DESCRIPTION BOTANIQUE DU CHIRANTHODENDRON. Ch< A PARIS, r- RUE DE THION VILLE, N° 116, Ehez Fxrmin Didot, Libraire pour les Mathématiques, la Marine, l’Architecture , et les Editions stéréotypes. (ine, DESCRIPTION •s BOTANIQUE DU CHIRANT HODENDRON, ARBRE DU MEXIQUE, NOUVELLEMENT CONNU, ET REMARQUABLE PAR SON ASPECT ET SA BEAUTÉ; Traduction de t espagnol de Don Joseph-Denis LARRÉ AT EGU I , Étudiant en Médecine au Mexique ; AVEC DEUX PLANCHES COLORIÉES: Publiée par M. LESCALLIER, Conseiller d état , l’un des Commandans de la Légion d:honneur, Membre de la Société impériale d’agriculture de Paris , Correspondant de l’Institut national , &c. A PARIS, DE L’IMPRIMERIE IMPÉRIALE, AN xill. rrr i 805. AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR. 5‘B3.V& .U2f2> IBât » <$K a\\ U3>3 p A MESURE qu’on examine la nature , et qu’on découvre , dans les diverses régions et les divers climats de la terre, ses productions si variées dans tous les genres , on aperçoit de jour en jour de nouvelles merveilles , des phénomènes à admirer, des chan- gemens à faire aux systèmes adoptés, ou des excep- tions aux idées les plus généralement reçues. On donne ici la connaissance exacte et la des- cription botanique d’un arbre qui existe seul de son espèce, ou du moins le seul trouvé jusqu’à présent dans l’immense région du Mexique ou de la Nouvelle- Espagne ; d’un arbre dont la fleur est durable et permanente , ne tombe pas comme font les autres fleurs connues , ne se fane pas , ou ne perd sa vive couleur qu’après un long espace de temps, et meme subsiste encore avec le fruit. La beauté et la solidité de cette fleur l’ont fait depuis long-temps rechercher des naturels du pays, pour la porter au loin; et cet empressement d’avoir les fleurs a nui , sans doute , à la fructification et à la produc- tion des germes : mais il y a lieu d’espérer, d’après le V: iJli+Sr- ( ) zèle des Botanistes espagnols, qui ont une excellente école dans ia capitale du Mexique, qu’ils enrichiront de ce beau et rare végétal les serres chaudes d'Eu- rope ; et peut-être îes contrées les plus méridionales pourront le conserver en plein vent. En publiant cet écrit, je ne prétends qu’au mince mérite de traducteur, et à remplir le devoir d’être utile aux progrès des connaissances humaines toutes les fois qu’on en trouve l’occasion. Je n’ai pas ïa prétention d’être botaniste , ni d’entrer en iice avec îes hommes distingués qui cultivent avec tant de recherches et de succès cette utile et aimable science, qui, en pro- curant des sensations agréabîes à plusieurs de nos sens, donne de nouveaux moyens à l’humanité, soit pour alimenter et soutenir son existence, soit pour sou- lager ses maux et éloigner les inconvéniens dont elle est entourée ; cette science si intimement liée avec l’agriculture, le premier et le plus utile des arts. Si je repousse ici la qualification de botaniste , ce n’est pas que je n’aie pour la Botanique toute l’estime quelle mérite; et si d’autres devoirs, si des occupa- tions obligées, et d’un genre très- différent , m’ont détourné de lui faire une cour assidue, je lui ai tou- jours rendu hommage, et je n’ai jamais oublié de lui apporter de tous mes voyages lointains quelque tribut pour ce dépôt si abondant et si bien administré . ( 7 ) quelle a à Paris au Jardin des plantes , comme dans son palais central : j’ai, à cet égard, de MM. les Profes- seurs du Muséum d’histoire naturelle, des témoignages dont je m’honore. J’ai eu l’avantage aussi d’être de quelque utilité à cette belle collection de plantes où, pour la gloire de la Botanique , on voit avec sensi- bilité l’accord intéressant du rang suprême avec le goût simple et pur des beautés de la nature dans tous ses règnes , où la bienfaisance et l’affabilité sont conciliées avec la dignité et l’éclat du trône. J’ai saisi l’occasion d’être utile à la Botanique , en communiquant la connaissance précise que les cir- constances m’ont procurée , d’une belle plante qui n’est point encore dans les catalogues , et qui ne sera peut-être pas de long- temps dans les serres chaudes d’Europe : mais je desire obtenir l’indulgence des gens de l’art ; et s’ils aperçoivent quelque erreur ou quelque incohérence , qu’ils en attribuent la faute à l’auteur , que je ne me permettrais pas de critiquer ni de con- tredire. M. Or sel , de Lyon , que j’ai eu l’avantage de connaître aux États-Unis , revenant du Mexique, où il avait séjourné avec le goût des choses utiles et de l’instruction , m’a donné une quantité de semences d’espèces nouvelles, et les éîémens de l’arbre qui est décrit dans le présent cahier, avec un ouvrage en ( 8 ) langue espagnole , imprimé à Mexico , dans lequel se trouve ïa description botanique complète de ce beau végétal , avec une estampe dont la gravure était médiocrement exécutée. Les feuilles conservées, ies fleurs , ia capsule , que M. Orsel a eu ïa bonté de me laisser, ont mis un habile dessinateur et un graveur distingué, qui m’ont été indiqués par MM. ies Pro- fesseurs du Muséum d’histoire naturelle , en état d’en donner une représentation parfaite, en deux planches, dans ses couleurs naturelles ; et j’ai traduit de l’ouvrage espagnol, qui est une thèse générale sur la botanique, ce qui contenait particulièrement ïa description du Chiranthodendron , nom de l’arbre dont iï est ici question. Le célèbre et savant voyageur, M. Humbolt , qui a parcouru avec tant de fruit ces memes contrées, n’a pas négligé de rapporter cette connaissance : j’eusse été présomptueux , moi qui ne ïa possède que par voie indirecte (et, comme disent ïes Anglais, de la seconde main), de ne pas lui en laisser ïa priorité, qui semble lui appartenir : mais je me suis assuré , en ïe consultant ïà-dessus , qu’il n’avait pas ïe projet de s’occuper de ce travail dans ce moment-ci ; et je me suis décidé en conséquence à en faire jouir ïe public, tel qu’il est. DESCRIPTION DESCRIPTION BOTANIQUE DU CHIRANTHODENDRON. s. I. Description générale du Chiranthodendron . Cet arbre a un caractère particulier dans sa fleur, qui lui avait fait donner par les anciens Mexicains, dans leur lan- gage , le nom de Macpalxochiquauhitl , nom que les Bota- nistes espagnols de l’expédition de la Nouvelle -Espagne ont remplacé par celui de Chiranthodendron , composé du grec , qui signifie la même chose que le nom mexicain , et qui exprime , comme on le verra ci - après , le caractère essentiel et particulier que présente sa fleur. La racine du Chiranthodendron est ligneuse , très-grosse , disposée horizontalement ; elle se ramifie de tous côtés ; elle est garnie, en plusieurs de ses parties, de fibres très-déliées ; elle est couverte d’un épiderme de couleur obscure, et qui se sépare facilement de l’écorce extérieure. Cette écorce au-dehors est de couleur jaunâtre, et blanche par-dedans, comme la substance ligneuse de la racine, qui, lorsqu’elle est exposée à l’air , acquiert promptement la couleur jaunâtre qu’offre la surface extérieure de l’écorce. B ( .0 ) Le tronc a cinq ou six vares * de circonférence, et à-peu- près autant de longueur jusqu'aux premières divisions des branches; son écorce est un peu rude, et se fend en plu- sieurs endroits, comme il arrive à la plupart des arbres âgés. La hauteur totale de l'arbre va à quinze ou vingt vares. Les branches et rameaux se rencontrent régulièrement alternes et étendus ; les anciennes branches sont tortueuses, et les jeunes rameaux sont ronds, et rayés à leur surface de diverses lignes variées et interrompues : ils sont recouverts d'un léger duvet de couleur gris-cendré , lequel est plus épais et plus sensible à la vue aux extrémités , soit par sa plus grande densité , soit par la couleur d'ocre jaune qu’il acquiert dans cette partie. Les feuilles inférieures sont alternes, découpées à la base, et formées par cinq ou six fortes entailles arrondies, et ter- minées en autant de pointes ; les bords sont garnis de petites dents peu saillantes , obtuses , et écartées les unes des autres. La surface supérieure de ces feuilles est lisse et d’un vert clair ; l’inférieure est cotonneuse et d’un roux blanchâtre , avec des nervures assez saillantes , d’une couleur d'ocre que leur donne un duvet dont elles sont recouvertes. Ce duvet , observé à la loupe , présente la figure de plusieurs étoiles ou petits faisceaux disséminés sur toute la surface inférieure de la feuille, parmi un plus grand nombre d’autres petits faisceaux, ou étoiles, composés des élémens d’un autre duvet blanchâtre. * Mesure espagnole de trois pieds de Castille , plus petits que le pied de France : les trois pieds de Castille, ou la vare , équivalent à 2 pieds 5 76, ou , en mesure métrique , 11 o mètre 83678. Au reste , il n’est pas question de dimensions bien précises. La plus grande longueur de ces feuilles est de quatorze à quinze pouces*, et leur plus grande largeur de six ou sept. Les feuilles des extrémités des branches sont cotonneuses ou chargées de duvet des deux côtés , et leur couleur est d’un jaune d’ocre un peu plus clair. Les pédicules des feuilles sont ronds, plus épais par en- bas, presque aussi longs que les feuilles elles-mêmes, et recouverts du même duvet. Les stipules sont polies , un peu charnues , recourbées , couvertes de duvet et longues d’un demi -pouce ; elles se détachent facilement. Les fleurs sont opposées aux feuilles , et forment une grappe inclinée , simple , de six ou huit fleurs chacune , placée à l’extrémité de la branche. Les pédicules des fleurs sont beaucoup plus courts qu’elles, comprimés et couverts de duvet. Les bractées sont ovales, aiguës, entières, charnues, recou- vertes du même duvet que les parties contiguës : elles sont établies trois à trois au sommet de chaque pédicule , l’une d’elles étant un peu inférieure aux deux autres ; ces trois bractées représentent à la première vue un calice périanthe. De calice , il n’y en a point, à moins qu’on ne veuille prendre pour tel la réunion des trois bractées que l’on vient de décrire. La corolle est d’une seule pièce en forme de cloche , et permanente ; elle est partagée en cinq pétales oblongs , pointus , épais , couverts de duvet et d’une couleur rouge- obscur par -dehors, lisse et d’un beau rouge par-dedans; sa grandeur est celle d’un lis ordinaire. * Douze à treize pouces du pied français. B 2 ( >> ) Cette propriété de la corolle de rester attachée au fruit jusqu'à sa maturité , pourrait lui procurer la dénomination de calice périanthe. En ce cas , on pourrait dire que le calice est double , prenant les bractées pour un calice extérieur. L ’ ovaire est formé de cinq excavations de forme conique , aplaties par les côtés , placées au fond de la corolle et autour du germe , dont la concavité intérieure forme , au-dehors de la corolle , autant de parties saillantes , dont la base représente cinq lobes , séparés par cinq angles. Les étamines sont cinq filamens lisses qui se réunissent par le bas à un cylindre de couleur rouge qui enveloppe le pistil ; elles se courbent et se séparent vers le haut , et sont de longueurs un peu inégales , représentant la patte d’un oiseau avec ses griffes. Les anthères sont oblongues, pointues, ondulées, séparées en deux par un sillon longitudinal ; elles sont adhérentes au dos des filamens, et plus courtes qu’eux : néanmoins les deux extérieures s’en écartent depuis la base jusque vers l’origine des doigts. Le pistil a un germe élevé , de forme ovale , et formé de cinq angles obtus. Le style est de quatre ou cinq angles, velu , un peu plus gros et courbe vers la partie supérieure. Le stigmate est simple et pointu. Le péricarpe est une capsule ligneuse , longue de trois ou quatre pouces , et d’un pouce ou un pouce et demi de diamètre ; sa forme est oblongue et un peu elliptique , se terminant en pointe , et portant cinq angles internes ou rentrans et cinq angles externes ou saillans , contenant cinq lobes , dont l’ouverture ou séparation est aux angles externes ou saillans. ( '3 ) Les semences sont , dans chaque fruit , au nombre de cinquante ou soixante , dix ou douze dans chaque lobe ou cellule ; elles sont ovales , lisses , lustrées et noires , avec une petite glande sphérique, de couleur d’orange, et de la grosseur d’un grain de moutarde auprès de sa base , et recouvrant la cicatrice de la semence : elles sont retenues, à la partie intérieure et la plus rapprochée du lobe , par un filament court; elles sont enveloppées d’une espèce de poil assez semblable à du crin. Le réceptacle des semences est de la même figure que la capsule, et lui est fortement adhérent par-dedans ; de manière à ne former , à la première vue , qu’un seul corps qui se sépare en cinq parties , dont chacune est adhérente au lobe. La description qu’on vient de lire expose le caractère naturel du Chiranthodendron ; on peut en extraire facilement le caractère générique , qui peut être exprimé comme il suit : §. IL Caractère générique du Chiranthodendron. Calice : il n’y en a pas , à moins qu’on ne veuille donner cette qualification aux bractées. La corolle est d’une seule pièce , en forme de cloche , et permanente , partagée en cinq pétales oblongs , pointus et charnus. L’ovaire : cinq excavations au fond de la corolle et autour du germe. Les étamines , au nombre de cinq, lisses et courbées, un peu inégales en longueur, réunies par le bas en cylindre. Les anthères oblongues , ondées, placées sur le dos des fil amen s , et plus courtes qu’eux. Le pistil a un germe élevé , ovale , à cinq pans ou faces. Le style anguleux , un peu plus gros, et recourbé à son sommet, et plus court que les filamens ; le stigmate simple et pointu. Le péricarpe est une capsule ligneuse, oblongue et elliptique, à cinq pans, à cinq lobes et cinq cellules. Les semences, au nombre de dix ou douze dans chaque loge , ovales , lisses, lustrées, noires, avec une petite glande sphérique près de sa base ; elles sont enveloppées d’une espèce de crin. Le réceptacle est de la même figure que la capsule , et adhérent à elle. Observation. Cet arbre a beaucoup de ressemblance avec le genre des Bombax de Linné , ayant cependant un nombre de caractères qui l’en distinguent. S. iii. Caractère essentiel . Le caractère essentiel d’une plante devant être tiré de quelque forme remarquable et singulière propre à l’espèce à laquelle on l’applique, celui du Chiranthodendron se trouve dans la figure et la direction des filamens, qui représentent, comme on vient de l’expliquer dans la description précé- dente, la patte d’un oiseau, ou, selon quelques-uns, la main d’un singe. ( 1 5 ) §• IV. Caractère factice. On appelle caractère factice, ce qui distingue un genre de tous les autres qui se trouvent comme lui classés dans le même ordre artificiel ; d’où il s’ensuit que ce caractère , ainsi que le caractère essentiel , ne sont point nécessaires à exprimer dans la monographie ou description d’une plante, où il n’est pas besoin de distinguer le nouveau genre que l’on décrit , d’avec ceux qui se trouvent déjà placés dans un système quelconque. Néanmoins on peut exprimer comme il suit le caractère factice du Chiranthodendron. Calice, point; à sa place, trois bractées qui tombent facilement d’elles-mêmes. Corolle permanente. Les Etamines : cinq filamens réunis par le bas en un cylindre , et séparés en cinq vers le milieu de leur lon- gueur , dans la forme d’une patte d’oiseau. Capsule ligneuse, à cinq pans et cinq cellules. §. v. Noms et genre du Chir anthodendron . O n peut déduire de la description et du caractère géné- rique donné ci-dessus au Chir anthodendron , que cet arbre ne se rapporte à aucun des genres connus , et que , par con- séquent , c’est un genre nouveau , ainsi que l’ont très-bien établi MM. les Botanistes de l’expédition de la Nouvelle- Espagne, qui, s’appuyant sur la doctrine du savant Natura- liste du Nord, lui ont donné ce nom de Chir anthodendron, ( >6 ) composé des trois mots grecs yfliq , 2L0O$ et Mvtyor , répondant aux trois mots mexicains , macpalli , xochitl et quauhilt ; ces trois mots, dans les deux idiomes, signifiant dans le même ordre , main, fleur , arbre ; c’est-à-dire, arbre dont la fleur a la ressemblance d’une main : d’où l’on a déduit ces difFérens noms ; savoir , durant ho de ndr on , qui est son nom générique ; Macpalxochiquauhitl , qui est son synonyme, conservé par Je docteur Hernandez ; Arbol de mandas , nom vulgaire qui lui a été donné par les Mexicains - Espagnols sur les lieux, qui signifie arbre dont les fleurs ont des figures de petites mains. Il serait possible d’abréger cette dénomination générique, ne la faisant que de quatre syllabes pour faciliter sa pro- nonciation, et dire, par exemple, Chirodendron , qui rend précisément le nom vulgaire espagnol arbre de main ; mais comme on observe, d’une part, que tous les Botanistes ont admis des noms génériques de plantes de cinq syllabes, et, d’autre part , que le mot durant hodendr on dépeint net- tement le caractère de ce végétal et sa situation dans la fleur, je pense qu’on doit préférer, par toutes sortes de raisons , cette dénomination à l’autre. Le nom spécifique et légitime d’une plante doit la dis- tinguer de toutes celles du même genre , ainsi que l’a établi Linné ; mais , comme on ne connaît du dùranthodendron que cette seule espèce , on ne pourra pas établir une différence jusqu’à ce que l’on ait découvert quelque autre variété de ce même arbre. Cependant, si l’on peut lui imposer un nom trivial , comme on en a donné à la plupart des genres nouveaux dans le Système végétal de Linné , et pour suivre aussi les règles établies par Murray, et l’usage de prendre ces noms ( >7 ) noms dans les langues grecque et latine , on pourra ajouter à la dénomination générique, l’adjectif pentadactylon. Ainsi l’arbre en question sera parfaitement désigné, en le nommant Chiranthodendron pentadactylon ; c’est-à-dire, arbre portant dans ses fleurs la figure d’une ni ain avec ses cinq doigts. §. vi. Histoire du Chiranthodendron. Les auteurs qui ont parlé de cette plante , sont le célèbre ■docteur Don Francisco Hernandei , le R. P. Augustin de Vétancurt , et l’illustre P. Don Francisco -Xavier Clavigero. Le premier en fait mention dans son Histoire des plantes de la Nouvelle-Espagne,^^ yyi du second volume , édition de Madrid , et dans le Supplément de ce même ouvrage , publié à Rome par Nar do- Antonio Recho , page 283 , où l’on voit une figure imparfaite tant de la fleur que des feuilles de ce précieux végétal. La description qu’il en donne dans l’une et l’autre édition , est également très-peu satisfaisante , puisqu’il y est dit seulement que c’est un grand arbre portant des fleurs avec la figure d’une main , et des feuilles sem- blables à celles du figuier, mais plus petites. Dans l’édition de Rome , ses feuilles sont décrites comme ressemblant à celles du mûrier, avec lesquelles cependant elles 11’ont aucun rapport : il n’y est fait aucune mention du fruit , que l’édition de Madrid dit être dur et ligneux. Dans ce dernier ouvrage ÿ cet arbre porte le nom de Macpalxochitl , dénomination appliquée improprement à une plante herbacée décrite à la page 532 ; car, par la description de ses feuilles et du lieu où elle croît, il n’y a pas de doute que ce ne soit la Malva vitifolia , qui a été reconnue et décrite par les Bota- nistes de la Nouvelle-Espagne, et donnée au public long- C ( >8 ) temps après , sous ie même nom , par le Botaniste Don Joseph- Antonio Cavanilles : mais , dans l’ouvrage de Recho , cet arbre a la dénomination complète de Macpalxochiquauhitl , et le mot Alacpalxochitl est uniquement affecté à l’herbe dont je viens de parler. Le R. P. Vétancurt , parlant du Alacpalxochitl dans son Théâtre mexicain, page pq, dit : « Cet arbre porte, aux » mois de septembre et octobre , une fleur rouge , de la » figure d’une main, formée avec une telle perfection, tant » la palme de la main, que les jointures, les phalanges et » les doigts , que le meilleur sculpteur ne pourrait pas la » rendre aussi exactement. Quand elle est verte , elle est >3 fermée dans la forme d’un poing ; et à mesure qu’elle « rougit, elle s’entr’ouvre , et reste enfin à moitié ouverte. >» Cet arbre croît dans les pays frais, comme Toluca , et 33 dans les hautes montagnes d’ Ayot^ingo ; il est de grandeur >3 moyenne , et sa feuille ressemble à celle du chêne vert. » Le P. Clavigero fait une mention très-succincte du Mac- palxochitl j auquel il donne également le nom vulgaire A Av bol de matiitas: il dit que sa fleur ressemble à la tulipe, et que son pistil représente la figure d’une patte d’oiseau , ou plutôt d’une main de singe avec six doigts, terminés chacun par un ongle ou une griffe. Il est aisé de voir que, dans cette explication, H confond les filamens qui sont au nombre de cinq, avec le pistil qui estunique, ainsi qu*on l’a déjà expliqué» Le célèbre Jacquin , Professeur de botanique à Vienne, a cru trouver notre Chiranthodendron dans Y Helic teres Car - îhageniensis qu’il décrit pages 237 et 27 d de son excellent ouvrage des Plantes choisies d’Amérique , le rapportant d’une manière douteuse au Aîacpalxochiquauhitl de Her- nandez : mais on voit que sa description ne se rapporte ( >9 ) aucunement à celle que l’on vient de donner de ce végétal ; et l’on ne doute nullement que cet habile Botaniste n’eut pas confondu ensemble deux plantes si différentes et ne les eût pas réunies dans l’ Helicteres . s’il eût été à portée de voir les deux plantes , ou si la description à’ Hernandez n’eût pas été aussi incomplète. §. VIL Des Classes dans lesquelles on peut ranger le Chiran- îhodendron suivant les différens systèmes. D’après les caractères du Chiranthodendron expliqués dans la description qui précède , il est démontré que cette plante doit se ranger dans les classes ci-après , suivant les systèmes des différens auteurs ; savoir : NOMS DES AUTEURS. DÉSIGNATION DES CLASSES. CARACTÈRES. CÉS ALPIN j/e Classe. ..... Arbres dont les fruits nais- Morisotnt j.rt idem, sent du sommet de la semence. Arbres. Ray j// idem, Arbres à fruits secs. Paul Hermann. . . 2j,e idem, . . .... Arbres à. fruits secs. Boerhaave idem, ...... Arbres dont la fleur est Rivin T.re idem, d’une seule pièce. Fleur régulière d’une seule pièce. Et à capsule de cinq cellules. o’ Ordre 20 Dans ces six premiers systèmes, il manque Tordre dans lequel on peut placer ce genre; ainsi l’on pourra y ajouter celui des capsules ligneuses à cinq cellules, comme dans les systèmes qui suivent : NOMS DES AUTEURS. Ruppius Ludwig. Knaut, Tournefort. Linné. DÉSIGNATION DES CLASSES. i. re Classe. . ... . $.e Ordre ï.re Classe Ordre . z." Classe 32.' Ordre. 2 o.‘ Classe 4.e Ordre 16° Classe. .... j. 1 Ordre. . ... . Ordre naturel. . . . CARACTÈRES. Fleur régulière d’une seule pièce. Capsule à cinq celluïes. Fleur régulière d’une seule pièce. Capsule à cinq cellules. Fleur uniforme d’une seule pièce. Capsule à cinq cellules. Arbres à fleurs d’une seule pièce. Pistil qui se change en un fruit de plusieurs cellules. Monadelphia, ou fleurs dont les étamines sont réunies en un seul corps. Pentandria , ou à cinq éta- mines. Les columnifères , ou dont les étamines sont réunies en une seule petite colonne. 2 I §. VIII. Lieux et saison où croît le Chiranthodendron. Les savans auteurs que j’ai cités , le docteur Hernande ç et le P. Clavigero , n’ont point donné à entendre qu’ils connussent les lieux et l’espèce de terrain qui conviennent à la végétation du Chiranthodendron ; et l’on a lieu d’être étonné d’une telle omission de la part du premier de ces auteurs, qui a été très-exact à observer cette circonstance dans presque toutes les descriptions de végétaux qu’il a données dans son Histoire des plantes de la Nouvelle-Espagne. En parlant du Chiranthodendron , il se borne à dire qu’il fleurit au commencement de l’hiver, et qu’il conserve une vigou- reuse végétation toute l’année ; ce qui peut se dire de la plupart des arbres du même continent. Il est probable que cet arbre était très-rare dans le temps du docteur Hernande et qu’on le cultivait seulement , dans quelques jardins par- ticuliers, comme une plante singulière et extraordinaire : du moins , il y a lieu de croire qu’il ignorait le lieu où cet arbre croissait spontanément , parce que , dans ce cas , il n’aurait sans doute pas manqué d’en faire mention. Jusqu’à présent, nous n’avons aucun avis positif que cet arbre croisse autre part dans tout le royaume du Mexique, qu’à Toluca , ville située à l’occident de celle de Mexico , à environ seize lieues de distance [à-peu-près vingt-quatre lieues communes de France], sur la pente d’une montagne très- aride et pierreuse , où il ne croît que des tnagueys et quelques* plantes annuelles , mais aucune autre espèce d’arbres ni d’ar- brisseaux, On ne trouve dans cet endroit qu’un seul individu* ( 12 ) de ce précieux et rare végétal, exposé à toutes les injures du temps. Son principal tronc est creusé par en-bas ; sa tête et ses branchages sont très -irréguliers , et menacent d’une fin pro- chaine , à cause de sa grande antiquité. Ii fleurit au commencement de l’hiver , ainsi que le dit le docteur Hernande £ , et sa fleuraison dure pendant les mois de novembre, décembre et janvier. Il garde ses feuilles toute l’année ; et jamais on n’a pu en voir le fruit , à cause de l’empressement qu’on a de venir de toutes parts chercher ses fleurs , pour admirer leur singulière et étrange forme ; et, par cette même raison, l’on ne trouve jamais sur l’arbre des fleurs dans leur état de perfection, parce que les Indiens et autres personnes les cueillent avant leur épanouissement , les uns pour les vendre , et les autres pour satisfaire la curiosité de ceux qui leur en demandent. §. IX. Propagation. Aussitôt que MM. les Botanistes de l’expédition de la Nouvelle-Espagne furent informés de la fructification singulière de cet arbre, ils se rendirent à la ville de Toluca: c’était au milieu de décembre de l’année 1787 ; ils étaient accompagnés d’un dessinateur de l’expédition. L’unique objet de leur voyage fut d’observer, de décrire , de des- siner cette espèce nouvelle : ce qu’ils exécutèrent avec beaucoup d’exactitude , ayant eu la satisfaction de trouver quelques fleurs épanouies > d’où ils purent se procurer un ( 23 ) dessin d'après nature , d’une branche telle qu’elle est repré- sentée dans l’estampe qui est à la fin de ce volume , et qui est un abrégé de l’arbre entier. Ils questionnèrent les Indiens sur la propagation de cet arbre , soit de graine ou de bou- ture : ceux-ci répondirent, d’après leur idée superstitieuse , que Dieu ne voulait pas qu’il y eût plus d’un arbre de cette espèce , et que , par cette raison , les peines d’une in- finité de personnes curieuses qui avaient voulu en étendre la propagation , avaient toujours été inutiles ; qu’on avait planté des boutures de différentes grosseurs et en toutes les saisons , et que toutes les espérances avaient été trompées. Ils ajoutaient à cela plusieurs fables ridicules qui seraient ici hors de propos : MM. les Botanistes de l’expédition n’en firent pas plus de cas qu’elles ne méritaient. Ils firent placer aux premières divisions ou embranche- mens du tronc , une grande caisse remplie de terre , dans laquelle ils firent marcotter plusieurs branches de l’arbre de différentes grosseurs , et ils ordonnèrent de couvrir d’une natte une de ces branches qui avait quelques boutons de fleurs déjà bien avancés , afin de les garantir de la gelée , et de pouvoir en ramasser les fruits et les semences. Ils char- gèrent le Corrégidor de Toluca et le Gouverneur des Indiens de veiller à la suite de cette opération , et ils offrirent une forte récompense à un Indien qui avait sa demeure au voisinage de l’arbre, pour arroser, tous les trois ou quatre jours , les branches marcottées , et pour avoir soin des fleurs que l’on voulait laisser en réserve , afin d’en laisser mûrir les fruits. Ces précautions eurent leur effet pendant quelques jours ; niais peu de temps après on négligea l’arrosement de la caisse ; (H) la branche que l'on avait mise en réserve resta découverte , les fleurs furent cueillies ; et les intentions de nos Botanistes auraient été frustrées, s’ils n’avaient eu la précaution d’em- porter environ vingt-quatre boutures de différentes gros- seurs, qu’ils arrachèrent avec une certaine quantité de l’écorce des plus grandes branches auxquelles elles tenaient , et de mettre ces boutures dans un panier plein de terre de bonne qualité , qu’ils eurent soin d’humecter d’une quantité suf- fisante d’eau. A leur retour à Mexico , ils plantèrent ces boutures dans des pots et des barils , où elles se conservèrent fraîches pendant long-temps. On détacha alors quelques bourgeons du plus grand nombre de ces boutures, et l’on en transplanta trois des plus vigoureuses dans le jardin du palais royal , qui sert à présent de jardin botanique , où elles se main- tinrent pendant plusieurs mois sans accident ; mais ensuite deux d’entre elles dépérirent, et moururent comme toutes celles qui étaient restées chez le directeur Don Martin de Se^é y Lacasta. La troisième et unique que l’on parvint à conserver , continua de pousser des bourgeons de différens côtés, dont quelques-uns parvinrent jusqu’à la longueur de trois pieds la première année. La seconde année , on fut obligé de la tirer du vase et de la transplanter dans un carré du jardin , où elle devint très-vigoureuse , augmentant progressivement, jusqu’à ce qu’enfin , dans les huit années qu’elle a d’exis- tence, elle est devenue un arbre de quarante - cinq pieds , formé de trois troncs , qui se séparent du tronc principal presque au sortir de terre , dont deux ont vingt-sept pouces de circonférence, et le troisième quarante-cinq pouces. Notre Notre professeur Don Vincent Cervantes a tâché, pendant ces années d’intervalle , de multiplier ce végétal si singulier et si rare ; il a fait venir de Toluca , en différentes fois , un nombre de cent trente-six boutures prises dans la même partie, et avec les mêmes précautions qui avaient eu lieu pour celle qui a prospéré : mais ni ces boutures , ni celles qu’a procurées l’arbre qui existe dans le jardin , ces dernières au nombre de plus de cent, n’ont pu réussir, quelques soins que se soit donnés à cet effet l’habile jardinier en chef Hyacinthe Lope £. Il les a plantées dans des vases et dans des caisses , il a varié la qualité des terres, et enfin il a marcotté quelques branches de cet arbre dans de grands entonnoirs de fer-blanc remplis de terre ; il a employé tous les moyens que l’art du jardinier a pu lui suggérer pour parvenir à trans- mettre au jardin de sa Majesté Catholique cet arbre mer- veilleux , digne d’être placé dans les jardins de tous les souverains de l’Europe : mais on n’a rien obtenu ; on espère seulement de pouvoir réussir , si les greffes qu’on a mises sur l’arbre, il y a trois ans , peuvent prendre , ou si l’on en obtient des fleurs et des fruits qui produisent des graines dans leur maturité. * Pour y parvenir, le jardinier en chef a fait dépouiller l’arbre de toutes ses feuilles au commencement de l’année der- nière 1 794. Cette opération a été répétée, sans succès, quatre * L’auteur dit avoir appris depuis , du jardinier en chef, qu’il avait reconnu les greffes des entonnoirs , et qu’il en avait trouvé une avec plu- sieurs racines ; ce qui lui donne la certitude d’avoir un second individu de cette espèce précieuse, qu’il se propose de transmettre , avec le plus grand soin , au jardin royal de Madrid , par la première occasion. D ( *« ) autres fois , depuis le mois de septembre jusqu’à ia fin de décembre de ia même année ; et voyant qu’à chaque fois il poussait de nouveaux bourgeons avec une plus grande vigueur, il fit inciser dans plusieurs endroits l’une des trois grosses branches entre lesquelles est partagé le tronc , et fit resserrer la partie supérieure de cette branche par de fortes liûres , afin d’empêcher qu’elles ne reçussent une trop forte nourriture par la bonne qualité de la terre dans laquelle l’arbre se trouve planté. L’effet a répondu à ses espérances ; car plusieurs branches supérieures se trouvent chargées de gros boutons de fleurs qui pourront s’ouvrir dans tout le courant de la présente année ; et si les fruits viennent à bien , les semences pourront être mûres au commencement de l’année prochaine. §. X. Vertus et Usage du Chiranthodendron. Le docteur Hernandez ne nous cite aucun emploi éco- nomique ni médicinal du Macpalxochitl ; il ne nous dit pas non plus si , dans ce temps -là, les Espagnols ou les Indiens faisaient quelque cas de ses fleurs : au contraire , il dit, dans sa description, qu’il n’a jamais entendu attribuer à cet arbre aucune qualité médicinale. On ne pourrait pas dire aujourd’hui la même chose : d’une part, j’ai dit combien ces fleurs étaient recherchées des curieux pour leur beauté et leur rareté ; et d’une autre part , les différentes parties de cet arbre ne manquent pas de vertus médicinales. Les feuilles bouillies et mises en cataplasme, s’appliquent avec succès dans les inflammations, et pour adoucir la douleur ( 17 ) des hémorroïdes ; elles produisent le même effet que les sidas , les guimauves et les mauves, et possèdent comme elles une vertu émolliente , laxative ; elles font mûrir et aboutir les abcès. Les fleurs infusées dans de l’eau bouillante , procurent un mucilage abondant, semblable à celui du psyllium , lequel, étant délayé dans une suffisante quantité d’eau , calme l’in- flammation des yeux et apaise le mal de dents. La racine est un puissant astringent, comme on l’a déjà dit. Le bois est mou et fragile ; et par conséquent il ne peut pas mériter attention , quand même ces arbres seraient en abondance. NOTICE DES DEUX PLANCHES. L a première planche représente la fleur et les fruits disséqués , afin d’offrir les différentes parties , lesquelles sont dessinées de grandeur naturelle , et désignées par les lettres ci-après : a. Les bractées qui font Toffice du calice. b. La corolle ouverte , dans le fond de laquelle on aperçoit les exca- vations de l’ovaire. c. Gaine du style ouverte jusqu’à la séparation des filamens. d . e. Le germe , le style et le stigmate. f. Le germe séparé. g. Le germe coupé transversalement pour montrer ses cinq cellules. h. Petites semences qu’on aperçoit dans le germe. ( *8 ) i. Le fruit avec ïa corolle , ou le calice permanent. k. Le fruit coupé transversalement , pour montrer ses cinq cellules. /. La graine. La seconde planche représente une petite branche de l’arbre , avec ses feuilles et ses fleurs , dont les dimensions sont moindres de moitié que la grandeur naturelle. IMPRIMÉ Par les soins de J. J. Marcel, Directeur général de l’Imprimerie impériale , Membre de la Légion d’honneur. /