, lesailes larges ; les femelles n’ont que des rudiments d'ailes, et quelques-unes même sont complétement aptères. L’'Hibernie effeuillante (Hibernia defoliaria), aux ailes d’un jaune terne, avec de petites lignes et deux raies brunes, est commune dans les jardins comme dans les bois. Sa chenille vit indifféremment sur les arbres fruitiers et sur les arbres des forêts. La dernière grande division de l’ordre des Lépidoptères que nous ayons à signaler est la famille des Pyrarines. C’est la foule des petits Lépidoptères; aussi n'est-ce pas autrement que les désignent souvent les entomologistes : les HMicrolépidoptères. Les Pyralides, répandues en nombre immense par le monde entier, nl. de di tr Et dt dé 5 mr itidinl din Sete lili di tn dt NÉ DES CES ARS SSS LES LÉPIDOPTÈRES. 287 ont très-vivement excité l'intérêt des naturalistes modernes. Extrèmement variés sous le rapport des formes typiques, ces Lépidoptères sont aussi des plus remarquables par la diversité de leurs habitudes. Malgré l’exiguïté de leur taille, ils peuvent compter parmi les mieux partagés sous le rapport des orne- ments, et ils comptent parmi les plus curieux sous le rapport des habitudes, des mœurs, des transformations. Cependant, mal- gré des différences notables entre les principaux types, il ne semblerait pas heureux de séparer nos Pyralides en plusieurs familles ; des types intermédiaires rapprochent ceux que l’on peut regarder comme les plus éloignés, comme les Pyralines ou Tor- deuses, d'une part, et les Teignes ou Tinéines, d'autre part. Dans leur ensemble, les Pyralides sont caractérisées par un corps assez frêle, des ailes amples, une trompe généralement bien développée, des palpes labiaux, toujours longs et souvent d'une très-grande dimension. Dans la première phase de leur existence, ces Insectes sont pourvus, comme la plupart des che- nilles, de cinq paires de pattes membraneuses. Les chenilles des Pyralides n'ont jamais que des poils épars. D'une agilité sans égale parmi les chenilles, à cause de la grande flexibilité de leurs téguments, elles avancent ou reculent sans plus de difficulté. Fuyant la lumière, demeurant cachées, ayant à redouter des chutes qui les blesseraient, la nature leur a donné le moyen de se soustraire au danger. Pourvues de glandes soyeuses assez développées, ces chenilles laissent continuellement échapper des fils, et si un choc vient à les faire tomber, elles se trouvent sus- pendues, de façon à pouvoir remonter au moyen de la corde qu'elles ont fixée à l'instant même de leur chute. Toutes les Pyralides sont d’une taille fort exiguë, c'est à peine si quelques-unes de leurs espèces atteignent l’envergure des petites Noctuelles. On sait combien tous ces petits Lépidoptères sont attirés par les lumières : le nom de Pyrale est tiré du mot grec qui signifie le feu. 288 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Il y a deux types principaux parmi les Pyralides : les Pyrales ou Tordeuses, et les Teignes. Pendant longtemps les petites espèces, qui ont fourni à notre Réaumur le sujet de quelques-uns de ses plus intéressants mémoires, furent étudiées d’une manière assez superficielle : il y avait tant de difficultés à les recueillir sans lesendommager, tant de difficultés à les préparer pour mettre en évidence tous leurs caractères; il fallait une telle patience pour les suivre dans leurs habitudes et dans leurs métamor- phoses, qu'on les délaissait. Mais dès le moment où l'attention s’est portée de leur côté, un intérêt nouveau a saisi les amis de la nature; on ne s'imaginerait pas combien alors ces Insectes ont été recherchés. Le jour où l’on s’est mis à recueillir les Pyrales, et surtout les Teignes, à en faire des collections, à les décrire, à les représenter par le dessin, à observer leurs mœurs, l’en- gouement pour ces mignonnes créatures a gagné beaucoup d’en- tomologistes en Allemagne, en France, en Angleterre. Dans cette nombreuse famille, nous distinguons d'abord une première tribu (Botynæ), dans laquelle les naturalistes placent des types qui peut-être ne sont pas tous unis par des affinités bien étroites. Chez tous ces Lépidoptères, néanmoins, les antennes, longues et minces, sont ciliées et quelquefois pectinées dans les mâles ; les palpes, de formes très-diversifiées, dépassent la tête; les ailes, plus ou moins larges, sont presque horizontales pendant le repos. Des espèces de cette division présentent un peu l'aspect de certaines Noctuélides (groupe des Herminites). Les Hypènes ont les ailes de la première paire aiguës, les ailes de la seconde paire larges, la trompe courte, les palpes droits. Leurs chenilles, ayant une extrême vivacité, sont remarquables par l'absence de la première paire de pattes membraneuses. Les deux espèces les plus communes du genre (Hypena proboscidals et I. rostrals) vivent sur les Orties et le Houblon. Les Herminies ont des palpes recourbés au-dessus de la tête. Leurs chenilles sont ES PP PE TE LES LÉPIDOPTÈRES. . 589 courtes et épaisses; elles filent une coque dans des feuilles repliées. L'Herminie barbue (Herminia barbalis) est commune dans tous nos bois. De petits Lépidoptères de la même tribu (Aglossites) sont très- curieux par le genre de vie de leurs larves. Les papillons ont des ailes luisantes, des palpes assez courts, une trompe toute rudi- mentaire; on en voit fréquemment dans nos maisons. Les che- nilles, comme vernissées, à pattes membraneuses fort courtes, se nourrissent de matières animales ou de matières végétales dessé- chées; elles se transforment dans de petites coques soyeuses, L’Asopie de la farine (Asopia farinalis), que chacun a remarquée parfois dans les appartements, est ce peüt papillon aux ailes anté- rieures d’un brun vineux, avec toute la partie centrale teintée de fauve et de gris. Sa chenille, encore fort peu observée, paraît vivre de débris de cuisine. L'Aglosse de la graisse (Aglossa pin- gunaks), que l’ôn rencontre dans les mêmes lieux, ales premières ailes d'un fauve clair saupoudré de noir, traversées par des lignes ondulées noirâtres. Sa chenille, de couleur brune, avec la tête et des plaques écailleuses sur les anneaux thoraciques plus obscures, se nourrit de matières grasses, ce qui semble bien étrange pour une larve de Lépidoptère. Cette chenille s'enfonce dans la graisse, sans inconvénient, sans danger pour ses organes r'espira- toires; les stigmates sont recouverts par des plis de la peau qui les garantissent de toute atteinte. Il est toujours admirable de voir par quels moyens simples la nature donne à certains êtres la possibilité de vivre dans des conditions spéciales. Dans cette tribu de la famille des Pyralides, les Botys con situent le grand genre, etavec diverses formes voisines un groupe particulier (Botytes). Ces Lépidoptères ont une trompe longue, des ailes un peu lancéolées, brillantes, agréablement nuancées. Leurs chenilles, de forme allongée, sont d'une extrême vivacité ; elles contournent les feuilles au moyen de quelques fils, de façon à pouvoir se cacher; leurs pattes, membraneuses, sont 19 NE EN NN TC NT OR 290 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. construites pour marcher sur une surface unie, mais non pour grimper; elles ont une couronne d'épines entière. Sur les Orties, on remarque souvent des feuilles pliées; ces feuilles logent une chenille verte, qui recule avec vivacité en se voyant inquiétée, et qui se laisse choir en se suspendant à un fil : c’est le Botys de l'Ortie (Botys urticalis). L'Insecte adulte est un joli petit pa- pillon bien commun presque partout où il y à des Orties; ses ailes sont d'un blanc denacre, avec deux rangées de taches noires ; son abdomen est noir, avec l’extrémité jaune : de là le nom fran- cais attribué à l'espèce par Geoffroy, la Queue jaune. Une autre espèce fort commune dans les jardins est le Botys du Sureau (B. sambucalis). Mais, de tous les Lépidoptères du groupe dont il est ici question, les plus extraordinaires par le genre de vie de leurs larves sont les Hydrocampes. Il est aisé de comprendre la signi- fication de leur nom, sans être un helléniste consommé : les Hydrocampes, cela signifie les Chenilles d'eau. Au premier abord on peut être surpris. Y a-t-il des Insectes qui semblent plus terrestres, plus aériens que les Lépidoptères? Se figure-t-on leurs chenilles, toutes si peu différentes les unes des autres dans leur organisation, vivant, respirant dans l’eau? La vérité pour- tant est qu'il y a des chenilles aquatiques. Il est facile de les observer dans les mares et même dans les rivières où croissent les Nénuphars, les Potamogétons, les Lenticules, etc. Réaumur a fait les premières bonnes observations sur ces Insectes; de Geer, Lyonet, divers naturalistes modernes, en ont ajouté de nouvelles; mais ce qui manque encore à leur sujet, c'est une étude complète de leur respiration. Les Hydrocampes ont des stigmates comme les autres chenilles; on ne s’est pas rendu compte de la manière dont s'effectue leur occlusion. Ce qui est certain, c’est qu’elles portent toujours quelques filaments, que l’on prendrait volontiers pour des poils, dans lesquels pénètrent des trachées. Ces filaments sont des organes de respiration nd Le ns de tm dd ons Cet dt de At Bt ie ue, dé SSSR sé LES LÉPIDOPTÈRES. 291 aquatique analogues à ceux de certaines larves de Névroptères, comme les Phryganes. Il est une espèce du groupe cependant (A. strahotahs), chez laquelle les filaments charnus, étant très- développés, ont été reconnus par tous les observateurs comme des branches. L'Hydrocampe du Potamot (Xydrocampe potamogalis) est la plus commune dans notre pays. A l’état de chenille, elle vit sur le Potamot nageant, et s’enferme dans un fourreau mobile d'une construction fort simple. Elle coupe deux morceaux de feuilles à peu près égaux et de forme ovalaire, les réunit par leurs bords, les cousant en quelque sorte avec un peu de soie, et ne ménageant qu'une ouverture pour passer la tête et les premiers anneaux du corps. Assez fréquemment, cette chenille abandonne son habitation portative et va prendre une demeure fixe; tail- lant un morceau de feuille, elle le fixe contre la face inférieure d'une autre feuille, etse tient blottie pendant plusieurs jours dans ce petit réduit. Cette chenille, se promenant parfois à lai surface des Potamogétons, paraît profiter de sa situation momentanée hors de l’eau pour faire entrer une provision d'air dans son fourreau. Quand est venu pour elle le moment de se transfor- mer en chrysalide, elle attache son fourreau, en le fermant bien complétement, soit aux plantes, soit aux pierres du voisinage. Le papillon éclôt : sa ressemblance avec les Botys est frappante ; il a des ailes d’un blanc nacré, avec des parties brunes qui circon- scrivent comme des taches les espaces blancs. L'espèce dont les filaments respiratoires sont bien déve- loppés (4. stratiotalis) ne construit pas de fourreau ; elle se nourrit de différentes plantes aquatiques, la Stratiote, les Étoiles d’eau (Callitriche), ete. L'Hydrocampe de la Lenticule (4. lemnals) mange les Lentilles d’eau, et se forme un fourreau avec de la soie et de petites feuilles. Les Pyralines sont tous les Lépidoptères auxquels les anciens naturalistes ont donné le nom de Tordeuses, qui exprime l’'habi- tude de la plupart des chenilles de cette tribu, de plier, de con- Rens dite 7 nel. dat ne Lo de nn Li * 292 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. tourner ou de tordre les feuilles pour se constituer un abri. Quelques espèces, il est vrai, ne plient pas les feuilles, mais les réunissent en paquets au moyen de leurs fils soyeux; d'autres vivent dans l'intérieur des fruits. Toutes ces chenilles, malgré des différences dans leur genre de vie, ont la même conformation ; leur peau est lisse, luisante, comme il est ordinaire chez les larves qui, vivant cachées, se frottent continuellement à des parois. Elles portent seulement des poils épars de nature à les rendre fort sensibles à tous les contacts. Les Tordeuses en général se transforment en chrysalides dans les cornets, les tuyaux ou les paquets qu'elles ont construits, après avoir barré les orifices avec des fils soyeux. Celles qui rongent ou des fruits, ou des Conifères, filent une coque. Les papillons ont des antennes simples dans les deux sexes, des palpes obtus à l'extrémité, une trompe rudimentaire ; des ailes assez larges, en toit pendant le repos, figurant, d’après le sentiment des anciens auteurs, une sorte de chape. Les représentants de la tribu des Pyralines qui atteignent les plus grandes dimensions appartiennent au genre Halias. Les papillons ont une trompe plus développée que les autres espèces du groupe et des ailes antérieures coupées obliquement à leur extrémité; ils se distinguent aussi par leur coloration d’un vert clair. L'Halias du Chêne, ou la Chape verte à bande de Geoffroy (Halias quercana), est la plus grande du genre. La chenille, d’un vert gris, roule les feuilles de Chène, etse transforme en chrysalide dans une coque de la forme d’un petit bateau renversé. Le papillon a sur ses ailes, d’un joli vert clair, deux raies blanches. Une autre espèce beaucoup plus petite, l'Halias verte (IT. viridana), vit également sur le Chène, dont elle roule les feuilles de façon à former des tuyaux assez réguliers, dans lesquels s'effectue sa métamorphose. Cette Tordeuse est si abondante en certaines années dans les bois et les forêts, que les Chênes ont parfois presque tout leur feuillage détruit. ac G a ur D eh | plant nano dd gi jé td dé dde id RS LES LÉPIDOPTÈRES. 293 Les Tordeuses proprement dites (Lortrix) forment un tr grand genre qui a été fort subdivisé par les auteur ès- s modernes. Q gl" ) l'All Ee: L FF fie MÉTAMORPHOSES DE L’HALIAS DU CHÊNE (alias quercana), La plupart des végétaux sont attaqués par des espèces de ce Sroupe. Dans nos jardins, les Rosiers se trouvent fréquemment maltraités par diverses Tordeuses, 294 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Le nom de Pyrales est réservé aujourd'hui à des espèces qui, dans l'état adulte, se distinguent aisément des Tordeuses par leurs palpes très-longs et arqués. Le type du genre est la Pyrale de la Vigne (Pyralis vitana où P. pilleriana), Insecte dont tout le monde a entendu parler; Insecte qui, à différentes époques, a causé des ravages presque indescriptibles et a porté la déso- lation dans les pays de vignobles. Le papillon, de la taille de la plupart des Tordeuses, a les ailes jaunes, avec des reflets ver- dâtres et dorés et des bandes brunes plus ou moins marquées. I se montre au mois de juillet; la ponte a lieu bientôt après à la face supérieure des feuilles, sous la forme de petites plaques très-faciles à apercevoir. Au mois d'août, éclosent les petites chenilles. Celles-ci, malgré la température élevée, ne prennent aucune nourriture; chacune se suspend à un fil, attendant que l'agitation de l'air lui fasse atteindre le cep ou l’échalas. Ces chenilles pénètrent alors entre les fissures du bois ou de l'écorce, et commencent leur hivernage, qui doit durer jusqu'au printemps. Au retour de la belle saison, elles grimpent sur les pousses de la Vigne, etenlacent feuilles et grappes naissantes de fils soyeux, qui les réunissent en paquets. Elles rongent, elles dévorent ainsi, parfaitement à l'abri des dangers extérieurs ; dans l’espace de quelques semaines les Vignes attaquées par un grand nombre d'individus sont mises dans la condition la plus pitoyable, toute récolte est perdue. À la fin du siècle dernier, des naturalistes, Bose, l'abbé Roberjot, ete., furent amenés à s'occuper de la destruction de cet Insecte, sans l'avoir assez étudié dans ses habi- tudes pour obtenir un vrai résultat. De 1835 à 1 840, les ravages exercés par la Pyrale de la Vigne devinrent si effroyables dans plusieurs départements, et surtout dans Saône-et-Loire, que le gouvernement s’émut de toutes les plaintes qui lui par- venaient à ce sujet. M. Victor Audouin fut chargé d'étudier l'Insecte et de chercher le moyen de conjurer le mal. L'étude du savant professeur fut complète, comme l'atteste son bel ou- és sn bi i: VD QU FOR PR TR CE LES LÉPIDOPTÈRES. 295 vrage sur les Insectes nuisibles à la Vigne. L'abbé Roberjot avait indiqué l'usage des feux pour prendre les papillons, moyen insignifiant. On avait parlé d’échenillage, opération absolument impraticable. M. Audouin montra qu'il était facile d’anéantir les œufs en enlevant les feuilles chargées de plaques bien visibles pour tout le monde; il avait reconnu en même temps les stations d'hiver des jeunes chenilles, et cette observation ne devait pas tarder à ètre mise à profit. L’enlèvement des œufs exigeait en effet une main-d'œuvre assez considérable. On eut l’idée de procéder pendant l'hiver à un échaudage des ceps et des échalas : c'était la certitude d'atteindre toutes les chenilles sans exception. Le succès fut complet, et aujourd’hui jamais les Vignes n’ont à souffrir de la présence de la Pyrale, si cette simple précaution n’est pas négligée. Les Pyralines qui rongent les fruits ont été distinguées des Tordeuses sous le nom de Carpocapsa. Les poires et les pommes sont fréquemment rongées à l’intérieur par une petite chenille que chacun a eu l’occasion d'observer : c’est la Carpocapsa des pommes (Carpocapsa pomonana). Quand elle a acquis toute sa croissance, elle perce le fruit, qu’elle abandonne complétement, et file une petite coque soyeuse pour subir sa transformation en chrysalide. Le papillon est charmant ; ses ailes, d’un gris de fer, sont ornées de raies et de taches d’une brillante teinte de bronze. Une espèce du même genre (C. splendana) vit dans les fruits du Châtaignier, les marrons que l'on fait rôtir pendant l'hiver. Certaines chenilles de Carpocapsa s’agitent parfois beaucoup dans l'intérieur des fruits ou des graines qu’elles habitent. M. Lucas a possédé, il y a quelques années, de grosses graines d'Euphorbes provenant du Mexique, qui saulaient jusqu'à une hauteur de 5 à 6 millimètres lorsque la température s'élevait. Le fait semblait difficile à comprendre; l'observation conduisit à reconnaître que ces mouvements des graines déjà desséchées étaient dus à l'agitation d’une chenille de Carpocapsa. Re. SOUS Sd à à 296 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Les Tinéines sont les plus petits parmi les petits Lépidoptères, mais ce sont les plus variés dans leurs habitudes. Elles ont des ailes étroites, bordées d’une longue frange soyeuse, de longs palpes plus ou moins redressés au devant de la tête. GBURGU IT LA TEIGNE DES TAPISSERIES ( Tinea tapexella). Une couverture altaquée par des Teignes. — Des fourreaux suspendus pour la transformation des chrysalides, — Le Papillon de grandeur naturelle, — Une Chenille à nu, grossie. — Ghenilles dans leur fourreau, très-grossies, Les Teignes proprement dites (Tinea) ont les palpes beaucoup plus courts que les autres Tinéines et en même temps peu courbés. Plusieurs d’entre elles sont un véritable fléau dans nos habi- tations. Se nourrissant de substances animales, elles attaquent tous les tissus de laine, les fourrures, les plumes, les erins et les réduisent en poudre. Bien industrieuses sont les chenilles des Teignes; faibles, ayant des téguments mous, elles savent s ha- b LL. dut ra PT iitmssihs hs PS D NT 2 LES LÉPIDOPTÈRES. 297 biller et s’habillent avec infiniment d'art. Réaumur à payé un large tribut d'admiration à ces Insectes. La Teigne des tapisseries (Tinea lapezella), que Geoffroy appe- lait la Teigne bedeaude à téle blanche, est l'une des plus redou- tables. La petite chenille rongeant les étoffes de laine se construit avec de petits brins, qu'elle tisse d’une manière fort habile, un fourreau à peu près cylindrique. Obligée, par suite de sa crois- sance, d’avoir une demeure plus spacieuse, elle l’allonge au moyen de fils ajoutés à chacun des bouts. Voulant élargir le four- reau, elle le coupe dans toute sa longueur et y adapte une pièce de la largeur convenable. Que l’on s'amuse à prendre de jeunes chenilles, et, à de courts intervalles, à les transporter sur des morceaux de drap de différentes couleurs, les Teignes auront bientôt un véritable habit d'arlequin, qui permettra de suivre la façon dont s'exécute leur travail. Au moment de la transfor- mation, elles attachent leur fourreau par une extrémité, et se retournent ensuite pour que les papillons trouvent une issue par le bout demeuré libre. Ceux-ci ont les ailes brunes à la base, d'un blanc gris dans le reste de leur étendue. La Teigne des pelleteries (Tinea pelhonella) se fabrique un fourreau avec de la soie et de petits morceaux de poils coupés de la même taille. Cette espèce est un fléau pour les fourrures. Le papillon a les ailes grises avec trois points noirs. La Teigne du crin (Tinea crinella) a les mêmes mœurs que les précédentes, mais elle attaque exclusivement les erins, les plumes, les peaux. Elle est fort à redouter pour les meubles. Le papillon a les ailes d’un fauve pâle uniforme. On éloigne ces Insectes avec différentes odeurs : poivre, camphre, etc. ; mais le plus sûr est de remuer, d’agiter souvent et d'exposer à la Inmière les objets que l’on tient à conserver. La Teigne des grains (Tinea granella) est considérée à juste titre comme une véritable calamité. Elle vit aux dépens des céréales amassées dans les greniers, l'orge, le seigle, le blé plus Vrr—, PR ARS © D Aatl'h à nm: y mis bn. 298 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, encore, Avec une fine soie blanche, elle réunit plusieurs grains, s'établit entre eux dans un petit tuyau de soie, et poursuit ainsi son œuvre de destruction. Des Tinéides ayant de longs palpes garnis de grands poils et des ailes un peu en forme de faux, étant à l'état de chenilles, vivent sur diverses plantes, et se font remarquer par la perfec— COQUES DE TINÉIDES DU BRÉSIL, tion des coques qu'elles construisent pour se transformer en chrysalides : ce sont les Alucites. On trouve communément dans nos jardins l’Alucite de la Julienne (Alucita porectella); sa coque est un délicieux réseau ordinairement caché à la face inférieure des feuilles. Mais des espèces du Brésil de plus grande taille nous fournissent ce qu'on peut voir de plus ravissant, d'autant mieux LES LÉPIDOPTÈRES. 299 que ces réseaux si réguliers, si parfaits, sont d’une jolie couleur violette, d'une teinte rougeûtre, etc. Certaines espèces, par le genre de vie, par les habitudes de leurs larves, représentent, parmi les Tinéines, les Psychés de la famille des Bombycides. On les appelle des Coléophores, ce qui veut dire porle-élui où porte-tuyau. Les papillons ont des palpes très-ascendants et des ailes longues, étroites, presque pointues, garnies d’une longue frange. Ces petits Lépidoptères se cachent sur les arbres pendant le jour ; avec des habitudes nocturnes, ils ont des couleurs éteintes. Les papillons paraissent en juillet; leurs œufs pondus, les chenilles éclosent, et, à peine nées, s'introduisent dans une feuille ou dans une graine, et commencent à miner. Abandon- nant leur vie complétement sédentaire dès qu’elles ont acquis une certaine grosseur, elles coupent les deux épidermes de la partie de la feuille qui a été rongée, et cousant avec un peu de soie les deux morceaux, se trouve façonné un fourreau por- tatif, qui leur permettra de se promener en restant protégées. Les Coléophores fabriquent leur demeure avec tant de facilité, qu'elles ne se donnent pas la peine de l'agrandir quand elle est devenue trop petite, ni de la raccommoder quand elle a subi des avaries ; elles la délaissent et en confectionnent une nouvelle, après. avoir été ronger le parenchyme d’une feuille. D’autres, après avoir mangé tout l’intérieur d’une graine, trouvent dans l'enveloppe un fourreau parfaitement à leur convenance. Dans son ouvrage spécial sur les Teignes, M. Stainton énumère 126 espèces de Coléophores observées sur les végétaux de l'Eu- rope centrale. Parmi les espèces les plus faciles à rencontrer, on peut citer celles de l’Orme (Coleophora fuscedinella), du Rosier (C. gryphipennella). Pendant l'été et mieux encore en automme, si l’on porte le regard sur les haies, sur les arbrisseaux des jardins, sur les arbres de la lisière des bois ou des avenues des forêts, et même 300 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, sur une foule de plantes herbacées, on aperçoit, à la surface des feuilles, des plaques sombres plus où moins étendues, des raies diversement contournées, étranges comme des dessins hiérogly- phiques. Sur les feuilles vertes, ces raies et ces plaques se dessi- nent nettement; elles ont pris une coloration brunâtre, ear l'espace est flétri et bientôt desséché. C’est l'œuvre de certaines chenilles de Teignes. Ces chenilles, à peine écloses, pénètrent dans l'épaisseur d’une feuille, rongent le parenchyme, respectant l'épiderme; elles demeurent ainsi à l'abri d’une foule de dangers extérieurs, si redoutables pour des êtres privés de tout moyen de défense. Réaumur, toujours préoccupé de l'idée d'appeler l’atten- tion sur un trait de mœurs, les a nommées les Chenilles mineuses. Les chenilles de ces Tinéines, trop faibles pour couper les feuilles, se contentent de ronger; leur lèvre supérieure n’a rien à maintenir, cette lèvre n’est point fendue. Dansles circonstances au milieu desquelles s'écoule la vie de l’animal, les pattes membra- neuses, n'ayant aucune tige, aucune feuille à saisir, sont réduites à de très-petits tubercules garnis d'une véritable couronne de crochets ténus, capables de se fixer sur une surface peu résistante. Des Teignes mineuses d’un genre particulier semblent vivre exclusivement sur les Graminées et les Cypéracées. On en a faitle genre des Élachistes. A l'état adulte, ce sont des papil- lons pleins d'activité à certaines heures, se réunissant presque toujours comme des essaims, ayant des ailes parées de dessins élégants ou marquées de taches d’or et d'argent, des palpes minces, longs, recourbés. Les chenilles des Elachistes, assez semblables à celles des autres mineuses, quittant leur retraite aux approches du froid, vont chercher un abri plus sûr pour passer l'hiver et se transformer au printemps. D'autres Teignes mineuses se métamorphosent dans un plus court espace de temps. Par exemple, les Lithocolletis, que l’on voit voler surtout au mois de juillet et au mois de septembre. Petits papillons à la tête poilue et aux palpes droits et pendants, LES LÉPIDOPTÈRES. 304 ils ont des antennes, sorte de soies grèles, qui souvent s’agi- tent avec rapidité; des ailes aux couleurs variées, très-fré— quemment ornées de taches égales en éclat à l'or et à l'argent, BURCUAT UNE BRANCHE DE CHÈVREFEUILLE DES HAIES DONT LES FEUILLES SONT OCCUPÉES PAR DES CHENILLES DE LITHOCOLLETIS (Lithocolletis emberixæpennella). En plusieurs endroits, l'épiderme a été déchiré pour mettre des chenilles et chrysalides à découvert, a. Papillon de grandeur naturelle, — b, Papillon grossi, — e. Une chenille grossie, avec des franges splendides, et ces ailes, entièrement déployées, mesurent une envergure de quelques millimètres. On n’a pas découvert en Europe beaucoup moins d’une cen- laine d'espèces de Lithocolletis. Chaque espèce affectionnant d'ordinaire un végétal particulier, sa détermination devient assez facile, si l’on connaît ses mœurs. Entre ces divers Lithocolletis, nous en citerons un plus parti- 302 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. culièrement, le Lithocolletis aux ailes de Bruant (Lithocollehs emberizæpennella), à cause d’une vague analogie avec la colora- tion du plumage de l'oiseau qui porte ce nom. Au printemps et à la fin de l'été, c’est-à-dire deux fois dans le cours d’une année, sur les haies où croissent les Chèvre- feuilles sauvages, se montre bien souvent un tout petit papillon aux ailes d’un brun safrané, ornées de bandes et de taches blanches et bordées d’une fine et longue frange soyeuse. La chenille de ce joli papillon vit sur le Chèvrefeuille des haies ; elle mine les feuilles par leur face inférieure, rongeant la partie charnue. La feuille attaquée se contourne irrégulière ment, et sous le moindre effort pour la tendre, l'épiderme se déchire ; la petite chenille est mise à nu. Celle-ci, d'un blanc verdâtre, pâle, semi-transparente, étiolée, comme un animal dont la vie se passe dans l'ombre, avance ou recule avec agilité lorsqu'on l’inquiète. Ses pattes membraneuses sont très-petites, et celles de la quatrième paire font entièrement défaut. Au terme de sa croissance, la chenille, sans quitter la feuille dont elle s'est nourrie, file une coque soyeuse assez épaisse, ordinairement d'un vert sombre et s’y transforme en chrysalide. Examinons les feuilles des Ormes, des Peupliers, des Saules, des Cerisiers, des Aunes, de la plupart de nos arbres et de beaucoup de plantes herbacées, nous y rencontrerons des che- nilles mineuses, des chenilles de Lithocolletis, ayant chacune sa manière propre de miuer ; les papillons ayant chacun ses carac- tères distinctifs dans la coloration de ses ailes et dans les détails de ses formes extérieures. Ces Lithocolletis, si petits parmi les Lépidoptères, ne sont pas encore cependant les plus petits ; il y a les Teignes que les ento- mologistes appellent les Nepticules. Chez ces dernières, l'enver- gure des ailes ne dépasse pas 5 à 6 millimètres. Dans les jardins, on voit souvent voltiger des Nepticules, papillons aux teintes sombres, aux ailes couvertes de grandes écailles. Leurs chenilles er) Ver C2 hs hs bof hs Alt, lié de RTS. Le. NÉ NO PR CS RE à Si, né dr 2 LES LÉPIDOPTÈRES. 303 sont des mineuses comme les Lithocolletis ; Seulement elles minent d'une façon particulière, Dans l'épaisseur d’une feuille, elles creusent une véritable galerie tortueuse, parfois pleine de détours. Tout le monde remarque sur les Rosiers des feuilles qui montrent à leur surface une large ligne brune ondulée, serpen- tante : c’est la galerie de la chenille de la Nepticule du Rosier (Nepticula anomalella). Les Ronces, les Osiers, les Ormes, les Pruniers, les Cerisiers, les Chênes, et tant d’autres plantes, ont aussi leur Nepticule spéciale. Deux genres encore de cette grande tribu des Teignes méritent d'être considérés à raison d’un singulier caractère de leurs ailes : les Ptérophores et les Ornéodes. Nous y remar- quons une singulière dégradation des organes du vol, qui devient, pour ces petits Insectes, une beauté délicate et étrange. Leurs ailes sont coupées dans le sens de la longueur en plusieurs branches, et ces branches, garnies d’une longue frange de la plus incroyable délicatesse, ont toute l'apparence de jolies plumes réduites aux plus mignonnes proportions. Chez les Ptérophores, les ailes de la première paire sont divi- sées en deux parties, les ailes de la seconde paire en trois parties. Ces Lépidoptères ont une longue trompe et de grandes pattes postérieures munies d'ergots. Ils voltigent pendant le jour, ne parcourant jamais qu'un bien petit trajet à la fois. Des ailes découpées ne permettent point un vol soutenu. Le Ptérophore pentadactyle, ou le Ptérophore blanc, comme l'appelait Geoffroy, est dans notre pays le plus commun et aussi le plus joli entre tous les Ptérophores. Tout entier d’un blanc pur, il se fait admirer sur les haies et les charmilles, où la blancheur de son corps et de ses ailes se dessine sur la teinte des feuilles. La che- nille de cette espèce, rayée de vert, de blanc, et de jaune, vit sur les Liserons, Liserons des haies, Liserons des champs. Arrivée à son entier accroissement, elle abandonne la plante qui la nour- rissait, afin de s'établir sous un abri, tel qu'une encoignure de Méta ét. à lé. si TE RE TU NOT NT TT 2 304 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. muraille, où elle se transforme en une chrysalide, attachée comme une Piéride par une ceinture et un lien à l'extrémité du corps. Les Ornéodes ont leurs ailes bien autrement découpées que ORNÉODE HEXADACTYLE PTÉROPHORE A CINQ PLUMES. (Orneodes hexadactylus). (Plerophorus pentadactylus). Grossis et de grandeur naturelle, les Ptérophores. Chaque aile offre l’image de six petites plumes bien frangées. C’est douze plumes de chaque côté, vingt-quatre plumes que porte le papillon. Au repos, elles se superposent comme les branches d’un éventail. Les Ornéodes n’ont qu'un vestige de trompe; ils déposent leurs œufs isolément sur les fleurs des Chèvrefeuilles des haies. La petite chenille s’introduit dans le calice et en ronge l’intérieur. Quand tout est dévoré, elle va s'attaquer à une autre fleur; puis elle cherche un abri pour subir sa transformation, et se file une petite coque. héhé sé IX LES HYMÉNOPTÈRES. En écrivant l’histoire si curieuse des Insectes qui peuplent le monde, on s'arrête avec une indicible satisfaction au chapitre relaüf aux Hyménoptères. 11 ne s’agit plus ici de formes élé- gantes, de couleurs magnifiques, d’ornements splendides; les Hyménoptères, pour la plupart, sont de taille assez minime : en général, ils ont les parures les plus modestes. Quelques-uns d'entre eux brillent beaucoup, il est vrai, mais ils constituent l'exception, et encore sont-ils très-petits. En observant les Hyménoptères, on ne songe plus à ren- contrer la beauté; un intérêt d'un ordre plus élevé saisit l'esprit. Voici un Lépidoptère admiré pour la richesse de ses couleurs, pour les formes de ses ailes majestueusement déployées; un Coléoptère qui éblouit par l'éclat de ses élytres plus étincelantes que les métaux ou les pierres fines; mais ce Lépidoptère ou ce Coléoptère qui étale une orgueilleuse opulence est l'être dont 20 =, te. 0 D 0, Fr HR he M SR, 2, ns Te Labs. “ RTL es Me oc ' ’ Fi 306 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. l'existence désœuvrée est presque sans attrait. Un Hyménoptère butine sur les fleurs. Il a des teintes grises, des nuances sombres; son extérieur est la simplicité même. L’Insecte qui n’attire l’at- tention par aucune parure devient bientôt, pour l'observateur attentif, l'objet d’une sorte de surprise, puis d’une séduction extrême, puis d’une admiration à peu près sans limites. Des mou- vements agiles, une ardeur infatigable, des allures fières, déno- tent chez l'Hyménoptère une véritable supériorité. Contraste merveilleux dans la nature que celui du splendide Papillon où du magnifique Bupreste avec l'Abeille solitaire. D'un côté, tout l'éclat extérieur imaginable dans une existence vide. De l’autre côté, une charmante simplicité extérieure dans une existence occupée par le travail, par les soins maternels, où se déploient toutes les admirables ressources de l’instinct poussé au degré suprême, les qualités brillantes de l'intelligence. Au milieu de la création, les contrastes de ce genre abondent, et, comme les moyens infinis de la nature conservent partout leur grandiose caractère d'unité, des contrastes analogues se reproduisent entre les espèces d'une même elasse, entre les espèces d’une même famille, et nous pourrions ajouter avec la même vérité, s’il nous était permis de sortir de notre sujet, entre les individus d’une même espèce, d’une même société. Chez les Lépidoptères, on observe presque en fout l'unifor- mité; l’uniformité dans les formes extérieures, dans les caractères organiques, dans les phases du développement, dans les con- ditions d'existence, dans la nature des instincts. Il y a des nuances infinies, aucune différence considérable. Chez les Hyménoptères, les différences entre les principaux types sont saisissantes. À l’état adulte, ces Insectes se nourris- sent généralement de substances végétales; mais pendant leur période de larves, les uns vivent sur les plantes, les autres demeurent renfermés dans des excroissances qu'ils produisent sur lestiges, sur les feuilles, sur les racines; les autres, absolument LES HYMÉNOPTÈRES. 307 carnassiers, habitent le corps de toutes les espèces d’Insectes ; les autres, êtres voués à l’immobilité, sont approvisionnés par leurs parents, où de proie vivante, ou d’une pâtée composée avec le miel et le pollen des fleurs. C’est la plus grande variété, aussi grande qu'on peut l’imaginer, sous le rapport du régime, sous le rapport des conditions d'existence. Entre ces larves d’Hyménoptères, les dissemblances sont grandes aussi dans la conformation et dans l’état de déve- loppement. Celles d’une famille entière éclosent étant assez bien organisées pour se suffire à elles-mêmes; elles vivent à découvert, elles marchent, elles sont comparables à des chenilles. I en est dont l'existence est cachée, qui se passent de tout secours étranger, parce qu'elles doivent vivre dans l'endroit où ont été déposés les œufs d’où elles sont sorlies, sans jamais éprouver le besoin de se déplacer. Il en est qui naissent pri- vées de tout moyen de locomotion, et si faibles, qu’elles sont absolument incapables de prendre leur nourriture. A celles-là il faut des mères ou des nourrices prévoyantes et industrieuses pour leur fournir des abris et des subsistances. Beaucoup d'Hyménoptères ne peuvent, comme presque tous les autres Insectes, abandonner leurs œufs. La nécessité de prendre des soins particuliers de leur progéniture leur a été imposée par la nature. Une semblable obligation ne saurait exister sans le travail, sans une industrie, sans l'amour mater- nel, souvent sans le goût de la famille, sans des instincts variés, parfois sans une certaine intelligence. L'intelligence, ou seul l'instinct très-développé ne se rencontre qu'avec une organi- sation très-parfaite. Pour accomplir un travail, pour exercer une industrie, des instruments sont indispensables, et des instruments d’une grande perfection ne sont attribués qu'aux êtres assez intelligents pour les utiliser. Il y à des coïncidences inévitables, bien faites pour appeler les méditations du philo- sophe. Les Hyménoptères sont les mieux organisés de tous les 308 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Insectes, et ils naissent dans la plus misérable condition. N'en est-il pas de même dans les autres classes du Règne animal. Les Oiseaux les mieux doués, lorsqu'ils viennent à la lumière, ne peuvent vivre sans les soins de leurs parents; les Oiseaux les plus ineptes, comme les Gallinacés, les Palmipèdes, en sortant de leur coquille, savent courir après leur nourriture. Malgré les différences considérables qui existent entre les principaux types de l'ordre des Hyménoptères; différences dans les caractères extérieurs des larves et des adultes; différences dans l’organisation interne; différences dans la marche du dé- veloppement, dans le genre de vie, dans le régime, dans les conditions d'existence des espèces, tous les Insectes de cette grande division zoologique ont des traits communs faciles à constater. Les Hyménoptères ont quatre ailes membraneuses (üu»», membrane; rtpa, ailes) nues, parcourues par des nervures plus ou moins nombreuses, mais toujours sans réticulation. Ces ailes, d'une dimension médiocre relativement au volume du corps, sont très-ordinairement d’une parfaite diaphanéité; fréquemment aussi elles ont une teinte enfumée, quelquefois une couleur violacée. Les ailes caractérisent parfaitement les Hyménoptèe- res, tous les Insectes que les anciens auteurs appelaient, et que le vulgaire appelle aujourd’hui encore les Mouches à quatre ailes. Les Hyménoptères ont une tête assez forte, avec des yeux très-gros occupant les côtés de la tête. En outre, il existe d'or- dinaire sur le front trois ocelles ou yeux lisses. Les antennes offrent de nombreuses modifications, non-seulement d’une famille à l’autre, mais encore entre les espèces d’une même famille. La bouche de ces Insectes est conformée pour broyer ou triturer, eten même temps, chez la plupart des espèces, pour humer ou lécher. Toutes les pièces sont libres et bien développées : les mandibules sont toujours puissantes, mais diversement con- ‘Te nés tft * à LES HYMÉNOPTÈRES. 309 struites, suivant les usages auxquels elles sont particulièrement destinées; les mâchoires et la lèvre inférieure, assez courtes dans la plupart des cas, s’allongent chez les espèces qui pompent le miel; les mâchoires et la lèvre se rapprochant, constituent une sorte de trompe pouvant se replier sous la tête et le thorax, mais non pas se rouler comme celle des Lépidoptères. Les Hyménoptères ont un thorax bombé et solidement cui- rassé, les muscles qui donnent aux ailes leurs mouvements énergiques étant très-volumineux. Les pattes sont d’une force médiocre : les Hyménoptères, bien autrement capables de mar- cher que les Lépidoptères, ne sont cependant, en général, ni des Insectes marcheurs, ni des Insectes coureurs. Ils possèdent dans leurs ailes les meilleurs instruments de locomotion, et, dans les circonstances où ils ont un faible espace à franchir, s'ils courent, s'ils marchent, ils accélèrent leur mouvement en se soutenant avec leurs ailes. Les seuls Hyménoptères vraiment marcheurs sont ceux qui demeurent privés d'ailes, comme les Fourmis neutres; chacun connaît la mesure de leur agilité. Ce que les pattes de beaucoup d'espèces présentent de plus remarquable, ce sont les dispositions particulières les rendant propres à l'exécution de certains travaux; mais ici rien ne se prête à la généralisation, et c’est dans l’histoire des familles que doivent être consignés les faits de ce genre les plus notables. Dans la plupart des types, l'abdomen a une extrême mobilité, étant attaché au thorax par une portion fort rétrécie, con- stituant un véritable pédicule : la {alle de Guêpe est quelque- fois prise comme terme de comparaison. Dans les femelles, l'abdomen porte toujours à son extrémité un instrument qui joue un rôle très-considérable dans la vie de ces animaux : la larière ou l’aiguillon. Cette armure, formée invariablement des mêmes parties dans tous les Insectes, ainsi que l’a démontré, il ÿ à une quinzaine d'années, un habile zoologiste, M. Lacaze- Duthiers, à l’état rudimentaire parmi les représentants de 310 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. certains ordres, les Lépidoptères, par exemple, conserve une grande importance chez toutes les espèces d'Hyménoptères, en subissant des modifications fort curieuses et assez multi- pliées. Les Hyménoptères ont des métamorphoses complètes. Les larves de la plupart d’entre eux, molles, entièrement blanches, absolument privées de pattes, ont l'apparence de vers; Les larves des autres portent de petites pattes écailleuses et des pattes membraneuses analogues à celles des chenilles, et presque toutes, arrivées au terme de leur croissance, s’emprisonnent dans une coque au moyen de la matière soyeuse qu’elles peuvent sécréter, et se transforment ensuite en une nymphe emmaillottée. Les principaux types de l’ordre des Hyménoptères étant | parfaitement caractérisés, la classification de ces Insectes est assez simple; ces types sont autant de familles. Diverses particularités de conformation ou de mœurs nous permettent de rapprocher plusieurs d’entre elles d’une façon avantageuse pour notre exposition. LES HYMÉNOPTÈRES PORTE-SCIE ( Tenthrédides et Siricides). Le célèbre entomologiste Latreille avait distingué de tous les autres Hyménoptères ceux dont l’abdomen ou le ventre est atta- ché au thorax dans sa largeur entière. Si le caractère n'a pas une importance de premier ordre, il a l'avantage d’être facile à saisir, et cette circonstance nous détermine à le signaler. Les espèces présentant cette conformation se rattachent à deux familles, l’une extrêmement nombreuse, l’autre, au con— f h où Si ter Hi tnt "it, net dd MR À 7: d aies + nr dé : Poe dbihéit a ; U ; e LES HYMÉNOPTÈRES, 311 traire, fort petite. La grande famille est celle des Tenthrédides ; la petite famille, celle des Siricides. Les Texrarénrs, abondantes dans presque tous les pays, ont été nommées vulgairement les Mouches à scie, partout où elles ont été observées. Il est facile, en effet, de les observer, car on les voit se promener, voler et travailler, non-seulement dans les bois, dans les campagnes, mais aussi dans les jardins. Un aspect très-particulier, des allures qui n’appartiennent TARIÈRE DE L'HYLOTOME DU ROSIER (Aylotoma Rosæ ). Très-grossie, qu'à ces Insectes, les dénoncent aux yeux des moins elairvoyants. Leur corps est court, ramassé, avec les côtés le plus souvent très-parallèles. Ils ont des mandibules longues, aplaties, tran- chantes; des mâchoires courtes, assez faibles, munies de palpes divisés en six articles; des antennes tantôt filiformes, tantôt épaissies vers le bout, tantôt garnies de rameaux. Les Ten- thrédides se distinguent en outre par un caractère des plus frappants. L'’abdomen des femelles est pourvu d’une tarière mobile dentelée, dont la ressemblance avec une scie est sai- sissante, hé dos ” PS ST NN TS RAR ns … ‘hdd 312 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. C’est le plus joli petit instrument dont on puisse concevoir l'idée : une double scie, dont la longueur varie de 2 à 3 mil- limètres, suivant les espèces, où sur cette longueur il y a quinze, vingt dents ou même davantage, taillées avec une régu- larité absolue, une perfection incomparable. La petite scie de la Tenthrédide n’est pas toujours aussi simple pourtant que la scie d'un menuisier où d'un charpentier; ses dents, parfois, ont elles- mêmes des dents secondaires. Ce sont des dents dentelées. N'y at-il pas dans ce fait une indication pour créer un instrument d'un nouveau genre, ou pour donner un perfectionnement à l'un des instruments le plus en usage dans l’industrie humaine. La double scie correspond aux stylets de l’aiguillon du Frelon et de l’Abeille. Les deux valves sont maintenues par un support fixé à une écaille adhérente aux parois de l’abdomen. Le gor- geret qui enveloppe les stylets de l’aiguillon se retrouve ici à l'état membraneux, cette enveloppe n'ayant plus d'importance chez les Tenthrédides. Les Tenthrédides, aux mouvements agiles, ont des couleurs variées, le corps très-lisse et luisant ; consommant peu de nour- riture à l’état adulte, elles paraissent s'attaquer de préférence à des fruits, qu’elles entaillent sans peine avec leurs mandibules tranchantes. ; Les larves ressemblent à des chenilles par leurs formes exté- rieures comme par leur genre de vie. Depuis longtemps l'épi- thète de fausses chenilles leur a été attribuée. Plus d’un observa- teur, en effet, a pu s’y laisser tromper. Des amateurs de Papillons ont nourri, soigné des larves de Tenthrédides, dans l'espérance d'avoir une espèce de Lépidoptère à mettre dans leur collection, et se sont trouvés confus en voyant naître des Mouches à scie. Malgré l'apparence, la confusion est impossible, si l'on y regarde de près. Nous avons vu que les chenilles n’ont jamais plus de cinq paires de pattes membraneuses; les larves des Tenthré- dides en ont, en général, sept ou huit paires, et jamais moins de LES HYMÉNOPTÈRES. 313 six. Ces pattes, du reste, ont des cercles de crochets, de même que chez les chenilles. La tête est toujours plus arrondie, plus globuleuse, avec des yeux déjà très-distincts, ce qu’on ne voit guère dans les larves des Lépidoptères. Les fausses chenilles ont en outre des mouvements qui leur sont propres : ainsi elles ont la faculté de s’enrouler en spirale, et pendant la chaleur du jour il est ordinaire qu'elles conservent cette position des heures entières. Ensuite elles prennent une attitude singulière, si elles se croient menacées; relevant brus- quement la partie postérieure de leur corps, elles semblent chercher de la sorte à effrayer l'ennemi. Rongeant le feuillage d’une foule de végétaux, ces Insectes, souvent réunis en groupes plus ou moins nombreux, occasionnent des dégâts fort appré- ciables. Au moment de se transformer, les larves des Tenthré- dides filent une coque soyeuse, parcheminée par suite de l’abon- dance de la matière, comparable à un vernis, qui agglutine tous les fils. Les unes établissent leur coque entre les tiges et les feuilles, les autres s’enfoncent dans la terre. Ces dernières, ne produisant que peu de soie, emploient presque toujours des grains de terre pour renforcer les parois de leur coque. La chenille qui a achevé son cocon subit aussitôt sa transfor- mation en chrysalide; la larve de Tenthrédide, au contraire, demeure toute ramassée, absolument inerte, sans éprouver d'autre changement pendant une période qui peut avoir la durée de plusieurs mois. Toutes les Tenthrédides, croyons-nous, passent l'hiver enfer- mées dans leurs coques, à l’état de larve ou à l’état de nymphe. Adultes au retour de la belle saison, nous les voyons s’agiter au soleil, puis se poser fréquemment sur le feuillage ou les tiges des arbrisseaux. Si l'attention est portée sur une femelle, on remarque qu'elle fait saillir l'instrument qu'elle porte à l’extré- mité du corps. La Mouche à scie est en quête d’un endroit propice pour effectuer sa ponte. Pour elle, il s’agit d'une opéra- 344 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. tion grave, car elle ne se contentera pas, comme le Papillon, de déposer simplement ses œufs dans un endroit un peu caché du végétal sur lequel doivent vivre ses larves. La Tenthrède doit mettre plus de soin dans son opération. A l’aide de la petite scie dont elle est pourvue, elle pratique une série d’entailles dans le pédicule d’une feuille, dans la tige d’un arbrisseau, et dans chaque entaille dépose un œuf au fond de la petite cavité, en le recouvrant d'un enduit qui sert à le fixer et à le protéger. Certaines Tenthrédides s'attaquent simplement au pétiole des feuilles; d'autres, au contraire, à des tiges ligneuses quelquefois fort dures. Chaque espèce a un outil adapté à l'usage qu'elle doit en faire. Telle grosse Tenthrède porte une scie toute petite, car elle ne doit entailler que le tissu assez tendre des feuilles; telle autre espèce, d'une taille bien inférieure à la première, est munie d’une scie large, forte, sur-dentelée; elle doit pratiquer des fentes dans un tissu fort dur. Ainsi, d’après une observation de mœurs, le naturaliste peut se douter de quelle nature est l'instrument dont l'Insecte dispose, comme d’après la considération de l'in- strument il peut dire quelles sont les habitudes de l'espèce. Toutes les Tenthrédides sont unies par les affinités naturelles les plus étroites. Quelques caractères extérieurs faciles à saisir ont permis cependant d'admettre des genres assez nombreux dans cette famille et de répartir ces genres en plusieurs groupes et en deux tribus. La tribu des Tenthrédines, dont toutes les espèces ont le corps court et massif, forme la très-grande partie de la famille. Nous y reconnaissons quatre groupes : les Cimbicites, les Hylo- tomites, les Tenthrédites et les Lydites. Les Cimbicites sont les plus grosses Tenthrédides. Ces Insectes ont un corps épais et ‘des antennes renflées vers le bout en une forte massue, auxquelles on ne trouve jamais plus de huit articles distincts. Leur vol est lourd et s'annonce par un bour- LES HYMÉNOPTÈRES, 345 donnement. Les larves de ces Hyménoptères, très-reconnais- sables à leur peau chagrinée, n’ont pas moins de neuf paires de pattes membraneuses. Le genre Cimbex a pour type une grande espèce commune dans les forêts de l'Allemagne et de nos départements de l'Est, le Cimbex jaune (Cimbex lulea). Chez cette Tenthrédide, les différences entre les deux sexes sont telles, que pendant long- temps tous les auteurs ont pris les mâles et les femelles pour des Insectes d'espèces absolument dissemblables. Le mâle est d’une forme un peu allongée avec les pattes très-grosses, et d’une cou- leur générale brune, à l'exception d’une tache sur le premier anneau de l'abdomen d’un jaune clair; la femelle est d’une forme arrondie et d’une teinte jaune, avec les parties anté- rieures du corps plus ou moins noirâtres. L'Insecte adulte se montre au mois de mai. Les femelles, malgré leur forte taille, n'ont qu'une tarière assez petite; mais leur instrument n'exigeait pas une grande puissance, car les Cimbex entaillent non pas des tiges ligneuses, comme le font beaucoup de Ten- thrédides, mais simplement les pédicules des feuilles. Les larves de ces Hyménoptères sont d’une belle teinte verte, avec une raie dorsale noirâtre; on ne les voit jamais redresser la partie postérieure de leur corps, mais, pendant le repos, elles se contournent en dedans, et ressemblent par leur attitude, de l'avis de M. Ratzeburg, au chat qui dort. De petites Tenthrédides se font remarquer par leurs antennes un peu renflées, où l’on ne distingue pas plus de trois à sept articles; elles composent le groupe des Hylotomites. Le genre Hylotome est le plus important du groupe. Ses espèces, abon- damment répandues en Europe, ont la plupart le corps jaune, avec des parties noires et des antennes dont tous les articles, à l'exception des deux premiers, forment une tige sans divisions. Dans l'impossibilité de passer en revue la série entière de ces Hyménoptères, nous signalerons en particulier l’espèce la plus u- ver * Da - F1 «(4 316 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. répandue dans notre pays, l'espèce dont chacun peut observer les habitudes sans beaucoup se déranger, l'Hylotome du Rosier (Hylotoma Rosæ). On le voit à peu près dans tous les jardins pour la confusion des amateurs de roses, qui ne connaissent guère leur ennemi. Nous sommes dans un beau jardin par une belle matinée du mois de mai. Tout est verdoyant, les Rosiers semblent devoir bientôt étaler leur magnifique parure de fleurs; le soleil jette ses premiers rayons de la journée ; de divers côtés voltigent des Mouches à scie d'une extrême vivacité, qui viennent fréquemment se poser sur les Rosiers. Les gentils Hyménoptères ont 7 à 8 millimètres de longueur, et, quand ils volent, l'envergure de leurs ailes n'excède pas 12 à 15 millimètres. Leur corps, lisse, poli, luisant, est d'un jaune roux, avec la tête, les antennes, le dos et la poitrine noirs, ainsi que l'extrémité des jambes et les articles des tarses : ce sont les Hylotomes du Rosier. Jusqu'ici rien de notable ne s’est manifesté dans les allures de nos Ten- thrédides, mais depuis plusieurs jours ces Insectes se montrent en abondance; les mâles et les femelles se sont rapprochés; le temps de la ponte est arrivé : c’est à présent que l'intérêt com- mence et qu'il faut être attentif pour bien voir les manœuvres de l’Hyménoptère. Voici un Rosier de belle apparence, un Hylotome que nous reconnaissons pour une femelle à sa démarche alourdie par son ventre chargé d'œufs, parcourt les tiges en marchant; il monte, il descend, sa préoccupation est visible ; il explore, il choisit un endroit à sa convenance. On peut l’examiner de près, ilne fuira pas, si de grands mouvements ne viennent l’effrayer, tant il est à sa besogne. Enfin, notre Tenthrède s'arrête sur une tige et s’y cramponne fortement avec ses pattes, la tête tournée en bas; soudain sa tarière se détend, et se montre en entier, semblable à un large glaive. Du bout, l'Hylotome pique le bois, et les deux lames qui constituent l'instrument se retirent pour étendre leur action; chaque lame agit alors dans un sens diffé LES HYMÉNOPTÈRES. 317 rent pour agrandir l’entaille. Ce n’est pas tout, les lames de cette tarière, outre leurs dents de scie, sont pourvues au côté externe d'aspérités fonctionnant à droite et à gauche à la manière de râpes. En quelques minutes, la fente est devenue assez grande pour l'objet auquel elle est destinée. L’entaille achevée, il ya uu instant où la Mouche à scie est tranquille, sa tarière immo bile; puis les deux lames de la tarière s’écartent doucement, et un œuf descend avec une certaine lenteur. L'œuf est déposé dans la fente qui vient d’être pratiquée. Tout n’est pas fini encore : les fibres du bois sciées et écartées se rapprocheraient, le trou viendrait presque inévitablement à se fermer ; l'œuf serait emprisonné, écrasé peut-être, la jeune larve serait dé- . truite avant d’être née. Oui, mais tout est admirablement prévu pour parer à un si grave accident. À peine l'œuf a-t-il pris sa place, qu'un liquide mousseux se répand autour; des glandes spéciales fournissent ce produit. L'action du liquide ne tarde pas à se manifester sur le tissu végétal; la tige s’épaissit, les fibres ligneuses s’écartent, se durcissent, noircissent autour de la plaie ; l'œuf reste libre et adhérent à la faveur de la substance dont il a été imprégné. Nous venons de voir le travail de notre Hylotome pour déposer un œuf; ce travail est poursuivi pour un second, un troisième, un quatrième œuf. Sur les tiges des Rosiers, on remarque ainsi des lignées d'œufs logés dans une suite d’entailles. Quelquefois on en compte seulement trois ou quatre, quelquefois dix à quinze où même davantage. Une femelle pond un nombre d'œufs beaucoup plus considérable, mais elle n’en dépose pas la totalité en un seul jour. Dans tous les cas, après s'être attachée à la tige d’un arbuste, elle va chercher une nouvelle tige sur un autre arbuste. Un instinct curieux semble avertir l'Insecte qu'il ne doit pas confier à un frêle arbrisseau sa postérité entière; le feuillage ne suffirait pas à nourrir toutes les larves de l'Hylotome. 318 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Les œufs viennent d’être fixés aux tiges des Rosiers; huit à dix jours s’écoulent, et les jeunes larves éclosent; celles-ei se répandent sur les feuilles et commencent à les ronger. Leur croissance est rapide, leurs mues se succèdent, sans amener de changements notables, soit dans leur forme, soit dans leurs cou- leurs. Le corps de ces larves, d’un jaune plus ou moins foncé, suivant les individus, avec les côtés verts, est parsemé dans toute sa longueur de nombreux tubercules noirs et luisants sur montés de poils. La tête est jaune avec deux taches noires en- tourant les yeux, qui sont de la même couleur. .Ces fausses chenilles, si semblables d'aspect aux chenilles, principalement lorsqu'elles marchent, en diffèrent par les atti- tudes étranges et caractéristiques qu’elles prennent fréquem- ment. Souvent fixées aux feuilles par leurs pattes écailleuses seules, elles redressent en entier la partie postérieure de leur corps. Vient-on à les inquiéter, elles exécutent ce mouvement avec une étonnante rapidité, comme si, par ce moyen, elles voulaient menacer. Dans d’autres circonstances, elles contour- nent en dedans les derniers anneaux de leur corps, sans jamais cependant se rouler en spirale, comme le font tant d’autres larves de Tenthrédides. Vers la fin de juin, les fausses chenilles de notre Mouche à scie sont parvenues au terme de leur croissance. La plupart d’entre elles abandonnent alors le feuillage, et se cachent en terre sans beaucoup s’enfoncer. Quelques-unes s'arrêtent sur des murs, sur des troncs d'arbres, même, ce qui n’est pas ordinaire, sur les tiges de l’arbrisseau sur lequel elles ont vécu. Dans tous les cas, à l'endroit où elles se sont arrêtées, elles se construisent une coque ovalaire composée d’une soie fortement mêlée de matière agglutinante, mais toujours exempte de terre ou de tout autre corps étranger. Les coques de l’Hylotome du Rosier, d'un jaune terreux, ont une structure singulière déjà signalée au siècle dernier par POSE OT ee Ten, LES HYMÉNOPTÈRES. 319 Réaumur. À l'extérieur, leur tissu élastique, capable de résister à d’assez fortes pressions, est un réseau qui, examiné à l’aide d’une loupe, a, suivant une comparaison de Réaumur, l'appa— rence du réseau d'une raquette. C’est une première enveloppe ; il y a une coque sous-jacente d’un tissu mince, serré, flexible et moelleux, sans adhérence avec la coque extérieure. On a lieu sans cesse d'admirer l’étonnante perfection des œuvres de la nature. L'Insecte a besoin d’une loge douce et soyeuse pour attendre le moment de sa transformation; il aura cette loge aux parois moelleuses, mais comme cette enveloppe délicate serait insuffisante pour le protéger contre les dangers extérieurs, il sait se construire une enveloppe assez solide pour garantir efficacement la première. Quand l'Hylotome, débarrassé de la peau de la nymphe, doit venir à la lumière, il déchire avec ses mandibules la double paroi de sa prison, élargissant l'ouverture jusqu’à ce qu'elle soit assez grande pour lui livrer passage. Vers la fin de juillet et le commencement d'août, paraissent les Hylotomes de la seconde génération de l’année. Ils produisent bientôt, et leurs larves se montrent sur les Rosiers pendant tout l'automne. Celles-ci, avant les derniers beaux jours, s’enfoncent dans la terre et y construisent leurs coques; on n'en verra aucune demeurer sur les arbres et les murailles. N’ont-elles pas besoin, cette fois, d’être complétement à l'abri? elles doivent passer l'hiver; les Insectes adultes n’écloront qu'au printemps. Les larves, bien enfermées dans leurs loges, ne se métamorpho- seront point alors; leur transformation en nymphes n'aura lieu qu'au retour de la belle saison. Si l'Hylotome du Rosier est un véritable fléau pour les horticulteurs, ceux-ci, Connaissant les habitudes et le séjour de l’Insecte à toutes les époques de sa vie, peuvent facilement le détruire. Pendant l'hiver, il suffit de racler un peu la terre autour des arbres pour atteindre les coques et les anéantir. Un autre moyen de destruction est encore al UN + OP RR , 320 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, très-possible. IL suffit d’épier le moment où nos Tenthrédides effectuent leur ponte. On découvre aisément leurs œufs sur les tiges; avec une matière visqueuse, un enduit quelconque, il suffit de remplir la fente dans laquelle les œufs sont logés, pour empêcher les larves d’éclore. Les larves d'une espèce du Brésil (Hylotoma formosa) offrent cette singularité qu'elles construisent un nid en commun. La connaissance de ce fait curieux est due au docteur Sichel. Les Tenthrédites forment le groupe le plus nombreux de la famille. Ce sont toutes les espèces dont les antennes sans ren- flement n'ont pas moins de neuf à quatorze articles distincts. Elles ont des mœurs, des transformations très-analogues à celles des Hylotomes. Nous n’anrons à mentionner à leur égard que des particularités dans leurs caractères extérieurs et dans leurs conditions de séjour. Les Athalies, toutes de petite taille, ont à peu près la colo- ration de la plupart des Hylotomes, mais leurs antennes ne per- mettent pas la confusion. Finement pectinées chez les mâles, elles n’ont pas moins de neuf à dix articles bien distincts dans les deux sexes. L’Athalie de la Cent-feuilles (Athahia C'enhfohæ) est l’une des plus communes. Ses larves, d’un noir verdâtre, pourvues de huit paires de pattes membraneuses, se montrent parfois en abondance sur les plantes potagères et causent la dévastation. Réunies en groupes nombreux sur chaque plante, elles rongent tout le feuillage et même les tiges les plus tendres. Une espèce voisine (Athalia spinarum) s'attaque aux Crucifères, et occasionne également, en certaines années, de très-grands dégâts. Les larves de ces petites Tenthrédides se transforment dans la terre; ne produisant pas de soie en quantité suffisante pour se construire une véritable coque, elles se forment simplement une cellule dont elles solidifient les parois en agglutinant les parti- cules terreuses. vd tdi mn nc né à "une ddl de. st Ne à md 11, oh d le dm CT dr AS De Sd de Lt dt ai LES HYMÉNOPTÈRES. 321 Les Sélandries, dont les antennes, de neuf articles, sont un peu épaissies vers le bout, ont des larves de l'aspect le plus singulier. Des pattes extrêmement courtes, le corps enduit d’une substance visqueuse, donnent à ces larves l'aspect de petites Limaces. Réaumur les avait observées et les avait désignées sous le nom de larves Limaces. Souvent très-communes sur les Gerisiers, les Poiriers et d’autres arbres à fruits, les larves de la Sélandrie noire (Selandria æthiops) deviennent fort nui- sibles. Immobiles pendant la chaleur du jour, la tête retirée dans le premier anneau du corps, protégées por la matière. visqueuse qui suinte à la surface de leur peau, on a peine à les reconnaitre pour des Insectes. Le soir ou la nuit, elles se met- tent en mouvement et rongent le feuillage. Les Tenthrédides, aux antennes composées d’un grand nombre d'articles, constituent le petit groupe des Lydites. Ce sont les Tenthrèdes du Nord, les espèces des arbres des sombres forêts de Pins, de Mélèzes et de Sapins. Les Lophyres ont un corps épais et des antennes doublement pectinées, en panache dans les mâles. Il y a plusieurs espèces de ce genre assez semblables les unes aux autres, pour qu’on soit obligé d'examiner la disposition des nervures de leurs ailes, si l'on veut les distinguer avec certitude. L'espèce la plus répan- due est le Lophyre du Pin (Lophyrus Pini). Le mâle est tout noir; la femellé, en grande partie jaune, marquetée de noir, L'Insecte adulte se montre pendant l'été; les femelles déposent leurs œufs sur les tiges des Pins, par les procédés ordinaires aux Tenthrédides. Les jeunes larves vivent toujours réunies en groupes très-nombreux; mangeant d’abord les jeunes pousses, elles finissent par s'attaquer au feuillage le plus dur. Les arbres qu’elles dévorent sont bientôt mis dans la pire condition. Il y a peu d'années, dans les Vosges et en Alsace, beaucoup d'arbres ont été fort maltraités par le Lophyre du Pin. Les larves des Lophyres ne s’enfoncent jamais dans la terre 21 LE GR Ce co ni Re pd no NN 5 . . … 322 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. comme tant d'autres Tenthrédides, elles construisent leurs coques sur les branchages mêmes où elles ont vécu. Au moment MÉTAMORPHOSES DU LOPHYRE DU PIN (Lophyrus Pini). de l'éclosion, les Lophyres sortent de leur loge en coupant régulièrement toute la partie supérieure de la coque, qui se détache alors comme un couverele. à CCS à nt uno dance conti léstt des dune: 53h dés Re LES HYMÉNOPTÈRES. 393 Les Lydas se distinguent très-aisément des Lophyres : leurs antennes sont grèles et en forme de soies; leur corps est déprimé, leur tête fort large. Les larves de ces Hyménoptères, souvent très-abondantes sur divers arbres de nos forêts, les Conifères particulièrement, et sur des arbres fruitiers, devien- nent parfois assez nuisibles. Comme certaines chenilles vivant en commun sur des tiges en nombre plus ou moins considérable, elles se protégent au moyen d'un réseau soyeux. M. Ratzeburg a donné d’intéressantes figures de ces Insectes. La Lyda des forêts (Lyda sylvatica) est l'une des plus répandues en France, La Lyda du Poirier (L. Piri) se montre quelquefois en abondance dans nos jardins. Les représentants de la seconde tribu de la famille des Ten- thrédides, les Céphines, ont le corps grêle. Sous leur forme de larves, ils vivent à l'intérieur des végétaux, .c’est la condition d'existence de plusieurs chenilles; nous devons rencontrer ici des modifications analogues, la décoloration, un moindre dévelop- pement des appendices locomoteurs. Chez les Céphines, l’avor- tement des pattes membraneuses dépasse ce que nous avons vu chez les chenilles, il est presque total; l'animal, dans son ensemble, est plus vermiforme. Les espèces du genre Cèphe ont un abdomen comprimé; Ja ta- rière des femelles à peine saillante, les antennes un peu renflées à l'extrémité et composées de vingt et un articles. Le type du genre, le Cèphe pygmée (Cephus Pygmaœus), petit Insecte de 9 millimètres de long, noir, avec une bordure. jaune au troisième, quatrième el septième anneau de l'abdomen, est très-nuisible aux Céréales. A l’époque où les Blés approchent de leur maturité, si dans le champ où les épis encore verts et déjà lourds sont inclinés vers la terre, on découvre des épis blanchis s’élevant au-dessus des autres, on peut être assuré que les épis sont vides, que le chaume renferme une ou plusieurs larves de Cèphe pygmée. En fendant la tige, on trouvera la petite larve blanche au RC LÉ © A à tee he à in ès Ÿ 324 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. milieu de la poudre provenant des résidus de la plante rongée et des déjections de l’Insecte. Ayant pris son entier accroisse— ment, la larve descend jusque auprès des racines, se file une coque et hiverne dans cette situation, où la faux des moisson- neurs ne l’atteindra pas. La famille des Smones est de beaucoup moindre importance que la précédente. Ses représentants, peu nombreux, ont le corps allongé, les mandibules courtes et épaisses, les antennes filiformes. Le genre principal est celui des Sirex. Les femelles de ces Insectes ont une tarière droite assez longue garnie de quelques dentelures. Les Sirex sont peu communs dans notre pays, mais on les trouve en abondance dans les forêts de Pins de l'Allemagne, de tout le nord de l'Europe et de l'Amérique septentrionale. Le Sirex géant (Sirex gigas) est un grand et bel Insecte : la femelle, noire et jaune, a plus de 3 centimètres de long, sans compter sa tarière, qui a la moitié de cette longueur. La larve vit dans l’intérieur des troncs de Pins, de Mélèzes, ete. Les Sirex, que certains auteurs appellent aussi du nom d'Uro- cères, ont causé, il y a quelques années, l’étonnement de beau- coup de personnes. Ces Hyménoptères avaient rongé du plomb. Ainsi, M. le maréchal Vaillant, un colonel russe, M. Motschulsky, le directeur du Musée de Vienne, M. Kollar, ont signalé le fait de balles de plomb de l’armée française trouées par des Sirex (Sirex juvencus) pendant la campagne de Crimée. Ces Insectes, très-certainement sortis des parois de caisses ou de caissons confectionnés avec des bois encore verts, s'étaient trouvés enga- gés au milieu des balles en cherchant une issue, et leurs puis- santes mandibules leur avaient permis d’entailler le métal. On rattache à la famille des Siricides, mais sans doute à tort, les Orysses, Hyménoptères rares, encore inconnus dans leurs transformations, remarquables par la tarière des femelles, mince et repliée sous l'abdomen. Le type (Oryssus coronalus) se ren- contre quelquefois dans le midi de la France. LES HYMÉNOPTÈRES. 395 LES HYMÉNOPTÈRES PRODUCTEURS DE GALLES (Cynipsides). Les Hyménoptères qui produisent des galles sur les végétaux, appelés par Latreille les Gallicoles, forment un groupe à part. Ce sont de très-petits Insectes parfaitement caractérisés, déter- minant sur une infinité de plantes des excroissances volumi- neuses bien connues sous les noms de galles, de noix de galle, de pommes de Chêne, ete. Ces productions bizarres n’échappent à l'attention de personne, mais les êtres qui se sont développés à l'intérieur de ces excroissances, et qui les ont quittées aussitôt arrivés à l’état adulte, échappent pour ainsi dire à tous les yeux. Un Insecte ailé dont le corps mesure 2 ou 3 millimètres de longueur n’est pas toujours facile à apercevoir, et moins encore à saisir dans la foule des Moucherons de toute nature. Ces petits Hyménoptères appartiennent à une seule famille, la famille des Cynipsides, qui comprend le genre Cynips et quel- ques formes voisines. Les Cynisines ont un corps oblong, très-convexe, avec l'abdo- men attaché au thorax par un mince pédicule, et ressemblant ainsi, dans sa portion basilaire, à une clochette. Mais un des traits les plus curieux de leur organisation, c’est la tarière des femelles. Cet instrument, fort long et des plus déliés, est con- tourné pendant le repos, et logé en entier dans une rainure de l'abdomen. Par le jeu des muscles, il est étendu au moment où l’Insecte pratique une incision sur une plante. Dès le printemps et pendant l'été, les Cynipsides sont répandus partout. Au moment de la ponte, les femelles explorent les végétaux à leur convenance, choisissent un endroit favorable, et de leur longue tarière piquent une tige ou une feuille, NT ITS RSS D SR RTE ne 326 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. et dans la plaie déposent un œuf, quelquefois un assez grand nombre d'œufs. En piquant le végétal, l'animal verse certai- nement dans la plaie un liquide occasionnant une exeitation qui amène le développement de l'excroissance. IL y a une infi- nité de plantes attaquées où chaque espèce de Cynips détermine une galle d’une forme caractéristique. Beaucoup de ces produc- tions ont été décrites. MM. Hartig, Westwood, Giraud, etc., en ont signalé de très-curieuses, mais ici nous ne pouvons que choisir quelques exemples. Les Chênes nourrissent diverses espèces de Cynips; ni leurs feuilles, ni les pédicules de leurs feuilles, ni leurs tiges, ni leurs racines, ne sont épargnés. Lorsqu'on se promène à la fin de l'été, et surtout à l'automne, dans une forêt, l'attention est souvent éveillée par le nombre des corps arrondis attachés aux feuilles de Chêne, les uns tout petits, les autres assez gros : ce sont des galles produites par des Cynips. Volontiers on les prendrait pour des fruits. Ce sont, en miniature, des pommes vertes et rouges; aussi les nomme-t-on vulgairement des pommes de Chêne. Les grosses sont toujours placées à la base des feuilles. A l’intérieur, il n'existe qu'une loge dans laquelle vit une seule larve. Elle y demeure engourdie pendant l'hiver, et se transforme en nymphe au printemps. L'Insecte adulte éclos dans cette étroite cellule est obligé, pour en sortir, de se frayer un passage en rongeant le tissu avec ses mandibules. C’estle Cynips des baies de Chène (Cynips Quer- cis baccarum), dont le corps est entièrement d’un brun clair. Les petites galles qui existent souvent en quantité à la face inférieure d’une feuille appartiennent à une autre espèce : le Cynips des feuilles (Cynips Quercis folu). Dès le printemps, on trouve quelquefois des branches de Chène chargées d'énormes nodosités un peu irrégulières, dont la sur face est lisse, de couleur verte, tendre, passant au rouge en cer- tains endroits. Il est ordinaire que plusieurs de ces galles, sur EM, DLANCHARD, LIDNAIUE GERMER DAILLIÈRE, PAGE 326. LES GALLES DU CYNIPS TERMINAL (Cynips torminulis). NN tt \ quil I A jt \\ \\ AN: A . DMPR, DE E. MAUTINLT, LES HYMÉNOPTÈRES. 327 une mème tige, soient contiguës les unes aux autres. Bien diffé- rentes des galles de feuilles, elles offrent au centre douze à quinze cellules, ou même davantage, qui sont les logements d'autant de larves. Les Cynips éclosent au milieu de l'été, etilsemble probable que l'espèce a deux générations annuelles. On l’a nommée, à raison de la coloration de la femelle, le Cynips terminal (Cynips terminal). Les deux sexes diffèrent beaucoup entre eux : le mâle, Femelle, Mâle, CYNIPS TERMINAL (Cynips terminalis). pourvu de grandes ailes diaphanes, a le corps d’une teinte fauve assez claire et uniforme; la femelle, absolument privée d’ailes, est plus brune, avec la partie postérieure de son abdomen d’un noir luisant. Chez l'un des plus gros Cynips connus, les ailes manquent dans les individus des deux sexes (Cynips aptera). Cette espèce pro duit des galles volumineuses sur les racines des Chênes. Personne n'ignore, pensons-nous, que les noix de galle du commerce, employées à la confection de l'encre et des teintures noires, sont dues également à la piqüre d’un Cynips, le Cynips des galles à teinture (Cynips galle tinctoriæ). Ces galles, parti- culières à un Chêne de l'Orient (Quercus infectoria), sont d'une remarquable dureté, de forme arrondie, avee quelques tubereules ti: à de h DhÉR . D. à — de Éd de 328 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. à leur surface; elles ne renferment jamais plus d’un habitant. La cellule étant médiocrement spacieuse, les parois ont ainsi une extrème épaisseur, et cependant le petit Cynips les perfore sans grande difficulté pour venir à la lumière. Les noix de galle font l’objet d'un commerce qui n'est pas sans importance. En 1865, d'après le Tableau officiel, il en a été importé en France 739881 kilogrammes, représentant une valeur de 2891 662 francs. Une des galles les plus singulières est celle du Cynips du bédégar (Cynips bedeqaris), que l'on observe communément sur les charmants Églantiers qui poussent le long des haïes et à la lisière des bois. L'Insecte adulte, long de 4 à 5 millimètres, la taille ordinaire des Cynips, est d’un noir luisant, avec les pattes et l'abdomen, sauf l'extrémité, d’un brun ferrugineux, et les ailes diaphanes légèrement enfumées. A la fin de mai ou vers le commencement de juin, les Cynips pondent leurs œufs; les galles se forment, grossissent d’abord avec lenteur, puis avec une certaine rapidité; lorsque vient l'automne ; quand arrive la saison froide, elles sont tout à fait développées. Les galles du Cynips de l'Églantier sont des plus étranges parmi toutes les galles connues : quelquefois arrondies, plus souvent élargies, et plus ou moins irrégulières, elles rappellent la forme des nèfles, dont elles ont, du reste, à peu près le volume. Ces galles semblent toutes moussues ; on les croirait composées d'une multitude de filaments rameux, rapprochés les uns des autres : de là le nom de galles chevelues, qui leur à été appliqué. Cette dénomination pourtant n’est pas la plus habituellement employée, celle de bédégars a été presque partout adoptée. A la fin de l'été, les bédégars, ou galles du Cynips du Rosier, présentent des nuances vertes et rouges entremêlées, dont l'effet est charmant. Portés, comme ilsle sont, sur une sorte de pédicule, on penserait volontiers avoir sous les yeux des fruits d'un genre nds. nu do md ce nu + a Lu lit d ven y à mani aphalns goige d é LES SSSR LES HYMÉNOPTÈRES. 329 inconnu. En hiver, les galles chevelues perdent leurs riches teintes, et deviennent d’un ton brunâtre uniforme. A ne considérer que la surface de nos bédégars, on se doute- rait peu de leur dureté; cette mousse qui les revêt, si fine et si douce, semble les constituer en totalité. Il faut essayer de couper ces galles pour apercevoir jusqu’à quel point les larves des Cynips sont bien protégées. En effet, la partie ligneuse du bédégar a une grande épaisseur et un tissu fort serré. Une de ces galles étant fendue perpendiculairement par le milieu, on voit les loges assez irrégulières qui occupent l’inté- rieur. Chaque loge est habitée par une larve qui, dans l’espace le plus resserré du monde, se développe et subit toutes ses trans- formations. Les larves des Cynips de l'Églantier sont, comme nous avons dépeint d'une manière générale les larves de Cynips, blan- châtres, avec les yeux seuls colorés. Une fois qu’elles ont pris tout leur accroissement, ces larves passent par un long temps de repos ; elles se raccourcissent, se ramassent sur elles-mêmes, et demeurent à peu près immobiles depuis la fin de l'automne jus- qu'au printemps suivant. A cette époque, s'effectue la métamor- phose en nymphe. Les Cynips ne vivent guère plus de dix à quinze jours sous cette forme : les Insectes adultes éclosent ; mais si la température est froide encore, ils restent dans les loges étroites où ils viennent de naître, attendant, pour sortir, que le temps chaud se fasse sentir pour tout de bon. Quand on ouvre des bédégars au printemps, il est très-fréquent de voir les Cynips sur le point de percer la paroi de leur prison pour s'échapper. Les seules galles en usage dans l’industrie sont les noix de galle, et cependant d'autres peut-être seraient susceptibles de fournir des produits utiles. M. Weddell a vu dans les Cordillères des Indiens tirer une belle couleur verte d’une galle particulière. Il serait à désirer que des essais fussent entrepris avec nos espèces indigènes. die os he À Ce TT TOUT NOT PTT D | _ Ne EN -HOU Rs à ee ss de 330 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. En Orient, dans quelques parties de l'Europe méridionale, en Afrique, des Cynips vivant dans les figues sont employés à hâter la maturité ou caprificalion de ces fruits. On attache des figues contenant des Cynips sur les Figuiers tardifs ; les Insectes en sor- tent, s’introduisent couverts de poussière fécondante dans l'in térieur des nouvelles figues, et hâtent la maturité des fruits en fécondant les graines. Ge sujet a donné lieu à une foule décrits de la part de de la Hire, de Tournefort, de Linné, ete., dans le siècle dernier; de Westwood, de Læw, etc., dans le siècle actuel. LES HYMÉNOPTÈRES PARASITES (Ichneumonides, Chalcidides, Proctotrupides). C’est un monde bien particulier que l’ensemble des Hyméno— ptères ici réunis sous le nom de Parasites. Monde immense d'êtres ayant tous les mêmes mœurs, les mêmes métamorphoses, les mêmes instincts. Ces Hyménoptères, c’est l’armée qui, dans la nature, a pour fonction d’empècher la multiplication excessive des espèces phytophages. Chaque Parasite, müû par un instinct indéfinissable, attaque, en particulier, une espèce déterminée ou des espèces voisines, et chaque espèce est exposée aux atteintes de plusieurs Hyménoptères parasites. Ce fait seul suffit à don- ner une idée du nombre prodigieux de ces Insectes dans la nature. Ces Hyménoptères appartiennent à trois types parfaitement distincts; mais ces trois {types ont pour caractères communs la présence, chez les femelles, d’une tarière droite, mince, aiguë à son extrémité, et la forme des pattes, celles-ci toujours longues, grèles, simples, c’est-à-dire dépourvues de toute armature. À l'état adulte, les Parasites sont des Insectes de proportions élégantes, doués d’une vivacité et d’une agilité presque sans À Lg n nat Te ct D ttih mi EME du d7 dant fi ndheS La D LES HYMÉNOPTÈRES. 331 égales. Dans leur premier âge, ce sont des créatures inca- pables de se mouvoir, absolument privées de moyens de loco- motion, dont les téguments sont mous, faciles à déchirer. Les larves de ces Hyménoptères, d'apparence vermiforme, naissent et arrivent au terme de leur croissance dans un état de déve- loppement organique très-peu avancé. Au reste, le contraste entre la faiblesse des nouveau-nés et la puissance des adultes, déjà si prononcé chez les Parasites, deviendra beaucoup plus frappant encore chez les Hyménoptères industrieux. Tous les Parasites recherchent la chenille, la larve, l’Insecte qui leur convient, pour introduire un œuf dans son corps. De l'œuf du Parasite naît une larve qui d’abord se nourrit du sang, de la graisse de sa victime, respectant d’une manière absolue tous les organes essentiels à la vie, car la mort de la victime amènerait fatalement sa propre mort; c’est seulement lorsqu'elle approche du terme de sa croissance, de l’époque de sa transfor- mation en nymphe, que, n'ayant plus besoin de rien épargner, elle dévore en entier les parties internes de l’Insecte aux dépens duquel elle à vécu. La peau, l'enveloppe tégumentaire seule est respectée, et cette dépouille souvent servira à la protection de la nymphe du Parasite. Il nest pas d'Insectes qui ne soient exposés aux attaques de plusieurs Hyménoptères parasites. On voit souvent des chenilles lisses, de couleurs claires, ayant sur la peau un point noir : c’est la cicatrice de la petite plaie produite par la tarière de l'Hyménoptère introduisant un œuf. Quand les ento- mologistes rencontrent de ces chenilles ainsi marquées, ils recon- naissent qu'elles ne subiront pas toutes leurs métamorphoses, car elles sont rongées par un Parasite; dans leur langage, ces chenilles sont ichneumonées. Il est des chenilles qui sont détruites à peu près vers le temps où leur croissance est achevée; il en est d’autres qui se transforment en chrysalides, mais là est le terme de leur existence, Que l’on se figure la surprise, la stupéfaction 332 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. des premiers observateurs, en voyant sortir d’une chrysalide de Lépidoptère un Hyménoptère : ils ne savaient rien encore de la vie des Parasites; le fait dont ils étaient témoins demeurait pour eux sans explication possible. Les Hyménoptères parasites, dont nous connaissons aujourd'hui toutes les conditions d'existence, ne sont pas cependant sans être pour nous un sujet d’étonnement par les manifestations de leurs instincts. Quand nous voyons l'Hyménoptère rencontrant une chenille vivant à découvert, nous imaginons qu'il la découvre comme nous la découvririons nous-mêmes ; mais quand nous constatons qu'il atteint sans la voir une larve logée dans un fruit, dans une branche d'arbre, dans un tronc, nous nous demandons par quelle faculté l’Insecte parvient à ce résultat, et nous n'avons pas de réponse satisfaisante à nous faire. On met volontiers cette faculté sur le compte d’un odorat très- subtil, mais c’estune simple supposition n'ayant pour elle qu'une certaine vraisemblance. Un autre instinct de ces Hyménoptères n’est pas moins curieux. Le Parasite de grande taille dépose un seul œuf sous la peau d’une chenille ou d’un autre Insecte; car une seule de ses larves destinées à devenir grosses épuisera en entier sa victime; s’il y avait deux ou trois larves, la victime serait anéantie longtemps avant la fin de leur croissance, et elles périraient faute d'aliments. Au contraire, si le Parasite de taille moyenne s'attaque à une espèce d’assez forte dimension, il in- troduit dans son corps deux ou trois œufs, et s’il est d’une taille exiguë, il fera sa ponte entière, cinquante, soixante œufs dans le même Insecte. Ne dirait-on pas que l'Hyménoptère parasite est en état d'apprécier, de calculer, d’après le volume de sa victime, combien celle-ci pourra nourrir de larves de son espèce? Tous les Insectes ne sont pas au même degré exposés aux attaques des Parasites : ceux qui savent se construire des abris le sont moins que ceux qui vivent à découvert; les chenilles très- poilues, épineuses, moins que celles qui sont rases. Ces longs poils di duc l'm t dit de il Qui dE us tir" im} mass ni. LES HYMÉNOPTÈRES. 333 touffus, ces épines rameuses, couvrant leur corps, paraissent être des instruments capables de les protéger contre les atteintes des Ichneumons. Par les mouvements qui leur sont imprimés, poils et épines gênent l'Hyménoptère cherchant un point vulné- rable, et parfois l'Hyménoptère échoue dans son entreprise. Il a besoin de lutter d'adresse avec l’Insecte dominé par l'instinct de la conservation. La lutte dans la vie est la loi de la nature pour tous les êtres. Les Hyménoptères parasites recherchent surtout des larves pour opérer le dépôt de leurs œufs, et c'est là une nécessité facile à comprendre. La vie de la plupart des Insectes adultes étant fort courte et exposée à une foule de hasards, l’exis- tence des larves parasites serait bien incertaine. Des Insectes adultes, dont la vie est assez longue, se trouvent seuls en butte aux atteintes des Ichneumons. Des Coléoptères tout cuirassés, tels que des Charançons, ne sont pas épargnés ; l’agile Hyméno- ptère les pique de sa tarière au défaut de la cuirasse, c’est-à-dire entre les articulations. S'il est des Parasites d’assez grande taille, il s'en trouve des quantités prodigieuses dont la dimension est d’une extrême exiguité. Plusieurs de ces Hyménoptères peuvent se développer à la fois dans le corps d’un Puceron, dans l’intérieur d'un œuf d'Insecte. Les œufs de divers Lépidoptères sont fréquemment détruits de la sorte. Presque tous les Hyménoptères parasites introduisent leurs œufs sous la peau de leurs victimes, leurs larves ainsi ne se montrent jamais au dehors; mais on en connaît cependant qui collent simplement leurs œufs sur la peau de certaines chenilles ou d’autres Insectes. Les larves, venant à éclore, entament la peau de l'animal avec leurs mandibules, enfoncent dans son corps la partie antérieure de leur tête, et sucent son sang en restant suspendues à l'extérieur. Tous les Hyménoptères parasites ayant à peu près le même 330 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. genre de vie, on peut être assuré de ne rencontrer parmi eux que d'assez légères différences de conformation. Îl est une diffé rence cependant de nature à être remarquée, elle est dans la longueur de la tarière des femelles. Les femelles qui déposent leurs œufs dans le corps des chenilles ou des larves se tenant à découvert ont une tarière fort petite; celles qui attaquent des larves enfoncées dans la terre ou protégées par certains abris ont une tarière plus longue, afin de les atteindre dans leurs retraites; celles qui recherchentles larves enfouies dans les troncs d'arbres ont une tarière énorme pour arriver jusqu'à elles. Ainsi, d'après la longueur de la tarière d’un Ichneumon, on sait à quelle sorte de larves s'en prend l’Hyménoptère. Les Parasites jouent un rôle considérable dans la nature : ils empêchent la propagation indéfinie d'une foule d’Insectes; ils contribuent d’une manière incessante à maintenir dans de certaines limites la diffusion des espèces. En étudiant les Insectes les plus nuisibles à nos grandes cultures, on est singulièrement frappé de l'importance des services que peuvent rendre les Hyménoptères parasites. Les progrès de la culture ont favorisé à l'excès la multiplication de différents Insectes. L'abondance du végétal dont ils se nourrissent leur a été fournie; les conditions les plus favorables ont été créées, pour les espèces qui rongent les racines, par un extrême ameublissement de la terre. De là ces apparitions immenses d'Insectes qui dévorent la Vigne, les Oliviers, les Céréales, les Colzas, les Betteraves, les plantes four- ragères et potagères, ete., menaçant parfois de tout anéantir sur de vastes étendues. Le cultivateur s’en prend naïvement à la pluie, à la sécheresse, à la direction du vent qui a régné, et s'attend à voir disparaître le fléau avec un changement atmos- phérique. Il se rappelle, en effet, qu'à une autre époque, les champs avaient été dévastés par les mêmes Insectes, et que ces derniers ont à peu près disparu après avoir fait beaucoup de mal. Le cultivateur se lamente et appelle à son secours la Providence. Rs 2 SR + ete A "On ag in Cd se ES Fr à in de Dé à à sr tn à Ds die Ld ent s bob LR Mr LES HYMÉNOPTÈRES. 330 La Providence ici se manifeste sous la forme des Hyménoptères parasites. Chacun imagine bien que l'Ichneumon, déposant un seul œuf dans le corps d’une chenille, ne parvient pas toujours, dans les circonstances ordinaires, à rencontrer soixante ou quatre- vingts chenilles de l'espèce qui lui convient pour effectuer le dépôt de tous ses œufs; il périt alors, laissant une postérité bien restreinte. Mais dans les circonstances où notre Hyménoptère trouve partout à sa portée les individus qui lui sont nécessaires, presque aucun de ses œufs n’est perdu. Un seul [chneumon frap- pera mortellement une légion de chenilles, et l’année suivante les Parasites seront si nombreux, que l'œuvre de destruction mar- chera avec une étonnante rapidité. Voilà les Insectes nuisibles à la végétation devenus rares : les IHyménoptères abondent au contraire et se trouvent dans l'impossibilité d'assurer le dépôt de leurs œufs; ils périssent la plupart sans laisser dé postérité, et alors l'espèce phytophage recommence à se multiplier en paix, C'est ainsi que se produisent, dans un grand nombre de circon- stances, les apparitions et les disparitions successives de certains Insectes. L’explication a bien des fois déjà été donnée, mais les vérités, si simples qu'elles soient, ne se répandent qu'avec des peines infinies. Pendant longtemps les naturalistes attachés à l'étude des Hy- ménoptères parasites se contentaient de les recueillir au hasard et de donner des descriptions de leurs formes et de leurs cou- leurs. C’élait se contenter de peu ; mais il est dans la nature des plus grandes choses d’avoir d'humbles origines. Maintenant les observateurs se préoccupent de savoir aux dépens de quelles espèces vivent ces Parasites. Dans un intéressant ouvrage sur les Insectes nuisibles, M. Goureau, un colonel du génie aujourd'hui en retraite, investigateur sagace et ingénieux, s’est appliqué à faire connaître les Parasites de chacune des espèces dont les agriculteurs ont à s'inquiéter. L'épithète de Parasites a été acceptée d'une manière générale 336 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. pour qualifier les Hyménoptères dont les larves vivent dans le corps d’autres Insectes, et, en l'absence d’un autre terme précis, nous sommes à notre tour obligés de l’accepter; elle est cepen- dant vicieuse. Un entomologiste auquel on doit des observations de mœurs, et particulièrement des travaux descriptifs sur les IHyménoptères, le comte Lepelletier de Saint-Fargeau, s'est efforcé de prouver qu'il fallait employer le mot de Parasites dans une acception beaucoup plus restreinte que ne le font d'ordinaire les naturalistes. Se fondant sur la vraie signilication du mot, il a dit: le parasite est l'individu qui vit aux dépens d'autrui en mangeant son bien, et non pas en mangeant l'hôte lui-même. Or, parmi les Hyménoptères, il existe en nombre, nous le verrons bientôt, des espèces qui dévorent les provisions que d’autres Hyménoptères ont amassées pour leurs larves, sans jamais attaquer ces dernières. Ces espèces seules devraient s’ap- peler des Parasites, d'après le sentiment de Lepelletier de Saint-Fargeau, d'accord avec cette définition du Dictionnaire de l'Académie française : «Le parasite est celui qui fait métier d'aller manger à la table d'autrui.» Malgré la justesse de la remarque, la pauvreté de la langue nous oblige à continuer de qualifier de parasites les Hyménoptères dont les larves vivent de la propre substance d’autres Insectes. Nous avons dit que ces Hyménoptères appartiennent à trois types très-faciles à reconnaître. Ils forment ainsi trois grandes familles : les Ichneumonides, les Proctotrupides, les Chal- cidides. Les IcuNeumonnes ont presque toujours un corps long, mince, des pattes grêles; des ailes relativement assez grandes, très— veinées, les nervures formant des cellules complètes; des antennes vibratiles, longues, filiformes, rapprochées à leur insertion et. composées d’une longue suite d'articles; des mà- choires pourvues de longs palpes. Tout, dans la conformation des Ichneumons, dénote l’agilité : RL de Ci 2. 1 Ph |, ALT De Li, Né nl RS LES HYMÉNOPTÈRES. 337 le corps souple, d’un poids très-faible, les pattes propres à la course et les ailes puissantes. Les yeux saillants, et surtout les antennes, dans un état de vibration continue, donnent à ces Insectes une physionomie vive et animée. Quand on veut les saisir, ils s'échappent avec une prestesse merveilleuse, et les femelles que l’on maintient entre les doigts cherchent à se défendre avec leur tarière, instrument du reste peu dange- reux, vu l'absence de tout appareil vénénifique. Dans cette immense famille des Ichneumonides, nous distin- guerons les représentants de deux tribus et de quelques groupes ou grands genres. Les deux tribus sont les Ichneumonines et les Braconines. Chez les premiers, on compte quatre articles aux palpes de leur lèvre inférieure ; chez les seconds, trois seu— lement. Commençons notre examen par les espèces auxquelles a été réservé plus spécialement le nom d’Ichneumons (groupe des Ichneumonites), appliqué autrefois à tousles représentants de la famille des Ichneumonides. Ceux-ci, en général d’une assez grande taille, ont l'abdomen arrondi sur les côtés et une tarière fort petite, qui, dans l’état de repos, ne fait nullement saillie à l'ex trémité du corps. Les Ichneumonites introduisent leurs œufs dans le corps de chenilles ou d’autres larves vivant à découvert. Les espèces composant le genre Ichneumon des entomologistes de l’époque actuelle ont l'abdomen assez épais, attaché au thorax par un assez long pédicule. Ces Insectes, aux formes élancées, sont ordinairement parés de bandes et de taches Jaunes ou rougeâtres qui se détachent sur un fond noir. Les Pimplites sont des Ichneumonides dont l'abdomen est peu rétréci à son origine et dont la tarière est toujours fort saillante. Ghez les Pimplas, et particulièrement chez les espèces que les auteurs ont distinguées sous le nom d'Ephialtès, la tarière des femelles a une longueur beaucoup plus considérable que tout le corps de l’Insecte. Prenons pour exemple le type du genre, un 22 338 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Hyménoptère fort commun dans le centre et le nord de l'Europe, l'Ephialtès noir (Ephalles manifestator), que lon voit pendant l'été dans les avenues des bois, se posant sur les fleurs ou courant sur le tronc des arbres. Son corps en entier est d'un noir luisant ; ses ailes transparentes sont légèrement enfumées, ses pattes longues et grèles, d'un roux vif avec les jambes et les tarses de derrière rembrunis. Le mâle est grêle et de taille médiocre, la femelle très-grande compara— tivement et beaucoup plus robuste. Dans son premier état, cette espèce est parasite des larves de Buprestes et de Capricornes vivant dans l’intérieur des troncs. Rien de plus intéressant à voir que l'Ephialtès en quête d’une larve ou en travail pour opérer le dépôt d'un œuf. Par un beau temps, lorsque le soleil surtout est dans son éclat, ilsemble plein d'une indescriptible animation. Ses antennes, en perpétuelle vibration, s’agitent en divers sens; ses ailes frémissent; il parcourt un tronc avec une étonnante rapidité; par moments, il s'arrête, il explore, puis, rapide comme un trait, il se porte sur un autre point, renouvelant son exploration. Cent fois les mêmes manœu- vres se répètent. Soudain, l’Insecte paraît prendre position en un endroit; il a reconnu la présence d’une larve à sa conve— nance, celle d’un Capricorne si c'est dans nos forêts, d'un Bupreste (Chalcophora mariana) si c’est dans les Landes ou dans les som- bres forêts de Pins de l'Allemagne; il s’est assuré de l'existence d’une fissure qui lui permettra d'introduire sa tarière et d'atteindre sa proie. Alors, la tète dirigée en bas, fortement accroché avec ses pattes, il soulève son abdomen, ramène sa tarière par une vigou- reuse contraction, la fait pénétrer par l'étroite fissure, et atteint la larve qui, reufermée dans son obscure galerie, semblait à l'abri de tout danger venant de l'extérieur. Dans ce mouvement, les deux valves de la tarière s’écartent, se courbent, prêtant un appui aux stylets qui pénètrent en droite ligne. Notre dessin montre l'Ephialtès pendant sa grave opération, le tronc coupé, afin de dl ol is 2. Mers on LE ._ LES HYMÉNOPTÈRES. 339 faire voir comment se trouve piquée la larve du Capricorne, Tout est sujet de surprise pour nous dans l'acte de l’agile Hyméno- ] (e pi D'UREUN. LES ICHNEUMONIDES DU GENRE PIMPLA, Un Ephialtès noir (Zphialtes Manifestator\ mâle au vol — Un indivi lu femelle de la même espèce introduisant un œuf dans le corps d'une larve de Capricorne, — Un Ephi altès persundant (Rhyssa persuasoria) femelle, nce d'une ptère; il reconnait malgré l'épaisseur du bois la prése larve, et il ne peut voir cette larve ; il a l'instinct de chercher et NT 0 340 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. de trouver une fissure pour le passage de sa tarière, car cel instrument long, mince et flexible, est impuissant à perforer un tissu ligneux. Un autre Pimpla (le Rhyssa persuasoria) beaucoup plus joli que l’Ephialtès commun, les différentes parties de son corps étant ornées de petites taches ou de petites lignes jaunes, a des habitudes analogues. Les Cryptes (Cryptus) sont des Pimplites ayant le métathorax épineux, l'abdomen pédiculé, la tarière de longueur médiocre. Il en existe beaucoup d'espèces ayant chacune ses préférences pour tel ou tel genre d'Insectes. Les Ichneumonides du groupe des Ophions (Ophionites) se reconnaissent, au premier coup d'œil, à la forme toute par- ticulière de leur abdomen. Cet abdomen, arqué et comprimé laté- ralement, ressemble à une faucille. Les Ophionites ont une petite tarière; ils déposent leurs œufs dans le corps de larves vivant à découvert, ou les fixent simplement sur la peau de ces larves. Les œufs de cesInsectes ayantune forme assez étrange, plusieurs obser- vateurs se sont attachés à les faire connaître. Ils sont oblongs avec un long pédicule un peu contourné, fixé par la femelle sur la peau de l’Insecte destiné à être dévoré. Les jeunes larves de l'Hymé- noptère brisent leur coquille et passent la tête par le côté opposé au pédicule, en laissant leur corps engagé dans la coque de l’œuf. Elles attaquent ainsi leur victime, en restant protégées quelque temps par cette enveloppe. Assez fréquemment on a observé des Ophionites qui, ayant péri au moment de la ponte, portaient des œufs attachés à l'extrémité de leur abdomen, et l’on a vu parfois aussi les larves éclore et celles-ci se mettre à manger le cadavre de leur mère en l'absence de toute autre proie. Les espèces du genre Ophion proprement dit ont des antennes grêles et filiformes, des pattes minces, un abdomen dont la portion basilaire constitue un assez long pédicule. La plupart d’entre elles sont de grande taille et très-généralement d'une LES HYMÉNOPTÈRES. 344 couleur fauve. L’Ophion jaune (Ophion luteus) est très-commun en Europe. Les Braconines forment la foule des Ichneumonides; leurs espèces, prodigieusement multipliées, sont pour la plupart d’une taille fort exiguë. Les Bracons (groupe des Braconites), qui ont les mandibules pourvues de dentelures courbées et les antennes longues et grêles, se rencontrent continuellement sur les fleurs pendant la belle saison; ils attaquent particulièrement des Coléoptères. Les Aly- sites (genre Alysia, etc.), qui diffèrent surtout des précédents par les dentelures de leurs mandibules, sont parasites des Diptères de la grande famille des Mouches (Muscides). Les Agathites, distincts des Braconites par le bord de la tête sans l’échancrure qui existe chez ces derniers, sont de très-petits Insectes. Les Microgasters, les plus répandus de ce groupe, Hyménoptères longs de 2 à 3 millimètres, caractérisés par leurs yeux velus et leurs antennes composées de dix-huit articles, dé- posent leurs œufs en masse dans le corps de diverses espèces de chenilles. Les larves des Microgasters arrivant au terme de leur croissance, rongent tous les viscères de leur victime, lui percent la peau pour en sortir, et chacune en particulier se file au dehors un petit cocon soyeux. L'un de ces Ichneumonides, le Micro- gaster aggloméré (Microgaster glomeratus), qui est noir avec les pattes fauves, peut être observé bien facilement. Les chenilles la Piéride du Chou (Pieris Brassicæ) sont souvent tuées par ce petit Hyménoptère ; il est des années et des localités où, sur une centaine de ces chenilles, on en trouverait difficilement deux ou trois individus épargnés. Au moment de se transformer en chry- salide, elles grimpent sur les murailles; c’est alors que beaucoup d'entre elles cessent de vivre, les larves de Microgasters quittent la dépouille de ces chenilles, et tout à l’entour filent leurs cocons ; elles se métamorphosent, et dans l’espace de peu de jours, éclo- sent les Insectes adultes. Les cocons du petit Hyménoptère, ordi- .— - RS LL à =. 342 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. nairement réunis ou agglomérés en paquets, d'une forme parfai- tement ovalaire, composés d’une soie fine, de couleur jaune pâle, ont l'apparence des cocons du Ver à soie réduits aux plus mi- nimes proportions. Les Hybrizonites, les plus petits des Ichneumonides, font la guerre aux Pucerons. Le type du genre Hybrizon a reçu de Linné le nom d'Ichneumon des Pucerons (1. Aphidum). Celui-ci dépose ses œufs dans le corps des Pucerons du Rosier. Les Procrorrurines se distinguent bien aisément des Ichneu- monides. Leur corps est oblong; leurs ailes n'offrent qu'une seule nervure bifurquée ; leurs antennes, de médiocre longueur, filiformes ou un peu épaissies à l'extrémité, n’ont jamais plus de dix à quinze articles; leurs mâchoires ont des palpes longs et pendants. Les Proctotrupides sont tous d’une taille tellement exiguë, qu'il est nécessaire de se servir d’une bonne loupe, sinon du microscope, pour bien reconnaitre leurs caractères, leurs teintes bronzées, leurs ponctuations variées à l'infini, l’irisation de leurs ailes. Les formes de ces Hyménoptères étant très-diversifiées, beaucoup de genres ont été admis dans la famille, mais l'histoire des espèces est loin d'être faite. Les auteurs se sont contentés la plupart du temps de décrire ces Insectes sans se préoccuper le moins du monde des conditions dans lesquelles ils vivent. Quelques-uns, il est vrai, ont noté d’où provenaient certaines espèces. Dans cette famille des Proctotrupides, il y a deux types très- distincts, et ainsi deux tribus. Les espèces du premier type (Proctotrupines) ont les ailes d’une dimension ordinaire relati- vement au volume du corps; les espèces du second type (Myma- rines) ont des ailes extrèmement étroites, quelquefois linéaires et élargies à l’extrémité comme de petites spatules. Dans la première division, on compte les Diapries (groupe des Diapriites), où l'abdomen pédiculé affecte la forme d’une Campa- nule, Les Diapries proprement dites sont de charmants Insectes; LES HYMÉNOPTÈRES. 345 leurs mâles se font remarquer par leurs antennes noueuses, ornées de bouquets de poils fort élégants. Ces petits Hyménoptères atta- quent des larves de Diptères, et surtout des larves de Céci- domyies. Les Proctotrupes, que l’on sépare des Diapries à raison de leur abdomen assez large à sa base et ainsi à peine pédiculé, déposent également leurs œufs dans le corps des larves de Tipulides. C’est ce qui a été démontré par quelques trop rares observations. Nous distinguons sous le nom de Platygastérites des Procto- trupides bien reconnaissables à leur abdomen déprimé, sans pédicule. Les Platygasters, dontles antennes n’ont que dix articles, out rarement plus de 2 millimètres de longueur ; leurs espèces, fort nombreuses, attaquent principalement des larves de Diptères du groupe des Cécidomyies. Leurs larves se filent de petits cocons sous la dépouille de leur victime. D'autres Platygastérites, les Téléas, aux antennes composées de douze articles et aux pattes propres au saut, ont encore une taille bien inférieure à celle des précédents; aussi plusieurs de leurs larves peuvent vivre et se développer dans l'œuf d’un Papillon. Le Téléas des œufs (Teleas ovulorum), le plus commun d'entre eux, attaque les œufs de plusieurs de nos Lépidoptères nocturnes; il n’a pas plus d'un demi-millimètre de long. Quant aux espèces du genre Mymar et de la tribu des Myma- rines, rendues fort singulières par l'étrange dégradation de leurs ailes, nous ne savons rien de précis sur leurs métamorphoses. Les Cuascnies, très-faciles à distinguer des Ichneumonides et des Proctotrupides, à leurs palpes très-petits, à leurs antennes coudées, n'ayant pas plus de douze à treize articles, à leurs ailes ne présentant qu'une seule nervure bifurquée, constituent certai- nement la plus immense légion parmi les Parasites. Presque tous d’une taille fort exiguë, ils vivent aux dépens de toutes les espèces d'Insectes et même des espèces parasites, Les genres 3h44 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. ont été très-multipliés dans cette famille. Ne pouvant les énu- mérer, nous citerons les formes les plus typiques. Les Chalcides comptent parmi les plus grandes; elles ont des 7 DIPLOLÉPIS DU BÉDÉGUAR CHALCIDE PETITE (Diplolepis Bedeguaris ). (Ghaluis minuta ). antennes épaissies à l'extrémité, des cuisses postérieures très- renflées, une tarière saillante. La Chalcide petite (Chalcis mi- nula), fort commune en certains endroits, dépose ses œufs dans le corps de diverses chenilles. La Pyrale de la Vigne, d’après les observations de V. Audouin, est souvent attaquée par cet Hymé- noptère. Les Diplolépis, au corps plus svelte et ordinairement d’une couleur verte dorée, éclatante, ont une très-longue tarière. Les femelles, en général, recherchent les larves des Cynips enfermées dans leurs galles. Souvent les Cynips de l'Églantier sont atteints par le Diplolépis du Bédéguar. Les Périlampes, qui appartiennent au même groupe que les Diplolépis, mais qui ont une tarière assez petite, paraissent rechercher spécialement les Coléoptères. On en voit fréquemment sur les vieilles boiseries vermoulues ; ils sortent, après avoir vécu aux dépens des Vril- lettes (Anobium). Les Ptéromales, au corps aplati, infestent les chenilles. Il n’est pas rare d’en voir sortir une légion d’une chrysalide de Vanesse. Les Eulophes sont des plus petits parmiles Chalcidides. Pour eux, un millimètre est déjà une grande taille; malgré leur petitesse, LES HYMÉNOPTÈRES. 345 ils sont charmants. Ils ont des ponctuations régulières, des cou- leurs bronzées ou verdâtres, brillantes; le plus souvent les mâles portent des antennes garnies de longs rameaux. Les Eulophes attaquent des chenilles, des larves de Diptères, des œufs de Lépidoptères. LES HYMÉNOPTÈRES CUIRASSÉS (Chrysidides). Voici une petite famille d'Hyménoptères que nous ne pouvons associer à aucune autre. Les Carysiines ont été désignées sous le nom vulgaire de Guépes dorées, et en effet, par leur forme gé- nérale, par leurs allures, ces Insectes offrent une certaine ressem- blance avec de petites Guêpes, car jamais leur taille n’atteint à la moitié ou au tiers de celle de nos Guêpes ordinaires. Ce qui frappe surtout, à un premier examen, chez les Chrysidides, c’est leur éclat, l’éclat des plus belles pierreries, de l'or, du feu. Cer- taines espèces ont le corps d’un vert doré magnifique ; d’autres sont en partie d’un splendide bleu d’outremer, avec leur abdomen d'un rouge de feu scintillant. De gros points enfoncés, des sortes de ciselure, se voient en différents points du corps, principale- ment sur le thorax, et produisent de charmants effets de lumière. Aussi est-il merveilleux de voir les Chrysidides au plein soleil; leurs couleurs, alors plus éblouissantes que jamais, ont d’admi- ‘ables reflets. Si ces Insectes avaient un volume un peu con- sidérable, on serait en extase devant leur beauté; mais ils sont petits, et alors on est moins frappé de leurs parures. Les Chrysidides, pourvues de téguments d’une grande épais- seur et d'une extrème dureté, possèdent la faculté de replier leur corps en forme de boule, particularité dont nous n'avons pas d'exemples chez les autres Hyménoptères ; elles ont plusieurs ve aa fé. Ver 5) D 346 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. caractères qui les séparent très-nettement de toutes les autres familles. Leur abdomen, très-convexe en dessus, concave en dessous, attaché au thorax par un pédicule fort court, est com- posé d’anneaux rentrant les uns dans les autres à la façon des tubes d'une lunette. Chez les femelles, l'abdomen porte un aiguillon dont la piqüre est très-douloureuse. Les Chrysidides ont des antennes coudées, filiformes, compo- sées de treize articles; de longues mandibules; des mächoires courtes portant un palpe formé de cinq articles ; une lèvre infé— rieure saillante, de consistance membraneuse et ainsi propre à lécher ; des ailes médiocrement veinées ; des pattes assez grêèles. Pendant la chaleur du jour, sous un brülant soleil, ces Insec- tes montrent une activité inouïe; sans cesse en mouvement, ils volent, se posent sur les fleurs, en partent avec rapidité pour y revenir tout de suite. Dans le midi de l'Europe, où les Chrysidides sont beaucoup plus abondantes que dans les pays du Nord, c'est en certains endroits un spectacle ravissant que celui de ces petits Hyménoptères voltigeant dans toutes les directions. On croirait voir des perles de feu traversant l’espace. Les Chrysidides n’ont aucune industrie, elles n'ont pas de tarière leur permettant d’in- troduire uu œuf dans le corps d'un Insecte. Leurs larves cepen- dant ne vivent que de proie vivante, et dans leur état de faiblesse, elles doivent être logées dans des conditions où elles auront toute chance d'échapper aux bêtes carnassières; les brillantes Chrysi- dides, incapables de rien édifier elles-mêmes, ont l'instinct d'aller faire leur ponte dans les nids des Hyménoptères fouisseurs et mellifères. Elles violent audacieusement le domicile des espèces qui travaillent pour leur progéniture, sans trop redouter ces es- pèces plus grandes, plus fortes qu’elles-mèêmes. Ici encore il faut s'arrêter à l’admirable conformation de l'animal, pour atteindre un but, pour réaliser le vœu de la nature. La Chrysidide s’intro- duisant dans le nid de l’'Hyménoptère fouisseur ou de l’Abeille solitaire, peut être surprise par le vigilant Insecte armé d’un re- AMAR Fée -nut mb él ct mp nd fr RES LÉ SSSR LS dt Lonnel . st Été st td _ È À ji Ni, à (y LES CHRYSIDILES des genres Chryside, Stilbe et Parnope. Chrysis ignita, Stitbum calens, Parnopes carnea et son cocon enfermé dans le cocon de la larve d’un Bombex, [l 348 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. doutable aiguillon. Une pareille rencontre n’est pas de nature à beaucoup effrayer la petite Chrysidide. N’avons-nous pas vu que ses téguments lui constituent une épaisse cuirasse, qu'elle a la faculté de se rouler en boule de façon à ne présenter aucune par- tie vulnérable? Vous apercevez le Crabron ou l’Abeïlle solitaire trouvant une Chrysidide dans son nid; le propriétaire légitime s’élance sur l’intrus, faisant des efforts inouïs pour le piquer d'un coup d’aiguillon, mais l’aiguillon est impuissant à percer la cui- rasse de la Chrysidide. Les larves des Chrysidides s’attachent aux flancs des larves de l'espèce nidifiante et la dévorent; au terme de leur croissance, elles filent une coque pour y subir leur transformation en nymphe. La vie des larves de nos petits Hyménoptères dorés n'a pas encore été étudiée cependant avec toute la rigueur désirable. Les Chrysides proprement dites, surtout caractérisées par la forme ovalaire de l’abdomen et par les palpes de la lèvre presque aussi longs que ceux des mâchoires, forment le principal genre de la famille, La Chryside enflammée (Crysis ignita), l'espèce la plus commune, qui est d’un vert bleu, avec l'abdomen d'un rouge de feu étincelant, dépose ses œufs dans les nids de divers Fouis- seurs : Crabrons, Cercéris, Odynères. Les espèces du genre Hédychre, qui diffèrent des Chrysides par l'abdomen presque hémisphérique et par les palpes des mâchoires beaucoup plus longs que ceux de lalèvre, sont aussi de charmants Insectes. Lepeletier de Saint-Fargeau rapporte avoir vu un Hédychre royal (Hedychrum regium) entrant dans le nid d'une Osmie et surpris par la légitime propriétaire. La scène fut curieuse. L'Osmie, s’élançant sur l’'Hédychre, le saisit avec ses mandibules, mais celui-ci, s'étant contracté en boule, était invul- nérable. Après l'avoir vigoureusement secoué, l’Osmie ne pou- vant faire mieux, lui coupa les ailes et s'en retourna aux champs. Malgré son accident, la Chrysidide revint pondre son œuf dans le nid d’où elle avait été violemment expulsée. che” Anim 1fà LES HYMÉNOPTÈRES. 3h9 Les Stilbes, faciles à reconnaître à leur abdomen très-voûté, à leur thorax prolongé en épine et à leurs palpes égaux, se rencon- trent seulement dans les régions chaudes. Le Stilbe brillant (Stilbum calens) n’est pas rare dans le midi de la France. Les Parnopes, qui se distinguent de toutes les autres Chry- sidides à leurs palpes très-petits, n'ayant que deux articles, sont représentées en France par une jolie espèce verte, avec l'abdomen couleur de chair, la Parnope rosée (Parnopes carnea). Celle-ci dépose ses œufs dans les nids des Bembex. LES HYMÉNOPTÈRES HÉTÉROGYNES (Formicides). Les Hyménoptères ainsi qualifiés, ce sont les Fourmis; la qualification, empruntée à Latreille, n’a en réalité aucune im— portance, et si nous la mentionnons, c’est à défaut d’un autre terme général plus heureux, pouvant être opposé à ceux de Parasites, de Fouisseurs, etc. Le mot hétérogynes signifie des femelles de plusieurs sortes ; il s'applique justement aux Four- mis, mais il s'appliquerait aussi bien aux Guêpes, aux Bourdons, aux Abeilles. Les Fourmis, on n’a qu'à les nommer pour être certain de n'avoir à redouter de méprise de personne. Connues dans l’uni- vers entier sont les Fourmis, mais non pas connues partout bien avantageusement. On les cite comme des Insectes d’un contact désagréable, comme des Insectes destructeurs, envahisseurs au suprême degré. En un mot, c’est une mauvaise réputation que les Fourmis portent avec elles en tout pays; seuls, les obser- vateurs et les philosophes leur accordent un véritable tribut d'admiration. C'est qu'aussi c’est un monde des plus merveilleux de tout le 300 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Règne animal. Les Fourmis, qui constituent une grande famille de l’ordre des Hyménoptères, ont été remarquées dans tous les temps. Les anciens en ont parlé en se montrant très-émerveillés de leurs travaux, sans comprendre ce qu'il y a d’admirable dans les sociétés que chacun appelle des fourmilières. En l'absence d'observations sérieuses, l'imagination se donnait carrière, mais sur de tels sujets l'imagination est pâle à côté de la réalité. Ce qui, dans l'antiquité, excitait surtout l'intérêt à l'égard des Fourmis, c'était l’idée fausse, encore peut-être entretenue au— jourd'hui, que ces Insectes amassaient des provisions et se distin- guaient par le goût des richesses et d’une sage économie. On verra comment s'était formée cette croyance. Il a fallu les investigations modernes pour apprendre à con- naître un peu les sociétés des Fourmis. Swammerdam, le premier, s’assura de la véritable nature des habitants d’une fourmilière; ses études anatomiques le conduisirent à voir que les ouvrières sout des femelles chez lesquelles demeurent atrophiés les or- ganes de la reproduction, en un mot, des individus neutres. Plus tard, de Geer, Linné, Latreïlle, consignèrent quelques observa- tions particulières sur les mœurs de ces Insectes. Mais le vérita- ble historien des Fourmis est du commencement de ce siècle ; c'est Pierre Huber (de Genève), le fils de François Huber, le célèbre historien des Abeilles. Son ouvrage, publié en 1810, a été une révélation. Il restera toujours un modèle de patience soutenue, de sagacilé profonde ; l'exposition des faits porte dans tous les dé- tails un cachet de vérité du plus grand charme, et la simplicité de l'expression n'empêche pas l'enthousiasme de l’auteur de se manifester pour le petit monde qu'il a si bien étudié. ! Les Fourmis, comme tous les Insectes qui eséoté el COM- mun des travaux considérables, les Guêpes, les Abeilles, ete., ontsemblé constituer des sociétés ayant beaucoup d’analogie avec les sociétés humaines. L'analogie est moins grande sans doute qu'on ne l’a supposé. Un concert de tous les instants, le fait est LES HYMÉNOPTÈRES. 351 certain, S'établit entre les individus de la population, et l'œuvre commune se poursuit, s'achève avec le concours de tous ou au moins du plus grandnombre. C’est merveilleux, mais on ne trouve là rien de semblable à ce qui est inévitable dans toute société humaine: une hiérarchie, des individus qui commandent et desindividus qui obéissent. Dans les sociétés des Insectes, suivant toute apparence, la plus parfaite égalité règne entre tous les indi- vidus; aucun ne commande en laissant ou en faisant travailler les autres, tout le monde travaille, tout le monde s'entend et s'aide mutuellement, chacun dominé par l'instinct du devoir. Voilà au moins ce qui paraît être la vérité. Beaucoup d'auteurs se sont imaginé que les Insectes industrieux qui vivent en com- mun obéissaient à des chefs, en un mot, avaient un gouverne- ment. Une semblable opinion est fondée uniquement sur ce qui se passe parmi les hommes; tous les faits bien constatés parmi les animaux tendent à prouver que dans les sociétés des Fourmis comme dans celles des Guêpes et des Abeilles, tous les individus prennent une part égale au gouvernement, les prétendus rois et les prétendues reines, objets de soins particuliers, n’ont aucune autorité; s'ils ne travaillent pas, ils n’ont à s'occuper en aucune façon des travaux du peuple. Les Fourmis, comme presque tous les Hyménoptères, naissent à un degré de développement très-peu avancé, et dans une con- dition plus ÿpparfaite que beaucoup d'autres encore. Les larves, ayant des ces buccales très-petites et très-faibles, sont même incapables Ge prendre les aliments qui se trouveraient à leur portée. Elles ont besoin qu'on leur mette leur nourriture à la bouche; en un mot, elles réclament des soins de tous les instants. Ces soins leur sont donnés avec une étonnante solli- citude par les ouvrières, véritables nourrices, et en même temps architectes pleins d’habileté pour édifier des logements spacieux et commodes. Entre les différents Hyménoptères, les Fourmis, dont toutes 352 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. les espèces réunies constituent la famille des Formiorbes, se font aisément reconnaître. Une tête de forme triangulaire ; des anten- nes coudées, dont le premier article, toujours très-long, figure une sorte de tige; une lèvre supérieure large, des mandibules fortes, des mâchoires et une lèvre inférieure courtes ; des pattes grêles et longues; un abdomen ovale attaché au thorax par un pédicule court et assez mince, sont autant de particularités caractéris- tiques des Fourmis. Ces Insectes, au reste, ont un aspect propre tellement spécial, que personne n'hésite à les reconnaître sans examen. Il est vrai de dire cependant que les Fourmis les mieux connues de tout le monde sont les ouvrières, les individus neutres, les individus au thorax étroit, toujours privés d'ailes, qui courent par les chemins, par les sentiers, sur les plantes, que l’on rencontre partout. Les mâles et les femelles ne se montrent qu’à certaines époques de l’année, et se distinguent des ouvrières par leur thorax beaucoup plus large, portant des ailes. Les espèces aujourd'hui connues de cette grande famille des Fourmis sont nombreuses, et comme, entre elles, il existe dans les formes extérieures et dans quelques particularités organiques, des différences assez importantes, tous les auteurs ont admis des genres et de petits groupes très-reconnaissables à des caractères faciles à constater. Les groupes sont les Formicites, les Ponérites et les Myrmicites. Chez les premiers et les secomss, l'anneau basilaire de l'abdomen forme un seul nœud, mais 1% femelles et les ouvrières des Ponérites ont un aiguillon et celle$ des Formi- cites n’en ont pas. Les Myrmicites ont un aiguillon de même que les Poncrites, mais le premier anneau de leur abdomen forme deux nœuds. Parmi les Formicites, nous reconnaïîtrons les espèces pour lesquelles a été réservé plus spécialement le nom générique de Fourmis (Formica) à leurs mandibules triangulaires, très— dentées. Ces mandibules sont des instruments de travail. PTT RTS TE CS ' POP 0 D OT D PS 1! die. de 2 “ed NÉE ot à D nn dé 6 ce “rural de 227 perl né dé) LES HYMÉNOPTÈRES. 353 Toutes les espèces de Fourmis ayant leurs habitudes propres, il est bon, pour la précision, de commencer par examiner l’une d'elles en particulier. La Fourmi à laquelle nous voulons don- ner notre principale attention n’est pas rare. Pour peu que l'on fréquente les bois, les taillis, on est certain de la rencontrer par- LA FOURMI ROUSSE (Formica rufa ). Mâlo, Ouvrière, Femelle. tout sur son chemin. Il n’est assurément personne, dans l’Eu- rope centrale, qui ne l'ait vue et remarquée en maintes circon- stances, quin'ait remarqué tout au moins les ouvrières, sans cesse en excursion. Notre Fourmi est la Fourmi rousse (Formica rufa) ; le nom ne convient qu'à l'ouvrière, mais l’ouvrière surtout mérite notre intérêt. Son corps est d’un roux ferrugineux, avec une tache noire sur la tête et quelquefois sur le thorax, l’abdo= men noirâtre en dessus, à l'exception du pédicule. La femelle, ayant la même teinte générale que l’ouvrière, est luisante et comme polie, avec les parties supérieures de la tête, du thorax et de l’abdomen d'un beau noir et les ailes un peu enfumées à la base. Le mâle, presque de la taille de la femelle, est tout noir et couvert d’une très-fine pubescence. Examinons les demeures de notre Fourmi rousse. Nous sommes dans un bois, là, où le fourré n’est pas très-épais; au pied des Chênes apparaissent des monticules peu élevés,. mais! d’une 23 PR ut ni à col ile 304 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. étendue parfois très-considérable. A la surface, c'est un amas de petits morceaux de bois, de brins de chaume, de cailloux, de grains de blé ou d'avoine, et de terre. Au premier abord, on ne se doute pas de la manière intelligente dont ces matériaux, en- tassés confusément en apparence, ontété disposés. Nous donnons un coup de pioche dans ce nid, voilà une partie de la toiture bri- sée ; les pauvres Fourmis, fort inquiètes, arrivent en foule du côté où la brèche a été pratiquée : on Les voit aussitôt s'occuper de répa- rer le dégât; l’activité qu’elles apportent à ce travail est inouie. Mais avant que la toiture aitété reconstruite, nous avons le temps de reconnaître les dispositions intérieures de l'édifice. Quelque- fois l'habitation descend à une assez grande profondeur ; les Fourmis ont exécuté successivement des travaux de déblai, de façon à agrandir le domicile quand la population s’est accrue. Partout c’est un enchevêtrement de morceaux de bois, tous à peu près de la même dimension, que l'on pourrait croire empilés au hasard. En y regardant avec attention, on voit que ces büchettes sont disposées de façon à circonscrire des chambres, des couloirs, des avenues un peu irrégulières, il est vrai, mais réunissant tous les avantages pour une cireulation facile dans toutes les parties de l'édifice. Une inspection attentive fait bientôt reconnaitre que les petits morceaux de bois sont placés avec une singulière habi- leté; étayés les uns par les autres, ceux de la partie profonde de la fourmilière enfoncés dans la terre, soutenus enfin de ma- nière à ne jamais s’affaisser les uns sur les autres, à moins d'un choc très-violent. En différents endroits, les intervalles que lais- sent entre elles les bûchettes sont remplis par certains matériaux, des brins d’herbes desséchés, de la terre, des graines. C'est la présence des graines employées par les Fourmis comme maté- riaux de construction qui a donné à croire que ces Insectes amas- saient des provisions. Les Fourmis ne mangent pas de blé; leur nourriture consiste en matières fluides ou au moins assez molles; elles vivent au jour le jour, la prévoyance dont on les a trop ste É EE à ct dd ct “ PI ES TER RE a Hé: “ot tri diat ht nd “ut és à ‘jus te sus ss ns , cÉ L sp" ( | 7 its AM. PAGE 354. EM. BLANCHARD. IMPR. DE E. MARTINET. LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE. LE NID DE LA FOURMI ROUSSE (Formica rufa). NE nt Enr 212 À 1 Age ? LU ire Fa . = LES HYMÉNOPTÈRES. 355 généreusement gratifiées ne leur est pas nécessaire, Comme la plupart des Insectes, quand vient la saison rigoureuse, elles s’en- gourdissent et n’ont plus besoin d'aliments. Si l’on observe un nid de Fourmis rousses à différentes heures de la journée, on est frappé des changements qui s’opèrent con- tinuellement. Est-il de grand matin, toutsemble dormirencore dans l'habitation, iln’y apas d'ouvertures visibles ; tout au plus quelques interstices permettent de soupçonner que les Fourmis ont la possi- bilité de sortir par ces espaces resserrés. Quelquesindividuscom- mencentàse montrer et à courir sur le dôme de la fourmilière. Il semble que ce sont les premiers individus éveillés. Peu à peu ils deviennent plus nombreux, et l'on voit des Fourmis emportant des bûchettes, déblayant des passages. Si le temps est beau, plu- sieurs ouvertures spacieuses communiquant avec les principaux passages de l'habitation sont bientôt établies; alors toute la po- pulation est en activité, chaque individu au travail. Quand arrive le soir, les laborieux Insectes ferment les issues ; ils tien- nent à passer la nuit tranquilles, en se garantissant contre les envahisseurs. Dans le cas où survient une pluie, les Fourmis, craignant de voir l’eau pénétrer dans leur demeure, se hâtent de clore les ouvertures; toutes s'empressent vers le même but et apportent des matériaux, de sorte qu'en peu d’instants elles se sont mises à l'abri du danger. Ces opérations si curieuses sont faciles à observer, pour peu que l’on y mette de la patience, et cependant Pierre Huber a été le premier à signaler ces actes qui sembleraient ne pouvoir être que du domaine de la raison. Aussi, avec le bonheur de celui qui a vu ce que les autres n’ont pas su voir, l'excellent naturaliste raconte en détail comment les Fourmis apportaient de petites poutres auprès des galeries dont elles voulaient diminuer l'entrée, et les plaçaient au-dessus de l'ouverture, comment elles allaient en chercher de moins grosses à mesure que l'ouvrage avançait. Enfin, après avoir rapporté toutes les manœuvres dont il a été témoin en cette circonstance, 306 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Huber s’écrie : « N'est-ce pas là, en petit, l’art de nos charpen- » tiers, lorsqu'ils établissent le faîte du bâtiment ? La nature » semble avoir partout devancé les inventions dont nous nous » glorifions. » Huber a raison, si d’habiles observateurs avaient existé dans les sociétés primitives, les connaissances que des peuples civilisés ont mis des siècles à acquérir eussent été bien vite obtenues. Nous avons décrit les nids de la Fourmi rousse, tels que nous les trouvons quand ils ont une nombreuse population, comme celui dont nous donnons ici l'image, exécutée au bois d'Aunay, près Paris, par un artiste de talent; mais ces nids ont eu leur commencement, et ce commencement mérite d'être signalé. Le jour où des émigrants abandonnent une habitation sur- chargée d'habitants, ils choisissent un emplacement pour fonder une colonie, presque toujours le pied d'un arbre. Les Fourmis ont avant tout à exécuter un travail de mineurs; elles creusent le sol avec leurs mandibules, et après un labeur longtemps sou- tenu, elles ont une cavité. C'est alors que les bûchettes et les autres matériaux de construction sont apportés, enfoncés dans le sol, maintenus avec de la terre, enchevêtrés avec une habi- leté digne de l’art de l'ingénieur. Les chambres, les salles plus ou moins vastes, les galeries, se construisent dans la partie basse, les étages se superposent ensuite. Aux premiers jours du printemps, si nous ouvrons Sans pitié une des vastes demeures de la Fourmi rousse, nous n'y trouve- rons point d'individus ailés, mais la fo ule des ouvrières et quel- ques femelles privées d'ailes ; malgré l'absence d'organes de vol, ces dernières se font reconnaître à leur thorax épais, à leur colo- ration. Toutes les femelles des Fourmis naissent avec des ailes; peu de temps après leur naissance, elles quittent le domicile en compagnie de nombreux mâles. Aussitôt fécondées, soit qu'elles se trouvent ramenées à la fourmilière où elles sont nées, soit qu’elles se fixent ailleurs, elles arrachent leurs ailes; si des ou- D nn) © : . LES HYMÉNOPTÈRES. 357 vrières les entourent, celles-ci leur prêtent leur concours dans cette opération. Ces femelles auront désormais une vie toute sédentaire ; les organes du vol sont devenus inutiles, autant s’en débarrasser. Au moins est-ce ici la loi de la nature. Les ailes des Fourmis femelles ont les nervures divisées à la base, de façon à se couper exactement par un effort peu considérable, sans que l'Insecte puisse en ressentir aucune souffrance. Les femelles fécondes commencent à pondre dès les premiers beaux jours de l’année. Leurs œufs, blancs, extrêmement petits, grossissent sensiblement dans le temps qui s'écoule depuis la ponte jusqu’à l’éclosion des larves. Les ouvrières en prennent les plus grands soins : elles les placent dans des chambres spéciales, elles semblent par moments les lécher; elles les transportent alternative- ment aux étages supérieurs et aux étages inférieurs de l’habita- LBIREINT LARVES ET NYMPHES DE LA FOURMI ROUSSE (Formica rufa). La larve vue de dos et de profil, grossie et de grandeur naturelle, — La nymphe vue en dessous, grossie el de grandeur naturelle, — La coque de la nymphe grossie et de grandeur naturelle. tion. Ceci dans le but de les exposer à une certaine chaleur ou de les garantir d’une chaleur trop forte. Les larves éclosent, sureroît de besogne pour les laborieux Insectes. Les Fourmis que nous avons vues architectes habiles, sont appelées à exercer la profes- sion de nourrices; nulle part on ne trouverait de nourrices plus attentives, plus vigilantes, plus dévouées. Les petites larves, AT LS à Gr à den LD D rt À " bin ail: 358 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. vermiformes, incapables de se déplacer, ont juste l'instinct de redresser un peu la tête, et d’écarter leurs petites pièces buc- cales pour recevoir leur subsistance de la bouche des nourrices. Ces nourrices agissent comme les oiseaux donnant la becquée à leurs petits. Ce n’est pas pour elles seules que les Fourmis sont avides de liqueurs sucrées, de miel, de jus de fruits, c'est plus encore pour les larves, auxquelles il faut apporter la sub- sistance. Les goûts des Fourmis sont connus de tout le monde. A la campagne, chacun se plaint des visites continuelles des Fourmis ; elles se montrent partout où il y a des fruits, des sirops, des sub- stances sucrées. On les voit aussi sur les fleurs où elles vont lécher le miel; on les voit encore presque incessamment sur les tiges des plantes chargées de Pucerons. Loin de faire aucun mal à ces Pu- cerons, elles les frottent doucement, au contraire, avec leurs antennes, et ceux-ci, après cette excitation, font perler à l’extré- mité des deux petits tubes situés à l'extrémité de leur abdomen une gouttelette de liqueur sucrée. C’est tout ce que veulent les Fourmis; elles s'empressent de humer cette liqueur. On croirait volontiers que les Pucerons ont été créés pour leur fournir un aliment, car jusqu’à présent on n’en a pas reconnu l'usage pour les Pucerons eux-mêmes. Dès qu’un endroit favorable à la picorée a été reconnu par une Fourmi, on peut être assuré que des bandes de Fourmis vien- dront continuellement visiter la place. L'observation mille fois renouvelée a fourni la preuve que ces industrieux Insectes savent se comprendre et se communiquer des idées. On les voit fré- quemment s’aborder et se toucher de leurs antennes, ce qui a conduit la plupart des naturalistes à la conviction, que ces appen- dices étaient pour eux les instruments d’un langage. On les voit se mettre à plusieurs pour secourir un individu blessé et le rame- ner à la fourmilière. On les voit combattre avec un ordre et un ensemble inimaginables, lorsque les habitants de deux fourmi- LES HYMÉNOPTÈRES. 359 lières trop voisines se rencontrent souvent etse gênent dans leurs opérations. Nos Fourmis en campagne, revenant à l'habitation gorgées d’a- liments, cèdent une partie de la nourriture tenue en réserve dans leur jabot aux individus demeurés au logis, et surtout aux larves. Il est admirable de suivre les Fourmis dans les soins qu’elles donnent aux larves d’une manière à peu près incessante. Elles les nettoient en les frottant avec leurs palpes ; elles les portent aux étages supérieurs du nid, dans la matinée, pour leur faire sentir une douce chaleur; elles les remportent aux étages infé- rieurs quand le soleil trop ardent pourrait griller ces frêles créa- tures. Ces transports se répètent plus ou moins souvent, suivant les circonstances atmosphériques. On pourrait s'étonner en voyant l'adresse déployée par les Fourmis saisissant entre leurs dures mandibules ces larves si molles; jamais un accident n’arrive à ces larves, jamais une blessure produite par une pression exagérée ou par un choc contre les parois des chambres ou des longs corridors de la fourmilière. Les larves de la Fourmi rousse, ayant pris tout leur accroissement, s’enferment dans une coque soyeuse pour y subir leur transformation en nymphes. Les coques sont parfaitement ovalaires, si bien ovalaires, que le monde, en géné- ral, les appelle des œufs de Fourmis. Ainsi, dans notre siècle de lumières, une foule de personnes éclairées croient imperturba- blement que les Fourmis pondent des œufs plus gros qu'elles- mêmes, et ceci ne leur cause aucune surprise. Ne parle-t-on pas sans cesse des œufs de Fourmis que l'on recueille pour nourrir les jeunes Faisans ? et ces œufs sont les coques renfermant les nym- phes; ce sont aussi des larves, car on n’y regarde pas de bien près. Les nids de la Fourmi rousse, si nombreux dans les bois et les forêts, sont particulièrement exploités pour les besoins des fai- sanderies. Dans les cantons où l’on a eu la maladresse de les dé- truire, on commence à s’apercevoir que les Fourmis peuvent être des Insectes utiles. dÉ tn. ds "+ > ne à“ Ÿ ua: till vds 0 and de A - sale fine NTI SR 360 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Les nympbhes, si parfaitement logées dans leur tissu de soie, ne réclament aucune description; elles sont blanches, présentant les formes de l’adulte, comme emmaillottées. Elles, de même que les larves, sont portées successivement par les ouvrières dans les chambres hautes et dans les chambres basses, pour être sou- mises à une chaleur convenable. Quand les Fourmis éelosent, elles se trouvent trop faibles pour déchirer le tissu soyeux de leur coque. Privées de secours, elles périraient dans leur prison; mais les vigilantes ouvrières ne les perdent pas de vue : s'apercevant qu'il leur est né une compagne, elles s'empressent d'ouvrir sa coque avec leurs mandibules et de la délivrer. Les Fourmis nouvellement écloses ne sont pas tout de suite en état de se suffire à elles-mêmes et de prendre part aux travaux de la communauté ; les anciennes ne doivent pas encorelesabandonner : elles commencent par leur présenter de la nourriture ; ensuite ellesles accompagnent dans les différentes parties de l'habitation, paraissant avoir à les initier à leur vie nouvelle. C'est une édu- cation qui marche vite; au bout de peu de temps, les jeunes in- dividus sont en situation de partager les travaux des anciens. En même temps que naissent des ouvrières en grand nombre, naissent aussi des mâles et des femelles. Mäles et femelles ne manifestent qu'un désir, celui de s'envoler. C'est au grand air que les unions doivent se consommer. Le moment arrive où s’échappent les Fourmis ailées. Quelques-unes ne vont pas loin, et les femelles capables de devenir mères sont recueillies par les ouvrières : la plupart, au contraire, se transportent à d'énormes distances; divers auteurs parlent d’essaims de Fourmis ailées qu'ils ont pu suivre franchissant d'immenses espaces. La des- tinée des mâles est de mourir bientôt après avoir satisfait à leur unique mission ; pour les femelles, c’est autre chose, leur rôle de mères va commencer. Volontiers on avait cru que les femelles fécondées revenaient à l'habitation où avait été leur berceau. P. Huber, dont le éd, : 4 de it nn nat | Mn D dde né", : née DS sd te dns 0 V (berne 2 hist _ : LES HYMÉNOPTÈRES. 361 sens était si droit, n’admettait rien sans constatation précise. Il voulut savoir ce que devenaient ces femelles emportées au loin, doutant fort de leur habileté à retrouver leur point de départ. L'ingénieux investigateur ne tarda pas à reconnaitre la vérité. Sous ses yeux, des femelles isolées étaient tombées sur le sol après leur fécondation. Qu’allaient-elles done devenir, hors de la vue, et ainsi de tout secours possible de la part des ouvrières ? Ces pauvres Insectes étaient-ils condamnés à mourir obscurément? L'observation apprit ce que l’on n'aurait jamais supposé. Une femelle parfaitement seule s'enfonce dans une petite cavité, se débarrasse de ses ailes, et se faisant ouvrière, elle construit un petit nid, pond une petite quantité d'œufs, et devenant mère et nourrice à la fois, elle élève ses larves. C’est une génération d'ouvrières; adultes, celles-ci agrandiront l’humble demeure, elles exécuteront tous les travaux, et, à partir de ce moment la mère se reposera. Huber ne s’est pas contenté de voir ce qui se passait dans les bois ou dans la campagne ; pour plus de certi- tude, il a fait l'expérience en emprisonnant une seule femelle dans une cage. En nulle circonstance, on ne peut mieux apprécier l’activité et l'intelligence des Fourmis que lorsqu'un accident survient à leur demeure. Dans le moment où nous faisions exécuter le des- sin du nid de la Fourmi rousse, une brèche ayant été ouverte dans une de ces habitations, dans le but d'examiner certains points, les larves et les nymphes qui étaient placées dans les chambres supérieures vinrent à rouler les unes sur les autres en grand nombre. Quelques ouvrières se trouvant sur le terrain même du désastre se précipitent au secours des victimes. Chaque ouvrière emporte une larve ou une nymphe entre ses mandi- bules. En un clin d'œil l'alarme est donné dans la fourmilière, des centaines d'individus arrivent à la fois sur le théâtre de l'ac- cident, et tout aussitôt larves et nymphes sont emportées dans les profondeurs de l'habitation. Ce premier devoir rempli, on pro- RP. ST STE 362 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. cède sans retard à la réparation du nid ; les Fourmis reprennent les bûchettes amoncelées et les emploient à reconstruire. Tout marche si bien et si vite, qu'une heure après il était difficile d’apercevoir les traces du dégât. Si la plupart des espèces de Fourmis se ressemblent par leurs habitudes, par leurs instincts, par l'intelligence, chaque espèce affectionne une situation particulière, établit ses constructions d’après un plan spécial, et présente toujours quelques détails de mœurs qui lui sont propres. Huber a qualifié de Fourmis maçonnes les espèces qui n'em- ploient pas d’autres matériaux que la terre. Il y en a deux, fort communes en France et dans une grande partie de l'Europe: la Fourmi noir-cendrée (Formica fusca) et la Fourmi mineuse (Formica cunicularia). Chez la première, les individus neutres sont d’un brun noirâtre, avec une fine pubescence cendrée, les antennes et les pattes roussâtres ; les femelles d’un noir brillant, les mâles un peu cendrés avec les pattes fauves. Chez la seconde, les ouvrières sont d’un roux ferrugineux, avec le dos plus brun ainsi que les pattes, la femelle à peu près de la même nuance, et les mâles noirs avec les pattes testacées. La Fourmi noir-cen- drée creuse le sol et dispose, à l’intérieur d'une grande cavité, des loges, des couloirs, des avenues plus ou moins spacieuses ; des étages sont superposés quelquefois en nombre considérable, etle nid forme à l'extérieur une sorte de voûte. La Fourmi mi- neuse construit à peu près de la même façon, mais jamais sa demeure ne s'élève au-dessus du sol. Ces Insectes pétrissent la terre avec leurs mandibules, en forment des piliers, des colonnes, des cloisons, ne négligeant pas de remplir les fentes, de faire disparaître les inégalités, agissant enfin comme le feraient d'ha- biles constructeurs. Huber décrit minutieusement les opérations qu'il a observées, et puis en quelques lignes il trace le tableau de l’ensemble : « Cette foule de maçonnes, dit le patient naturaliste, arrivant de dde. ha nt lu game à “Re bout né cat dlue au trial dé dd Éd dé de LÉ Ste NS ; > LES HYMÉNOPTÈRES. 363 » toutes parts avec la parcelle de mortier qu’elles vouloient ajou- » ter au bâtiment, l’ordre qu’elles observoient dans leur opéra- » tion, l'accord qui régnoit entre elles, l’activité avec laquelle » elles profitoient de la pluie pour augmenter l'élévation de leur » demeure, offroient l'aspect le plus intéressant pour un admi- » rateur de la nature. » Ces Fourmis maçonnes ne peuvent travailler pendant la séche- resse ; elles n'auraient aucun moyen de pétrir la terre. Huber rapporte qu’un jour les Fourmis en observation n’eurent pas le temps de finir un étage commencé, la pluie cessa avant l’achè- vement du plafond, et le vent ayant desséché trop promptement les premiers travaux, les matériaux déjà employés s’égrenaient. Les laborieux Insectes, reconnaissant avoir fait de mauvaise be- sogne, détruisirent tout ce qui avait été édifié dans de fâcheuses conditions. On ne saurait vraiment se montrer plus intelligent. Dans un temps de sécheresse, Huber voulut savoir s’il parvien- drait à faire travailler les Maçonnes en arrosant leur fourmilière par une pluie artificielle. Les Fourmis, sans s'inquiéter le moins du monde d’où leur arrivait la bonne fortune, se mirent au travail; «elles allèrent, dit notre auteur, se pourvoir de brins » de terre au fond du nid, revinrent les placer sur le faite, et » bâtirent des murs, des caves, en un mot, un étage complet en » quelques heures. » D’autres Fourmis s’établissent dans les vieux troncs et sculp- tent le bois avec un art merveilleux. L'espèce la plus répandue de cette catégorie, est la Fourmi fuligineuse (Formica fuhginosa), très-facile à reconnaître à sa couleur d’un noir brillant, à sa grosse tête échancrée en arrière et à ses tarses d’un roux pâle. Ses logements défient presque toute description. Que l’on se figure des étages en quantité incroyable, presque toujours horizontaux, des plafonds et des planchers de l'épaisseur d'un papier fort, des cloisons verticales aussi minces, circonscrivant des chambres, des loges, des salles en nombre immense; sur certains endroits, au lieu 364 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. de cloisons, de petites colonnettes qui ménagent des perspec- tives, et l’on aura à peine une idée de semblables palais où les habitants trouvent toutes les commodités, toutes les aisances de la vie. Plusieurs sortes de Fourmis ont des habitudes analogues à celles de la Fuligineuse, et quelques-unes, comme la Fourmi échancrée (Formica emarginata),ne dédaignant pas de s’installer dans les poutres des maisons, altèrent singulièrement ainsi la solidité des édifices. Les différentes Fourmis que nous venons de signaler, et beau- coup d’autres encore, se distinguant chacune par son genre de construction, paraissent se comporter loutes à peu près de la même manière dans l'éducation de leurs larves. Mais il en est, comme la Fourmi sanguine (Formica sanquinea), une petite es- pèce d’un roux ferrugineux, avec le dessus de l'abdomen et les pattes rembrunies, qui s'établit dans les nids d’autres espèces, notamment de la Fourmi brune (F. fusca) et quelquefois de la Fourmi mineuse; elle va aussi attaquer ces espèces pour s’empa- rer de leurs nymphes et se procurer des esclaves. Cest là un fait vraiment prodigieux auquel nous ne nous arrêtons pas ici, devant le retrouver dans l’histoire mieux connue d’un autre type. Pour achever ce qui concerne en propre les espèces du genre Fourmi, il nous faut considérer les relations de ces Hyméno- ptères avec d’autres Insectes. Les Fourmis, sans exception, re- cherchent les Pucerons afin de humer la liqueur sucrée qu'ils produisent, et pour la plupart au moins elles vont, comme la Fourmi rousse, leur faire de fréquentes visites sur les végétaux auxquels ils sont fixés ; dans un but semblable, elles se rendent également auprès des Kermès, des Cochenilles, de tous ces Hé- miptères enfin, souvent appelés les Gallhinsecles, et que l’on voit attachés aux feuilles d’une foule de végétaux. Dans les régions du monde où il n'existe ni Pucerons, ni Kermès, les Fourmis trouvent des Cicadelles qui leur rendent le même service. Cette F7 nn bei mnt diet sil JE din i-dott sé fé Se à d à) id pu déja Conte | rte SU dé éd | LES HYMÉNOPTÈRES. 365 recherche est déjà fort curieuse sans doute, mais encore pourrait- on la trouver d'un peuple assez primitif. Il est des circonstances où les Fourmis font mieux que d'aller au loin recueillir les pe- tites gouttelettes de la liqueur toujours désirée; elles apportent des Pucerons dans le voisinage de leur fourmilière ou dans leur fourmilière même. Les relations des Fourmis avec les Pucerons sont connues depuis longtemps. Avec sa concision ordinaire, Linné a peint le rapport de ces deux sortes d'êtres : le Puceron, a-t-il dit, estla vache des Fourmis (Aphis Formicarum vacca), et le grand naturaliste ne croyait pas encore dire si vrai; comme tout le monde, il pensait que les Fourmis se bornaient à aller plus ou moins loin visiter les Pucerons. Il n’en est pas autrement, en effet, pour beaucoup d'espèces ; mais plusieurs Fourmis, d’habi- tudes fort sédentaires, transportent les Pucerons chez elles, choi- sissent ceux qui vivent sur des Graminées, sur des racines, sur des plantes basses. Ces Fourmis, toujours fort attentives à bien traiter leurs Pucerons, ont donc de véritables troupeaux : « Une fourmi- » lière, dit Huber, est plus ou moins riche selon qu'elle a plus » où moins de Pucerons; c’est leur bétail, ce sont leurs vacheset » leurs chèvres : on n’eût pas deviné que les Fourmis fussent des » peuples pasteurs! » Ce n’est pas tout : depuis longtemps Jes entomologistes se sont aperçus que divers petits Insectes vivaient d’une manière constante avec les Fourmis dont ils ne recevaient que de bons traitements. Les amateurs de Coléoptères, qui n'ont d'autre ambi- tion que de se procurer les Insectes pour les piquer dans leurs collections, vont tamiser les matériaux composant les fourmi- lières, afin d'y trouver plusieurs petites espèces : des Psélaphides, des Staphylinides. Les Psélaphides, dont on trouvera les carac- tères énoncés dans le chapitre suivant, et notamment les Clavi- sères, portent des poils tubuleux que les Fourmis lèchent fré- quemment; il parait y avoir là une sécrétion particulière. Ces Clavigères, observés en premier lieu par le célèbre physiologiste V. NN R Te. 366 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. J. Müller, ont été récemment plus étudiés dans leurs rapports avec les Fourmis par M. Lespès, de la Faculté des sciences de Marseille. Les Clavigères, remarque ce naturaliste, ne savent pas prendre leur nourriture, ils la reçoivent de la bouche des Four- mis, qui ont l'instinct d'entretenir obligeamment les petits êtres dont elles tirent un excellent parti pour elles-mêmes. Une Fourmi assez répandue dans l'Europe centrale est deve- nue le type du genre Polyergue (Polyergus) : c'est une Fourmi bien caractérisée, ayant des mandibules arquées, étroites, aiguës à l'extrémité. Ces mandibules méritent d’être considérées; ne pouvant se toucher dans leur milieu, privées de dentelures au bord interne, il est évident que ce ne sont pas des instruments de travail, mais des armes pour le combat. Les Polyergues, en elfet, ne savent rien édifier, et cependant leurs larves réclament les mêmes soins que celles des autres Fourmis. Le Polyergue roussâtre (Polyergus rufescens) est une petite Fourmi d’un roux assez clair, n'ayant pas plus de 6 à 7 milli- mètres de long; la femelle, qui est à peu près de la même teinte, a des marques noires sur le thorax ; le mâle est d’un brun noir, avec les pattes jaunâtres. Le Polyergue roussâtre habite des nids en terre où se trouvent ordinairement des Fourmis brunes (F. fusca) ou des Fourmis mineuses (F. cunicularia). Le Polyergue ne construisant pas son nid, ne possédant pas d'instruments de travail, le fait con— struire par des esclaves. La fraile existe parmi les Fourmis depuis l’origine du monde. C’est Huber encore qui a reconnu ce fait jusque-là inouï de l’histoire des animaux. Empruntons- lui la page où il raconte la première phase de sa découverte ; la simplicité de la narration n’empèche pas de voir que l’auteur sent combien a été bonne la journée du 17 juin 1804. L'histoire de la vie des êtres s’est enrichie, en effet, dans cette journée, de l’une de ses pages les plus intéressantes. « Le 17 juin 1804, dit P. Huber, en me promenant aux envi- LES HYMÉNOPTÈRES, 367 rons de Genève, entre quatre et cinq heures de l'après-midi, je vis à mes pieds une légion d’assez grosses Fourmis rousses ou roussâtres qui traversoient le chemin. Elles marchoient en corps avec rapidité; leur troupe occupoit un espace de 8 à 10 pieds de longueur sur 3 ou 4 pouces de large; en peu de minutes elles eurent entièrement évacué le chemin: elles pénétrèrent au travers d’une haie fort épaisse, et se rendirent dans une prairie où je les suivis; elles serpentoient sur le gazon sans s'égarer, et leur colonne restoit toujours continue, malgré les obstacles qu’elles avoient à surmonter. » Bientôt elles arrivèrent près d’un nid de Fourmis noir- cendrées; dont le dôme s’élevoit dans l'herbe, à vingt pas de la haie. Quelques Fourmis de cette espèce se trouvoient à la porte de leur habitation. Dès qu’elles découvrirent l'armée qui s’approchoit, elles s’élancèrent sur celles qui se trou— voient à la tête de la cohorte ; l'alarme se répandit au même instant dans l’intérieur du nid, et leurs compagnes sortirent en foule de tous les souterrains. Les Fourmis roussätres, dont le gros de l’armée n’étoit qu’à deux pas, se hâtoient d'arriver au pied de la fourmilière ; toute la troupe s’y précipita à la fois et culbuta les noir-cendrées qui, après un combat très- court, mais très-vif, se retirèrent au fond de leur habitation ; les Fourmis roussätres gravirent les flancs du monticule , s'attroupèrent sur le sommet, et s’introduisirent en grand nombre dans les premières avenues ; d’autres groupes de ces Insectes travaillèrent avec leurs dents à se pratiquer une ouverture dans la partie latérale de la fourmilière : cette entreprise leur réussit, et le reste de l'armée pénétra par la brèche dans la cité assiégée. Elle n'y fit pas un long séjour : trois. ou quatre minutes après, les Fourmis roussâtres res- sortirent à la hâte par les mêmes issues, tenant chacune à leur bouche une larve où une nymphe de la fourmilière envahie. Elles reprirent exactement la route par laquelle 368 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. » elles étoient venues, et se mirent sans ordre à la suite les » unes des autres... » Il y avait lieu d’être surpris de voir une semblable expédition, et il était difficile au premier abord d'en comprendre le but. Témoin, à diverses reprises, de pareilles scènes souvent observées depuis par divers naturalistes, Huber eut bientôt l’occasion de rencontrer ces Fourmis aux habitudes guerrières, qu'il appelle les Amazones ou les Légionnaires. Elles vivaient en paix, mêlées, confondues avec les Noir-cendrées. La bonneintelligence, les plus excellents rapports régnaient dans ce camp occupé par deux espèces que l’on avait pu croire ennemies acharnées. Que l'on se figure combien une semblable réunion devait paraître étrange dans un temps où l’on ne possédait aucune notion sur les faits si curieux dont chacun aujourd’hui a, tout au moins, un peu en- tendu parler, si son esprit n’est pas demeuré absolument confiné dans les ténèbres. En portant sur ce sujetune attention soutenue, le naturaliste de Genève, dont la patience était incapable de se lasser, eut bientôt l'explication des actes de brigandage des Polyergues roussâtres, les hardies Amazones, les audacieuses Légionnaires ; son âme dut en ressentir la plus grande joie, car jusque-là rien de pareil dans le monde des animaux n’était même soupçonné. Les Polyergues roussâtres étant incapables de pétrir la terre, de construire des loges, des chambres, puisque leurs mandibules ne sont pas conformées pour un semblable usage; étant incapa- bles de nourrir leurs larves, ont reçu de la nature l'instinct d’obliger les ouvrières d’une autre espèce à exécuter tous les travaux qu'elles ne peuvent exécuter elles-mêmes. Elles se gar- dent bien de chercher à s'emparer d’ouvrières adultes ; jamais celles-ci ne se soumettraient à l'esclavage; jamais elles ne con— sentiraient à rester dans une demeure étrangère. Aussi, que font les Amazones? elles s’en prennent uniquement aux nymphes. Les ouvrières qui viennent à éclore, ne connaissant pas d'autre logis at 2: + nie tit us in dt 7 ts) dt dd Rd. Sd on LES HYMÉNOPTÈRES. 369 que l'endroit où elles sont nées, n’ont aucune envie de fuir ; obéissant à leurs instincts, elles se mettent à construire, elles soi- gneut les larves des Amazones, comme elles eussent soigné les larves de leur propre espèce, sans s’apercevoir de la différence. Esclaves soumises, elles n’ont probablement pas conscience de leur servitude, et voilà comment les Noir-cendrées et les Ama- zones vivent en parfaite intelligence. Une Fourmi bien étrange a été signalée, il y a près de trente ans, par un naturaliste de la Belgique, M. Wesmaël : c’est une espèce du Mexique, devenue fe type d'un genre particulier (Myrmecocystus mexicanus), chez laquelle l'abdomen, susceptible de se distendre d'une manière prodigieuse, renferme une sorte D | » E À 17) ) FOURMIS À MIEL (Myrmecocystus mevicanus je Individus grossis el de grandeur naturelle, vus, l'un de profil, l'autre de dos, de miel. Les renseignements les plus circonstanciés que nous possédions encore au sujet de cecurieux Insecte sont dus à un au- teur mexicain, de la Llave, renseignements qui, publiés dans un recueil à peu près ignoré en Europe, ont été traduits en français par M. Sallé, bien connu des savants par ses voyages en diffé- rentes parties de l'Amérique. Ces Fourmis, assez abondantes, paraît-il, aux environs de la ville de Dolorès, ct connues dans le pays sous le nom de Busi- 24 370 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. leras, vivent dans des demeures souterraines, qui ne s’annoil- cent à l'extérieur par aucune éminence. Ces Insectes ont l'ab- domen de proportion ordinaire dans les premiers temps de leur vie; mais peu à peu, au moins chez un certain nombre d'individus, cette partie du corps s’élargit, et le moment arrive où elle est distendue de façon à ressembler à une boule trans- parente : l'intestin semble avoir subi une extrême dilatation, par suite d’une énorme accumulation de matière sirupeuse. Dans cet état de réplétion, les Fourmis à miel, incapables de marcher, demeurent suspéndues au plafond des galeries de leur habitation. Les femmes et les enfants de la campagne creusent les nids pour y chercher les Busileras, et, récolte faite, sucent avec délices la partie mellifère. Mais, si l’on veut en servir sur une table, on détache les têtes et les thorax, et les parties mellifères, semblables à de petites vessies, sont mises sur une assiette. Comment est amenée cette singulière accumulation de ma- tière sucrée dans l'intestin de la Fourmi mellifère? Quel rôle, dans la fourmilière, jouent ces individus gonflés et inertes? Le rôle de nourrice probablement. Toute certitude manque à cet égard. Dans le groupe des Ponérites, nous comptons peu de genres. Ce sont d’abord les Ponères, dont la tête triangulaire est à peine échancrée en arrière, dont les mandibules, élargies à l'extrémité, sont garnies de plusieurs dents. Ces Insectes sont surtout répan- dus dans les régions chaudes du globe ; il y en a peu d'espèces en Europe, une seule dans notre pays, la Ponère resserrée (Ponera contracla), très-petite espèce, s’établissant dans la terre, sous des pierres, et formant des sociétés peu nombreuses. Une autre Fourmi d’un roux päle, ayant beaucoup de res- semblance avec les Ponères, paraissant vivre de la même ma- nière, et très-remarquable par ce fait que toutes les ouvrières sont aveugles (les mâles et les femelles sont inconnus), à été dé- RL +, © ns 5 on à ou NL ide Sat don mn D l'O SR LS Sn LES HYMEÉNOPTÈRES. 371 couverte en Algérie par M. Lucas. Elle est considérée comme appartenant à un genre propre, le genre Typhlopone (Typhlo- pona oramensis). Nulle observation de mœurs n’a été faite encore au sujet de cet Insecte. L'absence d’yeux nous donne la certitude que les ouvrières de cette espèce vivent perpétuellement dans les ténèbres, qu'elles ne doivent jamais sortir de leur retraite. 1] faut croire que dans les lieux où elles s’établissent, elles trouvent leur nourriture; mais en quoi consiste cette nourriture ? L'observation seule peut l’apprendre. Des Fourmis de l'Amérique méridionale, d'assez grande taille, les Odontomaches ( Odontomachus), se font remarquer par leur tête très-srande, fortement aplatie et échancrée en arrière et par leurs longues mandibules multidentées. Cette curieuse conformation fait naître l’idée d’aptitudes assez parti- culières chez ces Fourmis, mais les voyageurs nous appren— nent seulement qu'elles travaillent dans le bois (Odontomachus chehfer). Les Myrmicites sont représentés en Europe par de très- petites espèces ; mais dans les régions intertropicales, et surtout en Amérique, où ils sont très-abondants, beaucoup de ces Hyménoptères atteignent une taille assez considérable, la plus grande connue dans la famille des Formicides. Dans les nids de diverses Myrmicites, il existe deux formes d'ouvrières, les unes ayant une petite tête, les autres une tête énorme. Cette différence a été fréquemment reconnue chez des espèces de l'Amérique du Sud; elle a été signalée depuis longtemps à l'égard d’une espèce de notre pays, et M. Lespès l'a retrouvée chez six ou sept autres Myrmicites. On a appelé du nom de soldats les individus à grosse tête, d'après l'opi- nion conçue et justifiée par les récits des voyageurs, qu'ils devaient avoir pour fonction la défense de l'habitation. La Supposition que ces individus plus robustes et mieux armés que les simples ouvrières pouvaient être des neutres mles s’est 372 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. naturellement présentée sans avoir été résolue jusqu'à pré- sent par les investigations anatomiques nécessaires. Toutefois M. Lespès a vu chez nos espèces indigènes les deux sortes de neutres se livrer aux mêmes travaux dans l’intérieur du nid. Les petites Myrmices de France, qui ont de larges mandi- bules et-de longs palpes maxillaires, forment en général de petites réunions. La Myrmice rougeâtre (Myrmica rubida) s’éta- blit sous des pierres et creuse des galeries dans la terre. Plu- sieurs espèces font leur installation sous la mousse, dans les bois. Quelques-unes recherchent les endroits sablonneux (Myrm. structor, ete.); d'autres se logent dans les vieux troncs (M. acer- vorum); une très-petite espèce, longue de 2 millimètres, la Myrmice domestique (H. domestica), que l'on suppose avoir été importée en Europe, vit dans les maisons, où elle mine les poutres, les boiseries. Rare en France, mais plus répandue en Angleterre, elle a causé de graves dégâts dans plusieurs villes, notamment à Brighton, rapportent MM. Shuckard et Westwood. Une découverte curieuse, encore récente, due au professeur Schenck (de Nassau), est celle d’une sorte de Myrmice dont les mandibules, conformées comme celles des Polyergues, ne peu- vent servir comme instruments de travail. Cet Insecte, dont un professeur de Pesth, qui s’est beaucoup occupé des Fourmis, M. Mayr, a fait un genre particulier (Strongylognathus), prend pour auxiliaires ou pour esclaves les ouvrières d'une Myrmice (M. cœæspitum). C'est dans le groupe des Fourmis à aiguillon le représentant du Polyergue, qui est du groupe des Fourmis sans aiguillon. Les Attes, au corps inerme, et les OEcodomes, au corps épineux, sont de grandes Fourmis des pays chauds, et surtout de l'Amérique, qui ont de très-petits palpes. L'OEcodome céphalote (OEcodoma cephalotes) abonde au Brésil. L'ouvrière, d'un brun noir, a la tête énorme, épineuse en arrière, et le thorax garni de six tubereules; la femelle, très-grosse, avec la tête dans les pro- but ‘mb Di à DR PT SN DO © NT Te Te LES HYMÉNOPTÈRES. 373 portions ordinaires, est toute brune. C'est une des espèces qui se réunissent parfois en nombre immense pour exécuter de longs voyages, une des espèces qui ont été nommées les Four- mis de visile, parce qu'à certaines époques, assure-t-on, ces Fourmis, arrivant à l'improviste, envahissent les maisons, les débarrassent d’une foule d'animaux malfaisants, et s’en retour- nent ensuite comme elles étaient venues. Les notions qui nous ont été transmises sur ces singulières expéditions par de nom- breux voyageurs sont encore bien vagues; Pierre Huber n’a pas été les observer. Il n’est pas douteux, au reste, que les grandes Fourmis des tropiques attaquent souvent des animaux pour les sucer. L'OEcodome céphalote emploie des feuilles pour construire son nid, et ce qu'il y a de plus précis à cet égard, c’est le fait rapporté par M. Lund. Ce voyageur, passant près d’un arbre isolé en pleine végétation, est surpris d'entendre, par un temps calme, des feuilles tombant comme la pluie; il s'ap- proche, et, sur chaque pétiole, voit une Fourmi qui travaillait de toute sa force. Le pétiole, bientôt coupé, la feuille tombait à terre. Au pied de l'arbre, la scène était plus curieuse encore : la terre était couverte de Fourmis qui découpaient en morceaux les feuilles à mesure qu'elles tombaient. En une heure, tout était fini : l'arbre dépouillé, les feuilles coupées, les morceaux emportés. LES HYMÉNOPTÈRES FOUISSEURS (Mutillides, Scoliides, Sphégides, Crabronides, Odynérides). Les Hyménoptères que nous rapprochons ici, appartiennent à diverses familles bien caractérisées. Les uns, par leur aspect, par leur allure, rappellent les Fourmis: les autres ont une appa- rence qui leur est tout à fait particulière; les autres ressemblent 374 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. aux Guêpes. Mais si ces Hyménoptères qualifiés fouisseurs, diffè- rent beaucoup entre eux par leurs caractères zoologiques, ils se rapprochent d’une façon remarquable par leurs caractères bio logiques. Ce sont généralement des Insectes fort industrieux, doués d’une extrême habileté pour édifier des constructions, animés d'instinets merveilleux pour préparer à leur progéniture des moyens de subsistance. Ceci s'applique, bien entendu, aux femelles, toujours armées d’un aiguillon ; jamais les mâles d’au- cun groupe de la classe des Insectes ne prennent part aux tra— vaux des femelles. Ces Hyménoptères ereusent le sol, les murailles, quelquefois des branches d'arbres, des tiges d’arbrisseaux, afin d'établir des logements pour leurs larves, Comme instruments de tra- vail, ils ont des mandibules tranchantes et dentelées, et des jambes garnies d’épines, constituant des râteaux. Quand ils sont à l’état adulte, leur nourriture consiste en matières fluides, le miel des fleurs, la séve qui s'écoule des arbres. Quand ils sont à l’état de larves, ils ne peuvent vivre que de proie vivante. Ce régime des larves oblige les mères à faire des chasses dont le spectacle produit toujours une impression singulière sur ceux qui en sont témoins. Chez les représentants, fort nombreux, des familles que nous rapprochons sous la dénomination générale de Fouisseurs, il n'y a que deux sortes d'individus, des mâles et des femelles ; chez aucune espèce on ne voit d'individus neutres, d'ouvrières, comme chez les Fourmis, chez les Guêpes, chez les Abeilles. Les femelles, toujours solitaires, sans aucun secours étranger, travaillent à l'édification du nid et à son approvisionnement. Une femelle fait choix d’un endroit déterminé; chaque espèce a ses prédilections bien arrêtées : c’est le sol, c'est un terrain coupé verticalement, c’est une muraille, une tige d’ar- buste. Souvent elle profite d'une cavité déjà formée, d’une Re oh DS 2 ef Cl Sn RS à be A CT OT DO TT OR 2 TT VO SR + 297 LES HYMÉNOPTÈRES. 375 fissure, si le travail doit être plus facile, et elle se met avec une ardeur incroyable à creuser un trou. Elle n’a d’autres in struments que ses mandibules pour détacher les particules ter- reuses, que ses jambes converties en räteaux pour gratter et rejeter au dehors les parcelles détachées. Mais le travail de l'Insecte est si opiniâtre, sa patience si inébranlable, qu’une galerie se trouve pratiquée dans un assez court espace de temps, et au fond de la galerie une loge de forme ovalaire, quelquefois plusieurs loges ; à cet égard encore, chaque espèce a ses habitudes. Une loge étant construite, le Fouisseur, Sphex, Pompile, Crabron ou Odynère, doit s'occuper de l’approvisionne- ment; c'est alors qu'il va à la chasse, chaque espèce aussi ayant sa chasse particulière. Pour celle-ci ce sont des chenilles, pour celle-là des larves de Coléoptères, pour celle-là encore des Insectes adultes, des Araignées. Le Sphex ou le Crabron est doué d’un instinct comparable à celui de l’Ichneumon : s’il fournit à ses larves des Insectes d’un gros volume, il en met un seul dans cha- que loge, quelques-uns si leur dimension est médiocre, beaucoup si leur taille est petite. Le Fouisseur, pour saisir sa proie, la pique de son aiguillon; le venin plonge l’animal piqué dans un état de léthargie indéfinissable qui se prolongera fort longtemps, et dans tous les cas, sans que jamais l'individu piqué puisse se réveil- ler, revenir à la vie. Il serait difficile de rencontrer ailleurs un ensemble de phénomènes plus saisissants. Un besoin impé- rieux des larves de l'Hyménoptère fouisseur, est d’avoir pour aliments des tissus vivants; ces larves périraient près d’un cadavre, près d’un corps en décomposition ou desséché, et ces larves à peau molle, sans défense, incapables de se déplacer, parviendraient-elles jamais à ronger un Insecte en pleine vie? u'auraient-elles pas, au contraire, tout à redouter de sa part? Dans l’admirable organisation de la nature, les difficultés qui nous sembleraient les plus insurmontables s’aplanissent comme par enchantement. Ces larves n’ont rien à craindre de leurs victimes; à ne" D dd nûe 1 _. d “ÉR 376 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. victimes désormais rendues inertes par le venin de l'Hyméno- ptère, elles ne sauraient opposer la moindre résistance à une atteinte quelconque; condamnées à être rongées, elles semblent vivre, car leur corps ne subit aucune décomposition, sa des- siccation ne commence à se prononcer que bien au delà du temps où la larve du Fouisseur est parvenue au terme de sa croissance. Le venin semble avoir agi sur Les tissus à la manière d’un agent conservateur. Des chenilles et des larves de Coléo- _ptères piquées par des Hyménoptères ont pu être conservées dans de petites boîtes pendant plusieurs mois, sans manifester d’altération. Un Fouisseur a-t-il approvisionné sa cellule, il y dépose un œuf, et puis il la ferme complétement avec une partie du déblai, en faisant disparaitre toute trace extérieure de son ouvrage. C’est là ce qui rend fort difficile la recherche des larves d'Hymé- noptères nidifiants. Le Fouisseur construit un grand nombre de loges, tantôt les unes près des autres, tantôt disséminées; il les approvisionne toutes de la même façon, et dans chacune dépose un seul œuf; son travail fini, sa ponte achevée, il ne tarde pas à mourir. Cette mère a pris des peines infinies, a déployé une in- stinctive prévoyance qui reste encore un sujet d’étonnement, même chez ceux qui, mille fois, ont été les témoins des mêmes faits, pour des êtres qu'elle ne verra jamais, pour une progé- niture qu’elle ne connaîtra pas, en un mot, pour des enfants posthumes. Dans toutes les familles d'Insectes nidifiants, il se trouve des espèces qui, avec la même organisation générale, le même mode de développement, sont privées d'instruments de travail et dépourvues des instincts maternels nécessaires à l'éducation de leurs larves. Nous avons vu des Fourmis réduire en escla- vage des individus d’une autre espèce, afin de vaquer dans leurs demeures aux soins qu'elles sont incapables de remplir; nous verrons des Hyménoptères appartenant à divers types LES HYMÉNOPTÈRES. 377 de Fouisseurs n'ayant d'autre souci, disons mieux, d'autre instinct que de faire manger à leurs larves les provisions amas- sées pour d'autres larves. Les femelles s'introduisent furtivement dans les nids des espèces laborieuses et déposent leurs œufs dans les loges déjà construites, et leurs larves, venant à naître plus tôt que celles de l'Insecte nidifiant, ont mangé une grande partie des provisions quand éclosent ces dernières. Ce sont des para- sites d’une certaine nature, de vrais parasites, suivant la défini- tion adoptée par Lepeletier de Saint-Fargeau. Ces femelles ont des mandibules impropres à égrener la terre, des jambes posté- rieures sans épines propres à ratisser ou à fouir. Examinons à présent les principaux types parmi ces Hymé- noptères habiles à bâtir des nids, et parmi ceux qui vivent à leurs dépens. Les Murizuipes composent une petite famille que les anciens auteurs rapprochaient des Fourmis. Leurs femelles, étant pri- vées d'ailes, courent à terre, et c’est là une analogie avec les Fourmis neutres, qui a été plus facilement saisie que les carac- tères distinctifs. Les Mutillides ont une tête arrondie, des antennes filiformes insérées sur la face, un abdomen ovalaire. Ces Hyménoptères, disséminés dans toutes les régions du monde, abondent prin- cipalement dans les parties chaudes du globe. Cette famille est surtout représentée en Europe par le genre des Mutilles. Les Mutilles, Insectes pubescents, ornés de bandes et de taches vive- ment colorées, sont assez rares. Les mâles etles femelles différent, non-seulement par la présence ou l'absence des ailes, mais encore par la forme du corps et par la coloration; aussi n’est-on bien éclairé, relativement aux distinctions spécifiques, que depuis une époque assez récente. Nous pouvons considérer comme le type du genre la Mutille européenne (Mutlla europæa), l'une des espèces les moins rares dans notre pays, Le mâle est d'un bleu foncé, avec le thorax roux, 378 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. les ailes enfumées, les bords des premiers anneaux de l'abdomen garnis d’une pubescence soyeuse d’un gris argenté ; la femelle noire, avec le thorax roux et des bandes grises sur les trois pre- miers anneaux de l'abdomen. On rencontre les femelles non pas courant, mais marchant à terre dans les bois ; on les voit entrer dans des trous ou en sortir, mais jusqu'ici on n’est pas trop par- venu à savoir ce qu'elles y faisaient, LA MUTILLE EUROPÉENNE (Mutilla europæa). Un individu mâle au vol. — Divers individus femelles, Comment vivent les Mutilles? C’est ce que l’on ne sait guère encore. Un auteur avait assuré en avoir trouvé dans un nid de Bourdons, et cela avait suffi pour donner à penser que ces In- sectes étaient parasites : mais divers observateurs en ont vu atta- quant des Insectes; d’autres en ont pris dans leurs trous, où ils ont LES HYMÉNOPTÈRES. 379 rencontré en même temps, soit des débris de Sauterelles, soit des fragments de Diptères, et de ces remarques fort incomplètes on et a conclu que c'étaient les résidus des animaux qui avaient servi à la nourriture des larves de Mutilles. D'un autre côté, si l'on considère que les Mutilles femelles ont des pattes posté- rieures fortes et épineuses, par conséquent propres à fouir, et des mandibules dentelées, on acquiert la conviction que ces Hyménoptères font des nids et les approvisionnent comme les autres Fouisseurs. Il y aurait peu d'intérêt à mentionner ici les divers genres de Mutillides composés d'espèces dont les habitudes sont encore inconnues. Un d'eux mérite cependant d'être cité à raison d’une observation particulière fort curieuse. En Australie, vivent des Mutillides de forme très-élégante, les Thynnes. Les mâles de ces Hyménoptères ont le corps élancé et des antennes droites, assez longues; les femelles, beaucoup plus petites.que les mâles et absolument privées d'ailes, ont des antennes contournées. L'espèce la plus commune du genre est le Thynne variable (Thynnus variabilis), Insecte d’un brun rougeâtre luisant, avec des taches et des bandes jaunes. Nous ne savons rien des con- ditions d'existence de ces Hyménoptères, mais voici un fait fort étrange, sans analogue parmi les espèces européennes. Le mâle, nous assure M. J. Verreaux, dont les observations méri- tent toute confiance, s'envole en portant sa femelle entre ses pattes, et la tenant avec un soin extrême, on le voit se poser sur les fleurs. Parfois il arrive que d’autres mâles moins heureux, arrivant au même endroit, cherchent à lui ravir sa compagne. Une lutte s'engage, et le mâle qui devient impuissant à défendre sa femelle contre les attaques de plusieurs prend le parti de la manger. Une semblable conduite ne rappelle-t-elle pas certains exploits des personnages qui estiment plus l'honneur que la vie. Après les Mutillides, en nous laissant guider par les affinités 380 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. naturelles, nous devons nous occuper des Scozrpes. Les Scoliides ont ordinairement un corps massif, pesant, des antennes épaisses, souvent fusiformes. Le grand genre de la famille est celui des Scolies (Scolia), caractérisé par des antennes plus courtes que la tête et le thorax, surtout chez les femelles, par des mandibules fortement arquées chez ces dernières et des jambes très-épineuses. D'après la considération des nervures des ailes, ce genre a été subdivisé par les auteurs modernes, mais ce sont là des parti- cularités dont nous ne pouvons traiter et dont on trouve le détail dans une monographie récente de MM. H. de Saussure et Sichel. Plusieurs Scolies de grande taille habitent l'Europe méridionale ; la plus commune est la Scolie à front jaune, ou Scolie des jardins (Scohia frontalis ou S. hortorum), qui est noire, poilue, avec le front et le sommet de la tête ordinai- rement jaunes, l'abdomen de la femelle orné de quatre taches de cette dernière nuance. Cette espèce se rencontre abondamment dans le midi de la France, en Italie, en Espagne, dans le nord de l'Afrique, etc. Jusqu'à une époque peu éloignée de nous, on s’étonnait de n'avoir rien pu apprendre des mœurs et des méta- morphoses de cet Insecte ou de quelques-uns de ses congénères, qui comptent parmi les plus grands Hyménoptères. Un naturaliste de Florence, Carlo Passerini, le premier, reconnut, en 1840, les habitudes de la Scolie à front jaune. Dans les vieux troncs de Chène en décomposition, dans les amas de tan que l’on emploie parfois dans les jardins et les serres, et dont on fait un usage journalier dans les tanneries, vivent les énormes larves d’un Scarabée (Oryctes nasicorms) bien connu sous les noms vulgaires de Nasicorne et de Rhainocéros. C’est à ces larves, ordinairement assez sédentaires dans des loges formées dans la tannée, que viennent s'attaquer les femelles des Scolies. Pénétrant jusqu’à la larve du Nasicorne, la femelle la pique de son aiguillon et la plonge dans cet état d’engourdissement dont nous avons tracé une description, et tout aussitôt elle pond un œuf LES HYMÉNOPTÈRES, 381 MÉTAMORPHOSES DE LA SCOLIE À FRONT AUNE (Scolia flavifrons). Le mâle et la femelle, — La larve rongeant une larve de Nasicorne, — La nymple dans sa coque ouverte, 382 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. et le colle à la peau de la grosse larve de Coléoptère. De cet œuf nait, au bout de peu de jours, la larve de la Scolie; celle-ci, à l’aide de ses mandibules, entaille la peau du Nasicorne, enfonce daus la plaie une partie de sa tête, et commence à humer les parties fluides. Elle grossit rapidement, et chaque jour la larve, continuellement sucée, se déprime davantage. Quand celle-ci est complétement épuisée, qu'il n’en reste plus que la peau, la larve de la Scolie a pris tout son accroissement; alors elle file une coque épaisse, de couleur brune, en retenant à la surface, comme un vêtement protecteur, la dépouille du Nasicorue. Elle passe l'hiver dans cette coque et se transforme en nymphe au prin- temps. L'insecte adulte éclôt vers le commencement de juin. Ainsi, la Scolie n’a rien à construire pour loger ses larves; les logements de ses victimes lui suffisent. Les larves de cet Hyménoptère ne réclament ici aucune des- cription spéciale; la figure donne la meilleure idée possible de leur forme et de la taille à laquelle elles parviennent. Aux îles Seychelles, à Madagascar et dans les petites îles voi- sines de cette terre, des Oryctès d’une taille supérieure à celle de notre espèce indigène ruinent les Cocotiers, qui fournissent l’une des ressources alimentaires les plus précieuses de ces contrées. Des Scolies les mangent, mais sans les détruire cepen- dant en assez grande quantité pour sauver les arbres des tro- piques. M. Ch. Coquerel a fait connaître, il y a douze ans, les larves de deux espèces de Scolies de Madagascar de la plus belle dimension (Scoha oryctophaga, S. carnifex), qui mangent les larves des Oryctès du pays (O. simiar), et se transforment absolument de la même manière que notre grande Scolie d'Europe. Par une communication de M. Fabre, nous savons que plu- sieurs Scolies de taille médiocre (Sc. bifasciata, Sc. sexmaculata) attaquent également des larves de Coléoptères de la famille des Scarabéides, mais celles-ci choisissent des espèces de plus petites LES HYMÉNOPTÈRES. 383 dimensions, notamment des Euchlores, sorte de petits Hannetons de couleur verte. D'autres Fouisseurs sont les Srnécrnes, Hyménoptères pleins d'élégance, souventde grande taille. Leur tête est courte et large, leur labre ou lèvre supérieure toujours bien développé; leurs mâ- choires, comme leur lèvre inférieure, sont courtes; leurs antennes longues, assez minces, contournées dans les femelles; leurs jambes postérieures, fort bien armées d’épines chez les femelles, sont beaucoup plus longues que les autres dans les deux sexes. I existe deux types principaux dans cette famille des Sphé- gides : les Sphégines et les Pompilines, les premiers ayant le prothorax rétréci et figurant ainsi une sorte de cou, les seconds ayant le prothorax large et sans étranglement. Sphégines et Pompilines sont abondants dans les pays chauds; ils sont relati— vement en petit nombre dans l'Europe centrale, mais ceux de cette partie du monde sont presque les seuls dont les habitudes particulières soient connues. Les espèces du genre Sphex ont une admirable agilité comme une remarquable élégance de formes. Leur corps est assez ro— buste, et leur abdomen est attaché au thorax par un long pédi- cule mince. Ces Hyménoptères possèdent de larges mandibules arquées et bidentées, où l’on reconnait d'excellents instruments de travail et des jambes garnies d’épines aiguës, régulières, qui en font des outils d’une irréprochable construction. Le Sphex aux ailes jaunâtres (Sphex flavipenms), noir, finement pubescent, avec l'abdomen rouge, à l'exception du pédicule, est répandu dans la plus grande partie de l'Europe; il nidifie dans le sable etil approvisionne ses larves de Grillons. Une autre espèce du genre (S. albisecta) fait la chasse aux Criquets; le Sphex du Languedoc (Sphex occitanica) s'attaque à une grosse Sauterelle du genre Ephippiger. On est toujours rempli de surprise en consi- dérant l'énorme volume des Insectes que les Sphex parviennent à transporter et à introduire dans leur nid. 38/ LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Regardons au travail les ardents Hyménoptères. « C’est par petites peuplades de dix, vingt pionniers ou davan- tage que l'emplacement est exploité, dit un excellent observateur, M. Fabre (d'Avignon). Il faut avoir passé quelques journées en contemplation devant l’une de ces bourgades, par un temps parfaitement calme et par un soleil brûlant, pour se faire une idée de l’activité fiévreuse, de la prestesse saccadée, de la brusquerie de mouvements de ces laborieux mineurs. Le sol est rapidement attaqué avec les râteaux des pattes antérieures. En même temps chaque ouvrier entonne sa joyeuse chanson, qui se compose d'un bruit strident, aigu, interrompu à de courts intervalles, et modulé par les vibrations du thorax et des ailes. On dirait une troupe de gais compagnons se stimulant au travail par un rhythme cadencé. » Le travail avance, s'achève; on va aux provisions. En arri- vant avec une proie, l’Insecte la dépose au bord de son trou, pour se livrer d’abord à une visite du domicile, et vient ensuite la rechercher. M. Fabre s’avisa, à différentes reprises, d’éloigner la proie, et chaque fois le Sphex, obligé d'aller la retrouver au loin, la laissait toujours au bord du trou pour refaire une visite domiciliaire. Enfin, ayant enlevé chaque fois l’Insecte apporté par le Sphex, il a vu celui-ci murer son trou vide, ce qui sem— blerait indiquer que l'animal, obéissant seulement à l'instinct, croit avoir fini lorsqu'il a exécuté sa besogne. Cette absence d'intelligence ne s'accorde pas avec les actes des Hyménoptères nidifiants dans une foule d’autres circonstances. Dans le centre et dans le nord de l'Europe, où les véritables Sphex sont rares, on rencontre en abondance des Ammophiles, qui s’en distinguent par leurs mandibules plus longues et triden- tées, et surtout par leur corps presque linéaire, leur abdomen fort mince. Dans nos campagnes, on aperçoit continuellement, dans tous les endroits arides, au bord des chemins, l'Ammo- phile des sables (Ammophila sabulosa), à l'allure vive, au vol ra LES HYMÉNOPTÈRES. 385 pide, dont le corps est noir avec le quatrième anneau de l'abdomen, le bord postérieur du troisième et le bord antérieur du cinquième, d'un roux ferrugineux. Ici l’Ammophile creuse le sol, le trou est déjà profond, le sable est rejeté sur les bords; ailleurs il a achevé sa galerie et la cellule où devra vivre une de ses larves, il ap- AMMOPHILEÉ DES SABLES (Ammophila sabulosa ). l'emelle, Mäle, porte une grosse chenille, la place dans la petite loge, dépose un œuf, puis avec un petit caillou et des grains de sable, il mure exactement l’orifice de son trou, faisant disparaître avec un soin infini toute trace de son travail. Toutes les espèces d’Ammophiles observées dans leurs habitudes prennent des chenilles pour nourrir leurs larves. Dans les régions chaudes du monde se rencontrent des Sphé- gides qui se signalent par la grande longueur du pédicule de leur abdomen et par leurs mandibules arquées, ayant à peine une dent au côté interne; ce sont les Pélopées, tous de couleur noire avec des marques jaunes. A considérer leurs mandibules, on de- vine bien qu'ils ne doivent pas travailler de la même manière que les Sphex ou les Ammophiles. Les Pélopées, en effet, sont de véritables maçons. L'espèce du midi de la France, le Pélopée tourneur (Pelopœæus spirifex), bâtit son nid sur des murailles, dans les encoignures, quelquefois à l’intérieur des granges ou des habitations, et presque toujours à une hauteur de plusieurs mètres 25 RS Sd ne. ©. à 386 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. du sol. L’Insecte, aux proportions grêles, qui semble peu fait pour transporter des fardeaux, va chercher des parcelles d'une terre argileuse, les pétrit avec ses mandibules, et les applique || | Pi, | L | pu in ll il ! \ W Al À L'ORT NU UN HA no LAN TL | nl | à. LL VAL LIN LA 4 A “a | lo FN LE PÉLOPÉE TOURNEUR ET SON NID {(Pelopœus spirifeæ). à l'endroit choisi pour la construction de son nid. Avec cette terre, il commence par former une cellule oblongue. Cette première loge établie, le Pélopée se met en chasse; sa chasse à lui, ce sont les LES HYMÉNOPTÈRES. 387 Araignées, les Araignées, les êtres de la création les plus rusés, les plus habiles pour l'attaque comme pour la défense. Sans doute, le Pélopée est armé d’un redoutable aiguillon et s’il parvient à pi- quer, il a vaincu, mais l’Araignée a ses fils qui enlacent et qu'elle jette avec une incomparable prestesse. La lutte s'engage, l'Hymé- noptère est tout à la fois plein d’audace et de prudence ; avec pré- caution, il s'approche de la toile en volant et manœuvre si bien que presque toujours il parvient à frapper l'Araignée; quelque- fois aussi le Pélopée est saisi par des fils agglutinants, ses mou- vements sont paralysés, alors l’Araignée s’empresse de lier plus solidement son ennemi, et victorieuse, elle le mange. NID DU PÉLOPÉE TOURNEUR, DÉTACHÉ ET VU À L'INTÉRIEUR, Mais le Pélopée se laisse prendre rarement, il apporte dans sa cellule une, deux, trois Araignées, suivant leur grosseur. La pro- vision faite, un œuf est déposé, le travail de maçonnerie est continué, la cellule doit être fermée et le laborieux Hyménoptère ne ménage pas les matériaux ; les parois sont épaisses. Une pre- mière loge construite et approvisionnée, le Pélopée en fabrique une seconde à côté, sur la même ligne horizontale, et l'approvi- sionne de la même façon, puis une troisième, une quatrième, en Ron Pre LE Sd ns nn. At 388 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. général jusqu'à six où huit. La surface extérieure du nid pré- sente des cannelures longitudinales correspondant aux inter alles des cellules, ce qui est très-bien expliqué par le mode de construction. Si les parois de la surface du nid ont une épaisseur considérable, celle du bord inférieur est beaucoup plus mince. C'est de ce côté que sortiront les Insectes adultes venant d'éclore, il importe qu'ils ne trouvent pas de difficulté à se pratiquer une issue. Les trous que nous apercevons indiquent que les loges sont désertées. Si nous détachons un nid avant l'achèvement des métamor- phoses des larves de Pélopée, ce qui exige beaucoup de précau- tion tant cette maçonnerie d'Hyménoptère adhère fortement à la muraille, nous verrons les loges occupées, soit par des larves, soit par des coques construites par ces larves après l'achèvement de leur croissance. Les larves du Pélopée dont M. Lucas, le premier, a donné une description et des figures, sont assez longues avec la partie antérieure de leur corps recourbée. Les coques sont for- mées d’un tissu papyracé, brunâtre, lisse et luisant. Les Pélopées de l'Inde, de l’île Bourbon, de l'Amérique, ont les mêmes habitudes que notre espèce européenne; leurs con- structions sont presque identiques. Des Sphégides de formes très-analogues à celles des Pélopées, mais ayant une couleur métallique bleue, verte ou violacée, sont les habitants des pays les plus chauds des deux hémisphères. On les appelle les Chlorions. Le Chlorion comprimé (Chlorion com- pressum) est abondant à l’île Maurice et à l'ile Bourbon, et les habitants de ces deux iles ne peuvent regretter qu'une chose, c'est que l’élégant Hyménoptère ne soit pas plus commun en— core, car il leur rend des services impossibles à méconnaitre. Construisant leurs nids à peu près de la même façon que les Pélopées, les Chlorions ne chassent pas les mêmes sujets. Les colonies, et surtout leurs ports de mer, sont infestés par les Blattes où Kakerlacs, qui ne respectent aucune denrée. C'est à AE 1h. sb ol ed tir ne. | dû à Mie ne ist" dé pan | Mid Ds RA4E, us 3 LES HYMÉNOPTÈRES. 389 ces Orthoptères que les Chlorions font une guerre terrible pour les besoins de leurs larves. Souvent on est témoin de l'attaque d’un Kakerlac par un Chlorion, et de l'intelligence que ce dernier déploie pour ame- ner à son nid et faire entrer dans son trou, assez étroit, un corps aussi volumineux que celui de la Blatte. Le Chorion se montre rôdant de divers côtés, en quête de la découverte d'une proie. Il aperçoit un Kakerlac, celui-ci reconnaît l'ennemi et s'arrête sous l'impression de la frayeur. Alors le Chlorion s’élance sur lui, le saisit avecses mandibules entre la tête etle corselet, et lui perce l'abdomen de son aiguillon. L'acte accompli, il s'éloigne un mo- ment, attendant la fin des convulsions de sa victime. Dès que les mouvements ont cessé, il vient la saisir et la traîne jusqu'à son nid, souvent avec des efforts inouïs, car le fardeau est pesant. Il s’agit de la faire entrer dans une cellule, mais l'onverture est trop étroite, les pattes, les ailes de l'Orthoptère sont un obstacle insurmontable à son introduction dans l’espace resserré, Le Chlorion a compris la situation, la difficulté ne l'étonne pas. À la Blatte trop volumineuse, il coupe pattes et ailes, et ainsi dimi- nuée, 1l cherche à la pousser dans son trou, mais elle est encore trop large, l'Hyménoptère sent qu'il a mieux à faire : entrant lui-même à reculons dans son étroite galerie, il saisit le Kaker- lac avec ses mandibules et le tire de toutes ses forces ; les tégu- ments de l’Orthoptère ne manquant pas d’une certaine flexi- bilité, le corps de l’Insecte finit par passer dans le tube où l’on n'aurait jamais cru qu’il puisse être introduit. De tels actes de la part du Chlorion sont-ils du seul domaine de l'instinct? Qui pourrait le croire, en présence de ces manœuvres si intelligentes, variables selon les circonstances, et comme, au reste, une foule d'Hyménoptères nidifiants nous en offrent des exemples ? Les Pompilines sont des Fouisseurs travaillant avec la même perfection que les Sphégines, et chassant avec la même audace 390 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. et les mêmes ruses. Les Pompiles de notre pays, Insectes de taille très-médiocre, nidifient dans le sable ou dans le vieux bois, sa- chant, comme tant d’autres Hyménoptères, s'épargner du travail en prenant possession de vieux trous. Tous les Pompiles obser- vés dans leurs habitudes nourrissent leurs larves avec des Arai- gnées. Plusieurs chassent surtout les Araignées errantes qui ne font pas de toile, mais quelques-uns vont hardiment attaquer notre grosse Araignée domestique sur sa toile. Dans notre pays, on rencontre continuellement le Pompile des chemins (Pompilus viaticus), un petit Hyménoptère noir avec les trois premiers an- neaux de l'abdomen rougeâtres et les ailes enfumées, qui creuse ses trous dans le sol. Des Pompilines ayant les pattes sans épines, les Céropales, semblent incapables de travailler, et Lepeletier de Saint-Fargeau en ayant vu qui entraient dans les nids d’autres Fouisseurs, on est assuré que ce sont des parasites. Dans l'Amérique du Sud vivent les Pepsis, aux Indes orien- tales, et dans les Archipels de l’océan Pacifique, les Macromeris qui sont les géants parmi les Fouisseurs, et même entre tous les Hyménoptères. Ils ont le goût des Araignées comme nos Pom- piles d'Europe, mais leurs nids ne nous sont pas connus. Les Crasronines ont bien des rapports de conformation avecles Sphégides, mais ils présentent un autre aspect et quelques carac- tères assez prononcés permettent toujours de les distinguer. Leur corps est, en général, médiocrement élancé, leurs antennes sont droites, leur lèvre supérieure est à peine saillante, leurs pattes postérieures ne sont guère plus longues que les autres, et leurs jambes antérieures se terminent par une large pointe. Les Crabronides sont nombreux par le monde; ils ont des formes assez variées et aussi des mœurs, des habitudes dont la diversité est une source d'intérêt. Dans la famille des Crabrouides, nous distinguons les Bembé- cines qui ont un gros corps, un labre bien visible, des mandibules fn dr ms ai À nitrate € LM art à nb ai mb A RS RS LES HYMÉNOPTÈRES. 391 pointues, unidentées au côté interne. Les Bembex en particulier se font remarquer par la grande longueur de leurs mâchoires et de leur lèvre inférieure constituant une sorte de trompe, aussi voit-on ces Insectes souvent posés sur les fleurs, occupés à pomper le miel. Le Bembex à bec (Bembex rostrata), le plus répandu entre tous, dans nos départements méridionaux, Insecte noir avec le chaperon jaune, et une bande de nuance citron sur chaque anneau de l'abdomen, a été autrefois étudié dans ses habitudes par Latreille. Cet Hyménoptère, comme tant d’autres Fouisseurs, creuse dans le sable des trous profonds, et comme toutes les es pèces du même groupe, il approvisionne ses cellules uniquement avec des Diptères : Mouches, Syrphes, ete. Ses provisions faites, et sa ponte effectuée, le Bembex ferme l'orifice avec le soin ordinaire parmi les Sphégides. Jusqu'ici, pour nos Fouisseurs, tout se passe de la même ma- nièré générale : la mère bâtit un nid, des loges pour chaque larve, remplit les loges de provisions, dépose un œuf auprès de ces provisions, ferme toutes les issues de l'habitation dans laquelle doivent se développer ses larves et meurt sans avoir jamais vu sa progéniture. Mais voilà que M. Fabre, du lycée d'Avignon, nous révèle dans les habitudes d’une espèce de Bem- bex (B. vidua), une particularité inconnue, et certainement bien rare dans l’histoire des Hyménoptères. Ici la mère laisse son lerrier ouvert, y pénètre chaque jour, apportant à sa larve une proie fraîche qui est toujours un Diptère. A l'égard des Hymé- noptères, nous l'avons dit ailleurs, M. Fabre nous a montré la nature plus riche en ses manifestations qu'on ne le supposait. On est émerveillé par la contemplation de ces Hyménoptères labo- rieux, si intelligents, agissant en toute occasion comme si la pré- voyance était un résultat de leurs facultés intellectuelles, mais n'est-on pas plus charmé encore au spectacle de cette mère, frêle Insecte qui veille et nourrit ses jeunes avec une sollicitude con- stante? On comprend aisément pourquoi la nature a fait rares les nb. sd . ER RL LS. it: La 392 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Hyménoptères solitaires donnant des soins journaliers à leurs larves. Les chances de destruction épargnées aux autres dans leurs inaccessibles retraites, menacent sans cesse ces derniers. Le nid est ouvert, des Insectes carnassiers peuvent y pénétrer et dé- vorer les larves de l'Hyménoptère. L'Hyménoptère lui-même peut être pris, tué, mangé, et alors les larves ne recevant plus de leur mère la pâture quotidienne, se trouvent condamnées à périr de faim. Les Stizes, qui diffèrent surtoutdes Bonbes parleurs mâchoires et leur lèvre inférieure courtes, ont été moins étudiés que ceux-ci dans leurs habitudes. M. Fabre nous en signale une espèce (Stizus tridens) qui approvisionne ses cellules avec des Gicadelles. Les représentants d’une autre tribu de la famille des Crabro- nides, les Larrines, avec des formes moins lourdes que les Bem- bécines, ont leur labre presque imperceptible, et leurs mandi- bules pourvues, à la base, d’une profonde échancrure interne dont l'usage n’a pas encore été reconnu. Ces Hyménoptères er- rent dans les lieux sablonneux où ils établissent leurs nids. Plusieurs d’entre eux au moins les approvisionnent avec des chenilles. La tribu des Crabronines est le vaste groupe de la famille ; elle comprend une multitude d'espèces d'assez petite dimension, ayant le plus ordinairement des bandes et des taches jaunes sur un fond noir, un labre aussi rudimentaire que celui des Larrines, et des mandibules sans échancrure. Ces espèces se répartissent d’une manière très-naturelle dans trois groupes : les Cercérites qui ont les antennes un peu renflées à l'extrémité, et l'abdomen contracté à la base; les Crabronites dont l'abdomen n'offre aucun étran- glement; et les Nyssonites, dont les antennes sont minces.* Les Cercéris ont des mandibules tridentées et des antennes très-rapprochées à leur insertion. Elles sont abondantes en Europe, et plusieurs d’entre elles ont été l’objet d’intéressantes observations, Presque partout on rencontre la Gercéris des sables lisses: RE PT RE ET VS ELEC PE Te ep ot ee VTT PP EP PET Fr LES HYMÉNOPTÈRES. 393 (Cerceris arenaria), au moins dans les terrains arides, sablon- neux, et surtout exposés au midi; les Hyménoptères, au reste, aiment la chaleur, le plein soleil. La Cercéris creuse des trous d'assez grande profondeur, et approvisionne ses cellules avec des LA CERCÉRIS DES SABLES. ( Cerceris arenaria). 4 et 2, Femelles en diverses attitudes, — 3. Mâle. Coléoptères de la famille des Charançons. Elle ne tient pas à l'espèce, mais elle parait tenir essentiellement aux Charançons. Les investigateurs en ont compté de dix ou douze espèces, et de genres très-différents, dans les nids de la Gercéris des sables. Ce choix étonne ; on songe à la dureté des téguments de ces Coléo- ptères destinés à être dévorés par des larves molles, d’une extrême faiblesse. En y regardant de près, l’étonnement diminue : l'Hymé- noptère à l'instinct de s'emparer de Charançons nouvellement éclos, dont les téguments ne sont pas encore très-fermes. D'un autre côté, les larves paraissent être assez habiles pour savoir entamer leur proie dans les articulations. La Cercéris à quatre bandes (Cerceris quadricincta) observée par M. Fabre, a également le goût des Charançons, mais des plus petits, des Apions, de sorte qu'il lui faut en réunir une trentaine d'individus pour chacune de ses cellules. Le pauvre Hyménoptère a fort à faire pour peu qu'il construise de vingt à trente cellules. Une autre Gercéris étudiée dansses habitudes par Léon Dufour, 394 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. assassine les Buprestes, de jolis Coléoptères (Cerceris bupres- ticida). Manœuvrant comme tant d'autres Fouisseurs, elle ap- porte un de ces Insectes jusqu'au bord de sa galerie, le dépose sur Je sol, entre à reculons dans son trou, puis vient ressaisir sa proie et la descendre dans sa loge. Enfin, plusieurs espèces de Cercéris s'emparent d'Hyméno- ptères : la Cercéris ornée (C. ornata) prend des Mellifères; une autre chasse des Ichneumonides et des Chalcidides. | Il est encore un type bien curieux du petit groupe des Cercé- rites, le genre Philanthe, que des mandibules unidentées et des antennes écartées à leur origine distinguent du genre, Cercéris. Les mœurs de l'espèce la plus commune, le Philanthe apivore (Philanthus apivorus ou P. triangulum), ont été décrites par Latreille, en l'année 1802. Le Philanthe apivore a la tête et le thorax noirs, tachetés de jaune, l’abdomen jaune avec une tache triangulaire noire sur chacun des anneaux de l'abdomen ; ces signes suffisent à le faire reconnaître. Dans les sentiers, dans les terrains légers, il creuse des galeries qui, généralement, commencent par être verticales et deviennent ensuite horizontales en se prolongeant plus ou moins : nous en avons vu d'assez peu profondes; mais d’un autre côté on assure que ces galeries ont souvent une étendue de plus de 30 centimètres. Au reste le Philanthe nous intéresse surtout à aison de son audace particulière. Il se pose sur les fleurs, il bu- tine nonchalamment comme s'il n'avait rien de plus à désirer, mais que l'observateur l’épie avec patience, un spectacle curieux s’offrira bientôt à ses yeux. Une Abeille survient et s'occupe de faire sa récolte ou de miel ou de pollen sans prêter la moindre at- tention ailleurs. Le rusé Philanthe l’examine, et jugeant la posi- tion bonne, s’élance sur elle avec toute l’impétuosité imaginable; il la saisit avec ses mandibules entre la tête etle corselet, et pres- que toujours parvient à la renverser sur le dos et à la piquer de son aiguillon, L’Abeiïlle oppose la plus vive résistance, mais le LES HYMÉNOPTÈRES, 395 Philanthe est plus agile et rarement il manque son coup. Après avoir été piquée, l’Abeille se tord dans quelques convulsions, LES MÉTAMORPHOSES DU PHILANTHE APIVORE (Philanthus triangulum, Fabr, ; Philanthus apivorus, Latr.). Des individus transportent des Abeilles; dons une coupe du lerrain on voit une loge occupée par le corps d'une Abeille que vient d'apporter un Philanthe, une autre loge où une larve déjà grosse a consommé en grande partie sa provision, d'autres loges où l'on remarque des coques à parois transparentes, laissant voir les larves dans leur intérieur, s cherche à frapper avec son aiguillon, étend sa trompe, pour finir en un moment par tomber inerte. Le ravisseur, la prenant alors avec ses mandibules et entre ses pattes, s'envole avec son lourd 396 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. fardeau. En approchant de son nid, on le voit parfois s'arrêter comme s’il s’'inquiétait d’un danger possible, puis reprendre son essor et arriver à son trou avec le produit de sa chasse. Un œuf est déposé, il se met à murer l'entrée de sa galerie. Fréquemment les Philanthes sont en grand nombre dans les mêmes lieux; plusieurs centaines d'individus travaillent simul- tanément, déployant une ardeur infatigable, sans se préoccuper en aucune façon les uns des autres. Leur hardiesse est incroya- ble, car souvent ils s’'approchent des ruches et osent engager des combats, là où ils ont la chance de tomber victimes de leur au- dace. Le Philanthe apivore est-il le Crabro des anciens Romains, qui combal, selon l'expression du poëte, imparibus armis? Peut- être, mais les naturalistes n’oseraient l’affirmer. La larve apivore, d'une forme assez ramassée, n’offrant du reste aucune particularité qui mérite une description de notre part, a pris toute sa croissance lorsqu'elle a mangé son Abeille; elle se construit alors une coque soyeuse à parois minces, presque trans- parentes, tout à fait transparentes, si l’on plonge la coque dans un liquide. Cette coque mérite bien une description qui n’a ja- mais été faite, c'est une véritable petite bouteille allongée, dont le fond est arrondi, le goulot bien prononcé, et paraissant cache- iée avec de la cire noire. En voyant les coques des Philanthes, on penserait volontiers avoir sous les yeux des objets provenant du mobilier d’un homæopathe. Les Crabronites se distinguent des précédents par leurs an- tennes renflées à l'extrémité et par leur abdomen sans étrangle- ment. Les vrais Crabrons comme les Cercéris ont le corps noir, varié de jaune. L'un des plus grands, le Crabron à grosse tête (Crabro cephalotes), a été observé par M. Shuckard, creusant des cellules dans le bois pourri à l’aide de ses mandibules ter minées en pointe bifide. La plupart des espèces de ce genre approvisionnent leurs nids avec des Diptères. Les Cémones, petits Crabronites noirs aux mandibules tri- et où big tn 6 ‘dif tn RS 2 RS LES HYMÉNOPTÈRES. _: 397 dentées, font leurs nids dans des tiges sèches. Le Cémone triste (Cemonus lugubris) construit des cellules régulières dans des tiges de ronce, comme l’attestent les exemples qui nous ont été fournis par M. Fabre. Les Mellines n’ont pas les antennes cou- dées des Crabrons ou des Cémones; le type du genre, le LE CÉMONE TRISTE ET SON NID, (Cemonus tugubris). Melline des champs (Mellinus arvensis), insecte noir, varié de jaune, creuse son nid dans les endroits sablonneux, et appro- visionne chaque cellule avec huit où dix mouches. Les Opynémpes se rapprochent des Guêpes, au plus haut degré; elles en ont l'aspect général, la coloration ordinaire, et ce qui est plus notable, la faculté exceptionnelle de plier en deux leurs iles dans le sens longitudinal pendant le repos. C’étaient les 398 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Guëêpes solitaires de Réaumur et de divers auteurs. Cependant plusieurs caractères extérieurs dénotent entre les Odynérides et les Guêpes ou Vespides des différences profondes dans les habitudes. En effet, les Odynérides ne peuvent jamais être confondues avec les Guêpes, si l’on considère leurs mandibules fort longues, leurs antennes simplement arquées et non coudées, leurs jam- bes postérieures garnies d’épines dans toute la longueur. Ces Insectes, au contraire de la plupart des autres Fouisseurs, ont des mâchoires et une lèvre inférieure très-allongées, celle-ci divi- sée en trois ou quatre filets; conformation indiquant une parfaite aptitude à pomper le miel dans les fleurs. Les Odynérides se composent de deux grands genres, les Odynères et les Eumènes. Les premiers ont l’abdomen attaché au thorax par un court pédi- cule; les seconds ont l'abdomen campanulé à la base. Elles sont charmantes ces fausses petites Guêpes noires cein- turées de jaune. Ils sont charmants ces Odynères, par leur agileté, par leurs mouvements gracieux, on dirait volontiers par leur physionomie intelligente ; ils sont charmants par leur habileté à construire. Réaumur a été leur premier historien, et l'historien enthousiasmé de leurs mœurs. Audouin et Léon Dufour, en France, Shuckard, en Angleterre, ont ajouté des pages inté- ressantes à leur histoire. L'Odynère des murailles (Odynerus parietum), ayant un point entre les antennes, le bord du thorax, deux taches sur l’écusson et le bord de tous les anneaux de l'abdomen d’un jaune vif, est très-abondamment répandu dans certaines localités: Cest l'espèce étudiée par Réaumur que bien d’autres ont étudiée après lui et que l’on étudie toujours avec bonheur. Dans les premiers jours du mois de juin, nous trouvant dans le département du Nord, à peu de distance de Denain, en com- pagnie de deux amis, notre attention se trouva appelée par un ravissant spectacle. La route était bordée par un talus d'en- LES HYMÉNOPTÈRES. 399 viron 2 mètres d'élévation qui la séparait d’un immense champ de luzerne. Le talus était formé d’une terre assez dense et ex- MÉTAMORPHOSES DE L'ODYNÈRE DES MURAILLES (Odynerus. parietum). posé en plein midi; des milliers, des centaines de milliers d'Ody- nères des murailles volaient au bord du champ de luzerne , chassant avec une incroyable ardeut: sur les plantes, apportant Rd ed rh 5 à h00 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. entre leurs mandibules de petites larves vertes, creusant des trous dans le terrain, bâtissant des cheminées, murant des gale- ries, chaque individu poursuivant sa besogne avec une activité inimaginable, sans s'inquiéter le moins du monde des milliers de travailleurs qui l'environnent. Nulle description ne parviendrait à donner une idée complète d’un tableau aussi animé, aussi saisissant. C’est la vie sous une foule d’aspects qui se présente aux yeux de l'observateur attentif. Tous ces petits êtres si actifs semblent avoir conscience et, dans tous les cas, agissent comme s'ils avaient conscience qu'ils ont une importante mis- sion à remplir en ce monde. N'est-ce pas là, au sein de la créa- tion, dans toutes les sociétés possibles, le sentiment qui excite chacun ; même dans la situation la plus humble, on se croit utile, on se croit important. Voyons la scène qui se passait au pied du talus, où s’agitait la foule des Odynères. Les travaux se trouvaient à tous les degrés d'avancement, les Odynères n’étant pas tous nés en même temps. Divers individus étaient occupés à creuser le terrain; ceux-là commençaient. Ailleurs, d’autres construisaient des che- minées. Sur beaucoup de points, les cheminées étaient totale— ment achevées, et les Odynères travaillaient à l'approvision- nement de leurs cellules. C’est une chose singulière que les cheminées ou les vestibules que. nos Hyménoptères édifient au- devant du trou ou, si l’on aime mieux, de la galerie qu'ils ont creusée. L'appareil, d’une longueur d'environ 3 centimètres, quelquefois un peu plus, légèrement courbé du côté du sol, de façon que la pluie ne pénètre pas à l'intérieur du tube, ressemble à une dentelle façonnée avec une matière terreuse. On voit que la terre a été pétrie par petits rubans ou par petits cylindres placés circulairement les uns sur les autres, plus ou moins contournés, et laissant sur divers points des inter- valles vides donnant aux parois l'aspect d’une dentelle ou d’une guipure. Ces vestibules sont ainsi d’une extrême fragilité, ils se LES HYMÉNOPTÈRES. 104 brisent, ils se désagrégent quand on vient à les toucher, mais pour l'Iusecte ils présentent une solidité suffisante. Tous les observateurs ont signalé ces sortes de cheminées que construi- sent les Odynères et d’autres Fouisseurs, sans que l'utilité de ces constructions ait pu être bien comprise, Dès que nos Hyménoptères ont approvisionné leur cellule et déposé leur œuf, ils détruisent en entier le vestibule extérieur, et, comme tous les autres Fouisseurs, ils murent l'entrée de leur trou avec un soin, avec une perfection qui ne laissent rien à désirer. En quelques endroits nous entamons la terre formant le talus, et plusieurs loges situées à une faible profondeur appa- raissent en diverses conditions. Ici, une galerie a servi d'entrée pour deux, trois ou quatre cellules; là, pour une seule. Toutes les loges sont approvisionnées avec la même espèce d’Insecte, la larve verte d’un Charançon du genre Phytonome (Phytono- mus variabihs). Il y a quinze ou seize de ces larves dans chaque loge. Dans la plupart des cellules, les provisions sont intactes, on trouve l'œuf de l’'Odynère, la larve n’est pas encore éclose ; dans plusieurs, les provisions sont en grande partie consommées, et la larve de l'Odynère est déjà grosse; sa forme est oblongue, elle a beaucoup de ressemblance avec les larves des Pélopées, mais son corps est proportionnellement moins allongé. Avant la fin du mois de juin, tous les Odynères ont achevé leur besogne, ils sont morts. Sur la longueur entière du talus, aucune trace extérieure des travaux de tant d’Insectes n’a per- sisté ; personne ne pourrait se douter que cette terre a été creu- sée, labourée sur tous les points. Les larves des Odynères man- gent, vivent, grandissent, se développent dans l'ombre, à l'abri des dangers. Leurs provisions consommées, elles ont acquis leur entière croissance ; alors elles s’enferment dans une coque soyeuse et les voilà endormies jusqu'au printemps suivant, où elles se transforment en nymphes. Deux à trois semaines plus tard éclo- sent les Insectes adultes. 26 h02 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Beaucoup d'Odynères se comportent dans leurs travaux à peu près de la même manière que l’'Odynère des murailles, mais il en est d’autres qui établissent leur nid dans des tiges dessé- chées, les tiges des ronces, du sureau, par exemple. On peut reconnaître aisément ces espèces à leurs jambes postérieures dépourvues d’épines, l'instrument propre à fouiller la terre manque. Partout existe une relation entre la conformation de l'espèce et ses conditions d'existence. L'Odynère de la Ronce (Odynerus lœvipes ou rubicola) a été étudié dans ses habitudes par Léon Dufour. L'industrieux Hyménoptère fait choix de tiges de ronces sèches, ayant une direction horizontale ou un peu inclinée vers la terre. Il se met à évider une tige sur une certaine longueur en enlevant la moelle ; cette première opération exécutée, il va chercher de la terre, du gravier, pétrit ces matériaux, construit une loge, l’approvisionne, en construit une seconde, puis une troisième, une quatrième. Il y en a souvent de six à dix à la file les unes des autres. Par un de ces miracles de la nature dont l’explica- tion ne serait pas facile à donner, c’est l’Insecte occupant la loge la plus rapprochée de l'issue, c’est-à-dire la dernière con- struite, qui éelôt le premier, frayant le passage à l'individu de la seconde loge. C’est parfait, en vérité, car si les individus oc- cupant les cellules du fond de la galerie étaient nés les premiers, pour sortir de leur prison, ils eussent fort maltraité les nymphes reposant dans les loges voisines; mais il n'en reste pas moins difficile de comprendre comment l'individu provenant de l'œuf pondu le dernier, comment lindividu le plus jeune, en un mot, arrive le premier à l’état adulte, puis le second, puis le troisième, en finissant par les aînés. Les Eumènes, Insectes aux formes sveltes et pleines d’'élé- gance, habitant des régions chaudes du globe, construisent d’une manière particulière. Quelques espèces se rencontrent commu- nément dans le midi de la France. L'Eumène pomiforme, noire, Da. solo dm à le. # Créé fete dt “ht 7 Cet ré SES = 45 fièmtan ht Fr Sadvser h —2"é LE LES HYMÉNOPTÈRES. 103 variée de jaune avec les bandes de l'abdomen très-larges, bâtit sur les murailles. Avec une terre argileuse, il fabrique de petites capsules arrondies, contenant chacune une seule loge; nous représentons ces petits nids, dont il n’a jamais été question 1 \ nil | | ta | LES EUMÈNES POMIFORMES ET LEURS NIDS : | Hi de ee 4 l A Lu {ll nl DLL (Eumenes pomiformis ). Jusqu'ici, d'après des échantillons recueillis aux environs de Cannes, et que le docteur Sichel a mis à notre disposition. Sur notre image plusieurs capsules sont ouvertes, les Insectes adultes viennent de les quitter. Une: autre espèce répandue dans la France méridionale, en Algérie, etce., l'Eumène d'Amédée (Eumenes Amedæi), d'après un renseignement qui nous est tansmis par M. Fabre, construit de petits nids en forme de dôme avec une cheminée qu'il détruit après sa ponte. [Un LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. LES HYMÉNOPTÈRES CONSTRUCTEURS DE NIDS DE MATIÈRES PAPYRACÉES (Vespides). Ayant fait choix de certaines particularités de mœurs, sans nous arrêter exclusivement aux affinités naturelles, pour éta- blir quelques distinctions simples parmi les Hyménoptères, nous sommes amené à donner ici une désignation juste, qui autre- ment ne serait pas utile. Aussi, afin d'éviter tout embarras, hà- tons-nous de dire que les Hyménoptères qui construisent des nids avec des matières papyracées sont les Guèpes, et seulement les Guêpes, les Guépes sociales pour les anciens auteurs qui les dis- tinguent par cette épithète des Œudpes solitaires, c’est-à-dire les Eumènes et les Odynères. Ils composent une seule famille, la famille des Vesries, que l’on peut partager ensuite en trois grou- pes et en quelques genres. Chez les Guêpes comme chez les Four- mis, il existe trois sortes d'individus, des mâles, des femelles, des neutres ou ouvrières, femelles infécondes, toujours pourvues d'ailes comme les femelles fécondes et différant assez peu de ces dernières par leur aspect extérieur. Ces Insectes forment des sociétés plus ou moins nombreuses suivant les espèces, mais géné- ralement ces sociétés sont annuelles. Elles se dispersent aux pre- mières atteintes de la saison rigoureuse; les mâles sont déjà morts, les ouvrières meurent à leur tour; seules les femelles fécondes hivernent, en se réfugiant dans des trous de muraille, dans les cavités des vieux arbres, ou dans toute retraite où elles peuvent aisément se cacher et s’abriter contre un froid trop vif. Au printemps, une femelle isolée, une mère, commence à édifier un nid; le nid sera petit, les cellules peu nombreuses, la femelle pond un œuf dans chacune des cellules qu'elle a con- struites et, quand ses larves sont écloses, elle va butiner pour du hs 1 pat À mél mir dis re Des ré TO fu ie | cul dé. té. dés. nd de PR LES HYMÉNOPTÈRES, 405 les nourrir; sa sollicitude pour sa progéniture sera de tous les instants. Voilà les larves de notre Guêpe parvenues au terme de leur croissance; pouvant filer un peu de soie, elles confec- tionnent une coque soyeuse de la capacité de leur cellule, de sorte que chaque loge semble fermée par un petit couvercle. Bien en- fermées, elles se transforment en nymphes; les adultes naissent bientôt après. Ces nouvelles Guêpes sont toutes des ouvrières, des travailleuses, des femelles stériles, créées pour remplir les devoirs de la maternité envers une progéniture qui ne vient pas d'elles. À peine nées, ces ouvrières se mettent à la besogne et, dès ce moment, la femelle féconde, si laborieuse quand elle était seule, va se reposer, ne plus s'occuper en aucune façon de ses jeunes; elle a des nourrices. Les ouvrières augmentent l'étendue du nid, préparent des logements pour les larves, et ce travail achevé, la mère fait une nouvelle grande ponte; un œuf est déposé dans chaque cellule et, cette fois, les larves qui vont éclore ne donneront pas seulement des ouvrières, mais aussi des femelles fécondes et des mâles. Le nombre des couvées de chaque année n’a pas été exactement déterminé et ce nombre paraît varier selon les espèces. Souvent on remarque les alvéoles des guëpiers encore remplis de larves, ou de couvain comme on dit vulgairement, lorsque les menaces de l’hiver commen- cent à se manifester un peu rudement; les Guêpes compren- nent que les champs ne leur donneront plus la pâture, alors elles tuent toutes les larves, et dans l'habitation, quelques jours plus tôt pleine de vie, d'animation, d'activité, de mouvement, règne la solitude. Comme les Eumènes et les Odynères, les Vespides ont la faculté de plier leurs ailes dans le sens longitudinal pendant le repos. Non-seulement dans l'aspect, mais dans toute la confoy- mation, il existe de grandes ressemblances entre ces Hyméno- ptères; mais si l’on compare les appendices entre ces divers Insectes, on découvre sans peine des différences caractéristiques sd A: d a” À. hi Léa. dat d ve Lt. « - 406 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. consistant, la plupart, en modifications qui coïncident avec des conditions biologiques particulières. Les Guêpes travaillent, les Eumènes et les Odynères travaillent également, mais les unes et les autres n'emploient pas les mêmes matériaux et ne travail- lent pas de la même manière. Chez les Odynérides nous avons trouvé des jambes postérieures constituées pour fouir, pour gratter la terre; chez les Vespides, les jambes du milieu et de derrière se terminent par deux épines mobiles, servant à pren— dre les matériaux de construction. Tandis que les mandibules des Eumènes et des Odynères sont longues et minces, propres à saisir des particules terreuses, celles des Guèpes sont courtes, larges, garnies de dents épaisses; on y reconnaît des instruments pour une trituration énergique, et, comme les mâchoires et la lèvre inférieure elles-mêmes assez courtes ont une flexibilité qui les rend propres à lécher plutôt qu'à mâcher, nous sommes as- suré que les mandibules, instruments de trituration, servent peu à l’animal pour les besoins de son alimentation et beaucoup, au contraire, pour des travaux d’un ordre spécial. Signalons en- core entre les deux types une différence qui échappe pour nous à toute interprétation et qui n’en est pas moins caractéristique : les Vespides ont des antennes coudées. Les Guëpes construisent leurs nids avec des matières végétales, fibres ligneuses, feuilles mortes, dont elles confectionnent une sorte de papier ou de carton. Avec sa perspicacité ordinaire, Réaumur avait songé à profiter de cet enseignement donné par la nature peur créer une sorte d'industrie nouvelle, en utilisant pour la fabrication de certains papiers des matériaux qui restent sans usage. Quelques tentatives sérieuses, croyons-nous, ont été faites dans cette voie. Les Guêpes triturent ces substances entre leurs mandibules, et les imprégnant de leur salive, elles en forment une pâle homogène avec laquelle elles confectionnent les cellules et les enveloppes de leurs nids. Les nids des Ves- pides, ou les guëpiers comme on les appelle le plus ordinaire- ln ue md “und, un nn", ds us dé e | At) SDS | LES HYMÉNOPTÈRES. h07 ment, sont construits selon plusieurs plans, de sorte qu'il est facile de classer ces objets indépendamment de leurs architectes. M. H. de Saussure, auteur d’une belle Monographie des Eumé- nides et des Vespides, s’est appliqué à décrire les formes typi- ques des guèpiers. Le docteur Mæbius (de Hambourg) a figuré aussi plusieurs de ces jolis’ édifices. Il n’est pas douteux qu’il n'existe dans le mode de construction particulier à chaque espèce une relation intime avec certains détails de conformation. Il y a là, à n’en pas douter, des adaptations qui restent encore à déter- miner. Un intéressant résultat pour la philosophie de la science serait certainement acquis par l’étude comparée des travaux des Guèêpes et des particularités offertes par leurs instruments. On verrait à coup sûr pourquoi une espèce construit d'une façon et pourquoi telle autre espèce, bien voisine de la première par l’en- semble de son organisation, construit d’une façon assez diffé- rente. : Au reste, malgré les dissemblances si curieuses qui existent dans l'architecture des Guèpes, les parties les plus essentielles de leurs nids se ressemblent toujours au plus haut degré. Ces parties essentielles sont les loges, ou mieux les alvéoles, ainsi que l’on désigne habituellement les cellules composant les assemblages connus sous les noms de gâteaux ou de rayons dans les guêëpiers comme dans les ruches des Abeilles. Au point de départ la cellule est une sorte de godet cylindrique ; des godets semblables sont bâtis les uns près des autres sur un plan horizontal et fermés à leur sommet. Dans les nids de plu- sieurs espèces de Guêpes, les alvéoles restent presque cylindri- ques, mais en général, ces alvéoles figurent des hexagones par- faits. Une cellule arrondie se trouvant en contact avec six autres cellules, les parois s'aplatissent régulièrement par la pression exercée d’une manière égale les unes sur les autres, les six pans se dessinent géométriquement. Il en résulte que la paroi d’un alvéole est dans chacun de ses pans la paroi d’une cellule voisine, 108 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Il résulte de cette disposition géométrique la plus grande éco— nomie possible de substance; affaire d'importance considérable pour des êtres élevant des édifices dont les proportions, par- fois gigantesques, nécessitent l'emploi d'une grande quantité de matériaux. Les Guëêpes, Insectes agiles, élégants par la forme, agréables par leur coloration la plus ordinaire, des taches, des bandes, des bigarrures jaunes sur un fond noir, sont très-redoutées. Femelles fécondes et ouvrières sont armées d’un aiguillon dont la piqüre est fort douloureuse. Les Guëpes, cependant, n’attaquent jamais si elles ne sont pas inquiétées. On approche de leur nid sans inconvénient, on les examine de près sans courir aucun danger, pourvu que l’on ne fasse aucun mouvement de nature à les effrayer. Mais malheur à l’imprudent qui veut chasser des Guêpes en s’efforçant de les frapper avec un mouchoir ou un bâton ; immanquablement il sera piqué, il sera poursuivi au loin, les Guêpes semblent s’acharner comme si elles avaient une injure à venger. Les Vespides ne sont pas regardées comme des êtres malfaisants à cause du seul danger de leur piqüre. Elles aiment les fruits au delà de toute expression, et les proprié- taires ne se consolent pas aisément en voyant les belles prunes, les pêches veloutées, les beaux abricots endommagés par des mor- sures plus ou moins profondes. Ces Hyménoptères sont même souvent attirés dans l’intérieur des maisons par la présence des fruits mûrs. Ils s’attaquent du reste à d’autres substances; il n’est pas rare de les voir posés sur des viandes fraîches humant les parties fluides ; ils s'emparent aussi d'Insectes vivants. Les larves ont la faiblesse ordinaire aux larves d'Hyméno- ptères, mais leur tête néanmoins est plus large, plus forte, mieux constituée que chez presque toutes les autres, leurs pièces buccales sont plus fortes; c’est qu'elles ne sont pas nourries seulement de substances fluides ou très-molles, mais aussi de morceaux de fruits ou de fragments d’Insectes dont la LES HYMÉNOPTÈRES. 109 consistance est assez forte pour exiger une véritable trituration. Par analogie avec les faits mieux connus de l’histoire des Abeilles, on suppose, et sans doute avec raison, que l’état des femelles fécondes ou stériles est dû à une différence dans l’ali- mentation. On a pensé que les larves des unes recevaient une nourriture animale, les larves des autres une nourriture végétale, mais ici rien ne va au delà d’une vague présomption, seulement des expériences pourraient être faites à cet égard plus facilement pour les Guëpes que pour les Fourmis et les Abeilles. Les espèces pour lesquelles le nom générique de Guêpes (Vespa) a été particulièrement réservé par les naturalistes mo- dernes ont le corps épais, avec l'abdomen à peine étranglé à son origine, le chaperon tronqué et un peu échancré en avant. Plu- sieurs de ces Hyménoptères fort abondants dans notre pays, sont remarqués de tout le monde; leurs nids particulièrement appel- lent l'attention. Une de nos Guêpes les plus communes est la Guêpe des bois ou des arbustes (Vespa sylvestris), un peu moins grande que la Guêpe commune, noire, variée de jaune avec le chaperon de cette dernière couleur et les bandes de l’abdomen légèrement échancrées. Cette espèce attache son nid aux bran- ches d'arbres ou d’arbustes ou le suspend aux toits des habita- tions, aux corniches des murailles. Au printemps vous avez vu quelquefois, vous tous qui avez les yeux ouverts devant les objets curieux, de tout petits nids de forme ronde, charmants par leur délicatesse et leur perfection. L'enveloppe est faite d’un papier gris lisse, un peu lustré, flexible, imperméable à l’eau. A l'intérieur il n'existe, fixé au milieu par un pédicule épais et fort dur, qu'un seul gâteau composé de huit, dix, douze alvéoles. C'est l'œuvre de la femelle féconde qui a passé l'hiver engourdie. Son petit nid achevé, elle dépose un œuf dans chaque alvéole, puis elle élève ses larves qui lui donneront des ouvrières, des nourrices. Celles-ci nées augmentent rapidement les dimensions du nid; elles élargissent le premier rayon en y ajoutant de nou- hA0 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. velles cellules; elles construisent un second rayon qu'elles atta- chent au premier par deux ou trois piliers, un troisième qu'elles fixent à celui-ci par le même procédé, et ainsi de suite d’un qua- trième, d’un cinquième, d’un sixième. Le nombre des rayons varie selon l'accroissement de la population. Ces nids de la Guêpe des arbustes ont trois enveloppes papyracées, superposées, ser- vant à la protection des rayons avec lesquels elles ne contractent jamais d’adhérence. Les plus grands acquièrent une hauteur de 20 à 30 centimètres; plus grands ou plus petits, ils sont toujours d’un joli effet dans le feuillage de quelque élégant arbrisseau. Leur ouverture est située à la partie inférieure du nid, et l’es- pace vide entre les rayons et l'enveloppe est toujours suffisant pour permettre aux Guèêpes une circulation facile. La Guêpe commune (Vespa vulgaris) qui porte sur le chape- ron, comme signe particulier, une ligne verticale noire figurant une sorte de hachette, établit son domicile dans la terre. Profitant autant que possible d’une cavité, elle apporte les matériaux propres à la construction de son nid dansle sombre réduit. Quand la population augmente, quand le nombre des rayons doit être accru, les Guêpes se trouvent obligées de se livrer à un formi- dable travail de déblai pour obtenir plus d'espace. Les nids de la Guêpe commune ayant, comme ceux de la Guêpe des arbustes, plusieurs enveloppes papyracées prennent souvent des propor- tions énormes; des milliers d'individus y sont logés. Suivant toute apparence, les sociétés de cette espèce, autrement bien pro- tégées que les autres, ne périssent pas pendant l'hiver. Dans les localités où l’on connaît la présence d’un guêpier, il suffit d'exa- miner l'entrée d’une année à l’autre pour voir que l'endroit n'a cessé d’être habité par des Guèêpes. Une Guëêpe bien connue, la plus redoutée à cause de sa grande taille, est le Frelon (Vespa crabro), si reconnaissable entre toutes les Guêpes à la coloration rousse de sa tête, de son prothorax, de son écusson. Le plus ordinairement, les Frelon s’établissent EM, DLANCHANDe race #10. LIBRANUL GERMER BAILLIÈRE, IMPR, DE E, MARTINET, LES GUÊPES DES BOIS ET LEURS NIDS (Vespa syluestris), " * ÿ | < L Ca é =. à Te, E + ” : 4 >. . . & - pr v » - ne. : 1 L p Le . » a L2 " 0 ” E C rs < LA 3 A M + eu : } ' " A = >) \ “ KR L F à RAR fi « ï 5.2 14 3 ’ : mi : ; . : r 4 ae + + re 12 Fr : 7,02 < CR x: LES HYMÉNOPTÈRES. h11 dans de vieux troncs d'arbres largement excavés, car ils ont besoin de beaucoup d'espace pour établir leur vaste construction. Au sommet de la cavité, ils attachent un premier rayon au moyen d'une assez grande masse de pâte bientôt façonnée en une sorte de pédicule ou de support. Un second rayon s’ajoute au-dessous du premier, auquel il est fixé par des piliers ou des colonnettes plus où moins nombreuses. Tous les rayons sont ainsi attachés successivement les uns aux autres. Quand les Frelons ont installé leur domicile dans une cavité dont les parois le protégent suffisamment, ils ne font d’enveloppe que pour les parties qui restent à nu. Ils savent faire mieux cependant, et beaucoup mieux même, si les circonstances l’exigent. Les vieux troncs d'arbres crevassés, pourris à l’intérieur d’un effet {out pittoresque, qui plaisent aux artistes, n'étant pas le moins du monde du goût des conservateurs des forêts, sont devenus rares en France de nos jours. Les Frelons, assez intelligents pour s'épargner un peu de besogne quand ils le peuvent, trouvent difficilement à se loger. Forcés de s'établir à découvert, ils pro- fitent d'une toiture avancée, d’un grenier à l'abandon, et abrités par un simple plafond ils bâtissent leurs nids. Aucune paroi naturelle ne protégerait leurs rayons, alors, comme la Guêpe des arbustes, ils fabriquent des enveloppes habilement super- posées. Des guêpiers de Frelons ainsi construits, ayant jusqu’à 30 cen- timètres de hauteur et 35 à 40 de diamètre, sont vraiment des objets magnifiques, et plus d’une fois ils ont excité l'admiration de ceux qui les découvraient. Nous avons vu des personnes en trées en possession d’un beau nid de Frelons, s'imaginant que la vente d'un si merveilleux produit allait leur procurer une petite fortune. Ils sont bien beaux, en effet, ces grands nids de Frelons, mais aussi comme ils sont fragiles! Les Guêpes ordinaires détachent sur les arbres vivants des fibres ligneuses, et avec cette sub- 112 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. stance, elles fabriquent un papier ferme, tenace, de bonne qua- lité enfin; au contraire, les Frelons prennent du bois pourri et avec cette matière ils confectionnent un papier jaune ou roussâtre, d'une teinte fort agréable à l'œil, mais un papier cassant, friable au plus haut degré, un papier de mauvaise qualité, que les habi- tants du nid savent ne pas endommager. Les Guêpes au corps élancé, dont l'abdomen a son premier an- neau aminei en un pédicule assez long, et dont le chaperon affecte une forme triangulaire, composent le groupe des Polistites. Chez les espèces du genre Poliste, le premier anneau de l'abdomen, s’élargissant en arrière, prend la figure d’une clochette. Il y en a à peu près par le monde entier de ces Polis- tes, mais c’est assez de nous occuper de l'espèce commune de notre pays. Elle se trouve dans la plus grande partie de l'Europe, dans l'Asie Mineure jusqu’en Perse, dans le nord de l'Afrique jusqu’en Egypte, et néanmoins Linné, évidemment peu rensei- gné sur l'étendue de sa distribution géographique, l’a appelée la Poliste de France ou la Poliste française (Pobistes gallica). La Poliste de France est noire, peinte de jaune, avec les “antennes de cette dernière couleur. On la voit fréquemment dans les clairières des bois, et l’on éprouve un grand charme à contempler au printemps, une femelle, une mère seule, occupée, ou de l'édification de son petit nid, ou des soins que réclament ses larves. L'observation est facile, car les Polistes attachent leurs nids à des plantes basses ou à des arbrisseaux peu élevés. Les Genèêts, par exemple, leur fournissent des tiges droites, grêles, fort à leur convenance. La femelle féconde qui se montre, vers le mois de mai, ardente au travail, après son long hivernage, se met à construire, avec une substance analogue à celle dont fait usage la Guêpe des arbustes. Des fibres d’écorce sont réduites en une pâte homogène et la pâte est convertie en papier gris, ferme. L'Hyménoptère emploie d'abord une quantité de matière assez considérable pour faire une attache solide et le pédicule qui sou- dut à ‘rss u"attté dé ts #0 dne EM. DLANCHAND, PAGE 419, LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE. IMPA. DE E, MARTINETe LES POLISTES FRANÇAISES ET LEURS NIDS (Polistes y allica). + LES HYMÉNOPTÈRES. h13 tiendra le rayon. C'est un tout petit rayon que construit la Po liste; il aura cinq, six, huit cellules, rarement davantage. Ce rayon doit rester à découvert; il sera agrandi plus tard par l’ad- jonction de nouvelles cellules, mais jamais il ne sera revêtu d'aucune enveloppe. L'observateur, se transportant chaque jour dans les localités ou nidifient des Polistes, peut suivre aisément tous les travaux des industrieux Hyménoptères, toutes les phases de la vie des larves. Sans enveloppe, sans abri, ces nids élégants etmignons semblent bien exposés, mais en y regardant de près on admire l’heu- reuse disposition qui garantit les larves contre les intempéries des saisons. Les nids ont toujours une direction oblique, de la sorte, l'eau ne peut ni entrer dans les alvéoles ni séjourner sur le plafond; tournés vers l’est, les plus mauvais vents et la pluie venant habituellement du côté opposé, les habitants n’ont pas grand'chose à redouter. Notre femelle printanière ayant soigné sa petite couvée, les larves arrivent au moment de se transformer en nymphes; elles filent une coque soyeuse et voilà leurs cellules fermées comme par uu petit couvercle. Les adultes ne tardent pas à éclore ; c’est une nichée d’ouvrières qui vont bâtir de nouvelles cellules, mais jamais le rayon n'aura une bien grande étendue. Cinquante à soixante cellules, c’est déjà beaucoup pour le nid de notre Poliste de France; il est des circonstances cependant, circonstances rares, Où la population, s’accroissant d’une manière exception- nelle, les Polistes construisent un second rayon qu'elles attachent au premier par des piliers, exactement comme le font les vraies Guêpes. Notre dessin donne une idée bien exacte des nids de Polistes, à diverses périodes d’accroissement. Dans le plus grand, on voit des alvéoles habités par des larves, au corps déprimé, à la tête large et forte ; elles attendent la becquée de leurs nourrices. D'autres alvéoles sont clos, les larves se sont enfermées pour fé 2 Ch oué T_voTrTe DS de h14 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. subir leur métamorphose, les Insectes adultes ne sont pas nés encore. Lenid a été représenté tel qu'il était avec ses hôtes pleins de vie, larves et adultes. Des Guêpes au corps élancé comme celui des Polistes, et même plus délicat, plus élégant encore, ayant le pédicule de l'abdomen formé par le premier anneau tout entier, compose le genre des Polybies, Vespides étrangères à l'Europe, extrèmement répan- dues dans les parties chaudes de l'Amérique. Les Polybies se font admirer comme tant d’autres Vespides par leurs constructions tantôt immenses, tantôt petites et d’une délicatesse ravissante, et fort variées selon les espèces. Au Brésil, à la Guyane, abonde une Polybie (Polybia liliacea) d’une taille bien médiocre, — son corps noir, bigarré de jaune, n'a pas plus de 12 à 14 millimètres de longueur, — qui construit un nid dont les dimensions sont prodigieuses. On en voit dans la galerie du Museum d'histoire naturelle, un échantillon, dont la partie inférieure a été détruite. M. de Saussure dit «qu’on peut, à juste titre, considérer cet édifice comme un des plus grands miracles de l'architecture des Insectes » ; il ne sera pas démenti. Le guêpier que nous connaissons de cette Polybie a une hauteur de 1",10 et les plus grands rayons n’ont pas une cir- conférence de moins de 1",17. Ce nid incomplet, présentant en- core vingt-six rayons, contient des milliers d’alvéoles. Il est atta- ché à une branche d'arbre; son enveloppe est rude, inégale, d’un brun rouge. Les rayons font corps avec l'enveloppe comme dans les constructions des Guêpes cartonnières dont nous allons signaler les particularités. Une autre espèce du même genre propre à l'Amérique cen- trale (Polybia scutellaris), signalée il y a vingt-cinq ans par un naturaliste de l'Angleterre, M. A. White, fait également un nid gigantesque se distinguant de tous les autres guêpiers par une singularité. L’enveloppe, fort épaisse, est couverte de gros tuber- cules pointus dont rien jusqu'ici ne vient nous indiquer l'usage. ARE" EM, BLANCHANDS FAGE 414, PURCUN/ LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE, 1MPR, DE E, MARTINET, LES POLYLIBIES DES PALMIERS ET LEURS NIDS (Potybia Palmarum), D TT LT LES HYMÉNOPTÈRES. hA5 On peut également voir ce nid dans les galeries du Museum. De toutes petites Polybies établissent leur habitation à la face inférieure des feuilles. M. de Saussure en a fait connai- tre deux ou trois espèces de l'Amérique du Sud. Nous en si- gnalerons une autre, que nous appellerons la Polybie des Palmiers (Polybia palmarum). Elle est commune au Guaté- mala. Gette Guêpe mignonne, longue de 6 millimètres, a le thorax jaune avec trois bandes noires, l'abdomen brun ou noir avec des ceintures jaunes. Elle construit son nid à la face inférieure d'une feuille de palmier; elle n’a pas besoin de beaucoup de place, la largeur d'une feuille lui suffit. Ce nid de la Guèpe ou Polybie des palmiers consiste tout simple- ment en un rayon habituellement de forme ovalaire, revêtu d'une enveloppe percée d’une ouverture à la partie infé- rieure. La substance est un papier d’un jaune roussâtre assez cassant. Voilà qui paraïtra fort ordinaire, après ce que nous con= naissons d’ailleurs ; mais que l’on s'arrête à considérer les cellules qui n'ont pas plus de 1 à 2 millimètres et pourtant d’une régula- rilé parfaite, d'une construction irréprochable; que l’on regarde dans leur ensemble ces petits nids pour lesquels une feuille est un abri suffisant, avec leur couleur fauve, tranchant sur la teinte du feuillage. Puis, que l’on se figure ces gentilles constructions avec leurs habitants, entrainées dans le mouvement des feuilles secouées par le vent, et l’on éprouvera en son âme une impres- sion singulière à la pensée de ce monde si actif et si intelligent pour lequel une feuille de palmier est le séjour de prédi- lection. Un dernier groupe de Vespides nous est fourni par de petites Guëpes de l'Amérique dont le corps est ramassé. Les Chartergues, qui en constituent le genre le plus important, ont l'abdomen ovale, avec le premier anneau de l'abdomen emboîtant l'origine du second. L'espèce la plus répandue est la Guêpe cartonnière de Réaumur (Chartergus nidulans), noire, avec l'écusson et le h16 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. bord de tous les anneaux de l’abdomen jaunes. Cette Guëpe toute mignonne construit des nids d’une étonnante perfection et en même temps d’une solidité bien remarquable. Attachés aux branches d'arbres par une sorte d’anneau, ces nids sont formés d'un carton fin, blanchâtre ou d’un gris clair. Comme l'expri- mait Réaumur, « ce ne serait pas assez dire que cet objet paraît de carton; ilen est réellement ». En effet, on en montra un échantillon à un fabricant qui, après avoir bien examiné le produit de la petite Guêpe américaine et s'être extasié sur sa belle qua- lité, déclara qu'aucune maison de Paris n’était capable de fournir de pareil carton, que celui-là venait peut-être d'une fabrique d'Orléans. Ces nids, très-abondants dans l'Amérique méridionale, affectent la fornie de sacs. Analogues à ceux de certaines Polybies, les rayons et l'enveloppe sont intimement unis; une ouverture, ménagée dans la partie céntrale des rayons, est l'unique passage permettant la cireulation de bas en haut de l'édifice. Un nid de Cartonnière consiste, à son origine, en un gâteau à peu près circulaire revêtu d’une enveloppe percée d’un trou. Des alvéoles étant bâtis sur la face inférieure de cette enveloppe, celle-ci de- vient le fond d’un nouveau gâteau, les parois sont alors prolon- gées etrecouvrent la nouvelle construction, et il ÿ aura ainsi des rayons successivement ajoutés jusqu'à dix ou douze. Les Nectarinies, distinctes des Chartergues par le premier z00- nite de l'abdomen très-petit, construisent encore de très-jolis nids à enveloppe papyracée. Ces petites Guêpes amassent du miel qui est fort recherché par les Indiens des pampas. A la Guyane vit une Guêpe toute noire, avec les ailes enfumées; c’est la Guêpe Tatou (Tatua morio), type d'un genre particulier à raison de sa tête plus large que le thorax, de son abdomen ayant un long pédicule formé par le premier anneau tout entier, et de quelques autres caractères moins apparents. Le nid de cette espèce est l'une des étonnantes merveilles de l’archi- tecture des Insectes. M. de Saussure attribue, à la vérité, à la EM, BLANCHARD, LIBHAIKIE GERMER BAILLIÈRES LA GUÊPE TATOU ET SON NID (Tatua morio), race M6. IMPR, DE E, MARTINET, LES HYMÉNOPTÈRES. h17 Guèpe Tatou, un nid analogue à celui de la Guêpe cartonnière ; mais pour lui attribuer la charmante construction que l’on peut voir dans les galeries du Museum et que nous représentons ici, un peu diminuée, nous avons l'autorité d’un voyageur instruit, M. Mellinon, qui explore la Guyane française, et notamment la province de La Mana, depuis nombre d'années. M. Mellinon nous à appris que le nom de Tatou, en usage à Cayenne et ailleurs, venait d’une sorte de ressemblance dans l'aspect du nid de la Guëpe avec la carapace d’un Tatou. Pour leur installation, les Guêpes Tatous commencent par faire choix d’une branche d'arbre droite, à peu près verticale , n'ayant que peu ou point de rameaux. Cette branche devient l'axe et le support du nid. Les rayons, composés d'un nombre d’alvéoles peu considérable, sont fixés chacun à la branche, au moyen d'un pédi- cule très-solide. Les rayons sont assez espacés les uns des autres, et dans le nid que nous avons sous les yeux il y en a dix. Ce qui est la perfection de ce guëépier, plus encore que l'heureuse disposition des petits rayons, c’est la paroi. Que l’on se figure une enveloppe simple, en forme de fuseau, consistant en un papier ligneux, comme gaufré, presque tuyauté transversale ment, ayant ainsi l'apparence d’un tissu travaillé par la main d’un artiste. Que J’on ait à la pensée que ce papier, dont les fibres sont disposées avec une étonnante régularité, est varié de bandes longitudinales, les unes d’un brun rouge, rappelant la teinte de certains bois d’acajou, les autres d’un ton päle, comme le bois de chêne. Que l'on considère que cette enveloppe, rétrécie au sommet et à l'extrémité inférieure; est dans toute sa longueur fortement accolée des deux côtés sur la branche, à laquelle sont fixés les rayons n'offrant qu'une petite ouverture circulaire à l'extrémité inférieure. Que l’on examine à l’intérieur cette gracieuse construction, où l’on voit un espace considérable mé- nagé entre les parois du nid et les rayons qui en sont indépen- dants, où l'on se plait à regarder le demi-jour pénétrant au 27 h18 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. travers des parois et donnant un charme indéfinissable à cette jolie demeure, et l'on ne pourra s'empêcher de rester en admi- ration devant L'art inimaginable des petites Guêpes noires de la Guyane. Nous n'avons pas vu construire cet édifice, et nous restons un peu embarrassé pour dire comment a lieu son accroissement. M. de Saussure, considérant les bandes longitudinales diverse- ment colorées de l'enveloppe, pense que l'enveloppe a été tissée dans le sens indiqué par ces bandes. Dans cette hypothèse, le nid aurait été nécessairement construit du premier coup, tel que nous le possédons. Plus volontiers nous croyons qu'il s’est augmenté successivement de nouveaux rayons, et qu'à chaque accroissement, l'enveloppe a été taillée, puis allongée. Nous sonnmes confirmé dans cette idée par l'examen d'un nid très- analogue de la collection du Museum, dont nous ne connaissons pas l'architecte. Celui-ci, formé d’un papier gris, est très-étroit et d’une longueur énorme, et encore a-t-il été brisé par le bas. Le nombre des rayons est très-considérable, et il parait abso- lument improbable que tous aient été construits simultanément. LES HYMÉNOPTÈRES PRODUCTEURS DE, MIEL (Apides). Entre tous les Hyménoptères, et par conséquent entre tous les Insectes, les espèces nidifiantes qui recueillent le miel et le pollen des fleurs sont les plus parfaites sous le rapport de l'or- ganisation, des plus admirables sous le rapport de leurs con- structions; on dirait aussi les plus étonnantes sous le rapport des instincts et de l'intelligence, si l’on oubliait un peu les Fourmis. vilide Tous les représentants de cette famille des Apides, dont LES HYMÉNOPTÈRES. 419 l'Abeille est le type le plus connu, ont dans leur organisation les indices d’une véritable supériorité sur Les autres Insectes, La centralisation de leur système nerveux est poussée plus loin que chez les autres Hyménoptères; leur appareil respiratoire acquiert un développement exceptionnel, des trachées de leur abdomen se transforment en vastes poches. Leurs appendices prennent des formes spéciales, deviennent des instruments d’une perfection dont on n’a pas d'exemple ailleurs. Selon lestypes, les mandibules sont converties en tenailles pro- pres à diviser le bois, en instruments pour entamer la terre, pour pétrir du ciment, en meules pour malaxer la cire. Chez la plupart des Apides, les mâchoires et la lèvre inférieure, fort longues, délicates, agissent comme une trompe pour humer le miel dans le nectaire des fleurs. Mais ce qu’il y a de plus admi- able dans la conformation des appendices de beaucoup de ces Ilyménoptères, c’est la transformation en quelque sorte de leurs pattes postérieures, notamment des jambes et du premier article des tarses, en instruments propres à la récolte du pollen comme en instruments de travail. Mais les différences sont telles ici, que la généralisation resterait nécessairement vague et qu'il faut examiner chaque type en particulier. Les Apides ont à tous leurs états un régime végétal ; lesadultes se nourrissent de miel; les larves, ayant besoin d’un aliment plus substantiel, sont nourries d’une pâtée composée de miel et de pollen. Les larves de tous ces Hyménoptères, incapables de se mouvoir et destinées à vivre dans d’étroites cellules, réclament des soins maternels absolument comme celles des Guêpes et des Fouisseurs. Parmi les Apides, les uns vivent solitaires, les autres vivent en sociétés, sociétés annuelles, sociétés permanentes. L'existence des espèces solitaires ressemble à celle des Fouisseurs. Une fe- melle seule construit un nid, des cellules, pour loger ses larves, et approvisionne les cellules. Les sociales ont trois sortes d’indi- h20 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. vidus : des neutres ou ouvrières, femelles infécondes, outre les mâles et les femelles fécondes. Dans les sociétés annuelles, une femelle isolée fonde le premier établissement, les ouvrières l’ac- croissent ensuite. Dans les sociétés permanentes, les femelles fécondes ne travaillent jamais; elles sont incapables de travailler, les instruments leur font défaut. Parmi les Apides, il y a aussi, comme parmi les Sphégides, les Crabronides, ete., les espèces incapables, les espèces qui n'ont d'autre instinct que celui de s’introduire dans le nid des espèces laborieuses et de déposer furtivement leurs œufs dans les cellules approvisionnées pour autrui. Ce sont les Parasites. Ainsi, dans la nature, tout ce qui possède est exposé à avoir des parasites, si sa vigilance est mise en défaut. Les Apides que nous allons examiner en premier lieu diffèrent de tous les autres représentants de la famille en ce que leurs pattes postérieures sont impropres à la récolte du pollen. Ils composent la tribu des Osmiines; le genre Osmie (Osma) est le grand genre de cette tribu. Ces Hyménoptères exécutent des tra- vaux devant lesquels il est impossible de ne pas s’extasier. [ls ont des raffinements incroyables dans le choix des matériaux qu'ils prennent pour confectionner leurs cellules, et ces matériaux différent pour les espèces les plus voisines. Comme les autres Hyménoptères nidifiants, ils récoltent le pollen pour en faire la pâtée de leurs larves, et nous venons de voir que leurs pattes, sans élargissement notable, ne peuvent servir à cette récolte. Une disposition simple et très-jolie des poils garnissant la por- tion basilaire de la face inférieure de leur abdomen remplit le but à merveille. Ces poils, assez roides et suffisamment rappro- chés pour retenir les grains de pollen, remplissent l'office de petites tablettes. L'Osmie se frotte contre les étamines des fleurs et en détache le pollen; avec ses pattes, elle le ramasse sur le petit appareil qu'elle porte à son ventre, et retourne à son nid, portant une grosse provision. Son premier soin doit être de LES HYMÉNOPTÈRES. h24 se débarrasser de sa charge; on croirait volontiers que l’In- secte peut y trouver quelque difficulté, si l’on ne connaissait pas les particularités de sa conformation. Ayant appris à les Lil ll pe ; ét Ne | | | po pe ul \ di LA CHALICODOME DES MURAILLES (Chalicodoma muraria). Un mâle au vol. — Une femelle occupée à l'achèvement de son nid. — Une autre femelle en exploration, vue par devant, — Un nid totalement achevé, connaître, il sera aisé de comprendre comment, en peu d’in- stants, l’'Hyménoptère a entassé dans sa loge tout le pollen ap- porté. L’Osmie est pourvue d’une brosse placée sous le premier L22 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. article de ses pattes postérieures; avec la facilité que ces pattes ont de se plier en dedans, la brosse remplit son office; elle fait tomber non-seulement tout le pollen logé sur les tablettes spé. ciales, mais encore celui qui s’est attaché aux poils de toutes les parties du corps. Sous ce rapport, toutes les Osmiines agissent de lamême façon ; mais elles n’agissent pas de la même manière pour construire, et de ce côté est la partie vraiment intéressante de leur histoire. Une des Osmies les plus communes en France, aux environs de Paris, est l’Abeille maçonne de Réaumur. Cette espèce, qui a un corps massif, des mandibules fortes, avec quatre dents peu prononcées, est devenue le type du genre Chalicodome. Ce nom signifie maison de pierre : il n’a pas été mal choisi. L’Abeille ma- conne femelle est entièrement d’un noir terne et velue ; le mâle, toujours plus petit, est revêtu d’une pubescence rousse; seule, l'extrémité de son abdomen reste noire. Les naturalistes l'ap- pellent la Chalicodome des murailles (Chahcodoma muraria). Les constructions de cet Hyménoptère sont des plus remar- quables. Continuellement, on découvre sur des murs exposés au midi des plaques terreuses de forme ovalaire, que l’on peut prendre aisément pour de la boue lancée contre la muraille, puis desséchée. Si l’on veut bien examiner de près ces sortes de pla- ques assez régulièrement voûtées, on s'aperçoit qu'elles ont une dureté à défier le ciment romain, et qu’elles sont constituées non point par de la boue, mais par du gravier et de la terre mé- langés. On doit bientôt constater, après un examen même assez superficiel, que la présence de ces plaques voûtées n’est pas due au hasard. L’adhérence à la pierre de cette composition de terre et de gravier est incroyable. Le marteau et le ciseau sont indis- pensables pour l’en détacher. Nous avons sous Les yeux, dans ces objets d'aspect grossier, des nids de la Chalicodome des murs, constructions volumineuses exécutées avec un art consommé par un Hyménoptère seul, à la fois architecte et ouvrier. LES HYMÉNOPTÈRES,. h23 Ces travaux de la Chalicodome commencent au mois de mai. c’est-à-dire peu de temps après sa naissance. Une femelle explore une muraille et fait choix d’un emplacement. Fixée sur ce point, elle va à la recherche des matériaux, et, si vous la suivez avec patience, vous la verrez s’arrêtant sur un terrain rempli de gra- viers. Avec ses mandibules, notre Insecte saisit de petits graviers d’une certaine dimension, il dégorge un peu de salive, y réunit des grains de terre, et agglutine ainsi terre et gravier, pour en former le mortier qu'il doit employer à bâtir. Une petite masse se trouvant bien pétrie, il s'envole avec son fardeau, et retourne LE NID DE LA CHALICODOME DES MURS, DÉTACHÉ ET VU À L'INTÉRIEUR à son mur appliquer cette première quantité de ciment. Le même manége se renouvelle nombre de fois ; enfin la masse de mortier étant jugée suffisante pour commencer le travail, la Chalicodome se met à gâcher sa terre, et si bien elle la pétrit en l’humectant de salive, que, dans l’espace d’une journée, une première cellule est construite. Mais cette cellule reste ouverte sur une certaine étendue, l'Hyménoptère y a pénétré plusieurs fois pour en lisser les parois. À ce moment, un autre soin doit l’occuper, il s'agit de procéder à l’approvisionnement de cette loge. La Chalicodome a récolter sur les fleurs miel et pollen; l'un avec l’autre est h24 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. mêlé, et il en résulte la pâte sucrée qui constitue la nourriture de toutes les larves d’Apides. La provision étant complète et rem— plissant presque en entier la cellule, un œuf est déposé. Notre Hyménoptère mure cette loge, et tout aussitôt se met à en construire une seconde tout auprès, puis une troisième, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il y en ait huit, dix, douze ou même da- vantage. Ces loges sont placées assez irrégulièrement et ne sont pas en même nombre dans tous les nids. Toutes les cellules construites, approvisionnées et hermétiquement closes, le travail n'est pas encore achevé; l'Hyménoptère façonne une couverture générale, une sorte de toit pour lequel il recueille des graviers plus gros que ceux qui sont entrés dans la composition du mortier destiné à la fabrication des cellules. La paroi exté— rieure du nid se trouve avoir une épaisseur énorme et la du- reté prodigieuse dont nous avons parlé et qui n'est pas le carac- tère le moins curieux de ce genre de construction. Les larves vont vivre dans l'abondance, ef, autant qu'il est possible de l’ima- giner, à l'abri du danger. Au terme de leur croissance, elles s'emprisonnent encore dans une coque d'un tissu papyracé et comme vernissé. Leur transformation en nymphe s'effectue et les Insectes adultes éclosent. Comment pourront sortir de leur de- meure les nouvelles Chalicodomes? Parviendront-elles à percer ce ciment plus dur que la pierre, et que les coups de marteau ne brisent pas toujours ? On l’a cru, et Réaumur tout le premier ; mais c'est une erreur. Tout est prévu pour ne pas donner de peines infinies aux Abeilles maçonnes voulant venir à la lumière. Quand la voûte du nid a été construite, une échancerure a été ménagée au bord inférieur, au voisinage d’une cellule, de celle dont l'habitant est destiné à sortir le premier : c'est une sorte de porte simplement masquée par une terre assez friable. L'in- stinct de l’architecte confond notre raison, et cet architecte n’o— béit-il en toutes circonstances qu'à un instinct aveugle? Lui, si attentif à choisir et son emplacement et ses matériaux, paraissant if és. 0 m'h CuRARS Can Cons : Éc fs “© Lu fe ss D LES HYMÉNOPTÈRES, h25 à chaque instant examiner l'état de son travail, agit-il comme la machine montée, exécutant son mouvement uniforme ? Que l’on en juge par plusieurs faits de l’histoire de notre Chalico- dome. Possédant exclusivement des facultés instinctives, elle de- vrait accomplir toujours le même travail, le commencer et le finir de la même façon. Ce n’est pas ce qui a lieu. Des nids plus ou moins délabrés, contenant à l'intérieur des coques aban- données, des dépouilles de nymphes, ayant les parois des cel- lules plus ou moins brisées, restent attachés aux murailles. Des Chalicodomes, dans leurs explorations, reconnaissent ces vieux nids, et ne manquent pas alors de s’épargner leur be- sogne habituelle en en prenant possession. Elles ont donc com- pris qu'elles s'éviteraient beaucoup de fatigues. Un pareil sen- timent ne saurait être mis au compte de l'instinct. Ce n’est pas tout, cependant. Lorsqu'une Abeille maçonne s'empare ainsi de ce que nous appellerions une masure, s'il s'agissait d’une habi- tation construite par la main des hommes, elle est obligée de se mettre à un genre de travail bien différent de celui de l’Insecte qui bâtit son nid de toutes pièces. Il lui faut procéder à un net- toyage intérieur, enlever les débris des coques, les dépouilles de larves et de nymphes et toutes les saletés possibles. Il lui faut ensuite réparer les brèches, boucher les ouvertures ; en un mot, se rendre compte de la situation des détails et de l’ensemble. Peut-on estimer qu'aucun raisonnement n’est nécessaire en telle occurrence ? Il y a mieux encore; il arrive parfois qu'une Abeille ma- çonne paresseuse songe à voler autrui; elle pénètre dans le nid en construction d'un autre individu, et, trouvant l'endroit à son gré, cherche à s’y maintenir par la force. Réaumur a bien tracé d’après l’étude d’un autre naturaliste ce côté curieux des mœurs de la Chalicodome des murs. « Ces observations, dit-il, nous apprennent de plus que l’esprit » d'injustice ne nous est pas aussi particulier qu'on le croit; 126 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. » qu'on le trouve chez les plus petits animaux comme chez les » hommes; que, parmi les Insectes comme parmi nous, on veut » usurper le bien d'autrui et s'approprier ses travaux. Pendant » qu'une Mouche étoit allée se charger de matériaux pour ajou- » ter ce qui manquoit à une cellule, M. du Hamel a vu plus » d’une fois une autre Mouche entrer sans façon dans cette cel- » lule, s'y tourner et retourner en tous sens, la visiter de tous » côtés, travailler à la ragréer comme si elle lui appartenoit. La » preuve qu'elle le faisoit à mauvaise intention, c'est que quand » la vraye maitresse arrivoit chargée de matériaux, la place qui » lui étoit nécessaire pour les mettre en œuvre ne lui étoit point » cédée par l’autre; elle étoit obligée de recourir aux voyes » violentes pour se conserver la possession de son bien; elle » étoit forcée de livrer un combat à l’usurpatrice, qui étoit » prête à le soutenir. » Avec un peu de patience chacun peut voir aisément les faits que nous venons de rapporter au sujet des Chalicodomes, et se procurer un agrément fort instructif. Rien n’est plus digne des méditations du philosophe que ces manifestations de l'instinct et de l’intelligence des petits animaux, que ces actes de leur part, qui, parmi les hommes, seraient jugés les uns louables et les autres méprisables. Des individus d’une même espèce, chez les Hyménoptères industrieux, semblent n'avoir pas tous les mêmes penchants : les uns, courageux, travaillent honnêtement; les autres, paresseux, préfèrent ne pas travailler, et accaparer, soit par la ruse, soit par la force, la propriété d'autrui. Restera-t-il longtemps encore des gens assez ignorants pour voir dans les animaux de véritables machines, et ne rien comprendre à la grandeur de la création ? Ces réflexions seraient à leur place dans une foule de chapitres de l’histoire des animaux; elles se présentent ici naturellement, parce que le sujet est l’un des mieux connus et l’un des plus faciles à connaître pour quiconque veut s'instruire. LES HYMÉNOPTÈRES, 14127 D'autres espèces de Chalicodomes, et notamment la Chalico- dome de Sicile (Chalicodoma sicula), bâtissent leurs nids sur les branches d'arbres ou autour des tiges. Les véritables Osmies se donnent infiniment moins de travail que les Chalicodomes ; s’établissant dans des trous de murailles, de talus où même dans le bois, elles n’ont à fabriquer qu'une très-petite quantité de mortier pour les parois de leurs cellules, ss } Pen, | ! L'OSMIE DORÉE ET SON NID (Osmia aurulenta). toujours bien polies à l’intérieur. Quelques Osmies s'emparent parfois de toute cavité qu'elles rencontrent. En Algérie, des coquilles d'Hélices dont le propriétaire n'existe plus, sont sou— ventchoisies par quelques-uns de ces Hyménoptères pour berceaux . de leur postérité. Avec de la terre et de la bouse de vache, l'In- secte construit ses cellules dans la coquille de l'Hélice. Il est des espèces qui préfèrent le bois : l'Osmie dorée (Osmia 128 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. aurulenta) recherche des tiges sèches de la Ronce, les évide, puis construit ses cellules les unes à la suite des autres avec une petite quantité de mortier. Ici le travail est bien simple, si on le compare à celui de la Chalicodome des murs et de tant d'autres Apides. Autrefois il y avait des villages entiers où les habitations étaient couvertes de chaume. Toute une végétation poussait sur les toits des maisons rustiques, des Insectes y trouvaient des éta- blissements commodes. Ceux dont les souvenirs peuvent remon- ter à trente ans en arrière, n’ont pas oublié ces charmants ha- meaux si simples et si pittoresques avec leurs chaumes moussus ; ceux qui observent de près se souviennent que souvent chaque brin de chaume des humbles toitures était le berceau d'une nombreuse famille. Les maisons couvertes en chaume ont beau- coup diminué, mais il y en a encore, il y a les granges. Des Osmies de petite taille, caractérisées par de longues mandibules étroites et échancrées à l'extrémité comme par leurs palpes maxillaires de trois articles, trouvent des galeries commodes dans la paille fixée dans une situation horizontale. On les ap- pelle des Chélostomes : leur taille est bien minime, puis- qu'un fétu de paille est pour eux une spacieuse galerie. Le petit Hyménoptère a des mandibules admirablement construites pour entailler cette paille. Il évide bien proprement l'intérieur, et cette première besogne faite, il s’en va comme les autres Osmies à la recherche des matériaux nécessaires à la fabrication du mortier. Dans ce brin de chaume, il y aura une suite de loges bien maçonnées. Tout ce travail du Chélostome, la maçonnerie, l'approvisionnement des cellules, n’ont rien de plus extraordi- naire que les travaux des autres espèces du même groupe, mais ici cependant tant d’habileté, tant de sollicitude maternelle de la part d’un Insecte pour lequel le tuyau d’une paille est une galerie dans laquelle s'élèvent des murailles, impressionne da- vantage. Du côté matériel, c’est l’exiguité qui porte au dédain; LES HYMÉNOPTÈRES. h29 du côté où l'on sent l'intervention d’une intelligence suprême, c’est la grandeur qui porte à l'admiration. Et puis il n'est pas sans charme de voir au village cette pauvre demeure d’une petite famille humaine, qui est la demeure de centaines de familles d'êtres dont la présence n’est pas même soupçonnée, familles où les mères sont laborieuses et pleines d'une sollicitude sans pareille, quand il s’agit d’assurer le sort d'une postérité qu’elles ne verront jamais. Les Chalicodomes, les Osmies, sont certes des Insectes fort habiles, mais encore n’ont-ils pas les raffinements que nous offrent les Mégachiles, les Anthocopes, les Anthidies. Les Mégachiles, leur nom fait allusion à la grande longueur de leurs mandibules, ont été appelées par Réaumur, les Cou- peuses de fewlles. Ces Hyménoptères, en effet, coupent les feuilles; des mandibules pourvues de quatre dents parfaitement tranchantes leur ont été données pour cet usage. La plus répandue des Mégachiles est la Centunculaire (Mega- chile centuncularis) ; c’est elle qu’il faut voir à l’œuvre. Elle vole dans les jardins, mais on la remarque peu. Plus petite qu'une Abeille, noire, avec des poils roux sur le thorax, un duvet blanc sur la têle, un duvet semblable formant un liséré aux trois premiers anneaux de l'abdomen chez la femelle, à tous les anneaux chez le mâle, rien dans cette humble apparence ne permet de soupçonner un être doué des plus curieux instincts. Dans la terre battue, notre Mégachile creuse un trou perpen- diculaire, et après avoir atteint une profondeur de quelques cen- timètres, elle pratique une galerie horizontale d’une assez grande longueur. C'est l'endroit destiné à l'établissement des cellules. Jusqu'ici rien d'extraordinaire, ce sont les procédés de la plu- part des Sphégides, des Crabronides, des Apides solitaires, ete., et l'on pourrait simplement s'attendre à voir s’élever dans la ga lerie des cloisons de terre pour former des loges particulières. Notre Hyménoptère fait tout autre chose. Se transportant sur les en OT TT PT 7 7 2-2 Les p. Lis ide 2: L'ait “ md 430 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Rosiers, il se pose sur le bord d’une feuille, soit en dessus, soit en dessous, et coupe un assez large morceau de cette feuille avec ses mandibules, comme on le ferait avec une paire de ciseaux. L'Insecte va très-vite : en le voyant cramponné à la portion de feuille qu'il veut détacher, on s’attendrait à le voir tomber avec son fardeau au moment où le morceau va être entièrement coupé; il n’en sera rien, car il agite déjà ses ailes, et, dès que la pièce ne tient plus, il s'envole, la tenant entre ses pattes et ses man- dibules. La Mégachile coupera ainsi dix, douze morceaux de feuilles de taille inégale, et les transportera au fond de sa gale- rie, Avec une merveilleuse habileté, elle contourne les différentes pièces, sans doute en les appuyant contre les parois de sa galerie, elle les imbrique les unes avec les autres, les superpose, et confec- tionne ainsi une sorte de godet dont le fond est un peu plus étroit que l'orifice, et qui, pour la forme, est comparé, à juste titre, à un dé à coudre. Les divers morceaux de feuilles ne sont nulle- ment collés ; mais leur ajustement est si parfait, qu'ils se main- tiennent sans difficulté et se pressent d'autant mieux que s'opère la dessiccation. Hé bien, ce joli godet, profond de 8 à 10 milli- mètres, est une cellule, une loge pour une larve de la Coupeuse de feuilles. L'Hyménoptère approvisionne sa loge avec la pâtée ordinaire composée de miel et de pollen, puis il pond un œuf. [l ne s'agit plus que de murer la loge : les feuilles de Rosier donneront encore les matériaux de la elôture. La Mégachile va couper un morceau bien circulaire du diamètre convenable, et vient l'appli- quer sur l’orifice du godet, poussant suffisamment son bord contre les parois de la loge pour que la fermeture soit complète. Cependant notre intelligente ouvrière ne s'en contente pas, le miel s'écoule facilement par un espace étroit; elle va encore tailler au moins deux opereules semblables au premier, pour renforcer celui-ci. Les petits godets de la Mégachile sont clos ainsi par trois couvercles superposés, quelquefois par quatre. ”- race 430, EM, BLANCHARD IMPR, DE E, MARTINET, LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE, LES MÉGACHILES CENTUNCULAIRES ET LEURS NIDS (Megachile centuncularis), 18 : + # - 7. " À i Se TE NRC TT PATES Er | t ' Ca : _ } à + 4 Le +) L 1 + “À . LU h { x F- . < r - " ] k : pr) PER à nl , ‘ Ee k L Vi, *, = Be à ee ne nn à . LES HYMENOPTÈRES. u31 Une seconde cellule est construite de la même manière, dont le fond se loge dans l'ouverture de la première, et ainsi de suite d’une troisième, d'une quatrième, etc. On trouve ordinairement une série de huit ou dix de ces jolies petites loges, offrant à l'extérieur l'aspect d’un long tuyau. Nous tenons du docteur Sichel, auquel on doit nombre d’intéressants travaux sur les Hyménoptères, les nids de la Mégachile représentés sur la planche voisine. Quand la Coupeuse de feuilles a achevé l’approvisionnement de toutes les cellules qu'elle a construites, elle mure son trou avec la terre rejetée au dehors, et elle le ferme si bien, qu'il est presque impossible d'en apercevoir la trace. Réaumur, qui a décrit avec son exactitude ordinaire les habi- tudes de la Mégachile, raconte au sujet des nids de cet Insecte une jolie historiette. « Dans les premiers jours de juillet 1736 », dit-il, «le seigneur d’un village proche des Andelis vint voir M. l'abbé » Nollet accompagné entr’autres domestiques d’un jardinier qui © » avoit l'air fort consterné. Il s’étoit rendu à Paris pour annoncer » à son maitre qu'on avoit jeté un sort sur sa terre. Il avoit eu » le courage, car il lui en avoit fallu pour cela, d'apporter les » pièces qui l'en avoient convaincu et ses voisins, et qu’il eroyoit » propres à en convaincre tout l'univers. IL prétendoit les avoir » produites au curé du lieu, qui n’étoit pas éloigné de penser » comme lui. À la vue des pièces, le maitre ne prit pourtant pas » tout l’effroi que son jardinier avoit voulu lui donner; s’il ne » resta pas absolument tranquille, il jugea au moins qu’il pouvoit » y avoir du naturel dans le fait, et il crut devoir consulter son » chirurgien : celui-ci, quoique habile dans sa profession, ne se » trouva pas en état de donner des éclaircissements sur un sujet » qui n'avoil aucun rapport avec ceux qui avoient fait l'objet de » ses études; mais il indiqua M. l'abbé Nollet comme très- » capable de décider si l'histoire naturelle n’offroit point quelque » chose de semblable à ce qu'on lui présentoit. Ce fut done sa h32 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. » réponse qui valut à M. l'abbé Nollet une visite qui a servi à » m'instruire. Le jardinier ne tarda pas à mettre sous ses yeux »ces rouleaux de feuilles qu'il n’avoit pu soupçonner être faits »que par main d'homme, et d'homme sorcier. Outre qu'un » homme ordinaire ne lui sembloit pas capable d'exécuter rien » de pareil, à quoi bon les eût-il faits, et à quel dessein les eùt-il » enfouis*dans la terre de la crête d’un sillon : un sorcier seul » pouvoit les avoir placés là pour les faire servir à quelque ma- » léfice. » L'abbé Nollet assura le brave homme que ces jolis ouvrages étaient faits par des Insectes, et comme preuve, il tira un gros ver de ces rouleaux. « Dès que le paysan l’eut vu », pour- suit Réaumur, «son air sombre et étonné disparut : un air de » gayeté et de contentement se répandit sur son visage, comme » s’il venoit d'être tiré d’un affreux péril.» La visite finie, l'abbé Nollet n’eut rien de plus pressé que d'apporter à Réaumur les rouleaux qu'il avait eu soin de retenir, et les jolis rouleaux devinrent le sujet d’un beau mémoire. On nous assure que notre Coupeuse de feuilles du Rosier, se trouvant en quelques endroits de la Russie où n'existe pas de Rosiers, fait son nid avec des feuilles de Saules ou d’Osiers. Uné espèce de Mégachile (M. pyrina) choisit des feuilles de Poirier, une autre (M. cincta) des feuilles de Bourdaine. D’autres Osmiines voisines des précédentes, mais faciles à dis- tinguer à leurs mandibules tridentées et à leurs palpes de quatre articles, ont encore de plus grands raffinements dans la confection de leurs cellules : ce sont les Abeilles tapissières de Réaumur ; pour les naturalistes modernes, les Anthocopes ou les Coupeuses de fleurs. L’Anthocope du Pavot (Anthocopa Papavenis), qui est assez commune dans notre pays, est une petite espèce velue, noi- râtre, avec du duvet blanc au bord des anneaux de l'abdomen. La femelle creuse dans les terrains secs et arides des trous per- pendiculaires d’une profondeur de quelques centimètres. Le tuyau achevé, ses parois rendues bien unies, la première partie LES HYMÉNOPTÈRES, h3: LES ANTHOCOPES ET LEUR NID (Anthocopa Papaveris). nd ns mo Dé "nd 162 Bat 2 Less v'hdnatf A à def : L v”_ nn. h34 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. du travail seule est faite ; il s’agit maintenant pour l'Anthocope de poser les tentures, et quelles tentures ! les plus délicates, les plus somptueuses que l'on puisse imaginer. Les pétales des fleurs de Coquelicot doivent en faire les frais. La petite Abeille solitaire va done aux champs et coupe des morceaux de pétales des Coque- licots les plus frais, les plus nouvellement épanouis. L'Insecte emporte sa pièce d’étoffe : celle-ci, introduite dans le trou, se trouve un peu chiffonnée, mais notre fapissière sait s'y prendre; l'appliquant contre la paroi, elle l'étend de façon qu'il ne reste pas un pli. Pour que la tapisserie forme une paroi un peu résis- tante, l'Anthocope superpose successivement trois ou quatre pièces d’étoffe, et de cette façon se 'ouve constitué un joli petit godet capable de recevoir la pâtée miellée. La cellule approvi- sionnée, l'œuf pondu, il ne s’agit plus que d'opérer la clôture. lei encore l’industrie du petit Hyménoptère commande l'admiration; il ne faut pas que la terre qui va servir au remblai puisse entrer dans la loge. L'Insecte commence donc par replier la partie supérieure des morceaux de Coquelicot, procédant absolument comme nous procédons lorsque nous voulons fermer un sac. Getle opération faite, la terre est poussée de manière à combler le trou et à ne laisser aucune trace extérieure de la présence du joli nid. L'Anthocope construit ainsi autant de loges isolées qu'elle a d'œufs à pondre; on voit par là que sa vie est bien occupée. Les habitudes des Osmiines sont si variées et toujours si curieuses, qu'on voudrait esquisser l’histoire de chaque espèce. Citons encore les Atithidies, moins velues que les autres Osmies et ornées de taches et de bandes jaunes ou roussâtres, et, surtout aractérisées par leurs palpes maxillaires très-petits, formés d'un seul article. Ces charmants Hyménoptères ont aussi des délica- tesses particulières dans la construction de leurs nids. Ds les éta- blissent au pied des arbres, ou dans des fissures de rochers, édifiant près les unes des autres douze ou quinze cellules avec un fin duvet, et notamment avec la bourre recueillie sur les fruits des PPT ET PT, NO I ET PR PE a A LES HYMÉNOPTÈRES. 435 Molènes où Bouillons-blanes. Certaines espèces du même genre fabriquent leurs cellules avec de la cire, mais jusqu'ici nous ne savons pas bien si cette matière est produite comme chez les Abeilles. Les espèces d’une tribu de la famille des Apides, les André- nines, se distinguent de tous les autres représentants de la famille par leurs mâchoires et leur lèvre inférieure fort courtes. Ce sont des Hyménoptères d'une forme plus élancée que les Osmies, que les Anthophores, que les Abeilles, ayant les jambes postérieures couvertes de longs poils servant à la récolte du pollen. Les véritables Andrènes, qui, avec le premier article des tarses très-court, ont des antennes longues et les ocelles disposés en triangle sur le front, se contentent d'établir des cellules en creu- sant la terre dans les endroits bien exposés au midi. Les Halictes, ayant les ocelles placés sur une ligne courbe, les antennes beaucoup plus longues dans les mâles que dans les femelles, l'abdomen ceinturé par une bordure à chacun des anneaux, se comportent comme les Andrènes. D'intéressantes observa- tions ont été faites à leur sujet, il y x juste un demi-siècle, Dis Walckenaer. Les Dasypodes, Andrénines remarquables par le premier article de leurs tarses fort long et tout couvert de poils, et par leurs antennes arquées dans les mâles, creusent des trous pro- fonds le long des sentiers. L'espèce la plus commune dans une grande partie de l'Europe centrale (Dasypoda hirtipes) fait d’or- dinaire sa récolte de pollen sur les plantes de la famille des Chicoracées, avec une extrême rapidité, à l’aide des grands poils qui garnissent son corps et surtout ses pattes postérieures. Des Hyménoptères de la même division, chez lesquels le premier article des tarses postérieurs, tout en étant très-long, est dégarni de poils, les Collètes, confectionnent des cellules avec une sub- stance particulière. La Collète hérissée (Colletes hrta), longue de 12 à 14 millimètres, noire et hérissée de poils roides d’un roux h36 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. brun, ayant creusé un tube, ou ayant pris possession:d'une ca- vité à sa convenance, dégorge une sorte de gomme liquide qui, se solidifiant à l'air, prend l'apparence d’une membrane. L'In- secte emploie cette substance à fabriquer ses loges, et comme il en place plusieurs à la suite les unes des autres, les nids ressem- blent à de petits cylindres. On sait peu comment se fabrique cette substance dégorgée par la Collète ; sans doute à l’aide de certaines matières végétales triturées et plus ou moins modifiées par la salive. Des Apides solitaires, dont les mâchoires et la lèvre inférieure sont fort longues, dont les jambes postérieures sont dilatées en forme de palette, dont le premier article du tarse, également élargi, est garni d’une brosse en dessous, constituent l'imtéres— sante tribu des Anthophorines. Dans cette division, les espèces, en général d’assez forte taille, sont extrêmement nombreuses. Beaucoup d’entre elles, habitant les régions intertropicales, n’ont pas été observées dans leurs travaux, mais plusieurs de nos espèces indigènes ont été bien étudiées. Pendant l'été, tout le monde remarque dans les jardins, dans la campagne, le Xylocope violet (Xylocopa violacea), \' Abeille perce- bois, l'Abeïlle charpentière de Réaumur, gros Hyménoptère d'une taille au moins égale à celle de nos plus grands Bourdons, au corps entièrement noir, velu, avec les ailes violacées. Le Xylo- cope, voulant édifier son nid, se met à la recherche de bran- ches mortes ou de pièces de bois qu’il pourra creuser sans de trop grandes difficultés. Notre gros Hyménoptère, ayant fait son choix, pratique un trou; travail long, pénible, si le bois est dur, pour l’Insecte obligé de ronger chaque parcelle avec ses mandi- bules. L'opération peut demander plusieurs semaines, un trou de Xylocope ayant souvent la profondeur de 30 à 35 centimètres. Mais si l'Abeille perce-bois a rencontré une galerie pratiquée dans un arbre, dont les habitants ont disparu, si elle trouve même un tube quelconque d’un diamètre convenable, elle s'en LES HYMÉNOPTÈRES. 437 empare. Dans tous les cas, une fois le local acquis, l’Hyméno- ptère établit ses cellules, en fabriquant des cloisons avec de la sciure de bois qu’elle agglutine au moyen de sa salive, LA I | ul | j HE hi ul L Lu À \ LL. | ll fl LE XYLOCOPE VIOLET (Xylocopa violacea ). Chez les Anthophores, dont la conformation diffère peu de celle des Xylocopes, les mandibules sont étroites, pointues et munies d’une seule dent au bord interne. Ces Insectes abondent surtout dans les parties chaudes de l'Europe et de l'Afrique. 138 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Appelés par Réaumur du nom d’Abeilles sohtaires, ils rap- pellent beaucoup, en effet, nos Abeilles domestiques dans leur apparence générale, malgré une taille plus forte et une villosité plus longue et mieux fournie. Une des espèces les plus com- munes, est l'Anthophore des murailles (Anthophora partehna), Insecte noir, revêtu d’une pubescence grise, ayant les derniers anneaux de l'abdomen roussâtres. Celle-ci pratique habituel- lement des trous entre les pierres des vieux murs. Tout le sable détaché est aggloméré avec une salive visqueuse et fixé au de- hors du trou sous la forme de petits rouleaux. L'entrée du nid commence done par avoir un vestibule, mais le nid achevé et approvisionné, les matériaux du tube extérieur sont repris pour murer l’orilice. D’autres Anthophores qui s’établissent dans des talus rejettent au loin tout ce qu'ils déblayent; ils n’ont pas à craindre de ne plus trouver près d’eux de matériaux pour murer l'entrée de leur nid. Nous avons eu l’occasion de faire représenter une espèce d’Anthophore sous ses divers états. Pendant l'été de 1866, M. le docteur Dours (d'Amiens) et M. le colonel russe Radoschkovski, deux amis des Hyménoptères, faisant une excursion aux environs d'Amiens, s’arrêtèrent devant un talus fréquenté chaque année par l’Anthophore aux pieds fauves (Anthophora personata). Un coup de pioche donné dans le terrain mit à découvert un nid de l’Abeille solitaire. Le nid se compose de cinq ou six loges par- faitement maçonnées, s’ouvrant dans une galerie de longueur médiocre. Dans chaque loge repose, soit une grosse larve, soit une nymphe. La larve de l’Anthophore, qui demeure couchée sur le côté, est assez épaisse, surtout en arrière, et son corps est recourbé en avant; elle ne paraît nullement éprouver le besoin de changer de position de temps à autre. Ne poursuivons pas davantage cette histoire des Abeilles soli- taires, nous aurions à répéter des faits de détail analogues à ceux dont plusieurs fois il a été question, mais un moment, considérons EM, BLANCHARD, PAGE 438, LIBRAIUE GERMER DAILLIÈRE, MÉTAMORPHOSES DE L'ANTHOPHORE (Anthophora personata), IMPR, DE E, MARTINET+ AUX PIEDS FAUVES EE de sut ui k ù De > £ ; à r F— *- : . , - u ; ' ri . Le } 4 u le (Ne Me r} 72 ’ 1 e | | = ; Ne k es ‘ k F . = = | 1 L - + + * à x : 4 , (l $ . * 0 ‘ L g n « ra ve L # y és 4 Le Ê nd où “ra ln lab té ie “ie ei, far dei me NÉ ét dé, Don de NÉ SSSR D LES HYMÉNOPTÈRES. 439 les Apides parasites. On a réuni ces parasites en un groupe par- ticulier, en une tribu, les Nomadines. Cette réunion, peut-être, n’est due qu’à des lacunes dans nos connaissances. Il existe des Nomadines parasites, les unes des Osmies, les autres des Andrè- nes, les autres des Anthophores, et ces divers Parasites ressem- blent, à beaucoup d’égards, aux espèces chez lesquelles ils s'introduisent, ils en ont plus ou moins l'aspect général, la coloration. Aussi ne voudrions-nous pas, en l’état actuel, affir- mer que les Nomadines des Anthophores n’ont pas avec les An- thophores des relations de conformation plus étroites qu'avec les Nomadines des Andrènes. Seulement, on est frappé davantage par les analogies que présentent entre eux tous ces parasites. En effet, ces Insectes ont les pattes postérieures simples, sans dila- tations, sans faisceaux de poils qui les rendent propres à la récolte du pollen, sans aucune disposition d’une autre partie du corps pouvant y suppléer. Pour eux, point d'instruments, point de travail. Leurs mäâchoires et leur lèvre sont fort courtes; ils n’ont nul besoin de se gorger de miel, ce n’est pas à leurs efforts qu'ils doivent demander la nourriture de leurs jeunes. Les vraies Nomades, Hyménoptères aux formes assez sveltes, presque glabres, ressemblant par leurs couleurs noires ou brunes, variées de jaune, à de petites Guêpes, sont les plus abondamment répandues. Elles déposent leurs œufs dans les nids des Andrènes. Le type du genre Prosopis, Insecte noir, orné de taches blan- ches (Prosopis signata), s'introduit dans les nids des Collètes. Les Mélectes au corps massif, velu comme celui des Anthophores, sont les parasites de ces derniers. Les mœurs des Apides solitaires offrent déjà un intérêt excep- tionnel dans l’histoire des animaux, mais les mœurs, les instincts, l'intelligence des espèces sociales, fournissent encore de plus grands sujets d'admiration. Les Apines, c’est-à-dire la tribu qui comprend le genre des Bourdons, le genre des Abeilles, le genre h40 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, des Mélipones, nous apparaissent comme les Insectes les plus excellemment doués sous tous les rapports. Ces Hyménoptères n’ont pas, ainsi que les autres Mellifères, à aller chercher des matériaux de construction, leur organisme leur fournit la substance la plus parfaite pour façonner des loges, des cellules, des alvéoles, comme il plaira de les appeler : la cire. Pour mettre en œuvre cette matière précieuse, les plus jolis instruments que l’on puisse trouver chez les Insectes ont été donnés aux Apines, et en même temps les instruments les plus complets pour la récolte du pollen. Chez les Apines, les mandibules présentent à leur extrémité une surface plane, elles doivent fonctionner à peu près comme des meules, afin de malaxer la cire; les mâchoires et la lèvre ont une grande longueur pour leur permettre de pomper le miel au fond des fleurs; les jambes des pattes postérieures présentent un élargissement considérable et à leur face extérieure une petite cavité ovalaire : c’est la corbeille destinée à recevoir la provision de pollen; le premier article du tarse des mêmes pattes offre une extrême dilatation au côté externe, c’est-à-dire en dehors de son articulation avec la jambe. La forme générale de cet article est une palette carrée; extérieurement, sa surface est lisse, c’est une sorte de truelle indispensable pour façonner les parois des alvéoles ; à la face interne, c’est une brosse servant à l’Insecte à débarrasser son corps de tout le pollen qui s'y est attaché. Ces instruments sont modifiés seulement dans quelques détails entre les divers types composant la tribu des Apines. Chez les Bourdons (Bombus), les jambes postérieures sont pour- vues, à l'extrémité, de deux épines servant à saisir les lames de cire engagées entre les anneaux de l'abdomen. Est-il utile de parler de l'aspect de ces Insectes? Tout le monde ne connaît-il pas les Bourdons, les gros Hyménoptères tout velus, ayant des couleurs généralement assez vives, faisant entendre, pendant dé né ol cm Vs” cod ien dt fat er D à a de mnt L MM solos AVE dre Pains OCR ES. AS RS de did 2 sain ls LES HYMÉNOPTÈRES. nn leur vol, le bruit très-sonore qu'on appelle le bourdonnement, le son caractéristique produit par le Bourdon. Les Bourdons d'Europe sont au nombre d’une trentaine d’es- pèces. Comme tous les animaux ayant des couleurs noires, jaunes, rousses, mélangées, empiétant plus ou moins les unes sur les autres, ils offrent de nombreuses variétés individuelles. Ces variétés ont jeté dans l'erreur plusieurs des naturalistes qui se contentent de tracer des descriptions, sans étudier la vie des êtres dont ils ont la prétention de donner l’exact signalement. A cet égard, le docteur Sichel, préférant observer ces Hyménoptères dans leurs nids, a rendu le service de préciser leurs caractères. Les Bourdons constituent des sociétés annuelles qui commen- cent, grandissent et finissent comme celles des Guëpes. Au printemps, après un long hivernage, une femelle féconde se fait ouvrière et établit les premiers fondements de la cité future. Bien- tôt elle se trouve entourée d’un peuple d’ouvrières qui s'occupe d'agrandir le domicile. Les habitudes de ces curieux Hyméno- ptères avaient été étudiées par Réaumur, elles l’ont été de nou- veau, et avec un grand succès, par l’admirable historien des Fourmis, Pierre Huber. Dans notre pays, plusieurs espèces de Bourdons sont com- munes, le Bourdon des Mousses, le Bourdon des jardins, le Bourdon terrestre, le Bourdon des pierres. Le Bourdon des Mousses (Bombus Muscorum) est une de nos espèces les moins grosses; son corps noir est couvert de longs poils formant une épaisse toison d’un jaune roux vif. La nuance varie, il est vrai, entre les individus, mais en général la teinte Jaune de l’abdomen est assez claire, celle du thorax d’un blond roux ou fauve assez intense. Sans cesse on voit le Bourdon des Mousses butiner sur les fleurs pendant la belle saison ; son nid, très-joli, n'ayant jamais une population bien considérable, com- paré à la demeure des Abeilles, est, d’après le sentiment de Réaumur, une simple habitation villagcoise. RL 2. LOS den orme 2 Et à TT TT © à I PCT 2 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Les nids de cet Insecte ne sont pas rares, et cependant il est assez malaisé de les découvrir. Établis au milieu des champs, placés dans de petites cavités ou sur les parties déclives du sol, cachés, perdus au milieu des herbes, des trèfles, des sainfoins, il faut suivre un Bourdon à la piste pour arriver jusqu'à son logis. Un moyen plus simple, c'est d'attendre le moment où l’on fau-. che, les nids sont alors mis à découvert el quelquefois même un peu entaillés. A l'extérieur, ilsne montrent qu'une sorte de voûte formée de brins de mousse artistement enchevêtrés les uns dans les autres. Une ouverture inférieure donne passage aux habi- tants. Si l’on enlève la couverture de mousse, au-dessous on ren- contre une seconde voûte consistant en une épaisse lame de cire d'un gris jaunâtre. La mousse, même en masse considérable, laisserait bien vite pénétrer l’eau des grandes pluies; avec la paroi de cire, jamais danger de cette nature n’est à craindre. La seconde voûte enlevée, on est dans l’intérieur de l’habita- tion. Aucun luxe, aucune élégance n'existe dans cette modeste demeure. Ce sont des amas de boules entassées les unes sur les autres, d'une matière brunâtre, la pâtée destinée à la nourri- ture des larves. Au milieu de ces masses, entourées de cire, on voit des œufs, plus tard des larves ou des coques. Sur les côtés, il existe, à une certaine époque de l’année, des godets de cire contenant un miel très-pur. Les larves ont l'aspect et la conformation des autres larves d'Hyménoptères mellifères. Arrivées au terme de leur crois- sance, chacune file une coque soyeuse. Les coques, que Réau- mur compare par la forme à des œufs, sont d'un jaune pâle et pressées les unes contre les autres. Elles sont de dimensions différentes : les plus petites, toujours les plus nombreuses, sont les coques des ouvrières; les moyennes, celles des mäles; les plus grandes, celles des femelles fécondes. Lorsque naissent les adultes, la partie inférieure de ces coques est coupée réguliè- rement comme un couvercle qu'on aurait détaché. PAGE 442. EM. BLANCHARD. SU TLLUTTITES (2 Fe arr “| PO 7. IMPR, DE E. MARTINET. LIBRAIRIE GERMER BAILLI ÈRE. LES BOURDONS DES MOUSSES ET LEUR NID (Bombus Muscorum). Li ? LE "4 : k ' LUE k # Pod t “ . SPRL ? 2 à F J'VUER CT 1 s s 4 À Ç ‘ : D A ‘4 ! k : $ " | Ÿr i à À L: 100 “ - .. _ E F v a. L,+ ; + É : el j «4 Z LT e At À { 4} \ 4 et 2 ‘ : ‘æ i e . ! en . 6 1 . 11 d - à T4, È PE ‘ j 4 1e Ji EI : ‘ {! € + \: Î à A À : 1h 4 à L D: ll LE $ e L 22 7! nr nn dibere “6 di dé de site fit ét RÉ DS ES SSL RE a à à dc de, ét ST LE À, LES HYMÉNOPTÈRES. h43 Aucun observateur n'a vu encore de quelle facon la femelle féconde commence son nid; mais il suffit de rencontrer un nid habité et d'y causer quelques dégâts pour voir les Bourdons au travail, ramassant les brins de mousse épars ou allant en cher- cher au voisinage de leur domicile. Chaque individu, isolément, femelle ou ouvrière, saisit un brin entre ses pattes postérieures et le pousse en marchant toujours à reculons. C’est seulement lorsque les matériaux sont réunis, que plusieurs Bourdons agissent en commun pour lisser la mousse. Le Bourdon des jardins (Bombus horlorum) est une de nos grosses espèces; très-reconnaissable à son corps noir, avec une bande jaune sur le thorax, le premier anneau de l’abdomen de cette couleur et les derniers tout blancs. Le Bourdon terrestre (Bombus lerrestris), qui en est voisin, s’en distingue surtout par la coloration de l’abdomen. lei le premier anneau est noir, le second est jaune. Ces gros Bourdons, bien étudiés par P. Huber, établissent leur nid dans la terre, à une assez grande profondeur; il n’est personne qui n'ait remarqué ces Insectes pénétrant dans leur trou. La terre les protége, ils n'emploient pas de mousse, mais ils garnissent toujours la voûte de leur demeure avec des lames de cire. Les Bourdons donnent une preuve d'intelligence vraiment remarquable. Voulant puiser le miel sur des fleurs à corolle tubuleuse, ils ne peuvent souvent parvenir, à cause de leur grosseur, à s’enfoncer suffisamment pour en atteindre le fond avec leur trompe. Cette difficulté ne les déconcerte pas. Avec leurs mandibules, ils entaillent la corolle dans sa partie infé— rieure et passent leur trompe par l'ouverture. Jusqu'à une époque peu éloignée de nous, certains Hyméno- ptères étaient classés par tous les auteurs dans le genre des Bourdons. Un examen superficiel ne pouvait permettre de faire une distinction. Même forme, même grosseur, même système de coloration, même aspect chez les Bourdons et chez ceux qui LU LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, ne sont pas de leur race. Lepeletier de Saint-Fargeau reconnut dans ces derniers des Parasites, et les nomma les Psithyres. Ces Insectes si pareils aux Bourdons n’ont que deux sortes d’indi- vidus; il n’y a pas d’ouvrières parmi eux, et les femelles sont dépourvues d'instruments propres au travail et à la récolte du pollen; leurs jambes postérieures n’ont pas de dilatation, le pre- mier article de leur tarse n’a pas de brosse. Chaque espèce de Bourdon a son parasite, son Psithyre, et le parasite a la livrée de l’Insecte chez lequel il s’introduit; non pas identique, mais très-analogue, de sorte que d’après la disposition des couleurs, on peut se douter de quel Bourdon est parasite tel Psithyre. Les Insectes, en général, bien probablement, n’apprécient pas la forme d’une manière très-rigoureuse, tandis que les couleurs les impressionnent vivement. En effet, si entre les Psithyres et les Bourdons il y a ressemblance dans les formes et les cou- leurs, nous voyons que des parasites appartenant à d’autres ordres et ayant par conséquent des formes assez différentes, ressemblent par leurs couleurs aux espèces qu’elles vont visi- ter : par exemple, les Diptères du genre Volucelle, qui s’intro- duisent dans les nids de Bourdons et dans les Guêpiers. Un des Psithyres les plus répandus, le Psithyre vestale (Psi- thyrus veslalis), dont les nuances sont assez variables, a, en grande partie, la coloration du Bourdon des jardins. Il entre dans les demeures souterraines de cette espèce, y dépose ses œufs, sans être inquiété, et, cette opération faite, s’en retourne aux champs. Dans l’histoire des Insectes, les Abeilles offrent, sous tous les rapports, un intérêt hors de comparaison. Dans les annales de tous les peuples, il est question de l’Abeille : la Deborah des Hébreux, la Melissa des Grecs, l’Apis des Latins. Un but pure- ment matériel porte les hommes, même les plus désintéressés des choses de l'esprit, à s'occuper de ces Hyménoptères pour leurs produits : le miel et la cire. Chez les nations civilisées de LES HYMÉNOPTÈRES. h45 . . °\r x , Es . , l'antiquité, où l’on prisait beaucoup assurément les profits que donnent les Abeilles, il y eut des observateurs et surtout des penseurs dont l'esprit se trouva sérieusement préoccupé des | NL LE PSITHYRE VESTALE (Psithyrus vestalis ). merveilleux travaux de ces Insectes et de leur constitution sociale. Mais les Abeilles étaient un sujet d'observations des plus difficiles, et, de ce côté, les anciens furent impuissants à pour- suivre un peu loin leurs études. Quelques faits étant constatés RS min sd à hh6 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. avec plus ou moins d’exactitude, l'imagination se donnait car- rière. Aristote nous a transmis les opinions qui régnaient en son temps. Aucune idée juste n'existait sur les diverses sortes d’in- dividus composant la ruche. La femelle féconde, la mère, l’indi- vidu que tous les auteurs depuis deux siècles appellent la Reine, était considéré comme un chef, on le nommait le Rot. Le peuple, la foule des ouvrières, se composait d'individus laborieux, pro- bablement hermaphrodites, puisque tous étaient semblables les uns aux autres. On le sait, les anciens ne se trouvaient jamais embarrassés pour ‘expliquer la naissance des êtres. Quant aux mâles, auxquels un nom particulier est attribué dans tous les idiomes, les Bourdons ou les Faux-Bourdons dans le langage vulgaire, on ne s’arrêtait à aucune idée précise sur la nature de ces êtres paresseux, inférieurs aux vraies Abeilles, puisqu'ils ne possèdent pas d'arme. Jusqu'au xvir° siècle, tout en admirant l'industrie des Abeïlles, l’ordre quirègne dans leurs sociétés, on était dans une très-grande ignorance au sujet des mœurs, des habitudes, des conditions né- cessaires à la propagation de ces Insectes. C’est done avec la plus grande vérité que Réaumur pouvait dire: «Les plus anciens » auteurs qui ont parlé des Abeilles, et la plupart de ceux qui » sont venus après eux et qui n’ont été que leurs échos, ne » nous donnent pas plus de garantie, pas plus de preuves de la » réalité de ce qu’ils en débitent, que les auteurs des romans de » la vérité des événements par le récit desquels ils savent nous » intéresser. » Une semblable déclaration est suffisante pour dispenser tout naturaliste de s'occuper des récits de Pline, de la poésie de Virgile, ete., touchant les Abeilles. La publication des premières observations un peu sérieuses sur ces Hyménoptères, dues à un membre de l’Académie des sciences, Maraldi, date de 1712. Beaucoup plus tôt, il est vrai, Swammerdam avait reconnu à l’égard des Abeilles des faits de la plus haute importance, mais les écrits de ce savant, nous l'avons rs. ) de hé Den lnndt n dhts doi de La diihients at. rl RÉ de ee 0 RS dl Sn DE ét ir 2 nt ad di hé Vo à à sl LES HYMÉNOPTÈRES. hh7 rappelé”, n'ont été mis au jour qu'en 1707. Swammerdam, qui fit la lumière sur la composition des sociétés de Fourmis, déter- mina avec le même bonheur la véritable nature des différentes sortes d'individus de la ruche. On apprit alors que le pré- tendu roi, le prétendu chef de toute société d'Abeilles, était une femelle. On l’appela la reine, tant l’idée du commandement et de l'autorité exerce de prestige sur les imaginations. Des recher- ches de Swammerdam révélèrent en mêmetemps que les Abeilles laborieuses sont des femelles stériles, des femelles {dont les or- ganes de la reproduction demeurent atrophiés, et les Faux-Bour- dons, les mâles. Ces connaissances acquises avaient une immense portée, mais ce n'était que le commencement de l’histoire des Abeilles. Réaumur vint, et les fables de l'antiquité tombèrent devant les sérieuses investigations du naturaliste. La remar- quable étude de Réaumur sur les Abeilles devait toutefois être délaissée un demi-siècle plus tard, quand les Nouvelles observa- tions sur les Abeilles par Francois Huber apportèrent de nouvelles clartés sur ce sujet. L'auteur, considéré à si juste titre comme le vrai historien des Abeilles, on le sait, était aveugle; un simple domestique, François Burnens, se fit son collaborateur, et de cette collaboration est sorti un des plus beaux chefs-d’œuvre d'observa- tion humaine”. Le travail de Fr. Huber a été augmenté par son fils Pierre Huber. Depuis cette époque, un fait considérable a été reconnu par un amateur, un pasteur protestant de la Silésie, M. Dzierzon. Ingénieux observateur, il s’est assuré que la femelle, ou la reine, comme on la nomme presque toujours, étant vierge encore, pond des œufs d’où sortent des larves qui deviennent invariablement des mâles; que cette même reine, seulement après la fécondation, pond des œufs d’ouvrières et de femelles fécondes. Cette faculté de production d'individus d’un seul sexe sans l'intervention du mâle, ce phénomène de parthénogenèse, 1 Page 24. ? Page 30 ne _—— = ils AE nn ee, à h4S LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. ainsi qu'on appelle tout enfantement par des femelles vierges, phénomène dont on possède aujourd'hui des exemples assez nombreux parmi les Animaux articulés, était assez extraordi- naire pour déterminer les naturalistes à en faire l'objet d'une étude attentive. M. de Siebold, le professeur de Munich, et M. le professeur Leuckart (de Giessen), ont mis le fait hors de contestation. Avant de résumer les faits aujourd’hui connus de l’histoire des "Abeilles, nous devons examiner les particularités importantes de l'organisation de ces Insectes. Nous y verrons comment est pro— duite la cire, la matière première des constructions ; à l’aide de quels instruments cette matière’se trouve saisie, malaxée, mise en œuvre ; comment est recueilli le miel, et comment cette sub- stance est tenue en réserve avant d’être apportée à la ruche ; comment est ramassé le pollen et comment les Abeilles s’en débarrassent. Lorsque chez nous on parle des Abeilles, il s’agit de l'Abeille domestique (Apis melhfica), l'unique espèce de notre pays, comme de toutes les parties centrales et boréales de l'Europe. Chaque région de l’ancien continent a son espèce propre d'A- beille. Dans le midi de l’Europe, on rencontre seule une espèce voisine de notre Abeille commune, l’Abeille italienne (Apis ligurica), l'Abeille qui fournissait autrefois le miel renommé du mont Hymette, dans la Grèce, et du mont Hybla, dans la Sicile. Cette espèce, distincte de la nôtre par la coloration fauve de son abdomen, a été souvent apportée, dans ces dernières années, en France et en Allemagne ; elle venait de loin, les apiculteurs étaient disposés à la trouver préférable à leur Abeille ordinaire, à lui reconnaître plus d’ardeur à l'ouvrage. Les deux espèces ont été souvent mélangées, et l’on a eu des métis; mais les mâles n'étant jamais que le produit de la femelle, les caractères d'hy- bridité ne peuvent persister bien longtemps. L'Égypte a son Abeille particulière, comme l'Arabie, comme le Sénégal, comme LES HYMÉNOPTÈRES. hA9 l'Afrique australe, comme les diverses parties de l'Asie. Les Abeilles étaient inconnues au Nouveau Monde, notre espèce y à été transportée; elle s’y est acclimatée merveilleusement. Redevenue sauvage en certains endroits, elle est cultivée avec succès aux États-Unis et dans plusieurs parties de l'Amérique du Sud; le Chili envoie en quantité des miels à l'Europe, qui lui a fourni le producteur. Les Abeilles, à l’état sauvage, s'établissent dans des cavi- tés, celles des vieux trones d'arbres leur conviennent particuliè- rement, mais ces Insectes sont peu répandus aujourd'hui dans nos forêts. [ls se plaisent partout où un logement convenable leur est offert ; de là cette facilité de les tenir en domesticité, mise en pratique depuis la plus haute antiquité. Le logement d’une société d’Abeilles, c’est la ruche. Une société qui se fonde, une colonie, se compose de la foule des ouvrières et d'une seule fe- melle, une mère. Le travail commencé, les alvéoles se construi- sent; une ponte a lieu, des larves naissent, une nouvelle géné- ration d'Abeilles est produite, et à une époque de l’année on peut compter dans une ruche, outre la reine et les ouvrières, lemelle. Ouvrière, Mäle, L'ABEILLE DOMESTIQUE (Apis mellifica ). quelques centaines de mâles. Voilà nos trois sortes d'individus. Ils présentent entre eux des différences frappantes. Chez les Gué- pes, chez les Bourdons, les femelles fécondes et les ouvrières se ressemblent extrêmement; les femelles fécondes, seulement un peu plus grosses, ne sont-elles pas ouvrières à une époque de 29 en it ed Dee mé 4 Ent dc raté Et Le RS sd, . — — RS DR , bb Mir 1 se à i té 450 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. leur existence? Chez les Abeilles, la mère est incapable de tra- vailler. Les ouvrières, où individus neutres, d’une taille infé— rieure à celle des mâles et des femelles, sont bien connues; ce sont les Abeilles qui butinent sur les fleurs et que l'on voit partout. Un des phénomènes physiologiques les plus remarquables de l’organisation de ces Hyménoptères, c’est la production de la cire, Les Abeilles portent en elles leurs matériaux de construc- tion comme les Bourdons et les Mélipones. On crut longtemps qu'elles dégorgeaient la cire par la bouche : Réaumur n'avait pas d’autre opinion à ce sujet. Ce fut, à la fin du siècle dernier, un simple paysan de la Lusace qui reconnut la vérité. Vers la même époque, le célèbre anatomiste anglais, John Hunter, découvrait de son côté la manière dont se forme la cire. Tout le monde a remarqué. chez les Abeilles, que les anneaux de l'abdomen, particulièrement en dessous, se recouvrent d'avant en arrière; or, en soulevant le bord d’un anneau, on aperçoit, à la surface de l'anneau suivant, deux larges surfaces lisses, deux aires sur lesquelles, pendant une partie de l'année, se forment deux lames minces, blanches, presque transparentes, qui ne sont autre chose qne des lames de cire. La cire, amassée dans de petites glandes abdominales, transsude par conséquent au travers de la portion tégumentaire lisse; sa texture, à n'en pas douter, permet une filtration de la malière grasse. Pendant longtemps, les physiologistes demeurèrent convaincus que les Animaux, en général, et les Abeilles, en particulier, puisaient directement dans leur alimentation toute la graisse qu'ils s’assi- milaient. Dans le but de s'assurer de la valeur de cette opinion, Huber avait séquestré des Abeilles et les avait nourries exclu- sivement avec du sucre; les Abeilles avaient continué à produire de la cire. Cependant Huber, n'ayant pas recherché la quantité de graisse préexistante dans le corps de ces Insectes, son expé- rience exerça peu d'influence sur les idées régnantes au sujet PORN PONT JA ea? di à tt dune LES HYMÉNOPTÈRES. 451 de la production de la graisse. En 1843, la question fut reprise dans toutes les conditions nécessaires par MM. Dumas et Milne Edwards. Des essaims furent emprisonnés, les individus com posant ces essaims comptés exactement; des Abeilles en nombre déterminé furent soumises à une analyse chimique, afin de con- naître rigoureusement la quantité de matière grasse existant dans chaque individu; la nourriture, consistant en miel, fut égale- ment analysée. Les Abeilles tenues en captivité se mirent à construire, et, dans l’espace de quatre à cinq semaines, elles avaient fourni près de quatre fois autant de cire qu’elles en possédaient au début de l'expérience. Loin d’être épuisées, elles se trouvaient encore mieux pourvues que le jour où on les avait séquestrées. IL fut donc établi qu’une transformation des matières sucrées en ma- tières grasses s’opérait dans l’économie des Abeilles. Examinons maintenant les instruments dont ces Insectes dis- posent. Les pattes postérieures de ces Hyménoptères constituent les plus merveilleux outils qu’il soit possible d'imaginer. La jambe est fortement élargie vers le bas, et elle affecte ainsi la forme d'un triangle très-allongé. Cette pièce était appelée autrefois, en raison de sa forme, la palelte triangulaire. L’extrémité de la jambe porte une rangée de pointes acérées, de fortes épines dis- posées très-régulièrement : c’est une sorte de râteau, l’instru- ment qui permet à l'Abeille de saisir les lames de cire enga- gées entre les anneaux de son abdomen. A la jambe succède le premier article du tarse, la pièce carrée; il est d’une largeur énorme comparativement aux autres parties du tarse. Articulé avec la jambe par son angle interne, sa portion externe, sur montée de deux petites épines, constitue avec la jambe une véritable pince. Cette pièce carrée, parfaitement lisse en dehors, est la truelle; garnie en dedans de séries transversales de poils roides d’égale longueur, c’est une admirable brosse. La femelle h52 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. ne travaille pas, les instruments doivent lui manquer; elle en est dépourvue en effet, mais elle en a des vestiges, comme des témoins de parties importantes chez son espèce. Il en est de . L A 4 même pour le mäle. Ainsi, chez les femelles et chez les mâles, (AS AU D LLHERMITTE GE. D'UREUN PATTE POSTÉRIEURE DE L'ABEILLE DOMESTIQUE. 14. De la femelle féconde, — 2, De l'ouvrière, vue en dehors. — 3, La même, vue en dedans, — #, Du mâle, la jambe et le premier article du tarse sont encore fort élargis, mais 1l n'y a pas de corbeille, pas de râteau, pas de pince, pas de'brosse. Si les pattes postérieures de l'Abeille ouvrière sont des outils d'une,rare perfection, les pattes de devant, pour être incompara- blement plus simples, sont encore de précieux instruments. Une profonde échancrure du premier article du tarse est utilisée dans LES HYMÉNOPTÈRES, 453 le travail de construction, et de longs poils serrés forment une petite brosse capable d'atteindre où n'alteignent pas les brosses de derrière. Les parties de la bouche ont une conformation des plus remar- quables. Les mandibules s'élargissent vers l'extrémité ; terminées par TÊTE DE L'ABEILLE DOMESTIQUE, AVEC LS PIÈCES BUCCALES ÉCARTÉES. une surface plane, avec un rebord en saillie, elles se rapprochent l'une de l’autre par leur bouten ne laissant entre elles qu'un espace étroit, suffisant pour contenir la quantité de cire destinée à être pétrie. Les mâchoires et la lèvre inférieure, longues, flexibles, constituent, mieux encore que chez beaucoup d’autres Mellifères, l'appareil le plus parfait pour lécher et humer le miel. Les femelles et les ouvrières de presque tous les Hyménoptères nidifiants sont armées pour la défense. L’arme variant à peine d’un type à l'autre, nous avons préféré en montrer la disposition chez l'Abeille. C'est dt dd dd LE SE D dd Se on EE on À a dom © mn te LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. l’aiguillon, dont personne n'ignore le pouvoir redoutable. L'aiguil- lon se compose de deux stylets bien acérés, soutenus par des sup- ports attachés à des écailles maintenues dans le dernier anneau de l'abdomen ; deux valves protectrices constituent le fourreau. Les glandes à venin sont deux tubes contournés débouchant dans un vaste réservoir, capsule ovalaire pourvue d’un conduit s'ou- vrant entre les deux stylets. Par un effort musculaire, l'Insecte fait saillir son aiguillon retiré dans l'abdomen pendant le repos; l'aiguillon pique, et en même temps une pression des parois abdominales sur la glande détermine une petite éjaculation du venin dans la piqüre. #, 4 0 AIGUILLON ET GLANDES VÉNÉNIFIQUES DE L’ABEILLE. Lorsqu'un essaim a pris possession d'une cavité quelconque, d'une ruche par exemple, le premier soin des ouvrières est de boucher exactement tous les interstices. C’est une substance rési- neuse très-bonne pour cet usage que les Abeilles emploient. Elles vont la chercher sur les bourgeons des Peupliers ou d'au- tres arbres. Cette matière, toujours désignée sous le nom de propohs, est souvent appliquée en assez grande masse au sommet de l'édifice, à l'endroit où doivent être fixés les gâteaux. Ce pre- nier travail exécuté, des Abeilles se réunissent en groupes dans le but de construire les alvéoles, Chaque individu saisit avec la LES HYMÉNOPTÈRES. 455 pince de sa patte postérieure une lamelle de cire, la prend avec les griffes de ses pattes de devant pour la porter à ses mandibules. Suffisamment malaxée, convertie en un petit rouleau, l’Insecte l'applique à la voûte de la ruche. Quand une certaine masse de cire se trouve accumulée, nos ouvrières y creusent des alvéoles:; opérant à la fois des deux côtés, déterminant sans doute de toutes 8 UREUNT PORTION D'UN GATEAU D'ABEILLE présentant les trois sortes d'alvéoles, parts des pressions extrêmement égales, les cellules prennent la forme la plus régulière. Chaque alvéole est un petit godet hexa- gonal, avec un fond pyramidal résultant de la réunion de trois rhombes. Le gâteau est composé ainsi de deux rangs de loges adossées, detelle sorte que le fond des unes est également le fond des autres, et que la base de chaque loge se trouve corresporidre à trois loges du côté opposé. Les constructions géométriques des h56 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Abeilles réalisent de la façon la plus complète le problème qui consiste à avoir des logements avec la plus faible quantité pos- sible de matière. Sous ce rapport, nul mathématicien n’a rien trouvé à reprendre. On peut voir, à ce sujet, un mémoire de M. Léon Lalanne, publié en 1840. Dans une ruche dont les travaux sont avancés, parmi les gâteaux, les uns n'offrent que de petites cellules, d’autres sont formés en partie d'alvéoles plus grands, mais du même système de construction. En outre, quelques loges très-grandes, irrégu- lières, à parois épaisses, sont ordinairement appendues aux extré- mités des gâteaux. Pour toutes les autres parties des gâteaux, la matière première est employée avec la plus stricte économie ; pour les grandes cellules, toujours peu nombreuses dans la ruche, il est vrai, la cire est employée à profusion. Les petites loges hexagonales sont destinées aux larves d’ouvrières, les grandes loges hexagonales aux larves de mâles, et les grands alvéoles irréguliers aux larves de femelles fécondes ou de reines. Les cellules de tout genre étant construites, la mère parcourt les gâteaux, et dépose un œuf dans chaque alvéole; des ou- vrières lui font cortége pendant cette opération, veillant à ce que les choses se passent régulièrement. La femelle a-t-elle laissé tomber deux œufs dans la même cellule, au plus vite des Abeilles retirent l’un d'eux et le détruisent. La ponte achevée, la mère n’a de préoccupation d'aucune sorte, car elle demeure étrangère à tous les actes des ouvrières; aussi la comparaison d’une société d'Abeilles avec une monarchie, ou avec le gouvernement d’une société humaine quelconque, n'est-elle en rien justifiée. Trois jours après la ponte, les jeunes larves éclosent, mais les Abeilles ne sont pas au dépourvu. Pendant que les unes poursui- vaient leur travail de construction, d’autres allaient aux champs, recueillaient le miel et l’entassaient dans des cellules destinées à cet objet. On a cru qu'il y avait deux sortes d'Abeilles ouvrières, les cirières et les nourrices; certainement toutes les Abeilles ont LES HYMÉNOPTÈRES, 157 les mêmes aptitudes, mais ilest possible que les vieilles ouvrières soient moins bonnes cirières que les jeunes et prennent surtout le rôle de nourrices. Les larves, le couvain, dans le langage des éducateurs d’Abeilles, croissent rapidement, et au bout de leur carrière, elles filent une petite coque soyeuse, pour se transfor- mer en nymphes. Ces coques tissées, les alvéoles semblent avoir un couvercle. Les larves d’Abeilles ont les caractères généraux des larves des Hyménoptères nidifiants, avec une faiblesse plus grande que la plupart d’entre elles, car elles ne peuvent prendre leur nourriture qu’en la recevant de la bouche de leurs nour- rices. Un fait des plus étranges, qui n’est pas particulier aux Abeilles, mais qui a été plus observé chez ces Insectes que chez d’autres, c’est leur pouvoir de produire à volonté des femelles fécondes ou It LARVES ET NYMPHES DE L'ABEILLE OUVRIÈRE. 1 et2. Larve en dessus et on dessous, — 3 et 4, Nymphe en dessus et en dessous, - des femelles infécondes, c’est-à-dire des ouvrières. On a les meil- leures raisons du monde, à l'égard des Abeilles, pour attribuer à la nature de l'alimentation la stérilité ou la fécondité des individus, l'avortement ou le développement des organes de la reproduction. Il arrive fréquemment que des larves d’ouvrières, placées dans le voisinage d'une cellule de reine, reçoivent quelques parcelles de la nourriture destinée à la larve de la femelle féconde. La petite quantité de pdtée royale qui leur est tombée aura suffi pour rendre ces ouvrières un peu fécondes. Une ruche at-elle perdu ses larves de reines, les Abeilles en fabriquent avec des larves d'ouvrières, Une larve destinée à changer de condition est choi- 158 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. sie ; son alvéole est agrandi et les larves du voisinage sacrifiées pour cet objet. La jeune larve d’ouvrière est désormais alimentée comme une larve de femelle féconde, et elle devient femelle fé- conde. Aucun doute n'est possible à ce sujet, l'expérience a été mille et mille fois répétée; la transformation réussit toujours fant que la larve ouvrière est assez jeune, et des apiculteurs ont même constaté assez récemment que cette transformation pouvait s'effectuer à un âge des larves plus avancé que ne le croyait Huber. En quoi consiste la différence dans la nourriture donnée aux larves des ouvrières et des femelles fécondes ? C’est ce qu'il a été impossible de découvrir jusqu'à présent. Au moment de l’éclosion des adultes, ouvrières, mâles ou faux Bourdons, femelles fécondes ou reines, l'agitation est grande dans la ruche. Les ouvrières déchirent avec leurs mandibules les couvercles des cellules des nouveau-nés, aident ces individus, encore faibles, à sortir de leur prison. En un seul jour, la popu- lation à prodigieusement augmenté. Une émigration est néces- saire. Une nouvelle reine estéclose, quelques milliers d’ouvrières se groupent autour de la vieille reine, et voilà un essaim formé, quittant la demeure commune et allant chercher un autre éta- blissement. La même ruche, si elle a beaucoup prospéré, don- nera deux, trois, quatre essaims successifs. Si la ruche a souffert au contraire, si la population est peu nombreuse, alors pas d’es- saims possibles. À unmoment, deux femelles fécondes, deux reines se trouvent dans l'habitation, où il ne doit jamais en rester qu'une seule; alors les reines se livrent un combat à coups d’aiguillon, combat à mort, dont les ouvrières restent simples spectatrices. Quand un des deux champions a succombé, les ouvrières jettent son cadavre, et la société reprend sa physionomie ordinaire. I n'y a jamais plus de quelques femelles, et souvent il y à jusqu'à douze ou quinze cents mâles qui naissent à peu près en mème temps. Lorsque les observations d’'Huber vinrent répandre la lumière sur l’histoire des Abeilles, jamais personne n'ayant LES HYMÉNOPTÈRES. 459 réussi à voir de rapprochement entre les individus des deux sexes, il existait pour les naturalistes un fait inexplicable. Huber fut le premier à s’apercevoir que chaque reine, peu de jours après sa naissance, sort de la ruche, s'envole suivie d’une foule de mâles, et disparait dans les airs à une grande hauteur. C'est alors que s'effectue le mariage de la reine, qui ne doit être mariée qu'une fois en sa vie. Elle revient au logis, portant des signes certains que désormais elle sera une mère accomplie. A partir de ce moment, elle vivra absolument sédentaire, et si elle doit sortir encore de la ruche, ce ne sera que pour fonder une nou- velle colonie. Les instincts, l'intelligence des Abeilles ont de tout temps préoccupé naturalistes et philosophes. Les instincts de ces êtres sont prodigieux ; ils dirigent seuls leurs opérations dans ce qu'elles ont d'essentiel, le fait n'est pas douteux. L'Abeille bâtit des cel- lules régulières sans avoir appris comment elle doit les con- struire; son organisation suffit. Elle va recueillir le miel, en fait des provisions; elle prend soin des larves, connaissant la nourriture qui leur convient, guidée évidemment par l'instinct seul. Mais, nous l'avons dit au début de cet ouvrage, l'exercice de facultés instinctives très-développées n’est pas possible dans une foule de circonstances sans l'intervention d’une idée juste, de la situation, des obstacles à surmonter, des dangers à éviter. Le raisonnement intervient, il y a une intelligence en action. Les actes d’une foule d’Insectes, surtout parmi les Hyméno- ptères, nous ont déjà apporté bien des preuves irrécusables de cette vérité. Dans l’ensemble des phénomènes de la vie des Abeilles, nous avons en grand nombre des preuves manifestes que les Animaux ne sont pas de simples machines plus ou moins bien organisées. A ceux, s'il en est encore, qui s'imaginent tous les Animaux seulement pourvus d'instincts, et incapables d'aucun raisonnement, d'aucune idée, l'observation et l'expé— rience, s'ils sont assez éclairés pour savoir y recourir, les con- h60 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. duiront à reconnaître que la création animée est plus grande, plus belle qu'ils n'avaient voulu se le figurer. Plusieurs fois on s’est aperçu que des Abeilles construisant des gâteaux, ayant mal travaillé, survenaient d’autres Abeilles détruisant l'ouvrage imparfait pour le recommencer. N'est-ce pas là la preuve d’une appréciation. Tout en conservant le caractère régulier de leurs constructions, ces Insectes en modifient l’arran- gement d'après les exigences du local. Quand une ruche est large- ment approvisionnée, les Abeilles laissent vivre les mâles pen— dant longtemps, mais elles les exterminent bientôt si la disette est à craindre. Dans ce cas, l'intelligence de la situation n'est-elle pas évidente ? Souvent les ruches sont envahies par des Tinéides,° les Galléries, dont les chenilles dévorent les gäleaux, enlaçant tout de leurs fils soyeux, détruisant le couvain : mais seulement dans les ruches ayant une population faible, les Abeilles se laissent ainsi maltraiter; lorsqu'elles sont en force, elles savent parfaite- ment se débarrasser de leurs ennemis. S'agit-il d'ennemis, une manifestation d'intelligence bien autrement concluante se produit chez les Abeilles. Dans certaines localités, les Sphinx tête-de-mort, dont il a été question dans une autre partie de cet ouvrage, se montrent quelquefois en assez grande abondance et s’introduisent, s'ils le peuvent, dans les ruches pour les piller. Les Abeilles mé- nagent d'ordinaire à leur demeure une entrée assez spacieuse, pour rendre la circulation facile aux nombreux individus qui entrent et sortent continuellement. Ont-elles reconnu le dan ger de recevoir les audacieux visiteurs, auxquels des téguments durs et élastiques et uné épaisse toison permettent de braver les coups d’aiguillon, elles rétrécissent leur porte de façon à inter dire absolument le passage aux Sphinx. C’est une gène qu'elles s'imposent. Mais la vie des Sphinx est de courte durée; les Abeilles s’aperçoivent de leur disparition, elles défont leur ou- vrage, et rétablissent l'entrée de leur ruche dans sa première condition, Serait-il possible d'agir avec plus de discernement? LES HYMÉNOPTÈRES. h61 Après tous ces signes qui attestent combien les Abeilles appré- cient leur situation, ne faut-il pas admirer plus encore la manière dont ces Insectes communiquent entre eux. Une expérience bien simple permet de reconnaître la facilité de ces communications : une Abeille est-elle apportée dans un endroit où il y a des sub- stances de son goût, endroit qui n’était jamais visité auparavant par aucun individu de son espèce; bientôt, après son départ, les Abeilles arrivent en foule, paraissant avoir été bien averties. L'habitude de voir chaque société d’Abeilles dans une ruche séparée à fait croire qu'un voisinage trop intime entre plusieurs colonies n’était pas du goût des Abeilles; c’est là une erreur. En différentes contrées, en Égypte notamment, on voitdes sociétés d'Abeilles établies si près les unes des autres, que les différentes sociétés paraissent confondues. Le spectacle d'une semblable com- munauté nous a été donné par M. Le Blon, à Vincennes. Dans une chambre spacieuse, très-faiblement éclairée, plusieurs ruches avaient été placées primitivement sur des tablettes ; il y avait eu de nombreux essaimages, et les essaims, trouvant la place à leur gré, s'étaient établis dans cette même pièce et avaient fixé aux tablettes leurs gâteaux, qui pendaient de tous côtés comme des stalactites dans une grotte. Ce ne serait point assez d’avoir considéré les Abeilles dans leur merveilleuse organisation, dans leurs mœurs si admirables, dans leurs sociétés constituées d’une manière si parfaite ; ces Insectes ont dans notre économie sociale un rôle d’une importance nota- ble. Fournissant des produits utiles et toujours recherchés, leur culture est la source d’un revenu qui mérite d'être apprécié. Il y a grande difficulté, pour ne pas dire impossibilité, à dresser la statistique exacte du nombre de ruches qui existent dans la France entière, et plus encore à connaître sûrement le chiffre de la production en cire et en miel. Cependant, d'après les ren- seignements qui nous ontété fournis par les apiculteurs qui se sont particulièrement occupés de la question économique, on estime 162 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. à environ deux millions le nombre des colonies ou des ruches après l’essaimage. On a cru pouvoir fixer la valeur du produit annuel à 15 millions de franes, 11 millions et demi pour le miel, et 3 millions et demi pour la cire. D’après d’autres évaluations, la première estimation serait au-dessous de la vérité, et devrait être portée à 20 millions. Il n’est pas douteux qu'il serait pos- sible d'élever au double cette production, si les gens des campa- gnes étaient tous éclairés sur les avantages que leur procurerait la possession de quelques ruches. Les soins que réclament six, huit, dix ruches, n'étant pas très-considérables, ne peuvent dis- traire des travaux habituels. Pour bien peu de peine, on se procure du miel pour les besoins du ménage, à la grande joie des enfants, et, dans les bonnes années, il en reste encore à vendre, avec une petite quantité de cire. Encourager la culture des Abeilles partout où les Abeilles trouvent à butiner, c’est donc faire chose utile. Ceux qui pratiquent l’apiculture sur une grande échelle et avec intelligence, tirent des profits considérables de leur industrie; mais ceux-là sont des gens expérimentés, n'ayant besoin des conseils de personne. On aura une idée des avantages que peut procurer l'éducation des Abeilles, quand nous rapporterons, d'après le dire des hommes pratiques, qu'une colonie du prin- temps, achetée au prix de 15 francs, aura rapporté, dès la fin de la saison, le capital engagé; et au printemps prochain, cette ruche, si elle est dans une bonne condition, donnera au moins un essaim, peut-être deux. Cependant il y a pour l’apiculteur de mauvaises années : c’est la sécheresse, qui arrête la floraison; ce sont les grandes pluies, qui empêchent les Abeilles d’aller aux champs. Dans diverses localités, le Sainfoin est la meilleure res- source des habitantes des ruches : le Sainfoin a disparu; les Abeilles ne trouvant guère à buliner aux alentours, on les trans- porte dans les bois, où elles ont les Bruyères en fleur. Dans tous les pays d'Europe, on cultive les Abeilles, et en Russie cette culture est faite dans d'énormes proportions. On a pu md Da sn. > mi + dééuntét tr Îri 6, à. dd énsR EE, D 7. CR ne 2 D de le sd dtén at UE Li LES HYMÉNOPTÈRES. 163 voir, à l'Exposition universelle de 1867, des ruches de ce pays d'une dimension inconnue à nos apiculteurs, ayant des parois de grande épaisseur pour parer aux atteintes du froid. Sous le climat de la Russie, pendant la saison chaude, la végétation se développe avec une extrême rapidité, les Abeilles travaillent alors activement, et les grandes ruches s’emplissent. Nulle part, nous assure-t-on, la consommation du miel n’est aussi considé- rable que dans certains districts de la Russie. Les jours d’absti- nence sont nombreux dans le cours de l’année, le thé est en usage, et le peuple estime que le miel doit être préféré au sucre, parce que du sang de bœuf étant employé au raffinage du sucre, on ne serait pas assuré de faire maigre. Avant l'introduction de notre espèce d’ Europe, l'Amérique n'avait point d'Abeilles; mais comme si dans l’ordre de la nature, il avail été établi que partout l'Homme pourrait se procurer le miel et la cire, cette partie du monde est en possession de nom- breux Apines que l’on nomme les Mélipones. Le sauvage Guarani, le Moxo, le Chiquito, le Botocude, rencontrent dans la savane inculte le nid de la Mélipone, dont ils extraient le miel pour le savourer, la cire pour se procurer un peu de lumière. Les Mélipones, plus petites que nos Abeilles, sont courtes, tra - pues, souvent de couleurs variées ; elles ont des pattes proportion- nellement plus longues que celles de nos Abeilles, et le peigne ou le räteau devant servirà prendre Sous l'abdomen leslames deciren’est pas au premier article du tarse, mais plus haut, aucôté interne de la jambe. Seules,entre tous les Iyménoptèresnidifiants, les Mélipones n'ontpasd'aiguillon. L'absence d’armedoit créer à quelqueségards au moins, des habitudes différentes de celles de nos Abeilles: ; plu- sieurs femelles fécondes vivent certainement en bonne intelli gence, puisqu'elles n’ont pas la possibilité de se tuer. Cependant le fait n’a pu être constaté directement ; il y a peu d'observateurs dans l’Amé- rique du Sud, et ici la Sté est difficile, parce que la ressem- blance est grande entre les femelles fécondes et les ouvrières. hGA LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Les Mélipones sont nombrenses en espèces. Nous prendrons comme exemple l’une d'elles, que nous avons eue vivante à Paris, la Mélipone écussonnée (Melipona sculellaris), une des plus grosses du genre, ayant son prothorax couvert d'une pubescence fauve et les anneaux de son abdomen ceinturés de jaune. Les Mélipones, comme les Abeilles, s’établissent dans les creux des trones d'arbres, mais elles acceptent parfaitement aussi une boite, un panier. Ces inoffensives et industrieuses créatures deviennent domestiques. Admirable nid que’ celui de la Méli- pone, dont nous n'avons pu représenter qu'une portion, à cause de son étendue ! Les Abeilles sont économes de la cire, les Méli- pones en sont prodigues. Au centre de leur demeure, elles éta- blissent les logements des larves; ce sont aussi des gâteaux de cellules hexagones, seulement ces gâteaux n’ont qu'un seul rang d'alvéoles. Tandis que les Abeilles mettent leurs provisions de miel dans des cellules pareilles à celles des larves, les Mélipones bâtissent, de chaque côté des logements de leurs jeunes, des vases d'une énorme dimension, dans lesquels elles entassent leurs pro visions de miel et de pollen. Ces vases, à parois épaisses, ces am- phores, forment des magasins, des docks à part. C'est là un degré de perfection dans le mode de construction qui dépasse ce que nous connaissons partout ailleurs. Plusieurs fois nous avons conçu l'espoir de conserver et de propager les Mélipones dans notre pays. En 1864, deux ruches de la Mélipone écussonnée du Brésil avaient été apportées au Jardin des plantes : tant que la température resta douce, Les jolis Hyménoptères, pleins d'activité, allaient à la picorée comme nos Abeilles, et revenaient aussi sûrement à leur habitation; mais, aux premières atteintes du froid, malgré le soin de les loger chaudement et de mettre du miel à leur portée, tous les individus périrent dans l’espace de deux ou trois jours. Pace 464, EM. BLANCHARD. DOS S SSS À SE S SJ “À gl ns 711 ge DT ND Lh Létéinss, à. IMPR. DE E. MARTINET. LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE. oi di Bt ‘oi © (Melipona seutellaris). LE NID DE LA MÉLIPONE ÉCUSSONNÉE X LES COLÉOPTÈRES Les Coléoptères sont les Insectes que l'on nommait autrefois d'une manière très-générale : les Scarabées. Répandus à l'infini dans la nature, les Coléoptères ont été les plus étudiés des Insectes sous le rapport de la caractérisation des espèces. Depuis longtemps, sur toutes les terres explorées, on les a recherchés avec prédilection, avec un soin qui n’a pas été accordé aux représentants des autres ordres. Des collections spéciales de Goléoptères ont été formées par un grand nombre d'amateurs, et ceci a engagé beaucoup de voyageurs visitant des contrées lointaines à recueillir de ces Insectes, assurés d'en tirer un profit que ne leur donneraient pas des collections d'Hyménoptères, de Diptères, ete. Des ouvrages purement descriptifs sur les Coléo= Ptères paraissent chaque année dans les diverses parties de l'Eu- rope comme aux États-Unis; les uns relatifs aux espèces d’une 30 PO PT D Éd de dd Lt à tdi “ces 12. te us dt ds (hé ‘dc. LA AR mt e ss Le 166 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. famille ou d’un genre, les autres aux espèces d’une contrée. La faune de notre pays, même pour cette partie limitée, n’est pas achevée encore, mais un entomologiste de Lyon fait de vaillants efforts pour atteindre le but. Depuis vingt-cinq ans, M. Mulsant met au jour une suite de travaux destinés à faire connaître avec une rigoureuse exactitude les Coléoptères de la France. Combien y a-t-il d'espèces de Coléoptères dans le monde en- tier? C’est ce que nous ne pouvons dire, ce que nous n'oserions même estimer d’une façon approximative; seulement il nous est permis d'en faire soupçonner le nombre prodigieux d’après le simple énoncé de ce fait : que si toutes les collections existantes pouvaient être réunies en une seule, on aurait sous les yeux un ensemble de plus de cent mille espèces. En présence d’un tel chiffre, on pourrait croire à une difficulté presque insurmontable d'arriver à apprendre dans quels livres et par quels auteurs ont été nommés et décrits les Coléoptères de tous les groupes et de tous les pays. La difficulté se trouve en réalité fort amoindrie par les travaux bibliographiques. Un natu- raliste plein d’érudition et doué d’un jugement sûr, M. le pro- fesseur Lacordaire, publie un ouvrage dans lequel, à la suite de la caractérisation de chaque genre, sont énumérées toutes les espèces connues, avec l'indication des livres où il en a été donné une description et une figure. Ea voyant à quel degré les Coléoptères ont charmé une foule de personnes, on serait peut-être tenté de croire que ces Insectes présentent un intérêt exceptionnel. On se tromperait. Les Coléo- ptères n’ont guère d'industrie; ils ne possèdent que des instincts assez bornés. Dans leur histoire, on ne rencontre point, comme dans celle des Hyménoptères, de ces actes qui comptent au nombre des phénomènes les plus remarquables, les plus saisis- sants, les plus instructifs de la nature animée. Tout, dans la pré- dilection dont les Coléoptères sont l’objet, est dû à la beauté de beaucoup d’entre eux, à la solidité de leurs téguments, qui en nd nf he en! bus 2: half CR SR So dd dt dt te DR , sn ss 7 LES COLÉOPTÈRES,. 167 rend la conservation facile, à la nature de leurs organes du vol, qui en rend la préparation fort simple. Les Coléoptères ont une physionomie tellement particulière, qu'il n'est difficile à personne de distinguer un représentant quel- conque de cet ordre de tous les autres Insectes. Les ailes four- nissent leur caractère extérieur le plus important. Les ailes anté- rieures, toujours de consistance coriace, c’est-à-dire de la même consistance que les autres parties du corps, ne se croisent jamais l'une sur l’autre pendant le repos, et elles emboîtent plus ou moins exactement le corps; ce sont, comme l'indique le nom de Coléoptères lui-même (xocs, étui; nrepa, ailes), des étuis, que l'on désigne sous le nom d’élytres. Les ailes postérieures, pres- que toujours plus amples, sont membraneuses et parcourues par des nervures ramifiées. Les principales nervures offrant, vers le milieu, une division transversale, les ailes, ramenées sur le corps, se plient sans effort et viennent se loger sous les élytres. Les pièces buccales sont généralement fortes et, dans tous les cas, conformées pour la mastication. Les Coléoptères ont des métamorphoses complètes: comme les Lépidoptères et les Hyménoptères, ils naissent sous la forme de larves, et ces larves se transforment en nymphes immobiles; ces dernières, analogues à celles des Hyménoptères, semblent être le moule exact des Insectes adultes. La diversité est grande parmi les Coléoptères; elle est très- notable sous le rapport de la conformation générale, très-consi- dérable sous le rapport du degré de perfection organique, très- remarquable sous le rapport des conditions biologiques. Dans beaucoup de types, les antennes filiformes, les pattes simples, c’est-à-dire sans dilatations, sans échancrures, sans épines, dénotent une infériorité relative. Chez certains types, les antennes, d’une structure moins uniforme, indiquent un degré d'organisation plus élevé. Chez quelques-uns, les antennes présentant une grande inégalité dans le développement de leurs A68 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. articles, les pattes offrant des pointes, des élargissements, des dentelures qui les convertissent plus ou moins en instruments de travail, attestent la plus haute perfection qui existe dans l'ordre des Coléoptères. Les différences les plus caractéristiques que l'on observe dans l’organisation interne de ces animaux coïnci- dent avec ces différences frappantes de la conformation exté-— rieure. Là, où les appendices dénotent une grande supériorité relative, le système nerveux est très-centralisé; il l’est beaucoup moins chez les espèces dont les appendices sont plus simples. Parmi les Coléoptères, le régime alimentaire est aussi varié qu'il est possible de l’imaginer; le tube digestif offre ainsi entre les types des différents groupes des modifications très-notables, en rapport avec la nature de l'alimentation. Les Coléoptères, cependant pour le grand nombre, sont phytophages. Aussi cer- taines espèces, venant à se multiplier à l'excès, causent souvent de graves préjudices à tous les genres de cultures aussi bien qu'aux arbres des forêts. L'étude des premiers états des Coléoptères est d’un extrême intérêt. Dans les familles où se manifeste une grande diversité parmi les adultes, il existe une ressemblance frappante entre les larves. Dans certaines familles, les larves représentent un degré de développement très-peu avancé; elles sont dépourvues de pattes; leur aspect est celui de Vers. Dans d’autres familles, les larves, mieux partagées, ont des appendices locomoteurs, mais ces appendices sont faibles et ne permettent qu'une locomotion fort imparfaite. Ailleurs, les larves naissent dans un état qui les rapproche davantage des adultes; celles-ci sont plus ou moins agiles. Ailleurs, encore, les larves, au sortir de l'œuf, déjà re- marquablement bien constituées, rappellent les allures, les atti- tudes des adultes. Néanmoins tous ces Insectes, plus ou moins bien organisés, doivent également achever leur évolution pen- dant une période d’immobilité, leur état de nymphes. Des efforts persévérants ont été nécessaires pour conduire à DE RS RS LT 1 ©, ‘à TEA Miele nie Bo UE élire cn Th ee dut ‘in Mol eh, “à. à CS RS ts LEE - LES COLÉOPTÈRES. 469 la connaissance des premiers états des Coléoptères. Beaucoup de larves sont difficiles à découvrir, surtout difficiles à nourrir en captivité. Les résultats aisément obtenus avec les Lépidoptères n’ont pu être atteints, ici, qu'avec infiniment plus de recherches et plus de patience. Il y a trente ans, on connaissait seulement quelques larves de Coléoptères; à partir de cette époque, plu- sieurs naturalistes, attachant à ce sujet toute l'importance qu'il mérite, se sont appliqués à diriger leurs observations de ce côté, et bientôt ils ont pu donner et descriptions et figures des larves d'une longue suite d'espèces : MM. Westwood, en Angleterre; Heer, en Suisse; Ratzeburg, Erichson, en Allemagne, ete. Nous avons apporté aussi notre contingent à cette étude, et en 1853 deux jeunes naturalistes de la Belgique : MM. Chapuis et Can- dèze, ont dressé le catalogue de toutes les larves connues. Depuis, il y a eu foule de nouvelles observations à ce sujet, de la part de MM. Goureau, Perris, Laboulbène, ete., et, aujourd’hui, le profes- seur Schiodte, de Copenhague, publie un magnifique ouvrage sur les Coléoptères, qui approche autant de la perfection qu'on peut espérer l’obtenir'. L'auteur donne des figures d'ensemble d’une rare précision, et des figures de tous les détails, où l’on recon- nait l'étude la plus savante. Les métamorphoses, les habitudes, les instincts des Coléo- ptères nous sont connus actuellement pour un nombre déjà con- sidérable d'espèces de chaque groupe. Les Coléoptères se répartissent dans vingt et quelques familles très-naturelles, très-bien caractérisées, mais il est impossible d'admettre des groupes d’un ordre plus élevé, réunissant plu- sieurs familles. Autrefois, on s'était cru assuré d’un caractère permettant de partager tous les Coléoptères en quatre divisions primaires; c'était le nombre des articles des tarses. Geoffroy, l'entomologiste du dernier siècle, fut l'inventeur de cette clas- 1 Une première partie a paru en 1862, une seconde en 1864, une troisième est sur le point d'être publiée. ptit ne: Le On +-à ANR ad 14h k70 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. sification, longtemps fort goûtée, à cause de sa simplicité. Il y avait : les Coléoptères qui ont cinq articles à tous les tarses, les Pentamères; ceux qui ont cinq articles aux tarses anté- rieurs et intermédiaires, et quatre seulement aux tarses pos- térieurs, les Hétéromères ; ceux qui ont quatre articles à tous les tarses, les Tétramères ; ceux qui n’en ont pas plus de trois à tous les tarses, les Trèmères. C'était charmant, en vérité; il suffisait d’avoir compté, pour être en mesure de placer sûrement l’espèce à déterminer dans sa division. Mais, si l’on trouve d'ordinaire une remarquable fixité dans le nombre des articles des tarses chez tous les représentants de certains groupes, il existe néan- moins des familles où règne, sous ce rapport, une extrême diversité. Les observations précises s'étant beaucoup multi pliées, il a été constaté qu'une différence dans le nombre des articles des tarses se montrait souvent entre des espèces fort voi- sines, et ainsi, que la parité ou la diversité dans ce nombre ne coïncidait en aucune façon avec les affinités naturelles. C’est donc à l’ensemble des caractères qu'il faut recourir pour prendre une idée nette des formes typiques des Coléoptères. La famille des Scararées est peut-être la plus intéressante en même temps qu’elle est l’une des plus nombreuses de l’ordre des Coléoptères. Les Scarabéides présentent de remarquables différences dans les habitudes; dans le régime, dans les condi- tions d'existence, dans les formes générales. Néanmoins ces Insectes, variés sous beaucoup de rapports, constituent un en- semble des plus naturels et des mieux caractérisés. Des antennes courtes, insérées dans une cavité sous les bords latéraux de la tête, et terminées par une massue composée de plu- sieurs lamelles, fournissent le caractère frappant des Scarabéides. Aussi Duméril, qui ne se préoccupait point de la simplification de la nomenclature, avait-il appelé ces Coléoptères, les Lamellicornes. À ce caractère tout à fait prédominant, on doit ajouter que les tarses sont invariablement composés de cinq articles ; que le corps LC. | PT TOO OT PI FC RON PTIT TS mi Te fie x dif ill 1! AT ET LES COLÉOPTÈRES. 471 : est toujours plus ou moins lourd, épais, massif; que chez beau- coup de représentants de la famille, les pièces buccales, même les mandibules, demeurent membraneuses, soit en partie, soit en totalité. Cet affaiblissement des appendices de la bouche est expliqué par la nature du régime. Les Scarabéides, en général, sont d'assez forte taille, et quel- ques-uns parmi eux atteignent les plus grandes dimensions connues parmi les Insectes. Les principaux types de cette famille ne sont absolument étrangers à personne : ce sont les Scarabées, les Han- netons, les CGétoines, les Bousiers. A l’état adulte, les Scarabéides offrent entre eux des différences très-notables dans les caractères extérieurs, dans les habitudes; à l’état de larves, ils se ressem-— blent au contraire d’une manière étonnante. Ce sont toujours de gros Vers blancs, ainsi que l’on appelle vulgairement les larves des Hannetons, dont le corps, épais, cylindrique, recourbé en arc, est revêtu en entier d’un tégument mince, blanchätre, garni de poils épars assez roides, servant à donner à l'animal une grande sensibilité et peut-être à favoriser sa marche. Ces larves ont une tête arrondie revêtue d’un tégument fauve ou brunâtre très-dur, des mandibules fortes, des antennes formées de quatre ou cinq articles. Les larves des Scarabéides, étudiées pour la première fois en 1836 par un naturaliste hollandais, de Haan, ont été dans ces derniers temps l’objet d'assez nombreuses observations. Ces larves vivent toujours cachées, soit dans la terre, aux racines des plantes ou au milieu de détritus, soit dans les bois pourris Fuyant la lumière, elles sont décolorées et assez molles; demeur- rant toujours dans l'ombre, elles n’ont pas d’yeux ; absorbant une quantité énorme d'aliments, leur canal digestif, et surtout leur intestin, est très-volumineux. Elles marchent avec une extrême difficulté, d'autant plus que la courbure de leur corps les oblige à se tenir sur le flanc. Dans leur premier âge, elles ont encore une certaine agilité, mais elles la perdent rapide- 7 RL Le SDL M ue he dl nt nn de pee le dr à is L72 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. ment. Les larves des Scarabéides, arrivées au terme de leur croissance, après une vie plus ou moins longue suivant les types, s’emprisonnent, pour subir leur transformation en nymphes, dans une coque arrondie ou ovalaire. Elles emploient, selon les sta tions qu'elles habitent, des grains de terre, des parcelles de bois, des détritus, en les agglutinant avec leur salive. Les principaux types de la famille des Scarabéides sont autant de tribus : les Cétoniines, les Glaphyrines, les Mélolonthines, les Scarabéines, les Géotrupines, les Coprines et les Passalines. Les Cétoniines sont de beaux Insectes, qui aiment le miel des fleurs et que l'on distingue des autres Scarabéides à leurs pièces buccales membraneuses, à leurs antennes composées de dix articles, dont les trois derniers forment la massue, aux crochets de leurs tarses simples ef égaux. Une distinction reste à faire, il y a deux groupes parmi les Cétoniines : chez l’un (Cétoniites), une pièce du mésothorax, dite axillaire, reste toujours visible entre les élytres et la base du pro- thorax; chez l’autre (Trichiites), cette pièce demeure cachée sous les élytres comme dans tous les autres Coléoptères. Les Cétoines proprement dites (Cetoma) ont le front droit, sans aucune saillie. Le type est l’un des Insectes les plus com- muus de l'Europe entière et l’un des plus connus de tout le monde. Pendant l'été, et surtout pendant les mois de mai et de juin, on voit en abondance, dans les jardins, la Cétoine dorée (Cetonia aurata), beau Coléoptère d'un vert doré, avec de petites lignes blanches irrégulières traversant les élytres. Quand la Cétoine vole au soleil, tout son corps prend un superbe éclat métallique et des reflets chatoyants. Elle ne vole pas comme le Hanneton, comme la plupart des autres Coléoptères, en écartant les élytres en même temps que les ailes ; pour étendre ses ailes, la Géloine soulève seulement un peu ses élytres, sans jamais les écarter. Ce beau Coléoptère aime les plus belles fleurs : il s'enfonce Le D à mn ne 4 Ce nn ot Sn pts. ces dé dd SE RS AR a rc LES COLÉOPTÈRES. 473 dans le cœur des Roses, des Pivoines; il se pose sur les Chèvre- feuilles, etc., et il en ronge les pétales, il en suce le miel. Les CAERBAUER DEL: MÉTAMORPHOSES DE LA CÉTOINE DORE { Cetonia aurata). Un individu au vol, un individu posé, — Des larves de différentes grosseurs, — Une nymphe dont la coque a été ouverte, femelles vont pondre dans les bois pourris. Leurs larves vivent de débris ligneux au pied des arbres morts, quelquefois dans les [e) P ’ 47h LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. fourmilières. Elles ont l'aspect des larves de Hannetons, mais leur tête est beaucoup plus petite, leurs pattes plus courtes et le dernier anneau de leur corps porte une petite pointe qui n'existe pas chez ces dernières. Au terme de leur croissance, dont la durée, croyons-nous, est assez longue, les larves de la Cétoine se construisent une coque ovalaire à parois épaisses au moyen d’une foule de détritus agglutinés. D'autres Cétoines de petite taille sont encore plus abondantes dans notre pays que la Cétoine dorée. Elles paraissent beaucoup aimer les Ombellifères : telles la Cétoine hérissée (C. hurtella), d’une teinte noirâtre sale, vêtue de longs poils d’un gris fauve, et la Cétoine piquetée (C. stictica), noire, à reflets cuivreux, pointillée de blanc sur les élytres et le prothorax. Des représentants du groupe des Cétoniites, bien remarquables par leurs belles couleurs, par leur grande taille, par les saillies ou les prolongements en forme de cornes que présente la tête des mâles, sont les Goliaths. Plusieurs espèces superbes de ce genre habitent l’Inde, les Moluques, les îles de la Sonde, mais la plu- part sont propres aux contrées les plus chaudes de l'Afrique. Au Gabon, on prend le Goliath cacique (Goliathus cacicus) et le Go- liath de Drury (G. Druryi), qui comptent au nombre des plus gros Coléoptères. Autrefois ces Insectes, rarement apportés en Europe, avaient une valeur énorme; mais les voyages à la côte occidentale d'Afrique étant devenus plus fréquents, on se pro- cure aujourd'hui ces magnifiques Insectes pour un prix assez modique. Les Trichites ont les mêmes mœurs que les Cétoines. C'est le genre Trichie (Trichius) des anciens entomologistes qui à été subdivisé d’après quelques différences dans la configuration des mâchoires et dans les dentelures des jambes. On voit partout sur les fleurs le Trichie abdominal (Trichius abdominals), joli Insecte noir à duvet cendré, ayant les élytres d’un jaune vif, traversées par trois bandes noires interrompues à la suture. Ses larves a ce cn à lan rémd de ed L + à: Cds à fé nn Cid dr ns l'islam". © 254 hi 7" LES COLÉOPTÈRES. h75 vivent dans le bois mort. Une espèce voisine, le Trichie à ban- des (T. fasciatus), dont les bandes noires des élytres ne sont pas interrompues, est moins commune dans notre pays. Une espèce d'un vert brillant et de plus grande taille que les précédentes est devenue le type d’un genre particulier, le Gnorime noble (Gno- rimus nobihs). Un petit Trichiite noirâtre (Valqus hemiplerus), que l’on rencontre souvent à terre, appartient au genre Valge, caractérisé par la présence de cinq épines aux jambes. La femelle est pourvue d'une longue tarière droite, qui lui permet d'intro- duire ses œufs dans les fissures des vieux bois fendillés. - Les Glaphyrines, qui ont des mandibules fortes, une lèvre infé- rieure divisée en deux languettes flexibles, des élytres faibles, un peu écartées à l'extrémité, ne nous sont pas connues dans leurs métamorphoses. La solidité des mandibules indique que ces Insectes rongent le feuillage; la contexture de leur lèvre, qu'ils sont capables de lécher sur [es fleurs. Certains d’entre eux, les Glaphyres et les Amphicomes, sont de jolis Coléoptères plus ou moins velus, très-abondants dans le midi de l'Europe, en Orient, dans le nord de l'Afrique. Les Mélolonthines ont des mandibules fortes, conformées pour ronger le feuillage, une lèvre inférieure très-courte, les crochets des tarses construits d’une manière assez variable, selon les espèces, et dénotant des aptitudes diverses. Les Hannetons (Melolontha) sont les représentants typiques de cette tribu. Chez les espèces pour lesquelles a été réservé, par les naturalistes de l'époque actuelle, le nom générique de Hanneton, les antennes ont dix articles, les sept derniers dans les mâles, les six derniers seulement dans les femelles formant la massue. On connait plu- sieurs espèces du genre; mais c’est le Hanneton commun (Helo- lontha vulgaris), qui, à raison de son abondance extrême dans une grande partie de l’Europe, réclame attention. Les Hannetons, qui se montrent en quantité prodigieuse en certaines années, sont rares dans d’autres années, ce qui s'explique par la durée de leur 476 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. développement. Quand la saison printanière est douce, ces In- sectes paraissent dès le mois d'avril; mais c’est toujours dans le mois de mai qu'on les voit en grandes masses, et c’est seulement dans le mois de juin qu'ils disparaissent. Ces Insectes rongent le feuillage des arbres, des Chènes, des Hêtres, des Érables, des Peupliers, des Bouleaux, et, dans notre pays, plus encore celui des Ormes que de tous les autres. Souvent des arbres sont complétement dépouillés par les Hannetons, c'est ce que chacun constate sans peine. Insectes presque nocturnes, les Hannetons s’abritent de la chaleur du jour, et surtout du soleil, en se tenant sur les arbres touffus, cachés à la face inférieure des branches. Ils ne sont actifs que le matin, et particulièrement le soir, où ils volent en faisant entendre un bourdonnement sonore. Ces In- sectes pesants, malhabiles à se diriger, se heurtent facilement contre les corps qui se trouvent sur leur passage, et pendant les belles soirées du printemps, les promeneurs, comme chacun le sait par expérience, éprouvent sonvent l'ennui d’être frappés en plein visage par ces Insectes incapables d'éviter les obstacles. Les Hannetons, à l’état adulte, commettent des dégâts consi- dérables, mais encore leurs dégâts, qui se réduisent à la destruc- tion momentanée du feuillage des arbres, sont-ils médiocrement graves, comparativement aux ravages que ces Coléoptères exer- cent dans leur état de larves. Vers la fin de mai s'effectue, chez les Hannetons, le rappro- chement des individus des deux sexes; il est ordinaire de voir les mâles et les femelles accrochés aux feuilles, demeurant unis pendant des journées entières. Après la fécondation, les femelles s’enfoncent dans les terres légères ou fréquemment remuées par la charrue, et y font leur ponte, consistant en une quarantaine d'œufs. Au bout de quatre ou cinq semaines, les larves éclosent, et au milieu des champs cultivés elles ne sont pas en peine pour trouver leur nourriture, car loutes les racines leur conviennent. Ces larves, si connues sous le nom de Vers blancs, dans certaines EM, BLANCHARD, 2 PAGE 476, ‘ HA 4) y lil 1) LIBRAUUIE GERMER BAILLIÈRE, IMPR. DE E. MARTINETS MÉÊTAMORPHOSES DU HANNETON COMMUN (Melolontha vulgaris), : æ ‘ 0 » 1 3 1 sé à 4 STE, e F ne > en 7 vi RE CUS À te Eee, RRQ “L . . 4 y is Ce 2 Lors p. 1 RS , 2 » “RAT MR : 2] . 4 " = FAR } i , : Ê + on | : AR . » +. | = . k L , 1 È ; + " >. 5 : A ; | \ LE: ! “ ; r LU ‘ = . # . JL L /Ti * - . N éd EURE CE fn F- Lheal' es ni Le the tas nd + 27 midi is Re PT TT 0 UT ee 7 > 4 PPS EE << à LES COLÉOPTÈRES. h71 localités sous le nom de Mans, croissent avec lenteur. Elles n’ont pris leur croissance entière qu’à la troisième année de leur existence. Au mois de mars ou d'avril, s'effectue leur transfor- mation en nymphes, et quelques semaines plus tard éclosent les Hannetons. La durée du développement explique parfaite- ment comment ces Coléoptères ne se montrent en abondance que tous les trois ans. Mais, selon les circonstances atmosphériques, la croissance des larves peut sans doute être accélérée ou ra- lentie. Quelquefois il n’est pas rare que des larves se métamor- phosent dès la fin de leur seconde année d’existence, et même que les Hannetons éclosent à l'automne, mais la saison froide se fai- sant déjà sentir, ils demeurent engourdis dans leur cellule et ne sortent de terre qu'au printemps de la troisième année. Les larves du Hanneton, avec la forme ordinaire à toutes les larves des Scarabées, se font remarquer par leurs fortes mandi- bules munies d’une dent taillée en biseau, c’est-à-dire pourvues d'un instrument très-propre à couper les racines. Les Hannetons, ou plutôt leurs larves, les Vers blancs, sont con- sidérées à trop juste titre comme l’un des plus grands fléaux de l'agriculture. Ces Insectes, aujourd’hui si répandus dans la plus grande partie de l'Europe, étaient certainement fort rares à une époque ancienne. [ls se sont multipliés en même temps que la culture s’est étendue et perfectionnée. Les conditions d'existence des Vers blancs ne laissent, à cet égard, aucun doute possible. Jamais on ne trouve de larves de Hannetons dans des terres en friche ; ces larves ne peuvent vivre se frayer des passages que dans des terres meubles; dans les temps anciens, il y avait peu de terres remuées, suffisamment légères pour convenir aux Vers blancs, les Hannetons ne pouvaient être communs; le développe- ment de l'agriculture, en leur fournissant les conditions qui leur permettaient de se multiplier à l'excès, a créé le fléau qu’on laisse s'étendre et s’accroître avec une incurie digne d’un autre âge. Les Vers blancs ne peuvent être atteints et détruits qu'au mo- OL dée dt- l0d S de , sb “848 178 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. ment des labours, et encore avec une main-d'œuvre assez consi- dérable. Il est beaucoup plus facile de recueillir les Hannetons eux-mêmes, et si cette chasse était faite et bien exécutée simul- tanément sur tous les points du territoire, on amènerait rapi- dement une diminution du mal; mais, toutes les fois que des hommes éclairés se sont occupés de la destruction des Hannetons, leurs efforts ne portant que sur un espace restreint, l’amélio- ration n’a pas été très-sensible. Il y a trente ans, un préfet de la Sarthe, dont le nom mérite d'être cité, M. de Romieu, avec une intelligence des intérêts du pays qu'on ne rencontre pas tous les jours chez les administrateurs, avait pris des mesures propres, avec de la persévérance, à faire disparaître une cala- mité dont tous les agriculteurs s’affligent, au lieu de travailler résolüment à la conjurer. Dans ces dernières années, un de nos agronomes les plus instruits, M. Jules Reiset, membre du conseil général de la Seine-Inférieure, s’est préoccupé sérieu- sement de cette question. Par ses soins, à l’automné de 1866, il a été recueilli 160 000 kilogrammes de Vers blancs dans deux arrondissements de la Seine-[nférieure, et le poids de chaque Ver ne dépasse guère 2 grammes. S'il était possible d'apprécier exactement sur tous les points de la France les pertes subies par le fait des Vers blancs, on serait stupéfié en présence du chiffre total, et cependant, combien de fois n'a-t-on pas plaisanté ceux qui songeaient à détruire cette cause d’amoindrissement de nos récoltes! Avec l’incurie, le mal ne peut qu'augmenter d'année en année. Or, pour la destruction des Hannetons, nous ne connaissons que deux moyens : l’un consiste dans la chasse des Insectes faite avec soin en tout pays ; l’autre même consiste à laisser vivre et . à propager les oiseaux : Corbeaux, Corneilles, Pies, Étour- neaux, etc., qui mangent en grande quantité les larves des Hannetons, comme l’ont démontré de nombreuses observations de M. Florent Prévost. LES COLÉOPTÈRES. n79 On a eu l’idée de chercher à tirer parti des Hannetons. On en a extrait une huile bonne à divers usages, mais le bénéfice (4 - GS LE HANNETON FOULON (Melolontha [u!lo). n'était sans doute pas en rapport avec les frais, et nous croyons qu'il n’a pas été donné de suite à cette industrie. SE SE de Dhs nn Dig AE rh ” h80 . LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Les espèces voisines du Hanneton commun sont assez peu répandues pour que leurs dégâts ne soient guère à redouter. Seulement, il en est une à citer, à raison de sa grande taille et de son séjour de prédilection : le Hanneton foulon (Helolontha fullo), bel Insecte de couleur brune, avec de petites écailles blanchâtres sur toutes les parties du corps, et notamment sur les élytres, où, devenant serrées par places, elles forment de capricieux dessins. Les mâles de cette espèce se font admirer par l'énorme dimension des lamelles de leurs antennes, sembla- bles à de magnifiques panaches. Le Hanneton foulon affectionne le voisinage de la mer. Il n’est pas rare dans les dunes de Dun- kerque et des environs d'Ostende; on le trouve sur divers points des côtes de l'Océan et de la Baltique et sur presque toutes les côtes de la Méditerranée. Produisant au vol un très-fort bour- donnement, il exécute, au repos, une stridulation intense par le frottement de son abdomen contre les élytres. Des Mélolonthes de médiocre dimension, ayant une grande ressemblance avee les Hannetons, sont les Rhizotrogues, chez lesquels les trois derniers articles seuls des antennes constituent la massue. Adultes, ces Coléoptères dévorent les feuilles des arbres; larves, ils rongent les racines comme les Hannetons. Sur les routes plantées d’Ormes, on voit souvent voler, le soir, le Rhizotrogue d'automne (Rhizotroqus solstilialis) ou le Rhizo- trogue du printemps (R. æshvus). Les Rutélines sont de beaux Coléoptères intermédiaires aux Mélolonthines et aux Scarabéines. Les espèces de certains genres de cette tribu ont des couleurs magnifiques, annonçant la vie au soleil, et encore, sous les climats les plus favorisés, comme les Rutèles, les Pélidnotes, les Chrysophores, etc., des régions chaudes de l'Amérique, les Anoplognathes de l’Australie. En Europe, nous n'avons rien d'aussi brillant. Les plus jolis sontles Euchlores, petits Coléoptères ayant la forme générale des Hannetons, et ordinai- rement une belle couleur verte, des antennes formées de neuf bi débit je “it: 5 dé D er ner 4 tarte if à Dors LES COLÉOPTÈRES, A81 articles. L'une des espèces les plus répandues, est l'Euchlore de la Vigne (Zuchlora Vits), tout entier d’un beau vert métallique, avec les élytres striées et ponctuées, qui, assez fréquemment, occasionne des dégâts dans les vignobles. Un autre Insecte du même groupe, devenu le type du genre Phylloperthe, est une sorte de petit Hanneton de la longueur de 8 à 10 millimètres, d'un vert foncé, avec les stries d’un brun vif. C’est le Phyllo- perthe des jardins (Phyllopertha hortcola), que chacun, pendant l'été, remarque sur les arbres et les arbustes. Les Scarabéines, parmi lesquels nous comptons des géants de l’ordre des Coléoptères, se signalent par leur corps lourd, massif, solidement cuirassé, par leur labre imperceptible, leurs mandi- bules puissantes, leur tête et leur prothorax presque toujours pourvus,chez les mâles de prolongements en forme de cornes. Les espèces du genre Scarabée ont des mâchoires garnies de dents, et tout nous montre chez ces Insectes un appareil buccal construit pour la trituration de feuillages durs et même de tissu ligneux. Les cornes que portent les mâles de ces Coléoptères leur donnent une physionomie étrange. Dans l’état actuel, on cherche en vain quel peut être le rôle de ces prolongements, qui présen- tent une grande diversité selon les espèces. Rien dans la vie de ces animaux ne faisant soupçonner leur usage, on est conduit à les regarder comme des ornements, comme des parures. Les grandes espèces de Scarabées habitent exclusivement les con- trées du monde favorisées de la plus luxuriante végétation, les Antilles, l'Amérique du Sud, les Moluques. En effet, les larves de ces énormes Insectes vivent dans les vieux troncs, et l’on s'imagine quelle consommation elles doivent faire pendant le cours de leur existence. Parmi les gros Scarabées, les plus remar- quables sont : le Scarabée hercule (Scarabœus hercules), au corps noir, avec des élytres olivâtres, brillantes, tachetées de noir, avec le front et le prothorax portant l’un et l’autre, chez le mâle, une corne prodigieusement longue; une espèce voisine de la Nou- 31 h82 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. velle-Grenade, le Scarabée Jupiter, aux élytres noires comme les autres parties du corps; le Scarabée Actéon du Brésil, tout cou- vert d’une fine pubescence; le Scarabée Atlas de l'ile d'Amboine, ayant la teinte et le brillant du bronze, etc. Les Scarabées de notre pays sont les Oryctes, distingués des vrais Scarabées par l'absence de dents aux mâchoires. Le type est ce gros Insecte brun luisant, pourvu sur le front d'une corne relevée, et si connu sous les noms vulgaires de Rhinocéros et de Nasicorne (Oryctes nasicornis). Sa larve, plus grosse que celle du Hanneton, avec les pattes plus courtes, vit dans les vieux troncs de Chènes pourris; mais aujourd’hui on la rencontre rarement dans cette condition, tandis qu’on peut être presque assuré de la trouver dans tous les endroits où il y a des dépôts de tan. D'autres Scarabéides composent les tribus des Géotrupines et des Coprines. Ge sont les Insectes des fumiers, des bouses et de toutes les matières stercoraires. Les Géotrupines ont les mandi- bules et les mâchoires faibles, mais encore les mandibules de consistance coriace, et les antennes de dix ou onze articles. Les Coprines ont les antennes de neuf articles, les mandibules et les mâchoires petites et membraneuses, ce qui indique chez ces der- niers que l'alimentation consiste en matières fluides. Le prin- cipal genre de la tribu des Géotrupines est celui des Géotrupes, qui, avec les Coprines, partagent l'appellation vulgaire de Bou- siers. Durant les belles soirées de la fin de l'été et de l’au- tomne, sur les chemins, au voisinage des murailles près des- quelles sont habituellement déposées des immondices, vole, en produisant un fort bourdonnement, le Géotrupe stercoraire (Geotrupes stercorarius), gros Coléoptère d’un noir luisant, pas- sant au vert, au bleuâtre, au violacé, avec des élytres fortement striées. La femelle de cet Insecte prend des soins particuliers pour le dépôt de ses œufs. Pratiquant dans la terre une sorte de puits profond, elle façoune une loge; dans cette loge, elle dépose un œuf et introduit dans ce berceau une certaine quan— LES COLÉOPTÈRES. 183 tité de matière stercoraire destinée à l'alimentation de sa larve. Les espèces d’un autre groupe de la même tribu (Trogites), ayant les mandibules saillantes, composent principalement le genre Trox. Les Trox, d’une dimension très-médiocre, ont une physionomie caractéristique, due à leur couleur grise et aux aspérités que présentent leurs élytres. Ces Insectes aiment la poussière, ils en ont la teinte : sur nos chemins poudreux, on rencontre le Trox des sables (Trox sabulosus), petit Coléo- ptère long de 8 à 10 millimètres, ayant les élytres cannelées et garnies de petites touffes de poils. L’adulte et la larve se repais- sent de cadavres d'animaux. Parmi les Coprines (Coprophages des anciens auteurs), les Insectes auxquels est échue dans la nature la mission de fumer la terre, on distingue quelques types parfaitement caractérisés. Les Aphodies, au corps oblong (groupe des Aphodites), sont nom- breux en espèces, et ces espèces, disséminées dans presque toutes les parties du monde, comptent parmi les plus petits Scara- béides. On aperçoit sur toutes les bouses l’'Aphodie du fumier (Aphodius fimetarius), insecte long de 6 à 8 millimètres, d’un noir luisant, avec les élytres d’un beau rouge. L’Aphodie fos- soyeur (Aphodius fossor), d'une taille un peu plus forte et entiè- rement d’un noir brillant, se trouve dans les mêmes lieux. Les Onitis (groupe des Onitites), avec des dimensions plus considérables, sont surtout caractérisées par des pattes posté- ricures massives et par un écartement considérable des pattes intermédiaires, donnant à ces Insectes une démarche bizarre. Les Onitis, habiles à fouir, vivent seulement dans les parties les plus chaudes de l'Europe, en Orient, en Afrique. Les Coprites, qui leur ressemblent à beaucoup d’égards, s’en distinguent aisément par l'absence d'éeusson; les mâles en géné- ral portent des éminences sur le prothorax et des cornes sur la tête. Il y a dans ce groupe plusieurs genres remarquables, les Onthophages, les Copris, les Phanées. Les premiers, toujours CR, LES Rd à à à A A8! LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. d'assez petite taille, sont abondamment répandus dans le monde. L'un d'eux, l'Onthophage taureau (Onthophagus taurus), est tout noir, finement ponctué, le mâle portant sur la tête deux longues cornes arquées. Les Copris, assez gros Insectes noirs, habitent les régions chaudes et tempérées des deux hémisphères. Une seule espèce du genre se trouve dans l'Europe centrale (Copris lunaris), le mâle cornu, la femelle, autrefois regardée comme une espèce particulière, ayant une éminence frontale échancrée. Les plus crandes espèces sont africaines, comme le Copris d'Isis (Copris Isis), de l'Égypte. Les Phanées, bien distincts des précédents par leurs tarses dépourvus de crochets, appartiennent aux régions chaudes de l'Amérique. Ce sont dé magnifiques Coléoptères ayant des couleurs métalliques, dorées, vertes, bleues, violettes. Un dernier groupe de cette tribu des Coprines est celui des Ateuchites, les Pilulaires de quelques auteurs, qui ont, comme les précédents, l'écusson caché, mais la tête, toujours dépour- vue de protubérance, large, déprimée, avec son bord antérieur, où le chaperon, plus ou moins denté, les pattes postérieures beaucoup plus longues que les autres. Dans ce groupe, les formes sont multipliées, et les genres de l’ancien continent sont représentés par d'autres genres sur le nouveau continent. Les Ateuchus, qui donnent leur nom au groupe tout entier, sont de gros insectes noirs, particulièrement répandus sur les terres qui avoisinent la Méditerranée. Leur corps large et aplati les désigne aux yeux les moins attentifs. Chez ces Coléoptères, les jambes de devant, élargies, garnies de plusieurs dents très- fortes, ne portent aucun vestige de tarse à leur extrémité. Il serait difficile de n’y pas reconnaitre des instruments de travail. En considérant la tête des Ateuchus, on songe également à une adaptation à certaine condition d'existence. Tous les Ateuchus ont les mêmes habitudes; arrèêtons notre atten- tion sur l’une des plus grandes espèces, l’une des plus abon— dantes, le type du genre, l’Ateuchus sacré (Ateuchus sacer). nd dun “ui be nn à dde diront mn nlrdut sn = décent sol RU SR DE PL SSSR LES COLÉOPTÈRES. 185 Cet Insecte est commun en Provence, dans toute l’Europe méridionale, en Orient, dans le nord de l'Afrique, jusqu’en Égypte. Représenté sur les monuments de la terre des Pha- raons et des Ptolémées, figuré en amulettes, placé dans les sarcophages, réputé sacré chez le peuple antique qui avait LES ATEUCHUS SACRÉS (Ateuchus sacer ). le culte des animaux, on à dans ce fait l'explication du nom spécifique adopté pour notre Scarabéide. L’Ateuchus sacré, tout noir, avec la tête bituberculée, les élytres très-finement striées, les jambes antérieures quadridentées, n’a guère moins de 3 centimètres de longueur. Ce Coléoptère est doué d’in- Lodti AE d'à LÉ ti” din ‘ Li és blé de -r'urt is . OO TP PR PR RE 186 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. stincts fort curieux. On le voit s’enfoncer dans les bouses; sou- vent aussi on le trouve par les chemins, roulant une grosse boule qu'il tient entre ses pattes de derrière. Quelle est cette boule? Dans quel but a lieu le travail de notre Insecte? Le besoin de mettre sa progéniture en un lieu convenable est le mobile de son activité. Une femelle pond un œuf, et au lieu de se contenter, comme les autres Coprophages, de le cacher au milieu d’une bouse ou dans une cavité, elle l’entoure d’une petite masse de fumier. Roulant cette masse sur le sol avec ses longues pattes postérieures, la boule est bientôt formée. L'Ateu- chus doit alors l’enfouir; mais, pour trouver l'endroit où sa larve pourra vivre, il a parfois un assez long trajet à parcou— rir : avec le temps, il arrive à soh but. Y a-t-il un accident de terrain; sur sa large tête il soulève la boule, et la vue de cette manœuvre fait comprendre aussitôt la raison de cette forme de tèle assez étrange. Cependant, notre Insecte se trouve parfois arrèté par un obstacle insurmontable, la boule est tombée dans un trou; c’est ici qu'apparaîit chez l'Ateuchus une intelligence de la situation vraiment étonnante, et une facilité dé commu uication entre les individus de la même espèce, plus surprenante encore. L'impossibilité de franchir l’obstacle avec la boule étant reconnue, l’Ateuchus semble l’abandonner, il s'envole au loin. Si vous êtes suffisamment doué de cette grande et noble vertu qu'on appelle la patience, demeurez près de cette boule laissée à l'abandon : au bout de quelque temps, l'Ateu- chus reviendra à cette place, et il n’y reviendra pas seul; il sera suivi de deux, trois, quatre, cinq compagnons qui, s’abattant tous à l'endroit désigné, mettent leurs efforts en commun pour enlever le fardeau. L’Ateuchus a été chercher du renfort, et voilà comment, au milieu des champs arides, il est si ordinaire de voir plusieurs Ateuchus réunis pour le transport d’une seule boule. Enfin, le but est atteint, il n’y a plus qu'à procéder à l’enfouis- sement. Il s’agit de creuser une fosse : les jambes de l’Insecte, + donne pds À ne co on TE A à he potins à à Volet ie ti di d'in ES RÉ RS RÉ bé à LES COLÉOPTÈRES. 487 avec leurs larges dents, ne sont-elles pas des bèches? et, si le tarse manque, c'est qu'une tige mince eût gèné les mouvements des jambes entamant un sol dur. Avec d'aussi bons instruments, la fosse est rapidement creusée; devenue suffisamment spa- cieuse, la boule y est placée; il faut la recouvrir, et alors les longues jambes postérieures, garnies d’une brosse, balayent le terrain et comblent la cavité. On avait vu des amulettes et des peintures égyptiennes représentant un Ateuchus très-semblable de forme à l'Ateu- chus sacré, mais avec une belle couleur dorée, et l’on avait cru à un embellissement de la part des artistes du pays des pyra- mides. On se trompait : l’Ateuchus doré des Égyptiens (Ateuchus Ægyphorum), retrouvé pour la première fois en 1819 par M. Cailliaud, n’est pas rare au Sennaar. Des Scarabéides d'Europe plus petits que les Ateuchus ont des habitudes analogues : comme les Gymnopleures, bien recon- naissables à une forte échancrure des élytres en arrière des an— gles huméraux, une espèce (Gymnopleurus pilularius) est fort commune en France; comme les Sisyphes, qui ont le corps épais et les pattes postérieures très-longues : le type (Sisyphus Schæf- feri) se rencontre quelquefois aux environs de Paris. Notre dernière tribu de la famille des Scarabéides, les Pas- salines, formée essentiellement du genre Passale, renferme des espèces de grande taille, au corps long, aplati, avec le pro- thorax séparé du tronc par un étranglement, aux antennes arquées, aux pattes antérieures dentées. Les Passales, tous de couleur noire brillante, habitent les deux Amériques, les Indes orientales, l'Australie. Ils vivent dans les vieux trones et se cachent sous les écorces, comme l'indique, au moins chez la plu- part des espèces, l’aplatissement du corps. Leurs larves, qui se nourrissent de bois pourri, ressemblent aux autres larves de Sca- rabéides, tout en offrant une curieuse particularité, caractéris- tique d’un degré de développement moins avancé. Leurs pattes titi D 1 À. RS LR nn Ar nd. à dé scrèt,- ail AVE, 188 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. de la première et de la seconde paire ont une longueur ordi- naire , celles de la troisième paire ne sont LOUE: que par deux it tubercules. Les Lucanes constituent une petite famille parfaitement délimitée, que, longtemps, on ne sépara point des Scara- béides. Des antennes plus longues que chez ces derniers et terminées par des articles en feuillets perpendiculaires à l'axe, ce qui fait paraître la massue plutôt pectinée que lamelleuse, donnent à ces Insectes une physionomie assez différente. Pour certains auteurs, ce caractère avait suffi pour motiver une sépa- ration. D'un autre côté, de Haan ayant reconnu chez les larves des Lucanides, très-semblables d'aspect à celles des Scarabéides, quelques différences caractéristiques, notamment la position de l'orifice anal, on eut une nouvelle indication. Plus tard il fut démontré que le système nerveux, invariablement très-centra- lisé chez tous les Scarabéides, était fort éloigné de cette centra- lisation dans les Lucanides. Aucune incertitude ne pouvait per- sister à l'égard de l'importance du type. Les Lucanides sont, en général, des Insectes de grande taille, qui se font remarquer par un énorme développement des man dibules chez les mâles. Ces pièces de la bouche, diversement courbées et diversement dentées selon les espèces, affectent l’ap- parence de grandes pinces, du reste fort peu redoutables. Il a été impossible jusqu’à présent de se rendre compte de l'utilité de ces grandes mandibules, dont le développement est très-variable entre les individus de la même espèce. Chez les femelles, ces pièces sont de proportions ordinaires et garnies de dents qui les rendent propres à couper le feuillage des arbres. Les Lucanides sont disséminés dans les différentes parties du monde, mais leurs espèces sont surtout abondantes aux Indes orientalés, dans les îles de la Sonde, des Moluques, ete., d'où elles sont encore assez rarement apportées en Europe. Ces Insectes, qui habitent les bois, ne se montrant ef ne volant que EM. BLANCHARD, PAGE 488, LIBRAUUE GERMEN WAILLIÈRE, IMPR, DE E, MARTINET, METAMORPHOSES DU LUCANE CERF-VOLANT ES (Lucanus cervus), à be PF. DAS ln sé M Do a à. A LL é mms hdn ts à = LES COLÉOPTÈRES. 189 le soir, sont difficiles à recueillir dans les contrées où l’on n’ose guère s’aventurer la nuit au milieu des forêts. Véritablement beaux et curieux de forme, ces Coléoptères sont fort recherchés des collecteurs. Un entomologiste anglais, M. Parry, a publié récemment une liste de tous ceux que l’on connait. Le genre Lucane a été très-subdivisé, mais le type n’en reste pas moins l’Insecte si connu sous le nom vulgaire de Grand Cerf-volant (Lucanus cervus), le plus grand Coléoptère de notre pays, pour lequel une description est inutile. A l’état de larve, il vit dans les vieux troncs de Chênes pour- ris. Autrefois très-répandu en France, abondant aux environs de Paris, où les amateurs allaient le prendre sur les vieux Chênes de la mare d'Auteuil, pendant les chaudes soirées du mois de juillet, il est aujourd'hui assez rare. Un petit Lucane noir à mandibules courtes (Dorcus paralleh- pipedus), assez commun en Europe, était appelé par Geoffroy, par comparaison avec le Cerf-volant, la Petite Biche. Le même auteur nommait : la Chevretle bleue (Platycerus caraboides), un très-petit Lucanide que l’on trouve dans les taillis, aux premiers jours du printemps, rongeant les pousses nouvelles. Des affinités naturelles bien manifestes rapprochent des Sea- rabéides et des Lucanides, les Hisrérines, Insectes au corps court, assez large, aux antennes terminées en une petite massue solide, ayant un degré de centralisation du système nerveux moindre que chez les Scarabéides, et cependant encore très-prononcé. Les principaux types de cette famille sont les Histérines et les Nitidulines. Les Histérines sont de petits Coléoptères lisses, avec des ély- tres tronquées, ne recouvrant pas la totalité de l'abdomen, des antennes coudées, des pattes contractiles, assez courtes. Leurs Jambes de devant, aplaties, anguleuses ou denticulées, indiquent leur aptitude à fouir. Tous les Histérines, généralement d'assez petite taille, for- Din Be. + + Rd RL MAN La in ns ne on nm mi its : 490 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. maient autrefois le genre Escarbot (Hister), très-subdivisé de— puis .que les espèces recueillies dans le monde entier sont deve- nues fort nombreuses dans les collections. En effet, les Escarbots ont été récemment, de la part de M. l'abbé de Marseul, l'objet d'une monographie purement descriptive, et plus de mille espèces s'y trouvent enregistrées. Les vrais Escarbots (Hister), de couleur noire et très-bril- lants, parfois tachetés de rouge, fouillent les bouses et les autres matières stercoraires, ou se repaissent de la chair corrompue des cadavres. Leurs larves, qui vivent dans les mêmes conditions, sont molles, blanchâtres, de forme longue et déprimée, pour- vues de pattes courtes, et munies à l’extrémité de l'abdomen de deux filets biarticulés, et d’un long tubercule servant à la marche. Sous le nom de Saprines (Saprinus), on distingue de petits Escarbots ordinairement de couleur bronzée, verdâtre ou bleuâtre, dont la tête est remarquablement enfoncée dans le prothorax; sous le nom de Fololeptes, d’autres Escarbots for- tement aplatis, à mandibules très-saillantes. Ces derniers se nourrissent de bois pourri et se tiennent habituellement sous les écorces. Les Nitidulines n’ont ni les antennes coudées, ni les pattes contractiles. Elles vivent sur les cadavres, dans les Champignons, dans les bois pourris et quelques-unes fréquentent les fleurs. Ces Insectes, pour la plupart très-petits, sont encore peu connus dans leurs métamorphoses. L'espèce la plus commune du genre est un Coléoptère d’un vert bronzé, long de 2 millimètres, que l’on rencontre sur les fleurs, la Nitidule bronzée (Nitidula œnea). Les Sicpmipes ont les tarses toujours composés de cinq articles, et les antennes terminées en une massue perfoliée de quatre ou cinq articles, les mandibules saillantes. Cette fämille ne compte qu'un nombre très-limité de représentants, qui appartiennent principalement à l’Europe et à l'Amérique du Nord. Deux genres sollicitent notre attention, les Nécrophores et les Silphes. dép ui “im rien rhin ris tar. pédales ds mini ai at vor rie tte dér) latn tte fe à de ARS RSS LES COLÉOPTÈRES. 494 Les Nécrophores ont un corps épais, des pattes robustes, avec les cuisses postérieures plus ou moins renflées. Une espèce de. ce genre est particulièrement intéressante par ses habitudes, le Nécrophore fossoyeur (Necrophorus vespillo), commun dans une grande partie de l'Europe. Sa coloration le fait reconnaître aisé- MÉTAMORPHOSES DU NÉCROPHORE FOSSOYEUR (Necrophorus vespillo). ment : il est noir, garni de poils jaunes sur les côtés du corps, avec la massue des antennes rougeûtre, et les élytres traversées par deux larges bandes dentelées d’un rouge vif. Dans les champs, un cadavre de Taupe, de Musaraigne, ou de Mulot se trouve-t-il gisant sur le sol, les Nécrophores fossoyeurs ". ds nt CP LE D LS RE D cum + à Us 192 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. arrivent bientôt en nombre plus ou moins considérable. Est-ce pour dévorer le cadavre? Point. Ils sont amenés par le be- soin de déposer leurs œufs. Si le cadavre restait exposé à l'air, il se dessécherait ou il serait dévoré par les animaux; les larves seraient détruites, ou périraient, faute de subsistance. Les Nécrophores ont un instinct qui les mettra à l'abri de sem— blables dangers; ils enterrent le cadavre, et, de la sorte, leurs larves peuvent s’en repaître sans être inquiétées. Avec leurs grosses pattes, ils creusent le sol sous le cadavre, et la fosse deve- nue assez profonde, ils rejettent la terre et en recouvrent l’ani- mal. C’est un enterrement complet. Les larves du Nécrophore fossoyeur, qui dévorent cette chair corrompue, sont oblongues, jaunâtres, avec des plaques coriaces sur les anneaux du thorax et de l'abdomen, celles de l'abdomen quadridentées. Elles ont de très-petites antennes, des mandibules massives, dentelées comme une scie, des mâchoires garnies de petites pointes, comme une sorte de peigne, des pattes courtes, propres à fouir. Tous les détails de leur conformation extérieure ont été bien représentés par le professeur Schiodte. Les larves du Nécrophore fossoyeur, qui vivent dans l’obscurité, sont pourvues néanmoins de deux yeux, mais ces yeux, distincts sur les jeunes individus, semblent s’atrophier chez les individus approchant du terme de leur crois- sance. Ces larves faconnent une loge pour se transformer en nymphes. Les Silphes (Silpha), ou vulgairement les Bouclers, à raison dela forme aplatie de leur corps, et surtout de leur large pro— thorax avancé au-dessus de la tête, ont des antennes de dix articles, dont les quatre derniers constituent la massue, des ély- tres comme bordées, des pattes grèles et assez longues. Les Silphes, Insectes de moyenne taille, courent avec rapidité. De même que les Nécrophores, ils manifestent un odorat très-subtil, car à peine le cadavre d’un animal se trouve-t-il abandonné dans la campagne, qu'ils arrivent de tous côtés. Plusieurs Silphes, en M. mr a mt dd arms té dut item boat tour dont HN Rd. RSR mois nr ion tn .-_ id LES COLÉOPTÈRES. . 193 effet, sous leurs différents états, recherchent les corps en putré- faction; mais quelques-uns d’entre eux vivent de proie vivante, et d’autres encore rongent des végétaux. Ce genre de Coléoptères fournit un remarquable exemple de conditions biologiques fort diverses chez des espèces très-voisines. MÉTAMORPHOSES DU SILPHE A QUATRE POINTS {Silpha quadripunclata). Les larves des Bouchers ont un degré de développement fort avancé, et, dans leur aspect comme dans leurs caractères, il est impossible de ne pas reconnaitre déjà le type des adultes. Apla- ties, avec tous les anneaux du thorax et de l'abdomen parfaite- ment cuirassés, les yeux au nombre de six de chaque côté, les h9h LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. pattes longues et fortes, les jambes garnies d'épines, ces larves sont agiles à la course. Le Silphe obscur (Silpha obscura), l'espèce la plus commune, se rencontre continuellement courant à travers les chemins. C’est un Insecte long de 15 à 20 millimètres, d’un noir terne, ayant trois côtes sur les élytres. Sa larve, qui vit sur les cada— vres d'animaux, est brunâtre, avec des lignes noires. Le Silphe rugueux (Stilpha rugosa) est également très-répandu, et il est ordinaire de voir ses larves, entièrement noires, réunies en groupes nombreux sur des charognes. Une espèce plus petite, le Silphe opaque (Sipha opaca), se trouve dans les champs cul- üvés, et au printemps; sa larve dévore les poussés des jeunes Betteraves. Le Silphe à quatre points (Slpha quadripunctata) habite les bois, les forêts, grimpant sur les Chênes, courant sur le feuillage, où il fait aux chenilles une chasse des plus actives. Nul Insecte n'est plus aisément reconnaissable : avec le corps tout noir, il a des élytres d’un jaune-paille, ornées de quatre points noirs. Sa larve se tient à terre, et, carnassière comme l'adulte, elle s'attaque aux Insectes qu’elle rencontre entre les herbes ou sous les feuilles tombées. Enfin, le plus grand de nos Bouchers, le Silphe thoracique (Stlpha thoracica), que son pro- thorax d'un roux vif signale particulièrement, est également un Coléoptère carnassier, fréquentant les taillis, surtout dans les endroits humides. Les STAPHYLINIDES composent une grande famille : c’est une multitude d'espèces, quelques-unes de moyenne taille, la plupart d'une dimension fort exiguë. Entre tous les Coléoptères, les Staphylinides se reconnaissent à leurs élytres très-courtes, ne couvrant qu'une partie de l’abdomen. Si les élytres des autres Coléoptères figurent un habit complet, celles des Sta- phylinides ressemblent à une veste. Cependant, chez ces In- sectes, les ailes demeurent d'une ampleur ordinaire, et, comme pendant le repos elles se cachent entièrement sous les élytres, Mn nn jte n bout da 2 bas ndl nsc: Puf LÉ laut fé ÉÉS, db dés SSSR né st, LES COLÉOPTÈRES. 495 elles sont repliées au moins deux fois sur elles-mêmes. Les an- tennes, chez tous les représentants de cette famille, sont assez longues, filiformes ou plutôt moniliformes. Le nombre des arti- cles des tarses est extrêmement variable. Les Staphylinides, Insectes agiles, vivent dans les conditions les plus diverses : les uns, absolument carnassiers, ne se nour- rissent que de proie vivante, ils chassent; d’autres fréquentent _les bouses, les fumiers; d’autres recherchent la chair corrom- pue, on les trouve sur les cadavres. Les Champignons sont la pà- ture d'une foule de petites espèces. Les bois pourris et tous les détritus végétaux et animaux sont également du goût d’un grand nombre de ces Coléoptères. Les Staphylinides, avec leurs pattes et leurs antennes simples, sont manifestement inférieurs aux Silphides et surtout aux Sca- rabéides, sous le rapport de leur organisation ; mais leurs larves naissent à un degré de développement bien plus avancé que celles de ces derniers. En effet, les larves des Staphylinides, en partie cuirassées, agiles, rappellent déjà les adultes non-seu- lement par les formes, mais aussi par les attitudes. IL y a vingt-cinq ans, un entomologiste de Berlin, Erichson. décrivit, dans un ouvrage spécial très-recommandable, tous les Staphylinides connus à cette époque, environ seize cents depuis on en a ajouté un nombre peut-être plus considérable. Les Staphylinides dont le labre est corné, le dernier anneau de l'abdomen rétractile, les élytres très-courtes, sont les plus grands. Dans le genre Staphylin nous comptons plusieurs espèces remarquables à divers titres. C’est d'abord le Staphylin odorant (Staphylinus olens), un Insecte tout noir, que l'on rencontre continuellement par les chemins. Animal carnassier, vivant uni- quement de rapine, il a la hardiesse des êtres accoutumés à la lutte. Lorsqu'on l’inquiète, loin de chercher à fuir, très-sou- vent il s'arrête et prend une attitude menaçante. Bien campé sur ses pattes, 1l se redresse à la fois en avant et arrière, ouvre ses SL LS Ar dr nn nn + > à | h96 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. mandibules courbées et acérées, pour mordre, en même temps qu'il exhale par l'extrémité de son abdomen une odeur très- pénétrante. La larve, également carnassière, ayant la tête et Les MÉTAMORPHOSES DU STAPHYLIN ODORANT (Staphylinus olens ). anneaux thoraciques cuirassés, les pattes longues, l'abdomen atté- uué vers Le bout et muni d’un long appendice servant à la marche, est fort agile, rappelant d’une façon remarquable la démarche et les attitudes de l'adulte. Néanmoins elle se lient sousles pierres, dans les endroits cachés, et ne sort que la nuit. Elle hiverne, et, s'établissant au retour de la belle saison dans une cavité, elle LES COLÉOPTÈRES. h97 se transforme en nymphe. Celle-ci, en entier d’un Jaune Juisant, porte une couronne de poils au bord antérieur du prothorax. D'autres Staphylins recherchent les charognes, comme le Staphylin à grandes mâchoires (Staphylinus maxillosus), d’un noir brillant, et en partie couvert d’un duvet cendré, comme le Staphylin bourdon (Staphylinus hirtus), le plus grand de tous, qui est vêtu d’une pubescence noire, jaune, rousse, offrant une certaine ressemblance de coloration avec plusieurs de nos Bourdons. Des Staphylinines, dont le corps est mince, presque linéaire, les Xantholins, fort abondants dans les bois humides, sous les feuilles tombées, les vieilles écorces, se nourrissent de proie vivante. La larve d’une espèce de ce genre, observée par M. Schiodte, vit sous les écorces et attaque des larves ligni— vores. Dans l'Amérique du Sud, on rencontre dans les mêmes conditions des Insectes voisins des Xantholins, les Sterculies, remarquables par leur grande tête et surtout par leurs couleurs éclatantes : bleues, violettes, vertes, dorées. Un petit groupe de la même tribu (Oxyporites), caractérisé par des antennes un peu élargies et comprimées vers le bout, se compose de plusieurs genres qui méritent d’être signalés. Les Oxypores, à l’état de larves comme à l’état adulte, vivent dans les végétaux pourris, et surtout dans les Champignons. L'Oxy- pore roux (Oxyporus rufus) est d’une jolie teinte rougeätre. Les Quédies se plaisent dans le fumier; on y trouve aussi leurs larves, qui, assurent quelques observateurs, dévorent des larves de Diptères. Une espèce de plus grande taille que les précé- dentes, toute noire, avec le prothorax très-élargi, présentant du reste les caractères des Quédies, le Velléie dilaté (Velleius dila- lalus), habite constamment les nids de Frelons (Vespa crabro) où, sans doute, elle mange les larves des grosses Guêpes. Les Tachyporines constituent une immense légion. Les Ta- chines et les Tachypores, au corps très-atténué vers le bout, 32 , M nt dé coin hi | PV PTE SS NII PE. 198 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. rappellent la forme des Poissons. Ils se trouvent en abon— dance parmi les détritus végétaux humides, et dans les ma- tières stercoraires. Les Alcochares, caractérisées par leurs antennes insérées au devant du front, ont les mêmes mœurs, tandis que les Loméchuses sont les hôtes respectés des Four- miliers. Des Staphylinides, appartenant à la même division, découverts dans des nids de Termites du Brésil, se signalent par l'énorme développement de leur abdomen qu'ils portent relevé et recourbé au-dessus du thorax. Cette énorme distension de l'abdomen es due à un mode de gestation unique parmi les Coléoptères. Ges Insectes ne pondent pas d'œufs; vivipares, ils donnent nais- sance à des larves. Nous devons la connaissance de ce fait à M. Schiodte, qui a publié, en 1864, une très-intéressante étude de ces curieux Coléoptères. Ces Insectes, de la longueur de 2 à 3 millimètres, avec leur abdomen mou, doivent demeurer cachés. IL est à supposer que les poils de leur abdomen, comme ceux des Loméchuses, sont le siége d’une sécrétion qui est recher- chée des Termites. Citons encore, parmi les types de la famille des Staphyli- nides, les Pœdérines, dont le corps est allongé et le dernier anneau de l’abdomen extrêmement petit. Les Pœdères vivent seulement au bord des eaux, courant dans les endroits les plus mouillés. Ils ont des couleurs rouges et bleues très-vives. L'un des plus communs, le Pædère des rivages (Pæderus ripartus), a les élytres bleues, le prothorax rouge, ainsi que les pattes et les quatre premiers anneaux de l'abdomen. Les Psécarmpes, tout petits Coléoptères, lisses, luisants, fort apparentés aux Staphylinides, ont aussi des élytres courtes qui ne protégent pas l'abdomen en entier. Remarquables par leurs antennes renflées à l'extrémité et leurs longs palpes, les Pséla- phes et les Clavigères sont généralement les hôtes des fourmi lières. Les premiers, très-agiles, se voient aussi sous les pierres, LES COLÉOPTÈRES. 199 dans la mousse, ete., mais les seconds, observés en 1818, par P. L. Müller, un professeur d'Erlangen, ont absolument besoin des soins des Fourmis. STAPHYLINS VIVIPARES (d'après M, Schiodte). 1. Goroloca Melantho, — 2, Sa larve, — 3, Spirachtha Eurymedusa. Il estune petite famille de Coléoptères où l’on compte au nom- bre des principaux représentants plusieurs espèces fort nuisibles aux matières animales que nous voulons conserver : c'est la fa- mille des Dermesrines. Ces Insectes, d’une taille toujours peu considérable et souvent très-minime, ont en général des couleurs grises, brunes, ternes; leurs antennes sont courtes et termi- nées en une massue ordinairement très-forte ; leurs mandibules, petites, ne font pas saillie au devant du labre. Au moins dans leur premier état, les Dermestines vivent de 500 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. matières animales; ils attaquent les pelleteries, les fourrures, les cuirs, les animaux conservés dans les collections, la chair dessé- chée des cadavres, ete. Plusieurs d’entre eux, transportés par les navires, se sont acclimatés et quelquefois singulièrement propa- gés, au grand dommage des habitants, à peu près dans toutes les parties du monde. Adultes, les Dermestines ont des pattes grêles contractiles; sont-ils inquiétés, il les replient aussitôt coutre le corps, ils font le mort. Larves, ce sont des Insectes revôtus d’un tégument mince, élastique, garni de poils disposés en bouquets, en faisceaux, en pinceaux d'une extrême élé- gance. Ces larves, douées d'une certaine agilité, ont de petites pattes avec des tarses terminés par un simple crochet, une tête petite, avec les yeux ordinairement au nombre de six de chaque côté. Les vrais Dermestes, très-reconnaissables à leur corps oblong et à leurs antennes de dix articles, dont les trois derniers forment la massue, se rencontrent dans les maisons, et surtout dans les magasins de denrées. Le type du genre, le Dermeste du lard (Dermestes lardarius), un Insecte noir, avec la base des élytres fauve et marquée de trois points obseurs, consomme peu de nourriture à l’état adulte, mais à l’état de larve, c’est autre chose. Cet Insecte, d’un brun noir, couvert de longs poils touffus disposés par séries assez régulières au bord de chaque zoonite, est un véritable fléau pour les fourrures, pour les peaux, etc. S'il mange du lard comme son nom l'indique, il mange égale- ment très-volontiers les peaux des Mammifères et des Oiseaux des musées d'histoire naturelle, et dans les magasins de four- rures il n’est pas moins redoutable. Une autre espèce du genre, le Dermeste renard (Dermesles vulpinus), pour être répandue d'une manière un peu moins générale, n’en est pas moins quelquefois fort abondante. Elle se trouve dans les mêmes conditions que l’espèce précédente, et il y a vingt-cinq à trente ans, elle causa de si grands ravages LS Lés ‘os — RUE aie dé sd nt bn du un ne 1 n iles ltd dé nt RÉ SES ne LES COLÉOPTÈRES. 504 à Londres, dans les magasins de peaux, qu'une récompense de 20000 livres sterling, rapporte M. Westwood, fut proposée pour un remède propre à la destruction de cet Insecte. Il est MÉTAMORPHOSES DU DERMESTE DU LARD ET DU DERMESTE RENARD (Dermestes lardarius et Dermestes vulpinus). facile de faire périr les Dermestes au moyen d’une évapora- tion de benzine, de sulfure de carbone, ete.; seulement il est nécessaire d'opérer à diverses reprises, et surtout dans le temps où les Insectes adultes éclosent, afin de les faire périr avant la ponte. Un Dermestine de forme ovalaire, ayant des antennes de onze articles, et bien reconnaissable à sa couleur noire, avec un point blanc au milieu de chaque élytre, est le type du genre Mégatome. Le Mégatome des pelleteries (Hegatoma pellio) se trouve très- fréquemment dans les maisons. Sa larve, d’un brun roux, cou— verte de longs poils lustrés, portant en arrière un pinceau figu- rant une sorte de queue, dévore toutes les fourrures et même les plumes. 502 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. De très-petites espèces an corps court, ramassé, presque glo- buleux, les Anthrènes, se voient fréquemment sur les fleurs pen- dant la belle saison. L’Anthrène des musées (Anthrenus museo- rum), un Coléoptère long de 2 à 3 millimètres, noirâtre, orné de trois bandes transversales blanches ou grises sur les élytres, est la terreur des entomologistes. Sa larve, couverte de poils bruns et grisâtres disposés par petits faisceaux, attaque les collec- tions d’Insectes et exerce dans un très-court espace de temps d'irréparables dégâts. Elle se tient cachée dans l’intérieur du corps qu'elle ronge,-et ne se montre guère qu'à l’époque de sa métamorphose. La nymphe reste protégée par la peau de la larve. Les Byrrhines, qui se rattachent à la famille des Dermes- tides par l’ensemble de leur organisation, affectent une forme globuleuse. Comme les Dermestes, ils ont la faculté de re- plier leurs pattes et de contrefaire le mort pour échapper à l’en- nemi, mais leurs jambes sont larges et comprimées, et cette forme caractéristique trahit chez ces Insectes l'habitude de fouir le sol. Les Byrrhes, qui portent des antennes grêles, avec une mas— sue formée par les cinq derniers articles, se rencontrent sous les pierres, sous les mousses. Le Byrrhe pilule (Byrrhus prlula), dont le nom fait allusion à la forme ronde, n’est pas rare dans notre pays. Sa larve, trouvée dans la terre, sous des gazons, est assez molle, rose, un peu courbée, pourvue de pattes de mé- diocre longueur. Une multitude de petits Insectes de formes assez diverses com- posent la tribu des Mycétophagines; on les distingue des Der- mestines et des Byrrhines à leurs pattes qui ne sont pas contrac- tiles. Les Mycétophages, leur nom l'indique, vivent dans les Champignons. Ce sont de petits Coléoptères, au corps large, un peu déprimé, ayant souvent les élytres parées de taches ou de points jaunes ou rouges. Leurs larves ressemblent à celles des _cimdhn tirs otet* Ml At, Dé D 2 06 RS LS ” + ” mé té LES COLÉOPTÈRES. 503 Dermestines, mais elles s’en distinguent dans leur apparence générale par la rareté de leurs poils. Les Hypropmumes, Insectes pour la plupart herbivores, con- formés pour nager et pour vivre dans les eaux, ont des antennes courtes, insérées sous les bords latéraux de la tête, terminées par une massue formée des derniers articles, et de longs palpes filiformes pendants. L'allongement remarquable de ces appen- dices avait fait attribuer autrefois aux Hydrophilides le nom de Palpicornes. Une des particularités les plus notables de l’organisation de presque tous les représentants de cette famille, se trouve dans la présence, chez les femelles, de glandes abdominales pro- duisant une sorte de matière soyeuse servant à la confec- tion d'une coque destinée à loger les œufs. Ce qui est unique parmi les Coléoptères, les Hydrophilides femelles, dont l’extré- mité de l'abdomen est pourvue de deux filières affectant la forme d’appendices cylindriques, se mettent à tisser, au moment de leur ponte, une coque d’un tissu assez serré, fournissant ainsi à leurs œufs une protection qui leur est sans doute bien utile dans les eaux toujours peuplées de multitudes d'animaux voraces. Les larves des Hydrophilides sont généralement oblongues, avec une tête avancée, sans rétrécissement postérieur en forme de cou; des mandibules grandes, courbées vers le haut, souvent dentées; des antennes de trois ou quatre articles; des plaques de consistance coriace sur les anneaux thoraciques; un abdomen plissé, avec le dernier anneau très-petit; des pattes assez longues, avec les tarses ordinairement unguiculés. Ces larves, sans avoir l’agilité de celles des Dytiques, sont cependant fort actives; se nourrissant surtout de matière végétale, elles attaquent néan- moins des Insectes. Presque amphibies, on les voit assez souvent sortir de l'eau et marcher péniblement entre les herbes du ri- vage. Pour se transformer en nymphes, elles s’enfoncent dans 504 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. la terre ou dans la vase, où elles se façonnent une loge en im- prégnant les parois de leur salive. Sans être très-nombreuse en espèces, la famille des Hydro- philides renferme plusieurs types bien caractérisés. Nous recon— naîtrons les Hydrophilines à leur corps ovalaire, à leurs mâ-— choires entièrement de consistance solide, à leurs tarses dont le premier article est beaucoup plus court que les suivants. Les Hydrophiles proprement dits sont de gros Insectes de forme ovalaire, ayant des antennes de neuf articles dont les quatre derniers constituent là massue. Ils ont une longue pointe sternale aiguë dirigée en arrière, blessant la main qui saisit l’In- secte sans précaution. Il y a des Hydrophiles dans les diverses régions du monde ; un seul habite l'Europe, et c’est le plus grand, l'Hydrophile brun (Hydrophilus piceus). 11 est connu de tout le monde : long de plus de 6 centimètres, d'un noir olivâtre, nageant avec facilité à l’aide de ses pattes postérieures apla— ties, ciliées, converties en rames, il figure très-bien dans les bocaux à Poissons rouges. On observe toujours avec intérêt la manière dont il vient respirer à la surface de l’eau; c'est une manœuvre bien différente de celle du Dytique, qui a été minu- tieusement décrite par Lyonet. L'Hydrophile, de construction massive, ne saurait se maintenir à la surface de l’eau dans une position bien horizontale. Il sort de l'eau seulement l'ex- trémité de sa tête, et repliant contre le corps son antenne dont la massue est en partie canaliculée, il entraine, en redescen— dant dans l’eau, une bulle d’air qui, par le secours de la pubes- cence des parties inférieures de l’Insecte, s'étend et chemine sur les côtés du thorax et de l'abdomen, et arrive ainsi jusqu'aux orifices respiratoires. L’Hydrophile n’est pas moins curieux à observer au moment de la ponte, lorsqu'il file son cocon. Accro- ché aux plantes aquatiques, la tête en bas, il émet ses œufs, et tout aussitôt, promenant ses filières à l’entour, il les enveloppe et façonne la coque en la fixant, soit à une feuille, soit à une LES COLÉOPTÈRES. 505 tige. Cette coque, d'un gris clair et en ovale très-court, porte un on 1 MÉTAMORPHOSES DE L'HYDROPHILE BRUN (Hydrophilus piceus). long pédicule conique. Les jeunes larves, à peine écloses, cher- chent leur nourriture, et leur accroissement paraît s'effectuer nn. dt ul ne ei 506 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. rapidement. Quand_elles ont atteint toute leur croissance, elles sont fort grosses, d’un gris sombre, avec les parties écailleuses de la tête et du thorax d’une couleur brune luisante. Au repos, et même pendant la marche, la tête et l'abdomen sont relevés, de sorte que le corps se trouve plus où moins courbé en are. A l'aide de ses pattes ciliées et de son abdomen flexible, cette larve nage avec facilité, et faisant sa nourriture en grande partie de matières végétales, elle chasse cependant des Insectes et des Mollusques. Souvent elle vient saisir à la surface de l’eau de COQUES DE L'HYDROPHILE BRUN. 4. Coque isolée, — 2. Coque atlachée à une feuille, — 3, Coque ouverte pour montrer à l'intérieur la disposition des œufs, petits Limnées ou de petits Planorbes en renversant sa tête; elle brise la coquille et dévore l'animal. La nymphe porte au bord antérieur du thorax et sur l'abdomen des cils fort épais, dont l'usage n'a pas encore été bien reconnu. Des Hydrophiles d'assez petite dimension, mais très-voisins des précédents par leur conformation, n’ayant toutefois la massue de leurs antennes canaliculée qu'à l'extrémité, constituent le genre Hydrous. Le {ype (Æydrous caraboides), un Insecte ovale et noir, fort abondant dans les mares, a des habitudes très-sem- blables à celles de l'Hydrophile brun. D’autres Hydrophilines, caractérisés surtout par les propor- tions des articles de leurs palpes, les Hydrobies et les Philhydres, dont la taille est très-médiocre, forment des coques ou capsules LES COLÉOPTÈRES. 507 ovigères d'une physionomie particulière. Ces coques, fixées aux plantes, sont lamelleuses. Les Béroses (Berosus spinosus) ont des larves dont les anneaux de l'abdomen sont pourvus sur les côtés d'une paire de très-longs appendices garnis d’une fine pubes- cence servant à la natation, et fonctionnant aussi bien probable- ment à la manière de branchies. D'autres Coléoptères se rattachant à la même famille par l’en- semble de leur conformation en diffèrent par quelques caractères et par les habitudes : ce sont les Sphæridiines. Ceux-ci ont le corps globuleux, le lobe interne des mâchoires membraneux, et ils vivent, les uns aux bords des eaux, les autres dans les bouses. Comme les autres Hydrophilides, ils enveloppent leurs œufs dans une capsule soyeuse, mais ils enfouissent cette coque, soit dans la terre humide, soit dans le fumier. Les espèces du genre Cercyon, toutes de petite taille, se tien- nent sur la vase. On trouve communément le Cereyon des riva- ges (Cercyon littoralis). Sa larve, privée de pattes, est rampante ; elle fouille la terre et se nourrit de petites larves de Diptères. Les espèces du genre Sphéridie recherchent les fumiers. Le type, le Sphéridie scarabéoïde (Sphæridium scarabæoïdes), petit Insecte long de 6 à 7 millimètres, arrondi, noir, avec les élytres ornées de deux taches d’un jaune rouge, fréquente les bouses de Vaches. Sa larve, bien étudiée par M. Schiodte, a de très-petites pattes sans tarses, mais sa marche est singulièrement aidée par des appeñdices placés sur les côtés de l'abdomen. Les Dvyricnes ont une parenté extrêmement étroite avec les Carabides. Comme ceux-ci, ils ont le lobe externe de leurs mâchoires converti en un palpe articulé, des mandibules acérées, des pattes ayant cinq articles à tous leurs tarses, des antennes filiformes. La principale différence entre les Dyticides et les Carabides consiste dans des adaptations à des conditions de séjour. Les Dyticides, mieux que les Hydrophiles, sont confor- més pour la vie aquatique; leur corps est large, souvent très- 508 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. plat, les pattes propres à la natation, les postérieures constituées en véritables rames. Au contraire, les Carabides, au corps svelte et aux longues pattes grêles, sont conformés pour la vie terrestre. Les Dyticides vivent dans toutes les eaux dormantes et dans les petites rivières herbues dont le cours est peu rapide. Pour- vus d'ailes très-amples, ils volent, et fréquemment on les voit sortir de l’eau, et se porter d’une mare dans une autre. Malgré leur genre de vie spécial, ces Coléoptères, organisés comme les espèces terrestres, sont obligés, surtout pendant la saison chaude, de venir, à de courts intervalles, à la surface de l'eau, pour les besoins de leur respiration. Une disposition bien simple permet aux Dyticides de s’approvisionner d'air. Leurs stigmates, situés à la face dorsale de l'abdomen et protégés par les élytres qui embrassent exactement les côtés du corps, ne sont pas exposés au contact de l’eau. L’Insecte montant à la surface soulève ses élytres, l'expiration a lieu; il les abaisse aussitôt que l'inspiration s'effectue, et une certaine quantité d'air se trouve retenue sous les élytres formant une sorte de voûte. Les Dyticides sont exclusivement carnassiers; ils s’attaquent à tous les animaux aquatiques, qu'ils déchirent sans peine avec leurs puissantes mandibules. Les larves vivent comme les adultes, faisant une chasse incessante à une foule d’Insectes, à des Mollusques, à de jeunes Poissons. Ces larves, allongées, amincies en arrière, revêtues de téguments coriaces, sont véri- tablement cuirassées. Leur tête est large, leurs pièces buccales saillantes; leurs mandibules arquées sont perforées à l’extré- mité, et ainsi propres à la succion ; leurs pattes, déjà longues, ont des tarses unguiculés. Les larves des Dyticides, douées d'une grande agilité, nagent avec aisance au moyen de leur abdomen flexible terminé par deux appendices souvent folia- cés. Ces Insectes, pourvus de stigmates sur les côtés de tous les LES COLÉOPTÈRES. 509 zoonites abdominaux, viennent cependant respirer en élevant à la surface de l’eau l'extrémité de leur corps, où se trouve située, au voisinage de l’orifice anal, la dernière paire de stig- mates. Étant sur le point de se métamorphoser, elles sortent de l’eau, et vont s’enfoncer dans la vase ou dans le sable du rivage, s'y façonnent une cellule à leur taille et se transforment en nymphes. Jusque dans ces derniers temps, les métamorphoses n’avaient .été observées que chez un très-petit nombre de Dyticides, mais les études récentes de M. Schiodte ont beaucoup accru nos con naissances sur ce sujet. La famille des Dyticides est peu nombreuse, si on la compare à celle des Carabides. Ses espèces ont, en général, une distribu- tion géographique très-étendue; plusieurs se trouvent répan— dues dans une grande partie du monde. C’est là un fait intéres— sant à noter : il prouve que sous des climats où les conditions d'existence sont fort différentes pour les espèces terrestres, ces mêmes conditions demeurent presque semblables pour les espèces aquatiques. | Dans la famille des Dyticides, il y a deux types bien tran- chés, et par conséquent deux tribus : les Dyticines et Gyrines. Les premiers ont de longues antennes filiformes et des pattes antérieures assez courtes; les seconds, de petites antennes épaisses dont le deuxième article est prolongé en manière d'oreillette, et les pattes antérieures beaucoup plus longues que les autres. Des espèces de la tribu des Dyticines ayant toujours cinq arti- cles à leurs tarses, composent un premier groupe (Dyticites). Les vrais Dytiques, Insectes d’assez forte taille, ont le dernier article de-leurs palpes aussi court que le précédent et leurs tarses pos- térieurs munis de deux crochets mobiles. Toutes les espèces du genre ont les mêmes mœurs. Le Dytique bordé (Dytiscus marginalis) est abondant dans les 510 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. eaux stagnantes de toute l'Europe; il vit très-longtemps à l’état adulte, de sorte que certaines personnes prennent plaisir à le conserver dans des bocaux pour s'amuser de ses mouvements agiles, et de sa voracilé, quand il se jette sur une proie. Le Dytique bordé est un gros Coléoptère, en dessus d’un brun verdâtre foncé avec une bordure jaunâtre, en dessous d'un ton fauve ferrugineux avec un liséré noir à chaque anneau de l'abdomen. Le mâle a les élytres lisses; la femelle a les élytres cannelées. La femelle a les tarses antérieurs simples; le mâle a les trois premiers articles de ces mêmes tarses extrè- mement élargis et garnis en dessous de nombreuses cupules ou plutôt de ventouses, deux assez grandes, les autres très- petites. Voilà, entre les individus des deux sexes, des diffé- rences considérables dont le but est facile à comprendre. Ces Insectes s'unissent dans l’eau, tout en nageant : avec des tarses simples, jamais le mâle n'aurait eu la possibilité de retenir sa femelle, avec l'appareil dont ces appendices sont pour- vus, il prend adhérence sans la moindre difficulté, et la femelle ayant des élytres cannelées, l’adhérence s'effectue d’une manière bien autrement efficace que si leur surface avait été lisse. Le Dytique détruit une foule d’Insectes et de Mollusques et dans les ruisseaux comme dans les étangs. Quelquefois des Dytiques s’attaquent à des Grenouilles; s’accrochant sur le dos de l'animal, ils en entaillent la peau avec leurs mandibules et se mettent à la ronger. La Grenouille toute saignante se débat en vain contre les morsures des Dytiques, elle finit toujours par succomber. | Les Dytiques laissent tomber leurs œufs au fond de l’eau; les jeunes larves naissent et grandissent rapidement, car leur vora- cité est extrème. Au terme de leur croissance, elles sont longues de près de 5 centimètres, d'un gris jaune varié de brun. Leur tête, large et arrondie, porte de chaque côté six yeux disposés PAGE 510. EM. BLANCHARD. l in | i in, nt cl Lochfahéé EL IMPR, DE E. MARTINET, (Dutiseus marginalis). MÉTAMORPHOSES DU DYTIQUE BORDÉ LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE. — D mn. me ve pod ns be à bou dre on À pi ie DÉS à dés » int à ie 7” dé LES COLÉOPTÈRES. 511 en deux séries transversales; leurs pattes sont assez longues et garnies de cils qui facilitent la natation; les appendices qui ter- minent leur abdomen sont lancéolés et frangés, de façon à con- stituer de véritables rames. CLEAN PATTE ANTÉRIEURE DU DYTIQUE BORDÉ MALE. Vue en dessous, pour montrer les ventouses du larse, On donne le nom de Cybisters à des Dytiques n'ayant qu'un seul crochet immobile aux tarses postérieurs. Leurs femelles ont les élytres non pas cannelées, mais seulement striées. Le type du genre, le Cybister de Ræœsel (Cybister Rœselu) est assez commun dans toute l’Europe. Sa larve est dépourvue d’appendices nata- toires à l'extrémité du corps. Les Hydatiques, dont la taille est médiocre, sont les plus jolis des Dyticides; leur corps, brun ou noir brillant, est orné de taches ou de bandes jaunâtres. De très-petits Dyticites, n’ayant que quatre articles aux larses, composent un groupe parti- culier (Hydroporites). Les larves des Hydropores, moins allon- gées que celles des autres Dyticides, ont les pattes munies de longues épines et l'extrémité de l’abdomen pourvue de très- longs appendices. Les Gyrinines sont des Coléoptères tout brillants que l'on voit pendant l’été nageant à la surface des eaux tranquilles, même sur les bassins des jardins, où ils décrivent des cercles 512 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. avec une étonnante rapidité. Ce mouvement leur a valu leur nom scientifique de Gyrins (Gyrinus), comme leur nom vul- gaire de Tourniquets. Leurs pattes du milieu et de derrière sont de larges rames, tandis que leurs pattes de devant, tou- jours fort longues, servent de gouvernail. Ces Insectes, pas- sant une grande partie de leur existence à la surface de l’eau, avaient besoin de voir en dessus et en dessous; soit pour échapper à des dangers divers, soit pour atteindre une proie, ou aérienne ou aquatique, la nature leur a donné quatre yeux. C'est du moins l'apparence ; mais la nature n'’ajoute guère à l’un ce qu'elle refuse à tous les autres, une modification simple suffit pour atteindre le but. Les Gyrins, comme tous les autres Coléoptères, n'ont en réalité que deux yeux, seule- ment ces yeux sont divisés par le bord latéral de la tête, et par suite de cette division, il y a deux yeux qui voient en haut ef deux yeux qui voient en bas. Les Gyrins dispa- raissent de la surface des eaux quand viennent les froids, et se cachent au fond, sous les pierres, entre les herbes ou même dans la vase. Leurs larves sont longues, extrêmement minces, blanches, avec les parties coriaces d’un ton jaune; la tête pe- tite; tous les anneaux de l'abdomen pourvus sur les côtés de longs appendices ciliés, servant à la natation et fonctionnant comme des branchies, et le dernier anneau muni de quatre crochets mobiles propres au saut. Ces larves, fort agiles, très- voraces, se dérobent à l'ennemi par les sauts brusques qu'elles exécutent. Les animaux féroces de l’ordre des Coléoptères, les Cara BIDES, sont des carnassiers agiles, rapides à la course, possé- dant, dans leurs mandibules tranchantes, de puissantes armes de guerre. | Chez les Carabides, le corps est presque toujours d’une forme élancée ; les antennes longues, cylindriques, comme des fils ; les pattes propres à la course, avec leurs tarses invariablement com- TT Rs à he ms os doc oi de ur dt li nt ÉÉ en LS SE SD SSD RS LES COLÉOPTÈRES, 513 posés de cinq articles, minces, presque cylindriques, ainsi qu'il convient pour des animaux qui courent à terre, mais ne grimpent pas ou ne grimpent que difficilement avec le secours de leurs crochets acérés. Mais c’est la conformation des mâchoires qui fournit le caractère le plus remarquable. Ces pièces buccales portent deux palpes; le lobe externe de la mâchoire étant con- ver en un véritable palpe divisé en deux ou trois articles, comme chez les Dyticides, qui sont les carnassiers aquatiques. Ce caractère, ne se retrouvant nulle part ailleurs, acquiert ainsi une importance considérable. Les mâles des Carabides ont les tarses de devant élargis; c’est pour retenir leurs femelles. Les larves de ces Coléoptères ne sont pas moins carnassières que les adultes ; la plupart d’entre elles s'emparent de leur proie à la course : aussi les voyons-nous solidement cuirassées; tête, anneaux du thorax et de l’abdomen revêtus de téguments de consistance coriace. Leurs mandibules arquées en forme de faux, ayant une grande dent à leur base, et chez certaines espèces d’autres dents longues et aiguës, donnent à ces parties l'aspect des plus terribles tenailles. Leurs mâchoires bilobées portent un seul palpe de quatre articles ; le lobe externe, des- tiné à être converti en un palpe chez les adultes, ne consiste encore qu'en un petit appendice dentiforme. Leurs pattes, assez longues, se terminent ordinairement par un tarse de deux arti- cles. L’extrémité de leur abdomen est munie le plus souvent, comme dans les Staphylinides, de deux appendices articulés et d'un tubercule inférieur servant à la marche. Les Carabides sont en nombre immense par le monde; dans plusieurs groupes, les genres admis par les entomologistes ne sont différenciés que par les plus faibles caractères, et souvent les espèces ne se distinguent les unes des autres que par des détails assez difficiles à saisir. On s'explique cette grande uniformité chez des Insectes dont les conditions biologiques sont à peu près semblables. 33 PPT TP D bn SE OS de md à diète à fu 2 oh LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. La famille des Carabides a deux types principaux : les Cara- bines et les Cicindélines. Chez les premiers, le lobe des mâchoires est simple comme dans les autres Coléoptères, et les palpes labiaux sont aussi minces que les palpes maxillaires ; chez les seconds, le lobe des mâchoires se termine par un onglet articulé, et les palpes labiaux sont ordinairement plus épais que les maxillaires. Le groupe le plus remarquable de la première tribu est celui des Carabes (Carabites), Insectes d'assez forte taille ayant leurs palpes terminés en forme de hachette et les jambes antérieures sans échancrure. Les Carabes proprement dits ont un corps oblong, les élytres soudées sur la ligne médiane et emboïtant l'abdomen très-étroi- tement; les ailes manquent, les élytres ne doivent jamais ni être écartées, ni être soulevées. Beaux Coléoptères, toujours bril- lants, quelquefois parés de couleurs métalliques éclatantes, les Carabes, avec leur tête dégagée, leurs longues pattes, leur corps admirablement cuirassé, ont une vraie élégance, une allure fière, une apparence de distinction qu'on trouve ordi- nairement, du reste, chez les animaux carnassiers. Les Carabes, et l’on en connaît aujourd’hui plusieurs centaines d'espèces, sont répandus en Europe, surtout dans l'Europe orientale, et en Sibérie plus que partout ailleurs. Dans notre pays, l’es- pèce la plus commune est le Carabe doré (Carabus auratus). Tout le monde le connait ce Coléoptère d’un beau vert doré, ayant les pattes et les antennes roussâtres, les élytres portant, comme si elles avaient été sculptées, trois côtes arrondies. Il court à travers les champs et même à travers les chemins, sans cesse en quête d’une proie, détruisant une foule d'animaux nuisibles aux cultures ; aussi est-ce avec bonheur que les gens des campa- ones écrasent l’un des Insectes les plus utiles, que les cultivateurs auraient tant d'intérêt à voir multiplier. Le Carabe doré, habituellement désigné sous les noms vul- saires de Jardinier et de Couturière, mange des Chenilles, des LES COLÉOPTÈRES. 515 Limaces, attaquant même des Hannetons, malgré leur poids. Au printemps, on a quelquefois l’occasion d'assister à une curieuse scène de carnage. Un Carabe saisit un Hanneton tombé à terre ; avec ses mandibules il lui entaille l'abdomen comme avec une paire de ciseaux, puis il tire les intestins et se met à les dévorer. LES CARABES DORÉS ET LEURS LARVES (Garabus auratus). Le Hanneton continue à marcher, cherchant à se soustraire à l'en- nemi, mais l'ennemi ne le lâche point, et le malheureux finit par rouler sur le dos. Les larves du Carabe, d’un brun noir et luisant, sortent peu pendant le jour; elles se tiennent plus volontiers cachées sous des Et RES nl - sé RARES ES. di Sn dd dc if 516 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. pierres, sous des mottes de terre ou dans des cavités. Elles chas- sent, du reste, comme les adultes. Les autres Carabes ont absolument les mêmes habitudes; quelques espèces des Pyrénées sont vraiment magnifiques : le Carabe splendide (Carabus splendens), le Carabe rutilant (Cara- bus rutilans), le Carabe d'Espagne (C'. Mispanus). Dans nos environs, on rencontre fréquemment un très-gros Carabe tout noir, devenu le type d’un genre particulier, le Pro- cruste chagriné (Procrustes coriarius). En Grèce, en Turquie, dans l'Asie Mineure, vivent les plus gros Carabites, les Procères, dont les élytres sculptées sont tantôt noires, tantôt d'un beau bleu violet. Au même groupe appartiennent les Calosomes. Ceux-ci ont le corps large et les élytres libres; ils portent des ailes, aussi non-seulement ils courent à merveille, mais encore ils volent à ravir. Le type du genre, le Calosome sycophante (Calosoma sycophanta) est peut-être le plus beau Coléoptère d'Europe, ou tout au moins l’un des plus beaux. IL est d’un bleu violet foncé, avec les antennes et les pattes noires, les élytres d'un vert doré chatoyant, striées et ponctuées. Superbe par sa parure, il est également superbe dans son allure, lorsqu'il court sur les troncs des grands Chênes avec une incroyable célérité. Le Calosome sycophante est tout particulièrement avide des Chenilles processionnaires. C'est à ces chenilles qu'il fait une chasse active ; l’Insecte adulte et la larve se voient fréquemment ensemble, ainsi que nous les avons représentés * dévorant les chenilles, que leurs toiles tendues ne défendent pas contre les Calosomes. La larve du Calosome sycophante, proportionnellement un peu plus large que celle des Carabes, ressemble, du reste, beau- coup à ces dernières. Au terme de sa croissance, elle s’en- 1 Voyez pages 242-241. LES COLÉOPTÈRES. 517 fonce dans la terre à une faible profondeur, façonne une sorte de loge, et se transforme en nymphe. Cette dernière est garnie de petits bouquets de poils très-élégamment disposés. Une autre espèce du genre (Calosoma inquisitor), beaucoup plus petite et de couleur bronze, se tient aussi sur les arbres des forêts, où elle recherche différentes Chenilles. Beaucoup de Carabides affectionnent les endroits humides et surtout le bord des eaux. Les Elaphrites, en général d'assez petite taille, se distinguent des Carabes par la présence d’une échancrure vers l’extrémité des jambes antérieures. Il y a les Nébries, qui ont le corps très-aplati; les Elaphres, qui ont une tête petite avec de très-gros yeux, les antennes un peu épais- sies vers le bout, un prothorax globuleux. Ces petits Coléoptères, à la démarche vive et agile, ordinairement d'un vert bronzé avec de gros points enfoncés sur leurs élytres, imitant une véri- table ciselure, se trouvent au bord des mares et des étangs, sou- vent entre les herbes et les roseaux. L'Elaphre des rivages (Ela- phrus riparius), qui est très-comm un, a sur ses élytres verdâtres et brillantes quatre séries de taches d’un rouge violacé. Les Omophrons, avec un corps presque hémisphérique, rappellent beaucoup l'aspect de certains Dyticides. Le type du genre, l'Omophron bordé (Omophron limbatum), long de 7 à 8 milli- mètres, de couleur fauve avec trois bandes sinueuses vertes sur les élytres et une tache sur la tête et le prothorax de la même nuance, se trouve au bord des rivières. Sa larve, observée par Desmarest, a une tête énorme et le corps très-atténué en arrière. Le groupe des Bembidionites, composé essentiellement du genre Bembidion, es caractérisé par les palpes dont le dernier article est petit et pointu. Charmants petits Coléoptères d’une taille excédant rarement 4 ou 5 millimètres, lisses, brillants, ponctués, parés de couleurs variées et souvent très-vives, ils se plaisent dans les endroits humides, et particulièrement sur les rives vaseuses des mares et des étangs. En 1852, un auteur, PP Ne PT xt : 5e dd, 7, Le RS ee ab «nn Eni à oùe bal on 00 0 “Ci « 518 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Jacquelin-Duval, en énuméra cent vingt-cinq espèces recueillies seulement en Europe. D’autres, tout aussi petits que les Bembidionites (Tréchites), ayant le corps plat, le dernier article des palpes de la même lon- gueur que le précédent, sont vraiment curieux par leur genre de vie. Il y a les Anophthalmes, Insectes étiolés, presque transpa- rents, qui, vivant dans les cavernes, sont aveugles, leur nom l'indique; tandis que des espèces du genre résidant dans les par- ties des grottes où pénètre un peu de lumière possèdent des yeux imparfaits : M. Grenier a fait cette intéressante observation. Il y a les Blemus et les Æpus ; les premiers sans armature aux tarses, les seconds avec une épine recourbée sous l’avant-dernier article. Le type du genre Blemus (Blemus areolatus), observé par Victor Audouin sur la côte de l’île de Noirmoutier, passe la plus grande partie de son existence sous l’eau à une grande profondeur; on ne le trouve que lors des grandes marées, lorsque la mer se retire au loin. Il se tient sous des pierres, dans des anfractuosités, où une certaine quantité d'air demeure emprisonnée, et comme notre Insecte porte des poils rares, mais très-longs, il est probable qu'il retient aisément autour de son corps de petites bulles d’air suffisantes pour les besoins de sa respiration. Les Æpus vivent dans les mêmes conditions (Æpus fulvescens, ete.). La larve d’une espèce de ce genre, observée par Coquerel, a une grosse tête comme les larves d'Omophrons (Æpus Robint). Les Panagéites sont des Carabides dont la tête est petite, les palpes élargis à l'extrémité, les jambes échancrées vers le milieu, pour fouiller le sol, les mandibules dentées. Le type du genre Panagée (Panagœus crux-major) est un joli petit Coléoptère, noir velu, ayant les élytres ornées d’une bordure et de deux bandes transversales d'un rouge ferrugineux très-vif.- Cet Insecte s'en- fonce habituellement dans la terre au pied des arbres. On distingue les Chléniites, qui sont étroitement liés aux pré- cédents, à leurs mandibules acérées, Les Chlénies, d’une taille LES COLÉOPTÈRES, 519 moyenne, très-généralement d'une couleur verte et revêtus d'une fine pubescence, sont répandus dans presque toutes les parties du monde. Le Chlénie velouté (Chlænus velulinus), long d’une quinzaine de millimètres, d'un vert vif, avec une bordure jaune autour des élytres, se trouve parfois en bandes nombreuses sur les bords des rivières, ce qui est du reste le séjour habituel de la plupart des espèces du genre. Une immense suite d'espèces de la famille des Carabides con- stitue le groupe des Féroniites, le grand genre Féronie, où les articles des tarses, assez élargis, affectent une forme triangulaire. Insectes noirs ou bronzés, les espèces se ressemblent d’une façon désespérante pour les classificateurs. Ces Insectes errent dans les champs, dans les endroits arides, rocailleux, et se réfugient sous les pierres. L'une des Féronies que l’on rencontre le plus sou- vent sur les chemins est la Féronie cuivrée (Feronia cuprea, genre Pœcilus de divers auteurs), qui est, en effet, d’un vert cuivreux. À ce groupe des Féroniites se rattachent les Amares, qui se reconnaissent à leur corps court el assez large, à peu près ovalaire. Ceux-ci grimpent souvent après les Graminées, et l'on a constaté que parfois ils rongeaient les épis. Ce qui mérite d'être remarqué, c'est la forme des articles de leurs tarses, leur permettant de monter sur les végétaux. Les Zabres, beaucoup plus gros que les Amares, au corps oblong, massif, voûté, grim— pent avec la même facilité, et l'on croit que l'espèce la plus com- mune, le Zabre bossu (Zabrus qibbus), Insecte d’un noir brun, dévore les jeunes pousses de blé. Les Harpalites, comme les Féroniites, sont des Insectes de taille moyenne, bronzés ou noirâtres, difficiles à distinguer les uns des autres, dont les habitudes ne présentent aucun intérêt particulier. ILest une espèce de Harpale, le Harpale bronzé (Harpalus œneus) que l’on rencontre à chaque pas, courant à terre sur les chemins et dans les champs. Malgré son abondance dans toute l'Europe tempérée, il n’a pas encore été étudié dans ses métamorphoses, — | lt ami dt bé — à Tan dE M RS LS ee D Las un À 1 à can. De à 520 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Les Scarites (groupe des Scaritites), qui atteignent souvent une forte taille, se font remarquer par leurs jambes antérieures élargies et comme palmées en dehors; particularité qui donne l'idée de mœurs dont les autres Carabides ne nous ont pas offert d'exemples. En effet, les Scarites, Insectes nocturnes du midi de l'Europe et des régions chaudes des autres parties du monde, ordinairement de couleur noire, habitent le bord des rivières et plus encore les rivages de la mer. Pour se cacher, ils creusent le sable à l’aide de leurs jambes antérieures parfaitement appro- priées à cet usage. En Provence, on rencontre sur les bords de la Méditerranée le Scarite géant (Scariles gigas), qui n'a pas moins de # centimètres de long. Chez cet Insecte, une tête forte, des mandibules longues, acérées, annoncent le carnassier au plus haut degré. Sous les climats froids ou tempérés de l'Europe, les Scaritites sont représentés par de très-petites espèces, dont les mandibules sont peu saillantes et les jambes antérieures pour- vues de trois digitations. Ce sont les Clivines, qui ont aussi l’habi- tude de fouir dans le sable (Chivina arénaria). I nous faut citer certains Carabides particuliers aux contrées brülantes de l'Afrique et de l'Asie, à cause de leurs formes remar- quablement caractérisées, les Graphiptérites, chez lesquels le pro- thorax est cordiforme et les élytres tronquées au bout. Les Graphiptères, de taille médiocre, sont larges et aplatis ; mais les Anthies, de beaucoup plus belles proportions, avec leur corps oblong, convexe, leurs longues pattes, leurs fortes mandi- bules, Coléoptères noirs, souvent parés de lignes on de taches formées par un duvet blanc, sont admirablement organisés pour la course et d’un port magnifique. Les Brachinites, qui s’en rapprochent par leur conformation générale, n’ont pas cette fière allure. Plusieurs espèces de Bra- chines sont communes dans notre pays. Ces Insectes, qui se tiennent habituellement sous les pierres en troupes plus ou moins nombreuses, ont un moyen de défense vraiment singulier, qui Le dr ns ci né men: Mo en ph dE Sd Sd sé À tente dl der à: ni couts dire dl tu int éthée | sé ne été . LES COLÉOPTÈRES. 521 leur est propre. Sont-ils inquiétés, ils lancent par l’extrémité de leur corps, avec détonation, une vapeur qui les enveloppe comme d’un nuage ou plutôt d’une fumée. Rien de plus curieux, lorsque soulevant une pierre, on met à découvert une troupe de Bra- chines; tous les individus, se hâtant de se dérober, commencent par lancer leur décharge : on dirait une suite de coups de feu. Ces Carahides ont dans leur abdomen une glande rameuse dont les branches aboutissent à un conduit commun. La glande est le siége de la sécrétion d’une liqueur extrêmement volatile. L’In- secte se mettant en défense, projette le liquide par la contraction de ses muscles abdominaux, et à peine au contact de l'air, le liquide se volatilise en produisant une explosion énergique. Le nom vulgaire de Canonmers, aux Brachines, leur convient parfai- tement. Beaucoup de noms spécifiques donnés à ces Insectes font allusion à leur étrange faculté. Nous avons le Brachine crépitant (Brachinus crepitans), le Brachine bombardier (B. bombarda), le Brachine à explosions (B. explodens), le Brachine pétard (B. sclopela), ete., ete. Nous avons encore une foule de petits Carabides dont les mœurs n'offrent aucun intérêt spécial : les Dromies au corps aplati, comme les Lébies, aux élytres larges, les Dryptes au pro- thorax étroit, les Odacanthes au corps grêle, délicat, types de groupes représentés par de nombreuses espèces. Les Cicindélines constituent un ensemble infiniment moins considérable que les Carabines. Par les formes, ce sont les plus élégants des Coléoptères, et les nuances variées de la plupart des espèces les rendent tout à fait charmants ; aussi ont-ils bien des fois excité un vif intérêt chez les naturalistes. Ces Insectes ont de grandes mâchoires, de longs palpes, des mandibules dente- lées et acérées, instruments de carnage des mieux construits ; ils ont des pattes longues et d’une extrême ténuité. Les Cicindèles ont été nommées par Linné les Tigres des Insectes : Tigrides Insectorum. EVE de." Ré: RÉ RS R LL R ni dns cs due d'a iii le 2 522 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Au printemps, sur des chemins sablonneux, les jours où brille un beau soleil, c'est merveille de voir s’agiter la Cicindèle cham- pêtre (Cicindela campestris). La vie ne semble se manifester nulle partavec autant d'énergie. Les Cicindèles ravissent l'observateur, leurs mouvements d’une incroyable agilité éblouissent ses yeux. Il faut considérer de près le gracieux Coléoptère qui abonde presque partout, dans les campagnes de l'Europe, dans les champs de l'Afrique et de l'Asie Mineure. L'animal, d’un beau vert de mer, a sur la tête, sur le corselet, sur les bords des élytres, des teintes euivrées qui au soleil semblent des marques de feu. Les Cicindèles sont bien intéressantes dans leur état de larves. Elles ont des particularités de structure, des habitudes, des ruses qu'on n’observe pas ailleurs. Dans les lieux mêmes où vivent les adultes vivent les larves. Les adultes possèdent réunis tous les avantages des animaux de proie. Puissamment armés, ils n'ont guère à craindre la résistance des Insectes destinés à être leurs victimes; couverts d’une enveloppe solide, ils n’ont point à redouter les blessures ; doués d’une merveilleuse agilité, ils échappent aisément à l'ennemi trop puissant pour lui résister. Larves, les Cicindèles ont toute la voracité de leurs parents : avec leurs téguments minces, elles pourraient facilement être déchirées ; avec un corps allongé et des pattes courtes, elles ne sauraient fuir avec rapidité; néanmoins ces êtres imparfaits savent atteindre leur proie sans s’exposer à de graves dangers. Is ont des pattes courtes, épaisses, épineuses, qui leur permet- tent de creuser le sol, une tête aplatie avec laquelle ils rejettent au loin la terre détachée; munis de ces instruments, ils se con- struisent un tuyau vertical qui se courbe à une certaine profon- deur et devient une galerie horizontale. La larve de la Cicindèle porte à chacun des anneaux de son corps une plaque de consis- tance coriace et au cinquième anneau de l'abdomen, plus renflé que les autres, deux mamelons charnus pourvus d’un crochet LES COLÉOPTÈRES. 523 courbé en avant. L’Insecte monte dans son trou avec une extrême facilité; par un mouvement de contraction, il appuie la partie renflée de son corps contre la paroi, et se fixe solidement à l’aide de ses crochets. Le voilà blotti comme un ramoneur dans une A fi (A Fi À à A ju “li | HS 1 | ik * -MÉTAMORPHOSES DE LA CICINDÈLE CHAMPÊTRE (Gicindela campestris ). cheminée; avec sa tête susceptible de se plier en avant, il ferme l'entrée du tuyau, et dans cette attitude il attend avec une pa- üience inébranlable qu'une Fourmi ou tout autre petit Insecte vienne à passer sur sa tête. Au premier contact, la larve de la Gicindèle descend précipitamment : le sol a manqué sous les pattes de la Fourmi ; tombée dans le précipice, elle est mangée par la larve carnassière, et celle-ci, son repas fini, remonte à son poste pour recommencer son jeu de piége vivant. Au moment de dite date bu #/ de cs où tira ls dt ie ont “a di ll Slt HAS in jé of RL LES 52! LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. se transformer en nymphe, l’Insecte mure l'orifice de son trou, et le voilà tranquille dans sa retraite. Il y a un peu plus de cent ans, Geoffroy, l’auteur de l'Histoire des Insectes des environs de Paris, a, le premier, signalé la larve de la Cicindèle champôtre ; elle a été ensuite étudiée au commen- cement de ce siècle par Desmarest, et, depuis, de nombreux observateurs ont revu et souvent décrit les habitudes et les manœuvres de la larve de la Cicindèle la plus répandue en Europe et de quelques espèces voisines. Une légion d'Insectes d'aspect triste, souvent presque lugubre, compose la famille des Pmécupes. Ce sont des Coléoptères faciles à distinguer de ceux dont nous nous sommes occupés jusqu'ici à une différence dans le nombre des articles de leurstarses. Chez tous les Piméliides, les tarses des pattes antérieures et intermé- diaires ont cinq articles, les tarses des pattes postérieures seule- ment quatre articles. Au temps où les Coléoptères étaient grou- pés par les naturalistes d’après le nombre des articles de leurs tarses, les Piméliides, avec les Cantharidides, étaient les Héléro- mères. En général, les représentants de cette famille ont des téguments très-durs, une tête un peu enfoncée dans le thorax, des antennes à articles grenus ou sensiblement élargis. Sous leur première forme, les Piméliides sont allongés, pres- que cylindriques, ayant tous les anneaux du corps presque entiè- rement revêtus de plaques de consistance coriace, le dernier portant deux crochets courbes et en dessous deux mamelons servant à la marche; ils ont de petites antennes formées de quatre articles, des mandibules fortes ne faisant pas saillie au devant de la tête, des pattes assez courtes, terminées par un tarse dont l'apparence est celle d’un petit crochet. L'Insecte si connu sous le nom de Ver de farine peut ètre pris ici comme exemple. A raison de quelques caractères, la famille des Piméliides doit être partagée en plusieurs tribus : les Piméliines, les Blapsines, les Ténébrionines, les Hélopiines. Re ; al Ch. a. ab À aan: Ce Lee CS RL D nn «must: … Ge : , g TV ben à - 27 vue Bt LA éogltit 25-de 1 24 à RS ES EC US LS A Sd LES COLÉOPTÈRES. 525 Les représentants des trois premières divisions, unies du reste par les affinités les plus étroites, étaient désignés par Latreille sous le nom commun de Mélasomes, qui signifie : les Insectes au corps noir. En effet, la plupart des espèces sont d’un noir pro- fond, les autres d’un gris terne, terreux. Les Piméliines ont une forme ramassée, des mâchoires termi- nées par un onglet, des élytres soudées sur la ligne médiane, embrassant exactement les côtés du corps à la manière d’une carapace; les ailes manquent. Pourvus de longues pattes, les Pimélines sont essentiellement coureurs. Ces Coléoptères sont nocturnes, leur coloration l'indique; ils craignent la lumière, et leurs yeux, toujours petits, suffiraient pour en témoigner. Ils habitent les contrées arides, les sables des déserts de l’Afrique, de l'Asie Mineure, des Kirghises, de la Sibérie, du Tucuman, du Pérou, du Chili, et surtout les sables des bords de la mer, vivant de détritus, de matières en décomposition végétales ou animales. Les Pimélies, dont le corps est d'ordinaire fort élargi en ar- rière du prothorax et l’écusson bien distinct, ont les jambes an- térieures plus ou moins élargies. Cet élargissement a un but : à l’aide de leurs jambes de devant, les Pimélies fouissent le sable, dans lequel elles aiment à se cacher au moins pendant le jour. Sur nos côtes méditerranéennes, on trouve communément la Pimélie à deux points (Pimelia bipunctata). Parfois on s'étonne de rencontrer des Pimélies dans des endroits où tout moyen d'existence semble leur manquer; c’est ce qui nous arriva pen- dant une ascension du Stromboli. À une hauteur déjà assez con sidérable, des Pimélies d’une espèce particulière, jusque-là inob- servée (Pimehia Stromboliana), se trouvaient en abondance sur les cendres volcaniques. A la tribu des Piméliines se rattachent : les Erodies et les Zopho- sis au corps ramassé, les Tentyries aux formes grêles, les Akis au prothorax relevé sur les côtés, Insectes vivant à peu près dans les mêmes conditions que les Pimélies. 7 Lis sf ms. nn Le. RS Cd A LS 2 AL à à {à 526 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Les Blaps, qui donnent leur nom à leur groupe (tribu des Blapsines), privés d'ailes sous les élytres comme les Pimélies, se distinguant de ces dernières par l'extrémité de leurs palpes maxil- laires en forme de hachette, sont des Insectes tout à fait luci- fuges, d'assez forte taille, entièrement d’un noir profond, répan- dant autour d'eux une odeur puante. Se nourrissant de détritus végétaux et animaux, ils se tiennent dans les endroits humides les plus retirés et les plus sombres, les caves, les grottes, etc. Presque partout où on les remarque, les Blaps sont de la part des personnes ignorantes un sujet de sinistre augure. La seule espèce du genre qui se rencontre dans l'Europe centrale, un Coléoptère long d'une vingtaine de millimètres, ayant les élytres très-fine- ment pointllées et terminées en pointe, a reçu des noms vul- gaires qui témoignent de cette superstition : c’est le Blaps porte- malheur, le Présage-mort, la Sorcière de la mort, ete. (Blaps morhsaga). L’innocent Insecte, qui, en réalité, ne présage rien du tout, a une larve jaune, luisante, plus large proportionnellement que le Ver de la farine. Les Ténébrionines sont des espèces ailées de la famille des Piméliides. Le genre Ténébrion est représenté, chez nous, par un [nsecte au corps long et étroit, d’un brun noirâtre, que tout le monde connaît bien : c’est le Ténébrion de la farine (Tenebrio moklor), qu'en certains pays on appelle le Cafard. Vivant de farine, de biscuit de mer, il s’établit dans les greniers, dans les moulins et surtout dans les boulangeries, car il aime une chaude température, et le voisinage du four semble lui être agréable. Sa larve, longue, cylindrique, d’un jaune fauve lui- sant, portant deux petits crochets à l’extrémité du corps, le Ver de farine enfin, ainsi qu'on la désigne vulgairement, passe son existence entière enfouie dans la farine et s’y façonne une loge pour sa transformation en nymphe. Cet Insecte amène souvent des pertes considérables dans les dépôts de farine, et les déten- teurs ne sauraient trouver une compensation dans la vente des LE dote ne ini dinar : dde data dual mit: : à: did ÉNÈL SEC EL SSSR LES COLÉOPTÈRES. 527 Vers de Jarine aux oiseleurs et aux amateurs d'Oiseaux insecti- vores, qui les recherchent pour nourrir les prisonniers de leurs volières. MÉTAMORPHOSES DU TÉNÉBRION DE LA FARINE { Tenebrio molitor ). Quelques Ténébrionines ne craignent pas la lumière, et c’est ainsi que l’on rencontre fréquemment sur les chemins l'Opatre des sables (Opatrum sabulosum), un petit Coléoptère gris comme la poussière, ayant des antennes grenues et des élytres ru- gueuses. Des Coléoptères que leurs métamorphoses comme leur orga- nisation rattachent à la même famille que les précédents, les Hélopiines, ont des habitudes diurnes. A l’état adulte , ils se mon- trent sur les fleurs ; à l’état de larves, ils vivent sous les écorces, dans les bois en décomposition, dans les Champignons. Les ni Lada Léman de |“ der as tu PS Pin - De PTT CD PR ES PEN ET 528 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Hélops de notre pays ne sont pas très-brillantes, leur couleur est bronzée (Helops caraboides) ou bleuâtre (Æ. cæruleus); les espèces de l'Amérique et de l'Australie sont souvent très-belles. Le nom de Canrnarpmes appartient à la famille dont la Can- tharide des pharmacies peut être considérée comme le type. Le nombre des articles de leurs tarses est le même que chez les Pi mélies et les Ténébrions, mais leur tête est dégagée du thorax, leurs élytres sont flexibles, et tous leurs téguments sont d'assez faible consistance. Les espèces de cette famille possèdent une singulière propriété que la médecine utilise depuis Hippocrate : les Cantharidides sont les Insectes vésicants ou les Épispastiques. Leurs parties tégumentaires contiennent un principe immédiat isolé pour la première fois par Robiquet, et désigné sous le nom de cantharidine. À ce principe les Cantharides et les espèces des genres voisins doivent de produire sur l'économie les effets si violents et si caractéristiques que chacun connait. C'est à Arétée que l’on attribue l’idée de l'emploi de la Cantharide pour les vésicatoires. | À raison des services particuliers que l’on tire des Coléoptères vésicants, l'attention des naturalistes s’est beaucoup porté vers l'étude de ces Insectes; la curiosité devait être d'autant plus excitée, que l’on trouvait à cette étude des difficultés exception- nelles. Les représentants de cette famille abondent en tout pays et, néanmoins, jusqu'à une époque encore bien récente, il demeura impossible de rien apprendre touchant leurs métamorphoses. Les principaux genres de Cantharidides sont les Cantharides, les Mylabres, les Méloés, les Sitaris. Les Cantharides, caractérisées par leurs antennes grenues, sans renflement terminal, ont pour type l’Insecte d’un vert brillant employé en médecine, la Can- tharide des officines (Cantharis vesicaloria), que l’on trouve en abondance dans certaines localités, sur les Frènes, et, de temps à autre, dans les jardins, sur les Lilas. C’est sur quelques points du midi de la France, et surtout en Espagne, que les Cantha- ” ss 7 Re À D un die tot à de te à 0 à + doit PRES dos ESS té ne ins ot MN doi sé + LES COLÉOPTÈRES,. 529 rides, fort communes, sont recueillies pour les usages médicinaux. On secoue violemment les arbres après avoir entouré le pied de LE MÉLOË CHAGRINÉ ET LA SITARIS HUMÉRALE (Meloe cicatricosus et Sitaris humeralis). loiles pour recevoir les Insectes, que l'on fait périr immédiate- ment en les jetant dans des bassins remplis d’eau et de vinaigre. 34 530 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. En Amérique, d’autres espèces de Cantharides sont recherchées et utilisées comme l'espèce européenne. Les Mylabres, dont les antennes sont renflées vers le bout, abondent dans toutes les parties chaudes de l’ancien continent. Ceux-ci ont le corps noir avec des taches ou des bandes, soit jaunes, soit rougeûtres, sur les élytres, ou le corps jaune avec des taches noires. Le Mylabre de la Chicorée (Hylabris Cichort) se montre en quantité prodigieuse sur toutes les plantes basses dans l'Europe méridionale; encore fort commun en Provence, il est rare dans le centre de la France, et ne se trouve jamais au Nord. À la Chine, une espèce du genre remplace notre Cantha- ride dans la thérapeutique. Les Méloés ne volent pas, ils n’ont pas d'ailes, leurs élytressont très-courtes; leur corps est lourd, pesant, mollasse. Les Méloés se traînent sur les plantes basses, dans les prairies, causant quel- quefois des accidents graves aux bestiaux qui les mangent en broutant l'herbe; de là le nom d’Enfle-bœufs donné à ces Insectes, et celui de Buprestis ou Voupristis qui leur était donné chez les Romains et dont les naturalistes ont fait une autre application. Les Sitaris ont les antennes filiformes et les élytres courtes, amincies vers le bout. La Sitaris humérale (Sitaris humerahs), brune, avec les épaules jaunes, fréquente les fleurs. C’est une curieuse histoire que celle de la découverte des mé- tamorphoses des Cantharidides. En 1700, un auteur hollandais, Goedart, recueille des œufs de Méloés et en obtient de jeunes larves. Plus tard, de Geer arrive au même résultat, mais dans les deux cas les larves avaient péri aussitôt après leur naissance. L'observation de ces deux auteurs tombe dans l’oubli. En 1802, un entomologiste célèbre de l'Angleterre, Kirby, découvre sur des Hyménoptères de la famille des Apides et du genre des An- drènes, un tout petit Insecte à peu près semblable à la larve décrite par Goedart et de Geer; il croit ÿ reconnaître un para- site, il le nomme le Pou de la Mélitte. En 1828, sur les mêmes LES COLÉOPTÈRES. 531 Hyménoptères, Léon Dufour retrouve l’Insecte ou une espèce du même groupe, et il pense avoir sous les yeux un Pou d’un genre nouveau ; il l'appelle le Triongulin des Andrènes (Triongulinus Andrenelarum). Dans les années suivantes, divers observateurs obtiennent l'éclosion d’œufs de Méloés, de Cantharides, de Sitaris, et l’on se trouve revenu au point où en était Goedart en 1700. Cependant plusieurs investigateurs s’aperçoivent que les jeunes larves de Cantharidides, à peine nées, s’accrochent après des Insectes ailés, et surtout des Hyménoptères nidifiants. Victor Audouin ayant pris dans des nids d’Anthophores des Sitaris qui venaient d’éclore, on commence à se convaincre que les Coléoptères vésicants doivent vivre, dans leur premier âge, aux dépens des Apides. En 1845, la question se trouve singulière- ment éclaircie par un mémoire de George Newport, qui, depuis une quinzaine d'années, poursuivait des recherches assidues sur ce sujet. L'habile investigateur, étudiant le Méloé proscarabée (Meloe proscarabæus), et surtout le Méloé chagriné (Meloe cica- tricosus), s'était assuré des faits les plus importants; il avait vu que les jeunes larves de ces Coléoptères, s’accrochant aux poils des Anthophores, se font transporter dans leurs nids par ces Insectes, qu'elles subissent bientôt dans leurs formes un changement com- plet, qu'elles se nourrissent de la pâtée miellée de l'Hyméno- ptère, et chose bien remarquable, qu'avant de se transformer en nymphes, elles passent par une période d'inactivité, enfermées dans une sorte de pupe. En présence de tous les hasards qui doivent se rencontrer pour qu'une larve de Coléoptère vésicant rencontre toutes les conditions nécessaires à son développement, on est frappé des nombreuses chances de destruction auxquelles sont exposés ces Insectes. Mais à des chances nombreuses de destruction la nature oppose l'extrème fécondité des mères. Newport a compté les œufs d’une femelle de Méloé : il y en avait 4218. Les Méloés déposent leurs œufs en terre, à une faible profondeur; les petites larves éclosent, elles grimpent sur les plantes, et s’accrochent, si 532 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. elles le’ peuvent, à tous les Insectes ailés qui se posent sur les fleurs, et ne reconnaissant pas suffisamment ceux qui leur con- viennent, elles sont souventemportées bien loin de tout endroit où elles pourront vivre. Le beau travail de Newport fut suivi en 1837 d’une belle étude de M. Fabre (d’Avignou) sur le même sujet, les Méloés et les Sitaris. Les premiers changements des LUAGUN. À L. LHERMITTE. - MÉTAMORPHOSES DE LA SITARIS HUMÉRALE (Sitaris lumeralis). 4, Larve du premier âge, très-grossie. — 2, Larve du deuxième âge. —3, Fausse pupe ou lroisième âge, — 4. Larve du quatrième âge, — 5. Nymphe, (D'après des individus envoyés par M, Fabre.) larves, que Newport n'avait pas réussi à observer, ont été heu- reusement constatés par M. Fabre, qui mit à la solution de la question une grande habileté et une admirable persévérance. La petite larve, agile, pourvue de longues pattes, arrive dans le nid de l'Hyménoptère, de l’Abeille solitaire, apportée par l’Abeille solitaire elle-même. Celle-ci pond un œuf sur sa pâtée de miel, la jeune larve de Sitaris se laisse glisser sur l’œuf de l’Apide ; avec ses mandibules, elle déchire cet œuf et s’en nour— rit. Elle est carnassière dans son premier âge; mais l'œuf con— eds. ion - 4. ons onde date Énnidans Shut ide td) Dé SES Sn té nt em ñi LES COLÉOPTÈRES. 533 sommé, elle change de peau, et ne ressemblant plus à elle-même, devenue lourde, massive, elle dévore la pâtée amassée pour la larve de l'Hyménoptère. Bientôt, elle se transforme en chrysa- lide, en une sorte de pupe; mais après un temps de cette vie inactive, sort une larve presque semblable de forme à celle du . deuxième âge, qui, après avoir pris tout son accroissement, se MÉTAMORPHOSES DU LAMPYRE BRILLANT (Lampyris splendidula). métamorphose alors en une véritable nymphe. Aïnsi, chez les Cantharidides, il y a un changement de régime et une succession de métamorphoses dont on n’a pas d'exemple ailleurs; ce que M. Fabre a appelé une hypermélamorphose. Souvent, pendant les belles soirées de l'automne, au milieu des herbes, brillent des perles lumineuses, et chacun s’écrie : Un Ver luisant! Le Ver luisant est un Coléoptère du genre Lampyre, un LS Ld buhis en César is ir ni +, 534 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. type de la famille des Lamrynoes. Les Lampyrides ont un corps élancé, des élytres flexibles, des téguments de faible consistance. Par leur aspect général et par de nombreux détails de leur eon- formation, ils se rapprochent beaucoup des Cantharides, mais on ne saurait jamais les confondre; les Lampyrides ont cinq articles à tous leurs tarses, et leur corselet large s’avance plus ou moins sur la tête comme un bouclier. Ce dernier caractère est très-pro- noncé pour les Lampyres. Chez ces Insectes, les mâles ont des élytres longues, des äiles amples; les femelles n’en ont que des rudiments, de véritables imoignons : elles ressemblent à leurs larves. Ces dernièrés;, Insectes déjà très-avancés dans leur déve- loppement, en diffèrent surtout par l'absence d'ailes et par la petitesse des añtennés et des pattes. Les Lampyres sont remar- quables par la Propriété dont ils jouissent de produire une vive lumière entre /lés anneaux de l'abdomen, c’est-à-dire sur des points du corps'où le tégument est très-mince. En Italie, dans des localités où ces Insectes sont rassemblés en grand nombre (Zam- pyris itahica), c’est un charmant spectacle de voir les Lucioles, ainsi qu'on les appelle, comme des milliérs de perles lumiñieusés, au milieu du feuillage ou traversant l’espace. Les éspècés'de notre pays, le Lampyre brillant (L. splendidula) et le Lampyre noctiluque (L. noctiluca), ne se montrent jamais en aussi grande abondance. Elles ont du reste leur utilité, surtout dans leur état de larves, car elles attaquent et dévorent les Colimaçons et les Limaces. Nous avons déjà indiqué la source de la production de lumière de ces Insectes dans des glandules lamelleuses; ces par- ties ont été étudiées récemment par M. Max Schultze (de Bonn) et par M. Targioni-Tozzetti (de Florence). A la famille des Lampyrides se rattachent les Malachies (Malachius), petits Coléoptères agiles, ayant des couleurs vertes et rouges, que l’on voit continuellement sur les fleurs, montrant 1 Pages 148-149. PE CE PC NE CRC RON PORN RE Se LT 7: LS LES COLÉOPTÈRES, 535 sur les côtés de leur corps des vésicules rouges, des cocardes, qu'ils font saillir quand on les inquiète; les Téléphores, Insectes des plus communs, tels au moins, le Téléphore brun (Telephorus MÉTAMORPHOSES DE L'ALAUS OCELLÉ (Alaus oculatus). fuseus), et le Téléphore livide (T. lividus), qui ont des larves très- carnassières, paraissant vêtues de velours. Des Coléoptères qui appellent l’attention des moins curieux, à cause de la singularité des sauts qu'ils exécutent, sont, de leur 536 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. nom vulgaire, les Taupins, et, de leur nom scientifique, les Éa- réRipes. Ceux-ci sont faciles à reconnaitre : ils ont les téguments solides; les antennes en dents de scie ou en peignes; les tarses de cinq articles, les premiers plus ou moins élargis et garnis en dessous de lames flexibles, assurant leur marche sur des végé- taux. Mais ce que ces Insectes présentent de plus caractéristique, c’est une pointe du prosternum qui s'engage à leur volonté dans une cavité du mésosternum. Les Élatérides ont le corps long, un peu convexe, et des pattes assez courtes; renversés sur le dos, ils ne peuvent guère se relever avec le secours de leurs pattes; mais par une vigoureuse contraction, la pointe sternale pénètre dans sa cavité, une brusque détente projette le corps en l'air, et l’ani- mal a la chance de retomber sur ses pieds : s’il n’a pas réussi du premier coup, il recommence sa manœuvre tant de fois qu'il est nécessaire. Ces Insectes, répandus par le monde entier, ont une nourriture végétale, et quelques-unes de leurs larves sont fort nuisibles à nos cultures, Les larves des Élatérides, très-caractérisées par le mode d’ar- ticulation de leurs mächoires et de leur lèvre inférieure, ont presque l'apparence du Ver de farine, au moins celles de plu- sieurs de nos espèces indigènes, car il en est dont le corps est un peu déprimé; les larves qui nous sont connues des espèces de l'Amérique n’ont pas, comme les espèces d'Europe, les anneaux de l'abdomen cuirassés à la façon du thorax. En exemple, nous représentons sous ses diverses formes un grand et beau Taupin de la Louisiane (Alaus oculatus). Les Pyrophores, qui comptent aussi parmi les plus grands de la famille des Élatérides, se font remarquer par la présence de deux plaques ovalaires situées vers la base du prothorax. Après la mort, ces plaques ont une apparence d'ivoire un peu jaune, et pendant la vie une apparence de verres de lanterne; car elles s'illuminent à la volonté de l’animal d’une lumière verdâtre assez vive pour permettre de lire dans une obscurité profonde, pour peu - LES COLÉOPTÈRES. 537 que l’on promène l’Insecte sur les lignes. Les Pyrophores abon- dent dans toutes les régions chaudes de l'Amérique, où ils sont appelés des noms de Cucuyos et de Coyouyou. En plusieurs pays, et en particulier au Mexique, les dames, pour leurs promenades nocturnes, aftachent à leur chevelure de ces Insectes qui les parent de leurs globules lumineux. Des Pyrophores ont été ap- portés du Mexique à Paris dans ces dernières années, et avec quelques soins nous avons pu en conserver de vivants pendant plusieurs mois. Ces Coléoptères, au fin pelage cendré, avec leurs LE PYROPHORE DU MEXIQUE (Pyrophorus strabus). lumières vertes comme les lanternes de certaines voitures publi- ques, et faisant briller une lumière analogue entre les anneaux de l'abdomen, ravissaient tous ceux qui étaient appelés à les contempler. Nos Taupins indigènes ne brillent d'aucune manière, et ils sont petits. L’un des plus communs et des plus nuisibles, est le Taupin des moissons (Eater segetis, genre Agriotes). Sa larve, comme celles de plusieurs autres espèces, ronge les racines de divers végétaux. A certains égards, les CLérines, de jolis Coléoptères très-mi- gnons, ornés pour la plupart de couleurs vives et variées, se rap- prochent des Taupins. Ils se rapprochent également et peut-être davantage des Dermestides; les affinités naturelles de chaque groupe étant multiples, une série linéaire ne peut jamais les repré- senter toutes. Les Clérides ont la tête et le corselet plus étroits ee. PNB OPN | ET ETES DT 538 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. que les autres parties du corps, des antennes pectinées ou ren- flées à l'extrémité, des tarses de quatre ou cinq articles. Leurs téguments, sans être aussi flexibles que ceux des Lampyrides, sont cependant d’une résistance médiocre. Adultes, les Clérides courent sur les trones d'arbres, voltigent sur les fleurs ; larves, ils ont une forme allongée, très-analogue à celle des larves de Télé- phores, de petits pattes, deux pointes à l'extrémité du dernier anneau de l’abdomen, et dans cette première condition de leur existence ils sont très-carnassiers. Caractérisées par des antennes grêles avec les trois derniers articles élargis, les espèces dont on a formé le genre Trichode s’introduisent dans les nids des Apides pour y déposer leurs œufs. La larve du Trichode mange la larve de l'Apide, et peut-être même la pâtée de celle-ci. Le Trichode des alvéoles (Trichodes alvearwus), ayant les élytres d’un noir bleuâtre avec trois bandes et l'extrémité rouges, entre dans les nids des Osmies : aux environs de Lyon, M. J. Künckel l’a pris avec sa larve dans le nid d’un Anthophore (A. retusa). Le Trichode des Abeilles (Trichodes apiartus), qui a les élytres noires à l'extrémité, a les mêmes mœurs. Le type du genre Clairon (Clerus formicarius), petit Insecte roux, avec la tête, la partie antérieure du corselet, les élytres, sauf leur portion basilaire, et lés pattes noires, est assez commun. Sa larve vit sous les écorces, où elle mange des larves lignivores. De très-petits Clé- rides, les Nécrobies, se montrent souvent dans les maisons, car, de même que les Dermestes, ils se nourrissent dans leur premier état de matières animales desséchées. La Nécrobie bleue, la Nécrobie violette (Necrobia chalybæa et N. violacea), d'une cou- leur métallique uniforme, sont loin d’être rares. De petits Coléoptères bruns ou grisätres, composant la famille des Bosrrioines, ont des larves lignivores, bien différentes de celles que nous avons examinées jusqu'ici et très-ressem— blantes, au contraire, par l’ensemble de leur conformation, aux larves des Scolytes et des Charançons; elles ont l'apparence de ES OP EN CF TR PT OP 0) OS ER OR OU PU UT ant) dd LES COLÉOPTÈRES. 539 Vers blancs, courts, ramassés, un peu contournés, Il y à deux types principaux dans cette petite famille, les Anobiines et les Bostrichines. Chez les premiers, les antennes sont minces à l'extrémité; chez les autres, elles sont renflées vers le bout. MÉTAMORPHOSES DU TRICHODE DES ALVÉOLES ( Trichodes alvearius ). Parmi les Anobiines, les Anobies, qui portent le nom vul- gaire de Wrilleltes, attaquent les bois morts. Tout le monde connait ces petits trous arrondis dont se trouvent percés les vieilles boiseries des appartements et les vieux meubles; c’est l'ouvrage d'une Vrillette (Anobium pertinax). Les larves ont 540 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. rongé le bois, elles se sont transformées dans une cellule, et, pour: sortir de leur prison, les Insectes adultes venant d’éclore ont pratiqué les trous extérieurs. Les Anobies s'appellent dans la nuit : un mâle avec ses mandibules frappe le bois, une femelle lui répond, et le petit bruit sec devient quelquefois un motif de crainte chez les gens superstitieux. Les vieilles femmes de la campagne assurent que ce bruit nocturne est l'horloge de la mort. Les Bostriches, au prothorax rugueux, épais, figurant un capu- chon, n’attaquent que les bois vivants. Le type du genre, le Bos— triche capucin (Bostrichus capucinus), noir, avec les élytres rouges, l'un des plus grands parmi les représentants de la famille, est assez commun dans les bois. Sa larve vit dans les branches des Chênes. Des Coléoptères de taille exiguë, qui comptent au nombre des plus redoutables, sont les ScoLyriprs. Les grands arbres des forêts EBURGUN LE TOMIQUE TYPOGRAPHE LE SCOLYTE DESTRUCTEUR (Tomicus typograpnus ). (Scolytus destructor), et des routes, attaqués par ces Insectes, qui se multiplient d'une façon prodigieuse, périssent de leurs atteintes renouvelées d’an- née en année. Les Scolytides ont une tête un peu saillante, des antennes coudées et terminées en massue, des mandibules fortes, des mâchoires petites, réduites à un seul lobe, et des palpes très-courts. Ces Insectes ont des habitudes vraiment curieuses. A l’état adulte, ils entaillent l'écorce des arbres pour en sucer la +" 1 COUT LES COLÉOPTÈRES. 5lA séve. Les Scolytes déposent les œufs sur les arbres dont la séve ÉCORCE D'ORME TATOUÉE PAR LE SCOLYTE DESTRUCTEUR (Scolytus destructor). Au contre, la galerie pratiquée par une femelle. —A l'entour, les galeries des larves.— À l'extrémité de quelques-unes, des larves au ferme de leur croissance ou des nymphes, — Deux femelles opérant leur ponte. n'est pas très-active, et c'est dans cette opération qu'il est inté- ressant de les observer. La femelle pénètre sous l'écorce, et che- L PF 7 Un DÉS — d né AN CUT" CENT 7 7 RE RS RS dt on ne di à 542 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. minant entre l'écorce et l’aubier, elle creuse une galerie qui à le diamètre de son corps; en avançant, elle pratique sur Les côtés et à d'égales distances de petites encoches, et dans chacune dépose un œuf. À peine nées, les larves se mettent à ronger le bois; c’est le commencement de leurs galeries, qu'elles pour- suivent toujours dans une direction déterminée. Aussi les bois et les écorces des arbres attaqués par les Scolytes présentent-ils des dessins presque invariables pour chaque espèce; tatouages qui, sur des bois durs, le Frène particulièrement, pourraient être présentés comme des œuvres d'art. Tous les Scolytides ont des habitudes analogues, et il y en a de beaucoup d'espèces que l’on rattache à divers genres. Dans son ouvrage sur les Insectes nuisibles aux forêts, M. Ratzeburg a donné de belles figures des altérations produites par les espèces les plus répan- dues dans l'Europe centrale. Parmi les Scolytes proprement dits, Insectes bruns, avec les élytres striées et ponctuées, nous signalerons le Scolyte destructeur (Scolytus destructor), qui sou- vent fait périr les grands Ormes de nos routes et de nos boule vards; le Scolyte pygmée (Sc. pygmæus), l'un des plus nuisibles aux Chènes de nos forêts. Parmi les Tomiques, dont la forme du corps, des tarses et des élytres s'éloigne notablement de celle des Scolytes, nous citerons comme type une espèce très-nuisible aux Pins, le Tomique typo- graphe (Tomicus typographus). La plus nombreuse famille de l'ordre des Coléoptères est celle des Curcurionines, les Insectes bien connus sous leur nom vulgaire de Charançons. Cette famille est si naturelle, malgré le nombre immense de ses représentants, que nul auteur n’a songé à res- treindre ses limites. Un aspect propre permet de reconnaitre un Charançon, pour peu que l'attention se soit déjà arrêtée sur quelques espèces de cette grande division. Les Curculionides ontune tête prolongée en avant comme une sorte de museau plus où moins long. C'est, si l'on veut, l'apparence d'un bec; de là le LR. A pis PER PR NT SPP D DENT OR PSP PT OT LES COLÉOPTÈRES. 543 nom de Porte-bec ou de Rhynchophores souvent appliqué à ces Insectes; mais il n’y a que l'apparence. Ce prolongement de la tête n’est nullement un bec ; à son extrémité il porte un labre, des mandibules, des mâchoires, une lèvre inférieure, libres comme chez les autres Coléoptères, avec cette différence que ces pièces, très-petites, sont difficiles à désarticuler, et que les palpes des mäâchoires et de la lèvre sont en général peu développés. Les Curculionides, qui se font remarquer par la dureté et l'épaisseur de leurs téguments, ont aussi tous les tarses composés de quatre articles, les trois premiers le plus souvent élargis, comme il con- vient à des Insectes grimpant après des tiges ou marchant sur le feuillage des plantes. À cet égard, cependant, on observe de nombreuses nuances qui coïncident avec les conditions d’exis- tence particulières aux différentes espèces. Les Charançons, Insectes essentiellement phytophages, s’attaquent à tous les végé- faux, mais. c'est à l’état de larves qu'ils sont réellement préju- diciables. Il est peu de plantes, sans doute, qui ne hourrissent plusieurs espèces de Curculionides, et, d'après ce fait, on s’expli- que la prodigieuse multiplicité de ces Coléoptères dans toutes les parties du monde. Ils atteignent rarement une dimension un peu forte : les uns ont une taille très-moyenne, les autres, et les plus nombreux, une taille tout à fait exiguë. Ues Coléoptères, qui, à part quatre ou cinq formes nettement caractérisées, se rattachent à un type modifié seulement dans les détails, sembleraient n’avoir qu’un attrait médiocre pour les clas- sificateurs. [ls ont pourtant excité à un haut degré l'intérêt de quelques-uns d’entre eux. Un entomologiste de la Suède, Schœnherr, a consacré vingt-cinq années de sa vie à faire des descriptions des Charançons, sans s'occuper le moins du monde des habitudes ou des métamorphoses de ces Insectes. Son prin- cipal ouvrage n'a pas moins de seize volumes. Il est curieux sous un rapport; on y voit l'effet produit par une préoccupa- tion constante sur l'esprit d'un homme qui passe sa vie absorbé 544 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. . dans un sujet étroit. Rien n'existe plus pour lui en dehors de ce sujet, la notion de l'importance relative des faits s’efface, les moindres détails prennent d'incroyables proportions. Pour Schænherr, évidemment, les Charançons occupaient la première place dans le monde, et dans ce groupe naturel il établissait des divisions qui, pour lui, devenaient des classes, des ordres, etc. Dans leur premier état, les Curculionides sont des larves presque toujours épaisses, massives, un peu recourbées à la ma- nière des larves des Scarabéides, décolorées, blanches ou jau- nâtres, avec des téguments flexibles. Ces Insectes vivent cachés, dans des troncs, dans des tiges, dans des graines. Ils n’ont pas de pattes, ou n’en possèdent que des rudiments, des vestiges, qui, chez une infinité d'espèces, se manifestent sous la forme de tuber- cules. Leur tête est forte et revètue d’un tégument coriace, leurs antennes très-petites, leurs mandibules puissantes et souvent den- tées; à part quelques exceptions, les Yeux manquent. Dans cette vaste famille, on distingue trois formes principales : les Bruchines, dont le rostre est court et large, dont les antennes ne sont pas coudées ; les Attelabines, qui ont aussi les antennes droites, mais le rostre long et presque cylindrique; les Cureu— lionines, dont le rostre est plus ou moins long et les antennes toujours coudées après le premier article. Le plus grand genre de la tribu des Bruchines est le genre Bruche. Il.n’est personne qui n'ait vu des Pois secs percés d’un petit trou parfaitement circulaire, qui n’ait remarqué en même temps, sortant de ces graines, un petit Coléoptère long de 3 ou 4 millimètres, noirâtre et marqué de lignes ou de taches blan— ches. C’est l'espèce la plus commune du genre Bruche, le Bruche du Pois (Bruchus Pisi). Lorsque les Pois approchent de leur matu- rité, ce Charançon pond ses œufs. Chaque larve pénètre dans une graine et la dévore à l’intérieur. Vers le moment de sa méta- morphose, elle ronge en un point jusqu’à l'enveloppe extérieure, ne laissant qu'une mince pellicule; l'adulte venant d’éclore n’a Se et 0 tt “ht” d'à" 2 mth ls dr rit éd trltmes stats LES COLÉOPTÈRES, 545 plus que cette pellicule à briser pour venir à la lumière. Les Fèves, les Lentilles, toutes les Légumineuses ont leur Bruche d'espèce particulière. Parmi les Attelabines, il faut citer le genre Attelabe, carac- térisé par un rostre assez court, élargi à l'extrémité, et des antennes de onze articles, terminées par une massue perfoliée de trois articles. C’est un charmant Insecte que l’Attelabe cur- culionide (Attelabus curculionoïdes), avec son corselet et ses élytres rouges. Ses habitudes ont été bien observées par M. Gou- reau. La femelle de l’Attelabe dépose un œuf à l'extrémité d’une feuille de Chêne; puis, entaillant la grosse nervure médiane à de faibles distances, elle plie cette feuille, en forme un rouleau, et assure ainsi à sa larve une retraite. Les Apodères, distingués des précédents par leurs antennes EBUREUN LE RHYNCHITE BACCHUS L'APODÈRE DU COUDRIER (Rhynchiles bacchus). (Apoderus Coryli). de douze articles, et les Rhynchites, reconnaissables à leur rostre long et mince, ont l'instinct d’entailler les pédicules des feuilles ou les extrémités des tiges pour opérer le dépôt de leurs œufs ; leurs larves ne peuvent vivre qu'aux dépens des feuilles flétries. L'Apodère du Coudrier, Insecte d’un beau rouge, avec la tête et les appendices noirs, roule les feuilles du Noisetier. Le Rhyn- 39 RO © ZA ér 546 _ LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. chite bacchus, tout soyeux et d’un rouge violacé, contourne les feuilles de la Vigne; d’autres Rhynchites (R. Popul, R. Betuleti) coupent les extrémités des tiges des arbres fruitiers. Les Apions, les plus petits de leur groupe, vivent, dans leur premier âge, dans des tiges ou dans des graines. De la foule des Curculionines, les Charançons proprement dits, nous ne pouvons citer que quelques types parmi les mieux carac- térisés. Les plus grandes et surtout les plus belles espèces de Charançons, celles de l'Amérique du Sud, sont splendides. Les éclatantes couleurs qui les font admirer, sont dues à de petites écailles analogues à celles des Lépidoptères. Chez nos Curculio— nides indigènes, c’est la couleur grise qui domine. Les Cléones (Cleonus), au rostre épais et sillonné, ont une mul- titude de représentants dans l’Europe orientale. Les Hylobies, au rostre long, courbé et presque cylindrique, au corps brun tacheté de blanc, ont quelques espèces fort nuisibles aux Pins (Hylobius Pini, H. Abietis, etc.). Les Otiorhynques, reconnais- sables à leur corps épais, à leur rostre élargi à l'extrémité, à leurs cuisses renflées, vivent dans leur premier état aux dépens des racines. Pendant une grande partie de l'été, on rencontre sur tous les chemins poudreux un assez gros Charançon, long de 10 à 12 millimètres, tout gris comme la poussière qu'il affec— tionne : c’est l'Otiorhynque de la Livèche (Otiorhynchus Ligushci). Des Charançons minces, longs, avec les pattes grêles, compo sant le genre Lixe, vivent sous leur première forme dansles tiges des plantes. Le plus répandu dans notre pays, le Lixe paraplec- tique (Liœus paraplecticus), a une larve qui mange la moelle de certaines Ombellifères (Phellandrium). Les Larines, Insectes tra- pus, avec les cuisses renflées, se rencontrent particulièrement sur les terres qui avoisinent la Méditerranée. Ils se font remarquer par leurs élytres couvertes d’une efflorescence figurant des taches ou des nuages. Leurs larves vivent dans la partie charnue du réceptacle des fleurs composées. Telle on trouve, aux environs de Es midi dia ad ne ot fé 2 restes din ARR NS LS 7 Ath mi dd PPT but LES COLÉOPTÈRES, d47 Montpellier, dans la fleur des Echinops (£. Ritro), la larve du TTL | | | TU | | pl | j | | NiLA| | mp (IN | ù \ | | | || | dl | k QD 1 je | | L | ) IA Y(II) ll | F3 Ê }l | | IR y A | jh | MUNIE | ll Î ] LAN | | | UM M INA MÉTAMORPHOSES DE LA CALANDRE DES PALMIERS (Calandra Palmarum) . Larine tacheté (Larinus maculosus). Sur la plante représentée, RS Se A LL dès fs HUE LE on. 548 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. deux fleurs ont été ouvertes pour montrer les larves dans leurs cellules. Les Calandres forment une division assez tranchée; elles ont des antennes composées de sept à dix articles et terminées par une massue spongieuse. De grosses espèces habitent les parties chaudes du globe. Une petite est devenue le fléau des greniers de l’Europe. A la Guyane, la Calandre des Palmiers (Calandra Palmarum — genre Rhynchophorus), Insecte d’un noir velouté dans son état adulte, est dans son état de larve un gros Ver qui ronge les troncs des Palmiers. Pour se transformer en nymphe, la larve se forme une grosse coque avec des lanières du tissu ligneux artistement enchevètrées. La Calandre du Blé (genre Sitophlus) est un Insecte bien ciselé, d’un brun foncé, long de 4 millimètres. Elle dépose un œuf sur CALANDRE DU RIZ CALANDRE DU BLÉ (Galandra Oryxæ). (Calandra granaria). un grain de Blé; la larve pénètre dans ce grain et en ronge l'in- térieur. Lorsque les Calandres sont très-multipliées, elles cau- sent ainsi des pertes immenses. La Calandre du Riz, plus petite que celle du Blé, est de même un Charançon bien redoutable pour la graine qui nourrit la plus grande portion des peuples de l'Asie. Lorsqu'on veut parler de la beauté par excellence des Coléo- ptères, de leur merveilleuse richesse de couleurs, de leur éclat presque incomparable, on cite les Bupresnnss; une famille repré- sentée dans notre pays par des espèces modestes, et dans les M, BLANCHARD, race 548, LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE, IMPR, DE E, MARTINET, MÉTAMORPHOSES DU LARINE TACHETÉ (Larinus maculosus), 4 « LES COLÉOPTÈRES. 549 régions chaudes du globe par des espèces grandes et somptueu- sement parées : les Richards, de leur nom vulgaire. Les brillants Buprestides n’ont pas l’élégance de la forme; leur corps est long, avec le prothorax large; leurs pattes sont assez courtes, ayant des tarses de cinq articles; leurs antennes sont aplaties et un peu en dents de scie, et, caractère unique parmi les Coléoptères, BUPRESTE AVEC LES AILES ÉTENDURS (Chalcophora mariana). leurs ailes ne sont pas plus longues que les élytres. Ces Insectes se rapprochent beaucoup des Cérambycides; ils ont à peu près les mêmes, mœurs, les mêmes instincts, les mêmes métamor- phoses. Les larves des Buprestides, vivant dans les troncs et les tiges comme celles des Capricornes, ont quelques particularités bien caractéristiques. Larves blanches, privées de pattes ou n’en ayant que des vestiges sous forme de petits tubercules, elles ont une tête rétractile, dont la portion antérieure seule est de consis- tance coriace, et l'anneau prothoracique extrêmement large, revêtu d’une plaque coriace, granuleuse ou tuberculée. Ces Insectes peuvent donc faire grand tort aux arbres, mais ils sont peu abondants en Europe, et ce n’est pas chez nous qu'on a beau- coup à redouter les Buprestides. 550 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Il y aurait peu d'intérêt à énumérer les divers genres des Buprestides; ce serait parler de détails de formes, répéter des MÉTAMORPHOSES DU BUPRESTE MARIANA ( Chalcophora mariana). expressions admiratives sur la beauté, sur la richesse, sur l'éclat des espèces. Parmi les plus grands Buprestes que l’on rencontre en Europe, nous comptons ceux du genre Chalcophore. Le Chal- cophore Mariane, un Insecte tout bronzé et joliment sculpté, est répandu ‘dans les forêts de Pins de nos départements méridio- LES COLÉOPTÈRES, 551 naux, de l’Italie, de l’Allemagne; sa larve creuse d'énormes galeries dans les troncs de ces arbres. Mais les Buprestides ordinaires de nos climats sont les Anthaxies et les Agriles, petits Coléoptères : les premiers au corps aplati, les seconds au corps long et tout étroit. Nous arrivons à une grande famille de l’ordre des Coléo- ptères, ayant en partage l’élégance des formes, souvent la beauté des couleurs, plus souventencore une grande taille. On l'appelle la famille des Céramsyanes, du nom de Cerambyx, qui se traduit en français par celui de Capricorne. Chez les Cérambycides, les antennes, semblables à de longues tiges cylindriques, acquièrent, surtout chez les mâles, une longueur énorme, ce qui explique l'appellation de Longicornes autrefois attribuée à ces Insectes. Les pattes, toujours assez longues, sans aucune dilatation, sans aucune armature, mais ayant des tarses conformés pour grimper après les troncs ou les branches des arbres, pour se tenir sur des feuilles, ordinairement de quatre articles, dont les trois premiers larges, garnis de brosses en dessous et l'avant-dernier bilobé, indiquent que ces Coléoptères ne se livrent à aucun travail, qu'ils marchent, qu’ils se promènent. Les Cérambycides ont des mandibules toujours très-fortes, souvent énormes, diversement dentelées selon les types; les mâchoires et la lèvre inférieure, d'ordinaire échancrée dans son milieu, offrant des modifications sensibles dans la forme des lobes. Ces Coléoptères, tous phyto- phages, rongent les feuilles des arbres; or, la diversité que nous constatons dans leurs pièces buccales est en rapport avec la nature des végétaux dont ils se nourrissent. Il y a ici des coïnci- dences analogues à celles que nous avons signalées à l'égard des chenilles; seulement, pour préciser l'importance de chaque fait à l'égard des Cérambycides, la difficulté est plus grande dans l'état actuel. Les espèces de la famille des Cérambycides sont disséminées dans le monde entier, mais leur abondance est en rapport avec 552 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. la richesse de la végétation des différentes contrées : l'Amérique du Sud, l'Inde, Ceylan, les îles de la Sonde, les Moluques, ete., sont les terres sur lesquelles vivent en grand nombre les plus beaux et les plus grands des Capricornes. Cette famille, dont on connaît environ de huit à dix mille espèces, constitue un en- semble parfaitement naturel; les caractères typiques, de même que les habitudes, du reste fort simples chez ces Insectes, ne se modifiant que dans des limites étroites, il est impossible de jamais confondre un Cérambycide avec tout autre Coléoptère. A l’état de larves, la ressemblance entre tous les Céramby- cides n’est pas moins remarquable que chez les Scarabéides. Ce sont toujours de gros Vers allongés, blanchâtres ou d’un blanc jaunâtre, ayant tous les anneaux du corps un peu boursouflés et très-semblables les uns aux autres, le premier cependant plus gros et couvert en dessus comme en dessous d’une plaque coriace ; la tête revêtue d'un tégument dur, en partie rétractile dans l’an- neau prothoracique, avec les antennes rudimentaires. Ces larves vivent dans les troncs et dans les branches des arbres, dans les tiges de certaines plantes herbacées. Demeurant toujours cachées, elles sont incolores, elles ont des téguments mous. Se nourris- sant du bois dans lequel elles creusent des galeries, elles ont des mandibules très-puissantes, et pour que ces appendices puissent soutenir uu effort considérable, elles ont une tête robuste. Ne devant cheminer que très-peu dans une étroite galerie, elles n'ont pas de pattes, ou si ces appendices existent, c’est dans un état absolument rudimentaire ; leurs anneaux boursouflés leur suffisent pour exécuter un mouvement de reptation. Nous trou- vons donc ici des analogies frappantes avec les larves ligni- vores des Lépidoptères et des Hyménoptères. Pour les mêmes conditions d'existence, il faut des adaptations semblables, quelles que soient les différences d'organisation qui existent entre les types. Nous venons de rappeler que les larves des Cérambycides vivent dans des troncs et des tiges ligneuses, ou dans des tiges LES COLÉOPTÈRES. 553 herbacées, naturellement assez peu résistantes; aussi la puis- sance des mandibules est-elle en rapport pour chaque espèce avec la dureté du tissu qu’elle doit ronger. Arrivées au terme de leur croissance, sans sortir de leur re traite, ces larves lignivores, avec des fragments, des parcelles de bois qu'elles agglutinent au moyen de leur salive, se façonnent une coque ovalaire, et, ainsi emprisonnées, se transforment en nymphes. Dans cette immense famille des Cérambycides, nous recon- naîtrons cinq types principaux, cinq tribus : les Spondylines, où l’on peut constater cinq articles à tous les tarses, tandis que l’on n'en découvre pas plus de quatre dans les autres groupes ; les .Prionines, remarquables entre tous par leur labre rudimentaire, presque imperceptible ; les Cérambycines, dont la tête est horizon- tale et les palpes à dernier article plus ou moins élargi; les La- mines, à la tête verticale et aux palpes terminés par un article ovoïde ou pointu, et les Lepturines, qui ont la tête rétrécie en arrière de façon à figurer une sorte de cou. Les Spondylines ne sont pas nombreux : il y en a un seul en Europe, le type du genre Spoudyle ; un Insecte noir, avec des antennes aplaties, un prothorax arrondi, le Spondyle bupres- toïde (Spondylis buprestoïdes), très-répandu dans le nord de l'Eu- rope et dans les Alpes. Sa larve vit dans les troncs des Pins. La division des Prionines, au contraire, est représentée par une longue suite d'espèces magnifiques et quelquefois d’une di- mension dépassant celle de tous les autres Coléoptères. A la Nou- velle-Grenade vivent les Psalidognathes, remarquables par leurs élytres ciselées, chagrinées, d’un vert doré splendide ou d’un bleu magnifique; par leurs mandibules semblables à des cisailles ; par les jambes antérieures des mâles, élargies, creusées en cuil- ler et garnies de poils en dedans, pour un usage encore ignoré (Psalidognathus superbus). Dans l'Amérique du Sud habitent les Macrodonties aux longues mandibules dentées, au prothorax épi- 554 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. neux sur les côtés. Le Macrodontie cervicorne (Macrodonha cer- vicornis), assez commun à la Guyane, est ce grand Goléoptère aux élytres fauves avec des rayures noires, souvent exposé aux vitrines des marchands d'objets d'histoire naturelle. C'est dans la même contrée, où croissent des arbres immenses qui peuvent être rongés par d'énormes larves, que vit le plus grand des Coléoptères, le Titan (Titanus giganteus), un Insecte d’un brun noir, pourvu de grosses mandibules dentées, et portant trois pointes de chaque côté du prothorax. C'est dans l'Inde que se rencontrent les Acanthophores aux longues mandibules, aux an- tennes munies d’une petite épine à chacun des articles. L’Acan- thophore aux antennes en scie (Acanthophorus serrahcornis), d'un brun passant au ferrugineux sur les élytres, n'est pas rare à Pondichéry. Sa larve est énorme, comme le montre la figure qui en estici donnée pour la première fois. Elle se construit pour sa métamorphose une coque immense à parois épaisses, avec des fragments de bois taillés d’une manière très-uniforme. Les Prionines de notre pays font pâle figure à côté de ces espèces des régions tropicales. Les Priones, avec leurs antennes dont les articles présentent une dilatation latérale, sont encore fort remarquables cependant pour des Insectes européens. Le Prione chagriné (Prionus coriarius), un Insecte entièrement brun, long de 5 à 6 centimètres, est devenu rare en France, depuis que l’on abat avec tant de sollicitude les arbres rongés par de grosses larves. Il en est de même pour un autre Prione à antennes grêles, devenu le type du genre Ægosome (Ægosoma scabricorne). Les Cérambycines n’atteignent pas les dimensions des Prio- nines, mais ils sont infiniment plus nombreux, et ils nous four- nissent une multitude de formes curieuses. Il y a dans l’'Amé- rique du Sud les Trachydères et les Lissonotes, dont les élytres lisses, luisantes, comme vernissées, portent d'ordinaire des taches et des bandes tantôt rouges, tantôt jaunâtres ; les Bburies, dont £ht, DLANGHAND, race 554, CRRANMESNARD LIBRAIRIE GERMER HAILLIÈRE, IMPR, DE E, MAUTINLT, MÉTAMORPHOSES DE L'ACANTHOPHORE SERRATICORNE {(Acanthophorus serraticomnis), . + « b + 11e + es L + - Ve . , p , Por | 4 à x LL - x » . k ) . ue, : : = » 7 “ ( ni Le mn « e ï y : > | à s * : ë , £ ù \ HAL RES « L ! à c PRE lé ñ LD - »: v s À . æ Î ï z . + < ; é— î “ RL S 15$r WIN ALT ë L $ sh hide nd. me #2 lee se “ans LR EC RS 2 ds: hdsne dr ti orientés: D SRE LL 2 2 LES COLÉOPTÈRES. 555 les élytres sont ornées de taches semblables à des plaques . d'ivoire. En Europe, nous avons les vrais Capricornes (Cerambyx). Qui ne connaît notre Capricorne (Cerambyx heros), un Insecte svelte, long de 5 centimètres, d’un brun foncé, avec les ély- tres plus rougeätres et chagrinées. Il est plein d'élégance cet In- secte, inclinant et relevant son prothorax pendant la marche et agitant ses longues antennes. Aujourd’hui rare, il était commun naguère aux environs de Paris, et des entomologistes se souvien- nent avec plaisir qu'au temps où les vieux Chênes délabrés en- touraient la mare d'Auteuil, ils allaient le soir prendre les grands Capricornes se promenant sur les arbres séculaires. La larve pratique de vastes galeries dans Les troncs des Chênes, et à bon droit les forestiers la considèrent comme extrêmement nuisible. Les Purpuricènes, dont les antennes sont grêles, appellent l'attention par la couleur rouge d’une partie plus ou moins éten- due de leurs élytres. Les Callichromes ont de grandes antennes, les cuisses un peu renflées, les jambes postérieures comprimées, élargies à l'extrémité, et presque toujours une belle couleur verte. Nous en avons une espèce, le Callichrome musqué (Callichroma moschata, genre Aromia des auteurs modernes), que l’on voit assez fréquemment à la fin de l'été sur les Osiers et les Saules qui bordent les rivières et les canaux. Ce bel Insecte exhale une odeur de rose que beaucoup de personnes jugent fort agréable. Maintenant, parmi les Cérambycines de petite taille, nous en avons un certain nombre, comme les Clytes au corps étroit, au prothorax arrondi, aux élytres variées de jaune, comme les Cal- lidies, au corps déprimé, aux antennes de médiocre longueur, aux cuisses renflées en massue. Qui n'a vu, vers la fin de l'hiver, se promenant sur quelque bûche que l’on allait mettre au feu, ce joli petit Coléoptère en dessus d'un rouge vermillon velouté, avec les parties inférieures, les pattes et les antennes noires? C'est le type du genre Callidie (Callidium sanguineum). N vient d’éclore 556 LES MÉTAMORPHOSES. DES INSECTES. quand nous le voyons dans nos appartements, il vient de sor- tir d’une bûche de Chène où il avait vécu pendant son état de larve. Les Lamiines ne sont ni moins nombreuses, ni moins variées que les Cérambycines. A la Guyane encore, cette terre privilé- giée, se trouvent les Acrocines, qui ont des pattes antérieures d’une longueur démesurée et un prothorax muni de chaque côté d'un tubereule porté sur un gros mamelon mobile. Le type du genre, que l'on apporte continuellement en Europe, est bien connu sous le nom vulgaire d’Arlequin de Cayenne (Acrocinus longimanus). Des dessins rouges et noirs sur le fond gris de ses élytres justifient cette appellation. L’Acrocine grimpe après les arbres, et l'utilité de ses longues pattes nous échappe; et quant aux mamelons mobiles du prothorax, il nous est impossible, en l'absence d'observations suffisantes sur les habitudes de l’Insecte, d’en découvrir l'usage. On a réservé le nom générique de Lamie pour une espèce européenne d'un noir terne (Lamia textor), qui a des antennes relativement courtes et le prothorax unidenté sur les côtés. Sa larve vit dans les troncs de Saules. Des Lamiines qui, par leur aspect, ressemblent beaucoup à cette dernière, en ont été distinguées sous le nom de Morimes. Ceux-ci n'ont pas d'ailes sous leurs élytres. Le Morime lugubre (Morimus lugubris) n’est pas rare dans notre pays. Il est impossible de se promener dans la campagne, au prin- temps, sans apercevoir, traversant les chemins poudreux ou grimpant après les murailles, après les herbes salies du bord des routes, un petit Capricorne au corselet unitubereulé, aux an- tennes courtes pour un Insecte de la famille des Cérambycides, au corps ovale et bombé. Ce Coléoptère est le type du genre Dorcadion (Dorcadion fuliginator). Il faut aller en Amérique pour rencontrer des Lamiines offrant le trait de mœurs le plus curieux, l'instinct le plus remarquable. EM, BLANCHANDS ' LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE MÉTAMORPHOSES DE L'ONCIDÈRE GRANULEUSE il … L | | | | ile || Li sa L L.CHAPON (Onoideres vomicosa). race 556, IMPR, DE E, MANTIMET, CU CT Ÿ dé | a L 2 2 $ De” U N | 3 Î . F ° À ; D" a x é » « m4 . ; , m N + M . Y : à _ k Fer _" 1 ë L 21 n « De € FE Û ; dl | - < p « . | ; Ü e L i , - «il …— > #\ ge - 1; - . F à , " ve z [oa À _— : "VAN s D vi L s- s. L LE de ra A ke Ê | À. "117, 0 ; . es . e D CE n | LES COLÉOPTÈRES. 557 Ces Lamiines, ayant de longues antennes très-écartées à leur origine, un prothorax très-court, composent le genre Oncidère. Il y a quarante ans, un naturaliste anglais que nous avons déjà cité, Lansdown Guilding, fit connaître les habitudes d’une espèce de ce genre (Oncideres amputator). Nous avons eu l’occasion d’ob- server les métamorphoses d’une espèce voisine (O. vomicosa). M. Houllet, aujourd'hui le jardinier en chef des serres chaudes du Museum d'histoire naturelle, se trouvait dans une habitation des environs de Rio-Janeiro, et chaque nuit il entendait le bruit de branches d'arbres, l’Acacia Lebbeck, qui tombaient à terre. Ces branches étaient sciées circulairement, et comme leur partie centrale était seule respectée, elles se brisaient par leur propre poids ou par les secousses imprimées par le vent. À qui imputer pareil méfait? Aux nègres de l'habitation sans doute, animés de l'envie de causer au maitre une petite vexation. Mais le voyageur du Museum s’aperçut bientôt que souvent il y avait une Lamie sur une branche coupée; le Coléoptère était donc l’auteur du dégât. Une branche d’Acacia fut rapportée; elle contenait vivantes larves et nymphes de l'Oncidère : c’est cette même branche ouverte et ainsi habitée que nous représentons. Le but de l’In-- secte est facile à comprendre, il faut que ses larves ne soient pas noyées par une séve trop abondante. * Nos Saperdites, au corps mince et au corselet cylindrique, assez nombreuses en Europe, ont des espèces dont les larves vivent dans des tiges herbacées, comme l’Aiguillonnier (Agapan- {ha marginella), observé par M. Guérin-Méneville dans les chaumes du Blé. Les Lepturines ont aussi d’assez nombreuses espèces que nous voyons habituellement sur les fleurs. Des Coléoptères phytophages, de taille médiocre, plus nom- breux encore que les Cérambycides, constituent la famille des Curysomézes. Ceux-ci ont le corps ramassé, souvent arrondi; les antennes filiformes ou peu renflées vers le bout; des tarses de En stnl 2 ET CRE". . TITRES OT LIT MNT. MI à NS SN IT at DS D n + à 558 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. quatre articles, les trois premiers plus où moins larges. Les Chrysomélides, objet d’une belle monographie de M. Lacordaire, s’attaquent au feuillage de tous les végétaux. Beaucoup de ces Insectes sont ornés de brillantes couleurs: le nom de Chrysomèle EU SL 8e QŸ LACRIPENIER. DEL. MÉTAMORPHOSES DU CRIOCÈRE DU LIS (Crioceris merdigera) Une nymphe isolée, vue en dessus, — Une nymphe grossie, vue en dessous, lui-même fait allusion à des nuances dorées. Les larves de ces Coléoptères, pour le plus grand nombre, vivent à découvert : massives, ramassées, pourvues de très-petites pattes, elles sont lentes dans leur marche ; plusieurs d’entre elles, ayant des tégu- ments mous, ont recours à des moyens de protection qui s'offrent comme le côté le plus curieux de leur histoire. te dia fn dt à - ste PC nb LÉ RE ES Sd À hs on NS né sm © di à” LES COLÉOPTÈRES. 559 D'après quelques caractères tirés de la forme du corps et sur- tout de la configuration des mâchoires, on distingue les Criocé- rines, les Cassidines, les Chrysomélines, les Gallérucines. Des espèces de la première division, d’une forme plus élancée que les autres représentants de la famille, les Donacies, au corps vert ou bronzé, affectionnent le bord des eaux et courent sur les plantes aquatiques. Ce sont ces mêmes plantes, les Nénuphars, les Sagittaires, les Lenticules, que leurs larves blanches, décolo- rées, rongent au collet. Les Criocères sont oblongs, avec la tête et le prothorax beau- coup plus étroits que les parties postérieures du corps. Sur les tiges et les feuilles des beaux Lis blancs que l’on cultive dans les jardins, on voit continuellement ce charmant petit Coléoptère tout brillant, noir, avec le corselet et les élytres d’un beau rouge vermillon. Sa larve n’est pas jolie, mais comme elle montre un curieux instinct! Destinée à vivre à découvert, avec des tégu- ments minces et sans consistance, la nature lui a donné un sin- gulier moyen de protection. Elle se fait une épaisse couverture de ses déjections; son orifice anal étant placé de façon que les matières sortant de son intestin puissent être versées sur son dos. Ainsi cachée sous ce misérable vêtement, la larve du Criocère a moins d’ennemis à redouter et se trouve garantie du soleil. Enlevez-lui son abri; pour, au plus vite, en fabriquer un nouveau, elle se met à manger avec une extrême avidité. Dans les potagers, une autre espèce de Criocère (Crioceris Aspa- ragi) est fort commune sur les Asperges. Les Cassidines ont un corps presque orbiculaire, le prothorax large comme une sorte de bouclier, et dans la grande majorité des espèces fort avancé au-dessus de la tête. Il y en a de bien belles dans le monde des Cassides; il y en a qui semblent vêtues d'or. Celles de notre pays sont petites, et nous n’en citerons qu'une en particulier, la Casside verte (Cassida viridis), tout entière en dessus d’un vert frais. Vous la verrezsur les Chardons qui bordent __ LÉ "h LÉ dé - - ns - nn LE : 560 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. la route, sur les Artichauts du potager. Vous y trouverez aussi sa larve, une larve bien singulière, large, plate, portant sur les côtés de longues pointes ciliées ou épineuses et à l'extrémité de l'abdomen un appendice fourchu recourbé au-dessus du corps. L'orifice anal est situé à la base de cet appendice, les déjections sont reçues sur cette fourche, et la larve de la Casside est ainsi pourvue d’un parasol : il lui suffit d’un mouvement brusque pour s’en débarrasser à sa volonté. Dans la grande tribu des Chrysomélines, il y a plusieurs types bien caractérisés. Les Chrysomèles sont presque orbiculaires, avec la tête dégagée du thorax ; leurs larves, ayant des téguments colo- rés et d’une certaine résistance, ne cherchent pas d’autres abris que le feuillage des plantes. Il y en a beaucoup dans notre pays : la Chrysomèle du Gramen (Chrysomela Graminis), d'un vert doré métallique; la Chrysomèle ensanglantée (Chr. sanguinolenta), : noire, avec une bordure rouge, etc. A raison d’un élargisse- ment des antennes vers leur extrémité, on a distingué des Chry- somèles les Linas. Les Peupliers sont quelquefois singulièrement maltraités par une espèce de ce genre, la Chrysomèle ou Lina du Peuplier. L’adulte est d’un vert bronzé, avec des élytres rouges ; la larve est jaune, avec des taches d’un noir brillant. C’est la larve surtout qui détruit le feuillage ; comme tant d’autres Chry- somélides, elle ronge le parenchyme et respecte toutes les ner- vures : les feuilles ressemblent alors à une dentelle. Sur le point de se métamorphoser, cette larve s'attache par l'extrémité posté- rieure ; sa peau se fend, la nymphe se montre, mais encore rete- nue par la dépouille de la larve. Les Bumolpes, avec leur prothorax moins large que les ély- tres, ont les derniers articles des antennes très-grands. IL y en a de magnifiques dans les pays chauds ; il y en a un, assez petit, noir, avec des élytres ferrugineuses, qui est très-commun dans nos vignobles, l’Eumolpe de la Vigne (Eumolpus Vis). Les vigne- rons l’appellent l’Écrivain, et en considérant les dessins irrégu- gras à sers à À LES COLÉOPTÈRES. 561 liers que l'Insecte trace sur les feuilles en les découpant par petites lanières, le nom paraît bien justifié. Les Galérucines se distinguent des précédents par leurs an- tennes plus longues, par le dernier article de leurs palpes très grand, etc. Elles ont, du reste, dans leurs différents états, des MÉTAMORPHOSES DE LA CHRYSOMÈLE DU PEUPLIER (Linq Populi). mœurs analogues à celles des Chrysomèles. Il y a deux types dans cette division, les Galéruques et les Altises : les premières ont les pattes postérieures simples, elles ne sautent pas; les autres ont les cuisses postérieures très-renflées, elles sautent comme des Puces. La Galéruque de l'Orme (Galeruca calmariensis), ayant 36 NT ST ' re L2 362 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. les élytres jaune-citron, parées de deux raies grisätres, es extrè- mement commune sur les Ormes de nos routes. Sa larve ronge les feuilles à la manière des Chrysomèles. L'Altise du Ghou (Alhca oleracea), petit Insecte lisse, luisant, d’un vert sombre, maltraite les plantes potagères et quelquefois la Vigne. Des Chrysomélides de forme cylindrique, avec la tête en- foncée dans le thorax (Cryptocéphalines), les genres Clythre et Gribouri (Cryptocephalus), ont des larves qui se construisent des fourreaux mobiles, à la manière de certaines chenilles. Une dernière famille de l’ordre des Coléoptères, les CocciNeL- Lips, comprend de petits Insectes auxquels chacun accorde sym- pathie. L'espèce de notre pays, la plus abondante ct la mieux connue de tout le monde, ne s’appelle-t-elle pas, dans le langage vulgaire, la Béte à Dieu ou la Béle à bon Dieu? Il est rare que le sentiment populaire tombe aussi juste. Cette Bête à bon Dieu, la Coccinelle à sept points des naturalistes (Coccinella seplem- puncelata), inoffensive à tous, a pour rôle, dans la nature, d'empê- cher la multiplication excessive des Puccrons. Si l'Insecte adulte, qui ne réclame de description pour personne, mange peu, la larve fait une consommation énorme des petits êtres malfaisants à tous les végétaux. Dans les jardins, sur les Rosiers, les Sureaux, ete., dans les vergers, vous observez facilement la larve poursuivant son œuvre de destruction. Cette larve, d'un gris plombé, avec une large tache jaune au devant de la tête, trois petites taches rouges sur les côtés, des points noirs, de petits bouquets de poils, ayant un peu l'aspect de certaines larves de Chrysomélides, saisit un Puceron, le dévore, passe à un autre, et en détruit ainsi une énorme quantité en un seul jour. Pour se transformer en nympbhe, l'Insecte s'attache à une feuille, tout comme une chenille de Papillon ou de Polyommate. Il y a une foule considérable de Coccinellides de tous les pays, dont M. Mulsant a donné les descriptions. Beaucoup d’entre elles ontlesmémes mœurs que la Coccinelle à sept points : elles mangent T - de mie! te fond à de citer tie — à dd té dt Vi -dé LES COLÉOPTÈRES. 563 les Pucerons, les Kermès, tous ces suceurs si nuisibles à la végé- tation; mais quelques-unes cependant ont une nourriture vêgé- tale. Lies Coccinellides sont bien reconnaissables à leur COTpS MÉTAMORPHOSES DE LA COCCINELLE A SEPT POINTS { Coccinella se] tempunctata \, arrondi, à leurs antennes courtes et épaisses, à leurs palpes terminés en hachette, et surtout à leurs tarses invariablement composés de (rois arüeles. TT Te XI LES ORTHOPTÈRES Les formes typiques sont peu nombreuses parmi les Ortho- ptères; nous n’en trouverons pas plus de sept, la plupart au moins, un peu connues de tout le monde, les Perce-oreilles, les Grillons, les Sauterelles, les Criquets, par exemple. Un haut intérêt s'attache à la comparaison des Orthoptères avec les Coléoptères. Sous le rapport de la conformation, les ressem- blances sont grandes; sous le rapport de la marche du dévelop- pement, la différence, au premier abord, paraît énorme. Les Orthoptères sont des Insectes masticateurs ou broyeurs comme les Coléoptères. Leurs pièces buccales, libres, puissantes, n’offrent guère de différences plus considérables que celles que l’on trouve entre des types de familles appartenant au même ordre. Les organes du vol distinguent les Orthoptères de tous les autres Insectes. Les ailes antérieures, d'une texture et d’une forme générale différente des ailes postérieures, sont de consistance me di: file dé EE Fe ne DAS ns à | pe PT LES ORTHOPTÈRES. 565 semi-coriace, ef, à une seule exception près, elles croisent l’une sur l’autre pendant le repos. Les ailes postérieures sont extrè- mement caractéristiques; membraneuses, très-veinées, avec leurs grandes nervures semblables à des baguettes droites, elles se plient dans le sens longitudinal, exactement à la manière d'un éventail : de là le nom d’Orthoptères (op90s, droit; rr:pe, ailes). Si l’on ne trouve entre les Orthoptères et les Coléoptères adultes que des différences médiocres, entre ces mêmes Insectes considérés dans la première période de leur existence, la dissem- blance paraît prodigieuse. Au sortir de l'œuf, le Perce-oreille, le Grillon, la Sauterelle, ont la forme, l'apparence, presque tous les caractères et absolument le genre de vie des adultes. Tandis que le Lépidoptère, l'Hyménoptère, le Coléoptère, naissent dans un état embryonnaire peu avancé, et prennent tout leur ac- croissement sous cette première forme, l'Orthoptère nait dans une condition voisine de l'adulte, et ne subit que des change- ments peu considérables pour devenir tout à fait adulte. Ces changements consistent dans le développement des organes du vol et des organes de la reproduction. Les changements peuvent mème se réduire à l'apparition de ces derniers organes et à l'augmentation de la taille. I est nombre d'Orthoptères qui éprouvent un arrêt de développement. Ceux-ci n’ont jamais d'or- ganes de vol; ils arrivent à l’état adulte sans avoir acquis le per- fectionnement organique des espèces du même groupe. Il n’y a dans cette assertion aucune vue théorique, c'est l'énoncé d'un fait dont la démonstration est fort simple. L’Orthoptère le mieux constitué, à chaque période d’accrois- sement, a subi une mue ou changement de peau. Trois mues suc- cessives ont eu lieu, et l'animal a conservé les caractères qu'il offrait au moment de sa naissance; une quatrième mue s'est effectuée, et l'Insecte s’est montré avec des rudiments d'ailes emmaillottés ; est survenue une cinquième mue, et il s'est trouvé — 7 d D de ss mé à ns tn de cd 566 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. avoir de grandes ailes parfaitement développées. L'Orthoptère qui ne prend jamais d'organes de vol ne subit que les trois pre- mières mues ; l'Orthoptère qui acquiert des rudiments d'ailes ne dépasse pas la quatrième mue. Sans croire le nombre des mues'identique chez les espèces les mieux douées, ces arrèls de développement à des degrés divers peuvent être mis au nombre des faits les mieux établis. Les Orthoptères n’ont dans le cours de leur existence aucune période d'inactivité; on les nomme des Insectes à métamorphoses incomplètes, car, dans l'usage, on appelle larves les individus qui n’ont encore aucun vestige d'ailes, et nymphes ceux qui en ont des rudiments. Les nymphes ont la même vie que les larves et les adultes. | Les espèces d'Orthoptères, disséminées à la surface entière du globe, sont surtout abondantes dans les régions chaudes du monde où la végétation étale toutes ses richesses. Rien n’est plus con- cevable, car les Orthoptères herbivores, et ce sont les plus nom- breux, consomment de grandes quantités de nourriture. Les Orthoptères sont souvent de beaux Insectes parés de vives et fraiches couleurs plus ou moins agréablement nuancées; mais, à cet égard, il existe une telle diversité suivant les types, qu'il faut se garder de trop généraliser. Les Orthoptères sont unis entre eux par les affinités naturelles les plus évidentes, néanmoins l’ordre dans son ensemble n’a pas tout à fait le caractère d'homogénéité que présente, soit l’ordre des Lépidoptères, soit l’ordre des Coléoptères. Un type en parti- culier, celui des Perce-oreilles, se sépare en une certaine mesure des autres types. Il est devenu pour quelques naturalistes un ordre à part; mais, par suite d’une plus juste appréciation des rapports zoologiques de ces êtres, on divise les Orthoptères en deux sections : celle des Euplexoptères, comprenant la famille des Forficulides seule; celle des Dermaptères, comprenant tous les autres représentants de l'ordre, ou les familles des Blattides, POP LES ORTHOPTÈRES. 567 des Mantides, des Phasmides, des Gryllides, des Locustides et des Acridides. Les Fonricuripes, que tout le monde en France désigne par l’épithète de Perce-oralles et dans les autres pays par des appel- lations équivalentes, offrent certaines particularités de conforma- tion tout à fait frappantes. La présence à l'extrémité dei leur corps d'appendices courbés en manière de crochets et formant la pince, donne à ces Insectes une apparence étranges Les Perce-oreilles, du reste, se voyant inquiétés, redressent leur ab domen et semblent menacer de cette arme peu redoutable, Une singulière croyance, sans doute bien vieille, mais encore au- jourd'hui persistante parmi les personnes médiocrement éclai- rées, à rendu ces Orthoptères un sujet d’effroi. Avec l'audace de l'ignorance, on a affirmé qu'ils pénétraient dans les oreilles des personnes endormies, ct qu'à l’aide de leur instrument, ils parvenaient à s'introduire dans la tôle, et le nom de Perce- orcille à été imaginé. S'il faut en croire certaine version, lé nom serait venu d'une ressemblance de l'instrument des Forficulides avee la pince des joailliers autrefois en usage pour percer les orcilles auxquelles on voulait attacher des pendants, et le‘nom donné, son application aurait bientôt couru à l'erreur. En réa- lité, les Perce-oreilles ne sont dangereux que pour les plantes du potager ou du jardin. Les organes du vol méritent considération chez les Forficu- lides. Les ailes antérieures, véritables petites élytres, sont courtes comme celles des Coléoptères de la famille des Staphylinides, et elles ne se croisent point comme celles des autres Orthoptères. Les ailes postérieures, amples, charmantes à voir étendues, après s ètre ployées en éventail, se plient ensuite dans le sens trans- versal, afin de se loger sous les élytres pendant le repos : de là ce nom d'Euplexoptères, qui signifie des ailes bien ployées. La famille des Forficulides se compose du genre Forficule, que des auteurs ont subdivisé, en se fondant sur des caractères de la 568 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. plus faible importance, ici sans intérêt. Nous avons en Europe plusieurs espèces de Forficules, et l’une d'elles est connue de tout le monde. Les Perce-oreilles sont nocturnes; si on ne les LE PERCE-OREILLE COMMUN (Forficula auricularia ). dérange pas, on ne les voit guère pendant le jour. Parfois ils se tiennent blottis sous les feuilles; plus souvent ils se cachent sous des pierres ou sous de vieilles écorces plus ou moins déta- chées du tronc. C'est là que fréquemment on trouve une famille dd Libé re mnidianté te Soit it nl )iimonies fé | LE à és mt di de sé à aa À v— dé + L LES ORTHOPTÈRES. 569 entière : individus jeunes sans ailes, individus plus âgés ayant des rudiments d'ailes, vieux individus ailés : les pères etles mères savent s'envoler. Les Forficules n’ont aucune industrie, mais les femelles sont d'excellentes mères ; elles veillent sur leurs œufs, et si un danger les menace, comme dans le cas où la pierre qui les abritait a été enlevée, elles les transportent ailleurs. Ces Insectes attaquent indifféremment beaucoup de végétaux sur pied; mais le fait n’est pas douteux, ils se nourrissent volontiers de substances végétales ou animales en décomposition. Les Brarrines comptent, pour nous, au nombre des animaux les plus désagréables. Ils ne flattent point la vue; ils blessent l'odorat par leur odeur vraiment repoussante ; ils excitent l’an- tipathie par les dégâts qu'ils occasionnent. D'une remarquable agilité, courant avec une étonnante rapidité, les Blattides ont dans leur aspect, dans leurs allures, quelque chose de très-parti- culier. Chez presque tous, le corps est large, plat, revêtu de téguments coriaces, mais d’une extrême flexibilité; la tête en grande partie cachée sous le prothorax, les antennes longues et minces comme des fils; les pattes simples, avec les jambes gar- nies d'épines, les tarses formés de cinq articles ; l'abdomen ter- miné par des filets articulés. On voit peu de Blattes dans nos villes intérieures et dans nos campagnes, mais il en est autrement dans les ports de mer, dans les colonies où même à bord des navires. Vulgairement on les nomme Kakerlacs ou Cancrelats, et quelquefois Ravets, ou simplement Bétes noires. Ces Ortho- ptères, en effet, Insectes de la nuit, ont des couleurs ternes, sombres, grises, brunes, noires. Les Blattides se dissimulent avec la plus grande facilité. A la faveur de l’aplatissement de leur corps et de l’élasticité de leurs téguments, ils s’introduisent par les fissures les plus étroites. Ani- maux omnivores, les Blattes s’attaquent à toutes les substances animales ou végétales desséchées; les denrées coloniales, les viandes conservées, les cuirs, tout leur est bon. Plusieurs Blattes ps 570 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. ainsi vivent dans les habitations, dans les magasins où séjournent des marchandises, dans les navires; partout où elles se multi plient, elles deviennent un fléau. Fréquemment des comestibles que l'on transporte dans des caisses ou des barils, atteints par ces Insectes, sont affreusement endommagés, quelquefois entière- ment détruits. Les Blattes voyagent ainsi avec la plus parfaite commodité, et plusieurs espèces se sont tellement acelimatées sur des points du globe tout à fait opposés, que l’on ne saurait dire aujourd'hui de quel pays sont originaires certaines espèces. Celles-ci, il est vrai, sont devenues domestiques en quelque sorte, car beaucoup de Blattides vivant dans les bois, se cachant sous les écorces et les feuilles mortes, ne sont pas cosmopolites. Les Blattides ne pondent pas leurs œufs isolément comme tant d'autres Insectes; ils les renferment dans une capsule de con- sistance coriace. Ces Insectes sont pourvus d'un appareil glan- dulairé sérifique qui consiste en tubes nombreux, où se produit la matière destinée à former l'enveloppe des œufs. Cette capsule, qui affecte ordinairement la forme d'une fève ou d'un haricot, présente sur toute sa longueur une arête garnie de dentelures très-serrées. C'est le point par lequel a lieu la déhiscence au moment de l’éclosion des jeunes, car la capsule a deux valves partagées à l'intérieur en plusieurs compartiments contenant chacun un œuf. Les Blattes montrent une certaine sollicitude pour leur progéniture : on les voit porter leur coque ovigère appendue à l'extrémité de leur abdomen; on les a remarquées aidant leurs jeunes à sortir de la capsule ovigère et fendre cette enveloppe peut-être imparfaitement ramollie par la salive des nouveau-nés. Ün auteur russe, Hummel, est souvent cité pour une observation très-attentive des soins qu'une des petites Blattes européennes (Blalla germanica) donnait à ses larves sortant de l'œuf. La famille des Blattides, très-nombreuse en espèces, a été par- tagée en une longue suite de genres par les naturalistes mo- LES ORTHOPTÈRES. 571 dernes. On peut prendre comme type la Blatte américaine, ou 2 LA BLATTE AMÉRICAINE (Blatla amerivana). Larve et adultes. Kakerlac d'Amérique (Blatta americana), que l'on voit courir 572 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. bien fréquemment sur les quais des ports de mer, après s'être échappée des caisses et des ballots déchargés des navires. Dans nos villes et plus encore dans nos campagnes, se trouve la Blatte orientale (Blatta orientalis), moins grande que la précédente, avec les organes du vol peu développés. Cette espèce se cache dans les fissures des vieilles cheminées. Parmi les Orthoptères, il est une grande famille composée d'espèces absolument carnassières, la famille des Maxnines. In- sectes vraiment singuliers que les Mantides. Des formes bizarres, des attitudes étranges, des armes puissantes, une lenteur de mou- vements peu ordinaire aux animaux carnassiers, sont autant de traits qui les signalent d’une façon toute particulière, Ces Orthoptères ont un corps élancé, un prothorax d’une longueur énorme; une tête dégagée, d'une extrême mobilité, portant de gros yeux; des mandibules aiguës et tranchantes; ils ont des ailes amples, des pattes de devant conformées pour saisir une proie, des pattes intermédiaires et postérieures grêles; un abdomen terminé par des filets articulés. Il faut examiner leurs pattes antérieures, détournées de l'usage ordinaire. Ces appendices ont pris un volume considérable dans presque toutes leurs parties : la hanche, devenue énorme, a une grande mobilité; la cuisse est très-épaisse, et la jambe, garnie d’un rang d’épines, se replie sous la cuisse jusque dans une gouttière formée par deux rangées de pointes que porte cette dernière. S'imagine- t-on l'effet d’une pareille pince saisissant une proie qu'elle transperce de toutes parts. Jamais pince préhensile ne fut plus redoutable, Les Mantides ont généralement une assez grande taille, de fraiches nuances, et quelquefois de jolis dessins de couleurs variées sur les ailes postérieures, toujours plus ou moins trans- parentes. Ces Orthoptères se trainent sur les broussailles, où, pendant des heures entières, ils demeurent dans un état d’immo- bilité absolue, la partie antérieure de leur corps dressée, les LES ORTHOPTÈRES. 573 pattes de devant repliées. Cette attitude calme n'’éveille point l'attention des Insectes qui volent dans le voisinage. Une Mouche S'approche; par un mouvement brusque, la Mante étend sa patte ravisseuse etla Mouche est saisie. Les Mantides enveloppent leurs œufs dans une capsule d’un tissu peu résistant, et attachent cette COQUE OVIFÈRE DE LA MANTE RELIGIEUSE, Une coque attachée à une tige. — Une coque coupée par le milieu. coque ovifère par une sorte d'anneau autour des tiges des plantes. La ponte a lieu vers la fin de l’été; les jeunes larves éclosent et s’accroissent comme tous les autres Orthoptères. Les espèces de cette famille habitent les contrées chaudes de l'Europe et des autres parties du monde, et dans tous les pays ces Insectes, par leur attitude posée, comme méditative, ont inspiré le respect, la vénération et surtout des idées superstitieuses. Le type du genre Mante, caractérisé par le prothorax très-long, les antennes fines comme des soies, les cuisses simples, la Mante religieuse (Hantis 57h LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. religiosa), élégant Insecte d’un vert tendre, abonde en Provence, surtout au voisinage de la mer, et on la nomme Preqga-Diou, Prie-Dieu en France comme en Italie. Ces idées sur les Mantes sont bien répandues, et à une époque plus ancienne elles étaient fort accréditées : Mouffet, le vieil auteur anglais que nous avons déjà cité, rapporte comme un fait tout naturel que si un enfant, s'adressant à une Mante, lui demande son chemin, elle le lui indique en étendant la patte, et le trop crédule naturaliste ajoute qu'elle se trompe rarement ou jamais. Voyez plutôt les paroles mêmes de Thomas Mouffet : « Tam divina censetur bes- » lola, ul puero interroganti de via, exlento rectam monstrel, atque » raro vel nunquam fallat. » Bien plus élégantes encore que les Mantes proprement dites sont les Empuses, avec leur tête surmontée d’un long appendice foliacé, leurs antennes courtes, doublement pectinées dans les males, leur thorax grèle, leurs cuisses garnies de folioles; expan- sions bizarres qui semblent être plutôt des ornements que des parties d’un usage quelconque. Dans la région du Var et des Alpes-Maritimes habite une charmante Empuse (Empusa paupe- rala) que nous avons représentée ici sous ses diverses formes, d'après des individus vivants que M. Millière nous a fait par-. venir des environs de Cannes. Sur le corps de l'Empuse, c'est un mélange de teintes grises, verdâtres, blanchâtres, violacées, d'une incomparable délicatesse, et sur les ailes des adultes une teinte vert d’eau semi-transparente, avec un bord et des ner- vures lilas. Les plus étranges par les formes, entre tous les Orthoptères et même entre tous les Insectes, sont les Prasmipes, que l’on nomme aussi les Spectres, et auxquels les noms vulgaires ne manquent pas dans les pays où ils sont abondants. Ce sont les Feuilles am- bulantes, les Bälons ambulants, le Cheval du diable, le Grand Soldat de Cayenne, et bien d’autres sans doute que nous igno- rons,. LES ORTHOPTÈRES. 575 Paisibles créatures, inoffensives, se trainant avec lenteur, grimpant avec peine après les branches, les Phasmides ne man— MÉTAMORPHOSES DE L'EMPUSE APPAUVRIE (Empusa pauperata). gent que le feuillage. Ces Insectes ont le prothorax moins long que les autres parties du thorax, qui, chez beaucoup d'espèces, sont fort longues; ils ont une tête dégagée, assez mobile, des 576 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. mandibules courtes, des pattes longues, seulement propres à la marche, toujours faibles, souvent garnies d’expansions foliacées. Il est un grand nombre de Phasmides qui n’acquièrent jamais d'organes de vol; leur développement s'arrête de bonne heure, ils restent dans la condition des larves ou des nymphes. Ceux-là ont tellement l'aspect de tiges vertes ou de petites branches grises d’arbustes, qu'il est facile de s’y tromper. Ces Orthoptères acquièrent-ils des ailes, une singularité dans ces organes se fait remarquer : les ailes antérieures demeurent très-petites et géné- ralement en forme de cuillerons, tandis que les ailes postérieures ont une ampleur considérable. Les Phasmides atteignent souvent une très-grande taille : chez certaines espèces, le corps a une longueur de 25 à 30 centimètres et les ailes une envergure de 20 à 25 centimètres. Ces Insectes, incapables d'échapper au danger par la fuite, ont dans leur cou— leur et dans leur forme un moyen de se dissimuler ; ils possè- dent un moyen de défense dans l'émission d’un liquide d’appa- rence laiteuse, d’une odeur pénétrante et désagréable : l’Insecte inquiété, l'éjaculation a lieu par deux pores ouverts sur les côtés du thorax. Les Phasmides déposent leurs œufs isolément, en les attachant aux végétaux à l’aide de la matière visqueuse dont ils sont enduits. Les œufs de certaines espèces sont ovalaires; ceux d’autres espèces ont des côtes, des arêtes, et ressemblent, à s'y méprendre, à des graines. Les Phasmides sont inconnus dans l’Europe centrale et boréale. Dans nos départements méridionaux et dans tous les pays que baigne la Méditerranée, on rencontre seulement deux ou trois espèces grèles, toujours privées d’ailes, ayant des antennes courtes et en grains de chapelet. Elles composent le genre Ba- cille (Bacillus Rossi, ete.). Aux îles Mascareignes, à Madagascar, dans l'Inde, vivent des Phasmides de moyenne taille, mais très- bizarrement construits. On les appelle des Phyllies, tant ils res- semblent à des feuilles. Les mâles ont les antennes assez lon- EM, BLANCHARD, Pace 5176, LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE, ' D ns | LE PHYLLIE FEUILLE-SÈCHE (Phyllium siccifolium), IMPR, DE E, MARTINET. rt he my roi 0 mots ee à . : € Ê - LA - " \ 4 à * . L Y7 A ; "+ \ : : : : A ? A4 è « 4 > 1x : . mn 7 + : £ A F— | # FC ‘ re * 7) + SA» > CRE eo 212 REA - ; . t = Fà F1 ES L - : d es : CA i LES ORTHOPTÈRES. 517 gues et les ailes postérieures fort amples; les femelles ont les antennes très-courtes et les aïles antérieures seules très-déve- loppées; dans les deux sexes, les pattes offrent des dilatations foliacées et épineuses tout à fait bizarres. Plusieurs fois la Phyllie feuille-sèche de l'Inde(Phyllium siccifolium) a été apportée vivante en Europe. Nous avons fait représenter le jéune et la femelle d'après des individus qui ont excité la curiosité des visiteurs du Jardin d’acclimatation du Bois de Boulogne, et que le directeur de cet établissement a bien voulu mettre à notre disposition. Les Phasmides sont nombreux dans toutes les régions intertropi- cales, mais leurs espèces sont surtout multipliées en Australie. Sur cette terre, habitent les espèces les plus grandes que l’on con- naisse, les plus joliment colorées, les plus étranges par les formes. Tousles Orthoptères que nous venons de signaler étaient autre- fois réputés les Harcheurs, et ceux dont nous allons nous occuper, les Sauteurs. Il y a, en effet, peu d’exceptions de part et d'autre. Les Locusrines, ce sont les Sauterelles, mais seulement, qu'on y fasse attention, les vraies Saulerelles, c'est-à-dire les Ortho- ptères ayant les cuisses postérieures renflées, propres au saut, les tarses composés de quatre articles, les antennes très-longues, l'abdomen terminé par une paire d'appendices articulés et pourvu, chez les femelles, d’une grande et robuste tarière dont la forme rappelle un sabre ou un yatagan. Chez la plupart des Sauterelles, les organes du vol sont bien développés, les ailes antérieures ou élytres sont longues, les aïles postérieures fort amples. Il est des espèces où ces organes demeu- rent toujours à l’état rudimentaire. Mais, dans tous les cas, les ailes de la première paire, chez les mâles, offrent une disposition des plus curieuses, qui les convertit en instruments de musique. À la base des élytres, les nervures, diversement contournées et tou- jours très-élevées, laissent entre elles un espace plus où moins grand, occupé par une mince membrane transparente bien ten- due, que l’on nomme le miroir. L'animal, soulevant un peu ses 37 tk\ 578 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. ailes, les frotte-t-il avec force et rapidité, l’une sur l’autre, qu’un son se manifeste, rendu intense par la membrane mise en vibra- tion. Ainsi est produite la stridulation aiguë, pénétrante, des mâles qui, le soir, appellent leurs femelles, et sans doute les charment par leur chant. Les Locustides, qui volent assez facilement, malgré leur corps lourd, marchent péniblement à cause de la disproportion qui existe entre leurs pattes de devant et leurs pattes de derrière. C’est par des sauts répétés qu'ils se portent d'un point à un autre. Le mode d'exécution est simple : les jambes, mues par des muscles très-volumineux logés dans les cuisses, forment avec ces dernières arc-boutant pendant la contraction musculaire ; la con traction venant à cesser, les cuisses se redressent subitement sur les jambes, et le corps de l’animal est projeté en l'air. Il faut ajou- ter que des rangs d’épines garnissant les jambes assurent encore la fixité du point d'appui. Les Locustides font usage de leur tarière, ou oviscapte, pour entailler le sol et y enfouir leurs œufs. Cette ponte a été plusieurs fois observée pour nos espèces indigènes, et de vieux auteurs ont représenté des Sauterelles dans l'attitude qu'elles prennent en accomplissant cet acte important de leur vie. Tous les Locustides vivent à peu près dans les mêmes conditions, mais pour effectuer leur ponte, ils n’agissent pas tous de la même façon; si l'observa- tion directe manque, les formes et les dimensions variées de la tarière, selon les espèces, nous en fournissent la certitude, bien que personne ne paraisse y avoir encore songé. Les vraies Sauterelles (Locusta) portent sur le front une émi- nence tuberculiforme et possèdent des élytres plus longues que les ailes postérieures. Le type du genre, la grande Sauterelle verte (Locusla viridissima), que les habitants du centre et du nord de l'Europe qualifient si improprement de Cigale, est bien connue de tout le monde. On distingue, sous le nom de Dectiques, des Sauterelles chez pi EM, BLANCHARD, LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE, MÉTAMORPHOSES DE LA SAUTERELLE VERTE (Locusta viricissima), PAGE 5178, IMPR, DE E, MARTINET, d):- * ’ Danun ET AD TUE CERTES: ' .: L L 4 2 r 3 _ Mie . h . , , u An D re CCE ee LES ORTHOPTÈRES. 519 lesquelles le front, large et bombé, n'offre aucune éminence. Plusieurs espèces de ce genre sont communes dans notre pays ; elles ont leurs ailes tachetées de brun : tel le Dectique ronge- verrues (Dechous verrucivorus), ainsi nommé parce que cet Insecte, qui mord volontiers ce qu’on lui présente avec ses fortes mandibules, était souvent pris par les gens de la campagne pour mordre et détruire les verrues qu'ils avaient aux mains. BARBITISTE PORTE-SELLE, MALE ET FEMELLE ( Barbitistes ephippiger). Sous le nom de Barbitistes, les naturalistes désignent les Locus- tides dont les ailes rudimentaires affectent la forme d’écailles. L'espèce la plus répandue, le Barbitiste porte-selle (Barbitistes ephippiger), est quelquefois nuisible aux vignobles. Qui n'a vu le Grillon des champs, le Grillon domestique? qui ne connait aussi le Taupe-Grillon ? Les Grillons et les Taupes- Grillons ou Courtilières sont les types de la famille des Grvuibes. Ces Insectes ont de grands rapports avec les Sauterelles, et cependant leur aspect est bien différent. Les Gryllides sont des Insectes nocturnes, de couleurs sombres, brunes, grises; les Locustides, des Insectes qui aiment la lumière, tout en se plaisant à faire entendre leur cri d'amour pendant les chaudes soirées. Comme les Sauterelles, les Gryllides portent de longues an- tennes minces; ils ont de même des pattes propres au saut, seu- 580 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. lement il n’y a d'ordinaire que trois articles à tous les tarses. Les élytres des mâles ont un très-large appareil musical; chez les femelles, il existe une tarière longue, mais très-frêle. Dans cette famille, nous comptons deux types principaux : les Gryllines, où les pattes de devant sont simples, et les Gryllotal- pines, où les jambes antérieures sont palmées. Pour une foule de gens, les Grillons sont tout simplement les Cri-cris, car ces Insectes, que l’on ne voit pas dans le jour, s’annoncent la nuit dans les champs et dans les maisons par la stridulation des mâles. Les Grillons sont, au reste, en tout autre temps que celui de la pariade, de véritables solitaires. Chaque individu creuse un trou, se cache dans son terrier, ne sort de sa retraite que pour des excursions nocturnes. Il en est ainsi de notre Grillon des champs (Gryllus campestris), que les enfants de la campagne réussissent à prendre dans son trou en lui faisant mordre un fétu de paille. Le Grillon domestique (Gryllus domesticus), plus petit, d’un jaune gris, avec quelques marques brunes, se tient dans les crevasses des vieilles murailles ou des vieilles cheminées. IL est frileux, il cherche les endroits chauds et les endroits où il trouvera de la nourriture. Dans les villes, c’est dans les boulangeries qu'on l'en- tend, là où il peut trouver du pain à discrétion; dans la cam- pagne, il affectionne les cuisines des humbles maisonnettes, où des débris de toute nature lui fournissent de copieux repas, Le genre Taupe-Grillon (Gryllotalpa) a une espèce euro- péenne, la Courtilière (Gr yllotalpa vulgaris). Ici le type Grillon est notablement modifié, il y a des adaptations à un genre de vie particulier. Les Taupes-Grillons demeurent dans la terre, et sortent peu de leurs retraites. Leur corps presque ere leurs pattes trapues, les jambes de devant courtes, étonnam— ment larges, digitées en quelque sorte, sont des instruments des plus parfaits pour fouir le sol. Aussi, comme s'en acquittent les Taupes-Grillons! les véritables Taupes de la classe des In- sectes, Ces Orthoptères, cependant, choisissent des terres meubles ce .. he dl» “he bd ms où mi Une. … iSS DS. | él à SR en D SR D SSSR Sr h : EM, BLANCHARD, race 580, LHERMITTÉ LIURATRIE GENMER UAILLIÈRE, IMPR, DE E, MARTINET, MÉTAMORPHOSES DU TAUPE-GRILLON (Gryllotalpa vulgaris). . Ne = 1h! ' F e | x * Le _ “» CR "1 - ss + L ENT LS NO) dr ar + 4 | d RD IAE c à Ver SLR : CT + CA l D RN dhant ET 7 | . ‘ . , « $ a c3 4, % ‘ MS C2" + Na : , ‘ IR “ J : : PE Le ES à E à L AURAS Se au - _ ‘ VE ' * = x 54 + | ’ . ’ ‘ - Aux et + . Ehpals-ei l'e+2e s ” : , PE LES ORTHOPTÈRES. 581 pour s'y établir, celles des jardins et surtout des potagers. Ils pra- tiquent des galeries, coupant les racines, mangeant des racines et aussi les Vers ou les larves qu'ils rencontrent en cheminant. MÉTAMORPHOSES DU GRILLON DES CHAMPS (Gryllus campestris). L'auteur d’un mémoire sur la Courtilière, Le Féburier, a affirmé que cet Orthoptère était uniquement carnassier; c’est une erreur : le Taupe-Grillon mange volontiers des Vers ou des Insectes, comme tant d’autres Orthoptères phytophages, mais sa nourriture habi- 582 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. tuelle esten grande partie végétale. Les terriers du Taupe-Grillon consistent en un puits vertical plus ou moins profond et en galeries horizontales. C’est dans l’une de ces galeries que les femelles déposent leurs œufs. La fécondité de ces Insectes est considérable. Les Orthoptères qui nous restent à examiner sont les AGRIDIDES, ou vulgairement les Criquets. Les Criquets sautent comme les Sauterelles ou mieux les Locustides ; leurs pattes postérieuressont conformées à peu près de la même manière : aussi la confusion entre les Criquets et les Sauterelles est-elle faite par les personnes un peu dépourvues de connaissances en histoire naturelle. Le 1® juillet 1866, chacun a pu lire dans le Moniteur universel : « D’épaisses colonnes de Sauterelles, venues des profondeurs » du Sud, se sont abattues dans les champs du Tell, et, après avoir . » dévoré une partie des récoltes sur pied et jusqu'aux feuilles » des arbres, ont donné naissance à d'innombrables légions de . » Criquets qui attaquent aujourd’hui tout ce que la première » invasion avait épargné. » Des Sauterelles qui ont donné naissance à des Criquets! C'est de la même force que si l’on disait que des Chevaux ont donné naissance à des Bœufs. Chez les Acridides, les antennes sont courtes et plus où moins épaisses, les tarses n’ont jamais plus de trois articles ; il n’y a pas d'appareil musical, de miroir à la base des premières ailes des mâles; il n’y a pas de tarière saillante ou de sabre à l'extrémité de l'abdomen des femelles. Si les Criquets manquent de l'appareil musical des Sauterelles, ils ne sont pas moins de bons musiciens; leur instrument est autre, voilà tout. Leurs élytres ont des nervures très-saillantes, leurs cuisses postérieures des arêtes sur leur face interne; l’ani- mal frotte l’une de ses cuisses contre l’élytre, à la manière d’un archet sur les cordes d’un violon. Musique monotone que celle des Criquets! Un naturaliste, Al. Yersin, a noté cette musique primitive, à laquelle nos grands artistes ne trouveraient rien de savant ; elle suffit cependant aux femelles des Criquets. LÉ , Dés 4 LES ORTHOPTÈRES. TT ep 585 fl ji MÉTAMORPHOSES DU CRIQUET VOYAGEUR (Acridium peregrinum), je ft sé “ nt. 0 584 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Bien vaste famillé que celle des Acridides, représentée avec prodigalité dans toutes les contrées du monde, et surtout dans les pays chauds, où vivent les plus belles et les plus grandes espèces. Dans l’Europe centrale, on ne voit d'ordinaire que les petits Cri- quets qui sautentpartout dans les champs cultivés. Chacun remar- que à l’automne ces espèces qui, en s’envolant, montrent leurs ailes rouges ou bleues. Mais l'espèce qui, depuis l'antiquité, inquiète les nations civilisées, est le Criquet voyageur (4 cridium peregrinum), V'Arbeth de la Bible, cause de la huitième plaie d'Égypte, l'Acris des Grecs, la Locusta des Romains, dont les ravages sont mentionnés dans les annales de tous les peuples. Cette espèce, abondante en Afrique et en Orient, se multiplie en certaines années d’une façon prodigieuse. Alors les Criquets, répandus par centaines de millions, dévastent les contrées où ils sont nés, et lorsqu'ils ont détruit toute la végétation, ils s'en- volent en longues colonnes, en masses épaisses, et s’abattent sur les pays encore épargnés. On a noté les années d’invasion des Criquets en Europe et en Afrique comme on a noté les années de froid excessif. Le Criquet voyageur dépose ses œufs en terre, à une faible profondeur, enfermés dans une sorte de petit tuyau. Le Criquet émigrant (OEdipoda migraloria), dont le sternum n'a pas de pointe, comme chez le précédent, est le plus répandu en Europe. Au 1v° siècle, d’après saint Augustin, tout le nord de l'Afrique fut dévasté; les Criquets, poussés dans la mer par la violence des vents, ayant été rejetés sur le rivage, les exhalaisons de leurs corps en putréfaction causèrent une peste qui fit périr une infi- uilé d'hommes. Dans les années 1747, 1748, 1749, les provinces danubiennes sont envahies; Charles XII est arrêté en Bessarabie avec son armée par une pluie de Criquets. Engagés entre les montagnes, serrés les uns contre les autres, ces Insectes s entre- choquant, tombaient de tous côtés. Les années 1780, 1789, comp- tent parmi les plus funestes pour les États barbaresques. Per- sonne encore n'a perdu le souvenir de l’année 1866. XII LES THYSANOPTÈRES Que l'on se figure des Insectes noirs au corps étroit, déprimé, de la longueur de ? millimètres (Thrips de Latreille); des Insectes si répandus dans la nature, que vous ne pouvez presque pas prendre une fleur, ou l’épi d’une Graminée, sansen voir plusieurs individus. Deux auteurs anglais, MM. Westwood et Haliday, ont précisé les caractères des Thrips. Le premier a étudié leurs pièces buccales; le second a observé les caractères des espèces, et il a établi l'ordre des Thysanoptères. Les Thysanoptères (Suozves, franges; 71594, ailes), dans leur état complet, ont quatre ailes membraneuses, fort étroites, sans plis ni réticulation, mais garnies sur leurs bords de longs cils formant une frange d’une finesse, d’une élégance qui dépassent toute description. Ces Insectes ont des mandibules longues et minces, des mächoires et une lèvre munies de palpes. La con- formation de la bouche les rapproche des Orthoptères. La tête porte des antennes filiformes de longueur médiocre, de gros yeux 586 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. latéraux et ordinairement trois ocelles sur le front. Les pattes des Thysanoptères sont encore très-caractéristiques: les tarses, de deux articles, se terminent par une sorte de vésicule propre à contrac-— ter adhérence sur les feuilles ou sur les pétales des fleurs. Chez ces Insectes, le développement est analogue à celui des Orthoptères : les jeunes ont la forme des adultes; seulement, MÉTAMORPHOSES DU THRIPS DES CÉRÉALES (Thrips Cerealium). ils manquent d’ailes, et leur corps est pâle, jaune ou rougeûtre ; après quelques mues, se montrent des rudiments d'ailes, ce sont les nymphes, nymphes actives ; après un dernier changement de. peau, ce sont des adultes. Les Thysanoptères courent vite, ils volent prestement ; avec leurs petites mandibules ils rongent les feuilles à la surface. L'ordre des Thysanoptères se compose d’une seule famille, la famille des Thripsides, où l’on reconnait deux types, selon que les espèces ont deux articles aux palpes et les ailes sans aucune ner- vure (Phlæothripsines), ou trois articles aux palpes et deux ner vures aux ailes antérieures (Thripsines). Parmi les dernières, la plupart appartiennent au genre Thrips. Le Thrips des céréales (Thrips Cerealium), d'une couleur brune avec les pattes et les an- tennes annelées de blane, est signalé comme nuisible au Blé dans les circonstances où il s’est très-multiplié. Le petit Insecte s'engage entre les valves et la graine, se blottit dans le sillon du grain et le ronge. Il n’enlève pas beaucoup de substance à la fois, et cependant il détermine un appauvrissement très-sen— sible du grain. nt lbs bis Lt fé XIII LES NÉVROPTÈRES Dans l’ordre des Névroptères, on observe tous les genres de métamorphoses. Les uns n'ont dans leur existence aucune période d'inactivité, ils n’éprouvent pas de changements plus considéra- bles que les Orthoptères. Les autres, avant l’âge adulte, passent par deux phases aussi tranchées que chez les Lépidoptères ou les Hyménoptères. Ceux-ci éprouvent donc des métamorphoses ‘absolument complètes. D'autres Névroptères n'ont qu'un temps d'immobilité très-court; leurs nymphes perdent leur activité et changent de condition presque au moment de l’éclosion des adultes. Des mélamorphoses aussi variées entre des Insectes appartenant au même ordre enseignent que les périodes d’évo- lution sont parfois bien loin d’être identiques chez des animaux liés par d’étroites affinités naturelles. Les Névroptères sont caractérisés par leurs organes de vol. Leurs quatre ailes nues, membraneuses, sont parcourues par de 0 MAL OS, | bd AC Ar LL GR ur Le N.. A < a : Se 588 £ES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. nombreuses nervures et présentent généralement une réticulation serrée (vepcy, corde, nervure; nrépa, ailes). Les Névroptères sont les Insectes aux ailes très-veinées et même réticulées. À ce caractère il faut ajouter qu'ils ont des pièces buccales libres, des pattes faibles, un corps presque toujours assez élancé. IL existe des Névroptères de formes assez différentes ; certaines modifications conduisent à reconnaître plusieurs types, d'un rang plus élevé que les familles. Ainsi, d’un côté, il y a les Névro- . ptères dont les ailes transparentes ont des nervures transversales (Hyaloptères), et, d'un autre côté, les Névroptères dont les ailes poilues, offrant des nervures branchues, n’ont aucune réticula- tion transversale (Trichoptères), et, parmi les premiers, les repré- sentants de quelques familles montrent avec les Orthoptères des rapports assez manifestes pour qu'il semble naturel de les isoler un peu des Névroptères les mieux caractérisés. Sous le rapport des conditions d'existence, les Névroptères offrent un bien grand intérêt. Les uns, êtres industrieux, vivent en sociétés nombreuses, édifient des demeures quelquefois im— menses, et, dans un autre ordre, représentent les Fourmis. Les autres, et ce sont les plus nombreux, ne possèdent ni talent, ni instincts particulièrement remarquables; mais ils donnent le spectacle de curieux phénomènes dans la diversité de leurs con- ditions d'existence, suivant qu'ils sont à l’état de larves, à l'état adulte. Une des plus intéressantes familles, non-seulement de l'ordre des Névroptères, mais encore de la classe des Insectes tout en- tière, est celle des Terres. Les Termites forment des sociétés nombreuses où il y a des mâles et des femelles, des individus neutres de plusieurs sortes, des larves et des nymphes actives. Ils édifient de gigantesques demeures, avec des multitudes de chambres et de galeries, et travaillent toujours dans l'ombre. Ont-ils besoin de se porter d’un point à un autre, admirables ingénieurs, ils construisent de véritables tunnels. Leurs mœurs, RON TP NE Fe. LES NÉVROPTÈRES. 589 leur habileté à construire, les ont fait comparer aux Fourmis, et dans toutes les contrées intertropicales, où ces mineurs et ces Le LAERMITTE PURGIN Se. LES DIVERS INDIVIDUS D'UNE TERMITIÈRE (Termes lucifugum ). 1, Ouvrier, — 2. Soldat, — 3. Larve, — 4, Nymplie à petits étuis, — 5. Nymphe à longs éluis, — 6, Mie. £ T. Pelite femelle, — 8. Grande femelle. (Tous très-grossis.) dévastateurs de toutes choses sont un fléau, on les nomme les Fourmis blanches. Les Termites ont donné lieu à une foule d'écrits, il nous suf- fira d'en citer deux des plus récents et des plus importants : une 590 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. monographie très-bien faite du professeur Hagen (de Kænigsberg), une étude spéciale sur le Termite lucifuge par M. Lespès. Les Termites mâles et femelles ont des ailes amples dont les nervures transversales sont rudimentaires, une tête forte portant trois ocelles entre les gros yeux. Les neutres, toujours privés d'ailes, sont de deux sortes : les uns, c’est-à-dire les ouvriers, avec une tête ronde et des mandibules assez courtes; les autres, avec une tête plus longue, très-forte et de grandes mandibules, que l’on appelle les soldats, dans l’idée que ces individus ont pour mission la défense du nid. Par les observations de M. Lespès, on a appris que dans les habitations de la petite espèce de France, le Termite lucifuge (Termes lucifugum), il existe, outre les larves des neutres et des individus sexués, outre les neutres, ouvriers et soldats, des nymphes de deux sortes, les unes de petite taille, avec des étuis ou rudiments d'ailes très-courts, les autres plus grandes, avec de longs étuis; et enfin, fait vraiment étrange et encore inexpliqué, deux sortes de mâles et de femelles : les uns, petits, paraissent vers le mois de mai: les autres, beaucoup plus grands, que l’on ne voit qu'au mois d'août. M. Lespès appelle les premiers, les petits rois et les petites reines; les seconds, les grands rois et les grandes reines. Après la fécondation, un seul couple d'ordinaire se trouve dans l'intérieur du nid. Ces individus ont perdu leurs ailes, appendices cadues chez les Termites et ne persistant pas après l’union des mâles et des femelles. Les ouvriers, d’une teinte blanchâtre, ont une taille variable de 3 à 5 millimètres; les soldats, chez lesquels M. Lespès a reconnu des neutres des deux sexes, ont une taille d'au moins 5 millimètres et une colo- ration rousse sur les parties antérieures. Les mâles sont d’un noir de poix, avec la bouche et les tarses jaunâtres et les ailes enfumées. Le corps des petits mâles a 7 millimètres de long, celui des petites femelles 8 à 9; le corps des grands mâles et des grandes femelles a au moins 2 millimètres de plus, sur- LES NÉVROPTÈRES. 594 tout chez ces dernières, dont l'abdomen est distendu par les œufs. Le Termite lucifuge est commun dans les landes de Gascogne, où il s'établit dans les souches des vieux Pins; mais depuis long- temps déjà il a envahi les maisons des villes de la Charente Inférieure, la Rochelle, Rochefort, Tonnay-Charente, Saintes, ete., | et aujourd’hui il se montre dans quelques quartiers de Bordeaux. On a prétendu que le Termite de la Rochelle était d’une antre TERMITE FEMELLE DE LA CÔTE DE GUINÉE De grandeur naturelle, d'après un individu de la collection du Muscum, espèce que celui des Landes, mais la comparaison d'individus des deux provenances ne permet pas de regarder cette opinion comme ayant le moindre fondement. Des maisons entières sont minées par le Termite, et comme les surfaces extérieures sont toujours respectées, on peut ne point soupçonner le danger; de là des accidents plus ou moins graves. La préfecture de la Ro- chelle est depuis longtemps envahie; à une époque, ses archives ont été détruites. Mais nous n'avons rien vu de plus curieux dans cet édifice que les tunnels ou les minces colonnettes des- cendant de la voûte au sol, que les Termites construisent dans les caves. C'est dans les pays chauds que les Termites sont prodigieuse— ment multipliés et qu'ils atteignent une assez forte dimension. On assure qu'à Ceylan, le tiers du pays plat est miné par les Fr 592 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Termites. Mais les renseignements les plus précis que nous pos- sédions encore sur les habitations des espèces exotiques sont ceux de Smeathman, le voyageur anglais dont le récit et les figures ont été cent fois reproduits. L'espèce désignée sous le nom de Ter- mite belliqueux (Termes bellicosus) élève des monticules d’une hauteur de 3 ou 4 mètres, flanqués de tourelles, et d'une telle soli- dité, que Smeathman rapporte qu'il put monter à l'extrémité d’un de ces édifices avec quatre de ses compagnons, sans l'ébranler. Vient-on à faire une brèche à l’un de ces nids, les soldats, qui ont une forte taille et de grandes mandibules, se portent aussitôt à la défense. La femelle de cette espèce, comme les femelles d’autres Termites des pays chauds, acquiert, par suite de l’extrème dis- tension de l'abdomen rempli d'œufs, un volume inimaginable. Nous avons de très-petits Névroptères de mœurs assez insigni - fiantes, que leur conformation rapproche beaucoup des Termites : ce sont les Psocines, qui ont les ailes peu veinées, la tête fort grosse, avec trois ocelles sur le front, les antennes sétiformes, les pattes très-grêles. Ces Insectes se trouvent sur les mousses, sur les troncs d'arbres, sur les vieilles murailles. Une toute petite es- pèce habite nos maisons, où elle se montre souvent parmi les vieux papiers un peu humides. Comme elle n’acquiert jamais d'ailes, elle a l'aspect d’une larve ou plutôt d'un petit Pou; comme elle fait parfois entendre un bruit en frappant avec ses mandibules, on l’a nommée le Psoque pulsateur (Psocus pulsalorius). Les Pertes composent une famille bien caractérisée. Ce sont des Névroptères de taille médiocre, ayant les ailes postérieures amples et plissées vers leur origine, les antennes sétiformes, les pièces buccales bien développées, et, comme celles des Ter- mites, des Psoques, offrant des ressemblances manifestes avec celles des Orthoptères. Nous devons à M. Pictet (de Genève) de bien connaître sous leurs différents états les espèces euro- péennes de cette famille. Les Perlides ont des métamorphoses incomplètes; lés larves sont aquatiques, carnassières, agiles, sou- LES NÉVROPTÈRES. 593 vent pourvues d'organes respiratoires extérieurs, consistant en: petites touffes de filaments attachés à la partie inférieure des anneaux thoraciques; les nymphes, toujours actives, ne diffè- rent des larves que par la présence de rudiments d'ailes. À un moment, elles sortent de l'eau et s’accrochent sur les pierres ou après les plantes du rivage. Bientôt leur peau se dessèche, se fend LARMES MÉTAMORPHOSES DE LA PERLE BORDÉE (Perla marginata). sur la ligne médiane du dos, l'adulte se dégage de cette enve- loppe et prend son essor. Nous avons deux grands genres dans cette famille des Per- lides, les Perles et les Némoures; les premières portent à l'extré- mité de l'abdomen deux longs filets articulés qui manquent chez les secondes. La Perle bordée (Perla marginata) est une de nos espèces les plus répandues, un Insecte brunâtre avec une bor- dure fauve au mésothorax, les ailes comme enfumées. Sa larve, d'un jaune-citron, tachetée de noir, se trouve dans les rivières, 38 504 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. - dans les ruisseaux au cours rapide. Les Némoures, aux formes plus grêles que les Perles, vivent dans les mêmes conditions. Dans leur premier âge, ils portent des filets à l'abdomen comme les larves des Perles, et ces filets disparaissent chez les adultes. Tandis que les ailes sont toujours parfaitement développées chez les femelles, elles sont courtes, rudimentaires chez les mâles de plusieurs espèces : la dégradation qui, dans les autres ordres, atteint quelquefois les femelles, porte donc ici sur les mâles. Il est une famille de Névroptères, les Épnéméripes, où volon- tiers on cherche des impressions poétiques. Les Éphémères, le nom l’exprime, c’est la vie qui commence au lever du soleil et finit à son déclin le même jour. Les Éphémères, c’est la déli- catesse des formes, la légèreté du corps. Les Éphémères, c’est la réalisation du rêve des mystiques apparitions sortant des eaux, lorsque, par un beau soir d'été, des milliers, des millions de ces créatures aériennes voltigent à la surface des étangs ou des rivières. Les Éphémérides sont faciles à distinguer. Ils ont de petites antennes de trois articles, dont le dernier est une soie extrême- ment fine; des ailes délicates, les antérieures larges, les pos- térieures très-petites; le corps terminé par deux ou trois longs filets articulés. Les parties de la bouche sont molles, incapables de servir à aucune fonction : des êtres dout la vie dure quelques heures ne prennent aucune nourriture. Hs naissent, et tout aus-— sitôt les males et les femelles se recherchent et s'unissent; les femelles sont fécondées; en un paquet elles laissent tomber leurs œufs dans l’eau. Les petites larves éclosent, et leur croissance marche avec plus ou moins de rapidité, selon les espèces. Les larves des Éphémérides sont des Insectes aquatiques, organisés pour respirer dans l’eau ; leur abdomen porte, sur les côtés, des branchies, ou mieux des filets ou des lamelles minces, traversées par de nombreuses ramifications trachéennes. Entre les larves d'Éphémères, il y a, du reste, dans la conformation générale, PAGE 5984, EM. BLANCHARD. que 11} Ill | LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE, IMPR, DE E. MARTINET, MÉTAMORPHOSES DES ÉPHÉMÈRES (Ephemera vulgata). € PROTEIN T E e re 4 + ‘ ee Î « . 4 + 4 L'L 7 1) r bi : A Li " ; + Te ÿ+ ”s + © 4 ie > sic L - f ï Li n L ù s . à . , 4 oi 2 1 n ” 4 - , LÉ . EL : » * . ; 1 Le . EX &r _ LL , . Û 0 L À À n L _ “ . au Le ce es : 5 —. À t f LA LPS r. , LES NÉVROPTÈRES. 595 des différences notables qui entraînent des différences dans les conditions d'existence. Cependant tous ces Insectes, également carnassiers, ont des mandibules pourvues de pointes acérées et des mâchoires épineuses; ils deviennent nymphes en acquérant des rudiments d'ailes. Lorsque approche le moment de l’éclosion de l’adulte, la nymphe monte sur les herbes ou les plantes; ses téguments se gonflent, la peau se fend sur la ligne dorsale, et le Névroptère ailé s'échappe de cette enveloppe. Mais, fait unique, cet Insecte adulte est revêtu dans toutes ses parties, son Corps, ses ailes, d'une membrane, sorte de tunique dont il doit se dépouiller avant d’être apte à remplir aucune fonction, Les natu- ralistes donnent le nom de Pseudimago à l'Éphémère encore enve- loppée de sa membrane, l’ancien nom d’Imago des anciens auteurs correspondant à celui d’Insecte parfait. Les Éphémérides d'Europe ont été étudiés avec talent par M. Pictet. Les espèces pour lesquelles a été réservé le nom d'Éphé- mères ont les ailes pourvues de nombreuses nervures transver- sales, l'abdomen muni de trois longs filets. La plus répandue dans notre pays, est l'Éphémère commune (Ephemera vulgata), aux ailes tachetées de brun. Sa larve et sa nymphe, comme celles de toutes les espèces voisines, sont longues, cylindriques, avec des mandibules saillantes, des pattes élargies, tranchantes, qui leur servent à fouir la vase. Ces Insectes creusent des galeries, et s’y blottissent pour se mettre à l'abri des dangers. Leurs branchies, qu’elles ramènent habituellement sur le dos, sont étroites, effi- lées et garnies de cils. Les plus jolies parmi les larves des Éphé- mérides sont celles des Cloés. Frèles, délicates, presque dia- phanes, pourvues de branchies en lamelles, qu’elles agitent sans cesse avec rapidité, ayant des pattes grêles, des appendices abdo- minaux larges et frangés, servant de rames, ces petites larves, pleines d'élégance, vivent à découvert, nagent avec facilité, atteignent leur proie et échappent à leurs ennemis par la pres- tesse de leurs mouvements. Adultes, les Cloés ont des ailes peu 596 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. veinées, seulement deux filets à l'extrémité de l'abdomen; et, chez les mâles, les yeux partagés de telle sorte que chaque œil paraît surmonté d’un autre œil : ce qui a valu à l'espèce la plus commune, un Insecte au thorax fauve et aux ailes transpa— rentes et incolores, le nom de Cloé bioculée (Cloe bioculata). La grande famille de l’ordre des Névroptères, la famille où les caractères de l’ordre apparaissent au plus haut degré, est celle des Lieeczuupes. Ge sont les Insectes qui, pendant l'été, volent continuellement au bord des rivières et surtout des étangs, et que chacun appelle des Demorselles; un nom que leur ont valu leur forme élancée, leur allure élégante, leurs fraiches couleurs, leurs ailes de gaze. Ces Insectes ont des ailes presque égales en longueur et prodigieusement réticulées, répondant ainsi de la manière la plus complète à la dénomination de Névroptères; ils ont une grosse tête, de grands yeux, des antennes toutes petites, très-semblables à celles des Éphémères, des tarses de trois arti- cles. Les Libellulides, les attrayantes Demotselles, sont exclusi- vement carnassières et d’une férocité sans égale ; dans leur vol rapide, elles atteignent les Mouches, les Papillons, et les déchi- rent en un instant. Leur bouche est munie de mandibules à dents acérées, constituant de terribles tenailles; de mâchoires fortes, ayant un seul lobe terminé par des pointes aiguës; d’une lèvre inférieure extrèmement large, avec des palpes courts et épais. Contre de tels armes, la plupart des Insectes ne peuvent oppo- ser qu'une vaine résistance. Ces Névroptères portent des appen- dices à l'extrémité de leur abdomen, et chez les mâles ces appen- dices forment une véritable pince. Le mâle à la poursuite d'une femelle la saisit par le cou avec cet instrument, et la traîne ainsi captive jusqu'à ce qu'elle cède à ses désirs. Les femelles fécondées laissent tomber leurs œufs dans l’eau, sans prendre aucune précaution spéciale, Comme les Perles, comme les Éphé- mères, les Libellulides ont des métamorphoses incomplètes; ces Insectes, les plus aériens à l’état adulte, sont, dans leur état de Étienne led étonne de te du dE de F LES NÉVROPTÈRES. 597 larves où de nymphes, des Insectes aquatiques se traînant dans la vase. Bien curieuses par leur genre de vie et par leur confor- mation sont les larves et les nymphes des Libellulides. Elles ont le corps plus massif, la tête plus aplatie, les yeux moins grands et plus écartés que les adultes. Non moins carnassières, elles sont lentes dans leur marche, et c’est à peine si elles ont l’in- stinct de s'embusquer. Malgré tout, elles n’éprouvent aucune difficulté à saisir des Insectes assez agiles; larves et nymphes possèdent dans leur lèvre inférieure le plus singulier instru- ment. Cette lèvre, extrêmement longue, a des palpes formant une pince; articulée sur le menton, qui est lui-même très-long, elle présente un coude, et pendant le repos se rabat sous le thorax. La larve de la Libellule est presque immobile; une proie passe à une certaine distance devant elle, soudain sa lèvre se détend comme un ressort, et l'animal qui semblait hors de portée est saisi par la pince. Les larves et les nymphes des Libellulides, absolument dépourvues de tout organe analogue à des bran- chies, ont un mode de respiration unique : elles respirent par l'anus. L'animal écarte les appendices qui terminent son abdo- men, et fait entrer à de courts intervalles une masse d’eau assez considérable dans son gros intestin. Sur ce gros intestin se rami- fient une multitude de trachées qui s'emparent de l’air dissous dans l’eau. La faculté dont jouissent les larves des Libellulides de faire entrer de l’eau dans leur gros intestin, pour leur respiration, leur procure un avantage. Ces Insectes, marchant avec lenteur, se dérobent en un clin d'œil à l'ennemi qui les menace, en expul- sant violemment l’eau contenue dans leur rectum. Cette expul- sion les projette en avant avec une vigueur extrème. Sur le point de subir son dernier changement la nymphe de Libellulides sort de l’eau et s'accroche sur les plantes; sa peau se dessèche, se fend, et se montre l’Insecte ailé. La famille des Libellulides renferme une multitude d'espèces disséminées par le monde, dont les caractères ont été déjà très 598 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. étudiés par MM. Rambur, Burmeister, de Selys-Longchamps, Hagen, etc. On reconnaît trois types principaux dans cette famille, les Libellulines, les Æschnines, les Agrionines. Chez les Libellules, le corps est assez large et les palpes de la lèvre n’ont que deux articles; les larves ont le corps très- ramassé. Nous en avons une espèce bien commune au bord des eaux pendant l'été, c’est la Libellule déprimée (Zibellula depressa), le mâle ayant le corps bleuâtre en dessus, la femelle toute fauve. Chez les Æschnes, Le corps est robuste et arrondi, les palpes de la lèvre ont trois articles. On y distingue deux types : ceux dont les yeux énormes sont contigus sur la ligne médiane (Æschnites), et ceux dont les yeux sont écartés (Gom-— phites). L’Æschne tachetée (Æschna maculalissima), noire, avec des bandes et des taches jaunes, est l’une de nos belles Libel- lulides. Sa larve et sa nymphe sont d’un vert sombre nuancé de brun. Chez les Agrions, le corps est grêle, l'abdomen cylin- drique comme une baguette, et les palpes de la lèvre de trois articles. On a réservé le nom d’Agrion pour nos plus mignonnes Libellulides, au corps d’un bleu gris de perle (Agrion puella, etc.), et l’on en a distingué, sous le nom de Caloptéryx, les espèces les plus grandes. Tout le monde remarque cette charmante espèce, l’Agrion vierge (Calopteryx wrgo), le mäle d’un bleu métallique, avec une large bande bleu verdâtre sur les ailes, la femelle d’un vert brillant. À considérer certains représentants de la famille des Myrui- LÉONIDES, on croirait volontiers avoir sous les yeux des Insectes peu différents des Libellules. Il y a, en effet, des rapports assez intimes entre les Myrméléonides et les Libellulides à l'état adulte; néanmoins, dans les conditions d’existence des larves, dans les métamorphoses, les différences sont des plus considérables. Les Myrméléonides vivent à terre dans leurs premiers états; ils subis- sent des métamorphoses complètes : leurs larves, courtes, élar- gies, toujours carnassières, ne rappelant en rien les formes des PAGE 598, EM, BLANCHARD, IMPR. DE E. MARTINET. LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE. MÉTAMORPHOSES DE L'ÆSCHNE TACHETÉE ni ide 2x Cu Re + pre + DOPR ES ne one eme test ES PERS CO PE EEE LES NÉVROPTÈRES. 599 adultes, se construisent pour la plupart un cocon, et se transfor- ment en une nymphe immobile, Adultes, les Myrméléonides ont des ailes moins réticulées que les Libellulides, des yeux plus petits, des antennes multiarti- culées, des tarses de cinq articles. Leurs mandibules sont ai- guës; leurs mâchoires et leur lèvre, assez étroites, portent de longs palpes. Il y a des types assez variés dans cette famille. MÉTAMORPHOSES DU FOURMILION COMMUN (Myrmeleon formicarium ). Les Myrméléonines ont les antennes renflées vers le bout. Chez les Myrméléons, que l’on nomme vulgairement les Four- milons, ces appendices sont très-courts. Le type du genre, le Fourmilion- commun (Myrmeleon formicarium), est un Insecte qui intéresse à raison des habitudes et des ruses de sa larve. Dans les endroits sablonneux, sur les monticules bien exposés au soleil, il est ordinaire d’apercevoir de petites cavités en forme d’entonnoirs. C’est l'ouvrage des Fourmilions, Insectes d’un gris 600 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. rosé un peu sale, ayant sur les côtés de petits bouquets de poils noirs, les pattes antérieures et intermédiaires dirigées en avant, les postérieures plus robustes, peu mobiles et serrées en arrière contre le corps. Ces larves ne peuvent marcher qu'à reculons; en s’enfonçant dans le sable, elles décrivent des tours qui dimi- nuent graduellement; se servant de leur tête large et plate comme d’une pelle, elles lancent le sable au loin, et fomment ainsiuri enton- noir. Le travail achevé, le Fourmilion, enfoncé dans le sable, ne laisse paraître que deux longues mandibules. L'endroit où il s’est établi est fréquenté par des Fourmis et d'autres Insectes. La Fourmi qui passe au bord de la cavité trébuche sur le sable mouvant; elle fait des efforts pour ne pas tomber dans le préci- pice, mais notre larve lui lance des pelletées de sable et la fait rouler ainsi jusqu'au fond; la saisissant alors entre les extré-— mités de ses mandibules, elle la suce: ses mandibules sont perfo- rées et propres à la succion. C’est une des particularités remar=— quables de l’organisation des larves de Myrméléonides. Au terme de sa croissance, le Fourmilion s'emprisonne dans une petite coque soyeuse parfaitement ronde; mais la soie produite par une filière située à l'extrémité du corps n'étant pas abondante, il en fortifie les parois avec des grains de sable. Les adultes, d'un gris sombre, avec des taches jaunâtres, ont de grandes ailes transparentes, ornées de quelques petites marques noires. Dans les régions chaudes du globe, on rencontre de grands Myrméléons (genre Palpares), dont les ailes, larges, sont tache- tées de brun et de noir. Une espèce de Provence, le Myrméléon libelluloïde (Palpares libelluloides), en est le type. Sa larve se cache dans le sable, mais ne fait pas d’entonnoir. Des Névroptères d’un petit groupe (Ascalaphates), de la tribu des Myrméléonines, sont de charmants Insectes qui affectent un peu l'apparence des Lépidoptères. Les Ascalaphes ont de longues antennes terminées par un large bouton, comme celles des Argynnes; des ailes joliment nuancées, le plus souvent d'un tai à à 4 mn: tn ne Men lt cé, » ee fe dif jé st Ré, D dés St LES NÉVROPTÈRES, 601 jaune vif avec des dessins noirs. Plusieurs de ces Insectes habi- tent l’Europe méridionale; leurs larves paraissent avoir une assez MÉTAMORPHOSES DU MYRMÉLÉON LIBELLULOÏDR (Paipares libelluloides.) grande ressemblance avec celles des Myrméléons, mais jusqu'ici nous connaissons peu leur histoire. Un autre type (Némoptérites) appelle l'attention par des formes tout à fait élégantes. Les Némoptères, Insectes des con- 602 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. trées que baigne la Méditerranée, ont des antennes minces, mais ils sont surtout remarquables par leurs ailes postérieures toutes longues, tout étroites, un peu élargies à l'extrémité à la manière d’une spatule. Le Némoptère coa (Nemoptera coa) ; LE NÉMOPTÈRE COA ET L'ASCALAPHE LONGICORNE (Nemoptera coa et Ascalaphus longicomnis). avec ses ailes jaune-soufre, tachetées de noir et comme gau- frées, est une des ravissantes créatures du monde ailé. Les Hémérobiines, Insectes délicats, Myrméléonides réduits à de minimes proportions, portent de longues antennes minces et des ailes larges bien veinées. Sur les arbustes des jardins, rl ln... ds. ‘um: til é NL Sté ie nn ie it LÉ LS ns Le nn "x a nén t dis 1 ét nt us al à. 4 are PTT TE PS I 7 2 v A LES NÉVROPTÈRES. 603 Rosiers, Sureaux, etc., vous voyez souvent posés sur le feuillage des Névroptères que bu corps d'un vert tendre, les nervures de leurs ailes de la même nuance, et surtout leurs yeux saillants qui MÉTAMORPHOSES DE LA PANORPE COMMUNE (Panorpa communis ). ont l'éclat de l'or, signalent à l'attention. On les appelle, de leur nom vulgaire, les Demotselles terrestres, de leur nom scientifique, les Hémérobes. Insectes destinés à courir sur les plantes, ils ont dl Le LE A Le di i un 0 do nié 604 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. entre les crochets des tarses une petite pelote propre à assurer leur marche, Sans doute, comme moyen de défense, ils exhalent une odeur stercoraire très-pénétrante, qui contraste avec leur apparence délicate et élégante. Les Hémérobes attachent leurs œufs aux feuilles des arbustes par de longs et minces pédicules formés par la matière qui les enduit. À voir des groupes de ces petits corps ovalaires portés sur des tiges, on croirait à des plantes cryptogames, et l’on y a cru autrefois. Les larves, avec une forme plus svelte, ressemblant à celles des Fourmilions, se dispersent sur le feuillage, où elles font la chasse aux Pucerons. Après le lion des Fourmis, nous trouvons ici les Lions des Pucerons. Au terme de leur croissance, ces larves filent une petite coque de soie pure, toute blanche et toute ronde, qu’elles attachent aux feuilles; la transformation en nymphe a lieu; deux semaines plus tard sor- tent les adultes. Les Panonpibes, aisément reconnaissables, dans leur forme adulte, à une tête prolongée en avant et figurant un long museau, ont les ailes assez étroites et les antennes effilées. Nous avons en Europe la Panorpe commune (Panorpa communs), la Mouche Scorpion de Geoffroy, qui recherche les endroits humides. Ses ailes diaphanes sont élégamment tachetées de brun. Le mâle porte à l'extrémité de son abdomen une sorte de pince qui lui permet de retenir sa femelle dans les airs; les appendices abdo- minaux, simples chez une foule d’Insectes, se convertissent par— fois en instruments très-spéciaux. La Panorpe femelle peut dis- tendre ses derniers anneaux et faire saillir un long oviducte : c’est qu’elle doit pondre ses œufs dans la terre humide et à une cer- taine profondeur. Les transformations de la Panorpe commune ont été bien observées par un naturaliste de Vienne, M. Bräuer; mais depuis longtemps nous avions été mis en possession de la larve de cet Insecte par un amateur, M. Vaudouer (de Nantes), qui charma sa vie à voir de ses yeux ce que lui apprenaient les mémoires de Réaumur, | Sa tnt d bb fe pt ne ue A à à ie à 0 DA on lie ASE sn de dd be LES NÉVROPTÈRES, 605 Les larves des Panorpes, de forme presque cylindrique, avec de petites pattes thoraciques, et aux anneaux de l’abdomen, des MÉTAMORPHOSES DU SEMBLIS DE LA BOUE (Semblis lularla}, tubercules servant à la marche, des poils rares, une teinte d’un gris rougeâtre, vivent dans la terre humide, à une profon— deur de 2 ou 3 centimètres, se creusant des galeries et se nour- 606 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. rissant de débris organiques. Elles s’établissent dans une loge pour leur transformation en nymphes. La famille des Semeuies a peu de représentants en Europe. Ce sont encore des Névroptères à métamorphoses complètes. Leurs ailes ont les nervures transversales peu nombreuses, leur pro- thorax est plus ou moins long, leurs antennes ressemblent à de longues soies. Le type du genre Semblis, caractérisé par des mandibules très-courtes, le Semblis de la boue (Semblis lutaria), est un Insecte aux ailes enfumées qui a été bien étudié dans ses métamorphoses par M. Pictet. On le voit fréquemment au bord des mares, où il dépose ses œufs par plaques sur les tiges des plantes. Les larves du Semblis, qui portent de chaque côté de l'abdomen de petits appendices respiratoires articulés, se tiennent dans la vase, où elles chassent des Insectes. Bien différentes des autres larves aquatiques de Névroptères, elles sortent de l’eau quand approche le temps de leur métamorphose, et vont se for- mer dans la terre humide une loge dans laquelle elles sybissent leur transformation en nymphe. En Amérique, il existe de grands Semblides pourvus d'énor- mes mandibules arquées, les Corydales : MM. Leidy et Halde- man ont observé les premiers états d’une espèce de la Caroline. Une dernière division de l’ordre des Névroptères, la famille des Parycanes, s’isole très-manifestement de tous les autres types. Les Phryganides, Insectes à métamorphoses complètes, de même que les précédents, offrent quelques affinités avec les Lépidoptères. Leurs ailes, saus réticulation transversale, portent de petits poils implantés à la manière des écailles des Papillons; les pièces de la bouche sont molles, rudimentaires, impropres à tout usage; leurs antennes, assez épaisses, sont longues et ter- minées en pointe; leurs pattes sont grandes, avec les jambes gar- nies d’épines et les tarses composés de cinq articles. Les Phry- ganides, très-nombreuses en espèces sous les climats tempérés, ont généralement une teinte grisâtre, brune ou jaunâtre. Ces Se ST LES NÉVROPTÈRES. 607 Insectes volent le soir, dans les marécages, au bord des élangs, au bord des rivières. Les femelles laissent tomber leurs œufs dans l’eau, et ces œufs étant toujours enveloppés d’une sorte de gelée MÉTAMORPHOSES DES PHRYGANES (Phryganea flavicornis, Ph. rhombica, Ph. fusca). transparente, les paquets s’attachent aux pierres et aux plantes aquatiques. Les Phryganides sont surtout intéressantes dans la première condition de leur existence. Larves très-carnassières, 608 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. avec des téguments mous, elles se fabriquent des étuis, des fourreaux avec des corps étrangers réunis par un peu de soie, à la manière de certaines chenilles, telles que les Psychés et diverses espèces de Tinéines. Comme ces dernières, elles por- tent leur abri, ne sortant que la partie antérieure de leur corps. Un danger les menace-t-il, au plus vite elles rentrent tout à fait dans leur fourreau. Chaque espèce travaille à sa façon et montre une prédilection très-marquée pour des matériaux déterminés. IL est des larves de Phryganides qui confectionnent leurs tuyaux invariablement avec des graviers, d'autres avec de petites co- quilles, d’autres toujours avec des bûchettes, d’autres avec des fétus ou des brins d'herbe, de sorte que l'inspection d’un four- reau permet de reconnaître par quelle espèce il a été construit. Quelques=unes se logent dans des abris fixes (Hydropsychés). Les larves de Phryganides, vivant constamment dans l’eau, portent sur les côtés de l'abdomen des filaments propres à la res- piration aquatique; elles ont une tête écailleuse, les anneaux thoraciques revêtus de plaques de consistance coriace, des pattes très-longues, un abdomen à peau molle, terminé par deux crochets servant à l’animal à retenir sa demeure portative. Au terme de leur croissance, ces Insectes fixent leur fourreau contre un corps quelconque, le ferment hermétiquement, et se transforment en nymphes. Celles-ci ont le même mode de respiration que les larves. Aujourd'hui, on connaît un grand nombre d'espèces de Phryga- nides, c’est à M. Pictet que l’on doit la plus belle étude des carac- tères et des métamorphoses de ces curieux Névroptères. Parmi nos espèces les plus communes, nous citerons la Phry- gane à antennes fauves (Ph. flavicornis), qui, à l’état de larve, construit son fourreau avec de grosses büchettes ; la Phrygane rhombifère (Ph. rhombica), qui choisit de petits brins de plantes aquatiques; la Phrygane brune (Ph. fusca), qui fabrique un tuyau central avec de petits graviers, y ajoutant à l'extérieur des fétus d’une longueur surprenante. D dt. di nets Vr. mi. sit uni, Lh,) D.) XIV LES HÉMIPTÈRES Éuoncer ce fait , que dans l'ordre des Hémiptères, on réunit les Punaises, Punaises de bois et Punaises domestiques, les Cigales, les Pucerons, les Cochenilles, c’est donner à chacun une pre- mière notion de l’ensemble de cette grande division de la classe des Insectes. Chez les Hémiptères, les ailes, au nombre de deux paires, sont membraneuses, avec des nervures en baguettes plus ou moins ramifiées, mais sans réticulation transversale. Chez un grand nombre, ces organes ont la même consistance dans toute leur étendue, tandis que chez les autres, ceux de la première paire sont en quelque sorte partagés en deux moitiés de con- sistance fort inégale : la portion basilaire est coriace, l’autre por- tion membraneuse, ce qui a inspiré le nom d’Hémiptères (futoue, demi; #repa, ailes). L'appareil buccal est très-caractéristique ; les Hémiptères sont les Insectes suceurs par excellence. Leur labre est une pièce étroite et aiguë; leurs mandibules, de véritables 39 610 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. stylets, minces et acérés; leurs mâchoires, d’autres stylets où l’on retrouve à peine le vestige d'un palpe, et la lèvre inférieure, ordinairement divisée en plusieurs articles, une gaine qui, dans l'état de repos, renferme les autres pièces buccales. IL y a ici un exemple remarquable des merveilleux procédés de la nature pour atteindre un but, pour adapter des organes à différents usages, en apportant les plus légères modifications possibles. Les mandibules et les mâchoires ayant été rendues très-grèles, un étui capable de les empêcher de s’écarter, et, en s’écartant, de fonctionner comme suçoir, leur était indispensable; par une simple modification de la lèvre, tous les avantages désirables sont obtenus. Le suçoir, toujours replié dans l'état de repos sous la tête et le thorax, de façon à ne pas gêner les mouvements de l'animal, est plus ou moins long, suivant les conditions dans lesquelles l’Insecte doit puiser sa nourriture. Parmi ces Insectes, les uns sucent le sang de l'Homme et des Animaux ; les autres, infiniment plus nombreux, sucent la séve _ des végétaux. Toujours pourvus de glandes salivaires extrème- ment volumineuses, ils versent dans la plaie occasionnée par la piqûre une certaine quantité du produit de ces organes, ce qui détermine sur l'Homme et les Animaux une vive irritation locale, sur les végétaux un afflux de séve. Les Hémiptères n’ont pas de véritables métamorphoses; de même que les Orthoptères, ils naissent avec des formes peu diffé- rentes de celles des adultes. Les larves subissent plusieurs chan- gements de peau, et deviennent nymphes après avoir acquis des rudiments d’ailes, pour passer à l’état adulte en subissant une dernière mue. Les œufs de ces Insectes sont souvent très-jolis; diversement cannelés ou ciselés, selon les espèces, ils affectent la forme de petits barillets avec une sorte de couvercle. Ceux des espèces phytophages sont déposés par plaques sur les feuilles ou les tiges. À raison de la texture des ailes et du mode d'insertion du Late ht 7 ddr dédie" ble à jar” it dx tcbirtité barbe: LES HÉMIPTÈRES. 611 suçoir, plusieurs auteurs ont vu deux types d'ordres parmi les Hémiptères; cependant tous ces Insectes étant liés par les affi- nités naturelles les plus évidentes, l'expression de leurs rela- tions demeure infiniment préférable, si l’on conserve dans son ensemble l’ordre des Hémiptères, en le partageant en deux sec- tions : les Hétéroptères, où les ailes, coriaces dans leur moitié antérieure, sont transparentes dans le reste de leur étendue, où le suçoir naît de la partie inférieure de la tête; les Homoptères, où les ailes sont entièrement membraneuses, où le suçoir naît de la région frontale. Dans la section des Hétéroptères, nous reconnaitrons quatre familles : les Scutellérides, les Lygéides, les Réduviides et les Népides; quatre également dans la section des Homoptères : les Cicadides, les Fulgorides, les Aphidides et les Coccides. Les SourezLérpes sont les Insectes auxquels s'applique par- ticulièrement le nom de Punaises de bois. Ayant le corps court et large, ils se font surtout remarquer par l'énorme dimension de leur écusson. On distingue deux types principaux : les Scutellé- rites, chez lesquels l’écusson couvre tout le corps en arrière du prothorax, et les Pentatomites, dont l’écusson triangulaire n’en couvre qu'une partie. Les premiers ont peu de représentants dans notre pays; ceux qui composent le genre Tetyra (Tetyra maura et T. hotlentota), Insectes d’un gris ou brun terne, sont parfois nuisibles aux cé- réales. Les espèces de l'Inde, des Philippines, des Moluques, ete., sont parées de couleurs métalliques ou de vives nuances. Parmi les Pentatomites les plus communs, nous avons le Pen- tatome gris (Pentaloma grisea), que l’on rencontre en groupes plus ou moins nombreux sur une infinité de plantes basses, que l’on voit aussi grimpant après les murailles; puis le Pen- tatome orné ou le Pentatome du Chou (P. ornala), de taille un peu moindre, offrant sur tout son corps un mélange de noir et de rouge. Des centaines d'individus se trouvant parfois ras- st tbt dt à à RÉ Le d'ions Dans Ce me. cl ee. it A TO ET 612 LES MÉTAMORPHOSÉS DES INSECTES. semblés sur les Choux et les tiges d’autres Crucifères, devien- nent fort nuisibles. L'odeur caractéristique de Punaise est très- prononcée chez ces Hémiptères. MÉTAMORPHOSES DU PENTATOME GRIS (Pentatoma griseæ), Les Lycéipes ont une forme assez élancée et un écusson tou- jours assez petit. Ils offrent trois types principaux : les Lygéines, aux antennes insérées au-dessous des yeux, avec le dernier article PET IT OR I EN TT TE TS AE ET ni ts LES HÉMIPTÈRES. 613 en fuseau; les Mirines, distincts par le dernier article des an- tennes très-grêle, et les Coréines, qui ont les antennes insérées sur la même ligne que les yeux, et les tarses pourvus entre leurs crochets de deux lamelles qui n'existent pas chez les précédents. Parmi les Lygéines, il y a une espèce devenue le type du genre L'ASTEMME APTÈRE (Astemma uptera). Astemme (À. aplera), caractérisé par l'absence d’ocelles, que l’on rencontre à chaque pas pendant l'été, dans les jardins comme dans la campagne; un Insecte noir et rouge, qui court à terre par les chemins et les avenues. Cet Hémiptère offre une intéres- sante particularité : ses ailes sont d'ordinaire imparfaitement développées, leur partie membraneuse demeure rudimentaire. Quelquefois, cependant, il arrive au même degré de perfection 614 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. que les autres Lygéines; nous en représentons un individu chez lequel les ailes sont complètes. Les vrais Lygées ont des ocelles sur le front. En général, ils sont de couleur noire et rouge, ou d’une teinte plombée avec des espaces rouges rehaussés par des taches noires. Ces Insectes se tiennent habituellement en groupes, serrés les uns contre les autres sur les tiges des plantes (Lygeus mililtaris, L. equestris, ete.). Les Mirines, c’est la foule des Hémiptères les plus mignons, les plus élégants, les plus joliment peints de fraiches nuances, que l'on puisse imaginer. Les Miris et les Phytocoris voltigent et cou- rent avec une étonnante prestesse sur tous les végétaux. Les Coréines vivent sur les plantes comme les Lygéines, mais en demeurant d'ordinaire plus isolés. Le type du genre Corée est d’un brun uniforme, et comme son abdomen élargi déborde sur les côtés, on l'appelle le Corée bordé (Coreus marginatus). Jeune, ses antennes paraissent énormes, et les dilatations de son abdomen, un peu festonnées et relevées, donnent à l’Insecte une physio-- nomie assez étrange. Les Répuvunes constituent une grande famille, où l'on compte plusieurs formes nettement caractérisées. Ces Hémiptères se re connaissent à leur tête rétrécie en arrière, de façon à figurer une sorte de cou, et à leurs yeux globuleux très-saillants. La plupart des Réduviides sucent le sang des Animaux et même celui de l'Homme ; mais il en est de phytophages, qui, par l’ensemble de leur organisation, s’éloignent médiocrement des espèces carnas- sières. Nous distinguons dans cette famille : les Aradines, ayant une tête avancée, presque pointue; les Réduviines, dont la tête, petite proportionnellement au volume du corps, est très-rétrécie en arrière ; les Hydrométrines, ayant seulement deux articles aux tarses, tandis qu'il y en a trois dans les autres divisions; les Sal- dines, dont la tête, à peine rétrécie en arrière, porte de gros yeux très-proéminents. Parmi les Aradines, nous avons les Tingis, tout petits Insectes — dus ge de ne ue tre ln fée th td ndidindt used delle cit tite née RSS GS SE SSL DR LES HÉMIPTÈRES. 615 J des plus charmants; leur corselet a des expansions latérales, et ces expansious, de même que les élytres, sont admirablement réticulées : à la loupe, on croirait voir les plus jolies ciselures, À | ls K MÉTAMORPHOSES DU CORÉE BORDÉ (Coreus marginatus). les plus délicates broderies. Ces Hémiptères, ayant une nourri ture végétale, deviennent parfois très-nuisibles dans les localités où ils se multiplient. C’est ainsi que le Tingis du Poirier (Tingis 616 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Piri) cause souvent de graves préjudices dans les vergers. Les Arades, au corps aplati, aux antennes épaisses, vivent sous les écorces, où ils sucent d’autres Insectes. Le nom de Punaises (Cimex), qui s’appliquait pour les anciens auteurs à presque tous les Hémiptères hétéroptères, a été réservé aux espèces dont le corps est ovalaire, la tête peu rétrécie en arrière, les antennes minces vers le bout. Le type est connu de tout le monde, c’est la Punaise des lits (Cimex lectularius). Cet Insecte se nourrit ex- clusivement du sang de l'Homme. Qui ne connaît ses habitudes ? Pendant le jour il se tient caché sous les tentures, dans les fissures des murailles, dans d’étroits interstices ; il sort la nuit pour cher- cher ses victimes, déployant un instinct surprenant. Des personnes éloignent leur lit des murailles, dans l’idée de se mettre à l'abri de visites trop intimes; les Punaises montent au plafond, et parve- nues au-dessus des dormeurs, elles se laissent tomber : leur but est atteint. Elles déposent leurs œufs dans les endroits un peu cachés; les jeunes croissent avec plus ou moins de rapidité, sui- vant que les circonstances leur sont plus ou moins favorables. Ces Insectes n’ont que des rudiments d'ailes; adultes, ils représentent donc l’état de nymphe des autres Hémiptères : c'est ce qui est attesté par le nombre de leurs mues. On suppose que la Punaise des lits a été importée d'Amérique, et l’on assure qu'elle n'avait pas été vue en Angleterre avant le xvir siècle; à cet égard, la certitude est impossible à obtenir. On a décrit deux ou trois autres espèces de Punaises; l’une d’elles se trouve dans les pigeonniers. Les Réduviines, aux formes sveltes, ont beaucoup de représen- tants dans les régions chaudes du monde, mais peu d'espèces en Europe. Nous avons un Réduve assez singulier, qui vit dans les maisons malpropres : le Réduve masqué (Reduvius personatus). A l’état de larve ou de nympbhe, cet Insecte, en effet, est toujours masqué; il se tient dans la poussière; il en couvre son corps avec des filaments de toute sorte, et dissimule ainsi sa présence, tant PRE IP ER ER CO TO ET LES HÉMIPTÈRES, 617 qu’il demeure immobile. Il suce les Punaises des lits. Adulte, son masque est tombé; il vole dans les campagnes, et revient dans les habitations pour y pondre. Sa piqûre est extrêmement dou- loureuse. Les Hydrométrines sont les Réduves aquatiques. Sur les eaux stagnantes, on aperçoit fréquemment, pendant l’été, un Insecte L' Je 1 à | 1 ju MÉTAMORPHOSES DU RÉDUVE MASQUÉ (Reduvius personatus ). tout effilé, avec de longues pattes grèles, qui semble mesurer l'espace : c’est l'Hydromètre des étangs (Hydrometra stagnorum). Les Gerris, dont le corps est plus épais et les pattes de devant assez courtes, se promènent sur l’eau de la même façon, et l'on a recueilli dans les mers équatoriales des espèces au corps très- ramassé, les Halobates, marchant sur les vagues avec la même facilité. Ces Insectes ont le corps garni en dessous d’une pubes- on. nd sd an nn à |” ue a. CO) CN TON Ne IP) SCT 618 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. cence très-serrée, qui retient une mince couche d'air; il ne leur en faut pas davantage pour marcher sur les eaux avec une parfaite sécurité. Les Nérmes, ou les Punaises d'eau, carnassiers comme les Réduves, se distinguent par leurs antennes très-courtes, cachées dans des cavités au-dessous des yeux, et par deux tiges à l’abdo- men, constituant un siphon respiratoire. Nous en avons de plu- sieurs groupes. Il y a les Népines, pourvus de pattes grêles, les antérieures ravisseuses, la jambe se repliant sous la cuisse comme chez les Mantides. C'est à l’aide de ces instruments que les Népines saisissent leur proie. Ces Insectes déposent leurs œufs par plaques sur les plantes aquatiques ou sur les pierres, et plusieurs d’entre eux les portent sur leur dos. Les Ranatres ont le corps long et mince et de très-grandes pattes; les Nèpes, le corps assez large et tout plat. Les Bélostomes, les géants de l’ordre des Hémiptères, sont particuliers aux contrées les plus chaudes du monde. On en à découvert une espèce en Algérie. Les Notonectines sont les vrais nageurs de la famille des Népides; ils ont une grosse tête, des pattes antérieures courtes, des pattes postérieures en longues rames. On distingue les Cori ses, ayant des tarses antérieurs d’un seul article, qui nagent sur le ventre, et les Notonectes, ayant des tarses de deux articles et un corps très-convexe, qui nagent sur le dos. On les a nommés quelquefois les Punaises à avirons. Les Corises et Notonectes attachent leurs œufs sur les plantes aquatiques. Dans les lacs du Mexique, et particulièrement dans le lac Tezceuco, abondent une espèce de Notonecte et une espèce de Corise, et à une époque de l’année les habitants du voisinage fauchent les herbes chargées des œufs de ces Insectes. Les œufs, détachés, sont convertis ensuite en une sorte de farine dont on fabrique des galettes ou du pain que l'on appelle, dans le pays, du nom de haulle, et que l’on vend sur les marchés de Mexico. Ce pain, assurent des voyageurs, n’est pas désagréable à manger, malgré une saveur de poisson assez he. + LES HÉMIPTÈRES. 619 prononcée. L'usage de cet aliment existait parmi les anciens Aztè- ques, il s’est transmis chez les nouveaux habitants du Mexique. Sans transition bien manifeste on passe des Hémiptères hété- roptères aux Homoptères. Les Cicanipes constituent une famille des mieux circonscrites et des mieux caractérisées, Elles diffèrent LES NÉPIDES, Le Ranatre linéaire (Ranatra linearis). — La Nèpe cendrée, larve et adulte (Nepa cinerea). Le Notonecte glauque (Notonecta glauca). entre elles si médiocrement, qu’on pourrait dire qu’elles appar- tiennent toutes au même genre : le genre Cigale (Cicada). Dans l'Europe méridionale, les Cigales, célèbres depuis l'antiquité, sont connues de tout le monde. Dans le centre et dans le nord de l'Eu- rope, elles n'existent pas, et le vulgaire donne volontiers leur nom à des Insectes d’un autre ordre, comme les Sauterelles. Les Cigales, dont la taille est généralement grande, ont un gros corps, Lt à ii és. 22 sé mr La Sn» nm "Ut MU La + PSE | "7 620 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. de petites antennes de trois articles terminées par une soie grêle, des ocelles très-apparents, de gros yeux, des tarses de trois arti- cles, el ce qui est bien plus frappant, de grandes plaques sous l'abdomen des mâles, recouvrant un appareil musical. L'appareil du chant des Cigales est en effet fort remarquable ; il n'existe rien d’analogue ailleurs. C’est un appareil situé à la base de l’abdomen, qui consiste en deux cavités, recouvertes chacune séparément par une sorte de volet susceptible de se soulever et de s’abaisser. A l’intérieur, les deux loges, sépa- rées par une cloison, offrent en avant une membrane molle ; en arrière, une membrane mince, tendue, que l’on nomme le miroir; de chaque côté, une membrane plissée, appelée la tim— bale, adhérente à une pièce triangulaire de consistance solide, Des muscles puissants attachés à cette pièce mettent les tim— bales en vibration. Le son se produit dans la cavité, et résonne avec plus ou moins de force, suivant que les volets s'élèvent ou s’abaissent. Les Cigales femelles sont muettes; elles ont un appareil musical rudimentaire. Le chant des Cigales, rauque, désagréable, plaisait beaucoup aux Grecs, si l’on en croit leurs écrivains, et surtout leurs poëtes. Dans la patrie d'Homère et de Platon, des amateurs prenaient plaisir à conserver de ces Insectes en cage, ainsi qu’on le fait encore aujourd’hui en Chine. La vie des Cigales offre un médiocre intérêt : quand on chante, on ne travaille pas. Cependant il est curieux de voir les femelles opérer le dépôt de leurs œufs. Pourvues d’une sorte de scie, elles agissent à peu près à la façon des Tenthrédides ; sur les troncs ou les branches, à l’aide de leur tarière, elles pra- tiquent des entailles et mettent un œuf dans chaque fente. La tarière, en effet, se compose de deux valves et de deux stylets dentelés extérieurement, unis à une pièce médiane aiguë. Les métamorphoses des Cigales, un peu plus considérables que celles des autres Hémiptères, sont analogues à celles des Libellulides. Les larves, à peine nées, descendent au pied de l'arbre et s’en CS OT 7 pp nb à 8 à mn = mit «fiber. bp Lg de. jus dm, ot Ce AUS ARR es SR mm té EM: BLANCHAND, LIBRAIRIE GENMER BAILLIÈRE, MÉTAMORPHOSES DE LA CIGALE (Cicada Fravini). DU FRÊNE LUPR, race 690. DE E, MARTINET, LES HÉMIPTÈRES. 621 foncent dans la terre pour sucer les racines. Elles ont une forme un peu différente de celle des adultes ; des pattes épineuses, avec les cuisses très-renflées, sont les instruments qui leur permettent de fouir dans la terre. À un moment, les nymphes sortent de terre et s’accrochent au tronc, ou aux plantes du voisinage. Après un temps d’immobilité assez court, leur peau, qui s’est desséchée, se fend sur le dos, et l’Insecte parfait, quittant cette dépouille, grimpe sur les arbres. Dans nos départements méridionaux, sur les Frènes et les Oli- viers, on trouve la Cigale du Frène (Cicada Fraxim) et la Cigale de l'Orne (Cicada Orm). Ces deux espèces ont été prises quelque- fois dans la forêt de Fontainebleau. Nos Cigales indigènes ont des ailes transparentes, incolores; mais, parmi les espèces de l'Inde, des iles de la Sonde et de l’Afrique australe, il en est dont les ailes sont magnifiquement, colorées. C'est une immense famille par le nombre que celle des Furco— Ribes. Les espèces, assez peu nombreuses en Europe, existent en foule dans les régions chaudes du monde. Insectes très-jolis en général, par leurs couleurs vives et infiniment variées, on ne saurait jamais les confondre avec les Cicadides, ear ils ne pos- sèdent point d'appareil musical. Cette famille a plusieurs types bien caractérisés. Les Fulgorines ont les antennes insérées dans des fossettes au-dessous des yeux. Chez les vrais Fulgores, Insectes de grande taille, le front est prolongé en une sorte de vessie fort longue et aussi large que la tête. Dans la nuit, cette partie s’illumine d’une vive clarté. A la Guyane et au Brésil, le voyageur qui s’est emparé d’un Fulgore porte-lanterne se réjouit à la vue de la magnifique lueur qu'il répand. Madame Sibylle de Mérian a raconté comment, une belle nuit, elle avait été effrayée en ouvrant une boîte où plusieurs Porte-lanterne avaient été logés pendant le jour; elle ne s'attendait pas à voir une illu- mination. D'autres Fulgores (genre Pyrops) ont le front prolongé en CE RSS ES RS SL à ct nt dt on de te À ns ne pe Ma “ut te pot à … 622 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. une sorte de tube. À la Chine, vit le Fulgore porte-chandelle (Pyrops candelaria), qui est d’un jaune fauve avec les ailes or- nées de bandes verdâtres tachetées de noir. LE FULGORE PORTE-LANTERNE (Fulgora laternaria), Des Fulgorines, sans prolongement frontal, tels que les Flates, les Lystras, les Phénax de l'Amérique du Sud, n’émettent aucune lumière, mais ils sécrètent à la surface et, surtout à EM. BLANCHAND, race 022, LIBNATIUE GERMER BAILLIÈRE IMPIL, DE E, MARTINET, LE FULGORE PORTE-CHANDELLE (Pyrops candelari —_—# | nr, à à Au ÉD ré ds CP PETER ET OT OT à PTS PE PR DOS UT 2 LES HÉMIPTÈÉRES. 623 l'extrémité de leur abdomen, une sorte de cire blanche comme l’albâtre, qui tombe en longs flocons. Des Fulgorides ayant les antennes insérées au devant des L'APHROPHORE ÉCUMANTE (Aghrophora spumaria). yeux et le prothorax étendu sur une grande partie ou sur la totalité du corps (Membracines), une taille toujours très-mé- diocre, affectent les formes les plus bizarres. Ils portent de sin- — Léo in ms ie ne Dr, butin Dé Rs re. 2. 0. "0 us 7 di se dé. Gad à 624 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. gulières dilatations du prothorax, des arêtes, des vessies, des pointes, des tiges terminées par des globules. L'Amérique du Sud est la patrie de la plupart de ces curieux Insectes. Il est des Fulgorides qui, avec les antennes insérées comme chez les précédents, ont un prothorax de forme ordinaire : les Cercopines, ou de leur nom vulgaire, les Cicadelles. Beaucoup de ces Insectes, ayant les pattes un peu renflées, sautent avec une extrème facilité. Un des mieux parés est le Cercope ensan- glanté (Cercopis sanguinolenta), noir avec trois taches d’un rouge carmin sur les élytres. Une espèce d’un genre voisin, l’Aphro- phore écumante (Aphrophora spumaria), plus petite et toute grise, a dans son premier âge un singulier moyen de se dissi- muler. Au bord des rivières et des canaux, vous apercevez sou- vent sur les feuilles des Saules, des Osiers, de petits amas d’une sorte de mousse ou plutôt de salive; cherchez dans cette matière, et vous y trouverez une larve ou une nymphe d’Aphrophore : l’Insecte a la faculté de produire une abondance de salive pour un but qu'on n'aurait pas soupçonné sans l'observation. Les Apmnines, ou les Pucerons, ont toujours les ailes plus minces, plus diaphanes que celles des plus petites Cicadelles; seulement deux articles aux tarses, des antennes longues formées de sept articles. En outre, les Pucerons ont une petite tête et point d’ocelles comme les Fulgorides; ils portent à l'extrémité de leur abdomen deux appendices, ou plutôt deux tuyaux en communication l’un et l’autre avec une glande versant la liqueur sucrée dont les Fourmis se montrent si friandes, liqueur qui, d'après quelques observateurs, serait recherchée des Pucerons nouveau-nés. Îl y aurait ainsi une sorte d'allaitement chez ces petits êtres; mais le fait aurait besoin d’être étudié de nouveau. Les mâles des Pucerons portent toujours de grandes ailes ; les femelles en sont privées la plupart du temps. Les Pucerons offrent dans leur mode de propagation un phé- nomène qui longtemps parut isolé, Réaumur, de la Hire, etc., LES HÉMIPTÈRES. 625 avaient vu des femelles absolument séparées d'individus mâles qui mettaient au monde des petits vivants. De leur observation, . ils avaient conclu que ces Insectes étaient hermaphrodites, opi- nion abandonnée après les expériences de Charles Bonnet, reprise néanmoins depuis peu par un habile micrographe, M. Balbiani. À l'automne, il est ordinaire de voir sur les plantes des Pucerons LE PUCERON DU ROSIER, MALE ET FEMELLE (Aphis Rosæ). des deux sexes. À cette époque, les femelles pondent et fixent leurs œufs sur les tiges. Au printemps, les jeunes éclosent, tous sont des femelles; dans l’espace de dix à douze jours, ces femelles ont pris tout leur accroissement, elles commencent à mettre au monde des petits vivants. Chacune produit en moyenne quatre- vingt-dix Pucerons, à raison de trois, quatre, cinq, six ou sept par jour. Tous ces jeunes sont encore des femelles, qui deviennent ha- biles à la reproduction aussi rapidement que leur mère. Neuf, dix ou onze générations de Pucerons femelles se succèdent ainsi pen- dant le cours de la belle saison ; mais, lorsque s’abaisse la tempé- ralure automnale, se trouvent des mâles et des femelles, femelles ovipares. Pour s'assurer dé la faculté que possèdent les Pucerons vivipares de produire sans l'intervention d'aucun mâle, Bonnet A0 Léo de "7 626 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. avait séquestré de jeunes individus dès leur naissance; ses expé- riences ont été poursuivies avec toutes les précautions imagi- nables, et cent fois répétées par divers naturalistes. On a vu avec quelle rapidité les Pucerons devenaient adultes, combien est grande la fécondité de ces Insectes. Un auteur a aisément calculé qu'un Puceron était la souche annuelle d'un quin- tillion d'individus. Il est donc aisé de comprendre l'extrême mul- tiplication de ces Hémiptères sur une foule de plantes, où ils n'avaient pas d’abord été remarqués. Tout récemment, MM. Bal- biani et Signoret ont reconnu que certains Pucerons différant un peu dans leurs formes de ceux de leur type étaient des indi- vidus stériles. Par suite de quelle influence ces individus demeu- rent-ils stériles? On n’a pas réussi à le savoir mieux pour les Pu- cerons que pour les Truites, qui offrent des exemples analogues. Les Pucerons (Aphis) demeurent en groupes SU les tiges ou les feuilles qu’ils affectionnent, amenant par leur succion le dépé- rissement du végétal. Il y à cependant à l'automne, lorsque les individus sont ailés, des émigrations. Quelques espèces de la famille des Aphides, telles que le Puceron lanigère (genre Lachnus), qui est très-préjudiciable aux Pommiers, exsudent par tous les points de leur corps une matière cireuse qui les protége et tombe en flocons blanes d'aspect cotonneux. Certains Aphides, comme le Puceron à bourse (Aphs bursarius), vivent par groupes, enfermés dans des galles qu'ils déterminent sur divers végétaux. La famille des Cocanes, étroitement liée à la précédente par ses affinités naturelles, est aussi des plus intéressantes. Tous ses représentants se distinguent aisément des Aphides : leurs tarses n’ont qu'un seul article; les mâles seuls possèdent des ailes, et ils n’en ont qu’une seule paire. Une dégradation organique très-remarquable existe chez ces Hémiptères, surtout chez les femelles. Ces Insectes sont très-nuisibles à la végétation, mais plusieurs d'entre eux nous fournissent des matières précieuses » futurs Ab gen. à in bé dr D S L.% n'. a PET PUS DU. TT VDS RSS D nat mu UNE CE EX D. on CS oh Ge 7 Dé té Né died nt LES HÉMIPTÈRES. 627 pour l’industrie, de magnifiques matières tinctoriales, des cires susceptibles d’être employées à divers usages. es Érnrner d = BD, BVREUN= LA COCHENILLE . FINE (Goccus Cacti ). lndividus femelles. — D'après des échantillons provenant des pépinières d'Alger, envoyés par M. Hardy, Les Coccides femelles, en naissant, ont une certaine agilité, mais bientôt elles se fixent sur les feuilles et les tiges en enfonçant leur bec dans le tissu de la plante pour ne plus l’en détacher. Elles gros- Lester ERA Ce de dde da ad RARE à <. Ù . Le é à 628 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. sissent alors, et prennent une forme lenticulaire ou globuleuse; leurs pattes ne prenant aucun accroissement, il est permis au pre- mier abord de reconnaître difficilement des Insectes dans les petits corps dont les appendices sont atrophiés, dont les annulations ont presque disparu. Ces femelles pondent, sans se déplacer; après leur ponte, elles meurent, elles se dessèchent : leur corps devient PAGE LE MALE DE LA COCHENILLE, TRÈS-GROSSI (Coccus Cacti), un abri pour leurs œufs et pour les nouveau-nés. D'après quelques observations de M. Leuckart, elles engendrent seules comme les Pucerons, au moins pendant une période de leur existence. Les mâles, toujours très-petits relativement au volume des femelles, ne paraissent qu'à un moment de l’année. Les Coccides femelles sécrètent par la peau en plus ou moins grande abondance une matière cireuse, qui a pour but de les garantir de la pluie et de les protéger contre une foule d’ennemis. Le genre important de cette famille est celui des Cochenilles LES HÉMIPTÈRES. 629 (Coccus). La Cochenille fine (C'occus Cacti) est celle qui donne la plus-belle matière tinctoriale. Originaire du Mexique, elle a été transportée avec succès dans plusieurs des Antilles, dans diverses parties de l'Amérique du Sud, en Espagne, plus récemment aux îles Canaries, et enfin en Algérie. La femelle est un Insecte globu- leux, rougeñtre, se montrant toujours saupoudré de matière cireuse, et portant en arrière deux petits filets très-courts. Le mâle, long de 1 à 2 millimètres, a des antennes assez longues, un abdomen muni de deux longs filets, un bec rudimentaire ; il ne prend aucune nourriture. La Cochenille est devenue une source de richesse pour di- verses contrées. Aux Antilles et sur plusieurs points du continent américain, on cultive les Nopals sur de vastes étendues, pour nourrir le précieux Insecte. La récolte en est faite à des époques fixes. Un traité sur cette culture a été publié en 1787 par Thierry de Ménonville. Beaucoup d'espèces fournissent une couleur plus ou moins belle : la Cochenille de Pologne (Coccus polonicus), objet autrefois d'un commerce considérable, devenue le type du genre Por- phyrophore; la Cochenille du Chêne vert (Coccus Ihcis), employée pour les teintures en cramoisi. Une; espèce d'Algérie a été signa- lée comme capable de fournir un beau produit; une espèce ob- servée sur les Fèves par M. Guérin-Méneville donne également une matière tinctoriale. La laque qui nous vient de l'Inde est fournie par une espèce du même genre (Coccus lacca). Divers Coccides, habituellement désignés sous le nom de Ker- mès, fournissent de la cire. Dernièrement, MM. Targioni-Toz- zelti et Sestrini ont montré qu'on pouvait tirer un excellent produit du Kermès du Figuier (Chermes Ficds), qui est très- répandu dans l'Europe méridionale. Depuis quelques années, l'Angleterre achète sur le marché de Shang-Haï une sorte de ire d’un blanc d’albâtre qui provient d'une espèce de Kermès vivant sur des Frènes (Chermes sinensis). X V LES APHANIPTÈRES — LES STREPSIPTÈRES Les Aphaniptères sont des Insectes que tout le monde connaît ; les Strepsiptères, des Insectes que personne n’a vus, si ce n’est un petit nombre de naturalistes. Les Aphaniptères, ce sont les Puces, Insectes des plus intéressants par leur conformation, et des plus curieux par leurs habitudes, par leurs instincts, par leurs métamorphoses. Les Puces sont des suçeurs comme les Hémi- ptèrés, et cependant leur appareil buccal est construit d’une ma- nière assez différente. Le labre est une tige acérée; les mandi- bules, de longues lames aplaties, finement denticulées sur leurs bords; les mâchoires, de petites pièces triangulaires, avec des palpes avancés sur le rostre, de façon à offrir l'aspect d'antennes; la lèvre inférieure, une lame membraneuse supportant de grands palpes. Chez les Aphaniptères, les yeux, situés sur les côtés de la tête, paraissent être simples; les antennes sont fort petites; les ailes n'existent qu’à l’état de vestiges sous forme d’écailles :.de là le nom d’Aphaniptères. Les pattes sont robustes et épineuses AS PE OS TR n ltd DR ft NDS, + Se, ts me” F4. fe. de Lol als. nées lot. . Cf 0 Cf es CR LES APHANIPTÈRES. — LES STREPSIPTÈRES. 631 les postérieures, plus longues que les autres, avec les cuisses renflées, sont propres au saut. Les Aphañiptères ont des métamorphoses complètes; des lar- ves vermiformes, des nymphes inactives. L’unique famille de cet ordre, les Purices, se compose du genre des Puces (Pulex). Chaque espèce est propre à un Mammifère, une espèce particu- MÉTAMORPHOSES DE LA PUCE DE L'HOMME ( Pulex irritans). lière à l'Homme. Celle-ci est bien reconnaissable à sa tête lisse, à ses anneaux du thorax et de l'abdomen ne portant sur leurs bords que des cils roides. On n’apprendrait rien à personne en rapportant de quelle façon vivent les Puces. Ces Insectes multi- plient prodigieusement dans les pays chauds, et dans certaines conditions, ils acquièrent un volume qui n’est pas ordinaire. Sur les plages fréquentées par des baigneurs, on observe des Puces d'une dimension double ou triple de celles que‘l’on voit partout ailleurs, cependant elles sont bien de la même espèce. Si tout le monde sait comment les Puces sucent le sang, avec quelle vigueur elles sautent, tout le monde ne se doute pas com- bien ces petits êtres se montrent intelligents pour soigner leur progéniture. Les Puces vont déposer leurs œufs dans les inter- stices des carreaux et des planchers, au milieu de la poussière. Leurs larves, privées de pattes, condamnées à demeurer où elles sont nées, ne peuvent vivre que de la nourriture des adultes. Abandonnées, elles périraient; mais elles ont des mères qui ne les 632 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. abandonnent pas, et dont la mort seule peut amener leur perte. Après s'être gorgée de votre sang, la Puce, si c’est une mère, va trouver ses jeunes, et leur dégorge une partie de la nourriture qu'elle a puisée. Au terme de leur croissance, les larves s’enfer- ment dans une petite coque soyeuse et subissent leur transfor- mation en nymphe. Les naturalistes des xvw et xvin‘ siècles, Leeuwenhoek, Rosel, de Geer, ont observé les Puces dans leurs soins maternels et dans leurs métamorphoses. De nos jours, un amateur ayant peine à croire à des instincts remarquables chez des êtres qu'il estimait stupides, lorsqu'il lui arrivait de sentir leur piqüre, eut recours à l'expérience. Des œufs de Puces furent mis dans de petites boîtes ouvertes, suffisamment garnies de poussière, les fères furent respectées, on observa les manœuvres que nous avons rapportées. La Puce du Chien (Pulex Camis), plus petite que la Puce de l'Homme, en est très-distincte : elle porte au front et au thorax une rangée de fortes pointes. Accidentellement, les Puces du Chien attaquent l'Homme; il est done vrai de dire que les Chiens donnent des Puces. Il est une Puce des chaudes contrées de l'Amérique, bien connue sous le nom de Chique (Pulex penetrans). Très-petite à sa naissance, effilée, roussâtre, elle s’introduit sous la peau, où elle demeure en prenant un volume inusité. Ce volume est dû à une surprenante dilätation de l'abdomen causée par l’abondance des œufs. Ainsi cette Puce toute gonflée a l'apparence d’une vésicule de la grosseur d’un pois. Le mâle conserve toujours sa taille exi- guë et sa liberté, Les Chiques déterminent des ulcérations extré- mement graves, et les personnes atteintes n’ont pas de meilleure ressource pour s'en débarrasser que la main de vieilles négresses fort habiles à extraire les dangereux Insectes. Les Strepsiptères sont des Insectes fort singuliers, aussi bien par leurs caractères que par leur genre de vie et leur mode de déve- loppement. A la fin du siècle dernier, un professeur de Pise, LES APHANIPTÈRES. — LES STREPSIPTÈRES. 633 Rossi, en fit connaître une espèce parasite des Guêpes (Xenos Vesparum), qu'il crut voisine des Ichneumons. Quelques années plus tard, Kirby découvrit en Angleterre un Insecte du même type. L'ordre des Strepsiptères fut établi. Des caractères très-frap- pants signalaient en effet ces parasites d'un nouveau genre. Les Strepsiptères ont les ailes antérieures rudimentaires, affectant la forme de petits balanciers longs et étroits ; les ailes postérieures, STYLOPS NOIR, MALE {Stylops aterrimus). —- Grossi et de grandeur naturelle. au contraire, très-développées, membraneuses, susceptibles de se plier en éventail; les yeux globuleux et grenus, les antennes courtes, les pièces buccales libres. On s’aperçut que l’on connaissait seulement les mâles, et en 1843 M. Siebold, qui avait déjà trouvé des œufs, put obser- ver les larves et apprendre que les femelles des Strepsiptères sont des êtres aveugles, privés de pattes; conservant l'apparence de larves, ne quittant jamais le corps des Insectes sur lesquels ils ont vécu en parasites. (George Newport compléta l'histoire de ces curieux Insectes par l’étude d’une espèce parasite d’un Apide du genre Andrène, le Stylops noir (Stylops aterrimus). Nulle part il n'existe de différence aussi prononcée entre les individus des deux sexes que chez les Strepsiptères : les mâles sont libres, ils volent, ils vivent de la vie des autres Insectes ; les femelles sont condamnées à l’immobilité. Chez elles, la tête et les LE D : : + RSR de de, to D en. cu, ns di dome Ë à fé PR SP TS 634 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. anneaux thoraciques s'unissent complétement, et l'abdomen, très- grand, reste fort mollasse : tout le corps semble n'être formé que de deux parties, un céphalothorax et un abdomen. Ces Insectes : sont vivipares. Les jeunes larves, agiles, allongées, munies de lon- gues pattes, grimpent sur les poils de l’Hyménoptère. Elles se CPVRELAT LE STYLOPS NOIR 4, La larve (très-grossie) à sa naissance, grimpant sur un poil d'Hyménoptère. — 2, La femelle, très-grossie, montrant dans son abdomen les embryons. — 8. La larve, de grandeur naturelle, (D'après George Newport.) comportent comme les larves des Méloés et des Sitaris; transpor- tées dans le nid de la Guêpe ou de l’Ardrène, elles attaquent sa larve, et une fois fixées, après un changement de peau, leur forme devient toute différente, leurs pattes sont atrophiées. Mais ces parasites, ayant une taille très-exiguë, ne tuent pas la larve de l'Hyménoptère : ils la sucent à la manière des Ichneumons et lui laissent accomplir toutes ses métamorphoses. XVI LES DIPTÈRES Peut-être y a-t-il dans le monde presque autant de Diptères que d'Insectes de tous les autres ordres réunis. Les Diptères qui, généralement, abondent sous toutes les latitudes, même dans les contrées les plus froides, pullulent avec une étonnante rapidité. Les Diptères sont les Mouches, les Houches à deux ailes, ainsi qu'on les désigné vulgairement, ainsi que‘les naturalistes nomment lés représentants de la famille la plus considérable de l’ordre. Ces Insectes, si nombreux, sont unis par des caractères com- muns qui les isolent de tous les antres, et cependant, dans leur ensemble, ils paraissent constituër une division plus importante qu'un ordre. Dans leur organisation, dans leur mode de déve- loppement, dans leurs métamorphoses, les principaux types pré- sentent entre eux des différences plus prononcées que celles qui existent entre les familles de Coléoptères ou d'Hyménoptères. Aussi a-t-il été possible de penser que les Insectes à deux ailes, ou les Diptères, formaient en quelque sorte une réunion compa- re T7 re he is . ? baise M fatadié dus, A à ni. 12 636 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. rable à l’ensemble des Insectes à quatre ailes ; mais il y a de ce côté une exagération évidente. Les organes du vol fournissent le caractère le plus général, le plus frappant, peut-être le plus important des Diptères. Il n'existe que deux ailes bien développées, nues et membraneuses ; celles de la première paire offrent en arrière, chez beaucoup d'espèces, un appendice en forme de coquille, appelé le cuilleron; les ailes de la seconde paire, tout à fait rudimentaires, ayant la forme de petites tiges terminées par un élargissement, sont dési- gnées sous le nom de balanciérs. Les Diptères sont des Insectes suceurs; mais leur sucoir, construit d’une façon assez différente de celui des Hémiptères ou des Aphaniptères, présente des modifica- tions remarquables dont on n’avait pu comprendre lanature avant certaines recherches qui datent de moins de vingt ans. Dans quel- ques groupes de Diptères, les six pièces ordinaires de la bouche sont faciles à reconnaître : le labre lancéolé; les mandibules en forme de glaives ; les mächoires plus ou moins aiguës, portant un palpe; la lèvre inférieure, large, très-flexible, n'ayant aucune res- semblance avec la lèvre engainante et articulée des Hémiptères. Savigny avait choisi ces exemples pour mettre en évidence la parfaite identité du plan fondamental de la bouche dans tous les ordres de la classe des Insectes. Il avait gardé un silence absolu à l'égard de tous les Diptères où l’on trouve moins de six pièces distinctes. Les classificateurs n'avaient rien trouvé de mieux que de distinguer les Diptères à 6 soies, à 4 soies, à 2 soies, dési- gnant de la sorte les pièces buccales. Par suite de recherches anatomiques délicates, il a ét établi, contrairement à tout ce que l’on savait d’ailleurs, que les mandibules et les mâchoires peuvent se souder. On ne trouve alors que des pièces impaires. Les Diptères ont des métamorphoses complètes. Les larves, ordinairement vermiformes, toujours placées dans des condi- tions où elles peuvent vivre sans aucun secours étranger, sont douées pour la plupart d’une assez grande agilité, qu'elles doivent LES DIPTÈRES. 637 à la faculté d'avancer et de reculer par un mouvement de repta- tion. Suivant les types, les Diptères présentent de curieuses différences dans leur condition de nymphes. Ici les nymphes sont actives, bien qu’elles ne prennent aucune nourriture; là elles sont inactives au même degré que les chrysalides des Lépido- ptères, que les nymphes des Coléoptères; ailleurs, parfaitement immobiles, elles sont devenues nymphes sans se dépouiller de la peau de larve : ces sortes de nymphes, comme les Mouches pro= prement dites en offrent le grand exemple, sont habituellement désignées sous le nom de pupes. Un caractère très-apparent permet de partager l'ordre des Diptères en deux grandes sections : les Némocères et les Bra- chocères. Les premiers ont des antennes en fils; les seconds, de très-courtes antennes, ayant seulement trois articles bien dis- tincts et une soie grêle, que l’on nomme le style. Les Némocères se font remarquer par leur corps long et frèle, par leurs ailes longues, par leurs grandes pattes d'une extrême ténuité. Ce sont les Cousins et les Tipules, ou les familles des Culicides et des Tipulides. Les Cuuieness, les Cousins, terrible famille qui effraye les plus courageux. Chacun connaît l’avidité de ces petits Insectes pour le sang de l'Homme, l'effet douloureux de leur piqüre ; chacun a entendu parler des supplices que font éprouver aux voyageurs visitant les pays chauds ou les régions circumpolaires, les Cou- sins ou Moustiques, en abondance prodigieuse dans ces contrées. Aussi n'est-ce pas à ces faits qu'il convient de s'arrêter. L'his- toire des Cousins est pleine d'intérêt; examinons en particu- lier la vie de notre espèce commune, le Cousin piquant (Culex pipiens). En observant cet Insecte, on est frappé de la délica- tesse de ses formes, et l’on s'étonne de trouver un être malfaisant dans un corps si fragile. Le Cousin possède une armature buccale des mieux déliées et néanmoins fort résistante ; toutes Les pièces sont libres, les mandibules en forme de lames acérées et denti- SE Sa Éd 2 de di de D De me 2 de mr ee ms gt +: . M _ 7 É t 638 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. culées sur leurs; bords. Les Cousins abondent dans les endroits marécageux ; leurs larves sont aquatiques et ne vivent que dans CHROME MÉTAMORPHOSES DU COUSIN PIQUANT ( Culex pipiens). les eaux stagnantes : les tonneaux des jardins, dont l’eau destinée à l’arrosage est plus ou moins altérée, sinon cor- rompue, leur conviennent à merveille, LES DIPTÈRES. 639 Les Cousins mâles ont de jolies antennes ciliées, ressemblant à de petites plumes; les femelles ont des antennes presque nues; el comme il est facile, d’après cette différence, de reconnaître les individus des deux sexes, on s'assure que les femelles surtout LLHEPMITTE CE LBURCIN LARVE ET NYMPHE TRÈS-GROSSIES DU COUSIN PIQUANT (Culem pipiens). sont avides de sang. Ces Insectes, s’aidant de leurs pattes pos- térieures, déposent leurs œufs à la surface des eaux, tous agglu- tinés les uns aux autres et formant de petites masses flottantes. Les larves éclosent bientôt et grandissent avec une extrême rapi- dité. Elles nagent avec toute l’agilité imaginable, montant et descendant d’une manière continuelle. La souplesse, les ondula- 640 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. tions de leur corps, la transparence de leurs tissus, la déli- catesse des cils qui les garnissent, leur donnent un charme incroyable. Ces Insectes demeurent presque constamment la tête en bas et l'extrémité du corps en haut. La tête est pourvue de deux antennes et garnie de cils servant à amener les ali- ments vers la bouche; le premier anneau du thorax est large; les anneaux du corps vont en diminuant jusqu'au dernier, qui porte des touffes de cils natateurs, tandis que l’avant-dernier est pourvu d’une sorte de tube percé à l'extrémité d’un orifice respiratoire. Survient pour ces larves un dernier changement de peau, et les voilà devenues nymphes. Ces dernières sont actives, et cependant elles sont emmaillottées et incapables de prendre aucune nourriture. On voit qu'il existe chez les In- sectes tous les intermédiaires possibles entre les nymphes abso- lument inactives et les nymphes qui vivent comme les adultes. Les nymphes des Cousins nagent au moyen de deux grandes lamelles qu'elles portent en manière de queue. Souvent ces nymphes viennent à la surface de l’eau présenter une partie de leur dos, sur laquelle s'élèvent deux petits tubes respiratoires. Le moment arrive où doit avoir lieu l’éclosion des Cousins. Une scène des plus curieuses va réjouir l'observateur. Les petites nymphes flottent en foule à la surface de l’eau ; demeurant à peu près immobiles, le tégument de leur région dorsale exposée à l'air se dessèche et se fend au milieu, comme cela arrive aux nymphes des Libellules, des Éphémères, des Cigales, ete. Alors se montre le Cousin. Il dégage sa tête, puis une partie de son thorax; il se soulève lentement sur ses longues pattes; son enve- loppe de nymphe est devenue pour lui une nacelle, il paraît prendre d'infinies précautions pour ne pas faire chavirer son frêle esquif. Peu à peu il se dresse, ses ailes s'étendent, et quand il est raffermi, ce qui arrive vite si la température est chaude, il s'envole : le voilà sauvé. Tout se passe sans accident, si l'air est calme ; mais qu'un jour d’éclosions, l'air soit un peu agité, les LES DIPTÈRES. - 644 naufrages sont nombreux : les Cousins, encore mal affermis, sont renversés ; lestrop légères nacelles formées des dépouilles denym- phes sont chavirées, et l’Insecte qui a mouilléses ailes est perdu. li | l Il LA TIPULE DU CHOU (Tipula oleracea). - Les Tiuciprs sont des Diptères qui, par les formes générales, différent à peine des Cousins. Certaines Tipulides seraient même prises immanquablement pour des Culicides, si l'on ne portait hi 7 642 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. attention sur les caractères qui distinguent les deux types. Il ne faut donc pas s'étonner que beaucoup de naturalistes aient rat- taché ces Insectes à la même famille. Mais, tandis que les Cou- sins, pourvus d’une armature buccale terrible, sont des êtres avides de sang, les Tipulides, n'ayant à leur bouche que des pièces molles, lèchent les parties fluides sur les végétaux et sur les matières en décomposition. Chez ces Insectes, la lèvre supé- rieure et les mandibules sont avortées; les mâchoires et la lèvre inférieure, réunies, constituent une petite trompe accompagnée des palpes maxillaires longs et pendants. Cette famille des Tipu-— lides est immense, et l’on y reconnait quatre types principaux, quatre groupes, les Chironomites, les Tipulites, les Mycétophilites et les Cécidomyites. | Les premiers, ornés de jolies antennes plumeuses, sont ceux qui ressemblent surtout aux Cousins par la faille et par l'aspect. Le Chironome plumeux (Chironomus plumosus) est des plus abon- dants au voisinage des eaux stagnantes. Dans.ces mêmes eaux, vit sa larve, sorte de Ver d’un rouge de sang, fort estimée des pêcheurs à la ligne pour séduire certains poissons. Cette larve porte à l'extrémité du corps une houppe de filaments locomo- teurs et respirateurs. | Les Tipulites, Insectes des prairies et des endroits maréca- geux, ont des-antennes filiformes garnies de poils verticillés, des pattes d’une longueur et d'une ténuité extrêmes. Les femelles, pourvues d’une assez longue tarière, introduisent leurs œufs dans la terre; les larves rongentles racines. Parmi les vraies Tipules, qui sontnombreuses en Europe, nous citerons la Tipule du Chou (Tipula oleracea). L'Insecte adulte est d'une couleur tannée, avec des raies obscures sur le dos et les aïles enfumées. La larve, d’une teinte terreuse avec la tête noire, a le dernier anneau du corps tronqué, percé dans son milieu des orifices respiratoires, et'les bords de la troncature pourvus de quatre tubercules. La nymphe, plus ramassée, presque immobile, peut PO Pope 1 a mt de th ne uns fn. AR. dés d'A de à à ses sun) ayons d RÉ Ed SL à - = LES DIPTÈRES. 643 cependant cheminer à l’aide des épines dont elle est garnie, pour se rapprocher de la surface du sol au moment de l’éclosion. Cette espèce est souvent nuisible dans les potagers et les prairies. Les Mycétophilites, petites Tipulides ayant trois ocelles sur le front, des antennes grèles, vivent sous leur première forme dans les Champignons et dans les bois en décomposition. Les Cécidomyites sont de très-petits Diptères, dont des antennes, CÉCIDOMYIE A LARVES VIVIPARES, 1. luseute adulte, —2. Larve : aa, petites larves.—3 ot #. Nymphe en dessus et en dessous. {D'après M. N. Wagner, ) surtout chez les mâles, sont en grains de chapelet. Comme les Cynips, ces Insectes déterminent des galles sur les végétaux, et c'est dans l’intérieur de ces excroissances que vivent et se déve- loppent leurs larves. Il est desespèces du groupe, cependant, qui ne produisent point de galles : telle la Cécidomyie du Blé (Cect- domyia Tritici). Sur le Blé en fleur, les larves, mangeant le pollen, empêchent la fécondation, et se rendent ainsi fort nuisibles. Une Cécidomyie abondante aux États-Unis, considérée comme voisine 64h LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. de la précédente, la Mouche de Hesse (Cecidomyia destructor), cause de grands dégâts dans les mêmes conditions. Récemment, un fait extraordinaire, des plus intéressants pour la physiologie générale, a été découvert par un professeur de Kazan, M. Nicolas Wagner. Des larves de Cécidomyites, vivant sous les écorces, ont la faculté d’engendrer. Au printemps, la petite Cécidomyie pond ses œufs ; il en sort des larves, et dans des loges particulières de leur abdomen se constituent d’autres larves, qui, en naissant, déchirent le corps de leur mère. À leur tour, elles engendrent de la même manière: les sénérations se succèdent ainsi pendant toute la belle saison. D'abord, les naturalistes ne purent croire à cette étrange parthénogenèse, mais les observa- tions furentreprises par MM. de Baer, Pagenstecher, Meinert, etc.: le doute n’était plus possible. La grande division de l’ordre des Diptères, celle des Bra- chocères, comprend une série de familles : les Asilides, les Tabanides, les Stratiomyides, les Syrphides, les Muscides, les OEstrides et les Ornithomyides. Les Asus, Insectes agiles, ont un suçoir redoutable ; les deux mandibules, complétement soudées, forment un glaive acéré. Plu- sieurs types se rattachent à cette famille, mais nous ne pouvons signaler que le plus important. Les Asilines, au corps élancé, ont une trompe courte, un glaive puissant; les plus grands percent le cuir des Chevaux et des Bœufs. Adultes, ces Diptères sucent le sang des Animaux, attaquant quelquefois l'Homme lui-même. Les Asiles, recon— naissables à leurs antennes, dont le troisième article, effilé, est surmonté d’un style de deux articles, sont nombreux dans le midi de l'Europe, en Orient, en Afrique. L'un des plus répar- dus dans notre pays, l'Asile crabroniforme (Asilus crabromi- formis), se distingue par sa coloration, qui rappelle la livrée de certains Hyménoptères, un fond noir et des parties jaunes. Cet Inseéte vole en plein soleil dans les campagnes arides; lorsqu'on bus 2 ec 5e cie sil cé» Dis. dre itité. tas rt “its à (he oué Lt “he mue Rs a Et) be à. - shot LES DIPTÈRES. 645 en est atteint, le sang jaillit de la blessure faite par son arme buccale, comme d’un coup qui serait donné par une petite lan L'ASILE CRABRONIFORME Asilus crabroniformis ). cette. IL pique parfois les gros Animaux, mais d'ordinaire il atta- que des Insectes, surtout des chenilles, et suce leur sang. Ce Diptère, si carnassier dans son état adulte, parait vivre de ma tières végétales dans son premier âge. On trouve les larves des 646 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, Asiles dans la terre, rongeant les racines, d’après les observations des anciens auteurs, Frisch, de Geer, ete. Les nymphes restent à nu dans une loge formée par la larve. Parmi les Taranwes se trouvent les plus robustes et les plus redoutables Diptères. Corps large et épais; ailes grandes ; yeux superbes, brillants, tellement gros, que chez les mâles ils sont presque contigus sur le sommet de la tête; antennes courtes, avec un dernier article à plusieurs divisions; trompe très-grande, dépassant quelquefois la longueur du corps; terrible suçoir fort différent de celui des Asiles, les deux mandibules étant séparées l'une de l’autre : tels sont les signes caractéristiques des Taba= nides. Le principal genre de cette famille ést celui des Taons (Taba- nus), toujours faciles à distinguer entre les autres Tabanides par l'absence d'ocelles entre les yeux et par la forme du dernier article des antennes, qui est élargi à son origine et échancré dans le milieu. Les espèces de Taons sont en nombre considérable par le monde, mais la plupart aiment les pays chauds; nous en avons peu dans l'Europe centrale. L'une d’elles est connue de tout le monde, c’est le Taon des bœufs (Tabanus bovinus), un de nos plus beaux et de nos plus gros Diptères, au corps gris avec des bandes noires sur le thorax, aux yeux d’un vert magnifique. Le Taon est souvent très-commun en été, à la lisière des forêts ou dans les clairières; les amateurs de promenades sous bois le redoutent pour leurs chevaux, qui s’effrayent du bourdonnement de l’Insecte, et se cabrent ou lancent des ruades en sentant ses piqûres. Les Taons, si avides de sang, ont bien changé depuis leur première condition. Les larves vivent dans la terre; vermi- formes, privées de pattes, elles paraissent avoir une nourriture végétale; les nymphes sont immobiles et portent à l'extrémité du corps six épines. Des Tabanides de petite taille sont fort communs : tels les Chrysops, qui ont des yeux brillants comme l’or, avec des taches PE CE. CON PR OT TI n _ à LES DIPTÈRES, 647 obseures qui en relèvent l'éclat (Chrysops aveuglant, — Chry- sops cæculiens) ; les Hæmatopotes, qui boivent le sang, dit leur TA cu D oo fl MÉTAMORPHOSES DU TAON DES BŒUFS ( Tabanus bovinus). nom, avec des ailes tachetées de noir, comme un vêtement de demi-deuil (Ææmatopota pluviahs). Les Srrariomvines ont dans leur conformation de grands rap- ports avec les Tabanides; leurs mandibules, plus faibles, sont 648 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. également libres, mais leurs mâchoires sont fort réduites et leurs antennes beaucoup plus grandes. Les Stratiomes, aux antennes terminées en une longue massue, au corps aplati, paré de vives taches jaunes sur un fond.d'un noir brillant, comptent parmi nos plus beaux Diptères. Par leurs métamorphoses, ils sont au nombre des plus intéressants. Le Stratiome caméléon (Stratio- mys chamæleo) est le plus commun dans notre pays. Adulte, il fré- quente les fleurs, où ilrencontre des Insectes dont il aime à sucer le sang. Sa larve vit dans les eaux stagnantes. Très-longue, ayant des téguments coriaces, elle se traine dans les endroits peu profonds. Sa tête est toute petite, pourvue de deux crochets qui ne sont autre chose que les mandibules; ses derniers anneaux minces, atténués, susceptibles de rentrer un peu les uns dans les autres ou de s’allonger, forment une sorte de tube percé à l’extré- mité de deux orifices respiratoires entourés d’une couronne de cils. L'animal a-t-il besoin de respirer, il dresse cette partie postérieure de son corps, de façon à prendre une provision d’air. Arrive le moment où la larve du Stratiome flotte à la surface de l'eau; rien n'est changé dans sa forme, et cependant alors elle n'est nee Que l’on fende ce corps au milieu, on trouve une nymphe : la peau de la larve est devenue une coque, un bateau pour la Mouche qui viendra à éclore. De charmants Diptères de la même famille (Sargus) , ayant les antennes terminées par un long style, le corps allongé, parés de couleurs métalliques, bleues, vertes, violettes, ont des larves qui vivent dans la terre ou le bois pourri, et des nymphes qui demeurent, comme celles des Stratiomes, dans la peau des larves. Une grande famille, celle des Syrempss, comprend une foule de jolies espèces qui se ressemblent beaucoup, dans leur état adulte, par leurs caractères les plus essentiels, leur aspect, leur système de coloration, et qui diffèrent considérablement par leurs formes et par leurs conditions d'existence pendant leur état de larves. Les Syrphides se distinguent de tous les autres Diptères à. Sa ne mé ira milan mi Mer" es Ze, A “ne. À éd ur OT Re 7 LES DIPTÈRES. 649 par leur trompe courte et épaisse, les mandibules réunies for- mant une lame simple, les mâchoires peu développées, la lèvre MÉTAMORPHOSES DU STRATIONE CAMÉLÉON (Stratiomys chameæleo). très-large, très-flexible, très-propre à lécher. Ces Insectes aiment le miel des fleurs. Cette famille fournit quelques genres bien remarquables. Citons les Volucelles, grosses Mouches ayant de jolies couleurs noires et jaunes ou roussätres, et le style des 650 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. antennes plumeux. Elles vont déposer leurs œufs dans les nids des Hyménoptères qui vivent en société : la Volucelle bourdon- nante (Volucella bombylans) va chez les Bourdons; la Volucelle zonée (V. zonaria) va chez les Guèêpes, dont elle semble avoir emprunté la coloration pour tromper sur sa qualité. Les larves de la Volucelle, d’un blanc sale, épineuses, avec le dernier an- neau tronqué, percé dans le milieu des orifices respiratoires et entouré de longues pointes, ayant des pattes membraneuses gar- MÉTANORPHOSES DE LA VOLUCELLE ZONE ( Volucella xonaria). » nies de petits crochets, dévorent les larves des Guêpes. Arrivées à la fin de leur croissance, elles se transforment en nymphes. Celles-ci, demeurant à découvert, sont ramassées, et elles portent sur la région prothoracique deux petits tuyaux ouverts à l’extré- mité, qui communiquent avec le système trachéen : ce sont des tubes respiratoires analogues à ceux des Cousins. Citons les Éri- stales et les Hélophiles, les premiers ayant les cuisses minces, les autres les cuisses épaisses et les jambes arquées. Les larves de ces Diptères vivent dans les eaux croupissantes; n'ayant que de très- petites paîtes, pattes écailleuses thoraciques, pattes membraneuses abdominales, elles marchent lentement sans pouvoir s'élever à la surface du liquide, et cependant elles ne sont pas conformées pour une respiration aquatique. Une curieuse particularité supplée aux défauts de leur organisation. Leur corps se termine par une queue, et cette queue, formée d'articles susceptibles de rentrer les uns dans les autres où de se tirer à la manière des tubes d’une lunette, peut devenir très-longne; ce qui a valu aux larves des nil & id eat) » mt nb ON REP NT ET DEN ON ON CO OT TT tele ns. LES DIPTÈRES. 651 Éristales et des Hélophiles le nom de Vers à queue de Rat. Pre- nons pour exemple l'Éristale gluant (Zristalis tenax) : le nom fait allusion à la larve, L'Insecte adulte a un gros corps noirâtre MÉTAMORPHOSES DE L'ÉRISTALE GLUANT (Bristalis tenax). avec de larges taches rousses sur l’abdomen; sa larve, pourvue d'assez gros yeux et d’une queue mince, vit dans les mares -_ puantes, peu profondes, dans les matières liquides qui s’écoulent 652 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, des fumiers. Pour l’observer, on peut la mettre dans de l’eau pure, elle n'y périra qu'après un certain temps. Alors on peut se procurer un curieux spectacle. La larve de l’Éristale est cou- verte d'une faible quantité d’eau; sa queue, dressée pour prendre l'air par les orifices placés à son extrémité, est courte. De l’eau est ajoutée ; la queue s’allonge en proportion, de façon à toujours atteindre la surface, et quand la hauteur du liquide commence à devenir trop considérable, cette queue s’allonge jusqu'à sa der- nière limite; un peu encore, et l'animal est noyé. Les larves des Hélophiles (Helophilus pendulus), plus longues, plus minces que celles des Éristales, vivant dans les mêmes conditions, sont sus- ceptibles encore d'un plus grand allongement. Les Syrphes ont le corps étroit et comme déprimé; petits Diptères au corps bronzé, bleu, verdâtre, etc., avec des ceintures jaunes, ils sont en foule sur les fleurs pendant la belle saison, et leurs espèces sont nombreuses. Toutes ont les mêmes mœurs, les mêmes métamorphoses. Ces Insectes déposent leurs œufs sur les arbustes ou autres végétaux. Les larves qui en naissent, ayant le corps atténué en avant, marchent sur le feuillage par un mouve- ment de reptation et en s’aidant de leurs mandibules en crochets. Le Syrphe ceinturé (Syrphus balleatus) est un des plus communs dans les jardins; ses larves, d’une teinte verte pâle, se voient fréquemment sur les Rosiers, où elles saisissent des Pucerons et les sucent avec une merveilleuse rapidité. Beaucoup de larves de Syrphes attaquent des chenilles, et s’enfoncent même en grande partie dans le corps de ces Insectes. Leurs orifices respiratoires étant placés au dernier anneau de l'abdomen, elles ne courent aucun risque en s'engageant de la sorte. La famille des Musaes, des véritables Mouches, est de toutes les familles de la classe des Insectes la plus immense eten même temps l’une des plus naturelles. Il y a des milliers de Mouches qui se ressemblent d’une manière désespérante pour les classifi- cateurs, et cependant toutes ces Mouches sont bien différentes, LES DIPTÈRES. 653 car chacune vit dans des conditions qui lui sont propres. Un ento- mologiste, Robineau-Desvoidy, a été le premier à comprendre que l’on ne connaîtrait bien ces Insectes qu'après avoir étudié l'histoire entière de chacun d'eux. Les Muscides ont une grande trompe formée de toutes les pièces buccales réunies, et surtout de la lèvre inférieure grande, plissée, douée d’un tact très-sensible. Les mandibules, en MÉTAMORPHOSES DU GYMNOSOME ARRONDI { Gymnosoma rotundata). partie soudées, constituent une lame aiguë supportée par deux tiges. Sous leur première forme, ces Diptères, qui vivent dans les conditions les plus diverses, se ressemblent tous. Ce sont toujours ces Vers blanchâtres avec la tète munie de deux petits crochets représéntant les mandibules, que l’on désigne sous le nom d'asti- cots, larves chez lesquelles il n’y a point de mue pour la trans- formation en nymphes. Le’ corps se raccourcit, la peau se durcit, et prend une couleur brune : c'est l’état de pupe. Il y à une infinité de Mouches reconnaissables au style des an- 654 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. tennes, qui est nu (Tachinines): les Echinomyies, les Tachines, les Ocyptères, les Gymnosomes, vivant comme les Ichneumonides, daus le corps d’autres Insectes. Les chenilles sont ainsi très-fré- quemment atteintes. Nous donnons comme exemple le Gymnosome arrondi (Gymnosoma rotundata), jolie Mouche à abdomen d’un jaune fauve tacheté de noir. M. Jules Künekel a observé la larve de cet Insecte dans le corps d’un Hémiptère, le Pentatome gris, espèce chez laquelle Léon Dufour rencontra autrefois la larve d'un Ocyptère (O. bicolor). Fait curieux, pour les besoins de leur respiration, ces larves ont la propriété de se constituer un tuyau, un siphon, dans lequel se trouve engagée leur partie postérieure, qui communique ainsi avec l’un des stigmates de l’Insecte qu'elles dévorent. C'est à la même division de la famille des Muscides qu'appar- tient la Mouche Tséisé (Glossina morsitans), qui, au rapport de plusieurs voyageurs en Afrique, et notamment de Livingstone, pique les Bœufs et les fait périr. Dans notre pays, des accidents -terribles sont parfois occasionnés par des Tachines, Mouches piquantes, qui viennent piquer après avoir été se repaitre de charognes. On cite de temps à autre des personnes qui ont suc- combé aux accidents déterminés par la piqûre de ces Insectes. Les Muscines, distinguées ‘des précédentes par le style des antennes velu ou plumeux, ont dans leur premier état un genre de vie fort différent. La plupart de celles dont la Mouche de nos appartements (Musca domestica) est le type, se nourrissent de chair corrompue. Nous avons vu des Coléoptères dont la mission est d'anéantir les matières animales ou végétales en décomposition; mais cette mission est dévolue bien plus encore aux larves des Mouches. IL suffit de signaler la grosse Mouche bleue de la viande (Catliphora vomiloria), la Mouche vivipare (Sarcophaga carnaria), la Mouche verte (Lucilia cæsar), dont les larves, ou asticots, dévorent tous les cadavres. M. Ch. Coquerel a signalé une espèce de ce groupe LES DIPTÈRES. 655 observée à Cayenne (Lucilia hominivorax), dont les larves, intro- duites en quantité considérable dans les sinus frontaux et les fosses nasales d’un homme, ont occasionné la mort. CUITS MÉTAMORPHOSES DES MOUCHES PE LA VIANDE (Galliphora vomitoria et Sarcophaga camarig), Beaucoup de Muscides (Scatophagites), comme la Scatophage du fumier (Scatophaga stercorana), ont des larves qui se repais- sent de toutes les matières stercoraires. 656 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Les larves d’une foule de petites Muscides sont nuisibles à la végétation. Une des plus petites, le Dacus de lOlivier (Dacus Oleæ),. dévore la pulpe des olives. Plusieurs Chlorops, Mou- ches toutes mignonnes, ayant un corps jaune, avec des lignes noires sur le thorax, déposent leurs œufs sur les Céréales. La larve du Chlorops rayé (Chlorops lineata), rongeant les tiges du jeune Blé, occasionne parfois de graves préjudices. Les OEsrrwes sont de grosses Mouches massives, velues, ayant de très-petites antennes, une trompe rudimentaire. À l'état adulte, les OEstrides ne prennent aucune nourriture; mais comme ils poursuivent les Chevaux, les Bœufs, les Moutons et tous les Ruminants, qu'ils effrayent par leur bourdonnement, il a été quel- quefois parlé de la piqûre des OEstres, qui sont absolument inca- pables de piquer. Les Taons s'acharnent après les grands Ani- maux pour sucer leur sang; les OEstres, pour déposer leurs œufs. Les larves de ces derniers vivent en parasites sur les Mammi- fères. Les OEstrides, dont les conditions d'existence sont si curieuses, ont été l’objet de nombreux écrits. Nous Citerons seu- lement une étude sur les espèces des Animaux domestiques, de M. Joly, publiée en 1846, et un travail récent de M. Brauer, de Vienne. Parmi les OEstrides, on compte plusieurs genres dis- {ingués les uns des autres par quelques détails de la configuration des antennes. Le genre OEstre proprement dit a pour type une espèce très-commune, l'OEstre du Cheval(OEstrus Equ). Le gros Diptère bourdonne dérrière les chevaux, épiant le moment favo- rable pour opérer sa ponte. Il attache ses œufs, enduits d’une matière agglutinante, aux poils, sur les genoux, sur le poitrail, aux endroits que l’animal à l’habitude de lécher. Les larves de l’OEstre éclosent ; en se léchant, le Chevalen avale, et les larves, arrivées dans l'estomac, se fixent dans la muqueuse au moyen de leurs mandibules en crochets. Tous les anneaux de leur corps sont garnis de pointes acérées qui servent encore merveilleuse- ment à les retenir. Les larves, se détachant, se laissent expulser Soutien à oÙ A cts di fu. | dé te LÉ PAGE 65€, (ll IQ Il BLANCHARD, EM, IMPR, DE E. MARTINET, LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE. LES ÉTOURNEAUX CHERCHANT LES OESTRES SUR UN DAIM Hypoderma Diana). { k OT lite - mé “ut ist ta bé à on er, x ru Lt LES DIPTÈRES. 657 par les voies naturelles, et, aussitôt tombées, se changent en pupes. La Céphalémyie du Mouton (Cephalemyia Ovis), qui cause la ter- reur dans les troupeaux, vit à l’état de larve dans les sinus frontaux des Moutons. D'autres espèces, les Hypodermes, pondentsur divers Ruminants ; mais c’est sous la peau de ces animaux que se dévelop- pent les larves, où elles déterminent des tumeurs, comme l'Hypo- derme du Bœuf(Hypoderma Bovis), l'Hypoderme Diane (A. Diana) qui attaque les Chevreuils, et que M. Lucas a trouvé aussi sur des Daims pourchassés par des Étourneaux cherchant les OEstres pour les manger. En Amérique, des OEstrides du genre Cutérèbre ont élé observés vivant, au moins accidentellement, sous la peau de l'Homme, par MM. Roulin, Goudot, etc. (Cuterebra noxiakis). Les Orxrrnomyies, enfin, forment une petite famille des plus curieuses par les caractères, l’organisation, les mœurs. Ces Di- ptères ont un suçoir analogue à celui des Anoplures, des antennes | je) 24 EL " CHR LE MÉLOPHAGE DU MOUTON LEPTOTÈNE DU CERF (Melophagus Ovis). (Leptotæna Cervi). d’un seul article, des ailes rudimentaires, ou même point d'ailes. Les Ornithomyides ne pondent pas d'œufs. Un seul embryon à la fois se développe dans le corps de chaque femelle, et se trouve expulsé à l'état de pupe. Ces Insectes sucent le sang des Mammi- fères et des Oiseaux. L'Hippobosque se trouve sur le Cheval (Hip- pobosca Equ), les Ornithomyies sur les Oiseaux. Ceux-ci ont des ailes étroites, ils peuvent se porter d’un animal à un autre. Le Leptotène du Cerf (Leptotæna Cervi), le Mélophage du Mouton (Melophagus Ovis), n'en ont pas: ils vivent tout à fait en parasites. L2 Sn LS Le à nn dd … dé a in 4 be, « L4 L ' XVII LES ANOPLURES — LES THYSANURES Voici les êtres les plus dégradés de la classe des Insectes, les êtres chez lesquels n'existent jamais les attributs les plus remarquables du type auquel ils appartiennent. Les espèces de ces deux ordres, les Anoplures et les Thysanures, sont toujours privées d'ailes; elles deviennent adultes en demeurant dans la condition de larves. Par ‘suite de cet arrêt de développement, l'appréciation rigoureuse de leurs affinités naturelles reste incertaine. Plusieurs auteurs ont été d’avis que des espèces groupées ensemble n'avaient de commun que leur imperfection organique, et qu’elles étaient les représen- tants inférieurs de divers types. Parmi les Anoplures, c’est-à-dire les parasites de l'Homme et des Animaux, les uns sont pourvus d’un appareil buccal qui rappelle celui des Orthoptères, les autres d’an suçoir dont toutes les parties sont intimement unies, qui a les plus grands rapports avec celui des Diptères de la famille des Oruitho- myides. Les Anoplures ont des pattes d’égale dimension, avec les tarses terminés par des crochets diversement conformés, selon la rs - à mms / 2-schdadtR lt ds Si S LES ANOPLURES. — LES THYSANURES. 659 nature des animaux sur lesquels ils se fixent. De là cette possibi= lité de discuter si les Anoplures appartiennent à des types essen- tiellement distinets, ou s'ils appartiennent à un même type général, modifié pour s’adapter à des conditions d'existence particulières. C'est de ce côté que nous croyons être la vérité, tout en recon- naissant que l’organisation interne de ces Insectes est loin encore d'être connue suffisamment dans tous ses détails, pour permettre une démonstration complète. Pendant longtemps, les Anoplures n’eurent pas d'autre nom que celui de Parasites. Celui qui est adopté aujourd’hui, proposé il y a cinquante ans par Leach, fait allusion à l'absence de toute armure à l'extrémité du corps de ces animaux (x, privatif; omdev, arme ; oupa, queue). Ces êtres qui répugnent, offrant un intérêt par leur genre de vie et leur multiplication d’une incroyable rapidité, ontété l’objet d'une foule d’écrits. En 1668, FrancescoRedi a donné des descriptions et des figures d’un certain nombre d'espèces; en 1842, M. H. Denny a publié une monographie des Anoplures de la Grande-Bretagne. Faut-il s'étonner que l’on ait fait de nom- breux portraits de ces parasites, quand un médecin de Montpellier, Amoreux, déclare, dans un livre sur les Insectes venimeux , publié en 1789, qu’un Pou est des plus curieux à voir en peinture. Dans cet ordre des Anoplures, il y a deux types très-tranchés, deux grandes divisions : l’une est celle des Poux, ou les Parasites à suçoir; l’autre, celle des Ricins, ou les Parasites à mandibules et à mâchoires libres. Les premiers s’attachent exclusivement aux Mammifères; les seconds sont les Poux des Oiseaux. * Les espèces à suçoir composent la famille des Pércurines. Aux parasites de l'Homme a été réservé en particulier Le nom générique de Poux (Pediculus), Ces Insectes ont des pattes crochues, offrant à l'extrémité des jambes, au-dessus de l'articulation du tarse, une pelote servant à l'animal à prendre forte adhérence après les cheveux et les poils. Parmi ces Insectes, lesmäles sont peu nom- breux relativement aux femelles. Swammerdam ;, ayanttrouvé des 660 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. ovaires chez tous les individus qu'il avait observés, s'était per- suadé que les Poux étaient hermaphrodites; mais Leeuwenhoek réussit à trouver les mâles. Une femelle donne une cinquan- taine d'œufs; le savant hollandais constata, par expérience, qu'au bout de deux mois, deux femelles avaient été la souche de 18000 individus. Les œufs de ces parasites, connus sous le nom de lentes, sont fixés aux cheveux et aux poils. En naissant, les Poux sont presque adultes; peu de jours leur suffisent pour être en état de se reproduire. Selon toute apparence, la parthé- nogenèse s'étend très-loin chez ces Insectes. Les Poux, proprement dits, qui s’attachent à l'espèce humaine LE RICIN DU PYGARGUE LE POU DE LA TÊTE (Philopterus sulcifrons). (Pediculus capitis). sont au nombre de trois : le Pou de la tête (Pediculus capihs), qui s'accroche après les cheveux et se multiplie à foison sur les tètes malpropres; le Pou du corps (Pediculus vestimenh), qui pullule parmi les agglomérations d'hommes où l'on se dispense de soins hygiéniques; etle Pou des maladies (Pediculus tabescentium), cause d’une hideuse affection connue sous le nom de phthiriasis, deve- pue rare aujourd'hui, mais fréquente autrefois. N'assure-t-on pas qu'à cette horrible maladie succombèrent, dans l'antiquité, Hérode, le gouverneur de la Judée; le poëte Aleman, dont la célébrité fut grande dans la Grèce; le maître de Pythagore, Phé- récyde de Syrie; le dictateur Sylla; dans les temps plus rappro- chés de nous, le roi des Espagnes et des Amériques, Philippe IL? Les Singes sont très-fréquemment affectés par des parasites, el Len 4 pohonn dé Le di, RS ot de, NT LES ANOPLURES. — LES THYSANURES. 661 toutes les personnes qui ont visité des ménageries les ont vus faire la chasse, soit sur eux-mêmes, soit sur leurs frères, et manger aussitôt le produit de leur chasse. Ils mangent qui les mangent; rien de plus juste, si l’on n’est pas dégoûté. On affirme que les Africains et les Australiens n’agissent pas autrement. Les Anoplures à mâchoires libres, les Poux des Oiseaux, for- ment la famille des PmLoprémnes. Il y en a d’une infinité d'espè- ces, car tous les Oiseaux peuvent être atteints par des parasites même de plusieurs espèces. Ces parasites entaillent les plumes pour les sucer; on comprend donc l'utilité de leurs mandibules tranchantes. En général, on a donné aux Philoptérides les noms des animaux sur lesquels ils vivent : ainsi, les Philoptères de la Pin- tade, du Moineau, du Cygne, ete. (Phalopterus Numidæ, P. Frin- gillæ, P. Cygna). Les Tuysanures, comme les précédents, sont des Insectes de petite taille, qui ne subissent aucune métamorphose, de leur sortie ZUREN LE LÉPISME DU SUCRE LE PODURE PLOMBÉ (Lepisma saccharina ). (Podura plumbea). de l'œuf à l’état adulte. Leur corps porte à son extrémité, soit un long appendice habituellement replié sous le ventre, soit de longs filets plus où moins ciliés qui rappellent beaucoup les filets des Ephémères. L'appareil buccal des Thysanures, composé de pièces libres, mais faibles, affecte une ressemblance manifeste avec celui de certains Névroptères. Les Thysanures, et surtout les représen- tants d’une famille de cet ordre, ont des rapports frappants avec des Névroptères, et en particulier avec les Éphémérides. Malgré 662 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. tout, quand on compare rigoureusement ces Insectes dans leur conformation, dans leurs habitudes, dans leurs conditions d’exis- tence, il semble bien difficile de les associer. Dans l’ordre des Thysanures, il y a deux types bien tranchés, c'est-à-dire deux familles : les Podurides et les Lépismides. Chez les premiers, l'abdomen porte un appendice fourchu propre au saut; chez les autres, de longs filets. Ces Insectes se nourrissent de détritus, de matières en décomposition, molles, plus ou moins fluides. Les Popuriss, tous d’une très-petite dimension, 2, 3, 4 mil- limètres, se rencontrent sous les pierres, au milieu des mousses hu- mides, sous les écorces, sous les feuilles tombées. Les Podures ont les articles des antennes à peu près égaux et le corps oblong; les Smynthures, les derniers articles des antennes très-petits etle corps massif. Les uns et les autres sautent avec une vigueur extrême au moyen de leur appendice caudal. Cette longue tige bifurquée re pliée sous l’[nsecte, étant fortement contractée, se redresse comme un ressort lorsque cesse la contraction, et l'animal est projeté en l'air à une hauteur considérable. Mécanisme simple, dont certains jouets d'enfants donnent une idée exacte. Les Lepisupes sont de plus grande taille et bien moins nom- breux en espèces. On distingue les Lépismes, ayant de petits yeux et seulement trois filets à l'abdomen, et les Machiles, ayant de gros yeux et cinq filets à l'abdomen. Tout le monde connaît le type du genre Lépisme, etle désigne sous le nom de petit Poisson d'argent : c'est le Lépisme du sucre (Lepisma saccharina). 1 vit dans nos maisons. Sa forme rappelle de loin celle des Poissons, son vêtement a le brillant du métal, et c’est bien un vêtement, car la couleur d'argent est due à la présence de petites écailles implan- tées dans le tégument. On assure qu'il est venu d'Amérique avec les caisses ou les barils de cassonade. Peut-être ; mais à coup sûr, il ne mange pas notre sucre blanc, ce serait trop dur pour ses petites mandibules et ses faibles mâchoires. XVIII LES MYRIAPODES Les Myriapodes, de leur nom vulgaire les Hille-pieds, étaient considérés autrefois comme appartenant à la classe des Insectes. L'étude s’est portée sur la conformation de ces animaux, et alors on les a isolés. Dans nos méthodes naturelles, ils figurent comme une classe particulière. Il suffit d’un rapide examen des carac- tères de ces êtres pour voir combien cette séparation est justifiée; “il suffit aussi de les connaître dans les premiers temps de leur vie, pour apprécier les rapports qu'ils présentent avecles Insectes, rapports qu'on ne soupçonnerait pas, si l’on s’occupait exclusive- ment des adultes. Ce qui caractérise manifestement les Myriapodes, même pour des yeux peu accoutumés à l'observation, c’est l'existence d'une multitude de pattes, toutes à peu près semblables les unes aux autres. Dans le corps de tout Insecte, il y a trois parties toujours bien distinctes, la tête, le thorax et l'abdomen; chezles Myriapodes, ily a une tête, puis une longue suite d’anneaux portant chacun une 664 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. ou deux paires de pattes. Il est donc difficile, impossible même, de distinguer chez ces animaux un thorax et un abdomen. Ce qui caractérise surtout les anneaux thoraciques dans les autres classes de l’embranchement des Articulés, c’est la présence des appendices de la locomotion, les pattes; or, dans les Myria- podes, tous les zoonites supportent des pattes, car en vérité, on ne saurait voir un abdomen dans un anneau tuberculiforme sans appendice, qui termine le corps. Les Myriapodes appor- tent la preuve déjà si bien fournie, du reste, par le dévelop- pement des Insectes, que tous les anneaux ou zoonites des Ani- maux annelés sont construits sur un plan uniforme, qu'ils appar- tiennent à la tête, au thorax ou à l'abdomen. Un exemple frappant de cette vérité nous est offert par le système appen- diculaire : les Myriapodes, comme les Insectes, ont leur appareil buccal composé d’un labre, de deux mandibules, de deux mâ- choires, d’une lèvre inférieure ou seconde paire de mâchoires, mais à ces pièces s'ajoutent, d'une manière plus ou moins complète, les deux ou trois premières paires de pattes, que Savigny regarde avec raison comme correspondant aux trois paires de pattes tho- raciques des Insectes. L'organisation interne des Myriapodes s'éloigne peu de celle des Insectes. Le système nerveux est formé d'une chaîne gan- glionnaire dont les noyaux sont en nombre égal à celui des z00- nites. L'appareil respiratoire est un système de trachées, diffus comme celui des Insectes. L'appareil circulatoire et le mode de circulation du sang ne diffèrent de ce qui existe chez les Insectes que dans les détails. Il y a un cœur, consistant en un vaisseau dorsal divisé en une longue suite de chambres, et de ce cœur naît une aorte qui fournit plusieurs artères, ainsi que l'ont appris de minutieuses recherches de George Newport. Les ovaires ne sont pas des gaines analogues à celles des Insectes, mais des sacs auxquels se trouvent appendus des loges ovifères, à) bec dé LES MYRIAPODES. 665 La marche du développement chez les Myriapodes est d’un haut intérèt, Ces animaux, qui à l’état adulte rappellentles allures de certains Vers marins, les Néréides par exemple, et diffèrent d'une façon alors si frappante des Insectes, ressemblent à ces derniers dans leur premier âge. Les Myriapodes n'ont d'abord que trois paires de pattes. Le fait fut constaté au siècle dernier DÉVELOPPEMENT DU IULE TERRESTRE (lulus terrestris ). 4. L'embryon au moment de la rupture de l'œuf. —2 et 3. Nouveau-né à la fin du premier jour. — 4. Le jeune, à son neuvième jour, — 5. Au dix-seplième jour, — 6, Au dix-neuvième jour. — 7. Au vingtième jour, — 8. Au vingt-sixième jour, (Ces figures sont empruntées au mémoire de Newport.) par de Geer. En 1823, un professeur de Pise, M. Savi, poussa un peu plus loin les investigations; MM. Brandt, Waga, Gervais, firent de nouvelles observations sur le développement de ces animaux, et en 1841 Newport ajouta beaucoup à ce que l'on connaissait déjà sur ce sujet, par l'étude très-attentive d'une de nos espèces les plus communes. Comme le remarque ce savant, tandis que, chez les Insectes Le Dei 666 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. arrivant à leur état parfait, s'opère une soudure des anneaux, qui se traduit par une diminution apparente dans leur nombre, chez les Myriapodes, au contraire, le nombre des anneaux du corps ne cesse de s’accroitre jusqu’à la fin du développement. Dans le type observé par Newport (lule), le jeune qui, au sortir de l'œuf, est recouvert d’une enveloppe, porte une attache à l'extrémité de son corps : il a alors neuf anneaux distincts après la tête. L'accroissement de l’Animal marche rapidement, les anneaux se montrent bientôt avec plus de netteté, et l’on com- mence à apercevoir les premiers vestiges des pattes. Les anneaux se multiplient, et à un moment l'animal a trois paires de pattes; il continue à s’allonger, de nouveaux anneaux se dessinent, de nouvelles pattes se forment d'avant en arrière, comme les figures en donnent l’idée la plus exacte. La classe des Myriapodes a été partagée en deux ordres : les Cnoëxarues, chez lesquels les pièces buccales sont assez faibles, les pattes courtes, attachées par double paire à chacun des an- neaux du corps; et les Cnizorones, chez lesquels les pièces de la bouche sont fortes, la seconde paire de mâchoires auxiliaires très- développée, les pattes attachées par paire simple à chacun des anneaux du corps. Les Chilognathes se cachent dans la terre humide, où ils vivent de substances végétales en décomposition ; quelques-uns atta— quent aussi les jeunes pousses des plantes. La famille des lunes est la plus importante de l’ordre. Les Iules sont au nombre des Myriapodes qui méritent le mieux le nom de Wille-pieds; ils n’en ont jamais mille, il est vrai, mais parfois quelques centaines. Ces animaux, ayant le corps fort long et cylindrique, se con tournent en spirale et s’échappent en glissant, car leur surface est lisse et luisante. Dans tous les champs, dans les jardins, dès qu'on remue un peu la terre, on découvre le Iule terrestre (Zulus lerrestrs), qui est d’un noir bleu, avec les bords des anneaux jau- nâtres. Dans l'Amérique du Sud, il existe des lules très-sem- .É MS à à mbremnte ad + … à lubd sonia “hs gén late GE. Lu Lo SAS SEE RS LÀ à DE LES MYRIAPODES. 667 blables à nos petites espèces indigènes par tous leurs caractères, qui atteignent une très-grande dimension, jusqu'à 35 ou 40 cen- timètres. Les Glomeris sont des lulides de forme large, assez raccour- cie, ayant la faculté de se contourner en boule quand on les inquiète. De la sorte, n’exposant que les parties tégumentaires LA SCOLOPENDRE MORDANTE (Scolopendra morsitans). dorsales, qui sont fort dures, ils protégent leurs appendices et les parties de leur corps les plus vulnérables. Nous en avons quel- ques espèces dans notre pays, et leur aspect rappelle beaucoup la physionomie des Cloportes. Les Chilopodes sont des animaux carnassiers, extrêmement agiles. Ils se tiennent sous les pierres, sous les écorces, dans des fissures étroites, où ils pénètrent sans difficulté à la faveur de l'aplatissement de leur corps. 668 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. La famille des Scocorenpripes est la grande famille de cet ordre, elle comprend essentiellement le genre Scolopendre, où l’on trouve des antennes assez longues, amincies vers le bout, des mâchoires auxiliaires de la seconde paire très-puissantes, portant un robuste erochet perforé. Ces Myriapodes saisissent leur proie à la course, percent leurs victimes avec ces crochets, qui don- nent passage à un liquide salivaire venimeux. Les Scolopendres sont redoutées dans les contrées du monde où elles sont fré- quentes. Il n'existe aucun de ces Myriapodes dans l'Europe cen- trale, mais nous en avons une espèce d'assez forte taille en Pro vence, du reste, très-commune sur toutes les terres voisines de la Méditerranée : c’est la Scolopendre mordante (Scolopendra mor- sitans), celle du moins à laquelle il convient de conserver ce nom qui a été indifféremment appliqué à une foule d'espèces de tous pays, car les Scolopendres se ressemblent extrêmement entre elles. Plusieurs espèces des pays chauds sont d’une taille énorme. Dans les parties de l’Europe où il n’existe pas de vraies Scolo- pendres, ce genre est représenté par une espèce de taille très- médiocre, que l’on trouve sous les pierres, et dont on a formé le genre Lithobie. C’est le Lithobie fourchu (Zithobius forficalus). Mais notre Myriapode le plus étrange est la Scutigère (Scuti- gera coleoplrala), qui a de longues antennes et d'énormes pattes, avec les tarses multiarticulés. La famille des Géopniipes se compose d'espèces ayant le corps extrêmement allongé, mince, délicat, avec une multitude de pattes. Les Géophiles, qui sont très-répandus en Europe, se tiennent habituellement dans la terre ou sous les écorces, faisant la chasse à de petits Insectes. Leur couleur est ordinairement d’un jaune pâle ou d’un jaune roux ; ils marchent avec rapidité, et s'échap- pent en se tortillant comme des Serpents, surtout quand on veut les saisir. 7 it ie ri d = NET TR OS ne M ol ét Mr où Déni 7 dd. ne de SD de nd SE 4) XIX LES ARACHNIDES Pour tous les observateurs, les Arachnides comptent au nom- bre des êtres les plus intéressants du monde animé. Chez les re- présentants les plus parfaits de cette classe de l’'embranchement des Animaux articulés, il y a une richesse d'organisation dans des corps réduits à de minimes proportions, qui est une des plus éton- nantes merveilles que les anatomistes aient découvertes. Ces mêmes représentants de la classe des Arachnides, si admirable- ment organisés, fournissent le spectacle des plus curieux instincts, et souvent d’une intelligence qui se manifeste par les actes les mieux réfléchis. Dans la classe des Arachnides, cependant, le type se dégrade, et chez ufe foule de petites espèces on ne trouve rien de plus remarquable que chez les Insectes les moins parfaits. Dans leur ensemble, les Arachnides se distinguent d'une ma- nière assez nette des autres Articulés, bien qu'il existe des diffé- rences profondes dans l’organisation des divers types qui com— posent cette classe; de là une impossibilité de formuler avec 670 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. précision une série de caractères convenant à la fois à tous les Ara- chnides, à l'exclusion de tous les Crustacés et de tous les Insectes. Ces animaux, qui naissent pour la plupart avec toutes les formes des adultes, n’ont jamais d'ailes. Ils ont la tête et le tho- rax confondus, de manière à former un tronc antérieur, que les zoologistes désignent sous le nom de céphalothorax; les pattes ambulatoires, toujours au nombre de quatre paires chez les adultes; les pièces buccales ordinaires, nulles ou rudimentaires, et remplacées par une paire de pattes-mâchoires; des yeux sim- ples dans tous les cas; des antennes extrêmement variables sous le rapport de leur forme et appropriées à différents usages. Les Arachnides sont tous conformés pour une respiration aérienne, s’effectuant, soit au moyen d'organes localisés, désignés généralement sous le nom de poumons ou de sacs pulmonaires, soit au moyen d'organes ramifiés dans les différentes parties du corps, c’est-à-dire de trachées plus ou moins semblables à celles des Insectes. Avec la connaissance des faits que nous avons énoncés tou- chant l’organisation des Insectes, on parviendra aisément à saisir les rapports qui établissent un lien entre les Arachnides infé- rieurs et les Insectes, les particularités qui caractérisent au plus haut degré les Arachnides supérieurs. Un des traits frappants de la conformation des Arachnides, c'est l'absence très-ordinaire des divisions annulaires. En effet, chez un Arachnide inférieur comme un Acarien, le corps ne pré- sente pas d’anneaux distincts, la tête n’est pas nettement sépa- rée du thorax, le thorax et l'abdomen paraissent se confondre ; chez un Arachnide supérieur, une Araignée par exemple, le corps semble n'avoir que deux parties, le céphalothorax et l'abdomen. C’est une union intime des pièces tégumentaires qui s opère de très-bonne heure. Des séparations annulaires existent chez les embryons des Araignées, ainsi qu'il a été constaté autrefois par Herold et Rathke, et récemment par M. Claparède. PR ON CE NT TT TE DT dé Lust de À :4 SR sd 7 __. LES ARACHNIDES. 671 Dans quelques types, cependant, les Scorpions par exemple, les annulations persistent dans certaines parties du corps. Le système musculaire, dans les types les plus parfaits, est d’une puissance admirable ; les muscles des appendices de la locomotion se trouvent si heureusement partagés, qu’il en résulte pour l’ani- mal une précision et une sûreté de mouvements qui dépassent ce que l’on voit chez les autres Animaux articulés. Le système ner- veux des Arachnides affecte les mêmes dispositions et, selon les groupes, la même diversité de centralisation que chez les Insectes. S'il y a une différence, elle porte seulement sur le système ner- veux de la vie organique, et consiste dans des détails dont la des- cription ne saurait trouver ici sa place. Les appareils de la vie de nutrition des Arachnides ont des caractères qu'il importe de considérer. Le tube digestif se porte presque toujours en droite ligne de l'extrémité antérieure à l’ex- trémité postérieure du corps. L’estomac offre, chez la plupart des types, des prolongements plus ou moins considérables, des diver- liculum dans le langage des anatomistes, qui souvent s'étendent jusqu’à la base des appendices. Curieuse disposition organique ayant pour but de retenir et de faire cireuler les matières ingé- rées, disposition fréquente chez les animaux qui vivent surtout de substances fluides. Les glandes salivaires, au moins chez les Arachnides les plus parfaits, demeurent sans connexion intime avec l'appareil alimentaire, et sont converties en organes vénéni- fiques s’ouvrant à l'extrémité des antennes, ici détournées des usages qu'on leur trouve dans les autres classes d’Articulés. L’or- gane hépatique, réduit à de simples canaux chez les Insectes, n’est pas dans une autre cohdition chez quelques Arachnides infé— rieurs; mais, chez les Arachnidesles plus élevés en organisation, le foie forme une masse énorme enveloppant tout l'intestin. Il est constitué par une multitude d’utricules s’ouvrant dans d’étroits canaux et présentant l'apparence de grappes. L'appareil respiratoire, dont le caractère général est d’une 672 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. fixité absolue, avec les dispositions particulières médioerement di- versifiées chez les Insectes, est au contraire très-modifié entre les divers Arachnides. Dans les types inférieurs, c’est un système dé trachées disséminées par tout le corps, s'ouvrant au dehors par des stigmates. Dans les types supérieurs, ce sont des organes loca- lisés à la base de l'abdomen. Il peut y en avoir une paire, deux paires ou quatre paires, ce qui est rendu sensible à l'extérieur par le nombre des orifices. Chacun de ces organes semble, à un premier examen, être l'assemblage de lamelles fort minces em- pilées les unes contre les autres, et que Treviranus, le premier anatomiste qui s’est occupé avec un certain succès de l’orga- nisation des Arachnides, a comparées aux feuillets d’unlivre. Par un examen approfondi, on s'assure que ces lamelles ne sont autre chose que de petits sacs aplatis, recevant l’air dans leur inté- rieur, ayant, comme les trachées des Insectes, des parois formées de deux tuniques, entre lesquelles se trouve interposé un tissu aréolaire répondant au fil spiral des trachées. 11 faut ajouter que cet ensemble de petits sacs respiratoires est revêtu d’une membrane assez résistante, constituant une véritable poche. Ces organes respiratoires localisés des Arachnides supérieurs ont été appelés ordinairement des poumons ou des poches pulmonaires. Peut-être est-il préférable de ne pas chercher une autre désigna- tion; seulement il importe de se convaincre que ces organes res- piratoires des Arachnides n’ont de commun avec les poumons des Vertébrés que d’être localisés sur un point de l’économie, et qu'ils n'ont aucun rapport de conformation ou de structure. Pendant longtemps, on a pu croire à une différence très-nette, très-considérable entre les Arachnides à poches pulmonaires et les Arachnides à trachées, en d’autres termes, à organes res- piratoires localisés ou diffus. Une découverte du célèbre natu— raliste de Montpellier, Dugès, apprit l'existence simultanée de ces deux sortes d'organes chez la même espèce : c'était montrer l'identité fondamentale de leur nature. Ts Gt dl bull‘ tn. TRS DS, "NH = LES ARACHNIDES. 673 L'appareil de la circulation du sang affecte entre les types d'Arachnides les modifications les plus intéressantes. Chez les espèces où les organes de la respiration sont diffus, le système vasculaire est très-simple, un peu moins toutefois que chez les Insectes ; les organes respiratoires sont-ils en partie localisés, en partie diffus, le système vasculaire se complique, etil devient d’une complication, d'une richesse incroyable dans les types où les orga- nes respiratoires sont tout à fait localisés. Le cœur occupe exac- tement la même position que chez les Insectes : c'est un vaisseau dorsal. Dans les types les plus élevés seulement, ce tube, assez large, surtout en avant, a des parois épaisses et un péricarde résis- tant, en continuité de tissu avec des vaisseaux latéraux chargés de reporter le sang, des poches pulmonaires au cœur. Là, où il y a des trachées, il n'existe pour toutsystème artérielqu'une aorte ct quelques branches; de même que chez les Insectes, le sang, pour se porter aux organes, emprunte la périphérie des trachées. Là, où il y a des poumons, une aorte naît de la chambre anté- rieure du cœur, pénètre dans le céphalothorax et s'y partage en grosses artères qui se ramifient à l'infini, et de la dernière cham- bre du cœur part une artère postérieure. Le sang, parvenu dans toutes les profondeurs de l’économie par une multitude d’arté- rioles, tombe alors dans des réseaux capillaires et des canaux veineux, Sans parois propres, mais admirablement endigués par les tissus environnants et par une certaine quantité de tissu conjonctif. Le sang veineux conduit aux organes respira— toires, s'infiltre dans les sacs pulmonaires par des canaux parti- culiers, d'où il est ramené dans le cœur par les vaisseaux latéraux (pneumocardiaques) au moyen d’un mécanisme analogue à celui d'une pompe foulante. La classe des Arachnides se partage de la manière la plus na- turelle en cinq ordres : les Aranéides, les Pédipalpes, les Tétra- cères, les Holètres, les Acariens. Les Anaxémes sont les animaux que tout le monde appelle les h3 674 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES, à Araignées. Animaux de grande utilité dans la nature, parce qu'ils détruisent une foule d’Insectes nuisibles; animaux industrieux, pleins de ruse, il est vrai, mais aussi pleins d’habileté. Un préjugé insensé, qui se transmet de génération en génération, fers ut croire que les Araignées sont des êtres malpropres ou malfaisants. Jamais de toutesles erreurs accréditées par des personnes ignorantes, iln°y en eut de plus complètes. Les Araignées ne peuvent nuire; quant à leur propreté, nulle part ailleurs elle n’est plus grande. Leurs poils souvent barbelés comme des plumes, leurs fins duvets exa- minés même sous le microscope, se montrent toujours d'une net- teté irréprochable, et, quant à leur régime, il n'est pas de nature à inspirer le dégoût. Qui ne sait que les Araignées se nourrissent de proie vivante et se laisseraient périr de faim plutôt que de tou- cher à un cadavre. L'ordre des Aranéides, établi par Walckenaer en 1805, répond au genre Araignée (Aranea) de Linné, de tous les anciens auteurs, nous pourrions dire de tout le monde. Défini avec la pré- cision qui convient à la science, il comprend les Arachnides, qui ont le corps revêtu ordinairement d’un tégument assez flexible; toute la partie supérieure du céphalothorax d'une seule pièce; des yeux, au nombre de six ou de huit, diversement groupés sui- vant les genres, mais toujours situés sur le devant du céphalo- thorax ; des antennes-pinces pourvues d’un crochet ou doigt mobile replié en dessous, percé à son extrémité inférieure d'une très-petite fente destinée à livrer passage à un venin; des pattes- mâchoires en forme de petites pattes, ayant dans les mâles le der- nier article conformé pour servir d’organe copulateur; un abdo- men pédicellé, sans annulations, portant autour de l'orifice anal des mamelons cylindriques ou coniques, percés de petits trous pour le passage de fils soyeux. IL faut ajouter que les chélicères ou antennes-pinces de ces Arachnides renferment des glandes destinées à la sécrétion d’un venin ; que leur respiration s'effectue, tantôt au moyen exclusif de LES ARACHNIDES. 675 sacs pulmonaires, au nombre soit de deux, soit de quatre, tantôt au moyen tout à la fois de sacs pulmonaires et de trachées. Walckenaer, et après lui les auteurs qui se sont occupés des Aranéides, se sont attachés à donner une représentation fidèle de la position des yeux dans chaque type; c'était un moyen de classification qui a été fort utile. La manière dont ces organes sont groupés suffit à nous éclairer sur le genre de vie des espèces. Les pattes se terminent par des crochets; les crochets sont tantôt simples, tantôt garnis de dents régulières qui les font ressembler à de petits peignes, tantôt divisés dans le sens de la longueur, de façon à constituer des fourches. Savigny avait remarqué ces curieuses modifications, et il a donné d'excellentes figures des crochets d’un certain nombre d’Aranéides. Ces petites pièces sont souvent préparées comme objets curieux à regarder au microscope. Très-curieux, en effet; mais ne nous bornons pas à une sim ple contemplation ; l'étude comparative conduit à voir de quelle façon travaille telle ou telle Araignée à la seule inspection des crochets de ses tarses ; instruments d'autant plus compliqués que le travail doit être plus parfait. Au nombre des particularités re- marquables de l’organisation des Araignées, il faut noter la faculté de produire de la soie, qui a souvent valu à ces animaux l épithète d'Arachnides fileuses. Les organes producteurs de soie sont des glandes ayant des conduits qui aboutissent à l'extrémité des petits tuyaux de l'abdomen, c’est-à-dire les filières. Certaines Araignées ne produisent qu’une sorte de soie; d’autres, de deux sortes; d'autres, de trois sortes. Chez les premières, toutes les glandes sont pareilles; chez les secondes, il y en a de deux sortes, et chez les dernières, de trois sortes différentes. Quand on veut exprimer la ténuité, on prend pour terme dé comparaison le fil de l’Araignée; or, ce fil d’une admirable finesse est déjà formé d'une multitude de fils, car l'extrémité de la filière, percée de nombreux petits trous, est un véritable crible, 676 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Plusieurs volumes pourraient être employés à la narration des mœurs et des instincts des Aranéides. Nous disposons de quelques pages, c'est juste assez pour une mention touchant les types les plus curieux. Les Aranéides de la famille des Mycaunes ont des formes robustes et des pattes épaisses ; des filières au nombre de quatre ; des orifices respiratoires et des poches pulmonaires au nombre de deux paires ; des yeux au nombre de huil, rassemblés sur un mamelon et groupés de telle sorte que l'animal peut voir dans toutes les directions à la fois, en avant, en arrière, sur les côtés. L’Araignée ainsi favorisée est chasseresse; elle ne saisit pas sa proie au piége, elle court le pays; elle avait donc besoin de voir partout autour d’elle, autant pour s'emparer d'une proie que pour n'être pas surprise par un ennemi redoutable. Les grandes Mygales de l'Amérique du Sud, les géants parmi les Araignées, produisent peu de soie; elles se cachent dans des creux d'arbres, derrière des écorces dEtahee la nuit, sortant de leurs retraites, elles se jettent non-seulement sur des Insectes, mais aussi sur de petits Oiseaux et sur des Lézards. Au midi de l'Europe, il y a des Mygales. Bien petites à côté des grandes espèces velues de la Guyane et du Brésil, elles sont autrement intéressantes. Elles ne prennent point, comme les autres, une cachette de hasard. Chaque individu, ingénieur habile, ouvrier excellent, se construit une ravissante demeure. Examinons en particulier le logis d’une espèce de la Corse, la Mygale pionnière (Mygale fodiens); mais d’abord examinons un . peu le constructeur. Ses añtennes-pinces sont garnies d’une ran- gée de pointes figurant une sorte de râteau: les crochets de ses tarses portent des dents qui les font ressembler à de petits pei- gnes. Râteaux des antennes-pinces, crochets des tarses, voilà les afistrunients dont notre Araignée fait un admirable usage. Dans üne terre argileuse rougeâtre, la Mygale creuse un puits profond, cylindrique, un peu évasé en haut, dans lequel elle pourra mon- OP PR OP PP RE ET VPN PTS De, ee il "ui en ue _ 7 és 2 Les sl à LES ARACHNIDES. 677 LA MYGALE PIONNIÈRE ET SON HABITATION (Mygale fodiens). 678 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. ter et descendre bien à son aise. Il serait trop long de parler de la patience nécessaire pour enlever une si grande masse de terre, à peu près, grain à grain. Pendant le travail, les parois du puits sont consolidées avec de la matière soyeuse ; mais encore l’Arai- gnée ne se contente pas d’une muraille nue, elle la couvre d'une tenture de soie fine, plus douce que le satin. La demeure construite, une porte est nécessaire, et c’est ici que toutes les expressions admiratives seraient impuissantes à donner une juste idée de l'œuvre de notre Mygale. Cette porte, sorte de couvercle, est formée de couches de terre liée par de la matière soyeuse; le disque, qui a une grande épaisseur, est élargi de bas en haut, de façon à emboiter exactement la partie évasée du trou. A l’ex- térieur, la porte est toute raboteuse, comme le sol environnant, pour que rien ne trahisse l'habitation ; à l'intérieur, au contraire, elle est couverte d’un tissu de soie semblable à celui qui garnit la muraille du logis. C'est bien d'avoir une porte, seulement il faut pouvoir l'ouvrir et la fermer. Une charnière et une serrure sont donc indispensables. La charnière est construite avec une petite masse de soie épaisse et résistante; du côté opposé, la serrure est représentée par un cercle de petits trous. La Mygale est dans son terrier ; entendant qu'on rôde près de sa demeure, que peut-être on cherche à y pénétrer, elle se porte aussitôt vers l'entrée ; enfonçant ses griffes dans les petits trous, se roidissant contre les parois, elle s'efforce d'empêcher toute violation de son domi- cile. La nuit, pour sortir et aller en chasse, il lui suffit, comme aux habitants des caves de quelques villes du nord de la France, de soulever sa porte, et de la laisser retomber; au retour, elle la tire avec ses griffes et se glisse dans son réduit. Malgré leurs habitudes solitaires, les Mygales pionnières s’éta- blissent en certain nombre près les unes des autres. Victor Audouin a décrit leurs nids en 1833. Mais, depuis 1758, on connaît l'habitation de la Mygale maçonne (Mygale cæmentaria), observée pour la première fois par l'abbé de Sau- LES ARACHNIDES, 679 vages, aux environs de Montpellier. Le nid de la Maçonne ne dif- fève de celui de la Pionnière que par sa dimension beaucoup plus petite et par sa couleur. La Maçonne, dont les habitudes ont été suivies en plusieurs circonstances, pond ses œufs vers la fin de l'été; elle garde longtemps ses jeunes dans sa demeure, et l'on a affirmé qu’à une époque, elle cohabite avec le mâle, ce qui n’est pas dans les habitudes ordinaires des Araignées. Les Aranéides de la famille des Sécesrrupes méritent d’être connues. Comme les Mygalides, elles ont quatre orifices respira- toires, mais les deux premiers seuls conduisent à des poches pulmonaires, les autres sont en rapport avec des trachées. Elles n'ont que six yeux rangés sur le front, et les crochets pectinés. Les principaux genres de cette famille sont les Ségestries et les Dysdères. La Ségestrie florentine (Segestria florentina), l'une de nos plus belles Araignées, est noire avec des reflets violacés et des antennes-pinces d’une couleur verte, métallique, éclatante. Sous des rebords de murailles ou dans des trous, elle se construit un long tube de soie blanche et se tient à l'affût dans cette demeure. N'aperçoit-on pas aussitôt la coïncidence qu'il y a entre cette habitude et la position des yeux de l'animal. L'Araignée n’a besoin que de voir en avant; les yeux postérieurs, nécessaires aux espèces qui vivent à découvert, lui étaient inutiles; ils n’exis- tent pas. Le type du genre Dvysdère (Dysdera erythrina), jolie Araignée ayant Le céphalothorax et les pattes rouges et l’abdo- men d'un blane laiteux, est fréquente dans les bois. Cette espèce établit son nid sous les pierres, souvent au voisinage des four- milières, faisant une guerre acharnée aux Fourmis. Les, Drassies ont huit yeux, un corps trapu, un abdomen un peu déprimé. À cette famille on est tenté de rattacher les Argy- ronètes; mais nos études sur l'organisation de ce type ne sont pas encore suffisantes pour apprécier nettement sa parenté z0olo- gique.. Malgré tout, l'Argyronète — on connait une seule espèce du genre —estl'Araignée la plus extraordinaire par ses habitudes. 680 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Les formes de l’animal ne trahissent aucune singularité. C'est une Araignée d’un brun noir, couverte d'une pubescence serrée, qui a les yeux disposés sur deux rangs. L'intérêt ne commence qu'avec l'histoire des mœurs, de l'instinct, de l’industrie de notre Aranéide. Cette espèce vit dans l’eau, et, ne pouvant respirer que dans l'air, elle se construit une cloche, une véri- table cloche à plongeur. On a bien raison de dire que les hommes n'ont à peu près rien inventé qui ne se trouve en modèle dans la nature. Prise pour la première fois en 1744 dans une petite rivière près du Mans par l'abbé de Lignac, elle a été retrouvée dans l'Erdre, près de Nantes, quelques années plus tard, par cet observateur, qui a fait un charmant et naïf récit des mœurs de l’Araignée aquatique. L'Argyronète, rencontrée en Suède, en Allemagne, par divers naturalistes, avait été vue également aux environs de Paris à la fin du dernier siècle par Walckenaer. Personne en France n'avait pu se la procurer depuis cette épo- que. Un jour que nous venions de rappeler cette circonstance, un jeune savant de la Belgique, M. Félix Plateau, nous apprit que l’Argyronète n'était pas rare dans les fossés des environs de Gand, et qu'il nous en ferait parvenir des individus. Ce sont ces mêmes individus qui se sont mis au travail dans de petits vases dont nous donnons les portraits dans leurs différentes attitudes. Nous avons suivi le travail de l’Araignée comme le fit le père. de Lignac, cent vingt ans auparavant. L'Argyronète se tient fré- quemment sur les feuilles des plantes aquatiques qui flottent à la surface de l’eau. Si son domicile est à construire, elle plonge rapidement la tête en bas, entraînant avec le duvet qui la re- couvre une certaine quantité d’air attaché à la surface de son corps comme un vêtement d'argent. Se plaçant sous quelque enchevêtrement de tiges, et frottant rapidement son corps avec ses pattes, elle détache les petites bulles d'air, qui se réunissent en une masse retenue par les plantes. Elle remonte à la surface, el recommence la même manœuvre jusqu’à ce que la masse d'air bidoid :: or, HS ml te Dé Si nt à if Éi E Le di de Fr des dit à LES ARACHNIDES. . 681 soit un peu considérable. Alors elle emprisonne cet air dans un réseau de fils qui, peu à peu, devient un tissu fin et serré. Des cordages, fixés aux plantes ou aux pierres, maintiennent la cloche. Dans de bonnes conditions, l’Araignée lui donne la forme " j L'ARGYRONÈTE AQUATIQUE (Argyroneta aqualica). : d'un dé à coudre, souvent un peu rétréci par en bas, de façon à se garantir contre les visites importunes. La cloche achevée, si elle n’est pas suffisamment remplie d'air, l'Argyronète s'y prend pour combler la mesure, comme elle l'avait fait au début de son 682 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. travail. Le domicile bien établi, son propriétaire s’y blottit et guette les Insectes au passage. Le père de Lignac a vu le mâle construire sa cloche près de celle d'une femelle, établir une galerie pour communiquer avec celle-ci après avoir fait une ouverture dans la paroi. Les Drasses, petites Aranéides brillantes, s’établissent dans l'herbe, sous des pierres et sous d’autres abris, et s’y construisent une petite tente soyeuse simple ou double. Les femelles envelop- pent leurs œufs dans un cocon qu’elles veillent avec une constante sollicitude. Les Clubiones fabriquent leurs logements entre les feuilles des plantes, sous des écorces et même sous des pierres. [ci les logements sont des coques d’une soie bien blanche. Au mois de juillet, dans les champs de la Beauce, nous avons vu un grand nombre de jolies coques artistement iokllées entre les tiges d'Avoine; ici l'Araignée bien cachée dans son nid et veil- lant ses œufs, là l'Araignée sur sa coque, entourée 4 ses petits, qu'elle semblait garder avec inquiétude. Les Tuéripionipes, qui sont une nombreuse famille d'Aranéides, fabriquent des toiles et demeurent sédentaires, prenant leur proie dans leurs filets. Leurs yeux, au nombre de huit, sont placés sur le front et disposés en trois groupes. Les Théridions sont de mignonnes Araignées, établissant entre les feuilles des plantes ou sur les murailles un réseau lâche, mais régulier, et lo- geant leurs œufs dans un cocon formé de bourre de soie. On a donné le nom de Fhéridion bienfaisant (Theridion benignum) à une toute petite espèce qui installe son domicile sur les Vignes. Bienfaisant “en vérité, il mange une foule d’Insectes nuisibles à la Vigne. Les Linyphies, aux formes assez sveltes, aux antennes-pinces longues dans les mâles, très-nombreuses en espèces, très-répandues dans nos bois et dans nos campagnes, tissent des toiles en nappe. A Madagascar, rapporte M. A. Vinson, des Linyphies viennent s'établir sur les grandes toiles des Epéires pour y glaner les pe- iles proies. Elles cherchent une protection contre les Oiseaux qui Mbits Gand dc on) crc be, DD. à SE À Lt Do à. l'a us de + mt V” sé doi à Fr LES ARACHNIDES. 683 redoutent les fils des grandes Araignées. A cette famille des Ara- LA CLUBIONE ERRANTE (Glubiona erratica). néides confectionnant des toiles en nappe se rattache le genre a Tégénaire, dont l'espèce type est notre grosse Araignée domes- 684 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. tique (Tegenaria domestica), la grosse Araignée notre des gens qui en ont peur. Tout le monde connaît sa grande toile, un peu relevée sur les bords, établie ordinairement dans les encoignures des murailles, où elle est maintenue comme un hamac par des cordages tendus dans diverses directions. Outre cette toile d’un blanc éclatant quand elle est neuve, toute grise quand, déjà vieille, elle est souillée par la poussière, la Tégénaire domestique construit à l’un des angles un tube soyeux dans lequel elle se tient blottie et d’où elle s’élance sur sa toile, quand une Mouche est venue s’y jeter. A l'approche du moment de la ponte, notre Araignée file un gros flocon de soie blanche, l'entoure ensuite d’un sac de soie brune, le leste avec des débris d’Insectes, quel- quefois avec de petits cailloux, etl’attache au-dessous de sa toile. Elle fait sa ponte, loge ses œufs dans un cocon de soie fine, et va cacher le cocon dans le sac, au milieu du gros flocon blanc, pour ne plus quitter son dépôt. Ne travaille-t-elle-pas bien cette mère toujours vigilante ? Parmi les Araignées, les fileuses par excellence sont les Événpes, les plus belles Araignées du monde : grandes, pa rées de fraiches nuances, souvent de couleurs éclatantes, elles étalent leur beauté au grand jour. Les Épéirides ont huit yeux partagés en trois groupes écartés, les crochets de leurs tarses merveilleusement construits, les uns en peigne, les autres en fourche, propres à maintenir le fil qui doit être posé sur un point déterminé. Les KEpéirides forment entre les branchages de grandes toiles qui sont d’admirables réseaux à rayons concen- tiques. À l’automne, on voit, dans tous les jardins, bien campée au milieu de sa toile, la grosse Epéire de notre pays, l'Epcire diadème (ÆEpeïra diadema), qui a reçu son nom des ornements qui se dessinent sur la teinte rosée de son abdomen. Dans la toile de cette belle Araignée, on distingue les cor- dages qui soutiennent l'édifice, les rayons et les cercles formant la trame. Au début de son travail, l'Epéire tre un fil, s'y sus- EM. PLANCHARL. Pace 684. AN + ALT NU if! nan CIAUT DT Il J gr LE (La “ TTEN n TR Le À éd IMPR. DE E. MARTINET. LIBHAÏNIÉ GERMER BAILLIÈRE. L'ÉPEIRE DIADÈME (Epeira diadema). y . » - t : n ’ 1 , * 4 L, #“ \ S = x ‘. . LE * “ . 5 LA }r ë « = ; 2 HAT i . ‘ A E + Ë : " ” ee e72 ” i £ - LA : . “ + ox ‘ ï = ns Fr n A > à | 4 : » j 1 mt L* L p Le M L ? : r . : d © LI « : : ” os" ‘ ‘ . ‘ ; ‘ ‘ ; : " J x 2 : . Lu + Dei é ’ - L 9 = d es" 88 LE à . € e - … . f . & LE »] * L . j | SZ : 2 : | HE en eme 0 à malins de à mao mont me md mm M us se Thé hme mé ——… sh ‘ e , LES ARACHNIDES. 685 pend pour l’allonger, puis le laisse entrainer par le vent; le voyant accroché à une branche, elle s’élance sur cette corde tendue et va l’assujettir; revenant au milieu, elle descend avec un fil qu'elle maintient perpendiculaire, dispose ensuite les rayons, et établit enfin les cercles. L'Epéire, qu'il serait pour nous trop long de suivre dans tous les détails de son opération, répare avec une intelligence parfaite les déchirures faites à sa toile, sans jamais se donner plus de besogne qu'il n'en est besoin. Notre Araignéé des jardins enferme ses œufs dans un cocon, et, comme elle doit périr aux approches de l'hiver, comme ses jeunes ne doivent naître qu’au printemps, de son mieux elle cache son cocon dans une cavité ou sous une pierre. La toile de l'Epéire diadème est jolie, mais les immenses toiles des grandes Epéires de l'Inde, des iles de la Sonde, de la Poly- nésie, de Madagascar, souvent suspendues au-dessus des rivières, accrochées aux arbres des deux rives, sont admirables, nous disent les voyageurs. A l'île Bourbon et à Madagascar, il est une Araïgnée, l'Epéire de Maurice (Epeira, Mauritia), qui, au milieu de sa toile, tend un énorme fil d’un blanc d'argent plié en zigzag. Des Mouches, des Insectes légers viennent à se jeter sur sa toile, l’Araignée jette quelques fils légers et les enlacent. Survient-il une Saute- relle, un gros Insecte, que les fils ordinaires seraient impuissants à retenir, aussitôt l'Epéire détache son gros fil, son cäble, et enroule le volumineux animal. Voilà ce que nous a appris le docteur A. Vinson. Les Sazranes sont de petites Araignées parées des couleurs les plus vives et les mieux nuancées; ayant un corps court etlarge,un céphalothorax carré ; des pattes courtes et trapues; des yeux au nombre de huit, quatre sur le’ front, les deux du milieu énormes, et quatre en arrière, disposés en carré. Ces yeux placés sur divers points permettent à l’animal chassant au grand jour, de voir partout autour de lui; ces pattes si robustes lui permettent de 686 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. - sauter, et ainsi de saisir une proie ou d'échapper à un danger. Les Saltiques, comme le dit leur nom, sont les Araignées sauteuses : ils produisent peu de soie; ils se confectionnent seulement de petites cellules, et souvent ils errent sur les murailles et les troncs d'arbres Les Lycosies, aux couleurs sombres, se voient partout, errant à travers les chemins, courant au bord des eaux et même sur les plantes aquatiques. Ce sont les Vagabondes pour Valckenaer, car elles ne construisent pas de toiles, elles chassent et se reti- rent dans tous les endroits qui peuvent leur fournir des abris. Elles enveloppent leurs œufs dans un cocon de soie pure, et, mères excellentes, elles portent constamment avec elles ce précieux fardeau et souvent aussi leurs nouveau-nés, au besoin, défen- dent cette progéniture avec le plus brillant courage. Il y a dans notre pays beaucoup de petites espèces de ce genre; il y en a de grosses dans le midi de l’Europe, notamment la Tarentule (Lycosa tarentula) du midi de l'Italie. Chacun a entendu parler des accidents qu'occasionne la piqûre de cette espèce. Que l’on demeure bien assuré que, pour nous, l'effet de sa piqûre est insignifiant. La fable de la Tarentule a été inventée par les Napo- litains ou par les habitants de la Pouille, afin de se donner un prétexte pour danser la {arentola. L'ordre des PéniParpes comprend le genre des Scorpions et quelques formes voisines. Ce sont les Arachnides qui ont le corps revêtu d’un tégument de, consistance coriace ; l'abdomen formé d’anneaux très-distincts ; deux yeux sur la ligne moyenue du céphalothorax, et sur les côtés, des yeux plus petits en nombre variable; des antennes-pinces pourvues d'un doigt mobile, et ne donnant passage à aucune sécrétion ; de grandes pattes-mâchoires terminées, soit en pince, soit en griffe. Ces Arachnides sont dé- pourvus d'organes affectés à la sécrétion de la soie; leur respi- ration s'effectue par des sacs pulmonaires en ab variable, ouverts à la base de l'abdomen. LES ARACHNIDES. 687 La grande division de l'ordre des Pédipalpes est la famille des ScorPionipes, ou les Scorpions. Ces animaux, propres aux pays chauds, sont un sujet de terreur pour une infinité de gens, et ici la crainte est un peu justifiée. Les Scorpions, animaux vivipares, ont toujours un corps allongé; des yeux au nombre de six, de huit, de dix ou de LE SCORPION ROUSSATRE (Scorpio occilanus). douze; des antennes constituant des pinces préhensiles; de grandes pattes-mâchoires terminées en forme de main; deux lames pectinéessituées à la base de la région ventrale ; un abdomen rétréci en arrière et figurant une sorte de queue composée de six zoonites, dont le dernier, terminé par un crochet ou aiguil- lon, livre passage à un venin reproduit par une double glande. Voilà, en effet, le caractère singulier des Scorpionides : ën cauda 688 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. venenum. Dans l'attaque ou dans la défense, ces animaux, redres- sant la partie postérieure de leur corps, frappent de leur aiguillon, dont l'effet est justement redouté. Seulement, les Scorpions vivent sous des pierres, ils chassent pour leurs besoins; mais s’il y à des personnes qui se font piquer par ces animaux, c’est par suite d’une grande maladressé ou d’une grave imprudence, car les Scorpions sont inoffensifs pour qui ne les touche point. Nous n'avons en France que deux espèces de Scorpions, et encore ces espèces ne se trouvent-elles qu’au voisinage de la Méditerranée : l'une est le Scorpion roussâtre (Scorpio occilanus), long de 8 à 9 centimètres; l’autre, noirâtre, de petite taille, peu dangereux, ayant la queue mince, se cachant souvent dans les maisons, dans les interstices des boiseries, est le Scorpion d'Europe (Scorpio europæus). C’est principalement avec le Scor- pion roussâtre qu'ont été faites les expériences dans le but de déterminer les effets du venin. On a constaté que la piqüre des Scorpions est mortelle pour eux-mêmes, comme pour de petits animaux. En effet, si l’on place plusieurs individus dans une même boîte, ils ne tardent pas à se frapper, et bientôt il ne reste plus qu'un individu vivant. Les anciens, cherchant toujours le merveilleux dans leur imagination, assuraient que les Scorpions se piquaient eux-mêmes dans des circonstances désespérées, par exemple si on les entourait d’un cercle de feu; personne n’a été témoin d’un pareil suicide. Tout Scorpion est disposé à piquer ce qui l approche, mais jamais à se piquer lui-même, si mauvaise que soit la situation où il se trouve. À l'ordre des Pédipalpes se rattachent encore deux types dont nous n'avons aucun représentant en Europe, les Télyphones et les Phrynes (familles des Télyphonides et des Phrynides). Les premiers, ayant une longue queue mince, éjaculent par deux petits pores un liquide d’une saveur acide; ce qui leur fait donner aux Antilles le nom de Vinaigriers; les Phrynes, avec de très- longues pattes-mâchoires et le corps aplati, n’ont aucune arme. LES ARACHNIDES. - 689 L'ordre des Térracères comprend un seul type, celui des Ga- léodes, ou la famille des Garéonipes. Ce sont, comme tous ceux qui viennent à la suite, des Arachnides à respiration trachéenne, d’une belle conformation, au corps élancé, aux anneaux thoraciques séparés, aux antennes-pinces didactyles d’une grande puissance. Les Galéodides ont en outre deux petites antennes grêles; de sorte qu'il existe ici deux paires d'antennes, comme chez la plupart des Crustacés, et seulement deux yeux placés sur le front. Les Ga- léodes sont propres aux pays chauds; généralement d'assez grande taille, très-velues, de couleur fauve, d’une extrême agilité, n ‘ayant d'autres armes que les antennes-pinces, ne possédant aucune industrie, elles chassent bravement. Les voyageurs qui les ont LES ACARIENS. 1. Hydrachne géographique, — 2. Sa larve, — 3, Sarcople de Ja gale, vu en dessous. vues attaquer ou faire tête à l'ennemi, admirent leur intrépidité. I y en a une belle espèce en Algérie (Galeodes barbara), qui a été découverte par M. Lucas. L'ordre des Hozèrres se compose d'Arachnides dont les mœurs sont de peu d'intérêt. Chez ces animaux, le thorax et l'abdomen, en continuité sur toute leur largeur, semblent ne former qu'une seule masse; les antennes sont des pinces didactyles; les pattes— mâchoires affectent la forme de palpes déliés. Les S principaux types sont les Faucheurs et les Pinces, les familles des Phalan= giides et des Chéliférides. [TA 690 LES MÜTAMORPHOSES DES INSECTES. Les Pnazanenes se composent essentiellement du genre Fau- cheur. Tout le monde connaît ces Arachnides aux pattes grèles, démesurément longues, qui arpentent les murailles. Nous en avons une espèce bien vulgaire, le Faucheur commun (Phalan- gium opilio). Nous ne connaissons pas le développement de ces curieux animaux, qui naissent probablement sous une forme diffé- rente de celle des adultes. L'ordre des AcarmEns comprend une prodigieuse multitude de petites espèces vivant dans les conditions les plus diverses. Ces Arachnides, qui naissent n'ayant que trois paires de pattes, ont un corps dont toutes les parties sont plus ou moins confondues, les antennes en pinces ou en griffes, la bouche conformée le plus ordinairement pour la succion. Les Trowsinupes se tiennent dans les Mousses, sous les pierres, dans tous les endroits humides. Les jeunes, au sortir de l'œuf, ressemblent aux adultes, mais ils n’ont alors que trois paires de pattes. Une espèce de l’Inde, d'assez forte taille et d’un beau rouge, fournit une matière tinctoriale (Trombidium tinciorium) ; une petite espèce ayant la même coloration est commune dans notre pays : c’est le Trombidion soyeux (Zrombidium holosericeum). Les Hypracexwes vivent dans l’eau, venant prendre l'air à la surface, en grimpant sur les plantes. Ces Arachnides ont de eu- rieuses métamorphoses ; leurs larves, avec le corps en forme de poire, de très-petites pattes, vivent en parasites sur des Insectes aquatiques, les Dytiques, les Nèpes, les Ranatres. Découvertes par Victor Audouin, qui croyait observer un type nouveau, leur véritable nature a été bientôt reconnue par Dugès et Burmeister. Les Ixonnes, qui ont un long suçoir, vivent du sang des ani- maux. Les Chiens sont fréquemment atteints par l’Ixode ricin ou la Tique (Ixodes ricinus). Les GamasiDEs, ORIBATIDES, AGARIDES; sontles plus petits. Les Sarcopripes, aux pattes courtes, terminées par des ventouses et de longs filets, sont les Acarus de la gale de l'Homme et des Animaux (Sarcoptes scabiæ, ete.). ne. sit sn Dé à +7 par” un és. à + ol stop ét ail ON SR Lo Sn ss rt d 7" XX LES CRUSTACÉS Les Insectes, les Myriapodes, les Arachnides sont les Articulés terrestres. Parmi eux, à la vérité, certaines espèces vivent dans l’eau, mais c’est une condition de séjour transitoire, ou une con- dition qui ne les empêche pas de conserver le caractère essentiel de la vie des Animaux terrestres, c’est-à-dire une respiration aérienne. Au contraire, les Crustacés sont les Articulés aqua- tiques, et si quelques-uns d’entre eux séjournent à terre, ils n’en conservent pas moins le caractère des êtres destinés à vivre dans l'eau, une respiration aquatique. Les Crustacés, formant dans leur ensemble une division très naturelle, présentent néanmoins peu de particularités, communes à toutes les espèces, que l’on puisse opposer aux caractères des animaux appartenant aux trois autres classes de l'embranchement des Articulés. Le caractère tiré de leur respiration est le plus général. Les Crustacés respirent par des branchies, ou simple- ment par la peau. Le nombre des pattes, souvent de cinq à sept 692 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. paires chez les Crustacés, a été pris comme signe propre à faire distinguer ces animaux de ceux des autres classes; mais le caractère perd toute sa valeur avec les espèces qui restent tou- jours dans un état d’imperfection très-marquée, comme nous en avons de nombreux exemples. Aussi, quand un zoologiste émi- nent, de Blainville, proposa une classification des Articulés, où les grandes divisions étaient distinguées les unes des autres d'après le nombre des appendices de la locomotion, le résultat fut complétement malheureux à l'égard des Crustacés. Quoi qu'il en soit à cet égard, les Crustacés ont ordinairement, outre les pattes ambulatoires, une à trois paires d'appendices analogues, s’ajoutant aux pièces buccales ordinaires, et que l'on nomme des pattes-mâchoires, deux paires d'antennes, un abdo- men pourvu d’appendices, les orifices des organes de la repro- duction doubles. Chez ces Animaux, les téguments sont formés des mêmes élé- ments que chez les Insectes et que chez les autres Articulés; seu- -lement, dans une infinité de Crustacés, particulièrement ceux de l'organisation la plus parfaite, il se fait un dépôt de sels calcaires dans la couche épidermique, constituée essentiellement par la chitine, et le test acquiert de la sorte une épaisseur considérable et la dureté de la pierre. Dans les Crustacés supérieurs, de même que chez les Arachnides, les anneaux de la tête et du thorax se soudent d’une manière complète, et, les pièces dorsales unies, deviennent cette carapace des Crabes, des Écrevisses, etc. Les muscles, généralement d’un beau blanc chez les Crusta- cés, ont les mêmes caractères que chez les Insectes. Il n’en est pas autrement pour le système nerveux. Le nombre des centres médullaires peut être plus considérable, puisqu'il est toujours en rapport avec celui des zoonites et des appendices, mais la dispo- sition reste semblable. Le phénomène de centralisation du sys- tème nerveux est soumis à la même loi que chez les Insectes et les Arachnides; cette centralisation se prononce d'autant plus, LES CRUSTACÉS. 693 que tout l'organisme se perfectionne davantage. C’est ce qui a été démontré, il y a quarante ans, par les belles recherches de MM. Audouin et Milne Edwards. Chez les Crustacés, les organes de la vision manquent rarement. Il y a, chez la plupart des espèces, des yeux composés présentant des facettes soit hexagonales, soit carrées, et dans quelques genres, à la fois des yeux composés et des yeux simples. Tout donne à pen- ser, mieux encore pour les Crustacés que pour les [nsectes, que l'audition s'effectue au moyen des antennes; car, dans les types les plus parfaits, à la base des antennes internes, il existe de chaque côté une cavité pourvue d’une sorte de capsule auditive, et fermée, soit par une membrane tendue, soit par un petit oper- cule pierreux. L'existence de l’odorat est facile à constater chez ces animaux, car on les attire avec des substances de leur goût; mais le siége de ce sens n’a pas été mieux déterminé ici que chez les Insectes. Le tact, sans doute fort émoussé sur le corps, doit s'exercer au moyen de poils et d'épines mobiles. Chez les Crustacés, animaux carnassiers et très-voraces pour la plupart, le tube digestif est droit. Dans les groupes supérieurs, l'estomac, vaste, globuleux, à parois épaisses, est garni d'un appareil osseux ou cartilagineux propre à triturer; dans les groupes inférieurs, les suceurs, par exemple, l'estomac a souvent des prolongements latéraux. Le foie se modifie comme chez les Arachnides; dans les types les plus parfaits, il consiste en grappes de vésicules agglomérées, en simples canaux biliaires dans les types dégradés. L'appareil de la circulation du sang, dont la connaissance a été acquise pour les types supérieurs par les recherches de MM. Au- douin et Milne Edwards, se modifie considérablement suivant les types. Dans les Crabes et les Écrevisses, le cœur est une poche musculeuse, occupant la base du céphalothorax ; dans les types inférieurs, un vaisseau dorsal qui s'étend dans la longueur de l'abdomen. Le système artériel est très-complet dans les pre- 694 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. miers; mais, chez tous, le sang veineux circule et se porte aux organes respiratoires par des canaux moins bien endigués que chez les Arachnides, pour être ramené des branchies au cœur par des canaux branchio-cardiaques. Longtemps on demeura persuadé que les Crustacés ne subis= saient pas de métamorphoses, qu'ils naissaient ayant déjà à peu près toutes les formes des adultes. L'observation des Écrevisses et de quelques autres espèces au sortir dé l'œuf ne permettait pas de soupçonner ce que bientôt on devait rencontrer chez le plus grand nombre des Crustacés. Mais, en 1830, un naturaliste de la Grande-Bretagne, John Vaughan Thompson, annonçait l’exis- tence de métamorphoses presque aussi remarquables que celles des Insectes, chez des Crabes et d’autres Crustacés. Il avait re- connu, dans de petits êtres sortant des œufs d’une espèce de Crabe, des animaux considérés comme appartenant à un type fout par- ticulier. On se refusa d'abord à croire à l'exactitude des obser- vations de l’auteur anglais. Cependant, vers la même époque, par l'étude des premières phases de la vie des Lernées, parasites classés par Cuvier avec les Zoophytes, Nordmann s'était assuré _ que ces animaux possèdent dans leur jeune âge les caractères es- sentiels de certains petits Crustacés de nos eaux douces. A l'égard des Cirrhipèdes, rattachés à l’embranchement des Mollusques par tous les auteurs, un résultat analogue avait été obtenu. Depuis trente ans, les recherches sur le développement des Crustacés se sont extrémement multipliées. MM. Spence Bate, Fritz Müller, Gerbe, Hesse, etc., ont beaucoup étendu nos connaissances sur ce sujet, et aujourd'hui il est constaté que les Crustacés, naissant, pour le très-grand nombre, avec des formes et une organisation très-différentes de celles des adultes, subissent, après leur sortie de l'œuf, des changements des plus considérables, de véritables métamorphoses, mais sans qu'il y ait jamais chez ces animaux de période d'inactivité comparable à l’état de nymphe ou de chry- salide des Insectes. LES CRUSTACÉS. 695 Après les travaux de Desmarest en 1825, les études sur les espèces des côtes de la Grande-Bretagne par Leach, de 1815 à 1826, l'exposé de Latreille dans le Règne animal de Cuvier, l'ouvrage où l'on trouve les divisions de la classe des Crustacés bien définies, et les espèces rigoureusement déterminées, est celui de M. Milne Edwards, publié de 1835 à 1840. Cet ouvrage a été le point de départ de tousles travaux les plus récents sur cette branche de la zoologie. Les écrits sur les Crustacés sont nombreux aujourd’hui, et parmi les plus importants, il faut citer un grand ouvrage d’un savant naturaliste des États-Unis, M. James Dana; une série de mémoires par un zoologiste du Danemark, M. Krôyer; une belle étude de M. Van Beneden sur les Crustacés du littoral de la Belgique; divers mémoires sur les Crustacés inférieurs par M. Hesse (de Brest), et de nouvelles études approfondies sur les espèces de plusieurs grandes familles par M. Alphonse Milne Edwards, le fils de notre illustre zoologiste. La classe des Crustacés comprend plusieurs ordres : les Podo- phthalmesou les Décapodes, etles Stomapodes, les Edriophthalmes, les Entomostracés, les Xiphosures, les Cirrhipèdes. L'ordre des Décapones comprend les Crustacés, ayant cinq paires de pattes; les yeux portés sur des pédoncules mobiles; l'appareil buccal composé des parties ordinaires et de trois paires de pattes-mâchoires; la tête et le thorax confondus et formant une carapace; les branchies attachées à labase des pattes et cachées sous cette carapace; l'abdomen pourvu d’appendices servant, chez les femelles, à porter les œufs. Les Décapodes sont en nombre immense dans les mers. Parmi ces animaux, chacun recon- naît aisément deux formes principales : les Crabes, dont l’ab- domen, très-peu développé relativement aux autres parties du corps, est reployé sous le thorax : les Décapodes à courte queue, ou les Prachyures; les Écrevisses, les Langoustes, ete., dont l'abdomen, très-développé, se termine par une nageoïre en éven- tail : les Décapodes à longue queue, ou les Hacroures. Une autre cé direl Le set on (à de 1, sale Le sde , 696 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. forme, intermédiaire aux deux autres, distinguée par M. Milne Edwards sous le nom de Décapodes Anomoures, comprend des espèces chez lesquelles les pattes de la cinquième paire, très- réduites, sont en général impropres à la locomotion, et l’abdo- men de forme anomale. Le type le plus connu de cette division est celui des Pagures, ou Bernard-l'hermite. On compte quatre familles de Brachyures : les Maiïides, les Cancérides, les Gécarcinides et les Leucosiides. Les Manvgs sont les Crabes habituellement désignés sur nos côtes sous le nom d'Araignées de mer. Leur corps affecte plus où moins la forme d’un triangle, le front étant toujours assez étroit pour figurer un rostre. Ces Crustacés ont généralement la carapace inégale, hérissée de tubereules et d'épines, de sorte qu'on les trouve toujours salis par des corps étrangers. Les types de cette famille, les Maias et les Inachus, sont au nombre des plus répandus dans nos mers; les premiers ont un gros corps et des pattes de médiocre longueur. Sur les côtes de la Bretagne, on mange les Maias squinade et verruqueux (Maia squinado et M. verrucosa). Les Inachus ont une petite dimension et des pattes grèles, extrêmement longues : tel l’Inachus scorpion (/nachus Scorpio), que l’on trouve parmi les Fucus. Une espèce gigantesque des côtes du Japon, dont la conformation s'éloigne peu de celle de nos petits Inachus, se distingue par sa taille supérieure à celle de tous les autres Décapodes. Un individu mâle, figurant dans les galeries du Museum d'histoire naturelle, mesure, les pates étendues, 2",60. Les larves des Maias ressemblent au plus haut degré à celles des Crabes. Les Caxcénbes ont une carapace d'ordinaire beaucoup plus large que longue; le front assez large, nullement avancé en manière de rostre; les pédoncules oculaires très-mobiles, pou- vant se loger en entier dans une longue fossette. Il y a dans cette famille des espèces dont les pattes en baguettes sont con- formées uniquement pour la marche (Cancérines), et des espèces rAGE 696. L"Éties sé à de. | ti, a ll, nd" if LE CRABE ENRAGÉ (Carcinus Manus). + : d . i à ’ { LL La Læ Pre: af - e nn: © A ' , n k x L À ‘ Dos à PIS: n- A | cs La na! & A TA « b - { L - Le ‘ CE cs : = J : L nl , L pe re : . au d : ? L * * F } “. ‘ . ï ; à M d Er ÿ Fr = : sf C » J <} + a ! é J ; A \ +. 14 > LU e \ : k * ,- » * | \ Qe= s 5 ' | mel mr “hy nn nl hé die done een "4 LES CRUSTACÉS. 697 dont les pattes postérieures, larges, aplaties plus ou moins en rames, sont en un mot conformées pour la natation (Portunines). Les représentants de la tribu des Cancérines sont particuliè- rement abondants dans les mers des régions tropicales. Nous en avons sur nos côtes une très-grande espèce roussâtre, avec le bord antérieur de la carapace festonné. Bien connue sous les noms vulgaires de Tourteau et de Crabe poupart (Cancer pa- qurus, — genre Pseudocarcinus), on la voit habituellement sur nos marchés, où elle est recherchée des gourmets, qui l’esti- ment pour le volume et la délicatesse de son foie. Le Tourteau a de très-petits œufs, et ses larves, que nous a fait connaitre M. Gerbe, très-petites à leur naissance, diffèrent peu de celles dont nous allons nous occuper. Les Portuniues sont les nageurs ; cependant l'espèce qui est le type du genre Carcin, ayant les pattes postérieures peu élar- gies, est un animal marcheur. Il n’est personne ayant été au bord de la mer qui n’ait remarqué sa démarche singulière. Les Crabes marchent de côté, la largeur de leur carapace et le mode d’articulation des différentes pièces de leurs appendices locomo- teurs ne leur permettent pas de progresser d’une autre façon; ce qui ne les empêche pas de déployer une surprenante agilité. Le Crabe enragé fait volontiers des séjours de plusieurs heures hors de la mer; sa carapace contient assez d'eau pour que ses bran-— chies demeurent longtemps mouillées. C’est chez cette espèce que les métamorphoses ont été le mieux observées. Dès l’an- née 1830, Thompson avait reconnu que ce Crustacé subit des changements considérables depuis sa naissance jusqu'à son état adulte, et qu'il passe par deux formes déjà connues sous les noms de Zoës et de Mégalopes, et considérées comme des types tout particuliers. Ces observations furent confirmées par plu- sieurs naturalistes, et en 1857 M. Spence Bate a publié l'étude la plus complète qui ait encore été faite sur ce sujet. Au moment où le jeune Crabe sort de l'œuf, il a une carapace bombée, de at nd Ce 0 sm. à on "à M, à Mira Se ne Le SSL ob nd du 698 LES MÉTAMORPHOSES DES. INSECTES. grands yeux sessiles, des antennes appliquées sur le front, des pièces buccales peu développées, deux paires de pattes, en arrière les premiers vestiges des autres pattes et un long abdomen sans appendices. Une mue survient, et déjà l'animal a subi un énorme changement : ce qui alors frappe surtout chez ce petit Crustacé, AU | VE DURGUAT LARVES DU CRABE ENRAGÉ (Cancer mænas). 4. Larve au sortir de l'œuf (ours emprüntée au mémoire do S, Bate), — 9, Larve après sa première mue : Zoé (figure inédite par M. Gerbe). d’un aspect étrange, c’est une longue pointe frontale et un pro- longement postérieur de la carapace également terminé en pointe, dont nous ne soupçonnons pas l'usage. Tels sont les caractères des Zoés décrits par les naturalistes qui les avaient remarqués, étant loin de soupçonner qu'ils observaient des Crabes dans une des premières phases de leur me nc à dd erénlmnét à Lut s L UT Dé ie ÉD de De D M À 4 dar dis Chess ds ed fr matt de LES CRUSTACÉS, 699 existence. Sous cette forme, le petit Crustacé, délicat, presque transparent, est pourvu des deux paires d'antennes ; ses mandi- bules, ses mâchoires de la première et de la seconde paire, ont déjà un certain développement; les pattes-mâchoires de la pre- mière paire, encore très-rudimentaires, sont avancées vers la bouche, tandis que les appendices destinés à devenir les pattes mächoires de la seconde et de la troisième paire sont alors très CG BUREINT LARVES DU CRABE ENRAGÉ (Cancer mænas). 4. Larve après sa froisième ou quatrième mue, — 2. Larve après plusieurs nouvelles mues : Megalope, (Figures empruntées au mémoire de M, Spence Bato.) grands et les seuls orgañes locomoteurs. En arrière, les pattes ambulatoires ne se montrent que sous la forme de tubercules, et celles de la quatrième et de la cinquième paire sont à peine dis- tinctes. Au reste, pour la configuration de chaque partie de l’ani- mal, on s’en forme une idée plus nette avec les figures qu'avec une longue description. Une, deux nouvelles mues surviennent, le Zoé se modifie notablement : les pointes de la carapace se rac- courcissent, les pattes se dessinent comme des tiges égales, les 700 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. appendices des anneaux de l’abdomen se développent. De nou- velles modifications continuent à se manifester à chaque chan- gement de peau, mais le nombre des mues n’a pu encore être rigoureusement déterminé par aucun observateur. Quoi qu'il en soit, arrive le moment où les pointes antérieure et postérieure de la carapace se trouvent très-réduites, où les deux grandes paires de pattes du Zoé ont passé entièrement dans la bouche, et sont devenues la seconde et la troisième paire de pattes— mâchoires, où les cinq paires de pattes ambulatoires ont acquis un assez grand développement, où les pédoncules des yeux com- mencent à se manifester, où l'abdomen, déjà petit relativement au Céphalothorax, tend à se courber. Une nouvelle mue, et la pointe postérieure de la carapace a disparu, la pointe anté— rieure est devenue une simple saillie frontale; les branchies, qui n'existaient pas dans les premiers temps, commencent à se montrer. Avec des individus de ces dernières formes on avait fait le genre des Mégalopes (Hegalops), et le genre avait été placé dans la section des Anomoures ; mais avant les observations qui ont tout éclairci, M. Milne Edwards, avec son tact habituel, avait exprimé le doute que les Mégalopes fussentdes animaux adultes. Dans cette condition de Mégalopes, les jeunes Crabes ont encore plusieurs mues à subir, et à chacune de ces mues on voit la ca- rapace s’élargir, l'abdomen diminuer proportionnellement, tan- dis que les appendices prennent de plus en plus leurs caractères définitifs. La forme du Crabe est enfin constituée ; l'abdomen est reployé sous la carapace, seulement'cette carapace est encore plus longue que large ou à peu près carrée. Après une nouvelle mue, la carapace a pris les proportions qu’on lui trouve chez l'adulte, et cependant le petit Crustacé n’a pas plus de quelques millimètres dans sa plus grande largeur. Voilà done un animal qui, par les progrès de l’âge, se modifie prodigieusement, un animal respirant par des organes spé- ciaux, des branchies très-développées, qui, dans les premières LES CRUSTACÉS. 701 phases de son existence, respire seulement par la peau. L'his- toire des métamorphoses du Crabe commun est celle de la plu- part des Crustacés supérieurs; les formes générales seules des petites larves offrent, selon les genres, des différences d'ordre secondaire. Les Gécarcinines ont généralement une carapace plus large que longue, avec le front très-incliné et souvent tout à fait vertical. Un des caractères les plus notables servant à distinguer ces Crabes de ceux de la famille précédente, est fourni par les orifices de l'appareil mäle, qui, au lieu de se trouver, comme dans les autres Décapodes, à la base des pattes de la cinquième paire, sont situés dans le plastron sternal. Il ÿ a dans cette famille plu- sieurs types qui forment autant de tribus. Les Thelphuses ont de grands rapports avec les Cancérides et ne s’en séparent guère qu'à raison de la conformation de leur appareil respiratoire. Ce sont des Crustacés fort curieux, qui vivent dans l’intérieur des terres, au bord des fleuves, ou même dans les forêts humides. La Thelphuse fluviatile (Thelphusa flu- viatilis) est commune au bord des ruisseaux et des torrents, en plusieurs endroits de l'Italie, en Sicile, en Grèce : c’est le Crabe que l’on voit représenté sur beaucoup de médailles antiques. Les Gécarcins, ou Crabes terrestres, sontremarquables par l'élé- vation et la convexité de leur carapace. Ces Crustacés, qui naissent avec les formes des adultes, demeurent habituellement à terre, dans les endroits humides, sous les pierres, entreprenant par— fois de grands voyages. Sous leur haute carapace, une grande quantité d'eau se trouve en réserve, tenant les branchies tou- jours mouillées; ainsi s'explique la possibilité d'un genre de vie si différent de celui des autres Crabes. Ces Crustacés habi- tent seulement les régions tropicales des deux hémisphères, et dans les Antilles, où ils sont connus sous le nom de Tourlourous, on assure qu'ils voyagent en grandes troupes, dévastant les champs sur leur passage, car ils ont une nourriture végétale. Petits 702 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. Crabes à carapace presque circulaire, les Pinnothères se logent sous le manteau des Mollusques acéphales. Tout le monde a vu le Pinnothère pois (Pinnotheres pisum), que l'on trouve commu- nément dans les Moules. Les Ocypodes, habitants des parties chaudes du monde, Crusta- cés à carapace presque carrée, remarquables par leurs pédoncules oculaires prolongés en une sorte de corne, sont de tous les Crabes les plus rapides à la course. Les voyageurs assurent qu'un homme peut à peine les suivre. Frileux, les Ocypodes se cachent l'hiver dans des terriers. Les Gélasimes, qui en sont voisins, se signalent, au moins les mäles, par l’énorme dimension de l’une de leurs pattes antérieures. C’est un bouclier pour le combat. Les Grapses ont une carapace assez aplatie, et ces Crustacés, qui se tiennent au milieu des rochers, loin d’avoir la har- diesse des espèces qui vont à terre, se dérobent à la moindre ap- parence de danger : il y en a une espèce sur nos côtes (Grapsus varius). Les Levcosnpes ont une carapace ordinairement arrondie ou au moins arquée en avant, et ces Crabes diffèrent de tous les autres par le cadre buccal affectant une forme triangulaire. Il y a dans cette famille les Calappes, auxquels une carapace large, très-bombée, et des pattes antérieures très-grandes, avec la main comme surmontée d’une crête, donnent un aspect singulier. Nous avons, sur les côtes de la Méditerranée, le Calappe granuleux (Calappe granulata). Les Leucosies ont une carapace globuleuse, les pattes de la première paire courtes et épaisses. Ce sont de jolis Crustacés lisses, luisants, qui habitent les mers de l'Inde. Dans la section des Anomoures, il existe plusieurs {types assez tranchés. Les uns ressemblent aux Brachyures par leurs formes générales ; les autres, comme les Pagures, rappellent davantage les Macroures. Chez les Pacumpes, remarquables par l’état de mollesse de leurabdomen, les pattes antérieures forment une pince didactyle peu différente de celle des Écrevisses, etl’abdomen, assez LES CRUSTACÉS. 703 long, porte des appendices à son extrémité. Les Pagures sont répandus dans toutes les mers, et on les connait partout sous le uom vulgaire de Bernard-l'hermite. Un long abdomen mou est une partie qui réclame protection, car il se déchire aux roches, et il tente l'appétit des carnassiers. Afin de l’abriter, le Pagure s'empare d’une coquille abandonnée, dont la dimension lui con- vient à peu près, et le voilà fraînant sa maison, comme la Psy ché ou la Phrygane porte son fourreau. Quand cet abri devient trop étroit, il le quitte et en cherche un autre. Assez fréquem- ment, paraît-il, des Pagures combattent pour la possession d’un logement; on assure qu'ils attaquent quelquefois les Mollusques, s'ils n'ont trouvé aucune coquille vide; mais la difficulté doit être grande pour le Bernard-l’hermite. A la première menace, le Mollusque se retire, et son opercule ferme si bien sa coquille, qu'il doit être difficile à déloger. Les Pagures naissent sous une forme analogue à celle des Crabes, la forme de Zoé. Il y a, dans cette même division des Anomoures, les Porcel- lanes, petits Crustacés à forme de Crabes, dont ils se distinguent au premier coup d'œil par une nageoire caudale en éventail. MM. Thompson, Fritz Müller, Gerbe, ont observé les larves de Porcellanes. Rien de plus curieux que ces larves; ce sont des Zoës ayant une pointe frontale et une pointe postérieure huit ou dix fois plus longues que le corps. La section des Macroures, ou Décapodes à longue queue, com- prend quatre familles : les Palinurides, les Thalassinides, les Astacides, les Palémonides. Les Parnurines, qui ont pour type principal le genre des Langoustes, sont des Crustacés à plastron sternal très-large. Les Langoustes sont assez connues pour rendre toute description inutile; leur carapace rugueuse, avec un profond sillon, leurs grandes antennes simples, leurs pattes antérieures terminées par un doigt, les font distinguer, à la première inspection, des autres Macroures. Les Langoustes sont des animaux de grande idiot suit font © rte ne: 704 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. taille, dont le test, très-dur, les protége sur les côtes rocail- leuses et rocheuses qu'ils affectionnent particulièrement. La Langouste commune (Palinurus vulgaris) est la seule espèce des mers de l'Europe. Nous n'avons pas besoin de dire combien LARVE DE LA LANGOUSTE COMMUNE (Palinurus vulgaris). Individu très-grossi, où l'on voit par transparence l'appareil alimentaire el les vaisseaux artériels. (Figure inédite lirée du mémoire de M. Gerbe.) elle est estimée, pour la table. Jusqu'à une époque toute récente, on ne savait rien absolument des premiers états de cet animal ou d'aucun autre représentant de la famille à laquelle il appartient. Des êtres très-singuliers, larges, aplatis comme une feuille de papier, transparents comme du verre, ayant une tête ds. din. race 704. EM. BLANCHARD, jp” sd lui f # IMPR. DE E, MARTINET. LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE, LA LANGOUSTE COMMUNE [+4 ol (Palinurus vulgaris). + L = £ L = - ® ’ . . s — L * - Le . + | Le 1) 10 — = : : #5 . de PA A - , La L 4 ee x 4 À ° t » 2 ee * … Le + s. - + ” ' L id à ff % cd “ CL ? = k J È ‘ Were = ? >. à LR à : 1. ! A TA d- , oi} ee ni Le LS » À » ? l h CRT J L . F-… $ , « ” LA ‘ A A t … * 1 L, r L ñ 0 ta de = _ n * é NL 4 ea sn} PT ER, Mi + - LES CRUSTACÉS. 705 distincte du thorax, des yeux pédonculés, une bouche refoulée en arrière jusque vers le milieu de la carapace, des pattes grèles, ciliées, au nombre de sept paires, avaient été recueillies assez souvent en haute mer, où la belle couleur bleue de leurs yeux les désigne à l'attention des navigateurs. Ces Crustacés, n’ayant ni organes respiratoires spéciaux, ni organes de reproduction, ont reçu le nom de Phyllosomes; on les classait dans l’ordre des Stomapodes. Un naturaliste du Collége de France, très-bon observateur, M. Z. Gerbe, étudiant les œufs des Langoustes, ob- tint l’éelosion de jeunes : c’étaient des Phyllosomes. Découverte pleine d’intérèt et tout à fait inattendue. M. Gerbe, qui a misobligeammenttousses dessins inédits à notre disposition, a constaté, par l'observation microscopique, la dis- position de l'appareil alimentaire, qui se fait remarquer par ses ramifications, le cœur et les vaisseaux artériels, dont la disposi- tion est déjà semblable à ce que l’on trouve chez l'adulte. Les différences entre les Langoustes adultes et les petits Phyl- losomes sont énormes. On sent l'intérêt qui s’attacherait à la con- naissance des formes intermédiaires; les naturalistes éprouve- raient, à n’en pas douter, la surprise de voir des états de la Lan- gouste, que l’on prend aujourd’hui pour des formes permanentes. Les Asranes, ou les Écrevisses et les Homards, sont des ani- maux bien connus, ayant le plastron sternal étroit, les antennes externes pourvues d’une lame mobile au-dessus de leur pédon- cule, les pattes antérieures fort grandes, terminées par une pince didactyle. Ces Crustacés naissent ayant à peu près toutes les formes des adultes. Ils subissent dans l'œuf leur évolution presque complète, qui a été étudiée avec soin par Rathke et ensuite par Lereboullet, chez l’Écrevisse. Après la naissance, les changements qui s’opèrent à l'extérieur consistent dans le dévelop- pement des pattes et dansles divisions de la nageoire caudale. Les Écrevisses, Crustacés des eaux douces, dont les espèces sont dis- séminées dans les difflérentesparties du monde, ont le rostre trian- 45 rt nm QU MAT ever Pi L'ASIE S PS ETC ES EU EI TS LED REP EE TR LINE , ir » Ts » + : Le L 706 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. gulaire et le dernier anneau du thorax mobile. L'Écrevisse de rivière (Astacus fluviatilis) est le type du genre. M. Lereboullet en a décrit deux autres espèces, dont l'une, l'espèce à pattes blan- ches, était déjà distinguée sur les marchés. Les Homards, Crus- tacés marins, se distinguent des Écrevisses par leur rostre grêle el épineux sur les côtés, et par leur dernier anneau thoracique ne CEST 2 G; Ye JEUNES HOMARDS. 4. L'animal dans l'œuf, — 2, Le jeune au sortir de l'œuf, — 3, Le jeune après la première mue, soudé au précédent. Le Homard commun (Homarus vulgaris) se pêche sur nos côtes de Bretagne et de Normandie; on le prend en tendant des piéges, sorte d'appareils d’osier que l’on nomme des casiers. Un appât suffit pour y attirer les Homards, qui, une fois introduits, ne peuvent plus sortir. Ces Crustacés, très-abon- dants sur les côtes de la Norvége, sont l’objet d'un commerce très-considérable avecl’Angleterre. M. Gerbe a étudié avec grand soin les modifications que subissent les jeunes Homards, dans La race 706. EM. BLANCHARD. LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE. if IMPR. DE E, MARTINET, LA PÊCHE DES HOMARDS (Côte de Normandie). RE EE EE ne + À ir Lt , : | — SE: CA » / ? . J : i u | se AIT | Ê î 3 | 4 * TT | 4 Î RTE Le" L H2 “ . “h} " A , + à s CP 3 * A ‘4 L è : « r € CON . # ‘ i : “ ‘ ‘ > $ = ? 4 t C | « ‘ » ’ L , , :  a : , ‘ " , 0 ’ LI E . ï ” 2 L , = Lé > + # - , e " : 2 à di à nt és 5 as: û ET, 4 r LES CRUSTACÉS. 707 forme de leurs pattes et de leur queue, pour nous faire regretter de ne pouvoir utiliser à cet égard toutes les intéressantes obser- vations qu'il nous a communiquées. Les Parémonies forment une immense famille de Crustacés que chacun appelle des Crevettes, et que l’on nomme souvent des Salicoques. Un corps svelte, comprimé latéralement, des antennes pourvues à la base d’une grande lame mobile, des téguments flexibles, sont les signes distinctifs de ces animaux. On y distingue plusieurs types. Les Crangons (tribu des Crangonines) ont les antennes insérées sur la même ligne. Le Crangon commun (Cran- gon vulgaris), notre délicieuse Crevette, donne lieu à une pêche continuelle sur les côtes de la Manche et de l'Océan. Les Palé- mons (tribu des Palémonines), ayant les autennes insérées sur deux rangs et le rostre très-grand et dentelé, ont des espèces de grande taille dans les régions chaudes du monde. Le Palémon scie (Palæmon serratus), et quelques espèces voisines, qui se trouvent communément sur nos côtes, se vendent sur nos mar- chés sous les noms de Crevelles, de Salicoques, de Bouquet. Les Alphées (tribu des Alphéines) diffèrent surtout des Palémons par leur rostre très-petit. Une espèce de cette division, la Caridine de Desmarest (Caridina Desmarestü), qui se trouve dans les ruis- seaux de nos départements méridionaux, a été, dans son dévelop- pement, l'objet d’une belle étude de M. Joly. Les Palémonides subissent généralement des métamorphoses : les uns naissent avec des formes peu différentes de celles des adultes, mais avec les pattes incomplétement développées; d’autres avec une forme de Zoés, d'autres avec une forme rapprochée de celle des Monocles. Les Crustacés de l’ordre des Stomapodes ont, comme les Déca- podes, des yeux portés sur des pédoncules, et ce caractère a con- duit à les associer, malgré des différences importantes dans leur organisation. Les Stomapodes ont sept paires de pattes, une na- geoire caudale, des branchies extérieures, formées de cylindres rameux et attachées ordinairement à la base des appendices abdo- 708 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. minaux. Les Souizuipes sont les principaux représentants de ce groupe. Leurs anneaux thoraciques sont mobiles les uns sur les autres; la carapace est un bouclier qui ne couvre qu’une partie du thorax. Les pattes de la première paire, correspondant aux secondes pattes-mächoires des Décapodes, sont ravisseuses, et d'une conformation très-analogue à celle des pattes antérieures des Insectes Orthoptères de la famille des Mantides. Nous avons, dans la Méditerranée, la Squille mante (Squilla mantis), un joli animal long d'environ 15 centimètres, semi-transparent, d'un vert tendre avec des teintes rosées. Les Squilles sont charmantes à voir nager, agitant leurs belles houppes branchiales. M. Fritz Müller a signalé, il y a peu d'années, les larves de ces Crustacés, qui ressembleraient extrêmement à des Alimes, classés dans un autre groupe de l’ordre des Stomapodes. Les espèces de la division des Enrioparmarues ont les trois parties du corps, tête, thorax et abdomen, nettement séparées, point de carapace, les yeux sessiles, les pattes ambulatoires au nombre de sept paires. Ces animaux n’ont pas de véritables branchies, mais seulement des expansions membraneuses ou vésiculeuses, dépendantes, soit des pattes thoraciques, soit des appendices de l'abdomen. Il y a dans cet ordre quatre formes principales, et ainsi quatre sections : Jes Ampnirops, qui ont des vésicules branchiales sous le thorax et les appendices des cinq premiers anneaux de l'abdomen propres à la locomotion; les Iso- PODES, sans vésicules sous le thorax, ayant les appendices-de l’ab- domen propres à la respiration; les Læmonopes, avec un appa- reil respiratoire analogue à celui des Amphipodes, qui ont un abdomen rudimentaire. Dans la division des Amphipodes, nous avons la famille des Gammanbes, ou les Crevettines, dont les pattes-mâchoires recou- vrent toute la bouche. Parmi ces Crustacés, les uns, au corps comprimé latéralement, sautent au moyen d’appendices en stylets qui terminent leur abdomen ; les autres, au corps plus large, le. à. ADAM + re LES CRUSTACÉS. 709 ayant les derniers appendices de l'abdomen convertis en lames natatoires, marchent, mais ne sautent pas. Plusieurs Cre- vettines vivent dans les eaux douces, comme la Crevettine des ruisseaux (Gammarus fluviahihs) et la Crevettine puce (G. pulex). Les Hypérines forment une seconde famille d'Amphipodes se distinguant de la première par des pattes-mächoires assez pe- tites, par un corps large et une grosse tête. Ces Crustacés na- gent, et la plupart d’entre eux s’attachent à des Poissons, quel- MÉTAMORPHOSES DE L'ANCÉE MANTICORE (Anceus manticorus ). 1. Larve ou Pranize, — 2. Mâle adulte, — 3. Femelle adulte, quefois à des Méduses. Le développement de ces animaux n’a pas encore été étudié. La seule famille des Cyamines compose l’ordre des Læmodi- podes. Les Cyames ont des pattes erochues plus ou moïns préhen- siles; ils sont connus sous le nom de Poux de Baleines, et en effet ils se fixent sur ces énormes Cétacés et rongent leur peau. La forme typique des Isopodes est celle des Cloportes, mais les représentants de cette division sont en nombre très-considérable, 710 LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. et ils se rangent dans une suite de familles que nous ne pouvons même énumérer. Les espèces marines, telles que les Idotéides et les Asellides, se rencontrent près des côtes, parmi les Fucus. Les Oniscides ou les Cloportes ont des espèces marines et des espèces terrestres. Les vrais Cloportes, pour les besoins de leur respira- tion, ne peuvent vivre que dans les endroits chargés d'humidité. Tout le monde connaît le Cloporte des murailles (Oniscus mura- rius). D’autres Isopodes nagent au môyen d'appendices lamel- leux qui terminent leur abdomen. Les Axcéipes ont des formes singulières, et, en général, de vives couleurs. Les adultes, surtout les mâles, se font remarquer par leur énorme tête. Longtemps on pensait qu'il y avait deux genres bien distincts dans cette famille : les Pranizes et les Ancées. M. Hesse (de Brest) a con- staté la métamorphose des Pranizes en Ancées : les premiers étaient les larves, les autres les adultes. En se dégradant, les caractères des Crustacés deviennent très- variables : c’est ainsi que dans l'ordre des Enromosrracés, on est conduit à réunir des formes assez diverses, la plupart fort curieu- ses. Sous le nom de Braxcniopops, on désigne de petits Crustacés dont les membres thoraciques, devenus foliacés, servent à la res- piration aussi bien qu'à la locomotion. Les Apusies ont le dos couvert d'une carapace en forme de bouclier. L'Apus cancri- forme (4. cancriformis) se trouve quelquefois par milliers dans nos eaux sfagnantes. Les Limnadies, d’une taille très-inférieure, ont une carapace qui ressemble à une coquille bivalve. Les Braw- CHIPIDES n'ont pas de bouclier, mais le corps grêle et allongé. Le Branchipe des étangs (Branchipus stagnals) est une espèce des eaux douces, longue de 10 à 12 millimètres, qui naît avec une forme -très-différente de celle de l'adulte et très-analogue à celle des Monoculides. Les Dapaniprs ont une tête distincte, de grandes antennes divisées en deux ou trois branches, le corps revêtu d'une carapace formée de deux valves. La Daphnie puce (Daphnia Pulex), longue de 3 à 4 millimètres, abonde dans toutes nos eaux EM, BLANCHAND, race 710, LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE, IMPR, DE E, MARTINETs L'ANATIFE LISSE (Lepas anatifera). M does fps hd mets de LES CRUSTACÉS. 711 stagnantes. Chez les Cypripes, où la carapace ressemble également à une coquille, les pattes ne sont pas foliacées. Il y a un grand nombre d'espèces de Cypris vivant en compagnie des Daphnies. Les Moxocurines, qui habitent dans les mêmes conditions, n’ont pas de carapace, mais ils sont caractérisés surtout, comme l’exprime leur nom, par la présence d’un seul œil au milieu du front. Ils naissent avec des caractères tout différents de ceux des adultes, n'ayant d’abord qu’une paire d'antennes et deux paires de pattes. C'est particulièrement à ces petits Crustacés que ressemblent dans leur jeune âge des types que l'on croirait s'en éloigner considérablement à l’état adulte. Les Lernénes, ou Crustacés suceurs, sont les représentants les plus bizarres de la classe. LA DAPHNIE PUCE LE CYPRIS BRUN (Daphnia puleæ). (Cypris fusca). Parmi les Lernéides, les uns, qui pourraient être pris pour des Monocles, quand on les observe dans leur jeune âge, ont trois ou quatre paires de pattes et plusieurs anneaux thoraciques distincts; les autres, privés de pattes, ont le thorax sans divisions. Ces ani- maux, parasites sur des Poissons, venant à se fixer de bonne heure, leurs membres s’atrophient bientôt, et leur corps ne con- serve rien de sa forme primitive. Les Xipnosures sont d’étranges Crustacés offrant certains rap— 4112 ; LES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES. ports avec les Arachnides, comme les Isopodes en offrent avec les Insectes. Animaux de grande taille, ils ont un large bouclier céphalothoracique, un abdomen bien séparé et une queue arti- culée. Privés de mandibules et de mâchoires, des pattes en rem- plissent les usages. Ces Crustacés composent la famille des Linu- Lies, dont on connaît plusieurs espèces, des Moluques, des mers de Chine, des Antilles, des côtes de l'Amérique septentrionale. MÉTAMORPHOSES D'UN LERNÉIDE : LE TRACHÉLIASTE DES CYPRINS (Tracheliastes polycolpus ). 4, Individu nouveau-né, — 2, Individu après une mue, — 3. Femelle adulte, (Figures empruntées au mémoire de Nordmann .) Les Cirraipèbes, animaux hermaphrodites, enveloppés dansune coquille à plusieurs valves, ayant des pattes multiarticulées, en forme de cirrhes, vivent fixés sur divers corps. Comme l'ont montré les observations de MM, Thompson, Burmeister, Martin Saint-Ange, ils naissent libres, et ressemblent alors à des Mono- cles. Les jeunes Cirrhipèdes s’attachent bientôt par une saillie de la région frontale, qui devient, chez certains d’entre eux, comme les Anatifes, un tube d’une longueur énorme. Nous représentons comme exemple les Anatifes (Lepas anahfera), à coquille formée de plusieurs pièces, que l’on trouve souvent attachés en grandes masses à des bois flottants ou à la coque des navires. Ces Ani- maux, condamnés à l’immobilité, attirent vers leur bouche, à l’aide de leurs pattes frangées, les corpuseules qui doivent servir à les nourrir. FIN. TABLE DES MATIÈRES ALTENONDI IS INSNONES RE cet re t II. LA SCIENCE AUX PRISES AVEC LE MONDE DES INSECTES . . . ., III. LES CARACTÈRES DES ANIMAUX ARTICULÉS IV. LA CHARPENTE EXTÉRIEURE ET LES ORGANES DU MOUVEMENT DOS NB CAMES Sp AE Pen ben ab el Dan à DE DA NE ET Re, à een Ni CRU V. LE SYSTÈME NERVEUX. — LES ORGANES DES SENS, . . . . . .. VI. LES APPAREILS ET LES FONCTIONS DE NUTRITION VII. LES SÉCRÉTIONS ET LA REPRODUCTION . ............. VIII. LES LÉPIDOPTÈRES RS RTE ND RAP RENE HART SCT RDS AO ENDOMRRES ie Ent ein, à 0 Ent qu) SCFENS ADR ONE OPEN PRES + dur ent CR NAN RU LES ORTBDP PERTE Pr eat ut AE A Age raie AIT DES ADN SANOBIDEREN ee LL ENR UR ee E SL PERD PDA en nee à Ent needs HO pe GR Ne : AN DENIS TES AN ASRRAE en crc 202 OS Ne va Us XV. LES APHANIPTÈRES. — LES STREPSIPTÈRES . . . ........ ANTON TA PAP RCRENE REC CES RS A ete XVII LES ANOPLURES: — "LES THVSANURES. . . . : . . , .. . SA PQ DE RAR IN er PRES SR NE SIN PEER CE EC E Ar TE MOT ANT MAI EN CR CROIRE PERRET NN RE Ne XX. LES CRUSTACÉS To, Fe GT Lo oc 208 CE A OT TER RE CCR DS A AT EE D Es ESA M PT, TT ne TABLE DES FIGURES INTERCALÉES DANS LE TEXTE PHYSIOLOGIE DES INSECTES, Chenille et Papillon (grand Paon-de-nuit). Larve du Calosome sycophante........ Calosome sycophante grossi,.......,..: Tête de la Guêpe frelon ........,.... Curnéules des yeux, Abeille et Libellule. Système nerveux de l'Abeille.. Cerveau et système nerveux viscéral de la larve et de l’adulte chez le Dytique. Système nerveux du Bombyx du Mürier à l'état de Papillon et à l’état de Verà soie Système nerveux de la larve de l’Abeille, Grand sympathique du Ver à soie... Parties de la bouche de la Sauterelle verte Bouche du même Insecte à l'état de larve et à l'état de Papillon,........ ve Appareil digestif d'un Insecte heHiro et d'un Insecte carnassier. ,,,..,.... Appareil digestif du Bombyx du Müûrier à l'état de Ver et à l’état de Papillon. Portion de trachée du Dytique Appareil respiratoire des larves aquatiques Larves et nymphes aquatiques (Phrygance) Stigmates de divers Insecles..,.,...... Appareil respiratoire de l'Abeiïlle.,..... Cœur et vaisseau dorsal d'un Insecte... Appareil femelle du Dytique,......... LÉPIDOPTÈRES. Portion de l'aile du Paon-de-nuit.... Écailles de Lépidoptères de divers genres . Tarses de divers Lépidoptères,.,,...., Sphinx du Troëne vu en dessous....,.. Antennes dans divers genres. .... PHES Pattes de quelques chenilles de nb Métamorphoses du Thécla W blanc..... Métamorphoses de l'Hespérie miroir... . Antennes des Lépidoptères chalinoptères. Pattes de quelques chenilles de Nocturnes Le Bombyx neustrien, ou la Livrée... .. Métamorphoses de l'Orgyia éloilée . .. .. La Psyché du Gramen......,....,... La Queue-fourchue . La Harpyie du Hêtre....... 112 123 126 127 129 131 133 142 151 157 158 159 170 172 475 202 207 210 231 242 247 256 263 265 Chenilles d'une Phalénide. .,.,,..,.., Zérène des Groscilliers. .... Métamorphoses de l'Halias du Chène... La Teigne des tapisseries... ... Coques de Tinéides du Brésil ....,.... Chenilles de Lithocolletis, ....,...... Ornéode hexadactyle et Ptérophore blanc HYMÉNOPTÈRES. Tarière de l'Hylotome du Rosier, ...... Métamorphoses du Lophyre du Pin... Cynips terminal, mäle et femelle. ..., Les Ichneumonides du genre Pimpla... Diplolépis du bédéguar et Chalcide petile, Les Chrysidides.......,...,.... Rs La FOUPMIMOUSSE Re rer. Larves et nymphes de la Fourmi rousse, Fourmis à miel . re Lo EAN La Mutille européenne . ........ . , Métamorphoses de la Scolie à te Ammophile des sables. .....,........ Le Pélopée tourneur et son nid........ Nid du Pélopée tourneur, vu à l'intérieur La Cercéris des sables. ....,..., Sas 1 Métamorphoses du Philanthe apivore... Le Cémone triste et son nid.,..,..... L'Odynère des murailles, ...,,........ Les Eumènes pomiformes et leurs nids. . La Chalicodome des murailles... ,,.... Nid de la Chalicodome, vu à l'intérieur. L'Osmie dorée et son nid .....,.,.... Les Anthocopes et leur nid,.,,, ,.,... Le Xylocope violet..,.,..,,..... AT LG PAtyre NERNIE ee... COLÉOPTÈRES. Métamorphoses de la Cétoine dorée... Le Hanneton foulon..,....,,.. Les Ateuchus sacrés Te Métamorphoses du Nécrophore OL Métamorphoses du Silphe à quatre points Métamorphoses du Staphylin odorant... Staphylins vivipares ,.......,,....., Métamorphoses des Dermestes. .... Te Métamorphoses de l'Hydrophile brun... TABLE DES FIGURES INTERCALÉES DANS LE TEXTE. Coques de l'Hydrophile brun. Patte antérieure du Dytique TA mûle Les Carabes dorés et leurs larves... Métamorphoses de la Cicindèle champêtre Métamorphoses du Ténébrion de la farine Le Méloé chagriné et la Sitaris humérale Métamorphoses de la Sitaris humérale. . Métamorphoses du Lampyre brillant ... Métamorphoses de l'Alaus ocellé.. ... Le Pyrophore du Mexique, ...,....... . Métamorphoses du Trichode des alvéoles. Le Tomique typographe et le Scolyte.... Écorce d'Orme tatouée par le Scolyte... Le Rhynchite Bacchus ct l'Apodère du Coudrier ......., ST oser tn OS Calandre des Palmiers. ....... ..... Calandre du Riz et Calandre du Blé... Bupreste avec les ailes étendues... ... Métamorphoses du Bupreste Mariana... Métamorphoses du Criocère du Lis. ..., Métamorphoses de la Chrysomèle ...... Métamorphoses de la Coccinelle à 7 points. ORTHOPTÈRES. Le Perce-orcille commun, ... La Blalle américaine, ,....,. « Coque ovifère de la Mante religieuse. Ta Métamorphoses de l'Empuse appauvrie. . Barbitiste porte-selle, mâle et femelle. . Métamorphoses du Grillon des champs. . Métamorphoses du Criquet voyageur... THYSANOPTÈRES. Métamorphoses du Thrips des Céréales. NÉVROPTÈRES. Les divers individus d’une termitière. .. Termite femelle de la côte de Guinée... Métamorphoses de la Perle bordée. .... Métamorphoses du Fourmilion commun. Métamorphoses du Myrméléonlibelluloïde Némoptère Coaet Ascalaphe longicorne.… Métamorphoses de la Panorpe commune, Métamorphoses du Semblis de la boue, . Métamorphoses des Phryganes. ... HÉMIPTÈRES. Métamorphoses du Pentatome gris. .... L'Astemme aptère............,.,,.,. Métamorphoses du Corée bordé . Métamorphoses du Réduve masqué, ... 506 511 915 523 527 529 532 533 535 537 539 540 41 612 613 615 617 ORNE te Ne es ture curl ma Le Fulgore porte-lanterne.. ..., L'Aphrophore écumante... Le Puceron du Rosier..... AR LÉ CL LaCocheMIIee.. 4, .... rs, 0. Le mâle de la Cochenille, APHANIPTÈRES. Métamorphoses de la Puce de l'Homme, STREPSIPTÈRES, BTYIODSINOIT MALE. emumesssse se Stylops noir, femelle el larve. ..,,..,., DIPTÈRES, Mélamorphoses du Cousin, ....,...... Larve et nymphe du Cousin piquant ... La Tipule du Chou Cécidomyie à larves vivipares......... L'Asile crabroniforme. ...... ro Métamorphoses du Taon des Bœufs.... Métamorphoses du Stratione Caméléon. Métamorphoses de la Volucelle zonée.. Métamorphoses de l'Eristale gluant..., Métamorphoses du Gymnosome arrondi. Métamorphoses des Mouches de la viande Mélophage du Mouton, Leptotène du Cerf ANOP LURES. Le Ricin du Pygargue, le Pou de la tête. THYSANURES, Lépisme du sucre, Podure plombé..... MYRIAPODES. Développement du lule terrestre. ..... La Scolopendre mordante. .........,.. ARACHNIDES, La Mygale pionnière et son habitation, . L'Argyronète aquatique..... ,,.,,... La Clubione errante...,..,......... Le Scorpion roussâtre.....,...,..... Les Acariens..... CRUSTACES. Larves du Crabe enragé ........ Larve de la Langouste commune... Jeunes Homards........ ET A RCE Métamorphoses de l'Ancée bblrans. La Daphnie puce, le Cypris brun... Métumorphoses d'un Lernéide...,..., 715 619 622 623 625 627 628 631 TABLE DES PLANCHES HORS TEXTE La Pêche aux Insectes aquatiques dans la forêt de Fontainebleau (frontispice). Métamorphoses du Papillon Machaon.2 is LES RME Re E e ni 7 Métamorphoses de la Vanesse Paon-dé-jout et PEN EEE AISE Métamorphoses du Satyre demisdediles. ps RE re RE AS TEL Métamorphoses de la Sésie apiforme. . . . ... . . . . . . , . . . . . ... 242 Métamorphoses de la Zygène de la Filipendulé | SU PS UN Lee eat PA Métamorphoses du Sphinx de l'Euphorbe. . . . . . . . . . . . . . . , . . . . 220 Métamorphoses de l'Atiaoustlunt re NME ere MSI Métamorphoses du Bombyx processionnaire et du Calosome sycoplante. . . , . . 244 Métamorphoses de laPsychétdu Gramen Me 200 Métamorphoses de la Cucullie du-BOULIONSDIANC ES ES NA UT NA AUOT G Las Galles du CyMpPS Ten ERREURS OI RES RUE LeNid'ds il ounnL MOUSE mme Ms ete RON SR ENTRE CT Les |Guèpes des bois LIGNE RSR CU ER ER RL UT Les Polistes-francalsessetleurs:midS an ee CP Ce PR RE ND Lés Polybies:des/Pabmiers tetes MP EM En ECO D Guéne tt ets MCE PE LE RS ar H10 Les Mégachiles centunculaires et leurs nids, . : . , . , . , . . …. 2, . 430 Métamorphoses de lAnthophore aux pieds fauves. , . , . . . . . . . . , . . . 438 LeSiBonmaons des MoussesteIqurs MAS, EC CN ee UT Head de MaMÉNOONE ÉCUSSDNNEE, MR MC NE ne ee LOU Métamornnnoses dt BannelOnCOMQUT PEN EN nn tn TO Métamorphoses du bucane! cerf-volant, EN OR IS 6 Métamorphoses ADyUqUue OA, NO EM ET A nn 0) Métmonphoses ALAN Allée, DONC ITIIN Métamorphoses de l’Acanthophore serraticorne, . . , . 4... . . . 55k Mélamorphosesde LOncidère granuleusen à 0. 556 LUPBÇITE Tenlesse Che RE SET 0 RE EE NT Mélamorphoses de Ia SAuteNeIE vente RE NE ITR Métamonphoses GUATUNESGNLIOn Re EN FT RE PE OT Méémorphoses des Hphéméres. 2/0 st en ee Vera RON Métamorphoses del’Æschne achete ne tn 0 Métamorpnoses de aigle UEnnEeE N CN OUD Le‘fülgore portsLhantele EPST ER PR En EN LOL Les Étourneaux chassant les dœ SITeS SUNUN DAT AS TARN DNS ID L'Épeite Made. PRET EE OC ESS SR en CAE Le Crabe lénnagé es. APE TR SR CO RER Et 10 La Dne Ste COMMUNES TON RE Sr FR EN RAR AS A OR e ite LANDE ARE ne est ete tee De TN TO TRES UT TU Paris, — Imprimerie de E, ManuNer, vue Mignon, 2.