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LL wi h D ra pbs rAnt ms pour Au jurt si num É HIT Er DL ya SEE ALAN AL 1 HU ; k 4 MER Arai HEDGRIPTION . DE L'ÉGYPTE. RECUEIL DES OBSERVATIONS ET DES RECHERCHES QUI ONT ÉTÉ FAITES EN ÉGYPTE PENDANT L’'EXPÉDITION DE L'ARMÉE FRANÇAISE, PUBLIÉ PAR LES ORDRES DE SA MAJESTÉ L'EMPEREUR NAPOLÉON LE GRAND. ÉTAT MODERNE. TOME SECOND. A PARIS, DE L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE, I TI M. DCCC."XII. " TAV are FAELTAS LEO Li A NME DEUXIÈME LIVRAISON. ÉTAT MODERNE. MÉMOIRES. MONTENTE N OTICE sur la conformation physique des Égyptiens et des différentes races qui habitent en Égypte, suivie de quelques réflexions sur l'embaume- ment des momies ; par M. le baron Larrey, Premier clururgten de la Garde de l'Empereur, membre de l'Institut d'Épypte, l'un des comman- dans de la légion d'honneur. ........ à Le MAT Len 2.5 RH Er à Page 1 Mémoire sur la partie occidentale de la province de Balyreh, connue ancien- nement sous le nom de nome Maréotique; par M. Gratien Le Père, ingénieur en chef au corps impérial des ponts et chaussées. .e + +. ee + + + + + Notice sur la préparation des peaux en Égypte ; par M. Boudet, phar- macien en chef d'armée en "À ypte, membre de l'Institut d'Égypte et de la Légion d' honneur .…. PR ME tie À de A AE Re LA POSE 21. Mémoire sur \le Megyäs de l'ile de Roudak , et sur les ISCrIPLIONS que ren- fèrme ce monument ; par J. J. Marcel, drecteur de l Imprimerie impériale, membre de la Légion d'honneur. Nota. Cette table des Mémoires relatifs à l’état moderne de l'Egypte n’est que provisoire; elle sera remplacée par une table définitive, lorsque le volume sera complet, t M à M HAT à LME LAS lat A Pris FAT ERP RATE FU y 14 Vbmetiahs É CN 1 5 U és VE Et AUS de + “iQ WE i-cUR & 1424 SR Éi “Re \ ; : ! KA AUN à VAN ne ae SANS F : % à UP LTMEL , LR SE Fa é D DO EU Q UIR ER E ITR (ue “ st LORS Ê Lars RS d DCE a SAV te ù : NS : : À si SABRE: 4 % ; : e rl HS a hà wi et ue ot si. * x + À à Vues mt. ÿ Hi is sie 6 “A PU | a : SU PEN Ve ie NN on Tia. 5 ss up nt s de | | | | à =k be ù ‘ de Pb 4 ‘ 3 À à ; £ he ni FE : INRA nu si vos a. ste JR An: AS ns A Fiat D Ge | AN Hs SPAS AE CS sb, Jombf À Lan : ; | ; spl Re pa , j f À “ n & Ho DAT UOTE TAF SAT PER RE Er CEE ULE TEE AR EE QU NIGE ere PAR LU, CA AUX ÿ : ! à à . * È LAS 1 SUR LS Û ; l , : à , “ : u AN < 7 ' Tu LR ü | ‘ J Len . L » L “+ } Eu pres N : 4 0 PEN l * \ L 4 ie ; ue : “ k ‘ . * ANT TON NT L ñ * "A Ç ? * % 2 k k d à à, A re 0 … * û “ Le 2 } L A ‘ ë g 4 4 : k À % : ! ’ Û We DA «| £a \ 1 1104 %. 10" Rir “ ‘ ve DA, NOTICE SUR LA CONFORMATION PHYSIQUE DES ÉGYPTIENS ET DES DIFFÉRENTES RACES QUI HABITENT EN ÉGYPTE, Suivie de quelques Réflexions sur l'Embaumement des Momies ; PAR M. LE BARON LARREY, DocTEUR EN CHIRURGIE DE PARIS, ET EN MÉDECINE DE L'UNIVERSITÉ D'IÉNA, MEMBRE DE L'INSTITUT D'ÉGYPTE, DE PLUSIEURS ACADÉMIES, PREMIER CHIRURGIEN DE LA GARDE DE S. M. L'EMPEREUR ET Rotï, INSPECTEUR GÉNÉRAL DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES, L'UN DES COMMANDANS DE LA LÉGION 2) "HONNEUR, ET CHEVALIER DE L'ORDRE DE LA COURONNE DE FER. D D DS D. CR D D P OUR distinguer le caractère physique des vrais Égyptiens de celui des autres habitans de l'Égypte, il m'a paru indispensable d’ examiner ces divers habitans dans leurs rapports essentiels. Afin de procéder dans cet examen avec quelque méthode, je les distingueraï, comme la fait un voyageur Français, en quatre classes; savoir, les Mamlouks, les Turcs ou Turcomans, les Arabes et les Qobtes. | Les Mamlouks qui gouvernent maïntenant l'Égypte, s'y établirent vers le x.° siècle : ils descendirent du mont Caucase, et arrivèrent en cette contrée après avoir fait des incursions en Syrie. Ces hommes, que nos croisés désignèrent sous le nom qu'ils portent encore aujourd'hui, se font distinguer des autres habitans de l'Égypte par leurs qualités physiques et par leur caractère belliqueux. Ils sont tous d’une taille avantageuse, d’une constitution robuste; leurs formes sont belles, agréables ; ils ont le visage ovale, le crâne volumineux, le front découvert, les yeux . grands et bien fendus, le nez droit et un peu aquilin, la bouche moyenne, le menton légèrement saillant, les cheveux, les sourcils et les cils bruns ou châtains et la peau d’un blanc mat. Les femmes venues du même pays, et qui ornent les sérails, présentent les mêmes traits avec des modifications avantageuses : on en remarque quelques-unes de fort belles. Les vicillards, parmi ces Orientaux, ont des têtes magnifiques, par la saillie, la beauté des traits de la face et la blancheur éclatante de la barbe qu’ils laissent croître jusqu'au bas de la poitrine. Mourâd-bey étoit un modèle parfait de ces belles formes physiques. Le caractère des Mamlouks est fier, hardi, sans être É. M. TOME IL. | à 2 NOTICE SUR LA CONFORMATION PHYSIQUE cruel ; ils sont hospitaliers et généreux. Ils ne se marient que lorsqu'ils ont atteint un grade supérieur; ils sont enfin exclusivement exercés à l’art militaire, et je pense qu'on a eu raison de les considérer aussi comme les premiers cavaliers du monde. La seconde racé se compose des Turcs ou Turcomans, qui viennent de la Turquie ou de la Tartarie Asiatique. Leur constitution approche assez de celle des Géorgiens ou Circassiens Mamlouks dont je viens de parler : mais leur teint est basané, leur figure plus aplatie, leur crâne plus bombé et plus sphérique; üls ont les yeux plus petits, le regard sombre et mauvais, les sourcils noirs et froncés, la barbe également noire. Leur caractère est moins vif et a quelque chose de cruel. Cette espèce d'hommes est assez nombreuse au Kaïre, et ils sont sous les ordres immédiats des pächäs. La troisième classe est formée des Arabes, qu’on peut subdiviser en trois races différentes : celle des Arabes orientaux, venus des bords de la mer Rouge ou de l'Arabie; celle des Arabes occidentaux ou Africains, originaires de la Mauritanie ou des côtes d'Afrique; et celle des Arabes Bédouins ou Scénites, venus des déserts. Les individus de la première race, qui se sont perpétués dans la classé des felläh, artisans ou laboureurs de toute la basse Égypte, ont la taille un peu au- dessus de la moyenne : ïls sont robustes et assez bien faits, leur peau est dure, hâlée et presque noire; ils ont le visage cuivré et ovale, le front large et bombé, le sourcil détaché et noir, l'œil de la même couleur, petit, brillant et enfoncé, Je nez droit, de moyenne grandeur, la bouche bien taillée, les dents bien plantées, d’une belle forme et blanches comme l’ivoire. On observe chez leurs femmes quelques différences agréables : on admire principalement le contour gracieux de leurs membres, les proportions régulières de leurs mains et de leurs pieds, la fierté de leur démarche et de leur attitude. Les Arabes Africains participent des précédens par l’ensemble des formes du corps, ainsi que par la couleur et la vivacité des yeux; maïs ils tiennent des habitans de la côte d'Afrique, par la forme de leur nez, de leur mâchoire et de leurs lèvres : leur caractère à beaucoup d’analogie avec celui des autres races d'Arabes. Ces Arabes Africains se sont répandus dans la haute Égypte, et ils y cultivent la terre et exercent des métiers comme les premiers. Les Bédouins ou Arabes bergers sont généralement divisés par tribus éparses sur les lisières de la terre fertile, à l’entrée des déserts; ils habitent sous des tentes qu'ils transportent d’un lieu dans un autre, selon le besoin. Ils ont quelques rapports avec les autres : leurs yeux sont plus étincelans, les traits de leur visage généralement moins prononcés, la forme de leur corps plus belle; mais leur taïlle est plus petite. [ls sont plus agiles et fort maïgres, quoique très-robustes : ils ont l'esprit vif, le caractère fier; ils sont méfians, intéressés, dissimulés, errans et vagabonds; ils passent d’ailleurs pour bons cavaliers, et l’on vante leur dextérité à manier la lance et la javeline. Les mœurs et les usages de tous ces Arabes sont à-peu-près les mêmes, ils élèvent des troupeaux de moutons, des chameaux et dés chevaux d'une espèce très-recherchée. La quatrième classe des habitans de l'Égypte, principal objet de mes recherches, DES ÉGYPTIENS. 3 est formée des Qobtes, qui se trouvent en grand nombre au Kaïre et dans la haute Égypte. Ce sont sans doute les descendans des vrais et anciens Égyptiens : ils en ont conservé les formes physiques, le langage, les mœurs et les usages. Leur origine paroît se perdre dans les siècles les plus reculés ; ils existoient dans le Sa’yd long-temps avant Dioclétien, Hérodote assure que les Égyptiens des- cendent des Abyssins et des Éthiopiens. Tous les historiens s'accordent sur ce point avec Hérodote, et les recherches que j'ai faites À cet égard m'engagent à adopter cette opinion. Tous les Qobtes ont un ton de peau jaunâtre et fumeux comme es Abyssins; leur visage est plein sans être bouffi;.les yeux sont beaux, limpides, coupés en amande, et d’un regard languissant; les pommettes saillantes ; le nez presque droit, arrondi à son sommet, les narines dilatées, la bouche moyenne, les lèvres épaisses ; les dents blanches, symétriques et peu saillantes ; la barbe et les cheveux noirs et crépus. Les femmes présentent les mêmes caractères avec des modifications quisont à leur avantage. Cela prouve, contre l'opinion de M. de Volney, que ces hommes ne sont point de la race des nègres de l’intérieur de l'Afrique; car il n’y à aucune espèce d’analogie entre ces derniers individus et les Qobtes. En effet, les nègres Africains ont les dents plus larges, plus avancées, les arcades alvéolaires plus étendues et plus prononcées, les lèvres plus épaisses, renversées, et la bouche plus fendue; ils ont aussi les pommettes moins saillantes, les Joues plus petites et les yeux plus ternes et plus ronds, et leurs cheveux sont lanugineux. L’Abyssin, au contraire, a les yeux grands, d’un regard agréable, et l'angle interne en est incliné chez lui, les pommettes sont plus saïllantes; les joues forment, avec les angles prononcés de la mâchoire et de la bouche, un triangle plus régulier; les lèvres sont épaisses sans être renversées, comme chez les nègres, et, ainsi que je l'ai déjà dit, les dents sont belles et moins avancées; les arcades alvéolaires sont moins étendues ; enfin, le teint des Abyssins est cuivré. Tous ces traïts se remarquent avec des nuances peu sensibles chez les Qobtes ou vrais Égyptiens; on les retrouve aussi dans les têtes des statues anciennes, sur-tout dans celles des sphinx. Pour vérifier ces faits, j'ai recueilli un certain nombre de crânes dans plusieurs cimetières des Qobtes, dont la démolition avoit été nécessitée par des travaux publics. Je les aï comparés avec ceux des autres races, dont j'avois fait aussi une riche collection (1), sur-tout avec ceux de quelques Abyssins et Éthiopiens que je m'étois également procurés, et je me suis convaincu que ces deux espèces de crânes présentoient à-peu-près les mêmes formes. La visite que jai faite aux pyramides de Saqqârah, m'a mis à portée de dépouiller un assez grand nombre de momies, dont les crânes m'ont offert les mêmes caractères que les premiers, tels que la saïllie des pommettes et des arcades _zygomätiques, la forme particulière des fosses nasales, et le peu de saillie des arcades alvéolaires. / (1) La peste s'étant emparée des personnes que j'avois ville pour revenir directement en France, je n’ai pu laissées dans ma maison au Kaire lors de notre départ sauver cette collection non plus que mes effets, pour Alexandrie, et l’armée ayant quitté cette dernière É. M. TOME IL A 2  NOTICE SUR LA CONFORMATION PHYSIQUE Les divers parallèles que je viens d'établir, les relations qui ont toujours existé et qui existent encore entre les Abyssins et les Qobtes, la concordance de leurs usages, de leurs mœurs et même de leur culte, me paroïssent suffisamment prouver que les Égyptiens descendent réellement des Abyssins et des Éthiopiens. De plus, il est naturel de penser que les Éthiopiens suivirent, dans les premiers temps, le cours du Nil, et quils s’arrêtèrent à fur et mesure dans les pays que ce fleuve fertilise : mais ces établissemens n'ont eu lieu que d'une manière successive, de même aussi que ce peuple s'est étendu successivement d'Éléphantine a Thèbes, à Memphis et à Héliopolis; les autres villes au-dessous de celles-ci ne se sont formées que long-temps après. J'ai distingué également trois espèces de momies, qui m'ont paru appartenir à trois classes de citoyens, et peut-être à des générations différentes. Celles de la haute Égypte sont généralement plus belles et mieux soignées que celles de la basse Égypte. Les momies que je range dans la première classe, sont fermes, solides, enduites de bitume, embaumées avec la même substance, entourées de bandelettes de toile de lin, formant autant de bandages de chirurgie qu'il y a de régions dans le corps humain; elles sont enveloppées dans un étui de carton, parsemé d’hiéroglyphes ; et toutes ces parties sont contenues dans une caisse de sycomore, sur le couvercle de laquelle est peinte l’image de la personne. Il paroît, comme le dit Hérodote, qu'après avoir vidé les trois principales cavités du corps, on les remplissoit avec du bitume; on en injectoit aussi les membres et toutes les parties extérieures; et cette substance étant en pleine fusion, péné- troit si profondément dans ces parties, que les os en étoient infiltrés, de manière que ces corps ont pu et peuvent encore se conserver d'autant plus long-temps, qu'ils se trouvent dans un climat où il pleut rarement, et que les lieux où ils sont déposés sont trèssecs et dépourvus d'air. Après avoir enlevé les enveloppes aux momies de cette classe, on reconnoît d'abord le sexe et les principales formes de l'individu : la face, les mains et les pieds de quelques-unes d’entre elles sont recouverts de feuilles d’or artistement appliquées. C'est sous les bras ou dans le corps de ces momies, qu'on a trouvé ces écrits rares, connus sous le nom de papyrus, dont les caractères sont encore ignorés. Chacune de ces momies porte en outre les attributs de l'art ou de la profession que l'individu a exercé pendant sa vie, et ses ustensiles sont renfermés avec lui dans le cercueil. Ce premier genre d'em- baumement, destiné aux principaux citoyens de l'État, exigeoit de longs et grands préparatifs, et beaucoup d’ingrédiens qui devoïent le rendre fort dispendieux. La seconde classe de momies étoit moins belle, moins parfaite; les bandages étoient d’une toile moins fine, appliqués avec moins d'art. Ces momies n'avoient pas l'enveloppe de carton; et le cercueil de sycomore qui les contenoit, étoit moins finement travaillé, et non orné de peintures, comme les cercueils de la première espèce. Les individus de la troisième classe s’embaumoïent à moins de frais, et le mode d’embaumement varioit à l'infini. Toutes les momies de cette classe ont été préparées avec des injections de matières salines et plus ou moins corrosives, DES ÉGYPTIENS. $ faites dans les cavités du corps, telles qu'une dissolution de natroun ou sel marin : après avoir aïnsi bien salé ces corps, on les faisoit dessécher au soleil, où on les exposoit à l'action du feu jusqu'à parfaite siccité; on les enfermoit ensuite dans des caisses de sycomore taillées grossièrement. Toutes ces opérations étoient sans doute dirigées par des hommes versés dans la chirurgie, D D D D D D 0 D Pour compléter cette notice, nous allons y joindre le précis de la méthode à l'aide de laquelle nous avons embaumé, en Europe, les A à de quelques guer- riers morts au champ d'honneur. - : Si le sujet dont le corps doit être embaumé, est mort de maladie chronique avec marasme, pourvu quon ne soupçonne point de dépôts purulens dans les viscères, que la putréfaction ne se soit pas déclarée, et que le corps soit intact à l'extérieur, on peut conserver les entraïlles dans leurs cavités respectives, excepté le cerveau, qu'il faut toujours extraire. Dans cette supposition, on commencera à laver toute l'habitude du corps avec de l'eau pure et fraîche; on fera passer dans les gros intestins des lavemens du même liquide, et lon absorbera avec la seringue vide les matières délayées qui n'auroient pu sortir, à raison de leur propre poids et de la pression exercée sur le bas-ventre. On absorbera aussi les matières contenues dans l'estomac par le même moyen. H sufliroit d'adapter une sonde œsophagienne au siphon de la séringue, qu'on introduit dans ce viscère par la bouche ou par une ouverture pratiquée à lœsophage, au côté gauche du cou. On remplit ensuite l’estomac et les intestins d’une matière bitumineuse qu'on met en fusion; on bouche les ouvertures, et lon procède de suite à l’injec- tion du système vasculaire. Pour cela, l’on détache un lambeau de la partie intérieure et latérale gauche de la poitrine, visà-vis la crosse de faorte; on coupe un ou deux des cartilages ii la recouvrent; on place dans l'intérieur de cette artère un siphon : à robinet, à la faveur duquel on pousse une injection fine, colorée en rouge, pour remplir les vaisseaux Sue de tout le système membraneux,; on fait immédiatement après et par le même moyen une seconde injection plus grossière, pour remplir Îles artères et leurs ramifications, et une troisième pour Îles veines, qui doit être passée par l’une des crurales : on laisse refroidir le cadavre et figer la matière des injections. Pour vider le crâne, on applique une large couronne de trépan à l'angle d'union de la suture sagittale avec la suture occipitale, après avoir fait une incision longitudinale à la peau, sans toucher aux cheveux, qu'on a soin de‘conserver, comme les poils des autres parties du corps. Cette ouverture faite, on rompt les adhérences et les replis de la dure-mère, à l’aide d’un scalpel à deux tranchans, long et étroit; on arrache les lambeaux de cette membrane avec une érigne mousse, et l’on fait sortir toute la masse du cerveau et du cervelet avec le même instrument, et des injections d’eau froide, qui dissolvent promptement la substance cérébrale : on réunit ensuite les bords de la division des tégumens avec quelques points de suture. 6 CONFORMATION PHYSIQUE DES ÉGYPTIENS. Si le sujet se trouvoit dans un embonpoint plus ou moins considérable, et qu'il füt mort d'une maladie putride ou maligne, et pendant une saison chaude, il seroit impossible de préserver les entrailles de la putréfaction : dans ce cas, on les extrait par une incision semi-lunaire que l’on pratique au flanc droit, vers la région lombaire. On détache d'abord les intestins, l'estomac, le foie, la rate et les reins; on coupe circulairement le diaphragme, puis le médiastin , la trachée-artère et l'œsophage, à leur entrée dans la poitrine, et lon enlève le poumon et le cœur, sans altérer, ce dernier organe, qui doit être préparé séparément et conservé avec soin. Ces deux cavités doivent être épongées, et l'on met une certaine quantité de muriate suroxigéné de mercure réduit en poudre sur les parties charnues de leurs paroïs; on remplit ensuite ces cavités de crin lavé et sec; on rétablit les formes du bas-ventre, et l’on fixe les deux bords de l'incision au moyen d’une suture à points passés; enfin, on plonge le corps aïnsi préparé dans une suffisante quantité d’une solution de muriate suroxigéné de mercure aussi forte qu'on peut l'obtenir. On le laïsse tremper dans cette liqueur l'espace de quatre-vingt-dix ou cent jours. Lorsqu'il est bien saturé de cette dissolution, on le place sur une claie exposée à l'action graduée d’un foyer de chaleur établi dans un lieu sec et aéré; au fur et à mesure que les parties se dessèchent, on rétablit les formes paturelles des traits de la face, la conformation des membres, et on leur donne l'attitude convenable; on place deux yeux d'émail entre le globe rétracté de l'œil et les paupières; on donne une teinte aux cheveux relative à leur couleur natu- relle, si on le juge nécessaire, et l’on passe sur toute lhabitude du corps un vernis légèrement coloré, qui anime les teintes de la peau, et lui conserve l'aspect de la fraîcheur ; enfin, on met le corps sous verre, pour l’exposer au public, ou on l'ensevelit dans un cercueil. On peut perpétuer ainsi, pendant des milliers d'années, les restes des héros ou des grands hommes de l'État. MÉMOIRE SUR LA PARTIE OCCIDENTALE DE LA PROVINCE DE BAHYREH, CONNUE ANCIENNEMENT SOUS LE NOM DE NOME MARÉOTIQUE; PAR M. GRATIEN LEPÈRE, INGÉNIEUR EN CHEF AU CORPS IMPÉRIAL DES PONTS ET CHAUSSÉES. ST I TT I TT TT R arrxLen l'existence d'une ancienne contrée qui, sans avoir changé de nature, a cessé seulement d’être habitée et cultivée, c’est faire voir la possibilité d'y ra- mener une nouvelle population, sur-tout quand cette terre n’a rien perdu des causes naturelles de sa fertilité : on veut parler de cette province la plus occi- dentale au nord de l'Égypte, et qui, connue dans l’Empire Romain sous le nom de nome Maréotique, offre à peine aujourd'hui un foible souvenir de son existence dans le nom de Maryout, que les Arabes donnent à une ancienne ville de cette contrée (1). | Cette province, quoique limitrophe de celle d'Alexandrie, est tellement aban- donnée et déserte aujourd'hui, qu'à peine connoît-on le nombre des villes ruinées qu'on trouvé dans ces lieux, fréquentés seulement par les Arabes pasteurs ou errans, qui viennent y camper à certaines époques de l’année : la description rapide que nous allons donner de son ancien état, et la relation de quelques reconnoïssances de son état moderne, contribueront avec la nouvelle carte de l'Égypte à fournir sur cette partie des notions assez exactes. Les Romains appelèrent rome Maréotique, tout le pays compris entre le lac Maréotis et la mer au nord, borné à l’ouest par le Bahr-belâ-mà, au sud par la vallée du nome Nitriotis, et à l’est par le canal qui, de l’heptanome, venoit (1) Matyout[$ 3334 ], l'ancienne Mareotis ; en langue »tans ont toujours passé pour vivre três-long-temps. » Qobte, Dzpiur tac ou Deprrrre ; chez les (Extrait de la Géographie d’A’bd ek-Rachyd el-Bakouy.} anciens Égyptiens, Dzrzr. « Maryout, ville située Note de M, Marcel , Décade Égyptienne , rome 1.7, » près d'Alexandrie, et qui fut considérable : ses habi= P48€ 279 8 MÉMOIRE SUR LA PARTIE OCCIDENTALE jeter Îes eaux du fleuve dans le lac qui lui a donné son nom. Le lac Maréotis, qui, selon Strabon (1), s’'étendoit jusqu'à Taposiris sur le golfe Plinthine, étoit entouré de riches habitations, de bourgs et de villes, dont Maréa étoit la capitale. Cette ville existoit long-temps avant Cambyse, l'an 229 de Rome, 52 $ ans avant notre ère. Hérodote dit à ce sujet (2) : « Les habitans de Maréa, ayant pris en aversion Îles cérémonies religieuses » des Égyptiens, envoyèrent consulter l’oracle de Jupiter Ammon, pour savoir » s'ils devoient être assujettis à ces lois; car ils prétendoient être des peuples de » Ja Libye. L’oracle répondit que tous les pays que le Nil couvroït de ses eaux, » appartenoient à l'Égypte, et que les peuples qui en buvoïent, étoient Égyptiens. » Cette province limitrophe des déserts de la Libye, ayant toujours été soumise aux princes de l'Égypte, et devant d’ailleurs ses habitations et sa culture aux eaux du Nil, est, de fait, province dépendante dé l'Égypte; et dans ce cas, la déci- sion de loracle d'Ammon paroît aussi juste que naturelle. On doit à Ptolémée les noms des principales villes et bourgades de ce nome, dont il donne les positions géographiques ainsi qu'il suit (3) : INDICATION DES LIEUX. |LONGITUDE. | LATITUDE. ÂMareoti Nomi Littora. AO IIO NIET case Le lacets MER e IT case PAIE SR TR de tes RON ra Chersonesus parva, portus. .... be dé PEU ]Mareoti Nomi Civitates et Ville. Monocaminum . . es... ROUES ART INETS | Halnoyre 2 CRU. ue RS ie STE TRE ALT + Taposiris. nl, LE rt ele, Nogent Fe ARE Cobn, ::..2 ER nee SUR AE PO RENE 4 AN HOMNEN CRE RREAESE ROMSLE RATER CURE sn ES VD EME AN eee AE 3e ne Phomothis.. ......:... À Re A Peas OU UE AE Palé Mariæ vieus, LOU RC PR AE” Maria palus...... Pres Airsc NE EURS À AE MM UCUL aie re eat ue UE Canobos... Menelai metropolis............ On pourroit facilement, avec cette indication de la position respective des principaux lieux de cet ancien nome, en dresser une carte; mais, en l'analysant, … (x) Herod. ist. Hi. 11, $: XVIIT. (3) Ptolem. ex edit. Franc, Raphelengii, Lugduni (2) Strab, Geogr, lib, XVI. Batavorum, 1586, in-fol.; pag: 515281 53. on DE LA PROVINCE DE BAHYREH. 7 on s'aperçoit bientôt des erreurs qui résultent évidemment des données de latitude. Comment, en effet, Chersonesus parva , que l'on cennoît généralement, et à nen pas douter, pour avoir occupé la position actuelle du Marabou, petit cap avec un fortin, situé à deux petites lieues sur la côte qui court au sud- ouest d'Alexandrie, se trouve--elle indiquée à un dixième de degré au nord du parallèle de cette capitale! On pourroïit trouver plus à reprendre encore à la position de Plinthine, qui, beaucoup plus éloignée dans le sud-ouest, est indi- _quée sur le parallèle même d'Alexandrie. On conçoit difficilement que Prolémée, géographe et astronome de l'école d'Alexandrie, et qui vivoit dans cette ville de 117 à 161 de l'ère vulgaire, ait pu commettre de pareïlles erreurs sur des positions de lieux si voisins de cette capitale de l'Égypte, avec laquelle ces mêmes lieux avoient des relations très- grandes sous les rapports de la politique, du commerce et de la religion. Il paroît plus vraisemblable de les attribuer aux copistes et traducteurs de ce géographe, ou mieux encore à ses commentateurs, ainsi que le dit M. Gossellin dans sa Géographie des Grecs (1). Strabon place différemment les villes maritimes de ce nome : il parle de Cynossema, et de Taposiris qu'il dit ne pas être située tout-à-fait sur les bords de la mer, et où l'on célébroit de grandes fêtes; ensuite d'une autre aposiris assez distante de cette première, où, annuellement et vers le printemps, ül y avoit un grand concours de peuple, et sur-tout de jeunes gens qui prenoient la plus grande part aux fêtes qui sy donnoient. Strabon donne à entendre que, comme à Canope et à Mendès, il s’y passoit des scènes licencieuses que les prêtres couvroient des voiles de leurs mystères (2). Après ces deux Taposiris, venoient Phnthine, Niciæ Pagus, et Chersonesus, petit cap qui, ayant une forte- resse avec garnison, nétoit éloigné d'Alexandrie que de soixante-dix stades {six mille six cent cinquante toises au stade Grec ou Olympique de quatre - vingt- quinze toises ). Cette province étoit renommée sur-tout par l'excellence de ses vins, qui avoient la qualité de se conserver long-temps, et dont Alexandrie faisoit une grande exportation à Rome et en d'autres pays étrangers. Ce pays étoit encore fertile en oliviers, mais d'une espèce inférieure à celle que l'on cultivoit dans le nome Arsinoïte, laquelle donnoit en abondance de l'huile d'une bonne qualité. Ce nome, dans les premiers siècles du christianisme et sous les empereurs £ "A . des Égyptiens, ne parle des fêtes annuelles qui se célé- broient à Mendès, qu'avec une réticence scrupuleuse, (1) M. Gossellin, dans sa Géographie des. Grecs ana- lysée, pag. 127, et Liv, 11, pag. 168 de ses Recherches sur LA la navigation des anciens, dit que Posidonius proposa comme en général des mystères de PÉgypte, auxquels ïl a l’école d’Alexaridrie une nouvelle mesure du degré terrestre. Cette mesure, qui fut adoptée, réduisit à cinq cents stades la valeur du degré, qui , avant, étoit évalué à sept cents stades, pour les distances prises dans le sens des latitudes. On changea à Alexandrie les anciens itiné- _raires ; mais quelques-uns furent sans doute oubliés. C’est à ce changement que ce savant attribue les erreurs qui se sont glissées dans les tables de Ptolémée. (2) Hérodote, dans le livre où il traite de l’histoire Ë. M. TOME IL. fut initié; mais, si cet historien sut garder le secret qu'il avoit sans doute juré aux prêtres Égyptiens, sur tout ce qui tenoit à leur religion , les patriarches d'Alexandrie et les Pères de la primitive Église n’ont pas craint d’en dévoiler la turpitude dans leurs écrits. On peut consul- ter, à ce sujet, les notes 169, 172, 173, 181 et 182 de M. Larcher sur le livre 11 d'Hérodote, rome II de sa traduction, pag. 266, 267, 270 et 271; Paris, 1802. B 1O MÉMOIRE SUR LA PARTIE OCCIDENTALE de Constantinople, a été habité en grande partie par les Chrétiens qui, fuyant les persécutions et des fureurs des Donatistes, des Ariens et autres différentes sectes, se réfugièrent dans les déserts de la Libye et de la Thébaïde. La vallée de Maryout en fut très-peuplée : le nombre des monastères qui y furent construits, étoit déjà si considérable dans le 1v.° siècle, que l’empereur Valens chargea le comte d'Orient, gouverneur d'Alexandrie, d'y faire une levée des moines en état de porter les armes {1}. Le nombre de ceux qu’on enleva seulement dans lé nome Ma- réotique et dans le nome Nitriotis qui lui étoit contigu au sud, fut de cinq mille, qui, furent embarqués pour Constantinople, où ils furent enrôlés dans l’armée de lempereur. Les couvens que lon retrouve encore aujourd’hui dans la vallée. des lacs de Natron, que les Arabes prononcent Natroun, et dans d’autres parties de l'Égypte, sont les restes de cette multitude de monastères qui ont jadis peuplé ces déserts. Les ruines que les Français en ont retrouvées de toutes parts, dans les reconnoissances militaires qu’ils ont faites de cette partie occidentale de l'Égypte, attestent la vérité du rapport de l'histoire sur l’ancienne population de cette pro- vince aujourd'hui déserte. Nous allons donner quelques détails de ces reconnois- sances, comme offrant encore quelque intérêt. Le général de brigade Destaing, commandant à Rahmäânyeh après le retour de l'armée, de expédition de Syrie, fit quelques excursions contre les Arabes, en thermidor an 7 [août 1700 |, et pénétra, par la province de Bahyreh, dans le canton de Maryout, où il nous dit avoir trouvé-un grand nombre de villes et d'habitations ruinées. Le général de division Friant, commandant à Alexandrie, marcha, dans le courant du mois de nivôse an 9 | janvier 1801 ], contre quelques tribus d’Arabes, et poussa jusqu'à la tour des Arabes, située à neuf heures de marche, sur la côte au sud-ouest d'Alexandrie. Ce fut la première fois que, depuis l'occupation de l'Égypte par les Français, on fit la reconnoïssance de ce point de la côte: dans son rapport sur cette expédition, le général témoïgne ses regrets de n'avoir (1) On lit, dans 'Abrégé de l'Histoire ecclésiastique On doit attribuer les causes de cette ardeur de Ia vie de Fleury, que l’empereur Valens ordonna en 376 que les moïnes fussent enrôlés et contraints de porter les armes comme soldats : quoiqu’on ait regardé cette loi comme celle d’un persécuteur de l'Église, on peut dire que la multitude prodigieuse des moines l’avoit rendue nécessaire. On comptoit cinq mille monastères dans l'Egypte seulement. La ville d’Oxyrynchus, située dans la basse Thébaïde, renfermoit dix mille moines et vingt mille religieuses. Le monastère de Tabenne, fondé dans la haute Thébaïde par S. Pacôme, contenoit quatorze cents moines. Celui de sa sœur, qui étoit situé vis-à-vis, avoit quatre cents filles. Les assemblées générales et an- nuelles des monastères soumis à celui de S. Pacôme s’é- levoient à cinquante mille moines. Le nombre des moines de PÉgypte étoit, dans les grands monastères seulement, de soïxante-seize mille, et celui des filles de vingt mille environ : on ne comprend pas dans ce nombre celui des petits monastéres , qui étoit à l'infini. L’abbé Sérapion, prés d’Arsinoé, avoit dix mille moines sous sa juridic- tion. monastique dans ces temps, moins encore aux persécu- tions dont l'Église fut afligée, qu'aux fureurs de l’esprit de parti qui la divisa dans Îles premiers siècles de son établissement. La ville d'Alexandrie fut le théâtre san- glant des schismes des Donatistes et des Ariens. Le christianisme, qui, depuis Jésus-Christ, s’étoit élevé dans le silence et la paix, commença, sous le règne de Constantin, en 330 environ, à se répandre par les séductions, les violences et la force des armes. Ce fut alors que la croix ensanglanta la terre. Arius, natif de la Libye, chef de la secte qui porte son nom, et Athanase, patriarche d'Alexandrie, causèrent par leurs divisions de fréquentes guerres civiles dans cette ville. Ârius, con- damné dans le concile de Nicée en 325, et rappelé d’exil en 328 par Constantin, avoit réuni àson parti plus de sept cents filles d'Alexandrie et de Maryout. Voir l'Histoire du Bas-Empire, tom. L®, Liv, IV, et tom. IV, liv. xVII1, pag, 262; et l'Histoire de la décadence de l'Empire Romain, tom. VI, pag. 68. DE LA PROVINCE DE BAHYREH. TI pas été accompagné de quelques personnes versées dans la connoiïssance des monumens de l'antiquité {r). L'ingénieur en chef Lepère, mon frère, accompagné de MM. Faye, Chabrol et Lancret, ingénieurs des ponts et chaussées, à la suite d’une tournée dans les provinces de Rosette et de Bahyreh, qui avoit pour objet de reconnoître le canal de Rahmänyeh à Alexandrie, se rendit en cette dernière ville, où ce canal porte les eaux du fleuve; ces ingénieurs en repartirent le 4 pluviôse an 9 [24 janvier 1801 | pour aller visiter le monument indiqué à la tour des Arabes : la relation de cette reconnoissance est RENE dans le n.° 107 du Courrier de l'Égypte. Depuis la descente des Anglais à Abouqyr, le chef de brigade du corps des _dromadaires, M. Cavalier, avoit fait aussi quelques excursions dans cette partie, où il me dit avoir rencontré des ruines considérables. D’après toutes ces indi- cations , je profitai d’une dernière reconnoissance que cet officier fut chargé de faire par le général en chef Menou, pour s'assurer de l'étendue de linondation du lac Maréotis, dont l'entière submersion, qui date de la fin de prairial an 9 [juin r8o1|, ainsi que j'aurai occasion de le dire plus amplement dans mon Mémoire général sur les lacs maritimes de l'Égypte, avoit pour but de resserrer les Françaïs dans Alexandrie, en fermant leur communication avec la division de l'armée au Kaire. Nous partimes d'Alexandrie, le 16 floréal an 9 [6 mai 1801 |, avec le chef de brigade M. Cavalier à la tête de quarante hommes montés à dromadaire, et un officier de marine, M. Gard, qui avoit ordre de prendre des sondes sur divers points du lac. Après trois heures et demie, nous arrivâmes aux deux premières îles de la vallée de Maryout, que les eaux dépassoïent déjà beaucoup, et que l’on fortifioit alors pour la défense de cette partie resserrée du lac, qui forme la tête nord de cette vallée. Nous passâmes dans ces îles avec une des barques qui nous suivoient. Nous trouvâmes, ce même jour, vers les cinq heures du soir, quarante pouces pour la plus grande profondeur d’eau dans la ligne transversale de cette partie du lac, dont {a largeur peut être de cinq à six cents toises. Ayant bivouaqué dans l'île, nous continuâmes de naviguer le lendemain dans le lac, que nous descendimes avec les eaux d'inondation jusques à près de deux lieues dans l’ouest- sud-ouest, suivis de l’escorté, qui côtoyoit la rive occidentale du lac. À cette distance des premières îles, nous ne trouvâmes plus, le 17 floréal, sur les huit heures du matin, qu'une profondeur de sept à huit pouces d’eau; nos barques étant échouées, nous les quittâmes pour achever la reconnoïssance par terre les eaux de linondation cessoient à une demi-lieue au-delà; elles avoient un mouvement très-sensible : nous continuâmes cependant de remonter la vallée pour en reconnoître le gisement, et nous donner le temps d'observer, dans les jours suivans et à notre retour, les progrès et les limites de l’inondation. Nous arrivâmes bientôt à un santon dont les eaux étoient encore éloignées de trois quarts d'heure de marche. Ce santon, nommé Qonbbet-el- Kheyr, est, suivant l'usage, le tombeau de quelque cheykh Arabe pris en vénération, situé (1) Voir le Courrier de l'Ég 7. journal imprimé au Kaire, n,° 96. É, M. TOME II. FA [2 MÉMOIRE SUR LA PARTIE OCCIDENTALE. à deux cents pas environ des bords du lac dans une petite gorge de la colline; il est entouré de quelques palmiers, garantis des vents de mer par les hauteurs de cette même colline qui longe la côte et le lac. En traversant au nord les hauteurs de cette colline, nous descendimes dans une petite vallée, parallèle à celle du lac et à la côte, et qui, prenant du Marabou, longe la mer sur dix à douze lieues au sud-ouest; on y trouve çà et [à quelques pieds de palmiers et dés traces de végétation, indices non équivoques des eaux douces cachées sous les sables du désert. Ce vallon est formé, du côté de terre, par cette chaîne continue de hauteurs dont nous venons de parler et qui domine la vallée du lac Maryout, et, du côté de mer, par une autre petite chaîne de hauteurs rocailleuses qui borde toute la côte, recouverte presque par-tout d’un sable blanc que la mer forme et rejette sans cesse sur ses rives, et que le vent disperse ou amoncelle en petites dunes très-mobiles. On y trouve des eaux douces ou légèrement saumâtres dans des fouilles de peu de profondeur que les Arabes y font pour abreuver leurs bestiaux. Nous suivimes ce vallon de Qoubbet -el-Kheyr jusqu'à la tour des Arabes, où nous arrivames en trois heures de marche. La tour des Arabes e/-A’moud, qui veut dire {+ colonne, est une tour dont la base carrée supporte un dé de forme octogonale, surmonté d'un massif circulaire à l'instar d’un fût de colonne tronquée, dont la hauteur ne répond plus à celle que suppose le diamètre. Ce monument, élevé sur la côte, semble n'être en effet qu'une énorme colonne en partie renversée : extérieurement à une des faces de sa partie octogonale, celle du côté de mer, on remarque plusieurs marches d’un escalier qui devoit se terminer à la naissance de la tour, à dix mètres environ au-dessus du sol. Ce monument, dont MM. les ingénieurs qui en ont fait un examen plus particulier, donneront les dessins avec une description plus détaillée, est d’une bonne construction; il a dû servir de point de reconnoïssance en mer, ainsi que toutes les autres tours pareillement situées sur les côtes peu élevées de l'Égypte et de cette partie de la Libye (1). 4 Avant de passer outre, je dois parler d’un objet sur lequel je n'aï pu jeter qu'un coup-d’œil rapide, parce que, m'arrêtant souvent à examiner toutes les ruines et les sites, j'étois aussi toujours en arrière de nos gens. Je veux parler d’un tertre assez élevé que lon remarque sur la chaîne même’ qui sépare le lac de la mer. Sur les revers de ce monticule, situé à mille ou douze cents mètres de la tour des Arabes, en remontant vers Alexandrie, on entrevoit des espèces de gradins, des parties maçonnées en pierres de taille, enfin des faces quadrangulaires et inclifées qui donnent au tout une forme pyramidale : au pied de ce tertre, est un fond où l’on trouve les restes d’une belle citerne et d’autres constructions. Le nom de Xoum-Aboussyr que les Arabes donnent à ce lieu, conserve encore l'étymologie de son ancien nom de Zaposiris (2), que Strabon et Ptolémée, que nous avons cités plus haut, placent dans cette partie. Ce site répond en effet à (1) On lit dans les Voyages de Granger /p. 222), delaquelle ce voyageur a vu une inscription Arabe, en qu’à six lieues de [a tour des Arabes, vers l’ouest, on 1730-31. trouve une autre tour qui tombe en ruines, et sur les murs (2) Aboussyr conserveroit, selon nous, toute [a signi- DE LA PROVINCE DE BAHYREH. Ï 3 la seconde Taposiris qui, suivant le géographe Grec, étoit à quelque distance de Ja ville de ce nom, que nous croyons devoir placer à la tour des Arabes, ainsi que nous allons le dire. En reprenant la côte au sud-ouest, on trouve, à quatre cents mètres de la tour, les ruines d’une vaste enceinte carrée, fermée de murs de douze à quinze mètres d'élévation, et dont les côtés ont quatre-vingts mètres environ de longueur. L'entrée de ce vaste monument se trouve dans la face qui regarde Alexandrie : elle est flanquée de deux môles, dont l’intérieur renferme des chambres percées de quelques fenêtres élevées, maïs très-petites, qui n'y laissent pénétrer qu’une foible clarté; ce qui annonce assez évidemment des demeures mystérieuses. Les escaliers qui y conduisent, quoïque de peu de largeur, sont bien construits, doux et faciles : les murs sont en pierre de taille d’un bel appareil. Ce monument, qui, au premier coup-d'œil, semble appartenir à l'architecture Égyptienne, dont il n’est qu'une imitation, est d'une belle construction. Des débris de colonnes cannelées et des chapiteaux de l'ordre Dorique qu'on trouve dans les ruines de l'enceinte, font pré- sumer quil appartient, ainsi que la tour des Arabes, au temps des Romaïns : mais on peut, avec plus de fondement encore, en attribuer la construction à Justi- nien, qui, selon Procope, fitélever, vers le milieu du vr.° siècle, un grand nombre de monumens dans Taposiris, ville située, comme le dit cet historien , sur la côte d'Afrique, à une journée d’ Alexandrie, et où, ajoute-t-il, étoit la sépulture d'Osiris; ce qui lui fait écrire ainsi le nom de cette ville, Tagomeus. C'est, à n'en pas douter, en celieu, où Hérodote plaçoit le point occidental de Ia base du Delta, que se célébroïent ces fêtes en l'honneur d'Osiris qui y attiroient tous les ans un grand concours de monde, et sur-tout de jeunes gens, comme nous l’avons dit plus haut, d’après le témoignage de Strabon (1). La Table Théodosienne marque xxv MP. pas entre Alexandrie et Taposiris, ville située sur de golfe Plinthine; ce qui, à raison de 756 toises [1473 mètres 47 cen- timètres | au mille Romain, fait 18,900 toises [36,836 mètres 78 centimètres |. Maïs cette distance semble être celle de la Tapostris qui étoit située, comme nous Favons dit plus haut, à Xoum-Aboussyr, dont nous avons retrouvé les ruines à mille ou douze cents mètres plus au nord-est, vers Alexandrie (2). Nous évaluerons la distance de cette Zaposiris au, golfe Phnthine, aujourd'hui golfe des Arabes, à neuf heures et demie de marche; ce qui, à 4000 mètres de compte rond à l'heure de marche des caravanes, d'après nos observations faites en Égypte, donne 38,000 mètres d'Alexandrie aux ruines de cette Taposiris. fication de son ancien nom, que les Grecs écrivoient Tagoners , qui veut dire rombeau d’Osiris, comme le *emarquent Diodore, Biblioth, hist. lib. 11, S. 11, art. 32, et Procope de Césarée, de Ædif. lib, VI, cap. 1. Busiris, que les Arabes prononcent Boussyr, est le nom que les Égyptiens donnoïent à tous les lieux où Osiris avoit un tombeau. On retrouve encore un village de ce nom à ouest des ruines de Memphis, au pied des mon- tagnes où sont assises les pyramides de Saqqârah. Le savant traducteur d'Hérodote, M. Larcher, dit dans ses notes, tom. I, pag. 297, que bou, en langue Égyptienne, signifioit rombeau. Plutarque , ajoute ce savant, nous ap- prend, d’après Eudoxe, que, quoiqu Osiris ait eu différens tombeaux, son corps avoit été inhumé à Busiris, dont le nom signifie la même chose que Tagoaeus. (1) Voyez la Description spéciale de Taposiris , par M. Saint-Genis. ( Descriptions des antiquités.) } (2) Voyez la carte hydrographique de la basse Égypte. (Pl 10, É, M. vol. 1) 1 À MÉMOIRE SUR LA PARTIE OCCIDENTALE Entre la tour des Arabes et le monument dont nous venons de parler, la chaîne des montagnes est élevée et percée de carrières dont l'exploitation a servi à la cons- truction des monumens et des villes dont nous venons de parler. Quelques-unes de ces carrières sont creusées et taillées en forme de grottes. La largeur de la côte, depuis les rives de la mer jusqu’au bord de la vallée de Maryout, celle qui paroît avoir servi de bassin au lac, peut avoir, en ce point, mille à douze cents mètres. On remarque, dans le bassin de cette vallée, des levées ou petites digues qui la traversent, et qui ont été faites pour faciliter la communication de la côte avec la rive et tout Île pays au sud. Ces levées sont percées de quelques pontceaux destinés à l'écoulement des eaux pluviales en hiver. Les eaux de linondation du lac Maréotis s'arrêétoient à mille mètres environ au nord-est, suivant le rapport de M. le Gentil, capitaine du génie, qui a fait les dernières reconnoissances de cette partie. Cependant on doit être assuré, d’après l'état des lieux, que les eaux du lac dépasseroient de beaucoup ces digues au sud-ouest, si, comme ancienne- ment, le Nil versoït ses eaux dans le lac, dont il augmentoït beaucoup létendue, suivant la remarque de Strabon (1). La côte, qui suit toujours la direction ouest-sud-ouest, sur quelques myriamètres au-delà, conserve aussi sa même conformation et sa même nature de roche calcaire arénacée et très-blanche. Quant à la petite vallée secondaire dont nous avons parlé, et dont le gisement court parallèlement à la côte et à la grande vallée de Maryout, elle offre, à partir de la tour des Arabes, une partie plane, encaïssée, et d’une largeur si régulière sur cent cinquante à deux cents mètres environ, qu’elle semble être un large canal creusé par la main des hommes. Des arbrisseaux et des plantes salines y présentent une végétation très-active. Nous la suivimes pendant trois heures de marche continue. Parvenu à la hauteur que donne cette marche, je n'aperçus qu'une même continuité de site : une fouille que je fis faire dans cette partie de la côte, ne donna qu'un sable très-gras et très-humide; et, à un pied de profondeur seulement, une eau salée, ce qui fait présumer que la plaine de cette petite vallée est inférieure au niveau de la mer. Nous bivouaquâmes en cet endroit, qui nous offroit une position abritée et facile à défendre, en cas de sur- prise de la part des Arabes. Le lendemain, 18 floréal, nous traversâmes au sud la grande vallée de Maryout, dont la largeur peut être de mille à douze cents mètres environ. J'y retrouvai le même aspect qu'à la tour des Arabes, celui d'une plaine unie, formée d’un sable gras, mais moins fangeux et recouvert, de quelques. plantes salines. Du haut de la chaîne qui longe et borne du sud-ouest au nord-est cette grande vallée, on aperçoit un cap qui semble terminer à l'ouest l'ancien golfe Plinthine, comme celui de la Chersonèse, aujourd’hui le Marabou, le terminoit au nord-est. De ce point, j'aperçus encore une autre chaîne de montagnes dont la direction sud-est vient se terminer à ce cap : on doit présumer qu'elle appartient aux deux chaînes de montagnes qui forment le bassin du Bahr- belâ-mà ou Fleuve sans eau. Le chef de brigade M. Cavalier, qui partageoit tout intérêt que je mettois {1) Strab. Geogr, Hib. xvir. | DE LA PROVINCE DE BAHYREH. TS à achever Ina reconnoïssance, mais qui dépassoit le but de la sienne, ne pouvoit s'exposer davantage, avec une aussi foible escorte, dans cette partie des déserts, fréquentée par de nombreuses tribus d’Arabes. Nous descendimes dans la plaine au sud, et remontämes bientôt après au nord-est, en longeant la chaîne de Maryout. Une abondante végétation, des traces de nombreux bestiaux, nous indi- quèrent que nous étions dans les lieux fréquentés par lés Arabes pasteurs. Nos gens prirent bientôt une soixantaine de bœufs, vaches et moutons, que leurs gar- diens nous abandonnèrent. Nous vimes quelques Arabes fuir et courir vers des lieux peu couverts, qui leur offrent sans doute des retraites souterraines ; car, les ayant poursuivis, nous les perdîmes de vue tout-à-coup. , Nous trouvâmes, bientôt après, les ruines d’une petite ville. Au milieu des décombres de pierres, on remarque quelques citernes et plusieurs puits maçonnés qui paroïssent assez bien entretenus : des rigoles pavées réunissent les eaux plu- viales, qu'elles vont porter par des pentes sensibles et en rayons convergens vers ces puits. Ayant fait halte en ce lieu, nous y fimes de l’eau que nous trouvâmes bonne, et dont nous remplîmes nos outres. Les bestiaux pris sur les Arabes passèrent sans s’y abreuver; d’où lon doit naturellement penser qu’il ne manque pas d’eau dans cette partie du désert. À une demi-heure de marche au nord-est, et à une distance de huit à neuf cents pas du pied de la chaîne de montagnes que nous longions toujours à gauche, nous trouvâmes les restes d'une seconde petite ville qui a dû être assez riche en monumens : on y voit encore des ruines de belles constructions en pierres de taille, en briques rouges, des tours, des souterrains voüûtés, des citernes, &c. Poursuivant notre marche toujours dans la même direction, nous trouvâmes, à trois quarts d'heure au-delà, les ruines considérables d’une troisième ville, couverte, sur une assez grande étendue, d’amas immenses de pierres de taille éparses et accumulées avec le désordre d’une ville renversée de fond en comble enfin, à une pareïlle distance encore au-delà, de nouvelles ruines d’une quatrième r ville. Nous observerons que les distances ee en temps sont calculées à la marche accélérée des dromadaires. Nous croyons pouvoir rapporter à ces ruines de quatre villes plus ou moins considérables, situées dans un espace de moïns de quatre lieues, les noms des villes ou bourgs désignés dans les tables de Ptolémée, suivant leur position respective; savoir, en commençant par la plus éloïgnée, Cobi, Antiphik, Hierax et Phomothis. Toute cette partie du désert est couverte d’arbrisseaux et de végétation. Son sol, susceptible de culture, semble contenir moins de sable et plus de terre végétale que les plaïnes de la Bahyreh. En remontant au nord, nous traversämes de nouveau la chaîne de montagnes qui domine au sud le canton de Maryout : de sa sommité, nous aperçûmes à une lieue environ au sud-ouest la tour des Arabes. Cette indi- cation suffit pour placer avec assez d'approximation Îa position géographique des ruines des quatre villes ou bourgs dont nous venons de parler, en redescendant au sud-ouest. Le chef de brigade M. Cavalier recherchoït des ruines plus intéressantes qu'il 1 6 MÉMOIRE SUR LA PARTIE OCCIDENTALE avoit déjà visitées, et qu'il voulut me faire voir. Ces ruines se trouvent sur la rive sud du lac Maréotis, vis-à-vis le santon d’Abou-el-Kheyr, situé sur les bords de la rive opposée, que nous avions visitée deux Jours auparavant; elles consistent dans les vestiges encore très-marqués d’une double enceinte de ville forte, réduite à un et deux mètres de hauteur seulement, flanquée de tours rasées, terminée au nord-est par un môle avancé dans le lac, Quatre autres môles, dirigés semblablement, forment autant de vastes bassins ou havres. L'eau de mer commençoit à baigner le pied de ces môles, dont l'élévation est de deux à trois mètres sur le fond de la plaine saline du lac. Dans l'intervalle de deux de ces môles se trouve une rue qui descend, par une pente assez rapide, au niveau de cette plaine, en traversant les restes d’un édifice qui paroît avoir été une porte de ville sur le lac. La construc- tion de ces môles présente un grand appareil; bâtis avec art, ces murs de quai, en forme de jetées, attestent que cette ville eut un port très-commerçant. Tout le reste de son site est couvert de ruines et de décombres de fabriques, de fragmens de grès, de granit, de marbres de toute espèce et de monceaux de pierres de taille. On ne peut douter un instant que ces ruines considérables, situées à trente mille mètres environ au sud-sud-ouest d'Alexandrie, n'appar- tiennent à Maréa, l'ancienne capitale du nome de son nom. Avant de passer plus loin, je parlerai d'un monument remarquable, qui existe encore présque en entier au milieu du bassin du lac, à une distance de douze à quinze cents mètres au sud-ouest de Maréa; je ne puis en donner que des dimen- sions hasardées, parce que, seul alors, et revenant de visiter. quelques îles et autres ruines du lac, je regagnois à la hâte l'escorte, dont je m'étois très-éloigné, et qui étoit alors à Maréa : aussi je ne pus y rester qu'un instant, quoique forcément; car mon chameau, en s’abattant sur la plaine humide et glissante du lac, me déposa assez brusquement en cet endroit. Ce monument consiste dans une enceinte de forme rectangulaire, dont les deux grands côtés m'ont paru avoir cinquante à soixante mètres de longueur, et les petits vingt à vingt-cinq mètres de largeur. Les murs construits en pierre de taille d’un fort appareil, à la manière des môles de Maréa, que je n’avois pas encore visitée, et où je me rendois pour rejoindre M. Cavalier qui m'yattendoit, peuvent avoir trois à quatre mètres d'épaisseur et autant en élévation, tant sur le sol extérieur de la plaine du lac que sur celui de l'intérieur qui offre un espace vide. La position isolée de cette bâtisse située dans le bassin desséché du Maréotis, maïs dont les eaux de linondation n’étoient pas éloignées ce jour même de plus de quatre à cinq cents mètres, et la seule ouverture que j'y aperçus, au nord et vers le large du lac; tout me fait soupçonner que cette enceinte murée ne peut avoir été fondée dans cette partie submersible du lac que pour servir à la construction où au radoub des galères et des vaisseaux, et qu'elle pouvoit s'ouvrir ou se fermer à volonté pour mettre à l'eau ou en radoub et à sec les bâtimens que l’on y renfermoit, Il est difficile de concevoir un autre but d'utilité à cet ouvrage, dont nos formes de construction des vaisseaux à Toulon, à la Rochelle, à Brest en France, et.dans quelques autres grands ports de l'Europe, seroient une imitation perfectionnée. Après DE LA PROVINCE DE BAHYREH. 17 Après avoir visité le site de Maréa, nous traversâmes le lac en nous dirigeant au nord-ouest sur le santon d’Abou-el-Kheyr, situé vis-à-vis, comme nous l'avons déjà dit, par un petit chemin pavé, construit en ce point, comme en divers autres, parles Arabes, pour y avoir un passage facile dans leurs excursions, à travers la plaine humide et fangeuse de cet ancien lac. Les eaux de l’inondation avoient déjà une hauteur de dix à douze pouces au plus, sur le point le plus-bas de ce chemin, dont la longueur un peu sinueuse est de quatorze cent vingt pas, d’une rive à l'autre du lac; ce qui la porte à cinq cent quatre-vingts toises, en estimant à deux pieds et demi les pas de deux soldats que j'y envoyai séparément pour prendre cette mesure. Les eaux de mer gagnoient sensiblement vers la tour des Arabes au sud-ouest; nous pouvions croire néanmoins que ce point serviroit à la communication d'Alexandrie avec la division qui occupoit encore Rahmänyeh et avec le reste de l’armée au Kaïre. Cette notion étoit importante à obtenir et à rap- porter au Général en chef, à Alexandrie, puisqu'elle étoit le but de notre recon- noissance ; ce fut donc pour nous assurer de la hauteur que pourroient prendre en ce point les eaux dans la pleine et entière submersion du lac, que je fis un nivellement du lac à la mer, en passant près du santon, et par-dessus une partie basse de la montagne qui les sépare : nous envoyâmes chercher pour cette opéra- tion un niveau d'eau aux premières îles dont nous avons parlé, et que l'on fortifioit alors ; le lendemain, je fs ce nivellement, d’abord du lac à la mer, et ensuite de la mer au lac, pour en obtenir une vérification assurée. On peut en voir le: profil rapporté dans la planche du nivellement des pyramides /‘volme cinquième des planches d'antiquités ). En voici les résultats: Le 19 oréal an 9 [9 mai 1801], les eaux du lac se trouvèrent inférieures à celles de la mer de deux pieds six pouces dix lignes, ainsi que le porte la dernière cote du profil. Or, ce même jour, il y avoit déjà une hauteur d’un pied huit ._ pouces dans l’endroit le plus bas du chemin pavé qui traverse le lac : ces deux quantités donnent donc une profondeur de quatre pieds deux pouces dix lignes d'eau qui doit se trouver dans cette partie du lac; on peut même porter cette profondeur à cinq pieds, à cause du refoulement des eaux vers cette extrémité du lc, et de la différence des moyennes aux basses eaux de la mer (1). L'espace de terrain nivelé des rives du lac à la mer a été de trois mille cinq cent vingt pas, ou de quatorze cent soixante-sept toises , suivant l'estimation précédente du pas. Mais cette distance comprend la montée et la descente de la montagne; ce qui doit l'augmenter d’un dixième environ. Ce nivellement fait connoître que le point le plus élevé de la chaîne de montagnes qui, comme nous l’avons dit, domine et le lac et la mer, est dé soixante pieds supérieur au niveau de la mer, et que le point le plus bas de la petite vallée adjacente et paral- lèle à la côte est de dix pieds supérieur à ce même niveau; d’où l’on déduira (1) J'ai dit plus haut que; le jour précédent que nous piquet d’observation, je trouvai, le 19, une augmentation traversâmes Îe lac vis-à-vis le santon d’Abou-el-Kheyr, de huit pouces dans l’espace de vingt-quatre heures; ce les eaux de inondation avoient déjà dix à douze pouces qui me fait porter ici à vingt pouces la hauteur des de hauteur sur [e point le plus bas du chemin pavé. Ayant eaux du lac au point le plus bas de ce chemin pavé. planté sur [a rive nord du lac, ce jour 18 foréal, un É. M. TOME II. à 1 8 cette observation, que les-eaux légèrement saumâtres, mais potables, que lon trouve à deux et trois pieds de fouille dans toute l'étendue de cette petite vallée qui s'étend jusqu'à la tour des Arabes, où elle change de nature en prenant un niveau bien inférieur, sont encore de sept à huit pieds supérieures aux eaux de MÉMOIRE SUR LA PARTIE OCCIDENTALE la mer. J'ajouterai à ces détails que le chef de brigade M. Cavalier, et l'officier de marine M. Gard, eurent la complaisance de tenir eux-mêmes les mires pen- dant toute la journée que dura cette opération vérifiée, que la multiplicité des stations, la chaleur, et la forte ondulation des couches inférieures de l'atmosphère sur les sables du désert, me rendirent très-pénible, à la vue sur-tout (1). J'avois observé, dans l’espace de vingt-quatre heures que nous restämes au santon d'Abou-el-Kheyr, que les eaux de l'inondation, qui s'étendoient déjà à une demi-lieue au sud-ouest de Maréa, vers la tour des Arabes, s'y étoient élevées de ©‘ 8° 4!: en retournant à Alexandrie, je retrouvai aux îlots fortifiés, où, quatre jours avant, nous avions fait notre prémière observation , une nouvelle profondeur de soixante-dix pouces. La crue y fut donc, du 16 au 20 floréal, de 2° 6° o!, puisque nous avons dit que, le 16, cette profondeur n'y étoit que de quarante pouces. Je conclurai de ces observations et opérations, qu'il doit se trouver aujour- d'hui dix pieds d'eau dans cette partie du lac, et cinq à la hauteur de Maréa. De ces flots, nous nous dirigeèmes au nord-ouest sur le Marabou, en traver- sant la chaîne de montagnes où lon trouve des carrières immenses, dont lexploi- tation a dû servir à la construction de la ville d'Alexandrie. Dans toute cette partie, la côte est formée par un sol rocailleux et sablonneux, extrêmement diffr- cile pour la marche du chameau. Ce fut près et à l'ouest du Marabou que l’armée Française fit son débarquement, le 13 messidor an 6 [1.* juillet 1708] Du Marabou, nous nous dirigeïmes sur Alexandrie, où nous rentrames le 20 floréal an 9 [10 mai 1801], le cinquième jour de notre départ de cette ville. Le 23 suivant, je fis un autre nivellement sur une coupure de la côte, qui paroît avoir été un ancien canal de jonction de la rade d'Alexandrie au lac, à une distance de cinq mille huit cent cinquante mètres au sud-ouest de la colonne. resta immobile sur le coup, puis chancela et tomba. Le passage de la vie à la mort fut celui d’un éclair. Tous les bœufs du troupeau l’entourèrent à Pinstant , et pous-- sérent, presque tous , un long mugissement, après lequel les uns s’éloignèrent, et d’autres s’enfuirent , saisis d’une (1) Il est peu de Français qui, ayant séjourné à Alexandrie, n’aient été à portée d’observer l'effet de la réfraction sur cette partie des côtes de Égypte : quand de cette ville on porte la vue vers la tour des Arabes, on y aperçoit presque toujours une espèce de vapeur s'élever de terre et de mer, offrant les nuances très- sensibles de deux teintes bien distinctes de couleurs roussâtre et bleuâtre, dues à la réfraction solaire sur les couches les plus basses de atmosphère à lhorizon. Ces vapeurs fortement colorées dessinent et peignent par- faitement à l'œil les tons qui appartiennent aux effets de la réfraction sur les sables du désert et sur Îles eaux de la mer. Après les fatigues de cette journée, nos soldats tuërent Le soir , à notre bivouac du santon, et au milieu du trou- peau de leur prise, un bœuf qui fut tiré à balles de fusil, à quinze pas. L'animal, frappé dans le milieu du front, espèce de stupeur. Cette observation qui me frappa, et que quelques per- sonnes ne trouveront pas sans intérêt, rappelle ce beau vers de Virgile : WSrernitur, exanimisque tremens procumbit humi bos. Æneid. lib, v, v. 481: Ce vers, dont la citation est amenée aussi naturel- lement que l’image du poëte Latin est vraie et juste, est aussi fidèlement traduit par M. Delille dans son Enéide Française : Le taureau , sous le coup, tremble, chancelle et tombe. Liv, v, ». 672, DE LA PROVINCE DE BAHYREH. 19 Le profl'en est représenté dans la planche de nivellement citée plus haut. On peut y voir que le lit de cet ancien canal, dont le relief n’est pas de quatre pieds de hauteur moyenne au-dessus de la mer, ne demanderoit qu'un travail peu considérable pour y rétablir l'ancienne communication des ports d'Alexandrie avec ceux du Maréotis, et qu'à l'époque à laquelle je fis cette opération, les eaux du lac avoïent encore à s'élever de 5 ad si car la dernière’ cote fut prise à la ligne des eaux du lac, pour prendre le niveau des eaux de mer : des sondes que je pro- longeai dans le lac sur la direction de cet ancien canal, donnèrent progressivement jusqu'à huit pieds d’eau à cinq cents toises des rives: le 28 du même mois, on y trouva onze pieds d’eau, à sept et huit cents toises, de sorte que, dans la pleine inondation, on doit y trouver quinze à seize pieds d’eau. Le 2 prairial suivant, on avoit également sept et huit pieds d'eau dans le trajet des îlots fortifiés à la rive sud dulac, dans la même ligne que nous avions sondée , les 16 et 20 floréal. Je n'ai pas voulu parler de nombre d’autres ruines plus où moins importantes que Je trouvai de toutes parts, et principalement sur les rives sud du lac: il suffit de cette reconnoissance, qui fait retrouver l'emplacement de sept villes ou bourgs considérables que nous croyons appartenir aux deux Taposiris sur la côte, et dans: l'intérieur, à Cobx, Antiphih, Hicrax et Phomothis, enfin à Maréa, capi- tale de cette province, sur le lac de son nom (x). Cette reconnoïissance fait voir encoré que toute la côte et l'intérieur de ce désert, couvert de ruines, fréquenté par de nombreuses tribus d’Arabes errans ét pasteurs, n’ont pas cessé d’être habi- tables en sorte que l’on ne peut révoquer en doute le témoignage des historiens qui ont dit que cette province a été anciennement très-cultivée:et très-florissante. Enfin, nous dirons que, pour la rendre à l’état de son ancienne population, il ne sufht que de recreuser quelques-uns ‘des canaux qui, dérivés du Nil, y appor- toient annuellement les sources de la fertilité. Quant aux diverses tribus d’Arabes qui semblent en avoir fait leur domaine, c'est aux possesseurs de l'Égypte à leur en laisser la libre jouissance, sous les conditions d’en devenir les paisibles culti- vateurs, ou à les en chasser par la force des armes. Les tribus d’Arabes qui fréquentent les déserts de Maryout, et qui poussent leurs incursions jusqu'au centre de la province de Bahyreh, sont les J'avmates , les Zroates , les Beny-Aounous , les Geouäby , les Hennädy et les Oualad- A ‘y (2). Les Arabes des trois premières tribus cultivent quelques parties de la Bahyreh, sur la lisière du désert; les Beny-Aounous se sont établis dans le village de Gaomy et d’el- Hoch , où ils récoltent de l'orge. Pour fixer entièrement ces Arabes, on ne doit que foiblement les imposer; on doit sur-tout les protéger contre les tribus qu’ils ont pour ennemies. [ls conservent encore en partie les mœurs des fè/4k, et paroiïssent portés à devenir cultivateurs. Les Arabes Æennddy abandonneront difficilement leur vie errante : il faut, (1) Voir la carte hydrographique du canal des deux sur les diverses tribus d’Arabes qui fréquentent ces dé- mers, sur laquelle jai porté la situation approchée de serts. Quelque léger que soit cet aperçu, il est d'autant ces villes ou bourgades. { PL. 10, E. M. vol. 1.) mieux placé ici, que M. Chabrol n'a dit qu'il craignoit (2) Ces renseignemens m'ont été communiqués en partie d’avoir perdu les matériaux qu’il avoit recueillis À ce par M. Chabrol, qui avoit fait un travail trés-étendu sujet. É. M. TOME Il. C2 20 MÉMOIRE SUR LA PROVINCE DE BAHYREH, pour y parvenir, les harceler continuellement, leur enlever par surprise leurs bestiaux et sur-tout leurs chevaux : privés des moyens de fuir par des marches rapides, et d'exercer par-là leurs incursions, leurs rapines et leur brigandage, ils seront bientôt réduits à se fixer et à cultiver. Il faut, pour les y contraindre, se saisir, avant le temps de la moisson, des grains qu'ils recueillent dans quelques cantons où les eaux pluviales entretiennent la végétation : enfin, privés de toute ressource, le poïds de la misère les forcera de recourir à la protection du Gouver- nement. Ces moyens, que nous indiquons comme pouvant être exercés contre quelques-unes de ces tribus, conviennent en général au genre de guerre à soutenir contre toutes les autres tribus, qui infestent et désolent les frontières de l'Égypte, et dont la réunion, si l'intérêt ne les divisoit entre elles et ne les entretenoït dans un état de guerre perpétuel, s'éleveroit, aïnsi que le dit le général Reynier dans sa Sitration de l'Égypte, au nombre de trente à quarante mille cavaliers. La tribu des Oualxd-A'ly présentera toujours plus de difficultés que’les autres, si l'on veut préserver l'Égypte de ses incursions. Ces Arabes viennent tous les ans des environs de Derne, passer quelques mois sur des frontières occidentales de ce pays. Ils sont continuellement en guerre avec les autres tribus. L’habitude qu'ils ont des grands voyages, les ressources qu'ils trouvent dans le long trajet du désert qui s'étend des côtes de l'Égypte jusqu’à celles de Derne, et celles qu’ils ont dans leurs bestiaux et dans leurs forces, les rendront toujours redoutables aux provinces occidentales de l'Égypte. C'est toujours vers l'époque annuelle de la moisson qu'ils s’en approchent, pour y exercer leurs rapines et y porter la déso- lation : c’est donc vers ce temps qu'il convient de faire agir des forces mobiles comme les leurs, pour les en éloigner. Le corps des dromadaires étoit une ïins- titution qui, créée parle premier Général en chef de l’armée Française en Égypte, seroit parvenue à ce but si desirable, et qui doit faire l'objet constant de la solli- citude d’un Gouvernement paternel dans cette ancienne et malheureuse contrée. NOTICE | Ce SUEDE SUR -; | | LA PRÉPARATION DES PEAUX EN ÉGYPTE; PAR M. BOUDET, PHARMACIEN EN CHEF D'ARMÉE EN ÉGYPTE, MEMBRE DE L'INSTITUT D'ÉGYPTE ET DE LA LÉGION D'HONNEUR. ET I I I O sait que l'art de préparer les peaux remonte à la plus haute antiquité; que par-tout , avant de songer à filer le lin, le coton, le chanvre, le poil des ani- maux pour en faire des tissus, les hommes se sont servis de peaux pour se vêtir et pour les mettre à une infinité d’autres usages que le besoin leur indiquoit. On sait que, du temps de Moïse, on teignoit déjà les peaux en rouge et en violet; que, du temps d'Eumènes, la bibliothèque de Pergame se remplissoit de livres écrits sur le parchemin, et que par conséquent, à ces époques, Vart qui s'occupoit. du travail des peaux, étoit avancé au point de fournir Putile et l'agréable. | Mais, depuis que l'Égypte est passée sous la domination des Mahométans, cet art est retombé dans l'enfance; il est réduit maintenant à quelques procédés qui ont été conservés par tradition, qu'on exécute assez grossièrement, et qui cependant sont, pour la plupart, basés sur les mêmes principes que ceux qui sont usités et bien améliorés en Europe, comme on pourra le reconnoître en passant en revue les procédés des Égyptiens et les nôtres (1). ART DU TANNEUR. TANNER Îés peaux, c’est, pour les Égyptiens comme pour les Européens, les saturer d’un principe qu'on nomme rannin, et qui existe dans les végétaux {dits astringens); c'est combiner ce principe avec les fibres qui forment le tissu de ces peaux, et auxquelles l'on à fait prendre un état à demi gélatineux, de mañière (1) On pourroit croire que ceux qui ontinventé, dans extraite dans plusieurs cas, et dont l’autre, qui est un tissu l'origine, les procédés de l’art du tanneur, connoissoient fibreux, insoluble d’abord dans l’eau, doit, dans les aussi bien que nous la nature de la peau des animaux; mêmes cas, recevoir en grande païtie une nouvelle savoient aussi bien que nous, qu’outre le sang, la Iymphe modification, être ce que nous appelons débrülée, rac- dont elle est imbue, elle est composée de deux matières courcie, irritée, et ensuite combinée au tannin. distinctes, dont l'une, uniquement gélatineuse, doit être 2:2 NOTICE SUR LA PRÉPARATION DES PEAUX qu'il en résulte un nouveau corps plus solide sans être cassant, moins perméable à l'eau, et presque inaltérable. Avant de tanner les peaux, il faut d’abord les laver, puis les débourrer; et pour celles dont on veut faire, en Europe, ce qu’on appelle des cuirs forts, il faut les faire gonfler. | La première opération [le lavage) consiste, en Égypte comme dans tous les pays, à les faire tremper, à les agiter, à les fouler dans une eau courante, à les craminer, à les étirer sur le chevalet, à les laver enfin jusqu'à ce qu’entièrement débarrassées de leur suint, de leur sang, et des ordures qu’elles ont amassées dans l'étable ou à la boucherie, elles soient soûlées d’eau. La deuxième opération {le débourrement) a lieu en Égypte, et seulement par un des procédés pratiqués en Europe; on y fait séjourner les peaux dans un lait de chaux, jusqu'à ce que leur poil puisse être arraché facilement, puisse céder, sur le chevalet, à l'action d'un couteau rond non coupant. Ce débourrement par la chaux suffit en Europe, pour les peaux de vache et de veau qu'on destine à être des cuirs à œuvre; on s’en contente, en Égypte, même pour les peaux de buffle et de taureau, attendu quon ne s'applique point, dans ce pays, à en former des cuirs forts : mais en Europe, où l'on veut ceux-ci et dans la plus grande perfection, on préfère, pour les obtenir tels, de débourrer les peaux des grands animaux , ou après les avoir mises dans des liqueurs aigries, telles que linfusion d'orge, le petit lait, le jus de tannée, ou dans le produit aqueux et acide ‘de la distillation de la houiïlle et de la tourbe, ou dans une eau acidulée avec l'acide sulfurique, ou après leur avoir fait éprouver un certain degré de fermentation, soit en les mettant en pile saupoudrées de sel, soit en les enfouissant dans le fumier, soit en les enfermant dans une étuve où, exposées à un feu de tannée moitié sèche, moitié humide, elles reçoivent, à une températuré de vingt-cinq à trente degrés, une fumée aqueuse, acide, anti- fermentescible, qui les pénètre, les dilate, rend Îeur poil moins adhérent, sans trop les altérer elles-mêmes. La dépilation opérée par une de ces manières, on les lave, on les écharne; alors, en Égypte, toutes sont prêtes à être tannées, tandis qu'en Europe celles qui sont destinées à former ce ue appelle des cuirs forts, ont encore besoin de subir une troisième opération, qu'on nomume le gonflement , et qui a lieu, soit par la chaux, si le débourrement a été effectué par ce moyen, soit par les divers pässemens qui l'ont déterminé, les tanneurs, dans ce pays, ayant pour cela des fosses à chaux qu’ils nomment plis, ou des cuves à passemens aïgris ou acides, de différens degrés de force, dans lesquelles ils font passer successivement les peaux jusqu'à ce qu'elles aient acquis la dilatation convenable. Les Européens ont trois manières principales de procéder au tannage : ou ils couchent les peaux presque à sec dans des fosses, sur des lits d’écorce de chêne mise en poudre sous des meules, et qu'ils renouvellent trois fois dans l’espace de quinze à dix-huit mois, abrégeant cependant quelquefois cette opération, les uns en faisant couler peu à peu de l'eau dans les fosses, et les autres, qui veulent EN ÉGYPTE. 23 en même temps s'épargner la peine de démonter les fosses, en remplaçant cette cau par des lessives de la quantité de tan qu'ils auroient employée en donnant en nature la seconde et la troisième écorce ; Ou ils cousent les peaux de manière à en former des sacs qu'ils remplissent de tan et d’eau, et qu'ils plongent dans des baïgnoires contenant également de la poudre de tan délayée : ce tannage, qu'on nomme chippage, se fait en deux mois ; Ou enfin ils tannent, dans quelques jours, les peaux de bœuf, et dans quelques heures les peaux de mouton, en les arrangeant isolées dans un cuvier qui contient une forte lessive de tan. Les Égyptiens n’ont qu'un procédé pour tanner les peaux de taureau, de vache, de chameau, de buffle, de chèvre, &c. Il consiste d’abord à charger, à couvrir les peaux ramollies, distendues et débourrées, d’un mélange de sel et de poudre des siliques du zimosa nilotica, et ensuite à les mettre, à les agiter, à les fouler pendant quelques jours plus ou moins, suivant la grandeur et l'épaisseur des peaux, dans une eau où ils ont délayé une quantité convenable de la même poudre saline et astringente. Les peaux sorties de ce coudrement sont étendues et séchées; les unes sont employées dans cet état, les autres passent entre les mains du corroyeur. ART DU CORROYEUR. L'ART du corroyeur consiste à donner la souplesse aux cuirs durcis par lopé- ration du tannage. Toutes les espèces de cuirs qui ont subi cette opération, sont, en Égypte, l'objet du travail du corroyeur; il les dispose, par différens apprêts, aux usages auxquels chacun d'eux peut convenir. Prenons pour exemple un cuir de vache : il le ramollit avec de l'eau qu'il fait pénétrer en foulant le cuir et le pétrissant avec les pieds; il le travaille sur le chevalet pour l’écharner, le déborder:; il le fait sécher, il le couche sur une table, et verse dessus, du côté de la chair et beaucoup moins du côté de la fleur, de l'huile qu'il étend avec les mains; il le pend ensuite pour lui laisser boire cette huile; il le foule, il le recharge d’huile, il le foule de nouveau ; il le dégraisse avec une légère solution de natroun du côté de la fleur, afin de la disposer à prendre la couleur noire qu'il lui donne à deux reprises, avec linfusion d’un mélange de terre vitriolique et de siliques du #mosa, foulant le cuir à chaque fois; ensuite il le pare, et enfin il lui applique une légère couche d'huile sur fleur. Les cuirs à repasser les rasoirs du barbier Égyptien sont faits avec des lanières de peaux de taureau ou de buffle, tannées, et ensuite corroyées et ramollies dans l'huile. | On fait macérer ces lanières pendant huit jours dans de Fhuile de Jin, puis pendant huit jours dans de l’huile d'olive; on les foule, on les roule sur une table pour les assouplir et leur faire absorber l'huile. 2 À NOTICE SUR LA PRÉPARATION DES PEAUX Nous ignorons si le corroyeur Égyptien, au lieu d'huile, emploie quelquefois ou le suif ou la cire, sil sait préparer les cuirs lisses ou à grain auxquels on conserve leur couleur fauve : mais il donne, comme nos corroyeurs, à des cuirs de vache et de veau, une couleur rouge, et vraisemblablement par lé même procédé, qui consiste à aluner ces cuirs dans l'état où ils sont lorsqu'on les noircit, à les fouler sur leur alun, à les teindre avec. une décoction de bois de Brésil ou de Fernambouc dans l'eau de chaux, à les sécher, à les lisser avant et après les avoir huilés, et à tirer à la pommelle ceux à la surface desquels il veut former le grain. Ce n’est pas lui cependant qui prépare les cuirs dont sont faites, en Égypte, les outres qui y servent, ou pour transporter l'eau du Nil chez les particuliers et pour la porter dans les voyages sur des chameaux, ou pour con- tenir Ja mélasse qui vient du Sa yd, le beurre, Fhuile d'olive et le miel qu'on reçoit de Tunis et des autres villes de la Barbarie. Ces cuirs se fabriquent à la Mecque et à Geddah; les Égyptiens ne font que les coudre pour en former leurs outres. Celles très-grandes qui doivent être chargées sur les chameaux, sont faites de cuirs de taureau; on emploie, pour les outres moins considérables , les peaux de bouc ou de chèvre. Les unes et les autres ont besoin, pour être conservées plus long-temps, quon leur fasse subir, au moins deux fois l'an, Popération suivante : Lorsqu'un porteur d’eau s'aperçoit que son outre est fatiguée , il la suspend en Jui tenant la bouche ouverte : elle se sèche; alors il y introduit un mélange de goudron et d’huile d'olive qu'il étend soigneusement avec les mains sur la moitié de la surface intérieure de loutre; puis, rapprochant les deux moitiés, il les foule ensemble pour les pénétrer du mélange; enfin, il laisse cette outre exposée à l'air et au soleil, jusqu’à ce qu'elle ait bu tout le goudron qu'on lui a donné, _et qu'en la touchant le doigt ne soit point graissé. Une outre ainsi soignée dure cinq à six ans en servant tous les jours. Les Égyptiens ont encore, pour contenir de l’eau, des bouteilles assez artiste- ment fabriquées, que nous croyons être, sans pouvoir lassurer , comme celles de nos gaîniers, d’un cuir bouilli dans la cire, mais avec moins de soin. Ils ont aussi des cruches vraisemblablement du même cuir et assez grossière- ment fabriquées , et qui servent, chez les marchands d'huile, à contenir celle qu'ils débitent. | | ART DU MAROQUINIER. LES peaux qui sont travaillées en Égypte avec le plus de soin et d'intelligence, sont celles qu'on destine à faire ce qu'on appelle Æ wmaroquin, les peaux de bouc, de chèvre et de mouton. | | 3 _ Ces peaux; traitées par la chaux et débourrées, passent successivement dans des réservoirs pleins d’eau , pour y être trempées, lavées et foulées avec les pieds; elles sont ensuite successivement écharnées, lavées , contre-écharnées, foulées, travaillées sur fleur, et suspendues pour être égouttées. Alors, EN EGYPTE: "ès Alors , pour ramollir et dilater ces peaux que la chaux a un peu durcies, on les met dans une bouillie de fiente de pigeon, dans laquelle on les brasse forte- ment, et où on les laisse pendant quelques heures; de Ià on les plonge dans un coudrement fait avec la poudre des siliques du #7m0osa nilotica, où après les avoir laissé macérer pendant vingt-cinq à trente heures, on les foule pendant deux. Maroguin ro uge, Au sortir du coudrement qui a servi à les tanner, les peaux auxquelles on veut donner une couleur rouge, sont mises pendant deux jours dans un confit de son; puis lavées, elles passent dans un confit de figues où on les laisse macérer pendant vingt-quatre heures ; au bout de ce temps, on les lave, on saupoudre chacune d'elles aveç du sel, on les empile pendant quelques jours ; elles éprouvent un mouvement de fermentation, qu’on arrête en les jetant dans l'eau ; on les lave à sept à huit reprises différentes, et chaque fois dans de nouvellé eau; on les tord, on les étend, et, à l'aide d'une éponge ou d’un peloton de coton, on leur applique en trois fois, sur fleur, la couleur rouge préparée avec le kermès ou la coche- nille et l'alun. Les peaux, ainsi colorées, sont lavées, tordues, et ensuite mises dans un cou- drement astringent , composé comme celui qui a servi à commencer leur tannage; lorsqu'elles y ont séjourné un temps convenable (1), on les lave, on les fouie, on les exprime, on les étend, et, à l’aide de la main imbibée d'huile de sésame, on frotte leur surface pour l'adoucir et la lustrer. # Maroquin jaune. LES peaux qu'on destine à être en jaune, ne passent point dans les confits de son, de figues, et dans le sel; elles sont mises, immédiatement après l'opération du premier tannage, dans un second coudrement ; de là, après avoir été lavées, foulées, tordues, en partie séchées, elles sont étendues et elles reçoivent deux couches d’une teinture jaune faite avec l'infusion d’un mélange de graines d’Avi- gnon et d’alun pulvérisé : à chaque couche, on a l'attention de plier en deux, fleur contre fleur, chacune des peaux, de les mettre en pile pour faire pénétrer la couleur; après quoi on les fait sécher, on les pare du côté de la chair, on les lustre avec un bäton du côté de la fleur. Maroquin vVér, LE maroquinier Égyptien cache avec soin son secret pour la préparation de la couleur verte : mais nous pensons qu’elle n’est autre chose qu’une dissolution de vert-de-gris dans une eau acidulée par la crème de tartre; peut-être y ajoute- t-il un peu d'indigo. (1) La peau du maroquin, dans ce second coudrement, du resserrement qu'éprouve particulièrement Îa super- acquiert ce grain qui en fait la beauté, et qui est l'effet ficie ou épiderme de cette peau. É., M. TOME II. D 26 NOTICE SUR LA PRÉPARATION DES PEAUX Maroquin noir, LE maroquin est teint en noir, après le premier coudrement, avec un mélange d'une terre jaune vitriolique qu'on appelle g4z dans le pays, et de galle ou de siliques du #imosa en poudre : une seule couche suffit; encore faut-il laver immé- diatement la peau, pour qu'elle ne soit point brûlée par la couleur. Lorsque Ja peau est sèche, on en frotte la fleur avec de l'huile de lin (1). ART DE L’'HONGROYEUR. L'HONGROYEUR fait un cuir fort sans avoir recours, pour sa préparation, ni au ait de chaux, ni aux passemens de liqueurs aigries ou acides, ni au tan; il substitue à cette dernière substance l’alun et le sel, et il incorpore dans ce cuir une quantité considérable de suif. Les procédés qu'il emploie paroissent entièrement ignorés en Égypte, à moins que le procédé suivant n'offre quelque analogie avec eux. On prend la peau fraîche d’un buffle, on l’étend le poil en dessous sur la terre poudreuse d’une cour ou de la rue {2), on la couvre d’un mélange fait avec parties égales de cendre et de muriate de soude séparé du salpêtre; et afin de déter- miner, de faciliter la solution des sels de ce mélange et leur pénétration dans la peau, et de donner en même temps à celle-ci certaine jpspiee on la piétine d’abord, puis on la laisse exposée au soleil et à la-pression qu'exercent des gens qui la foulent en passant. Lorsque le mélange qui la couvroit est épuisé ou dispersé, on le renouvelle: et lorsque la peau est bien sèche, on l’emploie garnie de son poil, pour servir de marche-pied, soit dans les écoles, soit dans les mosquées (3). ART DU PARCHEMINIER. LE procédé employé généralement à faire le parchemin consiste à appliquer sur une peau étendue une bouillie épaisse de chaux faite la veille, à arracher le poil après deux heures de séjour de cette bouillie sur la peau, à l'agiter pendant deux heures dans un lait de chaux, à la laver fortement, chassis, à lécharner après lavoir saupoudrée de chaux éteinte, à la laver sur place avec une éponge, à la sécher promptement, à la détacher pour la raturer (4), la poncer, la dépecer et en former des feuilles à l’étendre sur un (1) On dit que c’est par l’intermède des feuilles du debuffle, a quelque ressemblance avec celle qu’on donne redoul à feuilles de myrte coriaria, que l’on tanne et que lon teint en noir les maroquins dans le Levant; on prétend même que c’est à cette plante qu’ils doivent leur supériorité : mais nous n'avons point appris qu'elle füt usitée en Égypte. (2) Ni les cours ni les rues ne sont pav ées en Égypte. (3) Cette préparation usitée en Éo gypte pour les peaux aux peaux de veau destinées pour havre- sac et qu'on nomme veaux à poil, Ces peaux sont dessaignées, décharnées, foulées à Falun et au sel marin à deux reprises différentes, et ouvertes à moitié sèches, sur le chevalet, avec le couteau rond. (4) Raturer, c’est enlever avec un fer tranchant lépi- derme, la surface extérieure de la peau, EN ÉGYPTE. 27 Il est possible que les Égyptiens ne-suivént pas ce procédé exactement et de manière à se procurer de beaux parchemins à écrire, que même ils ne fassent pas celui qu'ils emploient à cet usage; mais ilest certain ‘qu'ils fabriquent ie .par- chemin commun. Plusieurs espècés de peaux, telles que celles d'âne et de cheval, sont employées pour les gros tambours qui sontiportés sur les chameaux, et celles de chèvre et de ‘daim pourlles petits tambours. On voit aussi qu'ils tra- vaillent-en parchemin etrnon-en chagrin (1), pour couvrir les fourreaux de leurs sabres et de leurs poignards,, la peau de la croupe des änes, ‘peau qu'ils mettent en couleur après lavoir grenetée-en place avec un poinçon dont!lextrémité porte une petite cavité; que leurs cribles (2) sont composés de lanières d’un parche- min fait avec les peaux de chameau et de mulet; et qu'enfin ils emploient à plusieurs usages un parchemin auquel ils savent donner une couleur verte très- belle et très-solide. AUREPD-DOMTELC DS'S PER. CET art, dans sa manière d'être pratiqué en Égypte, n'offre d'autre différence qu'une moindre perfection : on y prépare, à peu près comme en Europe, les peaux au débourrement par la chaux; on les dilate, on les attendrit à l’aide d’un confit de son; on les passe dans une solution d’alun; on les blanchit en les mettant dans une bouillie composée de farine de froment, de jaunes d'œuf, et de la portion de la solution d’alun qui na point été absorbée; on les fait sécher et on les étire. | Les peaux qu'on veut passer en laine, sont lavées, rognées, écharnées, mises dans un confit de son, ravalées, alunées: couvertes, du côté de la chair, d’une pâte de farine, d’alun et de jaunes d'œuf; lavées, étendues, séchées, mouillées; ensuite pliées en deux, empilées, chargées de pierres, ouvertes sur le chevalet, repassées, séchées la laine en l'air, et enfin redressées. Parmi les peaux que les Égyptiens préparent avec leur poil, on RE compter la peau de chien. Is en dépouillent l'animal en la conservant entière, comme nous faisons pour celle de lapin : mais, n'ayant point vu cette peau confectionnée, et sachant que sous la forme de sac elle leur sert à contenir du mercure, nous soupçonnons qu'après l'avoir alunée à la manière des peaux de mégie, on l'imbibe d'huile sui- vant le procédé du chamoiseur. RÉSUMÉ. Fe résulte de ce ‘que nous avons dit des différentes préparations des peaux, ° Que les Égyptiens emploient l'eau non-seulement pour les laver, mais (1) Le chagrin étant la même peau saupoudrée de (2) Non percés, comme les nôtres; avec un emporte e graine de moutarde, puis tannée légèrement. pièce, É, M. TOME II. D à 2 $ NOTICE SUR LA PRÉPARATION DES PEAUX EN ÉGYPTE. encore pour écarter les fibres qui les composent, et leur enlever Jes liqueurs animales putrescibles dont elles sont imbues ; 2° Qu'ils rendent cette eau plus active, plus pénétrante, à l’aide de la chaux, à laquelle ils reconnoissent la propriété d'empêcher la putréfaction de la partie fibreuse à conserver, et de lui donner cette nouvelle modification que nous attribuons à la soustraction d’une partie de leur oxigène ; ° Qu'après avoir lavé, distendu, débourré les peaux, ils savent, à peu près pcs nous, les durcir, soit par le tannin, soit par l’alun et le sel, et même par une simple dessiccation ; qu'ils savent les assouplir par le foulage et en leur incorporant des corps gras; qu'enfin ils savent les mettre en couleur. MÉMOIRE SUR LE MEQYÀS DE L'ÎLE DE ROUDAH - SUR LES INSCRIPTIONS QUE RENFERME CE MONUMENT; PAR NE -JONMARCGEL, DIRECTEUR DE L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE, MEMBRE DE LA LÉGION D'HONNEUR. .. Hic undantem.... magnumque fluentem INRLUM, AC Ne surgentes.... columnas, VIRG. Georgic. Hib. ur. ED D D D ON ON D D D D D D D DD D M .œ| INTRODUCTION. ir: Livré, dès ma plus tendre jeunesse, avec la passion la plus vive, à l'étude des langues et de l’histoire des peuples de l'Orient, j'avois long-temps vu avec un regret bien réel, que presque tous les voyageurs qui ont parcouru cette contrée, eussent autant négligé qu'ils l'ont fait, de recueillir les inscriptions en lettres Koufiques et autres anciens caractères Arabes (1) que devoient leur offrir fré- quemment les monumens élevés par les princes qui y ont régné dans les premiers siècles de l'islamisme. Le plus ancien des voyageurs en Égypte us l'hégire, est Benjamin de Tu- dèle, célèbre Juif Navarrois, qui, dans le xur.° siècle de Père Chrétienne, visita toutes, des synagogues du monde; mais son séjour en Égypte n'eut d'autre but que celui d'y connoître les coutumes et les cérémonies de ses coreligionnaires, et de converser avec les Rabbins qui s'y trouvoient. La relation abrégée’ de ses voyages a été écrite par lui en hébreu (2), et nous en avons deux traductions (1) Voyez mon Mémoire sur les inscriptions Koufiques jamin a été imprimée, sous le titre de Aesa’out Rabty recueillies en Égypte, et sur les autres caractères employés Bén-Yamyn p0? 32 PNYD , à Constantinople, dans dans les monumens des Arabes, Æ. M, tom, T, pages 570 imprimerie Hébraïque qui y avoit été établie par Rabbi et suivantes, Gerson, et qui y a existé jusqu’à lan 1530 de notre ère; (2) La première édition des Voyages de Rabbi Ben- maïs cette édition est fautive et assez mal exécutée. 20 MÉMOIRE SUR LE MEOYÀS w) Latines {1}, qui ont été suivies de deux autres en langue Française (2). Cet ou- vrâge contient des choses très-curieuses ; mais l'auteur n'a jeté qu'un coup-d’œil superficiel sur fes monumens des pays qu'il parcouroit, et n’a, par conséquent, pensé aucunement aux inscriptions qu'ils pouvoient renfermer. I ne faut pas plus s'attendre à trouver la moindre recherche à ce sujet chez le petit nombre des voyageurs qui ont visité l'Égypte dans le xvr.° siècle. Je citerai d’abord parmi eux, Jean Belon (3), médecin Français; Palerne (4), secrétaire du duc d'Anjou; Christophe Furer ($) et le prince Radziwill (6). Les deux premiers ont parcouru une grande partie du Levant : l'un, sous nos rois François L.® et Henri IH, depuis lan 1 546 jusqu'à l'an 1 549; et l’autre, depuis 1581 jusqu'à 1583, sous le règne de Henri III. Les voyages des deux autres ont eu lieu en 156$ et en 1583. Ces voyageurs ne paroiïssent pas s'être attachés à connoître la littérature et l'histoire des pays qu'ils parcouroïent : Les trois derniers semblent n'avoir eu d'autre but que de satisfaire une espèce de curiosité vague et sans aucun motif déterminé, si ce nest de visiter les saints-lieux; et le premier ne s'est presque occupé que de l’histoire naturelle, sur laquelle il est vrai qu'il a rassemblé des matériaux assez (1) Arias Montanus a publié sa traduction Latine ensuite en latin par Benoît Arian Montan , et nouvellement d’après le texte de l'édition de Constantinople, et elle n’est pas moins défectueuse que celle-ci. Constantin l'Empereur en a depuis donné une nouvelle édition, également remplie de nombreuses fautes, et qui porte le titre suivant : + 2032 917 Sy nybr Zénerarium D, Benjaminis, cum versione et notis Constantini l'Empereur ab Oppyck, S. T, D. et S.L, P, in acad. Lugd. Batava. Lugd. Batavo- rum, ex oMicina Elzeviriana, 1633. (2) Jean-Philippe Baratier, né à Schwabach dans le margraviat d’Anspach, et qui a été, au commencement du siècle dernier , si célèbre par son érudition, précoce et sa fin prématurée, a fait, d’après le texte Hébreu, à âge de onze ans, en 1732, une traduction Française, enrichie de notes et de dissertations , qui est estimée, et qui a été imprimée sous le titre suivant : Voyages de Rabbi Benjamin, fils de Jona de Tudèle, en Europe,en Asie eten Afrique, depuis l’Espagne jusqu’à la Chine, dc, traduits de l’hébreu, et enrichis de notes et de dissertations historiques et critiques, par J. P, Baratier, étudiant en théologie. Amsterdam, 1734. L'année suivante, Pierre Bergeron à inséré dans le premier volume de sa Collection de voyages faïts dans les XI1., XIII, XIV.® et XV.° siècles, imprimée à la Haye, une autre traduction de Benjamin de Tudele, faite sur la version Latine d’Arias Montanus, dont les fautes s’y trouvent copiées, et il lui a donné le titre suivant : Voyage du célèbre Benjamin autour du monde , com- mencé l’an MCLXXIII, contenant une exacte et succincte description de ce qu’il a vu de plus remarquable dans presque toutes les parties de la terre, aussi-bien que de ce qu’il en a'appris de plusieurs de ses contemporäins dignes de foi; avec un détail, jusques ici inconnu, de la conduite, des synagogues , de la demeure et du nombre des Juifs et de leurs Rabins dans tous les endroits ou il a été, êTc, ; écrit premièrement en hébreu par l’auteur de ce Voyage, traduit du latin en françois, (3) Belon, né au hameau de la Sourletière dans le Maine, vers lan 1518 , étoit docteur en médecine de la faculté de Paris : il obtint l’amitié du cardinal de Tournon,'et fut très-considéré des rois Henri II et Charles IX. De retour de ses voyages en Grèce, en Judée, en Égypte et en Arabie, il publia, à Paris, en 1553; le recueïl de ses observations , sous Le titre de Singularitez et choses mémorables observées en divers pays estranges , par Pierre Belon , du Mans, I est aussi auteur de Traités sur la nature des oïseaux et des poissons, de Commentaires sur Dioscoride, d’une Traduction de ce naturaliste ainsi que de Théophraste, &c. I préparoit encore d’autres ouvrages, lorsqu'il fut tué par un de ses ennemis, près de Paris, en 1564, à âge d'environ qua- rante-sept ans. (4) Pérégrinations du S. Jean Palerne, Foresien, secrétaire de François de Valois, duc d’Anjou et d’Alen- con, &c. où est traicté de plusieurs singularités et anti- quités remarquées ês prouinces d'Égypte , Arabie déserte et pierreuse, Terre-saincte, Surie, Natolie, Grèce, .et plusieurs isles tant de la mer Méditerranée que Archi- pelague, &c. Lyon, 1626. Palerne a joint à la relation de son voyage, dont Pédi- tion est fort rare, un petit dictionnaire des fdiomes qui sont parlés dans le Levant, lequel comprend, en vingt- trois pages, une partie des mots les plususuels, des phrases familières , et même des expressions d’injures, dans les langues Italienne, Grecque vulgaire, Esclavone, Turque et Arabe qu’il appelle AMoresque ou Arabesque, Ce voca- bulaire est en tout très-inexact; maïs il est principale- ment curieux de voir comment l’auteur y a défiguré, pour ainsi dire à plaisir, les mots qu’il donne de la langue Arabe. (5) Christophori Furer Itinerarium Ægypti, (6) Principis Radkgivilit Jerosol, Peregrinatio. DE L'ILE DE ROUDAH, - 3 I curieux et qui annoncent un esprit d'observation recommandable; sur-tout pour l'époque à laquelle il vivoit. l Prosper Alpin (1) à séjourné aussi trois ans en Égypte, depuis 1580 jusqu’en 1583, auprés de George Hemi, baile ou consul de la république de Venise au Kaire, où il le suivit en qualité de son médecin particulier : mais il s'est borné, dans ce voyage, à rassembler des observations d'histoire naturelle, de physique et de pathologie médicale; et ces sciences ont été presque le seul objet de ses recherches. 4 Les plus remarquables des voyageurs en Egypte dans le xvrr.° siècle, sont Savary de Brèves. (2), qui fut pendant vingt-deux ans ambassadeur de Henri IV à la Porte Ottomane (3), et qui visita l'Egypte dans l’année 160$ , en reve- nant de Constantinople; l'Anglais Sandys (4) et litalien Pietro della Valle (5); qui y ont passé, le premier, en 1610, et le second, en 1615 ; César Lambert, négociant de Marseille, qui l'a parcourue de 1628 à 1632; enfm Fermanel (6) (1) Prosper Alpin, ou Alpini, naquit à Marostica, petite ville de PÉtat-de Venise, vers la fin de lan 1553, et porta d’abord Îles armes au service de Milan. Ensuite, pressé par son père, François Alpini, qui étoit médecin, de suivre la même carrière, il sè rendit à Padoue, et y fut reçu docteur. en médecine, Pan 1578. II s’occupa sur-tout de [a botanique; maïs il crut que, pour mieux y réussir, il devoit voyager et étudier la nature des plantes par celle des terres qui les produisent. Les ouvrages qui nous restent de Îui, prouvent les recherches curieuses auxquelles il se Jivra pendant son séjour en Égypte. A son retour en Îtalie, le prince de Melphe, André Doria, le choisit pour son médecin, et les Vénitiens le nommérent professeur de botanique à l’université de Padoue. I y parut avec beaucoup de réputation, et y mourut à la fin de l’année 1616. | Les ouvrages relatifs à l'Égypte, qu’on à de lui, sont les suivans : Prosperi Alpini Marosticensis, philosophi et medici, De plantis Ægypti liber, Lugduni Batavorum, 1735. Rerum Ægyptiacarum libri 1V. Lugd. Batav. 1735. Medicina Ægyptiorum, Lugd. Batav. 1745. De balsano Dialoous. Lugd. Batav. 17457 (2) La relation du voyage de Savary de Brèves a été publiée après sa mort par Jacques du Castel, sous le titre de Relation des voyages de M. de Brèves, tant en Grèce, Terre-saincte et Ægypte, qu'aux royaumes de Tunis et Arger. Paris, 1628. k (3) Savary de Brèves à conclu, en 1604, entre Henri IV et le Grand-Seigneur, un traité dont il a donné une édition en français et en turc, qui est fort rare , et-qui porte le titre suivant : ail ebisls Gé Ji dt (alssb rail à O 39 NV) ,es 2 2SUS wo ge OY;l she Articles du Traicté faict en l’année mil six cens quatre, entre Henri le Grand, Roy de France et de INauarre, et Sultan Amar, ÆEmpereur des Turcs, par l’entremise de Messire François Sauary, seigneur de Breues, conseiller du Roy en ses conseils d’estat et priué, lors ambassadeur pour sa Majesté à la Porte dudit Einpereur, À Paris, de l'imprimerie des langues Orientales, Arabique, Tur- quesque, Persique, &c. Par Estienne Paulin, rue des Carmes, Collége des Lombards, M. DC: xv. © Ce traité a été réimprimé par du Castel, à la suite de l'édition qu’il à donnée des voyages de M, de Brèves. (4) À Relation of a journey begun in 160, by San- dys, (5) Viaggi di Pietro della Valle il pellegrino, con mi- nuto ragualio, con la vita dell’ autore, scritta da Gio. Pietro Bellori, In Roma, 1662, L'année suivante, on en fit paroître une traduction Française, intitulée : Les fameux Voyages de Pietro della Valle, gentilhomme Romain, surnommé l’illustre voyageur, avec un dénombre- ment très-exact des choses les plus curieuses et les plus re- mmarquables qu'il a veuës dans la Turquie, l'Égypte sale Palestine, la Perse et les Indes Orientales, et que les au- theurs qui en ont cy-deuant écrit n’ont iamnais obseruées ÿ le tout écrit en forme de lettres, adressées au sieur Schipano , son plus intime amy, 7e. Paris, 1663 et 1664. IT en existe une seconde traduction Française par Étienne Carneau et Fr. Le Comte, imprimée à Rouen en 1745. (6) La première édition de son voyage à été imprimée à Rouen, en 1668, sous le titre d’Observations curieuses sur le voyage du Levant, La seconde est intitulée : Le Voyage d’Italieer du Levant par messieurs Fermanel, conseiller au parlement de Normandie, Fauvel , naître des comptes en ladite province, sieur d’Oudeauville, Baudouin de Launay, et de Stochove, sieur de Sainte- Catherine, ger- tilhoinme Flamen , contenant la description des royaumes, Provinces, gouvernemens , villes , bourgs , villages, églises, Palais, mosquées, édifices anciens et modernes , vies > MIŒUTS, actions, tant des Ttaliens que des Turcs, Juifs, Grecs À Arabes, Arméniens, Mores, Nôègres, et autres nations qui habitent dans l'{talie, Turquie, Terre-sainte, Egypte et autres lieux de tout le païs du Levant ; avec plusieurs remarques, merveilles et prodiges desdits païs , recueillis des écrits faits par lesdits sieurs pendant ledir voyage, Rouen, 1687. 32 MÉMOIRE SUR LE MEQYÀS et la Boullaye-le-Gouz (1), qui l'ont aussi traversée, Fun en 1631, accompagné de Fauvel, de Delaunay et de Stochove, et l'autre en 1650. Je ne dois point sur- tout oublier dans cette énumération le savant auteur de la Pyramidographie, Jean Greaves (2), le Lyonnais Monconys (3), Corneille le Bruyn (4), Chazelles (5), linfatigable Melchisedec Thevenot (6), qui a parcouru à diverses reprises toutes les contrées de l'Orient, ni le P. Vansleb (7), qui a résidé en Égypte pen- dant les deux années 1672 et 1673 : mais ces voyageurs ne font de même men- tion d'aucune inscription Koufique, Karmatique, ou Arabe ; et ils se sont presque tous bornés à décrire en partie, et souvent d'une manière superficielle ou inexacte, les mœurs du pays, à y faire quelques observations d'histoire naturelle, et à*en tracer du mieux qu'ils pouvoient la topographie. Ce reproche d’inexactitude ne s'applique cependant point à Vansleb, que nous avons, au contraire, eu Occasion de reconnoître pour être un des plus exacts parmi les voyageurs qui ont parcouru l'Égypte. Vansleb d’ailleurs pouvoit d'autant moins être induit en erreur dans ses obser- vations , qu'il possédoit lidiome du pays qu'il décrivoit , ainsi que les autres langues Orientales. Nous avons même de lui des travaux précieux sur la langue Ethiopienne, dont l'étude est si importante pour la recherche de lidiome que parloient les anciens Égyptiens ; et la littérature Orientale lui doit sur-tout Ja publication du Dictionnaire et de la Grammaire de cette langue composés par le savant Ludolf (8), dont il a donné la première édition, et qu'il se proposoit (1) Les voyages et observations du sieur de Ia Boullaye- le-Gouz, gentilhomme Angevin, où sont décrites les religions, gouuernemens et situations des estats et royaumes d'Italie, Grèce, Natolie, Syrie, Palestine, Karamenie, Kaldée, Assyrie, Grand-Mogol, Bïjapour, Indes Orientales des Portugais, Arabie, Egypte, &c., isles et autres lieux ‘d'Europe, Asie et Afrique, où il a séjourné. Paris, 1653 et 1657. (2) Pyramidographia, by John Greaves, Thevenot a traduit cet ouvrage, qui se trouve dans sa Collection de voyages. (3) Voyage de Monconys en 1647. (4) Voyage au Levant, c’est-à-dire, dans les prin- cipaux endroits de l’Asie mineure, dans les îles de Chio, Rhodes, Chypre, &c. de même que dans les plus consi- dérables villes d'Égypte, Syrie et Terre-sainte, enrichi d’un grand nombre de figures en taille douce, où sont représentées les plus célèbres villes, pays, bourgs, et autres choses dignes de remarque, le tout dessiné d’après pature; par Corneiïlle le Bruyn. Paris, 1725. (5) L'ingénieur hydrographe Chazelles avoit été envoyé dans le Levant pour reconnoître la position des principaux ports de la mer Méditerranée. I remonta d'Alexandrie au Kaire en 1694, et y mesura les pyramides. Voyez les Mémoires de l’académie des sciences, année 1702, Jean-Matthieu de Chazelles naquit à Lyon le 24 juillet 1657, et mourut à Marseïlle le 6 janvier 1710. (6) Relation d’un voyage fait au Levant, dans laquelle il est curieusement traité des états sujets au Grand- Seigneur, et des singularitez particulières de PArchipel, Constantinople, Terre-sainte, Égypte, pyramides, mumies, déserts d'Arabie, la Meque, &c. par M. de Thevenot, Paris, 1665, Suite du Voyage du Levant, contenant des remarques singulières sur des particularitez de l'Égypte, de la Sy- rie, de la Mésopotamie, de l'Euphrate et du Tygre, par M. de Thevenot. Paris, 1674, (7) Nouvelle Relation, en forme de journal, d’un voyage fait en Égypte en 1672 et 1673; par le P. Vans- leb, “ D. ur 1677. HD : AE: DB : HATVRL : sive Jobi Ludolfi, J, C, Lexicon Æthiopico-Latinum, ex omnibus libris impressis nonnullisque manuscriptis collectum, nunc primüm in lucem editum studio et curä Johannis Mi- chaelis Wanslebii, Londini, 1661. HAŸN : ARAE : POULE : AA : VÜH : HD AE : An: : DEHE. : HAT PRE : sive Jobi Ludolfi, J. C. Grammatica Æthiopica, nunc pri= mm edita studio et curâ Johannis Michaelis Wanslebii Londini, 1661. A cette édition est joint l’opuscule suivant : Confessio fidei Claudii regis Æthiopiæ, cum notis et ver- sione Latina Jobi Ludolfi, J. C, antehac Sereniss, Elec- tori Palatino dedicata, nunc verd edita curä et studio Jo- hannis Michaelis Wanslebii, qui liturgiam S. Dioscori, patriarchæ Alexandrini, æthiopicè et latinè addidit, Lon- dini, 1661. La seconde édition de la Grammaire et du Diction- naire de Ludolf a paru à Francfort sur le Mein, en 1699 et 1702. de DE L'ILE DE ROUDAH. 3 3 de faire réimprimer de nouveau, avec des changemens considérables. Je possède le manuscrit autographe de Vansleb, contenant les corrections et additions nom- breuées qu'il avoit rédigées pour cette seconde édition, aux préparatifs de laquelle il s'étoit livré dans son humble retraite, pendant les dernières années de sa vie; et que sa mort l'a Ron de faire paroître (1). Les orientalistes n’ont pas moins d'obligation à Savary de Brèves dont je viens de parler. Comme directeur de l’Imprimerie impériale, et comme membre de Ja Commission d'Égypte, je me fais un véritable devoir de consacrer à sa mémoire quelques lignes tracées rapidement, et qui ne seront peut-être pas déplacées dans un ouvrage qui lui doit une partie de la perfection de son exécution typographique. En eflet, c'est par ses soins et à ses frais qu'ont été gravés, avec une munifi- cence vraiment royale, les magnifiques caractères Arabes (2) qui forment une des principales richesses de l’ancien fonds de poinçons Orientaux que possède lImprimerie impériale, et qui s’est considérablement augmenté depuis par la réunion de la typographie de la Propagande, et nouvellement encore par celle de Florence {3}, dont elle doit lacquisition à l'auguste bienveillance de sa Majesté l'Empereur et Roi. Quoique gravés dès le commencement du siècle de Louis XIII, les caractères Arabes de Savary de Brèves présentent dans leur exécution une élégance, une proportion et une légéreté qui égalent et surpassent peut-être les modèles que peut nous offrir la calligraphie des plus beaux manuscrits de l'Orient. La perfec- tion avec laquelle, de l'aveu même du plus célèbre graveur typographique de notre siècle (4), les poinçons du plus gros corps sur-tout sont taillés, malgré la compli- cation et la finesse des traits qui les composent, les rend véritablement un chef: d'œuvre de gravure d'autant plus remarquable, qu'actuellement même on auroit péine à inciser lacier avec autant de vivacité, de netteté et de hardiesse. (1) Vansleb, de retour de ses voyages, se retira à [a paroisse de Saint-Sévère de Bourron, dans le diocèse de Sens, à laquelle 11 demeura attaché en qualité de vicaire, et où il mourut, le 13 juin 1679, suivant son extrait mortuaire, dont l'original est annexé, avec d’autres pes autographes qui le concernent, à son manuscrit que j'ai entre Îles mains. (2) Ces caractères sont au nombre de troïs corps: le gros Arabe, qui se trouve employé ci-après, dans ce Mémoire; le moyen Arabe, qui sert aux mots insérés dans le texte de cet ouvrage; et le petit Arabe, qui a été placé dans les notes. (3) Ces magnifiques types Orientaux sont ceux que les Médicis avoient fait graver avec tant de soin pour Pimprimerie célèbre qu’ils avoient créée à Rome à la fin du xv1.° siècle, et qui porta leur nom : leur collection comprend, 1.0 Les beaux caractères Arabes qui ont servi aux deux éditions des quatre Évangiles sorties de leur typographie en 1590 et 1591, Latine interlinéaire, l’autre en arabe seulement sous le titre suivant: oué Yi al ue AC sul gyua Guy pol Ja É. M. TOME II. lune en arabe avec une traduction 10) (ET (ni US 329 es se ue D) Evangelium sanctum Domini nostri Lesu Christi, conscrip- tum à quatuor evangelistis sanctis , id est, Matthæo, Mar- co, Luca, et Iohanne, Romæ, in typographia Medicea. 2.9 Les caractères Arabes de l'édition purement Arabe d'Euclide, imprimée à Rome en 1504, sous le titre de RL ERen" J—=) J PE Are @ chi De 0) y se es ge al 3.° Les caractères Arabes, d’un corps plus petit, avec lesquels a été donnée l'édition, aussi en arabe seulement, d’Avicenne, imprimée à Rome en 1593, sous le titre suivant : EE w | ea il ul de Y EN 3 op ke 0. DE all fes SEA fe Hors das æ 4.° Enfin, des caractères Moghrebins, Syriaques, Jaco- bites et Maronites, Stranghelo,Talyqs, Qobtes, &c. Ces derniers caractères, dont quelques-uns n’ont jamais servi, sont employés dans ce Mémoire. (4) M. Firmin Didot, dont le rare talent est générale- ment connu, et qui, aprés avoir été attaché à l’Impri- merie impériale en qualité de graveur de caractères, de- puis l'an 1802, y occupe maintenant la place d’employé spécial chef de la fonderie, MÉMOIRE SUR LE MEQYAS Parmi les voyageurs du commencement du xvar.° siècle, Delacroix (1); Paul Lucas (2), envoyé dans le Levant à diverses reprises par ordre de Louis XIV, et qui a visité l'Égypte en 1714; le P. Sicard (3), qui y a séjourné plusieurs années comme missionnaire ; Charles Perry (4), Granger (5), n’ont recueilli aucune ins- cription des anciens Arabes : tous'semblent avoir été dirigés par les mêmes vues que les voyageurs précédens, et n'avoir eu d'autre dessein que celui de ramasser des médailles Grecques ou Romaines, des pierres gravées, et quelques manuscrits souvent achetés au hasard, presque toujours sans choix et sans discernement. Maillec (6), qui a été si long-temps consul de France au Kaire, n’en a point rapporté d'inscriptions, malgré les facilités que devoient lui donner pour cela les fonctions diplomatiques qu'il y a exercées; il ne paroît avoir profité du titre dont il étoit revêtu, que pour visiter et examiner dans le plus ample détail les grandes pyramides, à la description desquelles il s'est attaché presque exclusive- ment, ou pour recueillir les faits qui pouvoient lui servir à établir Îe système géologique qu'il a depuis développé dans un ouvrage célèbre par sa singularité ct la hardiesse de ses hypothèses (7). (1) L'Éeypte ancienne et moderne, par le S.' Dela- croix, 1704 ; manuscrit de ma bibliothèque. (2) Voyage du S.' Paul Lucas, fait en M.Dcc.xiv, &c.; par ordre de Louis XIV, dans la Turquie, PAsie, Sourie, Palestine, haute et basse Égypte, &c. où lon trouvera des remarques très-curieuses, comparées à ce qu'ont écrit les anciens sur le labyrinthe d'Égypte; un grand nombre d’autres monumens de Pantiquité, dont il a fait la dé- couverte; une description du gouvernement, des forces, de la religion, de la politique et de l’état présent des Turcs; une relation de leurs préparatifs faits pour la der- nière guerre contre l'Empereur; et un parallèle des cou- tumes modernes des Égyptiens avec les anciennes, &c. Paris, 1724, Voyage du S.' Paul Lucas au Levant. Paris, 1721: Ces voyages ont été rédigés par Bonnier. | (3) Claude Sicard étoit né à Aubagne , petite ville voisine de Marseille, en 1677; il entra chez les Jésuites d'Avignon en 1699, et prononçà ses vœux en 1708. Après avoir professé les humanités pendant sept ans, il fut envoyé comme missionnaire en Syrie, et de là en Éeypte: il est mort au Kaïre le 12 avril de l’an 1726. S'il faut en croire le P. Ingoult (préface du tome VIII des Mémoires des Jésuites missionnaires), « le P. Sicard étoit »exact dans ses recherches, juste dans ses réflexions, »judicieux dans sa critique, heureux dans ses décou- » vertes; et tout ce qui sortoit de sa plume étoit marqué » à un coin qui lui étoit propre et singulier, et qui étoit » toujours le coin du vrai beau. » On trouve quelques lettres du P. Sicard dans les tomes II et V des nouveaux Mémoires des missions de Ja compagnie de Jésus dans le Levant, publiés à Paris en 1717 et 1725: on à intercalé dans ce dernier vo- lume un plan rédigé par le P. Sicard, d’un ouvrage sur PÉgypte ancienne et moderne; plan que Jean- Albert ‘Fabricius a fait réimprimer dans le 46.° chapitre de son livre publié à Hambourg en 1731, sousletitre de Salutaris lux Evangelii toti orbi per divinam gratiam exoriens, On a prétendu que l’ouvrage même dont le P. Sicard a tracé Je plan, avoit été achevé; et le P. Ingoult, après avoir dit, dans la préface ci-dessus citée, que lon n’a pas perdu toute espérance de le recouvrer, ajoute : « Nous serions » d'autant plus sensibles à la perte de cet ouvrage, qu’outre » Putilité qu’on retireroit de cette description, nous sa- » vons que le Roï, protecteur des beaux arts, ayant été » informé du dessein du missionnaire, et voulant en faci- » liter l'exécution, donna onze à douze mille livres, pour » entretenir des dessinateurs qui accompagneront le P. Si- » card dansses voyages, et qui, sous sa direction, leveront » des plans, et dresseront des cartes dans tout le pays. » Dans les tomes VI et VII de ce même recueil, on trouve une dissertation du P. Sicard sur le passage de la mer Rouge par les Israélites, et tout ce qu’on a pu recueillir de ses papiers sur l'Égypte. Les Mémoires de Trévoux, du mois de décembre 1719, contiennent aussi une lettre de lui sur le même sujet, (4) À View of the Levant, by Charles Perry. Lon- don, 1743. ? {(s) Relation d’un voyage fait en Egypte par le sieur Granger, en l'année 1730. Paris, 1745. (6) Description de PEgypte, contenant plusieurs re- marques curieuses sur la géographie ancienne et moderne de ce pays, sur ses monumens anciens, sur les mœurs, les coutumes et la religion des habitans, sur le gouver- nement et le commerce, sur les animaux, les arbres, les plantes; composée, sur les mémoires de M. de Maïllet, ancien consul de France au Caire, par M. labbé le Mascrier. Paris, 1725. La seconde édition de cet ouvrage a été imprimée à la Haye, 1740, (7) M. de Maillet donna à son ouvrage le titre de Te/- liamed , anagramme de son propre nom. La première édition en futspubliée par Fauteur même; [a seconde Va été par M. Guer, qui J'augmenta d’après les origi- naux de sa main. Cette édition, à laquelle éditeur a ajouté une vie de M. de Maiïllet, porte le titre suivant : DE L'ÎLE DE ROUDAH. 35 Fourmont (1}, interprète du Roi pour les langues Orientales, qui avoit déjà voyagé dans le Levant , par ordre de Louis XV, en 1729 Et 1730, avec son oncle, ainsi qu'avec Fabbé Sevin{(2}, membre pensionnaire de l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres, et qui a suivi en 174$ M. de Lironcourt, nommé consul général auKaire, paroît bien avoir remarqué en Égypte quelques- unes des inscriptions des Arabes; mais son ouvrage ne présente la copie d'aucune, et la traduction abrégée qu'il en donne est vicieuse et inexacte. Pococke (3), membre de la société royale et de celle des antiquités de Londres, qui joignoit à la plus vaste érudition un desir insatiable de s'instruire, à voyagé dans tout le Levant, dans les années 1737 et suivantes. Son Voyage contient des observations intéressantes sur les mœurs, la religion , les lois, le gouvernement, les sciences, la géographie et l’histoire naturelle des nations qu'il a visitées; mais il paroît avoir également négligé de recueillir les inscriptions de cette espèce, qu'il a pourtant dû rencontrer en grand nombre dans les diverses con- trées qu'il a parcourues. | Vers le milieu de ce siècle, ou peu de temps après, se présentent deux voya- geurs assez célèbres qui ont visité l'Égypte; je veux parler du baron de Toit (4) et de Bruce (s). Le premier, après avoir très-long-temps séjourné en Turquie, où la cour de France lavoit envoyé en 175$ à la suite de M. de Vergennes, parcourut à son retour l'Egypte et les divers royaumes des côtes Barbaresques ; le second traversa l'Égypte pour se rendre en Abyssinie, où l’appeloit son desir de découvrir les sources du Nil, et où il s'arrêta pendant plusieurs années : mais leurs ouvrages contiennent peu de choses importantes sur l'Égypte, et ne renferment aucune Inscription. Parmi les derniers voyageurs qui ont visité l'Égypte vers la fin de ce même siècle, j'aurois encore à citer Yrwin (6), Rooke (7), Sestini (8) et Niebuhr (0); mais celui-ci est le seul qui ait rapporté un assez grand nombre d'inscriptions Karmatiques, qu'il avoit recueillies dans son voyage en Arabie, Telliamed, ou Entretiens d’un philosophe Indien avec un missionnaire François, sur la diminution de l1 mer; par M, de Maille, La Haye, 1775. (1) Description historique et géographique des plaines d’'Héliopolis et de Memphis, par Fourmont. Paris, 1755. (2) Voyez, p. 244, le tome VII de PHistoire de l'Aca- démie royale des inscriptions et belles-lettres. (3) Description of the East, by Richard Pococke. Je ne me suis servi que de la traduction Française, intitulée : Voyages de Richard Pockocke en Orient, dans l'Égypte ; l'Arabie, la Palestine, la Syrie, la Grèce, la Thrace, èTc., contenant une description exacte de l'Orient , et de plusieurs autres contrées ; traduits de l’anglois par une société de gens de lettres [par de Ia Flotte]. Paris, 1772. (4) Mémoires du baron de Tott sur les Turcs et les Tartares. Amsterdam, 1785. (s) Voyage en Nubie et en Abyssinie, entrepris pour découvrir les sources du Nil, pendant les années 1768, 1769; 1770, 1771, 1772 et 1773,par James Bruce; tra- duit de Panglois par M. Castera. Paris, 1790 et 1791, É, M. TOME II, (6) Voyage à Ia mer Rouge, sur les côtes de PA: rabie, en Égypte et dans les déserts de la Thébaïde, suivi d'un autre, de Venise à Bassorah par Latiquée, Alep, les déserts, &c. dans les années 1780 et 1781; par M, Eyles Yrwin; traduit, sur [a troisième édition Angloise, par M. Parraud; avec deux cartes géogra- phiques. Paris, 1792. (7) Voyages sur les côtes de Arabie heureuse, sur la mer Rouge et en Égypte, contenant le récit d’un combat des Anglois avec M. de Suffrein, et leur expé- dition contre le Cap de Bonne-Espérance en 1781, par M. Henri Rooke, écuyer, major d'infanterie; tra- duit de langlois d’après la seconde édition, Paris, 1788. (8) Voyage de Constantinople à Bassora en 1781, par le Tigre et l'Euphrate, et retour à Constantinople en 1782 par le Désert et Alexandrie, par lacadémicien Sestini} traduit de italien. Paris, an VI, (9) Description de l’Arabie, faite sur des observations propres et des avis recueillis dans les lieux mêmes; par Carsten Niebuhr, Amsterdam et Utrecht, 1774. Une seconde édition a été publiée à Paris, en 1779. E 2 36 Norden (1) men offre qu'une seule; et encore la copie en est tellement alté- rée, quelle en devient méconnoissableset presque entièrement illisible. Sonnini (2), ancien officier et ingénieur de la marine Française, membre de plusieurs sociétés savantes et littéraires, qui a aussi parcouru l'Égypte par ordre du Gouvernement, s'est principalement occupé de fhistoire naturelle et de Îa géographie de Égypte : il y a peu observé les antiquités, et n’a recueilli, pendant son voyage, aucune inscription. | Savary (2), malgré son enthousiasme pour la langue et la littérature des Arabes (4), et M. de Volney ($), dont l'ouvrage est si estimable à tous égards, n'ont rapporté d'Égypte aucune inscription : ils semblent s'être bornés, le premier, à la descrip- tion topographique du pays, qu'il a embellie de tous les charmes de son imagi- nation ardente et romanesque, et le second, à des considérations profondes sur les mœurs, l’histoire et l'état politique de cette contrée. MÉMOIRE SUR LE MEQYAÀS Postérieurement encore à ces deux célèbres voyageurs, et même en partie à notre expédition en Égypte , Browne (6) et Hornemann (7) ont visité trop rapi- dement cette contrée pour y rien recueillir sur Îes inscriptions qu'elle présente, et elle n’a été pour eux qu'un lieu de passage, qui n’avoit, à leurs yeux, d'autre intérêt que celui de les conduire à un but plus éloigné. : Cependant les inscriptions des Arabes devoient paroître d'autant plus impor- tantes à tous ces voyageurs, qu'ils n'ignoroient pas que les peuples chez lesquels le culte Musulman est établi, n’ornant pas, comme les autres nations, leurs temples et leurs palais de tableaux , de bas-reliefs et de statues, puisque leur religion leur (1) Voyage d'Égypte et de Nubie, par Frédéric-Louïis Norden; nouvelle édition, soigneusement conférée sur Voriginale , avec des notes et des additions tirées des au- teurs anciens et modernes et des géographes Arabes, par L. Langlés, auteur de l’Alphabet T'artare-Mantchou, &c. Paris, 1795 et 1706, (2) Voyage dans la haute et basse Égypte, fait par ordre de l’ancien Gouvernement, et contenant des obser- vations de tous genres, par C. S. Sonnini; avec une col- lection de quarante planches, contenant dés portraits, vues, plans, carte géographique, antiquités, plantes, animaux, @&c: Paris, an VII, (3) Lettres sur l'Égypte, où l’on offre le parallele des mœurs anciennes et modernes de ses habitans; où l’on décrit l’état, le commerce, l’agriculture, le gouverne- ment, l’ancienne religion du pays, et la descente de S, Louis à Damiette, tirée de Joinville et des auteurs Arabes; avec des cartes géographiques; par M. Savary. Paris, 1786, 5 (4) Savary est aussi auteur d’une traduction élégante du Qorân, qui a paru sous Îe titre suivant : Le Coran traduit de l'arabe, accompagné de notes et précédé d’un abrégé de la vie de Mahomet tiré des écri- vains Orientaux les plus estimés, Paris, 1783. Un troisième ouvrage dont on lui est redevable, est une Grammaire de la langue Arabe expliquée en français et en latin, à l'édition de laquelle M. Langlès a bien voulu donner ses soins, et dont l'impression, commencée depuis près de douze ans, et interrompue par différentes circons- tances, vient d’être terminée à l’Imprimerie impériale sous le double titre suivants: Grammaire de la langue Arabe vulgaire et littérale, ouvrage posthume de M. Savary, traducteur du Coran, augmenté de quelques contes Arabes par l'éditeur, Paris, de l’Imprimerie impériale, 1813. Grammatica linguæ Arabicæ vulgaris necnon literalis, dialogos complectens ; auctore D. Savary, Opus posthumum aliquot narratiunculis Arabicis auxit editor, Parisiis, è Typographia imperiali, 181 3+ (s) Voyage en Syrie et en Egypte pendant les années 1783, 1784 et 1785, avec deux cartes géographiques, et deux planches gravées, représentant les ruines dutemple du Soleil à Balbek, et celles de Ia ville de Palmyre dans le désert de Syrie; par M. C-F. Volney. Patis, 1787 et 1790. (6) Nouveau Voyage dans Ja haute et basse Egypte, la Syrie, le Dar-four, où aucun Européen n’avoit pé- nétré; fait depuis les années 1792 jusqu’en 1708, par W. G. Browne; contenant des détails curieux sur di- verses contrées de l’intérieur de l'Afrique, &c.; traduit de langlais, sur la deuxième édition, par J. Castera, Paris, 1800, (7) Voyage de F. Hornemann dans l'Afrique septen- trionale, depuis le Caire jusqu’à Mourzouk, capitale du royaume de Fezzan; suivi d’éclaircissemens sur la géo- graphie de l'Afrique, par M. Rennell; traduit de lan- glais, et augmenté de notes et d’un mémoire sur les Oasis, composé principalement d’après les auteurs Arabes, par L. Langlés. Paris, 1807. DE L'ILE DE ROUDAH. 37 défend de faire, soit en peinture, soit en sculpture, des représentations de figures humaines et d'animaux, n’ont eu, pour décorer les édifices qu'ils construisoient, d'autre moyen que leurs inscriptions, qui réunissoient d’ailleurs le double avantage de lornement architectural , par l'élégance et la richesse variées des lettres qui les composent, et de l'utilité historique, par la détermination des dates et des époques que ce genre d'embellissement leur permettoit d'y constater d'une manière certaine et précise : aussi se sont-ils plu à multiplier de toutes parts dans leurs mo- numens les inscriptions en diverses espèces de caractères, et à développer dans ce genre d'écriture toute la magnificence des formes et le luxe des variantes dont leur calligraphie étoit susceptible. Combien donc a dû être vive la satisfaction que j'ai éprouvée, lorsqu'appelé à faire partie de l'expédition mémorable d'Égypte par le Héros dès-lors si univer- sellement illustre, et à qui FEmpire Français se félicite aujourd’hui de devoir le cours glorieux de ses nouvelles destinées, je me trouvai, au gré de mes plus chers desirs, transporté au milieu des palais jadis si splendides des Saladin (1) et des Nouradin {2}, noms célèbres même parmi nos peuples Occidentaux, et qui avoient toujours inspiré un si vif enthousiasme à ma jeune imagination nourrie de leurs histoires! Et dans cette circonstance aussi favorable qu'inespérée, tout me promettoit une riche moisson en antiquités Orientales, et principalement en (1) C’est ainsi que les historiens des croïsades écrivent le nom de ce prince, qu’ils nous ont fait connoître d’une manière si remarquable, Son nom entier est el-Melek el. INäser Salëh ed-dounyä ou- is dyn Gelyl ben nt Ce prince étoit: dKurde É origine, et vint, Si son Den. Asad ed- -dyn Chyrkoueh sy Pa wsoil dl, se mettre au service de Nouï-ed-dyn, ae il sera question dans la note suivante, et qui étoit souverain de la plus grande partie de la Syrie et de la Mésopotamie. Les deux frères ac- quirent bientôt une grande réputation militaire ; et Le kha- lyfe d Égypte ayant demandé des secours à No ed-dyn contre [es Francs, ce prince ne crut pas pouvoir mieux faire que de donner aux deux capitaines Kurdes le com- mandement des forces qu'il envoyoït en Ég gypte. Sala- din, après avoir, au nom de son maître, dépouillé le kha- lyfe de son royaume, s’en empara pour son propre compte, et y devint ainsi le fondateur de la dynastie des Ayou- bites, qui occupa le trône pendant environ quatre-vingts ans, et qui offre une succession de huit souverains. Saladin mourut à l’âge de cinquante-sept ans, l'an 589 de Phégire [1193 de l'ère Chrétienne], dans le château de la ville de Damas. L'histoire de Saladin a été écrite par le qâdy Bohé- ed-dyn ebn Cheddäd sa (st uJlelg. Cet ouvrage a été publié à Leyde, avec une traduction Latine, d’après divers manuscrits de la bibliothèque de cette ville, par Albert Schultens, qui y a joint différens extraits des ou- vrages d’Abou-l-fedé |o2)| sl et d'O’mäd ed-dyn Isfahäny àlgrel Ysuil 5Le sur la vie de ce prince. ; Cette édition porte le titre suivant: y eÀ—- nn) «_JUI lu D ja—w QE dl 5 nou ie à Vita et res gestæ Sultani Almalichi Alnasiri, Sala- dini, abi Modaffiri Josephi f. Jobi f. Sjadsi, auctore Bo- hadino f. Sjeddadi, necnon Excerpta ex Historia uni- versali Abulfedæ, itemque Specimen ex Historia majore. Saladini, grandiore cothurno conscripta ab Amadoddino Zspahanensi: ex Mss, Arabicis academiæ Lugduno - Ba- tavæ, edidit ac latinè vertit Albertus Schultens, Lugduni Batavorum, 1732. (2) Ce prince, que l’histoire des croïsades a également rendu célèbre parmi nous, se nommoit /Vour-ed-dyn Mahmoud Dyes wsoJl 23: il prit le surnom d’el-Melik eLA’ädel Job slt dk A. IT étoit fils d'O’méd ed- dyn Zenky Ness usterall se, ét il fut le second prince de la dynastie des Atâbeks [ Athéek &kl ] de Syrie. II naquit lan $11 de Phégire, qui répond à lan 1117 de Père Chrétienne, et succéda à son père dans ses états de Syrie et d'Arabie, l’an de lhégire $44 [1149 de l'ère Chrétienne]. Maître déjà des villes d'Alep[ÆHalebe sl Jet d'Émesse LHems çp& ], il sempara de la ville de Damas, et de- vint si puissant, que, comme nous lavons vu dans la note précédente, le dernier khalyfe Fatémite d'Égypte, el-A’éded le-dyn illah wl 0] o2leJ}, fat obligé d’im- plorer son assistance contre les Francs, Nour-ed-dyn en- voya à son secours Saladin avec une armée considérable, avec laquelle, quelque temps aprés, il dépouilla ce même Khalyfe et se rendit maître de l'Egypte. S’étant brouillé ensuite avec son général, il entra lui-même en Egypte à la tête d’une puissante armée, prit d’assaut le Kaïre, et contraignit Saladin à prendre Ja fuite. Il retourna peu de temps’ après en Syrie, et mourut d’une esqui- nancie dans le château de Damas, lan de lhégire 569 [1173 de l’ère Chrétienne ]. 3 8 2 inscriptions et en médailles, soit Koufiques, soit Karmatiques (1), branche de te- cherches vers laquelle mon goût particulier n'avoit toujours spécialement porté, sur-tout lorsque je considérois que cette moisson devoit me procurer des résultats d'autant plus abondans et d'autant plus précieux, que la victoire noûs facilitoit la libre entrée des nombreuses mosquées dont la capitale de l'Égypte a été successive- ment embellie par le zèle religieux et la magnificence des khalyfes (2) Abbassides (2) et Fatémites (4), et nous donnoit le droit non contesté de pénétrer dans les autres monumens qui renferment une grande partie de ces inscriptions, et dont l'intérieur avoit été si rigoureusement interdit jusqu'alors aux voyageurs Européens et quel- quefois aux naturels du pays eux-mêmes. Aussi, dès le moment où j'ai abordé cette terre véritablement classique, si abondante en trésors inédits, j'ai mis le plus grand empressement à rechercher, observer et dessiner toutes les inscriptions Koufiques et Karmatiques que j'ai pu découvrir; et la collection que j'en ai rapportée, est devenue aussi nombreuse qu'importante par la découverte que j'ai faite, à l’occasion de la célèbre pierre de Rosette, de l'application des moyens typographiques pour en tirer des empreintes promptes et faciles, sans que la grande célérité de Fexécution pût cependant MÉMOIRE SUR LE MEQYAÂS (1) Voyez mon Mémoire sur les inscriptions Koufiques recueillies en Égypte, et sur les autres caractères employés dans les monumèns des Arabes, déja cité ci-dessus, É. M. tome 1.7, page 524. (2) Le mot Arabe #halyfeh Ja signifie littéralement successeur, vicaire, lieutenant, et vient de la racine Arabe 4% khalafa, qui signifie venir après, succéder, remplacer. Ce nom a été le titre de la dignité souveraine, qui, chez les Musulmans, comprenoit à-la-fois un pouvoir absolu et une autorité entièrement indépendante sur tout ce qui regardoit la religion et le gouvernement politique ou militaire. L'origine de ce nom vient de cé qu’Abou-beher 3X &), aprés la mort de Mahomet, ayant été élu par les Musul- mans pour remplir sa place, ne voulut pas prendre d'autre titre que celui de Xhalyfeh resoul allah wi Jos) x, c’est-à-dire, vicaire ou successeur du prophète de Dieu. La ville de Médine [ Medynah xiswa |, où Mahomet mourut et fut enterré, fut d’abord le siége du khalyfat, qui y demeura fixé jusqu’à A’ly (de, quatrième khalyfe : ce prince le transporta à Koufah «54; et Mo’aouyah r3çss , premier khalyfe de la race des Ommiades, le trans- féra ensuite à Damas. Abou -l-A’bbâs gel #3l, sur- nommé e/-Saffäh rb), lan de l’hégire 1019 [août 1610 de l’ére Chrétienne |. Ce manuscrit est très-soigneusement copié; et M. Lan: glès, à qui je me suis fait un devoir de le communiquer pour l’intéressante notice de la Cosmographie de Ben-Ayâs qu'il a publiée dans la 1." partie du tome VIII des No- tices et Extraits des manuscrits dela Bibliothèque du Roï, Jui rend témoignage que, dans la révision de son travail, il y a puisé des leçons fort utiles et fort exactes. Je ne dois pas passer sous silence ici que cette notice elle-même m'a été infiniment utile pour mon travail, dont elle a beaucoup facilité [es recherches. Le sitence qu'ont gardé les biographes Orientaux sur notre auteur, ne nous, permetipas de fixer d’une manière tout-à-fait précise l'époque de sa naissance et celle de sa mort. Nous ne pouvons déterminer le temps où il floris- soit que par ce qu’il nous apprend lui-même, comme je viens de le marquer sur la date à les il finit son ou- vrage. Hâgoy-Khalfah lui-même n’endonne que des détails peu étendus et peu satisfaisans ; il nous apprend seulement dans Particle qu’en a publié M. Langlès, que Ben-Ayàs à tiré son ouvrage des anciennes annales, et qu'ily rap- ËÉ. M. TOME Il. porte tout ce qu'il avoit appris de plus extraordinaire et ce qu'ilavoit vu de plus merveilleux dans l Égypte et dans ses cantons , et ce que les sages y ont fait de plus admi- rable. «Il donne, ajoute-t-il, un extrait de la vie des an- » ciens rois de cette contrée, des détails sur le Nil et sur » les Pyramides, er commence par un petit traité du sys- » tème céleste et de Pastronomie, » L'ouvrage de Ben:Ayâs a été consulté par plusieurs savans orientalistes. Ed: Pococke en possé loit un exem- plaire qui a passé dans la bibliothèque Bodieyenne d’Ox- ford, où il'est encore sous le n° 014. Petis de la Croix le père a consulté aussi cet ouvrage pour sa vie de Genghiscan, et en a fait l’objet d’un article très-court dans l’Abrégé de l’histoire des auteurs de Genghiscan , page 544 de cet ouvrage. (1) Membre de lInstitut de France, conservateur des manuscrits Orientaux de la Bibliothèque du Roi, administrateur et professeur en langues Persane et Malaye de Pécole spéciaiedes langues Orientales vivantes et d’une utilité reconnue pour la politique et le commerce, établie près la Bibliothèque du Roï, chevalier de l’ordre de Saint- Wladimir de Russie, &c. (2) Je ne puis résister au besoin de consacrer ici Îles témoignages de ma tendrereconnoissance pour ies bontés et l'affection véritablement paternelle dont M. Langlès n'a cessé de m'honorer, ainsi que pour l’obligeance vrai- ment particulière avec laquelle il a mis à ma disposition, pour mon travail, les manuscrits que renferme la collec- tion inappréciable si justement confiée à ses soins. (3) Voyez, page 720, le tome VI des Notices et Extraits des manuscrits Ge [a Bibliothèque du Koiï et autres bibliothèques, publiés par l’Institut de France, (4) Membre de l’Institut de France et de la Légion d'honneur, professeur de langue Persane au Collége royal de France, et de langue Arabe vulgaire et littérale à école spéciale des langues Orientales vivantes, associé de Ia so- ciété royale de Gottingue, de l'académie royale des sciences de Copenhague, et de l'institut royal de Hollande, associé ordinaire de l’académie Italienne, membre honoraire du muséum de Francfort, et correspondant de la société d’émulation de Cambrai et de celle d’Abbeville. F  2 MÉMOIRE SUR LE MEQYÀS l'érudition profonde duquel tous les orientalistes non-seulement de la France, mais encore de l'Europe entière, s'accordent à rendre un juste hommage, a jugé cet auteur digne de son attention spéciale et d’un travail particulier, et qu'il a bien voulu consacrer ses soins à en donner une traduction Française {1}, qui a été publiée il ya cinq ans à lmprimerie du Gouvernement, dont la direction m'étoit alors confiée. Indiquer les guides que J'ai suivis, et les sources où j'ai puisé mes matériaux, c’est sans doute leur assurer le plus grand caractère d'authenticité et d’exactitude ; et cette dernière attribution leur est confirmée d’ailleurs par les documens histo- riques que fournit une partie des inscriptions dont ce Mémoire va offrir le déve- loppement-et l'explication. | C'est pour atteindre ce même but d’une manière plus. certaine, que j'ai cru également devoir accompagner les textes d'auteurs Orientaux relatifs au Meqyäs, dont se compose la sixième partie de ce Mémoire, de leur traduction littérale en langue Latine, la plus grande partie de ces textes n'ayant pas encore été tra- duits ni même publiés en leur langue. Ce recueil m'a semblé devoir être d’une utilité d'autant plus réelle, qu'étant en grande partie composé d'auteurs Arabes nés en Égypte, on y trouvera les évé- nemens relatifs au Meqyäs, décrits sur les lieux mêmes où ils se passoient, et par des auteurs contemporains que leur position mettoit à portée d’en connoître tous les détails avec la plus rigoureuse exactitude. J'ai cru également nécessaire de faire précéder ces textes de quelques passages d'auteurs Grecs et Latins cités dans ce Mémoire, et dont l'insertion dans les notes placées au bas des pages auroit pu paroïtre fatigante au lecteur, quoiqu'il fût cependant utile de pouvoir les vérifier à mesure qu'il en est fait mention dans ce Mémoire. Ces derniers passages sont beaucoup moins nombreux que les textes Orientaux ; et j'ai aussi ajouté une traduction Latine aux textes Grecs, afin qu'aucun obstacle ne pût arrêter ceux des lecteurs pour lesquels cette dernière langue seroit moins familière. (1) sl), ÿT e se Yi, sGY! ste taux, et d’un état des provinces et des villages de l'Égypte ON > ol Pr lractt ssl 1, dans le X1V.® siècle; le tout traduit et enrichi de notes RATE L'Écypte par A AU médecin Arabe historiques et critiques, par M, Silvestre de Sacy, ê7c, De de Bagdad; suivie de divers extraits d'écrivains Orien- Imprimerie impériale, à Paris, Mpccex.: DE L'ÎLE DE ROUDAH. 42 PREMIÈRE PARTIE. CHAPITRE IL Du Nil, et de ses diverses Dénominations. Lost particulier de ce Mémoire étant relatif à un monument consacré uniquement au Nil, et qui en étoit, pour ainsi dire, le temple et le sanctuaire, si Jose me servir de ces expressions ; avant de tracer l’histoire succincte des édifices de même nature élevés pour mesurer Îles inondations, je ne crois ni inutile ni étranger au plan que je me suis tracé, de commencer par dire ici quelques mots sur les traditions des Orientaux concernant ce fleuve, et sur les différens noms qu'ils lui ont donnés et qu'ils lui donnent encore. Ces noms sont en assez grand nombre, et semblent différer absolument les uns des autres; cependant, en cherchant à découvrir l'origine et la signification propre de chacun d’eux, je tâcherai d’en tracer la filiation, et de faire voir qu'il y à entre eux des rapports positifs et beaucoup plus rapprochés que ne font pensé jusqu'ici ceux qui ne se sont pas livrés à cet examen. Ces traditions et la ARGUS Ion de ces dénominations me Le d’ailleurs d'autant mieux placées ici, que quelques-unes d'elles peuvent servir à mieux faire comprendre les ce que renferment différentes inscriptions du Meayäs, et les passages des divers auteurs que j'aurai occasion de citer dans le cours de _ce Mémoire. SE Noms du Nil chez les Anciens. ON trouve, dans les diverses parties de la Bible, le Nil désigné par quatre noms différens et n'ayant aucun rapport entre eux, ni dans leur contexture gramma- tique, ni dans les racines auxquelles on les rappelle : ces noms sont ceux de Gyhhour Yn9à , de Nebr 3, de Nekhl bn, et de Siykhour ME. On n’est pas entièrement d'accord sur la question de savoir si le premier de ces noms, qui ne se trouve que dans les livres de Moïse (1), doit appartenir au Nil d’une manière certaine : un assez grand nombre d’interprètes et de commentateurs ont avancé l'opinion contraire, qu'ils ont même appuyée de raisonnemens très- longs (2), mais puisés la plupart dans cette vaine objection, que prétendre que (1) Gen: cap. 11, w. 13. . restre, par P. D. Huet, évêque d’Avranches, de PAca- (2) Voyez le Traité de la situation du Paradis ter démie française, &c, Paris, 1697, É, M. TOME II. F 2 À À MÉMOIRE SUR LE MEQYÀS Moïse a désigné le Nil sous le nom de Géhon / Gyhhoun ], ce seroit lui attribuer une erreur trop grossière en géographie, à cause de l'éloignement considérable qui existe réellement entre la source du Nil et celles des autres fleuves qu'il place auprès de lui dans Eden (1). | On peutse contenter de répondre à ces objections, que l'écrivain du Pentateuque, ainsi que les auteurs des autres livres qui composent la Bible, ont fait d’autres fautes aussi palpables et dont on ne peut s'empêcher de convenir , soit en géographie, soit en physique; fautes qui tiennent uniquement à l’état peu avancé où étoient les connoissances de leur temps, sans qu'il en puisse cependant résulter, de la part de ceux qui les ont remarquées, le moindre préjugé défavorable au respect qui est dû à ces ouvrages comme livres sacrés, et auquel, indépendamment de ce motif, ils auroient d’ailleurs un droit bien authentique, quand bien même on ne les considéreroit que sous le rapport des plus anciens livres historiques qui existent. Cette erreur même n’est pas particulière à Moïse; Îles anciens , très-mauvais géographes pour la plupart, n’avoient pas une idée bien certaine et bien distincte de la direction du Nil et du lieu où il prenoit sa source. Pausanias et Philostrate nous apprennent.qu'on croyoit que le Nil étoit un écoulement de l’Euphrate, qui, ayant plongé ses eaux dans un marais, renaissoit dans l'Éthiopie sous le nom de Ni/; et Alexandre le Grand, ayant trouvé des crocodiles dans le fleuve Indus et des-féves semblables à celles d'Égypte sur les bords de P'Acesine, autre rivière qui se décharge dans l'Indus, ne douta point qu'il n'eût réellement décou- vert la véritable source du Nil. | D'ailleurs le texte de Moïse est positif, et d’un sens clair qui se compose des acceptions bien connues et bien constatées des expressions partielles de la phrase Hébraïque : toute autre interprétation me semble donc forcée, et ne pouvoir s’en tirer qu'en tourmentant les mots, et en les éloignant abusivement de leur signi- fication précise et littérale. Ce texte (2) porte en effet, sans qu'il puisse y avoir aucune espèce d’ambiguité, que 4 fleuve auquel il donne le nom de Gehon, arrose la terre de Chus | Kouss Ÿ12 |, et tous les interprètes se sont accordés unanimement à traduire ce dernier nom de pays par Éthiopie. | Au reste, dans leurs versions, les Septante et l’auteur de la Vulgate, au lieu de traduire le mot Hébreu Gylhoun ni ,se sont contentés de le transcrire, en le ren- dant, les premiers, par Tn@, etle second par Geéhon. On retrouve encore ce méme nom rendu dans la version Arabe (3) par es Gyhän, dans la version Syriaque par (1) E’den ou A’den jy est, comme on le sait, le nom du lieu où Moïse place le Paradis terrestre: ce nom vient de la racine a’dan ou e’den jy, qui signifie en hébreu, suivant les Concordances de Calasio (tome If, col. 457), voluptas , deliciæ (d’où peut dériver le mot #di des Grecs), et en chaldéen, voluptuosus, delicatus, quoiqu'il ait aussi, dans cette dernière langue, le même sens que le mot Syriaque 4’dan > > eMpuUs; OCCASio, Opportu- nitas. (2) Voici le texte entier de ce passage avec sa traduc- tion littérale et mot à mot: LD pan => ON ID RSA PA OT AMD ED Et nomen fluvii secundi Gyhhoun : ille circumiens totam terram Kouss. (3) Cette version a été faite par le célèbre Rabsy Saadiah "v3yo ‘3, de l’école de Babylone, vers l’an 900 de Père chrétienne. Saadïah fut surnommé e/-Fayoumy , 2YO0N, à cause du Fayoum dont il étoit originaire : il DE LÎLE DE ROUDAH.  S Gyhhoun , dans les paraphrases Chaldaïques d'Onkelos et de Jona- than (1) par nn] Gyhhoun , et dans le texte Hébréo - Samaritain par ZRGMS Gyhhoun. A l'égard de la version Samaritaine, elle est la seule qui, traduisant ce nom au lieu de le copier simplement, l'ait remplacé par un mot bien différent, celui de AR W@V A'sqouf, sur lequel nous reviendrons d’une manière plus étendue à la fin de ce paragraphe. | La version Persane du Pentateuque par Ya‘ qoub Taousy (2) porte, comme la version Syriaque, le mot de Gyhoun (JS. Tous les rabbins et les lexicographes de la langue Hébraïque se sont accordés à faire dériver le mot [Rue Gyhhoun, de la racme MA gouehh, qui signifie sortir avec violence, s'élancer, et, en parlant particulièrement de la mer ou de toute autre grande masse d’eau, frémir, gronder, lutter contre ses bords (3). Les dérivés de cette racine participent à ce même sens (4), qui se retrouve encore dans les mots homogènes des autres langues Orientales, collatérales ou dérivées de fa Jangue Hébraïque ($). C'est en suivant cette opinion, bien ou mal fondée , et que je ne me per- mettrai point de discuter davantage ici, de l'identité du Nil et du Gehon dont parle Moïse, que les vocabulaires modernes de la langue Qobte désignent com- munément le Nil par le nom de Llrveuwn pi-Keôn, qui nest que le même mot précédé de l'article propre à cette langue. C'est aussi d’après les mêmes motifs que les Éthiopiens donnent au Nil le nom de Th : 20% : Takagé Geyon | le fleuve Gehon|. Ce nom de 783 : Geyon, est quelquefois encore écrit dans leur langue de deux autres manières, 20% : Giyon, et 227% : Géwon. est aussi connu sous le surnom de Gaon MN, c'est- à-dire /’Elevé, titre honorifique dont se qualifioient à cette époque les docteurs de son école. Sa version du Pentateuque est la première qui aît paru en langue Arabe; elle à été imprimée pour la première fois en caractères Hébreux à Constantinople en 1546. (1) Onkelos, DVPYIN", est l’auteur d’une paraphrase Chaldaïque du Pentateuque, fort renommée pour son exactitude et pour la pureté et l'élégance de sa diction. Ce traducteur a vécu environ quarante ans avant l’êre Chrétienne; il fut contemporain du fameux Æillel 5b=, savant docteur, qui rendit célèbre dans ce temps l’école de Jérusalem, ét de Jonathan ben Uzziel Exony pro, qui traduisit en chaldéen les Prophètes etes livres connus en bibliologie sous le nom d'Hagiographa , et auquel on attribue aussi une paraphrase du Pentateuque. Plusieurs rabbins ont confondu mal-ä-propos Onkelos avec Aquila (en chaldéen 4’gilas vb>y ), auteur d’une version Grecque de toute la Bible, et qui vivoit dans le siècle suivant. . (2) La version Persane du Pentateuque a été faite par Ya’qoub ben Vousef c5w33 (3 @ûss, Juif natif de Tous us, ville considérable du Khorassän, d’où il reçut le surnoni de Zousy ou T'aousy seb. Cette version fut im= primée par des Juifs en caractères Hébreux à Constan- tinople en 1546, avec Ia paraphrase Chaldaïque d’Onkelos et la version Arabe de Saadiah-Gaon en regard. Cette édition étoit déjà extrêmement rare au temps de Walton, qui réimprima la version Persane en caractères Persans dans sa magnifique Polyglotte. (3) 3, prodiit; exivit, prodire fecit, protrusit, eduxit, edidit, erupit, effluxit. Voyez, tome [.‘*, colonne sr1, Lexicon heptaglotton, Hebraïcum, Chaldaïcum, Syriacum , Samaritanum , Æthiopicum, Arabicum, conjunctim, et Persicum separatim ; authore Edmundo Castello, S. T. D. Londini, 16609. M, exivit, erupit cum impetu, fluxit cum impetu, fluxit, effluxit; inde nomen jWva, fluvius magnus è Pa- radiso egrediens et admodüm se diffundens ; isque circuit universam terram Æthiopiæ, inquit R. D.K. At R. Joseph flumen arbitratur esse Æoypti, id est, Nilum, sic appella- tum qudd egrediens irriget terram. Voyez Calasio, tom, 1,7, col, 1067. (4) ni, eductor, Castell. ibid. nr, eruptio. Castell col. 512. (s) Chald. m3, exivit, erupit cum impetu , effluxit; max, eduxit, emisit, extraxit, Calasio, ibid. Chald. n13 exivit, prodivit, erupit. Syr. me / fudit , effudit, exundavit, erupit aqua. , inundavit, turgefecit. , abundantia. Arab. ze abrupit, V. aqua effluxir. Castell. col. $12. MÉMOIRE SUR LE MEQYAS 46 On trouveaussi le nom de J££on Kéhôn,comme étant un des noms du Ni, dans le Traité géographique que Moïse de Khorène a joint à son Histoire d'Arménie (1): Je dois remarquer, avant de terminer cet article, que, malgré le concert una- nime de tous les interprètes de la Bible, qui prennent le Gehon pour le Nil, le rabbin Salomon Jarkhi {2) désigne le premier des quatre fleuves dont parle Moïse (le Phison), comme étant le Nil lui-même {3). Cette opinion, combattue par Aben-Ezra, a été suivie par Saadiah Gaon el-Fayoumy dans sa version Arabe du Pentateuque (4), par l’auteur de fa traduction Arabe qui accompagne latéra- lement la version Qobte de la Bible dans mon manuscrit, et par le célèbre voyageur Juif Benjamin de Tudèle, dont j'ai parlé ci-dessus. Au reste, il seroit peut-être possible de concilier ces deux opinions, qui pa- roissent d’abord si divergentes, en observant que Îes deux principaux affluens du fleuve de l'Égypte, savoir, l'Abaoui à l’orient, et le Babr-el-Abyad à l'occident, ont été pris indifféremment de tout temps et par diflérens peuples pour le Nil lui-même : l’opinion nest pas encore aujourd'hui entièrement fixée à ce sujet en Europe ; elle est même également indécise en Afrique sur les bords de ces deux fleuves. Si le Phison est reconnu pour lun d'eux, on conçoit, par ce qui vient d’être dit, que la question se résout d'elle-même. Or le Phison, selon le texte Hébreu et tous les interprètes, « tournoit dans la terre d'Hévilah {$). » paroît bien certainement être le même que l’Abyssinie (6); et comme il n’y a pas d'autre grand fleuve que FAbaoui dans cette contrée, le Phison seroit donc Ce pays alors l Abaoui. Plusieurs commentateurs ont aussi pensé que, sous le nom de Gehon, Moïse avoit voulu désigner le Niger : cette supposition, qui a été admise sans beaucoup d'opposition, s'accorde encore fort bien avec le raisonnement qu'on vient de lire, puisque toute l'antiquité a cru, et qu'il paroît encore aujourd'hui reconnu, que le Niger à une communication quelconque avec l'afluent occidental du Ni, | c'est-à-dire, avec le Bahr el-Abyad. (1) Page 349 de l'édition publiée sous Le titre suivant: UAAURUR RAPELUS PNR QUSUNPRRPE Eh UCRUREURANPURPU : Mowsisi Khorénatsvoi badmouthiun eu achkharhacrou- Women unius ex eis, Nilus; et ipse est circumdans omnem regionem Zeouylah. (s) Heouilah non. H y avoit deux pays de ce nom; thiun. Id est, Mosis Khorenensis Historiæ Armeniacæ libri III ; accedit jusdem scriptoris Epitome geographiæ : ; 21 P 12 DÉCRET præmittitur præfatio quæ de litteratura ac versione sacra Ar- meniaca agit, et subjicitur appendix quæ continet epistolas duas Armeniacas ; primam Coriathiorum ad Paulum apos- tolum , alteram Pauli apostoli ad Corinthios , nunc primum ex codice MS, integrè divuloatas, Armeniacè ediderunt, la- tinè verterunt, notisque illustrarunt Gulielmus et Georgius Gul. Whistoni filii, aulæ Clar. in academia Cantabrigiensi aliquandiu alumni. Londini, MDccxxxvi. (2) Rabby Selomoh Yarkhy "n® robe 3. (3) Je joindrai ici, à cause de sa briéveté , le passage de ce commentateur: 39% 972 010") NA jLPD Phison hic (est) Nilus, fluvius Ægypti. (4) Voici les expressions de ce traducteur au ÿ. II du chapitre 11. de Ia Genèse: lun dans Arabie septentrionale, dont les peuples étoïent descendus d’'Héouilah, fils de Jogtan joP” (le Qahtan CLŸ des Arabes }, et étoient, par conséquent, de la race de Sem vw : Vautre pays d'Héouilah, qui portoit aussi le nom peu différent deZeouilah mor, répond a l'Abyssinie ; ses habitans avoient pour ancêtre Héouilah, fils de Kouss #3, et petit-fils de Kham =. (6) La paraphrase Chaldaïqueattribuée à Jonathan ben- U’zziel porte Hindigy "13h [Inde ] au lieu d’Æeouilah ; on doit se rappeler à à ce sujet que toute F antiquité a con- fondu lInde et FÉthiopie, et a donné Île même nom à lune et l'autre de ces deux contrées. ( Woyez les textes Grecs rapportés dans la sixième partie de ce Mémoire.) D'ailleurs, Benjamin de Tudèle dit-positivement que P'Héouilah et lAbyssinie [el Habech wan5x] sont le même pays. ( Voyez les textes Hébreux rapportés dans la sixième partie de ce Mémoire.) - DE L'ILE DE ROUDAH. A7 Benjamin de Tudèle, dont le jugement doit être ici d’un grand poids, s’ex- plique d’une manière très-positive au sujet de l'identité du Phison et de l'Abaoui, en disant que «du pays d’A’den à Asouän on fait vingt journées de chemin le » Jong du Fyssoun, qui vient du pays de Kouss : là règne, ajoute-t-il, un monarque » qui porte le titre de sultan d’Abyssinie {1). » J'ajouterai encore qu'Ebn el-Maqryzy, dans son Histoire des rois Musulmans d'Abyssinie (2), qu'il a fait précéder d'une notice géographique fort intéressante sur cette contrée, désigne le Syhour, que l’auteur de la version Arabe de la Bible faite sur le qobte prétend être le même que le Phison et que le Nil (3), « comme » étant un affluent du Nil dans la partie orientaletde l'Abyssinie (4). » Ainsi l'on ne doit donc point répugner à croire que le Phison est bien réelle ment la source orientale du Nil qui vient de. la province de Gojam en Abyssinie, et porte actuellement les noms d'Afaoui et-de rivière Bleue (s), et que le Gehon est, au contraire, la source occidentale qui sort des montagnes de la Lune (6), communique peut-être avec le Niger, et sé nomme aujourd’hui Ni! blanc et rivière Blanche (7). Le second nom Biblique du Nil, 33 Mer, se trouve aussi souvent employé par les Hébreux pour exprimer ce fleuve; mais communément il est joint avec le nom de l'Égypte, de cette manière, 22999 99 Mer Mersraym (8), et signifie alors littéralement 4 fleuve d Egypte. Cette dénomination paroît être tout-à-fait la même que celle sous laquelle . Homère à connu ce fleuve: et en effet, ce prince des poëtes ne donne jamais au Nil quelenom d'Al rms rome, c'est-à-dire, /e fleuve Ægyptus, ou Le fleuve d'Éc -ypte (9). Diodore de Sicile, auquel le plus souvent on peut bien se fier pour les faits qu'il raconte , mais non entièrement pour les causes qu'il leur assigne et pour les raisonnemens qu'il en tire, rapporte également que le Nil a eu cette dénomina- tion(10); mais il en donnépour raison que le nom d’Æz yprus étoit celui d’unancien roi de ce pays, en l'honneur duquel le fleuve qui l’arrose avoit été ainsi appelé. Quelquefois aussi le nom de 3 Mer se trouve employé seul dans la Bible (1) Voyez les textes Hébreux rapportés dans la sixième partie de ce Mémoire. (2) Macrizi Historia regum Islamiticorum in Abyssi- - nia : interpretatus est, et una cum Abulfedæ Descriptione regionum Nigritarum à codd, biblioth. Leidensis arabicè addidit Frid. Theod, Rinck. Lugd. Batav. Sam. et Joh. Euchtmans, 1790, in-4.° (3) Le texte Hébreu et les versions Chaldaïque et Sy- riaque portent Æyssoun jW°9; le samaritain ajoute lépi- thète de Qadouf 2x», qui signifie, sur lequel on navigue ( de la racine gadaf 3x? ,remigarvit, navigavit ). L’éthiopien marque Éféson Pobolt 4 : le gobte, ect Phusôn , et le persan, Pychoun üyäns. S'il étoit permis de considérer les syllabes fÿ 5 du mot Hébreu, 4# fbo de léthiopien , pau ch du qobte, et pr} & du persan, Comme n'étant toutes quatre que Particle Egyp= tien phi (PA diversement corrompu, on ne trouveroit peut-être pas alors une différence bien sensible entre ce nom et celui de (59 fils d’Yreg ext; fils d'Aferydoun CESSAE Ses habi- » tans sont, dE, connus par leur vanité: on y voit un » vaste temple d’idoles, nommé el-Noubehär sen et » qui a cent coudées de longueur dans sa façade, et plus » de cent d’élévation. Il étoit sous la garde des Barmekides » [el- Baramekyeh ue il Jetles rois dela Chine et ceux » de l’Inde venoïent y adorer lidole et baiserla main du » Barmekide. Ce Barmekide commandoït dans le pays: »et un Barmekide succéda à, un ‘autre, jusqu’à la con- > quête du Khorasan, du temps d'O’imän ebn A°ffün » obe ww) lé : alors la garde du temple passa » à Barmek ben Khéld JS > Gleps, qui entra GES » Vislamisme, se rendit auprès d'O’tmäân, et racheta » le pays à prix d'argent. Ensuite 4’hd-allah wi one, fils D d’'A’mer ele , fils de Kernez 5; , fit la conquête de »tout le Khorasan, et envoya Qeys Je , fils de » Haytam fr » qui ruina et renversa le Noubehàr. » Baïkh est la patrie d’/br4hym & 1, fils d'Adham el- » A’gely da fol qui mourut l’an 161 de l’hégire[777 de » l’ére vulgaire]; d'Abou-A’ly Chagyq à de #7}, fils » d’Zbréhym el-Balkhy «Ma >» docteurs du Khorasan: il fut tué. dans le combatde ou Lys}, un des plus célèbres DE L'ILE DE ROUDAH. 49 ou Mekhl (1), se trouve souvent aussi, comme le précédent, joint avec le nom de l'Égypte, D98D 23 Nehkl-Mersraym (2) : ce nom n'est bien évidemment autre chose que celui sous lequel ce fleuve a été connu généralement des Grecs et des Latins, et qu'ils ont rendu par ceux de Né% et de Nilus, en ÿ ajoutant une terminaison propre à leurs langues. Le nom de Nuchul, que Pomponius Mela donne à une portion du Nil en Éthiopie, conserve même l'aspiration dure de la lettre Lhech où kherh [M] que renferme le mot Ne/h/ 6n3. Ce mot est lui-même racine dans la langue Hébraique; et certainement on né pourroit trouver nulle part mieux que dans sa signification littérale, une définition qui dût convenir d’une manière plus particulière et plus positive au Nil, à la si- tuation de. son lit, et à ses débordemens annuels opérés par les pluies périodiques de l’Éthiopie. En effet, le mot Chi Nchhl, suivant tous les lexicographes Hébreux, signifie expressément, dans cette langue, #ne vallée érroire er resserrée, formant un lit dans lequel coule rapidement un torrent qui s'enfle au temps des pluies (3). Ce mot a la même acception dans les autres langues Orientales : on le retrouve dans le chaldéen 6h Nehhl et Non Nehhlä, dans le syriaque Jus Nahhl6, dans le samaritain 252 Nehhl, dans le persan, sens que le mot Hébrèu (4); les langues Arabe et Éthiopienne fournissent même des analogues des différentes portions du sens de cette racine dans plusieurs de leurs mots usuels, dont les lettres radicales sont identiquement les mêmes que celles de la racine Hébraïque (5). | Nahl, qui offrent absolument le même À l'égard du quatrième nom du Nil, rt Ssyhhour ou Sihor, qui se ren- contre en plusieurs endroits de la Bible (6), et qu'on trouve aussi écrit nt? Sséhhour (7) , il me semble être indubitablement le même que celui de Eceue, qu'Hérodote, Plutarque et Pline le Naturaliste (8) nous disent avoir été un des anciens noms du Nil. Denys le Periégète (9) rapporte aussi ce même nom, mais en ajoutant qu'il vient des Ethiopiens, qui, selon lui, ne le donnent qu'à la portion du Nil qui traverse leur pays. » Kouln GŸ;& , Van 194 de l'hégire [809 de l'ère vul- (4) Castel, ibid. et Diction, Persico-Latin, col. 526. » gaire |; d’A’bd el-khelyl KA se , fils de Moham- (5) Æth. ch : collapsus est, corruit. 4h» (1) Reg. Il, cap. XXIV, y. 7. Mumer, cap. XXXIV: W. S. Josue, cap. XV, w. 4-47. Res, L, cap. Vitt, N. 66. Paralip.1 , cap. VIT, w. 8. Zsaï, cap.XXV11,W. 12, &e- (2) Les écrivains Arabes joignent aussi le plus souvent le nom de l'Égypte à celui du Nil, de cette maniére, ges JS Nyl-Mesr. G) ns, vallis, pec. angusta , alveum habens quo tem- Pore pluviæ raptim torrens defertur, unde et torrens, Castell, tom. II, col. 2272. Ë, M. TOME II. depulsus, Ar. Jai, nix, continua pluvia. tell él: fluvius quidam prope Mecham, kxela)l xl}, fluvius alius, Cas- tell, col. 2273 et 2274. (6) Josue, cap. x111, x. 3 ; Paralipomen. 1, cap. Xt11, F. 5, &c. (7) Jerem, cap. 11, x. 18. (8) Voyez les textes Grecs et Latins rapportés dans Ia sixième partie de ce Mémoire, (9) Orbis Descriptio, vers. 223. Voyez le texte dans la sixième partie de ce Mémoire. G MÉMOIRE SUR LE MEQYÀS so Les Hébreux dérivent létymologie de ce nom de Ia racine "fÙ ssehhr, qui signifie srouble er noir (1), et dont les dérivés, soit dans leur idiome (2), soit dans les autres langues Orientales (3), ont la même acception ; et nous voyons dans Eustathe (4), commentateur de Denys le Periégète, que les Grecs, tra- duisant cette épithète, ont aussi désigné le Nil par le nom de Méax (5), qui a chez eux la même signification® Les Latins ont copié cette dernière dénomination dans celle de Melo ou Mello que Sextus Pompetus Festus (6) et Ausone (7) donnent aussi à ce fleuve. Ce nom même n'a pas été tout-à-fait hors d'usage parmi les modernes; car on le trouve employé par le savant Jac. Gronovius, qui affec- toit, comme l'on sait, dans ses ouvrages, un style dur et hérissé des termes les moins usités. Relativement à l'origine de cette dénomination, croira-t-on qu'elle a pour cause l'état trouble et bourbeux où se trouvent réellement les eaux du Nil pendant son inondation annuelle, ou pensera-t-on plutôt que le nom de Noir a été donné à ce fleuve parce qu'il tire sa source de F'Éthiopié ou du pays des Noirs (8), en sui- vant le même motif qui a fait donner le nom de Miger à un autre grand fleuve d'Afrique (9)! Je n'entrerai point ici dans cette discussion, me bornant à l'expo- sition pure et simple de la signification matérielle de ce nom, mais en obser- vant cependant que la seconde conjecture me semble d'autant plus probable, qu'elle s'appuie, comme on vient de le voir, sur un autre exemple, et qu'elle se rattache à la signification d’un autre nom du Nil dont Je m'occuperai plus loin. ! | Ce qui peut fortifier cette dernière hypothèse, c’est qu'Eschyle appelle la partie du Nil qui coule depuis sa source jusqu'aux cataractes, Iloræuès Aifod, et qu'il donne seulement à la partie qui va depuis les cataractes jusqu'à la mer Méditerranée , le nom de Nec. Je pourrois observer aussi. qu’en langue Sanskrite le nom du Nilest C47, qui signifie en même temps noir et beau. Suivant Diodore de Sicile (10), le plus ancien nom que les Égyptiens aient donné au Nil, est celui d'Oxsam : il ajoute que ce nom avoit, dans Îeur langue, la même signification que celui d'Axeéaros | Océan] chez les Grecs. On peut (1) mw, niger fuit, denigratus est; niger, nigrum, (6) De Verborum significatione , pag. 235. Voyez le nigricans, Castell, tom. I, col. 3731. F- texte dans la sixième partie de ce Mémoire. «n2, niger vel turbidus, Voyez le tome IV des Concor- dances Hébraïques de Calasio, col. 1676. (2) nv, nigredo, unde sw Nilus, Castell, zhid, -_ (3) Chald. mm, nm, nigredo, atror, carbo ; rw, mnt et menmme, nelancholia; rmwn, nigredo, .… Syr. Las , denigravit ; Vaud ; (ENEbTE; (San ; Car- bones ; Miax , lapis niger tinctorius ; £a mn, deni-. gratio, carbo. Castell, tom. IT, col. 3731 et 3732. : (4) Voyez Eustath. ad Dionys. Perieget, pag. 40, col. 1 , lin. ult. (s) Voyez, ci-après, les textes Grecs rapportés dans Ia sixième partie de ce Mémoire. (7) Voyez les textes Latins rapportés dans la sixième partie de ce Mémoire. ‘ (8) Beld el-soudän ologull 5%. (9) Les Arabes appellent ce fleuve ÆVy/ JS ou Wyl Soudän (513, Je [Nil des Noirs]. Mais le nom du Ni- ger, en-langue Mandingue, est Joli-Ba [grande eau, grand fleuve]. Dans la même langue, le nom du fleuve que nous appelons Sénésal est Ba-Fing, c’est-à-dire, Fleuve Noir, et le nom de la Nigritie, Fing-Dou [ Pays Noir |. . (10) Voyez les textes Grecs rapportés dans a sixième partie de ce Mémoire. DE L'ILE DE ROUDAH. si d'abord remarquer, au sujet de cette dénomination, qu'à présent même encore les Arabes habitans de l'Égypte et les autres Orientaux désignent plus souvent le Nil par le nom de #{er (1) que par celui de Fleuve (2). C'estisans doute la largeur considérable de ce fleuve, et sur-tout sa vaste éten- due dans ses débordemens, qui peuvent avoir motivé cette expression chez les anciens Égyptiens et chez les Arabes. Nous la retrouvons même indiquée par un passage de Pline le Naturaliste, qui, dans son savant ouvrage, a recueilli tant de traditions précieuses répandues chez les nations diverses dont il fait mention. En effet, il dit positivement, dans le chapitre xI de son xxxv.° livre, en parlant du Nil: Cujus aqua est mari similis (3). Cette phrase isolée de Pline ne pourroit certainement s'entendre d’une amer- tume semblable à celle de la mer, que les eaux du Nil sont tellement éloignées d'avoir, qu'après avoir passé le boghäz (4) que forme son embouchure, on peut encore puiser de l'eau douce dans la mer elle-même à une grande distance de la côte. Ainsi le seul sens que lon pourroit donner raisonnablement à ce pas- sage, ne sauroit être que celui-ci : « Les eaux:du Nil ressemblent à une mer. » D'ailleurs le sens précis de l'endroit où Pline emploie cette expression, ne peut souffrir une interprétation diflérente. Le savant Rossi (s) nous apprend que le mot ‘Oxeami est écrit d'une manière fautive dans la plupart des éditions de Diodore, et que les manuscrits portent presque tous Île mot "Qxeaun, qui est le même nom, mais qui a mieux conservé, suivant fui, sa forme Égyptienne : car son. étymologie seroit alors le mot Duysszxr Ochmau, ou OOuyesrar Ochéman | abondance ou immensité d’eau, grande eau, grand fleuve], formé des deux racines Qobtes Cu (6) Och [grand, beaucoup |, et us M6 ou {wo Môou, qui signifioit ea (7) dans le dialecte Memphitique, et qui s'écrivoit aussi [or Mou dans les mots com- posés (8), [oo Moou dans le dialecte Saïdique (9), et [VE Mau dans (1) Bahar ÿ4. 11 n’est aucune des personnes ayant fait partie de lexpédition d'Égypte qui ne se rappelle que ce nom étoit le seul par lequel les habitans du Kaire désignoïent le Nil. Les Éthiopiens disent dans leur poésie OH : NC: T'acazé-Bähr, c’est-à-dire, fleuve-mer, lorsqu'ils veulent parler d’un fleuve considérable. Ils emploient particulière- NUE, Au%oc, multitudo ; mnfvreSey, multiplicari ; zhtovalay, abundare. Cpzuyzr , 7e, abundare, multiplicare, Ibid. pag. 10. (7) Voyez, page 57, Lexicon Ægyptiaco-Larinum ex véteribus illius linguæ monumentis summo studio collectum ment cette qualification à l'égard du Nil, du Jourdain, de lEuphrate, &c. (2) Nahar ;g. (3) Voyez les textes rapportés dans la sixième partie de ce Mémoire. - (4) Boughéz y. (s) Etymologiæ Æoyptiacæ. Liber primim in ucem prodit Romæ, anno Domini Mpcecvu1. (6) y, AUS, Mmultus , Magnus, ELU , idem. La Croze, pag. 119. Ox, mAUC, plurimus. Ibid. pag. 73. É. M. TOME II. et elaboratum à Maturino Veyssière la Croze, quod in compendium redegit Christianus Scholtz. Oxonïi, 1775. (8) Dose, mounéchi, et 20% SUD, mounhoou [Beox ; vemç, pluie]; RSOWKCUTPELS., mourn- sôrem | xiuappos, torrent]; 20% DES, moukhem |Cesoc, eau chaude]. Voyez la Croze, page 55. Dors: , Theb. 220 %28E [arm > Jfons, puteus|; 20 XCEÀ 20 et RLDYCEA 20 aqua lepida] ; .0"6- UK ; 5,5 aqua frigida]. Voyez Tonatii Rossit Etymol. Ægyptiacæ, pag. 123 et 127. (9) Voyez la Croze, pag. 188, s 2 MÉMOIRE SUR LE MEQYÂS l'idiome Bachmourique (1), lun des plus anciens dialectes de la langue Qobte, mais dont on doit bien regretter qu'il ne nous reste malheureusement que trop peu de traces; car il paroît que ce dialecte auroit été peut-être celui dans lequel on auroit pu retrouver le plus de mots de l’ancienne langue Égyptienne (2). Je ne sais même s’il ne seroit point permis de reconnoître encore des vestiges de ce même mot Égyptien dans celui de ob gämous, qui signifie aussi main- tenant Océan dans la langue Arabe. On explique parfaitement par cette interprétation le passage de Diodore de Sicile où il dit que le premier dieu des Égyptiens étoit l'Océan. En effet, on doit convenir que cette divinité ne pouvoit être l'Océan lui-même, dans l'ac- ception que nous donnons à ce mot, puisque tout nous prouve que les anciens Egyptiens avoient la mer en horreur : Plutarque , dans son Traité d'Isis et d'Osiris ; NOUS rapporte que la mer, sous le nom de 7yphon, étoit, pour les prêtres Égyptiens, un tel objet d’exécration, qu'ils rejetoient jusqu’à l'usage du sel qu'on en retiroit, et qu'ils avoient en abomination ceux qui entreprenoient des courses maritimes (3 ). Ainsi ce nétoit pas l'Océan [’Qxeavos | qui étoit le dieu qu'adoroient les. Égyptiens, mais l'abondance d’eau [’Qxeaun | dont le Nil tiroit sa source, et qui causoit ses débordemens et sa fécondité; et en effet, nous savons que le Nil reçut, sous différens noms, les honneurs divins de la part des anciens habitans de l'Égypte. Diodore de Sicile rapporte aussi que le Nil avoit été nommé ’Aëm, c’est-à- dire, aigle ; et il donné pour motif de cette dénomination une fable qu'il raconte sur Prométhée, ancien roi d'Égypte, et sur Hercule (4). Peut-être pourroit-on soupçonner, sans trop d'invraisemblance , que cette assertion n'a été fondée que sur une faute de copiste dans les manuscrits d’après lesquels Diodore de Sicile à rédigé son ouvrage, et qui auroïent dû porter, au cru pouvoir trancher la difficulté par la conjecture que ce dialecte étoit en usage dans les Oasis. Un autre orienta- taliste a cru, au contraire, devoir le reconnoïtre pour un idiome du Fayoum; mais cette dernière opinion a été réfutée d’une manière victorieuse par M. Quatremere, qui lui-même a découvert un fragment du véritable dia- lecte du Fayoum. Il me paroît cependant possible d’adop- ter une hypothèse différente des précédentes, qui me semble fondée sur les analogies des dialectes de Ia langue Qobte, et dont j'ai cru même découvrir la confirmation dans l'inscription Égyptienne alphabétique de Rosette. (1) Do [udbp, aqua, aquæ], Theb. #200%, Basmyr. 222€. dem est 3, RM , moi, moa [aqua], Chald. =", maym, Hebr. Le, mé, Arab. Commune hoc cæteris parvo discrimine Syris, Samaritis, Æthiopibus. Vôyez Jonatii Rossii Etymol, Ægyptiacæ , page 126. (2) Les traces qui nous restent du Bachmourique, ne consistent que dans deux fragmens très-peu étendus de la version de.la Bible qui paroît avoir existé dans cet an- cien dialecte : les mots que renferment ces fragmens, présentent des différences bien remarquables avec les mots corrélatifs des autres dialectes encore existans de la langue Qobte moderne. Au reste, il a paru douteux que ce dialecte ait été effectivement parlé dans la basse Égypte, au pays de Ba- chmour cs, La plupart des savans qui se sont occupés (3) Voyez le Mémoire intéressant que notre collègue M. Girard a publié sur la description de fa vallée de VÉgarement, et les conséquences géologiques qui résultent de la reconnoïssance qu’on en a faite, Æ1, IV. tom, IT, de la langue Qobte, le reconnoïissent au contraire pourun dialecte de lidiome du Sa’yd ; et c’est en eflet dans le Sa”yd que ces morceaux ont été trouvés. M. Quatremére a Pag. 32, nole,r, (4) Voyez les textes Grecs rapportés dans la sixième partie de ce Mémoire. A DE LILE DE ROUDAH. $à lieu du mot'Aene, celui de Tens, pluie, pluvieux , formé par les pluies, épithète qui, comme on le sait, convenoit parfaitement au Nil et aux causes de ses déborde- mens; alors Diodore auroit inventé toute sa fable d'Hercule et de Prométhée par le seul motif de ne vouloir point rester en arrière sur l’origine de ce nom devant ses compatriotes, qui ont toujours été amateurs du merveilleux, qu'ils adoptoient avidement et sans examen, sur-tout lorsqu'il se rapportoit à quelque personnage qui leur étoit déjà connu par leurs récits mythologiques : mais, comme cette hypo- thèse pourroit elle-même paroître un paradoxe plus que hasardé, et j'avoue qu'elle me le semble en effet, nous pouvons chercher dans une autre source l'origine du nom Aëms, qui se rencontre, d’une manière très-vraisemblable, dans une homonymie de deux mots que Diodore, dont l'oreille devoit être peu exer- cée à distinguer des nuances d’articulation étrangères à sa langue naturelle, à pu facilement confondre, en les entendant prononcer par-les prêtres Égyptiens qu'il consultoit. | Il paroîtroit donc alors que la véritable origine de cette prétendue dénomina- 1 3 } : > M s tion étoit la ressemblance qui se trouve entre le mot Oxeaur [UD wyE se zx | » qui, comme nous venons de le remarquer ci-dessus, a été un des noms donnés au Nil, et celui de Owx Es x ou-Akhem, où CWx Ua Rs où-Akhiôm, qui signifie encore maintenant aigle dans le dialecte Memphitique de la langue Qobte moderne (1). Avant d'aller plus loin, je crois convenable de revenir sur le mot A’sgouf DT Ve V par lequel nous avons vu ci-dessus que les Samaritains, dans leur version du texte Hébreu, traduisent le mot Gyhoun "91 que porte celui-ci; et il est à remarquer que presque tous les noms de lieux et de fleuves que renferme le Pentateuque, ne sont pas, dans la version Samaritaine, copiés et transcrits, mais traduits par des noms différens (2) qui tiennent évidemment à des traditions anciennes et importantes, et dont il seroit intéressant de chercher à découvrir l'origine : mais, ces recherches étant étrangères à l’objet de ce Mémoire, je ne m'y arrêterai pas ici davantage. | La seule inspection de ce mot EF @V A'sqouf, composé de cinq lettres, dont quatre sont nécessairement radicales de leur essence , empêche de le prendre pour une racine primitive qui ne peut en comporter que trois, le cas des ra- cines quadrilitères ou quintilitères étant.infiniment rare non-seulement en sama- ritain, mais encore en hébreu et dans les autres langues Orientales , si plutôt les mots de cette espèce qu'on nous donne comme radicaux, ne sont eux-mêmes, non des racines véritables , mais des expressions composées de deux racines bili- icres, soit usitées encore, soit devenues inusitées (3). (1) Voyez la Croze, déjà cité, pag, 10. Zasnä : le fleuve que Moïse nomme Fyssoun pwrn , est (2h Les Samaritains rendent communément le nom de appelé dans la version Samaritaine Fyssoun - gadouf la ville de Babel ©23 par celui de Lylag p2m2. Au az? Sum; celui de Hhidegel Sÿm reçoit Ie nom chapitre 11 de la Genèse, ils appellent le pays de Kouss de Qeflousah 38x20, &c. 212, Koufin Smazs ; celui d'Assour mu, Harsfou (3) On trouve des exemples de ces mots composés MÉMOIRE SUR LE MEQYÀS s Ce nom porte donc évidemment le caractère d’un mot composé de deux, et il importe de voir quels ils peuvent être, afin de découvrir par leur analyse s'il n'y a pas.dans ses élémens quelque analogie et quelque corrélation avec les noms du Nil déjà connus. Si l’on croyoit pouvoir adopter une première conjecture, sans la regarder comme trop hasardée, ce mot paroîtroit se décomposer facilement dans les deux sui- vans VV 4's et IS ouf. Le premier aura pu signifier, dans la langue Samaritaine, ténèbres, obscurité, noirceur, étant le même que celui des Hébreux M Hhessek ou hhask, qui a le même sens. La première lettre du mot Samaritain , V /ayn], sem- ployoit communément, suivant le génie de la langue Samaritaine , pour rem- placer Ja lettre M /4harh] des Hébreux, comme on peut s'en convaincre par un grand nombre d'exemples (1) ; la seconde, re [ samcek |, remplace aussi très -fré- quemment le y» /ssyn/ des Hébreux (2), dans l’idiome desquels ces deux lettres mêmes se confondent souvent (3); et la dernière lettre, /gouf], étoit de même commutative chez les Samaritains avec leur lettre ou le 7 ['kaf] des Hébreux : ainsi le mot Hébreu et le mot Samaritain peuvent, sans peut-être trop d’invrai- semblance, paroître identiques (4). A l'égard du second mot qui forme la seconde partie du nom composé, il est aussi le même que la racine Hébraïque inusitée AN 4f ou 6f, qui pouvoit aussi s'écrire IN äouf. On ne retrouve pas ce mot radical dans les livres de la Bible que nous avons, où tous ceux qui composent la langue Hébraïque n’ont pu être employés : mais les traces s’en reconnoissent d’abord dans le verbe fréquentatif qui en est dérivé, MEN é£f | entourer, s'agiter, pirouetter | ($); et il reparoît tout entier dans la langue Arabe , où souvent l’on est obligé d'aller chercher : létymologie de mots dérivés que la langue Hébraique a retenus, tandis que leur racine a cessé d'y être en usage; cas qui se rencontre à l'égard de toutes les dans toutes Îes langues Orientales ; je me contenterai de citer ici les suivans : En chaldéen, le mot 239 féchabeg [portion de nourri- ture ] est formé des mots 79 fëh [ morceau] et 25 beg mets , nourriture |; “ry8 adarghizar | juge, magistrat ] se compose des mots 1x adar [ seigneur, prince], et x ghizar [ couper, résoudre, décider, juger], &c. En hébreu, SY9DD mesafoua | fourrage |, de pb mesas secher ], et de D foua [herbe , foin |; yrsoy rsafèrda [grenouille] , dont les racines formatives ne se retrouvent que dans l'arabe, ç5e saf et £5, reda” [ bord maréca- geux |, &c. (1) Les Samaritains ont fait le mot 2pv a’gel[champ] du mot Chaldéen 55h hhegel , ou du syriaque hhagal; ghz dana’ [sortir], du chaldéen n35 danehh, ou du syriaque fe danahh ; S%3g a’mer [vin], du syriaque 4 Ahémr, qui est le même que le mot 3® Khemr des Arabes. Ils écrivoient indistinctement eymrè hhétsad et my a’tsad | moissonner], 237 a’gal et 27% hhégal [ voir], &c. On trouve aussi en hébreu, employés indistincte- ment, ny hhétsar et “y a’zar| parvis], &c. (2) Les Samaritains ont fait leur mot ayà sa”r [poil], de lhébreu wy# ssa”r, le même que le mot char si des Arabes; et ils ont formé sg a’ser [dix], de l’hébreu *2y a’sir ou a’cher, le même que le mot ;%e a’cher des Arabes, &c. Es (3) Tanta est affinitas inter L et #, ut non pauca vo- cabula indiscriminatim per © aut per # scribantur: Env et anw, obstruxit : 30 et 22, operuit. + DD" et WE, con- culcavit :59D et pv, plausit :rpb et ma, scabies, &c. Voyez, page 17, Francisci Masclef, presbyteri, canonici Ambianensis, Grammatica Hebraïca, à punctis aliisque inventis massorethicis libera, Parisüs, 1731. Les Hébreux écrivent indistinctement des deux manières sn ssithar et ND sathar [ cacher], #9 féress et Ds Jères [rompre], &c. (4) Les Samaritains écrivoient indifféremment ?z23 feloug et 33722 felouk [ frmament], 324 hélak et v2a hélag [aller], formé du mot Hébreu Aélak 1, &c. On trouve aussi dans la langue Hébraïque à-la-fois usités, les mots y gouba’ et y312 kouba” [casque], 519 fereq et Mo férek [briser, disjoindre, séparer |, &c, (5) BR, circuivit, ambif, circumdedit. Quidam expo- nunt, circumvolvere, cireumrotare. Voyez Castel, r. Z,*, col, 197. DE L'ILE DE ROUDAH: $S langues parmi lesquelles une langue collatérale conserve souvent une racine qui a passé d'usage dans une autre langue, tandis que les dérivés y subsistent (1). En -_effer; dans la langue Arabe, le verbe racine (33 owafä signifie, à la troisième forme, venir, arriver, parvenir (2); et un de ses dérivés [cl yäfouf | signifie encore rapide, prompt, impérueux (3). Ainsi la signification totale du mot FX V A’sqouf seroit alors, sortant avec violence des ténèbres. Nous retrouvons dans la dernière portion de ce mot le séns que nous avons vu ci-dessus appartenir au premier nom du Nil 99} Gyhhoun, et la première partie nous donne une acception de plus renfermée dans la phrase qui accompagne ce nom dans le texte de Moïse: acception qui n'a pas été in- connue aux historiens Grecs, et qui se trouve dans la signification du quatrième nom du Nil chez les Hébreux [in Ssyhhour |, que nous avons vu ci-dessus, Au reste, si on l'adopte, cette expression, sortant des ténèbres ou de la noirceur, paroît pouvoir présenter dans son explication deux hypothèses différentes. Dans la première, en considérant que les Orientaux et maintenant encore les Arabes appellent l'Océan 4 mer des ténèbres (4), on retrouveroit l'opinion avancée par les Grecs, que l'Océan étoit la véritable source du Nil. Dans la seconde, en prenant le mot eV a'sqg en samaritain, et qon/ hhask en-hébreu, non-seulement pour ténèbres, mais encore pour obscurité, noirceur, on pourroit rapporter cette expression au pays des Noirs ou Éthiopiens, que nous avons vu ci-dessus nommé par Moise arers Kouss V3 VIN [pays de Kouss | , Où le Nil prend réellement sa source; et alors ce nom coïncideroit, comme je viens de l'indiquer, avec celui de 9 Ssyhhour chez les Hébreux, de Zap chez les Égyptiens, et de Mées chez les Grecs. On pourroit aussi par une seconde conjecture, sans recourir à aucune mu- tation de lettres, trouver une autre étymologie du mot 3 @V A'sqouf, le mot WE@V 457 signifiant #xonder, submerger, en samaritain , et 2% ouf se rapportant à l'arabe CG ouafä, déja cité ci-dessus. Suivant cette hypothèse, ce: mot offriroit la signification de fleuve qui inonde et dont le cours est rapide. Enfin il se présente encore une troisième conjecture, qui ne me paroît pas dépourvue de vraisemblance et de probabilité : l'extrême ressemblance qui existe entre les formes du rour {1 [N] et du # A1[F] dans l'écriture Samaritaine, ne pourroit-elle pas faire présumer que quelque copiste aura pris la première de ces deux lettres pour l'autre! Les exemples de pareilles erreurs ne nous manqueroient point à citer, et on peut le supposer avec plus de raison dans un nom de fleuve étranger que dans un mot connu et usité dans la langue de l'écrivain. D'après cette supposition, si on lisoit A’sgoun IS XV au lieu d’'A’sqouf 5 W@V , l'on auroit un nom d’une forme trèsrégulière et très en usage dans toutes les langues Bibliques, la même que celle du mot Gehoun nn , €t qui (1) Voyez la note ci-dessus sur les mots composés dans (3) usb , celer properans, incitati et acris animi vir. les Tangues -Orientales. ( Ibid. celer, promptus et acer. Voy. Golius, col. 124 (2) &s 111. Venit, advenit, pervenit, Voyez, col.2708, et 2764: Jacobi Golii Lexicon Arabico-Latinum, (4) Bahar el- mozälem FU 11 ETA MÉMOIRE SUR RE MEQYÀS $6 offriroit absolument la même signification; car ce mot seroit dérivé, suivant les formes grammaticales de la racine 4’547 XV | inonder, submerger |. Je me bornerai ici à offrir ces trois conjectures, sans vouloir faire adopter plus irrévocablement l'une que l'autre, et Je ne pousserai pas plus loin mes raisonnemens à ce sujet. , En langue Amharique , dialecte de l'éthiopien moderne , le nom du Nil est AMP : Abaoui (1), qu'on écrit et qu'on prononce vulgairement Aÿay f@ (2) et que les auteurs Arabes ont écrit (31 Abay. Les Éthiopiens dérivent ces deux noms d’ababi, hf : flots , grandes vagues , le même que l'arabe sb eb4b, mais qui, en éthiopien , s'emploie plus parti- culièrement pour désigner les flots de la mer et la mer elle-même (3). Cette dénomination du Nil paroftra entièrement juste en lisant les détails sui- vans qüi m'ont été fournis par l’évêque de la ville de Gouandar FAR : (4) que nous connoissons sous le nom de Gondar. Je vais transcrire ici ses propres paroles: «L’Abäy vient de l'ouest se jeter dans le lac Tsana RG : et après l'avoir traversé » dans sa longueur, en sort à l’est et remonte au nord pour se rendre en Égypte : » ses eaux sont limpides, et on les distingue facilement de celles du lac, qui sont » noires, et avec lesquelles elles ne se confondent point. L'endroit du lac qué » traverse le Nil, est extrémement rapide et dangereux pour les bâtimens qui y » passent. » Ce mot / Abaoui) nous fournit l'étymologie d’un autre nom que les historiens Grecs et Latins nous apprennent avoir été donné aussi anciennement au Nil par les Éthiopiens de Méroé, celui d’Act r%ç et d'Astapus. En effet, Strabon (s) rapporte qu'auprès de Méroé le Nil est divisé en deux branches, dont lune portoit le nom d’Actmyss ou d'Asoaas, tandis que l'autre étoit appelée AçaGoexs ; Pline (6) donne aussi au Nil dans l'Éthiopie le nom d’Asrapus, et nomme ses deux branches Asrusapes et Asrabores. J'observerai d’abord que maintenant encore, en langue Éthiopienne , les mots (1) Voyez ci-après les textes rapportés dans la sixième »une seule qui porte le nom de Maganania (GE : partie de ce Mémcire. À © (2) Je doïs cette orthographe nouvelle du nom du Nil à l’évêque de Gondar, qui venoit souvent me voir au Kaïre, et qui m'a fourni un grand nombre de rensei- » À une heure de chemin , au nord de cette jonction, »le Maganania reçoit le torrent Magatch 76, : » qui vient de POrient ; et à une journée de là, toujours » au nord, il se jette dans le lac Tsana. Le palais du roi » est au centre de la ville; ce prince habite aussi pendant »une portion de lannée une maison de campagne gnemens précieux sur ce qui concerne son pays. (3) Voyez le Dictionnaire de Ludolf, pag. 25? et 254. (4) Cette orthographe est celle de évêque de Gondar Tui-même. Ludolf écrit ce nom FALSE : Gouendr. Au reste, le nom de Gondar est:,suivant l’évêque déja cité, plus proprement le nom d’un territoire que celui d’une ville, et il donne à la capitale de ce territoire le nom de T2? : Katamä, Il ajoute « que Katama est située entre deux rivières : » accompagnée de jardins considérables, sur les bords » du Qaha, à peu de distance de Katamä, » Cette ex- plication justifie pleinement Ludolf d’avoir nié que Gondar fût la capitale de P'Abyssinie; mais 1 a été in- duit en erreur en expliquant le mot NT? : Katamd, par ceux de castra regia, (s) Voyez les textes Grecs rapportés dans la sixième » fune, qui coule à lorient de cette ville, s’appelle An- » garab 4121] : (Angrab de Ludolf); Pautre, qui coule » à Foccident , se nomme Qaha Ph : Ces deux rivières » se réunissent au nord de la ville, et se confondent en partie de ce Mémoire, (6) Voyez les textes Latins rapportés dans la sixième partie de ce Mémoire. hat: Ab DE LILE DE ROUDAH. 57 AT: HE : Hazzar- Abaouï où Hatsar- A baoui signifient séparation du Nil (1), diminu- tion du Nil, où même encore, Ze Nil inférieur, le perir Nil (>), Mais je crois devoir préférer à cette première explication, qui m'’avoit paru d’abord devoir suflire, une hypothèse bien plus satisfaisante, et qui a sur-tout l’avan- tage de nous présenter à-la-fois l’étymologie complète de tous les noms donnés par les géographes Grecs et Latins, soit au Nil, soit à ses divers affluens avec les- quels ils l'ont continuellement confondu. Cette étymologie est fondée sur la signification du mot Éthiopien Aowhaga hO'AH : qui signifie dans cette langue, couler, répandre ses caux comme un torrent ou un fleuve, et de la racine duquel est formé le mot owhiz O'hH : au pluriel, ouahäigt DRLUT: can, fleuve, torrent (3). Cette racine nous fournit l'explication naturelle de la première partie des mots AZTamos de Diodore, ASTaæ%c, AZTaboexs, AZTaoieas et AETad@as de Strabon, AEaças d'Héliodore, ASTapus, ASTabores et ASTusapes de Pline, de son abréviateur Solin et de Pomponius Mela. Le mot Éthiopien que nous venons de voir, a pu se prononcer dans l’ancienne langue Ahazr ou Akzr; et cette conjecture ne trouvera aucun obstacle auprès des orientalistes, sur-tout en considérant que, dans la langue Éthiopienne, les mots qui commencent par @ ou perdent cette lettre très-communément, soit dans leurs dérivés, soit dans leurs inflexions grammaticales : ainsi l’Aca/mrve Acaroc, où Astapus, auquel ces géographes assignent la même position que les modernes donnent à l'Abaoui, ne seroit autre chose, en retranchant la terminaison propre à leur langue, ajoutée parles Grecs et les Latins, que A/zr- Abou | le fleuve Abaoui jh Diodore, en parlant de ce fleuve, interprète son nom par la phrase x 75 agrés UdWp, eau sortant des ténèbres. Nous avons vu ci-dessus que par es rénèbres les anciens entendoient / pays des Noirs ; d'après cette interprétation, l'expression de Diodore signifieroit donc seulement que l'Astapus est l'afluent du Nil le plus voisin de cette contrée. (1) Les Arabes appellent encore maintenant teräq el- Weyleyn will gl [ la séparation des deux Nils], la division des deux principales branches du Nilquisetrouve en Ethiopie. G) AR : imminui, decrescere. Org. 2, parvum, mi- nlimumn esse, l kh22 : minuit, imminuit, ut 2 Cor. VI, 15; etseq. præp. AS : minorem alio reddidit. Ps. Vix, 6. RS : parvus, exiguus , tenuis, Matth. V, 19, seq- A : minor , inferior. Org. lect. 1. pl. RAR : exigui : ut 8.83 g ea : exigu& fide præditi, Matth. vi, 30. h£24 :etiam vocantur libri Bibliorum vulgd Parali- PoMena , cb minds rectè intellectam vocem Græcam. RAT : levius ponderis , de regno Balthasaris, Oro, RER : tenuitas , exiguitas. h22 c US Matth. xVIT, 20. | HAT : imminutio, diminutio. Contrar. est AAA : Ë. M. TOME IL. incrementum , de luna. tTAZ : AU 8 : 1244 : Org. lect. 1. (Jobi Ludolfi Lexicon Æthiopico-lafinum , editum curê J, M, Vanslebi, col. 48 et 49.) (3) D'hH 2Matth.xxXVI1 , 49, fluxit ; cum compositis, defluxit flumen. Ps. XLV, 4, subj. def. DER : & fluant aromata mea, Cant. 1V, 16. {nterfluere, præterfluerée Dh H : fluxio seu impetus fluminis, Apoc. XII, 15. Item torrens. Ps. cix, 8. Modo rapiditatem , modo ipsam fluvii aquam significat. PL DORE : Torrents, Matth. VIT, 23. De rivis sæpé accipiebat Gregvrius ut et de magnis fuminibus. AD HA : Ps.1xxvir, 10. Fluerefècit, eduxir, effudit aquam ; îta ut flueret. Ps. CIV, 39. : fluxus, Luc. VIII, 44. æhH : fossa seu alveus fluminis, Ps. 1 , 3. (Jobi Ludolfi Lexicon Æthiopico-latinum , in-fol. col. 417.) H s 3 L''AçaGipas ou Astabores, dont la position est la même que celle du T#gros M7Ch : appelé aussi chez les Éthiopiens par excellence Takazé Fhh : | le Fleuve] et qui traverse le pays de Borä NZ: seroit Ahz-Borä | le fleuve de Bora | Jajouterai ici que l’on retrouve encore des traces de son ancien nom d’Asraboras dans le nom corrompu d’Atbara que quelques modernes lui donnent. MÉMOIRE SUR LE MEQYÀS L'’AçuoiGas, Acaoieas, Où Astusapes, me paroît être le même que le Mareb (1) des modernes; et nous ne pourrons, ce me semble, douter de Pidentité de ces deux fleuves, d’après les deux considérations suivantes : 1.° tous les géographes s'accordent à placer ce fleuve à la droite de lAstaboras, position qui ne peut convenir qu'au Mareb; 2° Pline et Solin observent que ce nom signifioit wn fleuve qui se cache | fluvius latens ] , et Ludolf nous apprend que le Mareb disparoit sous la terre dans une portion de son cours, comme le Rhône, le Guadiana, et plusieurs autres grands fleuves. Nous ne verrons donc dans AçuoGas ou Asa obus que Ahzr-Azab [le fleuve d’Azab]: en eflet, le Mareb arrose le pays de Bagiah, dont A’zäb ou A’yzäb (2) est la principale ville. A’zäb passa même pour avoir été autrefois la capitale de l'Éthiopie entière et des états de cette fameuse reine de Saba (3) qui vint visiter Salomon. Une dernière circonstance qui n'est point a dédaigner, c’est que, selon Ludolf, il existe encore vers les sources du Mareb une peuplade nommée Azxbo. Il ne nous reste plus que l’Acu;dGæs, dont Strabon seul fait mention, et quil place auprès de Méroé (4) : d'après la position relative des autres fleuves, on peut croire que ce quatrième affluent est un de ceux qui, dans Îa carte donnée par (1) Marab où Mareb (711 : en éthiopien, est Le nom d’une espèce d’âne sauvage / asinus sylvestris, onager. Ludolfi Lexic. col. 59 ]. On trouve dans tous les pays beaucoup d’exemples de noms de quadrupèdes et d’autres animaux donnés de cette manière à des fleuves : les Grecs avoient en Thrace, L'Añge mue [le fleuve de la Chèvre ] qui se jette dans l'Hellespont, le fleuve Auxos [ Loup] dans le Pont; les Syriens avoient le fleuve du Chien [AJ ;g nahar el-Kelb] près de Beyrout C9» et qui a Été aussi connu des géographes Grecs et Latins sous les noms de Avws et de Lycus ; ils ont encore donné ce dernier nom à un affluent de l’'Euphrate; il existoit aussi un fleuve Afav [ Lion ] en Syrie. On connoît deux rivières portant le nom de 15 DäbT Ours |, qui se jettent dans le Tigre: les anciens les nommoient Zabus major et Zabus minor. Au reste, comme à diverses époques VÉthiopie et JYémen ont été réunis sous la même domination, le nom du fleuve Mareb peut avoir la même origine que celui de la forteresse de Märeb eye ou Määreb elle [la Mariaba des anciens], bâtie dans lYémen par un roi nommé A’#d-el-chems Qi) we; fils d'Yechhab cas, et surnommé Sail. Îl ne nous reste point sur la langue et les antiquités des Hémiarires, de docu- mens suffisans pour discuter la signification de ce nom; je me contenterai donc de dire, d’après Abou-l-fedä, que plusieurs ont cru que c’étoit celui d’un souverain de VYémen. | (2) A’zäb oise ou A°’y74b wlûse. Ebn el-Maqryzy a consacré à cette intéressante ville le soixante-quator- zième chapitre de son grand ouvrage sur l'Égypte. El-Edricy, Abou-l-fedà et Ebn el-Ouardy en font aussi mention dans,leurs traités géographiques. El-Edricy est le seul de ces quatre auteurs qui ait écrit son nom A’zâb clûe au lieu d4?yzéb ol: (3) Suivant les auteurs Arabes, cette reine se nommoit Belqys uk ; et avoit succédé à son père Hädhäd sb Les Ethiopiens rapportent qu’elle eut de Salomon un fils nommé Mnilhek ELA hN: qui lui succéda en Éthio- pie. II paroît certain que ses états comprenoïent Yémen et la partie orientale de l’Abyssinie : sa capitale toit Sabä L,, ou Chebé Lx (en hébreu Seba ou Cheba x); mais elle faisoit sa résidence dans la citadelle de cette ville, qui se nommoit Mareb, Woyez la note 17° ci-dessus, (4) Ce qui a rendu la position de tous ces affluens obscure et difficile à la plupart des géographes modernes, c’est qu'ils n’ont pas fait attention que les mots y4o0c chez les Grecs, et insula chez les Latins, avoient la même acception que le mot gezyreh $,3;2 a maintenant chez les Arabes, c’est-à-dire, la double signification d’i/e et de presqu'ile; d’après ce motif, ils ont toujours voulu voir dans l’île de Méroé des anciens, non une péninsule, mais une île dans l’acception restreinte que nous donnons à ce mot, c’est-à-dire, un espace de terre entièrement euvironné d’eau. DE L'ILE DE ROUDAH. $9 Ludolf, passent à peu de distance de la ville et du territoire de Geba, et alors on pourroit l'expliquer par Akzr-Geba | le fleuve de Geba |. Le mot h% : hazz, dont la contexture grammatique et la prononciation sont presque absolument les mêmes que celles du mot Éthiopien précédent, signifie encore maintenant une f£che dans la langue Éthiopienne, dans laquelle nous savons qu'on retrouvé beaucoup de traces de l’ancienne langue Égyptienne ; et de là vient aussi que quelques écrivains Grecs nous ont rapporté que les Égyptiens donnoient au Nil le nom de Flche. Pour ne rien omettre sur les noms qui ont été donnés au Nil par les anciens, _ j'ajouterai encore que, dans Ératosthène, on lit qu’un roi d'Égypte se nommoit Phrourôn, « nom, ajoute-t-il, qui étoit aussi celui du Nil. » En recherchant l'étymologie de ce nom, on trouve qu’il peut signifier 4 fleuve tran- quille dans son lir ,en Îe faisant correspondre au mot Qobte Dep OV P ph-hrour [ le calme , le tranquille |, qui est dérivé lui-même de la racine CVEPT heri | se reposer | (1). Outre les noms que nous avons déjà vu ci-dessus qu'on attribuoit dans la langue Qobte au Nil, le Dictionnaire Qobte dela Croze{2), d’après Kircher, donne aussi à ce fleuve le nom de ANssrpr Armêri. On pourroit peut-être d’abord présu- mer avec quelque vraisemblance que ce nom n’étoit en lui-même autre chose que celui de Nehr 3 que nous avons déjà vu, auquel les Égyptiens auroïent fait subir un changement qui leur étoit familier, en remplaçant la lettre 3 /roun/ des Hébreux par leur 8A /wu/, comme de 52 Nouf ou 53 Nof ils ont fait {ou Mof, et du mot MNo-Ammon [an NI ou }TDN N3 | celui de Mouéuqi ou de Momom- phis, àc.; et de savans orientalistes ont admis comme fondée cette commutation dans des cas absolument pareïls. Quelques-uns même, d’après ce principe, n’ont vu dans le nom de Méax, donné par les Grecs au Nil, qu'une altération des mots Lhs Néhhl et Néïos, que nous avons vus ci-dessus. Au reste, quel que soit le plus ou le moins de probabilité qu'on accorde à cette conjecture, on ne pourra s'empêcher de trouver dans ce nom quelque ana- logie avec celui du roi Mœæris, nommé aussi Amyris, qui, suivant le rapport des historiens, avoit fait tant de travaux relativement à ce fleuve. Mais il paroît que la vraie étymologie de cette appellation du Nil est que le nom d'ASRHIPI est aussi celui de la couleur #/eue en langue Qobte, suivant Kircher ; et ce qui peut fortifier cette opinion, c'est que l'Abaoui porte aussi chez les Arabes de Nubiele nom de Bahar el Azragq nl < , Qui de même signifre littéralement # fleuve bleu (3). | (1) Voye S. E. Jablonski , Pantheon Ægypr, lib, IV, (2) Page 3. cap. I, S.9. (3) Le mot de Nil signifie indigo et bleu en fangue É.M. TOME II. H ? 60 Je dois remarquer ici qu'en grec les mots xdævoc, xudéloc , signifient également Bleu et noir (1): ainsi cette dénomination de fleuve bleu donnée au Nil pourroit être dérivée de celle de fleuve noir, que nous avons vu ci-dessus lui avoir été donnée en difiérentes langues. MÉMOIRE SUR LE MEQYÀS J'aurois pu m'étendre encore sur cette matière; le desir de ne pas retarder davan- tage la publication de ce Mémoire me fait omettre un assez grand nombre d’autres notes sur quelques autres noms donnés autrefois au Nil : les matériaux Que jai recueillis à ce sujet, auroient suffi pour former un mémoire entier: et j'ai même, été plus d’une fois tenté de retrancher de celui-ci tout ce qu’on vient de lire ci-dessus sur cette matière, afin de le réunir à mes autres notes et d’en former un ouvrage particulier. Je ne puis cependant m'empêcher de céder au desir de faire connoître une nouvelle étymologie du mot”Oxséun, qui se rattache parfaitement aux autres appel- | lations du Nil, et que le hasard m'a fournie, au moment où je corrigeois les der- nières épreuves de cette partie. En parcourant, pour des recherches étrangères au De Mémoire, la Biblio- thèque Orientale (2) du savant Assemani (3), je trouvai (4) qu’un des rois d'Édessé{s) portant Île nom d'Abgar SE 2} (6) étoit désigné par le surnom d'Oukama Yasol, surnom, ajoute Assemani, qui signifoit /e noir. D'après cette signification du mot Syriaque, qui se retrouve avec le même sens Sanscrite. Cette acception de ce mot a passé dans l'arabe littéral a/nyl où an-nyl Jai , et dans l’idiome vulgaire «A nyleh [le bleu indigo], et nous [a retrou- vons encore dans le mot Français anil qui a la même signification, et qui, ainsi qu'un grand nombre d’autres, a été introduit de l’arabe dans notre langue par le com- merce du Levant. C’est ainsi que pendant les croisades, et par les relations que les croisés eurent avec POrient, les Français prirent des Arabes les mots assassin , magasin, amiral, foison, chiffre ,truchement , avanie , tambour, jarre, mosquée , algèbre, café, Te. èTc. (1) Voyez Cornelii Schrevelii Lexicon Græco-latinum , Paso 7: (2) Bibliotheca Orientalis Clementino-Vaticana , in qua manuscriptos codices Syriacos, Arabicos, Persicos, Tur- cicos , Hebraïcos, Samaritanos, Armenicos, Æthiopicos , Græcos, Ægyptiacos, Tbericos et Malabaricos, jussu et munificenti& Clementis XT pontificis maximi, ex Oriente conquisitos , comparatos , avectos , et bibliothecæ Vaticanæ addictos recensuit , digessit , et genuina scripta à spuriis se- crevit, addirä singulorum auctorum vit, Joseph-Simonius Assemanus, Syrus Maronita , sacræ theologiæ doctor , atque in eadem bibliotheca Vaticana linguarum Syriacæ et Ara- bicæ scriptor, Romæ, 1719; typis sacræ Congregationis de propaganda fide ; 3 vol. in-fol, (3) Assemani a voyagé en Égypte avec le P. Sicard. Voyez les Nouveaux Mémoires des missions dans le Le- vant, pag, 127 et suiv. (4) Tom. 1.” , pag. 420. J'ajouteraï ici ce passage :. . «XV Abgarus Vchama, hoc est, Niger, Dionysius. » p—Sulls oc Maso! a uorÿol DS # pu Lo 50 VIS O eNl Lun k « Anno 2024 regnare cœæpit Edessæ Abgarus Vchama 2 qui Curatus est ; regnavit autem annis 27 , 111115, I, > (s) Édesse en Mésopotamie a été aussi connue des Arabes sous le nom d’e/-Rohäh By. On croit que ce nom est une altération du nom de Callirhoé, qui lui avoit été donné à cause d’une trés-belle fontaine qu’elle renfer- moit. Les voyageurs l'ont appelée vulgairement Orfa, Cette ville fut prise sur les Arabes par les croisés Français; mais elle fut reprise sur eux, Fan $39 de Fhégire [ 1144 de FVère vulgaire ], par latâbek O’méd ed-dyn Zingy 4; ol sLe, sous Le règne de Baudouin, fils de Foulques, roi de Jérusalem. Elle fut reprise sur les Arabes et saccagée , lan Me de l'hégire [ 1393 de l'ère Chrétienne], par Tamerlan, un peu avant qu'il marchât contre le sultan Ottoman Ba- jazet, premier du nom. (6) On compte dix rois d'Édesse qui ont porté ce nom ; celui qui régnoit l’an 30 de l'ère Chrétienne, est fe plus célèbre , à cause d’une prétendue lettre censée écrite par lui à Jésus-Christ, et d’une réponse apocryphe de Jésus-Christ, qui se trouvent rapportées par différens écri- vains. Voyez Assemani, à l'endroit cité. 61 dans les autres langues bibliques (1), avec lesquelles chaque jour on reconnoît de plus en plus que l'ancienne langue Égyptienne avoit les plus grands rapports, le mot Qxétun donné au Nil et cité ci-dessus ne présenteroit pas d'autre acception que celle du ffeuve noir, et se rattacheroit alors entièrement au sens de la plus grande partie des anciens noms sous lesquels ce fleuve a été désigné. DE L'ÎLE DE ROUDAH. $. IT. Surnoms donnés au Nil. Un des principaux surnoms donnés anciennement au Nil par des Grecs , est celui de Aarenis, qui se trouve dans Homère (2). Tous les interprètes ont traduit ce mot par la périphrase ex Joye egrediens, et ont ‘fait, à ce sujet, de longs commentaires. Sans prétendre mettre mon opinion: à la place de celle des hommes célèbres qui ont été jusqu'à présent partisans de cette leçon, ne seroit-il pas possible de prendre simplement le mot d« pour une préposition augmenta- tive (3) qui entre, en ce sens, dans la composition d’un grand nombre de mots Grecs (4), et de lire simplement Marems, c'est-à-dire, erumpens’ Alors cette épithète ne seroit proprement que la traduction du mot 1171 Gyhhoun, par lequel nous avons vu ci-dessus qu'on désignoit le Nil chez les Hébreux, et qui a conservé dans toutes les langues Orientales le sens que je lui donne ici. Rien n'empécheroit alors de croire qu'Homère a eu connoissance de cette dénomination, et qu'il Ja traduite par l'épithète de fuamems dans son immortel poëme. Si cependant on vouloit conserver à ce mot la signification généralement reçue jusqu'à présent. de ex Jove egrediens, on l'expliqueroit facilement encore en prenant “cette acception comme signifiant, sorti du ciel où de la pluie (5), don du ciel. Les Arabes modernes donnent souvent au Nil lépithète de el- fayd yes [labondance, le don de Dieu |, surnom qu'ils attribuent aussi à l'Euphrate (6), parce (1) 5x chald. pare, a5Nhs, nicruit, atratus fuir, atrorem contraxit, DOWN, ON, niger, ater, Lev. XII1, 31, 37. Job. XXX, 38. pl. Cant. V, 11. Constr, Job. V, 11. fœm. sn vel Nnosin. Lev. XI, 19. RPOOS , nigredo, atror. Thren. 1V, 8. Pon, rigredo. Eccle. XI, 10, Syr. psl. nigruit, Joel, 11, 6. Pahel ps} , denigra- vi, Aphel 0}, nigrefécit ,atrum reddidie, Eccle. xxv, 21. Ethtaph. psoll) , niger factus est, nigruit, , niger, Gen. XXX, 32, 40. \aso id. Cant. 1,5, 6,etiV, 11. fœm., \Naso) nigra, Matth. V, 36. it. oculus niger, F. ILE , nigredo, F. Sam. sy et spy niger, Ex. XXXV, 7. V. Ann. Sam. (Edmundi Castelli Lexicon heptagl. col. 111 et 112.) (2) Voyez les textes Grecs rapportés dans Îa sixième partie de ce Mémoire. (3) Aa, præposit. per, ex, in, ad, inter; in com posi- tione plurimüm notat separationem , vel intendit sionifica- tionem. Cornelii Schrevelii Lexicon manuale Gr&co-lati- num, 1734, pag. 204. (4) AraGkGaido , confirmo ; danrwcne, plenè cognosco ; d'adipuw et d'acidw, perspicio ; didmw, perflo ; date, per- cutio ; daxafæeilw, perpureo ; diaxaprpto, perduro ; d\u- aTEAË YOU, Magis ac magis redarguo ; dYanévos, super- vacuè ; dYamvéæ , permoveo; Janaÿhtr® , perlateo, prorsès lateo ; auapnegu« , etiam atque etiam obtestor ; d'auras, daurpes et daumpéos, prorsis, in tofum, perpetuo, ÊTc. Corn. Schrev. Lexic. pag. 204 et seq. (s) Les Latins se servoient quelquefois du nom de Jupiter, Jovis, pour désigner le ciel et même la pluic. On connoiït le célèbre distique de Virgile : Nocte pluit totà, redeunt spectacula man Divisum imperium cum Jove Cesar habet. (6) L’Euphrate[Ferdt cl; ]. Ce fleuve est célébre dans lhistoire de l'Orient : les Hébreux le connoissoient sous Je nom de Fererh "D, et les Syriens lui donnent aussi le 62 que ces deux fleuves fertilisent tous deux en se’ débordant les terres qui les envi- ronnent. [1 y a pourtant, entre les inondations de ces deux fleuves, cette diffé- rence, que l'Euphrate ne déborde, à la manière du Nül, que fort près de son embouchure. Un des titres dont ils honorent encore ce fleuve, est celui d’e/-mobärek S) } LA [le béni], en reconnoissance de la fertilité admirable que ses eaux répandent chaque année sur la terre de l'Égypte, et de la fécondité qu'elles communiquent, suivant eux, aux femmes de ce pays. Horapollon rapporte, en parlant de la crue annuelle du Nil, que ce fleuve étoit appelé en langue Égyptienne Nsc, Nous, où Now, Nour, à l'époque de son débordement {1). | Ne pourroit-on pas croire que l'étymologie de ce mot se retrouve dans le mot QobteSa’ydique NxNO% Nanou; qui signilie excellent, et qui est réduplicatif de la racine Nov Nou, qui signifie on, et se trouve dans les divers dialectes qui MÉMOIRE SUR LE MEQYÂS nous restent de l'idiome Qobte ! Il sembleroit que cette appellation du. Nil ait été aussi connue des Parses ; car on la retrouve attribuée à ce fleuve dans le chapitre xx du Boun-dehech, ouvrage Pehlvique qui contient la cosmogonie des Parses {2). Ce passage est conçu dans les termes suivans : | « Le fleuve Arg (3) sort du mont Albordj (4), et va dans la terre de Sourah ($), » qui est appelée Azerché (6); puis de là dans celle de Spouros, qui est ap- » pelée Mesredj (7), et où on le nomme X fleuve Nou où Ney (8). » L'identité de forme de l# et de l'ox dans l’écriture Pehlvie permettant de lire Sapentos, aussi bien que Sepouros, le destour de M. Anquetil lui a fait adopter la première leçon; mais je crois qu'on préférera la seconde, qui n'ofire visiblement qu'une corruption du mot Grec Aïywms. même nom [}3® Fererh]. Les Arabes distinguent deux feuves de ce nom: le grand Euphrate prend sa source dans Les monts Gordiées, et se jette dansle Tigre, près d’Anbar et de Felougyah: le petit Euphrate, qui est souvent plus {s) Le pays de Sourah est Ia Syrie, (6) L’Ametché est sans doute l'Hémessène, province de Ja Syrie, dont Æemess étoit la capitale. (7) La contrée de Mesredj est PÉgypte [| Mesr je ]. large que le grand, traverse V/räq A’raby als Ge tÉE passe à Koufah «53 ; c’est pourquoi on le nomme aussi souvent Vahar-Koufuh ER ET [fleuve de Koufah ]. Il va de même se jeter dans le Tigre, entre Ouäset Lil, et Naharouân OS , et le lieu de son embouchure est appelé Qarnah 35. | (1) Voici le passage d’Horapollon : Neins dÉ ayaéaiar ouaivevres, dv manga Aiymusi Nu. Hieroglyph. Hib. 1, cap. 21. (2) Voyez le Zend-avesta publié par M. Anquetil- Duperron, rom, IT, pag. 391. (3) Le fleuve Arg paroît être Ie même que VA payes, Fun des affluens de VEuphrate en Arménie, suivant Strabon. (4) L’Albordj est appelé 3 Qéf par les Arabes ; c’est le même que le Caucase des Grecs. Les Orientaux croient que cette montagne environne la terre ; élle est désignée dans plusieurs cartes géographiques sous le nom d’A/burz, En langue Sanscrite, PÉgypte porte le nom de Mesrastan;" et l’on sait que , dans les langues de l’Inde et de la Perse, la terminaison estôn ou istân Ljlx, est affèctée aux noms de pays. (8) On ne doit pas s’étonner de voir, suivant les Parses, le même fleuve couler de l'Arménie dans la Syrie et l'Égypte. On peut expliquer la cause de cette croyance par [a profonde ignorance des Parses, sur-tout en géo- graphie et en géologie, à l’époque où les livres dogma- tiques qui leur restent furent rédigés. Cette ignorance a donné lieu à plusieurs autres opi- nions aussi absurdes parmi ces peuples. On voit dans le Boun-dehech, qu’ils imaginoient que la même eau cou- loit dans tous les fleuves, parce qu’ils supposoient que ceux-ci correspondoient tous entre eux par des conduits invisibles, soit célestes, soit souterrains, et avoient tous pour principes deux rivières, l’Arg , que nous venons de citer, etie Veh, dont les sources étoïent aussi au mont Albordi. DE L'ÎLE DE ROUDALL 63 CPS PRE DE Nilometres des anciens Évypriens. ON sait que les terres de l'Égypte ne produisent à leur cultivateur qu'autant qu'elles ont été couvertes .et fécondées par linondation annuelle du fleuve à qui seul elles doivent leur fertilité. Les contributions ne pouvoient jamais se percevoir que sur la portion inondée, seule capable de les supporter, puñquelle seule rapportoit à son propriétaire ou usufruitier. Auësi les anciens rois d'Égypte et les princes qui, après eux, ont successive- ment gouverné cette contrée, ont-ils toujours eu le plus grand intérêt à mesurer et constater les divers degrés où parvenoit, chaque année, cette inondation bienfaisante , qui, étant la source immédiate du revenu des terres, avoit dû devenir naturellement pour eux la base sur laquelle devoit sasseoi le plus sûre- ment le système de leurs propres revenus, et la règle de répartition des impo- sitions annuelles auxquelles ces terres Ctoient soumises. Ainsinous apprenons que, dès la plus haute antiquité, ils avoient eu le plus grand soin de faire mesurer en divers endroits de l'Égypte la hauteur où s’élevoient les accroissemens progressifs des eaux du fleuve , à l'époque de linondation annuelle. Il paroît que l'instrument de mesurage étoit d'abord portatif, et n’étoit alors autre chose qu'une longue perche graduée, peut-être retenue par un anneau, qu’on plongeoit dans le fleuve : les historiens Grecs l'ont désigné dans leur langue sous les noms de Naouéreso et de Na?coxëmier, d'où nos modernes ont fait les noms de Nlomètre et de Niloscope. Le premier nom étoit formé des mots Nes, Nil, et juérpov, mesure ; Îe second se composoit du même mot Nas et de CERTA, Observer. Le Nil a été déifié par les anciens Égyptiens et adoré sous différens noms ; on peut même crone que le bœuf Apis, qui obtint chez eux les honneurs divins , n'étoit que l'emblème de ce fleuve. L’instrument qui servoit à le mesurer, fut confié aux prêtres de Sérapis, qui seuls avoient le droit d’en faire usage, et qui le conservoient religieusement dans leur temple. Soit qu'on admette ou soit qu'on rejette l'opinion que Sérapis n'étoit autre chose que le Nil déifié, il paroït toujours constant que l'instrument même du mesurage a été aussi lui-même désigné par le nom de Sérapis ; et l'étymologie de ce nom, dans cette dernière acception, se présente d'elle-même dans les deux mots Hébreux M9 Ssyhhour, nom du Nil, que nous avons déjà indiqué précédemment, qu'on trouve aussi écrit WW Sséhour ,et qui a pu aussi s'écrire plus simplement encore SA Ssehhr, et 5BN 4phy, ou QU äyph, qui signifie wesure (1). (1) N, grande mesure ; Ephi, sima, ideoque xaT é£owy pro mensura wsurpatur, Voyez Max. Id. jpN, femps, mesure, manière, façon, tour- Castell, col. 102. nure. Voyez Houbigant, Racines Hébraïques sans points Hebr.jB* canthus, modus, pœna talionis , qu& mensura voyelles , pag. 6 et 10. rependitur pro mensura ; TN et MON Ê Epha, est mensura omnium communis- OAI, TN, modus , forma; On reconnoîtra peut-être des traces du soin que les anciens Égyptiens met- toient au mesurage des eaux du Nil, dans quelques types qui se rencontrent assez fréquemment parmi les signes de leur écriture hiéroglyphique, et que je vais présenter ici (1). Un de ces types représente une longue perche terminée par le haut en forme MÉMOIRE SUR LE MEQYÀS de T (2), ou traversée soit d’une seule barre T, soit de plusieurs ‘ : quelquefois ce signe semble être enfoncé dans l'intérieur de la tranche verticale d’une coupe plus profonde que large , ou plutôt d’une fleur de lotus, ; et nous savons que la fleur de cette plante (3), si abondante autrefois (4) et maintenant encore en Egypte dans les endroits inondés (5), a toujours été, dès la plus haute antiquité, consacrée spécialement au Nil par les Égyptiens : cette tradition s'est conservée même jusquà présent dans une des dénominations que lui donnent les habitans modernes du pays (6). La seule inspection des monumens hiérogly- phiques et des médailles frappées en Égypte nous prouve que cette fleur y a souvent été employée par les anciens comme l'emblème spécial et le signe carac- téristique*de ce fleuve (7). À l'égard de la coupe et du vase rempli d’eau, d’après le témoignage des anciens, que les Égyptiens n’en aient fait l'emblème du Nil dans leurs cérémonies religieuses, que ce symbole nous ne pouvons douter, et conséquemment, 3 . . J . n'ait dû avoir le même sens dans leur écriture sacerdotale; on le trouve en effet Arab. ob, tempus, tempestas, xa1096 : y! imminutio, Voyez Castell, col. 194 et 199. On trouve aussi en hébreu et en chaldéen EN, en syriaque Of, davantage, en plus grande mesure ; en arabe, par un sens opposé, mais tiré de la même signification radicale, cs}, petit nombre, petite mesure. Voyez, sur ces mots, Castell, Houbigant, Golius, Masclef, Buxtorf, &c. En langue Arabe vulgaire, le mot al ouâfy signifie plein, comble, en parlant d’une mesure. (1) La collection générale des signes hiéroglyphiques recueillis dans les monumens d'Egypte, dessinés et mis en ordre par M. Jomard, fera partie du volume V des planches d’antiquités. Ce tableau renfermera tous les hiéroglyphes connus et authentiques: (2) Voyez Histoire du ciel par Pluche, rome Z+, planche XX1V, page 429, figures H, H, et planche 171, page 56, figure 4. (3)< TR Lotus LINN.—Lotos HERODOT. » fi. 1, Cap. 92; THEOPHRAST. Hüst. plant. lib. 1v, » Cap. 10, p. 437: Arab. 3 ouf ; 72 oi, »bachenyn el-khanzyr....e Rosettæ et Damiatæ. »—— cœrulea SANVIGNY. — Lotus cyaneus ATHE- » NÆI, lib. III, cap. 1, pag. 72. — Arab. G3e cuis > bachenyn A’raby, Radix dicitur 3) Byäroû. Rosettæ, » Daniatæ; et inaquis Birketel-Rorly, juxta Kahiram. » Voyez Floræ Ægyptiacæ illustratio, auctore PALER. De- lle, H. NN. tom. II, pag. 64. Je ne puis me à joindre ici une remarque qui ne paroîtra peut-être pas à dédaigner, c’est que le nom als byärou donné à la racine du nymphæa, et qui a une forme si évidemment étrangère à la langue Arabe, n’est ‘ réellement que le mot Ée gyptien NZETZPO pa-iaro, qui, d’après sa forme adjectiveet sa dérivation, peut être en exactement par les mots Latins fuvialis, flumineus | ap- partenant au fleuve, ayant rapport au fleuve |. (4) ‘Eredy mApns pére à momauès, rai me media mayo, querey à T@ dun xpléæ mMd, T Al WTn0 L&AËEE Awmy. Herodot. Histor. lib. 11, cap. 92. Awmç 7e ÿ quemu mauve. Diod. Sic. Biblioth. histor. Hb.1, cap. 34. (5) « Deux espèces de WVymphæa épanouïissent leurs » fleurs à la surface des eaux. Ces plantes croïssent à » l’époque de linondation; elles se fanent lorsque les » eaux baissent. Leurs racines se conservent malgré la » grande sécheresse qui succède à linondation. » Les Nymphæa sont abondans près de Damiette et de » Rosette: ils croissent en petite quantité plus au midi » dans le Fayoum , et dans le seul étang de Birket el-Rotly » Ab ze js près du Kaire. » Woyez le Mémoire sur les plantes qui croissent spontanément en Égypte, par Alire Raffeneau Delile, membre de l'Institut d'Égypte, HN, tom. IT, pag. 2. (6) « Flores dicuntur in hac planta, Jail webs a’ràys » eENyl, id est, uxores Nili,» Delile, Flor, Ægypt. illustr, ibid. pag. 64. (7) La statue colossale du Niltient une corne d’abon- dance d’où sortent des fruits de lotus; sa tête est ceinte de fruits et de feuilles de lotus. Voyez Museo Pio-Cle- mentino, 1, 30; et M. Millin, Galerie mythologique, tom, À, pag. 76 - figuré DE L'ÎLE DE ROUDAH 65 figuré de différentes manières , parmi lesquelles je me contenterai de présenter ici les deux suivantes A et , où lon voit ces déux figures tranchées ver- ticalement pour en laisser apercevoir l’intérieur. | Il me paroît donc que les hiéroglyphes dont je viens de parler, ont dû indi- quer les divers progrès et le mesurage de la crue des eaux du Nil : telle à été dù moins l'opinion de plusieurs antiquaires, qui même ont donné à ces figures le nom de Mikias (1}+ Ce nom n'est autre chose que celui de Megyäs, par lequel, comme je l'ai déjà dit ci-dessus, les Arabes ont désigné et désignent encore à présent leurs Nilomètres. | Un’ second type qui se retrouve aussi très-souvent employé dans les bas- reliefs hiéroglyphiques , est une figure également en forme de T, surmontée d'un anneau (2), qu'on voit représentée de trois manières : ces hiéroglyphes, © j L et Q 3 qui sont analogues aux précédens et qui n’en offrent peut-être qu'une variante, ont reçu différentes significations de la part des antiquaires; mais Île plus grand nombre s'est accordé à leur donner le nom de c4f du Nil. Ainsi cette dénomi- nation serattacheroit encore à des idées Nilométriques. uit 1e À Ce signe ensuite put devenir, par une analogie emblématique, le symbole ordinaire du bonheur qu'on desiroit, ou de la délivrance du mal qu'on souifroit : on en fitsun amulette qu'on suspendoit au cou des malades, et un attribut dont on décoroit les divinités bienfaisantes (3). On le voit à la main d’une des trois figures d’un beau fragment de bas-relief que j'ai acquis en Égypte, et que Arabe qui me la vendu, m'a certifié avoir apporté lui-même de la grande Oasis, où ce morceau faisoit partie des belles ruines qui y existent encore, et qui, d’après la description qu'il m'en a faite, paroîtroient être les restes du célébre temple de Jupiter Ammon (4). | Quelquefois l'anneau qui termine supérieurement la clef du Nil, est conformé d'une manière différente, et renferme deux autres petits hiéroglyphes, de cette GÈ manière, : ilest facile de reconnoître dans lun d'eux le signe constamment employé et généralement reconnu pour désigner l'eau et l'inondation. D'autres fois encore cette figure u , où la clef du Ni, est représentée sur une espèce de coupe ou de barque, auprès d’autres signes avec lesquels elle se trouve , groupée; tels sont les deux hiéroglyphes suivans, Le et F4: dans le premier, elle est placée à la droite et vis-à-vis d’une petite figure accroupie qui paroît être celle d'Anubis; dans le second, au contraire , elle occupe la gauche du groupe, et elle accompagne un bâton ou peut-être l'instrument de larpentage , sou ‘tenu par deux supports formant inférieurement une fourche renversée et qui. est (1) Voyez Histoire du ciel par Pluche, # 2, p. 57. (4) Le dessin que j’ai donné de ce fragment intéressant (2) Voyez l'Histoire du ciel par Pluche, tom. Le, est gravé; et la planche où ilse trouve, avec d’autres mor- pl XXIV; fig. rr, ceaux d’antiquité que j’añ également rapportés d'Égypte, (3) Voyez l'Histoire du ciel par Pluche, om, 1, faït partie de la collection d’antiques placée à la fin du DIF ITINS ES vol. V des planches d’Anriquités, É, M, TOME II. J 66 surmontée d’un appendice incliné que les antiquaires ont généralement considéré comme une tête de huppe. | MÉMOIRE SURHLE MEQYÀS Le premier de ces hiéroglyphes me semble indiquer, linondation qui com- mence, le fleuvessortant de son état de stagnation et de repos et de sa situation la plus basse, tandis que le second, dans lequel la clef du Nil est dans une place opposée à celle qu’elle occupoit dans le précédent, peut être regardé comme le signe de l’inondation qui finit. En effet, suivant la plupart des anti- quaires, la huppe étoit.chez Îles anciens Égyptiens la figure symbolique du vent du midi, qui aide à l'écoulement des eaux lorsque linondation se retire, et dont le : retour annonçoit l'arpentage des terres et le temps des semaïlles (1). [Hs donnent pour raison de ce symbole, que la huppe passe tous les ans de l'Éthiopie dans la haute Égypte, et de la haute Égypte dans la basse, à l'époque de la cessation du débordement, et qu'elle suit le cours du Nil en se repaissant des insectes innombrables que son limon recèle et dont la chaleur facilite alors la naissance; et ils pensent que par ce caractère spécial elle étoit parfaitement propre à devenir pour les Égyptiens le symbole du vent méridional, dont elle suit la direction, et du desséchement des terrés, qui a lieu à l'époque où le vent com- mence à souffler. | Mais, indépendamment de ce raisonnement, dont je suis loin de contester la vraisemblance et la probabilité , me sera-t-il permis d'en hasarder un autre fondé sur l’étymologie même du nom que les Égyptiens donnent à la huppe’ Tous les anciens qui ont traité des hiéroglyphes, nous assurent que bien souvent, dans leurs images symboliques, les Égyptiens employoient des figures d'animaux ou d’autres AIR physiques qui n'avoient que peu ou point de rapport analogique avec l’idée qu’on les chargeoït de pose mais dont le nom connu reproduisoit dans saiprononciation à peu pie le même son que les mots qui, dans le langage parlé, auroient exprimé l’idée qu’on vouloit peindre. Par exemple, ils nous attestent que, dans l'écriture sacerdotale, l'idée de l'ame étoit rendue par un épervier, par la raison que le nom de baïér RXIHT que les Égyptiens donnoient à cet oiseau (2 L renferme les mêmes sons que les deux mots 447 Ra et hét CAT , dont le (1) « La huppe va du midi au nord; elle vit des ver- » partage : elle va toujours à la'suite duuNil à mesure" » misseaux qui éclosent sans nombre dans le limon du » Nil. Une infinité d'espèces de moucherons, de demoi- mn selles et d’autres insectes, cherchent sur-tout les eaux » dormantes, et par conséquent celles du Nil répandu, » pour y déposer leurs œufs, qui ne réussissent jamais » mieux que dans le limon échauffé par le soleil, après » la rentrée du fleuve dans ses bords: la huppe accourt »alors dans tous les lieux que Peau a nouvellement » abandonnés ; elle saisit avec industrie les momens et » les lieux où les insectes naissans lui offrent une päture » facile, ayant que l’animal aïlé qui est caché sous la wpeau du ver et ensuite sous l'enveloppe de la chry- » salide, sorte de cet état-pour prendre son vol et pour » porter son espèce en d’ autres endroits. La huppé, attirée » par cetappât, passe de F Éthiopie dans la haute Égypte, net de la haute Égypte vers Memphis, où le Nil se » qu'il rentre dans ses canaux jusqu'à la mer. Elle étoit » propre par cette méthode à caractériser parfaitement la » direction du vent méridional, qui aïdoit et annonçoit » le desséchèment desiré. » Aussitôt donc que les Égyptiens voyoient revenir Îa » huppe, c’est-à-dire, non la huppe naturelle qui n’étoit » que le signe d’une chose fort différente, mais l’oiseau » figuré, le vent du midi, qui imite le mouvement de » la huppe, ils apprêtoient leur blé, reconnoissoient par » larpentage des terres les bornes des héritages, que » le limon avoit confondues, et ne tardoient pas à se- 3 mer...» Voyez Y'Histoire du ciel: par Pluche, £em, 1,#, pag, SI et $2: (2) BzxC, accipiter. Kircher, page 67. Voyez la ae pag. IT. DE L'ÎLE DE ROUDAH. 67 premier (1) signifioit ve, et le second (2), esprir, cœur; et ces diverses idées abstraites, dont la réunion pouvoit convenir à désigner lame, étoient offertes ensemble, et prenoient, pour aïnsi dire, un corps sensible aux yeux dans le sens symbolique et composé qui étoit donné à la représentation de l'épervier. 13 Or, en faisant ici une application de ce système dans la langue des Égyptiens modernes, le nom de la huppe est koukouphat vovyov< Dar (3) ; et nous ne devons point douter que leur ancienne langue ne se servit du même nom ou . d’un mot peu différent. En examinant quels sont Îles mots dont la combinaison pourroit donner un son à peu près semblable, ou du moins qui n’en fût pas éloigné, nous trouvons que la réunion des trois mots ghôk - houo - ph - hhar, US, OYO, DEar. présente une homonymie presque entière; et cette petite phrase signifie littéralement, fx de l'abondance de l'inondation (4). Au reste, j'abandonne cette conjecture nouvelle à l'examen qu'on voudra en faire, ne pré- tendant aucunement la défendre contre ceux qui la trouveroient hasardée, mais observant toutefois que le génie de la langue Égyptienne, ancienne et moderne, se plaisoit extraordinairement à ces mots composés de plusieurs autres, et qu'à chaque page, dans les livres Qobtes, on trouve des mots fort longs, qui, par l'analyse grammaticale usitée dans cette langue, se décomposent en autant de mots différens que le mot composé a de syllabes. | On trouve aussi un autre hiéroglyphe qui figure, comme les précédens, une perche traversée de deux barres; maïs l'anneau, au lieu de lui être supérieur, est placé au-dessous, de cette manière, Je n'hésiterai point à le ranger dans la même. famille comme analogue à ces autres types, et à lui assigner la même valeur, sans cependant prétendre assurer que les hiéroglyphes que je viens de citer, ainsi que ceux dont je vais parler, n’ont pu, en plus d’une occasion, être placés avec une acception différente de celle que je leur attribue ici, et qui cependant me semble être leur valeur primitive et originale ; mais il a dû arriver pour ces hiéroglyphes ; comme pour tous les autres, qu'on a transmis une expression emblématique et figurée à la valeur physique et matérielle, si on peut le dire, qu'ils avoient dans leur premier usage. Ce cas a lieu dans toutes les langues tant anciennes que modernes, soit primitives, soit dérivées, chez lesquelles nous voyons (1) Iizs: , Ca ,vita, Prov. VI, 22. Voyez la Croze, mecs. Marc. VII, 37. EPSO%D, extolli, abundare, pag. 10. Ürepu-| 3. Ps. XXXVI, 35. IloAvapéir, mulriplicare, Ps. (2) CRT, xapd}a, cor, passim. Item v®e, mens, Rom. CXXXVIL, 3. Yripréeucovtiy, superabundare, 2 Cor. VIL, XI, 34. Plur. MSHT; corda (Lit. Greg. S.1). Voyez la 4: Iceucotveiv, abundure, Liturg. Basil. pag. 10, Voyez Ia Croze, pag. 154. Croze, pag. 158, (3) Roxko%xbzT, upupa, Kircher, pag. 168. Voy. Le cp est, comme on sait, un des articles prépositifs la Croze, pag. 3. de la langue Qobte. (4) Keunk, méexs, finis, terminus. Psal. XXXVIN, Ext, ox zrt, dmppoia , emanatio, Sap.. Sa- 4. To mas, finis. Matth. XXVI, 53. Voyez la Croze, Iomon. vi, 23. Item ffuere, Exod. 111, 8. Oxxzsxi pag: 170. | eat hepeuct sers EBGNT, 7à Pébom pére x É0%0, m me, abundans, residuum. Ex, X, 8. pËM, terra fluens lac et mel (passim). Joh. vit, 38. Matth. V, 37. Amplior. Matth. IX, 16. KSOVO; Emi zKDET, fudisti, Lit, Greg. pag, 42, Voyez la Croze, rAélo, amplids. Ps. Lx1, 2. N S0%0 KS0%0, DTÉp- PAL, 147. EÉ. M. TOME IL. 12 68 MÉMOIRE SUR LE MEQYÀS continuellement des mots représentant des objets purement physiques et des images perceptibles aux sens, semployer ensuite dans une extension analogique pour servir de signes à des opérations mentales et intellectuelles et pour peindre des idées entièrement métaphysiques et abstraites qui n'auroient pu être exprimées sans le secours de ce moyen. Or il n’y a pas lieu de douter que cette nécessité ne se soit fait sentir d’une manière plus particulière encore à l'écriture sacerdotale des anciens Égyptiens, dans laquelle les idées complexes n'étoient point analysées en mots, et ceux-ci en élémens plus simples, comme dans les langues syllabiques et alphabétiques, mais se représentoient par les images, soit de l’objet lui-même, soit d’un sens allégorique et emblématique qu'on étoit convenu de donner à cet objet repré- senté par une dérivation plus ou moins naturelle et facile à apercevoir, quoiqu'il fût souvent très-éloigné de sa valeur primordiale. Indépendamment des Nilomètres portatifs dont je viens de parler, les rois d'Égypte établirent ensuite en différens endroits de ce royaume des édifices Nilo- métriques dans lesquels on mesuroit les accroissemens périodiques du Nil, soit sur des échelles tracées le long des parois des bassins où se rendoit l'eau du fleuve au temps de linondation, soit sur des colonnes graduées qui étoient placées au milieu de ces bassins mêmes, soit enfin sur des degrés qui s'élevoient progressive- ment depuis le lit du fleuve. | | Cette espèce de Nilomètre est peut-être indiquée par un autre type figuré comme uné espèce de colonne qui est représentée de deux manières : dans la .\ CE première, £Ë, son fût est accompagné latéralement, dans toute sa longueur, d’appendices indiquant une continuité de mesurages; dans la seconde, 4 elle est couronnée, par le haut, de plusieurs chapiteaux superposés les uns aux autres et formant comme une échelle par leur addition successive (1). Nous trouvons aussi d’autres types figurés en forme d’échelles : tantôt ces échelles sont simples, E et À. ou même LE si toutefois cette dernière figure nest pas un sistre, comme plusieurs l’ont pensé; tantôt elles sont accouplées, Êb.: tantôt enfin on les voit appuyées sur la fleur de lotus ë, et nous avons déjà vu que cette fleur étoit l'emblème et le symbole particulier du Nil. D’autres hiéroglyphes encore, comme les suivans, (AE et À, représentent des escaliers portant des nombres différens de degrés. Un de ces derniers hiéroglyphes offre une échelle ou un escalier descendant dans l'intérieur d’un bassin quadrangulaire, Tous ces signes me semblent également n'être autre chose que des Nilomètres véritables : tandis que les premiers hiéroglyphes dont j'ai déjà parlé ci-dessus, peuvent offrir l'image des Nilomètres portatifs, ceux-ci me paroiïssent représenter des Nilomètres construits à demeure, et compléter ainsi le système entier des moyens qu'employoient les anciens Égyptiens pour mesurer les eaux de linondation. (1) Voyez l'Histoire du ciel par Pluche, tome 1”, planche 111, fig. 2. + DE L'ÎLE DE ROUDAH. 69 Mais une figure à l'égard de laquelle il me semble qu'il ne peut y avoir aucune espèce de doute, est celle qui est représentée de deux manières dans l’un des grands tableaux que contient le beau papyrus hiéroglyphique que je possède (1), et dont la gravure occupe les planches doubles n.* 72,73, 74 et75, À. vo/. IL. Cette figure consiste en deux escaliers, contenant, l’un cinq, l’autre sept degrés, placés lun auprès de l’autreet dans la même direction, au milieu d'espaces entourés d'eau : ces escaliers supportent deux barques garnies l’une et l’autre de trois rames à chaque extrémité; elles ont leur proue et leur poupe terminées en têtes ‘ de serpent, et se trouvent arrêtées, l'une au bas des degrés, l'autre au milieu de leur élévation (2). | J'ai cru utile de placer ici une fidèle représentation de ce tableau, exécutée par les moyens typographiques, afin de pouvoir présenter sous un seul point de vue tous les signes hiéroglyphiques de la Nilométrie, et mettre par-là le lecteur plus à portée de les comparer entre eux pour en saisir l’ensemble et le rapport corrélatif qui Les lie. (ESS S = NN TR NN IN T5 RSS NS TEST TERRESTRE TENTE TERRE SEE MATE TER TRE ER ET RER R RTE ER RER RER R RER RRRR ER RRREE mn tn ne \! Hi J, J/ \{ Lil 1} (| DISIIS g) NE l| us Na RTRRTE HISTIR À? RULES \\ nu 1 RTE l MIRE | (FA | \ AIRISE | RESTE | ELU S Ù TA TTR) EXEITEN it) RARE Il me semble qu'il n'est pas possible de se méprendre à la signification de ces deux figures, et qu'on ne peut s'empêcher d'y reconnoître d’une manière incon- testable des échelles Nilométriques, qui indiquent , l’une, le plus bas état des eaux du fleuve, et l'autre, leur terme moyen, tandis que le degré supérieur de chaque escalier me paroît désigner la plus grande hauteur de l'inondation à cette époque. Le serpent a toujours été, chez toutes les nations Orientales, l'emblème de la (x) Le papyrus gravé dans les planches 72, 73, 74 et 75; À, vol, II, avoit déjà été publié à Strasbourg par faire ici lénumération. II a donc fallu recommencer cette gravure avec une exactitude et en quelque sorte un scru- M. Cadet, M. Simmonel, lieutenant-colonel au corps des ingénieurs-géographes, qui lavoit rapporté de [a ville de Thèbes, au lieu de Îe réunir à la collection des manuscrits gravés dans louvrage , Pavoit communiqué à M. Cadet. Celui-ci en a fait faire une gravure en dix-huit planches, aussi exacte qu'il étoit possible pour un artiste peu fami- liarisé avec les hiéroglyphes. On savoit trop combien ce monument étoit important pour ne pas lintroduire dans l'ouvrage, et sur-tout pour le produire avec des lacunes et des incorrections graves, dont il seroit déplacé de pule religieux; c’est à quoi M. Jomard, commissaire du Gouvernement, chargé de la direction des travaux de gravure et d'impression de l'ouvrage, a consacré deux ans d’une surveillance et de soïns assidus, avec le secours de M. Willemin, graveur distingué. On peut s'assurer de Ia fidélité avec laquelle ce papyrus est imité, en comparant la copie avec loriginal, qui a été en ma possession, et que j'ai cédé à la Bibliothèque du Roi. (2) Voyez À. vol, IT, planche 77. 70 vie, dela force vitale (1); et dans les diverses langues de ces peuples, le mot vis et celui de serpent sont ou presque identiques, ou du moins sortis l’un et l'autre-des mêmes racines. Les têtes de serpent qui terminent la proue et la poupe des barques qu'offre le tableau ci-dessus, peuvent donc être ici le symbole de la propriété vivifante et fécondante que les Égyptiens reconnoissoient dans les eaux du Nil. Je ne serois pas même éloigné de penser que les trois figures accroupies qu'on voit dans le coin à droite de ce tableau, et même encore, si j'ose le dire, les trois rames placées à chaque extrémité des barques, pourroient être l'emblème dés trois mois solaires pendant lesquels dure linondation ; et si l’on vouloit pousser cette conjecture jusqu'ou-elle peut aller, la dégradation successive ‘et proportionnelle dans la hauteur de ces trois figures , dégradation qui est sensible, quoiqu'elle soit peu considérable, et qu'on remarque dans le papyrus original beaucoup plus encore que dans cette copie, ne pourroit-elle pas indiquer la diminution progressive des jours depuis le solstice d'été, époque du commencement de l’inondätion, jusqu’à l’équinoxe d'automne, époque vers laquelle elle finit! Mais, pour ne plus parler iciique de faits positifs et constatés par des docu- mens historiques, Hérodote, le plus ancien des historiens Grecs, qui parcourut toute l'Égypte, et qui séjourna à Thèbes, à Héliopolis et à Memphis, nous parle de plusieurs Nilomètres, dont l’un étoit placé dans cette dernière ville (2), MÉMOIRE SUR LE MEQYÀS qui avoit succédé à Thèbes (3) dans son rang de capitale. Hérodote ajoute que tout le pays qui s'étendoit depuis la mer jusqu'à Hélio- polis, ce qui comprend un espace de quinze cents petits stades (4) ou vingt-cmq (1) Le nom du serpent est, en arabe, «xs , hayah, de la racine qui signifie vie et vivre, C’est le serpent qui a toujours été l'emblème de la vie dans les hiéroglyphes. C’est le serpent qui fait manger au premier homme de Farbre de vie. Le dieu des Indes ayant créé lhomme, ïl Jui donna un élixir qui lui assuroït une santé éternelle : homme mit la drogue sur l’äne ; âne eut soif, le serpent lui in- diqua une fontaine; et pendant que l’âne buvoit, le ser- pent vola lélixir, et s’en appropria les effets. (2) Voyez les textes rapportés dans la sixième partie de ce Mémoire. (3) J'ai déjà donné, dans fa première note de mon Mémoire sur les inscriptions Koufiques recueillies en Égypte, une étymologie du nom de Thèbes qui me paroït fondée; cependant, une autre étymologie non. moins probable se présente, quoiqu'il soit possible de les réu- nir toutes deux , sinon par la céntexture grammatique, du moins par le sens, et de n’en faire qu'une seule et même dont une seroit la traduction de lautre. Plus on s’occupe de ancienne langue des Égyptiens 3 plus on est convaincu qu’elle avoit la plus grande af- nité avec celles des Hébreux, des Éthiopiens, et avec les autres langues Orientales collatérales, et nous en avons déjà vu ci-dessus plus d’une preuve dans l’expli- cation des différens noms du Nil : or, dans les langues Orientales, le mot racine mn houb.signifie HABITER; de ce mot a été formé Le dérivé "3" thabeh ou thebeh, HAB1- TATION, nom qui a été employé par cette raïson dans la Genèse pour désigner d’une manière spéciale l'arche, lhabitation flottante que Noé avoit construite pour échapper avec sa famille au déluge. ( Castell, col. 3863.) Ainsi, dans [a première étymologie , Thèbes étoit LA VILLE; dans la seconde, elle seroit L'HABITATION par excellence. .Cette racine se trouve conservée dans le chaldéen, où Jon trouve 3% et sn sedit, mansit, habitavit, habitare fecit, collocavit, id. q. Heb. mr: srnR habitatus est, SN posuit se, YVAN habitatus, inhabitatus est, 5n habita- bilis, sr habitatio, San“ et 2 habitatio, habitacu- lum, sedes, consessus, familia, 3rn et MA incola , inquilinus | MN sessio, NINND habitatio. Syr. SM, id. g. Chald. et ibid. versatus est, slot sedere fecit , cellocavit. Ethtaph, sedit, sedere fecit, \=N habitatio, habitaculhum, sedes, mansio, vernaculus, sedens , habitator, incola , habitabilis, \sles et Sas se- des , habitatio , sessio,, \slol incola , inquilinus , 1 aslo) incolatus, Sam. Sxm id. q. Chald. 349% consessus, habirato- res, &c. ( Castell, col. 1652.) J'ajouterai qu’en arabe C3 5 signifie habitavit : abs architectus, structor , ædificator domäs ( Castel}, c. 3852). © congregati fuerunt, in unum convenerunt homines ( idem, col. 3876). (4) Trente de nos lieues et troïs cinquièmes. On sait que le stade étoit la mesure la plus usitée chez les Grecs. Il est question, dans Hérodote, de deux espèces DE L'ÎLE DE ROUDAH. | ya schœænes {1}, étoit généralement bien arrosé par le fleuve, qui y portoit en abon- dance un limon fécondant. Un peu plus loin, il rapporte que les prêtres du temple de Vulcain à Memphis, auprès desquels il recueilloit ses matériaux histo- riques, lui racontoient que, neuf cents ans auparavant, sous le roi Mœris, toutes les fois que le fleuve croissoit de huit coudées, il arrosoit l'Égypte au-dessus de Memphis; et il observe qu'à l’époque de son. voyage, toutes les fois que de fleuve ne montoit pas à seize coudées ou au moins à quinze, il ne se répandoit pas sur les terres (2). Hérodote parle aussi d’une colonne qu'on avoit élevée dans un endroit de l'île Delta pour servir de Nilomètre. Quelques auteurs ont pris ce Nilomètre pour celui que lon voit encore de nos jours, confondant ainsi l'île Delra avec celle de Roudah, dont il n’existoit probablement pas la moindre partie du temps d'Hé- rodote, et qui paroît avoir été formée dans des temps postérieurs par les attéris- semens successifs que produisent chaque année les eaux du Nil (3). CHAPITRE IL Des Nilometres sous les Perses. CamsByse, fils de Cyrus, vint subjuguer l'Égypte avec une armée considérable qu'il leva dans ses états ,-et à laquelle il joignit les troupes des Toniens ét des Éoliens, qu'il regardoit comme esclaves de son père (4). Après ce prince, les rois de Perse ses successeurs possédèrent cette contrée pendant un assez grand nombre d'années, jusqu'au règne de Darius; mais ils pa- roissent s'être plus occupés de détruire que de:construire : les Nilomètres, ainsi que tout ce qui pouvoit importer à l'administration intérieure et au bonheur de l'Égypte, devoient donc bien certainement être indifférens à des monarques qui, ne considérant que comme un pays conquis et tributaire cette contrée éloignée _ du centre de leur immense empire, en avoient abandonné le gouvernement aux satrapes (5) qu'ils y envoyoient, et ne savoient y lever que des impositions arbi- traires , sans aucune base fixe, sans aucune proportion avec les produits annuels, de stades. Le petit avoit $1 toises [environ 99]; il en falloit quarante-neuf plus une toise, pour une lieue de 2500 toises. Le stade Olympique, ou le grand stade, contenant cent orgyies ou six cents pieds Grecs, avoit 94 toises et demie [environ 184" ]; et vingt-sept de ces stades moins cinquante-une toises et demie équivalent à une de nos lieues. (1) Hérodote parle souvent du schæne, mesure Égyp- tienne. Quoiqu'il y en eüt de différentes dimensions, ïl évalue Ie schœne à soixante stades. (2) Voyez les textes Grecs rapportés dans la sixième partie de ce Mémoire. (3) Voyez, craprès, la seconde partie de ce Mémoire. (4) Herodot, Hist, lib. 11, cap. 1. (5) Le mot satrape, TATEXMIS, est un mot de l’ancien persan que les Grecs ont copié sans le traduire. Il y a plusieurs opinions sur Forigine de ce mot. Je ne rappor- terai pas celle de la Bibliothèque Orientale, qui est trop évidemment dénuée de fondement. Suivant M. Anquetil (Mémade PAcad. des inscript. rom, XX XI, pag. 416), « satrapa, nom du gouverneur de Ja province de Baby- »lone, répond à satter-pae : c’est ainsi que les Perses » appellent le ciel des étoiles fixes, qu’ils croient infé- » rieur aux cieux des planètes. En Orient, les vice-rois » prennent quelquefois ce surnom , et réservent au prince . »le titre de khorschid-pae, C'est-à-dire, ciel du soleil, » Le mot sarter-pae peut encore signifier sous l'étoile, » C'est-à-dire, inférieur au roi.» M. Silvestre de Sacy donne de ce nom une étymo- logie bien moins hasardée, et qui semble s'appuyer sur des fondemens plus solides. Woyez les Mémoires de litté- rature, fome Î1, pag. 274 et suiv, 7 2 s'inquiétant peu si = habitans du pays pouvoient, ou non > payer les taxes immo- dérées dont ils les surchargeoïent. MÉMOIRE SUR LE MEQYÀS Ainsi nous ne devons point être étonnés de ne trouver aucune trace d’érec- tion de Nilomètres , ni d'entretien de ceux qui existoïent antérieurement, dans les écrivains qui nous ont transmis {es détails de l'histoire des Perses pendant qu'ils étoient en possession de l'Egypte. CÉPSP MORE AY. Des Nilomerres sous les Grecs. LEs Perses furent chassés de l'Égypte par Alexandre le Grand: Ce prince n’eut pas le temps d'exécuter les grands desseins qu'il avoit sur l'Égypte, et qui l'avoient porté à y bâtir, vis-à-vis de lile‘de Pharos (1}, et près de l'embouchure de Ca- nope (2),sa ville d'Alexandrie (3), destinée par sa situation à devenir la clef et l'entrepôt général du commerce de Fnde: mais il séjourna trop peu dans ce pays pour pouvoir en régler administration intérieure en détail; aussi nous ne voyons rien dans son histoire qui ait rapport aux Nilomètres. Alexandre perdit la vie 324 ans avant l'ère Chrétienne : comme il n'avoit pas laissé de fils en état de saisir et de garder entre ses mains les rênes d’un empire à peine créé, ses généraux, après sa mort, se partagèrent entre eux son Vaste héritage, ét fondèrent différens royaumes dans les diverses portions qui leur échurent. , | Ptolémée, connu sous le double surnom de Lagus et de Jour, fut rendu maître dé l'Égypte par cet arrangement, lan 323 avant l'ère Chrétienne : l'an 285 avant cette même ère, il associa d’abord à son pouvoir son fils surnommé P/r- ladelphe , et le lui laissa ensuite tout entier à sa mort arrivée deux ans après. Ce prince et ses successeurs soccupèrent davantage de l'administration d’un pays qui étoit devenu leur patrimoine, et qui devoit appartenir, après eux, à leurs descendans: aussi nous savons que les Lagides réglèrent les bases du gouverne- ment intérieur et la répartition des impôts en Égypte, Nilomètres en plusieurs endroits du cours du fleuve. et qu'ils établirent des Parmi les monumens de cette espèce (1) Znsula Pharus. Cette île est maintenant une pres- qu'ile qui est réunie au rivage d'Alexandrie par ‘une Îongue jetée. (2) Kéyœmcs ; en langue Qobte, Kahi noub Rss Wo%8 [terre d’or]. On trouve cette ville designée par fe nom de RzNtNOC Kanôpos, dans l'éloge de l'évêque Macaire (Ms. Qobte Vat. 68, fol. 157), et par celui de Carobus dans S.Jérôme, au commencement de la règle ” de $. Pachôme (Codex regularum, ed. Holstenio, 1684, pag. 35» (3) ‘Ant£aydhec, construite trois cent trente-deux ans avant l'ère Chrétienne. C’est dans cette ville que s’est faite la version des Septante, par ordre de Ptolémée Phila- delphe. A l'endroit où Alexandrie a été fondée, existoit qui remontent au moins à l’époque des une autre ville, nommée anciennement Pzokot Rao- Lodi; et Von trouve Alexandrie elle-même désignée sous ce nom et sous celui de Pzrot Rakodi, dans le Dic- tionnaire Qobte- Arabe d'Ebn-Kabar Heu dont j'ai rapporté d'Égypte un très-beau manuscrit. Les anciens Vont aussi connue sous le nom de Rachotis, qui est fe même que le précédent. Quelques auteurs.ont cru que c’étoit cette ville.que les Hébreux avoient désignée sous le nom de /V6 xt. Elle a eu successivement différens autres noms, sous lesquels cependant élle est rarement dé- signée; les principaux sont Polis, Phares, Claudia-Julia, Augusta - Domitiana , &c. Maintenant les Arabes la nomment /skanderyel 5 0x Ril: et les Qobtes modernes, AAEZEU2PIZ, Alexandria, Ptolémées, DE L'ÎLE DE ROUDAH. 73 Ptolémées, on doit remarquer le Nilomètre de l'ancienne Hermonthis, maintenant Erment (1), et sur-tout celui qui, comme Strabon nous l'apprend (2), avoit été construit auprès d'un temple consacré à Cnuphis dans l'ile d'Éléphantine (3), sur les confins de la Nubie (4), et que l'on y à en effet retrouvé. Le Nilomètre de cette Île, qui étoit la clef de l'Égypte du côté du midi, étoit, suivant Strabon, « construit en grosses pierres équarries, et l'on y remarquoit les plus grandes » crues du Nil, les plus petites et les médiocres. Sur les parois du Nilomètre » étoient gravées les mesures d’après lesquelles on constatoit les crues complètes » du Nil et celles qui ne parvenoient pas à ce degré. L'état de ces crues étoit » ensuite communiqué à ceux qui devoient les annoncer publiquement , afin que, » d'un côté, les cultivateurs pussent régler légale distribution des eaux et l’en- » tretien des digues ou des canaux, et que, de l’autre, les gouvernans pussent se » rendre compte de leurs revenus réels; car, ajoute-t-il, plus les crues sont » complètes, plus les revenus sont Sonslértbles (s). » Le Nilomètre qui a été découvert dans cette île, est, en effet, composé dé escalier sur les parois duquel sont indiquées les danse coudées et certaines époques de la crue du fleuve : il fait le sujet du savant et intéressant Mémoire que notre collègue M. Girard a publié dans cet Ouvrage (6), et auquel je me contenterai ici de renvoyer. … Nous savons aussi qu'il y avoit du temps des Ptolémées un Nilomètre à Ele- thyia (7), ville de la haute Égypte, qui a dû son nom au culte particulier qu'on y avoit pour Lucine, appelée Ezerhyia (8) par les Grecs. On voit encore maintenant, dans les restes de cette ville, un espace rectangulaire qui présente un bassin antique , Construit en pierres, et qui paroît, sans contredit, avoir été un ancien Nilomètre. (1) ÆErment ex). Le Vocabulaire Qobte- Arabe d'Ebn-Kabar, que j'ai déjà cité, donne à cette ville le nom d’Ermont , Cpsou, que Kircher a traduit par Ar- mont, AuxwmAc. Le nom d’Ermont, CGpvoxr, se trouve aussi dans le Lexicon Ægyptiacum de la Croze. Cette ville est aussi appelée, dans l'éloge de Pisendi, Proc Cepeznr Dipolis Sermant. Suivant Abou-l-fedà, « cette ville est située dans le » Sa’yd supérieur, sur [a rive occidentale du Nil, au » sud-ouest d’Agsor; son territoire offre des champs cul- »tivés, mais peu de palmiers. » On trouve aussi (Ms. Qobte 46, fol. 176) ce nom écrit Armonth RpHOùNE. Un vocabulaire Sa’ydique de la Bibliothèque du Roi (Ms. Qobte 44, fol. 79 ) porte ÀPHONKEH Armoniké, (2) Strabon, natif d’Amasie en Cappadoce, florissoit sous Auguste et sous T'ibère, vers l’an 14 de l'ère Chré- tienne. On croit qu'il mourut vers la douzième année de Tibère, Pan 25 de l’ère Chrétienne. Ælius Gallus, É. M, TOME II. gouverneur d’une partie de PÉgypte, fut son ami par- ticulier, (3) Maïntenant Gezyret Asouân Glow} sp j> (4) Beléd el-Noubeh 23391 590, et Noubyah I 95 Le Vocabulaire Qobte- Arabe cité ci-dessus donne à ce pays le nom de TAB Di-Lubé ; ce qui doit d'autant moins étonner, que le nom de Libye a été em- ployé par les anciens pour désigner non-seulement la ré- gion septentrionale de l'Afrique, maïs encore une grande partie de lintérieur de cette vaste contrée et même le plus souvent l’Afrique toute entière. (5) Voyez les textes Grecs rapportés dans la sixième partie de ce Mémoire. (6) Antiquités- Mémoires, pag. 1. (7) Einiiæ, maintenant e/- Q4b Gall, en bte Txcurêr Thhébi. (8) ‘Eac/Quia ou Eine/fuiæ et Exeuld, Elithyie, ou Ilithyie, et Eleuthô, déesse qui présidoit aux accouchemens, et que Îles femmes invoquoient pour être heureusement dé- livrées. On croit que c’est la même que Lucine. K MÉMOIRE SUR LE MEQYÀS CHAPITRE V. Nilometres sous les E mpereurs Romains, LEs Romains devinrent à leur tour maîtres de l'Égypte sous Auguste, qui en fit une des provinces de l'Empire. Nous avons bien peu de faits positifs et his- toriques sur les Nilomètres qui ont existé sous la domination Romaine en Égypte : mais, comme le besoin de connoître l'élévation réelle des eaux, pour asseoir d’une manière certaine la répartition des impôts sur leurs nouveaux sujets, étoit le même pour ce gouvernement que pour celui qui l’avoit précédé, nous devons croire que les Romains ont entretenu avec quelque soin les monumens anté- rieurement construits pour constater cette évaluation; il ne paroît pas cependant qu'ils en aient construit de nouveaux. Ælius Aristides (1), surnommé # Rhéreur ou 4 Sophiste, qui fut à-la-fois philosophe et orateur célèbre, et qui, sous le règne de Marc-Aurèle, vers le milieu du second siècle de ère Chrétienne, parcourut non-seulement l'Asie mineure, la Syrie, la Palestine et la Judée, mais encore l'Égypte toute entière jusqu’au-dessus des cataractes, nous donne quelques détails sur les Nilomètres qui existoient de son temps. Cet auteur nous assure lui-même qu'il a observé et mesuré avec le plus grand (1) Ælius Aristides [ Afnoc Aerseidue] étoit fils d'Eudæ- mon, dont, suivant Philostrate, quelques auteurs lui donnent aussi le nom, et qui étoit philosophe et prêtre de Jupiter Olympien : il naquit lan de Rome 882 [129 de ère Chrétienne], la douzième année de l'empire d’A- drien, sous le deuxième consulat de Juventius et de Mar- cellus, à Hadriani["Adearo], petite ville de la partie dela Mysie ou Bithynie qui est voisine du mont Olympe et du temple de Jupiter, Quelques-uns cependant prétendent qu'il étoit né à Smyrne : ce qui à pu fonder cette opi- nion, c’estque deux épigrammes de l’Anthologie Grecque ui donnent le titre de Zwpraios, qui se trouve égale- ment inscrit sur une statue de ce philosophe que le pape Pie IV à fait placer dans la bibliothèque Vaticane, avec cette inscription : Roma, tuum nomen totumi licèt tmpleat orben, Majus Aristidis fit tamen eloquio. I est vrai qu’Aristides passa une grande partie de sa vie à Smyrne, dont il fut le bienfaiteur et le sauveur. En effet, cette ville ayant été ravagée et presque entiére- ment détruite par des tremblemens de terre, Aristides obtint d'Antonin qu’elle füt reconstruite. Les habitans lui décernèrent en reconnoissance le droit de cité, et lui élevèrent une statue d’airain dans leur gymnase ou leur place publique, avec une inscription dans laquelle il étoit qualifié de fondateur de Ia ville [oise mis Suupme]. Il fut attaqué dés sa jeunesse d’une maladie nerveuse, mais qui ne Fempêcha pas de se livrer à Fétude. Après avoir étudié la grammaire sous Alexandre de Cotyée, il se forma à l’éloquence sous Hérode Atticus à Athènes, Aristocles à Pergame et Polémon à Smyrne. Après son voyage d'Égypte, ilse rendit à Rome, où il fut honoré de la faveur de l’empereur Marc-Aurèle. IT fut atteint, dans son voyage, d’une maladie de Jangueur dont il ne guérit qu'au bout de dix ans, maïs pendant laquelle il ne céssa point de s’occuper tout entier de ses travaux littéraires. _ Il mourut à l’âge de soixante ans, dans sa patrie, sous le règne de l’empereur Commode. Quelques biographes cependant le font mourir dix ans plus tard, à Smyrne en [onie. Les écrits d’Aristides sont tous dans le gente oratoire et panégyrique. Une partie de ses œuvres a été publiée pour la première fois, en grec seulement, à Venise, en 1513; à la fin de lédition d’Isocrate imprimée par les Aldes. Quatre ans après, les Juntes en publièrent une seconde édition à Florence, en 1517. Mais ces deux édi- tions sont très-défectueuses. Une païtie des fautes et des omissions qui déparent ces éditions, a été corrigée dans la traduction donnée par J. Oporin en 1566, et dans édition publiée par P. Estienne, à Genève, en 1604. Maïs [a meilleure de toutes celles qui ont paru , celle dont je me suis servi, est édition Grecque et Latine, en, deux volumes in-4°, qui a été publiée en Angleterre sous le titre suivant : Ælii Aristidis Adrianensis Opera omnia, græcè et la- tinè, in duo volumina distributa; cum notis et emendatio- nibus Gul, Canteri, Tristani, Palinerü, T, Fabri, Span- hemii, Normanni, et Lainberti Bossii ; adjunctis insuper veterum scholiis, et prolegomenis Sopatri Apameensis, ab erroribus ut plurimüm repurgatis, Græca, cum manu- scriptis codicibus variis et præstantissimis collata , recen- suit , et observationes suas adjecit, Samuel Jebb, M. D, Oxonïii ,é theatro Sheldoniano, 1730. Impensis Davidis Lyon. A DE LILE DE ROUDAH. 7 $ soin tous les monumens de ce pays célèbre, après avoir consulté non-seulement les livres où il en étoit question, mais encore les prêtres et les savans qu'il pouvoit rencontrer dans chaque ville. | I paroît qu'il a fait sur-tout de très-grandes recherches relativement à l’origine du Nilet de ses débordemens, et il rapporte que, de son temps, on mesuroit encore le Nil à Koptos (1) et à Memphis. Suivant lui, pour que l'inondation fût alors complète et avantageuse, l’eau devoit monter dans le premier de ces Ni- lomètres à vingt-une coudées (2). CHAPITRE VI Des Nilomètres sous les Empereurs d'Orient. Jusqu'au règne de l'empereur Constantin, le Nilomètre portatif avoit été conservé dans le temple consacré à Sérapis : ce prince, ayant embrassé le chris- tianisme, se montra jaloux de fonder et d'étendre les prérogatives de cette religion sur les débris de celle qu'il avoit cessé de suivre. Les Égyptiens, attachés à leur culte, prétendoient que c'étoit à Sérapis qu'ils étoient redevables de laccroisse- ment annuel du Nil, qui arrosoit périodiquement leur contrée; et pour obtenir cette faveur, ils avoient coutume, après le mesurage , de reporter religieusement au temple de ce dieu la mesure qui avoit servi à cette opération, et qui por- toit le nom de coudée du Nil. Constantin ordonna que ce. Nilomètre seroit dorénavant déposé dans une église (3) d'Alexandrie; le bruit se répandit alors en Égypte quercette année, par suite de la colère de Sérapis, le Nil ne monteroit pas. Cependant l’inondation n'en eut pas moins lieu cette année et les années suivantes. _ Julien lApostat, qui rendit au paganisme tous les anciens priviléges dont ses derniers prédécesseurs lavoient dépouillé, fit replacer le Nilomètre dans le temple de Sérapis (4), où il resta jusqu'au temps de Théodose le-Grand, qui ordonna de l'en retirer, et détruisit le temple lui-même (5). - Nous n'avons pas d’autres renseignemens concernant le Nil et les Nilomètres jusqu'à la conquête de l'Égypte, faite par les Arabes sous la conduite d'A’mrou ben’el-A’as (6), sur les empereurs Grecs de Constantinople, lan 19 de l’hégire [604 de l’ère Chrétienne |. Mais, avant de nous occuper des Nilomètres élevés en Égypte depuis la con- quête de cette contrée par les Musulmans, je vais jeter un coup-d'œil sur les (1) Koné | en arabe, Qeft ou Qoft b:5 ]. Le nom de ‘pris celui de Qobtes ou de Cophtes, par Ta ils sont cette ville dans la langue Qobte s'écrit ordinairement maintenant désignés. Reur Keft. Cependant un vocabulaire Sa’ydique (Ms: Qobte 43, f01. 58) offre REB-yecr Ke, et un autre (Ms. Qobte 44, fol. 72), REITTO Kepto. Abou-l-fedà , el-Edricy et A’bd-el-Rachyd el- Bakouy nous donnent quelques détails sur cette ville, Plusieurs auteurs ont pensé. que c’est du nom de cette (5) Jac. Gothofred. ad Cod. Theodos. t. VI, f. 273. (2) Voyez les textes Grecs rapportés dans la sixième partie de ce Mémoire. (3) Socrat. Hist. eccles, Kb. 1, cap. 18, pag. 47. (4) Sozomen. Ælist, eccles, lib. V, cap. 3, pag. 183. ville de la haute Égypte, que les naturels du pays ont (6) Voyez, ci-après, la note sur ce général Musulman. É, M. TOME II. ue 76 MÉMOIRE SUR LE MEQYÀS auteurs Orientaux qui ont traité de ces monumens, et sur les traditions qu'ils rapportent à ce sujet pour les temps antérieurs à l'hégire. CHAPITRE VIT Des Auteurs Orientaux qui ont traité du Nil er des Nilomètrres. NON-SEULEMENT el-Magryzy et.el-Soyouty, sur lesquels j'ai déjà donné ci- dessus des détails assez étendus#{r) , mais encore les principaux historiens ou géo- graphes qui ont écrit sur l'Égypte, ont consacré dans leurs ouvrages, les uns des chapitres entiers, les autres au moins quelques lignes, au Nil et aux Nilo- mètres : dont j'ai déjà parlé ci-dessus (2) ; el-Qodày je citerai particulièrement parmi ceux-ci, Abd -el-latyf et Ben-Ayäs, (3); A'bd-er-rachyd el-Bakouy (4), dont j'ai publié des extraits au Kaire (5), et A’bd-el-Hokm (6), auquel nous (1) Pag. 40, notes 1 et 3. (2) /bid. notes 2 et 4. (3) El-Qodé’y «sal. Cet auteur célèbre, dont le nom entier est Abou A’bd-allah Mohammed, ben-Salä- met , ka LU Das avoue sl , a été surnommé e/-Qo- d&y du: nom d’une tribu des Arabes appelée Qodé’h, Len trois ouvrages. Le premier est une histoire particulière d'Égypte, intitulée Kiräb el-Khotat LLZT LES [Livre des divi- sions territoriales], et le plus souvent citée sous le titre de Khotat Qodä’y çsla5 Eba [Divisions territoriales de Qodxy |. Le second contient lhistoire des patriarches et des prophètes, suivant les traditions Musulnanes, et est inti- tulé Kiäb el- Anbé ou-el- Anbyâ Las, Lyl SU [le Livre des avertissemens et des prophètes ]. Le troisième enfin, qui est le plus considérable, et qui , dont il étoit originaire. Nous avons de lui se trouve à la Bibliothèque du Roï, est intitulé 7&rykh el- Qod&y «tail AS Chronique d’el-Qody]; il comprend une histoire universelle depuis Ia création du monde jusqu’en l’année 411 de l'hégire [1020 de lêre Chrétienne], qui fut la dernière du règne du khalyfe Fa- témite e-Häkem be-amr illah wÙ ;eb 45 EN en Égypte. (4) Lenom entierde cet auteur est 4”’/y A’bd-er-Rachyd ben Säleh ben Noury «6593 (53 dl ur il de de. IT fut surnommé el-Bakouy «6 )|, parce qu'il étoit originaire de Bakouyeh 239 , Ville assez considérable, située dans la contrée de Derbend 545,5 ; sur le bord de la mer Caspienne. C’est du nom de cette ville que quel- ques géographes ont donné à cette mer méditerranée celui de mer de Backu ou de Bachä, Abd-er-Rachyd nous apprend lui-même, dans son ouvrage, que son pére, qu'il nomme e/-imäm el-a’älem Saleh ben - INoury Lys L» die FU, LYI, étoit né dans cette ville; qu'il suivoit [a secte orthodoxe de l’imäâm el-Chäfe’y li}, et qu’il parvint à une vieillesse très-reculée. L'année de la naïssance d’A’bd-er-Rachyd n’est pas connue d’une manière bien déterminée; mais ce qu'il y a de certain, c’est qu'il écrivoit en lan 806 de lhé- gire [r403 de l’ère Chrétienne]. Son ouvrage est intitulé Kitéb talkhys el- atär fy a’gâyh el - melek el - ahér 10) gl M] te + 3E5Y) ue “ske [ Livre exposant les traditions sur les merveilles du roi tout-puissant |: il contient une géographie universelle, rangée suivant l’ordre des climats, et dont la composi- tion a été achevée l'an 815 de l’hégire [1412 de l’ère Chrétienne ]. Ce géographe, dont les écrits sont moins connus que ceux de HER d’autres auteurs de l'Orient dont la réputation s’est étendue ir nous, donne cependant des détails très-précieux, quoiqu’au reste il offre, comme tous les écrivains Orientaux, des inexactitudes et quelques récits fabuleux qui tiennent à lenpe ignorance générale sur l’ancienne histoire. Je possède un trèsbel exemplaire manuscrit de cet ouvrage, qui se trouve aussi à la Bibliothèque du Roi (Miss. Arabes, n° 585), maïs qui, dans le Catalogue des manuscrits Orientaux de cette bibliothèque, ainsi que dans la Notice qu'en a donnée M. de Guignes, est attribué mal-à-propos à Käkousy ä=t. (5) Voyez la Décade Égyptienne, journal littéraire et d'économie politique, publié au Kaïre, tom, 1.7, pag. 248 et 276, et tom, JT, pag, 145. (6) On cite le plus souvent sous le nom d’A’bd-el- Holin was, cet historien, dont le nom entier est Abou-l-Qäsem A’bd-elrahinan ben A’bd-allah ben A°bd-el- Hokm l'on Us al DAC (y UP l vxe pli a}, et qui a été surnommé e/-Qoreychy ç& 339]. Son ouvrage, qui porte letitre de Forouh Masr ou akhbär-h& oué qälym - hà Las, B,ust, 2e gs [Conquêtes de Egypte, son histoire et ses provinces], est souvent cité par el-Soyouty, et se trouve à la Bibliothèque du Roï (Mss. Arabes, n,° 84 ). Il ne doit pas être confondu avec un autre livre historique qui porte presque le même titre, et qui se trouve dans là même bibliothèque : ce dernier a été composé par Abou el- Raby& Soleymân ebn Sälem el-Kolly AI FL row Lot oh, sous le titre de Fotouh Masr Tarâbolos Afryqyah ou T'râq.. &bes tr) ut pi de ét contient l’histoire des con ee faites par les armées Musthmänes de l'Égypte, DE L'ÎLE DE ROUDAH. 77 devons histoire des différentes conquêtes qui ont été faites de l'Égypte, avec une description historique et géographique de ce pays, dressée d’après les relations d'Abou-l-Qâsem ben Khalif (1), plus connu et plus souvent cité sous le surnom d'el-Ouägdy (2). | Mais il y a aussi plusieurs ouvrages qui traitent d’une manière spéciale et par- ticulière du Nil et des monuméns qui y sont relatifs : on peut remarquer parmi ceux-ci un traité assez étendu (3), composé par Aly ben-Mohammed, ben- Doräem, el-Mousaly (4), surnommé Täg ed-dyn (s), qui mourut l'an 761. de l'hégire [1361 de l'ère Chrétienne]. pa: Il ya, sur le même sujet, un autre ouvrage composé par Ahmed ben-Yousouf (6), surnommé e/-Neyggächy (7); ce dernier traité (8), qui est écrit en prose rimée, est cité avec éloge par el-Soyouty dans la préface de son grand ouvrage sur l'Égypte. Ahmed Chehäb ed-dyn (9) a aussi composé un ouvrage spécial sur le Nil, lequel traite de son excellence sur les autres fleuves , de son origine, de son cours, et de ses accroissemens et décroissemens périodiques. Cet ouvrage se trouve parmi les manuscrits Orientaux de la Bibliothèque du Roi (10). Les Orientaux se plaisent à entreméler tous leurs écrits de prodiges et de récits extravagans , auxquels ils donnent une entière confiance. Quoique les tra- ditions que je vais rapporter sur les Nilomètres anciens, présentent évidemment pour la plupart un caractère de merveilleux qui leur ôte toute croyance , et joignent aux narrations qui pourroient avoir quelque apparence de vraisemblance, des circonstances qu'onne peut sempêcher de réputer fabuleuses, jai cru cepen- dant devoir, dans l'exposé que jen donncrai, ainsi que.je l'ai toujours fait dans les extraits que j'ai déjà publiés d'auteurs Orientaux, ne retrancher aucune de ces fables; ces fictions nous donnant lieu d'apprécier plus exactement l’état des connoissances dans l'Orient, à l’époque où ces auteurs écrivoient. de Ha Tripolitaine, de PAfrique proprement dite, et de Vl’ràq Arabique. : A’bd-eL-Hokm est souvent aussi désigné sous les noms d’Ebn A’bd-el- Hokm r& we Yet de Ben A’bd-el- Hokm 41 DE pie (1) Abou-l-Qâsem, ben Khalëf, Ga LU? pe ol ° (2) Æl- Ouäqdy sos) . Cet écrivain, suivant Myr- khond , vivoit sous le khalyfe el-Mämoun; il est auteur d'un ouvrage intitulé Syer où Maghäzi «) Ge, jade signifie littéralement, dans ces trois langues, couronne, diadème royal : il entre dans la composition de plusieurs noms propres et de plusieurs titres d'ouvrages. Parmi ces derniers, on remarque sur-tout le livre historique intitulé 74o el-teouârykh ll eb [la Couronne des annales ], et composé par Mollä Sa’det ed-dyn Moham- med Hasan yu> was Lui ie ds, connu sous le nom de Xhogah effendy soil x> 8 , Et Qui mourut lan 1008 de l’hégire [1509 de lêre Chrétienne]: cet (3) L'auteur de cet ouvrage lui a donné le titre sui- vant: Xirâb el-ensäf el-delyl b-el -delyl fy antäl el- Nyl MA JE] & Mob Mol! Gas “be [le Livre des décisions justes, fondé sur des raisonnemens et des preuves concernant le cours du Nil]. J’ai appris qu'il se trouvoit parmi les manuscrits Orientaux de la Bibliothèque du Roi; maïs je n’ai pu Le vérifier. (4) A, ben Mohammed , ben-Doräe’m, el Mousaly, cell ee|,s L ne LC cs (5) Zâg ed-dyn (5s0)| cb [la Couronne de Ia reli- gion ]. Le mot s4g cb, qui est Arabe et Persan, ‘et qui est le même que le mot 144 muy des Arméniens, ouvrage contient l’histoire de l’empire Ottoman depuis le sultan O’tmân jusqu’à la fin du règne de Selym IL.er (6) Ahmed, ben Yousouf, Cm 9 a?|, (7) El-Noyggächy SE. | (8) Cet ouvrage est intitulé, Séga” el-hadyl fy akhbér el- Nyl Jait ;Lal & dudll et [le Discours rimé ou le roucoulementde la colombe sur les histoires du Nil]. (9) Le nom entier de cet écrivain est Ahmed Chehäb ed-dyn , ebn Hamäd, Y) oil lei ar, (10) Miss. Arabes, n° 817. Ce manuscrit a appartenu à Colbert : l'auteur y traite aussi des pyramides et de ce qu'il y a de plus remarquable en Égypte. MÉMOIRE SUR°LE MEQYÀS 70 D'ailleurs il faut aussi considérer que les fables semées par les Orientaux dans leurs histoires peuvent souvent n'être que la vérité plus ou moins défigurée, qui subsiste toujôurs sous l'enveloppe grossière dont la crédulité et l'erreur se sont plu à fa couvrir; et peut-être appartiendroit-ïl à une saine critique de soulever ces voiles épais, pour tirer quelques lumières de cette masse mcohérente d'opinions hétérogènes, de ce chaos de systèmes différemment altérés, qui cir- culent chez tous les peuples de l'Orient ; peut-être, par une discussion éclairée, seroit-il possible d'y ressaisir quelques faits réels, quelques vérités exactes, qui jusqu'ici auront pu échapper aux’ yeux les plus pénétrans et les plus attentifs. CHAPITRE VIIL Traditions des Auteurs Arabes sur les Nilometres antérieurs à l’Islamisme. Si l'on devoit avoir quelque croyance aux traditions recueillies par les anciens historiens Arabes , et qui se trouvent rapportées dans les ouvrages d’A’bd- el-Hokm {1}, de Soyouty et d'el-Qodäy (2), le patriarche Joseph (3), auquel les Musulmans donnent le titre de prophète (4), et qu’ils racontent avoir été prin- cipal ministre du roi d'Égypte Fera’oun (x) Woyez les textes Arabes rapportés dans [a sixième partie de ce Mémoire. (2) Voyez les textes Arabes rapportés dans fa sixième partie de ce Mémoire. | (3) Yousef, ou Fousouf, ben Ya‘qoub, C2 (y Cowy [ Joseph fils de Jacob]. A’bd-er-Rachyd el-Bakouy er el-Meydäny àloall lui donnent le titre d’Fousef el-Sadyq geo) tôwss [Joseph le Juste]. Les écrivains Arabes le désignent quelquefois par le nom d’Yousef el- Yhoudy Dee t5w33 [Joseph le Juif]. Son nom est dans une telle vénération dans tout l’Orient, que la plupart des Musulmans ne Vlécrivent jamais sans y joindre [a formule respectueuse : A’leyhi es-selät ou el-seläm Jul, & Na} sale [ Que la bénédiction et le salut de paix soient sur lui]! Ilsest souvent question de ce patriarche dans le Qorän. Un des chapitres de ce livre porte même le titre de Sourat Vousef como 8 ÿ3u [Chapitre de Joseph]. Le célèbre professeur Th. Erpentus a donné une édition séparée de ce chapitre, qu'il a publié avec une traduction Latine interlinéaire, sous le titre de Goal ie coup En, Historia Toséphi patriar- chæ, ex Alcorano arabicè , cum triplici versione Latina et scholiis Thomæ Erpenü. Leydæ, ex typographia Er- peniana linguarum Orientalium, 1617. A’bd-er- Rachyd el-Bakouy rapporte que, « dans la » ville construite par Fera’oun, ét maintenant abimée » par les sables, on voyoit la prison où fut autrefois ren- » fermé Joseph. » (4) Maby «si. Voyez ci-après la note sur ce mot. (s) Ferd'oun ou Fira’oun (553$ est le nom Arabe du prince que les Hébreux appeloient Ferd’eh ou Fera’oh “jyhp, et que nous nommons Pharaon: maïs ce nom chez les Orientaux n’est pas le nom propre particulier d'un seul (s), seroit le premier qui auroit mesuré roi ; c’est une dénomination générale et un titre attribué par enx à tous les anciens rois des Égyptiens, comme celui de Ptolémée Va été aux rois d'Égypte successeurs d'Alexandre, ceux de César et d’ Auguste aux empereurs Romains, celui de Mirhridate aux rois de Pont, celui d’Anñtiochus aux rois de Syrie, ceux de Midas et de Gordius aux rois de Phrygie, ceux de /Vicomède et de Prusias aux rois de Bithynie, et celui de Srraton aux rois de Phénicie. Le nom d’A4by-Melek sn "3 étoit de même commun aux rois des Philistins, celui de Æyram M aux rois de Tyr, celui d’Agag 38 aux princes des tribus Arabes nommées Arnalécites par les Hébreux, celui de Tobba’ A5 aux rois de PYémen, celui de Mondar ya aux princes de Plrâq, celui d’Abgar aux rois d'Edesse, celui d’Afrasyäb aux rois de Tourân, celui de Roustoun à ceux du Sedjestan , celui de Kay «& aux rois de Fran, celui de Chosroës [Khosrou 7 en persan, et Kesrä çgymtsen arabe] aux rois dé la dynastie des Sassanides en Perse, comme aussi le titre de Sophy [Sofy 29? ] a été commun à une autre dynastie des rois dé Perse, et comme celui de Sultan [Soulrän «lu ] l'est encore aux empereurs Turks de Constan- tinople. J’ajouterat que le mot DB hazéé, qui en langue amharique veut dire souverain, est un prénom ou titre générique dont les rois d’Abyssinie ont coutume de faire précéder leurs noms propres. J’ajouterai ici, comme très-remarquable, le passage suivant, extrait du deuxième tome des Voyages de Le- vaillant (Voyages de M: Eevaïllant dans Pintérieur de VAfrique par le cap de Bonne-Espérance dans les an- nées 1780-1785 ): DE L'ÎLE DE ROUDAH. a les accroissemens périodiques du Nil; et comme les Égyptiens se sont toujours plu à lui attribuer la construction de tous les monumens qui les étonnent et qui portent un caractère extraordinaire de grandeur, ces mêmes traditions ajoutent que ce fut aussi Joseph qui établit le premier Nilomètre dans la ville de Monf (1), connue des Grecs sous le nom de Memphis. A'bd-er-Rachyd el-Bakouy dit, en parlant du Fayoum (2): « On y voit un » canal considérable auquel sa grandeur à fait donner le nom de ffeuve dn ‘& Dans la Caffrérie, le roi porte encore le nom de » Pharao, quia beaucoup d’analogie avec Pharaon ; il » pourroit se faire que ce nom fût une qualité plutôt » qu'un nom propre dans la langue, et transmis par la » tradition. » Kryghouryous Abou -l-farag ex | Pre , que nous nommons vulgairement Grégoire Abulfarage, . dans son ouvrage intitulé 7érykh mokhtesar el-douâl Jliull axe es [ Histoire abrégée des dynasties ], fait mention de trois roïs d'Egypte de la dynastie des Pharaons. Celui qu’il désigne par le nom d’Ebn-Sânes us uw! [fils de Sänes], est, dit-il, le premier qui fut appelé Fe- ra’oun, et c’est de lui que les rois qui lui ont succédé ont reçu ce titre. Un autre Pharaon, auquel il donne le nom d’Amoun- fätys uit, ou d’Afoungätys us, est, selon lui, le prince devant lequel parut Moïse, et qui périt dans [a mer Rouge. La ressemblance de ce nom avec celui d'Amenophis peut faire croire que c’est le prince que les Grecs ont désigné sous ce dernier nom. Le troisième Pharaon dont parle Abou-l-farag, est celui qu'il dit avoir été surnommé INikhäout AE il ajoute que, dans là langue Égyptienne, ce mot signi- fioit le boiteux , le contrefait, On retrouve en effet encore dans le qobte moderne es mots Niäghô Nix [le bossu] et MWiché Nix [le paralytique, limpotent]. Le mot même de Pharaon retrouve aussi son étymo- Jogie dans la langue Qobte, le verbe Oro Oxpo signifiant réoner, et avec Particle, phi-Ouro Proxpo ou pha-Ouro Dxovxpo [ Ie roi, le prince ]. On donne encore différens autres noms au Pharaon qui régna en Égypte du temps de Moïse: les Musulmans de désignent par celui de Oualyd o,; les Chrétiens Orientaux lui donnent celui d'Amyous FLE nom qui paroît être le même que celui d'Amasis que les écrivains Grecs nous ont fait connoître. Les Syriens prétendent qu'il se nommoit Falmythous go A SDS. Ce der- nier nom, vraisemblablement, est le même que celui de Pharmethis que les Grecs donnent aussi à un des anciens rois d'Égypte. L'histoire de ce Pharaon se trouve éparse dans le Qorän, sur-tout dans le vire chapitre, intitulé Sourat el- Au’rôf Ç5 LeYl 5 39 3 lex.<, Sourat Vounes is Eos, et le x11.°, Sourat el-Moumin os! 8 jgu. . Les Orientaux attribuent en général à Pharaon la construction de la” plupart des anciens monumens de l'Egypte, et croient que ce prince les fit élever pour y enfermer ses trésors, en y plaçant des talismans qui empêchent qu'on ne puisse les découvrir. . Les Arabes emploient communément le nom de Pha- raon dans un sens beaucoup plus étendu, en s’en ser- vant pour exprimer généralement un tyran, un prince cruel et impie; et ce même nom, précédé de l’article [ el-fera’oun We al |, est encore un de ceux par lesquels ils désignent le tyran du Nil, le crocodile. (1) Monf ou Menf çire , nommée par les Qobtes DUeux Mefi. Voyez le Vocabulaire Qobte - Arabe d'Ebn-Kabar, cité ci-dessus. Le lexique de Montpellier porte aussi ef Dex À et on lit de même dans les actes de S: Apater ( Ms. Qobt. Vatic. 63, fol, 66); mais la version Qobte du pro- phète Ézéchiel, c, XXX,N. 13 et 16 (Ms. Qobt. 2 A), offre ce nom écrit de trois manières, A/efr Üecu, Memfr esse, et Memfe Ur. Enfin on lit Memnbe Urssee dans deux vocabulaires Sa’ydiques de Ia Bi- bliothèque du Roi (Ms. Qobt. 43, fol. so; Ms. 44, fol, 79). (2) pal el-Fayoum; en langue Qobte, Ph-iom 1029. Ce mot se trouve employé dans Îles actes de S. Apater, ci-dessus cités, et est écrit de la même manière dans les lexiques Memphitiques et dans un vocabulaire Sa’ydique de la Bibliothèque du Roi (Ms. Qobt. 43, Jol, so); les deux autres vocabulaires du même dialecte (Ms. Qobt. 44, fol. 70, et Ms. Qobt. 46, fol. 179) écrivent P-iom [L1o2s. On sait que cette province est l’ancien nome Arsi- noïte; et cette identité n’a pas été inconnue aux auteurs des vocabulaires Sa’ydiques , dont Fun (Ms. Qobt. 44) rend Je mot Grec par Arsenoe APCENDE, et l’autre (Ms. Qobt. 43), par Arsenikon APCENIKON. Quant à Pétymologie du nom de Ph-iom Diozs., elle ne sauroit être douteuse : le mot om 1022, en langue Qobte, avec Particle pk, signifie la mer ; et il est certain que cette province a reçu ce nom à cause du grand lac qui la borde du côté de l'occident. Les Arabes ont conservé le mot Qobte, auquel ils ont ajouté Jeur article al (J). EI-Masa’oudy,, cité par Ma- qryZy, prétend au contraire , maïs sans fondement , que cette syllabe fait partie intégrante du mot, et le lit e/£youm parall , dans lequel ïl reconnoît les deux mots Arabes alf «51 [mille] et poum ps [jour ]. . Je transcrirai ici et dans les notes suivantes quelques passages d’A’bd-er-Rachyd el-Bakouy relatifs à cette contrée, à sa ville capitale et au grand Jlac dont elle a pris son nom. « Le Fayoum, dit-il, est une belle contrée sur Ja rive » gauche du Nil, située à l'occident de Mesr, et qui » est sur-tout remarquable par sa grande fertilité et par » labondance de ses productions variées. » 80 » Fayoum (1); mais le nom sous lequel il'est le plus généralement connu, est » celui de canal de Joseph(2). MÉMOIRE SUR LE MEQYÀS On a donné ce nom à, ce canal, parce qu'en » cffet la tradition rapporte que ce fut Joseph qui le fit tracer et qui construisit » en même temps des levées hautes et épaisses que l’on voit aussi dans cette contrée » près de la ville de Fayoum (3); ce fut aussi lui qui fit creuser.le grand lac appelé » lac du Fayoum (4), ou mer du-Fayoum ($), et qui porte aussi le nom de #er » de Joseph (6). Tous ces travaux avoient pour but de rassembler les eaux de » l'Égypte supérieure, et d'en former comme un dépôt et ,un grand réservoir, » afin de fournir les eaux nécessaires au pays, lorsque celles du Nil nesseroient » pas parvenues à une quantité sufhisante. On assure que Joseph fit aussi construire » autour de ce lac trois grandes villes et cent soixante villages, dont la position ».étoit une des plus agréables de toute l'Égypte. RUN El-Magqryzy fait aussi mention de ces mêmes traditions, et dit, dans le chapitre de son ouvrage où il traite du Fayoum, que Joseph, ayant déterminé les bases de l'administration pour cette contrée, mesura toute la terre d'Égypte et fixa les degrés des eaux du Nil, de telle sorte que toutes les terres fussent arrosées régu- lièrement et d’une manière égale et suffisante. D’autres historiens attribuent la fondation du premier Nilomètre à el Hächem (7) ou Haslym (8), que quelques manuscrits nomment aussi Xhaslym (9), ajoutant qu'ilavoitélevé autant de colonnes Nilométriques en Égypte qu'il y a de jours dans Fannée, Les uns placent le premier Nilomètre à Amsous , les autres à Memphis. Plusieurs autres auteurs Orientaux reculent beaucoup plus encore érection du premier Nilomètre, et prétendent qu’elle est antérieure au déluge : selon eux, la construction de presque tous les monumens de la haute Égypte, et même de quelques-uns de la basse, tels que les pyramides, a précédé cette catastrophe. Ils attribuent aussi la fondation des principales villes du‘ Sa’yd à une dynastie anté- diluvienne, composée de dix-huit princes auxquels ils donnent le titre de Xähen (ro). Je joindrai ici la traduction du chapitre suivant (11) d'el-Soyouty, qui contient leur histoire, rapportée aussi plus au long et avec quelques variantes dans le grand ouvrage d'el-Magryzy (12). Ce chapitre, qui est très-court et qui n'a jamais été 1ar el- j ti À ie Ven Ge (3) Medynet el-Fayoum anal äsue . A’bd-er-Rachyd rapporte que « la ville de Fayoum est placée dans un » ment épais, qu'ils dérobent la vue de ses eaux, qu’on » n’aperçoit qu'avec peine à travers leurs feuillages. » (s) Bahar el- Fayoum pal Jé (6) Bahar Vousef Lowys 34. (7) E1= Hächem pile! à (8) ÆZaslym pes ; (9) Khaslym (10) Kähen 58 [grands prêtres rois].Les Arabes mo- » terrain bas, et entourée parles eaux du Nil; maïs qu’elle ‘nest garantie des inondations, du côté de Ja ville, par de » fortes digues solidement construites. » (4) Bahyrer el- Fayoum pl 5 45 enfangue Qobte, Les , Di-lumné nte-Phionm cru NTTEbiD AS. (Ms. Qobt, Vatic. 57, fol. 7). Le mot bahyreh 53e signifie proprement en arabe petite mer, Suivant A’bd-er-Rachyd, « ce lac, dont » Peau est douce et qui est très-abondant en poisson, > n’est éloigné de la ville de Fayoum que d'environ une » demi-lieue; il est situé au nord de cette ville, en tour- »nant un peu vers le couchant. Sa longueur, qui est à -» peu près d'une journée, s’étend de orient à occident. » Les bords du lac sont plantés d'arbres fruitiers telle- dernes donnent aussi à ce mot la signification de magicien. Le 1) Ce chapitre est intitulé : 2 min melek Mesr qarl re He dés princes qui ont régné en Égypte avant le déluge ]. (12) Dans le chapitre intitulé : C Las,_L, Lyrtæ, ral & hu Ji Zikr medynet Amsous ou a’gäyb-h4, ou molouk-hé [His- toire de la ville d’Amsous, de ses merveilles et deses rois]. publié, S 1 publié ; renferme un grand nombre de traditions fabuleuses ; mais, comme elles se rapportent presque toutes au Nil et à ses accroissemens annuels, je n'ai pas DE L'ILE DE ROUDAH. cru devoir les omettre, afin qu'on pût en faire la comparaison avec les autres traditions que nous connoissons déjà sur ce sujet. « El-Masa’oudy {1) rapporte que le premier des princes qui régnèrent en Égypte » après la confusion des langues (2), fut Neqräouch (3). I étoit savant dans Part » de la divination (4), dans la magie et dans la science des talismans (s) : on le re- » garde comme le fondateur de la ville d'Afsous (6), dans laquelle il construisit » beaucoup de monumens admirables, parmi lesquels on cite deux rangs de statues » en pierre noire (7) qu'il plaça au milieu de la ville. Lorsqu'une caravane (8) » y arrivoit, elle ne pouvoit s'éloigner de ces deux rangs, et elle étoit forcée de » passer entre eux. Quand elle étoit au milieu, ces deux rangs se refermoient » sur elle et la saisissoient, sans qu'elle pût échapper. La durée de son règne fut de » cent quatre-vingts ans (9). » Après sa mort, Nogras {10) son fils lui succéda. Ce prince fr, comme son père, savant dans la magie et les talismans. I! bâtit en Égypte une ville qu'il » nomma Âalagah (11): il construisit aussi derrière el-Rahän (12) trois villes » fondées sur des piliers, et dans chaque ville il plaça des trésors de science et » d'autres choses merveilleuses (13). » Après la mort de ce prince, son frère Mesräâm {14) lui succéda sur le trône. » Celui-ci fut de même savant et habile dans la magie et l’art des talismans, et ïl se » rendit célèbre par des actions étonnantes, parmi lesquelles on cite les suivantes: il » apprivoisa un lion , le dompta et s’en servit pour monture; il se plaça sur un trône » qu'il fit transporter par les Génies (1 $) jusqu'au milieu de l'Océan (16); il éleva ÿ (1) Abou-l-Hasan A’ de val y est plus connu sous le nom d’e-Masa’oudy 1633—sull qui lui fut donné parce qu’il tiroit son origine d'Ebn-Masa’oud el-Hezly d;d1 D 9-0 wl : il est l’auteur du livre historique et géographique intitulé , 1 dl LR y y] Es" Meroug el-dahab ou ma’den el-gouâher [les Prairies dorées et les Mines des pierres Re Cet ouvrage se trouve a la Bibliothèque du Roï; et jen ai rapporté d'Egypte un très-bel exemplaire ma- nuscrit. El-Masa’oudy a encore composé plusieurs autres ou- vrages ges. (2) Tebelbel el-alsen .JY| Jus. Plusieurs peuples Orientaux placent la confusion des langues antérieure- ment au déluge. (3) MVegräouch dsl. Quelques manuscrits portent Negräous usb. Suivant el-Magryzy, il étoit fils de Mesrâym £lyas. (4) El-kehänet se. (s) Æl-telesmät ele. (6) Afsous gsm | Ë SOUS grgsel À (7) Suivant el-Magryzy, il n’y avoit que deux statues. (8) Suivant el-Magryzy, «une troupe de brigands. » (9) Suivant d’autres auteurs Arabes, « ce prince É, M. TOME II. d’autres manuscrits portent Am- » ordonna de faire, du côté de la Nubie, des travaux » pour redresser le lit du Nil, dont le cours étoit par- » tagé en deux branches par une montagne: il remonta » ce fleuve jusqu’à Gebel el-Qomr ; 4] J4s [ Montagne » des Tourterelles], nommé vulgairement Gebel el-Qamar » ÿY Jas [Montagne de la Lune]; etil plaça des statues » auprès de sa source. » Ils ajoutent que, quand il mourut, il laissa de grands trésors qu’on enferma dans son cercueil. (10) AVogrâs gli. Quelques manuscrits portent Noqûres gr : (11) Halagah xd, (12) El-Rahén Hu). (13) Quelques auteurs ajoutent que ce prince voyagea jusqu’à Océan. | (14) Mesrâäm slyas. Quelques auteurs ajoutent que ce fut ce prince qui donna son nom à l'Egypte. (15) Ginn (=. La religion musulmane admet lexis: tence de ces êtres intermédiaires entre l’homme et la di- vinité : il en est souvent question dans le Qorân. Salo- mon et plusieurs rois Îles assujettirent à leur pouvoir. Les traditions les placent dans un pays fabuleux que les Orientaux appellent Ginnistän (lue [Pays des Génies]. (16) Bahar el-mahyt Dasl j4 [la Mer qui entoure la terre]. Les Orientaux lui donnent encore d’autresnoms, dont quelques-uns sont cités dans les notes ci-dessus. L 8 2 MÉMOIRE SUR LE MEQYÀÂS » un palais d’une blancheur éclatante, et y plaça une idole du soleil, sur laquelle » il inscrivit son nom et la description de son royaume; il y éleva aussi une statue » de cuivre sur laquelle il fit graver cette inscription : Je suis Mesräm le Géant (1), » de maître des secrets les plus cachés (2); j'ai érabli des talismans d'une vertu certaine, » j'ai élevé des statues parlantes (3) : nul roi ne pourra jamais égaler mon pouvoir (4). » Après lui, son lieutenant A’yqâm (5) le grand prêtre monta sur le trône: et » lon dit que ce prince est le même qu'Edrys (6), sur lequel soient le- salut et la » bénédiction (7), et qu'il fut enlevé vivant dans le ciel (8). Après lui, la cou- » ronne passa à son fils A’ryäq (9). On prétend que Härout et Mârout (10) furent » de son temps. Ce prince eut pour successeur Louhym (11) fils de Noqräs (r2). » Khalsym (13) succéda à Louhym : c'est lui qui le premier fit construire » un Nilomètre pour mesurer les accroissemens du Nil (14). (1) El-Gebbér LA. (2) Kächef el-asrär |, «wi. Il y a une identité absolue entre ce titre pris par Mesrâm, et celui qui, selon da Bible, avoit été donné à Joseph par le roi Pharaon. On lit, dans la Genèse, que Joseph, après avoir expli- qué les songes de Pharaon, fut surnommé par ce prince Tsofhath-fa’nikh M3ÿ9 © N3BY ; et les deux mots qui com- posent ce surnom, sont reconnus Égyptiens par tous les anciens interprètes. Philon les a traduits par ceux de KÜTTOY EUPETHS , ñ dvérpoxpimus, célui qui connoit les secrets, ou qui explique les songes. Les anciennes versions Orien- tales, telles que la Syriaque, la Samaritaine et Arabe, ainsi que les paraphrases Chaldaïques d'Onkelos et de Jonathan, s'accordent toutes à lui donner le même sens. D’après la signification bien fixée de ce nom, son éty- mologie se retrouve facilement dans la langue Qobte, dans laquelle Ie mot Schopnat OTNNZTY signifie une chose cachée, un mystère, et celui de Panikha Iznvyz ou Phanikha Dany. ,unindicateur, d’où s’est formé naturellement le surnom composé de Schopnat-phanikha ONNZT-hENTYRE [indicateur deschoses cachées ]. La version Grecque, en donnant au surnom de Joseph la même signification que lui attribuent toutes les ver- sions Orientales, l'écrit cependant d’une manière un peu différente : Fo/Boupry Psonthomphanéch où Yomupary Psontomphanéch. Maïs, quoïque représenté sous cette nou- velle forme, ce mot retrouve encore son étymologie. Kircher ‘assure que le mot même de Woutvors- hENEX Psonthomphanékh signifioit autrefois, dans la langue Qobte, un homme qui prédit l'avenir /futurorum augur] : mais, comme il n’appuie son assertion d'aucune preuve, et qu'il semble ne [a donner que comme une conjecture, on est obligé de chercher dans d’autres sources Ja dérivation de ce mot, qu’on peut rappeler à deux éty- mologies différentes dans le qobte moderne. On trouve la première dans le mot Piztonphanikha This owbznvez, qui est donné comme signifiant un augure où un devin [| -Exe manger], dans le Voca- bulaire Qobte-Arabe d’Abou-Ishaq ebn el-A’sel. Ce mot, quoiqu'un peu différent de celui de Psonthomphanékh, auroit cependant avec Jui assez d’affinité pour faire croire que lun est dérivé de l’autre, en subissant Paltération peu considérable qui établit cette différence. Mais une étymologie peut-être aussi probable, et dans laquelle on trouve une aussi grande identité de sons similaires , est celle qui dérive des mots Fs6on-thémi-phénkhot Jcmron- HELU-HENVOT [habile en Îa science des songes |; et ce dernier sens se rapproche même davantage de la signif- cation donnée par la version Grecque. (3) On peut voir dans cette tradition fabuleuse J’ori- gine de celle de la statue vocale de Memnon ,que les Grecs ont adoptée. (4) On trouve également dans plusieurs auteurs une inscription attribuée par eux à la statue du roi Sésostris, dans laquelle ïf dit également qu'aucun roï ne pourra ja- mais l’égaler. (s) A’yqêm pis . Quelques manuscrits portent A’y- gr ob. (6) Ediys çp359Ù, Ce nom est celui que les Musul- mans donnent au patriarche Enoch ; il en est question dans plusieurs endroits du Qorän. (7) A’ley-hi el-seläm ou el-selät 3 Hal, Hull xde . Cette formule est toujours employée par les Musulmans après les noms des prophètes et des patriarches. (8) D’autres auteurs ajoutent que « les Égyptiens ra- » content de ce prince des choses extraordinaires: suivant » eux, il voyagea aussi jusqu’à l'Océan; il prévit le dé- » Juge, et bâtit, au-delà de l'équateur, une forteresse au » pied de fa montagne d’el-Qomr, où il plaça quatre- » vingt-cinq figures de bronze par les bouches desquelles “le Nil sortoit. Il-revint ensuite à Amsous, et remit la » couronne à son fils A’ryàq.» (o) And Gt. (10) Æärout cs, et Märout co Lu sont les noms de deux anges rebelles dont il est question dans le Qo- rân en plusieurs endroits. (12) Louhym ph; selon d’autresauteurs, Lousymas. (12) Suivant d’autres auteurs, ce prince étoit fils de Neqrâouch; ils ajoutent que, « parmi les monumens qu’il » éleva, on cite quatre tours placées aux quatre coins de » (a ville d’Amsous, qui subsistérent jusqu’à la destruc- »tion de cette ville par le déluge.» (13) Æhalsym & nom écrit de deux manières différentes : on lit K'haslym ,. D’autres manuscrits offrent ce dans les autres. (14) Quelques auteurs Arabes, en rapportant cette tradition, placent dans la ville d’Amsous le Nilomètre construit par ce prince. ales dans les uns, et Æaslym & DE L'ÎLE DE ROUDAH. » On dit qu'il convoqua une assemblée de savans et de mathématiciens qui lui » construisirent sur le bord du Nil un pavillon en marbre. Au milieu de ce pavillon, > ÿ s) S 2 NV Y nn 2 2 étoit un petit bassin en cuivre, dans lequel on mettoit une certaine quantité d’eau après l'avoir pesée. Sur de bord du bassin étoient deux aigles de cuivre, l'un mâle et l'autre femelle. Le premier jour du mois dans lequel le Nil devoit croître, on ouvroit ce pavillon ; on y assembloit les prêtres et les devins ; les chefs de ceux-ci adressoient la parole aux oiseaux, jusqu’à ce que l’un d’eux eût répondu » par Son Cri : si ce cri venoit du male, l’mondation devoit être complète; au 2 L°A 2 SJ 2 2 contraire, s’il partoit de la femelle, inondation devoit être médiocre ou manquer entièrement, et chacun, dans Îe pays, prenoit ses mesures d’après cette prédiction. C'est aussi ce prince-qui construisit le pont qui existe sur le Nil en Nubie. » Après sa mort, régna un prince nommé Æousäl (1). On dit que Noé (2) ? » Sur qui soient la bénédiction et le salut, fut envoyé de Dieu de son temps. \ . , A . . À » Après lui, régna Nedresän (3) : ce prince eut lui-même pour successeur Cher- » qan (4). Ce dernier roi eut pour Successeur son fils Sahloun (s)}, après lequel » régna Souzyd (6). Celui-ci eut pour successeur son fils Houkhabebt (doc » lui qui le premier établit la perception des impôts en Égypte, et qui bätit les _» deux grandes pyramides : lorsqu'il mourut, il fut enseveli dans l’une d’elles, et > J lon y enferma avec lui toutes ses richesses et ses trésors. » Après lui régna son fils Benâres (8), qui eut aussi sa sépulture dans une pyra- » mide. Son successeur fut son fils Ferous (9), que quelques-uns ont aussi nommé » Mengäous (10), et qui laissa le trône à son fils Mälyounes {1 1). Après ce dernier > NU régna son fils Ferghän (12), qui eut pour fils et pour successeur un prince du » même nom : c'est du temps de ce dernier qu’arriva le déluge {13). Toute l'Égypte » fut dévastée, ses monumens et ses merveilles disparurent, et l'eau y Séjourna six » mois entiers. Quelques-uns de ceux qui ônt écrit sur l’histoire de l'Égypte, » rapportent que le vaisseau de Noé (sur lui soit le salut!) parcourut les contrées » de l'Égypte, et que ce patriarche leur donna sa bénédiction. » | Indépendamment de ces traditions, el-Maqryzy et plusieurs autres auteurs (1) Æousäl Jus ; d’autres manuscrits nomment ce prince seulement $4] (JL, et ajoutent qu’il se nommoit aussi Soumyl Jess , et qu'il étoit fils de son prédécesseur. Suivant eux, « il eut vingt fils, entre lesquels il partagea » son royaume: ceux-ci, après avoir régné ensemble pen- » dant sept'années, se déterminérent à choisir l’un d’eux »nommé Bedresän , pour leur chef suprême. » (2) Mouah cr Le Qorân fait souvent mention de ce patriarche. (3) Vedresän (luyus Quelques manuscrits portent Bedresän (lus. Quelques auteurs placent immédiate. ment après ce prince son fils Somroud 37% , puis son neveu Z'oumydoun (ÿs0s5, qui régna cent ans et qui eut pour successeur Cheryaq. (HuCherqén (3 à. D'autres manuscrits portent Cheryäq b3%. Quelques auteurs ajoutent que ce prince fit creuser des canaux tirés du Nil pour abreuver les villes occidentales de l'Égypte. (5) Sahloun (55\gw; suivant quelques auteurs, Suklouk Æ, As TOME, dl gu > que d’autres manuscrits écrivent aussi Sahlouq Ses: (6) Souzyd w353» 3; on fe trouve plus souvent nommé Souryd à ya . Quelques auteurs Le font petit-fils de son prédécesseur, et lui attribuent la construction des deux grandes pyramides, dans la plus grande desquelles ils placent sa sépulture. (7) Houkhabebt ex». (8) Benäres ut. (9) Ferous où Firous dp - (10) Mengéous (y Lire ; (11) Mälyounes où Mälyounous us. (12) Ferghén We ou peut-être Fera'än wb,s 4 (13) Toufän ob . Ce mot paroît venir de l’ancienne langue des Égyptiens, qui en avoient fait leur Typhon [Tvqur |, qu’ils regardoïent comme le dieu de [a destruc- tion, le Zyphœus des Grecs et des Latins. On retrouve L 2 84 MÉMOIRE SUR LE MEQYÀS Orientaux regardent comme étant la fondatrice du premier Nilomètre une prin- cesse nommée Deloukah (1) , qui régnoit de même, suivant eux, en Égypte avant le déluge : cette princesse joue un très-grand rôle dans l'histoire fabuleuse des époques les plus reculées de l'Orient, et les traditions luïattribuent aussi la fon- dation de différentes constructions très-considérables dans cette contrée (2). CHAPITRE IX. Des Nilometres établis depuis l’Islamisme. QUAI ETS Nilomètres antérieurs à l'érection du Megyäs, sous les premiers Khalyfes Ommiades, de lan 19 de l'hévire à l'an 96. Les armées Musulmanes s'emparèrent de l'Égypte sous le khalyfat d'Omar ben el-Khettäb (2), second successeur de Mahomet. Ce prince avoit pris le suprême commandement lan 13 de l'hégire [634 de l'ère Chrétienne |, et succédé au premier khalyfe Abou-beker (4), qui Pavoit désigné pour le remplacer; c'est dans toutes les langues Orientales les racines de ce mot, qui présentent toutes, ainsi que leurs dérivés, laccep- tion de déluge, de cataclysme, d’inondation, de des- truction : quelques-uns même de ces mots peuvent, par une partie de feur signification, favoriser lopinion de ceux qui regardent une comète comme la cause de cette catastrophe. ” + Hebr. M$, exundavit. Chald. M, éxundavit, effluxit, natavit. R39W, inun- datio, diluvium , cataclysmus, F0, rivus,, torrens, R5D , extinxit, extinctumn fuit, natavit, Syr. Cra exundavit, supernatavit , demersit. NET. à diluvium. Samar. 49x06, diluvium. 49n%v, diluvium. mw , extinctus fuit, Arab. cb; inundavit, natayit, ob, diluvium, GL,, pluvia, Gb, natavir, pérvasit terram , apparuit lux. Æthiop. (NÉ A , extinctus fuit, destructus fuit, periit. (MT , perditio. (MB, perditio. Ambhar. ffl4., extinctus fuit, destructus fuit, periit. Pers. Pre, diluvium, Les vents impétueux qui causent Îles tempêtes, sont encore nommés typhons dans les Indes et à la Chine. (1) Deloukah x 5. (2) Voyez, ci-après, les textes Arabes rapportés dans la sixième partie de ce Mémoire. (3) Le nom entier de ce prince est, suivant el-Makyn, O’mar ben el-Khettäb, ben Noqayl, ben A’bd el Azy7, l'on es, U—i © d LU JE. I fut surnommé Abou Hafas Les 1 , et reçut de Mahomet le titre de Féroug GE [le Diviseur], c’est-à- dire, suivant la tradition, « celui qui sait distinguer le » vrai du faux, le juste de l’injuste, et le croyant de lin- » fidèle. » Ce fut ce prince qui, lan 1$ de lhégire [636 de l’ère Chrétienne], jeta les fondemens de Basrah 5 js à l'embouchure du Tigre; et la construction de cette nouvelle ville fut achevée en trois ans. O’mar fut tué à Pâge de soixante-trois ans, le 25.° jour du mois de Dy- Lhageh | «>; lan 23 de lhégire [643 de lère Chré- tienne], par un esclave Persan, nommé Abou-Louloueh 5) 431 , après avoir régné dix ans, cinq mois et vingt- huit jours. [refusa de choîïsir son fils pour son successeur, et nomma, pour délibérer sur le choïx d’un nouveau Kha- lyfe, les six personnages qu’il jugeoit les plus capables d’en remplir après lui les fonctions; savoir, O’tmän ebn A’ffan ue 4x! le, A’ ebn Aby-Taleb bb al le, Pelhah «db, Ez-Zobeyr sl), Abou O’beydah dx er et Sa’d ebn Aby-Ouagäs webs à! pl sw. (4) Abou-beker ,S ol, surnommé el- Sadyg: Geo) [ le Juste ], premier successeur de Mahomet, Le nom entier de ce prince, suivant el-Makyn, est A’d-allah ebn Aby-Qahäfah O’tmän, ebn A'’ämer, ben O’mar, Va LU? le Cl utêe kr 3% al sel a) we, Il monta sur le trône du khalyfat le jour même de la mort de Mahomet, l'an 11 de l’hégire [632 de l'ére Chrétienne], et ne régna que deux ans, trois mois et neuf jours, ou, suivant quelques autres, deux ans, quatre mois et vingt- six jours. II mourut de phthisie à l’âge de soïxante-trois ans , le vendredi 23 du mois de Gemédy el-akhret 8,2 Yl «ol [Gemâdy second], lan 13 de lhégiré [634 de l'ère Chrétienne ]. DE L'ILE DE ROUDAH. 85 lui qui, le premier, prit le titre de Prince des fidèles (1), que tous ses succes- seurs ont ensuite adopté. Son khalyfat, dont la durée ne fut que de dix ans, six mois et dix-sept jours, a été cependant illustré par un grand nombre de conquêtes. Sous son règne, les Musulmans, après avoir vaincu Yezdegerd ben Hormouz {2), dernier roi de la dynastie des Sassanides (3) en Perse, s'emparèrent de la ville de Madäyn (4), capitale de cet empire, du Diarbeker (5 ), de l'Aderbidjän (6), du Khoräsän (7) et même d’une partie des Indes. Pendant qu'O’mar étendoit ainsi à lorient l'empire de l'islamisme, ses géné- raux nétoient pas moins heureux à loccident. Après avoir défait les armées qu'essaya de leur opposer l’empereur de Constantinople, ils se rendirent suc- cessivement les maîtres de Jérusalem (8), de toute la Syrie (0), de Memphis, d'Alexandrie, de tout le reste de l'Égypte tant haute que basse, d’où ils savan- cèrent, d'un côté, en Nubie, et, de lautre, sur la côte d'Afrique {10}, où ils 2 (1) ÆEmyr el-moumenyn usesll nel : c’est dece nom, qui a été souvent traduit par Comunandeur des fidèles, que nos anciens historiens ont fait celui de ÆMiramolin, comme de celui de Soultân la [ sultan ] ïls ont fait celui de Soudan. (2) Le nom entier de ce malheureux prince est Fezde- gerd, ben Chahryër, ben Khosrou-Perouyz, ben Hormouz, D D on 538 0 beé 0» 35e 353. étroit fils de Chahryr jbs,as , petit-fils de Khosrou-Perouyz À 97 ss » et arrière -petit- fils de Æormuz je: ou Æormouz 552. Il fut surnommé Melek el-akhyr ms cb, c'est-à-dire, le dernier roi. (3) AlSäsén U Jl. Cette dynastie est [a qua- - trième qui ait donné des rois à la Perse. (4) Mädayn alu ou el-Madäyn (5lodl, A’bd-er- Rachyd place cette ville dans le troisième climat, à la longitude de 72° s' et à la latitudede 33° 16°. Je join- draï ici la description qu’il'en fait, pag. 124 et 175 de mon manuscrit : « Il y a sept villes de ce nom qui ont été bâties sur le » bord du Tigre par les Khosroës. Celle-ci étoit la rési- » dence des rois Sassanides, Beny Sésdn Gil ss, du » temps d’O’mar fils del-Khettäb. Ils avoient choisi cet » endroit à cause de Ia salubrité de lair, de la bonté des » eaux et de la fertilité de la terre. À présent Madâyn » nest qu'un village ou petite ville sur le bord occidental »du Tigre; ses habitans, de Ia secte des Chyites, sont » cultivateurs. C’est laicoutume chez eux que leurs femmes » ne sortent pas pendant le jour. Sur le bord occidental » du , Tigre, il y a la chapelle de Soleymän el-Färsy » re lab. Les Khosroës avoient dans cette ville »un palais qui subsista jusqu'au temps du khalyfe el- » Moqtafy. Ce prince le fit abattre, et des matériaux il ft D construire un bâtiment nommé 749 6 ou Mäg =8 ' » qui est dans le palais des khalyfes de Baghdäd. On dit » que le palais de Madâyn avoit été bâti par Anouchirouän » bless , et étoit très-grand et très-élevé; mais il n’en » reste plus que des ruines, arcade d’un portique et deux » ailes. » (s) Dyér-beker, ou Dyär-bekir, SL - (6) Ader-bigän CEST A’bd-er-Rachyd el-Bakouy place cette contrée dans le quatrième climat. (7) Æhoräsän (5lulss . A’bd-er-Rachyd el-Bakouy place cette province dans le quatrième climat. (8) El-Beyt el-qouds gro exa| [la Maison de saïn- teté], ou el-Beyt el-mougaddes gra cl [la Maison sainte]. A’bd-er-Rachyd el-Bakouy place cette ville dans le troisième climat, à [a longitude de 68° $' et à a lati- tude de 31° 5”. [l en fait la description suivante, page 74 de mon manuscrit : « Cette ville, qui a été bâtie par Le roi Déoud 3,15 »[David], est dans un terrain pierreux, au milieu des » montagnes qui lenvironnent; cependant il y a des » terres cultivées : sa population n’y boit que de l'eau de » pluie, qu'on rassemble dans des citernes. La mosquée » el- Agsä «R5Y| est du côté oriental de la ville: sa lon- » gueur est de sept cent quatre-vingt-quatre coudées, » et sa Jargeur de quatre cent cinquante-trois; elle ren- » ferme six cent quatre-vingt-quatre colonnes de marbre »de différentes couleurs, qu'on appelle e/- Fasyfasä » Lunsunl| et qui ne se trouve point dans le pays. Au » milieu de la mosquée, il y à une grande chambre qui »est large de cinq coudées et où lon monte par différens » degrés. » (0) EEChäm Gene (10) Afiygyéh où Afryqyah is 5 . A’bd-er- Rachyd el-Bakouy place cette contrée dans le troisième climat. Suivant les auteurs Orientaux, elle tire sa dénomination d’une ancienne ville du même nom dont A’bd-er-Rachyd el-Bakouy fait la description suivante, page 69 de mon IANUSCTLÉ : ce ess 3 Afiygyeh , grande ville, dans un terroir trés- » fertile, ensemencé , rempli de palmiers et d’oliviers ; » c’étoit anciennement un grand pays : à présent tous les » environs de la ville, à quarante journées de marche dans » la terre du Moghreb, ne présentent qu’un désert où sont » des tribus.de Bérébères, qui ont des citernes. Il y a des » mines d'argent, de fer, de cuivre, de plomb, d’anti- » moine, et des carrières de marbre. » 86 MÉMOIRE SUR LE MEQYÀS subjuguèrent le pays de Barqah (1), de Qayrouän (2) et de Tripoli (3), et presque toute l’ancienne Libye. \ Suivant les auteurs Arabes, aussitôt que les Musulmansse furent rendus maîtres de l'Égypte, ils s'occupèrent d’y organiser un mode de gouyernemen®, de régler la répartition des impôts qui étoient perçus par des intendans au nom.des khalyfes, et de construire des Nilomètres dans les diverses provinces qui la composent. Le célèbre A’mrou ben el-A’âs (4), lun des plus grands guerriers que, les Musulmans aient eus à leur tête dans les premières années de l’islamisme, fut celui Omar charsea du commandement des troupes qu'il envoyoit faire la con 5 P Y quête des contrées de Foccident, tandis que les autres armées de. ce prince, marchant à lorient, s’avançoient contre le roi de Perse. (1) Barqah 333. A’bd-er-Rachyd el-Bakouy place ce pays dans le troisième climat. Je joindrai ici l'article qui concerne ce pays dans le Kherydet el- A’gâyb ll ms d’'Ebn el-Ouardy «3 59) UWl, dont je possède plusieurs beaux manuscrits: « La terre de Barqah renfermoit dans [es anciens temps » des villes grandes et peuplées; mais maintenant elle vest déserte, ét n’a que peu de culture et dhabitans: » on y.sème beaucoup de safran [é/zafrén çybae 51]. » (2) Qayrouân (5le 39 , ancienne Cyrène, métropole “A y O9 » È UGES P APRES : ; de l'Afrique proprement dite. Les géographes Arabes placent cette ville dans le troisième climat, à trente-trois parasanges de l’ancienne Carthage et à douze parasanges de la mer. Elle fut reconstruite par ©’gbah ben Nâäfe’ #6 D wäe, qui, apres la prise de Barqah, y fut faissé par A’mrou pour y réunir les habitans de [a Barbarie qui embrassoient l’islamisme. L’an 40 de l’hégire [660 de Père Chrétienne], ce général, ayant reçu du khalyfe Mo’äouyah un renfort de dix mille hommes, subjugua toute la province d'Afrique proprement dite, et porta ses armes au loin jusqu’à la Nivritie; mais, se défrant des Afri- caïns, qu'il voyoit peu affermis dans leurnouvelle religion, il choïsit, pours’y fortifier et y renfermer ses troupes et ses trésors, la ville de Qayrouäân, dont la situation éloignée de la mer, rapprochée de l’intérieur et voisine du désert, le mettoit en état de contenir le pays et de ne rien craïndre des flottes des Siciliens et des Romains. Cette ville ne tarda pas à voir s’élever dans son sein un grand nombre d’édifices publics et particuliers : bientôt les richesses et labondance y firent fleurir les lettres et les arts; maïs l'époque de sa plus grande splendeur fut sous le règne des Aglabites [| A1-el- Aghlab «Yi ]. Cependant Zyädet ben el-Aghlab «exe Y L® 85L; détruisit ses mu- raïlles, de crainte que son ennemi O’mar ben Mokhä- led ae Q23£ ne s’y fortifiât, s’il venoït à bout de s’en emparer. Qayrouân commença à diminuer et à déchoir lorsqu’{bréhym ben Ahmed, s&| uw & ll, neveu de Zyâdet, eut bâti, à quatre milles de.cette ville, dans la situation [a plus salubre et la plus agréable, la nouvelle ville de Ragädah s 5), ou, suivant d’autres, Refäouah 80) » qui avoit plus de douze mille coudées de tour, et qu'il destinoïit à recevoir les étrangers et l’excédant de la population de Qayrouän. La nouveauté, dont les hommes sont si avides en général, fit préférer à l’ancienne ville la nouvelle, qui devint bientôt [a capitale du royaume. Qayrouân reprit cependant son ancienne splendeur dans la suite, sous le règne des O’beydites | Beny O’bheyd dans és], qui prirentle titre de’ Fatémites, et qui ont long-temps régné en Égypte. A’bd-er-Rachyd el-Bakouy place cette ville à Ia longitude de 41° 5'et à la latitude de 31° 4’; il en fait la description suivante : « Qayrouân, grande ville d'Afrique, bâtie par A’qab » fils de Nâfe el-Qourchy, du temps de Mo’äouyah; ïl »y a deux colonnes qui tous les vendredis, avant le » lever du soleil, sont en sueur.» {3) Taräbolous lb ou 7Z'aräbolos kb, Pan- cienne Teimns d'Afrique. Lorsque les Arabes veulent écrire dans leur langue un nom propre étranger qui com- mence par deux consonnes, ils sont obligés d’en faire deux syllabes et d’ajouter une voyelle après la premiére consonne; quelquefois même ils la font précéder d’un alyf [| 4]: ainsi ils appellent quelquefois cette ville Aträbolos | »Ml,bl. Pour la distinguer de celle du même nom en Syrie, ils désignent celle-ci par le nom de 7ar4- bolos el-Chäm Li] UbLb [ Tripoli de Syrie], et celle d'Afrique par celui de Taräbolos el-gharb es gbtb [ Tripoli de l'occident ]. Les géographes Arabes font dépendre cette ville de l'arrondissement de Qayrouän, et la placent également dans le troisième climat. (4) A’mrou-ben el-A'âs mel w 29—<#. C’est Jui qui est reconnu par les historiens Arabes pour le fon- dateur de Fostét Lu , sur la rive orientale du Nil; et Jon peut voir ci-après, dans une note delaseconde partie, chap. 1.9", leurs traditions à ce sujet. A’mrou, choïst pour arbitre dans lasquerelle qui s’éleva entre 4% de et Mo’&ouyah EE [MoavieI.® Jpour la possession dü Khalyfat, fit déposer A’ly,tet proclama Mo’äouyah, qui fut le premier Khalyfe de la dynastie des Ommiades. Le fils d'A’mrou, A’hd-allap, wi oxe , surnommé el- Sahymy as , parce qu'il étoit de la mibu de Sahym a, embrassa l'islamisme avant son père, et obtint de Mahomet la permission de recueillir par écrittout ce qu'il apprenoit de sa bouche. Cet ouvrage porté le nom de Hadyt &ssw> , et comprend toutes “les traditions et révélations Musulmanes. A’mrou mourut à la Mekke lan 65 de Fhégire [684 de Père Chrétienne], quelque temps après la mort d’Yezyd of, fils de Mo’äouyah. DE L'ÎLE DE ROUDAH. 87 A’mrou conquit en peu de temps une grande partie de la Syrie, et arracha l'Égypte au foible Héraclius (1). Après avoir achevé la conquête de cette dernière contrée, l'an 19 de l’hégire [ 640 de l'ère Chrétienne], il donna lui-même des ordres pour la construction de deux Nilomètres dans la haute Égypte : le premier fut placé dans la ville d’Asouân (2), que les Grecs ont connue sous le nom de Syêne, et qui avoit été le chef-lieu d’un gouvernement particulier sous les em- pereurs Romains; il fit élever, quelque temps après, le second Nilomètre à Denderah (3). O’mar fut remplacé par O'tmän (4), qui, après un règne de près de douze ans, laissa le trône à A‘ly (5), fils d'Abou-Täleb , qui luirmême ne régna pas cinq an- nées. Hasan (6), fils de A'ly et de Fätmah (7), et par conséquent descendant directement de Mahomet, occupa ensuite le trône; mais, après l'abdication de ce prince, qui ne régna guère que six mois, le khalyfat passa, l'an 41 de l’hégire [661 de l'ère Chrétienne], à la dynastie des Ommiades (8). Mo'äouyah (0), fils d'Abou-Sofyän, et que nos écrivains ont nommé Moavie 1”, fut le premier prince de cette dynastie, qui occupa le trône pendant quatre-vingt- (1) Les Arabes nomment ce prince Æeragl J53s. (2) Asouën Glow est appelée, par le Vocabulaire Qobte-Arabe d'Ebn-Kabar, Cove, Souan, Aidemuc. Benjamin de Tudèéle lui donne le nom de Souéneh 30. Terentianus, surnommé Maurus parce qu’il étoit né en Afrique, et dont nous avons une pièce de vers intitulée de Litteris, Syllabis, Pedibus et Metris, étoit gouverneur de cette ville sous le règne de Trajan, vers lan 90 del’ère Chrétienne. C’est à cette ville que les géographes Orien- taux placent le commencement du deuxième climat. (3) Denderah 5,435, Ce nom est celui que porte, chez les Arabes, ancienne ville de Tentyris, célèbre dans Pantiquité par la-haine que ses habitans portoient aux crocodiles. Dans, Ja langue Qobte, elle est nommée Reuruut x Kentori. Ontrouve ce nom dans le Voca- bulaire Qobte-Arabe d’'Ebn-Kabar: mais on lit /Vikenrôri Huxeurrenpt dans le vocabulaire Memphitique de Montpellier, et dans les actes Qobtes de S. Pachôme (Ms. Qobt. Vatic. 69, fol. 148); et dans les actes de S. Apater, déjà cités, on trouve le mot Iipers-Mi KEMT- Œupi Pirem - Nikentôri [natif de Tentyris ], qui en est dérivé On lit Mixencreu PE AVikentére dans deux vocabulaires Sa’ydiques de la Bibliothèque du Roi, Nekentore HeKENTOPE dans un autre lexique, et ÎVigentôre Hirrencreuipe dans un fragment Sy- dique publié par Mingarelli. Les actes de S. Paphnuce font mention d’une ville nommée Genterie, que le savant Tillemont juge avoir été inconnue à tous les géographes ; mais le P. Georgi a prouvé que cette ville n’étoit autre que T'entyris. Au reste, on trouve encore chez les auteurs Qobtes Ie nom de /Vitentéri Miserreupt, qui se rapproche davantage de ceux qui ont été donnés à cette ville par les Grecs et les Latins. Kircher, page 208, et la Croze, page 4, offrent encore un autre nom de cette ville, “tzñouep Di-anocher, Tanosar, Téyweg , urbs Æzgypti. A’bd-er-Rachyd el-Bakouy en fait la description sui- vante : « Denderah, jolie ville, à Poccident du Nil, dans le » Sa’yd: il y a beaucoup d’eaux et d’arbres , des palmiers, » des baraby Le [monumens |, et autres bâtimens an- » tiques qui sont autant de talismans. » (4) O’tmân ben A’ffân Ge y wlée , troisième suc- cesseur de Mahomet, monta sur le trône l’an 23 de Yhé- gire [644 de Père Chrétienne], et fut tué l’an 35 de Phégire [65 $ de Père Chrétienne], aprèsun règne de onze ans, dix mois et quatorze jours. (s) A°ly ben Aby-Täleb DIE à (5 de, gendre de Mahomet, fut son quatrième successeur; il monta sur Je trône lan 3$ de l’hégire [655$ de l'ère Chrétienne], et fut tué Pan 40 de lhégire {660 de l’ère Chrétienne], après un règne de quatre ans huit mois et vingt-deux jours. (6) Le khalyfe eLHasan ben A°’ly, ben Aby-Tüleb, Je al U? de vy wudl , Cinquième successeur de Ma- homet, monta sur le trône lan 40 de lhégire [ 660 de lère Chrétienne]; il ne régna que six mois et cinq jours, et abdiqua lempire lan 41 de lhégire [ 661 de Père Chrétienne |. (7) Fétmah xsbb , fille de Mahomet. (8) Les Ommiades [Beny Ommyah xxel 43] forment la première dynastie des khalyfes, laquelle comprend qua- torze souverains. (9) Mo’äouyah ben Abou-Sofyän Obs 4! U® ne, Ce prince, étant encore sous les ordres d’O’mar son ar- rière-prédécesseur, fit, au nom de ce khalyfe, la conquête de la ville de Ghazzah o je , sur les frontières de la Syrie . et de P'Égypte. Mo’äouyah fut d’abord reconnu khalyfe en Égypte seulement, lan 36 de lhépire [656 de lère Chrétienne |; ce ne fut que cinq ans après, c’est-à-dire, Van 41 de lhégire [ 661 de lère Chrétienne ], qu’il devint seul possesseur du Khalyfat universel. Ce prince, après avoir régné dix-neuf ans, mourut à Damas, lan 60 de lhégire | 680 de Père Chrétienne], à l’âge de soixante-treize ans, ou, suivant d’autres au- teurs, de soixante-dix-huit ans; quelques-uns même disent qu’il avoit alors quatre-vingt-cinq ans. 88 onze ans : l'histoire nous apprend que ce khalyfe fit construire un nouveau Nilo- mètre à Ensanà (1) vers l'an 46 de l'hégire [666 de l'ère Chrétienne]. Après ce prince, le trône du Kkhalyfat fut successivement occupé par Yezyd, premier du nom (2), son fils, qui ne régna pas quatre années, et par Moavie IT (3) son petit-fils , dont le règne dura moins encore et qui mourut sans postérité. MÉMOIRE SUR LE MEQYÀS Il y eut ensuite un interrègne, après lequel on nomma pour son successeur Abdallah fils de Zobeyr (4), qui n’étoit point de la maison des Ommiades : mais l'interruption de cette dynastie ne dura pas long-temps; et après le règne court de ce prince, elle remonta sur le trône dans la personne de Merouän L° ($), fils de Hakem, qui succéda à Abdallah, et qui, après un règne de moins d’une année, eut lui-même pour successeur son fils A’bd-el-Melek (6). Ce dernier khalyfe occupa le trône pendant près de vingt ans; et ce fut sous son règne, vers l'an 80 de l’hégire [ 699 de l'ère Chrétienne], qu'A’bd-el- Azyz (7), fils du khalyfe Merouän et frère du khalyfe A’bd-el-Melck, fit élever à Helouän (8) un des plus célèbres Nilomètres dont les historiens Arabes nous (1) Ensanä Cia il, nommée, par le Vocabulaire obte-Arabe déjà cité, Matueror Andinéou, Van- cienne Antinoopolis, Cette villeestnommée par Ptolémée "Aynyés mous; par Palladius, "Arnvés; par Ammien-Mar- cellin, Antinoë , et par Rufin, Antinoo : elle étoit, sous les empereurs Romains, le cheflieu de la Thébaïde; c'est ce qu’attestent Palladius et Rufin, qui lui donnent Je nom de Mnregmnuc me OnBaidoc. IL est fait mention de cette ville dans plusieurs passages des auteurs Qobtes, où on la trouve aussi nommée AE O0 Andinoou, L'article où il est question de cette ville dans A’bd-er- Rachyd el-Bakouy, est remarquable par la singularité de la tradition fabuleuse qu’il renferme. « Ensanâ, dit:il, est une ville, grande et ancienne, à » lorient du Nil, en Égypte. Autrefois les habitans ont » été tous changés en pierres : on voit dés hommes qui » dorment avec les femmes, d’autres en différentes atti- » tudes, suivant l’action dont ils étoient occupés au mo- » ment de leur transformation. » (2) Yezyd ben Mo’äouyah &3 ol ur 3$ , septième successeur de Mahomet et second khalyfe de la dynastie .des Ommiades, monta sur Îe trône lan 60 de lhégire £ 680 de l'ère Chrétienne]; il régna seulement trois ans, huit mois et neuf jours, et mourut, à l’âge de trente-neuf ans, le quatrième jour du mois de raby’ el-aouel (J,Y| 3) [raby premier], Pan 64 de lhégire [684 de l’ère Chré- tienne |. (3) Mo’éouyah, ben Vezyd, ben Mo’äouyah, ben Aby- Sofyän , leu al x oLee 5 CSS" x les , huitième successeur de Mahomet ettroisième khalyfe de [a dynastie des Ommiades, monta sur le trône Pan 64 de l’hégire [684 de Père Chrétienne]. Il ne régna qu’un mois et demi, et, selon d’autres, vingt jours seulement, et mourut la même année, a l’âge de vingt ans. Quelques-uns ce- pendant lui donnent un règne de quatre mois. Suivant quelquesautres auteurs, il abdiqua Pempire, et ne mourut que quarante jours ou même trois mois après son abdi- cation. (4) ET - Makyn donne à ce prince les noms et sur- noms suivans : Abd - allah, ben el- Zobeyr, ben el- A’ouûm, ben Harmalah, ben Asad, ben A’bd-el-A’ry, «sa)l one te: ul U? ds L> plssil uw as il Bt: al ue, Il fut le neuvième Khalyfe après Mahomet, et monta sur Je trône le neuvième jour du mois de regeb &xs,, Van 64 de lhégire [ 684 de l'ère Chrétienne]. Son règne ne fut pas beaucoup plus long que celui de son prédé- cesseur, et il mourut la même année, après avoir occupé le trône quatre mois et huit jours. (S) Merouân, ben el-Hakem, ebn el- A'äs, ben Om- myah , xl L? Dbll ul re? LS Ole À dixième succes- seur de Mahomet, et quatrième khalyfe de Ja dynastie des Ommiades, ne régna que dix mois moins deux jours. Il ne faut pas confondre ce prince avec un autre khalyfe nommé aussi Merouân , qui monta sur le trône l’an 127 de l’hégire [744 de Père Chrétienne], et régna’ cinq ans et un mois. e (6) A’bd-el-Melek, ben Merouên , ben elHakem, ben Aby-l-A'äs, œil al ur si LU lys 6. &U das , sixième khalyfe de la dynastie des Ommiades, succéda, Van 65 de lhégire [ 684 de lère Chrétienne ], à son père Merouän, qui fait le sujet de la note précédente, et mourut au milieu du mois de chaouäl Jlei , an 86 de Fhégire [705 de Père Chrétienne], après avoir régné vingt ans et quinze jours; il eut pour successeur son fils Ozalyd G) A’bd-el-A°zyz, ben Merouän, blage Y? srl we, Ce prince ne fut point khalyfe; mais son fils O’mar ben A’bd-el-A’3yz 3 js)l ue (y € monta sur le trône l'an 09 de l’hégire [ 718 de l’ère Chrétienne], et succéda à son neveu Soleymän ben A’bd-eL Melek ki] ME (y tal A (8) ÆLelouän où Houlouän ol, Suivant MA ’bd-er- Rachyd el-Bakouy, «est un petit pays situé au-dessus ».de Mesr jar, sur la rive orientale du Nil: Cet en- » droit, qui étoit autrefois assez considérable, est agréable » et dans une belle situation. » Il existe une autre ville du même nom, à lorient de Baghdâd, dans llrâq propre ou l’ancienne Assyrie; aient DE L'ÎLE DE ROUDAH. 89 . aient conservé le souvenir. Ce village, situé sur le bord oriental du Nil, quelques lieues au-dessus du Kaire, en est distant de près de deux parasanges (1), suivant À bd-er-Rachyd el-Bakouy: il est-sur-tout connu dans l’histoire de l'Égypte par la mort du khalyfe Abbasside el-Hakem (2), qui y fut dans la suite assassiné. L'historien Gergis ben el-A’myd, plus connu parmi nous sous le nom d’E/macin, nous apprend qu'on fit cependant peu d'usage de ce Nilomètre, qui fut renversé peu d'années après sa construction, c'est-à-dire, l'an 96 de lhégire [714 de l'ère Chrétienne ]. $. II. Nilomètres contemporains du Meqgyäs sous les Khalyfes Abbassides. AFIN de n'avoir plus à revenir sur l’histoire des Nilomètres différens de celui de l'île de Roudah; et qui ont existé en même temps que ce monument, je vais placer ici le seul fait que j'aie trouvé dans les auteurs Orientaux relative- ment aux édifices de cette espèce qui avoient été élevés en divers endroits de l'Égypte, mais dont l'usage ne tarda pas de s’abolir lorsque celui de Roudah fut dans un état de service habituel. | Le Kkhalyfe el-Mâmoun, de la race des Abbassides, dont Je parlerai ci-après à l'occasion de la reconstruction du Meqyäs de l'île de Roudah, exécutée par ses ordres, fit aussi élever un Nilomètre dans la haute Égypte (3), au lieu appelé Sourat , près du village de Benbenouda, et en fit réparer un autre qui existoit aussi dans la haute Égypte et qui étoit placé dans la ville d'Akhmym (4). quelques-uns [a placent dans l’/rdq a’gemy 4£ Ge [lan- cienne Assyrie |: cette ville a été fondée par Qobéd AGE Säsäny EU Dar 5 . On trouve aussi sous ce même nom, suivant Yäkouty , une petite ville dans les mon- tagnes de.Vysäbour D Lan » à l’extrémité du Khoräsân, du côté d’Zsfahân (5\gaul [Ispahan]. (1) Environ six mille pas. Woyez mon Mémoire sur les inscriptions Koufiques recueillies en Ég gypte, et sur les autres caractères employés dans les monumens des Arabes, note ?, page 520, Ë. M. tom. 1.7 (2) El-Hakem be-amr-illah &l jt Rd. I y a eu deux Kkhalyfes de ce même nom, tous deux de cette dynastie des Abbassides qi fut ne au Khalyfat par les sultans d'Égypte, aprés la mort d’e/Mosta’sem b-illah mb vastull. Le premier de ces princes monta sur le trône lan 660 de l’hégire [ 1261 de l’ére Chrétienne ], et succéda au Khalyfe e/-Mostanser b-illah nb jaisdll : il mourut l'an 7o1 de l’hégire[ 1301 de l’ére Chrétienne]. Le second succéda au khalyfe e/Ouâieg b-illah w\ Pl l'an 741 de lhégire [ 1340 de Père Chrétienne ], et mourut l'an 754 dedhégire[ 1353 de l’êre Chrétienne. (3) EL Sa’yd sxsse)l [la Thébaïde, ou l'Égypte supé- rieure |. LaThébaïde supérieure est appelée par les Arabes el-Sa’yd el-A’là. Cependant le mot de Sa’yd tout seul si- gnifie un pays haut; et la Thébaïde porte ce nom, parce qu'elle est supérieure au reste de l'Égypte : c’est pour- É. M. TOME II. quoi on l'appelle Sa'yd Mesr jar vase, C’est-a-dire, le pays haut de l'Égypte. L'article qui concerne cette pro- vince dans mon manuscrit d’A’bd-er-Rachyd el- -Bakouy, est ainsi conçu : « El-S#yd, contrée de l'Égypte qui est » située au midi de Fostât, et bordée par deux chaînes » de montagnes , entre lesquelles coule le Nil, qui est » garni, des deux côtés, d’un nombre considérable de » villes et de villages : on y voit beaucoup de ruines an- » ciennes ; entre autres, dans les montagnes, des grottes » souterraines remplies de corps d'hommes, d'oiseaux, de » chats, de chiens, tous enveloppés de bandes de toiles » de lin, comme des enfans au maillot. » (4) Akhmym ou Jkhmym a &. Cette ville de Ia Thé- » baïde qu’on appeloit moyenne pour Ia distinguer de la » haute et de [a basse, est la même que les anciens Grecs » ont nommée Xéuis Où Ilayomais, Diodore, livre 1, ch. 18, appelle cette ville Xéuo. Le Vocabulaire Qobte-Arabe d’Ebn-Kabar lui donne les deux noms de LU ET Chmin et de [Iznxzc Panas. Dans les vocabulaires Sa’ydiques de Ia Bibliothèque du Roi, on trouve les trois noms UElesutr Chmin, Nasres. Khmim et Ilzvoc Panos. Les auteurs Arabes la représentent comme renfermant des restes admirables de palais, d’obélisques et de statues colossales de pierre ou de marbre. Suivant Abou-l-fedà, « AKhmym est une grande ville M 90 MÉMOIRE SUR LE MEQYÂS DE ROUDAH. Ici se termine l’esquisse abrégée de l'histoire des Nilomètres autres que celui de l'ile de Roudah, et qui, à l’exception de l’avant-dernier dont je viens de parler, ont précédé l'érection de ce monument : c'est de l'histoire de ce dernier Nilomètre que je vais maintenant m'occuper particulièrement. » située à extrémité supérieure du Sxyd du milieu. Elle » ést placée à environ deux journées de la vallée d’Asyour 22 Lynn. On y voit un berbä L y [un temple] fameux, » et que l’on doit ranger parmi les plus magnifiquesmonu- » mens de l'antiquité, à cause de la grandeur des pierres » dont ilest bâti et des nombreuses peintures qui couvrent »ses murailles. » A’bd-er-Rachyd el- Bakouy place cette ville dans le troisième climat. « Akhmym, dit-il, est nn petit pays » sur le bord oriental du Nil, peuplé à cause de [a culture » de son sol et de ses palmiers : on y voit des baräky br w{ monumens] qui sont au nombre des merveïlles du ï » monde. Un berb& est plus durable qu’une maison, parce »qu'on y a pratiqué des selesm [talisman] ou en- » chantemens. Cette ville est [a patrie d’Abou-l-Fayd » Dou-l-Noun os} 5 Gel pl, surnommé e/-/Mesry >» dope = si) [PÉgyptien ], le premier de son siècle par »sa science, sa modestie et sa politesse : on a de fui » ouvrage intitulé Xhéldt a’gybet 4% «YL [les Appa- » rences merveilleuses]. » On attribue aussi à ce person- nage le livre intitulé Afogérrabät «sb ,Le [Expériences ], qui est rempli de superstitions magiques, parce que cette ville avoit autrefois la réputation d’être la retraite et Ja demeure des plus grands magiciens. VOYAGE DANS L'INTÉRIEUR DU DELTA. Contenant des Recherches géographiques sur quelques villes anciennes, et des Observations sur les mœurs et les usages des Es yptiens modernes, Par MM. DU BOIS-AYMÉ Er JOLLOIS. IN GÉNIEURS DES PONTS ET CHAUSSÉES, MEMBRES DE LA COMMISSION DES SCIENCES ET DÉS ARTS D'ÉGYPTE, CHEVALIERS DE LA LÉGION D'HONNEUR. TP ST RC TT SECTION PREMIÈRE. Aperçu général du Delta. — Départ du Kaire. — Arrivée à Menouf. — Description du Menoufyeh. LE Deka est la partie de l'Égypte renfermée entre la Méditerranée et les deux branches du Nil qui ont leurs embouchures près des villes de Rosette et de Damiette. On comprenoït anciennement sous cette dénomination, lorsque le Nil se jetoit à la iner par sept grandes bouches, tout le territoire contenu entre la branche Canopique, qui se terminoït près de l'emplacement actuel d’Abouqyr, et la branche Pélusiaque, dont l'embouchure est encore reconnoïssable à l'extrémité orientale du lac Menzaleh. La forme triangulaire de ce terrain le fit appeler Delta par les Grecs, du nom d'une des lettres de leur alphabet qu’ils représentent par un triangle ainsi dis- "à posé, A; et c'est en effet sous cette forme que la basse Égypte se présentoit à eux, | * sa base sur la Méditerranée et son sommet au sud vers Memphis. . Ce nom n'est point connu des Égyptiens modernes, qui ont divisé leur terri- … toire autrement qu'il ne l'avoit été sous le gouvernement des Grecs. Formé par , les alluvions du fleuve, le Delta ne présente nulle part la moindre élévation n naturelle. Ondes buttes artificielles, quelques monticules de décombres autour des lieux habités, et des dunes vers le rivage de la mer, sont les seules inégalités que présente le terrain : un grand nombre de canaux le coupent en tout sens. Un lac, séparé de la mer par une langue de terre fort étroite, occupe au nord un espace considérable, il étoit connu des anciens sous le nom de lac de Butos , et il porte aujourd’hui celui de Bourlos. Du sommet du Delta aux boghäz de Rosette et de Damiette, ül y a, à vol É. M. TOME II. VOYAGE 92 d'oiseau, près de seize myriamètres ; et les deux branches principales du Nil qui aboutissent à ces deux points, ont de vingt-trois à vingt-quatre myriamètres de développement. La base du Delta est d'à-peu-près quatorze myriamètres et demi, en suivant les sinuosités de la côte ; et d'environ cent trente-sept mille mètres en ligne droite, entre les embouchures de Damiette et de Rosette, extrémités de cette base. | Tel est l'aspect général, telle est létendue-du pays que nous allions parcourir; pays peu connu avant l'expédition Française, à cause des dangers que les voyageurs avoient à craindre en s'éloïgnant des rives du fleuve. Nous. partîimes du Kaire le $ vendémiaire an 8 [27 septembre 1799]:0 vouloit tracer, dans le Delta, des routes militaires, faire des nivellemens, recon- noître et perfectionner le système des canaux de navigation et d’arrosement, établir une ligne télégraphique du Kaire à la côte (1), &c. Des instructions nous avoient été remisés sur ces différens objets, et nous nous embarquâmes à Boulâq, ville riche et commerçante, située sur les bords du Nil, à un quart de lieue du Kaire, dont elle:est en quelque sorte un faubourg. Nous montions une cange, sorte de barque fort légère, qui va à la voile et à la rame : une petite chambre très-agréablement ornée est placée vers la poupe, et sert d’abri contre l’ardeur du soleil et l'humidité des nuits. Aune demi-lieue environ de Bouläq, nous aperçûmes à notre droite un château en ruine, où les beys alloïent en pompe recevoir les nouveaux pâchâs que la cour de Constantinople leur envoyoit. (1) À mesure que notre armée s’affoiblissoit, il deve- noit plus nécessaire d’être informé rapidement des mou- vemens de lennemi. On sentoit combien il étoit utile d'établir des lignes télégraphiques, et Pon rejetoit presque aussitôt une idée dont l’exécution sembloit impossible, - Maïs c’est en vain que l’on manquoit des objets les plus nécessaires; l’armée possédoit dans M. Conté, directeur de l'atelier de mécanique, un homme dont le génie inventif, déjà si souvent éprouvé, sut encore une fois surmonter tous les obstacles. Il fit en peu de temps d’excellentes Junettes, et construisit un grand nombre de télégraphes sur un modèle nouveau. M. Conté étant mort avant d’avoir publié la description de son télégraphe, nous avons pensé qu’on seroit peut-être bien aise d’en trouver ici une description succincte. Ce télégraphe, dont voici la formé, se compose, 1.° d’un mât vertical dont l'extrémité imférieure est fixée d’une manière stable dansla maçonnerie dela plate- forme d’unetour ; 2.° d’une pièce en bois de la forme d’une 2 L , mobile autour d’un boulon horizontal qui fixe sa plus grande branche à l'extrémité supérieure du mât; 3.° d’une barre de bois qui passe par un änneau placé sur le mât , vers le milieu de sa hauteur. L’extrémité supérieure de cette barre s’attache à la pièce LL. , de ma- nière à la faire tourner dans un plan vertical autour du bouion qui la fixe au sommet du mât; ce mouvement s'exécute en tirant la barre ou en la poussant, à l’aide d’une poignée placée à son extrémité inférieure. Le pro- longement de cette manivelle se place successivement dans plusieurs trous pratiqués dans l'épaisseur des planches qui forment un plan vertical au bas du mât. Ces trous déterminent pour [a pièce L différentes positions qui» par leurs combinaisons, expriment Les phrases convenyés. M. Conté ayant desiré connoître l'équation de Ia courbe que traçoit la cheville sur le plan vertical pro longé indéfiniment, je trouvai qu’elle étoit algébrique du Le sixième degré; et il est aisé de voir que si l'anneau, que nous avons dû considérer comme un point fixe, étoit sur la circonférence du cercle donné que décrit lextrémité supérieure de la barre qui passe par cet anneau, et que Ia barre fût égale au diamètre du cercle donné, les deux branches de la courbe du télégraphe se composeroïent chacun d’un arc d’épicycloïde et d’un arc de cercle, de manière à former à elles deux une épicycloïde et un cercle entiers : l'équation du sixième depré représente le système de ces deux courbes, et elle en donne les équa- tions séparées, ense décomposant en deux facteurs, l’un du second, l’autre du quatrième degré. (Du Bors- AYMÉ.) DANS L'INTÉRIEUR DU DELTA. 93 Nous avions autour de nous le tableau animé d’une foule de barques. se croisant dans tous les sens { 1) et fendant les flots avec la voile ou l'aviron, au bruit des chants des bateliers, Le soleil se couchoit derrière la chaîne Libyque: ses derniers rayons frappoient encore le sommet des pyramides, dont les masses inférieures, plongées dans l'ombre, se détachoïent sur un ciel de pourpre; de longues lignes de palmiers formoïient d’élégantes colonnades, et des prairies de trèfle s’'étendoient devant nous jusqu'aux sables du désert. On apercevoit sur les bords du Nil des troupeaux qui venoient se plonger dans le fleuve: de petits hérons blancs réposoient tranquillement sur le dos noir des buffles ; de jeunes enfans nus et de couleur de bronze se jouoient sur la rive, et quelquefois l’un d’eux, s'arrétant immobile, nous retraçoit par sa: pose et ses formes les statues de l’ancienne Égypte. Ces plantes d'Afrique, ces chants Arabes, ces monumens antérieurs à la civilisation Européenne, ét enfin un retour sur nous-mêmes, rappelèrent à notre esprit notre éloignement de la France, le cours fugitif de la vie humaine et l'insta. bilité des empires Îles plus florissans. Long-temps encore, nous disfons-nous, l’on viendra visiter cette terre classique, berceau dés sciences ét des arts ; et si les Fran- çais, comme tant d’autres nations célèbres, disparoïssent un jour de dessus la terre, ces pyramides, témoins de leurs victoires et où mille inscriptions attestent leur passage, en conserveront le souvenir : c'est 1à, dira-t-on, que de jeunes guerriers, nés dans cette belle contrée que bordent la mer et le Rhin, les Pyrénées et les Alpes, vinrent disputer et enlever l'Égypte aux fiers enfans du Caucase, aux vaillans Mamlouks; et nos cœurs, à cette anticipation des éloges de l'avenir et du ravage des siècles, palpitoient orgueiïlleux de la patrie et s'attendrissoient sur elle. - La nuit nous surprit au milieu de ces pensées. Nous passâmes devant le canal d'Abou-Meneggeh ; et parvenus à quinze mille mètres plus bas, à l'endroit où le Nil, se divisant en deux parties, embrasse le Delta, nous suivimes la branche de Damiette qui se dirige au nord, tandis que celle de Rosette fait un coude à l'ouest. Le point de séparation de ces deux branches est nommé, par les gens du pays , Batn-el-Bagarah, Ventre de la Vache. Nous longeämes les digues qui ferment l'ancien canal de Fara ounyeh; et à quelques mètres au-dessous, nous quittimes la branche de Damiette pour entrer 2 dans un petit canal du Delta, navigable seulement dans le temps de l’inondation: ce ® canal nous conduisit jusqu'au pied de la butte factice sur laquelle est bâti Menouf ds Quelques jours après notre arrivée dans cette ville, nous voulûmes entre- prendre le nivellement du canal de Fara’ounych, et nous nous rendîmes à cet effet ” au village de ce nom, situé sur la branche de Damiette. Nous n'avions point pris d'escorte, et souvent des détachemens de nos troupes avoient été attaqués sur cette route; nous fümes donc plus heureux que prudens. Peut -être aussi les felläie étoient-ils devenus moins hardis depuis qu'ils connoïssoient les forces de notre armée’et la valeur de nos soldats. Quoi qu'il en soit, nous avons cru remarquer qu'ils ne sont point aussi méchans qu'on le croit communément. Ceux qui ont (1) Le peu d'élévation des berges et les vents qui Nil presque aussi facile en remontant le courant qu’en le soufHent assez constamment, rendent la navigation du descendant. 94 | VOYAGE servi des Français comme domestiques, leur ont généralement donné des preuves d'attachement , de-probité et de courage. L'hospitalité, prescrite par leur religion, sera d’ailleurs toujours une sauvegarde pour le Voyageur qui, sachant leur langue, marchera avec confiance au-devant de ceux qu'il soupçonnera de mauvais.desseins, leur demandera d'être conduit à leur chef, et dira à celui-ci que, sur le bruit de son courage, de ses vertus hospitalières, il est venu à luï avec confiance. Ce moyen nous a toujours réussi, même dans des provinces encore peu soumises à nos armes ; et nous n'hésiterions point à l'employer chez quelque peuple que ce fût: les hommes, bien que trop souvent cruels, bien que méchans pour la Plupate, sont presque toujours sensibles à la voix de l’honneur; il ne faut que savoir à propos la leur faire entendre. Nous nous présentâmes chez le cheykh du village de Fara'ounyeh, l'émyr Ahmed, auquel la garde et l'entretien des digues du grand canal étoïent confiés. L'un de nous avoit eu occasion de luï rendre un service important auprès du général en chef de l’armée Française; il nous reçut avec joie : nous soupâmes et couchâmes chez lui. Le lendemain matin, il entra dans notre chambre avec sa fille, jolie enfant d’en- viron sept ans, qui vint nous offrir des gâteaux et des fruits; elle avoit le visage découvert et étoit fort blanche. La visite de cette jeune fille, ainsi dévoilée, étoit certainement , dans les mœurs de l'Orient, la preuve d’une grande bienveillance. À notre départ, le cheykh voulut nous remettre une somme d'argent assez considérable ; nous la refusâmes. Il nous offrit deux chevaux, et nous lui répon- dîmes que les Français n'étoient point dans l'usage d'accepter des objets de cette valeur. Il nous regarda avec surprise, et nous entendîmes nos domestiques Arabes sé dire à voix basse que leurs maîtres étoient de braves gens, mais un peu fous : refuser un don leur sembloit le comble de la démence. Cet usage de faire des cadeaux à ceux envers lesquels on a exercé l'hospitalité, remonte à la plus haute antiquité : Ulysse ne reçut-il pas de son hôte Alcinoüs un talent d'or, une tunique, une coupe! Nous eussions dû peutêtre nous conformer aux usages de l'Orient; mais, dans nos mœurs, c'eût été, en quelque sorte, recevoir le paiement des ser- vices que nous avions rendus : Fhabitude prévalut, et nous mimes à notre refus toutes les formes qi pouvoient le rendre moins désagréable. Fara’ounyeh paroît dérivé du nom de Fara'oun [Pharaon] que l’on donnoit aux anciens souverains de l'Égypte; et comme c’est à ces princes que les habitans du pays attribuent encore aujourd’hui la construction des monumens que les étrangers viennent admirer chez eux, on peut présumer que le village de F ara ounyeh a ren- fermé quelques débris d’antiquités que le temps et les barbares auront fait M e- mais nous ignorons quelle ville ancienne a pu exister en ce lieu. Nous levâmes le plan du cours entier du canal de Faraounyeh, et nous en fimes lenivellement. Le canal a son origine dansla branche de Damiette, à quelques mètres au nord du village dont nous venons de parler; il coupe la partie supé- rieure du Delta, et se termine à la branche de Rosette, au-dessus du village de Nâdir. Sa pente totale, qui est de trois mètres neuf cent soixante-troïs millièmes, sur un développement de trente-sept mille deux cent cinquante mètres, d’autres DANS L'INTÉRIEUR DU DELTA 9$ nivellemens faits en différens lieux du Delta, et sur-tout l’appauvrissement successif de la branche de Damiette et la tendance qu'ont les eaux à se porter dans celle de Rosette, nous portent à croire que toute la surface de cette partie de l'Égypte a maintenant une inclinaison générale de l’est à l’ouest. Les eaux de la branche orientale, entraînées par la grande pente que nous venons d'indiquer, se jetèrent autrefois avec une telle abondance dans le canal de Fara’ou- nyeh, que les provinces inférieures, vers Damiette, ne reçurent plus la quantité d’eau nécessaire à leur arrosement, et que la mer couvrit leurs terrains les plus bas, Les dommages qui en résultoient, déterminèrent le Gouvernement du Kaire à faire fermer cé canal. Mourâd-bey paroît avoir le premier entrepris ce travail; mais les digues ,ayant été mal construites, ne purent résister à l'effort des eaux. Ayoub-bey el-Chiq, s'étant emparé du gouvernement, reprit cette opération; et lorsqu'elle fut achevée, ce même Ayoub-bey et O’smân-bey, entraînés par des intérêts par- ticuliers, firent couper les digues. La fermeture du canal fut enfin rétablie par ordre de Mouräd, lorsque ce bey reparut à la tête des affaires; et ce fut l'émyr Ahmed, que nous trouvâmes à Kafr-Fara ounyeh, qu'il chargea de ce travail : celui-ci parvint avec beaucoup de peine à l'exécuter, en faisant jeter à l'entrée du canal, à l’é- poque des basses eaux, une quantité considérable de gros blocs de pierre. L'eau de la branche de Damiette qui, au temps de linondation, s’'infiltre à travers les digues dans le lit du canal, et celle qui y remonte de la branche de Rosette, permettent d'y naviguer pendant quelques mois avec de petites barques (r). Les rives du canal de Fara’ounyeh ne sont point, comme celles de la plupart des'canaux de l'Égypte, bordées de monticules de terre provenant des curages annuels; elles ressemblent à celles des branches principales du Nil : une plaine rase se développe indéfiniment des deux côtés, et présente une culture soignée et dés villages fort rapprochés les uns des autres. La province que nous parcourions, se nomme le Aenoufyeh. Elle est moins exposée aux courses des Arabes que le reste du Delta. Sa partie supérieure, prin- cipalement, se trouvant renfermée entre la branche de Damiette, celle de Rosette. et le canal de Fara’ounyeh, est facile à défendre contre un ennémdont les forces ne consistent qu'en cavalerie (2). Nous nous sommes avancés dans l'intérieur de cette, Île, et nous avons reconnu qu'elle est principalement arrosée par le canal d'Abou-Sarah, qui a son origine dans celui de F ara ounyeh, où il revient se jeter près de Ramleh par deux bouches différentes, après avoir porté les eaux du Nül, »par plusieurs ramifications, sur le territoire d’un assez grand nombre de villages. Les eaux du Nil séjournent peu dans cette portion de l'Égypte; ce qui con- tribue nécessairement à y rendre l'air plus salubre, et la peste moins dangereuse et moins fréquente que dans le nord du Delta (3). On y cultive le froment, (1) Pendant la grande crue de Pan 9, les eaux ont (2) Dans le temps des basses eaux, le Nil est guéable tourné les digues par l’ouverture du canal de Menouf, en quelques points de la basse Égypte, et c’est le mo- et se sont versées dans l’ancien lit du canal de Fara’ou- ment que choisissent les Arabes pour pénétrer dans le nyeh, qui est redevenu navigable toute l'année, comme Delta. un des grands bras du Nil. Notre voyage dans le Delta 2 (3) La peste est endémique en Egypte. Ceux qui croient est antérieur à cèt événement. qu'elle y est transportée chaque année de Constantinople, VOYAGE 96 lorge, le riz, le dourah, l'indigo, le lin, le colza, Îe trèfle, le lupin , les oignons, les féves, les lentilles, et quelques plantes potagères particulières à ce climat, telles que le bâmyeh / #biseus eseulentus], plante de la famille des malvacées, dont on mange les jeunes fruits après les avoir fait cuire dans l'eau, mets peu agréable à cause de sa viscosité ; le meloukhyeh /corchorus oitorius ] , de la famille des tiliacées, herbe qui, cuite et hachée, forme un mets recherché des habitans, mais qui plaît peu aux Européens à cause du mucilage gluant qu'il contient; la colocasie J'arum colocasia |, dont la racine cuite dans l’eau donne une assez bonne nourriture : on trouve aussi des auber gines, des concombres, des melons et dés pastèques; enfin des mauves, dont les Égyptiens font usage dans leur cuisine, et du fenu- -grec, qui n'est employé en Europe que comme fourrage, mais qui en Égypte sert encore de nourriture aux habitans : ils mangent crues et sans assaisonnement la graine germée et les jeunes tiges de cette pre | Le chanvre n’est cultivé qu ‘en petite quantité, et pour un tout autre objet qu'en France. Les Égyptiens, qui ont enseigné jadis à l’Europe l'art de filer le lin et d’en fabriquer des cordages et des étoffés, paroïssent avoir ignoré que le chanvre pût servir aux mêmes usages, ou du moins avoir négligé de le cultiver dans cette se trompent évidemment : pendant près de quatre ans que l'armée Française occupa l'Égypte, les communica- tions avec la Turquie cessérent, et toutes les précautions sanitaires pratiquées dans les [azarets d'Europe furent prises avec un soin extrême; cependant la peste, époques accoutumées, n’en ravagea pas moins Ég gypte- aux Et pourquoi s’en étonneroit-oni Ne sait-on pas que le voisinage des marais occasionne des fièvres épidémiques, d’autant plus dangereuses que la température est plus élevée : L'Égypte, après les inondations du Nil, présente de toutes parts de vastes marais qui se dessèchent successive- ment par l’évaporation; la putréfaction des végétaux et des animaux qui meurent dans la vase, est hâtée et vive- ment développée par un soleil'ardent, et par Îes vents em- poisonnés, nommés khamsyn , qui soufflent de l'intérieur de l'Afrique, où ils se sont embrasés en traversant d’im- menses plaines de sable. Les fièvres de marais, dange- reusesen tout pays, doïvent donc nécessairement prendre en Égypte un caractère contagieux plus prononcé. On a remarqué tes les épidémies les plus meurtrières y avoient toujours été précédées par de grandes inonda- tions. La Dire dans ce cas, descend de la haute Égypte, parce que c’est le point que les eaux abandonnent le pre- mier. Les foibles débordemens, au contraire, s’étendant à peine sur les terres du Sæ’yd, il n’y a, à proprement parler, de cantons inondés et de marais formés que dans les parties inférieures de la basse Égypte : c’est aussi de ce côté que la peste commence alors à se déclarer; et le contact, les communications de tout genre , la font pénétrer dans l’intérieur, en allant du nord au sud: La peste peut encore, ilest vrai, être portée en Égypte des pays voisins; mais si ce n’est pas dans [a saison où elle se développe ordinairement d’elle-même, elle s'éteint ‘bientôt. Les exhalaisons de la terre, dira-t:on, ne peuvent donner la peste; sans cela, le vent la transporteroit rapi- dement d’un lieu dans un autre, et l’on voït, au con- traire, le moindre fossé, la moindre barrière , l’arrêter. Cette objection, pour être spécieuse , n’en est pas moins facile à combattre. D’abord ïl faut bien se convaincre qu’au milieu des maraïs de la basse Égypte, ce seroit en vain que, pour échapper à la peste, les‘hommes s’isole- roient les uns des autres; ils ne feroient que diminuer le danger, en évitant de recevoir le mal par toute autre voie que celle de l'influence de Pair. Cet isolement se- roit plus utile dans les villes d'Égypte ; Toujours moins insalubres que Îles marais qui les entourent; néanmoins cette sage précaution ne préserveroit pas encore entié- rement de tout danger. Les négocians Européens nous -en offrent la preuve ; malgré leurs précautions extrêmes pour ne pas communiquer avec la population Égyptienne, la peste les atteint quelquefois : ïlsdisent alors, à la vérité, qu'un oiseau , qu'un chat la eur a apportée ; mais on sait ce qu’on doit penser de semblables raisons, Enfin, dans les villes d'Europe où la peste n’est qu'acciden- telle et n’a d’autres causes que le contact des corps pes- tiférés, l’air continuant d’être ce qu’il étoit auparavant, il est certain qu’un mur, un fossé, arrêteramcette cruelle maladie. | L’oxigène, d’après les belles expériences des chimistes modernes, consume ou neutralise toutes les émanations putrides ; voilà pourquoi l'air atmosphérique, loin de transporter les vapeurs pestilentielles, en détruit les prin- cipes délétères. À quelques millimètres d’un malade, ou d’une balle de coton pestiférée, au moment où elle est ouverte, on peut, sans contact, prendre la péste et même tomber mort, aïnsi a on en a eu lexemple plusieurs fois: un peu plusloin, on n’eût rien risqué; la masse d’oxigene interposée eût été sufisante pour détruire la moufette pestilentielle. Toutes ces explications sont bien simples, et c'est justement pour cela qu’on ne les a pas données de suite. L'homme, jusque dans la description de ses maux, aime VUE : DANS L'INTÉRIEUR DU DELTA. CN vue : ils fument cette plante en guise de tabac, ou la prennent intérieurement comme l’opium ; elle leur procure une ivresse qui exalte leur force, augmente leur courage et les pousse souvent aux actions les plus audacieuses. Les gens du peuple sur-tout laïment avec passion: il semble’ qu’elle les dédommage de la proscription que leur prophète à prononcée contre les boissons fermentées; car cette raison dont l'espèce humaine est si fière, par-tout on cherche à l'altérer par des préparations, par des breuvages. Les maux attachés à notre existence seroient- ils la cause du plaisir qu'onsparoît éprouver dans cet oubli de toute chose! Menouf, capitale de la province, est d’un aspect peu agréable. Ses maïsons sont basses | et construites en briques crues; ses rues sont étroites, mal percées, et les monticules de décombres qui-l’environnent de toutes parts , en masquent entièrement la vue à l'est et à l’ouest. Les eaux du Nül l'entourent pendant l'inon- dation, maïs elles s’écoulent promptement; et c'est sans doute pour cela que cette ville est une des plus saines de la basse Égypte. Sa population est d'environ quatre mille individus. On distingue facilement ceux qui se livrent aux travaux dé la terre, de ceux qui ont des métiers sédentaires : les premiers sont secs et vigoureux; les seconds ont plus d’ embonpoint, principalement les tisserands, qui se trouvent en grand nombre dans cette ville. le merveilleux; les causes les moins probables , pourvu qu'elles soient extraordinaires, seront celles qu'il préfé- rera toujours, parce qu'il est plus facile de séduire notre imagination que d'éclairer notre raison. La peste la plus meurtrière que, nous ayons essuyée pendant notre séjour en Égypte ; fut celle de lan 9; plusieurs villages du Sayd perdirent en entier leur po- pulation , et le Kaiïre offrit le spectacle le plus affli geant. Les états de mortalité que Von forma alors, et qui ont été publiés en Europe, m'ont toujours paru au- dessous de [a réalité. On entendoit des gémissèmens et des cris dans toutes Jes maisons; on rencontroit à chaque pas des convois funèbres ; A URE cadavres étoient sou- vent réunis sur le même ete et j’ai vu les hommes qui les portoïent donnér leur fardeau à d’autres et se cou- cher sur da terre avec tous les symptômes de la peste, Un jour que je traversois la plaine aride d’Ibrähym, qui sépare le Kaïre de l'île de Roudah, je fus témoin d’une scène de désolation qui ne s’effacera jamais de ma mémoire: J’avois à ma gauche une suite de hautes col- lines de décombres, sur lesquelles s’élevoit le fort de Plostitut; à ma droite, des champs cultivés, les palmiers et les sycomores de l'ile de Roudah. L’armée étoit alors dispersée par les manœuvres imprudentes ou cou- pables du général Menou; l’ennemi s’approchoit, et l’on évacuoit l'hôpital d’Ibrâhym. Une longue suite de cha- meaux chargés s’acheminoit vers la citadelle, où tout le monde cherchoit un asile; le Khamsyn, avec ses tour- billons de poussière, couvroit d’un voile sombre tous les objets, "et donnoit au soleil même une couleur livide: plusieurs riches enterremens traversoient la plaine, etle cri des pleureuses’ à gages se faisoït entendre par intervalles. Un Turc conduisant un âne sur, lequel étoit couché en travers le cadavre d’un soldat Français, passa prés de É, M. TOME II. moi; et un homme qui s’avançoit à grands pas avec une corbeille sur Ha tête, suivit de près le modeste.convoi du guerrien: il murmuroit le chant funébre des Musul- mans; de petits bras, de petites jambes d’enfant, qui pen- doient hors de la corbeïlle, m’apprirent que la même faux moissonnoit à-la-fois.et le riche et le pauvre, et le fort et le foible. À l'instant même, j'entendis ces mots pro- noncés d’une voix prophétique : Willespleine de tumulte, tes enfans Seront. tués, let ils ne mourront point par l'épée : l'ange exterminatèur marche devant moi, Je me retourne , et, je reconnoiïs un officier. Français qui étoit, depüis quelque temps, atteint de folie. Sa mémoire, depuis sa maladie, étoit prodigieuse , et je lui avois souvent en- tendu réciter de suite, avec le plus grand enthousiasme, des odes d’Horäâce et dertrès-longs fragmens d’Homére et de la Bible. Il étoit presque nu; sa figure étoit en- flammée , son œil fixe, ses cheveux épars; sa Jongue barbe pendoit sur sa poitrine. Le bruit de: ses chaînes, sa voixy”ses gestes, les malheurs qu'il annonçÇoit, sem- bloient commander Îe respect à ses gardes, et PER le trouble dans leur ame. « Creusez votre tombe, s’écrioit- »il, plein de Ia lecture des saints prophètes; le jouride >» colère est_arrivé : le Seïgneur est entré en Égypte: >» sa malédiction la dére » Puis, après quelques ins- tans de repos , il reprenoïit : «Le bruit des tambours a » cessé; les cris de réjouissance ne s'entendent plus; la » harpe a fait taire ses accords si doux; la ville superbe » a disparu du monde. » Ces paroles lugubres,, ces chants et ces cérémonies fu- nébres, cet ouragan et ces tourbillons embrasés, ces femmes, ces enfans, ces soldats malades, fuyant vers les forts, formoient un tableau terrible, qui frappa telle- ment mon imagination, que je Îe vois encore aujour- d’hui dans ses-moindres détails. (Du Bor$ AYMÉ,) N 98 - VOYAGE Si Menouf ne présente aucun vestige d'anciens édifices, ni de ces monticules en briques crues qui annoncent l'emplacement des villes de l'antique Égypte, c'est qu'ils auront été recouverts par les débris des maisons modernes. H nous semble , en effet, qu’on doit assigner à Menouf üne origine fort reculée puisqu'à l'époque de la conquête de l Égypte par les Arabes, cette ville étoit déja assez considérable, assez importante, pouravoir donné son nom à une des provinces du Delta. C’est probable- ment là, ou du moïns à peu de distance, que l’on doit placer sur les cartes anciennes la ville de Nic, capitale du nome Prosopites; car, selon l Itinéraire d'Antonin, M étoït à quarante -huit milles de Memphis et à trente-un milles d Andropolis, villes que tous les critiques {r) s'accordent à placer, savoir, la première, près des pyramides de Saqqärah, au village de Myt-Rahyneh;,où nous avons eneflet retrouvé ses ruines, et la seconde, au village de Chäbour, sur la rive gauche de la branche de Rosette. Nous avons aperçu, dans quelques mosquées de Menouf, des colonnes de granit qui paroissent provenir d'édifices anciens; et nous avons découvert à la porte d'une maison, où il servoit de banc, un monument précieux pour les anti- quaires. C’est un bloc quadrangulaire de granit noir, parfaitement dressé, qui pré- sente sur une de ses faces les restes de deux inscriptions : l'une en caractères cursifs, analogues à ceux que lon voit sur les enveloppes des momies et les rou- leaux de papyrus ; l'autre en beaux caractères Grecs. Cette pierre a un mètre vingt- quatre centimètres de largeur; un petit cadre lisse, de deux centimètres, enferme les i de HD) et réduit la longueur des lignes écrites à un mètre vingt céntièmes; les deux arêtes perpendiculaires sont brisées, l’une à la hauteur de quarante- neuf centimètres, l’autre à celle de trente-huit. Les deux inscriptions sont dans un grand état de dégradation : nous avons copié plusieurs mots de la pre- mière; et la comparaison que nous en avons faite avec ceux de l'inscription inter- médiaire de la pierre de Rosette (2), ne laïsse aucun doute sur l'identité des lettres. Feu notre collègue M. Raïige, à qui nous avons montré les fragmens que nous avons recueillis , a pantagé entièrement notre opinion; et il nous en auroit peut-être donné l'interprétation, si la mort ne leût surpris au milieu des travaux de même nature qu'il avoit entrepris à l’occasion de la pierre de Rosette. Les caractères de la seconde inscription ne présentent aucune incertitude, ils sont Grecs; mais nous n'avons pu lire distinctement que les trois premiers mots, et le commencement du quatrième : BASIAEOZ NEOT AIEI TG Du jeune Roi, toujours &c. Ces inscriptions devoient être, si lon en juge par leurs dimensions, plus considérables que celles de la pierre de Rosette : l'inscription Grecque de cêtte (1) Voyez, entre autres, les Mémoires sur l'Égypte ancien égyptien vulgaire, et la troisième en grec. I a par d’Anville. été trouvé par M. Bouchard, Fun de nos camarades, dans (2) Ce monument lapidaire, le plus précieux qu'on les excavations qu ’il faisoit faire pour réparer le vieux ait recueilli depuis long-temps, présente trois inscriptions: fort qui est à quatre cent cinquante métres au nord de « la première en caractères hiéroglyphiques, la seconde en Rosette, sur la rive gauche du Nil DANS L'INTÉRIEUR DU DELTA. 99 dernière n'occupe qu'un rectangle de trente-quatre centimètres de haut sur soixante- onze centimètres de large, tandis que celle de la pierre de Menouf a trente-six centimètres de haut sur un mètre vingt centimètres de long: L’analogie remarquable qui existe entre ces deux pierres, porte naturellement à conclure que celle de Menouf avoit aussi une troisième inscription en caractères hiéroglyphiques. On sait que le monument lapidaire de Rosette présente un décret | 1) des prêtres Égyptiens, qui institue un culte particulier en l'honneur de Ptolémée Épiphane, déclaré Dieu dans les temples de Memphis. En voici les premiers mots: BaniAevorme Ti és x ruexAgbovns &c. « Du rèpne du jeune ( Roi), succédant &c.» L'inscription de Menouf ne commence donc point comme celle de Rosette, maïs tout fait présumer qu'elle renferme un décret du même genre; et il est en effet dans la nature de l’homme, dans sa servilité habituelle, que les prêtres aient renouvelé plus d'une fois ces témoignages publics de leur adulation, à l’avéne- ment des rois Grecs au trône d'Égypte. Une pierre de même nature, mais de dimensions différentes de celles de Rosette et de Menouf, a été trouvée au Kaire par M. Caristie, l'un de nos compa- gnons de voyage (2). Ce monument rend encore plus probable l'opinion que nous venons d'avancer au sujet du nombre et de la variété de ces sortes d'inscriptions. Nous étions logés à Menouf dans une maison assez vaste, dont l'intendant Qobte occupoit la partie inférieure; et, de nos fenêtres, nous avons été plusieurs fois témoins des coups de kourbäy qu'il faisoit distribuer devant lui, dans la cour de notre maison, aux paysans qui ne payoïent pas volontairement l'impôt. Nous intercédions souvent pour eux; mais le Qobte nous répondoït toujours que jamais on n'avoit agi différemment sous les Mamlouks, et que les f/4h ne donneroïent rién s'ils n’y étoient contraints par la douleur. Ammien Marcellin rapporte qu’au temps des Romaïns l'impôt se percevoit aïnsi: C’est une honte, dit-il, chez Les Eygptiens que d'avoir payé le tribut de bonne grâce, et sans y avoir été forcé à coups de Jouet. Nous avons souvent vu en effet l'homme-qui, à plusieurs reprises, avoit été (1) Voyez les Éclaircissemens sur l'inscription Grecque du monument trouvé à Rosette, par M. Ameiïlhon. Paris, 1603, in-4,° (2) Voici ceque l’on a inséré à ce sujet, le 30 ventôse an 9, dans le n.° 108 du Courrier de Égypte : « Le citoyen Caristie, ingénieur des ponts et chaussées, » a découvert, au commencement de cette année, dans » la mosquée el - Nasryeh du quartier de ce nom au » Kaire, une pierre ou table d’un granit noir, occupant » le seuil d’une porte de la mosquée. II y reconnut trois » inscriptions en trois caractères anciens. Le général en » chef Menou permit que la pierre fût enlevée et trans- » férée à l'Institut, où elle est maintenant, » Les dimensions de cette demi-table, fendue et sé- » parée dans la moitié de sa longueur, sont de six pieds » de hauteur, quinze pouces de largeur et onze pouces » d'épaisseur, d’un beau granit noiret d’un grain très-fin. » On distingue sur [a hauteur trois inscriptions placées » lune au-dessus de l'autre. La première et supérieure est » en Caractères hiéroglyphiques, et a vingt-six lignes enca- » drées. La seconde est en caractères que l’on soupçonne É. M. TOME II. » être l'écriture cursive ou vulgaire des Égyptiens, sem- » blable aux caractères dont sont couvertes les enveloppes » de momies : on y compte vingt-six lignes. La dernière >» inscription est en grec, et a soixante-quinze lignes. En » général, les caractères de ces trois inscriptions sont très- » altérés; ils sont presque illisibles. La partie supérieure » de cette pierre offre , du bord de la cassure dans Îe sens » de sa largeur, une aile déployée, telle que celles de » tous les globes ailés qui ornent les frontispices des an- » ciens temples des Égyptien ; ; elle appartient donc à Ia » moitié de ce symbole : au-dessous, on reconnoît très- » bien quelques personnages. » Cette pierre, qui a trois inscriptions en trois divers ca- » ractères, est beaucoup plus grande que celle du même » genre et de même nature trouvée dans le fort Julien, »près de Rosette, dont on à parlé dans le n° 37 du » Courrier de l'Égypte; mais ellé est d’un intérêt bien » moins grand, puisqu’à peine, dans cette seconde, peut- » on déchiffrer quelques mots de suite : néanmoins elle » indique assez qu’elle appartient au temps des Pto- » lémées. >»? N 2 100 VOYAGE battu inutilement, tirer enfin de sa bouche, ou des plis de son turban, l'argent demandé, et le remettre au percepteur. Étrange destinée ! Ces f2/4k musulmans descendent peut-être des compagnons de Mahomet, et ils sont battus de verges par des Qobies chrétiens, ou des Mamlouks renégats, dans une province musul- mane. Notre protection leur fut quelquefois utile; et lintendant, sans oser nous le dire, nous maudissoit au fond de son cœur : mais on nous en aïmoit davantage à Menouf; et ce qui ailleurs eût été une simple jouissance personnelle, bien natu- relle à rechercher, étoit ici mélé d’un sentiment d’orgueil national, inconnu à celui qui n'a jamais quitté son pays. Loin de la patrie, on lui rapporte tout, rien à soi; peu importe d'être nommé, pourvu que l'on entende dire : « C’est un Français qui » ma seçouru de sa bourse, qui m'a protégé deson crédit; c'est un Français qui m'a » sauvé des mains de l'ennemi. » SECTION IL Départ de Menouf. — Description de la branche Thermutiaque. — KRuines d’Atarbechis, de Byblos et de Busiris, — Arrivée à Semennoud. Nous habitions Menouf depuis plusieurs mois, lorsqu'un détachement de quinze hommes d'infanterie, tiré de la garnison de cette ville, reçut l’ordre de se rendre à Semennoud. Nous nous empressâmes de profiter de cette escorte pour parcourir une partie du Delta. Nous partimes à pied le 20 frimaire ; et, après trois heures de marche, nous arrivâmes à Chybyn-el-Koum, gros village situé sur le grand canal de Qaryneyn, à deux lieues et demie de Menouf; nous y entrâmes avec Flintention d'y passer le reste de la journée, et nous nous ffmes conduire en conséquence à la maison des.Mamlouks. Il y a de ces sortes de maisons dans la plupart des villages ; elles sont destinées à loger les agens du Gouvernement qui parcourent les provinces: on n'y trouve aucun meuble, aucun ustensile ; mais les habitans sont obligés de les meubler et de les Peu de tout ce qui peut être nécessaire. Le cheykh envoya à notre.détachement du pain et un mouton vivant, que l'on se partagea aussitôt ; quelques felläh vinrent nous vendre des poules et des œufs (1). Nos soldats se mirent à apprêter leur repas; et pendant que nos domestiques Égyptiens préparoïent le nôtre, nous allâmes nous promener dans le village. Nous remarquâmes des monceaux considérables de ruines et de dé- combres, qui annoncent une ville ancienne ; et nous ne doutions pas que si l’on y faisoit des fouilles, on n'y trouvât des monumens antiques. I est très-probable que ces débris appartiennent à la ville d'Atarbechis, dont parle Hérodote, et qui est désignée par Strabon sous le nom d’Aphroditespolis. On en jugera du moins ainsi, si l'on adopte la position que nous avons cru devoir assigner à M; car Hérodote place Atarbechis dans File Prosopitis, et (x) Dans les premiers temps de notre séjour en Ég gypte, en coûtoitcinq ousix. Ces prix-[à doublèrent par la suite. on avoit une douzaïne d'œufs pour trois parahs;unepoule Le parah vaut environ trois centimes et demi. “ DANS L'INTÉRIEUR DU DELTA. IOI dit que l’on y voit un temple consacré à Vénus ; Strabon met la ville de Vénus dans le nome Aprosopites, qui est certainement le même que le nome Proso- pites ou Prosopitis des autres géographes, et Pline la cite parmi les villes du Delta. Son nom Grec d'Aplroditespous [ville de Vénus] lui avoit été donné à cause du culte qu'on y rendoit à cette déesse. Son nom Égyptien d’Ararbechis a la même étymologie. Arap, ou, comme l'écrit Orion, At», étoit le nom d’une divinité que les Grecs appelèrent Vénus (1); Bau signifroit une ville, et ce mot a conservé la même valeur dans la langue Qobte. C'est d'Atarbechis, suivant Hérodote, que partoïent les bateaux qui alloient dans toute l'Égypte chercher les ossemens des bœufs, pour les ensevelir religieu- sement dans un même lieu {2}. Cette navigation prouve qu'Atarbechis étoit située sur un bras navigable du Nil; et Chybyn-el-Koum, placé sur le grand canal dont nous avons parlé, satisfait à cette condition. Ce canal ne présente nulle part les traces d’un travail fait de main d'homme: dérivé, près du village de Qaryneyn, du principal bras du fleuve qui se dirige sur Damiette, il coule d’un seul jet, à travers le Delta, jusqu’au village de Chybyn-el- Koum, où il se divise en deux branches. L’une de ces branches coupe obliquement le Delta, et se jette, près du village de Farestaq, dans le bras du Nil qui passe à Rosette. L'autre, et c’est la plus considérable, se réunit, au-dessous de Sebennytus, au canal de Tabanyeh, qui verse ses eaux dans le lac Bourlos, non loin de ruines que l'on peut attribuer, avec beaucoup de vraisemblance, à l'antique Buto. Cette seconde branche prend le nom de canal de Melyg, à partir de Chybyn-el-Koum, jusqu’à sa jonction avec le canal de T'abanyeh. Tout nous porte à croire que le canal que nous venons de décrire, depuis son origine dans la branche de Damiette jusqu’à son embouchure dans le lac Bourlos, n’est autre chose que l’ancienne branche Sebennytique de Strabon ; et l’on aura le cours du fleuve Thermutiaque de Ptolémée, en y joignant la partie de la branche de Damiette comprise entre le village de Qaryneyn et le sommet du Delta (3). L'ancienne branche Sebennytique de Strabon est navigable; elle a de l'eau toute l'année, et le courant en est assez rapide. Elle à communément de cent cin- quante à deux cents mètres de largeur. Elle se divise quelquefois en plusieurs bras pour former des Îles, et elle alimente des canaux qui arrosent les territoires des villes et des principaux villages du Delta. C’est ainsi que les eaux du fleuve arrivent sous les murs de Mehallet-el-Kebyr et de Mehallet-Abou-A‘{y. Le 21 au matin, nous nous embarquâmes avec notre escorte sur le canal; nous en parcourûmes environ sépt mille mètres avant d'arriver à Melyg, dont il a pris le nom. Nous aperçûmes au sud de ce village, vers l'endroit où le canal fait un coude, de hauts monticules en briques crues, qui indiquent l'emplacement d’une ville ancienne fort considérable. Nous croyons devoir * (1) Jablonski, Pantheon Ægyptiorum, Mb. 1, cap.1, rassembler les os pussent Îes retrouver facilement. ( He- pag. 4 ets. | rod, lib, II, S. 4r.) (2) On enterroit les bœufs les cornes hors de terre, (3) Voyez le Mémoire sur Îes anciennes branches du afin que les habitans d’Atarbechis chargés du soin d'en Nil 102 VOYAGE fixer ici la position de Byblos dont il est question dans Ctésias et dans Étienne de cPcre On sait que les Égyptiens, ayant voulu secouer le ; joug des Perses, mirent à leur tête [naros, roï de Libye (1); que ce prince, secondé des Athé- niens, après avoir obtenu de grands succès et s'être emparé de l'Égypte, fut vaincu par les Perses, chassé de Memphis, et forcé enfin de se-renfermer avec les débris de son armée dans l'île Prosopitis, selon Thucydide, et dans Byblos, selon Ctésias. Or, comme ces faits se sont passés presque sous les yeux de ces deux historiens, on doit en conclure que Byblos étoit dans l'ile Prosopitis. Celle-ci ayant neuf schœnes de circuit, au rapport d'Hérodote {2}, la position que nous avons assignée à Mic , aux environs de Menouf, place les ruines de Melyg vers l'extrémité nord de l'ile; ce qui se trouve d'accord avec la position que le savant d'Anville a donnée à Byblos d’après des considérations historiques. II observe que les Perses, après avoir assiégé Byblos un an et demi, parvinrent enfin à mettre à sec les trirèmes Athéniennes qui contribuoïent puissamment à la défense de la place; et ce sont les dérivations par lesquelles le canal fut épuisé, qui le portent à penser que Byblos étoit dans la partie inférieure de Pile. On retrouve en effet, au-dessus de Melyg, deux dérivations remarquables : lune, comme nous l'avons déjà dit, est détachée près de Chybyn -el- Koum, et rejoint la branche de Rosette à Farestaq ; l'autre, beaucoup moins importante, est plus rapprochée de Melyg, et court au nord vers la ville de Tanta. On peut présumer que ces canaux sont l'ouvrage des Perses pendant le siége de Byblos, et que c'est à leur ouverture qu'est due la disparition de l'ile Prosopitis, ou, pour mieux dire, d’une partie des canaux qui l'entouroient. = Nous continuâmes de suivre le cours du canal; et l'un de nos bateliers Égyptiens, plus communicatif que ne le sont ordinairement ses compatriotes, nous amusa par lingénuité de ses questions. Ses idées sur quelques objets étant semblables à celles . de plusieurs Égyptiens de cette classe, nous ferons connoître les plus singulières. Il ne pouvoit pas croire, par exemple, que nous eussions en France d'autre fleuve que le Nil; maïs, en revanche, il ne vouloïit pas que nous eussions la même lune. Cette opinion, qui paroît absurde au premier coup-d'œil, provient cepen- dant moins d'un esprit faux que d'une ignorance profonde : ne connoissant point le cours entier du Nil, n'ayant jamaïs vu de canal qui n'en füt une dérivation, ül pouvoit penser que, si ailleurs on rencontroit une rivière d'eau douce, elle devoit être une partie du cours immense du Nil, ou une de ses nombreuses ramifica- tions; et, par un raisonnement assez semblable, cette lune qu'il voyoit toute entière au-dessus de sa tête, comment pouvoit-elle éclairer les nuits d'un peuple aussi éloigné de l'Égypte que les Français! Notre religion fut aussi l'objet de son étonnement, et nous avons entendu bien souvent d’autres Égyptiens faire à ce sujet mille suppositions bizarres. Notre respect pour leur culte, et cette formule, tirée de leurs livres sacrés, 7 n’y à de Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète, qu'ils lisoient en tête de toutes nos (1) Thucydid. Æiss, lib. 1, pag, 71, edit. Fran- (2) Lib. m,$ 42 cofurti, 1594. DANS! L'INTÉRIEUR DU DELTA, 103 proclamations et de tous nos actes publics, ne pouvoïént se concilier avec cette religion chrétienne, ennemie de lislamisme ‘qu'ils. croyoïent être celle de tous les Européens. Quelques-uns d’entre eux, ne voyant pratiquer aux Français aucune cérémonie religieuse, pensoient que nous n'avions aucune connoissance de la Divinité : maïs tous‘du moins nous croyoïent dans une position plus avantageuse pour embrasser l’islamisme que si nous eussions eu une religion ennemie de Ja leur ; et cette considération leur inspiroit pour notre nation une certaine bienveïllance. Au milieu des questions deynos bateliers et des réflexions qu'elles nous suggé- roient, nous passâmes devant les villages de Myt-A’fyeh, Dyé, Ga’faryeh, Chemé ou A’chmeh* Cherembelah, Abougour, situés sur la rive droite du canal, et ceux de Birket el-Salaba, Kafr- Agedioud, Mesami et Santah sur la rive gauche: Nous nous arrêtèmes devant ce dernier village. Le lendemain , nous débar- quâmes sur le bord opposé, et nous nôus rendimes à pied au village de Menchyeh et de là à ceux de Regtl-agel et de Œherchäbeh; ce dernier est arrosé par un canal dérivé de celuitde Melyg. Nous joïgnimes ensuite Sonbât, après avoir passé sur une levée destinée à soutenir les eaux, lors dé l’inondation. Au pied de cette levée est un canal. Enfin, après avoir encore trouvé sur notre route les villages de Chobrä et de Benoän; nous arrivämes vers le soir à Bousyr (1), gros bourg situé sur le bord du Nil. | Toute cette partie du Delta est, comme l’on voit, fort peuplée ; elle est aussi très - fertile et parfaitement cultivée. Les arbres seuls, comme dans toute l'Égypte, y sont peu abondans : aussi les paysans ne brülent-ils guère que les tiges desséchées du dourah et la fente de leurs bestiaux: les femmes Îa pétrissent avec un peu de païlle hachée, et la jettent ensuite avec la main contre les murs des maisonsspour Ja faire sécher au soleil (2). Ces maisons, ainsi garniés dans toute leur hauteur, contribuent à rendre encore plus désagréable l'aspect intérieur des villages, qui déjà, pour la plupart, sont fortimal bâtis en briques crues ou simple- ment en terre. Nous bivouaquâmes hors de Bousyr sous quelque$ palmiers plantés sur la rive du fleuve; ce bourg nous parut assez considérable, et mieux bâti que les villages que nous veñions de traverser. Les décombres qui l'entourent et sur lesquels nous avons trouvé un gros bloc de grès portant quelques traces de sculpture Égyptienne, un monticule artifrciel de forme carrée, situé à trois cents mètres de ces ruines, son nom enfin, donnent du poids au sentiment de d'Anville, qui place en cet endroit la ville de Busiris ou Bousiris, «capitale d'un nome. Il y avoit dans cette ville, dit Hérodote (3), un grand temple consacré à Isis, où l’on célébroit tous les ans, en l'honneur de cette déesse, une fête qui étoit, après celle de Bubaste, la plus impor- tante du culte Égyptien. Une foule de personnes de fun et de l’autre sexe se ren- doient encore à Bousiris de toutes les parties de P Égypte. On se préparoït au sacri- fice par des jeûnes et des prières ; puis on immoloit un bœuf :‘on enlevoit à cet (1) Nous ne devons point laïsser fgnorer que sur plu- arabes, PÉdricy, Magryzy, Abou-I- fedà, &c. écrivent sieurs cartes on a écrit Abousir au lieu de Bousir, etque Bousyr. _ nous-mêmes nous croyons lavoir entendu prononcer aïnsi (2) Voyez la planche XxVIHr, fig. 1, des Arts et Mé- par les habitans de ce bourg. L’addition de l'article a/est tiers, E. M. sans doute la cause de cette erreur; car les géographes (3) Serod. kb, 11, S. 59. 104 VOYAGE animal la peau, Îles intestins, les cuisses, les épaules, le cou et la superfrcie des hanches ; on remplissoït son corps de farine, de miel, de raisins secs, de figues, d'encens, de myrrhe, et d'autres substances *odoriférantes, La victime, ainsi pré- parée, étoit brûlée sur un brasier que l'on alimentoït en y versant de l'huile. Pen- dant ce temps, les spectateurs se lamentoïent, se frappoient, Maïs Hérodote, qui nous a transmis ces détails, ajoute qu'il ne luï est pas permis dé dire en l'honneur de qui les Égyptiens témoignoïent tant de regrets. Il nous semble, si toutefois on peut avoir une opinion sur un semblable ee malgré le temps qui s'estécoulé et la discrétion. des historiens, que ce devoit être pour la mort d'Osiris® Car Eu- doxe, cité par Plutarque dans son Traité d'Isis et d'Osiris, affirme que, bien que l'on ait élevé en Égypte lg tombeaux en l'honneur d'Osiris, son corps est réellement à Busiris,ket que c'est là qu'il est né. D’autres personnes font dériver lé nom de cette ville des mots Égyptiens BK-oxcipi, Béouciri, qui signifrent om- beau d'Ostris, ou de Horcxpy, qui n’est quêlle nom d'Osiris précédé de l'article IL. Quoi qu'il en soit de ces diverses étymologies, il en résulte toujours que la ville de Busiris tiroit son nom de celui d'Osiris; et l'on peut en conclure qu'on y rendoit un culte particulier à cette divinité. Or, par la mort d'Osiris, symbole du soleil et du Nil, les prêtres entendoïent sans doute le passage du soleil dans l'hémisphère austral, et le décroïssement du Nil; époques qui devoiént donner lieu à des cérémonies solennelles et lugubres, que les personnes non initiées aux mystères croyoient célébrer en mémoire de la mort réelle d’un de leurs dieux. Quelques mythologues prétendent aussi que la ville de Busiris'tenoit son nom de Busiris, roi d'Égypte; tyran cruel, qui immoloit à Jupiter tous les étrangers qui abordoïent dans ses. états, et que ce prince fut tué par Hercule, auquel il prépa- roit le même sort; mais Strabon { 1) assure que c'est une fable dépourvue de tout fondement, qu'on avoit probablement inventée pour se venger de linhospi- ralité des Égyptiens envers les étrangers. Nous partageons ‘entièrement à cet égard l'opinion de Strabon : maïs, lorsqu'il ajoutetque jamais en Égypte il n'ÿ eut de souverain nommé Byswis , nous ignorons qui de luï ou de Dicdore à ici raison : car ce dernier cite un prince de ce nom auquel il attribue la fondation de Thèbes. Au surplus, Diodore est d'accord avec Strabon sur ce qui concerne les faits fabu- leux attribués à ce Pharaon, et il en donne une explication très- satisfaisante : il dit que «les anciens rois d'Égypte sacrifioient sur le tombeau d'Osiris tous les » hommes qui ressembloient à Typhon à cause de leur chevelure rousse; ces sacrifices » tomboiïent plus particulièrement sur des étrangers, attendu qu'il est très-rare de » trouver des Égyptiens de cette couleur. Voilà l’origine de la fable qui a fait passer » Busiris chez les Grêcs pour un roï d'Égypte qui immoloit.lestétrangers ; au lieu » que, chez les Égyptiens, ce mot ne se rapportoit à aucun de leurs rois en parti- » culier, et signifioit, en cettesoccasion , le tombeau d'Osiris (2). » Le lendemain, à la pointe du jour, nous quittimes Bousyr, et en moins de deux heures nous arrivames à Semennoud, après avoir traversé, au-dessus de, cette ville, un grand canal dérivé du Ni. ; (1 ) Lib. xvit, pag. 802, edit. 1620. (2) Diod. Sicul. Bibl, hist, Lib. 1. SECTION 111. DANS L'INTÉRIEUR DU DELTA. 105$ SECTION IIL De la ville de Semennoud. — Ruines de Bahbeyt. SEMENNOUD , autrement Samannoud, est la ville la plus considérable que lon rencontre, en descendant le Nil, depuis le Kaïre jusquà Damiette. Placée.sur le fleuve , entourée de grands canaux navigables, voisine de Mehallet-el-Kebyr, la ville la plus manufacturière du Delta, elle est devenue, par cette heureuse position, le centre d’un commerce très-actif. De fréquens marchés y attirent la population des environs, au point que fon a souvent de la peine à passer dans les rues. Les maisons sont la plupart en briques et assez bien bâties; les mosquées n'ont rien de remarquable, et le plus vaste édifice de cétte ville-est un grand o kel {1}, situé sur le bord du Nil. La mortalité est à Semennoud, dans les temps ordinaires, de treize à dixsept personnes par mois; ce qui supposé une population de quatre à cinq mille ames. La plaine qui entoure la ville, est très-fertile et coupée par un grand nombre de canaux. Les deux plus considérables ‘ont leur origine, l'un au sud et près de Semennoud, l’autre au nord, près du village de Fabanyeh; ils courent à l'ouest, et vont rejoindre le canal de Melyg, en sorte que Semennoud et son territoire se trouvent placé dans une espèce. d'ile. Cette ville fait partie de la province de Gharbyeh, dont elle devint momen- tanément la capitale sous le gouvernement des Français, parce que les opérations militaires la frrent choisir, de préférence à Mehallet-el-Kebyr, pour en faire la rési- dence du commandant de Ia ot Tous les savans s'accordent à retrouver dans A à l'ancienne Sebennytus, ainsi nommée par les Grecs, maïs que les Qobtes appeloient Syemmout. L'analogie qui existe entre Ces noms est, comme lon voit, des plus grandes; et, bien que ce ne soit pas une preuve suflisante, ellewne doit cependant pas être négligée ; car on trouve en Feypte plusieurs villes et HS dont les noms, depuis les temps les plus reculés, n’ont point changé; ou n'ont reçu que délégères modifications. Les décombres dont Semennoud. est entourée, et qui’s'étendent assez loin à l’ouest de la ville; portent d’ailleurs tous les caractères d’une haute antiquité : peu éloignés du canal.de Melyg (2), qui s'en rapproche en faisant un coude, ils se trouvent placés, comme devoit l'être. autrefois Sebennytus, sur la branche Sebennytique de Strabon, et en même temps sur celle d'Hérodote, qui se-compose du canal de Fabanyeh, et de fa partie de la branche de Damiette supérieure à ce canal [3). (1) Les o’kel sont presque tous construits sur Île même plan® [Is renferment une grandelcour quadrangulaire, autour de laquelle règne un portique soutenu par.des colonnesven granit ou en marbre, dont le füt est d’une seule pièce; on y remarque assez souvent des chapiteaux employés en place de piédestaux, et vice versé: Sous le portique, au rez-de-chaussée, sont les portes des magasins. Les étages supérieurs présentent une distribution sem- blable; des chambres correspondent aux magasins, et É. M. TOME II. des galeries aux portiques. Ces o’kel sont destinés aux voyageurs et aux négocians; ce sont les seules auberges qu’on trouve en Égypte , et l’on est obligé d’y apporter son lit, ses ustensiles de cuisine, et d’y préparer ses repas. (2) Nous avons dit que ce canal étoit l’ancienne branche I de Strabon. Woyez la page 1o1 ci- dessus. (3) Voyez la carte d Égypte, levée par les ingénieurs de l'armée d'Orient. O 106 Enfin, au-dessus de Semennoud, le fleuve forme une île assez vaste pour être celle qui, au rapport de Strabon, renfermoit. la ville de Xis, dépendante du nome Sébennytique. VOYAGE La ville moderne de Semennoud n’occupe qu'une petite partie de l'empla- cement de l'ancienne Sefennytus. Nous citerons parmi Îles précieux fragmens d’antiquités que l'on y a trouvés, le beau torse en basalte que le général Vial a rap- porté en France {r), et deux blocs en granit rouge , qui sont probablement encore sur les monticules de décombres qui avoisinent la ville. L'un de ces blocs peut avoir deux mètres de longueur sur environ cinq à six décimètres de largeur et de hauteur: une de ses extrémités se termine par une portion d'aire sphérique; une des faces planes présente les débris d’un grand scarabée avec des ailes d'oiseau déployées, symbole que les antiquaires désignent sous le nom de scarabée ailé Mes autres faces et la partie sphérique sont recouvertes de petits caractères dont l'analogie avec les hiéroglyphes est très - marquée : nous en avions déjà vu de semblables sur des papyrus, sur des enveloppes de momies, et, à Thèbes, dans un des tombeaux des rois (2). Ces caractères nous paroïssent devoir être ceux d’une écriture Cursive Hic- roglyphique, différente de l'écriture monumentale; evil est possible qu'en les altérant peu à peu pour les rendre plus faciles à tracer, les Égyptiens aient passé insensi- blement aux lettres que l’on voit sur les papyrus, et fmalement à celles qui forment la seconde inscription de la pierre de Rosette : peut-être aussi avoi@nt-ils en même temps trois écritures distinctes, la cursive vulgaire, la cursive hiéroglyphique et les hiéroglyphiques proprement dits ; sans compter les tableaux symboliques, qui, sculp- tés ou peints sur les murs des temples, rappeloïent aux initiés les grands événemens de l'histoire, les mystères de la religion ou les phénomènes de la nature. Nous avions le plus grand desir d'aller visiter les ruines de Bahbeyt, qui sont au nord de Semennoud. Le général Fugières, commandant de la province, nous en facilita les moyens; et nous n’oublierons jamais la cordialité, la franchise militaire, avec laquelle il nous accueillit (3). Le jour fixé pour y aller, il monta à cheval avec nous, escorté,de quelques cavaliers et accompagné de plusieurs cheykhs de la province. Nous traversämes à peu près, à moitié chemin, le canal de Tabanyeh, qui se réunit près de là à celui de Melyg. (x) Cette statue est au Cabinet des antiques, à Paris. Elle a été gravée dans la collection des antiques, 4, vol. W, (2)Woy.Vexplication dela planche 79, fg.5, À. vol, III. (3) A labataille d’Abouqyr du 7 thermidor an 7, le gé- néral Fugières eut le bras gauche cassé d’un coup de fusil : il ne voulut pas descendre de cheval, nï quitter le com- mandement de sa brigade; et un boulet, quelques instans aprés, lui enleva le mêmebras pres de l'épaule: Le général en chef Bonaparte le rencontra comme on le transportoit sur les derrières de l’âärmée, erlui témoïgna combien il étoit affigé deletrouverencerétat. Général répondit Fugières, vous envierez un jour mon sort; je meurs auwchamp d’hon- neur. ( Rapport du général en chef Bonaparte au directoire exécutif. ) M. Larrey, premier chirurgien de Parmée, ne put faire l’amputation de l'os de Favant-bras, et ïl fur obligé de le détacher entsrement de l'épaule. Pendant cette cruelle opération, plusieurs officiers blessés, oubliant leurs propres maux, s’étoient traînés dans la rente du général Fugières, et exprimoient par leurs larmes la peine qu’ils éprouvoïent de la perte de leur brave.com- mandant; car tous la regardoïent comme certaine. Et ui, avec un visage stoïque, que la douleur nislaspect dela mort ne purent faire changer un instant, leur adressoït des paroles de consolation, lestentretenoit de gloire, de patrie, d'honneur ; séntimens dessames nobles, devant lesquels.sembloient disparoître les souffrances de ce héros et celles derses vaillans compagnons. Guéri comme par enchantement, il voulut continuer de servir activement, et commandoit [a province de Gharbyeh lorsque nous y arrivâmes. {Du Bors-AYMÉ.) DANS L'INTÉRIEUR DU DELTA. 197 En approchant de Bahbeyt, nous aperçûmes, à une portée de fusil à l’est de ce village, un monticule de terre; c'étoient les ruines que nous cherchions. Nous partîmes au galop, et nous nous trouvämés bientôt au milieu d’une enceinte qua- drangulaire (1), dont le grand côté a trois cent soixante-deux mètres de long, le petit deux cent quarante-un, et qui, dans certains endroits, est encore haute de dix-huit à vingt mètres, sur une épaisseur de neuf à dix. Elle a deux ouver- tures sur la face occidentale, autant au sud, et une seule au nord, Ce n’est que dans un petit nombre d'endroits que l'on a pu reconnoïître qu'elle étoit construite en briques crues; car, en général, ces briques sont brisées et mélées de manière à ne présenter extérieurement qu'une masse de terre. Le terrain renfermé par cette enceinte est cultivé en partie; un canal y conduit, dans le temps du débordement du Nil, les eaux nécessaires à son arrosement. C'est vers le milieu de cet emplacement, à cent vingt mètres de la face occidentale de l'enceinte, que s'élèvent, dans un espace de cinquante mètres sur quatre-vingts, les débris d’une grande construction, C’est un amas confus de pierres granitiques, parmi lesquelles on distingue des restes de chapiteaux à tête d'Isis, des pierres de plafond et des troncs de colonnes, qui présentent toutes des sculptures en bas-relief, exécutées avec le plus grand soïn. Il paroît d’abord assez singulier que ce soit dans la basse Égypte que l’on retrouve des temples entièrement construits avec les beaux matériaux extraits des carrières de Syène, tandis que les temples et les palais de la haute Égypte, érigés au milieu des montagnes granitiques, sont simplement en grès ou en pierre calcaire; mais on reconnofît Jà bientôt ces idées de grandeur et d'in- destructibilité qui guidèrent toujours les Égyptiens dans lexécution de leurs monumens. [ls savoient que le grès et la pierre calcaire, exposés à l'air de la mer, duroïent peu, et ils n'hésitèrent point à employer le granit dans le Delta : aucune difculté ne put effrayer un peuple chez qui la patience et l’opiniatreté centu- ploïent les forces. Dans la Thébaïde, au contraire, sous un ciel conservateur, où le bois même ne pourrit pas, où les corps des animaux se conservent sans embau- mement, pourvu qu'ils soient éloignés des terrains inondés {2}, les Égyptiens durent préférer les pierres les plus faciles à tailler, puisque leur résistance aux efforts des siècles sembloit égaler celle des corps les plus durs. Nous ne nous étendrons pas ici sur la description des ruines de Bahbeyt, qui sera faite avec détail dans le chapitre xxv des Descriptions d'antiquités. Nous ferons seulement observer que d'Anville place ici l’Zsis oppidum dont il est fait mention dans Pline, Voyez le plan topographique, pl. 29 , fig. % A. Notre guide nous fit gravir la chaîne Libyque; nous des- V. cendîmes de l’autre côté dans une vallée étroite que nous ) suivimes pendant une heure ; puis nous montâmes plusieurs (1 vol, _E Étant tous deux à Syout, dans la haute Égypte, avec notre ami Édouard Devilliers et quelques autres de nos camarades, un Arabe, auquel nous avions payé assez cher une momie de loup,ou, pour mieux dire, de chacal, trouvée dans fa montagne qui borde à l’ouest la vallée du Nil, nous promit de nous mener dans un endroit où il y avoit, disoit-il , des momies d'hommes. Au jour in- diqué, nous partimes sans escorte et sans rien dire de nos projets, dans la crainte que le commandant de la place, parintérétpournotre sûreté, ne s’opposât à notreexcursion, É. M. TOME Il. collines, et nous traversàmes successivement quelques ra- vins où la chaleur étoit fortement augmentée par le reflet des rayons solaires que renvoie un terrain blanc, dépouillé de toute espèce de végétation. Enfin, après avoir marché environ deux heures, notre guide, nous montrant les restes d’un ancien édifice, et auprès quelques petites voûtes peu élevées au-dessus du sol, nousdit que c’étoit là qu’il y avoit des momies d'hommes. Nous reconnümes faci- lement que nous n’étions point sur des tombeaux de O 2 108 VOYAGE et lZseum dont parle Étienne de Byzance; il pense, ainsi que le,P. Hardouin et Daléchamp, que, dans l'énumération des villes de la basse Égypte dont il est question dans le texte de Pline, /5:5 oppidum doît être séparé par une virgule du mot Businis qui le suit (1). Cette version ne s'accorde guère avec le témoignage d'Hérodote, qui rapporte que la ville de Busiris renfermoit un temple magnifique consacré à Isis. Au reste, la carte de Peutinger indique dans le Delta trois Zseum ou villes qui renfermoïent des temples consacrés à Isis, et dont un sans doute corres- pond à la position des Bahbeyt ; maïs il faut convenir en même temps que lexis- tence d’une ancienne ville est mieux constatée à Bahbeyt par les magnifiques restes de ses monumens que par les témoignages des auteurs de l'antiquité. SECTION IV. Des villes de Mehaller-el-Kebyr et de Tanta; de quelques ruines Lg ypliennes, et, entre autres, de celles de la ville de Sais: | Nous quittämes Semennoud pour traverser le Delta, depuis la branche de Damiette jusqu'à celle de Rosette, en passant par Mechallet-el-Kebyr et Tanta, deux des plus grandes villes de la basse Égypte. De Semennoud à Mehallet-el-Kebyr, il y a environ deux heures et demie de marche. La moitié de la route, à peu près, borde le canal de Semennoud; on remonte ensuite une petite portion de celui de Melyg, et l’on suit une de ses dérivations jusqu'à Mehalletel-Kebyr. On rencontre sur cetté route le grostvillage de Mehallet-Abou-A’ly, et deux santons ou tombeaux de saïnts-révérés par les gens du pays. Vers le deuxième santon, on aperçoit une niche monolithe semblable.à celles que nous avons trouvées dans les sanctuaires des temples de la haute Égypte. Cette niche est de forme presque cubique, et terminée par un pyramidion de dix centimètres de haut : sa largeur et sa longueur sont dé soixante- dix-sept centimètres, et sa hauteur totale est d’un mètre quinze centièmes. Mehallet-el-Kebyr est la capitale du Gharbyeh : son nom signifie littéralement ville la grande; et elle l'emporte en effet par son étendue sur toutes lés autres villes du Delta: maïs elle n'est point peuplée en proportion de la superficie qu'elle occupe, elle a plusieurs quartiers entièrement déserts. Le commerce ya quelque activité; mais c'est plutôt celui d’une ville manufacturière que celui d’un lieu d’en- trepôt et d'échange : il ne s'y tient pas, comme dans plusieurs autres endroits de Pantique Égypte, mais sur desruines chrétiennes, humbles demeures de ces anachorètes qui, dans les premiers temps de notre ère, croyant fuir les passions, lorsqu'ils n’avoient pour guide qu'une imagination exaltée, venoïent, le cœur plein de mélancolie, se cacher au milieu des rochers de la Thébaïde, et chercher, dans le silence de ces soli- tudes et dans les privations de tout genre, un aliment à leurs vagues desirs. Pendant que nous considérions les restes du saint monastère, notre Arabe s’étoit misà fouiller sous une des petites voûtes, et bientôtil nous appela pour nous faire voir un cercueil en bois de sycomore qu’il venoit d’en tirer. Ce cercueil renfermoit un homme blanc, dont la partie musculaire, la peau, les dents, les ongles, la barbe , étoient parfaitement conservés, aïnsi que le Tinceul qui entouroit le corps. Nous n’apercûmes cependant aucune trace d’embaumement, aucun aro- mate. Cette étonnante conservation est due à.un térraïn sec que jamais les pluies ni le euve n’arrosent, à un air sans humidité, à un soleïl brûlant et à un ciel sans orage. (Du Bors-AYMÉ) (1) Voyez les Mémoires de dAnville sur Egypte, pag. 86. 4 \ DANS L'INTÉRIEUR DU DELTA. 109 l'Égypte, de ces grandes foires qui attirent de toutes parts les marchandises natio- nales et étrangères. Les plus nombreuses des manufactures de Mehallet-el-Kebyr sont celles de soieries; et ce qui ajoute à leur importance, c'est qu'il n’en existe dans aucune aütre ville d'Égypte : du moins n’en avons-nous point rencontré ailleurs. La soie est tirée de la Syrie; elle est apportée en cocons à Damiette, où on la dévide: elle èst alors d’un jaune pâle et sale; c'est à Mehallet-el-Kebyr qu'on la blanchit. On fait bouillir les écheveaux dans une dissolution de natron : on les bat ensuite sur des pierres plates, et on les lave à grande eau. Cette préparation donne À la . soie un très-beau blanc. Dans l'atelier que nous avons visité avec le plus d’at- tention, on ne teignoit quen trois couleurs, en noir, en rouge et en Jaune. La couleur noire est donnée par lindigo, le rouge par la cochenille, et le jaune par la gaude, qui porte en Arabe le nom de #/yhah | Reseda luteolz LiN.] : on en récolte beaucoup dans la province de Charqyeh, en face de Semennoud. Presque toutes Îes étofles de soïe qui servent à lhabillement des femmes en Égypte, sortent des manufactures de Mehallet-el-Kebyr. On y fabrique aussi les mouchoirs dont elles se couvrent la tête, et ces toiles claires, espèce de gaze de lin, dont les Égyptiens font leurs chemises. Nous avons vu sur le métier les sérviettes dont les fémmes se servent au baïn : les bordures sont en soie; et l'intérieur, qui est en lin, est teint de différentes couleurs. Mehallet-el-Kebyr renferme quelques débris de monumens anciens. La tradition n'a point conservé le souvenir de l'existence d’une ancienne ville en cet endroit: peut-être étoit-ce là qu’existoit Cyropolis, qui dépendoit du nome Busiritique, et que l'Itinéraire d’ Antonin placé à xxv milles de Thmuis: ces deux conditions cadrent parfaitement avec la position de Mehallet-el-Kebyr, comparée à celle de Bousyr ét de Tmay el-Emdyd (1); et quant à la distance de xxxxi1 milles entre Cynopolis et Andro, on la retrouve en dirigeant convenablement la route par T'anta et l'ancienne position de Taua. Les antiquités que lon trouve à Mehallet-el-Kebyr, ont de grande rapports avec celles que lon voit à Bahbeyt. Nous en parlerons avec quelques détails dans le chapitre xxv des Descriptions d’antiquités. Mehallet-el-Kébyr est le rendez-vous des filles publiques du Delta, et le refuge. de toutes celles qui pourroïent craindre aïlleurs, et même au Kaire, les recherches de la police. Ellés jouissent à Mehallet-el-Kebyr d’une entière liberté: et c’est de Ià que la femme qui est à la tête de leur société, dirige leurs excursions dans les pro- vinces voisines. Les foires et les pélerinâges en attirent toujours un grand nombre: et plus d'une fois, dans nos courses, nous avons vu de ces filles accourir au-devant de nos bataillons, mêler le son du tambourin et des castagnettes à notre musique guerrière, employer tous les raffinemens de la coquetterie à séduire nos soldats, et dresser leurs tentes au milieu dé nos bivouacs. Le tjour où nous arrivâmes à Mehallet-el-Kebyr, nous fmes logés chez un des plus. riches habitans de la ville ; il célébroit le mariage d'un jeune homme, chef de ses serviteurs et son favori. II nous traita avec beaucoup de distinction et (1) On se rappellera que Bousyr est l’ancienne Busiris, et que Îles ruines de Thmuissont auprès de Tmay el-Emdyd, 110 VOYAGE d'amitié, et voulut nous rendre témoins de tous les détails de cette fête. La maïson étoit illuminée; les amis des époux et le peuple étoient dans la cour, assis sur des bancs : on entendoit de temps à autre les chants de quelques cantatrices placées dans le sandar (1) ,au milieu des femmes et des amies de la maison. Ces chants, qu'accompagnoient le tambourin et quelques autres instrumens Égyptiens, duroïent depuis une heure et demie, lorsque deux 4’#neh (2) descendirent dans la cour, où elles exécutèrent les danses les plus lascives : l'une d’elles imitoit l'homme, l’autre la femme; et elles rendoïent par des mouvemens trop expressifs aux yeux d’un Euro- péen les attaques de l’amant, la résistance et la chute de la jeune fille : mais les ‘Orientaux trouvent un grand plaïsir à ces représentations fidèles, et les jeunes gens de l’un et de l’autre sexe y assistent librement. Les danses terminées, le maître de la maïson et ses amis montèrent dans le mandar. On nous y fit occuper la place la plus honorable. L’époux, nommé 4, étoit à nos côtés sur le divan; la jeune Ayouché, qu'il n’avoit point encore vue, étoit dans une chambre voisine, entourée de femmes occupées à sa parure. Lorsque sa toïlette fut achevée, on vint chercher A’ly pour lintroduire dans cet appartement, et l'on dévoila à ses yeux celle qui alloït s'unir à lui. Ils vinrent ensuite vers nous. L'époux marchoït à reculons et à pas lents, appuyé.sur deux femmes; Yépouse suivoit, soutenue de la même manière. Elle étoit richement parée : un turban décoré de chaînes d'or et d'argent ornoït sa tête. Son front et ses joues étoient teints d’une couleur rouge sur laquelle on avoit exécuté, avec des feuilles d'or, des dessins bizarres. Elle avoit les yeux modestement baissés ; ou si elle les levoit, c'étoit pour les fixer sur son époux, en face de qui elle marchoit. Ils arrivèrent aïnsi d'un et l’autre jusqu'auprès du divan sur lequel nous étions assis. L'homme reprit sa place à côté de nous, et là femme resta debout et immobile devant lui: un vieillard , intime ami de la maïson, lui mit dans la bouche une pièce d’or qu'il avoit Ôôtée de la sienne; ensuite elle retourna dans l'appartement voisin, toujours accompagnée de deux femmes, qui s’écrioient de temps à autre : Heureux, celui qui vit sous l'influence des lois du Prophète! Elle changea de vêtement, et reparut devant les spectateurs, parée de ses nouveaux habits; Aly dès-lors ne la suivit plus. Elle (1) Le mandar est une vaste salle au premier étage, “ouverte sur la cour, et toujours exposée au nord. Chez des gens riches, sa façade est ornée de colonnes en marbre qui forment des travées ordinairement surmon- tées d’arcades en menuiserie, où lon voit des arabesques d'un dessin bizarre et peintes de couleurs variées. Une Hbalustrade; soit en maçonnerie, soit en menuiserie, s’é- lève sur le devant de la pièce jusqu’à hauteur d’appui, et un filet tendu au-dessus empêche les mouches de pénétrer dans l’intérieur de la salle. Le plafond du mandar est fort élevé, afin que Pair y puisse circuler librement. C’est [à que le maître de la maïson reçoit les visites de ses amis et traîte de sesaffaires La pièce qui est au-dessous du man- dar, au rez-de-chaussée, forme une espèce de vestibule (2) Les jeunes filles que lon destine à prendre Pétat d’a’lmeh, apprennent, dès l’âge le plus tendre, tout ce qui peut porter lame à la volupté. Une musique effé- _minée, des poésies amoureuses, des danses lascivés, sont leurs principales occupations: rien n’égale la souplesse.de Téurs mouvemens; et si les traits de leur visage répondoient toujours à l'élégance de leurtaïile, à la beauté de leurs bras et de leurs mains, à la pureté des formes de leurs jambes et deleurs pieds, Vénus n’auroit eu nullepart des prêtresses plus dignes d’elle. Les a’hñeh sont en Égypte l'ornement de toutes les fêtes : tantôt elles chantent et même impro- visent des couplets d'amour; tantôt, dansant au son du tambourin, et s’accompagnant elles-mêmes avec des cas- tagnettes, elles donnent à leurs mouvemens [a langueur où.se tiennent les domestiques. La façade du mandar.est la partie de [a maison qui est ordinairement la plus ornée; c’est celle où les gens riches déploient une sorte de luxe d'architecture. { JozLors.) de la volupté; ou, imitant les impétueux desirs, elles bondissent en agitant en Faïr leurs tambours de basque, et Le désordre, la vivacité de Jeurs pas rappellent Le. délire des bacchantes. { DU Bors-AYMÉ. ) DANS L'INTÉRIEUR DU DELTA. III recommença S& promenade autour de la salle, etrvint de nouveau se: placer devant nous. Le vieillard, au lieu de lui mettre une pièce d'or dans la bouche, la lui posa sur le sein. Cette cérémonie singulière fut répétée cinq fois en notre présence, et on la continua fort avant dans la nuit, en faisant toujours paroître la mariée avec de nouveaux habits. Dans les entr'actes de ce spectacle, les can- tatrices éxécutoient des morceaux de chant, en s'accompagnant de léurs détes- tables instrumens. Les musiciens et les matrones qui avoient accompagné la mariée, frrent sur les spectateurs une collecte de quelques parahs (1). Nous ne restiämes point jusquà la fin de la cérémonie : nous avions besoin de repos, et nous nous retirämes dans l'appartement que l’on nous avoit préparé. Un matelas de coton étendu par terre et sur lequel est cousu un drap en toile dé lin, est lé lit ordinaire des Égyptiens; les hommes et les femmes conservent pendant 2 nuit une partie de leurs vêtemens, et particulièrement leur turban : une moustiquière, nommée par eux rémousyeh, recouvre le matelas et garantit dé la morsure des’ cousins : dans le jour, tout cela se roule, se cache dans üne armoire, de sorte que l'on ne trouve plus aucun it dressé dans les maisons. On ny voit également ni chaise ni table: le parquet des chambres est recouvert, au Moins aux trois quarts, d'une natte; tout autour de l'appartement sont placés des, matelas de coton couverts d’un tapis qui s'étend encore sur une partie de la natte. De gros coussins en étoffe de soie sont rangés contre le mur sur les matelas, ét C'est là que l'on s’assied ordinairement. Dans la partie de la chambre que la natte et le tapis laissent à découvert, chacun en entrant déposerses pantoulles; c’est encore là que sont placées l’aiguière, la cuvette, la fontaine, en un mot tout ce qui pourroit salir un tapis sur EE on est tendu ou assis les jambes croisées une grande Je de la Journée. Ce n'est que sous la porte de leurs maisons que les hommes S Fer quelquefois à la manière des Européens, sur de grands bancs de bois, à bras et à dossier. Quant au manque de table, ils y suppiéent, lorsqu'ils veulent écrire, en appuyant le papier-sur la main caen ou quelquefois sur une petite planche portative qu'ils tiennent à la main ou qu'ils placent sur leurs genoux : les repas se servent sur une natte étendue à terre, ou sur un 1 grand plateau de cuivre circulaire que supporte un. petit tabouret en marqueterie "dé nacre et de bois de + couleur, et les convives sasseyent sur le tapis, les jambes croisées sous eux. Une naîte grossicre sert aux pauvres gens, de lit pendant la nuit, de siége et de table pendant le jour. Les fenêtres sont fermées par un grillage en bois fort serré, qui Jaïsse passer l'air et peu de lumière: Diet os biensentendue dans un pays aussi Chaud. Ce grillage, orné et disposé avec goût, sert de jalousie ; il permet de voir dans la rue sans être vu des gens du dehors. Ce n’est que chez un petit nombre de personnes des villes fréquentées par les Européens que l'on trouve quelquefois des Châssis vitrés que l'on. pose pendant l'hiver. Des goulkh, petits vases non (A Nous ignorons si dans le Delta les mariages se cé- qui, dans, l'intérieur de leurs maïsons , se dévoïiloient lèbrent tous comme celui qe nous venons de décrire ; devant nous, ramenerleur voile sur leur visage aussitot mais il est très-probable qu'au Kaire, par exemple, la qu’elles avoient à parler à un de feurs domestiques mâles. mariéeine se seroit pas montrée à visage découvert devant Ce n’est, nous disoient-elles, que devant leur mari, leurs des hommés. Nous avons vu, dans cette ville, des femmes fréréserléuis oncles, qu’elles ne cachent point leur figure. Fi2 VOYAGE vernissés, en terre poreuse d’un gris bleuâtre, Sont placés sur les fenêtres à l'ombre du grillage : le courant d'air qui.règne toujours avec plus de force en cét endroit, fait évaporer l'eau qui suinte par les pores du vase, et donne une grande fraîcheur à celle qui reste dans l'intérieur. Les Égyptiens en boivent fréquemment, et ils parfument quelquefois les golleh pour donner à l'eau une légère odeur d’encens. En quittant Mehallet-el-Kebyr, nous nous dirigeâmes sur Tanta, à travers une plaine fertile, coupée par un grand nombre de canaux dérivés du canal de Melyg. Chaque village a, pour ainsi dire, le sien, et de grandes digues'en terre servent à retenir les eaux de l'inondation et à les faire passer successivement sur les champs qui en ont besoin. La culture nous parut la même que celle que nous avions déjà observée aïlleurs; elle est assez uniforme dans tout le Delta, si ce n'est que les rizières sont plus nombreuses dans les environs de Rosette et de Damiette. | Les sycomores, les dattiers, les bananiers, les raquettes, les famarix, les napeca, les cassiers, les enné, les mimosa, les orangers, les citronniérs les grenadiers, les figuiers et les cotonniers, étoient à peu près les seuls arbres et arbrisseaux que nous rencontrassions. Nous passämes auprès de plusieurs villages, dont les principaux sont Borqeyn, Saft, Toukh et Akhnouy. Dans les endroits non cultivés, des crevasses profondes, occasionnées par le desséchement du terrain après l’inondation, auroient rendu la marche fort difficile pour d’autres chevaux que ceux du pays. La douceur et l'intelligence du cheval, en Égypte et en Arabie, proviennent certainement de la familiarité dans laquelle ïl vit avec ses maîtres : à peime né, il a Joué avec leurs énfans, en a été soigné; et, dans ce commerce mutuel de services et de plaisirs, il a appris à comprendre l’homme et à s'en faire entendre ; c'est plutôt un ami qu'un esclave : l'Égyptien, l'Arabe sur-tout , le considèrent presque comme faisant partie. de la famille; et il est tel cheval qu'on ne pourroit les déterminer à vendre, à quelque prix que ce füt {1}. Les chevaux que, dans quelques parties de l'Europe, on élève dans une entière liberté, au milieu des pâturages et des bois, conservent presque tou- jours, dans leurs rappôrts avec l’homme, quelques vices dus à leur éducation sauvage. Nous avons dit dans leurs rapports avec l'homme ; car ce que l'on appelle vice chez les autres, n’est souvent qu'une qualité qui gêne : un être indépéndant et courageux sera toujours appelé inutile ou méchant par ceux qui voudroient le soumettre. Les chevaux du Delta sont moins estimés que "ceux de la haute Égypte ; mais, en revanche, le bétail nous ÿ a paru plus beau: les bulles sur- tout sont énormes ; nos plus gros bœufs n'en approchent point. Il.est rare qu'on sen serve pour les travaux de la terre : on y emploie ordinairement les bœufs. Les buffles mâles sont réservés pour la boucherie, et le lait des femelles fournit aux paysans une nourriture abondante. Lés moutons sont-de l'espèce nommée moutons de Barbarie ; on ne les châtre point, et leur viande (1) J'ai omis, dans mon Mémoire sur les Arabes, de donner ces détails : ilétoit nécessaire de réparer cet oubli. (Du Bors-AYMÉ. ) 2 n en DANS L'INTÉRIEUR DU DELTA. 113 nenest pas moins bonne. Les chèvres sont en plus petit nombre, et semblables à celles que les naturalistes nomment chèvres du Levant : elles ont le poil court, la tête fort busquée, et les orcilles longues et pendantes. Les ânes sont aussi forts que dans aucune autre partie de l'Égypte ; maïs les chameaux sont moins estimés que ceux des provinces limitrophes du désert. On n'élève point de cochons; la religion musulmane défend l'usage de la chair de cet animal, qui étoit déjà regardée comme immonde par les anciens Égyptiens. Enfin on trouve dans les villages une grande quantité de pigeons et de poules : ces dernières sont fort petites; sans doute que l'usage qui existe depuis la haute antiquité de faire éclore les œufs artiff- ciellement au moyen de fours, en aura fait dégénérer la-race. La ville de Tanta, où nous arrivämes le soir même de notre départ de Mehallet- el-Kebyr, est à peu près à égale distance du Kaire, de Damiette et de Rosette ; c'est la ville la plus centrale du Delta. Des canaux dérivés du grand canal de Qaryneyn arrosent la campagne environ- nante. Ils arrivent à l'est et à l'ouest de la ville, et en font le tour. Ils sont peu profonds : d’où il résulte que les environs de Tanta, qui, lors de notre passage, étoient brillans de verdure, n’offrent que l'aspect d'une entière stérilité quand la crue du Nil a été foible; car presque aucune herbe ne croît DR EST EE sur cette terre d'Égypte, dont la fertilité est vantée à si Juste titre : on ny voit guère que des plantes semées par la main de l’homme; les terres non arrosées restent sans végétation, et celles qui ont été cultivées sont, après la récolte, d’une aridité semblable. Aussi A’mrou, après la conquête de l'Égypte ; écrivoit-il à Omar que ce pays présentoit successivement l’image d’un champ de poussière, d’une mer d’eau douce et d’un parterre de fleurs. Le sol de l'Égypte présente une autre particu- larité non moins remarquable : les végétaux d'Europe que l'on y sème, viennent bien la première année; mais les graines qu'ils produisent sont stériles, ou ne donnent que des plantes chétives et d’une qualité très-inférieure aux premières; de sorte qu'il faut chaque année faire venir de l'étranger de nouvelles graines. C’est ainsi qu'en agissent les négocians Francs pour les légumes d'Europe qu'ils cultivent dans leurs jardins. Enfm ce qu'il y a de très-singulier, c’est l’'analogie qui existe sur ce point entre les végétaux et les animaux: les étrangers qui ne s’allient qu'entre eux, au lieu de se mêler aux gens du pays, ne se perpétuent pas plus que les plantes exotiques. Les Mamlouks en offrent un exemple frappant: établis en Égypte depuis plusieurs siècles, ils se sont toujours recrutés par des achats d'esclaves; leurs enfans meurent, presque tous fort jeunes, et leur race, dit-on, arrive rarement à la seconde génération. Ce n'est que dans le temps de linondation que les habitans de Tanta boivent tous indistinctement de l'eau du fleuve : plus tard, les gens riches qui ont pu en conserver dans Îles citernes, ont seuls cette jouissance, et la majorité des habitans est réduite à l'eau saumâtre des puits, qui devient d'autant plus salée que le décrois- sement du Nil est plus avancé. Ces puits sont assez profonds pour que, dans le temps des plus basses eaux du fleuve, ils soient toujours remplis : ils sont distri- buës dans la campagne autour de la ville; leur orifice est ordinairement formé d'un tronçon de colonne antique, évidé dans son milieu. É. M. TOME II. | à 114 VOYAGE Tanta est, comme toutes les autres villes de l'Égypte, entourée de décombres. À l'est, on voit un gros massif de briques crues, sur lequel les habitans ont placé leurs tombeaux : il est coupé à pic dans plusieurs endroits, et ces coupures laissent apercevoir des briques d'une grande dimension. Ces buttes artificielles étoient construites par les anciens habitans de l'Égypte pour mettre leurs villes à Fabri des inondations; et si les Égyptiens modernes ont fait quelquefois de semblables travaux, on les distingue facilement des premiers par la petitesse des matériaux employés. Il existoit donc autrefois une ville Égyptienne sur l'emplacement de Tanta. Quoïque cette ville soit la cité la plus peuplée du Delta, on y compte seulement dix mille habitans ; ses maisons sont bâties en briques cuites, qui se fabriquent dans le pays même avec la poussière des décombres dont la ville est entourée {1 ). Les accroissemens successifs qu'elle a reçus sont faciles à déterminer. Des maïsons forment une rue autour de l'ancienne ville, et elles sont bâties sur des décombres accumulés au pied d'une première enceïnte : d’où il résulte que toutes les portes de la ville sont doubles; disposition qui ne se rencontre en nul autre endroit de l'Égypte. | Tanta renferme le tombeau d’un saint qui attire en pélerinage, à certaines époques, les dévots musulmans : aussi A’ly-bey, connu par la protection marquée qu'il accorda au commerce, par les établissemens utiles qu'il créa en sa faveur, sut-il profiter habilement de cette circonstance pour faire de cette ville le centre d'un commerce considérable ; c’est dans cette vue qu'il y fit construire pour les étrangers, il y a environ quarante ans, un bel et vaste o’kel. Le saint dont nous venons de parler, se nomme Seyd- Alined el- Bedaouy. Il naquit à Fez, lan 596 de l'hégire, 1200 de l'ère vulgaire, passa en Égypte pour se rendre à la Mecque, acheva son pélerinage, et revint de la Mecque à Tanta en un jour (2). Il s'y fixa, et y mourut à l'âge de soixante-dix-neuf ans, après y avoir séjourné environ trente ans. I] fit, durant sa vie, une foule de miracles: il ressuscita des morts, fit marcher des paralytiques, voir des aveugles, &c. Tous ces faits sont consignés dans une longue histoire, et attestés, disent les dévots musulmans, par un grand nombre de témoins oculaires. | L'an 700 de l’hégire, le sultan Malek el-Nâser substitua au petit monument qu'on avoit d'abord érigé sur le tombeau du saint, une mosquée qui, par son étendue, la régularité de son plan et les embellissemens successifs qu'elle a reçus, ne le cède point aux plus belles mosquées du Kaïre. La magnificence éclate sur- tout dans la construction du dôme, sous lequel repose le corps de Seyd-Ahmed el-Bedaouy. A’ly-bey, qui le fit réparer, il y a près d'un demisiècle, n'épargna ni ses soins ni ses trésors; et on put le prendre pour un dévot ou un prodigue, lorsqu'il n’étoit qu'un politique adroit. Les murs, jusqu’à la naissance de la voûte, (1) Toutes les villes d'Égypte sont entourées de dé- terre pour les y amonceler avec toutes les autres inimon- combres, parce que, les matériaux provenant des dé- dices, plutôt que de les étendre dans les champs, qui, molitions des vieilles maisons ne pouvant servir à de en s’élevant, finiroient par être privés des bienfaits de nouveaux édifices, on est obligé de des transporter hors linondation des villes, et que l’on préfère sacrifier quelque coin de (2) De la Mecque à T'anta, ily a environtroïscentslieues. DANS L'INTÉRIEUR DU DELTA. 115 furent revêtus en marbre; le dôme, qui est en bois, fut couvert de plomb et orné ‘intérieurement de dorures et d’élégantes arabesques. Le tombeau du saint est entouré d'un grillage en bronze ; une espèce de baldaquin en velours est suspendu au-dessus, et un énorme turban, formé de châles de Kachemire, est placé sur le sarcophage, à l'endroit qui correspond à la tête du saint. Les portes du dôme et les serrures en boïs sont plaquées d'argent. C'est à l’équinoxe du printemps et au solstice d'été, mais principalement à la première de ces époques, que les pélerins accourent à Tanta, de toutes les parties de l'Égypte, des extrémités les plus reculées de la Barbarie, du royaume de Darfour, du fond de l'Abyssinie, et, en général, de tous les pays soumis à l'isla- misme. | G La superstition fut presque toujours une des principales causes des foires les plus célèbres. Les hommes, au bruit des miracles d’un de leurs semblables, que peut- être ils maltraïtèrent pendant sa vie, se précipitent vers son tombeau. L'amour du merveilleux les entraîne et mêle leurs races diverses au pied des mêmes autels; leur repentir et leurs larmes s'y confondent et les rapprochent : ils seroïent restés inconnus les uns aux autres, et ils contractent des amitiés qui, par de doux sou- venirs, uniront peut-être à jamais leurs familles ; ils se racontent leurs voyages, s'entretiennent des productions de leur terre natale, et de celles des pays qu'ils ont traversés; ils se montrent les objets qu'ils en ont rapportés, les échangent entre eux : les avenues du temple se transforment en un vaste marché; et la superstition, une fois utile au monde, sert de véhicule au commerce et lie par de nouveaux besoins les hommes qu’elle divise si souvent d’une manière cruelle. Le pélerinage au tombeau de Seyd- Ahmed el-Bedaouy en est un exemple: il attire une telle affluence d'étrangers, que les habitans de T'anta nous ont assuré qu'à deux lieues autour de la ville la campagne est couverte de monde; ils évaluent à cent cinquante mille le nombre des pélérins. Il n'est pas difhcile de s’'apercevoir que les maisons de Tanta ont été cons- truites pour le commerce : la partie du rez-de-chaussée qui donne sur la rue, est consacrée, dans beaucoup de quartiers, à de petites boutiques qu'à l'époque des foires on loue aux marchands étrangers. Beaucoup de pélerins campent hors de la ville : les tentes, les maïsons, sont illuminées chaque nuit, et l’on entend de toutes parts des cris de joie mélés au bruit des instrumens de la musique Égyptienne. Ces foires durent huit jours , et procurent de grands bénéfices à toute la province. Elles n’ont point eu lieu pendant le séjour de l’armée Française en Égypte : la peste, et sur-tout Îles inquiétudes qu'auroit données une trop grande réunion d'hommes, les avoïent fait suspendre. Après être restés quelques jours à Tanta, nous nous remimes en route; nous passâmes par le village de Byär ou Abyär, où nous rejoignîmes la branche occidentale du canal de Qaryneyn, que quelques personnes désignent sous le nom de #ranche de Chybyn-el-Koum, parce que son origine est près de ce bourg. Nous terminâmes notre première Journée auprès des villages d'ezNañäryeh et d'Asdymeh, où l'on voit des restes d'anciens établissemens qui ont dû appartenir à des villes de l'antique Égypte. É. M: TOME II. | Bras 116 VOYAGE L'une d'elles pourroit être cette ville de Siwph, dépendante du nome Sites, où naquit Amasis, qui, de simple particulier, devint Pharaon. Le lendemain, nous suivimes le canal de Chybyn-el-Koum jusqu'à son em- bouchure dans le Nil à Farestaq. Nous allâmes ensuite à Sà-el-Hagar, l'ancienne Sais, où existent encore des ruines considérables : on reconnoît dans la première partie du nom moderne les traces de l’ancien; et le surnom d'e/-Hagar lui aura été donné par les Arabes, à cause des pierres et des débris d’édifices que l'on y rencontre. Enfin les auteurs Qobtes nomment ce lieu $42 (1), et l'on ne peut élever aucun doute sur son identité avec Saïs; d’aïlleurs la position des ruines de Sä-el- Hagar convient très-bien avec celle qui est assignée par Strabon à la ville de Saïs. Mais ce qui atteste encore mieux l'existence de cette ancienne cité, ce sont les débris immenses qui subsistent encore à Sä-el-Hagar : ces restes consistent principalement en une enceinte très-vaste de huit cent quatre-vingts mètres de long, et de sept cent vingt mètres de large, qui renferme une grande quantité de décombres et des débris d’antiquités. Nous parlerons de ces ruines avec plus de détails dans le chapitre xxv des Descriptions d’antiquités. Saïs fut souvent la résidence des Pharaons; et Amasis, l'un d’entre eux, $'at- tacha sur-tout à l'embellir : mais ce qui la rend plus illustre encore, c’est d’avoir donné naïssance à une ville dont le nom ne peut se prononcer sans émotion. C'est de Saïs que Cécrops amena la colonie Égyptienne qui fonda Athènes : Athènes, dont la gloire éclipsa dès son berceau celle de l'antique et savante Égypte; tant les actions, le génie, les erreurs mêmes d’un peuple libre ont plus d'éclat, plus d'intérêt, que la richesse et le calme intérieur d’une nation où l’auto- rité et le savoir sont réservés à quelques castes, et les travaux et l'ignorance, à la multitude. De Sâ-el-Hagar à Desouq, nous mîmes un jour en suivant les, bords du Ni, et nous traversâmes, à peu près à moîtié chemin, un grand canal qui va se perdre dans le lac Bourlos. Desouq est un village considérable : on voit dans une mosquée le tombeau d'un saint qui attire, deux fois l'année, un nombre prodigieux de Musulmans ; c'est en Égypte le pélerinage le plus en vogue après celui de Seyd- Ahmed el-Bedaouy, dont nous avons parlé à l'article de Tanta. On nous indiqua, à deux lieues au nord-est de Desougq, sur les bords d'un grand canal, des ruines nommées Xoum Fara'oun. Cet emplacement convient assez à celui de Cabasa, capitale du nome Cabasite; et le nom de Chabäs que portent plusieurs villages voisins, tels que Chabäs-el-Moelh, Chabäs-O'mar, Koum Chabäs, nous confirme dans notre opinion. (1) Les mots Égyptiens que les Grecs ont rendus par ne peut guêre se rendre ni en français, ni en grec, ni Saïs, Saitique, Tanis et Tanitique, ont souvent été pris en arabe, et dont on a tâché d'exprimer la valeur en les uns pour les autres, à cause de la similitude desons notre Jangue par dj, sj, ou #z; ce qui donne pour qu’ils présentoient sans doute à des étrangers. On voit Xzaux, Djani, Sjani ou Tzani. Voyez ce qui a été en effet dans la langue Qobte, où tant de mots Egyp- dit sur la branche Tanitique et sur la ville de Saïs dans le Mémoire sur les anciennes branches da Nil, et dans tiens se sont conservés, la ville de Saïs s'appeler Czx la Description d’Héliopolis. Saï, et celle de Tanis2æus , dont la premiere lettre 2% DANS L'INTÉRIEUR DU DELTA. ve Nous nous mîmes en route pour Foueh : à un quart de lieue au nord de Desouq, nous traversämes un canal navigable presque toute l'année , et nous rencontrâmes à peu prés vers le milieu de notre route le village de Salmyeh, qui fut pris de vive force et incendié en lan 6 par nos troupes, pour punir ses habitans, qui, plusieurs fois, avoient attaqué nos barques. Ils paroïssoïent éepen- dant n'avoir conservé aucuné rancune contre notre nation , ainsi que l’avoit déjà observé M. Denon. Nous remarquerons, à ce sujet, que les Égyptiens, qui cherchent souvent, pendant plusieurs générations de suite, à venger par des assassinats les parens qu’ils perdent dans des querelles particulières, oublient facilement les maux qu’on leur a fait éprouver par une guerre ouverte. Après tous les malheurs qu'ont ESsSUVÉS en Égypte quelques grandes villes prises d'assaut, il est sans exemple qu'un de nos soldats y ait été ensuite assassiné : nous gi > mis même assurer que de tous les paÿs où nous avons porté nos armes, il n’en est peut-être aucun où nous soyons aussi aimés qu'en Égypte; on sait qu'il y est passé en proverbe de dire Xelem Fransaouy | parle comme un Français], au lieu de Xe/em doughry [parle franchement]; et nous avons entendu en Îtalie raconter à un de nos consuls qui a habité le Kaire depuis le départ de notre armée, que la populace l’injurioit souvent dans les rues en lui reprochant de ne point rendre compte à son Gouvernement des vexations que commettoient Journellement les troupes Turques : si les Français en étoient instruits , disoïent ces pauvres gens , ils nous délivreroient, ils reviendroient chez nous. Honneur à la nation qui laisse À ses ennemis vaincus de semblables souvenirs ! - Quant aux habitans du Delta en particulier, ils sont meilleurs qu'on ne le croit généralement. Is ont, à la vérité, dans le commencement de notre entrée en Égypte , opposé plus de résistance que quelques autres provinces , égorgé quelques Français, attaqué quelques détachemens : mais mettons-nous à leur place, chose que l’on devroit toujours faire avant de porter un jugement sur le caractère d’une nation; si des Musulmans débarqués à l'improviste dans une de nos provinces les plus attachées à la religion catholique se rendoient maîtres des villes princi- pales, croït-on que, dans les premiers temps de leur domination, leurs détachemens isolés seroïent accueillis dans nos villages , et qu’on ne les repousseroit pas par les armes, sur -tout lorsqu'ils viendroïent y léver des contributions de tout genre, et que l’ancien Gouvernement renversé, mais non entièrement détruit, les exciteroit à une noble défense ! Eh bien ! c'étoi-là précisément la position des Égyptiens envers nous; et cependant, après troisans de séjour, habitués déjà à leurs nouveaux maîtres , ils accueïlloient nos petits détachemens, nos soldats isolés. Un de nous est allé seul de Semennoud au Kaire: et plusieurs fois tous deux, sans aucune escorte, nous avons fait des courses presque aussi longues, soit dans l'intérieur du Delta, soit dans d’autres cantons de l'Égypte. Certes, il estdes pays, dans notre Europe si poli- cée, où lon ne voyage pas ayec plus de sécurité: telles sont, par exemple, quelques parties de Flialie méridionale. Enfin une expérience de près de quatre années a prouvé que si l'Égypte füt restée plus long-temps au pouvoir des Français, non- $ 118 VOYAGE seulement l'ordre et la tranquillité eussent régné dans ses provinces, maïs ses peuples encore auroient pris, plus facilement qu'on n'étoit porté d’abord à le croire, nos arts, nos goûts et nos MŒUTS. Foueh, située sur les bords du Nil et presque sous le même parallèle qu Alexan- drie, se rapproche beaucoup de la position que Ptolémée assigne à Meteis. Cette ville n’est pas peuplée en raison de son étendue. Elle étoit, dans le xv.° siècle, l'entrepôt de tout le commerce qui se faisoit entre Alexandrie, où abordent les bâtimens d'Europe, et le Kaïre, où aboutissent les caravanes de l'intérieur de Afrique et de l'Arabie. Maïs, l'entretien des canaux au moyen desquels se faisoient les transports de Foueh à Alexandrie, ayant été négligé sous le gouvernement des- tructeur des Turcs, il a fallu que les marchandises expédiées du Kaire descendissent le Nil jusqu'à Rosette, pour être transportées de là par mer à Alexandrie; des- lors Foueh, ayant perdu tout l'avantage de sa position, déchut considérablement, pendant que la même raison occasionnoit l'accroissement rapide de Rosette, où vinrent se fixer par la suite les consuls Européens qui résidoïent précédemment a Foueh. On trouve, à deux lieues au nord de cette dernière ville, le gros bourg de Metoubis placé sur le bord du fleuve. Metoubis est connu par la licence extrême de ses mœurs. C’est la résidence d’un grand nombre d'a’/meh. Auprès de ce bourg on voit des amas de: décombres nommés Koum-elHamar, qui peuvent avoir appartenu à une ville ancienne; peutêtre est-ce le reste du mur des Milé- siens (1), qui étoit, comme lon sait, voisin du lac de Butos. Ce lac est fort près de Metoubis. Il occupe, de l'est à l'ouest, plus de la moîtié de la base du Delta, et est plus rapproché de la branche de Rosette que de celle de Damiette.:Il est séparé de la mer par une étroite langue de terre, et commu- nique avec elle par une seule ouverture, qui est l’ancienne bouche Sebennytique. On trouve sur ses bords quelques ruines Égyptiennes; la plupart ne présentent plus que des décombres, des tessons et des fragmens de briques. Un des monti- cules les plus considérables’ porte le nom de Xoum-el - Kebyr ; il est situé vers le milieu de la rive méridionale du lac. À une lieue vers l'est, est un autre amas de décombres rouges, sur lequel s'élève une colonne qu'on aperçoit de fort Join. On rencontre aussi entre le lac et la rive occidentale du canal de Tabanyeh, en le remontant l'espace de cinq à six lieues depuis son embouchure ,-plusieurs endroits où des ruines et des collines artificielles annoncent lemplacement de quelques villes anciennes. Trois monticules de décombres, nommés Damraouy, Nemyry et Kalyah, sont groupés sur les rives de la branche Sebennytique. Enfin, \ sur la colline d’e/Handahour, située à cinq lieues de là environ en se reportant vers le nord sur les bords du lac et à l'est de l'embouchure du canal, on. voyoit encore , quatre ans avant notre arrivée en Égypte, trois grosses pierres qui pro- venoient probablement de quelques monumens anciens : à cette époque, un Kkâchef les fit enlever. La colline d’el-Handahour peut avoir mille mètres de longueur sur deux cents de largeur : elle est formée de terres de rapport recou- (1) Strab. Geogr, lib.xvI1, pag. 8o1, edit. 1620, . Lu DANS L'INTÉRIEUR DU DELTA. 119 vertes d'un peu de sable et de fragmens de pierre. C'est peut-être à qu’existoit autrefois la ville de Pachnamunis, capitale de la province Sebennytique inférieure. Ptolémée la place à l'est de la partie inférieure de la branche Thermutiaque; ce quiconvient à la position d'el-Handahour relativement à Semennoud, l'angienne Sebennytus , et au canal de Tabanyeh, qui est une portion de l'ancien cours de la branche Thermutiaque. | Quant à Butos, c’est sur l’autre rive qu'elle étoit placée, selon le même géo- graphe; et l'on doit en conséquence ; et d’après le témoignage d'Hérodote, en chercher l'emplacement dans Îe voisinage du canal et du lac parmi les ruines dont nous avons parlé précédemment. « Elle est située, dit cet historien, vers : » l'embouchure Sebennytique du Nil; on la rencontre en remontant de la mer » par cette embouchure du fleuve, &c.; auprès d'elle est un lac spacieux {1).» Cette ville étoit une des plus importantes du Delta : une divinité Égyptienne, que les Grecs ont regardée comme la même que Latone, y avoit un temple ma- gnifique ; les oracles qu'elle y rendoit, étoient très-respectés et passoient en Égypte pour les plus véridiques. Hérodote nous à transmis sur cette ville des détaïls précieux. « On voit à » Butos;dit-il, plusieurs temples, celui d'Apollon et de Diane, et celui de Latone, » où se rendent les oracles : ce dernier est grand ; ses portiques ont dix orgyies de » haut. De tout ce que je vis dans l'enceinte consacrée à Latone, la chapelle de » la déesse me causa le plus de surprise ; elle est d'une seule pierre de forme » cubique ; chacune de ses dimensions est de quarante coudées : une autre pierre » dont les rebords ont quatre coudées, lui sert de couverture. L'ile de Chemmis, » presque aussi admirable, est dans un lac profond et spacieux, près du temple de » Latone. Les Égyptiens assurent que.cette Île est flottante; pour moi je ne l'ai vue » ni flotter ni remuer. On y remarque une grande chapelle d’Apollon avec trois » autels. La terre y produit, sans culture, quantité de palmiers et d’autres arbres » tant fruitiers que stériles. Voici, selon les Égyptiens, la raison pour laquelle elle » flotte » Latone, l'une des plus anciennes divinités, demeuroit à Butos, où » est maintenant son oracle ; Isis [ui ayant remis Apollon en dépôt, elle le cacha » dans cette ile qu'on appelle aujourd’hui F’île flottante, et qui autrefois étoit » fixe et immobile : elle le sauva dans le temps même qu'arrivoit Typhon, qui » cherchoït par-tout le fils d'Osiris ; car ils disent qu'Apollon et Diane sont nés » de Bacchus (Osiris) et d'Isis, et que Latone fut leur nourrice. Apollon s'appelle » Orus en égyptien’, Cérès, ss; et Diane, Bubastis (2). » Le lac Bourlos renferme une quantité considérable d'îles, la plupart maréca- geuses , parmi lesquelles il seroit intéressant de rechercher celles de Chemmis et d'Helbo, célèbres. dans l'antiquité. Nous avons déjà rapporté. ce qu'Hérodote savoit de la première : nous ajouterons que le nom de Xéuus, Chemmis, qui lui fut donné par les Grecs, vient peut-être de: Xe ou Xe, Chmrou Chémi, nom de l'Égypte dans l’ancienne langue de ce pays:.ct lon conçoit que les Égyp- tiens pouvoient donner spécialement, et comme titre d'honneur, le nom d’## (1) Liv. 11, $. v$5 et 156, traduction de Larcher. (2) bid. Éd VOYAGE DANS LINTÉRIEUR DU DELTA. d'Egypte (1) à celle qui avoit servi d'asile à leurs dieux. Quant à l'ile d'Helbo, elle est principalement connue par le séjour d’un Pharaon aveugle qui, chassé du trône par Sabacos, roi d'Éthiopie, sy cacha pendant cinquante ans que dura la domination des étrangers. Des Égyptiens fidèles nourrirent secrètement en ce lieu leur prince infirme; chacun lui fournissoit des vivres suivant sa fortune, et - lui apportoit de la cendre pour élever au-dessus des eaux le territoire marécageux de l'île. 120 Le lac et les terres incultes qui avoisinent le lac Bourlos, principalement à l’est et au sud, formoient la province connue des anciens sous le nom d'Æférchie. C’est de ces marais que Psammitichus, exilé par ses onze collègues, sortit pour les chasser du trône, et qu'Amyrtée (2) brava long-temps toutes les forces des Pérses. Ces lieux étoient alors habités par une population nombreuse et intrépide ; ils le sont encore aujourd'hui par des pêcheurs plus braves et plus indépendans que les felläh de l'intérieur des terres. Après avoir ainsi parcouru ensemble le Delta, nous nous séparâmes : lun de nous revint habiter Semennoud, l’autre se fixa à Menouf ; et il nous fut facile, pendant le long séjour que nous fimes dans ces deux villes, de rectifier et d'étendre les notes que nous avions recueïllies dans notre course. (1) Des noms de pays ont souvent servi d’épithète; ÆKasr-el-Chäma, château de Ia Bougie ou de Ia Lumière (voyez la Description de Babylone, chap. X1X des Anti- quités), c’est sans doute parce qu'ayant trouvé dans cette et il est assez naturel que des étrangers aïent quelque- fois substitué entièrement l’épithète au nom propre : c’est pour cela probablement que nous voyons un Pharaon forteresse un temple consacré au feu, ils prirent dans être nommé Chemmis par les historiens Grecs , la ville de Panopolis être appelée Chemmo ou Chemmin, au dire de Diodore ; et les Arabes , lors de leur con- Jeur Jangue le mot qui, en se rapprochant le plus du mot Egyptien RHAN, pouvoit avoir quelque rapport avec le culte du feu. Nos soldats, pendant leur séjour A ? : 2 je “ La La . " quête de l'Égypte, donner le nom de Clnoun où en Égypte, avoient dénaturé par des inductions sem- d'Achmoun à plusieurs villes et villages de ce pays. bjables plusieurs noms propres de personnes et de lieux. Enfin , sile château de la Babylone d'Égypte, Bz8%A0n FR HAS , Bavylon an-Chémi, a été nommé parles Arabes (Du Bors-AYMÉ.) (2) Thucydide, Æist, Liv. 1.° ABRÉGÉ ÈS ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE DES MAMLOUKS D'EGYPTE, | DEPUIS LEUR ORIGINE JUSQU'À LA CONQUÊTE DES FRANÇAIS; PAR M AMÉEAPORTE, MEMBRE DE LA COMMISSION DES SCIENCES ET ARTS D'ÉGYPTE, CHANCELIER- INTERPRÈTE À TRIPOLI DE-BARBARIE. Repibus incessit Magno discordia motu. VIRG. Geors. lib. 1V, vers. 68. PREMIÈRE DYNASTIE. MAMLOUKS BAHARITES OU TURCOMANS. CHAPITRE PREMIER. -Chegerètel-dorr. Tourdu-chéh. Ibek. 4°}. Avanr d'entrer en matière, je craïs devoir attirer l'attention sur les deux dénominations de Baharites et de Turcomans que portent les Mamlouks de cette dynastie : l'une doit son étymologie au mot Bahar, nom donné au Nil, et l’autre à la contrée où ils reçurent le jour. On voit encore à la pointe méridionale de Roudah , île voisine du vieux Kaïre, et du côté de Gyzeh, des masses informes de maçonnerie, indices certains des fondemens et de la position des édifices où on les caserna, et qui ont totalement disparu. Il est des phénomènes que le temps réserve pour des époques choisies. ÉMIS POME: TL. E 122 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE Chegeret el-dorr, si l’on considère le peuple et le siècle où elle vécut, en est un des plus rares. Turque de naïssance, entraînée d'Orient en Afrique dans la foule des esclaves achetés par Malek el-Sälh, elle se fit bientôt distinguer par sa beauté au milieu de ses compagnes, comme un lis se fait remarquer par son éclat au milieu des fleurs des champs. Son mérite fut apprécié par le sultan, qui s’attacha à elle. Amoureux de son esclave, il devint l'amant d’une maîtresse qui l'avoit rendu père de Tourän-chäh. Plus épris encore de ses talens que de ses charmes, il se Joignit à elle par les liens de lhyménée, lui confia ladminis- tration de l'État quand l’armée réclamoit sa présence au-dehors; et Chegeret el-dorr, pour me servir de la signification de son nom, fut l’Arbre de perles qui ombragea son trône. ' À peine vit-elle son front ceint du bandeau royal, que les germes de son ambition, jusqu'alors comprimés, se développèrent, et qu'elle s'aperçut de l’avan- tage et du pouvoir de talens qu'elle sembloit méconnoîïtre. Rougissant de se trouver au second rang, et oubliant qu'elle avoit été esclave, elle dédaïgna le titre de reine pour aspirer à celui de monarque. Sï pour l’exécution d’un projet aussi hardi élle brava les lois, du moins elle respecta les mœurs et les usages de son siècle, se restreïgnit à dicter ses volontés derrière le voile sacré du harem, et s’occupa de chercher un serviteur fidèle, devoué à ses commandemens. Parmi ses Mamlouks, Malek el-Sälh en avoit choisi un pour confident de ses plaisirs; Chegeret el-dorr le séduisit et jeta les yeux sur lui pour en faire l'exécuteur de ses desseins. La charge de grand boutillier permettant à celui-ci l'accès du sérail, elle saisit le moment où le sultan étoit enseveli dans les vapeurs du vin, pour parler d'amour à Ibek (c'éroit le nom de ce Mamlouk), lui faire part de ses projets, et lui laisser même entrevoir sa main. Ibek étonné hésita d'abord ; maïs, ébloui par un brillant avenir, il jura fidélité à la reine, et promit de seconder les vœux de sa maïtresse. Sa condescendance lui valut la charge de capitaine des Mamlouks, que Chegeret el-dorr attacha par ce moyen à son parti, et l'on vit un simple esclave être à-la-fois grand échanson, capitaine des gardes, favori de son maître, et amant aflidé de l'épouse de son roi. ‘ Chegeret el-dorr, sûre de son plan, en remit l'exécution au bonheur des cir- constances. La mort de Malek el-Sälh, qui survint alors, sembloit les amener favorables; mais la crainte d’être traversée par son fils la retint, et elle n'en profita pas. Ce fils, il est vrai, avoit été, dès sa plus tendre jeunesse, élevé dans la soumission la plus aveugle et lobéissance la plus absolue aux volontés de sa mère, Néanmoins Chegeret el-dorr, appréhendant que s’il venoit à connoître par la voix publique la mort de son père, il n'oubliât ses devoirs et ne se fit proclamer sultan sans sa participation; la tint momentanément cachée, appela le Qobte Barsoum, fils de Chabbân, dépositaire de ses secrets et intendant de ses revenus, lui dicta des ordres pour Tourân-châh son fils, des instructions pour [bek, et chargea Chahâb el-dyn, fils d'Yaghmour , ouäly du Kaire, de les porter au camp. Le fils d'Yaghmour y arriva, et fut introduit au moment où l'on amenoit en DES MAMLOUKS+*D ÉGYPTE. 123 présence de Tourän-châh, entouré de ses Mamlouks, le chef des croisés, chargé de chaînes, et suivi de sept rois, sans doute de sept principaux seigneurs de son royaume, faits prisonniers avec lui à la bataïlle de Fâreskour, le 12 de la lune de moharram de l'an 648 de lhégire [ 1250 de notre ère |. Il remit les ordres au prince, qui les reçut avec respect, les pi 7 ‘ur ses yeux, sur sa bouche et sur son cœur, et promit de s'y conformer. Cette uéférence le sauva; car Ibek, qui en avoit l'ordre , étoit prêt à le frapper au moindre signe de refus. La mort de Malek el-Sälh fut aussitôt publiée: à peine fut-elle connue du camp, que les Mamlouks, vivement émus à cette nouvelle, disent des auteurs contredits par d’autres, voulurent mettre à leur tête et à celle de l'État le roi captif; mais ils en furent détournés par leurs émyrs, et Tourân-châh fut salué Malek el-Mo’'addem, c'est-à-dire, rot grand. Malek re Mo’addem, après son avénement, ayant chargé Chahéb elk-dyn du soin de conduire les illustres prisonniers à sa mère, se mit en état de recueillir les débris de l’armée des croisés épars çà et là; et, en moins de temps qu'il n'en fallut au fils d'Yaghmour pour se rendre au Kaïre, il reconquit à l’islamisme tous des pays qui étoïent tombés au pouvoir des Chrétiens. Aussitôt que les cheykhs de la capitale eurent connoïssance de l'approche de Chahäb el-dyn amenantles captifs, ils allèrent à sa rencontre; et au bruit desfanfares, au milieu des blasphèmes du peuple contre. les infidèles, ils a jusqu'à la citadelle, où il se présenta à Chegeret el-dorr, qui fut plus flattée de lhumiliation du chef des croisés que de la soumission politique d’un fils qu'elle regardoit.comme. un rival. .Quant à la manière dont on en usa à . de S. Louis; les auteurs en parlent diversement: les uns veulent qu'on aït eu pour lui toute la considération due à un prince malheureux; d’autres, et de ce nombre est Gell el-dyn, qui cite des vers composés à cette occasion par Gemäl el-dyn, fils de Matrouh, assurent qu'il fut abandonné à l’eunuque Sabyh, qui eut l’ordre de lui infliger, chaque jour , quatre- vingts coups de lanière : traitement dont lignominie retombe plutôt sur celui qui l'ordonna que sur celui qui le souffrit, et auquel l’auguste captif me put se soustraire que par une forte rançon dont Ibek profita. Chegeret el-dorr avoit bien raison de craindre que la soumission empressée _ son fils ne füt qu'apparente; car Tourân-châh n'eut pas plutôt rendu le repos à l'État, que, honteux descondescendre aux volontés d’uné femme, il résolut de secouer un Joug indigne du fils de Malek elSälh, du prince des Musulmans, du vainqueur des croisés, et de gouverner par lui-même. Pour y parvenir, il méprisa les ordres de sa mère, éloigna la plupart des émyrs Baharites dans les provinces, et ft égorger un grand nombre de captifs. Cette conduite atroce, au lieu de lui assurer l'autorité , ne fit qu'indisposer contre ui sa mère et les Mamlouks, et sa perte fut jurée. Il avoit coutume de se transporter de Mansourah à Fâreskour, qu'il faisoit fortifier, et de là sur les bords du Nil, où il élevoit une tour en bois pour protéger la navigation de ce fleuve. Cette tour achevée, il fit dresser un grand banquet, E. M. TOME IL Q: 124 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE en signe de réjouissance, sur le champ de bataille même où il avoit vaincu. Tous ceux qui avoient eu part au succès y furent invités, et il s'y rendit lui-même, ne sachant pas le sort qui l'y attendoit. À peine parut-il, que les Baharites fondirent sur lui le sabre nu, et le forcèrent, après la perte de tous les doigts d’une main, à se réfugier dans la tour, qu'ils incendièrent. Le malheureux sultan, pour se sauver des flammes, s'étant jeté dans’ le Nil, y fut percé de flèches, et périt dans les eaux du fleuve. Le rivage est encore en possession des réstes inanimés de Tourän- chäh, victime, après quarante Jus de règne, de l'ambition de sa mère, et égorgé par ses esclaves devenus ses maîtres et ses bourreaux. La courte.durée de son règne n'offre de remar Rene que la destruction de Damiette, qu'il fit démolir de fond en comble pour s'être livrée aux Chrétiens, et le châtiment de quarante émyrs, qu'il fit pendre pour l'avoir rendue. Après le meurtre de Malek elMo’addem, les émyrs vinrent au Kaire, pour pro- céder à l'élection d’un autre sultan : sous l'influence d'Ibek, ils reconnurent Che- geret el-dorr pour sultane. Cette femme, étant parvenue à son but, prit les rênes de l’État, créa Ibek atdbek, c'està-dire, gouverneur du royaume, mit toutes les affaires en ordre, et s’occupa du soin de se rendre agréable à tous les émyrs, qu'elle combla d’honneurs. Les peuples, régis avec équité, bénissoient la douceur d'un règne qui devoit être bientôt troublé. Les nouvelles de la mort de Malek el-Sälh, de la captivité de S. Louis, du meurtre de Tourân-châh , et de l’avénement de Chegeret el-dorr au swlanat, par- vinrent en même temps sur les bords de l'Euphrate, et Mostanser-billah, Kkhalyfe à Baghdd, indigné de ce que les émyrs eussent reconnufautorité d’une femme, leur écrivit en ces termes : « Puisqu'il ne se trouve parmi vous aucun homme capable » d'être votre sultan, je vous en donnerai un de ma main. Ignorez:vous donc cet » apophthegme du sublime Prophète, Malheur aux peuples gouvernés par des » femmes ? » À la réception de cette lettre, dont elle sentit la force et prévit les consé- quences, l'adroite sultane eut le bon esprit d’abdiquer volontairement en faveur d'Ibek, qui promit de l’épouser, et qui fut salué, le 29 de la lune de rabye’ second de l'an 648, Malek el-Moa’zz, c'est-à dire, roi puissant. I épousa Chegeret édorr, qui continua de sono sous son nom. Pendant les premières années d’un règne simulé, Malek el-Moa’zz jouit et fit jouir ses tape d’une tranquillité qui ne fut interrompue que par la dissension qui se glissa à la fin parmi les Mamlouks. Ils se divisèrent en deux partis, qui prirent chacun une dénomination. Ceux qui avoïent pour chef l'émyr Fâres el-dyn, lieutenant général de la garde, furent appelés Sites , du nom de Malek el Sälh, et les autres reçurent le nom de Moazzites, parce qu'ils avoientété achetés par Malek el-Moa’zz ou Ibek. Les Sâlhites, animés par leur émyr, se repentirent d'avoir créé sultan un de leurs égaux, se révoltèrent contre Malek el Moa zz, et le forcèrent à associer à son trône un june prince, âgé de vingt.ans, de la race des Ayoubites, qu’ils avoient fait venir à cet effet des contrées de l'Orient. Ce jeune prince, nommé Modaffer eldyn, fils d'Yousef fils de Mesoud, fut proclamé DES MAMLOURS D'ÉGYPTE. ÿ2. $. Malek el-Achraf, c'est-à-dire, ro très-noble; et Ton vit, par une bizarrerie du sort, placés sur le même siége royal, le petit-fils de Saladin et l'esclave de Malek _ el-Sälh, dont les noms prononcés ensemble dans les mosquées furent gravés en- semble sur les monnoïes du temps. On juge aisément qu'un tel affront ne pouvoit pas rester impuni, et que si, contraint par la force des circonstances, Malek ekMoazz dissimula, ses premiers soins seroient de se venger. Pour le.faire avec succès, et afin d'éloigner tout soupçon, il laissa s'écouler quelque temps; après quo ilattira Fâres el-dyn, chef du complot tramé contre lui, dans une embuscade qu'il lui avoit dressée à la citadelle, et le fit périr de la main de ses Mamlouks. Se doutant bien qu'une telle action auroit des suites, il ordonna de fermer les portes de la citadelle et de la ville, et attendit les événemens. À la nouvelle de Farrestation de Fâres el-dyn, les émyrs Sâlhites Qotoz, By- bars, &c. Vinrent chacun à la tête de leurs Mamlouks demander avec menace raison de l'insulte faite à leur chef; mais l'aspect effrayant de sa tête encore san- glante, qui roula du haut des murailles à leurs pieds, leur inspira une terreur panique si grande, qu'ils s’enfuirént dans le plus grand désordre vers B4& el- Qor- râtyn , Yune des portes du Kaiïre, l'enfoncèrent, et se frayèrent un chemin vers la Syrie, abandonnant néanmoins quelques-uns des leurs, qui furent arrêtés et empri- sonnés. Malek el-Moazz, ayant ainsi culbuté le parti qui lui étoit opposé, s’'empara de Malek el-Achraf, et le fit jeter dans un cachot, où il mourut après un an et un mois de règne. En lui finitla dynastie des Ayoubites d'Égypte. Ibek, non content d’être délivré d’un rival, voulut s'affranchir de la domina- tion de Chegeret el-dorr; maïs il éprouva qu'il est plus facile de tomber dans les lacs d’une femme, que d'attirer dans les siens ceux qui nous donnent de l'ombrage. Cependant il prétexta sa stérilité, et lui préféra une autre femme qui lavojt rendu père d'un fils connu sous le nom d’A'#, et qu'il avoit épousée aupara- vant” La mère. d’A’ly possédoit son Cœur sans réserve, pendant que la sultane n’avoit que des égards que commandent les devoirs et que les dégoûts accom- pagnent. Chegeret el-dorr, rebutée et dédaignée, se porta à toutes les extrémités où la ja- Jousie est capable d'entraîner une femme, regretta les beaux jours de son premier époux, et, abusant du droit que ses bienfaits lui avoïent acquis sur le second, les lui reprocha, et lui commanda impérieusement de répudier sa rivale. Il n’y ré- pondit qu'en se retirant chez celle-ci. Courroucée contre cette nouvelle marque de mépris, la jalouse sultane contint son ressentiment. Pour ramener à elle l’ingrat qui la fuyoit, elle mit en œuvre larmes, caresses, soumission, promesses, moyens qui réussissent toujours aux personnes de son sexe, et elle reconquit son époux, qui, ignorant le sort qu'elle lui préparoit, se laissa reconduire auprès d'elle... | Chaque séraïl a un endroit retiré, destiné aux ablutions; Chegeret el-dorr le choisit pour le théätre de sa vengeance. Elle y posta cinq eunuques blancs, et y 126 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE conduisit le sultan, qui, se voyant assailli par ces cinq ministres de mort, et hors d'état de se défendre, implora la pitié de son épouse; elle alloit céder, quand les eunuques, roulant autour du cou du prince le châle de son turban, l'étranglèrent en s'écriant: « Princesse, si vous lui faites grâce, nous sommes perdus.» Le bruit courut qu'il étoit mort à la suite d'une attaque d’épilepsie, le 26 de la lune de rabye’ premier de lan 655. Chegeret el-dorr n’eut pas le temps de jouir des effets de sa vengeance. A‘ly, fils du sultan, aidé des Mamlouks de son père, s'étant emparé de sa personne, et l'ayant livrée à sa mère, qui l’avoitsans doute excité à en agir ainsi, celle-ci l'aban- donna àla barbarie de ses femmes, qui lui firent subir une mort d'un genre nouveau. Les femmes en Orient et. en Afrique portent, dans l'intérieur des harems, des espèces de sandales ou galoches de bois nommées y0/g4b. C'est sous les coups multipliés de cette chaussure que Chegeret el-dorr, qui naguëre régissoit à son gré les destins de l'Égypte, périt écrasée comme un vil insecte; son cadavre fut jeté du haut des murailles dans les fossés de la citadelle, et, après y être demeuré trois jours entiers sans sépulture, en fut retiré pour être déposé dans un tombeau, auprès de celui de Sitty Nefyçah, au Kaire. Son règne eut l'éclat et la durée d’un météore. Elle mourut, laïssant après elle le surnom d'Omm-Khabyl, c'est-à-dire, mère de Khalyl, autre fils qu’elle avoit eu de Sälh. Elle fut la Pulchérie ou la Sophie de son siècle : tout en elle, pour me servir de l'expression même des Orientaux, étoit merveille. Aly lui succéda ; mais, comme on va le voir, son règne ne fut pas de longue durée. CHAPITRE IL A’ly. Qotoz.: Bybars. ‘ApREs la double catastrophe du meurtre d’Ibek et de la mort cruelle de Che- geret el-dorr, A’ly, dit Nour el-dyn, fut proclamé Malek el-Mansour, ro: victorieux, et gouverna sous la tutelle de Cherf.el-dyn. Son règne, malgré les talens de son gouverneur, qui-mit tout en œuvre pour le prolonger, ne se soutint que jusqu'au retour à la capitale, des émyrs Sälhites, qui, comme on l'a vu, s’'étoient enfuis en Syrie; il dut sa chute à Seyf el-dyn Qotoz el-Farkabad, que, pour son malheur, on avoit élu atäbek ou régent. | Ces émyrs, avertis sans doute par Qotoz de la mort de leur ennemi et de leur bienfaitrice, revinrent au Kaiïre, sy assemblèrent en divan général, déclarèrent Malek el-Mansour, âgé de onze ans seulement, inhabïle à régner vu son bas âge, le déposèrent, et saluërent Qotoz sultan avec le titre de Malek el-Modaffer, c'est- à-dire, roi triomphant. | Qotoz signala le commencement de son règne par l'emprisonnement, et, selon toutes les apparences, par la mort de son légitime souverain, et par l'exécution de : Cherf el-dyn, qu'il fit mourir.en croix à la porte de la citadelle. Ce Cherf el-dyn étoit Qobte d’origine, et avoit été médecin et favori du cinquième sultan Ayoubite. DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. 127 H changea le nom Chrétien Æibet-allah| Dieudonné | en celui de Chef el-dyn | Gloire de la foi], et il réunit la profession de médecin et la charge de vizir; dans lesquelles il fut également célèbre. Il s’acquitta de ses fonctions de ministre d'état avec honneur, tant sous les derniers sultans Ayoubites, que sous les premiers sultans Mamlouks. Qotoz le fit périr, à ce qu'on prétend, pour n’avoir pas voulu seconder ses projets, et il lui donna pour successeur Zeyn el-dyn Ya’qoub. Pendant que ces choses se passoient au Kaïre, on y vit arriver un officier Tartare, ROME d'une proclamation de Holäkou, petit-fils de Gengis-khân, Cet Holäkou, après avoir, à la tête d'une armée d'élite tirée des troupes de Mangou, empereur des Mogols, son frère , purgé le monde de la secte infame des Assassins ; après s'être vengé par la mort de Mostanser-b- ilah, qui naguère avoit voulu donner un sultan à l'Égypte et qui ne put défendre ses états, de ce que ce khalyfe avoit manqué à l'engagement qu'il avoit pris avec lui dé concourir à exterminer cette race impie; après avoir couvert de deuil et de désolation les Z râq, saccagé et pillé les grandes cités de Baghdäd, Moussoul et Alep: après s être rabattu sur la Syrie et s'être enfin emparé de Damas, s'avançoït sur l Égypte. Sa proclamation, dictée par l'orgueiïl de ses succès, et transmise par Ÿ ny dans son petit ouvrage intitulé Gou&her el-Bouhour, c'est-a-dire, des Perles des Océans, &c., est conçue en ces termes: « De la part du Roi de tous les roïs qui règnent du couchant à l'aurore, » du plus puissant des 4agän, Holäkou-khân, &c. &c., dont 5 conquêtes sont » inouies et les troupes innombrables, &c. &c. .» Peuple de Masr | d’ Égypte] , ne vous hasardez pas à combattre contre moi, » Vos efforts seroïent impuissans ; n'imitez pas ceux de Moussoul et d'Alep. » Le laconisme et la force de cette proclamation firent sur l'esprit de Qotoz l'impression qu'ils devoient faire; mais, la première terreur surmontée, il s'occupa de conjurer l'orage qui, né au sein de la Tartarie, étoit venu fondre sur la Syrie et menaçoit l'Égypte. Il rassembla ses généraux, miten campagne ses armées encore tout échauffées de leurs succès sur les croisés, les augmenta d'Arabes et d’une infinité de nouvelles recrues, leva six cent mille dynârs sur les Égyptiens pour les frais de la campagne, et en distribua une partie aux troupes, auxquelles il donna un rendez-vous général dans les plaines de Rydânyeh; ce fut le dernier jour de la lune de cha’bân, l'an 658 de l’hégire, qu'il fit donner le signal du départ, et que cette armée formidable fit un mouvement en avant sur la Syrie. - Pendant que les deux armées s’avançoient chacune de son côté, Mangou-Ka'än, empereur des Mogols, mourut; et cette nouvelle parvenue à Holäkou opéra un changement qui tourna en er des Égyptiens, en ce qu'il força le général Tartare à retourner dans sa patrie avec la majeure partie de ses troupes, ne laissant à Ketho- ghà, son parent et son lieutenant, que dix mille cavaliers choisis. Ce fut avec cette poignée de troupes que Kethoghä osa continuer sa marche contre Qotoz, qui avoit accéléré la sienne, aussitôt qu'il avoit eu connoiïssance de la retraite d'Holäkou. Ketboghä et Qotoz se rencontrèrent à A’yn el-Gälout, c'est-à-dire, 44 Fontaine de Golat, dans la terre de Chanaan, nommée Tubanie par nos auteurs. I] s’engagea un combat sanglant. Tout violent que fut le > premier choc des Tartares, il ne produisit 128 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE héanmoins aucun effet. Ceux-ci se retirèrent pour en livrer un second qui ne fut pas plus heureux, et vinrent périr dans les rangs Égyptiens, où. plus de la moitié fut sacrifiée ; le reste prit la fuite. Ketboghà fut trouvé parmi les morts ; et son fils, emmené esclave, enrichit le butin qui fut immense. Ce succès décida dusort de la Syrie, qui retourna sous la domination de Qotoz. Tout étant rentré dans l'ordre, le sultan:se mit en route pour le Kaire, où il avoit l'intention de jouir du fruit de sa victoire; il étoit déjà arrivé à Sälhyeh, ville située sur les confins de l'Égypte et de la Syrie, et fondée par Malek el-Sälh, quand éclata une conspiration qui se couvoit depuis quelque temps parmi les émyrs : ‘un animal timide en fournit l’occasion. Un jour que Qotoz se promenoit à cheval au milieu des généraux de sa garde, le bruit de la cavalerie fit lever un lièvre. Le sultan le voit fuir, et le poursuit; mais, la vitesse de l'animal effrayé ne lui ayant pas permis de fatteindre, Qotoz, qui ne vouloit pas s’'enfoncer trop avant dans le désert, tourna bride. Il re- venoit vers les siens, quand Bybars, qui s'en étoit détaché, alla au-devant de lui en avançant la main. Le sultan, croyant que Bybars vouloit lui, baiser la sienne pour le remercier du don d'une belle esclave Tartare, la lui présenta; maïs le perfide, au lieu de la‘ baiser, la lui serra fortement, saisit son ataqän et l'en frappa. Les autres émyrs qui étoient du complot, accoururent et l’achevèrent. Malek el-Modaffer expira le 1 1 de la lune de qa‘deh de l'an 658. Ses restes furent déposés dans un petit tombeau qu'on lui érigea près du cheykh Khalaf. A près sa mort, ses Mamlouks, qui craignoient pour leur propre vie, se dispersèrent dans différens villages de la basse Égypte. S’il faut en croire l’anecdote suivante, citée par Geläl et Qotozétoit d'extrac- tion royale. « Ayant reçu un jour, du fils de Zâym son patron, un soufflet qui lui » fit verser des larmes : Pourquoi pleures-tu ? lui demanda-t-on. Je pleure sur le » mauvais destin de mon père et de mon aïeul, qui valoïent mieux que celui-ci, dit-il » en montrant son maître. Qu'étoit ton père! lui répliqua-t-on : quelque mécréant! » Je suis, répondit-il, musulman, fils de musulman. Je suis fils de Mahmoudy > Ymdoud, fils de la fille de Khârzem, du sang des rois. » En eflet, il avoit ‘été emmené captif et vendu dans les camps de Gengis-khân, qui avoit détrôné et massacré son oncle, roi de Khärizm, une des provinces de la Perse. Après l'assassinat de Qotoz, les émyrs, sous le commandement de Färes el-Qaty, choisirent Bybars, son meurtrier, pour son successeur. On ne pouvoit lui infliger un plus juste châtiment, puisque s'asseoir sur un trône, c'est, chez les Mahométans, se reposer sur sa tombe. Il fut proclamé Malek el-Qâher, roi formidable, titre qui lui déplut, et qu’il changea en celui de Malek ek Däher, ro vainqueur. Aussitôt après son élévation, il se rendit au Kaire, ét prit en maïn les rênes de l'État. Bohà el- -dyn fut créé vizir, et Bylibek, le plus aimé de ses Mamlouks, grand trésorier. I] rappela ensuite les Mamlouks de son prédécesseur, qu'il incorpora dans les siens , aholit les impôts exorbitans dont le royaume étoit grevé, fit publier au prône dans les mosquées ses ordres à cet égard ; et tes peuples d'Égypte le comblèrent de béné- dictions. Son DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. 129 Son élévation au sultanat ne plut pas aux Syriens. Is se révoltèrent, et se don- nèrent pour roi l'émyr Sangar, gouverneur d'Alep, à qui ils conférèrent le titre de - Malek el-Mogähed , c'est-à-dire, roi guerrier. Cet événement, qui arriva pendant le cours de l'an 658, força Bybars à marcher sur Damas et contre les Tartares qui venoient au secours de cette ville. Damas fut assiégée, et Holäkou fut vaincu dans trois batailles successives : comme il ne laissa à cette place aucun espoir d’être se- courue, elle se rendit à discrétion. Bybars y entra en roï terrible ; et, les principaux coupables punis, il revint au Kaire. Il y travailloit à amélioration du gouvernement, quand ül vit paroître à sa cour, Jan 660, le fils du khalyfe Däher b-illah, le jeune Ahmed, qui avoit échappé à la ruine de sa famille. Il lui rendit toute sorte d'honneurs; et après avoir fait vérifier s'il étoit tel qu'il se disoit, il le fit proclamer khalyfe, sous le titre de Mostanser b-illah, et le etint au Kaïre auprès de lui. La présence de ce khalyfe ne fut pas d’un bon augure pour les Égyptiens. Une famine aflreuse vint désoler la capitale. S'il y vit les pauvres setraïîner dans la voïe publique et réclamer un peu de nourriture, il fut aussi témoïn de la commisération et de la générosité de Bybars, qui fit ras- sembler ces malheureux dans un même local, et leur fit distribuer, chaque jour, ce qui sufhsoit à leur subsistance; acte de bienfaisance qui sauva la vie à des milliers d’entre eux près de périr de misère. Ce prince ouvrit outre cela les gre- niers de l’État au public, et l'abondance ne tarda pas à renaître. Ce devoir d'homme et de roï rempli, il soccupa de la circoncision de son fils, et profita de la présence du khalyfe pour donner plus de solennité à cette cérémonie religieuse, Six cent quarante-cinq enfans, sans compter ceux des grands, furent circoncis à ses dépens, et sept jours se passèrent en réjouissances. Chaque enfant reçut en don cent drachmes | à peu près 120francs|, un vêtement complet et un mouton. | Après ces cérémonies, il donna au khalyfe une petite armée, qui devoit le rétablir sur le trône de ses ancêtres ; maïs cette armée, en le reconduisant à Baghdâd , ayant été surprise par un fort parti de Tartares, fut exterminée avec lui. Il périt de la même main qui avoit égorgé son père, après avoir été khalyfe cinq mois et Vingt Jours. | Bybars se porta ensuite sur Krak (Crac de Montréal, dit Petra deserti), pour se venger sur la personne de Fatah el-dyn, qui en étoit souveraïn,de laffront que celui-ci lui avoit fait en déshonorant sa femme. Ce prince n'avoit pas rougi, contre toutes les loïs de la pudeur et de lhospitalité, d’abuser de son autorité et de l'absence de Bybars pour violer le dépôtisacré que ce dernier lui avoit confié en quittant l'asile où les malheurs l’avoient forcé de se retirer. Le fort de Krak, qui avoit résisté sous Renaud de Châtillon aux armées du puissant Saladin, étant au-dessus de tous les eflorts que Bybars auroit pu faire pour l'enlever, ïl attira Fatah el-dyn dans un piége, se’saisit de lui, le transporta au Kaire, et le livra au courroux de sa femme, qui le fit mourir du même supplice que Chegeret el-dorr. Krak, n'ayant plus de maître, se livra à Bybars. | De retour dans sa capitale, le sultan d'Égypte y prépara une expédition contre É, M. TOME Il. R œ 130 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE les Chrétiens de Syrie, qu'il voyoit avec peine maîtres des premières places de cetre contrée, Dans le temps qu'il proclamoït à ce sujet la guerre sacrée, il se déclara au Kaire un incendie qui en dévora les plus beaux quartiers. Les Chrétiens en furent accusés, comme ils l'avoient été de celui de Rome sous Néron: ils auroïent in- failliblement subi le même sort, si Färes el-Qatày, intercédant pour eux, n’avoit enfin déterminé Bybars à accepter, pour le rachat de leurs personnes, une somme de $0,000 deniers, qui fut, dit-on, affectée à la réparation des dommages, mais bien plutôt aux frais de la guerre contre leurs frères de Syrie. L'an 663, il s'empara de Césarée en Palestine, alla mettre le siége devant Saint-Jean-d’Acre, et fut obligé de le lever pour marcher contre les T'artares , qui, réunis aux Arméniens, avoient pris Damas et menaçoïent la Syrie. S'étant présenté devant Damas, et n'y ayant plus trouvé d’ennemis, parce que la mort d'Holâkou avoit occasionné Îa retraite de ses troupes, il se jeta sur l'Arménie, dont Haïton, que les Arabes nomment Tz4four, prince Chrétien, étoit roï, fit tomber en son pouvoir Sis sa capitale, Derkous, Telmis, Kafr-denyn, Ra yât, Harzbân, Kytoun, Adbah, Mamista, enfin tout le royaume; il étendit ses conquêtes jusques aux confins de la Natolie. Il ne les posséda pas long-temps; car Abakah-khân, fils et successeur de Holäkou, vint l'attaquer avec des forces si puissantes, qu'il fut contraint de se retirer. [1 rentra en Syrie, prit, chemin faisant, Safet en Palestine, en massacra les habitans qu'il avoit reçus à composition, s’empara d’Aylah sur la mer Rouge, et regagna sa capitale, après avoir passé au fil de l'épée les habitans de Qarà. , Il passa toute lannée 66$ à refaire une armée et à corriger la dépravation des mœurs, à laquelle ïl attribuoït ses derniers revers. En conséquence, il fit brû- ler les maisons où l'on vendoit et fumoit le hachychah, herbe enivrante, fermer les tavernes et les lieux infames où les femmes se prostituoient. Aïnsi purifié, il conduisit, en 666, ses troupes en Palestine, prit Yaffà, Cheqyf-Arnoun, T'abaryeh, Arsouf, Antioche, dont il brüla les églises et emmena les habitans en captivité; prit aussi Bagras, Qoceyr, Qareyn, Säfynà, Maryqyeh, A’ybâs, s'empara de Baghdäd, et retourna au Kaire, d'ou il partit pour le pélerinage, au commencement de lan 667, avec son fils Mohammed Barkah-khän. Après. avoir visité la Mecque, après avoir adressé à Médine, sur le tombeau de Mahomet, mille actions de grâces à l'Etre suprême, qui l'avoit rendu victorieux, il renvoie son fils au Kaiïre, court assiéger Alep, d’où il chasse les Tartares et dont il massacre les citoyens ; revient visiter, à Medynet- Khalyl | Hébron |, le tombeau du patriarche Abraham; se transporte à Jérusalem, où il se prosterne devant le saint-sépulcre, et rentre au Kaire, ayant laissé par-tout des traces de sa libéralité et de sa fureur. L'origine des courriers et des relais qu'il établit pour la communication de tous les points de son empire entre eux, remonte à lan 668. Ces courriers lui apportoient, deux fois la semaine, les nouvelles de ce qui sy passoit et des mou- vemens des ennemis. L'année qui suivit cet utile établissement, est célèbre par la vigoureuse résistance de la ville de Saint-Jean-d’Acre, qu'il avoit assiégée de nou- veau, et qu'il fut encore obligé d'abandonner. Furieux de n'avoir pu s’en emparer, DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. 131 il en ravagea le territoire. Il se rendit maître du fort de Massiat, défendu par les Templiers, en 6609. En 670 [1271 de notre ère], il anéantit, par la prise de la forteresse des Curdes qui en étoit lé repaire, la race infame des Assassins de Syrie, fléau des trônes et terreur des rois, et couronna en cela le service éminent que Holäkou avoit rendu à l'humanité en détruisant ceux de FT raq. Il reçut, la même année, du comte de Tripoli de Syrie, de riches présens qui procurèrent à ce prince l'amitié du sultan et la jouissance paisible de ses domaines, et il marcha de nouveau sur les Tartares, qui menaçoient la Syrie et assiégeoient Byrah, l'ancienne Virta. Il quitte en conséquence la Palestine, se rend en Mésopotamie, de Mésopotamie en Égypte, et du Kaïre à Damas, avec deux armées, l’une commandée par lui en personne, et l'autre par l'émyr Qaläoun l'Elfy sous ses ordres; il se porte sur l'Euphrate, se déguise pour reconnoître la force des ennemis et la situation de leur pays, et revient livrer la bataille de Byrah. Les deux armées se précipitèrent l’une contre l'autre avec la fureur et le fanatisme de deux ennemis rivaux et de cultes diffé- rens. Le combat fut d'abord incertain ; mais Bybars , instruit par dix années de succès et de revers dans l’art de gagner des batailles, tourne son ennemi, l’en- veloppe de toutes parts, l'attaque, et le force, après avoir jonché la campagne de ses morts, à cacher sa honte et sa nouvelle défaite dans les montagnes du Cur- distan. Le fruit de cette victoire fut la délivrance de Byrah et la REC de l'Arménie, qu'il abandonna au pillage. Après cela, il retourna au Kaire, où toutes les rues furent tendues pour le recevoir, et où il fit une entrée solennelle, digne du vainqueur des Tartares et de lexterminateur des Assassins. C’est dans cette pompe majestueuse qu'on porta devant ie le faucon et le parasol, prérogative des sultans d'Égypte. Aux fêtes qui eurent lieu à cette occasion succéda la peste, fléau d'autant plus terrible qu'il est sans remède. Bybars n'épargna aucun des secours qu'il est possible à l'homme de tenter : mais il n’y avoit que le temps qui püt faire cesser le mal; l'été étant heureusement survenu, il s’'anéantit ou plutôt s’'endormit au sein de ses nombreuses victimes. La guerre remplaça la peste. En 672 et 673, Abakah-khän assiégea de nouveau Byrah; mais l'arrivée inattendue d’une armée Égyptienne l'obligea de se rétirer en toute hâte, et Bybars eut alors la faculté de se rendre au Kaïre pour y faire les noces de son fils avec la fille de Qalâoun l'EHfy, dans la fausse espérance que Qaläoun seroit un jour le soutien de son trône. Ce mariage célébré, il envoya, en 674, Agq-Songqor el-Farqäny à la conquête de la Nubie. La bataille de Syène décida du sort de cette contrée. L'armée Nubienne ayant été taillée en pièces, le royaume de Barkah fut pris, et la possession paisible de toute la vallée du Nil assurée à Bybars. | En 675, les Tartares revinrent encore à la charge. Ils inondèrent la Natolie, où le sultan alla les attaquer. gi plusieurs combats heureux et malheureux, ses armées étant afloiblies, il songea à réparer ses pertes, et se retira à cet effet à Émesse, où étoit fixé le terme de ses jours. Il y eut en ce temps une éclipse É. M. TOME II. Poe 132 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE totale de lune, dans laquelle les astrologues lurent la mort d’un grand prince. Bybars, qui, comme tous les Mahométans, croyoit à l'influence des astres sur les destinées de homme, voulut détourner les effets du pronostic, et invita à un repas Dâoud, petit-fils de Touräân-châh et dernier rejeton des Ayoubites, qui n’avoit d'autre bien que le nom de Nâser el-dyn, et d'autre domaine que le vain titre de Malek el-Qäher, ro; formidable. présenta une coupe empoiïsonnée à Dâoud, qui avala la liqueur. Croyant qu'il n’y restoit plus de poison, il la remplit lui- même, but et expira à ses côtés, donnant raison à l'astrologie. D’autres disent qu'il mourut d’un flux de sang contracté en passant l'Euphrate à gué. Il étoit Kaptchaq d'origine; on le connoît sous le nom de Bondogdär, parce qu'il avoit été porte-mousquet de Sälh. On pourroït le comparer, vu son activité, à l'empereur Julien. Quoique son règne ait été désolé par toute sorte de fléaux, il lhonora cependant par des monumens qui fixent sa gloire sur des fondemens plus solides ’ que les conquêtes : l'Égypte doit à sa munificence la réédification de Damiette, le resserrement du boghäz de cette ville commerçante, le rétablissement de la chaîne qui en fermoit le port; la construction des muraïlles d'Alexandrie, du phare de cette ville, de celui de Rosette, du pont de Chobräment, province de Gyzeh, d'immenses greniers, de la mosquée d’Atär el-Neby dans une île proche du vieux Kaire, où les dévots vont tous les mercredis visiter la pierre qu'il y ft placer, et qui, dit-on, porte l'empreinte des pieds de Mahomet; lexcavation du puits minéral d'eau chaude de Tanah, village situé sur la rive gauche du Ni, branche de Damiette; la réparation à neuf de la fameuse mosquée des Fleurs au Kaiïre, des ponts dits Abou-Meneggeh et el-Sabäa’, et de la grande tour de la citadelle, qui tomboiïent en ruine; le curage à fond du canal d'Alexandrie, auquel il donna plus de profondeur; la fondation de plusieurs mosquées et colléges à Damas et au Kaire; l'abolition de l'usage de prononcer son nom dans les prières publiques, usage qu'il regardoïit comme une institution de lorgueil ; enfin la ré- paration des villes détruites par les Tartares. Il pourvut à tant de dépenses avec le produit du butin fait sur ses ennemis. I laissa après lui sept filles et trois fils, dont deux succédèrent l’un à l'autre. Barkah-khän fut le premier. CHAPITRE II Barkah-khän. Chalémech. Qaléoun. Khalyl. Bedaral. AUSSITÔT que Bybars eut fermé les yeux (en 676), les émyrs décidèrent en grand conseil de tenir sa mort secrète, afin que les ennemis ne cherchassent pas à en profiter ; ce qui prouveroit qu'il est plutôt mort d’un flux de sang qu'empoisonné à la fin d’un repas, c’est-à-dire, en présence de témoins nombreux. [ls envoyèrent en conséquence inhumer son corps secrètement à Damas, et simulérent un ordre par lequel le sultan, étant malade, vouloit être transféré au Kaire dans une litière fermée. Conformément à cet ordre, l'armée se mit en route. Sa marche depuis DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. 133 Émesse jusqu'au Kaire eut la tristesse d’un convoi funèbre : et à peine la litière fut-elle introduite dans la citadelle, que Barkah-khân, son fils, fut salué Malek el-Seyd, c'est-à-dire, ror fortuné. Barkah-khän proclamé créa Bylibek atäbek ou son lieutenant général, reçut le serment des émyrs, et commença un règne qui présageoit le bonheur, mais dont la tranquillité, troublée par la maladie de Bylibek, expira avec lui. Les belles actions honorent l'histoire. Bylibek, acheté en bas Âge par Bybars, qui le prit en affection, grandit, se forma à son école , et devint son grand tré- sorier, Son intégrité dans cette charge l'ayantrendu encore plus cher au sultan, celui-ci lui confia la jeunesse de son fils; et le jeune prince en fit son favori. Fier, sans orgueïl , de la charge dont il étoit honoré, Bylibek se plut à faire des heureux. Je citerai pour exemple sa générosité à l'égard de celui qui lavoit vendu à Bybars. Cet homme, tombé du faîte de l'opulence, se trouvoit réduit à mendier sa sub- sistance. Instruït par la voix publique de la fortune de son ancien esclave, stimulé par la détresse où il étoit, et encouragé par l'espérance, il vint présenter une requête où il dépeïgnoiït ses malheurs à l'heureux Mamlouk : celui-ci l'ayant reconnu, l'accueiïllit avec aménité, le fit asseoir à ses côtés, le couvrit de riches vêtemens, lui donna des chevaux, dix mille deniers d’or [environ 180,000 francs], et le retint à son service; reconnoiïssance bien rare dans une ame asservie. Sa mort fit une telle sensation sur l'esprit de Barkah-khân, qu'il s'opéra dans sa conduite un changement brusque, et qu'il cessa d'agir avec cette humanité qu'il avoit montrée jusqu'alors. Il regarda les émyrs comme coupables d’uné mort qu'il ne pou- voit se figurer naturelle, et il sévit contre eux. AqSonqor, vainqueur de la Nubie, élu à la place de Bylibek, fut relégué et étranglé dans une des tours d'Alexandrie. Les autres émyrs, épouvantés et craignant le même sort, conspirèrent contre le sultan. La nouvelle révolte de Damas suspendit l'effet de cette conspiration , au moins momentanément. Îl se trouva forcé de marcher contre Aq-Sonqor el-A’chdàr, c'est-à-dire, Z Blond, qui s'étoit fait reconnoître souverain sous le titre de Malek el-Kâmel, ro parfait. Entouré de ses émyrs et suivi de son malheureux destin, Barkah-khän vint fixer son quartier général au palais d'Ablaq, construit par son père dans les environs de Damas. Ablaq auroit été son tombeau, si la mine qu’on dis- posoit contre lui n'eût été éventée à temps. Il en fit son profit, et voulut la diriger contre ses auteurs, quand ceux-ci, informés à propos, abandonnèérent le camp à la tête de leurs Mamlouks, prirent la route du Kaire, et s’y fortifièrent. Le sultan vint pour les attaquer; mais, déconcerté par leur attitude menaçante, il renonça à son entreprise, et alla se retrancher lui-même dans la citadelle. Cette marque de foiblesse enhardit les rebelles, qui l'y bloquèrent et le réduisirent à capituler. II se servit pour cela de l'entremise du khalyfe Hâkem Biamr-allah, à qui l’on accorda une entreyue, et qui n'eut d'autre réponse que celle-ci : « Qu'il vienne à nos pieds; » et nous verrons alors ce que nous aurons à faire »; insolence digne de rebelles heureux qui vouloient sacrifier leur maître, Cependant, après quelques débats, et à la considération du khalyfe, on lui accorda la vie, et on l’exila à Krak. Peu de temps après, les émyrs se repentirent de lui avoir fait grâce et pro- F3 À ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE noncèrent sa mort ; arrêt qui alloït avoir son effet, quand on annonça ses funérailles. Ce prince malheureux, qui, entouré de puissantes armées, faisoit trembler l'Asie, resserré dans Krak et réduit au peu de’gens qui avoïent suivi sa fortune, ne trouvoit de soulagement à ses peines que dans l'exercice du cheval: encore lui fut-il fatal; car, un jour qu'il franchissoit la plaine, il tomba désarçonné et mourut de sa chute (l'an 678). On l'inhuma Hip de son père, et les émyrs satisfaits proclamèrent Chalâmech son frère, alors âgé de sept ans, Malek el- A’âdel, c'est- a-dire, ro équitable. On lui adjoignit comme régent Qalâoun l'EWy, dont la fille étoit alliée à sa fa- mille. Placé si près du trône, Qaläoun ne borna pas son ambition à la régence. Non content d'entendre son nom prononcé dans les prières publiques et con- fondu sur les monnoïes avec celui de son pupille, il chercha à le détrôner, et y parvint en OO EET les émyrs et le khalyfe lui-même, qui chassèrent Chalä- mech du trône après quatre mois de règne, le reléguèrent à Krak, et proclamèrent Qaläoun l'Elfy Malek el-Mansour, ro: victorieux. L'auteur du Sokkerdän, Ben-Aby-Hagelah, croit justifier la conduite sacrilége de Qaläoun, en avançant qu'il est de la nature du gouvernement mahométan que le sixième prince de chaque dynastie soit dépossédé. Tout inadmissible qu'est cette justification, il paroît que Qaläoun eut connoissance de la chose, et qu'ilda fit tourner à son profit. FRE Revêtu des pouvoirs de sultan , il nomma au vizirat Fakhr el-dyn, son secrétaire particulier, emploi inconnu avant lui, et chargea lémyr T'artabäy de la réduction de Damas. Aq-Sondqor, soutenu par les habitans, s’y défendit avec courage ; maïs, le siége ayant été poussé avec vigueur, il fut obligé de se rendre à la discrétion du vainqueur , qui le conduisit au Kaïre. Ce premier succès fit à Qaläoun un si vif plaisir, qu’il alla au-devant de Tartabây , et fit grâce à Aq-Sondqor, qui vécut depuis dans l'obscurité. Lâgyn fut créé gouverneur de Damas et de toute la Syrie. La pacification de la Syrie, qui arriva en 678, fut immédiatement suivie des noces du sultan avec la belle Khonchäloun, fille de l'émyr Zakkäy. Les fêtes qui eurent lieu à cette occasion, furent dignes de celle qui en étoit l'objet. Malek el-Mansour y déploya tout le faste d’un sultan. Deux ans après cet hyménée, il alla attaquer les Tartares commandés par Abakah-Kkhân, qui faisoit trembler Rahabah, pendant que Mangou- Fimour son frère, à la tête de quatre-vingt mille chevaux, menaçoit Damas. Les Tartares, six fois plus nombreux que lui, furent défaits: Abakah-khân, contraint d'abandonner Rahabah, se retira à Hamdân, où il mourut empoisonné, dit-on, par son autre frère, Nikoudär-Oghlân, qui s'empara du trône, au préjudice du fils de Mangou-Timour, qui avoit péri. Pour s’y affermir, il se fit Mahométan, sous le nom d’Ahmed-khän. Ahmed-khân ft part à Qalâoun, dans une lettre qu'il lui écrivit à ce sujet, de sa conversion à l'islamisme, et en reçut une réponse analogue; mais son nou- veau culte ne put le mettre à l'abri de la fureur d'Argoun, héritier présomptif du trône Tartare, qui, aidé de ses sujets, enleva à ce renégat usurpateur le trône et la vie, et vécut en bonne intelligence avec Qaläoun. DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. 135 La même année 682, Qaläoun (dit el-Y’ny, que je traduis), courroucé contre les habitans du Kaire, qui n'avoïent pas voulu obéir à un de ses édits, les abandonna aux sabres de ses Mamlouks, qui firent indistinctement main-basse sur linnocent et le coupable, et remplirent es rues de victimes immolées à sa fureur. Le carnage dura trois jours , après lesquels, les ’/r4 étant enfin parvenus à lui faire entendre raison, il arrêta le sang, se repentit de l'avoir fait couler, et fit construire, en expiation de sa faute, un édifice qu'il nomma Bymäristän. M le destina au soulagement de l'humanité souffrante, le pourvut de médicamens de tout genre, et y établit quatre musiciens dont la charge étoit de dissiper par des airs gais la mélancolie si fatale aux malades, et de les distraire de leurs souffrances par des contes amusans. Il fonda aussi un collége dans:le même hôpital. L'an 683, il s'empara, après trentetrois jours de siége, du fort de Merfed, et revint au Kaire pour s'occuper de la réforme du costume de ses Mamlouks. I leur ordonna de rouler autour de leurs têtes, couvertes auparavant de calottes de laine seulement, des châles de mousseline, leur défendit de tresser leurs cheveux et de les renfermer dans des bourses de soie, de porter des ceintures de brocart, des manches étroites, des bottes dont les retroussis s’élevoient au-dessus du genou, de soutenir leurs armes par des boucles d’or du poids d’une livre et demie, &c. I les rendit à la simplicité qui convient à des guerriers; et pour tenir en haleine leurs esprits turbulens, il les conduisit en 684 contre le château de Krak, qu'il força, et où il fit prisonnier Chalâmech, qui s'en étoit fait reconnoître roi, et le mena au Kaire, où il vécut jusqu'au temps de Khalyl. N'ayant plus d'ennemis au-dehors, il se mit, en 68 5, à faire la guerre àses vizirs. I les déposa, les remplaça, les renomma et les destitua alternativement ; enfin, après une longue série de destitutions, cette charge échut à Chems el-dyn, qui la conserva assez long-temps. Après cela, il ftreconnoître A’ly son fils Malek el-Sâlh, ro; pieux, et lassocia à son trône. Son intention étoit de lui laisser l'administration des affaires, quand il seroit obligé de s’absenter : mais il n’eut pas la satisfaction de le voir porter long-temps ce titre ; car, attaqué d’une fièvre chaude, A’ly mourut l'an 6857. Semblable à la nr privée de ses petits, Qaläoun chercha quelque proie sur laquelle il pût assouvir la rage que lui causa la perte d’un fils qu'il chérissoit. II se précipita sur Tripoli de Syrie, qu'un grand nombre d’années d’une paix non inter- rompue avoient rendu riche. [| lenleva malgré sa résistance ; et ses malheureux habitans, égorgés sur les décombres de leurs habitations, furent les hécatombes qu'il immola aux mânes d’A’ly. II étoit écrit, disent les Orientaux, que Tripoli, après être demeuré à peu près cent quatre-vingts ans au pouvoir des Chrétiens, devoit tomber pour toujours dans les maïns des Mahométans. La ville actuelle a été fondée par Qaläoun sur les ruines de l’ancienne. Après cette sanguinaire expédition , il retourna dans sa capitale, où il reçut les ambassadeurs d’ Afoncos roi d’Arragon, et conclut avec eux, le 12 de la lune de rabye second 680 [24 avril FeRgl; le traité dont M. Silvestre de Sacÿ nous a donné la traduction. Il survécut peu à cette paix; consumé par le chagrin, il: s’éteignit le 6 de la lune de qa'deh, c'estàdire, sept mois après. Son convoi fut majestueux: " 2 6 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE: DE L'HISTOIRE les officiers civils, militaires et religieux, laccompagnèrent jusqu’au Bym äristän, où son corps fut inhumé. If avoit régné dix ans, trois mois et six jours. Qaläoun étoit beau de figure; sa peau étoit blanche. Il parloit peu la langue Arabe. Acheté mille deniers d'or par Malek el-Sälh, on le surnomma /’Efy, qui signifie #ille. MH veïlla au maintien de sa gloire et à l'entretien de ses troupes. Il étendit ses bienfaits jusque sur les oiseaux du ciel, objet du culte des Persans ses ancêtres, et de sa vénération particulière : sur le sommet de diverses mosquées, il fit placer de ji vases, dont plusieurs existent encore, et qu'il faisoit ds: de grain destiné à la nourriture quotidienne des oïseaux. I laissa trois fils, Khalyl, Mohammed el-Näser et l’'émyr Mohammed. Khalyl, proclamé après lui Malek el-Achraf, ro très-noble, fit lire le Qorän en entier sur le tombeau de son père, choisit Bedr el-dyn pour son prédicateur et son vizir, proclama la guerre sacrée contre ceux qui donnent des compagnons à Dieu, et vint, en 690, assiéger Saint-Jean-d’Acre, dernier et unique retranchement des Chrétiens, qui sy défendirent en désespérés. Cette place fut prise et pillée, ses habitans furent égorgés, ses murailles démolies, et elle fut réduite à ce qu'elleest aujourd'hui. Les Chrétiens, accablés par cette dernière disgrace, devinrent vils, bas, rampans, et contracterent enfin tous les vices de l'abjection. Cette illustre conquête fut suivie de l'exil à Cons- tantinople , en 691 ,de Chalâmech, fils de Bybars, qui faisoït ombrage à Khalyl. Tranquille de ce côté, il se transporta en Arménie, y porta le ravage, prit la for- teresse d'Erzeroum, qui passoit pour imprenable, et revint glorieux au Kaire, où la mort, qui l'avoit respecté dans les siéges et les batailles, l’atteïgnit au sein de sa famille. Sa femme, nouvelle Clytemnestre, excitée, disent quelques-uns, par un certain Bedarah qui aspiroit au trône d' Égypte, le frappa dans l'abdomen avec un instrument tranchant , et l’étendit mort à ses pieds: Les Mamlouks immolerent, fan 693, ce Bedarah, qui régna un jour seulement sous le titre de Malek eLQäher, et ses complices, aux mânes de leur maître. Mohammed el-Nâser succéda à Khalyl son frère. | CHAPITRE TV. Mohammed el-Näser. Ketboghà. Lägyn. Mohammed el-Näser pour la seconde fois. Bybars IT. Mohammed eENäser pour la troisième fois. LE second fils de Qaläoun avoit neuf ans quand on le revêtit du nom de Malek el-Nâser, 70; protecteur. Son bas âge fit la fortune de l'émyr Ketboghä, qui, à l'exemple de Qalâoun, voulut être plus que régent, et aspira au trône de son pupille. I manqua cependant d’être dérangé dans ses projets par Jim el-dyn Changar, surnommé e/Chäga’y, C'est-à-dire, serpent, dont le nom figure parmi les émyrs dis- graciés sous le règne précédent. | Cét émyr, déposé et remplacé par Chems el-dyn, ne se tenant point pour vaincu, employa, malgré son malheur, tous les moyens que son génie lui suggéra pour supplanter son rival, et parvint à ses fins. Chems el-dyn fut destitué, et Châga y le remplaça ; disgrace qui ne lui seroit pas arrivée, sil eût voulu prêter l'oreille au çonseil DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. 137 conseil qu'un de ses amis lui traça, au moment où il entroit en charge, dans un distique dont voici le sens : « Prends garde, Ô toï qui portes le faix du monde; tu vas vivre au sein des » vipères : attache-toi fortement au ciel; car je crains pour toi la morsure du » serpent » , C'est-à-dire, Clâga’y. Si, avant de parvenir au vizirat , Châga’y eut les dehors du reptile dont il portoit le nom, il n'en eut pas la prudence, quand il y fut DER Ébloui par l'éclat de sa bonne fortune, il chercha à détrôner le sultan son maître ; maïs il rencontra dans le régent l'ennemi qui lui écrasa la tête, le psylle qui conjura ses morsures, et, au lieu du trône qu'il ambitionnoit, il trouva un tombeau. Tâg el-dyn le remplaça. Kethoghä, sans concurrens par la mort de Châga y, se déclara ouvertement contre son pupille, le culbuta, le ft reléguer à Krak, exil ordinaire des roïs déchus, et se fit, en 694 de l'hégire [1294 de notre ère], proclamer par les émyrs, dont il avoit corrompu la fidélité, Malek el- A’âdel, rot équitable. Fakbr el- o devint son ministre. Son règne fut traversé par les fléaux attachés au climat de Be dont le sol, passant successivement par les états de lac, de marais, de champ de verdure et de terre aride, enfante les germes de maladies dangereuses. La peste et la famine se disputerent leurs innombrables victimes; et la haïne des Tartares, réveillée par lavénement de Ghazän,au trône d'Asie, amena la guerre, qui mit le comble à la désolation générale. Ghazân, fils d’Arghoun, se voyant en possession de l'empire de son père, jeta ses regards sur la Syrie, dont. il vouloit faire la conquête; accusa Kethoghà d’avoir “violé les loïs de l’amitié en accordant la sienne à Nourouz, et envoya contre lui une armée dont Koutlouk eut le commandement. Nourouz avoit aidé Ghazân à remonter sur un trône qui lui étoit disputé par mille concurrens, et Ghazän, en récompense de ses services, l’avoit nommé au gouvernement du Khoräsän. Peu de temps après, il fut taxé d'entretenir des intelligences coupables avec le sultan d'Égypte, déclaré traître et condamné à mort. Kethoghä, forcé de faire la guerre, leva une armée, dont il donna la conduite À un de ses lieutenans, et se renferma dans son titre, préférant le nom de roi équitable à celui de roi guerrier. Il craignit, sans doute, que son absence du Kaire ne causât sa perte. | Les armées musulmanes, malgré leur valeur, ne Fi arrêter le torrent des Tartares, qui les battirent et ravagèrent la Syrie. Dix mille familles échappées à la mort et à l'embrasement se réfugièrent en Égypte, ayant à leur tête l'émyr Lägyn, leur gouverneur, dont arrivée au Kaire fut plus funeste au sultan que la défaite de ses armées et la perte de ses provinces. De concert avec Qar- Songqor, il convoqua les émyrs en un grand divan, où l’on arrêta spontanément qu'un sultan qui ne veut pas se mettre à a tête de ses armées, étant indigne de commander, Malek el-A’ädel étoit déchu ; et Lâgyn fut reconnu Malek el-Man- sour, ro vretorieux. On permit à Kethoghäà de se retirer à Sarkhod en Syrie. Lägyn, et Chems el-dyn qu'il avoit créé vizir après lavoir tiré de prison, É. M. TOME II. | ÿ 1386 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DEL HISTOIRE neurent pas le temps de jouir de leurbonne fortune. Le ministre fut destitué et rejeté dans les cachots; et le sultan, assassiné parsun de ses jeunes Mamlouks, gagné sans doute par les Tartares qu'il se préparoit à combattre, mourut le 21 de la lune de rabye’ second de lan 608. Le trône étant vacant, les émyrs procédèrent à l élection d’un sultan. Hs rendirent au fils de Qaläoun, avec tous les attributs du sultanat, son ancien tigre. Malek el- Nôâser gouverna au Kaire, après son rétablissement, environ cinq mois, et retourna à Krak, redoutant la turbulence des émyrs. De R il leur envoya son abdication, qui, soumise à l'examen du collége des prêtres et acceptée, valut à Rokn el-dyn Bybarsel-Gächenkyr [ échanson | le titre de Malek el Modaffer, roi triomphant. Cette nomination ayant déplu au fils de Qalâoun, il quitta aussitôt Krak pour redemander le trône de son père, indignement occupé par son échanson. Sans se laïsser émouvoir par la marche menaçante de Malek el-Näser, Bybars II exigea des émyrs le renouvellement de leur serment, et du khalyfe, celui du diplôme qui le revétoit de ses pouvoirs, et dont voici la teneur : AU-NOM DE DIEU CLÉMENT ET MISÉRICORDIEUX. De par le serviteur de Dieu et le vicaire du Prophète, &Tc. Raby'e Solymän de la famille d’A’bbas, aux Princes des Musulmans et aux Généraux des armées. O vous qui croyez, obéissez à Dieu , obéissez au Prophète, obéissez à vos chefs ; sachez que j'ai établi en mon lieu et place, à cause de sa piété, de son habileté et de ses mérites, Malek el-Modaffer Rokn el-dyn Bybars, pour vous commander et gouverner [es pays d'Égypte et les contrées de Syrie. Je ne l'ai mis à la tête des Musulmans qu'après l’abdication formelle de son prédécesseur, après avoir reconnu que cela me convenoit, et avoir préalablement recueilli les suffrages des cheykhs des quatre rites orthodoxes. Donc qui lui obéit, m'obéit ; qui lui est rebelle, m’est rebelle, Qui voudra se révolter.. contre moi, cousin du Prophète ! | Venant d'apprendre que Malek el-Nôâser, fils du sultan Malek el-Mansour, rompant avec les Mu- sulmans, oppose la Syrie à l'Égypte, excite au viol des harems , à l'effusion du sang (ce dont Dieu nous préserve | ), je sors à la tête des chefs de l’armée pour le faire rentrer dans le devoir, protéger nos femmes et nos enfans, et le combattre s’il persiste dans son coupable dessein. Musulmans, abandonnez vos harems, et réunissez-vous autour de l’étendard sacré. Marchez avec moi, qui vais accompagner Malek el-Modaffer: Cet appel aux Musulmans ne produisit aucun effet. Malek el-Nâser n’en fut pas intimidé : il continua sur le Kaire la marche quil avoit commencée, et y fit son entrée, non en réprouvé, maissen sultan; etle khalyfe ayant déposé ses foudres, et Malek el-Modaffer, les marques de la souveraineté, il remonta pour la troïsième fois sur le trône, où il resta assis jusqu'à la fin de ses jours. Il s'occupa aussitôt de la réforme de toutes les autorités. Il destitua trois des cheykhs des quatre rites, le quatrième ne dut sa conservation qu'à la recomman- dation que Qalâoun en mourant avoit faite au sultan son fils: iladressa des reproches sanglans au khalyfe, qui fut obligé de les dévorer en silence, et des menaces au peuple, qui vint baiser la poussière de ses pieds. Enfin il fit étrangler Bybars I. Toutes les autorités renouvelées, il proclama-la guérre sacrée contre les Tar- tares, et vint, l'an 699, leur livrer, dans les plaines d'Émesse, un combat sanglant, où, malgré les prodiges de valeur de ses troupes, il fut défait. Obligé de retourner DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. 139 au Kaiïre avec sept cavaliers de sa garde seulement, il y revint, non pas en général abattu par ses revers, mais en capitaine qui brûle de se venger. Le Khalyfe publia que sa défaite étoit un signe manifeste de la colère du ciel contre un sultan impie ; Malek el-Nâser le laissa dire, et ne songea qu'à faire de nouvelles levées. Ghazän, après avoir conquis la Syrie, y laïssa seulement les troupes nécessaires pour la garder, et retourna à Hamadân ; mais à peine fut-il arrivé de l’autre côté de l'Euphrate, que les Syriens firent sur les garnisons Tartares ce que les Siciliens firent sur les Français en 1282. Les vépres Siciliennes et le massacre des Tartares eurent lieu à peu près dans le même temps. Ghazän envoya de nouveau Koutlouk pour châtier les Syriens; et Malek el-Nâser, accompagné de Solymän fils de Rabye’, qu'il avoit fait reconnoître khalyfe en 701 sous le .nom de Mostakfy bllah, partit pour Damas, où son armée l'attendoit. I étoit alors âgé de dix-neuf ans ; maïs ses revers, plus profitables pour lui que des succès, en avoïent fait un général consommé. Au lieu d'aller à la rencontre de Koutlouk, il le laïssa venir à la sienne. Ce général, trompé par ses propres espions vendus sans doute à ses ennemis, accourut pour sur- prendre l’armée Égyptienne, qu'on lui avoit dit être peu formidable, fut luimême attaqué par des forces supérieures. Il tira cependant de sa position tout le parti qu’elle lui permit. Le combat se livra. Les Égyptiens et les Tartares, n'ayant aucun quartier à attendre les uns des autres, se battirent en désespérés. Koutlouk se com- porta en capitaine qui veut conserver sa réputation, et Nâser en général qui veut reconquérir la sienne. Le choc de deux taureaux pour une génisse est moins terrible. Les faits d'armes de Koubân, général Tartare , surpassèrent en ce jour ceux de Roustam , le premier des héros Persans ; et les exploits de Näser, ceux d’A’ntar, le plus valeureux des guerriers Arabes. Enfin, après un massacre horrible de part et d'autre, les Égyptiens demeurèrent vainqueurs, et les Tartares furent obligés de repasser l'Euphrate, à leur déshonneur, lan 703. Malek el-Nâäser ordonna des prières publiques en action de grâces de cette victoire signalée, et revint au Kaire, où, glorieux d'avoir rétabli sa réputation militaire, s’adonna tout entier aux affaires de son royaume. Ce fut cinq ans après la journée de Damas, c’est-dire en 708, que s'éteignit la dynastie des Selgioucides de Natolie en la personne de Kayqobäd, son dernier roi, tué et vaincu par Ghazân. Des cendres de cette dynastie sortit celle des Otto- mans, qui est encore de nos Jours en possession des plus belles provinces de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique. Elle doit son origine à un certain O’tmän qui commandoit une horde de Turcs au service de Kayqobäd. Sept années d'une paix non interrompue ayant assuré l'autorité à Malek el-Nâser, il choïsit lan 712 pour s'acquitter du pélerinage. Cette œuvre pie fut d’un grand avantage aux pélerins de l'occident: il fit élargir le passage resserré de la montagne dite e2O ‘gbah ; qui sert de limite entre l'Égypte et l'Arabie Pétrée, et en fit aplanir le terrain, qui étoit auparavant entrecoupé de rochers. Si les pélerins doïvent ce bienfait à sa piété, le Kaire doit à sa munificence le canal qui fait circuler à travers cette grande cité les eaux du Nil tout le tempsque dure linondation, et qui, pour cette raison, est nommé XAabyg eLNäsry, canal de Nâser. É. M. TOME IL. S2 1Â0 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE Les onze ans qui suivirent ce pélerinage auroïent été onze années d’une tranquillité parfaite, si leur cours n'eût pas été troublé par les intrigues des ministres, qui s’entre- disputèrent le vizirat, et forcèrent Malek el-Nâser d'en abolir l'emploï : il y subs- titua la charge d’intendant. Il régna ensuite paisiblement jusqu'en 736, époque où la délation vint détruire la bonne intelligence qui existoit entre le khalyfe et lui. On lui fit entendre que le khalyfe n’étoit qu’un faux ami, qui en vouloit à son autorité et à sa vie, I ajouta foi à cette calomnie, et il exila Mostakfy b-illah à Qous, ville de la haute Égypte. Cette ville, dont le nom en langue Qobte signifie sépulture, se trouve située non loin des tombeaux des anciens princes Égyptiens. Le khalyfe y mourut de chagrin, regretté de tout le monde, et légua le siége pontifical à Ahmed son fils. Malek el-Näser.s'opposa à ce qu'on l'y établit, et fit proclamer à sa place son cousin Ibrähym, sous le nom d'Ouäteq bllah, sans faire attention que cet Ibrähym avoit été déclaré indigne du khalyfat par son propre père, pour cause d'inconduite; information qui lui avoit été donnée par le collége des prêtres. Il y eut à ce sujet quelques troubles qui n’eurent pas de suite. A cette même époque, le sultan Malek el-Nâser perdit l’'émyr A’nouq, le plus chéri de ses fils. Cette perte lui fut si sensible, et il en conçut un tel chagrin, qu'il contracta une maladie dont il mourut vers la fin de l'an 741, après un règne de quarantetrois années. Cette mort fournit aux prêtres musulmans l’occasion de publier que Dieu l’avoit puni d’avoir violé les lois et la religion. Ils s’étonnèrent cependant bien moïns de la longueur de son règne que de la patience divine, qui avoit toléré pendant un si grand nombre d'années un sultan sacrilége. Dieu ne l'a laissé vivre, disoient-ils encore pour se consoler, qu'afin de le porter à changer de manière d'agir. Le chapitre suivant fera connoître la série des sultans qui se sont détrônés les uns les autres successivement, et qui ont mis fin à la dynastie des Mamlouks Baha- rites ou T'urcomans. CHAPITRE. Aboubekr. Koutchouk. Ahmed. Cha'bän. Zeyn eldyn el-Haoy. Hasan. Sälh. Hasan pour la seconde fois. Mohammed. Cha’bän pour la seconde fois. Al eldyn. Mansour eL-Häpy. MaLEk EL-NÂSER manifesta, avant de mourir, l'intention qu'il avoit de rendre le khalyfat à celui à qui il appartenoïit légitimement, confessant ses torts à l'égard du pontife défunt, et s’en repentant sincèrement. On remplit ses vœux, et Ahmed fut proclamé khalyfe sous le titre de Häkem bi-amr-illah, que son pére avoit porté. Ce repentir trop tardif, dit Gelâl el-dyn, n'apaisa pas la colère du ciel, qui s’étendit jusqu'aux derniers enfans du sultan. Aussi nombreux que les tours du palais de Chosroës, qui, en s'écroulant, annoncèrent la venue de Mahomet, ils tombèrent les uns après les autres, présageant à l'Égypte une nouvelle dynastie. DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE, IA: Aboubekr Seyf el-dyn Malek el-Mansour, Paîné de ses fils, fut le premier en qui s’accomplit cette prophétie, expliquée d’après l'événement; car, quarante jours après avoir été revêtu du manteau noir des khalyfes, et ceint du sabre des sultans, il fut déposé et exilé à Qous, où on le fit périr. Le harem de son père fut violé et pillé le même jour. Al el-dyn-Koutchouk, âgé de six ans, fut salué Malek el-Achraf après Jui. Il régna cinq mois, et fut relégué dans la citadelle, où il mourut; et Dieu seul sait, dit l’auteur du Sokkerdän , de quel genre de mort! Chahäb el-dyn Ahmed, son frère, fut retiré de Krak par l'entremise du vizir Täg el-dyn, qui s’employa auprès du khalyfe pour le faire reconnoître Malek el-Nâser:; mais le crédit de ce cheykh ne put l'empêcher d'être déposé à Krak même, où il étoit retourné, le 12 moharram 743, après quelques jours d’un règne incertain. A’mmäd el-dyn Isma’yl, son frère, reçut ensuite le surnom de Malek el-Sälh. H régna jusquen 746, époque de sa mort. Le rétablissement du vizirat en 744, et l'assassinat de son prédécesseur en 745, sont les seuls événemens remarquables de son court règne. Après sa mort, on proclama son frère Zeyn el-dyn Cha’bân sultan sous le titre de Malek el-Kämel, ro accompli. Ce fut un despote. Le poëte Safady s'exprime ainsi à son sujet : « Le bonheur s’est éclipsé aussi vite qu’il a paru dans la famille » de Qaläoun. L'impiété qui y avoit pris racine, reçut son accomplissement sous le » roi accompli. » Enfin, après un mois et quelques jours d’un règne tyrannique, on se vit forcé de le déposer. Zeyn el-dyn el-Hägy, son frère, le remplaça avec le titre de Malek elModaffer. I fut plus cruel encore que son prédécesseur. I] ne régna que trois mois, et fut immolé, en 748, aux mânes des victimes nombreuses et respectables qu'il avoit sacrifrées. | Nâser el-dyn Hasan, son frère, âgé de onze ans, fut salué après lui Malek el- Näser. Il se soutint par l'assistance de l’émyr Altemych, son régent, l'espace de quatre ans environ; mais il finit par succomber. On l’emprisonna à la citadelle, dans le mois de gemäd second de Fan 75 2 de l’hégire. Sâlh el-dyn, son frère, lui succéda avec le titre de Malek el-Sälh. Il eut l'émyr Chikhoun pour gouverneur et régent. L'année d’ensuite, le Khalyfe mourut de la peste qui renouvela ses ravages en Égypte. Étant mort étestat, Chikhoun convoqua le collége des prêtres, qui pro- clama son oncle sous le nom de Moa’teded b-illah. La discorde déchira ensuite le ministère. Maufrq el-dyn, Qobte d’origine et renégat, enleva le vizirat à l’Im el- dyn, autre renégat Qobte; et Chikhoun, malgré tous ses soins pour maintenir son pupille sur le trône, eut la douleur de l'en voir renverser, l'an 755, par Hasan Malek el-Nâser , qui, aidé de Täg el-dyn, avoit eu le talent secret de se former un parti, et le bonheur, si toutefois c'en est un, de précipiter son frère dans la prison d'où il avoit été arraché, et de ressaisir l'autorité royale. Malek el-Nâser recréa le vizirat pour récompenser Tâg el-dyn de ses services, et régna Jusqu'en 762, où, malgré des précautions infinies, il périt, à la suite d'une 142 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE conspiration qu'on avoit tramée contre ses jours, le o de la lune de gemâd premier , ayant été sultan à peu près sept années. Le superbe collége que l’on voit encore dans le quartier du Kaire dit Rombyeh , fut construit par ses soins. Cet assassinat valut à Näser el-dyn Mohammed, fils de Modaffer el-Hägy, la déno- mination de Malek el-Mansour, son oncle: mais il ne lui succéda que pour remettre, cinq mois après, le sabre et les autres signes du sultanat à Cha’ bän, enfant de dix ans, petit-fls de Hasan Malek el-Nâser, fils de Qalâäoun. On connoît celui-ci sous le nom de Malek el-Achraf. Tboghä el-A’mry, alors principal émyr des Mamlouks, fut nommé régent, et gouverna au nom de son pupille jusqu’en 776, où il fut assassiné dans son palais et coupé en morceaux par ses propres Mamlouks, qui, à en juger d'après les évé- nemens, avoient été excités à ce meurtre par l'émyr Asendmer. Cet émyr, encou- ragé par la réussite, et fort des bras des Mamlouks dont il se voyoit entouré, vint attaquer le sultan lui-même dans son palais. Malek el-Achraf échappa cependant à sa rage; et lui, il disparut pour toujours. EI-Gäy el-Yocefy fut nommé régent à la place d'Asendmer et marcha sur ses traces. Adroiït et ambitieux, il s’insinua dans les bonnes grâces de son souverain, et prit sur son esprit un tel ascendant, qu'il acquit en peu de temps le pouvoir de lier et de délier, de nommer à toutes les places et d'en faire descendre. Les faveurs usurpées de son maître et souverain seigneur enflèrent son orgueil à un tel point, qu'il poussa l'audace jusqu’à élever dans son palais un trône sur les degrés duquel il faisoit placer deux vizirs, dans la seule idée de les avoir à ses pieds, quand il -donnoit audience. Le faste qu'il étala surpassa celui du sultan. lui-même. La musique militaire jouoit tous les jours en son honneur. Il porta la démence au point de demander la maïn de la mère du sultan, et eut l'incroyable bonheur de l'obtenir. Peu de temps après, il la fit assassiner. | La fortune ne l'accabla de ses faveurs que pour le mener à une perte plus assurée. Plein de la trompeuse espérance qu’elle ne'se lasseroït pas de le caresser, il laïssa l'ombre de la royauté pour la réalité, et vint, à la tête des mêmes satellites qui avoient massacré [boghä leur maître et cherché à tremper leurs mains dans le sang.du sultan, se précipiter sur la garde de Malek el-Achraf, qu'il croyoit prendre au dépourvu; maïs, semblable au Hot qui se brise contre les rochers, il vit ses efforts échouer contre les défenseurs fidèles du trône Égyptien : sa troupe fut dispersée; et lui-même, obligé de fuir et poursuivi jusqu'au Nil, se jeta dans des eaux du fleuve, qui, en l’engloutissant,. vengea le sultan. Tout conspiroit à troubler le repos de ce prince malheureux. II ne sembloït sortir d’un danger que pour tomber dans un autre. Ses actions, même les plus louables, tournèrent à son préjudice. Les émyrs conspirèrent contre lui; et ce fut pendant qu’il remplissoit les devoirs sacrés du pélerinage , qu'ils cherchèrent à le sacrifier. [ls prétextèrent le peu de sûreté des routes, prirent les devants et s’embusquèrent dans les gorges d’el-O’qbah, où le sultan s'étant engagé se vit assaïlli par eux. Îl se défendit vaillamment à la tête de sa garde, et parvint, après un carnage horrible, à se dégager de ses assassins, qui, croyant l'avoir immolé, revinrent DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. 143 au Kaire offrir le bandeau royal au khalyfe. Celui-ci s'en excusa en ces termes : « Choisissez qui vous voudrez, je lui assure d'avance ma sanction. » Pendant que ces choses se passoient, ils apprirent que le sultan vivoit da au Kaire. Furieux d'avoir manqué leur horrible dessein, ils le firent chercher, découvrirent le lieu de son refuge, l'en arrachèrent et l'étranglèrent impitoyablement. Aïnsi finit Malek el-Achraf, qui n'échappa au fer de ses assassins que pour périr par le cordon de ses bourreaux. Cet événement arriva l'an 778. Ibn- sh dans sa chronologie, fait remarquer que cest durant le règne de ce prince, c’est-à-dire, l'an 773, que Tamerlan commença à faire parler de lui. Lemeurtre de Malek el-Achraf porta A'là cFdyn, son fils, sur son trône ensan- glanté. Son bas äge l'empêcha de connoître qu'on le faisoit asseoir sur le tombeau de ses parens et sur sa propre tombe. On le décora du titre de Malek el. Mansour, et on lui donna pour gouverneur Läynbek, c’est-à-dire qu’on l'entoura de la vipère qui devoit l'étouffer. Aïnsi que ses prédécesseurs, LAynbek prit l'extérieur d'un sultan, et commença par faire condamner à mort le khalyfe, qui étoit l’objet de toute sa haine pour avoir osé blâmer sa manière fastueuse de gouverner. Il étendit sa fureur Lt ‘sur le fils, dont il appréhendoïit sans doute le ressentiment : il sopposa à son élection, et plaça impérieusement dans la chaire de phennier imâm, et contre le vœu de tous les z’/mä, un certain Zakäryah, fls du même Ibrähymn que Malek eLNâser, fils aîné de Qaläoun, avoit fait nommer de la même manicre, et il Jui fit donner le titre de Moa’tesem b-illah. Ce coup d'autorité indisposa contre lui tous les esprits à un tel point, que, quarante jours de l'exaltation de Zakäryah, le peuple, animé ha les. prêtres qui ayoïent attiré à eux une PRE des émyrs, vint lui demander, à main armée, raison de sa conduite inique à l'égard du légitime successeur au Khalyfat, et Tréclama tumultueusement la déposition de sa créature. Läynbek, ne pouvant s'op- poser à cette réclamation menaçante, y souscrivit avec une apparente satisfaction ; Zakäryah fut destitué , et Mansour-A'ly proclamé. Le nouveau Khalyfe n'eut pas plutôt pris possession, qu'il. travailla de toutes ses forces àvperdre le régent. Comme il connoiïssoit l'esprit versatile des Mam- Jouks, toujours disposés à changer de maîtres et toujours prêts à les sacrifier pour le moindre intérêt, il résolut d'en tirer parti : non-seulement il se servit, pour les corrompre, de Por, qui subjugue la raison ; il fit encore agir la religion, moteur plus puissant encore, dont le pouvoir absolu pèse sur toutes les ames et principalement sur les esprits foibles. Il leur représenta le régent comme un monstre qui avoit osé porter des mains sacriléges. sur son père, chef suprême du culte, et il les souleva contre Läynbek. Tout prudent qu'étoit celui-ci, il échoua contre les menées Pardies du Kkhalyfe, qui vint, à la tête des Musulmans, l'assaillir tout-à-coup. Il païvint néanmoins, malgré cette attaque Imopinée, à se soustraire d'abord par la fuite à la vengeance de son ennemi ; mais ensuite, ayant été poursuivi et saisi, il fut chargé de fers et LS dans les prisons d’ nas Où il termina ses jours. Un poëte s'exprime ainsi à son sujet : 1 14 . :ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE « Le fameux Läynbek a été précipité du faîte des grandeurs dans l’abîme de » la misère. Seul, accablé de sa propre infortune, il pleure maintenant ses mal- » heurs avec des larmes de sang, et l'on ignore ce qu'est devenu le fameux Läyn- > bek. » Après sa chute, les rênes de l’État furent remises à l’é on Qartäy : mais il ne des conserva pas longtemps; il fut obligé de les remettre à Berqouq, autre émyr, qui les lui disputoit. Berqouq, qui étoit destiné à anéantir cette dynastie, Dem Te planté son rival, gouverna pour et au nom de Malek el-Mansour, jusqu’à la mort de ce jeune prince, qui arriva durant le cours de la lune de safar 783. Son frère el-Mansour el-Hägy fut proclamé après lui Malek el-Achraf. I sembla ne lui succéder qué pour avoir la douleur d'è être exilé par le même Berqouq, son. sujet et son maitre, qui éleva sur son trône renversé la dynastie des Mamlouks Borgites ou Circassiens. Ce prince, douzième sultan et dernier rejeton de la famille de Malek el-Nôser, fils aîné de Qalâoun, ayant voulu sortir de l'obscurité où on lavoit forcé de s'ensevelir, et ayant cherché à ressaisir l'autorité dont Berqougqlavoit dépouillé, fut victime, dans le mois de ramadän de l'an 784, de ce dernier et légitime effort. Sa ruine entraîna celle de la premiere dynastie des Mamlouks Baharites ou Turcomans, qui s’absorba elle-même au milieu des troubles, semblable à ces fleuves qui vont se perdre sans honneur au sein des sables qu'ils charient. SECONDE DYNASTIE. DES MAMLOUKS D ÉGYPTE. Wa SECONDE DYNASTIE, MAMLOUKS BORGITES OÙ CIRCASSIENS. CHAPITRE VI Bergoug. El-Mansour el-Häsy pour la seconde fois. Bergoug pour la seconde fois. Farag. Cerre dynastie ne diffère de celle à laquelle elle succède, que par sa seule dénomination ; elle en est la suite : les événemens ont la même marche et portent la même couleur ; ce sont toujours des émyrs turbulens, qui ne connoissent R d'autre raison que la force, et qui s'en servent au détriment de leurs souverains. Les Mamlouks qui la composent, sont connus sous le double nom de Borgites et de Circassiens. On les nomme Borgites, parce que Qaläoun, qui en fit monter le nombre à douze mille, les dissémina dans les différens 4org ou tours qui garantissoient la sûreté de l'Égypte. Le nom de Circassiens dérive, ou de ce que Qaläoun les fit acheter en Circassie, ou bien de ce que Berqouq, ES de cette dynastie, sortoit de cette contrée. | Ce Berqouq, fils d’un renégat Circassien, tomba en la possession d’Iboghä, qui le mit au nombre de ses Mamlouks et le fit instruire, Le nom de cheykh où docteur: qu'il porte, donne à croire qu’il se rendit célèbre dans la science du droit, qui est aussi, chez les Musulmans, celle de la théologie. Son génie, et sa beauté, qualité non indifférente dans l'acquisition des Mamlouks, lui valurent les bonnes grâces de son maître, qui lavança. Il parvint à l’émyrat, quand Ilboghà parvint à la régence, et il resta fidèle à ce prince tant qu'il vécut : à sa mort, il se mit sur les rangs de ceux qui prétendoient à la régence, et succéda à deux de ses rivaux. Il géra jusqu’à la mort d'A‘lä el-dyn. Avec le secours de ses camarades, qu’il avoit faïts ses amis, il enleva à el-Hägy le sceptre qu'il lui avoit remis à contre-cœur, se fit reconnoître € Malck el-Dâher, et régna malgré le khalyfe Metouekkel bllah. À cette époque, Tamerlan remplissoit toute la terre du bruit et de la crainte de son nom. Berqouq, entouré de bonnes troupes, le tint en respect pendant les premières années de son règne; mais, dans le temps qu'il détournoit les efforts de Tamerlan sur les terres de ses voisins, il découvrit une conspiration, à la tête de laquelle étoit le khalyfe. H convoqua aussitôt le collége des prêtres, pour les con- sulter sur le traitement que méritoit un pontife qui, manquant aux devoirs de da religion, cherchoït à soulever les sujets contre leur souverain. Les docteurs de la loï n'ayant pas osé prononcer sur ce point, il le destitua, le fit emprisonner à la É. M, TOME Il. L 146 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE citadelle, et ordonna qu'on proclamât à sa place, l'an 787, O’mar, fils d'Ibrähym, sous le nom d'Ouäteq b-illah. Ouâteq b-illah étant mort un an après, Berqouq fut prié de réintégrer Me- touekkel; ce à quoï il ne consentit qu'après avoir fait reconnoître le neveu de Zakäryah, et lavoir ensuite déposé. Il eut bientôt sujet de se repentir d’avoir rendu Metouekkel au khalyfat; car celui-ci, au lieu de lui en savoir quelque gré, se concerta avec un certain émyr, nommé Mantach, qui suscita un soulèvement contre lui. Le peuple exaspéré se saisit de sa personne, et replaça Hâgy sur le trône. Berqouq fut exilé à Krak. E-Hägy, qui avoit porté le titre de Malek el-Mansour, ne régna pas long-temps. Les proscriptions et les concussions de Mantach et du khalyfe causèrent la perte de l'un et de l'autre, et sauvèrent Berqouq. On regretta Malek el-Dâher, qui étoit aimé, parce qu'il étoit juste, et le peuple détrompé le redemanda. El-Hâgy, qui n’avoit pas eu la précaution de se défaire de son ennemi, fut perdu sans ressource; car Berqouq, retiré des prisons de Krak, ne se vit pas plutôt rétabli avec son premier titre, qu'il fit mettre à mort el-Hâgy et tous ceux qui tenoïent à son parti. Ce futen 791, c'est-à-dire, après une année d'absence; que Malek el-Däher revint au Kaïre reprendre les rênes du gouvernement. Il s'occupa à entretenir les troubles qui, déchirant les états de ses voisins, faisoient la sûreté des siens. C’est pour cela qu'il envoya, en 794, une robe d'honneur à Qarä-Y ousef, premier prince de la dy- nastie du Mouton noir de Médie, en échange des clefs de la ville de Tauris, dont celui-ci lui avoit adressé l'hommage, et qu'il le créa son lieutenant dans les pays qu'il envahissoit en son nom. L'année suivante, arrivèrent à sa cour le même Qarà- Yousef et Ahmed. Cet Ahmed, fils d'Aouys, que nos historiens nomment Aws, avoit été obligé d’aban- donner Baghdâd, dont il étoit souverain, à Tamerlan; et Qarà - Y ousef, qui l'avoit aidé à s'opposer à ce conquérant, se vit contraint de fuir avec lui auprès d'Em- manuel, empereur d'Orient. Ils allèrent ensuite réclamer la protection du sultan d'Égypte à parce qu'ils ne se virent pas en sûreté auprès d'Emmanuel, dont l’em- pire chancelant étoit menacé par Bajazet. La renommée se partageoïit, en ce temps-là, entre Timur le boïteux, Bajazet le borgne, et Berqougq le docteur. Tamerlan et Bajazet étoient deux ouragans qui alloïent s’entre-choquer, et Berqougq le rocher qui défre la tempête. Jugeant qu'il lui étoit convenable d’accueillir favorablement Ahmed, fils d’Aouys et descendant de Gengis-khân, il le reçut avec tout l'intérêt qu’inspire un prince disgracié. Touché par le récit de ses malheurs et alarmé des progrès de Tamerlan, il lui accorda sa protection, et lui promit de lui rendre ses états. Berqouq avoit appris d'Ahmed lui-même, qu'une députation du conquérant de l'Asie étoit en route pour le Kaïre, et venoit le sommer de remettre son hôte; il Ja fit assassiner à Rahabah, et attira sur lui la fureur des Tartares. La ville d'Édesse fut celle qui en éprouva les premiers effets; ses habitans furent passés au fl de l'épée. La ville d'Alep eût eu le même sort, si Berqougq, accompagné de son hôte, n'étoit DES MAMLOUKRS D ÉGYPTE. 147 venu Ja sauver à la tête de son armée, dont il confra une bonne partie à Ahmed, qui s'empara de Baghdäd l'an 796, et se reconnut vassal de Berqouq, au nom de qui il fit frapper monnoïe. La conquête des Indes, que Tamerlan projetoit, l'empêcha sans doute de continuer son expédition de Syrie. Peu de temps après cet événement, Malek el-Däher vit arriver à sa cour des députés de Bajazet, ce rival malheureux de Tamerlan. Deux motifs portèrent le prince Ottoman à cette démarche : l'alliance de Berqouq, dont il desiroit s'assurer: et la possession du sultan de Natolie, dont ïl vouloit tenir les patentes du khalyfe. Le sultan conclut avec le khalyfe un traité d'amitié, et celui-ci, avide d’or, lui délivra toutes les patentes et les bénédictions que ses députés étoïent venus acheter. Mobärek-châh , alors vizir de Berqouq, luï ayant fait sentir que cette alliance impolitique alloit lui attirer de nouveau sur les bras toutes les forces de Tamerlan : « Ce n'est pas de la part de ce boiteux, dit-il ; qu'il y a à craindre, tous les Musul- » mans m'aïderont à l'accabler, mais bien de celle du petit-fils d’O’tmän » ; pres- sentiment qui devoit se réaliser. La conquête des Indes par Tamerlan n'endormit pas la vigilance du monarque Égyptien. Prévoyant que ce n’étoit qu'un. simple retard à l’envahissement de ses états, il mit toutes ses troupes sur pied : mais le temps de cet envahissément n’étoit pas arrivé, ou plutôt il étoit écrit que Berqouq ne le verroït pas, et qu'il mourroït tran- quille possesseur de son royaume intact. En effet, à peine avoit-il pris toutes ses mesures pour préserver la Syrie, qu'il mourut en 8o1, à la suite d’une attaque d'épilepsie, emportant au tombeau les regrets des peuples qui le chérissoient, et la gloire de s'être fait respecter par le premier capitaine du siècle. Farag, son fils, lui succéda avec le titre de Malek él-Näser. Le règne de ce prince eutun commencement difhcile et une fin sinistre. La révolte de Tenem, gou- verneur de la Syrie, est le premier événement qui eut lieu. De concert avec [Hboghä, gouverneur d'Alep, Tenem s’empara des défilés de la Palestine, résolu de les dis- puter àson souverain pee l'extrémité. Son acharnement ne le sauva pas: les défilés furent drone: et lui-même, fait prisonnier avec un grand nombre de ses par- tisans , fut mis à mort avec eux. | Dans ce même temps, T'amerlan, de retour des Indes, apprit la mort de Berqouq avec un si grand plaïsir, qu'il fit à celui qui lui en donna la nouvelle un présent considérable, et marcha de nouveau contre Baghdäd, dont il s'empara. Ahmed, fils d'Aouys, s'enfuit à la cour de Qarâ-Y ousef, qui paya cher l'asile qu’il lui donna :ses états devinrent la proie de Tamerlan ; et contraint de fuir avec son hôte, il vint avec lui demander un refuge à Farag, qui le lui accorda, et s’attira la colère de Timur. Timur prit Sébaste, Malatie, et menaça d’envahir la Syrie, si on ne lui remettoit pas ses énnemis accueillis à la cour Égyptienne. Les Arabes exercent l'hospitalité et en défendentles droits sacrés au péril de leurs Jours : c'est la seule bonne qualité qu'on leur connoisse. Farag aima mieux s’exposer au hasard d’une bataille que de livrer les deux réfugiés. Encouragé d’ailleurs par ses succès sur Tenem, il marcha, et livra à Tamerlan, l'an 803, le combat dans lequel il fut défait, et qui valut à son ennemi la reddition d'Alep et d'Émesse. Ë. M. TOME II, Ta 148 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE Après ce revers, Farag alla se fortifier en Égypte, où il concentra ses forces ; et Tamerlan, tranquille du côté de Farag, tourna ses armes contre la Natolie. I courut de succès en succès, fit tomber en son pouvoirdes villes de Qala’t el-Roum, Kamach, Harouk, Césarée, et vint livrer, dans les plaines d'Angora ou Ancyre, qui, plusieurs siècles auparavant, avoient été témoins de la fuite de Mithridate, la célèbre bataille où Bajazet fut fait prisonnier. Cette même année 804, Farag reçut de Tamerlan des députés chargés de réclamer de lui un général Tartare qui étoit captif au Kaire : il leur fit un bon accueil et leur remit le prisonnier. Farag, ayant reçu la nouvelle de la victoire de Timur, son ennemi naturel, et de la mort de Bajazet, son allié, se livra à de profondes réflexions: I sentit que le vainqueur des Indes étoit destiné par la Providence à être le conquérant du siècle; et ilse préparoit à lui envoyer une ambassade pour lui demander son amitié, quand on lui en annonça une nouvelle de la part de Timur. Les députés qui la composoient lui apportoient des présens, et venoient lui insinuer que le plus grand plaisir qu'il pât faire à leur maître, seroit de lui livrer Qarâ- Yousef et Ahmed fils d'Aouys, et de le reconnoître comme son seigneur suzerain. Dans tout autre temps, Farag auroit renvoyé les députés sans les entendre; maïs, dans les circonstances où il se trouvoit, il fallut se soumettre. I1 appela les docteurs de la loi, et, après leur avoir fait sentir qu'il étoit inutile de s'opposer aux décrets de la Providence, il leur ordonna de dresser l'acte de soumission, qu'il remit aux députés, et leur adjoignit quelques personnes de sa cour, qui avoient ordre de complimenter Tamerlan sur ses succès, et de lui représenter qu'ayant donné à Qarä-Yousef et à son compagnon l'hospitalité, ce seroit une barbarie de les lui livrer, mais que, pour lui complaire, il les garderoit à vue. Il lui fit présenter une girafe d'Éthiopie, en retour d’un éléphant des Indes qu'il en avoit reçu. La condescendance de Farag lui acquit, l'an 806, l'amitié de ce conquérant. L'année suivante, c'est-à-dire, le 17 de chabän 807 [ 1405 de notre ère|, Ta- merlan mourut à Otrar, ville où les destins avoient fixé les bornes de ses conquêtes et le terme de sa vie. On conçoit aisément la joïe que cetie mort causa à Farag: il se trouva dans. la situation d’un esclave qui vient de recouvrer sa liberté. Il délivra d'abord Ahmed et Qarä-Y ousef, qu'il retenoït malgré lui, et qui allèrent, chacun de son côté, reprendre possession de leurs domaines respectifs; et luimême, profitant des troubles qui régnoïent parmi les enfans de Tamerlan, se préparoit, depuis sept mois environ, à reconquérir la Syrie, quand tout-à-coup il vit son palais assailli par le même peuple au repos duquel il avoit sacrifié sa gloire et son honneur. A’2yz, son frère, conduisoit cette insurrection , à travers laquelle il apercevoit le trône. La vue de tant de gens armés sous la direction d’A’zyz donna à penser à Farag qu’on en vouloit à sa vie et à sa dignité. Pour sauver l’une, il sacrifia l'autre, et confia ses jours à la retraite, le. 6 de la lune de rabye’ premier, l'an 808. A’zyz son frère lui succéda. DES MAMLOUKS D EGYPTE. 149 CHAPITRE VII. A’zyx Farag pour la seconde fois. Mosta'yn. Mahmoudy-Ahmed. Tatar. Mohammed. Barsabäy. | LA disparition de Farag ayant fait croire qu'il avoit péri dans le tumulte, le peuple et les émyrs reconnurent A’zyz son frère pour Malek el-Mansour. Il ne régna que trois mois, et fut obligé, l'an 809, de restituer à son frère, qui avoit reparu et autour de quiles autorités et le peuple s'étoient rangés de nouveau, le trône qu'il avoit usurpé. Le règne d'A’zyz eut la durée de l'éclair qui brille et se perd incontinent. | Après son second avénement, Farag régna à Damas, qu'il avoit repris sur les enfans de Tamerlan, et il gouverna au sein de la paix jusqu'en 813, où il se vit en butte aux dissensions du palais. Un des émyrs, connu sous le nom de Cheykh Mahmoudy, chercha à le supplanter, et se servit, pour y parvenir, du khalyfe Mosta’yn b-illah, qui venoit dé succéder à Moa’temed. Depuis le premier Bybars, on ne regardoit plus les khalyfes que comme des pontifes que l'on consultoit sur les affaires de religion et les points de conscience. : Mahmoudy, qui aVoït ses vues, donna à entendre à Mostaÿn b-illah qu'il lui seroit facile de rendre au khalyfat sa splendeur primitive et de devenir lui-même ce que ses ancêtres avoient été : il lui représenta qu’il avoit tout disposé pour le faire reconnoître sultan, et qu'il attendoit ses ordres pour le proclamer. Le grand-prêtre, dont l’orgueil étoit flatté, laissa à Mahmoud la faculté de faire ce qu'il voudroit, ne sachant pas qu'il favorisoit les projets d'un perfide. Celui-ci, muni de l'appro- _bation du khalyfe, vint avec lui, à la tête d’une armée, demander l'abdication de Farag, qui se trouvoit alors à Damas. Farag répondit à cette sommation insolente en faisant prendre les armes à ses soldats. Il en résulta une lutte d’où le sultan seroit sorti vainqueur, si Mahmoudy, qui s'aperçut que la lame et la pointe des sabres n'agissoient pas au gré de ses desirs, n’eût conseillé au khalyfe d’avoir recours aux armes spirituelles. Alors fut lancé un anathème dont voici le sens : « De la part de Mosta’yn bllah, Kkhalyfe. » Farag, fils de Berqouq, est déchu. Le véritable sultan est actuellement Mos- » ta yn b-illah, vicaire et cousin du Prophète. Pardon pour tous ceux quise réuniront » autour de lui, et anathème contre quiconque refusera de le faire. » Cette proclamation eut son effet : les soldats de Farag l’abandonnèrent; luimême, après avoir résisté quelque temps, fut arrêté, comme il cherchoït à gagner Alep, et conduit devant le khalyfe, qui lui intenta un procès criminel. La guerre qu'il avoit soutenue contre Tamerlan et ses successeurs, avoit exigé de grandes dépenses et occasionné des impôts extraordinaires: il fut accusé par-devant les docteurs de la loi d’avoir ruiné les citoyens, l'État, de s'être rebellé contre le khalyfe, qui est l'ombre de Dieu et le représentant du Prophète; et ceux-ci, soit par crainte, soit par cor- ruption , l'ayant jugé digne de mort, l'arrêt fut exécuté dans le courant de la lune de moharram, ou le premier mois de l'an 81 s. ll fut décapité, et son cadavre, aban- 150 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE donné sur un fumier, reprocha aux juges l’iniquité de leur jugement et leur infame condescendance. Il eût mieux valu pour le malheureux fils de Berqouq de n'être jamais sorti de l'obscurité à laquelle il s’étoit condamné volontairement. Après l'exécution de ce prince digne d’un meiïlleur sort, Mosta’yn b-llah, ayant réuni en sa personne l'autorité spirituelle et l'autorité temporelle, reçut les sermens des chefsde l’armée et des docteurs de la loi, créa Mahmoudy son premier vizir, et s’appuya de ses conseils. Outre ce cheykh, Mosta yn b-illah accordoït encore ses faveurs et son amitié à un autre émyr nommé Mourouz , qui tenoit un rang dis- tingué à sa cour, et dont il prenoit souvent les avis. Mahmoudy lui porta envie, le craïgnit, et parvint à l'éloigner, en le faisant nommer gouverneur de la Syrie, où tous ces événemens se passèrent, pendant que lui, qui ne quittoit pas le khalyfe, se mit en route avec lui pour le Kaire. Des exprès ayant annoncé à la capitale l’arrivée prochaine du souverain pontife, une foule immense de peuple alla à sa rencontre jusqu’à Qatyeh, station qui setrouve à deux journées des frontières de l'Égypte, dans. les déserts de l'isthme de Soueys, et l’escorta au milieu d’acclamations sans nombre jusqu'au palais des sultans, qu’on lui avoit préparé à la citadelle. ne s’y fut pas plutôt installé qu'il s'occupa des affaires de son royaume, réforma les vices de l'administration, allégea le peuple, punit les exacteurs, et eut la satis- faction bien douce d’éfitendre les bénédictions qu’on lui adres$dit de toutes parts. Il faisoit le bien, et ne se doutoit pas du mal qu'on luï préparoït. Jugeant des autres d’après son cœur, il donnoit à ceux qui l'entouroïent, et qui, malheureu- sement pour lui, étoient les créatures de Mahmoudy, une confrance qu'ils ne méritoient pas. Mahmoudy, premier vizir, ne se contenta pas de cette charge; il voulut être lieutenant général du royaume : il intrigua, et le devint avec le secours de ceux qu'il avoit placés autour du souverain pontife. Ce fut le 8 de la lune de rabye pre- mier de lan 815 de l’hégire, qu'il en reçut l'investiture des mains de Mosta’yn, en récompense de ses services apparens. On peut dire avec raison qu'il fut revêtu paravance des dépouilles du khalyfe, et par ses propres mains; et il faut ajouter qu’à mesure que da fortune déroboïit au.sultan quelques-unes des faveurs qu'elle lui avoit prêtées, elle en enrichissoit, à son préjudice, son perfide confident. Revêtu d’une dignité qui le faisoit presque légal de son maître, et soutenu par-la fortune, qui accorde tout aux téméraires, il marcha d'un pas plus hardi à l'autorité suprême, s'installa dans le palais du sultan , et surpassa le luxe et l’orgueil _de ceux qui l'avoient précédé. I fit plus; après trois mois d’une patience forcée, il lui envoya son secrétaire privé, qui lui intima l’ordre de ne rien entreprendre ni exécuter à l'avenir sans avoir préalablement reçu ses ordres. Mosta yn, étonné ou plutôt stupéfait d'une telle audace, reconnut, maïs trop tard, qu'il étoit trahi, et se repentit d’avoir éloïgné Nourouz de sa personne : maïs, comme pour le moment il se trouvoit hors d'état d'agir, il dissimula, et con- descendit en apparence aux desirs de Mahmoudy , faisant néanmoins savoir à Nourouz tout ce qui se passoit, et lui prescrivant d’accourir en toute diligence. Mahmoudy, enhardi par ce premier succès, ne s'en tint pas là; il fr signifier, \ DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. Fe quelques mois après, au khalyfe, qu'ileût à lui remettre, suivant l'usage, ses pouvoirs temporels. Comme cette demande étoit appuyée d’un bon nombre d'hommes armés, elle ne lui fut pas refusée ouvertement. Avant d’y acquiescer, le khalyfe chercha à traîner en longueur, mais en vain : on lui parla en maître, on lintimida, et, forcé à la fin, il revêtit son ennemi du titre de Malek el-Moyed , ro1 aidé , espé- rant reprendre bientôt sa revanche. Mahmoudy, parvenu au sultanat, relégua Mostayn dans une habitation sans éclat, et d’autres disent, dans un des appar- temens du palais. | | © Tel étoit l'état des choses, quand Nourouz, pressé par les ordres de son maître et par son propre ressentiment, arriva au Kaïre. [| n’y vint que pour être témoin de la victoire de son rival et de la honte du khalyfe. Cependant il tint conseil avec Mosta’yn , et il fut décidé que, comme la force étoit impuissante, il falloit avoir recours aux armes de la religion, qui avoïent si bien réussi contre Farag. En consk- quence, une sorte d'excommunication fut essayée, le septième jour de l’avant- dernier mois Arabe de Jan 815 ; mais elle avorta par la prévoyance de Malek el- Moyed, qui sut faire son profit de la discorde qui régnoit parmi les docteurs de la loi. En parvenant à la royauté, Mosta’yn, par pure haine, avoit disgracié Siräg el-dyn el-Belqyny, grand-prètre du rit châfe yte, et lui avoit substitué Chahäb el-dyn el- Bäouny. En s’'appropriant le sultanat, Malek el-Moyed rappelaSirâg el-dyn, lui rendit sa prétrise, et se servit du ressentiment qu'il nourrissoit, pour opposer les docteurs de la loï aux docteurs de la loï, comme il avoit opposé le khalyfe à lui-même. Le khalyfe et Nourouz, forts de l’excommunication , à laquelle le collége des prêtres avoit souscrit, se crurent victorieux du sultan réprouvé; maïs ils furent vic- times de l'explosion qu'ils préparoïent contre leur adversaire. Malek ek-Moyed, ayant appris en Syrie, où il se trouvoit avec Belqyny, qu'on avoit lancé contre lui une excommunication, quitta tout-à-coup cette contrée, et vint se présenter à ses ennemis. Son intrépidité les fit pâlir. Le khalyfe est abandonné, Nourouz prend la fuite, le collége des prêtres nie lanathème, vient se pros- terner à ses pieds, et Belqyny, ramassant les foudres que Mosta’yn n’avoit pas su manier, les tourna contre lui : il convoqua TE même collége des prêtres, appela la sévérité des lois sur la tête du khalyfe qui avoit abusé des pouvoirs spirituels, et le fit déclarer indigne du pontificat, rebelle au seul vrai sultan, et déchu du Kkhalyfar. Le collége, sans force et sans volonté, adhéra à tout ce qu'on voulut, et signa l'arrêt que la violence lui arracha. Mosta’yn b-illah, exilé à Alexandrie, alla y traîner une existence vulgaire, et pleurer une disgrace qu'il n'avoit pu prévoir; etle Kkhalyfat, au lieu de reprendre son éclat primitif, fut enseveli pour jamais dans l'obscurité. On proclama, après lui, Däoud, son frère, khalyfe sous le titre de Moa’teded b-illah. La même année 8 16 est encore remarquable par la mort de Mohammed- khôn , fils de Bajazet, qui laissa à Moräd son fils la couronne Ottomane. | La dynastie des Mamlouks Circassiens, qui paroïssoit anéantie par le sultanat deMosta yn b-ïllah, se releva avec plus de force et de vigueur par l'élévation de Malek el-Moyed, maïs sans que rien changeât la marche des événemens. . Mahmoudy, parvenu au comble de ses desirs, marcha sur les traces de Mosta’yn, 152 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE cest-à-dire qu'il tâcha d'effacer, par le bien qu'il fit à ses sujets, tout le mal qu'il avoit attiré sur la tête de son souverain, Si les commencemens de son règne furent violens, le cours en fut doux ét paisible ; semblable à un fleuve qui, Jaillissant avec fracas de sa source, coule avec plus de tranquillité} à mesure qu'il s'en éloigne davantage. Difiérent de ces tyrans qui veulent s’'affermir par la terreur sur le trône que la terreur leur a acquis, la Justice et l'humanité furent les fondemens sur lesquels il appuya le pouvoir qu'il devoit à ses talens. On peut dire de lui, avec un de nos auteurs, qu'il fut un prince accompli, et que ce fut un bonheur de vivre sous ses lois. Aucun règne n’avoit été, pour les Mahométans, aussi doux et aussi heureux que le sien. Il avoit toutes les qualités qui caractérisent un bon roi, et il étoit l'homme le plus propre à honorer la nature humaine et à représenter la Divinité. Après huit ans d’un règne innocent, il Sendormit du sommeil éternel, le 8 de la lune de moharram de l’an 824, au sein du bonheur et de l'amour de ses peuples et dans la paix de sa conscience. Où trouver, s'écrie Hafed fils de Hager, un prince semblable et un meilleur citoyen! éloge court, mais expressif. Les choses reprirent, après sa mort, leur marche convulsive accoutumée. Trois sultans se succédèrent avec la rapidité de l'éclair. Ahmed, fils de Mahmoudy, nommé Malek el-Modaffèr, fut forcé, après deux années de règne, de céder le trône à Tatar Malek el-Dâäher, qui, étant lui-même mort à la fin de l'année, le transmit à son fils Mohammed, dit Malek el-Sälh. Trois mois après, ce Malek el- Sälh fut dépossédé par Barsabây, son tuteur et son gouverneur, et traîna une vie ignorée. Barsabäy devint sultan, pendant qu'un grand nombre de prétendans se disputoient l'autorité. CHAPITRE VIIL _ Barsabäy. Yousef. Gagmag. Ynal. Ahmed, Kochagdum. Belbäy. Timourboghä. Qäytbay. ON peut dire avec justesse que Bärsabày, proclamé Malek el-Achraf, succéda dignement à Mahmoudy. Le commencement de son règne fut la suite de celui de ce bon prince. Il gouverna deux années au sein de la paix, c’est-à-dire, Jusqu'en 827, époque où il débarqua en Chypre, et envoya ses armées contre Jean III du nom, qui en étoit roi, le fit prisonnier, et ne lui rendit la liberté et ses domaines qu'à condition qu'il lui paieroit les tributs arriérés auxquels il avoit refusé de satis- faire, et lui en compteroit de nouveaux chaque année. Après cette expédition, sept années consécutives s'écoulèrent au sein de la tranquillité, et il vit venir à sa cour Jacques, bâtard de Lusignan, qui réclama son assistance. Jean III de Lusignan n'avoit d'autre enfant mâle que ce Jacques qu'il avoit eu d'un commerce illicite avec Marie Patras, son épouse ne l'ayant rendu père que d'une fille dite Charlotte, dernier rejeton de la famille des Lusignans. Jacques, voyant avec peine la couronne de son père passer dans une autre maison, abandonha le froc auquel il avoit été destiné, et s'enfuit à Rhodes, où, ayant ramassé une troupe de DES MAMLOUKS D ÉGYPTE. |, 1 ds de gens, il retourna à leur tête s'emparer de Nicosie, capitale du royaume; maïs il n'en demeura pas long-temps maître. Louis de Savoie, qui avoit épousé sa sœur, vint bientôt l'attaquer avec des forces considérables. Il y eut entre eux plusieurs affaires qui, ayant toutes tourné au désavantage du premier, le forcèrent de se re- tirer au grand Kaire. L'amour, qui joue un si grand rôle dans les affaires des princes, s'étant immiscé dans celles dé Jacques; lui fut d'un grand secours, et fit la fortune de Marc Cornaro, noble Vénitien, et habitant de l'ile. Ce chevalier avoit une-fille, nommée Catherine, jeune et jolie. Jacques en devint amoureux; et Cornaro, au lieu de s'opposer à ce commerce, l'encouragea, ayant été approuvé en cela par la république de Venise, à laquelle il avoit fait entrevoir que, par une alliance avec ce prétendant au trône de Chypre, elle se créeroit: des droits futurs à la possession de l'île. Le sénat de Venise, qui étoit, ainsi qu'il se plaïsoit à le publier lui-même, Véritien et puis Chrétien , c'est-à-dire, qui sacrifroit la religion à ses propres- intérêts, fournit à Lusignan, par le canal de Cornaro, tous les fonds dont il eut besoin, et Lusignan s’en servit auprès de Barsabây pour en acheter une armée, lui promettant en outre une somme d'argent annuelle, plus forte que celle qui avoit été convenue par son père. Les despotes Mahométans aïment l'or, ils en sont avides; et comme pour de l'or ils seroïent capables de vendre leurs trônes, à plus forte raison ne se font-ils aucun scrupule de mettre à prix ceux qui ne leur appartiennent pas. L'armée de Bar- sabäy étoit sur le point de se mettre en marche, quand un contre-temps la retint et manqua de ruiner les affaires de Jacques. s Le duc de Savoie, qui étoit instruit de tout ce qu’il machinoït contre lui, avoit intéressé à sa cause le grand-maître de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, qui envoya à la cour de Barsabäy le commandeur de Nissara. Celui-ci fut chargé de lui proposer tels arrangemens qu'il voudroit, pourvu qu'il se désistât de ses promesses en faveur de Jacques. En vertu de ses pleins pouvoirs, le commandeur fit tout ce qu'il put pour seconder les vues du grand-maître, déposa aux pieds du monarque Égyptien des présens magnifiques, lui fit des offres extraordinaires , lui assura que le roi de Chypre étoit dans l'intention de lui payer les mêmes annuités que son prédécesseur, et le pria de-ne pas prêter l'oreille à un ambitieux, qui vouloit s’ap- proprier ce qui ne lui appartenoït pas. Barsabây, gagné par les promesses et Les pré- sens du commandeur, étoit sur le point de se déclarer contre le prétendant, quand, heureusement pour celui-ci, une ambassade de Moräd, huitième sultan des Ottomans, arriva à temps à la cour Égyptienne pour seconder Jacques. On remarquera ici, en passant, que la Porte Ottomane commence à entrer en relation avec la cour du Kaïre. Jacques, qui avoit l'esprit aussi remuant que celui de son père étoit apathique, et que l'habitude des affaires avoit rendu homme d'état, ne s’étoit pas borné à recourir seulement au sultan d'Égypte; il avoit encore tourné ses vues du côté dela Porte Ottomane, et avoit envoyé à l’empereur des Turcs une personne affidée, pour lui offrir une somme annuelle, aussi forte que celle qu'il comptoit à Barsabäy, s’il vouloit s'intéresser pour lui auprès de ce prince, afin qu'il f'aïdät plus particu- lièrement à se faire reconnoître roi de l'ile de Chypre. H avoit réussi dans cette É. M. TOME II. L 15 À ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE entreprise, et Moräd envoyoïit en conséquence un de ses officiers à Barsabäy. L'empereur Turc, qui pour lors inspiroït de la crainte, décida Malek el-Achraf en faveur de Jacques. Celuï-cï congédia le commandeur, dont il garda les présens, et fournit une armée au prétendant, qui l’acheta en sequins Vénitiens. Avec ces troupes, Jacques chassa sa sœur dé l'île de Chypre, dont il plaça la couronne sur sa propre tête. Il épousa ensuite Catherine Cornaro, qui fut richement dotée, et titrée de f//e de Saint- Marc par le sénat de Venise, lequel s’acquit par-là des droits futurs à la possession de l'île. Jacques régna moins qu'il ne vécut l'esclave de la république, et le vassal du sultan Mamlouk, à qui il paya en ducats les redevances auxquelles il s'étoit engagé. Après cette expédition, l’armée Égyptienne retourna auprès de son souverain, qui vécut jusqu'en 841,et mourut après avoir régné dix-sept ans. Ce sultan avoit été acheté par Daqgmaq, Mamlouk de Berqouq, et émyr de la garde de ce prince, à qui il l'avoit donné. Le maître dont il portoit le surnom est demeuré ignoré, et l'esclave s'est rendu célèbre dans l’histoire. En passant par tous les grades qui le portèrent à la souveraïneté, il avoit été choqué de la coutume humiliante qui consistoiït à se prosterner aux pieds des sultans pour les baïser. Arrivé au trône, il abolit cet usage avilissant, et le remplaça par le simple baise-main. Le prosternement, qui tient de l'adoration , fit probablement regarder par les hommes des premiers siècles les souverains comme autant de géans, et les fit représenter aïnsi sur les monumens Égyptiens. Barsabäy pensoit, sans doute, qu'il n'y avoit nulle comparaison à faire de la distance qui est entre un prince et ses sujets, avec celle qu'il y a entre le prince et Dieu, à qui seul les adorations sont dues. Il mourut avec la douce consolation d'avoir rendu son peuple heureux, et alla goûter dans autre monde la récompense de tout le bien qu'il avoit fait dans celui-ci. Yousef son fils, décoré après lui du titre de Malek el-A°zyz, rot chéri, eut le sort d'Ahmed fils de Mahmoudy : il fut dépossédé par Gagmaq, son tuteur, qui se fit reconnoître, en 842, Malek el-Mansour, à l’âge de soixante-neuf ans. Il régnoit déjà depuis deux années, lorsque la peste vint renouveler ses ravages dans toute l'Égypte : elle ne se dissipa qu'après s'être gorgée de victimes. Il ne se passa ensuite rien de remarquable jusqu'en 846, époque de la mort du khalyfe Moa’teded, quiremplit LEE trente ans le siége pontifical, et mourut au milieu des hommes vertueux dont il s’'étoit entouré. Il légua le khalÿfat 2 à son frère utérin, que l'on nomma Mostakfy b-illah. Mostakfy devint l'ami et le conseïller de Gaqgmaq, employa és huit années de vie qui suivirent son inauguration, à toute sorte d'œuvres pies, et mourut en 854. Sa mort fut un deuil général, et sa pompe funèbre, digne d’un pontife aussi aïmé qu'il l'étoit. Le peuple, pressé autour de son cercueil, chantoit ses louanges en récitant ses bienfaits. Les grands du royaume portèrent ce cercueil, et le sultan partagea avec eux l'honneur de le soutenir de temps en temps de ses propres épaules jus- qu'au lieu de la sépulture. On donna à Mostakfy, mort intestat, son frère pour successeur; on le salua Qäym b-amr-allah. Ce khalyfe mena une conduite tout-à-fait opposée à celle de DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. 155 son frère, et en rendit la perte plus sensible au sultan, qui, accablé sous le poids de quatre-vingts années et ne se sentant plus la force de gouverner, abdiqua en faveur de son fils O’tmän, et mourut en 855$, dans la même année que Mohammed II s’emparoit de Constantinople et détruisoit l'empire Grec. O'tmän, nommé Malek el- Mansour comme son père, vit son règne déchiré par une insurrection des émyrs, que le khalyfe avoit excités contre lui, dans l'espoir que, plus heureux que Mosta’yn b-illah, il la feroit tourner à son profit. I est vrai qu'O’tmän en fut la victime; mais le khalyfe, qui s'attendoit à être élu à sa place, eut le déplaisir de voir proclamer, en 856, Malek el-Achraf, ro très-noble, un vieux Mamlouk, nommé Y4/ ou Aynäl Le grand âge du nouveau sultan fit patienter le Khalyfe huit années consécutives; mais enfin, las d'attendre, il se détermina à exécuter ce qu'il projetoit depuis long- temps. Îl ne savoit pas que Belqyny, frère utérin du Belqyny qui ruina Mosta’yn, et qui étoit l’ame.du conseil du vieux Ynâl, surveilloit ses pas tout en veillant à la sûreté de son souverain. Belqyny découvrit le complot, et vint en révéler le secret à Ynäl, qui fut d'autant plus étonné de cette découverte, que le Kkhalyfe le flattoit davantage. Il le fit comparoître en sa présence, lui reprocha sa conduite atroce en termes amers, le déposa, et ordonna à Belqyny de prendre acte de cette dé- position. Le khalyfe n'eut pas plutôt entendu de la bouche du sultan qu’il étoit déchu, que, semblable au scorpion qui se tue de son propre venin, il riposta audacieusement à Ynäl: C’est mor qui te dépose et me dépose moi-même ; bravade qui n'aboutit qu'à accélérer sa chute. On l'exila à Alexandrie, où il mourut peu de temps après. Gelêl el-dyn se complaït à faire remarquer.le jeu de la fortune, qui enveloppa dans la même disgrace deux khalyfes, frères utérins, qui la durent à deux cheykhs, frères utérins de même, et qui, tous deux relégués à Alexandrie, y eurent le même logement et y occupent le même tombeau. Son frère Yousef le remplaça avec le titre de Mostanged b:illah. Le sultan Ynäl, aÿant survécu deux ans à ces troubles, et traïné son règne au milieu des destitutions de nombre de vizirs,s'éteignit, en 86 $,sur un trône qui avoit manqué de lui échapper. Son fils Ahmed lui succéda avec le titre de Malek el-Moyed. Il régna cinq moëïs, et fut remplacé par Kochaqdam el-Näsry , que les émyrs saluèrent Malek el-Däher. Kochaqdam, Grec d’origine, avoit été vendu ou cédé à Farag, qui l'avoit incor- poré dans ses Mamlouks, après luï avoir fait embrasser la religion Mahométane. Il eut l'aménité des mœurs Grecques, et son administration fut heureuse. Comme _i étoit débonnaîïre, il sut s'entourer de ministres probes, qui le rendirent l'ami de son peuple. Au lieu d’avoir cette rudesse de caractère queles Musulmans engénéral doïvent à la dureté de leur loi, il étoit doux, affable, et ïl fut, heureusement pour les Égyptiens qui vécurent sous son règne, du nombre des bons princes. Ses serviteurs et ses courtisans calquèrent leur conduite sur la sienne ; je veux dire qu’ils imitèrent le bien qu’ils lui virent faire. Le khalyfe lui-même, qui partageoït son palais et avoit son amitié entière, ne manqua jamais aux devoirs de premier ministre du culte, et n'eut d'autre ambition que celle d’entourer le sultan de tous les avis qui concou- É, M. TOME II. Va 156 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE roïient à augmenter le bonheurede ses sujets et la félicité publique. C’est en déférant pendant sept années sans interruption aux conseils salutaires de ce digne pontife, que Kochaqdam coula doucement des jours qui finirent dans le cours de rabye’ premier de lan 872, ayant atteint l'âge de soixante ans. Chacun le pleura comme un bon pére,.et le regretta comme un roi bienfaisant. - On lui donna pour successeur Belbây, qui fut salué Malek el-Dâher. H ft autant de mal que son prédécesseur , dont il portoit le surnom, fit de bien : aussi le détesta- t-on autant qu'on avoit aimé son prédécesseur. Il semble que la fortune se soit repentie d’avoir favorisé l'Égypte dequelques bons princes, et qu’elle lui ait donné celui-ci pour l'affliger. Ses cruautés et sa tyrannie, qu'il faisoit peser indistinctement sur le peuple et sur les grands, ayant exaspéré les esprits, on le culbuta d’un trône qu'il étoit indigne d'occuper, et lon y plaça l'émyr Timourboghâ, qui fut encore décoré du titre de Malek el-Däher. Son règne ne fut ni long ni heureux; car, soit qu'il ne sût pas gouverner, soit qu'il déplût à ceux qui l'avoient élevé, on le déposa, et l’on nomma à sa place l'émyr Qâythäy. Le règne de Timourboghâ n'eut que la durée de celui de son prédécesseur. CHAPITRE. EX Le + Qaythäy. Mohammed. Qansou. Qansou-Khamsamyeh. Mohammed pour la seconde fois. Qansou elGaänbalär. Tomänbäy. Qansou el-Ghoury. : TIMOURBOGHÀ déposé, Qâythäy, affranchi de Gaqgmaq, dut à sa valeur et à ses talens militaires les bonnes grâces des émyrs, qui réunirent leurs suffrages pour le proclamer Malek el-Achraf. Les six premières années de son règne furent des années de calme, pendant lesquelles ïl justifla néanmoins les espérances qu'on avoit conçues de lui; ce calme ne fut troublé que par le bruit de la victoire de Mohammed IT sur Casanes, à la Journée d'Arzingän ou Toqât. Casanes ou Uzun-Hasan , souverain des Perses, étoit son ami et même son allié. Qüäytbäy vit dans les revers de ce prince de plus grands revers pour lui : il pressentoit qu'on lui reprocheroït quelque jour cette alliance, et qu'on en feroït un prétexte pour envahir la Syrie. IH borda ce pays d'un long cordon de ses meilleures troupes, et se mit par-là à l'abri de toute attaque inattendue. Cette précaution sage devint nulle pour le moment, parce que le plan du prince Ottoman n'étoit pas d'attaquer la Syrie, mais la Chrétienté. Ses succès y furent si rapides, que Qäythây en trembla, et demanda à descendre du trône, afin de ne pas être témoin des malheurs qu'il prévoyoit. On refusa sa demande, et on le pria ou plutôt on le força de garder la couronne, le jour même où il vouloit abdiquer. Il reprit donc, malgré lui, le maniement des affaires, et s'oc- cupa, durant le temps que lui laissa le grand-seigneur, à faire les préparatifs d’une guerre qu'il voyoit inévitable. En effet, Mohammed II, après avoir employé les premières années qui suivirent la bataille d’Arzingân aux conquêtes de l’Albanie, de la Pouille et de la Crimée, se prépara, l'an 88$, à l'expédition de Syrie; il DES MAMLOUKS D ÉGYPTE 157 s’avançoit à la tête de ses armées contre cette province, lorsque la mort le surprit à Tikour-gâber en Natolie, et retarda l’anéantissement de la dynastie Égyptienne. Les troubles survenus après sa mort, entre Bajazet II et Gem ou Zizim son frère, qui se disputérent, les armes à la main, l'empire du croissant, ayant per- mis à Qäythäy de se reposer un moment, il retourna au Kaire, où peu de temps après il vit arriver Gem, qui avoit perdu la bataille d'Yanichahar, et qui, accom- pagné de sa femme et de ses enfans, venoit implorer son assistance. I] la lui accorda, l'accueillit avec les plus grands honneurs, et le traita en prince. Il chercha même, maïs en vain, à semployer auprès de Bajazet pour le réconcilier avec lui. Sur ces entrefaites, cinq galères de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem abor- dèrent en Égypte, avec un député du prince dela Caramanie, qui vint offrir à Gem une armée de la part de son maïtre. À cette offre inattendue, il quitte, sans vouloir écouter les conseils de son hôte, femme, enfans, bienfaïteur, et va en Caramanie, où il est battu aussi complètement qu'il l'avoit été en Natolie. Cette seconde défaite ne luï laissa d'autre ressource que de s’abandonner à la générosité de Pierre d'Aubusson, grand-maître de l'ordre. Toutes les histoires parlent plus ou moins clairement de la fin sinistre qu'il fit. Les revers de Gem faisant préjuger à Qäythây que le sultan Ottoman cher- cheroït à se venger, il prit les devants, enleva les caravanes Turques qui se ren- doïent à la Mecque, arrêta l'ambassadeur du roi des Indes, s’empara des présens dont il étoit porteur, et prit les places de Tarse et d'Adänah, qui dépendoient de l'empire Ottoman. Bajazet fut charmé de trouver dans ces actes d’hostilité le prétexte plausible de faire la guerre à Qâythây ; mais, avant d'agir, il lui envoya un député pour lui notifier que, s'il vouloit continuer à vivre en bonne intelligence avec lui, il falloit qu'i lui donnât raison de ce qui l’avoit engagé à aider Uzun-Hasan contre lui, à arrêter les pélerins Turcs, à retenir les ambassadeurs Indiens et leurs pré- sens, à s'emparer de Tarse et d’Adânah, et à accorder son assistance à Gem. Qäythây répondit à ces griefs en congédiant les députés et en faisant attaquer l'Aladulie, dont A’lä el-doulet, qui lui avoit donné son nom, étoit le chef sou- verain. Cet À Tä el-doulet, qui avoit été créé par Bajazet généralissime des armées Ottomanes de l'Asie, vint à la rencontre de l'armée Égyptienne, la joïgnit au cœur dés montagnes qui couvrent ses états, et lui livra bataille. Le gouverneur d'Alep ayant été tué au commencement de faction, et les rois de Byrah et d'A’yntäb faits prisonniers, cette armée fut mise en fuite et poursuivie jusqu’à Ma- latie, où, ayant rencontré heureusement Salahchoun-aghà, qui, envoyé par Qâyt- bäy, venoit avec un renfort de cinq mille hommes, elle fit volte-face, tomba sur les Ottomans qui s’étoient engagés dans les gorges des montagnes, et leur arracha, après un massacre horrible, la victoire qu'ils croyoïent tenir. Pendant que ces choses se passoient en Aladulie, les Ottomans reprenoient les places de Tarse et d’Adänah; de sorte que Qâythäy apprit en même temps le gain de la bataïlle et la perte de ses deux places. Aussitôt ilenvoya, pour reprendre les deux forteresses, Fémyr Ezbeky avec une armée. Ezbeky remplit à souhait les 155 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE intentions de son maïtre. M attaqua les rois Moucä et Ferhäd qui les défendoient, les tua, précipita leurs troupes dans le Hyrah, où elles se noyèrent en grande partie, et entra triomphant dans ces deux villes. Au lieu de se laisser abattre par ces revers, Bajazet n’en fut que plus ardent à lever une nouvelle armée, dont il donna le commandement à Ahmed, fils du duc de Bossine. La nomination de cet Ahmed, qui étoit devenu son gendre après avoir renié la religion des Chrétiens, mit le mécontentement parmi les chefs Ottomans, et causa le malheur de l’armée. On vit de mauvais œil un Jeune rené- gat l'emporter sur de vieux capitaines qui avoient contribué à tant de succès, et l'on refusa de seconder ses opérations. Ezbeky, qui avoit connoïssance de la di- vision qui régnoit dans l'armée ennemie, l’attendit, se tenant sur la défensive, Ahmed l'attaqua bientôt avec l’impétuosité d’un jeune guerrier; maïs son choc n'opéra aucun effet, parce qu'il ne fut pas soutenu. Délaissé et trahi, Ahmed se jeta dans les rangs ennemis, y combattit autant que ses forces le lui permirent, et fut obligé de se rendre à Ezbeky, qui, suivi de son prisonnier, alla au Kaire rece- voir le prix de sa victoire, et y construisit la mosquée dite Ezbekyeh, d'où à tiré son nom la place qui l'avoisine. Après ce succès brillant, la Caramanie se donna à l'Égypte. | Bajazet, étonné et furieux de cette nouvelle défaite, mit sur pied une armée plus formidable que celle qu'il venoït de perdre. A’ly-pâchà en fut désigné le chef; et ce fut le 3 de la lune de rabye’ second 893, qu’elle passa le Bosphore et prit position en Caramanie. Avant de luï opposer la sienne, Qâythäy, dont le naturel étoit plus porté à la paix qu'à la guerre, lui fit faire des propositions paci- fiques, et lui renvoya en même temps Ahmed son gendre; maïs, les conditions n'ayant pas été acceptées, la guerre reprit avec plus de fureur que jamais. Les com- mencemens en furent si heureux pour les Ottomans, qu A’ly-pâchà s'empara en un clin-d'œil de Tarse, d’Adänah, qui avoient déjà coûté tant de sang, d'Atäourour, de Korä, d'Ayäs, de Tamrouq, de Melliouneh, enfin de presque toute la petite Arménie, et fit assiéger, par Khalyl-pâchà, Sis la capitale, dont le gouverneur ne se rendit que lorsqu'il vit que ses murailles, détruites par le canon ennemi, ne lui permettoient plus de la défendre davantage. I fut fait prisonnier, et renvoyé à Qâythây en échange d'Ahmed. Qâythäy fit marcher de nouveau Ezbeky pour arrêter les progrès des Ottomans. Ce général, arrivé au pied du Taurus, fit faire halte àses troupes, de peur d'être pris en queue par une armée Turque que l’on disoit avoir débarqué : maïs, les vaisseaux qui la transportoient, s'étant brisés à la suite d’une tempête horrible, cette armée éprouva une perte immense; ce qui mit Ezbeky dans le cas de n'avoir plus rien à craindre de sa part, et de continuer sa route sur Tarse, où il livra une bataille plus sanglante que des précédentes. Les Égyptiens essuyèrent d’abord des revers par la lâcheté des Caramans; et ceux-ci les auroïent entraînés dans une déroute complète, si, pour les rallier, Ezbeky n’avoit heureusement profité des ténèbres, qui, cette nuit- BR, furent fort épaisses. S'étant mis le lendemain matin à leur tête, il fondit sur A’ly- pâchà, qui se croyoit déjà sûr de la victoire, et le défit entièrement. Cette affaire DES MAMLOURKS D'ÉGYPTE. 159 eut lieu dans le courant de l'an 893 de l'hégire. Aly-pâchà alla rendre compte à Constantinople de sa conduite; et Ezbeky, couvert d’une nouvelle gloire, reçut au Kaïre de nouveaux honneurs. Cependant Qäythäy, qui soupiroit après la paix, voulut faire servir ses victoires à ce seul but : il chercha à renouer les négociations, et eut recours à l'entremise d'O’tmän, prince souverain de Tunis, qui envoya, lan 894, sur un de ses armemens, Zeyn el-dyn, le plus savant théologien de son temps, en qualité de médiateur. Zeyn el-dyn employa vainement son éloquence au rétablissement de a paix : il fut obligé de se retirer sans avoir rien conclu, parce que Bajazet, qui avoit publié une levée générale de tous ses sujets, se crut en état d'essayer une nouvelle campagne, et insista sur la restitution de T'arse et d'Adänah, qu'on lui refusa. L'année qui suivit ces négociations, l'île de Chypre devint la propriété des Vénitiens par la mort du fils de Jacques de Lusignan et l'abandon que Charlotte Cornaro leur en fit. Qâythây, qui craignoit que ce changement de maître ne lui fit perdre les annuités que l'ile lui payoit, la menaça d’une invasion, que la répu- blique détourna en acquittant ponctuellement les tributs annuels. Les affaires de Chypre terminées, Qäythäy, voyant que la paix qu'il souhaitoit si ardemment, seroit impossible sans le sacrifice des deux places en contestation, balança les avantages et les désavantages qui pouvoïent résulter de leur conservation ou de leur abandon, et, jugeant qu'il convenoïit mieux à son repos de les livrer, ïl envoya à Constantinople pour en faire l'offre. Aussitôt cette difliculté levée, dit l'auteur Arabe Hoseyn Khogah, on vit disparoître, l'an 806, l'arbre pernicieux qui produit la guerre, et naître à sa place l'arbre hienfaisant dont les doux fruits sont la paix et le bonheur. | Qäythäy survécut à cette paix cinq années, qu'il passa au sein de sa propre gloire et de l'amour des peuples dont il fut le père, et il s'endormit pour toujours dans le cours de la lune de qa deh de l'an 901, après un règne de vingt-neuf ans. On lui donna pour successeur lémyr Mohammed, qui fut reconnu Malek el-Näser. Ce prince idiot, pusillanime et barbare, ne s’occupoit que de ses plaisirs. Il poussa, dit Ibn-Ishâq, la férocité jusqu'à écorcher de ses propres mains, et de gaïeté de cœur, une belle esclave blanche que sa mère lui avoit donnée. II régna l’espace de quatre ans, après lesquels les Mamlouks, ennuyés de le voir commander, le déposèrent, le tuèrent, et reconnurent à sa place Qansou, son oncle, qu'ils proclamèrent Malek el-Dâher. Qansou reconnut bientôt que régner sur de tels hommes, c’est travailler à sa perte; car, après cinq mois d'un règne convulsif, il se vit contraint d’aban- donner des rênes si difficiles à tenir. Ce prince ne connoïssoit d'autre langue que lidiome Géorgien. Entre Qâythäy et ce sultan, quelques auteurs intercalent un autre Qansou, surnommé Xhamsamyeh , qui signifie cug cents, parce qu'il avoit été acheté cinq cents pièces d’or par Qâythäy : maïs il jouit st peu de temps du sultanat, qu'on peut à peine le compter au nombre des soudans d'Égypte; peut-être aussi le confond- on avec le Qansou qui précède ou qui suit. | Mohammed Malek el-Nôâser, ayant été mis de nouveau sur le trône, régna 160 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE jusqu'en 904, année où il fut dépossédé pour toujours par les Mamlouks, qui lui substituèrent un troisième Qansou, dit-e/Gänbalät, à qui ils frent prendre le titre de Malek el-Achraf. Ce nouveau sultan se repentit bientôt d’être monté sur un trône aussi glissant; car, après sy être difficilement soutenu six mois, il en fut culbuté, et retourna, l'an 906, remplir le simple rang d'émyr, bien préférable à la dignité périlleuse de sultan. Tomänbäy fut ensuite choisi et salué Malek el- A’âdel, nom sous lequel on le proclama deux fois, l’une en Syrie, et l'autre en Égypte. Cette double nomination ne le préserva pas des entreprises des émyrs, qui, après l'avoir laissé à leur tête cent jours, attentèrent à sa vie. La fuite et la retraite retardèrent sa perte un mois et demi environ, ae lequel temps, ayant été découvert, il fut immolé sur les degrés du trône où il avoit eu le malheur de s'asseoir. L'élection de son successeur ne dépendit pas cette fois du re de soldats turbulens, et ne fut pas l'effet du hasard ou de l'intrigue. Les docteurs de la loï et les émyrs réunis, d'après le vœu général des peuples, choïsirent l'é émyr Qansou el- Ghoury, homme pauvre, d’un caractère facile et sans ambition, qui vivoit retiré, jouissant en paix du bonheur, fruit de ses vertus. Qansou étonné s'excusa de ce choïx, en disant qu'étant accoutumé à obéir, il fgnoroït absolument l'art de com- mander. On lui opposa qu’étant brave et sachant faire le bien, il n'avoit pas besoin d'autre connoïissance, et que d'ailleurs il étoit seul digne d'occuper le sultanat, que Qâythây. son maître avoit si honorablement exercé. Obligé de se rendre, il fut couronné sultan. Le dixième chapitre est consacré à l’histoire de Qansou el-Ghoury, et à celle de Tomânbây, en qui expira la seconde dynastie. CHAPITRE X. Qansou el- Ghoury. Tomänbäy. LE Kkhalyfe Mostanged b-illah, au milieu des acclamations du peuple et des soldats, revêtit du turban noir et du titre de Malek el-Achraf, Qansou, qui ne put s'empêcher de s’écrier, s’en voyant revêtu malgré lui : De quel soinme charget-on' Cépendant il n’accepta la souveraineté que sous la condition que, si les émyrs vouloient quelque jour l'en dépouiller, ïls lui laïsseroïent au moïns la vie sauve. Cette condition ue il tâcha de se rendre digne du nom dont on l’honora, et de la confrance qu'en lui ÉTES Ce sultan, que nos auteurs nomment Campson-Cauri, s'appliqua aussitôt à se défaire peu à pet et avec ponte de tous ceux dont il connoissoit la turbulence, et parvint à procurer à l'Égypte un repos qui se prolongea jusqu'en su de l'hégire. En ce temps-là, les Portugais s’étoient emparés des Indes, et génoient les rela- tions de commerce que les Indiens et les Égyptiens avoient entre eux. Îl arma en conséquence : Mais son expédition n'eut pas le succès qu'il s'en promettoit; car, au lieu de rétablir les communications commerciales et d’expulser les Portugais de leurs DES MAMÉOUKS D'ÉGYPTE. | 161 leurs conquêtes, il eut le désagrément d'apprendre que ses vaisseaux chargés de troupes avoient été attaqués et détruits par leurs forces navales. Ce revers maritime ne l'éempécha pas de régner paisiblement jusqu'en 915 ,oùil vitse renou- veler des événemens pareïls à ceux du règne précédent. Korkoud, père de Selym, ayant été obligé d'abandonner le trône de son père, se réfugia auprès de Qansou, et en fut accueilli aussi bien que Gem l'avoit été de son prédécesseur: de plus, lorsqu'il voulut ensuite se rendre à Constantinople, Qansou équipa pour lui vingt bâtimens, qui, à leur retour, furent capturés par des armemens de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. L’asile donné à Korkoud fut le prétexte d’une guerre nouvelle. Selym la com- mença par l'attaque de l'Aladulie. Al el-doulet, Qui commandoït alors l'armée Égyptienne, s'avança à la rencontre de armée Ottomane : mais il ne fut pas plus heureux sous les Égyptiens qu'il ne l'avoit été sous les Ottomans; son armée futdéfaite; et luirmême ayant péri dans le combat, on lui trancha la tête, et on l'envoya à Selym pour lui attester la grandeur du succès. La nouvelle de cet échec, qui eut lieu le 20 de la lune de rabye’ second, par- vint à Qansou dans une dépêche de Selym lui-même, où celui-ci lui reprochoit la mort d'A’la el-doulet, et s’'étendoit en longues menaces contre lui.-Ces menaces furent des avis pour le sultan Égyptien, qui, s'attendant à être attaqué au retour de la belle saïsont, passa l'hiver à faire de grands préparatifs. En effet, dit l'auteur Arabe, le cheykh Hoseyn Khogah, fils d’A’ly, grand chancelier de la régence de Tunis, dans son Histoire des victoires des Ottomans, à peine les oïseaux eurent-ils chanté à l'ombre des feuillages le retour du printemps, que Selym força le passage de Malatie, seul poste qui restoit aux Égyptiens de toute l’Ala- dulie, et feignit de marcher contre Isma yl-chäh, roi de Perse, qui avoit déjà perdu, l'année précédente, la bataïlle de Gïalderoum. I envoya cependant dire au monarque Égyptien qu'il n'avoit agi hostilement que parce qu'on lui avoit refusé un passage qui conduisoit sur les terres Persanes, qu'il vouloit purger de l'hérésie qui les souilloit; il lui fit demander aussi pourquoi il commandoit en per- sonne-uné armée sur sa frontière. La réponse du sultan fut que son armée étoit une armée, d'observation, et qu'il ne s'y étoit rendu que pour se faire médiateur entre Selym et Isma’yl-châh. Cette réponse n'ayant pas satisfait Selym, il entra en ennemi sur le territoire Égyptien, et y fit des progrès si rapides, que Qansou, épouvanté, et prié d'ailleurs par Isma yl-chäh de terminer cette guerre à quelque prix que ce fût, lui envoya faire des propositions de paix; mais, au lieu de les entendre, Selym dit aux ambassadeurs qui s’étoient humiliés à ses pieds : « Levez- » vous, et retournez dire à celui qui vous envoie, qu'il n'est plus temps, qu'on ne » se heurte jamais deux fois à la même pierre, et qu'il se prépare à combattre. » Qansou se mit donc à la tête de ses troupes, s'avança contre les Ottomans, qu'il rencontra dans une vaste plaine, nommée Merg-Däbeg, non loin d'Alep, et leur livra combat. Les deux armées se rangèrent. dans l'ordre de bataille suivant : la droite dés Égyptiens étoit commandée par Kheyr-beik, et celle des Ottomans par Younès-pâchà; la gauche de l'armée Égyptienne par el-Ghazäly, gouverneur d'Alep É. M. TOME IL. F 162 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE: L'HISTOIRE et celle de l'armée Ottomane par Sinän-pachä, l'ame des ârmées Turques; les deux sultans conduisoient le centre. Avant de commencer l'attaque, Qansou fit mettre ses officiers en grande tenue, et aussitôt des décharges suivies d'artillerie annoncèrent l'engagement. Après quelques minutes d’une fusillade bien nourrie, les Égyptiens s’'élancèrent à l'arme blanche sur la gauche des Ottomans, qui commençoit à plier, quand Sinân accourut pour lui faire reprendre l'avantage. Le combat récommençca aussitôt avec plus de fureur. Les boulets, la mitraïlle, la poudre enflammée, la pointe des lances et la lame des sabres jonchèrent la plaine de cadavres. Le.combat demeura incertain, et il n'auroit peut-être fini que par l'extinction des deux armées, tant l’acharnement étoit grand de part et d'autre, si Kheyr-beïk et Ghazäly n’eussent passé à l'ennemi avec les corps qu'ils commandoient. Cette trahison perdit l'armée | Égyptienne, qui, accablée par le nombre, fut mise en déroute. Qansou chercha néan- moins à la rallier; maïs, n'ayant pu y réussir, il sortit des rangs, gagna le tombeau de Dâoud, qui se trouvoit dans le voisinage, et fit étendre à terre un tapis de prière. A peine s’étoit-il prosterné pour implorer l'assistance du ciel, vis-à-vis le tombeau du saint, que ses Mamlouks, pressés par les ennemis, luï passèrent sur le corps, et l’'écrasèrent sous les pieds de’leurs chevaux. D'autres disent que ce malheur lui arriva, étant tombé de cheval. Cette dévotion hors de saison causa sa perte. St sa conduite fut celle de Constance contre Magennce à la bataille de Mursa, les résultats en sont cependant bien différens. I ne fut heureux, ni dans ses expéditions de mer, ni dans ses expéditions de terre. Une des mosquées et un des quartiers du Kaire portent son nom. | | Ibn-Ishâq s'exprime ainsi au sujet de Qansou el-Ghoury: «Ce fut, dit cet historien, LV el un prince fin, adroit, méchant, et qui aimoit beaucoup à bâtir. Il employa la ruse » et l'adresse pour se défaire de ceux qui l’avoient mis à leur tête. If acheta des Mam- (2 Jouks dont il s'entoura, et sur les désordres et les rapines desquels il ferma les » yeux. Pour assouvir son avidité, il porta, sous les moindres prétextes vrais ou faux, » lesmains sur les biens des plus riches particuliers, dont il réduisit un grand nombre » à la mendicité. Parmi les nombreux édifices que lostentation lui fit ériger, on » compte la mosquée du Meqyäs et les bâtimens qui en dépendent. » La conduite privée d’el-Ghoury auroit-elle été un jeu qu'il mit en œuvre pour evene au trône! Au reste, les auteurs parlent diversement de ce prince. Après la bataille de Merg-Däbeq, qui se donna le 26 de la lune de regeb 922, le sultan Selym fitchercher son cadavre, qu’il savoit gisant parmi les morts, etlui rendit des honneurs funèbres dignes d’un souverain. L’officier qu'il avoit envoyé à sa re- cherche, ayant eu la barbarie de lui couper la tête , Selym alloit lui faire trancher la sienne, si l’on n'eût intercédé en sa faveur. La journée de Merg-Däbeq ayant décidé du sort de la Syrie, la présence du vainqueur, pour me servir de l’expres- sion du cheykh Hoseyn que je viens de citer, fut pour cette province Île premier jour de la lune qui annonce la fin du jeûne, c’est-à-dire, un astre de joie et de bon- heur. Il se fixa au palais d’Ablaq, près de Damas, et laissa ses troupes se rafraïchir. Les débris de larmée Égyptienne, commandée par les émyrs, s'étant réunis au Kaire, on procéda aussitôt à l'élection d’un nouveau sultan. Tomänbäy, neveu de DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. 163 Qansou, reconnu Malek el-Achraf, recruta de suite -une armée, et se tint sur la dé- fensive, persuadé que les Ottomans ne se hasarderoïent pas dans les déserts que Gen- gis-khân et Tamerlan avoient respectés. Se croyant hors de toute atteinte, il fut bien étonné de recevoir de Jérusalem une lettre du sultan Ottoman, dont voici l esprit: SELYM, Sultan des deux terres et des deux mers, fc. rc. à TOMANBAY, &c. Diew soit loué ! Notre desir impérial est satisfait; nous avons anéanti les armées de Fhérésiarque -Isma’yl-châh, et puni limpie Qansou, qui osa entraver le saint pélerinage, Il nous reste encore à nous . débarrasser. de nos mauvais voisins ; car, dit le Prophète, /4 colère du ciel tombe sur les mauvais voisins, Nous espérons que Dieu nous aïdera à te châtier toi-même, si tu ne préviens notre colère. Sache donc , si tu veux mériter les bienfaits de notre clémence impériale, qu'il te faut venir en personne jurer à nos pieds hommage et fidélité, faire prier,en notre nom dans les mosquées, et battre monnoie à notre coin: sinon, notre bras va frapper. Tomänbäy, assuré, par la lecture de ce manifeste, qu’il seroit inévitablement atta- qué, donna ordre à Ganbardy, à qui il avoit confié les avant-postes Égyptiens à Gaza, de se tenir prêt à tout événement, fit augmenter les fortificaffons d'Adiyen, ville forte dans le voisinage de Damiette, et vint asseoir son camp à Salehyeh sur le bord du désert. - : Le printemps ayant ramené la belle saison, Selym vint attaquer Gaza, et força Ganbardy d'abandonner ses positions et de battre en retraite sur el-A’ rych, où il fut bientôt atteint par les Ottomans, qui, suivis d’une quantité innombrable de bêtes de somme chargées d’eau, de munitions de bouche et de guerre, l'y assié- gèrent, et le forcèrent à abandonner la place. Le sultan y fit un grand nombre de prisonniers , auxquels il donna la liberté, afin de se concilier d'avance » par cet acte de générosité, l'esprit des Égyptiens leurs compatriotes. Après quelques jours de repos à el-A rych, Selym se prépara à franchir le reste des sables qui le séparoïent de l'Égypte: il se mit en route sur Qatyeh. Ganbardy n'eut pas plutôt appris sa marche, qu'il lui abandonna les palmiers qui ombr agent cette aride station, et se reploya sur le gros de l'armée. Selym y fit faire halte à ses troupes, poussant des reconnoïssances jusqu'à une journée dans les sables. On lui rapporta que Tomänbäy l'attendoit sur le bord du désert. Au lieu de l'y aller attaquer, il l'évita. A près une marche pénible, l'armée Ottomane vint débou- cher par la montagne d'elMoqatam, et prit, sur les derrières de l’armée Égyptienne, à deux journées de distance environ, position à el-Khänqâh, village éloigné du Kaïre de douze à treize heures de chemin. Durant sa marche contre Tomänbäy, Selym eut la fortune de Moïse fuyant Pharaon ; de grands nuages protégèrent son. armée. D'el-Khänqähil ft un mouvementsur Rydânyeh; il toit déja arrivé au milieu des plaines de ce village, quand.on lui annonça que Tomänbây, que sa manœuvre avoit forcé, à un mouvement rétrograde, s’approchoit. Il fattendit en ordre de bataille; et bientôt fut donné le signal de cette journée qui décida du sort de LÉbie Ce fut le 29 de la lune de zou-lhaggeh que Selym et Tomänbây en vinrent aux. mains. Ce dernier, se fiant sur un parc d'artillerie de quatre-vingts pièces de canon, attaqua le premier. Ganbardÿ tint tête à Sinân-pâchà, qui fut tué d’une É. M. TOME II. LE 164 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE balle en ralliant ses woupes qui fuyoïent: Sa mort satva les Ottomans; car, pour la venger, ils attaquèrent les Égyptiens avec tant de fureur, que, malgré la grande valeur de Ganbardy, les siens furent défaits et dispersés\çà et là dans la plaine, eten couvrirent de leurs morts la vaste étendue. À la vue de ses soldats en déroute, Tomänbây s'écria : « C’en est fait ; la » dynastie des Mamlouks Circassiens est un astre qui s'éteint. » #1 se borta sur le Kaire, où il réunit les restes de son armée. La victoire de Rydänyeh valut à Selym la défection de Ganbardy, qui se mit à son service. L'armée Ottomane s’étant reposée plusieurs jours sur le champ de bataille, Tomänbây eut le temps de recruter son armée d'Arabes achetés au poids de l'or; et Selym, obligé de mar- cher contre elle, dressa sa tente dans l'ile de Roudah, résolu d'attaquer le len- demain. Son ennemi le prévint. À l'ombre des ténèbres de la huitième nuit de la lune de moharram 923, il voulut le surprendre; mais, l'attitude menaçante des janiïssaires is faisoient bonne garde, ayant fait échouer son entreprise, il se retira au Kairefégorgeant tout les postes qu'il surprit, et il s’y fortifra, Un gui nombre d'Ottomans périrent; ils furent vengés par le sac de cette ville, qui coùta beaucoup dé sang. La citadelle fut prise d'assaut; et ce ne fut qu'après avoir fait le siége des maisons les unes après les autres, qu'on parvintaux retranchemens que Lominbéy et ses Mamlouks défendoient, retranchemens qui ne furent abandonnés qu'après avoir été réduits en un monceau de décombres. Tomänbäy se sauva du _ milieu de leurs ruines, atteignit le Nil, se jeta dans une nacelle, et traversa le fleuve. Il étoit déjà arrivé dans la province de Bahyreh, se dirigeant vers Alexandrie, quand il fut arrêté par des Arabes rôdeurs, qui le livrèrent à Mostafä et à Ganbardy, que lon avoit os à sa poursuite. Ils le conduisirent chargé de fers devant le sultan Selym, qui, s'apitoyant sur le sort de son rival à la vue des chaînes dont il étoit accablé, les fit tomber, le combla d’honneurs, et l’admit d'abord dans sa familiarité ; mais, craignant ensuite que son existence ne compromit la sienné propre ét le salut de l’armée, il le ft accuser par-devant les docteurs de la lot, et condamner à mort comme complice d’une conjuration tramée contre lui. Ce fut le 21 de rabye’ premier que le malheureux Tomänbây, cloué en croix à une des portes du Kaire dite B4b-Zoueyleh, demeura exposé pendant trois jours aux yeux du public, afin qu'on n'ignorât pas, disent les auteurs Arabes, qu'en lui s'étei- gnoit la dynastie des Mamlouks Borgites ou Circassiens. Si cette seconde dynastie a été anéantie, elle la été au moins par une catas- trophe mémorable. C est un monarque victorieux qui plante son étendard sur les murs de la capitale d’un ennemi terrassé. DES MAMLOURS D'ÉGYPTE. 165$ TROISIÈME DYNASTIE, MAMLOUKS BEIKS OÙ GHOZZES, CHAPITRE XI. Ayouäz.olsma'yl. Cherkès. Zou-Lfogér. La dynastie dont il reste à traiter, diffère absolument des deux précédentes : elle doit son établissement à la forme usée du gouvernement Ottoman, d’où elle dé- rive. Selym L®, ayant conquis l'Égypte, érigea cette contrée en un pâchâlik, qu'il divisa en vingt-quatre étendards ou arrondissemens, commandés par autant de beïks. Ces heïks se renfermèrent, l'espace de deux siècles, dans les bornes de leurs devoirs, protégeant leurs arrondissemens ou bailliages contre la rapine des Arabes, et rendant au pâchà, qui les créoit à son choix, un compte exact de leur con- duite; mais ils s'écartèrent ensuite de l’obéissance. Les provinces où ils devoient résider, furent abandonnées à la rapacité de leurs £échef ou lieutenans, qui en oppri- mèrent les habitans. [ls vinrent au Kaire : ils y formèrent une espèce d’oligarchie funeste à-la-fois et aux pâchäs, qu'ils dénoncèrent au divan de Constantinople et qu'ils culbutèrent presque toujours, et à eux-mêmes, parce que les pâchâs semèrent parmi eux la discorde, se servant des uns pour se défaire des autres. Si la Porte trouva dans ce choc d’autorités un avantage réel, le peuple Égyptien y rencontra sa ruine: il se vit pressuré par le pâchä et par vingt-quatre tyrans qui se partageoïent ses dépouilles. C’est de ces beïks ou beys que cette dernière dynastie tire sa dénomination. | L'ambition principale des beïks étoit de devenir cheykh el-belid, c'est-à-dire, gouverneur du Kaiïre, parce que le cheykh -belâdat leur donnoït la primauté sur leurs collègues et même sur toute l'Égypte. Ils commandoïient originairement à des soldats d’un des sept corps qui composent les armées Ottomanes; mais dans dasuite, ne pouvant se fier à la fidélité de pareils soldats, ilsles échangèrent contre des Mamlouks qu'ils frent recevoir dans le corps des janissaires dont ils faisoient partie, et les avancèrent. Comme.ces Mamlouks avoient primitivement été achetés au pays des Ghozzes ou Uzzes, on leur en conserva le nom, d'où cette dynastie tire sa seconde dénomination. Quelques auteurs, et principalement les Anglais, trouvent dans la prononciation du mot Ghozze quelque analogie avec celui de Goth. L'histoire de cette dynastie, si toutefois on peut appeler ainsi une succession de gens sans nom, sans naissance, et rebelles à leurs chefs, n’est que celle de quelques ambitieux, tantôt assassins et tantôt assassinés, qui s'arrachent alterna 166 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE tivement le cheykh-belädat, selon que le nombre’ de leurs Mamlouks lés rend plus ou moïhs puissans. On a généralement ténarque que les Mamlouks , ainsi que les beys, qui devoient à leur seule beauté le rang où ils parvenoïent, mouroïent la plupart sans. postérité. Livrés aux. plus honteuses débauches, la perversité de leurs mœurs aura sans doute contribué à leur stérilité; ou plutôt Dieu, dans sa colère, n’aura pas voulu permettre que de tels monstres laïssassent après eux des descendans qui les auroïent imités. Ce que je vais rapporter concernant les Mamlouks Beiks et Ghozzes, est presque entièrement inconnu. J'ai été guidé dans mon récit par la tradition de témoins oculaires et par une petite histoire que le'cheykh Isma’yl-khachchäb, secrétaire | du divanedu Kaire, mon professeur, en traça d’après ma demande. Ce petitmanus- crit, que j'ai rapporté avec moi d'Égypte, se trouve actuellement à la Bibliothèque du Roï. | L'Égypte comptoit déjà quatre-vingts pâchäs qui lavoient gouvérnée, sous da dépendance absolue du grand-seigneur, lorsqu’en 1110 de l’hégire, c’est-à-dire, sous Hasan, la discorde éclata entre deux beys, Qâsem Ayouëz, qui étoit alors cheykh el-beläd, et Zou-l-foqâr, qui lui disputa le gouvernement du Kaire les armes à la main. Leurs deux maisons, lune appelée @äsemyeh et l'autre Zou-Z Jogqäryeh, qui, avant l'arrivée de Hasan ; vivoient en bonne intelligence, devinrent, aussitôt après, ennemies irréconciliables, et se firent, exciices par le pâchà, une guerre à mort qui dura quatre-vingts jours. continuels: Ces deux maïsons, qui avoient leur séjour dans le sein de la capitale, ne vou- lant pas rendre les habitans victimes de leurhaïne personnelle, se donnèrent ren- dez-vous dans une plaine au-dehors du Kaïre, nommée @oblet el- A’zeb,, etià elles alloient chaque Jour se mesurer. Les premiers rayons du soleil éclairoient les pre- imiers coups, êt l'action ne cessoit qu'à son coucher. Après avoir combattu toute la journée, chacun retournoit chez soi par une rue différente. Ce défi, qui se termina par la mort d'Ayouäz, n'altéra en rien latranquillité générele-:1es marchés étoient ouverts et chacun vaquoit à ses. affaires commeusi l'harmonie la plus parfaite avoit régné parmi les chefs. Ayouâz fut regretté de tous: Le peuple de pleura comme un juge équitable, et les beiks ses collègues et ses rivaux, comme un guerrier valeureux : aussi réclama-t-on pour Isma’yl son fils, jeune-homme à la fleur de son âge, le cheykh-belâdat, que le pâchä accorda d'autant plus volontiers qu'il espéroit manier à son gré l'esprit du jeune Ismayl; Zou-I-foqâr, à qui cette ‘charge avoit été promise, s'en vit frustré. | Isma’yl, revêtu du gouvernement düsKaire, se comporta politiquenient al égard de la maison Zou-l-foqâryeh, qui devoit être et éroit naturellement opposée à la siénne. Îl réunit tous ses efforts contre le pächà, dont il connoïssoit les menées secrètes. Sa conduite à l'égard de ce prince fut dissimulée, comme celle que les princes foibles ont coutume de tenir. Il condescendit extérieurement à tout ce que le pâchà voulut, fit travailler sourdement contre lui à la Porte, et parvint à obtenir son rappel. On donna à Hasan divers successeurs qui eurent le même sort, parce qu'ils déplurent à Isma yl. | DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. 167 Tout en se Prééautionnant contre da rivalité de ses COICEUES et les intrigues des pächäs, Isma’yl s’occupoit des devoirs de sa place: il rendoit au peuple une justice désintéressée, comme vont le: prouver les anecdotes suivantes. Ün négociant du Kaire, nommé © #män, avoit livré à un qapygy arrivé à la or pour une mission importante, trois cents f#rg de café sur un billet He à échéance. Pendant le délai, vint de Constantinople un ffrman qui déclaroit traître le qapygy, et ordonnoït au pâchä de le faire décapiter. Les ordres du divan ayant été exécutés, on séquestra au profit du pächà les biens du coupable, parmi lesquels se trouvoient les trois cents alles de café en question. O’tmân, que cet événement imprévu aloït pour ainsi dire ruiner, envoya un de ses amis au cheykh el-beläd pour le prier de s'intéresser en sa faveur et pour lui remettre la créance du qapygy Isma ÿl ayant reconnu toute Îa justice de la demande-du négociant, envoya de suite deux de ses officiers au pâchà pour réclamer sa propriété, et lui exhiber le billet qui la constatoit; le pâchà, plutôt intimidé à la vue des deux députés qu'enclin à faire droit à l'obligation qu'ils fui présentèrent, ordonna la main levée des marchandises, qui furent restituées à leur légitime propriétaire, Voulant ensuite reconnoître le service que le cheykh el-belâd lui avoit rendu, O’tmän le pria d'accepter un riche écrin et plusieurs quintaux de sucre raffiné: mais Isma’ yl les refusa en disant à celui qui en étoit porteur: «Votre ami est dans son droit, ou » non. S'il est dans son droit, je ne veux pas faire tort à sa fortune, en prenant un » don considérable qui la diminueroit. Dans le cas contraire, je ne veux pas qu'il » soit dit que je l'aie aidé à dévorer le bien d'autrui. » L’envoyé, étonné dé ce réfus généreux, revint rapporter à son ami ce qui s'étoit passé, en lui disant qu'il avoit gardé seulement la huitième partie du sucre, dont il avoit donné le prix. O’tmän resta émerveillé d’un désintéressement si rare parmi les grands de l'Orient, qui demandent avec bassesse, exigent avec hauteur, HORS avec effronterie, et ne donnent que par caprice ou ostentation. Laseconde anecdote qui caractérise Isma’ yl, est la suivante. Un scieur de long, homme fort pauvre et son voisin, tous les soirs, en revenant de son travail, sentoit son odorat flatté par le fumet des viandes qu'on préparoit dans la cuisine du cheykh el-beläd, sans pouvoir satisfaire son appétit. Durant le jeûne du rainadän, Isma'yl tenoit, après le coucher du soleil, table ouverte, où étoïent invités tous les récita- teurs du Qorän et autres gens de religion. Le scieur de long saisit cette occasion pour se mêler un jour parmi les conviés et s'introduire au banquet du gouverneur: mais les haïllons dont il étoit à peine couvert, ne plaidant pas en sa faveur, le firent rebuter. Plutôt animé qu'abattu par ce contre-temps, il courut le lendemain chez un qâdy de sa connoïissance; lui emprunta un habillement complet, s'en revétit, et vint se présenter à la porte qui lui avoit été refusée la veille; son accoutrement/ayant facilité son entrée, il s'assit parmi les docteurs de la loi, et se * mit à manger plus qu'eux tous ensemble. Le gouverneur, à qui sa figure commune, ses manières génées et sur-tout sa PRE donnèrent des on qui peut-être avoit été informé, résolut de s'amuser un moment à ses dépens. Le repas fini, comme il alloit se retirer avec ceux parmi lesquels il s'étoit introduit, 168 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE un Mamlouk le pria de la part.du gouverneur de réster. Ce contre-temps le dé- concerta; il commença à maudire son habit et sa gourmandise : mais il fut obligé de se résigner, et d'attendre, dans la position critique où il se trouvoit, la puni- tion qu'il plairoit au beik de lui infliger. Il étoit dans cette situation, quand Ismayl, resté seul avec ses familiers, lui adressa ces paroles : « Docteur, récite- nous le » chapitre du sublime Qorän, #/..... » [lse trouva, par hasard, que le parasite savoit par cœur les premiers versets de ce chapitre. Il paya de hardiesse, et se mit à en réciter les premières paroles ; maïs, plus habitué à se servir de la scie que de la langue, il s'embrouilla bientôt, s'arrêta tout court, et se jeta aux pieds d'Ismayl, accusant sa faute et implorant la clémence du beïk. Celui-ci le releva en riant, et l’admit au nombre de ses serviteurs. On assure qu'Isma’yl fut bien récompensé dé son bon cœur, car il n’en eut pas de plus fidèle. Isma’yl soutenoit depuis seize ans son autorité aux dépens des pächâs,'et au milieu des troubles qu’il suscitoit. parmi ses collègues, quand un acte d’injustice exercé contre un vieux Mamlouk de la maison de Zou-l-foqâr causa sa perte. Ce Mamlouk possédoit un petit bien qui suffisoit à peine à sa subsistance. Un’ Mamlouk d’Isma’yl le convoita; le cheykh el-beläd, sans autre forme de procès, l’enleva à son propriétaire légitime, parce qu'il étoit d’une maison opposée à a sienne, et le donna à sa créature. Le vétéran l'ayant en vain réclamé, vint con- sulter à ce sujet Cherkès, beik qui étoit alors chéf de la maison Zou-l-fogâryeh. Cherkès, l'ennemi naturel d'Ismayl, prit cette affaire à cœur, et s'entendit avec le pâchä, qui dit au vieux Mamlouk: « Tu n'as d’autréemoyen à mettre en usage que _» de tuer ton spoliateur, dont je te donne le haremet les biens. » Il lui désigna le jour du divan pour celui du meurtre. Le Mamlouk, soutenu par le pâchà et excité par sa vengeance, se rendit à l’assemblée, où se trouvoit Isma’yl, et le supplia en ces termes: « Qu'il vous plaise, seigneur, de me faire restituer ma » propriété. » — « Nous verrons cela», dit le bey formalisé d'une démarche aussi haïdie. Peu satisfait de cette réponse, le vétéran revint à la charge ; maïs, n'ayant pu obtenir justice, il tira de son sein un poignard, se précipita sur le cheykh el-beläd, l'en frappa dans l'abdomen, et l’étendit mort au milieu de la salle du divan. Cet homicide fut le signal du meurtre de tous ceux qui tenoïent au bey: ses partisans furént tués ou mis en fuite par des gens armés qui se répandirent dans la salle. Ainsi s'évanouit la puissance d’Isma’yl, dont le cadavre fut transporté dans son palais, et déposé ensuite dans le tombeau de son père, proche la porte du Kaire dite Bab el Loug. Isma’yl, digne d’une meilleure fin, fut regretté comme un prince équitable, bon et religieux. Pendant la durée de son gouvernement, il avoit rempli les devoirs de pélerin. | lg % Cherkès fut ensuite créé cheykh el-belâd ; et Zou-l-foqàr,, ayant été mis en pos- session du harem et des biens d’Isma’yl, devint son antagoniste.. Cherkès chercha à le perdre, parce qu’il commença à le craindre. La marche qu'il se proposa fut celle qu'il avoit suivie contre [sma’yl ; mais elle ne le conduisit pas au même ré- sultat, Zou-lfoqär eut vent de ses desseins, et vint, à la tête de tous les Mamlouks et DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. 169 et des soldats Ottomans qu'il avoit engagés à sonservice, se précipitersur la maison de Cherkès. [1 y eut dans les rues du Kaïre un combat dont le succès ne fut pas long-temps disputé : en un quart d'heure, les gens de Cherkès furent mis dans une déroute totale: et lui-même, accompagné de ceux qui lui restèrent fidèles, gagna le Sa’yd ou la haute Égypte, refuge des beys disgraciés ou malheureux, aban- donnant à Zoud-foqàr, son rival, le cheykh-belâdat, que le pâchà lui confirma. : CHAPITRE XIL Zou-lfogär. O'imän. Ibréhym-kekhoudah. Rodouän-hetkhouda. \ ZOw-L-rociR; parvenu, contre son attente, au cheykh-belädat, eut le sort de ses prédécesseurs. [Il devint l'ennemi de ses collègues, et sur-tout d’un d’entre eux, surnommé Aoz-deffyeh. On luï avoit prédit que cet Abou-deffyeh devoit être Ja caüse de sa ruine; ce qui l'avoit porté à tenter plusieurs fois de le perdre lui- même. N'ayant pu y réussir, il étoit encore occupé à en chercher les moyens, quand on lui fit connoître que Cherkès s’avançoit sur le Kaire à la tête d’un rassemblement qu'il avoit fait dans le Sa’yd. Il expédia contre lui O’tmân, le plus aimé et le plus valeureux de ses Mamlouks. Plusieurs combats malheureux for- cèrent Cherkès à se retirer en Barbarie, et Zou-l-foqâr sévit contre les beys qu’il ‘soupçonna de tenir à son parti. Plusieurs devinrent ses victimes; et les autres, de concert avec l'oualy ou chef de la police et l’'aghä des janissaires, conspirèrent contre lui. Ils résolurent de lui ôter la vie; et un &ffyeh, espèce de sarrau de serge noire, fort large, fut l'instrument dont ils convinrent de se servir. Cepen- dant, avant d'en venir à cette extrémité, ils informèrent Cherkès de tout ce qui se passoit, et lui écrivirent de se joindre à Mostafä el-Qerd, qui se trouvoit dans l'Égypte supérieure, à la tête d’un parti considérable, et de venir attaquer l’en- nemi commun. Îl se rendit au vœu de ses collègues. À son retour sur le sol d'Égypte, Zou-l-foqàr convoqua le collége des prêtres pour le consulter; mais la décision que ce collége porta fut qu'on ne pouvoit attaquer Cherkès avant qu’il se fût refusé à tout accommodement. Cette décision ne s’accordant pas avec ses inté- rêts, parce qu'elle entraïnoit des longueurs, Zou-l-foqâr envoya de nouveau O’tmän, qui combattit Cherkès. Au commencement de l’action, Mostafä el-Qerd fut tué; et Cherkès lui-même, atteint ensuite d'un coup de feu dans le temps qu'il cherchoït à passer le fleuve à la nage, périt au milieu des eaux. On envoya au Kaire sa tête et celle de son collègue. | Pendant qu'O'tmäân faisoit tomber les têtes des ennemis de son maïtre, Zoul- foqär succomboit lui-même sous les coups de ses assassins. Les beys revêtirent un d’entre eux d’un deffyeh, et firent courir le bruit qu'enfin Abou-deflyeh, bey qui étoit son ennemi mortel et qui avoit coutume de porter ce vêtement, avoit été saïsi et arrêté. L’aghà des janissaires vint donner cette nouvelle à Zou-- foqâr, qui lui commanda de l'amener en sa présence: ce qu'il fit sur-le-champ. Zou-l-foqär venoit de faire ses ablutions quand Abou-deffyeh parut devant lui. La É. M. TOME IL. Ë 170 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE joie lui faisant oublier la prudence, il lui fit ôter le vêtement dont il étoit entière- ment couvert. Cette action fut pour lui le coup de la mort; car le faux Abou deffyeh ne s'en vit pas plutôt débarrassé, que, saisissant un pistolet qu’il tenoït caché, ille déchargea dans l'estomac de Zou-l-fodàr, qui mourut sur l'heure, lan 1 142 de l'hégire, à deux jours de distance de son rival. O’tmân accourut de la haute Égypte pour venger sa mort, et entra dans le Kaire, faisant maïn-basse sur tous ceux qu'il rencontroit. À ce carnage, qui futaflreux, succéda un autre désastre. Moham- med, un des beys qui s’étoient soustraits à la vengeance d'O’tmän, voyant le cheykh-belêdat vacant, chercha à s'y élever sur les cadavres de ses collègues. II s’entendit à ce sujet avec Sälh, son kâchef et son confident, et convint avec lui de les immoler au milieu d’une fête qu'il leur donneroit. En effet, plusieurs d’entre eux s'étant rendus à un festin qu'il avoit fait préparer, furent massacrés, à un signal convenu, par des homimes qui s’élancèrent sur eux d’un appartement voisin. Mohammed ne jouit pas néanmoins de sa noire scélératesse; il fut du nombre des victimes; et Sälh, voyant ses espérances ruinées, se retira à Constantinople, après avoir mis sur les marches de la mosquée Hasaneyn les têtes des beys immolés, et avoir placé devant chacune d'elles, des couffes ou paniers de son, pour don- ner à entendre qu'elles avoient appartenu à des êtres indignes de porter le nom d'homme. À peu près à la même époque, le Kaire fut désolé par la peste connue sous le nom de peste de käon. Fe fut annoncée par un santon ou saint, noir de couleur, qui, parcourant les rues de cette ville, crioit 4éou, käou, c'està-dire, #rälure, brilure, et alla se précipiter dans une fournaise où il périt consumé. Cette peste sévit d’une manière horrible, et fit des ravages d’autant plus affreux, que l'anarchie empêchoit qu'on ne les arrétât. O’tmân, Mamlouk de ZI, lui succéda dans le cheykh-belädat, et créa beys plusieurs de ses Mamlouks, à la place de ceux qui avoient péri pendant les troubles. Il fut équitable; tout le monde bénit son administration : il ft dé- capiter un des nouveaux beys, qui s'étoit permis des concussions dans une des provinces où il étoit chargé de lever l'impôt. L'acte de justice ‘qu'il ft à ee d'un pauvre änier du Kaire, mérite d'être cité. … Cet ânier trouva dans le massif de la maçonnerie qui formoit la mangeoire de son âne, un vase plein de monnoies d'or, qu'il courut, tout Joyeux, remettre entre des maïns de sa femme, en lui recommandant la prudence et le secret, parce que, si l'on venoit à le savoir, il en seroit dépouillé, les trésors découverts appar- tenant en Orient à ceux qui gouvernent. Celle-ci, au lieu d'écouter son mari, exigea de lui qu'il la couvrit de riches vêtemens, de bijoux, et qu'il la conduisit au pélerinage. Il s'y refusa, en lui en remontrant les conséquences. Irritée de ce refus, elle alla le dénoncer au cheykh el-belâd, qui le fit comparoître, et qui, après avoir entendu ses raisons, le renvoya absous en lui disant : « Garde ce que » Dieu ta donné, répudie cette malheureuse, et jouis en paix du bien qu'elle » vouloit te faire perdre. » À cette décision pleine de générosité, l’ânier tomba aux pieds du gouverneur, les arrosa de larmes , les couvrit de baïsers; et riche désormais DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. Ar sans crainte, il se retira en comblant son bienfaiteur de toute sorte de bénédictions. O’tmän eut la douleur de voir la famine remplacer la peste. Nouveau Bybars, il ouvrit ses trésors et ft renaître l'abondance. Cependant, malgré la sagesse de son administration, il ne put se mettre à l'abri de l'ambition d’Ibrâähym et Ro- douän, tous deux kyéhyah ou ketkhoudah. H y a un ketkhoudah chargé de la police de chaque corps de troupe, aïnsi que de la justice à rendre aux soldats. Ibrähym étoit ketkhoudah des janissaires, et Rodouân, des 4’ze4. Ils avoient été l’un et l'autre Mamlouks, lun dans la maison dite «/ Qazdaglyeh, qui doit sa fondation à un sellier enrichi, et l'autre dans celle dite e/-Gelfyeh, qui doit sa fortune à un certain Ahmed el-Gelfy, lequel s'étoit avancé de la manière qui suir. Un Mamlouk inconnu vint un jour faire une provision d'huile dans la manufacture où ce Gelfÿ étoit simple journalier, et la lui fit porter chez lui. La jarre qui la con- tenoit étant déposée, il attendoït son salaire, quand le Mamlouk le pria de l'aider à cacher dans l'épaisseur d'une muraille un trésor qu'il vouloit dérober à la convoi- tise de ses camarades. Gelfy se rendit à ses instances, le mura, reçut un sequin et se retira content. Trente jours après, comme il passoit dans la même rue, il apprit, par un rassemblement qui étoit à la porte du Mamlouk, que celui-ci étoit mort, ét que sa maison étoit en vente. II l'acheta, en acquitta la valeur avec l'or qu'il s'appropria, et se retira à Singelf, village de la haute Égypte; là, développant petit à petit sa fortune, il devint le chef d’une maison puissante. Ibrähym et Rodouän étoient aussi opposés de fortune que de caractère; l’un étoit pauvre et entreprenant , pendant que l'autre étoit riche et apathique. Le pre- mier étoit devoré d'ambition ; et le second, toujours entouré de chansonniers, de musiciens, et de la fumée des parfums les plus suaves, ne songeoït qu’à ses plaisirs. Ibrähym, qui avoit besoin de la fortune de Rodouân, en fit son ami: mais, avant de s'en servir, il épousa la fille d'un riche marchand, nommé Mohammed el- Bäroudy. W acheta, avec les biens de sa femme, la faveur du pâchà, le secours des Mamlouks vétérans et autres soldats, un bon nombre de Mamlouks, et il cor- rompit les premiers officiers de la maison d'O’tmân. Il fut enfin créé bey avec Rodouân, et ils se réunirent d’intérêt et de fortune. O’tmän, effrayé de la rapidité avec laquelle ils s’'étoient avancés, se concerta, pour couper court à leurs intrigues, avec trois maisons puissantes : celle d'Ibrähym- bey el-Qotämych, qui comptoit trois beys dans son sein ; celle d’A’ly-bey el- Domiäty, qui en comptoit deux; et celle d’A’ly-ketkhoudah el-Touyl. H fut convenu d’attenter à leurs jours en plein divan. Ce complot auroit sans doute eu son exécution, si un certain Ahmed Sokry, intendant du cheykh el-belâd, n’en eût prévenu Ibrähym; celui-ci fit part à Rodouân du danger qui les menaçoit, et se lia plus étroitement avec luf pour déjouer le projet de leurs ennemis et leur tendre le piége suivant. [ls postèrent des émissaires armés dans les rues qui con- duisoïent au château; et lorsqu'O’tmän s'y fut engagé, ils s'attroupèrent autour de lui afin de se saisir de sa personne: mais il se débarrassa d’eux en piquant son cheval, et se rendit à son palais, où, d’après les conseils du même Sokry qui l'avoit déjà trahi, il se prépara à passer en Syrie, I[ étoit en marche pour Gaza, et étoit É. M. TOME Il. | Le 172 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE déjà arrivé au village d’el-Achrifyeh (basse Égypte), quand Ahmed Sokry, sous prétexte de protéger ses derrières, le laissa défiler avec ses bagages, et se retira, à la tête des Mamlouks qu'il avoit pu corrompre, vers Ibrähym-ketkhoudah, qui le fit créer bey. O’tmän arriva en Syrie, d’où il se rendit à Constantinople, et obtint le pâchälik de Brusse qu'il exerça jusqu'à sa mort. Le jour qu’il abandonna le Kaiïre, le peuple pilla son palais et se partagea ses dépouilles. Après l'expulsion d'O’tmän, qui arriva l'an 1156, Ibrähym et Rodouäân, n’ayant plus de concurrens, s'occupèrent de lanéantissement des maisons qui s’étoient alliées contre eux. Rodouän se chargea en particulier de la perte d’A’1y-ketkhoudah el-Touyl, et profita de l’occasion d’une fête donnée par ce dernier pour le faire . assassiner. [l ordonna au plus affidé de ses serviteurs de s'adjoindre deux com- pagnons, de se glisser armé dans la foule des curieux, et de faire feu sur A’ly aussitôt qu'il croiroit l'instant propice. Le serviteur remplit en partie les intentions de son maître, tira de dessous ses vétemens une arme à feu, la déchargea vers le lieu où le proscrit étoit assis, et s'enfuit au milieu du tumulte que l'explosion causa. L’arme mal dirigée, au lieu d’atteindre le ketkhoudah, frappa et étendit mort à ses côtés celui de ses Mamlouks qui étoit le plus près de sa personne. Échappé à un péril aussi imminent, il fit courir après l'assassin et ses deux com- plices, qui furent atteints, et qui payèrent de leur tête la mort du Mamlouk et l'attentat essayé sur A’ly-ketkhoudah. | Ibrähymm réussit mieux dans la perte de ses rivaux. Comine il étoit soutenu par le pâchä, ses projets ne pouvoient qu'avoir d’heureux résultats. Cependant, afin de mieux s’en assurer la réussite, il débaucha, à force d'argent, Soleymân, intendant de la maison d’A’1y-bey el-Domiäty; et le jour du divan, qui étoit le jour convenu entre le pâchä et lui pour le temps et le lieu du meurtre de ses ennemis, ille fit cacher dans les environs de la salle, pendant que lui, posté à la porte des janissaires, et Rodouân à celle des A’zeh, attendoïent que les beys vinssent se rendre, selon la coutume, au divan. À peine s’y furent-ils introduits, que Soleymän, à un signal convenu, les assaïllit au moment où ils s'y attendoïent le moïns, et massacra tous ceux qu'il put atteindre. Khalyl-bey, de la maison Domiäty, et Mohammed-bey, de celle de Qotämych, furent les premières victimes de cette trahison. A’ly-bey el- Domiäty, et O’mar bey-ballât, de la maison Qotämych, eurent bien, à la vérité, le bonheur de se sauver; maïs, poursuivis ensuite par Île pächà en personne, à qui se joignirent Ibrâähym et Rodouân, ils furent joints et massacrés presque aussitôt. On ignore ce que devinrent les cadavres de tant de beys immolés; ceux de Khalÿ1 et de Mohammed furent les seuls que l'on retrouva et auxquels on rendit les honneurs de la sépulture. De tant de beys alliés il ne restoit plus qu'Ibrähym Qotâmych et A’ly-ket- khoudah el-Touyl qui donnassent de lombrage ; mais on en fut bientôt délivré. L'un, fbrähym, ne survécut que peu de temps à sa disgrace et mourut de chagrin; et l'autre, A’ly-ketkhoudah el-Touyl, alla finir ses jours au sein d’un exil auquel il se condamna lui-même, abandonnant aux deux 4etkhoudah Ibrähym et Rodouân l'autorité qu'il avoit voulu leur disputer. DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. 173 CHAPITRE XIIL Ibrähym. Hoseyn-Khachchéb. Ibréhym pour la seconde fois. Rodouän. Hoseyn-bey el-Magtoul, Khalyl. A’ly-bey. IBRÂHyM et Ropou Ân s’emparèrent des premières places. Ibrähym fut nommé au cheykh-belädat, qu'il avoit ambitionné, et Rodouän, à l'émyrat des pélerins, qu'il ne recherchoït pas; et tous deux retournèrent à leurs habitudes, c’est-à-dire, Ibrähym à ses projets, et Rodouân à ses plaïsirs. La conduite administrative du nouveau cheykh el-beläd fut diamétralement opposée à celle de son prédécesseur. Il méprisa l'autorité du pâchä, abusa de la place qu'il avoit acquise aux dépens de ses trésors, et, pour réparer ses pertes, n'épargna ni proscriptions niavanies. M fit jeter Soleymän, dont il s'étoit servi, et dont il n’avoit plus besoïn, dans les cachots de la citadelle, et il ne lui rendit la liberté qu'après lui avoir fait regorger avec usure l'or qu'il lui avoit prodigué. Il attaqua ensuite les riches, et s'empara de leurs biens après les avoir exilés ou fait mourir : en un seul | jour, il confisqua plus de quatre- Ying maisons particulières. pilla les villages, et même les boutiques des détailleurs, s'appropria les revenus de FÉtat, augmenta les droits de douane. Il ne conserva que les seuls corps des Janissaires et des A’zeb, auxquels il abandonna le produit de la douane de Bouläq et la ferme du sel : les autres corps encoururent son ressentiment pour navoir pas voulu prendre parti pour lui. Enfin lui et son collègue, avec qui il partageoit.ses déprédations, furent pour les habitans de l'Égypte des hydres dévo- rantes. La terreur étoit générale, et la consternation publique. On eut recours au pâchä, qui parla sans être écouté, et qui, courroucé d’un tel mépris, chargea un des beys, nommé Æoseyn bey-khachchäb , du soin de venger son injure particu- lière et l'injure publique, lui promettant le cheykh-belädat, s'il parvenoit à délivrer l'Égypte des deux alliés. Hoseyn prit si bien ses mesures, qu'ils furent arrêtés tous deux un jour qu'ils se rendoïent ensemble à la citadelle. On les y garda à vue. Étonnés de l'audace qu'on avoiteue de les saisir, Ibrähym et Rodouân Nosencr ent d'abord quelque crainte, qu'ils secouèrent néanmoins aussitôt pour s dcuper de leur délivrance. Is eurent recours pour cela au cheykh A’bd-allah el-Cha’râouy, grand cheykh de la mosquée des Fleurs et ami particulier de Rodouân. Il semploya de bon cœur en leur faveur, et se transporta chez Hoseyn, qui venoït d’être nommé cheykh ekbeläd, pour lui proposer des accommodemens. Au lieu d'y prêter l'oreille, par considération pour le personnage qui les lui offroit, Hoseyn répondit avec humeur et menace : « Cheykh, reste chez toï:; sinon je t'envoie à Ibrym. » Ibrym est un village qui confine avec l'Égypte et f Abyssinie. « Nous verrons, s'écria le » cheykh, justement courroucé de cette réponse, qui de nous deux, chien, sera chassé à [brym. » Il alla sur-le-champ trouver les deux prisonniers, et leur dit: « Levez- vous et forcez le pâchä à se rendre chez Hoseyn, parce que c’est lui > qui l'excite contre vous. » Ils firent ce que le grand cheykh leur commanda. Le pächä sortit de la citadelle, non pour arranger les affaires des beys, mais pour V NV ÜU I 7 À ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE les ruiner. Il se fit précéder par cette proclamation : Que ceux qui obéissent à Dieu et au Sultan, se rendent avec nous auprès du cheykh el-beläd ! Cet appel, qui n'avoit d'autre but que de soulever le peuple contre Îes beys, leur ayant été communi- qué, ils envoyerent sur-le-champ avertir Mohammed - bey, dont la mère avoit épousé Rodouân, et qui avoit son palais sur la route que le pächà devoit tenir, de s'opposer à ce qu'il passât outre. Mohammed, d’après cet avis, plaça aux avenues de son palais des gens armés, qui assaillirent d’une grêle de balles le pâchà qui s'y présenta, tuèrent deux de ses gardes à ses côtés, et le frent tomber lui-même sans connoissance. Le voyant en cet état, Mohammed le fit transporter à son pa- lais, lui administra toute sorte de secours, et, lorsqu’ il eut repris ses esprits, luï dit, en feignant le bon serviteur : « Seïgneur, la multitude de en armés qui obstrue » la rue; me fait craindre pour vos jours. Restez ici jusqu'à ce que le tumulte soit » dissipé. » Le pâchà remercia le bey de son attention apparente, et accepta le refuge qui lui étoit offert. Mohammed envoya dire à Hoseyn-bey: Le pächä vient d'être tué; tremble pour toi. Saisi de terreur à cette nouvelle, Hoseyn-bey fit monter à cheval tous ses Mamlouks, gagna la haute Égypte , et de là Ibrym, où, exilé peu de temps après sa fuite, il alla terminer ses jours. Cette révolution valut la liberté à Ibrâähym et à Rodouän, qui, ayant fait la paix avec le pâchà par l'entremise du cheykh A’bd-allah, reprirent une seconde fois les rênes du pen Quelque Eu après cette réconciliation factice, le pâchà fut mandé à Constantinople, où on le fit mourir. Avec la reprise de l'autorité absolue, les CHER recommencèrent, Un nombre infini de personnes de toutes les classes, et même de beys de la propre création d'Ibrâähym et Rodouân, tombèrent victimes de leurs soupçons et de leur avidité. Ceux qui, par le sacrifice de leur fortune, purent se soustraire à leur _ fureur, mirent leurs jours à l'abri par un exil volontaire. Parmi ces derniers, on compte A’bd-el-Rahmän ketkhoudah, fils du patron d’Ibrähym, qui se retira à Tfayneh proche Rosette. | | La désolation étoit à son comble : on desiroit un libérateur; maïs personne mosoit le devenir. Le hasard fit ce que la peur avoit empêché de tenter, et la ruse, ce que la force n’avoit pu opérer. Ibrähym tomba malade : les beys se ser- virent de l'ami d'Ahmed el-Asty, son barbier et son chirurgien, pour se défaire de lui. Ahmed el-Asty reçut des mains du serviteur gagné un remède que celui-ci lui assuroit devoir être très-efficace contre la maladie de son maître, et le portassans malice au cheykhel-beläd, qui, se méfiant, dit au barbier: « Goûte-e et me le donne.» Asty, de bonne foi, le goûta, et le remit à Ibrähym, qui, l'ayant pris en même temps, inourut avec lui au milieu des plus horribles tourmens, lan 1162. Ainsi finit cet homme qui forma tant d’intrigues et fit verser tant de sang. Victime ‘d'un breu- vage perfide, il repose actuellement oublié au fond d'un tombeau près de limâm Châfe’y. Il construisit des mosquées, des oratoires, croyant par - là expier ses cruautés; mais ces édifices, ouvrages de l’orgueil et non de la piété, sont autant de monuméns qui déposent contre lui. Rodouân le remplaça, et eut pour antagoniste un bey nommé /'émyr Hoseyn- DES MAMLOUKS D ÉGYPTE. 17S$ bey el-Magtoul, qui, ayant réuni les Mamlouks d'Ibrähym autour de lui, devint chef de sa maison, et demanda à Rodouän le cheykh-beladär, qu'il disoit lui appartenir à ce titre. Sur son refus, ilmonta un certain jour à la citadelle, s'empara, avec l’aide de ses Mamlouks, des batteries qui commandoient la place dite Birket el-Fyl, où Rodouän avoit son palais, et le battit en brèche. Rodouân étoit occupé à se faire raser, lorsqu'une pluie de boulets et de mitraïlle vint tomber dans sa cour et briser ses vitres. Il reconnut qu’on en vouloit à sa personne, et se fit amener un cheval. I| étoit à peine en selle, qu'une balle lui cassa la jambe. Malgré sa blessure, il n'en continua pas moins, à la tête de ses Mamilouks, la fuite qu'il avoit projetée, jusqu'au village dit Cheykh-O'tmän, où la douleur le força de s'arrêter, et où le destin avoit fixé le terme de ses jours : il y mourut, et ses restes sont encore déposés dans un petit tombeau qu'on lui érigea auprès de celui de louâly du lieu. | Hoseyn-bey prit la place de Rodouân qu'il avoit chassé, et chercha à se con- cilier l'amitié de ses collègues; mais comment devenir l’ami de ses rivaux! I étoit à peine cheykh el-belâd, qu'il fut attaqué par eux dans un lieu dit Mogäteb el nachchäb, c'est-à-dire, L Banc des flèches, où il étoit occupé à surveiller les évolutions de ses Mamlouks. Ce lieu, nommé ainsi parce qu'on s'y exerçoit à tirer de l'arc, est situé dans la plaïne qui sépare le Kaïre de la ferme d’Ibrähym-bey. C’est là que les beys les uns après les autres avoient coutume, à des jours déterminés, de présider aux exercices de leurs Mamlouks, assis sur des tapis étendus à ceteffet. Le banc des flèches fut pour le cheykh el-belâd le lit de la mort : dans le moment où les évolu- tions avoient éloigné ceux qui pouvoient le défendre, il fut attaqué inopinément par deux assassins qui fondirent sur lui le sabre nu, et le taïllèrent en pièces. Ils portèrent à ceux qui leur avoïent commandé cé meurtre, ses lambeaux sanglans réunis dans une valise de cuir, Et qui, transportés ensuite sur un äne à son palais, furent lavés et déposés au Qoräfeh, nom du cimetière des grands. Khalyl succéda à Hoseyn-bey el-Magtoul. I commença son gouvernement par de nombreuses proscriptions. Il exila à Geddah A’hd-el-Rahmân ketkhoudah, qui, après la mort d'Ibrähym, étoit sorti de son exil de Tfayneh,, et vivoit tranquillement au Kaire. Les aumônes de celui-ci, ses dépenses pour l’embellissement et les réparations de diverses mosquées, la construction de celles de Sitty Zeynab et de Sitty Nefyçah, l'établissement qu'il fonda pour les veuves sans ressource, et le collége dont il en- richit le Bymäristän, ne purent plaider en sa faveur auprès du cheykh el-belâd; il lui fallut subir son sort. Il se rendit à Geddah avec la satisfaction d’avoir fait le bien et la douleur de s'en voir si mal récompensé. Ceux qui lui étoïent attachés, l'y suivirent. | La perte d’A’ly-bey surnommé «/Gendäly, dont l'histoire commence ici, occupa toutes les pensées de Khalyl, qui songea sérieusement à s’en défaire, parce qu'il craignoit son génie et qu'il prévit sa fortune. Cet A’ly, qui est le fameux A’ly-bey, chercha de son côté à supplanter le cheykh el-belâd, qu’il regardoit comme son inférieur en talens, pour se venger d’avoir été omis dans les promotions faites à la mort d'Ibrähym, et il y travailla de tous ses moyens. Parmi les beys élevés en 176 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE dignité avec Khalyl, on en comptoit deux qui avoientété élus, lun, A’ly-bey el- Qaräouy, prince des pélerins, et l'autre, O’tmän-bey Gorgâouy, prince du Sa’yd. A’ly Gendäly vouloit attirer A’ly el-Qarâouy dans ses intérêts. Il s’en étoit ouvert à un autre bey dit Hoseyn-bey-kechkech, qu'il ne savoit pas envieux du poste de. Qaräouy, qui le trahit, et qui lé dénonça au cheykh el-belad. Fl-Qarâouy fut exilé à Gaza, son dénonciateur eut sa charge. A’ly-bey, qui vit par-à ses desseins avortés, s'exila au village de Nouäçat, où ïl alla combiner de nouveaux plans qui le rappelèrent au Kaire,.mais pour peu de temps. Il fut attaqué au sein de la capi- tale par les partis de Khalyl et de Hoseyn-bey-kechkech, et contraint, après un combat sanglant et vaïllamment soutenu, à retourner au Sa yd pour y préparer une nouvelle vengeance. Les deux beys, débarrassés, au moins momentanément, d’A’ly, remplacèrent les beys qui avoient fui, par des Mamlouks de leurs maïsons, et se réunirent pour la perte d'O’imân-bey Gorgäouy, qu'ils accusèrent devant le pâchâ d’avoir favorisé la fuite d'A’ly, en l'accueiïllant dans son gouvernement, et demandèrent sa punition. « Faites ce que vous voudrez, leur dit le pâchä; je n'entre pas dans » de pareilles affaires. » Prenant cette réponse équivoque pour un consentement, ils fondirent un jour de beyrâm sur O’tmän, qui se rendoit à la citadelle pour complimenter Le pâchà, et le taillèrent par morceaux, au milieu de la place dite Qarä-meydän, avec tous ses Mamlouks. Hasan-bey-Boukhyreh, soupçonné d'être son ami, éprouvasle même. sort. | Le massacre d'O’tmân n’empêcha pas A’ly de s'unir à Sälh-bey, Mamlouk de Mostafä el-Qerd, réfugié comme lui, et de venir avec lui demander raïson à Khalyl et à Hoseyn de laffront qu'il avoit reçu d'eux. Les quatre beys se joignirent proche du Kaire, et il y eut entre eux un engagement qui tourna à l'avantage d’A’ly et de son allié. Ils poursuivirent leurs ennemis à travers la province de Qe- lyoub, les atteïgnirent au village de Mesged el- Khodrah sur les bords du Nï, les combattirent de nouveau, et les obligèrent à s’enfermer dans Tantah, gros village de la province de Gharbyeh. Pour les y forcer, A’ly envoya Mohammed sur- nommé Abou-deheb, qui jouera un rôle dans le chapitre suivant. Le village fut pris d'assaut. Hoseyn-kechkech y fut fait prisonnier, et décapité. Quant à Khalyl, comme il s'étoit réfugié dans la mosquée d’Ahmed el-Bedaouy, qui est en très-grande vénération chez les Mahométans, il fallut en faire le blocus pour ne pas en profaner le sanctuaire. Mohammed l’investit donc de toutes parts, et attendit que le manque de vivres lui livrät KhalÿL Celui-ci se soutint trois jours; maïs, la faim le pressant, il hasarda une sortie dans l'espoir de s'ouvrir quelque passage. Cette action de désespoir ne put le préserver de tomber entre les mains de Mohammed Abou-deheb, qui fit décapiter tous ses Mamlouks et envoya leurs têtes au Kaire. A’ly les fit promener dans toutes les rues, et exila Khalyl à Alexan- drie, où il le fit ensuite étrangler. Ces divers succès assurèrent à A’ly une autorité presque absolue. , CHAPITRE XIV. DES MAMLOUKRS D'ÉGYPTE. 77 CHAPITRE XIV. Aly-bey. Mohammed Abou-dcheb. Isma y! CE fut en 1178 de l’hégire qu'A’ly-bey, délivré par Mohammed Abou-deheb de ses plus mortels ennemis, fut proclamé cheykh el-beläd. Cette dignité lui assu- rant une suprématie décidée, il voulut prouver par sa conduite qu'il la méritoit: il rendit justice à tous, purgea les routes des Arabes voleurs, et s'appliqua à faire le bien. Chacun le bénit comme un prince quiavoit fait succéder la tranquillité aux horreurs d’une guerre de faction. Il avança ensuite ses créatures. Mohammed Abou-deheb fut créé bey. Le jour où il reçut l'investiture, fut un jour de prodigalité. Ce nouveau bey fit jeter au peuple des monnoies d’or de trente-neuf sous environ, au lieu de parats qu'avoit coutume de répandre chaque individu qui le devenoit. C'est cette profusion d'un genre nouveau ui Jui valut le surnom d’Abou-deheb, qui signifre pére de l'or. A'ly, qui avoit ses Vues, qui aspiroit à la royauté et vouloit devenir indépendant de la Porte Ottomane, prit ses mesures en conséquence. Sous le moïndre prétexte, il destitua ou éloïgna des emplois civils et militaires les chefs des corps des Ogäglr, et les remplaça par des gens à lui. Des sept corps Ottomans il ne toléra que celui des janissaires, parce qu'il les craignoit; mais il les tint tellement sous sa dépen- dance, qu'il les mit hors d'état de remuer. Il retarda le paiement de leur solde pendant des semestres entiers; et lorsqu'il ne put s'empêcher d'y satisfaire, ül l'aêquitta moitié en numéraire et moitié en rescriptions qui perdirent jusqu'a quatre-vingt-dix-sept pour cent. [l en résulta un agiotage dont il profita : il les faisoit retirer, et s'en servoit pour le paiement de son myry. Cette manière d’acquitter ses dettes avoit le double but de rembourser avec des valeurs idéales des sommes réelles, et de dégoûter les janissaires, qui, voyant leur paye réduite à moitié, cherchèrent d'autres moyens de gagner leur vie : les uns oublièrent dans l'exercice de leurs professions le métier des armes; et les autres qui n'en avoient pas, allèrent servir aïlleurs. Ayant diminué le nombre des soldats Ottomans, il augmenta celui de ses Mam- louks, et enrôla une grande quantité de Barbaresques. A près cela, il envoya dans la Bahyreh, province de la basse Égypte, un de ses Mamlouks, nommé Aed, pour la purger des Arabes pillards qui l’imfestoient. Ahmed en fit une telle boucherie, qu'elle lui valut le surnom de Gezzär, c’est-à-dire, foucher, et le titre de bey. Dans le même temps, il chargea Mohammed Abou-deheb de l'assassinat de Sälh- bey, auquel il s'étoit uni dans ladversité et dont il craignoït la concurrence. Mohammed se prêta d'autant plus volontiers à cette action infame, qu'il le regar- doit lui-même comme un rival; et il se servit, pour l'assassiner, du bras d’Ibrâähym qui devint dans la suite cheykh el-belàd. Ce fut au sortir d'une visite faite à A’ly- bey, que Sälh, accompagné de Mohammed, tomba, dans ie quartier du Kaire dit Soueygat el À’sfour, sous le fer d'Ibrâhym, qui fut incontinent créé bey. Le meurtre de Sälh fut suivi de la destruction totale d'une maison puissante connue sous Îa É. M. TOME IL. 2 170 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE dénomination de Felläluite. Ele descendoit de Felläh, Mamlouk de Solymân- ketkhoudah, qui trahit O’tmän pour Ibrähym. Ce Felläh dut sa fortune à sa jeunesse qui le fit aimer des femmes de son maître, et il employa ses richesses, suivant la coutume du temps, à l'achat de Mamlouks qui, s'étant avancés et ayant acquis eux-mêmes d’autres Mamlouks, le rendirent chef de la maïson Fellähite. Cette maison, du temps d’A’ly-bey, comptoit environ quatre-vingts patrons, pour là plu- part propriétaires de plus de cent Mamlouks. Ce deëre dé force ayant rendu les Fellähites redoutables au cheykh elbelâd, celui-ci s’empara de la citadelle, et leur enjoignit, par le canal d’Ahmed -Gezzär, de sortir du Kaïre, menaçant, sur leur refus, de les écraser. Plusieurs obéirent à cette injonction ; et ceux qui s’y refu- sèrent, périrent, ou rachetèrent leur vie au poïds de l'or. Ii fut défendu à ceux qu'on épargna d'avoir plus d'un Mamlouk en propriété. Mohammed, pâchà et vizir d'Égypte , attira ensuite les regards d’A’ly, qui, voyant en lui un supérieur incommode, le chassa du Kaïre, et lui fit reprendre ignomi- nieusement le chemin de Constantinople. Ce dernier coup d'autorité développa son caractère à-la-fois humain et dur: humain par politique, et dur par intérét. II se vit obligé de pressurer les riches pour faire face à ses dépenses; et c’est pour couvrir le déficit de ses finances qu’il exigea des propriétaires de biens-fonds les impôts d’une année anticipée, qu'il s'appropria les douanes, les revenus des pâchäs, et divisa les villages en trois classes, qu'il imposa, ceux de la première à cent, ceux de la seconde à cinquante, et ceux de la troisième à vingt-cinq piastres d'Espagne. Outre les vivans, il mit encore les morts à contribution. Il créa unvdroït de sépul- ture, qui se payoit à la porte des cimetières; droit renouvelé des Pharaons. Maäfré ces impôts arbitraires, il s'occupa de l'administration. I voulut tout voir par lui- même, se montra compatissant à l'égard du pauvre, et intraitable pour le riche. Il défendit à ceux qui dépendoïent de lui de se mêler d’aucune affaire sans sa partici- pation , et sévit avec la dernière rigueur contre ceux qui contrevinrent à ses ordres. Les concussionnaires principalement encoururent sa colère. Ces impôts exorbitans, cette administration rigoureuse, amortirent le peu d'énergie que le peuple d'Égypte conservoit encore, et le jetèrent dans cet état d'inertie où il languit aujourd'hut. Dans ce même temps, Mohammed Abou-deheb laissa percer quelques étincelles d’ambition qui donnèrent de l'ombrage à A’ly. Afin de le tenir en haleine, Aly J'envoya contre le cheykh Arabe Hamäm, qui tenoiït toute la haute Égypte sous sa dépendance. Ce cheykh étoit redoutable tant par le nombre des combattans qui Jui obéissoient, que par son ame grande et généreuse qui lui faisoit accueillir tous ceux qui avoient fui les troubles de la capitale ; ce qui avoit grossi d'autant son parti. Mohammed, suivi de son bonheur accoutumé, attaqua le cheykh, le tua, et acquit, par cette victoire, à A’ly son maître, la possession de toute Éoi supérieure. Mohammed , après Cette expédition, retourna au Kaire dans intention de faire périr Ahmed-Gezzâr, parce qu'il DRE oNE que celui-ci ne le prévint dans le dessein qu’il méditoit contre A’ly, leur maître et leur bienfaiteur. [1 mit pour cela en usage une ruse qui échoua. Le vainqueur de là haute Égypte n'eut pas honte DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. 179 d'employer la perfidie contre le pacificateur de l'Égypte inférieure. Ahmed possé- doit un sabre renommé par la finesse de sa trempe et la richesse de sa monture. S'en trouvant ceint un jour en la Compagnie de Mohammed , celui-ci, qui vouloit le faire servir à ses desseins, lui dit : « Voyons, Ahmed, si la lame de ton sabre » répond à sa réputation. » — « Mon sabre ne se tire que pour frapper » , lui répliqua Ahmed, qui avoit deviné sa pensée. À ces paroles, il se leva, quitta sur-le- champ le Kaire, échappé, pour ainsi dire, à son propre glaive, et se retira à Constan- tinople , où il obtint lé pächälik de Saïnt-Jean-d’Acre, qu’il exerça jusqu’à sa mort. La conquête du Sa yd donna à A’ly le goût d'en entreprendre d’autres. On lui donna à entendre quercelle de l’Yémen lui seroit aussi facile que profitable; il en adopta l'idée, et chargea Abou-deheb de son exécution. Glorieux de conduire une telle entreprise, Abou-deheb traversa les plaines arides de l’isthme de Soueys, passa les gorges difficiles d’el-O’qbah, renversa les Arabes qui voulurént lui barrer le chemin, attaqua la Mecque, la prit, la pilla, en chassa le chéryf, mit à sa place son cousin A'bd-allah, qui envoya, dit-on, en reconnoissance une patente de sultan à A’ly, et retourna au Kaïire avec A’bd-el-Rahmän, qui sembh n'y revenir que pour occuper le tombeau qu'il s'étoit préparé dans la mosquée des Fleurs; car il mourut quinze jours apres son arrivée. Pendant que Mohammed emportoit la Mecque, un autre bey, Hasan, envoyé par A’ly, s'emparoit de Geddah et autres ports situés sur les rives de la mer Rouge, et seuéroit le surnom de Geddäouy, sous lequel il fut connu depuis. Tant de succès non interrompus portèrent A’ly à secouer le joug de la Porte, alors occupée avec les Russes et hors d'état de le châtier. I demanda aux Mosco- vites leur assistance, etenvoya Mohammed au secours du cheykh Däher, quiétoit en rebellion ouverte avec les pâchäs de Syrie. Dâher, aidé de Mohammed, s’empara en peu de temps des places fortes de la Palestine, et alla assiéger Damas, qui étoit sur le point de se rendre, quand, par un esprit de vertige ordinaire chez les Mahométans , Abou-deheb quitta spontanément le siége et s'enfuit au Kaire, où il arriva au moment que l’on s’y attendoit le moins. Une conduite aussi étrange réveilla les soupçons d’A/ly, qui voulut l'en punir. Mohammed étoit au Kaire: A y; espérant empêcher lévasion de son Mamlouk, en fit fermer les portes, avec ordre de ne les ouvrir pour qui que ce fût: mais le favori de la fortune se rit des efforts de son ennemi. Mohammed se présenta à une des portes, se disant chargé d'ordres d’A'ly : elle lui fut ouverte, et il gagna le Sa yd, où il se composa un parti formé de mécontens et d’Arabes, et revint À leur tête demander raison à son maître. A’ly, à la nouvelle de l'approche de Mohammed, marcha contre lui, fer- mement persuadé qu'il aHoït le châtier; mais il ignoroit qu'il étoit entouré de traîtres, et qu'Ismayl-bey, commandant de sa garde , en étoit le chef : celui-ci avoit informé Mohammed, avec qui il entretenoit une correspondance coupable, qu'il pouvoit s'avancer en toute assurance contre le Kaïre. Mohammed étoit arrivé au petit vil- lage de Baçätyn, province d’Atfyeh, lorsqu'A’ly donna ordre à Isma’yl d’aller réprimer J'insolence de ce Mamlouk rebelle: maïs Isma yl, au lieu de le combattre, passa avec les siens au parti ennemi. Cette trahison inattendue ayant ruiné les affaires d’A’ly, É, M. TOME IL. LE 180 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE il se retira au Kaire, fit charger précipitamment ses trésors sur des chameaux, et se rendit auprès du cheykh Däher, à qui il offrit son bras et les troupes qui lavoient suivi. Après la fuite d’A’ly, c'està-dire, en 1186 de l'hégire, Mohammedse fitrecon- noître cheykh el-beläd. Il renchérit en vexations sur ceux .qui l'avoient précédé ; il doubla les impôts, et en créa un d’un genre nouveau, celui dit rafe’ eEmazälem, c'est-à-dire , extinction d'avanies , qui doit son origine aux actes arbitraires que les kä- chefs se permettoient, dans les provinces, sur tous les villages par où ils passoïent. Mohammed défendit aux kächefs les actes arbitraires, et se fit payer une rétribution annuelle, qu'il étendit à toutes les provinces de l'Égypte. JE Cependant les Égyptiens, fatigués de la tyrannie du cheykh el-béläd, firent savoir à Aly qu'ils soupiroient après son retour. A’ly, au milieu des succès qu'il obtenoit pour le cheykh Däher, se rendit à leurs vœux, prit congé de son allié, dont il reçut quelques renforts, et se dirigea, plein d'espoir, vers l'Égypte, où une nou- velle trahison devoiït enfin le conduire à sa perte. Parmi les beys de sa maison on en comptoit un, le jeune Moräd, qui devint amoureux de son épouse, Sitty Nefyçah, Géorgienne aussi belle que pleine d'esprit Moräd passa aû parti de Mohammed, et lui promit de lui livrer son ennemi, s'il vouloit.lui donner en récompense lobjet de sa passion. Mohammed s’y étant engagé, le jeune bey S'em- busqua avec mille Mamlouks choisis, dans les dattiers de Sälhyeh, où A’ly devoit indispensablement passer, fondit sur lui, et eut le bonheur de lui donner, dans la mêlée, un coup de sabre qui lui coupa le visage et le désarçonna. On dit que lorsque Moräd le vitrérendu sur le sable, il descendit de cheval, lui baïsa:les genoux, et s'écria : « Pardonne-moi, mon maître; je ne t'ai pas reconnu.» Hlefrt relever et porter à la tente de Mohammed. De là on le transporta à la capitale,.où il mourut peu de temps après de sa blessure, dont Abou-deheb fit empoisonner l'appareïl. Moräd hérita de son harem et de ses biens. Le cheykh ekbelâd résolut ensuite de se venger du cheykh Däher. H écrivit en conséquence au divan de Constantinople, qui lui envoya le frrman de pâchà d'Égypte, et lautorisa à châtier le rebelle. Ce fut vers la fin de lan 1189 que Mohammed-pâchà, après avoir établi Isma'yl-bey cheykh el-beläd, marcha contre la Palestine, I prit Yaffi d'assaut, et massacra un grand nombre d’habitans. Il alla ensuite assiéger Saint-Jean-d’Acre, qui, quoique défendue par A’ly le plus vaillant des fils de Dâher, ne put résister : elle futemportée et livrée au pillage. Le fils de Däher, quelques heures auparavant, avoit abandonné la place, ainsi que son père l'avoit fait au commencement du siége. Mohammed n'eut pas le temps de jouir des fruits de la barbarie qu'il exerça contre cette malheureuse cité : il mourut trois jours après, les uns disent de poison; les autres, de la contagion qui régnoit dans son camp. Son cadavre, ouvert et embaumé, fut transporté au Kaire, et déposé dans loratoire construit par lui près de la mosquée des Fleurs, où il s'étoit réservé un tombeau. Ce qui attira le plus l'attention däns son expédition dela Palestine, fut le luxe de sa tente, qui surpassa en richesse tout ce qu'on avoit encore vu en Ce genre. DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. 181 CHAPITRE XV. Isma pl Ibréhymm. Isma’yl jour la seconde fois. 0° tmän, Ibréhym pour la seconde. fois. ISsMA’YL-BEY vit sortirtdes cendres de Mohammed deux rivaux redoutables, Ibrâhym-bey lassassinide Sälh, et Morâd le meurtrier d’A’ly. L'armée Égyptienne étant revenue de la Syrie, dont elle avoit abandonné la conquête, ils se lièrent contre lui. d'amitié et d'intérêt, et se concertèrent pour luï enlever le cheykh-belâdat et chasser Hasan-bey Geddäouy, son ami particulier. Ils ne réussirent pas néanmoins dans cette premiere entreprise. Isma yl et Hasan-la prévinrent en les attaquant à la citadelle, dont ils sétoient emparés, et en les forçant de prendre la route du Sa’yd, où ils allèrent créer un nouveau plan d'attaque; ils en descendirent pour livrer bataille à [sma’yl, dont ils taillèrent les troupes en pièces, Isma y}, après sa défaite, alla à Constantinople ; et Hasan-bey Geddäouy, exilé à Geddah, gagna le patron de la barque qui l'y conduisoit, vint débarquer à à Qoceyr sur la mer Rouge, et se rendit dans la haute Égypte. Ibrähym et Moräd s'emparèrent de l'autorité. Ibrähym se fit reconnoître cheykh elbeläd, et Moräd, émyr des pélerins. Plusieurs de leurs Mamlouks furent nommés beys, et une infinité d’autres, kâchefs. Leur conduite administrative fut, comme celle deleurs prédécesseurs, signalée par des usurpations et des rapines. Enfin ils gou- veérnoient au milieu des malédictions de tout le monde, quand on leur annonça qu'Isma yl avoit été vu se dirigeant sur Halouân, village de l& province d’Atfyeh. Hs envoyerent à ses trousses un gros corps de Mamlouks qui l’atteignit.. I y eut une action sanglante, dans laquelle Ro toute la maison d’Isma yl périt : il ne dut lui même son salut qu'à une caverne où il resta trois jours entiers, après lesquels ül gagna les cataractes , où il trouva Hasan-bey. Ils vécurent ensemble dans les rochers arides de Gennädel, nom que l’on donne aux rocs où le Nil vient se briser, et qui forment l’avant-dernière cataracte. Ce nouveau succès ayant permis à Moràd de remplir ses fonctions d'émyr des pélerins, il en conduisit la caravane au milieu des plus grands dangers. De retour au Kaiïre, il survint entre lui etson collègue un refroidissement suE eut pour cause l'éva- sion d’ Isma yl, et à la suite duquel Ibrâhym se retira courroucé à Minyeh, ville de la haute Égypte. Il y resta quelque temps, nourrissant son ressentiment et préparant sa vengeance. Enfin, fléchi par la prière des premiers docteurs de la loi, que Moräd lui avoit députés, il retourna se joindre à son collègue, avec qui cependant il ne vécut pas long-temps ami; car Moràd, l’accusant de s'entendre contre luï avec les beys O'imân Cherqäouy, Ayoub el-Soghayr, Solymän, Ibrähym el-Soghayr et Mostafä el-Soghayr; tous cinq chefs de-maisons ennemies de la sienne, se retira brusque- ment à Minyeh. Ibrähym crut d'abord que cette fuite n’étoit que l'effet du naturel bilieux de Morâd: maïs, ne le voyant pas revenir après cinq mois d'absence, il comprit que les choses deviendroient sérieuses, et prit le parti de lui députer, comme Morâd l'avoit pratiqué, les principaux docteurs de la doi. L’ame altière de Moräd lui ayant 182 ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE fait congédier la députation, il descendit le long du Nil,set vint prendre position à Gyzeh, vis-à-vis le vieux Kaïre, faisant mine de vouloir le traverser. Au lieu d'obtenir la paix qu'il desiroit, Ibrähym, se voyant contraint à combattre, se posta de manière : à lui disputer le passage du fleuve. Ils demeurèrent em présence dix-huit jours, pendant lesquels ils échangèrent quelques coups de-canon qui tuèrent un homme et un cheval, après quoi Moräd se décida à retourner à Minyeh. Cinq mois après cette nouvelle retraite, il vit arriver une autre ambassade qu'Ibrähym, qui se voyoit avec peine séparé de son collègue, lui envoyoït QU le prier de revenir. Il y consen- tit en feignant de la répugnance, à condition qu’on lui livreroit ses cinq ennemis. Ce point lui ayant été accordé, il se rendit au Kaire; il apprit, chemin faisant, que les cinq beys, qui avoïent été instruits à temps, s’étoient évadés et jetés sur la province de Qelyoub, d'où ils avoient lintention de s'enfuir au Sa'yd par les DRE” Morädsse trouvoit alors à Gesr eLAsoued, dans les environs de cès monu- mens, où ils devoïent nécessairement passer : cependant, au lieu de les y attendre, il y laïsse seulement un gros parti d’Arabes, passe le Nil à la tête de ses Mamlouks, va des attaquer à Rés eLKhalyg, yxéçoit une blessure, et se voit contraint d’aban- donner le champ de bataïlle à ses rivaux, qui, se persuadant qu'ils n’avoient plus d’ennemis à combattre, se portèrent à Gesr e/Asoucd, où ils tombèrent dansl'em- buscade qu'on leur avoit tendue. Ils furent emmenés captifs, et conduits à Morâd, qui les exila dans les villes de Mansourah, Fâreskour et Damiette. Ils n’y demeurèrent néanmoins pas dans l'inaction ; ils s'écrivirent, et convinrent de se réunir à un terme fixé pour se retirer dans la haute Égypte. C’est en opérant sa jonction avec ses collègues que Mostafä -bey, l'un d’entre eux, qui avoit été relégué à Fâreskour, fut surpris par un cheykh Arabe à la dévotion de Moräd, saisi et envoyé dans une, des tours d'Alexandrie. Cependant, peu de temps après cet événement qui arriva en 1197, Moräd leur fit grâce, à la considération du grand cheykh de la mosquée des Fleurs, et ils revinrent au Kaire jouir de leurs priviléges. Trois années s’écoulèrent au sein de la concorde, pendant lesquelles Ibrähym et Moräd se partagèrent les revenus de l’État, n'en rendant compte à personne, ou bien le faisant d’une manière si contraire aux intérêts du grand -seigneur, que ce souverain, déjà indisposé contre eux par les plaintes qu'on lui adressoit tous les jours, se décida à envoyer uge armée pour réprimer leur insolence. Ce fut le 25 de la lune de cha’bän que cette armée, sollicitée d’ailleurs par Mohammed, alors pâchà d'Égypte, et commandée par Hasan qapytän pâchà en personne, débarqua à Alexandrie, et vint porter la terreur parmi les beys. [ls se rassem- blèrent : mais la confusion qui troubla leurs délibérations, les laissa indécis sur le parti qu'ils devoient prendre ; enfin ils se déterminèrent à prier le pâchà d’initer- céder pour eux. Sur son refus, ils eurent recours à Ahmed el-A’rouçy, cheykh de la mosquée des Fleurs, et à un autre docteur, qu'ils chargèrent d'aller à Rosette pour implorer la clémence du qapytän pâchä. Les deux cheykhs, embarqués à Bouläq sur une riche nacelle, se rendirent à leur destination, et y furent accueillis du général Otioman avec la distinction due à leur caractère. Après qu’ils eurent été introduits en sa présence, il leur demanda le sujet de leur mission. « Nous sommes DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. 183 ÿ venus, dit le cheykh A’rouçy, homme aussi fn que bon ‘orateur (que notre » venue soit dun heureux augure !), pour te prier de recommander à tes troupes » d'épargner les Égyptiëns, qui sont innocens de tout ce qui est arrivé; car le livre » sublime dit: Wzr la tête des conguérans retombent les maux qu'ils font aux peuples » qu'ils soumettent. » Le pâchäfit une réponse analogue à ce discours, et ordonna qu'on les conduisit au logement qu'on leur avoit assigné. | Le cheykh Ærouçy'se tut, comme on voit, éntièrement sur le compte des beys. Il eut en cela d'autant plus de raison, qu'à peine étoit-il sorti d’auprès du pâchà, qu'on reçut la nouvelle de l'arrivée de Moräd, à la tête de dix beys, au village de Rahmänyeh, situé à la source du canal d'Alexandrie. Moräd, après le départ de la députation, avoit communiqué son ardeur guerrière à tout le conseil, et s'étoit chargé de combattre les Ottomans pendant qu'Ibrähym tiendroit le Kaire en respect. Rahmänyeh fut bientôt témoin du combat inégal qui sy livra entre les Mamlouks dépourvus d'artillerie et de fantassins, et les Ottomans protégés par des canons, des mortiers et de l'infanterie. Deux bombes qui crevèrent entre les jambes des chevaux mamlouks, y mirent le désordre, et assurèrent la victoire aux Ottomans. Les dix beys} frappés de terreur, seretirèrent précipitamment, vinrent en désordre se réunir à Ibrähym, et opérèrent avec lui leur retraite au Sa’yd, où ils attendirent qu'on vint les attaquer. Mohammed-pächä, après l'évacuation du Kaire, rassembla tous les Ogäqlu qui sy trouVoient, et se prépara à recevoir à leur tête le généralissime des Ottomans, qui, après avoir ruiné et dévoré les pays qu'il traversa, fit son entrée dans la capitale le $ de là lune de chaouäl, 1200 de Fhégire. Des brigands se permettent moins de dégâts que n’en firent les soldats Turcs; et Hasan-pâchà ne put arrêter le désordre qu'en fais antsur quelques-uns des exemples terribles qui firent trembler les autres. La tranquillité rétablie aux dépens d’un grand nombre de têtes, il fit procéder à la vente de tout ce qui appartenoïit aux beys, et même de leuts esclaves enceintes ; ce qui attira les réclamations des docteurs de la loi, qui lui représentèrent que le Qorän et l'humanité s'opposoient à ce qu’on livrât au marché des malheureuses devenues enceintes ou mères dans les harems de leurs maîtres. « Je vais donc » écrire à Constantinople, leur repartit-il, que vous vous êtes opposés à la vente » des propriétés des ennemis du sublimé sultan. » — « Tu es venu ici, lui répliqua » le cheykh el-Sädät, doyen des chéryf, pour châtier deux individus, et non pour » Contrevenir à nos us et coutumes. Écris ce que tu voudras.» Cependant, après de plus müres réflexions, il exempta les esclaves enceintes de la mise en vente. _ [organisa ensuite l'administration sur le pied Ottoman, et envoya A’bady-pâchà contre les beys avec une grande partie de l'armée, à laquelle se réunirent Isma’yl et O'tmän beys, avec le peu de Mamlouks qui leur restoient. I y eut, incontinent après, une affaire sanglante dans laquelle les Ottomans ayant perdu une grande partie des leurs, et les beys, un nombre considérable de Mamlouks, se retirèrent, les uns au Kaire, et les autres aux cataractes, mettant le Sa’yd à contribution. Là se termina l'expédition de Hasan qapytân pâchà, dont le but fut tout-à-fait manqué, puisque, sans avoir purgé l'Égypte des beys rebelles, il se retira à Constantinople, où 184 HISTOIRE DES MAMLOUKS D'ÉGYPTE. la guerre avec les Russes le rappela. II laïssa en partant le cheykh- belâdat à Ismayl- bey; Isma’yl créa émyr des pélerins Hasan -bey FPS avec qui il partagea ee | géroit depuis quelques mois avec équité le chieykh-belâdat, auquel il avoit a rendu, quand une insurrection s'éleva tout-à-coup, occasionnée par les actes. arbitraires que se permit sur le peuple un certain Ahmed, créature de Hasan, que Jon avoit nommé ouäly ou chefde la police du Kaïre : elle fit couler un peu de sang, et S'apaisa par l'exil du coupable, qui devint cependant bey quelque temps après. Le calme étant rétabli, Isma’yl continua de gouverner jusqu'en 1205 de Fhégire, époque funeste aux Égyptiens et particulièrement aux habitans de la capitale: ceux-ci furent en grande partie victimes du fléau de la peste, dont les ravages n'avoïent jamais été aussi affreux ; elle emportoit journellement des milliers d’indi- vidus. Lies autorités furent renouvelées jusqu'à trois fois dans le même jour; Isma’yl et presque toute sa maison succombèrent à la contagion. On ne peut sans horreur se rappéler au Kaire la peste d’Isma’yl. Ce fléau rétablit les affaires d'Ibrähym et de Moräd; car O’tmän-bey Tabel, reste de la maïson d’Isma’yl, se trouvant hors d'état de fournir aux dépenses et de soutenir la charge de cheykh el-belâäd qu'on venoit de lui conférer, les appela au Kaïre, où ils revinrent le $ de la lune de qadeh de la même année. Hasan- bey Geddäouy se retira, à leur approche, dans la haute Égypte. Le retour des deux beys fut suivi d’une famine horrible qu’on les accusa d’avoir suscitée, afin de se défaire à meilleur prix des grains accaparés par eux au Sa yd. Ils renversèrent les autorités en en établissant d’autres, et, malgré la disette, ne songèrent qu'à bien vivre et à bien vêtir leurs Mamlouks. Les violences qu'ils se permirent pour cela, et sur-tout celles de Mohammed-bey l'Elfy, occasionnèrent une insurrection générale qui les força à suspendre momentanément leurs exac- tions; mais ils les renouvelèrent dans la suite. Ayant épuisé la fortune du peuple, ils taxèrent le commerce étranger, et principalement celui des Français. On eut beau réclamer: au lieu d’être écouté, on eut la douleur de voir les avanies s’en accroître davantage; et Morâd venoiït même d'en frapper une nouvelle, quand il apprit qu'une armée envoyée par le Gouvernement Français, irrité contre les Mamilouks, étoit débarquée et avoit pris Alexandrie. Il se moqua d’abord de ce qu'il appeloit une armée de mécréans, et s'avança témérairement pour en faire raison. Le combat de Chobräkhyt et la bataille des Pyramides lui ayant appris, à son déshonneur, que les Français ne sont pas des Turcs, il s'enfuit avec Ibrähym au Sa'yd , abandonnant au général Français les pays qu'il n’avoit pas su aussi bien défendre qu'opprimer. Ce fut le 7 de la lune de safar 1213 que le Kaire ouvrit ses portes à l'armée d'Orient, dont les victoires suspendirent passagérement cet enchaînement de proscriptions et de meurtres, qui ne pourra cesser que par l'ex- tinction totale des Mamlouks. | MÉMOIRE = MÉMOIRE SUR LE CANAL D'ALEXANDRIE, PAR MM. LANCRET ET CHABROL, INGÉNIEURS DES PONTS ET CHAUSSÉES (1). SI II I Ex approchant de Rahmänyeh, la branche de Rosette se partage en deux bras principaux, et forme une suite d'îles qui ont ensemble quinze à dix-huit cents mètres de longueur. Le bras oriental est le plus considérable, et demeure toujours navigable. L'autre, qui, d'après le témoignage des gens du pays, conservoit encore de l’eau toute l'année, il n’y a pas plus de douze ans, s'est tellement comblé depuis ce temps, qu'il reste à sec pendant huit à neuf mois. C'est sur ses bords que se trouve le village de Rahmânyeh; c’est aussi dans ce bras du Nil, et à douze cents mètres au-dessous de Rahmânyeh, que le canal d'Alexandrie a son origine : l’eau y entre par deux bouches élevées de deux mètres huit dixièmes au-dessus des basses eaux du fleuve, et distantes l’une de l’autre de six cents mètres. Celle qui est située le plus bas, est la plus ancienne; elle a été abandonnée, parce que les curages successifs en avoient tellement élevé les digues, que les voiles des barques n'y pouvoient plus recevoir le vent. C’est pour la remplacer que l'autre a été faite il y a quatre ans. | Le canal d'Alexandrie, dans la première lieue de son cours (2), n’est qu'une espèce de fossé de cinq à six mètres de largeur, qui fut creusé pour joindre le canal à la branche de Rosette, lorsque la partie de celle de Canope dans laquelle il pre- noit autrefois son origine, se fut comblée. On rencontre cette partie de l'ancienne branche Canopique à deux cent cinquante mètres du village de Kafr-Mehallet Dâoud; elle n'est séparée du canal que par la digue, qui a, dans cet endroit, quatre ou cinq mètres d'épaisseur. Aussitôt qu'on s'est avancé au-delà de ce point, le canal est plus large et mieux formé; il se continue ainsi jusqu'au village de Samädys, où il prend une largeur moyenne de cinquante mètres, qu'il conserve jusqu’au-delà du village d'Afläqah, c'est-à-dire, pendant près de.deux lieues et demie. Les sommets de ses digues sont élevés de plus de quatre mètres au-dessus du fond, bien que celui-ci ne soit que d’un mètre au-dessous du niveau de la plaine. Cette portion du canal porte tous (1) Lu à llnstitut du Kaire, le 1.° nivôse an 8 qu’on a rapporté les grandes distances dont il estgues- [ 22 décembre 1799 ]. tion dans ce Mémoire, (2) C’est à la fieue de deux mille quatre cents toises £. M: TOME IL. Aa 186 MÉMOIRE SUR LE CANAL les caractères de l'antiquité; on y remarque des ports demi-circulaires de.quatre- vingts mètres de largeur, qui ne permettent pas de douter qu'il n y ait eu dans cet endroit une grande affluence de barques et un commerce très-actif. Ce lieurest en effet celui que l’on choisiroit encore aujourd'hui pour rassembler les productions de la province de Bahyreh que l’on voudroit envoyer à Alexandrie, Il est d’ailleurs dans le voisinage d’une ville considérable depuis long-temps: je veux parler de Damanhour, qui paroît occuper la place de l’ancienne Hermopolis parva (1). Le canal n'offre plus rien de remarquable dans les deux lieues suivantes, sice n'est pourtant qu'entre les villages de Zäouyet-Ghäzal et de Gäbyl, on a abandonné depuis peu d'années l’ancien canal, pour en creuser un nouveau qui a été tracé en ligne droite et régulièrement approfondi. a“ Après Gàbyl, on entre dans un pays tout différent de celui qu'on\vient de quitter. Ce n'est plus une plaine riche, cultivée et meublée de villages; c'est un terrain in- culte; ce sont des villes ruinées et des villages abandonnés : cet aspect est plus affreux que celui du désert, peut-être parce qu'il rappelle un état florissant qui n'est plus. j Depuis Gäbyl, le canal d'Alexandrie, pendant quatre lieues, de suite, a vingt mètres de largeur moyenne; tantôt ses digues sont peu élevées, tantôt elles sont de plus de huit ou dix mètres : c’est cette partie du canal qui est la plus bélle et la plus uniforme pour la largeur et la profondeur. Il conserve dans.la lieue suivante, c’est-à-dire, jusqu'à Lelohà, à peu près la même largeur et la même uniformité que précédemment : maïs la plaine qui l'environne s'abaïsse peu à peu, en sortenquele fond du canal se trouve être à son niveau, et lui est même supérieur dans plusieurs endroits ; il ne recommence à être au-dessous de la plaine qu'à une demi-lieue avant Alexandrie. | Immédiatement après Lelohà, le canal s’élargit subitement; et, dans une demi- lieue de longueur, il a cent, deux cents et même jusqu'à deux cent cinquantemètres de largeur. Ses digues sont à peine élevées de deux mètres, etsontsi foibles , que des eaux filtrent àtravers. I sê rétrécit beaucoupensuite; et lorsqu'on a passé Beydäh, il n'a que cinq mètres de largeur : des digues de plus de Sept mètres de hauteur, et recouvertes de sable mouvant, menacent de le combler entièrement. Dansvcet endroit, il est à une distance moyenne de centimètres du lac d’Abouqyr.,: ils'en éloigne ensuite, et, dans l'espace d’une lieue, il prend une régularité etdes dimen- sions à peu près semblables à celles qu'il a avant Lelohà. Il se rapproche du lac vers l'extrémité occidentale de celui-ci, et le serre de shprès, quil n’en est séparé que par une digue en pierre de six à sept mètres d'épaisseur. Uné autre muraille, distante de celle-ci de cinquante mètres, forme la digue du côté de la plaine. Cet endroit, appelé e/- Bouçät à cause de la grande quantité de joncs qui y croïssent, est un des plus obstrués du canal, parce que les, terres provenant des curages an- nuels ont toujours été jetées à droite et à gauche dans l'intérieur même des digues. (1) Le canal d'Alexandrie passe à douze ou quinze wa se terminer dans celui d'Alexandrie, un peu au- cents mêtres au nord de la ville de Damanhour. Cette dessus du village d’Afläqah. ville reçoit les eaux du Nil par un canal particulier qui D'ALEXANDRIE. 187 Dépuis l'extrémité du lac, le canal parcourt un terrain entrecoupé de marais : salans, recouverts d’une croûte de sel de dix à douze centimètres d'épaisseur. Il passe ensuite au milieu d'un bois de dattiers d’une demi-lieue de longueur, en laissant à» sa droite un grand nombre de citernes, dont quelques-unes portent le caractère des constructions Grecques où Romaïines, mais qui pour la plupart ont été défigurées par les réparations qui y ont été faites dans les temps modernes. Cette partie du canal qui s'approche d'Alexandrie, offre à sa droite plusieurs mon- ticules couverts de maisons détruites, que les Arabes, leurs derniers habitans, ont abandonnées depuis deux ou trois cents ans. On y trouve aussi des tronçons nombreux de colonnes de granit , et d'autres fragmens de l'architecture dés Grecs, qui avoient tout-à-la-foïs créé et embelli cette contrée de l'Egypte. Atune demi-lieue d'Alexandrie, le fond du canal est un peu ps bas que le niveau de la surface de la mer; maïs, depuis cet endroit jusqu a l'enceinte des Arabes, il a une contre-pente, C'esta-dire qu'il s'élève à mesure que l’on s'avance vers cette enceinte. Enfin le canal d'Alexandrie, large de vingt à vingt-cinq mètres, tourne au pied du monticule où se trouve élevée la colonne de Sévère. Il devient ensuite très- étroit, passe à travers l'enceinte des Arabes, et va se terminer dans le port vieux sous la forme d’un égout. La différence des hautes eaux aux basses eaux du Nil, auprès de l'entrée du canal. d'Alexandrie, est de quatre mètres, année commune. Leur profondeur moyenne dans ce canal, lorsqu’ elles ont atteint leur plus grande hauteur, est d’'en- viron'un mètre six dixièmes. L'augmentation annuelle des éaux'du fleuve se fait sentir à Rahmänyeh entre le 10 etle 20 juillet, et, vers la fin du mois suivant, elles ont atteint l'entrée du canal d'Alexandrie. Elles mettent ensuite un mois à le parcourir, parce qu'elles sont ralenties dans leur marche par les inégalités de sa pente, et surtout par ses nombreux détours ; car il a vingt lieues de développement, quoiqu'il n'y ait que quinzé lieues de distance entre ses deux extrémités. Les eaux n'arrivent donc À Alexandrie-que vers 1e 20 de septembre: et, comme le décroissement du Ni s'aperçoit déjà à à Rahmânÿeh dès le s d'octobre, il s'ensuit que la navigation dans le canal'ne peut durer plus de vingt ou vingt-cinq jours. Lorsque les eaux sont arrivées à Alexandrie, elles entrent dans quatre petits canaux souterrains, dont lessentrées sont distribuées le long de la demidieue du canal d'Alexandrie qui précède son embouchure. Elles sont conduites par ces canaux dans des réservoirs d'ou on les élève, au moyen de roues à pots, dans- de petits aqueducs qui les distribuent aux diverses citernes de la ville. Ces roues, qui sont au nombre de soixante douze, sont mues par les chevaux et les bœufs que la pro- vince de Bahyreh est obligée de fournir chaque année pour ce travail (x). [n’y à pas RE que l'on‘comptoïit trois cent soixante citernes propres à recevoir les eaux : on n'en compte sus maintenant que trois cent huit environ ; } (1). IT fautrélevér les eaux à plus de dix mètres de mètres, pour les introduire dans celles qui se trouvent hauteur, pour/les introduire dans les citernes qui sont! vers le port vieux. du côté de la porte de Rosette; er seulement de cinq E. MA TOME Fi. Aa » 188 MÉMOIRE SUR LE CANAL et le nombre en diminuera rapidement, parce qu'elles sont fort anciennement construites, et qu'on n'y fait plus de réparations depuis. Jong-temps. Il y avoit aussi un plus grand nombre de canaux dérivatoires; maïs lestuns sont engorgés, d'autres n’aboutissent plus qu'à quelques jardins particuliers. On ne ferme point l'embouchure du canal dans le port vieux pendant que l'on travaille à remplir les citernes, parce que la contre-pente-dont nous avons parlé empêche qu'il ne s'écoule par cette issue une trop grande quantité d'eau ; etcelle qui s'échappe, est employée à l'approvisionnement des vaisseaux: à Quand toutes les citernes d'Alexandrie sont suffisamment remplies, on permet aux habitans des villages qui sont sur les bords du canal d'en couper les ‘digues, soit pour arroser leurs terres, soit pour remplir leurs propres citernes. Les habitans des villages qui se trouvent aux environs de la rive gauche du camal dans sa partie haute ,.et dont les terres sont arrosées par d’autres canaux, attendent avec impa- tience ce moment pour couper les deux digues du canal d'Alexandrie, afin de faire écouler rapidement les eaux quisontsur leurs terres, et derles dessécher plus promptement. Sils étoient contraints de faire entrer ces-eaux dans lecamal, elles serviroient aux terrains qui sont placés plus bas, et qui ne sont jamais suffisamment arrosés. Ce ne sont que les grandes crues du Nil qui permettent de cultiver quelques parties de ces terres; mais, dans les@rues ordinaires elles restent incultes, et les fé/läh quittent leurs demeures pour aller chercher des travaux dans les villes ou dans’ les gros villages : ils attendent, pour y entrer, que leurs champs aient été arrosés par le fleuve. h. A | C'est sans doute au peu de soin qu'on pri de ‘creuser le canal, età la petite quantité d’eau qu'il reçoit chaque afinée, quon doit attribuer l'abandon dexses rives ; car la terre en est très-cultivable : elle est laamême que celle de tout le reste de? Égypte. Elle est, à la vérité, recouverte d’unescouchende. sable dans quelques endroits: maisic'est-à l'effet et non la cause de la solitude de cettetcontrée: Sous le gouvernement des Mamlouks, l'un des kächef. du commandant de la province de Pare RP sur les bords.du canal, depuis le moment où l'eau y entroit, jusqu'à celui où les citernes d'Alexandrie étoient.remplies. Son objet étoit d'empêcher les Arabes du désert et les felléh d'y faire des coupures, comme aussi d’en former lui-même, lorsque la trop grande quantité d'eau pouvoït faire craindre la rupture de quelques parties de digue. Dès que les citernes d'Alexandrie étoient pleines, il entroit dans la ville pour en demander la vérification; elle étoit faite à saréquisition parlé commandant, le qâdy et les #’/mä : après quot, l'on remplissoit unvase de l'eau de ces citernes; ce vase étoit scellé par ceux qui avoient fait Ja vérification , et sérvoit, avec l'attestation qui y étoit jointe, à prouver au comman- dant du Kaire que l'eau étoit bonne, et-que les citernes avoient été remplies. Après avoir fait connoître ce qu'est-aujourd’huile canal ‘d’ Ajéxandrie, et le régime auquel ses eaux sont assujetties, nous allons dire quélque chose de son état ancien : nous examinerons ensuite rapidement ses relations avec le commerce et l'agriculture; enfin nous parlerons des réparations indispensables qu'il exige, et des augmentations utiles dont il'est susceptible. D'ALEXANDRIE. 4 189 [ne reste aucun souvenir d’un canal qui ait conduit les eaux du Nil du côté du lac Mareotis avant Alexandre. Il paroît que les habitans de la bourgade de Rhacotis et la garnison que les rois d'Égypte yentretenoïent, trouvoient suffisamment d’eau potable dans les trous qu'ils creusoient au bord de la mer. On sait que César et son armée, assiégés dans Alexandrie, furent long-temps réduits àcette seule réssource. Ontpourroït encoreen faire usage aujourd'hui dans un cas pressant : on $’en:est assuré par des expériences. “Mais, si les bords du lac Marcotis te furent pas cultivés avant Alexandre, on ne sauroit douter qu'une grande partie de la plaine comprise entre Alexandrie et Damanhour ne fût cértainement arrosée et cultivée par les anciens Égyptiens. On y-retrouve encore des-fragmens d’hiéroglyphes qui prouvent qu'ils y ont élevé des monumens. Auvillage d'Afläqah, entre autres, la porte d'un moulin étoit décorée avec symétrieide trois pierres sculptées; la plus intéressante , que nous avons déta- chée, représente une [sis accroupie de six décimètres de proportion. Elle est coiffée de lapeau d'un vautour, et tient dans $a main le bâton à fleur de lotus. Ce fragment en.pierre calcaire est'parfaitement bien conservé; il est sculpté en relief dans le creux avec lemême soin et les mêmes détaïls que les murs du temple de Denderah {r). L'opinion que le canal actuel est celui qui fut creusé lors de la fondation de cette ville ayant été avancée et généralement reçue, nous croyons devoir entrer à ce sujet dans quelques recherches. | On sait, par le témoignage pit de Strabon (2), qu'en sortant d'Alexandrie . par la prie, de Canope on avoit à sa droire le canal de ce nom, qui suivoit parallè- lement et.àspeu de distance les bords de la mer. Ce canal, qui avoit une issue dans Tea Marcotis, n’en avoit pas sansdoute du côté de Cänope, située surile bordide la mer; mais il recevoir les eaux du Nil par un canal qui avoit son origine dans la branche Canopique, auprès de la ville de Schedia à peu de distance dé l'embouchure du fleuve. Quel seroit donc le motif qui auroit pu déterminer l'architecte Dinocrate à faire un canal de dix-huit lieues de développement, quand il pouvoititirer les eaux du voisinage de C0oe par un canal de six ou huit lieuesseulement ! vb? Ce canal de "Canope étoit nt bne le seul qui conduisit à Alexandrie les eaux destinées à être bues : car, si l’on supposoit que lorsque cette ville fut devenue la plus peuplée de Égyptesil fallut ouvrir des canaux dépuis le sommet du Delta pour augmenter la quantité des eaux potables dans Alexandrie, il faudroït encore convenir que ces'eaux ne pouvoient arriver dans la ville qu près s'être réunies à celles des canaux de Srhedia ou de Canope; autrement il auroit fallu qu'elles tra- vérsassent le lac Mareotis , où elles se seroïent nécessairement altérées. [1 seroït possible que la portion dutcanal actuel comprise entré le village de Keryountet lés-marais salansidont nous avons parlé, fût le reste d’un de ces anciens canaux, qui auroient été destinés à augmenter la quantité d’eau dans le: canal de Canope Cette portion contourné lancién emplacement du lac Marcotis : elle à son fond de beaucoup plus élevé que {e niveau de la plaine ; et C'est ainsi, à ce (1) Voyez À. vol. V, Collection d’antiques. (2) Strabon, Géogr. iv. XVII. 190 MÉMOIRE SUR LE CANAL qu'il nous semble, qu'on auroit fait auprès des eaux salées un canal destiné à conduire celles qui sont nécessaïres aux besoïns de la vie. Le lac Marcoks recevoit, au témoignage de Strabon, un grand nombre de canaux dérivés des parties élevées du fleuve. L'un, entreautres, passoit à Hermopols parva, et nous avons déjà remarqué que le canal porte les caractères de l'antiquité dans le voisinage de cette ville, actuellement Damanhour. Nous né doutons donc pas que plusieurs anciens canaux n'aient été joints successivement pour formerle canal qui subsiste aujourd'hui. Cela peut servir à expliquer la cause des contours bizarres et multipliés et des inégalités de ce canal dans un terrain où il pouvoit être formé en ligne droite avec la plus grande uniformité. - L'histoire du canal d'Alexandrie nous conduit à l'examen d’uné autre question qui n'est pas étrangère au sujet que nous traitons.) » | On apprend, par le récit de la guerre de César dans Alexandrie, qu'une partie de cette ville étoit traversée par un canal dont l’eau servoit aux besoins d’une grande partie du peuple; car celle des citernes ne pouvoit suflire qu'aux géns riches et à ceux qui leur étoient attachés. Quelques critiques ont pensé que ce canal étoit lé même que celui qui joignoit le lac Mureotis au port Kibotos, sans fairé attention qu'én supposant même que les eaux de ce lac fussent devenues potables par la grande quantité. des canaux du Nil qui y afluoient, elles auroiént été nécessaire- ment Saumätres. dans le canal qui les conduisoit à la mér; car ce canal devoit être large, puisqu'il étoit nayigable. D'ailleurs l'expression d’Hirtius{r), qui donnele nom de fleuve du Nil au canal dont le peuple buvoit les eaux, n'est pointe du tout favorable à l'opinion de ceux qui le croient dérivé du lac Mareotis. Nous sommes donc portés à penser que les eaux don&le peuple faisoit usage, étoient dérivées de ce même canal de Canope dont nous avons parlé plus haut. Nous ajouterons que cette opinion ne contrarie point le récit d'Hirtius. sur la position’ de César assiégé dans Alexandrie, qui, comme on le sait, n'étoit pas maître du quartier que traversoit le canal appelé fleuve du Nil. Celui dont nous parlons n'auroit eflecti- vement pas passé dans le quartier des palais possédés par César; il auroït traversé la ville entre son enceinte méridionale et'la longue rue, et se seroit Jeté par une ou- verture étroite dans celui qui joïgnoit le lac Marcotis au port Xibotos. On a vu, par la description du canal d'Alexandrie, qu'il n'étoit plus maintenant environné, dans la plus grande partie de son cours, que dé ruines et de déserts; il n'y a pourtant que quatre cent soixante ans qu'il étoit encore paré de toutes les richesses de l'Égypte. Je vais rapporter le passage de l'écrivain Arabe A bou-l-féd4, qui vivoit à cette époque. I! dit d'abord en parlant d'Alexandrie : _ « Le blé yest apporté de l'extérieur ; les champs qui l'environnent sont stériles, » parce que le sol est imprégné de sel. > Et dans la note marginale ïl dix: « Alexandrie est située dans unetile sablonneuse, formée par la mer’et le canal » d'Alexandrie. Cette île, dans une longueur d’un*peu moins d'une journée de » chemin, est plantée de vignes et ornée de jardins, et, quoïque le sol ne soit (1) De Bello Alex. cap.-v. | 5 D'ALEXANDRIE. [Q Ï » formé que de sable, il n'est cependant pas désagréable à la vue. Le canal qui » conduit à Alexandrie les eaux du Nil, offre un aspect délicieux; des jardins et » des vergers plantés sur.les deux rives en embellissent le cours. » Pour entendre les deux passages d'Abou-1-fed, qui paroïssent d’abord contra- dictoires,, il faut remarquer quele premier+se rapporte à la partie de la plaine qui est à la gauche du canal, et qui, étant autrefois sous les eaux du lac Mareotrs, est en effet imprégnée deïsel marin. Quant au second passage, il s'applique à tout l’es- pace compris entre la-rive droite du canal et la mer. Ce terrain n'étoit point alors recouvert presque en entier par les eaux, comme il l’est aujourd’hui; car le lac d A étgne qu'il ne faut pas confondre avec le lac d'Edkou { l'ancien lac Mädyeh) n'existoit point encore (1). On ne peut pas douter que les bords du canal d'Alexandrie n'aient été très- florissans , même depuis que les Arabes se sont rendus maîtres de cette ville. Les quatre ponts qu'ils ont construits dans la longueur dé la lieue qui précède Alexandrie, prouvent que, de leur temps, le besoin de communiquer d’une rive à l'autre étoit très-fréquent. Celui de ces-ponts qui est le plus voisin de l'enceinte des Arabes, est détruit : les trois autres sont faits d’après un même modèle; ils sont d’une seule arche en ogive, extrémement élevée à cause de la navigation, Avant de parler dés travaux que le canal d'Alexandrie nécessite, nous expose- rons les principaux motifs qui doivent déterminer à les entreprendre. Le canal d'Alexandrie est, “AS celui de Soueys, le plus important dont les pos- sesseurs dé l'Égypte puissent s ot I devient une suite nécessaire du canal qui Joindroit la mer Rouge au Nil: car, à quelque point du fleuve qu'on lé fasse aboutir, il faudra que les PRE se ymavigueront arrivent à Alexandrie; et il sera bien plus prudent de les y faire parvenir par les canaux intérieurs, que de les livrer souvent àune mer orageuse, ou de les exposer dans les temps de guerre aux entreprises. des ennemis. Ces raisons avoïent été parfaitement senties par les Grecs : aussi, de leur temps, tout le commerce $e faisoit-il par le lac Mareotis, dont les pofts étoïentipréférés à ceux de la Méditerranée. Mais, indépendamment du canal de Souéys, celui d'Alexandrie jouit encore d’une grande importance, et mérite de fixerd’ attention. En effet, quelle que soitla manière dont les marchandises des {ndes. et de la mer Rouge seront importées en Égypte par Soueys ou Qoceyr, on conçoit quelles devront toujours être dirigées sur Alexandrie, pour ÿ être chargées sur les vaisseaux qui les distribueront à toute l'Europe. Or les raisons que nous avons dites tout-à-l'heure sur la nécessité du transport intérieur , Exigent que le canal d'Alexandrie soit rendu navigable pendant toute l'année. Certe Opération seroit d’ailleurs la source d’une autre prospérité pour l’Ég gypte ; elle rendroit à la culture une partie notable de son territoire, que la coupable négligence de (1) Le lac d’Abouqyr, tel qu’il est à présent , n’existe que dépuis l’année 1778 ou 1780. Avant cette époque, une digue en pierre, dont il subsiste encore une grande partie, empêchoit les eaux de pénétrer dans les terres. Cette digue s’étant rompue, sans qu’on ait cherché à la réparer, la mer se répandit sur toute la plaine plus basse que son propre niveau , et forma le lac d’Abouqyr: plusieurs villages furent saubmergés par cette catastrophe. Vers le commencement du dernier siècle, cette digue avoit déjà été rompue par un grand orage, ainsi que le raconte Paul Lucas; mais elle avoit été rétablie peu après. 192 MÉMOIRE SUR LE CANAL ses maîtres lui a fait perdre. On reverroit les rives du canal, aujourd'hui sèches et abandonnées, reprendre leur ancienne fertilité; et cette circonstance s’accorderoit admirablement avec les nouveaux besoins d'Alexandrie ,,qui, plus peuplée, plus active, n'absorberoït pourtant pas une plus grande passé des productions actuelles de l'Égypte. Quelles -que soïent les spéculations dont le canal dont nous nous occupons pourra devenir l’objet, la ville d'Alexandrie est trop nécéssaire à l'Égypte pour qu’on la laisse exposée à perdre en un instant toute communication avec leNil. Nous ävons déjà dit que, vers l'extrémité du lac d’Abouqyr, une digue en pierre de six à’ sept pieds d'épaisseur le séparoit du canal. Cette muraïlle, quoique récem- ment construite, avoit été faite avec assez de solidité : mais, comme elle n’est point entretenue, elle se dégrade, et les accidensdes plus graves .seroient la suite de sa rupture; Car, les eaux du lac étant plus basses que celles du canal, celles-ci s'écou- leroient toutes à lamer. Maïs bien plus, si la rupture étoit l'effet d'un violent orage qui renversât encore la seconde digue du canal, alors les eaux du lac d'Abougyr se répandroiïent dans toute la plaine qu ‘occupoit autrefois le lac Marcotis, et qui est encore plus basse que le niveau de la mer. Alexandrie se trouveroit donc placée de nouveau sur un isthme très-étroit, comme au temps de l'existence de ce lac, mais avec cette différence qu’on n'y pourroit plus faire parvenir les eaux du Nil {1}. Il faut donc rétablir les digues qui séparent le lac d'avec le canal; il faut en con$truire de nouvelles dans tous les endroits qui peuvent HSE quelques craintes. Il séroit peut-être même plus prudent et plus facile d’éloigner le canal du lac, et cela ne seroit pas plus coûteux; car, la plaine dans laquelle ïl passeroit étant très-basse, ainsi que nous l'avons déjà dir, il sufhroit d'éléver des digues pour que le canal fût formé. Enfin, si l’on rétablissoit la diguesqui sépare le lac d'avec la mer, ou, du moins, si l'on veilloit à ce qu’elle ne se détruisit pas davantage, on n’auroit point à craindre les accidens dont les grands mouvemens des eaux du lac pourroïent ètre la cause. Les travaux que l'on pourroit entreprendre pour que le canal d'Alexandrie demeurât continuellement navigable, ne seroïent point exécutables dans une seule année ; mais ils pourroient être tellement dirigés, que dès la première ils offrissent déjà de très-grands avantages. Ainsi l'on peut dans une année rendre la navigation facil le pendant trois mois de l'année suivante. Une somme de deux cent soixante mille francs sufliroit à cette entreprise. Voici comment on peut obtenir ce résultat. Un nivellement fait dans les huit premières lieues du canal, en partant de Rahmänyeh, a fait connoître que sa pente est très-considérable dans cette premiere partie, tellement qu'il n'en conserve presque plus dans le reste de son cours. Cette grande inclinaison est le résultat des dépôts annuels de limon, qui sont beaucoup plus considérables vers Rahmänyeh que vers Alexandrie. Il suffroit donc de tra- vaïller dans les huit premières lieués, en creusant de deux mètres et demi à kentrée (1) Cette appréhension a été réalisée pard’événement, cien lit du lac AMareotis les eaux du lac d’Abougyr ef lorsque les Anglais, assiégeant Alexandrie en 1801, de la Méditerranée. coupérent les digues du canal, et firent écouler dans l’an- du D’ALEXANDRIE. 193 du canal, en diminuant de profondeur proportionnellement à la distance où l’on seroit de l'entrée, én sorte qu'au bout des huit lieues on retrouvât l'ancien fond du canal. En exécutant cette opération sur dix mètres de largeur, il ÿauroït quatre cent soixante-huit mille mètres cubes à enlever: si l’on y ajoute cent trente-deux mille autres mètres pour les travaux qu'exigent quelques parties du canal, et nôtam- ment la plus voisine du lac d'Abouqyr, on aura en tout six cent mille mètres cubes, dont le déblaiement, éstimé à douze médins chacun, tous frais compris, exigeroit un peu moins de deux cent soixante mille francs. Quant au temps néces- saire pour l'exécution, il ne faudroit que cent cinquante jours; car il seroit possible de réunir deux mille sept cents ouvriers, et ils enleveroïent certainement chacun plus d’un mètre et demi cube par Jour. Or les cultivateurs ne peuvent avoir que cent cinquante jours à leur disposition dans les deux intervalles compris entre le temps des semaïlles et celui de la récolte, et depuis la récolte jusqu'à l'mondation. Nous n’entrerons pas dans tous les détails particuliers des nouvelles directions qu'il faudroit donner à certaines parties du canal pour en rendre la navigation plus facile; nous observerons seulement que, son cours général étant à peu près de l'est à l’ouest, et les vents régnans étant toujours du nord ou du sud, il faudroit faire en sorte qu'aucune de ses sinuosités ne fût dans cette dernière direction, afin que l’on pût également monter et descendre dans toutes les saisons. Quant à l'entrée et à l'embouchure du canal, il faudroit y faire des changemens indispensables, et que nous allons indiquer. #4 Le changement qu'il y auroït à faire à l'entrée, seroit de la placer auprès de Ja redoute de Rahmänyeh. Cet endroit, qui conserve plus de trois mètres de pro- fondeur d’eau dans le temps où il y en a le moins, pourroit avec peu de travail devenir un port vaste et commode. II se trouveroit placé auprès d’une île qui seroit extrêmement favorable à l’établissement des magasins nécessaires à une pareïlle navigation. ( Les obstacles qu'il faut éviter avec le plus de soin dans les nouvelles routes que l'on veut donner au commerce, ce sont des chargemens, les entrepôts fréquens, qui causent souvent des retards, nécessitent l'établissement des douanes, et par consé- quent des taxes sur les marchandises. Il faudroit donc que lécanal d'Alexandrie _communiquât avec la mer, afin qu'on ne fût pas obligé de transporter par terre les marchandises apportées par la voie du canal. Mais, avant d'indiquer l'endroit du port où ïl paroîtroit convenable que le canal aboutit, nous rappellerons que, lorsqu'Alexandre fit joindre l'ile du Phare à la terre ferme, et donna de cette manière deux ports à Alexandrie, on sentit la nécessité de les faire communiquer entré eux, afin que les vaisseaux pussent sortir dans presque toutes les saisons : on laissa à cet effet deux ouvertures dans l'AHeptastadium : ces deux ouvertures se sont fermées en même temps que l'Heptastadium S'est élargi par les attérissemens : en sorte que la ville moderne occupe, comme on le sait, la place de cette ancienne chaussée. La nécessité de faire communiquer entre eux les deux ports étant toujours la même, nous pensons que, si l'on formoit une vaste coupure qui les joignit, il É. M. TOME II. Bb 194 MÉMOIRE SUR LE CANAL DALEXANDRIE. faudroit faire aboutir le canal d'Alexandrie dans cette coupure, en sorte quil appartiendroit également aux deux ports, et qu'il traverseroit la ville moderne dans le sens de sa longueur. | La présence continuelle des eaux du Nil à Alexandrie deviendroit d’une néces- sité absolue, dans l'hypothèse d’une grande population; car la quantité qui peut étre contenue dans toutes les citernes de la ville, ne peut sufhrre tout au plus que pour une année et demie au nombre actuel de ses habitans. À la vérité, cette nouvelle bouche ouverte aux eaux du fleuve affoibliroit beaucoup la branche de Rosétte, dans laquelle, en été, les eaux de la mer se mêlent déjà à quatre ou cinq lieues au-dessus de son embouchure; mais, outre qu'on pourra dans tous les temps augmenter le courant du Nil en rétrécissant ses embouchures à la mer, on sera toujours maître de ne donner aux eaux du canal que lécoule- ment sufHisant aux besoins et à la salubrité : une écluse placée vers le milieu de sa longueur , et une autre à son extrémité dans le port, seroient suffisantes pour em- pêcher une déperdition d’eau superflue. La seule écluse de l'extrémité pourroit bien remplir le même but, maïs il faudroit que les portes en fussent très-hautes; et les digues aussi devroient être beaucoup trop élevées, puisqu'il faudroit que leurs sommets fussent horizontaux dans toute leur longueur. Nous ne nous engagerons pas davantage dans la discussion des moyens de rendre navigable pendant toute l'année le canal d'Alexandrie, non plus que dans l'énumération des ouvrages d’art qui devroient y concourir; l’objet important eût été d'en donner une évaluation : c'est ce qu'il est impossible de faire, au moins d’une manière probable, pour tout ce qui peut être compris sous la dénomination de constructions; quant au déblaïement des terres, on peut l'évaluer. Nous avons déjà fait voir que deux cent soixante mille francs suffiroient pour rendre le canal navigable pendant trois mois : d’où il ne faudroit pas conclure que le quadruple de cette somme seroit nécessaire pour qu'il le devint toute l’année; car il résulte de la loi du mouvement des eaux du fleuve, que s’il faut, dans le premier cas, baïsser entrée du canal de deux mètres et demi, il ne faudra, dans le second, que la baïsser d’un mètre trois dixièmes plus bas, c'est-à-dire, de trois mètres huit dixièmes en tout. Or, en donnant toujours dix mètres de largeur au canal, comme il a dix-neuf à vingt lieues de développement, et qu'il est suflisam- ment profond à Alexandrie, il y auroit un million sept cent trente mille mètres cubes à enlever; ce qui, d'après les évaluations précédentes, pourroit être fait en deux ou trois ans au plus , pour la somme de sept cent cinquante mille francs. DESCRIPTION HYDROGRAPHIQUE DES PROVINCES DE BENYSOUEYF ET DU FAYOUM:; PAR P. D. MARTIN, INGÉNIEUR AU CORPS ROYAL DES PONTS ET CHAUSSÉES. ESPS SSI TIS IS SSI SSII IIS SIENS Less provinces de Beny-Soueyf et du Fayoum, situées dans la partie de l'Égypte désignée autréfois sous le nom d'Heptanomide, et connue aujourd'hui sous celui d'Ouestäny où Égypte du milieu, présentent un grand intérêt sous le rapport de leur chorographie, qui a été jusqu’à nos jours le sujet d'une controverse dans laquelle les opinions de nos plus illustres géographes n'ont jamais pu s’accorder. Les descriptions que les anciens nous ont laïssées de ces deux provinces, sont tout-à-fait différentes de celles.-qu'ont données les voyageurs et les critiques mo- dernes les plus connus jusqu'à la fin du xvur.° siècle ; et pour avoir voulu concilier ces différences, on est souvent tombé dans des erreurs très-graves. Le but de la Commission des sciences et arts devoit être, en arrivant en Égypte, de faire disparoître toutes ces incertitudes, et de fixer enfin d’une manière inva- riable l'opinion que on doit avoir du génie et de la puissance des anciens Égyp- tiens, d’après des autorités aussi recommandables que celles d'Hérodote, de Strabon, de Diodore, de Ptolémée, &c. &c., autorités qu'il étoit impossible de rejeter, et même de taxer de légéreté. Plusieurs membres de cette Commission se rendirent, en conséquence, à Beny-Soueyf et dans le Fayoum, aussitôt qu'ils purent entrevoir les occasions favorables pour faire des incursions. MM. Jomard et Girard déployèrent un zèle infatigable dans leurs recherches, dont ils présen- tèrent bientôt les résultats à l'Institut du Kaire. | Le premier entreprit de démontrer l'identité des descriptions du fac de Moœris données par Hérodote, Diodore et Strabon, et il prouva jusqu'à lévidence que ces auteurs avoient eu en vue dans leurs récits le lac connu aujourd'hui sous le nom de Brrket-Qeroun, qui seul satisfait aux conditions énoncées {1). M. Girard s'attacha plus particulièrement à la description du Fayoum actuel sous le rapport de l'agriculture et du commerce; mais, en traitant ces matières avec la sagacité et les connoïssances profondes qui caractérisent tous ses ouvrages, il resta étranger à la discussion de l’ancienne topographie. | (1) Voyez le Mémoire sur le lac de Moœris, par E. Jomard, Anriquités- Mémoires, tom, Æ, pag, 70. É. M. TOME IL. Bb 2 196 DESCRIPTION HYDROGRAPHIQUE Le savant Mémoire de M. Jomard avoit, à la vérité, fait disparoître toutes les incertitudes ; on étoit assuré de la vraïe position du lac de Mœris, de celle du labyrinthe, et d’Arsinoé; on avoit reconnu la foiblesse des bases sur lesquelles reposoient les hypothèses de d’Anville et de Gibert : on ne pouvoit plus voir le lac de Mœæris, ni dans des champs toujours cultivés, tels que les Bathen, ni dans une branche sinueuse du Nil à qui l’on a donné le nom de canal de Joseph, et qui suffit à peine à la navigation de quelques légères barques. Maïs M. Jomard n’avoit jusque-là combattu d’Anville et Gibert qu'avec des armes qui pouvoient laisser encore quelques prétextes à l'incrédulité. D’Anville avoit, à l'appui de son opinion, dressé une carte dans laquelle, tout en se prononçant pour le Bathen d’après les assertions du P. Sicard, ïl avoit cependant laissé la question indécise en appelant ce Bathen le Mœris d'Hérodote et de Diodore, et en donnant au Birket- Qeroun le nom de Mæris, selon Strabon et Ptolémée. Pour fixer les incertitudes, il falloit parcourir la partie septentrionale du Birket, et ne plus en tracer la di- rection et l'étendue sur de simples descriptions. Malheureusement, il avoit été im- possible à MM. Jomard et Girard d'entreprendre cette reconnoïssance : à l’époque où ils avoïent parcouru ces provinces, l'Égypte, encore incertaine de son sort, né permettoit aux Français observateurs de parcourir et visiter le pays qu'à la suite des corps d'armée chargés d'en assurer la conquête; ne pouvant donc diriger leurs mouvemens avec toute la liberté nécessaire à des opérations d'une grande étendue, ils ne s’étoient encore occupés que de la géographie astronomique, de l'étude des monumens et de leur topographie. La brillante victoire d'Héliopolis et la reprise du Kaïre, en 1800, avoient enfin rétabli le calme en Égypte. La facilité avec laquelle on avoit détruit les efforts des Ottomans, regardés dans le pays comme les seuls ennemis redoutables, paroissoit avoir familiarisé les Égyptiens avec l’idée de ne plus voir dans les Fran- çais que des maîtres inexpugnables dans leur conquête : ils s'accommodoient déjà à leurs mœurs douces et sociables, alloïent au-devant de leurs desirs, et aplanis- soïent les obstacles qui s’opposoïent à ce qu'ils parcourussent le pays seuls et avec sécurité. Les membres de la Commission des sciences et arts s'empressèrent. de saisir cette circonstance favorable, et se répandirent dans les lieux les plus déserts et les plus inconnus, pour ajouter à leurs découvertes et pour confirmer les ré- sultats de leurs recherches antérieures. Ce fut alors que l'on fit des voyages au mont Sinaï, dans la vallée de l'Égarement, à la tour des Arabes; que l'on conçut le projet de visiter les Oasis, d'aller dans l'Abyssinie; et que l'on put enfin s’oc- cuper avec succès des détails chorographiques de l'Égypte. Chargés plus particulièrement de tout ce qui concerne le système hydraulique sur lequel repose l'existence de l'Égypte, les ingénieurs des ponts et chaussées s’occu- pèrent exclusivement du régime du Nil, et des canaux de navigation, d'arrosage et de desséchement. Les deux provinces de Behneseh et du Fayoum furent mon partage, et je me rendis à Beny-Soueyf vers la fin de messidor an 8 [mi-juillet 1800] Je ne me dissimulois pas combien ma tâche étoit grande et difhicile à remplir: mais, enflammé par l'importance de ses résultats, je supposai que lardeur et le DE BENY-SOUEYF ET DU FAYOUM. | 197 courage suppléeroient à mon insuffisance, et je pris la ferme résolution de par- courir ces provinces dans toutes leurs parties, et d’y lever des cartes détaillées autant qu'il me seroit possible de le faire ; je me proposai sur-tout de faire le tour de ce lac de Mæris, qu'aucun voyageur ancien ni moderne n'avoit encore fait, et de fixer par-là les idées sur sa forme, son étendue, et usage auquel on assuroit qu'il avoit été employé dans l'antiquité. L'histoire cite avec complaisance les époques et les hommes par les ordres desquels ont été exécutés les travaux qui ont amélioré l’agriculture en Égypte ; la postérité paye à leurs noms le juste tribut de reconnoissance et d’éloge qui leur est dû. Quel avantage pour ma patrie, me disois-je, si, de pareils travaux étant exécutés, l'Égypte doit rester colonie Française ! et sable gloire pour les Français, s'ils n'ont travaillé que pour le bien de l'humanité! Je ces ici le détail de mes recherches et de mes efforts pour parvenir au but “on je m'étois proposé. Ce détail servira de texte pour l'explication des cartes que j'ai dressées, et qui font partie de F Atlas géographique (1). Il se divise en deux sections : dans l’une, je donnerai la description de la province de Beny-Soueyf, et dans l'autre, la description de celle du Fayoum. SECTION I: Province de Beny -Soueyf. QUELQUES JOURS après mon arrivée à Beny-Soueyf, où je trouvai dans le général Zayonchek, commandant de la province, un ami zélé des sciences, qui s'empressa de mettre à ma disposition tous les moyens nécessaires pour faciliter mes Opéra- tions, je commençai par dresser plusieurs grands triangles, au moyen desquels je réunis trigonométriquement les villages de Beny-Soueyf et de Bouch avec un grand pic du Moqattam, qui s'élève sur le bord oriental du Nil, et la pyramide que l'on voit à l'entrée du Fayoum. Je levai ensuite, par les méthodes topographiques ordinaires , les détails du nord de la province, que j'attachai à cette charpente trigonométrique, à peu près visible de tous les points. Ainsi que dans la présque-totalité de la haute Égypte, le Nil coule au pied de la montagne Arabique, sur toute la longueur de la province de Beny-Soueyf La partie occidentale, qui est la seule cultivable, est divisée naturellement, dans sa lar- geur, en deux portions distinctes pour l'irrigation. La première, qui commence au bord du Nil, est plus élevée que les grandes eaux, sur environ deux Kilomètres de largeur : elle est arrosée par plusieurs petits canaux particuliers à chaque village; on emploie le secours des bras et des machines pour en élever l’eau et la répandre sur les terres. La seconde portion, qui s'étend ensuite jusqu’au pied des montagnes désertes qui séparent l” Égypte du Fayoum, est disposée, pour ses pentes, sur deux plans dont la direction est à peu près perpendiculaire de l’un à l'autre, d’abord à l'ouest, et ensuite au nord, suivant la pente des eaux du fleuve. Je n ‘entreprendrai (1) Voyez les cartes ns 18, 19, 20 et 21, dans Atlas topographique. 198 DESCRIPTION HYDROGRAPHIQUE point d'expliquer la cause de cette différence de niveau entre ces deux parties de la vallée ; elle a été suffisamment développée dans le Mémoire de M. Girard sur Pagriculture de la haute Égypte (1). Ces deux pentes sont tellement sensibles, que lé sol se trouve au moins à deux mètres au-dessous des hautes eaux pendant l'inon- dation; et la campagne présente, à cette époque, l'aspect d'une vaste mer. Une disposition aussi favorable rend inutiles tous les travaux mécaniques pour larro- sement : mais elle nécessite de grands ouvrages pour conserver les eaux pendant le temps nécessaire à la fertilisation ; car la pente au nord, les entraînant avec la même rapidité que celles du fleuve lors de sa décroissance, les empêche de sé- journer assez long-temps sur les terres. Pour obvier à cet inconvénient, on a construit dans la largeur de cétte partie de l'Égypte, et à des distances déterminées par les localités, des digues en terre, qui s'appuient, d'un côté, aux montagnes dans toute leur hauteur, et, de l’autre, viennent mourir à zéro vers les terres élevées sur le bord du Nil. Ces digues font refluer l’eau jusqu’au niveau des parties supérieures, et les conservent ainsi jusqu'à ce que les terres saturces permettent de les de s’écouler par des coupures que l'on y pratique. Ces ouvrages sont donc d’une importance majeure dans le système d'irrigation: leur existence combinée avec celle des canaux a dû dans tous les temps exciter l'attention des gouverneurs. On les distingue en grandes, moyennes et petites digues. Les grandes sont construites sur la largeur entière de la vallée; on en compte onze dans la province de Beny-Soueyf. L'une des plus considérables, qui porte le nom d’Ovkchechy, est située à environ deux myriamètres au, nord de Beny-Soueyf : elle commence d'un côté vers le Nil, au sud des villages de Zäouy et de Masloub, passe au nord des villages de Qemen el-A'rous et de Begyg, et va s'appuyer au désert, touchant presqueles villages d'Ouboueyt et de Koum-Abou- râdy. La plaine pour laquelle elle a été construite, se termine vers les villages de Behâbchyn, Dalâs, Zeytoun, &c., et comprend une superficie d'environ dix mille hectares , sur laquelle sont répartis dix-huit villages. Les autres grandes digues sont celles de Behäbchyn, Safanyeh , Saft-rachyn, el-Noueyreh, Choubak, Ehoueh, Badahal ou el-Chantour, Samalout, Menbäl et Bardanouäh. | Les moyennes digues, qui n’intéressent que quelques ste Der partent ou des bords du Nil, ou des grandes digues même, pour aller s'attacher à l'un des mon- ticules sur lesquels sont construits les villages. Enfin les petites digues sont locales, et seulement dans l'intérêt de nu grât où PRIE de village. La même disposition de pentes transversales de la vallée a exigé deux do de canaux: les grands portent l’eau sur la partie la plus occidentale , jusqu'au pied de la montagne; et les petits, partant du Nil, ou formant rameau sur les grands , se terminent au pied des monticules disséminés sur Ja bande élevée la plus rapprochée du fleuve. (1) Voyez la Décade Égyptienne, tom. I], pag. 30 et 57 DE BENY-SOUEYF ET DU FAYOUM. 1QQ Fa On pourroit penser, d’après cette disposition, que les terres situées vers la montagne sont toujours susceptibles d'être arrosées naturellement au moyen des grands canaux, quelle que soit la hauteur de la crue du fleuve, puisque leur niveau est inférieur à celui des moindres crues: mais il n’en est pas ainsi. Pour qu’elles soient arrosées , il ne sufhit pas que linondation arrive à leur hauteur ; il faut qu'elle dépasse celle du fond des canaux qui doivent porter l’eau dans ces vastes campagnes. Cette condition ne peut être remplie que par les soins constans d’un gouvernement sage et éclairé ;.et c'est un avantage que les Égyptiens ne con- noïssent pas depuis bien des siècles. Ces terres de l'ouest si favorisées de la nature, et sur lesquelles devroient toujours reposer les espérances du reste de l'Égypte, sont les plus malheureuses ; elles manquent totalement d'eau dans les crues foibles, et ne peuvent en recevoir qu'en très-petite quantité dans les crues les plus fortes: l'exhaussement des canaux, causé par l'abandon dans lequel on les a laissés si long-temps, s'oppose à l'écoulement des eaux dans ces parties basses; et ce n’est que lorsque linondation a dépassé cet exhaussement, qu'elles descendent, pour ainsi dire, en cataracte, et couvrent instantanément les terres sur une très-grande hauteur. Je les ai-vues à sec le 24 thermidor an 8 [ 12 août 1800 ]et le 10 fruc- tidor suivant | 28 août |; j'y ai mesuré une hauteur d’eau de 2 mètres et demi vers le milieu, et de 3 mètres au pied du désert, tandis que la crue effective du fleuve n'avoit été pendantice temps que d’un mètre s2 centimètres. La crue de lan 7 [1790], qui n’avoit pu dépasser le fond d’une grande partie de ces canaux, laïssa près des trois quarts des terres sans culture, ce qui porta le malheur et la désolation dans une infinité de familles: tandis que la hauteur des eaux étoit cependant bien au-dessus du niveau de ces terres, sur lesquelles elles auroïent répandu la vie et l'abondance, si elles avoient trouvé des issues pour y couler. Les grands canaux d'irrigation ne doivent donc pas être considérés en Égypte comme de simples réservoirs auxquels on fait des saignées de dérivation le long de leur cours; maïs ce sont des routes ou des tuyaux qui conduisent l’eau dans les parties les plus éloignées. Combien il est donc important que ces routes ne soient pas obstruées ,, et que le fluide puisse les parcourir librement dès qu'il a atteint une des extrémités! La moindre hauteur possible de cette extrémité vers le fleuve, et sa correspondance par une ligne droïte avec le point le plus bas des terres intérieures, tel est le but qu'on doit se proposer dans l'aménagement des canaux en Égypte. C'est vraisemblablement celui qu'atteignit Ptolémée Épi- phanésdans les travaux immenses qu'il exécuta, et pour lequel la triple inscrip- tion du monument de Rosette a consacré son nom parmi les bienfaiteurs de l'Égypte. Les gouverneurs avides et barbares qui se sont succédés depuis (sans en excepter les Romains), ont négligé cette branche essentielle de l'économie politique. Heureux les Français s'ils eussent pu, comme ils en avoient l'intention, réunir dans l'histoire le souvenir de leur gouvernement avec celui du prince dont Je viens de parler ! Le nord.de la province de Beny-Soueyf est coupé par plusieurs petits canaux dérivés du Nil; on n'y en trouve qu'un seul grand, appelé Canal de Beny-A'd, 2:00 DESCRIPTION HYDROGRAPHIQUE du nom du village auprès duquel il passe. Ce canal a généralement 2$ mètres de largeur , et je lui trouvai 2 mètres $o centimètres de hauteur d’eau le 21 ther- midor an 8 [ 9 août 1800 |, jour où je l'ai parcouru. Il prend son origine au Ni, à 1 s kilomètres de Beny-Soueyf : les barques peuvent y naviguer pendant environ soixante jours, depuis le 1$ août jusque vers le 15 octobre. Plusieurs petits canaux s'embranchent sur ses deux rives pour arroser la première partie élevée de la vallée. Vers Tansé , le canal se divise en deux branches, dont l’une va Jjus- qu'à ce village, où se trouve un pont en brique à trois arches, qui est la limie de la navigation, et les eaux vont se perdre dans les terres au pied de la montagne : l'autre partie fait quelques contours, passe auprès des villages d'el-Häfer, Abousyr, Menfast, Ouboueyt et Qemen, et, après avoir couvert d’eau toute la plaine entre la digue Oukchechy au nord et celle de Behâbchyn au sud, porte le trop-plein, par un déversoir pratiqué auprès du village de Ma’sarah el-Khalyl, dans un bas-fond in- culte entre deux montagnes arides et désertes, d’où les eaux s'écoulent vers le Bahr- Yousef, et vont se jeter dans le Fayoum en passant sous le pont d'Haouärah. La partie sud de la province offre moiïns de canaux dérivés du Nil que la partie nord : maïs elle est tout aussi bien favorisée sous le rapport de l'irrigation ; car elle est sillonnée dans le sens de sa longueur par plusieurs grands canaux parallèles au cours du fleuve, et qui, même dans les crues foibles, couvrent facilement les bandes de terre qu'ils laïssent entre eux. Les plus considérables de ces canaux sont connus des géographes sous les noms de Bahr-Yousef et de Bahr- Bathen, et ont, par leur direction du sud au nord, induit en erreur les académiciens d'Anville et Gibert, qui les ont pris pour le fac de Moœæris. Le Bahr-Yousef, que l'on a toujours représenté, dans les cartes modernes de l'Égypte, comme un canal creusé sur des lignes droites dans une étendue d'environ trente-six. lieues, depuis Meylaouy jusqu'à son entrée dans le Fayoum, n'est autre chose qu'une ancienne branche du Nïl, tout aussi sinueuse que lui, et qui pré- sente aujourd hui une largeur d'environ 100 mètres. La plus grande largeur que je lui aie trouvée est de 140 mètres entre le village d’el-Hazé et celui de Menqatyn, où je l'ai mesuré. Cette branche côtoie le pied de la chaîne Libyque, comme le fleuve côtoie celui de la chaîne Arabique , et vient porter ses eaux dans le Fayoum. Par- tout son lit est plus bas que la plaine, dort le niveau, ainsi que Je lai déja observé , est inférieur à celui des éaux du fleuve ; mais, lors de l'inondation, le Bahr-Yousef communique avec les autres canaux parallèles, et couvre avec eux les terres qui se trouvent entre lui et le fleuve. Le nom de Bathen qu'on a improprement donné à un canal, n'est point un nom propre ; il s'applique généralement à presque tous Îles canaux qui parcourent l'intérieur des terres dans la direction du sud au nord {1). On appelle Baten la partie des terres située entre le Nil et la chaîne Libyque. Ce mot dérive de l'arabe Batn, qui signifie #ileu, ventre. C'est ainsi que lon a traduit par les mots Ventre de la Vache la pointe du Delta où les deux branches de Damiette et de Rosette se séparent, pointe que les Arabes appellent Batn el-Baqaral. (1) Voyez le Mémoire sur le lac de Moœris,, Antiquités-Mémoires , tom. 1, pag. 79: Un DE. BENY-SOUEYF ET DU FAYOUM. 201 Ün nom plus particulier, quoique plusieurs canaux le portent , est celui de Fyäd, qui distingue les grands bathen des petits. Le plus grand de tous ces Fy4d Bathen, le seul qui ait pu induire’ en erreur Granger , le P. Sicard et d'Anville, n'a pas plus de six lieues de longueur. Son origine sur le Nil est au village de Cheykh-Zayät, à environ douze lieues au sud de Beny-Soueyf. Il prend ensuite son cours vers le nord-ouest, passe au nord et à une lieue de Fechn, au bas du village de Beny-Säleh ; de à il va se perdre dans les terres, retenu par la digue de Saft- rachyn. Dans PEL la communication avec le Bahr-Yousef se fait un peu au nord du village de Mezourah. Il a environ 36 mètres dans sa plus grande largeur : il ny avoit, au moment où je l'ai sondé, le 20 frimaire an 9 [1 1 décembre 1800 |,quen- viron un mètre $o centimètres de profondeur d’eau , et sa superficie étoit à 2 mètres 60 centimètres au-dessous du niveau de la plaine. On voit plus au sud un autre Fyäd Bathen, dont l’origine sur le Nil est entre le village de Nazlet-Abou-Esné et celui de Qalousaneh. Il passe au pied du village de Maräyeh, où il se divise en deux branches, dont l’une à l’est devient petit bathen, et se perd, à deuxdièues de là, dans les terres d'Abou-Girgeh; l'autre, à l'ouest, com- munique pendant l'inondation avec le Bahr-Yousef, au village d’el-Houeh: mais il n'a pas plus de trois lieues de longueur. | L'arrosement des terres dans la province de Beny-Soueyf s'opère donc, comme dans toute la haute Égypte, par une irrigation naturelle et par une irrigation arti- ficielle , avec cette différence que, dans la partie nord de cette province, la Qu à l'ouest se prolongeant jusqu'à la chaîne Libyque, l'irrigation naturelle a lieu } Jusqu'au pied de cette chaîne, tandis que, dans la partie sud, le profil de la vallée pré- sente deux plans inclinés, partant l’un des bords du Nil , €t l'autre des bords de la branche dite Bahr-Yousef, pour venir former, à leur rencontre dans l'intérieur dés terres, un bas-fond ou cunette qui, conservant les eaux plus long-temps que les autres parties, porte, par ce motif, le nom de Bzkr-Bahen, c'est-à-dire, fleuve intérieur. [1 suit aussi de cette disposition que Firrigation artificielle n’a lieu dans Ja partie nord qué sur la bande de terre rapprochée du Nil, tandis que, dans la partie sud, elle a lieu sur les bords du Nil et sur les bords du Bahr-Yousef Les méthodes employées pour ce genre d'irrigation sont simples, et ne varient que lorsqu'on doit élever l'eau à une plus ou moins grande hauteur. Ces méthodes sont à peu près les mêmes dans toute l'Égypte, et ont été décrites par plusieurs de mes collègues; mais j'ai fait faire en maprésence des expériences dont on ne sera peut-être pas fâché de trouver ici les résultats. La méthode la plus simple de toutes estcelle quiéstreprésentée fig. 7, p2. (, É. m. vol. II. Deux hommes adossés à une butte de terre soutiennent avec quatre cordes et balancent un panier d'osier, fait en forme de calotte sphérique et recouvert de cuir : ils puisent l’eau avec ce panier à la volée, et la Jetent par le même mouve- ment sur lés terres. Le balancement, la prise et le jet de l’eau sont réglés par un chant particulier, dont on peut voir le mode dans le Mémoire de M. Villoteau sur l’état actuel de Fart musical en Égypte (1). Cette méthode n’est presque pas (1) Voyez État moderne, Mémoires, rom, TZ, pag, 737. E. M. TOME II. Ce 202 DESCRIPTION HYDROGRAPHIQUE en usage dans la haute Égypte, parce quelle ne suppose qu'une très-petite diffé- rence de niveau entre les terres et la surface des eaux du fleuve: elle ne convient par cette raison qu'à la basse Égypte, où elle est très-usitée. On voit, au reste, que c'est celle qui est connue en Europe sous le nom'de baquetage, et que l'on emploie dans les épuisemens, | La seconde méthode, qui suppose une plus grande différence de niveau, est. tes-commune.dans toute la haute Égypte. Elle consiste dans l'emploi d’une ma- chine appelée lot, qui est représentée fig. 1, 2 et 3, pla 6, É: M. vol. I. C'est un levier en bois de 3 mètres de longueur, dont le point . d'appui est à un mètre d’une des extrémités, et à un mètre 20 centimètres au-dessus du sol, À l'extrémité la plus longue est attachée une verge mobilé de > mètres 6 $ centi- mètres de longueur, au bout de laquelle se trouve, comme dans la méthode pré- cédente, un panier en osier, recouvert en cuir, et qui se meut sur son axe. À d'autre extrémité du levier est appliqué un contre-poids en terre séchée, dont le but est dé faciliter le mouvement d’ascension du panier. Un homme chargé dela manœuvre de ce levier puise l'eau et la verse sur les terres, ou dans un canal destiné à Ly conduire.» Les paniers ont 4o centimètres de diamètre sur 2 $ centimètres de profondeur ; ils élèvent-environ un centième de mètre cube d’eau. J'ai suivi plusieurs fois ‘la manœuvie de deux 44. Au premier, l'eau -étoit à 2 mètres 30 centimetres en contre-bas du sol : Pouvrier levoit soixante-quatre paniers en six. minutes. Au second, l’eau étoit à 2 mètres 60° centimètres en contte-bas du sol; et louvrier ne levoit que cinquante "paniers ent six minutes. Un seul homme ne travaille que deux heures par jour; il est relevé’par un autre qui travaille pendant le même temps. Ainsi, en supposant deux hommes travaillant continuellement depuis le lever du soleil jusqu'à son Coucher, il faut environ cinq jours pour arroser un feddän, qui comprend une superficie de $724 mètres carrés. | | Le deloûest en usage pour les terres susceptibles d’être semées'en orge, dourah, froment, et autres graines céréales ou oléagineuses ; mais il seroit peut-être dif. ficile de Pappliquer à la culture du riz, des cannes à sucre, de l'indigoÿ#&c. qui demandent une plus grande quantité d’eau. Les terres susceptibles de ce genre de culture sont arrosées par une troisième machine, qui consiste en une roue à pots, représentée pl. IV et w, Ém. vol. IT, Arts et Métiers. Deux bœufs sont attelés à l'extrémité d’un levier de 2 mètres 90 centimètres de longueur, au moyen duquel ils font tourner un arbre vertical, qui porte un hérisson horizontal d’un mètre {5 centimètres de rayon, dont les alluchons, au nombre de cinquante-six, engrènent dans une roue verticale dentée, de 80 centimètres de rayon, armée de trente-six alluchons portant 20*centimètres de.longueur. Son arbre tournant, qui a 2 mètres 70 centimètres de longueur, porte, à l’autre extrémité, une roue d’un mètre 29 centimètres de rayon, autour de laquelle se méut, par l'effet de la rotation, une échelle de corde portant dix- huit pots de terre cylindriques, placés à $o centimètres de distance lun de l'autre. Ces pots’ montent l'eau au plus haut de laroue, à 3 mètres 20. centimètres DE,BENY-SOUEYF ET DU FAYOUM. 203 au-dessus de la surface du fleuve, et la versent dans une auge, d'où elle est con- duite sur les terres par un petit canal La circonférence de la route que suivent les bœufs, est de 18 mètres 86 cen- ümètres, et ils font cent cinquante tours par heure. Deux bœuf allant continuel- lement travaillent pendant trois heures, au bout desquelles ils sont relevés par deux autres bœufs qui travaillent encore trois heures ; de manière que quatre bœufs, se relevant ainsi, travaillent chacun six heures par jour, et la roue tourne pendant douze heures, ce qui produit dix-huit cents tours en un jour. Le hérisson hori- zontal ayant cinquante-six alluchons, et la petite roue verticale en ayant seulement trente-six, celle-ci fait un tour et cinq neuvièmes à chaquetour du hérisson : elle fait donc deux mille huït cents tours pendant qu'il en fait dix-huit cents. Le dia- mètre de la roue qui porte les pots étant de 2 mètres 40 centimètres, la circon- férence est de 7 mètres ${ centimètres, tandis quexcelle de l'échelle des pots est de 9 mètres. Lenombre de leurs tours est donc en raison inverse de leur circonfé- rence, c'est-à-dire quel’échelle des pots en fait huit cent trente-sept et sept neuvièmes pendant que la roue en fait mille. Maïs nous avons vu que celle-ci fait deux.mille huit cents tours par jour; celle des pots en fait donc deux mille trois cent quarante- six pendant le même temps. Les pots ont à peu près 16 centimètres de diamètre sur 26 centimètres de profondeur : leur capacité est donc d’un demi-centième de mètre cube ; ce qui produit, pour les dix-huit pots, neuf centièmes de mètre cube à chaque tour, et pour les deux mille trois cent quarante-six tours, deux cent.onze mètres cubes quatorze centièmes d’eau élevée en douze heures à 3 mètres 20 cen- timètres de hauteur. Fi Si l’on veut établir une comparaison entre le deloù et la roue à pots d'après les expériences que je viens de rapporter, on vérra, en adoptant les premières, que l’ouvrier qui a élevé, au moyen du deloû, soixante-quatre paniers remplis d’eau à 2 mètres 30 centimètres de hauteur en six minutes, n’en auroit élevé que qua- rante-six à 3 mètres 20 centimètres de hauteur pendant le même temps. La ca- pacité du panier étant d’un centième de mètre cube, il auroit élevé  mètres 60 cen- tièmes dans une heure, et $5 mètres 20 centièmes cubes d’eau pendant douze heures. Le produit du deloû est donc à celui de la roue à pots dans Île rapport des nombres $$20 et 21114 : ainsi lon peut compter quatre deloi pour une roue. L'extrême simplicité de cette première machine, la facilité de la construire, de la transporter et de se la procurer par-tout, ont fait adopter de préférence le deloü-que l'on voit répandu sur és bords du fleuve et des canaux d'arrosage dans ‘toute l'étendue de Égypte. | Dans la description hydraulique que je viens de donner de la province de- Beny-Soueyf, on ne voit rien qui puisse raisonnablement faire penser que le lac de Moœris et ses accessoires aient pu jamais trouver leur place dans cette province. Nous allons entrer dans celle du Fayoum, et là nous verrons toutes les difficultés disparoître sans effort ni opposition, et nous reconnoftrons enfin que les détails donnés par les anciens s'appliquent si bien à cette province, qu'on est tenté, à chaque pas, de désigner les lieux actuels par les noms qu'ils nous ont transmis. És M TOME, ee 204 DESCRIPTION HY DROGRAPHIQUE : SECTION IT. Province du Fayoum. : Quoique les recherches. et les travaux à faire dans fe Fayoum fussent le but principal de mon voyage dans ces contrées, je ne pus cependant y pénétrer que dans les premiers jours de nivôse an 9 [fin de décembre 1800]. Occupé dans les premiers temps, à Beny-Soueyf, à dresser le canevas trigonométrique auquel je devois rattacher la province du Fayoum, je me vis bientôt retenu et dans l'impos- sibilité de faire aucun mouvement vers l'intérieur des terres, à cause d’une crue extraordinaire du fleuve, qui suspendit mes opérations pendant plus de trois mois. Les débordemens du Bahr-Yousef avoïent totalement interrompu la communica- tion entre Beny-Soueyf et le Fayoum. L'isolement de cette dernière province est un grand malheur pour elle; car les Arabes étrangers ne manquent jamais de profiter de cette circonstance pour venir piller les habitans:tcet événement eut lieu-à l'époque dont je parle; et le commandant de Beny-Soueyf ayant été obligé : de faire passer par la digue Oukchechy le secours qu'il envoya à Médine, les Arabes, avertis à temps, disparurent avec deur butin avant que le corps de troupes Fran- çaïses fût arrivé. Il seroit très-important, aïnsi que j'en avois ouvert l'avis, que lon construisit une route de Beny-Souéyf aux villages d'Haouârah et d'el-Läâhoun, qui se trouvent à l'entrée du Fayoum. _Je partis enfin de Beny-Soueyf le 3 nivôse an 9 [24 décembre 1800 |, avec mon collègue M. Caristie, et nous allâmes coucher à Haouârah!el-Kebyr, gros bourg situé:sur la rive gauche du Baht-Yousef, à l'ouverture, de la gorge dans laquelle cette branche’ du Nil verse ses eaux. En face de nous, et sûr la rive droïte, nous vimes le petit village d'el-Lähoun. La communication entre ces deux villages se fait au moyen d'un pont ên pierre de taille, composé de trois arches, ayant chacune 2 metres 80 centimètres d'ouverture entre les pieds-droits. Ce pont n'a pas seulement pour but d'établir la communication entre les deux villages; car chacune de ces trois arches est barrée par un déversoir qui sert à régulariser la quantité d’eau que la province du Fayoum doit recevoir, de manière que, dans les crues foibles, l’eau ne s'écoule pas en trop grande abondance dans cette pro- vince et ne soit pas perdue pour le reste de l'Égypte; de même que, dans les fortes crues on ouvre à l'eau un débouché plus vasteet l'on en débarrasse lesol del'Égypte, sur lequel un trop long séjour deviendroit préjudiciable. On voit encore, au parapet de l’est, la trace de trois pierres enlevées sur les- quelles le Mamlouk kâchef Solymän, qui étoit avéc nous, m’assura avoir vu une inscription Arabe*qui portoit que ce pont atété construit pare sultan Solymân ebn Mohammed, dans le vr.° siècle de l'hégire. Il est à remarquer que cette époque ést celle de la dynastie des Fatimites, sous la domination desquels l'Égypte étoit redevenue un royaume indépendant, au soin duquel les sultans régnans appor- toient parsconséquent un intérét plus particulier. Entre le pont et le village d'el-Lähoun, setrouve une digue qui retient les eaux DE BENY-SOUEYF ET DU FAYOUM. 200$ apportées parle grand canal de Beny-A’dy; et, tombant parle déversoir de Ma’sarah dans le bas-fond qui se trouve au pied de la montagne d'Abousyr, ces eaux vont féconder quelques terres autour du village d’el-Lähoun, et serendent ensuite, par un ruisseau parallèle au Bahr-Yousef, dans le canal qui arrive à Tâmyeh. JT existe parmi les habitans du Fayoum une opinion vulgaire sur l’ancien état de cette province, et je crois qu'iln'est pas hors de propos de la rapporter: elle m'a été communiquée par deux hommes en qui J'ai trouvé une intelligence supérieure à celle de leurs compatriotes : l’un est Se’yd-Ahmed, cheykh principal de Médine, capitale du Fayoum; et l'autre, le Mamlouk käâchef Solymân, dont j'ai déjà parlé, qui habitoit depuis longtemps le Fayoum. Ils m'ont assuré que, d'après la tradition transmise d'âge en âge, la province du Fayoum n'étoit, avant l'époque de Joseph fils de Jacob, qu'ils font remonter à une très-haute antiquité, qu’une vaste mer, dont les eaux étoïent fournies par le Nil ; que Joseph fit construire une digue à el-Lähoun pour empêcher les eaux de se Jeter davantage dans ce golfe; que celles qui y étoient restées s'écoulerent à la mer, ce qui opéra un prompt desséchement d’une grande partie des terres. Lorsque le dessus des eaux fut parvenu par ce desséchement jusqu'au niveau du lit par lequel elles s’écouloient, le surplus resta dans les parties basses, et forma le Birket- Qeroun et le Birket-Garäh, qui devinrent l'égout des eaux de la province, et ne diminuèrent de hauteur que par lévaporation. Cette opinion, trop au-dessus de la portée des Égyptiens actuels, n’est point, évidemment, un résultat de leur imagination ; elle porte avec elle le caractère d'une ancienne tradition ; et peut-être, en l’examinant de près, ÿ trouveroit-on l'explication de ce grand périmètre que les anciens ont donné au lac de Mœris, ét sur-tout des avantages qu'ils disent que les Égyptiens en retiroient, en le faisant servir tour-à-tour de-récipient et de bassin déversant. Cette tradition s'accorde avec cerquejai vu autour du Birket-Qeroun; etles conséquences que je tirérai de mes observations, lui donneront ou en recevront peut-être plus de force. En pénétrant dans l'ouverture que la montagne laisse entre Haourah el-Kebyr et el-Lähoun,on voit se développer une immense plaine, qui forme la province du Fayoum. Cette plaïne n'est pas de niveau ; elle présente deux plans légèrement inclinés, l’un au nord, l'autre au sud. Sur la ligne culminante formée par l'inter- section de ces déux plans, on a pratiqué, dépuis le pont d'Haouârah et dans Ia di- rection de l'ouest, un canal jusqu'à Médine”: ce canal traverse la ville; et, à l’extré- mité ouest, il se partage en neuf petits canaux qui vont porter l’eau sur les terres des différens villages. Ia prise est déterminée pour chacun par un pont-déver- soir, dont la hauteur est réglée sur la longueur du terrain à parcourir et sur la superficie des terres qu'il doit arroser. Bepremier de ces canaux, c'està-dire celui qui est le plus à l'est, s'appelle Baztr- Nagälyfeh : passe par les villages de Naqälyfeh et de Selleh. Le second-porte le nom de Senhour, étarrive au village de ce nom. Le troisième, dit de Synerou, se rend au village de Fydymyn. Le quatrième traverse les villages d'A’gmyyn, Beché, Abou-Gonachou et Abou- Keseh. À | 206 DESCRIPTION HYDROGRAPHIQUE Le cinquième, dit de T4lat, va au village de ce nom. Le sixième passe au village de Senbâtch. Le septième s'appelle Bahr-Desyeh ‘il porte les eaux sur les territoires de Desyeh, Garadoû, Toubär et Menâchy. Le huitième arrose les terres de Moutoud, Ouerid et Abou-Dalaché. Enfin le neuvième, qui prend son origine sous une arche du pont de la mos- quée de Häggy-Hasan, fertilise le petit village de Zäouyeh. I y a, vers l'extrémité Est de la ville, d’autres canaux qui, comme les précé- dens, reçoivent les eaux par des ponts-déversoirs. Celui qui est le plus près de la porte Noueyreh, après avoir contourné une partie des ruines d’Arsinoé, se rend au village de Terseh el-Aksäs. Le second est le Bahr-Sennoures, qui passe aux villages de Ka’ äby, Bayhamou, Khonfecheh, Aboueyt, Mechyd et A’bd-Alateh. Le troisième enfin est le Bahr-Ma’sarah, qui arrose les villages de Zerby, Foroseh, Kafr-emyr, Sersené et Antartares. Le canal qui porte les eaux d'Haouärah à Médine, et qui, dans toute cette longueur, conserve le nom de Bahr-Yousef, est, comme je lai déjà fait observer, plus élevé que le sol de la province ; et, ce qui est remarquable, son lit ést à nu sur le roc dans toute l'épaisseur des montagnes à travers lesquelles il a été pratiqué. À environ huit mille mètres du pont d'Haouärah el-Kebyr,'on trouve, surla rive droite, le village d'Haouärah el-Soghayr, auprès duquel a été construit avec beaucoup d'art un mur de soutenement formant déversoir, qui présente une chute d'environ sept mètres de hauteur. Lorsque les eaux s'élèvent dans le Bahr-Yousef au-dessus de ce déversoir, elles tombent dans un large ravin, qui les conduit à Tâmyeh, et de là dans le Birket-Qeroun : il paroît même que ce déversoir n'a pas toujours suffi pour absorber la surabondance des eaux; car on voit, à trois mille mètres plus loin, un autre déversoir qui rejette aussi les eaux dans le premier ravin par un rameau qui les y conduit. Les détails de cette rive droite du Bahr-Y ousef, depuïsel-Lähoun jusqu'à ce second déversoir, présentent un grand intérêt. Auprès du village d’el-Lähoun, se trouve une première pyramide dont le noyau est en pierres calcaires, et le surplus en briques séchées au soleil. Huit mille mètres plus loin, on voit une seconde pyra- mide aussi en briques de même nature, et au pied de laquelle passe un ruisseau qui prend son origine au Bahr-Yousef, un peu avant le premier dévérsoir dont j'ai parlé, et se rend à Tâmyeh par une direction parallèle à celle dufgrand ravin, que ne recevant que le superflu des eaux de la province, reste presque tous “les ans à sec, et porte par ce motif le nom de PBa/r-beli-m4 | Fleuve sans eau]. PR de cette seconde pyramide, le sol est couvert de monticules, de pierres calcaires et de débris de monumens, qui indiquent évidemment le lieu où fut ce fameux labyrinthe des douze rois, qué tous les anciens historiens s'accordentà placer peu au-dessus du lac de Mœris, et non loin de Crocodilopols : on y voit? encore'un reste de chambre, mais totalement enfoui ; des tronçons de colonnes en granit syénite, taillées, comme celles des temples de la haute Égypte, en faisceau DE BENY-SOUEYF ET DU FAYOUM. 207 de plantes bulbeuses; d'énormes chapiteaux Égyptiens, aussi en granit. Pline assure que le labyrinthe étoit le seul monument de là haute Égypte où l’'on-eût placé des colonnes de cette matière. 7 Je me suis transporté sur cet emplacement le 10 nivôse an 9 l'31 décembre 1800 |, et j'ai lié par quelques opérations trigonométriques la pyramide d’el-Lähoun avécrcette seconde pyramide, que jai appelée pyramide du labyrinthe, et avec le minaret de la mosquée de Rouby,, qui est la plus occidentale de celles de Médine. Au moyen dé ces opérations, jai déduit la latitude et la longitude de cette ville, .qui n'ont pasiété prises par M. Nouet, et je lui ai trouvé 20° 28° 48" de latitude nord, sur 28° 41° 9 de longitude orientale, comptée de: l'observatoire de Paris. La ligne qui unit les deux pyramides, s'est trouvée de 8116 mètres s7 centi- mètres de longueur, faïsantavec le méridien magnétique un angle vers l’ouest de 49° 10”. | | La pyramide du labyrinthe est carrée dans son plan sur 110 mètres de côté : mais iliparoîtqu’elle avoit un revêtement dont on ne peut plus assigner l'épaisseur. Un, peu en avant de l'angle à l'est, on voit un vaste trou rond, dans le fond duquel commence un souterrain en maçonnerie, qui sé dirige vers la partie inférieure de la pyramide. Je descendis par ce trou pour pénétrer dans le soutérrain; maïs j'y fus bientôt arrêté par un amas de décombres dont il est rempli. Le fond du trou contient de l’eau, que j'ai reconnue très-fortement salée. En descendant vers le milieu du ravin, vis-à-vis la pyramide du labyrinthe, on trouve les restes d’un long mur en pierres de taille, que je présume avoir été une digue destinée à retenir les eaux qui s'échappoiïent par le dessus des déversoirs appliqués au grand canal. | a rive gauche du Bahr-Yousef ne présente pas le même intérêt que la rive droite. Les mamelons de roche dont'elle est parsemée , et qui sont dés appendices de la montagne, attestent que cette rive n'a/jamais été cultivée : on y trouve cependant le village de Demechqyn; mais les intérêts et le territoire de sés habitans se lient avec ceux d'Haouärah el-Kebyr, dont ils sont voisins. On ne poutroit même pas parcourir cette rive gauche pour se rendre au village d'el-Hazeb, que l'on trouve aprés avoir un,peu dépassé le second déversoir de la rive droite dont j'ai parlé. C'est auprès de ce village d’el-Hazeb, à l'est ét à l’ouest, que se fait, par deux canaux, le déversement des eaux du Bahr- Yousef sur cette partie du grand plan incliné au sud , pour l'arrosement des villages disséminés entre le bahr et le lac de Garah. | À I paroït que ce plan, outre sa pente au Sud, en présente une considérable à l'ouest, vers la pointe du Birket-Qeroun, sur lequel se dirige un large ravin qui portée nom de Bz4r-Ouädy. Pour s'opposer à l'écoulement des eaux sur cette pente, on a construit une grande et magnifique digue, bien différente des ouvrages de cette nature que l’on voit dans la vallée de l'Égypte : celle-ci est en maçonnerie de pierres détaille et de briques cuites, soutenue par d’épais et nombreux contre- forts, “et Construite avec toute la solidité Que donne l'observation des règles de 208 DESCRIPTION HYDROGRAPHIQUE l'art. Cette digue, qui prend son origine au village de Defénnoû, se termine à un pétit ruisseau, qui fait la limite des terres cultivées ; elle occupe une longueur d’en- viron 8500 mètres. On ne peut qu'être surpris de voir un | Ouvrage aussi considérable pour l'intérêt d'un petit territoire tel que ce lieu, renfermé entre Île lac Garah, les montagnes qui séparent le Fayoum de l'Egypte, le Bahr-Yousef et la digue, tandis que d'immenses terrains sont abandonnés dans la vallée de l'Égypte, faute de quelques légères dépenses faites aux digues et canaux conservateurs de ces terrains. Je suis assez porté a croire que le monument dont Je parle est, comme le pont d'Haouârah, l'ouvrage d’un des anciens sultans Fatimites. | Mon intention étoit de parcourir tout le Bahr-belà-mà jusqu'à Tamyeh et au Birket-Qeroun : j'allois même en commencer le nivellement, lorsque dés circons- tances qui amenèrent quelques mouvémens militaires du corps stationné dans la portes me privèrent des soldats qui avoïent été mis à ma Los POSHION, et qui m'étoient devenus indispensables pour mes opérations. Je fus donc forcé, à mon grand regret, de retourner à Médine, où Je fis de suite mes dispositions pour entreprendre autour du Birket-Qeroun le voyage que je desi- rois faire depuis si long-temps. Je profitai de quelque loisir que me laissoïent les lenteurs des préparatifs, pour visiter l'emplacement de l'ancienne Crocodilovobs, dont le nom fut changé, sous Îes Piolémées, en celui d'Arsinoëé. Si l'on sort de Médine par le pont qui est vis-à-vis a mosquée de Rouby, on tra- verse, en se dirigeant au nord, un grand espace parsemé de tombeaux musulmans, après lesquels on trouve, dans la direction sud-nord, plusieurs monticules com- posés de débris de pierres calcaires, de briques où de poteries, et disséminés sur un espace d'environ 3500 mètres au nord et 2500 metres de l'est à l'ouest. Nous avons, M. Caristie et moi, parcouru, visité et fait fouiller chacun de ces monticules , pour y reconnoître la trace de quelques monumens : Mais nous ny avons trouvé que des débris informes, d'où nous n'avons pu tirer d'autre consé- quence, sinon que par leur étendue ils désignent l'emplacement d’une ville; et comme il n’en existe pas d'autre aussi considérable dans toute la province, nous en avons Conclu que cette ville étoit l'ancienne COPA appelée depuis Arsinoé. Cette certitude nous a été bientôt entièrement acquise, lorsque, par quelques SPACE trigonométriques faites sur ces monticules, nous avons trouvé qué leur distance à la pyramide du labyrinthe étoit égale à une longueur de 8702 mètres 98 centimètres, compris 1250 mètres pour la moitié de l'étendue des ruines. Strabon dit positivement (1) qe la distance d’Arsinoé à cette pyramide est de cent stades. D’Anville (2) estime,à un huitième la réduction que l’on doit donner aux mesures itinéraires en Égypte, pour les rapporter à des lignes droites. D'apres le calcul des milles Romains, dont il-égale quatre au schœne Égyptien (3 ), il trouve trois mille vingt-quatre toïsés pour la longueur du schœne ; cé qui donne cinquante (1) Rer. gcograph lib. xvr1; Lutetiæ Parisiorum ,1620. (3) Ibid. pag- 84 et 92. (2) Traité des mesures itinéraires; pag. 181. toises DE,BENY-SOUEYF ET DU FAYOUM. 209 toises deux pieds six pouces, ou 98 mètres 26 centimètres, pour la longueur du stade, à raison de soïxante stades au schœne. Leés cent stades font donc cinq mille quarante toises un pied huit pouces, ou 9826 mètres : d’où déduisant un hui- tième, ilreste 8598 mètres ; ce qui s'accorde assez bien avec la distance que nous avons trouvée trigonométriquement. Le pied des monticules est baïgné à l’est et à l'ouest par deux canaux prenant leur direction au nord, sur une largeur de 30 mètres et une profondeur de 3 mètres so centimètres. Nous avions appris à Médine qu'il existoit des ruines importantes à l’ouest de cette ville : nous nous y sommes transportés ; mais nous n'avons trouvé qu'un lieu appelé e/-A’moud, où l'on voit un seul obélisque en granit, à ro00 mètres envi- ron du village de Begyg, et à 4000 mètres de Médine. Mon collègue M. Caristie s’est chargé de donner les dessins et quelques détails sur cet obélisque: Enfin, tous les préparatifs de mon voyage autour du Birket-Qeroun étant ter- minés, Je pus me mettre en route pour effectuer cette reconnoïssance. J’avois, dans le principe, consulté cheykh Ahmed et Solymân kâchef sur ce voyage, et je leur avois dit que, vu la difficulté de vivre plusieurs jours dans le désert avec mes soldats Français, j'avois résolu de n’emmener que des Arabes avec moi. Ils cherchèrent lun et l'autre à me faire changer de résolution, en m’assurant que les tribus qui parcouroïent ces parages, étoient toutes en guerre, et que je ne pouvois me con- frer à aucune d'elles sans courir les plus grands dangers. Ce fait me fut encore confirmé par un cheykh d’Arabes, qui s'engagéa bien à m’accompagner avec trente des siens, si j'avois avec moi autant de soldats Français. Je les demandaï alors au colonel Eppler, commandant de la province, qui me répondit qu'il en met- toit à ma disposition autantique j'en voudrois pour parcourir les villages ou les terres cultivées, maïs qu'il ne men donneroit pas un pour le voyage que je projetois. | Le desir ardent que j'avois de faire cette reconnoissance, fit que je m’abouchai de nouveau avec le cheykh Arabe ; le commandant Eppler se joignit à moi pour détruire les objections nombreuses et sans cesse renaissantes qu’il faisoit à toutes nos propositions, et nous le déterminâmes enfin à m'accompagner avec trente des siens à cheval. ; Cet Arabe, nommé A’Y, étoit un jeune homme d’environ trente ans, fils de Säleh, grand cheykh de la tribu des Sammélou, qui avoit fixé sa résidence au vil lage de Minyeh, situé sur les bords du Bahr el-Ouädy. Ce nom de Sammélon est. celui de l'association générale des tribus qui entourent le Fayoum: Sâleh avoit trois fils et un neveu, placés chacun à la tête d’une division de la tribu. Le premier, cheykh A’ly, résidoit à Médine ; le second, Groubeh, étoit auprès de lui, à Minyeh; et le troisième, O'tmän, habitoit Abou-Gandyr. Quelques autres enfans qu'il avoit eus de ses femmes esclaves, étoïent aussi auprès de lui, et faisoient le charme de sa vieillesse, Le neveu, A’ly-Aboubekr, occupoit Nazleh. Je donnerai, à la fin de cette description, un tableau détaillé de toutes les tribus particulières, ainsi que de celles de la province de Beny-Soueyf É. M. TOME Il. Dd 2 JO DESCRIPTION HYDROGRAPHIQUE Les Sammälon sont les seuls Arabes qui aient une résidence fixe dans le Fayoum. Ils y sont très-anciens et très - puissans , maïs souvent en guerre avec les tribus étrangères, qui viennent faire des incursions dans là province. Ce sont les Da/fé de Beny-Soueyf, qui entrent par Tâmyeh, lorsque les eaux atteignent les terres cultivées des villages de Menfast et d'Ouboueyt, où ils font leur résidence. Ce sont aussi les Fergän, qui habitent les déserts d'Alexandrie et dé la Bahyreh DE qui, entrant par le Qasr-Qeroun, où est leur rendez-vous, viennent faire des expé- ditions nombreuses, dans lesquelles ils pillent les villages des Sammälou. Les craintes de cheykh A‘ly n’étoient donc pas sans fondement; maïs, les ayant une fois vaincues, je me crus sans danger et ne pensaï plus qu'à mon projet. J’en- dossaï le arnous, je couvris ma tête d'un #bouch enveloppé du châle, et je partis seul Français au milieu de trente Arabes bien armés, et résolus, me disoient- ils du moins, à ne pas se laisser intimider. Cheykh A’ly, voulant sans doute me don- ner une bonne opinion de sa tribu, me parut, dès ce moment, animé d’un cou- rage que je ne lui avois pas vu jusqu'alors, et qu'il communiqua sans peine à toute sa suite. Nous quittämes Médine le 16 nivôse an 9 [6 janvier 1801], à midi précis, et nous suivimes notre route exactement au nord, entre plusieurs canaux. Nous Jais- sâmes à gauche un canal sur les bords duquel je vis un petit déversoir en maçon- nerie. Nous passämes bientôt près du village d’el-A’lm, que nous avions à notre droite, et nous entrâmes dans un boïs clair et planté de palmiers, après lequel nous arrivâmes au village de Ka’àby el-Gedyd. Notre chemin le plus court étoit de suivre au nord-est, vers Ma’sarah et Tâmyeh; mais, sur ce qu’on me dit qu'un monument dont parle Pococke, et qui est connu sous le nom de Pieds de Pharaon, se trou- voit près de là, nous continuâmes au nord, en traversant le canal qui passe à Ka’äby, et nous arrivämes à une grande plage de grève, où est situé le village de Bayhamou, auprès duquel s'élèvent les prétendus pieds de Pharaon. Ces pieds ne sontautre chose que deux énormes masses formées de grosses pierres calcaires, por- tant chacune environ 6 mètres de longueur sur un mètre 30 centimètres de lar- | geur et un mètre de hauteur, posées l’une sur l'autre sans ciment ni liaison. Les deux tas, distans l'un de l'autre d'environ 120 mètres, sont entourés d’autres pe- tits tas disposés de même. On voit aussi de grosses pierres éparses, qui indiquent que ces tas étoient beaucoup plus élevés que je ne les aï vus; car ils n’avoient plus alors que dix assises, portant ensemble une hauteur de 10 mètres: leur plan forme un carré d'environ 8 mètres de côté. J'avois remarqué que, depuis environ {oo mètres au sud, la pente du terrain commençoit à devenir légèrement sensible; ce qui pourroit faire penser que le lac s’'étendoit jusqu'à ce point. Notre marche avoit été réglée depuis Médine, et nous faïsions environ 3500 mètres à lheure : il étoit alors deux heures moins un quart. De ces ruines, j'apercevois au milieu d’un grand groupe de palmiers au nord le village de Sennoures, où j'arrivai à trois heures, étant parti des Pieds de Pharaon à deux heures précises. Sennoures est un assez grand village, bâti sur un monticule, le plus élevé de tous DE BENY-SOUEYF ET DU FAYOUM. 211 (il s’agit sans doute de celles de 10 drachmes +). Le nom de ce poids subsiste encore, et il est en effet de 100 rof/ de 12 ou- gyah chacun, ou de 1200 ougyah : d'où l'on voit que la division du qantâr en 100 rofl, et du rotl en 12 ozgyah, remonte à une assez grande antiquité, et qu'il y a probablement beaucoup d’erreurs et de confusion dans les opinions diverses rapportées par Maqryzy. On peut soupçonner aussi que le nombre de drachmes qui composoit le rotl na pas été exactement transmis par la tradition, parce que ce nombre ne paroît coordonné ni avec la division de dix en dix, ni avec la division de douze en douze (2). Si nous n'avons pas encore parlé du dynär, du mitqâl et du qirât, c’est qu'il paroît évident qu'à l'époque à laquelle écrivoit Magryzy, comme de nos jours, ces poids formoient un système séparé et distinct, qui ne faisoit point partie du système général de poids que nous avons fait connoître. On peut les comparer à nos poids d'essai, ou à nos poids médicaux, qui ont des noms, des subdivi- . sions et un usage particuliers. Dynér, mot Persan qui a passé dans la langue Arabe, étoit le nom de la mon- noïe d'or, comme drhem celui de la monnoïe d'argent. C’est le denarius des Latins et le mot der des Français. Ces mots ont eu, chez les différens peuples’ un sens très-différent ; ils ont été appliqués à diverses monnoies d’or, d'argent, et même de cuivre, et quelquefois à certains poids, tels que notre demi-gros, et le poids d'essai de l'argent. Le dynär pesoit un mitqâl, et l'on se servoit indifféremment des mots drér ou mutgäl pour exprimer le même poids (3). Mitqäl signifloit anciennement un poids quelconque ; maïs on a fini par appli- quer spécialement ce nom à un petit poïds qui étoit celui du dynâr. Par la suite, le système des monnoies d’or a changé, ou leur poids a été diminué, et le mot dynér a cessé , en Égypte, d'exprimer un poids; mais on a toujours fait usage du poids désigné parle mot wrtg4l et de ses subdivisions, pour évaluer le poids de For et celui des pierreries. Une tradition ancienne rapportoit que le Prophète avoit dit : « Le dynâr est e » 24 grât. | Abou-l-Oualyd ben Rochd (4), dans son livre intitulé EÆKebyr, ajoute à cette (1) Aboulhassan Ali ben Ismaïl, surnommé Ebn Seïda, même mot, se retrouve chez plusieurs peuples : par mort l'an de Phégire 458 [ 106$ de notre ère]. (Extrait de Ja note 105 de la traduction de M. de Sacy, Traité des poids et mesures.) (2) Voyez page 236, dernier alinéa. (3) L'usage de faire les monnoies égales à un poids déterminé et de désigner Le poids et la monnoïe par un exemple, le mot livre désignoit chez nous en même temps ‘une certaine quantité de monnoîïe et un poids; le mot denier s’appliquoit aussi à un poïds et à une monnoie: maïs il est rare que le rapport primitif entre le poids et la monnoje ait subsisté long-temps. Voyez pag. 233, alin. 2. (4) C’est celui que nous connoiïssons sous le nom 232 NOTICE SUR LES POIDS ARABES tradition :.« Le qirât est de trois grains d'orge; le dynâr est donc de 72 grains » d'orge, choïsis d’une grosseur moyenne. » Ici nous apercevons que les Arabes ont senti la nécessité d'indiquer le rap- port des mesures adoptées à quelque quantité prise dans la nature, ou d’assigner un terme de comparaïson qui fût constant, ou le moins variable qu'on püt trou- ver, pour y rapporter d'unité de mesure convenue. | Par exemple, l'idée la plus naturelle et qui a dû venir la première à presque tous Îles hommes, a été de comparer les mesures de longueur aux dimensions mêmes de leur corps, comme à celles des doïgts, du bras, du pied, ou à la grandeur de leur pas, ou de leurs bras étendus : de là, les dénominations de doigt, pouce, coudée, pied, pas, brasse, &c. Il y avoit loin de ces idées grossières à celles de chercher une unité de lon- gueur fixe dans la mesure exacte du pendule à une latitude donnée, où d’un mé- ridien de la terre, et de déduire ensuite de cette première donnée et du poids de l’eau pure qui, à la même température, conservé Constamment le même vo- lume, les mesures de poids et de capacité. On imagina donc dé trouver aussi, pour les poids, d’autres rapports ou termes de comparaison dans la nature: et comme on avoit remarqué que les graines de fruit conservoient assez constam- ment la même figure, à peu près le même volume et le même poids, on prit pour unité de poids les graines de différentes plantes. Telle est l’origine de la dé nomination de gran qui se retrouve chez un grand nombre de peuples (er C'est au poids du grain d'orge /habbah che‘yr] (2) que les Arabes ont rapporté celui du mitqäl, ou celui du qirât qui en est une subdivision, et ils ont trouvé que le qirât équivaloit à 3 abbah où graïns d'orge, et le mitqâl à 72 grains. Quelqu'imparfaites que soïent ces données, on y voit au moïns la trace d’un _système suivi assez régulièrement ; et ilest plus que probable que les poïds supérieurs étoient, avant qu'on les évaluät en drachmes, des multiples exacts du-mitqâl, puisque nous avons vu.ci-dessus que le qantär avoit été évalué anciennement en @nér Ou zrityél. Abou Obeyd, dans son livre intitulé Æztäb el-Amval (3), dit que le mitqâl a toujours été, dès les temps les plus reculés, une mesure fixe et déterminée: d’Averroès ; il mourut l’an de l’hégire 595 [1198]. L’ou- vrage cité ici paroît être un traité de jurisprudence. (Extrait de la note 72 de la traduction de M. de Sacy, Traité des poids et mesures. ) (1) Æabba, ou habbah, signifie grain ; les Arabes se servent trés-souvent de ce mot seul, comme nous du mot grain, quand il s’agit de poids, sans désigner les- pêce de grain. Magryzy, dans son Traité des monnoïies (traduction de M. de Sacy, pag. 10), dit que, d’après la tradition, le premier qui a inventé l’usage des poids mithkal étroit égal à celui de 6000 grains de sénevé. Magryzy ne dit pas de quelle espèce de habbah il s'agit ici; mais, comme il assure que le mitqâl n’a pas varié, il falloit que ce habbah ou graïn fût plus pesant que le grain d'orge. Les serräf d’aujourd’hui comparent aussile grain au poids d’un certain nombre degraines de rave ou de navet. (2) En arabe, sas > gTAin ; rai, orge. Voyez pag. 231, dern. alin. et pag. 233 , alin. $ et suiv. Voyez aussi, pour les graïns au xquels on a comparé les poids modernes, pag. 237, alin. 8 et suiv. (3) M. de Sacy pense qu’au lieu du titre Xirab alam- val , il faut lire dans le manuscrit A'irab alamthal, c'est- a-dire, Livre des proverbes, parce qu’Abou-Obéïd a com- posé réellement un recueïl de proverbes, tandis qu’on dans les temps reculés, a commencé par former le mithkal, qu'il composa de 60 habbas, chaque habba étant égal à 100 grains de sénevé sauvage d’une moyenne gros- seur; qu’il fabriqua d’abord un poids égal à ces 100 grains de sénevé, puis successivement d’autres poids égaux À $ habbas ou à de mithkal, à +, à 1 mithkal, à 1, à ç, à 10 mithkals et au-dessus. De cette manière, le poids du ne connoît point de lui de livre intitulé Xitab alamval. (Extrait de la note 113 de la traduction de M. de Sacy, Traité des monnoies.) Voyez, pag. 246 , la remarque n.° 16. 14 ANCIENS ET MODERNES. pe 5 La drachme a été introduite plus tard. | Les auteurs Arabes ne s'accordent pas sur l'origine de la drachme. Les uns pré- tendent que c'étoit un poids connu et usité bien avant le Prophète : d’autres sou- tiennent que c’étoit le nom d’une monnoïie d'argent dont il.se trouvoit plusieurs espèces dans le commerce, et qui n’avoit pas été frappée par les Musulmans Gas qu Abd el-Melek ben Merouân fit peser ensemble une des drachmes les plus fortes et une des plus foibles, et fit frapper une monnoie égale à la moitié de ce poids Ou au poids moyen des anciennes drachmes. La drachme devint dèslors à-la-fois une monnoie et un poids usuel qui servit à évaluer les autres poids. En supposant, d'après cela, qu'il eût existé précédemment un poids nommé dirhlm , il est certain que ce poids fut changé, tandis que le mitqäl resta le même. II fallut dix drachmes nouvelles pour faire sept mitqäl. Enfin il est vraisemblable qu’originairemént là monnoie d'argent et la monnoie d'or étoient du même poids (2); alors le dirhem eût été égal au dynär, et tous les deux eussent pesé un mitqâl® Le dirhem ayant été diminué, le nom de mitqäl resta au poids ancien du dynâr, et celui de drhem s'appliqua au nouveau poids auquel la monnoie fut réduite, ou à six däneg. Il résulte de ces changemens que la drachme ne fut plus un multiple exact, ni du karat, subdivision du mitqâl, ni du habbah, unité de poids naturelle, à laquelle on avoit rapporté le mitql. Les auteurs Arabes sont partagés d'opinion sur la valeur de la drachme. Lés uns la faisoient égale à 50 labbah=, le dynâr ou mitqàl valant 72 grains. Selon À bou Mohammed ben A’tyah{3), « le habbah dont se composoit la drachme » est le grain d'orge d'une grosseur moyenne, pris dans l’état naturel d’aspérité, au- V > quel on n'a point ôtésa pellicule, mais dont on a retranché , aux deux extrémités, » la portion quise prolonge et qui dépasse le corps du grain.» D'autres évaluent la drachme à 57 habbah + etun dixième de dixième [c’est-à-dire pe 7 061 f ce qui donneroït, pour le mitqâl ou le dynär, 82 grains —-. Maqryzy prétend concilier les deux opinions, en disant qu'il se peut que 57##/,6 1 pris au hasard équivalent en poids à $0 abbah ? choisis d’une grosseur moyenne. On voit combien toutes ces données sont éloignées de la certitude et de la pré- cision rigoureuse exigées en métrologie. La drachme étant déterminée , comme nous venons de le voir, devint la basé 3 \ / e » à e 2 Ve 0 ZX ° d'un nouveau système métrique; c’està-dire qu’on évalua les poids déjà existans en (1)1Ty avoit deux espèces de dirhems. Les uns portoient une empreinte Persane : c’étoit le dirhem bagli, ou noir, qui pesoit 8 daneks. Les autres portoient une empreinte. Greëque : c’étoit le dirhem rabari, nommé aussi ancien ; il pesoït 4 daneks. Leur somme donna 12 danéks, dont Ben-Mervan prit la: moitié : il fixa ainsi le dirhem à 6 daneks: [1 existoit aussi un dirhem djavaréki de 4 da- neks?, (Extrait de Maqryzy, Z'raité des monnoies , trad. de M. de Sacy.) (2) Plusieurs passages de Magryzy changent cette con- jecture en certitude ; il dit ( 7 raité des monnoïes, tra- duction de M. de Sacy, page 6 ).: « Le poids des dirhems É. M. TOME II. » de Perse qui avoient cours avant lislamisme, étoit égal » à celui du mithkal d’or; au lieu que, dans les dirhems » qui ont cours aujourd’hui, il s’en faut de 3 mithkals sur » 10 dirhems, » IT dit aussi /pag, 7): «On donnoit au mithkal le » nom de dirhem ; ‘on. lui donnoit aussi celui de dinar; » et (pag. 1), & Haroun Alraschid remit les types moné- »taires à Alsindi, qui fit frapper des dirhems égaux aux > dinars.» (3) Abdalhakk ben-Athia est auteur d’un Commen- taire sur FAlcoran. (Extrait de [a note $7 de la traduc- tion de M. de Sacy , Traité des poids er mesures, ) G£ 234 # NOTICE SUR LES POIDS ARABES drachmes et en grains (d’où ilrésulta encore que ces poids ne furent pas un mul- tiple exact ni de la drachme ni du grain) ; ou l’on forma de nouveaux multiples exacts de la drachme, auxquels on donna de nouveaux noms; ou enfin on conserva à ces multiples d'anciens noms qui ne s’appliquoïent plus à la même valeur. Nous allons donner, en drachmes et grains, le tableau des poids divers dont il est question dans le Traité de Maqryzy. | . x Nota, Dans le tableau suivant, on n’a pas réduit en décimales les. fractions qui auroïent donné trop de chiffres, ou qui auroïent présenté une série non terminée, et, par conséquent , moins exacte que la fraction elle-même. | C2 LI (Suit le Tableau. ) ANCIENS ET MODERNES. “2LUUOIP en een | rm | es inod 1926 9p “> HVAIVH NO HOHO.G NIVHO ‘auyoeip ï °1 gr # "8:91 ‘9 nd F8 ‘Ye ‘of "897 109 “CL “ho *0£E ‘OT “719 "oz “# 1p6 1 |'£ £69 Fosir | 992 “Yerz -09/ LME CEA “076 67 |£ LST6 “oopoz |"£ grh6 ‘080 97 ‘009 6 “oo Six ‘008 94 ‘oLUU9EIp x mod ‘auyotIp 2 ‘or 2p op LVUVA ne DINVA LYUID ‘OI alim of 0 -0Y Six “la gx “ofi -ogp 5 tps 1 + 1461 *009 1 ‘008 TI ANHOVHG no WAHHIQ 22 ouyoeip I TYOLIN fe °T ‘sowuuyoerp $ 2e LYNOGIN ‘TI . so Ti | y = pri EE VEN oi) -o$1 ‘007 1 *SaUIUOTIP HVA0NO nl SaUU9T1P OT ‘Souy9 ep oÿ ep HVAONO "9 ou ‘ofe Sd 2264 (1) *I +: e a £ I SUTRE NET "1 € 4x rss = £ er ET .£ peer DE + 97 100) 7 18 PUUEIPE SUoTIp (1) 2 2 £ 10P +10p “saut B, x a gpl qubrut no no ee 4 A4DuA} yudbno T1 LE dia 4 ogor o011 2P 2p 2p °I ‘8 "Sauwy9r1p 07 ep yvfbno oY Op) °1 en saut e1p £ + OI 2p yrfbnooocx no “sauumorip RTI cg 1/04 001 9p EE ER CCÉRR d YyLNYO Li] oc TOME: IL EÉ. M. 236 NOTICE SUR LES POIDS ARABES Nous avons dit que les Européens ont cela de commun avec les Arabes, qu'une grande partie des noms et divisions de leurs poids étoient les mêmes, oigu n'y eût entre les valeurs de ces poids qui portent des noms semblables qu'un rapport fort variable et souvent assez éloigné. | Notre quintal {1}, comme leur qantâr, étoit composé de 100 livres ou oz. Notrelivremédicale étoit de 1 2 onces, comme le rotl des Arabes de 1 > ouqyah (2). L’once médicale se divisoit en 7 deniers (3), comme l'ouqyah de 10 drachmes €n 7 dynär Où ritqäl. Le denier des médecins, qui étoit plus pesant que celui des orfévres, équivaloit à 82 grains + comme le dynär à 82 grains , cette fraction ne différant de la pre- Les Romains ont confondu le denier avec la drachme (4), parce que ces deux divisions de poids étoient contiguës et différoient peu : ilen est résulté que la drachme a été divisée en 72 grains, et qu elle a été comparée à notre gros. Mais c'est le mitqäl ou dynär des Arabes qui a le plus de rapport à notre gros. L'ouqyah, ou once Arabe, de 10 drachmes +, contenoit anciennement près de 8 mitqél ou gros ; et, dans le système actuel des poids en Égypte, l'ougyah se compose exactement de 8 mutqäl où gros, d’une drachme =chacun. dé Le mitqäl ou dynär se divisoit aussi, de même que notre gros, en 72 grains. Dans notre système de poïds de marc, on appelle &nier le tiers du UE qui répond au scrupule médical. A Le scrupule et le denïer, qui se partagent en 24 grains, ont à au tiers du dynär ou mitqäl des Arabes, ou à une demi-drachme actuelle, le mitqäl étant égal à une drachme = Enfin l'Europe a, comme les Orientaux, le système particulier de poids et le nom de karat dont nous nous servons en France dans les essais d’or pour en évaluer le titre et pour peser les diamans (s). | POIDS ACTUELS DU COMMERCE. L'UNITÉ de poids adoptée actuellement dans le commerce est la drachme, dont nous donnerons ci-après la valeur. Chez les Arabes, comme chez tous les peuples, pour aider la mémoire, qui re- tient difficilement un nombre composé de trop de chiffres, et pour avoir, dans les comptes et calculs, moins de chiffres à écrire, on a donné des noms particuliers a certains multiples de l'unité de mesure. Le système de numération des Arabes étant le système décimal, il eût été plus naturel de ne donner des noms particuliers qu'aux multiples de dix; mais chez eux, (1) Le mot quintal a de l'analogie avec le mot Arabe (3) Le mot denier est évidemment le même que le mot 5 , gantär, qui, suivant la prononciation vulgaire, Arabe 35, dynér. Voyez pag-231, alin. 4 er suiv. quintar, ne diffère du mot Français que par Fr finale, (4) re ce que nous avons déjà dit de la drachme, qu’on a changée en L. pag: 230, alin. $ et suiy. et note1, et pag: 233, alin. 4. (2) Le mot ougyah, en arabe «5, , paroit le même que (s) Voyez pag. 241, alin. 6 et ns es mots Grec #yxia, Latin uncia, et Français once. = 2, -1 drachme : à ANCIENS ET MODERNES. 257 comme dans plusieurs autres pays, l'expérience ayant indiqué que la division de douze en douze étoit facile et commode, parce que, ce nombre et ses multiples ayant beaucoup de diviseurs, il en résultoit très-peu de fractions, leur système de mesures présente un mélange de multiples et sous-multiples de dix et de douze. j Le qantir tele er. * 100 rotl. Le rotl, de. Et détgyahidese" 2... . 12 ouqyah. 12 drachmes. Il existe, dans le commerce, un autre rotl qu'on appelle ro#/ zyäty (1) ou rotl fort, qui estcomposé de 1 4 ougyah ; mais on voit qu'il ne fait pas partie du système de division naturel ou ordinaire des poids. Le rotl ordinaire, quand on veut le distinguer du‘rotlzyâty, s'appelle rot/ gabäny (2), c'està-dire, rotl des peseurs. +. La drachme se subdivise ordinairement en £,2,+,- Ces subdivisions n’ont point de dénominations particulières, à moins qu'on ne les évalue en karats, qui sont les divisions du mitqâl: alors, le mitqâl valant une drachme + ou 24 karats, la drachme peut se diviser en 16 karats,.et le karat en 4 grains de blé; ce qui donne 64 grains pour une drachme. Nous reviendrons à cette division en parlant du mitqâl. Le mitqâl est encore usité dans le commerce, comme on l'a dit, pour évaluer le poids de l'or, des pierreries, des denrées et drogues précieuses qui se vendent à très-petit poids G).- Sept itqäl équivaloient anciennement à 10 drachmes, drachme ?; maïs, . A x ou 1 mitqal à 1 ee comme on a trouvé sans doute refaire dans le calcul, le rapport entre la drachme et le mitqâl, 2 et que 1 drachme + approche de — près, le mitqâl dont on se sert habituellement dans le commerce et à la monnoie, est de 1 drachme © Ce mitqâl se divise, comme anciennement, en 24 karats (E Le karat a été comparé au graïn de caroubier (5), auquel il a été trouvé égal roubier ont donné le mitql, et 16 la drachme ; : 24 grains de ca- ; en sorte que les Arabes ont eu dans cette graïne un nouveau terme de comparaison naturel, qui présente toutefois le ‘même inconvénient que la comparaison avec les grains d'orge (6). Comme cette dernière espèce de grains varie en poïds, on a pu, en les compa- rant au nouveau mitqâl, les choisir un peu plus forts, et le mitqâl passe encore pour équivaloir à 72 grains d'orge. (1) En arabe, Gb; b,. (2) En arabe, àU5 JL. (3): Voyez page 231, alin, 6, et page 236, alin. 1 (4) Lemanuscrit de Leyde, que M. de Sacy a consulté pour sætraduction du Traité des poids et mesures de : Maqryzy, porte, en marge, la note suivante : « La racine ‘ » de kirat est karat, pris de karrata aleihi , c’est-à-dire, il » lui a donné peu de chose. » (Note 76, traduction de M. de Sacy.) , (5) Le grain de caroubier s’appelléen arabe kharoubah. Le caroubier, arbre fort connu, est indigène dans tout le Levant. Il est très-commun à Malte. Ses feuilles sont aïlées, portant de deux à cinq paires de folioles , presque rondes, luisantes et ondulées. Ses fruits sont des gousses comprimées, un peu coriaces ,qui cachent sous leur écorce une pulpe sucrée, et contiennent des semences dures, lisses, ovoïdes et comprimées. C’est avec le fruit du caroubier qu’on prépare Îe sorbet de kharoub que: lon vend au Kaïre, dans les rues et les places publiques. / Vote de M, Delile.) (6) Les serrif se servent aussi des graines de la casse , habbah kheyär chanbar, à ls ee Le cassier est un bel arbre cultivé en Égypte. If produit les longues gousses cylindriques dont onetire la pulpe de casse, qui est un purgatif doux, fort connu dans les pharmacies. {Vote de M, Delile.) v NOTICE SUR LES POIDS ARABES 239 Maïs, soit qu on aït cru devoir chercher un autre terme de comparaison , Îe rap- port de la drachme au mitqâl étant changé; soit que le grain de blé ait paru Be, commode que le grain d'orge, dont il falloit retrancher une partie; soit enfin qu'on ait trouvé plus facile ou plus uniforme de subdiviser le karat par 4 (1), comme on f'avoit fait pour la drachme; on a trouvé dans lés grains de blé, dont quatre choisis d’une moyenne grosseur équivalent au grain de caroubier, un nouveau terme de comparaison qui est généralement adopté (2). D'après cela, le mitqâl vaut 96 grains de blé, et la drachme, 64 (3). Nous avons eu la curiosité de voir quelles pouvoïient être les limites d’exactitude d’un rapport qui paroît fondé sur des notions aussi incertaines. Nous avons obtenu les résultats suivans : 16 karats ou grains de caroubier , qui doivent équivaloir à une drachme, pris au hasard, ont pesé, en poids de marc, 1° 16 grains de caroubier, pris parmi les plus sains et les mieux formés, et choisis par un serrâf Juif, passant pour très-distingué dans sa profession. . .... . ee 0 - + + + + + se 01e © ee 01% + en sûre 0 16 autres grains choisis parmi ceux qui nous ont paru les plus égaux et les mieux ÉONMES 24 « 64 grains de blé, devant équivaloir à une drachme, ont pesé, 1.° Choisis par le serrâf Juif, plems et sans altération... ....... Idem, choisis par nous................ 2 Choisis d'une grosseur moyenne. ... CRC RorAmEss Terme moyen $7,000. grains 54,500. 54875. $ 5>000. 2... + 0 + 61,750. tire MTS °hecelr. e ne hace.sn (se, de ve Rte te titre 60,500. Terme moyen. Terme moyen des deux résultats. .. Quoique le mitqâl, avec ses subdivisions, forme en quelque sorte un système de poids séparé, nous le comprendrons cependant dans le tableau que nous allons donner des divisions des poids du commerce, afin de ne pas trop mul- tiplier les tableaux, et pour que Von puisse facilement saisir d’un coup - d'œil le (1) Voyez page 237, alin. set8. (2) Le mithkal de Syrie se divisoït, à ce qu’il paroît, en 24 Kirats dont chacun valoit 4 habbas. Le Kirat (du -poids de Syrie est de 4 habbas. ( Voyez note 34 et page 17 de la traduction du 7raité des monnoies de Maqryzy.) (3) Djélaleddin Aboulfadhl Alsoyouti, dans son Traité del Égypte, ditqu'Ebn-Fadhlallah, dans son Livre intitulé Almésalik, parlant du commerce de PÉgypte, s’exprime ainsi: « Le dirhem est de 18 grains de caroubier ou kharou- » bas; le grain de caroubier, de 3 grains de blé; et Le = mithkal, de 24 kharoubas » ( Extrait du 7#aité des mon- noies de Magryzy).. Cette assertion nous paroît erronée. S'il s’agit du mitqil, dont 7 équivalent #2 10 drachmes, une drachme ne vaut que 16 kharoubah et —.. Si le an vaut une drachme £, la drachme ne vaut 4 16 kharou- bah. Pour que la drachme valüt 18 grains de caroubier, le mitqâl en valant 24, il faudroit que le mitqâl valût une drachme +; ce quine paroît pas avoir jamais eu lieu. Enfin c’est probablement au grain d'orge, et non au grain de blé, que auteur ci-dessus auroft dû, confor- mément à toutes les traditions, comparer le grain de caroubier. ANCIENS ET MODERNES. | 239 rapport entre eux de tous les poids usités ; nous en ferons autant à l'égard du rotl ZyätY. DIVISION DES POIDS DU COMMERCE. | * GRAINS GRAINS OuayAH. | * MITQÂL. | DRACHME. KARAT. d'orge, de blé, 1200. 9600, 14400. 230400, 691200. 921600. 14. 12 168. 2688. _ 8064. 10752. 02. 96. 144. 2304, 6912, 9216. 1. 8. 12. 192. 576% 768. 1. ms 24. 72. 96. 1 16 48. 64. 1 3 4 * L’astérisque indique les poids qui ne font pas partie du système ordinaire, des poids du commerce, La forme dés poids du commerce varie beaucoup ; elle est tantôt cylindrique, tantôt cubique; souvent c'est un polyèdre résultant du cube dont on a tronqué les angles : mais, en général, le rotl,le double rot], le demi-rotl, l'ouqyah, ont la forme d'un anneau imitant un croissant. Cet anneau n'est pas entièrement fermé, en sorte qu'on peut lenfiler dans une corde sans fn, en écartant les branches du croissant, ou plutôt en comprimant la corde entre les deux pointes du croissant. Les poids, en général, sont en cuivre, métal qui est préférable au fer, parce que ce dernier s'oxide trop facilement, et que les ouvriers du pays ne sont pas dans l'usage de le fondre et de le modeler. Ces poids se fabriquent en cuivre jaune, où cuivre rouge allié de bismuth, qui est moins recherché en Égypte que. le cuivre rouge. Les petits débitans et marchands de diverses nel pour ‘qui l'achat de poids de cuivre seroït trop dispendieux, se servent souvent d'un simple morceau de fer informe, ou d'un caillou qui a le poids convenable. * Chez un peuple aussi peu éclairé et dont la police est si peu perfectionnée, on na pas établi, comme en Europe, l'usage et la nécessité d’avoir des poids d’une même forme, qui par cela même sont très-connus, et sur la valeur desquels personne ne peut ètre trompé; de faire vérifier et marquer ces poids, et de pro- hiber l’usage.de tous ceux qui ne sontpas ainsi marqués, ce qui contribue à rendre la fraude moîïns facile et plus rare. On supplée à ces précautions par une surveillance journalière, et des peines extrèmement rigoureuses contre ceux qui ont des balances ou des poids faux (1). (1) Laghà chargé de Ia police parcourt la ville à et escorté par un grand nombre d'esclaves ou domestiques cheval, précédé d’un esclave qui porte devant lui des + armés de longs bâtons. poids et une grande balance; il est suivide ses bourreaux, Dans les marchés, les placespubliques, Îles bazars et 2 AO NOTICE SUR LES POIDS ARABES Le moindre déficit dans le poïds est quelquefois puni aussi sévèrement que la fraude la plus manifeste. C'est dans cette crainte que la plupart des vendeurs pré- fèrent avoir des poids plus forts, ou trébuchans, selon le sens de l'expression dont ils se servent. Les balances en Égypte sont, en général, semblables aux nôtres, et la plupart se tiroient autrefois d'Europe. Les petites balances, qui se fabriquent dans le pays, ont assezisouvent le défaut d'être sourdes, c'est-à-dire que le levier est courbé, et le point d'appui, ou centre de gravité, au-dessus dés points d'attache des bassins; ce qui rend la balance peu sensible, ou difhcile à faire trébucher. On fait dans le commerce, sur-tout pour les poids un peu forts, un grand usage de la balance que nous connoïssons sous le nom de romane, et qui est divisée sui- vant le système de poids adopté en Egypte dans le commerce. POIDS USITÉS À LA MONNOIE. Les poids de la monnoie, qui se faisoïent en cuivre jaune, avoient, en général, la forme de polyèdres à faces octogonales. Cette forme s'obtient en tronquant les angles du cube; elle à sur la forme-cubique l'avantage de présenter des angles so: lides moïns aigus, qui s'altèrent moins promptement, et dont le choc a moins d'inconvéniens, soit pour dégrader les balances, soit pour blesser les maïns ou les pieds des ouvriers. Les forts poids sont ordinairement garnis, à la partie supérieure, d’une anse ou main, qui peut se relever ou s'abattre. Le nombre des drachmes qu'ils repré- sentent est gravé, au poinçon, sur une des faces du poids. | 11 paroîtra sans doute digne de remarque, que, dans un pays où les connois- sances sont bien moins avancées qu'en Europe, on ait éu cependant, depuis si tous les lieux où se trouvent des marchands ou dés dé- taïllans, if se fait représenter les poids etiles balances d’un ou plusieurs vendeurs pris au hasard ou choisis à son gré. Quelquefois il interroge les domestiques qui viennent d'acheter quelques denrées, et s’informe du prix qu’ils les ont payées, du poids pour lequel on les leur à livrées, et de quel marchand ïls [es tiennent. I fait peser devant luïces denrées, er, s’il y a fraude dans le poids, ou sur- taxe de prix, àl fait venir le marchand et le fait punir sur place. Cette punition consiste ordinairement en des coups de qgourbâg sur la plante des pieds. Les domestiques ou esclaves de l’aghà saisissent le délinquant, létendent la face contre terre, lui prennent les jambes dans une espèce de joug en bois, et plusieurs bourreaux armés de gourbäg lui appliquentjusqu’à deux ou trois cents coups sur laplante destpieds: L’aghà compte des coups par les grains de son chapelet. Le patient de- mande grâce, en implorant l’aghä, lé Prophète, ou Dieu, dont 1] répète. les cent noms ou perfécrions, Le malheureux marchand estropié, ou les pieds déchi- rés, ne pourroit regagner sa maison, si quelqu'un de ses amis ou des spectateursne ly portoit , en le soutenant sous les bras. Quelquefoïs, lorsque les détaillans ont été pris souvent en fraude, ou lorsqu'ils se sont entendus pour faire rén- chérir les denrées , de manière-à faire crier ou ameuter le peuple, l’aghà, pour donnerun exemple plus terrible, fait trancher la tête à quelqu'un d’entre eux. On peut dire, en général, que c’est une marque d’im- moralité et de dépravation, de la part du'peuple, que de témoigner dePintérêt au coupable et de paroître affigé lorsqu'il est puni; mais la peine est si terrible et souvent appliquée avec tant d’injustice, qu’on est moins étonné de voir la populace témoigner sa pitié au délinquant, le flatter et le consoler. 11 n’est que trop ordinaire que les aghä abusent de leur pouvoir arbitraire, pour se faire donner de l'argent ou des présens par Îles marchands; ils ne punissent souvent celui qui a des balances et des poids exacts, que parce qu'il n’a pas eu la politique de leur faire remettre son tribut. long-temps, ANCIENS ET MODERNES. 2-À 1 long-temps, pour la fabrication des monnoies, l'idée d'adopter la division décimale des poids, quoïque cette division ne fût pas celle du système des poids du pays. Cet usage s’est sans doute introduit, parce qu'une longue expérience avoit dé- montré aux agens de la monnoïie que cette division, s’accordant avec le système de la numération, étoit infiniment plus commode pour le calcul (1). Les poïds de la monnoïe sont donc divisés de 10 en: 10 drachmes, et en mul- tiples et sous-multiples de 10 drachmes. Les plus usités étoient ceux de 2000; 1000; 500; 200; 100; 50; 25310;5;4;3;2;1. Ces multiples et sous-multiples n’ont point de noms particuliers, en sorte qu'on ne se sert que du seul nom de l'unité de poids, qui est la drachme, et tous les calculs se font en drachmes. La drachme est la même que celle du commerce, et l'on peut lui appliquer tout ce que nous avons dit précédemment; mais , au lieu d'en rechercher la va- leur dans le poïds des grains de blé ou de caroubier, on en a conservé les éta- lons dans une suite de poids déposés à la monnoie, et qui ne servent qu'à vérifier les autres en cas de besoin. En adoptant, pour les poids de la monnoie, le système décimal, les Égyptiens modernes n’ont pas su conserver, par analogie, la même division pour les fractions ou sous-multiples de la drachme. | Is l'ont divisée, comme elle l’est dans le commerce, enx,E,+,-,ou2,?,=, comme nous l'avons dit ci-dessus. Le mitqâl, tel que nous l'avons précédemment fait connoître, n'a guère son usage à la monnoie que pour les essais d’or. Les essais se font sur un mitqâl ou demi-mitqäl. Le mitqâl se divise en 24 karats, et le karat en 4 grains ; le grain se sub- divise lui-même en =, 2, =; ce qui revient à notre division du karat en 32 parties. C'est principalement dans les hôtels des monnoïes, sur lesquels le Gouverne- ment exerce une surveillance constante, et où les procédés exigent une grande précision, qu'on doit retrouver le plus d'exactitude dans les poids. Nous avons confronté ceux dont on se servoit usuellement à la monnoie et dans le commerce, avec ceux qu'on gardoïit en réserve comme étalons, et nous avons écarté tous ceux qui nous ont paru visiblement défectueux ou altérés. Nous avons ensuite pesé, séparément ou ensemble, avec des poids de marc très-bien ajustés, les poids" étalons de la monnoïe : nous avons reconnu que la somme des poids inférieurs étoit, aussi exactement que possible, égale aux poids de 2000 et 1000 drachmes, dont üls étoient des subdivisions; mais que chacune de ces subdivisions étoit affectée, soit en plus, soit en moins, de très-petites erreurs, qui, se compensant à peu près entre elles, devenoient cependant d'autant plus sensibles, lorsqu'on en concluoit la valeur des plus forts poids, que le poids fractionnaire étoit plus petit; ce qui doit être en effet, et ce qui indique que le (1) On ne se servoit des poids adoptés dans le com- . [a monnoie; mais tous les calculs et tous les comptes se merce que pour peser les différentes substances, autres faisoient en suivant le système décimal. que les matières d’or ét d'argent dont s’approvisionnoit É. M. TOME Il. > Hh 2/2 NOTICE SUR LES POIDS ARABES rapport des poids du pays avec ceux de France devoit être déduit des forts poids étalons, ou de la somme des petits poïds, et non de quelques poïds peu considé- rables, pris en particulier. Les poids de 1000 et de 2000 drachmes nous ont donné les résultats suivans : COMPARAISON DES POIDS DE LA MONNOIE AVEC CEUX DE FRANCE. POIDS qui ONT ÉTÉ COMPARÉS. Poids étalons LEUR VALEUR LEUR VALEUR TOTAUX. EN DRACHMES. en poids de marc de France. drach.| livres. onces. gros. grains. fract.°” 12. 9e 2, 13, livres. onces. gros. gra. frac. H240 0. 02.015, 0 6. 6. Poids usuels les miéux conservés, Ts 125- 57» 967 125: Nous avons cru devoir d'autant plus négliger la fraction os ,00012$, que le poids étalon est, comme on le voit, un peu plus foible que les autres; ce qui vient de ce que l’on a toujours soin de tenir les poids usuels plutôt un peu plus forts qu’un peu plus foibles, parce qu'ils tendent assez promptement à s'affoiblir par le frottement. Pour restituer au poids ce qu'il a perdu, on insère ordinairement un peu de plomb dans de petits trous pratiqués à une des surfaces du poids. Quelques autres expériences faites en prenant le terme moyen de forts poids de la monnoie et du commerce, avoient donné, pourde rapport de la drachme aux grains de notre poids de marc 5 8", 188, SH Vel et 0 “eo 160010 elleltelh se Tete au lieu du rapport ci-dessus. ........ HET. : RE 2 So :90 7% ce qui fait une différence, en plus, de........... : Aa 1 OX 221 ou de 0°*"*,0038 1 : mais nous pensons que le nombre 58%*",188 est trop fort, et grains qu'on doit adopter celui de $7"*",967. En effet, nous avons trouvé presque cons- tamment que les poids du commerce étoient plus forts, pour les raisons que nous avons fait connoître ci-dessus (1),et qu’ils différoient entre eux de quantités beau- coup plus considérables que ceux de la monnoie. et suiv. (1) Voyez page 240, lign. 2 l ANCIENS ET MODERNES. 2 43 Cependant un assez grand nombre de divers poids fractionnaires de la monnoie et du commerce qui nous ont paru mériter le plus de confiance, soit pour leur bonne exécution, soit pour leur état de conservation satisfaisante, soit pour la confiance que méritoient les serr4f qui s'en servoient, nous ont donné, pesés en- semble ou séparément, à une très-petite fraction près, pour le terme moyen de la valeur de la drachme conclue de ces différens poids, 57#%%,970 ; ce qui ne diffère du premier résultat que de 3 graïns pour 1000 DES 600 .sequins neufs du Kaire, des mieux ajustés et qui donnoient à la balance de la monnoïe $o$ drachmes +, donnèrent, pesés à une balance plus sensible, HR TE . . . Ins, {Tract COMSEUTENDAT IMMO" UeENN ee L., JRS hacabne cf M: à ROMAN AN OA T o0 D’après le rapport que nous avons adopté pour la ste ils auroient CLBDESEF 44 à ete e due Dao: SAR SUNSET ARTE TON de AA 3200 $ 53 0 100 thalaris pesoient communément à la monnoie et presque exactement, parce que cette monnoie n’avoit pas éprouvé d’altération, 910 drachmes; ce qui donnoit, d’après le même rapport, pour le poids d’un thalari. . ... HO 7. 23) 0e L'ouvrage de M. Bonneville sur les monnoies porte le poids légal du thalarr- à. 2.2 LCARS At tie Vas EM OO Cr TE CS SE RC PET Pt 0.°0. 7. 24, 00: 100 piastres pesoient communément à la monnoie 875 drachmes; ce qui don- neroït, d'après notre rapport, pour une piastre.................. TPONOMTEN JU Elles sont cotées, dans l’ouvrage de NPBonnevlles à... Dit, on077.N 4100: Maïs la fabrication de cette monnoie est moins parfaite que celle des thalaris ; et comme elle circule davantage, elle avoit toujours un peu perdu de son poids par le frai. M. Bonneville donne son poids moyen pour être de........ De SO Or 7 se 123 HO ou 265%" 020 (1). Nous joïgnons ici la table du rapport des poids d'Égypte avec le poids de marc et le poids décimal de France : nous y avons compris les dixièmes et les unités de drachme, et ensuite les poids de 10 en 10 et de 100 en 100, jusquà 1000; enfin nous avons intercalé dans cette table la valeur de ceux des poids qui ont des dénominations particulières et sont d’un usage fréquent. (1) Introduction, page XXXIX, édition de 1806, ( Suit la Table. } É. M. TOME IL. | Hh: 2 À À NOTICE SUR LES POIDS*ARABES TABLE de conversion des Poids d'Égypte en Poids de marc et en Poids | décimal de France. DÉNOMINATION OL PPS Een EN DRACHMES. EMNAMPOTDS" DE A TT ER 0 On POIDS D'ÉGYPTE. d'Égypte. AE Lrange J EN POIDS DÉCIMAL. BPPe fa le le te CNE > vaut drachmes fractions 8 ANBOS UE LE 8 J'é PRAEUNE 8 1 grain de blé... 7 où o, 015 625. 0.| 0.| o.| o.| 9057. 0. | o. | o.| o. | 048 1079. 1 Aabbah ou grain d'orge... e 0, 020 833. 0. | o0.| o.| 1.1 2076. 0. | 0.| 0.| 0. | 064.| 1430. 1 Aarat ou graïn de caroubier. #2 0, 062 500. 0.| o.| o.| 3.| 6229. 0. | o.| o.{ o.| 192.| 4315. 0, I. 0. | o.| o.| 5.| 7967. 0.| o.| o.| o.| 307.| 8904. Se 0. | o.| o.| 11.| 5934. 0.| o.| 6. | o.| 6r5.| 7808. ©, 3- 0. | ©. | o. | 17.| 3901. 0.| o.| 0.1! o. | 923 6712. o, 4: o.| o.| o.| 23.| 1868. 0.| o.| o.| 1. | 231.| 5616. OS: 0. | o.| o, | 28.| 9535 0.| o.| o.| 1.| $39.| 4520. 0, 6. 0. | o.| o.| 34.| 7802 o.| o.| 0. | 1. | 847.| 3424. 0, 7 0. | o.| o. | 4o.| 5769 0. "o. | 0. | 2: |n 5.| 2328. o, 8. 0. | ©. | o. | 46.| 3736 0. | o.| o. | 2. | 463:| 1232. ©, : 9- 0200-10. |52-1Èr708 0.| o.| o.| 2. | 771.| 0136 x dirhem ou drachme...... 1, ©. 0. | 0:{ o. | 57.| 9670 0. | o.| 0. | 3. | 078.| 9040 PDA ne le ee tiges: he ©: | 0. | 1. |*14./ 9505. 0. | o.| o.| 4. | 618.| 3560. 2. 0. | o.| 1. | 43.| 9340. 0. | o.| 0. 6.| 157.| 8080 3: 0. | 0. | 2. | 29.| 9010 0, | o.| o. | ©. 236 7120. 4 o. | o.| o.| 3. | 15.| 8680 0. [.o.| 1. 2.| 315.| 6160 S- 0. | o.| 4.| r.1 8350 0. | o.| 1. 5: | 394.| 5200 6. o, | o.| 4. | 59. 8020 a: [or |#r- 2106: 473.| 4240 7 o. | o. | 5.| 45.| 7690 0. 0. | 2. | 1.1] 552.| 3280 8. CICR INPI 7360 0. |.o..| 2. | 4. | 631.| 2320. 9- 0. | 0. | 7- | 17.| 7o30 0.| o.| 2. | 7. | 710.| 1360. 10. CRT 0] 0700 9.| o.| 3. | o. | 789.| 0400. LOUQ PAR re sieste 12. o.| 1.| 1. | 47.| 6040. 0. | o.| 3.| 6. | 946.| 8480. 20, 0. | 2.| o.| 7.| 3400 0. | o.| 6. | r.|578.| 0800. 30. 04| 3. | o. | 11.| 0100 0. | o.| 9.1 2.| 367.) 1200. 40. 0. | 4. | o. | 14.| 6800 0, | 1.| 2. | 3.| 156.| 1600. so. o. | "5: | 0. | 18.1 3500 0. | 1.| 5. | 3. | 945.| 2000. 60. 0. | 6,| o. | 22.| 0200 0. | 1.| 8. | 4. | 734, 2400. 70. 0. | 7. | o. | 25.| 6900 0. | 2.1 1.| $.| 523. 2800. 80. 1. | o.| 0.| 29.| 3600 0. |. 2. | 4. | 6. | 312.) 3200. 90. OAI ES|R05 00 0,| 2.1 7. | 7. | 101.| 3600. 100. 1. | 2. | o. | 36.| 7000 0.| 3.| o.| 7. | 890.| 4000. 1 rotl qabäny............. 144. 1. | 6.| 3. | 67.| 2480. o.| 4.| 4. | 3. | 362.| 1760. DETENTE 168. 1. | o.| o.| 7. | 18.| 4560 0.5. | 1.1 7. | 255. 8720 200 o. | 4. | 1.| 1.| 4000 o.| 6. | ï.|. 5. | 780.| 8000. 300 PAIN CITE 6000 0. | 9.| 2.| 3. | 671.| 2000, 400 1. | o.|-2. | 2.| 8000 2e RU PNES CT 6000. 500 3.1 0." 2° | 2: | 39.[n5000 1, | $.| 3. | 9. | 452.| 0000. 600 3. | 1. 4 153. 4.1 2000 1.| 8. | 4. | 7. | 342.| 4000. 700 4. | o.| 6.| 3. | 40:| 9000 2. | al 5. | 5. | 232.| 8000, 800 Cho. 1ho 4 A C0 00 2. | 4. | 6. | 3. |123.| 2000! 900 $-| 1.| 2.| 4] 42] 3000 2-07. 7. | 1. | 013.16000 1 000 6.| o.| 4. | 5.| 7.[ 0000 3. | o.| 7. | 8. | 904.| 0000: 2 000 1.) 1. | 2. | 34.| 0000 6.| 1.| 5. | 7. | 808.| 0000. DGA TATe. esse e EE 14 400 90. | 1.| 1.| 1. | 28.| 8000 4. | 3. | 3. | 6. | 217.| 6000. ANCIENS ET MODERNES. 2 À $ REMARQUES. SFSSISSSSSISISIISIISSOIS 1.° P; GE 229, alinéa 2, cheg les uns et chez les autres (les Arabes et les Européens), le système de numération est le même. Notre système de numération vient en effet de l'Orient (celui des Grecs et celui des Latins étoient très-différens et beaucoup plus imparfaits }; mais Îles Arabes eux-mêmes l'ont reçu de lnde. La manière seule dont s'écrivent et dont se lisent les chiffres, prouve que Îa notation arithmétique aujourd'hui universellement adoptée n’est pas d'origine Arabe. En effet, les Arabes écrivent et lisent les lettres de droite à gauche, tandis qu'ils écrivent et lisent, comme nous, les chiffres de gauche à droite. 2.° Ibid. /a plupart des divisions et des dénominations de mesures. Voyez ci-après, remarque n.° 20. 3.° Ibid. alinéa 4, vers l'an 841 de l'hégire. De 1437 à 1438 de notre ère. Pour convertir d'une manière approximative les années de lhégire en années de notre ère, il faut observer, 1.° que notre ère a commencé 621 ans avant lhégire; 2.° que année Arabe, qui est Pannée lunaire, étant de 354 jours, tandis que lannée solaire est de 365, il faut 135 années de l’hégire pour en faire 1 3 1 de l’ère Chrétienne. Si le départ étoit le même, il suffiroit donc de multiplier le nombre exprimant lannée de l'hégire par 131, et de diviserle produit par 1 35; mais, comme l'ère Chrétienne compte 621: ans avant l'hégire, if faut ajouter 621 au quotient, pour avoir l'année correspondante. Réci- proquement, pour convertir les années de notre ère en années de l'ère Arabe, il faut d’abord retrancher 621 du nombre qui exprime l'année Chrétienne, multiplier ensuite le reste par 135, et diviser par 131: le quotient sera l’année Arabe. Dans l’un et l’autre cas, si le reste de a division donnoit plus d’une demi-année, ajoutez à l'ère une année de plus. 4. Ibid. note 3, grand Recueil des lois de la Sunna. Sunna; en arabe, Akw , sonnah ; pluriel, Gèw , sonan ; c'està-dire, grand livre des Sonan, où grand recueil des lois, ou regles, ou traditions. 5° Page 230, alinéa 4, dirhem. Voyez la note 1 , même page. Ce mot désignoit, en arabe, tantôt un poids, et tantôt une monnoie d'argent ; en grec, Spaypñ; en français, drachme ou dragme. 6.° Ibid. dynär. Voyez page 236, note 3. Ce mot signifoit, originairement, monnoie ou pièce d'or; il vient, sans doute, du latin denarius. Le denarius nummus étoit ainsi nommé parce qu'il valoit dix as. Les pièces d'or des Romains ont long-temps circulé en Perse et en Égypte, et lon en trouve encore quelques-unes parmi Îes anciennes pièces d’or dont Îes femmes ornent leur coiflure. 7 Ibid. #itgäl; en arabe, Jüie. | Ce mot signifie un poids en général. C’étoit anciennement l'unité de poids, comme aujourd’hui la drachme. La racine Arabe est JS, taqil, peser. 8.° Ibid. däneq; en arabe, sb. Voyez page 233, note 1. Vient du persan als, déneh, où 5, déne , qui signifie graine ou grain de plante. 9.° Ibid. girdt ou kirat : en arabe, Li, Voyez page 237, note 4. En grec, XEpATIOV; EN français, karat ou carat. Voyez la remarque n.° 23. 2 46 NOTICE SUR LES POIDS ARABES 10.° Page 230, alinéa 4, ougyah. Voyez page 236, note 2. En grec, gyxia, d'oyxos, poids; en Îatin, uncia, mot presque entièrement semblable au grec, si l'on fait attention que fz se prononce ox en latin, et qu’en grec le y devant le x se prononce comme p. 11.° Ibid, rack. Voyez la note 3, même page. En arabe, > de mes, nasf ou nousf, moitié; et (=, #45 où nous, en supprimant le f[e$]. Dans l'écriture vulgaire, on supprime presque tous les points ou accens destinés à indiquer Îles voyelles, et la prononciation n'est plus alors déterminée que par l'usage ou a tradition; ce qui est cause que [a prononciation change et saltère souvent, et varie beaucoup d’un pays à l'autre. On prononce généralement, en Égypte, nous , qui signifie woitié où demi (moitié d’une petite monnoïe); et, comme le médin ou pärah est actuellement la plus petite monnoie qui ait cours, le mot ous indique vulgai- rement un médin. Les pauvres disent : A’? nous | (ses bel], Donne un médin. On dit : Kam dy? Nous | (y 5) #1. Combien cela? Un médin. 12.° Ibid. rof/. Voyez la note $ , même page. La racine JE, , rathal, où rot}, signifie peser avec la main, sous-peser. 13.° Ibid. gantär. Voyez page 236, note 1. En français, quintal. Ces mots paroissent une altération du mot Latin centenarius ou centenarium, que Îes Grecs ont traduit par xeyvæeov. Î seroit possible que les Européens eussent pris immé- diatement des Arabes quelques noms de poids, tels que karat, quintal {de quintar); les Arabes les ayant eux-mêmes reçus plus anciennement des Grecs et des Romains, par qui ils avoient été conquis et gouvernés pendant long-temps. Voyez la remarque 20. 14.° Page 231, ligne 3, dans l'ouvrage intitulé EÏ-Mohakkiam. En arabe, S<; c'est-à-dire, Je (livre ou traité) clair, précis, bien établi. 15.° Ibid. dernier alinéa, dans son livre intitulé Ef-Kebyr, o4 Alkébir. En arabe, aa; cest-à-dire, le grand (livre ou traité sous-entendu). L'objet de ce traité n’est pas indiqué. Ce pourroit être, par exemple, añall 3, f el figeh, sur la juris- prudence. 16.° Page 232, note 3, A1. de Sacy pense qu'il faut lire Kitab alamthal. Ce même savant, dans la note 66 de la traduction du Traité des poids et mesures de Magqryzy, observe que, dans le manuscrit de Leyde, on lit clairement Xirab alamval, et qu’il faut s'en tenir à cette leçon. | 17° Page 233, note 1, dirhem bagli ou baghly; en arabe, Kæ [SEE On ne peut guère indiquer lorigine ou'le sens de cette dénomination; maïs les voyageurs Mahométans à la Chine parlent aussi du dirhem baghly. On appeloit aussi ce dirhem, fort de poids. L'épithète de noir peut avoir été donnée au dirhem, parce que l'argent contracte par le temps ou par Îe feu une couleur noire, forsque Îa surface n’est pas polie par le frottement. 18.° Ibid. dirhem tabary ou thabari; en arabe, Gb SEE c'est-à-dire, probablement, dirhem du Tabaristan, en Perse. On appeloit aussi ce dirhem, ancien. 19.9 Ibid. drhem djavaréki ; en arabe, ENS 5°, dirhem gaoudregy. On ignore le sens ou l’étymologie de gaoudregy, ou djaouäreqy. 20.° Page 236, alinéa 1, nous avons dit que les Européens ont cela de commun avec les Arabes, qu'une grande partie des noms et divisions de leurs poids étoient les mêmes. Soit que lee anciens Égyptiens aient eux-mêmes été les inventeurs de la plupart des sciences et des arts, soit qu’ils les aient reçus de l'Inde et de la Perse, les Grecs et les ANCIENS ET MODERNES. 247 Romains leur ont emprunté une partie de feurs connoissances. D'un autre côté, les Grecs et les Romains, ayant par la suite conquis successivement l'Égypte, y ont porté beaucoup de leurs usages et de mots de leurs langues. Les Européens, lors des croisades, sont allés puiser dans l'Orient, où les sciences florissoient alors, des notions, des noms et des usages, dont une partie provenoit des Grecs et des Romains. Enfin fe commerce et les relations avec l'Occident ont pu faire substituer , dans [a langue Arabe, à des termes plus anciens d'arts et de sciences, des mots Européens exprimant des idées analogues. If est donc souvent difficile, dans des relations si compliquées, de pouvoir déterminer la véritable origine de quelques idées et usages, et des termes des différens arts et sciences. La probabilité, en général, lorsque l'extraction n’est pas bien connue, est en faveur de la langue la plus ancienne, si le mot n'est pas contraire au génie de cette langue ; mais lorsque ce mot n’a point de râcine dans la langue [a plus ancienne, et qu’il en a une au contraire dans Îes langues plus modernes, il n’y a pas de doute qu’il ne provienne de ces dernières. 21.° Page 237, alinéa 4, rorl 7yäty; en arabe, äb its C'est probablement une altération du mot db, zyädty, qui veut dire, augmenté avec addition. Le votl zyäty est le rotl augmenté ou le plus fort. Tous Îes pesages un peu forts, ceux d'objets volumineux, et particulièrement des marchandises qui sont susceptibles d’avoir ce qu’on appelle une fare, se font avec la romaine, Le rotl est alors de 168 drachmes, qui ne comptent cependant que pour 144. Les 24 drachmes de surplus passent ordinaire- ment, 1.° pour la tare, ou poids des sacs, vases, enveloppes, et pour Les déchets; 2.° pour compenser l’inexactitude de poids qui résulte de {a construction de Ia romaine, à l’aide de laquelle il est plus difficile d'évaluer les différences de poids peu considérables, qu'avec Ia balance ordinaire, qui s'appelle, en arabe, Elias , MYzAN. 22° Ibid. rot gabäuy où cabani; en arabe, als J,. Qabäny veut dire peseur, particulièrement celui qui se sert de la balance que nous appelons romaine, en latin statera. Le rotl qabäny, ou des peseurs, est celui de 144 drachmes; il sert, en général, pour peser, dans la balance à deux bassins, toutes les mar- chandises peu lourdes et d'un petit volume. On n'a que de petites balances, qui se tiennent à la main ou se suspendent avec un cordon, et fon ne se sert point des grands fléaux et plateaux capables de recevoir des poids considérables. 23.° Ibid. alin. 8, /e karat a été comparé au grain de caroubier, Voyez note 4, même page. Qarrata aléihi, parum dedit illi; en arabe, aides . Ce sont les verbes qui sont racines en arabe, et non les substantifs, comme dans la plupart des langues. Néanmoins cette étymologie est évidemment fausse ou forcée, comme un grand nombre de celles que donnent les grammairiens Arabes, enclins à la recherche et aux subtilités. IT est évident que Xarat où kirat est dérivé du grec xepériov, qui signifie grain de caroubier. Les Arabes en ont fait le mot karat, qui a le même sens, et le verbe LS, qui veut dire, donner peu de chose, par une métaphore prise du peu de valeur du grain de caroubier, à peu près comme on dit familièrement en français, je n’en donnerois pas un zeste. 24. Ibid. note $, kharoubah; en arabe, de. 25.° Ibid. note 6, habbah, grain; en arabe, >, hab ou habb, où 4%, habbah. 26, Page 238, alinéa s, serrdf ; en arabe, ls ; racine, ©. , seraf, changer. Les serrdf évaluent et changent les monnoies. On les emploie sur-tout à compter, parce que, la monnoie étant très - divisée, il faut du temps, du soin et un ou plusieurs hommes exercés pour compter une somme, même peu considérable. | 7 2 Â8 NOTICE SUR LES POIDS ARABES. 27. Page 238, note 3, dans son livre intitulé AÏmésalik, ou El-Mesälik. En arabe, AI , les Routes. Ce titre est commun à beaucoup de descriptions géo- graphiques. | 28.°. Page:2 30, note 1, aghä chargé de la police. IL sappelle, en arabe, cxumX#, mohteseb, de a racine cms, hasab, compter. { Voyez la note 07 du Traité des monnoies de Magqryzy, traduction de M, de Sacy.) Aghä est un mot Turc, qui signifie officier commandant. 29. Ibid. alinéa 2, dans les marchés, les places publiques, les bazars, &rc. Bazars ; en persan, ; LL, bâzär. Ces marchés sont couverts et fermés, à peu près cornme ceux de France qui sont établis dans des cours ou enceintes entourées de galeries couvertes et de boutiques. 202 res 240, nôte, alinéa 2, Cette punition consiste ordinairement en coups de qourbâg. Qourbäg ; en arabe, -b,5. Ce mot signifie chose pliée ou tortillée, parce que les ne sont ordinairement faites de cuir de buffle tortillé. Ce sont des espèces de baguettes ou badines qui ressemblent à nos fouets d'écuyer, ou, plus exactement, à ce que nous appelons rerf de bœuf. Les caravanes en apportent qui sont faites de lanières de cuir d'éléphant ou de rhinocéros. On les appelle, dans le pays, serf ou verge d'élé- phant, expression qui est analogue à celle de nerf de bœuf. 31° Ibid. alinéa 3, lui prennent les jambes dans une espèce de joug. Tous les moyens employés par les Arabes étant d'une extrême simplicité, _ se servent, pour saisir les pieds de celui à qui l’on inflige des coups de gourbäg, d'une espèce d'arc fait avec une corde et Îa nervure d'une branche de palmier trouée aux extrémités. Is enlacent le bas des jambes avec la corde, et deux hommes maintiennent les pieds du patient élevés et serrés l’un contre l'autre, en saisissant, chacun, une des deux extrémités de l'arc. 32.° Page 243, alinéa 4, thalaris où talaris, Voyez, pour ce qui concerne cette monnoiïe, le Mémoire sur les monnoies d’ Égypte. Nota. Pour représenter les mots Gare en lettres Françaises, on a suivi, dans le discours, dans la plupart des notes et dans les remarques, la notation adoptée par la Commission des sciences et arts d'Égypte. Dans celles des notes qui ne sont que des citations, on a dû conserver lorthographe suivie par M. Silvestre de Sacy.. NOMENCLATURE NOMENCLATURE DES TRIBUS D’ARABES QUI CAMPENT ENTRE L'ÉGYPTE ET LA PALESTINE. DEPUIS KHÂN YOUNES ET GHAZZAH JUSQU'À L'ORONTE, + n ET DANS LA PARTIE SEPTENTRIONALE DU DÉSERT QUI SÉPARE LA MECQUE DE LA SYRIE ; PAR M. LE CHEVALIER AMÉDÉE JAUBERT. SSI ISIN SIIT SSI SIIS SOS AVERTISSEMENT. Lzs mœurs et les usages des Arabes, qui, depuis un temps immémorial, errent dans les déserts de l'Égypte et de la Syrie, sont aujourd’hui suffisamment connus. Les géographes, les historiens et les philosophes de l'antiquité nous ont transmis ea cet égard, des détaïls peu diflérens de ceux qu'on lit dans les relations des voya- geurs modernes : mais les noms actuels des tribus, leur force présumée, et la dési- gnation des lieux qu'elles habitent, ne se trouvent nulle part présentés avec toute la précision et toute l'exactitude desirables. | À ne considérer que l'obscurité profonde à laquelle ces hordes à demi sauvages semblent avoir été condamnées, et la nullité de nos relations avec elles, il semble en effet assez peu important de connoître toutes les particularités qui les concernent : néanmoins ces particularités peuvent jeter quelque jour sur Ja géo- graphie de leurs déserts, et les voyageurs qui viendront après nous ne les trouveront point inutiles; car, naturellement orgueilleux et vains, les Arabes ne sont portés à la bienveillance qu'envers ceux qui les estiment, qui les apprécient, et sur-tout qui les connoissent. On a donc pensé qu'une bonne nomenclature des tribus de ceux d'entre ces nomades qui habitent les pays compris entre le Nil et l'Oronte ; ne seroit pas sans intérêt. Pour donner à ce travail le seul genre de mérite dont il soit susceptible, on a soigneusement comparé les renseignemens fournis par des hommes du pays réfugiés en France, avec des notes recueillies sur les lieux durant le cours de deux voyages différens; on a transcrit les noms propres en caractères arabes et en français, et l’on a particulièrement évité d'insérer, tant dans la colonne de ces noms que dans celle des observations , tout ce qui pouvoit être l'objet d’une incertitude, ou former la matière d’un doute. E. M. TOME IL À Le . PTE a 3 NOMENCÉATURE déorn ARABÉ NOMS DES TRIBUS A EN FRANÇAIS. Les Therräbyn * OÙ Terräbyn. Les Seouärkeh . ..... Les Mohäreb ou | N ef ‘ât. | Les Zihyänyeh | [ be Gebel-Tour |. | Les e/-Tour........ bite les environs du mont Sinaï. | rayn [us 1e __... Les 7eräbnes. Ms À 3 n”. : 4: ARE : | [ neux et stériles de Xhän Younes [| p2# ob]. Les Ben el-Beryq 192.4 4 Les Hendgerat. ..... LIEUX D HABITATION. La vallée de Tyeh [AS | ou de l'Égarement, | les environs de Ghaggah | 2 |, et plus particus | lièrement le lieu nommé Deyr el-Tÿn [ eräll ff | | ou Couvent des Figuiers. L # : - û Les mêmes déserts jusques au mont Sinaï Ainsi que son nom l'indique, cette tribu ha Les environs de Belbeys [uk] et de @ Ces trois tribus habitent les environs sabloï Le désert au sud de Xhän Dunes [ US» dei ee D FL ENT DES TRIBUS D'ARABES. PÉGYPTE. NOMBRE PRÉSUMÉ. OBSERVATIONS. $soo cavaliers .. Cette tribu, connue de toutes les per- n° sonnes qui ont voyagé en Égypte dans plus nombreuse qu’elle ne l’est aujour- d'hui. C'est une de celles qui éprouvèrent le plus les effets de {a colère d'A’ [y-bey j lorsque ce chef de Mamlouks conçut le projet de délivrer l'Égypte des Arabes. # La & / Nombre inconnu. .. Cette tribu est alliée de la précédente. Son cheykh se nommoit, en 1799); Ben Ma'ouy [set Lo ]- MAoo cavaliers ...... RDS: - - \ Les Arabes du mont Sinaï transportent au Kaiïre du charbon et des fruits de cette montagne, et quelques marchandises de l'Inde venues par Soueys. (Plus de {00 cavaliers. é tion ci-après /page 256). je 2 à 300 cavaliers. Ces tribus, quoique dépendantes du î sidérées comme Égyptiennes à cause des nombreux voyages qu’elles font au Kaire. Elles n’avoient, en 1799, qu'un cheykh, qui senommoit alors Abou Chekäl Ouah dy Liskass NS& 1] ombre inconnu. .. É. M. TOME IL. ces derniers temps, étoit anciennement I ne faut pas confondre cette tribu avec | une autre du même nom dont il sera ques- ‘1 gouvernement de Ghazzah BAIE sont con- AJ SOURCES ET AUTORITÉS. | meme | À Extrait des notes par nous prises sur les lieux. Extrait des notes à nous transmises par feu Mikhayl Sabbagh, copiste Arabe de la Bibliothèque du Roi. Extrait des notes prises | par nous sur les lieux, et | de celles de D. Raphaël, récemment mises en ordre et publiées par M. Mayeux. | Extrait des notes prises par nous sur Îes lieux, et | de celles de Mikhayl Sab- | bagh. | Extrait des notes à nous transmises : par le -Syrien | Khalyl Mesad. li NOMS DES TRIBUS EN A — "î"" E — ARABE. FRANÇAIS. «bal æ,s | Les Qatdb......... Les environs du Kaire, à une journée envi ron à l’est-sud-est de cette ville. 1 crblull ce Les el-Basäyn, ou [MA trois lieues à l'est du Kaire..........." Les Nousf-Su'd .....l Les mêmes lieux... ..:......... TR Les Bi AUDE AMIE ENTER FREE, PEL TERRE À Les Zendny ........ Ten 0e ! crrdereretenese Ps % NET ETA NOMENCLATURE LIEUX D'HABITATION. ; 2" des Jardins. ; Les Haouytät. ......| Voisins des précédens............ 5.0 Les Saouälhär. :..... | Les environs au nord de Soueys [ [poow |... 9 À un. . L 1 1 Les bords du petit lac nommé Birket el-Hy [ cd ip Je ou des Pélerins , près du Kair - Les Nousfi-Haräm . % DEP 4 Les Bysär. .....x .. | Les environs du vieux Kaire [ añaïall nas |. ni Ù Les A’ydy.........| Les environs du Kaire à une journée à l’est. M ï La vallée nommée Ouädy ‘l-Megäouel [ il td! ], située à une journée et demie du Kaire Les Habäyby ....... dans le désert. À DES TRIBUS D'ARABES. | Bis 10 NOMBRE PRÉSUMÉ. OBSERVATIONS. SOURCES ET AUTORITÉS. ‘# oocihaliersaumoinsk. 12.424084, 2 00 0, ..../|. Extrait des notes de feu Mikhayl Sabbagh. Peu nombreux., ..., NC Idem , ainsi que de celles de D. Raphaël. D oo cavaliers... .... Cette tribu a eu des relations fréquentes Extrait des notes prises d et amicales avec les Français. par nous sur Îes lieux. LU À {oo cavaliers... .. Les Saoudlhät{ des] sont alliés des | Zdem, : précédens.. Leur chef, que nous avons connu personnellement, se nommoit, en 1709 , Cheykh Mohammed ebn Säleh ana ute Alsnct An de UR refus Idem, On rencontre également des Arabes Idem, et de l'ouvrage de de ce nom auprès des pyramides de | M. Mayeux. Gyzeh. Cette tribu trés-nombreuse se subdi- Extrait des notes de Mi- . vise en diverses branches, dont 1es noms Khayl Sabbagh. nous sont inconnus. = + Li | Ces quatre tribus, et particulièrement Idem, et de celles prises | 300 cavaliers... ....| [es deux dernières, ont presque toujours | par nous sur les lieux. | L été en état de guerre contre les Français. DR 2 le: ce è 200 cavaliers. . ....:| 4 200 cavaliers. ...... Qu LA ss 4 | NOMENCLATURE NOMS DES TRIBUS RE CAE RIRE de dla APR “di. de LIEUX D'HABITATION (M ARABE. FRANÇAIS. c>Hxeol se | Les Toumylät....... Une vallée du même nom, dans laquelle pas soit autrefois le canal de Soueys, Xhalyg emyr al=. : Moumenyn [ roll saal 2 | ARABE (ali SS | Les Ayd..... ; Les Qeläzyn. ....... Les lieux Henines el- Teil | ji , la Col | line | et l’rdq el Menchyeh [anal à Le 15 jadis \, Lidl ere Cia Le .[ occupés par Îa tribu de Siméon. LP Lea y | Les dun DS ARE x=to,,s | Les Békyr RME a Entre Ghazzah [ | et Hébron | Gebel Khabl À dal Je ], ville de l'ancienne tribu de sud dès fong-temps vénérée comme lieu de Ia sépuË ture d'Abraham. À Shut ess | Les Onéhydät. | EntreekA'ych [ Goal] ét Ghazcah [ Self | et le désert situé au sud-est de cette dernière ville. LA S | Les Ammäreh..:.... Les environs de Ramleh | aka >, | et. de Ledda [a |, l'ancienne nn DES TRIBUS D'ARABES. | 255 NOMBRE PRÉSUMÉ. OBSERVATIONS, SOURCES ET AUTORITÉS. | bocrcävaliersah .…. 1)... Fons à 6.5 Men Extrait des-notes de Mi- * PE id: , | khayl Sabbagh, et de celles | prises par nous sur Îes lieux, ) E'PALESTINE. “Nombre inconnu .... Le cheykh de ces Arabes se nommoit, Extrait des notes du Sy-. k en 1799, Ebn Huseyn el-Däymy Ouahydy | rien Khalyl Mesad. Les sslall que Col]. | Éboo caval.aumoins.| Cette tribu puissante domine dans tout Extrait des notes prises À i le pays compris sous le 3 r. degré de Ia- | par nous sur Îes lieux, de | titude, entre la Méditerranée et la mer | celles de D. Raphaël, &c. Morte. Elle donne souvent des cheykhs Là aux tribus voisines, et se subdivise en FE | plusieurs branches, dont la plus générale- ment connue est celle des Arabes A’ychah [aile ] ou Aychyeh [ Axäole |, qui ha- bitent auprès de Ghazzah. { > à 300 cavaliers. ...| Les Ammdreh escortent ordinairement Extrait des notes prises | les personnes qui se rendent en péleri- | par nous sur les lieux et de nage à Jérusalem. Leur chef se nommoit, | celles de Khalyl Mesad. en 1709, Selämeh ‘Lemyr. [ pal à Yu je OU OCR 250 NOMENCLATURE Ve EU NOMS DES TRIBUS . “LIEUX D'HABITATION. ARABE, FRANÇAIS. Les bords de Ia petite Père de Fougy. | æs] . qui coule au nord de Jaffa Lasb, F4ah], et les hauteuss is dominent cette ville. Les mêmes lieux, ..... SP UE Le 5 TER Les Melläh , ou vendeurs desel. Les A'douân........ Les environs de Jérusalem | &a 6, Oods su À plyve ee £ Chen som je | Les Masa'oudy.…. Dans Îe voisinage des précédens , et les bords du Jourdain | en ©» Nahr el-Arden |. Colaaaal œS | Les Nefyät.....2.. Ces Arabes vivent dans les cavernes qu’on ren: | contre auprès de Césarée de Palestine [ & AC k Qaysäryeh] ; on les voit souvent errer dans les ruines de cette ancienne résidence des croisés. sas] Se | Les Su'dyeh........ Les mêmes lieux. 2. …. d'une SO RE, MORE Se Ss | Les Haouäret,..... .| Les mêmes lieux. . ... Da es Pie Mie SRE ; Slam S | Les Neymät........ Le pays compris entre Césarée Lao, ous ] € et Rouhah | Aæs, |, et les bords de la mer jusques à Tantoural | +, Ab ]. JD» | Les Berdrych. ...... Le pays compris entre Rouhah | àms, ]et e L Marg Ce], c’est-à-dire, l'ancienne plaine de Jezraël ou d'Esdrelon, renommée par la fers tilité de ses pâturages. Xclue me | Les Mesdid,..,:. «| Le mont Carmel: . red Le 4 le msi FD RÉ" RME HORS ER v À TIO Ni c 1 : Leur cheykh se nommoit, en 1799; | Almed Bekyr [| SX l "M A A mises par Ya’qoub Habayb, ancien cheykh de Chefa’mer en Syrie, ct: et LL 4 5 — D He 5 1: VON su a. à : 1 } Extrait de l'ouvrage de M. Mayeux. ee eee 0 ee ve ee de 6e ee © = + + Peu nombreux, . .... a ; Extrait des notes du cheykh Ya’qoub Habayb. L à à. ” M +, DJ UT 3 se ee see 0e © + © + + 0e © © © 6 0 ee + 0 + + + + © + + = 0 + + + + Idem. durer . \ ë ee Ve le) de à 60e ee 61e le nelrs LolMerto eee le 0e" 0 etes © + Moto 07 0 à: do 56 + Be emo Leur cheykh se nommoit, en 1799; A'bd-allah el-Serdb [ dl aile ]. _ prises sur Îes lieux. . 0 9 p #0 ee ee 0 e © © © 0 © © ee 0 © © © © + + ee © eo 2. Lrès-peu nombreux. . CS D'OR ES ses ee eee eee ee ee 0 0 © © © 0 © + + o x UE SERRE ME AR NE OS NE EUPARE E GRO RENE LS où LÀ 4 Jo cavaliers... ....|: Nous présumons que cette tribu est la | Jen. _ même que celle qui se trouve désignée -sous e nom.de'Bararich dans les notes de | de D. Raphaël. 1 L ! "| 0 REC . ee °,e OS no aeele ne à eo le + eee ee Un Eee ele ve le Idem. É. M. TOME IL. \ Pt KK SOURCES ET AUTORITÉS. || Extrait des notes à nous re- Idem , et de celles par nous TS CN ER nd - +, Wet k day VERS : << ce L Fo +," 1 bad # À k + "af ” : L » é + ‘a : Le { . 0 ‘ . À a 5 \ TA } » 2e Moi ; Æ. DES TRIBUS D’ARABES. 257 Re rss arrenree A Mer £ | | à À … 258 NOMENCLATURE À | NOMS DES TRIBUS | f È 21000 | LIEUX D HABITATION M #+ FRANÇAIS. Les retraites montueuses du pays de Näplo [gl |, l'ancienne Sichem du pays de Sa- | marie. skrull Se | Les Sendgerah......| Le pays compris entre Jaffa [ al, Yäfah ] e Néplous [ (pskV], qui fut jadis habité pari tribu d'Éphraïm. ali SS | Les Ghébeh........ Les lieux qui formoient le domaine de 1a trib q | | | de Manassé. | pales Les Sagr nr. <$ Le vaste désert qui s'étend à l’est de 1a mi | Morte, et qui servit autrefois de demeure au nomades Moabites. | al ES | Les Halaf......... Les environs de Safed [aux ]..........,. l | gs) DS | Les A'oug......... Le lieunommé el A'oug Casa]. art 4 | O5 os Les Turkomän...... Depuis Qäqoun [ou] , jusques au po (l | * d'ebn A'mer [| 2e Gym ]. | 1 ab aa cs Les Sagarbädyeh. . . . | Depuis ce pont jusques à Bysän LLal RTS garbday ..Dep P lancienne Bethsan, dans le pays de Näplous: de DES TRIBUS D'ARABES. Le. FE s9 SOURCES ET AUTORITÉS. || te Gi on +. À” | 200 cavaliers... .... Extrait des notes du cheykh | Ya qoub Habayb, etde celles prises par nous sur les lieux. Peu nombreux. . . sr. LPS "re 4 Idem. 1 AOAEOR EN Ainsi que l'indique fe nom de cette tri- Idem , ainsi que de celles bu, Îe pays qu'elle habite est assez boisé. | de D. Raphaël: Cette redoutable tribu fait de fréquentes incursions dans le pays de Sufed [ons |, ancienne partie du domaine de {a tribu Fa 6000 cavaliers... Extrait des notes par nous "4 prises sur les lieux, de celles du cheykh Ya'qoub et de la de Nephthali, et jusque sous lés murs de | carte de M. Paultre. à dplous | ob], de Saint-Jean-d’Acre [A'kkah, à Se], et de Sour [Dee ]. Peu nombreux. . . ... is L | Extrait des notes du cheykh Ya qoub. PRRP ele je, 010 0e ee .077 * Le cheykh de ces Arabes se nommoit, en 1799, Abou-Kechk | di 91 1 ainsi que la tribu du même nom men- tionnée plus haut (page 256). Îdem, et de celles dt Syrien Khalyl Mesa’d. Îdem. Ces Turkomans n’ont rien de commun que le nom avec les tribus qui habitent Ja plaine d’Antioche, les environs sud- ouest de Damas et le pays d’Antab. 0) dibre inconnu. . .. Ces Arabes habitent les pays qui fai- Extrait. des notes de soient autrefois partie des tribus d’Issachar Yaqoub Habayb, de celles et de Zabulon; ils ont, ainsi que les sui- prises par nous sur les lieux, vans, combattu les Français sur le mont | etdela Géographie ancienne Thabor. _ | de d'Anville, som. II, p. 177. . | £ M. TOME IL TA He st 260 ; : NOMENCLATURE NOMS DES TRIBUS ‘ EN LTEUX - D H AB MAMMTON. ARABE. FRANÇAIS. | ax Soul RS Les Semkyeh [ ou | Entre le pont des Filles de Jacob | Gesr Benät Pêcheurs |. Ya'qoub, sa Ex ue Je: Can: | L'ohatl 1. 4 el aol PS Les Soumeyrät. .....".|" Les mêmes fous EN PE Re Med L CÉlad Se Les Ga'ätyÿn te ls | Ldem Fe le de eee lle ee ele NE: PRE DRE LE. | ail Os es | Les Turkmätel-Telyeh.| 44 environs à l'est d’e/-Qanytrah | Ji}, ne boisé. | 1 | Depuis e/-Qanytrah [ hrall Ï jusques #0 8 Colas ;s | Les Neymdt elCharqyeh. | | lieu nommé el-Gydour | sal |. Au-dessus du lac de Tibériade [ 4,45, «se Las se | Les Khayt Beouädy. | baryeh, entre Safed | aa ] et le pont des Fil | . | deJacob[ose2» Cl +2, Gesr Benât Ya’ qoublh Lil ele DS | Les Mesdid Ammärah À LE GE Les environs de Ryhah][ A£, |, l'ancienne Jérichi }! cols »\ se les Ouahäyb. + e, À! AE Les Kédem Ammaärah . Les bords occidentaux de la mer Morte x "| Les montagnes qui se trouvent au nord- est (1 Î Jérusalem. ESA] Se | Les Zemäbyeh..... dv De Jérusalem [ Qods Cheryf, Een J'Y; el- Qods, "| ]au Jourdain RON 2 Nal el-Arden ]. coll gal ;S | Les Fehyädät. LÉRTERE - Les bords du Jourdain [ sat jusques: Bysän [ class 1e : MO : \ | DES TRIBUS A. | | 261 NOMBRE PRÉSUMÉ. | OBSERVATIONS. SOURCES ET AUTORITÉS. | ! EE mibretx: Es PE Fu COLUXE Notes du cheykh Yqoub. PE Sr À cha St. AN), TRE .....| Notes de D, Raphaël. |. Les Ga'ätyn parlent arabe et turc. ......| /dem, et.du cheykh Ya’qoub. Les Ne’ymät sont riches en bestiaux.....| Extrait des notes prises par nous sur les lieux, et de celles du cheykh Ya’qoub. DO RER Le CL. CRE HE Dre 20 /Jdemetfrelativement'au nombre, extrait des notes de D. Raphaël. E .* ix Le pays parcouru par ces Arabes fait Extrait des notes du partie de l'ancien domaine de Ia tribu de | cheykh Ya’qoub. | Benjamin. k À | » e es Ds ee NoRe ce MP PR ETAN Îdem. 262 NOMS DES TRIBUS EN ARABE. FRANÇAIS. aulalt ce Les Ro behee …… Lui S | Les Bechätoueh, . .. 2. Les Mechälykhah, . .…. Les ra Res: Les Sekhour el-Ghaur.. 3 al cute Les Ghaouârneh. . gra es | Les ADN EN Love. St ASS se Les Dekächirät, . .... : \ 24 ës 3 Les Nemyrät ° | ( | et - lasse ce les Mohammedät. NOMENCLATURE | | 4 - LIEUX D'HABITATION. ea e se je ,0 je ce «010178 de" ete 07 ee lol riade | Tabaryeh, à 7 Î. | | La plaine qui règne à est du lac de Tibés Les mêmes lieux jusqu'au Jourdain [ul 851} Les bords du petit lac de Hauleh [als, Jaëils, Samochonites 1 | 4 Les bords du lac de Tibériade au nord, jusques au pays occupé par les précédens (Pays pierreux. ) | L'ÉStmêmes lieux: 24 40 Le ee IENN SITES Depuis Chefi 1-Ghaur | 2% Gé ] jusqu’aù revers méridional du mont Thabor. ARAB + Les «environs de Hasbeyä | luvle ] et Ï revers de l'Antiliban qui confine au pays des Motäoualeh [ AL 5H 11 DES TRIBUS D'ARABES, | 263 Er Dis PEUT Ia de ei D EE ER RE EAP e o DC ee PORN TISRS AE NEe Me NEA R Me Gale NerEs Bob siLe te EEE 2 + © Extrait des notes du cheykh | Ya qoub. | Idem, Cette plaine faisoit partie des posses- sions de fa demi-tribu de Manassé. Îden , ainsi que de celles Fe D. Raphaël. ts ee ee ne 0,0 ee ee à ee 0e + ee + + + + » oo cavaliers ...... 1) 4 fl es 0e © 0 © © se © © © « MNombre inconnu. ...1.... 4 RO... SRI Extrait des notes du | | 10 cheykh Ya qoub. | We, - ÿ {| * PE 0 . Q e e e 2e 8 + + + ee CE se ® © ee © © © ® + + + © o Extrait des hotes de Kha- | {yl Mesa'd. | le. F r Mr /e + . e © 9 © à © + « e e + © e e © © + © + © + + e x. $ ldem. . À | SYRIE, Die conne... 5... ce en Ua | Extrait des notes du | ” < “ j | cheykh Ya’qoub. ad) ; SNS ME MO. : NOMENCLATURE NOMS DES TRIBUS Fee k LIEUX D'HABIÎTATION. ARABE, à FRANÇAIS. Les environs 44 Balqah [Aäb |, d’el- Me , [st | et de Salai BREL Les Ahiym = pl SE à Le désert de Balgah | ab ] et les environ 3 où de Chef ‘1-Ghaur | pl Gé] , de Salat [k “| t de Zirqah ( &;;, ). sal re les A'douan. UE 4 (5) Slaall ce Le Ghanymät RO - Les pays connus sous les noms d’O'mmà Le [ot Jet de Gerech | (52 ], à l'est de ceux qui + précèdent. | Jxell ;s | Les Mehdäouy Se 165 mêmes Heux.…. 4.148... 41. 7. D ureæ çæ& Se | Les Beny Hasan. Sec CURE. JA DNPRRRTEN: |: PRSRREURER, + 00 X «se DS | Les Beny Keldb...2. Les environs de Melkah AS MORE : 14 en D ES Les fonds Eu ET: Le pays compris entre Émesse [us®, Hess Hama [\e] et Alep [ede, Haleb 1. | dla Se | Les Hadäydeh ...... La plaine nommée e=Ghautah, absal, 4 | s'étend entre le Liban et lAntiliban. ’ à né ” 3 Mau (S SES | Les ns SIVIT LES À * Depuis el-Beqäa [eat], près de Balbek 4 jusques aux montagnes des Druses. AA) S Les Rechouän. ...... ; is passent l'été en Syrie et l'hiver en Karæ à | manie. | 4 a" nn" | LH ÉRÈlE Rs LOT dite RENE. it be PR Pt AU s ; : "178 » : ! à É Fe 4 s À 7 « à ' É 2 ‘ el éd DES TRIBUS D'ARABES, 265$ D 18 k IBRE PRÉSUMÉ. OBSERVATIONS: SOURCES ET AUTORITÉS. Extrait: des notes du cheykh Ya’qoub. ï : 000 00 0 9 0 + 0 ee © © @ & + + + 0e + © + 6e © + + | % )1 pre inconnu, A. OS ee + . rene eee re Rene ete teleleene Îdem. “ M ete 0 eee cd 5 | 07e 5 o e ee + or ve + + « . 0 ee ee e. ee e Îdem, i ‘ M À 211 . 0 . 0. ee . e e. ee e e + + ° e Idem. PA a A a # \ e e ee é «ee CCE] e e e e e © e Idem: + L2 e L] Co Us PER Der CRE YaxX | L nlMebn 268: : à 6 2: + - ee +. eo" br À Idem. î : % Buy “4 % 4 s à 6000 cavaliers. à ATEN ARR ÉTAT ROe RP Idem, ainsi que de celles | de D. Raphaël. De 2: 1, |... Ms LE Ed: . A En Idem, et, pour ce qui con- | cerne la position d’el-Ghau- ul tah, de la Bibliothèque Orien- d tale de d'Herbelot. ADS p: là 1ombreux. ES sms lVetolalohs .S, eee ce els) 1 cie ele, o! 2... 0 + Idem. ‘ “sean Les Rechouän parlent l'arabe et Le turc; Extrait des notes du cheykh Ya’qoub, et de l’ou- DiCntesse. 4. mais le nom de leur tribu est évidemment » Î arabe. vrage récemment publié = | sous le titre d’/rinéraire d'une partie de l'Asie mineure. É. M. TOME II. | LI * L L) ; V } 4 4 ke + Fe É RE + qui tes Fe VEN ER 7 FAIR "M : "Mr LE L.- \ "sn 266 NOMENCLATURE : NOMS DES TRIBUS | 14 ne * LIEUX D'HABITATION. M ( © | ! . ARABE, FRANÇAIS. ALI Leu Les Oak. 2... Les bords de Ia rivière nommée Vah# Kebyr LSle], qui se jette dans Îa n auprès de Lédagyeh [as , Laodicée |. Amal Se | Les Qadamseh. ..... Les environs de Léädagyeh | asN]. it. 2008 = P < | Les Qarah-Hegleh....\ Les bords de FOronte| Na/rel-A'äsy, Le lall 4 Les A’nazeh.. Æ Le vaste désert compris entre Îa Mec | L Mekkah, à So ], Faräh [ al ] et le Le pee er 4 | | sel ee E à . ll ee eLesh aout mx. ut; Le désert qui s'étend au sud de Damas | (4 di - Demechq |. ni A5) less Mes ROC CERTES . Le pays très-connu sous Îe nom de Legi " LA ad Loult se Les Demälgeh... .…... Le vaste. désert connu aujourd’hui, con autrefois , sous le nom de Aaurän [| Q 4” é \ * . & + ; 1 | ï ’ : OO PT D OR er US. APTE nt SEL: DES TRIBUS D'ARABES. | 267 JOMBRE PRÉSUMÉ. | OBSERVATIONS. SOURCES ET AUTORITÉS, F Nombre inconnu... Ês EL en Ces deux tribus passent pour étre de Extrait des notes du cheykh Ja secte des Nosaïris. Ya’qoub et de D. Raphaël, et de l’/tinéraire d'une partie 4 k rès-nombreux., .,.. ; de l'Asie mineure. ARMOR" SP ANRSE ER RES DEEE Extrait ‘des notes du L cheykh Ya’qoub. |: ASRESNSrE -.| : A'nageh'est le nom générique de cette Idem, de celles de D. Ra-°||. puissante tribu, qui se subdivise en une infinité de branches, dont fa plus con- nue en Syrie est celle des Beny Sakhrah La ese |: Dur à phaël, de [a carte de M. Paultre, &c. &c. L eu nombreux. . .... Cette tribu, très-connue en Syrie, .oc- Notes ducheykh Ya’qoub, r cupe le pays jadis habité par les Ammo- | carte de M. Paultre, &c. nites. L ; 5, NON ÉCTRLE. DORE METRE PRO de 7. NM lden. CRI ROM 00 es" HSM) le; ere, echelle delle etes + +. Ls e e e Idem, #. U + # de” $ £. M. TOME II Lis | 4 &-. 268 | ‘NOMENCLATURE | SUPPIA QuoiQu'IL n'entre pas dans notre sujet de faire connoître les tribus d Arabes qui camper que les renseignemens que nous nous sommes procurés à cet égard ne soient ni très-étendus relations avec les Français, et qu'il en est souvent fait mention dans 1 ouvrages qui traite donnant ici les noms des pripçipales tribus. NOMS DES TRIBUS LIEUX D'HABITATION. EN ARABE. FRANÇAIS. lb © | Les Haoudreh.. Entre Syène [ Asoudn , wlow\] et Girgeh [ass vlallese | Les A'hébdes et . La US de Girgeh Pass | 4520100808 4 les Lebäbdeh. ab Les Zenäny......... Taht [We]. PAR à NRC EC 102 L sols SE Les Henädy | es - et | La province de Girgeh [ème |... FR les Henädoueh. DES TRIBUS D'ARABES. 269 ans la haute, moyenne et basse Égypte, ainsi que dans les environs d'Alexandrie, et bien baussi précis que nous l'eussions desiré ; cependant, comme ces Arabes ont eu de fréquentes l'état moderne de l'Égypte, nous croyons faire une chose agréable au lecteur en lui. BYPTE. OBSERVATIONS. SOURCES ET AUTORITÉS. NOMBRE PRÉSUMÉ. " + 2090 caval. au moins. Le cheykhide cette tribu est électif. H Extraitdesnotesrecueillies | ne: réside à Farchout Erptoi en Égypte, de. celles de JR n Mikhayl Sabbagh, &c. Près-nombreux *.…... e L +. ee + + + + 6 . $ .. À en eue oMedene tee Idem. F4 Ë F 100 cavaliers °ue ee . © + e © « Là e © © © + + + © »e. e e e e Idem + Près-nombreux . . . .. ARS SE Re DC 1 À -POSRRUSE er Idem. .#" h: A, = LA ei à : x t à ns 2 70 NOMENCLATURE NOMS DES TRIBUS | des n EN « ñ LIEUX. D'HABITATION. ARABE. FRANÇAIS. | bal DS | Les A'idyät........ Manfalout [hslèke]. NS dE re apr SA A +01 Sbuwlese | Les Ebn Oudf. | Au nord de Manfalout [bolake].........., A Les Tahouy . . :.....| Au nord de Hinyeh [aute libres sl : AS s\ ire Les Abou-Keräym . . .… Melléouy | se À RON. SRE MON . | Les Gahmeh.…... Lés bords du canal de ie jusqu'à Mi | nyeh [ àake Ad Louss € æ\, ro bahrs Yousef da Minyeh 3e 1 Les T'arahounehits Pc Téndeoe E PLTe A Les Xhouyn Ë et Les-environs de Samälout [k 3] le ex TP : les Elagib. , dal SE. Les Paouäyd . ......| La province de Beny-Soueyf [mew (se |... lues | Les A'déydeh. ..... .| Idem... AERTEBA ie 4 Me nataest :: 00 Etat os Les Sohärät. .......| dem... .., ER CORTE D Dthue … J» dem. PANNE. 4. RE CORPS CUS 271 EN .…, NOMBRE PRÉSUMÉ. | - OBSERVATIONS. | _ | SOURCES ET AUTORITÉS. | D: C' il SET A Es NO) MAMA EXx trait défMémoires de | M. du Bois-Aymé. Leur cheykh se nommoit A'bd-allah | Idem. LR ben Mahmoud | >= LP où! AAC a] den. Leur cheykh se nommoit 4’ [ ke * Idem. D Î A Lt; ï l ANT ‘ k CM eo eee ee Porte Pr Meole. 7e ts le te NS ER VOUS . Idem, | | sé Le TM) ANST |. Ru Îldem. . Idem. g ae r L + é | d : & Le” ÿ 3 « L à 00 cavaliers e US aa Yi chere APE Oo en + + » 0e + se + © # + 0 ve = e Idem. Fi 4 d Aa \ e ? î : 0 La : bre inconhu. 521%, 0... SRE: à 0 Îdem. r | [Be NL L l ne # | MU en a use ne. D Cr OO an OEM CRE ac, > : SORT TR nl Idem. | « eee" © olelolle ee a bo + 0.6 0 © ee » À ® e © eo Îdem, À gi de Î », . r LA LI L ÿ L NOMS DES TRIBUS ” LIEUX D HABITATION. ARABE. FRANÇAIS. P | >, \si ;s | Les Mohéreb. ...... La province de Minyebééer.. 0e M dub LS Se Les TROP RER CORRE RME ST “2:50 M Les Somanlou. . : Le aie ou tie 7 Vie he ; à: SES 28e OUR ikjei: AT Re "ARE ARE EU EE ES FENTE HÉRÉMELOELRRES.. 4 Les Tarfeh. ...2 A Hi ES inf PAS | CDs PAR E à. 4 s. sp) nn NC 9 10 RER Re à CDR ET A REC PEER. - 11 4} oo «so ©, | Les Beny Ouéyl. ...…. Les environs de Minyeh | axe RAS .. b | % | | + | »le «& SE | Les Beny Haräm.....| Les environs d’Arfyhyeh [aus] AAA a ce Les Dhofa. ...... ..| Lesenvirons au nord de Beny-Soueyf[ mou (Go ob» ose | Les Khouyled......:| La province de Behneseh [A mkg]....... ; Le SE | Les Neomd......... Les mêmes lieux . AAC + OEM nee als ee Les Ghayäleh + | | l Les environs de Gygeh] +2 |, et les lieux sté % 4 sh riles qu'on trouve dans le voisinage des Pyramides Sa les Xabyry. «10 LE” NOMENCLATURE L. ‘4 PF # L'E DL RMS OU PORT D 21 a PERTE 07 d de 4 Res 110 "5: JPITA-S ue NUE y } ua Lu: La 5 £ ; v. 24 \ * | , 2 qi ER à PE 4 4 FA \ = ee | à LT “DES*TRIBUS D'ARABES. f : 273 Extrait des Mémoires de | M. du Bois-Aymé. É # à £ JTE, ee, te Lo etje once eg see ©) « re |e4e, © +» 0 7e "e je D ei = + # . - ES 4 . Idem. _— EPS : une FRS .| 1dem. NP à jeter |. {dem. RARE. me. : À RCE PEN A à 2 | Fe He. Mn. Îdem. Li Extrait des notes de Mi- khay! Sabbagh. Leur cheykh se nommoit , en 1799, * Abou-Bagr [ ww] * 400 cavaliers. . PE Îdem. eme eee ee ee 0 ee © © © © + © + 0 eo ee ee © 4 # VE … #4 Ces Arabes, quoique peu nombreux, sont très -redoutés dans le Behneseh L'émrg ] 200 cavaliers... :...1| LE. # \ Idem, 1, nu D .t LEA 2 0 ee 0e 0 0 0 0 9 © ee 0 © © © + © © 0€ À 400 cavaliers, x... 200 cavaliers....... eee see ee 00 0 8 0 0e © 0 © ee © © e 4 Fa: À us * . Leur cheyKkh se ROBE, en 1799, Almed [set] Nombre inconnu... De Dr É, M. TOMEIL | Mm be => NOMS DES TRIBUS EN A de FRANÇA IS. LS AL, Les Gioueyh. ..... x Les Ebn-Baghdäd ....| La province de Menoufyeh | Anègke | Les Geoudbir....... Les Samélou....... 3 Les Mecinyd . ne Les Beny ou les Aouläd x» Les Maiyreyd Ah Ah. NOMENCLATURE mas . _nées (ouest) d'Alexandrie. LIEUX D'HABITATION. Le lieu nommé Ouesym Less |, près de Gyzeh.. | Ea province de Bahyreh [ e,4< |. 2... 0 « + «+ . © 9 + + + «+ ‘ ENVIRONS D'ALEX AN DRIE Les bords/des lacs de Natroun [we Li] vil iel ‘ete le) ets ete lat ele eee e 5 ei Le lieu nommé el-Meymoun Les environs (au sud-ouest) d'Alexandrie La vallée d'el-Meymoun [ue AN 1, à jour NA M Fe PR ANT l'AG FANS sat n } lp ' ñ "1 AR 4 4 , | ei Fe 14 WP, . ” k 2 . a. ° , 20 i RU A 4 | 4 { fre DES TRIBUS DARABES. À 275 NOMBRE PRÉSUMÉ. | OBSERVATIONS. SOURCES ET AUTORITÉS. + = - - ; g + > EE ee) —— | 300 cavaliers... . » £ Les Zeydyeh se disent issus des Mam- Extrait des notes de Mi- | Rae qui furent chassés de l'Égypte par | khayl Sabbagh. le sultan Sefym I.% ‘en 1517. | 2 D MDe 5 à 600 cavaliers J : CEPRELe AR: Je 4 à 500 cavaliers.|....... ARS He se... 1dem, Elu ju, Lu | DES LACS DE NATROUN. fl 0 cavaliers. ...,. Les Ceoudbit paroïssent être d'origine Africaine : ils font le transport des sels de natron, ® depuis. les lacs Jusques à Alexan- drie et à Terrdneh [ à 151, et celles mar- ||: chandises destinées pour l'Oasis d'Ammon ji “= pl el-Ouäh |. Idem, et de celles prises par nous sur les lieux. 200 cavaliers . ..... Extrait des notes de Mi- | Khayl Sabbagh. 00 cavaliers . .. :.. Idem, [1000 à 1 200cavaliers.| * Cettetribu est puissante par elle-même | et par ses alliés. Le cheykh habite un village nommé e/-Qatlyeh [ aa |, bâti par ses ancêtres dans le voisinage d’un monastère brûlé. Idem , et de celles prises par nous sur les lieux. É.M. TOME IL mA M m à TA HAN À 11 # Arabes de Sie: "e e—. # | x À Haute Égypte. e © © © “ ae rte à 14 LÉ À Alexandre et, des lacs de Nairoun. . Det “ ? Ê ji 1 ER TA “ x ‘ à F 4 3 PS | ÿ sr L ie Dr | | # % (l F ne l | hd: $ & . Eu } \ “ re LS LRU NE El à ! is 4 6 * F 14 \ & ï LS " ET E V , À ( i a | - à . à Le Le à a * s', ï È brA iu 1, D à t " ) « ps k ; ' La E % CAE” < ” fo Re | " Î | bd Le À ! - . #4 : 4 u L 4 ? k . LUE a ' Cure he veut # i RAD , Û "pt CEE 7" 5 Ke f r#, PAL dE # » 147 OBSERVATIONS SUR LA TOPOGRAPHIE DE LA PRESQU'ILE DE SINAÏ, LES MŒUÜRS; LES USAGES, L'INDUSTRIE, LE COMMERCE ET LA POPULATION DES HABITANS: PAR J MI. GOUTELLE. TT TS TS A CE #4 Le golfe Arabique, ou mer Rouge, se sépare, sous le 28° de latitude septentrio- nale, en déux branches, qui se dirigent, lune au nord-nord-ouest, et l'autre au nord-est. La première est appelée Bahr el-Qolzoum, c'est-à-dire, mer de l ouest, et c'est à son extrémité qu'est situé le port de Soueys, sur la côte orientale de l'Égypte; lautre-eést nommée Bar el-A ‘qabah , mer d’A’qabah ou de l'est. La portion de térrain comprise entre ces deux branches, et qui a seize cents lieues carrées de superficie environ, forme la piesqu ‘ile de Tor ou Sinaï, dans l'Arabie Pétrée : elle s'étend depuis le 30° 30! jusqu'au 32° 30’ de longitude, et depuis le 28° jusquau 20° {5° de latitude septentrionale. ‘ Tout l'intérieur est couvert de montagnes, tantôt primitives, en granit et por- phyre; tantôt de nouvelle formation, en grès, et en pierres calcaires et gypseuses. Les vallées, qui sont habitées par plusieurs tribus Arabes, produisent, outre quelques D un petit nombre de tamaris et quelques #05 appelés seyäl. Si l'on excepte quelques plantations de dattiers et de napecas, des jardins au pied des monts Horeb et Sinaï et dans le voisinage de Tor, on ne trouve dans toute la presqu'île aucune espèce de culture ni de terre cultivable. … J'avois témoigné le desir de Qntendie le voyage du mont Sinaï parmi ceux dont la Commission des arts devoit s’ occuper ; le Gouvernement Français étoit intéressé à connoîtré particulièrement certaines tribus Arabes que la nécessité, un petit commerce de charbon, et le transport des Marchandises qui arrivent à Soueys par la mer Rouge, attirent au Kaïre plusieurs fois dans l’année : en conséquence, tout fut bientôt arrêté pour.le voyage. La caravane de Tor étoit arrivée depuis quelques’ jours, et se disposoit à retourner dans son pays. M. le lieutenant général Béliard, qui commandoït au Kaire, me proposa de partir avec elle : j'acceptaï; et M. de-Rozière, minéralogiste, voulut partager les dangers et les fatigues de ce voyage. Le général en chef traita avec les principaux cheykhs, et les revétit de 278 OBSERVATIONS SUR LA TOPOGRAPHIE pelisses ; il leur promit une récompense proportionnée à leur fidélité et à leurs services, et leur demanda des otages, qu'ils accordèrent sans difficulté. PREMIÈRE JOURNÉE. Nous sortimes du Kaïre, M. de Rozière et moi, le 17 brumaire an 9 [9 octobre 1800 |, avec nos quatre cheykhs, deux interprètes, l'un Égyptien et l'autre Grec, deux domestiques Égyptiens et les Arabes qui conduisoïent nos chameaux. Noûs étions montés sur des dromadaires. Quelqu'indispensable que dût paroître une escorte, il étoit impossible d'en conduire une dans un pays qui ne produit rien, où le transport dernotre eau, de nos équipages réduits au plus simple nécessaire, n'étoit pas sans quelque diffi- culté : elle eût fait manquer le but que je me proposois, celui d'étudier un peuple extrêmement méfiant, qui croit qu'on ne peut visiter le désert qu'il habiterqu'avec lemprojet de le conquérir. | 4 La confiance la plus entière me parut le seul moyen de réussir avec les Arabes : je n'exigeaï d'eux qu'une condition; c’est que nous porterions nos habits Français. Outre qu'un habillement auquel nous n’étions pas accoutumés nous eût été plus incommode , ce déguisement auroit excité la méfiance des Arabes, sans rien ajouter à notre sûreté. La caravane, composée d’une partie des habitans de la présquile, qui avoit apporté au Kaire du charbon et des marchandises débarquées à Soueys, nous avoit précédés, et devoit camper dans le désert, à douze milles environ. Nous la rejoi- gnîmes à la fin du jour, après six heures de marche. L’étendue du camp ne nous permit d'en visiter qu'une partie; tous, particulièrement les jeunes gens, parurent nous Voir avec une surprise mêlée de plaisir. Nous nous arrêtämes dans plusieurs groupes où l’on nous offrit du café. L'air de sécurité de deux Européens seuls au milieu d'eux sembloit exciter leur admiration. DEUXIÈME JOURNÉE. Le lendemain matin nous partimes ; tous les yeux étoient fixés sur nous. Les Arabes nous parurent plus étonnés lorsqu'ils nous virent descendre de dromadaire et marcher sans armes au milieu d'eux (+). | | Si nous cassions quelques cailloux, ils nous apportoïent les plus transparens, ceux qu'ils croyoient les plus propres à battre le briquet. Si nous examinions leurs vête- mens, ils entroïent dans le détaïl des nôtres. La forme de nos chapeaux, notre habit court et serré, les cuirs dans lesquels nos jambes et nos pieds étoïent renfermés, leur sémbloient incommodes ou inutiles. Lorsque j'examinai leurs fusils ét leurs poi- gnards, un d’entre eux me demanda où étoient mes armes: Je luï répondis brus- quement en montrant les leurs : « Voilà mes armes : n’es-tu pas armé pour me dé- » fendre! — "Tu es un bon Français, me répondit-il ; tu vas avec tesamis à Tor (2). » (1) J’avois un fort beau sabre de mämlouk, que j'ai toujours laïssé suspendu au pommeau du bât de mon dro- madaire lorsque j’ai marché avec eux. (2) Les Arabes avoient fait la même demande à M. de Volney dans.son voyage en Syrie. DE LA PRESQU ÎLE DE SINAÏ. 279 Je desirois connoître le nombre des hommes et des chameaux qui composoient notre Caravane : il m'a été impossible de l'apprendre par les cheykhs (1). Après plusieurs essais pour les compter, je les ai estimés à huit cents personnes, en y comprenant plusieurs enfans et quelques femmes; il y avoit dix-huit cents à deux mille chameaux, dont quatre-vingt-quatorze étoïent chargés de marchandises pour la Syrie, et.accompagnés par une tribu de Tor avec laquelle nous n'avions pas traité. Un homme conduit trois chameaux : cinq cents mettent quinze minutes environ à défiler, et notre caravane y employoit plus de trois quarts d'heure. Chaque homme porte un poignard ; maïs je n'ai pas compté plus d'un fusil pour trois hommes: La journée de marche est continue. Ceux qui montent sur des dromadaires, vont quelquefois en avant et s'arrêtent un instant pour prendre le café. L'ordre qui s’éta- blit dans le campement, la précision avec laquelle il s'exécute, méritent un détail particulier. Le lieu du campement est déterminé par les broussaïlles qu’on rencontre dans quelques parties basses du désert, dans lesquelles l'eau qui tombe une ou deux fois ‘année, séjourne plus long-temps et fait germer les graines; la caravane s'y dirige t s'y repose après huit à dix heures de marche: la première tribu qui arrive se place, :t les autres successivement; ce qui se fait sans confusion. Elles forment un grand cercle ; chaque tribu est placée dans la même portion du cercle, et se divise ensuite -n escouades composées des familles ou de ceux qui vivent en commun, au nombre de six à dix personnes (2). | £ Dans un instant les chameaux sont déchargés, et vont seuls, ou conduits par un enfant, aux broussailles, qui, quelquefois, sont à un mille du campement (3). Deux ou trois hommes de chaque escouade courent alors chercher quelques broussailles ou plantes sèches, pendant qu'un de ceux qui sont restés bat le briquet, allume du feu en agitant l'air avec le pan de sa robe, qu'il incline quelquefois pour recevoir le vent obliquement et le diriger sur le feu. Un autre fait rôtir et pile le café (4), pendant qu'un troisième délaye la farine et pétrit le rouga ou foutyr, espèce de galette sans levain , de cinq à sept millimètres d'épaisseur | deux à trois lignes |, et d'une grandeur proportronnée au nombre de ceux qui font partie de l’escouade, Dans moins d’un quart d'heure cette pâte est cuite entre les cendres chaudes, les petits charbons et la crotte de chameau brûlée et souvent même encore en- flammée {s). Bientôt les travaux extérieurs sont finis : on se place autour du feu; on prend le café. en mangeant le rouga. Quelques-uns yajoutent de la farine et du riz bouilli avec un peu d'huile et quelques'oïgnons; d'autres, des féves ou des lentilles : le repas (1) Les Turcs généralement n’expriment les quantités (3) Rien ne désigne la route; le pied des chameaux et que par peu ou beaucoup; ils ne comptent ni leur äâgeni celui de leurs enfans, etrépondent, si on leur en demande la cause, qu’ils n’en ont pas besoin. (2) I est assez vraisemblable que, les caravanes étant composées des mêmes tribus et familles, l’ordre du cam- pement est toujours le même. celui des hommes ne laïssent point de trace dans cette , mer de sable et de cailloux. (4) On fait brûler le café dans une cuiller de fer; on le Proie ensuite avec un long bâton dans un mortier de terre cuite. (5) Sile nombre est trop grand, on fait plusieurs foutyr, 280 OBSERVATIONS SUR LA TOPOGRAPHIE finit toujours par le café. La conversation se prolonge souvent pendant plusieurs heures; on parle des bâtimens qu'on attend de Geddahietd’Yambo”, de la charge des chameaux, de la pluie long-temps desirée : s’il se trouve un conteur d'histoires, il'est écouté avec attention. On ajoute de l’eau sur le marc du café. Placé à une petite distance de ces groupes, je croyois entendre une réunion des habitans de: nos campagnes. Les chameaux reviennent d'eux-mêmes à la fin du j jour, et retrouvent | Cid où ils ont été déchargés; s'ils se trompent, ils accourent à la voix de leur maître qui les appelle. Je faisois tous les soirs le tour d’une > partie du camp : chaque groupem'invitoit à prendre le café, à me reposer sur la peau de chèvre. Si j’acceptois, on me répétoit: Tayeb Francis enta fy Tor, saou saouà. [ Bon Français, tu viens à Tor avec tes amis. | Le lendemain, avant le jour, on s'occupe de la charge des chameaux, pendant que quelques-uns font le café et le rouga; on part ensuite, et l’ordre s'établit natu- rellement. TROISIÈME JOURNÉE, Nous campâmes à A geroud le troisième jour, à huit milles environ de Soueys, ot j'eus l’occasion d'observer que si nous avions pris une escorte, elle auroït réellement diminué la confiance que nous avions intérêt d’inspirer à nos Arabes. Un officier du génie, qui n’avoit pu profiter de notre caravane pour aller à Soueys, partit de lendemain, et nous rejoignit dans cet endroit avec son escorte, après deux jour de marche (1). Les Arabes les avoient aperçus de loin; je remarquaiï un grand changement dans leur physionomie, et bientôt j'en reconnus la cause: ils crurent que je les avois trompés, et qu’une escorte venoït avec nous dans leurs montagnes. Je parcourus cette fois un plus grand nombre de campemens. « J'ai comptésur » la foi des Arabes, leur ai-je dit ; ils peuvent compter sur celle des Français : nous » irons seuls, mon compagnon et moï, dans vos montagnes, et Vous nous rame- »-nerez au Kaire; l'officier Français va à Soueys. » Ils répétèrent que nous-allions avec nos amis. Les soldats campèrent au milieu d'eux; le lendemain, nous fimes route tous ensemble, sans qu'ils témoignassent la moindre inquiétude. QUATRIÈME JOURNÉE. Bientôt la caravane nous quitta pour aller camper aux fontaines de Moïse {'ayoun Mousä] ; après avoir tourné la pointe du golfe. Les chameaux n’avoient pas bu depuis notre départ du Kaire, c'est-à-dire, depuis soixante-douze heures, lors- qu'ils arrivèrent aux fontaines. Nous allâmes, avec nos cheykhs, coucher à Soueys. CINQUIÈME JOURNÉE. Le lendemaïn, nous nous rendimes par mer aux fontaines, où nos chameaux nous rejoignirent en traversant la pointe du golfe à } marée basse. Notre caravane avoit quitté les sources le matin, et chacun se disposoit à retourner dans sa tribu, à travers (1) Cette escorte avoit fait, ce jour-là, dix-huit lieues dans le désert. les DE LA PRESQU'ÎLE DE SINAÏ. 28: lés montagnes. Quatre-vingt-quatorze chameaux de notre caravane, destinés pour a Syrie, furent déchargés, et les marchandises restèrent sous la garde de quelques _ Tyars, avec lesquels les marchands traitèrent pour en faire le transport dans cette contrée (1). Nous restämes avec nos quatre cheykhs et les Arabes qui conduisoient nos chi - meaux; nous étions dans la presqu'île de Sinaï, nous n'avions plus rien À craindre des Arabes étrangers qui pouvoïent avoir du sang à venger : mais ce qui arriva aux marchands qui nous avoient accompagnés jusqu'à Soueys, et le malheureux sort de l'adjudant-commandant Delanau (2), prouvent que nous ne devions pas être sans crainte dans un voyage dont nous ne pouvions connoître le terme, puisqu'il dépendoit du retour de la caravane; et ce retour au Kaire étoit subordonné au besoin que les Arabes RUE avoir d'y porter des marchandises, ainsi qu'à la tranquillité intérieure. Nous suivimes toutefois le même système d'abandon et de confiance que nous avions montré au commencement du voyage. Après avoir visité les sources de Moïse (3), nous continuâmes notre route en laissant la mer Rouge à l’ouest : nous avions à l’est les montagnes appelées Tyt, au pied desquelles habitent les Zyars. Nous campâmes à cinq milles des fontaines, dans un ravin aridenommé À’y», sans eau, sans broussaïlles, sans aucune espèce de végétation. Nous n'aurions pas pu faire de feu, si les Arabes, qui connoissent ‘ les campemens, n'avoient pas eu le soïn de faire en partant et en route des pro- P F pro visions de combustibles (4). SIXIÈME JOURNÉE. Le sixième Jour, après huit heures et demie de marche, tantôt dans une plaine aride, tantôt à travers des dunes de sablé et des broussaïlles, on arrive À Abou Soueyrah, dans un lieu couvert de tamaris et de plantes qui annoncent un terrain ps humide; onty trouve, en effet, une grande quantité de puits à deux mètres et demi [huit pieds environ | de profondeur dans lesable, dont une partie s'est éboulée. L'eau, quoique gypseuse (excepté dans un seul puits), est préférable à celle des fon- taines de Moïse: ce lieu est fréquenté par les Térräbyn, qui sont en possession du désert depuis le Kaïre jusqu'à la baie de Corondel / Ouädy-Corondel ], sur les bords de la mer Rouge. Nous en trouvâmes plusieurs qui faisoient paître leurs troupeaux. SEPTIÈME JOURNÉE. \ L 2 En partant d'Abou-Soueyrah, on passe dix heures dans une plaine rase, sur le bord de la mer; ensuite, après avoir traversé plusieurs gorges étroites, on arrive dans la baïe de Corondel. Ce lieu est remarquable par ses eaux thermales, nommées /wins (1) Les Arabes ne devoient venir prendre les marchan- dises que quelques jours après. Ceux qui les avoient appor- tées furent témoins du marché, et revinrent les piller [a veille du-jour où les 7yars devoient venir les prendre. (2) L’adjudant -commandant Delanau , en allant d'Alexandrie au Kaire, fut pris par les Arabes. II fut racheté pour un chapeau plein de piastres : il s’éleva une É. M. TOME II. dispute pour le partage ; un Arabe lui tira un coup de fusil et le tua. (3) Ces sources sont décrites par M. Monge, £. 4H. tom, 7, pag. 409. (4) Souvent, pendant la marche, une partie des Arabes s'éloigne et court à plus d’un mille ramasser des brous- sailles pour le bivouac du soir. N n 28 2 OBSERVATIONS'SUÜR LA: TOPOGRAPHIE de Pharaon | hammäm Fara'oun] : elles coulent au pied d'unémontagne de deux cent: quatre-vingt-dix à trois cent quatre-vingt-six mètres [ cent cinquante à deux cents oises | d'élévation, La première source fournit environ deux pouces d’eau ; le ther- momètre de,Réaumur s’y élève à cinquante-six degrés. Les pierres sur lesquelles elle coule, et celles qui bordent le canal, sont couvertes de soufre sublimé ; plusieurs autres sources coulent à travers le sable sur une longueur de cinquante pas. À quatre mètres [environ deux toises] d'élévation au-dessus de ces sources, on trouve deux ouvertures : celle qui est à droite, conduit dans une espèce de grotte dans laquelle le thermomètre s'élève à trente-quatre degrés au milieu d’une chaleur humide, accompagnée d’une odeur forte de soufre : l'autre forme l'entrée d’une excavation qui n’a pas plus d'un demi-mètre [environ quinze à dix-huit pouces | de haut sur une largeur un peu plus grande, où l’on est obligé, pour arriver à la -source, de ramper nu, sur une longueur de vingt-trois à vingt-neuf mètres | douze à quinze toises |, dans un sable humide et chaud ; le thermomètre s’y élève à trente- six degrés. La posture gênante qu'on est forcé de prendre, et l'excéssive chaleur, ont fait dire à plusieurs voyageurs que la lumière s’éteignoit dans ces espèces de grottes, et qu'on avoit à craindre d'y être étouffé en peu de temps. Nous n'y sommes pas restés assez long-temps pour vérifier cette assertion : maïs je n'ai pas éprouvé que ma respiration fût génée ; et l'odeur du soufre, dans cet air extrémement humide, m'a paru supportable. La baie de Corondel semble avoir été autrefois un assez bon mouillage : ouverte à l’ouest, elle étoit à l'abri des vents du nord et du sud; et l’on pouvoit en sortir par les vents d’est, qui règnent le plus souvent sur la mer Rouge. Les pluies qui tombent une ou deux fois par an sur les montagnes, y forment des torrens qui entraînent dans la baie une prodigieuse quantité de cailloux et de quartiers de rocher. C’est 1à que plusieurs écrivains font arriver Moïse après son passage dans la mer Rouge. Cette baïe est maintenant sans eau. * HUITIÈME JOURNÉE. En sortant de la baïe de Corondel, on entre dans une vallée étroite, ou plutôt dans un ravin que bordent de hautes montagnes à pic, de près de quatre milles de longueur, et à l'extrémité duquel on arrive sur un plateau planté de quelques dat- tiers. On y voit un puits d’un mètre [trois pieds environ | de profondeur, qui four- nit unepetite quantité de mauvaise eau, à laquelle Pococke a trouvé un goût d'acier. L'eau, bientôt épuisée, se renouvelle promptement; les Arabes en abreuvent leurs chameaux. Ce lieu, nommé /ouseyr, à vingt-quatre milles d’Abou-Soueyrah, quoique fort élevé au-dessus de la mer, est dominé par Ja chaîne des montagnes qui se prolongent ducôté de la Syrie. Les Arabes de Tor sont en possession de ce terrain. Nous avions encore douze heures de route avant d'arriver au lieu du cam- pement. Quoïque celui-ci fût pie agréable qué tout ce que nous avions rencontré depuis le Kaïre, nous ny restâmes que le temps nécessaire pour faire boire nos chameaux. Une’ longue vallée au sud nous conduisit sur un large plateau entouré de DE LA PRESQU'ÎLE DE SINAÏ. 263 montagnes qui le mettent à l'abri des vents du nord: la chaleur, à dix heures du Matin, y étoit excessive; le thermomètre cependant n'étoit qu'à vingt-cinq de- grés. De là, traversant une chaîne de montagnes au sud-est, nous entrâmes dans la vallée d'/-74/, puis dans une gorge où est enterré un cheykh nommé Reys- elchemäleh. Un des côtés de la vallée, celui où est son tombeau, porte son nom ; les Arabes, en passant, y déposent quelques branches d’arbustes ou des morceaux d'étoffe : l'autre côté se nomme Chebegych. Ensuite, après avoir parcouru une vallée plantée de tamaris, on retrouve la mer au sud-ouest : nous nous y arré- tâmes pour aller, à cinq cents toises au nord, visiter une partie de la montagne d'où des Arabes tirent du soufre; nous en avons, en effet, trouvé quelques échantillons bien cristallisés. | Reprenant notre route au sud, nous entrâmes dans une baïe fort vaste, bordée de hautes montagnes qui la mettent à l'abri des vents de nord, de nord-est et de sud ; mais, comme celle de Corondel, elle est presque entièrement comblée. Après l'avoir tournée en marchant dans l’eau sur une longueur d'environ un mille, on campe dans la plaine de Makra, au milieu des dunes formées par les touftes de tamaris qui arrêtent les sables chassés par les vents du nord. On n’y trouve que de mauvaise eau. Notre provision d’eau du Nil nous avoit manqué à Soteys, et de fortes pesanteurs d'estomac nous firent sentir la différence de Fune avec l'autre. NEUVIÈME JOURNÉE. Après une heure de route dans cette plaine parsemée d'arbustes, nous entrâmes dans une vallée couverte de blocs de granit, de porphyre et de cailloux roulés, détachés de la chaîne qui domine les montagnes calcaires dont nous suivions la direction, et que nous traversâmes ensuite pour arriver à une vallée appelée Pa- ran, Où nous couchâmes sans trouver d’eau. DIXIÈME JOURNÉE. Le dixième jour, nous-passâmes treize heures dans un désert aride et des vallées où l’on trouvoit à peine quelques broussaïlles : a chaîne du mont Sinaï se voit À l’ouest, et des montagnes calcaires sont à l’est. Nous entrâmes dans lOuädy-Gah, où, parmi quelques palmiers, nous découvrimes un palmier doum. Un puits en maçonnerie, de six pieds de profondeur, fournit une grande quantité de bonne eau. En traversant ensuite une plaine rase, humide et couverte de sel, on arrive dans une heure à Tor. Bonder-Tor, ou Port de Tor. Un golfe d’un mille environ de largeur, sur une profondeur prèsque égale, forme le port de Tor, sous le 28° 12’ de latitude et le 31° 20’ de longitude sep- tentrionale du méridien de Paris. Le fond n’en est pas généralement bon : il pré- sente des bancs de coraux, des roches couvertes de madrépores et de coquillages à un ou deux mètres de profondeur [troïs à six pieds]; quelques-uns, presque à fleur d’eau, font de toute la partie du nord-ouest une sorte de parterre émaillé de fleurs. É. M. TOME IL Nu x 284 OBSERVATIONS SUR LA TOPOGRAPHIE La marée, qui monte à Soueys d’un mètre ét demi à deux mètres [quatre à six pieds}, ne s'élève pas à Tor à plus de trois quarts de mètre | trente pouces | dans les plus fortes marées, et elle n'atteint qu'un tiers de mètre [dix à douze pouces] dans les marées ordinaires. Ce port est abrité des vents du nord et du nord-est par la chaîne des monts de Sainte-Catherine et de Sinaï, et de ceux de l'est par d'anciennes plantations de pal- miers, et par les restes d'une citadelle / Qal’ el-Tor ] presque tout en‘ruines, mais où l’on voit encore des embrasures à fleur d'eau, couvertes par des voûtes en formé de niche. Ces constructions, l'aspect du terrain, quelques jardins dans le plus mauvais état, presque toutes les clôtures en partie détruites, l'air misérable des habitans, tout présente l’image de la destruction et de la mort. Le port, ouvert au sud-ouest, est fermé, dans sa plus grande largeur, par un banc à fleur d’eau. Les villages appelés Chadhyeh et Beled el-Nasärah , qui composent l'ancienne ville de Tor, contiennent vingt-cinq à trente Chrétiens et dix à douze Arabes Maho- métans, non compris les femmes et les enfans. Le petit village de Gebel, au sud de Qala el-Tor, ne renferme que cinq à six pêcheurs qui servent de pilotes aux bâtimens faisant la traversée de Tor à Soueys ou à Geddah. La population de ces villages où hameaux n’est pas de plus de cent trente individus. Les Chrétiens sont administrés par un religieux de Sainte-Catherine au mont Sinaï. C’est lui qui reçoit les provisions apportées du Kaïre par les caravanes, ét qui les dirige sur le couvent, ainsi que le poisson qu’il fait pêcher. Son logement est aussi simple que la petite chapelle qui est dans sa cour. À deux milles de Tor, au nord-est, près des montagnes calcaires, ce religieux possède un assez grand jardin, entouré de murs, planté de palimiers, et traversé par plusieurs fontaines d'eaux thermales, dont üne est appelée #s Bains, Un large bassin muré, dans lequel l'eau se soutient à huit décimètres | trente pouces | de hauteur et à vingt-sept degrés de chaleur, semble avoir été construit pour cet usage. Une grande quantité de branches de palmier couvre toute la surface de ce terrain sans culture. Les malheureux habitans de Tor, n'ayant point de chameaux, parce qu'ils n'ont rien à porter au Kaire pour faire des échanges, sont obligés de faire venir le blé par les caravanes; ce qui en double le prix : ils en consomment peu et vivent de poisson. À Tor, le vent souffle du nord une grande partie de l’année, excepté pendant l'hiver, où il vient du sud jusqu’au milieu du jour seulement, et le reste de la journée il reprend la direction du nord. | Les petits bâtimens entrent dans le port, dont la profondeur, ainsi que celle de la passe, est de six à huit brasses : mais généralement ceux qui craignent d'être jetés sur la côte, qui est rase, ne sy arrêtent que pour faire de l'eau ; les gros bâtimens restent en rade. On trouve dans le port, à une très-petite distance de Ja mer, des puits construits en maçonnerie avec beaucoup de soin, qui fournissent de très-bonne eau. Ces puits, le fort, et quelques restes d'anciennes constructions, annoncent que ce port étoit autrefois plus fréquenté. La misère des habitans, qui \ DE LA PRESQU'ÎLE DE SINAIÏ. 285 ne peuvent rien fournir ni acheter, et le pillage qu’ils ont exercé plusieurs fois sur quelques bâtimens, en éloïgnent les marchands (1). En suivant la route ordinaire des voyageurs et celle de nos Arabes, nous serions entrés dans la montagne au nord, pour aller au mont Sinaï, à vingt-quatre milles en- viron de Tor; mais nous desirions faire le tour de la presqu'île, et reconnoître les ports situés à son extrémité, ainsi que la mer de l'est. Nous avions, pour l’exécu- tion de ce projet, trois jours de marche sans eau, et cinq à six journées de plus à faire à travers les montagnes; nous devions passer dans la tribu des Mezeyn, qui ne fait pas partie de Ja fédération de Tor, et avec laquelle nous n'avions pas traité (2): ces difficultés toutefois ne nous arrêtèrent pas. Nous éprouvâmes la plus grande résistance de la part de nos Arabes. Ils nous objecterent la difficulté de porter des vivres pour eux, de l'eau pour leurs chameaux, et nous dirent que nous n avions traité avec eux que pour aller jusqu'à Tor, et de à au mont Sinaï, que d'ailleurs il pouvoit arriver que nous fussions attaqués par les Mezeyn, qui seroient jaloux de partager les bénéfices du marché. Nous levâmes tous les obstacles en réformant une partie de nos équipages ét de nos conducteurs, en leur donnant des vivres pour eux et leurs chameaux, en leur montrant une volonté ferme de faire le voyage avec un seul guide, et en leur disant enfin que les Arabes pouvoient avoir peur d'une tribu ennemie, mais que les Français étoient amis de toutes les tribus: « Les Français n’ont qu’une parole, me dit le plus ancien » cheykh; nous irons avec toi, pour qu'il ne t'arrive rien. » - / ONZIÈME ET DOUZIÈME JOURNÉES. Nos Arabes ne nous avoient pas trompés ; nous marchâmes deux jours à peu de distance de la mer, tantôt dans une plaine de sable nue, rarement parsemée de quelques arbustes, tantôt à travers des montagnes de porphyre et de granit feuilleté, Nous étions dans la saison variable des vents de sud et de sud-ouest et dans celle des orages, saison la plus desirée, puisqu'elle procure un peu d’eau : maïs la chaleur étoit quelquefois plus-accablante que la plus forte que nous eussions éprouvée dans Ja haute Égypte ,àune température beaucoup plus élevée (3). Après avoir marché Jong-temps au sud-est, nous entrâmes au sud dans une vallée longue, ou plutôt dans un ravin profond, bordé, des deux côtés, de montagnes formées Jusqu'au sommet de cailloux roulés ; la pâte qui les lie a acquis assez de dureté pour que d'énormes fragmens se soïent précipités dans la vallée sans se désunir. Le port de Räs-Mo- hammed est situé à l'extrémité, et nous a paru être au milieu de la presqu'île. (1) Les habitans de Tor n’ont plus que neuf bateaux sur les Arabes. Quinze ans avant notre arrivée à Tor, de pêcheurs, dont huit appartiennent aux Grecs. la tribu des Gurarché avoit pillé un bâtiment. Les On voit les débris d'un bâtiment échoué: il venoit dYambo’ et entroit dans le port pour faire de l’eau. On assure que le pilote de Tor lavoit fait échouer, et qu’en- suite il fut pillé : il contenoit cent trente ballots de toile, de quatre-vingts pièces chacun ; quatre-vingts ballots de lentilles, de chacun un demi-ardeb; cent vingt de riz, idem ; deux de cuivre, de chacun six cents rofl, Les Arabes rejettent le pillage sur les Grecs, et ceux-ci Mamlouks Iéur défendirent de venir au Kaiïre, C’est ainsi qu'ils ont détourné les marchands de s'arrêter à Tor. (2) Ce sont les Arabes de cette tribu qui ont pillé les marchandises que notre caravane avoit transportées avec nous du Kaire à l'entrée des montagnes. (3) Le thermomètre de Réaumur s’est élevé, à l'ombre, à trente-deux degrés, 286 OBSERVATIONS SUR LA TOPOGRAPHIE Ce port, ouvert à l’est-nord-est, est fermé par une langue de terre ou presqu'île, à l'extrémité de laquelle un pic assez élevé lui a fait donner le nom de 7éte de Mahomet. Yxop près de la montagne, il a été vraisemblablement en partie comblé par les sables et les pierres qui sont entraînés par les torrens : on ny trouve plus aucune espèce d'habitation. | TREIZIÈME JOURNÉE. Le troisième jour depuis notre départ de Tor et le treizième de notre voyage, nous partimes de Räs-Mohammed, pour aller à l'est, à travers les montagnes, au port.de Charm, sous le 31° 58° 10° de longitude du méridien de Paris et le 27° 56" 10° delatitude, où nous arrivAmées après trois heures de marche. Ce port, dont l'entrée est au sud, est partagé par un pic de cent toises environ de largeur sur autant de profondeur. On trouve, à peu de distance du rivage, des puits construits avec de gros blocs de granit. Les bâtimens venoïent autrefois y faire de l’eau ; et lorsqu'ils étoient surpris par des vents contraires, dont ils prévoyoient que la durée pouvoit être longue, ils débarquoïent leurs marchandises, qui étoient transportées au Kaire par terre. Un santon et plusieurs pierres sépulcrales paroissent annoncer que ce port étoit autrefois habité. Nous y vîmes quelques pêcheurs qui ne vivent que de poisson, et qui nous en vendirent; ils en mangèrent auprès de nous; et leurs en- fans, que nous eûmes bientôt apprivoisés en leur donnant quelques pârats, furent particulièrement étonnés de la forme de nos chapeaux. Charm paroîït être’ à six à huit milles de la mér dé l’est, que nous avons parfaite- ment distinguée des plus basses montagnes ; sa largeur nous parut différer peu de celle de la mer Rouge. Les montagnes sur l’autre rivesemblent s’abaïsser en se pro- longeant dans l Arabie Pétrée, Nous suivimes la côte:sur une assez grande longueur. Nous aurions desiré d'aller jusqu'à 'A’qabah, la pointe du golfe; mais,-outre que nous nous serions éloignés du mont Sinaï, qui étoit le but principal de notre voyage, il eût fallu traverser un désert inhabité, et que nos Arabes ne connoiïssoient pas. Nous rentrâmes dans la montagne par l'extrémité sud-est de la presqu’ile. Bientôt après nous rencontrâmes sur une colline quelquestentes dont nous nous approchâmes. Les femmes ne parurent pas trop effrayées; elles nous demandèrent des pärats et des aiguilles. | En suivant la même vallée au nord-ouest, nous trouvâmes quelques arbustes et un campement plus considérable : c'étoit celui de la tribu dés Mezeyn. Nos cheykhs ne nous avoïent pas trompés ; ils ne parurent pas contens de nous voir, et ne nous ofirirent rien lorsque nous passâmes devant leurs tentes. Un Arabe qui piloit avec un bâton, dans un mortier de bois, un mélange pour faire de la poudre, demanda avec humeur à notre interprète pourquoi il amenoit ces chiens (1). Le cheykh de cette tribu ne conduisit pas les nôtres sous sa tente, suivant la coutume des Arabes, pour ne pas nous faire approcher de son camp, que nous avons ce- pendant parcouru. Le repas se fit au milieu de la vallée. Nous ne témoïgnâmes ni mécontentement ni inquiétude, et nous nous plaçèmes dans le cercle pour manger (1) C’est le nom que les Mahométans donnent aux Chrétiens. DE LA PRESQU'ÎLE DE SINAÏ. 287 la-chèvre sans être invités. Nous leur fournîmes le café, et nous nous couchâmes tranquillement au milieu d'eux. be QUATORZIÈME JOURNÉE. Les Mahatné, petite tribu dépendante des Aovärmé, que nous rencontrâmes à la fin de la journée du lendemain dans la vallée d'el-Nasb, nous donnèrent une idée plus juste de la manière patriarcale avec laquelle les Arabes traitent les étrangers. Le cheykh Haäggy-Hasan vint au-devant de nous, nous fit asseoir à côté de lui sur le devant de sa tente, fit tuer une chèvre, nous donna à laver; et pendant que les femmes préparoïent le repas et que nous prenions le café, un chanteur, après avoir. invoqué Dieu, chanta les couplets suivans , en s'accompagnant avec un ins- trument à trois cordes (1), dont il tira des sons avec un archet : On dépense beaucoup d'argent pour aller à la Mecque. On quitte sa maison pendant un an pour aller à la Mecque. Quand un cheykh marie son enfant, les cheykhs des autres tribus apportent chacun une chèvre, Il finit par celui-ci : Jai des enfans qui mangent beaucoup ; et j'ai les bras trop courts pour leur chercher du pain. Le repas fini (2), nous nous reposâmes sous notre tente, que nous avions fait placer en face de celle du cheykh. Nous trouvâmes la même hospitalité dans les autres tribus : maïs aucun de leurs cheykhs ne peut être comparé à celui-ci pour les formes honnêtes ; sa physionomie est plus distinguée, son esprit plus vif, quoi- qu'il ait d'air un peu égaré (3). Il avoit eu des relations avec des étrangers, des marchands, et avoit fait deux fois le voyage de la Mecque. Il faisoit régulièrement ses prières. | QUINZIÈME JOURNÉE. Jusqu'ici nous n'avions rencontré que quelques ###1054 et quelques tamaris, des broussailles sèches, des montagnes de granit et de porphyre feuilleté, rarement de l'eau et toujours en très-petité quantité : mais des eaux limpides coulent, dans la vallée d'Elked , entre d'énormes quartiers de roche de granit ; quelques portions de terre végétale y sont couvertes de menthes, sur un mille environ de longueur, depuis six toises Jusqu'à cinquante de largeur. La vallée est plantée de dattiers et de napecas ; quelques enceintes en pierre sèche servent de retraïte et de magasin aux Arabes propriétaires qui viennent en recueillir les fruits : maïs cette vallée n’est (1) Cet instrument est composé d’une espèce de petite “jatte de bois couverte d’une peau de chameau , et traver- sée, à deux décimètres [| sept pouces] environ du bord, par un fer plat de douze à quinze millimètres [six à sept lignes] de large sur trois décimètres [onze à douze pouces] delong. Le gros bout, de deux décimètres [sept pouces] de long, se pose à terre; un bâton emmanché dans l’autre bout, long de quatre à cinq décimètres [dix-huit pouces], plat en dessus, porte, à l’une de ses extrémités, trois chevilles qui servént à tendre trois cordes formées de la réunion de plusieurs’ crins qui sont fixés, à l’autre extrémité, à la tige de fer, après avoir passé sur un chevalet. L’archet, fait d’un morceau de bois brut, et long de quatre à cinq décimètres [dix-huit pouces] environ, porte un paquet de crins fixé à une des extrémités, et tendu à l'autre avec un doigt, (2) Je décrirai ce repas à l’article des mœurs et usages des Arabes. (3) Lorsque nous retournâmes au Kaire, ce cheykh donna beaucoup de signes de folie. Il est vraisemblable que son tombeau sera un objet de vénération. 288 OBSERVATIONS SUR LA TOPOGRAPHIE habitée que dans le temps de la récolte. Nous n'avions point encore trouvé de station aussi agréable. SEIZIÈME JOURNÉE. Nous ne fümes pas aussi heureux le lendemain ; nous passâmes la journée et la nuit dans des montagnes et des vallées arides, sans rencontrer la plus légère apparence de végétation. DIX-SEPTIÈME JOURNÉE. Le dixseptième jour enfin, après avoir traversé avec nos chameaux des mon- tagnes que souvent nous avions de la peine à gravir à pied, nous arrivämes au couvent de Sainte-Catherine. Un des deux frères qui nous avoient accompagnés jusqu'a Tor, étoit allé nous annoncer par le chemin le plus court. Nous étions attendus avec autant d’impa- tience que d'inquiétude. Une lucarne élevée au-dessus des murs, qui ont dé’dix à douze mètres | trente à trente-six pieds | de hauteur, est la seule entrée de cette solitude (1); elle couvre une large poulie sur laquelle passe un gros câble qui se roule autour d’un tambour établi dans une sorte de parloïr; on descend ce câble, terminé par un anneau de corde dans lequel se place celui qu'on veut élever; le tambour est tourné avec des leviers croisés ; semblables à ceux qui sont employés sur les ports pour retirer les pierres des bateaux. Les pères, étant venus nous recevoir, nous firent l'accueil le plus flatteur, et nous conduisirent au quartier des étrangers : nous y restâmes cinq jours , pendant lesquels nous visitimes le couvent et les lieux saïnts qui l'environnent. Ce couvent, dont les murs d'enceinte forment un carré de cent soixante-deux mètres environ [ou quatre-vingt-quatre toises] de côté, et sont construits en blocs de granit d'un demi-mètre environ [dix-huit pouces] de hauteur sur une largeur un peu plus grande, est situé au pied du mont Khouryb ou Horeb. L'intérieur du couvent se ressent de l'inégalité du terrain sur lequel il'est situé: il est composé d'un grand nombre de bâtimens irréguliers construits sur différens plans, et renferme une grande église dédiée à S.® Catherine, vingt-six chapelles qui ont autant de patrons différens, une mosquée (2), des cellules simples qui commu- niquent à des galeries extérieures et couvertes en bois, une galerie semblable avec plusieurs chambres pour les étrangers, des celliers, et quelques fabriques pour les ‘choses nécessaires à l'existence des religieux et à l'entretien du couvent. Six religieux et vingt-deux frères habitent cette sainte prison. L'église est com- posée de trois nefs séparées par des colonnes de granit qui supportent un plafond en bois peint en très-beau bleu et parsemé d'étoiles d’or. Le sanctuaire est fermé par une belle boiserie sculptée et dorée. L’autel est en marqueterie de nacre et d’écaille d’un fort beau travail. La chaire est en marbre, et le siége de l'évêque en bois (1) IT existe cependant une porte cochère, mais elle (2) Les religieux nous ont dit que cette mosquée avoit est murée et en partie couverte de terre : elle ne s’ouvre été construite à l’époque où des Arabes étoient employés que pour recevoir la visite du patriarche. au service intérieur du couvent. sculpté DE LA PRESQU'ÎLE DE SINAÏ. 289 sculpté et doré; le fond est orné d’un tableau peint sur bois, où l'on voit, dans une perspective (1) mal faite, des détails très-exacts du couvent. Les murs sont cou- verts d'assez mauvais tableaux peints sur bois, et le pavé est en marbre, granit et serpentin (2). Les murs d'enceinte sont crénelés: de petits bastions aux quatre angles portent des embrasures couvertes par de petites pièces de deux livres de balle. Ces canons n'ont jamais tiré que pour faire du bruit dans la montagne. L'arsenal consiste dans un petit nombre de fusils à mèche, dont les moines ont été quelquefois obligés de se servir contre des Arabes qui venoient piller leur jardin situé à l'extérieur, et entouré de murs plus bas et plus foibles que ceux du couvent. On communique dans Îe jardin par un souterrain fermé d’une porte doublée en fer. Il est assez grand, mais mal cultivé. Il produit cependant des légumes , dont quelques-uns sont semblables aux nôtres, mais moins bons. Il est en outre planté de vignes, d’amandiers, d’orangers, de citronniers, d’abricotiers, de pommiers, de poiriers et d’oliviers. Les arbres, mal entretenus, mal taillés ï rarement greflés, produisent des fruits d’une médiocre qualité, mais qu’on trouve délicieux dans un pays où ils sont si rares. Les religieux ne connoissent que la greffe en fente; je leur aï appris la manière d’écussonner et de multiplier la vigne par crossettes. | L'eau est abondante dans la maison, et le jardin est traversé par un ruisseau dont la source donnoït encore plus de trois pouces d’eau, quoiqu'il ne fût pas tombé de pluie sur la montagne depuis un an, et que la PAPER des sources fussent taries. La vie des religieux est très-frugale. L'industrie des frères se réduit à très-peu de chose; ils font de l'huile, un peu de vin avec le raisin de leur treille, de l’eau-de-vie avec des dattes, des pie et des raïsins secs; ils ne font qu’entretenir et tirent du Kaire toutes leurs provisions, qui leur sont apportées par les caravanes et envoyées de cette ville par le principal couvent. Celui-ci s'enrichit des aumônes des Chré- tiens, qui espèrent obtenir ainsi les dons du ciel par les prières des religieux du mont Sinaï. Si l'on excepte l'office du matin et quelques prières récitées le soir, ces pieux cénobites passent leur temps à ne rien faire. Une bibliothèque assez belle; composée d'un grand nombre de volumes Grecs, ne nous a pas paru fréquentée. Tous parlent grec : il n'y a qu'un très-petit nombre de frères qui entendent et parlent l'arabe; ce sont ceux qui font le voyagé du Kaïre pour les affaires du couvent. DIX-HUITIÈME ET DIX-NEUVIÈME JOURNÉES. Le mont Khouryb ou Horeb, au pied duquel est situé le couvent, est un mame- Jon situé au nord, où l'on passe pour aller sur lemont Sinaï (3). A cinquante toises (1) Voyez planche 107, É, M. vol. IL. (3) Généralement on porte sur les cartes le mont Horeb (2) Il n’y a point de cloches dans le couvent : on et-le mont Sinaï comme deux pics à une petite distance appelle à a prière, ainsi qu'aux différens exercices, en lun de l’autre: c’est une erreur : le mont Horeb est un frappant avec un petit maillet une longue planche de mamelon de la montagne de Sinaï; le pic qui en est hêtre qui est suspendue horizontalement par les deux séparé à l’est, est celui de Sainte-Catherine, un peu plus extrémités, élevé. É. M. TOME II. Le 290 OBSERVATIONS SUR LA TOPOGRAPHIE environ au-dessus du couvent, on rencontre une fontaine dite 4 Cordonnier, qui fournit toute l’année une petite quantité de très-bonne eau ; aux deux tiers estune petite chapelle dite de Marie ou du Commissaire. Sur le sommet de cette montagne, une citerne en maçonnerie, ainsi qu'une espèce de grand vivier, se remplissent par les pluies ; tous deux étoient à sec dépuis long-temps. Un cyprès surle plateau est remarquable par sa beauté; à un mètre et demi | quatre pieds ] au-dessus du sol, il a près de deux mètres trois quarts de tour [ huit pieds et demi] avec une hauteur proportionnée {1}. À quelque distance, sur une partie un peu plus élevée du même plateau, deux petites chapelles ouvertes portent les noms d'Elie et d'Élisée. Les murs sont couverts des noms de ceux qui viennent visiter le mont Sinaï, au sommet duquel on arrive après deux heures de marche par un escalier formé des accidens du rocher et de blocs de granit rapportés. Le passage en étoit autrefois fermé, et les portes gardées par un homme qui ne laïssoit entrer que les Chrétiens munis d’une lettre du patriarche de Syrie. On voit encore sur cetté montagne les restes d’une chapelle bâtieven granit, ainsi qu'une mosquée élevée sur une espèce de caveau d’un mètre et demi {quatre pieds sept pouces | de hauteur sur autant de largeur et de profondeur, “a on fait remarquer comme le lieu dans lequel Moïse passa quarante jours; et vis-à-vis, une excavation fort étroite est, dit-on, celle dans laquelle Moïse se cacha lorsque Dieu lui apparut. On voit encore également les ruines d'une seconde chapelle que les Arabes ont détruite , parce que, disoient-ils, elle empéchoit la pluie de tomber. Plusieurs citernes, qui étoient à sec, sont creusées dans le granit. | Les Arabes nous attendoïent au pied de la montagne : un événement naturel dans cette saison, mais rare et bien long-temps desiré, vint ajouter au respect qu'ils avoient pour les Français, et à leur considération pour nous. [1 n'étoit pas tombé d’eau depuis un an; les troupeaux souffroient, les citernes étoïent épuisées depuis long-temps, et les sources diminuées. Nous avions entendu sur la montagne le ton- nerre gronder au loin, et la pluie commençoit pendant que nous descendions; nous n'avions pas vu tomber d’eau depuis bien long-temps, et nous Jouissions du plaisir de nous sentir mouillés, sans avoir lorgueil de nous en attribuer la cause, lorsqu’en abordant les Arabes, qui se levèrent tous, nous les entendimes s’écrier : « Mä-chä » Allah! Dieu est grand et miséricordieux. Bons Français, vous avez prié pour » nous sure mont Sinaï; vous nous avez fait donner de la pluie : elle nous est plus » précieuse que l’or.» Ils baïsoïent nos manches, les pans de nos habits, levoient les mains au ciel en répétant: « Bons Français!» Le temps étoit entièrement cou- vert; le cielavoit la couleur qui précède en Europe la chute d'une grande quantité de neige : j'en fs faire l'observation à mon camarade. « Nous sommes contens de » vous, leur ai-je répondu; nous avons prié sur la montagne, vos vœux et les » nôtres seront bientôt comblés. » Nous eûmes à peine le temps de nous mettre à couvert sous un mauvais bâtiment des moines , ouvert à tous les vents; la pluie tomba avec la plus grande abondance , et. continua pendant une partie de Ja nuit avec la même force. _ (1) On en remarque un à peu près semblable dans l’intérieur du couvent. DE LA PRESQU'ILE DE SINAÏ 291 Le lendemain, nous partimes à la pointe du jour pour aller visiter le mont Sainte-Catherine, nous miîmes quatre heures à parvenir de la base au. sommet, en marchant, tantôt sur des pics aigus et décharnés, tantôt sur des roches de por- phyre feuillèté ou tout-à-fait délité. A chaque instant, des cascades, des torrens, des.ravins , que formoit en fondant la neige qui étoit tombée la veille et qui couvroit encore le dernier tiers de la montagne, rendoient quelques passages extré- mement dificiles : le vent soufHoit du nord; et quoique le thermomètre ne, fût qu'à un degré au-dessus de la congélation, la température étoit très-piquante pour nous, qui depuis long-temps ne connoissions plus ni le froid ni la pluie, et moins encore la neige. Le ciel étoit pur sur notre tête; mais l'évaporation des eaux tombées sur dés rochers qui ne se refroidissent jamais, produisoit autour de nous ét.sous nos pieds, un nuage épais. Nous étions dans une île; les pics des montagnes.les plus élevées autour de nous formoïent autant d’écueils dans cette mer de vapeurs. Une cabane en partie détruite, sur le plateau très-étroit de cette montagne, couvre un bloc de granit, objet de la vénération des Chrétiens. Le frère qui nous accompagnoiït, et les moines, lorsque nous fûmes Le rétour au couvent, nous expliquèrent les motifsde ce culte. | « S.® Catherine, vierge d'Alexandrie, fut, d’après les historiens du 1x.° siècle, » martyrisée dans cette: ville, sous Maximin Il, empereur Romaïn au 1v.° siècle. » Dans lemême temps, on trouva sur le pic Sainte-Catherine le cadavre d’une fille : »vun cénobite en fut averti par des Chrétiens: ils allèrent reconnoître ce corps, et » Jugérent qu'il étoit celui d’une martyre,.et que ce devoit être le corps de S.* Ca- » therine, qui, suivant la tradition conservée dans le couvent, avoit été apporté » d'Alexandrie par les anges. Ils le descendirent au pied du mont Horeb (1). Le » bruit de ce miracle fut bientôt répandu ; les pélerinages de Syrie et du Kaire » augmentèrent, et procurèrent bientôt aux cénobites les moyens d'élever une » petité chapelle qui fut l'origine du couvent. » Dans la suite, ce corps fut renfermé dans une boîte ou châsse de marbre blanc, et religieusement conservé ; la tête et la main droite sont exposées les jours de fête devant la“châsse , et respectueusement honorées. La châsse entr'ouverte laisse seulement HAS quelques parties d'un squelette (2 ( ÿ | Nous priâmes le supérieur de nous faire participer à cette pieuse cérémonie : il nous accorda. cette faveur pour le lendemain. L'église fut parée comme au jour des plus grandes fêtes, toutes fes bougies et toutes les lampes furent allumées. Le supérieur, les moines et les frères, après s'être prosternés plusieurs fois depuisde bas de l'église jusqu’au sanctuaire, vinrent baïser le front de la sainte et l'a anneau que portoit un de ses doigts. On nous fit observer, en descendant de la montagne, un très-gros églantier que les moïnes-appellent 4 bwisson ardent. Nous avions admiré, en traversant la vallée (1) Les religieux, font remarquer les stations où se (2) Les religieux m'ont fait observer que s’ils n’expo- reposérent Îles porteurs, et révérent encore les pierres ho- … soient pass tout le corps, c’étoit pat LIS*DECE, PRÈS la rizontales sur lesquelles Ie corps fut posé. pudeur. & É. M. TOME Il. | Qès OBSERVATIONS SUR LA TOPOGRAPHIE 292 éntre le mont Sinaï et celui de Sainte-Catherine, de Superbes blancs d'Hollande qui entourent un large vivier que les pluiés avoïent rempli dans [a nuit. | A quelque distance de là, au milieu de la vallée, on nous ft voir le rocher d'où Moïse fit sortir de d’eau (r): Plusieurs vallées aboutissent à quelques milles de cet éndroit, et forment par leur réunion un farge platèau rempli de sable, de blocs de granit etide cailloux, qui porte le nom de plane des Tsraélites } un monticule de peu d'élévation ; au ms de ce désert, est appelé wontagne d'Aaron. On assure que quelques Arabes vont encore y tuer des chèvres. En suivant notre route, nous Vimes uné roche creuse dans laquelle des moines prétendent. que le veau d’or für coulé. La caravane étoiït sur le point de partir pour retourner au Käïire; nous“devions en profiter, ou courir le risque de rester dans ce désert jusqu'au départ qui auroit suivi son prochain retours c'éstà-dire, plus de six semaines, en supposant qu'au- cun événement neût contrarié sa marche : nouswentrimes donc au Couvent par la voie de la poulie, ét le surlendemain nous quittämes ces bons solitaires pour. retourner au Kaire par la route des montagnes. Nos cheykhs nous attendoïient au pied du couvent. Les tribus les plus éloignées éroient en marche pourse.réu- nir toutes à l'entrée de la vallée, et traverser ensemble le désert de Soueys, afin de se protéger mutuellement contre les tribus énnémies qu'on pourroït rencontrer. Pendant que nous faisions charger nos chameaux, un de nos intérprètes vint m'avertiiqu'un Arabe annonçoit que les Turcs étoient maîtres duKaïire, où. les Français avoient été égorgés. Je pouvois le faire venir devant les cheykhs, linter- roger sur cette nouvelle, et le confondre, si elle étoit imaginée pour soulever les Arabes contre nous; maïs une discussion n'étoit pas sans inconvénient. Quelques- uns étoient jaloux du bénéfice que notre voyage procuroit à un petit nombre d’entre eux. Je donnai l’ordre à l'interprète d'aller dire au nouvelliste que les Français étoiént les amis des Turcs; qu'il ne nous conhoïssoit pas s'il croyoit nous effrayér, et que je lui envoyois une poignée de pärats comme à un-conteur d’histoiress Après être montés sur nos dromadaires, nous distribuâmes des pârats aux pauvres, nous En jetämes aux eénfans, ainsi que nousravions coutume de le faire en quittant chaque tribu, et nous partimes couverts des bénédictions des bons moines (2). | coupures de trois à quatre centimètres [un pouce et demi à deux pouces] de profondeur; formées par le séjour de (1) Les pluies, en tombant sur Îles montagnes, pro- duisent dés torrens qui, suivant long-tempsla mêmé di- rections entraînent les terres, les pierres, Îles cailloux roulés,.et forment sur.festroches quirrésistent à ce dé= placements des rigoles d'autant plus profondes que Ja pierre est plus tendre et que les torreus sont plus fré- quens vjusqu'à ce que ces roches, déracinées par l'en- lèvement des terres, soient elles-mêmes précipitées dans les vallées, à. 14 Un bloc de granit , de quatre mètresiet demi [quatorze pieds environ | de surface cafrée,iprécipité de la mon- tâgne au milieu de la vallée, faissevoirisur sasurface verticale une rigole de deux décimètres et demi [environ neuf pouces] de largeur , sur undécimètre [trois pouces et demi] de profondeur, traversée" par dix à douze striesiou leau dans les parties lés plus tendres de ce bloc; que les moines et les Arabes appellent {rocher de Moïse. Ces dérniers mettent de l’herbeidans les prétendues bouches, ét la font manger à leurs chameaux quand ilssont malades. (2) Un pan de leur/muraille.d’énceinte étoit tombé; ils n’avoient aucun moyen de le raccommoder : nous’ leur prornimes de leur envoyer des maçons, qui partirent en effetipar la première caravane, d’après un.traité fait avec les Arabes MPJusieurs années aprés , un. voyageur russe quivest allé par terre de Syrie au mont Sinaï, a trouvé nôtre nom conservé dans la chambredes étrangers, énreconnoissance derce bienfait. (Extrait du Journal du Monde élégant, imprimé à Berlin en 1806.) "M DE LA PRESQU'ILE DE SINAÏ. 293 VINGTIÈME JOURNÉE. Après six heures de marche dans la vallée de Rahha, et deux dans celle du CheykhSäleh, nous campâmes près des Aoulid Sx'yd, chez qui nouûs fümes parfai- tementaccueillis. Le cheykh nous conduisit sous sa tente : maïs, pendant le repas, il s'éleva une contestation entre luivet un voisin qui vouloit nous recevoir: nous les mimes d'accord en promettant à ce dernier d'allér manger une chèvre avec lui 1e lendemain, avant de partir. WINGT-UNIÈME JOURNÉE. Nous n'avions plus que deux heures de marche pour arrivéf dans la fertile vallée de Pharan, occupée par la tribu des Gararché, qui est la plus nombreuse, et dont le cheykh, est.en même temps le plus ancien et prend,le titre de grand cheykh. Cette vallée, plantée de palmiers et de quelques napécas , a.une longueur d’en- vironwtrois milles, et uné largeur de deux cents à trois cents mètres [cent à cent cinquante! toises | : elle renferme plusieurs enceintes de murs en pierre sèche, formant autant de propriétés appartenant aux habitans plus aisés des tribus voi- sines, qui viennént y récolter leurs dattes ; un cheykh particulier est chargé de la conservation de ces jardins, qui sont sous la protection du grand cheykh. Le campement dans cet endroit est plus considérable ; il est d'environ quarante tentes, placées entre des tamaris, et renferme la plus grande partie de. la tribu. On y trouve plusieurs puits qui fournissent. avec.assez d’abondance de l’eau, que l'on puisoit à vingt pieds de profondeur environ lors de notre voyage. Le repas queunous. y fimes fut le même que celui que nous avoient offert les autres tribus; mais la réunion, plus nombreuse, étoit de quarante-cinq à cinquante personnes, C 'està-dire, de tous les hommes.et de tous les enfans de la tribu. Nous avions à constater un fait important. Pococke, et particulièrement Niebuhr, avoïent trouvé, à une journée déla vallée de Pharan, des pierres couvertes d’hié- roglyphes, qui paroïssent indiquer des sépultures Égyptiennes ; on leur avoit ausst parlé de l'existence d'une ville ancienne: ce qui s'accorde très-bien avec ce que nous avions eu plusieurs fois l'occasion de reconnoître dans la haute Égypte: savoir, qué lorsqu'on trouve les ruînes d'une ville, on est assuré. de rencontrer des tom. beaux non loïn de là, er réciproquement. Comme nous vivions depuis un mois avéc nos Arabes, et qu'ils paroïssoient avoir autant de confiance en nous qu'on peut en obtenir de ces peuplesméfians, nous avions quelque raison d'espérer de retrou- ver les antiquités dessinées et décrites par Niebuhr: nous interrogeâmes en con- séquence les FREE qui avoient fait pis fois le voyage, les hommes agés, et ceux qui, nayant rien à perdre, n'ont rien à cacher; tous s'accordèrent à à nous indiquer les ruines d’une ville dans le même lieu, et des pierres écrites dans un autre endroit, qui est précisément celui dont Niebuhr fait mention. Maïs nous n'en fümes pas moins frustrés dans nos espérances : soît ignorance, soit mauvaise foi de la part de nos conducteurs, nous ne-fümes pas conduits à l'endroit où se ouyent les débris antiques que’nous étions si empressés de visiter. # 294 OBSERVATIONS SUR LA TOPOGRAPHIE VINGT-DEUXIÈME JOURNÉE. Une heure après être sortis de la vallée de Pharan, nous découvrimes, sur un monticule élevé d'environ trente mètres | quinze toises |, un plateau entouré de hautes montagnes. On voit encore au milieu les débris d'anciennes habitations construites sans goût, dont les fondations sont faites avec des quartiers de rocher non taillés ; une partie de ces constructions est en brique crue : au bas de la montagne sont les restes d’un mur épais qui paroiît avoir été bâti pour soutenir les terres, ou servir de clôture. À l’est et au nord-est, plusieurs petites maisons sont encore occupées par quelques Arabes, ainsi que des grottes creusées rusti- quement dans le rocher. Les Arabes et les moines assurent que les constructions qui sont sur le monticule, au milieu du plateau, sont les restes d’une petite ville habitée par des Chrétiens, ét démolie par les Arabes qui les en chassèrent ; d’autres prétendent que cette ville s'est écroulée sur les habitans, qui ont été écrasés par sa chute. Sur un des pics les plus élevés, appelé pic du Moulin , on trouve les fondations d'une ancienne église, du même temps que les constructions qui sont au bas: Tout annonce la misère et l'ignorance des anciens habitans de ces'bâtimens en ruine, où rien ne ressemble aux monumens Égyptiens pour la forme et Jasolidité. À quinze ou seize milles plus loin {une journée de marche), on voit encore le pied de la montagne couvert d'inscriptions, avec les chiffres Arabes 110, 114,1 $9;, $0o et 600. Le plus grand nombre de ces inscriptions renferme top pew de lettres pour être autre chose que des noms, dont plusieurs sont précédés ou suivis d’une croix : on y voit des chevaux et des chameaux gravés, des hommes à cheval; un, entre autres, porte une lance dont la pointe est semblable à celle des flèches. Ces inscriptions sont tantôt sur des pierres horizontales, tantôt sur des pierres verticales ; plusieurs sont renversées, parce que les pierres se sont détachées de la montagne depuis qu'elles ont été gravées : elles ne sont jamais à plus de trois mètres et demi d'élévation [dix à douze pieds |;et rarement même sont-elles à cette hau- teur. Cette chaîne de montagnes, qui est de trois milles environ de longueur, est coupée dans plusieurs endroits par des ravins ou petites vallées, dans lesquelles on ne trouve point de pierres écrites, si ce n'est dans les angles qui sont sur les passages. Aucune de ces inscriptions n’annonce ni le talent ni l'habitude de graver sur la pierre. Excepté quelques-unes, en petit nombre, qui sont gravées avec un ciseau, toutes sont piquées avec une pierre dure ou au marteau; le dessin des hommes et des chameaux n'annonce aucun principe de l'art. Il est difficile de se méprendre sur le but de ces inscriptions: il est plus difficile -encore d’hésiter sur l'interprétation qu’on doit leur donner: elles ne peuvent avoir été faites que par des Chrétiens qui alloient en pélérinage au mont Sinaï. Le plus grand nombre de ces inscriptions est à l'endroit de la station du soir; il y en a moins dans Îe lieu du repos de la journée : on n’en trouve dans aucun autre endroit de la route. DE LA PRESQU'ÎLE DE SINAI. 295$ , ° À e k 'e (y Û À a 3 Nous copiämes plusieurs de ces inscriptions, et-nous entrâmes ensuite à l’est dans une vallée étroite, où nous campâmes, après avoir fait trois milles, au pied d'une montagne granitique, dans la tribu des Aouärmé, VINGI-TROISIÈME JOURNÉE. Le lendemain, nous ne fimes qu'onze milles dans une vallée étroite, entre deux montagnes de grès, sans aucune espèce de végétation, pour arriver sur un plateau élevé, appelé Orädy-Khameyleh, où nous avons passé la nuit. VINGT-QUATRIÈME JOURNÉE. En suivant la vallée un peu plus à l’ouest, nous traversâmes plusieurs ravins couverts. de roches de grès, de granit et de porphyre. Nous nous arrêtâmes à Ouädy- Nasb, à dix milles de l'Ouädy-Khameyleh, au pied d'une montagne dé granit cou- verte d'inscriptions, quoique ce lieu ne soit qu'une station dans la journée ; car, pour trouver de l’eau, il faut envoyer les chameaux à plusieurs milles de là. Nous étions dans la tribu des e/-Legät ; le cheykh, qui étoit venu au-devant de nous, nous conduisit à son camp, où nous couchämes, après avoir mangé la chèvre sous sa, tente. | = | | VINGT-CINQUIÈME JOURNÉE. Après cinq heures de marche, le lendemain, nous trouvâmes à Ouâdy-Ham- moud les dernières inscriptions (1). Passant ensuite dans une vallée profonde et humide, remplie de joncs, plantée de quelques dattiers et couverte en partie de sel marin et de nitre, sur une longueur de huit milles’, nous arrivâmés À Ouädy-A'sal, CL où nous couchâmes. VINGT=SIXIÈME JOURNÉE. En suivant la vallée au nord-ouest, nous nous reposämes un instant à Houseyt, au-dessus de la baïe de Corondél, pour aller camper à Kourfarq, à dix milles de Houseyt, après avoir atteint un plateau très-élevé, sur lequel on trouve dé mau- vaise eau dans une espèce de caverne formée dans la pierre calcaire; nous traver- simes la vallée de Corondel, couverte de tamaris, où lés Arabes de la tribu des el-Legät viennent faire du charbon. VINGT-SEPTIÈME JOURNÉE. Nous étions encore à plus de vingt milles des fontaines de Moïse. Depuis la fn de la deuxième journée, nous avions quitté les montagnes pour entrer dans un (1) Voyez, pour toutes Les inscriptions, les planches A et E, À, vol, V. On en trouve une partie dans le Voyage de"Niebuhr en Arabie, tome 1. I] est vraisemblable que nous avions passé à une très-petite distance de la montagne sur laquelle cet estimable voyageur a copié les hiéroglyphes gravés dans son ou- vrage. Maïs , soit ignorance, soit mauvaise foi, nos Arabes nous assuroient qu'ils ne connoissoient pas d’autres pierres gravées. Nous avions marché avec 1a certitude de trouver les hiéroglyphes, parce que, lorsque. nous feur faisions observer-qu’il existoit encore d’autres pierres,» ils nous indiquoient un endroit plus éloigné où elles devoient exister : ce n’est qu’en rencontrant les, dernières inscriptions que nous fûmes assurés que nous avions été trompés. La caravane marchoit, il n’étoit plus temps de retourner sur ses pas. … OBSERVATIONS SUR LA TOPOGRAPHIE 296 désert aride dans lequel nous fimes seize milles; puis nous campâmes à Ouädy- Halazé. | VINGT-HUITIÈME JOURNÉE. Le vingt-huitième jour, nous étions de bonne heure aux fontaines de Moïse : la marée commençoit à descendre : nous traversâmes le bras de mer vis-à-vis de Soueys ; dans plusieurs endroits, nous avions plus de quatre pieds d’eau. Nous re- joïgnîmes la caravane le lendemain à Ageroud : elle étoit composée d'environ cinq cents hommes. Le quarante-unième - douze cents chameaux et de quatre à Jour depuis notre départ, nous arrivämes au Kaire (1). INPI SSII SSI SI SIE STI SI MŒURS ET USAGES DES ARABES DE TOR. Les habitans de la presqu'île de Sinaï, appelés Toarah, ou Arabes de Tor, sont ; comme tous les Arabes Bédouins, de la taille moyenne d’un mètre et demi à un mètre sept cent trente-deux millimètres | quatre pieds dix pouces à cinq pieds quatre pouces]. Ils ont la peau hâlée, très-brune , presque noire; les yeux vifs, noirs et un peu couverts : ils sont généralement maïgres, et sérieux sans être tristes. Is sont Mahométans; mais ils ne connoïssent de Mahomet que son nom, et du Koran que la profession de foi : « Iln’y à pas d'autre Dieu que Dieu, et Mahomet » est le prophète de Dieu. » Nous n'en avons rencontré qu’un seul qui faisoit régulièrement ses prières; il avoit fait deux fois le voyage de la Mecque. Quoique le séjour habituel de ces Arabes dans des montagnes, au milieu des rochers et d’un pays stérile dont on ne peut jamais être tenté de les déposséder, leur donne, comme à tous les Bédouins , un esprit de liberté dont ils ont souvent abusé; quoique la nécessité les tienne toujours afmés pour protéger leur commerce et pour se défendre; quoïque les vengeances (2) qu'ils peuvent avoir à exercer contre une tribu ennemie, leur aient fait contracter le goût du pillage lorsqu'ils sont victorieux, on ne peut pas se dissimuler cependant qu'on retrouve encore dans toutes les tribus un reste précieux de ces mœurs patriarcales que nous retrace la Genèse dans l'histoire d'Abraham, et que M. de Volney a décrites, avec autant d’exactitude que d'élégance, dans son État politique de la Syrie. Ce que nous pou- vons assurer, c'est que, pendant les quarante-un jours que nous avons passés avec les Arabes de Tor, ils ne nous ont inspiré aucune espèce d'inquiétude : notre tente a toujours été ouverte, souvent même abandonnée; nos armes étoient placées au hasard, et jamais il ne nous a manqué la moindre chose. : (1) Dans notre traversée du désert, une caravane qui passoit à une grande distance, nous donna un moment d'inquiétude : mais elle fut reconnue amie. A deux journées du Kaiïre, lorsque nous étions cam- ” pés, trois gazelles se trouvèrent renfermées dans le camp. Repoussées par les cris des Arabes lorsqu'elles se pré- sentoient pour passer, elles fuyoient, et rencontroïent les mêmes obstacles : une d’elles traversa la ligne ; une seconde , quoique blessée, nous échappa; la troisième fat prise. Les Arabes en avoient tué une que nous ache- tâmes Ja veille de notre arrivée au couvent de Sainte- Catherine; la chair ressemble beaucoup à celle d’un très- bon chevreuil. (2) Une loi générale chez les Arabes veut que le sang de tout homme tué soit vengé par celui de son meurtrier; ce qu’on appelle rér [talion |. Nous DE LA PRESQU'ÎLE DE SINAÏ. 297 Nous les avons trouvés favorablement prévenus en faveur des Français. Pour les maintenir dans ces bonnes dispositions, nous ne leur avons jamais rien pro- mis sans leur tenir parole, rien demandé que ce qu'il leur étoit possible de faire; mais aussi nous l'exigions avec autant de sévérité que si nous eussions eu une force suffisante pour faire exécuter notre volonté. Les Français n’ont gu'une parole, nous disoient-ils souvent. Surpris de nous voir, montés sur des dromadaires, marcher avec eux, supporter les mêmes fatigues et les mêmes privations, plusieurs m'ont demandé si tous les Français étoient forts comme moi. « Tu vas au Kaire, leur aï-je » dit ; tu dois voir que Je ne suis pas un des plus jeunes ni des plus forts. » — « Les » Français sont propres aux voyages » , m'ont-ils répondu. VÉTEMENT. Les Arabes de Tor ont pour tout vêtement une chemise de laine blanche qui descend au milieu de la jambe, les manches courtes: une espèce de tunique de laine rayée de brun et de blanc, ouverte par-devant, sans manches, et fendue de côté pour passer les bras; un caleçon de toile. Les enfans ont seulement la tunique ; plusieurs sont nus. En été, les hommes n’ont que la chemise avec une ceinture de peau ou d'étoffe de laine. Les cheykhs, ceux qui sont plus aisés, sont habillés comme les Égyptiens : plusieurs ont reçu des pelisses des gouverneurs du pays. Quelques-uns ont pour chaussure une semelle attachée sur le pied avec des la- nières de cuir ou des cordons de laine ; mais tous ont les jambes nues, selon l'usage des Égyptiens. Ils ont pour coiffure une toque sous un mauvais turban de laine rouge ou blanche : présque tous les enfans ont la tête nue. Ces Arabes portent pour arme un fusil à mèche, un poignard courbe de cinq décimètres et demi[vingtun pouces environ] de long, tranchant des deux côtés, le plus souvent garni en argent. Cette arme, fabriquée en Perse, leur est apportée de Geddah; elle est placée sur le devant de la ceinture, de gauche à droite. Une espèce de giberne de cuir, attachée également sur la ceinture par devant, est remplie de tuyaux de roseau ou d’étuis de bois pour renfermer la poudre : en outre, un baudrier formé de petites lanières de cuir tressées, et terminé par des franges quelquefois décorées de petits morceaux de plomb, porte un petit sac de peau pour lamadou et les mèches soufrées, et un autre pour les pierres; un briquet y est suspendu par une petite chaîne; un troisième petit sac destiné à recevoir les balles, un grand étui de boïs en forme de cornet, rempli également de poudre, et plusieurs autres semblables, sont attachés à ce baudrier. ” Les femmes sont vêtues comme celles du peuple au Kaiïre : un caleçon de moghrabine, toile claire et étroite: une longue robe de toile bleue, ouverte sur la poitrine, avec de larges manches fendues jusqu'à moitié de leur longueur; un Bergo’h ou bande d’étoffe noire, d’un double décimètre de large [ huit à neuf pouces], de cinq ou six décimètres de long [ dix-huit à vingt pouces |, attaché des deux côtés de la tête au-dessus des yeux, et sur le milieu du front, avec un petit cordon quelquefois couvert de pârats, voilà de quoi se compose leur habillement : il faut cependant y ajouter un voile de toile bleue et des colliers É. M. TOME IL ox : 298 OBSERVATIONS SUR LA TOPOGRAPHIE ou bracelets en verroterie : quelques-unes ont de gros anneaux d’argent au bas de la jambe nue et sans chaussure. MOBILIER. Le mobilier des Arabes de Tor consiste dans une tente d’étoffe de laine brune qu'ils fabriquent eux-mêmes, deux meules de pierre pour broyer le blé, une ou deux cafetières, un chaudron et quelques vaisseaux de cuivre, des plats de bois, une cuiller de fer avec une spatule pour brûler le café, et un mortier de terre dans lequel il est pilé avec un bâton. Ce mobilier est celui des gens aisés, qui ont en outre des sacs de laine pour transporter leur charbon. CAMPEMENT. Le campement est rarement composé de la tribu entière ; le nombre des tentes, proportionné à la quantité de broussailles, d'arbres et d’arbustes qu’on trouve dans les vallées assignées à chacune, ne passe pas douze ou quinze : il faut excepter les Gararché, qui ont de trente-cinq à quarante tentes, parce qu'ils sont placés dans la fertile vallée de Pharan. | Les tentes, ouvertes par-devant, sont élevées sur une traverse de bois portée par deux piquets de deux mètres [environ six pieds | de haut, et qui descend en pente à une plus ou moins grande distance sur une autre traverse élevée d'un demi-mètre [ dix-huit à vingt pouces | de terre, sur laquelle elle tombe verticalement. Les côtés sont fermés avec une même étoffe ou plusieurs morceaux de différentes cou- leurs : souvent ces tentes sont coupées par une bande d’étoffe qui se prolonge un peu en avant, et qui sert à séparer l'endroit destiné aux femmes. PROPRIÉTÉS. Si l’on excepte quelques terrains des vallées d'Elked et de Pharan, qui sont en- tourés de mauvaises clôtures et plantés.de dattiers et de napecas, le couvent et le jardin des moines, il n’y a point de propriétés dans la presqu'ile de Sinaï. Un ou plusieurs chameaux et des chèvres font toute la fortune d'un Arabe. Chaque tribu est répandue sur une portion de terrain sur laquelle elle fait exister ses troupeaux et fait son charbon. La richesse est exprimée par le nombre des chameaux; celui qui n’en a point, est pauvre. Aboz fagyr, mé fyh-ch gemel : M est pauvre, il n'a point de chameaux. Dieu en a soin; celui qui a, lui donne. INDUSTRIE. L'industrie des Arabes de T'or est proportionnée à leurs besoins les plus simples ; ils font leurs vêtemens, et fabriquent eux-mêmes, pour leurs tentes, des étoffes avec la laine et le poil de chèvre qu'ils ont filés sans les avoir dégraissés (1). (1) Deux bâtons placés horizontalement et fixés à terre ron un pied ], leur sert de navette. Pour faire [a trame, par chacune de leurs extrémités, à une distance plus ou ils passent à la main, couchés par terre, cette navette moins grande l’un de l’autre, portent les fils qui doivent dans chaque fil, en prenant alternativement un fil du des- former la chaîne de leur toile. Une portion de laine sus et un du dessous. Ils retirent la navette et la repassent semblable, roulée sur un bâton de trois décimétres[envi- jusqu’à ce qu’ils aïent atteint l’autre extrémité de Ia ge | DE LA PRESQU ILE DE SINAÏ. 209 Quoique la vente du charbon soit leur ressource principale, ils n’ont pas de co- gnée pour abattre le bois ; ils mettent le feu au pied de l'arbre et le brisent avec de grosses pierres : si quelques-uns ont de petites hachettes, elles sont st foibles et si mauvaises, qu'ils ne peuvent s’en servir que pour des branches. Lorsque je leur ai demandé pourquoi ils n’apportoïient pas d'outils du Kaiïre, ils m'ont ré. pondu: Mos pères faisotent ainsi. I leur est indifférent de perdre du bois, pourvu qu'ils ne cessent point d'en trouver à exploiter: ils ne réfléchissent point s'ils en auroïent davantage et plus long-temps par un meilleur procédé. Dieu ) pourvoir. Is font le charbon en le plaçant horizontalement, le couvrent de terre et l’étouffent sans le mouiller. Ce charbon seroit très-bon, s’il n'étoit pas un peu mince; mais il suflit aux cuisines ainsi qu'à la plupart des petites forges du Kaire. Pour ne pas prendre une peine inutile, chacun ne fait que la quantité de char- bon que peuvent porter ses chameaux: on le. fait à l'endroit où l'arbre à été abattu :’ on remplit ses sacs, et on lés laisse sur le terrain, ou bien on les porte sur le passage de la caravane pour les prendre en passant. COMMERCE. Le commerce des Arabes de Tor consiste dans le charbon qu'ils portent au Kaire, et dans lé transport des cafés et autres marchandises qui arrivent par-la mer Rouge à Soueys. | Le charbon se vend au Kaire six pataques de quatre-vingt-dix pârats, ou dix-huit francs, une forte charge, s’il est de w705a (ou seyäl); quatre pataques et demie, ou cinq, s'il est de tamaris. Le plus grand nombre des chameaux ne portent que la moitié ou les deux tiers de la charge; ce qui produit néuf à douze francs. C’est avec la vente de ce charbon que les Arabes pourvoient à leur nourriture et. à celle de leur famille ‘et de leurs chameaux pendant six semaines environ que dure le voyage au Kaire. C’est aussi avec cette modique somme qu’ils achètent le café, la farine ou le blé, les féves, le tabac et les pipes, qui sont de première nécessité pour eux, et qu'ils se procurent les parties de leurs vêtemens et de l'équipage de leurs chameaux qu'ils ne peuvent pas confectionner. 4 On concevroit difficilement comment, avéc une si foible ressource, ils pour- roient exister, encore moins comment il se trouve parmi eux quelques familles aisées, c'està-dire, qui possèdent plusieurs chameaux, s'ils n’avoient pas une autre source de richesse, un emploi plus avantageux de ces animaux (1). Les Arabes font généralement les transports de Soueys au Kaire. Les marchands font avertir un ou plusieurs cheykhs en passant à Tor : ils traitent avec eux pour le transport de leur cargaison, quiexige depuis deux cents Jusqu'à trois mille chameaux. chaîne ils frappent et rapprochent le fil avec un peigne que leurs maris font le charbon et le portent au Kaïre. de dix à douze dents. Quand il est rapproché dans toute (1) La richesse s’exprime par le nombre de chameaux. sa largeur ils reviennent à l’autre côté par lé même pro- gédé. Je ne croïs pas qu’un seul fil de trame soit placé et rapproché dans moins de.dix minutes où un quart d'heure. Les femmes s'occupent de ce travail pendant É. M, TOME II. Quand'on demande si tel Arabe est riche ou pauvre, on reçoit cette réponse : // a un ou plusieurs chameaux. Celui qui en a quatre, est quatre fois plus riche que celui qui n'en a qu'un, P p 2 \ * a 300 OBSERVATIONS SUR LA TOPOGRAPHIE Ceux qui ont traité vont faire dans la montagne des marchés particuliers, sur les- | qe ils font des bénéfices; la charge entière se paye huit pataques où vingt-cinq pârats, avec une Le de café. Outre ces bénéfices, les Arabes de Tor avoïent les caravanes de la Mec auxquelles ils fournissoient quatre-vingts chameaux pour aller du Kaïre à Agéroud. Ils recevoient des beys vingt-quatre mille parats ou.huït cents francs } un quintal de café, douze ardeb de blé et trois habillemens, NOURRITURE. La nourriture des Arabes consiste en quelques oïgnons, et en rouga ou fomtyr, espèce de galette-composée de farine pétriewdans l'eaussans levain et sans sel, qu'ils font deux fois par jour. Les gens aïsés y ajoutent des féves oulentillesicuites avec des oignons et un peu d'huile :.lés pauvres ne mangent quétle roue. Les Arabes de Tor ne tuent de chèvre que les jours de fête et lorsqu'ils reçoivent des étrangers’, alors ils mangent du riz, et des dattes s'ils en récoltent. Dans toutes les tribus, excepté celle des Mezeyn, nous avons été traités de la manière suivante. 2 On étend sur le devant de la tente un morceau de tapis ou quelques peaux de chèvre: les cheykhs s’y placent d'abord ; puis les anciens (1), par rang d'âge : tous les habitans de la tribu forment un grand rond en dehors.fle feu au milieu). Quand nous arrivions les derniers, la tribu entière se levoit; on nous plaçoit à côté"du cheykh. On donne ensuite à laver, én versant déW’eau sur les mains de chacun;:on fait tiédir l’eau, si le‘temps. est froïd : on sertile café; puis on apporte devant les étrangers.et les anciens un large plat de bois rempli de dattes : ce plat passe succes- sivement dans plusieurs points du grand rond, pour que.chacun-puisse-en prendre. Le cheykh de la tribu reste debout auprès de l’espèce de cloison qui forme lasépa- ‘ration des femmes, auxquelles il passe le plat après avoir mangé. On donne à laver une seconde fois; puis les femmes remettent au cheykh, qui le transmet à chacun, en commençant par les plus âgés, un morceau dé chèvre bouillie dans l'eau sans sel, sur un morceau de galette : ensuite il en donne un aux jeunes gens et aux enfans. Par distinction, on nous,envoyoit dans un plat de bois plusieurs morceaux®de chèvre ensemble, avec autant de morceaux de galette. Le cheykh, à qui les restes sont renvoyés, les remet aux femmes, après avoir mangé lui-même. Pendant tout le temps du repés, il est debout pour commu- niquer avec.les femmes et servir l'assemblée. On donne à laver une troisième foïs, en faisant passer un morceau de savon. Dansles intervalles on prend du café. Arrive ‘enfin duriz cuit avéc de la farine, des morceaux de galette, un peu d'huile ét quelques oignons; le tout.estservi dans un grand plat de bois porté par deux personnes sur un morceau de tapis ou bien une tunique : on le place devant les premiers dé l'assemblée; on.mange cette espèce de patée, comme tout le reste, avec les mains: on passe le plat successivement autour du cercle. Les enfans qui.n’ont pu y trouver place et qui.sont debout derriere, (1) Les pauvres qui sont âgés, prennent leur place d'ancienneté. ( # DELA PRESQU'ILE DE SINAÏ. JO1 en reçoivent une portion dans la main ; le plat revient devant lé cheykh, qui le passe de la même manière aux femmes. Aucun de ces convives n’est invité : celui qui a faïm mange; il s'en retourne aussitôt qu’il est rassasié. Les anciens seuls + ‘parlent étinterrogent; ce qui n'arrive que rarement aux jeunes gens, et jamais aux _enfans. Dans toutes lesttribus, on paroïssoit nous savoir gré de vivre et de manger àleurnmanière, sans autre distinction que les premières places, à l'entrée de la tente, où nous étions assis sur da peau de chèvre ou morceau d’étoffe, D ANSE. Les Arabes, dans les jours de fête, newse livrent pas à unie gaieté plus bruyante qu'à l'ordinaire. Les jeunes gens seulement, avec un sabre où poignard à la main, font des mouvemens, des gestes , qui imitent grossièrement un combat. La danse des femmes ne ressemble en rien à celle des z'4ek d'Égypte : elle ne s'exécute que la nuit. Plusieurs hommes se placent en demi-cercle dans la vallée, en se tenant par la main,et en se balançant. Ils chantent quelques phrases qui sont analogues à la cir- constance (1), etlquäls accompagnent de temps en temps de battemens demain. Pendant le chant, deux femmes arrivent, chacune d’un côté du démi-cercle: elles étendent les bras, passent un. pied alternativement devant l'autre, font quelques révérences, et ayancent,en se balançant jusqu'au milieu du demi-cercle : à chaque révérence, les chanteurs s’inclinent: Elles s'en retournent en faisant les mêmes mouvemens ; deux autres les remplacent: à la dernière révérence, les homines s’accroupissent en faisant le cri du gosier qui sért à faire coucher les chameaux. Un de nos cheykhs, appelé Xrebezät, étoit dans le cercle ; on a chanté pour lui : Krebezät charge bien ses chameaux. Nous avons envoyé aux femmes quelques pièces d’or avec du café, et l’on a chanté : Les Françaïs nous ont donné du café avec du sucre dans de belles tasses. = * , USAGES. Lorsqu'un cheykh meurt, il est remplacé par son fils, si ce dérniér est brave, s'il parle bien et s’il a sa ténte ouverte à tout le monde : dans le cas où le cheykh n’a pas de fils, on nomme son plus proche parent, ou celui qui remplit ces conditions; on s’assemble , et il est reconnu sans réclamation. Les fonctions du cheykh ont quelque ressemblance avec celles de nos juges de paix. Dans les contestations, on vient le trouver : les partiés, ainsi que les témoins, luiremettent leurs poignards ; il les piqueten terre devant lui. Lorsqu'il leur parle, il tient à la main plusieurs poignards qu’il balance. Souvent tous ou (1)-Voici quelquesuneside ces phrases: « Nous remer- » cions! Dieu et [e Prophète de ce que nos hommes sont 3 aITiVÉS. | » Ceux qui ont chassé les Mamlouks, ont écrit à » Mousâlem de venir. >) Nous prions Dieu et le Prophète que céux qui com » Toute la tribu est contente, Mousâlem (nom du »mandent en Égypte, y restént toujours. » cheykh) est arrivé avec sa compagnie » Nous attendions que Mousâlem füt arrivé pour cou- » Mousâlem laïsse.sa tente ouverte à tout le monde, » per Ja tête 4u mouton: » M. 3 O2 OBSERVATIONS SUR LA TOPOGRAPHIE plusieurs parlent ensemble et font beaucoup de bruit; s'ils ne s'accordent pas, le cheykh prononce, et leur rend leurs armes ; le bruit est apaïsé dans l'instant : ils se retirent. , Les crimes, tels que l’homicide, sont vengés par le sang, ou rachetés pour une forte somme. | ‘ Une blessure est rachetée en raison de sa grandeur, mesurée avec des grains de blé. | Siun homme aisé se bat avec un homme pauvre, on fait pencher la balance du côté du pauvre. | Les troupeaux étant mêélés et les tentes ouvertes, les Arabes ont besoin d’inspirer une grande. horreur pour le vol entre eux. Ils citent et vantent.la justice d'un père auquel sa fille avoit volé une chèvre: ce père suivit la coupable dans la montagne, et la trouva qui faisoit rôtir un morceau de la chèvre; il luï dia les pieds et les mains, et la jeta dans le feu. Une femme infidèle et la fille qui perd son honneur, sont punies de la même manière. Les exécutions ne sont pas publiques : Îe père, avec plusieurs parens, conduit le coupable dans la montagne. Les Arabes ne"ont rien par écrit; aucun ne sait lire ni écrire : ils ont des lois et des réglemens transmis par tradition, et qu'ils apprennent par l'usage. | Une fille est obligée d'épouser le mari que ses parens lui donnent; il n’en est pas de même d’un garçon : généralement Îles Arabes aïment à se marier dans leur famille. | On peut épouser le fils ou la fille de son oncle, mais on ne peut pas épouser sa belle-sœur ni la sœur de son père. On donne, en se mariant, dix pataques au moins de quatre-vingt-dix pârats | environ trente-deux francs | aux parens de la fille ; on ne donne rien à la fille : mais si le mari divorce, il dui remet cent pièces de trente pârats | cent six francs environ |; si c'est elle qui divorce, elle ne peut rien exiger. Si un père, en mourant, laïsse un fils et une fille, le fils prend les trois quarts des troupeaux; s’il laisse un fils et plusieurs filles, le fils né retire que la moitié. Si le père laisse une femme sans enfans , ses parens les plus proches ont à son héritage les mêmes droits qu'auroïent eus ses enfans , les armes, qui appartiennent à l'aîné, passent au frère, neveu ou cousin. S'il laisse une seconde femme sans enfans, avec des enfans de la première, la seconde ne peut exiger que ce qu'il lui donne par testament devant des témoins. Un parent, un homme aisé, se charge des orphelins, ainsi que des troupeaux, dont il rend compte quand les enfans sont grands. Si les enfans sont sans troupeau, Dieu en a soin : celui qui a, leur donne. Les Arabes ont fort peu de maladies, quoique la plupart soïentcouchés presque nus; cependant j'ai remarqué qu'à la fin de novembre un assez grand nombre toussoit, et que plusieurs enfans avoient une espèce de coqueluche. Is appliquent le feu dans plusieurs circonstances, ét quelques-uns rapportent du Kaire des remèdes que leur vendent à bon marché des charlatans Ils boivent de l'eau bouillie sur du crottin d'âne, pour les maux de tête. " DE LA PRESQU'IÎILE DE SINAÏ. 303 * POPULATION. La population des Arabes de Tor est de neuf cents à mille hommes en état de porter lesarmes, en comptant les habitans de Tor et les religieux. Quelques-uns ont plusieurs femmes qui habitent sous des tentes séparées. Les deux tiers au moins sont mariés. à Ils habitent la montagne dans l'ordre suivant : | , NOMBRE D'HOMMES NOMS DES TRIBUS. 2 en état de porter les armes, TT, EE © TT, EE À : HELESAt. 5e. Na ST RSR NSE MESSE De hs SE 150. AGUATMÉN TONNES 2 Ps 67 Er À Ne AP. POAE ES 30 D 120, Chic. RUE EN A AU RER Se 74 100. Aouläd Sa’yd...... 1! a Av. at à ER : Br Mee à ms 130. ANSE RME EUR SRE. CRT : PAEATTE DOS Il y a, en outre, cinq petites tribus ou familles dépendantes de celles-1à , et qui sont comprises dans la population ci-dessus; savoir, les Rezedät, les Eteymé, les Gerezyät, les Drarmé, les Hamädé. Enfin les Gebcleyeh, autrefois domestiques du couvent de Sainte-Catherine, dont ‘ils sont voisins, forment aussi cinq petites tribus ou familles qui ont chacune un cheykh. Il paroît qu'ils étoient autrefois Chrétiens et qu'ils entroïent dans le couvent : depuis qu'ils se sont faits Musulmans, ou qu'ils ont été remplacés par des Arabes, ils n'y entrent plus, ne servent pas mieux les religieux que les autres tribus, et sont plus pauvres. Voici leurs noms: TRIBUS. | NOMBRE. Aoulâd Selyn........ 5 à D SRE PR 2 4 PR ae 30, AO A DOUIdEUNMNE.. «ee 2h fe 2 Es 0m 2, Poe 20. Aoulâd Abouhebât....,....... RPC. 4 Lin SE A HOUR CANAFE: RES 8 ae 30% Aoulâd Rezyn, ...................se..sesreteee 40. Fa | 135. Récapitulation. , Les Habitans de. Lor. CR... 46. Désirelioienreet 1. 2. TETE. 30. Les grandes tribus...............x 750. LES 6 NOR RE dE Hbur:s OU. SUR 961. Le temps et les circonstances ne nous ayant pas permis de lever la carte et de tracer une route, j'ai pris une note exacte de tous les points de passage; j'ai me- suré les distances par le témps que nous avons employé pour aller d’un point à un aütre, én évaluant à deux milles par heure l’espace parcouru par des chameaux chargés, marchant en caravane sans être pressés par les conducteurs, et j'ai trouvé que pour aller du Kaire à l'extrémité de la presqu'ile , en passant du côté de la mer par les points où lon trouve de l'eau, et en revenant à travers les montagnes , nous avions employé deux cent trente-six heurés ; qu'aïnsi on pouvoit supposer que } à 30/4 TOPOGRAPHIE DE LA PRESQU'ÎLE DE SINAÏ. ce route étoit de quatre cent soixante-douze milles, ou deux cent trente-six lieues de poste Française. Voici un fait qui justifie cette évaluation. M. Nouet, astronome, a trouvé, par une opération trigonométrique, que Soueys étoit éloigné du Kaire de vingt-huit lieues de deux mille deux cent quatre-vingt deux toises, c’est-à-dire, soïxante-trois mille huit cent quatre-vingt-seize toises. Nous avons fait cette route deux fois avec la même caravane, et chaque fois nous ayons employé trente-deux heures (à quelques minutes près en plus ou en moins); ce qui nous donne, d'après l'évaluation ci-dessus, Qt mille toises, ou trente- deux lieues de deux mille toises : d’où l’on voit qu'il n° 1) a qu'une différence de cent quatre toises entre les deux résultats. # ROUTE DU KAIRE PAR SOUEYS, À L'EXTRÉMITÉ DE LA PRESQU'ÎLE DE SINAÏ, avec l'indication des lieux où l’on trouve de l’eau. NOMBRE | DISTANCES n'a NOMS DES LIEUX ET STATIONS. - en QUALITÉS DES EAUX. de marche, MILLES. 1.€r Dikamedansiedeserteeetetee te EE LE Pr RES 12. Sans eau. 2.C TASSE TS ER PES AMEN UMTe D PE de 20, Idem. 3° 2 SONT RQ ae e cÉPOBE TE: 0 0 Je POL EE 06 act 24, Idem. 4e A BV SOUCVSRR. ee PNR ee PEN TETE 6. Eau saumûtre, ANRT D ÉENOPOESE TS ADEME DS à + ! 4. Sans eau. se Aux fontaines de Moïse. ......,,....,.... ARE 6. Sulfureuse et'gypseuse, A dan oo 00e Eee bo BE TE EE Ho : 5 Sans eau. 6.e APOUSSOUEV AN EE REC CE CC Er 15. Gypseuse. 7. Baïe de Corondel........ RER. > RE OP HS 20. Sans eau. ge Houston ER 0 à OS OU CE 4. Gypseuse. Makra”... SHP000E 1290 20 de 0 2 0 : AIS dc bn De 24. Gypseuse. 9.° Pharan Pre re me EE LT en SI 14. Sans eau. Ode GA Re ME EEE TUE 26. Bonne. 0 orerr LR PA: HR Ce Rénot d'ai 4 2. Bonne. L1.e et 12,€ | Dane montaEnE EEE ere L Teri 32. Sans eau. Gba AR MORE ne dti niet te dat. | 6. Bonne. 13° END TES METIER eu lb. Ce cell Mr O2 73 Sans ezu. , Vallée d’el-Nasb ...,.... cc D Ho 26e Le Ouâdy-Mandär....... 2868 96 07 bodo HVXB bob td 2. Bonne, 15.0 (GRETA A OT EE : à! bo - Fe 18. Bonne. É 16.2 Dirsesmontiones ARR CC CE CENT EC eee 14. Sans eau, Le 17. Au couvent de Sainte-Catherine... ............., Ps. 6. Bonne. . 18.6 et 19.° Dans les montagnes de Sinaï et de Sainte-Catherine. 12, Bonne, Plaine des Israélites et retour au couvent: ......... EC: 20.° Ouädy Cheykh Säleh..... 43e MEL RES Ee 15. Bonne (elle manque dans l'été). 2h. (ONLINE BE CEE cernes tr 0e CORCC e 4 Bonne. 22. Dans une vallée étroite.............,.,. Mes.. : 6. Sans eau. 23.€ Ouädy-Khameyleh...........,....,...... LAS ae Idem. 24,2 Ouâdy el-Nasb..........,....... FD GUpce duel : 10. Bonne. 256 OA y NS RE TRE ER, RCE Re à 16. Sans eau. ae HORSEy ET PR CREME A EE 8. Lt de PSE. © D ER PENSE 3 , 10, Séléniteuse, 27. On ERA T ONE AP RE EE Lee 16. Sans eau. 28.c | Fontames de Moïse. 2257... PRE EE - 4e DA PU Le Ve OR ARTE dt AO NS TNA 72. EXTRAIT D'UN MÉMOIRE SUR L'ÉTAT ANCIEN ET MODERNE DES PROVINCES ORIENTALES DE LA BASSE EGYPTE; PAR FEU M. MALUS. IS TSI AS A Tous les ouvrages anciens qui traitent de la géographie de l'Égypte, rap- portent que le Nil déchargeoït ses eaux dans la mer par sept embouchures. Les géographes et les voyageurs modernes ne connoïssoient plus que deux branches de ce fleuve, celle de Rosette et celle de Damiette, parce que c'étoïent les seules dans lesquelles on pouvoit pénétrer, les provinces où ces branches sont situées ayant conservé une ombre de civilisation par l'influence du commerce. Le géographe d’Anville, malgré ses critiques savantes, a cherché en vain les traces des sept bouches du Nil. La carte qu'il en a dressée après des recherches nom- breuses, est pleine d'inexactitudes. Ses erreurs ne doivent point étonner, puis- qu'Hérodote lui-même, qui a parcouru une partie de ce pays, s'est trompé sur la position de quelques-unes de ces branches, et des villes qui leur donnoient leurs noms. À l’époque où cet historien voyageoit, l'Égypte sortoit d’une longue guerre, et les circonstances étoient peu favorables à des observations géographiques. Chargé, pendant les premiers mois de l'expédition, conjointement avec M. Févre, de la reconnoïssance du Delta et des provinces orientales de la basse Égypte, j'ai eu occasion de parcourir ce pays avec des forces suflisantes pour protéger mes recherches. Je me borneraï ici à parler de la branche Tanitique (1), que j'ai re- trouvée et parcourue dans toute son étendue, et qui est la plus orientale de celles qui se sont conservées jusqu'à ce jour. | | Entre cette branche et l’isthme de Soueys, existoit aussi la branche Pélusiaque, qui étoit encore navigable du temps d'Alexandre, et par laquelle sa flottille pénétra en Égypte : aujourd'hui elle est presque totalement comblée par les sables du désert. Son embouchure dans la mer existe encore, et elle est quatre fois plus éloignée de (1) Tanitique ou Saïtique. Strab. Geograph. lib. XVII, pag. 552. É. M. TOME Il. | Qq 306 MÉMOIRE SUR L'ÉTAT ANCIEN ET MODERNE Péluse qu'elle ne l'étoit du temps de Strabon (1). Elle est située à l’extrémité d’une plaine que les Arabes appellent Tyneh ; ce qui est la traduction du mot Grec Hrass /Pélos], boue. . La branche Tanitique, qui étoit la seconde en partant de lorient, se trouvant plus éloignée du désert, devoit s'être mieux conservée ; si elle existoit encore, elle pourroït offrir un nouveau débouché au commerce et aux communications militaires. Pour chercher les traces de cette branche du Nil et en déterminer la posi- tion, nous sommes partis du Kaire avec un fort détachement, en longeant la branche du fleuve qui conduit à Damiette. Le troisième jour de notre marche, nous sommes parvenus aux limites de la province de Qelyoub, qui se termine à Atryb (2). Ge petit village est construit à extrémité des ruines d’une ville qui portoit le même nom, et qui paroît avoir tenu un rang distingué, puisqu'elle étoit le cheflieu d'une province (3). Ses ruines ont, dans l’une de leurs dimensions, 1600 mètres [environ 800 toises], et, dans l’autre, 1 500 mètres [environ 75o toises]. On nous a montré l'emplacement du palais du prince, ceux de la grande rue et de la place publique. On ne découvre aucune des ruïnes du palaïs. Les habitans prétendent qu'en faisant des fouilles, on trouve des blocs de marbre. IH est à présumer qu'ils ont con- verti en chaux celui qu'ils ont trouvé sous leurs maïns, et que toutes les pierres calcaires qui se trouvoient dans les décombres de la ville, ont eu le même sort : c'est l'usage qu'ils en ont fait dans toutes les villes anciennes, éloignées des car- rières. On voit encore, dans les ruines de celle-ci, les débris de quelques fours à chaux. I y a aussi des traces de petits souterrains voûtés, semblables à ceux où les habitans du Kaire déposent aujourd’hui leurs morts. C’étoïent vraisemblablement des tombeaux. L'emplacement de la grande rue, qui est encore fort distinct, est perpendiculaire au Nil, qui mouille l'extrémité des ruïnes; une seconde rue, moins considérable, traverse la ville du midi au nord (4). À une lieue de là se trouve le village de Moueys, ainsi que l’origine d’un grand canal qui en porte le nom dans une partie de son étendue. À l'époque où nous y entrâmes, le 1 9 décembre, trois mois environ après linondation, le bras de Damiette étoit, à cette hauteur, large de 300 mètres, et le canal, désns o. Une partie de l’eau du fleuve, se dirigeant vers le sud-est, couloït avec rapidité dans cette nouvelle branche. Au premier aspect, je Jugeaï que ce canal n'avoit point été creusé par la maïn des hommes, et que c'étoit la branche du fleuve dont j'avois à reconnoîïtre le cours; ses rives étoient plates et au niveau de la plaine. Je ne pus tirer des habitans aucun renseignement sur le pays qu'il parcouroit; ils m'assurèrent tous qu'il se perdoit dans les terres, à quelque distance de son origine, et que la plaine qu'il arrosoït n’étoit fréquentée que par les Arabes Bédouins. Nous avons descendu pendant six lieues ce canal, sans trouver rien de remar- quable sur ses rives. La plaine qu'il traverse est formée d’un terrain gras, assez bien (1) Strabon dit que Péluse avoît vingt stades de cir- (2) Auryb, cu 51, Ophélie, "Alpi@ie, en qobte Opeëx. cuit [ 1020 toises |; effectivement lenceinte murée de (3) Nouds AferGime. Herod. Hist, lib. 11, $. 166. Péluse a ce développement. Mais il ajoute qu’elle étoit (4) Voyez la Description d’Atryb, par M. Jomard , 4 à la même distance de la mer; et aujourd’hui la bouche 4, D, chap, XXII. de Tyneh est à environ 4000 toises de Péluse. DES PROVINCES ORIENTALES DE LA BASSE ÉGYPTÉE. 307 cultivé ; elle produit du blé, du maïs, du coton, et des cannes à sucre : elle est tra- versée par un grand nombre de canaux qui ont été remplis pendant l'inondation, et dans lesquels l’eau est retenue par des barrages formés à leur embouchure dans le grand canal. À la hauteur de Denyeh, le canal se sépare en deux branches : nous avons suivi la branche orientale ; la seconde se divise en plusieurs ramifications qui viennent se joindre plus bas à celle que nous parcourions. Du point de séparation de ces deux branches, nous avons aperçu des ruines considérables, que les habitans nous ont dit se nommer 74/-Basta : ce sont celles de l’ancienne Bubaste { r). Nous les avons trouvées occupées par les Arabes. Nous y avons rencontré plusieurs monumens qui pourront servir à l’histoire de larchitec- ture Égyptienne. D’énormes masses de granit, couvertes d’hiéroglyphes et plus ou moins mutilées, sont entassées d’une manière étonnante : on a peine à concevoir quelle force a pu les briser et les accumuler ainsi les unes sur les autres. Plusieurs ont été coupées pour construire des meules. On en voit de taïllées complètement qu'on a laissées sur place, sans doute faute de moyens pour les transporter. Cette ville étoit bâtie, comme toutes les villes anciennes de la basse Égypte, sur de grands massifs de briques crues qui les élevoient au-dessus de l'inondation. Ces briques ont environ un pied de longueur, et sont larges et épaisses en proportion. C'est à faire ces briques et à élever ces massifs qu'étoïent employés les Israélites, pendant le temps de leur captivité : dans plusieurs passages de l'Écriture, ils se plaignent d’avoir été condamnés à ce travail ingrat et humiliant (2). L’étendue de Bubasteest, dans tous les sens, de douze à quatorze cents mètres; dans l'intérieur, est un immense bassin, au milieu duquel se trouvent les monumens que nous avons remarqués. Hérodote prétend que, dans le langage Égyptien, Diane se nommoït Bubaste. Ovide appelle cette ville, 2 sainte Bubaste (3). Nous y avons trouvé des traces du culte de la Lune : une pierre étoït entièrement parsemée d'étoiles, et représentoit un frmament, aïnsi qu'on en voit, dans les temples, sur les pierres des plafonds. C'étoit en effet dans cette ville que se célébroiït tous les ans la fête de Diane, qui étoit la principale fête des Égyptiens. Il sy rassembloit un grand concours d'étran- gers, qu Hérodote porte à sept cent mille ames, sans compter les enfans. Cette fête étoit une espèce d’orgie, semblable aux bacchanales des Grecs: les anciens parlent sur-tout de la grande quantité de vin qui s'y consommoit. C’est aussi dans cette ville que se déposoïent les momies de chats sacrés. Les Égyptiens révéroïent ces animaux presque autant que les ibis; et de même qu'ils transportoïent les momies de ces derniers à Hermopolis, de même ils portoient celles de chats à Bubaste, En face de la ville, est une île fort grande, formée par la branche dont nous avons parlé plus haut. Les anciens nommoient cette île Myecphoris. C'étoit une province particulière, habitée par des Calasiries, wfbu destinée uniquement au (1) Btéasc, Polybe, Strabon, Ptolémée; Bsase, * (2) Exod. cap. I, v, 14. Hérodote, Æist, Liv. 11, $. 59; Bubastis, Pomponius (3) Herod. Æisr. lib. 11, 6. 50, 137 et 156. Ovid. Mela, liv.1, ch. 1x; Pibeset, Ezéchiel, chap. XXX, v. 17. Æetain, lib. 1x, v. 690. Gratius, Cynegetic. v. 42. E. M. TOME IL. Qqz 308 MÉMOIRE SUR L'ÉTAT ANCIEN ET MODERNE métier des armes. Aujourd'hui elle renferme une plaine bien cultivée, de grands bois de palmiers et des villages fort riches; entre autres, Qenyet, qui Houe son nom à la branche occidentale du canal. j À trois lieues de Bubaste, sur la même rive, se trouve une petite ville moderne, nommée Hchyeh, environnée d'une épaisse forêt de palmiers. Quoïque son nom ait été ignoré des géographes, et qu'elle ne soit pas même connue dans la partie du pays qui se regarde comme civilisée, elle paroît renfermer une population nom- breuse, et il règne autour de ses murs un luxe d'agriculture que n’ont pas les provinces environnantes. La partie du boïs de palmiers la plus rapprochée des habitations est plantée en quinconce, et avec autant de soin qu'un jardin Européen. La ville est enceinte d’un mur crénelé, de 5 mètres [environ 1 $ pieds] de hauteur, en fort bon état et flanqué de bonnes tours. Ces tours sont armées d'un double rang de créneaux. Les portes sont pratiquées dans des tambours qui flanquent une partie de l'enceinte. Les habitans de cette ville semblent bien plus civilisés que leurs voisins. Depuis que nous avions quitté le Nil, nous avions trouvé par-tout la population sous les armes, et un esprit de mécontentement et de révolte : ici, quoique nous fussions les premiers Européens qui s’offrissent à leurs yeux, les habitans sortirent en foule de la ville pour nous présenter des vivres, et nous n'aperçûmes pas au milieu d'eux un seul homme armé. Depuis les environs de cette ville jusqu'à la partie la plus inférieure du canal, nous avons remarqué sur les deux rives un grand nombre de tours construites sans portes et sans fenêtres : elles sont percées de quelques créneaux, et servent de refuge aux habitans, quand ïls sont surpris et poursuivis par les Arabes du désert; ïls y montent avec des échelles de cordes. | Au-delà de Hehyeh, au milieu d'une plaïne basse et - marécageuse, s'élèvent les ruines d’une ville qui se nommoït @ourb, selon le rapport des habitans. Le village de Horbeyt y est établi. On y a trouvé un pied de colosse et un tronc de statue. On y voit encoredes tronçons de colonnes et des débris de granit. Cette ville étoit peu considérable ; elle avoit en étendue, tout au plus, le quart de Bubaste. Une lieue plus loin, sur la rive opposée, se trouve un riche village noïnmé Kafr Fournygeh. H est regardé dans le pays comme la limite des terres civilisées : jamais les barques de la partie supérieure n'ont osé descendre plus bas; jamais celles de la partie inférieure n’ont remonté plus haut. Cette ligne de séparation est telle- ment marquée, que le canal lui-même perd son nom, et prend celui de canal de Sän. Les villages que nous avons trouvés au-delà de ce point, paroïssent beaucoup moins riches : on y voit beaucoup de terres incultes; le terrain y est hérissé d’un grand nombre de tours. Toutes les habitations sont enceintes de murs solides. Chaque village n’a qu'une porte. Les habitans marchent toujours armés, même en vaquant aux travaux de la campagne. Depuis Fournygeh, la largeur du canal est resserrée; elle n’est plus que d'environ 60 mètres : la profondeur est toujours la même; aux approches du lac Menzalch, où se décharge le canal, la profondeur est d'environ 4 mètres. Depuis el-Horbeyt, le pays est coupé, sur les deux rives, d’une multitude de canaux, d'étangs et de DES PROVINCES ORIENTALES DE LA BASSE EGYPTE. 309 marais, qui rendent les communications difficilés : plusieurs de ces étangs con- servent leurs eaux pendant six ou huit rois. En face d'el-Liebaydy, sur la rive gauche, nous avons aperçu un lac immense, qui Communique par plusieurs branchés au canal, et qui conserve ses eaux pendant huit mois de l'année: il est navigable pendant une partie de ce temps : il s'étend jusqu'à Abou-Däoud. Ce lac n'est séparé du lac Menzaleh que par une langue de terre; il n’y commu- nique pas. À deux lieues de l'extrémité du canal, avant le point où ïl se jette dans le lac de Menzaleh, s'élèvent des ruines de Sän ou Tanis (1), qui a donné son nom à cette branche du fleuve. Cette ville est célèbre par la grande population qui l’habitoit, par les monumens que les rois d'Égypte y avoient élevés, et par les miracles que Moïse y fit avant de quitter l'Égypte (2). On y voit encore plusieurs obélisques renversés, des chapiteaux de colonnes dont le galbe a de analogie avec le genre Corinthien, et un monument de granit brisé en deux parties, que nous avons pré- sumé avoir êté un tombeau. Nous y avons rencontré des débris de vases d’une terre très-fine, quelques-uns enduits d'un vernis qui a subsisté jusquà présent. Nous ÿ avons aussi trouvé des briques cuites de différentes espèces, HS morceaux de verre et du cristal très-bien poli. En avant de Sän, se trouve un petit canal qui conduit à Sälehyeh, maïs qui n'est navigable que pendant un mois. “as E La plaine qui est au-delà de cette ville jusqu’au lac Menzaleh, est traversée d’une multitude de canaux qui se croïsent en tout sens. À l'extrémité de cette plaine, le canal entre dans le lac, et le traverse dans un espace de douze lieues jusqu'à la mer, En conservant son Cours et son lit. Leurs eaux ne se mélent pas, et, la profondeur du lac n étant que d'environ un mètre, on distingue par-tout le lit du canal. Nous sommes ainsi parvenus à l'extrémité du canal, après nous être assurés par nous-mêmes qu'il étoit navigable dans toute son étendue. D’après les rensei- gnemens que nous avons recueillis, nous avons appris qu'il n'étoit praticable, pour les grandes germes, que pendant huit mois de l’année ; passé ce terme, on peut, pendant quelque temps, y faire naviguer de petites barques fort légères, mais seulement dans la partie inférieure du canal. Pendant neuf mois de l’année, leau du Nüil coule librement vers le lac Menzaleh :; pendant les troïs derniers mois, l'eau du lac reflue dans l’intérieur des terres. Pour éviter cet inconvénient, on construit tous les ans à Kafr Moueys une digue qui dure trois mois. Malgré cette précaution, l’eau salée reflue encore dans un espace de sept à huit lieues. Lors du temps le plus éloigné des crues, en face d'el- -Lebaydy, où il n’y a qu'un seul pied d’eau, elle est entièrement salée. Tels sont les renseignemens que nous avons pu nous procurer sur ce canal : d’après sa largeur, ses sondes et le grand nombre de ruines qui se trouvent sur son (1) Ténis, Strabon, Geogr. lib. XVII, pag. 552; Zow, traduction des Septante; C2, version Qobte; «le, Sân, version Arabe. Voyez la Description de Säân, par M. Cordier, 4, D, chap. XXIIT, (2) Psahn, LXXVII, v. 12 et 43. Ezechiel, cap. XXX, v. 14. 3 10 MÉMOIRE SUR LA BASSE ÉGYPTE. rivage, il est presque certain que son lit est le même que celui de l'ancienne branche Tanitique. Nous n'ajouterons pas, pour le prouver, des observations qui ont été exposées ailleurs ; nous nous dispenserons aussi de faire aucune remarque sur l'embouchure de cette branche dans le lac Menzaleh, et sur le parti quon peut tirer du bas canal pour les communications de Damiette et de Sâlehyeh : nous observerons seulement , quant aux communications du Kaire, qu'il sera plus simple de se rendre directement à Sân par Moueys que par le lac Menzaleh; on évitera par-à le déchargement à Damiette, le transport par terre jusqu’au lac, et le nouveau chargement; ce sera une économie de temps et de dépense. La cause du peu de parti qu'on a tiré jusqu'à présent de cette commu- nication, est le brigandage continuel qui s’y exerce; le défaut de force publique a contraint les particuliers à se resserrer autant que possible : de là sont nées ces haines de village à village, et ces petites guerres qui ont totalement étouffé la confrance. Si cette malheureuse contrée rentroït sous la domination d’un peuple civilisé, cette nouvelle communication du Nil à la mer et à l'intérieur des terres seroit d’un grand intérêt pour le commerce; elle rendroït promptement à la civilisation une étendue de pays d'environ cinquante lieues, qui n'est habitée que par des barbares qui se font une guerre continuelle, et qui, au milieu de la plaine la plus fertile, manquent des premières nécessités de la vie. TABLES NÉCROLOGIQUES | DU KAIRE, PENDANT LES ANNÉES VII, VIII ET IX [ 1798, 1799, 1800, 18o1 |, PUBLIÉES PAR R. DESGENETTES. C ES tables ont été commencées à l'état-major de la place du Kaire, d’après les ordres du général de division Dugua, commandant de la ville et de la province. Dans le mois de vendémiaire an VIT, la Commission extraordinaire de salubrité fit tenir avec soin, et jour par jour, un registre individuel des décès, avec l'indication de l'âge et du genre de mort. À partir de ce moment, Îes déclarations de décès furent recueillies jusqu’au jour de lévacuation de l'Égypte, sans aucune interruption, si ce n'est à l'époque du siége du Kaire, qui suivit la victoire d'Héliopolis. AN VII — 1798. DATES DES DECES. DÉSIGNATION DATES DES DECES. DÉSIGNATION DES PERSONNES. DES PERSONNES. MOIS ET JOURS ; TOTAL. MOIS ET JOURS . TOTAL. a ,, LE À QE nouveaux. anciens. Hommes. | Femmes. Enfans. || nouveaux. anciens. Hommes. Femmes. Enfans. AN VI. | 1798. : AN VII. | 1798: SA ANS RE u “ u ” DOTE NES n ” # nu = | = = à = 2} AE u H u u S 26, oO. 23. “ fi ” # À l'E, £ Se : : 2 ml 7 ” # 24. " #1 ” SIMS 2 DU MO En" e 2 u “ ” u COR 25. n n ” n À . 2 2.6 # [] nu 26 “ st > 5 . “ (1 5e | 20. M # 6, 27 m ul u ” 6.4 27. “ ” 0 ” 7. 28 # 0] n #1 7e À 2 g . 11 1] n "1 8. 29. n ” “ n 8, | 29. 1 nm u mn 9. 30° LL 1 [1 “ 9° 30 “ul 11) [0 Hu 10. 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DÉSIGNATION DES PERSONNES, EU Hommes. Femmes. Enfans. AN VIII — 17099. DATES DES DÉCÈS, DÉSIGNATION DES PERSONNES, TOTAL. MOIS ET JOURS nouveaux. | anciens, Hommes. Femmes, Enfans. AN VII 1799. AN VIII. | 1799. TT 8 19: 4 Se 18. 27e g 1 - 23, 6, 3» 6, 1$e EI F5 20. 3 Le 18, 25e IS 2. g 24 1. F Me 1e 16, E 3-1Prar TS 4 14. 19 E % + 25 5: 1 14 20. Æ,, 22 Ze 6. 12 20. "5 4, 5 26 4 6, 16, 26, eg $. 23e 4. 6, 8. 18. = 5 27» » 771 “ n 6, 24. 2. 2, 13e 17° 6, 28, 4 8, 10, 22, 7- 25. $e $" 19 29: 7 29, 24 3e 3e 8, 8, 26. 7e 4, 20, 31e (3 30. Le Le 14 22e 9. 27. 1, if, 14 16, 9: DMEr:S 34 3 8 14. 10, 28, Le 2 8. 14, 10 "è 2 r, 8, 16 25 II, 29, 2e gr 16, 23e IT O 3 3 4e 9+ 16. 12, 30e Se 2% 26, 33° 12 4 $ 4e ie 20, 13. 31 1, 6. 24 3Te 13 5 3» $s 9e 17° Ia ARS ere" 3r Je 17. 21 14 6. 2, 4 16, 22. 15. | 2 à. 3: se 18, 26. 15 7. 4e 2 9, 15e 16. 3 5D 2x 9. 1$e 16 8. 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MOIS ET JOURS mm, Enfans. anciens. eee | commence | mrcmeoecememeences | Pocneemeneenogere À roneneeseerenneegre ancicns. Hommes. Femmes. nouveaux. AN VIIL | 1800. — | — — {— EF Re £ 26 u ” n mn x) mas ë 21, 4, È 2e = 23. u 1” si mn Re DPF 2 22 Le 5 3- 24. 1 " " 1] À 3° 23. 9. ©O 4 25. 771 ” " ” 4. 24, $" s- 26, n 1) " 11 5e 254 6. 6, 27. n nm # # 6. 26, sr 4. 7- 28, fl 1 [2] 1] 7 27. 8. 6, 8, 29. nu n mn u 8, 28, 7e 6, 9° 30° 1 “1 0] # 9e 29e Se 7e 10, 31. (72 [72 " “ 10, 30: 20 4 11 — ne 1 11 " “ 11 31. 3° 4. 12 E 2, mn u u n 17e £ 1% 3. 13e < 5} u n mn " 13° = 2, Te 7 14. 4. 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A À + © + Vendémiaire, hey ANY n% NI dû = QE = EE b . = La HA SE O VW EE = ES RP ANYE ON D © D @\wy La # co Lo DRIAMNLINENSES a Le] Lo MOTAUX. , 15% 8 a D ) #3. 24. 25. 26. 37. 28. 29. 30. — © Co b R R' kb — Brumaire. Fructidor. HO) NE Dire ES bn = wi 0 D © 1 @ D PB R OO 2 @ oO Oo NN 4 b bb b R NT QU EU D CNE PSE b SOS SCORE SN CUONENES . — e ue D La au @ œ a ai Nec Si HS 5 NORRIS ETS CR er Le em LA = Lo + D = Novembre. a Septembre. BE + % = À Du = D D HN DUB BE: ANNE Pb NN an au Bb WW = ve ue g b HR eo ùT LD 0 9 Ÿ où hi NI NW 9 © DCR) . sea 9 WW OH + = di #9 SE ON RUE NI Jours compl. Septembre. ee) © e > e À lN Q 3.18 TABLES NÉCROLOGIQUES DU KAIRE, AN IX. — 1800, 1807. DATES DES DÉCÈS. DÉSIGNATION DATES DES DÉCÈS, DÉSIGNATION DES PERSONNES. n :N MOIS ET JOURS S onu ae MO DES PERSONNES. | nouveaux. | anciens. Hommes. Femmes. Enfans. nouveaux. | anciens. Hommes. Femmes. Enfans. = Pluviôse. PANNE AU HNNVNNV FVNNES A RN NE VU Frimaire Novembre. = = CORRE RER SEE NE CNE ON = II je 4. 9 4. 2. 2, 3° 6. 7 4. 4. 8. $:. 7: 4. 9. 4. 8. D UN RD EN UE = Décembre. P ARENA ASE ENEA NS 'AN D F D œù LU ON UE LS œw N Au D Æ uw ka Décembre, Ventôse. DB O WW Ur ka D de) Lo e 5 S 6 EN AU Ep : mn ù Janvier 18or, = Vo © 9 S BRU ER DA BY NN VW NW WE NN S ON RAY ER S © HN AN ER PB b © Ah Qi = DNA œiu pb ain SV ww Vi hi b . b PENDANT LES ANNÉES VII, VIII ET IX. 319 AN IX, — 18017. || DATES DES DÉCÈS. DÉSIGNATION DATES DES DÉCÈS. DÉSIGNATION DES PERSONNES. DES PERSONNES. MOIS ET JOURS TOTAL. MOIS ET JOURS , TS F | 3 7 | nouveaux. anciens. Hommes. Femmes. Enfans. nouveaux, anciens, n Enfans. : | > | 2 = Germinal, Mars. NE ap ut 9 RN aN pu » au ww D - SP PH % 8 8 D WW = 9 © œN POP D NI GN AN NE D BR M = Ko mr er 12% 4 1 13. 14. 15. 16. 17. 15. 19. 20. LE ue 2e 4. 2. 2. YEN PS VU WU EP WU D 9 DE D lu D € 0 nm MOTAUXS. 0 NA Messidor. Juin. pb Ru hr a D 9 © ON au bp Br NP 3 20 TABLES NÉCROLOGIQUES DU KAIRE. TOTAUX GÉNÉRAUX PAR ANNÉE. ee "0 ms || DÉSIGNATION DES PERSONNES. ANNÉES. A Hommes. Femmes. Enfans. ; CSD ÉCEESE RENE ME mer ane || Cocmeeneerecemex | cresecmmmeencentes | CEE ADI Eee ver 898. 1294. 3071. A So 0 ob b 1003. 1370 MES TC" INR LS BE JE Dot 1996. 25012 MB S5240. MOTAUSE SET 3897. 5261. 11827. RÉSULTAT GÉNÉRAL ET COMPARATIF DES TABLES NÉCROLOGIQUES DU KAIRE, PENDANT LES ANNÉES VII, VIII ET IX | 1798, 1709, 1800, 1801 |- AN VII. AN VIII. AINEMERC EE | Hommes. | Femmes. | Enfans. TOTAL. || Hommes. | Femmes. | Enfans. TOTAL. || Hommes. | Femmes. | Enfans. TOTAL. Vendémiaire. ÿ ie : 325- 550. 103. c : A47. Brumaire. ,. : 5: : ! 99. ; 380. 626. , , ! 537- Frimaire, .. à È 3 3 : À 564. 863. à à 2 615. Nivôse. ,.…., ; Ë : : è 813. 107$. ! ; s 613. Pluviose...…. : ! : ! 4 : ë 693. 4 à ; 746. Ventôse..,, : ; 253. } ; 3 2 ST. : ; 7: 1650. Germinal. .. ; - À ‘ ; ; L 2930. Floréal..,.. : à 3 À , x ; ; 4 à S 1811. Prairial. .., : - L ; ; 2 4 d : 4 k 386. Messidor.., Thermidor.. Fractidor. .. Jours compl. ToTAUX.. Les tables de lan vil n’ont été commencées que le 29 brumaire. Les circonstances du siége ont empêché dans l'an virs les résultats de ventôse, germinal et floréal. Enfin les événemens connus dé Tan 1x ont fait terminer ces tables le 1$ messidor. | Indépendamment de ce que ces tables pouvoient être utiles à la statistique, le médecin en chef de Varmée d'Orient les envisageoit sous un autre point de vue : elles lui apprenoïent journellement ce qu’il avoit lieu d'espérer ou de craindre sous le rapport de [a salubrité, pour la conservation des garnisons du Kaire, ou pour celle des différens corps de troupes que des opérations militaires rénnissoient souvent .. . dans l'enceinte ou dans les environs de cette ville. MÉMOIRE SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE: '. Par M. SAMUEL-BERNARD (i). INTRODUCTION. But et Utilité des Recherches sur les Monnoies Arabes. Lrs monnoies, considérées uniquement comme médailles, sont des monumens historiques qui servent à faire connoître, d'une manière plus ou moins précise, la date des événemens et des règnes, les noms et les titres des princes, les pro- grès ou la décadence successive des arts. Cette espèce de monumens, chez les Arabes, nous paroît exiger une étude d’autant plus suivie et plus approfondie, que leur histoire , malgré l'importance que lui donne l'étendue de leur domination, nous est moins connue; qu'elle présente plus de révolutions, et qu'ils sont privés totalement, ou en partie, des ressources qu'offrent aux Européens , pour perpétuer le souvenir des temps passés, la sculpture, la peinture, les sociétés savantes, les archives, et sur-tout l'imprimerie et les bibliothèques. Sous le rapport des finances et du commerce, c’est une partie essentielle de la statistique de chaque peuple, que la connoïssance du système de ses mon- noies, de leurs valeurs nominale et intrinsèque, du rapport de ces valeurs avec celles des monnoiïes des autres nations, de la quantité qui en a été mise en circulation, &c.; et plus les variations qu'ont éprouvées les monnoies ont été fréquentes , plus il est nécessaire de les rechercher et de les constater, afin de pouvoir entendre les traditions et les écrits dans lesquels il en est question , et d'avoir, autant que possible , des idées exactes des diverses valeurs indiquées par les mêmes dénominations, ou des dénominations diverses qui peuvent corres- pondre à une même valeur. Les arts et leurs procédés, chez un peuple dont les mœurs, les usages et les idées sont si opposés aux nôtres, ne peuvent manquer d'exciter la curiosité ; et cette vérité avoit été si bien sentie par un des hommes les plus instruits (1) Voyez pag. 438, alin. dern. Ce Mémoire est publié en 1821. É. M. TOME II. Ss Cr 322 MÉMOIRE et les plus versés dans tous les arts, qui leur a rendu de si grands services, et qui, chargé de diriger l'exécution graphique du Voyage en Égypte, nous à été enlevé par une mort prématurée (1), qu'il a représenté dans une suite de tableaux pleins de vérité une partie des différens arts et métiers des Égyptiens : OÙ en est peu d'aussi i importans que l'art monétaire, qui exigentle concours d'autant d'autres arts, et qui puissent donner une idée plus exacte du degré d'industrie et de civilisation auquel une nation est parvenue. Objet et Division de ce Mémoire. Nous nous étions d'abord proposé de publier toutes les monnoïes Arabes iné- dites que nous aurions reconnues pour avoir été frappées en Égypte, depuis que les khalyfes ont commencé à y régner, jusqu’à nos jours : mais, M. Marcel s'étant spécialement occupé des monumens etiinscriptions Koufiques et des mé- daïlles Arabes, et étant parvenu à réunir un grand nombre de ces médailles, plus ou moins curieuses, nous nous sommes fait un plaisir de lui communiquer celles que nous avions pu nous procurer, lui laissant le soin de traiter ce qui a rapport aux médailles, considérées comme monumens historiques. Nous nous occuperons plus Sareueete de ce qui concerne l’art monétaire. Nous traiterons d'abord, dans la première partie, des monnoïes Arabes et éHAnEereS fabriquées ou ayant eu cours en Égypte: de ce qui a rapport à la forme, au type, à la valeur des monnoïes du pays, aux variations qu'elles ont éprou- vées, &c. depuis les SONT Jusqu'à nos jours. Nous ferons connoître ensuite, dans la seconde partie, le système moné- taire actuel des. Égyptiens, tel due les Français l'ont trouvé établi, et tel qu'il continuera sans doute à l'être, à de légères modifications près, sous le gouver- nement des pâchas ou des beys. Nous indiquerons ce qui a rapport au prix de l'or et de l'argent, aux frais et bénéfices du monnoyage, aux procédés en usage au Kaire pour la fabrication , et enfin à l'administration des monnoïes (2). Si les détails que contiendront ces deux dernières sections présentent bien moins d'intérêt que s'il s'agissoit de peuples anciens, ils ne nous paroïssent pas moins utiles à recueillir. Ce sera prévenir, par la suite, un grand nombre d’er- reurs et d'incertitudes, que de constater l'état actuel des monnoïes en Égypte; et si l'on eût anciennement consigné, dans quelques livres ou manuscrits, sur les différens systèmes monétaires introduits successivement en Orient, des données aussi détaillées et aussi certaines , il ne resteroit plus, sur la numismatique Arabe, aucune espèce d'obscurité. Quoique nous nous occupions exclusivement des monnoïes d'Égypte, une partie de ce que nous dirons peut s'appliquer en général aux monnoïes Musulmanes, et Jeter du jour sur la numismatique de lempire Ottoman (3) et des peuples (1) M. Conté, chef de brigade des aérostiers, membre (2) Voyez la table des matières. de l'Institut d'Égypte, administrateur du Conservatoire (3) Cet empire a pris son nom de celui de lényr des arts et métiers, mort à Paris, le 17 décembre 1805. Athman, ou O’#mén [ol&e ], fondateur de l'empire Otto- D DO PU E ;]f 9) AL PAPULOT 7e £ 4 hby 7 Ve1oUU0/y « lung ) ROOE 7 EG obb, J'HPUO TEE 70) 7 GO API CU0pg) PU0 bp Cup ) è JUP0II7 A ) = Phpey DErPARTEZ “Yon0.1/1) (UT ) To bp x ‘API 0 0p VAUT ('u07719 ) 1207) 7a PAP 08 OP YI70.R/:) * gnogyrui-107 “UP 0E ap) 7/270.1f4) yehjnorne g0gyPur. to -nu0(7 4077 L g0p/rt u- L g/0/Pur- CA L el ” en > > > = L peinte : AL dANSL CA SHTONNON PA 207 084 À Vo è vi? ë Fo à FAT si its bee PR _—— ne ay UE Ü SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 3 23 Orientaux ; ce qui auroit pu donner quelque intérêt à ce sujet, s'il eût été traité par une main plus habile. Nous ne négligerons pas non plus les occasions de faire connoître les usages particuliers au pays, lorsqu'ils auront quelque rapport avec notre sujet; non pas tant pour le rendre moins aride, que pour remplir un des principaux buts que se sont proposés les membres de la Commission des sciences et des arts d'Égypte, celui de donner une idée exacte des mœurs et des coutumes des Égyptiens. Auteurs qui ont écrit sur les Monnoies Arabes. Les Arabes, sous leurs khalyfes, jouent un rôle brillant dans l’histoire : ils soumirent à leurs armes une grande partie du monde; ils cultivèrent avec succès les arts et les sciences ; plusieurs de leurs auteurs ont encore conservé parmi nous une grande réputation ; il est peu de questions de législation , de morale et de politique, qu'ils n’aïent traitées; ils ont transmis ce goût des sciences à leurs descendans, particulièrement aux écrivains d'Égypte : mais, l'instruction et la civilisation étant tombées depuis lors en décadence, les productions de leurs auteurs modernes ne sont plus guère que des compilations ou des com- mentaires des ouvrages anciens. | Les Arabes ont, sur les monnoïes et sur les poïds et mesures , des traités anciens et modernes. Le plus connu est celui de Magryzy (1), auteur estimé, qui a écrit sur plusieurs objets relatifs à l'administration , au gouvernement et à l’histoire. M. Silvestre de Sacy, célèbre par son érudition dans les langues Orientales, en a donné une traduction (2). Cet ouvrage commence, comme tout ce qu'écrivent les Arabes, par linvoca- tion, Az nom du Dieu clément et miséricordeux (3), de. Cette formule consacrée évite aux auteurs le soïn de chercher un début; c’est par elle que commencent leurs ouvrages de science et de littérature, aussi-bien que ceux de morale et de reli- gion. Ils la placent en tête des livres les plus abstraïits, comme en tête des écrits les plus futiles et les plus licencieux. Vient ensuite la citation d’un passage du Qorén (4), qui a un rapport plus ou moins direct, et souvent très-éloïgné, avec le sujet du livre; après quoi l'au- teur ne manque pas de faire remonter la science dont il traite jusqu'à Adam ( 48 Les Arabes sont sur-tout curieux d'étymologies, de traditions et d’anecdotes. man, et dont le règne remonte à Fan 700 de Fhégire lParabe de Makrizi, par A. I. Silvestre de Sacy. (A Paris, [1301 de notre re]. De là viennent aussi le nom d’Os- chez Fuchs, rue des Mathurins. 1797.) manlis par lequel on désigne sujets de la Porte, et G) Ba Ab rence, &e. celui d’ortomane qu’on donne à une espèce de sofa. ) ë (1) Voyez, pour les noms et les ouvrages de cet Lu pesil we) ai} ee le Mémoire de M. Marcel sur le Meqyàs de Pile de (4) El. Qorén[ wlä1] Se Ce eine, Racine, qerd Roudah, pag. 40, LliLial Pour ce qui concerne l'orthographe des noms Arabes, a L Eu voyez la note qui est à la fin de notre Notice sur les (5) « Aboubecr Ben-Abi-Schaiba rapporte dans son Poids Arabes, ci-dessus, pag. 248. » ouvrage intitulé Mosannaf, sur l'autorité de Kiïab, (2) Traité des Monnoies Musulmanes, traduit de » que l’origine de la monnoïe remonte à Adam, qui É. M, TOME IL. CRE 324 | MÉMOIRE Quoique le Traité de Magryzy soït peu complet, et que le peu de soin que met l'auteur à distinguer les monnoïes et les poids des différens pays soumis par les Musulmans y jette quelque obscurité , il renferme cependant plusieurs faits intéressans pour la or: des dnahes Nous avons eu aussi recours à l'ouvrage de M. Tychsen sur la numismatique des Mahométans {1}, ouvrage que consulteront avec fruit tous ceux qui desirent approfondir l'étude des monnoïes Arabes. Il y donne une liste des auteurs qui ont écrit sur les monnoïes Koufiques et Arabes, et des principales collections de médailles Arabes qu'il connoît en Europe. Nous avons fait précéder notre Mémoire sur les Monnoïes, d'une Notice sur les Poids Arabes anciens et modernes (2) : nous joïgnons ici une planche com- prenant Îles monnoies du Kaiïre, que nous avons fait graver, et qui sont citées dans le courant de ce Mémoire (3), et un tableau indiquant, pour cès monnoïes et plusieurs autres d'Égypte et de Constantinople, les variations qu'elles ont éprouvées dans leur poids, leur titre, leur valeur nominale et intrinsèque (4), &c. » frappa des dinars et des dirhéms, et qui a dit que, numariam Muhammedanorum. Rostochii (1794), éx »sans ces deux sortes de monnoïes, on ne peut jouir off, Stilleriana. » des commodités de a vie.» (Traité des monnoies de (2) Voyez Valin. 2 de Ia note 1.'° de la page 323. Mäkrizi, trad. de M. de Sacy, pag. 5) (3) Cette planche se trouve à la fin de ce Mémoire. (1) Olai Gerhardi Tychsen....... Zatroductio in rem {4) Voyez à la suite de ce Mémoire, pag. 446 et suiv. SUR LES MONNOÏES D'ÉGYPTE, Frs PREMIÈRE PARTIE. Des Monnoies Arabes et étrangères ayant eu cours ou fabriquées en Egypte, depuis les Khabyfes jusqu'à nos jours. CHAPITRE PREMIER. Noms et Espèces des différentes Monnoies. a: A Monnoies d'Or. L’62: considéré généralement et comme métal, s'appelle en arabe dahab (1). L'or monnoyé, ou la monnoie d'or, lorsqu'on n’en considère pas l'espèce, se nomme ayn (2). La monnoie d'or spécifiée, ou la pièce d’or monnoyée, soit qu'elle fût fabriquée dans le pays, soit qu'elle vint de l'étranger, s’appeloit an- ciennement dynér (3). Magryzy, dans son Traité des monnoiïes, cite une tradition d’après laquelle le Prophète à dit qu'il avoit laissé à chaque pays ses mesures et sa monnoie, et à l'Égypte son ardeb (4) et son dynér. L'Égypte ayant été conquise dans la vingtième année de l'hégire | 641 de notre ère], A‘wrou ben el A’äs (5), envoyé par O’mér (6), imposa en drér une capitation sur les Qobtes. Sous le polythéisme et depuis l'établissement de lislimisme (7), jusqu'à l'in- vasion des T'urkomans, sous les ordres de Saladin (8), la seule monnoïe qui eût un cours légal en Égypte, suivant Magryzy, étoit la monnoie d’or ; c’étoit la seule dont on fit usage pour évaluer le prix de la main-d'œuvre et de toutes les marchandises, et pour calculer les revenus de FÉtat et les impôts. On trouvera cette assertion moins extraordinaire et plus vraisemblable { quoi- que cet usage paroisse contraire à celui qui est beaucoup plus généralement répandu chez les divers peuples de la terre, d'évaluer tout en argent), si l'on fait attention que la monnoïe d'or étoit, dès l'origine, d’un poids peu considérable, (1) ss (2) w2-° Cemotsignifie monnoïe,d’oretmème d’argent. (3) 55 Voyez, pour le nom et la valeur du dynér, considéré comme poids, notre Notice sur les Poids Arabes, pag. 231, 236, 245 ( citée dans la note 1.'°, pag. 323). (4) L’ardeb [es;l] est une mesute de capacité, prin- cipalement pour les grains, dont le nom et l'usage sub- sistent encore en Égypte : ce mot est Égyptien. Voyez A’bd-el-Latyf, pag. 150. (s) Voyez pag. 366, not. 7. (6) olbdt j; je Omar ben el-Khattéb , le second Khalyfe. Voyez pag. 351, not. 6. L'entrée d’A’mrou en Egypte date de an 19 de lhégire [ 640 de notre ère ]. (7) Islamisme, la religion de Mahomet, du mot Arabe isläm [ Ad]; racine, sa/ma [ Au], salvus fuir. (8) En arabe, Sélah-ed-dyn | io! dt ] Voyez, pour les noms de ce prince, le Mémoire de M. Marcel sur le Meqyäs, ci-dessus, pag. 27, note 14° Voyez aussi pag, 329, dern. alin., et note 329. Ce futce prince qui détruisit la dynastie des Fâtémytes en Egypte. 3 26 et, par la suite, d'un titre peu élevé, et que ses subdivisions étoient fort petites; en sorte quelles équivaloient à peu près aux monnoïes d'argent usitées chez d’autres,nations, comme nous le verrons loïsqu'il s'agira du poids et du titre. Il paroît certain que, bien avant l'établissement de lislamisme en Égypte, on MÉMOIRE y fabriquoit des dynär ; néanmoins plusieurs monnoïes d’or étrangères y avoïent cours, ainsi que dans la plus grande partie de Orient. On y importoit des dyn4r, ou monnoies d’or, qu'avoient frappés les Grecs. II faut entendre, par les Grecs que désigne Magryzy, l'empire Romain transféré à Constantinople (1), et que nous appelons le Bas-Empire. Les Égyptiens appellent encore de nos jours les Grecs, Roumy (2), c'est-à-dire Romains. D’après le té- moignage de plusieurs auteurs Arabes, les monnoies d’or anciennes venant de Cons- tantinople s'appeloient heracla (3), nom qui leur vient de l'empereur Héraclius (4). Les monnoies d'or des différens peuples qui ont commercé avec l'Égypte, y ont eu plus ou moins cours, selon que le commerce de ces peuples a été plus ou moins actif, et sur-tout selon que leur monnoïe a été d’un titre plus élevé. Les relations qui pouvoient avoir lieu avec la métropole, ou résidence du Gouvernement, aujourd’hui avec Constantinople, ont dû verser en Égypte quelques monnoies de ces capitales. Gênes et Venise ayant été long-temps en possession de faire un très-grand commerce avec le Levant, les sequins de Gènes, et sur-tout ceux de Venise (5), qui sont d'un or très-pur, ont circulé anciennement en Égypte, et y sont encore très-recherchés. Avant l'arrivée des Français, ils se payoïent fort cher ; et les Mamlouks qui furent dépouillés sur le champ de bataille par nos soldats, en avoient tous sur eux une plus ou moins grande quantité. Les monnoiïes d’or d'Europe sappeloïient en Égypte affanty (6), du mot Franc, nom que les habitans du pays donnent généralement aux Européens. Ce nom de Franc remonte à l'époque des croïsades, parce que ce furent les Français qui jouèrent le principal rôle dans ces guerres religieuses, et que leur roi, S. Louis, 'attaqua l'Égypte. Telle est l'ignorance des Égyptiens modernes én géographie, que tous les Chrétiens d'Europe sont pour eux des Francs, et qu'ils ne connoissent de la France que Marseïlle. Celles des pièces d'or et même d'argent qui sont les plus anciennes, d’une (1) L'ancienne Byzance, qui prit le nom de Constan- tinople, ville de Constantin, de l’empereur de ce nom, qui en fit la capitale de l’empire d'Orient. Les Arabes Fap- pellent encore Qostantynyeh [agubibus ] ou Qostantyneh [arebilus | Elle est désignée sur leurs monnoies, tantôt de cette dernière manière, tantôt par le nom d’/s/4mboul [32 ALI], qui signifie ville de lisflamisme : la termi- Lau boul ou poul est prise du grec polis [mas], ville. Néanmoins le mot vulgaire est /stänboul [s-stewl], dont nous avons fait Samboul. On donne pour étymologie de ce nom les trois mots Grecs eis tên polin [is my maw]. Ce n’est que par une espèce de raffinement ou de jeu de mot que, dans le style recherché, on en a fait Islémboul, ville du salut, ou plénitude du salut; si, au lieu de faire dériver la terminaison boul de polis, on la prend, ce qui est plus naturel, pour le mot boul Ja qui, en turk, signifie plein, abondant. (2) En arabe, (#9, (3) En arabe, Heraglah [4b 9 1. (4) Héraclius monta sur le trône l’an 610 de l’éêre Chrétienne (onze ans avant l’hégire), et mourut lan 641 [fan 21 de Fhégire ]. Ce fut sur la fin de son règne que l'Égypte lui fut enlevée par O’mar, Voyez pag.325,alin. 3 et not, 6. (s) Voyez pag. 328, not. 3 ét 4. (6) Ua Voyez page 358, not. $. Francs se dit au- jourd’hui en Égypte Affrangy [,<331], {qu'on prononce Affranguy, SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 327 belle fabrication et du métal le plus pur, et qui ñe sont pas assez abondantes pour avoir cours de monnoïe, sont recherchées pour servir de parure aux enfans et aux femmes. Leurs ornemens de tête ne sont souvent autre chose que des pièces de monnoïe, plus ou moïns anciennes, garnies d’un petit anneau qui sert à les suspendre, ou simplement percées d'un ou deux trous (1) pour pouvoir être attachées au turban (2). ; Toutes les femmes ont l’usage de séparer leurs cheveux en un grand nombre de petites tresses, qu’elles alongent avec de la soie de même couleur, tressée de la même manière que les cheveux. C'est à ces tresses, qui leur descendent jus- qu'à la ceinture, qu'elles entrelacent des diamans , des perles, des ornemens en or et quelquefois en argent, et sur-tout des pièces d'or plus ou moins an- ciennes et d'un titre plus ou moins élevé; en sorte que ces parures de femme sont de véritables médaïlliers, et que c'est dans les £arem (3) où séraïls (4) que les antiquaires trouveroïient les moñnoïes les plus curieuses. Les premiers émyrs (5) chargés par les khalyfes du gouvernement de l'Égypte, les khalyfes mêmes qui vinrent y fixer leur résidence, ou ceux qui pärviñrent à s'emparer du pouvoir, continuèrent à faire frapper aux mêmes poids et titre et au même type les monnoiïes usitées dans le pays, et en altérèrent ensuite suc- cessivement la valeur, ou firent au type divers changèmens (6). Lorsque ces changemens furent tellement marqués, qu'on pouvoit considérer la monnoie comme nouvelle, ou d’une espèce différente, on la désignoit ordinai- rement, pour la distinguer de celles qui avoient été fabriquées précédemment, par le nom du prince ou de son lieutenant. Ainsi l'éryr Abou-l- A'bbäs Ahmed Len- Touloun (7), nommé gouverneur de l'Égypte par le khalyfe e/Motaouakkel (8), s'étant rendu indépendant vers l'an 2 SA de lhégire | 868 de notre ère], et ayant pris même le titre de sultan, ft frap- per des dynér qui, de son nom, furent appelés 4hmedy. Le géyd Aboul-Hassan Ga’'ouar (9), lieutenant d'e/-Mo’ez le-dyn-Allak (10), fit fabriquer en Égypte, vers l'an 358 [ 969 de notre ère], des dnér, qui s’appelèrent mo’ezzy, du nom du khalyfe e/ Mo'ez. Sous Néser Farag | fils du sultan Bargoug (11),le premier des Mamlouks Circas- siens (12) |, quimonta de nouveau sur le trône en 808 [140$ de notre ère], on altéra le titre des dynar, et l'on mit une grande négligence dans leur fabrication. Ces (1) Voyez les pièces gravées sous les n.°5 1,2, 3,6, 7,10 et 12, planche jointe à ce Mémoire. (2) Les femmes pauvres se contentent d’une espèce de chapelet ou guirlande de médins attachés au bas du tur- ban, Le turban des femmes s'appelle en arabe rarbouch [ Seb], qui vient probablement du mot Arabe + ;L, qui (Modb uw art wall sl. Voyepag. 355, alin.3. (8) Ek-Motaouakkel A’LAllah [at Je Kilt], éest- à-dire, qui se fie sur Dieu. Voyez page 358, ligne 2, et notes 1 et à (9) Son nom entier eët : Abou-l-Hassan Ga’ouar el- Khayb el-Sagaly À all cubll jns Cul il Qéyd veut dire toupet, ét du mot Persan (Jésts Vêtement, c’est- à-dire qui couvre le sommet de la tête. {3) En arabe, harym Ces]; c’est-à-dire, lieu dé- fendu. Racine, harama Les], il a prohibé. (4) Sérail, mot corrompu du turk serdy [ «6l 4], palais. (5) Émyr, en arabe mal, signifie prince, commandant, (6) Voyez pag. 349 et suiv. Lu BT signifie général. Voyez pag. 366, alin. 3. (10) C’est le surnom que prit le khalyfe Abou-temym Ma’ad|sse sé #1] Voyezp.354,alin. 8 ;et 366, alin. 3. (1) 65» out os t _yeUl Il avoit commencé à régner en 8or de l’hégire [ 1399 de l’êre Chrétienne]. (12) En arabe, e- Mamälyk el-Geräkasseh [ dut ax LI], ou el-Gerkassyeh [aa SA]. MÉMOIRE 328 dynär furent appelés résery de son surnom de Näser (1), qui veut dire victorieux. Il est vraisemblable qu'anciennement on fabriquoit des demi -dynér et des quarts de dynér, quoique les auteurs que nous avons consultés n'en fassent pas mention. Magryzy ne parle de la fabrication de quarts de dynär qu'au sujet des pièces d’or de plaisir qu'on frappoit à certaines fêtes (2). Les monnoies d’or plus récentes, ou celles qui par la suite ont remplacé les : dynär , sont les fondouklrs er les sequins. . Nous n'avons pu nous assurer si étoit le premier qui avoit fait frapper en Égypte des fondouklis (3). On a cessé d'en fabriquer depuis la fm du règne d'A’4d el Hamyd. Cette monnoie étant usitée à Constantinople, ïl est probable qu'elle doit son origine à cette capitale de l'empire, et que le but de son établissement a été, en la rapprochant davantage du titre des anciens dynér (4), de mettre en circulation une monnoie d'une plus haute valeur que les sequins, qui, par la suite des temps, avoient remplacé les dynér, maïs dont on avoït depuis lors successivement di- minué le titre et le poids. On fabriquoit aussi en Égypte des demi-fondouklis, semblables en tout aux fondouklis, excepté qu'ils avoient une surface moïns grande, que les caractères de l'écriture étoïent plus déliés (5), et que le poïds étoït de moitié moïndre. Nous ne croyons pas qu’on ait frappé habituellement des quarts de fondoukli, si ce n’est comme pièce de fantaisie (6), pour étrennes. Le mot segum , enitalien zecchino (7), n'est employé, pour désigner la monnoiïe d’or à laquelle nous l'appliquons, que par les marchands Européens et les inter- ‘prètes du pays, qui sé servent d’un jargon provenant de l'italien ‘et du français corrompus, et quon connoît sous le nom de /zngue franque. Le sequin du pays s'appelle en arabe zer-mahboub (8), où simplement #4/boub. Le sequin ou zer-mahboub est une monnoïe d'or différente en poids, titre, valeur et type, du fondoukli dont nous venons de parler. Ces deux espèces de monnoies existent aussi concurremment à Constantinople. Nous ne savons pas non plus quel est le prince qui le premier fit frapper des sequins ; nous croyons cependant que cette monnoie est antérieure au fondoukli, et qu elle est une altération de l'ancien dnér. (1) > Voyez pag: 358, alin. 3 etnot. 14. (6) Voyez page 337, alin. dern: et suiv. (2) Voyez pag. 339, lign. 1.97 (3) En arabe, fondouky[ «Sois ]. Les sequins de Venise s’appeloïent anciennement et s'appellent encore en arabe bondouky ou bendoky, dont on a fait en langue franque (voyez pag. 326, alin, 6 et 7) le motfondoukli, nom corrompu duturk Ouendykly, Vendykly[ 4S dis} Vénitien ; de Ouen- dyk , Wendyk ou Vendyk[ébos 3], Venise. En Égypte, on dit aujourd’hui Bendyk[&Lu-x] pour Venise. (4) Ou plutôt de la forme et du titre des sequins de Venise. Voyez pag. 34, alin. 4 et not. 6. (s) Voyez, à la suite de ce Mémoire, [a planche des monnoies gravées, n.°° 6 et 7. (7) Les mots sequin et zecchino se rapprochent beau- coup des mots Arabes sikkat et sekkeh [a]. La racine sekk [ AL] signifie en général un clou, et sikkat, le coin avec lequel on frappe, ou le fer marqué d’une empreinte qui sert à frapper les monnoies. Il se prend aussi pour empreinte même de la monnoïie. (B)on£ 35, c'est-à-dire or bien aimé, du mot Persan Dj quisignifie or ( et non ,selon quelques étymologistes, de 5, diminutif 5 , qui veut dire fleur), et de mahboub, en arabe cou, c’est-à-dire chéri. « Il SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 329 Il existe dans la circulation deux espèces de sequins qui ne diffèrent guère que par le type : lun, et c'est le plus ancien, a ses deux côtés couverts d'écriture semblable, disposée à peu près en même nombre de Los Sur la face A, les noms du suis sont en toutes lettres, tandis que, sur la même face, l'autre sequin porte le chiffre ou paraphe du sultan (1). L'autre aire B est la même dans les deux espèces de sequins. On HR aussi en Été des demi-sequins, qu'on appelle, par abréviation, nousfyeh (2), c'est-à-dire demi, et des quarts de sequin, nommés rovba'yeh (3), ce qui veut dire quart. Le type de ces dernières pièces étoit différent, comme nous le verrons, parce que leur surface étoit do petite pour contenir autant d'écriture que Îles RUE Nous n'avons point vu de quarts de sequin de la première espèce de ceux dont nous avons parlé ci-dessus, c'est-à-dire, sans chiffre ou paraphe, quoiqu'il. soit possible qu'on en ait fabriqué. S. II. Monnoies d'Argent et de Billon. L'ARGENT en arabe s'appelle faddah (4); et ce mot, comme celui d'argent en français, s'applique également au métal et à la monnoïe qui se fabrique avec ce métal. La même monnoïe se désigne par le mot félous, pluriel de fè/s (5), qui signifie écaille de poisson, et, par métaphore, une chose mince et arrondie. On dési- gnoit anciennement par ce mot la monnoie de cuivre (6); on la appliqué depuis à celle d'argent ou aux médins. Les pièces d'argent monnoyées se nommoïent anciennement drhem (7), nom qui étoit aussi celui d'un poïds auquel la monnoie étoit égale. Jusque vers le milieu du v.° siècle de lhégire [le x1.° de notre ère], la mon- noie d'or fut, comme nous l'avons dit (8), la seule monnoïe légale de l'Égypte. Lors de l'invasion des Gozzes ou Turkomans, sous la conduite de Saladin (9), vers l'an $67 [1171 de notre ère], on entendit, pour la première fois, pro- noncer en Égypte le nom de dirhem, c'est-à-dire qu'on commença alors à évaluer en drhem les marchandises, les impôts, &c.; car, avant même l’islamisme, on avoit en Égypte non-seulement des drhem étrangers, maïs encore des drhem fabri- qués dans le pays, et qui, sous les premiers souverains de l'Égypte, continuèrent (1) Woyez la planche des monnoïies gravées ; pièces (6) Voyez pag. 335, alin. 2, et pag. 337, alin. 1.e* d'or,n.% 8 et 10. Voyez aussi pag. 356, alin. 8. (7) >. Voyez notre Notice sur les Poids Arabes, (2) Ou nosfyeh [ ane]. | pag. 230, älin. 4 et note 1." (citée pag. 323, note 11°), (3) Où roba’yeh [asss, ]. Voyez pag. 338, alin. dern., Voyez aussi pag. 382 de ce Mémoire , alin. 3: FRS . ru (8) Voyez pag. 325, alin. 5. RE (o) Voyez ibidem. Saladiny né en 532 [1138 de (5) wh; pluriel, flous Cepsll Ce mot n'est plus notre ère], mourut en 589 [1193 de notre ère]. usité qu’au pluriel. É. M. TOME IL. Te 33 © MÉMOIRE à être frappés, d'abord sans aucun changement, puis ensuite au type des khalyfes, à des poids ét titres différens des anciens drhem. L'usage de donner le nom du souverain aux monnoies frappées à son coin a quelquefois été suivi en Europe ; on a appelé carolus, philippes, louis, &c., diverses monnoïes frappées par divers princes. Les dirhem, comme nous l'avons déjà observé pour les nr (1), prirent sou- vent en Égypte le nom du prince ou du gouverneur qui les avoit fait frapper. Tels sont les Grhem nâsery, frappés vers l'an 583 [1187 de notre ère], ainsi nommés du surnom eÆNäser (2) que portoit le sultan S£/44-ed-dyn (3) ; les dirhem kämely, frappés vers lan 622 [ 1225 de notre ère |, sous le règne d’= Malek cl-Kämel Näsr-ed-dyn (4); les dirhem dähery, frappés vers Fan 658 [ 1260 de notre ère |, sous e/- Malek el-Däher Rokn-ed-dyn Bybars (s); les drhem mah- moudy, frappés vers fan 781 [1379 de notre ère], du nom de lémyr Mai- moud ben- A’ (6); enfm les drhem maouyady, frappés vers l'an 818 [1415 de notre ère], par le sultan e/-Makk el-Maouyad Abou-nasr el-Cheykh el-Mah- moudy (7). Les monnoïes étrangères qui furent le plus répandues en Égypte, vers le com- mencement de l'hégire, se distinguoïent en deux espèces, suivant Magryzy : les unes connues sous le nom de drhem noïrs, forts de poids, que l’on nommoit aussi #aghly (8); les autres connues sous le nom de &rhem tabary [o), et qui ne pesoient que la moitié des premiers. Les drhem bagh venoïent de Perse. Hyde, dans son Histoire de la reli- gion des anciens Perses (10), dit que la ville et le pyrée d'Urmyzh, ainsi que la ville de Chyréz (11), furent construits par un homme riche nommé Rés Ma- gous (12), à qui l'on donnoit le sobriquet de Räs elbaghl (13), qui signifie tête de mulet, et que c'est de lui qu'a pris son nom une sorte de monnoie qu’on ap- pelle drhem baghly. M. de Sacy ne croit pas que cette étymologie soït bien fondée. L'épithète de mors que l’on donnoïit aux anciens drhem , vient sans doute de l'opposition de la couleur qu'ils avoïent contractée par le temps, avec lappa- rence brillante des dirhem nouvellement frappés, qu’on distingua sous le nom de dirhem blancs. n'est pas à présumer qu'on ait jamais été dans l'usage de ne pas décaper ou dérocher les pièces de monnoïe avant de les frapper. Plusieurs circons- tances peuvent noircir le fond de celles d'argent, telles que lenfouissement (1) Voyez pag. 327, alin. 4. (8) «xs Voyez notre Notice sur les Poids Arabes, (2) +1. Voyez , pour ce surnom adopté par plusieurs pag. 233, note 1.4, et page 246, remarque 17.° {citée princes d'Egypte, pag. 358, alin. 3. page 323, note I."° ). (3) Voyez p.325, alin. $, et p.387, alin. avant-dern. (0) «sb. Voyez ibid. (4) oil seb Jalet di: Voy. pag. 334, alin.3; (10) Pag. 104, édit. de he et345,alin. 1,4 11) Armyah, en arabe axe,l ; Chyrz, en arabe (5) y Yu) 0 il Ut» surnommé eJ- En . Bondogdäry { lool ]. Voyez pag. 347, alin. 4; et (2)ws D , C'est-à-dire tête de mage. Magous ou 352, alin, 5. (6) de LU 3€ 3! Voyez pag. 334, alin. 6. majous signifie adorateur du feu. (13) dsl wb SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 33h dans Ja terre , l'impression du feu, de l'humidité et sur-tout des vapeurs (1). Les lettres et les points saïllans reprennent, par un léger frottement , l'éclat métal- lique, qui se détache fortement sur le fond qui réste noir. M. Tychsen conjecture que les drhem tabary prenoïent leur nom de la ville de Tibériade (2), ou parce que ces pièces y avoient été frappées, ou parce que les Arabes fréquentoient beaucoup cette ville pour leur commerce avec les Ro- mains, et en tiroient les monnoies frappées par les empereurs. Magry2y cite aussi, comme répandus dans le commerce, les drhem mo- ghreby (3) et les drhem yemeny (4). Moghreb signifie le couchant : les Arabes ont donné ce nom aux pays de leur domination situés vers l'occident, non-seu- lement aux contrées de l’Afrique que nous appelons la Barbarie et où sont situés Tripoli, Tunis, Alger, Fez, Maroc, &c., mais encore à l'Espagne et aux autres pays qu'ils avoient conquis en Europe. Le nom d’Yemen a été donné au pays que les anciens ont connu sous le nom d'Arabie heureuse, Les monnoies dont il s'agit venoient principalement de Médine, la Mekke, &c. Lorsque le sultan eZ Malek el Maouyad ($) vint de Damas en Égypte, son armée et les gens qui la suivoient, apportèrent une grande quantité de &rhem Gondoky (6), ainsi nommés parce qu'ils provenoient du commerce avec les Vénitiens, et des drhem nourouzy , ainsi appelés sans doute du nom de l’'émyr Nourouz ‘el Häfedy (7). Ces espèces eurent cours dans le commerce et furent reçues avec plaisir, parce qu'il y avoit long-temps qu’on n’avoit fabriqué de dirhem en Egypte, où l'on ne voyoit plus que des monnoies de cuivre (8). Parmi les monnoiïes modernes provenant de l'étranger, la plus commune et la plus usitée dans le commerce, jusqu’à l’arrivée des Français en Égypte, étoit la piastre d'Espagne. | Cette monnoie, plus abondante que toutes les autres, parce que les Espa- gnols, qui tenoient en leur possession les mines d'argent les plus riches, con- vertissoient en piastres presque tout l'argent qui en sortoit; cette monnoie, dis-je, étoit celle dont le change étoit le plus avantageux pour les autres puissances. [l suivoit de cet avantage et de son abondance, qu'elle étoit plus généralement répandue dans le commerce du monde, et quelle devenoit en quelque sorte une monnoie de convention, qui, d’une part, servoit de moyen d'échange avec presque toutes les nations, et, de l’autre, alimentoit non-seulement presque toutes les monnoïes des divers états, maïs encore une partie de leurs orfévreries. Elle ne servoit pas uniquement, dans le com- mérce, à solder les marchandises; elle formoit elle-même un objet de trafic (1) Principalement des vapeurs qui contiennent de Damas à l'époque où el Malek el Maouyad en partit lhydro-sulfure ou acide hydro-sulfurique. pour se rendre en Égypte. (2) Ancienne ville de Judée, bâtie par Hérode- Les cadeaux du premier de lan s’appellent nourouzyel Agrippa en l’honneurde Fibère;en arabe, Tebryah lu gb] [5535] denouroug[ 53 395 ]qui signifie, en persan, nou- (G) «3%; de moghreb Losse], le couchant. veau jour, ou premier jour de Pan : peut-être est-ce là (4) Lu; de yémin [cx<], qui signifie la droite. l'étymologie des dirhem nourouyy. U s’'agiroit alors de (s) Voyez pag. 330, alin. 2, et pag. 334, alin. 6. dirhem d'étrennes : voyez pag. 337, S. IV ;et pag. 338, (6) Voyez pag. 328, not. 3. alin. 3. (7) hell ;, 5 sl, Cet émyr commandoit à (8) Voyez pag. 336, alin. 1." et suiv. EÉ, M. TOME IL. ta 332 MEMOIRE considérable, et composoit souvent une partie du chargement des navires et des caravanes. Le thalari ou thaler (1), monnoie d'Allemagne dite risdale d'espèce ou écu de convention, fabriquée par diverses puissances pour servir de moyen d'échange dans le commerce avec divers pays, et particulièrement la risdale d'Autriche, étoit également fort répandu en Égypte. Cette pièce fut portée, au tarif arrété par une commission de Français et de négocians du pays (2), au même taux que la piastre. Le change lui étoit même plus favorable , quoique la piastre ait réellement un peu plus de valeur intrinsèque, à cause de la supériorité du titre. Cette faveur pouvoit tenir non-seulement à la nature des relations commer- ciales , mais encore à ce que le poids du thalari est plus fort, et peut-être aussi à ce que son exécution est plus parfaite. Les Arabes désignent les piastres et les thalaris par le mot ry4/ (3). Is dis- tinguent la piastre d'Espagne par la dénomination particulière d'abou -madfa’ (4), qui veut dire le père aux canons, à cause de la figure du Roï qui. est d’un côté, et des deux colonnes qui sont de l’autre : ils prennent pour des canons les. co- lonnes d'Hercule. Ils désignent le thalari par le nom d’abou-tägah (5), qui signifre le père à la fenêtre (6), à cause de la figure que l’on voit d’un côté, et des armes à l'aigle écartelée qui sont sur l’autre face, et dont l'écusson du milieu a quelque ressemblance avec les fenêtres à grillage du pays. Du mot ahou-tägah Yon a fait, par corruption, le mot pataque dans la langue Franque (7), lequel a passé dans la langue Arabe vulgaire. L'admission des fortes monnoies d'argent dont nous venons de parler est de- venue d'autant plus nécessaire dans le commerce en grand, qu'on fabrique peu d’or en Égypte, et qu'il n’y existe point de monnoie d'argent dont la valeur se rapproche de celle des pièces d’or, ou qui soit intermédiaire entre les monnoïes d'or et la menue monnoïie. À Constantinople, où les matières d'argent sont sans doute plus abondantes, où le commerce est plus actif, où les moyens d'exécution, dans les ateliers moné- taires, sont plus complets et plus perfectionnés, on fabrique des pièces de bas aloï de 100, de 80, de 60, de 40, de 20, de 10 et même de $ paras. Cette série de pièces, qui forme un système complet de monnoïes d'argent (1) Thalari dérive du mot Allemand reischsthaler, dont noms Européens, aura passé dans la langue Arabe. nousavons fait le mot risdale ; owplutôt c’est le mot #haler, (4) 0 sl auquel on a donné, dans la langue Franque, la terminaison (5) 4 . On à supprimé Pa [ | | parce qu’on Va pris pour un article, et on a prononcé poutaga ou et particulièrement en Saxe, en Hanovre et en Prusse, est pataga, le b se changeant souvent en p» comme dans la monnoïe de compte, et répond à notre mot écu, pâcha pour bâcha, (2) Voyez pag. 393; art. 23 et 24 du Tarif. (6) Pour comprendre ce qui a donné lieu à ce sin- (3) Le mot ryél, en arabe (JL, signifie pullus struthio- gulier rapprochement, il faut savoir que les fenêtres des cameli, le petit de Pautruche. Quelques étymologistes maisons en Égypte sont garnies d'espèces de jalousies ou ont cru que ce nom aura pu être donné aux monnoiïes, grilles, en treillis composé de très-petits morceaux de parce qu'anciennement celles des Ptolémées et celles bois tournés et assemblés les uns dans les autres, qui des Romaïns, plus récemment celles d'Allemagne, forment des dessins variés, lesquels ont, en. grand, présentent la figure d’un aïgle, que les Arabes ont pris quelque rapport aux dessins de nos dentelles ou de nos pour une autruche. IT est plus raisonnable de croire papiers découpés à jour. que le mot ryäl ou réal, comme beaucoup d’autres (7) Voyez pag. 326, alin. 6, et pag. 328, alin. 7. Italienne. Le mot thaler, dans quelques pays d'Allemagne, SUR LES MONNOIES D ÉGYPTE. 42323 ou de billon sur l'échelle décimale, et dont le médin ou le para est la dernière division, n'a pas été adoptée habituellement en Égypte. Le Mamlouk A’Y-bey (1), surnommé le Grand, qui, par son courage et la har- diesse de ses projets, se fit un nom fameux en Orient et parvint même à fixer quelque temps les regards de l'Europe, paroît être le seul qui ait fait frapper des pièces de Âo et de 20 médins, à limitation de celles qu'on fabriquoit à Constantinople. On assure aussi qu’il en fit frapper de 100 et de 80 médins (2). Nous n'avons pu nous en procurer, et il est au moins certain qu'il y en eut bien peu de mises en circulation. On désignoit ces pièces par le nom de ghrouch (3) - elles étoient frappées au coïn du sultan régnant , ou du moins elles portoïent son chiffre. Nous en avons fait graver une de 4o médins, sous le n.° 16, et une de 20 médins, sous le n° 18(4). Lorsqu'il sera question du type et du millésime, nous indiquerons les particularités que présentent les pièces d’A’/y-bey. Après la mort de ce Mamlouk {5}, les matières d'argent étant devenues rares, et la fabrication des ghrouch présentant moins d'avantages que celle des médins, on cessa de fabriquer des pièces de 4o et de 20 médins. Peut-être aussi, comme c'étoit une innovation, suffisoit-il qu'A’/-bey fût vaincu, pour que la monnoïe qu'il avoit créée fût décréditée et démonétisée. M. de Volney, dans l’histoire d'A’hy-bey, dit (6) que ses piastres perdirent 20 p. ojo, parce qu'on prétendit qu'elles étoient surchargées d’alliage: qu'un négociant en fit passer dix mille à Marseille, et qu’elles rendirent à la fonte un bénéfice assez considérable. Si ces pièces ne perdirent pas plus de 20 p. ofo sur leur valeur nominale, il est impossible qu'il y eût du bénéfice à les expor- ter (7). Peut-être, dans Îles renseignemens qu'on a donnés à M. de Volney sur les monnoies d'A’}-bey, aurat-on voulu parler, non de celles d'argent, mais de celles d'or, auxquelles pourroit s'appliquer du reste parfaitement le passage que nous “venons de citer. | Les machines qui avoient servi à la fabrication des ghrouch d’A’hy-bey, furent détruites par la suite, et nous n’en trouvâmes aucune trace à la monnoiïe du Kaire. Le général en chef de l'armée Française ordonna, vers la fin de 1798 [121 3 de l'hégire |, que la fabrication des pièces de 4o et de 20 médins fût rétablie, et nous fümes chargés de faire reconstruire les ateliers et les machines néces- saires (8). | Ces nouvelles pièces furent aussi très-bien reçues dans le commerce, et leur fabrication fera époque en Égypte, comme celle des piastres d’A’/y-bey. (1) &s de» qu'on prononce bey. Beyk [ulis]signifie, à ce Mémoire; voyez aussi pag. 362, alin. dern. en turk, seigneur ou maître. (s) Voyez pag. VEPLIUIEE (2) Voyez pag. 383, alin. dern. | (be) Voyage en Syrie et en Égypte, tom, 1.7, chap. &. G) y322. M. de Sacy pense que ce mot vient de Précis de l’histoire d’Ali-bek , page 110, note 11°, édit. l'allemand groschen, qui signifie gros [ nom de poïds ]. * de 1787. Quelques pièces d'Allemagne portent, par abréviation, (7) Voyez, pag. 389, et 395, alin. 1.9", la valeur in- le mot grosch en gros caractères. trinsèque des pièces de 42 et de 20 médins. (4) Voyez la planche des monnoies Arabes jointe (8) Voyez pag. 446 et suiv., et not. 2 de la pag. 447. 28 À MÉMOIRE Les drhem, qui, dès l'origine, étoient d’un poids peu considérable, avoient éprouvé successivement des altérations dans leur poids et dans leur titre, par la cupidité de ceux qui gouvernoïent l'Égypte. = Quelques princes plus désintéressés, ou guidés dans l'administration par des idées plus saines et plus Justes, rehaussèrent le poids et le titre de cette monnoie. Magryzy rapporte que le sultan Saladin (1), ayant démonétisé les dirhem noïs, qui étoient forts de poids et d’un titre élevé, fit frapper des drhem alliés à égale partie d'argent et de cuivre. Peut - être le titre et le poids de. cette monnoïe furent-ils encore baissés, jusqu'à l’époque à laquelle e/- Malek el-Kämel (2) dé- monétisa tous les drhem, connus alors au Kaïre et à Alexandrie sous le nom de ouarag, et fit fabriquer des &rhem qui, par leur titre et leur poids, se rapprochoiïent davantage des dirhem anciens ou pièces dé monnoïié de bon aloi. | On pourroït entrevoir dans cette monnoîïe nommée ouarag (3), mot qui signi- fre feuille, l’origine des médins, qui se fabriquent aujourd’hui avec des feuilles de billon , aplaties ou planées à coups de marteau. Peut-être même le médin n’étoit- il qu'une subdivision de cette monnoïe usuelle appelée ouarag. + Les cheykh Isma'yl (4) et A'bdel-rahman |), qui passoient au Kaïre pour être distingués par leurs connoïssances , nous ont donné, sur l'étymologie du mot médin , en arabe zréydy (6), les renseignemens suivans. Le Mamlouk «= Cheykh, étant devenu khalyfe, et ayant pris les titres de Sz/tän el Malek el Maouyad Abou-nasr el-Cheykh (7) {noms qui signifrent l'empereur, le roi, l’assisté (de la grâce), père de la victoire, le seigneur |, fit frapper des demi-drhem , qui, de son nom, furent appelés #7aouyady, ou, par abréviation, waydy. On les nommoit aussi 7045 (8), c'est-à-dire demi, mot dont on se sert encore aujourd'hui pour désigner un médin ou para. F Soit que l'on considère les médins comme une altération de l'ancien &rhem, soit qu'on les regarde comme une monnoie nouvelle, dont la fabrication a été introduite en Égypte comme à Constantinople, où l’on en frappe une semblable connue sous le nom de pérak (9), il n’en est pas moins vrai que cette singulière monnoie, plus mince qu'une feuille de papier, qu'un souffle léger suffit pour dis- perser, et dont un millier se renferme dans un cornet de papier peu volumineux, est devenue la principale monnoïe d'Égypte, cellé qui sert aux achats en gros comme au menu détail, dans laquelle se font tous les comptes et se prélèvent les impôts. En quelque proportion que le cuivre soit allié à l’argent dans la monnoie, (1) Voyez pag. 325, alin. $; pag. 329, alin. dern. (7) Voyez pag. 330, alin. 2. Plusieurs princes Musul- (2) Voyez pag. 330, alin. 2, et 345, alin. rer mans ont pris le surnom del Maouyad a sb]. Ce mot : 3 : ” ignifle qui est soutenu, appuyé, assisté (de la grâce); (3) 4359» feuille de papier; pluriel, aouaräq bal Ru + Voyez pag. Ati, not. 22 ; voyez aussi pag. 421, alin, &. de ayd[ al] qui veut dire aidé, secouru. (8) &5, abréviation de nosf [t5ai]. Voyez notre No- (4) Jassw tice sur les Poids Arabes, pag. 230, not. 3» et pag- 246, (s) wssyl Das remarq. 11.° (citée pag. 323, not, 1.) (6) «sue ou plutôt cs (9) En turk, »,L; en arabe, bérah [+ ,L 1]: SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTÉ. 335 on ne se sert point, en Égypte, d'un nom particulier pour la désigner , et l’on n'a point de mot qui réponde à notre mot #//on. Si l’on applique ce nom de Hilo à toute monnoîïe dans laquelle le cuivre do- mine, les pièces de 4o et de 20 médins, et les médins dont nous avons parlé, sont réellement du billon, et depuis assez long-temps il ne se fabrique pas, à proprement parler, de monnoie d'argent. Nous n'avons compris sous ce dernier titre les médins et les pièces de 4o et de 20 médins que parce que ces mon- noiïes ont remplacé celles d'argent, dont elles tiennent lieu. ST Monnoies de Cuivre. LE cuivre métal s'appelle nahäs (1) La monnoie de cuivre se nommoit anciennement fe/ (2); au pluriel, fé/ous. Les pièces de cuivre étoient de petites portions de ce métal, taïllées d’un poids à peu près égal. H n’en existoit qu'une petite quantité en circulation, et l'on ne mettoit pas le cuivre au rang des monnoïes : on ne s’en servoit alors que pour Fachat des marchandises de peu de valeur, ou pour la menue dépense du ménage. Les denrées de première nécessité étoient à si bon marché, qu’un homme du peuple ne dépensoit guère, chaque jour, que quelques pièces de cuivre pour sa subsistance. Cet état dura jusqu’à lan 800 de l'hégire environ [1398 de notre ère]. Les monnoies d’or et d'argent étant devenues successivement fort rares, principale- ment à cause des malheurs et des révolutions arrivés en Égypte depuis 806 [ 1404 de notre ère], les pièces de cuivre devinrent plus nécessaires et plus recherchées, et leur valeur, dans le trafic, s’élevoit de beaucoup au-dessus de leur valeur intrinsèque. Elles avoient commencé à s’introduire dans le commerce, concurremment avec la monnoïe d'argent, du temps que e/-Däler He (3) étoit émyr, vers Jan 781 [1379 de notre ère |. R Barqoug étant devenu sultan, Mahmoud ben-A'h (4), à qui il donna la charge d’Os- tädér (5) , fit frapper au Kaire et à Alexandrie une grande quantité de félous, ou monnoie de cuivre, à cause du bénéfice que présentoit cette fabrication, et fit cesser celle des drhem, qui devinrent extrêmement rares. Les orfévres en fondirent beaucoup, et on en exporta une grande quantité. On frappa sans doute des pièces de cuivre de diverses valeurs, et qui étoïent des subdivisions les unes des autres. Cette fabrication continua plusieurs années sous Bargoug et sous son fils LNäser Farag (6). Les Francs (7) importèrent alors beaucoup de cuivre rouge en Égypte. (1) ts istêr Lstul], maître, et där [3], maison, palais, et ré: © (2) Voyez pag. 329, alin. $ et not. $. pond au mot majordome, où maître du palais. ; Ga SU, Poe Là note suivante 6. (6) Voyez p. 327 al. dern. et Lee 115et p.336, al. 3. Voyez, pour les pièces de cuivre qui présentent le mot (4) de D dynâr, pag. 342, alin, 1.4 {s) shall. Ce mot est dérivé de deux mots Persans, (7) Voyez pag. 326, alin. avant-dernier. 220 MÉMOIRE Le cours forcé que l'on donna aux f/ous, ou la valeur nominale qu’on leur assigna bien au-dessus de leur valeur réelle, fut cause qu'il s’en introduisit beaucoup de faux dans la circulation. Les pièces de cuivre furent d'abord données en compte jusqu'en 806, où l'on ordonna de les donner au poids, soit qu'il s'en trouvât plusieurs dont le poids étoit altéré, soit qu'il füt trop long et trop embarrassant de les compter. La monnoïe de cuivre finit par devenir la seule monnoie usuelle, et l’on éva- luoïit les marchandises et l'or même en fous. Magryzy , qui a écrit son Traité de 818 à 823 de l’hégire (1), se plaint amère- ment de cet usage absurde, qu'on rougit, dit-il, de rapporter. Jamais le cuivre, ajoute--il, n'a été considéré dans aucun pays, ni anciennement , ni dans ces der- niers siècles, comme une monnoïe principale; il n'a commencé à avoir COurs , en cette qualité, que sous le monarque le plus exécrable, eZ Näser Farag (2), L'argent est proprement la monnoïe légale qui n’a Jamais cessé d’avoir cours dans le monde, et ce sont les monnoies de cuivre qui ont ruiné l'Égypte. Il propose au sultan qui régnoit alors sur l'Égypte, «= Malek el Maouyad (3), et qui avoit rétabli la fabrication des &rhem, 1.° d’ordonner que dans tous les actes publics et privés, sur tous les registres des finances, enfin dans tous les marchés et stipulations, aucune somme ne soit énoncée autrement qu’en drhem maouyady (4); 2.° de démonétiser les anciens felous, et de leur substituer des f£/ous maouyady, dont le poids et la valeur seroïent établis sur les bases suivantes : on ajouteroit au prix du gantär (5) de cuivre que l’on importe du pays des Francs (6), tous les frais qu'il en coûte à l’hôtel des monnoïes pour les convertir en flous, et l'on en concluroit combien il en faut pour la valeur d'un zä4r et pour celle d'un drhem maouyady. M cherche à prouver la bonté de cette opération ; mais il est certain qu'elle eût fait beaucoup de tort au peuple, sur-tout à la classe peu fortunée, dans laquelle se trouve répandue la presque totalité de la basse mon- noie, et dont on eût diminué tout d'un coup et par une secousse violente les modiques ressources. | La seule mesure juste et loyale eût été d'échanger à la monnoïe, contre des dynär et des dirhem, les felous démonétisés, en raison de la valeur pour laquelle ils avoient cours dans le commerce avant leur démonétisation; valeur qu'on eùût pu estimer en prenant pour terme de comparaison le prix moyen des denrées de première nécessité [ du blé, par exemple | en nér et dirhem nouveaux. Mais il seroit arrivé infailliblement qu'on eût trouvé dans la circulation une quantité de felous bien plus considérable que celle qui avoit été émise par le Gouvernement, et cette opération eût été ruineuse et impraticable. Quand le Gouvernement fait fabriquer une trop grande quantité de monnoïe ayant une valeur fictive et un cours forcé, il se met dans l'alternative, lorsqu'il devient urgent de remédier aux (1) De 1415 à 1420 de l'ère Chrétienne. notre Notice sur les Poids Arabes anciens et modernes, (2) Voyez pag. 327, not. 11, et pag. 335, alin. dern. pag. 230, dernier alin.; page 236, alin. 2 et note 1.'°; (3) Voyez pag. 330, alin. 2, et pag. 334, alin. 6. page 246, remarq. 13.° (citée page 323, note 1."°). (4) Voyez ibidem. (6) Voyez pag-335, alin. dern., et pag, 326, alin. avant- (5) Voyez, pour le mot gantär et la valeur de ce poids, dern. abus SUR LES MONNOIES DÉGYPTÉ. 207 abus qui en résultent, ou de s’obérer, s’il veut retirer la monnoie pour sa valeur nominale, ou de faire banqueroute aux particuliers, s’il ne la prend que pour sa valeur réelle. Lorsque la fabrication des monnoïes d’argent fut rétablie, qu'elles se multi- plièrent ainsi que leurs subdivisions; que leur poids, leur titre, et par conséquent leur valeur, furent successivement diminués, elles purent servir à l'achat des menues denrées et tenir lieu de monnoiïe de détaïl, On put se passer plus faci- lement des monnoïes de cuivre, plus altérables, d’une odeur désagréable , décré- ditées par latrop grande quantité miseen circulation, beaucoup plus embarrassantes par leur volume, exigeant par-là même des frais de fabrication plus considérables et présentant moins de bénéfice au Gouvernement. On diminua ou l’on cessa entièrement l'émission des pièces de cuivre; et le mot fé/ous , qui désignoit d'abord particulièrement la monnoie de cuivre, s’appliqua ensuite aussi à la mon- noie d'argent, et devint un mot générique, qui répond en français à celui d'argent ou de 7ronnote (1). Les.pièces de cuivre qui furent fabriquées, soit sous e/ Maouyad (2) pour servir d'appoint aux &rhem dont il avoit élevé le titre, soit à une autre époque pour suppléer à la rareté de la monnoie d'argent, prirent le nom de gedyd (3), qui signifre nouveau, c'est-à-dire, monnoie nouvelle. Nous publions, sous les n° 25 et 26, deux gedyd. de cuivre d'une époque et d’une fabrication différentes (4). _ Enfin, la valeur des denrées continuant à augmenter, et celle des médins à diminuer , au point qu'il ne fut plus nécessaire de recourir À une monnoïe de moindre valeur, on a cessé la fabrication des gedyd depuis long-temps. Cependant le petit peuple fait encore usage, soit de divers gedyd, soit de petites pièces de cuivre grossièrement taillées et sans empreinte, qu’il se procure chez les marchands de cuivre, et qui, dans le détail, lui tiennent lieu des subdivisions du médin , afin qu'il puisse acheter les menues marchandises, telles que des herbes, pour une quantité moindre d’un médin ou para. Il faut jusqu’à dix de ces pièces pour valoir un médin; en sorte qu'on peut les assimiler à ce qu’étoient chez nous les deniers. $. IV, Médailles ou Pièces de fantaisie. L'usAGE de faire frapper des médailles différentes des monnoïies, et ayant pour but de .consacrer ou de rappeler le souvenir des événemens remarquables des (1) On dit Hét flous Lust es], « donne de Far- d’autres pays djedyd. On est convenu, dans la! Descrip- » gent», ou «donne de la monnoie» , s’il agit de chan- tion de l'Égypte, de représenter le Z par g devant le ger un sequin ou une piastré. PARENT Lu mil, et Pi comme devant les autres voyelles. beaucoup d'argent. (4) Voyez la planche des monnoïes gravées, à la suite (2) Voyez pag. Li alin, 2; pag. 334, alin. ”. et dece Mémoire. Voyez, pour la forme, le type, &c. de ces pag: 336, alin. 3. monnaies de cuivre, les divers paragraphes du chap. Il, (3) sus: On prononce au Kaire guedyd, et dans pag. 344 et suiv. Ë. M. TOME Il. V v 328 MÉMOIRE règnes par des emblèmes, des dates ou des légendes, n’est point connu dans l'Orient, ou du moiïns n'y est pas établi en système, comme chez les Européens. Il existoit cependant une coutume fort ancienne, et qui est suivie encore de nos jours ; c'est de faire fabriquer, à certaines époques, pour étrennes ou pour gratifications, des pièces d’or qui ordinairement ne différoient des autres qu’en ce qu'elles avoient beaucoup plus de surface. Quelquefois le graveur donnoit à son écriture plus d'élégance, plus d'apparence et de richesse au grenetis; ou il traçoit deux grenetis concentriques, l'un autour et l'autre sur le bord de la pièce; enfin il ajoutoit, entre ces deux grenetis, des fleurons, des entrelacs ou autres orne- mens ; mais communément la légende, le titre des pièces et le poids étoient les mêmes; ou l’on doubloit ce poids pour former des doubles-fondouklis, des doubles-sequins ; ou bien on ne laugmentoit que de moitié. Les pièces équiva- joient, dans ce dernier cas, à 1 fondoukli =, ou à 1 sequin +. Tels sont les fon- douklis gravés (dans la planche relative à notre Mémoire) sous les n.% 1 et 3 (1). Cependant l’on changeoït quelquefois la légende, et lon amplifroit les titres -du souverain, soit pour distinguer les pièces des monnoïes ordinaires, soit pour honorer le prince. La pièce d’or que nous ‘avons fait graver sous le n.° 12, en offre un exemple {2} : elle est plus grande que les autres, et est évidemment une pièce de plaisir ou d'étrennes, différente du sequin gravé sous le n° 11, quoi- qu'ils soient frappés l'un et l’autre au Kaire, sous le même règne; celui de Mous- taf ä (3), monté sur le trône de Constantinople en 1171 [1757 de notre ère] Quoique ces pièces de fantaisie ressemblent plus à des monnoies qu'à de vraies médailles , elles circuloient peu; se gardoïent comme nos pièces de crédit, de mariage, ou de gala, ou comme nos jetons ; se portoient en ornement (4) , se donnoïent en cadeau, et se vendoient quelquefois aux Juifs pour être fondues. .… Un usage semblable existoit en Perse. On y fabriquoit, au rapport de Char- din ($), pour les distribuer au jour de l'an, des pièces qui n’avoïent pas cours de monnoîïe, Les pièces d'or de Constantinople, que M. Bonneville a publiées sous les n.”* 6,7,8, 10, 11 et 20, planches 1, 2 et 3 des Monnoïes de Turquie, et celles du Kaiïre sous Îles n.% 4, 1$ et 21, mêmes planches (6), ne sont pas précisé- ment des monnoïes courantes, mais des pièces d’or d'étrennes ou de fantaisie; les premières, de l'espèce des fondouklis (7); les autres, de celle des sequins ou zer-mahboub (8). n Magryzy , dans la Description de l'Égypte, dit, en parlant des cérémonies du jour de lan, que le khalyfe donnoït ordre, à la fin de l'année, de fabriquer à l'hôtel des monnoies, au millésime de la nouvelle année, un certain nombre de (1) Le premier est un double-fondoukli; le second, (5) Voyage de Chardin en Perse, tom, IV, pag. 270, un fondoukli simple. Voyez pag. 346, alin. 2. Voyez la édit. de 1717. planche à Ia suite de ce Mémoire. Voyez aussi pag. 331 de ce Mémoire, not, 7. (2) Voyez la planche, Voyez aussi pag. 359, alin. 3, et (6) Traité des monnoïes d’or et d’argent qui circulent pag. 372, alin. 2. chez les différens peuples, &c.; Paris, 1806. — Aprés la (3) Moustafä ben Ahmed [az U? ges ] Ben page 20s. veut dire fils. (7) Voyez page 328, alin. 2. (4) Voyez pag. 327, alin. 1e (8) Voyez ibid. alin. 7. SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 393 dynér, de rouba yeh (1), de girât et de dirhem ronds (2), qu'il envoyoït pour étrennes au vizir, à ses parens et à chacun des officiers de plume et d'épée. On envoyoit aussi des dnér seulement, en présent aux officiers et salariés, pour la fête des victimes. Cette fête, qui duroit trois jours, termine le ramadän (3), qui est, en quelque sorte, le carême des Musulmans. Magryzy rapporte, dans un autre passage, qu'à l'ancien hôtel des monnoïes, le premier qui fut établi au Kaire, on frappoit, du temps des Fâtémytes (4) , les dynär ou plutôt les 4haroubah ($) des étrennes et du jeudi des lentilles. Ce jour étoit le jeudi saïnt des Qobtes (6), lequel avoit pris le nom de jeudi des lentilles, parce que les Chrétiens font cuire ce jour-là des lentilles. C'étoit encore, du temps de Magryzy, l'époque d'une des foires les plus célèbres au Kaïre et dans toutes les provinces d'Égypte : Magryzy appelle aussi le jeudi du serment. Dans la première partie du passage de Magryzy que nous venons de citer, il n’est point question de girät (7), mais seulement de rouba'yeh et de dirhem ronds qu'il désigne par #ogachgalah, épithète dont M. de Sacy ignore la signification. En parlant ensuite de la distribution des pièces d’étrennes, Magryzy ne fait plus mention de &rhem ronds, mais de girät, et, dans d'autres endroits, de kharoubah. M. de Sacy présume que les drhem dont il est question sont ce que lauteur ap- pelle ensuite grät. Il nous paroît plus vraisemblable que le girät et le Kharoubah étoient la même pièce d’or. Le zitgäl, qui étoit le poids du dynér, se divisoit en vingt-quatre grét (8), et le girät étoit censé égal au poids du Kharoubah ou grain du caroubier (9). Il y a sans doute omission dans la première partie du passage de Magryzy ; après les rouba yeh, il auroit dû citer aussi les girät. Dans les distri- butions au vizir, à ses parens et aux officiers de plume et d'épée, il ne s'agit plus que de monnoies d'or, et le gsrät étoit la plus petite pièce de ce métal, la même dont parle ensuite notre auteur sous le nom de Kharoubah. Enfin les dirhem ronds étoïent une monnoïie d'argent, qui n'étoit distribuée sans doute qu'aux gens du vizir et des principaux personnages, et aux ouvriers de la monnoïe (10). On ne frappoit que des kharoubah pour le jeudi des lentilles ; et cette fabrica- tion varioit de dix mille à vingt mille de ces pièces. On y employoit de cinq cents à mille dnér. Outre que le poïds des dynär pouvoit bien, à cause du frai ou de altération dans le poids des monnoiïes d’or, être au-dessous de 1 rxtgél ou de 24 girât (11), le surplus des dynär étoït employé en déchets, frais de fabri- cation, gratifications aux employés de Îa monnoie. On voit, d’après ce que nous venons de dire, que les pièces d'or appelées girât où kharoubah étoient fort petites et d’une valeur modique ; elles étoient (1) axes, , de rouba’[ 23, ], qui signifie quart. (6) Voyez p. 78 du Traité des monnoïes de Magryzy , (2) Voyez pag. 344, alin. 3, et pag. 340, alin. 5. not. 152. (3) «ba, ; neuvième mois de l'année musulmane. (7) Voyez notre Notice sur les Poïds Arabes, pag. 231, (4) ab où wsaebls, pluriel de Fâtemy[ LG]; du alin. avant-dern. ; pag. 237, alin, 6; pag. 245$ et 247, nom de Fétmah [ab], fille du Prophèteet épouse d’A”’ly, remarq. 9.°, 23.° et 24.° dont ces khalyfes se disoient descendans. Ils régnèrent (8) Voyez ibid. d’abord en Afrique et s’emparérent ensuite de l'Egypte. (o) Voyez ibid. (s) Voyez note Notice sur les Poids Arabes, pag. 237; {10) Voyez ci-après, pag. 340, alin, $, alin. 6 et not. $: pag. 247, rem. 23.9 (11) Woyez pag. 347, alin, 2. É, M. TOME IL. Vv2 340 MÉMOIRE aux monnoies d'or ce que les médins ou paras sont aux monnoies d'argent. De nos jours on a conservé l'usage de faire frapper, pour étrennes et pour être donnés en présent, ou pour être remis à des personnes de distinction (qui en faisoient la demande et qui envoyoient de l'or pour Je faire monnoyer), des sequins, des demi-sequins et des quarts de sequin, qui ne différoient des autres que par une plus grande surface, et par le soin que le graveur mettoit À tracer l'écriture des légendes. Les présens ou gratifications en argent s'appellent #akhchych (1). Dans les pays soumis au despotisme, et sur-tout dans ceux où le pouvoir appartient au plus fort et au plus hardi, c’est un moyen efficace et très-usité de se faire des partisans, que les présens et les largesses. I n'y a guère de droits établis et de Justice distributive ; tout est faveur et libéralité. On paie très-peu en traitemens fixes, et quelquefois beaucoup en gratifications. On ignore dans ces pays la réserve ou l'espèce de pudeur qui sied aussi bien à celui qui donne qu'à celui qui reçoit. Dans les fêtes privées, où l’on admet pour divertissemens les 4’/4nch (2) ou danseuses du pays, et des musiciens ; lorsqu'on paroît satisfait du talent des virtuoses, les personnes invitées leur font des ca- deaux en argent, et lon proclame le nom de celui qui a donné et la valeur de son présent. L'amour propre et l’ostentation sen mélent: on a vu plus d'une fois la vanité piquée d'un 4ey ou d'un cheykh donner jusqu’à cent sequins à un musi- cien barbare. Les grands ont une nuée de domestiques qui les suivent par-tout, et à qui ils ne donnent point de gages : ils leur font seulement présent d’habits ou de quelques menues pièces d’or à certaines fêtes (3); mais ils leur laissent le droit de mettre à contribution ceux qui ont besoin du maître. On ne l’aborde guère sans distri- buer des bakhchych aux valets. Ils vous en demandent, si vous oubliez de leur en offrir, et quelquefois ils en exigent. Au reste, un pareil usage existe encore dans tel pays de l'Europe où, dans le palais même du prince, les gens de la maison, qu'on appelle /a famigha, Vous attendent au passage pour vous demander la #vona mano. Les drhem ronds sont les seules pièces d'étrennes en argent dont nous ayons entendu parler (4). Les médins étant actuellement la seule monnoie d'argent usitée en Égypte, on en distribue, sans rien changer à leur fabrication , aux employés et ouvriers de la monnoie, pour étrennes, et à la fin du ramadän (5). 6. V. Fausses Monnoies. Pcus il y a de différence entre la valeur nominale et la valeur réelle de la monnoie , plus le Gouvernement est exposé à la voir contrefaire, soit dans l’inté- rieur, soit par les étrangers. (1) yiki£, mot Persan qui signifie don, cadeau; de (3) Voyez pag. 337» alin. dern. bakhchydan | susäX], donner. (4) Voyez pag. 338, alin. dern, et pag. 339; alin. 2. (2) Voyez, sur les a’/meh d'Égypte, É. M, tome Æ, (5) Voyez ibid. et pag. 339, not. 3. Pi 695, — A’Imeh [AL ] signifie proprement savante. SUR LES MONNOIES DÉGYPTE. 241 Peut-être est-ce au gain considérable qu'a dû présenter la fabrication des espèces dé cuivre, lorsque cette monnoïe est devenue la principale et presque la seule d'Égypte, et à la tolérance, dans la circulation, des monnoïes des pays voi- sins, qu'on doit attribuer cette quantité de pièces de cuivre, plus mal exécutées les unes que les autres, sur lesquelles on a imité grossièrement les anciens types, les anciennes légendes, et même les noms et les figures de princes Chré- tiens (1) et des princes Musulmans. Le bas peuple, les Arabes et les f&/4h (2), étant, anciennement comme aujour- d'hui, très-ignorans, ont pu recevoir des peuples voisins et introduire de proche en proche jusque dans l'intérieur du pays diverses monnoïes, sans reconnoître si elles étoïent fausses ou étrangères. Nous avons eu, en Égypte, un singulier exemple de cette ignorance. Lorsque notre armée y arriva, les pauvres paysans se connoïssoient si peu en métal et en monnoiïe, que, tandis qu'ils hésitoient à prendre nos écus de France, parce qu'ils n’étoient pas habitués à voir de si fortes pièces, ils échangeoient avec nos soldats, qui étoient aussi surpris qu’en- chantés du succès de ce qu'ils appeloient une ruse de guerre, toute sorte de comes- tibles contre des boutons de cuivre, d’étain ou de composition, pourvu qu'ils fussent plats et qu'on en eût supprimé la queue ou l’anneau qui sert à les attacher. Les feläh (3) les prenoïent pour des monnoïes, parce qu'ils se rapprochoïent davantage de la forme et de l'apparence des monnoïes de bas aloï dont ïls avoïent une idée imparfaite. [l en résulta que les vêtemens d’un grand nombre de nos soldats , en arrivant au Kaïre, se trouvèrent dégarnis de boutons. On peut ajouter que la fraude dans le titre des monnoies est d'autant plus facile chez une nation peu éclairée, que l’art des essaïs est un secret qui n'est guère connu et pratiqué qu'à la monnoie. Les arts sont trop imparfaits en Égypte , les ouvriers sont trop dénués de res- sources ou d'industrie, et trop exposés aux délations et à la surveillance d’une police rigoureuse, pour que la fabrication, un peu en grand, des fausses mon- noiïes, puisse jamais s'y établir. Quelques ouvriers, à diverses époques, ont bien pu y fabriquer de fausses pièces par des moyëns peu compliqués qui n'exigent que de la patience et de l'adresse des maïns ; telle pourroit être la fabrication au mar- teau et au poinçon : mais il est plus probable que l'introduction des fausses mon- noïes a souvent été due à la rivalité, à la haïne ou à la cupidité des nations ou peuplades voisines. | Tout porte à croire aussi que, dans des momens d'anarchie et d’usurpation, ceux qui s'emparoïent du pouvoir, ont poussé quelquefois eux-mêmes l'abus de bénéficier sur les monnoïes, jusqu'à en fabriquer de fausses. Magryzy rapporte qu O'beyd-Allah ben-Zyäd (4) altéra le premier les drhem, et en fit frapper de faux, quand ül s'enfuit de Basrah ($), en l'an 64 de l'hégire [ 684 (1) Woyez pag. 349, alin. 4, et pag. 351, alin. 2. (4) 505 4 al ue (2) Nous entendons les Arabes qui se sont établis sur (s) Basrah [+,2, ], dont nous avons fait Bassora, la lisière ou même dans l'intérieur de l'Egypte. O’beyd-Allah étoit gouverneur de cette ville pour le kha- (3) ec: au pluriel, felähyn EE ] Ivfe Mo'aouyah ben-Y'ezyd. 3 42 MÉMOIRE de notre ère |. Sous les dynasties Persanes des Bouydes (1) et des Seeucydes (2), les mauvais drhem se multiplièrent et se répandirent dans les provinces. M. Tychsen cite des exemples de monnoïes Arabes de cuivre dont la légende porte : « Ce dynär (ou ce dirhem) a été frappé à &c.» Comme les 4nér étoient des : monnoies d'or, et les dirhem des monnoïies d'argent, il paroît évident que ce sont de fausses pièces qui avoient été dorées ou argentées lors de leur émission; à moins que, pour éviter la dépense de faire fabriquer de nouveaux coins, on n’eût employé, pour frapper des pièces de cuivre, ceux qui avoient servi à fabriquer des mr. On a soupçonné les Mamlouks, lorsqu'ils se sont emparés de la monnoïe du Kaiïre, d’avoir, dans des momens de détresse, altéré les monnoîïes, et d’avoir particulièrement fait fabriquer de fausses pièces d’or. Nous avons vu au Kaire plusieurs fondouklis qui passoient pour faux. Nous en avons fait graver un. sous le n.° $ : il porte, du côté À, le chiffre du sultan A'#de/-Hamyd ben-Ah- med (3); de l'autre côté B, l’année 1187 [1774 de notre ère |, qui est celle de l'avénement de ce sultan; et en haut de la pièce, le chiffre 9, qui indique que la pièce a été fabriquée en 118-9 [1775 | (4), époque qui répond au temps où le Mamlouk Mahamed-bey, surnommé Abou-dahab ($) [le père de l'or | à cause de sa prodigalité, ayant succédé à A'h-bey, qu'il trahit et fit périr, se préparoit à porter la guerre en Syrie contre Déher (6), ancien allié d’A‘-bey. Au reste, les chiffres que présentent ces fondouklis ne prouveroïent pas qu'ils eussent été fabri- qués précisément à l’époque qu'ils indiquent; car il est très-possible, quand il s'agit dé fausse monnoïe, que la date elle-même soit fausse. Parmi les médins qui circuloïent dans le commerce, nous en avons rencontré quelques-uns de cuivre jaune blanchi. $. VI. Monnoie de Compte. ON appelle monnoïe de compte, pour la distinguer de la monnoïe réelle, une unité de monnoïe fictive qui sert à exprimer et calculer les diverses valeurs : aïnsï notre livre tournois étoit une monnoiïe de compte, parce que les sommes s'expri- moient en livres, quoiqu'il n'y eût point de monnoïie réelle d’une livre. Nous avons vu que les Égyptiens avoient d’abord compté en dynär (7), ensuite en drhem (8), et même en jéous ou monnoïe de cuivre (9), et qu'ils comptent aujourd’hui en médins (10); néanmoïns les impôts ont été assez anciennement et continuent à être établis en une monnoie fictive qu'on appelle pataque (11). Il (1) Dn nom de Bouyah [#1], chef de cette dy- (s) 5 2! Es DsË. Voyez p.387, alin.7, et p.373, nastie. not. 3. ’ (2) Ou Selgioucydes, En arabe, Sélgiougyoun [ 638 su JF (6) lb. Voyez le Voyage en Égypte et en Syrie de ou plutôt Selgougyah [ia su] ; du nom de Selgoug M. de Volney, édit. de 1787, tom. I, pag. 131. [ &s%e], un de leurs chefs. (7) Voyez pag. 325, alin. 3 et suiv. (3) 8 amd ous, Voyez pag. 387, alin. 7. (8) Voyez pag. 329, alin. 6 et suiv. Voyez la planche des monnoies gravées, pièce n.° 5. (9) Voyez pag. 336, alin. 1.* et suiv. (4) Voyez, pour les millésimes, pag. 367, alin. 3 et (10) Voyez pag. 334, alin. 5. suiv. (11) Weyez pag. 332, alin. 2 et not, s. SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE, 3 43 paroît que, l'ayant été, dans origine, en @nér, et ensuite dans la monnoie d'or qui remplaça le dynér, on admit concurremment avec cette monnoîie, trop rare pour acquitter les impôts, celle des piastres et thalaris ou zy4/ {1}, devenus abondans dans le commerce et qui avoient alors à peu près la même valeur, en monnoie courante telle que pouvoient être les Grhem, les flous où médins. La pataque, monnoiïe fictive, lors de l'arrivée des Français en Égypte, passoit pour être de 90 médins, taux auquel A’#-bey, vers 1773 de notre ère, avoit fixé la valeur du thalari (2). Alors la pataque monnoïe de compte, dans laquelle se calculoït et se prélevoit l'impôt, et la pataque monnoïe réelle, ou le thalari, furent toutes deux, pendant quelque temps, de 90 médins; maïs, tandis que la pataque, en matière d'impôt, continua à être de 90 médins, la valeur du thalari alloït en augmentant, par la dépréciation des médins , et valoit, lors de notre arrivée, jusquà 150 médins. Comme le SequiN zer-mahboub, à cette dernière époque, étoit de 180 médins, le demi-sequin, qui en valoit 90, équival pataque monnoïe de compte. OÏt à une En remontant vers l'établissement de l'impôt en pataques, il est certain que cette monnoie de compte, ou celle qu'elle remplaça, équivaloit à moins de 90 médins. Les serr4f (3) et les Qobtes (4) qui étoient chargés de la perception des impôts, et qui, vers l'époque de la conquête de l'Égypte par les Français, per- cevoient assez généralement 90 médins pour chaque pataque , ne comptoient au moultezim (5) que 80 ou 8$ médins, et gardoient pour eux la différence, ou comme profit abusif, ou comme indemnité convenue. Si, par hasard, le contri- buable payoit en demi-sequins, ils ne prenoïient le demi-sequin que pour une pataque de 85 médins, et le comptoient pour 90 au moultezim. Les médins perdant continuellement de leur valeur, tandis que le produit des terres, tant en impôts qu’en redevances ou prix de ferme, étoit fixé en pataques monnoie de compte, le Gouvernement et les moultezim , pour ne pas voir diminuer continuellement leurs revenus, avoient deux partis à prendre, ou celui d'évaluer la pataque.à un plus grand nombre de médins, à mesure de la dépréciation de cette dernière monnoie, ou celui d'ajouter de nouveaux impôts. On n'eut presque jamais recours au premier moyen; maïs on usa amplement du second, et l’on créa une foule de contributions additionnelles , dont la quantité finit par excéder de beaucoup l'impôt primitif (6). Quoique cette marche soit à peu près celle de La plupart des Gouvernemens, qui, au lieu d'augmenter directement l'impôt territorial, ou le principal des contributions, élèvent plutôt les recettes, À mesure des besoins de l'État , par (1) Voyez pag. 332, alin. 2 et not. 3. et le Mémoire sur les finances de l'Égypte, par M, Estève, (2) Voyez ibid. alin. 1% et not, 1.re pag 772, (3) Ou changeurs publics. Voyez notre Notice sur les Poids Arabes, pag, 247,remarq. 26.° (déjà citée pag. 323, not. 1.). Voyez aussi pag. 425, not. 2. (s) px. Le moultezim est le propriétaire on sei- gneur des terres, dont le paysan ou colon, qu’on appelle felläh (voyez pag. 341, not. 3), n’est que Île tenancier. (4) Voyez, pour cequi concerneles fonctions que rem- Voyez les Mémoires cités dans la note précédente. plissent les Qobtes et les serrdf dans la perception des (6) Voyez, pour ces divers impôts, les Mémoires ci- impôts, le Mémoire sur l'administration de l'Égypte, dessus cités dans la note 4. par Michel-Ange Lancret, Æ, A. tom, L.®, pag. 242 ÿ \ MÉMOIRE 344 des centimes additionnels , ou des impositions diverses, les gouverneurs de l'Égypte nous paroïssent avoir eu un intérêt particulier à ne pas surhausser la valeur de la pataque dans la perception des impôts. Le myry (1), impôt territorial établi par Sem (2), ou plutôt par son suc: cesseur Jolymän 1. (32), pour être versé au trésor des sultans de Constantinople, étant perçu en pataques monnoie de compte, dont la valeur restoit la même, on ne payoit au sultan, pour le wyry, que la même quantité de médins qu’an- ciennement, et tous les prélèvemens additionnels établis par les mamlouks ou les gouverneurs, et même par les moultezim , tournoient à leur profit. Les fortes sommes s’évaluent en bourses ou sacs (4) de 25 000 médins. A Constantinople, le sac n'est que de 20 000 paras. CHAPITRE IL Forme et Module. EE EE Forme. Les Arabes, avant l'islamisme, si l’on en croit Magryzy, ne se servoient que de morceaux d’or et d'argent informes, dont les divisions coïncidoïent avec les poids et en portoïent les noms. Quelques peuples ont eu des monnoiïes carrées. On fabrique encore ou lon fabriquoit, il y a peu d'années, en Barbarie, des pièces d'argent ovales ($), ou de la forme d’un parallélogramme dont les côtés sont Iégèrement convexes (6) : mais l'usage général a toujours été d’arrondir les mon- noïes, parce que cette LOqine est la plus commode et la moins sujette à s’altérer par le frottement. L'émyr des fidèles 4’#d- Allah ben-elZobeyr (7), qui se fit déclarer Kkhalyfe à la Mekke, lan 64 de l'hégire [683 de notre ère|, fut le premier qui fit arrondir les monnoies d'argent; celles qu'on avoit fabriquées jusqu’à lui étoient aplaties et grossièrement exécutées : mais il est probable que la forme ronde qu’on leur donna ne fut pas encore bien parfaite, qu'on aplatissoit le métal au marteau, qu’on le frap- poit au poinçon, et qu'on ne connoissoit point le laminoir, le coupoir et le balancer. Tel étoit l'usage suivi anciennement chez les Grecs et les Romains, et depuis en Europe. En France, ce ne fut que sous Henri II que le laminoir fut adopté, (1) œil (2) pe Voyez le Mémoire de Michel-Ange Lancret, cité ci-dessus, pag. 343, note 4. (3) wlal». Voyez ibid. (4) En arabeZys[ e—],sac. On appelle sourrat[ë y], bourse, Îe présent ou tribut envoyé à la Mekke. Voyez la Chrestomathie Arabe de M. de Sacy, tom. LIT, pag. 508 et S62. (s) Nous avons une de ces pièces ovales, avec un cordon sur Ja tranche, pesant 272*"%%,630, faquelle paroît d’un bon aloi, et porte d'un côté: « Frappé à Rabät el- Ferah,[ a) Lo et de l’autre, entrois lignes, Ahed, ahed, r19r [o= w=l 1191]; c’est-à-dire seul, unique, . 1191 [ de lhégire, 1777 de notre ère]. Les if sont de forme noicies et non arabe. Voyez pag, 437, alin. 4. (6) L’autre pièce n’a point de cordon et paroît coulée; elle est semblable du reste à la précédente pour les légendes, excepté que le millésime est 1188 [1774 de notre ère ]; elle pèse 288%, 180, (7) seÿl Ca al AE SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 34$ et ce ne fut que sur la fin du règne de Louis XIII que le coupoir avec le balancier fut appliqué à la fabrication des monnoies (1). El-Malck el-Kämel, qui démonétisa, comme nous l'avons rapporté al. les espèces qui circuloient en Égypte, fit fabriquer en 622 [ 1225 de notre ère] des dirhem ronds. | Nous ignorons à quelle époque le découpoir aura été adopté en Égypte. Il ne seroit pas impossible qu'il leût été antérieurement au temps où lon commença à en faire usage en Europe; car on sait que, lorsque les arts et les sciences floris- soient chez les Arabes, l'Europe étoit encore presque dans la barbarie. Aujourd’hui même on ne taille point en Égypte les pièces d’or au découpoir. Il résulte du procédé qu'on emploïe pour les arrondir et de l’habitude de les frapper à coin libre (3), que le diamètre des diverses pièces n’est jamais rigoureu- sement le même; que rarement elles sont parfaitement circulaires et d’une égale épaisseur; qu'elles sont quelquefois fendues sur le bord; qu'une des deux em- preintes ne marque pas entièrement, si la pièce est trop petite, st l'ouvrier la pose mal sous le balancier, ou si les coins sont mal ajustés, Enfin il arrive assez souvent qu'une partie de la légende ou le millésime manque, ou que l'on à bien de*la peine à les déchiffrer. Les pièces d'argent, ou ghrouch, fabriquées sous A’hy-bey et pendant le séjour des Français en Égypte (4), étant taillées au découpoir, sont, ainsi que les médins, d’un diamètre plus uniforme, et mieux arrondies, excepté celles qui se déforment, étant frappées à coin libre; telle est la pièce d’A’-bey gravée sous le n.° 18, et quelques-uns des médins, n.” 20 et 21 (5). Ce qui contribuoït sur-tout à rendre les pièces de 4o et de 20 médins moins exactement rondes, c'est qu'on avoit la mau- vaise coutume, pour les ajuster, de les limer sur la tranche, au lieu de les limer sur face, comme en France, ou, mieux encore, d'enlever, suivant le procédé adopté à Paris et dans quelques autres monnoïes, une légère couche de l’une ou l’autre surface, au moyen du fer à rabot de la machine à ajuster. Les monnoïes de cuivre sont, en général, celles qui présentent le plus d’irré- gularité dans leur forme et d’imperfection dans l'exécution; soit qu’on crût devoir attacher moïns de prix à leur bonne fabrication, à cause de leur moïndre valeur: soit que les ouvriers y eussent mis beaucoup d'impéritie ou de précipitation, lorsqu'on en frappa de grandes quantités dans les temps les plus malheureux et où les monnoies devoiïent être le plus mal administrées. (1) Voyez le mémoire intitulé Considérations générales (2) Voyez p.334, alin. 3 ,et pag. 330, alin. 2 et not. 4, sur les Monnoies, par M. Mongez, lu à la 2.° classe de (3) Voyez pag. 379, dern. alin, Flnstitut, le 17 germinalan 4 [6 avril 1706], publié, la (4) Voyez p. 333, alin. 1.°* et 6. Voyez aussi p. 427, même année, chez Agasse, libraire , rue desPoitevins. Cet alin. dern. excellent ouvrage estun de ceux qui ont le plus contribué (s) Voyez la planche ci-jointe, Ces pièces ont été prises à mettre à la portée de tout le monde des notions aussi au hasard parmi celles qui ont quelque irrégularité, et le claires qu’exactes sur l’art monétaire, dont on avoit fait graveur a peut-être un peu exagéré les défauts qu’elles long-temps une espèce de science occulte, qui avoitune présentoient, langue particulière, barbare et presque inintelligible, É, M. TOME IL | X« 346: MÉMOIRE SA: Module, LE module des monnoies d’or, d’après ce que nous avons dit précédemment, a dû beaucoup varier : cependant il n'a jamais été fort grand, parce que le poids de la monnoïe d'or ne paroît pas avoir excédé un #itgäl (1), ou un peu plus d'un gros, excepté dans les pièces de fantaisie ou d’étrennes, dont nous avons parlé ci-dessus (2), qui étoïent souvent d’un poids plus considérable, et auxquelles on donnoït toujours, pour qu’elles eussent plus d'apparence, un diamètre beau- coup plus grand. Les plus grandes pièces de ce genre, frappées au Kaïre, que nous ayons vues, ont trente-quatre millimètres de diamètre. Tel est le double-fondoukli que nous avons fait graver sous le n.° 1 (3). La pièce sous le n° 3, qui n'est qu'un fondoukli d’étrennes, a de diamètre vingt-cinq millimètres, tandis que Île fon- doukli ordinaire n’a communément que dix-neuf millimètres (4) Ce module est presque exactement celui des anciens dynär. Nous en avons vu plusieurs, et nous en avons un, entre autres, fort bien conservé, frappé lan 97 de lhégire [716 de notre ère], et dont le diamètre est de dix-neuf millimètres. C'est à peu près aussi le module des anciennes monnoiïes d’or et ex-voto du Bas-Empire (5), des sequins de Venise et de Rome, des ducats de Hollande, &c.; et ce ne seroit pas une conjecture hasardée que d'attribuer à l’imitation et aux rapports commerciaux ce rapprochement dans le module et le poids (6), et, an- ciennement, dans le titre des monnoïes d’or, chez des peuples si différens. Le module des demi-fondouklis est ordinairement de quatorze milli- mètres. Les sequins zer-mahboub, quoique d’un moindre poïds que les fondouklis, sont d’un module un peu plus grand, et ont communément vingt-un millimètres de diamètre. | Les sequins d’étrennes ont beaucoup plus de surface. Celui qui est gravé sous le n.° 12 a vingtsept millimètres de diamètre, tandis que le sequin ordinaire du même règne, gravé sous le n.° 11, et qui est du même poids, n'a guère que dix-neuf millimètres (7). Le module des demi-sequins, qui est environ de dix-huit millimètres, est rare- ment diminué dans le rapport des poids respectifs des sequins et des demi-sequins. Quelquefois même, les demi-sequins, surtout lorsqu'ils sont destinés à des étrennes ou gratifications, sont égaux en surface aux sequins, et frappés au même (1) Voyez pag. 339, alin. 2, et pag. 380, alin. 5. (4) Voyez les pièces gravées sous les n.°° 2,4 et 5. (2) Voyez pag. 337 , alin. dern. (s) Tels sont un ex-voto d’Ælius Constantius et une (3) Voyez la planche jointe à ce Mémoire, pièce d’or de D. N. Valens, que nous avons rapportés La pièce d’or de Constantinople que M. Bonneville d'Egypte. a publiée sous le n.° 6 (pl. 1. des Monnoies d’or de (6) Le poids des anciens fondouklis, particulièrement Turquie), et qui vaut $ fondouklis, a quarante-six ceux de Constantinople, étoit le même que celui des se- millimètres de diamètre; et celle sous le n° 7, valant quins de Venise, Woyez pag. 328, alin. 4 et not. 4. 3 fondouklis, a trente-six millimètres. (7) Voyez la planche jointe à ce Mémoire. SUR LES MONNOIES D ÉGYPTE. 347 coin, comme on peut le voir par celui gravé sous le n.° 14 (1). On pourroit donc lés confondre à da première vue; mais on les distingue assez facilement à l'épaisseur. On peut en dire à. peu près autant du quart de sequin, qui se rapproche quelquefois de la largeur que devroit avoir le demi-sequin ; son diamètre moyen est de seize millimètres. | Les grätet les kharoubah (2), n'étant guère que la vingt-quatrième partie du dynär ou du zrtg4l, devoiïent être une monnoiïe d’or d’un très-petit module, malgré qu'on cherchât, en diminuant son épaisseur, à lui donner plus de surface ; nous n'avons pu nous procurer de ces petites pièces d’or. Le module des drhem varioit aussi sensiblement, comme celui des dynär. Si, dans l'origine, la monnoie d'argent étoit égale en poids au dnér (3), l'argent étant d’une pesanteur spécifique moindre que for, il est probable que les pièces d'argent étoient d’un module plus grand que les dynér. Mais, lorsque les Zrhem furent réduits au poids dé dix pour sept dnér, leur module fut diminué. C'est ce que nous paroît prouver un passage très-curieux de Magryzy, où il dit que l'un des motifs qui engagèrent A’éde/-Melek ben-Merouän (4) à donner à dix &rkem le poids de sept rtq4l ou dynér, c'est que l'or a une pesanteur spécifique plus grande que largent, et que l’on s’est assuré que cette différence est dans le rap- port de dix à sept (5). Pourquoi auroit-on eu égard à cette pesanteur spécifique, si ce nest pour faire les drhem égaux en volume, c'est-à-dire, en surface et en épaisseur, aux dynér ! Un &rhem que nous avons rapporté d'Égypte, frappé sous eZ Déher Rokn-ed-dyn Bybars (6), est assez exactement du même module que les anciens dyrér. Si A’-bey a fait frapper au Kaire des pièces de 100 et de 8o médins sem- blables à celles de Constantinople (7), elles devoient avoir, comme ces dernières, environ quarante-trois ou quarante-cinq millimètres de diamètre. Le module des pièces de 4o médins est de trente-six millimètres ; et celui des pièces de 20 médins, de vingt-neuf millimètres (8). Les médins, la plus petite des monnoïies d'argent d'Égypte, qu'on peut com- parer pour la largeur à nos pièces de 2 $ centimes, maïs qui sont bien moins épais, ont quinze millimètres de module. Nous ne savons pas si l'on a frappé autrefois au Kaïre des subdivisions de médin comme à Constantinople ; nous avons rapporté d'Égypte des demi ou tiers de para, frappés à /s/ämboul (9), qui n'ont que douze millimètres de diamètre. Quant au module des monnoïes de cuivre, il varie beaucoup; c'est en cuivre qu'on trouve le plus de pièces de différens types et grandeurs. Le diamètre des (1) Voyez la planche. Voyez aussi pag. 369, alin. 4,et santeur spécifique de ces deux métaux, à peu près 10 est le Tableau des monnoies,, pièce n.° d'ordre 42. à $ r6563 Ce qui s'éloigne beaucoup du rapport donné par (2) Voyez pag. 339, alin. dern. Magryzy. (3) Voyez pag. 382, alin. 3. (6) Voyez pag. 330, alin. 2 et not. s. (4) pose oo GT wxe. Voyez pag. 353, alin. 1er (7) Voyez pag. 333, alin. 1.%, et pag. 383, dern. alin. (s) La pesanteur spécifique de l'or pur, fondu et non (8) Voyez la planche jointe à ce Mémoire. forgé, est de 192 581 ; celle de l'argent pur est de 104 743, (9) Voyez p. 326, not. 1.'° Voyez aussi le Tableau des suivant Brisson : ce qui donne, pour le rapport de la pe- monnoiïes, pièce sous le n.° d’ordre 61. É. M. TOME IL. SEE à 348 MÉMOIRE plus grandes que nous ayons vues peut se comparer à celui de nos pièces de cuivre de 2 sous ou de 10 centimes. Les plus petites sont de la grandeur d'un de nos centimes. Telles sont celles que nous avons fait graver sous les n° 25 et 26 (1), et dont le module est de dix-huit millimètres environ. Le module ou le diamètre des pièces n’est fixé rigoureusement en France que depuis qu'on les frappe en virole (2). H en résulte que l'épaisseur varie extrême- ment peu, suivant que le métal a été un peu plus ou moins comprimé sous le coup du balancier. Elle doit au contraire varier beaucoup lorsqu'on frappe à coin libre, et que le graveur, lors même que la pièce doït conserver le même poids, a la facilité, toutes les fois qu’il exécute un nouveau coin, d'en diminuer ou d'en augmenter plus ou moins la surface, selon que, d’après son goût ou son talent particulier, il attache du prix à donner à son écriture des traits déliés ou plus larges et plus pleins, et à la pièce plus de délicatesse et de fini ou plus de lar- geur et d'apparence. Une fois le module et le poids donnés, lépaisseux s'en peut conclure à peu près, et il n'en est point en général question lorsqu'on traite des monnoïes ou des médailles; nous n’en disons ici un mot que pour donner une idée plus exacte de l'apparence des monnoïes d'Égypte. L’épaisseur des fondouklis peut se comparer à celle de nos anciennes pièces de 24 sous. Celle des sequins est moindre, parce qu’ils ont plus de surface avec moins de poids. Les pièces de 4o médins, qui sont d'une épaisseur plus uniforme parce qu'elles sont passées au laminoir et taillées au découpoir, peuvent se comparer à hos pièces de 2 francs. Les feuilles qui servent à fabriquer les médins, s'aplatissant plusieurs à-a-fois à coups de marteau (3), ont des épaisseurs assez variables, et il s’en trouve d’extré- mement minces. | Enfin les monnoies de cuivre ont autant varié en épaisseur qu'en diamètre : le gedyd (4) que nous avons fait graver sous le n° 25, à plus de deux milli- mètres d'épaisseur (5), tandis que celui qui est gravé sous le n.° 26, n’en a pas + de millimètre (6). M. Tychsen s'étonne de la grande quantité de pièces Arabes qu'on trouve cou- pées, et il en demande la raison. Elle peut tenir à l'usage singulier et fort ancien qu'ont plusieurs princes, chefs d’Arabes, &c., lorsqu'ils exigent des tributs des caravanes, des marchands ou des voyageurs qui passent sur leur territoire, de faire couper une portion de chaque pièce de monnoiïe de différens pays dont l'étranger est porteur, soit qu'ils veuillent éviter par-là d’être trompés sur la valeur des monnoies, soit que le marchand ou le pélerin tienne à faire constater aïnsi la portion de son numéraire qui lui a été prélevée en contribution sur sa route. … (1) Voyez la planche jointe à ce Mémoire. cuivre aplati d’un coup de balancier, comme cela se pra- (2) Voyez pag. 379, not. 6, tique pour les sequins zer-mahboub. Voyez pag. 433, alin. (3) Voyez pag. 421, alin. 8, et pag. 425 ,alin. $ etsuiv. avant-dern., et 434, alin. 3. Voyez, pour le type de cette (4) Voyez, pour le mot gedyd, pag. 337, alin. 2. pièce, pag. 378, lig. 2, et pag. 365 , alin. 4. (s) Cette pièce paroît faite avec un petit cylindre de (6) Voyez la planche à la suite de ce Mémoire. SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE, 3 Â9 CHAPITRE IIL Type. Said Figures d'Hommes et d'Animaux. : ON sait qu'en général presque tous les peuples qui suivent la religion Musul- mane, s'accordent à regarder comme une pratique coupable, qui sent l’idolâtrie et qui n'appartient qu'aux infidèles, de représenter des figures d'hommes et d’ani- maux. Cependant il existe un grand nombre de monnoïes ou médailles portant des légendes Arabes, le nom de Dieu et du Prophète, ou quelques passages du Qorän , et sur lesquelles on remarque la figure d'un prince dont le nom est ordi- naïrement rapporté dans la légende ou dans l’exergue, ou différentes figures d’ani- maux. Pour expliquer un usage qui paroît si contraire aux mœurs et à la croyance des Musulmans, on a fait diverses conjectures. L'opinion de M. Tychsen (1) est que ces monnoïes ou médailles ont été frappées par des peuples Chrétiens, soit que, sujets, vassaux ou tributaires des sec- tateurs de Mahomet, et obligés par force ou par crainte de faire graver sur leurs monnoies le nom du prince vainqueur ou suzerain et la légende adoptée par lui, ils aïent cependant conservé l’ancien usage d’y mettre une figure ou les armes de leur nation ou de leur ville; soit que, vainqueurs eux-mêmes ou alliés des Mu- sulmans , ou commerçant principalement avec eux, ils n'aïent inscrit le nom du prince étranger ou quelque passage du Qorän que par politique et par intérêt, pour flatter le voisin puissant, ou pour que leur monnoïe eût cours dans les pays sous la domination des Mahométans, et fût reçue favorablement par eux dans le commerce. | Ce qui peut confirmer l'opinion que ces monnoies n’ont pas été frappées par les princes Musulmans, c'est qu'ils y sont représentés le plus souvent dans des attitudes et avec des cheveux, des bandeaux, des tiares, des sceptres et des vête- mens qui n'ont évidemment aucun rapport avec les usages des Mahométans. On voit, sur quelques-unes de ces monnoïes, un centaure ou sagittaire. Cette invention ne peut être que Grecque et ne peut appartenir aux Arabes (2). Enfin quelques monnoïies offrent des attributs et des figures des princes Chrétiens avec des légendes et des sentences Arabes, et même le nom du prophète Mahomet. M. Tychsen, dans son Introduction à la Numismatique des Mahométans (3) ? (1) Pag. 96 de l'ouvrage cité, not. 1."*, pag. 324 de ce vrage de M. Bonneville; monnoïes Orientales, pl, 2. Les Mémoire. pièces gravées sous les n.% 9 et 10 offrent la figure du (2) Les monnoies d’or de l’empire du Grand-Mogol sagittaire. présentent les différens signes du zodiaque. Voyez l’ou- (3) Pag. 94. Voyez la note précédente, n.° 1. 3 $0 MEMOIRE cite un édit du pape Innocent IV qui défend aux Chrétiens, sous peine d’excom- munication, de frapper de pareïlles monnoïes. Adler pense, d'après Barthélemy, qui a publié sur cette espèce de monnoies un mémoire fort curieux {1), que les Seljeucydes (2) et les Turkomans (3), peuple barbare, composé, en grande partie, d’Arabes pasteurs et de brigands, lorsqu'ils se répandirent dans les divers pays qui devenoient leur conquête, n’adoptèrent les usages extérieurs et la religion des Mahométans que par politique, pour éprouver moins de résistance dans leurs usurpations et se maintenir plus facilement; maïs qu'ils mélèrent aux mœurs et aux coutumes des vaincus une partie de celles qu'ils avoient contractées ou prises dans divers pays d’où ils étoient venus. II paroît d'autant moins étonnant, d’après cela, qu'ils aïent cru pouvoir orner les monnoies de diverses figures, à limitation des autres peuples, que l’aversion pour les figures est plutôt une opinion particulière ou une maxime des docteurs et des interprètes de la loï, qu'une loi formelle et obligatoire. On voit encore aujourd’hui, chez différens peuples qui professent la religion Musulmane, des flgures et des tableaux qui représentent des hommes et des animaux. On peut ajouter que, les Chrétiens étant à cette époque beaucoup plus nom- breux qu'aujourd'hui en Orient, et presque tous ceux qui étoient chargés des détaïls des monnoïes et des impôts étant Juifs ou Chrétiens, cette circonstance a pu contribuer à favoriser l'usage ou la mode de représenter des figures sur les monnoies; surtout lorsque celui qui gouvernoït ne s'y opposoit pas, par insou- ciance, ou parce que cette pratique ne répugnoit pas à son opinion particulière. Enfin ne peut-on pas conjecturer que les Arabes eux-mêmes auront fait quel- quefois frapper des monnoïes imitant plus ou moins grossièrement les figures usitées chez les peuples Chrétiens, pour commercer avec eux, ou faire un béné- fice considérable en introduisant chez eux une fausse monnoie (4)! Quant aux contradictions que ces figures ou têtes présentent avec les usages des Musulmans, elles proviennent de ce que les arts étoient très-peu florissans à cette époque, et que les conquérans ou chefs, qui n'en avoïent aucune teinture, aban- donnoïent le soin de la fabrication des monnoïes à des hommes ïignorans, qui, n'étant pas assez habiles pour faire un portrait, se contentoient d’imiter imparfaitement les figures ou empreintes des anciennes monnoïes Grecques ou Romaïnes, ou même d’autres peuples, qu'ils pouvoïent se procurer ou qu'ils trou- voient le plus à leur goût, et gravoïent autour, ou de l'autre côté, en caractères Arabes, le nom du prince ou du gouverneur du pays. Lorsqu'ils furent plus exercés , ou qu'ils sentirent l'inconvénient d’une imitation aussi étrange, ils cherchèrent à représenter les traits et le costume particulier de leurs princes; mais, n'ayant plus de guide dans leur travail et n'étant pas assez (x) Dissertation sur les Médailles Arabes, par M. l'A. Égypte, avec Saladin. Voyez Hist. des Huns, om. 7, Barthélemy , Mémoires de l'Académie, rom. XXVI, p.240;tom.111,p. 256, àc. (Note de M. de Sacy; Tra- pag. 557, in-4. duction du Traité des monnoies de Makrizi, pag. 27.) (2) Voyez pag. 342, not. 2. (4) Voyez pag. 341, alin. 1.9 (3) Les Turkomans, Gozzes ou Uzzes, entrèrent en SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. SLT : habiles en dessin pour composer, leurs représentations n’en furent que plus ridi- cules et plus mal exécutées. T'elles sont celles des figures que l’on voit représentant le prince avec un turban, assis sur un sofa ou divan {1}, les jambes croisées à la manière des Turks, tenant d’une maïn son sabre et de l’autre une tête coupée. Si l'on ne rencontre guère, dans le commerce et dans les médailles d'Europe, que des pièces en cuivre qui offrent les figures dont nous avons parlé, on pour- roit en donner pour raison que celles en or et en argent sont recherchées, d'une part, pour les ornemens des femmes, et ne sortent guère des harem (2), et que, d'un autre côté, leur valeur intrinsèque a déterminé, dans différentes circons- tances, ceux qui en avoient à les vendre, pour être fondues, aux serrdf (3), aux orfévres ou aux Juifs qui approvisionnent les monnoïes de Turquie; en sorte qu'elles sont devenues rares ou ont disparu entièrement. Les pièces de cuivre, d’ailleurs, ont été frappées en bien plus grande quantité, sur-tout dans les temps de désordre et de malheur, où le cuivre devenoït presque la seule monnoiïe en circulation (4). Quoiqu'il soit vraisemblable que plusieurs de ces médailles ont été frappées par des peuples Chrétiens, suivant l'opinion de M. Tychsen ; quoique nous ayons lieu surtout de conjecturer que parmi ces monnoies il s'en trouve un grand nombre de fausses, fabriquées dans le pays ou introduites des pays voisins, il paroît cependant certain que les Musulmans eux-mêmes en ont fait frapper, du moins dans les premiers temps de l’islamisme. Lors de l'établissement de la religion Musulmane, l'usage de représenter sur les monnoies la figure du prince, ou diverses figures emblématiques d'hommes et d'animaux, étant généralement adopté par la plupart des peuples, fut suivi ou imité par les Arabes. L'aversion pour les images n'étoit pas encore devenue géné- rale, et passée, pour ainsi dire, en loi, comme cela eut lieu par la suite. Le Prophète lui-même, au rapport des divers auteurs, fit usage des monnoies qui avoïent cours du temps du paganisme, et les laïssa dans le même état qu'a- vant l'établissement de sa nouvelle religion. Abou-Bekr, qui succéda à Mahomet {s) , en fit autant : l'émyr des fidèles Aou- Hafs Omar ben-el-Khattäb (6), qui conquit l'Égypte, la Syrie et lIrak, laissa les monnoies sur l'ancien pied, jusqu'en l'an 18 de lhégire [639 de notre ère], où il fit frapper, selon Magryzy, « des dirhem de la même forme et aux mêmes » empreintes qui étoient en usage du temps des Cosroës (7) : il ajouta seulement » sur les uns, Louange à Dieu (8); sur d’autres, Mahomet est l'envoyé de Dieu; (1) En arabe, dyouën [ 5l:331, mot tiré du persan, qui signifie originairement les coussins ou espèces de canapés très-bas, garnis de carreaux, sur lesquels les Orientaux s’asseyent, et, par extension, assemblée, réunion de personnes assises. C’est de là qu’est dérivé notre mot douane, É (2) Voyez pag. 327, not.3. (3) Voyez notre Notice sur les Poids Arabes, pag. 247, rem. 26.° Voyez aussi pag. 425 de ce Mémoire, not. 2. (4) Voyez pag. 336, alin. 1." (s) 2% sl. La date de son avénement est lan 11 de Fhégire [ 632 de notre ère]. (6) QE wo 56 Qeis sl oxell sel Vo pag. 325, alin. 4. (7) Cosroës, nom propre Persan, Khosrou | 3 34%] ; en arabe, Kesrä [ «£3«S°], nom que les Arabes donnent en général aux rois de Perse. (8) El-hamd-ellah [A] 5,41 Voyez, pour les deux formules suivantes, pag. 354, not. 8 et not. 7. 3$2 MÉMOIRE » sur quelques autres, T/n'y a de Dieu que le seul Dieu ; sux d’autres enfin, Omar. » Il résulteroit de ce passage que les dem qu'O’mar fit frapper à limitation de ceux des rois de Perse, portoient des figures, et que les légendes étoient écrites en persan. Mo'avyah ben-Sofyän (1) ft frapper des dynér, sur lesquels ïl est représenté ceint d'une épée. | A'bdel-Melek ben Merouän (2), vers Fan de Fhégire 76 [696 ou 697], fit frapper des dynér et des dirhem en Égypte et dans l'Irak. Ses monnoïes étant par- venues à Médine, où äl restoit encore quelques-uns des compagnons du Prophète, ils n'en désapprouvèrent que les empreintes; car elles portoient une figure, Magryzy ajoute : « Sa'yd ben-Mosavab (3) en faisoit usage et n’y trouvoit rien à » critiquer. » La représentation des figures d'animaux semble répugner moïns aux Maho- métans, particulièrement celle du lion. On en voit assez souvent dans les sculp- tures et peintures qui servent d'ornement à leurs maïsons ou à leurs meubles. Tous leurs vaisseaux portent en proue la figure sculptée et peinte d’un lion (4). EFDäher Rokn-ed-dyn Bybars (5), qui monta sur le trône en 658 [ 1260 de notre ère], fit frapper des rhem qu'on appela déhery (6), sur lesquels à fit mettre ses armes, qui étoient la figure d’un lion. Nous avons une de ces médailles d’argent qui porte, au-dessous de la légende écrite en arabe, la figure d’un lion courant, la gueule béante (7). | Abor-l-Farag (8), dans son Histoire d'Égypte, rapporte que le sultan Ghayät ed-dyn ben-Kayqobäd (9), de la dynastie des Seljeucydes (10), par amour pour son épouse, fille d'un prince de Géorgie, avoit voulu faire mettre son portrait sur ses monnoies, et quon lui conseilla d'y faire graver plutôt son horoscope, qui étoit le soleil dans le signe du lion. À Adler a publié, dans son Musée Borgien (11), une monnoie Arabe sur laquelle on voit la figure du soleil au-dessous de celle d’un lion, et de chaque côté une étoile. Elle porte l'an 637 [1239 ou 1240 de notre ère |. M. Marcel (12) possède une médaille qui offre la même empreinte. S, IL. Lévendes religieuses, ou tirées du Qoràn. L'USAGE de ne mettre sur les monnoies que de simples légendes s'établit de bonne heure, et c’est une des plus fortes raisons qu'on ait de penser que les (1) Ou Mo’aouyah ben-Aby Sofjén{ al uw #g%e]. Je Tableau des monnoies à la suite de ce Mémoire, (2) Voyez pag. 347, not. 4. pag. 456, pièce n.° d’ordre 54, et note 4. (3) cute WU? Varo (8) Abou-l-Farag Ce 51, nom Arabe de Grégoire (4) Ces lions sont toujours représentés avec un énorme Bar-Hebræus. phallus. (9) LES 53 wo) | «ls ol} (s) Voyezpag. 330, alin. 2 et not. 5 ; pag. 366, alin. 4; (10) Voyez pag. 342, not. 2. et pag. 387, alin. dern. (11) Museum Cufic. Borg: Velit, Rom. 1782, pag. 60. (6) Voyez pag. 330, alin. 2. (12) Voyez pag. 322; alin. 1.7 (7) Voyez p. 366, alin. 4; 387, alin. dern, Voyez aussi | pièces SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 353 pièces de cuivre dont nous avons parlé, sont fausses, ou n'ont pas été frap- pées par les Musulmans; c'est que presque toutes appartiennent au vi.‘ et au vir.° siècle de lhégire [le xui.° et le x1v.f de notre ère], et se rapportent à la dy- nastie des Seljeucydes (1), tandis qu'il existe des pièces d’or, d'argent et de cuivre, frappées dès le 1.% siècle de l'hégire [ le vir.® de l'ère Chrétienne], qui n’offrent point de figures, mais seulement des légendes, et qu’on en connoît de semblables frappées par les Seljeucydes mêmes. On attribue à A'#d el Melek ben-Merouän (2), qui commença à régner en 6$ [68 s de notre ère |, l'institution du nouveau type musulman, consistant unique- ment en légendes sans figures. On rapporte qu'il adopta cet usage par le conseil d’YezyZ Ben-Khäled ben- Yezyd (3), qui lui dit que les docteurs des peuples dépositaires des anciens livres révélés prétendent que les princes qui ont joui d’une plus longue vie, sont ceux qui ont sanctifié le nom de Dieu sur leurs monnoies. Suivant une autre tradition, Ben-Merouän (4) ayant fait mention du Pro- phète en tête d'une de ses lettres à l'empereur Grec, celui-ci le trouva mau- vais, et lui répondit : « Si vous ne renoncez à cette manière d'agir, nous ferons » mention de votre prophète, sur nos dynér, dans des termes qui ne vous seront » pas agréables. » Abd el Melek en fut piqué, et Khäled ben-Yezyd, qu'il consulta, lui conseilla de créer un type musuman et de cesser de faire usage des dnär Grecs (s); ce qu'il exécuta. On lit dans le Merat el-zamän (6) que, l'année 7$ de l'hégire [695 ou 696 de notre ère |, Abd el Melek ben-Merouän, ayant trouvé des dynér et des dirhem qui por- toient une date antérieure de quatre cents ans à l'islamisme et sur lesquels étoit la légende Az nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit (7), les fit fondre, et fit mettre, sur les monnoïes qu'ils servirent à fabriquer, le nom de Dieu et du Pro- phète, et des passages du Quorän. Dès-lors les diverses légendes consistèrent en sentences religieuses, choisies ou inventées par le prince ou par celui de qui dépendoiïent les monnoïes, ou en passages littéralement extraits du Qorän. Pour donner une idée de ces légendes, nous citerons celles écrites en caractères Koufiques qu'offre un dynér que nous avons rapporté d'Égypte. Sur l'aire À, en trois lignes, le symbole des Musulmans (8): Ïl n’y a de Dieu (que) le Dieu unique. Et il n’a point d’égal (ou d'associé ). (1) Voyez pag. 342, lign. 1.7 et not. 2, (7) În nomine Patris, et Filii, et Spiritüs sancti. En (2) Voyez pag. 347, alin. 3 et not. 4. arabe, Besm el-Ab ou el-Ebn ou el-Rouah [ DŸl ps (4) Voyez la not. 2 ci-dessus. es» 3 LD 5] (s) Voyez pag. 326, alin. 2. (8) SI AJ} Y Zé Allah ellé (6) well El, c’est-à-dire, Miroir des temps, his- | toire d'Égypte, composée par Ben-el-Giouzy. ( Note de M. de Sacy.) J Gs,z Y Là charyk leh. É. M. TOME II. Yy sa; al Allah ouhadeh. MÉMOIRE 354 En marge, en une ligne circulaire, ce passage extrait en partie du @orän (x): v Mahomet est le Iégat de Dieu qu'il { Dieu) à envoyé avec Ja vraie direction et religion, pour qu'il lélevât au dessus de toutes les religions (2). Sur l'aire B, en trois lignes, ce passage du chapitre exit du @oran EUX Dieu {est} un. Dieu (est) éternel. Il n’engendre point, et il n’est point engendré. En marge, en une ligne circulaire (4) : Au nom de Dieu (a été) frappé ce dynér, l'an quatre-vingt-dix-sept [ 716 de notre ère TI M. Tychsen a fait graver un dynér semblable { planche 1°, n° son Introduction à la Numismatique des Mahométans (11). | On na indiqué, comme on le voit, sur ces dynär, ni le lieu où He été fabriqués, ni le nom du prince régnant. On sait qu'ils ont été frappés à Damas. Des drhem de la même époque portent, outre des légendes semblables, le nom de la ville de Damas (5). L'Égypte, depuis qu’elle fut conquise, jusqu’au commen- I ) à la suite de cement du 11° siècle de l'hégire [le x.° de notre ère], fut toujours la résidence d'un émyr, et son type monétaire fut celui des Kkhalyfes. Les drhem mo'ezzy (6), frappés au Kaire l'an 358 [969 de notre ère], offrent, au rapport de Magryzy, les mêmes passages du @orän. l Ces citations ont été plus ou moins étendues, selon que la pièce avoit plus ou moins de surface, ou qu'on en a remplacé une partie par le nom et les titres du Kkhalyfe ou de ses lieutenans, et par le nom de la ville; maïs les mots qu'on remarque le plus souvent et qui ont subsisté le plus long-temps sur les diverses monnoies, sont ceux du symbole ou de la profession de foi des Musulmans : Z/'y a de Dieu que Dieu (7); Mahomet est son prophète (8) (ou son envoyé). Nous les avons retrouvés sur les monnoies du vir.° siècle de lhégire [le xurr.° de notre ère] (9). On peut consulter, pour connoître ces diverses sentences, le traité de Ma- gryzy , les divers ouvrages publiés sur les monnoïes Musulmanes, particulièrement le Museum Cuficum d'Adler (10), l'ouvrage de M. Tychsen (11), et les médailles Koufrques et Arabes publiées par M. Marcel (12). L'usage d'inscrire des sentences religieuses sur les monnoies fut critiqué, dans le temps, par les 7éry (13) ou lecteurs du @orän, qui furent scandalisés de voir” (1) Surat. IX, vers. 33, édit. de Hinckelmann. La cita- (s) Bi-Damachq( ÿäeos ], à Damas. Voyez pag. 365, tion commence au mot arsaleh [a ;| ], alin.,$ et not. 7. (2) Mohamed resoul Alluh arsaleh b-elhedy ou dyn el-hagq (6) Voyez Fe 327, alin. avänt-dern., et 366, alin. 3, ) l-ydaheret a’lä ed-dyn kouleh | «s0gb al | al Jos DeÉ k ) al 3 4) Y sol de po) &il W89 sf Sur. CXII, v. 1. et suiv. (8) a M É | ) | Ÿ àt Allah-ahed. Allah (9) Et notamment sur celle de Bybars que nous avons (3) al a =i a ah ahed, a citée, pag. 352, alin. 5. Voyez aussi le Tableau des mon- À À Deere zRe noies, pièce n.° d'ordre 54, pag. 456 et not. 4. es) | — k ou lam youlad, nc 2 (4) Besm Allah drob hadä el-dynâr senet saba” ou tes- sa°yn [uses s Fe Lu po 0)| lis eye | pes] L’a [|] manque dans le mot dynäâr [531] Voyez pag. 325, not. 3. (10) Voyez ci-dessus, pag. 352, not. 11. (11) Woyez pag. 524not. E (12) Description del Égypte. (13) Qéry [usb ], de garä Lis], il a Iu Voyez pag-323, not: 4. SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE 35$ quon lût en langue vulgaire (1) les noms de Dieu et du Prophète, et des passages du Qorän, sur des monnoïes susceptibles d’être maniées par les Juifs, les Chrétiens, les infidèles, les hommes en état d’impureté et les femmes dans le temps de leurs souillures. Quelques-uns de ces docteurs Musulmans firent dificulté de s’en servir, lorsqu'ils étoient en état d’impureté légale. Cependant plusieurs autres docteurs ne furent pas du même avis, et l’émyr des fidèles Ben A'bd. eLA’zyz (2), à qui l'on proposoit de supprimer les sentences, fit cette réponse remarquable : « Voulez-vous que les nations nous soupçonnent d’avoir changé » notre croyance en un seul Dieu et en notre prophète! » Cependant, long-temps après, l'opinion qui regardoit cette coutume comme profane finit par prévaloir, et on ne mit plus sur les monnoïes que le nom du prince et ses titres, la date de son avénement et celle de la fabrication, et le lieu où la monnoie avoit été frappée. $. IL. Norns et Titres des Princes. LES anciennes monnoies, outre les sentences religieuses, portoient quelquefois le nom du khalyfe ou prince régnant (3). R | Abou-Gafar el- Mansour (4), qui commença à régner l'an 136 de l'hégire [754 de notre ère], paroît être le premier des khalyfes A’bbassydes (s) qui ait fait mettre son nom sur les monnoïes, mais on remarque que ce ne fut que depuis 153 [770 de notre ère], Les monnoïes des années antérieures de son règne ne présentent que des passages du @orän. L'émyr Abou-LA’bbés Ahmed ben-T'ouloun (6), s'étant rendu absolu dans son gou- vernement, comme nous l'avons déjà dit page 327 (7), fit frapper des dynér sur lesquels il paroît qu'il fit mettre son nom. Nous ne savons pas précisément quand on cessa par la suite d'inscrire des sentences religieuses sur les monnoies d'Égypte, pour n’y mettre que les noms et les titres du prince régnant. Ce dernier usage doit être rapporté aux sultans de Constantinople, et nous croyons qu'il a commencé sous Mouräd, fils d'Aour- khän (8), qui monta sur le trône en 761 | 1360 de notre ère |. Le nom du prince s'écrivoit en toutes lettres, et non en forme de chiffre ou paraphe, et il étoit suivi de celui de son père, selon l'usage constant des Arabes. C'est en relatant ainsi le nom que portoit le père, qu’on distingue ceux des sultans qui portent le même nom. Les Arabes n'ont pas l'habitude de les dési- (1) On sétoit d’abord servi de la Jangue Persane. (s) ABbassydes ou A’bbassydes, du nom d'A’bbés( pe] Voyez pag. 352, alin. 1.°", et pag. 375, alin. 1.9 que portoit le premier des khalyfes de cette dynastie, (2) 5359)! où y Abou-l-A’bbâs el-Saféh [Walt (plat 111 (3) Voyez pag. 352, lign. 1."< (6) Voyez pag. 327, alin. 4 et note 7. (4) El-Mansour Loañtl]. Son nom entier est Abou- (7) Voyez ibid. Ga’far el-Mansour Mahmed ben-A’bd- Allah | 22% #l (8) os 5e! V* sl; vulgairement, Amurath fls mue jy dut jpaill]. d'Orkan, ou Amurath L.< Ë. M. TOME II. Yya 35 6 MÉMOIRE gner par des noms de nombre, comme nous faisons pour nos rois, François L.°!, Henri IV, Louis XIIT; et quand nous disons Amurath Il, Amurath III, Ma- homet If, Mustapha HIT, Sélim IT, c'est pour nous conformer à un usage adopté dans toute l'Europe. On lit donc sur diverses pièces de monnoiïe de Turquie (1) : Mouräd ( que nous appelons Amurath ) fils de Mahamed ; Mouräd fils de Selym ; Mahamed fils de Mouräd ; Moustafa fils d' Ahmed ; Selym fils de Moustafa. La-manière de s'exprimer des Européens a l'avantage d'indiquer l’ordre dans lequel les princes de même nom ont régné; tandis que celle des Arabes, non- seulement ne nous l'apprend pas positivement, mais laisse encore de l’incerti- tude, quand il arrive que les noms du fils et du père sont les mêmes pour plusieurs sultans. Aïnsi il y a deux Mahamed fils de Mouräd, Mahomet II et Mahomet IIT; deux Ahmed fils de Mahamed, Achmet 1 et Achmet II; deux He fils de Mahamed, Mustapha [.* et Mustapha II. Il existe une espèce de sequins zer-mahboub sur lesquels les noms sont aïnsi écrits en toutes lettres (2), et qu’on a continué à frapper même depuis que l'usage s'est assez généralement introduit de figurer le nom du sultan dans une espèce de paraphe. Cet usage vient de Constantinople; on appelle toughrä (3) le chiffre ou paraphe du sultan. Les fondouklis 4, ainsi que les pièces de 4o.et 1 20 médins {$), les quarts de sequin (6),les médins (7), et quelquefois même les gedyd (8), ne présentent, sur l'aire À, que ce chiffre, qui occupe la surface de la pièce, ou seul, ou accom- pagné de quelques fleurons qui servent d'ornement. Sur l'espèce des sequins où le nom du prince est écrit en forme de paraphe, son chiffre occupe la partie supérieure de l'aire À, comme on peut Îe voir sur les sequins que nous avons fait graver sous les n.” 10, 11 et 13 (9). Ce chiffre ou paraphe, suivant ce que rapporte M. Tychsen, ne représente pas seulement le nom du sultan entrelacé dans des-traits ; il figure encore, si on le regarde de côté, un cavalier qui court à toute bride : ce qui paroît aux Musulmans une invention ingénieuse et qui convient parfaitement au génie bel- liqueux des Turks, qui jadis combattoient de préférence à cheval (ro). (1) de ur? Sly donne pour létymologie de ce nom du paraphe du sultan. ph UP? Slye (4) Woyez la planche, fig. 1,2, 3,4, 5,6 et7. 3! 0 Go (s) Voyez la planche, fig. 16, 17, 18 et 10. et up ges | (6) Idem, fig. 15. ges LU pu (7) dem , fig. 20, 21, 22, 23 et 24. (2) Voyez la planche des monnoies, fig. 8, 9 et 14; (8) Jdem, fig. 26. et, sur le Tableau des monnoies, les pièces d’or sous (9) Voyez la planche. les n.°5 d'ordre de 27 à 31, 39, et de 41 à 44. (10) Pag. 61 du premier Supplément à lIntroduction (3) Toughrä [|,&b 7]. Ce mot est Turk, et différent du à la Numismatique des Mahométans. Voyez pag. 373, motdoughrä[,s,6,b],qui signifie vérité, erque M.Tychsen not. 2. SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 357 IL est vrai que les Arabes, comme autrefois les Grecs, dans le temps de la déca- dence du bon goût, et comme ceux de nos écrivains qui ont plus d'adresse dafis la main que de jugement, attachent du prix au jeu puéril de figurer avec des lettres et des traits de plume divers oïseaux ou animaux, &c.; mais l'idée de faire res- sembler le paraphe du sultan à un homme à cheval, nous semble tirée de bien loin, et paroît aussi recherchée et aussi forcée que la plupart de leurs étymologies. Ce qu'il y a de certain, c'est que dans ces chiffres, outre divers traits qui ne servent souvent que d'ornement, on distingue les lettres du nom du sultan éntre- lacées avec plus ou moins d’art ou de confusion, maïs de manière à présenter toujours à peu près la même forme de paraphe. On y remarque quelquefois aussi le nom du père du sultan, et toujours le titre de khäz (1), qui signifre empereur. M. Tychsen, dans son Introduction à la Numismatique des Mahométans, donne, pag. 19 et suiv., la série des premiers Kkhalyfes, des khalyfes Ommyades (2), et des khalyfes A’bbassydes, de l'empire desquels a dépendu long-temps l'Égypte ; pag. 1 14, la série des Fâtémytes (3), dont quelques-uns régnèrent sur l'Égypte; pag. 23, la série des khalyfes A’bbassydes créés par les sultans d'Égypte, après la mort d’e£ Mosta’sem Billah ; pag. 28, la série des Ayoubytes (4), qui prirent en Égypte le titre de szalek ou roi. Pour celle des Mamlouks, ïl renvoïe aux tables de M. de Guiïgnes. Enfin il donne, pag. 173, la série des sultans de Constantinople, à la- quelle il faut ajouter aujourd’hui les noms de Moustaf à fils d’A'bd-el-Hamyd ($") ou Mustapha IV, avénement de 1222 de l'hégire [ 27 février 1808 |, et de Mahmoud fils d'A’£delHamyd ($*) ou Mahmoud II ou Mahomet VI, avénement de 1229 de lhégire | 11 août 1808 |. Les princes ont toujours Joint divers surnoms ou titres à leurs noms. Ordinairement ces titres étoïent religieux, tels que 4'#d- Allah (6) ,'serviteur de Dieu; Däher Bi-amr-Allah (7), élevé ou triomphant par le pouvoir de Dieu; e/Näser le-dyn-Allah (8), vainqueur pour la religion de Dieu; eZ Mansour Billah (9), el- Mostanser Billah (10), vainqueur ou victorieux par Dieu. Cette terminaison Bilah a été adoptée successivement par presque tous les princes A’bbassydes, et jointe par eux à leurs surnoms, depuis e/Mo’tasem Billah, fils de Haroun eLRachyd (11), qui commença à régner en 218 [833 de notre ère}, jusqu'a eZ Mosta’sem Billah (12) le dérnier des khalyfes A’bbassydes résidant à Bagdad, qui fut tué en 656 [1258 de notre ère l lors dé la prise de cette ville par les troupes de l'empereur du Mogol, Mankou-khän (13), sous la conduite de Houläkou (14). Les khalyfes de la race des A’bbassydes, que les sultans d'Égypte créèrent ou reconnurent après la mort d'elMosta'sem Billah, en leur laissant une ombre de (1) ol: On dit Le grand khan de T'artarie, (10) Voyez note 12. - (2) Beny Ommyah [ &2l «& ]. Gi)onill Gas ww ab seal’, celui qui succéda (3) Voyez pag. 355, not. , et pag. 339, not. 4. à el-Mämoun, Khalyfe pour la seconde fois. Woyez (4) Voyez pag. 358; alin. 4. pag. 360, alin. 2. (GTR LES DR EE UN de (12) El-Mosta’sem Billah Abou-Ahmed À”’bd-allah el- (6) Voyez note 12. Mostanser Billah rent ml axé oël ss mL ral (7) sl el 514 al; j: \ (8) al wsoil sell (3) 6e 44 ou OIB 4e (9) wb sait (14) NS 3 5 8 | MÉMOIRE pouvoir, ou plutôt un vain titre et l'honneur de faire inscrire leurs noms sur les mormoies, continuèrent pour la plupart à joindre le mot B///4% à leurs titres, depuis el. Mostanser Billah ,en l'an 65 9 {1260 à 1 261], jusqu'à e/ Motaouakkel (à ) Al Allah (2) ou A’ÆAlah, le dernier des khalyfes A’bbassydes, emmené À‘Constantinople par ordre de Sem I.%, lorsqu'il eut fait la conquête de l'Égypte (3). Les khalyfes Fâtémytes d'Afrique et d’Espagne prirent des surnoms semblables. Ces expressions religieuses, jointes au nom du prince, ont de l'analogie avec celle de Der gratiä, par la grâce de Dieu, qui a été long-temps inscrite, soit en entier, soit en abrégé, sur les monnoïes de plusieurs princes Chrétiens, et par- ticulièrement sur les monnoïes de France. Les titres que prit la dynastie des Ayoubytes, qui commença à régner en Égypte lan $68 [1173 de notre ère|, ainsi nommée du nom d’Ayoub (4), père de Saladin, au lieu de se terminer par lemot 4/4}, Dieu, se terminoiïent par ed-dyn($), qui si- gnifie la religion : tels sont 4/44 eddyn (6), le salut de la religion; Nasr ed-dyn (7), le soutien de la religion ; Sayfed-dyn (8), le glaive de la religion ; Neom ed-dyn (9), l'étoile de la religion ; Ghayät ed-dyn (10), le protecteur de la religion. Ce dernier surnom est celui d'ezMo'adam (1 1), qui commença à régner en 647 [1249 de notre ère], et en qui finit la dynastie des Ayoubytes en Égypte. Quelquefois les titres étoïent emphatiques ou glorieux, comme Malek el- A'del (12), le roï juste; Sz/än el Adam (13), le très-puissant seigneur ; eZ Näser (14), le victorieux. Ce dernier nom distingue principalement la race des Mamlouks Circassiens qui se sont emparés du pouvoir souverain en Égypte. Les Ayoubytes en Égypte, depuis Saladin en 568 [ 1173 de notre ère ] jusqu'à el Mo'adam Ghayät ed-dyn (1 5), firent précéder leur nom du titre de Malek (16), qui signifie rois Les Mamlouks Baharytes et les Mamlouks Circassiens suivirent le même usage. Le titre de sultän a été pris fort anciennement par différens princes. Les empereurs Turks de Constantinople l'ont constamment adopté et en font tou- jours précéder leur nom. Après leur nom et celui de leur père, soit que les monnoies les présentent écrits en toutes lettres ou en forme de chiffre, ils ajoutent toujours le mot #/än (17). Sur l'autre aire {B) de la pièce, on lit ces mots disposés en quatre lignes (18): (1) Dont le nom est en partie semblable à celui du (8) wa cha khalyfe dont il est parlé pag. 327, alin. 4 et not. 8. (9) sol (2) wl de, dela préposition a’/ä [«e], sur, et du mot (10). oil clé. Voyez pag. 352, alin. 7 er not. %, Allah [al], Dieu. Voyez ibid. (11) eball, plus connu sous le nom de Tourän-chäh. (3) En 922 [1516 de notreëre]. Selym fit aussi pendre (12) RE EU à une des portes du Kaire, l'an 923 de l'hégire [1517], (13) Ou eL-A’zim [ 4beYt Gb 1 Tomän-bey, le dernier des sultans d'Egypte. (14) sell. Voyez p.327; alin. dern., not. 1ret12, (4) y) et pag. 328, not. 1."* (s) El-dyn [uw 1], la religion. L'article e/ [1] devant (15) Voyez les deux notes ci-dessus 10 et 11. un mot qui commence par une des lettres que les Arabes (16) ulLH. Voyez pag. 357, alin. 3. appellent solaires, change /[,J] en la première lettre (17) Voyez pag. 357, alin. 2 et not. 1." de ce mot. Ainsi, au lieu de prononcer él-dyn, on pro- (18) wa ble Suliänel-baryn, nonce eddyn. wi) ObL , où Rhäqän el- baharyn. (6) Voyez pag. 325, alin. avant-dern. et not. 8. y Otblull El-sultän ebn (7) Us} el otblt el-sultän, SUR LES MONNOIES DÉGYPTE. 359 Sultan des deux terres { l'Europe ‘et l'Asie), et roi{1) des deux mers {la mer Noire et [a Méditerranée }, Le sultan, fils _ du sultan. Ces titres n'ont point varié sur les sequins zer-mahboub depuis fort long-temps, Le plus ancien sur lequel nous les ayons vus est de Mouräd fils de Sem (2), avénement de 082 [ 1574 de notre ère]; peut-être ont-ils été consacrés à une époque antérieure. Néanmoins, sur les sequins d’étrennes (3 }, on est souvent revenu à d'anciennes légendes. Au lieu d'y mettre le nom du sultan en forme de chiffre, on a quel- quefoiïs renouvelé l'usage de l'écrire en toutes lettres; et, au lieu des titres du prince que nous venons de citer, on en a rappelé d’usités plus anciennement. C’est ainsi que sur le sequin d’étrennes gravésous le n.° r2 (4), et qui ne porte point de chiffre ou toughrà (5), on lit, sur l'aire A: . Sultôn Moustaf à, fils d'Ahmed khän, Que ses victoires soient illustres. Frappé au Kaire Fan 1171 (6) [ 1757 de notre ère |. Sur l'aire B: ( Celui qui ) a frappé cet or { est) le maître du pouvoir et de la victoire sur terre et sur mer, 87 (7), c'est-à-dire 11-87 de l'hégire,[ ou 1774 de notre ère |, année de la fabrication de la pièce, qu'on doit attribuer au Mamlouk Mohamed-bey, qui succéda, cette année, au célèbre A'Y-bey, et qui réunit à l'autorité de cheykh el-beled usurpée sur son maître et son bienfaiteur A’Y, le titre de pächa du Kaire, que lui conféra le sultan Moustaf ä. | | Cette formule est exactement la même que celle des pièces d’or citées par M. Tychsen, de différens règnes, comme lindiquent les années d’avénement 974 [1566 de notre ère], 982 [ms74], 1003 [1595], 1143 [1730/; frappées à Constantinople, au Kaire, à Alger, à Tunis, à Tripoli (8). Elle est aussi la même que celle du sequin d’un moins grand module, publié par M. Bonneville sous le n° 16 des monnoïes d'or de Turquie, frappé sous A'ly-bey, comme nous le ferons voir ci-après, page 36 1 (9). L'année de la fabrication, qui est 1 183 de l’hé- gire [1769 ou 1770, est antérieure de quatre ans à celle du sequin que nous avons ci-dessus cité, alin. 3. (1) Khägén [4bL ] signifie roi en Tartarie. Éd py -n. Masr, senet (2). Voyez pag. 356, alin. 3, et not. 1,re, ig. 2. Hvr Loi (3) Voyez pag. 338, alin. 1e (7) 5 xl Le Dérab ue (4) Voyez la planche des monnoîies gravées. el , il petesaiahehe"s out ehnesr, , 3 ÿ (5) Voyez pag. 356, alin. 9 et not. 3. =} 3 ÿait el-bar ou el-bahar. (6) bee olble Sultän Moustafà , (8) Pag. 180 de Introduction à la Numismatique des DES rail Q—: ben-Ahmed khän, Musulmans. ( Voyez pag. 324, not. 1,"°) S © Fyai je À’ nasret, Drob fÿ | (9) Voyez pag. 361, alin. dern, 360 MÉMOIRE SA RUE Noms, Titres er Lettres distinctives des Lieutenans du Prince, des Gouverneurs de l'Egypte, dc. OUTRE les noms du souverain de qui dépendoit l'Égypte, les monnoies pré- sentent quelquefois les noms de ses lieutenans ou du fils du khalyfe désigné pour son successeur, du gouverneur de l'Égypte, &c. quelquefois avec la formule, par mandement Où par ordre (du khalyfe) (1); et souvent sans cette formule, comme, par exemple, sur un dyrnér que nous avons eu et dont nous rapportons ici les légendes, qui nous paroïssent offrir d'autant plus d'intérêt que l'année et le lieu de la fabrication y sont RUES ‘ L'aire À présenteles mêmes passages du @orän que le dynär cité page 3 s3 de ce Mémoire | 2), excepté qu'au milieu de la pièce, au-dessus du symbole, est le nom d'elMämoun | 3), 26.° khalyfe, le 7.° de la dynastie des A’bbassydes, second fils de Haroun el-Rachyd (4), et qui commença à régner en 198 [813 de notre ère |. Sur l'aire B, au milieu de la pièce, au-dessus de la formule, Mahomet est l'envoyé de Dieu (5), on lit le nom de Täfer (6), et au-dessous de la formule celui d'eSery (7). | Täher étoit le vizir et jouissoit de toute la faveur d'Mämoun, qui, peu après, lui donna le gouvernement du Khorasan et de tout l'Orient, où il se rendit imdé- pendant; eLSery étoit gouverneur de l'Égypte, où il mourut en 205 [820 de notre ère |. En marge, autour de la pièce, on lit : Au nom de Dieu (a été) frappé ce dynér, au Kaïre, l'an deux cent trois (8) [ de 818 à 819 de l’ère Chrétienne |. Cette date est d'autant plus curieuse, qu’ Mémoun fut remplacé dans le kha- lyfat, en lan 202 [de 817 à 818}, par /4rdhym fls d'eMohdy (9), qui lui- même fut déposé en 203 [ 818 ou 1819 |; et la médaïlle que nous citons prouve que le pouvoir fut rendu à e/Mämoun en 203, ou du moins que les monnoies, en cette année, continuèrent d’être frappées à son nom. Sur diverses médaiïlles, on ne voit inscrit que le nom du vizir ou de lieute- nant du khalyfe, quoiqu'il ne se fût point déclaré indépendant, tandis que, dans d’autres temps, ceux même qui s’emparèrent du pouvoir et se déclarèrent rois ou sultans d'Égypte, conservoient encore, sur les monnoies où ils faisoient mettre leur nom et leurs titres, ceux des khalyfes dont ils ne reconnoiïssoient (1) Mimmä emirbeh où mamnä amer beh[ as el Ce]. aïnsi répétée sur les deux côtés de fa pièce. * Voyez, au sujet de cette formule, lIntroduction à la Nu- (6) 8lb. Ce motestprécédé du mot Allah. wi], Dieu. mismatique des Mahométans de M. Tychsen, pag. 66 (n) et et suiv, (citée pag. 324, not. 1.) (8) Besm Allah drob hadä el-dynér bi-Masr senet (2) Alin. dern. talat ou mâyetyn | &e pes sul ls y ml pe (3) wyül ovule 3 el] (4) ol os (9) Soet 2 pb {s) Voyez pag. 354, not. 8. Cette formule se trouve plus SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTÉ. 361 plus l'autorité, soit pour leur rendre un vain hommage, soit pour né pas dé- créditer les nouvelles espèces qu'ils faisoient fabriquer. Dans des temps plus modernes, les cheykh el beled (1) ou gouverneurs du pays; les pâcha ou les beys, de qui relevoit l'hôtel de la monnoie, ajoutèrent, à diffé- rentes époques, sur les monnoïies, comme marques distinctives, la première où les deux premières lettres de leur nom. Ces lettres se trouvent diversement placées. Sur les fondouklis, on les remarque vers le bas de la pièce , sur l'aire B, avant ou après le millésime de lavénement, qui est exprimé en chiffres; comme on peut le voir sur le fondoukli gravé n.° 4 et sur le demi-fondoukli n.° 7 (2 où les chiffres 1143, année de l'avénement de Mahmoud fils de Moustaf (3) [1730 de notre ère], sont précédés d’un sy (4). I existe d’autres fondouklis du même règne sur lesquels le même millésime est suivi d’un son | S ): On remarque aussi, sur des fondouklis de Constantinople, particulièrement sur ceux d'étrennes, des lettres distinctives placées sur l'aire B, vers le haut de la pièce, dans le fleuron qui se trouve sur le du mot 40 (6): tels sont les fon- douklis publiés par M. Bonneville sous les n.* 6, 7, 8, des monnoies d’or de Turquie, | Sur les sequins, ces lettres initiales sont ordinairement placées du côté B, à la fin de la troisième ligne de la légende, au-dessus de la dernière lettre our du mot «bn (7), qui veut dire fils; à la place du fleuron , ou des chiffres (8) que l'on remarque, dans d'autres sequins, au-dessus de la même lettre. Le sequin sans chiffre ou paraphe, frappé sous Mouräd fils d'Ahmed (9), avé- nement de 1032 [1623 de notre ère |, que nous avons fait graver sous Îe n.° 9 (10), présente un lânr-alef (x 1). | Sur le sequin, publié par M. Bonneville sous le n° 16, planche 2 des mon- noies d’or de Turquie, et dont les légendes et le millésime sont les mêmes que ceux du sequin d’étrennes que nous avons fait graver sous le n.° 12, on remarque, aire À, vers le haut de la pièce, à la place du fleuron que présente notre sequin n.° 12, les deux lettres 4y» et /4m (12), qui sont les initiales du nom d'A’y-bey, placées après le mot sy/än, au-dessus du mot Moustafä, et, sur l'aire B, les chiffres 83, qui indiquent que la pièce a été frappée en 11-83 de l'hégire [ 1769 ou 1770 |, époque à laquelle A‘-bey s'étoit rendu indépendant. (1) au 44, titre ou dignité qui ne remonte guère qu’à l'an de lhégire 1167 [1753 de notre ére]|. (2) Voyez la planche jointe à ce Mémoire. Voyez aussi, à la suite de ce Mémoire, les fondouklis cités dans le Ta- bleaw des monnoies sous Îes n° d’ordre 11, 13 et 14. . (3) ges we] de s (4 Ou sT pl. Voyez le Tableau des monnoies , pièces n.% d'ordre de 10 à 14. (5) Oun[wl. Voyez ibid. de 15 à 19. (6) Voyez pag. 362, dern. alin. et note 13. Ces lettres paroïssent être , sur le n.° 6, À [= ou & |, et sur les n°57 et 8, ayn[ sou & ]ou a’b[ use ], lesquelles sont peut-être les initiales des mots 4’bd- Allah [al axe]. É. M. TOME Il. (7) Ben[ is] ou ebn[ 31]. On lit tantôt l’un et tantôt l’autre de ces deux mots sur les monnoïes, mais plus sou- vent le dernier. (8) Voyez pag. 369, alin. 1.e (9) al ws 2e, Amurath IV. (10) Voyez la planche à la suite de ce Mémoire. (11) Le Jäm [ JT, réuni à lekf[ |] qui le suit, s'äp: pelle Jém-alef[ 3ll sY], et s'écrit ainsi, Ÿ [14]. (12) AIT Les], la lettre & , qui s’appelle ayn [uxe ]: et qu'on est convenu de rendre en français paära,eouo, avec le signe de Faspiration [”], réunie à a lettre J, qui s'appelle en arabe /ém[ pŸ ] Voyez pag. 359. dern. alin. PA 362 MÉMOIRE H ne fit donc point frapper, comme les historiens l'ont avancé (1), la mon-. noie à son propre coin, mais à celui du sultan régnant, Moustaf fils d'Ahmed; et il ne fit que suivre l'usage des cheykh elbeled, en faïsant graver sur les monnoïes les initiales de son nom. Le sequin publié par M. Bonneville sous le n.° 9 de la planche 1° des mon- noies d’or de Turquie présente un 544 (2), et a été frappé au Kaïre sous le règne d'O'tmäân fils de Moustafä, avénement de 1168 [ 1754 de notre ère]. Le sequin que nous avons fait graver sous le n.° 11 (3), frappé au Kaire sous le règne de Moustafä fs d'Afuned (4), avénement de 1171 [1757 de notre ère |, présente les deux lettres #7» et d4/ (5). Ces mêmes lettres se remarquent sur deux sequins publiés par M. Bonneville, fun d’étrennes sous le n° 15, F'autre ordinaire sous le n° 14 ( planche 2 des monnoiïes d’or de Turquie), tous deux frappés au Kaïre, sous le même règne et dans la même année que celui qui est publié par nous, mais avec un coin différent, comme on peut le voir par la diffé- rence du grenetis et du caractère d'écriture. Ces trois sequins ont cela de particulier, qu'à côté des lettres distinctives dont nous venons de parler, on voit encore le chiffre indicatif de l'année de la fabri- cation ; chifire qui n'existe pas sur la plupart des autres sequins, parce que la lettre distinctive en occupe la place. D'autres sequins, compris dans le Tableau des monnoiïes joint à ce Mémoire, sous les n.* d'ordre 35, 36 et 37, et qui sont du règne de Moustafä, avénement de 1171 [1757], portent, à la place du chiffre indicatif, les lettres #7 ou #5 (6). Un autre sequin, n.° 27 (planche 3 des monnoïes de Turquie, même ouvrage), frappé au Kaïre, sous Sem (7), avénement de 1203 [ 1789 de notre ère|, pré- sente les lettres 44f et syz (8), qui sont les initiales du nom d’/sma'ylbey (0), à qui Hassan, gapitän-pâcha (10), laissa le gouvernement de l'Égypte, après son expédi- tion contre /brähym et Mouräd beys (11), et qui mourut dans la fameuse peste du Kaire, l'an 1205 de lhégire [1791 de notre ère]. : Enfin, parmi les sequins et demi-sequins frappés du temps de loccupation de l'Égypte par les Français, ïl en a été fabriqué et nous en avons conservé sur lesquels la lettre distinctive étoit un 4 (12), initiale du nom du général en chef Bonaparte. Sur les piastres ou ghrouch qu'A’h-bey fit frapper, les initiales de son nom se voient sur l'aire B, au haut de la pièce, au-dessus du # du mot drob (13); et, par un (1) M. de Volney, pag. 110 du Voyage en Égypte et (4) Voyez pag. 356, not. 1, lign. 4. en Syrie, tom, I,®, édit, de 1787. (s) Md[ we]. Peut-être est-ce une abréviation d’A hined (2) Ou s Li On est convenu, dans la Description [oÎ]ou CRE [us#]. Voy. pag. 371, dern: alin. de PÉgypte, de rendre également en français par s Le syn (6) ma, c'est-à-dire Le i te Le] et le séd[ |, parce qu’on ne peut assigner par nos (7) pau. Voyez pag: 356, not. 1. PSS 35 lettres la différence qui existe entre les sons de ces deux (8) AÇT], akf, ets PT 22 Pt QU'OR: DTONQUEC Se lettres Arabes; d’autres personnes, pour les distinguer, (9) dy Just représentent le séd par sk. Voyez avertissement qui est à (Go) Gb ol ous la suite de la préface de la Description de l'Egypte. (11) pl et le (3) Voyez la planche jointe à ce Mémoire; voyez aussi (12) à pag. 325, dern, alin. (13) y SUR LES MONNOÏES D'ÉGYPTE. 363 de ces aïtiffces communs aux écrivains Arabes, la lettre /# / 17 se trouve réunie au 4 du mot drob, de manière à représenter un {#7 et un yé //#Yy} (1); ce qui forme le mot entier A} (2), comme on peut le voir sur notre pièce de 40 mé- dins , gravée sous le n.° 16, et sur celle de 20 médins, gravée sous le n.° 18 (3): Les médins frappés sous A‘h-bey sont marqués des mêmes initiales sembla- blement disposées ; nous en publions un sous le n,° 20. Les piastres d'4’Yy-bey offrent cependant une particularité remarquable ; c’est qu'il lui a plu d'y changer le millésime, et qu'au lieu d'y faire graver celui de 1171 [1757 de notre ère], année de favénement de Moustafä, y à fait mettre 1183 [ 1769 ou 1770 ]. Ce qui le porta à cette innovation, qu'il ne se permit sur aucune des autres monnoïes, c'est sans doute l'intention de tons- tater l'époque où il se déclara indépendant, ou seulement l'année où il établit en Égypte la fabrication de ces pièces (4). Il n’y conserva pas moins le chiffre du sultan régnant Moustafä, en sorte qu'on ne peut pas dire que cette espèce de monnoïie même, quoique de sa création, ait été frappée à son coin. Personne jusqu'ici n'avoit donné l'explication du sens ou de l’usage de ces lettres qu'on remarque sur plusieurs monnoies de Turquie, et qui avoient paru surnuméraires ou inutiles. Elles serviront, si l’on parvient à connoître les noms et le temps précis du commandement des cheykh eLbeled, pâcha ou beys qu’elles désignent, à déterminer davantage l'époque de la fabrication; car, sur les pièces où on les remarque, elles tiennent ordinairement la place des chiffres qui servi- roïent à indiquer l’année du règne ou de la fabrication, la piècé ne présentant du reste que l'année de lavénement du sultan, comme nous le verrons à l'ar- ticle du millésime (s). S. V. Invocations ou Vœux pour le Prince. C'EST une formule de politesse et une manière distinguée de s'exprimer, con- sacrées chez les Arabes par un usage fort ancien, que d'ajouter, après les noms des grands personnages, lorsqu'on les cite, tels que ceux du Prophète, de ses descendans, du grand seigneur ou des princes, une invocation ou un vœu en leur honneur. Celles des formules de cette nature qu'on lit le plus souvent sur les médailles ou monnoies, sont les suivantes : Que Dien lui soit. propice (6)! Que Dieu prolonge son règne et son empire (7)! Que Dieu éternise son règne (8)! Que son règne se prolonge (9)! Ce dernier vœu est celui que portent les piastres ou pièces d'argent, sans chiffre ou toughré, frappées à Constantinople, et gravées dans l'ouvrage de M. Bonneville; la première, sous le n.°. 1, du règne de Moustafä, (1) LL} ldm,et y[u],yé, c'est-à-dire, [dou LI (6) Sa Alleh aleyeh[ade at del (2) Le + Le même caractère représente alors à-la-fois (7) Khald Allah malekah où sulténah [| Kk wl als le y [«]de 4’p[«de] etle [es ] du mot drob[es 3]. all ,]. . (3) Voye la planche jointe à ce Mémoire. (8) Xhald Allah malekah [ aRb al abs 1. (4) Voyez pag. 368, alin. avant-dern. (9) Dé malekal [ pl (s) Voyez pag. 367, alin. 3 et suiv. E. M. TOME II. Z12 MÉMOIRE 364 avénement de 1171 [1757 de notre ère]; la seconde, n° 4, du règne d’ 444 cHamyd, avénement de 1187 [1774 de notre ère], Celle qui est consacrée depuit long-temps est la suivante : 7e sa victoire soit illustre (x)! Elle se trouve, en même temps que la précédente {2) , sur une pièce de Bajazet (3). On la remarque seule sur une pièce d’or de Soymän fils de Sebym (4), avénement de 926[1520 de notre ère], et dont les légendes sont les mêmes que celles que nous avons citées page 359 de ce Mémoire (5). Elle fait seule partie du type des sequins généralement adopté par les sultans depuis près de trois siècles, comme on AT le voir sur les divers sequins que nous avons fait graver dans la planche jointe à ce Mémoire (6). Elle est placée sur l'aire A des sequins zer-mahboub, à la suite des noms du sultan, après le mot 4hén, pour celles de ces pièces d'or qui présentent les noms du prince écrits en toutes lettres (7); et au-dessous du chiffre du sultan, pour celles qui présentent son nom figuré en forme de paraphe (8). La même formule est placée vers le haut de la PiésE sur l'aire B des quarts de sequin (9). Ces invocations répondent à celle qui est usitée en France, Domine, saum fac Repem [ Seigneur , sauvez le Roï |, laquelle est gravée sur la tranche de nos monnoies. | $.. VI. Villes où les Monnoies ont été frappées. SUR les médailles anciennes, souvent la ville où elles ont été frappées n'est pas indiquée. On en a plusieurs exemples : nous en avons cité deux, pag. 353 et 354 de ce Mémoire (10), et un autre, page 367 (11). L'usage s'établit, de bonne heure, de graver constamment sur les monnoies le nom de la ville. ; Les Égyptiens modernes ne se sont point servis, comme beaucoup d'autres peuples, pour désigner les villes ou les hôtels des monnoïes, d’un emblème, d’un signe convenu, d'une abréviation, ou enfin d'une seule lettre, comme cela se pratique encore pour toutes les monnoïes de France. Cette lettre n'est pas même l'initiale du nom de la ville : Paris est indiqué par À, la Rochelle par #, &ec.(12). (1) À°z nasreh[oyas je]. (2) Que son règne se prolonge! Voyez page précédente, lig. antépénult. et not. 0. (3) Bäyazyd [us 56]. (4) Voyez pag. 374, not.2. fin de la seconde ligne: 3.° Ja pièce n.° 14, où la même invocation se trouve au commencement de la troisième ligne. (8) Voyez les pièces n.°5 10, 11 et 13. (9) Voyez la pièce n° 15. (s) Aux noms et Léa près. Alin. 3 et not, 6 et 7. (6) Aire À des fig. de 8 à 14, et aire B Es la fig. 15. (7) Voyez, 1.2 is deux pièces n.°5 8 et 9 ; la Hhible y est coupée en deux, 4’z[ je ]se trouvant à la fin de la seconde ligne, et nasreh [*;.25] au commencement de la troisième : 2. [a pièce n.° 12, où la formule est placée à la (10) 4.2 alin. dern., 2.° alin, 8. (11) Alin.3. (12) Voyez, pour les lettres qui indiquent la ville ou l'atelier monétaire, l’ouvrage de M. Bonneville, p. xxij, La ville de Pau, au lieu d’une lettre, avoit pour marque distinctive la figure d’une vache. SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 365$ [nous semble que, si fon considère les monnoies comme des monumens historiques, elles ne peuvent offrir trop de clarté dans les indications. Les abré- viations ne sont indispensables que lorsque le peu d’étendue de la surface dé la pièce l'exige, et elles doivent porter de préférence sur les mots les plus connus, les moins essentiels et les plus faciles à deviner. Rien n'empécheroit qu'on ne mit sur nos monnoies le nom de la ville en entier ou en abrégé, ou du moins qu'on ne prit pour lettres distinctives les initiales du nom de la ville. . Les Égyptiens écrivoient donc, et ils écrivent encore, en entier, le nom de la ville; et, pour qu'il y ait encore moins de doute, ils le font précéder des mots frappé à... (r). Sur les fondouklis et les quarts de sequin, sur les pièces de 40 et de 20 médins, et sur les médins, le nom de la ville se lit au-dessus du mot seret (2), sur l'aire B, opposée au chiffre ou toughrä (3). Sur les sequins et demi-sequins, à chiffre ou sans chiffre , il se lit sur l’aire À, immédiatement au-dessus du millésime, et est suivi, sur la même ligne, du mot senet écrit en plus petits caractères (4). La pièce gravée n.° 25 offre le nom de Ja ville, Masr, placé vers le haut de la pièce et au-dessus du nom du sultan Mahmoud (5); nous soupconnons qu'il existoit au-dessus quelques caractères qu'on n’a pu reconnoîtré (6) ou qui n’ont pas marqué, et que le graveur n'a pu représenter sur la pièce n.° 2 SA Autrefois on faisoit précéder le nom de la ville de Ja préposition 4e ou x, qui signifie à ou par (7). On y a substitué constamment, depuis long-temps, la préposition jy (8), qui veut dire à ou 4ms. Les villes d'Égypte qui ont eu anciennement des hôtels des monnoïes, sont Alexandrie, Mansoure, Qous, Fostät où l'ancien Kaire, le Kaire ou Masr. Alexandrie s'appelle en arabe Æskanderyah (9). L'hôtel des monnoïies de cette ville fort ancienne, et jouissant, presque dès sa fondation par ÂAlexandrele-Grand, d'un commerce considérable, a dû être antérieur À tous les autres. Il subsistoit encore au vi. siècle de l'hégire [le xnr.° de notre ère] L'hôtel des monnoiïes de Mansoure n’existoit plus à cette époque. E/-Mansou- (1) Drob be ou bi[és &,2]ou drob fÿ [à yo} (2) Senet[ ïiu ou ai, ], qui signifie an ou année. (3) Voyez les pièces gravées, du n° 1 au n.° 7 inclu- sivement, et de 15 à 26 inclusivement, excepté Le n.° 25. Voyez pag. 356, alin. 0. (4) Voyez les pièces gravées n.°5 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14. (s) 558. Voyez pag. 367, alin. 3 et not. 3. (6) Tels pourroient être drob f[ à y]. (7) Bi-Damachq, à Damas; voyez pag: 354 , not. s. Bi-Masr, à Masr ou au Kaire ; voyez pag. 360, not. 8. B-el-Qéhirah, au Kaïre ; voyez pag. 366, alin, 4 et not. 10. (8) «2. La manière dont ce mot est figuré est assez remarquable. Le yé [5] est retourné et prolongé"en un long traït qui divise en deux la surface de [a pièce. Voyez les pièces gravées n.ts de 1 à 9, 12et14,de1s à 24, et 26. Sur les sequins et demi-sequins à chiffre ou toughrä, le b [& ] du mot drob se prolonge aussi au- dessous du yé [ 1, de manière que ces deux lettres - é forment deux lignes parallèles qui traversent la pièce [2 ;| Voyez les pièces n° 10, 11 et 13. Tantôt le ya 4e ] est sans points, comme sur la plupart des pièces gravées dans la planche jointe à ce Mémoire (n.%1,2,5,6,8,9,derrà1s,17,de 20 à 24 ); tantôt les deux points sont au-dessous et vers la gauche du Jä, comme sur les pièces n.%53,4, 7, 16,18, 19 et 26; tantôt enfin ils sont placés au-dessus, de chaque côté du paraphe du sultan, comme on peut le voirsur la pièce n° 10. Enfin, dans les sequins et demi-sequins, à chiffre ou paraphe, le fy est transposé et placé immédiatement au- dessous du paraphe; il se trouve, dans l’ordre de l’écri- ture, le premier mot de l’exergue, quoique, dans l’ordre du discours, il ne soit que le quatrième mot, et qu'il doive précéder immédiatement le mot Masr, comme cela a lieu sur les autres monnoies, Ces transpositions sont très-fréquentes dans l'écriture Arabe. (9) a ail 366 rah (1), que nos anciens écrivains appeloient la Massoure, fut bâti, près du:Nil, sur la branche de Damiette, par «Mansour Billah (2), père d'eLMo'ez Le-dyn-Allah (3), vers l'an 338 [940 de notre ère]. Cette ville est fameuse par la défaite des croisés Français, sous la conduite de S. Louis, qui y fut conduit prisonnier. Elle a été quelquefois la résidence du khalyfe. On voit le nom de cette ville sur quelques monnoies et sur des médailles de verre, aïnsi que le nom de Mo'ez le-dyn- Allah (4). Qous ($), autrefois Apollinopolis parva, est situé dans la haute Égypte, à treize cents mètres environ des bords du Nil. Le voisinage du fleuve et de Qogeyr avoit sans doute fait choisir l'emplacement de Qous pour le point de départ et d'arrivée des caravanes qui entretenoïent le commerce de l'Arabie et de l’Inde avec l'Égypte. Si l'on en croit Abou-lFeda’, cette ville étoit, après Fostät, la plus considérable de toute la contrée. Elle étoit l'échelle du grand commerce qui se faisoit par le golfe Arabique. L'immense étendue des décombres qui limitent l'emplacement de la ville, confirme entièrement le témoignage d'Abou-lFeda”, Qous n'est plus maintenant qu'un bourg, dont un grand nombre de maisons abandonnées tombent en ruine. Ses habitans sont, pour la plupart, des Chrétiens Qobtes (6). L'ancien Kaïre, autrefoïs Fostät (7), étoit sur le bord même du Nil. Le nou- veau Kaire en est à quelque distance, et un canal y conduit les eaux du fleuve. Ga'ouar elLKhatyb el-Sagaly (8), suivant Magryzy, entra en Égypte, à la tête de l'armée d’eL Mo’ez le-dyn- Allah (9), en lan 358 [969 de notre ère], bätit, dans le lieu même où il avoit campé, le Kaïre (10), qui devint le siége de l'empire des kha- lyfes, et fit frapper, au nom du khalyfe e/-Mo'ez, une grande quantité'de dynär. La troisième ligne de la légende portoit: Frappé à Masr, en l'an trois cent cinquante-huit.- En arabe, le Kaire s'appelle rarement e/Qéhirah (10) : on l'appelle Masr (1 1) dans le style historique ,etce nom s'applique aussi à toute l'Égypte. C’est le seul qu’on lise MÉMOIRE sur les monnoies depuis plusieurs siècles, néanmoïns sur le drhem de Rokred- dyn Bybars, que nous avons cité page 352, on lit, 4-e/-Qähirah|au Kaïre | L'hôtel des monnoies fut d’abord établi dans le voisinage du magasin des boucliers, qui, du temps de Magryzy, étoit le £h4än [ ou marché ] Mesrour-el- Kebyr (12). Saladin, devenu maître de l'Égypte, le fit établir aïlleurs. On construisit un nouvel hôtel au lieu appelé e/Qachächyn (13). On le nomma «4 D4r el Ame- dans le lieu même où il avoit fait dresser sa tente sur (1) 55eall, ou el Mansouryah [ ipgeïll ]. (2) ) ab syaxdl. Mansour mourut en 341 de lhégire [953 de notre ère ]. Voyez, pour le nom de Billah, pag. 357,-alin. 5. (3) Voy. l'alin.3 de cette page. Voy.aussi p.327, not. 10. (4) Voyez le Museum Cuficum Borgianuim dAdler, tom. IT, pag. 151. (5) En arabe, PIE (6) Voyez la Notice sur les ruines de Æ'eft et de Qous, par MM. Jollois et Devilliers. Description de l'Égypte, A, D. tom. II, cha pag. 66. (7) El-Fostät LU, qui veut dire tente, parce que cette ville fut bâtie par A’mrou ben el-A’äs [la 4 53€] le bord du Nil. On l'appelle aujourd’hui l'Ancien Kaire, Masr el-A’iyqah [aña)l pas]. (8) Voyez pag. 327, alin. avant-dern. et not. 9. (9) Voyez ibid. Voyez aussi 2.° lig. de la présente page. (10) El-Qähirah [ë,s 1], qui veut dire la Victorieuse.: Selon Abou-l-Feda’;} Ga’ouar jeta les SNL du Kaire en 359 [969 de notre ère]. (11) pes (12) Lee D 342 ve (13) oxläll. Voyez latraduction du Traité des mon- noies de Maïs par M. de Sacy, pag, 76, not. 147, SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 367 ryah (1), du nom du khalyfe eZ Amer Bi-ahkäm- Allah (2). L'ancien hôtel fut réservé pour certaines fabrications particulières. C’étoit 1à qu’on fabriquoit les pièces des étrennes et du jeudi des lentilles, dont nous avons parlé pag. 339 de ce Mémoire, IF est aujourd’hui au château de la citadelle du Kaire (3), et il est bâti sur les murs du château, en face du mont Mogattam (4), au pied duquel on découvre du haut de la citadelle, dans une vaste plaine déserte et aride, la Ville des tom: beaux, qui ést le plus ancien et le principal cimetière du Kaire. _ La monnoïe du Kaire est la seule qui existe actuellement en Égypte; son éta- blissement remonte à l'an 1000 del'hégire[1 591 de notre ère] On appelle en arabe l’hôtel des monnoies, dr el-darb ($), qui signifie la maison où l'on frappe. $. VIT. Millésime. SUR Îles monnoiïes Arabes les plus anciennes, c’est l’année même de la fabri- cation, et non celle de l’'avénement du prince, qui est indiquée ; et cette année est exprimée en toutes lettres. Nous en avons cité deux exemples : l’un, de l'an 97 [716 de notre ère |, page 354 de ce Mémoire; l'autre, de l'an de l'hégire 203 [818 ou 819 |, page 360. Nous pourrions en citer plusieurs autres; nous nous contenterons d'indiquer, pour troisième exemple, un dyrér que nous avons eu, et qui portoit, Az nom de Dieu, ce dynâr z été frappé l'an cent soixante et douze [788 de notre ère], lequel répond au khalyfat de Haroun el-Rachyd (6), qui com- mença à régner en 170 [786 de l'ère Chrétienne]. Les sentences du @vr4n sont les mêmes que celles citées page 360; mais la pièce ne porte ni les noms du khalyfe et de ses délégués, ni le nom de la ville où elle a été frappée. Nous observerons, pour ceux qui ne sont pas familiers avec l'arabe, que les noms de nombre s'écrivent et se prononcent en commençant par les unités; ainsi 172 s'écrit , deux ct soixante-dix et cent (7); en sorte que, quoique les Arabes placent les chiffres que nous leur avons empruntés, dans le même ordre que nous le faisons, ils les lisent et écrivent et ils prononcent les noms de nombre à rebours comme le reste de leurs écritures, c’est-à-dire dans un sens contraire au nôtre, en allant de droite à gauche. Dans quelques provinces de l'empire Ottoman, on continue d'inscrire sur les monnoies, en chiffres Arabes, le millésime de la fabrication. C’est ce qu'on remarque sur la pièce d'or et sur les deux pièces d'argent gravées dans l'ouvrage de M. Bonneville, planche $, monnoïes des puissances Barbaresques, sous les n.” 6 . 1 et 2, frappées à Tunis, la première sous Moustafä, en 1187 [1773 de notre (1) a530Y ,lull. El-dâr veut dire Phôtel. Fopposite de Ja chaîne Libyque, qui longe l’autre rive (2) Le nom de ce khalyfe signifie « qui accomplit les du fleuve. » ordres de Dieu. » [al FL&& geÿi]. (s) ya) ts (3) El-gala’h VasWs)}], le château. (6) Voyez pag. 360, alin. 3 et not. 4. (4) En arabe pie , qui signifie taillé. Cette mon- (7) Senet tentyn ou sabe’yn ou myeh | JOUE Lie tagne est celle qui borde la rive orientale du Nil, à 44 3 Ga]. 368 MÉMOIRE ère |, la seconde sous le même règne en 1186 Î 1772], et la troisième sous Se/ym, en 1212 [1797] L'usage a cependant prévalu depuis long-temps, dans presque tous les hôtels des monnoïies de l'empire Ottoman, d'indiquer sur les monnoïes, au lieu de l'année de la fabrication, celle de l’avénement, et d'écrire les nombres en chiffres, comme on peut le voir sur toutes les pièces gravées dans la planche relative à ce Mémoire. Cet usage a induit en erreur plusieurs auteurs : ils ont pris l'année que porte la pièce, pour celle de la fabrication, tandis que la pièce peut avoir été frappée plusieurs années après (1). Dans le bel ouvrage de M. Bonneville sur les Monnoïes d'or et d'argent des diverses puissances {2.), les pièces de Turquie sont indiquées comme étant de telle ou telle année, au lieu de tel ou tel règne. Nous . devoir rapprocher ici la forme des chiffres Arabes de celle des nôtres, pour qu'on aït cette forme présente, et qu'on en reconnoiïsse de suite la valeur dans les médailles Arabes qui sont gravées dans la Description de l'Égypte: CARS ND 7 D NEO I FHE S 4 VA 4 I . Le cinq a la forme de notre zéro, et le zéro a la forme d’un point. Le millésime de l’avénement se trouve toujours placé, pour les fondouklis, les pièces de 40-et de 20 médins, les médins et les pièces de cuivre, au bas de la pièce, sur l'aire B, opposée à celle qui porte le chiffre du sultan. Quant aux sequins, ce millésime est placé sur l'aire À, qui présente, ou les noms du sultan écrits en toutes lettres, ou son paraphe. Le mot seret (3), qui veut dire lan ou l'année, précède toujours le millé- sime écrit en toutes lettres ou en chiffres, sur les monnoïes d'Égypte anciennes et modernes, comme on peut le voir par les exemples que nous avons cités pag. 354, 360 et 367 (4), et pour toutes les pièces gravées dans la planche relative à ce Mémoire; tandis qu'on ne lit ce mot sexef Sur aucune des monnoiïes de Constantinople, comme on peut s’en assurer d'après toutes celles que M. Bonne- ville a publiée dans son ouvrage (2), et comme le prouvent celles que nous avons rapportées d'Égypte. | Nous avons déjà remarqué que le fameux Mamlouk A’}y-bey, qui s est conformé lui-même à l'usage généralement suivi à Constantinople, au Kaïre, &c., en faisant graver sur les autres monnoïies Île millésime de lavénement du sultan Mous- taf à, ce est 1171 [1757 de notre ère], a néanmoins dérogé à cette règle pour les pièces de {o et de 20 médins, lesquelles portent lan 1183 [ 1769 ou 1770 de notre ère |. | Sur plusieurs monnoies du Kaire et de Constantinople, on remarque, outre (x) Voyez pag. 374, alin. 2. (3) Voyez pag. 365, alin. 3 et not. 2, (2) Voyez pag. 338, not. 6. (4) Alin.6 et not. 4. Alin. 6 et not. 8. Alin. 3 et not. 7. le SUR LES MONNOIES. D'ÉGYPTE. 369 le millésime de l'avénement, des chiffres sur l'explication desquels on varie, mais que l'on s'accorde à reconnoître pour être destinés à indiquer l’époque de la fabrication (1). | Ces chiffres, pour les fondouklis, les pièces d'argent {2}, les médins, et même les monnojes de cuivre (3) qui présentent le paraphe du sultan, sont placés sur l'aire B, vers le haut de la pièce, au-dessus du / du mot drob (4), comme M. Tychsen, dans son Introduction à la Numismatique des Mahométans (5), l'a remarqué pour les monnoïes frappées à Constantinople et portant le chiffre du sultan. Mais ce qu'on ne paroït pas avoir encore remarqué, c'est que, sur les sequins du Kaire et même de Constantinople, soit que ces pièces d’or présentent le nom du sultan en toutes-ettres, soit qu'elles offrent le paraphe du sultan, on aperçoit aussi des chiffres dont la destination est également d'indiquer, par abréviation, l'année de la fabrication ou du règne, placés également sur l'aire B, mais à la fin de la troi- sième ou avant-dernière ligne, vers la gauche de la pièce, au-dessus du #oun du mot £en ou ebn (6), qui veut dire fils; ou vers le bas de la pièce à gauche, comme sur le n.° 12 de nos monnoies gravées; ou enfin vers la droite, comme sur Ja pièce gravée dans l'ouvrage de M. Bonneville, n.° 12, planche 2, monnoiïes d'or de Turquie. M. de Sacy avoit d’abord pensé que ces nombres étoient ceux des années du règne , et il avoit donné cette indication au Cabinet des médailles de la monnoie de Paris. | M. Tychsén, dans son premier Supplément à lIntroduction à la Numismatique des Mahométans (7), page 63, pense. que ces chiffres qu'on remarque outre le millésime de l’avénement, et dont ïl n'avoit pu donner l'explication dans son Introduction (8), indiquent simplement l'année du règne du sultan. Il observe que cet usage est aussi celui de l'empire du Mogol. La conjecture de ces savans est exacte pour différentes he En effet, sur le demi-sequin, par exemple, que nous avons publié sous le n.° 14 (0), frappé au Kaïre sous A'#d-elHamyd fils d’ Ahmed, dont lavénement est de Fannée 1187 [1774 de notre ère|, et sur les deux sequins publiés par M. Bonneville sous les 0," "F7 let 10, frappés aussi au Kaiïre et sous le même règne, le chiffre 2 qu'on remarque sur l'aire B, vers la fin de l’avant-dernière ligne, indique évidem- ment la deuxième année du règne du sultan. Il en est de même du chiffre 2 que présente le médin gravé sous le n.° 21, dans la planche jointe à ce Mémoire: et, par conséquent, ces quatre pièces ont été frappées la même année, la deuxième du règne d’'A’hdel-Hamyd, en 1188 ou 1189 de lhégire [ 1775 de notre ère]. (1) Voyez not. 4 et 6, ci-après, (5) Page 182. Voyez pag. 324 de ce Mémoire, not. 1." (2) Voyez page 333, alin. 1.9" et suiv. (6) Voyez pag. 361, alin. $ et not. 7. Voyez aussi Les (3) Tellés que le gedyd que nous avons fait graver pièces gravées n. 10, 11, 13, 14, et celles qui sont sous le n.° 26. Voyez la planche jointe à ce Mémoire. citées dans le Tableau des monnoïes, sous les n.°5 d'ordre (4) Voyez pag. 362, alin. dern: et not. 13. Voyez aussi 34, de 40 à 44, 46, 47 et 53. les pièces gravées sous les n.°5 5,17; 19, de12à24et26; : (7) Woyez pag. 373, not. 2. et celles du Tableau des monnoïes sous les n.° d’ordre (8) Voyez ci-après, pag. 370, alin, 4. 25 » 59» 66, 67, 69, 70, 73, 74, 75» 77» 78, 93 et 84. (9) Voyez la planche à la suite de ce Mémoire. FE, M. TOME Il. Aa 370 MÉMOIRE La même notation paroît en général avoir été suivie sous le règne d’'A’#d-e/: Hamyd, et notamment à Constantinople, pour les fondouklis, comme on peut le voir sur les pièces gravées dans l'ouvrage de M. Bonneville; savoir, le grand fondoukli sous le n° 20, planche 3, et la piastre sous le n° 3, planche 4, monnoies de Turquie. Ces deux pièces sont de la première année du règne d’A’bdel-Hamÿd : la piastre n.° $ est de la dixième année; et celle n.° 4, de la onzième. Le demi- fondoukli sous le n.° 23, planche 3; frappé à Zs/ämboul, est de la quinzième année, et, par conséquent, de 1201 ou 1202 [1787 ou 1788 de notre ère] Enfin le fondoukli sous le n.° 22, qui est aussi d’Zs/4mboul, a été frappé, comme le nombre 16 l'indique, la seizième année ou la dernière du règne d’A’#d-el_Hamyd, c'est-à-dire en 1202 [1788 de notre Cre ou dans les commencemens de 1203 de l'hégire, année à. laquelle répondroit alors, en même temps, la première du règne de Jelym TT, ou celle de son avénement {1}, qui a eu lieu le 7 avril 1780. Mais il est fort remarquable que, sous le règne même d’A’#delHamyd, on n'ait pas suivi toujours la même notation, comme nous le verrons bientôt (2), et comme nous aurons aussi occasion de le remarquer pour le règne de Selym (3). M. Tychsen, page 182 de son Introduction à la Numismatique des Musulmans, observe, 1.° que, parmi les monnoïes qui présentent d’un côté le seul paraphe du sultan, il n'y a que celles du plus grand module sur lesquelles, outre le millé- sime, on remarque un chiffre placé au-dessus de la lettre / du premier mot de la légende; 2.° que les monnoïes du plus petit module ne portent point le mot drob (4) en tête de la pièce; 3.° que les chiffres, autres que ceux de l'ère ou millésime, sont en quelque sorte particuliers aux seules monnoïes de grand module du règne de Moustafä II, frappées à Constantinople, et qu'ils sont remplacés sur celles de petit module par un fleuron ou un astérisque; 4.° que les chiffres qu'on remarque sur les susdites monnoïes du règne de Moustaf ä, représentent les nombres 2, 3, 4, 6,8, 9, 83, 85, 86, 87, mais qu'il ignore absolument ce que signifient ces chiffres; qu'ils ne peuvent désigner l'année du règne de Moustafä, puisqu'il n'a régné que dix-sept ans, et non quatre- vingt et quelques années; $.° que parmi Îles monnoïes de Moustafü ,- outre celles qui portent un seul chiffre, il n'en a remarqué aucune, soit à paraphe ou toughrä , soït sans paraphe, qui offrit d’autres nombres que 80 et quelques : 6.° enfin il conjecture que lorsqu'il y a deux chifires, en Îles additionnant on a l'année du règne dans laquelle la monnoie a été frappée; qu'ainsi 87 indiqueroit la quin- zième année du règne. | 1. Nous observerons que les chiffres dont il s’agit de trouver le sens existent non-seulement sur des monnoies de grand module, maïs encore sur celles de petit module. La pièce de cuivre que nous avons fait graver sous le n.° 26 {5}, (1) Voyez, pag. 373, alin. $, des exemples de pièces (3)- Voyez pag. 373, alin. s. frappées la première année du règne de Selym, et qui (4) Voyez pag. 362, not. 13. portent le chiffre 1. (5) Voyez pag. 372, alin. 3. (2) Voyez pag. 372, alin. dern. SUR LES MONNOIËS D'ÉGYPT£, 371 en ofire un exemple, et nous en donnerons plusieurs que fournissent les Sequins zer-mahboub pour le même règne {1) : or on ne peut considérer ces pièces comme étant du plus grand module. 2.° [est certain que la plus petite pièce d'argent frappée à Constantinople, que M. Tychsen a gravée planche 4, sous le n° 47, et qui est d’une valeur moindre d'un para, ne présente pas le mot 404. Nous avons rapporté d'Égypte de petites pièces semblables, du même règne,.et frappées également à Zs/4mboul. Maïs c'est sans doute à cause de la petitesse de la surface qu’on a cru dévoir se dispenser d'y mettre ce mot : il existe sur toutes les autres monnoïes du Kaire et de Constantinople, même celles du plus petit module. Nous avons un demi- fondoukli frappé à /s/ämboul, avénement de rr1 s, relaté dans le Tableau des mon:- noïes à la suite de ce Mémoire, n.° d'ordre s > sur lequel on lit le mot #04, comme sur les pièces du plus grand module. 3.° Les chiffres particuliers dont il est question se reémarquent, comme nous le verrons, sur des pièces d'un autre règne que celui de Moustafä; les mon- noies du règne de Se» en offrent plusieurs exemples (2). Nous avons déjà fait voir qu'ils n'existent pas seulement sur les pièces de grand module : nous ne croyons pas non plus que ce soit seulement sur des pièces de petit module quon voit les chiffres dont il est question remplacés par des fleurons ou des astérisques; au moins le sont-ils quelquefois par des lettres distinctives sur les monnoies de petit module du règne de Moustafä (3), comme le prouve de médin que nous avons fait graver sous le n° 20 (4), et sur des monnoiïes de grand module frappées sous d'autres règnes, comme on peut le voir par les trois grands fondouklis publiés dans l'ouvrage de M. Bonneville, planche 1. des monnoies de Turquie (5). Â.e Voïci maintenant Ja signification de ces chiffres : ce sont les derniers de l’année de la fabrication, ou, si l’on veut, une abréviation du millésime de cette année. Si, depuis l'avénement du sultan, il n’y a que le dernier chiffre de l’année de cet avénement de changé, la pièce ne porte qu’un chiffre. Ainsi les monnoïes citées par M. Tychsen, frappées sous Moustafä , qui commença à régner en 11 71 [1757 de notre ère |, portent les chiffres 2, 3, 4,6, 8, 9, parce qu’elles ont été fabriquées en 117-2, 117-3, 117-4, 117-6, 117-8, 117-0 de l'hégire (6). Le sequin du Kaire que nous avons fait graver sous le n.° 11, présente, aire B, le chiffre 6 (7), qui indique que ce sequin, fabriqué sous le règne de Moustafä, a été frappé en 117-6 de l’ère Musulmane [1762 ou 1763 de notre ère]. Nous ne doutons pas que les deux sequins, l’un d’étrennes, l'autre ordinaire, du même règne, et frappés aussi au Kaire, publiés par M. Bonneville sous les n.° 1 ÿ et 14 (1) Voyezle dern.alin. de cette page, et p.372,alin.2. page 367, alin. 4 et not. 6. (2) Voyez pag. 373, alin. 2. Voyez aussi le Tableau des (6) 1758, 1759, 1760 ou 1761, 1762 ou 1763, 1764 monnoîes, règne de Selym, avénement de 1203. __ 0u1765,176$ ou 1766 de l'ère Chrétienne. (3) Voyez, pour lesens de ces lettres, pag. 360 et suiv. (7) Ce chiffre (4) se trouve placé, surle même sequin, (4) Voyez page 363 , alin. 1. à côté des lettres distinctives m4 [ x]. Voyez pag. 362, (5) Voyez ce que nous avons dit de ces fondouklis, alin, 2 et 3 et not. 5. Ë. M. TOME IL. A aa a MÉMOIRE 74 (planche 2, monnoïes de Turquie), ne soïent de la même année que le nôtre, et que le chiffre indicatif de l’année de fabrication, qui n’a pas été bien gravé, ne soit aussi un 6 (1). 5.” Si les deux derniers chiffres du millésime de la fabrication diffèrent de ceux de l’année de l’avénement, la pièce présente alors deux chiffres. Les chiffres 83, 85, 86, 87, relatés par M. Tychsen, désignent donc, pour l’année de l’émis- sion de la monnoïe, 11-83, 1 1-85,11-86, 1 1-87 (2); et, comme Moustafä WI a régné de 117:1 à 11-87 de Fhégire, on voit que les chiffres qui indiquent l’année de la fabrication ne peuvent être compris que dans les unités ou dans les 8o. 6 Nous avons fait graver, sous le n° 12, un sequin du grand module du règne de Moustafä, avénement de 1171, frappé au Kaire, et qui offre, sur l'aire B, les chiffres 87 (3); ce qui signifie que cette pièce d’or a été frappée en 11-87 de l'hégire [1773 où 1774]. C'est la seizième du règne de Moustaf à, ou le commencement de la dix-septième et dernière; tandis que, si l'on addi- tionnoit les chiffres 8 et 7, on n’auroit que la quinzième année. La pièce de cuivre de petit module que nous publions sous le n.° 26, fabriquée sous le même règne de Moustafä, Va été en 11-81 [1767 ou 1768 |, comme le fait voir le nombre 81 gravé vers le haut de la pièce. Le sequin n.° 16 de la planche 2 des monnoies de Turquie de M. Bonneville, frappé au Kaiïre et portant, les initiales du nom d’A’h-bey, est de 11-83 [1769 ou 1770], et celui sous le n.° 12, frappé à Constantinople (4), est de 11-86 [1772 où 1773 | Enfin ce n'est peutêtre pas sans quelque intérêt qu'on pourra rapprocher la pièce de 40 médins d'A'h-bey, frappée au Kaire et publiée par nous, que nous avons citée page 368 (5), d’une pièce aussi de 4o médins, frappée à Constan- tinople en là même année, comme l'indique le nombre 83, et portant le millésime 11-71 de J'avénement de Moustafä. (Monnoies d'argent de Turquie, pièce n.° 2.) Lorsque l’année de la fabrication diffère de celle de lavénement par les trois derniers chiffres, on remarque trois chiffres sur les monnoïes. Le inédin gravé sous le n.° 22 dans la planche relative à ce Mémoire, qui porte le millésime 1-187, époque de lavénement d’A’d-el-Hamyd ben-Ahmed, présente, vers le haut de la pièce, les chiffres 200 (6), qui constatent que la pièce a été frappée en 1-200. Il en est de même du sequin d’étrennes publié par M. Bonneville sous le n.° 21, planche 3 des monnoïes de Turquie, et qui porte les mêmes chiffres 200. Ainsi ces deux dernières pièces ont été frappées au Kaire dans la même année, et ce sont deux exemples des notations différentes que nous avions annoncées ci- (1) Cechifire, dans l'ouvrage de M. Bonneville, est aïnsi gravé, 4, tandis que ce doit être 4, comme dans la note précédente. (2) 1769 ou 1770, 1771, 1772, 1773 ou 1774 de l’êre Chrétienne. Voyez la note suivante. (3) AV, abréviation de pav. C’est en même temps Pannée de lavénement d’4’4d-el-Hamyd fils d’ Ahmed , qui succéda à Moustafä IT, le 23 janvier 1774. (4) Ey Islémboul [ Jo 3 1. Voyez p. 326, alin. 2 CROIS (5) Alin. avant-dern. et pag. 363, alin. 2. (6) + Voyez le Tableau des monnoies. On y cite, sous le numéro d’ordre 69, un autre médin qui porte les chiffres 201 [r4], lesquels indiquent, pour l’année de la fabrication , 1-201 de lhégire [1786 ‘ou 1787 de notre érel SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE 53 dessus (1) comme adoptées, dans le même hôtel des monnoïes, sous le même règne, pour indiquer l'année de la fabrication. M. Tychsen, dans son Supplément à son Introduction à la Numismatique des Mahométans (2), observe que M. Akerblad prétend, non sans vraisemblance , que les chiffres qu'on remarque sur les pièces de Moustaf ä sont une abrévia- tion du millésime de la fabrication. La conjecture de M. Akerblad se trouve parfaitement confirmée par ce que nous venons de dire. { Au reste, cette manière d'indiquer l'année de la fabrication n’est pas particu- lière, comme nous l'avons déjà annoncé, au règne de Moustaf ä : nous venons de la voir adoptée sur une pièce du règne d'A del-Hamyd; elle l'a été géné- ralement, du moins au Kaire, sous celui de Selym TT, sultan qui régnoit à l’époque de la conquête de l'Égypte par les Français. Sur les pièces gravées dans la planche jointe à ce Mémoire, savoir, celle de Âo médins n° 17, et celle de 20 médins n° 19, le millésime 1203 est celui de l'avénement du sultan Se», et le nombre 1 3, placé vers le haut de la pièce, indique l'année 12-13 [ 1700 |, qui est celle de la fabrication. Ce sont les Français qui ont fait frapper ces pièces, dont ils ont rétabli la fabrication , abandonnée depuis A 'ly-bey 13} M. Bonneville en a publié une de 20 médins, sous le n.° 16, planche 4 des monnoies se de Turquie. Sur le sequin gravé n.° 13, les chiffres 1$ qu'on lit à la fin de la troisième ligne, sont les deux derniers de l’année 12-15 [lan o du calendrier alors suivi en Égypte par les Français, ou 1801 de l'ère Chrétienne] (4). Quoïqu’il paroisse que la même notation a été suivie en général, du moins au Kaire, pour les pièces frappées sous Se, nous remarquons cependant que le médin que nous avons fait graver sous le n.° 23, quoique frappé au Kaire sous le règne de Seyyw, porte le chiffre 1, qui indique la première année du règne. [ en-est de même du demi-fondoukli gravé dans l'ouvrage de M. Bonne- ville sousle n° 2$, planche 3, monnoïes de T'urquie, et du fondoukli sous le n° 24, où le millésime de l'avénement est gravé vers le bas de la pièce, entre les orne- mens du grenetis (s),et qui portent vers le haut, le premier, le chiffre r, et l'autre le chiffre 2, lesquels chiffres désignent la 1. et la 2.° année du règne de Se/ym II. . De ces deux manières d'indiquer l’année de la fabrication, ïül est facile de voir que la plus précise est celle qui consiste à reproduire ceux des derniers chiffres du millésime qui ont changé depuis l’avénement : en effet, l’année du règne com- prend presque toujours la fin d’une année de fhégire, et le commencement de (1) Voyez pag. 370, lin. 3: Voyegaussi pag. 458 et 450, la domination de Mohamed-bey, Voyez pag: 342; alin, 2. npt. 4 et S. (4) Si lon prenoit le nombre 15 [lo] pour la quinzième (2) Olai Gerhardi Tychsen Thor csontss in rem nu- mariam Muhammedanorum A dditamentum I ; Rostochii, MDCCXCVI, in officin. libr. Stilleriana ; pag. 62. (3) Ou peu après 4”’/y-bey, Nous avons vu une pièce de 20 médins, frappée au Kaire, portant le paraphe d’A”’bd- el-Hamyd et Vannée de son avénement 1187 [ nav ]. Le chiffre 9 [4], placé au-dessus du mot drob, indique, pour Pannée de la fabrication, 118-9 de Phégire, époque de année du règne de Selym, on reporteroït la fabrication de cette pièce, qui a été frappée sous nos ÿeux, à l'an 1218 de lhégire [Pan 12 ou 1804], c’est-à-dire bien après le départ de l’armée Française. (5) Nous observerons, au sujet de cette pièce, que le millésime de lavénement est mal gravé; il faut, au lieu de 1202 [it], 1203 [ir:#], qui est l’année de l’avé- nement de Selym LIT. Ces deux pièces sont d’/s/ämboul MÉMOIRE re l'année suivante, en sorte qu'on ne peut savoir dans laquelle des deux la pièce a été frappée. Afin de faire connoître de quelle utilité peuvent être, pour distinguer les époques, les chiffres dont nous avons parlé, il nous paroît curieux de rapprocher deux pièces de monnoïe frappées la même année, sous deux règnes différens, dans le même hôtel des monnoîies, dont l’une présente l'année de la fabrication indi- quée par les derniers chiffres du millésime, et l'autre l'année du règne. La pre- mière est le sequin du grand module frappé au Kaire sous le règne de Moustaf ä, et qui, d'après ce que nous avons fait voir, a été fabriqué en 1187 [1973 ou 1774] ( 1), quoiqu'il porte le millésime 1171 [1757 de notre ère], qui est la pre- miére année du règne de Moustafä. La seconde pièce est le sequin qui se trouve gravé dans l'ouvrage de M. Bonneville, sous le n.° 18, planche 2, monnoies de Turquie, frappé au Kaire sous A'#d-elHamyd fils d'Almed et successeur de Moustaf ä : le chiffre 1, qui se trouve placé au-dessus de la dernière lettre de l'avant-dernière ligne, indique l'an 1. du règne d’A'#d-el-Hamyd. Si l'on avoit pris les millésimes 1171 €t 1187 que portent ces pièces, pour les années de la fabrication, on auroit cru qu'elles avoient été frappées à seize années de distance, tandis qu'elles l'ont été dans la même année : on pourroit prendre au contraire, pour avoir été frappées dans la même année, deux pièces portant le même millésime, quoiqu'elles l’eussent été à vingt-cinq ou trénte ans de distance, l'une au commencement, l'autre à la fin d’un même règne, ou même à près d’un demi- siècle de distance, pour un règne qui auroit duré une cinquantaine d’années, comme, par exemple, celui de Sohymän 1° (2). Si la pièce a été fabriquée l’année même de l’avénement, il sembleroit inutile d'indiquer l’année de la fabrication, soit par la première notation, en y inscrivant le chiffre 1, ce qu'on a cependant fait souvent (3) pour désigner la première année du règne; soit par la seconde notation, en y répétant le dernier chiffre de l'avénement (4). Peut-être est-ce pour cette cause que sur plusieurs monnoies on n'aperçoit point de chiffres (outre le millésime de lavénement), et que ces chiffres sont remplacés par un astérisque ou fleuron, ou par une des lettres distinc- tives dont nous avons parlé page 361. Néanmoins toutes les pièces qui sont dans ce cas, ne nous paroïssent pas avoir été frappées dans la première année du règne ; tels sont Îles sequins que nous avons cités page 362 (5). Il résulte alors de l'ab- sence des chiffres particuliers dont ïl s'agit, qu'on n’a aucun moyen de con- noître l'année précise de la fabrication. (1) Voyez page 372, alin. 2. (2) Solymän ben Selym [a 6 old] commença à régner en 926 de l'hégire[ 1 520 de notre ère], et Selym II lui succéda en 974 [1566 de notre ère]. (3) Nous en avons cité divers exemples, pag. 370, alin. 1%; pag. 373, alin. $ , et pag. 374, alin. 1.°* On peut même dire que cet usage a été suivi assez généralement pour toutes les premières années des règnes, même de ceux sous lesquels on a adopté la seconde notation pour les autres années du règne. (4) Nous n’avons pas vu d'exemple de pièces sur les- quelles on aït répété, pour indiquer que la fabrication a eu lieu l’année même de lavénement, le dernier ou les derniers chiffres de cette année. (s) Alin. avant-dern. et suiv, SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTÉ. AS S. VIII Écrit ure, Forme des Lettres. Les légendes des monnoîïes usitées en Égypte, qui avoient été écrites en grec sous les successeurs d'Alexandre, en grec ou en latin sous la domination des Romains, en persan avant l'établissement de l'islamisme, le furent depuis en caractères Koufiques. En effet, eMacin (1), dans son Histoire des Arabes, rapporte, surle té- moignage d’'Abou-Ga'far (2), que les légendes des monnoies d’or usitées avant l’islamisme étoïent en grec, et celles des monnoïes d'argent, en persan (3). O'rner, vers l'an 1 8 de lhégire é de notre ère], suivant le passage de Magryzy que nous avons déjà cité (4), fit fabriquer des dérhem à limitation de ceux des rois de Perse, jusqu'alors seuls en usage, et y fit mettre, en langue Persane, les légendes que nous avons indiquées. Lorsqu'A'éd-e/Maiek institua le type musulman, et qu'il fit écrire en langue vulgaire Îles légendes qu'il adopta { $), on se servit sans doute du caractère qui prit par la suite le nom de Koufique. L'écriture Koufique a pris son nom de Korfah (6), ville de Mésopotamie, où se trouvoient les plus habiles écrivains. Cette écriture devint célèbre et très- répandue par lPusage qu'on en fit pour écrire le Qor4r. Elle est surtout re- marquable par l'absence de tous les points et accens pre qui sérvent à indiquer les voyelles et les redoublemens de lettres, en sorte qu'un même mot pourroit avoir un grand nombre de prononciations différentes. 11 faut être très- exercé à la lire et très-versé dans l’ancienne langue Arabe, pour deviner, par le sens du mot et de la phrase, comment il faut lire, prononcer et traduire. Le koufique ne continua guère à être lécriture ordinaire que jusqu'au ur.° siècle environ de Fhégire [le 1x.° de notre ère]; mais il fut en ‘quelque sorte long- temps consacré aux inscriptions, monumentales, et devint comme l'écriture lapi- daire des Arabes. On l’employa sur les monnoïes jusqu’au vir.* siècle de lhégire [le xur. de notre ère |, ou du moins un caractère approchant et qui en dérivoit, tel que l'écriture appelée ERA Tes (7). Cependant ces écritures mêmes n'ont pas conservé une forme Lien fixe etbien invariable ; et dans les manuscrits, Comme dans les inscriptions et sur les mé- daïlles, on remarque is, l'écriture change et s'altère successivement ; en sorte qu'on peut suivre, jusqu'à un certain point, le passage progressif de l'écriture Koufique à l'écriture Arabe plus moderne. La plupart des monumens publics, principalement les mosquées, présentent (1) ELMalyn [x]. Voyez, pour les noms de cet (4) Page 351, alin. dern. auteur et le titre de son ouvrage, le Mémoire de M. Marcel (s) Voyez pag. 353 , alin. 1.°" et suiv. sur le Megyés de l'ile de Roudah, EÉ. M. tom, Il, (6) 4,2 , ville de l/’räg Babylonien, qui comprend pag. 79. Pancienne Chaldée. (2) = a (7) Voyez le Mémoire de M. Marcel sur les inscriptions (3) Pag. 352, alin. 1. Koufiques, Æ. M. tom. Î.T, pag, 524. 376 MÉMOIRE de nombreuses inscriptions qui sont, pour la plupart, des passages du Qorén. Toutes celles qui sont anciennes sont Koufiques; il y en a de plus modernes qui sont encore en partie dans ce genre d'écriture ou en caractères qui s’en rap- prochent. Il en est de même de quelques-unes des inscriptions qui décorent sou- vent l’intérieur des appartemens, et qui sont extraites ou du @orän, ou de divers auteurs et poëtes Arabes. Les lettres Arabes, indépendamment des différentes formes qui leur sont affec- tées selon quelles se trouvent au commencement, au milieu ou à la fin d'un mot, n'ont pas toujours, comme nos lettres majuscules et nos lettres gravées ou imprimées, une forme constante et rigoureusement déterminée; elles varient sen- siblement, comme celles de notre écriture à la main, au gré de celui qui écrit ou qui grave : mais, malgré les nuances fort nombreuses qu'on peut remarquer dans les diverses écritures des manuscrits et des inscriptions, on peut cependant distinguer un certain nombre de genres principaux d’écritures, auxquels on a assigné des noms particuliers, et dont on donne des exemples qui servent de prototype pour y comparer et rapporter les différentes écritures qui rentrent dans le même genre (1 1). Nous ne pouvons mieux faire, pour en donner une idée, que de ren- voyér aux mémoires publiés par M. Marcel et qui font partie de la Description de l'Égypte ; savoir, celui sur les inscriptions du es gyäs (2) de l'île de Roudah, et celui sur les inscriptions Koufiques recueillies en Égypte (3). L'art de l'imprimerie n'étant pas LEE en Orient (4), on y attache à lhabileté des écrivains beaucoup plus de prix qu'en Europe. La profession d'écrivain fait vivre une classe nombreuse, qui est considérée et qui jouit d’une existence assez heureuse. On met un très- grand luxe dans les manuscrits, sur-tout ceux du @orän. Le Voyage en Égypte contient plusieurs modèles de calligraphie dans différens genres d’écritures, et l'on a rapporté en France plusieurs manuscrits Arabes admirables par la beauté et la netteté de l'écriture. Quoïque fart de’ graver en lettres n’ait pas été aussi pratiqué et poussé aussi loïn que celui d'écrire, cependant, pour peu qu'on soit habitué à voir de l'écri- ture Arabe, on peut distinguer aisément, aux proportions des lettres, à leur dis- position, à la fermeté et à la netteté des traits, qu'il y a une différence sensible entre les talens des graveurs qui ont exécuté tel ou tel coin. Aïnsi, sur les trois pièces d’or n.” 9, 11 et 14 que nous avons publiées, et dont l'aire B offre exac- tement la même légende, on peut remarquer troïs caractères d'écriture fort diffé- rens; et l'on peut voir facilement que l'écriture du , sequin n.° 14-est plus correcte et plus élégante que celle des deux autres dre Les légendes, sur-tout lorsqu'elles consistoient en passages du Qorän, étant (1) On peut comparer cette distinction de différens mètre construit par les Égyptiens modernes, dans une genres d’écritures auxquels on donne différens noms,à île du Nil, appelée Gegyret el-Roudah [ae pl 3j |, celle qui est établie chez nous et qui nous fait donner à peu de distance du Kaire. à nos diverses sortes d’écritures les noms de coulée, ronde, (3) É, M. tom, L?, pP: 525- bâtarde , &c. L'écriture Arabe varie aussi dans les diffé- (4) L’art de imprimerie n’a été pratiqué dans l'Orient rens pays, à peu près comme l'écriture Européenne, qui querarement, par des Européens, êt ne s’y est pas répandu. diffère en France, en Italie, en Angleterre, &c. Les Français avoient établi au Kaïre une imprimerie Fran- (2) É. M. tom. II, pag. 29, Le Megyäs est un nilo- çaise et Arabe, dont M. Marcel étoit directeur. assez LI? » di SUR LES MONNOIES D EGYPTE. D assez longues, on remarque sur les ayriér et drhem anciens que l'écriture est d’un caractère petit et fort serré; qu’outre l'exergue, qui comprend ordinaire- ment trois ou quatre lignes droïtes et parallèles, il règne autour de da Diese une et quelquefois deux lignes circulaires d'écriture { 1). Nous avons une pièce de cuivre, rapportée d'Égypte, d’un petit module (2), mais fort épaisse pour son diamètre, sur laquelle on lit seulement, en trois lignes droites et en carac- icres assez gros, d’un côté, la première partie, et, de l'autre, la seconde partie du symbole (3). Lorsque l'usage s’introduisit de ne plus mettre sur les sequins des passages du Qorän, l'écriture, moins serrée, fut disposée par lignes droites ; mais l'habitude de transposer plusieurs lettres et quelquefois des mots entiers, ou de les placer au- dessus des autres, faisoit que la disposition de l'écriture étoit assez irrégulière, ou que les lignes n'étoient pas parfaitement droites, comme on peut le voir sur les pièces gravées sous les n°” 8 et 9 (4). Depuis assez long-temps, pour donner plus de régularité à l'écriture, on a imaginé de tracer des lignes droïtes, également distantes, qui divisent la surface B de la pièce en quatre parties et servent d'encadrement à chaque ligne d'écriture. Ces lignes sont réunies aux deux extrémités par des portions de cercle qui se rapprochent beaucoup de la ligne circulaire qui sépare le grenetis du champ de la pièce (5). $. IX. Ornemens. ON peut regarder les lignes dont nous venons de parler, comme faisant partie des ornemens de la pièce. Nous pensons cependant que cet usage, qui n’est pas très-ancien, n'indique, pas beaucoup d’habileté de la part des graveurs. C’est comme si l'on rayoit le papier pour diriger les ligñes de l'écriture. H seroit plus élégant et plus correct d'avoir une écriture bien alignée, sans qu’on eût besoin de régler la surface du métal sur lequel on grave. Les autres ornemens, en général fort simples et peu recherchés, qu'on remarque sur les pièces de monnoïe modernes, sont, 1. Les fleurons, 2.° Le grenetis, Due Le cordon sur tranche. Le chiffre ou paraphe du sultan pourroït être regardé comme un ornement : (1) Tel est le dynâr que nous avons décrit, pag. 353, Aïre B, RUE ‘dern. alin. | J (2) 14 millimètres de diamètre et 3 millimètres + d’épais- | a seur« (3) Ces légendes sont ainsi disposées : (4) Voyez la planche jointe à ce Mémoire, Aire À, at Y | (s) Voyez ibid. les pièces n.°° 10, 13 et 14, wi Y | so=| LMI OMENTI, ; Bbb MÉMOIRE 375 nous en avons parlé à l’article des noms du prince, page 356 (1). Nous ferons seulement remarquer ici qu'au lieu de ce chiffre la pièce de cuivre frappée sous Mahmoud, avénement de 1 143 [1730 de notre ère], et que nous avons fait graver sous le n.° 2$, offre une rosace ou entrelacs qui occupe toute la surface de la pièce. Les fleurons sont placés, sur l'aire À , dans les espaces vides que laisse le chiffre du sultan. Sur l'aire B des fondouklis, on en remarque souvent un vers le haut de la pièce, au-dessus du # du mot db (2), et il y remplace le chiffre indicatif de l'année du règne ou de lannée de la fabrication, comme sur les pièces n.® 1,2, 3,4,6et 7 (3). Enfin on en voit de distribués, en plus ou moins grand nombre, selon le goût du graveur, au-dessus et entre les lignes de l'écriture : le sequin gravé dans l'ouvrage de M. Bonneville sous le n.° 1, planche 1.° des monnoïes d'or de Turquie, en offre une grande quantité (4). La forme de ces fleurons varie. Les deux plus remarquables et qui se pré- sentent le plus souvent, sont, 1.° celui dont la pièce que nous avons fait graver sous le n° 19, offre un exemple, aire A ; 2.° celui qu'on voit sur l'aire B de la pièce n° 7 (5). On a cru y distinguer les lettres entrelacées ou une abréviation, pour le premier fleuron, du mot Allah (6), et, pour le second, du nom de Mahomet (76 mais il nous paroît plus vraisemblable qu'on a cherché dans de simples orne- mens de fantaisie un sens auquel ceux qui les ont inventés n’ont probablement jamaïs songé. I seroït peut-être plus naturel de voir dans le premier de ces fleurons le commencement du symbole /4 ilaha (8), &c. La forme qu'on lui a donnée sur la pièce gravée dans l'ouvrage de M. Bonneville sous le n.° 4, semble offrir en effet assez distinctement deux /#m-alef (0), dont un retourné. Les pièces d'or, d'argent, et même de cuivre, portent, de chaque côté, en relief, sur les bords, un grenetis composé, soit de points ronds plus ou moins larges que les Arabes comparént à un collier de perles (10), soit de points alongés ou grains d'orge (11), soit enfin de petits nœuds ou fleurons (12). Une ligne circulaire pleine (13) ou ponctuée (14) sépare le grenetis de la légende. (1) Alin. 5. (2) Voyez pag. 362, alin. dern. et not, 13; pag. 369, alin. 1. (3) Voyez la planche jointe à ce Mémoire. Le fleuron que portent les trois pièces n°? 1, 2 et 4, est le même que celui des deux pièces n.° 6 et 7, excepté que, sur les trois premières, il est surmonté d’un autre petit fleuron, 4, dont Ia pièce n° 7, aire A, offre trois exemples. (4) On peut voir aussi la piastre sous le n.° 6, ou- vrage de M. Bonneville, planche 4, monnoïes d’argent de Turquie. (5) Voyez la planche jointe à ce Mémoire. (6) al, Dieu, (7) Mahamed[ o+$ ]. — L'usage de faire un ornement de lettres entrelacées auroit quelque rapport avec celui qui est commun en France, d'indiquer le nom de Jésus par jy, celui de Marie par M ,et celui de Louis(comme cela s’est pratiqué sur plusieurs monnoïes) par deux L croisés , do. (8) JT Y. Voyez pag. 353, not. 8, et 354, not, 7 (9) YY. Voyez pag. 361, not. 11. (10) Voyez les monnoies gravées sous les n.°° $, 8, 9» 12,16, 17, 19, 22 et 26, planche jointe à ce Mé- moire, (11) Voyez la pièce n° 18, planche jointe à ce Mé- moire, (12) Voyez les pièces n°5 1, 2,3, 4,6 et7, planche jointe à ce Mémoire, (13) Voyez les pièces n.°5 3,5, 8, 9, 11, 12,14èt suiv. planche jointe à ce Mémoire. Cette ligne circulaire est presque le seul ornement qu’on remarque sur les pièces les plus anciennes. (14) Voyez les pièces n°1, 2,4,6et7, planche jointe à ce Mémoire, SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTÉ. 379 Sur les fondouklis et les sequins du plus grand module, ou sur les pièces d'étrennes (1), autour de ce grenetis, on remarque une portion circulaire de la surface de la pièce {ou un anneau), qui est unie et sans ornement, comme on peut le voir pour les pièces que nous avons fait graver sous les n.” 1, 3 et 12 (2) : cela tient à ce que ces pièces, quoique d’une surface beaucoup plus grande que les fondouklis ou sequins ordinaires, étoient néanmoins frappées avec les mêmes coins, qui marquoient au centre de la pièce et laissoient le reste uni et sans empreinte. Celles des pièces qui étoïent fabriquées avec le plus de luxe, et principalement les grands fondouklis de Constantinople, étoient frappés avéc des coins gravés exprès, aussi grands que la pièce et ornés de deux grenetis , entre lesquels le champ de la pièce restoit uni (3), ou étoit décoré de divers entrelacs, fleurons ou rinceaux (4), comme on peut le voir sur les monnoïes de Turquie publiées par M. Bonneville. Mahmoud fils de Moustafä, que lon désigne vulgairement par le nom de Mahomet V, avénement de 1143 [1730], est un des sultans de Constantinople Qui ont mis le plus de soin et de luxe dans la fabrication des monnoïes. On peut s'en assurer par les fondouklis de grand module publiés par M. Bonne- ville, sous les n° 6 et 7 (5). Nous en avons rapporté d'Égypte un de cette espèce qui est d'un titre élevé et très-bien exécuté. Ce n'est pas seulement pour l’ornement ou l'élégance des pièces de monnoie, qu'on a adopté généralement en Europe l'usage de faire graver sur la tranche divers dessins et diverses légendes : le but a été d'empêcher Faltération des monnoies, dont on ne pourroit diminuer le poids en ‘en diminuant le diamètre, sans qu'on s'en aperçüt à la simple vue, par l'altération ou la suppression de ces ornemens ou de ces légendes. Lorsque les monnoïes étoïent sans empreinte sur la tranche, rien n’étoit plus facile que d'en enlever une portion, sans qu'elles parussent altérées, les pièces n'étant pas parfaitement circulaires et leur diamètre variant. Lorsque la tranche n'est marquée que d’une légère ciselure, il est trop facile de la contrefaire. Les lettres ou légendes sont infiniment plus difficiles à imiter. Anciennement, les lettres sur tranche de nos monnoies étoient saïllantes et s'effaçoient promptement par le frottement ou le frai; aujourd'hui elles sont empreintes en creux. Cette précaution, jointe à ce que nos pièces d'or et d’ar- gent, frappées en virole (6), sont exactement du même diamètre, rend impossible la moindre diminution de ce diamètre, sans qu'on s’en aperçoive au premier (1) Voyez pag. 337, alin. dern. (4) Voyez, ouvrage de M. Bonneville, planche 1."°, (2) Voyez la planche jointe à ce Mémoire. les foñdouklis de grand module, n.°s 6 et 7. (3) Voyez l'ouvrage de M. Bonneville, planche 1." (5) Planche 1.'° des monnoïes d’or de Turquie. des monnoïes d’or de Turquie, la pièce n.° 4; pl.2, (6) La virole est une plaque d’acier, percée, au mi- les pièces n° 10, 11 et 15; et planche 3, les pièces 20 lieu, d’un trou circulaire dans lequel se place la pièce et 21. de monnoiïe pour recevoir le coup de balancier. Ë. M. TOME II. B bb 2 380 MÉMOIRE coup-d'œil, sur-tout si lon rapproche la pièce d’üne autre semblable qui soit bien conservée. Ceux des anciens dynér et drhem que nous avons vus, ne nous ont point paru avoir été ciselés sur la tranche, quoiqu'il soit possible que cette ciselure ait été effacée par le frai ou par ceux qui font métier d’altérer les monnoïes : cependant il paroît certaïn que l’on a été long-temps dans l'usage, sur-tout lorsqu'on se contentoit d'arrondir les pièces en les cisaillant, de ne point mettre d’em- preinte sur la tranche. Les fondouklis, comme beaucoup de nos monnoies d'Europe, ont une espèce de ciselure qui a quelque ressemblance avec celle que présente une corde ou un cordon, et c'est de ià que vient le nom de cordon donné en général à toute espèce de ciselure ou d'empreinte que portent sur la tranche les pièces de monnoïe. Les sequins sont cordonnés à peu près de la même manière, ou légè- rement dentelés, comme nous le verrons (1) en traïtant des procédés de la fabri- cation. | Plusieurs pièces d'argent d’un fort poids et même celles de {o et 20 médins, et plusieurs pièces de cuivre, eussent été susceptibles de recevoir sur la tranche un cordon figuré où une légende; mais l'art n'étoit pas assez perfectionné en Égypte, pour qu'on püt adopter le procédé par lequel on grave, en Europe, des lettres sur la tranche des monnoiïes, quoïque ce procédé soit aussi simple qu'ingénieux. CHAPITRE IV. Valeurs des Monnoies. SE Et Poids. IL ne paroît pas qu'on ait frappé habituellement en Égypte de monnoie d’or qui excédât le poids d’une drachme et demie | 4 8"7"% 618], ou d'un rtq4/ actuel (2), ou même d’un tqäl ancien, équivalent à 1 drachme À L'on DL Tel est, en effet, à peu près le poids des dynär que nous avons eu occasion de vérifier. Ce n'est que par exception à la règle générale et dans des circonstances par- ticulières qu'on a quelquefois frappé des pièces d’or d'un poids plus considérable, telles que les doubles-fondouklis et les fondouklis-et-demi d’étrennes , dont nous avons parlé page 337. (1) Voyez pag. 435, alin. 1° et suiv. Poids Arabes (citée note 1." de la page 323), pag. 233, (2) Voyez, au sujet du mirgäl, notre Notice sur les alin. 4 et suiv. SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTEÉ. 381 Les princes ou gouverneurs qui faisoient frapper les monnoïes, en altérèrent à différentes époques les poids et les titres, afin de faire un plus grand béné- fice; mais, l’altération du poïds pouvant se vérifier à chaque instant et plus faci- lement que celle du titre, la diminution du poids fut lente et successive, pour qu'elle devint moins sensible. Les plus anciens fondouklis et les mieux conservés dont nous ayons constaté le poïds, n'excédoïent pas 1%%%,16 [38m ç/ 1]; et les demi-fondouklis, la moitié de ce poids (1). | Tel devoit être aussi dans l’origine le poids des sequins zer-mahboub, comme on peut s'en assurer par le Tableau des monnoies joint à ce Mémoire {1} : mais, vers le commencement du règne de Moustaf à fils d' Ahmed, qui monta sur le trône en 1171 de lhégire [1757 de notre ère], le poids en fut diminué jusqu'à OO So] Metlifinér dt otre Gi \Tragremme dé à ]J, au com- mencement du règne de Seym fils de Moustafä, dont l’avénement est de l'année 1203 de lhégire [1789 de l'ère vulgaire]. Les Françaïs les maïntinrent à ce poïds, et la tolérance, ou remède, fut fixée, par réglement du directeur général et comptable des revenus publics de l'Égypte, en date du 25 nivôse an 9 [1 $ janvier 1801 |, à 2 drachmes en dessus et 2 drachmes en dessous, ce qui équivaut à......... AE Re ae UE QUÉ;QOBR7 5. Cette tolérance étoit anciennement, en France, de 15 grains par: ATOME SO MOU RENE, IE. 358 A4 our ET HE LNOOO MAIS Et, depuis la fabrication des pièces de 4o fr. et de 20 fr. (3), CéLee-NRRUN, JARNIE ee NE IE RS Mr. vd Mai 0,002000, Le remède de poïds accordé en Égypte étoit donc moindre que celui qui étoit accordé en France pour les louis, et à peu près égal à celui qui est fixé pour les pièces d’or de 40 et de 20 francs. Cependant, comme l'or étoit bien plus subdivisé en Égypte, le remède de poids auroit dû être plus fort (4). II étoit donc presque impossible que chaque pièce séparément atteignit avec exactitude le poids fixé : mais, comme Jon ne tenoït pas compte à l'ouvrier de la surcharge de poids, et quon ne recevoit pas les sequins, s'ils ne pesoïent pas assez exactement 84 drachmes [2588%7"%,628] le cent, il étoit intéressé à ajuster les pièces avec une assez grande précision. Du reste, plus les pièces présentent de surface, et plus le frai en diminue promptement le poids ; et en Égypte, comme dans la plupart des pays du monde, il se trouvoit des gens dont la basse cupidité faisoit métier d'altérer le poids des pièces d’or : les serrdf ou changeurs {$) avoient soin de les peser, lorsque le poids en paroïssoit trop affoibli. Si les sequins, comme nous avons lieu de le conjecturer, ont remplacé les anciens dynér, dont 7, dans l'origine, pesoïent 10 drachmes : 7 sequins ne . (1) Voyez le Tableau des monnoies ci-joint, depuis et par les décrets des 9 avril 1791 et $ février 1793. le n.° d'ordre 4 jusqu’au n.° 30 inclusivement. (3) Loi du 7 germinal an 11 [23 mars 1803]. (2) Edit de janvier 1726. (4) Par le motif indiqué pag. 383, alin. 6. Les mêmes remèdes ont été conservés par les décla- (s) Voyez pag. 343, not. 3 et À, et pag. 425, not. 2. rations et édits des 23 mai 1774, 30 octobre 1785, 382 MÉMOIRE pesant plus aujourd'hui que 5"%#%804, il y auroit eu entre 7 dnér anciens et 7 sequins nouveaux une différence de poids de 4%*hms 106, ou plus de 41 p. o/o de diminution sur le poïds des pièces d’or. Les demi-sequins ou sousfyeh (1) devoient avoir la moitié du poids des sequins, c'est-à-dire 42 drachmes au moins [environ 129 grammes ? | le cent; et les quarts de sequin où rouba'yeh (2), ou le quart du poids des sequinsentiers, 21 drachmes [à peu près 64 grammes + le cent] Quant au poids des anciens kharoubah, Voyez ce que nous avons dit de cette petite monnoïe d'or, page 339 (2). Nous avons fait voir, dans notre Notice sur les Poids Arabes (4), que, dans forigine, la monnoie d'argent appelée &rhem, et celle d’or appelée dnér, pesoient également un wztyäl : mais il s'introduisit, par la suite, dans la circu- lation, des drhem de différens poids provenant de divers pays. Les impôts, ou la dîme sur l'argent monnoyé, se payoient en deux parties, l'une en rem forts de poids, et l'autre en drhem foibles. Ben-Merouän ($), voulant établir un système de monnoies uniforme, craignit, s’il adoptoit les rhem forts, de sur- charger les habitans ; et, s'il se décidoiït pour les foibles, de diminuer l'impôt. I prit un terme moyen et fit fabriquer des drhem au poids de 10 pour 7 witgäl. I fut déterminé à adopter cette proportion, par un motif curieux que nous avons fait connoître en parlant du module des monnoies (6). Le nouveau drhem devint l'unité de poïds, laquelle conserva, ainsi que la monnoie, le nom de &rhem , mitgäl, et même après qu'il n'exista plus de monnoie appelée drhem. Afin de distinguer la monnoie d'avec le poids, nous avons adopté, pour dé- signer la pièce d'argent, le mot Arabe drhem, et pour distinguer le poids usuel, le mot Français drachme, qui paroît avoir avec le précédent une origine com- mune (7). Cet usage de faire les monnoïes égales en poïds aux poïds usuels, et de leur donner les noms mêmes des divisions de ces poïds, paroïît fort ancien et avoir été suivi chez plusieurs peuples. Diverses monnoïes ont été connues en Europe sous les noms de #yre, d'once, de gros (d'argent ou d’or); et, jusqu'à l’adoption de notre nouveau système monétaire en francs, le mot #yre se disoit également de notre unité de poïds et de notre unité de monnoïe , quoïque nous n'eussions point de monnoïe qui fût du poids d’une livre. Quoiïqu'on ne doive pas considérer les médins actuels comme une altération dés anciens drhem (8), maïs comme une monnoie nouvelle, de l'établissement de laquelle nous ignorons l’époque précise, il est certain. qu'anciennement leur poids étoit bien plus considérable. À différentes époques, la Porte, informée des abus qui s'étoïent glissés dans les monnoies, envoya des ordres, ou même des (1) Voyez pag. 329, alin. 2 et not, 2. (6) Voyez ibid. et not. s. (2) bid, not. 3. (7) Voyez notre Notice sur les Poïds Arabes {citée à (3) Alin. 1.7 et suiv. la page 323, not. 1."), pag. 230, alin. 5. (4) Citée not. 1.'° de la pag. 323. | (8) Voyez pag. 334, alin. 1. et suiv. (s) Voyez pag. 347; alin. 3 et not. 4. SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 383 commissaires spéciaux, pour ramener le poids et le titre des monnoies aux mêmes règles que celles qui étoïent suivies à Constantinople. : L'an 1176 de lhégire | 1762 de notre ere |, sous le règne de Moustafä, lorsque Rodouän, kikhäya dbrähym {1}, mamlouk, dominoit au Kaïre, A/med Aghäh Khatyb Zädah (2) y fut envoyé de Constantinople avec le pécha Rahäb pour inspecter la monnoie. Il fixa le poids de 1000 médins à 125 drachmes [3 84Ermme 862 |, Au commencement du règne de Sem, en 1203 [ 1789 de notre ère ], on reçut l’ordre de la Porte de rehausser le poids des médins, qui avoit été diminué de 11 $ drachmes à 100 drachmes : maïs on obtint À la monnoie l’au- torisation de le baisser de nouveau; et, dans l'espace de dix ans, il fut successt- vement réduit à 73 drachmes [ 2248%"m« 760] Lorsque les Français prirent possession de la monnoiïe, ïls ne changèrent rien à l'usage établi déjà depuis un certain temps avant leur arrivée. Aïnsi, dans l'espace des trentesept dernières années, le poids des médins auroit été diminué de 41 + p. ojo. Si l’on veut comparer le poids actuel de cette monnoïe, la seule en argent ou haut-billon qui existe depuis long-temps en Égypte, avec lé poids de celle qui s’y fabriquoit anciennement sous le nom de drhem, on voit que le médin pèse treize à quatorze fois moins que lé Zrhem. Cette ténuité des pièces et la manière dont on les fabrique (3), mettent dans l'impossibilité de donner le même poïds à chaque pièce; il suffit qué 1000 mé- dins pèsent assez exactement 73 drachmes. Sous notre administration, on toléroit une drachme (3 RE 08 | en plus ou en moins; ce qui donnoït un remède de poids de 0,014 environ : maïs ïl falloit qu'un certain nombre de milliers de médins équivalût au poids exigé. On ne peut comparer ce remède sur un poids de 1000 pièces à ceux accordés en France (4) sur le poids de chaque pièce en particulier : cependant on y a adopté pour principe que plus la monnoïie étoit subdivisée, plus le remède de poids devoit être fort; et, tandis qu’on la fixé, pour les pièces de $ francs, à 0,002, ül l’a été, pour les pièces de 2 $ centimes, à 0,010, ouà 10 grammes par kilogramme. L'avantage d'avoir une monnoïe d'argent moins difficile à compter que les médins et dont la valeur tînt le milieu entre celle des pièces d’or et celle des médins (qui n’auroient dû servir que de menue monnoie pour les appoints), engagea sans doute A’#-bey à faire fabriquer des piastres à l’imitation de celles de Constantinople ($). | | Il résulte des renseignemens que nous nous sommes procurés au Kaire, que la série des piastres ou pièces fortes d'argent qu'A’h-ey a fait fabriquer ou qu'il avoit projeté de mettre en émission, n’en comprend point de la valeur (1) x pl Go, . Le mot 4khyä LE] où k- (2) 851; mbs sl opl. Voyez pag. 388, alin. 2. khäyä GIE MS qu'on prononce vulgairement kikhy, et (3) Voyez pag. 422, alin, 2, et pag. 4253 alin. 6. que nos auteurs écrivent kiahya ou kïaya, est une cor- + (4) Elleétoit anciennement, ur Pargent, de 36 grains ruption du mot kotkhedä [ las]; il signifie confident, par marc, ou de 0,007 812." lieutenant. (s) Voyez pag. 332, alin. avant-dern. 384 « MÉMOIRE de 60 ni de 30 médins, et que le poids de ces diverses pièces devoit être comme il suit : Pièces de FOOD EE I j drachmes - (1). # 80 9 fo A 20 2 me Cependant celles des pièces frappées sous ce £ey qu'on nous a données en Égypte pour être de 4o et de 20 médins, pesoient de... $ dhmes 142, eu à 2e PO TéTMeMmoyer re" S" "102: / Ces pièces seroient-elles de 60 et de 30 médins! Cela ne nous paroît pas pro- bable, puisqu'on nous a assuré qu'il n’en avoit pas été fabriqué de cette espèce. Ou sont-elles les premières de 40 et de 20 médins qu'A’h-bey aït fait frapper, tandis que celles qüi furent mises plus tard en émission furent réduites au poids de À drachmes + et de 2 drachmes =! Ce qui pourroit le faire croire, c’est que l'efféndy de la monnoie, de qui nous tenons les renseïgnemens sur la série des diverses pièces ci-dessus, n'en fait remonter l'époque qu'à 118 s de l'hégire, tandis que les pièces que nous avons rapportées d'Égypte et fait essayer et graver {2}, portent le millésime de 1183. Reste à savoir si ce millésime indique seulement l'année où A’y-bey se rendit indépendant, ou lannsé même de la fabrication des Pics (3). | Les pièces de 4o et de 20 médins, dont la fabrication fut rétablie par les Français (4), devoient être du poids de À drachmes et de 2 drachmes. D'après cela, la diminution sur le poids de cette monnoie, comparée à celle du même genre . temps d'Ahy-bey, eût été d'environ 1,163 sur PAS 163, ou de 22 + p. o/o, si la pièce de 4o médins d’Apy-bey devoit péser Pons 163; ou D ae TE TI P- o/o, si elle ne devoit peser que ATOS L % 717000 Comme on attache ordinairement beaucoup moïns d'importance aux monnoies de cuivre, qu'elles ont éprouvé des variations continuelles, qu’elles ont presque toujours une valeur fictive qui résulte du besoin journalier qu'on en a pour servir de signe ou de moyen d'échange dans l'achat des menues denrées, et que, pour cette raison et à cause du bas prix du métal, on ne regarde guère au poïds que peut avoir chaque pièce, il nous paroît moins essentiel de constater le poïds des monnoïes de cuivre à diverses époques. | Nous nous contenterons d'observer que les plus fortes pièces de cuivre qu'on (1) Voyez, pour l'évaluation des drachmes en poids de : Voyez aussi pag. 368, alin. avant-dern., et 363 , alin. 2, France, le tableau jointà notre Notice sur les Poids Arabes (3) Voyez ibid. et pag. 361, alin. dern. ( citée pag. 323, not. 1.8), pag. 244. (4) Voyez pag. 333, alin. avant-dern., et pag. 427, (2) Voyez la planche jointe à ce Mémoire, n.° 16et18. not. 2. ait SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 385 ait fabriquées en Égypte depuis les khalyfes, ne nous paroïssent pas avoir excédé le poids de 7 drachmes 2, un peu plus de 23 grammes. Une pièce de cuivre, dont la légende, en caractères Koufiques, présente le mot aynâr , et qui est de la nature de celles dont nous avons parlé, page 342 (r), pèse. ASE 64 4 sens 062 |; et celle que nous ayons citée page 377 (2)» 1rchme 6 1 4 | ferummes 060 ] , Le gedyd que nous avons fait graver sous le n.° 25 (3), pouvoit peser environ dns [ jen, 388 Ceux du règne de Moustafä, avénement de 1 171 [ 1757 de notre ère |, dont un a été gravé dans la planche ci-jointe sous le n.° 26, varient de + à + dé drachme (4). Enfin des gedyd sans empreinte, dont il a été question page 337, ne pesoient guère , les 10 ensemble, que 2 drachmes + à 2 drachmes =; où la pièce, + de drachme au plus (5). RE à À Titre. Daxs l'origine de l'établissement de presque toutes les mmonnoïies, les pièces d'or et d'argent ont d’abord été à un titre fort élevé: et, chez presque tous les peuples, les anciennes sont ordinairement les plus pures (6). Ainsi, par exemple, le dynér que nous avons cité page 353, et qui est de l'an 97 de l'hégire [716 de l'ère Chrétienne |, s’est trouvé, d’après les essais rigoureux faits à la monnoie de Paris, à 087, ou 23 karats + (7). Tant que les Gouvernemens n’ont pas un intérét personnel à surcharger la monnoiïe d’alliage, rien n’est plus naturel que de donner à ce signe représentatif de toutes les autres valeurs la plus grande valeur possible sous le moindre volume ; ce qui la rend plus facile à serrer et à porter, et ce qui diminue les frais de fabrication. Néanmoins il ne faut pas croire que le mieux soit de porter l'or et l'argent au titre le plus élevé. L'expérience à appris qu'une certaine proportion d'alliage donne à ces métaux plus de dureté et les rend moins susceptibles de s'altérer par le frai. Indépendamment de cette considération, comme la plupart des monnoies s'alimentoïent avec des espèces fabriquées par les Espagnols et les Portugais, qui possédoient Îles mines les plus abondantes du monde, les autres nations d'Europe ont été obligées d'allier leurs monnoïes à peu près dans les mêmes proportions qu'eux; autrement, il auroit fallu qu'elles supportassent, en pure perte, les frais d'affmage des monnoies espagnoles et portugaises. (1) Afin. 1. (s) Voyez pag. 384, not. 1.'e q (2) Lign. 4 et not. 3. (6) Voyez le Tableau des monnoïies à la suite de ce (3) Voyez la planche jointe à ce Mémoire. Mémoire, col. 17 et 19. (4) Quatre de ces pièces ont pesé odrachme 406 ; odr.,385: (7) Voyez ibid, la pièce n.° d'ordre 1.7 0%,373 ; odr,5209. Voyez pag. 384, not. 1."° É. M. TOME Il. or 286 MÉMOIRE Hors ces motifs particuliers, le seul qui ait pu déterminer les différens Gou- vernemens à altérer les monnoïes, a été le desir de faire un bénéfice qui tourne toujours au détriment des particuliers, et qui finit par devenir fatal à l'État et au Gouvernement lui-même, en ruinant son commerce et son créditz et en jetant dans les finances un embarras difficile et souvent impossible à réparer. | Cofnme le titre n'est pas très-facile à constater pee les particuliers, sur-tout dans les pays où les arts sont peu perfectionnés, et où presque personne, excepté l'essayeur de la monnoïe, ne sait la manière de s'assurer exactément du titre h ceux de qui dépendoïent les monnoïes d'Orient ont pu faire subir plus impu- nément des altérations successives au titre des espèces d’or ét d’argent, et jouir plus long-temps du bénéfice qu'ils y trouvoient. Quelquefois les princes se firent un honneur de. donner à leur monnoie un plus haut degré de pureté que leurs prédécesseurs ou leurs voisins; ou les Gouver- nemens, revenus à des principes plus justes et plus éclairés, sentirent qu'il étoit de l'intérêt des particuliers, et du leur propre, de faire fabriquer la monnoïe avec plus de soin et d’un meilleur aloï, afin de lui donner plus de crédit dans le commerce intérieur et de lui assurer la faveur du change avec l'étranger. Ahmed ben-Touloun (1) paroît être celui qui fit frapper en Égypte, depuis l'isla- misme, les dynér les plus purs. On les appela de son nom ##medy, et ce mot servit à désigner par la suite l'or le plus fin. La circonstance qui donna lieu, dit-on, à cette. opération, nous paroît fort curieuse, quoiquelle présente bien quelque chose du caractère fabuleux de la plupart des anecdotes que Îles historiens Arabes recueillent avec tant d’empres- sement et de confiance. Magryzy rapporte qu'en faisant faire des fouilles aux pyramides, dans l'espoir d'y trouver des trésors, A/med ben-Touloun découvrit un vase plein de dnär. Le couvercle portoit cette inscription, en caractères anciens : « Je suis un » tel, fils d’un tel; je suis celui qui a séparé l'or de ses impuretés. Quiconque » voudra savoir combien mon règne a été supérieur au sien, n'aura qu'à consi- » dérer combien l'aloï de mes dnär est meïlleur que laloi des siens; car celui » qui purifie l'or de son alliage, est lui-même purifié de son vivant et après sa # IMOrt. » Ahmed fit essayer ces dynär, et les trouva en effet supérieurs à ceux frappés avant [uï. I] apporta le plus grand soin à améliorer le titre de la monnoïe d'or. En supposant que le #ynär ahmedy fût aussi pur que le sequin de Venise, dont le titre le plus élevé est porté, au tarif des monnoîïes de France (2), à 906, le titre légal du sequin du Kaïre étant aujourd’hui à 16 karats + ou 608, il y 32 auroit eu, dans le titre des monnoiïes d’or, une altération successive de 288 sur 1000, c'estä-dire de près de 29 p. ofo. Avant l'entrée des Français à la monnoiïe du Kaiïre, le titre des sequins avoit e le plus bas paroît être celui du sequin publié par M. Bonneville dans son Traité des monnoïes d’or et d'ar- (1) Voyez pag. 327, alin. 4 et not. 7. Voyez aussi p. 355 ,alin.3. (2) Tarifdu 17 prairial an 11 [6 juin 1803]. SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTÉ. 307 gent, sous le n.° 21 des monnoies d’or de Turquie. Ce sequin est du règne d'A’ cEHamyd, monté sur le trône de Constantinople en 1187 de Fhégire [ 1774]. Il est frappé au Kaire l'an 1 200 [178$ ou 1786], et coté au titre de 1$ karats 2 3 à ou 645 : cependant le titre devoit être de 16 karats + ou 703, avec une tolérance de + de karat en dessous; ce qui donnoiït, pour le remède, 0,00 2: Le titre des zer-mahboub fut fixé par les Français (1) à 16 karats 24 où à 698, avec la tolérance de - en dessus et = en dessous: CANTÉORIS. 4 Eorbeel eort te fosses secs esesseesse.ese 00030. X > QUMDrÉE der. Lx drame Abu pérenne SRG SAVE A AE de 0,0040. La tolérance du titre ou remède de loi étoit en France {2}, pour Elo ide -daknimende tetes dames ns anis ie 0,01 56. et depuis, pour les pièces d’or. de 4o et de 20 francs (3), de..... o,0020. Ainsi le remède qui fut accordé étoit près de trois fois moindre qu’ancien- nement en France, et pas tout-àfait le double de celui qui a été adopté pour les pièces de 4o et de 20 francs. Les procédés pour les essais, que nous décrirons à la fin de ce Mémoire (4), étant moins parfaits qu'en France, le remède de loi fixé pour le titre des sequins n'étoit pas assez fort. | | Les fondouklis, dont la fabrication avoit cessé depuis le règne d’A'éd-el. Hamyd is d'Ahmed , étoient, en général, d’un titre plus élevé que les sequins bsd. Les sequins fondouklis de Turquie sont portés, au tarif des monnoies de France du 17 prairial an 11 | 6 juin 1803 |, à 096, titre qui paroît trop élevé, même quand il s’agiroit des plus anciens, et des plus purs. Ceux frappés au Kaire, sous les règnes des sultans Ahmed fils de Mahamed ct Mahmoud Üs de Moustafi , années de lavénement 111$ et.1 143 de lhé- gire [1703 et 1730 de l'ère Chrétienne], sont d’un très-bon aloï; mais ceux du règne d'AdeHamyd fils d'Ahmed, avénement de 1187 [1774 de notre ère |, et qui portent le chiffre 9, sont très-altérés, au point que ceux qui restent dans le commerce au Kaire, y passoïent pour faux et d'argent doré, comme nous l'avons déjà dit (6), quoïqu’ils se soient encore trouvés, d’après les essais faits à la monnoie de Paris, au titre de 710 à 725 (7). Ces pièces ne sont donc pas précisément fausses; maïs elles ont été émises par le Gouvernement du pays pour une valeur égale à celle des anciens fondouklis, et, par conséquent, bien supérieure à celle qu'elles avoïent réellement. Les drhem näsery que fit fabriquer Saladin (voyez pag. 330, alin. 2), étoient alliés , suivant Magryzy, à parties égales d'argent et de cuivre. Le seul drhem assez ancien que nous. ayons rapporté d'Égypte, est celui qui fut frappé en lan 66$ ou 675 [1266 ou 1276 de notre ère |, sous Déher Rokn-ed- (1) Réglement du 25 nivôse an 9, cité p. 381, alin.4, (7) Voyez le Tabl. des monnoies, pièces n.95 24 et 25. (2) Déclaration du 12 février 1726. Le titre des fondouklis de Constantinople, sous le règne (3) Loi du 7 germinal an 11 [23 mars 1803]. d'A’bd-el-Hamyd , étoit fixé à 19k et ; ou 802. On les (4) Voyez pag. 430, alin. 3 et suiv. fabriqua sans doute au Kaire avec le même or que les (s) Voyez pag. 328, alin, 2 et suiv. Zer-mahboub ; alors, d’après leur poids et leur titre, ils (6) Voyez pag. 432, alin. 2. ne valoient que 166médins,66 , et ils furent fixés à 200 m. É. M. TOME IL. Cccz2 3 88 MÉMOIRE dyn Bybars, dont nous avons parlé, page 352, alin. $. Son titre, d’après lessai fait à la monnoie de Paris, est à 672 (1). Nous n'avons pas de données exactes sur le plus haut titre qu'aiént eu les dirhem anciens. En le supposant à 983, titre le plus élevé des monnoïes d'argent, suivant le tarif du 17 prairial an 11 [ 6 juin 1803 |, il y auroit eu, dès le milieu du vir.° siècle de lhégire [ vers la fin du xxr1.° siècle de l'ère vulgaire |, une diminution $uccessive dans le titre des monnoïes d'argent, de près de ED p. o/o. Ahmed Aghäh Khatyb Zädah, commissaire envoyé par la Porte,en 11 76 de l'hégire [1762 de notre ère |, à la monnoïe du Kaiïre (2), fixa le titre des médins à 580. A l’époque de l'arrivée des Français en Égypte, ce titre étoit baissé jusqu’à 348 environ ; ce qui donne, dans un espace de trente-sept ans, une altération suc- cessive de 39 et +, ou près de 40 p. o/o. Nous verrons (3) qu'a cette dernière époque, sur 1 drachme d'argent fin, on ajoutoit 1%*bme 870 4 32 d’alliage. Si, dans la fabrication, cette proportion n’éprou- voit aucun changement, on auroït eu, pour le titre des médins, 348. A compter du 1.* vendémiaire an 9 [23 septembre 1800 |, la proportion de falliage à ajouter fut fixée (4) à 2 drachmes sur 1 d'argent fin; et, si la ma- tière des médins ne s'étoit pas sensiblement affinée dans les différentes manipu- 1 lations auxquelles elle est soumise, le titre en eût été exactement à 333 ou + d'argent fin: mais la plupart des opérations du monnoyage, telles que la fonte, la forge, les divers recuits, et sur-tout le décapage, tendent à séparer une por- tion du cuivre qui se volatilise ou se brûle, en colorant la flamme en vert, ou s'oxide et se sépare à la surfacetet est enlevée: au blanchiment, en sorte que Ja matière, ou l'argent allié, s’afline un peu successivement et d’une manière qui finit par être sensible, parce que les médins offrent une très-grande surface par rapport à leur masse; le titre réel des médins s'élève donc. Ceux que M. Vauquelin, membre de l'Institut, essayeur pour la garantie de la marque d'or et d'argent à Paris, avoit essayés à notre retour d'Égypte, se sont trouvés à 356. Ils avoient été fabriqués, sous nos yeux, au Kaire, lan 1213 de l'hégire [ 1798 à 1709 de notre ère]. D'autres essais faits dernièrement, à la monnoïe de Paris, sur des médins de la même fabrication, ont porté leur titre de 352 à 354 (5), au lieu de 348 qu'auroit dû donner la proportion d’alliage ajoutée comme il est dit à l'alinéa précédent. Des expériences très-exactes, faites récemment par M. Darcet, inspecteur des essais à la monnoiïe de Paris, ont prouvé que, pour la formation du billon, si lon fond ensemble des quantités bien constatées de cuivre pur et d'argent d'un titre bien connu, Fessai donne ensuite un peu moins d'argent fin qu'on n’en avoit ajouté. D’après cela, on peut porter encore un peu plus haut que ne (1) Magryzy rapporte que laloi des dirhem dähery fut (3) Voyez pag. 415, alin. avant-dern. réglé à 70 p. o/o d'argent fin; ce qui ne s’éloïgne pas beau- (4) Voyez ibid. alin. dern. coup du titre trouvé à la monnoiïe de Paris. Voyez le Ta- (s) Voyezle Tableau des monnoïes joint à ce Mémoire, bleau des monnoies, pièce n.° d’ordre 54. pièces n.°5 d'ordre 80 et 82. (2) Voyez pag. 383, alin. 1.® et not. 2. : SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 389 l'ont donné les essais ci-dessus cités, l'affinage qui a lieu dans les diverses opérations de la fabrication des médins. Pour la fabrication des pièces de 4o médins et de 20 médins, on ajoutoit égale- ment sur 1 drachme d'argent fin 1%%bme 870 432 d’alliage (1). Le titre, sil n’yavoit eu aucune bonification dans le cours du monnoyage, auroit dû être de 348. Il pou- voit s'élever à 350, parce que l’affinage qui a lieu dans la fabrication de ces sortes de pieces, est nécessairement moins considérable que celui qu'éprouvent les médins, $.. III. Valeur nominale, Tous les peuples qui connoïssent l'usage des monnoïes, adoptent une certaine unité réelle ou fictive, qui leur sert de terme de comparaison pour évaluer les autres monnoies et les diverses denrées et calculer toutes les valeurs : ainsi ancien- nement, en France, l'unité monétaire étoit la livre, et, dépuis le nouveau système monétaire, l'unité est le franc. La valeur nominale des diverses monnoïes est la quantité de ces unités moné- taires à laquelle elles sont censées équivaloir. Presque tous les systèmes monétaires admettent concurremment deux métaux, l'or et l'argent, souvent un troisième, le cuivre, et quelquefois une autre espèce de métal composé qui est le billon. C'est presque toujours l'argent qui a fourni l'unité monétaire, parce qu'il est plus abondant que For dans lé commerce et plus propre à servir habituellement dé moyen d'échange; une certaine quantité d'argent, telle qu’elle soit facile à manier et à transporter, ne se trouvant être ni d’une trop grande valeur ni d’une valeur trop foible pour les besoins ordinaires ou l'usage journalier. -L'or, dont la déstination principale est de réaliser les fortes valeurs et de les rendre plus facilement transportables, a fourni rarement l'unité monétaire; cepen- dant, en parlant des monnoîïes d'or, nous avons vu qu’anciennement en Égypte (2) les comptes, les stipulations, le prélèvement des impôts, &c., se faisoïent en dnér. Dès le moment qu'on substitua en Égypte aux diverses monnoies d'argent étrangères qui y circuloient, une monnoïe d'argent nationale, uniforme , qu’on appela drhem comme le poids auquel elle étoit égale dans l'origine, le drhem devint l'unité monétaire, ou tout s’évalua en drhem. Lorsqu'on cessa de fabriquer des dirhem, les médins qui remplacèrent cette monnoie d'argent, devinrent et sont encore aujourd’hui l'unité monétaire, et c'est peut-être la plus petite unité de ce genre dont aucune nation ait fait usage pour évaluer des sommes considérables (3). La monnoïe de cuivre ne sert ordinairement que d'appoint à celle d'argent : mais il faut bien, dans ce cas même, qu'il s’établisse un rapport entre la valeur (1) Voyez pag. 415, alin. avant-dern. (3) Voyez pag. 334, alin. avant-dern. (2) Pag. 325, alin. 2 et suiv. 390 MÉMOIRE respective de ces deux espèces de monnoies. S'il n’existoit pas de monnoïe d’or, ou s'il en circuloït très-peu ; que la monnoie d’argent fût elle-même rare, et celle de cuivre abondante; l'évaluation en mionnoïe de cuivre deviendroit st fré- quente et si habituelle, que l'unité de cette dernière monnoïe finiroit par être, en quelque sorte, considérée comme la seule unité monétaire : c’est ce qui arriva en Égypte vers le vrir.° siècle de l'hégire {au commencement du xv.° siècle de notre ère], où tout, jusqu'à l'or lui-même, finit par s’évaluer en féous ou mon- noïe de cuivre (1). Dès qu'on évalue les monnoies fabriquées avec une espèce de métal, celles d'or, par exemple, en unités de monnoie d’un autre métal tel que l'argent, on établit nécessairement une comparaison ou un rapport entre la valeur de ces deux métaux. | Ce rapport peut varier par diverses circonstances, selon que l’un des deux métaux est plus abondant ou plus recherché. Aussi plusieurs écrivains, aussi estimés par la justesse de leurs vues que par l'étendue de leurs lumières (2), ontils proposé de ne fixer la valeur nominale que pour les pièces d'argent, et d'inscrire sur les monnoïes d’or, au lieu de la valeur nominale, leur poïds et leur titre, en laissant au commerce le soin d'établir le rapport de la valeur de l'or à celle de Fargent. Cependant cette mesure ne paroïît guère praticable. I en résulteroit une incertitude continuelle sur la valeur relative des deux espèces de monnoies, parce que, malgré le soin que le Gouvernement pourroit prendre de faire publier souvent ce rapport, il resteroit ignoré de la grande majorité des gens du peuple, pour qui, d’ailleurs, il seroit gênant ou impossible d'effectuer sans cesse les cal- culs d'évaluation, lesquels ne sont ordinairement familiers qu'aux caïssiers, ou à ceux qui s occupent des opérations du change ou de la banque. Tels sont les motifs qui ont empêché d'adopter cette idée dans notre nou- veau système monétaire, et qui ont fait prendre le parti d'inscrire sur les mon- noies d'or, comme sur celles d'argent, leur valeur nominale en francs. Lorsqu'en Égypte la monnoïe d’or étoit la seule monnoiïe légale, et qu'il n’y circuloit que quelques monnoîies d'argent étrangères, leur valeur relative, ou leur cours, a bien pu être fxée seulement par le commerce. C’est ce qui a donné lieu à M. de Sacy (3) de conjecturer que, sous le gouvernement des Fâté- mytes , on avoit une idée plus juste de la monnoïe que celle qui dirige aujour- d’hui le système monétaire dans la plupart des états d'Europe, où l’on croit pou- voir établir une proportion fixe et invariable entre l'or et l'argent; mais est-il probable qu'à l’époque dont ïl s'agit, un système qui suppose une civilisation si avancée, et qui ne pourroit guère être adopté qu'entre banquiers ou négo- cians, eût été établi par le Gouvernement d'Égypte! Comme il ne s'agissoit que de monnoies d'argent étrangères de diverses valeurs, il n'existoit à leur égard (1) Voyez pag. 336, alin. 1.°" et suiv, dernier alinéa de cette page, l'opinion de M. de Sacy. (2) Voyez page 24 du Mémoire de M. Mongez, que (3) Not. 79, pag. 42 de sa traduction du Traité des nous avons déjà cité, pag. 345, note 1."° Woy. également, Monnoies Musülmanes, édit. de 1797. SUR LES MONNOÏIES D ÉGYPTE. 391 qu'une règle fort simple et fort naturelle, adoptée chez la plupart des nations d'Europe, et qui consiste à ne pas en taxer ou tarifer la valeur, et à tolérer leur circulation au taux que leur assigne le commerce ou l'état du changé avec les nations qui les fournissent : maïs, dès que l'Égypte eut une monnoïe d’ar- gent. particulière, il est indubitable que le Gouvernement fixa Île rapport de sa valeur à celle de la monnoïe d’or, comme cela s'est pratiqué dans presque tous les pays du monde; c'est ce que prouvent évidemment plusieurs passages de Mage). Les princes et gouverneurs de l'Egyÿpté durent même se montrer d'autant plus jaloux du droit de fixer la valeur nominale des monnoïes, qu'ils ont presque tous été dans l'habitude de chercher à faire sur leur fabrication le plus grand Béné. fice possible: or ce bénéfice ne pouvoit avoir lieu qu'en donnant un cours forcé aux monnoies, ou en fixant leur valeur nominale bien au-dessus de leur valeur intrinsèque. C’est dans le même but qu'ils ont ordonné souvent la démonétisation non-seulement de toutes les espèces étrangères qui s'étoïent introduites à diverses époques dans la circulation, maïs encore des monnoies de leurs prédécesseurs, et leur versement à la monnoie, où elles n'étoient reçues au plus que pour leur _valeur intrinsèque et où elles étoient converties en nouvelle monnoïe d'un plus bas aloi. | Cependant, comme il arrive nécessairement, malgré l'ignorance du peuple, d'une part, et malgré le pouvoir du ‘Gouvernement, de l'autre, que le niveau entre la valeur nominale des monnoies et leur valeur intrinsèque tend sans cesse àse rétablir plus ou moins vite et plus.ou moïns exactement, aucun moyen coercitif ne pouvoit empêcher qu'a la longue, lorsque laltération du poids et du titre des espèces devenoït trop sensible, et sur-tout lorsqu'on mettoit en émission une trop grande quantité de monnoïes de bas aloï, le prix des denrées, celui de l'or et de l'argent en lingot et par suite celui de l'or même monnoyé, sil avoit subi moins d’altération, n’augmentassent successivement. Le Gouvernement finissoit alors par être forcé à changer lui-même la valeur nominale de la mon- noie d’or (1); et, pour continuer à faire des bénéfices sur la fabrication, il baïs- soit encore le titre des monnoïes, et exigeoit qu'on les prit d’après la nouvelle fixation de leur valeur nominale, cômme si elles eussent conservé la même valeur intrinsèque qu'auparavant. | Voïci maintenant ce qui empêéchoit que le niveau ne s'établit rigoureusement ‘entre la valeur nominale et la valeur intrinsèque des médins; c’est que la quantité de cette monnoïe, qui servoit à-la-foïs aux achats en gros et en détail dans toute l'Égypte et même avec les pays voisins, n'étoit pas assez abondante pour les besoins du commerce : ce qui lui donnoït une valeur fictive assez considérable, comme moyen d'échange; valeur qu'elle eût continué à conserver en partie, lors même que la connoïssance de son bas aloï eût été généralement répandue. On peut voir dans Magryzy les principales variations qu'éprouva la valeur nominale dés monnoies dans les sept premiers siècles de l'hégire. Nous nous (1) Voyez ce que nous avons dit de la pataque, pag. 343, alin. 1.°T et suiv. 3 92 MEMOIRE contenterons d'en rapporter ici un passage curieux (1) et qui confirme ce que nous avons dit précédemment, En Égypte, vers l'an 363 de l’hégire [974 de notre ere |, le cours du @nér mo'ezzy (2) étoit au pair de 15 drhem =. Du temps de l'émyr des fidèles e/-Häkem bi-Amr-Allah Abou-A'ly el Mansour ben el Azyz (3), le nombre des drhem étant fort augmenté, on donna jusqu'à 34 drhem pour un dynär : le prix de toutes les denrées changea, et il en résulta un grand désordre dans toutes les affaires des particuliers. Alors on démonétisa les drhem. On emporta du palais vingt caisses pleines de drhem neufs; on sup- prima ceux qui faisoient le métier de changeurs, et il fut publié un édit qui défendit de faire aucune affaire en rem de l’ancienne fabrication. Tous les propriétaires de ces espèces eurent ordre de porter tout ce qu'ils en avoient à l'hôtel des monnoïes, dans le délai de trois jours. Cela causa beaucoup de con- fusion : quatre rhem anciens se donnèrent pour un &rhem de la nouvelle fabri- cation. La proportion de la nouvelle monnoïe fut réglée à 18 &rhem pour un dynér. Le Tableau des monnoies joint à ce Mémoire indique la valeur nominale en médins à laquelle furent fixés les fondouklis, les sequins, les piastres ou ghrouch (4), soit par les pécha ou les beys à diverses époques, soit par les Françaïs lors de leur entrée en Égypte. Cette dernière fixation eut lieu par un’tarif qu’arrêta une commission formée à Alexandrie et composée de Français et d’habitans du pays. Ce tarif établit, en même temps, la valeur relative en monnoiïe d'Égypte pour laquelle auront cours les monnoïes de France et de divers autres pays. Il est donc d’une importance si directe pour le sujet que nous traitons, que nous croyons indispensable de le relater ici. Nous avons seulement ajouté, en regard du tarif, une colonne qui contient l'évaluation des mêmes monnoïies en francs, en prenant pour base celle de 142 médins donnée à la pièce de $ francs. TARIF DES MONNOIES D'ÉGYPTE. ÎL a été convenu entre les citoyens Sucy, commissaire ordonnateur en chef; Berthollet et Monge, membres de l’Institut national de France; Poussielgue, contrôleur des dépenses de l’armée; Estève, payeur général; Magalon, consul général à Alexandrie, commissaires nommés par le général en chef, et ($) Hagi Homed Abu ïl Rizo, marchand; Hagi Abd ïl Vahab, il Hoschi check et Hagi Ali Mebergï il Dakak, marchands, tous troïs établis à Alexandrie et convoqués exprès; que les monnoïes Françaises, les monnoïes Turques et autres monnoies étrangères , auront cours suivant le tarif ci-après, qui sera en conséquence imprimé, (1) Pag 41 du Traité des Monnoiïes de Makrizi, tra- (4) Voyez pag. 333, alin. 2 et not. 3. duction de M. de Sacy. (5) On relate ici les noms et titres des commissaires (2) Voyez pag. 327, avant-dern.alin.et pag. 366,alin. 3. Egyptiens, &c. tels qu’ils sônt orthographiés dans le Ta- G) j:jal U® Dal de sl al 32 cet rif imprimé en Égypte. tant SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 393 tant en arabe qu'en français, et qu'elles devront être données et reçues pour la valeur dudit tarif; SAVOIR : TARIF RÉDUCTION a ———— EN FRANCS, | MONNOIES| MONNOIES | ‘lepied de 142 médins DU PAYS. DE FRANCE. pour s francs. EN OR. ——_—_—————_—_—_— Paras ou Médins, liv. s. d. fr. cent. Le quadruple d'Espagne vaut.................. PAIE TR 2352. [ou 84. oo. co. oo. | 82, 81,69. Le, deemagditiple,, Lu 28 be ner pcs rte 1176. 42. 00. 00. oo, | 41. 40,84. ÉÉAEAUE QUAITUPISNE Le» + à ere mm de me be notes Fin sa 588. 21. 00. 00. 00. | 20. 70,42. Hétéiéme"der quadruple RMI Tia à 294. 10. 10. 00. 00. | 10. 35,21. Le seizième de quadruple. ........... biere et 2 21 147. des: STo0mo0: Se 17,61. MOHOUDIO OU HRURTANICEs ee nus eo sie» ddl noi & ele 1344. 48. 00. 00. 00. | 47. 32,39. Le He Sc 2 Se SPORE es + Dr EN NES OS A a dl 672. 24. 00. 00. 00. | 23. 66,10. héseqninedeVeniser ste men ut Ar her. Lu: 340. 12. 2. 10. 2/7. | 11. 07,18. Le sequin zer-mahboub du Kaire............:........... 180. 6.8. 6. 6/7. 6. 33,80. TÉRRRTESIe ee A ne n ole nm tie named e ao ere à 90. 3. 4. 3. 3/7.| 3. 16,90. Lessequinide-Constantinoplé(r) #4 ser Lire Nas 200. 7e. 2.710. 2/7.| 7. 04,22. Le sequin de Hongrie et de Hollande... ......,......... 300. 10. 14. 3. 3/7. | 10. 56,34. EN ARGENT. PÉonelsdities dedPrances:s ss. Te Die li 168. 6. 00. 00. oo. | $. 01,52. IE CES te a EEE AP TEE CUS 142. Sois PSatr/7t Sco0o: ILE Veso NRRREER RRINREREE 84. 3. OO, 00. 00. 2:105;77: fArpiécedenrentenconste, RER MMNNT ER MIRE BU 42. 1. 10. O0. 00 1. 47,88. La pièce de quinze sous........ aise dé: mins these ire. 21 O. 1$. O0. 00 O. 73,94. IÉÉCRRE ROME LR. 45e veus n AN CRUE PET RE 140. $- 00. 00. 00 4e 92,95. TEE DIR AM NL ET CN 67. 2.47 4109/7 PRESASIE Léousedamartidé M aliens.s. chere ererud te. AU EE 84. 3. 00. 00. 00 21105370: RE dobblééen de MAIter Lu... ie num u. he 134 4. 15. 8. 4/7. 4. 71,83. PÉRenbÉ ENTEMIIEON de, Malte, Pet 14. D Ma sen. MU. 168 6. 00. 00. 00. SOS: lpiastre, dBspashertg.. 422 ete AMIE LR IE 150. ST ETES IT Te ISA 2607. EC PRÉ O T TE 150, SL 0472 Us STRESS AT PEChAENut lvres tte Genes rats MEN. Du 186 6. 12. 10. 2/7 6..54,93. Eécder seed NT TEL TRI RERO 130 À. 12. 10. 2/7, | 4. 57,74. Il existe quatre espèces de Piastres Turques. RADEON. SL En dns à 100. 3 Mis See1/7 À 34: 523ni: La seconde....... BE Eat ee LEE BA ce Ed 80 2. 17 + 5/71 2. 81,60. Esftromrémenainnn cp 2 7e CL EE AS Ge QE 4e Lune: 60. 2. 2. 10. 2/7 27 F27. La quatrième. ....,.,... fie tas. on te mea … 40. 1. 8. 6. 6/7 I. 40,84. Par ce calcul, AMIVTETOUTNOIS DO COMPICLVAUE ete ado e etude ee ins 0) ele es 2e CI I. OO. O0. 00. o. 98,59. Modan. Le, MR PS ASE SAT EEE CET ANS LS L'ORAT I. 0, 00. 8. 4/7. | oO. 03,52. Nora, Les recettes et dépenses de f’armée sont comptées en paras, À Alexandrie, le 17 messidor, an 6 de la République Française, et de lhégire le 20 de mohharrem (2). (Suivent les signatures.) L (1) Le fondoukli n’est pas tarifé. J passoit pour 300! médins. Voyez pag. 328,alin, 2; voyez aussi les fondouklis, Tableau des monnoies, pag. 447, col. 21 et 22: (2) L'an 1213 de Fhégire[ 5 juillet 1798 ]. Moharrem [ pe] ’ 1,’ mois de l’année musulmane. É. M. TOME IL. D dd 39 À MÉMOIRE Nous terminerons ce qui concerne Ja valeur nominale des monnoies, par l'examen des motifs qui ont servi de bases au tarif ci-dessus. Le parti que la Commission avoit à prendre pour la fixation du tarif, étoit compris entre deux limites, qui consistoient ou à tarifer rigoureusement les monnoies du pays d'après leur valeur intrinsèque, ou à leur donner la plus grande valéur possible en monnoïies de France. La première mesure, outre qu'elle paroïssoit, en théorie, la plus conforme aux principes d’une bonne administration, sembloit conseillée par l'intérêt des membres de l'armée, qui, à leur arrivée en Égypte, devoient naturellement desirer d'échanger les monnoies qu'ils apportoient d'Europe contre la plus grande quan- tité possible de monnoïe du pays; mais cette disposition eût été, par le fait, tres-impolitique. En décriant ainsi la monnoie du pays, le plus grand incon- vénient n'eût pas été de priver le Trésor de tout le bénéfice qu'il pouvoit faire sur la fabrication de cette monnoie, ou même de le grever d’une dépense con- sidérable si lés frais de fabrication étoient tombés à sa charge : maïs, comme les impôts se percevoient en médins, il est évident que le Trésor, continuant à n’en percevoir qu'une même quantité, auroit vu diminuer considérablement ses res- sources, à moins quil n’eût augmenté les impôts, ce qui présentoit bien plus d'inconvéniens encore. Par la seconde mesure {si l'on eût tarifé, par exemple, la piastre à 100 médins et le sequin zer-mahboub à 120), on eût obtenu les résultats suivans : 1.” Les appointemens de l’armée ayant été fixés en argent de France, la dé- pense du Trésor, qui les eût payés en médins, eût été moindre d’un tiers: 2. L'impôt étant fixé et perçu en médins, en continuant à en prélever la même quantité, la valeur du produit eût été, par le fait, plus considérable d’un tiers ; 3.° Le bénéfice sur la fabrication de la monnoiïe eût été aussi plus grand en proportion. Cependant, comme la valeur nominale des monnoies tend sans cesse à se rap- procher de la valeur intrinsèque, que par-tout où se trouve une augmentation sensible de consommateurs qui onttout à acheter et rien à vendre, sur-tout lorsqu'ils dépensent facilement et qu'ils apportent dans la circulation une assez grande quantité d'espèces étrangères, le prix des denrées augmente rapidement, il auroit été bien difficile et peut-être même impossible de rehausser au Kaire la valeur des médins et de la maintenir long-temps au même taux, et il auroit fallu employer à cet effet des mesures rigoureuses et peut-être impolitiques ; en sorte que la Commission nous semble avoir choisi réellement le parti le plus sage et le plus loyal, en prenant un terme moyen entre les deux limites dont nous avons parlé ci-dessus, et en fixant, pour la valeur nominale en médins du sequin ze- mahboub et de la piastre d'Espagne, celle À laquelle ils étoïent parvenus au Kaire, parce qu'il étoit naturel que cette ville, par son importance et en sa qualité de capitale et de centre du commerce et du gouvernement, réglât le cours des monnoies. SUR LES MONNOIES D 'ÉGYPTE. 395 "SL TV. Valeur intrinsèque. M. MONGEz, dans son excellent traité qui a pour titre , Considérations générales sur les Monnores (1), démontre que leur valeur réelle se compose (lorsqu'on n’est pas obligé d'affiner le métal) de la valeur intrinsèque du métal et des frais de fabrication. Mais, pour, estimer les valeurs des métaux séparément et entre elles, il faudroit les comparer avec celles des principales denrées du pays; il resteroit encore, pour avoir une idée exacte du prix des denrées, à le comparer avec celui qu'elles ont chez nous: en second lieu, les frais de fabrication ne sont pas les mêmes; ils sont beaucoup plus considérables en Égypte, par la nature même et la forme de la monnoïe, et plus qu'ils ne devroient l'être, si les arts y étoïent moins imparfaits. Le seul moyen de donner une idée simple et facile à saisir de la valeur intrinsèque*des monnoïes d'Égypte, est donc de les com- parer, sous ce rapport, à celles de France, en supposant les frais de fabrication les mêmes de part et d'autre, et c’est ce que nous avons fait dans le Tableau joint à ce Mémoire (2). | -6. V. Proportion de l’Or et de l’Argent dans les Monnoies d'Ég ypte. Pour connoître en général ce rapport, il faut comparer, dans les deux espèces de monnoïes, la valeur d’un poids égal d’or et d'argent fins ou au même titre, en ne tenant pas compte de la valeur de lalliage (3). Dans le système actuel des monnoîïes de France, celle d’or et celle d'argent étant au même titre (toutes les deux sont alliées à =) et leurs subdivisions étant décimales, rien n'est plus facile à établir que le rapport dont il s'agit. En effet, un kilogramme d'argent monnoyé contenant 10 fois 20 francs, et un kilogramme d'or monnoyé 155 pièces de 20 francs, on voit tout de suite que le rapport de l'or à l'argent est de 10 à 155$ ou de 1 à 15 ©. M. Mongez, dans ses Considérations générales sur les Monnoies (4), donne des détails fort curieux sur les variations de la proportion de For à l'argent dans divers pays, à différentes époques. Pour connoître celles qui eurent lieu en Égypte, il faudroit que les auteurs nous eussent transmis en même temps la valeur nominale respective, le poids et le titre précis des monnoïes d’or et d'argent : c’est ce que ne présente point le traité de Magryzy, qui indique le poids, tantôt de l’une, tantôt de l'autre (1) Déjà cité, pag. 345, not. 1.'e (2) Voyez colonnes 23 et suiv. du Tableau des mon- noies. Voyez aussi pag. 408, alin. 2. (3) En général, on n’en tient pas compte ; mais, lorsque dans les monnoïes d’or il y a une quantité assez consi- E. M. TOME II. dérable d’argent, il semble qu’on doive avois égard à une partie de la valeur de cet argent. Voyez pag. 4o1, dern. alin, (4) Pag. 20 et suiv. Voyez, pour cet ouvrage déjà cité, pag. 345, not. I.'° Ddd 2 396 MÉMOIRE monnoie, quelquefois leur valeur nominale ou leur Cours, et très-rarement leur titre, mais sans parler alors de leur poids. On ne peut prendre la valeur des dynär en dirhem, xapportée par Magryzy dans les passages que nous avons cités précédemment, page 392, pour le rapport de valeur entre l'or et l'argent (1). En eflet, il faudroit pour cela que le dnär eût été alors du même poids et du même titre que le drhem; ce qui n'avoit pas lieu, Comme le poids et le titre des monnoïes d'argent ont subi en Égypte bien plus d’altération que ceux des monnoïes d’or, la proportion dont il s’agit a tendu constamment à baisser, puisqu'on a toujours donné à l'argent, dans les monnoies, une valeur fictive bien au-dessus de la valeur qu'avoit dans le com- merce et chez les autres nations argent en lingot, ou même l'argent mon- ‘noyé. - | Sous le règne d'A/med fils de Mahamed, avénement de 11 15 de lhégire [de 1703 à 1730 de notre ère], la proportion dont il s'agit étoit, dans les fon- douklis et les médins, de 1 à 14 + {2). Or cette proportion est, à très-peu de chose près, la même que celle qui fut établie en France par Louis XV, lors de la refonte de 1726, et celle que Romé de Lisle avoit trouvée exister entre les monnoies d'or et d'argent de Constantin, c’est-à-dire, quatorze siècles au- paravant; parité qui, suivant l'observation de M. Mongez, «est tout-à-fait sur- » prenante, puisqu'il semble que la découverte du nouveau monde auroit dû » rompre le rapport entre For et l'argent par l'abondance avec laquelle elle a » fait couler ce nouveau métal sur notré continent. » . En Égypte, un demi-siècle seulement après le règne d’Achmet III, lorsqu’A'#- bey se fut emparé du pouvoir, la proportion dans les ze-mahboub ét dans les | médins étoit déjà baïssée à 11 2, ou un peu plus de 11 & (3). Lors de notre arrivée en Égypte, d’après les poids, titre et valeur nominale que nous ayons donnés des sequins et des médins (4), la proportion étoit réduite a 7 + Quoïque les pièces de 4o et de 20 médins n'aient jamais été une monnoïie habituelle en Égypte, si on veut les comparer à la monnoie d’or, on verra que, sous A’y-bey, la proportion de l'or et de l'argent dans les sequins et dans les ghrouch (en supposant ces dernières pièces au même titre que les médins, et au poids de $16 drachmes le cent) étoit un peu plus de 13 + ($), et que sous les Français elle fut de 10 =. Cette proportion plus élevée tient à ce que les ghrouch avoïent, en raison de leur poïds, plus de valeur intrinsèque que les médins (6). D’après le Tableau qu'on trouvera à la suite de ce Mémoire, on pourra (1) Traduction du Traité des monnoies Musulmanes de Makrizi, par M. de Sacy, pag. 42, (2) 100 fondouklis pesant 114dchmes 06 au titre de 968, et valant 13 400 médins. 1 000 médins 125 00 044 (3) 100 sequins 84 533 750 12,500. 1000 médins 115 5CO 500 (4) 100 sequins 84 320 698 18 000, 1000 médins 73 ,00 350 (s) 100 ghrouch 516 ,00 $00 4 000. (6) 100 ghrouch 400 ,00 348 4 000. SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 397 calculer le rapport de la valeur de l'or et de l'argent dans les monnoïes, aux diverses époques pour lesquelles ce Tableau offre les données nécessaires; on observera, pour. celles comprises au Tarif des monnoies pag. 393, qu'une même valeur nominale en médins a été donnée aux fondouklis et aux sequins zer- mahboub de diverses époques, quoïque leur valeur intrinsèque soit bien diffé- rente et qu'ils aïent valu un moins grand nombre de médins à l'époque de leur émission. 398 MÉMOIRE SECONDE PARTIE. Etat actuel des Monnoies en Ep ypte. — Procédés de fabrication. — Administration. SECTION L: Etat actuel des Monnoies. CHAPITRE I° Système monétaire actuel. Les seules monnoies usuelles d'Égypte étoïent, avant l’arrivée des Français, et ont continué d'être, depuis lors : 1. Monnores d'Or. Le sequin zer- mahboub , allié avec argent, au titre de 16 karats 2, ou un peu moins de 698, pesant of*“hme 842 | 2880R6,5 02 |, valant 180 médins [éfaness qentimes 86 en monnoie de France], portant le chiffre du sultan et les légendes Arabes, telles que les présente la pièce que nous avons fait graver sous le nas (1) : Le demi-sequin, ou zousfyeh, d'un module un peu moins grand, moitié poids du zer-mahboub, même titre, moitié valeur, même chiffre et même légende ; Le quart de sequin, ou rouba'yeh, module moins grand que celui du demi- sequin, moitié de son poids, moitié de sa valeur, même titre, portant d'un côté le chiffre du sultan, et de l'autre une partie seulement des mêmes légendes que les demi-sequins. Voyez celui qui est gravé, planche ci-jointe, sous le n° 15. 2. Monnoies d'Argent ou plutôt de Billon. Les médins, très-petite monnoïe, dont mille pèsent 73 drachmes [ ou 2248%0m6,76 |, au titre de 350 millièmes de fin, valant, en argent de France, 35 francs 21 centimes, portant d’un côté le chiffre seulement ou paraphe du sultan de Constantinople; et de l'autre, Frappé à Masr [le Kaïre |, Zn (de lavénement du sultan). Voyez la figure du médin gravé sous le n.° 24 de la planche ci-jointe. Quant aux pièces de 4o et de 20 médins, ou ghrouch, il n’en a été frappé qu'une quantité peu considérable (2) sous le commandement du général Fran- çais Bonaparte : on peut considérer ces pièces comme ne faisant plus partie du système monétaire actuel de l'Égypte; on en verra la forme et le type sous les n.” 17 et 19 de la planche jointe à ce Mémoire. (1) Voyez la planche jointe à ce Mémoire. , (2) Voyez pag. 410, alin, 1er SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 399 Pour tout ce qui concerne les monnoies actuelles, on peut consulter ce que nous avons dit aux divers chapitres et articles dont le sommaire est à la suite de ce Mémoire. CHAPITRE IL Change 53 Matières d'Or er d "Argent, Se Pl Movens d’approvisionnement de la Monnoie du Kaire en matières d'Or 24 PP et d'Argent. LE principal approvisionnement de la monnoïe en matières d’or et d'argent se faisoit, de temps immémorial, par une compagnie de Juifs (1) qui avoient un marché passé avec la monnoie. En Égypte, comme dans presque toutes es contrées de l'univers, les Juifs s’'adonnent de préférence au commerce des métaux et des pierres précieuses. Ils achètent les bijoux et les pièces d’orfévrerie, les monnoies d’or et d'argent de divers pays, les médailles, la poudre d’or des caravanes, &c.; c’est à eux qu'un antiquaire devroit s'adresser pour se procurer des médailles d’or et d'argent, et il sufhroit de leur en donner un prix un peu au-dessus de leur valeur intrinsèque. Les Juifs portent dans le commerce cette patience, cette économie, cette. ténacité, ce soin à ne pas négliger le gain le plus modique, qui les caractérisent et qui n’appartiennent qu'à eux : là, comme par-tout aïlleurs, ils sont rebutés et vexés par les autres classes du peuple et opprimés par le Gouvernement. C'est un préjugé assez général, que le commerce des métaux précieux est très-lu- cratif; dans le fond, ïl l'est très-peu, et bien moindre que celui des métaux les plus abondans et les moins chers. C’est à la main-d'œuvre et au prix fictif que le luxe et les arts donnent à for et à l’argent, que les orfévres et les joaïlliers d'Europe doivent leurs profits; ils n'en font presque point sur les matières elles-mêmes. | Les Juifs chargés de la fourniture à la monnoie ont au Kaire plusieurs serräf ou changeurs, et, dans les principales villes d'Egypte, des correspondans qui achètent pour eux. Au Kaire, ceux qui ne veulent pas se servir de l'entremise des serräf, viennent vendre à loukel (2) ou magasin des Juifs, qui estiment la valeur des métaux à l'essai, s'il s'agit d'une quantité un peu considérable de matières de même aloi, ou à la pierre de touche et même à la simple vue, pour les diverses pièces de monnoïe ou d’orfévrerie. Is font faire leurs essais d'or et d'argent à leur magasin par les essayeurs de la monnoiïe; mais ils estiment eux-mêmes à la pierre de touche toutes les pièces d'or qu'ils achètent. (1) En arabe, el-Fhoudy [esssedl (2) En arabe, oukäleh Calk,]; au pluriel, oukäyl[ JE] 400 MÉMOIRE Is ont des aiguillettes d'or séparées, alliées à différens titres; ils frottent sur la pierre de touche, qui est de même nature que celle dont on se sert en Europe, le morceau d’or qu'ils veulent essayer, et successivement à côté celles des aiguillettes ou touchaux qu'ils croient approcher le plus du même titre, et ils apprécient l'or avec beaucoup de justesse, en comparant ire que présentent les traces laissées sur la pierre. En France, on passe sur les taches ainsi faites de l'eau forte | préparée à cet eflet avec de l'acide nitrique et un peu d’acide muriatique }, à des degrés connus. On peut ensuite juger approximativement du titre de l'or par la comparaison des traces, si elles résistent l’une et l’autre en partie à l’action de l'acide. Si, au contraire, celle de l'or à essayer disparaît entièrement, on sait au-dessous de quel titre il faut qu'il soit pour que la trace soit effacée par l’eau forte à tel degré. Les Juifs mêlent ensuite dans des proportions convenables l'or à différens titres, et approchent souvent si près du titre fixé pour les sequins, qu'après l'essai des lingots ils se trouvent entre les limites de la tolérance accordée, et sont dispensés de refondre leur or pour atteindre au titre prescrit; mais, s’il résulte de l'essai fait à la monnoïe, que les lingots dépassent le remède d'usage en plus ou en moins, ils sont obligés de les remporter pour les fondre de nouveau et les allier plus exactement. Lorsqu'il faut baisser le titre de l'or, ils ne manquent pas de se servir, de préférence, de l'argent doré, qu'ils n'achètent dans le commerce qu'au même prix que l'argent ordinaire, et ils enrichissent ainsi leurs lingots de la dorure que con- tient l'argent qu'ils emploient pour alliage. [ls ont aussi soïn d'enlever, au moyen d'un peu de cire, les traces d’or qui restent sur la pierre de touche, et Rent dans leurs creusets ces boules de cire qui contribuent à servir de rue et à désoxider la surface de l'or. Les caravanes qui vont de Maroc à la Mekke {1}, et celles quiviennent de Darfour, Sennar, &c., apportent, chaque année, une certaine quantité de poudre d'or (2). Toute celle qui est à vendre ne s'achète pas pour le compte de la monnoie, parce que les négocians, voulant réaliser pour eux-mêmes ou pour leurs commettans, offrent souvent un prix plus élevé que celui que pourroiït en donner la monnoie. Cet or, composé de paillettes ramassées sans doute dans les fleuves et les torrens, ou retirées du sable aurifère, ne présente presque aucun de ces morceaux un peu volumineux et cristallisés qu'on appelle en France pepie. La poudre en est renfermée dans un morceau de linge fin, enveloppé de deux ou trois autres morceaux de toile plus grosse, et lié avec un fil en forme de nouet; le tout est recouvert d’un morceau de peau cousu et séché au soleil. La peau, en se séchant ainsi et se retirant, forme une enveloppe serrée et dure, et le paquet ou groupe d’or (3) présente parfaitement l'apparence d’un sac de couleur de nos peintres, ou d'un fruit de solanum appelé tomate. (1) Ces caravanes recueillent dans leur route les pé- le Nil à Syène on à Syout, dans la haute Égypte. lerins d'Alger, de Tunis, de Tripoli, du Kaire, &c. (2) La poudre d’or s’appelle en arabe tebr [ ;aÿ ]. Elles arrivent dans cette dernière ville vers le milieu (3) En arabe sourrat, qui veut'dire bourse. Voyez d'avril. Celles de Darfour, de Sennar, &é, atteignent pag. 344, alin. 2 et not. 4. | Dans SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. AO Dans chaque sac se trouve toujours quelque bijou ou ornément acheté des Africains ou des nègres. | Presque tous ces bijoux sont des anneaux ou bagues, des pendans d’oreïlles ou ornemens de cou. Le seul travail qu'ils offrent est une espèce de ciselure sem- blable aux pas d’une vis très-ffne. Presque tous les anneaux représentent des serpens. Nous avons vu un des ornemens de cou qui figuroit bien distincte- ment une tortue, dont les pattes et la tête étoïent saïllantes, Les sacs ou groupes d’or sont tous à peu de chose près du même poids, environ 97 drachmes ou 6$ mitgäl (1). Le titre varie de 21 à 22 karats <£ (2); l'or en étoït anciennement plus pur, selon l'assertion de l’eféndy de la monnoie et des Juifs, soit que les paillettes fussent plus riches, soit que les bijoux ajoutés à chaque groupe fussent à un plus haut titre. Ces sacs, qui s'achètent communément 244 piastres (3) d'Espagne, sont une véritable monnoïe qui sert aux caravanes de moyen d'échange : ils ont une valeur constante pour laquelle on les reçoit, sans même être obligé de les peser et de les ouvrir; on peut s’en rapporter à la bonne foi, dont l'usage, la religion, et l'intérêt même des marchands, leur font une loi sévère. Cependant à la monnoie on s’assuroit d’abord du poids et du titre d’un des groupes d'or pris au hasard, et les Juifs étoïent assez exercés à juger l’or sur son apparence, pour estimer s'il étoit à un demi-karat de plus ou de moins. Si le prix convenoït au marchand, qui vendoit ordinairement en présence ou par l’entremise du cheykh ou chef de la caravane, on se touchoït dans la main, et le marché étoit conclu. Mais il n’est pas permis, dans les règles de la croyance de ces pieux voyageurs, d'acheter des métaux avec des métaux : pour obvier à cet inconvénient, comme il est dans toutes les religions des moyens d’éluder les préceptes, on n'appeloit pas cela acheter, mais échanger. Les groupes d’or se mettoient d'un côté; l'argent convenu, de l’autre; et le vendeur demandoit à l'acheteur lequel des deux lots lui faisoit le plus de plaisir. L'acheteur prenoit les groupes d’or, et l'argent restoit au vendeur. ed 1 f Prix de l'Or et de l’Argent en Egypte. 2 4 L'or au titre des sequins, ou 16 karats << [698], se payoït avant l'expédition d'Égypte, et s’est payé constamment par les Français, à raison de 112 sequins ou 20 160 médins les 100 drachmes. Ces 100 drachmes contenant d'or pur 69%*Pm#8, les 100 drachmes d'or pur revenoient à........ 28 882méins ç2r, si l'on ne tenoit pas compte de l'argent allié à lor*dans les lingots (4). Comme 100 drachmes d’or à 698 contiennent 30%%*"#2 d'argent, qu’on peut ne supposer qu'à 900, ce qui donne 27%%hm& 18 d'argent fin, valant (1) 298 à 300 grammes, (4) Voyez, pour cette première hypothèse, Particle 1° (2) De 875 à 938 millièmes de fin. du tableau ci-après, pag. 405. (3) 3 660 médins, ou, enfrancs, 1 288 francs 73 cent. É. M. TOME II. es LI ÂO2 | MÉMOIRE Ne 116 (à raison de LOE, 126 la drachme, prix basé sur celui de France), Dh: AGxS 2 MT RS Ferre: re: = 1 2O 100 1,000, prix des 100 drachmes d’or à 698, on déduit $20 NÉC, restera, pour la valeur des 69%*#: 8 d’or pur, 19 639 ,884. Alors les 100 drachmes d'or fin ne vaudront que (TPS 28 Par FD Maïs on ne peut compter, dans les lingots alliés d'argent, toute la valeur de l'argent qu'ils contiennent; il faut déduire de cette valeur les frais d’affinage qui seroïent nécessaires pour séparer l'argent de l'or. Ces frais sont fixés en France , par arrêté du Gouvernement du 4 prairial an r1 (2), à 32 francs par kilogramme de fin contenu dans l'or soumis à cette opération; il en coüteroïit donc, pour 69% r4smms 07], 6. B7cent. 702 us 19$ Dour qu'il convient d'ajouter au prix des 100%: d'or à 608, trouvé ci-dessus. ... 19630 ,884. Ce qui porteroit ce prix à......... 19 835" ro. Alors les 100 drachmes d'or fin reviendroient à (3)..... 28 4rgmé 170. La poudre d’or qu'on acheta à la monnoïie, en l'an 7[ 1700], de la caravane de Maroc (4), pol avant la fonte, 1 200 drachmes; FE rendit net, après la —, contenant ensemble 2602%%PmS 61 d'or pur. On avoit payé ae re d'or 730 238 médins; ce qui fait revenir les 100 drachmes d’or fin à (Re. .17. 1022 26NON Ted Il résulte de la comparaison de ces prix avec ceux de France, comme on peut le voir par le tableau ci-après, 1.° que, même en ne tenant aucun compte de la valeur de l'argent allié à l'or dans les lingots, l'or fin revenoit en Égypte à 131 francs 35 centimes par kilogramme de moins qu'en France, ce qui fait près de 4 p. 0/0; 2.° qu'en tenant compte seulement de la valeur de l'argent, déduction faite des frais d’affinage, l’or fin revenoit à 184 francs s7 centimes par kilogramme de moins qu'en France, ce qui fait plus de $ + p. o/o; 3.° que la poudre d’or s'y vendoit 2) francs $3 centimes de moins par kilogrämme de fin, ce qui fait plus de 6 + p. o/o de moins qu'en France. La manière dont nn l'argent en Égypte, lors de l'entrée des Français à la monnoiïe, est assez remarquable. > On en faisoit l'essai; on calculoit l'argent pur que contenoïent les lingots: on ajoutoit au produit 2 p. o/o du poids total de l'argent brut, et c’est le pur fictif résultant de cette addition que lon payoit 18 médins la drachme. On peut s'assurer que cette manière de calculer le prix de largent revenoit à payer séparément l'argent fin à raison de.......... PRET 2 07 EQSE et l’alliage sur le pied de 36 médins les 160 drachmes (6). (1) Voyez, pour cette seconde valeur, Particle 2 du (4) Voyez page 400, alin. $ et suiv. tableau ci-après, pag. 405. (s) Voyez, pour la comparaison de ce prix de l'or fin (2) Du 24 maï 1803. avec celui fixé par le tarif des monnoïes de France, l’ar- (3) Voyez, pour cette troisième valeur, Particle 3 du ticle 4 du tableau ci-après, pag- 405. tableau cité not, 1.7< (6) En effet, soient ? l’argent pur et 4 l’alliage con- … * SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 403 Comme le cuivre qu'on employoït à la monnoïe pour allier l’argent ne reve- noit qu'à 4o médins les 144 drachmes {1}, ou à 27% 777 les on voit que les Juifs étoient intéressés à fournir de largent même à y ajouter de l'alliage. 100 drachmes, de bas aloi, et S'ils avoïent fourni de l'argent au titre des médins, savoir, à 1 drachme de fin contre 1%%%me 870 432 d’alliage, les 100 drachmes d’ar- PÉTMINPCUSSERACOUTE M ENIAMEMEN NA, EN PAUL EC Hé en reportant la totalité du prix sur l'argent fin. Si la monnoie au contraire eût fourni tout l’alliage, les 100 drachmes d'argent fin eussent d’abord coûté CARRE EMA, 95. 1090 4000 ‘En y ajoutant la valeur de 187%*<%m% 0/32 d'al- liage, qui, à raison de 4o médins les 144 drachmes, se seroit élevée à. 54 2050 I 887 956 on EU ES al RTE ee + + + + © ee eo Différence en, ee 6 eee otlo Tes nel 0 Molis je l'el'ol'e) +, ee se Le + + o e. e + + ee qu'il convient d’ajouter au prix des 100 drachmes da gent fin, pour estimer plus exactement à combien revenoïent commu- nément à la monnoiïe les 100 drachmes d'argent fin, abstrac- tion faite de l'alliage, d’après la manière dont on avoit coutume de payer aux Juifs le prix de l'argent en lingot fourni par eux (4). On doit aussi remarquer que, l'essai, à cause de son imperfection, donnant toujours plus de fin que n’en contenoit réellémént lar- gent (5), le fin ou l'argent pur se payoit plus cher, par le fait, que ne paroiïssoit le donner le calcul. | Le titre des piastres, d’après des essais plus exacts, étant déterminé à 895 LE) 110,0 0 7 ne contenoïent d'argent fin que 7 838 SAT. Ce qui donne, à raison de 150 médins pour la valeur de chaque piastre (au lieu de 1 836 médins comme ci-dessus ju pour le prix de 100 drachmes d’argent pur (6). + + + + + © I DONS 3 A 1 887 ,956. EE auie 15 médins 379)» 1 836 ,000, ——— I 85 Éd 20 À mille piastres, qui pesoïent en tout 8 7sod'hm« 000, I OI 34600. Tél est le prix auquel on paya l'argent fourni par les Juifs, d'après des essais tenus dans une drachme d’argent à un titre quelconque, on aura pour la valeur de cette drachme, représentée par P+A=P+ = (P+A)x 18 médins A+ 100 P+ 2 P+2 A — 18 médins (CE) > 1CO 102 P +24 1 836 méd. P +36 méd. 4. 100 à 100 é ce qui donne pour la valeur de 100 (P + A4) = 1836 méd. P + 36 méd. À. S’il n’y a pas d’alliage, alors 4 —o, et l’on a pour 18 méd.| la valeur de 100 drachmes d’argent pur, 1 836 médins.’ Si, au contraire, P — 0, ou si tout est alliage, on a, pour la valeur de 100 drachmes d’alliage, 36 médins. (1) Voyez page 414, alin. dern, E. M. TOME Il. é? (2) Voyez, pour l'hypothèse où les 100 drachmes d’ar- gent fin coûteroient 1 903"%"%,335, le 8.° article du ta- bleau ci-après, pag. 405. (3) Vo, pour l’hypothèse où les 100 drachiés de fin coûteroient 1 836 médins, le s.° article du même tableau. (4) Voyez "pour cette 3.° valeur de Ia drachme d’ar- gent, le 6.° article du même tableau. (s) La piastre passoit à la monnoie du Kaïre, avant notre arrivée, pour être au titre de 910, tandis qu'elle n’est portée au tarif de France qu’à 806. (6) Voyez, pour cette valeur de l'argent fin, le 9.° ar- ticle du tableau ci-après, pag. 405. E ee 2 ÂO À MÉMOIRE plus rigoureux, sans ajouter au fin qu'il contenoit 2 p. 0/0 du poids total et sans leur tenir compte de l'alliage. L'afinage eût été une opération trop diflicile et trôp po pour que les Juifs eussent intérêt À séparer le cuivre de l'argent. Tout l'alliage qui se trou- voit dans les lingots, fut donc en bénéfice pour la monnoïe. Quant à celui qu'elle eut à y ajouter pour les mettre au titre, il étoit moins coûteux pour elle de le fournir que de le payer à 36 médins les 100 drachmes. Les matières d'argent étant devenues plus rares par la suite, on paya les 100 drachmes d'argent fin 1950 médins (1) et enfin 2000 médins (2). On verra, en comparant, dans le in ci-après, les valeurs de l'argent fin en Égypte avec celles qu'il a en France, 1.° que si les prix de l'argent fin établis avant l'entrée des Français en Égypte paroissent un peu moindres que celui fixé par le tarif des monnoïes du 17 prairial an 11 [6 juin 1803 |, ils étoient par le fait aussi forts ou peut-être plus élevés, à cause de l'imperfection des essais; 2.° que le prix d’abord fixé par les Français fut basé sur la valeur des monnoïes de France: 3.° que les surachats accordés ensuite à deux époques différentes, et motivés par la rareté des matières, portèrent le prix de l'argent de 2 à près de 4 ? p. oJo au-dessus de la valeur qu'il a en France, mais que les bénéfices qu'on trouvoit à convertir l'argent et les monnoies d'Europe en médins permettoient facile- ment ce surachat. (1) Voyez le 10.° article du tableau ci-après. nière augmentation eut lieu par arrêté du 1." nivôse (2) Voyez le 11° article du même tableau, Cette der- an 9 [22 décembre 1800]. SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTÉ. ÂOS 4 T] VABLEAU COMPARATIF du Prix de l’Or Jin et de l'Argent fin en Egypte et en France. / EN ÉGYPTE. EN FRANCE. DIFFÉRENCE | MR EN FRANCS. entre f prix en Égypte et le prix.en France. des Les 100 drachmes 324 dé. 5909 À raison Avec Sans AVEC LA RETBNUE. | SANS LA RETENUE. | ; 1... ou 3o7émime 8004. de 142 médins : ! CONDITIONS — pôur la retenue. ln: tonte 1 RES ee DRE Em ou | he. Aerne SE $ francs. en moins | en plus À en moins | en plus [= de paiement. l’administration : ES J par ar ar r il Lo l ” Île Kilogramme| MeRAca os 100 P P Pa la conquête. | des Français. 1 LeKilogramme. Lekilogramme.|Liekilogramme. Kilogramme., | Kilogram. kilagramme.| kilogram, |} PRIX DE L'OR. | . [En ne tenant pas médins. médins, médins. francs. cent. francs, cent. “francs. cent.f francs. cent.[francs. cent.f compte de l'ar- Jh gent allié à l'or. cent.| francs, cent. || 28 882,521. | 28 882,521. À 93 807,799. À 3 303. 00,14. D'ART TEINS oNERe | AE 70. n 2|En déduisant toute Ja valeur de l’ar- gent qui sert . d'alliage à raison de DO ELLE 34 “la drachme, va- 28 137,369. | 28 137,369. | o1 387614, D3 217. 87,32. \ 3434. 44,44. 3444 44,44. J 21657,12. 0 226, 57,12. 1 [Mulement la va- M leur de l'argent, M moins les droits M d'affinage.. 28 417,179. | 28 417,170. À 02 296,411. 3 249. 87,36. 184. 57,08. 194: 57,08. ” rix d'achat de la poudre d’or J“ des caravanes MC roc 2e ne: 28 058,989. | o1 133,043. 3 208. Fa 225. 53,45. |.. …| 235453,45. ” PRIX DE L'ARGENT. MS Si l'argent eût ét | livré à la mon- | noie parfaite- Jù ment pur... 1 836,000. 1 836,000. 5 963,161. 209. 97,04. PRES OO UNE CEE 12.259,18. ll En tenant compte de la différence M du prix de l’'al- |" liage à celui du - cuivre qu’il eût fallu ajouter... | | 6, D: | 1 851,379. 1 851,379. 6 013,110. 2112072302 A OT EE ER Si la monnoie eût | fourni tout l'al- 22 De 2232 2e | Ô ls; l'argent eût été 1" fourni allié au M titre des mé- RS 1 887,956. 1 887,956. 6 131,909. 215: 9153 Dr0: 88.88. A RTE if | Sans égard à lal- 2 DÉCORER + (0 1h 1 903,335. 1 903,335: 6 181,858. 217. 67,10. = D en L NN CO . . “E Lai SE ® 7/4 DATE de | 1913,600. 6215,198. 218. 84,50. OLA ee de Ddim.......,...l.........,.) roocoo. | 633,422. À 223. 0078. | À |... JHEULÈET] bn CSSS 078,56 Diem... .....1....,..4....1 2 000,000! 6 495,818. LAON SO RS RE, ét AO OBUATA LUN. a. . 6. 50,37 406 MÉMOIRE CHAPITRE LIT. Bénéfices du Gouvernement sur la Fabricarion. 6. | 4 Retenue totale faite à la Monnoie, tant pour les Frais de monnoyage que pour le Droit de seigneuriage. 5) 0 ° e 9 Q e L'or, au titre des sequins, se payoit, comme on l'a vu à Particle du prix de l'or, 112 sequins ou 20 160 médins les. SÉqRACtART LR NC e + © + 0e. © + © © © l'or qu'il contenoiït réellement coûtoit.. . .. et la valeur du sequin étant fixée à la retenue totale de la monnoîïe étoit de. e. + O ,8 420; : VOD 7 Has 186 ,0 000, 1 omÉdins > 528. Le droït de seigneuriage | ou z#onetagium, comme on l’appe- loit jadis en France |, comprenant les frais de fabrication et les bénéfices que pouvoit faire le Gouvernement, peu moins de étoit donc d’un . ee . + ee Ce droit de seïgneuriage étoit en France, depuis près d’un siècle, de. . ee ee: eo, “atle! [sn 0e Le te, er ete tie 100% 0 000. Le poids légal d’un 0,05 696. 0,06 770. sur la Re de l'or, et, par conséquent, su fort que celui qui étoit établi en Égypte et qui fut maïntenu par les Français, quoique les frais de fabrication dussent être plus considérables à la monnoïe du Kaire, toutes choses d’aïlleurs supposées égales, à cause de la plus grande division de l'or, les pièces étant bien plus petites et d’une valeur moindre que nos louis. L'argent fin contenu dans les pièces de 4o et de 20 médins, revenant (y compris l'alliage qu'il falloit ensuite y ajouter), comme nous l’avons fait voir ci-dessus, à 1 8874" 056 les 100 drachmes, et le poids de la pièce étant OM LT AUS (PA. qui contenoient A sent He ee + + + + la monnoïe les eût payées, He et l'alliage compris. . ...... Pis PM Arte et comme la valeur nominale de la pièce étoit ARRET PR, A a A À le droït de monctagrum sur chaque pièce de cette espèce S CleVO Ai ets A VIE TN AN RRESO O OO 3 1 »3 935» - do ,0 000, 13 6 OA QUE : 0,34 229, c'est-à-dire, à un peu plus de 34 p. o/o (1) ; sur quoi il faut déduire les déchets’ et tous les frais de fabrication pour avoir le bénéfice net de la monnoie. (1) Le monetagium, en France, n’étoit depuis long- page 17 de l'ouvrage de M. Mongez, déjà cité, page 345; temps, sur l'argent, que de $ Æ p. 0/0 ; mais, sous nor. 1." Charles VII, il avoit été porté jusqu’à 75 p. c/o. Voyez SUR LES MONNOÏES D'ÉGYPTE. 407 Quant aux médins qui pesoient 73%4hms 600 les 1000" 000, et contenoïent aux mêmes proportions que ci-dessus, GN Allagtez ct. mnihaent : 54 LA APRES 68, ER PROD ns CNRS RENNES 132, valant, au même prix que d'autre part,...... 1, ABOU TA le wonetagium sur 1 000 médins eût été de... MECS ou de 0,5108; c'est-à-dire, près de $2 p. o/o. Lorsqu'on paya la drachme d'argent fin 20 mé- dins, indépendamment de l'alliage, l'argent fin con- tenu dans 1 000 médins eût coûté. ......... sogmm6lo; et l'alliage, à 10 médins les 36 drachmes...... EE M5 édi ACONNTRRRETre SN os "Alors le sonetagium eût été sur 1 o00 médins de.. 478 17 ou de 0,4781, c'est-à-dire, à peu de chose près, de 47 + p. oo (1). $. IE Evaluation séparée des Frais de fabrication, Déchers, Main-d’œuvre, et des | Bénéfices nets. 1000 drachmes d’or rendoïent 1180 sequins pesant ensemble 993%hmes ‘6. Les déchets, dans les divers ateliers, s’élevoient donc, pour 1000 drachmes d'or, à près de 6 drachmes +, ou plus exactement à........... o,o0644. En France, on accordoït anciennement. . ..... PRLREOMENT AMNNGOTO TS: Onsraccorde:plus aujourd'hui que... 20m 20 gun, 1 5.00. HN Go 6200. Mais il faut observer que l'or est bien moins divisé et que les procédés sont beau- coup plus parfaits qu’en Égypte. Le déchet total, sur 842 drachmes que pèsent 1000 sequins, Ï drach étoit donc de. . 0 + ee + 0 © + + + = + ee . + ee + +. + + + ee © © + ee . e ns € + © $ 5 1e ue, Ya AO AMP 99 Er 22 QUE ORNE Er à 201"éds 60 MRC, ee RS. SRE S E 1 100 MES ou, en nombre rond, 1 100 médins. Les ouvriers employés à la fabrication de l'or étant en partie les mêmes que ceux qui sont employés à la fabrication de l'argent, les frais d'administration , d'entretien d'ateliers, &c. étant communs, on ne peut guère établir rigoureusement le mon- tant des frais qu'entraînoit la fabrication des sequins; et il est facile de voir que plus on fabriquoit, moins ces frais étoient considérables, à cause des salaires et dépenses fixes. (1) Voyez la page précédente, note r. ne s’est pas élevé dans la fabrication, Voyez page ge On suppose, dans ces calculs, que Le titre du métal alin, 3 et suiv. 408 MÉMOIRE Cependant, si l’on considère que ces derniers frais auroient eu lieu lors même que l’on n'eût point fabriqué de monnoïe d’or, faute de matière, on peut estimer les frais de monnoyage particuliers à l'or, traitemens non compris , à environ 0,003, ce qui donneroit pour. 1000 sequins valant 180 000 médins:- en HS CR Re een ne à NU Rnl 540. ÉCRIS CUIR MAD ENDANE. +... D NU OR FLO TOTAL NT 2 0 STE La différence entre la valeur nominale et la valeur intrinsèque des MIOCOSEMMUINS MÉMRLIdE. 0.2 2 à 0x 2 PTE à si l'on en déduit les frais et déchets évalués ci-dessus à. ...... 1 640, il restera, pour le bénéfice de la monnoïie, sur 180 o0o médins.. DAC CARSS ce qui donne 4 22, ou un peu plus de 4 à p. ojo. Mais, comme, d’un autre côté, l’or étoit moins cher en Égypte (2) qu’en* France, à peu près dans le même rapport, on voit que les sequins zer-14hboub du Kaïre étoient une très-bonne monnoïe. Aussi ceux qui en ont rapporté en France n’aurotent-ils rien perdu, si, au lieu de subir la défaveur du change, ils avoient eu soin de les faire fondre en lingots et essayer dans les monnoïies de France, et de les y vendre au prix du tarif. D’après l'usage établi à la monnoie et l'espèce de traité ou de convention passée avec lefféndy chargé de la fabrication, 1000 piastres, LE Ne UC Re RE PT OT LA oi it, sur lesquelles on ajoutoit d’alliage........ es nr LPO ce qui donnoiït, avant la fonte, un poidstoralede smile a. Mes FOIRE, devoient rendre, en médins fabriqués, à peu près 271,500 médins, pesant, à raison de 73 drachmes le mille,................. 19 819; ce qui présente en moins une différence de............... 200 TE ou près de 12 p. o/o. Cet énorme déchet étoit dû principalement, TA" RTE grande division de la matière , qui étoit cause qu’elle présentoit beaucoup de surface au frottement et à l'action du feu, et qu'il retournoit sans cesse à la fonté une quantité considérable de découpures, de feuilles et de médins brisés et déchirés:; 2. à l’imperfection des procédés, sur-tout de celui du décapage ou blanchiment, lequel enlevoit, par les matières dissolvantes et le frottement, une portion no- table de la matière. C'est cette imperfection des procédés qui avoit donné l’idée à M. Rosetti, négociant Vénitien, dont parle M. de Volney dans son Voyage en Égypte, de conseiller à A’/-bey de faire fabriquer en Europe les Haons des médins. Le général en chef Bonaparte eut la même idée, et il fut fait à la monnoïe de Paris des essais pour fabriquer des flaons de médins alliés à + d'argent (2). II est (1) Ce qui ne fait que 0,00911, ou moins de 1 p. oo, (3) Voyez le Tableau des monnoies à la suite de ce pour frais et déchets. Mémoire, pièce n.° d’ordre 83. (2) Voyez pag. 402, alin. 4 et suiv. certain SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 409 certain que la fabrication eût été beaucoup moins coûteuse, à cause de la per- fection des arts en Europe et de l'exactitude des laminoiïrs dont on se seroit servi pour réduire la matière en feuilles. Les bénéfices qu'eût faits le Gouver- nement auroient donc été sensiblement plus considérables. Peut-être la plus grande perfection de cette monnoiïe eût-elle été une cause de discrédit, parce qu'elle lauroit fait reconnoître pour avoir été fabriquée au dehors. Les frais de fabrication devoient nécessairement en Égypte être très-considé- rables à cause de la complication du travail; ils le devenoient encore beaucoup plus par la mauvaise habitude qu'ont les Orientaux d'établir, sur toutes les branches de revenus, un grand nombre de traitemens inutiles ou trop considérables, de pensions, de gratifications, de redevances. On peut évaluer ces fraïs multipliés à près de 8 = p. o/o. Ainsi les déchets et les frais de fabrication auroient réduit le bénéfice net de la monnoie à un peu plus de 31 p. o/o. Quoique les déchets et les frais de fabrication pour les pièces de 4o et de 20 mé- dins fussent bien moins considérables, on voit qu'une pièce de 20 médins pesant. .... ES ons pa AE Cia: mé a 2 drachmes 550 ? 3 tandis que 20 pièces de 1 médin pesoient seulement........ RARE ,460 \ e : e se e J Ê (à raison de 73 drachmes le mille), les ghrouch avoïent plus de valeur intrin- sèque, quoique ces pièces fussent encore bien au-dessous de leur valeur nomi- nale, et que le bénéfice net qu'elles présentoient étoit beaucoup moindre; c’est ce qui fit qu'on suspendit l'émission de cette monnoiïe aussitôt que Îles matières devinrent assez rares pour pouvoir suflire à peine à la fabrication journalière des médins. Sr. Quantités fabriquées. L'or fabriqué en Égypte s'est élevé en totalité à 261 727 sequins, valant 47 110 860 médins,ou 1 658 033 francs 10 centimes, pendant trente-trois mois que les Français ont dirigé la monnoie du Kaïire; ce qui ne donne, pour le terme moyen de la fabrication par mois, que 750 sequins ou 4 753 francs $$ centimes. Le peu d'activité de cette fabrication tient en partie à ce que les Mamlouks, les négocians, ensuite les. Français, recherchèrent les sequins de Venise, les fon- douklis, les pièces anciennes, l'or en poudre et l’or en lingot à un titre élevé, pour réaliser leurs fonds en une valeur moins embarrassante que les piastres et plus réelle que les médins. | La quantité de médins fabriquée sous notre administration s'est élevée à 160 829 912 médins, valant $ 663 02$ francs 7 centimes. On avoit pris possession de la monnoie le 8 thermidor an 6 | 26 juillet 1798], et nous l'avons quittée le 18 messidor an 9 [7 juillet 1801]; ce qui fait en tout MONA TMAIMONNNOT JOUTS- AOL, 0. A ns ce +... 1075ÿ Jours. À déduire le temps qui s'est écoulé du 30 pluviôse au 24 floréal an 8 É. M. TOME IL. BFF Â10 MEMOIRE D'autre part. ..., 1075 ‘Jours. [du 19 février au 14 maï 1800 |, pendant lequel la monnoïie a été remise par le général Kleber au pécha, ou a été fermée... ... 1 84. JOUÉS LE LEE AR Ca LA Ras 1V+ 1 JOUE: ce qui donne par jour 162 290 médins, ou, si l’on retranche de chaque semaine l le jour de repos {1}, qui estle vendredi des Chrétiens, et environ cinq fêtes dans 3 / L) ET lannéé. est la charge d’un âne. - qui viennent du mont Sinaï en Syrie, en arabe Gebel el-Tour[ (21) Tamis; en arabe, monkhal tal (22 ct 23) Papier; en arabe, oùarag ; qui signifie feuille. Voyez pag. 334. Le papier s'employoit principalement, 1.° à cnvclopper l'argent et l'alliage (voyez pag. 416, alin. 2); 2.° à cnvelopper les médins (voyez pag. 425, dern.alin.). (24) Couffes, espèce de paniers faits avec des feuilles de palmier entrela- w cées; en arabe, goffeh [ 45]. On en fait un très-grand usage en Égypte. Comme ïls sont aussi souples que solidés, on en rapproche les bords et on les coud; ce qui fait d'excellentes enveloppes pour l'emballage du café, du riz et de la plupart des marchandises. (25) L'eau à boire, destinée aux ouvriers, et celle qui servoit au déca- page où blanchiment, s’apportoient de la ville dans des outres, et se pui- soient, où dans {e canal, lors de 12 crue du Nil, ou dans les citernes ou fontaincs publiques dans lesquelles on conserve l'eau du Nil, le reste de l’année. Ces fontaines, qui sont des espèces de fondations de bienfai- sance, sont dues à la munificence des gouverneurs, des grands et des hommes riches et pieux. Elles sont un des ornemens du Kaire. v i (26) L'eau du puits dit de Joseph, à la citadelle, étoit saumâtre. É, M. TOME II. Â1i2 MÉMOIRE SECTION Il. Procédés de fabrication. CHAPITRE Is Fabrication des Médins. 7 Pi Essai des Matières d'Argent (1). L'Essaveur des matières d'argent äpportoit à la monnoïe de la cendre d’os calcinés, qu'il avoit préparée lui-même. I employoit de préférence, à cet effet, des os de poulet, qu’il est facile de se procurer en abondance à cause de la grande consommation de poulets que l'on fait en Égypte, où fon conserve, de temps immémorial, l'usage de les faire éclore par milliers dans des fours destinés à cet usage. L’essayeur formoit à terre un tas circulaire de cette cendre, qu'il aplatissoit et creusoit avec la main pour lui donner la forme concave, et plaçoit sur cette espèce de coupelle argent qu'on avoit détaché du lingot à essayer, en présence de l’eféndy directeur de la monnoie, et du surveillant ou commissaire du Gou- vernement. L'opération se faisoit sur 4 drachmes [ragrmmes 15 ], et l’on y ajoutoit de cinq à huit fois autant de plomb (2), selon que l'argent étoit présimé contenir moins ou plus d'alliage. ; Le plomb dont on se servoïit étoit choisi dans le commerce, et reconnu pour le plus pur qu'on pût trouver. L'essayeur ajustoit, au-dessus de son espèce de coupelle, des charbons et menus morceaux de bois bien secs. Un domestique, qui, comme l’essayeur, étoit Juif de nation, souffoit le feu avec son outre (3) garnie d’un tuyau de terre cuite, dont la tête se terminoiït en bec d'oiseau. | Le plomb, en se fondant, détermine promptement la fusion de l'argent et de l'alliage qu'il contient, lorsque le mélange à été tenu assez long-temps en fusion pour contracter une forte chaleur, l’essayeur éloigne un peu les charbons, dont le contact empécheroit l'oxidation du plomb, et les dispose de manière à former (1) Essai se dit en arabe chichny [kstüs]; au pluriel, (2) En arabe, rousés [uytes ] chichâny [lis]. M. de Sacy pense que ce mot vient du (3) Voyez, pour la description de ce soufflet à outre, persan çyäæ ouKstés qui signifie goût, de Guëx , goûter. pag. 417, alin. $. Chaque essai se paie 30 médins. SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 413 une voûte au-dessus du bain : il dirige ensuite le vent du soufflet sous cette voûte: ce qui, d'une part, entretient le feu, et, de l’autre, contribue à oxider le plomb, L'essayeur écarte sans cesse, du bout de sa pince de fer rougie, la pellicule oxidée qui est encore liquide et qui recouvre le bain (1), laquelle contient le plomb et les autres métaux d’alliage, et que la cendre de coupelle boït ou absorbe, tandis qu'elle n’a pas la propriété d’absorber l'argent. Quand la séparation est complète, l'argent, qui n’est pas à un degré de chaleur assez fort pour rester fondu dans son état de pureté, passe presque instantanément de l’état liquide à état solide de métal incandescent, et perd promptement ensuite cette incandescence : dans ce passage, il se produit une espèce de lueur que les essayeurs en France appellent l'éclair. JT reste alors une plaque circulaire de métal, appelée culot, qui doit être de l'argent pur; et lessai est d'autant mieux fait que la plaque est plus sphérique, la surface supérieure plus brillante, le dessous plus mat et plus net. S'il adhéroïit aux bords ou au-dessous quelques particules de litharge et d'al- liage, l’essayeur les détachoit en frappant légèrement avec Île marteau, et lon pesoit ensuite le culot d'essai, pour juger, par le poids qu'avoient perdu les À drachmes d'argent, de la quantité d’alliage qu’elles contenoïient. L'essai étoit une des premières choses qui demandoïient à être perfectionnées. Nous cherchâmes à introduire l'usage des fourneaux de coupelle: mais, n’ayant pour les exécuter que des ouvriers du pays, nous éprouvâmes toute sorte de diffi- cultés (2). Il fut sur-tout impossible, parmi les différentes terres dont on fait usage au Kaire pour les poteries, d’en trouver dont on püût faire de bonnes moufles. Nous parvinmes cependant à perfectionner sensiblement les essais. Nous f{mes préparer sous nos yeux la cendre de coupelle, de préférence avec des os de mouton, qui contiennent beaucoup de phosphate calcaire, lequel a éminemment la propriété de coupeler. Nous formâmes, avec des moules, des coupelles très-régulières. Nous rédui- sîmes à 1 drachme +] 48%" 6 ; 8] la quantité d'argent à essayer ; ce qui exigea une moindre quantité de plomb. En établissant la coupelle sous une voûte de charbons et entretenant le feu par le vent d’un soufflet à courant continu, tandis que celui du soufflet à outre est intermittent, nous accélérâmes l’oxidation, et nous parvinmes, en tenant le métal en fusion à un degré de chaleur plus élevé, à en séparer les dernières molécules de plomb et d'alliage qui adhèrent toujours plus fortement. La quantité d’alliage, dans les pièces de $ francs, étant rigoureusement cons- tatée en France, nous nous en servimes pour terme de comparaison , et nous nous assurâmes que par notre nouveau procédé nous approchions de très-près du titre exact, et autant qu'il étoit possible de le faire avec des moyens moins précis et sur-tout avec des balances moins parfaites que ne sont en France les balances d’essai. (1) IT est à craindre, dans cette opération, qu’on n’en- que nous évitâmes par un autrt procédé : voyez l'alin, 8, lève avec la litharge quelques molécules d'argent; ce (2) Voyez pag. 424, alin. 2, et pag. 419, alin. 2. Â14 MÉMOIRE Alliage, QuoiQuE la monnoie fût obligée de faire l'achat du cuivre pour allier les médins, elle ne tenoït cependant pas compte aux Juifs de celui qui se trouvoit uni à l'argent de leurs lingots; mais, l'argent du commerce étant, comme nous l'avons dit, en général d’un bas aloi, ils étoient dans l'usage de le fournir à un titre peu élevé, en sorte que la proportion d'alliage à ajouter étoit beaucoup moins considérable que pour les piastres qu'on livroit à Ja fonte. Le cuivre d’alliage étoit fourni par un Turk, chef des serr4f,, à la monnoie. Ce cuivre se préparoït dans son atelier en ville, de la manière suivante. H achetoit dans le commerce le cuivre rouge provenant de vieux ustensiles. Presque tous les vases de cuisine et de ménage étant en cuivre, il se fait de ces ustensiles qu'on tire de l'étranger, et qu'on préfère en cuivre rouge, un Commerce considérable. | Ces pièces étoient d’abord déployées, coupées et aplaties, de manière à présenter, autant que possible, une surface unie, du côté qui a été étamé. On exposoit cette surface étamée à un jet de flamme entretenu par le cou- rant d'air d’un soufflet, L'étain s'oxide par cette opération et s'enlève en écailles. On détache ce qui peut en rester, en battant et grattant la surface du cuivre. Quand les pièces sont suffisamment nettes, on les replie sur ellesmêmes, en les frappant avec un maïllet de bois ou un marteau, jusqu’à ce qu’on les ait réduites à occuper le moins de volume qu'il est possible. On jette ces pièces dans un creuset de terre, semblable à ceux dont on se servoit à la monnoïe, et placé sur un têt, au fond d'un fourneau cylindrique qu'on remplit de charbon. L'orifice du fourneau est recouvert d'une simple plaque de tôle. Un soufflet à boudin, à double courant d'air (1), entretient dans le fourneau un feu de forge suffisant pour faire fondre le cuivre. À mesure que le charbon s'affaisse en se consumant, on recharge le fourneau; et lorsque le cuivre a com- mencé à fondre, on en ajoute une quantité suffisante pour remplir le creuset à troïs doigts du bord environ. On a soin de laïsser sur le creuset, qui n'est point couvert, des charbons allumés qui empêchent l’oxidation du cuivre, et on projette, sur la surface, du , borax qui sert de flux et purifie le métal, en scoriftant les matières étrangères. Quand le bain est bien fluide, on tire le creuset, en en pinçant le bord avec de longues tenaïlles ou une pince plate : on écarte la scorié avec une spatule de fer, et on fait couler, d’un mètre et demi de haut, le cuivre fondu en un filet assez délié, dans un bassin plein d’eau où il se divise en grenaïlle. Le cuivre ainsi préparé se payoït à la monnoïe 4o médins le rot/ de 1 44 drachmes, ou 3 francs 17 centimes le kilogramme. (1) Voyez celui qui est représenté dans la planche xx1 des Arts et Métiers, Æ, A. SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. Ât$ Si l'on avoit à fondre des piastres, Ja proportion d’alliage usitéé étoit RS à EX a panne DS MARNE NE HO UE ou HoPREMES SUP OGOMpIAStrEs , POI MMM. SAN O eu 020 ,940. DOME LR SA SUOMI | CONNECT On prenoit 60 piastres, pesant. . ........ 25e Que TPE MESCREe dnvadioutoir d'alve Mere M PMR. 1. : EE 7: 5; ,540; drachmes kilogrammes total par Chaque CREUSER 106004 à... RUES CEE NT À SOS le tout Hdépendanenent des fératifés et cisaïlles qui retournoient à la fonte Si l'argent destiné à la fabrication étoit en lingots, après s'être assuré du titre par l'essai, on le coupoit en morceaux égaux d’un poïds suffisant pour former environ 1400%%%m% où {Klegrmme 2 10, On pesoit chaque morceau et l’on y ajou- toit la quantité nécessaire d’alliage. Pour calculer cette quantité avec plus de facilité, nous nous servions de tables dressées à cet eflet et basées sur la proportion d'alliage déterminée pour la fonte des piastres. | Le tarif des monnoïes de France porte les piastres d'Espagne à 806. Maïs, en supposant que le remède de titre soit pris plutôt en dessous qu'en dessus, ou d'après divers essaïs faits en France Re au tarif, nous les supposions en Égypte à 10 deniers + de fin ou à 895 2 Tooco° D'après cela, 1000 te Déni à REC Me Buy or "oo dÉvbEnteontenir dargentipur. 600 RAR LA. 291838 ,SÂt, CHAINES MEN AUX... LA TE AUS Ar Re RE HAS Int PS1 0) Onajoutoir de nouvel alliage, ..#.......:........ 13 750 000. Le total de l'alliage étoit donc. . ... RAT PR RSR ET 14 6 C TES ro sur une quantité d'argent pur de....... RAS NE NO AUS ToTaL déjà indiqué ci-dessus... ... 2200 RE 000: Ce qui donne pour 1 drachme d'argent pur......... RES OT opt 32 d’alliage (x). C'est d'après ces données quavoit été calculée Ia table d'alliage suivante qui a servi à déterminer, tant pour les médins que pour les pièces de 4o et de 20 médins, les quantités d’alliage à ajouter sur l'argent, depuis le 8 thermidor an 6 [26 juillet 1798 ] jusqu'au commencement de l'an 9 [ 23 septembre 1800!], époque à laquelle la proportion de lalliage fut fixée à deux parties sur une d’ar- gent fin (2). (1) Alliage se dit en arabe, moudäf où modäf[c5Las], (2) Voyez pag, 388, alin, 4. qui signifie ajouté. 416 MÉMOIRE Table d ‘alliage. ARGENT FIN, ALLIAGE. drashme. drachme 1 I 5870 431 CE 3+ 740 863 K 611 295 7 481 727 5352 159 5222 $ÿI 5093 023 5963 455 5833 887 On enveloppoit l'argent et l'alliage en grenaïlle dans deux feuilles, l'une de papier blanc, l’autre de papier gris, qui se ployoïent et se fermoient par l'effendy chargé de la fabrication, en présence de l'administrateur ou commissaire du Gouvernement, du peseur et du maître fondeur. | SRE Atelier de la Fonre. Les mêmes personnes surveilloïent le transport des matières à l'atelier de la fonte, le chargement des creusets et le coulage en lingots. On ajoutoit dans chaque creuset une portion égale de découpures ou cisailles provenant de la fabrication des médins.. Les creusets (1), quelque temps avant l'arrivée des Français, étoient de la nature de ceux qu'on appelle creusets de plombagine, et se tiroïent d'Europe; ils pouvoient contenir environ {000 drachmes, ou plus de 12 kilogrammes de matière, et coûtoient de 2/50 à gfas [a Dièce. Lorsque les creusets qui pouvoient se trouver en approvisionnement au Kaire, furent épuisés, presque tout commerce étant interrompu avec l'Europe, sur-tout depuis l'expédition, il fallut faire des creusets avec la terre du pays. | On méla d'abord avec cette terre une quantité assez considérable de plom- bagine provenant des anciens creusets dont on avoit conservé les débris: mais cette ressource finit par s'épuiser. Ceux de terre que faisoient les ouvriers du pays, avoient le corps cylindrique (1) En arabe, boutageh [554]. | et SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE, A7 et le fond sphérique. La terre avoit le défaut d’être peu liante, fort poreuse, et susceptible de se vitrifier à un grand feu. * I résultoit des deux premiers défauts, qu'on étoit obligé de faire les creusets très-épais, sur-tout du fond, ce qui les rendoit difficiles à échauffer; et il résul- toit de l'inégalité d'épaisseur et de la porosité, que souvent le creuset se fendoit ou se cassoit, quand il étoit retiré du fourneau, ou du moins que la terre absorboit une partie de la matière. La vitrification étoit encore l'effet le moins sensible : elle n'avoit guère lieu qu'à l'extérieur, vers le fond, où s'appliquoit la plus grande chaleur: mais ce commencement de fusion étoit souvent la cause de la facilité avec laquelle le creuset se fendoit, soit au contact de fair, quand on vouloit couler la matière, soit au contact du feu, lorsqu'on vouloit fondre une seconde fois dans les creusets qui avoient servi la veille. Malgré tous nos essais dans le choix et le mélange des terres, nous ne pûmes parvenir à rapprocher les qualités des creusets de celles du creuset de plomba- gine, ou même de certaines espèces de. creusets de terre usités en France. II auroit fallu pouvoir faire chercher d’autres espèces de terre (1), ou en tirer de Syrie. La fonte se faisoit dans huit creusets, disposés dans autant de fourneaux à soufflet et sans cheminée, égaux et cylindriques, pratiqués dans la longueur d’un massif ou d'une banquette éloignée d'environ un mètre du mur de l'atelier et construite en briques, terre glaise et ciment. Au fond du fourneau, ou trou circulaire dans lequel se plaçoit le creuset sur un têt ou rondelle de terre, on avoit ménagé entre les briques un vide suff- sant pour laisser couler les cendres et passer le vent du soufflet. On entouroit et l’on couvroit le creuset de charbon de boïs : maïs, commé la couche de charbon étoit fort peu épaisse, un ouvrier étoit constamment occupé à recharger les fourneaux. À chaque fourneau étoit appliqué un soufHet à outre. Ces soufflets singuliers, qui indiquent tout-à-fait l'enfance de l’art, consistent en une outre ou peau de chèvre, à une extrémité de laquelle est lié un tuyau en terre cuite : l'autre extrémité est ouverte comme l'entrée d’un sac, et garnie d’une espèce de fer- moir composé de deux portions d’un cylindre de boïs fendu selon son axe. Un seul homme fait jouer deux soufflets, un de chaque main. Il écarte les deux portions du cylindre en boïs ou fermoir, et, en les retirant à lui (ce qui ouvre et étend loutre), il y faït entrer l'air; il rapproche ensuite et serre l’un contre l’autre les deux morceaux de boïs, et les pousse sur loutre, qu'il refoule et dont il fait sortir l'air par le tuyau. Les souffleurs se tiennent assis par terre, entre la banquette et le mur, et sont préservés des étincelles par un rebord ou petit mur d'appui qui règne de leur côté, tout le long de la banquette. Ce sont de pauvres malheureux aveugles, (1) Celle de toute la plaine d'Egypte est de la même à faire des briques pour bâtir; mais elle n’est pas propre nature. C’est une terre d’alluvion produite par les dé- à résister à un grand feu. pôts lents et successifs du Nil. Elle est par-tout bonne E. M. TOME II. Cyg Â18 MÉMOIRE couverts d’un lambeau de toile, et qui ne gagnent que À à ÿ médins par jour, ou de 14 à 19 centimes. Lorsque la fusion étoit complète, ce dont on s'assuroit au moyen d’une verge de fer, qui servoit en même temps à brasser et à mêler la matière, un ouvrier enlevoit le creuset, en le saïsissant par le bord avec une pince plate, et le portoit au maître fondeur (1), placé devant une espèce d’établi en maçonnerie et terre glaise. Celui-ci posoit le creuset sur de la cendre chaude, au bord d’une terrine sur laquelle étoient disposées les lingotières à main, de même forme et dimension, et qu'on avoit eu soin de frotter d'avance avec un peu de cire ou d'huile. I prenoït la lingotière de la main gauche, et de l'autre main Ja pince ou tenaille pour incliner le creuset, et remplissoit ainsi successivement chaque lingotière. Les lingots qui en résultoient n’avoient guère que 2 centimètres d'épaisseur et 35 à Ao centimètres de longueur. Lorsque la fonte est terminée, le maître d'atelier porte ses lingots pour être pesés. On Jui passe pour les déchets de son atelier 0,016. Ce déchet est beau- coup plus considérable que celui qu'on accorde en France pour les monnoîïes de billon: mais il faut observer que les deux tiers des matières remises au fon- deur étoient en découpures extrêmement minces, dont la surface, d’abord très- oxidée, s'étoit ensuite chargée de matières grasses et charbonneuses, dans les différentes manipulations qu'elle avoit subies; circonstances qui augmentoiïent sensiblement le déchet à la fonte. Le maître d'atelier ne rapportoit jamais de la première fois la quantité pré- cise qu'il devoit. L'eféndy portoit le déficit en débet à son compte. Le fondeur nettoyoit ensuite son atelier, lavoit les cendres et les balayures, et faisoit piler, par un ouvrier chargé de ce travail, la portion des creusets qu’il soupçonnoit avoir absorbé de la matière métallique. Cet ouvrier broyoit les résidus du lavage avec du mercure (2), et séparoit l’amalgame, des terres et cendres , par des lavages suc- cessifs. Le fondeur introduisoit ensuite cet amalgame dans de petits vases de-verre coniques à long col (ou espèces de matras) qu’il lutoit avec soin. II disposoit ces vases dans une espèce de foyer, au milieu de charbons, et adaptoit au col des matras, des roseaux, au lieu de tubes de verre, pour recueillir dans d’autres vases de verre non lutés une partie du mercure qui se sublimoit dans la distillation. Le soir, il allumoit les charbons et laïssoit l’évaporation se faire dans la nuit. Le matin, il retiroit les matras pleins d’un résidu métallique spongieux et grenu, ayant l'apparence cuivreuse, mais contenant de l'argent; il brisoit les verres, et séparoït en portions égales le résidu métallique, pour le distribuer dans les creusets: et, si la nouvelle fonte, avec cette augmentation, complétoit la quantité dont il devoit rendre compte à l'efendy, il étoit déchargé de son débet. S'il y avoit plus, il retiroït l’excédant pour son compte et pour compléter le prochain déficit; s'il (1) Fondeur se dit en arabe sab4k [ li, 1; au pluriel, (2) En arabe, z yhaq [ 425 ]. sabékyn [ex ] SUR LES MONNOIES D ÉGYPTE. 419 ÿ avoit moins, il étoit obligé, au commencement de la semaine, d'acheter et de rapporter la quantité d'argent qui manquoit. La méthode de fondre en un seul creuset, dans un seul fourneau, a sans doute beaucoup d'avantages, tels que ceux d'employer moins de bras, moins de temps, moins de combustible; d'avoir plus sûrement et plus facilement une matière homogène, et beaucoup moïns de déchet qu'en opérant séparément sur de petites masses; de ne pas être exposé à casser plusieurs creusets, à voir couler l'argent dans les cendres, et à recommencer les fontes : maïs de très-grands creusets supposent-un très-grand travail; et, quand on auroit constamment de grandes quantités de matière à fondre, il est difhicile et dispendieux, même én France, de faire exécuter des creusets en fer battu. On ne s’en sert guère qu'à Paris, et l'usage de fondre dans des creusets de plombagine {1} est encore assez géné- ralement suivi dans la plupart des monnoïes de France, et peut-être d'Europe. Du reste, il nous semble que, dans ce dernier cas, ikest préférable de fondre au fourneau à soufflet. À la monnoie de la Rochelle, dont la direction nous à été confiée, nous les avons substitués en 1818 aux grands fourneaux à courant d'air, et nous y avons trouvé beaucoup d'économie dans les frais de construc- tion, un peu dans le temps nécessaire pour la fonte, et près de moitié dans la consommation du charbon. 6. IV. Ateliers de la Forge. Les fingots sont ensuite livrés, au poids, au chef des ateliers de la forge (2). L'argent ou haut-billon ne demandant pas un grand degré de chaleur pour être forgé, un simple feu de charbon, sans soufflet de forge, suffit pour amener le lingot au rouge-cerise. Un des ouvriers le saisit avec une pince plate, et, aidé d'un ou de deux autres ouvriers, il le forge en le frappant alternativement avec un marteau plat, ou sur une LT enclume à tranchant mousse, ou sur une enclume plate ; ce qui revient au même que si l'on forgeoit seulement sur une enclume plate, avec des mar- teaux à double tête, en frappant, tantôt du tranchant du marteau, et tantôt du plat. Ce travail est très-simple : maïs les ouvriers y sont si exercés, ils frappent, à trois, avec tant de vitesse, de précision, et une cadence si bien marquée, qu’en les voyant la première fois, on ne peut s empécher d'être surpris de leur adresse et de leur activité. Le lingot, qu'on forge d’abord carrément, puis en baguette ronde, en ayant soin de rendre les deux extrémités plus amincies pour les passer à la filière, prend une longueur presque triple en diminuant de diamètre. Il acquiert plus (1) Les creusets de plombagine qu’on emploie commu- nément , ne contiennent que 18 à 20 kilogramines. (2) Forgeron se dit en arabe hadd&d[ 362 ],au pluriel E, M. TOME IL. G haddädyn{ , 15s ], de hadyd[ ain ], fer: c'est-à-dire, : À ouvrier en fer.  20 MÉMOIRE de fiant, de souplesse et de ductilité. Il seroit impossible de l'étirer, sil n'avoit pas été forgé, parce qu'il seroit trop cassant. On accorde 0,001 de déchet dans l'atelier des forges. Ces forges étoient au nombre de huit. $. V. Ateliers des Filières. L'ÉTIREUR (1) exécute ses filières avec des plaques d’acier fondu qu'on trouve dans le commerce, et qui sont d'une forme assez irrégulière. Leur surface n’est même pas plane, et leur épaisseur diminue du centre aux bords. I les fait recuire ou détremper pour les percer, ‘au fleuret, avec un foret d'acier. Il n’observe point d'ordre régulier dans la position de ses trous: ïl les fait successivement de plus. en plus petits, avec divers forets de diverses gros- seurs, où un foret qu'il diminue et retrempe à chaque fois, et perce ses trous çà et là, tant que la plaque d’acier peut en contenir. La filière ainsi préparée se place vis-à-vis un double tenon, ménagé à l’extré- mité d'une pièce de bois enfoncée en terre. Un ouvrier passe d'une main l'extrémité de la baguette de métal, qu'on a amincie par le bout, dans le trou de la filière, et vient la saisir de l’autre main, à l'aide d'une pince ou tenaille dont les mâchoires sont cannelées. Cette pince a ses branches, ou leviers extrêmement courts, saïsies par une espèce d'anneau ou de chaînon de fer recourbé d’un côté et attaché de l’autre à une corde qui s'enroule sur un treuil. Deux ouvriers font tourner le treuil, au moyen de déux paires de leviers croisés, placés à une distance suflisante pour ne pas se gêner Fun l’autre. Les deux extrémités dé l'axe tournent dans des entailles pratiquées au sommet de deux pièces de boïs dur, enfoncées dans la terre. Au moyen d'une vive saccade qui serre les branches de la tenaille, les ouvriers en font mordre profondément les dents sur la tige de métal, qu'ils forcent à passer, en s’alongeant, par les trous de la filière. Comme la diminution de ces trous ne suit pas un décroissement bien régu- lier, que le treuil, construit fort grossièrement, éprouve un frottement très-con- sidérable, que les bras de levier du treuil sont très-courts, que lalliage n'est pas souvent très-pur, en sorte que le métal reste quelquefois dur et cassant, il faut des efforts considérables pour l'étirer. Les hommes chargés de tourner le treuil, choïsis parmi les plus robustes, travaillent ordinairement nus (2) dans une action vriers travailler nus dans leurs ateliers. C’est cette diffé- rence d’usages et de mœurs qui leur faisoit voir avec (1) En arabe, maddäd [ jh |, au pluriel maddädyn (wall; de madd[ ie ].il a étendu, ou étiré. (2) L’habitude qu'ont les Orientaux de vivre isolés des femmes, et de les tenir voilées et enfermées, est cause que les hommes ont entre eux moins de pudeur, et qu'on y voit avec moins de surprise des faquirs ou derviches aller nus dans les rues, et beaucoup d’ou- tant de surprise les femmes Européennes sortir sans voile, se mêler, se promener, causer avec les hommes, et sur- tout avoir la curiosité de visiter leurs ateliers. Leur pre- mière idée étoit de les prendre toutes pour des femmes publiques. SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 421 violente, s’aidant de leurs mains et de leurs pieds. Les travaux de ces ateliers, comme ceux de la plupart des autres, se font au bruit d’une espèce de cri ou de chant régulièrement répété; à peu près comme le travail des manœuvres par - nos matelots, sur les vaisseaux de guerre. | Lorsque les baguettes de métal ont passé un certain nombre de fois à la filière 3 opération qui tend à déranger et à écarter les molécules du métal, il faut, pour le rendre plus ductile et moins cassant, avoir soin de les faire recuire. On les dispose par couches dans du menu charbon qu'on allume le soir: les enfans de l'atelier, munis de plameaux disposés en éventail (1), soufflent ces char- bons, qu'on laïsse se consumer pendant la nuit. Les enfans s'occupent aussi à amincir les baguettes de métal par l'extrémité, à ramasser les morceaux qui se rompent à la filière, à balayer l'atelier, Ce sont presque toujours les fils des ouvriers mêmes. Ils reçoivent une modique rétribu- tion, qui sert aux parens à les faire vivre, et ils apprennent de bonne heure et insensiblement le même métier qu'eux. Dans la classe des artisans, comme dans la plupart des autres classes, l'ancien usage des Égyptiens d'élever presque constam- ment les enfans dans la profession de leurs pères s’est conservé Jusqu'a nos jours. On accorde, pour le travail de la filière et du recuit qui se fait dans deux ateliers, 0,005 de déchet. SAR AE Ateliers du Planage, Lorsque les fils de métal ont été réduits à 2 millimètres environ de diamètre, on les remet au planeur (2). Celui-ci les coupe en morceaux de 2$ à 30 centimètres de long; il les met ensuite dans une espèce de four chauffé avec du bois sec, pour les faire rougir. Ce four est circulaire, et a cinq ou six bouches. À proximité de chaque bouche est disposée une enclume, ou tas d'acier à surface circulaire et plane. | L'ouvrier-maître prend un des fils avec une tenaille ou pince plate, et, avec le marteau à deux têtes plates et circulaires, il aplatit d'abord le fil dé métal dans toute sa longueur; il le ploie ensuite en déux et en aplatit de nouveau les deux branches, en les forgeant l’une sur l'autre, et en les saisissant à cet effet avec sa pince, alternativement par les extrémités et par le point de réunion. Lorsque tous les fils sont suffisamment amincis de cette manière et ont acquis environ 2 centimètres de largeur, les enfans de l'atelier les ouvrent et les em- boïtent au nombre de six, de manière que les plis, ou charnières, rentrent tous les uns dans les autres. | Alors le maître saisit avec la pince ces six feuilles réunies, les humecte souvent d'huile pour qu'elles ne s’oxident pas ou ne se brüûlent pas, et qu’elles n’adhèrent pas ensemble; il les fait chauffer au fourneau, et, les présentant sur l’enclume (1) Voyez pag. 431, not. 2. (2) Planeur se dit en arabe ragqäq RERE qui amincit; pluriel, ragqäqyn lost, ]  22 MÉMOIRE un autre ouvrier et lui les frappent à grands coups de leurs marteaux plats; ü à soin de les redresser quelquefois, en les frappant plus légèrement sur la tranche. Ce travail est très-pénible : tous les ouvriers, extrêmement robustes, sont continuellement dans {a plus violente action; de leurs corps nus et musculeux ruisselle la sueur; et la vue de cet atelier {1} obscur et enfoncé, ressemblant à une caverne enfumée et retentissant du bruit cadencé des marteaux et des cris des forgerons qui travaillent à la lueur de leurs fourneaux, rappeloit parfaitement l'idée de Fantre des Cyclopes. Les feuilles de métal qui sortent du planage, sont fort défectueuses : elles sont inégales en épaisseur et sur-tout aux extrémités, déchirées sur les bords, souvent cassées et trouées; ce qui est cause qu'au découpoir il y a une grande quantité de retailles ou cisailles quiretournent à la fonte. Les flaons sortent très-noirs et oxidés, et il faut en enlever, pour les décaper ou les blanchir, une partie de la surface. I auroïit fallu employer, pour préparer ces feuilles, des laminoirs construits avec beaucoup de précision; maïs les ouvriers du pays étoient incapables de les exécuter. Le déchet accordé, dans les ateliers du planage, n'étoit que de 0,002 $, ou d'un quart de millième. SX VIT Atelier du Découpage. Les feuilles pesées et examinées pour s'assurer si elles ont une épaisseur con- venable, sont livrées au chef de l'atelier du découpage (2). Les découpoirs (3) sont composés d’une vis, à l’extrémité inférieure de laquelle est adapté l’'emporte-pièce ou piston, qui est une portion de cône dont la base est acérée et tranchante. Ce piston entre dans une pièce qu'on appelle lunette, percée d'un trou circulaire et d’un diamètre presque égal, dont le rebord est aussi acéré et tranchant. A l'autre extrémité de la vis est adapté le balancier ou levier à un seu bras, qui sert à faire mouvoir la vis et le piston. L'ouvrier applique de la maïn gauche la feuille de métal sur la lunette, et de la main droite, en donnant un demi-tour de levier, fait descendre le piston, qui enlève la pièce, ou morceau de métal, qu'on appelle flaon dans le style de nos monnoies, et qui tombe, à travers la table percée à cet effet, dans un panier ou couffe, disposé pour le recevoir. Ce mouvement se fait avec une grande rapidité; le travail est trés-facile, et ce sont des jeunes gens qui le font : un seul ouvrier peut découper au-delà de vingt mille médins par Jour. Les défauts de ces découpoirs consistent en ce que la vis est conique, au lieu “ (1) L'atelier contient deux Ces ou fours, àsixen- du mot Turk Gén ou be, qui signifie couper clumes chacune. en petits morceaux. (2) En Égypte, découpeurse dit doughremeh [432.3], (3) Voyez pag. 345, alin. 2 SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTÉ. 423 d'être parfaitement cylindrique, ce qui lui donne du jeu et fait varier l'emporte- pièce ; en ce que lemporte-pièce, au lieu d’être dirigé entre des règles et dé n'avoir d'autre mouvement que celui d’ascension et de descension, est adapté à la vis, et tourne avec elle, ce qui contribue encore À lui donner du Jeu : enfin le diamètre du collet ou de la lunette est trop grand par rapport à celui de l'emporte-pièce, d’où il résulte que la pièce de métal a souvent des bavures, et que, comme elle est très-mince, elle est fort concave du côté de l'emporte- pièce, et convexe du côté de la lunette. L'ouvrier taille deux rangs de pièces dans la feuille, en commençant par un bord et reprenant par l'autre; il évite de couper les endroits qui sont trop minces ou trop épais, ou déchirés. Les découpures qui restent sont plus des deux tiers de la feuille et retournent à la fonte. _ On frotte dans du son les pièces découpées, pour en enlever l'huile qui pro- vient des découpoirs, et l’on trie celles qui sont trop imparfaites. Les pièces ainsi nettoyées, triées et pesées, sont remises au décapeur. SoWAIT. Atelier du Décapage ou Blanchiment (1). ON fait d'abord bouillir les pièces ou flaons dans une chaudière de cuivre, qui contient du tartre, de l’alun et du sel marin (2), en ayant soin de remuer et agiter souvent. Cette première opération dissout Fhuïle, et enlève les ma- tières grasses ou charbonneuses, ainsi qu'une partie de Foxide qui se trouve à la surface. La pièce prend alors une couleur rougeâtre et semblable à celle du billon. Cette première opération ne suflisoit pas pour décaper les médins. On les jetoit dans une espèce d’auge pratiquée dans une forte pièce de bois ou tronc écarri de sycomore. On y ajoutoit de l’alun, du sel marin, du tartre, et même du sable; et deux forts ouvriers, assis sur chaque extrémité de la pièce de bois, en remuant, brassant et frottant les pièces, parvenoient à leur donner une appa- rence métallique semblable à celle de notre billon neuf Nous avons dit qu'il résultoit de limperfection des découpoirs qu'une des surfaces des médins étoit convexe: c’est celle qui, éprouvant beaucoup plus de frottement, se blanchissoit beaucoup mieux que l’autre. On lavoit ensuite, à plusieurs eaux, les petites pièces de métal; on les séchoit, et on les essuyoit, en les frottant dans du son, sur un crible: enfin on trioit les pièces brisées ou qui n'étoient pas suffisamment décapées. Il est facile de présumer combien le déchet doit être considérable dans cette opération; et, quoique la partie oxidée qu'enlèvent les dissolvans soit presque entièrement cuivreuse , cependant le frottement seul doit enlever aussi une (1) Celui qui décape ou blanchit s'appelle en arabe (2) Voyez ces mots page 411. gallä[ 2 ]; au pluriel, galläyn [ 539 ]. Â24 MÉMOIRE portion d'argent. Les eaux de lavage se jetoient, et l'on retiroit fort peu de métal des autres résidus. Le déchet accordé étoit de 0,0 55: Nous avions le desir de perfectionner les procédés du blanchîment; et l'action du sel et du tartre, portés à l’ébullition, eût sans doute suffi : maïs il auroit fallu ouver un moyen simple et facile d’agiter constamment les pièces dans la chau- dière , et de leur faire présenter à-la-fois chaque face à l’action du dissolvant: tandis que d'ordinaire, et malgré le soin qu’on a de les brasser avec une spatule dans la chaudière, la plupart des pièces se collent ou adhèrent entre elles, en sorte qu'une des surfaces, ou une portion des deux, conserve une apparence _noïre ou cuivreuse. Malheureusement, nous fûmes constamment contrariés dans nos projets d’amé- lioration par l'impossibilité de pouvoir occuper long-temps les ouvriers Français, qui étoient en trop petit nombre, et qui étoient employés aïlleurs à une foule de travaux, pour lesquels le génie inventif de M. Conté (1) avoit eu à tout recréer, depuis l'outil le plus simple jusqu'aux machines les plus difficiles à exécuter, après que tout ce qu'on avoit apporté de France en ce genre, eut été pillé ou détruit dans l'insurrection du Kaïre. La routine des ouvriers du pays étoit un autre obstacle qui eût été encore plus difficile à surmonter. En examinant ce qui se passe dans l'opération du décapage ou blanchîment, on a lieu de s'assurer que la portion d'acide libre que peuvent contenir le tartre et l'alun, en agissant sur la surface'des pièces de métal, leur enlève et dissout une quantité suffisante de cuivre oxidé pour leur donner cette apparence de blanc mat qua l'argent plus pur, lorsqu'on l'a passé à l'acide sulfurique. Cette appa- rence que prend le billon, mais qui s'efface par le frottement, a donné lieu à l'erreur vulgaire que ces pièces sont de cuivre argenté. Savary, dans ses Lettres sur l'Égypte, dit que le médin est une petite pièce de cuivre argenté qui vaut six liards (2). Six: Aielier des Balanciers ou du Monnoyage. Les petites pièces de métal, ou flaons, préparées comme nous venons de le dire, se livrent, au poïds, au chef de l'atelier du monnoyage. Les balanciers sont composés, comme les découpoirs, mais dans une plus forte proportion, d’une vis roulant dans une boîte ou écrou de cuivre. A F'extrémité inférieure de la vis s'adapte le coin d’acier qui s'enfonce simplé- ment dans une cavité pratiquée dans la tête de la vis. A l’autre extrémité est adapté un balancier garni de deux têtes de plomb. Le coin inférieur s’assujettit dans un carré de fer, au moyen de coins de fer. Un ouvrier, ordinairement un jeune homme, est chargé de placer les pièces sur le coin inférieur. H en prend une poignée de la main droite, les fait glisser du pouce et de l'index sur le coin, (1) Voyez pag. 322, lign. 3 et not. 1."* (2) Lettre du $ octobre 1777. | et SUR LES MONNOIES D ÉGYPTÉ. 425 et les détache avec l'index de la main gauche, tandis qu'un autre ouvrier fait, d’une seule main, aller le balancier, en regardant les pièces qu'on place dessous. Les ouvriers sont si exercés à ce travail, que souvent celui qui place la pièce ne regarde point le coin supérieur, et celui qui fait aller le balancier se fie à son mouvement uniforme et régulier, sans fixer les yeux sur la pièce qui sé place sous le coin; et il n'arrive presque jamais que la piècé soit frappée deux fois, ou que celui qui la pose ait les doigts pris entre les coins. Les balanciers sont affectés des mêmes imperfections que nous avons remar- quées dans les découpoirs, c'est-à-dire que la vis est légèrement conique, au lieu d'être parfaitement cylindrique; que le coin tourne avec la vis, au lieu de monter et de descendre entre des régulateurs. I! en résulte que le coin supérieur vacille et ne s'applique Jamais rigoureusement sur l'autre ; en sorte que les deux empreintes se correspondent rarement, et qu'elles ne sont pas toujours, comme dans nos monnoiïes de France, dans la même position respective l’une par rapport à l'autre. Le mouvement de torsion ou circulaire qu'éprouve la pièce au moment où elle vient à être serrée entre les deux coins, tend à effacer ou coucher les empreintes. La profondeur beaucoup trep considérable du trait de gravure dans les deux coins, et le peu d'épaisseur de la feuille métallique, sont cause que les parties saïllantes d’un des coins refoulent le métal dans les parties crèuses de l'autre, et les empreintes en sortent comme effacées, hachées et en partie illi- sibles. SEX Atelier des Serrâf (1), où Compte er Poids des Médins. Le chef de l'atelier du monnoyage doit rendre le même poids en médins marqués qu'il en à reçu en flaons, puisqu'il ne peut y avoir aucun déchet dans la manipulation. On livre la monnoïe ainsi pesée aux compteurs ou serräf (2). Le chef des serr4f mêle avec soin les médins frappés : il en prend au hasard une certaine quantité, en fait compter quelques mille et les pèse. Si tous les mille sont trop forts de poids, ou s'ils pèsent sensiblement moins qu'il ne faut, on recommande au planeur de faire des feuilles un peu plus minces où un peu plus épaisses; et l’on attend le produit d'une seconde fabri- cation, quon mêle à celui de la première. Si ce mélange donne, à très-peu de chose près, 73 drachmes [22$ grammes environ |] pour 1000 médins, les serr4f commencent À compter. Leur chef a préparé d’avance des cornets d’une demifeuille de papier gris, dont le poids est d’abord taré, lorsque chaque main est pesée. Les serräf comptent les médins sur des planchettes garnies d'un rebord et qui se terminent en bec. Ils (1) Voyez pag. 343, alin. 2 et not. 3 et 4. (2) Serrdf s'entend de celui qui change et vérifie les monnoiïes ; compteur se dit en arabe, a’ddäd (sheet É M. TOME IL. Hhh 426 MÉMOIRE ont soin de séparer les médins défectueux. Ils remettent les médins ainsi comptés par 500 au serrdfen chef, quiles pèse; si le poids n'en diffère pas de 36fachmes 1 il réunit deux demi-milliers dans un cornet, le ferme, et écrit dessus le nom du compteur. Si les demi-milliers sont les uns un peu trop forts, les autres un peu trop foibles de poids, le maître compteur mêle $oo médins de la première espèce avec 500 autres de la seconde, et parvient, avec ces précautions ou tätonnemens, à former des milliers de médins d’un poids égal, à très-peu de chose près. A la fn de la journée, on compte les cornets; on en pèse la totalité, en dé- duisant la tare du papier, afin de savoir si les serrdf ont rendu exactement le poids qui leur a été remis. Ces cornets de mille médins sont versés, en cet état, dans la circulation. Si la personne qui en donne un en paiement est connue, et que le nom du serräf soit écrit dessus, on ne le compte ni on ne le pèse; quelquefois on se contente de le peser. Parmi les médins défectueux triés par le serr4f, on choisissoit autrefois ceux qui l’'étoient le moins: et quoiqu’ils fussent ou trop foibles, ou déchirés, ou mal décapés, ou même échancrés, pourvu qu'ils présentassent une partie de l'empreinte, on s'en servoit pour payer les ouvriers. Nous nous opposâmes à cet abus, qui tendoit à mettre en circulation une assez grande quantité de très-mauvaise monnoie. CHAPITRE IT Fabrication des Pièces de 40 et de 20 Médins. SARL Alliage et Fonte, CE qui a rapport à l'alliage et à la fonte de la matière des pièces de 4o et de 20 médins, se pratiquoit de la même manière que pour les médins (1) : seulement, au lieu de couler l'argent en lingots, on le couloit en lames. On emploie en France, pour couler l'argent ou l'or en lames, des lingotières qui consistent en une grande et forte tenaille de plus de 2 mètres de long, appuyée sur un chevalet en fer, dont l'extrémité des leviers se rapproche et se serre pour faire appliquer hermétiquement les mäâchoires l’une contre l’autre, au moyen d’un crochet en fer brisé et à levier. Les deux mâchoires sont des masses de fonte oblongues, dans la surface intérieure d’une desquelles est creusée la raïnure qui doit servir de moule à la lame d'argent qu'on y coule. Ces machines, difficiles à exécuter et qui demandent beaucoup de précision, coûtent jusqu'à $soo francs pièce. Le procédé suivi en Égypte étoit extrêmement simple et économique. Le fondeur avoit une ou plusieurs caisses oblongues pleines de sable à mouler. (1} Voyez pag. 414 , alin. 2 et suiv. | spas SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. Â2%: Avec une règle en fer, emmanchée dans une poignée de bois {1),et qu'il enfon- çoit dans le sable et retiroit avec précaution, il formoit les moules destinés à y couler les James. En inclinant son creuset, il versoit le métal en fusion dans les vidés ainsi pratiqués à une certaine distance les uns des autres, et tâchoit d'éviter de former, à la partie supérieure, des têtes qu'il auroit fallu casser et refondre. Chaque lame avoit environ 4$ centimètres de longueur, sur 4 de largeur pour les pièces de 4o médins et sur 3%imère > Dour celles de 20 médins. Comme les lames s'oxidoïent un peu à la surface par le contact du sable en décomposant une partie de l'humidité dont il étoit imprégné, et qu’un peu de sable auroït pu adhérer à la surface du métal, ce qui auroit promptement détérioré les cylindres du laminoir, on lavoit les lames dans une eau acidulée et on les essuyoit avec soin. S: "EL Laiminoirs. Les deux cylindres ou rouleaux des laminoirs, revêtus en acier, étoient assu- jettis dans un châssis de cuivre ou bronze (2). La partie supérieure des coussinets, aussi en cuivre, étoit mobile, pour quon pût rapprocher plus ou moins les cylindres, au moyen de cales et de vis de pression. L'axe du cylifdfe supérieur étoit garni d’une lanterne dans laquelle engre- noit une grande roue horizontale. Cette grande roue étoit mue par un levier passé dans son axe vertical, fixé à la circonférence, et dépassant assez le diamètre de la roue pour qué les bœufs pussent tourner autour et en dehors des cylindres. En passant trois ou quatre fois au plus la totalité des lames entre les cylindres, qu'on rapprochoït successivement autant de fois, on réduisoit les lames à l'épais- seur requise, ce dont on s'assuroït en les passant dans une rainure ou fente pratiquée dans une règle d'acier qu’on appelle calibre. Comme les lames étoïent coulées à peu de chose près à l'épaisseur que devoïent avoir les pièces, on n’étoit pas obligé de les faire recuire, comme cela se pratique en France, après qu'on les a fait passer au laminoiïr de dégrossiment, Le) $. III. Découpoirs. ON ne découpoit qu'une pièce dans la largeur des lames. Les découpoirs étoient construits dans les mêmes formes à péu près que ceux (1) Cet outil ressembloit assez à un sabre droit. dins. Les corps du grand balancier, du laminoiret des (2) Nous avions fait exécuter par les ouvriers du pays, découpoirs, avoient été fondus avec des bombes en dénués de toute expérience, les diverses machines né- bronze que nous avoit remises l'artillerie, cessaires à la fabrication des pièces de 40 et de 20 mé- É. M, TOME IL. Hhh 428 MÉMOIRE pour les médins, excepté qu'ils étoient beaucoup plus forts, et que Île levier ou balancier étoit à deux têtes garnies de plomb. $. IV. Ajustage. ON pesoit les pièces une à une; et comme on avoit eu soin de les tenir en général d’un poids un peu plus fort, st elles excédoient 4 drachmes pour celles de {o médins, et 2 drachmes pour celles de 20 médins, on les ajustoit en les limant un peu autour de la tranche, si le découpoir y avoit laissé un peu de bavures, ou sur la surface. On ne faisoit point recuire les pièces, comme cela se pratique en France, dans quelques monnoïies, avant l'ajustage (1), quoique la matière dût être moins ductile que celle qui sert à la fabrication de nos mon- noiïes. Ainsi l’on épargnoîit ce recuit et celui du laminage (2); ce qui diminuoit la dépense et le temps nécessaires à la fabrication. S. V. Décapage ou Blanchiment. Pour décaper ou blanchir les pièces, on les faisoit bouilli® comme les mé- dins, dans une lessive de tartre, d’alun et de sel marin: on les faisoit ensuite rougir au four, et on y projetoit du salpêtre et de l’'ammoniaque pilés ; après quoi on les lavoit et on les séchoït, en les frottant avec du son. La surface prenoït une apparence argentée, comme nous l'avons dit en par- lant du décapage des médins. Sa VE Empreinte. ON frappoit les pièces à un fort balancier construit sur les mêmes principes que ceux qui servoient à la fabrication de l'or et des médins (3). {1) Le recuit des pièces avant lajustage n’a pas pouvoit le supprimer sans inconvénient. toujours lieu dans Îles divers hôtels monétaires de (2) Voyez pag. 427, alin. 6. France : j] avoit été constamment pratiqué dans celui (5) Voyez pag. 425, alin. 2; et pag. 436, alin. 3. de la Rochelle; l'expérience nous à convaincus qu’on SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 429 CHAPITRE III Fabrication de l'Or. . AE Pan Fonte, L IL étoit de règle que l'or, fourni par les Juifs, fût livré à la monnoie, réduit en lingot, et au titre exigé pour la fabrication des sequins. Les particuliers ne fournissoient point d’or au change, et les Juifs achetoient ordinairement pour leur compte la poudre d’or qu'apportoïent les caravanes; de sorte qu'habituelle- ment il n'y avoit point de fonte d’or à la monnoie. Celui qui s'en chargeoït, au besoin, étoit l'essayeur d'or, qui fondoit au soufflet à double courant {1} dans des creusets de plombagine, dont il avoit conservé une petite quantité {2). La poudre d'or contenoïit toujours quelques corps étrangers, et avoit besoin d'être fondue avec soin, à deux reprises au moins, et d’être en quelque sorte purifiée pour former des lingots d’un métal homogène, ductile et maniable. La poudre d'or exigeoit un beaucoup plus haut degré de chaleur pour se fondre, et une plus grande quantité de borax (3), que For déjà purifié. Le déchet en matière volatilisée ou qui formoit scorie avec le borax, s'élevoit jusqu'à 0,028; et, lorsqu'on refondoit cet or avec alliage, le déchet n’étoit plus que de 0,004. Plusieurs essais faits à la monnoie de Paris, sous les yeux de MM. Darcet, inspecteur, et Bréant, vérificateur des essais, par MM. Chévillot et Chaudet, essayeurs, ont donné, pour un même sequin du Kaire, 963, 964, 965, 966 et 967; et pour un autre sequin, 939, 941, 044 et 945 (4). Ces variations, que ne présentent presque jamais les essais d’une pièce, ne peuvent être attribuées qu a la fusion imparfaite de la poudre d’or qui aura servi à fabriquer les pièces anciennes dont il s’agit. S-bFE Alliage. Tour l'or ouvré ou monnoyé en Égypte s'allioit avec de l'argent. Cet alliage lui donne une couleur pâle, citrine, légèrement verdâtre: et il se rapproche de l'apparence du cuivre jaune ou cuivre allié de zinc. I ny a guère plus d'un siècle que le même usage existoit en France. Les guinées en Angleterre s’allient encore aujourd’hui avec l'argent. | On aura sans doute préféré assez généralement le cuivre en Europe, parce (1) Voyez pag. 414, alin. 8. (4) Voyezle Tableau des monnoies, pièces n.°s d'ordre (2) Le déchet à la fonte étoit évalué à o,002 ou 2 4et8. 1000" (3) Borate de soude. Voyez pag. 411, art. 12etnot. 13.  30 - MÉMOIRE qu'il coûte moins; parce que alliage qui en résulte est plus solide et susceptible de prendre un plus beau poli; parce que la couleur rouge que le cuivre donne à l'or est plus vive et plus flatteuse à œil, que le jaune pâle et verdätre que lui fait contracter l'argent. Néanmoins telle est la force de l'habitude, que les gens du pays ne croyoient pas que nos louis, parce qu'ils ont une apparence rouge , fussent d’un or de bon aloi: ce qui contribuoit à leur discrédit. Dans tout l'Orient, où lon se sert d'argent pour alliage, on cherche, par divers procédés, à rehausser Féclat de l'or et à lui donner cette apparence de jaune plus intense ou plus rouge qui appartient à l'or pur. Nous parlerons de ces procédés à l'article du décapage. On se servoit, en Égypte, pour allier l'or, de piastres dont le titre est assez constant, et, de préférence, de celles aux deux globes, qui sont plus anciennes et à un titre supérieur. Mais, comme ces piastres sont elles-mêmes alliées d’en- viron -— de cuivre, on introduisoit une certaine quantité de ce dernier métal dans l'alliage de l'or. S.- [IE Essais, Pour s'assurer si les lingots fournis à la monnoie étoient au titre exigé de 16 karats + [698], on prenoïit aux extrémités et au milieu des lingots (1) 1 drachme + [48#®m& 6181 d'or, poids qu'on appelle rtqäl (2). On ajoutoit 4 drachmes [ 128%"%,316 ] d'argent ‘de piastre d’Espagne aux deux globes, dont le titre moyen peut être de 906 à 910. Cette opération est celle que l'on désigne en France sous le nom d'inquarta- tion, parce que l'or forme le quart de l'alliage : maïs on n’avoit pas soin, comme en France, de passer d’abord cet alliage à la coupelle, en le fondant avec du plomb, de la même manière que pour les essais d'argent; opération préparatoire, qui a pour but de séparer l'or et l'argent de tous les autres métaux auxquels ils pourroiïent être unis. L'essayeur, après avoir pesé le plus exactement possible, d’abord l'or à essayer et l'argent séparément, ensuite tous les deux ensemble, les place au fond d’un petit creuset de terre qu'il pose dans un fourneau de forge circulaire, alimenté par un soufflet (3). Il emploie pour flux du borax, ou borate de soude, et a soin de remuer l'or et l'argent avec une baguette de fer, pour que le mélange se fasse exactement (4). | | Quand l'alliage est en fusion parfaite, il le verse d’une certaine hauteur dans une capsule de cuivre pleine d’eau; ce qui fait que l'alliage se divise etse réduit en grenaille. (1) On se contentoit, avant nous, de prendre au hasard un peu d’or à une des extrémités des lingots; ce qui pouvoit induire en erreur, parce qu’il est possible que, dans un même Jingot, ii y ait variation de titres, si la matière n’a pas été bien fondue et bien mêlée. (2) Voyez notre Notice sur les Poids Arabes (citée pag. 323, note 1."*), pag. 231,232, 237 et 241. (3) Le soufflet dont il se sert, est du genre de ceux qu’on appelle soufflets à boudin ; voyez pag. 414, alin. 8: mais, au lieu d’être horizontal, il est vertical, et a la forme qu'ont en petit nos lanternes en papier plissé, (4) Comme il étoit possible que quelques molécules d’or adhérassent à la baguette de fer, nous faisions prendre le creuset avec une pince plate pour agiter le mélange avec précaution. £ | SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 431 Il décante l’eau, fait sécher la capsule, recueille exactement toute la grenaille, aplatit sur un tas d'acier les morceaux qui sont restés sous un trop gros volume, et les divise avec une cisoire. Il fait ensuite entrer l'or aïnsi divisé, dans un matras, et il y verse environ 200 grammes d’eau-forte. Les matras dont il se sert sont des flacons de verre blanc, qui ont la forme d'un petit ballon à long col et dans lesquels on envoïe le vin de Chypre (1). L'essayeur pose son matras sur des charbons allumés dans une petite terrine, excite le feu avec un plumeau en forme d’éventail (2) et entretient l'ébullition, jusqu’à ce qu'il ne se forme plus de bulles autour de for; ce dont il s'assure, en retirant un moment le matras et laissant refroïdir un peu et reposer le liquide. L'or, séparé de l'argent qui a été entièrement dissous par l’éau-forte, reste déposé au fond du matras, sous la forme de poudre d’un pourpre foncé. L’essayeur décante l'eau-forte, lorsqu'elle est reposée et bien transparente ; pour en séparer ensuite les dernières portions et bien laver la poussière d’or, il renverse le col du matras dans une soucoupe de porcelaine pleine d’eau claire (3). La vapeur qui existoit dans le matras encore chaud, et qui en avoit déplacé l'air, se trouvant en contact avec l’eau froide, se condense tout-à-coup. Le vide se forme dans l'intérieur du vase, et l'eau y monte précipitamment. L’essayeur, en l’agitant dans le matras, dont il tient toujours le col plongé dans l'eau, détache toutes les particules d'or, qui descendent ensuite dans la soucoupe, lorsqu'il sou- lève le matras. Ï laisse alors reposer l’eau, et décante toute celle qui est bien transparente, La poudre d’or, que nous avons dit être d’un pourpre foncé, tient si peu à l'oxigène, qu'en la frottant simplement dans la soucoupe de porcelaine ‘avec une molette d'agate, une grande partie de cette poudre se revivifie et se réunit en une masse arrondie qui paroît liquide comme une bulle de mercure, mais avec l'éclat et la couleur propres à l'or. Ces globules, quon prendroit pour de lor fondu, ne sont composés que de poussière d’or, qui seroit friable et sans aucune adhérence, si l'on évaporoit l’eau. L'eau qui reste, et qui pourroît tenir en suspension quelques particules d’or, se verse avec l'or dans un petit creuset de grès, et, au moyen de la molette d'agate, l'essayeur fait descendre, de la soucoupe dans le creuset, jusqu'aux der- nières molécules de métal. I place ensuite Île creuset dans son fourneau de forge; et, lorsque l'eau est vaporisée et le creuset échaufté, il ajoute le borax qui doit servir de flux. L'or fondu forme, dans un bain de ce flux, un globule qui se refroidit promp- tement quand on retire le creuset, avant même que le borax ait cessé d’être liquide. (1) Pour que ces flacons, par eux-mêmes trés-fragiles, on ne se sert, pour aviver le feu ou allumer les charbons, ne se cassent pas dans le transport, on les empaille avec que d’une espèce d’éventail (de plumes ou de feuilles de un tissu de palmier ou d’algue marine. dattier) qu’on appelle moqacheh [añ&e |, Voyez la planche (2) On ne connoît point en Égypte les soufflets à X1 des Arts et Métiers, £. M. main. Au Jieu de cet instrument, qui coûte trop cher, (3) On ne connoît point l’eau distillée, ; 432 MÉMOIRE L’essayeur verse le tout dans l’eau pour dissoudre le borax, et obtient un bouton rond, net et mat à la surface, légèrement déprimé, et qui ne contient que de l'or pur. Quelque soin et quelque adresse qu’on puisse mettre dans ces diverses mani- pulations, il est presque impossible que l'acide nitrique, l’eau, le borax, n’emportent pas quelques molécules d’or, et qu'il n’en adhère pas quelques-unes à la molette, aux vases et au creuset. Le procédé que nous venons de décrire ne peut donc présenter autant de certitude et de précision que celui qui est usité en France : Après avoir opéré linquartation et la coupellation, on réduit l'alliage d’or et d'argent, en le passant au laminoir , en feuille étroite et mince que l’on roule sur elle-même, peu serrée et de manière à laisser un léger intervalle entre les surfaces. L’eau-forte qu’on emploie dans cette première opération, à un degré plus foible qu'en Égypte, dissout l'argent, sans détruire l'agrégation des molé- cules d’or, lesquelles restent réunies en feuille roulée qu'on fait sécher et chauffer fortement dans un petit creuset. Les molécules du métal se rapprochent alors et se désoxident, et la feuille d’or, qu’on appelle cornet, conserve de la consistance, peut se dérouler et n'a pas besoin d’être fondue. | | Si lon employoit de l'eau-forte trop concentrée, elle sépareroit les particules d'or et les réduiroit en poussière légèrement oxidée. Alors on n'auroit plus de cornet; et l'opération seroït manquée, ou il faudroit la continuer comme en Égypte. L'impossibilité de faire exécuter un laminoir assez exact pour réduire le métal en lames très-minces, n’eût pas permis de faire en Égypte le départ de l'or en cornet; mais nous y introduisimes la méthode d'ajouter, après avoir décanté l’eau- forte qui a dissous l'argent et le cuivre uni à l'or, une certaine quantité d'acide nitrique plus concentré , pour enlever les dernières molécules d'alliage. L'essayeur de la monnoïe préparoïit lui-même leau-forte qui lui étoit néces- saire, en distillant ensemble de lalun [sulfate d’alumine | et du nitre [ nitrate de potasse|. _ L'acide sulfurique, uni à l’alumine dans lalun, Er plus d’afhinité avec la potasse que facide nitrique, décompose le nitre, forme un sel neutre avec la potasse, et l’acide nitrique se dégage et se vaporise. La distillation se faisoit dans des espèces de cruches de grès, ou vases de terre coniques , à peu près semblables à ceux qu'on appelle quines en France, et auxquels on adaptoït un chapiteau de verre à gorge et à bec. Ce chapiteau étoit luté au col de la cornue avec de la terre glaise, et le bec aboutissoit dans le col d’une bouteille, ou d’un ballon de verre blanc plongé dans l'eau. L’essayeur d’or étoit un Chrétien Arménien, le seul en Égypte qui fût en possession, depuis maintes années, d’un art qui s'étoit transmis jusqu'à lui dans sa famille par une longue suite de générations, et qu'il regardoit comme une science profonde et un secret merveilleux. Il fut extrêmement surpris en voyant que les jeunes Français préposés à l'administration de la monnoïe, qui n'avoient point reçu de leurs pères la tradition de ces mystères et n'en avoïent jamais fait leur profession, Fe. Ra — FN — MNT OCT SUR LES MONNOIES D ÉGYPTÉ, "433 profession, connoissoient éependant la manière de préparer l’eau-forte et d'essayer l'or. Son étonnement redoubla, lorsque nous lui assurâmes que l’eau-forte pouvoit se préparer de plusieurs autres manières que celle qu’il connoïssoit, en distillant, par exemple, de l'huile de vitriol [acide sulfurique] ou de la couperose [sulfate de fer | avec du nitre. Nous en fimes l'expérience devant lui; mais il ne pouvoit croire que le résultat füt le même que celui qu'il avoit coutume d’obtenir. H n’en fut convaincu que lorsqu'il eut fait lui-même un essai comparatif avec cet acide nitrique , lequel réussit tout aussi bien que le sien. Nous perfectionnämes ses procédés, autant qu'il nous fut possible, en épare gnant le combustible, en lutant exactement les vaisseaux, et en condensant plus _promptement l'acide nitrique, dont il laïssoit auparavant une partie se volatiliser. $. IV. Forge. LORSQUE les lingots étoient au titre requis, on les livroit au forgeron, le - même qui étoit chargé des ouvrages en fer (1). ÏIl faïisoit chauffer les lingots au rouge-cerise, et les forgeoït pour en former des baguettes rondes d'environ 8 millimètres de diamètre, amincies en pointe aux deux extrémités, pour qu'on _püt les passer à la filière. On accordoit, dans cet atelier, o, 00025 de déchet, ou un quart de millième. 6. V. Filière. . ON passoit ensuite l'or à la filière. Cette opération se faisoit dans le même atelier que celui où lon étiroit l'argent (2) pour la fabrication des médins. H sufisoit de passer la baguette d’or trois ou quatre fois à la filière, pour lui donner par-tout le même diamètre, d'environ s ou 6 millimètres. Le déchet accordé dans cet atelier étoit aussi de o, 00025. VE Découpage. On débitoit les baguettes d’or sorties de la filière en petits cylindres de $ à 6 millimètres à peu près de longueur chacun (3). Un ouvrier faisoit passer la baguette d’or par un trou pratiqué dans un montant (1) I s'appelle aussi Aaddäd, Voyez pag. 419, not. 2. (3) L’ouvrier qui découpe ou débite les baguettes d’or (2) L’étireur pour Por se dit aussi maddäd, Voyez en petits cylindres, s’appelle en arabe gattd | -LL5]; c’est= pag. 420,not. I à-dire, celui qui coupe. j É. M. TOME II. ii À 3 À MÉMOIRE d'acier, et en appuyoit l'extrémité contre un morceau de fer qui servoit de régulateur. Un autre ouvrier, avec un ciseau dont le tranchant étoit concave, et sur la tête duquel il frappoit avec un marteau, coupoit la baguette le plus près pos- sible du montant d'acier. On accordoit le même déchet pour ce genre de travail que dans les autres ateliers. $. VIL. Aplatissage. CHAQUE petit cylindre d'or s’aplatissoit sous un fort balancier, dont les coins étoient sans empreinte. Un ouvrier {1) plaçoit le petit cylindre d’or debout sur le coin d'acier infé- rieur; deux autres ouvriers, en imprimant un mouvement rapide au coin supé- rieur par le moyen d’un fort balancier garni de deux têtes de plomb, aplatissoïent le cylindre d'un seul coup. Cette forte et rapide compression, qui élevoit la température de la pièce d'or au point qu'on ne pouvoit la serrer de suite dans la main sans se brüler, produisoit quelquefois un déchirement dans le bord de la pièce; mais cette défectuosité ne passoit pas pour un motif suflisant de rebuter et refondre les sequins qui en étoïent affectés. | On accordoït o,0007$ de déchet, ou + de millième, pour ce travail. 6. VIII. Ajustage, L'AJUSTEUR {2) pesoit ensuite successivement toutes les pièces, et il les arron- dissoit avec des cisoires, en tâchant de leur donner à chacune, le plus exacte- ment possible, le poïds qu'elles devoient avoir; après quoi, il les livroït au maître ouvrier chargé de faire le cordon sur tranche. Le déchet accordé à l'ajusteur de l'or étoit de o, 000$, où + millième. $, IX. Planage. Les pièces d'or aplaties et ajustées ne présentoïient pas encore assez de sur- face ; elles n’étoient d’ailleurs jamais ni bien circulaires, ni d’une épaisseur égale, ni du même diamètre. On les donnoït aux ouvriers, qui les forgeoient et pla- noient (2) en les frappant sur des tas d'acier avec un marteau à tête étroite. (1) L’ouvrier qui aplatit, se dit en arabe rasé” [ete] (3) Le planeur se disait menakys Cuae] (2) Ajusteur se dit en arabe, ma’äyr[ 5]. : “ SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. 435 Is parvenoïent par ce travail à leur donner une épaisseur égale et à les rendre plus minces et à peu près rondes. Le déchet de cet atelier étoit le même que ci-dessus. S. X. Cordon sur Tranche. Le sequin qu'on vouloit cordonner se plaçoit entre deux petites plaques d'acier circulaires, et dont le diamètre étoit un peu moins grand, en sorte que le bord de la pièce destinée à recevoir la ciselure EC les bords des deux plaques entre lesquelles elle étoit serrée. Ces plaques étoient garnies chacune, au centre de leur face extérieure, d’une pointe qui entroit, en forme de tourillon, dans les deux branches d’une pince à ressort. | L’ouvrier (1) faisoit rouler alors la tranche de la pièce d’or dans uné rainure d'acier ciselée; et, comme le frottement des deux plaques ne s’exerçoit extérieu- rement qu'au seul point de contact des tourillons bien polis et bien huilés, avec les extrémités de fa pince, tandis qu'il avoit lieu à l'intérieur des plaques, de toute leur surface rayée en forme de lime sur les surfaces mattes de la pièce d’or, cette pièce et les deux plaques d’acier tournoient ensemble, comme ne formant qu'un tout, entre les deux branches de la pince à ressort. La tranche du sequin se trouvoit, par ce procédé, légèrement dentelée où ciselée. Le déchet étoit le même que pour le planage. xt: Décapage (2). JL ne restoit plus alors qu'à décaper les pièces, avant de leur donner l'empreinte. On les faisoit bouillir dans une dissolution d’alun [sulfate d’alumine]| et de tartre [tartrite acidule de potasse], afin d'enlever une légère couche de corps gras et d'oxide qui en salissoit la surface. On les mettoit ensuite dans une pelle de fer, et on les faisoit chauffer au rouge dans un four. | On projetoit sur Îles pièces rouges un mélange de sel ammoniac [muriate d'ammoniaque | (3), de salpêtre [ nitrate de potasse], de couperose bleue [sulfate de cuivre] et de sel marin [muriate de soude |; on répétoit deux ou trois fois cette opération sur les pièces, que l’on retournoit en les sautant dans la pelle de fer. Il se forme, par la décomposition des sels, de Facide nitro-muriatique, et (1) L’ouvrier qui fait le cordon des sequins, se dir (2) Voyez pare 423, alin. 4 et not. 17° en arabe zengerly [ds<;], ou zengyrly [ ds], mot (3) On employoit aussi quelquefois, pour aviver ler, Turkquia passé dans la langue Arabe vulgaire, On nomme du sel mercuriel ou sublimé, qu’on appeloit en arabe zengyrly, à Constantinople, certaines pièces d’or. selymäny [ 3llu ] É. M. TOME Il. Lit 436 MÉMOIRE peut-être un peu d'acide muriatique oxigène, qui décape parfaitement la surface de l'or en dissolvant l'oxide déposé à sa surface. Il est aussi probable qu'une légère oxidation de l'or lui donne une couleur plus vive, d'un jaune plus intense et plus approchant de la couleur de l'or pur. . En soumettant l'or d'un titre élevé à l’action de ces sels, on lui donne souvent une nuance de rouge-pourpre. Le déchet accordé pour le décapage s Mn à O,0035, ou à 3 millièmes +; ce qui est trop considérable. 6. XII. Empreinte. Les sequins se frappoient ensuite à un fort balancier qui ne servoit que pour les pièces d'or, et qui présentoit les mêmes défauts que ceux destinés à frapper les médins (1). Le maître-ouvrier posoit les pièces sous le coin, et deux forts ouvriers suff- soient pour faire jouer le balancier. CHAPITRE IV. Grayure des Coins. L'ART de la gravure sur métaux est presque inconnu en Orient, où le dessin et la sculpture des figures sont proscrits par la religion. Cet art se borne à Ja ciselure des pièces d'orfévrerie et à la gravure des cachets en métal et en pierres dures. À Dans chaque monnoïe, un employé est spécialement chargé de la gravure des coins. Il seroit difficile de trouver ailleurs un artiste qui pût le suppléer; et Magryzy rapporte (2) « qu'A’d-Allah el Mämoun, ayant réuni tout. empire » des khalyfes sous son obéissance, ne trouva aucun artiste pour graver un coin » pour les drhem. On le grava, en conséquence, avec le touret, comme on grave » des cachets. » | A la monnoie du Kaïre, c'étoit un des fils de l'efféndy qui étoit chargé de graver les coins pour la fabrication des diverses monnoies (3). Le coin (4), ou morceau d'acier, destiné” à recevoir le type, est préparé par le serrurier-mécanicien, en arabe s4’äty (5). Le graveur le détrempe, y grave au poinçon et au burin les lettres et les ornemens adoptés pour chaque espèce de pièce, et le retrempe ensuite. En France, le graveur attaché à la monnoie de Paris, ou quelquefois les plus habiles graveurs, appelés à un concours, composent et gravent le modèle qui (1) Voyez pag. 425, alin. 2. (3) Voyez pag. 441 , alin. 3. (2) Page 33 du Traité desmonnoiïes Musuimanes, trad. (4) Voyez pag. 328, not. 7. de M. de Sacy. Voyez aussi ci-dessus, pag. 360, alin. 3. (s) Voyez pag. 441, alin. 2 et not. 2. SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTÉ. 437 doit être adopté non-seulement pour la monnoie de Paris, mais pour toutes celles du royaume. Lorsque le type qui a paru présenter le plus de perfection, a été choisi et approuvé, on forme dés coins-matrices qui servent à reproduire indéfiniment le type adopté, avec la plus scrupuleuse exactitude. En Orient, au contraire, chaque fois qu'un coin est usé ou altéré, le graveur en fait un autre ordinairement avec le même morceau d'acier (1), et, quoiqu'il suive à peu près la forme adoptée, chaque coin varie toujours et diffère des autres par la forme des lettres, la ponctuation, les ornemens, &c.; ce qui don- neroiït une extrême facilité aux contrefacteurs, et rendroit presque impossible de distinguer la fausse monnoïie. Il est bien d'usage de conserver quelques-uns des coins des différens règnes pour servir de guide et de modele par la suite : maïs, comme aucune prévoyance, aucun ordre et aucune constance ne président ordinairement aux établissemens publics des Orientaux, on n'a pas songé, comme en France, à former une série. non interrompue de tous les coins gravés sous chaque règne; ce qui compose une collection très-intéressante, non-seulement pour Fhistoire des progrès .de l'art, mais encore pour la chronologie historique de la monarchie Française. Nous _n’avons trouvé à la monnoiïe du Kaire qu’un très-petit nombre de coins anciens; on avoit employé les autres, en les reforgeant, à former des coins nouveaux. Malgré le peu d'habileté des graveurs, il est cependant facile de distinguer, comme nous l'avons dit (2), quelques époques où la perfection de l'écriture indique une main plus habile et plus exercée à manier le burin, des progrès dans les arts et un soin plus particulier dans la’ fabrication des monnoies. | Les coins, comme les pièces de monnoiïe, sont ronds, et ont depuis très- Jong-temps cette forme; cependant plusieurs anciennes pièces, chez les Arabes comme chez beaucoup de peuples d'Europe, offrent, quoique rondes, une ém- preinte carrée, ou bien un carré dans l'empreinte, formé par des lignes ou par | la disposition de l'écriture. C'est à cette forme des anciens types qu'est dû le nom de carré qu'on donnoît autrefois au coin, et qui s'est conservé jusqu’à nos jours dans le langage monétaire. Lorsque le graveur trace un point, au centre du coin, pour y appuyer son compas, ce point, qu'il ne se donne pas la peine d'effacer, subsiste souvent sur la pièce, comme on peut le voir sur plusieurs des monnoies gravées (3). Quelquefois même le graveur a eu l'idée de faire de ce point une espèce d'or- nement, soit en le rendant- plus se. soit en le changeant en un fleuron ou en une petite rosace. Nous n'en aurions point fait mention, si Magryzy n'avoit pas cité ce point comme une chose remarquable. Voyez, pour ce qui concerne le type, &c., ci-dessus, pag. Rate et suiv. (1) Une tradition religieuse défend de briser le coin réglemens, dans différens pays, ont porté contre ceite musulman, à moins qu’on ne soit réduit au désespoir. action ou délit des peines plus où moins graves, Par ce mot coin [ sikkat ; voyez pag. 328, not.7]on doit (2) Voyez pag. 376, älin. 1 et 2. entendre les dynér et dirhem monnoyés. Le but de certe (3) Voyez la planche à la suite de ce Mémoire , pièces tradition ou de ce précepte est d'empêcher qu’on n’altère n.°°2,3,6, 19. ou qu'on ne fonde la monnoïe du prince. Les lois ou 438 MÉMOIRE SECTION I. Administration. Sur Surveillance et Direction. \ Ea surveillance et la direction des monnoïes, en Orient, ont dû fixer d'autant plus l'attention des princes et des gouverneurs, que cette administration, outre son importance naturelle, a toujours été considérée comme une branche assez considérable des revenus publics. Les premiers khalyfes exercèrent en personne l'inspection sur la fabrication des dynér et des dirhem jusqu'à Haroun eLRachyd (1), qui crut devoir confier les types monétaires à Ga’far el-Barmeky (2), et ce fut une des circonstances qui contri- buèrent à illustrer le plus le nom de ce personnage célèbre dans lOrient; car, dit Magryzy, personne jusqu'à lui n'avoit encore joui de ce privilége. Depuis que l'Égypte fut conquise par les Musulmans, l'éyr qui y comman- doit surveïlloit la monnoie frappée au coin des khalyfes. Lorsque l'Égypte devint le siége d’un khalyfe, il exerça lui-même ou délégua cette surveillance à son vizir ou à un de ses officiers. Les premiers Mamlouks qui se rendirent indépendans, s'emparèrent ordinai- rement de la fabrication des monnoïes, et quelquefois conservèrent, par un reste d'hommage, le type. du khalyfe (3). La même chose arriva sous les sultans de Constantinople : lorsque {es pâchas conservoient toute l'autorité dont ils avoïent été revêtus par la Porte, la mon- noie étoit surveillée, ou directement par eux, ou par un de leurs officiers, ou par un commissaire spécial envoyé par la Porte; et l'on comptoit à Constanti- nople du revenu de la monnoiïe : mais, lorsque les beys parvenoïent à enlever l'autorité au pâcha et ne luï laissoient que quelques vains honneurs, le pâcha cédoit ordinairement au bey cheykh el-beled (À) la direction de la monnoiïe, moyen- nant une rétribution fixe. Enfin, lorsque les Mamlouks secouoient entièrement le joug de la Porte, ils semparoïent exclusivement de l'administration et des bénéfices de la monnoie. Lors de lentrée des Français au Kaire, la commission administrative établie provisoirement par le général en chef, et composée de MM. Monge et Bertholler, membres de l'Institut de France, et de M. Magallon, consul général, nous chargea, (1) Voyez pag. 360, alin. 2 et not. 4. (3) Voyez pag. 360, alin. dern. (2) Lea se (4) Voyez pag. 367, alin. 1.% et not. 1." SUR LES MONNOIES D ÉGYPTE. 439 sous le titre d'inspecteur, de l'administration de la monnoïe, et nous laissa la faculté de nous désigner un adjoint. Son arrêté, en date du 7 thermidor an 6 {1}, portoit que nous donnerions les ordres nécessaires pour mettre aussitôt en activité les travaux de la monnoie, tels qu'ils avoient été exécutés précédemment. Il fut ensuite nommé un caissier, chargé en même temps d'échanger les pièces d'argent, conformément au tarif arrêté pour les monnoïes (2). Plus tard, comme il existoit un contrôleur près de chacune des administrations Françaises, il en fut aussi établi un près de la monnoïe du Kaire. Nos fonctions étoient absolument les mêmes que celles des commissaires du Gouvernement près des monnoïes de France. Les comptes, rendus en arabe par l’efendy chargé de la fabrication, étoient réglés, examinés et remis par nous en français à l'administrateur des finances et à une commission spéciale, nommée pour les vérifier et les arrêter définitivement. SRE Employés, Chefs d'atelier, Ouvriers. Dans la Description historique et topographique de l'Égypte, Magrÿzy rap- porte « que c'étoit anciennement au qäd elgodäh (3) et aux agens cCOMmMIS par » ui qu'appartenoït exclusivement la direction de la fabrication des monnoies, » mais que, de son temps, cet emploi n'étoit plus confié qu'à de ‘prétendus » Musulmans qui ne sont, au vrai, que des scélérats de Juifs, qui, sous le masque » d’une profession extérieure de l'islamisme, conservent toute leur perversité. » Il doit arriver fréquemment, dans un pays où la religion Musulmane est domi- nante, où les Mahométans ont tout le pouvoir et les priviléges, et où les autres sectes sont avilies et persécutées, que ceux des opprimés qui ont plus d'ambi- tion que d’attachement à leur rit, finissent par embrasser la religion des vain- queurs et des maîtres; et il existe en Égypte plusieurs familles de naturels et d'étrangers, anciennement Chrétiens ou Juifs, qui se sont faits Musulmans. Lors de la conquête de l'Égypte par les Français, l'eféxdy (4) chargé de la fabrication, qui avoit géré long-temps cet emploi, tantôt sous lautorité des pâchas, tantôt sous celle des beys, étoit un ancien Juif, qui s'étoit fait Mahométan. Son fils aîné, élevé dans l’islamisme, étoit son adjoint et tenoit la comptabilité. L'un et l'autre, placés sur une estrade élevée, qui dominoit la plupart des ateliers, et ayant à leurs côtés les deux peseurs de la monnoïe (5), passoient toute la journée, assis sur un divan, soutenus sur des coussins, la pipe à la bouche, à donner les ordres nécessaires d’un signe ou d’un, clin-d’œil, à enregistrer et calculer ce qui avoit rapport à la fabrication. A divers intervalles, ils priotent (1) 25 juillet 1798. #les)]]; ce qui signifre juge des juges, ou juge supérieur. (2) Voyez ce tarif, ci-dessus, pag. 303. (4) En turk ul. (3) Qédy des qädy, en arabe gd el-godäh St (5) Voyez pag. 440, alin. 6. 440 MÉMOIRE Dieu, ou prenoitent le café, et faisoient, vers le milieu du ; Jour, un repas extré- mement frugal, qui n'étoit souvent composé que d’un petit pain cuit sous la cendre et de quelques dattes ou de quelques olives. “Les déchets accordés dans chaque atelier ; ce que devoïent rendre mille piastres d'Espagne converties en médins, ou en piècés de 4o et de 20 médins, ou 100 drachmes d'or en sequins zer-mahboub ; les frais de fabrication: le traitement des employés et ouvriers, et jusqu'à la consommation des matières, tout étoit réglé rigoureusement ou par approximation, et calculé d'avance par une éspèce de forfait ou de marché passé avec leféndy. Au moyen d’une surveillance jour- nalïère sur chaque détail, nous parvinmes à procurer des économies assez notables sur les déchets, sur l'emploï des matières et sur les traitemens, quoïque les den- rées fussent bien augmentées à cause de la guerre, de l'accroissement de consom- mation occasionné par J'armée Française, et de fa privation du commerce extérieur. AN. Une des améliorations que nous aurions le plus vivement desirées eût été la diminution des déchets beaucoup trop considérables. Il fut fait plusieurs fois, soit par nous-mêmes, soit par une commission spéciale, dont M. Conté (1) faisoit partie, une série d'expériences sur les déchets qui avoient lieu dans chaque atelier, et on les trouva toujours aussi forts et quelquefois même un peu plus considé- rables que ceux fixés précédemment. Ï auroit fallu, comme nous l'avons dit, changer à-la-fois tout le système de fabrication (2), toutes les machines, et former d’autres ouvriers; maïs cela eût été impraticable dans les circonstances où se trouvoient les Français npiN eee établis en Égypte. Les Turks ont pour principe et pour habitude, au lieu de tâcher, comme les Européens, de remplacer les bras par des machines, de chercher au con- traire à suppléer aux machines et aux outils par les bras. Loin de tendre à diminuer. le nombre des employés et des ouvriers, ils se font une espèce de maxime de religion et de morale d'occuper au même travail et de faire vivre le plus grand nombre d'hommes qu'ils peuvent. Aussi ceux attachés à la monnoïe étoïent-ils au nombre de plus de deux cent quatre-vingts, y compris, il est vrar, les enfans des ouvriers; maïs ces enfans aïdent tous en quelque chose au travail, et reçoivent tous un modique salaire (3). Parmi les divers employés et salariés, nous citerons les suivans : Deux peseurs, lun Chrétien, l'autre Turk, constamment occupés à peser les matières livrées à chaque chef d'atelier et celles qui étoient remises par eux; Un garde-magasin Qobte (4), chargé de l'achat, de la conservation, de la distri- bution et de la pme des diverses substances ; Un essayeur des matières d’or (5); (1) Voyez pag. 322, lign. 3 et not. 1." (4) Voyez pag. 410, alin. avant-dern. (2) Voyez pag. 424 , alin. 2. (s) Voyez les essaïs d’or, pag. 430, alin. 3 et suiv. (3) Voy. pag. 421,alin. 3. Voy. aussi pag. 442, alin. 3. Des SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTÉ.  À à Des: forgerons travaillant journellement à faire ou à réparer les outils et les grosses machines et quelquefois à forger les lingots d’or (1); Un ouvrier mécanicien, qu'on appelle s4’4ty (2) (mot qui répond en français à celui d’horloger), chargé de la confection et de l'entretien des machines et pièces plus délicates, telles que les coins ou carrés, les lunettes et pistons des découpoirs, &c.; Un graveur, dont l'unique emploi étoit de retoucher ou de graver les coins ou types monétaires (3); Un portier et des gardiens de nuit; Des porteurs d’eau (4) qui, chaque jour, alloïent chercher en ville, dans ni outres, de l’eau pour les ouvriers et les travaux, l'eau des puits de la citadelle étant légèrement saumâtre ; Un écrivain Qobte qui payoiït chaque soir les ouvriers et tenoiït registre des sommes dues et payées à chacun d’eux; Enfin, un #räm ($) ou aumônier Musulman, attaché à une espèce de chapelle établie dans l'intérieur de la monnoïe et où les employés Turks alloïent faire leurs prières et leurs ablutions. Ç Les ouvriers, en entrant dans leurs ateliers, quittent leurs habits, qu’ils roulent et suspendent en dehors près de la porte. Ils restent, les uns nus, les autres avec un simple caleçon, d’autres avec leur chemise ou surtout de toile bleue. En sortant, le chef d’atelier les fouille tous. Ils sont obligés de montrer l’intérieur de leur bouche, d'étendre les jambes et les bras, de secouer Îles maïns et les pieds, en écartant les doigts. Quoique nos ouvriers en France ne soient pas ordinairement soumis à ces précautions humiliantes, les infidélités y sont tout aussi rares : ce qui prouve que les progrès de la civilisation sont plus favorables que contraires à la morale; car il y a bien peu de moralité par-tout où l'on ne peut être sûr de la probité des gens qu'en les fouillant, et de la vertu des femmes qu’en les tenant sous les verroux. Les punitions qu'on infigeoit aux ouvriers consistoient dans Îeur renvoi, pour faits graves, et dans des coups de baguette ou de geryd (6) sur le dos ou sur la plante dés pieds. C'éroit l'efféndy qui infligeoit lui-même cette punition : chez les Européens plus civilisés et de mœurs plus douces, où regarderoït comme une action répugnante et avilissante celle de frapper soi-même ses subordonnés ; mais, en Orient, on est jaloux et l'on s'honore de tout ce qui tient à l'exercice du pouvoir et de la domination. | Près de la moitié des ouvriers étoient Chrétiens Qobtes. I existe une espèce de tolérance pratique, qui fait que les Musulmans vivent en paix avec eux; maïs il n’est pas sans exemple que la cupidité, l'envie ou lPintolérance, aient poussé quelquefois les Turks, qui, en leur qualité de vainqueurs et de sectateurs de la (1) Voyez pag. 433, alin. 3. (4) En arabe, sagqä [ Gx 1. (2) 8, proprement horloger; deséa’t[ie lu], heure. ($) Enarabe, Lil. (3) Voyez pag. 436, pour ce qui concerne Ja gravure (6) En arabe, 4,2, branche (ou plutôt côte de la des coins. feuille) du palmier. É, M. TOME II. Kkk 4  2 MÉMOIRE religion dominante, se regardent comme d’une race privilégiée, à recourir à la délation pour s'emparer de Îa place d’un Qobte. C'est ainsi qu'on nous citoit, à la monnoie du Kaire, l'exemple d’un Chrétien, ancien chef de l'atelier du blan- chîment, que son second, qui étoit Mahométan, avoit remplacé, après l'avoir dénoncé et fait décapiter, en produisant de faux témoins qui attestèrent qu'il avoit blasphémé contre Dieu et son prophète. Les ouvriers n’emploient point, comme chez nous, plusieurs heures À leurs repas; ils sont extrêmement sobres, et mangent dans leurs ateliers presque en travaillant (1). Leur force et leur activité (2), sous un climat et dans un pays dont les habi- tans sont en général si mous et si apathiques, ont d’abord de quoi surprendre. Ce sont, en effet, des hommes bien différens de ceux qui passent tout le jour, assis et les jambes croisées, à fumer leur pipe, et qui se maïntiennent, par l'usage du café, du tabac et des plantes narcotiques, dans un état continuel d’étourdis- sement et de demi-ivresse. Cette tendance générale au repos et à une espèce de léthargie doït moins être attribuée à l'influence du climat qu'à celle du despotisme et du dogme du fata- lisme, qui persuadent à la plupart des Musulmans qu'il est inutile de se fatiguer à la recherche d’un bien-être dont on n’est pas sûr de jouir le lendemain, et de tâcher de sortir de l'état où l’on suppose que la Providence veut qu’on reste, parce que le hasard vous y a placé. Il n’y a pas de doute qu'un autre Gouverne- ment et des institutions convenables ne puissent rendre [es hommes aussi robustes, aussi ardens au travail, aussi animés d’émulation, que par-tout ailleurs, puisqu'il suffit, pour changer en quelque sorte leur nature et leurs habitudes, de quelques circonstances particulières, telles que celles où se trouve l'espèce d'ouvriers dont il s'agit. Dès l’âge le plus tendre, ils sont élevés dans cette profession laborieuse; ils sy attachent par l'éducation, l'exemple, l'habitude, et par la certitude de jouir sans trouble de leur modique salaire. En effet, ils sont régulièrement payés chaque jour à la monnoïe, ne sont jamais inquiétés, ni contraints à d'autres travaux ou corvées : leurs enfans, qu’ils élèvent autour d'eux, reçoivent une légère rétribution, et eux-mêmes obtiennent des secours lorsque l’âge ou les infrrmités les rendent impropres au travail. On doit observer, du reste, que les-ouvriers qui ont le plus d'ardeur et sont les plus infatigables sont ceux qui se tiennent debout, habitude assez rare, même parmi les artisans, dont la plupart ne travaillent qu'accroupis, à peu près comme nos tailleurs. Pour rendre les Orientaux plus forts et plus actifs, un grand point seroit de les accoutumer à se tenir debout comme les Européens. Maïs une des causes qui tendent le plus à inspirer l'amour du repos et de loisiveté, c'est l'espèce de honte ou de mépris dont le travail est flétri, chez un peuple où il a presque constamment existé deux classes bien distinctes, celle des vainqueurs et des maîtres qui commandent, et celle des vaincus et des (1) Quelques dattes, ou un peu de légumes confits dans (2) Voyez pag. 420, alin. dern.; 422, alin, 1.7; et 423, Je vinaigre, suffisent pour leur nourriture. ali. s. SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE, 443 esclaves quils forcent à travailler pour eux. Ne voyons-nous pas encore des traces bien marquées d’un préjugé semblable, même chez les nations d'Europe les plus policées, où la noblesse féodale, qui tire son origine du droit de con- quête et de la force des armes, a toujours cru déroger en travaillant! Un de ces Turks aussi orgueïlleux qu'ignorans, à qui un artiste Français cher- choiït à faire admirer la supériorité des Européens sur les Arabes dans les arts et l'industrie, lui répondit : Je le croïs bien; vous autres infidèles, vous êtes condamnés au travail, tandis que nous, disciples de Mahomet, nous sommes nés pour le repos et pour contempler le sublime Qoréz. OBSERVATIONS RELATIVES AU TABLEAU SUIVANT. COLONNES. N° 2. LEs chiffres que présente cette colonne sont les numéros d'ordre des pièces de monnoïe gravées dans [a planche jointe à ce Mémoire. 4. L’astérisque [*T indique ceux des sequins qui présentent, sur l'aire À, Ie chiffre (ou paraphe) du sultan : sur les autres 7er-mahboub, le nom du prince est écrit en toutes lettres, du même côté À. F ; On a désigné, dans cette colonne, pour chaque aire À et B, le type de Ia pièce, en indiquant à quelle autre pièce elle est semblable, et les différences qu’elle présente. 6. On y a indiqué, :.° le nom du prince et celui de son père, conformes à l'orthographe des noms Arabes, et tels que les pièces les offrent, soit en forme de chiffre, soit en toutes lettres ; 2.° le nom vulgaire ou usité en France sous lequel le prince est connu. 9: On y a inscrit l’année de l’hégire où lavénement du prince a eu lieu, écrite en chiffres Arabes, et à côté Ia lettre Arabe distinctive qw'offrent plusieurs pièces. {Voyez pag. 361, alin. 1. et suiv.) 10. On a porté dans cette colonne Fannée de l’ère Chrétienne correspondante à l'année de lhégire dans laquelle lavénement du prince à eu lieu, et à côté la lettre Française qui répond à Îa lettre Arabe distinctive. 11. On a porté dans cette colonne (pour celles des pièces qui offrent cette indication), ou les chiffres Arabes que porte la pièce , soit qu'ils indiquent lan du règne, soit qu'ils présentent l’abréviation de l’année de l'hégire dans laquelle Tadite pièce a été frappée; et au-dessous, en chiffres Français, l’année de l'hégire que ces chiffres désignent (voyez pag. 360 , alin. 1.”); ou bien la lettre distinctive Arabe qui remplace les chiffres indicaüfs de l’année de fabrication. ( Voyez pag. 361, alin. s.) rire On a porté dans cette colonne, ou les chiffres Français qui répondent aux chiffres Arabes servant à indiquer lan du règne ou l’année de lhégire dans laquelle [a fabrication a eu lieu, et au-dessous l'année de l’ère Chrétienne correspondante à celle de l'hégire indiquée dans Îa colonne précédente ; ou les lettres Françaises équivalentes aux lettres Arabes qui remplacent sur la pièce le chiffre indicatif de l’année de fabrication. y3et14. On a porté dans ces colonnes, d'abord en drachmes, ou poids du Kaire, ensuite en grammes, ou poids de France, non le poids qui auroit dû être fixé authentiquement par la Porte ou le Gouvernement d'Égypte, mais celui qui étoit censé adopté, ou qui étoit déclaré à cette époque. La col. n.° 13 du poids, ainsi que celle du titre n.° 17, font voir les altérations successives introduites dans Ia fabrication des monnoies. 15 et 16. Le poids indiqué dans cette colonne est le poids réel de chaque pièce, tel qu’on l’a trouvé, É., M. TOME II. KKK 2 444 MÉMOIRE SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. COLONNES. QUE ER soit que la pièce fût bien conservée, soit qu’elle eût été rognée ou altérée par le fraï ou toute autre cause. 17. Le titre indiqué (non plus que le poids, colonnes 13 et 14) n’est point celui qui auroit dû être fixé authentiquement par [a Porte, mais celui qui étoit avoué ou déclaré à Ja monnoie, quoique le titre réel de chaque pièce fût souvent inférieur. - 18. Les numéros portés dans cette colonne sont ceux des procès-verbaux en date du 1.° mars 1819, extraits du registre de l’inspecteur des essais des monnoies à Paris (M. Darcet), 1. pour les pièces d'or d'Égypte, de 1 à 44; — 2.° pour les pièces d'argent d'Égypte ; de ra zi 19. Les titres sont ceux rigoureusement constatés à la monnoie de Paris, suivant les procès- verbaux indiqués «ci-dessus. 20. On y a inscrit la valeur nominale en médins, des diverses pièces lors de [eur émission, pour celles dont on a pu conncfître le cours à cette époque. 21 et22. La valeur en médins et en francs, portée dans ces colonnes, est celle qui fut fixée pour chaque pièce par le tarif de l’armée Française du 17 messidor an 6 (voyez pag. 303). 23: Cette colonne indique la valeur qu'auroit eue, d’après Îe tarif de France, chaque pièce si elle eût été au poids et au titre déclarés à l’époque de leur émission. { Voyez ci-dessus les observations relatives aux colonnes 13, 14 et 17.) ae Elle offre la valeur de chaque pièce (d’après le poids réel et le titre, constatés lors de Vessai), basée sur le tarif de France, c’est-à-dire, avec la retenue qui est fixée dans les inonnoïes de France. 26 Cette colonne indique ce que vaudroit en francs, d’après le tarif des monnoies de France, le kilogramme d'or ou d'argent de chaque pièce, d’après le titre auquel cette pièce a été trouvée. t ' / = : 1 ï v Pas ; € F 2 A : in M û L ; 7 { x ï «£ - 711 à: 7 1%. RE EE E au tt 1 À 4 | ; s +. Cu 2 PDÉTARER ES FÉES î ' 1 CD LA ae th ds L > L ! F va Én Vhe “a ‘42 1 y F À Win : : ë EF er 4 ; M 4 : Sd ni 7 ; - F LT / 13 # D ES 18 |: AVEC LINDICATION . A RES: j \ ed [ie ; je # 3 +2 | om. % - Ê = q ü d J V2 : À $ Pl : PH DE LEUR TYPE, DE LEURS VALEURS NOMINALE ET INTRINSÈQUE, &. “ . 5 PA C2 fre anagée Mer: — pe { noie ô l Au ; : sal « k } À \ ‘) te - E, - v ÿ Dr r à an cs - x . ÿ { k > FAST mr mdr hae ; si F % l + _ , à » j sie 2À en 6 L # 4 ” va … ï À 4 : È an . : t x x 2: CES U Ë F + È $ ! \ D TS mat É: S e 2 à ; L 43 . sd à LR = - e \ ni de Le dà pu” i 0 d : * CES * AE J -: ï | ! ‘2 l, ol : + & » » " : “ ” é AN FORT z LÀ À Lx &- h IN - 4 2 2- { 5 1 » ’ :# : £ re 1 À 4 L à } 3 d 5 nr. È ‘ À L 4 dt N ff : À E à Ë - 17 ; CES A E CRUE 2: £ é. Le 4 l r L L-E $ L4 # DR ) l ; > $ «t Lomé tr: | [4 EP ve à ) ; { ee : re ét à raté 02 + ” r S . FA L L. L î À £ - k 4 À . | , 1 à $ RS SR MES ) Ê à : er ph ny ù pire nr RER Ant leers o vanter np nt ie line oo conan ici Ro ong toaie d 4 , ; >. . n tu î * ; l , ; à . Ê , we ss PERS w | peu ee TRE ER tm +, dE 5E F 5: nl { F r k + , ; , nr ' ART AR CET TR - st.) La ui My 2 ne - 1 ù RL URUH UE bete + TANT: 2. 7 ee ri 3 nu 4 à | : PU 72 gr PUR n + : ", = [ie 1 PSS 4 nt rañnM {5 . $ FR, de fée; TOR . : 3 : bios N ar E pie Mi à | : î . ds 4 Li SRE € AB Ur RCE 1 d als tit five $ a z “i pu à di ë "AY Pré rhagrenit ï À à r e à LU d 3 n ap 4 ONE D AIT es Dh PARTS y! h » S'ORR E L RinRrE létp à ut de 0600 Ten lente pdt ; Ru de. L ; bi brest oh délais. uvallan os bit eff Î “A pe 4 k PALM A à) FAR ns ice 9 AG TN Ni | Hate e) dnnh sr Sube Sr ; A te étgélik ÿ ÉLETU - Ê [ Poe) Ar mù RE 11 safe a ldénhéet 02 ; Me AT ; * à Pre à AR ÈS: c' t ‘ É sa ' : - > : = j di, ENST a k + #2 NE k si LA NL) Rate ; | 20e it LT 08 rimes RU de à sc; PCT (&) vr * ab ty bat wx 512 Men 2408 are +b de spam ane Mie d "et Sly Mas do ta Le be + 3 48 mois si 4 sig dk cran , , - Â46 | MÉMOIRE dr NOMS | ©" NOM INDICATION DU TYPE £ DD du prince de sous le règne duquel NUMÉROS ED de e ou de de SAME APRES DÉSIGNATION CHAQUE FACE OU AIRE chaque la pièce oùelleest " * : Dibce D TU des pièces. de la pièce. . i la pièce citée. A a été frappée. J, 2e 3e 4. s. 6. cœur. || «emmener | rnemuenees MONNOIES D'OR. | :-..... SES TE ATP HAS Pat BE Ne —— DYNÂR, Solymän , fils d’A’hd-el- Malek 1 [ Soliman |. (2) pag: 353: ! El-Mämoun ; fils d’'Æl-Rachyd [ Almamon |. Son Dynâr de Damas... | z. | Tout en lettres. HOPRGRESS, A. Id. 360. } Dynär du Kaire, ....... Tout en lettres. RCE B. (page 360. CRUE CA 2. L/2 FONDOUKLIS.. ses: [ L'aire À porte toujours le paraphe 5 AMENER ME TUE { Achmet INT]. Double -fondoukli | 5. À nl UC re. 4 e 338. DT p. | V9 la planche jointe àce Mémoire. INCT Ë A. } Même type que celui du n.° 1 de Îa Id. 4. # # Fondoukii d’étrennes. . .. planche, mais d’un module moins B CET A AL ET ECS , A. Typesemblable au n.°6 dela planche. Id. se 0 371: Demi-fondoukii (6)..... B. Au lieu de Masr, Islämboul, — L OPA PANECISEE pee RE SET ne | l A. Id. 6. 6. AN 0 L'ILE ser : B Voyez la planche jointe à ce Mémoire. À A.) Type semblable à celui du n.° 2 de [d. F NES YP 7 3 : so (7) B | HDIARORES UN, A) EAN CEE PEN NT : | l A. Id, 8. 2 378. | Idem................ B | Voyez la planche. .... Do DE | ; î ; ï F EN NE LA À. | Type semblable à celui du n.° 6 de Id. IE: Eu CN RE LE à ; Mahmoud, fils de Moustafà [| Mahomet V ou Mahmoud I.® |. Fe A. Id. 10. 4. 361. | Fondoukli. ........... B | Voyez la planche. . :... HE bats se | 11. u Id. Fondoukli d’étrennes... 2 Type semblable à celui du n° 4 " ke B. latplancher un » | | ORNE at PRE À. Id.‘ 12 7. Id. | Demi-fondoukli. ...... p. | Vorz la Dance de en ee | l (a) Tête du Tableau, col. 21 et 22, Tarif d'Égypte , VOYET ci-dessus , page 393. (4) Idem, col. 23, 24et25 , Tarif de France, C'est celui du 17 prairial an 11 [ 6 juin 1803], (1) Monnoies d’or, col. 23 et 24. Les monnoies d’or dont il s’agit dans ce tableau ne sont point taxées au Tarif de France ; déduites de celles du kilogramme d’or , au titre correspondant , portées audit Tarif de France. et celle du kilogramme portée colonne 25, sont, avec la retenue, de les valeurs que présentent ces deux colonnes sont Dureste, ces valeurs, 9 francs par kilogramme d’or à 900, Jaquelle se prélève dans les monnoïes de France pour frais de fabrication. (2) N.° d'ordre 1, col. 6 et 8. Ce dynär, en caractères Koufiques, ne porte ni le prince ni le nom de Ia ville; mais on sait que les dynér de cette espèce et de cette 996, ce quiest trop élevé. nom du von resres ere e Mérite Au nom debit [ELSery, gouverneur ce dynä ? d'Egypte |..... ...\ frappé à Ahmed, fils de Mahamed date ont été frappés à Damas, en Syrie (voxec pag: 354 alors est Solymän , fils d'A’bd-el- Malek | &W DAS L}? otalu ],le huitième de la race des Ommyades { voy. page 393, note 2 ). (3) N.° d'ordre 1 et 2, col. 9. Les anciens dynär ne portent pas l’année de l’avénemel mais l’année de Îa fabrication ( col. 11) écrite en toutes lettres. | Idem, col. 17. L’or étoit censé pur : on le de France cote les sequins de Venise et les fondouklis de Turquie à 996. (4) Fondogklis, col. 17. Le Tarif de France porte les fondouklis de Turquie au Idem, col. 21, Les fondouklis, dans le Tarif d'Égypte , ne sont point fa cs du pâcha, du bey ou cheykh el-beled dont la monnoie dépendoit. (2) ss. sess ss... ss ss msn soso s'sletr les = lacs re oser ses alinéa 8 ). Le khalyfe qui 70 | nf suppose ici à 996. Le Tarif pour lesm ‘DROIT DE POIDS nm TEEN 3:10 POIDS ME T° : S DÉDÉLANNEE |'ouroissrécar | eerectir, |. TITRE. VALEURS 4 — ——" = LC ce EE, EE — | J ) N * À & ; | | de la fabrication. . Numéro D UNE PIECE CU Droit fr Essais faits A Lio ee X da x = " d'après ; D: Fr 5, en destitre, | PPT à nominale, | d'après le droit de poids et detitre. le poids he di el: à verbal lors : etle titre f d'apres | | DT 4 ‘ PT, je Ne drachmes, | srammes, ane & des essais a de DE S Û effectifs. À Hetarif grammes, | drachmes. | gratnmes, ou la monnoie l'émission. Tarif d'Égypte (a) Tarif == 4 Fe de. i de France Tarif PÉSRS titre légal. |la monnoie| 4e Paris. + CCR 6 à (b), de France (6), de Paris. En médins.len médins.| en francs. | en francs. (6); en francs. J en francs. 17: 19: 19. 20 21 22: 23. 24. 23ÿ% PRE nr À Rene À recceurer | emmeuvosase | concu d ‘dr. gr 4 . dr. 1,500. | 4,618. A) il 716. gr. 4,282} se. CCC DPRPSCSCRCRCCS PRET s... ..... der,140 x à 1,120, de 3,510 à 3,448. | 1,120. sense. os... anciens et Îes plus purs se vendoïent d'après le poids et le titre, et avoient général que les sequins de Venise : tous es autres passoient commu- lédins. , dordre 4, col. 13. Âu commencement du règne d'Ahmed IL , es fondouklis, S dynêr , étoient censés du poids d'un #irgäl ou de 1 drachme, $ ; mais nous Maucun au-dessus de 1drichme, 1 40, ( qautres essais faits À Ja monnoie de Paris sur la même piècé ont S: 963, — 963, — 964, — 966, — 967. FMoyez, au sujet de ces va- COTE CL NES OPEN Le ARE ETES . 56,3. der. 67. t34. 34 à 16.46. 11, 37: 97-071 {6) N° d'ordre $ , col. 4. Ce demi-fondoukli de Constantinople est semblable à celui qu'a publié M. Bonneville, monnotes d'or de Turquie, planche 1."*, sous le n.° 3. (7) N.° d'ordre y, col. 4 et 19. Cette pièce d'or existe au cabinet de l'idministration générale des monnoies; le poids de germes, s est celui qu’indique le médailler; le titre y est coté 996, ce qui est trop élevé. Elle vaudroit, d’après ce poids et ce titre, 11° 97° (8) N:° d'ordre 8, col. 19. Trois autres essaïs faits à la monnoie de Paris sur le même fondoukli ont donné les titres suivans : 939,— 941, —945. Voyez page 429, alin, 3. (9) N° d'ordre de 10 à 19, col. 9. Voyez, au sujet des ettres qui accompagnent le mil- ésime de l'avenement ,ia page 360 et suiv. (1) N.° d'ordre 19, col. 4, 16 et 19. Ue demi-fondoukli existe au ca ibinet de l’ad- ministration des monnoies de Paris. Le poids est celui qui est indiqué dans le médailler. Le titre y est porié à 958. (2) N.° d'ordre 20, col. 4. Ce fondoukli et demi est semblable, pour les ornemens et la légende, à celui publié dans ouvrage de M. Bonneville, monnoies d'or de Turquie, | planche 1."*, sous le n.° 6, MÉMOIRE NUMÉROS | . NOMS NUMÉRO nn mL NOM INDICATION DU TYPE RÉ ) D'ORDRE 1 du prince du pâcha, du bey ‘de de y : I _ ou où LAp |lapag DÉSIGNATION CHAQUE FACE OU AIRE sous le règne duque chaque 12 A01È6E À cheykh el-beled aé pièces JL ar vées dar des pièces. de la pièce. de ie dont {a monnoïe se _ a été frappée. dépendoit. I 25 3 4. se En à Ù . 7e meme À mmuxte | ccm À memes | ns nneeneems EE een | 8. SUITE DU RÈGNE Suite des FONDOUKLIS de Mahmoud, RE SA fils de Moustafä. 13. ” 367. Demi-fondoukli, ,..... à Ée ne à celui du n°7 oi OS A RE ie dc Frappé : Aplatiche, SOMME PROEEES PRE MP es Sn dans | 14 ” Id. DÉE ARE TENN TER c : TERRE" DE Res ON à (CNRS RO 6 MD M D à | DRE D MT À j A. pe Type semblable à celui du n.° 3 de Hd. TRE CASE 408 I 1 Id, Fondoukli d’étrennes... ( EEE MN Re OE | 4 5 P | | B. Le millésime précédé d’un roux [y]... semestres ] Rs LA fe 16. ” ITR ON ACUR EME CNE RE ci RES Nr ds it) A DT SR ; ci-dessus, n.° 15. RE EEE EEE EEE EEE ECTS | Fo Semblable au n.° 7 de la es M lue CAR UE ES 17. # Id, Demi-fondoukli.. ...... [ aux fleurons près............ | B. Le millésime précédé d’un our | ob an fieud'être suivi d'un ya Lt ROSE OR ON EE LCR SPRL | Idem, excepté le fleuron, qui est A. semblable à celui du n° 3 de la HAN, À Pie ee SERRE 18. bte Id. Idem. ..... PERS planche..." m0 B. Même ce que celui de fa BRON LA LAS A AAA EE | Précédente. ete ce : MN OR EME 0 | : sf Id Idem (1)... Même type que celui de la pièce JM OU ON iso ce UMR sobre : A, PAR D DEN MS NEERRS + ie ci-dessus , sous Je n.° d’ordre 17. nb 0 BE RE A D M EC 4 0 2 à (| | (ee ype semblable à celui du n.° 6 de A. la planche, excepté les ornemens Je RIT EURE 6 He Le à M 20. » # Fondoukli et demi (2) | dutcordon rer Elle B. Idem. Zs/4mboul, au lieu de Masr. tel M. dt men DANCE Frap | mot senet n'existe pas. ......... | aie u 7 Fondouklis "14 1 + D Ia. PAR ER PE. cc | B Ja planche CES APE DLL Fra 22. ge 338. | Fondoukli d'étrennes . Voyez la planche. ....4...2%. 2.0 1,4 À MH TT TEE ES * | RSS GS LC RS OS | A Type semblable à celui du n.° 4 “ 14 23. # ” BORGOURIT RANCE : la planche.............,.... A ES TR OP LE 0 * B. Jdem:.Lemillésimesanslettredistinctive.f.............. ALORS. SAONE : TÉPPUUE VNANER. SERRES PER à | 0100 Moustafi, fils d' Ahmed | [ Mustapha Ill je | CRIE RARE En EL DAC (5) A’bd-el-Hamyd, fils d' Ahmed Let [Abdelamith 7" NN ou Abdoulhamet I]. 24. s. 342. | Fondoukli.. Ses de | Voyez la planche...........,... 25. Ho REA LÉ NE ot À. | Type semblable à celui dune $ ëe B.| la planche. | (3) N:° d'ordre 21, col, 15. Ce fondoukli est très-altéré par le frai où régale, et a perdu beaucoup de son poids. N (4) 1170, col, rretet 12. Voy., pour cette époque, la page 452 (s) Col. 6. HI résulteroit des renseignemens que nous avons pris au e règne de AMoustafa fils d'Ahmede Le chiffre 9 nous paroît indiquer 'an 4 de ce Tab leai Kairesi auroit pas fabriqué de fondouklis sous Î (6) N,° d'ordre 24 et 25, col, ri, (proirpepoinsl poips F1 TION DE, L'ANNÉE OU POIDS LÉGAL, EFFECTIF, TITRE. VALEURS RS ER. RS RS de la fabrication. | Numéro nee D'UNE PIÈCE du Droit du Essais faits TT — Tor en en en en de titre, AE à nominale, Mae le droit de poids et de titre. a ses Pare ; verbal lors et le titre d'après . re drachmes. | grammes. | drachnies. | grammes. an des essaïs|[: monnoic de effectifs. le tarif Hégire. Ed at l'émission. ar ee 446), Tarif Rue TPraice 1 é ec. ë ? : 4 ranc En El titre légal, | la ne de Paris. == — FE ni de France {((2, p.446), | à de Paris. En médins.Nen médins.| en francs, À en francs. | (0, p:446), 1 6n francs. [À | en francs. 11 12. 12 14. TE 16. 17e 18. 19. 20. 21 te LE dr. gr. dr. gr, > LA R A Lee (0 fr c: 0,560 1,724.Û o,s41. | 1,66 É 9 | 1 : 67. 28. 3 tn LAURE | 5 7 7e à ne ! 945 7 1510? ; 20,2: ne SDpe . 41.3 245.55 Re A Id. | 11 Ào,536. | 1,650] Id. 10. | 930. | Jd Ja. hi | «| 5. 27.[3 194.03 |] 27 DROITE he (de 11,67 IE - Ë : DA 1,108 ,412.| 068. 6. 94.9. 00 TO. 62 10 11. 12.03 2509.20 |\ | à3,448 . 2 de 134 ; HP Fi ? | de 968 de den 6 À : 8. , Ia. ‘14, “ 7} 11. 31.03 250.20 |} Id. 1,127 3470 | à 4 949 nt 31-03 259.29 de $. l 1,7244/60,538. | r,655. Id, | Ta 945. Be 150. 5-28,2.) Fe = l 5. 37-13 245.55 |} Id. Ào,s5s. | 1,7084 Id. 1. 942. Id. 14, 12, Id, S52-10235 225 | Id. Vo,ÿs2. | 137001 id |....... 958. Id. 14. Id. Id. À 5. 59.|3 29020|| (1) (1) E Id. 1078 So ere 29- CCE | ETOREE 450, Aro lee :.) 17. 16./3331.41 2 2 1 RENNES der,140 |de3,sr de 968 {de 11.67 À 4 ; ,167. ; L ë À .56, 10. 20.12 270.801 CO LU 2 ë 1, 020; Le ; cu ae 7 à ch ÿ 955 LA 398 015% à 11.25 39-13 279-99 î A . .. nr 1,096 3,375. Id. 41. 948. [d, Id, Id. Id, 10, 99.13,255.85 | el... ll Id. Id, 1,120, | 3,448. Ia. 4° pÂt. Id, Id. Id, Id, 11, 15.3 231.81 |} ns esss.e 7$0. (6) 1,120. | 3,448.) 1,116. | 3,437. Id. 1,126, 3 de notre ère |, pour les motifs déduits page 342, alin. 2, et page 370, alin, 1." également servir à indiquer l'an 9 du règne d’A’#d-el-Hamyd, et répondroit alors 96 de l'hégire [ 1781 ou 1782 de notre ère |; mais nous ne croyons pas qu’on es fondouklis au Kaire à cette époque. 17. Voyez, au sujet du bas titre de ces fondouklis, ce que nous ayons dit Hp alin,2, et page 387, alin. ante-pénultième, £E. M. TOME IL. 200, Ia. N, B. Sequins ger-mahboub, page suivante, Is sont portés au Tarif de France au titre de 819 ; ce qui est trop bas pour les anciens, et trop haut pour Îes nouveaux. Les anciens sequins du Kaire ger-mahboub valoient autant que les fondouklis, La valeur de 100 médins portée au Tarif d'Egypte ne s’appliquoit qu'aux sequins plus nouveaux, d'un poids et d’un titre inférieurs , depuis Mahmoud, avénement de 1143 [ 1730 de notre ère ]. Les sequins de Constantinople étoient taxes à 200 médins, LH MÉMOIRE NOMS {| suméro a NOM INDICATION DU TYPE re ES in Le à de du prince du pâcha, du key ê le règne duquel ou le page DÉSIGNATION CHAQUE FACE OÙ AIRE SORS GE DESIRE ERRE : la pièce \ ' cheykh el-beled nv PÈRE des pièces, de la pièce, la pièce dont la monnoie gravée, Etc | É a été frappée. dépendoit, 2. Se 4. $- 6. Fe EE SEQUINS [ On a indiqué par un astérisque * les | ZER-MAHBOUR, | zer-mahboub à paraphe. ] Le = _— Mahamed, | Éte dem A er SCT [ Mahomet IN |. | Les 4 SONIA Le TETE 8. 364. | Zer-mahboub........... | e | Voie pince OCR | 7 A AUTOS O'emên Si d'Aimed À... [Osman ou Ottoman IN]. | Semblable au type du n.° 9 de l | A, planche, excepté qu’au lieu de, Ha. nn fe RARE EETE ue 5 356 Tee EE à 1e CM | Mourad on lit O’rmân. ........ Idem, excepté qu’on n'y voit pas de B. lâm-alef [NX] au-dessus du 4 [es] AS Ar EE) IOSCICICICICECOCICECICCCE OC . du mot drob [Se] PAPAS PRE Mouräd, ls d’ Ahmed l An EM MORE : ‘9 RL |. p. Î Type semblable à celui de la pièce A n° 30. L'année de l’avénement Id. resserre “... ÿ 356. | Idem................ | n'a pas été marquée sur la pièce.. | B. Comme le n.° 30 CI-dessOUSs. sortes sers sr esse DS 0 | s e nt Id. CRE . ie ir CNRS ROIS À A. Mype semblable à celui de la pièce) | k ci-dessous, n.° 30. FRE PAU tte see es ele RS | : A. OR OC ge SÉE JO ARRAURS RREOS Cut À. | Voyez la planche........ A PR et 364. B. Lolo els gu ste las elate nets one, Eee atepole 0 ee ete tonnes re IR , Semblable au type du n° 9 de la planche, excepté que le mot | E . A. [ w+ ] est renvoyé au commen- nv icésians DEEE ES | u “sh 326 | | | cement de {a 2. ligne,eta’z| je] LES 356. IE oh on NON S Fe au commencement de fa 3.€.... | Idem, excepté qu’au lieu de Pt) B.{ on lit Qostansynyeh, et que le mot,,.,.,..............1.,................. senet manque. ÎI n’y a pas de Y.. Ahmed, fils de Mahamed PR eo RENE € = | [ Achmet If}. Paraphe du sultän Ahmed. Type res- | semblant, du reste, à celui du À n.° 10 de la planche, aux fleurons | près. Le mot Musr est placé avant 1115, etsur la même ligne. ... Type semblable à celui du ne 8 de B. la planche. Les chiffres indicatifs de l’année de Ia fabrication sont | HSBC EME TOR E MATE ” er * Zer-mahboub, ........ A.) Type à peu près semblable à celui Id. se RARE NN: LPS de la pièce précédente; lettres - en partie effacées ; pièce itrégu- EE EE um À Ne 4 1 TAENT. 20: PURE ee 0 (1) N.® d'ordre de 26 à 33, col. 17. Les anciens sequins passoïent pour or pur; mais (3) N°: d'ordre de 26 à 29 et de 31 à 33, col. 11 et 12. Ces-sequins ne ils sont presque toujours au-dessous de 996. Voyez, page précédente, la note dernière. ni chiffres indicatifs de l'année de fabrication (page 368, alin, dernier), ni (2) Zdem, col 21. Pour la valeur nominale, voy#z aussi la note dernière de la page tinctives (page 367 ,alin; 1.*), ni fleurons qui les remplacent. précédente. (4) N.° d'ordre 32, col, 8 et y. Le nom de Ia ville et le millésime Ms 0 TION DE L'ANNÉE ae DROIT DE POIDS OU POIDS LÉGAL, POIDS EFFECTIF, dr. gre dr. gr. 3»448.) 1,120. | 3,448. | Id. Id, 1,108. |, 3,412. 3 ent 5 _MOU Le Me Ia. Ta. LENS EC JEUN) y s Id | Id À 'rsvré. | 3,437. G) Int RCE an GIE ON 1,101. | 3,390 | Ia, Id. 1,137.) | 3,500. (5) | Ia. Id. 1,137. | As Manré ë : : : : aniére suivante , Nè jee, tandis que presque toujours les chiffres du mil- de lavé den x l'avénement sont seuls sur la dernière ligne, ou sous le mot Aasr CE pas |; Ur les sequins gravés sous les n.% 10,11, 12, 13, 14; ou sousle mot sente Momme pour fe quart de sequin gravé sous le n° 15; et pour toutes les Æ, M. TOME II. )MiN SUR LES MONNOIES D ÉGYPTE. ee manne | onmpesemeeun | “oran | cmpeonmemmonnven | vmnumemen À ccmmmmenmmms | uaxeemoupenve | some Ù f cn || conameemersees | sense RE VALEURS MINISIRRNE | EEE mm || à de Ia fabrication, Numéro D'UNE PIÈCE ne | Droit Tu Essais faits mm antunuee- M7 heu 02 0e RCE kilo Ê procès— à : d’après . ; en en en en de titre, cs à nominale ,À d’après le droit de poids et de titre. | 1e poids SR * : à lors et le titre | d'après jee ie drachmes. |grammes.} drachmes. | grammes. ou + | dés essais | 1; Honnoic de ; effectifs. | Le tarif Hégire. de l'émission. } Tarifd'Egypte{a, p.446) Tarif — + SYPICP-440), ‘ # de France Chrétienne. Er, é > =. a de France Tarif ; Ê titre légal. |fa monnoie] de Paris. EE (B, p.446) de France Ÿ (4, p.446), | : 7 » P:446 » P- > [R de Paris. En médins. en médins.| en francs. | en PA (8, p:446);} ©n francs. |h ; à 4 en francs. 5 II. 12. 13. 14. Se 16. 17. 18. 19. OtcEe À PENCAE 22. Ja 24. 25. OISE, (| | SANEVAEN | DO Net D 11. 38.13 372.62 977: des) ARR) EEE Ta, 11. 45.13 355.45 iderr.79 970. f...... CN OS EC Us des 3331-41 OS ee RE LAB Ta, 11, 29.13 286,76] BAC TE 200. | 7.04,2.1.....,..) 11, 09.3 273.03h (CAT LEE DÉC EC DHEA S 0.8 Id. 11, 97.]3 420.7r CORTE Id. 11, 97.]3 420.71 || autres pièces depuis le n.° 16 jusqu’au n.° 26 inclusivement, voyez la planche. (5) N.* d'ordre 32 et 33, col. 16 et 19. Ces deux sequins existent au cabinet de ladministration générale des monnoies à Paris. Le poids est celui qu'indique le mé- daïller ; le titre est coté à 096. Voyez la dernière note de 1a page 449. L 112 ë MÉMOIRE NUMEROS L NOMS Rat Ars. NOM INPICATION-DUPT PE Re D'ORDRE à en de du prince du pâcha, du Bey de de Fr * & : ou O Üu la page DÉSIGNATION CHAQUE FACE OU AIRE sous le régne duquel chaque | la pièce 2e cheykh el-beled a ct où elle est e\ % & Tai + des pièces. de la pièce. la pièce dont lilmonnete F DS a été frappée. dépendoit. 10 2° 2° 4. GE 6. 7 Suite des RÉ SEQUINS ZER-MAHBOUB. fils de Moustaf à [Mahomet ] ou Mahmout V]. hoc, 34. 10, 360. | * Zer-mahloub... ...... 1 Voyez la planche. ......... De L Id, DORE EE Ce it 0 Moustafà, fils d' Ahmed. | [ Mustapha DL]. CR TIME À De ÿ 4 Type semblable à celui dun 11 A. de la Re module moins Id, PR TER es ses | Frappil | * Demi-ger-mahboub , où grand. . Men lens 35. $ 362. mousfieh niet. Au lieu da gay» on dit ie À droite dela dernière ligne , vers ; le bord de la ma on remarquef" """""" (6 DA FUME TAS ‘ RCE © 1 je, leiCErE2 PAIE AE TE l . * Double zer-mahkoub d'é-( À. ldem. Less _ AR ch He LC LS | CURE SOC PRCTIA AE 36. 2 362. : SA re oukli n° 3 de la planche OS CIE B. Li sans le chiffre 2, RUE BORD PR | OONOC UE: TS TOC CN IEEE EE PET LOS [h A. Type et module semblables à ceux li | En 5e: Al 37: # 362. * Zer-mahboub. .....,.. Dee ARE B'Audieude tou, on litba. 5.1. | en... sonessesresse NE ere à : L | A, ln à UT HER A. 38. FE. 362 LCL ER Hoyaibnne An. RE Î | et 37re B. | RAA SRE : SAR > PS PERL RE. 10 Baht, pächa | Ahmed | Id. . | Aehäh Khaÿb Z4dah\ OUR dirige la monnoie].. . Id. | Ahmed Aghäk dirige la ï. | MONNOIE eee | A’ly-ley se aise) Id. dant. [ Reisg, Qobte, ; dirige la monnoie].. | Id. Mahamed-ley succède à Abe an eu. OR 338, î 39. 12, 372 et Zer-mahboub d'étrennes.. 1e | Vo la planche. ............. ( Id, | PAR At ee 374. HARRCENEETEE En sl RTE ABS USE 4 Î A’bd-el-Hamyd , à É fils d’'Ahmed | [ Abdelamtth D ME à : cul EE ; É ou Abdoulhamet I.cr). | Le chiffre ou paraphe d'A’bd-el-Ha-} myd (8), au lieu de son nom cn] A. toutes lettres; le reste comme pour Id, * ne , où | la pièce n.° 13 de [a planche, | ie À cepté l’année de l’avénement, . nousfyeh (8 :. | Type semblable à celui de la pièce : n.° 13. Voyez la planche... d° ns es ee ne els ce sm 0016 0 n vos eee cs 0 RUE | (x) N.° d'ordre 34, col. 11. Ce sequin porte le chiffre indicatif 4 [ &], qui peut désigner, pour l'année de la fabrication , où 114-4 [ JJE£ ], ce qui répondroit à l'an 1731 ou 1732 de l'ère Chrétienne; ou l'an 4 [ £ ] du règne de Mahmoud, fils de Mous- tafä; ce qui répondroit à l'an 1146 ou 1147 de lhéoire [1733 ou 1734 de l'ère Chrétienne]. ja Idem, col, 15. Ou Îe poids de ce sequin est considérablement diminué, la pièce ayant été très-altérée par le fai ou rognée, ou c'est une pièce d’étrennes (pag. 337, alin. $ et suiv.) de trois quarts de sequin, ou la moitié d'un sequin et demi. (2) Col. rr et-17. Vers l'an 1170 de lhégire [ 1756 ], il'se glissa de grands abus | dans la fabrication des monnoies: les pâcha, peu surveillés par la Porte, altérérent le titre et le poids des sequins. Le titre des ger-mahboub, qui devoit être de Ro fut baissé jusqu'à 20 karats [ 833 ]; il le fut même jusqw'à 50 l'an de l'hégire 1176. (3) N:°° d'ordre 35, 36 et 37, col. 11 et 16. À fa place où se trouve of dir le chiffre indicatif de l’année de la fabrication , on Hit les lettres #24 [ der ou” Néanmoins, sur le n° 3$, on remarque le chiffre 2 [f ] qui indique quea} été frappée en 177-2 de l'hégire ou l'an 2 du règne. — Le demi-yer-#@ll zer-mahboub d'étrennes, sous les n.°’ d'ordre 35 ét 36 existent dans Île l'administration générale des monnoies de Paris. Le poids et le titre col. 16 et 19, sont ceux portés au médailler, Il y existe aussi un autre , ? DROIT DE POIDS POIDS TION DE L'ANNÉE ou POIDS LÉGAL, EFFECTIF, TITRE. ; VALEURS 7 es |], | © EE © © : Fr Numéro D’UNE PIÈCE “& 2 RENÉE NE Droit Pa Essais faits RS 4h 5 —— tea d'apre Fe en en en en de titre, FE ; à Cr d'après Îe droit de poids et de titre, É a 2 N FE ors A A GE nue pie Hégire. “TS drachmes. | grammes. drachmes, | grammes. AE À Au More late Tarifd'Égypte(a,p.446),] Tarif e ue Chrétienne, titre légal. |[2 monnoie| de Paris. = me my de ee (6, p.446), de Paris. En médins.fen médins.| en francs. | en francs, T en francs. 11 12. 13. 14. 1e 16. 17. 18. 19. 20. 2 TIRE 23. 25. “ é = dr. gr. dr. gr. fr. rare Minnie Lo 100990 de. S5 “a Be " 0,844. 2,598. roi Lee à 875. 40. 871. D 180. ZA à 7.81. 6. 91 2 991.40 IT 6 a ee DR MAN Gralon VER 2 14, Id. F3 8.55 À jnssoe HR 175 à 0,843 1/3 à RE SET ER ee cou e à833(2). Bern cet à 7.43 ARTE F. Ia. HÉAR RTER SRE 14, nice. Mecs Id. Id. Id. | de 958 | Me 05421 2/5.| 1,298.1 0,422. 1,300.) ; VTT 958. 6e. 90. | 3-16 +13 290.20 mt ou ms. 2 M ee G) Lè937 | G) | i 117-2 1758 À G) | ou | | 2 2 RS CS : 17.0 de 1,688 | on 1,689. | 5,200 TRIER ee 958. 240. 360. [12.67,6 à A " 174 L-189290;-20 AA mt Où ms, rar UE 3) (3) Ÿ ag (G) | © | | | Sels es 6 - Ë de 0,8.44| de pret 44. | 2,600 750 17. 730. 120 180. po Je 6. 52.l2 so7.15 | à 3843 1 à 2,596 . 60. à Li 1 0,843 1/3. 59 | AT md 6. Jd. Id. 0,831 2,560] 750 34. 721 14. Ia. Ia. 6.69 6. 34.12 476.24 | 117-6. 1762 ï Ë (5) (ou; . sl 1762 L 0,343 1/3 2,596 | HR EN LS IP ON RER DA ONE Id. Ia. Id. 8-35: à 1180:\à ais (6) : | . pe 500 SEE DRE LEE | ARR Id. Jd. Id À 6.68. à 1183.\à HAE I L L der183)de 1769 | De DA LLRRE LAN me a | Re 200 D Id. à 1186.|à 1772. £ do 2e L gel l (7) mono le 1772 “ 2e POP UE 0 L'AIR nu ler Id. Cal RE: à 1187. (à 1778, 44 ie | 1/3-| 2,596.1 0,815. | 2,510 Id. 33 742 À 4 Id. le Id. 6. 40.l2 548.36 F1=-07- Dee k (23 janvier 1774. 6 Id rl dE 6 8 {| : 0,4212/5.| 1,298.) 0,410. | 1,263. 5 19. 766, 144 90 Ro TELE 3. 32.12 650.7ù || nent * ou-9 | 1775: | | 35. Le poids Bksemblable à celui désigné au présent Tableau sous le n,° Jsont indiqués comme suit : 2872m:,6$ à 958. d'ordre 37, col. 13. Le poids des sequins étant fixé à 13 gérée 1/2, les Quivalant à r drachme 1/2, 13 girät 1/2 répondent à odrachme 843 1/3. ( Voyez res Poids Arabes, citée page 323, note 1.) Dire 38, col, 11. Nous pensons que le chiffre indicatif 6 [ 4] de cette lan de Yhégire 117- 6 [ jjvY4 ], parce que cette notation a été générale- Sous ce règne (pag. 370, alin. 4 et suiv.). 7. En 1176 de l’hégire [ 1762 ], lorsque les mamlouks /4rahym et Rodouâ# , Pominoïient au Kaire (soyez page 383), Ahmed Aghäk Khatÿd Zädak, SUR LES MONNOIES D ÉGYPTE. y fat envoyé par le pécha Rah&b pour réformer les abus qui s'étoient glissés dans les monnoies, Le titre des sequins fut reporté à 22 karats 1/2 (ou 937): mais, peu de temps après, particulièrement sous A’ly-bey et sous Mahamed-bey, le titre fut con-idé- rablement baissé. { (7) Col. 20. De 1185 à 1205, le sequin ger- m”ahboub ne valut guère que 125 médins. (8) N.°’ d'ordre 40 et 42, col. 4 et 5. Le rapprochement de ces deux demi-sequins est pe plus curieux , que, frappés tous les deux la même année et dans la même mon- noie, l’un présente le chiffre (ou paraphe} du sultan; l’autre, ses noms écrits en toutes lettres, MÉMOIRE NUMÉROS NUMÉRO a) NOM INDICATION DU TYPE D'ORDRE dé A dE 4 . de , : Mon lé psgc DÉSIGNATION CHAQUE FACE OU AIRE chaque | © : Pie loire A des pièces. de la pièce. P citée. 38 2. 3- 4. 7, | se Suite des SEQUINS ZER-MAHBOUB. À. } Type semblable à celui du demi-zer- és! deu D. ds U Je 45e 3 369: | Zer-mahboub B mahtoué, n° 14 de la planche. | À 369 * Demi-cer-mahboub, ou( A. touten fettres. « 14, d Voyez la planche. 4 4 e an nousfyeh (1)......... 85 MORE ONE NE DÉREES - | 4 ; sel RATIO es, | A. | Type semblable à celui du numéro) 4 | B. d'ordre 44 ci-dessous. | 44. 7 AOC oi | MORE EE À. | Type { semblable à celui du n° 41. B. l L'écriture est moins délicate, -A.{ Type semblable à celui du n° 13 . déblañplanche, 214.2" Et 45. à 4 Tdem..........,.... | Idem, excepté qu'à la place a] B. chiffre indicatif on rémarque un} | Henrong (EL PEUR ARTE | 70 Type semblable à celui du n.° : à j à * Demi-zer-mahloub , A CEPANCHE PARA TR CEE ( eh... PR A l Te | B. A Ja place des chiffres Jo is Te à) remarque le chiffre + [ 2]..... { 47- # Se 0) ls VÉL TRNIRREREN IDR { il 1608 To Tran eo ti S | ; Î * Quart de zer-mahloub, À. 0) PoyzMagbianche Retro \ 48. Hi 356 ou rouba’yeh....,..u | B. # P \ : A!) Type semblable à celui du numéro 7 HJOGILERS CORNE TRES EE | 49. 25e ue | B. ci-dessus, A.| Type semblable à celui du n.° 13 D 7 a de a planche... ... en: ee so. 362. CS ldem, excepté qu'à la place du chiffre is +: A B indicatif de l’année de fa fabrica- tion, on remarque un ©{[B], initiale du nom de Bonaparte (7). Ü (1) N.° d'ordre 42, col, 4. Voyez la note 8 de Îa page précédente, (2) Col. 7. Zsma’yl pâcha ( pag. 460, col. 7, alin. 2). (3) Col. 17. En 1203 de l’hégire [ 1788 de notre ère ], on reçut l’ordre de Constan- tinople d'élever le titre de 'or à 19 karats [ ou 792 |, parce qu’il étoit sans doute à ce (4) N° d'or celui qu'offre la titre à Constantinople; mais on obtint, peu aprés l autorisation de le descendre à 18 karats [ ou 750 ], et on le baïssa encore davantage peu aprés. placé sur la gauche, au-dessus du chiffre du sultan. Zdem , colon, 19. Ce gér été essayé précédemment par M. Vauquelin (pag. 388, alin, 4) et trouvé éga NOMS du prince du pächa, du key où cheykh el-beled dont la monnoie sous le règne duquel la pièce a été frappée. dépendoit. 6. TO | SUITE DU RÈGNE d'A’bd-el Hamyd, ne fs d'Afmed = \ © ONE ; Îd. LE 0 NEC PERS LA ET re EE | DONC SCENE M PS En EE PR | For » gapytän pâcha Id. [ 4’Edy pâcha dirige tal | MONNOÏCI| FFE Ia, | Isma’yl pâcha (2). Sely, fils de Moustafà | | [ SA I]. ! oh » 06 00 00 0 a ce LE 14 O’sman aghäh dirige fa ; Eu IMONNOÏC RE EEE a pe, 0 EE ET NOR HA: OMC RU 2. d'OS Ja. JE EE Îd. DCR D . A’zzat Mahamed pi [ Säleh-bey O’smanb, Ta. son caijssier, dirige af MOnnofe |. EEE Säleh-bey est nommé Ia. PARA NS,C CORNE 7 | Behyr pâcha, È . )Bonaparte, ri en la. chef des Français. . Id, rss sons nous sos SANS US Ep r e Te, 6 0 ee UT NN RE TRE dre 45, col. $. Ce fleuron est plus petit, mais de a mênie 17 de la planche ci-joint pièce de 4o médins gravée sous le n.° ms F } LE ! 4 U Ca Æy - ENT 4 : ", 12" ’ Le * ». Ù à (l L a pair SUR LES MONNOIES D ÉGYPTE. Â5$ : _ Jbrorrpepoins POIDS | ; NE cbnetrennll cerner, TITRE, | VALEURS * 6 | de la fabrication. Numéro k - D'UNE PIÈCE . du Droit Un Essais faits QE Te DORE. A | kilo- a — à ÿ FAI ir en de titre, PE à nominale, verbal 1 Ere drachmes. | grammes. drachmes. | grammes. ai des essais |j; monnoïe de. cffectifs. le tarif À Hégire. ü da l'émission. — TARN TER Bhrétic Chrétienne. 4 . Tarif 1 hrétienne: titre légal. [la monnoic| de Paris. — de France |(b, p.446), de Paris. En médins. (b, p.446), f en francs, | en francs. | à que 12. 14. Ge 16. 17. 18. 19- 20. ARTE DR 23: 24. 25. cames | commemmeeees— | ecmmmeemeses | nes À een | commen EE PT PR: s |. dr. BE fr. © (RC FT Ne fr RC. : 14000) | TE 0,843 5/3. A 0,830. | 2,555.] 750. 18. 7721 6. 33.12 476.24 sssrmelessru.s 0,421 2/3.| 1,298.Ù 0,418. | 1,28 errors. 0,843 1/3.| 2,596.) 0,832. | 2,563.) Jd mis AUS 6. 29:|2 455.63] CCR BPCO d'après d'apres le droit de poids et de titre. Île poids SE AT ei: etle titre | d'après | Tarifd'Égypte(a, p.446), Tarif me Lt —, de France Fr, (6,p-446), cn médins, | en francs. | en francs. CHE EI CUT CERN CPR ne fi pessessefsseceee Id. Id. je RE OT CC Re erctere ls CL UE GONE ele etac--e | ones nfeiele AA Id. Id. is 6. 50 | El (6 Îd, Id, LA Id. ve o Le) 0,836. 6. 00.12 331.99 : à 0,842\à2,592. : : " i | s de 62 6 To A (2 0,421. | 1 1,296. 0,399. | 1,230.] 698. 28. 678. à 65. 90. |.3.16,9.1 3. 11.) 2. 86.f2 328.55 M) 1204 ne ÿ ou1205.|ou 17090. i : (5). |. 41084 "1 LA Ia. 0,419. | 1,290. Id. 215: 667. Ia. Id, 14, Id. 2. 95.[a 290.78 Ï Ù + LOS EEE EEE 0,210. | 0,647.Ù 0,211. | 0,650 14. 30. 677. So 45 158,4.) 1. $5.] 1. 51.2 325.12 la L: IE, 10 oil T0, Huet Id. Id. Id. mono hetonsele.s..se 0042-26 02-10. RIRE * Jéagalee. 21318 ME EC A DNTICE 180. | 6.23,8. D de 1793 à r211.|[à 1796. .fde 1211 de 1796 à 1213,[4 1798. (de 1213 de A x à 1214. à TRIER ETEE Te RE PRE PE TN e 180. Je. LH, TL OPERA Lu le JS None A ÉREe Id. Id, Id. 0,842. TAN... CARRE TORRES SNA RER UE Id, ENT 0,421. | 1,297.) o,410. | 1,262. Id. 2610 | GES PNR 0: 90. | 3.16,9. 3. 11.) 2. 97.12 392.501] ride cl à 1799] . . e : L . - LE on) PRES : Fe. 5 3 Lis ë ; à rr20$ de l'hégire est l’époque de 1a fameuse peste du Kaïre. La monnoïe pour 45 médins [ 1 fr. $8 cent. 4 |: avant leur arrivée, ïls valoient communément so mé- un certain temps. /swayl bey mourut de la peste en chaaban 1205 [finde dins[rf7écent.os]. encement de 1791 de notreère]. : (7) N.°* d'ordre $o, $1, 52, col. $. Ces demi-sequins ont été frappés pendant le rdre 48 et 49, col. 20 et 21. Les quarts de sequin ne sont pas portés an temps que Bonaparte Re en Éeypte, de 1213 à 1214 del hégire RE 1798 à ionnoies d'Égypte (pag. 393.) Du temps des Français, ils ne passoient que 1799 de notre ère ]. — Col. 19. Voyez page 456, note 2, r A > k n . . 6 | ÂS MÉMOIRE NUMÉROS NOMS DONDSE e ou de _ du prince du pächa, du bey Il « Ê « ‘ei [ia page DÉSIGNATION CHAQUE FACE OU AIRE sous le règne duquel vi chaque la pièce À cheykh el-beled pièce, | gravée ME des pièces, de la pièce. la PR dont Pnonnce citée a été frappée, dépendoit. JT» 2 3e 4. se 6. Ge nommer | ccm À nee RSR LE I EE ENCRES = RIAD Suite des | SUITE DU RÈGNE |Bonaparte, général en}, SEQUINS ZER-MAHBOUB. de Selym, filsde Moustafä.| chef des Français... | || sg ; ” * Demi-zer-mahloub, ou À. (Voyez le n° d’ordre 50.)......,.. ( Ti. RE D nousfpeh......... ÉD RL CPÉTINRE NES LAON ENAT nc {nl OA TE GTS HO UUE. Ia. | s2. L ja 5 EE SU LME EDEN SO ER ES à Id. D ET Dao d'u Bt. ESS Re PATTES 200 0 (WNERS Are RP Mod Id. | l POUR ERS LEE : NE ÈS ct ne ie OR 53- 13. Zer-mahboub......., # Voyez le n.° 13 de la planche. . ... Menou , général en chef | et 373. NRRTR REA LRE RE : TOLRU ë 373 desMErAnCA er MON ONESRD ER GER RE Re cut Ann tonne RUE st | HER ARE RES | à DIRHEM, Däher Rohn-ed-dyn | pau : Bybars. > 330, À. Me ‘ : LR 348600 #4 54. # 352, IDÉE R ed d doc | | HOT AA NOTA EN EEE CAE | 266, | BND 00 0 SNMP NNE.. ne PTS LADA LR RE EET LE PIASTRES © ( [{ Lire À porte toujours Îe chiffre ou ou GHROUCH., paraphe du sultan. ] c Moustafä, fs d' Ahmed L Q [ Mustapha III ]. "00 333% A. Îd, | CP M Ce lu 1 ossi), 55. 16. 363, ( Ghrouch de 4o médins..…. B. | Fee letplanche Le EN SL. M ae mamlouk, qui FE 372. se rendit indépendant. | ; 56. nl 7 JEU SR ER LA … Type semblable à celui du n. “ BL PTE CORRE TS B. de la planche. ON RTE 14, | | 4 57: 18. Id. Ghrouch de 20 médins.… | sl ÉMOTION EE 7 “ANNE El L'UUR "4 | B. | ON LAURE Id. | Selyin, fils de Moustaÿà 4 [ Sélim HI l \ ss. S.s.0 sa L'URSS LA À / 58. 17. 4 Ghrouch de 40 médin.…| | Voyez la one É Ê ee Al non ; nil À B. | Pr A D ous noel Fi PEN |) SAspAnee 86 4 a Frappé 1 | } chef des Français. À 59: PRE AA DEN EE s 2 A.) Même type que celui du n° 17 de La 10e rl .. < B. ELEC COR LES te Id. | 6o. | 19. Id. | Ghrouch de 20 médins..., si Poe Lo ON | DA. à! QUEA-ENREENt +" vu MÉDINS, ou MAY Dy,.| [L’aire À porte toujours le chiffre où ou PARAS, paraphe du sultan régnant. | Ahmed, fs de Mahamed 00 [Achmet 11]. ss URI PEER Semblable type, mais plus petit mo- A dule que celui de la pièce n.° 6 de IL Po Demi-para de Constanti- la ‘planche; le grenetis un peu d RL ne 8 P | 61. 4 37 j RS HOPIEN RARES LEE 44 derentr ne Ste le à = B. Voyez la note 8........ MR NT JS Me RE ace . | Erapp l (1) N.°° d'ordre $1 et 52. Voyez la note 7 de la page précédente. (@}} N°” d'ordre so, 51 et 53, col. 19. [ résulte des essais faits de ces pièces à da monnoie de Paris, que les deux premières, fabriquées avant que nous eussions tâché de per- fectionner les essais, ne se sont guère trouvées qu’à 16 karats 1/2, et que la troisième, fabri- quée postérieurement, est à 692, qui répond presque exactement à 16 karats 20/32, limites fixées pour le remède du titre (pag. 387). (3) Monnoies d'argent, col. 23 et 24. Même observation que celle relative aux mon- noies d'or, pag. 446 du Tableau, note 1, Ces valeurs sont, avec la retenue de 3 francs par kilogramme d'argent, à 900. - (4) N° d'ordre 54, cok 17 et 19. Voyez, pour le titre de cette pièce, pag. 388, lig. 2 etnote 1. ldem, co. ÿ et 11. Le dirhem dont il s'agit ici étant mal arrondi et plus petit que le coin avec lequel il a été frappé, il manque aux légendes quelques lettres, ebmi mots; nous croyons intéressant de Îes relater ici, telles qu'elles ont été r M. de Sacy : F mn n de "1 | A. cell sal PS Gr wull, Guil LS >» EN) El-Malek el-Däher Rokn ed-Dinya ou ed-dyn Bybars Qassym emyt el 10 « Le roi e/-Däher, soutien du monde et de la religion, Bybars, Qassym, prince d ( Au bas de {a pièce, est la figure d’un lion qui court {a gueule béanté, ces CE" JOIE DROIT DE POIDS OU POIDS LÉGAL, POIDS EFFECTIF, NICATION DE L'ANNÉE de la fabrication. k ve Droit TT, en en en en de titre, x Ere drachmes. | grammes.} drachmes. | grammes. ou 1 Hégire. |Ghrétienne. Chrétienne. titre légal. . 2 12. 1 14. 15. 16, 17. aenmemns | commmmmmncuxs À commence | commence À cmemmaccme | me ide mi 1798 à 1214.(à 17909. AUOT RES dr. gre dr. gr. a B. 0,421 1,297.) 0,429 1,320 698. ss. CNCSCACICENATE OCSLEE SC ES 3:079.] 0,859. | 2,644. BU AIT 5143. |15,835. TANIRAE Numéro du Essais faits SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTÉ. VALEURS du kilo- *D’UNE PIÈCE NON en TT aprés le poids et le titre effectifs. procès- . gramme , à nominale, lors de l'émission. verbal d'aprés des essaïs |[; monnoic letarif . de la monnoic Tarif de Bancs de France (b,p.446), en francs. (4, p.446), en francs. de Paris. En médins. d'après [e droit de poids et de titre. Re Tarifd’ Égypte(ap. 446), Tarif de France ‘ (b, p.446), cn médins.| en francs. | en francs. EE ESS 23° ? 1 frranor fi Mo RC MS 0 | € MN Id. TT Id, (MERE M FRS HT < G) ne te RE O 47;2 40 AOC ARRETE Id Id, 20 0.70,4.....,.. de Paris. 18. 20. 25L no fr ç: 2 362,90 ce 1) Le PE 7 AMI T LA | EU POLE 0.38,9 2 376.63 ï 4 147.10 :A 67.86, 1À. &e | A4» s) nat | RAA ARS nos 1 Me Nero es Id. l L) : E |.49 L D Se PEL 2,541. | 7:823.| Id. s 484. 20. 0.82,9.| 105.95] Hal 4. | (5) ES: ARS AA de 350 x je) de 76.62 mr 13. | dooo. | 12,316.) 4,084. 12575 ù 548. nat . 40. 40. | 1.40, 8.f, Ps os 964! fa 76.18. || 7)1243.( 01799: sise GIRL Ir" 14, Ia, 4,029. |12,405 Id. Cao 0 ou Id, Id, Id, a | | 7) | | RO CNE 2,000. |" 6,158) ......16 04. : D a LE La 20. 20. | 0.70,4.] 0.470. Id. Id, (7) | die ci PRET 0,102 RERO PEN À 944 C}11/200) ORNE MER AS PEAR 0.06,5.] 206. ë 3 1703. Pons ttou.vse Lé ellak ilà Allah. Mahamed resoul Allah ; avsaleh b-el-hedy. bel-Qühirah, senet khamse, ou... de Dieu que Dieu, Mahomet est le prophète de Dieu, qui l'a envoyé pour la tion, Au Kaire, lan cinq et..... [ 665 ou 675 de l’hégire ]. » rdre 55, 56, 57» col. 11 et 12. Les pièces de 4o et de 20 médins d’A’/y-bey ent pas le millésime de l’avénement du sultan régnant. ( Voyez pag 362, 363, 280 col. 13 et 14. Voyez ce que nous avons dit du see et de la valeur lekque devoient avoir ces pièces, pag. 384. lordre 55, col. 19. Le bas titre de cette pièce prouveroit qu ’elle fut fabriquée, =bey, Hors du déclin de la prospérité de son règne, ou par Mahamed-bey, son bquialtéra toutesl es monnoïes. ( Woyeg pag. 342, alin, 2, et pag, 459, not. 6,) E, M. TOME Il. (7) N:°* d'ordre 58, 59, 60, col. 11. Les chiffres 13 indiquent, pour f’année de fabri- cation, 12-13 de l’hégire | 1799 de notre ère ]. Voyez pag. 373 , alin, 3. (8) N.° d'ordre 61, col. 5, L’aire B porte : & Fy © AConstantingple, Jedi | Islämbonl, c'est-à-dire, N, 1115 (de d'hégire}, ç) HO N. Po [ 1703 de notre ère ]. Une autre pièce semblable, même titre, a pesé oëramme, 364; le poids moyen des déux seroit oërimme, 339, Ces pièces sont sans doute d'anciens demi-médins de Constantinople ; le poids effectif et la valeur sont trop considérables, pour que ce ne soit pas une espèce particulière de monnoie différente de celle qu'on appelle aujourd’hui aspre, et qui est Je tiers d’un para. I existe, au cabinet de l'administration générale des monnoies à Paris, plu- sieurs aspres ou tiers de médin de Constantinople, dont le poids est indiqué sur le médailler. M mm k | À $ 8 MÉMOIRE NUMÉROS | NOMS NUMÉRO VaveutsnS NOM INDICATION DU IMAPr D, Ï| D'orore us Re de du prince du pâcha, du key de de ù ou la page DÉSIGNATION CHAQUE FACE OU AIRE sous le règne duquel chaque Vie pièce fi cheykk el-beled . E navets | à FRE des pièces. de la pièce. la pièce dont la monnoie piece À ‘ citée. a été frappée. dépendoit, 1e h 2e 3 À. 5- 6. 7 SE = PDP = AGE A ; " Mahmond, 1 Suite des fils de Moustafii | L MÉDINS où PARAS. [ Mahomet V ru... OO C |: à. Mahmouth Le | À Chiffre de Mahmoud. Voyez la pièce da ] A ; + : d’or n° 7 de {a planche. “| 14. RE 7 06e ‘he 7 ñ ; Médin du Kaire{1}..... p. { /dm, excepté que la lettre AR PR UE Pile ie Ma ue Moustafa, Fe d’Ahmed L. ns [Mustapha I]. Tbrühym-bey et Rodouën, Id. : son Akhäy4, Mam-\.… lonks 00 AA, - Rahäb pächa. — Ahmed Id. Aghêh Khatyb Zädah\.. dirige la monnoie. LH Ahmed Aghâh A’zzat ‘1 rige la monnoie..,. A'ly-bey s'empare ; Id. pouvoir. CAC bien er CL Reisg, Qobte, établi di) recteur par A'/y-bey.. 63. ñ u Idem des. a Vs: a Type semblable au n.° 64 suivant. 2 è ‘AE: ‘ris A. I RER PAP La 64. 20. 363,371] Jdem. ........ AR \ " Voyez la planche. .......... : é D: Là Id Mama bey succède à : QU FT ERE PEN: A'bd-el-Hamyd, . 1 4 fils d’Ahmed[Abdelamith} +. ...........,4., 0 ou Abdoulhamet Le |. 65. A 369. | Idem.......... Voyez la planche. ......... RER Ve LE. SE fe We etssesesesess.es] Frappe pu 4 ; Même type que le RE mais | Ia. nn 2 Ne 66. # 7 Para de Constantinople... mieux gravé. ............... | | B. Idem. Qostantyn D au lieu de Masr. ÿ | Le mot sener supprimé... ..,.. L OSE th ND À À. | pire ne à celui du n.° 21 “sd 14 TT, Soheen 2 nr ne. : || 67. ? 7 Médin du Kaire........ | FES RS Sr à dl B. Idem, excepté le chiffre indicatif. Lu banc . 2e dollro ct. MENPMEUE RE à. Frappé | À 68. 22. 17200 MIEL TONER RSR ... Voyez la Planche Pen … NUS ils il dl US, Gi ETES | Es Le RE PR 0 Loue - 3 | 1 | À.] Type semblable à celui de la oh T1 Re Li. 2... 0 69. 1 Id. Idem no. précédente, excepté le chiffre | 8. indicatif. er Ru, LES AE PP en no la | : x: Type semblable à la pièce n° 22 Hu Li nine 2 0 à ou L RAR NET TE 7o: 1 [/1 B. chiffre indicatif, Le mot ser). +... n'existe pas... .. | Para de An 0 | l Q , cof. 4. Ce médin existe au cabinet de l’administration génerale des (1) N.° d'ordre 62 monnoies à Paris. Le poids et le titre relatés ici, col. 16 et 19, sont ceux indiqués sur le médaïller, (2) r170 de l’hégire [ 1756 ], col. 13 et 17. Voyég, au sujet de J'altération que le poids et le titre des monncies avoient éprouvée vers cette époque, la note 2 de la page 452. (3) N° d'ordre 63, col. 11. Les initiales le [47] du nom d'A’ly-bey, que pré- sente ce médin, en font remonter {a fabrication à peu près à fa même époque que celle des 1 | | ( Idem , excepté le nom de la ville et le ghrouch de 4o et 20'médins, sous les n° 5ÿ, $6, 57; mais il est à à 20 sur ces médins, Â’/y-bey conserva le millésime 1 171 [ 1757 des notre ère ] de du sultan Mousrafä, fils d'Abmed, tandis que, surles ghrouch, il fit graveris ce millésime, celui de 1183 [ 1769 ou DA époque à FE il s'étotts déc mer Voyez pag. 363, alin. 1. (4) N,°° d'ordre 65 et 66, col. 11 et 12. Le chiffre 2 (Li. indique évidemme du règne; ce qui canstate que la pièce à été frappée en 1188 où 1189 ‘de l'hég L | | DROIT DE POIDS POIDS Il CATION DE L'ANNÉE OU POIDS LÉGAL, BEREGATE, TITRE. VALEURS de Ia fabrication. Numéro LA D'UNE PIÈCE fu Droit ir Essais faits em 2 nm kilo= | en en en de titré, red à ALES d'après Le droit dé poids et de titre: FRS Fe | verba lors et le titre RE bn F CR ee. : | Ere rés Ëre drachmes. | grammes. | drachmes. | grammes: ou NES la monnoie NÉ In Tanfd' égyptien | Tant ee Ds ]Ghrétienne. Chrétienne. titre légal. |{a monnoie| de Paris. Er = 7 ce de caite (b, p.446), | 1h de Paris. En médins.fen médins.| en franés. | en francs. | (/»P-446):À en francs. | en francs. IT. 14, 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22 23e 24, 21e meme | commen. | œommouerœnc. | comme |. |, es, À comenménnnences | amsn | conmccenens | amcmeccemes eme | | 2 PNA A eu gr. dr. gr. Fi UE fr. € fr, © fr. c. ne PSE .| 0,162. ni DOTE cent] REA : Di 1, 1 0.03, ? 0.0$,1.} 102.00 I ( MTL7 Has LE ARE) EE ON TE SORTE, (2) 1176. } 1762, 0,125, | 0,385.1......./...,..) 580. |.......|...... 1. 1. Id. | 0.040. Ke 1176} de 1762 à 1180.|à 1766. | Ï june ia CRT RE. Miles ce RIRE ER EE . 1 1 Id, Id, + à 1183. 1769. 1 he aa O,11 0,354. Del. | $00 esvecrvsleres.se 1. 1. 1a. 0.039. à 1202,.)a1787ou-8 ml. re 7 D ME D 1 el" 48 :. A 1 al este (3) el A'ly. : sr 688 SG E ET Ê de 14 Er 0,312 Id. 6 458. 1. 1. Ia, Id, 0.03,1.] 100.25. Het {4 | 1772 | RP “ CR eh NO QE Et 300 : LES , AE EL PTT Ia, ui. ue Je 0,115. | 0,354. ©:109. | 0,337. Ia, 8 310. Le 1, 0.03,5.] 0.03,9.] 0.02,3.] 67.86 ) 1775. (6) (! à { A er MIN ONTOZ 0,321... 4. 13: 520 le Le Ia, lose] 003,6. 113.82. 0 4 (4) | À Fe ne a 0,096. 0,295. $00. 3 486 ve 1 Id, de.03,9} 003,1. 106.38 Lu os 14 02306 AO (4) ou -1. .: SORA IR | jus 200. Id, Id. 0,093. | 0,287. Id. IST 455 1 1 Id, 0:02,9. 99.59. à Nr-200. a cures] } (5) | En) en Ja, Id. |'o,097. | o,290.! Id. 2 428. 1. e Id. 0.02,8.| 93.68. | (5) | | je ART NOTE 0,158. | o,487.1....... 12: 480. 1. né Id. 0.05,1.) 105.06. En J 1786 , ou [7e I | Î 14 [IE T ne peuvent aussi indiquer que lan 14 [1€ | du règne; c’est-à-dire, 1200 > Phégire [ 1786 ou 1787 de notre ére 1]. Quant au chiffre 8 [ A ] que porte 67,il pourroit indiquer également, pour l'année de la fabrication, 118-8 2775], ou Fan 8 du règne, c'est-à-dire, 1194 ou 1195 de l'hégire [ 1780 ou otre ére |; mais nous pensons qu'il s’agit ici de cette dernière notation, plus bent suivie sous ce règne, et conforme à’celle adoptée pour les pres sous les ïdre 65, 66, 67. Voyez pag. 370, alin, v. £. M. TOME Il. SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. (s) N.°° d'ordre 68 et 69, col. 11 et 12. On a suivi pour ces pièces une autre nota- tion, savoir, celle qui consiste à relater les chiffres du millésime, qui ont changé depuis favénement, Voyez pag. 372, alin. dernier. (6) N.° d'ordre 65, col. 19. Le bas titre de ces médins, dont Ia fabrication se rapporte au temps de Mahamed-bey, est précisément le même que celui du gkrouck de 40 mé- dins. Voyeg page précédente, n.° d'ordre ÿ$ et not, 6, Mmm2 MÉMOIRE » (r) Col. 1 et 17. À Ia fin de 1203, on avoit reçu aussi l'ordre de Ia Porte de rehausser le poids et le titre des médins ; peu après, ils furent altérés plus qu'auparavant. Voyez la page 454 de ce Tableau, not, 3. (2) N° d'ordre 71, col. 11 et 12. Le chiffre | [1] indique évidemment a première . | NOMS NUMÉROS QNOMÉRO pe NOM INDICATION DU TYPE D'ORDRE ol oi de Ü du prince de îà L sous le rèvne duquel la page DÉSIGNATION CHAQUE FACE OU AIRE 8 Gi A oue V2 pièce pa | 1 M EEE des pièces. de la piece. la pièce ièce gravec. P P Me | citéc. a été frappée. 1% 2e 34 = 4. $e 6. eee M cocevmemmrerse | rcmeemeeperesr || Rrmoemonsnneren ec opameesermeeene cree een rere à : x or DU REGNE , HORS A'bd-el-Flamyd, MEDINS ou PARAS. mA d'Ahmed. Selym, fils‘de Moustafi [ Sélim I |. A. Id, 73e 23. 373. | Médin du Kaire........ l Voyez apianche tee ROBE MUR MOTOS CRT IRERE SPA te E ee ] 1 72. 1 Id. ACER EURE # | B. | Idem; type semblable. ...,...... 1 MORE À a 14. Ta, Îd. Id. Id, À.{ Type semblable à celui du n.° 24 72 | dt PORC RARE, PU GE nl 7 IE 62880 RS DERS Ie do SE PEERE B. Idem, excepté le chiffre indicatif... .|............ EE re Id. | Id. . | id, | À Type semblable à celui du n.° 24 Id. * : + dedaplanche RE pere 74. 7 7 Para de Constantinople. . | ee on possesereresrsesses Lt A Id, ICE LAS SR RENE 4e RG EL, LAS LE 75: de L ne C A Tr. té ' Id LENS Type semblable à celui du n° 24 de : 76. 1 # to, ET UPCCE IAA Che PEER CES NE 2 ; | B. ! Jdemà l'exception duchiffreindicatif| . ..... de SS ne | | Les chiffres .V [o7] ne laissent aucun doutesl du pâcha, du bey. ou cheyhh el-beled dont a Monnôie dépendoit. CCC RCE Hassän , gapvtän-pâcha chasse du Kaire Mou-| . räd-bey et Ibrähym-bey.\.. 1 A'bdy pâcha dirige la monnoie. | = pl pâcha, kkhäya de DE : A’z2at- Mahamed = Hassan, gapytän PE [O’smän Aghäk, son cais- sier, dirige la mon- noie | sos. RE nn ss soeser es ess: CCC sr s eve CS OO envoyé de Constan-\: #1 tinople EE ——, ss. j Re. caïissier, dirige la mon- F bey O’smanly , son Murale) et lbrähym-bey,) LA rappelés du Sa'y2 par\: #18 A’zxzat Mahamed pâcha) Säleh est nommé pécha. Ÿ. Mahamed , kikhäya de (1 Mouräd- -bey, dirige la}s.# DDOCEE seen. Le caïssier de S4leh pa- cha est ensuite chargé} = "10 de cette direction. À Sr seneve..).. esse sesese.e0ess ‘année du règne de Selym. La pièce peut avoir été frappée en 1203 où 1204 de [1789 ou 1790 de notre ère ]. (3) L’an de l'hégire 120$, col. 11 et 12. Woyeg pag, 455, not, $. (4) N° d'ordre 73, col. 11 et 12, SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE, optée pour indiquer l’année de {a fabrication: ce sont les deux derniers de {f:V lhégire. Cette notation est donc différente de la précédente, n.° 1, laquelle nous Voi: | été employée au Kaire que pour la r."* année du règne de Selym (p. 373, al. 2), d'ordre . » 755 77 €t 78 Même observation que ci-dessus, au sujet (6, d’après le poids ct le titre effectifs. Tarif de France en francs. 24 0.02,6. 0.02,8. p.446), du kilo— gramme, d'après le tarif de France |} (6, p.446); |E en francs. 25 164.85, 103 +32: 102.88. | : DROIT DE POIDS POIDS MONDE ANNÉE |éveomérécus | serrer. TITRE. VALEURS l de la fabrication. Numéro _ D'UNE PIÈCE Droit tr Essais faits a : È TT en en en de titre, an à nominale, } d'après le droit de poids etde titre. TS lors drachmes, | grammes.|| drâéhmes, |gramimes. ou des essais |{2 monnoie d de ; ET te EN Hégire. de l'émission. Tarifd'Égypte(a, p.446);) Tatif Ghréneane, titre légal. | a monnoïe| de Paris. —= > —— | de France (b, p:446), de Paris, En médins.len médins.| en fränts. | en francs. nr. Ke 15. 16. 17 18. 19: 20. 5 Le 22 L23. À dr. gr. f 5 Lo Fe Le 9115 [de 0,354 470 I 1 Lee es 6 77 ee 0,100. ji 0,308. À (ou AE ER 1 ï CE a 1203. 1788. Id. JEAN | Sel LE TOO NOTE SOL A, re 1 14, Id. nu 1789. QE EL AE | AT ÉRRES, KE VER 500 PEER EEE qe LE le Ia. rs ‘4 (1) à O.03,4. (1) he “4 EL Id. 7 0,085. | 0,263 Id. 9 bis. 476. Le ï Ia. Ia. 789. 1203ou- ha ou-90 (2 l de o.03,5 : #6 at de : Id. PR Pre peNEuh sd) SN à, hs A (2) I 1204. 5) 0,10 Soie) COPA | Re MT 44o. |+....../:...... La f Id. |o.oz,r. ou -90. 2 2790 0 ou -1. à ? ( 1205. FE | 4 DL AO LE PER AM PIRATES] SUNREIS 1. 1. Id. Id. OH Fin + 1791. Ja À IE ADO mel tr Ta Là Ia. 0:02,8. der2os. 1206: 1792. o ,098. 0,302 nr RU t Id. En unts ë Fe 1. 14. Id, j de4ro ni vol ( } Y 12. 12, 0,089 0275: à 400. Ps 396: É É fé à 0.02,6. 12-07. (1702 R { o , l Î ; | 1208.| 1703. 1 4 | 14 |... D ane 1. i Id, or à 370 à O:03,4. Fin 2 ï 14, Id, APT DE DAS me Ë , : 0 794: 370: ; 1 2 Id, o ce A Y:. j Ia. J{LAN ERSSERSRER ES CL AR 1 Ta Id. Id, 3 5) 1 1 0,080. | 0,245 u 18 bis. 479. 1 jt Id, , “4 1208. im ou -4. y aù ne: ” ‘ 1 1 0,082. | 0,254. ll 18. 472. I 1, TANT: D. | æ # n 0,090. | 0,277. U 20. 47o. 1. 1 Id, LEE A (6) des chiffres À [8], 4[o]et |: [io] que portent ces pièces de monnoie, (6) N.°* d'ordre 76, col. 16, Un autre pérah de Constantinople, du même titre, a pesé seulement oëmmme,18; : ce qui donne pour terme moyen oëmme,231; ou en drachmes, à peu de chose près, odrichme,o75, ; ee : a Â62 | | MÉMOIRE NUMÉROS | 74 NOMS NUMÉRO EX NOM INDICATION DU TYPE TR, D'ORDRE de Si de du prince du pächa, du key de de ; 4 , | : le rèone d ] ou . [le page DÉSIGNATION . CHAQUE FACE OÙ AIRE FOSC SR ENCRES chaque la pièce | | È LR cheykh el-beled pièce. | smvée RHONE des pièces. { de Îa pièce. la pièce dont la monnoïie citée. a été frappée. dépendoit, Le 2e 3° 4. 5 6. Te Suïte des SUITE DU RÉGNE { MÉDINS où PARAS. | de Sebm, fsde Moustafà.} "| 210 A Type semblable à celui du n° 24 7 NN de JOMAIDIANCDE ME UREUEENEE 77: ñ : Para de Constantinople. . Idem. Le chiffre indicatif o [4], au B. lieu de 13 [1 |. /s/mboul, au lieu}... ..... NS Le Doéon 1} ° 0 x | de Masr. Le mot senetn’existe pas. de Hype semblable à celui de la seul TM QU NE RE vi 78. =: ; ne M OR CIÉdESSUS nn NUE B Idem. Le chiffre indicatif 10 [1], MO ren me LC DE RES RE Säleh pâcha quitte la d monnoie ; Mouräd- pl | et Jér&hvm-bey en pren- . nent possession. .... De pächa succède à Säleh pächa. | Mous:| Ia. tafä kikhäya dirige {a monnoie] (1}....... " Type semblable au n° 23 de la, 1 Ne PE TE 0 à 06 2 2E 79° 1 " Médin du Kaire........ PRACHEN ME ECC MP sanschitremmdicatt M PA IPN CRE EN RRRe Id Bonaparte, général en chef des Français... À | de TohenAe Te ne Ds LME EE, Voyez Magplanche. +000. E HE QE rt 1, Li cu RON Le M Id, la Ia. li RC Ga ” ? CE So DRE ao d B. | Type semblable. ..,.... RS re, Al VUE Ja. : A um. LE 12 rt Nik 82. L | ne Si So, VO CNRS MEL AU PRE Er. DS A Ia. g F 408. Flaons préparés à la or A.) Leur type eût été celui des 7. _ Id. PUS. SCORE TER Ch. "2 7 noietde Pas er ee B, du Kaire, où on les auroit frappés. Sn 0e DELSA 0 ET Id. | ” yKleber , général en chef ‘ { des Français... .., à fLés O’smanlis prennent Id possession de la mon- ; noie le 30 pluviôsean8, Les Français y rentrent le 23 floréal (7) suivant, Id. {Menou, général en chef, desFrancais en | A. { Type semblable à celui des Ne Ia. ii. LENS 84, ” l Para de Constantinople. . \ doiderrier 78 NOUS Lu B Idem, à l'exception des chiffres in- RENE .:! ; CICR RS PCR RER ce Î 85. s ; RES « HA de OO bee Id. 4)... ERERE CLICS n Cr desus ere nee t er CNE Lace 7 | | | (1) Ce Moustafä est le même que le général en chef Bonaparte avoit fait éyr hâgi ensemble 18#mme,09$ : terme moyen de ces 6 médins, o8tmmer$3 ; ce qui dons [ Le pl], c'est-à- -dire, prince ou conducteur de la caravane de 1a Mekke, qu'il avoit em- poids moyen des 10 médins, ogrmme, 10, mené en Syrie, et qui y passa du côté de nos ennemis. (2) N° d'ordre 79, col. 16. Le poids de ogtimne,2:7 est le terme moyen de 4 médins du semble jemmes, 115; terme moyen, o8mme, 30. Kaire, qui ont pesé séparément oërimme 287- 250-200-210; six autres semblables ont pesé (4) N° d'ordre 8r, col. 19. Ce médin a été essayé par M. Vauquelin. Vi (3) N:° d'ordre 80, col 16. Treize pièces, fabriquées en même temps ] DROIT DE POIDS PS SUR LES MONNOIES D'ÉGYPTE. ® ee te POIDS h TION DE L'ANNÉE | ovrorneiécns, | xersomr. TITRE. VALEURS —— A Sent de la fabrication, | Numéro | D'UNE PIÈCE du Droit él Essais faits D D kilo= à D ilo LUE d'aprè re en en en en de titre, ns à A d'aprés le droit de PP de et de titre. le orde LME Ë ors til titr apres Ere Ere drachmes.| grammes.| drachmes. grammes. où des essais |{à monnoie sk En ME ii Je tarif | Hégire. cr l'émission. | Tarifd'Égypte(a, p.446), Tarif np) eine [Chrétienne. Chrétienne. telle monnaie lle Paris RL de France Tarif- | : , itre légal. re aris. oc TS (6, P- 246), [. ere (b, p.446), | e de Paris. En médins.flen médins.| en francs. | en francs. | (2 P: 446),À 6n francs. | d “E francs. 10. 12. He 14. 15. 16. 17. 18. 19: 20. DA, 22. 24. 25. 1789. | gr. dr. gr. fr. c, rs oc. SLAVE) ll ,08 0,2$0. # 17 ON tr if. 0.03,5 Ur “789. { 120 -0. Do FE | 5 F7 4 j; ae "A | \ ou.-5. | : ee L | r ; 0,084. | 0,260 ” 16. 468. 1 1. Id. Id. | 102.44. D ; | 12-10. es 1 ( ' | Es deo.o1,8. N:.. 1211. | 1796. Frog As pales Hs RE age | ER TES Ti “a Id, RE en j À 0,225. ( à 345. a h, HAN He PA DANS LEE ARS COR LEUR 7 1. Ce DSC à 1213.1à 1708. ju 0,073. | o0,225.| 0,077. A Id, 15. 338. Te ie 14, 0.01,7.À o,01,8.| 73.00. 1789. L'AIR (2 ) du $ juille ae 7 Ë .…. 4 2 di au 22 août # 1214. on - NN Le “| 4 Id. 0,078. | 0239. Id. 21 352. 1. Fe Ta. Ta, Ia, 7.05. 1789. ‘es en 9} G) " D |... # E d. | Id À'oso8r. | ©25o) 14. 0 356. | 1. k Ta, T4. L'o.ot,p), 77:93 Id. 7 (4) D: + me as 14, 0,062. | 0,192. Îd, 14. 354. TE 1. Ja. Id. | Id. r CUS co À 0,075. oo, 19. 330 14 re Id. Id, 0.01,6.1 72.24. L | u | on” (6) (6 1 & 8 * deco. ci lo. EST TU 7. , °34 bee. Te . LOS A 4 à333 1/3 o1 | L du aoû : ….. D: ï Id, ie VASE À 12 ANR PSE em... 1. 1, Id. à 121 5 au 14 juin | | 1800. du 15 juin Ë .. . PR... | RS ET. Se 1. 1. MON COR ’ 1216.)au 27 Juin | | 1801. 14 16. Il 7 0,109 0,337 4 1. 47 L. T. Id. 0555% DOS 09: 785. NRC Ô OÙU-2;. | 20 | r60978 NS ï ÿ 0,084. | 0,260. D “ Id. 1. ï, Id. 0.02,7. Id, Id. Id, ramm . le U 5 O8 5233; GÉSAELEN TETE qui donne pour terme moyen oë'mme,229 ou Mon un tiers d'argent sur deux tiers d'alliage, Voyez page 408 , dernier alinéa, = (7) Le général Kieber, ayant traité pour l'évacuation de l'Égypte, avoit remis divers postes aux Osmanlis ; ils avoient pris possession de la monnoie le 30 pluviôse an 8 [ 19 février 1800 ]. Les Français rentrèrent à 1a monnoie le 23 floréal même année [13 mai 1800 ]. Le général Kleber fut assassiné au Kaire, par un Turk, le 14 juin 1800. a en “+ LR es aipinren reine sacs REA Air D RG AO harnen DC rom Le æ SE 1 # nm: y air à re es rer rasé Do Lou DEC 2 FRE or ccm eme nd EN ERS PR RS TT uit nb mme te. font 5 ou sente pes 20 Ver me rond < "sb a pire de mins ay ser 3 à Es US er. Reer-arèns ar on. saterenire #s = à 2e meule pésnareinaitimtttl à. NOR -RR - 1 1 RAA TEE à 41 MR Ya ''TMAULE L de n S Ÿ ce ed perdra À a. TABLE DES MATIERES. INTRODUCTION. But et Urilité des Recherches sur les monnoies Arabes........ RE à CPE Diyisiomence MEmomes Le. En ne ques 322. DIU ONE TI NIES INONNOSN ATAUES.-E AN LL aR Le da3, PREMIÈRE PARTIE. Des Monnoies Arabes et étrangères ayant eu Cours Ou fabriquées en Égypte, depuis les khalyfes jusqu'à nos jours. CHAPITRE LI. Noms et Espèces des différentes Monnoies. LRU d'A 0 APT Or TT SUR PR PER RER TRUE 325 DV TE AR OR ON A EE ENEN da UNE ii ibid OCT RES. SU ent EN Re Ne nt RSA IA ES EAET à 328 pioneer Ion SPORE TONNERRE En NS DIE SR EN EG ne € CON: Pat À IE OS EN CPP MR 329. Diners ae sine Be RS STE RAR DRASS TRE ERREUR PORTA A Re RS ibid. Prato Shroucheer RE. MER AOMNIPRORRE ARE: ERU O2 Cane ICONE INENINS à nie à le pa ma te 334. SO 070 CPR EE SENS SR EL ARE Le 250 AGREE à de à à = à à DORE MS MEN TETE NAME EAN AREA RES ES ibid EAN de 0 à à à à SU ST OO UM ER RTE LAURE D NT PEUR EE TT 337e CNP CR 2 CP SLA TONNERRE RAC NI ALAN MEANS ibid NES EPA O0 1250 à à à D ne à DO 0e NE, TION RRE 340. SE MonnbIe JC ER OR PNA Len nn 4 Lt Lane 342 CHAPITRE II. Forme et Module. SUR Ames. serrer n se AR URL EE A EERTER Ro PP à 2 à 10e 344. CUS He ARR ROREUE EEE nr SAN à MU ion LT ere 346. E. M. TOME IL. Nan 466 Type. $. DL Figures d'hommes et d'animaux ....,..... de RE ER PER pag. 349 SAME DE en des To libreesest Ie AIN OO ANNEE FETE, SE EN CPAS OPERA EC à.2 à TN Me CU UT a SA 355 et 357. Chiffre ou paraphe du sultan... ....,...:,. BR Ent HN RER 356. S. IV. Noms, titres et lettres distinctives des lieutenans du prince, des gouverneurs de IÉD)PILE ETC: AE CEE QE EE AA nent 3 © 360. $. V. Znvocations\ou vœux pour: le prince... ............ bi. sa it Area 363. SN TNP ETES LOTS ROC RE LE STEP ES ne ET CR IAE EEE 364. TR AR A OR ET CC CR ee 12 367. LATERLTS DÉSIAN) NEO AIN NOIRE ENENRN EE ‘ 369. S. VIII. Écriture , ou DORE AIELESE RER ER CRE ARR NS PNG I cire Le DAS e ED CRE O) 0 ARE TEE EEE PR CE LT PRO CRE NT 8 377. PIE ARRETE RENE PRE NE EE ER ER pme ten je 370 CNRC DR RS ES Be ee RE L'URSS OT TRS ibid. COTTON SUT TARA PAS ES TE RTE En ar ur te le, LL OUR PIE 379: CHAPITRE IV. Valeurs des Monnoies. (SU PAM 210) 7/4 SRE PER NE REA UE CRUE ER UE RENE Car ENS. GR CE 380. SR A TEE pal te ie Be RAT RARE 2 PAR ES RE CRE 335. SOPTernrominale re RSS RE LR Re 0e Le. à 389. Tarif des monnoies d'Égypte, arrêté par les Français. .....,...,..,.... 393. SV Palbr ntrinsequene. er RSR RE neresessessesessense 395: Tableau des monnoies Arabes dont les essais ont été faits à la monnoie de Paris... 445. Observations relatives a ce Tableau. ...:......,., CR OT 0 443. $. V. Proportion de l'or et de l'argent dans les monnoies d'Egypte RS RE ET 395: TABLE DES MATIÈRES. CHAPITRE IT. I I I I I SECONDE PARTIE. État actuel des Monnoies en Égypte. — Procédés de fabrication. San. Monnoies d'or.......... $, — Administration. SECTION PREMIÈRE. Etat actuel des Monnoies. CEPAPAMMROEUNEE Système monétaire actuel. IL. Monnoies d'argent ou plutôt de billon........ Er ON De di AU 1272 ibid. LA : TABLE DES MATIÈRES. 467 CHAPITRE IL. Change des Matières d'Or et d'Argent. $. I. Moyens d'approvisionnement de la monnoic du Kaire en matières d'or et d'argent: pag. 399. $. IT, Prix de l'or et de l'argent en Égypte CAPOTE CON EN OrEER RE 20 AE EU Lee 4ot. DEC TARA Ne de Da eee sn UT ARE 4oï et 402. Argent MO Ds UE ee eve. lasees ententes: 402. S. III. Comparaison de ces prix avec celui des mêmes métaux en France... :. 4o2, 4o4 et 405 CHAPITRE II. Bénéfices du Gouvernement sur la Fabrication: $. [* Retenue totale faite à la monnoie, tant pour les frais de monnoyagé que pour le droit de seigneuriage. .. ::...4.....,.. ROUILLE SRE 4.10. : AOÛT S. II. Ævaluation séparée des frais de fabrication, déchets, main-d'œuvre, et des bénéfices RS No LS 2 de ENT AE ES AR RP AE OO ECTS CHE © D CR 407 S: AIT: Quantités fabriquées is sense sos ses pee eee oo gerelues ele nes *. 4o9 CHAPITRE IV. Approvisionnément et prix des diverses denrées nécessaires a la fabrication, ...., Aioet Ari. SECTION II. Procédés de fabrication. GHAPITRE=T* Fabrication des Médins: $. I Æssai des matières d'argent... ............,4... ess ssss se A12, SD ZT RESTE CE OA ADS RS RATS EE FR RO NI AIS ARE PER VOS à 414. CUT CM OS foi M RO EEE ETES CREER CSS CEE CARRE ES 416. CLOSE ARE STE ERA Le 2. MC er nn 2e Ne ER PAL AR ibid. CNET TE MON PE TE ONE ORR EEE COOP PC OR E PP RECETTE Â19. $, V. C5 IT NON ENS EE CONTRE CNRS EE 420. SovrTe A1 PTT EE TRE OO DO DT COUR DOC DORA RE RE 421. $. VII ADO DRE RERNNE EOE R en le tee 422. $. VIII. du décapage ou blanchiment ..........,.,..,..:............. 423. $. IX. des balanciers ou du MONNOYAGE . rss ssesesssese esse eee 424. $. X. des SAP 02 COPIE CLPOLANAES MEANS ee se ee sd ee ee nu oo à 425. ER Cr SAT É. CHAPITRE II. Fabrication des Pièces de 40 et de 20 Médins. PTE TAG CERN MOINE 27. OS OPOOOMERRN ET 2 NOT ELERS 426. LT OR PORTES RER Le D 1) 0 SET RE PU. PARTS M, TOME Il. Nnn 2 _ Â68 TABLE DES MATIÈRES. | $. III. Découpoirs A. Hdi ls DAV ER. TT PEUR USE 2 Se EUR *-pag. 427. $. IV. Ajustage......... Des Gé 8 MA AR UE PT TS et SE SE ETS LI CIO 428. $. V. Décapage ou blanchiment. ................,...,,.. ibid. $.: VI. Empreinte à 44 dus ca des nai ee ee oanaiee uve mien else ne de mgie olele os 016$ o à ibid. CHAPITRE III. Fabrication de FOr. ST OP P ON I Ene ele ee ee à ui a Dee ie dd dat le 425. SAME © Aa ne. CORRE. 1 . esserersseres esse esseeneeeseees ibid. SALE AS AIS de eh ER cle se eric e RCE ee Pepe ONU nel 430. Préparation de l'eau-forte ou acide nitrique.......................... 432. $. IV. Forge... secs eee cesser 433. SN TIMOR eu es er ere lee de tas res € RE RE DE EE RE LE ibid. $. VI Découpage. ...... MAN les tionon 7800 eh TR RÉ RS EU N ARCRE* ibid. $. VII. Aplatissage ............... se Nes ns PENSE CRETE 434. Se NAT A Stage, à nue vie ete he pre ee jeleie ee ins one ee TROT PT RL ibid. $. IX. Planage....... ss sssnssmesessesneeeseseesesssssesesessre ibid. SX MÉCOT OMS UT ATIANER Es ele erlele eee reel MR RO OC Eee c D ABS $. XL Décapage.........,.,...... ss sesssesees esse ibid, $. XIL Empreinte. ........ 4.4... sense éesereteseeees eee 436. CHAPITRE IV. Gravure des coins............. Le OR AE do AISNE LP tr re CN ER ibid. SECTION III. Administration. SON Sue TlAnCENCL ATOM nie aie So à ne ae se cie ieisfess duos ci: ces pee ieie 438. $. II. Æmployés, chefs d'atelier, ouvriers ...........,............... 7e LE 439. EXTRAIT D'UN, MÉMOIRE SUR LES LACS.ËT LES DÉSERTS DE LA BASSE ÉGYPTE: PAR M. GRATIEN LE PÈRE, INGÉNIEUR EN CHEF AU CoRPS ROYAL DES PONTS ET CHAUSSÉES. I I I TS TT A L'aureur procède à l'examen des lacs de la basse Égypte dans lordre suivant : ° Le lac Maréotis; 6. Le lac Sirbonide ; 2.° Le lac Ma dyeh; 7. Le lac des Deux-Mers: 3. Le lac d'Edkou; 8° Le lac Moœæris: 4° Le lac Bourlos: 9.” Les lacs de Natroun. 5° Le lac Menzaleh ; ° BOHEYREH EL-MARYOUT. Zac Mareoris. LES eaux du lac Mareotis et celles de la mer formoïent anciennement du sol des villes d'Alexandrie au centre, de Nicopolis et de Canope au nord-est, des deux T'apo- siris et de Plinthine au sud-ouest, une longue et étroite péninsule de plus de dix my- riamètres de longueur continue : à l’époque où l'armée Française occupa l'Égypte, de 1798 à 1801, ce lac n'offroit qu'une plaine sablonneuse, dont la partie la plus basse retenoït des eaux de pluie qui y séjournoient une grande partie de l'hiver. Strabon dit « que le lac Marea, où Marcotis, qui s’étendoit d'Alexandrie jusqu’à » Taposiris [aujourd’hui la Tour des Arabes |, avoit près de trois cents stades | vingt- » huit mille cinq cents toises] en longueur, et plus de cent cinquante stades | qua- » torze mille deux cent cinquante toises | de largeur. Il renferme, dit ce géographe, » huit iles, et par-tout ses bords sont couverts de riches habitations. Ce lac rece- » voit les eaux de plusieurs canaux, tant des parties supérieures que des parties » latérales du fleuve. Il étoit le centre d’un si grand commerce, que le port de la » ville d'Alexandrie sur ce lac étoit plus riche que le port maritime. Les crues » du fleuve en augmentoïent considérablement l'étendue (1). » Pline donne à ce lac, d’après Claudius Cæsar, qui en avoit pris les Pose 13 trente mille pas de largeur et cent cinquante mille de contour; ce qui, à sept cent (1) Strab. Géogr. liv. xvix. (2) Pline, ÆHist, nat, liv. V, chap. x, tom. Il, in-4.°, édit. de 1771. 470 MÉMOIRE SUR LES LACS ET LES DÉSERTS cinquante-six toises au mille, fait vingt-deux mille six cent quatre-vingts toises de largeur, sur cent treize mille quatre cents toises de contour. Cet historien ajoute qu'il étoit formé et alimenté par l’euripe de la branche Canopique. Les deux canaux les plus considérables que ce lac recevoit, étoient d’abord celui qui, prenant les eaux du fleuve dans le nome Arsinoïte et celles du lac Meris durant le bas Nil, couloit au pied de la montagne occidentale de la vallée d'Égypte, et, passant au pied des pyramides, se rendoiït dans ce lac après avoir vivifié plu- sieurs nomes, et particulièrement le nome Nitrite et le Maréotite, qui, à l'ouest, touchent aux déserts de la Libye. Le second canal étoit celui de Scheda, dérivé de la branche Canopique, mais dont le’ cours ne nous semble pas avoir suivi exactement celui du canal actuel d'Alexandrie, qui le remplace, au moins dans sa partie inférieure. Le lac Mareotis étoit, ainsi que nous l’avons déjà dit, entièrement desséché lorsque nous primes possession de ce pays. On voit par les relations d’Abou-l-fedà en 1400, de Belon en 1532, de Villamont en 1590, et de Thévenot en 1663, que ce lac et les anciens canaux qui y affluoient, existoient encore à ces diverses époques (1). Villamont dit particulièrement que la pêche de ce lac, éloigné d’une demi-lieue de la ville d’ Alexandrie, étoit alors d’un grand revenu. Son desséchement ne date donc que de la fin du xvir.° siècle, ou du commencement du xvui.° Le 14 germinal an 9 [4 avril 1801 |, l'armée Anglo-Turque coupa les digues du canal d'Alexandrie, vers l'extrémité occidentale du lac Ma’dyeh, à une distance de sept mille cinq cents mètres de la porte de Rosette, située à l’est de lan- cienne enceinte de cette ville. Les eaux de ce lac, aussi salées que celles de la mer, qui y communique par le ma dyeh, versèrent successivement par trois à quatre ouvertures, jusqu'à la fin du mois de prairial [1 $ juin r8o1 |, et mirent soïxante-six jours à remplir entièrement l’ancien bassin du Mareotis (2). 2.9 BOHEYREH MADYEH, Zac Ma’dyeh. LE Ma’dyeh, ou lac d'Abouqyr, est un lac de nouvelle formation, dont les eaux participent de la salure de la mer, avec laquelle elles communiquent par un boghäz qui occupe à peu près l'emplacement de l'ancienne bouche Canopique. Son nom lui vient du passage d’eau qui existe à son boghäz, sur la route d'Alexandrie à Rosette (3). Le boghäz, dont la largeur est de quatre cents mètres [deux cent cinq toises], est situé au centre d’une anse profonde que forme la rade d'Abougyr, à une distance de six mille mètres [trois mille soïxante-dix-huit toises] sud-sud-est du cap de ce nom; sa profondeur varie de deux à trois mètres, suivant la direction, la force (1) Belan, liv. 1.2", ch. XWIIL, in-g.°, p.92, édit.de 1554. l’époque de son entière submersion par les eaux de Ia mer. Villamont, Voyages, liv. 111, ch. xVI. Thévenot,tom.Il, (3) Ma’dyeh est un mot Arabe qui veut dire passage ch. 11, in-4,0, édition de 1674. d’eau, On passe en effet le boghäz du Ma’dyeh dans un bac (2) Voir, dans mon Mémoire sur [a partie occiden- établi sur ce point de la route d'Alexandrie à Rosette. tale de la province de Bahyreh, ci-dessus, pag. 7, ce Boghâz est un autre mot Arabe qui veut dire bouche qui est dit touchant la reconnoïssance et les opérations ou embouchure avec barre d'un fleuve, d’une rivière ou de sonde et de nivellement que j'ai faites sur ce lac à d’un lac à [a mer. DE LA BASSE ÉGYPTE. 47 et la durée des vents : quand les vents de mer soufflent avec violence, cette profon- deur va jusqu'à quatre mètres, et souvent le passage y est difficile et dangereux. On trouve, sur la langue de terre sablonneuse qui sépare ce lac de la mer, des vestiges d’une digue construite partie en pierre, partie en bois, et dont la longueur presque continue sur trois mille mètres | mille cinq cent trente-neuf toises ] suit la côte de louest à l'est. On lit, dans la relation des voyages de Paul Lucas, qu’en 1715 cette digue fut rompue par un violent coup de mer dont les eauxsubmergèrent depuis cette époque le lac Ma’ dyeh. Elle fut encore très-endommagée en 1782 par une grosse mer. On croit que cette digue, à laquelle on est obligé de faire de fréquentes réparations, appartient au règne de Selÿm, vers le milieu du xvi.° siècle: c'est du moins ce que l'on doit présumer des travaux considérables qui ont été: faits sous ce prince sur toute la côte d'Égypte. | La longueur de ce lac s'étend de quatre à cinq mille mètres, à l'est de son ma’dyeh, jusqu'au Qasr-Qiasserah, près de la ville d'Alexandrie, sur quinze à seize mille mètres. Sa plus grande largeur, partant du même point, le ma’dyeh, jusqu'à Tell el-Genân au sud-est, est de douze mille mètres {six mille cent cinquante-six toises |. La profondeur moyenne de ses. eaux étoit d’un mètre [trois pieds] environ, comme on l'apprend de la relation de M. Wilson; à peine quelques barques pou- voient-elles y naviguer : maïs la submersion du Mareotis par les eaux de mer, lors de la rupture faite aux digues du canal d'Alexandrie, en avril 1801 , a dû y former des fosses assez profondes pour permettre à des bâtimens de la lottille Anglo-Turque, d'un à deux mètres de tirant d’eau, d'y naviguer, et de se rendre de la rade d'A bouqyr, par le ma’ dyeh, dans le Mareotis. ! 3. BOHEYREH EDKOU. Zac d'Edkou. LE lac d'Edkou, qui prend son nom d'un village assez considérable, situé dans ces parages, occupe en partie l'espace compris entre le Ma’dyeh, dont nous venons de parler, et la branche de Rosette. Ce lac étoit encore considérable avant l'expédition Françaïse; sa pêche formoit le revenu principal du canton d'Edkou: maïs, depuis, ce lac étoit presque entièrement desséché, parce que les digues des canaux qui y versent les eaux du fleuve n'ont pas été ouvertes. Indépendamment de la prise d’eau dans le canal d'Alexandrie par le ravin d'Abou-Gàmous, ce lac reçoit encore les eaux du fleuve de deux autres déri- vations, dont l’une prend au village de Sanäbâdeh, près de Foueh, et l'autre, au village de Deyrout. Dans l’inondation de lan 8 à l'an 9 [septembre 1800 ], les habitans d'Edkou obtinrent du Gouvernement Français l'ouverture de la digue de Deyrout, village assez considérable, situé sur la rive gauche du Nil, à l'ouest de Foueh, et celle d'Abou-Gâmous : cette inondation fut si abondante, que les eaux du lac, qui s'élevèrent de cinquante à soixante centimètres au-dessus du niveau des eaux de mer, causèrent quelques dégâts dans le pays, et qu'elles s'ouvrirent une bouche à la mer de cent cinquante mètres environ de largeur, sur une profondeur de 472 MÉMOIRE SUR LES LACS ET LES DÉSERTS trois à quatre mètres, près d'un okel ou caravanserail que les Français désignèrent sous le nom de {4 Maison carrée. 4° BOHEYREH BOROLLOS. Lac Bourlos. LE lac Bourlos occupe la plus grande partie de la côte maritime comprise entre les branches de Rosette et de Damiette. Ce lac, dont la plus grande lar- geur est de trente-cinq mille mètres | dix-sept mille neuf cent cinquante-sept toises 5 doit son nom à un cap bas et sablonneux, anciennement connu sous le nom de Broullo et de Parallou chez les Qobtes. Il semble que la mer envahisse progressivement cette côte; car on trouve aujourd'hui sous les eaux les ruines d'une mosquée et d’un village. La profondeur des eaux du lac Bourlos n’est en général que d’un mètre : aussi y navigue-t-on difficilement. Il reçoit divers canaux dérivés du Nil: le plus considé- rable est le canal de Tabanyeh, qui part de Semennoud dans la branche de Damiette. Le boghäz de Bourlos, dans sa largeur variable de deux cents à deux cent cin- quante mètres, offre trois à cinq mètres de profondeur , suivant l’état du fleuve. 5 BOHEYREH MENZALEH. Zac Menzaleh. LE lac Menzaleh s'étend depuis Damiette jusqu'au-delà du château de Tyneh, près et au nord des ruines de Péluse (1). I est séparé de la mer par un banc de sable de peu de largeur, coupé par diverses bouches à la mer, dont les deux plus considérables sont celles de Dybeh et d'Omm-fareg. Ce lac doit son nom au village de Menzaleh, chef-lieu d’un canton situé à l’ouest d’une langue de terre qui forme au sud le débouché du canal d’Achmoun. Les eaux du Menzaieh s'étendent de Tyneh, par le gantarah où pont situé sur la route de Sälehyeh à Qatyeh, jusqu'à quarante-cinq mille mètres environ dans le sud, vers le centre de l’isthme ; elles y forment des lagunes impraticables, auxquelles les Arabes donnentle nom de Birket el-Balah | étang des Dattes |. Couvertes de végé- tation et:d'arbrisseaux de nature saline, ces lagunes, qui existoient anciennement, suivant Strabon, se terminent, au sud-est, en un lieu que les Arabes désignent sous le nom de Räs el Moyeh | tête des eaux]: on trouve aux environs quelques hauteurs de décombres d'anciennes habitations, et assez près, à l'est, les puits d'Abou-ÆRouk, qui donnent des eaux douces ou légèrement saumätres. Ces lieux sont fréquentés par les Arabes qui cherchent à cacher leur marche d'Égypte en Syrie. 6.° SEBAKHAH BARDOUAL. Lac Sirbonis. LE lac Srboms, d'après Hérodote, Diodore et Strabon, commençoit au mont Casius, situé à l’est de Péluse, et longeoit la côte maritime sur plus de deux cents (1) Mémoire sur le lac Menzaleh, par M. le général d’artillerie Andréossy,-É, M. tom. 1, pag, 261 à 278, stades LL DE LA: BASSE ÉGYPTE. ANR stades | dix-neuf mille toises] de longueur et cinquante stades | quatre mille sept cent cinquante toises | dans sa plus grande largeur (1). Les descriptions que nous ont laissées de ce lac Diodore de Sicile et Strabon, sont encore conformes à son état actuel. Diodore nous dit que « des corps d'armée » y ont péri, faute de connoître ces marais profonds que les vents recouvrent » de sables qui en cachent les abîmes. Le sable vaseux, ajoute-t-il, ne cède d’abord » que peu à peu sous les pieds, comme pour séduire les voyageurs, qui continuent » d'avancer jusqu'à ce que, s'apercevant de leur erreur, les secours qu'ils tâchent » de se donner les uns aux autres, ne peuvent plus les sauver. T'ous les efforts qu'ils » font ne servent qu'à attirer le sable des parties voisines, qui achève d’engloutir » ces malheureux voyageurs. C'est pour cela qu'on a donné à cette plaine fangeuse » le nom de Éarathrum, qui veut dire abîme. » Strabon dit que « toute la région de Gaza jusqu'au lac Sons, et même du » mont Casius qui le termine à l’ouest, jusqu'à Péluse, est d’une nature entièrement » sablonneuse, stérile et dépourvue d’eau douce. Le sol, qui en est naturellement bas » et profond, est marécageux comme celui de la Phénicie. Vers le milieu étoit une » bouche qui s'est comblée; du mont Casius part le chemin qui conduit à Péluse. » On trouve dans ces parages le retranchement de Chabria, et ces abimes qui, situés » aux environs de Péluse, sont formés par les débordemens du Nil dans des lieux » naturellement bas et marécageux. » Le même géographe, livre 1.%, dit en parlant de ces parages : « L’Égypte » a dû être anciennement couverte par la mer jusqu'aux marais voisins de Péluse, » du mont Casis et du mont Sirbonide; car, encore aujourd'hui, quand on creuse » en Égypte les mines de sel, on rencontre des bancs de sable et de coquillages » fossiles, comme si jadis la mer eût occupé ce pays, et que tous les environs du » Casius et du lieu nommé es Gerrhes eussent été des bas-fonds qui touchoiïent au » golfe de la mer Érythrée. En se retirant, la mer aura découvert ce terrain ; mais les » eaux seront restées dans le lac Sirbonide, qui, ensuite, par l'effet d'un autre écoule- » ment, sera devenu un maraïs. Durant mon séjour à Alexandrie, ajoute le même » auteur, la mer s’éleva si haut entre Péluse et le mont Casius, qu'elle inonda toute » la plaine qui environne cette montagne, dont elle fit une île, et que le chemin » qui conduit en Phénicie pouvoit se faire en bateau. I ne faudroit donc pas » s'étonner si jamais, l'isthme qui sépare la mer Égyptienne de la mer Érythrée, se » rompant ou s'affaissant, ces deux mers venoïent à se joindre par un détroit sem- » blable à celui des Colonnes. » Le lac Srbonis porte aujourd'hui le nom de Sebäkhah Bardoual, du nom de Bau- douin, roi de Jérusalem, qui, en 1177, après l'expédition par laquelle ii se rendit maître de Farâmah, mourut à el-A’rych, en retournant en Syrie. Il occupe princi- palement tout l'espace compris entre le cap Straky et le cap Kas, qui est de sept à huit heures de marche, en suivant les bords sablonneux de la mer; sa largeur est limitée au sud par la route de Qatyeh à el-A’rych, qui est de dix à onze mille (1) Hérodote, Hist, liv. 11, $. 6; Diodore, Biblioth, et XVI1, et latraduction Française de cet auteur, Paris, hise, iv. 1.9, sect. 1, $. 17; Strabon, Géogr. liv. 1, XVI 1805 et années suiv. É. M. TOME Il. Cas 4 Â7 À MÉMOIRE SUR LES LACS ET LES DÉSERTS mètres [cinq mille cent trente à cinq mille six cent quarante-trois toises]. Tout cet espace, qui est le bassin de l’ancien lac, est encore aujourd’hui recouvert en grande partie de sables mouvans, qui y laissent les mêmes abîmes dont parlent Diodore et Strabon. On doit à un journal de la marche de M. le général de division Menou, au retour de l'armée de Syrie en Égypte, des détails intéressans sur cette partie de la côte que ce général suivit d'el-A’rych à Qatyeh (1). En voici la transcription. ITINÉRAIRE D'EL-ARYCH A QATYEH PAR LES BORDS DE LA MÉDITERRANÉE, Tenu par une Division de l'Armée Française, à son retour de Syrie en Egypte. « Nous sommes partis d’el-A’rych à cinq heures de l'après-midi; et après une demi-heure de marche au » N. O., nous avons gagné les bords de Ia mer, que nous avors suivis dans une direction O. + S. O. pen- » dant une heure et demie, avant d'arriver au puits de Mecçoudiac, où nous avons fait de l’eau. Nous étant » remis enanarche à huit heures du soir jusqu’à onze, en suivant la même direction , nous avons fait quatre » lieues jusqu'à cette première halte. » Le lendemain, nous avons repris notre marche à cinq heures du matin : à sept heures, nous fimes une » fouille dans le terrain, qui offre une grande végétation; l’eau trouvée étoit extrêmement saumâtre. Le » bord de la mer remonte en cet endroit vers le nord; nous marchions O. z N., et nous continuâmes de » marcher O. N. O. jusqu’à un cap très-bas, nommé Srraky sur Ia carte de d’Anville, que nous doublâmes » à dix heures et demie du matin. » Depuis notre départ jusqu’à la hauteur de ce cap, nous avons fait neuf lieues ; ce qui se trouve assez » d'accord avec Ia carte, La côte, extrêmement basse, n’a pas plus de cinq à six pieds au-dessus du niveau » des eaux de Ia mer; la plage, comme le désert que nous avions à notre gauche, offre une plaine basse. A » l'approche du cap Straky, nous trouvâmes plusieurs petits lacs : le fond de quelques-uns est couvert » d’un beau sel blanc, recouvert de six pouces d’eau. Nous en trouvâmes aussi sans eau, et d’autres qui » avoient beaucoup de profondeur, mais tous ayant peu d’étendue. Le reste de la journée nous marchämes, » ayant à notre gauche une suite de Jacs semblables, et le désert s'étendant à perte de vue sur une plaine » immense et très-basse, absolument dépouillée de verdure. » Après avoir doublé Ie cap Straky , Ie bord de Ia mer reprend une direction ©. et O.S. O©., en formant » une courbure semblable à celle que nous venions de faire en côtoyant la mer depuis el-A’rych. Cette » seconde courbure se termine au ‘cap Kas, ainsi nommé sur Îa carte de d’Anville. Ce cap est formé » par des dunes très-élevées, reliées à des terres hautes qui prennent de l'intérieur du désert, et qui ter- » minent le lit d’un ancien lac dans lequel il n’y a plus d’eau : ces hauteurs sont couvertes de broussailles »et paroissent susceptibles de culture; plusieurs sentiers qui les traversent, ainsi que les fientes de » chameaux, de chevaux et de brebis, dont elles sont couvertes, indiquent assez qu’elles sont fréquentées » par les Arabes. Nous découvrîmes dans un fond sablonneux, au pied et sur le revers des dunes, une » citerne revêtue en rondines de sapin, qui étoit entièrement comblée ; aux environs on trouve une infi- » nité de débris de poterie de terre, ainsi que quelques vestiges de maçonnerie sur le bord de Ia mer. » Nous avions fait alors seize lieues, et nous essayâmes de traverser Îe désert dans une direction S. O. » pour arriver à Qatyeh; mais d’autres lits d'anciens lacs extrêmement étendus nous présentèrent tant de » difficultés pour les chevaux et les chameaux ; qui enfonçoient jusqu’au ventre, que nous fûmes contraints » de regagner les bords de la mer, séparés de ces marais par une espèce de digue en sable de cent à » cent cinquante toises de largeur, et de six pieds de hauteur environ au-dessus de [a mer. Nous mar- (1) Le journal de cette marche est dû à M. Lazousky, relation intéressante, je satisfais aux vues de ce général, alors chef de brigade dans l'arme du génie, qui fit partie que j’accompagnai souvent dans d’autres reconnoïssances de la division du général Menou dans sa marche d’el- et expéditions militaires, et qui me la remit au Kaire A’rych à Qatyeh par la côte, du 1.°° au 3 messidor an 7 pour lui donner la publicité qu’elle trouve dans ce Mé- [19-21 juin 1799 ]. En consignant ici la copie de cette moire. DE LA BASSE EGYPTE. 47 $ » châmes encore quatre lieues jusqu’à la halte du soir. Le lendemain, après avoir côtoyé la mér, dont le bord » suitune ligne presque droite, dans une direction O. + F S:, et après cinq heures de marche, nous trouvâmes » une fondation en briques bien maçonnée, ayant la forme d’une maison carrée, traversée intérieuremént » par un mur. Cette ruine, autour de laquelle on voit d’autres vestiges de maçonnerie, est située à l’ex- » tréité nord d’une hauteur qui ne forme point de cap en mer, et qui termine à l'ouest les grands lits des » anciens lacs dont nous venons de parler. En cet endroit, le général de division Menou fit marcher sur » Qatyeh; nous avions fait alors depuis el-A’rych vingt-cinq lieues environ sur un sable mouvant, sans » trouver d'autre eau que celle de Îa citerne de Mecçoudiac. » Quant à la citerne du cap Kas, 1f seroit intéressant de Ia curer pour connoître Îa qualité et Ia quantité » de ses eaux, Elle se trouve située à neuf lieues des ruines en briques dont nous venoris de parler, et des » hauteurs que nous avons traversées pour nous diriger sur Qätyeh, én marchant au sud. Dès que nous » fûmes sur le sommet-de [à hauteur, nous découvrîmes les palmiers qui environnent Qatyeh, et; après” » une heure de marche, nous entrâmes dans fe chemin qui va de Tyneh à Qatyeh. » Fait à Qatyeh, le 3 messidor an 7. Le chef de brigade du génie, signé LAZOUSKY. » On voit par ces descriptions que la nature de ces lieux n’a pas éprouvé de chan- gemens remarquables depuis près de vingt siècles. 7. LAC AMER. Lac des Deux-Mers, LE lac que l’auteur du Mémoire sur le canal des Deux-Mérs, M. Le Père, mon frère, dont je fus un des coopérateurs, à désigné sous son ancien nom de Lac Armner, prend dans ce Mémoire une nouvelle dénomination, celle de Lac des Deux-Mers, que je lui donne, comme étant parfaitement adaptée à sa nature, à sa position au centre de l'isthme de Soueys, à l’objet qu'il a rempli dans l’ancienne ‘ communication de la mer des Indes à la mer des Grecs, et à celui qu'il est naturellement destiné à remplir dans la réouverture de cette communication (x), 8.° BIRKET QEROUN. Lac Moeris. DE tous les travaux étonnans des Égyptiens, le lac Moœris est celui dont les anciens historiens nous ont parlé avec le plus d’éloges, avec le plus d’énthoustasme : mais, quand on connoît le génie des peuples de FOrient dans tous les temps, l'esprit et le style de leurs écrivains, on n’est plus étonné de trouver, comme le dit Strabon en parlant d' Homère, les mythes ou la fable mélés à leurs écrits; c’est ainsi que lon sera toujours en droit de traiter de fabuleux ce qu'Hérodote a écrit des merveilles du lac Mœæris. C’est en effet cet historien, le plus ancien de ceux qui aient écrit avec quelque détail sur l'Égypte, qui, par une tradition erronée ou une interprétation inexacte de ce qu'il aura appris des prêtres d'Égypte à ce sujet, est l'auteur des incertitudes et des erreurs dans lesquelles sont restés Jusqu'à notre siècle les écrivains modernes qui se sont occupés de cette question géographique. Après ce qu’a écrit et publié en Égypte, sur le lac Mœris, M. Jomard, alors capi- taine au corps des ingénieurs-géographes (2), je n’entrerai dans aucune discussion sur une question qui me semble assez éclaircie et aujourd’hui terminée. (1) Voyez le Mémoire de M. Le Père sur le canal des (2) Mémoire sur le fac Mœris, pär M. Jomard, An- Deux-Mers, £. M.tom. Le", p, 27. tiquités , tom, 1, pag, 79-114. É: 21; DOME EL Due 476 MÉMOIRE SUR LES LACS ET LES DÉSERTS 9. SEBÂKHAH NATROUN. Lacs de Natroun. UXE vallée adjacente à la basse Égypte renferme, dans sa partie centrale et la plus basse, quelques lagunes qui prennent leur dénomination de lacs de Natroun, d'une substance salino-pierreuse qu’elles produisent Sa direction nord-nord-ouest court parallèlement à la branche occidentale du Nil, dont elle est distante de dix à douze heures de marche à l’ouest. Cette vallée prend naissance entre les pyra- mides de Saqqârah et de Gyzeh, et vient se terminer sur les confins de la province de Bahyreh au sud de Marea, capitale de l'ancienne Maréotite. Les lacs de Natroun sont situés entre les parallèles des villages de Myt-Salameh et de Terrâneh sur le Nil, à une distance de douze heures de marche, à l’ouest de Terräneh; ce qui, à quatre mille mètres de marche à l'heure, donne quarante-huit mille mètres de distance de ce village. On doit penser que le fond de ces lacs est inférieur au lit du Nil et même au niveau de la Méditerranée : on est encore fondé à croire que les eaux du fleuve y sont conduites par infiltration, en chariant avec elles les substances salino-pier- reuses qu'elles dissolvent dans le sol qu’elles parcourent, et qui servent à former et à entretenir dans ces fosses naturelles le natroun que les arts ont su, dans tous les temps, approprier à nos besoins industriels. Hérodote dit à ce sujet : « Le » Nil, dans ses grandes crues, inonde non-seulement le Delta, mais encore des » endroits qu'on dit appartenir à la Libye, ainsi que quelques cantons de l'Arabie, » et se répand, de l’un et de l’autre côté, l'espace de deux journées de chemin, plus ou moins.» Pline vient à l'appui de cette assertion, quand il dit que les eaux du Nil agissent dans les salines de Nitrie. | C'est avec peu de fondement, suivant moi, qu'un de nos plus modernes voyageurs, M. Sonnini, rejette et combat l'opinion du naturaliste Latin, que M. je général Andréossy adopte et développe dans son Mémoire sur la vallée des lacs de Natroun {1}. Mon dessein n'étant pas d'entrer dans de plus grands détails sur cette vallée et sur les couvens de ces déserts, je renvoie à la notice que j'en aï fournie au Courrier de l'Égypte, et sur-tout aux Mémoires déjà cités de M. Sonnini et de M. le général Andréossy. Je consignerai ici (2) une anecdote propre à faire (1) Mémoire sur la vallée des lacs de Natroun , Décade Égyptienne, tom. 1 , pag.93-122; Mémoires sur l'Égypte, tom. Î, pag. 227; et Description de l'Egypte, E, A. tom, 1.7, pag, 279-298. (2) Voyage aux lacs de Natroun. Dansle voyage que je fis aux lacs de Natroun, j’accompagnaï, sur son invitation, M. le général de division Menou, qui, à la tête de cinq cents hommes d’infanterie, fut chargé, à l’époque du débarquement de l'armée Anglo-Turque à Abouqyr, le 26 messidor an 7 [ 14 juillet 1799], de battre le désert, afin de couper la retraite à Mouräd. Ce bey, de concert avec ennemi, qui menaçoit alors les côtes d’Abougyr, parcouroit, avec quelques partis de Mam- louks et d’Arabes, la Bahyreh, qu’il cherchoït à soule- ver, mais dont il avoit su se retirer à temps. Nous éprou- vâmes, dans cette expédition militaire, et à cette époque des plus fortes chaleurs de été, de très-grandes fatigues, et des pertes en hommes et en chevaux, comme on va le voir dans les détails suivans. Partis, le 15 juillet 1799, d'Embabeh, village situé sur la rive gauche du Nil, célèbre par la bataille des Pyra- mides, nous étions, le 16suivant, dans le désert , à la hau- teuretätrois heures de marche à l’ouest d’'Ouärdän, mar- chant sur les couvens Grecs et Syriens des lacs de Natroun, quand le manque d’eau ( nous avions déjà perdu par les fatigues et la soif deux hommes, dont un Grec qui s’étoit tué de désespoir avec son fusil) força le général Menou à regagner le fleuve, où nous arrivâmes à deux heures, près et au nord de Myt-Salameh. Repartis sur les quatre heures, nous regagnâmes le désert, où nous bivaquämes; DE LA BASSE ÉGYPTE. A7 AP) A 7 QE 6 L connoître la nature des déserts au milieu desquels sont situés les lacs de Natroun, l et le danger de les parcourir dans les saisons trop chaudes, et sur-tout sans les précautions convenables. On verra qu’il importe de publier cette anecdote inté- ressante pour ceux qui doivent voyager dans ces contrées. OBSERVATIONS GÉNÉRALES. M. GRATIEN LE Père a fait voir, dit-il, dans la description particulière quil a donnée des lacs del Égypte, et dont nous avons transcrit textuellement ci-dessus ce qui n'avoit pas été publié, * Que le bassin du Mareotis , qui longe la côte maritime d'Alexandrie jusqu’à la Tour des Arabes, sur trente-huit à quarante mille mètres d’étendue, et qui étoit entièrement desséché en 1800, est encore évidemment resté inférieur au niveau de la mer, puisque, par suite d’une opération désastreuse, les eaux salées qui en recouvrent aujourd'hui toute l'étendue, y ont pris, sur divers points, sept, huit et PF jusqu'à dix mètres de profondeur; ” Que les lacs Ma‘dyeh, d'Edkou, Bourlos et Menzaleh, qui embrassent le reste de la côte maritime de l’ancien Delta, et qui tous communiquent immé- diatement par une ou plusieurs bouches à la mer, ont évidemment le fond de leur bassin inférieur à la mer, puisque les eaux saumâtres de ces lacs, en diminuant avec le Nil, reprennent toute la salure des eaux de mer, qui y affluent et s’y élèvent plus ou moins, suivant la force et la direction des vents du large; le lendemain, nous arrivâmes vers dix heures à Deyr-Maka- ryout [ couvent de Saïnt-Macaire ], après une nouvelle perte dequatre hommes, d’un cheval etd’un chameau:notre marche fut de dix heures effectives, des bords du Nil à ce couvent. Bientôt après notre arrivée, j’eus le bonheur d’y sauver la vie à trois soldats qui, la bouche écumante et dans les convulsions d’une mort violente, avoient été traînés vers le couvent, dont l'entrée avoit été interdite à la troupe. Les ayant fait mettre à l'ombre des murs, et leur ayant fait donner de l’eau fraîche à propos et avec mesure, je parvins à [es rappeler à la vie, qu’un quart d'heure plus tard ïls perdoïent sans retour: la troupe fouil- Joït alors, en courant ça et là, les sables du désert, à deux et trois cents mêtres du couvent, où elletrouvoit quelque peu d’eau saumâtre, capable à peine d’étancher une soif inextinguible. IT faut avoir ressenti quelques atteintes de cette fièvre cruelle, causée dans ces déserts par une soif dévorante , pour s’en faire et en exprimer l’idée. On n’a pas besoin assurément de chercher dans une tempête sur cette vaste et profonde mer de sables de la Libye, la cause de la perte de cette division de armée de Cambyse qui fut engloutie dans les contrées d’Ammon: car ilsuffñit bien du soufHe brülant des vents du khamsyn pendant un ou deux jours seulement, ou d’une marche forcée dans ces déserts privés d’eau, pour y faire périr une armée. Le 19 juillet, après quinze heures de marche effective de Deyr-Saydeh [couvent des Syriens], nous regagnâmes par le nord-est le Nil à Ouagft,et, dans ce trajet, nous perdîmes encore deux hommes à une heure de marche seulement à louest de ce fleuve. C’est sur ces indications que le colonel du corps des ingénieurs-péographes, M. Jacotin, a porté sur la grande carte d’ Égypte les traces de cette pénible marche que le général eut à supporter avec le soldat; car cette expédition fut si précipitée, que nous n’eûmes pas le temps de prendre ni les tentes, ni aucune des provisions nécessaires. Quant à moi, après sept jours de notremarche, dont quatre dans le désert, je rejoïgnis à Abouqyr le géné- ral Menou, qui avoit pris le commandement du siége de ce fort : après sa reddition, je revins à Rosette, où j'éprou- vai une indisposition grave avec tous les symptômes qui caractérisent la peste, maïs dont une excessive transpira- tion que je me donnaïi par une marche forcée, me sauva heureusement. De retour au Kaïre un mois après, je fus attaqué d’une ophtalmie qui, pendant douze jours, me priva totalement de la vue, que je ne recouvrai que six semaines après. Beaucoup d’autres personnes éprouvérent de fortes indispositions de ce voyage. Mon cheval et deux autres du général en restèrent quinze à vingtjours malades, au point qu'on eut peine à les faire suivre en lesse, le der- nier jour de notre marche d’Ouagyt sur Rahmânyeh, J’ai eu lieu d'observer et de me convaincre que la cause des accidens que j'éprouvai particulièrement, est due, indé- pendamment des fatigues, à l'effet d’une différence trop sensible au corps entre la grande chaleur des jours, qui est de trente-deux à trente-cinq degrés, et l’extrême frai- cheur des nuits au sein de ces déserts, quand on n’a pas la précaution de se bien couvrir de nuit; Car une sup- pression de transpiration est en Egypte, comme dans tous les pays chauds, une des premières causes des ma- ladies inhérentes à leurs climats. 478 MÉMOIRE SUR LES LACS ET LES DÉSERTS 3° Que le lac Sirbonide, qui longe la côte du cap Straky au cap Kaçaroun, recou- vert d’une croûte saline, renferme, ainsi que les lagunes adjacentes à l’ouest, vers | Tyneh, les mêmes abîmes qui y existoient il y a deux mille ans; 4.° Que le Birket el-Balah, qui communique au nord avec le Menzaleh, et qui s'étend jusqu'au Râs el-Moyeh, vers le centre de Fisthme de Soueys, est encore évidemment inférieur au niveau de la Méditerranée, puisqu'il n’est, à proprement parler, qu'un épanchement des eaux douces ou salées du Menzaleh, suivant ses divers états, par le gantarah ou pont qui Fen sépare sur la route d'Égypte en Syrie par Sälehyeh ; 5” Que pour tout observateur qui parcourra listhme de Soueys d’une mer à l'autre, sur la ligne des opérations des ingénieurs Français, l’abaissement du sol des lacs Amers au-dessous de la mer Rouge sera une chose sensible et frappante, quand d'ailleurs le résultat de leurs opérations se trouve conforme à celui des ingé- nieurs de Darius, aux traditions, ainsi qu'aux témoignages historiques des écrivains anciens et modernes, et enfin des Qobtes et des gens instruits du Kaire; 6.” Que le Maris, dont le Birket-Qeroun n'est plus que la cunette ou la partie la plus basse de cet ancien lac, offre aussi sensiblement l'étendue d’un immense bas-fond dont la profondeur, que nulle opération des modernes n’a vérifiée, peut très-bien être celle indiquée par Hérodote, ayant cnquante orgyies| quatre-vingt-douze mètres | au-dessous des plus hautes eaux de ce lac; et que si, en effet, cette profon- deur n'étoit pas exacte dans l'emplacement des deux pyramides élevées par Mæris, rien ne s'oppose à ce qu'elle puisse l'être pour tout autre point, car son sol paroît être très-inférieur au lit du Nil, et, par induction, à celui de la Méditerranée; 7. Que le sol du Bahr-belä-mâ, dont le desséchement, aïnsi que celui. de tous les autres lacs de l'Égypte qui cessent d’être alimentés par les eaux du fleuve ou de la mer, est dû sans doute aux anciens travaux de Mœæris dont parle Hérodote et aux évaporations excessives dans ces déserts de sables arides et brûlans; que le sol, dis-je, de cette vallée doit également être inférieur à la Méditerranée; 8.° Enfin, que le bassin des lacs de Natroun, où l’on trouve une carrière naturelle et inépuisable de ce sel-pierre, doit indubitablement être inférieur au lit du Nil, dont les eaux qui semblent y couler souterrainement, entretiennent dans ces basfonds une humidité saline qui est un des principes constituans de cette substance miné- rale. On peut même préjuger avec quelque fondement que le sol en est également inférieur au niveau des eaux de la Méditerranée. Si fon vient, après cette connoissance des lacs de l'Égypte, à considérer la nature générale et particulière de ces lacs, bordés de plaines basses et stériles, où l’on trouve des sables mouvans, imprégnés d’eau saturée de sels de diverses espèces; si lon considère enfin que la fraîcheur excessive des nuits entretient constam- ment dans l'atmosphère de ces lacs et des déserts qui les environnent, une humi- dité saline qui pénètre et agit dans tous les corps, on reconnoïtra que, confor- mément au sentiment des prêtres d'Égypte, rapporté et adopté par Hérodote, Strabon et tous les philosophes de l'antiquité, l’isthme de Soueys, toute la basse Égypte, aïnsi que toutes les plages adjacentes à l'ouest, jusque vers Oasis d’Ammon DE LA BASSE ÉGYPTE. 479 dans les déserts de la Libye, appartiennent incontestablement au domaine d’une mer desséchée. Ce sentiment a été partagé par tous les voyageurs modernes qui ont visité ces contrées. Parmi ces voyageurs, on peut citer M. Hornemann, qui, en 1800, ayant traversé l'Afrique d'orient en occident par Oasis d'Ammon , a reconnu dans ces déserts les traces les plus sensibles d’un long séjour des eaux de la mer. Je dirai de plus, d’après l'opinion des prêtres d'Égypte et celle d'Hérodote, qu'il est probable que la vallée du Nil, dont le sol s’exhausse constamment du Kaire en re- montant vers la Thébaïde, n'est plus aujourd’hui qu’un immense attérissement des sables vaseux du fleuve, et que les vallées du Bahr-belâ-mä et des lacs de Natroun ont pu former anciennement des golfes semblables à ceux de la mer Rouge. Enfin j'ajouterai que, les déserts de la Libye et de l'Afrique étant en général regardés comme appartenant au sol d’une mer desséchée, les Oasis, ces espèces d'îles cultivées ou cultivables que l’on trouve dispersées sur l’immensité de cette mer de sables Mint sont que des bas fonds, tels qu'il en existe dans le sein des mers, et dont le sol est encore en partie inférieur au niveau actuel des eaux de la Méditerranée. I ne m'appartient pas, dit l’auteur du Mémoire, d’assigner une cause À la révo- lution physique qui a pu changer ainsi la surface de tant de contrées. Je ne pré- tendraï donc pas trouver cette cause secondaire, plutôt dans l'effet de ce flux et reflux extraordinaires qui, d’après l’Exode, d'accord avec la tradition qui s'en est conservée, au rapport de Diodore (1), chez les Ichthyophages, peuples des côtes de la mer Rouge, auroïent mis à sec une grande partie de cette mer, que dans un abaïssement instantané des eaux de la Méditerranée par la rupture du détroit des Colonnes d'Hercule, aujourd’hui de Gibraltar (2), ni enfin que dans la retraite précipitée des eaux après l'époque de cette catastrophe générale, où le globe que nous habitons à dû rouler, durant des siècles, sous l'enveloppe des eaux d’une mer sans bornes, catastrophe dont les plaines ainsi que les entrailles les plus pro- fondes et les montagnes les plus élevées de la terre portent des traces ineffaçables. C'est en vain que l'esprit justement inquiet de l'homme se tourmente en hypo- thèses plus ou moins ingénieuses, plus ou moins vraisemblables, sur les causes de ces grandes révolutions; les causes et les époques de ces épouvantables événemens qui nous menacent de leur cours, périodique peut-être, nous sont inconnues, et restent à jamais ensevelies dans la nuit éternelle des temps. Pour revenir au but de ce Mémoire, on terminera en donnant ici le tableau résumé de l'étendue superficielle des lacs maritimes de l'Égypte inférieure, en com- parant cette étendue à celle de l’ancien et du nouveau Delta. (1) Exod, cap. XIV, v. 21, et Psalm. CXI11, et Diod. ment la plus grande partie des déserts de la Libye et de Bibl, hist. Gb. 111, $, 40. l'Afrique, ses eaux, en s’abaissant d’une hauteur quel- (2) Parmi toutes ces traditions ou hypothèses, celle conque par la rupture naturelle ou artificielle du détroit de l’abaissement instantané des eaux de la Méditerranée de Gibraltar, auront mis à découvert l’immensité de ces par la rupture du détroit des Colonnes, dont il est parlé plages, dont le desséchement les aura transformées en une dans la Géographie de Strabon, nous paroît laplus admis. mer de sables stériles et brûlans. Voir Strabon, Géogr. sible, comme elle est Ia plus vraisemblable. Aïnsi, iv. 1, tom. 1.° de la traduct. Franç.; et Pline, Æisr, admettant que la Méditerranée a recouvert ancienne- nat. liv. VI, chap. 1. 480 MÉMOIRE SUR LES LACS ET LES DÉSERTS TABLEAU SOMMAIRE DES SURFACES COMPARÉES DES LACS DE L'ÉGYPTE INFÉRIEURE (1). DÉNOMINATIONS MODERNES ET ANCIENNES SURFACES DES LACS. EN HECTARES. 1.” Boheyreh Maryout. . ..Lac Maréotis. ..... Mareotis Tics SET. 85,784. 2.9 = Madyeh.....Lac Madyeh............ HT ITR RTE 135832: ea Edkou. ... . . Lac d'Edkou.... sisi elfes cts. 0 0095: BONES Di caen + 33:77 2e 4,91 Borolossr. cz Bourlosss:. mere LEA ESS IER sure | 112,860. sa + Menzalehx 4. ac Ménzaléh. "2: 20:0 : ANT RP RE ne Le D see] 183,844. Birket el-Balah....... . Étang des Dittes ee tré er als. Sun AT A 13,028. ODA TN LR UN RSI se ...... 456... . 443,120. 6.° Sebäkhah Bardoual...... pre RE SDS MAG RUE PERRIN Panlacs des Denx-Mers PRE EEE LCUS RATE EN SENTE ETS 8.° Birket Qeroun......,.. Re Nate se Lacs ARTS 0 6 NES NE 9. Sebäkhah Natroun..... Lacs de Natroun.../MVirri fodinæ ....... bc like STTR _On voit que si, de cette surface de quatre cent quarante-trois mille cent vingt hectares, on venoit, à limitation des peuples de la Hollande, pays dont le sol, généralement plus bas de trois à quatre mètres que le niveau de l'Océan, offre un exemple admirable de l'industrie humaïne, à en rendre la moitié ou le tiers seulement à l'agriculture par le desséchement de toutes ces lagunes infectes, source de toute espèce de maladies épidémiques et endémiques dans les pays chauds, l'Égypte, en augmentant et assainissant tout-à-la-fois le territoire de ses provinces maritimes, décupleroit bientôt les intérêts des avances qu’elle pourroit faire à des compagnies de commerce et d'agriculture qui rechercheroïent les travaux de cette grande entreprise. De tous les travaux qu'un Gouvernement sage et éclairé puisse faire pour le plus grand avantage de cette contrée, ceux qui auront pour but son irrigation et son desséchement, doivent fixer ses premiers regards et faire constamment l'objet de toute sa sollicitude : car, sans les canaux et leurs digues, l'Égypte, cessant d’être vivifiée dans toutes ses parties, n’est plus qu'un corps que la masse des (1) La surface calculée partiellement pour les lacs On wa pas cru devoir donner les surfaces des lacs sa- n.% 1,2,3, 4 et 5, a été relevée sur la nouvelle carte ins n.°s 6, 7, 8 et 9, parce qu’on n’en connoît pas assez = La Le A Al # ’ “ . . del’'Égypte, dresséeau Dépôt de la guerre, à échelle d’un les dimensions, et que le sol n’est d’ailleurs pas suscep- décimètre pour dix mille mêtres, ou 0,0001 de la nature, tible d’être mis en culture par son desséchement. Eaux | DE LA BASSE ÉGYPTE. 48i eaux de son fleuve inonde avec surabondance et fait périr de plénitude. L’en- tretien annuel des digues et des canaux est donc la base fondamentale de l'exis- tence physique de cette contrée. Si l’histoire Égyptienne ne nous parloït pas avec admiration, Je ne dirai pas de ces travaux gigantesques qui semblent accuser encore de nos jours l’orgueïl de quelques-uns de ses princes, maïs de ces im- menses et utiles travaux qui ne tendoient qu'à l'agrandissement, à l'assainissement comme à la prospérité de cette terre antique et sacrée, oh en retrouveroîit encore quelques souvenirs écrits à la surface de son sol. Quelque foibles que soient ces souvenirs, ils attestent que l'Égypte peut redevenir ce qu’elle fut sous les règnes de ces princes bienfaisans. En effet, quand on parcourt la basse Égypte, dont le sol est incontestablement zx don du fleuve, suivant l'expression propre d'Hérodote, on cherche en vain le cours de ces deux branches principales du fleuve qui formoïent les côtés de son ancien Delta. Au lieu de ces anciennes plaines culti- vées et fertiles, on ne trouve plus çà et là que des canaux comblés ou etitrecoupés, et dont les nombreuses ramifications qui se croisent en tout sens, n'offrent plus que les traces à peine reconnoissables d'un système d'irrigation ; au lieu de ces bourgades et de ces villes populeuses qui y existoient, on n’aperçoït plus que des hauteurs de décombres nues et arides, restes d'anciennes habitations réduites en cendres; on n’y trouve plus enfin que des lagunes fangeuses et infectes, ou que des sables stériles qui s'étendent et envahissent sans cesse une terre que l’industrie des hommes avoit con- quise sur des déserts et sur la mer. Que l'on jette les yeux sur la nouvelle carte de l'Égypte, et l’on n'aura qu'une foible idée de la situation affligeante de cette malheu- reuse contrée. C'est pour'en Juger avec plus de précision que nous terminons ce tableau par le parallèle des surfaces de l’ancien et du nouveau Delta. Hérodote nous a donné la base maritime de l'ancien Delta, qu'il établit du lac Sirbonide près le Casius ons, jusqu'à Z'aposiris, à l'ouest, sur le golfe Plinthinites ; il porte cette base à trois mille six cents stades, équivalens à trois cent cinquante- trois mille six cent vingt-huit mètres, au petit stade Égyptien de quatre-vingt-dix-huit mètres vingt-trois centimètres (1). Mais, réduisant cette base à celle qui est com- prise entre les ruines de Péluse et la Tour des Arabes, on trouve encore ceite distance, mesurée suivant la courbure de la côte, sur la carte annexée au Mémoire sur le canal des Deux-Mers, de trois cent cinquante mille mètres environ. Quant aux deux autres côtés du Delta, nous prendrons la distance directe du Meqyàs ou Nilomètre situé à la pointe sud de l'ile de Roudah, dont le site répond à la Fostât des Arabes ou à la Babylone d'Égypte, jusqu'aux ruines de Péluse à l'est, et à la Tour des Arabes à l’ouest, pour le grand Delta. Nous reporterons ces côtés, pour le petit Delta, aux deux villes maritimes des deux grandes branches du Nül, celles de Damiette et de Rosette; et, considérant ces deux surfaces triangulaires comme appartenant au secteur d'un même cercle dont les deux côtés, dans l’une et l’autre, (1) Le stade désigné par Hérodote est de soïxante EÉgyptien à quatre-vinst-dix-huit mètres vingt-trois cen- LA au schœne, mesure usitée chez les Egyptiens, ainsi timètres [cinquante toises deux pieds quatre pouces neuf que le dit cet historien, etquiéquivautà deux parasanges. lignes]. Voir la traduction d’Hérodote par M. Larcher, Or le schœne, qui égale quatre milles Romains, est de liv.11, f. 6 et 9. trois mille vingt-quatre toises ; ce qui porte le stade É, M. TOME II. Ppp 482 MÉMOIRE SUR LES LACS DE LA BASSE ÉGYPTE. sont des rayons de ce même cercle, nous aurons les dimensions et les résultats suivans : INDICATIONS. DIMENSIONS DES DELTA4.... D’après ces dimensions, on trouve que Îa surface métrique de l’ancien Deltaest de {r).....… Bases maritimes. Côtés des Delta. SE ED 320,0007 170,000 135,000. 170,000, hectares. ares. |centiares. emmener | scores | scoeeurenans 2:727,583. | 63.| 36. Dont on doit déduire la surface triangulaire de toute Ia partie à l’ouest des déserts (celle des Jacs de Natroun) : Ia base de ce triangle étant de cent quatre-vingt-dix-huit mille mètres sur une flèche de qua- rante mille mètres, on a.. Premier reste en surface de l’ancien Delta. ....... Dont on doit déduire [a surface du nouveau Delta, portée à... Reste en surface perdue de l’ancien Delta........ On voit, par ce résultat, que l'ancien Delta a perdu plus de la moitié de sa surface, dont encore un cinquième environ est couvert des eaux des lacs Mareotis, Ma’dyeh, Edkou, Bourlos et Menzaleh, funestes effets de l’insouciance des domi. nateurs ou plutôt des spoliateurs de certe malheureuse contrée. J'ai parlé, dans ce Mémoire, des grands travaux d'irrigation et de desséchement qui ont, pour ainsi dire, tiré l'Égypte du sein de la mer, et l'ont élevée, sous les règnes de ses Pharaons, au plus haut degré de prospérité: 1 ne me reste plus qu'à exprimer les vœux qu'on doit généralement former pour la reprise et l'exécution de ces travaux, que les ravages des hommes, plus encore que ceux du temps, ont entièrement anéantis. (1) Quoique le côté occidental du grand Delta soït de cent quatre-vingt-dix-huit mille mêtres, on ne compte que cent soixante-dix mille mètres, à cause des parties excédantes du désert, dont on a cru devoir cependant faire une estimation pour être portée en déduction. La distance précise du Meqyäs aux ruines de Péluse, relevée sur la carte, se trouve être de cent soixante-huit mille mètres; on l’a portée à cent soïxante-dix mille, par rapport aux petites différences en plus qui existent sur les deux autres côtés du petit Delta, se terminant à Damiette et à Rosette. La carte donne cent cinquante-un mille cinq cents mètres des ruines d’Æeliopolis à celles de Péluse : cette distance diffère de celle qu'Hérodote dit être précisément de quinze cents stades, qui, au stade de quatre-vingt-dix-huit mètres vingt-troïs centimètres [ cinquante-une toises |, donnent cent quarante-sept mille trois cent quarante-cinq mêtres. Cette différence seroït de quatre mille cent cinquante-cinq mètres, c’est-à-dire, de quarante-deux stades un tiers. NOTICE TOPOGRAPHIQUE SUR LA PARTIE DE L'ÉGYPTE COMPRISE ENTRE RAHMÂANYEH ET ALEXANDRIE, ET SUR LES ENVIRONS DU LAC MAREOTIS; PAR MM. CHABROL ET FEU LANCRET. A A A A A ÿ SET Environs du Canal d'Alexandrie. Dans un Mémoire sur le canal d'Alexandrie, nous avons décrit les positions les plus remarquables qui se rencontrent le long de son cours {1). L'objet prin- cipal de cet écrit étoit de faire connoître Fétat de la navigation actuelle sur ce canal, et les moyens de le rendre navigable toute l'année. Il nous reste à ajouter quelques détails sur ce quartier de l'Égypte qu’arrose le canal d'Alexandrie et qui touche à la région Maréotique; ces renseignemens pourront servir à compléter le tableau topographique de la province appelée Bzlyrek. On trouve peu d’'antiques vestiges dans toute cette contrée, qui a subi beau- coup de changemens physiques et politiques. Le séjour des eaux, les travaux de la culture et l'invasion des sables y ont nécessairement fait disparoître, en grande partie, les traces des temps antérieurs à la conquête d'Alexandre, si toutefois le pays étoit, à cette époque, habité et cultivé. Cependant nous y avons trouvé danciens vestiges , et, à Samâdys, nous avons observé deux fragmens de colonne de granit rouge, de quatre décimètres de dia- mètre. Au village d'Aflâqah, qui est situé à deux mille mètres environ du Nü, sur la rive droite du canal, près et au nord de Damanhour , nous avons remarqué trois fragmens de sculpture Égyptienne portant des caractères hiéroglyphiques. Le dessin des hiéroglyphes n'est pas très-pur; mais ils sont sculptés avec beaucoup de soin. Dans Fun de ces bas-reliefs, qui est rompu en deux parties, on trouve des figures d'animaux, et, entre autres, la représentation d’une jeune oie. Le plus intéressant des trois, dont nous avons déjà parlé ailleurs (2), est une figure de femme assise, d’un excellent travail, laquelle est sculptée en relief dans le creux sur une pierre très-fine et dure, de la même espèce que celle d’Anéæopoñs. En recourant à la gravure qui est dans l'ouvrage (3), on verra quela délicatesse de la (1) Voyez ci-dessus, pag. 185. (3) PL 73, À, vol. V, Collection d’antiques. Voyez (2) Ibid. pag. 189. aussi explication de la planche. É. M. TOME IL. Ppp2 Â84 NOTICE SUR LA PARTIE DE L'ÉGYPTE sculpture ne le cède en rien à celle des bas-reliefs des plus beaux temples de la haute Égypte. Tout annonce que cé morceau précieux provient d'une frise ou d'un grand bas-relief d’un temple des environs. À la dépouille de vautour dont la figure est coiffée, on reconnoît la déesse Isis : il y a dans ses‘ traits une expres- sion pleine de douceur et d'agrément. À quatre cents mètres de Kafr Mehallet Dâoud, sur le bord du canal de Daämanhour, et à quatre cents mètres de Rahmänyeh, on voit une ancienne maçonnerie en briques de forte dimension, posées avec une grande quantité de mortier, à chaux., On nous apprit qu'il y avoit eu là jadis une ville chrétienne, et que ces constructions étoient des bains. En effet, nous y remarquâmes des bassins , soit longs et étroits et voûtés cylindriquement, soit circulaires ou demi- circulaires. Les uns et les autres étoient d’abord enduits d’un excellent ciment rouge, recouvert d'un autre ciment blanc, très-dur et très-fin : les gens du pays rapportent qu'il a été fabriqué avec de l'huile Après deux rangs de briques, il y avoit encore pareil ciment et pareil enduit. Après Aflâqah et Qäbyl, en allant vers l’ouest, on trouve beaucoup de ruines qui ont appartenu à des villes ou bourgades jadis florissantes. Les deux rives du canal sont bordées de monticules couverts de briques cuites , restes d'anciennes habitations et d’un état de choses qui nest plus depuis long-te emps. Avec les avantages du canal, le pays a perdu presque toute son importance et sa popu- lation. La culture elle-même a cessé, et le village de Besentouây est le dernier, de ce côté, qui soit un peu considérable. Selon le rapport que nous a fait le cheykh Arabe appelé Mosbak, 1 y a un lac de natroun à trois lieues seulement de Damanhour : ce natroun est d’une qualité médiocre. La position correspond à peu près au village de Mehallet-Kheyl, non loin de la limite la plus orientale du lac Marcotis. En se dirigeant vers le nord- ouest auprès du village de Senhour, on trouve, sur une terre grasse extrêmement noire, de l'eau salée et du sel marin cristallisé, sans doute mêlé d’un peu de natroun (1). Lorsque d'Abou el-Khasr, village situéssur le bord du canal d'Alexandrie et aujourd'hui abandonné , on se rend à celui de Birket, on traverse d’abord ce canal. Environ vingt-cinq mètres plus loin, on en traverse un autre fort régulier qui a seize à dix-sept mètres de large : il se rejoint, près de Qeraouy, avec la branche actuelle ; et, de l’autre côté, il se dirige vers Besentouây. Les gens du pays disent que c’est un ancien canal, et qu'ilprend ses eaux à A’lfeh, près de Foueh. Nous l'avons retrouvé et traversé en nous rendant directement de Birket à Rahmänyeh, un quart de lieue avant Besentouày; mais il est, dans cet endroit, beaucoup plus petit qu'à Birket. Cette circonstance vient à l'appui de l'opinion que nous avons conçue à l'égard du canal actuel d'Alexandrie, que nous regardons comme étant formé par la réunion de plusieurs canaux autrefois différens (2). (1) Ces observations ont été écrites en 1800: l’état qui date de 1801. Aujourd’hui le village forme une île des lieux est bien changé, depuis que la digue du du lac. canal a été rompue par l’armée Anglaise, et que la mer (2) À Besentouây , nous avons vu des gazelles bondir est entrée dans l’ancien lit du lac Mareotis ; événement librement dans la plaine. COMPRISE ENTRE RAHMÂNYEH ET ALEXANDRIE. 485 Sur le bord de cette ancienne branche ; en face d’Abou el-Khasr, est un mon: ticule très-considérable, couvert de briques. Toute cette partie de la province de Bahyreh est remplie d'une multitude de buttes semblables, sur-tout de Bixket à Alexandrie. Il y'en à une en face de Birket même, de l'autre côté du canal D'un seul point nous en avons aperçu quinze dans le même horizon. Les monti- cules sont, sans nul doute, les restes d'anciennes villes ou bourgades. Il faut avoir vu cette vaste plaine pour se faire une idée de ce qu’elle a pu être autrefois. Lelohä est un de ces villages abandonnés, sur la rive gauche du canal. Sur la rive droîte est el-Nechou, placé en même temps à l'angle sud-est du lac d'Aboudqyr: Là commence une chaîne de hauteurs parallèles au canal, et qui viennent le toucher auprès de Keryoun. Ce ne sont point des ruines de briques; et nous con Jecturons qu'elles ont servi de digues ou de levées pour un canal. Près de à est une muraille en pierre qui sépare le canal du lac d'Abouqyr, ét qui est épaisse de 1 à 1,3; le ciment est d'une grande dureté. Elle fait partie d’une digue de terre de six mètres environ d'épaisseur (1). On trouve en plusieurs endroits des constructions analogues, et qui paroissent d'origine Grecque. Le canal est séparé des marais salans par de fort grandes muraïlles de pierre , dont quelques-unes sont renversées jusqu'aux fondemens. À Beydah, situé sur un monticule, est un mur antique, en briques longues de deux à trois décimètres, liées avec beaucoup de mortier. On trouve de larges puits en briques en cet endroit, ainsi qu'à Birket. Au village de Keryoun, auprès d’une citerne, nous avons encore trouvé un fragment de la haute antiquité, consistant en un reste de bas-relief Égyptien, en pierre calcaire ; la longueur est d'environ un mètre : les deux autres dimensions ont deux à trois décimètres. Sur l'une des grandes faces sont représentés les orne- mens qu'on appelle fèrs de lance , maïs qui seroient mieux comparés à des faisceaux de plantes symboliques. Ce fragment, ainsi que ceux du village d'Afläqah, ont- ils été apportés, ou bien y avoit-il des monumens Égyptiens dans ces divers endroits! Nous sommes portés à croire que les uns et les autres proviennent des ruines de l'ancienne «Æermopolis parva, qui étoit située au même lieu que Damanhour. | $. IT. Lac d'Edkou et Environs. ENTRE Edkou et les digues d'Abougyr, la mer s'élève quelquefois fort au- dessus des terres ; quand elle se retire, elie laisse à nu un terrain noir, composé des dépôts fort anciens du Nil. La surface de ce terrain est exhaussée d’un ou deux pieds au-dessus du niveau de la mer; elle est par-tout recouverte de sable. Il y a cependant un endroit où l’on marche sur Räncien terrain même. Sur la (1) Dans le Mémoire sur le canal d'Alexandrie (ci- totale de la digue : la partie en pierre n’a qu’un mêtre dessus, pag. 186), il est question d’une digue en pierre ou 1" = . A A 72 . . Al 37 « ayant six à sept mètres d'épaisseur ; mais c’est là épaisseur TN of 4856 même route, on voit une ou déux buttes de terre noïre mêlée de débris de poterie; ce sont des hauteurs sur lesquelles étoïent autrefois des villages (1). I y a deux ans {2) que les habitans d'Edkou sollicitèrent la rupture d’une longue digue qui s'étend sur le bord du Nïl, et qui préserve le territoire de Deyrout : cette demande fut imconsidérément accordée, et la digue fut coupée à une demi-lieue au-dessus de Deyrout. Les eaux du Nil se portèrent alors en grande quantité dans le lac. En 1800, l’inondation ayant été très-forte, les eaux ont aussi afflué dans le lac avec abondance. Ces eaux, qui n'étoïent point re- NOTICÉ SUR LA PARTIE DE LÉGYPTE tenues dans un canal, ont passé sur une très-grande partie des terres de Deyrout; elles les ont sillonnées dans toute sorte de sens, et les ont mélées d’une grande quantité de sable : deux circonstances également propres à empêcher la culture du riz; la première, parce qu'elle ne permet pas que le terrain soit nivelé de manière à recevoir les arrosemens artificiels ; la seconde, parce que le sable ôte à la terre la faculté de bien faire croître cétte plante : car il est à remarquer que toutes les terres dans lesquelles on la cultive , sont extrêmement noires, même dans la plus grande sécheresse; ce qui indique qu'elles ne contiennent aucune partie de sable. Il faudroït fermer la digue si imprudemment rompue, pour rendre les terres de Deyrout à leur ancienne fertilité ; ce qui ne peut se faire qu'avec beaucoup de temps, de travail et de dépenses. Edkou, sur la route de Rosette à Alexandrie, ressemble plutôt à une petite ville qu'à un village. On y voit plusieurs minarets : les maisons y sont bâties en briques cuites, de la même manière qu'à Rosette; elles sont grandes et à plu- sieurs étages. On ne voit dans cet endroit aucun gros bétail; il n’est habité que par des pêcheurs. La population à augmenté par la destruction récente des villages voisins d'Abouqyr. Les sables que la mer fait continuellement sortir de son sein, et que les vents du nord portent sur Edkou, ont déjà enseveli une partie de la ville, et ïls s’'avanceront toujours davantage, ainsi qu'il arrive à Rosette, qui est dans la même position. Le lac situé près d'Edkou est très-poissonneux, et la pêche forme pour les habitans et pour le Gouvernement un revenu considérable. Ce lac est un simple bas-fond, qui dans aucun endroit n'a plus d'un mètre au-dessous du niveau de la mer. I reçoit les eaux du Nil au temps de linondation : quand celle-ci est très-abondante, les eaux se jettent dans la mer, non loin du lac d'Abouqyr, près de lokel ou caravanseraïl appelé par les Français Mason carrée. Cet okel est bâti en pierre, et fort solidement. Lorsque les eaux du lac communiquent avec la mer, ses muraïlles sont baïgnées par l'eau. La commu- nication avoit, en 1800, de six à sépt mètres de profondeur, et trente à (1) Dans cer endroit, nous avons Gbservé que la vé- gétation des plantes est extraordinairément rapide en Égypte. En cinquante jours, nous avons vu du blé de Turquie acquérir cinq pieds de hauteur; quelques tiges mêmes avoient plus de six pieds ou environ deux mètres. Ainsi, en supposant que la croissance soit proportionnelle au temps, ce qui est à peu près exact, ces tiges vraiment extraordinaires ont cru chaque jour de quatre centi- mètres, et, chaque heure, de la sixième partie d’un cen- ‘ timêtre. (2) IH faut se souvenir que l’époque à laquelle ces notes ont été écrites est l’année 1800. COMPRISE ENTRE RAHMÂNYEH ET ALEXANDRIE. 487 trente-cinq mètres de largeur. Les sables que la mer apporte, suflisent ordinai- rement pour la fermer. Ce même endroit est le w4'dyeh, ou passage, dont il est parlé dans les voyageurs modernes ; car de leur temps la rupture des digues d'Abouqgyr n'avoit pas encore eu lieu (1). En 1800, le lac d'Edkou a reçu, outre les eaux qui lui sont venues paï _Deyrout, celles d’une partie de la plaine de Damanhour, par une coupure qui a été faite dans les digues du canal d'Alexandrie près de Senhour; ce qui dénote les niveaux respectifs de ces deux points. Enfin ce lac a reçu encore les eaux de la coupure appelée Abou-Gämous, près de Kafr Mehallet Dâoud, par le bas-fond que nous régardons comme fancienne branche Canopique. Cette dernière voie est, au rapport des habitans du pays, la seule qui, précédemment, conduisoit les eaux dans le lac. Si lon rétablissoit bien les digues de Deyrout, on rendroit tout son territoire à la culture ; on augmenteroit le produit de la pêche du lac; et, chaque année, une suflisante quantité d'eau parviendroit par la coupure appelée A/ou-Gämous. Peut-être par-à les bords de l’ancienne branche Canopique se repeupleroient insensiblement. Maïs il faut faire attention que la pente de Deyrout au lac est très-rapide : si l’on pratiquoit un canal en cet endroit, il pourroit devenir trop large et entraîner de grands dégâts. Lorsque Finondation a été foible, ou lorsqu'on a négligé d'ouvrir les digues qui doivent laïsser passer les eaux du Nil dans le lac d'Edkou, alors celui-ci est réduit à une petite étendue ; l’eau en est entièrement salée, et la pêche est fort peu abondante. $. LIT. Lac Mareotis. LES rives de l'ancien lac Mureotis n’étoient pas, comme on l'a cru, totalement effacées à l'époque de lexpédition Française en Égypte (2). En partant de Beydah et suivant le canal d'Alexandrie, nous avions remarqué, après trois quarts d'heure de marche, à environ Cinquante ou soixante mètres du canal, une pénté rapide: à une ou deux lieues d'Alexandrie, cette même pente étoit tout auprès du canal: sur la crête de celle-ci, on voyoit, de distance en distance, des vestiges dé mu- railles, non plus en brique, mais en pierre calcaïre. Le terrain d’en bas étoit constamment humide , et même renfermoit plusieurs flaques d’eau salée: il étoit aussi beaucoup plus sablonneux que les autres terrains de l'Égypte. Belon rapporte avoir vu le lac Marcokis plein d’eau. Cela est aisé à concevoir: car, lorsque les eaux du Nil sont dans leur plus grande élévation, toute la plaine qui est à la gauche du canal se remplit d’eau, qui y demeure jusqu’au retour du printemps : cette eau ne diminue point beaucoup pendant l'hiver, à cause de la (1) Voy& le Mémoire sur le canal d'Alexandrie, ci- que ces observations ont été recueillies, nous avons cru dessus, pag. 191, nôte r, cependant devoir les conserver ici telles que nous les (2) Quoique les lieux aient beaucoup changé depuis avons consignées dans notre journal de voyage.” 488 NOTICE SUR LA PARTIE DE L'ÉGYPTE pluie qui tombe toujours en assez grande quantité pour réparer les pertes causées par l'évaporation. La digue gauche du canal d'Alexandrie, aux environs des marais salans, est soutenue, du côté du bas-fond, par une muraïlle en pierre, que fortifient, de distance en distance, des piliers battans. Il paroît que cette muraïlle a été cons- truite pour défendre la digue contre les eaux du lac Mareotis, qui, à cette époque, en conservoit sans doute toute l’année; car, maïntenant qu'il n'a de l'eau que momentanément, et qu'elle ne s’y élève pas, une muraïlle n’est plus nécessaire (1). Lorsqu'on se rend d'Alexandrie à Beydah par le plus court chemin, on tra- verse le lit de l'ancien lac Mareotis ; mais cette route n’est praticable qu'en été. Dans les autres temps, il y a de l'eau dans cette direction, et cette eau s'élève d’en- viron un pied : dans l'été même, le terrain est fort humide et le sel cristallise par-tout à sa surface. En allant au sud-ouest de Birket pendant trois lieues et demie, on arrive à el-Khäzy, village situé à peu près sur la limite cultivable de la province. II appar- tient à des Arabes cultivateurs ; son territoire est arrosé par le canal occidental, qui fait suite au canal Joseph, et qui est alimenté dans son cours par plusieurs dérivations, telles que celle de Terräneh. Quelquefois il s'y trouve beaucoup d’eau: en 1800, il en a reçu une grande quantité. Les eaux de ces canaux supérieurs se tiennent au-dessus de celles du Nil, et elles s’'écoulent en grande partie derrière Damanhour, d'où elles tombent dans le lac Mareotis , après avoir arrosé le pays (2). En se dirigeant au couchant d’el-Khâzy, et après trois ou quatre heures de marche, on commence à entrer dans un terrain humide qui, pendant le temps des pluies, est très-fangeux; c’est le reste de la partie sud de l’ancien lac Mareotis. Après avoir marché environ une lieue depuis cet endroit, on se trouve à l’ori- gine de l'Oxädy-Maryout, ou la vallée de Maryout: là commence la montagne qui borne au levant la branche Ia plus étroite du lac. Cet endroit est mar- qué par un petit santon appelé Cheykk-A'h, élevé sur un rocher. On a exploité le roc pour en tirer de Îa pierre; on y a même taillé des grottes. Près de là, on trouve de l'eau douce, provenant, comme celle d’el-Khäzy, des pluies qui tombent en assez grande abondance dans toute cette région. Depuis ce santon jusqu’au bord de la mer, il y a environ deux lieues perpendiculairement, et cette ligne perpendiculaire tombe à une lieue environ de la tour du Maräbout, du côté d'Alexandrie. La vallée de Maryout, que l’on traverse en allant du santon à la mer, est exactement plane, et paroît de niveau; la terre en est noire, fangeuse, et mêlée de beaucoup de sable. En approchant de la côte, on voit une grande quantité de gros blocs de pierre qui ont été taïllés. (1) Voyez ci-dessus la note 1, page 484. ture , de litières propres à transporter les femmes sur (2) Le village d'el-Khâzy est construit un peu diffé. es chameaux, et de ces couvertures que fabriquent les remment de ceux de l'intérieur; presque toutes les Arabes. Auprès de ce village , et dans quelques endroits maisons sont en dôme. Nous avons trouvé dans la aux environs, il y a de grandes flaques d’eau douce, mosquée un magasin considérable d’instrumens de cul- mais blanchâtre et chargée de craie. La COMPRISE ENTRE RAHMÂNYEH ET ALEXANDRIE, 489 La terre est tellement couverte de coquillages, qu'elle en paroît toute blanche. Le terrain de cette vallée et du lac Mareotis est salé, et il ne peut point être cultivé : aussi les habitans du pays lappellent-ils se4khah. Les coteaux qui avoisinent le santon, sont probablement ceux où croissoit le vin Maréotique, si célébré par Horace. La terre en est crayeuse comme en Champagne. Le terrain des environs de la tour du Maräbout est également crayeux; on y fait croître des melons qui sont réputés d’une fort bonne qualité, analogue à celle des melons du lac Bourlos. Ce terrain est tout blanc, et il ne semble formé que de pierres écrasées. On plante les melons dans de grands sillons, de plus d’un mètre de profondeur. Les ruines de Maryout, restes de l’ancienne Marea, sont à huit lieues environ d'Alexandrie; ils seront décrits aïlleurs (1). C’est à l'extrémité orientale d’une longue vallée , que nous avons vue s'étendre fort loin à l’ouest, qu'est la branche étroite du lac Mareotis appelée Ouädy-Maryout par les Arabes, et parallèle aux bords de la mer, dont elle est cependant séparée par la vallée dite Dryah elBahr : les pluies entretiennent dans la première un certain état de fraîcheur, indépendamment des eaux du Nil; cependant on y voit peu d'arbres ; les seuls qu'on aperçoive dans ces vallées, sont quelques touffes de dâattiers, à de grandes distances les uns des autres; encore ne sont-ce que des buissons de troïs à quatre mètres de hauteur : ïl y a aussi cinq ou six palmiers bien développés auprès du santon appelé Qozblet où Abou elKheyr. La vallée de Maryout a environ une lieue de large auprès d'Alexandrie : mais elle se rétrécit peu à peu ; et auprès d’Abousyr, l'ancienne Taposiris, où est située la Tour des Arabes, elle n’a guère que trois quarts de lieue de largeur. Toute la colline des Bains de Cléopatre, jusqu'à l'endroit où elle se termine pour former l'entrée de la vallée appelée Dryah eL-Bahr, c'està-dire, dans plus de trois lieues d’étendue, a été exploitée, du côté du sud, sur une très-grande largeur : ce sont là les carrières qui ont servi à bâtir les diverses villes d'Alexandrie, On ne marche pas quatre cents mètres dans la vallée Dryah el-Bahr sans rencontrer des vestiges de murailles, soit parallèles à la longueur de la vallée, soit perpendiculaires à cette dimension : on y voit aussi des traces de rigoles en- duites de ciment et propres à conduire l’eau. Des ruines pareïlles se retrouvent dans la partie de la vallée de Maryout que l’on suit avant d'entrer dans celle de Dryah el-Bahr. À l'embouchure de la vallée, on remarque, à droite, les traces de deux murs parallèles, distans l’un de l'autre de cinq à six mètres, et longs de neuf cents. | | Ce seroit imaginer une chose impossible, que de supposer que toutes ces ruines sont des restes de maisons; car il se trouveroït que, dans une étendue de dix lieues, il y auroit eu une suite d'habitations continues : mais il est plus pro- bable que ces vestiges sont les restes d'enceintes, de jardins et de potagers. On conçoit comment, au voisinage d'une aussi grande ville qu Alexandrie , l'industrie (1) Voyez le Mémoire sur la partie occidentale de la province de Bahyreh, par M. Gratien Le Père. É. M. tom. ÎT, pag. 7. E. M. TOME IL. © qq 490 NOTICE SUR LA PARTIE DE L'ÉGYPTE. a dû tirer parti d’un terrain suffisamment humecté par les eaux pluviales, et dans lequel on peut creuser des citernes. L’étendue de ces murs, dont un grand nombre coupe la vallée perpendiculairement, est très-favorable à cette expli- cation. | | Nous vîmes dans la même vallée (de Dryah el-Bahr) un assez grand troupeau de chèvres et une vingtaine de bœufs et de vaches : ces bœufs sont d’une variété très-différente de ceux de l'intérieur de l'Égypte; ils sont beaucoup plus petits, et leurs jambes sont proportionnellement plus courtes : leur couleur est un fauve rembruni; le dessous du ventre est noir: ils sont tous de la même couleur, Ces vallées sont en partie occupées par des Arabes, qui y font paître leurs troupeaux, ou qui s'y retirent lorsqu'ils sont chassés de l’intérieur de l'Egypte ; la grande tribu des Aouläd-A’} en étoit en possession à l’époque de notre voyage (1): maïs nous n'avons trouvé dans la vallée de Dryah el-Bahr que deux ou trois hommes, un enfant et une vieille femme, qui n'avoient pas eu le témps de fuir avant notre approche; ils se tenoient cachés sous les rochers et parmi les dunes de sable qui séparent la vallée de la mer. (1) 10 février 1801. MÉMOIRE. SUR L'AGRICULTURE, L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L’ÉGYPTE; PAR M. P.S. GIRARD, INGÉNIEUR EN CHEF DES PONTS ET CHAUSSÉES ; MEMBRE DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, ET DE L'INSTITUT D'ÉGYPTE ; CHEVALIER DE L'ORDRE ROYAL DE LA LÉGION D'HONNEUR. TT A M M TT Eénraremenr après l'occupation des différentes provinces de l'Égypte par l'armée Française, je fus chargé de remonter le Nil jusqu'à la première cataracte, de reconnoître l'influence de ce fleuve sur la fertilité de cette contrée, et de recueillir les matériaux nécessaires pour établir sur un plan général le système de ses irrigations. Je partis du Kaire, le 29 ventôse de l'an 7 [ 19 mars 1709 |, avec plusieurs membres de la Commission des arts : chacun de nous s'occupa, pendant le voyage, des recherches vers lesquelles son goût particulier appeloit. Celles que je me proposois de faire ayant spécialement pour objet l'amélioration du pays, il falloit, avant tout, acquérir la connoïssance exacte de son état actuel, ét des ressources que lui procurent l'agriculture, l’industrie et le commerce. Le champ des ren- seignemens que J'avois à recueillir, se trouvoit ainsi parfaitement circonscrit; et je lai parcouru avec d'autant plus de détails, que je m'y suis, pour ainsi dire, exclusivement renfermé. Je commençai, dès le jour même de notre départ, à porter sur mon jour- nal de voyage les renseignemens que je recueillois. Is m’étoïent fournis, tantôt par les cheykhs des villages, que je faisois appeler; tantôt par de simples cul- tivateurs que je rencontrois; souvent par des voyageurs du pays, que nous rece- vions dans notre barque. L'interprète qui nous accompagnoit, n'ayant presque toujours quà répéter les mêmes questions à ceux que j'interrogeois, parvint bientôt à saisir l'esprit de leurs réponses ; et, si-elles n’ont pas toujours été faites avec la même bonne foi, je suis sûr du moins qu'elles m'ont été rendues avec fidélité. La partie supérieure du Sa’yd n’étoit point encore complétement occupée par les troupes du général Desaix, lorsque nous arrivâmes à Syout : cette circons- tance nous retint dans cette ville depuis le 28 mars jusqu'au 18 mai suivant. Ë, M. TOME II. Q qq 2 \ 492 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Je fus, pendant cet intervalle de temps, témoin d’une partie des travaux de la moisson; je les suivis avec un vif intérêt, et ils me donnèrent l’occasion d'ap- prendre, de la bouche même des cultivateurs qui s'en occupoient, en quoi consistoient les travaux de l’agriculture dans les autres saisons de l'année. : : Nous nous rendimes ensuite par terre, et à petites journées, en suivant la rive gauche du Nil, de Syout à Qené, où nous arrivâmes le 25 mai. Nous y trouvâmes le général Belliard, qui commandoit dans cette province. Il venoit d’achever les préparatifs d’une expédition à la tête de laquelle il devoit prendre possession du port de Qoceyr : elle se trouva prête le lendemain de notre arrivée. C’étoit l'occasion la plus favorable qui pût se présenter de reconnoître l’intérieur du désert par lequel la vallée du Nil est séparée de la mer Rouge, et de prendre, sur le commerce qui se fait entre l'Égypte et l'Arabie par cette voie, les ren- seignemens dont j'avois besoin. Je partis donc pour Qoceyr avec cette expédition: elle se borna à mettre une garnison Française dans ce port; nous en étions de retour le 14 Juin. Nous séjournimes à Qené jusqu'au 26. Là, comme à Syout, j'eus le temps de confirmer ou de rectifier ce que je savois déjà sur les travaux et les produits de agriculture : j'appris ce qu'ils avoient de particulier dans cette partie de l'Égypte, et quels étoient les différens genres d’industrie auxquels ses habitans se livrent. | Nous suivimes la rive droite du Nil pour nous rendre à Esné, où nous arri- vâmes le 30 juin. Cette ville m'offrit, pour l'objet spécial de mes recherches, les mêmes ressources que j'avois trouvées à Syout et à Qené. Après y être restés neuf jours, nous en partimes le o juillet pour remonter jusqu’à la pre- mière cataracte, et le 12 nous nous trouvämes à Syène. Notre séjour s'y pro- longea jusqu'au 26 ; nous étions le 20 de retour à Esné. Nous y passâmes encore Jon q 3 y P dix Jours, après lesquels nous nous mîmes en route pour visiter la plaine de ‘Fhèbes. Nous y arrivimes le 11 août. Nous nous établîmes d’abord sur la rive gauche du fleuve, dans le village d’el-Aqâlteh, à peu de distance du Memmno- num et de Medynet- Abou ; nous passimes, le 19 août, sur la rive opposée ; nous restimes à Louqsor jusqu'au 29; enfin nous remontämes à Esné, où nous demeu- râmes une troisième fois jusqu'au 14 septémbre. Aïnsi nous avons passé vingt- | cinq jours dans cette ville, à trois reprises différentes. Je n'avois pas besoin de m'arrêter à Qené, où notre séjour sétoit déjà prolongé pendant près d’un mois, lorsque nous remontions le Nil; mais j'avois traversé sans my arrêter la province de Girgeh, une des plus importantes du Sa yd, et Je desirois beaucoup y recueillir quelques informations. J'y demeuraï depuis le 12 jusqu'au 20 septembre. Je passai ensuite trois jours à Akhinym sur la rive droite du Nïl. Enfin, en descendant ce fleuve, j'arrivai à Syout le 3 vendémiaire de l'an 8 [ 25 septembre 1700 | Les eaux de l'inondation, qui avoïent couvert la campagne, venoient de s’écou- ler, et je pus être témoin des semaïlles , que l'on commençoit. Le général Desaix avoit depuis quelque temps établi ses quartiers à Syout, d'où il observoit les mou- L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. Â93 vemens de Mouräd-bey. Il en partit le r.° octobre pour se mettre à sa poursuite, et le pousser dans le désert jusqu'au-delà du Fayoum, en couvrant la rive gauche du canal de Joseph. Je nn 1 pt dans cette ‘excursion : maïs, dix jours après, le général Desaix ayant reçu en même temps la nouvelle du départ du général en chef pour la France, et l’ordre de revenir au Kaire, il fallut renoncer pour cette fois au projet de visiter la province de Fayoum. Nous remontâmes à Minyeh, où nous nous embarquâmes sur le Nil le RE on j'arrivai au Kaire le 16, après une absence de x mois. Le général Kleber, qui étoit à la tête de l’armée, avoit changé le système des travaux de FInstitut d'Égypte et de la Commission des arts. Il avoit créé plusieurs commissions chargées de rassembler les divers documens qu'on jugeoit le plus utiles : je fus adjoint à celles d'agriculture et de commerce. Je passai une partie des mois de novembre et de décembre, tant à mettre en ordre les matériaux que j'avois rapportés de la haute Égypte qu'à m'en procurer de nouveaux pour former mon contingent dans le travail des commissions dont je faisois partie. Je visitai pendant ces deux mois les plaines d'Helopolis, des Pyramides et de Saqqärah, où je passai plusieurs jours. Ce fut pendant cet intervalle que s’établirent avec les prin- cipaux négocians du Kaire, Chrétiens ou Turcs, les relations qui mont mis à portée d'acquérir sur le commerce actuel de l'Égypte les notions que j'expo- serai dans la suite de ce Mémoire. Je profitai, le 24 décembre 1709 , d’une occasion qui se présenta de faire la reconnoissance de la route du Kaire à Suez par la vallée de l'Égarement. Nous arrivâmes dans ce,.port le 28, après quatre jours de marche : nous y séjournämes RER au 22 fanvier 1800; ce qui me permit d'ajouter de nouveaux renscignemens à ceux que j'avois déjà sur le commerce de l'Égypte avec l'Arabie. Nous primes pour revenir au Kaïre le chemin le plus court, qui passe entre le Moqatiam et Birket el-Häggy. Nous y étions de retour le 24 janvier. À cette époque, l'Égypte étoit menacée et fut bientôt envahie par les troupes Ottomanes; il fallut en faire une seconde fois la conquête, que décida la bataille d'Hehopolis : je demeurai à Gyzeh pendant tout le temps qui s'écoula depuis cette bataille jusqu'à ce que l'on pût de nouveau occuper la haute Égypte; je lemployai à vérifier les informations qui m’avoient été données précédemment sur l'agriculture des environs du Kaire. Les nouvelles garnisons destinées pour la haute Égypte ne partirent que le 10 mai. J'accompagnai le général Zayonchek##auquel le commandement des provinces de Beny-Soueyf et de Fayoum avoit été donné. Nous suivimes par terre, avec son infanterie, la rive gauche du Nil, et nous arrivâmes à Beny-Soueyf le 13. Cette marche à petites Journées, avec un corps de troupes assez fort, me laissa le temps de prendre de nouveaux renseignemens sur l'agriculture du pays que Je parcourois. Après avoir passé trois jours près du général Zayonchek, je partis pour visiter la province de Fayoum. Je fai parcourue dans tous les sens, avec le commandant 49 À MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, des troupes, qui y levoit les contributions : j'y restai depuis le 17 mai jusqu'au 23 juin; et ce jour même je partis de Beny-Soueyf, avec une escorte de six Janis- saires, qui maccompagnèrent jusqu'au Kaire, où j'arrivai trois jours après. Le général en chef Kleber avoit été assassiné le 14 juin, et le commandement de l’armée avoit passé en d’autres mains. Je résidai au Kaïre pendant cinq mois environ, attendant le moment favo- rable de parcourir la basse Égypte. L’inondation de cette année avoit été très- abondante, et il falloit que les terres fussent découvertes, afin de pouvoir visiter commodément le Delta. Enfin je partis le 10 décembre : je parcourus d’abord la province de Me- noufych, du midi au nord; je séjournai à Tantah; j'atteignis la branche du Nil qui passe à Rosette vis-à-vis du poste de Rahmänyeh, d'où, en me dirigeant à l'est, Je me rendis à Semennoud, sur la branche de Damiette , en passant par Mehallet el-Kebyr. Je quittai Semennoud le 31 décembre, et je m’embarquai sur le canal de Tabânyeh, qui se jette dans le lac Bourlos. Après avoir traversé ce lac pendant la nuit, j'arrivai au village de Beltym, le plus considérable de tous ceux que l’on voit bâtis sur la langue de terre qui sépare ce lac de la mer. Nous en partîmes le 2 janvier 1801, et nous nous rendimes, toujours en suivant le lac, au village de Rous, situé sur la droite du Nil, vis-à-vis de Rosette. Le général Zayonchek commandoït dans cette ville ; je restai près de lui jusqu'au 9 : à, comme dans le Fayoum, il me procura avec la plus grande bien- veillance tous les moyens de faciliter mes recherches. Je repassai le Nil à son embouchure : je suivis le bord de la mer pendant deux journées de marche, jusqu'au boghäz de Bourlos; c'est la bouche principale par laquelle les eaux de ce lac se jettent dans la mer. Il y a encore trois journées de là jusqu'a Damiette; nous y arrivames le 13 janvier. C’étoit la seconde fois que je visitois cette ville, dans laquelle j'avois fait, deux ans auparavant, un séjour forcé de près de deux mois. J'achevai d'y compléter les renseignemens que j'avois commencé à y prendre sur le commerce de la Syrie et sur les cultures propres à cette partie de l'Égypte. J’y demeurai jus- qu'au 18. Je me rendis de Damiette à Menzaleh, gros village qui donne son nom au lac par lequel la partie orientale du Delta est couverte; je visitai ensuite les établissemens de pêche de Mataryeh; et, le 23 janvier, je me mis en route pour Mansourah, en remontant le canal d’Achmoun. Mon séjour à Mansourah se prolongea depuis le 25 jusqu'au 27. Je me dirigeai de cette ville sur lemplace- ment de Sän, en descendant le canal de Moueys. De Sän, je me rendis à Sâlehyeh, où j'arrivai le 30 ; j'en partis le 1.* février pour Belbeys. Enfin le 4 je me retrouvai au Kaire. | Peu de temps après mon retour, les événemens de la guerre, qui se succé- dèrent rapidement, suspendirent toute excursion. [1 fallut s'attacher à un corps d'armée, et Je restai dans celui que commandoit le général Belliard jusqu’à notre embarquement, qui eut lieu à Abouqyr au commencement du mois d'août. » + Ë 1 {dent je je me propose rare date, se sont ÉATeR à toutes 1e Ces "MEN ; 7 pte. La persévérance et les soins que jai apportés à les recueillir, M: De FA à à mé résultats le degré d’exactitude dont un pareil travail est sus: : PT: ceptible. Celui que j'avois D. avoit pour objet spécial, comme je l'ai dit, | de connoître l'état actuel de l'agr culture, de l'industrie et du commerce de l'Égypte : : ainsi la division s’en trouve naturellement indiquée sous chacun VON R'm 668 titres. = | LA ù ‘ \ À : à ; _ « he —_ À se : ne Fr’: < É HD LE y tr | Là 79 ji } | | t 114 £ CET \ É # : 1 a 0 . , e J ÿ É F1 4 LS + LA & ‘ à = ‘hu : El | [A r" L 2 LS : LH 2 | &ZA ES Î à 15 + # pe D) L » 1 Et ? - | ÿ . k W W; i se , 1 A * | ; ” 04 " "Pr . à _ . à jte etat ‘sn Hu Es 7 Ai Elie 7 #2 à s . 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À peu de distance au-dessous du Kaire, ces deux montagnes s'écartent l'une de l'autre : la première, en se retournant vers la mer Rouge; la seconde, en se prolongeant au nord-ouest jusqu'à la Méditerranée. Tout’ l’espace renfermé entre ces deux chaïnes et listhme de Suez est un ter- rain d'alluvion que le Nil a formé, et qu'il a sillonné à diverses époques, en suivant des directions différentes. Ce grand atterrissement, le fond de la vallée étroite dont nous venons de parler, et la province de Fayoum, qui s'y rattache par un grand canal, constituent le sol cultivable de l'Égypte. Il présente une superficie totale d'environ deux millions cent mille hectares. Le sol est composé, à sa surface, d'un limon noirâtre qui repose sur des couches de sable fin plus ou moins épaisses, à travers lesquelles filtrent les eaux du Nil, et celles dont les terres sont couvertes lors de l’inondation. Une contrée située entre les 24.° et 31.° degrés de latitude, où il ne pleut presque jamais, ne peut être fécondée que par le débordement du fleuve qui la traverse, ou par des arrosemens artificiels. Le Nil commence à croîtré au solstice d'été, et parvient au maximum de sa crue à l’équinoxe d'automne; il décrôît ensuite par degrés jusqu'au solstice d'été de l'année suivante : ainsi il s’exhausse pendant trois mois, et s'abaïsse pendant neuf; ce qui donne une idée de son régime. Au moment où ses eaux sont le plus basses, le sol de la vallée leur est supérieur de huit et dix mètres dans la partie méridionale du Sa’yd, de quatre et cinq aux environs du Kaire, et d'un mètre seulement aux embouchures des deux branches de Rosette et de Damiette. Deux mois après que le Nil a commencé à croître, c'est-à-dire, du 20 au F2 L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE 497 25 août, on coupe les digues qui ont été élevées, quelque temps auparavant, à la tête des canaux d'irrigation creusés de distance en distance sur les deux rives du fleuve. Ces canaux sont dirigés dans la haute Égypte, plus ou moins oblique- ment, vers les deux chaînes de montagnes qui bordent la vallée : parvenus à leur pied, ils se prolongent parallèlement au désert; mais des digues transversales en interrompent le cours, de sorte que leurs eaux, arrêtées par cês digues, s'élèvent contre elles et submergent une partie des terrains qu'elles enferment. On conçoit que plus la crue du Nil est considérable, plus les eaux s'élèvent en amont des barrages dont on vient de parler, et plus, par conséquent, l’espace qu'elles submergent est étendu. Quand cette submersion a atteint sa plus grande hauteur, on coupe la digue qui soutenoit les eaux ; elles s'écoulent alors au-delà de cette digue, en suivant le même canal, qui se prolonge lui-même sur la limite du désert, jusqu'à un second barrage qui, arrêtant de nouveau les eaux, les oblige de se gonfler, et de se répandre sur une partie de l'espace renfermé entre deux digues transversales consécutives. On coupe la seconde digue comme on avoit coupé la première ; les eaux des: cendent de la même manière contre un troisième barrage, qui produit à son tour la submersion d’une certaine étendue de terrain; et aïnsi de suite, Jusqu'à ce que les deux rives de la vallée, divisées en étages successifs par les principaux bar- rages dont nous venons d'indiquer la disposition, aient été inondées par les eaux dérivées du Nil. Les prises d'eau sont renouvelées dans ce fleuve de distance en distance, au moyen de canaux particuliers qui réparent les pertes des dérivations supérieures, et qui augmentent, par le nouveau volume qu'elles y ajoutent, l'étendue des terres submergées. Afin que les eaux de l'inondation restent sur les terres et ne retombent point dans le fleuve en amont des barrages contre lesquels elles s'accumulent , les rives du Nil sont bordées de digues plus ou moins hautes, qui servent de chemin pendant l’inondation; de sorte que, dans beaucoup d’endroits, pendant cette période de l’année, les eaux intérieures, retenues par ces digues, sont plus élevées que le niveau du fleuve. Le système d'irrigation que nous venons de décrire, consiste, comme on voit, à former pendant linondation, sur les deux rives du Nil, une suite d'étangs qui s'élèvent les uns au-dessus des autres. Aïnsi, tandis que la pente de ce fleuve est distribuée suivant une certaine loi de continuité, dans toute la longueur de son lit, depuis la première cataracte jusqu'à la. Méditerranée, cette même pente se trouve distribuée par gradins le long des canaux qui traversent successivement les divers territoires qui le bordent. Il est aisé de concevoir, d’après ce qui précède, que l'amélioration du système des arrosemens de l'Égypte ne dépend pas tant de la profondeur à laquelle les canaux sont creusés, que du bon entretien des digues qui barrent transversale- ment la vallée. Ces digues, dirigées ordinairement d’un village à l'autre, servent É. M. TOME Il. RSS 498 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, de communication entre eux pendant linondation, et sont entretenues par leurs habitans. Comme elles sont construites en terre, et éxposées à des ruptures lorsque les eaux qu'elles soutiennent sont agitées par le vent, on revêt ces digues d’un ou de plusieurs rangs de nattes de jonc, que l’on soutient au moyen de piquets verticaux. Ce mode d'irrigation se pratique dans l’intérieur du Delta, comme sur les deux rives du Nil dans la haute Égypte. On voit que l'étendue des terres inondées dépend de deux circonstances; d’abord, de la hauteur de l'inondation : ensuite, de la durée du temps pendant lequel on laisse les eaux s’accumuler contre les digues qui les soutiennent: maïs, comme le terrain situé immédiatement au-dessous reste à sec jusqu'à ce qu'on y laisse entrer les eaux supérieures en ouvrant ces digues, on conçoit que les villages inférieurs peuvent perdre, par Îles retards qu'on apporteroit à cette ouverture, tous les avantages dont lé$ villages supérieurs Jouiroïent seuls en laïssant l’inondation tendue sur leur territoire. Cette diversité d'intérêts dans l'aménagement des eaux d'arrosage engendre souvent des querelles sanglantes dans le même canton; et, le défaut de police prolongeant les haïnes qui en résultent, il se trouve que des villages voisins sont, depuis un temps immémorial, ennemis iréconciliables. Nous n'entreprendrons point ici de faire connoître tous les canaux dérivés du Nïl pour inonder les terres adjacentes; on se formera üne idée exacte du système général qu'ils forment, en jetant un coup-d'œil sur la carte d'Égypte. Nous dirons seulement que, la vallée où coule le Nil, devenant plus large au- dessus de Girgeh, on a dérivé à cette hauteur, de la rive gauche de ce fleuve, un canal qui reçoit le nom de canal de Joseph ; il se prolonge, en suivant toujours la lisière du désert Libyque, jusqu'à l'entrée de la province de Fayoum, qui est séparée du reste de l'Egypte, et qui auroit été condamnée à une stérilité perpé- tuelle, si le canal que nous venons d'indiquer n'y versoit pas une partie de ses eaux. Elles y pénètrent en passant sous un pont pratiqué dans la digue qui traverse la gorge d’el-Lähoun; elles coulent de là ‘jusqu'au centre du plateau le plus élevé de la province, où elles sont reçues dans un bassin irrégulier, situé entre la ville actuelle de Médine et les ruines de l'ancienne Arsimoé. C'est de ce réser- voir commun que Îles eaux sont réparties entre les différens villages. Les ca- naux qui les y conduisent, sont fermés à leur origine par de petites chaussées de maçonnerie de brique, que les eaux doivent franchir simultanément quand elles sont parvenues à une hauteur déterminée. Elles coulent d'abord à plein canal ; lorsqu'ensuite, par l'effet du décroissement du Nüil, elles sont descendues au niveau de ces déversoirs, on est obligé d'y pratiquer des trouées , afin de prolonger l'écoulement : maïs cette opération, faite sans aucun art, et souvent d'une manière clandestine, occasionne quelquefois entre les cultivateurs de si grands désordres, que l’on a vu des villages entiers abandonnés, parce que des voisins plus puissans s’étoient emparés de vive force des eaux qui leur étoïent destinées. Mie cé ; , “ LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE 499 + Le maintien des réglemens sur les irrigations du Fayoum est confié à l’effendy de la province : il est le dépositaire des titres où sont indiqués le nombre de villages et la quantité d’eau qui doit être distribuée à chacun. Ces titres indiquent aussi la somme d'argent que chaque village doit payer annuellement pour l'en- tretien des ouvrages qui lui sont d’une utilité spéciale ; car l'entretien de ceux qui sont d’un intérêt commun, comme le canal de Joseph et les murs ou revêremens de maçonnerie construits dans quelques endroits pour en fortifier les rives, est à la charge du Gouvernement. dite, À partir du bassin de distribution dont nous venons de parler, les eaux coulent presque au niveau du sol, jusque sur ie bord occidental du plateau qui forme la partie la plus élevée de la province; là, elles se précipitent dans des ravins de huit à dix mètres de profondeur, qui les conduisent jusqu’au lac de Qeroun, connu autrefois sous le nom de 4e Meæris. La facilité de distribuer l’eau d’un réservoir, quand ïl s'élève au-dessus des terres adjacentes, rend la province du Fayoum susceptible d’être mieux arrosée, et, par conséquent, propre à un plus grand nombre de cultures que les autres parties de l'Egypte. C'est, au reste, au moyen de barrages plus ou moins rap- prochés les uns des autres, que lon y soutient les eaux sur le sol pendant le temps nécessaire pour le fertiliser. | La plupart des digues qui traversent l'Égypte supérieure et l'intérieur du Delta, sont coupées dans leur longueur par un ou plusieurs ponts ordinairement bâtis de brique, et dont les arches ont environ trois mètres de largeur ; l'intervalle d'une pile à l'autre est occupé par un déversoir également construit en maçon- nerie, et par-dessus lequel s'écoulent les eaux, quand elles ont séjourné suffisam- . } ment dans les terrains situés en amont de ces ponts. C4 Toutes les terres qui ont été inondées par les eaux du Nil depuis le moment r ‘ de l'ouverture des canaux jusqu'à la rupture des digues, sont affectées à certaine : cultures, lesquelles, comprises sous la dénomination générale d’el-bayädy, n'ont besoin d'aucun arrosement jusqu'à la récolte. Les cultures que l’on entreprend pendant la même saison sur des terres que le Nil n’a point inondées, ou qu'il na point couvertes assez long-temps, exigent des arrosemens artificiels, et sonc distinguées par la dénomination d’eZchetaouy, ou cultures d'hiver. Après la récolte des grains e/bayädy où el-chetaouy , commencent les cultures appelées e/-keydy ou el-seyfy, c'est-à-dire, cultures d'été. Elles se font pendant la saison des plus basses eaux du Nïl, et elles ont toujours besoin d’arrosemens, qui deviennent de plus en plus pénibles. Enfin, quand le Nil commence à croître, succèdent aux cultures d'été celles que lon désigne par les noms d’e/- demyry lorsqu'elles se font dans des terres basses, et d'enabäry lorsqu'elles se font dans des terres hautes qu'il faut arroser:( On voit, au surplus, que, pendant cette saison, les arrosemens artificiels deviennent de-plus en plus faciles par l’accroïssement du Nil et par l'introduction de ses eaux dans les canaux d'irrigation. Cette succession de cultures fournit en Égypte une division naturelle de l'année rurale en trois périodes d'environ quatre mois E. M. TOME IL. Rrr 2 et # $00 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, chacune. La première correspond à Ia durée des cultures d'hiver ,eLbzyéd ou el-chetaouy ; la seconde, à la durée des cultures d'été, ekeydy où el-seyfy ; enfin la troisième, à la durée des cultures d'automne, «/dempry ou eEnabäry. Lorsque les terres cultivées pendant la seconde et la troisième période sont situées le long du Nil ou sur le bord des canaux de dérivation, on les arrose à bras d'homme, en élevant l'eau de ces canaux à l'aide de seaux de cuir appelés 444 ou chädouf. Pendant les cultures «/-keydy, les champs de la haute Égypte sont arrosés par trois étages de delou, à chacun desquels on emploie deux ouvriers qui se re- lèvent successivement. Pendant les cultures e/-nabäry, il n'y a plus qu’un seul étage de ces machines, qui n'exige que lemploi journalier de deux manœuvres. Mais, lorsque les terres sont situées À une certaine distance des rives du Nil ou d'un canal, l'eau destinée aux arrosemens est tirée du fond d’un puits au moyen d'une corde sans fin, garnie de pots de terre cuite :.cette corde s’enroule sur un treuil que des bœufs attelés à un manége mettent en mouvement. Dans la basse Égypte, et sur-tout dans la partie septentrionale du Delta, où Jes puits creusés pour Îles arrosemens ont toujours très-peu de profondeur, on se sert de roues à tympan pour en élever l’eau. Les augets dont la circonférence de ces roues est garnie, la puisent dans le réservoir, et l’élèvent à la hauteur du sol, au moyen d'un manége qui est aussi manœuvré par des bœufs ou par des buffles. La description de toutes ces machines ayant été déjà publiée (1), nous sommes dispensés d'entrer dans de grands détails sur leur construction ; nous ferons remar- quer seulement qu'elles sont de la plus grande simplicité, et les plus convenables que l'on puisse employer dans un pays où le prix de la main-d'œuvre est très-bas. Le delou où chädonf est composé d’un levier suspendu, vers le tiers de sa lon- gueur, sur une traverse horizontale que soutiennent deux montans verticaux établis *au sommet des berges du fleuve ou du canal où l'on puise l'eau : la branche la plus courte de ce levier porte un contre-poids de terre durcie, et sa branche la plus longue, une verge de boïs attachée par un lien flexible, de manière que, pendant le mouvement de rotation du levier, cette verge reste toujours verticale; c’est à son extrémité inférieure qu'est suspendu le seau de cuir. Un homme placé sur une saillie de terre ou sur un petit échafaud de bois puise l'eau dans le seau, l'élève à la hauteur de sa poitrine, et la verse dans un petit canal, qui la conduit, si cela est nécessaire, dans un puisard, où elle est reprise de nouveau par une machine semblable , qui la transmet à une troisième, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu’elle soit parvenue à la hauteur du terrain qu'elle doit arroser. Chaque delou élève l'eau à trois mètres environ de hauteur ; on en place jus- qu'à trois et quatre les uns au-dessus des autres, suivant les saisons et les localités. On voit, par cette description succincte du delou, que l’homme chargé de le manœuvrèr na d'autre travail à faire que celui de diriger la verge verticale à la- quelle le seau est suspendu, et de verser l'eau élevée par le contre-poids dans le canal qui la répand sur les terres. (1) Arts et Métiers, planches III, IV, V et VI. “4 L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. soi Une expérience faite sur une de ces machines, et dont M. ingénieur Duchanoy ma communiqué le résultat, a appris qu'un ouvrier Egyptien pouvoit élever, au: moyen du delou, 49 litr qui est fort au-dessous de la fans ordinaire d’un homme, telle qu'on est déns l'usage de la calculer dans nos climats d'Europe | 1). Le même ingénieur a fait aussi une expérience pour connoître le produit d'une machine à pots. La roue horizontale, mise en mouvement par un bœuf attélé au manége, avoit 2”,60 de diamètre et quarante dents; la roue verticale, engre- nant dans la précédente, avoit 1°,68 de diamètre et vingt-six dents. Cette ma- chine élevoit l'eau à une hauteur verticale de 6,75. Le treuil sur lequel s’enrouloit la corde sans fin qui tenoit les pots suspendus, avoit un mètre de rayon. Cette corde sans fin étoit garnie de ns pots, dont onze montoient pleins d'eau, tandis que onze descendoïent à vide. Une première expérience a donné en 15 minutes un produit dé 59324 d’eau. Une seconde a donné un produit Henri 80566 en 17 minutes. Le produit moyen de ces deux expériences est ainsi de o im. cub. ,1062, ou 106 litres = élevés à la hauteur de 6",7$ en une minute, ou bien enfin, ce qui revient au même, de 717 kilogrammes élevés à un mètre de hauteur dans le même temps (2). _ Une autre expérience, qui est PHASE dans la description des roues à pots, donnée par M. Jollois (3), a fait connoître qu une machine dont Île chapelet étoit composé de cinquante-six pots, à élevé 0" 067606 à la hauteur de HO: P q P 3 pendant une minute. L'effet utile de cette machine est, par HoAcquent de 703 kïlogr. élevés à un mètre de hauteur pendant cette unité de temps, c'est-à-dire, sensiblement égal à celui quia été trouvé par les deux prémières Dors que nous venons de PPS Les produits des machines, dans le même temps, tant proportionnels à la force des moteurs qui les font agir, et les produits du e/ou et de la machine à (1) L'effet utile de la machine est, comme on sait, le produit du poids de l’eau élevée par la hauteur de son ascension verticale; c’est-à-dire, ici, 49 kilogrammes 27 x 20,88 — 142,89 kilogr. élevés à la hauteur d’un mêtre en une minute. La même machine a été employée à quelques épuisemens qui ont été faits dernièrement sur les travaux du canal de Saint-Denis. On a trouvé qu'un homme élevoit par minute 5$ litres ou kilogrammes à la hauteur de 4 mètres, ou, ce qui revient au même, 220 kilogrammes à la hauteur d’un mètre. Ainsi il y a une différence de 77,11 entre le produit utile de ce delou et celui du delou observé en Égypte; ce qui tient à Ja différence entre les forces des ouvriers. Au surplus, l’ex- périence faite par M. l'ingénieur en chef Devilliers, sur le delou lt au canal de Saint-Denis, vient à l’ap- pui de ce qu’on savoit déjà. En eflet, l’action dynamique d’un homme de force moyenne employé de la même ma- nière est, par seconde, de 18 Kilopr, som) 6; où, par minute, de 216 kilogr. ({ Architecture hydraulique de Bélidor , édition de M. Navier, pag. 296.) (2) L'effet utile de cette roue à pots, mise en. mou- vement par un seul bœuf, a pour expression 106 kilo- T grammes 5 x 6",7$ en une minute— 717 kilogr. élevés à un mètre de haut. L'action dynamique d’un cheval appliqué à un manége est exprimée par 45 kilogr. x o",9 en une seconde / 4r- chitecture hydraulique de Bélidor, édition de M. Navier, pag: 296), et en une winute par 2430 kilogr. élevés à [a hauteur d’un mètre. Prenant les 5 seulement de cette expression, à cause des frottemens et de l’inertie de la machine, on a pour le produit utile de l’action dyna- mique d’un cheval attelé à un manége et marchant au pas, 1610 kilogrammes élevés à un mètre de hauteur par minute; quantité plus que double de celle que nous venons de trouver pour les machines à pots en Égypte. Cette prodigieuse différence provient sur-tout de l’ex- trême imperfection de ces dernières, dont les roues sont ordinairement mal centrées, et les engrenages Iout-à irréguliers. (3) Arts et Métiers, planche V, à-fait $O2 __. MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, pots étant entre eux comme les nombres 142 et 717, c'est-à-dire, à très-peu près comme 1 à $, il s'ensuivroit qu'en Egypte cinq hommes seulement feroïent le même travail qu'un bœuf. À mesure que l'eau ‘s'élève ou s'abaisse dans les puisards sur lesquels les manéges des machines à pots sont établis, on rapproche ou l'on éloigne les uns des autres les vases qui contiennent l’eau , afin que les bœufs qui mettent ces ma- chines en mouvement, aïent toujours à peu près la même action à exercer. Vous les Jardins enclos de murs qui sont aux environs des villes, et qui appartiennent aux particuliers Îles plus aisés, sont toujours arrosés au moyen de machines à pots. SECTION IL De la Charrue — Du Norep. — Des autres Instrumens de l'Agriculture, — Des Animaux qui y sont employés. Les instrumens aratoires des Égyptiens sont aussi simples qu'il est possible de les concevoir; et, s'il faut en juger par le peu de dispositions naturelles de ce peuple à perfectionner, ces instrumens doivent remonter à la plus haute antiquité. Leur charrue, qui a été décrite ( Arts et Métiers, planche VIII), est com- posée de deux pièces de boïs réunies à leurs extrémités sous un angle de cin- quante à soixante degrés, dont on fait varier l'ouverture au moyen d’une che- ville fixée sur la pièce inférieure ou traînante, et qui passe dans un trou pratiqué à travers la pièce supérieure, On arrête cette cheville dans la position conve- nable, au moyen d'une clavette en fer. L’angle que forment les deux pièces prin- cipales de la charrue, se trouve aïnsi plus ou moïns ouvert, selon que l’on veut donner plus ou moins de profondeur au labour. La pièce la plus longue, qui s'incline au-dessus de Fhorizon, sert de timon et porte transversalement le joug auquel les bœufs sont attachés : la branche la plus courte, destinée àspénétrer le sol, est armée d’un soc de fer en forme de bêche, lequel, en traçant le sillon, reporte les terres également de chaque côté. C’est à cette pièce inférieure que sont assemblés deux montans verticaux, qui, s'élevant à un peu plus d’un mètre de hauteur, sont liés l'un à l’autre, à un décimètre au-dessous de leur sommet, par une cheville transversale que le laboureur tient d'une main, tandis que de l’autre il conduit les bœufs attelés à la charrue. Ces bœufs sont attachés au joug avec des cordes de feuilles de dattier. L'insertion du joug sur le timon est à environ deux mètres et demi du sommet de l'angle formé par ce timon et la pièce traînante qui porte le soc. Le joug a deux mètres de longueur environ. La planche VIII, que nous venons de citer, rend superflus de plus grands détails sur les dimensions des diverses pièces dont la charrue est composée. Nous dirons seulement que celle qui est représentée sur la planche, est particulièrement en usage dans la basse Égypte et aux environs du Kaiïre : celle de la partie méridio- nale du Sa'yd est beaucoup plus légère et beaucoup plus grossièrement travaillée. L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. $03 Pour se former une idée de cette dernière, äl suffit de concevoir deux pièces de bois d’un mètre de haut, coudées naturellement à leur extrémité inférieure sous un angle de cent degrés environ. Ces deux pièces, parfaitement sem- blables, sont retenues fxement, à un décimètre de distance l’une de l'autre, pa deux chevilles ; lune à quatre décimètres et l’autre à un mètre au-dessus du même coude. Cette dernière cheville les traverse toutes deux, et présente exté- rieurement deux poignées par lesquelles on peut la saisir. | Dans l'intervalle que ces deux pièces laissent entre elles, passe d’abord le timon, qui est mobile verticalement sur une cheville horizontale qui le traverse, ainsi que les montans qui l’embrassent. Cette cheville est placée au coude de ces montans. Entre leurs parties traînantes, et suivant leur prolongement, est encastrée soli- dement la pièce de bois qui porte le soc. Celle qui forme le timon étant mobile autour d'une cheville horizontale, on fait varier à volonté l'angle qu’elle forme avec la première, afin de rendre le labour plus ou moins profond. On maintient les côtés de cet angle dans une position déterminée par une espèce de tenon de bois vertical, qui, fixé sur la pièce du soc, traverse une mortaise pratiquée dans le timon, et y est retenu par une clavette. Le soc est un simple fer de bêche, de vingt centimètres de long sur treize de large; le timon est une simple perche de deux mètres de longueur, à l'extrémité de laquelle est chevillée une rallonge d’un mètre de long. C’est au milieu de cette pièce de rapport que le joug est attaché transversalement : ainsi il se trouve à un mètre et demi du coude que forment les deux montans. La longueur de ce joug est de trois mètres. (Voyez la figure M M de la collection des meubles et instrumens. ) Le laboureur dirige cette charrue en tenant des deux mains, ou d’une seule, la cheville supérieure qui traverse les deux montans du bras de la charrue. C’est particulièrement celle que nous venons de décrire, que on voit sculptée sur les monumens de la haute Égypte. Les Égyptiens ne connoïssent point l'usage de la herse. Quand les terres ont été labourées et qu'il faut en aplanir la surface, ils font passer dessus un tronc de palmier, qui est traîné transversalement par un ou deux bœufs. Cette pièce de bois est attachée à ses deux extrémités par une corde lâche dont les deux moitiés forment, quand elle est tendue, un angle plus ou moïns aigu. Au sommet de cet angle est attachée une autre corde à laquelle es bœufs sont attelés. Quelque- fois, pour rendre plus pesant ce tronc de palmier et briser les mottes de terre dont le sol est couvert, l'homme qui conduit les bœufs s'assied sur cette espèce de rouleau. Quand ïl s'agit de diviser en carreaux un terrain qui doit être arrosé artifi- ciellement, ou quandril faut en aplanir la surface, on emploie une espèce de rabot appelé assougah : c’est une planche de huit décimètres de longueur, qui porte, d'un côté, un manche de 1",4 de long: de l’autre côté, une corde de dattier que tirent un ou deux hommes, tandis que la machine est dirigée de l’autre côté par celui qui en tient le manche. | » On se sert de ces divers instrumens avant les semaïllés : une fois qu'elles sont $O4 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, terminées, on ne revient dans le champ que pour le sarcler ou pour l'arroser , jusqu'au moment de la récolte. Toutes les fois que la plante n'est point arra- chée, elle est coupée à la faucille, et cette faucille est généralement plus petite et moins courbée que celle dont on fait usage dans les parties septentrionales de la France. Lorsque la récolte est terminée, les grains, et généralement toutes les plantes qui font l'objet d'une grande culture, sont mis en gerbes ou en bottes, et transpor- tés sur une place qui a été préparée à cet effet, soit dans le champ même où la moisson a été faite, soit dans un endroit choisi à peu de distance. Dans un pays où la température varie peu, et dont le climat n'est sujet à aucune des vicissitudes qui rendent plusieurs fois l’état du ciel incertain pendant la courte durée d'un jour, comme dans nos climats, on na pas besoin de granges pour mettre les récoltes à l'abri de la pluie et de la gelée; elles restent en plein air, jusqu'à ce qu'on en ait retiré les produits. On ne connoît point en Égypte l'usage du fléau pour battre les grains. Dans la partie la plus méridionale du Sa’yd, le blé, tel qu'il a été récolté, est étendu sur une aire et foulé aux pieds des bœufs : par ce travail, non-seulement on fait sortir le grain de l'épi, maïs encore on en brise la païlle, qui est sèche et extrêmement fine ; elle se trouve ainsi toute préparée pour servir de fourrage. Dans le reste de l'Égypte, ces deux opérations s’exécutent à l’aide d'une machine appelée zoreg, que l'on voit représentée planche VIIT des Arts et Métiers. Cette machine est composée d’un châssis horizontal, formé de quatre pièces assemblées d'équerre entre elles : deux de ces pièces reçoivent, parallèlement aux deux autres, deux essieux en bois, sur lesquels sont fixées par leur centre trois et quatre roues en fer plat, de deux millimètres d'épaisseur et de quatre décimètres de haut. Tout l'assemblage est ainsi mobile horizontalement sur ces roues, dont la disposition est telle, que celles qui sont traversées par le même essieu corres- pondent au milieu de lespace compris entre celles que traverse l'essieu suivant. Ce châssis est surmonté d'une espèce de siége en grosse menuiserie, où se place Je conducteur des bœufs qui y sont attelés. Un anneau de fer, fixé dans la traverse intérieure du châssis, sert à attacher avec une corde un timon volant, à l'extrémité duquel est un joug transversal, que l’on fait passer sur le cou de ces animaux. Les gerbes des grains de toute espèce que l'on destine à être battus au moyen de cette machine, sont déliées et étendues sur une aire de quinze à vingt mètres de diamètre, dont le centre est quelquefois occupé par une meule de ces grains; on fait ensuite promener circulairement la machine sur cette aire : les gerbes déliées sont aïnsi foulées aux pieds des bœufs à diverses reprises; ce qui fait sortir le grain de F'épi, tandis que la paille se trouve hachée pendant la même opération par les roues de fer dont le norez est armé et sur lesquelles il roule. La paille des plantes céréales ou des fourrages secs soumis à cette opération est ramenée au pourtour extérieur de faire par des hommes qui se servent de Jongs râteaux à dents de boïs. | | Le noreg employé au Kaiïre et dans la basse Égypte est ordinairement com- posé LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. SOS posé de pièces plus pesantes et écarries avec plus de soin qu'on ne le pratique dans le Sa'ÿd. Le zoreg dont on fait usage pour battre le riz à Rosette et à Damiette, est encore construit sur de plus fortes dimensions. I y a certaines plantes dont on retire la graine en les frappant avec de grands bâtons sur un emplacement préparé à cet effet; ce sont celles dont les tiges sèches ne peuvent être employées à la nourriture des bestiaux, maïs qui doivent servir de combustible. Quel que soit le moyen dont on a fait usage pour retirer les grains de leur épi ou les graïnes de leur capsule, il faut les nettoyer des matières étrangères qui peuvent sy trouver mélées. À cet effet, on Îles vanne grossièrement en les pro- jetant en l'air par petites parties, avec des fourches de bois à dents rapprochées ; on les fait ensuite passer au crible à plusieurs reprises. Les labours se font généralement avec des bœufs; quelquefois on attelle des vaches à la charrue. J'ai vu, dans quelques villages de la haute Égypte, labourer avec des ânes, et, dans le Delta, avec des chameaux; mais ce cas est très-rare. Tous les transports nécessaires aux travaux de agriculture se font à dos de chameau, ou avec des ânes, qui sont en Égypte très-remarquables par leur force, SECTION HIT. Des Mesures agraires. — Des Mesures de capacité. — Des Poids. — Des Monnoies. EN traitant de l'agriculture chez les Égyptiens, nous nous proposons particu- lièrement d'offrir les moyens d'en comparer les produits à ceux de l’agriculture en Europe : or il faut, pour cela, évaluer en mesures connues celles dont on fait usage en Égypte, puisque nous nous servirons de celles-ci pour exprimer les résultats de nos recherches. Nous avons traité fort au long des mesures agraires de cette contrée (1); nous nous bornerons à rappeler ici ce que nous avons dit de celles de ces mesures qui sont en usage aujourd hui. L'unité de mesure agraire porte généralement le nom de féddän : c'est un carré de 20 cannes ou gassäb de côté, et, par conséquent, de 400 cannes super- ficielles. La canne est une mesure linéaire dont la longueur est de 6 pyk bekdy et =, dans l'usage que les particuliers en font entre eux : dans les mesurages que l’on fait pour l'assiette de l'impôt sur les terres ensemencées, la canne n’est que de 6 pyk beledy et +, c'est-à-dire, plus courte d’un tiers de py4 que celle du grand fddän. La coudée désignée sous le nom de pyk beledy se divise en 24 doigts; sa longueur absolue est de 0",5775 (2). (1) Mémoire sur les mesures agraires des anciens du Kaire, pag, 56. — Mémoire sur les mesures agraires ou . Z . . LIT À ? + 2 Égyptiens, Antiquités-/Mémoires, tom, 1", pag. 725. des anciens Égyptiens, Antiquités- Mémoires , tom. 1, (2) Annuaire de Pan Virt, calculé pour le méridien pag. 256, EM. DOME. TL Sss + 506 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, La longueur de la canne du fddän des cultivateurs est par conséquent de 3°,85 : le côté de ce feddän est de 77°; et sa surface, de $929 mètres carrés. On voit que cette unité de mesure agraire est, à très-peu près, les troïs cin- quièmes de notre hectare. La longueur de la canne employée pour le féddän sur lequel les contributions sont assises, est de 3°,658 : le côté de ce feddän est, par conséquent, de 73",16; et sa surface, de 5353 mètres carrés, un peu plus que le demi-hectare. Le féddän de {oo cannes, quelle que soit la longueur de la canne, se divise toujours en 24 parties, appelées girät. Cette division se maintient dans toute la haute Égypte, jusqu'au Kaire; mais elle éprouve quelques variations dans le Delta et les autres provinces septentrionales. Aïnsi le feddän de ces provinces n’est pas toujours composé de 24 grrât comme dans le Sa’ yd : on le réduit dans quelques cantons à 12, 15, 18 et 20 grät, c'est- a-dire , à la +, aux +, aux + et aux À du feddän primitif. Cela tient à la volonté des propriétaires des villages , et au poüvoir qu'ils exercent. On distingue encore, dans les environs de Damiette, une espèce particulière de feddän : c'est un rectangle dont l'un des côtés à 24 cannes de longueur, et l’autre côté, 18 cannes seulement. Aïnsi sa superficie se trouve de {32 cannes carrées. De plus, la canne qui sert à le mesurer, est de 3°,49; ce qui donne pour sa surface 6877",48 carrés, près des -= de notre hectare. Dans tout ce que nous dirons ci-après, il ne sera question que du féddän du Sa'yd, de {oo cannes, et de 24 girät, chacun de 16 cannes = superficielles. La mesure de capacité qui est employée pour les grains et les matières sèches, s'appelle généralement ardeb. Sa contenance éprouve quelques légères variations dans les différentes provinces de l'Égypte: mais l’erde4 du Kaiïre est connu par-tout; et c'est à cette unité de mesure que nous rapporterons toutes les quantités de semence, et de grains récoltés, dont nous aurons occasion de parler. L'ardeb du Kaiïre, comme nous l'avons dit ailleurs (1), contient vingt boisseaux Romains antiques, dont chacun étoit, comme on sait, le tiers du pied cube. Supposant au pied Romaïn, en nombre rond, 0,3 de longueur, ce qui est une longueur un peu moindre que celle du plus grand des pieds Romains mesurés par l'abbé Barthélemy, le boisseau Romaïn sera de 0”,009 ou de 9 litres, et les 20 bôis- seaux qui forment l'ardeb, seront de 180 litres. Un procès-verbal d'expériences faites sur le marché du Kaiïre et dans les maga- sins de blé qu’on avoit établis dans l’île de Roudah, fait connoïtre que l'ardeb du Kaire équivaut à 14 boisseaux de Paris et = : or le boïsseau de Paris contient 13 litres. L'ardeb du Kaïre équivaudroit, par cette épreuve, à 184 litres (2). L’ardeb de Syout est à celui du Kaïre comme 12 est à 11. Celui de Rosette, qui est employé à mesurer le riz, est à celui du Kaire comme Rest AERS L Il y a à Damiette une autre unité de mesure destinée à mesurer le riz en orge: (1) Mémoire sur les mesures agraires des anciens (2) Voyez, à la suite de ce Mémoire, Ja pièce justifi- L « » CS. Z . . Égyptiens, Antiquités-Mémoires, tom. 1‘, pag, 251. cative n.° 1. LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. $ 07 on l'appelle dereb : elle est à l'ardeb du Kaïre comme 36 est à 13. L’ardeb et toutes les autres unités de mesure de capacité dont nous venons de parler, se divisent en 2 parties ou rob’. Au reste, quand il ne s'agit que de petites quantités, la plupart des graines sèches se mesurent au poids, ainsi que toutes les autres provisions, et même le bois à brûler. La drachme est la seule unité de mesure pondérale qui soit invariable : sa valeur, qui a été déterminée avec la plus grande précision à la monnoïe du Kaïre, a été trouvée de 3 grammes << , ou de 58 grains , poids de marc. 1000? 16 On compose de la drachme 3 unités de poïds usuelles. La première de ces unités est l'oke de 400 drachmes, ou de 1 Kilogramme 3 6 235 grammes La seconde est le rot/ de 144 drachmes ou de 4 hectogrammes 44 grammes 7° Enfin la troisième est le rot/ de 168 drachmes, ou de s hectogrammes 18 grammes 7 100*° L'oke est particulièrement en usage à Damiette, à Alexandrie, à Rosette et dans la basse Égypte. Le zof/ est d’un usage plus général dans l’intérieur du pays. L'unité de poids la plus considérable est le gantär: il est composé de 100, de 110, de 150 et même 275 rot/, suivant Fespèce de denrée pour laquelle il est employé. Nous aurons occasion, dans la suite de ce Mémoire, de donner plus de détaïls sur cette matière. Nous ferons en monnoïes du pays les évaluations dont nous aurons besoin. Ces monnoies sont le parat Où médn, etla pataque. | Le parat où médin est une très- petite pièce d'argent allié de cuivre, qui a cours dans tout le Levant, et dont 28 équivalent à 1 franc de notre monnoïe. La pataque est une pièce fictive de 90 médins : elle est à notre pièce de 5 francs dans le rapport de 45 à 71; ainsi elle équivaut à 3 francs 21 centimes. Il y a encore d’autres unités monétaires: maïs, dans tous les comptes publics et particuliers, on les réduit à celles que nous venons d'indiquer. Le prix de la journée des ouvriers employés aux travaux de l'agriculture varie dans les différentes provinces de l'Égypte : dans le Sa’yd, elle est de $ à 8 mé- dins; dans la province du Fayoum, aux environs du Kaïre et dans le Delta, elle s'élève de 8 à 19. | Ces ouvriers travaillent depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher. ils font deux repas par jour : le premier, vers onze heures du matin : et le second, le soir. Ils vivent de pain de dourah, de riz, d'ognons crus, de concombres, de fromage, de féves, de lentilles, &c.; rarement de viande, excepté pendant le temps du ramadan : ils mangent alors du chevreau bouilli, du buffle, &c. La nourriture journalière des jt//äh du Sa’yd peut être évaluée à 3 médins. Is ne portent pour vêtement qu'une robe ordinairement brune, appelée gebbeh ; elle est faite d’une étoffe fabriquée avec la laine des moutons du pays, à laquelle on laisse sa couleur naturelle : il entre dans la fabrication de ce vêtement environ quatre rotl de laine filée. É. M. TOME Il. Sss 2 $SO8 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Le prix du of de cette laine prête à être mise en œuvre est de 6 $ médins: il en coûte 30 pour la fabrication du tissu, et 15 pour la façon de la robe ; ce qui la fait revenir à 300 médins environ, ou à À pataques au plus. Ce vêtement dure un an, ou quatorze mois. Les felläh se couvrent encore les épaules d’une pièce d’étoffe de laine en forme de châle, dont le prix est de 2 pataques. Ce châle leur sert pendant deux ou trois ans, de même que celui dont ïls s'enveloppent la tête, et qui coûte ordinairement 100 médins. Enfin, chaque année, ils usent trois pairés de chaussure de l'espèce appelée fabouches, du prix de 30 médins chacune. Voilà à quoi se réduisent tous les frais auxquels un simple ouvrier est assujetti; son entretien ‘annuel revient, d'après ce compte, à $30 médins où à 6 pataques environ, S1 nourriture, étant estimée à 3 médins par Jour, coûte chaque année 109$ médins, ou à très-peu près 12 pataques : ainsi la dépense annuelle d'un paysan de l'Égypte pour sa nourriture et son entretien peut être évaluée à 18 pataques, auxquelles il faut en ajouter quatre pour la consommation qu’il fait accidentellement de café et de viande. Sa dépense totale peut donc être calculée sur le pied de 22 pataques par année; ce qui revient à un peu plus de 70 francs de notre monnoiïe. Ce que nous venons de dire s'applique particulièrement aux cultivateurs de la haute Égypte : la consommation de ceux du Delta doit étre évaluée un peu plus baut. | La quantité de travail que ces hommes exécutent est nécessairement moindre que si leurs alimens étoient plus substantiels, et s'ils réparoïent par une nourri- ture plus succulente les pertes abondantes qu'une transpiration continüelle leur fait éprouver. Voici, au reste, quelques données qui peuvent servir à l'évaluation de cette quantité de travail. Un homme, conduisant une charrue attelée de deux bœufs, laboure un fddén de terre en deux jours, ou en deux jours et demi au plus. Nous avons dit ailleurs que, dans le travail des arrosemens par le moyen du delou, un homme élevoit par minute 49 litres d’eau et 7 à la hauteur de 27,88. Voici une autre expérience qui indique la quantité de déblaïs qu'il peut exécuter et transporter dans un Jour. Quatre hommes, travaillant pendant un jour ét demi, ont creusé, dans la plaine de Syout, un puits vertical de $”,522 de profondeur sur 17,5 de diamètre, et en ont élevé les déblais à 1”,$ environ au-dessus du sol; ce puits Ctoit presque circulaire. Le cube du déblai a été, par conséquent, de 9 mètres cubes été élevés à la hauteur moyenne de 3°,26. Ainsi le travail de chaque homme par journée de travail a consisté dans la fouille et charge de 1,5 52 cubes de terre, et dans l'élévation verticale de cette masse à 3,26 de hauteur. La fouille se fait au moyen d’une petite pioche à manche très-court, et dont =, lesquels ont aps) 10007? L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE. $O9 le fer a la forme d’une pelle ; le travail des ouvriers se réduit, pour aïnsi dire, à gratter la surface de la terre, qu'ils font entrer, à mesure qu'elle est ameublie et réduite en petites masses au moyen de cet outil, dans une couffe ou panier flexible de feuilles de dattier, qu'ils tiennent ouvert entre leurs jambes pendant qu'ils sont courbés pour piocher. Lorsque ce panier est rempli de terre, et qu'il s'agit de l'élever verticalement du fond d’un puits, ils l'accrochent, par une anse de corde de palmier qui y est adaptée, à un crochet de bois, attaché lui-même à une corde de la même matière, que tiennent et que manœuvrent les ouvriers placés sur le bord de ce puits. Quand il s’agit de transporter des déblaïs sur un chemin horizontal ou en rampe, comme cela a lieu fréquemment en Égypte pour la construction ou la réparation des digues, les manœuvres employés à faire ce transport, hommes, femmes ou enfans, posent sur leurs têtes les couffes pleines de déblais ; ils les sou- tiennent d'une maïn, et ils vont, en marchant au pas, les.jeter sur la décharge indiquée. Les transports éloïgnés se font à dos de chameau, ou à dos d’äne. La charge d'un chameau, quand ïl doit remplir une course un peu longue, ne va point au- delà de deux ardeb de blé, les deux ensemble du poids de 250 kilogrammes environ. Avec cette charge, un chameau, marchant au pas, parcourt 2000 mètres en 25 minutes, ainsi que Je m'en suis assuré par plusieurs expériences. Outre sa charge ordinaire en denrées, un chameau porte encore quelquelois son conducteur. On estime à 7 médins la nourriture journalière d’un chameau. La charge d’un âne est d’un ardeb seulement. Ce sont des bœufs qui sont généralement employés aux travaux de l'agricul- ture : la nourriture d’un bœuf est estimée de 8 à 12 médins par jour. Dans la haute Égypte, on n'entretient des troupeaux de buffles que pour le lait qu'ils fournissent; on na point essayé de s'en servir à la manœuvre des machines à arroser, parce que ces machines ne sont point mises à l'abri du soleil, dont ces animaux ne peu- vent supporter l'ardeur : maïs, dans le Delta, les buffles mâles sont employés à ce travail, parce que le climat y est plus tempéré, et que, d’un autre côté, ny a guère de machines à pots qui ne soïent abritées par un ou plusieurs sycomores. SECTION IV. De l'Erat des Cultivateurs en Egypte. — Quelques Notions sur l'Administration des Villages. LES détails dans lesquels nous venons d'entrer sur les besoins, la nourriture et la manière de vivre des felléh , suflisent pour montrer que la fertilité de l'Egypte contribue peu au bien-être de ses habitans, et que l'agriculture n'y a pas reçu de grands encouragemens : cela tient à ce que les cultivateurs ne sont pas proprié- taires , et que , sous le gouvernement des Mamlouks, la terre étoit surchargée de toutes les contributions qu’elle pouvoit supporter. Aussi peu disposés à profiter $10 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, de d'expérience du passé qu'à user de prévoyance pour l'avenir, ils n’envisageoient que le moment présent, et, certains de tout obtenir par la violence, ils s'embarras- soient peu d'améliorer une terre sur laquelle ils ne faisoient, en quelque sorte, que passer : d’ailleurs la forme bizarre de leur gouvernement excluoit tout système suivi d'amélioration, et celle du sol en particulier exige des avances trop considé- rables pour qu'un tel assemblage d'hommes dépourvus de toute instruction, et qui ne connoïssoient que les jouissances du luxe, se déterminât à les faire. Dans cet état de dégradation, la partie de l'Égypte comprise entre Syout et Qené a cependant été améliorée vers le milieu du siècle: dernier : il paroît qu'on y entretenoit avec assez de soin les digues et les canaux nécessaires aux irriga- tions ; mais c'étoit précisément parce que les Mamlouks:ne la gouvernoïent pas. Les bords de la vallée d'Égypte sont habités à lorient par des tribus d’'Arabes venues directement de l’Yémen, et au couchant par d'autres Arabes qui, après s'être répandus dans tout le nord de l'Afrique et les parties occidentales de l'Eu- rope, se sont rapprochés à différentes époques du pays dont ils étoient originaires. Les uns ont continué de mener une vie errante, et d’habiter avec leurs troupeaux sur des confins du désert ; les autres se sont plus avancés vers le Nil, et sont devenus cultivateurs. Une des tribus venues des environs de Tunis se fixa, il ya environ deux cent cinquante ans, entre Girgeh et Farchout; elle s'établit d'abord sur des terres qui n'étoient point cultivées, fit l'acquisition de quelques villages, s'empara de vive force de quelques autres, et finit par occuper tout le territoire compris entre Hoû et le village de Cheykh-Selym. La plupart des Arabes de cette tribu, connus sous le nom d'Haouärah, devinrent riches propriétaires ; ils étoient sous la dépendance d'un grand cheykh, qui résidoit ordinairement à Farchout. Le dernier de tous, nommé Hammém, gouvernoit le Sa’yd, depuis Syout jusqu'a Syène, et ilen per- cevoit les revenus pour son propre compte, moyennant une redevance annuelle de 150,000 ardeb de blé qu'il payoit aux beys et aux pâchäs du Kaire. La puissance du cheykh Hammäm, qui donnoït depuis long-temps des inquié- tudes au Gouvernement du Kaire, se seroit infailliblement accrue par les dissen- sions des Mamlouks, si A’ly-bey ne.s'étoit pas emparé de lautorité absolue. À peine la crut-il affermie entre ses mains, qu'il fit marcher contre le cheykh une armée dont il confia le commandement à Mohammed Abou-dahab, son favori : Hammäm, à la tête de 35,000 cavaliers levés sur ses terres, s’avança pour l'arrêter ; mais il fut battu deux fois ne de Syout, et, sa nombreuse cavalerie s'étant dis- persée, il s'enfuit à Esné, où il mourut en 1760. Ses enfans furent trop heureux de pouvoir acheter la paix au prix de richesses de leur père ; ils furent dépossédés de la majeure partie de leurs biens : on sent que la politique des beys n'a pas depuis permis l'agrandissement d'une famille dont la puissance avoit menacé Ja leur. S'il faut juger de l'administration du cheykh Hammäm par la réputation qu'il a laïssée, l'Égypte supérieure fut heureuse sous son gouvernement : riches ou pauvres, Mahométans ou Chrétiens, tous les habitans ont sa mémoire en véné- L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. $ T' Î ration ; il n’en est aucun qui ne parle, avec l'expression du regret, de la police qu'il avoit établie, des soins qu'il mettoit à l’entretien des canaux et des digues, et de l'état Horissant auquel il avoit amené l'agriculture. Quand leurs récits seroient exagérés, ces témoignages unanimes prouvent-du moins que le cheykh Hammäm ft quelque bien dans le pays qu’il gouverna., et à ce titre le souvenir de son nom y sera long-temps conservé. Le Sa’yd, après sa mort, devint le refuge des beys qui furent successivement proscrits les uns par les autres : l'objet unique de leur ambition fut toujours, comme on sait, de revenir gouverner le Kaïre ; mais il falloit, pour en acquérir les moyens, grever les terres d'impositions énormes. Voilà comment l’histoire de ces exilés se lie à celle du dépérissement de l’agriculture dans la haute Fgypte. Mohammed Abou-dahab, chassé par Alÿ-bey, fut le premier qui s’y réfugia, avec son collègue Isma yl ; ils revinrent quelque temps après, forcèrent A'ly-bey d'abandonner sa capitale, le firent prisonnier près d’el-Arych, et l'envoyèrent en Égypte, où il paroît qu'il fut empoisonné. Cependant Mohammed s’'avança en Syrie, prit Jaffa, et mourut devant Acre: son armée en désordre se replia sur le Kaire. Mouräd et Ibrähym, kâchefs de sa maison, furent créés beys. Il paroît qu’alors le gouvernement se païtagea en deux factions ::l’une, de la: maison d'A’ly, avoit pour chefs Hasan et Ismayl; l'autre, de la maison de Mohammed, étoit conduite par Ibrähym et Mourâd. Celle-ci ayant succombé, ses deux chefs se retirèrent dans la haute Égypte en 1775. Ils étoient les maîtres du cours du Nil, depuis Beny-Soueyf Jusqu'au-delà de Syène, lorsqu'Ismayl marcha contre eux : maïs, tout-à-coup abandonné des siens, et païti- culièrement de son collègue Hasan, au moment où les deux païtis étoïent en présence au-dessus de Farchout, il fut contraint de* prendre la fuite ; il se retira d'abord en Syrie, d’où il passa à Constantinople, et de là à Derne, sur la côte de Barbarie. Mouräd et Ibrähym accoururent au Kaire, d’où ils gouvernérent toute l'Égypte pendant un an, de concert avec Hasan-bey : ils ne vécurent pas plus long-temps en bonne intelligence. Hasan, obligé d'abandonner la place, partit pour Suez, s'y embarqua avec quelques amis, aborda à Qoceyr, et vint s'établir à Qené. Isma’yl, informé de cette nouvelle révolution, s'empressa de le rejoindre en tra- versant les déserts de la rive gauche du Nil. Is renouvelèrent leurs anciennes liaisons, réunirent leurs moyens, et convinrent de garder le pays compris depuis Qené jusqu'à Syène, et d'en partager les revenus. | Les choses étoient dans cet état lorsque Savary et Volney ont écrit leurs voyages. Depuis cette époque, la fortune des beys n’a pas souffert moins de vicissitudes : le qapytân pâchä, ayant débarqué en Égypte en 178 S, Chassa du Kaire Mouräd et Ibrähym, et y rappela les deux beys du Sa’yd, à la disposition desquels il laissa une partie de son armée; ils lemployèrent à poursuivre leurs anciens antago- nistes, qui, profitant à leur tour du départ de cette armée pour Constantinople, revinrent sur leurs pas jusqu'à Beny-Soueyf, où ils fxèrent de nouveau la limite de leur gouvernement, sans qu'on pût les forcer à remonter plus *haut, T2 MÉMOIRE SUR L AGRICULTURE, Ibrähym et Mouräd résidoient depuis cinq ans, lun à Manfalout, et l’autre à Girgeh, lorsqu'Isma’yl, quelques autres beys et beaucoup de Mamlouks attachés à sa fortune, moururent au Kaire de la peste. Hasan presque seul, trahi par le plus grand nombre de ceux qui restoient, prévint, en fuyant une seconde fois dans le Sa’yd, da vengeance de Mouräd et d'Ibrähym, qui s'étoient rendus maîtres du Kaire sans combat : ils marchèrent sur-le-champ à la poursuite de leur ennemi, et le poussèrent jusqu’au-delà de la première cataracte. Enfin, fatigués de la guerre et désespérant de le forcer en Nubie, ils conclurent un traité en vertu duquel Hasan- bey, avec O’tmän et Säleh, qui l'avoient suivi, obtinrent, pour l'entretien de leurs maisons, le revenu du territoire compris depuis Syène jusqu'à Gibleyn, à condi- tion qu'ils ne descendroient jamais au-dessous de ce dernier point; ils livrèrent, pour la garantie de ce traité, deux beys de leur parti, dont l’un vivoit encore au Kaire lorsque les Français se sont emparés de l'Égypte. C'est ainsi que le Sa’ yd, gouverné, depuis la mort du cheykh Hammäm, par des beys proscrits qui s'occupoient du rétablissement de leur fortune, n'a reçu d'eux aucune amélioration: aussi le peuple des campagnes y est-il dans la plus profonde misère. Les villages sont composés de huttes en briques crues, presque tous envi- ronnés de ruines qui annoncent le décroïssement de la population. Leurs habitans, employés une partie de Fannée aux travaux pénibles des arrosemens, ‘se nour- rissent, comme nous l'avons dit, de pain de dourah et de quelques légumes , et n'ont pour mobilier qu'un petit nombre de vases de terre et d’autres misérables usten- siles, qu'ils trouvent à peine les moyens de renouveler avec le produit de leur travail, quand il en reste quelque chose après le paiement des impôts. La puissance qu'exerçoit le cheykh Hammäm dans les provinces les plus méri- dionales de l'Égypte, avoit enlevé aux diverses tribus Arabes qui occupent l'extrême lisière de la vallée du Nil, Pinfluence que ces tribus exercent sur les cultivateurs dans d’autres parties de l'Égypte; et c’est par un effet de l'ancienne police qu'il avoit établie dans son gouvernement, que les beys exilés du Kaïre y ont toujours trouvé des ressources que les autres provinces n'auroïent pu leur procurer. Les deux rives du canal de Joseph sur la gauche du Nil, etla province d’Atfyeh, du côté opposé, sont occupées par des Arabes devenus cultivateurs, et qui sont maîtres de plusieurs villages. Ces Arabes, en embrassant un nouveau genre de vie, n’ont pas, pour cela, renoncé à leurs anciennes habitudes , et notamment à celle de se procurer par la violence ce qu'ils ne veulent point acquérir par leur travail: ils s'emparent de vive force des meilleures terres, dirigent le cours des eaux de linondation, et rompent les digues, aux époques qui leur conviennent le mieux, sans s’embarrasser . des intérêts de leurs voisins, s'ils les croïent hors d'état de leur résister. Ces espèces de cultivateurs qui labourent pour ainsi dire la lance à la main, exercent une sorte de suzeraïneté sur les 4h; et,-comme ïül n'est pas toujours facile de leur faire payer. les impôts que supportent les terres cul- tivées, attendu la résistance avec laquelle ïls sont en état d'appuyer leur refus, le privilége qu'ils s'arrogent tourne au détriment des anciens habitans, qui payent d'autant plus que ces Arabes payent moins. Les L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 513 Les droits qu'ils usurpent sont tels, que, sans aucune formalité, ils s'emparent de la récolte des villages situés à leur portée, quand celle qu'ils ont faite sur leurs propres terres, ne suffit point à leur approvisionnement. À Îa vérité, ils accordent en retour une sorte de protection à ces villages, devenus ainsi leurs tributaires ; mais cette protection, toujours chèrement achetée, n’est pas cons- tamment eflicace, de sorte que tel village situé entre des tribus ennemies est pillé alternativement par chacune d'elles. Si le voisinage des Arabes devenus cultivateurs est aussi dangereux pour les felläh, on peut juger de ce que ces derniers ont à craindre des Arabes qui vivent encore sous des tentes, et qui viennent se fixer, suivant les saisons, tantôt sur un point, tantôt sur un autre, toujours prêts à s'emparer de ce qu'ils trouvent à leur convenance, et à s'enfuir avec leurs troupeaux , quand on peut les combattre avec des forces plus grandes que celles dont ils disposent. Au reste, il n'est aucun de ces Bédouins qui ne se croie fort au-dessus d’un Jfelläh, au travail duquel ïls attribuent une sorte de honte : comme ils ne recon- noïssent pas de droit plus légitime que celui de la force, et qu'ils n’attaquent pour l'ordinaire que des gens sans défense, les avantages qu'ils obtiennent les disposent naturellement à se regarder comme les véritables propriétaires du pays. Ce n'est pas seulement dans l'Égypte moyenne que les f{4h ont à redouter le voisinage des Arabes : quelques parties de la province du Fayoum sont aussi exposées au pillage que des tribus errantes viennent y exercer de temps en temps. Ces tribus, toutes. originaires de la Barbarie, sont, il est vrai, ennemies les unes des autres ; et peut-être se détruiroient-elles mutuellement, si les récoltes et les bestiaux des cultivateurs leur offroient un butin moins sûr : mais elles ins- pirent une telle épouvante, que tout est abandonné à leur approche. Elles sont d’ailleurs fort attentives à s'éviter réciproquement. + Deux de ces tribus s’étoient établies dans le Fayoum lorsque je parcourois cette province, les Forgän au nord, et les Somanlou au midi : elles sont toutes deux composées d’Arabes, dont les uns ont conservé les habitudes de la vie errante, tandis que les autres se sont répandus dans quelques villages et ont pris les mœurs des fäk. Ces villages, soutenus par la tribu à laquelle appar- tiennent les Arabes qui s'y sont retirés, ont au moins l'espérance de n'être pillés que par la ligue opposée : quant à ceux qui n'ont point l'appui de cette espèce de patrons, ils courent la chance presque certaine d'être fréquemment dévastés par les uns ou par les autres de ces dangereux voisins. Les environs des grandes villes où le Gouvernement entretient quelques forces, sont plus à l'abri des vexations de ces Arabes : mais la plupart des campagnes de la” basse Égypte sont exposées, comme celles du Fayoum, à étre ravagées par les tribus nombreuses qui fréquentent les déserts de l’isthme de Suez ou les bords de l'ancien lac Mareotis ; des cavaliers de ces tribus passent le Nil à Fim- proviste, et viennent enlever dans les villages les bestiaux et les denrées qu'ils y trouvent. Une circonstance particulière sert de prétexte à ces pillages. E. M. TOME II. Tec Sa À MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, La plupart des habitans du Delta, sous les noms de Sud et de Haräm, forment entre eux deux partis ennemis qui se nuisent par toute sorte de moyens. In- terrogés sur l'origine de cette division, ils racontent des fables ridicules, ou conviennent de bonne foi qu'ils lignorent. Cette origine est, au surplus, ce qui les intéresse le moins : les hostilités n’ayant jamais été suspendues, chaque parti a toujours des injures récentes à venger. Quoïque l'existence de ces deux partis soit généralement connue, les cheykhs du Kaïre, qui passent pour savoir le mieux l’histoire de leur pays, ne sont pas d'accord sur les faits qui leur ont donné naïssance. Ce que j'ai entendu de plus raisonnable se réduit à ceci : Pendant les guerres civiles qui désolèrent l'Arabie sous le calife Yezyd ben- Hayoueh, vers lan 65 de Flhégire, les deux armées prirent pour mot de rallie- ment, dans un combat de nuit, les noms de Sz4 et de arm, sous lesquels on connoissoit les familles de leurs chefs respectifs. Les combattans et leur postérité se les appliquèrent dans la suite; ce qui perpétua leurs discordes et mit un obstacle invincible à leur rapprochement. Les Arabes qui sont venus à différentes époques s'établir en Égypte, y ont apporté, avec le nom de la faction à laquelle leurs ancêtres avoient été attachés, leur haine invétérée contre la faction ennemie, et cette haïne s’est perpétuée jusqu'à présent de génération en génération. C’est à ces divisions intestines qu'il faut attribuer l'influence des Arabes Bédouins et la terreur qu'ils inspirent dans l’intérieur du Delta : un petit nombre de cavaliers enlève ordinairement sans résistance des troupeaux qu'une population considé- rable pourroit défendre à maïn armée; maïs ces Arabes, toujours sûrs d’être ac- cueillis et secourus par les villages du parti contraire à ceux qu'ils dépouillent, et ne conservant de liaison avec un parti qu'autant que l’exigent des intérêts mo- mentanés, exercent impunément leurs brigandages dans toute la province. Quant àla police intérieure des villages, elle est maintenue, tanthien que mal, par un ou plusieurs cheykhs, qui font avec les Qobtes percepteurs la répartition des impôts: ces fonctions leur procurent une certaine considération, dont ils abusent quelquefois. Au reste, ces cheykhs, divisés entre eux de village à village, arment sous ‘le moindre prétexte leurs paysans les uns contre les autres; et les Mamlouks, dont l'autorité se trouvoit affermie par ces divisions, ne manquoient pas de les entretenir. SECTION V. Des diverses Cultures de l'Égypte. Les plantes cultivées en Égypte sont destinées à la nourriture de l'homme, ou propres à servir de fourrage pour les animaux, ou bien enfin elles trouvent {eur emploi dans différens arts. Nous allons décrire séparément ces diverses cultures. mr y , ., LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE SI$ LT La Culture du Blé. LE blé / Triticum / est cultivé dans toute l'étendue de l'Égypte, depuis le territoire d'Edfoù, à dix-huit lieues au-dessous de Syène environ, jusqu'à l'extrémité septen- trionale du Delta. Maïs tous les cantons ne sont pas également propres à cette culture, etles procédés en varient suivant que les terres sont inondées naturel- lement par le Nil et les canaux qui en sont dérivés, ou bien qu’elles sont arrosées artificiellement, soit à bras d'homme, soit à laïde de roues à pots, que l’on appelle aussi ségyek. Les parties de l'Égypte les plus fertiles en blé sont, en descendant du midi au nord, les provinces de Thèbes, de Girgeh, de Syout, de Minyeh, du Kaire, de Ménoufyeh et de Mansourah. Les semaïlles commencent immédiatement après [a retraite des eaux, c’est-à- dire, vers le commencement d'octobre, dans la haute Égypte, et quinze jours plus tard dans le Delta. On donne à la terre un premier labour, à l’aide d’une charrue tréslégère (1) : elle est attelée de deux bœufs, et conduite par un seul homme. Il faut deux jours de travail pour le labour d’un féddän. Quand les terres ont été long-temps sous les eaux, comme il arrive à celles qui sont situées en amont des digues transversales par lesquelles la vallée de la haute Égypte est barrée, on est dispensé de ce premier labour. L’ensemencement a lieu pendant que la terre est encore en état de boue. On y procède toujours en jetant le graïn à la volée, comme en Europe. La quantité de semence employée dans le Sa’yd est généralement d’un demi- ardeb par feddän. Un homme peut aisément ensemencer un feddän dans un jour. Lorsque la terre présente un certain degré de consistance après la retraité des eaux, On recouvre le grain par un second labour. Si la terre ensemencée a été long- temps submergée, et si, après l'ensemencement, elle est encore molle et fangeuse, on recouvre le grain en y faisant traîner par deux bœufs un tronc de palmier transversal, qui fait l'office d’une herse. | Dans les différentes provinces de la haute Égypte, la culture du blé qui a été semé sur les terres inondées naturellement, n'exige aucun travail depuis l'époque des semaïlles jusqu'à celle de la moisson, c'est-à-dire, pendant l’espace de cinq à six mois. | La récolte se fait à la fin de mars ou au commencement d'avril. L'état de desséchement où se trouve la terre dans cette saison, et les gerçures dont elle est entrecoupée, permettent d'arracher aisément la plante et ses racines. On en fait de petites gerbes du poïds de dix à douze livres. Quatre journées d'homme suflisent pour la récolte d’un feddän. Les moïssonneurs sont payés en grain : ils ï 2 4 reçoivent chacun un rob° ou = d’ardeb pour prix de leur journée. (1) Elle est représentée dans les Arts et Métiers, planche IX, fig. r, et parmi les meubles et instrumens, planche MM. EÉ. M. TOME II. Pit S16 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Les gerbes de blé sont transportées à dos de chameau sur une aire préparée à peu de distance du champ; la charge d’un chameau est communément de trente gerbes. Elles sont posées les unes sur les autres, de manière à former une meule de dix pas de. diamètre environ au milieu de l'aire. On étend autour de cette aire, dont le diamètre est de vingt à vingt-cinq pas, une couche de gerbes que l'on a déliées, et l’on fait promener dessus l’espèce de chariot ou chaise roulante appelée noreg, que nous avons décrite précédemment. Lorsque, par cette opé- ration, le blé est sorti de l’épi, et que la paille est coupée suffisamment, on la ramène avec de grands râteaux de bois sur l'enceinte extérieure de la route du noreg, sous lequel on remet de nouvelles gerbes de demi-heure en demi-heure. Les bœufs qui le traînent sont changés d'heure en heure. e. prix de la journée — d'ardeb de blé. H faut deux jours ou deux jours et demi pour battre le produit d’un féddän, en em- ployant à cette manœuvre quatre bœufs et deux conducteurs. Soïxante - douze pour chaque bœuf, comme pour chaque ouvrier, est de gerbes de blé produisent communément un ardeb de grain, du poids de 275$ rot/, ou de 125 kilogrammes environ. Dans le territoire d'Edfoû, qui est, comme on vient de le dire, la partie la plus méridionale de l'Égypte où le blé soit cultivé, on se contente de faire fouler aux pieds des bœufs les gerbes de blé étendues sur une aire. La paille de ce canton est ordinairement si fme et si sèche, qu'après avoir été exposée quelque temps à cette manœuvre, on la retire brisée en fragmens aussi petits que si elle avoit été hachée par le zoreg. Le battage du blé achevé, on le vanne en le projetant en Fair avec une espèce de fourche de bois dont les dents sont très-rapprochées. C’est par cette opération que se terminent ordinairement tous les travaux de la récolte. Le prix de ces travaux, le vannage compris, est toujours, dans la haute Égypte, acquitté en nature, c'est-à-dire, en blé battu. Après avoir prélevé ces frais, le produit ordi- naire des terres se trouve encore de 12 et 14 pour 1. L'impôt mis sur ces terres est presque entièrement acquitté en nature, et elles fournissent la plus grande partie du blé qui est exporté de l'Égypte. Le Fayoum et les provinces du Delta présentent quelques différences dans la culture et les produits de cette céréale. Aïnsï, dans ces provinces, la quantité de semence par féddän varie de + à + d'ardeb. Elle est, par conséquent, un peu plus grande que la quantité de semence employée dans le Sa'yd sur la même superficie. Toutes les terres du Delta sont généralement labourées avant les semailles : on attelle quelquefois à la charrue des buffles au lieu de bœufs. Quelques terres ne sont point arrosées Li l’'ensemencement; mais c'est la moindre partie de celles que lon consacre à cette culture. Le reste des champs de blé, quoiqu ’ayant été inondé naturellement, est arrosé à deux reprises, soixante et quatre-vingt-dix jours après les semaiïlles. Les arrosemens s'effectuent au moyen des roues à pots. I faut deux jours et demi pour arroser un féddän par le travail continu d’une de ces machines. L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 17 Les blés de la basse Égypte ont leurs tiges plus élevées que ceux du Sa yd; ce qui permet de les récolter à la faucille. Huit ou dix hommes peuvent scier en un jour un féddän de blé. Comme le grain est moins sec que celui de la haute Égypte, et qu'il est plus adhérent à sa balle, ïl faut ordinairement trois jours pour battre le produit d’un féddän et en hacher la païlle. La manœuvre du noreg exige, comme dans le Sayd, deux hommes et quatre bœufs. , Les moïssonneurs du Delta sont aussi payés en nature; mais, au lieu de blé battu, on leur donne à chacun leur charge de gerbes de blé. Lorsque l’on sème ce grain dans les terres que l'inondation ne peut atteindre et qui sont situées à proximité du Nil ou des canaux, on est obligé de Farroser, à quatre ou six reprises différentes, au moyen de du ou de chädouf. Les meilleures terres du Delta sont moins fertiles en blé que celles dela haute Égypte : leur produit est de 10 pour 1: quelques-unes ne rapportent. que 6 ou 7. En général, la païlle du blé arrosé artificiellement devient plus haute que celle du blé qui ne fa point été. Le produit de cette culture, désignée sous le nom de chetaouy [culture d'hiver], est, à la vérité, supérieur au produit de la culture du blé Sayädy ; mais les frais d’arrosement la rendent beaucoup plus dispendieuse. La récolte en est faite à la faucille dans la haute et dans la basse Égypte. Il y à quelques terrains élevés situés entre Saqqârah et Beny-Soueyf, où l’on est obligé de fabourer la terre à la houe. Le labour d’un fdén exige vingt jour- nées de travail. Comme ce travail est très-pénible, le prix de la journée des ou- vriers est ordinairement de 15 médins, c'est-à-dire, plus fort d’un tiers que le prix de la journée d'un ouvrier employé aux arrosemens. La paille de blé hachée est la nourriture habituelle des chevaux et de tous les animaux employés aux travaux de l'agriculture. En général, les terres du Sa’yd produisent autant dé charges de chameau de paille hachée qu’elles produisent d'ar- deb de blé. Le produit de la paille des blés du Delta est un peu plus considérable. Le marché du Kaire est approvisionné des blés du Sa’yd et de la basse Égypte. La première espèce pèse deux cent soixante-quatre livres l'ardeb ; la seconde pèse deux cent quatre-vingt-douze livres, poids de marc (1). . II. Culture du Dourah et du Maïs. LE dourah / Holeus Sorghum ] est cultivé dans toutes les provinces de l'Égypte, depuis l'île d'Éléphantine jusqu’au Kaire : c'est le grain qui fournit la nourriture ordinaire des feläh. On le sème # deux époques différentes, vers le milieu de mai et à la fm du mois d'août. Ces semaiïlles sont, comme on le voit, antérieures à la submersion des terres par (1) Voyez, à la fin dece Mémoire, les pièces justifica- fabrication du pain ( Décude Ée ptienne, tom. I, tives (n.° 1 ),"et le rapport fait au gén en chef sur Ja pag. 129 ). * S 18 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, la crue du Ni: aïnsi Ja culture du dourah exige toujours des arrosemens artificiels : les terres qui y sont le plus propres, sont, par conséquent, celles qui se trouvent Je plus à proximité du fleuve ou des canaux qui conservent de l'eau toute l’année. En descendant de l’île d'Éléphantine à Edfoû, on fait annuellement deux ré- coltes de dourah : au-dessous d'Edfoû et dans le reste de l'Égypte, le dourah n’est cultivé que dans l'été, pendant la période de l'année appelée cLkeydy. I croît spontanément, sur la plupart des terres un peu élevées, deux espèces de plantes, dont l'une, appelée 4affch [ Poa multiflora ], est employée à faire des nattes, et dont l'autre, nommée a'ägoul J Hedysarum Alhagi |, sert de pâturage aux chameaux. On commence par les brûler sur pied, lorsqu'on veut ensemencer en dourah les terrains où elles se trouvent; on donne ensuite un labour à la terre, après quoi on la divise en carreaux par de petites levées qui se coupent à angles droits, et sur le sommet desquelles on pratique des rigoles destinées à conduire Peau dans chacun des carrés. Ces petites digues, de deux à trois décimètres de hau- teur, sont exécutées d'une manière très-expéditive, au moyen de l'espèce de rabot nommé 7assougah, qui sert tout-à-la-fois à dresser la surface du terrain et à re- trousser la terre au pourtour des carreaux. On en fait ordinairement deux cents dans un jéddän situé près du Nil; maïs on en augmente {e nombre, suivant que l’on est plus éloïgné du réservoir qui doit fournir l'eau nécessaire aux arrosemens. Cette préparation de la terre exige deux journées de travail; on fait ensuite à la pioche, dans chacun de ces carreaux, soixante ou quatre-vingts petites fosses de quatre doigts de profondeur, où l’on sème quelques grains de dourah. Cet ensemencement en exige depuis — — jusqu'à = d'ardeb : huit ou dix ouvriers peuvent l’exécuter en un jour; ils sont payés chacun huït ou dix médins. Aussitôt que le grain est recouvert, on commence les arrosemens; on les continue sans interruption pendant les dix premiers jours, afin d'assurer et d’ac- célérer la végétation. Ces arrosemens se font, dans l’île d'Éléphantine, au moyen de roues à pots, dont chacune peut arroser cinq ou six féddän : aïlleurs, ils se font généralement à bras d'homme, à l'aide de delou. Pendant la saison appelée e/-keydy , qui correspond, comme nous l'avons dit, aux plus basses eaux du Nil et aux plus fortes chaleurs de l'été, les arrosemens se répètent toutes les semaines, à huit reprises différentes. Il faut employer quatre et six hommes pour arroser un feddän en deux Jours. Dans quelques villages du Fayoum, on ne laboure point , avant de l'ense- mencer, la terre destinée à recevoir le dourah : on y fait à la pioche les trous où le grain doit être semé, et, après qu'il a été recouvert, on lui donne deux arro- semens successifs. On trace ensuite à la charrue, entre les lignes de semis, des sillons de 2 ou 3 décimètres de profondeur, dans lesquels on entretient une certaine hauteur d’eau qui humecte convenablement les racines de ces plantes : elles s’accroïssent rapidement, et parviennent à leur maturité trois mois après les semailles. Durant cet intervalle, on sarcle avec soin les champs de dourah : on arrache aussi les tiges foibles et tardives, qui, venues sur une même souche, LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPIE. $10 pourroient arrêter la végétation des tiges principales ; elles servent de fourrage aux bestiaux. # Lorsque le dourah approche de sa maturité, on a grand soin d'empêcher les oiseaux de se percher sur ses tiges pour en manger le grain dans sa panicule, Comme ces tiges s'élèvent ordinairement à près de deux mètres de hauteur, on forme de distance en distance, dans les champs de dourah, des buttes de terre sur lesquelles montent des hommes qui effarouchent les oiseaux par leurs cris. Quoïque la culture du dourah el-keydy soit très-pénible dans la haute Égypte, puisqu'elle exige quelquefois près de cent journées d'arrosage par féddin, on est obligé d'y recourir pour la nourriture des habitans, qui ne cultivent le blé ou l'orge que pour acquitter l'impôt, ou pour entretenir les marchés des villes prin- cipales d’où il est exporté. Quand le dourah est parvenu à sa maturité, on le coupe, à environ 2 décimètres de terre, avec une espèce de faucille plus petite et moins courbée que celle dont on se sert en France. Il faut dix moissonneurs pour scier un /éddän en un jour. Les têtes, séparées de leurs pieds, sont exposées quelque temps au soleil, après quoi on les étend sur une aire où elles sont foulées aux pieds par des bœuf. Deux bœufs, travaillant pendant cinq jours, battent le produit d'un fèdäin. On nettoic le grain en le projetant en l'air avec des fourches de bois: enfin on le met en tas que l’on recouvre de nattes, ou bien on le conserve dans des couflès de feuilles de dattier. | Nous avons dit que la première récolte du dourah elkeydy se faisoit vers le milieu d'août, dans la partie la plus méridionale de l'Égypte ; aussitôt après on prépare de nouveau les mêmes terres pour recevoir le dourah el-nabäry : les procédés d’en- semencement et de culture sont les mêmes. Maïs comme, pendant cette période de l'année, le Nil est à sa plus grande hauteur, les arrosemens exigent beaucoup moins dettravail; il y a même, dans les provinces de Girgeh et de Syout, des cantons où l'inondation s'élève quelquefois assez pour couvrir de quelques cen- timètres le terrain dans lequel le Zourah est semé. Cette circonstance permet de suspendre, pendant un mois environ, les arrosemens artificiels : on les reprend ensuite, et on les renouvelle tous les dix jours, jusqu’à la récolte. Le produit de la culture du dourah el-keydy est communément de six 4rdeb par feddän : le produit de la culture du dourah el-nabäry est plus considérable , et s'élève quelquefois jusqu’à dix et douze ardeb ; le prix moyen de l’ardeb est de 1 30 médins. On ne cultive que le dourah elnabäry dans les parties de l'Égypte au-dessous de Girgeh. À mesure que lon descend le Nil, le dourah est plus long-temps à mürir et exige beaucoup moins de travaux pour son arrosement. | Dans le Fayoum et dans les provinces de Beny-Soueyf et de Gyzeh, on le sème au commencement de Juillet : il reste quatre mois en terre; il n’est arrosé quetous les vingt jours : on le récolte au commencement de novembre. Ce n'est point en faisant fouler l'épi de dourah aux pieds des bœuf, que l'on en retire le grain, comme dans la haute Égypte : mais, après avoir exposé ces épis | au soleil pendant quinze ou vingt jours, on les bat avec des bâtons: il faut dix $20 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, journées d'ouvrier pour battre ainsi le produit d'un fddén. Comme cé grain est rarement exporté des lieux où il est cultivé, et que le Gouvernement ne trouveroit point à le faire vendre sur les marchés des villes, l'impôt des terres qui ont été ensemencées en dourah est acquitté en argent. Les terres cultivées e/-keydy payent ordinairement 3 pataques par féddän ; les terres cultivées e/nabäry en payent s : ce qui indique à peu près le rapport entre les produits de ces deux cultures. Les frais d'ensemencement et d'arrosage du dourah sont en général payés en argent, à raison de 8 ou 10 médins la journée; les travaux de la récolte sont au contraire payés en nature, tantôt en gerbes, tantôt en dourah battu. Un jeddin produit communément autant de charges de chameau de tiges de dourah que d'ardeb de grain : la charge de chameau de ces tiges se vend de 8 à 12 parats. Elles servent de combustible après avoir été séchées; c’est presque le seul employé dans la haute Égypte, pour la cuisson des briques et des poteries, pour la fabrication de la chaux, et différens autres usages économiques. La paille de dourah sert aussi à couvrir les cabanes. Enfin les Arabes et les cultiva- teurs des environs de Syène, d'Esné et de Thèbes, en forment des paquets ou faisceaux sur lesquels ils appuïent leur poitrine pour nager avec moins de fatigue quand ils traversent le Nil. Les Égyptiens appellent dourah de Syrie le maïs, que nous appelons 44 de T urquie : on le cultive en petite quantité dans les environs de Qené ; on prépare la terre comme pour le dourah du pays. On le sème dans le mois d'août ; on l’arrose pendant trois mois, et la récolte se fait au bout de quatre. Cette plante est sciée ; l'épi est détaché de sa tige, et conservé pour en tirer le grain à mesure des besoins. Le pro- duit d’un féddän est quelquefois de 10 et 12 ardeb. La farine de ce grain est mêlée avec celle du blé : quelquefois on l'emploie seule à la fabrication du pain des fl}. Cette culture du maïs, qui, dans le Sa’yd, n’est en quelque sorte qu'une culture subsidiaire , remplace dans quelques cantons du Delta celle du dourah @e la haute Égypte, qui y est tout-à-fait étrangère. C'est particulièrement aux environs de Tantah et de Semennoud que quelques terres sont consacrées à la culture du maïs. On commence par les couvrir d’une légère couche de cendres et de décombres qui se trouvent autour des villages; il en faut ordinairement de vingt ou vingt-quatre charges d'âne pour la superficie d'un jeddän: on.donne ensuite un labour à la terre. Le grain est semé dans des sillons tracés par la charrue. On unit le champ en faisant passer dessus un tronc de palmier traïné transversalement par des bœufs; enfin on le divise en carreaux pour les arrosemens. On sème le maïs au solstice d’été ; il en faut communément + d’ardeb par 2 #4 feddän: ce grain commence à sortir de terre six jours après les semailles. On l'arrose une fois tous les quinze jours jusqu’à la récolte, qui se fait vers l'équinoxe d'automne. Les arrosemens du maïs se font à bras d'homme : cinq ouvriers peuvent arroser un féddän en deux jours ; ils sont payés chacun 12 médins. Cinq ou six moissonneurs suflisent pour faire en un jour la récolte d'un fddän de maïs; ils se servent de faucilles : quant à leur salaire, ils le reçoivent en nature; on leur donne ce qu'ils peuvent. porter de gerbes. 5 Un L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. $3 1} Un féddän de 24 girât donne communément 4 et s ardeb de grain, dont le prix moyen est de 2 pataques. Aïnsi le produit brut de cette culture est d’en- viron 18 pour 1, sans compter la pe de la paille, qui n'est employée que comme combustible. Le maïs récolté est transporté, à dos de chameau, sur une place située à proxi- mité du’village : là des femmes et des enfans séparent l’épi de sa tige; ces épis sont ensuite dépouillés des grandes feuilles qui les enveloppent. Quinze ou seize de ces ouvriers préparent ainsi, dans l’espace d'un jour de travail, le produit d’un féddän. Afin de dessécher complétement les panicules , on les expose au soleil pendant douze ou quinze jours, après quoi elles sont emmagasinées; on les bat à mesure des besoins, pour en détacher le grain ; enfin, immédiatement avant de réduire celui-ci en farine, on lui fait subir au four une espèce de torréfaction Les épis du maïs encore verts sont réunis en paquets de cinq ou six; on les fait griller , et ils fournissent, à l’aide de cette préparation, une espèce de comes- tible dont les enfans sont très-friands. C’est le seul usage que l’on fasse, dans la haute Égypte, du peu de maïs que l’on y cultive. $. III. Culture du Riz. LE riz / Oryza sativa ] n'est cultivé que dans la partie septentrionale de la basse Égypte, comprise entre les lacs qui en bordent la côte et une ligne presque droite qui traverse le Delta, depuis Rahmänyeh sur la branche occidentale du Nil, lt à Mansourah sur la branche orientale de ce fleuve. Ces terres sont propres à cette culture, parce que, dans la saïson des plus basses eaux, le niveau du Ni, près de son embouchure, ne descend guère à plus d’un mètre ou d’un mètre et demi au-dessous de la hauteur à laquelle il parvient lors de ses crues ; de sorte qu'il y est toujours plus facile que par-tout ailleurs de donner aux rizières les arrosemens continuels dont elles ont besoin. Ces arrosemens s'exécutent. au moyen de roues à tympan, placées sur un pui- sard rectangulaire, dans lequel les eaux du Nil, ou d’un canal voisin, sont con- duites par un fossé. : … [ faut ordinairement, dans les environs de Damiette, trois de ces roues pour arroser une superficie de 10 féddän. La province de Rosette étant moins élevée au-dessus des eaux du fleuve, il suflit d’une seule de ces machines pour arroser le même nombre de féddän, qui sont d'ailleurs à ceux de Damiette dans le rap- port de 60 à 70 environ. Suivant que le diamètre de ces roues à tympan est plus petit ou plus grand, on emploie un ou deux bœufs à les faire tourner : les plus petites exigent quatre bœufs, et les autres, six, pour leur service journalier. es Une épizootie qui eut lieu vers l'année 1784, ayant considérablement réduit le nombre de ces animaux, on commença à cette époque à leur substituer des buffles pour le travail des arrosemens, et depuis l'on a continué des’en servir. Ë, M. TOME IL Vvyv ÿ 22 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Deux hommes, qui se relèvent alternativement, surveillent la manœuvre des machines à arroser, et soignent les bœufs ou les buffles qui y sont employés. Le cultivateur chez lequel les journaliers demeurent, les nourrit, et leur donne, en outre, $ ou 6 pataques de gages annuels. On sème le riz au commencement du mois d'avril; avant de le mettre en terre on en emplit des couffes, que l'on tient plongées pendant cinq ou six jours dans le Nil ou dans quelqu'un des canaux qui en sont dérivés : lorsque ce grain est assez pénétré d’eau, on l’étend sur des nattes, et l’on en forme de petits tas que l’on recouvre de foin. La chaleur qui sy produit accélère la germination; et c’est après que le germe est suffisamment développé, que le riz est mis dans la terre. Celle qui est destinée à le recevoir, reste d’abord couverte d'eau pendant plu- sieurs jours ; on la laboure ensuite dans deux directions différentes, perpendicu- laires l’une à l'autre : elle reçoit un troisième labour, après lequel elle est de nou veau submergée ; on fait passer dessus, pour en unir la surface, un tronc de pal- mier traîné transversalement; on la nettoie ensuite avec une espèce de rÂteau : elle se trouve alors à l’état de boue, et c’est pendant qu'elle est encore dans cetétat que le riz y est jeté. | L'ardeb qui sert à mesurer le riz, n’est point le même que celui du Kaire ; ceux de Rosette et de Damiette diffèrent même entre eux de dénomination et de capacité. L'ardeb de Rosette est à celui du Kaire comme 13 à 12; et celui de Damiette et de Menzaleh, qu'on appelle dareb, est à celui du Kaïre comme 36 à 13. A Damiette et aux environs, on sème + de dareb de riz par feddän de 6877 mètres superficiels ; ce qui revient à près d’un ærdeb du Kaïire par feddän de 400 cannes ou de 5929 mètres : par conséquent, on emploie sur une superficie donnée une quantité de semence de riz double de la quantité de semence de blé que l'on y emploieroïit; mais une partie des tiges de riz qui proviennent de cet ensemen- cement, doit être CORRE ailleurs, comme nous le dirons bientôt. Quarante-huit heures après l'ensemencement, la terre est recouverte d'environ s centimètres de hauteur d’eau ,qu’on y laisse séjourner pendant deux ou trois jours, après lesquels on la fait écouler pour y en substituer de nouvelle, qui y reste le même temps; cette manœuvre se répète jusqu'a la récolte. Environ vingt ou trente jours après les semaïlles, suivant que la végétation est plus ou moins active, on commence à sarcler les champs de riz, et l'on a soin de les nettoyer ainsi à mesure qu'il y croît des herbes étrangères. C’est à la fin du mois de juillet que l’on procède à la transplantation de cette céréale : cette opération se fait pour l'ordinaire sur des terres qui avoient été ensemencées précédemment en blé, et sur lesquelles la récolte n'étoit point encore faite à l'époque des semailles du riz. La terre où le riz doit être transplanté est Bbouées la charrue ou à la pioche ; elle est ensuite arrosée et unie avec un tronc de palmier, comme celle destinée à être ensemencée. Environ la moitié des tiges que produit un champ de riz en- semencé, est transplantée sur un champ de même étendue ainsi préparé. Voilà * + ‘ L] 2 4 - E La LC ‘ “ - - LE) e- 12 . L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 523 pourquoi la quantité de ce grain que l’on sème par féddän, est à peu près double de la quantité de blé qui y seroit semée. Dans la plupart des cantons où le riz est cultivé, les champs où se fait la transplantation sont peu éloignés de ceux qui fournissent le plant; mais le riz que lon cultive à Menzaleh vient ordinairement de Fareskour, village situé sur le bord du Nil, à une lieue au-dessus de Damiette : on le charge sur des barques qui le transportent par le lac jusqu'à Menzaleh; la charge d’une barque suffit pour couvrir un féddän. Arrivé par cette voie à Menzaleh, il revient ordinaire- ment à 20 Ou 21 pataques; on transporte ensuite le plant de riz à dos de chameau, depuis le lieu du débarquement jusqu’au champ qui doit le recevoir. On paye une pataque et demie pour la plantation d’un féddän, L'arrachage et la transplantation du riz, dans les provinces de Mansourah et de Damiette, se font par des ouvriers du pays. Ce sont des ouvriers de la province de Belbeys, qui vont, dans la saison, exécuter le même travail dans le Delta et la province de Rosette : ils ne sont point payés à la journée; maïs ils entreprennent l'arrachage et la transplantation d’un féddän à forfait pour le prix de $ pataques. On récolte le riz vers le milieu de novembre : ainsi cette plante reste sept mois en terre. Pendant les quatre premiers, il est arrosé artificiellement; pens dant les trois derniers , il est arrosé par une irrigation que la crue du Nil rend facile. On le scie comme le blé: il est lié en petites gerbes, et porté sur une aire où le grain est séparé de l'épi au moyen du soreg. Dix ou douze hommes peuvent récolter en un jour le produit d’un féddän : quand ce sont des ouvriers du pays, on les paye en grains, et ils reçoivent = de dreb. | Les ouvriers de Mansourah et de Belbeys, qui vont à Rosette et dans le Delta faire la récolte du riz, sont payés en argent : on leur donne 4 pataques pour scier le riz, le mettre en gerbes, et transporter sur l'aire le produit d’un féddin. + Le produit d'un fddén peut être battu sous le xoreg dans l’espace d’un jour et d'une nuit, par huit hommes et quatre bœuf. Ce battage est toujours payé en na- ture, tantôt en gerbes de riz, comme à Rosette:; tantôt en grain, comme à Damiette. On donne à chaque ouvrier quatre gerbes de riz, ou -= de dareb de grain. On fait le vannage du riz, comme celui du blé, en le projetant en l'air avec une espèce de palette : mais le vent n'enlève que les parties les plus légères, et le riz, pour être nettoyé parfaitement, a encore besoin d’être passé au crible à plusieurs reprises; ce qui se fait dans les moulins où on le dépouille de son écorce. On paye pour le vannage du riz la centième partie de la quantité du grain vanné. À Damiette, à Mansourah et à Menzaleh, le produit d'un féddän est, année moyenne, de 3 dareb —; il faut + de dareb pour ensemencer et planter deux feddän : ainsi le rapport moyen des semences aux récoltes, dans les rizières de ces provinces, est environ de 1 à 18. Dans le Delta et la province de Rosette, le produit d’un fddén cultivé en riz est de sept ou huit #db}; et comme chaque féddin reçoit un demi-ardeb de semence, le rapport de la semence à la récolte est de 1 à 16 : ainsi l’on peut É. M. TOME Il. Ver + $24À MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, regarder toutes les terres de l'Égypte qui sont propres à la culture du riz, comme étant à peu près également fertiles. | | Cependant il n'y a point de culture dont les produits soient aussi variables : on ma assuré que, dans les environs de Damiette, son produit n'étoit quelquefois que de $ pour 1, tandis qu'il s'élevoit quelquefois jusqu'à 32. La paille de riz, plus épaisse et beaucoup plus dure que la paille de blé, n’est point hachée comme celle-ci, maïs seulement rompue sous le zoreg ; elle ne sert que de combustible. Avant d’être mis dans le commerce et livré à la consom- mation, le riz en orge, tel que lachètent du cultivateur les marchands de Da- miette et de Rosette, a besoin d’être blanchi, c'est-à-dire , dépouillé de son écorce ou pellicule. Voici quelques détails sur cette opération. Le grain est d'abord exposé au soleil pendant dix ou quinze jours: on le fait ensuite passer sous des pilons cylindriques de fer creux, d'environ trois décimètres de hauteur, et d'un décimètre de diamètre, Chacun d’eux est fixé carrément comme un marteau à un manche qui est mobile dans un plan vertical, sur un essieu de fer placé à un mètre de distance du pilon, et qui est retenu solide- ment sur des appuis de maçonnerie. Le mouvement de bascule des pilons est produit, comme celui des marteaux de forge, par la pression qu'exercent sur l’extrémité de leur manche, de l'autre côté de lessieu, quatre mentonnets ou cames qui traversent à angles droits un arbre horizontal servant d’axe à une roue dentée qui s'engrène perpendiculairement dans une autre plus grande, L’axe ver- tical de celle-ci porte un levier où lon attache un ou plusieurs bœufs, suivant que la machine doit mettre en mouvement deux ou quatre pilons {r).* ÂAu-dessous de ces pilons sont des trous cylindriques pratiqués dans le sol en forme de mortiers : chacun de ces mortiers contient un dixième de &reb de riz. [ls sont éloignés de près d’un mètre les uns des autres; de sorte que le mur intermédiaire sur lequel repose l'axe de rotation des pilons, sert de dossier à un ouvrier assis, dont l'occupation continuelle est de reporter avec les mains, sous les pilons, le riz qui tend à s’en échapper à chaque percussion. Le grain y est d’abord exposé pendant deux'heures; ce temps suffit pour dé- tacher une partie des pellicules du grain: mais, comme, en continuant l'opération sur le même tas, la percussion auroit lieu en pure perte sur une portion de pelli- cules déjà détachées, on retire le riz pour le nettoyer une première fois; on le remet ensuite sous les pilons , dont il reçoit encore la percussion péndant deux heures; on le nettoïe de nouveau , pour réitérer une troisième fois le même travail ; enfin on achève de le blanchir en le remettant une quatrième fois sous les pilons avec une certaine quantité de sel, après quoi il entre dans le commerce en l'état où nous le voyons. Il faut trente heures au moins pour blanchir complétement un dre de riz en orge. Cette mesure produit, lorsque le riz est de bonne qualité, un 4rdeb + de riz blanchi, et un ardeb — si le grain est d’une qualité inférieure. Aïnsi l'on (1) Voyez les Arts et Métiers, planche IX , et la description des figures 4, $, 6 et 7 de cette planche ,squi a été donnée par M. Jollois. peut supposer que le produit moyen d’un dereb est d'un ærdeb Z L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE. $2$ Z; on évalue ordinairement à 4 ardeb de riz blanchi le produit de $ ardeb de riz en orge. L'exploitation d'un moulin à deux pilons, en activité jour et nuit, exige le tra- vail de neuf bœufs, et de sept ouvriers qui se relèvent alternativement. La dépense à faire pour la nourriture de ces bœufs et le salaire de ces ouvriers, l'intérêt des premières avances, les frais d'entretien de la machine et des bâtimens, font monter à $ pataques le prix du blanchîment d'un dreb, ou celui de lardeb à 3 pataques 15 médins. Si l’on ajoute à cette somme le bénéfice du marchand, calculé sur le pied de 20 pour 100, le riz, pris dans les magasins de Damiette, coûtera , année commune, 22 pataques l'ardeb. Au reste, comme la plus grande partie du riz récolté en Égypte est déstinée à l'exportation, on conçoit que le prix de cette denrée augmente ou diminue suivant que le commerce est plus où moins actif : pue l’occupation de ce pays par l'armée Française, le prix de lardeb de riz à Rosette étoit tombé à 12 pataques. “: $. IV. Culture de l'Orge. L'ORGE /Hordeum hexastichum) est la plante céréale la plus généralement cultivée ” en Égypte: on la cultive, en effet, depuis les îles de Philæ et d'Éléphantine Jusque sur Îa langue de terre qui sépare le lac Bourlos de la Méditerranée; mais, dans un aussi grand intervalle, les différences de température en apportent d'assez notables dans la culture de l'orge et de ses produits. Sur les grandes îles du Nil et les bords de ce fleuve, en descendant de Syène à Edfoû, on sème l'orge à la fin de novembre, après la seconde récolte du dourah : on commence par donner à la terre un premier labour; et, comme elle est trop élevée pour être inondée naturellement par le Nïl, on la divise en carreaux, dont on submerge l'intérieur à laide de delou ,;ou de la machine à pots. A que la terre a été suffisamment imbibée, on procède à l'ensemencement : on y emploie un demi-ardeb de graïn par féddän. Dans cette partie de l'Égypte, la même terre donnant, à l'aide d’arrosemens continuels, trois récoltes par an, ce sont les mêmes ouvriers qui font tous les travaux de l’agriculture sur un nombre de féddän déterminé. Ordinairement huit hommes et autant de jeunes garçons exploitent cinq à six féddän. Lorsque l'orge est parvenue à sa maturité, elle est, ainsi que le blé qui a été àrrosé artificiellement, moissonnée à la faucille. La récolte est foulée aux pieds des bœufs, qui font sortir le grain de l'épi,, et brisent les tiges de la plante, qui sert de nourriture aux bestiaux. Le produit d’un feddän d'orge dans l'île d'Éléphantine, et au-dessous jusqu’à Esné, est de $ à 6 ardeb : il peut s'élever jusqu'à 8 et 9, lorsque l’année est très- favorable. On retire autant de charges de chameau de paille hachée que d’ardeb de grain. Le prix de lardeb d'orge varie de 1 à 2 pataquess Une charge de chameau de païlle hachée se vend de 1$ à 20 médins. $26 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Cenest qu'aux environs d'Esné que lon commence à cultiver ce grain dans des champs inoendés naturellement par des canaux dérivés du Nil: mais il nya qu'une partie des terres de ce canton qui soit susceptible de ce mode de culture, tandis qu'en descendant dans la plaine de Thèbes et dans les provinces de Gaek. de Syout et de Minyeh, l'orge n’est semée, comme le blé, que dans des terres qui ont été couvertes par l’inondation. Lorsqu'on ne {aboure point la terre avant l’ensemencement, on sème deux tiers d'ardeb et quelquefois un ardeb entier par féddän. Lorsqu'on la prépare par un labour préalable, on n'en sème que la moitié. Le produit de la récolte varie de 6 à 10 ardeb, suivant les années. Cette culture de l'orge «/bayädy est entièrement semblable à celle du blé. H faut quatre hommes pour arracher en un jour le produit d’un féddän. Ces moissonneurs sont payés en nature, et reçoivent chacun = d'ardeb : le prix de l'orge est communément d'une pataque l'ardeb dans les provinces de Girgeh et de Syout. En général, le prix de l'orge en Égypte est la moitié de celui du blé. Les arrosemens artificiels, qui sont inutiles à la culture de l'orge dans la vallée du Nil, depuis Girgeh jusqu'au Kaire, sont indispensables dans le Fayoum , où les eaux de l'inondation restent trop peu de temps sur les terres. On y sème deuxtiers d'ardeb d'orge par feddän ; on l'arrose trois fois pendant sa végétation : on retire d'un féddän $ ou 6 ardeb de grain et autant de charges de chameau de paille hachée. L'orge, que l’on cultive dans les différentes fente di Delta, est arrosée, comme le blé, deux ou trois fois, depuis les semaïlles jusqu’à la moisson. La quantité de se- mence employée sur un féddän de 24 girât varie d varie également suivant les localités : il n’est que de 3 ardeb dans les environs de Menouf; il s'élève jusqu'à 7 près de Tantah; il est quelquefois de 8 et 10 ardeb dans les provinces de Rosette et de Mansourah. La paille de l'orge du Delta est plus courte que celle du blé: aussi n’en retire-t-on en charges de chameau qu'un nombre égal à la moitié du nombre d’ardeb de grain qu’on a récoltés sur une surface déterminée. C'est d'ailleurs un fourrage moins estimé que.la paille de blé, et qui est presque toujours consommé sur les lieux. Quelques petites portions de la langue de terre étroite qui sépare le lac Bourlos de la mer, produisent un peu d'orge; on la sème dans des sillons tracés à la houe, et qui sont rabattus avec le tronc de palmier qui fait l'office de herse et de rouleau. La perméabilité du sol, sous lequel l’eau douce du lac s'écoule tou- jours pendant la crue du Nil, à une très-petite profondeur, et les pluies, qui sont assez fréquentes sur cette côte pendant les quatre mois d’hiver, suppléent à lmondation et aux arrosemens artificiels. Cette culture de l'orge, dans le village de Beltym, exige, comme on voit, très-peu de dépense: mais aussi elle est très- peu productive; elle ne rapporte communément que 3 ou 4 pour 1. L'orge n’est employée généralement en Égypte que pour la nourriture des che- vaux: elle tient lieu de l'avoine qu’on leur donne dans quelques parties de l'Europe. Une partie de Fimpôt en nature auquel les terres de la haute Égypte sont LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE. 327 assujetties , est acquittée en orge, que lon vend sur les marchés du Kaire; c’est aussi l'objet d'une exportation assez considérable par les ports de Qoceyr, de Damiette et de Rosette. $. V. Culture des Lentilles, des Pois chiches et des Lupins. Les lentilles / Ervzm lens ] sont un produit particulier de la partie de l'Égypte qui s'étend depuis Edfoû jusqu'à la hauteur de Gyzeh, en y comprenant le Fayoum; on n'en entreprend la culture, ni à l’extrémité méridionale du Sa’yd, ni dans le Delta. ; Les terres qui ont été inondées naturellement par les canaux d'irrigation, sont les seules propres à la culture des lentilles; elle est, par conséquent, au nombre de celles appelées e/bzyädy, et n'exige que fort peu de travaux. La terre reçoit quelquefois un premier labour après la retraite des eaux; maïs, si lmondation a été abondante, et si la dessiccation du sol n’est point achevée com- plétement quand le moment des semaïlles est arrivé, on se contente de jeter le grain sur la terre encore boueuse; on sème par fddér depuis + jusqu’à = d’ar- deb. On recouvre la semence en faisant passer dessus une pièce de boiïs traînée par quatre ou cinq hommes, ou bien en donnant à la terre un second labour. Les lentilles restent environ quatre mois en terre, c'est-à-dire, trente ou trente-cinq jours de moins que le blé : on les récolte en arrachant les tiges, lorsqu'elles ont été semées avec d'autres plantes, comme cela a lieu dans le Sa’yd; ou bien on les scie lorsqu'elles ont été semées seules, comme cela se pratique dans le Fayoum et les environs du Kaire. I faut neuf à dix journées d’ouvrier pour arracher en un jour le produit d'un feddän de lentilles. On les lie en gerbes,et on les transporte à dos de chameau sur l'aire, où elles sont battues sous le zoreg , comme le blé. Quatre hommes et quatre bœufs, travaillant pendant un jour, battent le produit d’un féddän. Le van- nage et le nettoyage des lentilles se font comme ceux des autres grains. Toutes ces So exigent neuf ou dix journées, dont chacune est payée à raison de = d’ardeb de lentilles. Ga tige des lentilles, hachée sous le zoreg, sert de fourrage aux chameaux et aux chèvres. On en retire ordinairement autant de charges de chameau que d'ardeb de graine : la charge de ces tiges hachées se vend de 30 à 4o médins. Le produit d’un féddän varie suivant les années; il est de 6 et 7 ardeb , et quelquefois de 3 ou 4 seulement. Le prix de l'erdeb de lentilles est communément de 100 médins dans la haute Égypte; il est de 150 au Kaïre et dans la province de EE Les provinces de Syout et de Minyeh sont celles où cette culture est le plus avantageuse ;. elle le devient moins en remontant dans le Sa’yd et en descendant vers le Kaïre. Les champs de la haute Egypte ensemencés en lentilles sont assujettis à payer $28 (MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, l'impôt en nature; les lentilles qui en proviennent sont emmagasinées dans les greniers du vieux Kaire, d'où on les tire pour l'approvisionnement des marchés de la basse Égypte, ou bien pour être exportées. Les lentilles destinées à la consommation sont ordinairement dépouillées de leur écorce; on ne met en vente dans les marchés des villes que fes deux lobes de ce légume : ces lobes sont d’une fort belle couleur orangée. H suffit, pour monder ainsi ces lentilles, de les froisser entre deux petites meules d'argile des- séchées au soleil, de 25 ou 30 centimètres de rayon: la meule inférieure est fixe; la meule supérieure est mobile, et mise en mouvement autour de son centre par un seul ouvrier, comme celle des moulins à moutarde. Le poids de cette meule mobile, d'argile durcie, est d'environ 20 ou 2$ kilogrammes. Les pois chiches | Cicer arietinum / se sèment, comme les lentilles, dans les ter- rains qui ont été submergés; la terre reçoit aussi les mêmes façons avant et après les semaïlles, qui ont lieu immédiatement dès que les eaux se sont retirées. On sème, par féddän , de + à + d'ardeb de pois chiches; ce qui exige commu- nément trois journées de travail : ils restent sept mois en terre; la plante est arrachée et battue sous le roreg. Quatre hommes et quatre bœufs peuvent battre en un jour le PEUR se feddän : is reçoivent ensemble pour salaire, ÿ compris la location du zoreg, + d'ardeb. Le produit d’un féddän ensemencé en pois chichevarie suivant les années : + les cantons du Sa'yd où on le cultive le plus, ce produit varie de À à 8 ardeb. Le prix de l’ardeb varie aussi de $o à 130 médins. Indépendamment des usages journaliers du pois chiche pour la nourriture des felläh, on est dans l'usage , au Kaïre, à Rosette, à Damiette, et autres villes du Delta, d’en faire griller les grains sur le feu dans une grande bassine ; on les mange quand ils ont été ainsi torréfiés. Ce que nous venons de dire de la culture du pois chiche et de ses produits, s'applique sans restriction à la culture du fupin / Zupinus Terms /. On en sème — où <= d’erdeb par féddän , suivant qu’on le sème dans des trous faits à la main, ou qu'on le jette à la volée sur la terre encore humide; on le récolte à la scie au bout de cinq mois. Il faut dix ou douze journées pour récolter un feddän. Les tiges, presque ligneuses, ne pouvant servir à la nourriture des bestiaux, sont em- ployées comme combustible , et particulièrement à faire l'espèce de charbon qui entre dans la fabrication de la poudre à canon du pays. On retire les graines en frappant les tiges, suffisamment desséchées, avec de simples bâtons; pratique qui remonte, en Orient, à la plus haute antiquité, et qui remplace en Égypte l'usage du fléau. Les frais de récolte et de battage des lupins sont payés en nature, à raison de — d’ardeb par moiïssonneur. $ VE L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. $29 SUV Culture des Féves. Les féves / Vicia Faba equina] sont cultivées en abondance dans les provinces de Girgeh, de Syout et de Minyeh, sur les terres qui ont été inondées natu- rellement. On les sème au commencement du moïs de novembre, sans labour préparatoire ; il faut un erdeb ou un ardeb = par feddän, suivant que le sol est plus ou moins humide: après les semailles, cinq hommes recouvrent ce grain, en traînant une pièce de bois sur la terre. Ils sont payés en nature, et reçoivent chacun — d'ardeb de féves. Les féves restent trois mois et demi en terre; on en fait la récolte vers le milieu du mois de février; on en scie les tiges, et elles sont hachées sous le rez. I faut quatre bœufs et quatre hommes travaillant pendant deux jours, pour battre le produit d'un ÿeddän. Chacun est payé = d'ardeb. Les frais de récolte et de battage ainsi acquittés en nature, on retire d’un féddän, dans les bonnes années, 7 ardeb de féves, et seulement 2 ou 3 dans les mau- vaises; le prix de l’ardeb varie de $o à 100 parats. Il monte jusqu'à 2 pataques dans les lieux d’où ce produit peut être facile- ment exporté. Les tiges de.féves, hachées sous le noreg, servent de fourrage aux chameaux, aux bœufs et aux chèvres. Un féddän produit ordinairement trois ou quatre charges de chameau de ces tiges hachées, dont chacune se vend 4o médins. Quelquefois, dans le Fayoum et aux environs du Kaire, on donné un premier labour à la terre destinée à être ensemencée en féves; et lorsque la plante com- mence à sécher, on l’arrache, au lieu de la couper à la faucille. Le produit de la récolte est ordinairement un peu plus fort que quand les semaïlles se font sur la terre encore boueuse. | _À mesure que l'on descend dans le Delta, la culture des féves devient moins avantageuse, et par conséquent moins générale. On les sème souvent dans des sions tracés à la charrue : leurs tiges s'élèvent plus haut que celles des féves du Sayd. On paye Âo parats pour arracher le produit d’un fÆddän. On les laisse ensuite se dessécher sur place, ou en les exposant au soleil; on les fait enfin passer sous le moreg. Le produit d’un feddän est aussi de $ ou 6 ardeb. | La culture des féves ne s'étend guère, dans la haute Égypte, au-dessus de Kous, ni, dans le Delta, au-dessous de Semennoud. On en exporte des quantités considé- rables pour l'Arabie par Qoceyr, et pour le Levant, par les ports de la Médi- terranée. Les marchés du Kaire et de la plupart des villes de la basse Égypte sont approvisionnés de féves qui proviennent de l'impôt en nature levé dans le Sa’yd. Les féves mises en vente dans ces marchés sont quelquefois dépouillées de leur peau, comme les lentilles, par l'action de deux petites meules d'argile durcie entre lesquelles on les froisse. E, M. DOME IT X xx $30 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, $. VII. Culture des Ognons, — des Pasièques, — des Melons. — Autres Cultures de Plantes potageres. L'OGNoN / Alium cepa ] est un objet de grande culture dans presque toute l'Egypte, à l'exception de ia partie méridionale de la province de Thèbes et des parties inférieures du Delta. La terre est d'abord labourée, puis dressée avec le tronc d’un palmier ; elle est ensuite divisée en carreaux avec le massougah. Les façons successives de la terre pour préparer un féddän reviennent à 200 médins. On sème l'ognon après le blé, le trèfle, et les autres grains que l’on cultive sur les terres naturellement inondées. Pour cela, on forme, au hoyau, de petits sillons qui reçoivent la graine : dix hommes peuvent faire ce travail en un joùr sur un féddän. On emploie, pour lensemencer, = d'ardeb de graine, dont le prix est communément de 90 à 120 parats. Suivant que les terres sont plus élevées ou plus basses, on multiplie ou on ralentit les arrosemens pendant la végétation de la plante; dans le premier cas, on les répète toutes les semaïnes. Les frais d’ar- rosement d'un feddän, à six ou huit reprises, réviennent à environ 300 médins. Cinquante ou soixante jours après l'ensemencement, l'ognon est transplanté dans un autre champ qui a reçu trois labours : le semis fait sur une superficie déterminée suffit pour couvrir une étendue douze fois plus considérable. L'ognon est récolté en vert pour servir immédiatement de comestible, ou bien on le laisse sécher sur pied pour être mis en vente dans les marchés : ïl est ordinairement parvenu à sa maturité quatre-vingts à quatre-vingt-dix jours après avoir été transplanté. Il faut quinze à vingt Journées d'ouvrier pour en faire la récolte. La journée est payée 6 parats dans la province de Syout. Un féddän rapporte de vingt à trente ardeb d’ognons , dont l'un se vend com- munément une pataque dans les provinces de Syout et de Minyeh, et jusqu'à 2 pataques dans les environs de Qené : cette différence de prix provient non- seulement de ce que les frais de culture sont plus considérables à Qené, maïs en- core de ce que cette bulbe s'y exporte en assez grande quantité pour l’Arabie, par la voie de Qoceyr. | Quoique les ognons d'Égypte aient perdu de leur célébrité, cependant ils sont plus gros que ceux d'Europe, et assez doux pour être mangés crus sans aucun assaisonnement : ils servent, comme autrefois, à la nourriture des habitans des campagnes, qui les cultiveroient probablement en plus grande quantité , si leur culture exigeoit moins d’avances. L'impôt territorial mis sur les champs cultivés en ognons se paye en argent: il. s'élève à 6 ou 7 pataques par féddän. Un autre comestible fort abondant dans toutes les parties de l'Égypte est la pastèque, ou melon d'eau / Cucurbita citrullus |. On la cultive dans les Îles ou sur les berges du Nil, qui restent découvertes LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. ÿ 3 Ï pendant la saison des basses eaux, et qui sont submergées lors de l'inondation. Ces berges présentent des talus. fort inclinés, donta surface est formée d’un sable très-fin. On y fait des trous rectangulaires d’un mètre de long sur deux décimètres de large, et assez. profonds pou que l'eau venant de l'intérieur des terres ou du fleuve puisse y entretenir l'humidité. Ces trous sont disposés en lignes parallèles au cours du. Nil, et distantes d'environ un mètre les unes des autres. Comme le vent peut facilement transporter cette espèce de sol, et que les jeunes plants de pastèques pourroïent être recouverts de ces sables mobiles , on les arrête au moyen de petites palissades de jonc sec disposées transversalement aux lignes de semis ; le sable qui s'accumule contre ces palissades , forme un abri derrière lequel le pied de la plante est garanti de l’ardeur du soleil. Chaque plante produit ordinairement trois ou quatre fruits, dont chacun se vend de 4 à $ médins. | Quelquefois, au lieu de semer les pastèques sur les bords du fleuve, on les sème dans les terres basses qui bordent les canaux intérieurs : on fait dans les terres, vers le commencement de février, des fosses distantes d’un mètre les unes des autres, et d'environ deux décimètres de profondeur; on y met plein les deux mains de fente de pigeon, qu'on y laisse à découvert pendant huit ou dix jours, au bout desquels on ensemence. Il faut, pour l'ensemencement d'un féddän, = d’ardeb de graine, qui revient à 20 parats. Dix hommes peuvent faire ce travail en un jour. Le produit d’un féddän ensemencé en pastèques peut s'élever jusqu'à 30 pataques ; il n'est quelquefois que de 12 ou 15, La culture des pastèques, toujours comprise au nombre de celles qui sont appelées el-demyry , est, pour ainsi dire, la seule à laquelle soit propre la langue de terre étroite qui sépare le lac Bourlos de la mer. Les habitans du village de Beltym, bâti sur cette espèce de tertre, y font de petites fosses de 20 à 2 s centimètres de profondeur environ; ce qui suffit pour atteindre le niveau de la nappe d'eau douce qui, pendant lhiver, s'écoule du lac dans la mer, en passant au-dessous de cette terre sablonneuse : ils mettent,comme dans la haute Égypte, de la colombine au fond de ces trous, et ils y sèment la graine de pastèque. Ce fruit, parvenu à sa maturité, est transporté à Alexandrie, à Rosette et à Damiette, par des germes qui viennent en prendre des chargemens au boghäz de Bourlos; ou bien il est transporté par des bateaux plus petits à Semennoud, à Mehallet el-Kebyr,à Man- sourah, et dans d’autres lieux du Delta. Ces bateaux passent ordinairement de f'in- térieur du lac dans la branche orientale du Nil, en remontant l’ancienne branche Sébennytique. | I nous resteroit à parler de quelques autres plantes qui, dans les différentes saisons de l’année, fournissent aux habitans de toutes les parties de l'Égypte une nourriture plus ou moins recherchée, telles que le £ämyeh [ Hibiscus esculentus] , le concombre / Cucumis sativus ] , que l’on sème deux fois par an , au mois de mars et au mois de juillet, et de’ weloukhyeh [ Corchorus olitorius ] , que l’on sème également à différentes époques, si la récolte de ces diverses plantes ne devoit pas être considérée plutôt comme des produits du jardinage que comme des É. M. ROME IL Xxx 2 oz MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, produits de l'agriculture. I nous suffira de dire ici que, ces petites cultures exi- geant le travail continuel des arrosemens, les terres qui y sont destinées sont di- visées en carreaux par de petites digues sur le sommet desquelles on pratique les rigoles qui conduisent l'eau dans chacun de ce espaces. Un féddän de bämych rapporte en argent, dans les environs de Qené, de 90 à 120 médins par jour, pendant trois mois. Quand le zreloukhyeh est parvenu à sa maturité, les coupes qu'on en fait dans le même champ se prolongent et se renouvellent pendant un mois et demi. Le produit journalier d’un féddän, pen- _dant cet intervalle, peut monter à 90 ou 100 médins. Les champs cultivés en plantes potagères sont ordinairement bordés par des lisières de chanvre, de carthame, ou par de petites palissades de tiges de dourah séchées. | Un féddän ainsi aménagé paye $ ou 6 pataques d'impôt annuel. $. VII. Culture du Trèfle, — du Fenugrec, — de la Gesse,—et du Pois des champs. LE trèfle / Trifolium alexandrinum ] est le fourrage le plus estimé et générale- ment le plus cultivé en Égypte, où, comme on sait, il n’y a pas de prairies naturelles. Cette culture, à laquelle une grande partie du territoire du Delta est consacrée, ne remonte guère, dans le Sa’yd, au-delà de Farchout, parce que les terres inondées par le Nil y sont desséchées trop promptement quand les eaux se retirent, et que les arrosemens artificiels, au moyen desquels il faudroit entre- tenir la végétation de cette plante, y seroïent trop dispendieux. Le trèfle est toujours semé, sans aucun labour préalable, dans les terres inondées naturellement. Cet ensemencement, qui a lieu lorsque les terres sont encore à l'état boueux, exige — d’ardeb de graine par feddän. Cette graine est recouverte à l'ordinaire par un tronc d'arbre que traînent des bœufs ou des hommes. . On fait une première coupe du trèfle quarante ou quarante-cinq jours après les semailles, et un peu plutôt à Girgeh et à Farchout, parce que la végétation y est plus rapide : cette première coupe de trèfle se vend communément 8 pa- taques le feddän dans les provinces de Syout et de Minyeh. Trente jours après, on en fait une seconde coupe, qui se vend 4 ou $ pataques. Lorsque l'on veut récolter la graine de trèfle, on ne fait qu'une seule coupe de ce fourrage pour être consommée en vert. On laisse sécher la seconde sur pied. Celle-ci est portée sur une aire, où on la fait fouler aux pieds des bœuf. Cette récolte et ce battage reviennent à 7$ médins le feddän ; on en retire ordinai- rement deux ardeb de graine, dont le prix varie de 200 à 360 médins. Les arrosemens artificiels étant plus faciles dans le Fayoum que dans le reste de l'Égypte, les champs de dourah,un moïs avant la récolte de ce grain, y sont ensemencés en trèfle. On n'en sème que + d'ardeb par jedaän; ce qui n'exige qu'une demi-journée de travail de l'un des ouvriers employés aux arrosemens. La végé- D j # 3 LINDUSTRIE ET LE COMMERCE.DE L'ÉGYPTE. 533 tation du trèfle est si prompte, qu'on en fait la première coupe immédiatement après que le dourah a été scié : s'il est consommé sur pied par le bétaïl, un féddän de trèfle peut nourrir deux bœufs pendant un mois. | . Après sa première coupe, et dans un intervalle de vingt à vingt-cinq jours, on arrose le trèfle à deux reprises différentes. Ce temps suffit pour arriver à l'époque d'une seconde coupe, qui est toujours un peu moins productive que la première. Quelquefois on retire la graine de la troisième; alors le produit d'un féddän s'élève jusqu'à 2 #rdb ? ou 3, ardeb de graine : maïs, quand l’inondation à été favorable, on consomme en vert la troisième coupe de trèfle, et la graine est retirée de la quatrième, qui ne fournit plus par féddér qu'un ardeb =. Le cultivateur vend sur pied le trèfle dont sa terre est couverte, quand il ne le fait pas consommer par son propre bétail. Le prix du grât, où de la 24.° partie d'un féddän, varie de 30 à 35 médins. | La culture du trèfle est très-répandue dans la province de Gyzeh, aux environs du Kaïre : la préparation de la terre n'y présente aucune particularité remarquable : mais la quantité de graine ensemencée sur une superficie déterminée y est beau- coup plus grande que dans le Sa'yd et le Fayoum, puisqu'on en sème un ar par féddän. Le prix de lardeb est de 6 pataques. On fait la première coupe du trèfle soixante jours après les semailles ; la se- conde coupe, trente jours après la première; enfin la troisième, quarante jours après la seconde : aïnsi les produits du trèfle sont récoltés dans l'intervalle d’envi- ron quatre mois et demë Les deux premières coupes d’un féddän vert se vendent 2Â. pataques. | Quand inondation a été foible, on ne coupe le trèfle que deux fois; la seconde coupe est réservée pour la graine. On retire ordinairement 4 ærdeb de graine d’un feddän , soït en faisant passer la plante desséchée sous le noreg ; Soit en la frappant avec de longs bâtons. . Comme il se fait au Kaire une grande cohsommation de ce fourrage pour la nourriture des chevaux et des ânes, la plus grande partie de celui qui est cultivé dans les environs y est apportée en vert à dos de chameau, et consommée journellement pendant la saison. On fait aussi quelquefois sécher les trois coupes successives d'un champ de trèfle, et on les met en réserve pour être consommées . en cet état pendant l'été. Dans le Delta, où le trèfle est particulièrement destiné à la nourriture des bœuf et des buflles, on le fait manger sur pied. Le bétail est mis pour la première fois dans le champ soixante jours après les semailles. Un féddän de ce pâturage est loué à raison de $ ou 6 pataques ; le premier regain peut être mis en pâture trente ou quarante jours après. Dans l'intervalle de la première à la seconde coupe; les champs de trèfle sont arrosés par ceux qui y placent leurs bestiaux. On estime, dans la province de Menoufyeh , que deux bœufs peuvent manger par jour la vingt-quatrième partie d’un féddän. Ici, la quantité de semence est moindre qu'ailleurs; elle n’est que de = d'ardel d par féddän. Quand on veut recueillir la graine de ce fourrage, on ne fait paître le ro MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, champ qu'une première fois. Au surplus, c'est toujours deux mois après l’ense- mencement que le trèfle est mis en pâture. Nous avons dit que, dans la haute Égypte, on le semoït quelquefois avec le dourah ; dans la basse, on le sème aussi avec le maïs un moïs avant que ce grain parvienne à sa maturité. La jeune plante de trèfle croît à l'ombre des grandes tiges de cette céréale, et profite des derniers arrosemens qu'on lui donne. Un féddän ainsi ensemencé est loué, pour quatre mois, de $ à 8 pataques. On estime à Tantah qu'une paire de bœufs peut vivre sur un ÿeddän — de trèfle pendant cet intervalle de temps; c’est + de féddän par tête de bœuf : on estime qu'il faut un feddän entier de ce fourrage pour nourrir un buffle. À mesure que lon descend vers les embouchures du Ni, es arrosemens de- venant plus faciles sont aussi plus abondans , et la végétation du trèfle s'accélère dans la même proportion : ainsi l’on peut.en faire jusqu'à quatre coupes dans les rizières des provinces de Rosette et de Damiette, où ce fourrage est semé immédiatement après la récolte du riz, sans aucune autre préparation que de tenir da terre couverte de quelques centimètres d’eau pendant deux ou trois jours. La première coupe se fait deux mois après les semailles; la seconde suit à trente jours d'intervalle ; la troisième et la quatrième, à vingt jours l'une de l’autre. Il faut ordinairement six bœufs pour l’arrosement de dix fddän de trèfle : on consacre à leur nourriture trois fddän, qui sont consommés en vert ; on fait sécher le produit des sept autres , et on le réserve pour la nourriture des bœufs et des buffles pendant une partie de l'année. . Les deux tiers du trèfle récolté dans les rizières du Delta sont généralement consommés en vert par le bétail de toute espèce que le cultivateur est obligé d’en- tretenir ; l'autre tiers est consommé en sec. Le trèfle qui croît dans les rizières, paroît être moins substantiel que celui des parties supérieures du Delta et des environs du Kaïre, à raison de la rapidité de son accroissement, qui est due aux arrosemens artificiels dont il profite. Le fenugrec / Trigonella fenum græcum], que les Égyptiens appellent #elbeh, est un fourrage particulier à l'Égypte moyenne, et qu'on ne cultive ni dans la partie méridionale du Sa'yd ni dans le Delta. On le sème dans le même temps et de la même manière que le trèfle. La récolte en diffère, en ce qu'on larrache au lieu de le couper, soixante à soixante-dix jours après les semailles ; il est alors consommé par toute espèce de bétail. La graine, que l’on met tremper dans l'eau pour la faire germer, sert de comestible. | On en sème ++ d’ardeb par féddän, dont le produit en fourrage se vend de 2 # 8 à 10 pataques. Quand on laisse le fenugrec parvenir à sa maturité et sécher sur pied, quinze hommes, que l'on paye six médins l’un, peuvent arracher en un jour le produit d’un feddän. On en retire de 2 à $ ardeb de graïîne, suivant les années. On fait passer la plante séchée sous le woreg ; les tiges hachées par cette opération servent de nourriture aux chameaux. On cultive dans toute la haute Égypte et le Fayoum un autre fourrage appelé LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. LES gilbän ; c'est une espèce de gesse / Lathyrus sativus], que l'on sème, comme le trèfle et le fenugrec, sur les terres que linondation a couvertes : on les préparé comme pour l'ensemencement des lentilles ; il faut employer < d’ardeh de semence pa feddän. On arrache ce fourrage au bout de soixante jours, pour être consommé en vert. Un feddän produit ordinairement de dix à quinze charges de chameau, qui se vendent en totalité 6 à 8 pataques. La plante dont on veut retirer la graine, reste cent jours sur pied : elle en donne communément $ ardeb par feddän. Ce four- rage sec est battu sous le moreg ; les tiges hachées servent de nourriture aux cha- meaux seulement. « On paye en nature à raison de = d'ardeb chacun des quatre ouvriers et des quatre bœufs employés au battage du produit d’un féddän; on paye également = d'ardeb pour le loyer du zoreg. La gesse se vend de 90 à 1$0 médins l’ardeb, À mesure que l'on remonte le Nil, on observe que le prix de ce fourrage augmente; ce qui provient de la difhiculté de le cultiver en quantité suffisante : on y supplée dans les provinces de Thèbes et de Qené, à l'extrémité méridio- nale du Sa yd, par la culture du pois des champs / Pisum arvense ] ; on l'appelle en Égypte besilleh, dénomination où l’on retrouve notre expression de isalle et celle des pisell: d'Italie. Cette espèce de fourrage est semée et recueillie aux mêmes époques que la gesse, et donne à très-peu près les mêmes produits. C’est quañd il commence à sécher qu'on le fait consommer par les chameaux, les bœufs, les buffles, les chèvres, les moutons, &c. ; il n’est point employé à la nourriture des chevaux. Le dixième environ des champs où lon cultive le g/än et le besilleh, est réservé pour fournir la semence;.ce qui suppose que le produit en graïn de ces fourrages est à peu près de 10 pour 1. Dans le Fayoum, où les eaux de l’mondation naturelle restent peu de temps sur les terres, l’Aeleh, le gilbän et le besilleh sont semés dans les champs de durak, quarante jours environ avant sa maturité. Ces fourrages profitent aïnsi des der- niers arrosemens qu'on lui donne : ils ne sont plus arrosés après sa récolte. Les habitans de cette province usent du pois des champs comme de comestible. $. IX. Culture du Colza, — de la Laitue, — et du Sésame. ON cultive dans les provinces de Syout et de Girgeh une espèce de colza { Brassica arvensis | appelée selgam , et dont la graine est employée à faire de l'huile. On la sème dans les terres qui ont été inondées naturellement , immé- diatement après Îa retraite des eaux. Cet ensemencement, pour lequel on em- ploie = d'ardeb par feddän, est fait à la volée dans un jour et par un seul homme. Le colza reste troïs mois en terre : il est mür après cet intervalle, et l’on en fait la récolte en arrachant la plante. Cette récolte exige dix journées de travail pour un féddän : chaque journée est payée 7 médins; c'est aussi le prix que l’on 536 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, donne aux ouvriers qui battent le colza pour en retirer la graine. Ce battage se fait avec de longs bâtons, sur une aire préparée à cet effet. Il faut six hommes pour battre en un jour le produit d’un féddän. Le vannage et le nettoiement de la graine se font comme le vannage et le nettoiement des autres graïns : cette opération se paye à raison de + feddän. Le produit d’un feddän en graine varie de 4 à 6 ardeb, suivant les années. Le prix de l’ardeb varie aussi de 90 à 1$0 médins. Les tiges de cette plante séchées servent de combustible : maïs ordinairement les cultivateurs l'abandonnent sur l'aire, où les fe/äh les plus pauvres viennent la ramasser pour s'en servir. d'ardeb par La culture du colza est remplacée, au-dessus de Qené et dans la partie méri- dionale de la province de Thèbes, par celle de la laitue /Lactuca sativa], appelée khass dans le pays. On en sème la graïne soit avec les lentilles ou avec l'orge dans les terres inondées naturellement, soit dans les terres qui sont cultivées en dourah à l'aide d’arrosemens artificiels. Dans le premier cas, on mêle Æ d'ardeb de graine de laïitue avec À d'ardeb de lentilles ou d'orge; dans le second , on en sème < d’ardeb sur des champs de dourah, Vingt ou vingt-cinq jours avant la récolte de ce grain, c'est-à-dire, quand il n'a plus besoin d'être arrosé. #La laitue, qui ne reçoit aucun arrosement pendant sa végétation, reste six mois en terre. Quand la plante est müre, on en coupe les têtes chargées de graine; on les porte sur une aire, où elles restent exposées au soleil pendant six jours ; après quoi, on les bat comme le colza. Un jféddin de terre dans lequel la laitue a été semée avec les lentilles, l'orge et le dourah, rapporte de 2 à 6 ardeb de graine. Le prix de l'ardeb à Qené est de 2 pataques. On cultive beaucoup la laïtue dans les environs d'Edfoû. On sème par fddén = d'ardeb de graïne, qui, dans les années ordinaires, rend 1 ardeb —+. Cette récolte est comprise au nombre de celles appelées e/-nabäry. L'ardeb ns ou 1 ardeb 2 de graine de laïitue se vend communément dansce canton 140 médins. On fait souvent consommer en vert, comme fourrage, une partie des tiges de cette plante; ce qui diminue d'autant son produit en graïne. Les bœufs se nour- rissent aussi quelquefois de laitue sèche ; mais c’est un fourrage peu estimé. Le sésame /Sesamum orientale], dont la graine sert À la fabrication d’une huile comestible, est cultivé aux environs de Qené, dans la haute Égypte, et dans presque tout le Delta. C’est une culture d'été, qui se fait en même temps que celle du durah et du blé de Turquie, après la récolte du froment. La différence du climat et du mode d’arrosement fait varier les procédés de culture de cette plante dans le Sa’yd et dans la basse Égypte. Près de Qené, où j'aï pris les renseiïgnemens dont je rends compte ici, on commence par donner à la terre plusieurs labours, qui reviennent à 140 parats. La terre est ensuite divisée en carreaux, comme pour la culture du dourah : on sème ensuite 2 ou = d'adeb de graine par feddän ; le champ est arrosé, pendant l'espace L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. $37 l'espace de trois mois, au moyen de delou : les mêmes hommes employés aux arrosemens font aussi par intervalles le sarclage du champ; enfin ce sont les mêmes ouvriers qui font la récolte de la plante, quand elle est parvenue à sa ma- turité. Il faut cinq jours pour récolter le produit d’un féddän. Après avoir scié les tiges du sésame, on les met en paquets que l’on expose au soleil pendant vingt jours, en les tenant debout, soutenus par une corde tendue entre plusieurs appuis : après cet intervalle de temps, on secoue les paquets de tiges sur l'aire où ils ont été exposés ; les graines sortent des capsules les plus sèches. On remet de nouveau les paquets au soleil pour achever de les dessécher : et, deux ou trois jours après, on les secoue de nouveau pour en faire tomber les graines qui y étoient encore. Le produit moyen d'un de sésame est de 6 me de graine, dont l'un se vend communément de $ à 7 pataques. Les tiges du sésame, après que la graine en a été retirée, servent de combustible. Voici maintenant les renseïgnemens qui mont été donnés sur la culture du sésame dans la basse Egypte, aux environs de Semennoud. Comme la graïne doit être mise en terre dans la saison de la plus grande sé- cheresse, et qu'il faut, pour cette culture, multiplier les arrosemens artificiels, on choïsit les emplacemens le plus à proximité des sägyeh ou roues à pots. On commence par abreuver fortement la terre, pendant plusieurs jours, à l’aide de ces machines : lorsqu'elle est suffisamment humectée, on sème la graine à la volée, et on la recouvre par un labour. La quantité de semence par féddän est Vingt-cinq jours après les semailles, on arrose une première fois, et on renou- velle larrosement de dix jours en dix jours jusqu’à la crue du Nil; alors on enve- loppe le champ de sésame d’une petite digue où l’on pratique à volonté des ouvertures par lesquelles on fait entrer l’eau sur le terrain ensemencé. Le sésame reste en terre pendant cinq mois, c'est-à-dire, jusqu'à la fin d'octobre. La récolte d’un féddän est faite en un jour par dix ouvriers, que l’on paye chacun 8 ou 10 médins. On transporte ensuite cette récolte sur une aire préparée à cet effet ; elle y est étendue et exposée au soleil pendant un moïs: trois hommes sont occupés chaque Jour à retourner le sésame sur cette aire, afin de le faire sécher dans tous les sens; enfin on en fait sortir la graine en frappant les tiges desséchées avec de longs bâtons. On paye 70 médins pour la garde du sésame pendant tout le temps de son desséchement en plein air. Le battage et le criblage d’un fddäin de sésame reviennent à 140 médins. Son produit en graine varie de 4 à $ ardeb , dont chacun se vend communément de 7 à 8 pataques. É. M. TOME II. Yyy 538 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, $. X. Culture du Carthame. LE carthame / Carthamus tinctorius ] est l'objet d’une culture assez étendue dans la vallée d'Égypte, depuis Esné jusqu'au Kaïre : elle ne remonte point au-dessus d'Esné; on ne s’en occupe ni dans le Fayoum ni dans le Delta. Cette culture a deux objets spéciaux : la récolte de la fleur, qui est employée pour la teinture; et la récolte de la graïne, qui sert à la fabrication d’une espèce d'huile. C’est particulièrement dans la province de Syout que le carthame est cultivé. Quelquefois la terre destinée à cette culture ne reçoit aucune préparation, et alors la graïne de carthame, est semée à la volée : quelquefoïs on donne à la terre un premier labour, et alors on sème la graine dans des sillons tracés par la charrue; ce qui augmente un peu le produit de la culture. On sème par féddän de $ à 7 rob° ou — d’ardeb de graine, qu'il faut toujours recouvrir par un labour. Cependant les cultivateurs pauvres sèment le carthame, comme le dourah , dans de petites fosses qu'ils font et qu'ils recouvrent à la main; l'ensemencement d’un fèddän exige alors quinze journées. Ce travail se fait à la même époque que l'ensemencement du blé. La récolte de la fleur commence troïs mois après; elle se prolonge du 1.” au 25 avril, et, dans quelques villages des environs de Tahtah, jusqu'au commencement de maï. Elle est faite par des femmes et des enfans , qui, pendant toute la durée de la floraison, arrachent , chaque matin, au lever du soleil, les pétales des fleurs qui sont suffisamment épanouïies. On emploie ordinairement par féddän douze ou quinze de ces ouvriers, à chacun desquels on donne 2 ou 3 médins, parce qu'ils ne travaillent que quelques heures. Les pétales ainsi récoltés sont, pendant un jour entier, étendus à lombre sur des nattes : cette préparation peut revenir à AO parats par féddän pour tout le temps que dure la cueillette. C'est vers le milieu de sa durée qu'elle est le plus abondante. Les pétales de la fleur de carthame sont ensuite pilés avec un long bâton dans un petit mortier de bois, jusqu'à ce qu'ils soïent réduits en une espèce de pâte dont on forme de petits pains ronds et aplatis, de 10 à 12 centimètres de diamètre. Cette réduction en pains, qui se fait jour par jour, exige le travail d'un homme pendant une heure ou deux. Ensuite on met sécher à Pombre pendant quinze jours les pains de carthame; ce qui leur fait perdre environ la moitié de leur poids. Dix ou quinze de ces pains, après leur dessiccation, pèsent un rotl; c'est en cet état qu'on les vend dans le commerce sous le nom de safranon. Lorsque le carthame a été semé seul, et que lannée a été favorable, le produit d'un feddän est de 3 qantär de ces païns. Le prix du gantär Varie de 8 à 15 pataques, suivant que les demandes des marchands sont plus ou moins abondantes. Pour augmenter le poids des pains de safranon, ou pour leur donner plus de consistance, on pile quelquefois les fleurs de carthame avec une certaine quantité LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. $39 de farine de lupin, ou bien on les mêle dans la proportion d’un rot/ de cette farine sur dix rot/ de fleur. Cette falsification , qui diminue le prix du safranon, est usitée habituellement dans la province de Girgeh. Le carthame le plus pur est celui de Tahtah, qui par cette raison est aussi le plus estimé ; vient ensuite celui de Syout, enfin celui des environs du Kaire. Ce dernier se vend de 18 à 20 pataques le ie La graine de carthame, qui, dans les provinces de Syout et du Kaire, est semée sans mélange d'autres graines, se seme avec les lentilles, dans les provinces de Thèbes et de Girgeh : on n’en emploie alor plantes reçoivent ainsi une culture commune; mais la récolte des lentilles se fait quarante jours avant que celle du carthame soit terminée. Le produit de celle-ci est moindre que le produit de la culture du carthame qui a été ensemencé seul : on ne rètire d'un féddän qu'un gantér ou un gantär et demi de safranon, et tout au plus deux gantär quand l'année est excellente. Syout est l’entrepôt général de tout le safranon fabriqué dans la haute Égypte. Les cultivateurs le vendent à des marchands de cette ville, qui en traitent avec des négocians du Kaire. On en exporte aussi pour l'Arabie par Qocevyr. La culture du carthame est une des plus avantageuses que l’on fasse en Égypte : cependant, comme la récolte de la fleur exige quelques avances, et que, pour s’en défaire à temps, il faut attendre des demandes qui peuvent être tardives, les paysans pauvres n'en cultivent que fort peu; ils en entourent, comme d’une espèce de haïe, leurs champs de pastèques et de légumes. Après que les fleurs ont été recueillies, on:laisse la plante sécher sur pied pendant dix ou douze jours ; on en arrache alors les tiges, dont on retire la graine en les frappant avec des bâtons. Dix ou douze ouvriers peuvent arracher en un jour les tiges d'un éddän : H faut autant de journées pour les battre et en nettoyer la graïne, Un jéddän de carthame, dont on a récolté les fleurs, rapporte, année commune, 2 à 3 ardeb de semence. Ce produit s'élève quelquefois jusqu'à 6 #rdeb, lorsque le carthame est cultivé seulement pour la graïne, comme cela se pratique dans la païtie de la haute Égypte qui s'étend au midi de Farchout jusqu’à Esné. Quand , au contraire, le carthame est semé avec les lentilles, on ne recueille sur la même sur- face qu'un ardeb ou un ardeb et demi de graïne. L'ardeb se vend de 2 à 3 pataques. Les tiges de carthame séchées servent de combustible. Le prix en varie suivant les localités ; ce qui vaut 2 pataques à Syout, se vend 8 et 10 pataques au Kaire. $. XI. Culture du Lin. Comme toutes les terres inondées naturellement ne sont pas situées au même niveau , on réserve les plus basses, sur lesquelles les eaux ont séjourné le plus long- temps, pour da culture du lin / Linum usitatissimum ]. C'est une des plus impor- tantes des provinces de Syout, de Minyeh, du Fayoum, et de l'intérieur du Delta; mais elle éprouve, suivant les lieux, des modifications notables. É., M. TOME II. Yyy 2 $ 40 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Dans la première de ces provinces, le lin est semé au solstice d’hiver. La terre, qui a été submergée naturellement, ne reçoit aucune préparation. La meïlleure est celle qui a été le plus long-temps inondée : comme alors elle est à l’état de boue, la semence s'y enfonce assez pour n'avoir pas besoïn d’être recouverte. On en emploie un ardeb par feddän. Les champs ensemencés en lin n’exigent aucun soin jusqu'à la récolte : elle se fait au commencement d'avril, trois mois et demi après les semaïlles. La plante, ayant atteint sa maturité, est arrachée à la main et mise en gerbe. Le produit d'un fedidän est ordinairement de 4oo gerbes, qui font la charge de cinq chameaux. L'arrachage du lin, produit d’un féddän , exige huit ou dix journées de travail, dont chacune est payée 7 médins. Le lin en gerbe est porté sur le lieu où l’on doit en retirer la graine. Cette opération se fait en frappant l'extrémité supérieure d’un paquet de plantes sur la face convexe d’une cruche de terre cuite appelée aus, laquelle est couchée sur des gerbes de lin, à environ un mètre au-dessus de terre. Ce vase est placé au milieu d’une petite enceinte circulaire, formée de gerbes de lin mises les unes sur les autres pour arrêter les graïnes qui, en sortant du sommet des tiges, s’échappent de tous les côtés. L’extraction de la graine d’un féddän revient, par cette opération, à environ 60 médins. À mesure qu'elle se fait, on remet le lin en gerbe, et on le porte dans des fosses quadrangulaires, qui ont quinze ou vingt pas de côté et un mètre et demi de profondeur, revêtues de maçonnerie de brique, et placées ordinairement près d'une machine à élever l'eau. On y dispose les gerbes verti- calement les unes à côté des autres, en les serrant assez pour que l’eau, que l’on fait ensuite entrer dans la fosse, ne les soulève pas; effet que l’on tâche encore de prévenir en les chargeant de quelques pierres. Le lin, après être resté quinze ou vingt jours ainsi submergé, est retiré de l’eau, et exposé au soleil jusqu’à ce qu'il soit sufhsamment sec ; alors on en brise les tiges en les frappant sur une pierre avec des bâtons ; on le fait ensuite passer entre les dents d’un peigne de fer pour séparer la filasse d'avec les fragmens de tige dont elle est mêlée. Après ces préparations , le lin est mis dans le commerce. Les 4oo gerbes de lin récoltées sur un féddän se vendent communément de 1000 à 1100 médins : on peut en retirer, après les préparations que nous venons de décrire, environ 600 rot! de lin prêt à être filé. Le prix du rt/ de lin à Syout et aux environs est de À parats; ce qui revient à 26 pataques et 60 médins pour le produit d'un fddän. en. La culture de cette plante dans le Fayoum présente quelques différences, parce que les terres de ce canton reçoivent bèaucoup moins d’eau de l'inondation naturelle que les provinces de la haute Égypte. On commence par donner à la terre où le lin doit être semé, deux et quelque- fois trois labours dans des directions croisées. On aplanit ensuite le sol, en traînant sur sa surface un tronc de palmier. On sème le lin à la volée : il n’est point recouvert; mais On l’arrose immédiatement après les semailles, qui ont lieu au solstice d'hiver. L’arrosement au moyen de lou où chädouf se répète de L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE. $41 quinzaine en quinzaine ; On y emploie communément par féddän deux de ces machines, qui travaillent à chaque reprise pendant deux jours. Cependant, Jorsque les rosées sont abondantes, on se dispense des arrosemens artificiels : les champs de lin n’ont pas besoin d'être sarclés pendant les cent jours que cette plante reste sur pied. . Le lin est arraché vers la fin du mois de mars; et, comme à cette époque il est moins sec que celui du Sa’yd, on l’expose pendant douze ou quinze jours au soleil après sa récolte, et l’on a soin de le retourner pour le faire sécher également : on en forme ensuite de petites gerbes, que l’on transporte à dos de chameau sur l'aire où l’on doit retirer la graine. Cela se fait, ainsi que nous l'avons dit plus haut, en frappant de la tête des plantes, que l'on tient des deux mains par le pied, un vase de terre couché horizontalement. Ces percussions, qui détachent des tiges les capsules où la graine est contenue, ne font point sortir la graine de ces capsules : on brise celles-ci en les faisant passer entre deux petites meules d'argile desséchée , semblables à celles dont on se sert pour monder les lentilles et les féves. I1 faut douze journées d’ouvrier pour récolter un féddän de lin, et cette ré- colte revient à 90 médins ; deux ou trois hommes suffisent pour la faire sécher et la mettre en gerbes, dont on donne la cinquantième pour salaire à ces ouvriers. On forme ensuite des paquets de 12 gerbes, appelés 4krettah, pour l’égrenage de chacun desquels on paye un parat : on en retire 4o à $o d'un féddän, qui se vendent ensemble 2000 médins environ. Le prix moyen de l'ardeb de graïne de lin varie de 2 à 6 pataques; et le produit d’un féddän est en général de 3 ou À ardeb. Lorsque les tiges de lin ont été égrenées et remises en gerbes, on les porte au rouissage dans des mares où elles sont tenues submergées sous uñe charge de pierres dont on les couvre : elles y restent douze ou quinze Jours, suivant que l’on peut ou non y renouveler l’eau. Ce rouissage achevé, on fait sécher le lin au soleil pendant deux fois vingt-quatre heures ; enfin on le transporte chez le cultiva- teur. On en rompt les tiges en les battant sur une pierre avec un maïllet : on sépare ensuite de la filasse les fragmens de tige qui sy trouvent engagés, en la frappant en J'air avec une grande batte en boïs ; enfin, pour achever de nettoyer le lin, on le fait passer entre les dents d’un peigne de fer. Ce sont ordinairement des femmes qui font cette dernière opération. | _ Aux environs du Kaire, ceux qui cultivent le lin, le vendent sur pied à ceux qui le préparent pour être filé. Le produit d'un feddän est quelquefois aïnsi vendu jusqu'à 4o pataques. La seule différence dans les procédés de Ja récolte du lin consiste dans la manière de l’égrener : on le frappe ici avec de longs bâtons, avant de le porter au rouissage. | La culture du lin dans le Delta participe aux modifications générales que le climat plus tempéré et le plus grand abaïssement du sol font éprouver aux autres cultures. - On donne à la terre, avant les semaïlles, deux ou trois labours croisés. Chaque labour revient à 120 parats. On aplanit ensuite le sol, et on le divise en carreaux $S42 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, pour arroser. On sème toujours le lin dans la proportion de = d'erdeb de graine par gérât, C'est-à-dire, dans la proportion d’un ardeb par feddän. Ce travail se fait dans la première quinzaine de décembre, et la récolte quatre mois après. Pendant ces quatre mois, on donne trois arrosemens au moyen du lo : chacun de ces arrosemens dure trois jours; et, comme le temps de la végétation du lin est celui du décroïssement du Nil, le premier arrosement n’exige que six ouvriers ; le second, huit; et le troisième, dix. Le produit d'un féddän est ordinairement de 3 où 4 ardeb de graïne de lin, et de 16 ou 18 rabtah ou cordées de 24 gerbes chacune. Le prix de la graine de lin varie de 2 à 7 pataques l'ardeb : celui de la cordée de 24 gerbes est communément de 130 médins en temps de paix. Le produit brut de la culture d’un féddän est alors de 42 à 4$ pataques. Aux environs de Chybyn et de Menouf, on répand sur la terre destinée à la culture du lin, après qu'elle a reçu ses labours, une couche de sebakh : c'est l'engraïs formé par les cendres, les fumiers et les décombres accumulés autour des villages. On en emploie par feddän six ou sept charges de chameau, qui reviennent à 3 médins chacune. La location journalière d’un chameau varie de 30 à 4o médins. | Une partie du lin récolté en Égypte est employée par les tisserands du pays, qui sont en grand nombre dans les villes et villages de la province de Syout, du Fayoum et du Delta; une autre partie est exportée en filasse pour les îles de lArchipel. C'est particulièrement celui de la basse Égypte qui a cette desti- nation : voilà pourquoi le produit brut de cette culture, que nous avons porté de 42 à As pataques, diminue en temps de guerre. La graïne de lin est employée à fabriquer de l’huiïle à brüler. Le chanvre n’est point un objet de grande culture en Égypte; on n’y connoît point l'usage de cette plante comme propre au tissage. On en sème une très-petite quantité sur la lisière de quelques champs, pour composer avec ses feuilles une sorte de préparation enivrante qui remplace lopium. ARE. 3 EE Culture du Coton. Quoique l’on trouve dans presque toutes les parties de V’Égypte quelques champs cultivés en coton, on peut dire cependant que cette culture est parti- culière à la partie la plus méridionale du Sa’yd et à tout le Delta. Les procédés et les produits en sont différens suivant les lieux. Dans la province de Thèbes, on sème le coton / Gossypium arborescens ] à deux époques de l’année : la première, au commencement d'avril ; la seconde, au mois de juillet. La terre est d’abord préparée par un ou deux labours : on Îa divise ensuite en carreaux au nombre de 200 par féddän. Lie coton n’est point semé dans l'intérieur L'INDUSTRIE ÉÊT LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. $43 de ces carreaux, qui est ordinairement cultivé en fämyeh et en meloukhyeh , mais sur Ja petite proéminence qui forme le pourtour de ces carreaux; on y fait de petites fosses, distantes d’un mètre environ les unes des autres, de trois à quatre doïgts de profondeur, et l’on met dans chacune d’elles 4 à $ graines de coton. Lorsqu'on le sème au mois d'avril, les arrosemens nécessaires à sa végétation sont beaucoup plus dispendieux, parce que, les eaux étant plus basses dans cette saison, il faut trois ou quatre étages de délon. On fait ces arrosemens pendant cinq jours sur vingt-sept, et il y a deux hommes employés par ou : le ‘prix de leur journée est de 8 parats. La récolte du coton semé au mois d'avril commence au mois d’août. Lorsque le coton est semé à l'époque de l'accroissement du Nil, on conçoit qu'il faut moins de travail pour f'arrosement de cette plante; maïs sa maturité se trouve retardée par l'hiver, et l’on n'en fait la première récolte qu'au commence- ment du mois de mars de l'année suivante. En général, dans la province de Thèbes, il y a peu de coton ensemencé à cette époque. Quelquefois, au lieu de semer la graine seulement sur le Dour des carreaux, on la sème sur la crête d’un certain nombre de sillons formés à la pioche dans l'intérieur de ces carrés; les semis se font en quinconce , en espaçant les fosses d’un mètre environ. La.plante lève quatre ou cinq jours après que la graine a été mise en terre : elle fleurit au bout de cinq ou six mois; et, quatre-vingt-dix jours après que la florai- son a commencé, on fait la première récolte de l'espèce de noïx dans laquelle le coton en laine est renfermé. Cette récolte, qui se prolonge pendant trois mois, est faite, chaque jour, par des femmes et des enfans. On met les noix de coton sécher au soleïl; on en Ôte les écailles à la main: on retire ensuite les graines de la laine ou duvet qui les enveloppe, au moyen d’une petite machine très- simple dont nous parlerons plus bas. Les plantations de coton exigent dés arrosemens continus, qui ne sont suspendus que pendant les quatre mois d'hiver. Aïnsi que nous l'avons dit plus haut, il faut trois ou quatre étages de delou pendant l'époque des cultures e/keydy, et seulement un seul étage pendant l’époque des cultures e/-demyry. Les préparations que l’on donne à la terre pour recevoir le coton, reviennent à 5 ou 6 pataques par féddän. On cultive le coton dans des champs dont létendue n’est jamais au-dessus de 3 feddin; le plus-souvent, ce sont des champs d'un féd/än ou d'un Jediän et demi. Le même plant de coton dure huit ou dix ans. Pendant les deux ou trois pre- mières années , on cultive le /ämyeh et d'autres plantes potagères dans les intervalles compris entre les pieds de coton. Pendant les six ou sept dernières années, le coton reste seul. Les cultivateurs ne taïllent point cet arbrisseau ; ils se contentent de le dégarnir de ses branches sèches, en les cassant à la main, pour rendre les nouvelles pousses plus productives. Quoïque les cotonniers soient vivaces dans la haute Égypte, et qu'un même s44 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, plant puisse se conserver pendant dix ans, cependant il est en plein rapport au bout de la troisième année, passé laquelle il commence à dépérir. Un féddän de coton en plein rapport donne 300 rot/ de coton. Le prix du rotl est de 10 à 12 parats. Le coton de la haute Égypte est employé aux fà- briques de toile du pays : il y est plus estimé que celui de Syrie. Le coton n'est cultivé dans le Delta que comme une plante annuelle / Gossypium herbaceum ], et on ne l'y sème qu'à une seule époque de l'année, au commence- ment d'avril, après la récolte du blé. | Le sol étant très - desséché à cette époque, on commence par lui donner un. fort arrosage ; on laboure ensuite : on fait à la pioche, à 20 ou 30 centimètres environ de distance les unes des autres, de petites fosses dans lesquelles on sème le coton : c'est le travail de dix journées, dont chacune est payée 10 médins. Le prix de la graine que lon sème par féddän, est de 45 parats. On arrose trois fois le plant de coton pendant les cinq mois qu’il reste en terre. Les deux premiers arrosemens se font avec les roues à pots ou à tympan, appelées indistinctement ségyeh ; le troisième arrosement a lieu en introduisant les eaux de l'inondation sur ce plant. On commence à récolter le coton dans les premiers jours de septembre. La plante entière, garnie de ses gousses, est arrachée , et on la met sécher sur une aire: il suffit de quatre journées d'homme pour cette opération. Après trente jours de desséchement, on retire le coton des gousses qui le renferment : soixante femmes ou enfans peuvent achever cette extraction dans un jour. Ils sont payés chacun $ médins; on leur abandonne, en outre, les tiges de la plante desséchées. Le produit d’un fddän de coton près de Semennoud est d’un gantér et demi ou de 2 gantär de 120 rot/ chacun : le prix du gantér est de 16 pataques lorsque la mer est libre; il est de 9 pataques seulement en temps de guerre. Le coton que l'on cultive dans la province de Mansourah, se renouvelle tous les ans: maïs, au lieu d’arracher les plantes toutes la-fois, et de les dessécher en les laïssant exposées au soleil pendant un mois, on fait la récolte des gousses de coton à mesure qu'elles müûrissent ; on ÿ emploie des enfans, depuis le point du jour jusqu'à trois heures après le lever du soleil. On sépare du coton en laine les graines qui y sont mélées, au moyen d’une pe- tite machine très-simple; elle est composée de deux cylindres ou rouleaux de bois dur, de 4 décimètres de long, et de 12 à 15 millimètres de grosseur. Ces rou- leaux traversent parallèlement entre eux, et à 2 ou 3 millimètres d'intervalle, deux montans verticaux de 2 décimètres et demi de hauteur, lesquels sont érigés solidement à angles droits sur un madrier d’un décimètre d'épaisseur environ. Chacun de ces petits rouleaux porte à l'une de ses extrémités , et du côté opposé, une petite manivelle. On introduit entre eux le coton en laine; et, en les faisant tourner en sens contraire comme les cylindres d’un laminoir , la graine du coton se trouve arrêtée en arrière, tandis que la laïne est entraînée en avant. En voyant agir cette machine, on ne peut manquer d'y reconnoïtre le premier type des rouleaux entre lesquels on fait passer le coton dans les machines à filer. s. VIIL L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE, $AÂS$ $ XIII. Culture de l’Indigo. La culture de lindigo //ndigoféra tinctoria | n'est ordinairement entreprise que par des propriétaires aisés , ou par des fe/4} qui forment entre eux une asso- ciation pour travailler eux-mêmes à l'exploitation de leur champ et à la fabrica- tion des pains de fécule d’indigo qui sont mis dans le commerce. Les parties méridionales du Sa’ yd paroïssent les plus propres à la culture de cette plante; c’est du moins dans ces parties de l'Égypte qu’on la cultive le plus: les provinces les plus fertiles en blé, comme celles de Syout et de Minyeh, où linondation naturelle couvre de grandes surfaces, n’en fournissent que trèspeu, de même que le Fayoum. Nous en avons vu des champs assez rapprochés les uns des autres sur la rive gauche du Nil, en descendant de Beny-Soueyf à Gyzeh. Cette culture cesse tout-à-fait au-dessous du Kaire et dans la basse Égypte. Le commencement du mois de juin est l'époque à laquelle on sème lindigo dans les provinces de Girgeh et de Thèbes. La terre est préparéé par deux labours dont les directions se croisent. On brise, en les frappant avec de longs bâtons , les mottes qui se trouvent à la surface du champ, après qu'il a été aïnsi labouré. Cette préparation faite , on le divise en carreaux de troïs ou quatre mètres de côté, qui sont séparés les uns des autres par de petites digues de 2 ou 3 déci- mètres de hauteur. On fait dans l'intérieur de ces carreaux, à 1$ ou 16 centimètres d'intervalle, de petites fosses de À doigts de profondeur, et l’on y met trois ou quatre grains d'indigoMque lon recouvre de terre. La surface de chaque carreau est ensuite dressée le plus horizontalement possible avec le wassougah pour pouvoir être arrosée également. La graine d'indigo vient ordinairement de Syrie; celle que l’on récolte en Égypte, est beaucoup moins estimée. Les deux labours que l’on donne à la terre avant l’ensemencement, reviennent à 240 médins. 6 La culture d'un féddän d'mdigo exige le travail continuel de neuf hommes, qui sont employés aux arrosemens et au sarclage du champ. Quand ces deux opérations ont été faites avec les soins convenables, on peut déjà faire la première coupe de l'indigo trois moïs après son ensemencement, c'est-à-dire, au commen- cement de septembre. : On scie la plante à deux doïgts de terre, et l’on procède à l'extraction de la fécule à mesure de la récolte. Quoique cette extraction puisse, à la rigueur , être regardée comme un genre particulier d'industrie, et que par conséquent la des- cription en soit comprise dans celle des arts industriels, cependant nous croyons devoir en parler dans ce paragraphe , tant à cause de sa simplicité, que parce qu’elle est faite par les mêmes hommes qui cultivent la plante et qui la récoltent. É. M. TOME II. Zaz 546 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Cette plante, après avoir été sciée, comme on vient de le dire, est portée sous un petit hangar couvert, de $ mètres de long sur 4 de large : on la hache avec un grand couteau, et on la met, ainsi hachée, dans de grands vases de terre cuite de 8 décimètres de hauteur sur 6 de diamètre ; ils sont enfoncés dans la terre jus- qu'au collet : on verse sur la plante hachée de l’eau tiède jusqu'aux deux tiers de la hauteur de ces espèces de baquets. On les recouvre d’un couvercle formé d’un tissu de feuilles de palmier, où sont pratiqués deux trous servant à y introduire deux bâtons que deux ouvriers remuent pendant deux ou troïs heures pour agiter les plantes hachées et en extraire la matière colorante. Un atelier contient ordinairement quatre jarres semblables, deux desquelles servent simultanément au travail que nous venons d'indiquer. Lorsqu'il est terminé, on transvase l'eau chargée de fécule , de ces premières jarres dans d'autres plus petites, qui sont posées sur le sol et dont la capacité est environ trois fois moindre ; on égoutte les feuilles macérées dans des baquets au-dessus desquels on les soutient dans des espèces de clayons de feuilles de dattier. On laïsse reposer l'eau colorée dans ces baquets, et la fécule se dépose au fond. Pour décanter l'eau à mesure qu'elle s'éclaircit et que le dépôt de fécule acquiert plus de consistance, la paroï verticale de ces vases est percée, à partir de leur bord supérieur, de trois orifices distans de 16 ou 17 centimètres : six heures après avoir fait le transvasement dont nous venons de parler , on ouvre le plus élevé de ces orifices, et il s'écoule une certaine quantité d’eau ; on ouvre succes- sivement les deux autres, après quoi il ne reste au fond du vase que la fécule qui s’est plus ou moins affermie. Quelquefois la paroi du vase n’est percée que d’un seul trou, à so centimètres au-dessous de son bord supérieur; on y laïsse le dépôt de la fécule s'effectuer pen- dant la nuit, eton le débouche le lendemain Ho faire écouler l’eau ES fécule est couverte. EMCCETE Le service d'un atelier exige douze de ces baquets ou jarres de terre cuite. On réunit dans un seul la fécule retirée de huit ou neuf autres, et on Fly abandonne vingt-quatre heures; pendant cet intervalle de temps la fécule se comprime encore : on fait enfin écouler une dernière fois l'eau qui la surnage. Alors on creuse une petite fosse dans la terre, et, après en avoir saupoudré de sable les fonds et les parois, on y verse la fécule qui a été recueillie; elle s'y égoutte pendant deux heures; enfin, lorsqu'elle est encore en consistance de pâte, on la met dans des moules où elle sèche tout-à-fait : c’est en forme de pains, qui pèsent chacun un 707 + ou deux #2 qu’elle est mise dans le commerce pour l'usage des teinturiers. Trente -cinq jours après la première coupe de lindigo , on en fait une seconde ; après celle-ci, une troisième, qui est elle-même quelquefois suivie d’une quatrième : ces coupes successives se font à la même distance les unes des autres, de sorte que depuis l’ensemencement de lindigo jusqu'à sa dernière coupe il s'écoule environ huit mois. Ces tailles de la plante ne sont point égalément productives : la première L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE S$47 rapporte ordinairement $o pataques par feddän ; la seconde, 38 ; la troisième, 25 ; et la quatrième, quand elle a lieu, ro ou 12 pataques seulement : on voit que ces produits diminuent comme les nombres 4, 3, 2,1. Le prix moyen de flindigo, tel qu'il est fabriqué par les cultivateurs, est de 16 et 18 médins le ror/. | | On retire ordinairement de la première coupe d’un féddän environ 250 rot d'indigo ; cette coupe se prolonge pendant quinze où vingt Jours, ainsi que’ la fabrication des pains de fécule qui en proviennent:il en est à peu près de même des coupes suivantes. Un champ d’indigo dans la haute Égypte dure trois et quatre ans ; maïs le pro- duit le plus abondant est celui de la première année. L'impôt dont est chargé un f£ddän d'indigo, s'élève communément de 6 à 8 pataques. | Dans les provinces de Beny-Soueyf et de Gyzeh, où cette culture est assez ré- pandue, l'indigo est semé au commencement de mars; à cet eflet, on ouvre des sillons parallèles , à [a distance de 35 à 4o centimètres les uns des autres. Les procédés d'extraction de la fécule sont les mêmes que dans le Sa’yd; maïs on ne fait chaque année que trois coupes du même plant, et il ne dure que deux ans: ici c'est la seconde coupe qui est la plus productive; elle fournit par féddän 160 rotl d'indigo, dont le prix varie de 12 à 18 pataques, suivant les besoins de la con- sommation. , r Si les terres dans lesquelles l’indigo est semé sont assez basses pour être inondées par le Nil, et qu'il les submerge lors de sa crue, le plant d’indigo est détruit : il faut que l’arrosement en soit fait avec beaucoup de soin et de régularité. Quoiïque les terres deviennent moïins propres à la culture de lindigo, à mesure qüe l’on remonte vers le nord et que le climat devient plus tempéré, jen aï cependant remarqué quelques champs dans le Delta , sur la rive droite de la branche occidentale du Nil. $. XIV. Culture du Sucre. Le sol de toute l'Égypte est propre à la culture de la canne à sucre { Saccharum officinarum | ; maïs, les avances que cette culture exige ne permettant qu'à un petit nombre d’habitans de s'y livrer, elle est, pour aïnsi dire, concentrée dans la province de Girgeh, sur les territoires de Farchout et d’Akhmym : ce que l’on cultive de cannes dans le reste du pays, n’est point employé à la fabrication du sucre En païn ; ces cannes sont coupéespar tronçons et mises en vente dans les marchés des villes pour être mangées, ou plutôt sucées, comme une espèce de fruit, sans aucune préparation. Les terres destinées à leur culture sont préparées vers la fin de mars par quatre ou cinq labours dans des directions croisées. Le sol se trouvant suffisamment É. M. TOME IL Praz JA 548 | MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, ameubli par ces labours, on y trace des sillons parallèles, dans lesquels on couche horizontalement des cannes à sucre fraîches, que l’on recouvre de deux ou trois doigts de hauteur de terre : aussitôt après, on commence larrosement du plant au moyen de machines à pots. Une de ces machines peut arroser six féddän de cannes, étant montée de douze bœufs, car ïl faut compter par féddän une paire de bœufs; et le travail des arrosemens doit se continuer sans interruption jusqu’au moment de la récolte, qui a lieu onze mois après la plantation. Cette récolte se réduit à couper, près de terre, les cannes qui sont parvenues à leur maturité : deux ouvriers employés à ce travail peuvent le terminer sur un. féddén dans l'espace d’une quinzaine environ; ils coupent en un jour six ou sept charges de chameau de cannes. Une plantation ne reste en rapport que pendant une seule année; les souches de cannes à sucre laissées sur pied produisent de nouveaux jets que lon em- ploie à renouveler les plantations de l'année suivante. Comme la fabrication du sucre est en Égypte un art industriel, nous nous réservons d'en parler aïlleurs ; il nous sufhra de dire ici qu'un féddän de terre consacré à cette culture produit ordinairement 20 gantär de sucre en pain et 12 gantär de mélasse : le prix du gantér de 10$ rotl varie de 10 à 12 pa taques ; celui du gantär de mélasse est de 3 pataques seulement. $. XV. , Culiure du Tabac. LE tabac / Nicotiana T'abacum] est nés cultivé Se les provinces de la haute Égypte. On en sème la graine immédiatement après à retraite des eaux, et alors la terre ne reçoit aucune préparation : quelquefois on Îa sème au printemps en même temps que le dourah nabäry , et alors il faut donner à la terre un ou deux labours. On emploie sur la douzième partie d’un feddän, c'est-à-dire sur deux grét, d'ardeb de graine de tabac ; quarante ou cinquante Jours après, la plante est assez forte pour être transplantée. On choisit les terres réputées les meïlleures pour y faire cette transplantation : on leur donne deux labours croisés; on fait passer ensuite le tronc de palmier sur ces terres pour en unir la surface : ces premières façons reviennent à 250 mé- dins. Les trous destinés à recevoir les racines de la plante sont-espacés à huït doigts environ les uns desautres, et on leur en donne autant de profondeur. Il faut vingt-cinq à trente journées de travail pour couvrir aïnsi la surface d’un féddän de tabac transplanté. Quand une fois cette transplantation est faite, le tabac n'a plus besoin d’être arrosé; mais il est nécessaire de le sarcler tous les jours. On en commencé la récolte deux mois et demi après, en sciant la plante avec une faucille à quelques doigts de terre : après cette première coupe, le LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. ÿ 49 même pied de tabac pousse des rejetons que l'on scie également au bout de trente Jours. Quand la plante et ses rejetons ont été ainsi coupés, on enlève les pédi- cules et les côtes des feuilles de tabac, qu'on expose ensuite pendant huit jours au soleil : ces feuilles, après avoir été ainsi séchées, sont conservées entre des nattes; enfin on en forme des ballots cylindriques, qui sont mis dans le com- merce. Ce tabac du pays, d une couleur verdâtre, est le seul dont on fasse usage dans les campagnes de l'Égypte supérieure. La première coupe d’un jeddän de tabac exige dix À douze journées de travail: le prix de ces journées est acquitté en nature, c'est-à-dire, en feuilles qui peuvent valoïr en argent 8 ou 10 médins. La première taille d'un féddän produit vingt ballots de feuilles sèches, dont chacun pèse 4o rot/; la seconde taille n’en produit que dix du même poïds : ce qui donne en tout trois charges de chameau environ. Dans le commerce, on fait une différence entre les produits de ces deux coupes : le prix de la seconde est communément inférieur d’un tiers à celui de la première, qui se vend de 250 à 300 médins le gantär. &. XVI. Culture des Rosiers. TouTE l’eau de rose que lon fabrique en Égypte, vient de la province du Fayoum : c'est la seule où les rosiers soient l’objet d’une grande culture. Laterre est d’abord nettoyée et ameublie par quatre ou cinq labours successifs ; on y trace ensuite des rigoles qui la divisent en petits carrés, dans l’intérieur des- quels on plante de jeunes rosiers à soixante centimètres environ de distance les uns des autres ; la quantité de rejetons nécessaire pour la plantation d’un féddén ne coûte que 100 OU 1 so médins. Cette plantation, qui se fait ordinairement au solstice d'hiver , exige quarante journées de travail : aussitôt qu’elle est terminée, _onen commence les arrosemens, et on les renouvelle tous les quinze jours pendant l'année entière, à moins que la terre ne soit submergée lors de linondation. La culture d'un féddän de rosiers exige emploi continuel de quatre hommes ; qui, suivant le besoin, travaillent aux arrosemens, au sarclage du champ, ou à la récolte des fleurs. | Cette récolte se fait pendant tout le mois d’avril et le commencement de maï: chaque matin, on arrache les pétales des fleurs épanouies ; ils sont employés sur-le-champ dans des fabriques d’eau de rose : comme ces établissemens ne se trouvent qu'à Médine, on ne cultive les rosiers que dans les environs de cette ville, la seule du Evo Un plant de rosiers ne produit ordinairement que la seconde année ; il est en plein rapport l'année suivante jusqu'à la cinquième, passé laquelle on est dans l'usage de le renouveler. s 50 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, | Les pétales de roses se vendent de 6 à 7 pataques, et quelquefois jusqu'à 1000 médins, le gantär de 100 rot : le produit moyen d’un féddän est de 8 gantär de fleurs. $. XVII, Culture du Dattier, de la Vigne, — de quelques autres arbres. LE dattier / Phænix dactylifera ] est Varbre le plus universellement répandu dans toute l'Égypte : il y a des plaines entières qui en sont couvertes dans les différentes provinces, depuis Syène jusqu'à la Méditerranée ; les environs de l’ancienne ville de Memphis sont aujourd'hui transformés en une forêt de dattiers ; la partie orientale de la province de Belbeys, où est situé le grand vil- lage de Sälehyeh , ne récolte que des dattes; ce produit est ausst presque le seul de la langue de terre qui sépare la Méditerranée du lac Bourlos. Enfin tous les villages de l'Égypte sont environnés de palmiers qui cachent les monticules de décombres sur lesquels ils sont bâtis; et, comme cet arbre conserve ses feuilles toute l'année, chaque village, et sur-tout ceux du Delta, paroïssent au loin comme de grands bosquets. Pendant notre séjour au Kaiïre, il a été publié dans la Décade Égyptienne un mémoire fort étendu sur la culture du dattier (1). Notre objet n'étant ici que d'indiquer les procédés généraux des différentes cultures et de présenter un aperçu de leurs produits, nous renvoyons à ce mémoire pour tous les détails qui ne sont point de nature à entrer dans celui-ci. Les palmiers-dattiers proviennent de semence ou de drageon. Pour les obtenir par le premier moyen, on met ordinairement des noyaux de datte dans de petites fosses de quinze à seize centimètres de profondeur, que l'on fait au milieu des car- rés d'irrigation où nous avons dit que l’on cultive le zzeloukhyeh et d'autres plantes potagères : les semis de dattiers profitent ainsi des arrosemens quel'on donne à ces plantes; et, lorsqu'au bout de quarante ou cinquante jours le jeune palmier commence à sortir de terre, il croît à l'abri de l'ombrage et de la fraîcheur qu'elles lui procurent. | Cinq ans environ après que le noyau de datte a été mis en terre, on coupe les feuilles inférieures qui entourent le pied de l’arbrisseau, et l'on commence ainsi à en dessiner le tronc, qui continue de s’accroïître en hauteur, ou par la chute spontanée des anciennes feuilles, ou par la coupe annuelle que l'on en fait vers le solstice d’hiver : au bout de dix ans il rapporte les premiers fruits. Quand le dattier provient de drageon, il commence à donner des fruits au bout de six à huit ans : sa culture est, au reste, la même que celle du dattier venu de graine; il demande également des arrosemens fréquens, sur-tout pen- dant les premières années. On sait que les organes sexuels de cet arbre sont placés sur des individus différens. On opère presque toujours la fécondation des fleurs femelles en plaçant un (r) Observations sur le palmier-dattier, par M," Louis Reynier ( Décade Égyptienne , tom. III, pag. 179) LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE. Si paquet de fleurs mâles au milieu d’un régime de fleurs femelles : cette opération est le seul artifice que les Égyptiens sachent employer pour augmenter le produit de la culture de leurs arbres à fruit. | Les habitans du village de Beltym , situé sur le territoire de Bourlos, s’oc- cupent beaucoup de Îa culture du dattier; ils le multiplient par drageons, qu'ils plantent dans les petits ravins formés par les dunes de sable dont cette langue de terre est couverte. On étend préalablement, au fond de la fosse destinée à re- cevoir un drageon, un demi-ardeb environ de fente de pigeon, espèce d'engrais dont on a soin de garnir de temps en temps le pied de ces dattiers ; quoiqu'ils soient plantés dans des sables arides en apparence, la végétation de ces arbres est abondamment entretenue et se montre très-vigoureuse, parce que leurs racines pénètrent jusqu'à l’eau douce, qui s'écoule constamment du lac Bourlos à la mer en passant sous le sol. Les variétés de dattes sont ici très-multipliées. Celles de la haute Égypte sont généralement plus petites que celles de la basse; elles sont aussi plus précoces, et leur pulpe est beaucoup plus sèche. Les dattes du Sa’yd sont consommées en partie dans le pays; une autre partie est expédiée pour les marchés des villes , et notamment pour le Kaïre, centre de consommation le plus considérable | de l'Égypte. Soit par suite d'ün long usage, soit parce que le Gouvernement de ce pays a été frappé des ressources que la culture des dattiers procure à ses habi- tans, cette culture est la seule qu'il aït encouragée, puisque la récolte des dattes n'est assujettie à aucun tribut. Les dattiers que l’on voit autour des villages et des villes, sont des propriétés particulières : ceux qui sont plantés par les 2/47 sur des terres dont ils ne sont qu'usufruitiers , leur appartiennent également, et ils ont la faculté d'en disposer à volonté. Le produit annuel d’un dattier en plein rapport, dans la haute Égypte, est estimé de 120 à 180 médins. D'après les renseïgnemens qui mont été donnés, la durée de cet arbre est de quatre-vingts ans , ou même d’un siècle. Mais comment compter sur lexacti- tude de ces renseignemens, quand ceux qui les donnent ignorent souvent l'époque de leur propre naïssance ? | Les dattes sont mangées fraîches quelque temps après avoir été cueillies, ou bien à l'état de dattes sèches, ou bien enfin après un commencement de fer- mentation sucrée que l'on détermine par des préparations spéciales. Ce sont particulièrement les dattes de l'espèce dite de Bourlos que l'on sou- met à ces préparations : on en cultive à Beltym trois variétés différentes. Les dattes rouges, qui forment la première, sont cueïllies un peu avant d'avoir acquis leur maturité ; elles achèvent de mürir exposées au soleïl sur des nattes; on les écrase ensuite entre les doigts, et on les laisse encore au soleil pen- dant trois jours ; enfin on les pétrit dans des couffes de feuilles de palmier: cette pâte de dattes se vend $ pataques le gamär de 108 okes. | La seconde espèce, appelée rahouaked , et la troisième, appelée ei, sont des dattes jaunes, que l'on cueïlle aussi avant qu'elles soïent tout-à-fait mûres : $ 52 | MÉMOIRE SUR. L'AGRICULTURE, on les écrase en les cueïllant, et on les pétrit dans des couffes, après les avoir laïs- sées exposées au soleïl, les rzhouaked pendant douze jours, et les emmiri pendant vingt-cinq : le gantér de dattes ainsi préparées se vend 7 pataques. On estime. qu'un palmier peut en donner vingt-sept okes par année. Ces dattes, confites , sont presque en totalité expédiées pour Alexandrie et Rosette. | On voit que le produit annuel d’un dattier est à très-peu près, à Bourlos comme dans la haute Égypte, de 150 médins environ. Son fruit sert aussi à faire une espèce de vinaigre et une espèce d’'eau-de-vie dont nous parlerons ailleurs. / Voyez les Arts et Métiers, planche XI.) De tous les arbres qui croïssent en Égypte , le dattier est celui dont on tire le plus grand parti pour les constructions et dans l'économie domestique : le tronc de cet arbre fournit les poutres et les solives employées dans les planchers de toute sorte de maisons, et l’on fabrique avec les différentes parties de ses feuilles les cages, les paniers, les couffes, en un mot la plupart des meubles et ustensiles à l'usage des habitans des campagnes. Enfin l'espèce de réseau de fibres brunes qui est appliqué contre la base du pétiole des feuilles, est employé à faire des cordes. La vigne est, après le dattier, l'arbre fruitier à la culture duquel on donne le plus de soin : quoïquon en trouve quelques pieds dans tous les jardins de l'Égypte, c'est particulièrement dans la province du Fayoum, et sur la langue de terre de Bourlos, que Îa vigne est spécialement cultivée ; on la plante par marcotte , et on la soutient, comme en Italie, sur des pièces de bois horizon- tales que portent des montans verticaux. A Bourlos, on creuse jusqu’à l’eau les fosses destinées à recevoir les boutures de vigne ; on met au fond de ces fosses une certaine quantité de fiente de pigeon. Quelquefois on plante la vigne dans l'espèce de tuyau cylindrique que forme la souche d’un vieux palmier mort sur pied et coupé à quelques déci- mètres au-dessus de terre : cette pratique a pour objet de garantir la Jeune vigne d'un soleil trop ardent et d’entretenir la fraîcheur de ses racines. On la fume, tous les ans, avec de la fiente de pigeon que l’on fait venir du Delta et des pro- vinces de la Charqyeh : cet engrais se vend de 90 à 110 parats l'ardeb. Les raïsins de Bourlos sont transportés par mer à Damiette, à Rosette et à Alexandrie. Ceux dont les marchés du Kaiïre sont approvisionnés dans la saison, viennent de la province du Fayoum. Il y a plus de vergers dans cette province que dans les autres parties de l'Égypte : on y voit quelques péchers et quelques abricotiers dans des vergers fermés ; l'olivier et le figuier y croïissent en plein champ. II faut ajouter à ces différens arbres le Cactus Opuntia, dont on forme des haies impéné- trables, et qui, par son organisation particulière, est très-propre à arrêter le cours des sables et à retenir sur le penchant des collines les terres légères que les eaux pourroient entraîner. Les grenadiers, les orangers et les citronniers, sont également cultivés en Égypte, dans des jardins qui appartiennent aux particuliers les plus aïsés : ces jardins sont situés L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. ai situés ordinairement en dehors et à très-peu de distance des villes ; ceux d’Alexan- drie, de Rosette, du Kaire, de Gyzeh, sont les plus remarquables et ceux où les cultures sont le plus variées. On conçoit, au reste, qu'il y a peu de chose à dire sur la culture des arbres fruitiers dans un pays où l'usage de la greffe et celui de la taïlle sont inconnus. L'ancienne île de Pharos, qui couvre les deux ports d'Alexandrie, s'appelle au- jourd’hui 7e des Figuiers , parce que ces arbres y sont cultivés avec le plus grand succès : chacun d’eux est enveloppé d’une enceinte circulaire, faite de joncs, de roseaux, et de branches de palmier : on élève cette enceinte à 2 ou 3 mètres de hauteur en l’écartant à $ ou 6 mètres de distance du pied de Farbre ; par ce moyen, il se trouve garanti des vents de mer et des ardeurs du soleil, sans être privé des pluies de Fhiver ni des rosées abondantes de l'été. On voit que les arbres fruitiers de l'Égypte se réduisent à un très- -petit nombre. I n’y a pas d'arbres forestiers proprement dits. Soûs ce rapport, l'Égypte est de nos jours ce qu’elle étoit du temps de Columelle; à peine en compte-t-on dans les campagnes quatre ou cinq espèces différentes : ils sont ordinairement plantés autour des villages, qui, vus de loin, conservent , lors même des plus grandes sécheresses, un aspect agréable et frais, parce que les arbres qui forment leur enceinte sont toujours revêtus de leurs feuilles. L'espèce d’arbre la plus commune est le figuier sycomore /Ficus Sycomorus ], à l'ombre duquel sont presque toujours établies les machines qui servent à éle- ver l’eau pour l’arrosage des terres : le bois de cet arbre est employé à la construc- tion des barques du Nil; on en fait aussi des planches et des madriers. Les roues dentées des machines à élever l’eau sont fabriquées ordinairement avec le bois du rhamnus napeca et celui du z7m054 nilotica : la graine de ce dernier remplace en Égypte écorce du chêne pour le tannage des cuirs. Un #imosa milotica en plein rapport produit un demi-ardeb de graînes, qui se vend 240 médins environ. SECTION VL Des Animaux élevés par les Cultivateurs. Les labours , les autres façons des terres , l'élévation des eaux d'irrigation, le battage des grains, et généralement tous les travaux de l'agriculture, sont exécutés par des bœufs dans la partie supérieure de l'Égypte, où la chaleur est trop forte pour l'éducation des buffles. Dans l’île d'Éléphantine, les bœufs sont nourris de tiges de dourah vert, et de païlle hachée : en descendant de cette ville à Esné, on commence à cultiver la gesse et le pois des champs, qui leur servent de fourrage, ainsi que les tiges de lentille , de lupin, &c. L'achat d’une paire de bœufs ne coûte, dans cette partie de l'Égypte, que $o à 60 pataques , et quelquefois ce prix s'abaisse au-dessous de ÀS pataques. É. M. TOME Il. A aaa $ 54 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Ce prix augmente à mesure que lon descend le Nil, soit que le numéraire devienne plus abondant, soït que les bœufs deviennent plus forts : il est ordinaire- ment de 100 pataques pour une paire de bœufs ou de vaches. Dans les environs de Qené et dans Ja plaine de Thèbes, où la gesse et le pois des champs servent de fourrage aux bœufs pendant environ quatre mois, la ration journalière d'un de ces animaux est évaluée à 12 ou 15 médins : le reste du temps, les bœufs vivent de paille hachée et de féves ; leur nourriture journalière révient alors à 10 médins seulement : ils consomment par mois cinq charges de chameau de païlle et un #deb de féves. | Nous avons dit qu'à partir de Farchout on commençoiït à cultiver le trèfle : les bœufs s'en nourrissent pendant le tiers de l’année; deux de ces animaux consom- ment durant cet intervalle les deux coupes successives d'un feddän de trèfle. Les vaches sont aussi employées aux travaux de l’agriculture ; elles donnent du lait pendant les quatre premiers mois de leur gestation, et n'en donnent point pendant les huit derniers. Un veau de troïs moïs se vend de $ à 10 pataques. Le prix d'une paire de bœufs dans le Delta s'élève communément à 120 pa- taques : pendant quatre mois, on les nourrit de paille hachée et de féves; pendant cinq mois, de trèfle vert; et pendant les troïs autres moiïs de l’année, de trèfle sec. La nourriture d’un bœuf ainsi distribuée revient à 10 parats par jour. Lorsqu'une épizootie se manifeste, ce qui a lieu de.temps en temps dans le Delta, on est obligé de remplacer les bœufs qu’elle enlève par d’autres bœufs que l'on tire de la Syrie ou des îles de F'Archipel. Les troupeaux de buffles que l’on rencontre dans l'Égypte supérieure, ne sont entretenus, comme nous l'avons déjà dit, que pour le lait qu'ils fournissent ; leur nourriture est la même que celle des bœufs : on les laisse de plus manger sur pied l’herbe appelée Za/feh, dont sont couverts ordinairement Îes terrains qui n'ont point été cultivés faute d’eau, et qu'on désigne sous le nom de charägy. Le prix d'un buffle dans les environs de Qené est de 20 ou 30 pataques. Les buffles semblent devenir moins farouches à mesure que l’on descend vers le nord : on en voit quelques-uns dans le Fayoum employés à manœuvrer les ma- chines à arroser; ils se vendent dans cette province jusqu'à so et 60 pataques. On ne les nourrit qu'avec de la païlle : ils en consomment une charge de chameau en cinq ou six jours; mais on ne leur donne point de féves. Dans le Delta, comme dans le Fayoum, ce sont les seuls buffles mâles que l'on fait travailler ; encore fatiguent-ils beaucoup leurs conducteurs à cause de leur peu de docilité. Il y a sur les bords du canal de T'a’bânyeh , au-dessus du village de Byaleh, dans le Delta, un vaste marais qui s'étend jusqu’au lac de Bourlos ; les herbes qu’il produit servent de pâture à des troupeaux de buffles à demi sauvages qui y restent toute l’année : quelques habitans des villages situés sur la limite des terrains cultivables et des marais viennent s'y établir sous des huttes, pour y fabriquer du beurre et du fromage avec le lait de ceux de ces buffles qui sont le plus apprivoisés. La chair de ces animaux est celle dont les boucheries des villes sont le mieux approvisionnées ; le prix moyen d'une peau de buffle est de 2 ou 3 pataques. L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE $$$ Les chameaux, qui servent à effectuer le transport de toutes les denrées quand elles ne sont pas transportées par eau sur le Nil ou sur les canaux dont Îe pays est entrecoupé, sont moins grands et moins forts dans le Sa’ yd que dans la basse Égypte. L'éducation de ces animaux est une des principales occupations des tribus d’Arabes qui habitent les bords de la vallée d'Égypte : ce sont elles qui en appro- visionnent les marchés des différentes provinces. Le prix des chameaux varie de 30 à 60 pataques, suivant leur âge, et leur force ; ils vivent de féves, de païlle hachée, de tiges de gesse, de pois des champs, de toute espèce de fourrages verts ou secs : leur nourriture journalière revient à 7 parats. On les loue à raison de 25 à 30 médins par jour ; ils peuvent travailler pendant dix ans. Les chameaux employés au transport des récoltes n'appartiennemt pas tou- jours au cultivateur ; il les loue suivant le besoin qu'il en a : les transports de denrées qu'il a occasion de faire pendant le reste de l'année, sont effectués à dos d'âne. II n’y a point de cultivateur qui ne possède quelques ânes ; ce sont ces animaux qui servent de monture habituelle à lui et à sa famille : leur patience et leur sobriété les rendent, comme par-tout ailleurs , extrémement utiles; mais ceux d'Égypte ont l'avantage d’être doués d’une force extraordinaire. Leur nourriture journalière ne s'élève guère au-dessus de 4 ou $ médins, et leur prix d'achat, au-dessus de 10 à 12 pataques. Outre les bœufs et les vaches nécessaires à l’exploïtation des terres, les culti- vateurs de la haute Égypte ont ordinairement un petit troupeau de chèvres et de moutons : les chèvres fournissent une partie du lait qui se consomme dans les villages ; il faut y compter ordinairement la moitié autant de chèvres qu'il y a de feddän en exploitation. Le prix d’une bonne chèvre est de 1$0 médins. Pendant l'inondation, et lorsque les récoltes sont encore sur pied, c'est-à-dire, pendant huit mois de l'année, on nourrit les chèvres de trèfle vert ou sec, de tiges de dourah fraîches , de paille hachée et de féves ; on évalue leur nourriture, suivant les saisons et les localités, à un médin ou tout au plus à un médin et demi par jour. Pendant les quatre autres moïs, le troupeau est conduit dans les champs, où il broute ce qui peut rester d'herbe sur pied; un troupeau de dix ou douze chèvres est ordinairement gardé par un enfant auquel on donne 3 médins de salaire par jour. Trois boucs suflisent pour un troupeau de cent chèvres:; les bonnes chèvres portent deux fois par an, et mettent bas communément deux chevreaux qui tettent pendant quarante jours. Un chevreau d’un an se vend de 90 à 100 parats. C'est avec des peaux de chèvre et de bouc que se font, dans toute l'Égypte, les outres dont on se sert pour transporter l'eau à dos d'homme ou sur des ânes. Les moutons du Sa yd sont presque tous d'une couleur brune. On les tond une seule fois par année, à la fin de mai ou au commencement de juin : la toison d'un mouton pèse de 2 à 4 rotl; elle se vend, aux environs de Syout, de 60 à 90 médins. La laine est ensuite lavée, battue, et lavée une seconde fois. Ainsi préparée pour la filature, on la paye de 40 à so parats le ro, Le Fayoum est la partie de l'Égypte où l’on élève le plus de moutons; la É. M. TOME II. Aaaa 2 fsQ MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, laine de cette province est aussi la plus estimée : les moutons y sont fort beaux: et il y en a beaucoup de blancs, tandis que ceux du Sa’yd sont bruns, comme nous venons de le dire. La tonte des moutons se fait dans le Fayoum à deux époques différentes de l'année : une première fois, au milieu de juin; une seconde fois, en hiver. La laine de ces animaux est longue et assez fine. Après la tonte, on les couvre d'une espèce de chaperon tissu de feuilles de palmier , pour les préserver de l'ar- deur du soleil. La toison d’un mouton choïsi parmi les plus forts pèse commu- nément de 4 à $ rofl. | Ici, au lieu de laver la laine après qu'elle est détachée du corps de l'animal, on lave lesanoutons avant de les tondre : on étend ensuite la laine à la maïn, et on l’épluche soigneusement ; ce qui remplace l'opération du cardage. C’est après ces préparations grossières qu'elle est filée dans les villages de cette province. Le prix ordinaire d'un mouton est de 2 ou 3 pataques. On élève environ huit cents moutons dans un village où l’on cultive deux mille fddän. L'état de pauvreté des feläh de l'Égypte ne leur permet pas de nourrir d’autres animaux domestiques que ceux qui sont absolument indispensables à la culture des terres, ou qui peuvent fournir une partie de la nourriture et du vêtement de leurs familles : aussi ne trouve-t-on dans tous les villages qu'un certain nombre de bœufs, de chameaux, de chèvres, de moutons. Quant au cheval, les Égyp- tiens paroissent l'estimer trop pour l'employer aux travaux de l’agriculture : cet animal n'est pour eux qu'un objet de dépense et de luxe. Comme, dans les guerres que se font les villages entre eux, le succès dépend presque toujours du plus grand nombre de cavaliers qu'un parti peut armer, on s'est accoutumé à mesurer la puissance d’un homme et la considération qu'on lui accorde, sur la quantité de chevaux qu'il entretient : le prix d'un cheval ordinaire est de 40 à 60 pataques. Au reste, c’est aux Arabes devenus cultivateurs, ou à ceux qui habitent encore sous des tentes à l'entrée du désert, que l'éducation des chevaux est réservée; la vente de ceux de ces animaux qu'ils élèvent fait une partie de leur richesse. Ce sont eux aussi qui approvisionnent de bétail les différens marchés des villes et des villages de l'Égypte, soit que les animaux qu’ils y exposent en vente pro- viennent de leurs propres troupeaux, soit qu'ils les aïent enlevés à main armée dans les villages qu'ils ont pillés sous quelque prétexte. Les felläh et leurs familles élèvent aussi une grande quantité de pigeons et de poules, de la vente desquels ils retirent quelques légers profits : on a donné ailleurs une description détaillée des espèces d’étuves appelées #4’mal, où l'on fait éclore les poulets: nous ne reviendrons point ici sur cet objet (1). Il nous reste à parler des abeïlles, et de la manière de recueillir le miel. Quoi- qu'on se livre à l'éducation des abeïlles dans les diverses provinces de l'Égypte, ce que nous allons dire est le récit de ce que nous avons vu aux environs de Syout, (1) Voyez le Mémoire de MM. Rozière et Rouyer sur l'art de faire éclore les poulets (É. M. tome 1.7, page 207 , et la planche II des Arts et Métiers), LiINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. S 57 et se rapporte spécialement à ce canton. II y a des ruches en plus où moins grande quantité dans presque tous les villages : elles sont placées tantôt dans les jardins, tantôt sur les terrasses des maisons. Ce sont des cylindres creux, de terre séchée au soleil comme des briques crues : ces cylindres ont environ 12 décimètres de longueur sur 2 de diamètre; on les dispose horizontalement les uns sur les autres, de sorte qu'un rucher présente l'aspect de pièces de boïs mises en pile. Chacune de ces ruches, qui ressemble parfaitement à un bout de tuyau de conduite, se vend 3 médins. On achète les essaims après les semaïilles du trèfle, au prix moyen de 60 parats. Année commune, dix ruches produisent cinquante rof/ de miel et deux rof/ de cire : le gantär de miel, du poids de cent rot/, se vend de $ à 8 pataques; et la cire, Ao parats le rot. Le miel de Syout est très-beau ; la chaleur naturelle du climat le tient toujours à l’état liquide. On en transporte dans des cruches une certaine quantité pour être vendue sur les marchés du Kaïre. Les ruches du Sa'yd ne voyagent point sur le Nil comme celles de la basse Égypte. Les alvéoles des abeïlles sont disposés dans le cylindre creux qui forme la ruche, en petits pains de trois ou quatre centimètres d'épaisseur, arrangés dans des plans verticaux les uns derrière les autres; cette disposition permet d'enlever les pains de cire et de miel sans détruire l’essaim. Pour cela, on fait du feu à l’en- trée de la ruche avec de la fiente sèche de buffle ou de chameau; la fumée fait reculer les mouches qui occupoient la partie de la ruche la plus voisine de son entrée; on la débouche en enlevant le plateau de terre qui sert à la fermer; ensuite, avec une petite spatule de fer que l'on promène circulairement entre la paroi intérieure du cylindre et les gâteaux de cire, on détache ceux-ci du cylindre et on les en fait sortir; on continue d’enfumer la ruche et d'enlever successivement les gâteaux d’alvéole jusqu'à ce que les abeïlles, retirées au fond de la ruche, n’en occupent plus que le tiers environ, dont on leur abandonne le miel. Cette opération ne se fait qu'une foïs par an. Quand on veut peupler une nouvelle ruche, on y introduit des pains d’alvéole avec les mouches. DÉC TONN VIT De l’Aménasement des Terres dans les différentes Provinces de l'Epypte. L'ÎLE d'Éléphantine est la première terre cultivée que l'on trouve au-dessous de la dernière cataracte du Nil; et, comme si elle devoit servir à donner une idée de la fertilité de l'Égypte, c'est le lieu de cette contrée qui est le mieux cultivé et où la terre se repose le moins | Nous avons dit que l’année rurale des Égyptiens se divisoit en trois périodes, dont chacune présente les mêmes circonstances que l’année rurale de douze mois présente dans les autres climats. Labour des terres, semaïlles , culture et récolte, chacun de ces divers travaux se répète trois fois par an dans File d'Éléphantine. Un mois avant le solstice d’été, commencent les cultures désignées sous fa 558 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, dénomination d’elkeydy ; pendant leur durée, on cultive une première fois le dourah : la chaleur de da saison , et les arrosemens abondans qu'il reçoit, en accé: lèrent la maturité; la récolte en est faite trois mois après l’ensemencement, Alors commence la seconde époque, celle des cultures eLnabäry, temps pen- dant lequel on cultive une seconde fois le dourah. Ce dourah d'automne reste en terre pendant environ cent Jours. Enfin, aux approches du solstice d'hiver, s'ouvre l'époque des cultures elche- taouy : Vorge est le seul grain cultivé pendant cette période; on en fait la récolte quatre mois après. Indépendamment de ces trois récoltes consécutives, les habitans d'Éléphantine retirent de quelques petites portions de leur île le produit de quelques plantes po- tagères qu'ils y cultivent pour leurs besoins domestiques ; il y a en outre quatre cent quarante palmiers environ. La population de cette île peut s'élever à deux cents hommes, dont cinquante seulement sont employés à demeure aux travaux de l’agriculture : les autres sont occupés comme mariniers sur les barques du Nil; ils ne reviennent dans l'île que pendant les trois mois d'hiver. L'étendue du terrain cultivable de File d'Éléphantine n'est que de 40 fddéns ils sont arrosés au moyen de six machines à pots, tenues constamment en activité, parce que le sol, continuellement exhaussé depuis une longue suite de siècles par le dépôt des eaux limoneuses qui y sont versées, se trouve aujourd'hui beaucoup au-dessus des plus hautes inondations du Nil. Chaque machine exige l'emploi de douze à quatorze bœufs; ce qui fait, pour les six, quatre-vingts bœufs environ. Il y a de plus dans l'ile cent ou cent cinquante chèvres et moutons. Les produits de chacune des trois cultures auxquelles le territoire d'Éléphan- tine est consacré, varient peu d’une année à l'autre : le dourah el-keydy, ou d'été, donne deux ardeb par feddän; le dourah el-nabäry, où d'automne,en donnt quatre; enfin l'orge e/-chetaouy, où d'hiver, en donne cinq ou six. De Syène à Edfoû , on cultive la terre. aux trois époques de l’année rurale que nous venons de rappeler; mais il y a cette différence entre l'aménagement de ces terres et celui des terres d'Éléphantine, que ce ne sont point les mêmes terrains qui sont successivement cultivés. Ainsi, dans le territoire d'Edfoû , sur 10,000 feddän cultivables, on en ex- ploite 80 à 100 seulement pendant l'époque e/-keydy; et c'est toujours à la cul- ture du dourah qu'ils sont consacrés : les terres aïnsi cultivées sont celles qui forment les deux rives du fleuve. Lorsque les eaux sont assez élevées pour être introduites dans les canaux, les rives de ces canaux sont égalentent cultivées en dourah pendant la période clnabéry; cette culture s'étend sur environ 600 feddän. Enfin le reste du territoire est cultivé pendant la troisième époque, soit elbayädy, quand il a été inondé naturellement, soit e/-chetaouy, quand les eaux ne sont pas montées sur les terres, et que celles-ci sont arrosées au moyen de delou. \ faut remarquer, au reste, que ce ne sont pas les mêmes grains qui sont LINDUSRRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 559 ensemencés pendant lhiver sur les terres naturellement inondées et sur celles qui ont besoïn d’arrosemens artificiels. | Le blé , l'orge, les lentilles, les pois chiches, les lupins, la laitue, la gesse et les pois des champs sont ensemencés sur les terres qui ont été submergées ; il n'y a guère que le blé, l'orge et le coton que l’on arrose pendant l'hiver. De toutes les cultures que nous venons d'indiquer , la plus avantageuse est celle du blé ; viennent ensuite celles. de l'orge, des lentilles, du dourah, &c. Quand les terres sont inondées naturellement plusieurs années de suite, on peut y semer du blé: cependant, si Pinondation est moins favorable, on alterne les cultures , réservant celles de Forge , des lentilles et des fourrages, pour les an- nées où l'inondation est plus foïble. Généralement sur 30 féddän cultivés e/-bayädy, 10 sont ensemencés en blé, autant en orge, et ro autres en lentilles, gesse et autres menus grains. La plaine dans laquelle se voïent aujourd’hui les ruines de Thèbes, n'est culti- vée que sur la moïtié de son étendue : non pas que lon ÿ manque de moyens d'irrigation naturelle, maïs parce que les #/4h sont hors d'état de faire les avances nécessaires pour la cultiver en entier. La rive gauche de cette plaine m'a paru moins bien cultivée que la rive droite. Voici {a distribution la plus ordinaire des cultures aux troïs époques de l’année rurale. Sur 4000 feddän, 2000 sont cultivés e/-bayädy, 1000 sont cultivés ekeydy, 700 el-nabäry, enfin 300 e/-chetaouy : le territoire des villages de Karnak et de Louqsor, qui comprend environ 12,000 féddän, pourroït être aïnsi aménagé. Dans _Fétat actuel d'abandon où sont laïssés les canaux publics, destinés à faciliter les irrigations, les grains récoltés dans la plaine de Thèbes servent encore à lap- provisionnement des marchés de Qous et de Qené, d'où on les exporte pour l'Arabie par Qoceyr ; c'est toujours dans ce canton la culture du blé qui est la plus avantageuse. Comme la situation des terres détermine l'époque à laquelle elles doïvent être mises en culture, ce sont toujours les champs voisins du Ni qui sont consacrés aux cultures e/nabäry ; et, comme ils ne rapportent qu'une foïs par an, ils restent pendant huit mois sans être cultivés : les deux plantes appelées Aafeh et a’äqgoul (1), qui servent de pâturage aux chameaux et aux buffles, y croïssent spontanément pendant cet intervalle. On commence par nettoyer de ces deux plantes les champs où le durah doit être semé. La pre- mière est fortement enracinée; mais, pour s'épargner le travail de l'arracher, on la brûle sur pied. Après avoir arraché la seconde à coups de pioche, on en fait des tas que l’on brûle également : les cendres en sont laïssées sur la terre, à laquelle on donne ensuite un second labour. Les environs de Qené sont cultivés aux trois époques de l’année rurale. C’est là que lon commence à cultiver les féves e/-bayädy ; cette culture est la plus répandue après celle du froment, qui seule occupe un tiers environ des terrains exploités. C'est aussi à partir de Qené, en descendant le Nil, que commence la culture du colza. (:) Halfeh, Poa multiflora ; a’âqoul, Hedysarum Alhagi, 560 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Les terres de cette partie de l'Égypte qui sont ensemencées el-chetaouy, ne sont point arrosées avec les machines à pots ou sägyek, comme cela se pratique à Éléphantine, maïs seulement avec le delon. Le séjour du cheykh Hammäm à Farchout, et la sagesse de son administra- tion , ayant rendu Îles habitans de ce canton plus aisés que ceux du reste de la contrée , ils peuvent entreprendre les cultures les plus dispendieuses et tirer le meilleur parti des terrains susceptibles d’être arrosés. Les cultures e/hayädy de 100 féddän sont distribuées à peu près dans cette proportion : HTOMONt RTE, CRE PAR de A MÉVOS RER Re | LL | * 20, shEnbles eee. Le RARE 1$. Open dr di cod 6. (Ces et en Sr ee a To 9. HT tr etat dr 3; 100. On voit qu'ici la culture du blé, qui est généralement la plus avantageuse , occupe la moïtié environ des terrains arrosés naturellement. Quant aux exploitations e/ræbäry et clkeydy, qui forment à peu près la dixième partie de celles «/bayädy, on peut compter que sur dix féddän six sont cultivés en cannes à sucre, et quatre en dourah : ces dernières cultures exigent l'emploi de trois sägyeh et de huit bœufs, indication qui suffit ici pour donner une idée générale de l'aménagement des terres de ce canton. Mieux les irrigations sont entendues, moins on s'occupe des travaux pénibles de la culture d'été ; toutes les opérations de l'agriculture se concentrent alors dans les deux autres époques de l'année : c’est du moins ce qui se pratique au-dessous de Farchout, à Girgeh et à Taktah. | Dans cette partie de la province de Girgeh, on cultive e/nabäry, pendant l'au- tomne, le dourah, les pastèques et quelques légumes. On cultive elchetaouy, pendant l'hiver, à l’aide d’arrosemens artificiels , quelques champs d'orge et de blé. Enfin les cultures e/bayädy comprennent celles du blé, de l'orge, des féves, des lentilles, des pois chiches, du trèfle, de la gesse, du fenugrec et du car- thame. Voïci la proportion de ces cultures sur 73 féddän : BE sr BR, SÉDNASANSE 3 Gr, VS ei Mb dr El 15: Hentai at ele 10 ROME SONNERIE 10 Dites nn En USA S (BÉSSÉPAN ER MN EEE 2 1/2 BénuarÉ Cr 4 MEME (er Re sx 1/2 A Girgeh, l'aménagement est à peu près le même, si ce n’est que la culture du L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. s61: du trèfle couvre une plus grande superficie de terrain : cela vient de ce qu'on élève dans ce canton plus de chevaux que dans les autres parties de la haute Égypte, la plupart des villages appartenant à des cheykhs Arabes; il y a tel de ces “villages, de 1000 à 1200 féddän d'étendue, dans lequel on peut lever quarante ou cinquante cavaliers. D’un autre côté, les cultures c/nabäry, se faisant à l’aïde de roues à pots, exigent aussi une plus grande quantité de œufs pour leur manœuvre. On est assez dans l'usage de faire alterner les cultures et d’ensemencer en blé les mêmes terres, de deux années l’une: les terres où ce grain a été récolté la pre- mière année, sont ensemencées l'année suivante en trèfle, en féves et lentilles, &c. Le sucre et le dourak que lon cultive e/nabäry dans les environs d'Akhmym, occupent environ la septième partie du territoire. | Au surplus, la culture en grand de la canne à sucre cesse sur la rive gauche du Nil, à peu près à la hauteur de Girgeh, et n’est reprise sur la rive opposée que dans la province d'Atfyeh. Elle est remplacée, aux environs de Tahtah, par celles du carthame et du lin. Cette dernière culture est regardée comme une des plus avantageuses aux environs de Syout; les terres qui lui conviennent le mieux, sont celles qui restent le plus long-temps sous les eaux pendant le débordement. Les mêmes terres situées sur les rives des canaux d'irrigation sont toujours propres aux mêmes cultures «/bayädy; il paroît seulement que, dans les environs de Syout, où un séjour prolongé m'a permis de prendre des renseiïgnemens plus détaillés , on alterne les cultures dans l’ordre suivant : La première année, la terre est ensemencée en trèfle , dont la seconde coupe est mangée sur pied par les bestiaux; l’engrais qu'ils y laissent rend la terre plus propre à recevoir le froment qui doit y être semé l'année suivante. La seconde et la troisième année, cette terre est cultivée en blé. La quatrième année , elle est ensemencée en féves et en lentilles. La cinquième et la sixième, elle est ensemencée en blé. La septième , on reprend la culture du trèfle, et ainsi de suite. C'est aussi sur des terres où le trèfle vient d'être récolté que lon sème la graine de lin ; on fait suivre la culture de cette dernière plante par celle des féves ou des lentilles, puis par celle du blé : reviennent ensuite la culture du trèfle, celle du lin, &c. en continuant ainsi par une espèce de rotation régulière. Les féläh, accoutumés à cet aménagement des terres, n'en rendent pas d'autre raison que son usage immémorial. Voici deux exemples d'aménagement pris dans la province de Syout : le premier porte sur une exploitation de 114 feddän. Froment. ..... PNA RE soin FévesA MOREL Pan es, S 24. Lenfliésu MTS Re 2 Léo. 1 Enr are 10 POIs GRICRES EL EEE Pare: 6 Cire ders een AU de ed as 2 114 É. M. TOME II. | Bbbb s62 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, On voit que, dans cet aménagement des terres, le froment occupe environ la moitié de leur superficie; le cultivateur nourrissoit vingt bœufs ou vaches et une douzaine de moutons. | Le second exemple s'applique à 582 féddän, qui étoient ainsi aménagés: F'ÉVES: AH. 10 .. RE NE he so Et ÉTOMENT Es Tu: à al 2. 6 TI 20: LENDIES RE RL + es re 20 OISE PERRET 12. Geste ren rave: à AMEN à 10 1 Ft OPERA LL... RIRE ARE 10 POS CCHICHESRE me. 2e t-aeiene race 10 s32 Des circonstances particulières avoïent ici déterminé à étendre la culture des féves , dont le produit étoit destiné à l'exportation. En Égypte, comme par-tout aïlleurs, on recherche les produits dont la vente est le plus assurée ; et, suivant l'élévation du prix auquel telle ou telle denrée est montée, on la cultive plus ou moins abondamment, jusqu'à ce que telle autre, étant plus demandée, rappelle la préférence des cultivateurs. _ Aureste, nous n'avons pas besoïn de dire que, toutes les terres qui sont arrosées naturellement étant également propres à recevoir, tantôt une semence, tantôt une autre, sans le secours des engraïs , les aménagemens que nous venons de rap- porter ne peuvent être indiqués ici que comme des exemples très-particuliers. Les terres du Fayoum sont mises en culture tous les ans par la facilité qu'on a de pourvoir aux irrigations de cette province ; maïs elles ne sont ensemencées qu'une fois, à l’exception de celles où lon cultive le dourah d'automne. Les cultures les plus ordinaires sont celles du blé , des féves, de l'orge, du trèfle , du fenugrec et du lin; elles ont lieu sur les terres que l'inondation natu- relle a recouvertes. Voici, pour 62-féddän, l'aménagement le plus généralement adopté : Blé . 6e + ee © ee © ee © 00 ee + © © 20fddin. Féves...... on ER, LATE Le re 20 Orge Rs : PRE . s Trèfle. De 204 Dates ee les : 1C TOUS LR ETES Le OS à 4. Lin 0020 0 se 0260 0e De 0 ee © © «© 3° 62 On est aussi dans l’usage de semer le froment de deux années l’une dans la même terre. | Quant aux cultures «nabäry, ou qui exigent des arrosemens artificiels, ce sont celles du æwrah, de lindigo, du sucre, des rosiers. La première de ces cultures est la plus généralement répandue, parce que la facilité d’arroser les champs favorise le prompt accroissement du dowrah et en augmente les produits. L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 563 On ne cultive les lentilles qu'en très-petite quantité dans le Fayoum ; et le peu qu'on en récolte, quand les années sont le plus favorables, ne suffit pas pour la consommation du pays. La culture du fenugrec, de la gesse et du pois des champs, n’y est, en quelque | sorte, qu'accidentelle : on y a recours dans les années de sécheresse, ou sur les terres qui ne sont pas assez bien arrosées pour produire du trèfle. I y a dans cette partie de l'Égypte plus d’enclos et de vergers que dans les autres pro- vinces:; les clôtures sont, comme nous l'avons dit aïlleurs, formées de cactus opuntia : Ces vergers sont plantés de dattiers, de figuiers, de vignes et d’oliviers, dont on exporte les fruits. La province de Beny-Soueÿf, et celle de Gyzeh, que loniouxe en descen- dant le Nïl, donnent les mêmes productions que le Fayoum ; on y cultive de plus le carthame, lognon , l'indigo et le tabac. Cette partie de l'Égypte est une des moins bien arrosées. La culture du sucre se fait en assez grande quantité sur la rive gauche du Nil, dans la province d’Atfyeh. La consommation du Kaïire et l’approvisionnement de ses marchés modifient un peu la culture des terres dans les environs de cette capitale : il y a à pro- portion une plus grande étendue de terrain consacrée à la culture des légumes; on les tire des jardins du vieux Kaire, de Gyzeh, de l'île de Roudah, et de Boulaq, qui sont tous arrosés au moyen de roues à pots. Le beurre et le fro- mage frais dont les marchés du Kaïre sont approvisionnés, viennent des villages voisins, et notamment de celui d'Embäbeh, en face de Boulaq: on y entretient à cet eflet de nombreux troupeaux de vaches et de buffles; ce qui oblige de cultiver en fourrage la plus grande partie du territoire de ces villages. L'aménagement des terres de l'intérieur du Delta présente très-peu de varia- tions : on y distingue, comme dans le Sa’ÿd, les cultures d'hiver et celles d'été. On comprend au nombre des premières celles du blé, de l'orge , des féves, du trèfle et du lin. | Les terres qui ont été ensemencées en blé et en orge, sont, en général, en- semencées lannée suivante en trèfle et en féves, et réciproquement. Le seul fourrage ensemencé dans la basse Égypte est le trèfle; on ny cultive ni la gesse, ni le pois des champs, ni les autres plantes dont les bestiaux se nourrissent dans la haute Égypte. Sur cent féddän, cinquante sont cultivés en blé ou en orge ; les cinquante autres sont ensemencés en féves, en trèfle et en lin. On sait que les cultures du Sa’yd se distinguent en culture e/bayädy, qui a lieu dans l'hiver sur les terres arrosées naturellement, et en culture eZchetaon !y, Qui a lieu à la même époque, à laide d’arrosemens artificiels. 1 n'y a point dans le Delta de culture «/-bayädy proprement dite : les grains ensemencés après l'inon- dation reçoivent toujours quelques arrosemens artificiels, Jusqu'au moment de leur récolte. En temps de paix, lorsque l’on peut exporter le lin ou les toïles qui en sont fabriquées , la culture de cette plante est la plus avantageuse. Quand les circons- É. M, TOME IL. Bbbb2 s64 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, tances ne permettent point cette exportation, on remplace cette culture par celle du trèfle, afin de pouvoir nourrir une plus grande quantité de bétail. Sur 100 féddän, on en cultive ordinairement 5 EN NETASRE ce Se, ne NE En blé. PACS 2 TOÉRPAIRS dl Hs T3: HPOTOERNE PR FRA chere ta 10. En rt et orge mêlés ensemble........ 13361 100 L'orge seule sert à la nourriture des chevaux; l'orge et le blé mélés ensemble sont moulus et réduits en farine pour faire le pain des féléh. De ces 100 feddän, 2$ seulement sont cultivés en été : En blé de Turquie. ..... yrnsbe PR REED En SÉSimeR A LE oct pe LÉ des L 6. ÉHACOIONe me CT ee Ati NET CE E 6. EXCA On répand sur toutes les terres destinées aux cultures d'été, avant de les ensemencer, l'espèce d'engrais appelé sebakh, qui est, comme on sait, composé de cendre et de fumier provenant des villages. On lemploie aussi sur les terres destinées à la culture du lin, et généralement sur toutes celles qui ne reçoivent point de dépôts du Nil, et que, par cette raison, on appelle terres maigres. L'exploitation de 100 féddän aménagés dans le Delta, ainsi que nous venons de l'indiquer, exige lemploi de vingt bœufs ou vaches pour les Jabours, des arrosemens, et le battage des grains; de six buffles, dont le lait sert, sous diverses préparations, à former une partie de la nourriture des cultivateurs; de quatre chameaux, qui servent au transport des denrées. On nourrit peu de moutons dans les campagnes; on en entretient une cinquantaine sur une superficie de cent féddän. Vingt-cinq de ces mesures de terre que l’on cultive pendant l'été, exigent l'emploi de deux ségye. Quant au nombre de journaliers et de valets que cette exploitation néces- site, il se compose d’un chamelier, d’un bouvier pour soïgner les buffles, de deux autres pour les bœufs et les vaches, de deux hommes pour l'entretien et la surveillance des machines à arroser, enfin de quatre laboureurs. Dans la province de Mansourah, les cultures sont encore moins variées. Voici l'aménagement de 100 féddän : HOME dis re. CRE. OUEN HET: PRE 0" sous ÉTÉR ef: ritinentesairihe Pere 33 QUEUE EOIRESS PEER eee RES RS 23 D PR PP EM NE RAS 11 L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. $OS La culture du coton est la seule qui se fasse pendant l'été dans la même pro- vince. LL IT nous reste à parler des rizières des provinces de Damiette et de Rosette. _ Ces terres, les plus septéntrionales et les plus basses de l'Égypte, produisent deux fois par an. Les semailles du riz se faisant au commencement du mois d'avril, la culture de cette céréale peut être mise au rang des cultures d'été : immédiate- ment après sa récolte, qui a lieu après le débordement, on ensemence Ja même terre en trèfle ou en blé; les terres les plus élevées sont réservées pour la culture de l'orge. On y cultive aussi pendant l'été une petite quantité de maïs. SECTION ‘VIT. Des Bénéfices de l'Agriculture et du meilleur Emploi de la terre en Evypt. EN décrivant les différentes cultures propres à l'Égypte, nous avons indiqué les fraïs qu’elles occasionnent et les produits qu'on en retire : on retrouveroit donc dans chacun des paragraphes de notre v.° section les données nécessaires pour apprécier les avantages de chacune de ces cultures. Maïs nous faciliterons les recherches que l’on voudroït entreprendre sur cet objet, en présentant sous la forme de tableaux les dépenses et les revenus des exploitations agricoles qui occupent ordinairement le plus grand nombre de bras ; et, comme il convient d'apprécier la richesse du sol de l'Égypte dans toutes les saisons de l'année, nous prendrons successivement les exemples que nous allons donner parmi les cultures el-bayädy, elnabäry et el-chetaouy. Aïnsi nous choiïsirons entre les premières, celles du blé, des féves, du trèfle et du carthame, dans la province de Syout ; Entre les secondes, celles du durah et de lindigo ; Entre les troisièmes, celle du blé dans la province de Thèbes, et celle du lin dans le Fayoum et-le Delta. Enfin nous détaïllerons les frais d'exploitation et les produits des rizières qui bordent la partie septentrionale de la basse Égypte. Les résultats qui vont être exposés s'appliquent à une superficie de 10 féddän, chacun de $929 mètres superficiels; par conséquent, les 10 féddän équivalent à s hectares 27, c'est-à-dire, à 6 hectares à très-peu près. (Sa Lan Culture du Blé el-bayädy. FRAIS DE CULTURE. Les terres de la province de Syout, qui sont inondées naturellement, ne sont point labourées avant l’ensemencement. S 27 1 : | s 66 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, ° Semences. On sème un demi-zrdeb de froment par féddän. Le prix moyen de larcel de froment, dans la province de Syout, est de 2 pataques et 30 mé- dins : $ ardeb pour ensemencer 10 féddin valent, à ce prix 104 PE 6 om. 2. Ensemencement. Un homme peut ensemencer un féddän par Jour : il est payé 10 médins; ce qui, pour les 10 féddan, GORE ot à sb enleseniec suiets is uote dé Gr L. 00) 3° Labour pour recouvrir le grain quand il est semé. Vingt journées d'une paire de bœufs et de leur conducteur, à 4s médinsh ue PO: ° Frais de récolte. Les hommes employés à faire la moisson. sont payés en grain; ils reçoivent chacun — d’ardeb de froment ie Jour. Quarante journées, pour la récolte de 10 féddän, valent, AE, And E etERATPENt. 5200 D: 66! 5° Battage. Pour battre le produit d’un fé, ï Le ns Jours, pendant chacun desquels on emploïe quatre hommes et quatre bœufs; les uns et les autres sont payés en nature, à raison in at ail mituas 1 L'on. eee 25 135 $°. Le LT ou chariot employé à battre le Blé, se paye de loca- tion = d'erdeb par jour; pour vingt journées, 1 #rdeb #, et en PEN TN ONU EN tbe ENT. SRE: 20 PTS 2 HE ta TR 1.1: 86: 6. Transport de la récolte chez le cultivateur ou dans les magasins. Un chameau porte trente gerbes de froment ; ïl faut ordinaire- ment deux charges et deux cinquièmes, ou soixante-douze gerbes, pour produire un ardeb de grain. Un chameau marchant au pas parcourt 2000 mètres en vingt- cinq minutes : supposant que la distance réduite depuis l'aire où se fait le battage, jusqu'au lieu où la paille et le grain sont dépo- sés, soit de 12 à 1500 mètres, et qu'un chameau, employé pen- dant huit heures par jour, fasse deux voyages à l'heure, il trans- portera en neuf jours soixante-dix ardeb environ et soixante-dix charges de paille hachée. La journée d’un chameau et de son con- ducteur étant de 30 médins, ce transport coûtera. .......... 3. oo. 7. Divers autres transports, entretien des ustensiles, menus frais, éstimés le dixième des fraisici-dessus 60 DE 20 OC G Lorar des ais... RER À AL PRODUITS. Les produits de la terre ensemencée en blé «/-bayédy dans la province de Syout, sont, ® Le nombre de mesures de grain servant à acquitter en nature les frais de récolte et de battage. Suivant l'article précédent, cette quan- + a 4, te -: à Fe: L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE $07 tité de blé s'élève pour 10 féddän à 9 ardeb ==, lesquels, à 2 pa- res et 30 médins l’un, valent. ...... HOEX. PAR LATC EE bRANSEROr ° Le nombre dé mesures de grain restant à la disposition du culti- | vateur. Les frais de récolte et de battage acquittés, chaque fddän de terre produit, année commune, 7 ardeb de blé, et, pour 10 Re 7O ardeb, lesquels valent en argent. .... sarah TO RTE: 3. La paille du grain hachée sous le noreg. Soïxante-dix che de chameau de paille hachée, à 20 médins la charge. ..... NE 2 MD RE 10 Porarides produits: l.....1,: 200. |. 20 La différence entre les produits et les frais d'exploitation est LEA RER AA ue de ALL LUE at RAR NUS FABPHE 367 e 6. II. Culture des Féves el-bayàdy. FRAIS DE CULTURE. Ox ne laboure point la terre avant les semaïlles. 1. Semences. On sème un ardeb par feddän. Le prix moyen d'un +rdeb est d’une pataque et demie; la semence pour 10 f#d- dän coûte par conséquent. ........ HO EP PS. HAINE AE ATOS * Ensemencement. Un homme peut ensemencer 2 feéddän par jour. tp prix de la Journée est de 8 médins; et celui de l’ense- DRÉHÉ CENTRO CA RARCe. .eu asie, Ro PERS LT ON), RURES 3. Recouvrement des semences après l'ensemencement. On ne re- couvre point par un labour les féves qui ont été semées, maïs on traîne horizontalement une pièce de boïs sur le champ ense- mencé. Cinq hommes travaïllant à cette manœuvre peuvent recouvrir ainsi la surface d’un feddän dans FETES d'un jour ; ils sont payés en nature et en chacun les 10 feddän, 2 ardeb et +, coûtent PR DEMO 5 5 0 Gugd À dd ae dalle Gas L'OlTC EEE 3. 1 2. d'ardeb, et, pour lesquels, à une pataque = l'zrdeb, 2 2 #4 ° Frais de récolte. Les féves sont coupées à la faucille. II faut dix hommes pour scier en un jour la récolte d’un féddän: ces ouvriers, payés en nature, FOR — d'ardeb ; il faut ainsi, pour 10 féddän, À ardeb et lesquels valent en argent..... 6.7: 5° Battage sous le noreg et nettoyage des féves. Quatre hommes et quatre bœufs, travaïllant pendant un jour, battent et nettoient le produit d'un fcddän. TS 75 ET 0701 PROC RAIN W7O;: .: + s pi hair ait # + s 68 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, So OP TOAIE OX. Has Ch Quatre-vingt-dix journées, à raison de = d'ardeb, y compris la location du noreg, coûtent à ce prix 3 ardeb =, ou en argent.... 4. 4s. 6 Transports du grain et de la paille hachée. W faut, pour effectuer les transports chez le cultivateur ou dans les magasins, neuf journées de chameau et de son conducteur, à 30 parats Fune.. 3. oo. 7 Transports divers, réparation et entretien des ustensiles | à'c., évalués au dixième des frais ci-dessus. ............... sis SUBI Toréees Hasta." SIP Ds PS PRODUITS. Les produitsde la terre ensemencée en féves e/bayädy sont, 1° Le nombre de mesures de féves servant à acquilter une partie des frais d'ensemencement, ceux de récolte et de battage. On donne pour ces travaux, sur 10 féddän, 9 ardeb et + de féves, lesquels, z d Une pataques, valent... . 0 ti EL NT EPP TADE SORET 2° Le nombre de mesures de fèves qui restent à la disposition du cultivateur. Un feddän de terre donne, après le prélèvement des dépenses que l’on acquitte en nature, 9 ardeb de féves, et 10 féd- dän, 90 ardeb, lesquels, à une pataque + l'ardeb, valent....... 135$. oo. 3 Les tiges de fèves hachées sous le noreg. On retire de 10 féd dän 45S charges de chameau de tiges de féves hachées pour la nourriture du bétail, à 25 médins la charge. .......... Éd 12, JE SE ” ToTAL des produits. .... MINES. RE 162. 1 La différence entre les frais de culture et les produits est par conséquent de....... DHL ERS A Fethelee RENE LR. OC ANERE $, III. Culture du Trèfle el-bayàdy. FRAIS. DE CULTURE. ON ne laboure point la terre avant l'ensemencement du trèfle. : 1° Semences. On sème un tiers d'ardeb par feddän ; et pour 10 féddän, y ardeb =, à 3 pataques l'un, ci.......... nu, 2. ro P 40086 2.9 Ensemencement. Un homme ensemence 2 feddän par Jour; il est payé 8 médins : cinq journées à ce prix, pour ensemencer 10 feddän, coûtent..... CRE RD. NN MR à . 1 tone + L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE $S69 Rd an Et bee à CAO EAG "A. 3 Recouvrement de la semence. Cinquante journées d’ouvrier, !". :à 6 médins! lunes AE La, si drrrfét Mf décisif) tte LE. 3. 30. 4 Récolte de 2 feddân pour graine. Cette récolte se fait à la faucille. Huit hommes, travaillant pendant un jour, coupent le produit d'un feddän; ils sont payés 8 médins: les 16 journées pre Pair 2. féddän valent...... A te re 38. 5 Battage. On ne hache point le trèfle séché sous le noreg ; mais on le fait fouler aux pieds des bœufs. Cette manœuvre revient à 75 médins par /féddän ; pour les 2 feddän, ci............. I 602 6. Transport du trèfle sec chez le cultivateur. Ce transport exige une journée de chameau et de son conducteur. ..... AMEL O. T5 7 Entretien des ustensiles, et autres ments frais... ......... NES GA. : DOPAR ES AS 2e DUR 18. 82. PRODUITS. Les produits de la terre ensemencée en trèfle clbayädy sont, 1.° La première coupe consommée en vert. Cette première coupe, qui se fait trente jours après les semailles, est vendue sur pied à raison de 8 pataques par feddän; ce qui produit pour 10 féddän. Sort“ oomé: ° La seconde coupe consommée en vert. Cette seconde coupe, que l'on fait vingt ou vingt-cinq jours après la première, se vend sur pied à raison de $ pataques par féddän}; ce qui produit pour 8 feddän seulement, les deux autres étant réservés pour la graine, 4o. 00. 3. La graine de trèfle retirée de 2 feddân. Chaque féddén de trèfle qu'on laisse sécher sur pied, produit 2 4rdeb de graïne:; les À ardeb des deux féddän, au prix de 3 pataques l'un, valent.... 12. oo. Trèfle sec après le battage. Le trèfle sec dont on 2 retiré la graine, sert à la nourriture des chameaux et des chèvres. Les 2 feddän réservés à cet effet produisent ensemble 12 charges de chameau, au prix de 3$ parats l'une, ci....... - Toriridemproduns.:.e2. où | 136. 60. La différence entre les frais de culture et les produits est. E. M. TOME II. Cecec 7 © MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, S. IV. "Culture du Carthame el-bayädy. FRAIS DE CULTURE. ON ne laboure point la terre avant l'ensemencement. * Semences. On sème par féddän + d’ardeb de graine de carthame, à 135$ mé- dins l'ardeb. 2 ardeb +, pour l’ensemencement de 10 féddän, valent, & SALREUUTES tes re rar porn Pr ee à ne 5 à ° Ensemencement. W faut dé journées d'ouvrier pour ense- ne à 8 parats lune... boat: be odagus (md balt it: 3. Labour pour recouvrir la graine Fe nor Mos après l’ensemence- ment. Vingt journées d'une paire de bœufs et de leur conduc- LOUE ES RÉ INS ete ARE MENT 100. LU 10. OO. 4° Récolte des on On nee par jour Mie ou quinze femmes et enfans, qui sont payés à raison de 3 médins par double rot/ de fleurs fraîches. Le feddän en produit ordinairement 390 rotl; ce qui fait revenir la récolte d'un féddän à $8$ mé- dins, eUCele 6 OA A. ANNE CRIER ee di ON OO. s.® Réduction des fleurs de carthame en safranon. H faut quarante- cinq journées d’ouvrier pour réduire en safranon le produit d’un fiddän. Le prix de chaque journée est de 10 médins : quatre cent cinquante Journées, 4, Ce prix Nalent.. Je ERP NES CNT D NS Go: 6° Récolte de la graine. On emploie quinze journées d’ouvrier pour arracher les tiges d’un féddän : les cent cinquante Je pour 10 feddän, à 8 Patats Line COÛTENT. 1... Rte DOME ie S 7. Battage des tiges ct nettoyage de ne graine, W cas pour 10 féddän, cent journées de travail, à 8 parats lune, ci...... 8 80. 8° Transport des tiges sèches et de la graine de carthame. Quatre journées d’un chameau et de son conducteur, à 30 médins l’une. ï. 30. 0. Menues dépenses et faux frais, estimés 4$ médins par féddän... 44406 » 'LorAL-destfraint. ag À PUS 7 PRODUITS. Les produits de la terre ensemencée en carthame e//ayädy sont, 1. Les pains de safranon pour teinture. Un féddän produit, année commune, 2 gantär = de safranon; et 10 féddän, 25 gantär, qui, ae paques IP... st CURE... 200MÉTOOS La graine de carthame. On retire 2 ardeb + de graïne par féd dân,et de 1oféddän, 25 ardeb, lesquels, à13$ médins l'un, valent. 37. À. Re RE NT. DÉPENS. L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. s71 AO PLEIN EE" 1. PER RATE CL die 3. Les tiges de la plante séchées. On retire de 10 feddän trente charges de chameau de tiges de carthame, qui servent de combus- tible après avoir été séchées. A 30 médins la charge, les trente charges valent M4. 7.00... L ce udter EEUES AMEL PE ARE 10 00 Horaidesrproduitss ve... 0 ATLAS La différence entre les frais et les produits de la culture du CRREMNMESÉ LES MEET AN CR CRT er 100) 2 SV: Culture du Dourah el-nabäry. FRAIS DE CULTURE. 1. Labour et préparation de la terre. La terre destinée à la culture du dura est labourée avant l’ensemencement. Le premier labour exige, pour un fedaän, trois journées de travail d’une paire de bœufs et de leur conducteur, et pour lO AA, enteJOuRneEs, à 92 para UNE. . :... .. .. : « LOF GORE 2. Semences. On sème communément = d’zrdeb par féddän ; ce qui exige pour 10 féddän, à ardeb +, lesquels, à 120 médins IP 0e RICE RSS re a nn Dar tue so 3. Ensemencement. Pour 10 féddän, cent journées d’ouvrier, DSC CIS ee 2 M. nu da de 3. AS rat Re CA PE s o. 1200. A Premier arrosement après les semailles. On arrose le dourah immédiatement après les semaiïlles, travail qui, pour 10 feddän, exige cent vingt Journées de manœuvre, à 7 médins fune.... 9. 30. 5.” Arrosemens pendant la végétation. Lorsque l'année est bonne, on peut introduire sur les champs de dourah les eaux de linonda- tion , que l’on dirige, à cet effet, par des rigoles. On peut profiter de cet avantage pendant deux mois; on est alors dispensé des arrosemens à bras, qui deviennent nécessaires lorsque l'année est mauvaise. Nous supposerons, pour avoir un résultat moyen, que, par le fait de l'inondation, le travail des arrosemens reste suspendu pendant un mois. Il suffit alors de le continuer pendant qua- rante-cinq ou soixante jours. Îl faut employer pendant ce temps, pour l’arrosement et le sarclage de 10 féddän, cinq cents Jour- nées de manœuvre, lesquelles, à 7 médins l’une, coûtent. ..... 38. 80. 6. Frais de récolte. Dix hommes coupent un ÿéddän de dourah en un jour; ils sont payés en nature, et reçoivent chacun — d'ardeb PAROI ET. EN M 30. E. M. TOME Il. Ceccz ARE MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Report cReuteS AN. ous de grain, quantité qui est toujours comptée en dehors du pro- duit de la récolte. | Cent Journées à ce prix coûtent dx ardeb + à 120 médins LUPNCECA RPC LME D A RAR BR LS AE +. 7. Battage des têtes du dourah; nettoiement de ce gram. Les têtes du dourah, après avoir été os au soleil, sont foulées aux pieds des bœufs. Ce travail revient à une pataque par féddän, CP ODIE SO 7700 | RER su dt DO RO D 8. Transport du grain et de la paille chez le cultivateur. Be journées de chameau et de son conducteur, à 30 médins. .... 4. oo. 0.° Réparation et entretien des instrumens , et dépenses diverses, es- timés un dixième des autres dépenses.......... PA DOUTE (CRAN Et TOrnarides As: NC LC DUR à FOZ 0 00) PRODUITS. Les produits de la terre ensemencée en dourah el-nabäry sont, 1. La quantité de grain servant à acquitter en nature les frais de récolte. On donne aux moïssonneurs, pour la récolte de 10 féddän, À ardeb +, lesquels, à 120 médins l’un, valent........... PE SR SON 2. La quantité de dourah gt reste au cultivateur, les frais de récolle acquittés. Cette partie du produit est ordinairement de 10 ardeb par feddän, et pour 10 feddän, de 100 ardeb, lesquels, AH204mEUdIMS Un, valent. Me. NA RER D NE NES Da PR NC 3.° Les tiges de dourah séchées servant 7 AR Un fiddän produit communément 10 charges de chameau de tiges séchées, et 10 féddan, 100 charges, lesquelles, à 15 parats l'une, valent. #13. 30. ToraAL-desiproduitssesples. rat, nie 152. 20. La différence des frais de culture aux frais d'exploitation est de so pataques 12 médins. Ke A2 Culture de l'Indigo. FRAIS DE CUBTURE. UN même champ d’indigo est cultivé dans la haute Égypte pendant trois et même pendant quatre années consécutives ; les frais et les produits de l'exploitation varient à peu près pour chacune d’elles comme les nombres 4, 3, 2 et 1. LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE. 573 Première année : 1.0 Labours à trois reprises différentes, et Pret du sol en carreaux pour les arrosemens. Ces twavaux préparatoires reviennent à 240 médins par. ie M APOUTRLO Va es de D: A. Soie LA EU + alu 20H00 * Semences. On sème par féddän = d'ardeb de grainé d’in- A de Syrie, à 18 pataques l'ardeb : pour 10 féddän, il faut ee 2 ardeb =, lesquels, à ce prix, valent... ..... jun 1 TOOLS 3. Ensemencement. W faut dix journées d'ouvrier ROUES mencer un Her, et cent journées pour 10 féddän, à 8 parats OR DT D à cf. +. 8. : 8o. er Pr bo au plant, et fabrication de la fécule. Neuf hommes sont employés, pendant huit mois de l'année, à l’arro- sement, au sarclage du plant d'indigo, et à la fabrication de la fécule; le prix moyen de la journée est de 7 médins : en supposant vingt-cinq journées de travail par mois, la dépense pour lexploitation d’un féddän est de 140 pataques, et pour DOM Re LU Re Me sde à RL Lu nt Po Mao: SA Er des vases nécessaires pour la u. ication de l'indiso. Cent soixante vases de terre cuite, à 15 parats l'un......... At: 26: LEGO: 6° Entretien ét réparation des ustensiles, et autres menus frais , CAMES AU VINOTIENE : . + ne + LAS MA ME AR TN LE. 70e MOT ToTaL des frais pendant la première année... ... 1640. 31. Pendant la deuxième, arrosemens , sarclage, fabrication, ce... 1102. 00. Pendant la troïsième, arrosemens, sarclage, àe.. ......... TES. O0. Pendant 14 quatrième et dernière année, arrosemens, &c..... 367. 00. ToTAL des frais de culture pour quatre années... .. D OT RON ; ; È Frais de culture, année moyenne :.… . .. EVENE PEN à 961. 8. PRODUITS. { se fait, pendant la première année de la culture de l'indigo, quatre coupes successives de la plante. Le prix du 7o#/ d’indigo varie suivant sa qualité et le plus ou moins de demandes qui en sont faites; mais les produits des quatre coupes de la même année vont en décroissant. La première coupe d'un féddän d’indigo produit COMMAMÉMENT : 0. use A CS QUE. SE A 207%. La deuxième coupe en produit......... ; C2 370. ÉARO OMe... . .. 12e occulte Aie 280. 225. ToTAL pour un feddän, pendant la première année, 120574 Et pour 10 féddän........ ON I IAE er À 12050. sir MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Le prix moyen du rot} d'indigo est de 20 médins: les 12950 vol ;uà ice. prix “rapportent. LUE. 4 AAA GES T'eproduit de la: deuxième/année rest de. EL RMMPPR TS 1835. Lé produit de K'MOBIMEUL EME EAN RME E 12281 Le produit de HNQUALTIÉMEME LT. Le MR RINNE CRIE OC Tee Produtroral dés “quatre ANnÉEST NL EME RO 6" Produit de: l'année Moye bee... Re NUE ON ROUE Différence entre les frais de culture et les produits de l’année MYVCNAE Sd. 2 OUR ROUE ARRET.) DER ET O2 ES CAN AE Culture du Blé el-chetaouy dans le Fayoum. FRAIS DE CULTURE. 1° Labour avant l'ensemencement. I faut deux journées de deux bœufs et de leur conducteur pour labourer un feddän : le prix de leur journée est de 36 mé- dins,et pour le premier labour de 10 féddän........ SE AO ET OO 2. Semence. On sème par fddän = d'ardeb, et sur 10 féddän, 6 ardeb +, lesquels, à 2 pataques 4$ médins lun, valent..... 15. 75. 3. Ensemencement. Dix Journées d'ouvrier, à 10 parats l'une... 1149 110 4° Deuxième labour pour recouvrir le grain après les semailles , COMIMEMCÉUESSUS- rl ee ARE Le À SP er ALES s.® Arrosemens à bras d'homme. Ces arrosemens se font au moyen de chadouf ; ils se répètent quatre fois, depuis les semailles jusqu’à la récolte. Quatre hommes , travaillant pendant quatre jours, arrosent un féddän, qui exige ainsi soixante-quatre Jour- nées d’arrosement ; et 10 feddän, six cent quarante Journées, lesquelles, à 8 médins l'une, coûtent... ........ rt tes done OMS. 8o. 6° Récolte. Le blé elchetaouy n'est point arraché comme le blé e/-bayädy ; il est coupé à la faucille. I faut dix hommes pour scier un fzddän. Le prix de la journée est de = d'ardeb ; les 10 feddän coûtent ainsi à récolter, 4 ardeb =, à 2 pataques Re RCE ot ONE se - de aer a à Al: di ee 7° Battage sous le noreg. Quatre-vingts journées d'homme, quatre-vingts journées de bœufs, et vingt Journées de woreg, à — d'ardeb Vune, valent 7 ardeb = eLNEN arpent Nc MERE 18. 68. 8° Transport chez le cultimateur. Neuf jours de chameau, à 2ppaats lun... Le ENT. np aber NE bre. “Re 2 Li: ete RENE es F2. PRE L'INDUSTRIE ÉT LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 575 Renort Me. + à 07 200 RUE DES 0° Entretien et réparation des machines , estimés le dixième des fraïs ci-dessus. 29% 98. € TRAINS DE MEN SRE Pntra di Air TS 12: 13. ITOTAE ETES TITI. , Li. A, 7. 133 S4 PRODUITS. Les produits de la terre ensemencée en blé cÆchetaouy, . dans la province de Fayoum, sont, 1° La quantité de grain donnée en paiement des frais de récolte, de battage, dc. Ces frais, acquittés en nature, montent, d'après le détail de Farticle précédent, à 1 1 ardeb=#, lesquels, à 2 pataques A5-hédins lun valent es, sis SUN T8. HLUNS 2 8P419 À çméd. 2. La quantité de grain restant à la disposition du cultivateur après la récoke. Le blé elchetaouy, étant généralement l'objet d'une culture plus soignée, produit une plus grande quantité de grain et de paille que le blé é/bayädy : on peut évaluer à 8 ardeb le produit moyen d'un féddän; et pour 10 féddän, 80 ardeb, lesquels, à 2 pataques 4s médins, valent. ........ 200. O0. 3. La paille hachée sous le noreg. Quatre-vingts charges de cha- meéau, à 15 parats Éune. 441.04 vi: A LME MANS da 1288 1530! IDOTAL des produise Le .CERIR AETEE l2 1) Différence entre les produits et les frais de culture. ...... LOSNA, 2 E- Su VALE Culture du Lin dans le Delta. RASED EN CURFEURES 1.° Labours. La terre où le lin doit être semé, reçoit deux labours successifs, qui se croisent transversalement : chacun de ces labours, fait avec le soin conve- nable, revient, par féddän, a 60 parats; ce qui, pour 10 féddän, occasionne mncdésenc de. aamrEreReob , SEP Hosts Sage ae > Kana 2° Dressement du sol et division en carreaux. Cette façon de la terre revient à 4$ médins par féddän, et pour 10 féddän, à..... 5. oo. 3. Semences. On sème par féddän un ardeb de graine de lin, à 4 pataques l'un; ce qui coûte pour 10 féddän............ 40.0 Go; 4° Ensemencement. Deux journées de travail par féddän, à | Shparaibne et pour 10 fddér.. ME NEER …. nn. by N 30 A, à. se 60. 1O. Le MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, REPONDRE. 5.” Arrosemens. Pendant les quatre mois que le lin reste en terre, il est arrosé à. trois reprises différentes; et chacun de ces arrosemens, qui se prolonge pendant trois jours consécutifs, exige d'autant plus de travail que les eaux du Nil sont plus basses. I! faut employer six ouvriers par féddän pour le premier arrose- ment, huit pour le second, et dix pour le troisième ; ce qui fait 6 OPatäq. 1O méd. pour un féddän soïxante-douze journées; et pour ARR sépt : cent vingt Journées, à 8 parats l’une, ci...... 64. oo. 6° Récolte du lin. L'arrachage d’un feddän he Fo exige ab Journées de travail, à 7 parats l’une; ci, pour 10 féddän...... 7. MC. 7 Exposition au soleil et mise en gerbes. Trente journées pour la récolte de 10 feddän, à 7 médins une... ..... + rest nd lbs. 8° Battage du lin pour en retirer la graine. Cette opération re- vient à une pataque par féddén, ci........ unie arshkh ns. ation Loc Remise du lin en gerbes pour le transporter dans les rotorrs.. 1. 15. Transport du lin, dans ces fosses. U faut cinq Journées de ou pour transporter le produit de 10 féddän, à 30 parats Du, à RS NO Ne UT see &cé seb 1. à 60: 0 du lin dans les rotoirs, extraction de ces fosses, ae au soleil, et remise en paquets pour la vente. Ces diverses Opérations reviennent à une demi-pataque par féddän; ci, pour PM 25e jme PACE ORELT LEO | RARE PE TANT EN ENTRE S- 00. * Entretien et réparation des ustensiles, et autres menus frais , RE Ms dll. SR ES NS PER FPE CT Ib ToTAL des frais de culture......... 166. 36. PRODUITS. Tiges de lin préparées pour la vente. Un feddän produit com- munément dix-huit cordées, composées de vingt-quatre gerbes chacune: Îe prix de la cordée est d’une pataque 4o médins ; ce qui donne par féddän 26 pataques, et pour 10 féddän.. , ..... Graine de lin. Un féddän produit 3 ardeb + de graine, à À pataques l’un ; ce qui, pour un féddän, donne 14 pataques, et 2 60 pataq. 00 méd. POHEMIOLEA re SAENOE PET AR SAME ALES M NE: rot Go. ToTAL des produits. ..... nn OO: . RO Différence des frais et des produits de l'exploitation. D 222. SA. $. IX. "+ L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE. $77 $, IX. Culture du Riz. FRAIS DE CULTURE. LES terres consacrées à la culture du riz sont aussi, dans la même année, culti- vées en blé ou en trèfle : ainsi, pour en évaluer les produits, il faut comparer la somme des dépenses que l’on fait successivement pour chaque culture, au pro- duit successif de l’une et de l’autre. Les arrosemens continuels qu'exigent les rizières, obligent les cultivateurs d'entretenir un plus grand nombre de bœufs que n'en exigent les arrosemens pour les autres cultures. Il faut multiplier dans le même rapport les machines d'arrosage, l'achat du bétail, et les chances de mortalité qu'il court. L’établis- sement de ces machines et leur entretien journalier entraînent à de plus fortes dépenses, dont l'intérêt annuel doit faire partie des fraïs qui sont à leur charge. Ce qui caractérise sur-tout l'exploitation des rizières, c'est que le cultivateur, au lieu d'employer, suivant ses besoins, des ouvriers à la Journée, donne un salaire annuel aux hommes qu'il occupe. Par ces diverses circonstances, l'exploi- tation des rizières se rapproche plus ou moins de celle de nos fermes d'Europe. Les dépenses nécessaires à la culture du riz se composent de fintérêt des sommes avancées pour l'acquisition des bestiaux, des machines à arroser et des ins- trumens aratoires : à quoi il faut ajouter les chances de mortalité du bétaïl que l'on court annuellement, et le renouvellement des machines et instrumens après un certain temps de service ; l'achat et la nourriture des bestiaux ; les gages et salaires des ouvriers qu'on emploie; l’achat des semences; les frais de culture et de ré- colte proprement dits. Le taux ordinaire de l'intérêt de l'argent, en Égypte, est de 10 pour cent. Les prétentions et le gain des usuriers n'ont de limites, comme par-tout ailleurs, que les besoins plus ou moïhs pressans de ceux qui sont obligés d'emprunter ; mais, en général, l'intérêt de l'argent y est regardé comme usuraire dès qu’il est dus annuellement au-dessus de ce taux. ° Intérêt des avances pour achat de bœufs. On emploie communément, pour la 17 de 10 feddän, douze bœufs, dont le prix moyen est de 720 pataques. L'intérêt annuel de cette somme est de........... Het 220 TOO En supposant que les chances de maladie et de mortalité du bétail ne soïent point compensées par les bénéfices des élèves que l'on peut faire, nous évaluerons au douzième du nombre de bœufs les pertes présumées auxquelles le cultivateur est exposé, NOR. à TOO REEt: ss ADN à à 2 eO + + TA MR OO OS: É.M. TOME Il. D ddd 78. MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, FDL Lei 2 CR EL. Eee con 2. Machines à arroser, et instrumens aratotres. Ï faut trois roues pour l’arrosement de 10 féddän. Chacune de ces machines coûte, prix moyen, 30 pataques; et les trois, 90. __ L'intérêt annuel de cette somme est de................ 9. Oo. À cause de leur construction peu soignée, on est obligé de les renouveler tous les cinq ans. Répartissant sur chacune de ces années la valeur de ces machines, on a de dépense annuelle... 18 oo. Les principaux instrumens aratoires consistent en deux char- rues et en une machine à battre le riz : la valeur du tout est desbipariques-dont.lintéénesmdle 40) NARUTO Renouvellement, réparation et entretien de ces machines. . . 2e: OO: 3 Nourriture des bœufs. Les bœufs vivent, pendant quatre mois, de féves et de paille hachée. Ba valeur çde dawpaille est, année commune, de... :..:%.:, 7500: Celle des féves est. dé... 2... Amd D de are fitte Que TOO EE Pendant cinq autres mois, les bœufs se nourrissent de trèfle Vérbue mode Nan. 7e ee EUR. A M EUR ue mn CO THOOS Enfin, pendant les troïs derniers mois, on les nourrit de trèfle séché provenant de la coupe de o féddän de terre; ce qui, à raïson de 12 pataques le fèddän, produit une dépense de.. ........ 108. oo. 4° Salaires des ouvriers employés à l’année. Deux hommes chargés de soigner le bétaïl, payés chacun à raison de 300 médins par THOSE COURTE RAT déni r ALN ST PPENE EURE RE RE CE Le DO PROD Cinq autres hommes, employés également pendant toute l'année, sont chargés de surveiller le mouvement des machines à élever l'eau, et les autres travaux journaliers : ils sont payés 9 mé- CS DATJOUL LACÉLQUE ADDATTANL 00 D A0 Me ol ee 100: OO Les cultivateurs ont de plus un maître ouvrier ou surveillant, auquel ïls donnent communément par an................. 72. Oo. s ZLabours. Les labours sont exécutés par les ouvriers qui viennent d'être indiqués et qui sont aux gages des cultivateurs. 6° Semences, On sème dans un jéddän + de dareb de riz; mais on n'ensemence que la moîtié du terrain en exploitation, l’autre moitié étant réservée pour y transplanter les tiges surabondantes que l'on arrache de la terre où ïl a été primitivement semé : ainsi il faut, pour les 10 féddän, 2 de dareb, qui, à raison de 24 pa- taques de are ON EE SERA RE ÂS. oo. 7. Journées de travail pour . la transplantation, le sarclage du riz, Ÿ'e. Outre les ouvriers attachés pendant l’année aux travaux de lexploïtation, le cultivateur est encore obligé d'employer des jour- A reporter . RER Eee 2 95 3- OO, 7 Ménn. =. « L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. $79 Rene | ÉÉMERE 00 7 naliers étrangers, tant pour transplanter le riz, le sarcler, que pour nettoyer les canaux et les rigoles d'irrigation : le nombre de leurs journées peut être porté par féddän à ÀS, et pour 10 féddän, à 4so, lesquelles, à 10 médins, font une dépense de...... NS ONE EQ 8. Frais de récolte ct de battage du riz. Les moïssonneurs scient le riz, le mettent en gerbes et le transportent sur Faire où ül doit être battu ; ils sont payés en nature, et reçoivent, pour 1O PÉCMADAAUS ARE AE LT 540 di ea: LUE CRD M ORARTREUT Pi RTC CN Ceux qui conduisent les bœufs attelés au zoreg, reçoivent , pour le battage du produit de 10 feddän, 7 de dareb......... ZA Immédiatement après que le riz a été récolté, la terre est cou- verte d’eau pendant quelques jours, et ensemencée de nouveau, sans aucun travail préliminaire, en trèfle, le seul fourrage connu dans les provinces de Damiette et de Rosette. | : 0. Semences du trèfle. On sème par féddän trois mesures de graine de trèfle, dont chacune se vend 30 médins; ce qui fait une pataque par feddän, et pour 10 féddän. ........ LE 10i - 00, 10. Coupes successives du trèfle. Ce fourrage, dont on fait trois coupes depuis le mois de novembre jusqu'au printemps, ne coûte que 10 pataques de récolte, une partie du travail étant faite par les ouvriers employés à l’année, et dont le salaire a été compté RC DAS Re PTE CE NET ONE TE Te DRE NAS VER A ÉOI IA: PRODUITS. Les produits de la terre ensemencée en riz et en trèfle suc- cessivement sont , 1° La quantité de riz donné en paiement des frais de récolte et de battage. Suivant l’article précédent, cette quantité est, pour 10 feddän, d'un dareb , et en argent, à raison de 24 pa- tiques 16:42762, ARMAPIDERQNMONNCRNT 160, SC SN TRMAUTUSE RE sd a 0 à Dos 2.° La quantité de riz restant au cultivateur, les frais de récolte payés. Dans les meilleures années, les terres des environs de Damiette et de Rosette rapportent jusqu'à 6 dareb de riz par feddän ; elles n'en rapportent que 2 dans les mauvaises. Le terme moyen est de À dareb; ce qui, pour 10 feddän et au prix de 2 PA QUES Ne 70) DIOQUIR UNE. ONCE UE à 960. oo. 3.° Paille de riz hachée sous le noreg. Cette paille n'est employée qu'à brûler. La valeur de la païlle récoltée sur 10 féd HAE CEE D. |: HAT NNEEERE # 2 VAS 12. 00. É.M. TOME Il. Dddd 2 s80 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Â.° Trèfle vert. La coupe d'un féddän de trèfle vert se vend 1 5 pataques, et les trois coupes successives, 4 ) pataques; ce qui, PRE produit..... Mn ss hier 5? Trèfle sec. La coupe d'un fddèn de trèfle destiné à être séché pour l'hiver se vend 12 pataques ; À feddän, valent ainsi... les trois coupes, sur ToTaL des produits en riz et en trèfle. . Différence des frais de culture aux produits I nous reste à montrer quel auroit été le bénéfice, si, au lieu de trèfle, on eût semé du blé après la récolte du riz dans les 10 feddän auxquels nos recherches s'appliquent. FRAIS DE CULTURE. Les frais de la culture du riz ont été trouvés ci-dessus de. Les labours et autres préparations de la terre dans laquelle le froment doit être semé, sont faits par les gens du cultivateur. Leurs gages ayant été compris dans les frais généraux de l’exploi- tation, ainsi que la nourriture des bœufs employés à ces travaux, il n'ya à ajouter ici que la valeur de la semence et des frais de récolte. ° Semence, On sème ordinairement dans un fddin de terre un démi-srdeb de froment; ce qui produit, pour les ro féddän, à raison, dé dypataques l'arhyscnt ah are E HAE RE 2° Frais de récolte et battage du blé, estimés , sur le même pied que la récolte du riz, à 2 pataques par féddän. ......... Aïnsi l'on aura, pour la dépense annuelle qu'exige la culture de 10 feddän ensemencés successivement en riz et en froment, PRODUITS. Les produits de la culture du riz ont été trouvés ci-dessus RM RER SR Ceux la culture ‘du’ froment ARS la même terre sont, . + + ee ee . ee © © © + + » + = © + © © ee + + 1.° La quantité de grain servant à l'acquittement des frais de récolte. Cette quantité revient à un demi-ardeb par feddän, et pour 10 féddän, à $ ardeb, lesquels, à 6 pataques l'un, produisent... 2. La quantité de grain qui reste disponible, les frais de ré- colte prélevés. Les terres à froment rapportent, année commune, 7 ardeb+ par feddän; ce qui, pour les 10 EE à À pataques V'ardeb, ban te. : : HÉRNRRAE lente | n Con ER... 2701 ANGO! 144. oo. LÉT7 NN AS 202: 08 I OS APAT ER 20. OO. 20. OO. 1003. À$. 30. 00. 300. 00. 1333. 45. L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 81 RÉPOPE NERO R.,08 DÉEO., L, ry3 3 à ee 3 La paille hachée sous le noreg. Le produit d'un feddän de terre en paille hachée se vend communément 6 pataques, et POUR TOC NE ER EP À él is pure 2h 60. oo. ToTaL des produits en riz et en froment... 1303. 45. La différence entre les frais de culture et les produits de l'exploitation eside san! LV NU. EN VÉCUT EL LEA 299. 00. Nous remarquerons, avant d'aller plus loin, que les 10 féddän auxquels s'ap- pliquent les frais et les produits de la culture du riz, tels que nous venons de les détailler, sont des feddän de Damiette, lesquels sont plus grands que ceux du reste de l'Égypte, dans le rapport de 6877 à 5927; il faut donc diminuer dans le même rapport l'expression des frais et des produits de la culture du riz, afin de les rendre comparables aux frais et aux produits des autres cultures de l'Égypte. | En ayant égard à cette remarque, on a, pour les frais de culture du riz sur 10 féddän ordinaires, 1.° Quand la même terre est ensemencée en trèfle la même année, 908P#4 2.° Quand la même terre est ensemencée en froment.......... 0/2. On a de même pour les produits de la culture, pe” AÉMAOTETENR IEEE Fe) FAN ONEAC MEICUNR, ARS CRU RETIRE à JP #255 Nous pouvons maintenant résumer, dans le tableau suivant, les frais et les pro- duits des différentes cultures que nous avons prises pour exemples. INDICATION DES CULTURES. | FRAIS. | PRODUITS. | BÉNÉFICES. pataq. méd. pitaqe … méde pataq. Blé el-bayädy Sr U74. 112200: 20-11 448. Féves e/-bayädy 26 MOST M AIN I20. Trèfle e/-bayädy Mr 06:60) Carthame e/-bayädy 1571 8001247: 45e Dourak el-nabäry 102. 03 EL S2.5 20: 117. i 89. . 50. 961. MES OL MO: as A42: Blé el-chetaouy 1 maNAS ais 7$. | VIOD: Lin TOC MS CEA 7, À Oove] 2250: Riz et trèfle M ocylie2n: oc, 3 T4: Riz et blé . M 'OO POP. 00: 260. Il seroït superflu d'ajouter aux détails que nous avons donnés sur les frais et les produits des principales cultures de l'Égypte, des détails analogues sur les frais et les produits des autres cultures que nous avons décrites dans les para- s 82 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, graphes précédens; nous nous bornerons à présenter, dans le tableau suivant, le résumé des recherches dont ces autres cultures ont également été l'objet (1). . INDICATION DES CULTURES. | FRAIS. PRODUITS. | BÉNÉFICES. pataq méd.! pataq. méd. patag. méd. || Culture de l'orge el-bayädy. | 28. 14. 85. 49. SYr 239 Culture de l'orge el-chetaouy. ...| 94. 51. | 139. 42. | HE Lentilles e/-bayädy. . .... 61. et 80. "75. VE: POS TCRIChes Lu 4 : 63. PSS ER SD CHOSE COR AT PEN ET RE 4. 4 É +860; Ognons..... | Fenuprec. ...: : Besse Re eue SLR Ie Pois des champs. ... a Colza.. . On voit, en jetant les yeux sur ces deux tableaux des diverses cultures de l'Égypte, que leurs produits en argent éprouvent des variations singulières; mais les bénéfices qu'on en retire doivent être envisagés sous deux points de vue différens. En effet, dans l'estimation des bénéfices que donne l'agriculture, il faut bien distinguer celui qui provient du meïlleur emploi de l'argent, et celui qui pro- vient du meïlleur emploi de la terre; car c'est lun ou autre de ces bénéfices qu'on s'attache naturellement à obtenir, suivant que l'argent ou Îa terre sont plus rares, c'est-à-dire, ont plus de valeur'relative. Pour rendre ceci sensible, je suppose que l’on consacre à une certaine cul- ture une portion de terre déterminée; que les dépenses de l'exploitation soïent, par exemple, de 10 pataques, et le produit, de 30: le bénéfice, dans ce cas, est de 20 pataques, c'est-à-dire, double des avances qui ont été faites. Je suppose maintenant que, pour établir une autre culture sur la même étendue de territoire, on fasse une avance de 1000 pataques, et que le produit soit de 1 500 : lebénéficesera alors de 500 pataques, ou sous-double des frais d'exploitation. Dans le premier cas, on doit considérer l'argent comme placé à un intérêt de 200 pour 100, tandis que, par la culture d'une quantité donnée de terre, le capital du cultivateur se trouve augmenté de 20 pataques. Dans le second cas, l'argent n’est placé qu'à raison de $o pour cent, tandis que exploitation de la même superficie augmente de $oo pataques le capital du cultivateur. On voit que, dans la première hypothèse, l'argent est mieux employé que dans la seconde, puisqu'il est placé à un plus gros intérêt, et qu'au contraire (1) Voyez, à la suite de ce Mémoire, la pièce justificative n.°2. L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. $83 la terre est mieux employée dans le second cas que dans le premier, puisque l'exploitation de la même superficie augmente le capital du cultivateur de $o0 pa- taques, au lieu de l’augmenter de 20 seulement. Le bénéfice provenant du meilleur emploi de l'argent dépend, comme on voit, du rapport entre les produits de la culture et les dépenses qu'elle néces- site, tandis que le bénéfice qui provient du meilleur emploi de la terre n’est autre que la différence entre le produit d'une superficie déterminée et les frais de son exploïtation. | Pour distinguer ces deux espèces de bénéfices, j'appellerai le premier, 4énéfice relatif, et le second, bénéfice absolu. | Faisant à l'Égypte une application directe de cette distinction de bénéfices, je suppose d'abord que fon représente par le nombre 100 la dépense cons- tante de l'exploitation d’une étendue de terre plus ou moins considérable, con- sacrée à chacune des cultures dont nous venons de parler; les bénéfices relatifs de chaque culture seront respectivement représentés par les nombres portés dans la troisième colonne du tableau suivant : £ INDICATION DES CULTURES. M AE À El S 5 DU BÉNÉFICE RELATIF. VPN PMU ME NA INR ERRNERRE TC C ÉPAER 621 RIRE GES ENT RE RAP ER Det AT RER s00. SN EST TU SRE TORRES IS HAS DEIÉS C2) AVR ere core peter. à 4 350. 7 Tres ALORS 3 IS. COMME IEC MM MR em eee pes Lie eut 304. 2e NÉE PEER CORRE CENTS RO EEE 285. RO MONS Eine PA rennes etes de dog nee 247. D NT ee de tee cbr 20$. lee Crise 70e CRE 2e CEE TC CE EEE Lo 203. na) LEEDS ERA EE PE OR EE ES 193. Bu ie OS MORT RNA, AL ET D 7 193. 13. Poissduehess ss tee cette nent ra gtdsh ! 175$. 14. "Pois des CHERS ANS OA ru PRET D 166. rs Er CREER AE, LA MAN ee * RSI HOME S here M CAR NL LE ET SMS 139. 17. | Carthame eLbayédy.. .... dep tes EUR. 120. HAN BIé:c/- HEC OU EE 1. EU 81. Ads: CNRC EL AE. LEE 7 2h Dourak alnabänns a. he, ire REUE SO. ‘21. Orge el=-chEtApU YA. EE ERAER E EEE PAPTEES 438. TOO. 0e es eee doi ER 43. DE + PURE EPST PNA TEE 35 A CIE CERN PELLE 28. s 84 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Je suppose, en second lieu, qu'une mesure fixe de térre soit successivement consacrée à ces différentes cultures, et, pour rendre sensible la comparaison de leurs produits, je représente par le nombre 100 le /énéfice absolu provenant de la culture du blé. Je trouve alors : EXPRESSION + INDICATION DES CULTURES. ET PAL 1 I OUCer ve re ee a ses és à < 2 : 796. 2 LENBORE See -rebrme NS ss UNE 369. 3. | Rizettrèfle..... BAR AMAALEULS, ETES 213. ANRT EL DIE, SMRONTEL SE RENE EMEA RUE AE 177. SAN ROME EL SÉRVN ER CAR CREME 170, ÉHMabaic Ar is at Ce PRES VORODUEL t3 150. 7. | Carthame Ca ÉD ERENES Le STATE RE D : 129. 8, INOBNONELR LU EME REP ES PA TEEN TE MORE 114, AND ONE LEE EL EPEPERES ERP ECS LL LL FT09. 10. | Blé el-bayädy. ...,....... AE EE A LT à 100. 11 A RRCVES M EVA A AN Eu... MANEREERS ERNEST | T2 12. | Trèfle el-bayädy...:...... D Re PRE Pre 80. 13. | Blé e/-cheraouy. .... GRADE A DPRTEE er Lan | 7h. 14 lODIZRS ee rentes ercErrte: es eo RER 58. TS. HUE ccm ne De NANTES M ER ee To 55e 16. |. Pois des champs. ....... ER et Dé de aidé, Dre ae : 48. 17. Fenugrec. ............... MERE LACS A STER 48. 19. | Lentilles /-04)Adp. 4 ANAL cs 43. 19. | Gesse................................ 41 20. | Orge el-bayädy......................... 394 AI UPINSA RS LR TE AA Ve ARTS EE ET 37. 22. | Dourah cl-nabärÿ....... ADR AR MESURE ie 23. Poisichichess-42 HA LUEER A tx 22 24. | Orge clchetaouy. ......... UE ANT dE 31. On voit, en comparant ces deux tableaux, que les mêmes cultures n'y occupent pas le même rang : cette correspondance ne peut avoir lieu en effet qu'autant qu'il existe entre le produit des terres et celui de l'argent une sorte d'équilibre dont on est encore loin en Egypte. Il est aisé de concevoir, en eflet, d’après les définitions que nous venons de donner du bénéfice relatif et du Bénéfice absolu, qu'on doit rechercher l'un ou l'autre de ces bénéfices, suivant que l'argent a plus de valeur que la terre, ou la terre plus de valeur que l'argent. Ainsi, à où les terres sont peu précieuses et où l'argent est rare, on soc: cupe particulièrement des cultures qui, exigeant peu d’avances, donnent un béné- Jice L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. s8$ fice relatif plus considérable, tandis que, dans un pays où le numéraire est abon- dant et le terrain précieux, on entreprend de préférence des exploitations dispendieuses, parce qu'elles donnent ordinairement un plus grand bénéfice absolu. C’est par l'état de pénurie où se trouvent la plupart des cultivateurs Égyp- tiens, que l'on peut expliquer pourquoi le sucre y est cultivé en petite quantité, quoiqu'il produise le plus grand bénéfice absolu. Par des raisons contraires, cette culture et celles de l'indigo et du coton occuperoïent des colons capitalistes. SECTION IX. Du Droit de Propriété et de la Perception de l’Impor. IL étoit nécessaire, pour compléter le travail dont je me suis OCCUPÉ, d'assigner le rapport entre le produit des terres et,la rente que le propriétaire reçoit du cultivateur. J'ai recherché dans cette vue, avec beaucoup de soin, la nature et l'origine des propriétés territoriales ; j'ai interrogé en différens endroits. des individus de toutes les classes ; et quoique, par la réputation de quelques-uns . et le rang qu'ils occupoïent, je fusse en droit d'espérer d'eux des éclaircissemens précis, je n'en ai obtenu que des renseignemens vagues. , En attendant qu'on aït recueilli sur cet.objet des notions plus satisfaisantes, qu'on me permette de hasarder ici une simple conjecture. k Depuis la première invasion de l'Égypte, le droit de conquête a été l'unique base de son gouvernement. Les Perses, les Grecs et les Romains, les Sarrasins et | les Mamlouks, Font exercé successivement, sans qu'aucune loi en. aït Jamais circonscrit l'exercice. Si la jouissance de quelques portions du territoire fut quelquefois abandonnée au peuple vaincu, il ne fallut, pour. faire cesser cette. jouissance précaire, qu'un acte de la volonté du dernier conquérant, Tel est encore l'état de ce qu'on appelle ici propriétés particulières : elles restent dans la même. famille, moins par un droit de succession, que comme un témoignage de la faveur du Gouvernement, qui conserve toujours la faculté d’en disposer à son gré. Ces POP ne sont, comme on voit, que des espèces de fiefs amovibles, et, par cela même, inaliénables. Aussi ne id il pas attacher ici à l'expression vente d'un fonds de terre l'idée d'une cession perpétuelle et absolue, maïs seulement l'idée d’un engagement temporaire pour une somme d'ar LA reçue à titre de. prêt. La terre est possédée au même titre par le prêteur, jusqu'au rembourse- ment, époque à laquelle l'usufruitier rentre en jouissance de la terre qu'il avoit engagée. Suivant qu’elle est de meilleure qualité ou plus avantageusement située, le feddän de terre est engagé sur le pied de so, 4o et 30 pataques. Le taux le plus ordinaire de l'intérêt de l'argent, en Égypte, étant de 10 pour cent, il s'ensuit que la rente annuelle d'un féddän est de s,4et 3 pataques, puisque la terre, É.M. TOME II. Eee 586 | MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, entre les mains de celuï qui en jouit momentanément, doit rapporter au moins Fintérêt de l'argent prêté; ce qui s'accorde d’ailleurs avec le prix simples locations. Les impôts sont acquittés par le fermier. Lorsque les terres sont affermées en nature, on commence par prélever les impositions sur le produit total dela récolte. Le réste est partagé également entre le propriétaire et le cultivateur, si lés avances ont été faites par moitié ; mais celui-ci en conserve les deux tiers, si lui seul a été chargé des frais de culture. Quelques Mamlouks faisoient exploiter à leur compte plusieurs sucrériés dans la province de Girgeh. Ils fournissoient les terres, se chargeoient de la cons- truction et de l’entretien des bâtimens, achetoïent les bestiaux, payoïent leur nour- _riture, et partageoïent ensuite également le produit de l'exploitation avec le fabri- cant, dont toutes les dépenses consistoient en main-d'œuvre. Quoique les terres du Sa’yd appartiennent au Gouvernement, elles sont cependant divisées entre les différens villages, dont les habitans ont le droit de cultiver un territoiré déterminé. Les cheykhs distribuent cé territoire entre les fellah, veillent à ce qu'il soit enséemencé à temps, et sont responsables de la rentrée des impositions; responsabilité pour laquelle ïl leur est accordé des remises plus ou moins considérables. Les impositions se prélèvent, dans les différens cantons, en argent ou en nature, ou tout-à-la-fois en nature et en argent. Elles sont, en général, propor- tionnées à la qualité des terrains; mais, comme elles ne sont établies sur aucune base fixe, elles varioient d'une province à l’autre, suivant la volonté de celui qui la gouvernoit. Aïnsi l'extrémité supérieure de la province de Thèbes, abandonnée à Hasan-bey, étoit beaucoup plus surchargée d'impôts que le reste du Sayd, quoique sa fertilité fût beaucoup moindre. | L'assiette et la perception des impôts sont, comme on sait, entre les mains des chrétiens Qobtes. Les Aräbes, après avoir fait la conquête de l'Égypte, leur en laïssèrent le cadastre, et se mirent ainsi dans la nécessité de Îles em- ployer toutes les fois qu'il seroit question d'opérations relatives à la levée des tributs. Les Qobtes, de leur côté, exclus par leur religion de toute autre place admi- nistrative, et qui ne pouvoient prétendre à aucune considération chez un peuple où l’on méprise tout ce qui n'est pas Mahométan, ont senti de quel intérêt ül étoit pour eux de sé rendre exclusivement utiles aux dépositaires du pouvoir absolu : ils ont en conséquence tenu caché tout ce qui pouvoit faire passer en d’autres mains les fonctions qu'ils remplissoient. A l’aide des premières notions du calcul, dé l'écriture vulgaire, et des caractères de leur ancienne langue, dont ils se servent pour écrire l'arabe, ils sont parvenus à faire d’un arpentage inexact et d’une répartition plus ou moins arbitraire un art mystérieux dans ‘lequel ils sont eux seuls initiés. On juge bien que de tels hommes doivent être peu dis- posés à donner des renseignémens sur des procédés qu’ils sont intéressés à couvrir d'obscurité. Ils se sont bientôt aperçus que le séjour des ne en Égypte mettroit fin à l'espèce dé privilége exclusif dont ils ont joui jusqu'à présent, et L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. ÿ 87 les réduiroit à l'inutilité ; ceci explique assez leurs inquiétudes sur les questions qu'on leur adresse, et leur mauvaise foi quand ils sont pressés de répondre. Je doïs avouer cependant que j'en ai trouvé quelques-uns de la sincérité des- quels j'ai eu lieu d’être satisfait. Les renseïgnemens qu’ils m'ont donnés, s'accordant avec ceux que j'ai puisés dans d'autres sources, je crois pouvoir en garantir l'exactitude. | I existe parmi les membres de cette nombreuse corporation une sorte d’hié- rarchie, qu'il convient, avant tout, de faire connoître. Chaque bey avoit un intendant Qobte attaché à sa personne, et qui résidoit une partie de Fannée avec lui dans fa ville capitale de la province qu'il étoit chargé de gouverner. Cette province étoit ordinairement divisée en un ‘certain nombre d’arron- dissemens, dont chacun, composé de quatorze ou quinze villages, étoit régi par un dés £ächef ou lieutenans du bey. Il y avoit auprès des kächef un Qobte faisant fonctions de sous-intendant, et un ou plusieurs écrivains subalternes dans chacun des villages dont le kächeflik étoit formé. Ces derniers étoient chargés de recueillir le myry à mesure que les He étoïent en état de l’acquitter; ce qu'ils ne faïsoient ordinairement que‘peu à peu. Ils remettoient le produit de leur perception aux écrivains ou receveurs des kächef, et ceux-ci à l'intendant principal, qui le comptoit lui-même au trésorier du bey, dont il recevoit une décharge. Aucun de ces agens Qobtes n'avoit de traitement fixe. Il étoit accordé seule- ment aux premiers écrivains une somme de 6 parats par Jour, pour leur tenir lieu de ce que nous appelons frais de bureau. Leurs salaires consistoient en remises sur les produits de l'impôt. Elles étoient de:$ parats par pataque, tant pour l’intendant principal que pour ceux qui rési- doïent dans les 4ächefik ou chefs-lieux d'arrondissement. Celle des écrivains subalternes n'étoit que de 2 parats; mais ils étoient nourris par les habitans du village où'ils faisoïent la perception. | faut remarquer que cette remise totale de 7 parats par pataque étoit pré- levée sur le cultivateur en excédant de l'imposition. Lorsqu'elle se payoït en nature, elle étoit de $ ou 6 4rdeb par cent, et éga- lement prélevée en dehors de l'impôt. Cette remise, la seule avouée du Gouvernement, n’étoit que la moindre partie du bénéfice des Qobtes. Ils ont trouvé les moyens, en profitant de l'ignorance des felläh , en associant à leurs gains illicites la plupart des cheykhs des villages, et souvent en achetant l'impunité par des sacrifices, de faire monter les frais de perception au quart de leurs recettes, et cela de l’aveu même du plus grand nombre d'entre eux. On va voir que, par l'ordre de choses qui étoit établi, ils pouvoient lever à leur profit plus d'un tiers des contributions de l'Égypte. Comme les produits des terres varient suivant les différentes crues du Nü, et qu'il se fait plusieurs récoltes dans la même année, il faut constater aux diffé- É.M. TOME Il. Eceez 588 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, rentes époques l'étendue des terres ensemencées. C’étoit un Qobte choisi par l'intendant principal ou les écrivains des kächef, qui, sous la dénomination de messäh , en faïsoit l’arpentage ; il étoit accompagné d’un homme du pays, chargé de lui indiquer les noms des cultivateurs : ils étoient inscrits sur un registre avec la quantité de terre qu'ils exploitoient, Le #essäh recevoit d'eux pour cette opération une rétribution de 18 à 30 parats, qui varioit suivant les localités. L'état des terres mesurées étoit remis dans chaque arrondissement aux premiers écrivains ; ils le faïsoient passer à lintendant du bey, et celui-ci, sur le vu de cet état, régloit le montant de l'imposition par féddän : car la quotité de l'impôt n'étoit point fixe , elle augmentoit ou diminuoit suivant que linondation avoit été plus ou moins abondante ; usage fondé sur la hausse du prix des denrées lorsqu'elles sont en petite quantité, et qui conservoit au Gouvernement un revenu à peu près constant, indépendant de la crue du Nil. | L'impôt étoit ensuite perçu dans les villages, soit après l’ensemencement des terres, soit immédiatement avant les récoltes; mais il ne produisoit jamais ce qu’il auroit dû produire, parce que l'état fourni par l'arpenteur étoit toujours inexact. C'est en effet sur cette opération que les fraudes des Qobtes sont les plus lucra- tives, les plus aisées à commettre, et les plus difficiles à découvrir. Lorsqu'une portion de terre est mesurée, J'arpenteur en calcule sur le lieu même Ja superficie, et la proclame à haute voix en présence des habitans du village, qui assistent ordinairement à cette opération. Cette publicité, chez un peuple moins ignorant, seroit la sauvegarde des intérêts de chacun; mais c'est ici une forme illusoire, qui ne sert qu'à assurer d’une manière plus authentique les marchés scandaleux dont l'arpentage est l’objet, quand on en altère les résultats, soit en augmentant, soit en diminuant la quantité de feddän réellement en exploi- tation. | Dans le premier cas, le particulier qui se voit chargé d’un nombre de féddän supérieur à celui qu'il croyoit avoir ensemencé, marchande avec l'arpenteur pour obtenir de lui, moyennant une certaine somme, la remise de quelques féddän : si ses propositions sont acceptées, il n’est inscrit sur le registre que pour une quantité de terre à peu près égale à celle qu'il exploite ; si, au contraire, il ne fait aucune réclamation, et ne prend point d'arrangemens particuliers, il paye en temps et lieu un impôt qui excède plus ou moins celui dont il est véritablement redevable, et dont le montant reste disponible entre les mains des percepteurs. Dans le second cas, un particulier qui a ensemencé une certaine étendue de terre, et qui ne veut payer l'impôt que d'une partie, s'accommode avec les Qobtes, qui lui vendent cette réduction. . L’impôt perçu en nature fournit la matière d’une fraude encore plus produc- tive, et qui se commet publiquement. Lorsque les grains sont reçus par les Qobtes, ils se servent d'une mesure beaucoup plus grande que celle qu'ils emploïent quand ils en font le versement dans les magasins publics; et la différence entre ces mesures, tout entière à leur bénéfice, monte quelquefois jusqu'à 25 et 30 ardeb pour cent. | L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. s 89 Ces gains illicites, et quelques autres de moindre importance, étoient répartis entre tous les individus de cette corporation, depuis le dernier scribe jusqu'aux écrivains des kächef. Quant à l'intendant du bey, qui étoit ordinairement un personnage en crédit, et qui nommoit aux premiers emplois, il n'entroit point dans les détails du partage; mais il exigeoit une rétribution annuelle de deux ou trois mille pataques de chacun des écrivains principaux, qui M on a leur tour des places d’arpenteur et d'écrivain subalterne. Nous avons dit qu'il y avoit au moins un de ces écrivains dans chaque village : ils étoient au nombre de trois ou quatre dans quelques endroits, et tous avoient une famille à entretenir et des domestiques à leurs gages. Je ne crois donc pas m'écarter de la vérité en portant à trente mille le nombre des individus qui vivent en Égypte de la perception des droits du fisc, et en avançant que le décourage- ment absolu de l’agriculture et le dépeuplement des campagnes sont moins le résultat du despotisme des beys que des manœuvres frauduleuses de cette espèce de financiers. $90 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, SECONDE PARTIE. De l'État actuel de l'Industrie en Éoypte. Lss notions qui ont été données, dans différens Mémoires de cette collection, sur le gouvernement de l'Égypte moderne et sur les mœurs de ses habitans, indiquent suffisamment que leur industrie doit se renfermer entre des limites très-resserrées. En effet, cette industrie se borne, dans les campagnes, aux arts de première nécessité, et à la manipulation de quelques produits. du sol ser- vant à la consommation journalière, ou qui sont l'objet d’une exportation peu étendue. Dans les villes, quelques fabriques d'étoffes, de tapis, et d’équipages de guerre, occupent un petit nombre d'ouvriers; le luxe des familles riches et puis- santes est entretenu par le commerce étranger. Nous suivrons dans cette seconde partie de notre Mémoire le même ordre que nous avons suivi dans la première : nous indiquerons l'état de l'industrie chez les Égyptiens modernes, en descendant le Nil depuis Syène jusqu'a la Méditerranée. | SECTION L' Fabriques de Vases de terre et de diverses Poteries, des Briques crues et des Briques cuites. » LEs vases de terre propres à contenir et à transporter les aliméns sont les premiers objets dont l'industrie ait dû s'occuper. La matière de ces vases, qui, par sa nature, approchoiït le plus du degré de solidité et d'imperméabilité que l’on recherchoit, dut être celle que l’on employa de préférence, parce qu'il n’étoit pas besoin de lui faire acquérir par la cuisson les propriétés dont elle devoit jouir: voilà pourquoi, là où la nature a placé des carrières de stéatite ou de pierre ollaire, cette substance a été employée depuis un temps immémorial aux mêmes usages auxquels les poteries d'argile les plus recherchées ont été con- sacrées depuis. On fabrique à l'extrémité méridionale de l'Égypte, dans les déserts voisins de la cataracte d'Éléphantine, des vases de terre ollaire connus dans le pays sous le nom de prerre de Baram , du nom du lieu où sont situées les carrières qui la fournissent. Les vases de pierre de Baram se réduisent à de simples blocs de cette substance , creusés circulairement en dedans, et arrondis en dehors de manière à laisser à leurs parois une épaisseur de trois ou quatre centimètres. Ces vases sont d’ailleurs exécutés à la main avec la plus grande grossièreté ; ils servent à la cuisson des alimens, comme des espèces de marmites. Ce sont les Arabes des environs de Syène qui les vendent dans cette ville, et qui en L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. SOI apportent au marché d’Esné. Ces Arabes sont de la tribu des A'bäbdeh, qui habitent Redesveh ; on n’en trouve plus guère au-dessus de cette dernière place. Afin sans doute de diminuer l'épaisseur des parois de ces vases de pierre ollaire, on en fabrique, à l'aide de la cuisson, des vases plus minces et plus légers; pour cela, on réduit en poudre la pierre de Baram, et on la mêle avec quantité égale d'une espèce d'argile que l'on exploite au pied de la montagne de Syène. On corroie ce mélange pendant trois ou quatre heures, et l’on en fait des vases que dés femmes arrondissent à la main ; chacune d'elles n'en fait guère que cinq ou six par jour. On les fait sécher au soleil pendant quarante-huit heures, après quoi l'on achève de les durcir par une légére cuisson. Ce n’est point dans un fourneau approprié, mais sur une aire dressée à cet effet sur le sol: on y place dix ou douze de ces pièces que l’on environne de combustible; le feu y reste en activité pendant environ dix heures. Ce combustible se compose de tourteaux de fente de bœuf et de chameau desséchée ; et cé qu'il en faut pour la cuisson d'une dou- zaine de ces marmites, ne s'élève pas en valeur au-dessus de 6 ou 7 parats. Ce n'est qu'aux confins de l'Égypte que l'art de fabriquer la poterie est resté dans sa première enfance, et qu'on l'y retrouve tel qu'il étoit probablement avant qu'on fit usage du tour à potier, dont l'invention remonte cependant à une anti- quité très-reculée. Toutes les villes de l'Égypte supérieure que lon rencontre en descendant le Nil, possèdent des fabriques de poterie plus ou moins grossière ; c'est le limon du fleuve qui en ést la base. Les vases qu'on en forme ne sont enduits d'aucune couverte, et, à raison du peu de cuisson qu'ils reçoivent , ils laïssent filtrer l’eau avec plus ou moins de facilité; leur grandeur varie depuis celle des pots et cruches de ménage , jusqu'à celle des grandes jarres et cuves destinées à la fabri- cation de l’'imdigo, du sucre, &c.: cette poterie grossière est rouge comme dé fa brique. Nous en avons visité la fabrique la plus considérable à Edfoû ; on y exé- cute ces grands vases de terre cylindriques qui tiennent lieu de baquets et de cuviers dans diverses fabriques , et qui remplacent généralement ici les grands vaisseaux de métal ou de tonnellerie. [ls ne peuvent supporter Faction du feu, mais ils retiennent très-bien les liquides dont on les remplit; ce qu'il faut attri- buer moins à leur degré de cuisson qu'à l'épaisseur de leurs parois. On retire du fond d'un canal creusé au nord-est’ de Qenñé, sur la limite du désert et des terres cultivables, au débouché d’une gorge qui conduit de la vallée du Nil à la mer Rouge, une espèce d'argile blanchâtre dont on fabrique les vases appelés bardagues : is doivent à leur porosité la propriété de laisser transsuder l’eau qu'ils contiennent; elle s’'évapore à mesure qu'elle vient mouiller extérieu- rement leurs parois, et cette évaporation, abaïssant [a température du vase, refroïdit l'eau qu'il contient. Cette propriété réfrigérante fait rechercher dans toute l'Égypte les Oardaques de Qené. Leur fabrication paroît concentrée dans cette ville depuis” un temps immémorial , et cette branche d'industrie est assez importante pour que nous nous,arrétions quelques instans à en décrire les procédés. | On mêle argile blanchâtre dont nous venons de parler, avec environ un tiers s92 +. MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, de son volume de cendres provenant des fourneaux où l’on opère la cuisson de ces vases; on corroie ce mélange pendant plusieurs heures, et l'on en forme des pains plus ou moins volumineux que l’on remanie encore un à un pendant une heure, On détache ensuite de ces masses des mottes plus petites, que l’on porte sur le tour pour leur donner la forme et la capacité convenables. Les procédés de l'art du potier étant restés en Égypte dans leur première sim- plicité, et n'éprouvant que de légères modifications d’un lieu à un autre, nous renverrons à la description qui a été donnée par M. Boudet de /z planche XXI, É. M. vol. IT, laquelle représente l’intérieur de l'atelier du fabricant de poteries, et à celle de /z planche IT du même volume, où sont représentés le tour et le four du potier ; et, sans nous arrêter à répéter ce que ces descriptions contiennent, nous passerons aux détails qui s'appliquent spécialement à la confection des bardaques. | L'ouvrier qui prépare le mélange de terré et de cendres, peut en un jour en préparer suffisamment pour la fabrication de deux cents de ces vases ; le prix de sa journée est de 8 parats. Les pains d'argile passent en sortant de ses mains dans celles d'un mouleur, qui la travaille sur le tour: celui-ci est en quelque sorte le chef de l'atelier ; les autres ouvriers travaillent pour son compte : il peut mouler de cinquante à soixante-quinze bardaques par jour. { Voyez, pour les formes variées de ces vases, {1 planche FF, vol. Il, É. m.) Aussitôt qu'un de ces vases a été façonné, il est porté sur une aire où il sèche au soleil pendant deux jours : il n'y a point à craindre qu'il s'y gerce, quand la terre a été convenablement préparée. Chaque mouleur est servi par un enfant ou un jeune garçon auquel il donne 3 médins par jour. Lorsque les Éardagues ont acquis sur l'aire le degré de sécheresse nécessaire, le mouleur luimême les relève et les dispose dans le four où elles doivent rece- voir leur cuisson. C’est un autre ouvrier qui entreprend cette dernière opération: il fournit les tiges de dourah qui servent de combustible, et veille à l'entretien du feu, moyennant 90 parats par mille de bardaques ; c'est le nombre dont se compose ordinairement une fournée. | Ces vases, après avoir été retirés du four par les mouleurs, sont vendus, à raison de $00 parats le millier, à des marchands de Qené qui en tiennent des dé- pôts, ou à des patrons de barque du Nil qui viennent en acheter des chargemens complets ou des portions de chargement pour les transporter à Syout, à Minyeh, à Beny-Soueyf, au Kaire, et dans la basse Égypte. Le prix du millier de #ardaques prises dans les magasins de Qené est de $50 à 560 parats. H n’y a ordinairement qu'un seul fourneau et deux tours dans chaque fabrique: ainsi elle n'exige pour son exploïtation que deux mouleurs et leurs aides. On met le feu au fourneau tous les dix jours ; mais la fabrication des Lar- daques n'a lieu tous les ans que pendant huit mois, durant lesquels il sort des ate- liers de Qené, de deux cent cinquante à trois cent mille hardaques. Ces vases s'y vendent LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 593 vendent en détail un parat chacun ; ils coûtent 2 et 3 parats dans les autres villes de Égypte, suivant que la liens et les chances du transport en ont aug- menté le prix. | On retrouve à Meylaouy et à Manfalout, villes de l'Égypte moyenne, des fa- briques de grandes jarres et de terrines semblables à celles que lon tire d'Edfoû, pour servir à la préparation de l'indigo et du sucre, et pour être employées par les teinturiers , les tanneurs, &c. Quoique ces vases aient une grande épaisseur , cependant ce n'est qu ji avoir déjà servi pendant quelque temps qu'ils de- viennent imperméables à l’eau. Les cruches appelées balas { fig. 21, planche EE, vol. IT, É. m.), destinées à contenir de l'huile et du beurre fondu, ont une forme particulière et reçoivent un degré de cuisson plus considérable; on les fabrique principalement dans un village dont elles ont pris le nom. Les vases dont il se fait la plus grande consommation chaque année dans toutes les parties de l'Égypte, sont les pots de . qui garnissent les chapelets ou cordes sans fin que l'on met en mouvement à l’aide de manéges pour élever des puits ou des canaux l'eau employée aux arrosemens /Jg. >, 9,20, planche EE, vol. I, É. M.). H y a par-tout des fabriques de ces vases, et leurs tessons accu- mulés forment en grande partie les monticules de décombres que lon remarque autour des villes et des lieux les plus habités. Ce n'est qu'au Kaïre que l'on exécute une sorte de faïence grossière dont on fait des pots à confitures, ou des tasses à café, Au surplus, cette branche d’in- dustrie ne mérite guere d'être citée, tant à cause de son imperfection que par la petite quantité de ses produits. Quelques-unes des poteries qu'on fabrique à Menouf ou dans les environs, se font remarquer par une couverte bleue. Cette couverte est composée de natron, de muriate de soude et d’oxide de cuivre. Cet oxide, appelé toubän, se retire des marmites que l'on étame; ce sont les petites écailles qui s’en détachent quand on les plonge dans l'eau après les avoir fait chauffer fortement. Presque tous les édifices particuliers de l'Égypte sont bâtis en briques cuites ou en briques crues: l'usage des premières ne s'étend guère au-dehors des villes; les briques séchées au soleïl sont les seuls matériaux dont les habitations des cultivateurs soient bâties , quand elles ne se réduisent pas à de simples cabanes en terre, couvertes de roseaux ou de tiges de doural. Le bn du Nil, après avoir reçu les mêmes préparations que les terres argi- leuses reçoivent en Europe pour la fabrication des briques, est employé au même usage en Égypte. Les briques qu'on en fait ont environ 2 décimètres de long sur un décimètre de large, et $ centimètres d'épaisseur. Celles qui doivent être employées crues restent à sécher au soleil pendant se ou cinq jours avant d'être mises en œuvre; elles se vendent dans cet état 1$ à 25 parats le millier. Le fourneau destiné à la cuisson des briques en contient ordinairement quatre à cinq mille; on y entretient le feu pendant vingtquatre heures avec des tiges sèches de dourah, de féves, de colza, &c. Dans la basse Égypte, on substitue la É.M, TOME II. ERFE S94 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, paille de riz à ces divers combustibles. Les fours ne sont complétement refroidis que deux jours après qu'on a cessé le feu. Les briques qu’on en retire se vendent de 60 à 100 parats le mille. J1 ne faut au surplus, pour cuire une fournée de briques, que deux charges de chameau de tiges de dourah, et quatre charges de tiges de féves, de colza, ou de toute autre plante qui ne sert point de fourrage aux animaux. _ On regarde les tiges de dourah comme le meïlleur de tous ces combustibles : aussi se vendent-elles de 20 à 25 parats la charge, tandis que la même quantité de combustible d'une autre espèce ne coûte que 14 ou 1$ parats. Les fours à briques sont disposés de manière à pouvoir contenir, outre les quatre milliers de briques qui en composent la charge ordinaire, douze à quinze grandes jarres, dont le prix est de À ou $ parats. La fabrication de la chaux pour les constructions de maçonnerie et le blanchis- sage du fil de lin est une branche d'industrie qui s'exerce sur presque tous les points de la haute Égypte. Les montagnes calcaires qui bordent la vallée en four- nissent la matière. Les fours des environs du Kaïre ont été décrits par M. Jomard, et sont représentés fig. 4, $ et O de la planche IT, vol. Il, É. m. On en construit de beaucoup plus petits dans la province d’Atfyeh, puisqu’on n’en retire que quinze à dix-huit couffes de chaux, dontle prix total ne s'élève guère au-dessus de deux à trois cents parats. On se sert encore de tiges sèches de dozrah pour la cuisson de la chaux. Une des raisons pour lesquelles les monumens de la basse Égypte qui avoient été bâtis en pierre calcaire, ont été détruits plus promptement que ceux qui avoient été bâtis en grès ou granit, c’est que les habitans ont trouvé plus de facilité à exploiter ces ruines qu’à tirer des montagnes les plus voisines les maté- riaux qu'ils auroïent pu employer à faire de la chaux. Notre objet n'étant ici d’en- trer dans aucun détail sur les divers procédés de construction usités en Égypte à nous passons au tissage des étoftes. SECTION II Fabriques des Toiles de coton, de lin, et de diverses autres Etoffes. LEs différentes matières sur lesquelles s'exerce l'art du tisserand en Égypte ; ne sy rencontrent pas avec la même abondance sur tous les points; on met en œuvre, suivant les localités, le coton, le lin et la soïe : aïnsi les toïles de coton sont les seules de la fabrication desquelles s'occupent les tisserands du Sa’yd, entre Syène et Girgeh. Depuis Girgeh jusqu'à la côte septentrionale de l'Égypte, et notamment dans le Fayoum et le Delta, celle des toiles de lin est en quelque sorte exclusive; le voisinage de la Syrie, dont on fait venir toute la soie qui est employée à Damiette, à Mehallet el-Kebyr, au Kaire, &c. a concentré dans ces villes l'emploi de cette matière. Cet emploi est borné, d’ailleurs, à la fabri- cation de quelques étoffes de luxe destinées à l'ameublement des maisons. Nous allons parler succinctement de ces différens tissus. Quant aux étoffes de laine L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE. $O9$ dont se couvrent les f2/4h, on en fabrique dans tous les villages avec le produit de la tonte des moutons qu'on y élève. Nous avons dit, dans la section précédente, que le coton cultivé aux environs d'Esné étoit le plus estimé de l'Égypte , €t nous avons expliqué comment on débarrassoit le coton en bourre des graïnes auxquelles il sert d'enveloppe. Après qu’il a été nettoyé par cette première opération, on le soumet à l'ar- çonnage, que l'on voit représenté sur la planche XV, vol. IT, É. m.: aïnsi préparé, il est filé au fuseau par des femmes, pour être livré aux tisserands. M. Coutelle a donné la description du métier dont ils se servent, et on le voit représenté planche LIT, vol. I], É. M. Les tisserands établis à Esné et aux environs fournissent toute la toile néces- saire non-seulement aux habitans de cette ville et des villages voisins, maïs encore aux tribus d’Arabes qui en fréquentent les marchés. On exerce la même industrie, mais avec plus d'extension, dans les villes de Qous et de Qené. Il y a plus de deux cent cinquante métiers dans ces deux villes, où l’on fait venir du coton du Delta et de la Syrie, les récoltes de coton du pays ne suffisant pas pour l'emploi de ces métiers. Ce sont des marchands du Kaire qui apportent le coton de Syrie dans la haute Égypte; ils le vendent ordinairement 7$ parats le r/, poïds de Qené, équi- valent à trois rot/ et demi du Kaire. | L’arçonnage de ce rot/ de coton coûte 6 parats. Le tisserand en remet un rotl et demi aux fileuses, qui ordinairement, un mois après, rendent un ro#/ de fil de coton. Ainsi la filature occasionne un dédltèt de plus de trente pour cent. Il convient de remarquer que les femmes ne s'occupent à filer que pendant le temps où elles n'ont pas besoin de vaquer aux soins de leur ménage. Le fil de coton est livré au tisserand, plus ou moins gros ; il a soin de l'assortir pour former des tissus du même grain. La pièce de toile de coton blanche qu'on en fabrique, a six derda’ où pyk beledy de longueur, sur un deréa” et demi de large ; il faut deux jours pour la fabriquer. Le prix de la journée du tisserand est de 8 à 10 parats. Le derda’ de cette toïle se vend en détail de 7 à 8 parats; ce qui fait revenir la pièce à 4$ parats, prix moyen. Outre la toile de coton blanche qui est employée aux usages communs et domestiques, on fabrique à Qené des châles de toile de coton rayée de bleu, dont les cultivateurs et la plupart des habitans du pays se couvrent les épaules. Ces châles se font par pièces, qui en contiennent ordinairement deux. Une de ces pièces coûte 4.5 parats de façon; elle a douze deräa’ de long sur un deréz’ et demi de large. I faut quatre jours pour la fabriquer : son poids est généralement d’un rotl de Qené, que nous avons dit plus haut équivalent à trois rot/ et demi du Kaire. | | Le prix d'une paire de ces châles est, en gros, de 3 pataques, ou de 270 parats; _ilest, en détail, de 300 parats, ou de 2 piastres d’Espagne. Ces châles sont vendus en partie dans le pays, et en partie aux caravanes de Sennaar, de Där- four et des autres parties de l'intérieur de l'Afrique. É, M. TOME Il. Ve $96 ‘ ‘ MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Les mêmes fabricans de toile de coton unie et de châles rayés fabriquent aussi les étoffes noue de laine brune dont l'usage est général dans les cam- pagnes. Le métier à tisser la laine est représenté sur la planche XIV, volume IT, É, M. La laine est filée par les hommes et par les oracle pendant qu'ils gardent les troupeaux, ou dans les momens de loisir qu'ils trouvent entre leurs occu- pations habituelles. On voit un fleur de laine accroupi, pl XV, vol. IL, é. m. Is travaillent aussi en marchant. La filature d’un rof/ de laine se paye de 8 à 10 parats. Il entre de quatre à cinq ro/ de ce fil de laine dans une pièce d’étoffe, qui a seize pyk beledy de long, sur un pyk de largeuns il faut quatre journées de tisserand pour sa fabrication, qui revient ainsi à 25 ou 30 médins. Cette espèce d'étoffe est, comme nous l'avons dit, SRPRE employée pour le vêtement desifellih. Les châles de laine dont ils forment leurs turbans, sont d’un: brun moins foncé : chaque pièce, qui en contient deux, pèse environ, cinq rof/ du Kaire; elle coûte de façon 35 médins, et se vend 180. Outre ces étoffes de laine brune, on fait encore à Qené des châles à tur- ban, d’une laine blanchâtre, qui pour la filature ne reçoit d’autre préparation quun simple arçonnage, après avoir été lavée. Le rorl de cette laine fflée se vend so parats; il en faut un rot/ et demi pour faire un châle de 6 pyk de longueur : le tissage de ce châle revient à 30 parais, et son prix le plus ordinaire est de 120. On fabrique aussi à Qené, côMfime à Girgeh et à Farchyout, des toiles de coton et des châles d’un tissu beaucoup plus serré. Ceux-ci sont communément rayés de rouge et de bleu. Les femmes s’en enveloppent de la tête aux pieds ;. c'est leur seul vêtement apparent. C'est aussi une espèce de parure pour les cheykhs de village un peu aisés; ils s'en couvrent les épaules et la poitrine. Le coton que l'on met en œuvre dans ces trois villes, vient de la Syrie et du Delta. Celui que l'on recueïlle dans le pays n’est guère employé qu'à Esné où l'on fait cependant, comme nous l'avons déjà dit, les plus belles toiles de coton de la haute Égypte. | La toile de lin commence à devenir d’un usage plus général à à Syout et aux environs; presque tous les habitans de ce canton en sont vêtus pendant l'été: cette toile est préalablement teinte en bleu avec l’indigo, couleur presque exclusive- ment employée pour la teinture du lin et du coton Nous avons pu recueillir à Beny-Soueyf, pendant le séjour que nous y avons fait à diverses reprises, des notions plus étendues sur la fabrication des toiles; nous nous y sommes assurés que le tissage du lin y étoit presque entièrement remplacé par celui du coton que lon tire de la Syrie ou de la basse Égypte: année commune, il en est importé dans cette ville et dans la province du Fayoum , de six cents à mille gantär du’ Kaire, chacun de cent vingt rof/. Le prix de ce rot! de quatorze onces est de 28.à 30 parats; on paye 3 Fee seulement pour son arçonñäge , et 10 pour sa filature. ? L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. $97 Dans une pièce de toile de coton, il entre environ deux rot/ de fil. La lon: gueur de chaque pièce est de dix-neuf pyk bcledy ; sa largeur, de vingt-deux doigts, c’est-à-dire, d Un ouvrier fabrique cinq de ces pièces en huit jours; la façon de chacune est payée 15 parats. On compte à Beny-Soueyf A à six cents ouvriers tisserands et trente arçonneurs. Les toiles de coton de Beny-Soueyfne sont point envoyées au Kaire ni dans la basse Égypte ; elles restent dans le pays pour l'usage des habitans et des tribus d’Arabes de l'Égypte moyenne : on est d’ailleurs obligé de faire venir du dehors les étoffes de laine et les toiles de lin qui peuvent être nécessaires, le nombre de métiers consacrés à la confection de ces derniers tissus se trouvant réduit dans cette ville à huit ou dix au plus. Si la province de Beny-Soueyf borne son irdustrie à l'emploi du coton dans la fabrique des toiles, la province limitrophe du Fayoum étend la sienne sur toutes les substances propres au tissage: ainsi l'on trouve dans la ville de Médine, sa capitale , un grand nombre d'ouvriers qui font des toiles de coton et de lin et des étoffes de laine. : Le coton gris emploient vient du Kaire, par le Nil, jusqu'au village de Bouch, ou jusque à la ville de Beny-Soueyf, d'où on le transporte par terre dans le Fayoum. On compte à Médine quatre-vingts ou cent métiers pour la toile de coton. L’arçonnage, qui rend le coton propre à être filé, revient par rof/ à 2 parats Après cette préparation, il est acheté par les fleuses, qui sont ordinairement des femmes de fi. ; Le fl de coton, suivant son dégré de finesse et ses autres qualités, sert à la confection de deux sortes de toiles que l’on distingue aussi par l'étendue des pièces qu'on en fabrique. Elles ont toutes vingt pyk Éeledy dé longueur ; mais les pièces de la qualité la plus estimée ont un py4 #eledy de large : leur façon, qui exige trois jours environ de travail, revient à 35 parats; leur prix dans le commerce en détail est de 160. Les pièces de qualité inférieure n’ont de largeur que trois quarts de pyk : on les fait en deux jours ; elles coûtent 15 parats de façon, et se v | m1 vendent 100 parats seulement. Le lin, que lon cultive en assez grande quantité dans le Fayoum, est mis en œuvre par un grand nombre de tisserands répandus dans les différens villages de la province ; ; On en compte de cent à cent trente dans la seule ville de Médine. On sépare le lin de l'étoupe, en le faisant } passer, comme en Europe, entre les dents d'un peigne de fer. Le lin peigné est mis en paquets, du prix chacun de 7 où 8 parats. Lorsqu'il est ainsi préparé, les fileuses viennent s'en approviston- ner dans les marchés de la ville ou des principaux villages. On blanchit le fil qu'elles fournissent en le faisant bouillir dans une lessive de natron et de chaux vive: on le lave ensuite dans l'eau froïde, on le fait sécher et on le livre aux tisserands.: Les toiles qu'ils en fabriquent sont de trois qualités, qui se vendent 90, 120, si 598 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, 160 et 200 médins la pièce, suivant leur degré de finesse et leur largeur: cette largeur varie de trois quarts de pyk à un pyk et demi ; quant à leur longueur, elle est pour toutes de trente py4. On n'exporte qu'une très-petite partie de la toile qui est fabriquée dans le Fayoum; mais c'est de cette province que l'on tire exclusivement pour le Kaïre et les villes de la basse Égypte les toiles d'emballage, faites de fil d’étoupe plus ou moins grossier. Ces toiles d'emballage, appelées kleych, ne sont point fabri- quées en pièces, maïs en morceaux de deux pyk de large et de quatre de long, qui se vendent par paire. En temps de paix, lorsque la mer est libre, on tire du Fayoum jusqu'à vingt mille paires de morceaux de 4heych pour différentes contrées de l'Europe et pour la Syrie. | Les tisserands de Médine, comme les autres corps de métiers, ont un cheykh spécial, chargé de recueïllir l'impôt mis sur la corporation et de concilier les différens qui peuvent s'élever entre ses membres. Les fonctions de ce cheykh sont héréditaires dans la même famille tant que les héritiers exercent la même profession: s ils la quittent, ou si le cheykh meurt sans enfans, les fabricans en élisent un autre. L’impôt, mis sur la corporation des tisserands est de 20,000 parats ; il est réparti sur chacun d'eux proportionnellement à la quantité de travail dont on suppose qu'il retire les produits. Un impôt de la même somme est également mis sur la chaux qui est em- ployée au blanchissage du fil de lin. Nous avons déjà dit, en parlant de l'éducation des moutons dans le Fayoum, que leur laine étoit d’une qualité supérieure à celle des moutons que l’on élève dans les autres parties de l'Égypte ; on y trouve aussi plus de laïnes blanches que par-tout ailleurs. Ces circonstañces donnent lieu d'y entretenir un assez grand nombre de métiers qui servent à fabriquer les châles blancs, dont l'usage est ré- pandu dans cette province et la plupart des autres. « Après que la laine a été lavée, nettoyée et étendue à la main, elle est filée dans les villages ; c’est à l'état de fil que les #/44 la vendent aux fabricans. Le fil de laine le plus fin et le plus blanc est aussi le plus estimé ; il se vend 60 parats le, rot/ de douze onces. Le fil de laine blanc de seconde qualité se vend 4$ parats, et celui de troisième, 30 parats seulement. La fabrication des châles blancs du Fayoum est presque entièrement concen- trée dans la ville de Médine. L'extension que cette fabrique avoit acquise, est telle, qu'avant l'expédition Française les caravanes qui partoïent toutes les se- maines de cette ville pour le Kaire, y transportoient quelquefois jusqu'à deux milliers de ces châles. Ces caravanes se rendoïent par terre à leur destination, en traversant le désert jusqu'à Gyzéh, ou bien elles se rendoient au village de Bouch, où les marchandises qu’elles avoient transportées étoient embarquées sur le Nil. L’impôt mis sur la fabrication des châles de laine se percevoit à raison de 2 médins par semaine sur chaque métier. L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. $O9 La fabrication des étoffes de laine grises ou brunes est répandue dans tous les villages de la province. Quant aux étoffes, encore plus grossières, de poil de chèvre et de chameau, dont les Arabes font leurs tentes, ce sont leurs femmes qui les tissent elles-mêmes dans leurs camps. C'est particulièrement dans le Delta que l'on fabrique les toiles de lin, parce que cette plante y est cultivée en plus grande quantité que dans les autres can- tons de l'Égypte. Les femmes des felläh de presque tous les villages de la province de Menouf, et généralement de tout le Delta, s'occupent de la filature du lin‘qu’elles achètent dans'les marchés où il est exposé en vente après avoir reçu toutes ses prépara- tions. Elles vendent leur fil à raison de 4 parats l'écheveau ; une fleuse emploie ordinairement vingt jours pour filer vingt-sept écheveaux. Avant d'être livré au tisserand, le fil de lin est blanchi dans une lessive d’eau bouillante où l'on a fait dissoudre parties égales de natron et de chaux vive. On tire le natron de Terrâneh; il se vend 4 parats le rot. La chaux se tire de Tor- rab, près du Kaire. Ce procédé.de blanchiment est en usage dans toute la basse Égypte. ‘On paye ordinairement 25 parats pour la façon d'une pièce de toile de vingt- huit pyk beledy de longueur. On fait a Menouf des toiles de lin de diverses qualités: + Des toiles blanches d’un tissu serré, maïs d'un fi plus ou moins gros: la ès chère est de 180 parats la pièce; il y en à de 160 parats, de 140 et de vi | Des toiles blanches claires, encadrées, sur leurs lisièrés, d’une bande d’un tissu hé serré ; elles servent à fairé des chemises pour les femmes de campagne , et se vendent de 96 à 110 Lie la pièce, qui a vingt-six pyk de longueur : cette espèce de toile est appelée magta bé-haouächy. 3.° Enfin, des toïles plus grossières dont on se sert pour couvrir les Matelas et pour faire des tentes : on les appelle sousyeh ; il y en a dé blanches et de bleues. Les blanches se vendent 7$ parats la pièce de 10 pyk de long; les bleues sont teintes en fil. On en fait de deux qualités : Fune, du prix de 110 parats la pièce ; l'autre, du prix de 80 : la longueur de celles-ci est de vingt-trois py4. Les fabricans de toile de lin sont beaucoup plus nombreux à Chybyn qu'à Menouf : on y compte trois à quatre cents métiers. On fait aussi dans ces deux villes, maïs en petite quantité, des étofles de laine appelées sozf. La ville de Tantah, où le nombre des tisserands est encore plus considérable qu'à Chybyn, ne fabrique que des toiles de lin. Il sort des ateliers de Tantah des toiles unies d’un tissu serré, dont la pièce, de trente pyk de longueur, est du prix de 105$ à 1 50 médins. f'en sort aussi des toiles blanches plus claires, de l'espèce appelée 4é Aaouächy, dont on fait des chemises d'homme ; cette toile est du prix de 120 à 150 mé- dins la pièce. I y a, outre cela, quelques métiers employés à fabriquer une espèce de toile 600 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, à carreaux bleus, qui sert à quelques parties du vêtement des hommes et des femmes. Les pièces de cette toile ont seize pyk de long et se vendent de 4s à 60 parats. On y fabrique encore une espèce de toile bleue très-étroite, appelée krka, laquelle n'est point en usage dans le pays, mais que l’on expédie en Syrie par la voie de Damiette; la longueur des pièces de’cette toile est de dix-huit py4. Enfin on y fabrique une toile d'emballage, dont la piéess de vingt pyk de long, se vend 4$ parats. La fabrique de ces diverses sortes de toiles s'étend dans tous les villages des environs de Tañtah, et particulièrement à Mehallet-Marhoum, à Bermeh, à Abyär, à Bassyoum, &c. Les tisserands de ces endroïts viennent vendre le produit de leur travaïl au marché qui se tient à Tantah le dimanche de chaque semaine. Quelques villages du Delta, et notamment celui de Kalyn, fournissent à la consommation du pays, outre les toiles dont on vient de parler et les étoffes de laine désignées généralement sous le nom de souf, une espèce particulière de châles, d’une étoffe appelée chadd, qui est tissue de laine et de lin. Les toiles claires £é-haouächy, qui portent sur: leurs bords trois ou quatre raies d’un tissu plus serré, et qui sont employées à faire des chemises blanches ou bleues, sont les seules toiles de lin que lon fabrique en quantité notable à Se- mennoud. Près de trois cents métiers y sont employés ; maïs on en compte un bien plus grand nombre dans les environs de cette ville. Les pièces de ces toiles ont vingt-six pyk beledy de long, et vingt doigts de ce même py4 de largeur. II s’agit ici de la mesüre du Kaire, et non pas de celle de Menouf, de Tantah, d'Abyär, &c., qui est de quatre doigts plus longue, c'està-dire, dans le rapport de 28 à 24 avec le pyk beledy du Kaire. La façon d'une de ces pièces de toile exige trois journées de tisserand, et se paye 24 parats. Le prix d'une pièce varie de 10$ à 160 médins, suivant son degré de finesse. Ï se tient à Semennoud, tous les mercredis, un marché qui est abondamment fourni des différentes toiles de lin fabriquées dans le Delta, et notamment à Mehallet el-Kebyr, &c. Des marchands de la ville en achètent une partie, qui est expédiée en Syrie par Damiette : on en envoie aussi à Constantinople par les ports de Rosette et d'Alexandrie. Les moutons que l’on élève dans les provinces de Gharbyeh et de Chargyeh, fournissent la laine dont on fabrique dans le Delta les sof, qui servent, comme nous l'avons déjà dit, à faire la robe ou le vêtement extérieur des felläh, soit qu’on lui conserve la couleur brune de la laine, soit qu'on la teïgne en bleu foncé. Les pièces de sozf ont la même largeur que les pièces de toile de lin, mais dix-huit pyk de longueur seulement. Il faut huit jours de tisserand pour fabriquer une de ces pièces ; ce qui en fait revenir la façon à 90 ou 100 parats : elles se vendent, suivant leur qualité, de 3 à $ pataques. Cette fabrication d’étoffe de laine occupe à Semennoud une cinquantaine de métiers environ. Un plus grand nombre de métiers étoient employés, dans les villages d’alentour, à fabriquer ces étoffes de laine noire de mêmes dimensions, qui, beaucoup plus recherchées par les gensaisés, se vendent L'INDUSTRIE-ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 60O1 vendent jusqu'à 1000 médins la pièce, et sont l'objet d’une exportation assez importante pour la Syrie. La ville de Mehallet el-Kebyr est exclusivement en possession, dans le Delta, de la fabrique des étoffes de soie : neuf cents ouvriers au moins y SOnt CONS- tamment employés. Ces étoffes de Mehallet el-Kebyr servent à faire des rideaux de fenêtre, des couvertures de dyouân, et des coussins, des tapis de table brochés en or et en argent, des ceintures, de grands voiles noirs pour les femmes, des mouchoirs de la même couleur dont elles se couvrent la tête, et une espèce de vêtement de femme appelée chalast. Ces différens objets fabriqués à Mehallet el-Kebyr se vendent et se consomment dans les différentes villes de l'Égypte, ou sont expédiés dans les différentes posses- sions de l'empire Ottoman. Il y a aussi dans cette ville des ateliers de teinture pour la soïe : on la teint en jaune, en rouge, en noir, en vert, en orangé, en bleu céleste, en bleu foncé. C'étoit au Kaïre seulement qu’elle étoit teinte en rose; on faïsoit aussi venir de cette ville les fils d’or et d’argent qui entroient dans la fabrication des étoftes brochées de Mehallet el-Kebyr. Le commerce entre Mehallet el-Kebyr et la Syrie se faisoit par l'entremise des marchands de Damiette ; ils faisoient venir la soie de ce pays, et y renvoyoient une partie des ouvrages qui en étoient fabriqués en Egypte. Le tissage des étoffes de coton occupoit autrefois à Mehallet el-Kebyr jusqu'à deux mille ouvriers, nombre qui se trouvoit réduit à cinq cents pendant notre séjour dans cette contrée. Le coton qu'ils employoïent provenoît de la province de Mansourah, ou de la Syrie, dont on tiroiït le plus estimé. Les pièces de toile de coton de cette fabrique ont généralement seize pyk de long ; elles ne dif fèrent que par leur largeur ou par leur qualité : aussi leurs prix varient-ils de Â$ à 150 médins. On faisoit aussi à Mehallet el-Kebyr une petite quantité de toile de lin, mais d’une qualité inférieure à celle que l'on tiroit des villages voisins. La ville de Rosette possède plusieurs fabriques de toiles de lin et de coton, ainsi que de tissus particuliers, mélangés de ces deux matières ; enfin d’une espèce de toile de lin rayée de soïe blanche, employée spécialement à faire des chemises de femme. Les fabricans de Rosette tiroïent le lin des environs de cette ville, ou des provinces de Gharbyeh et de Menoufyeh; ils tiroïent le coton des provinces de Damanhour ou de Mansourah. Ils faisoient venir de Syrie la soïe qu'ils mettoient en œuvre. On exerce à Damiette la même industrie sur le lin, le coton et la soie, et ces matières proviennent des mêmes lieux ; mais on fabrique spécialement dans cette ville des toiles de lin qui portent pour ornement des lisières de soie de couleur. | Il y existe, à cet effet, deux ateliers de teinture, qui sont constamment entre- FE. M. TOME II. GCegg 602 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, A tenus. Les couleurs les plus ordinaires de Îa soie destinée à cet usage sont le jaune , le vert, le bleu , le rouge, l’orangé, le cramoisi et le violet. Cette espèce de os de Jin avec des bordures de soïe de couleur est exportée pour la Syrie; on en fait des châles et des turbans. Il y en a de huit ou dix qualités différentes , suivant la finesse de la toile, les dimensions de la pièce et la largeur des bordures en soie. La longueur de ces pièces est généralement de trois pyk beledy, et leur largeur, d'un pyk et troïs quarts. La première qualité se vendoit 180 médins; et la dernière, de 35 à 4$ la pièce: les autres qualités varioïent de prix entre ces deux limites. H ne faut ordinairement qu’une journée de travail de tisserand pour fabriquer une de ces pièces de toile, dont chacune n'est en effet qu'une grande serviette ; on leur donne une espèce de lustre en les frottant avec de la cire et une pierre polie. | On compte à Damiette et dans le village de Minyeh, qui en est voisin, en- viron trois cents métiers employés à la fabrication de ces châles de toile. On y compte aussi à peu près cinquante métiers pour l'espèce de toile claire appelée bé-haouächy. On paye 18 ou 20 médins de façon chaque pièce de vingt- huit pyk de longueur, qui exige deux ou troïs journées de travail. Outre ces divers tissus, on fabrique encore à Damiette, et presque PS a ment dans cette ville, une espèce d’étoffe de soïe que l’on appelle #heyck ; en fait des voiles noirs à l'usage des femmes. La fabrication de cette of occupe cinquante ou soixante métiers. La soïe que lon tire de Berout et de Chypre, vient à Damiette, de sa couleur naturelle, jaune ou blanche; la jaune est la plus estimée. Les voiles de femme ou /orgos que l'on en fait, sont teïnts en noir et en cramoisi. Les pièces de kkeych, dont la façon exige quatre à cinq jours de travail et revient à $o ou $$ médins, ont un demi-py4 de large, et quarante-trois pyk de longueur, qui se réduisent à quarante après la teinture. Ces voiles de Damiette se débitent dans toute l'Égypte, et notamment dans les provinces de Gharbyeh et de Mansourah. La capitale de cette dernière province, située sur la branche orientale du Nü, au-dessus de Damiette, possède aussi quelques fabriques de toile de lin, mais notamment de toile à voile, rayée de bleu et de blanc, à l'usage des barques du Nil. À Il y a de la toile à voile de deux espèces : l’une, entièrement de lin, a seize ryk de longueur par pièce, et se vend 90 médins; l'autre, de lin et de coton, n'a que douze pyk de long, et ne coûte que 60 médins. Ces toiles à voile ne se fabriquent pas seulement à Mansourah ; on en fait encore à Menzaleh, à Damiette, à Bourlos, à Rosette, à Alexandrie, au village d'Embâäbeh près du Kaire: les plus estimées sont celles de Rosette. Une pièce de toiïle à voile, faite entièrement de lin, n'exige que deux jours de travail. Celle qui est faite de lin et de coton, n’en demande qu'un seul. La LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 60; façon de l'une et de l'autre se paye à raison d’un médin le py4. Ces pièces de toile à voile ne sont que des bandes très-étroites. La fabrique de la toile de lin unie n'emploie à Mansourah que vingt métiers, tandis que la fabrique des bé-haouächy en emploie ordinairement cent, et même jusqu'à trois cents en temps de paix. Le lin dont ces diverses fabriques sont alimentées, est récolté dans la pro- vince de Mansourah. Une partie des toiles qui y sont manufacturées, est ex- portée pour la Syrie, les îles de F'Archipel, &c. L'art du tisserand est un de ceux qui ont été le plus anciennement exercés en Égypte ; et tout porte à croire que ses procédés sont æestés à peu près les mêmes depuis la plus haute antiquité, quelque simples qu'ils soient. Leur emploi n’en exige pas moins un apprentissage ; la durée n'en est point fixée. Quand un ouvrier veut exercer pour son compte la profession de tisserand , il fabrique une pièce de toile, comme chef-d'œuvre, et il la soumet à l'examen des maîtres de la corporation assemblés à cet effet. S'ils jugent cet ouvrier assez habile, ils le reçoivent parmi eux, et, après un repas qu'il leur donne, il est admis à par- tager les priviléges et les charges de la corporation. La corporation des tisserands, de même que la plupart des autres, est régie et surveillée dans toutes les villes par un des principaux maîtres. Ce cheykh électif conserve ordinairement ses fonctions pendant sa vie, à moins que, dans l'exercice qu'il en fait, il ne donne lieu à quelque grand mécontentement. Ses fonctions consistent sur-tout à répartir sur Îles différens membres de la cor- poration l'impôt ou myry auquel l'industrie est assujettie, à faire la répartition de cet impôt, à concilier et à juger les différens qui peuvent s'élever entre les maîtres et leurs ouvriers, SECTION II. De la Fabrication des Nattes. LA fabrication des nattes avec diverses substances végétales rentre en quelque sorte dans l'art du tisserand, (Voyez {4 fig. r de la planche XX, É. m. vol. IT, et la description que M. Jomard en a donnée.) Les nattes sont en Égypte des meubles de première nécessité ; elles remplacent dans les villages non-seulement les lits européens , mais encore le dyouän et les coussins sur lesquels se reposent les habitans des villes de l'Orient, ainsi que les nappes de toïle dont ils couvrent leurs tables. C'est, en effet, sur une natte étendue devant leur porte ou dans la cour de leurs maïsons, que les Égyptiens de Syout, d'Esné, de Qené, passent les nuits d'été : des nattes étendues à terre reçoivent les plats chargés de viande, de riz ou de IFotimaps dont ils se nourrissent ; enfin, lorsqu'ils se réunissent pour prendre part à un repas commun, c’est encore sur des nattes que les convives s'accroupissent. Ces usages sont communs aux cultivateurs de la haute Égypte et aux Arabes dispersés dans les deux déserts qui la bordent : aussi «n’existe-t-il E. M. TOME Il, Gese: 604 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, aucun village où il n'y ait plusieurs fabricans de nattes. Les plus grossières et les plus communes dans le Sa’yd sont fabriquées avec la feuille de Aafeh /poa multi iflora], plante qui croît sur les terrains incultes. On en fabrique par-tout avec la feuille du dattier, de cet arbre dont toutes les parties sont si utilement employées. On trouve de ces nattes dans tous les lieux habités depuis Syène jusqu'à Alexandrie : on peut s'en procurer à des prix qui les mettent à portée du particulier le plus pauvre : on en fait aussi des espèces de cabanes où les habitans s’abritent du soleil. Les prostituées, qui, dans certains lieux, mènent entre elles une sorte de vie commune, habitent ordinairement, au bord du Nil, sous des tentes formées de nattes de feuilles de dattier. | Les plus recherchées et dont l'usage est le plus général dans les grandes villes, sont fabriquées avec des joncs que produisent, dans le Fayoum, les bords du lac Qeroun, et, dans la province de Terräneh, les bords des lacs de Natron. Un gros village du Fayoum appelé Tamyeh est le siége de cette branche d'industrie ; il est situé près du lac Qeroun, à l'embouchure d’une gorge qui conduit de ce lac aux pyramides de Gyzeh, à travers le désert qui borne à l'ouest la vallée du Nil. Quelques villages voisins de Tamyeh, et notamment ceux de Masarah et de Sennouris, occupent à cette fabrication un certain nombre d’ou- vriers. ]1 ya à Tamyeh une centaine de fabricans, dont chacun emploïe de deux à cinq ouvriers; le prix de leur journée varie de $ à 10 parats, c'est-à-dire qu'il est un peu moindre que le prix de la journée de travail employée à la culture des terres, laquelle est généralement de 10 parats dans ce canton. C'est du village de Roudah, sur les bords du lac, que l’on tire la plus grande partie des joncs dont on se sert à Tamyeh pour la fabrication des nattes. La popula- tion presque entière de ce dernier village en est occupée, et vit de ses produits. On peut y regarder comme nuls ceux de l'agriculture. Le territoire de Tamyeh, au débouché de la gorge qui conduit aux pyramides, est couvert d'une marne blanchâtre, précisément de la même nature que celle dont on fait les ar- dagues, et qui se trouve près de Qené, au défodené de la gorge pue conduit sur la mer Rouge à Qoceyr. | La ville de Menouf se distingue, entre celles du Delta, par la beauté des nattes qui y sont fabriquées ; elles sont les plus recherchées de toute l'Égypte. Ce n'est pas seulement dans la ville qu'on exerce cette branche d'industrie ; on s’y livre encore dans un certain nombre de villages aux environs. Le jonc que l'on y met en œuvre vient, comme nous l'avons déjà dit, de la province de Terräneh, et des déserts voisins des lacs de Natron : ïl est exclu- sivement récolté par la tribu Arabe des Geoudbit, qui sont en possession de ces déserts; ils le transportent dans un village appelé Qasr Däéoud, situé sur la rive droite de la branche occidentale du Nil; il y est conservé dans des ma- gasins où les fabricans de Menouf vont sen approvisionner. Ces fabricans et leurs ouvriers ne travaillent à la confection des nattes que pendant quelques mois de l'année; ïls cultivent pendant le reste du temps un peu de terre. LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 605$ * La fabrique des nattes de Menouf occupe des ouvriers de tout âge: les enfans sont payés de $ à 6 médins par jour; la journée des hommes faits s'élève de 10 à 12; enfin les ouvriers les plus habiles reçoivent 80 parats par semaine. Quatre hommes travaillant pendant une journée peuvent fabriquer une natte carrée de quatre mètres de côté. La 2 grande partie des nattes de la province de Menouf est envoyée au Kaiïre et à Boulaq, tant pour la consommation de ces deux villes, que pour y être mise en dépôt jusqu'au moment d'être exportée. Ces nattes étoient achetées ordinairement, ou par des marchands Turcs, qui les vendoïent à Constantinople, à Smyrne et dans les îles de l'Archipel, ou par des marchands Syriens, qui les transportoïent à Saint-Jean d'Acre, à Jérusalem, à Damas, &c. En temps de paix, on compte dans la province de Menouf jusqu'à six ou sept cents ouvriers nattiers. Le prix du jonc dont ils se servent étoit, avant l’ex- pédition Le pie de 4 ou $ pataques d'Espagne la charge d’un chameau. Ce prix étoit monté jusqu'à 6 ou 7 piastres pendant notre séjour en Égypte, ‘quoiqu'alors il n'y eût point de commerce extérieur. Cette augmentation de prix provenoit de ce que les Arabes qui étoïent dans l'usage de récolter les joncs dans le désert de Terrâneh et de les transporter à Qasr Dâoud, avoient été poursuivis et dis- persés par les Français. SECTION IV. Des différentes espèces d'Huiles et de leur fabrication. Les différentes espèces d'huiles que l’on fabrique en Égypte, servent à l'assai- sonnement de certains comestibles, ou pour l'éclairage des rues et de l'intérieur des maisons. On emploie, pour faire de l'huile , les graines de laitue , de carthame, dé colza, de lin ét de sésame ; et la consommation des huiles qui en proviennent est plus ou moins abondante dans les différentes provinces, suivant que leur territoire est plus ou moins POP dia DS des plantes oléagineuses que nous venons d'indiquer. Aïnsi, dans la partie la plus méridionale de l'Égypte, on ne fait usage que d'huile de laïtue et de carthame ; dans l'Égypte moyenne, on consomme spé- cialement de l'huile de colza, de lin et de sésame: enfin, dans la basse Égypte, de l'huile de lin et de sésame. L'huile de laïtue est la seule huile comestible à Fsné et dans la province de Thèbes. Nous avons décrit la culture de cette plante et indiqué ses produits en graine, qui s'élèvent communément à trente-six pour un. Un ardeb de graine, du prix moyen de 150 médins, rend deux mesures d'huile appelées £a/las : chacune de ces mesures pèse environ trente-cinq rot/ du Kaïre ; le prix du rot/ de cette huile est de 7 à 8 parats. Le carthame n’est cultivé dans le même canton que pour la graine qu'il fournit: 606 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE ] on y néglige le produit des fleurs de cette plante, dont, comme nous l'avons vu, on tire un parti très-avantageux dans la province de Syout. Quand la graine de carthame est le seul produit qu'on veut retirer de sa culture, on la sème toujours, de même que la laïtue, maïs en plus grande pro- portion, avec les lentilles, les pois chiches, le dourah et le pois des champs. Aïnsi la quantité de graine de laïtue semée par /£ddän étant de deux quarante-huitièmes d'ardeb, celle de carthame est de trois quarante-huitièmes, qui produisent com- munément deux ardeb, ou trente-deux pour un. Le prix de lardeh est de 150 parats ; il augmente à mesure que l'on descend le Nil, parce que, la popu- lation devenant plus nombreuse proportionnellement à l'étendue du territoire cultivé, la consommation de toutes les denrées devient aussi plus considérable. À Qené, par exemple, les graines de laïtue et de carthame se vendent 200 parats, c'est-à-dire, 25 pour cent de plus qu'à Esné. Une autre cause de cette augmenta- tion de prix, c'est qu'une partie de huile qui provient de ces graines s’exporte pour l'Arabie par la voie de Qoceyr, et que la ville de Qené sert d’entrepôr à ce commerce. | On retire d'un ardeb de graine de carthame une #4/us et demie d’huile, ou cinquante-deux rot/, lesquels , à 6 parats l'un, donnent par ardeb 312 parats; cette huïle ne sert que pour léclairage. Le prix de la graine de colza, qui devient, en descendant du Nä, à partir de Qené, un objet de grande culture , s'élève jusqu'à 180 parats l’erdé. On retire de cette mesure de la graine deux #4/as d'huile du poids de trente-cinq rot” chacune. Le prix du rot/ est de $ parats; ce qui donne en argent un produit de 350 parats par 4rdeb de graine. I] en est de même de l'huile que l’on extrait de la graïne de lin : l'ardeb de cette graine, qui se vend 180 parats quand elle est destinée à cet usage, produit une ballas et troïs quarts environ, ou soixante rof/ d'huile, du prix de 7 parats l’un; ce qui donne, pour le produit en argent d’un ardeb de graine de lin converti en huile, de 4oo à 420 médins. Les différentes espèces d'huiles dont nous venons de parler ont, selon les lieux, le double usage de comestible et de combustible; elles sont fabriquées par les mêmes procédés. / Voyez les Arts et Métiers, planche TL, fig. r, 2,2, É M. vol. IT, et la description de cette planche faite par M. Devilliers. — Voyez aussi l'intérieur d’un moulin à huile, représenté planche XII, É. M. vol. IT.) Les graïnes des plantes oléagineuses sont d’abord réduites en une espèce de gruau sous des meules semblables à celles des moulins ordinaires ; ce gruau est ensuite porté sous des meules de granit en forme de cône tronqué, lesquelles tournent autour d’un arbre vertical. La pâte obtenue par cette seconde opération est étendue entre des paillassons de feuilles de palmier de cinquante centimètres _de diamètre environ, appelés #rash. On dispose ces paillassons les uns sur les autres, au nombre de quatre-vingts ou quatre-vingt-cinq ; ce qui forme une colonne cylindrique d'un peu plus de deux mètres de hauteur, au-dessus de laquelle ül ne s’agit plus que d'opérer une pression verticale assez forte pour exprimer l'huile LINDUSTRIÉ ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 607 des gâteaux de pâte de graine compris entre les paillassons. On produit cette pression à l'aide d’un levier du second genre (Arts et Métiers, planche L, figr, É, M. vol. Il), mobile autour d'un point d'appui solide, incrusté dans l’un des murs de la fabrique : ce levier porte à son autre extrémité un écrou fixe, que traverse une vis verticale, à laquelle est suspendu un bloc de pierre qui sert de contre-poids, et que lon élève à volonté au moyen de la vis, à mesure que le levier s'abaïsse ; l'huile exprimée par ce procédé coule au pourtour de la colonne, et se rend dans une fossé pratiquée au-dessous : elle y est ensuite puisée pour être : conservée dans les vases de terre appelés ba/las. Les figures 1 à 10 qui représentent cette espèce de pressoir à huile { Arts et Métiers, planche 1."*, É. m. vol. II), et la description de cette planche, nous dis- pensent d'entrer dans de plus grands détails de fabrication. Nous dirons seulement que le rés'dx ou le tourteau des diverses graines oléa- gineuses dont l'huile a été extraite, sert à la nourriture des bœufs que l’on ém- ploie à tourner les meules sous lesquelles ces graïnes sont réduites en pâte. Cette opération est ordinairement conduite par deux hommes: ils sont chargés d’atteler et de dételer les bœufs qui travaillent par relaïs de deux heures, et de ramener sans cesse sous les meules la pâte de graine qui en est continuellement repoussée ; ils se servent, pour cela, d’une petite pelle ou d'un râteau de bois. La presse à huile, telle que nous venons de la décrire, est la plus dispendieuse de toutes les machines que nous avons eu occasion de remarquer en Égypte; son prix s'élève quelquefois jusqu'à {oo pataques. On fabrique généralement, au moyen de cet appareil, deux #4/as d'huile par jour, de quelque graine qu’on la tire. I] n’y a donc que de très-légères différences dans le prix de la fabrication des diverses espèces d'huiles. Comme ce produit est d'un usage pour ainsi dire indispensable, on en trouve des fabriques en plus ou moins grand nombre dans toutes les villes de l'Égypte. On en compte jusqu'à dix dans la seule ville de Syout ; il y en a quatorze ou quinze à Menouf : ces der- nières sont toutes employées à la fabrication de l'huile de lin. La fabrication de l'huile de sésame a des procédés particuliers. On commence par laver la graine de sésame ; ensuite, après l'avoir laïssé pendant quelque temps tremper dans l'eau, on la fair légèrement griller dans une espèce de four particulier, représenté par les figures 7, 8, 9 et 10 de la planche I." des Arts et Métiers, £. 41. vol. IT. La graine de sésame qui a subi cette torréfaction, est portée sous des meules de pierre qui viennent de Syrie; elle y est réduite en une espèce de päte. Cette pâte est mise ensuite dans une cuve de maçonnerie ayant la forme d’une portion de sphéroïde, d’un mètre et demi de diamètre par le haut. Un homme debout dans cette cuve, se soutenant par les maïns à une corde attachée au-dessus de sa tête , foule cette pâte aux pieds, et en exprime l'huile, qui sort au pourtour de la masse de pâte de sésame qu'il pétrit ainsi ; lhuile est reçue dans un vase de cuivre que l'ouvrier tient, avec l'un de ses pieds, convenablement incliné vers l'endroit d’où l’huïle est exprimée. Lorsqu'il en est rempli, il verse fhuile qu'il contient dans une #4/as. 608 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Un ardeb de graine de sésame fournit ordinairement un gantér d'huile, du prix moyen de 11 pataques. | On fait un peu d'huile de sésame dans la haute Égypte, et notamment à Qené: mais c’est particulièrement au Kaire et dans le Delta que cette fabrique est le plus répandue. SECTION V. De la Fabrication du Vin, des différens Vinaigres, et de l’'Eau-de-vie. LE Fayoum est la seule province de l'Égypte où l’on fasse du vin, et encore l'y fabrique-t-on d’une manière très-imparfaite. Après avoir foulé le raisin pendant une heure dans une jarre de terre cylin- drique de la forme d’un petit cuvier, on le met dans un grand sac fait d'une étoffe de laine fort épaisse, que l’on tord avec force; le jus du raïsin exprimé par cette opération est reçu dans une jarre semblable à la première; la fermen- tation s’y établit et se prolonge de huit à quinze jours; on transvase ensuite la liqueur dans une de ces grandes amphores qui servent à transporter en Égypte les huiles de Barbarie; on enfouit ce vase en terre presque jusqu'au col, et l'on en ferme l’orifice avec un bouchon de bois scellé en plâtre : malgré cette pré- caution, le vin ne se garde pas au-delà de quelques mois, passé lesquels il n'existe plus pour l'ordinaire qu'à l’état de vinaigre. | Il seroit peut-être difficile de retrouver dans les procédés de la fabrication du vin du Fayoum , dont les seuls chrétiens font usage, ceux que l’on pratiquoit autrefois pour fabriquer les vins fameux du nome Maréotique. Quoi qu'il en soit, les raisins d'Égypte sont d’une excellente qualité : le sol y est très-propre à la culture de la vigne; et il n’y a pas de doute que ce pays ne produisit encore des vins aussi recherchés que ceux de Archipel, s’il étoit habité par d'autres peuples que par des Mahométans, dont la religion proscrit, comme on sait, l'usage de cette liqueur. | Outre le vinaigre de vin, on en fabrique encore en Égypte de deux autres sortes, l'une avec des raisins secs, l’autre avec des dattes. Les raisins viennent de Chypre et des îles de la Grèce. Le vinaïgre qu'on en tire est le plus recherché; il se vend 12 parats la mesure, qui équivaut à peu près à un litre. | Les dattes fournissent un vinaigre moins estimé; la même mesure ne se vend que 6 à 8 médins. Les détails dans lesquels M. Rozière est entré sur les procédés de l'art du vinaigrier, dans la description qu’il en a donnée (Arts et Métiers, planche XI, É. m. vol. IT), nous dispensent de nous étendre sur cette branche d'industrie ; nous renvoyons également, et par la même raison, à la figure 2 de la même planche, et à la description de l'art du distillateur, que lon doit à M. Jomard : on y trouvera tout ce qui est relatif à la fabrication de l’eau-de-vie de dattes, dont la plus.estimée se vend de 90 à 100 médins la fotse, mesure de capacité équivalente x a de L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 609 à peu près à une pinte. Comme cette liqueur n’est consommée que par les chrétiens, on ne compte au Kaire que dix à douze distilleries. SECTION VI De la Fabrication de l'Eau de rose. Nous avons dit, dans la première partie de ce Mémoire, que le Fayoum étoit la seule province où l'on fabriquoit l'eau de rose : quand l'année est abon- dante, on établit dans la ville de Médine, qui est le siége de cette industrie, jusqu'à trente appareils de distillation. Cet appareil très-simple est composé d’unechaudière de cuivre de 70 à 90 cen- timètres de diamètre, emboîtée de toute sa hauteur dans un petit fourneau de maçonnerie de brique, et recouverte d'un chapiteau à peu près demi-sphérique. Ce chapiteau porte intérieurement une gorge circulaire en gouttière, qui reçoit l'eau distillée, et qui la porte par un tuyau incliné dans un récipient destiné à la recevoir. Les vapeurs sont condensées sur la paroi interne de ce chapiteau, lequel, à cet effet, est constamment recouvert à l'extérieur d’une certaine quantité d’eau froïde, retenue par une double enveloppe de même métal que le chapiteau auquel elle est fixée. L I n'est pas besoin de dire que la chaudière et le chapiteau dont elle est cou- verte, sont joints ensemble par un fut; maïs il est peut-être utile de remarquer que lon se sert, pour ce lut, du résidu ou de l'espèce de pâte que forment les pétales de.rose après leur distillation. Cinquante rot/ de ces pétales et quarante ro/ d'eau produisent ordinairement vingt-cinq rot/ d’eau de rose ordinaire. Les beys et autres personnages puissans du Kaire faisoient fabriquer à Médine, pour l'usage particulier de leurs maïsons, une eau de rose d’une qualité bien supérieure à celle que l’on trouve dans le commerce : on en tiroit d’abord d’un qantär de pétales une certaine quantité ; on versoit cette eau sur un autre gantär de fleurs, et on distilloit de nouveau : on obtenoit aïnsi une eau double, que l'on vérsoit sur un troisième gantär de pétales, pour obtenir un troisième produit encore plus concentré. Le gantär de pétales de rose se vend de $ à 6 pataques, et quelquefois jusqu’à 1000 parats. On ne cultive les rosiers qu'autour de la ville de Médine et dans quelques villages des environs, parce que, comme nous l'avons dit, c’est dans cette ville seule qu'on distille l'eau de rose, et que les pétales de cette” fleur doivent être employés frais. | Les distillateurs qui y sont établis ont au Kaïre des correspondans, dont ils reçoivent des fonds en avance, et qui se chargent de la vente de l’eau de rose dans le reste de l'Égypte , ainsi qu’en Syrie, le seul pays étranger où l'on en fasse des envois. | £, M. TOME Il. Hhhh 610 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, SECTION VII. s De la Fabrication du Sucre. C'Esr particulièrement dans les territoires de Farchyout et d'Akhmym que sont établies les fabriques de sucre. ( Voyez les Arts et Métiers, planche VII, É. m. vol. IT, et la description de cette planche par M. Cécile.) Les cannes sont apportées à dos de chameau, du champ dans l'atelier, qui est ordinairement une enceinte rectangulaire de 4o mètres de long sur 20 mètres de large, formée de murs de brique, contre lesquels sont adossées Îles différentes parties de la fabrique. A l’une des extrémités de cette enceinte se trouve la porte extérieure par Îa- quelle on entre dans une petite cour; en face de cette porte et au fond de la cour , se trouve ordinairement un hangar où l’on dépose les cannes à mesure qu’elles arrivent des champs. C’est là qu'elles sont dégarnies de leurs feuilles par des femmes et des enfans. Les cannes, après avoir été effeuillées, sont portées dans un autre bâtiment, divisé en deux parties égales par un mur de refend. Chacune de ces parties contient un appareil ou moulin, servant à exprimer le jus de la canne. Il consiste en deux cylindres de boïs horizontaux, disposés comme les cylindres d’un laminoir, et mus en sens contraireau moyen d’un engrenage, qui lui-même est mis en mouvement par un manége auquel un bœuf est attelé. On faït entrer les cannes entre les deux cylindres de bois; et suivant qu'ils sont plus ou moins rapprochés, la canne est soumise à une pression plus ou moins forte: le jus qui en est exprimé par cette opération, est reçu dans une grande jarre de terre en- terrée au-dessous de cette espèce de laminoir. Le jus ainsi recueilli est transporté dans une autre partie de l'atelier adossée à son mur longitudinal, du côté de la porte d'entrée. Là, ïl est reçu d'abord dans de grandes jarres de terre, d'où il passe dans une chaudière en cuivre de plus ou moins de capacité, soutenue sur un fourneau ordinaire de maçonnerie de brique. La porte du foyer de ce fourneau est placée extérieurement à l'édifice: on y brûle de la paille de dourah, où des nœuds de paille de froment hachée. C'est avec ce combustible que le feu est entretenu sous la chaudière ; le jus de la canne y est soumis à une première ébullition, que l’on prolonge pendant une heure environ. Ce jus, après avoir été écumé, est transvasé dans des jarres plus petites, où on le laisse reposer pendant dix ou douze jours, après lesquels on le soumet à une seconde ébullition ; enfin on met ce sirop dans les moules coniques où il doit se cristalliser en pain. Ces moules ainsi remplis sont placés sur des appuis, la pointe en bas, dans une galerie couverte, où on les laisse égoutter quelque temps; ils passent de là dans une étuve, où ils acquièrent le degré de consistance nécessaire pour être transportés et vendus. On met sur la base de ces moules coniques de la terre argileuse, où du limon du Nil humecté; l'eau qu'il contient passe à travers le LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE Oit sucre et le nettoie : d'où il arrive que la base des pains de sucre mis dans le com- merce est toujours plus blanche que leur pointe, où s'accumulent toutes les ma- tières étrangères qui en altèrent la pureté. Voici maintenant le nombre et la distribution des ouvriers employés dans les sucreries de Farchyout et d’'Akhmym. Deux chameliers sont constamment occupés, pendant le temps de la fabrication, à conduire et à soigner les chameaux qui transportent dans l'atelier les cannes récoltées sur chaque feddän de terre ; deux autres hommes les effeuillent à me- sure qu'elles arrivent, et les préparent pour être écrasées; deux ouvriers au fait du travail du moulin suivent alternativement ce travail et recucillent le jus exprimé de la canne; les bœufs attelés au manége sont relevés de deux heures en deux heures ; ils sont soignés et conduits par deux ouvriers; deux chauffeurs entretiennent le feu sous les chaudières : enfin deux ouvriers veillent dans l'in- térieur de l'atelier aux opérations de la cuisson et de la réduction du sucre en pain. Ces divers travaux sont dirigés par un chef d'atelier ; les douze ouvriers qu'il conduit reçoivent 6 parats par jour, quand ils sont payés en argent, ou deux rot/ de mélasse, quand ïls sont payés en nature. Le prix moyen de la journée d'un bœuf est de 20 à 22 parats. Il faut vingt ou vingt-cinq jours de travail pour réduire en sucre cristallisé le produit de la récolte d'un feddän de cannes. Le nombre des ouvriers employés dans une sucrerie augmente en proportion de l'étendue des terres dont elle est destinée à manufacturer les produits. Dans les années les plus favorables, un féddäin de cannes à sucre produit de quinze à vingt-cinq gantér de sucre en pain, et de dix à douze gantér de mélasse ; le gantär étant de cent cinquante rl, et le rot/ de douze onces. Le prix du qantér de sucre est, année commune, de ro pataques. Aïnsi le produit brut du feddin de terre cultivé en cannes à sucre est de 200 pataques. | à: La province d’Atfyeh, qui est la plus rapprochée du Kaïre, est aussi celle où læ culture du sucre soit l'objet d'exploitations considérables. Quelques villages peuplés d’Arabes devenus cultivateurs $y livrent exclusivement. La canne à sucre est aussi cultivée dans le Delta, mais seulement, aïnsi que nous l'avons dit aïlleurs , pour être vendue en vert dans les marchés des villes, comme une espèce de fruit. | | SECTION VIIL De la Fabrication du Sel ammoniac. QuUOIQUE le sel ammoniac ait été pendant long-temps un produit spécial de l'industrie Égyptienne, et que l’on puisse recueillir les matières propres à sa fabrication dans toutes les parties de l'Égÿpte, ce n’est cependant qu'au Kaire et dans le Delta que sont établis les ateliers où ces matières sont mises en œuvre. | É. M. TOME IL. Hhhh 2 Gi2 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, L'important Mémoire de M. Collet-Descostils sur la fabrication du sel ammo- niac, publié dans cette collection, contient une multitude de détails qui ont été traités par cet habile chimiste beaucoup mieux que nous n'aurions pu le faire ; nous renvoyons à ce Mémoire, ainsi qu'aux Arts et Métiers, planche IT, few. 18, 22 et 23, É. M. vol. IT, pour les renseignemens que ne comprendra pas la simple notice à laquelle nous devons nous borner ici, afin de ne point tomber dans des répétitions inutiles. On retire le sel ammoniac de la suie produite par la combustion de gâteaux ou de mottes desséchées de fente de bétail, qui servent généralement de com- bustible. Cette suie est ramassée dans les villages par des hommes qui achètent, au prix de 10 ou 12 pataques par an, du cheykh elbeled de ces villages, la per- mission exclusive de faïre cette espèce de cueillette. C’est ordinaireinent après l'hiver qu'on en forme des approvisionnemens ; on les met en œuvre pendant l'été, parce que, dans cette saison, l'espèce d’enduit d'argile dont il faut recouvrir les ballons de verre où l'on opère la sublimation, se dessèche bien plus promptement au soleil. Les fabriques du sel ammoniac se composent de deux ateliers bien distincts: un est destiné à la confection des ballons dont nous venons de parler; l'autre est destiné à la fabrication du sel. Le fourneau de verrerie représenté dans les Arts et Métiers, planche 1, fig. 17, 18 et 19, É. M. vol. IT, est à deux étages ; l'inférieur contient dans un creuset ou cuvette la matière en fusion. Le souffleur en prend au bout de la canne une quantité suflisante pour faire le ballon. Quand il est à demi soufflé, il l'intro- duit dans l'étage supérieur du fourneau, qui sert de four à recuire, par une ou- verture pratiquée dans sa paroi. C'est dans le four à recuire que le ballon est achevé. La grosseur de 4$ à $o centimètres qu'il a acquise, ne lui permettant pas de sortir par la même ouverture qui sert de communication entre le fourneau de fusion et le fourneau à recuire, on le fait sortir de ce dernier par une espèce de canal plus large, qui est pratiqué sur un autre côté du fourneau. On em- ploie, pour faire ces ballons, des fragmens de verre de bouteille, que l'on achète au Kaïre et dans les autres villes de l'Égypte, à raison de 4 pataques le gantér de cent rot/: ces morceaux de verre sont mélés avec les débris de ballons qui ont déjà servi. | Le feu est entretenu dans les fourneaux avec des balles de riz, de la paille de dourah ou des chenevottes de lin. Le combustible varie, au surplus, suivant les localités ; mais ce sont toujours quelques tiges de plantes séchées qui forment une flamme vive et claire. Ces ballons , avant d’être remplis de la suie dont on retire le sel ammoniac par la sublimation, sont couverts d'un enduit de terre mêlée de laine hachée, de 3 à 4 centimètres d'épaisseur. Cet enduit est formé de quatre couches suc- _cessives, dont chacune est desséchée au soleil en y restant exposée pendant-deux jours. Le ballon aïnsi enduit revient à 22 médins. Chaque ballon peut contenir à peu près cinquante rot/ de suie : on l'emplit, LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE O13 à deux doigts près, jusqu'au-dessous de l’origine du col. Ces cinquante rot/ de Sie coûtent ÂS parats environ. On ne bouche point le goulot du ballon en le plaçant sur le fourneau à sublimer, représenté dans les Arts et Métiers, planche IL, fig. 20, 21 et 22, É. m. vol. II. On commence par donner un coup de feu violent pour déterminer Févaporation de l'eau qui peut se trouver dans la suie, et pour déterminer en même temps la sublimation des premières parties du sel qui bouchent le col du ballon, sous lequel le feu est entretenu pendant troïs Jours et trois nuits. La sublimation étant achevée, on casse le ballon refroidi, et l’on retire de sa partie supérieure un pain de quatre à six rot/ de sel ammoniac. Le prix de ce sel en temps de paix, lorsque l’exportation en est assurée, | s'élève de $o à 60 parats le rot/; il étoit tombé à {0 pendant notre séjour en Égypte. La fabrique de sel ammoniac de Mansourah , où nous avons recueilli ces renseignemens, peut fournir annuellement cent gantär de ce sel. Le gantär est de deux cent huit rot/; ce qui donne en totalité un produit de vingt mille huit cents rot/, lesquels, au prix moyen de $o parats l'un, valent environ 12,000 pa- taques : il est probable que l'on comprend dans ce produit celui de quelques autres fourneaux de la même province, La confection du sel ammoniac de Mansourah occupe continuellement trente ouvriers. Îls sont payés à raison de 2 pataques + par moiïs, et sont nourris par le fabricant. Le feu est entretenu dans le fourneau de sublimation avec des mottes de frente d'animaux, qui, pour les trois Jours et les trois nuits que + à dure l'opération , coûtent 3 pataques + : chaque fourneau contient vingt ou vingt-deux ballons. _ Hnya qu'une seule fabrique de sel ammoniac à Mansourah: on en compte jusqu'à six dans un village de la province de Gharbyeh appelé Demyreh ; une dans le village de Fâreskour près de Damiette; une autre dans chacun des villages de Sefteh et de Kafr-Kelleh, tous deux de la même province : d’autres sont éta- blies à Damanhour et à Berenbäl, près de Rosette, sur la branche occidentale du Nil; il y en a aussi une dans la province de Menouf ; enfm on en compte deux au Kaire ou à Boulaq: ce qui porte à seize le nombre des manufactures de sel ammoniac en Égypte , €t pendant un temps elles en ont approvisionné toute l'Europe. SECTION IX. De l'Art de faire éclore les Poulers. UX art encore plus ancien chez les Égyptiens que celui de fabriquer le sel ammoniac , est celui de faire éclore les poulets dans des espèces d’étuves appro- priées , appelées wa'mal elfarrong. MM. Rozière et Rouyer, nos collègues, l'ont décrit fort en détail. Ce que nous allons dire se réduira à quelques observations générales. Gui MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Il y a dans toutes les parties de l'Égypte des étuves ou couvoirs artificiels : mais ces établissemens sont beaucoup plus communs dans le Delta que dans le Sa’yd. Les premiers renseignemens que nous présenterons ici, ont cependant été pris à Louqgsor, un des villages qui existent aujourd’hui sur l'emplacement de Thèbes. / Voyez les Arts et Métiers, planche L, fig. 11, 12 et 13, et planche IT, Îg. 1, 2et 3, É. M. vol. IL. ) Ce ma’mal elfarrong est un bâtiment rectangulaire, construit en briques crues: il a la forme d’une galerie oblongue, de chaque côté de laquelle s'élève un corps d'étuves à deux étages, divisées en douze ou seize chambres par des murs trans- versaux. Ces chambres sont couvertes de voûtes demi - sphériques, au centre desquelles sont pratiquées deux ouvertures, l'une pour communiquer du rez-de- chaussée à l'étage supérieur, autre pour laisser échapper la fumée et pour intro- duire, au besoin, de l'air extérieur dans la galerie. Les murs transversaux formant la séparation des chambres sont eux-mêmes percés, mais au premier étage seulement, d’une espèce de guichet, par lequel un ouvrier peut entrer de l’une dans l'autre, et circuler dans toute la longueur du bâtiment. C'est dans l'étage inférieur que les œufs qui doivent éclore sont placés ; on les dispose en deux couches : c'est dans l'étage supérieur que le feu est entretenu. Chacune des chambres du rez-de-chaussée de létuve contient environ cinq mille œufs; on échauffe l'étage supérieur en y brûlant des tourteaux de fiente de bétail, de la poussière de païlle et de terre, &c. L'entretien du feu est soigné jour et nuit par trois ouvriers, quisont aussi chargés de visiter les œufs, de les changer de place, et de faire passer dans une pièce extérieure les poulets à mesure qu'ils éclosent; ce qui a lieu ordinairement du vingt au vingt-deuxième jour de cette incubation artificielle. Il seroit superflu de répéter ici ce qui a été dit par MM. Rozière et Rouyer, sur la durée de cette incubation , sur la tem- pérature des couvoirs, et généralement sur toutes les circonstances de cetté opération. L'hiver est la saison pendant laquelle on s'en occupe, et on la renouvellé ordinairement deux ou trois fois de suite ; ce qui porte à deux cent mille en- viron le nombre d'œufs qui sont mis à éclore chaque année dans un #74'mal. Sur douze œufs, neuf sont ordinairement productifs : on les apporte des villages des environs. Le fermier du four reçoit seize œufs, et rend quatre poulets. En général, les étuves à poulets appartiennent aux gouverneurs des provinces, et sont affermées par leur intendant. Le wa'mal el-farrong de Lougsor est loué 30 pataques à l'écrivain du village. Il reçoit lui-même les œufs qui lui sont apportés, et garde pour lui les deux tiers des poulets qui éclosent après que les vendeurs d'œufs ont reçu en poulets le quart des œufs qu'ils ont fournis ; il donne l’autre tiers à ses ouvriers : de sorte que, si tous les œufs venoient à bien, il y auroït un quart des poulets éclos remis à ceux qui fournissent les œufs ; ‘une moitié appartiendroit au fermier du #a’mal, et l'autre quart aux ouvriers. Mais, comme ordinairement Île quart des œufs est stérile, le partage entre le L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 615$ fermier et les ouvriers, dans la proportion + vient d’être indiquée, ne se fait que sur la moitié des œufs fournis. Le prix d’un cent d'œufs est communément de 8 ou 10 parats; celui d'un cent de poulets sortant de l'œuf est de 100, c'est-à-dire, décuple. SECTION X. De la Chasse et de la Péche. LA chasse des oiseaux de mer, sur le bord de la Méditerranée et des lacs qui couvrent la côte septentrionale de l'Égypte, occupe une partie de la population des villages qui en sont voisins. Les marchés de Damiette, de Rosette et d’Alexan- drie, comme ceux des principales villes du Delta, sont abondamment fournis, pendant l'hiver, de canards, de pluviers, &c., que des oïseleurs prennent au filet. Les caïlles, qui abondent sur les plages sablonneuses de l'Égypte dans les mois de septembre et d'octobre, sont aussi, chaque année, l'objet d’une espèce de moisson plus ou moins abondante : elles arrivent sur la côte tellement fatiguées , et rasent de si près la surface de la terre, qu'elles restent embarrassées dans les filets qu'on tend à cet effet sur le rivage. Ces filets, qui n'ont pas plus d'un mètre ou d’un mètre et demi de haut, sont tendus verticalement sur des bouts de roseau fichés dans le sable. Les caïlles que l'on prend ainsi au filet, sont en si grande quan- tité à une certaine époque dans les environs d'Alexandrie, que les habitans de cette ville, pendant cette saïson, en font presque leur unique nourriture. Quoique le Nil soit très-poissonneux, et qu'il y ait dans toutes les villes et tous les villages situés sur ses rives, des hommes qui font de la pêche leur unique profession , ce n’est que sur les bords du lac Bourlos et du lac Menzaleh qu'il y a des établissemens de pêche proprement dits. Le village de Beltym est le chef-lieu des pêcheries du lac Bourlos. Sur les quatorze autres villages ou hameaux qui sont bâtis le long de la plage sablon- neuse par laquelle ce lac est séparé de la mer, quatre sont exclusivement peu- plés de pêcheurs : le quart seulement de la population des dix autres est occupé, pendant une partie de l'année, de la pêche de l'espèce de poisson dont les œufs, séchés au soleil, forment cette sorte de gâteaux qu'on appelle houtargue sur toutes les côtes de la Méditerranée. La pêche de ce poisson commence ordinairement au milieu du printemps, environ deux mois avant laccroïssement du Nil. Le droit de pêche dans ce lac étoit affermé au profit de l'un des principaux beys. Je tiens du fermier de ce droit, qu'il payoït annuellement 3300 pataques de redevance. Il me dit aussi que le nombre des pêcheurs qui étoient employés pour son compte, s'élevoit à quatre cents. Les deux villages de Mataryeh sont les établissemens principaux de pêcherie que lon trouve sur les bords du lac Menzaleh. De trois cents barques qui couvrent quelquefois le lac dans la saison de la pêche du mulet, la moitié au moins appartient à ces deux villages. Le poisson que l'on apporte à Mataryeh 616 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, est envoyé frais dans la province de Mansourah et aux environs : on transporte \ . e ee CR TANT / ? . . à Damiette celui qui est destiné à être salé. C'est de cette ville que ce poisson salé est expédié pour le Kaïre, la Syrie et les différentes échelles du Levant ; il est consommé par les chrétiens Orientaux, pendant les divers carêmes et Jeûnes multipliés auxquels ils sont assujettis. SECTION XI. De la Fabrication du Sel marin et du Salptre. LE sel que l'on emploie en Égypte à la salaison du poisson ou aux divers usages de la vie domestique, est le produit de l’évaporation naturelle de l’eau salée que l’on reçoit dans de petites mares sur le bord de la mer. Il y a de ces salines dans l'île du Phare, devant Alexandrie, On ramasse encore le sel, tout formé, le long de la côte, dans les flaques dont est entrecoupée la plage sablon- neuse qui couvre le lac Menzaleh , au nord et à l'est ; on le ramasse aussi dans l'intérieur de l’isthme de Suez: mais gette espèce de sel naturel, qu'on se pro- cure sans d'autre peine que celle de le ramasser, ne peut être rangée parmi les produits industriels. Il n'en est pas ainsi du sel qui provient des salines du Fayoum: elles sont entretenues par des sources d'eau salée situées dans la vallée et sur le bord occi- dental du lac Qeroun ; elles surgissent dans des puits à 1,30 au-dessous de la surface du sol : le niveau de ces puits s'exhausse encore dans le temps de l'inon- dation, maïs alors l’eau qu'on en retire est moins saumâtre. On verse cette eau dans des fosses qui ont 20 ou 2$ centimètres de profon- deur ; et comme elle n'est point suffisamment saturée, on y lessive une certaine quantité de terre prise aux environs, à la surface du sol : le sel commun que l'on retire de ces salines, est employé dans tout le Fayoum, à Bouch, à Beny-Soueyf, et dans la province d’Atfyeh. Vingt fosses pareilles sont ordinairement exploitées par un seul fabricant , et produisent chaque jour un sac de sel, dont trois forment deux ardeb du Kaiïre: le sac se vend 40 parats. Le .propriétaire de ces fosses à sel emploïe par jour deux ou trois enfans auxquels il donne 4 parats; chaque salinier paye de plus une redevance annuelle de $o parats au cheykh du village de Terseh, près duquel se trouvent les fosses dont il est question ici, et où l’on compte environ trente fabricans de sel: On en compte à peu près autant dans le village de Sennouris, au-dessous duquel il y a aussi des salines semblables. On exploite encore dans la même province une couche de sel marin de quelques doigts d'épaisseur, qui se forme et se renouvelle à quelques centimètres au-dessous du sol sablonneux et pulvérulent que l'on trouve le long du désert, en allant de la ville de Médine au village d'Haouârah. | : En général, le sel consommé dans la haute Égypte provient du désert Libyque, où il existe presque par-tout immédiatement sous la surface du sol, en une couche de L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE O1” de peu d'épaisseur, qué l'on entend en marchant se briser sous les pieds. Nous aurons occasion d'expliquer plus bas la formation de cette couche saline. Tous les puits que lon creuse dans la vallée d'Égypte, sur la lisière du désert, donnent des eaux plus ou moins saumäâtres, dont l'évaporation pourroit fournir le sel nécessaire à la consommation du pays, si on ne le trouvoit pas tout formé, comme nous venons de le dire, presque à la surface de ces déserts. La fabrication du salpêtre est d’une grande importance en Égypte, par l'usage qu'on en fait pour la confection de la poudre à canon; on peut le retirer en lessivant les matières qui forment les monticules de décombres dont les villes et villages sont environnés : mais il n'y a des fabriques de salpêtre constamment en activité que dans quelques endroïts. Les principales sont celle de Dehechneh, près de Qené dans la haute Égypte, et celle du vieux Kaire, dont le général Andréossy a parlé dans son rapport sur la poudre à à canon (1). Les procédés pour la fabrication du salpêtre sont d’ailleurs en Égypte les mêmes qu'en Europe. SECTION XII. Des Arts et Métiers, et généralement de l'Industrie des villes. Les diverses branches d'industrie dont nous avons parlé jusqu'ici, s'exercent également dans les villes et les villages de l'Égypte sur les produits du sol de cette contrée ; mais, comme en tout autre pays, les villes sont toujours le siége d’une industrie, plus recherchée, qui s'occupe à transformer des matières importées du dehors en objets d'un usage plus ou moins étendu. | Les planches des arts et métiers de cette collection, qui représentent Île meu- nier, le boulanger, le pâtissier, le confiseur, et les descriptions dont ces planches sont accompagnées, expliquent suflisamment les divers procédés de ces profes- sions , et nous we d'en parler ici. A près les ateliers où l’on fabrique les étoffes de lin, de coton, de laine et de soie, ateliers qui sont répandus dans toute l'Égypte, les principales villes, et particulière- ment celle du Kaire, en possèdent un nombre plus ou moins considérable, où l'on exécute divers ouvrages de passementerie, des cordonnets de soie mélangés de fils d'or et d'argent, des glands, des franges, et en général tout ce qui peut servir à la commodité ou à l'ornement des vêtemens Orientaux. L'art du selliér y est poussé assez loin, et généralement on y confectionne avec une sorte de perfection tout ce qui est relatif à l'équipement des chevaux. Les broderies sur les cuirs et les ma- roquins dont on orne ces divers objets, sont assez remarquables. La planche XVII (£.M. vol. IT) représente l’intérieur d'un atelier de broderie ; et la planche XIV (£.m: vol. IT), Vouvrier qui fait les ceintures, dont l'usage est général. Les charpentiers, les menuisiers, les serruriers, travaillent assis dans leurs ate- liers; ils ne se tiennent debout que pour la mise en place des ouvrages qu'ils ont fabriqués. La planche XVIII /'É. 41. vol. 1) fait voir ces ouvriers en activité. (1) Décade Égyptienne tom. [.<, pag. 15. É, M. TOME Il. ie 618 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, La plupart des matières qu'ils mettent en œuvre, sont importées en Égypte. Dans un_.pays où la douceur du climat permet de passer presque constamment le jour et la nuit en plein air, on conçoit que le luxe des constructions et de l’ameuble- ment doit être peu répandu parmi la classe moyenne des habitans. Les chaudronniers et les forgerons sont en quelque sorte les seuls ouvriers qui travaillent le cuivre et le fer. L'art des premiers est assez avancé, tous les usten- siles de cuisine étant en cuivre étamé. On doit à M. Coutelle la description de cet art, et l'explication de la planche XXI / É. 1. vol. 11), où le chaudronnier est représenté. Les procédés de létamage sont les mêmes qu'en Europe; et comme le sel ammoniac, qui est un ingrédient essentiel .de l'étamage, est, pour ainsi dire, une production de l'Égypte , il est extrêmement probable que cette opération métallurgique est une des plus anciennes que Fon y ait pratiquées. Le forgeron fabrique la plupart des outils dont les autres ouvriers font usage. Les soufHets de forge et de fourneau ont été décrits par M. Coutelle, et sont représentés sur la planche XXT /'£. 21. vol, IT ) : leur forme ‘est probablement très- ancienne. Ï résulte en effet de quelques renseignemens que m'ont donnés des marchands venus avec les caravanes de Därfour, que des soufllets de la même forme sont employés par les peuples de l'intérieur de l'Afrique. Ce que nous venons de dire du forgeron, s'applique sans restriction au taillandier, qui fabrique spécialement les instrumens d’ agriculture et Le Jardinage, ceux du maçon, du charpentier, du menuisier, &c. La hi des des cuirs a fait l'objet d'une description spéciale que l’on doit à M. Boudet, et à laquelle nous renvoyons. La figure 4 de la planche XXVI (£. M. vol. IT) représente une partie des procédés de art du maroquinier. Au Kaire et dans les principales villes de l'Égypte, chaque espèce d’indus- trie est concentrée dans un quartier particulier, comme cela avoit lieu autrefois dans nos villes d'Europe : ainsi il y a des rues entières où l'on ne trouve que des chaudronniers, d’autres où l’on ne trouve que des confiseurs et autres mar- chands de sucreries, d’autres qui sont exclusivement occupées par des selliers et des fabricans d'équipages de chevaux; enfin les orfévres, les bijoutiers, les lapi- daires, &c. ont leurs ateliers dans un quartier spécial, qui est gardé et fermé avec plus de précautions ‘que les autres. Ces derniers ouvriers, dont l'art, s'appliquant à des matières plus précieuses, exige dans sa pratique plus de connoissances et d'adresse, sont presque tous des chrétiens de Syrie , ou des Arméniens. I est même à remarquer que la plupart des tisserands de la haute Égypte, les forgerons et les menuisiers, sont des chré- tiens Qobtes. Là, comme ailleurs, l'industrie manuelle est le partage de ceux dont le Gouvernement proscrit la religion. Le seul moyen qu'ils aient en effet d'acquérir une sorte d'indépendance , consiste à s'approprier cette espèce d’in- dustrie qu'ils peuvent transporter par-tout avec eux. Ce que nous avons dit jusqu'ici des différens arts exercés par les Égyptiens modernes, montre assez dans quel état d'enfance ils sont retombés. Produire les objets de première nécessité pour la nourriture, le vêtement et l'habitation de L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE. 619 lhomie, voilà à quoi ils se réduisent. On concevra sans peine, au surplus, que, dans une contrée où l’on est obligé d'apporter du dehors les bois et les métaux, et dont le gouvernement absolu laisse incertaine la jouissance des fortunes parti- culières, il soit impossible d’exercer avec avantage aucune de ces professions industrielles que le luxe seul peut entretenir là où l’on peut dépenser son su- perflu avec sécurité. Le travail de l'homme et celui des animaux est beaucoup moins dispendieux en Égypte, que n’y seroit l'emploi de la plupart de nos machines. Il y en a, à la vérité, un très-grand nombre d'employées; maïs elles n'ont qu'un seul objet, celui d'élever les eaux pour larrosement des terres ou pour lapprovisionnement des citernes, Nous en avons donné les descriptions sous les noms de roues à tympan et de roues à pots. Malgré la grossièreté de leur construction , elles pré- sentent l'idée primitive d’un engrenage qui transforme en un mouvement de rotation dans un plan vertical le mouvement horizontal qu'impriment dans le plan de leur manége les animaux qui servent de moteurs. On retrouve encore les transformations de mouvement dans les moulins à fa- rine et dans les systèmes de cylindres qui servent à écraser la canne à sucre. Il est aisé de reconnoître dans ces cylindres, et dans ceux beaucoup plus petits à l’aide desquels on sépare la graine de coton du duvet qui l'enveloppe, l'idée du cylindre à laminer les métaux : cependant les Égyptiens n’en ont pas fait Fapplication à ce dernier usage ; et les lames de métal dont on fabrique les monnoies, sont réduites sous le marteau à l'épaisseur qu’elles doivent avoir. Cela ne fonderoit-il pas à croire que l’art de fabriquer le sucré, importé en Égypte avec la culture de la canne, n’y est connu que depuis peu de siècles, tandis que les procédés du monnoyage, beau- coup plus anciens dans ce pays, y ont été conservés sans recevoir aucun des per- fectionnemens qu'ils ont reçus aïlleurs par suite des progrès de la civilisation. Les meules sous lesquelles on écrase les graines oléagineuses, sont aussi, comme nous l'avons dit, mises en mouvement par des animaux attelés à un manége : il en est de même des meules sous lesquelles le plâtre est broyé. Nous remarquerons, à l’occasion de ce dernier procédé, qu'il semble avoir un degré de perfection que n’ont point ceux qu'on emploie en France pour pulvériser cette substance : car ici ce sont des hommes qui la battent sur une aire à force de bras; ce qui est certainement beaucoup moins expéditif que d'exposer le plâtre calciné sous la pression d’un cylindre de pierre vertical, mis en mouvement par un manége. | Dans un pays où la nourriture de l'homme et celle des animaux sont très-abon- dantes, et où par conséquent le prix de leur travail ne peut jamais s'élever très-haut, il est tout simple qu'on fasse usage de leurs forces préférablement à celles de tout autre agent. Il faut considérer, d’un autre côté, que ce pays n'offre aucun courant d’eau naturel qu'on puisse employer comme force motrice, et que les dérivations que l’on pourroit faire du Nïül, pour établir sur elles des roues hydrauliques, ne rempliroient qu'imparfaitement cet objet, puisque ces dérivations seroient néces- sairement à sec une partie de l'année. É.M. TOME Il. iii 2 620 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Mais, si l'industrie ne peut trouver en Égypte des moteurs utiles dans le cou- rant des eaux, elle en trouveroït dans la régularité et la force du vent. On sait en effet que les vents d'ouest, de nord-ouest et de nord, y soufflent presque toute l’année ; les monticules factices sur lesquels les villages sont bâtis, offrent d’ailleurs des emplacemens commodes pour l'érection de moulins à vent : aussi ces moulins seront-ils les premières machines qu'on établira dans ce pays, lorsque, la prospérité du commerce et de Fagriculture s'y étant accrue , le prix du travail de l'homme et des animaux s’y élevera à un tel degré, qu'il deviendra avantageux de les remplacer par des moteurs inanimés. Nous disons , les premières machines qu'on y établira; car il ne faut pas compter les sept ou finit moulins à vent que l'on trouve à Alexandrie, dans l’île du Phare. Leur établissement est déjà ancien ; cependant l'usage ne s’en est pas étendu dans l’intérieur du pays : on n’en trouve que sur cette plage, où les Européens, selon toute apparence, les ont apportés ; ce qui prouve, pour le dire en passant, que les anciens Égyptiens n'ont point eu connoissance de cette ingénieuse machine. BL. L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE 621 TROISIÈME PARTIE. Du Commerce actuel des Égyptiens. Lzs productions des différentes parties de l'Égypte sont échangées de ville à ville et de village à village, sur des marchés qui se tiennent à jour fixe, et où les vendeurs et les acheteurs se rendent chacun de leur côté. Le superflu de ces productions , et quelques produits de l'industrie des Égyp- tiens modernes, tout imparfaite quelle est, sont exportés dans l'intérieur de l'Afrique et dans certaines contrées de l'Asie et de l'Europe, d'où lon reçoit en échange de l'argent ou des marchandises : la position de l'Égypte y a maintenu ce commerce extérieur, qui y trouvera toujours l'emplacement le plus commode d’un entrepôt pour les productions de l’ancien continent. SECTION I" Du Commerce intérieur de l'Ep: pe. LE peu de largeur de la vallée, depuis l'île d'Éléphantine jusqu'à Esné, ne permet pas que les produits des récoltes qu'on y fait puissent être consommés ailleurs ; ils sufhisent à peine au paiement de l'impôt, ainsi qu'à la nourriture du petit nombre d’habitans qui restent toute l’année attachés aux travaux de la campagne : la majeure partie d’entre eux exerce sur les barques du Nil l’état de batelier. La ville d'Esné, où, depuis quelques années avant l'arrivée des Français, rési- doient plusieurs beys proscrits, étoit devenue par cela même un lieu de con- sommation assez considérable, et le centre du commerce de l'Égypte avec les tribus d’Arabes A’bäbdeh et Bicharyeh, qui possèdent les déserts limitrophes. Ces Arabes viennent chercher des grains, et particulièrement du riz, du fer, et les autres métaux dont ils ont besoin, au marché d'Esné, qui se tient toutes les semaines, des toiles de coton et de lin, des ustensiles grossiers, quelques robes de drap, &c. Ils y vendent en échange des chameaux et des esclaves noirs qu'ils ont enlevés aux caravanes qui traversoient leurs déserts, ou qu'ils ont été chercher eux-mêmes dans l’intérieur de l'Afrique; ils y apportent aussi la gomme qu'ils recueillent sur les acacias de ces déserts : ils réduisent en charbon le bois de ces arbres, et transportent ce charbon dans le village de Redesyeh, où ül est: acheté par des marchands d’Esné, qui lexpédient sur le Nil pour le Kaire et pour d’autres villes de l'Égypte. _ Les felläh des environs apportent à ce marché du beurre, du fromage, des grains, des poules, des pigeons, des légumes, de la laine, du coton en bourre et du coton filé; ils y exposent en vente des bœufs, des buffles, des chameaux, 622 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, des ânes, des moutons et des chèvres. En général, tous les habitans de la partie la plus méridionale de l'Égypte viennent s’approvisionner à Esné de toutes les marchandises qu'on y envoie du Kaire, et ces marchandises consistent principale- ment en fer, plomb, cuivre, savon et riz, &c., en draps d'Europe de diverses qualités et en étoffes de Syrie. Cette ville sert aussi d’entrepôt à quelques objets importés par la caravane de Sennaar, tels que des plumes d’autruche, de Pivoire, de l’ébène, de jeunes esclaves des deux sexes : mais ces esclaves n'y demeurent que le temps nécessaire pour se reposer et se rafraîchir ; on se hâte de les expé- dier au Kaiïre par le Nil. | On envoie également au Kaire, et'par la même voie, de lhuile de laitue en assez grande quantité, un peu d’huile de carthame, une petite quantité de blé et d’autres grains, des dattes, du charbon, du séné et de l'alun. Le gantär d'huile est de cent vingt-deux rot/: pour le fret du gantär on paye Âo parats depuis Esné jusqu’au Kaire, villes qui sont éloïgnées l’une de l'autre de soïxante-six myriamètres environ. On appelle #edd une unité de mesure particulière usitée dans le commerce des dattes sèches que l’on tire de Syène et de la Nubie; cette mesure de dattes, du poids de vingt rot/, se vend à Syène de 4o à 50 parats. Le poids du gantär est de deux cent cinquante rot/; il"coûte 80 parats de transport jusqu'au Kaïre. Le commerce de dattes est. très -considérable à Syène ; il y a des marchands qui en expédient, pour leur propre compte, jusqu'à quatre ou cinq mille gantär par année. | Après les dattes sèches, le séné est l'objet le plus important du commerce de Syène. Cette plante croît spontanément dans le désert compris entre le Nil et la mer Rouge, en descendant vers le sud à partir d'Esné. Les Arabes de la tribu des A’#äbdeh, qui récoltent cette plante, la scient à quelques décimètres au- dessus de terre, lorsqu'elle est en graïne; ils la font sécher au soleil pendant deux jours : ils l’enferment ensuite dans des sacs ou grandes coufles de feuilles de palmier, et la transportent à dos de chameau jusqu'à Syene, où elle est achetée par cinq ou six marchands avec lesquels ces Arabes correspondent. Le prix d’une charge de chameau de séné est, à Syène, dans les ventes qu'en font les Arabes, de $ à 6 sequins zer-mahboub de 180 médins chacun. Le commerce du séné, en Égypte, n'étoit point un commerce libre; les beys s'en étoient rendus maîtres, et avoient affermé le privilége exclusif de le faire: le prix annuel de cette ferme ou de cette palte étoit de soixante bourses. Le fermier, qui résidoit au Kaire, étoit, au moment de l'expédition Française, M. Carlo Rosetti, consul de Venise et d'Autriche. Ce fermier avoit transmis son droit à un sous-traitant résidant à Syène. Celui-ci achetoit le séné des marchands Turcs qui en avoïent traité avec les Arabes, en assurant à ces marchands un cinquième ou un sixième au moins de bénéfice ; et il le cédoit au fermier sur le pied de 1$ pataques environ la charge de chameau. Le séné brut, tel que les Arabes l'ont récolté, est expédié de Syène, dans la LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE, 623 saison de l'inondation, sur de grandes barques du Nil ; on paye 30 parats de fret pour le transport d’une charge de séné jusqu'au Kaire. On en expédie an- nuellement, par cette voie, de huit cents à mille gantär. C’est au Kaiïre, dans les magasins et sous la surveillance du fermier, que se fait le triage de cette marchandise suivant ses qualités. Après avoir subi cette préparation, le prix moyen -du séné qu'on appelle séné de la ferme où de la palte, est de 30 pataques le gantär de cent rotl. Nous avons déjà dit qu'une grande partie du charbon de boïs consommé dans l'Égypte moyenne et au Kaire étoit fabriquée par dés Arabes qui habitent le désert, sur la rive droite du Nil, à trois ou quatre journées de ce fleuve. Les facteurs de quelques marchands d'Esné, qui font exclusivement ce commerce, l’achètent de ces Arabes, qui lapportent à Redesyeh. | Le charbon se vend, sur ce point, de 90 à 120 parats la charge de chameau; ou paye de fret 30 parats du gautär, pour le transport de cette denrée jusqu’au Kaire, où il en est expédié chaque année trois à quatre mille gantär, dont cha- cun $e vend communément, sur le marché de cette ville, deux ze-mahboub ou 360 parats. | L'alun est un objet de commerce pour le village de Goubânyeh, situé sur la rive gauche du Nil, à quatre heures de chemin au-dessous de Syène. Les habi- tans de ce village et ceux de quelques villages voisins, réunis à quelques Arabes A'bäbdh , forment une caravane qui va une fois tous les ans cheïcher de lalun dans le désert, à dix journées de chemin de Goubânyeh. Cette caravane est com- posée de trente ou quarante hommes et d’une cinquantaine de chameaux ; elle se dirige vers le sud-ouest, et marche pendant dix jours dans des montagnes de grès ; elle trouve au-delà une grande plaïne sablonneuse, à travers laquelle la route se prolonge en descendant par une pente douce vers l'endroit où se trouve lalun. Ce sel est disposé en une seule couche, dont l'épaisseur varie de 2 à 15 pouces, elle est recouverte du lit de sable qui forme lui-même la surface du sol, et qui peut avoir 6 ou 8 pouces de hauteur : ce sable est sec et pul- vérulent. L’alun repose sur un autre lit de sable humide, qui a la même saveur que l’alun, et dont l'épaisseur est incertaine. Cet alun est humide à l'instant de son extraction; on le casse en morceaux, et on le fait sécher au soleil pendant dix ou douze heures; ensuite on le met dans de grandes couffes de feuilles de palmier, que lon transporte à dos de chameau jusqu'à Goubânyeh, où l'on vient le chercher de Qené, de Syout, du Kaire , de Mehallet el-Kebyr, et des autres endroits de l'Egypte. À L’extraction de l’alun dure deux jours, après lesquels la caravane se remet en route pour revenir à Goubänyeh. Ce voyage exige, comme on le voit, pour l'aller et le retour, de vingt-deux à vingt-cinq jours (1). (1) Voici quelques détails sur litinéraire de cette A trois jours de marche de ces fontaines, on en trouve caravane. À deux lieues de marche de Goubänyeh,on d’autres nommées Elefy. Enfin, vingt-quatre heures aprés, trouve un puits au pied d’une montagne, en un lieu on trouve umilpuits creusé dans de Ja terre, désigné sous appelé Gourgour; trois jours après, on trouve encore le nom de Psafa, L'eau de ce puits est très-douce : quelques fontaines dans une vallée appelée Dongoul, celle des autres n’est pas si bonne; mais cependant elle MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, 624 Les provisions de la caravane de Goubänyeh consistent en biscuit, en lentilles, en beurre et en farine. On trouve en chemin des buissons dont le bois sert de combustible : on emporte du dourah et de l'orge pour la nourriture des cha- Meaux. : | L'alun rendu à Goubänyeh se vend aux marchands qui viennent l'y chercher, de 50 à 6o parats le wedd, mesure qui, pour cette marchandise, est équiva- lente à un dixième d'ardeb du Kaire. Une partie des productions de la contrée la plus méridionale de l'Égypte, que nous vénons d'indiquer, est payée en marchandises expédiées du Kaïre en retour. Celles-ci consistent principalement en toiles de lin, en draps, en étoffes de Syrie, en savon, riz, fer, cuivre, plomb et sel. | | Il n'y avoit point de droits d'entrée établis sur ces différens objets à Esné, qui en étoit l’entrepôt. Le gain le plus ordinaire des marchands de cette ville est de 10 à 20 pour cent: c'est aussi le taux de l'argent prêté à Syène; cet intérêt est communément de 10 à. 11 pour cent. Le Nil offre une voie si commode pour communiquer a midi au nord de l'Égypte, qu'il n’est point étonnant que le commerce intérieur de cette contrée ait suivi cette voie depuis un temps immémorial : aussi ce fleuve est-il couvert de barques grandes et petites qui le parcourent sans cesse. Celles de la haute Égypte sont, pour. la plupart, Comme nous l'avons déjà dit, montées par des bateliers des environs de Syène et de Philæ, ou même par des Bardbras, qui, ne trouvant pas à vivre chez eux, naviguent sur le Nil une partie de l'année, et. rapportent pour l'entretien de leurs familles le produit de leurs gages, soit en argent, soit en objets de première nécessité. Il faut ajouter, indépendamment de l'extrême économie qu'on trouve à trans- est plus douce que celle de la Gytah, station que Pon trouve sur la route de Qoceyr. Ces détails sur l’extraction de l’alun et le lieu où il se trouve m'ont été donnés à Syène, par un habitant de Goubânyeh, qui va tous les ans, avec la caravane, chercher ce sel dans le désert. Un fait que j'ai eu occa- sion d'observer, fournit, je crois, le moyen d’expliquer par analogie la formation de cette couche de sulfate d’alumine au milieu des sables. La partie des ruines de Thèbes sur laquelle se trouve aujourd’hui le village de Karnak, offre une suite de monticules d’une terre extrêmement friable, provenant de la destruction des briques crues, dont il paroît que les édifices particuliers de cette ville étoient construits, et des décombres de toute espèce qui y ont été accu- mulés à différentes époques. On trouve, au pourtour de ces monticules, une petite couche de natron et de mu- riate de soude, de 3 ou 4 centimètres d’épaisseur, à 1$ dont elle suit les inflexions en tout sens jusqu’à une certaine ou 20 centimètres au-dessous de la surface du sol, hauteur, passé laquelle on ne trouve plus ces deux sels en couche continue, quoique la masse entière de ces décombres en contienne par-tout plus ou moins, que Von pourrait obtenir en lessivant. Pour concevoir la formation de cette couche saline, il faut observer que les monticules des ruines dont il s’agit s'élèvent au-dessus d’une plaine ordinairement submergée pendant le débordement du Nil : alors l’eau qui en baigne le pied, les pénètre à leur partie infé- rieure, et, s’élevant au-dessus de son niveau, comme dans les tuyaux capillaires, dissout les sels contenus dans les décombres, et s’en charge à mesure qu’elle monte : maisson ascension a un terme; et il arrive que, la surface de ces ruines étant considérablement échauffée par le soleil, les sels commencent à se cristalliser, lorsque l'eau qui en est chargée est parvenue assez près de cette surface pour que la chaleur extérieure produise son éva- poration à travers le sol. Il se forme aussi une couche de sel, qui devient annuellement d’autant plus épaisse que Ja plaine reste plus long-temps inondée. Il me semble qu’on peut expliquer de la même manière la formation de la couche d’alun que les habitans de Goubânyeh exploitent dans le désert. Des eaux tenant ce sel en dissolution filtrent à travers le sable de bas en haut; et elles viendroïent s’écouler à la surface du sol, si, à 8 ou 10 pouces de cette surface, le sable n’étoit pas déjà assez échauffé par la chaleur extérieure du soleil pour opérer l'évaporation de ces eaux à mesure qu’elles arrivent, porter L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 625 porter par eau tous les objets du commerce intérieur de l'Égypte, que cette voie est beaucoup plus sûre que la voie de terre. Le défaut presque absolu de police, le peu de largeur de la vallée , et les habitudes des Arabes qui la bordent, exposeroïent à leurs rapines les denrées que l'on transporteroit par terre, tandis que les grosses barques qui en sont chargées, et qui, outre les bateliers de leurs équipages, portent ordinairement un certain nombre de voyageurs, sont un peu plus à l'abri du pillage. Toutes les villes situées sur le Nil, et même certains villages, sont des lieux de stationnement pour les barques, qui y prennent ou qui y déposent leurs char- gemens pendant la saison de l’inondation. Lorsque les canaux dérivés du fleuve sont navigables, ils servent à transporter par eau sur ces ports, au moyen de barques plus petites, les productions de l'intérieur des terres. Pendant le reste de l’année, ces transports s'effectuent à dos de chameau ou à dos d’äne. En descendant d’'Esné par le Nil, la ville de Qous, l’ancienne Coptos, est le lieu le plus considérable que l’on rencontre : c’est l’entrepôt des blés et autres grains destinés à être embarqués pour lArabie, au port de Qoceyr sur la mer Rouge. On expédie aussi de Qous, pour le Kaire, une grande quantité de châles de laine blancs, de la qualité de ceux que l’on fabrique à Qené. C’est au marché de cette dernière ville, qui se tient une fois par semaine, et dans les magasins qui y sont établis, que l’on s’approvisionne des denrées du pays et des marchandises d'Europe, que les caravanes transportent à Qoceyr. On expédie de Qené au Kaire des toiles de coton, de l'huile de laitue, des blés et autres grains ; enfin une grande quantité de ces vases de terre réfrigérans connus sous le nom de £ardaques : ce sont les plus estimés de tous ceux de la même nature qui se fabriquent en Égypte. En général, ïl se tient tous les huit jours, dans chaque ville de la haute Égypte, un marché où les habitans des villages voisins viennent vendre leurs denrées et les étoffes qu'ils fabriquent; ce qui n'en est point consommé sur les lieux, est exporté par des marchands qui en font le commerce. Aïnsi les sucres de Far- chyout, d'Akhmym et de Girgeh, les safranons de Tahtah, les toiles de lin de Syout, sont expédiés pour le Kaïre, de même que les blés, les féves , les len- tilles, et les huïles de 1in, de carthame et de colza. Toutes les productions du sol, et les divers objets de fabrication dont nous avons parlé en traitant de l’agri- culture et de lindustrie de la haute Égypte, sont échangés contre des marchan- dises qui viennent du Kaïre; et, à moins que des circonstances particulières ne lès provoquent, cet échange n'éprouve que de légères variations dans les ma- tières qui en sont l'objet. Il se tient dans la ville de Médine, capitale du Fayoum, un marché considérable, où les Arabes qui sont établis aux confins de cette province, viennent s'approvi- sionner de ce dont ils ont besoin pour le genre de vie qu’ils mènent : ils y vendent des chameaux qu'ils élèvent, et des dattes qu'ils vont recueillir dans les oasis. Ces Arabes se distinguent du reste de la population qui fréquente les marchés, par l'espèce de vêtement qu'ils portent, et par la lance dont ils sont toujours armés, É, M. TOME II. KKKK 626 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, même quand ils marchent à pied. Les fe/4} viennent y vendre non-seulement leurs fruits et leurs légumes, maïs encore les châles de laine qu'ils fabriquent. Ceux qui approvisionnent lesmarchésdes villes de l'Égypte, payent la permission d'y exposer leurs denrées en vente. Le droit de bazar étoit perçu au profit des beys, ou des kächef gouverneurs, qui laffermoïent à des traitans. Le prix de la ferme des droïts de bazar, à Médine, étoit de 140,000 médins, et le fermier en percevoit au moins 170,000, d'après un tarif qui régloit la quotité du droit suivant la nature de la marchandise : aïnsi il étoït de 10 médins par 4r&b de blé , et nul sur les cotons filés, les toiles de coton et les toiles de lin. Le paiement de l'impôt qui étoit acquitté par la corporation des tisserands, affran- chissoit apparemment de toute autre charge imposée par le fisc l'ouvrage qui sortoit de leurs maïns pour être mis en vente. L'intérêt de l'argent, dans le Fayoum, étoit ordinairement de 10 pour cent. La ville du Kaïre, que l’on peut regarder comme le centre le plus important des consommations de l'Égypte, reçoit des denrées de toutes les provinces ,.et les paye, comme nous l'avons déjà dit, en argent ou en marchandises d'Europe. La vente de ces denrées se fait sur des marchés qui se tiennent régulièrement cer- tains jours de la semaine, ou dans des bazars affectés au débit de chacune d'elles. L'indication de ces bazars, qui sont assez nombreux , fera partie de la description topographique du Kaïre. Nous nous bornerons à dire ici que les légumes et généralement tous les comestibles, le charbon et même le boïs à brûler, se vendent au poids, comme le pain et la viande. Cé mode, adopté sans doute pour pré- venir la fraude dont les acheteurs pourroïent être dupes siles vendeurs employoïent un autre moyen de constater leurs livraisons, ne remplit pas toujours son but; la vente à faux poids est un acte assez ordinaire des marchands de comestibles et d'autres menues denrées : aussi la répression de ce délit est-elle une des attributions les plus importantes de l’un des 4ghä chargés de la police de la ville; il fait à limproviste des tournées dans les différens marchés. Cet aghà, à cheval, est précédé d’un de ses employés, qui porte une grande balance avec des poids étalonnés ;: il est suivi d’une nombreuse escorte de serviteurs armés de bätons. Si quelque acheteur le rencontre et manifeste quelque doute sur lexactitude des pesées de la marchandise dont il a fait emplette, laghä se fait conduire à la boutique du vendeur; le porteur de la balance procède sur-le-champ et en public à la vérification du poids des objets vendus; et, s'il demeure constant par cette vérification qu'ils n'ont pas le poids qui en a été payé, le marchand reçoit la bastonnade devant sa propre boutique, où, après avoir subi cette peine, il est reconduit par ses voisins, qui lui témoïgnent ordinairement, à cette occCa- sion , beaucoup d'intérêt, soit qu'ils aient déjà reçu de lui le même service, soit qu'ils prévoient se trouver d’un instant à l'autre dans le cas de le recevoir. Cette police des marchés s'exerce probablement de la même manière dans les grandes villes de l'Égypte, maïs avec moins d'appareil qu'au Kaire. C’est au marché de Menouf, qui se tient une fois par semaine , que les tisse- rands des campagnes portent leurs toiles : elles y sont achetées par des marchands L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. Gary de cette ville, qui les expédient pour le Kaire, Rosette et Alexandrie. Cette exportation de toiles de Menouf s’élevoit, chaque année, à plus de cent cinquante mille pièces. Des marchands d'Achmoun et du Kaire parcouroïent encore les villages de la province de Menoufyeh, et y achetoïent une assez forte partie des toiles qu'on y fabriquoit. ) Indépendamment des toiles qu'on apporte au marché de Menouf, ce marché est abondamment fourni de laïne, de lin en étoupe, de fil de lin, de poteries de toute espèce , de graïnes, de légumes secs et verts, et notamment de racine de colocase, que l’on cultive spécialement à Chybyn et dans les environs. La ville de Tantah, que les voyageurs Européens avoient peu visitée avant l'expédition Française, est la plus commerçante de l'intérieur du Delta. Outre qu'elle est située dans un territoire extrêmement fertile , et dont les habitans exercent leur industrie sur le lin , qui y croît en abondance, elle est encore le siége de foires annuelles très-renommées. Ces foires,comme la plupart de celles qui se tiennent en Orient, doivent leur origine à la dévotion superstitieuse des Musulmans. | | Le tombeau d'un santon célèbre, appelé Seyd Ahmed el-Bedaouy, est, dans la principale mosquée de Tantah, l'objet d'une grande vénération ; on y alloit en pélerinage à deux époques différentes de l'année, à l'équinoxe du printemps, et au solstice d'été. Voici ce qu'on rapporte de particulier sur Ahmed el-Bedaouy : il naquit à Fez en Barbarie, lan $96 de lhégire; il vint en Égypte avec sa famille, en se rendant à la Mecque : il étoit alors âgé de onze ans. | À son retour de la Mecque, il s'arrêta à Tantah, où il vécut jusqu'à l’âge de soixante-dix-neuf ans ; sa conduite lui fit acquérir la réputation d’un saint, et après sa mort on construisit un petit monument sur son tombeau, que les Musulmans vinrent visiter par dévotion. Vers l’année 660 de lhégire, le sultan Seyd Bybars fit bâtir la mosquée que lon voit aujourd'hui à Tantah : elle fut embellie depuis par Isma’yl-bey Ebn- Ayouäz, il y a près d’un siècle; et enfin par A’ly-bey, il y a cinquante ans environ. Cette mosquée a de grands revenus ; elle possède un village de cinq cents feddän, appelé Qahäfeh : elle possédoit en outre, dans la ville de T'antah, un o’£e/, un bain, et l'endroit où l’on réduit le café en poudre; elle recevoit de plus beaucoup d’ex-voto des habitans des diverses parties de l'Égypte. Les foires qui se tenoïent à Tantah pendant la fête du santon, étoient franches de tout droit perçu au profit du Gouvernement ; la police en étoit faite par deux kéchef, Vun de la province de Menoufyeh, l'autre de la province de Gharbyeh. Le jour de la fête étoit annoncé à toute l'Égypte par des courriers qui por- toïent un frman du pächä dans les sept provinces de l'Égypte ; savoir, le Sa’yd, les provinces de Gyzeh, de Bahyreh, de Menoufyeh, de Gharbyeh et des deux Chargyeh. On compte à Tantah dix ou douze o’ke/ destinés à différentes. villes de l'Égypte É. M. TOME Il. nés É 628 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, et à différentes nations Mahométanes. Outre ces 0’ke/, il y a encore, dans diverses rues, des loges qui étoient louées aux marchands forains : toute la campagne autour de la ville étoit couverte de tentes. Les objets de commerce que lon débitoit à Tantah, consistoïent en bétail de toute espèce, en toiles de lin et de coton. Des marchands du Kaire et d'Alexandrie y apportoïent des marchandises d'Europe et de l'Inde. Il se tient aussi dans une autre ville assez considérable de l’intérieur du Delta, appelée Mehallet- Marhoum, un marché très-fréquenté à cause des toiles qu’on fabrique dans cette ville et aux environs. H faut être prévenu, au surplus, que ces marchés tenus dans les villes et les villages du Delta ne sont pas toujours très-sürs, parce que les habitans qui les fréquentent, et les Arabes des provinces voisines, sont, comme nous l'avons dit aïlleurs, partagés en deux factions ennemies, qui se font mutuellement le plus de mal qu'elles peuvent, et qui en viennent aux maïns par-tout où elles se rencontrent. Après les divers endroïts que nous venons de citer comme les principaux marchés du Delta, il faut compter la ville de Semennoud, que sa position sur la branche orientale du Nil rend lentrepôt naturel des marchandises étrangères qui sont importées en Égypte par Damiette, telles que le fer, le goudron, le charbon ; c'est aussi le point de communication entre les provinces de la rive droite du Nïl et celles de sa rive gauche. Les villes de Rosette et de Damiette n’ont point, à proprement parler, de mar- chés pour le commerce intérieur ; mais ce sont des entrepôts pour le commérce des nations d'Europe et des peuples de la Syrie : nous aurons occasion d'y revenir. Sur la branche orientale du Nil et à peu de distance au-dessous de Semennoud, la ville de Mansourah est un entrepôt d’où partent pour le Kaire, Damiette et Rosette, une partie du coton récolté dans la province, du beurre, du fromage, de l’huïle de sésame, et du lin. Toutes ces denrées sont des produits du pays, qui étoient autrefois emmagasinés dans une trentaine d’o’ke/ destinés aussi à recevoir les marchandises du dehors. I se fait sur la frontière de l'Égypte, du côté de la Syrie, par la voie des tribus d’Arabes qui y sont établies, un commerce de contrebande de la plupart des objets dont d'entrée et la sortie sont prohibées, ou qui payent des droits trop considérables aux douanes du Kaiïre ou de Damiette. L'activité du commerce intérieur de l'Égypte ne pourroit manquer de s'ac- croître, si l’on rendoit praticables et sûres les diverses communications d’un lieu à un autre: maïs la police ne s'étend pas au-delà des marchés des villes ; et les mœurs des Arabes et l'ignorance des f:/4h n’offrent aucune garantie pour la sûreté des denrées qui traversent leur territoire. Il faut, pour obtenir cette garantie, quand les marchands voyagent par terre, qu'ils se réunissent en petites caravanes; et, lorsque la saison des hautes eaux leur permet de naviguer, ils courent encore les risques d’être dépouillés par les habitans de certains villages des bords du Nil, lesquels ne vivent que des vols et des brigandages qu'ils exercent sur les L’INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE. 629 bateaux chargés de marchandises qui passent à leur portée. L'établissement d'un meilleur ordre de choses pour la sûreté des chemins ne contribueroïit pas seulement à la prospérité du commerce intérieur, mais, en facilitant lapprovi- sionnement des ports de l'Égypte en productions du pays, il contribueroït encore à l'extension de son commerce extérieur, dont il nous reste à parler. = Nous indiquerons dans autant de sections séparées les relations commerciales de l'Égypte avec l'intérieur de l’Afrique, avec l'Asie et avec l'Europe. Maïs, avant d'entrer en matière, il convient de remarquer que, dans ces rela- tions diverses, la pataque de 90 médins ne sert pas exclusivement d'unité moné- taire, comme dans les marchés que contractent entre eux les Égyptiens. L'éva- luation de leurs transactions avec Îles marchands étrangers s'exprime quelquefois en unités monétaires différentes, suivant la nature des objets dont ils traitent et le pays d'où ils viennent ou dans lequel on les envoie. Les principales unités monétaires employées dans le commerce extérieur de l'Égypte moderne, sont, b' Le sequin zer-mahboub du Kaïre, de 120 médins {valeur nominale), ou de 180, suivant le tarif qui régla la valeur des diverses monnoïes pendant l'expédition ; Le sequin de Constantinople, de 200 médins; Le fondoukli, de 146 médins ; La pataque dahaby où demi zer-mahboub, de 60 médins {valeur nominale}; La piastre de Turquie, de 4o médins; La piastre d'Espagne, de 1 50 médins ; Le thaler ou thalarï, également de 1$0 médins; Enfin le sequin de Venise, de 340 médins. SECTION I} Des Relations commerciales de l'E gypte avec l'intérieur de ! "Afrique. » | | Les Arabes qui habitent les bords du désert Libyque, depuis Syout jusqu’au Fayoum, vont faire tous les ans, dans les oasis, une récolte de dattes qu'ils viennent échanger sur différens marchés contre des denrées ou des vêtemens à leur usage. Une tribu particulière de la province de Bahyreh va chercher le natron aux lacs de ce désert. Enfin nous avons dit plus haut qu'une tribu d'Arabes faisoit la récolte du séné au-dessus de Syène, et l'apportoit dans cette ville; maïs, quoique ces divers objets proviennent de différens endroits plus ou moins éloignés de la vallée du Ni, comme les Arabes qui se livrent à ce commerce d'échange sont en quelque sorte fixés sur la limite qui sépare l'Égypte du désert, nous avons regardé ce commerce comme une branche de celui qui se fait de ville à ville, ou de village à village. I n'en est pas de même du commerce que font les caravanes qui, partant de divers endroits de l’intérieur de l'Afrique à des époques fixes de chaque année, restent plusieurs semaines et quelquefois plusieurs mois en chemin, pour se rendre en Egypte, 630 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Les principales de ces caravanes sont celles de Dârfour, de Sennaar, de Fezzan. Nous allons entrer successivement dans quelques détails relatifs à chacune d'elles. $ Ï er Caravane de Därfour. IMPORTATIONS. PENDANT le séjour que je fis à Syout en 1799, la caravane de Därfour passa par cette ville, et je reçus de l’un des principaux marchands qui en faïsoient partie, les renseignemens qui suivent. Cette caravane apporte en Égypte de l'ivoire, du tamarin, des outres de cuir de chameau, quelques peaux de tigre, de la gomme, &c. ; mais son prin- cipal commerce consiste en esclaves noirs. Ce sont des enfans des deux sexes, dont les uns sont dérobés dans les villages du royaume de Därfour par des gens qui font métier de ces sortes d’enlèvemens, et dont les autres appartiennent aux prisonniers de guerre que l'on a réduits en esclavage. Ces enfans se vendent au Kaire de 4o à 60 piastres d'Espagne. Les marchands de cette caravane que j'ai interrogés, disent que la ville de Därfour est éloignée de Syout de quarante journées de marche, à travers un désert où l'on trouve de l’eau de distance en distance. Ils assurent que l'on cultive le blé dans leur territoire, et qu’il y a des pluies fréquentes dont les produits sont conservés dans des citernes. À ces renseignemens je vais en ajouter d’autres beaucoup plus étendus, que j'ai reçus au Kaïre de celui qui est chargé de la vente des esclaves de Därfour, en qualité de facteur général des gelläby, dénomination sous laquelle on désigne les marchands de cette caravane. Outre les jeunes esclaves des deux sexes qu’elle amène en. Égypte, elle y apporte desidents d’éléphant; du ézmar Hendy, où pains formés de fruits de tamarin écraséseet séchés; de la gomme Arabique ; du tchichm (1), petite semence noirâtre qui, réduite en farine, est employée extérieurement dans l’ophtalmie ; des kourbäg, ou lanières de cuir d'hippopotame, servant de cravaches aux cavaliers; des plumes d’autruche, des outres faites de cuir de bœuf ou de chameau, du natron et de l’alun. La ville de Dârfour n’est guëre connue jusqu'à présent que par les relations de ces marchands. Ils disent, et probablement avec l’exagération qui leur est naturelle, que cette ville est aussi grande et aussi peuplée que le Kaïre. Ils ajoutent que les habitans d’une grande partie de l'intérieur de l'Afrique viennent y vendre ou échanger les différentes denrées dont nous venons de faire mention ; maïs ce sont des habitans de cette ville seulement qui en effectuent le transport en Égypte. Les esclaves, objet le plus important de ce commerce, sont pour la plupart, comme on la déjà dit, des prisonniers faits dans les guerres continuelles qui (1) Cassia absus , Lin. Voyez la Notice sur les médicamens usuels des Égyptiens par M. Rouyer, É. M. tom, 1, p. 230, L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE. 63 I divisent Bntre.elles les nations de l’intérieur de l'Afrique voisines de Därfour : ce sont quelquefois des familles enlevées en pleine paix des villages qu'elles « habitent. Ces prisonniers, des deux sexes et de tout âge, sont conduits au marché de Därfour : le souverain de ce royaume commence par en prélever le cinquième; un autre cinquième appartient au chef de sa milice : il ne reste à la disposition des capteurs que les trois derniers cinquièmes. PES Les hommes faits sont vendus, à Dârfour, à des particuliers qui les emploient aux travaux domestiques. Ceux qui sont échus dans le partage du roi, sont envoyés en un lieu de l'intérieur de l'Afrique, appelé Karaktyn Där el-Sa'yd, situé à vingt journées de chemin de Dârfour. C’est une espèce de colonie : on les y marie à des femmes esclaves. Le dixième de leurs enfans, et le dixième du produit de leurs récoltes, qui consistent en millet et en dourah, appartiennent au souverain, qui envoie tous les ans un de ses capitaines pour ‘lever ce tribut {1}. Suivant les rapports des geläby, on ne se sert pas de monnoïe métallique à Därfour : la valeur des objets importans dont on traite, est stipulée en esclaves; et la valeur ordinaire d’un esclave est représentée ,par quatre ou cinq pièces de toile de lin de Syout, ou de toile de coton de Mehallet el-Kebyr. Comme le chemin de Därfour en Égypte se fait à travers un désert où l’eau est excessivement rare, la caravane qui vient au Kaïire chaque année, se partage en deux corps, qui se mettent en routé à quelques jours d'intervalle lun de l'autre : ainsi les puits qui se trouvent épuisés immédiatement après Île passage du premier corps, peuvent se remplir de nouveau péndant le temps qui s'écoule jusqu'au passage du second. Chacune de ces caravanes est composée d'environ cinq mille chameaux. Elles mettent ordinairement de quarante à cinquante jours pour arriver à Syout : elles s'arrêtent dans le désert par-tout où elles trouvent de l'eau ; maïs ces points sont ordinairement éloignés entre eux de quatre ou cinq jours de marche, quelquefois même de dix. Quand ces caravanes sont obligées de s'arrêter dans des endroits où il n’y a pas de puits, elles s’'abreuvent ‘avec la provision d’eau dont les cha- meaux sont chargés. Ce transport d’eau pour lapprovisionnement journalier d'une caravane em- ploie le tiers du nombre total des chameaux dont elle est composée ; un quart de ce nombre total transporte les autres provisions de bouche ; un huitième seulement sert au transport des marchandises proprement dites; le reste est réservé pour porter les malades, la charge des chameaux blessés, et celle des chameaux qui meurent en route. La caravane de Dârfour s'arrêtoit dans le désert en un lieu appelé Beyrys; c'est un village considérable, situé à douze journées de marche de la ville de Syout : elle étoit obligée d'y attendre le kâchef envoyé par les beys pour la: (1) Un fils du roi de Dârfour vint au Kaire, il y a fui 12,000 hommes et 24,000 chameaux, dont une grande environ vingt-cinq ans ( ceci étoit écrit en 1800); il partie resta dans le Sa”yd. avoit, disent les marchands de la caravane, amené avec 63e MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, reconnoître. Le cheykh de Beyrys étoit responsable de la caravane, Jusqu'à ce qu'elle eût reçu la permission de poursuivre sa route vers l'Égypte. A six journées de Syout, elle s'arrêtoit encore dans un autre village’ appelé Khargeh. Le Kkàchef y faisoit dresser le compte des droits qu'elle devoit acquitter, tandis que le conducteur de cette caravane faisoit entre les divers marchands la répartition de ces droits ; mais ils n'étoïent acquittés qu'à une demi-lieue de Syout, dans un endroit où la caravane s'arrêtoit pour la dernière fois, et où elle vendoit assez de marchandises pour se procurer les fonds nécessaires à l'acquitte- ment de ces droits. Ce n'étoit qu'après les avoir payés en entier qu'il lui étoit permis de descendre au-dessous de Syout. Suivant l'usage général de l'Orient, où l'on entre en négociation d’affaires par des présens mutuels, il étoit offert, de la part du roi de Dârfour, au kâchef qui venoit reconnoître la caravane à Beyrys, deux esclaves et deux chameaux, et à Khargeh, au moment même du réglement des droits de douane, un présent double, c'est-à-dire, quatre esclaves et quatre chameaux. Le chef de la caravane recevoit en retour, du kächef, de la part du bey gouverneur de la province de Syout, un habillement complet. Les droits qu'on levoit sur la caravane de Därfour, à son entrée en Égypte, étoient, par tête d'esclave, de À sequins zer-mahboub, et de 2 sequins par tête de chameau ; le kâchef percevoit aussi un droit de 9 médins par esclave ét de 4 médins par chameau. P Il vient annuellement de Därfour en Egypte cinq ou six mille esclaves, dont les quatre cinquièmes sont des femmes. Elles ont depuis six à sept ans jusqu'à trente et quarante ; le plus grand nombre est de dix à quinze ans. Chaque caravane est sous la conduite d’un homme qui appartient au roi de Därfour, et qui est attaché à sa maison. Ce conducteur reçoit pour salaire, de chacun des marchands qui la composent, 23 parats par tête de chameau et Â$ par tête de nègre. Les marchands et les gens à leurs gages, comme les chameliers et autres valets, sont ordinairement au nombre de quatre ou cinq cents. | Les caravanes de Därfour, avant de venir au Kaïre, restent quelque temps à Syout, à Beny-A’dyn, à Manfalout, et dans les environs, où elles vendent une partie de leurs marchandises. Le prix réduit des esclaves est, année commune, de 35 zer-mahboub. La valeur de ceux que l’on fait eunuques est ordinairement double ou triple : voilà pourquoi les conducteurs de la caravane de Därfour s'arrêtent à Aboutyg, petite ville de la haute Égypte, où il se trouve des barbiers habitués à châtrer les enfans. Au surplus, on ne fait subir cette opération qu’à des enfans qui n’ont pas plus de huit ou dix ans. On peut lire sur cet objet ce qu'en a écrit le docteur Frank, dans le Mémoire où il traite du commerce des nègres en Égypte (1). La caravane de Dârfour apportoit ordinairement au Kaire cent cinquante (1) Collection de Mémoires sur l'Égypte, tom, IV, édit. de P. Didot, an xI. charges L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 633 charges de chameau de dents d’éléphant ; la charge est de 3 gantär, de 110 rot/ fun. Le gantér se vend de 30 à 60 fondouklis, suivant la grandeur et la beauté de l'ivoire. Elle apportoit en outre 600 gantär environ de tamar Hendy [tamarindus Indica], dont le gantär de 110 rotl se vend de 1$ à 30 pataques ; De 1000 à 2000 qantär de gomme Arabique, du poids de 150 rot/ et du prix de 20 fondouklis ; Environ 600 gantär de tchichm ; le prix du gantär de 1 10 rof/ est de 20 pataques. Elle apportoit encore deux ou trois cents {owrbäg, qui se vendent ordinaire- ment de 45 à 60 médins la pièce. Les plumes d’autruche importées en Égypte par la caravane de Därfour se vendent au poids, et la quantité peut s’en élever de 20 à 30 gantär : les blanches sont les plus estimées, et les plus belles de celles-ci montent quelquefois jus- qu'à 1500 pataques le gantär; celles de moïndre qualité, qui sont les noires, ne se vendent guère que 200 pataques. Cette espèce de marchandise est transportée de Dârfour en Égypte dans des sacs de cuir: elle n’est achetée au Kaire que par des Juifs ou des Chrétiens, qui la font passer presque en totalité en Europe. On se sert en Égypte de la corne de rhinocéros pour faire des poignées de sabre ou de poignard. Les Turcs, et particulièrement les Mamlouks, ont le préjugé qu'elle donne du courage à celui qui tient à la main l'arme où elle est ainsi employée ; c'est ce qui en élève plus ou moins la valeur, selon qu'elle est plus ou moins rare. Î] en venoït annuellement deux mille, dont chacune se vendoit de $ à 7 pataques : elles sont montées jusqu'à 1 ÿ pendant l'expédition Française. La caravane de Därfour introduit en Égypte environ quatre mille paires d'outres faïtes de cuir de bœuf ou de chameau; chaque paire d’outres se vend de 10 à 12 pataques. Il faut ajouter à ces diverses importations celle de 1000 :gantär de natron; le gantär de 120 rot/ se vend de 14 à 15 pataques (1. La caravane de Dârfour recueille, chemin faisant, dans le désert qu’elle traverse pour se rendre au Kaïre, une certaine quantité d’alun qu'elle y apporte. Il parott, d’après les renseignemens qui m'ont été donnés à ce sujet par Häggy-sultän, cheykh des ge/läby, qu'on l'extrait, comme le natron, du fond de quelques lacs où il se cristallise ; on en retrouve l’année suivante dans les mêmes endroits. Le poids de lalun importé en Égypte par cette voie montoit ordinairement à 200 gantér de 150 rotl l'un, et du prix de 3 à 4 pataques. Immédiatement après son arrivée en Égypte, où la plupart des marchandises que nous venons d'énumérer pouvoient être embarquées sur le Nil, la caravane de Dârfour tâchoit de se débarrasser des chameaux qui lui devenoient inutiles ; elle vendoïit ordinairement les seize ou dix-sept vingtièmes du nombre de ceux (1) Voyez Vétat général des marchandises importées panouse. ( Mémoires sur l'Égypte, tom. IV, pag. 88; en Egypte par la caravane de Därfour pendant l’expé- édit. de Pierre Didot, an x1.) dition Française, dressé par M. Mercure- Joseph La- É. M. TOME Il. ETSE 634 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, qu’elle avoit amenés : le prix de ces chameaux, suivant leur âge et ieur force, varioit de 8 à 20 zer-mahboub. On conçoit que, les esclaves étant le principal objet des importations de cette caravane, il faut, pour le transport de l’eau et des autres provisions de bouche nécessaires à leur nourriture pendant le voyage, un nombre de chameaux beaucoup plus considérable que celui dont elle a besoin pour son retour. Lors de son arrivée à Syout, elle payoit au bey ou sangaq qui y résidoit un_ droit de À zer-mahboub par tête d’esclave, et de 2 zer-mahboub = par tête de chameau chargé ou non chargé. On percevoit au vieux Kaïre le droit d’une pataque et demie par chameau. Enfin, à son entrée au Kaïre, elle payoïit encore à la douane un zer-ahboub par tête d'esclave, et + zer-mahboub pour l'usage ou location de l’o’ke/ ou marché où ils étoïent exposés en vente. EXPORTATIONS. Les affaires de commerce que les caravanes de Dârfour traitent en Égypte, les obligent ordinairement d'y prolonger leur séjour pendant six ou huit mois, de sorte qu'il n’est pas rare d'en voir arriver une au Kaire avant le départ de celle qui l'a précédée. Ces caravanes achètent, en retour des différens objets de leurs importations en Égypte , soit des productions de ce pays, soit des marchandises d'Europe, &c. Parmi les productions de l'Orient, elles achètent des étoffes de soie et de coton d'Egypte et de Syrie, des toiles de lin et de coton du Delta et de Syout, d’autres étoffes appelées 4/34, des mousselines et des châles blancs de l'Inde, des équipages de chevaux, des cottes d'armes, du café, du sucre, un peu de riz, et quelquefois un petit nombre de chevaux. Parmi les marchandises d'Europe que la caravane de Därfour se procure en Égypte, il faut placer au premier rang les verroteries de Venise, ‘et spéciale- ment celles dont les grains sont rouges, blancs et noirs ; des anneaux de verre de diverses couleurs, destinés à servir de bracelets ; des grains d’ambre et de corail, une certaine espèce de grelots destinés aussi à servir de parure aux femmes, du drap, du velours, des rasoirs, des limes, de l’étain, du plomb, du cuivre, des fusils et pistolets, des sabres et de la poudre à canon ; enfin une espèce de coquillage ap- pelée cauris /cuprea moneta], qui sert de petite monnoïe dans l'intérieur de l'Afrique. On conçoit que les quantités et les valeurs des marchandises qu'emportent les caravanes de Dérfour en s’en-retournant, varient suivant les circonstances : il faut donc considérer les détails dans lesquels nous allons entrer comme les résultats moyens de plusieurs années. | | Les pièces d'étoffe de soïe et de coton appelées gotny, qui sont le premier objet des exportations faites par la caravane de Därfour, s'élevoient au nombre de mille environ. Chacune de ces pièces, de 12 pyk de longueur, coûte de 10 à 15 pataques. LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE. 6325 Le second objet de ces exportations consiste en vingt ou vingt-cinq mille pièces de toile de Mehallet el-Kebyr : chacune, de 18 py4. de longueur, coûte 135 parats. Le troisième objet provenant des manufactures du pays consiste en cent ou deux cents pièces de l’étoffe appelée a/ägä ; le prix de chaque pièce est de $ pa- taques : on doit ajouter à cet article cinq à six mille pièces de toile de lin de Syout, de 27 pyk de longueur chacune, et du prix d’une pataque et demie. Un quatrième article se compose de 2000 gantär de chybeh, ou de tiges ét feuilles d’absinthe [ artemisiaæ judaica, Linn. |, que l'on emploie comme médi- cament, ou comme parfum en les brûlant avec du bois d'aloës ; le prix du gantär de chybeh est de 2 pataques. | On sait que les Égyptiens et les Arabes posent la selle de leurs chevaux sur une pièce de feutre de laine plus ou moins épaisse, et pliée en plusieurs doubles ; ’ la caravane de Dârfour einporte environ trois cents de ces feutres, dont chacun se vend 90 médins. | Elle emporte aussi cent à cent cinquante cottes d'armes du prix de $o zer- mahboub. Y paroît que les gens de guerre de cette partie de l'Afrique font usage aujourd'hui de cette arme défensive. Quant aux marchandises de l'Inde et de l'Asie, celles qu’on exporte de l'Égypte par la caravane de Därfour, sont, Mille à deux mille pièces d’étoffe de soie, chacune de 6 à 8 pataques ; Environ huit cents pièces de mousseline, de 7 à 10 pataques la pièce ; Deux mille châles, de $ à 6 pataques l’un; Cinquante gantär de café d'Yémen, chacun de 100 rot/ et du prix de 20 à 25 piastres ; shui Enfin cent gantér de sucre d'Égypte. La caravane n'emporte de riz que pour ses besoins pendant la route. Année commune, elle emmène cent chameaux chargés de verroteries de Venise ; la charge de chameau de ces verroteries pèse $ gant4r de 105$ rot/: le prix du gantär est de 12 zer-mahboub. Elle emmène cinquante chameaux chargés de sembal ou spica, celtica | valeriana celica, Linn. |; cette plante séchée vient de Trieste, et sert, entre autres usages, à composer avec de l'huile un onguent cosmétique : la charge est du poids de 2 qantär + de 150 rotl un, et le prix du gantär, de 30 Où 32 pataques: Elle exporte aussi d'Égypte, en marchandises d'Europe, 1.° 10 gantär de grains d'ambre (le poids du gantär de cette marchandise est de 100 rot/, et le prix du rotl, de 7à 8 pataques) ; 2.° 4 gantär de grains de corail, dont le rot/ se vend de i sa 20 zer-mahboub ; 3.° de cinq cents à mille mesures d’une espèce de petits grelots qui, de même que les deux articles précédens, sont consacrés à la parure des femmes de l'intérieur de l Afrique ; on les achète communément une pataque la mesure. La caravane de Därfour n'emporte point de draps en pièce, maïs environ mille béniches toutes faites ; il entre dans ce vêtement 4 à ÿ py4 de drap, de ; à 6 pataques le pyk: une de ces béniches revient communément à 30 pätaques. Les couleurs les plus recherchées sont le rose, le vert, le rouge, le jaune, et É.M. TOME II. LHI 2 636 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, toute autre couleur brillante ; en général, les couleurs ternes et sombres ne con- viennent point aux Africains. | Il faut ajouter aux draps mis en œuvre qui composent cet aies cinq cents pyk de velours, à $ ou 7 zer-mahboub le pyk. Ce velours sert à vêtir les grands du pays, et à recouvrir la selle de quelques chevaux. Les quincailleries dont la caravane de Dârfour se fournit en Égypte, consistent, 1." en vingt caisses de rasoirs formant quatre mille paquets, d'un zer-mahboub chacun ; 2.° en un millier environ de paquets de limes, dont l'un, composé de quatre limes, se vend 90 médins. Elle emporte de 200 à $00 gantér d’alquifoux, ou mine de plomb sulfuré ; le gantär de cette matière est du poids de 140 rotl, et se vend de 6 à 10 pataques. Les seuls métaux dont elle s’'approvisionne au Kaire, sont l’étain, le plomb et le vieux cuivre : cet approvisionnement annuel consiste en $00 gantär d'étain, au prix de 30 pataques; en $o0 gantär de plomb, au prix de 20 à 22 pataques ; enfin en 1000 gantär de Vieux cuivre, au prix de 20 à 2 $ pataques. Ce dernier métal est remis en œuvre dans le pays de Dârfour pour faire des parures de femme. Quant aux armes, la caravane achète seulement vingt ou trente fusils Euro- péens de $ à 6 zer-mahboub la pièce, une vingtaine de pistolets, et environ cent lames de sabre de cavalier fabriquées en Allemagne ; chaque lame se vend ordi- nairement 2 pataques : on les monte dans le pays. Enfin elle emporte so gantär de poudre à canon de la fabrique du Kaire, en cartouches toutes faites, à 1000 parats le gantdr. Un chameau chargé de marchandises paye, en partant de Boulaq pour retourner à Därfour, 38 parats de droit, En général, les divers objets importés de Därfour en Égypte y sont échangés contre d'autres marchandises : sur une valeur de 1000 piastres en objets importés, 900 sont employées à cet échange ; les 100 piastres restantes sont exportées en nature pour être transformées en bracelets et autres ornemens d’argent. S. IT: Caravane de Sennaar. IMPORTATIONS. Les marchands qui doivent composer cette caravane ,se rendent par différentes voies, en suivant le bord du Nil, en une ville de Nubie appelée Zérym. À partir de ce rendez-vous général, elle suit dans le désert la rive droite du fleuve, sur le territoire des Arabes Bicharyeh, qui habitent entre le Nil et la mer Rouge: et, comme il pourroit arriver que cette tribu pillât la caravane, celle-ci se fait escorter par une troupe d'Arabes A'bäbdeh, qui vient au-devant d'elle jusqu'à Ibrym, et qui la conduit jusqu'au village de Daräou, où elle débouche du désert dans la vallée d "Égypte. L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE 637 Cette protection que les A’#4bdeh accordent aux caravanes de Sennaar, est payée à raison de 3 sequins zer-1ahboub par tête d’esclave, et d’un sequin et demi par chameau chargé ou non chargé. On voit, par un itinéraire de la caravane de Sennaar, que M. Lapanouse a publié dans le tome IV des Mémoires sur l'Egypte (1), qu'il faut dix-huit jours pour se rendre de Sennaar à Ibrym, et quinze jours pour aller d'Ibrym à Daräou. La caravane de Sennaar, en passant sur le territoire qu'occupe la tribu Arabe des Bicharyeh, donne cependant, à titre de présent, à chacun de ces Arabes qu'elle rencontre, une petite mesure de dattes, ou de farine de dourah. _ Arrivée à Esné, elle paye à la douane, dont le gouverneur de la ville perçoit les revenus, 4 zer-mahboub par tête d'esclave, et 2 zermahboub par chameau, à l'exception de ceux qui sont chargés de plumes d’autruche et de dents d'éléphant, pour chacun desquels elle paye un droit extraordinaire de $ zer-mahboub =. Après avoir acquitté ces différens droits à Esné, et s'être rafraîchie dans cette ville pendant le temps nécessaire pour y vendre une partie de ses chameaux, la caravane de Sennaar s'embarque sur le Nil avec ses marchandises. Quand une fois ces marchandises sont embarquées, elles restent sous la garde d’un chef et d’une vingtaine des principaux marchands qui viennent jusqu’au Kaïre ; les autres marchands et les chameliers s'arrêtent à Darâou ou à Esné, où ils attendent le retour de leurs compagnons. Ces marchands, en passant à Manfalout, acquittent, par tête d'esclave des deux sexes, un droit de péage de 22 médins ; à Minyeh, un droit de 12 médins seule- ment; enfin, à leur arrivée à Boulaq, un droit semblable de 10 médins. La caravane de Sennaar est moins considérable que celle de Dârfour; mais il en arrive quelquefois plusieurs dans l’espace d’une année. Les objets qu'elles importent en Égypte sont à peu près les mêmes que ceux qu'y apporte la caravane de Dârfour : des esclaves mâles et femelles, de la gomme Arabique, des plumes d’autruche, des dents d’éléphant, de la poudre d’or, des kourbäg, des outres de cuir de bœuf et de cuir de chameau, et de l’alun. Le nombre des esclaves n'excède guère cent cinquante, dont les deux tiers sont des femmes : on compte ordinairement parmi ces esclaves huit ou dix Abyssins. | | Ces esclaves sont vendus dans le pays de Sennaar par des soldats qui les ont faits prisonniers à la guerre ; et les guerres entreprises par le souverain de ce pays n'ont ordinairement d'autre motif que celui de se procurer cette espèce de butin : une moitié des esclaves appartient au roi ; l’autre moitié, aux soldats qui ont fait l'expédition. Les premiers sont envoyés en Arabie ; les autres sont achetés par les marchands de la caravane qui vient en Égypte. Les Abyssins sont dérobés en chemin ; ceux-ci, quoique noirs, ont les cheveux longs et les traits Européens. Les esclaves importés par la caravane de Sennaar sont plus estimés que ceux qui viennent de Därfour ; leur prix moyen est de 60 zer-mahboub. (1) Imprimés en lan x1, chez P. Didot. 638 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, La gomme Arabique forme l'article le plus important du chargement de cette caravane. | On en évalue la quantité à mille charges de chameau, dont chacune est de 3 gantär de 150 rotl. Le gantär de gomme se vend de 8 à 10 fondouklis. Elle est récoltée dans toute l'étendue du pays, et entreposée dans les villes jusqu’au moment du départ de la caravane. | Elle apporte en Égypte 8 ou 10 gantér de plumes d’autruche {ce sont, comme nous lavons déjà dit, les plumes blanches qui sont les plus estimées : elles se vendent au Kaire le même prix que celles de Därfour) ; Quinze ou vingt charges de chameau de dents d'éléphant, de 3 gantär la charge, et le gantär de 110 rot/ (le prix du gantär est de 60 fondouklis) ; Deux ou trois charges de kowrbäg (la charge est de $00 kourbäg, qui se vendent chacune de 60 à 100 médins). La petite quantité de poudre d’or qui est introduite en Égypte par la cara- vane de Sennaar, est ramassée, après les grandes pluies, dans le lit des torrens: on la vend dans son état naturel de paillettes et de grenaïlle, ou bien aprés lavoir fait fondre en petits lingots annulaires qui ont cours dans le commerce comme de la monnoiïe. Le prix de cet or est, au Kaïre, de 9 sequins de Venise lougyah où once Égyptienne. | Comme la caravane de Därfour, celle de Sennaar laisse toujours en Égypte une partie des chameaux qu'elle y amène : le prix d’un chameau de cette caravane est de 15 à 36 sequins ze-rahboub. Elle y laisse également environ deux cents paires d’outres faites de cuir de bœuf ou de chameau, et du prix de 7 pataques la paire. Enfin quelques marchands apportent aussi, pour les vendre, des civettes et des perruches, maïs en si petite quantité, qu'on ne peut compter ces objets de simple curiosité parmi les importations dont il est question ici. EXPORTATIONS. LA caravane de Sennaar emporte, en retour des marchandises que nous venons d'indiquer, du sembal ou spica celtica, du savon, du #ahleb (1), des clous de girofle, de la toile de coton teinte en rouge, une autre espèce de toile de coton fabri- quée au Kaire, de l’alquifoux, de la verroterie de Venise, de petits miroirs, du bois de santal | santalum album, Linn. |, du musc, des vêtemens de drap, &c. Voici le détail approximatif de ces exportations : | Environ quatre-vingts charges de chameau de spica celtica, valant ensemble 6000 pataques. | Elle emporte la même quantité, et pour le même prix environ, de #74h4b; Cent charges de chameau de savon, de $ gantär Yune (le gantär de 115$ rofl coûte 20 pataques ) ; Dix ou douze gantär de girofle, de 1 10 rot/ lun (le prix du rof/ est de 300 parats); (1) Petite amande du noyau d’une cerise sauvage [ prünus mahaleb, Linn]. Voyez la Notice des médicamens, É, M. tom. 1, pag, 228. L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 639 Trente ballots de toile de coton teinte en rouge (chaque ballot, qui contient vingt pièces de toile, est du prix de 12 zer-mahboub) : Deux mille pièces de toile de coton fabriquées au Kaire, et du prix de 120 pataques chacune ; Cinquante ou soixante gantär étions (le gantär, de 110 rot/, du prix de 6 à 7 pataques) ; Environ cent gantär de verroterie dé Venise (le gantär de 105$ rot/ s'achète au Kaire de 10 à 12 zer-mahboub : cet article est composé de grains de verre blanc, jaune, bleu, rouge et vert ; ces couleurs sont spécialement recherchées) ; Dix charges de chameau de petits miroirs à manche, formant en tout trois mille paquets de six miroirs chacun {le prix du paquet est de 80 parats) ; Deux gantär de boïs de santal et $o rot/ de musc ; Enfin deux cents béniches de drap de diverses couleurs, du prix de 4 ou 5 pa- taques le pyk ; ce qui fait revenir la béniche à 30 ou 4o pataques de 90 médins. À ces draps de laine il faut ajouter cent ou deux cents pièces d’étoffe légère de soïe venant de Constantinople : le prix de chacune de ces pièces est de 10 ou 12 pataques. On voit qu'à l'exception de quelques toïles de coton tous les objets qui sont exportés d'Égypte par la caravane de Sennaar, sont des productions de l'Inde ou des marchandises d'Europe : elles sont embarquées à Boulaq, et remontent le Nil jusqu'a Daräou; à elles sont chargées sur les chameaux que les marchands de la caravane ont laissés en dépôt chez les A’#4bdeh lors de leur arrivée en Égypte, pour les y reprendre quand ils s’en retournent. Le nombre des cha- meaux qu'ils ramènent ainsi avec eux, n'est guère, au surplus, que le cinquième du nombre total de ceux qu'ils ont amenés. La caravane de Sennaar paye, en passant sur le territoire des Arabes Bicharyel, qu'elle est obligée de traverser en s’en retournant, deux pièces de toile par tête de chameau. Elle AE le même droït en passant à [brym. À son arrivée à Sennaar, elle fait hommage au roi de ce pays d'un habille- ment complet. $. IIT. Caravane du Pays de Fezzan. LE pays de Fezzan est situé dans l'intérieur de la Barbarie, à vingt journées de Tripolï et à quarante du Kaïre. Il dépend de la régence de la première de ces villes, qui y envoie un gou- verneur pour en percevoir les impôts : ils se payent en nature, et consistent en blé et en orge, formant environ le vingtième du produit des terres. Ce gouver- neur perçoit en outre sur les dattiers un impôt qui est du dixième de leurs fruits. La population du pays de Fezzan habite une douzaine de villages, distans les uns des autres d’une demi-journée au moins et de trois jours au plus de chemin: ces villages sont séparés par des espaces déserts. Il y pleut rarement; ce qui 640 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, oblige d'y cultiver la terre à laïde d’arrosemens artificiels, et en élevant l’eau des puits au moyen de delou. Les Arabes de cette contrée ont des mœurs paisibles : ils nourrissent des chèvres, des chameaux et des ânes ; ils n’ont ni moutons ni chevaux. Le cheykh de la caravane de Fezzan, qui est venu au Kaire au moïs de juillet de l'année 1800, et de qui je tiens ces détaïls, y avoit conduit vingt-cinq chameaux. I] étoit accompagné de sept à huit marchands comme lui et d'autant de chameliers. Ces Arabes voyagent sans armes, et n'ont à craindre d’être pillés qu’en approchant de l'Égypte et lorsqu'ils n'en sont plus éloignés que de quatre ou cinq Journées : le reste de leur route est absolument sans danger. Ils y trouvent de l’eau tous les jours, ou au moins de deux jours l'un ; et par-tout où il y a de l’eau, ils trouvent aussi des dattiers. Comme les Arabes de ces déserts viennent recueillir les fruits de ces arbres dans leur saison, c’est le temps de l'année pendant lequel la route est le moins sûre. Cette route passe entre Derne et Syouah, à trois journées environ de cette oasis. La caravane de Fezzan apporte en Égypte des dattes confites, des bonnets ou calottes de laïne rouge appelés £zrbouch, des manteaux ou vêtemens de laine blanche appelés farnous, et des couvertures de même étoffe. Ces divers objets, à l'exception des dattes, sont tirés de Tripoli. Sur vingt-cinq chameaux qui appar- tenoïent aux marchands dont j'ai vu le cheykh, six étoient chargés de ces mar- chandises; dix ou douze étoient chargés de dattes ; le reste étoit employé à porter les provisions, qui consistent en farine et en eau. On trouve par-tout sur Je chemin le boïs nécessaire à la cuisson des alimens. Les deux caravanes qui avoient précédé celle-ci, avoient été pillées par la wibu des Oualäd-A’}y, qui habite les confins de la province de Bahyreh (r). Les Arabes de Fezzan emportent de l'Égypte dans leur pays des toiles de lin et un peu de riz : ils tirent de Tripoli le fer et les autres marchandises d'Europe dont ïls ont besoin. On voit, par ce que nous venons de rapporter du peu d’étendue du pays de Fezzan et de sa stérilité, qu'il doit y avoir peu de relations commerciales entre cette contrée et l'Égypte. Les petites caravanes qui y viennent ne sont guère composées que de pélerins qui vont à la Mecque, et qui veulent par quelques légers bénéfices de commerce se dédommager de leurs dépenses. S: IN2 Du Commerce de l'Égypte avec les États Barbaresques. IMPORTATIONS. LE commerce de l'Égypte avec la côte septentrionale de l Afrique se fait, ou par (1) On connoît dans le pays de Fezzan Ia ville de de cette ville, qui professent l’islamisme, passent même Tombouctou, dans l’intérieur de l’Afrique. Des habitans quelquefois par l'Égypte pour se rendre à la Mecque. les L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. O1 les caravanes qui vont à la Mecque, ou par les navires qui viennent directement de divers points de cette côte ou de quelques ports de Europe dans la Méditerranée. On apporte de Barbarie, et particulièrement de Tunis, de l’huïle d'olive, des tarbouch, des châles blancs de laïne, des pantoufles de maroquin jaune, des manteaux à capuchon nommés barnous , des couvertures de laïne, du miel, de la cire et du beurre. . Alexandrie reçoit de Fez et de Sus, par les navires Européens qui font le cabo- tage d’une échelle à l’autre dans le Levant, de l'huile et des tzrbouch. Les bâtimens qui apportent ces cargaisons, sont, année commune, au nombre de sept à huit. L'huile de Barbarie est transportée dans de grandes jarres de terre cuite, blan- châtres à l'extérieur et vernissées en dedans par une couverte d’oxide de plomb. Le nombre de ces jarres, dont chacune, étant pleine, pèse de 4 à 500 rot/, s'élève de cinq cents à mille. Le prix du gantér d'huile, du poids de 1$0 rot/, est ordi- naïrement de 1$ à 20 pataques. I arrive annuellement par la même voie, Trois cents caisses de tarbouch (chaque caïsse en contient de cinquante à cent douzaines : le prix de chaque douzaïne varie de 10 à 2$ pataques, suivant les qualités); Trente ou quarante balles de châles de laïne blanche pour turbans { chaque balle, de deux cents à quatre cents pièces, du prix moyen de 2 pataques ); Environ trente mille paires de pantoufles de maroquin jaune, fabriquées à Maroc, Alger, Tripoli, Tunis, &c.; Troïs ou quatre mille /arnous ou manteaux blancs, dont les uns sont en laine et les autres en soie {les premiers sont fabriqués à Tunis, et se vendent de 3 à 10 pataques ; les seconds, fabriqués à Alger, varient de prix depuis 20 jusqu’à 100 pataques ) ; Environ six mille de ces grandes couvertures ou pièces d’étoffe de laine blanche appelées Aarémät (sur ce nombre, on peut en compter deux mille de qualité supérieure, au prix de 20 pataques l’une, et quatre mille de qualité médiocre, qui se vendent chacune de $ à 1$ pataques ); Trois ou quatre mille okes de cire, que fournissent les villes de Tunis, d'Alger et de Tripoli (le prix de l’oke varie de 100 à 200 médins); Cinq ou six mille outres ou sacs de cuir remplis de miel‘{ chacun en contient de quarante à cinquante okes, du prix de 2$ parats l'une); Enfin mille jarres de beurre, pesant chacune de 300 à 350 rot/ (le prix du gantär de 100 rotl est de 1000 parats). Ces dernières marchandises, c’est-à-dire, la cire, le miel et le beurre, qui seroient susceptibles de se liquéfter par la chaleur du soleïl si on les transportoit par terre à travers le désert, viennent par mer en Égypte, ainsi que les huiles de Barbarie ; elles y sont apportées en pacotille par les pélerins qui vont à la Mecque. Ceux qui voyagent par terre en caravane, apportent avec eux des marchandises sèches et moins encombrantes, telles que des /arnous, des tarbouch, des couvertures de laine, &c. Toutes les marchandises qui sont reconnues appartenir à des pélerins de la É.M. TOME Il. Mmmm 642 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Mecque, sont franches de tout droit à leur entrée en Égypte, et ne sont sujettes à aucune visite de la douane. La ville de Derne fournit aussi à l'Égypte, par la voie des pélerins , du beurre, du miel et quelques fruits. Les relations de commerce que le pélerinage de la Mecque entretient régu- lièrement entre les États Barbaresques et l'Égypte, permettent aux marchands de ces contrées de traïter entre eux de la vente de leurs denrées, soit au comptant, soit à crédit pour une année. Dans le premier cas, le taux de l'escompte varie de 7 à 12 pour cent. EXPORTATIONS. LES exportations de l'Égypte dans les États Barbaresques sont beaucoup plus considérables que les importations que nous venons d'indiquer. Les villes prin- cipales qui tirent des marchandises d'Alexandrie et du Kaire, sont; comme on l'a déjà dit, Tunis, Alger, Tripoli, Fèz, Maroc et Tétuan, vis-à-vis de Gibraltar. On porte principalement à Tunis de la toile de lin de Syout et de Manfalout, d'Aboutyg et du Kaire ; on y porte aussi de la toile de coton des fabriques de cette dernière ville, du poivre, du café, des fleurs de rose sèches, de la graine d’ndiso, du sel ammoniac, de l’aloës socotorin, de la cannelle et d’autres épiceries. Il part annuellement d'Alexandrie pour Tunis dix ou douze bâtimens, sur chacün desquels on embarque cent cinquante à deux cents balles de toile de lin ou de coton; chaque balle contient trois à quatre cents pièces, du prix de 60 à 200 parats l'une. La ville de Tunis tire ordinairement le poivre de Livourne ; et ce n’est que lorsqu'on ne peut s’en approvisionner dans cette place, que le commerce d'Alexandrie fournit cette épice. On expédie annuellement de ce port pour Tunis, De vingt à cinquante fardes de café : Vingt ou trente balles de fleurs de rose sèches, du poids de 3 à {oo rotl chacune (le gantér de 100 rot/ se paye à raison de 20 fondouklis ); Deux cents mesures de graine d’indigo, de # d’ardeb, qui se vendent en Égypte 10 pataques ; Dix ou douze caïsses de sel ammoniac, pesant chacune 2 gantär de 204 rotl. Enfin c’est à Tunis que l’on envoie d'Alexandrie lencens de la meilleure qualité. Ce qu'on en expédie par cette voie s'élève à 20 gafas ou grands paniers de $ gantär l'un : le prix du gantér de 1 50 rotl est de 2$ à 30 pataques dahaby. Lorsque les Hollandais ne fournissent pas directement la cannelle aux États Barbaresques, on la tire d'Alexandrie ; mais cette exportation ne s'élève guère au-delà de quatre ou cinq caisses. Le parfum de la civette, ou zabéd, est un objet de fort peu d'importance, qui ne s'élève guère au-delà de cent onces par an, du prix de 5 à 6 pataques l'once. Après Tunis, Alger est la ville de Barbarie qui tire d'Égypte la plus grande L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 643 quantité de marchandises. On y envoie des toiles de lin de Syout et de Man- falout, des toiles de coton du Kaïre, des-étoffes de soie dites gotny, des alâgä, des toïles de coton de Damas et de Naplouse, de la soie de Berout, du lin en étoupe et en fil, du café, une petite quantité de poivre, du sel ammoniac, du sucre, de l’encens, de la civette; du bois et de Îa résine de benjoin, qui servent de parfum par la combustion. Les Hollandais fournissent directement les épiceries. Ce commerce occupe annuellement troïs ou quatre bâtimens, sur lesquels se rendent à Alexandrie les pélerins d'Alger qui vont à la Mecque. Ces bâtimens sont de ceux qui font la caravane dans les échelles du Levant, et appartiennent toujours à quelque nation Européenne. Il part, année commune, sur ces bâtimens, environ trois ou quatre cents balles de toiles de lin et de coton, semblables à celles que l’on expédie pour Tunis, et dont nous avons déjà indiqué la valeur ; Quatre ou cinq cents pièces de ces étoffes de soïe fabriquées au Kaire et appelées gotny (la pièce se vend de 6 à 7 pataques); Cinq cents pièces d'slägä de la fabrique de Damas, et une petite quantité de cette même étoffe fabriquée au Kaïre { le prix commun de la pièce est de s ou 6 pataques) ; | Vingt ou trente balles de soie de Berout blanche et jaune, de la blanche en plus grande quantité {le prix moyen d'une balle est de $o0 pataques ); Quarante ou cinquante fardes de café Moka ; Vingt balles environ de fil de lin, du poids de $ à 6 gantér la balle (le gañtär de cette marchandise est de 30 okes, et le prix de Foke, de 30 à so parats ); Vingt gantär de sel ammonïac, quatre ou cinq gafas d'encens, une petite quantité de. sucre qui ne mérite pas d'être comptée, celui qui est consommé à Alger étant presque en totalité fourni par le commerce Européen; Dix à quinze gantär de benjoïn ( le poids du gantär est de 112 rot/ =, et son prix varie de 60 à 120 pataques). Il vient chaque année de Tripoli à Alexandrie deux ou trois bâtimens chargés de pélerins et de marchandises qu'ils apportent. Ces pélerins prennent en retour des toiles de lin et de coton d'Égypte, et les productions de Inde qu'ils ont achetées dans le cours de leur voyage. Ce sont de simples particuliers qui ne font pas leur état du négoce, mais qui veulent trouver dans les bénéfices que présente l'échange de leurs denrées contre les productions de l'Égypte et de l'Inde, le dédommagement des frais de leur pélerinage à {a Mecque. Les Musulmans de Tunis, d'Alger et de Tripoli, qui entreprennent ce péleri- nage, se rendent en Égypte par mer, comme nous venons de le dire ; ils passent ordinairement à Livourne, et s’en retournent par le même chemin. Quant à ceux de Maroc et de Fez, ïls se réunissent en une caravane assez nombreuse, qui traverse le désert jusqu'à Alexandrie : ils emportent, en s’en retournant chez eux, de trois à six cents balles de soïe de Syrie, du prix de $o0 pataques la balle ; de la toïle de coton teinte en rouge et du fl de la même couleur, le tout en assez É.M. TOME Il. SRE 644 : MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, grande quantité pour charger cinq à six cents chameaux : une charge de chameau pèse $ gantär de 100 rotl; le gantär comprend ordinairement quatre-vingt-dix ou cent pièces de toile, dont le prix varie de 60 à 100 parats. Ils emménent en outre environ deux cents chameaux chargés de toïle de coton de Syrie, d’aligä et de gotny ; on peut, en général, évaluer à $ ou 600 pataques la charge de chacun de ces chameaux. | On peut encore évaluer à 2 ou 3000 pataques la valeur du benjoin, du musc et de la civette, emportés par les caravanes de Maroc et de Fez. SECTION III. Relations commerciales de 1 "Évypte avec l'Asie. Les Égyptiens modernes n’ont guère de relations commerciales avec l'Asie que par les caravanes qui vont à la Mecque et qui en reviennent ; voilà pourquoi ces relations se réduisent à celles qui se sont établies directement entre les deux contrées limitrophes de Égypte, la Syrie et l'Arabie. Si quelques objets de ce commerce sont transportés par mer, ce sont ordinairement des vaisseaux Euro- . péens qui effectuent ce transport sur la Méditerranée, ou des vaisseaux Arabes sur la mer Rouge. SE IE Commerce avec la Syrie. IMPORTATIONS. LA Syrie fournit à l'Égypte, outre quelques produits de son sol et de l’indus- trie de ses habitans, différens articles de Inde, qui viennent à Damas par Bagdad et Bassora, ou qui y sont apportés par la caravane de la Mecque. Les places de Jaffa, de Gaza, de Naplouse, d'Acre et de Jérusalem, envoient en Égypte du savon, de l'huïle d'olive, du coton en laïne, des graïnes d’indigo _et de sésame, de la toile de coton de Naplouse, de la noïx de galle, et une petite quantité de cire. Une partie de ces marchandises est embarquée à Acre et à Jafla, et vient à Damiette ; une autre partie est transportée par de petites caravanes d’'Arabes dés tribus voisines du Kaiïre et d'el-Arych. On importe, année commune, par ces différentes voies, de mille à douze cents sacs de savon; chacun de ces sacs pèse 7 à 800 rot/ de 144 drachmes : 11 rot/ = ne comptent que pour 10, à cause de la tare. Le savon coûte en Syrie 95 médins le rot/; mais ce rot/ est sextuple de celui du Kaiïre. L'huile d'olive est transportée dans de grandes jarres de terre qui en con- L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE. 645$ tiennent chacune 3 gantär + ou À gantér de 100 rot/. La consommation annuelle de cette denrée montoit de cent à trois cents jarres. Le prix d'un rof/ de cette huile, dans les marchés du Kaiïre, étoit communément de 10 à 12 mé- dins. L'importation du coton de Syrie varioit suivant que l'Égypte en avoit produit une plus ou moins grande quantité : lorsque l’année n’avoit point été favorable, cette importation s’élevoit à deux ou trois mille balles du poids de 3 gantär =, de 125 rot/ chacun. Le yantär de coton se vendoït à Saint-Jean-d'Acre de 140 à 200 piastres de {o médins, unité de monnoiïe de compte généralement employée dans le commerce qui se fait entre la Syrie et l'Égypte ; le gantär d'Acre est une unité de poids qui équivaut à 4 gantär . Kaire. La mesure de graine d’indigo, de < d'ardeb, se vendoït au prix moyen de 8 pataques : les environs de Naplouse PMStufone la plus estimée. On en apporte en Égypte, année commune, environ six cents ardeb de Syrie, qui sont à ceux du Kaïre dans le rapport de 13 à 12. Au surplus, le prix de cette graine varie à raison des demandes qu’on en fait. On tire aussi de la Syrie de la graine de sésame : ïl en vient annuellement deux mille coufles, chacune d’un demi-srdeb ; cette mesure se vend au Kaïre environ À pataques. La toile de coton que l'on fabrique à Naplouse se nomme zk'; on en importe environ six cents balles, dont l'une contient quatre-vingt-dix ou cent pièces de dix-huit pyk de longueur chacune, et du prix de 180 médins. La noix de galle d'Alep, qui est employée en Égypte pour teindre en noir, est un objet d'importation assez considérable ; il en vient environ une centaine de sacs, du poids de 3 à À gantär de 130 rotl. La cire de la Palestine n’est importée en Égypte qu’en très-petite quantité, comme nous avons déjà eu occasion de le dire. La ville de Damas fait avec l'Égypte un commerce particulier : on en tire des étoffes de soïe de l’espèce appelée gotzy, provenant des fabriques de cette ville : on en tire aussi des étoffes de soïe et coton de deux qualités, l’une appelée «lg Chämy, et Yautre, alâgä Hendy ; de la toile de coton appelée atk° Chämy ; des abricots secs, et de la pâte d'abricots appelée gamar el-dyn ; enfin une teinture rouge nommée foueh Chämyeh. H vient de plus par Damas des châles de cachemire de cinq qualités diffé- rentes, sous autant de dénominations ; de la mousseline des Indes, et des toiïles de coton plus grossières tirées du même pays ; une drogue nommée oghät, des châles de laine, de la soie de Perse, de l'argent et des perles. Ces divers objets sont apportés de Bagdad. à Damas par des caravanes qui y arrivent annuellement au nombre de troïs ou quatre, chacune de deux ou trois mille chameaux : maïs ül faut observer qu'une très-petite quantité des marchandises qu'elles apportent est destinée pour l'Égypte ; elles sont presque en totalité consommées dans les autres parties de l'empire Ottoman. L'importation annuelle des étoffes de soie appelées gotny monte à dix mille 646 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, pièces. Le prix de cette étoffe à Damas varie, suivant les qualités, de 1$ à 20 piastres Turques de 4o médins. En outre, il vient directement de Damas quinze ou er mille pièces d'alaga, du prix de 9 à 15 piastres l'une. L’ Égypte consomme à peu près mille balles de l'espèce de toile de coton appelée 4k” Chämy ; chacune de ces balles contient cinquante-cinq pièces de bte pyk de longueur et d’un a un quart de largeur : le prix de la pièce est de 7 à 9 piastres. Il arrive tous les ans de Damas cinq cents caïsses d'abricots secs, pesant chacune 2 gantér + de 100 rofl : ils se vendent de 30 à $o piastres le 7antär de Syrie, qui équivaut à 180 okes. La quantité de gamar el-dyn, ou pâte d'abricots, importée de Syrie, est commu- nément de cinq ou six cents caisses, du poids de 1$0 rot/ chacune. Le prix ordinaire du rof/ est de 3 parats. | On envoie aussi de Damas en Égypte une espèce d'étoffe de soie rouge et noire, extrêmement claire, dont les femmes se font des chemises et des voiles : elle se nomme goraych. Îl en vient par an environ vingt caisses, qui peuvent en contenir mille pièces ; le prix de chacune est de 18 ou 20 piastres. Cet article est ordinairement expédié de Berout pour Damiette. Outre les différentes étoffes de soie dont nous venons de faire l’'énumération, on expédie encore pour l'Égypte, par les ports de Lataky, de Berout, de Tripoli, de Sour et de Seydeh, une certaine quantité de soïe en botte. On achète cette matière au poids dans toute la Syrie ; et l'unité de poids appelée ro4/, dont on fait usage dans le commerce de cet article, équivaut à 229 drachmes du Kaïre. | La soie de Lataky est blanche, et coûte 3 à À pataques le rot/; il en vient annuellement deux cents ballots de 135 rot/ chacun. | . Celle de Berout est communément jaune, et se vend au prix moyen de 6 pa- taques le rot. Cette soie est, comme on voit, pius estimée que celle de Lataky : elle est mise en œuvre à Damiette, à Mehallet el-Kebyr et au Kaire. On évalue à deux mille ballots de 135 rot/ ce qui en est importé annuelle- ment. On expédie de Tripoli de Syrie pour l'Égypte de deux à quatre cents ballots de soie, dont le poids est aussi de 135 ro. Cette soie est encore employée dans les villes de l'Égypte que nous venons de désignér ; elle est blanche, et de trois qualités : la première se vend $ pataques le rotl; la seconde, de 4 pataques à À pataques :; enfin la troisième, de 3 pataques = à 4 pataques. Il ne vient de Sour que quarante ou cinquante ballots de soïe, du poids de 120 à 125 rotl lun; elle se vend 4 pataques le ro4/. | On tiroit annuellement de Seydeh deux cents ou deux cent cinquante ballots de soie blanche, du même poids que ceux qui viennent de Berout. La soïe que l'on tiroit de cette dernière ville étoit généralement un peu plus estimée que celle de Seydeh. Le tabac de Lataky étoit un objet d'importation considérable en Égypte : on L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 647 estime qu'il en venoit tous les ans quatre mille balles de Aoo rot/ chacune en- viron. Le tabac de Lataky se vend au Kaire de 60 à 180 parats l’oke de 400 drachmes. I venoit aussi de Sour quatre ou cinq cents balles de tabac, de 4 gan- tär + l'une : le gantär de ce tabac y coûte, prix d'achat, de 7o à 200 piastres. On tiroit enfin de ce port cinq ou six cents couffes de figues sèches, de 20 à Âo piastres le gantér. [ ne venoït par terre qu'une très-petite quantité de ces diverses marchandises : elles étoient presque en totalité embarquées dans les ports de Berout, de Saint- Jean-d’Acre, de Seydeh et de Sour, sur des vaisseaux Grecs ou Turcs, ou sur des vaisseaux Européens qui faïsoient la caravane dans le Levant. | Le prix du fret étoit ordinairement de $ piastres par farde de 2 gantär + du Kaire. … Le bénéfice des marchands sur les divers objets importés de Syrie varioit de 10 à 30 pour 100. Sous le gouvernement des Mamlouks, c’étoit le commerce des étoffes de soie qui donnoit les plus grands bénéfices. EXPORTATIONS. ÜXE partie des denrées et marchandises envoyées de Syrie en Égypte étoit acquittée par des exportations, qui consistoient principalement en riz, en blé, en lentilles et pois chiches, en cumin, en safranon et en lin, tous produits de l'agriculture du pays. On exportoit encore de l'Égypte en Syrie des cuirs et du maroquin rouge, du café, de lindigo, des drogues de différentes sortes, du tamar Hendy, du tchichm , de la nacre de perles, des grains de chapelet faits avec le noyau du fruit de palmier Zum, du poivre, du gingembre, des esclaves noirs, &cC. C'est par la ville de Damiette que se font la plupart des expéditions de ces di- verses marchandises ; il s’en fait aussi quelques-unes par Rosette. On expédie, année commune, du seul port de Damiette, environ trente mille ardeb de riz, du prix de 20 à 22 pataques l'ardeb. On n’envoie du blé d'Égypte en Syrie que lorsqu'on en éprouve la disette dans cette dernière contrée ; maïs on y fait passer communément environ mille 4r4eb de féves, deux à trois mille 4rdeb de lentilles et cent 444 de cumin. L'ardeb de féves se vend de 140 à 160 parats; et celui de lentilles, 180 : l'ardeb de cumin vaut ordinairement $ pataques. L’exportation du safranon pour la Syrie montoit annuellement à $00 gantér, dont le prix varioit, suivant les circonstances, de 8 à 20 pataques le gantär. Celle du séné monte au plus à cent balles, de 180 pataques l'une. On exportoit environ deux milliers de cuirs, du prix de 3 à 6 pataques suivant Îes espèces et les qualités. La Syrie tiroit annuellement d'Egypte environ 1000 gantér de sucre, dont 100 gantär seulement étoient destinés à la consommation de Damas, cette ville recevant de l'Inde par Bagdad le reste de son approvisionnement. Le sucre 648 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, d'Égypte de première qualité coûtoit 25 pataques le gantär; et le sucre ordinaire, de 12 à 15. L'exportation s'en faisoit par Damiette, dans des gafas qui conte- noient chacun 3 gantär de 105$ rorl. On exporte environ de deux à trois mille balles de toile de lin tirées des fabriques du Kaire et des environs ; chacune de ces balles contient de cent à deux cents pièces : les plus recherchées viennent de Myt-Ghamar et de Belbeys ; la balle se vend de 200 à 300 pataques. On passe ordinairement des #arbouch en contrebande dans l’intérieur de ces balles de toile. Les étoffes de soie fabriquées en Égypte ont peu de débit en Syrie; celles qu'on y envoie ne sont destinées qu’à l'ameublement, et proviennent des manu- factures de Mehallet el-Kebyr. L'indigo employé dans les ateliers de teinture de Damas venoit de l'Inde ; mais celui dont on faisoït usage dans le reste de la Syrie, y étoit apporté d'Égypte. L’exportation de cette matière colorante pouvoit s'élever par année à so0 gantér de 200 rot/ l'un ; le prix du gantär est de 4o à 4 pataques. L’indigo d'Égypte le plus recherché en Syrie étoit celui que l'on récoltoit dans la province de Belbeys. L'exportation annuelle du sel ammoniac pour Damas s’élevoit à 30 gantär, et à 70 pour le reste de la Syrie : le gantär de ce sel pèse 250 rot. Le sel ammoniac de première qualité se vendoit de 100 à 120 pataques le gantér; et celui de qualité inférieure, de 80 à 90. On ne faisoit passer d'Égypte en Syrie qu'environ 100 gantér de tamar Hendy, de 110 rot/ chacun, et du prix de 15 à 30 pataques. Le café ne passoit d'Égypte en Syrie que dans les années où les caravanes de Damas et de Bagdad n’en apportoïent point assez pour la consommation de cette province. Dix gantär de tchichm composoient le poids total des exportations de cette substance ; le gantär est de 110 rot/, du prix de 10 à 20 pataques. C'étoit ordinairement de Bagdad que la Syrie tiroit les autres drogues em- ployées dans la pharmacie. Les coquilles de nacre de perles se vendoïent au millier : les plus grandes, so pataques ; et les petites, de 10 à 30. On expédioit annuellement de cent à deux cents milliers de ces coquilles, qui étoient particulièrement travaillées à Jérusalem et en différens lieux de la Palestine pour faire des chapelets et autres ouvrages de ce genre, qui étoient achetés par les pélerins de la chrétienté. On envoyoit encore d'Égypte à Jérusalem une graine nommée bezrebât, qui servoit aux mêmes usages ; C'étoit un article de $o0 gantär environ, de 1 50 rot/ chacun. L'oke de cette matière, du poids de {oo drachmes, se payoït de 20 à 4O parats. | Le millier de noïx de palmier doum , que l’on employoit aussi à faire des chape- lets, se vendoit de $ à 7 pataques ; on en évaluoït à deux cents milliers l'expor- tation annuelle. Les épiceries consommées en Syrie venoïent presque toutes par Bassora; ce qui L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 649 qui en étoit expédié d'Égypte ne s'élevoit guère annuellement qu'à deux cents balles, au nombre desquelles le poivre seul entroit pour un quart. Le gantär de cette épicerie étoit du prix de 60 à 70 pataques. Quant aux esclaves noirs des deux sexes amenés en Égypte par les caravanes de l'intérieur de l'Afrique, on en faisoit passer tous les ans en Syrie environ une centaine ; mais ces envois n'avoient lieu que sur des demandes particulières. Le cours ordinaire des bénéfices sur les marchandises exportées d'Égypte en Syrie varie de 10 à 30 pour cent. Les droits de sortie par le port de Damiette sont fixés à 60 médins par gartér, pour quelque marchandise que ce soit; à l'exception cependant des toiles, dont on a voulu favoriser l'exportation, et qui sont comprises dans un réglement par- ticulier : chaque pièce acquitte un droit d’un parat et dèmi seulement. Le transport par le Nil, depuis le Kaïre jusqu'à Damiette, d’un sac où ballot du poids de $ gantér, est payé de 20 à 100 médins, suivant l'espèce de mar- chandise. Si l'on prend la voie de terre, le transport du même poids à dos de chameau revient à 8 ou 10 pataques. Le prix du fret de Damiette aux divers ports de Syrie augmente ou diminue, suivant qu'il se trouve en même temps plus ou moins de bâtimens en chargement. I varie de 200 à Aoo médins par farde ou balle de marchandises du poids de $ gantär. | Il se, fait aussi quelques transports de marchandises d'Égypte en Syrie par le lac Menzaleh : maïs c'est un commerce de contrebande. Les marchands de Syrie établis au Kaïre, de même que les autres Levantins, n'ont point de consuls. Quand ïül s'élève entre eux des différends sur le fait du commerce, ils essaient d'abord de se concilier par voie d'arbitrage ; si les moyens de conciliation n’ont point de succès, les parties intéressées ont recours à Ja justice Turque, qui termine promptement les contestations. Les faillites s'accommodent, comme en Europe, à la volonté des créanciers, et suivant les facultés du débiteur ou le plus ou moins de confiance qu'il inspire. Les avanies auxquelles les marchands Syriens étoient exposés sous le gouver- nement des Mamlouks, consistoient en fournitures dont la valeur n’étoit point soldée, ou bien en emprunts d'argent dont il n'étoit pas tenu compte ; quelquefois encore on les mettoit arbitrairement en prison pour les forcer de s’en tirer en payant une somme d'argent plus ou moins considérable. Quant aux espèces métalliques qui servent à solder une partie des échanges dont nous venons d'indiquer les principaux objets, il passe d'Égypte en Syrie des médins et des sequins du Kaire, tandis qu'il vient de Syrie en Égypte des piastres d'Espagne, des sequins de Constantinople et des sequins de Venise. En général, la Syrie recevoit annuellement en numéraire de plus grandes valeurs qu’elle n’en rendoit, parce que toutes les soies qui venoïent de cette contrée pour être mises en œuvre en Égypte, étoient payées en argent. Le commerce par mer entre ces deux pays se trouva naturellement inter- rompu pendant l'occupation de l'Égypte par l'armée Française. Alors on traita É.M. TOME II. QUE, 650 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, avec les fermiers de la pêche du lac Menzaleh; et les marchandises qui étoient entreposées à Damiette, furent transportées sur ce lac à Sän et à Tyneh, où des caravanes d’Arabes Syriens venoient les chercher. D'autres Arabes transportoïent aussi en Syrie les marchandises entreposées dans les villes du Kaire et de Belbeys, à Sefteh et à Myt-Ghamar. Is suivoient la route ordinaire des caravanes, et passoient par Sälehyeh, quand les droits de sortie des marchandises qu'ils emportoïent avoient été acquittés ; mais les Arabes qui entreprenoiént à leurs risques de les faire passer en contrebande, s’écartoient de la route deSälehyeh, et contournoient la vallée de Saba’h-byär. Les cheykhs de ces caravanes sont quelquefois associés avec des marchands du Kaire ou de quelque autre ville : ils viennent alors chercher dans les magasins de leurs associés les marchandises qu'ils se chargent de transporter en Syrie; ils re- viennent ensuite déposer dans ces magasins les objets qu'ils apportent en retour. Quelquefois ïils font le commerce pour leur propre compte, et alors ils con- servent leurs marchandises dans leurs camps, où les marchands des villes de l'Égypte viennent les choisir et les acheter. Autrefois ces Arabes ne faïsoient point eux-mêmes le commerce, ne se char- geant que d'employer leurs chameaux au transport des marchandises à travers leurs déserts; ce qui ne leur procuroit que de très-légers bénéfices : maïs, pendant notre expédition, la voie de mer par Damiette ayant été fermée, il a fallu, de nécessité, recourir à eux. lis sont aïnsi restés les maîtres du prix des transports, et ils ont employé une partie des bénéfices extraordinaires que cette circonstance leur a procurés, à faire le commerce pour leur propre compte; ce qui,un peu plus tôt ou un peu plus tard, auroït amené une révolution dans leurs mœurs. I faut, au surplus, être toujours très-circonspect dans le choix que l'on fat de cette espèce de voituriers; car il arrive quelquefois que des Arabes chargés de marchandises qui ne leur appartiennent pas, les font piller en route par des tribus qu'ils disent être leurs ennemies, et avec lesquelles ils sont d'intelligence : ensuite ils partagent entre eux les objets pillés. $. IL. Commerce de l'Égypte avec l'Arabie et l'Inde. IMPORTATIONS. LA fertilité de l'Égypte et la stérilité de l'Arabie doivent établir entre ces deux contrées contiguës des rapports de commerce très-étendus. C'est aussi avec f Arabie que FÉgypte échange une partie considérable des productions de son sol contre des étoffes et des épiceries de Inde, que des marchands Arabes vont y chercher et qu'ils entreposent dans leurs ports. Le commerce entre l'Égypte et l'Arabie se fait par mer, au moyen de petits, bâtimens qui viennent des deux ports de Geddah et d'Yanbo’ aborder en L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 6$1 Égypte, à Qoceyr ou à Suez, ou bien il se fait par terre, au, moyen de cara- vanes qui traversent le désert compris entre le Nil et la mer Rouge. Le port de Qoceyr est placé au fond d’une petite baie ouverte au sud-est ; il est fermé au nord par un rocher qui se dirige-vers l'est-sud-est, et s'avance dans la mer jusqu'à une distance de deux cent soixante mètres, à partir du rivage. Ce rocher, dont la surface est à peu près horizontale, découvre à marée basse; il est coupé à pic dans l'intérieur du port et du côté du large, où il se prolonge du sud au nord parallèlement à la côte. La plage, du côté du sud, est également bordée de récifs, qui forment une courbe concave d'environ trois quarts de lieue de diamètre. Cette disposition met le port de Qoceyr à l'abri des vents de nord et de sud, lesquels soufflent le plus fréquemment sur la mer Rouge : ce port est également abrité, par la terre, des vents d'ouest, qui pousseroïent au large. Le mouillage est placé vers la pointe du rocher septentrional. J'y aï trouvé, à marée basse, six brasses d’eau : cette profondeur diminue de plus en plus en appro- chant du rivage, à cinquante mètres duquel elle n’est plus que d’une demi-brasse. Le fond de ce mouillage est de sable fin et d'assez bonne tenue ; maïs, comme les vaisseaux Arabes sont en général mal gréés, il arrive quelquefois que leurs câbles se rompent lorsque le vent d'est souffle avec violence. C'est le seul dont le port. ne soit point à couvert; mais il souffle rarement. Les bâtimens ne peuvent approcher de la ville, faute de quais : on est obligé de les charger et de les décharger au moyen de chaloupes qui même n'arrivent pas jusqu'à terre ; il faut que les marchandises y soïent prises et embarquées par des hommes qui se mettent à l’eau jusqu'à la ceinture. Les marées moyennes à Qoceyr s'élèvent d'environ un mètre. Les plus grands bateaux qui y abordent ne sont point pontés, et ne portent que quatre cents mesures de blé ; ce qui équivaut à quatre-vingt-dix tonneaux environ. Le vent de nord règne presque toute l’année ; ceux de Ia partie du sud soufent pendant les trois mois d'hiver. La ville , si l'on peut donner ce nom à un amas de masures entassées sur une : côte déserte, est privée d’eau douce. Elle a deux cent cinquante mètres de longueur du sud-ouest au nord-est, et cent soixante dans sa plus grande largeur ; elle est percée, dans ce sens, de deux rues principales, qui vont, en partant du bord de la mer, jusque sur une petite place en avant du château. Ce château est bâti sur une petite éminence de cailloux roulés qui passe der- rière la ville et se prolonge sur la côte au nord et au sud; c'est une enceinte de murailles en forme de losange de soixante-dix mètres de côté, flanquée de quatre tours. Cette construction est la seule qui présente quelque apparence de solidité. Le soubassement de ses murs est en pierre de taille. Cette enceinte renferme quel- ques bâtimens, ainsi qu'une citerne d’eau saumâtre. Le port de Qoceyr est habité par des marchands Arabes qui trouvent dans les bénéfices du commerce qu'ils y font, un dédommagement suflisant des privations É.M. TOME IL. ( Nnnnz 652 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, auxquelles le local les assujetti. Ces marchands, venus pour la plupart d'Yanbo’ et de Geddah, reçoivent de leurs correspondans dans ces deux villes les mar- chandises de Arabie et de l'Inde, et ils les font passer en Égypte par des cara- vanes qu'ils accompagnent ordinairement eux-mêmes. Le café de l'Yémen est presque le seul objet des importations qui se font en Égypte par le port de Qoceyr. Il y est expédié des deux ports d'Yanbo’ et de Geddah. IH se vend, dans le premier, de 12 à 15 piastres d'Espagne le gantér du Kaïre : on paye 15 médins de fret, et 20 médins de droit de sortie. Le trajet jusqu'à Qoceyr se fait ordi- naïrement en trois Jours. { Le prix du café à Geddah est ordinairement de 2 piastres par gantér au- dessous de son prix à Yanbo’; mais cette infériorité de prix se trouve com- pensée par un droit de 300 médins perçu pour le compte du chéryf de la Mecque : le fret de Geddah à Qoceyr est de 36 à 4o parats par gantär. Le nombre des bâtimens d'Yanbo’ et de Geddah qui abordent chaque mois à Qoceyr, varie de dix à vingt, suivant les saisons ; ceux de Geddah sont toujours en plus grande quantité que ceux d’Yanbo’. Débarqué à Qoceyr, le café de l Yémen paye en nature un droit de 4 rot/ = par gantär ; H paye de plus 47 médins en argent, y compris le salaire du percepteur. Ces droits acquittés, le café est transporté à Qené sur les chameaux qui ont apporté de cette ville le blé et les autres productions de l'Égypte dont les barques Arabes se chargent en retour. La charge d’un chameau est de À gantär de café ; le prix de sa location est de 2 piastres d'Espagne : il faut payer de plus 23 parats par chameau, pour l’escorte que les Arabes A’#äbdeh fournissent aux caravanes, ou plutôt pour la prime d'assurance qu'ils exigent contre le pillage quils pourroïent exercer eux-mêmes. Les droits de la douane proprement dits se perçoivent à Qené ; ils montent à 3 piastres + par gantér : ainsi, ajoutant ensemble tous ceux dont est grevé le gantär de café jusqu'a sa sortie de Qené, on trouve que leur somme s'élève à 4 piastres et 8s médins, c'est-à-dire, à très-peu près au tiers du prix d'achat de cette marchandise dans les ports de l'Arabie. Le transport des cafés de Qené au Kaire s'effectue par le Nil, comme nous avons déjà eu occasion de le dire ; on paye, suivant les circonstances, de 20 à À parats de fret par gantär, qui se vend au Kaïre de 25 à 30 piastres. Les marchandises de l'Inde, formant pour l'ordinaire une partie du charge- ment des bâtimens d’'Yanbo’ et de Geddah, sont apportées dans ces deux villes par des caravanes d’Indiens qui viennent en pélerinage à la Mecque , ou par des bâtimens de l'Inde qui sont quelquefois montés par des naturels du pays, mais beau- coup plus souvent par des Anglais : ceux-ci, n'ayant point de consuls dans les ports de la mer Rouge, y abordent rarement; les marchands se rendent avec le douanier à bord de leurs vaisseaux, où les affaires se traitent. En général, ils tiennent les différens objets de leur cargaison au-dessous des mêmes objets quand ils sont apportés par les caravanes ou par des bâtimens Indiens. On les paye en L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 653 piastres d'Espagne ; il est du moins extrêmement rare que les Anglais prennent des marchandises en retour. Les étoffes de l'Inde, les épiceries , l'encens , la gomme, et généralement tous les objets qui composent la cargaison des bâtimens de Geddah et d'Yanbo’, le café excepté, payent à Qoceyr un droit de 10 pour cent en nature; c'est le seul qu'elles supportent jusqu'à leur arrivée au Kaire. Parmi les étoffes et les mousselines qui sont transportées des Indes à Qoceyr, il se trouve aussi quelques étoffes de soïe fabriquées en Angleterre, et dont on ne trouve plus le débit aïlleurs. | Les châles de cachemire se vendent à Yanbo’ et à Geddah de 30 à $o piastres : mais ils sont des qualités inférieures. Ces objets, et toutes les marchandises de l'Inde que l'on apporte en Égypte, sont renfermés dans des ballots dont deux suffisent pour compléter la charge d’un chameau ; on paye 60 à 80 médins pour le transport d’un de ces ballots par le Nil, depuis Qené jusqu'au Kaire. La ville de Suez, plus considérable que celle de Qoceyr, est bâtie à l’extrémité septentrionale et sur Île rivage de la mer Rouge. Les vaisseaux n'y abordent point avant d'être déchargés ; ils restent dans la rade, à cinq quarts de lieue environ au sud de la ville. Cette rade est enfermée entre deux plages qui sont couvertes à marée haute; son fond est de sable fin : on y trouve de dix-huit à soixante pieds d’eau à marée basse. Elle est d'ailleurs a l'abri des vents qui soufflent de la région du nord, depuis l’est jusqu’au sud-ouest. Le vent de sud est le seul qui puisse y occasionner quelque agitation : il n'y auroit cependant aucun danger à craindre, si les câbles qui tiennent les amarres étoient assez forts, et si les bâtimens étoient bien gréés. Le contour oriental de la ville de Suez est formé par quelques pans de murs de quai en maçonnerie de moellon. Les barques des pêcheurs y abordent, ainsi que les chaloupes des vaisseaux qui sont en rade : on communique de cette espèce d'embarcadère dans la rade par un chenal qui remonte parallèlement au rivage Jusqu'à cinq ou six cents mètres vers le fond du golfe. On trouve dans ce chenal de six à huit pieds d'eau à marée basse; mais, à son embouchure, il est obstrué par une barre de sable sur laquelle il ny en a que quatre ou cinq. Cette espèce de barre doit son origine à l’équilibre qui s'établit en ce point entre le courant de la marée montante et celui des eaux qui, descendant du fond de la mer Rouge, charient toujours une petite quantité de sable. | On voit au nord-est de Suez une petite éminence désignée sous le nom de Qolzoum : suivant une tradition du pays, c'est l'emplacement d’une ancienne ville. Je l'ai parcourue avec attention , et je n’ÿ ai reconnu qu'un monticule sem- blable à ceux dont la plupart des villes d'Égypte sont environnées, et qui sont formés des gravois et des immondices que l’on en rejette. On ne trouve point d'eau douce, et il nya par conséquent aucune végéta- tion dans les environs de Suez. Les grains, les légumes, et les autres objets de première nécessité, y sont apportés à grands frais de l’intérieur de l'Égypte. On va maintenant chercher l'eau nécessaire aux besoins de ses habitans sur la côte 654 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, orientale du golfe, à deux lieues et demie de la ville. La fontaine d’où cette eau surgit se nomme e/-Näba’; ce n'est autre chose qu'un trou de huit ou neuf pieds de profondeur, creusé dans un amas de caïlloux roulés, qui ont été déposés au pied de la chaîne Arabique. Cette eau est légèrement saumâtre. On retrouve encore aujourd'hui, sur plus d’une lieue de longueur, les traces d’un aqueduc qui, partant de cette même fontaine, se dirigeoit du côté de Suez : le fond et les paroïs de cet aqueduc étoïent formés d’une espèce de béton composé de chaux, de sable calcaire, de gravier et de coquillages, aïnsi qu'il est aisé de le recon- noître à quelques fragmens qui sont répandus sur le sol. Cette fontaine n'a pas toujours été la seule d'où la ville de Suez ait tiré ses eaux: on alloït les chercher autrefois jusqu'aux fontaines de Moïse, situées à quatre lieues au sud-est sur la côte d'Arabie. Elles sont au nombre de sept ou huit, creusées dans le sable à huit ou neuf cents toises du bord de la mer : les unes fournissent de l’eau saumâtre, tandis que deux ou trois autres fournissent de l’eau assez douce. On voit les restes d’un aqueduc qui portoit les eaux de l'une de celles-ci dans une espèce de réservoir peu distant du rivage actuel. On remarque aussi autour de ces fontaines des monticules de décombres, de débris de vases et de maçonnerie, qui annoncent d'anciens établissemens. [1 est étonnant, au surplus, qu'on ne trouve pas de ruines plus considérables sur un point de cette côte où il existe de l'eau douce ; avantage précieux, qui permettroit d'y cultiver avec succès quelques plantes utiles, comme on peut en juger par la belle végé- tation de plusieurs dattiers dont ces fontaines sont entourées. Ce qui reste des travaux faits pour amener des eaux à Suez, ou à l'ancienne ville à laqueïle cette ville moderne a succédé, ne fournit pas la seule preuve de l'importance de cet établissement, et de l'état florissant où il exista autrefois : le genre de construction de la plupart des édifices qui bordent ses quais et ses difié- rentes places, en fournit une autre preuve. On compte encore à Suez dix-huit ou vingt o’ke/ destinés à loger les mar- chands étrangers et à leur servir de magasins; ils sont bâtis sur des plans ré- guliers et uniformes. Ce sont des enceintes rectangulaires de quarante ou cin- quante mètres de côté. Comme ils forment un bâtiment isolé, leur cour intérieure, autour de laquelle les logemens sont distribués, a communément deux ou trois issues. La partie inférieure des murs d'enceinte de ces édifices est revêtue de pierres de taïlle. Les rues de Suez sont alignées ; les places publiques, au nombre de trois ou quatre, ne sont pas sans quelque régularité ; les maisons particulières portent même une sorte de caractère Européen qu'on ne retrouve dans aucun autre lieu d'Égypte. Cette ville, malgré les avantages qu'elle offre au commerce, a singulièrement déchu depuis quarante ans : on y comptoit alors plus de mille habitans , parmi lesquels il y avoit quelques négocians Grecs ; à peine y trouveroit-on aujourd’hui deux cents personnes. Quant à l'époque de sa plus grande prospérité, elle re- monte probablement à celle de la destruction d'Alexandrie par les Sarrasins : L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 655$ le siége du gouvernement se trouva alors établi au Kaire ; et, cette capitale étant devenue le centre de toutes les affaires , ce fut par le port de la mer Rouge qui en étoit le plus voisin, que durent s’entretenir les relations commerciales de l'Égypte avec l'Inde et l'Arabie. La principale et peut-être la seule cause qui a maintenu l'établissement de Suez depuis la découverte du cap de Bonne-Espérance, a été le passage annuel de Ja caravane d'Égypte, dont une partie s'embarque dans ce port lors de son départ pour la Mecque, et y débarque à son retour. Presque tout le commerce entre l'Égypte et l'Inde se fait aujourd'hui par l'entremise de cette caravane et par la correspondance établie entre le port de Suez et celui de Geddah. La plupart des bâtimens Arabes qui naviguent sur la mer Rougé, sont cons- truits dans Inde ; ils s'y vendent 4 ou 5000 piastres, et sont du port de soïxante- quinze à quatre-vingts tonneaux. Il y a cependant à Geddah un chantier de construction que les Anglais approvisionnent de matériaux. Les vents de sud règnent ordinairement sur la mer Rouge depuis le com- mencement de décembre jusqu'au milieu de février, et pendant les deux pre- miers mois qui suivent l’équinoxe de printemps. Ces deux saïsons, dont Îa première se nomme #erbänyeh, et la seconde, e/naham, sont celles de l'expé- dition des bâtimens de Geddah et d'Yanbo’ pour Suez. Pendant le reste de l’année, les vents soufllent de la partie du nord, et l'on peut faire régulièrement les expé- ditions de Suez pour l'Arabie. Quand le vent est favorable, on vient de Geddah à Suez dans quinze ou seize jours : la durée de ce trajet est ordinairement de vingt ou vingt-deux; ïl n'y a que trois ou quatre jours de différence pour venir d'Yanbo’. Ce n'est pas aux difhicultés de {a navigation sur la mer Rouge qu'il faut attribuer les lenteurs de cette traversée ; c'est plutôt à l’ignorance des marins Arabes, et à l'habitude qu’ils ont de mouiller toutes les nuits dans les anses qu’ils rencontrent sur la côte orientale du golfe : c’est pour cela qu'ils en suivent les contours sans jamais les perdre de vue. Il vient annuellement à Suez cinquante ou soïxante bâtimens de Geddah: leur cargaison consiste principalement en café, gomme Arabique, encens, épiceries et drogues de plusieurs espèces ; quant aux mousselines et autres étoffes de l'Inde, elles sont généralement apportées par les pélerins de la Mecque. Il faut ajouter à ces différens articles cent gantär de séné venant des environs de cette ville; cette marchandise étoit comprise, comme le séné de Syène, dans le monopole que Morâd-bey en avoit concédé au consul de Venise, M. C. Rosetti. Enfin l’on amenoïit annuellement d'Arabie en Égypte vingt ou trente esclaves noirs, beaucoup plus estimés que ceux d'Afrique. Avant les quinze dernières années qui ont précédé notre expédition d'Égypte, il venoit par Suez vingt ou trente mille fardes de café, chacune du poids de 3 gantäâr +, le gantér étant de 105$ rof/. Depuis cette époque, le commerce du café par Suez est tombé; il n'en vient 656 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, plus que quinze à dix-sept mille fardes par cette voie ; le reste est expédié par Qoceyr : cependant la masse totale de cette importation est moïndre qu'autrefois. Les renseïgnemens que j'ai pris à Suez sur le prix du café à Geddah et à Yanbo’, et sur les droits auxquels cette marchandise est assujettie, se rapportent parfaitement à ceux que j'avois déjà obtenus à Qoceyr : on paye de 60 à 80 médins pour le transport d'un gantér de café de Geddah à Suez. Le gantär et le rot/ en usage dans les ports d'Arabie sont les mêmes que ceux d'Égypte. Bruce avoit déja remarqué que ces poids sont ceux de Venise ; ce qui prouve, conformément, à fopinion de ce voyageur, qu'ils ont été introduits en Orient pendant que les Vénitiens y faisoient exclusivement le commerce. Les épiceries et les autres marchandises de l'archipel Indien sont apportées tous les ans à Geddah par quinze ou vingt petits bâtimens Malaïs ou Arabes, et par trois ou quatre vaisseaux Anglais. Les marchandises de l'Inde qui venoient à Suez, consistoient principalement en étofies de soie, en étoffes de coton et en cachemires. Vingt ans environ avant l'expédition Française en Égypte, il s’y faisoit une bien plus grande importation de marchandises par la caravane de la Mecque que par Suez et Qoceyr : maïs le grand nombre de tribus errantes qui infestent le chemin que la caravane est obligée de suivre, a fait, dans ces derniers temps, préférer la voie de mer. Quoi qu'il en soit, la valeur des objets importés par la caravane s'élevoit encore annuellement à 250,000 ou 300,000 piastres d'Espagne. Ces importations étoïent exemptes de tout droit de douane. I yavoit anciennement au Kaïre quinze ou vingt maisons de négocians Turcs qui faisoient le commerce de l'Inde; ce nombre n'est plus que de trois ou quatre: il y a à peu près autant de commissionnaires Turcs établis à Geddah. Quatre tribus d’Arabes étoïent exclusivement en possession de transporter au Kaïre les marchandises qui venoïent de Suez par mer: ces tribus, qui suivoiïent chacune une route différente, sont celles des Terräbyn, des Haouytät, des Arabes de Tor et des A’ydy. Les premiers habitent les environs du vieux Kaïre et le village de Basätyn ; ils ont aussi des camps dans quelques gorges de la vallée de l'Égarement. Les Haouytât sont établis dans la province de Qelyoubyeh. La tribu de Tor occupe la côte d'Arabie jusqu'au cap Mohammed, les envi- rons du mont Sinaï, et toute la presqu'île comprise entre la mer de Qolzoum et le golfe d' A’qabah. Enfin les A’ydy habitent les environs de Mataryeh et de Birket el-Häggy. Ces Arabes fournissent les chameaux avec leurs équipages, et un nombre pro- portionné de conducteurs qui sont eux-mêmes sous les ordres de quelques cheykhs. Un chameau porte de Suez au Kaïre $ ou 6 gantär de café, pour chacun des- quels on paye 90 médins. Les produits de la douane de Suez ont été, pendant quelque temps, divisés entre L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 657 entre Moräd et Ibrähym beys : [brähym en jouissoit seul lors de l'arrivée des Français .en Égypte ; cependant on prélevoit un droit d'un médin par rof/ de café au profit du pâchà du Kaïre, et un droit de 146 médins par farde au profit de l'émyr Häggey. Il faut que le commerce de l'Inde par la mer Rouge ait procuré de grands avantages, pour qu'on ait pensé à former des établissemens sur des plages sablonneuses aussi stériles que celles où sont bâties les villes de Qoceyr et de Suez : aussi, dans l’espérance de jouir de ces avantages, a-t-il été fait, vers la fin du siècle dernier, quelques tentatives pour rouvrir au commerce de l'Inde le chemin qu'il avoit suivi avant la découverte du cap de Bonne-Espérance. On sait qu'A’ly-bey, qui gouverna l'Égypte dans l'intervalle de 1763 ta 177 avoit conçu le projet de se rendre indépendant de la Porte Ottomane. Le bénéfice que le commerce de l'Inde avec l’Europe auroit pu lui procurer, sil étoit parvenu à le faire passer par FÉgypte, lui fut indiqué par le consul de Venise , auquel il accordoït une grande confiance, comme un moyen sûr d’ac- croître ses richesses et d'assurer son indépendance. Il falloit d'abord se rendre maître du port de la mer Rouge qui a le plus de relations avec l'Inde, et du marché où se réunissent les caravanes qui en font le commerce par terre : il fit en conséquence occuper Geddah et Ja Mecque par deux beys de sa maison, Hasan Geddäouy et Mohammed Abou- dahab. Afm d'attirer les Européens à Geddah, il voulut qu’ils y eussent un facteur accrédité, et il réduisit à 3 pour cent de la valeur des marchandises les droits de douane qui devoient y être perçus. Les circonstances ne permirent point l'exécution de ces projets; mais l'in- tention manifestée par A’ly-bey, de rendre libre la navigation de la mer Rouge, n'en fut pas moins bientôt connue dans l'Inde. Quelques négocians formèrent alors le projet d’expédier par cette voie dans le Levant les différentes marchandises qui y ont cours. Il vint à Suez plusieurs bâtimens qui payèrent, à leur arrivée, s pour cent de la valeur de leurs chargemens ; on se borna à exiger de plus 6 pour cent de cette valeur au moment où ces chargemens furent achetés par des marchands du Kaire. _Mohammed-bey Abou-dahab, successeur d'A’ly, voulut, comme lui, encou- rager le commerce de l'Inde. Non-seulement il permit aux vaisseaux Anglais armés par des particuliers de débarquer leurs chargemens à Suez, maïs encore il prescrivit aux négocians du Kaïre qui en traitoient, de les solder dans le délai de trente Jours. Les bénéfices auxquels cette protection du Gouvernement d'Égypte donna lieu, et la renommée qui ne manqua pas de les grossir, inspirèrent à d'autres armateurs le desir de les partager. Cependant la compagnie Anglaise du Levant, qui vend dans les différentes contrées de l'empire Ottoman les étoffes du Bengale provenant des magasins de la compagnie des Indes, craignit que la nouvelle route qui s’ouvroit par l'Égypte, ne nuisît à ses intérêts: elle fit en conséquence solliciter près du divan de Constantinople, par l'ambassadeur É.M. TOME II. O 000 658 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, d'Angleterre, un firman qui interdiroit aux Européens la navigation de la mer Rouge au-dessus de Geddah. | I s'écoula un temps assez considérable jusqu'à l'obtention de ce firman; et durant cet intervalle le commerce de FInde par l'Égypté continua de se faire avec d'assez grands avantages. Enfin le ffrman sollicité par les agens du Gouvernement Anglais à Constan- tinople fut expédié au pâchà d'Égypte. Le gouverneur du Bengale avoit, de son côté, défendu l'importation immé- diate des marchandises de Inde en Égypte par des vaisseaux Anglais. Au mé- pris de cette défense et du firman du grand seïgneur , il arriva à Suez, en 1778, plusieurs bâtimens dans le chargement desquels le bruït courut que le consul de France étoit intéressé. On rapporte que, pour faire parvenir au Kaiïre les mar- chandises avec plus de sûreté, ce consul obtint de les y faire transporter par des chameaux appartenant à l'un des principaux beys. Les Arabes de Tor, qui préten- doient avoir des droits à exécuter ce transport, demandèrent inutilement d'en être chargés, suivant l'ancien usage. Refusés sur ce point, ils réduisirent leurs demandes à celle d’une indemnité en argent, pour le dommage qu'ils disoient éprouver par l'effet de cette innovation. Le second refus qu’ils essuyèrent les irrita : ils se mirent en embuscade, et pillèrent la caravane ; ce qui leur fut d'autant plus facile, que les voyageurs de différentes nations qui l'accompa- gnoient , comptant sur la sécurité dont on avoit joui dans les expéditions pré- cédentes, n'avoient pris aucune des précautions nécessaires pour se défendre dans celle-ci. Les bâtimens venus à Suez furent ensuite confisqués par le pâchà du Kaire, ainsi que les marchandises qui y étoient restées ; d'autres gens en place ache- tèrent à vil prix celles qui provenoiïent du pillage de la caravane. Les bâtimens qu'on avoit expédiés directement de l'Inde pour le port de Suez, étoient presque exclusivement chargés pour le compte d'officiers mili- taires ou civils employés au service de la compagnie Anglaise. Depuis le mauvais succès de ces expéditions, elles ont entièrement cessé par cette voie. C’est, au surplus, à dater de cette époque que les Anglais ont eu un vice-consul à Alexandrie ; jusqu'alors la compagnie des Indes n'avoit entretenu au Kaïre qu'un simple agent chargé de faire passer par la voie de terre les dépêches d'Europe dans le Bengale et celles du Bengale en Europe. EXPORTATIONS. EN échange du café, des drogues de l'Arabie et des marchandises de linde importés à Qoceyr par les barques Arabes, elles emportent d'Égypte, en retour, du blé, de la farine, des féves, des lentilles, du sucre, du beurre, de Flhuïle de laitue, des fleurs de carthame et de la toile de lin. Une partie de ces denrées est expédiée directement à Yanbo’ ou à Geddah par des commissionnaires établis à Qoceyr ou à Qené, et confiée aux patrons L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 659 des bâtimens sur lesquels on les embarque, ou bien elles forment le bagage d'un certain nombre de voyageurs, tous habitans du Sa yd ou de l'intérieur de l Afrique, qui se rendent en pélerinage à la Mecque. C’est ordinairement pendant les mois d'avril et de mai que ces exportations se font avec le plus d'activité. Le blé, et généralement tous les grains exportés par la voie de Qoceyr, sont mesurés, non pas à l'ardeb du Kaïre, maïs au #/s, unité de mesure qui est à cet ardeb dans le rapport de 16 à 0. Le telhs de froment se vend, à Qené, de 3 pataques à À pataques +. La charge d'un chameau est de trois quarts de els, qui pèsent environ 170 kilogrammes. Les caravanes de chameaux ainsi chargés emploient quatre jours pour aller de Qené à Qoceyr. II en coûte de transport, par #e/ls de blé, de 200 à 380 parats, c'est-à-dire, un prix équivalent à la valeur intrinsèque du blé pris sur les marchés de Qené, de Qous et d’Abnoud, où se vendent com- munément les grains destinés à être exportés en Arabie. On vend sur les mêmes marchés le telus d'orge et le £elhs de féves au prix moyen de 2 pataques et 60 médins. | Le tels de lentilles s'élève à À pataques et 4o médins, c'est-à-dire, à peu près au même prix que le tels de blé. Outre sa charge en blé et en lentilles, chacun des chameaux d'une caravane porte encore la quantité de féves nécessaire à sa nourriture pendant le voyage. On comprend toujours dans le prix de la location d’un chameau, qui varie de 3 à À pataques suivant les besoins du commerce, le salaire du chamelier, qui est chargé de la conduite et du pansement de six chameaux. Tout le blé destiné pour l'Arabie seroït réduit en farine sur les lieux mêmes où il est récolté, si l’on n’y manquoit pas de moulins : les Égyptiens gagneroïent par cette opération la main-d'œuvre de la mouture, qui est de À8 parats par ardeb du Kaiïre. = Un gantér de blé produit communément 90 rot/ de farine, dont on paye le transport de Qené à Qoceyr 100 médins. Le beurre est aussi un objet assez considérable d'exportation ; on le tire des villages de la haute Égypte situés entre Minyeh et Esné : il se vend de 1000 à 1500 médins le gantér : on le transporte dans des outres de peau de buffle ; un chameau peut en porter À gantär. | Il en est de même des huiles que l'on extrait des différentes graines oléagi- neuses. La cruche de poterie compacte appelée Gallas, qui sert à mesurer l'huile, en contient 23 ou 2{ rot/ du Kaïre, et se vend à Qené de 200 à 240 parats. Pour transporter l'huile à dos de chameau, on la met dans de grandes outres ; un chameau en porte 3 où À gantér. Le qantär de sucre se vend, à Qené, de 9 à 10 pataques. Le gantär de safranon, ou de fleurs de carthame, se vend de 8 à 12 pa- taques. | Enfin les pièces de toile de lin, de 27 à 28 pyk de longueur, que lon trans- É.M. TOME IL. | Oo 2 660 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, porte d'Égypte en Arabie par la voie de Qoceyr, se vendent 120 parats chacune : un chameau peut en porter deux cents pièces. On mesure les grains d'Égypte, quand ils sont arrivés à Qoceyr, avec des mesures différentes de celles que l’on emploie à Qené. L'ardb de Qoceyr est à celui de Qené comme 3 est à $ ; la première de ces mesures est égale à un ardeb du Kaire et #£. Le fret d’un ardb de toute sorte de grains expédié de Qoceyr à Yanbo’ ou à Geddah est de 160 médins. Le blé se vend à Yanbo’ 6 piastres d'Espagne l'ardeh de Qoceyr; il monte Jusqu'à 7 piastres dans les années de disette. Le gantär de sucre d'Égypte se vend à Geddah et à Yanbo’ 2 $00 parats; le gantär de beurre s'y vend de 12 à 1$ piastres. . On voit qu'il n'y a guère d'exportation par le port de Qoceyr que des produc- tions Le ATAU de l'Égypte, de toiles, et de quelques autres PARUS de ses grossières manufactures. La lisière du chemin que l’on suit à travers le désert pour se rendre dans ce port, est occupée par des Arabes de la tribu des A’4ébdeh : ils sont non- seulement les voituriers ordinaires de cette route, mais encore ils sont chargés de Fescorte des caravanes, moyennant une rétribution de 23 médins qu'on leur accorde pour chacun des chameaux dont elles sont composées. Malheureusement, comme ces Arabes ont peu de propriétés qu'on puisse atteindre, il est difhcile de les rendre responsables des pillages qui peuvent se commettre sous leur escorte : aussi ne remplissent-ils pas toujours leurs obli- gations avec frdélité. Au reste, ne connoissant guère que les besoïns de la vie pastorale, ïls sont plus avides d'objets de première nécessité que d'objets de luxe; voilà pourquoi, outre la rétribution de 23 parats dont je viens de parler, ils exigent un vingt-quatrième d'ardeb de blé, de farine d’orge ou de féves, pour chacun des chameaux qui en sont chargés, tandis qu’ils n’exigent rien en nature sur les charges de sucre, de safranon et de café, quoïqu’elles soient d’une plus grande valeur. Lorsque les guerres que se font entre elles les tribus d'Arabes rendent moins sûre la route des caravanes, on attend, pour les expédier, qu’elles soïent assez nombreuses pour se défendre contre les partis qui pourroïent les attaquer ; elles étoient, dans ces circonstances, escortées par des Mamlouks, qui recevoient 60 parats par chameau. Outre une certaine quantité de denrées et de productions d'Égypte, le port de Suez, le plus voisin du Kaire, reçoit de cette ville la plupart des marchan- dises d'Europe qui sont destinées pour l'Arabie et pour l'Inde. | Commèé ces exportations ne payent aucun droit de douane à leur sortie, et qu'on n'en tient point état, il est impossible de savoir avec précision la quan- tité de chacune d'elles : aussi ne devons-nous regarder que comme de simples aperçus les indications que nous allons en donner d’après les renseignemens que nous avons reçus du douanier de Suez, et de quelques négocians du Kaire qui font ce commerce. L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE 6G1ï: On évalue à quarante ou cinquante mille ardb de blé, de féves et de len- tilles, la quantité de ces grains qui est expédiée annuellement d'Égypte par les ports de Qoceyr et de Suez pour ceux de Geddah et d'Yanbo:. L’Arabie tire directement de l'Inde le riz qu’elle consomme; le peu de riz qu'on y envoie d'Égypte ne s'élève guère qu'à cinq cents ardeb par an. Le transport du Kaïre à Suez, de deux zrdeb de blé, qui forment, comme on sait, la charge d'un chameau, coûte 4 pataques; ce qui fait revenir à 6 pataques le prix de lardeb rendu dans ce port et prêt à être embarqué. Quant aux marchandises d'Europe qu'on exporte par cette voie, elles consis- toient principalement en verroterie de Venise, coraïl, cochenille, safran, fer, plomb, cuivre et papier. La verroterie de Venise et le coraïl formoient annuellement un article de 100 à 150,000 pataques. On évalue à trente ou quarante barils la quantité de cochenille qui s'expédie annuellement pour l'Inde par le port de Suez. Cette quantité de cochenille s’est élevée quelquefois jusqu'à quatre-vingts barils, dont chacun est du prix de 1000 à 1500 pataques. On exportoit annuellement 2 ou 3 gantär de safran, valant de 700 à 1000 pa- taques chacun. | La valeur du fer, du plomb et du cuivre expédiés de Suez à Geddah, étoit estimée de $0 à 60,000 pataques, celle du papier, à 50,000. Enfin on portoit à 30,000 pataques le prix du fil de cuivre doré ou argenté, et celui de quelques autres menues merceries destinées pour l'Arabie et pour l'Inde. Si lon compare les exportations que nous venons d'indiquer aux importations de l'Arabie et de fInde en Égypte, on verra que ces importations devoient être presque en totalité soldées en argent; et c’est ce qui avoit lieu en effet. SECTION IV. Des Relations commerciales de l'Égypte avec l'Europe. Les nations Européennes qui se partageoïent presque exclusivement le com- merce de Égypte avant l'expédition Française, étoient les Vénitiens, les Toscans et les Français; leurs vaisseaux et ceux de la république de Raguse faisoient le cabotage dans les mers du Levant avec d'autant plus d'avantage, que les droits. d'entrée et de sortie imposés sur les cargaïsons de ces vaisseaux dans les’ ports de cet empire étoient moindres que ceux auxquels les chargemens des bâtimens nationaux étoient assujettis. Les traités de commerce qui avoient stipulé les priviléges de chaque nation chrétienne, étoient, en général, assez rigoureuse- ment observés. Les consuls Européens qui résidoïent dans les diverses échelles, étant spécialement chargés de veïller à l'exécution de ces traités, la réclamoient au besoin, et affranchissoient ainsi le commerce de leur nation, des charges arbi- 662 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, traires dont il auroit pu être grevé par les commandans des provinces, ou les autres agens d’un pouvoir absolu. IH n'en étoit pas ainsi des propres sujets du gouvernement Ottoman : leur commerce n’avoit aucun protecteur dans leurs ports; il supportoit par cela seul toutes les redevances qu'il plaisoit à l'autorité de lui faire subir, et ces redevances imposées par le caprice n’avoient de bornes que celles de l'avidité des exacteurs. Voilà comment, malgré tous les avantages de position que les îles de la Grèce et toutes les côtes de la Turquie devoient à la nature, presque tout le commerce maritime de ces contrées étoit fait par des nations étrangères. Il n’en faut pas conclure cependant qu’il n’existoit point de relations commer- ciales directes entre l'Égypte et les autres possessions du grand seigneur. Ces relations étoïent assez multipliées pour qu’il nous eût été facile de recueillir à leur sujet des renseignemens étendus : maïs, comptant sur cette facilité, nous ne nous sommes pas assez hâtés de les prendre; et plus tard les événemens mili- aires qui précédèrent l'évacuation de l'Égypte, ne nous permirent point de con- tmuer Îe travail que nous avions entrepris. S::1:°° - Commerce de l'Egypte avec Venise et Trieste, IMPORTATIONS. LE commerce de Venise avec l'Égypte remonte aux premiers siècles de la fon- dation de cette république. Ce fut long-temps par la voie de ce commerce que les autres nations de l'Europe reçurent les marchandises de l'Orient. Depuis que le port de Trieste est devenu lui-même un entrepôt, et que les Vénitiens ont cessé d'exercer le droit de souveraineté sur le golfe Adriatique, les places de Trieste et de Venise partagent entre elles un commerce d'importation et d'exportation qui a pour objet les mêmes matières. | Les chargemens des vaisseaux qui se rendent de Venise à Alexandrie, sont ordinairement divisés entre le capitaine, qui est propriétaire d'une portion du vaisseau, et Îles armateurs, qui faisoient toujours en sorte d'en posséder la plus grande partie. Il y avoit en outre, sur le bâtiment, des particuliers appelés Bazariotti où petits marchands, qui servoient comme matelots, et qui embar- quoient, à ce titre, des pacotilles plus ou moins considérables. | On étoit déterminé par plusieurs raïsons à embarquer ces #azariotti : d’abord, parce qu'ils faisoient le service de matelots pendant la traversée ; en second lieu, parce que le prix du fret de Venise à Alexandrie étoit peu élevé; troisième- ment enfin, parce qu'ils étoient obligés de charger sur le même navire les mar- chandises qu'ils achetoïent en retour de leurs pacotilles, et qu'ils en payoïent le fret beaucoup plus cher. L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 66; Les marchandises qui appartenoient au capitaine et aux armateurs , étoient déposées à Alexandrie dans les magasins des commissionnaires, ou expédiées de suite pour le Kaire aux négocians à l'adresse desquels le navire étoit arrivé. Les pacotilles des Azzariott: étoient ordinairement vendues sur le bord, avant d'être mises à terre. Il vient de Venise en Égypte des draps légers imitant ceux de France; des draps rouges très-épais, appelés saes; des satins unis et brochés de plusieurs qua- lités, des velours unis et à fleurs, du papier blanc pour l'écriture, du papier gris à enveloppes; enfin des grains de verroterie de différentes formes et de diffé- rentes couleurs pour faire des colliers, des bracelets de femme, &c. On expédie de plus par les ports de Venise et de Trieste pour Alexandrie les objets suivans, qui viennent d'Allemagne : du faïton, du fer-blanc, de l'acier, du cuivre en feuille, des miroirs, des clous de différentes dimensions, des limes, du fil de cuivre doré ou argenté, des aiguilles, des hamecçons, diverses quincailleries, du mercure, du cinabre, du minium, de l'arsenic, des draps de Leiïpsick, enfin une certaine quantité de spica celtica. Depuis que la guerre avoit fermé à notre commerce la plupart des ports du Levant, on apportoit annuellement de Venise en Égypte deux cents balles de drap, façon de France, tandis qu'autrefois cette importation n'étoit que de vingt ou trente balles seulement. Chaque balle contient douze pièces de trente ou trente-cinq py4 (1) de longueur, et de deux py4 de largeur. Ce drap se vendoit de 180 à 200 parats le py£. Le plus estimé valoïit { pataques. Il venoit des saies de Venise, de cinq ou six qualités différentes : ces saïes étoient teintes en rouge plus ou moins vif ; l'importation annuelle s’en élevoit à quatre cents pièces environ, de cinquante py4 de long chacune, et d’un peu plus de deux py4 de large : le py4 de cette étoffe se vendoit jusqu'à 8 piastres d'Espagne sous le gouvernement des Mamlouks, qui en faisoient une grande consomma- tion; il ne valoit plus que À ou $ pataques de 90 médins pendant le séjour des Français en Égypte. On y importoit , année commune, cent pièces de satin de Venise, de pre- mière qualité, et du prix de 130 médins le pyk; quarante ou cinquante pièces de deuxième qualité, de 80 à 90 parats le pyk; enfin cent pièces de troisième qualité, dont le pyk se vendoit 75 parats. La longueur de la pièce est de quatre- vingts à cent brasses de Venise, de 0",63 36 l’une: les couleurs les plus recherchées sont le rouge, le vert et le bleu. Il venoit environ quarante pièces de satin broché, du prix de 100 à 120 parats le py4 : elles ont la même longueur que les pièces de satin uni. If faut ajouter à ces articles quatre ou cinq cents pièces d’étoffes brochées en or et argent, qui étoient employées en habits de femme et en ameublemens, et qui se vendoïent communément à raison de 6 pataques la mesure; de plus, quarante ou (1) I convient de rappeler ici que l’on emploie dans toiles de lin etde coton fabriquées dans le pays:le second, les bazars du Kaiïre deux pyA différens : le premier, de de om,677, est le pyk stambouly où de Constantinople; il om,5775 de longueur, est le py4 beledy; il sert à mesurerles sert à mesurer les étoffes de soie et les draps d'Europe, 664 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, cinquante pièces de velours, de soïxante à soïxante-dix pyk de longueur chacune, au prix de 240 médins le py4. L'importation du papier à écrire, dit à trois lunes, montoit à vingt mille rames, qui se consommoient, partie en Égypte, partie en Arabie et dans l'inté- rieur de l'Afrique ; le prix de la rame étoit de 360 à {oo parats. L'importation du papier gris pour enveloppes étoit d'environ quinze mille rames, du prix de 140 à 150 médins l’une. Les verroteries de Venise étoïent envoyées en baril : il en venoit environ quatre cents barils de deux qualités, l’une appelée conteria ferraria, et l'autre, conteria mezza-libra ; celle-ci formoit les deux tiers de la quantité totale qu’on en faisoit passer en Égypte. C’étoient, comme on sait, des He de verre émaillés de diffé- rentes couleurs. Il en venoit une troisième qualité à lusage des caravanes de Dârfour et d'Abyssinie; on la nommoit conteria transparente : celle-ci étoit com- posée de grains de verre transparent verts et jaunes. Il en venoït une vingtaine de barils, du poids de 10 à 11 gantär de 102 rofl Fun. Le gantär de la seconde espèce, dite wezza-lbra, valoit de $o à $$ livres de Venise, dont chacune équivaut à $3 centimes, monnoïe de France. Le prix de la troisième espèce étoit un peu plus élevé. La plus estimée des verroteries de Venise importées au Kaire est celle que lon nomme carmole ; il en venoit trois cents caïsses, qui en contenoïent chacune cent cinquante paquets. Le paquet de soixante chapelets se vendoit de 3 à s pataques. [1 y avoit au surplus un nombre prodigieux d'espèces différentes de verroteries de Venise. L'importation de cette marchandise s’est élevée, dans quelques années, jusqu'à un million et demi de francs. Ajoutant aux objets qui viennent d'être indiqués, environ deux cents glaces, du prix de 20 à 1000 pataques, lesquelles n’étoient expédiées que sur les demandes qu'on en faisoit, on aura l'état approximatif des importations provenant des manu- factures de Venise. Voici les objets provenant des fabriques d'Allemagne, qui étoient expédiés de ce port ou de celui de Trieste : Trente barils de laïton en feuille ou en fil de diverses grosseurs, pesant chacun 6 gantär (le qantär de 105$ rotl est du ee de $o fondouklis ); Trois cents caisses d'acier, pesant chacune $ à 6 gantér, du prix de 60 pa- taques dahaby, de 60 médins l'une ; Environ mille paquets de feuilles de cuivre et d'étain (le paquet, du prix de 90 à 100 médins }; Quatre ou cinq cents caisses de petits miroirs d'Allemagne, que l’on mon- toit en Égypte suivant le goût du pays { chaque caisse étoit du prix de 36 à 4o pataques) ; Quatre cents barils de clous {le baril pèse de quarante à soixante okes : je plus petits clous se vendent 6$ parats, et les plus grands, de 40 à 60 parats l'oke); Dix caïsses contenant chacune de six cents à mille paquets de limes (le paquet-de quatre Îimes se vend $o médins) ; Environ LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 665$ Environ quatre mille écheveaux de fil de cuivre doré ou argenté {le premier se vend 150 parats l'écheveau, et le second, de 9$ à 110 : ce fil de cuivre est employé en Égypte Robes les tuyaux de pipe, qui, comme on sait, sont recouverts d’une espèce de fourreau d’étoffe de soie É Cent barils de quincaillerie, consistant en couteaux de Styrie, ciseaux, ra- soirs, aiguilles, hamecons, &c. { cet article pouvoit s'élever, année commune, à 25 OU 30,000 piastres) ; Dix à quinze petits barils de mercure à l’état métallique, pesant 190 rof/ lun {le gantér de 100 rotl se vend 70 piastres d'Espagne : il venoit aussi environ mille okes de cinabre, du prix de $ pataques à s PATES + Joke); Vingt ou trente barils de minium, du poids de 6 à 700 rotl (le gantär de 150 ol se vendoit de 8 à ro fondouklis) ; Quinze ou vingt barils d’arsenic ; Vingt-cimq ou trente balles de drap de Leïpsick, contenant chacune douze ou quinze pièces de trente pyk de longueur ( le »yk de ce drap se vendoit de 3 pataques à 3 pataques =): Quatre cents barils de spica celtica (nous avons déjà dit que cette plante séchée vient de Trieste, et qu'elle est achetée en Egypte par les caravanes de Dârfour et de Sennaar, ou bien expédiée pour Geddah ); Quatre ou cinq petits chargemens de racine de réglisse, qui étoit tirée des îles Vénitiennes, de Zante, de Céphalonie, de Corfou : le prix du chargement, y compris le fret, revenoit à 2$00 ou 3000 piastres Tur ques de 4o médins. Outre ces diverses marchandises, on chargeoït encore à Venise pour l'Égypte environ dix mille planches de bois de sapin assorties, de différentes dimensions : elles se vendoïent au prix moyen de $o médins chacune. On chargeoït aussi à Trieste des poutres et des solives de ce même bois : la valeur de ces articles ne s’élevoit guère qu'à 10,000 pataques. Le plus grand bénéfice sur les marchandises importées de Venise se faisoit sur le papier blanc et le papier gris, sur les soies, l'acier, le fer et la quincaïllerie. I étoit de cinquante pour cent sur les papiers, de trente pour cent sur les soies, de vingt à vingt-cinq pour cent sur les autres articles. Il abordoït, année commune, à Alexandrie, six ou sept vaisseaux Vénitiens, du port de quatre ou cinq cents tonneaux ; c’étoient les plus grands de ceux qui abordoïent à Alexandrie : ceux qui venoient de Trieste ne portoient que deux cents tonneaux environ. Le commerce direct de l'Égypte avec cette dernière ville n'a commencé à s'établir qu'en 1785, époque à laquelle quelques maisons Levantines allèrent sy fixer. Les cargaisons RAI de Venise et de Trieste étoient are à quatre maisons Vénitiennes et à quatre maisons Juives qui résidoïent à Alexandrie et au Kaire. Les négocians Vénitiens étoient sous la protection et la police immédiates du consul général de leur nation, qui demeuroit au Kaire ; il y avoit de plus un vice- consul à Alexandrie : l’un et l'autre recevoient des appointemens fixes du Gouver- E. M. TOME Il. Pppp 666 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, nement de Venise. Les capitulations de cette république avec la Porte Ottomane étoient à peu près les mêmes que les capitulations de la Porte avec la France, Quant au prix du fret sur les vaisseaux de Venise qui venoïent à Alexandrie, on payoit { ou $ piastres de o médins pour le transport d’une balle de drap, et ainsi des autres marchandises, à proportion de leur poids. La valeur du chargement étoit presque toujours convertie en lettres de change ou en espèces métalliques, avec lesquelles on soldoit le coton, le vin et la soie que le bâtiment alloit chercher en Chypre et en Syrie. . EXPORTATIONS. Les productions de l'Égypte que l'on faisoit passer annuellement à Venise et à Trieste, consistoient en safranon, en cuirs de bœuf et de vache, en sel ammoniac, natron, casse, séné de différentes sortes, et en‘une petite quantité de sucre. Les objets de l'intérieur de l'Afrique qui étoïent expédiés dans l’Adria- tique par le port d'Alexandrie, consistoient en gomme de Dârfour et de Sennaar, en ivoire, tamar Hendy, et plumes d'autruche. Enfin, en productions de l'Arabie et de l'Inde, on exportoit, pour la même destination, du café, de la gomme Arabique, de la myrrhe, de la coque du Levant, du curcuma ou safran de l'Inde, de la gomme ou plutôt résine copal, de lasse fætida, de l'aloès hépatique et de l’aloès socotorin. On expédie annuellement pour Venise et Trieste, en productions et denrées d'Égypte, de cent cinquante à quatre cents balles de safranon. Cette marchan- dise est d'autant plus légère qu'elle est plus pure. Le safranon de première qualité pèse 800 rot/ la balle ; celui de qualité inférieure en pèse jusqu'à 900: le gantär de 110 rot/ se vend de 1$ à 18 pataques. Avant l'épizootie qui se manifesta en Égypte peu d'années avant l'expédition Française, on exportoit, année commune, jusqu'a cent vingt mille cuirs de bœuf ou de vache, qui ne coûtoient que 60 médins chacun. On en a exporté beaucoup moins depuis, et le prix en est doublé. On envoie à Trieste quatre ou cinq caisses de sel ammoniac, de $ à 600 rot/ chacune ; le gantär de 20/. rotl se vend de 80 à 120 pataques. Le natron d'Égypte n’étoit expédié pour Venise et Trieste que lorsque les soudes de Sicile manquoiïent. L'exportation ordinaire montoit, dans cette cir- constance, à cinq cent mille okes, du prix de 3 parats l’une. L’exportation annuelle du séné pour Venise et Trieste étoit de 300 gantär de 110 rotl; le prix du gantär est de 3$ à so pataques. Celle de la casse étoit de vingt gafas, du poids de 450 à oo rot/ chacun; le gantär, qui est aussi de 110 rotl, se vend de 10 à 20 pataques. Venise et Trieste ne tirent de sucre d'Égypte qu'en temps de guerre, et c'est toujours en très-petite quantité. | Il faut ajouter à ces diverses marchandises d'Égypte une vingtaine de balles de grosses toiles appelées dittes, fabriquées à Rosette et dans l'intérieur du Delta. L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 667 En objets de l'intérieur de l'Afrique, il s'exportoit de l'Égypte pour Venise et Trieste, Cinquante gafas de gomme Arabique de Därfour et de Sennaar, employée spécialement dans la préparation du satin et autres étoffes de soie [le gafas est du poids de 9 à 10 gantér; et le gantär, du prix de 25 fondouklis}; Dix balles de mar Hendy, qui se partageoïent à peu près également entre Venise et Trieste (chaque balle de mar Hendy pèse 9 à 10 gantär, du prix de 16 à 20 pataques l’un : le mar Hendy de Därfour est le plus estimé ); Deux caïsses de plumes d’autruche pour Trieste : chaque caisse est du poids de 3 à 4oo rotl, et le prix moyen du rof/ est de 10 pataques environ ; maïs ce prix varie suivant la qualité et la couleur des plumes. La première qualité de plumes blanches se vend 40 pataques le rot/; la seconde qualité, 30 pataques ; la troisième, 15 ; la quatrième, 8 : les plumes noires se vendent de 90 à 140 médins le ro. Enfin, en marchandises de l Arabie et de l'Inde, Venise et Trieste recevoient par la voie d'Alexandrie, Deux mille balles ou quatre mille fardes de café Moka (le poids de la farde est, comme on sait, de 3 gantär +, et le prix du gantär de café revient à 30 piastres d'Espagne : l'exportation de cette marchandise étoit autrefois beaucoup plus considérable ; elle s’'élevoit jusqu'à huit mille fardes) ; ; Vingt ou trente gafas de gomme Arabique de Geddah (chaque gafas pèse de 1000 à 1100 rot/, dont 130 formoïient le gantér, du prix de 15 à 18 fondouklis ); Quarante ou cinquante gafas d'encens, du poids de 6 à 7 gantär l'un ( le gantär d’encens, de même que celui de toutes les drogues qui viennent d'Arabie, pèse 150 rofl ; il se vend de 20 à 30 pataques dahaby : les 150 rot/, après le nettoiement et le triage de l’encens tel qu'il arrive d'Arabie, se réduisent à 100 ; ainsi cette drogue perd par le nettoiement entre le tiers et le quart de son poids }; Cinq ou six gafas de myrrhe, pesant chacun 900 à 1000 rotl | le gantär de 150 rot/ se vend de 25 à $o pataques de 90 médins }; Douze ou quatorze balles de coque du Levant, de 900 à 1000 7ot/ chacune (cette drogue passe presque en totalité de Venise et de Trieste en Angleterre); Quatre ou cinq balles de curcuma, du poids de 900 à 9$0 gantär, du prix de 15 à 20 fondouklis {cette drogue est embarquée spécialement pour Trieste); Environ vingt-cinq balles d'assa fœtida, composées chacune de deux fardes du poids de 350 à 360 rot/ l'une (le gantär de 150 rot/, poïds brut, coûte de 20 à 20 pataques : on n'en envoie que cinq ou six fardes à Venise ; les vingt autres balles passent à Trieste, d’où elles sont expédiées pour l'Allemagne); Enfin vingt fardes d’aloès, qui se partagent à peu près également entre Venise et Trieste: La farde est de 2 PE , dont chacun, de 525 rotl, se vend de 18 à 20, fon- douklis. É.M. TOME II. Pppp 2 668 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, SM D Commerce de l'Égypte avec la Toscane. IMPORTATIONS. OX porte de Livourne en Égypte de la cochenille, du satin, du taffetas de Florence et du taffetas noir, des étofles de soïe brodées, des velours unis et à fleurs, des draps, des tarbouch, de l'ambre, des grains de chapelet de différentes matières et de différentes grosseurs, du corail, du papier à écrire, de l’alquifoux, de la salsepareille, du girofle, du poivre, du piment, du plomb, de l’étain, du fer, du fer-blanc, des armes fabriquées en Angleterre, de la quincaillerie, du minium, de l’arsenic, du fil de fer, du marbre en carreaux et en colonnes, des piastres d'Espagne, des thalers ou thalaris, et des sequins de Venise. I vient, année commune, de Livourne à Alexandrie , quarante ou cinquante barils de cochenille, dont la livre se vend, sur la place de Livourne, de 3 à $ piastres d'Espagne ; Cinquante caisses contenant chacune un nombre de pièces de satin qui varie de cinq à vingt ( ces caisses valent, suivant le nombre de pièces qu’elles con- tiennent, depuis 200 jusquà 1000 écus de Toscane, qui sont à la piastre d'Espagne dans le rapport de 25 à 28); | Environ trente caisses de taffetas de Florence (la caisse en contient ordi- naïrement de dix à vingt pièces, ayant chacune $o à 60, quelquefois même de 100 à 110 pk de longueur; le pyk se vendoit d'ordinaire de 70 à 80 médins) ; Une vingtaine de caisses de taffetas noïr, contenant chacune de dix à vingt pièces de $o à 100 pyk de longueur {le pyk se vendoït de 100 à 130 parats) ; Neuf ou dix caisses d’étoffes de soie brochées en or et en argent ; chacune de ces caïsses en renfermoit au plus dix pièces de 30 à so pyk de longueur : le prix ordinaire de ces étoffes varie de $ à 7 pataques le pyk ; elles servent aux vêtemens de femme et à l’ameublement. Il venoit de plus de cinq à dix caisses d’étoffes de soie brodées | chaque caïsse étoit composée de cinq à vingt pièces de 30 à so pyk de longueur : leur prix varie de 100 à 200 parats le pyk); Une douzaine de caïsses de velours, contenant chacune douze pièces de so pyk de longueur ; le prix du pyk de ce velours est communément de 3 pa- taques ; Environ dix caisses de gaze ou de crêpe, contenant chacune de vingt à quarante pièces de 36 pyk de longueur, à so parats le pyk; Seize à dix-huit caïsses de #zrbouch fabriqués en France (la caïsse en con- tient de cent à cent vingt douzaines, de 10 à 12 pataques l'une ) ; L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 669 Deux cents balles de drap de France, composées chacune de douze pièces de 30 à 32 pyk de longueur, et de 2 pyk de largeur. L’importation de cet article par Livourne n'avoit lieu que depuis la guerre de la révolution. Il vient de Livourne à Alexandrie, pour faire des colliers et des bracelets, des grains d’ambre jaune de vingt grosseurs différentes { cette importation con- siste en quarante caisses de cette marchandise, dont chacune contient cent paquets de grains, et pèse de trente à trente-six okes ; le prix moyen de l'oke est de 17 fondouklis) ; Une vingtaine de caïsses de grains de corail, pesant de 100 à 150 rotl lune (le prix du rof/ varie de 1$ à 30 pataques, suivant la grosseur des grains ); Troïs cents balles de papier, de douze à quinze rames chacune, et du prix de À à 1$ pataques {on en reçoit de trois qualités ; celui de la troisième sorte, qui étoit le plus petit, formoit à luï seul les trois quarts de l'importation totale) ; | Mille barils environ d’alquifoux, pesant environ $oo rot/ chacun (le gantär de 150 rot/ de cette substance se vendoit 8 et 9 pataques ; il est monté jusqu'a 30 depuis la guerre); Environ cinquante balles de salsepareïlle, de À ou $ gantär l'une, et du prix de $o à 80 fondouklis ; | Douze barils de girofle, pesant chacun de 2 à 6 gantär | le qantär de cette épice est de 100 rot/, et le prix du rot/, de 4 pataques); Vingt ou trente tonneaux de poivre-long, pesant environ cinq cents okes chacun (l’oke se vend de $o à 60 parats ); Cinquante à soixante sacs de poivre, de À gantär un [le guntär de 102 rotl se vend 60 pataques dzhaby) ; Six ou sept cents gatär d'étain, de 200 rot/ l'un, et du prix de 70 pataques ; Environ dix mille gantär de fer, à 15 pataques l'un, prix moyen: Deux cents caisses de fer-blanc, valant chacune de 60 à 70 pataques Zzhaby ; Trente ou quarante caïsses de quincaïlleries diverses, telles que couteaux, ciseaux, cuillers de laiton, &c. ( le prix de la caïsse varioit, suivant les qualités des marchandises qu'elle contenoit, de 200 à 1000 pataques ) ; Trois ou quatre barils de fil de fer, pesant chacun 8 gantär environ {le prix moyen du gantär étoit de 4o pataques ); Pour environ $0,000 pataques d'armes et autres marchandises Anglaises expédiées en Egypte par Livourne; Dix-huit ou vingt barils de minium, pesant chacun 10 gantär (le gantér de 10 à 12 pataques); | | De cinquante à cent barils d’arsenic, pesant chacun s et 6 gantär de so pa- taques dahaby chacun; Environ dix mille carreaux de marbre , du prix de 90 à 100 parats l'un; et à peu près une vingtaine de colonnes toutes travaillées, qui, suivant leurs di- mensions, valoient depuis 4o et 5o pataques jusqu'a 4 et $00. 670. MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Enfin l’on évalue à 3 ou 400,000 piastres d'Espagne et de thalaris, et à 1 $,000 sequins de Venise, le numéraire métallique qui étoit annuellement versé en Égypte pour achever de solder le prix des marchandises: qui en étoïent exportées pour Livourne. EXPORTATIONS. ON expédie d'Alexandrie à Livourne, en productions et marchandises d’É- gypte, du blé, du riz, des féves, du safranon, du lin, du coton filé, du sel ammoniac, du salpêtre, des toiles de coton et de lin, du séné, de la casse, des cuirs de bœuf, de buflle, de mouton et de chameau ; En productions et marchandises de l'intérieur de l'Afrique et de l'Asie, de Vivoire, du tamar Hendy, de la gomme de Sennaar, des plumes d’autruche, du café, de la gomme de Geddah et d'Yanbo’, de l'encens, du curcuma, de laloës, de la myrrhe , de la coque du Levant, de la gomme élémi, de la gomme copal, de l'assa fœtida. C’est lorsqu'il y a disette de grains en Europe, que Livourne en tire de l'Égypte une certaine quantité : ainsi, pendant les deux années qui précédèrent notre expédition, on en avoit tiré de Damiette et d'Alexandrie environ vingt chargemens, qui consistoient en blé, riz et féves. Autrefois l'exportation du riz étoit beaucoup plus considérable ; elle s’élevoit seule à plus de troïs mille ardeb. On évalue à mille gafas la quantité de safranon qui s’exporte annuellement pour Livourne. Ces gafas, ou grands paniers prismatiques, contiennent 8 gantér de 112 rot/ chacun, et du prix de 9 à 10 pataques. On évalue à deux mille ou deux mille cinq cents balles de lin ce qui en est exporté pour Livourne. Le prix de chaque balle, du poids de deux cents okes, varie entre 2$ et $O pataques, suivant les qualités. Le fil de coton expédié en Toscane provenoit du Kaire et des environs; il en partoit tous les ans deux ou trois cents balles du poids de 7 gantär de 125 rotl chacun. Le prix du rot! de coton filé varie de 25 à Ao parats. L’exportation annuelle du sel ammoniac ne s'élève guère au-dessus de dix gafas du poids de $ gantär chacun. Le gantär de 204 rot/ se vend de 90 à 140 pataques. Depuis la guerre de la révolution, la Toscane a tiré un peu de salpêtre d'Égypte; cette exportation s'est élevée annuellement à À ou $ mille gantér, valant chacun de 3 à $ pataques. Les toiles de coton d'Égypte envoyées à Livourne se nommoïent dites : elles étoient généralement fabriquées à Rosette, d’où l’on en envoyoit par an trente ou quarante balles, contenant chacune de deux cents à quatre cents pièces de 8 pyk de longueur chacune, et du prix de 60 à 120 médins. On exportoit encore vingt balles de toïles de lin, de celles qui étoient appe- lées Menoufieh, parce qu'elles se fabriquoient dans la province de Menouf. La L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 671 balle contenoït cent cinquante pièces de vingt-cinq pyk, valant chacune de 80 à 11LO parats. Il falloit comprendre autrefois dans cette exportation de toiles de lin d’ Égypte une partie assez considérable#de celles qui étoient appelées asyouty ; mais il ne s'en fait plus d'envois depuis plus de vingt ans. Livourne tire annuellement d'Égypte $o0 gantär enViron de séné (le gantär de 110 rot/ se vend de 30 à 4o pataques); De aise vingt gafas de casse, de ie à 5 gantér chacun {le pie du gantér est de 12à 1$ pataques). Depuis lépizootie qui eut lieu en 1790, ïl na plus été possible d’en- voyer des cuirs à Livourne. On en ‘expédioit avant cette époque vingt ou trente mille par an, valant chacun de ‘4$ parats à À pataques, suivant leurs qualités. Quant aux objets apportés en Égypte par les caravanes de Dita et de Sennaar, Livourne tire d'Alexandrie environ 300 gantär d'ivoire, dont l’un se vend de 60 à 80 fondouklis ; Vingt ou trente gafas de tamar Hendy, de s gantär chacun | le gantér de 110 rot se vend 30 pataques); Deux cents gafus de gomme Arabïque de Sennaar (le gafas, de 10 à 11 gantär de 120 à 125 rot/: quand elle a été nettoyée, cette gomme se vend de 20 à 22 fondouklis de 146 parats); Vingt caïsses de plumes d’autruche, pesant chacune de $o à 200 rotl : le rot/ des plus belles plumes blanches se vend 4o pataques, et quelquefois jusqu’à 100 zer-mahboub : les plumes ordinaires blanches ne se vendent que 15 pataques; et les noires, que 2 pataques.. En marchandises tirées de l’Arabie, on expédioït annuellement à Livourne cent vingt fardes de café Moka, de 3 gantär à 3 gantér + Yun (le prix du gantär est de 30 pataques ); Cent gafas de gomme Arabique de Geddah et d’Yanbo’; chacun de ces gafas en contient 10 à 11 gantär. Le gantér de gomme Arabique pèse, après avoir été nettoyé, 120 rof/, et se vend 18 fondouklis quand la gomme vient de Geddah, et 14 fondouklis seulement quand la gomme vient d'Yanbo”. Lorsque Îa guerre entre la Porte et la Russie ne permet point aux Russes de tirer l’encens de Constantinople, il s'en expédie d'Alexandrie à Livourne une quantité assez considérable, qui va quelquefois jusqu'à trois cents gafas, de 8 à 9 gantär, du poids de 150 rof/, et du prix de 15 à 25 pataques drhaby. On expédioit annuellement dix balles de curcuma, pesant chacune 7 qantär : le gantér de 150 rot/ coûte 20 fondouklis. On envoie annuellement à Livourne cinq gafas au plus de myrrhe, de 6 à 7gantär Vun (le prix du gantär de 1$0 rot/ varie de 30 à so pataques ); Cent balles de coque du Levant, pesant chacune 6 à 7 gantär de 1$0 rot/ chacune (le gantär se vend 1$ fondouklis); De dix à vingt gafas de gomme copal, pesant chacun 6 à 7 gantér de 1 $o rot/; 672 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Cinq ou six balles d'asse fœtida, de 7 à 10 gantér la balle : le gantér de 150 rotl se vend 2$ pataques. Le commerce de l'Égypte avec la Toscane est fait par des maisons Euro- Di PRES établies en Égypte, ou par des marchañds Levantins qui se sont fixés . à Livourne et qui correspondent avec des chrétiens de Damas et d'Alep. I n'y avoit que deu* maisons Toscanes établies à Alexandrie, et deux ou trois maisons au Kaïre; maïs il y avoit, tant au Kaire qu'à Alexandrie, quinze ou vingt marchands Syriens et deux ou trois négocians Juifs qui faisoient di- rectement ce commerce. Il venoït, année commune, douze ou quinze bâtimens de Livourne à Alexan- drie ; ils appartenoïent aux différentes nations de l'Europe. On payoit, pour frais de commission, aux facteurs d'Alexandrie, 4o parats par caisse ou par balle de marchandise, grande ou petite. $. III. Commerce de l'Égypte avec la France. IMPORTATIONS. ON expédioit de France en Égypte différens objets provenant des manufac- tures nationales, et diverses marchandises tirées des pays étrangers et emmaga- simées à Marseïlle. Les principaux articles de France consistent en draps de Languedoc connus sous le nom de /ondrins, première et deuxième qualités, et de w4hons, également de première et deuxième qualités ; en draps fins de Sedan, de Louviers et d'Abbeville ; en flanelles de Montpellier, en étoffes de Lyon, en galons d’or et d'argent; en bonnets ou calottes rouges, appelés 12rbouch, fabriqués en Pro- vence ; en quincailleries et armes de la manufacture de Saint-Étienne: en aiguilles, en verdet de Montpellier, en papier à enveloppes, en faïence des environs de Marseille, en liqueurs de diverses sortes, en fleurs d’aspic ou de lavande, en savonnettes et parfumeries, en sirops et confitures; enfin, en bijouteries et dia- mans non montés. | Les marchandises tirées de l'étranger, pour être importées en Égypte par le commerce de Marseille, sont des armes d'Allemagne, et notamment des lames de sabre, soit pour les ge/läly ou caravanes de l’intérieur de l'Afrique, soit pour les Arabes de Geddah ; du plomb, du fer de Suède et de Moscovie, de l'étain, de l’alquifoux, du fer-blanc, des pelleteries, de la salsepareïlle, de la cochenille, du girofle, du poivre, de la muscade , du poivre giroflé, du gin- gembre, et du bois de teinture. Les draps de Languedoc formoient la partie la plus considérable des impor- tations de France en Egypte ; ce pays en consommoit chaque année mille ou | onze L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 673 onze cents balles de douze pièces chacune , formant ensemble environ deux cents aunes de France : la largeur de ces draps est de 2 pyk ou de d’aune. Le prix des draps de Languedoc varie, suivant les qualités, de 7: francs so centimes à 10 francs et 14 francs le pyé. | Il ne venoit guère annuellement que huit ou dix balles de draps fins de Sedan, de Louviers ou d'Abbeville. L'importation des flanelles de Montpellier s’élevoit, année commune, à douze ou, quinze balles. On peut évaluer à-$00,000 francs le prix total des étoffes et dorures de Lyon qui venoient chaque année en Égypte. On avoit établi à Marseille et à Aïx des manufactures de calottes rouges, ou tarbouch , façon de Tunis, et fon commençoit à faire de cet article des envois assez importans : quoique ces fabriques n’eussent point encore atteint la perfection de celles des États Barbaresques, elles fournissoient cependant une vingtaine de caïsses qui contenoient chacune quatre-vingts douzaines de tarbouch. Le prix d’une caisse étoit communément de 2000 à 2400 francs. Les quincaïlleries tirées de Marseille consistoïent en couteaux, miroirs, chan- delïers, ciseaux, serrures, peignes , épingles, aïguilles, &c. La valeur de tous ces articles montoit annuellement de 30,000 à 50,000 francs. Les armes de Saint-Étienne envoyées en Égypte consistoient en fusils, cara- bines , tromblons, pistolets garnis en argent et enrichis de diverses façons. Les aiguilles venoient aussi de Saint-Étienne ; et cet article d'importation consistoit en douze ou quinze barils, qui peuvent être évalués à 2500 francs lun. Le verdet de Montpellier est employé en Égypte pour peindre les ouvrages de menuiserie ; il en étoït importé huit ou dix barils chaque année. Le papier qui venoit de France, étoit de déux espèces : l'un, de vingt-quatre rames par balle ; l'autre, de quatorze rames seulement. Le premier étoit expédié par Suez pour Geddah ; le deuxième étoit employé en Égypte. La consommation annuelle de ces deux espèces de papier montoit à six Ou huit cents balles, de 4o à $o francs l’une, prix moyen d’achat à Mar- seille. La faïence de cette ville et des environs n’étoit pas un objet de grande spéculation pour les maisons qui trafiquoient dans le Levant ; mais elle servoit à composer des pacotilles pour le compte des capitaines de navire : on en apportoit environ cinq cents caisses par année, à raison de 2$ ou 30 francs la caisse. Les liqueurs de Marseïlle étoient, comme la faïence, de simples objets de pacotille : il en venoit deux ou trois cents caisses annuellement, dont la plus grande partie étoit consommée à Alexandrie. Le prix moyen de ces petites caïsses étoit de 4o à $o francs. Les fleurs d’aspic ou. de lavande, dont on apportoit, année commune, soixante ou quatre-vingts balles, ainsi que les savonnettes, les sirops. et les confitures, étoient aussi des objets de pacotille. É,M. TOME II. Qqqq 67À MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Les bijoux apportés de France consistoïent en montrés de Genève, en bagues de Paris, et en diamans assortis, que l’on montoit au Kaïre suivant le goût Oriental. Comme ces articles n'étoient point déclarés aux douanés, on ne peut avoir aucun aperçu du produit de cette branche de commerce. Le fer et l'acier de Suède, le plomb, l'étain et le fer-blanc d'Angleterre, que le commerce de Marseille importoit en Égypte, formoïent annuellement un article de $ à 600,000 francs. Ces métaux n'étoient pas seulement destinés pour l'Égypte ; il en passoit une partie considérable en Arabie par Suez. On expédioit de Marseille troïs ou quatre cents barils d’alquifoux, du prix de 1 50 francs l’un : il étoit tiré d'Écosse ou de Sardaigne. L’importation de la salsépareïlle, que les Égyptiens emploient en quantité considérable comme sudorifique, montoit annuellement à vingt ou trente barils de trois à quatré quintaux chacun. La livre de Marseille, qui est à la livre poïds de marc comme 16 est à 20, coûte 3 francs, prix moyen. Parmi les objets tirés de l'étranger ‘et importés par des bâtimens Français, la cochenille étoit un des plus importans ; celle qui venoïit de Marseïlle étoit plus estimée que celle qui venoit d’aïlleurs, parce que cette marchandise, avant d’être embarquée, étoit nettoyée avec soin de toutes les matières étrangères qui pou- voient en altérer la qualité. On en importoit annuellement en Égypte cent barils, pesant chacun 75 ou 80 okes. Le prix de la cochenille à Marseille étoit de 16 ou 18 francs la livre. Cinquante ou soixante barils de cochenille étoient consommés en Égypte pour la teinture des soies que l'on met en œuvre dans les diverses fabriques du pays: le reste étoït envoyé dans l'Inde par Suez et Geddah. Les épiceries, telles que le girofle, le poivre, la muscade, &c., envoyées de France en Égypte, provenoient des marchés de Hollande ; les Hollandais s'étant, comme on sait, réservé exclusivement le commerce des épiceries qu'on recueilloit dans leurs îles de l'archipel Indien. Comme la quantité de ces objets qui arrivoient directement en Égypte par la mer Rouge, ne suffisoit pas pour les besoins de ce pays, on en‘importoit chaque année par Alexandrie pour une somme d'environ 2 OU 300,000 francs. Le boïs de Fernambouc que l’on chargeoït à Marseille pour l'Égypte, étoit tiré du Portugal : on en expédioït par cette voie environ 400 quintaux ; le prix du quintal, à Marseille, étoit de 20 à 30 francs. Les Français avoient obtenu la préférence sur les autres nations de l'Europe qui commerçoïent en Égypte, par le soin que l’on apportoit à n’expédier dans les échelles du Levant que des marchandises de bonne qualité. Il existoit à Mar- seïlle, pour surveiller l'embarquement des produits de nos manufactures, et notam- ment des draps et des papiers, un ou plusieurs bureaux d'inspection, qui n’en permettoient l’expédition qu'après en avoir reconnu la bonne qualité ; ce qu'ils constatoient en apposant sur les balles ou barils de ces marchandises une marque particulière, apposition de laquelle ïls délivroïent aussi un certificat. L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 675$ Ces marchandises, débarquées à Alexandrie, étoient de nouveau examinées par le consul de France, qui ne pouvoit faire le commerce pour son propre compte. Cet agent public, dont les fonctions sont déterminées par l'ordonnance de 1781, avoit la faculté de rejeter et de laisser à la charge de l'expéditeur les objets dans la fabrication desquels on reconnoïssoit quelque vice. II y avoit dans ces derniers temps quatre ou cinq maïsons Françaises établies au Kaïre ; elles avoient dix navires du port de deux à trois cents tonneaux, qui faisoient annuellement deux voyages de Marseïlle à Alexandrie et les retours d'Alexandrie à Marseille. Outre ces dix vaisseaux, il y en avoit environ cent qui étoient expédiés de nos différens ports de la Méditerranée, pour faire la caravane ou le cabotage dans les échelles du Levant. Ces bâtimens venoïent au moïns une fois à Alexandrie pendant la durée de ces caravanes, laquelle étoit ordinairement de deux ans, et se prolongeoïit souvent jusqu'à quatre. : Le cours ordinaire des bénéfices que faïsoient les négocians Françaïs sur les différens articles d'importation que nous venons d'indiquer, s'élevoit à vingt ou trente pour cent : C'étoit toujours sur les draps que ce bénéfice étoit le plus assuré. On passoit trois pour cent de commission sur l'entrée et la sortie des mar- chandises qui leur étoient adressées ou qu'ils expédioient; quant au fret de Marseïlle à Alexandrie, malgré le tarif dressé par la chambre de commerce de la première de ces villes, il varioit suivant les circonstances. Les frais supportés par les marchandises de France, depuis leur débarquement à Alexandrie jusqu'au Kaïre, s’élevoient de dix à quinze pour cent de leur valeur: ils consistoient en droits de douane, en dépenses de transport et de commission. : EXPORTATIONS. OX expédioit d'Égypte pour la France, du riz, du blé, du safranon, du sel ammoniac, du natron, de la soude, du coton filé, des toiles de coton et de lin de différentes qualités, du séné, des cuirs de bufle, de bœuf et de chameau. Outre ces différens objets recueillis ou manufacturés en Égypte, on en expédioit encore les objets suivans, qui y étoient entreposés. Les uns, apportés de l'intérieur de l'Afrique par les caravanes de Dârfour et de Sennaar, consistent en gomme, en famar Hendy, en ivoire, en plumes d’au- truche, et en une petite quantité de poudre d’or. Les autres, venant de l'Arabie et de l'Inde par Geddah et Suez, consistent en café moka, en gomme copal, en gomme Arabique de Geddah, d'Yanbo’ et de Tor, en assz fœtida, encens, myrrhe, aloës, coque du Levant, curcuma, zédoaire, noix vomique et autres drogues que lon trouve indiquées en détail dans le tarif des douanes de Suez. | Le riz étoit ordinairement expédié par Damiette : ce commerce n'avoit pas toujours la même activité; il dépendoit de la disette ou de l'abondance des grains É. M. TOME II. Qagqq2 676 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, en Europe : il a passé à Marseïlle, dans certaines années, jusqu’à vingt chargemens de riz. Annuellement l'exportation du riz d'Égypte pour la France montoit à 5000 ardeb. Les blés destinés pour Marseïlle étoient d’abord emmagasinés à Rosette, d’où on les expédioit par des djermes à Abouqyr et à Alexandrie, C’étoit 1à qu’on les embarquoit sur des vaisseaux qui faisoient la caravane dans le Levant. L’expor- tation du blé, comme celle du riz, étoit singulièrement variable. Les bâtimens Grecs des différentes îles de Archipel ont été particulièrement employés à’ ce transport pendant la disette qu'éprouvèrent l'Italie et les provinces méridionales de la France à la fin du siècle dernier : on évalue à 800,000 ardeb la quantité de blé qui a été exportée pendant les trois années que cette disette s’est fait sentir. Mouräd-bey, qui jouissoit du produit de la douane de Rosette, avoit imposé un droit de sortie de 180 médins par ardb de blé. On exportoit, année commune, pour Marseille, trois à quatre cents gafas de safranon, du poids de 8 à 9 gantär chacun ; le prix du gantär varioit de 10 à 18 pataques. Le safranon le plus recherché par les marchands Français étoit celui des environs du Kaïre. La quantité de sel ammoniac envoyée en France montoit annuellement à cent gafas, du poids de $ à 6 quintaux de Marseïlle : ce sel provenoït presque en totalité des fabriques de l’intérieur du Delta; chaque gantär de 250 rot/ se vendoit de 65 à 80 pataques. Le natron, dont nous avons déjà dit que le commerce étoit l’objet d’un monopole, ne trouvoit de débouché en France que depuis environ dix ans: on peut évaluer à 15,000 quintaux de Marseille ce qui s'en est expédié chaque année. L’oke de natron rendue à bord des bâtimens se vendoit de 3 médins + à À médins. Les soudes d'Égypte, ou cendres d'Alexandrie, étoient fournies par les Arabes des environs de cette ville, elles provenoient de la combustion de quelques plantes qui croïssent sur le bord de la mer. La France ne demandoït cette espèce de soude qu'à défaut de celle d’Alicante : il en est passé quelquefois douze ou quinze chargemens de 3 à 4000 quintaux l’un ; maïs on étoit quelquefois dix ans sans en exporter. Le prix moyen de cette soude étoit de 2 médins < l’oke. On tiroit le coton filé d'Alexandrie, de Rosette, de Mehallet el-Kebyr et du Kaire; il étoit employé en Provence. Le prix en varioit de 20 à 30 médins le ror/ de 144 drachmes, suivant la qualité du fil : l'exportation annuelle en varioit aussi de cinquante à cent cinquante balles du poïds de 9 à 10 quintaux chacune. Les toïles de coton se divisoient suivant leurs qualités, 1.° en 4’gamy, fabriquées au Kaïre et dans les environs ; 2.° en amän, toiles qui ne différoient des pré- cédentes que par une plus grande largeur; 3.° en #ehalläouy, fabriquées à Mehallet el-Kebyr ; 4° en toïles à limitation des guinées et toiles des Indes; 5.° enfin en toiles de Rosette appelées dites. On exportoit six à huit cents balles de ces différentes qualités de toiles ; la balle, qui en contenoit de cent vingt à cent cin- quante pièces, coûtoit de {oo à $oo piastres de 4o médins. L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 677 Les toiles de lin que lon désignoit sous les noms de zenoufy, chybyny, fadlek , batnony , moghrebines et syouty, étoïent fabriquées dans le Delta : on en expor- toit, année commune, trois à quatre cents balles, valant chacune 4 so piastres de Âo médins. Æ On exportoit pour la France environ 500 quintaux de séné, poids de Marseille : chaque quintal se vendoit au Kaire 4o ou so pataques. Les dix bâtimens qui venoient tous les ans de Marseille à Alexandrie, y pre- noïent chacun un millier de cuirs de buffle ; ils emportoient aussi quelques autres cuirs, dont le prix moyen pouvoit être de 4 à 6 pataques l'un. Voici maintenant l'énumération des objets étrangers à l'Égypte que l’on expé- dioit de ses ports pour la France : Trois cents gafas de gomme Arabique sont apportés au Kaire par les caravanes de Därfour et de Sennaar; le gafas, du poids de 10 à 11 gantär, se vend 500 piastres de 4o médins. Le tamar Hendy, ou pains de tamarin, apporté par les mêmes caravanes, étoit aussi exporté en gafas de 8 à 9 gantär ; on en expédioit annuellement de vingt- cinq à trente gafas. Les dents d’éléphant se vendoient, suivant la qualité de l'ivoire, à raison de Âo ou so fondouklis le gantér ; il n’en passoit ordinairement que huit ou neuf balles de 4 ou $ gantér l'une. On expédioit huit ou dix gafas de plumes d'autruche blanches et noires, dont le prix varioit selon les demandes qui en étoient faites. Quant à la poudre d'or, la très-petite quantité qu'on en envoyoit en France ne mérite pas d'être notée. L'exportation du café moka s’élevoit annuellement à cent balles, chacune de deux fardes ; la farde est, comme on sait, de 3 gantér + environ, dont l'un coûte au Kaire 25 ou 30 piastres d'Espagne. Celle de la gomme copal étoit de quarante où cinquante gafas, du poids de7 à 8 gantär et du prix de 7so piastres de 4o médins. On exportoit aussi environ cent cinquante L2, de gomme de Ésddahe et cinquante de gomme d'Yanbo’, chacun pesant 8 à 10 gantär: le qantér de là premiere espèce de gomme Arabique se vendoit 12 à 14 fondouklis; le gantär de la. seconde se vendoïit un peu moins. À ces deux qualités de gomme il faut ajouter quarante ou cinquante qafas de celle qui est recueillie et apportée au Kaire par les Arabes de Tor; le gafas coûte environ {co piastres de {o médins. La quantité d'assa fetida expédiée annuellement pour Marseille étoit de dix à quinze balles, chacune du poids de 6 à 7 gantär et du prix de $oo piastres Turques. Quant à l'exportation de l'encens, elle dépendoiït de l’état de paix ou de guerre entre la Russie et la Porte Ottomane. En temps de guerre, la Russie tiroit de la France une partie de l'encens nécessaire à sa consommation : on en chargeoiït alors pour Marseille jusqu'à cinq cents gas de 8 à 9 gantér de 100 rotl 678 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Jun, et de 300 à 350 piastres. Cette exportation se réduit, en temps de paix entre la Russie et la Porte, à cinquante gafas seulement. On nenvoie en France qu'environ quarante gafas de myrrhe et autant d’aloës. Le gafas de ces deux substances coûtoit au Kaire $o0 piastres. On expédioit annuellement une trentaine de balles de coque du Levant, du poids de 12 gantär l'une, et du prix de 400 à s00 piastres; enfin, huit à dix balles de curcuma, autant de zédoaire ; une vingtaine de balles de toutes les autres espèces de drogues comptées ensemble, et de la même valeur de 400 ou $00 piastres à peu près. Les frais pour la sortie de ces marchandises montoient à 12 pour cent environ. | Le commerce d'exportation de toutes les marchandises qui viennent d'être indiquées, donnoîit rarement des bénéfices ; on n’en faisoit guère que sur les objets dont l'exportation, telle que celle du riz, du blé, et généralement des diverses denrées de première nécessité, s’accroissoit dans des circonstances extraordinaires. Au surplus, les pertes que l’on pouvoit faire sur les objets d’une exportation habituelle, tels que le safranon , le coton filé, les toileries, les gommes, &c., étoïent toujours fort inférieures aux bénéfices de nos importations. On achevoit de solder celles-ci avec des valeurs métalliques, soït en piastres d'Espagne, soit en thalaris d'Allemagne, soit même en monnoies Turques, avant qu'elles eussent été altérées; car, depuis les altérations successives qu’elles ont subies, il ne s'en est plus écoulé en France. Le traitement de nos consuls dans les échelles du Levant a été acquitté pendant un temps avec le produit d’un droit de consulat montant à 2 pour cent du prix des marchandises adressées aux négocians de la nation; mais, le produit de ce droit ayant reçu ultérieurement une autre destination, les appointemens des consuls ont été payés par la chambre de commerce de Marseiïlle : ceux du consul général de France en Égypte s’élevoient à 16 ou 18,000 francs. Les avanies auxquelles les marchands Européens étoïent exposés en Égypte, sous le régime absolu des Mamlouks, consistoient en emprunts forcés et en fournitures dont le montant n'étoit jamais acquitté : le Gouvernement Français accordoit autrefois des dédommagemens et des secours aux négocians qui avoient supporté ces avanies; ces indemnités ayant cessé d’être payées, les négocians Français établis au Kaire furent autorisés par les maisons de Marseille qui les commanditoient , à imposer eux-mêmes, pour y suppléer, un droit appelé de protection, qui étoit de 2 pour cent sur les marchandises venues de France, et d'un pour cent sur les denrées et marchandises qu'ils exportoient d'Égypte. Les événemens de la révolution Française servirent de prétexte aux vexations auxquelles nos négocians demeurèrent exposés beaucoup plus que ceux des autres nations sous le gouvernement des beys. Pendant que M. Descorches étoit chargé d’affaires à Constantinople, notre consul général, M. Magallon, qui demeuroit au Kaire, eut ordre de descendre à Alexandrie, et d'inviter les négocians Français à J'y suivre : ils y restèrent environ huit mois, jusqu'au temps où M. Verninac, notre ambassadeur près de la Porte Ottomane, envoya en Égypte, dans le L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE.. 679 cours de 1796, M. Fainville, qui étoit alors employé près de lut. Cet agent diplomatique avoit été chargé de stipuler de nouveau avec les beys les intérêts de notre commerce, et de rappeler en sa faveur la stricte exécution des capitu- lations. Il obtint bien la promesse du remboursement des créances auxquelles nos négocians avoient droit, il obtint celle du redressement des autres griefs, et d'une entière liberté pour l'avenir : maïs, après son départ, ces promesses furent oubliées, les choses reprirent leur cours accoutumé, les vexations recommen- cèrent, et notre consul reçut de nouveau l’ordre de retourner à Alexandrie, d’où il fut définitivement obligé de partir pour revenir en France. Cet état de choses rompit toutes les relations amicales qui avoient paru jusqu'alors exister entre le Gouvernement Français et celui des Mamlouks ; et cette rupture motiva, du moins en apparence, notre expédition en Égypte. SECTION V. 1 : 4 7 > 717 1 2 A Renseignemens sur le Commerce de l'Eopypte, fournis par les Registres des Douanes. ' EN admettant qu'il ne se commette aucune infidélité dans la perception des divers droïts imposés sur l’entrée et la sortie des marchandises de toute nature qui font l'objet du commerce de l'Égypte, les registres des bureaux de douane qui y sont établis devoient fournir les renseignemens les plus authentiques sur la quan- tité des importations et des exportations annuelles dont nous avons parlé dans les sections précédentes. Notre position nous permettoit d'exiger des douaniers ce qu'avant nous aucun Européen n'avoit peut-être osé demander à titre de faveur. Nous profitämes de cette circonstance ; et le général Kleber, qui avoit, comme nous l'avons dit au commencement de ce Mémoire, chargé une commission spéciale de recueillir des renseïgnemens sur le commerce du pays, donna des ordres pour que les douaniers d'Alexandrie, de Damiette, de Suez, de Boulaq et du vieux Kaiïre, nous remissent des extraits de leurs registres pendant plusieurs années consécutives, afin d'en tirer, avec le plus de probabilité possible, fa connoïssance : détaïllée des importations et des exportations pour une année moyenne. Ce sont ces extraits que nous allons mettre sous les yeux du lecteur, en observant qu'il est moins question ici d'évaluer les revenus que les beys ou leurs fermiers retiroient des droits perçus aux diverses douanes, que d'indiquer l'espèce et la qualité des marchandises assujetties. au paiement de ces droits. Mais il convient de donner préalablement une idée succincte de l'administra- tion des douanes de l'Égypte à l’époque de notre expédition. I y avoit des bureaux de douane établis au port de Qoceyr, au vieux Kaire, à Boulaq, à Suez, à Damiette, à Rosette et à Alexandrie. Après que Mourâd et Ibrähym furent devenus maîtres du Kaire, ils commen- cèrent par se partager également entre eux les revenus de toutes les douanes, à l'exception de celle de Qoceyr, qui fut laissée aux beys de la haute Egypte, ’ 680 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Bientôt après, afin d'éviter les embarras du partage et les discussions qu'il entraînoit, ils frrent un nouvel arrangement par lequel Mouräd se réserva, pour les faire régir à son gré et pour jouir exclusivement de leurs produits, la douane du Kaire, composée des deux bureaux du vieux Kaire et de Boulaq, et les douanes de. Damiette, de Rosette et d'Alexandrie : Ibrähym ne conserva que celle du port de Suez. Le premier de ces 1e avoit affermé les diverses douanes qui lui étoient échues en partage; le second faïsoit régir la sienne à son propre compte. Le fermier ou douanier général de Mourâd-bey choïisissoit et avoit sous ses ordres les douaniers principaux de Boulaq, de Damiette, de Rosette et d'Alexandrie : chacun de ceux-ci occupoit un nombre d'employés proportionné à la quantité des marchandises qui arrivoient dans chacune de ces places, et qu'il faloit y visiter. Ainsi, outre le douanier principal, il y avoit à Boulagq six écrivains et environ quarante commis ou autres préposés à gages, dont les fonctions consistoient à reconnoître les divers objets assujettis aux droits d’entrée et de sortie, et à veiller à la perception de ces droits. I y avoit à Damiette et à l'embouchure du Nil huit écrivains et cinquante employés subalternes ; trois écrivains et vingt employés à Rosette ; enfin douze, écrivains à Alexandrie, et soixante préposés. | Le personnel de l’administration des quatre principales douanes possédées par Mourâd-bey se composoit donc de quatre douaniers principaux, de vingt-neuf écrivains, et de cent soixante-dix préposés; ils étoient tous aux gages du fermier général, et voici quels étoient leurs traitemens: Le douanier principal de Boulaq recevoit annuellement. . .... 2,400P44 CélnrdetDameheniene te tente eee MEET ALT STONE GCélur. dé Rosettes-.. Je ENRRE BL er PAT Br DUO : 1,000 Celui d Aleandie. 5. .r2ee. PS ME AR ES DE for ft ET NS ER Les écrivains étoïent payés de 60 à 300 parats par Jour; ce qui mettoit leur solde moyenne annuelle à 730 pataques, et portoit cet article de dépense, pour les écrivains, à. AZ. Ci DEEE Les employés et commis subalternes recevoient Re 4S parats par jour, ou 182 pataques + par année : les cent soïxante- dix préposésicoltorenta CO pire ere En LA ns DEMO Les frais d'administration et appointemens s’élevoient, par consé- PACS ee pau Ve 3-8 Éd cn RS HR: 544 DELLE, 5 0 Quant au prix de la ferme que le douanier général payoiït à Mour- râd-bey, ïl étoit de 21,000 pataques par mois, et par année de... 252,000 FOTAE Vs. ASSET. ST Ni les douaniers principaux, ni aucun préposé sous leurs ordres, n’avoient de remises sur les produits qu'ils recouvroient ; mais il n’étoit pas rare qu'ils reçussent quelque présent de la part des marchands avec lesquels ils avoïent à traiter : outre les non- valeurs qui résultoïent toujours, pour le fermier, des arrangemens particuliers L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 681 particuliers faits entre les débiteurs de la douane et les douaniers principaux, le fermier général faisoit encore de temps en temps à Mouräd-bey et à ses favoris des présens plus ou moins considérables. Ce fermier devoit profiter, suivant son marché, de tous les bénéfices qui en résultoïent : cependant, quand ces bénéfices étoïent présumés extraordinaires, il essuyoit presque toujours une avanie qui les lui enlevoit ; voilà comment Mourâd- bey ruina successivement plusieurs de ses grands douaniers. L'un d’entre eux, de qui je tiens ces détails, évaluoit à 40,000 pataques par mois, ou à 480,000 pataques par an, le produit des douanes de Boulaq, de Damiette, de Rosette et d'Alexandrie. Nous avons vu que les frais de perception montoïent environ au huitième de cette somme : en évaluant sur le même pied du huitième les gratifications et les présens que le douanier étoit obligé de faire aux Mamlouks et autres agens du | pouvoir, on aura pour les dépenses à sa charge, environ. ....... 124,000 Run... ...L. 352,000 ACTA TUNER EE TRS OO RE 71 200 0 LD MEME MEMBER CE DOTE Bionrermts eee à en ne eue dal dre LOOO 00 EH EE UDICRRIER 0. drone are o1 Mere0s on Vente ns PURE . 104,000 Cette somme de 104,000 pataques de 90 médins, équivalente à 334,000 francs, étoit bien plus considérable qu'il ne falloït pour tenter la cupidité des beys, et pro- voquer les avanies que les fermiers généraux des douanes ont fréquemment subies. Tous les droits perçus sur les diverses marchandises importées en Égypte étoient réglés par des tarifs qui avoient éprouvé peu de variation depuis leur établissement : Île café seul, qui arrivoit à Suez, avoit été grevé de droits qui s'étoient élevés successivement jusqu'à vingt-deux pataques par farde. D’après un renseignement que ma donné le douanier de ce port, cette importation s'éleva, sous Isma yl-bey, jusqu'a vingt-six mille fardes. Les droits perçus à Suez montoient, année commune, d’après les états qu'en a donnés M. Estève, à 400,36$ pataques (1), c'està-dire qu'ils étoient presque équivalens aux produits des quatre douanes du Kaire, de Damiette, de Rosette et d'Alexandrie, tandis que les frais de perception étoient beaucoup moindres : ceci explique pourquoi Ibrähym-bey, qui partageoit le pouvoir avec Mouräd, s'étoit contenté du revenu de la seule douane de Suez, laïssant à celui-ci le revenu des quatre autres. On peut évaluer, d'après ces divers renseignemens, les produits de toutes les douanes de Égypte, savoir: | Celles du Kaire, de Damiette, de Rosette et d'Alexandrie, à... Â80,0007"% OSRERMERSUEZ, 12. Or re ee ae + 1: .-h4lu 100105 CORRE O cer, à CR ES RL TT PT OR COR 1,000,0007"%: C'est-à-dire, à environ 3 millions de francs, en dedans desquels devoient être pris les frais d'administration et le bénéfice des fermiers. (1) 36,842,876 médins ( Mémoire sur les finances de l'Égypte, É, M, tom, Le, pag. 259 }. É. M. TOME IL. FiEE 682 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Voici maintenant les tableaux extraits des-registres des douanes de l'Égypte, tels que M. Amédée Jaubert, notre collègue, a bien voulu les traduire : ÉTAT GÉNÉRAL des Marchandises qui ont acquitté les droits de la douane du vieux Kaire pendant les années 120$, 1200 et 1207 de l'hégire, correspondantes aux années 1790, 1791 et 1792 de notre ére. CHARGEMENS INDICATION LIEUX in = e barques. MARCHANDISES. D'ORIGINE. À pendant | Année trois ans. moyenrie. ARR DIT APE Chat: 20 MERE Le Sryd. 146. 49. On DANS E Ona Tdem. 24. 8. Charbon de bois.,...,,... Redesyeh. 36. he Crottin de pigeon (engrais). Le Sryd. 319.| 106. Cannes ARTE AL eee Idem. 560.| 186 =. CHARGES de chameau. Pendant Annéc trois ans, moyenne. ENGENSME ETS Cris Arabie. 22 LAS Rafsinss AIS re ete Le Fayoum. 326.| 108 =. Portes RER RE L'Oasis. | 4. 1 à GOINOSER RER ee Tdem. 13 4 =. Racine de réglisse. .....,. Tdem 106 35 + LINRCRRIEC EEE ER ER: Le Sryd. 3407.\ 1135 ©. IFIUMNENNÉLOURE RPC PE Idem. 1591.1. 530 =. Roseaux pour nattes...... Le Fayoum. 27 9e RETENIR CORPS Sennaar ct Dârfour. 175 58 5 Comme rer Sennaar. 1397 465 A EEE QAFAS [ cages ou paniers]. a" Pendant Année trois ans. moyenne, RATS TS PAT SE TRE Le Fayoum. 58. CES HOME PAENE PER ART ae Idem. 1842.| 614. POUIÉIS EPP E TEE Er ENT. Le Sayd. 2683.| 894 =. FÉTRUACRESR RENE EAU CEE Sennaar, 1. 4 BALLES ou ballots. Pendant : Année trois ans. moyenne. Saftanonssseme#t. Mi Le Sa'yd. 3525 nine Laine peer ere Er ere Le Fayoum. 298. 99 = Graine de mimosa......... Le Sayd. 822./ 274. He ie vo nt Me D Idem. Lot 7. Poudre arcenont "Fre0re Idem 31 10 ©. Niene CNE PARENT Idem. 422 140 à. SÉlAMMONACE PPEEr TE Environs duKaire 2 2. Graine de concombre... Le Sa’yd 11 3 =. JANTES TER EH rs Idem. 32 10 =. HODDIOTC Se REP TE Idem. 180 45. Sénetete bete M Ur Désert de Syène. 104. SAR Café importé à Qoceyr... Arabie. 2330.| 776 =. Racine de réglisse........ L'Oasis: 78. 26. Saad (herbe médicinale)... Idem. 16. 5 = : OUTRES INDICATION LIEUX 2. . des ou sacs de cuir. MARCHANDISES. D ORIGINE. Pendant Année trois ans. moyenne. TIGRE EE RER NS Sennaar et Därfour. 168. 56. Mélasse noire. .:......... Le Sryd, 1084.| 361 :. COUFFES. Pendant Année trois ans. moyenne, atteste rur Le Sx'yd. BAIE Dattes confites. ....,...... Idem. 6638.| 2212 =. Pattes ere ne L'Oasis. MÉCEO IN UAS IDÉES SCCRES A SEP Eee La Nubie. 11809.| 3936 + Gomme FERA N EUUT Le Saryd. 102. 34. IAA EURE ENTER Le Fayoum. 69. 23 abc afumérreer ane Le Sayd. 923.| 307 à Natron els araterstatele als eine er Désert de Sennaar. 174. 58. ARDEBS Pendant Année trois ans. moyenne, NBEICOS CCS UE EURE L'Oasis s 1 = Graine de mimosa. ..,,.... Le Sayd 4587.| 1529. Graine de cumin......... Tdem 612.| 204. GCramendants ete. Len Idem. 116. 38 >. Graine deraver. 4 1/20" Idem. 460.| 146 =. Graine de coriandre....... Idem 216! 72 Graine d’indigo........... Idem. ue Te Graine de seloukhyeh. Îdem. 88. 29 +. Habh el Barakät (graine)... Tdem, 2e 10 2. Graine d’anis vert........ Idem. 70: 23 ©. Graine'de navet. ....,... Tdem, 7. 2 2 GRANDES JARRES. TT, Pendant Année trois ans. moyenne. Mélasse noire............ Le Sryd. ISA IN IEEE" Beurre Mondu EL ne Teri 226.| 7S 2 Hludes diverses + Per Idem, 398.| 132 ©. NNELPlane Re Idem. 72 24. es BALLAS, CT , Pendant Année trois ans. moyenne. Mélasse noire... Le Sayd. 8917.] 2972 =. Beurre fondu, 7 + Idem 4867.| 1622 :. Fulesiverses ePEP EEE Idem. 590.| 296 à, Huile de sésame..." Idem. 21. 7. MONA ARR RE ET TE Idem 1270 423 = L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE‘DE L'ÉGYPTE. 68; INDICATION LIEUX -QANTÂRS. INDICATION LIEUX A. dé des e pièces, MARCHANDISES. D'ORIGINE. perrUrre MARCHANDISES. DORE Trente | Ame Î : trois ans. moyenne. ÎrOIS ans. moyenne. RD I a re Sucre blanc raffiné. ...... Le Sa’yd. 168:6.| 5612. || Vases de terre allant au feu. Le Sa yd. 17503.| 5834 =. || Sucre commun en pain.....| : Jdem. 32843. | 10949 <.|| Ruches enterre...,.,.,., Idem. 770" 256 <.|| SE ATOME MELLE Idem. 2451, CA IAESc lave monstres ee Därfour et Sennaar. 3780.| 1260. |} AGIT Er Ca HAL à 65 RS. Idem. 648. 216] Cuirs de buflle........., Le Sa’yd. 19511.| Gsoz <{|| 1 HdiGoL patterns Tdem. 919. 306 +.|| Peaux de chèvre... ...... # Tdem. 424. 141 = || AUDE SAR Därfour et Sennaar. 1047. 349. || Peaux de mouton en laine, Idem. Se 18 2. TRAME CIE NE AUS Idem, 1174, 300 = Étoffes de laine brune etnoire. Idem. 20913.| 6971. l Robes de ces étoffes.. ....,. Jde. 24233:| 8o77<. NOMBRE Couvertures de cheval... Tdem. 287. 95 < | de pièces. HSE 0. Le Fayoum. 628. 209 = || ms — || Grands chales blancs... ... Tderm. 114577-| 38192 <.|h. Ent HA Petits châles blancs..,..... Idem. 58202.| 19400 =. ——— | ———|| Toiles d'emballage... ...... Idem. 22952.| 7650 =.|h POS du En Le Sa’yd. 2245587. |748529 || Châles bleus et blancs... Le Sayd. 75948.| 25316 ||. Pièces’ de. bétail! . ........ Îdern, 716. PU lIMONes dei. Idem. 304988. | 101662 £. || RP Il faut remarquer que tous les articles compris dans ce tableau sont ceux qui ont acquitté les droits de douane. Les marchandises qui venoïent à l'adresse des beys, étoïent affranchies de ces droïts; ce qui diminuoit considérablement les produits de la perception. ETAT GÉNÉRAL des Marchandises qui ont acquitté les: droits de la douane de Boulaq. pendant les années 1190 et 1191 de l'hégire, correspondantes aux années 1775 et 1776 de notre tre. INDICATION LIEUX Sens INDICATION des des D'ORIGINE, CAISSES. 4 Pendant | Année || MARCHANDISES. ET NES deux ans. moyenne. MARCHANDISES, Pendant Année deux ans, moyenne. PCT 2 Ce OR ET Chrétienté, 210. 105. || Velours... Vo oRe .| Chrétienté. io 10 2. || CNE UDC EE Er Idem. 10. SRI IRSatnR Re. SECAM € Idem. 146. 78: Mérouicreen Rene cnrer Tdem. 2e 6 TER TOR NE ROUES Idem. 30. 15. |} ANSCRIO ATEN. Ne -. Tdem. 7: De |IRORCDE RAR MR ne de Îdem. 17. £. ff ALU ICOPAIE) ee: 2 ete Idem. Ga|ER De Étofles diverses... .... ed Tdem. 122. 61. Clinquintes#... 0." nr Îdem. 92. 46. || Fanaux de verre... ...... L Îdem. 84. 42. Orcndeulle et: Idem. 10, s. || Peignes et cuillers deibois.. Empire Ottoman. 118. 59. RES ARA Eee en | Idem. 23. 11 >|] Mastic de lentisque. ....... Idem. 34 17. OHNCANEES- esse Idem. S4. 2e iENlasticnentlariness.# 7." Idem, 330. 165. Platines d'armes à feu... .., Idem. 48. 24. Fusils et tromblons......, Idem, 192 96 Canons de fusil.......,.,., Idem. 35 17 © Pérblanc. Re Idem. 161. 80 =. PR E M) Sulkie GEO DE SOPMPANON Idem. ne MG QAFAS ME 7210008 OR Br 4 Idem. 87. 43 =. où paniers. lions JAMES SPORE Idem. 184. 92. PR — Verroterie de Venise... ... Idem. 613. 306 = É RE DCE ste SOC ONE Idem. DS 176 2 sa Goralremere PR Idem. 25e HE | GRR RENE PONT EIRE Chrétienté. 60. 30: Ambre ee R Re Us. Idem. 36. non IMPateddabricots-2. 4... Empire Ottoman. 162. 81. Gin Rene, Idem. 125. 62 :]j Fromages de Mansourah .…. . Égypte. 2030. 101$. Clous de girofle... .,....., Idem. 43. 21 2] Étoffes de soie et lin... Idem. 370! 185. IRON men done ue are Taem, 82. 41. || Raisins secs noirs. ........ Iles de a Grèce. | 11876. 5938. Dragées diverses. ......... Tdem. 190. 95- || Figues et raisins secs. ..... ; Tdem. 12150.| 6075. Sirops divers. AA. Téem. 81. Ho IEC Aron 5... Empire Ottoman. 1456. 28, ROQO SE res dates Idem. 25e 127 || Graïne verte......... 7 Ldem. 8. 4. c: E, M+ TOME II. Rrrr2 684 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, INDICATION LUS QANTÂRS. INDICATION LIEUX Mn LUS 7. ide Tsne: de de pièces. MARCHANDISES. D'ORIGINE, RER | Année MARCHANDISES. D'ORIGINE. Pendant Annéc eux ans. moyenne. deux ans. moyenne. Blanc de céruse, ......... Chrétienté. 500. 250. Plomb en saumon. ....... | Chréticenté, 2841. 1420 =. Mercure Arte Re Idem. Grelsets eme RE En re Idem, 102180.| $1 090. k Ocremoupe22e°2t FT ae Idem. Carreaux de marbre...... Tdem. 18140.| 9070, Soufre commun.......... Tdem. Eusls ra TS. 20 Idem. 2978. 1489. Salsepareic PES REE EC Idem. Lampes de verre......... Idem. 43560.| 21780. Fleurs sd ospie eee Ce ee Idem. Pièces de faïence... Idem. 28900.| 14450. Bois de Campêche.....,.. Idem, Livrets de feuilles d’or... Jdem, 4440.| 2220, || Glonssde pool ere. Tdem Pièces deffarence.….,#,,.. Tdem. 14527.1 7263 =.|| Étain:s. M USE MELLE Idem Barresdedene Re Tdem. 34392. | 17106. || Glinquanteee rer tee Idem. Poutrelles de sapin........ Empire Ottoman. 4800. 2400, Poivre. Are res En Tden. Jouets d’enfant........... Idem. 1870. 935- AÏGUIONE EHESS FER CR Idem Tapis de pied...... More Idem. 1612, 806. ACIER ere RER Idem Alone Cet ..… [Empire Otroman.| 220000. | 110000. Gmpembre rer ere dem. Rames et avirons......... Idem, 15840.| 7920. || MGR RER EE Jdem. Gamelles en bois......... Tdem. 26777. | 13388 =. 1 Verrefcommun 22... Tdem. Peronesteticullerss2###07% Îdem. 336000.|168000. |] Giiee jp. MSP NE Idem. ON a ee Idem, 25083.) 12541 2 So on din > de IT PT Empire Ottoman. Hampesidedince..#.,25 Tdem. 10900.| S4Âso. Gardubessener RE TES Idem. LATNO D DES PS SR O C So Idem. 68160. | 34080. Vitriol de Chypre......., Tdem. Vêtemens de femme...,.. Tdem. 854. 427. Noïtide gilles. 40 Idem. Vieilles chaussures /dem.... Idem, 84200.| 42100. Styrax en écorce. ........ Idem, Bonnetssblhincse.. +... Idem. 26901.| 13450 =. Roses de Damas. ........, Syrie. JOPIENG OR RS PES PER {dem. 2000. 31000. | Crrancer ere Russe Idem. Meules de moulin........ Idem. 204. 102. Vieux cuivre du pays..... Égypte. Œuyaux-dempipe... Pre 2" Idem. 187000.| 93500. Figues de Gaza. .......... Syrie. Peaux de maroquin....... Idem. 23890.| 11945. Kaçal (teinture)... UEE Tdem. Couvertures de Turquie... Idem, 2888.| 1444. MONO GRETA Indes, Arabie, Kalimär (tapis)....... | Idem, 14019.| 7000 :.|} Gomme adragant. ........ Syrie. Couvertures de Tunis. .... ÉtatsBarbaresques] 15239.| 7619 : || 1 Châles de Tunis....:.... Idem. 13722. | 6861. BARILS. Paires de babouches...,.. Idem. 10249. 5124 £.|] hénaaur NU Ann NTassesascafétduspayes . 0 Égypte. 128000, | 64ovo. deux ans. moyenne. Blancikdetcéruse. 1.0". Chrétienté, 38. À OCR OUTÉ RER Eee Idem. Clous... 1! A dE Îden. FRS Dinent HONNEUR Re Ideni. Pendant Année (Obkale fe cnies+2, IAE Idem. Re UP ÈNE, loin S'OCASEPESE CLS Idem. Cora As Este er LC Chrétienté, 638. 319. a. SU ROMA ONE CEE Has Nes er PCR MB LE Idem, 10300.| Siso. LAN NT Lente Lie PE ent. Ér ; ANR HER LIRE el ROseaux 2 Écrire. 2.0.0. Syrie. 1000. 500. Gomme adragant.....,... Idem. Soufre en canon.......... Idem. PANME SACE 12 Fo 80 AR on Ideni. PYKS D'ÉTOFFE. RE AS AC DLE LACS ldem. > —— || ONE EPP ER EP EURE Empire Ottoman. one Le ar Raiïsins confits au vinaigre... Tdem. (GoOudron EPP EME EEE UE Idem. Drapsidentme "7... Chrétienté. 55200.| 27600. TUNER ELEC AMENER Idem Seti AGO AO Empire Ottoman. 6068.| 3034. Colophone APN CRE LE Idem. Crépe Ps rm al sn | Chrétienté, 22500.| 11250. Boris RUE NL Tdem. HRAÉASENOD EEE PES Idem. 4638.| 2310. Ponbaral pese er prie LACS En 22 Mélourss Ne ARC Tdent. 3210.| 1605. TOUT ESS Sa Et à APS PI DÉSIRANT SAT OMR. 2 LE ONG 0 € Idem. 130600.| 65300. BOUTEILLES ET DAMES—JEANNES, à Pendant Année G ARDEBS, deux ans. moyenne. PP , Tabac en poudre......... Chrétienté, 83. 41 = rs Anriée \ k eux ans. | moyenne. VAR. et... Empire Ottoman. 617. 308 = Nil PM Er Égypte. AN ER ESS Er. CROSS 1 Égypte. 3063.| 1531 :. |) Sucreries diverses......... Érnpire Ghtoman Mo r35 In 4567 INPI PRO NS Idem. 29013.| 14506 ©. || L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'LGYPTE 685 INDICATION des ; MARCHANDISES. } ne. Mousseline IPürque: te. 2 Etoffes de soie et lin....... Toile de coton pour doublure Toile de coton plus fme.... Tél se 23. FICRUSERDIS Anne PRIE ES NRA CPR Draps de lit en soie.. ...... Toile p.' chemises (magäte’). Toile idem (crèpe)..:..... Mouchoirs de soie........ Taffetas noir (voiles)... ... Chäâles Toile p.' chemises (rekräny). Debviettese Ant. Crêpes de soie (hambary ).….. Horde coton re... LINE EEE OM Soie et coton (gorny)....... sors sense Idem imprimés,...,...... TEmmO ES ER ER Toile de coton peinte... Soie et coton { turbans).... Châles de Perse........... Chäles de Bagdad......... Châles de mousseline.. ...: Motsseline-.tarete een Étoffes GYOSSICtES ec Étofles diverses. ......... Piment et poivre......... Canons deusil. #8. Oxrderdercuiyre.s.F 2,06 Sulfate deter 018.0 2 Mastic en farmes......... Mastic de lentisque........ Styrax liquides. .......... SONT CC AR RCE Eee Terre pour les fab.s de pipes. Got. 60e DORE NAEUX CIVILE EURE Cuivre (batterie de cuisine). Graine jaune (teinture)... Colle en poudre........., LIEUX D'ORIGINE. Empire Ottoman. Ldem. Basse Égy pte. Îdem. Idem. L dem. Tdem. Idem. Tdem. Idem. Îdem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Tdem. | Syrie (Damas). Jdem. Tdem. Tdem. Idem. Tdem. Tdem. Idem. Idem. Idem. Idem. Tdem. Jdem. Empire Ottoman. Idem. Tdem. Idem. Idem. dem. Jdem. Jdem. Idem. PIÈCES D'ÉTOFFE. Pendant deux ans. 23850. 335707 88785. 180739. 21225. 40060. 19113. 713 : 228. 48595. 29810. 35e 2865. 900. de 160. 468. 45525. 44049. 200 3245. 1770. Le 966. 157. 125. 1133. 8187. 507: 125. PL D à OKES, Pendant Année deux ans. moyenne. 24280.| 12140. 2280.| 1140. 3731.| 1865: 1575-| 787. FO 395- 102. su 250. LA 8160.| 4080. 986.| 493. 820. 410. 16100.| 8o5o. 2640 1320. 47vo.|' 2350. 3043 1521 =. 650 325- 1428 714. 7170.| 3585. 4970 2485. 2290 1145. 3160 1580. 320 160. 47738. | 23800. 48430 24215, 1235. y 4140. 2070. Année moyenne, 11925« 16785. 44392 > 90369 =. 10612 = 20030. 9556 356 114. 24297 =. 14905. 1626. 1432 = 455. 3649 80. 224 227602 22024 1296 1622 885. 666 = 483. FE 62 D O Le] LU mix bin pin vie bin s] BI" V0 sx sn »I“ dI« 566 > INDICATION . des MARCHANDISES, ColoshonerE eee ER, nn PÉrCab tros. 1 A OMR PER EREE V ONVES ue AMEN SR. Glivrenjaune "27.7 INVEPISCS en ee tee 0e Vieux fer....,,... “ARC OU LIEUX D'ORIGINE. Empire Ottoman. Syrie. Idem. Empire Ottoman. Îdem. Ldem. Idem. Tdem. Idem. Idem. TLiem. nait BE SRE, PERNE | LE CRE TS PARTAGE ER ENCRES EEE Beheyba mourrah. ......... Goléténspoudren #27 Hérmodinte ss ALERT Racine de réglisse......... (Gfdinenverter AR A Dripsidedrines. 276.402 DATE EEE SR Plenstd spin t Dellétenesrre #4 LT Racine de réglisse, ....... AÉETITES GR CRIER HEC Ginsembre ere Er Soie LOUE Se MORE DRE Hal (poudre) CERN" Tabac de Turquie... ..... No dergnile meer AGE ALES SOS 1e OR Vieilles chaussettes de maroq." Alägat de Turquie. ...... GÉAROS TAPIS +6 200» eee due Noix, amandes, &c........ DER AIQUIdE, «2.2.8... Feuilles de chanvre....... Absmthe Mere nn... DA TAN Se LE Des [Habac dé Damas. En. Chanes. de ES Empire Ottoman Syrie. Empire Ottoman. Chrétienté, Empire Oitoman. Chrétienté. Ldem. Tdem. Idem. Idem. Idem. Îdem. Idem. Empire Ottoman. Idem. dem. Tdem. dem. Tdem. Tdem. Tden. Tdem. Îdeni. dem. Ideri. Ldem. Iden. Îder. Idem. Îdem. Syrie. Idem. Jde, ldem. Idem. Merceries de Constantinople. | Empire Ottoman Etoffes de soie commune... Idem. BALLES où ballots, OKES. Pendant Année deux ans. moyenne. 7600.| 3800. 2267405 7e 11645.| 5822 :. 6083.| 3o4r <. 3410. 1705. 4540. 2270. Agi4: | 2457: 8vo. 400. 4090.| 2045. 27151 1357 + 1620. 810. 1440. 720. 32270 800. 400. $200. 2600. 540. 270. 470. 235. 1070. 535. 4140. 2070. 930-| 465. 370. 185. 640. 320. Due | 75: || aa matt, |} Pendan | Année deux ans. moyenne. 46. 23 30. 18 43. 21 À 84. 42. 1476. 738: 1082 Ar. 1852. 926. 256. 128. 2 6. 44. 22. 2985.| 1492 123. 61 = 30673.| 153362. 179 89 : 48 24. 82 4. 13250. 667$ 778.1 389 4627. 2513 = 114. 57- 52. 26. 425 212 +, 1/2 636. 16. 8 1487.| 743 = 9413:| 4706 = 780. 390. PRET 1062 +, 831 415 = 22 11. 747 30T 184. 92. e LIEUX BALLES ou balots. Pendant Année deux ans. moyennc. INDICATION des D'ORIGINE. MARCHANDISES. Vieux fer Roses’ de Damas... .... Égypte. Syrie. Égypte. Arabie, 42 =. UE 88 =. 26 =. MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, BALLES. INDICATIO LIEUX ou ballots. des . En 4 D ORIGINE. PME deux ans. MARCHANDISES, Beheyba mourrah Poivre d'Éthiopie Hadary Chrétienté. Chrétienté. Année moyenne. ETAT GÉNÉRAL des Marchandises venant de. Syrie qui ont acquitté les droits de douane à Damiette pendant les années 120$, 1206—1212 de l'hégire, correspondantes aux années 1791, 1792— 1798 de. 1 rotre ére, BALLES ballots. INDICATION des MARCHANDISES. LIEUX ou D'ORIGINE,. Année moyenne. Pendant huit ans. ï Tabac de Sour, Bérout, &c. Tabac de Lataky Cocons de vers à soie et filoselle Syrie. dem. 85 16 =. 8954 Idem. Idem. 79 à 2243 : INDICATION des MARCHANDISES. LIEUX PIÈCES. , - D ORIGINE, Pendant huit ans. Toiles de Damas 587235. Alägät de Damas... ..….. £ 105620. Année moyen nc. 73404 :. || 13202 x + ETAT GÉNÉRAL des Marchandises qui ont acquitté les droits de douane à Suez pendant les années 1209, 1210, I2I1 Cf 1212 de l'hévire , correspondantes aux années 179$ » 1790, 1797 et 1798 de 710{Te ére. BALLES ‘ où ballots. INDICATION des LIEUX D ORIGAME: Pendant MARCHANDISES. Mn quatre ans. moyenne, US SR LT Arabie $6576.| 14144. fes + AIMER ES 10 UE Îdem. 8329.| 2082 OC ASIE EST RES - Indes 925. 231. Coque du Levant........ Idem 200. so BÉROINSEP EEE ECC EEE Tdem. 75: 18 À. NOR 4% 048 5 dionades Arabie. 450 112 =. (CHrAAMOME Er EEE EEE EE Indes. 75 18 À. Comme ere ce Arabie. 58. 14 à. Café en tgousses. "Sex Idem 89 22 Cnrcumar sert eCEc EEE Indes 396 99: Bois de Sandal,.... Jdem 30. 7 =. Cal MONO) NE SP EE 388. 97: CAmISE PEERC EEE T EEE Indes 146. 36 =. ADS 55508 one Arabie. . Je. EL. TRS ENC MORE PES 34835 0 Indes. 232 58. Myrrhe orientale... ....... Arabie, 102. 25 À. Racine de galangä........ Idem. 39- 9 ‘ \ A INDICATION LIEUX PORCES EX ou ballots. MARCHANDISES. TRRORSOUNE BÊTE Un | quatre ans, moyenne. Noedecoco Ame AE Indes. 948. 237: IDE FAR Er alter PROS PRES Idem. À. I. GINLEMPIC RTE ET EE EEE Tdem. 149. 7 Gommelcopal "#2" Tdem. 98. 24 =. GACHOU EEE RENE Idem. 1. _ GONE EPA ERA Tderm, 37: Ce Torboul (drogue)......... Tdem., 13 i Habb el-molouk (drogue)... Tdem. “ 1 2 Kousyleh (drogue )........ Idem, 6. 1 2 Nakyouy (drogue). ....... Idem. 16. 4. Zohiboul { drogue)... . 4... Idem, 117, 29 2. KGHMES Pr CCR UE Idem. 19. 4 à. K'abylch (drogue)......... Idem. 36. 9. ON MIA Gone Tdem. 26 2. ln (ou) EEE Tdem, 1e _ Qafal ( bois de parfum)... Idem. 1. i, (1) Nous avons classé dans ce tableau, comme dans le précédent, les diverses marchandises suivant les di- verses manières adoptées par les douanes pour en appré- cier la quantité. Quand la même marchandise sy re- trouve deux fois, c’est que sa quantité est rapportée à deux unités de mesure différentes : ainsi, par exemple, les cinq cents gantär et les trente-huit barils de blanc de cé- ruse ne font qu’un seul et même article; ce qui indique que le poids du baril de cette matière est d’environ treize gantär, L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 687 Ce dernier tableau des marchandises importées par Suez, de l'Arabie et des Indes, ne contient qu'une partie de celles qui ont cette origine; car nous avons déjà eu occasion de dire que les objets importés par les caravanes des pélerins de la Mecque ne payoïent aucun droit. Il nous manque, pour compléter Îles renseignemens sur le commerce fournis par les états de douanes, ceux des bureaux de Qoceyr, de Rosette et d'Alexandrie. Les droits étoient perçus à Qoceyr au profit du kâchef de Qené. Maïs, pendant mon séjour dans cette dernière ville, je n'ai eu aucune occasion de me procurer des tableaux semblables à ceux qui précèdent. _ La douane de Rosette étoit de peu d'importance, excepté lorsque la disette $e faisoit sentir dans quelques parties de | Europe. Les grains, et notamment le riz, devenoient alors l'objet de perceptions assez considérables; on embarquoit ces grains à Rosette sur des djermes, qui les transportoient à Alexandrie à bord des navires Européens. D'après un relevé des douanes de Damiette, de 1791 à 1798 inclusivement, la quantité de riz exportée par ce port s’est élevée, pendant ces huit années, à 228,357 ardeb, C'est-à-dire, à 28,544 awrdeb par année moyenne. Quant aux douanes d'Alexandrie, nous n'avons pu nous en procurer les états, parce que, le douanier principal de cette place étant mort dela peste pendant notre séjour en Égypte, les conservateurs de la santé firent brûler tous ses papiers et les registres de son administration. Il nous a été remis seulement un tableau du produit des différens droits qui y ont été perçus depuis année 1201 jusqu à l'année 1210 de lhégire. Il en résulte que, pendant ces dix années, la recette générale de ce bureau a été de 1,376,098 pataques; et les frais de perception, de 340,404 : ce qui donne pour produit net, pendant les dix années, 1,03 5,694 pa- taques, ou, par année moyenne, une somme équivalente à 322,872 francs de notre monnoie, 6838 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, RÉSUMÉ ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. Le phénomène annuel du débordement du Nil et le cours régulier des saisons affranchissent les habitans de l'Égypte de la plupart des travaux que la terre exige ailleurs de ceux qui la cultivent. Comme il n'y a que peu d'efforts à faire pour en obtenir de riches produits, il est naturel que les procédés de l'agriculture y soient demeurés stationnaires : aussi y reconnoît-on aujourd'hui ce que les anciens nous ont appris sur les irrigations, les ensemencemens et les récoltes; à quelques exceptions près, on y cultive encore les mêmes céréales, les mêmes plantes légu- mineuses et textiles. Nous avons fait voir aïlleurs que les mêmes mesures agraires s'y étoient conservées depuis la plus haute antiquité ; la terre y reçoit la même quantité de semence; et si l’on remarque quelque différence entre ce qu’elle rap- porte de nos jours et ce qu'elle rapportoit suivant le récit des anciens, il faut l'at- tribuer à l’exagération de quelques-uns d’entre eux, qui, dans leur étonnement d’une fécondité qui coûtoit si peu de travail, l'exaltèrent outre mesure. Comment n’auroient-ils pas été étonnés, en effet, de la fertilité d’un sol qui souvent n'a pas même besoin d’être labouré avant de recevoir le grain qu'on lui confie ; qui, jusqu'au moment de la récolte de ce grain, semble repousser toute autre végétation ; qui, par conséquent, ne réclame ni le secours des engrais, ni les travaux du sarclage ! Les cultivateurs n’ont de fatigue à essuyer que celle de larrosement des terres, quand elles n’ont point été inondées naturellement, ou quand on entreprend de leur faire produire plusieurs moissons dans le cours d’une année. C'est en me- surant le travail de ces arrosemens que nous avons pu évaluer la force ordinaire des hommes en Égypte. Soit à cause de la transpiration continuelle qui les affoi- blit sous un soleil ardent, soit parce que les alimens dont ïls se nourrissent sont peu substantiels, soit peut-être parce que le desir d'améliorer leur sort ne peut exciter leur activité sous un ordre de choses qui ne leur permet pas l'espérance d'un meilleur avenir, les manœuvres employés aux arrosemens ne fournissent, par l'emploi utile de leurs forces, que les deux tiers environ de l'effet que four- nissent dans nos climats des hommes de même stature qui travailleroïent pen- dant le même temps. Il est vrai que cette différence se fait remarquer également dans le travail des animaux: en Égypte, un bœuf attelé À un manége pour élever l'eau des citernes ne produit guère que les deux tiers de l'effet d’un bœuf de même taille qui seroit attelé à un manége semblable en Europe. En étendant cette comparaison aux travaux du labourage, et en nous exprimant en L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 689 en mesures Françaises, nous avons trouvé que deux bœufs et leur conducteur Îa- bourent en Égypte un hectare dans l’espace de trois jours et un tiers, la journée de travail étant supposée de dix heures; tandis que, dans les provinces de France où l’on emploie des bœufs, il faut quatre journées pour labourer la même super- ficie. Ce résultat, qui semble en contradiction avec celui que nous venons de rapporter, s'explique aisément par l'extrême légèreté de la charrue Égyptienne et le peu de profondeur des sillons qu'elle trace : elle ne fait en quelque sorte qu'efleurer la surface du sol. | Le prix moyen en argent de la journée d'un laboureur, dans la haute Égypte, revient à 35 centimes; celui de la journée d'un manœuvre employé aux arro- semens s'abaisse au-dessous de 22 : la nourriture de ces manœuvres ne s'élève guère au-dessus de 12 centimes par jour ; elle se compose de pain de durah, de laitage et de végétaux, excepté pendant le temps du ramadän. En général, on peut évaluer à 120 francs par année le prix de la nourriture et de lentretien d’un homme employé aux travaux de l’agriculture. Les détails que nous avons donnés sur le prix d'achat, la nourriture jour- nalière et l'entretien des animaux élevés par les cultivateurs, fourniront les moyens de comparer les dépenses de leur éducation en Égypte aux dépenses de leur éducation en France. Nous ajouterons seulement ici que les Égyptiens ne savent engraisser ni le bétaïl, ni aucun oiseau de basse-cour. Cette ignorance tient-elle à leur extrême sobriété, qui ne leur fait pas attacher beaucoup de piix à la qualité des viandes dont ils se nourrissent, ou bien doit-elle être attribuée au manque de prairies naturelles! Cette dernière circonstance suf- froit seule pour les forcer de réduire au strict nécessaire le nombre d’animaux domestiques qu'ils élèvent. Ils ne pourroïent en effet augmenter leurs troupeaux, à moins de consacrer une plus grande superficie de terre à la culture des four- rages, C'est-à-dire, à moins de restreindre d'autant la culture des céréales, qu'ils ont besoin d'étendre le plus possible ; car, outre ce qui est indispensable à la consommation des habitans, il faut éncore recueillir assez de grains pour ac- quitter les impositions en nature dont les terres sont grevées, et solder une partie des marchandises étrangères propres à l'usage du pays. | Dans la haute Égypte, il faut porter au sixième des terres cultivées la super- ficie de celles qui sont ensemencées en fourrages; il faut la porter au tiers dans le Delta. C’est de cette dernière province que l'on tiroit les peaux de bœuf et de buffle qui passoient en France et en Italie. | Les seules terres qui se reposent en Égypte, sont celles que n’arrose pas linondation naturelle, ou qu'on ne peut arroser artificiellement. Quant à leur fertilité, on sème par hectare 155$ litres de froment ; on en recueille, année commune, 2325. Dans nos départemens les plus fertiles de France, on emploie 2 hectolitres de semence par hectare, et l'on en recueille 20 hectolitres. Les terres rapportent donc en Égypte 14 et 15 pour 1, tandis qu'elles ne rapportent que 10 dans nos meilleures provinces, et 3 seulement dans Îles plus mauvaises, É. M. TOME II. Ssss 690 .+ MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, : Ainsi, en estimant la fertilité des terres par le rapport des récoltes à la quan- tité de semence sur une superficie donnée, la fertilité de l'Égypte sera repré- sentée pär 15, et la fertilité moyenne de la France par «6 +; on doit observer de plus qu'il faut engraisser nos terres par des moyens factices, et que les cam- pagnes sur les bords du Nil n'ont besoin que d'être inondées naturellement. Le prix moyen de l'hectolitre de blé en Égypte est de 4 francs 30 centimes à peu près ; il est aujourd'hui (1) en France de 14 francs $9 centimes. Ces prix sont par conséquent entre eux dans le rapport moyen de 10 à 33. L'idée que nous venons de donner de la fertilité de l'Égypte, s'accorde avec celle que les anciens nous en ont laissée ; ajoutons qu'il est difficile de prévoir comment il y seroït apporté des changemens sensibles. Quelles améliorations peut-on attendre en effet de l'introduction de nouveaux procédés de culture dans un pays où la nature dispense des engrais, et quelquefois même du labourage des champs! Plus art est simple, moins il y a de tentatives à faire pour en perfec- tionner Îa pratique. Mais, si l'on doit désespérer d'obtenir de la terre une plus grande fécondité, il seroit possible d'accroître prodigieusement l'étendue des terres fécondes : il ne s'agiroit que d'aménager convenablement les eaux du fleuve, en creusant de nouveaux canaux, en élevant de nouvelles digues, en un mot en établissant un système d'irrigation qui fit participer, pendant le plus long-temps possible, la plus grande superficie de territoire au bienfait de l'inondation. Alors toutes les terres pourroïent donner deux ou trois récoltes par an; ce qui n'a lieu main- tenant que sur quelques points privilégiés. Ces récoltes multiples exigeront toujours, à la vérité, des arrosemens artificiels, dont le mode est un objet essentiel d'améliorations. Dans l'état grossier des ma- chines que l’on emploie aujourd’hui, les hommes ou les animaux qui les font mouvoir,consomment une quantité notable de leurs forces à vaincre les obstacles qui proviennent de la mauvaise construction de ces machines. Leur produit utile pourroit être doublé, si les ouvriers qui les exécutent devenoiïent plus habiles: nous ne disons pas s'ils avoient de meilleurs modèles ; car les seaux à bascule, les roues à pots et à tympan, sont les appareils d’arrosement les plus simples quand on n'a point de moteurs inanimés à sa disposition. Tout porte à croire que ces appareils, usités en Égypte de temps immémorial, s'y exécutoient autrefois avec plus de perfection ; il est même certain qu'on y employoit la vis à épuisement qui porte le nom d'Archimède : on ne l'y retrouve plus aujourd’hui, parce que, la civilisa- tion ayant rétrogradé, on a successivement perdu l'usage de divers ustensiles dont la fabrication demandoiït un certain degré d’habileté. G On augmenteroït sans doute les produits territoriaux de l'Egypte, en éta- blissant un bon système d'irrigation et en perfectionnant les appareïls d’ar- rosement ; mais Ce qui augmenteroït singulièrement ces produits, ce seroit quelque institution qui tit participer les fé/4h à la propriété du sol : ils ne le cultivent aujourd'hui que pour vivre et acquitter l'impôt; ils le cultiveroïent (1) A la fin d'avril 1822. LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 691 bientôt pour vivre plus commodément : l'assurance de profiter de leurs peines rendroit sous leurs mains les moïssons plus abondantes. L'idée de diviser une partie du territoire du Sa’yd entre les cultivateurs occu- poit souvent le général Desaix ; il en regardoit l'exécution comme le plus sûr moyen de hâter la civilisation de ce pays, et de le faire jouir promptement des principales améliorations dont il est susceptible. Ce ne sont, en effet, que des propriétaires qui peuvent entreprendre des cultures dispendieuses comme celles du sucre et de l'indigo, quelques bénéfices qu'elles promettent ; voilà pourquoi les bénéfices de ces cultures étoient le par- tage exclusif des beys et des kâchefs, qui possédoient certains villages dont le territoire étoit propre à ce genre d'exploitation. Quoique l'art de construire et d'établir des machines à élever l’eau pour les trigations se soit dégradé en Égypte à mesure que les lumières de la civilisation S'y sont éteintes, cependant la nécessité n’a pas permis qu'il s'y perdit entièrement, tandis que la pratique d’un grand nombre d’autres qu’on y exercoit autrefois avec un certain degré de perfection, y est aujourd'hui totalement oublice. Que l’on compare les plus grandes constructions de l'Égypte moderne aux monumens antiques dont le pays est encore couvert, et lon pourra Juger de quelle hauteur larchitecture est déchue. On est frappé d’étonnement à l'aspect de ces temples et de ces palais de dimensions colossales, à l'aspect des statues et des sculptures en creux ou en relief dont ils sont décorés : il faut admirer, en les voyant, l'adresse et l'habileté des ouvriers qui les exécutérent : et certai- nement ces ouvriers devoient être alors en bien grand nombre, puisqu'ils ont laissé de leurs ouvrages sur tous les points de cette contrée, où peut-être on ne trouveroit pas de nos jours un seul homme capable de modeler une figure dans l'attitude la plus simple. Les ténèbres de l'antiquité nous cachent les diverses époques auxquelles furent érigés la plupart de ces monumens. Cependant combien de siècles ont dû s'écouler avant qu'on entreprit d'extraire de leurs carrières les blocs de granit dont les obélisques sont formés, avant qu'on imaginat les moyens de remuer ces énormes masses et de les transporter à de grandes distances, avant qu'on eût extrait les métaux de leurs mines pour en fabiiquer les outils propres à tailler ces obélisques, à les polir, à y graver profondément et avec une perfection remarquable les figures hiéroglyphiques dont leur surface est ornée! D'autres arts utiles à la vie civile, ou seulement destinés à en augmenter les jouissances, étoient évidemment, chez les anciens Égyptiens, aussi avancés que l'architecture et la sculpture ; leurs peintures, leurs papyrus, l'espèce de carton qu'ils employoïent à fabriquer les caisses de leurs momies, sans parler de leurs embaumemens, exigeoient des préparations qui ne pouvoiïent être que le ré- sultat d'essais multipliés et d’une longue expérience. On peut en dire autant de leurs tissus, dont quelques fragmens sont venus Jusqu'à nous. Enfin les ins- trumens de musique, les armes, les chariots de guerre et les ameublemens que lon voit représentés dans les tombeaux des rois de Thèbes, sont autant É. M, TOME Il. | Ssss 2 692 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, de preuves d'une civilisation avancée, et d'une industrie qui s'appliquoit h une multitude d’usages. Les livres de Moïse nous offrent à cet égard des témoi- gnages irrécusables; car, dans Îles instructions qu'il donne aux enfans d'Israël pour la construction du tabernacle, de l'autel des holocaustes, du parvis, et de l'autel des parfums, dans ses prescriptions sur la forme et la matière des vêre- mens sacerdotaux, ce sont les arts Égyptiens qu'il décrit : parmi ces arts, il faut bien distinguer celui de mettre en œuvre les différens métaux, lequel sup- pose l'art beaucoup plus ancien d’en traiter les mines; il faut distinguer encore ceux de polir les pierres gemmes les plus dures, d'y graver des caractères, de tisser des étoffes précieuses, de préparer les cuirs et de les teindre de diverses couleurs. Quelque rapidité que l’on suppose à la marche de la civilisation dans les premiers âges du monde, l'état des connoïssances humaines en Égypte, au temps de Moïe, fournit du moins la preuve incontestable qu'à cette époque les. Égyptiens étoient déjà un ancien peuple. C’est aujourd’hui un peuple qui paroît sortir à peine de l'état sauvage. Il ne pratique, pour ainsi dire, que les arts les plus grossiers, tels que les exigent nos premiers besoins : ceux de fabriquer des nattes, des toiles de lin, des étoffes de laine, se sont en effet conservés dans les campagnes, parce que, se rattachant à la vie agricole, ils ont toujours dû former l'occupation naturelle des laboureurs pendant le temps de linondation. La plupart des villes, sous le rapport de l'industrie qu'on y exerce, ne sont plus que de gros villages ; quelques Qobtes y travaillent les métaux précieux; quelques Juifs et Arméniens y exercent la profession de lapidaires : voilà à quoi se réduisent les arts de luxe en Égypte. Si quelques habitations modernes y sont encore décorées de colonnes de porphyre et de granit polis, ces colonnes sont des débris enlevés à d'anciens édifices. On chercheroït vainement, d'Éléphantine à Alexandrie, un seul ouvrier qui entreprit d'en exécuter de semblables. Ce pays sortira sans doute de l’état de dégradation dans lequel il est tombé: de nouveaux genres d'industrie s'y introduiront un jour : maïs on peut tracer dès à présent le cercle assez étroit dans lequel ïls seront renfermés ; il n'y a là en effet ni courans d'eau ni combustibles qui puissent entretenir ou des roues hydrauliques, ou des machines à vapeur, moteurs inanimés auxquels l'industrie moderne doit ses plus étonnans progrès. La force et la régularité des vents don- neroient, à la vérité, le moyen de suppléer à l'action de l'homme et des animaux dans les travaux d'arrosage, de la mouture des grains, de la fabrication de l'huile, du blanchissage du riz ; maïs, avant d'établir des moulins à vent, il faudra perfec- tionner la construction des roues à chapelet et à tympan, des seaux à bascule, et, en général, de toutes les machines propres à élever les eaux sur les terres; car leur culture sera toujours en Égypte l’objet des travaux les plus productifs. Voïlà pourquoi la préparation du carthame, la fabrication de l'indigo et celle du sucre, seront aussi l'objet des premières manufactures qui prospéreront dans cette contrée; viendront ensuite celles de sel ammoniac et de nitrate de potasse, dont les matières premières s’offriront en abondance, et pour ainsi dire L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 693 gratuitement, aux hommes intelligens qui y porteront les procédés usités au- jourd'hui en Europe pour obtenir les mêmes produits. Les tissus de lin et de coton continueront d'y être fabriqués pour l'usage des habitans du pays, sans néanmoins qu'on puisse raisonnablement prétendre à y porter cette fabrication au degré de perfection qu'on lui a donné dans ces der- niers temps en Europe : l'Égypte ne pourra jamais, sur ce point, entrer en concur- rence avec [es nations de l'Occident. Ce qui lui est réservé peut-être, c’est de nous livrer le lin et le coton qu'on y récoltera, en excédant des besoins de sa population : ces substances, qui sont pour nous des matières premières, seront toujours pour elle les produits de la plus avantageuse de ses manufactures, c’est- à-dire, nous le répétons, de l'exploitation du sol. La préparation des maroquins, objet d’une industrie fort ancienne en Orient, pourra y recevoir de nouveaux perfectionnemens. Enfin, si l'on considère que l'on ramasse le natron à la surface de la terre dans les déserts de l'Égypte, que plusieurs plantes oléagineuses sont cultivées avec succès sur les bords du Nil, et que, d'un autre côté, la main-d'œuvre y est beaucoup moins coûteuse qu’en Europe, il est aisé de prévoir que les Égyptiens finiront par entreprendre de fabriquer eux-mêmes le savon en assez grande quantité pour en accroître la masse de leurs exportations. Les ouvriers qui exercent les métiers les plus usuels, n'ont besoin que d’être instruits et dirigés par des ouvriers plus habiles. Les nouvelles relations qui ne peuvent manquer de s'établir entre les nations Européennes et l'Égypte, y éleve- ront la pratique de ces métiers à peu près au même degré où elle se trouve parmi nous : c'eüt été un des résultats nécessaires de l'expédition Française, et le premier de ses succès. | 3 L'Égypte ne possède aucune mine, et cependant les arts auxquels elle se livroit dès l'antiquité la plus reculée, exigeoient l'emploi d’instrumens de fer, d’acier ou de bronze. Il a donc fallu y recevoir par la voie du commerce la matière de ces instrumens. Leur étoit-elle apportée de l'intérieur de l'Afrique par des caravanes d'Éthiopie, ou de.l'intérieur de l'Asie par des vaisseaux Phéniciens qui navi- guoïent sur la mer Rouge et sur la Méditerranée! L'examen de cette question, de quelque intérêt qu'il soit, ne peut trouver place ici; il nous suffira de remarquer que les relations de commerce qui s’établissent de peuple à peuple à l'aide de la navigation, supposent toujours un état de civilisation plus avancé que les relations qui s'établissent par terre entre des peuplades limitrophes. Cette réflexion conduit à admettre que les Égyptiens ont reçu les métaux de l'intérieur de l'Afrique long- temps avant que le commerce maritime leur procurât ces matières: tout porte à croire, en effet, que les Égyptiens descendirent de l'Éthiopie en suivant le Nil, sur les bords duquel ils fondèrent successivement les grandes villes qui furent le siége de leur empire. Or il étoit tout simple qu'ils apportassent avec les arts du pays dont ils étoient originaires, les outils et ustensiles indispensables pour les exercer, ou du moins qu'ils continuassent de tirer des mêmes lieux d’où ils Javoient ‘tirée jusqu'alors, la matière de ces instrumens. On est confirmé dans 694 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, cette idée, quand on sait que l'on fabrique du fer dans le royaume de Sen- naar et dans le pays de Därfour. L'art de traiter les métaux ne peut se perdre là où il en existe des mines; plus les procédés métallurgiques y approchent encore de leur première enfance, plus il est probable que ces procédés y remontent a une haute antiquité : il est évident en effet que si l’on découvroit des mines dans un pays nouveau, on y porteroit l'art de les exploiter avec tous ses perfectionne- mens actuels. Ces réflexions fondent à conclure que l'Égypte commerça d’abord avec l'intérieur de l'Afrique, et n'eut point d'autres relations commerciales jus- qu'au règne de Sésostris, le premier de ses rois qui, dit-on, équipa des flottes ; ses successeurs suivirent l'exemple qu'il avoit donné, et continuèrent d’expédier aux Indes des convois de vaïsseaux marchands. Ce fut sans doute le commerce qu'on entretint par cette Voie qui accumula tant de richesses à Thèbes, et qui éleva si haut la civilisation de cette ville. A cette époque reculée, les flottes dont il s'agit abordoïent sur un des points du golfe Arabique Îles plus voisins de cette ancienne métropole de la monarchie Égyptienne. Après la fondation de Memphis, les marchandises. des Indes remontèrent sur un point de la mer Rouge plus rapproché de cette nouvelle capitale. Les Phéniciens étoient alors les maîtres du commerce qui’se faisoit sur cette mer et sur la Méditerranée : ainsi ils apportoient en Égypte les productions de l'Orient et de l'Occident. La fondation de la ville de Naucratis sous le règne d’Amasis, l'admission des Grecs en Égypte sous le règne de Psammétique, étendirent-en Europe les relations de cette contrée. À dater de cette époque, elle commença à être mieux connue des étrangers qu'elle ne f’avoit été jusqu'alors, et ils purent y puiser les connoïssances qu'on y cultivoit long-temps avant que les autres peuples fussent sortis de la barbarie. | L'Égypte donnoit en échange des marchandises diverses que les Phéniciens, les Carthaginoïs et les Grecs y importoïent, les produits de son sol et de ses fabriques. À quelque antiquité que l'on remonte, on voit les Éthiopiens lui four- nir de For, du bois d’ébène, de l'ivoire, des parfums et diverses drogues : l'Inde lui fournissoit de riches étoffes, des épiceries, des pierres précieuses ; l'Arabie, de l’encens et de la gomme. Les habitans de {a Palestine venoient y chercher des grains et des toiles ; les Phéniciens et les Carthaginoïs en emportoient aussi sur leurs vaisseaux, en échange des métaux, des esclaves, des étoffes de laine qu'ils venoient y vendre. Plus tard, les Grecs y échangèrent leurs huiles contre les marchandises précieuses de FInde et de l'Éthiopie, dont l'Égypte partageoïit déjà lentrepôt avec la ville de Tyr. Les livres Hébreux donnent sur le com- merce de cette contrée des renseïgnemens positifs : ils apprennent ce qu’on en tiroit et ce qu'on y apportoit du temps de Joseph; ils disent quelles provisions Salomon y faisoit acheter. Enfin, quand Ézéchiel et Isaïe prophétisent contre la superbe T'yr, et qu'ils énumèrent en détail tous les objets dont le commercé J'avoit enrichie, ce qu'ils en disent s'applique à l'Égypte, qui participoit alors aux bénéfices de ce commerce : elle les posséda sans partage après la fondation d’A- lexandrie, et les Ptolémées en tirèrent une partie de leurs revenus. Philadelphe, L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 695 le second de cette dynastie, entreprit des travaux considérables pour abrégér et faciliter la route que ce commerce devoit suivre : il voulut épargner aux vais- seaux qui y étoient employés les dangers de [à navigation du fond de la mer Hoiges et fit construire la ville de Bérénice sur la côte occidentale de cette mer, à la hauteur de Syène. On communiquoit de Bérénice à la ville de Coptos par un désert à travers lequel on se dirigea d’abord, pendant la nuit, au moyen des étoiles, et ensuite par une route dont ce même Ptolemée fixa invariablement la direction, en fai- sant creusér sur sa longueur douze citernes où l’on recueilloit l'eau des pluies pour le besoïn des voyageurs et des chameaux qu'ils conduisoient. Le chemin, au rap- port de Strabon, étoit de six ou sept jours de marche. Les marchandises arrivées à sx étoïent transportées par le Nil et les canaux qui en étoient dérivés jusqu à Alexandrie, d'où elles se répandoïent sur toutes les côtes de la Méditerranée. L'état florissant d'Alexandrie pendant qu'elle fut le séjour des princes Grecs est la preuve la plus authentique des avantages qu'elle retira de ce commerce. Il se fit encore avec une plus grande activité sous la domination des Romains. Strabon, qui visita l'Égypte avec Ælius Gallus peu de temps après la mort de Cléopatre, rapporte qu'il vit lui-même partir du port de Myos Hormos cent vingt navires destinés pour l'Inde, tandis que sous les Lagides il n'y avoit, dit-il, qu'un petit nombre de bâtimens qui se hasardassent à faire cette navigation. Les richesses acquises par cette voie entretinrent le luxe de Rome sous les premiers empereurs, comme nous l'apprenons de Pline, qui nous a transmis l’'énumération et la valeur des marchandises que l'on tiroït d'Alexandrie. La sa- gesse du gouvernement de Trajan, et la liberté dont il laissa jouir ce commerce, lui frent prendre plus d'extension; enfin, l'empereur Aurélien ayant détruit Pal- myre, il se fit tout entier par l'Égypte. | Après la ruine de Coptos sous Dioclétien, la ville de Qous, l'ancienne Apo/- Üinopolis parva , en devint l’entrepôt. Abou-fedà rapporte que de son temps elle étoit la seconde de l'Égypte ; elle correspondoït déjà avec le port de Qoceyr, qui en est éloigné de trois journées seulement, et dont ce géographe a parlé le premier. On ignore l'époque précise à laquelle la route de Bérénice fut aban- donnée; il est très-probable que les Arabes, ayant négligé d'entretenir les ou- vrages dont elle étoit pourvue, trouvèrent plus commode de se rendre à la mer Rouge par la voie la plus courte. L'espèce de barbarie dans laquelle l'Égypte retomba, et les haines violentes qui éclatèrent entre les Chrétiens et les Turcs, déterminèrent les premiers à faire prendre un autre chemin aux marchandises des Indes : ils allèrent les chercher pendant un temps jusque sur les bords de la mer Caspienne. Maïs enfin les Vénitiens, qui surent toujours faire taire leurs préjugés religieux devant leurs in- térêts commerciaux, obtinrent des soudans la permission de s'établir à Alexan- drie, et ils y frent bientôt passer dans leurs mains, malgré les efforts des Génoïis et des Florentins leurs rivaux, un commerce immense, auquel ils ont dû, pendant 96 1 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, plusieurs siècles, l'avantage d'être placés au premier rang parmi les nations de l'Europe. Les bénéfices qu'ils en retiroïent excitoient contre eux une jalousie univer- selle, lorsqu'on entreprit d'arriver à la source de leurs richesses par un autre chemin. Ce fut en cherchant cette route que lon découvrit l'Amérique, et que le cap de Bonne-Espérance fut doublé quelques années après. La république de Venise sentit le coup dont elle étoit menacée; elle se lia par de nouveaux traités avec les Mamlouks, qui, à son instigation, se répandirent en menaces contre la chrétienté, pour obliger les Portugais de renoncer au commerce des Indes, où ils venoïent de s'établir. Ceux-ci, de leur côté, voulant s’en assurer la possession exclusive, entreprirent de ruiner les ports de la mer Rouge ; on rapporte même qu'après avoir échoué dans l'exécution de ce projet, Albuquerque conçut celui de détourner le cours du Nil dans l Abyssinie, pour faire de l'Égypte un désért inhabitable. I est des événemens dont les suites ne peuvent être arrêtées par les efforts de la plus adroite politique. Celle des Vénitiens échoua contre la force des circonstances, qui ont entrainé successivement toutes les nations commerçantes dans l'océan Indien par le cap de Bonne-Espérance ; et, tandis que les progrès de la navigation ont de plus en plus facilité ce long trajet, le despotisme et l'ignorance des maîtres de l'Égypte ont amené la décadence presque absolue du commerce de l'Inde par l'intérieur de ce pays. Dans un tel état de choses, un canal ouvert entre la mer Rouge et la Médi- - terranée auroit été d’un foible secours pour maintenir ce commerce, lors même que l’on eût pu appliquer à la conservation de ce canal les connoissances et les soins nécessaires. Maïs est-il vrai qu'un pareil ouvrage aït jamaïs existé ! Quoique le doute que nous élevons ici paroisse choquer les idées reçues, quelques ré- flexions vont prouver qu'il n'est pas sans fondement. Les historiens de l'antiquité attribuent à Sésostris, dont on place le règne vers l'année 148$ avant notre ère, l'exécution d’un canal qui alloit du Nil à la mer Érythrée. Ce qu'ils disent de la puissance de ce roi, des conquêtes qu'il fit, des flottes qu'il équipa, explique comment la tradition a pu lui attribuer les plus anciens travaux de l'Égypte, et ceux dont les projets conçus dans les siècles suivans n'ont pas sauvé de l'oubli le nom de leurs auteurs. | Après que Psammétique de Saïs eut attiré les Grecs en Égypte, et quil leur eut permis d'y bâtir des villes, Néchao, son fils et son successeur, entreprit, selon Hérodote, de creuser un canal destiné à joindre le Nil-et la mer Rouge: Néchao régnoit six cent seize ans avant l'ère chrétienne. Le canal que Sésostris avoit dû ouvrir neuf cents ans auparavant, n'existoit donc pas du temps de Psammétique; et cependant l'Égypte avoit joui, durant ces neuf siècles, de toute la force de ses institutions : on y avoit bâti les temples et les palais dont les vestiges attestent encore de nos jours la puissance dé ses monarques. L'histoire rapporte que Néchao, ayant perdu cent vingt mille hommes dans les travaux ‘ L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 697 travaux de ce canal, fut obligé de les abandonner. Elle dit aussi que deux siècles après, lorsque l'Égypte eut passé sous la domination des Perses, Darius fils d'Hys- taspes entreprit à son tour d'exécuter ce canal, mais que la crainte de voir l'Égypte inondée par les eaux de la mer Rouge, quand il seroiït achevé, lui en fit encore abandonner l'entreprise. Il est donc constant que, quatre cents ans environ avant Jésus-Christ, il n'y avoit point de communication ouverte entre le Nil et la mer Érythrée. Diodore de Sicile et Strabon s'accordent à dire que, sous la domination Macé- donienne, Ptolemée Philadelphe fit creuser ce canal, et le conduisit dans un port de la mer Rouge auquel il donna le nom d’Arsinoé ou de Cleopatris ; ce canal fut fermé à cette embouchure par un ouvrage appelé evripe, qui, avant l'invention des écluses à double paire de portes, ne pouvoit être autre chose qu'un simple barrage. Laïssant au surplus subsister l'incertitude que fait naître le silence des anciens sur la forme de cette construction, il demeure constant, du moins, qu'à l'époque où Ptolemée Philadelphe monta sur le trône, deux cents ans avant notre ère, le canal dont il s'agit n'existoit point encore. L'empereur Adrien, vers l'an 132 de J. C., fit conduire de Babylone d'Egypte jusqu'à Pharbætus, aujourd’hui Belbeys, un canal qu'il appela Trajanus amnis. Il rencontroit, dit-on, en ce point, celui de Néchao ou de Darius, qui se pro- longeoït jusqu'à la mer Rouge : il n’y avoit donc pas, à l'avénement d’Adrien, de communication navigable établie entre cette mer et la Méditerranée. Ce fut ce canal de Trajan que les historiens Arabes disent avoir été recreusé par A’mrou, gouverneur de l'Égypte, en 643 ; maïs le récit qu'ils en font est accompagné de fables qui ne permettent pas d'y ajouter foi. Ils annoncent enfin que l'embouchure en fut fermée en 775, et que depuis cette époque il est demeuré tel qu'on le voit aujourd'hui. I résulte de tous ces témoignages, qu'entre Sésostris et le khalyfe Abou-Ga’far al-Mansour, c’est-à-dire, dans un intervalle de deux mille deux cent soixante ans, on peut assigner cinq époques précises auxquelles il n'existoit point de commu- nication ouverte, soit entre le Nïl et la mer Rouge, soit entre celle-ci et la Méditerranée : or ces époques coïncident exactement avec celles des nouvelles dominations sous lesquelles l'Égypte passa successivement. En effet, aussitôt que les Perses s’en furent rendus maîtres, Darius, n’y trouvant point le canal attribué d'abord à Sésostris et ensuite à Néchao, entreprit lui-même de le creuser. Sous les Grecs, Ptolémée Philadelphe ; sous les Romains, l'empereur Adrien; sous les Arabes, le khalyfe O’mar, se livrèrent sans plus de succès à la même entreprise. Ainsi ni les Égyptiens, ni les Perses, ni les Grecs, ni les Romains, ni les Arabes, ne l'ont conduite à la perfection, quoique tous aient essayé de le faire les uns après les autres. L'exécution de ce travail paroît, il est vrai, si facile, et les con- quérans sont ordinairement si disposés à tirer parti de leurs conquêtes, qu'il n'est point étonnant que ceux au pouvoir desquels l'Égypte est tombée successivement, aient voulu profiter des avantages que cette opération sembloit leur promettre. Et nous aussi, à peine possesseurs de cette contrée, n'avons-nous pas regardé le r EU SNOINIENTIE Jon 698 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, canal de Suez à la Méditerranée comme le premier des travaux dont nous dussions nous occuper : Cependant notre empressement à cet égard se seroïit probablement refroidi par une connoissance plus approfondie de la localité; la nature même du com- merce auquel on auroit ouvert ce nouveau chemin , nous auroit portés à en retarder lexécution. Les marchandises de inde qui abordent à Suez, sont en cflet si légères et d’un si grand prix, que les frais de leur transport par terre à travers l'isthme ne peuvent accroître sensiblement leur valeur vénale sur les différentes places de l'Europe. D'un autre côté, tant que les Musulmans feront en caravane le pélerinage de la Mecque, cette ville continuera d'être un grand” marché, d'où les productions de l'Inde et de l'Occident, qu'on y transportera à dos de chameau, en seront expédiées de la même manière pour toutes les contrées soumises à l'islamisme. Le seul fait de l'existence de cette religion main- tiendra, comme on voit, le commerce dans ses voies actuelles. Une autre cause tend encore à fly maintenir ; c'est la difficulté de donner au canal de navigation que l’on ouvriroit entre la mer Rouge et la Méditerranée, assez de profondeur d'eau et des dimensions suffisantes pour que les mêmes vaisseaux puissent passer d'une mer dans l’autre en suivant ce canal. Il faut donc admettre que ces vais- seaux seront obligés de rompre charge à Suez et à Alexandrie : ces deux villes sont par conséquent destinées à offrir un emplacement naturel de magasins pour les productions de Orient et de l'Occident. Qu'on en rende le séjour plus commode ; une population commerçante, plus nombreuse et plus riche, ne tar- dera pas à sy fixer. Or, sous le ciel et sur la côte de l'Égypte, on trouvera un séjour commode par- tout où lon sera abondamment approvisionné d’eau douce. Les anciens firent à cet égard, pour Alexandrie, ce que réclamoïient, non pas seulement les nécessités de la vie, mais encore les habitudes du luxe le plus recherché : une grande partie de leurs ouvrages existe encore ; ïl suflira de les restituer et de les entretenir. I n'en est pas de même à Suez : on y a bien autrefois amené l’eau de quelques sources qui surgissoient au pied de la côte Arabique ; maïs la quantité en étoit trop petite pour que cet établissement s'accrût : il ne doit son existence et sa conservation qu'aux lois de la nécessité, qui veut que l'Égypte et l'Arabie pos- sèdent, au fond du bras de mer qui les sépare, une station commune d’où puissent s'expédier leurs productions respectives. Suez deviendra une ville considérable et le second port de l'Égypte, du moment qu'on y aura amené de l'eau potable. Il faudroit la dériver du Nil et la prendre au-dessus du Kaire, afin que le canal ou aqueduc qui la conduiroit, fût alimenté le plus long-temps possible, dans l'intervalle d'une inondation à l’autre. On pourroit même donner à ce canal des dimensions telles, que pendant la crue il pût être navigable pour des barques qui porteroïent des grains à Suez et en rapporteroient les cafés et les drogues qu'on y auroit approvisionnés dans le cours de l'année. Après lexécution de cet important ouvrage, de grandes citernes que l’on établiroïit sous le sol, des greniers spacieux que lon éleveroit au-dessus, appelleroient des négocians dans ce port, et le L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE. 699 rendroïent bientôt aussi orissant qu'il est susceptible de le devenir; car il ne faut pas croire que sa prospérité s'étende indéfiniment, de quelques améliora- tions qu'on le fasse jouir. La ville du Kaire sera toujours par sa position le centre des relations commerciales de l'Égypte avec l'Éthiopie et l'intérieur de l'Afrique, le centre où viendront s’accumuler les capitaux du pays, et, par suite, une station nécessaire entre les ports de Suez et d'Alexandrie. On sait comment la découverte du cap de Bonne-Espérance fit perdre à l'Égypte les avantages du commerce de l'Inde, et comment un nouveau conti- nent attira pendant trois cents ans une partie de la population de l’ancien. Les mines et les cultures particulières à ces régions ont été une source de richesses vers laquelle se sont précipités tous ceux qu'un esprit entreprenant et aventureux disposoit à chercher fortune hors de leur patrie : aussi, depuis le xv.° siècle, l'Amérique at-elle été plus explorée et est-elle aujourd’hui mieux connue que la côte septentrionale de l'Afrique, dont nous sommes cependant bien plus rapprochés. Un nouvel ordre de choses se prépare; quelles que soient les destinés futures du continent Américain, il offrira encore long-temps un champ immense aux spéculations des Européens : maïs, quand nous aurons des colonies à fonder, il faudra les porter ailleurs, et là probablement où nous nous serions dirigés dans le xv.° siècle, si, à cette époque et depuis, l'Amérique n'eût point fixé presque exclusivement l'attention du monde civilisé. La mémorable découverte de Chris- tophe Colomb, le plus grand événement peut-être dont l'histoire des hommes fasse mention, a reculé jusquà nos jours le moment où doivent s'établir entre les peuples du levant et ceux de l'occident de l'Europe, des relations qui feront disparoître peu à peu les différences de leurs mœurs et de leurs habitudes: le x1x.* siècle nous retrouve, sous ce rapport, au même point où nous laissa le siècle de Léon X. C'est de ce point que nous allons partir : la civilisation va péné- trer en Orient, par cela seul que les nations Européennes pourront en faire, pen- ‘dant quelque temps, le théâtre de leurs guerres. Déjà notre expédition en Égypte en a familiarisé les habitans avec d’autres usages que les leurs; elle a étendu leurs idées, affoibli leurs préjugés ; ils ont apprécié la supériorité que nous donne sur eux la pratique de nos arts modernes; ils sont plus disposés qu’ils ne l’étoient à les exercer; et, si Jamais ils sont soumis à un gouvernement raisonnable, il ne leur manquera que,de connoître la richesse de leur sol et tous les avantages de leur position, pour que leur pays devienne encore une fois l'entrepôt du com- merce de l'ancien continent. EM TOME Il. Tttta 700 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, PIÈCES JUSTIFICATIVES. RaAPPorT du poids de l'ardeb de Blé-froment au quintal poids de marc. Las VIIT de Ja république Française, et le 18 du mois de vendémiaire, moi, Jean-Baptiste Reynier, commissaire des guerres, ensuite de l’arrêté de la commission des subsistances en date du 16 de ce mois, qui nomme Îe C.®* Garcin garde-magasin général du dépôt du Meqyäs, Maxime Caudière garde-magasin actuel audit lieu, Louis-Élie Cafe, préposé aussi nommé par ladite commission pour Îa vente des grains, et moi commissaire des guerres susdit, nous sommes transportés à l'ile de Roudah, dans le magasin du Meqyâs, pour constater, 1.° Je rapport de lardeb d'orge et de féves au quintal poids de marc, 2.° celui de l’'ardeb du Kaiïre au boïisseau de Paris, 3.° Je rap- port de l'ardeh de blé-froment au quintal poids de Paris. Pour procéder avec la plus scrupuleuse exactitude à l'opération dont nous sommes chargés , nous nous sommes rendus sur le marché public du vieux Kaire, où nous avons fait mesurer et peser par les mesureurs et peseurs publics dudit marché, trois ardeb de froment brut, pris dans divers tas, dont Île résultat a donné pour le premier ardeb, 297 rotl brut, et avec la romaine, 269 livres poids de marc, aussi brut ; le second ardeb a pesé 297 rotl brut, et avec la romaine, poids de marc, 268 livres + brut ; le troisième ardeh a pesé 290 rotl brut, et avec la romaine, poids de marc, 263 livres + brut. Ce qui donne pour terme moyen de FPardeb Ie poids de 285 rot! +, à 144 drachmes le ror/ ; à la romaine, poids de marc, 267 livres + brut. Les trois sacs et [a corde de chacun ont donné un poids de 30 rot! +, et à la romaine, poids de marc, 27 livres +; ce qui réduit l’ardeb de blé à 27; rot/, et à. la romaine, poids de mac, à 250 livres net. , Revenus dans les magasins du Meqyäs, nous avons fait une nouvelle épreuve, en faisant mesurer et peser 3 ardeb de blé, pris dans trois endroits différens : il en est résulté que le premier ardeb a pesé, poids de marc, 276 livres brut ; le second, 270; et le troisième, 263 : ce qui donne pour terme moyen de lardeb le poids de 269 rot/ 5 brut ;' et en déduisant Ia tare du sac et de la corde, il reste net 260 livres. N'y ayant point d'orge ni de féves dans les magasins du Meqyäs, ni même au marché public du vieux Kaire, nous avons clos et arrêté le présent procès-verbal. Fait quadruple au Meqgyäs, les jour, moïs et an d'autre part. Signé à l'original, #fax. Caudière, Reynier, Garcin, L. E. Caff. Rapport du poids de l'ardeb d'Orge et de Féves au quintal poids de marc, et au boisseau de Paris. L’AN VIII de la république Française, et le 1 9 du mois de vendémiaire, moi, Jean-Baptiste Reynier, commissaire des guerres, ensuite de larrêté de la commission des subsistances en date du 16 de ce mois, qui nomme Je C.* Garcin garde-magasin général du dépôt des grains au Meqyàs, Maxime Caudière garde-magasin actuel audit lieu, Louis-Élie Caffe, préposé aussi nommé par ladite commission pour Îa vente des grains, et moi commissaire des guerres susdit, nous sommes L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE 7O1 transportés dans les magasins de fourrages à Boulaq, à l'effet de constater, 1.° le rapport de l'ardeb d'orge et de féves au quintal poids de marc, 2.° celui de l’ardeb du Kaire au boïsseau de Paris. Pour procéder avec exactitude à l'opération dont nous sommes chargés, nous avons fait appeler des mesureurs publics; et, en présence du C.® Bourgent, garde-magasin des fourrages à Boulaq, il a été pris dans divers endroits des magasins plusieurs ærdeb d'orge et de féves, qui ont été pesés et mesurés ainsi qu'il suit: Le premier ardeb d'orge a pesé 244 rotl brut, et à Ja romaine, 220 livres poids de marc ; le - second a pesé brut 240 rotl, et à la romaine, 218 livres poids de marc; le troisième a pesé brut 237 rotl, et à la romaine, 215 livres poids de marc. Ce qui donne pour terme moyen de lardeb d'orge brut le poids de 240 rotl +, et à [a romaine, 217 livres + poids de marc, aussi brut. La tare du sac et de la corde a pesé 8 rofl +, ou 7 livres + poids de marc; ce qui réduit l’ardeb d'orge à 232 rot/, et à [a romaine, à 210 livres + poids de marc net. Les ardeb d'orge ayant été mesurés au boisseau de Paris, chacun d'eux a donné Ia quantité de 14 boisseaux +. ; La même opération à été faite sur plusieurs ardeb de féves, qui ont pesé chacun 309 rotl, et à Ja romaine, poids de marc, 280 livres brut; et en déduisant [a tare comme ci-dessus, l’ardeb de féves restera net à 300 rot/ +, et à la romaine, poids de marc, à 271 livres +, aussi net, Lesdits ardeb de féves, ayant été mesurés au boïsseau de Paris, ont donné chacun 14 boisseaux +. Fait, clos et arrêté le présent rapport quadruple à Boulaq, les jour, mois et an que dessus. Signé à l'original, Reynier, Garcin, Max, Caudière, L. E, Cafe, Bourgent. LTISCSESTSISITS IIS SISIS LISE INC 2 Nous avons renvoyé dans les pièces justificatives les détails des frais de culture et des produits de l'exploitation de 10 fedlän ensemencés en orge e/-bayädy, en orge e/-chetaouy, en lentilles, en pois chiches, en lupins, en ognons, en fenugrec, en gesse, en pois des champs, en colza, en laitue, en coton, en sucre et en tabac. Ces détails compléteront ceux qui sont déjà insérés dans ce Mémoire. SALON os Culture de l'Orge el-bayädy. MREASTIS MID CUP QUARES ON ne laboure point [a terre avant l'ensemencement. 1° Semence. + d'ardeb par feddän, à une pataque l'ardeb, ci pour 10 féddän. ... mpatag 4 sméd. 2.° Ensemencement. Dix journées à 8 médins l'une, ci.................... OA CE 3 Labour après l'ensemencemenr. Vingt journées d’une paire de bœufs et de leur conducteur, à 45 parats l’une, ci.......... RE : PU Er Er, LOU CO: 4. Frais de récolte, Quatre journées d'homme pour Îa récolte d'un feddän, à 8 médins lune, ci pour 10 féddén. A s.” Battage, payé en nature, à raison de -= d’ardeb par journée, ci......... 00: 24 6° Transport sur l'aire et dans les magasins. Dix journées de chameau à 20 mé- diNSPECL Eee . PORC SO MONS COTES Gr OR Tue CE GS DO RTE EL EUR 2 20. ToraAL des frais de culture....... 28. 14. 702 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, PRODUITS. Un feddän produit, année commune, 7 ardeb, après le prélèvement des frais de battage payés en nature: les 7 ardeb, à une pataque, valent par 10 féddän..... yopriad oomid. Battage, compté en dehors du produit dans l'article précédent. Pour 4 ardeb, ci. . phares, Paille hachée sous le noreg. Soïixante-dix charges à 1$ parats l'une, ci. ...... 1 0015 0% TOTAL des produits," 2. 8s. 49. Différence entre les produits et les frais d'exploitation. ...:.:..:4,.,,,... 7. di S'AL Culiure de l'Orge el-chetaouy. IR AUS MED ESC UE TAUIRCE 1° Labour après l'ensemencement, comme pour le blé e/-chetaouy, ci.......... Spataqg. coméd. . A . = 2. Semence. Un demi-ardeb par feddän, à une pataque lardeb, ci pour 10 feddän. AM ci 3.° Ensemencement, Dix journées à 8 médins lune, ci..........., as re: L oO. 80. 4 Labour après l’ensemencement, ci....... sen biens LL NE eh LE el. ie er le Su O0: s.” Arrosement pendant quatre mois, comme pour le blé e/-cheraouy, ci. ...... RAS 80. 6° Frais de récolte payés en nature, Is reviennent en argent à............ 6 81. o y y / s. Lo 7." Battage évalement payé en nature, X| revient en argent à......... A AT MCE? 8° Transport au lieu du dépôt. Douze journées de chameau à 30 médins l'une, ci. 4. oo. TOTAL des frais de culture...... A: lé 61. - PRODUITS. 1,” Frais de récolte et de battage comptés en dehors, ci......,..... AE 1 er LE 81. 2. Récolte. Douze ardeb d'orge par féddän, eï.............. EE Le RE OO: ® Paille hachée sous le noreg. Soïxante-dix charges de 10 médins chacune, ci. 7. 70. TOTAL desHproduiis. 0e Pie Pr EC EL SR Différence entre les produits et les frais d'exploitation. .,...... DT CR RE ANA ARE SSP : Lentilles el-bayädy. FRANS "D'ECULTURE; 1. Semence. On sème par feddän + d'ardeb de lentilles à une pataque, ci... 6Patad 22méd. 2° ÆEnsemencemenr. Cinq journées à 8 médins, Ci...:..,4,. 0,0% He O.!n AO ! on recouvre la semence en traînant horizontalement une pièce de bois sur le terrain ensemencé : ce travail exige cinq journées d'homme par feddän ; chaque journée est acquittée avec + d’ardeb de lentilles. Cinquante journées à ce prix, pour 10 nù] (ee faberNecttenti2 drdeb Æonten arcent: ANR NÉRERE TL NA CRREEE L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE. 7O3 DAT. marion 4° Frais de récolte. \ faut dix journées pour arracher un feddän de lentilles ; ces frais sont acquittés en nature, à raison de := d'ardeb par journée. Cent journées, pour Ja récolte de 10 feddän, coûtent à ce so 4 ardeb }, où en argent........ A. 15. 5.” Battage sous le noreg, netioiement du grain, 7e, Quatre hommes et quatre bœufs, travaillant pendant un jour, battent et nettoient le produit d’un feddän en un jour. 6.” Battape sous le noreg. Quatre-vingt-dix journées à raison de -= d’ardeb, y compris Îa ion du noreg, coûtent à ce prix 3 ardeb +, ou en argent..... 3 30. 7 Transport chez le cultivateur, Le transport de 6o ardeb : lentilles et de trente charges de tiges hachées se fera en six jours, lesquels, à 30 médins lun, coûtent... 2. oo. HOrar des frais d'exploitation. ....., 18. ‘25. PRODUITS. Un feddän de la province de Syout produit communément 6 ardeb de lentilles. po dmOpE Ph unetpinquendrrdep, est des 2... 7... vence 60.160. Frais de récolte acquittés en nature sur le pied de 7 ardeb4........ PRRAAUE de PDA Se Tioes de lentilles hachées sous le noreg. Elles se vendent 4o médins la charge; CPOMMENIÉAONATOESS DIOAUID AC MO JÉAAAN « Quart ile mia o © Due à tease o yelste à ut) De TOorALEeS prodtits EN ne SO SE Différence entre les produits et les frais d'exploitation. ............. ON CCE 0 À $. IV. Pois chiches. FRAIS DE CULTURE. \ s ; - * QuAND linondation est favorable, on sème les pois chiches sans labourer la terre ; on la laboure dans les années médiocres, afin de compenser les années médiocres par les bonnes : nous compterons ici moitié de la ais ane us D nes AE EE LR RTE DORETRE VENTES RPC TN EES Apataq: Aoméd: ® Semence. = d'ardeb par fedlän, à 105 médins l'ardeb, pour 10 frddèn, NN CPE YEE 3.° Ensemencement. Cinq journées d’ouvrier à 6 médins, ci..........:..... O0. 30, 4° Labour après l’ COTE ou recouvrement de Îa semence avec le trai- neau, à prix moyen, ci....... ren Een ar PSE Pre Peter SAR A4 s. Frais de ee I faut neuf journées pour arracher le produit d'un fdèn: on paye par journée + d'ardeb ; ce qui, pour la récolte de 10 féddän ,coûte 4 ardeb +, OS ec ses nee... À, 344 6. Battage sous'le noreg, et nettoiement du grain. STE journées comme à l'article précédent, à = d’ardeb lune, produisent 4 ardeb Des CHE ateent... 4. 34. 7° Transport chez le cultivateur. Le transport de $o ardeb de pois chiches et | de vingt-cinq charges de paille hachée se fera en cinq jours, lesquels, à 25 médins IHNS SOMMES NUE RER RE doi TE RARE LEE ÉARRPRRARE CR ROME SR 7O04 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, PRODUITS. 1.° Un feddän de la province de Girgeh produit communément $ ardeb de pois , chiches ; le produit de 10 féddän à 10$ médins Pardeb est de......,......... 2.° Frais de culture acquittés en nature et comptés dans l'article précédent en $ S pataq. 30 méd, dehors du produits Gr MR nee PÈRE... CM EEE PE Bryan 0 BE 3. Tiges hachées sous le noreg. Vingt-cinq charges de chameau à 25 médins One, En serre nd RER. : LUE CE SECt EEE LCR MR MOTAL és DEOAAIES:5 1 MR EE ES Er Différence entre les produits et les frais d'exploitation. ............ 47. 65. Culture du Lupin. FRAIS DENCULTURE. 1. Labour, Lorsque linondation est complète, la terre qui doit recevoir le lupin n’est point labourée ; on Ia laboure quand elle n’a point été couverte suff- samment. En supposant que Île nombre des bonnes années soit égal à celui des médiocres, on n’a à compter que la moitié des frais de labour pour les dépenses de. l'innée commune, 44 titi Rene CRTC REA En CUS TRRTESME 2.° Semence. Un demi-ardeb par feddän; pour 10 feddän, s ardeb à 115 médins Tun, Cite 0 2 ph same SAT ARE EME" SRERRN LE SEE ANNEE € 6. 3$ 3.” Ensemencement. W faut six hommes par jour pour ensemencer un feddän ; ils sont payés en nature et reçoivent chacun -= d’ardeb : soixante journées à ce | prix, pour l'ensemencement de 10 feddän, coûtent 2 ardeb +, dont Ia valeur en argentaestiles LCR EE METRE ER D eee ec ce 2: MTEE 4° Recouvrement du grain. Lorsque la terre n’est point labourée avant les semailles, on recouvre le grain au moyen d’un traîneau; sinon on [a Jaboure une seconde fois : la dépense, dans le premier cas, est de 2 ardeb -, dont la valeur en argent est os dent ee MAMPEE RER EACRRE MERE PNR CR REA UTIEE FRS PERSO LA dépenses dansHersécondics festin er EE LRU ER OPREE 7, 7 HO ET" sera donc année COmMmanNE, dE EST RAR Re EC RS s.” Frais de récolte. Huit hommes peuvent arracher un feddän de lupin en un jour ; ils sont payés en nature et reçoivent =; d'ardeb : quatre-vingts journées, pour la récolte de 10 féddän, coûtent 3 ardeb +, ou valent en argent ............... A. . 23. 6° Battage, On ne retire point le grain du lupin en le mettant sous le zoreg ; mais, après l'avoir laissé sécher au soleil pendant quelques jours, on le bat avec des bâtons : six hommes peuvent battre en un jour le produit d’un féddän ; ils sont encore payés en nature et reçoivent = d’ardeb : soïxante journées, pour le battage des 161feddén coment "ce pre are RES EN ENTRE RER EE TÉ 17. . . ’ | r 3° s - 7. Transport au lieu du dépôt, Six journées de chameau à 30 médins l'une, ci.. 2 00. TOTAL des frais d'exploitation. ....... 27. 80. PRODUITS. 1.° Un féddän produit $ ardeb de lupin à 115 médins l’ardeb, ci pour 10 feddän.. 63. 80. ANR ES 0): 0/02 Re L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE LÉGYPTE. 7OS$ 0 OP OPORNPR EU 0 ° Frais de récolte payés en nature, et compris dans l'article précédent en dehors du produit s ardeb £ à 115$ médins, ci........ TT. ' UTP UNE MAO: 3. Tiges de Het Elles servent de toi to le is d'un (fn, q qui és former deux ou trois charges de chameau, se vend une pataque, ci pour 10 feddän.. 10. oo. DPO PRE AESMDEOMURES de ste Das eee en LU fe 30, Différence entre les produits et les frais d'exploitation. ....,........ Sans At É OS ss VI. Culture de l'Ognon. FRANS, DIF GUILTURE, F g A Ë ON commence par semer la graine d'ognon sur un féddän ; au bout de soixante jours, on transplante lognon dans 10 feddän préparés à le recevoir. LC Dépoiridun feddr or e. 2 LRD TE KO. LOIRE PAUL ER 2 ONE MA Er OPatiq. 7 oméd. 2.° Aplanissement et division du terrain en carreaux, ci................. A ue as 40. 3.° Semence, On sème dans ce feddän + d'ardeb de . dont le prix moyen est Er LOC MENT à Gt EME 4 IR. ns MA GP LE SRE LA Er 2 SALE PRES er 1. 16. 4. Arrosement à quatre né pendant deux mois, vi a journées à 6 médins, ci.. En oc s.® Labour de 10 feddân où l'ognon est transplanté, cï...... LE Lis cie SEC Re + Mes 6° Transplantation, qui exige quarante journées de travail par féddän, à 6 is ci RSÈs LOUP ATP RS 2.46 MEN € RMS D 1, Ha MEHR Ne St torse Es Le 26 M6: 7. Arrosement à quatre reprises des 10 feddän, Un feddän exige à chaque reprise le travail de six hommes, deux cent quarante journées à 6 médins, ci......... 16, oo. 8.° Frais de récolte, Seize hommes peuvent arracher lognon d’un féddän en un jour : les cent soixante journées pour la récolte de 10 féddän, à 6 médins lune, COMME NAT. OPA RE APE PTE A ANAL M VAE Ne RTE CCR ARE. ONE O 9.” Transport chez le pe Huit journées de chameau à 25 LS lune, EL NS ve LU Le LR rt SARAROES LOL AUT DOC MPG MN A TA TEL à FALSE 2, 16. TOTAL des frais d’exploitation........ 68. 2 PRODUIT. Si . Q 1 1 Un feddän produit 20 ardeb d'ognon, qui se vendent, année commune, 106 mé- … DASAFORSTCNIDOUR, 200 47 deR LANCE qe. errant ass LeVOPRRE SPP ATARI 30 Différence entre le produit et les frais d'exploitation. ...... re le D RE € $. VIT. Culture du Fenugrec. FRAIS DE CULTURE. ON ne laboure point les terres avant les semailles. o à A F 1 eh 5 On sème par féddän LÀ d'ardeb à 125 médins; pour 10 féddén, ÿ, GRACE ROC à 07. . RÉ CR CP Es ot 2. CORRE Le PMR SOLE PSS | 1 TT UN A Cr 9. É.M. TOME II. Vyvy 706 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, RCPONL ME CE ee gpatagy pméd. 2. Ensemencement, Cinq journées d'ouvrier à 8 médins, ci...... NB LAN oO. 40. : 3. Recouvrement de la semence. Cinquante journées à 6 médins, ci....,..... $. 00) Sur 10 féddän, on en conserve deux pour graine ; les huit autres servent de : fourrage vert. | 4 Frais de récolte. X faut quinze hommes pour arracher le produit d’un feddän : ils sont payés 6 médins; ci pour 10 féddän................:... RAR METEE TO 66! s.” Bartuge de 2 feddän sous le noreg. Dix-huit journées, payées à raïson de , 3 , ù _ d'érdeh Ad ar AN OURENMArSENENRENTEREE EE). ste DRE SRE E Fi 4. 6. Transport au lieu du dépôt. Une journée de chameau à 30 médins, ci.... ©. 30. HoxAr..des fraissd'exploitation.....47 2570 7 PRODUIT. 1° Produit de 8 feddän (fourrage vert) à 10 pataques, ci........... NÉ ASS MUR GO; 2.9 Un féddän produit, année commune, 4 ardeb de graine, à 125$ médins lun, CPR NE TER TITRE PIERRE SA Rae N VAURSE "LL re PETER: és es: MR AN TES K-C3 3. Frais de récolte payés en nature, ci. ............ DAT OR Rd ‘#e À. 4° Tiges hachées sous le noreg. Dix charges de chameau à 1 $ médins lune, ci... NO: TOTAL du produit......... VAL) 93: 74. Différence entre le produit et les frais d'exploitation... ,........,... #70. Si. $. VIII. Culture de la Gesse. FRAIS, DE CULTURE. 1. Mêmes préparations que pour les lentilles; ci......... ananas en 2pataq. 4 gméd. 2.° Semence. L dardeb par feddän, à 192 médins lardeb; pour 10 feddän , 6 ardeb +, cï.. PE ET ee EE CT RL ee SA DO Le el TE: 30. 3° Ensemencement. Dix journées à 6 médins lune, ci......... en 3 NES On "Go: 4. Recouvrement de la semence. Deuxième labour, ci................... 4 22 8. s.® Frais de récolte. Quinze hommes arrachent Îe produit d’un feddän: cent cinquante journées à 6 médins pour ROME AAA EEE AE Aou. tt SE 10. 00. 6° Battage de 10 feddän sous le noreg, ci.. NP. Lie EE To af#.e 23. : 126. 7 Transport au lieu du dépôt. Une journée de chameau à 25 médins, ci.... Oo. 25. ToTaAL des frais d’exploitation....... 30. 87.. PRODUIT. 1.° Un feddän de gesse récolté en fourrage vert se vend 9 pataques; ci pour OSCAR ARTE LECLERC E PÈRE Lt, balais AN Ent, à 4.154 |: see Jh-T. AU ST. CO 2.° Un feddän récolté en sec produit 4 ardeb, cï........ , RSR CE APR TR 3.” Battage d'un teddanMous /eNno es ICLEREERL ENTRE CREER RE LE PRES Te 00. 4 Deux charges de chameau de paille hachée, à 20 médins Pune, ci.......... CAC! LOTAE Ch brodULEERREEEr n 90. 87. Différence entre le produit et les frais Texploititiont-HEARREPMEN OO 00. L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 707 $. IX. Culture du Pois des champs. FRAIS DE CULTURE. ° MÊMES préparations que pour les lentilles, ci....... PA EE LEP AE 2 AS OMEU 18 ° Semence. + d'ardeb par feddän à 240 médins Po: pour 10 à fddén. 7 as DOS à te CRC Se 0 © 0 PO ES TON PE RC Eu EU L ANTIRE 5 N 00. 3° Ensemencement, Quinze journées à 6 médins l’une, ci. 4° Recouvrement de la terre après les semailles, ci... s.” Frais de récolte. Quinze hommes arrachent le produit dun feddän en un jour, à 6 médins par jour; ci pour 10 dt 6° Battage de 2 feddän sous le noreg. ARE; Lo AA Us FA ue au lieu du dépôt. Une urnes de chameau à 20 médins, ci. sUohe nest ete OC DAC CE I, O0. CRE et Ge 4 20% ToTAL des frais d'exploitation. ...... 42. 4. PRODUIT. ° Un féddän de pois des champs récolté en vert se vend, année commune, 11 pataques; ci pour 8 féddän.............. AE RESTES A 2 à: at APR AN UE 5178834 Mo: 2° Deux feddän récoltés en sec produisent 8 ardeb de graine à 240 médins, ci.. 21 30 3° Battage de 2 féddän, compris en nature dans l’article précédent, ci... de 24, Hoël 4° Tiges hachées sous le noreg. Deux charges de chameau à 15 médins l'une, ci. GUN à 30! RP A OP ToTAL du produit. EEE 00 AR ET 1 Différence entre le produit et les frais d'exploitation. ............. COLE EE RS $. X. Culture du Colza. FRAIS DE CULTURE. LA terre ne reçoit aucune préparation. ° Semence. On sème par féddän + d'ardeb, à 180 médins l'ardeb; ci pour FINE ET PER ONNE EURE se CES AUX OOPatag. rs méd. ÆEnsemencement. Dix journées d'homme employées à lensemencement de 10 dl, à 10 mins Tune, de LE LE ERTRNRORSR Us A TN É: 10. 3.° Frais de récolte. Dix hommes peuvent arracher en un jour le produit Fe feddän : Hs sont payés 7 médins lun; ci pour Ja récolte de 10 féddän......,.... nv. 70, 4° Battage. Six hommes battent en un jour le produit d’un féddén, à 7 médins lun, eu Ones Hp ROM RNA. URSS, AU: A MC: ° Nettoiement de la graine, à raïson de = d’ardeb pour le HP d'un féddän ; NE. HRREnn D NP 1. 60. 6 Transport.de la graine. Deux journées de chameau, à 30 médins ane F2 AC ages © vont CR TOTAL des frais d'exploitation. ...... 16. 65. É. M. TOME IL. Vvvvyz 708 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, PRODUIT. D Of feddän produit, année commune, $ ardeb de graine de colza, à 180 mé- NS Far dEbS CT POUr MO YEARS RER TRE NE OR Se Ce 2° Battage, compté en nature dans Particle précédent, ci................ MA 6o. TomMAEédu, produit... Men ne: Différence entre le produit et les frais d'exploitation. ............. S4. 85. SAT. Culture de la Laitue. FRAIS DE CULTURE. LA laïtue ne se sème jamais seule, mais avec les lentilles ou avec l'orge, On sème dans un féddän un tiers d'ardeb de graine de laitue. MÉNSCRENLENCHLNEL TÉCOlLe AE MOIS NE = eee c0er pee co “optio Amd: ° Semence, À d'ardeb de graine de laitue par feddän, A 2 Fm Me Es Rle PERLE ELLE SERECEL CEE ER CCE UT LUE Mar Ce ELA LOC 3° Frais de récolte. Sept journées d'homme par féddên, à 7 Pr une, COÛTENT POUR 110 ÉGAL e 2e où DU ENT ER RRNE DE TUBES RON NI Sad er À 4. Battage, Seize journées pour le produit d’un feddän, à 7 médins fune, ci , ee TO SÉTAANRS à à à 2.0 0 2 8108 MAPS RTE ET ONU D PRNNT, CIS UIRRE ER nee ORE ST 4O! ° Transport au lieu du dépér. Deux journées de chameau à 20 médins l'une, ee à de RP MR Re Dofus à 4 dé see eine cute et VOS C LOS ToTAL des frais d'exploitation. .,.... 39. 04. PRODUIT. Produit el JéNUIES em eme ea nie elle Lee are tar yra ee RE otre ot MOT 05. 2.° Le feddän produit, année commune, 4 ardeb de graine, à 2 pataques Feb Énonnmrou Ps PR AUT ten dE entr pr di DEA eee ee EE ne CM 5 ST. 3° Dix charges de chameau de tiges de laitue, à 25 médins la charge, ci.... 2, vo. TOTAL. dupioduit..- 2 To 7. Différence entre le produit et Îes frais d'exploitation... ........... + 00. Te s. XII. Culture du Cvton. FRAIS DE CULTURE. ° Labours. Deux labours dans deux directions. perpendiculaires l’une à Fautre, 1 ts À son » Cle à oo ie 0e ocre tee tenere iatdliiaibianaimia:s ce tatercte COR re SE ORAN CU IMOSERE Ene à 2.° Préparation de la terre pour les arrosemens | réduction en carreaux}, ci..... 3. oo. 3° Plantation, 1] faut vingt journées de travail pour la plantation d'un féddän, manne, CL pour MOMELT A; à eu en EEE. RER. |: 2" Ce ATP, OO ENCE LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. 709 Report. . .... 34raag joméd. À Arrosemens, On arrose le coton pendant huit mois de l'année ; on peut sup- poser que, pendant ce travail, il faut l'emploi continuel de deux hommes par feddän : quatre mille huit cents journées à 6 médins, pour l’arrosement de 10 feddän, ci.... 320. oo. s.” Frais de récolte, Les mêmes hommes employés aux arrosemens.sont aussi employés à la récolte ; on eur adjoint, pendant un mois et demi, deux enfans par feddän, auxquels on paye 2 médins par jour, ci pour la récolte de 10 féddän... 20. oo. TOTAL des frais d'exploitation. . ... STI S PRODUIT. pie Un feddän bien cultivé produit 2 gantär + de coton, dont l'un se vend 20 pa- ROUES CMD EC PAU: Re RE de ne ee à A Sn se bu NGC., WEOG: 2. On suppose que les frais de labour et d'ensemencement sont compensés, la première année, par le produit de l'intérieur des carreaux en plantes potagères, ci 34. oo. ToTAL du produit..... ARTIST REC: Différence entre le produit et les frais d'exploitation. ..........,.... 159. 8o. $. XIII. Culture et Fabrication du Sucre, ERANSMD)E MOGULEQUIRE 1.” Charrue, Pour l'exploitation de 10 féddän, il faut une charrue, dont le prix moyen est de 22$ médins : une charrue peut durer dix ans; en répartissant cette valeur sur chacune des dix années, on a de dépense annuelle, ci... ..... LR D'OPMRPID S mEd; Intérêt des prémières avances, à 10 pour cent, €t................ D dolce COR. 2° Labours. On donne à la terre où le sucre doit être planté sept labours consécutifs ; il faut deux jours pour labourer un féddén une fois. Cent quarante journées d’ouvrier à 8 médins, ci:..........,. 1,1: Cie Paca co 0 he EI Éd A5 ON Les Iabours sont faits avec les bœufs du cultivateur. 3° Bœufs. L'exploitation de 10 fiddän en sucre nécessite l'emploi de vingt bœufs ou vaches, dont la paire se vend au prix moyen de 100 pataques. DS UDC IMIÈTES AVANCE Cheniusteneepbs aie elle etes At cela an LOC O0. On ne compte rien pour les chances de perte de bétail, parce que ces chances sont plus que compensées par le laïtage et les élèves qu’on peut faire. On nourrit les bœufs pendant sept mois avec de la paille hachée et des féves. Une paire de bœufs mange, chaque mois, cinq charges de paille de blé ou d'orge hachée, à 20 médins Ia charge, et : ardeb de féves à 10$ médins : la nourriture d'une paire de bœufs est ainsi de 20$ médins par mois, et les dix paires coûtent pendant sept mois, à ce prix, é....,.....:.........,................. 159. 4o, Pendant les cinq autres mois, une paire de bœufs mange deux coupes d'un feddän de trèfle, estimées 13 pataques, ci pour les dix paires. ............... LOS SO: 4° Plantation du sucre, La plantation exige vingt journées de travail par féddén, à 7 médins lune, pour 10 feddän, ci........ ET > IS et $C. Les cannes à sucre que lon plante proviennent toujours d’un champ appar- tenant au cultivateur. AOTEROTICR en 0 LL 7e 84. 710 MÉMOIRE SUR L'AGRICULTURE, Report. ..... Aurypatad $4méd, ° Machines à arroser. Une machine à arroser coûte d'établissement 100 pa- raques ; elle dure cinquante ou soixante ans. Intérêt des premières avances pour deux machines nécessaires à l’arrosement, ci. 20. oo. Réparations fennhellées cerner ARTE ES MU Re Tee 8. 00. 6° Entretien des bœufs. Quatre hommes, pour lentretien des bœufs et le mou- -vement des machines, coûtent par mois 3 pataques chacun, et par an 36 pa- tous CL'DOMIESNIQUATER. AN, RENE Pepe UE RL TOR En NP EEE 7° Sarclage. 1 faut employer un homme par féddän pendant huit mois, à 6 médins (Par Jour, cipour Mo AR RE. 2.1: 40.020 RO E EU OEO 8.° Frais de récolte, La récolte d’un feddän se fait en quinze jours : on emploie deux hommes à ce travail; ïls sont payés à raison de 2 rotl de mélasse par jour. Six cents rot] pour la récolte de 10 feddän coûtent, à ce prix, à raison de 3 médins le roi dé MmÉASse, NI ALES CRAN. EN TOME E ER RRENERT REC 07 FRAIS DE FABRICATION. ° Établissement de l'atelier. Un atelier pour la fabrication du sucre coûte d’éta- blissement 100 pataques : il en faut deux pour lexploitation de 10 feddän. On estime qu’ils peuvent durer vingt ans; répartissant la première acquisition, ci. 10. oo. Intérét des premieres A VAR CEE NERO ULE LC T0 co. Réparanons manuelles tt MESURER SRE 8, oo, Transport des cannes à sucre dans l'atelier, Soïxante-quinze journées de chameau à Sosmedins MUNIE ACT. due fn ee RUE D2 2 Eee - cfa de HE 2 200 CRT RE SR ES CT PR CO 3.° Vases de terre. On suppose qu'on doive renouveler chaque année un quart des vases de terre servant à la mélasse ; les jarres coûtent 10 médins lune, ci POUND ER TEE CR ee ace ee de CE UT PC RE 0 Achat annuel de quatre cents petits vases coniques servant de moulies, à un démii-médur DONC en tune sue 2 RS MEME MEN ER CN PL 2, 20. 4° Main-d'œuvre de fabrication. On emploie dans chaque atelier deux hommes pour effeuiller les cannes, quatre hommes à la conduite des moulins, deux hommes à la chaudière, deux autres à lentretien du feu; ce qui fait, pour les deux ate- liers, vingt ouvriers : ils travaillent pendant deux moïs et reçoivent par jour 2 ror/ demélasse chacune crpour douze cents JOUrNÉES 6. ue T7 eee ° Combustible, Paille de dourah et nœuds de païlle d’orge................ 40 oo. ToTAL des frais d’exploitation......... 039. 04. PRODUIT. ° Un feddän produit, année commune, 20 gantér de sucre fabriqué, à 9 pa- taques, 45 médinSMely2nt4r, CINpOUr TO sea dAt-. 2. ern-eter ete: - TOO OO: ° Un féddän produit de plus 7 gantér de mélasse à 3 pataques le gantér, CI DOLT MO MEGA Tee den ne A ee eriiic ee ele ere EE TOR TOTAL ‘du produit. fur RERO 700! Différence entre le produit et les frais d’exploitation.. .............1170. 86, LINDUSTRIE ET LE COMMERCE DE L'ÉGYPTE. $. XIV. Culture du Tabac. FRAIS DE CULTURE. 1. Semence, Le tabac est semé dans les mêmes champs et en même temps que le dourah : on en sème _ d’ardeb par feddän, à 6 médins Ie 2er d'ardeb, ci pour lensemencement de 10 feddän 2° EÉNSEMENCEMENT. Lave à . 3° Double labour de la terre où le tabac est planté, éi.... L : 4° Transplantation. Vingt-cinq journées par feéddân pour Îa transplantation du tabac, à 10 médins l'une, ci-pour 10 feddän. ........... he Ma CE s.” Frais de récolte. X] faut quinze hommes pour faire les deux récoltes d’un feddän de tabac, à 10 médins lun, ci pour 10 feddän.. UE J 6° Transport chez le cultivateur. Cinq journées de chameau pour 10 féddän, ci... TOTAL des frais d'exploitation. ... PRODUIT. Deux récoltes par féddän, 8 gantär de feuilles de tabac, à 32$ médins le gantär, _ ci pour 10 feddän Différence entre le produit et les frais d'exploitation... ..,.,.... ‘ JAI 2pataq 00 méd. 1, 20, 27: 238. 20, O0. 70. 6o. 60. 30: 8c. SO. INTRODUGHONAPETNEe 7" PTT EU page oi PREMIÈRE PARTIE. De l'État actuel de l'Agriculture en Égypte. SECTION [€ Disposition et étendue des terrains cultivables ; irrigations ; moyens UTILES DE ATOS EMER EE: : ae ec ice ee RECETTE 496. SECTION . Il. De la charrue, du noreg, des autres instrumens de l'agriculture ; des + GRR AU NOUS SONDE PIOYE Seite Eee AE EEE CEE NC 02 SECTION II. Des mesures agraires, des mesures de capacité, des poids, des monnoies. sos. Secrion IV. De l'état des cultivateurs en Égypte ; quelques notions sur l'administration DAT DDASS SEE SR DRE APINER EE. ARERTE EE" TE 09. SECTION + V. Des diverses culiures de l'Égypte... ........... NN s14. SO LP ACL ADI... ENS E EEE srsseeeeeesereneeegeeereee 51%. Cote oUraRN Er LENS NS SCA NORME OEEPPETEE EE CEE CPE LEE S17. SQL TONNERRE RES LHHESEER CE ar. EP s21 7 AV" Culrure) de orge NE PEER ERP ER EE RC CPE TRE EE 525. SV. Culture des lentilles, des pois chiches et PR RE ED AD Se 0 $27. SONT CHUIDTENTES féVEs te cc ee LeRE El CECI DEC CRETE CTI $29. $. VII Culture des ognons, des pastèques, des melons, — Autres cultures de plantes potagères.. 530. $. VIII. Culture du trèfle, du fenugrec, de la gesse, et du pois des champs. ........... sac! SumIX. Culture du vcolzas dentaclaituenetudu. sésame... 4.420002 0eme 535: S. MEN ure CU TCOTT RAC NN NE NN ER SE CLR RE RESTE 538. S.. , XL. Culture dillin. en MN LCR SEE ÉTÉ CEE CET CDR CETTE EEE 539- S., AL. Coltures du cotoneee tt ed A CEE RES EEE TERRE CETTE s42. $ XII. Cufturende l'indigos. 2. RE recette SAS. GEXAN COUDE ISULTE CNE PRET EL EE RE NT UT, Mo du s 47. SAV: CANTON, LADA ser lee Te RL ET CEE Te ET EEE RL 548. S. XVI. LOUE ET OS ETS ee Bis ets ele ee D el TE RS Ce Pet CR EEE CEE. s49. $. XVII. Culture du dattier, de la vigne, de quelques autres arbres................... 550. SECTION . VI Des Animaux élevés parles CuVaTeuts EC EE NT s53- TABLE DES MATIÈRES. Section VII De l'aménagement des terres dans les différentes provinces de l'Égypte... $s7. Section VIII. Des bénéfices de l'agriculture et du meilleur emploi de la terre en Foires... 5 COTE ET RE CRE CEE 565: $. 17 Culture du bléceLbayädy. ...... RER CREER eee EE ibid. $. IE Culture des féves el-bayädy. ......,.....4..4-....... ee... these 567. $. IT. Culture du trèfle el-bayädy........ RE NA RS on 0 à NS LL CLÉ EPENEE 568 TABLE DES MATIÈRES. 713 $. IV. Culture du carthame el-bayädy. ............ A A RARES LE LS SE page 570. Se V.. Culture du dourah efnabäry.. +... 44. eu ne as ae ce IP IMETEUR SA S VEnCuuresde lines 4e as. SU DR doré roterquess séeaute Le ARE, à 572. $. VII Culture du blé el-chetaouy dans le Fayoum. ................, Ce EE 574. SN rec en are) RER ENS LS AS, late no À ee res els 01 dt 575: SR OT TR IE RENE LA RE ee GR, Pare 577: Section IX. Du droit de propriété et de la perception de l'impôt. ..... are IN SECONDE PARTIE, De l'État actuel de FIndustrie en Égypte. SECTION Î'° Fabriques de vases de terre et de diverses poteries, des briques crues RDA unter ape ni COMORES DNA SR EPST TE “Section Il. Fabriques des toiles de coton, de lin, et de diverses autres étoffes.... ; 94. SOON DEN Ab CANON dES AUS, un re ue eee due at NES. SecrTioN IV. Des différentes espèces d'huiles, et de leur fabrication... ........ : 605$. Secrion V. De la fabrication du vin, des différens vinaigres, et de l'eau-de-vie... 608. SecTioN VI. De la fabrication de l'eau de rose RER PERRET NO EE STE Se 609 SECTION VII. De la fabrication du sucre... ..... A UN LS yet “ie He ONO SECTION VIII. De Ja fabrication du sel ammoniac....... PRET VE FORRRUE 611. DÉC N EN ETAGE rer COlOre) LES BOUGER. a sus see cm ces secs os eee 613. SECTION MN ENTRE PEN ET CE LE TES CNP PIRE RER NOR; SECTION XI. De la fabrication du sel marin et du salpétre. ................ 616. SEcTIoN XII. Des arts et métiers, et généralement de l'industrie des villes. ....... 617. TROISIÈME PARTIE. Du Commerce actuel des Égyptiens. SEcTioN I." Du commerce intérieur de l'Égypte VENT ES PTE AL MEME À 4 et Ur Pt 621: SECTION Il. Des relations commerciales de l'Égypte avec l'intérieur de l'Afrique. . 629. $. L Fe. TER RP PERLE Rs ne, PART se FA GBC: RC ray ane AO SERA EN A le ES lb de aka érarate AE ETRE 11636. ne 0 DA) GER EE NT ne de 639. S. IV. Du commerce de l'Epypte avec les États Barbaresques. ...................... 640. Secrion Ill. Des relations commerciales de l'Égypte avec l'Asie... . 2 ANR Le Ce 644 RE A U GN CC LA SM IER mer ie ln ile ile del es or ee a 008 US Malte à jee à ou 8 ibid. $. Il. Commerce de l'Égypte AVÉCRATA DIR EL TA EE ARE SES Une SE, 6se. SecTion IV. Des relations commerciales de l'Égypte avec l'Europe... .......:.. 661. S. I. Commerce de l'Égypte avec Venise et Trieste. ......... RME à 0 NON . 602 ÉMTANOE IL X xxx 714 TABLE DES MATIÈRES. &. ÎL. Commerce de l'Épypte avec Ta, Toscane... 2 0. leider ent el page S. HL Commerce de l'Égypte autre la Franresssss sir sent dl NES: SecrioN V. Renseiguemens sur le commerce de l'Egypte, fournis par les registres des donthes es sue ss NE POITRINE Etat général des marchandises qui ont acquitté les droits de la douane du vieux Kaire pendant les années 120$, 1206 et 1207 de. l'hégire, correspondantes aux années 1790, 1791 ct 1502 Aeitdtre red RIRE 2 Le Li Re DIRE RER NE 2 9 État général des marchandises qui ont acquitté les droits de la douane de Boulag pendant les années 1190 et 1191 de l'hégire, correspondantes aux années 1775 et 1770 de notre res LE RER... 4 RCE OS EE Ne TR Sr ; État général des marchandises venant de Syrie qui ont acquitté les droits de douane à Damniette pendant les années 1205, 1206-1212 de l'hégire, correspondantes aux années 1701), 1792-1798 de notre ère. .... APE, - AE A eee RUES ARE État général des marchandises qui ont acquitté les droits de douane a Suez pendant les années 1209, 1210, 1211 .€t 1212 ‘de l'hévire, correspondantes aux années 1705, 1796, 1707 et 1708 de notre ASS CE A Re Les: PER LE Un RÉSUMÉ el (Obs eos genes er lle ee delire CE CCE PIÈCES TIUSDIELCATIMESS SRE RE Mn D de Le te AE A 668. 672. 679. 682. 683. 686. AE 688. 700: APPENDICE AU MÉMOIRE SUR LES ANCIENNES LIMITES DE LA MER ROUGE; Par M. DU BOIS-AYMÉ, INGÉNIEUR DES PONTS ET CHAUSSÉES, MEMBRE DE LA COMMISSION D'ÉGYPTE, CORRESPONDANT DE L'INSTITUT DE FRANCE, DE-LA SOCIÉTÉ ITALIENNE, DES ACADÉMIES DE TURIN, FLORENCE, &c. ST I I I A PREMIÈRE PARTIE. État des per (x). D EPUIS la publication de mon Mémoire sur les anciennes limites de la mer Rouge, j'ai reconnu la nécessité d'appuyer mon opinion de nouvelles preuves historiques, et d'ajouter à la description que j'ai déjà donnée des lieux, quelques faits qui, passés sous silence, pourroient entraîner à de fausses hypothèses. Toute observation faite sur les lieux mêmes, toute donnée positive, qui tendent à faire connoître l'état physique du terrain, doivent d’aïlleurs être recueillies dans une collection comme celle-ci, dont le but est d'approcher le plus possible de la description exacte et complète de l'Égypte. J'ai dit que le bassin situé au nord de Soueys, et que j'appelleraï dorénavant bassin de l’isthme , n'étoit séparé du golfe Arabique que par un banc de sable de quatre à cinq mille mètres de largeur, sur un mètre d’élévation dans les parties les plus hautes de notre ligne de nivellement. Toutes ces mesures étoient un peu (1) J'ai eu soin de tracer, sur la carte que j'ai jointe aussi de revoir mon Mémoire sur les anciennes limites à mon Mémoire sur les anciennes branches du Nil, de la mer Rouge, Æ, M, tom. 1, pag. 187, et celui tout ce qui pouvoit servir à l'intelligence de cet appen- de M. Rozière sur la géographie comparée et lancien dice, ainsi que du Mémoire dont il est la suite. Voir état des côtes de la mer Rouge, À. M, tom, I, pages cette carte, À. M. tom, T1, pag. 277. I est nécessaire 127 et 22r, É. M. TOME IL. X xxx 2 A NS APPENDICÉ AÛÙ MÉMOIRE forcées: je voulois éviter par-là le reproche de choisir les données les plus favo- rables à mon hypothèse. Voici celles qui résultent du nivellement (1) : 1 À No un | DIFFÉRENCE des |chäq station HAUTEURS DES MIRES. | DE NIVEAU OBSERVATIONS. stations, nue avec la haute mer. \ e c à À La station zéro indique le piquet placé au || + omètres opieds. opouc. olig.| opieds. opouc. olig. ,,,,...,... niveau de la haute mer, le $ pluviôse an 7, à, se mètres au nord de Soueys, Arrière. 4 % 6. Avant.. 2 ï 2 ( La mire d’arrière de la station n.° 1 fut I 580. ROME NE" LT | 2. 2e 4. au-dessus de la mer. placée sur le piquet de la station zéro, Différence: + à. 2. 4. \ | Arrière... 3° 1, 3° La station n.° 2 cst le point le plus élevé de Avant ..… En À À la ligne de notre nivellement, à travers les en-|} 2 640 e Lima RUE 2. 6. 3" idem. sablemens qui séparent actucllement la mer|f : Différence. + o. 3° 116 Rouge du bassin de l'isthme. Arrière... Je LA 2. 3 800 Avant... 4. 10. 1e 0. DU EX idem, Différence. — 1. FL urr Arrière... 4 3 11. 4 Soo Avant.. ES 3 M}: ' FA 15 (ep idem. é Différence. + 1 3 8. ARE RUES se 8. : s Ds Avant. ... 3 Ge NON ra, 10ie "TO. idem. Différence. — 1. 2 2e NN _ : 8. 7. ( Pare tie PRE a RES 5 Pi cn descendant vers IC Dassin € listhmce. € 6 1200 Avant. ... 3e 4. 4. O0. 8. 11. au-dessousdelamer bassin est par-tout inférieur à la mer Rouge : 3 [Difétence. 2e 7 9 Anne trouvé jusqu'à 54 pieds 3 pouc.2 lig. | L " J € ditierencc. Ainsi, à 4820 mètres du point de départ, le banc de sable formé par les atter- rissemens dont j'ai parlé dans mon précédent Mémoire étoit déjà franchi, et le point le plus élevé de la ligne que nous avions suivie pour traverser cette digue naturelle, étoit de 2 pieds 6 pouces 3 lignes au-dessus du niveau moyen des hautes eaux de la mer Rouge (2). Si l'on jette les yeux sur la planche 1 1 (État moderne), on verra que notre point de départ étoit à 2270 mètres au nord de Soueys, et que, si nous fussions partis du fond du golfe marqué par les laisses (3) des plus hautes marées, nous n’aurions trouvé que ÿ à 600 mètres Jusqu'au point où le terrain s'abaïisse au-dessous du niveau de la mer. Enfin il résulte des observations que nous avons faites à Soueys, que la mer s'élève dans les marées extraordinaires à 2 pieds 6 pouces au-dessus de celle qui.nous a servi de plan de comparaison dans notre nivellement (4). La (1) Les mires dont nous nous servions étoient graduées marée haute. La différence entre la haute et la basse mer en piéds, pouces, &c.; et la chaîne avec laquelle nous fut, ce jour-là, de $ pieds 6 pouces. mesurions les distances, étoit en mètres. (3) Ce mor est employé ici, de même que dansplu- Nous avons, pour plus d’exactitude, rapporté, sans sieurs autres ouvrages, pour désigner les débris de végé- aucune transformation, les chiffres de notre journal de taux et de coquillages que la mer jette sur ses rives et qui nivellement. ‘ en dessinent en quelque sorte les contours. (2) Quand nous parlerons des eaux de la mer Rouge, (4) Voyez le Mémoire de M. Le Père sur la communi- nous entendrons toujours le niveau qu’elles atteignirent cation de la mer des Indes à la Méditerranée par la mer a Soueys, le $ pluviôse an 7 [24 janvier 1799], à la Rouge et l’isthme de Soueys, E. M. tom. I, pag. 21. SUR LES ANCIENNES LIMITES DE LA MER ROUGE. +417 digue naturelle qui empêche aujourd’hui la mer, dans ses plus hautes marées, de se jeter dans le bassin de Fisthme, n’auroit donc que 3 lignes au-dessus des eaux de la mer, comme l'indiquent les nombres ci-après : Niveau de la haute mer, le $ pluviôse an 7...... CS OR GERS Niveau des plus hautes marées connues........ 2. 6. Niveau de la station n.° 2, qui est la plus élevée que nous ayons faite sur les atterrissemens en question 2. 6. à À la vérité, cette partie de notre nivellement eut lieu dans le fond d’un ravin étroit, et les mires furent toujours placées dans les lieux les plus bas; enfin Æ laisse qui nous a sérvi à établir la limite des plus hautes marées, a pu nous donner une quantité trop forte de quelques pouces, attendu l'effet de la poussée du flot, et quelquefois du vent. Aïnsi, sans s’en tenir à la quantité précise de 3 lignes, du moins peut-on assurer que, dans les marées extraordinaires, la mer Rouge s'élève presque au niveau de quelques parties du terrain qui la sépare du bassin de l'isthme. Si le peu d’élévation et de largeur de ce terrain suffit cependant pour barrer l'espèce de ravin ou de canal que nous suivimes dans cette partie de notre nivel- lement, et pour empêcher la mer de s'étendre au-delà de ses limites actuelles, pour- quoi donc se refuseroit-on à croire qu'une semblable digue naturelle, existant à l'extrémité nord du bassin de l'isthme, aït eu le même résultat lorsque la mer remplissoit autrefois ce bassin! Quelques personnes ont émis des doutes à ce sujet; mais tous les ingénieurs et les membres de la Commission des sciences et des arts d'Égypte qui ont vu le bassin de l'isthme et la vallée de Saba’h-byär, partagent mon opinion (1). J'ai dit qu'au nord du bassin de l'isthme il y avoit une digue naturelle, analogue à celle qui, au sud, la sépare à présent du golfe Arabique ; la preuve en est dans la station n.° 160, qui est de 1 pied 9 pouces À lignes au-dessus des hautes eaux de la mer Rouge. Ce point est à 600 mètres de la station précédente, n.° 159, qui est de 2 pieds 6 pouces 7 lignes au-dessous de la haute mer. Entre ces deux stations, notre zveau étoit placé sur un point plus élevé que ceux où nous tenions les mires (2) : car la mire d'arrière marquoit 9 pieds À pouces 7 lignes; et celle d'avant, $ pieds o pouce 8 lignes. Or, lors même qu'on supposeroit, ce qui est pourtant impossible, que notre instrument eût alors pour hauteur verticale toute sa longueur, c'est-à-dire, (1) Les membres de la Commission d'Égypte qui ont parcouru la vallée de Saba’h-byàr et le bassin de l'isthme, sont MM. Le Père, Devilliers, Chabrol, Saint-Genis, Favier, Gratien Le Père, Duchanoy, Févre, et moi: quelques autres personnes ont passé entre le bassin de l’isthme et Soueys; mais elles ne Font pas traversé, ni même ape:çu de loin. j (2) On n’a publié dans la Description de l'Égypte que quelques ordonnées du nivellement; il eût été utile de les faire connoître toutes, avec le détail dela hauteur des mires à chaque coup de niveau. De Îa sorte, on auroit non-seulement les ordonnées de toutes les stations, maïs encore on connoîtroit approximativement l’élévation des points intermédiaires entre deux stations consécutives, en comparant la hauteur de l'instrument de niveau avec celle des mires d'avant et d’arrière. Il eût aussi été inté- ressant de publier dans le plus grand détail le journal du nivellement, après lavoir soumis à l’examen de tous les ingénieurs qui ont coopéré au nivellement. M. Le Père a bien voulu me laïsser extraire du 718 APPENDICE AU MÉMOIRE À pieds (1), le point sur lequel il étoit placé, auroit encore été de 2 pieds 10 pouces au-dessus des hautes eaux de la mer Rouge. Enfin, entre les stations i60 et 161, distantes l'une de l’autre de sÂo mètres, les mires marquoient 9 pieds 3 pouces 6 lignes et 13 pieds 2 pouces 2 lignes; ce qui donne au point registre de l’opération les ordonnées ci-après ; je les ai vérifiées sur le plan-minute dessiné au Kaire, et sur les livrets originaux que tenoient les ingénieurs pendant le nivellement, DISTA NCE entre N. des . Ichagq- station HAUTEURS DES MIRES. et la stations. | brécédente. pieds, pouces. dign, DIFFÉRENCE DE NIVEAU OBSERVATIONS. avec la haute mer. Arrière. Le ll Que 6. o. mêtres. EKe En “a 150. Avant. e De Hi 7: au-dessus de la mer. Différence. + 5 2 1. EUR o BEM TO. L 151, |120 Avant SE 6 4 7. 9+ II. au-dessous de {a mer. Dire. — 8. 9. 6. } i Arrière. 7. 3- A Entre Îcs stations 152 et 153, nous avons Afatee 6 retrouvé-les rives du bassin de l'isthme, qui 152 580 van ; 2e 3° è 9: °. idem. nous ont présenté de nouveau des /aisses sem- blables à celles de la mer Rouge, et ayant Ie Différence. A de Le KE même niveau qu'elles. Arrière... 9: - 4. Avant..., ; o. 10. ù 153: AE DR TRS 0, 8. 6. idem. La station 153 est à 77112 mètres de Soueys. Différence. + 6 0. 6. é Arrière... o 4. Le l 154. |720 Avant. . ] 4. 5 se Us 5 idem. Différence. — 5. o. 2e Arrière... $ o. Fe 155. |440. Avant... 6 4. 2. AR DRE PA Différence. — 1. 3 9. \ Arrière, .…. 7e 8. 1. 156. [720 Ayant... 6. BE 0. a 3 pie an s Différence, + o, 9. 1. Arrière... 8 s. 4. et Cette station a eu lieu au picd d'une butte 1572 400. Avant... À Le Et I. II À. idem, fee faquelle il existe des débris d'antiquités que Différence, 04 4. o. Fe avons désignés sur fa carte sous le nom de Serapeum. Arrière... 4 e 8. | 158. |660. Avant... 5 8. 4 ce Geo: idem. Différence. — 1. 6. 0: | Arrière, . 6. 74 8. A À On voit qu'entre les stations 159 et 160 159 . |200, vant..,. 5- 3: 3° 22 6. 7e idem, le terrain étoit supérieur de plus de 2 pieds MA 10 pouces aux marées hautes de [a mer Rouge. Différence. + o 11 5e Arrière. . 9 4. A 160. |600 Avant... 5 Re 8. 1, 9: 4. au-dessus de 12 mer. Différence. + 4. ge pi Fa £ 9 Be 6. l ” z insi, entre les stations 160 et 161, lc 161. |S40. Avant... LL Y extraordinaire, que je ne saurois comment la qualifier. . Maintenant nous demanderons si ces masses de sel, ces coquilles marines, ces laisses de la mer, dont nous venons de constater l'existence dans le bassin de aperçoit presque aussi Join que dans une plaine dépourvue de toute végétation. Nous suivimes les montagnes qui bordent la vallée à gauche; elles s’abaïssèrent considérablement, et nous présentèrent encore du carbonate de chaux et des cris- taux de gypse en couches horizontales. Vers midi, les soldats Maltais qui formoient notre escorte, furent si fatigués de la marche et si accablés par la soif, que nous fûmes obligés de les faire monter tour à tour sur nos chameaux de bagage. Ces animaux, le premier jour, portoient l’eau que l’on avoît jugée néces- saire pour notre course : mais On avoit supposé que nous la renouvellerions aux puits de Gandely, que nous ne rencontrâmes point ; l’eau ne fut point assez ménagée, et un accident en fit perdre une partie. Je me tins le dernier de la colonne avec un chef de bataillon pour forcer les soldats de marcher. À chaque instant, il y en avoit qui se jetoient à terre et qui ne vouloient pas aller plus loin : nous les relevions, nous les soutenions; nous fûmes même contraints d’en battre quelques-uns pour les arracher à une mort certaine : car tous auroient péri de soif, ainsi qu’il arriva deux ans après à un détachement qui, ayant laissé quatorze hommes tellement fatigués qu’ils ne pouvoient plus avancer, re- vint troïs ou quatre heures après les chercher avec de l'eau qu'on avoit trouvée près de là; mais il n’étoit plus temps, les quatorze hommes étoïent morts. Plus heu- reux , je ne perdis qu'un homme de Ia soif; et les autres soldats, loin de nous savoir, dans la suite, mau- vais gré des moyens que nous avions employés pour les E,M. TOME II. contraindre à continuer leur route, nous regardèrent comme Îeurs sauveurs. Par bonheur aussi, nous ne ren- contrâmes aucun parti d’Arabes ennemis : nous n’eussions pu leur opposer une grande résistance ; car, à exception de l'officier dont j'ai parlé, de deux ou trois soldats et de moi, tous Îles autres avoient attaché leurs fusils sur les chameaux. Je souffris peu de la soif, mais beaucoup de la crainte d’être forcé d'abandonner dans le désert quelques hommes de mon escorte: les soins que je pris d’eux n’empêchèrent de continuer mes observations sur la vallée; et la crainte d’être plus éloïgnés que nous ne le pensions de Soueys, nous détermina à marcher une partie de la nuit : on se borna à faire quelques haltes de temps en temps. Enfin, au point du jour, nous nous trouvâmes au débouché de la vallée, et nous suivimes le lit desséché d’un torrent jusqu’auprès du château d’Hadjeroth ou Ageroud. Ce château renferme un puits d’eau saumâtre que le besoin seul rend buvable. On la puise au moyen d’une roue à chapelet. Hors de lenceinte, sont de vastes réservoirs en maçonnerie, que l’on remplit d’avance lorsque la grande caravane, qui part tous les ans du Kaire pour la Mecque, doit y passer. Le torrent qui passe non loin de Ià, ‘est à sec la plus grande partie de lPannée. Ses eaux, dans la saison des pluies (vers frimaire et nivôse), se jettent dans la mer auprès de Soueys, après avoir rempli un bassin nommé Moyeh el-Gisr, où la mare d'Afrique qui sert aux besoins des habitans. Nous arrivämes à Soueys dans la journée. Yyyy2 APPENDICE AU MÉMOIRE md l'isthme, indiquent seulement que la mer Rouge occupoit autrefois ce terrain, en donnant à ce mot autrefois une valeur vague qui puisse faire croire qu'il s'agit ici d'un de ces bouleversemens du globe antérieurs aux temps historiques, ou bien si l'on doit entendre parlà une époque aussi rapprochée de nous que le supposent les membres de la Commission des sciences et des arts d'Égypte qui ont visité les lieux (1) : tous pensent, comme moi, que, lorsqu' Hérodote voya- geoït en Égypte, le lieu indiqué sur notre carte sous le nom de JSerapeum se trouvoit sur le rivage du golfe Arabique (2). Il peut paroître surprenant, au premier abord, que la mer Rouge ait occupé le bassin de listhme, sans s'être frayé à la longue un passage jusqu'à la Méditer- ranée et dans la vallée de Saba h-byär ; les terres qui séparoïent alors les deux mers, sont en effet peu élevées au-dessus du niveau du golfe Arabique : mais cette difi- _culté disparoît, si l'on se rappelle que ce sont des terres moins élevées encore que celles-ci, qui empêchent aujourd'hui la mer Rouge de se jeter dans le bassin de listhme (3). De tout ce que nous avons dit, il résulte que rien n'étoit plus facile que de joindre les deux mers : mais aussi ce n’est pas là que gisoit la difficulté; elle con- sistoit à empêcher les eaux de la mer Rouge d’inonder les terres de la basse Égypte. Le canal entrepris sous les Pharaons fut dérivé du Nil un peu au-dessus de Bubaste ; et il devint facile, lorsque les travaux s’avancèrent vers l’est dans la vallée de Saba’ h-byär, de voir que la mer Rouge, à marée haute, étoit supérieure à la prise d’eau : une crue semblable à celle de l'an 9 put même hâter la connois- sance de ce fait et faire apercevoir tous les dangers de l'entreprise, sans qu'il aît été nécessaire de constater la différence de niveau par des opérations géomé- triques. Les Égyptiens, qui, à cette époque, avoient déjà poussé fort loin les sciences et les arts, en avoient négligé, comme l’on voit, quelques applications importantes; car ce qu'ils regardèrent en cette circonstance comme fort difficile, seroit exécuté sans peine par nos.ingénieurs. SECONDE PARTIE. Témoignages historiques. HÉRODOTE dit que, pour se rendre de la Méditerranée dans le golfe Arabique, il est plus court de prendre par terre en passant par le mont Casws que de suivre le canal des Rois. Ce passage s'accorde parfaitement avec notre hypothèse. (1) Nous les avons déjà nommés, page 717, note 1. (2) On voit, par la note qui termine le Mémoire de M. Le Père, rom. 1, pag. 159, que l’ensemble des faits qu'il a réunis et discutés avec beaucoup de talent, l’a déterminé, en finissant son ouvrage, à adopter tout-à-fait l’opinion que j’avois émise Îe premier, à l’Institut du Kaiïre, le 16 brumaire an 9, sur les anciennes limites de la mer Rouge; et qu’il regarde maintenant comme certain que cette mer, au temps d'Hérodote, occupoit le bassin de listhme. Ainsi ce seroit à tort que, pour soutenir l’opinion contraire, on s’appuieroit de ce qu’il avoit dit précédemment, pages 59 et 60, (3) N'est-ce pas à une coupure de quelques mètres Die pendant le siége d'Alexandrie en 1801, que le lac Mu- reotis doit sa nouvelle existencei Un terrain de plus de trente lieues de circonférence fut alors envahi par les eaux de fa mer. SUR LES ANCIENNES LIMITES DE LA MER ROUGE. 725$ Hérodote vouloit sans doute comparer les deux routes que le. commerce fréquentoit, et ce n’étoit point de la distance à vol d'oiseau entre les points extrêmes qu'il entendoit parler ; car il donne ro00stades (1) à l’une, évalue l’autre en Journées de navigation, et prévient que celle-ci est d'autant plus longue qu’elle fait plus de détours. La route de terre dont parle Hérodote, devoit être fréquentée particulièrement par les Syriens. II [ui donne 1000 stades, et cette mesure cadre exactement avec ce que nous avons dit des anciennes limites de la mer Rouge. On peut le vérifier sur notre carte, en ayant soin de prendre pour point de départ, sur la Méditer- ranée, le mont Casus, qui, au dire formel de Strabon, formoit un cap dans la mer, et que conséquemment on doit placer vers Räs el-Kaçaroun, et non dans l'enfoncement du golfe de Péluse. En suivant les vestiges de l'ancien canal, depuis la prise d’eau près de Bubaste jusqu'au Serspeum , on trouve 91,990 mètres {2}; ce qui coïncide exactement avec les mesures données par Pline : mais, au temps des Pharaons, le canal pouvoitavoir un développement plus considérable. En effet, si l'on suit la marche des eaux du Nil, pendant l'inondation de l'an 9, Jusqu'au lac de Temsäh, au nord du Serapeum, et qu'on se dirige ensuite au sud vers le bassin de l'isthme, circuit indiqué dans Hérodote, 4v. 11, $. 158, on trouvera environ 102,000 mètres ou 1020 stades. La navigation devoit, la plupart du temps , avoir lieu sur ce canal, au moyen du halage, ainsi que cela se pratique encore en Égypte, où les bateaux, ainsi traînés à la cordelle par les mariniers, ne font pas plus de quatre à cinq lieues par jour. Hérodote ne se trompe donc point lorsqu'il évalue la longueur de ce canal à quatre Journées de navigation. La route de terre étoit de 1000 stades, environ vingt-deux lieues; les caravanes devoient la parcourir en deux jours et demi, trois au plus (3). Aïnsi, soit qu Hérodote ait eu égard à l'étendue de ces deux routes ou au temps employé à les parcourir, il a raison de dire que celle du mont Casius étoit la moins longue. Peutêtre enfin vouloit-il comparer la route de terre par le mont Casus, au trajet bien plus long qu'il falloit faire pour se rendre par eau de la Méditerranée à la mer Rouge, en remontant le Nil jusqu'au-dessus de Bubaste et en suivant ensuite le canal des Rois. Si Hérodote, fvre 17, donne d’une manière plus absolue 1000 stades à la largeur de l'isthme, on doit croire, d’après ce qu'il en a dit précédemment //y. 11), qu'il ne connoissoit pas la plus courte distance entre les deux mers, puisqu'il fait passer cette ligne par le mont Czsus : et il est en effet assez naturel que les’ habitans auxquels il dut s'adresser , lui aient indiqué la longueur d’une des routes les plus fréquentées de la Méditerranée à la mer Rouge; car celle de Péluse au golfe Ara- bique dont parle Pline, pouvoit, au temps d'Hérodote , ne pas exister, ou être peu (1) Le stade qu'Hérodote a employé en écrivant sur l'Égypte, est le stade Égyptien de 1111 ; au degré, dont parle Aristote dans son Traité du ciel. Ce stade corres- pond donc précisément à 100 mètres, et il a été déter- miné, comme l’on voit, de la même manière que notre mesure métrique, par la division décimale du quart du méridien. Cet accord entfe les opérations des astronomes anciens et modernes est très-remarquable. (2) Mémoire de M. Le Père, £. M. tom. I, pag. 70. (3) Les caravanes ne mettent que deux jours et demi pour se rendre du Kaire à Soueys, et ce trajet est d’en- viron 1250 stades. APPENDICE AU MEMOIRE 726 suivie. Pline la distingue de celle qui passoit par le mont Casws. Voici ce qu'il rapporte à ce sujet; Je prendrai la citation d’un peu haut, parce qu’elle est inté. ressante sous plus d’un rapport. | « Après le golfe Ælanitique, on en rencontre un autre que les Arabes nomment » Æant. Là est la ville des Héros. I] y a eu aussi, entre les Nèles et les Marchades, » la ville de Cambyse, où furent conduits les malades de l’armée, Vient ensuite » la nation des Tyres; puis le port Daneon, d'où l’on a voulu conduire Jusqu'au » Delta un canal navigable dans une étendue de 62 mille pas, qui existe entre le » Nil et la mer Rouge. Sésostris, roi d'Égypte, en eut le premier la pensée; après » Jui, Darius, roï de Perse ; ensuite le second des Ptolémées, qui fit creuser un » canal jusqu'aux fontaines amères , large de 100 pieds, profond de 30, et long » de 37,500 pas : il n’acheva pas l'ouvrage , dans la crainte d’une inondation ; la » mér Rouge ayant été trouvée plus haute de trois coudées que la terre d'Égypte. D'autres ne donnent point cette raison : Ptolémée, selon eux, craïgnit que la » mer, en se Jetant dans le Nil, n’en gâtât les eaux, les seules qui fussent buvables. » Mais du moins il existe par terre, à partir de la mer d'Égypte, trois routes fréquentées : l’une part de Péluse et se fait à travers les sables ; des roseaux » enfoncés en terre indiquent le chemin, qu'on perdroit sans cela, à cause du ) 2 2 V » vent qui en recouvre les traces : l'autre commence à 2 milles au-delà du mont » Casius; elle traverse le territoire des Arabes Autéens, et, après l'espace de » 60 mille pas, elle va se joindre à la route de Péluse : la troisième se prend » depuis Gerre, que quelques personnesnomment Adipse, et traverse les terres des » mêmes Arabes; elle a moins de 60 mille pas de longueur, mais les montagnes » et le manque d’eau la rendent pénible. Ces différens chemins conduisent À la » ville d'Arsinoé, bâtie sur le golfe Charandre par Ptolémée Philadelphe, qui la » nomma ainsi du nom de sa sœur ; ce prince soumit le premier la Troglodytique, » et appela Ptolémée la rivière qui passe devant Arsinoé {1). » La seconde route dont Pline fait ici mention, passoit, selon lui, par le mont Casius : elle doit, d'après cela, être celle dont Hérodote a eu connoissance. Cepen- dant Pline lui donne 60 mille pas jusqu'au point où elle rencontre la route de Péluse, et, en prenant ce point d’intersection le plus près possible du golfe, il y a encore pour y arriver 12 à 15 milles; ce qui donne à cette route $ à 6 mille pas de plus que ne lui donnoit Hérodote, en l’évaluant à rooo stades. Peut-être cela (1) À sinu Ælanitico alter sinus, quem Arabes Æant vocant, in quo ÜHeroum oppidum est. Fuit et Cambysu inter MNelos et Marchadas, deductis eo ægris exercitôs, Gens Tyra : Daneon portus, ex quo navigabilem alveum perducere in Nilum , quê parte ad Delta dictum decurrit LX1II. M. pass. intervallo (quod inter flumen et Rubrum mare interest), primus omnium Sesostris Ægypti rex cogi- tavit : mox Darius Persarum ;deinde Prolemœus sequens, qui eduxit fossamn latitudine pedum C, altitudine XXX, in longitudinem XX XVII. M, D, pass. usque ad fontes amaros. Ultra deterruit inundationis metus , excelsiore tri- bus cubitis Rubro mari comperto, quâm terra Æogypti. Aliqui non eam afférunt causam , sed ne immisso mari corrumperetur aqua Nili, quæ sola potus præbet, Nihi- lominus iter totum terendo frequentatur à mari Ægyptio, quod est triplex : unum à Pelusio per arenas, in quo, nisi calami defixi regant , via non reperitur, subinde auré vestigia operiente : alterum vero 11, M. pass, ultra Casiwm montem, quod à LX, M, pass. redit in Pelusiacam viam ; accolunt Arabes Autei : tertium à Gerro ( quod Adipson vocant) per eosdem Arabes LX, M, passuum propiàs , sed - asperum montibus et inops aquarum, Eæ viæ omnes Arsi- noën ducunt, conditamn sororis nomine in sinu Charandra, a Ptolemæo Philadelpho : qui primus Troslodyticen excus- sit,etamnem qui Arsinoën præfluit, Prolemæum appellavir. ( Lib. VI, cap. XxXIX.) SUR LES ANCIENNES LIMITES DE LA MER ROUGE. 727 provient-il de ce que sous la dénomination de #ont Casius les habitans désignoiïent, dans le voisinage du lieu nommé aujourd'hui Räs e/-Kaçaroun, une suite de collines ou de dunes de sable d’une certaine étendue, et non un point déterminé ; plusieurs considérations rendent cette opinion extrêmement probable. La troïsième route avoit moins de 60 milles, dit Pline, et partoit de Gerre. Les ruines de cette ville sont indiquées sur notre carte au lieu nommé Anbdab, à trois lieues à l'est de Péluse : or, de ce point au Serapeum , il y a en ligne droite $2 milles, auxquels il faut ajouter les sinuosités naturelles à un chemin qui traverse des dunes élevées, circonstance ‘indiquée dans Pline. Cette distance en willes lève toute incertitude sur l'évaluation du stade employé par Hérodote ; elle reporte la mer Rouge jusqu'a l'extrémité nord du bassin de l’isthme. . Pline évalue à 62 mille pas la longueur qu'auroit eue le canal entrepris par les Pharaons pour établir une communication par eau du Delta à la mer Rouge. I n’est pas naturel, pour un semblable travail, de ne tenir aucun compte des sinuosités du terrain ; il n'existe aucun motif pour en diminuer l'importance, ni aucune cause d'erreur qui, dans des mesures prises sur le terrain , puisse donner une quantité inférieure à la distance totale mesurée à vol d'oiseau. C’est cependant ce qui arri- veroit si la mer eût eu alors les mêmes limites qu'aujourd'hui; car entre l’ancien Delta et les limites actuelles de la mer Rouge il y a, en ligne droite, un tiers en sus. de la distance donnée par Pline, tandis qu'on retrouve cette distance en suivant les sinuosités de la vallée de Saba’h-byâr jusqu'au bassin de l'isthme (1). Le roi Pto- lémée, ajoute Pline, ne fit creuser le canal que sur une étendue de 37,500 pas jusqu'aux fontaines amères. Ces fontaines devoient, d'après cela, occuper les bas- fonds situés entre le Ràs el-Ouâdy et Abou-Keycheyd (2). Les anciens ont pu aussi connoître sous ce nom et celui de cs amers les lacs et terrains marécageux situés au nord du Serapeum, dont nous avons parlé sous le nom de X74h, de lac du Crocodile, &c. Ce seroit une double erreur de supposer les lacs amers occupant le bassin de l'isthme, et de croire que la partie du canal exécutée sous Ptolemée Philadelphe étoit comprise entre ce bassin et l'extrémité actuelle de la mer Rouge. Il y a là en effet une contradiction manifeste, qui ne peut échapper à personne; car, en plaçant aïnsi les lacs amers, il eût suffr de creuser un canal de 3 à 4 mille pas pour établir la communication du golfe avec les lacs amers, tandis que Pline rap- porte que c’est après avoir fait creuser un canal de 37,500 pas jusqu'aux fon- taines amères que Ptolémée fit suspendre les travaux : cette distance de 37,500 pas, prise de Soueys, en remontant au nord vers le Serapeum , auroït traversé la presque totalité du bassin de l'isthme, dont le fond est, comme l'on sait, très- inférieur au niveau de la mer. D'ailleurs, dans l'hypothèse en question, ce bassin (1) Suivant M. Le Père, page 79, le canal qui join- variations dans la fixation des points extrêmes et dans droit l’ancienne branche Pélusiaque près de Bubaste au la mesure des inflexions du terrain. bassin de l’isthme près du Serapeum, auroit 91,990 mètres (2) Dans l’inondation de 1800, les eaux formérent, de développement. Pline l’évalue à 62 mille pas où à l’est, et près de la grande digue du Râs el-Ouädy, ure 91,355 mètres. Cette légère différence de 635$ mètres espèce de lac. est insignifante : elle peut provenir de quelques légères APPENDICE AU MÉMOIRE VE0 eût été rempli par les eaux du Nil, et le travail de Ptolémee Philadelphe eût été à-la-fois impossible et inutile. | | On ne peut donc interpréter le passage de Pline autrement que nous ne l'avons fait. On y voit clairement que le canal de la branche Pélusiaque à la mer Rouge auroit eu 62 mille pas si on l’eût achevé, mais que le roi Ptolémée le fit creuser seulement l'espace de 37,500 pas. Les trois routes dont il est fait mention dans Pline, devoient se réunir, près du Serapeum, en une seule qui suivoit la rive occidentale de la mer, depuis son extrémité nord jusqu'à une position voisine de celle qu'occupe aujourd’hui Soueys; car c'est Vers ce point que tous les écrivains s'accordent à placer Arsinoé (1). Cette ville étoit , selon le géographe Ptolémée, à 4o minutes au sud et à 30 mi- nutes à l'est de Feroopols, que nous reconnoissons dans les ruines d'Abou-Key- cheyd. Or, entre ce point et Soueys, il y a, à très-peu de chose près , les mêmes différences en latitude et longitude. Le nom de rmère Ptolémaique donné à un torrent dont les eaux venoïent se perdre à la mer devant Arsinoé, a pu faire croire que le canal du Nil à la mer Rouge se terminoit à cette ville ; mais Pline les distingue l'un de l'autre (2). I nomme l’un, rrère, et l’autre, canal ; et ïl nous dit formellement que ce dernier n'avoit été creusé que l’espace de 37,500 pas depuis la branche Pélusiaque : ainsi ce canal étoit toin, comme on voit, de se terminer à- Arsinoé. Lorsque Prolémée Philadelphe fonda Arsinoé pour faciliter aux Égyptiens le commerce de la mer Rouge, le travail le plus important, celui auquel on dut songer le premier, fut de réunir dans un seul lit l’eau douce des torrens voisins, et de la diriger vers l'emplacement de la nouvelle ville; et il est assez naturel que le souverain, ayant donné à la ville le nom de sa sœur, ait donné le sien à la rivière qu'il venoïit de créer, et qui pouvoit seule amener la végétation et la vie sur cette plage aride et déserte. II ne reste guère aujourd’hui de traces de ces travaux : cependant la mare d'Afrique, autrement nommée Moyeh el Gisr, (1) Jai cru devoir, dans mon précédent Mémoire, distinguer Arsinoé de Cleopatris, et placer celle-ci près du Serapeum, Un examen plus approfondi me donne des doutes sur cette position, et je ne sais trop mainte- nant lequel des deux passages de Strabon il faut adop- ter, de celui où il dit que la ville d’Arsinoé est appelée Cleopatris par quelques personnes , ou de celui où il place Cleopatris au nord d’Arsinoé dans le fond le plus re- culé du golfe. Si on adopte la première opinion, on peut expli- quer la contradiction apparente que présente Strabon, en supposant que sur son manuscrit original, au lieu de Ilanoioy dé ris ”Apoivons, of M Tor Hpoay éd mAe xoi f KatoraTpis à To uuyo 7 AeaGis mms, Td œec Aly- #or, &c., qu’on lit aujourd’hui, liv, XV 11, il avoit d’abord écrit: Ilanaioy dé Tig ‘Apoône, xat à Toy Hpocy êd mer, éy To pwyd nÙ AexGlou wamv, T9 mec Alymor, &ec., et qu'ayant ensuite ajouté au-dessus du mot Arsinoé celui de Cleopatris comme synonyme, les copistes au- ront mal intercalé ce mot. . Si, au contraire, on penche pour l’autre opinion, il faut dire que Strabon, n'ayant point visité cette partie de l'Égypte, et sachant que le canal du Nil se terminoit près de Cleopatris, ainsi qu’il le dit Liv. XVI, a pu, en pre- nant pour une continuation du canalles travaux faits près d’Arsinoé, confondre ces deux villes, lorsque, Liv, Xyr1, il parle du point où se terminoit le canal; mais que, quelques lignes plus bas, cette cause d’erreur n’existant plus, il a séparé ces deux villes lune de lPautre. La ville de Cleopatris pourroit, dans cette hypothèse, avoir existé proche du Serapeum, dans un lieu où ïl y a des ruines. J’en ai parlé dans mon premier Mémoire. Peut- être enfin ce lieu prit-il plus tard le nom de port Daneon qu’on lit dans Pline. Quant aux ruines qui sont à environ deux lieues et demie au nord-est de Soueys, nous pensons qu’elles in- diquent l’emplacement de Ia ville nommée par les Hébreux Beelsephon. Elle étoit de l’autre côté de la mer, vis-à-vis Phi-Hahiroth, que nous avons cru devoir placer à Hadjeroth. (2) Plin. ist. nat. Kb, VI, cap. XXIX. située SUR LES ANCIENNES LIMITES DE LA MER ROUGE. 729 située à une demi-lieue de Souéys, peut être considérée comme en ayant fait partie; les eaux pluviales s'y rassemblent, et sont fournies principalement par un torrent qui, dans l'hiver, vient des montagnes de la vallée de l'Égarement et passe auprès d'Hadjeroth (1). Une petite digue en pierre empêche une partie des eaux de s'écouler à la mer ; maïsil s’en perd toujours une certaine quantité qui seroit bien précieuse à conserver dans un pareil désert. On reconnoît entre cette mare et la ville les traces d'un petit canal. Nous avons suivi encore jusqu'au mont Attaka, à trois lieues à l’ouest-sud-ouest de Soueys, le lit, alors à sec, d’un autre torrent. Nous entrâmes ensuite dans une vallée étroite que les eaux ont creusée, et nous atteignîmes bientôt l'extrémité de cette gorge, que terminent des rochers élevés d'où les eaux se précipitent quel- quefois en cascade. Elles ne couloïent point alors; maïs leur trace étoit bien mar- quée sur le rocher. Je montai avec quelque difficulté au-dessus de cette cascade: une espèce d'aqueduc naturel, creusé dans le rocher, aboutissoit obliquement à ce point. Je m'avançai dans ce canal, et je trouvai quelques cavités remplies de fort bonne eau. La roche est une pierre calcaire compacte, rouge et blanche. Au sortir de la vallée, le torrent se divise en plusieurs branches qui se déchargent à la mer, et je crois même qu'une de ses ramifications arrive à peu de distance de la mare d'Afrique. | | Les travaux quetrès-probablement on dut faire pour réunir et conduire à Arsinoé l'eau de ces divers torrens, auront, par erreur, été considérés, dans les pays étran- gers, et même en Égypte, comme la continuation du canal qui devoit établir une communication entre le Nil et la mer Rouge. D'autres ouvrages auront pu encore être faits sous le même règne pour-maintenir dans quelques parties de la mer une certaine profondeur dans les passes, et faire disparoïtre les bancs de sable qui, près d'Arsinoé, génoient la navigation au nord de cette ville, ensablemens qui ont fini par séparer de la mer ce que nous nommons aujourd'hui / bassin de l'isthine. Que de causes d'erreurs pour les historiens qui, n’ayant pas visité les lieux, étoient obligés d'écrire sur de simples renseignemens, et en se copiant le plus souvent les uns les autres! Ils apprenoïent par différentes voïes qu’on avoit entrepris de joindre le Nil à la mer Rouge, qu'un canal d’eau douce se déchargeoit à la mer dans Île port d’Arsinoé, et que des écluses, des digues, en retenoient les eaux: que des curages avoïent eu lieu près de là, afin de prolonger au nord pour quelques navires la navigation de la mer Rouge : pouvoient-ils ne pas confondre quelque- fois ces différens travaux (2) ! Quant à la ville d'Heroopols , la même probablement qu'Avaris (3), je persiste (3) Jai fait connoître, dans mon Mémoire sur les (1) Voyez la note de Ia page 722. (2) Diodore et Strabon ne connoissoient par eux-mêmes ni Arsinoé, ni aucune partie de l’isthme de Soueys. Stra- bon, par exemple, a commis, sur des parties de l'Egypte qu'il avoit visitées, des erreurs bien autrement graves que celles que nous lui attribuons ici sur un canton qu’il n’avoit point vu : on sait en effet que ce géographe prit, dans la Thébaïde, un canal du Nil pour le fleuve lui- même, é r E, M; TOME Il. anciennes limites de la mer Rouge, l'opinion de quelques personnes qui pensoient qu’Æeroopolis pouvoit avoir été désignée dans la Bible sous le nom de Pirhom. II paroît plus probable que Ia ville nommée Pirhom par les Hébreux étoit celle que Îes Grecs appelèrent Patoumos, et les Romains, 7'houm : ces trois noms ne différent en effet que par la désinence Grecque, et la valeur ou l’ab- sence de l’article Egyptien à. ZLa7z 700 APPENDICE AU MÉMOIRE à la placer au lieu nommé aujourd'hui Aou-Kéycheyd. Cette position cadre par- faitement avec les distances données par FTtinéraire d’Antonin, et il me semble que mettre, comme quelques personnes l'ont fait, cette ancienne ville près de Soueys à cause de la latitude qui luï est assignée par Ptolémée, passer sous silence la position plus méridionale de 4o minutes que ce géographe donne à Arsinoé, et placer celle- ci, de même qu Æeroopoks, dans le voisinage de Soueys, il me semble, dis-je, que c'est là s'appuyer d'une manière bien peu rigoureuse du témoïgnage des anciens. Nous avons fait voir précédemment que la position d’Heroopolis comparée à celle d’Arsinoé, d’après Ptolémée, s’accordoit très-bien avec celles d’Abou- Keycheyd et de Soueys. D'un autre côté, si Ptolémée, dans un endroit de son ouvrage, semble donner les mêmes latitudes et longitudes à Heroopolis et à l'extrémité de la mer Rouge, il ne faut pas passer sous silence le passage où ce géographe place Feroopolis plus à l’ouest de 20 à 30 minutes, et plus au nord de 10 minutes : non qu Abou- Keycheyd soit à cette distance de l'ancienne extrémité du golfe ; maïs l'essentiel est de savoir que ces deux points ne coïncidoïent pas, et qu'Æercopolis étoït au nord-ouest de l'extrémité du golfe. On ne doit pas s'attendre à une plus grande rigueur dans le livre en question, où Ptolémée s'est borné souvent à fixer ap- proximativement les latitudes et les longitudes, d’après les mesures déjà peu exactes que lui donnoïent quelques itinéraires. ee Nous pensons donc que ce géographe ne cite la ville d'Heroopols, en parlant de l'extrémité du golfe, que pour distinguer celui-ci du golfe Élanitique, et qu’en cet endroit c’est la latitude et la longitude de l'extrémité nord de la mer Rouge qu'il prétend donner, et non celles d'Æeroopols, qu'il rapporte dans la suite de son ouvrage, et quil place dans le nord-ouest, comme nous venons de le dire. On pourroit peut-être encore supposer, d’après les passages cités, qu'Aeroopohs , bien que située vers les ruines d'Abou-Keycheyd, avoit quelque établissement sur le bord de la mer (1); maïs, dans tous les cas, le témoignage de Ptolémée ne peut être invoqué pour placer sur le rivage la ville elle-même. | Nous avons déjà dit ailleurs que les Septante mettoïent Æeroopolis dans la vallée de Gessen ou de Saba’h-byâr sur la route de Memphis à Gaza : ce seroït en vain que, pour détruire ce témoignage, on accuseroit les Septante d'avoir pris le verbe Hébreu nn / ororh ], qui signifie annoncer, pour un nom de ville ; cette objection n’est rien moins que concluante dans la question dont il s'agit. Nous dirons d’abord qu'il est difficile de concevoir qu'une faute tellement grave, que le moindre écolier ne la feroit point, ait été commise par soixante-dix rabbins profondément versés dans la connoïssance des langues Hébraïque et Grecque, et que l’on doit plutôt croire que ces savans interprètes n'auront pas mal traduit ici un mot de leur langue, maïs qu'ils auront ajouté quelque chose au texte Hébreu, pour en rendre l'interprétation plus claire, ou en développer le sens, comme cela leur est arrivé en d’autres endroits. Que l’on compare le (1) Ce sont ces établissemens qui, en s’augmentant, dont parle Strabon, ou au port Daneon de Pline. Voyez donnérent peut-être naissance à la ville de Cleopatris la note 1 de la page 728. SUR LES ANCIENNES LIMITES DE LA MER ROUGE. 731 texte Hébreu du verset en question avec la version Grecque, on verra que les Septante n'ont point voulu traduire littéralement ce passage, mais l'expliquer. Ainsi, par exemple, le mot de Gessen, deux fois répété dans lhébreu, ne se trouve pas dans le grec, où on lit ceux d’Æeroopols et de Ramesses, qui ne sont point dans l'original: cette différence et d’autres encore ne peuvent être dues à la faute qu'on impute aux Septante. Au surplus, que ceux-ci aient agi d'après le motif que nous leur supposons, ou qu'ils n'aient pas compris le mot /oroth, il n'en est pas moins vrai qu'ils n’auroient pas parlé en cet endroït d'Aeroopolis, si cette ville eût été, de leur temps, près de l'emplacement actuel de Soueys, et non dans la vallée de Gessen ou de Saba’h-byâr. La même observation s'applique à l’histo- rien Josèphe, qui place aussi la ville d’Æeroopohs sur la route de Memphis à Gaza. Rappelons-nous encore que lorsque les Hébreux quittèrent l'Égypte pour se re- tirer dans les déserts de Sinaï, ils suivirent le rivage occidental de [a mer Rouge, depuis la terre de Gessen jusqu’au lieu où ils traversèrent la mer. Voici ce qu'on lit dans l'Exode, chapitre xui : Y. 17. « Or, Pharaon ayant fait sortir de ses terres le peuple d'Isrel, le Sei- » gneur ne les conduisit point par le chemin du pays des Phiïlistins, qui est » voisin, de peur qu'ils ne vinssent à se repentir d'être ainsi sortis, s'ils voyoient » s'élever des guerres contre eux, et qu'ils ne rétournassent en Égypte. W. 18. » Mais il leur fit faire un long circuit par de chemin du désert qui est » près de la mer Rouge. » Comment pourroit-on expliquer ce passage, si le gol lfe Arabique eût eu alors les mêmes limites qu'aujourd'hui ! Quant aux 900 stades donnés par Strabon à la largeur de l'isthme, depuis Péluse jusqu'au golfe Arabique vers Æeroopolis, on les retrouve facilement, si l'on admet, ce qui est très-probable, que les renseignemens recueillis en Égypte dans l'antiquité, par les voyageurs étrangers, sur les distances qui existoient entre divers lieux, leur ont été donnés le plus souvent en stades Égyptiens de 100 mètres de longueur. N'oublions pas d’aïlleurs qu'Aeroopolis étoit à quelque distance de la mer Rouge : cette ville et Péluse étoïent, sur les deux mers, les places de com- merce les plus rapprochées ; c’est entre elles que se faisoit l'échange des marchan- dises de l'Europe et de l'Inde : il étoit donc naturel que Strabon, en parlant de la largeur de Flisthme, donnât la longueur de la route que l'on suivoit pour se rendre de Péluse au golfe Arabique, en passant par Æeroopolis. Or on trouve envi- ron 700 stades de Péluse à Abou-Keycheyd, et 200 stades de ce lieu au Serapeurr. Ces diverses considérations expliquent d’une manière bien simple pourquoi Heroopols, dans les écrits des anciens, est toujours censée le point où se termi- noit, vers l'Égypte, le golfe Arabique, bien que cette ville ne fût pas immédiate- ment sur ses bords {1}. Ne voyons-nous pas de nos jours nombre de villes situées (1) IL est nécessaire, en consultant Ia carte des ingé- elles ont été tracées approximativement, attendu que nieurs de l’armée d'Orient, de savoir que les limites l’on n’a point fait d’autre nivellement que celui indiqué données au bassin de Visthme ne sont exactes que sur la carte, ni relevé la ligne des laisses que la mer a dans les points où la ligne d'opération du nivellement déposées autrefois. a coupé les contours du bassin, et que par-tout ailleurs É,M. TOME Il. Zzz2 à mp2 APPENDICE AU MÉMOIRE dans l'intérieur des terres être considérées cependant comme ports de mer, et servir, dans le langage , de point extrême pour déterminer une certaine étendue de l'océan ! | Aux mesures que nous citons d'après le témoïgnage des anciens, on ne peut en opposer aucune autre; mais on peut leur donner une valeur différente, qui tendroit à placer le fond du golfe beaucoup plus au sud qu'il n’est aujourd’hui : cela prouve que nous avons raison dans l'évaluation de ces mesures, comme dans leur application sur le terrain; car y at-il la moindre probabilité que la mer se soit autrefois moins étendue au nord qu'aujourd'hui, et n'existe-t-il pas au con- traire une foule de faits qui indiquent qu'elle s’est retirée vers le sud ! Nous terminerons en répétant ici que, selon nous; les fontaines et lacs amers étoient au nord-ouest et au nord du bassin de l'isthme; que ce bassin, au temps où vivoit Hérodote , faisoit partie de la mer Rouge; que des travaux ont pu être faits sous les Ptolémées pour maintenir la mer à une certaine profondeur dans les passes au-dessus d’Arsinoé, ce qui a pu faire donner à ce bras de mer le nom de fleuve où de rivière Ptolémaïque; que ce nom a pu aussi être donné au torrent d’eau pluviale qui se jetoit dans le golfe près d’Arsinoé ; que le canal entrepris sous les Pharaons, continué sous Darius et les successeurs d'Alexandre, fut creusé depuis la branche Pélusiaque, à travers l'Ouädy, jusqu'aux fontaines amères; qu’au- delà de ces fontaines il fut sans doute prolongé vers la mer, et qu'il est naturel que les souverains de l'Égypte aïent suspendu ce travail aussitôt qu'ils s’aperçurént des grandes difficultés que présentoient l'élévation des eaux de la mer Rouge et les décroissemens du Nil; que cependant, à diverses époques, la navigation sur ce canal et les lacs amers a pu, pendant les crues du fleuve, s'étendre jusque fort près de la mer Rouge, et que, le trajet par terre depuis ce point jusqu'au golfe se bornant alors à très-peu de chose, on a pu, sous le rapport du commerce, regarder la communication par eau comme établie ; qu'ainsi s'explique le motif qui obligea Cléopatre à faire charier ses navires par terre pour les faire passer d’une mer à l'autre (1), quand plusieurs écrivains rapportent cependant que le canal des Roïs avoit été achevé par ses prédécesseurs (2); qu'enfin, sous les khalyfes, on a pu essayer de rejeter la mer Rouge sur les terres qu'elle avoit couvertes au- trefois au nord de Qolzoum , mais que ces travaux, promptement abandonnés, w’ont point suffi pour rendre à la mer, d'une manière stable, ses anciennes limites. (i) Plutarque, Wie d'Antoine, Dion Cassins, Æisé, (2) Strabon, Géogr. Liv. XVII. Diodore de Sicile, Rom. Hiv. 11. Bibl, hise. iv, | SUR LES ANCIENNES LIMITES DE LA MER ROUGE. 733 EXTRAIT DU JOURNAL DE VOYAGE Dr M. DEVILLIERS, INGÉNIEUR DES PONTS ET CHAUSSÉES. PS du Kaire le 27 brumaire an 9, avec MM. Le Père et Chabrol. Du Kaire à Birket e-Hägoy , plaine sablonneuse, couverte de l'espèce de jaspe ovoïde connue sous Je nom de caillou d Égypte. On aperçoit à gauche le terrain cultivé, et, à une demi-lieue sur la droite, une suite de dunes de sable de différentes hauteurs; elles ont d’un quart de lieue à une demi-lieue de largeur. Le terrain est coupé de temps en temps par de petits ravins où il y a de la végétation. Les dunes viennent jusqu'auprès de Belbeys. A Ja sortie de cette ville et dans la direction de Sälehyeh, une plage sablon- neuse, couverte de cailloux d'Égypte, s'étend au loin par une pente fort douce. À une lieue au-dessus de Belbeys se termine la montagne calcaire : elle peut avoir cinquante pieds au-dessus du terrain cultivé. Près de Rahourny (1) commencent de nouvelles dunes de sable qui se prolongent dans toute Ia longueur de [a vallée des Toumylät, jusqu’à Abou-Nechäbeh ; elles ont vis-à- “vis de ce point une lieue de largeur. La vallée est inondée. Au-delà, c’est-à-dire, aû nord de l'autre côté de Ia vallée, est une plage très-unie, couverte de cailloux. La partie sud de Ia vallée, entre Abou-Nechäbeh et Räs el-Ouädy, est très-basse : l'eau n’a pas de mouvement sensible; elle a de 8 à 9 pieds de profondeur; elle s’est répandue en quelques endroits à travers les dunes. On voit de [à les montagnes voisines de Soueys. Toute [a partie au-delà de Räs el-Ouädy est couverte d'eau ; l'inondation présente une surface très- étendue, bornée à l’ouest par Ia grande digue. Les paliniers, près du Râs el-Ouâdy, sont dans l'eau jusqu’aux feuilles. Au Mougfàr, l’eau se réunit en un canal. Il s’en faut d’un mètre 2{ centimètres qu'elle attéigne [a partie supérieure dé Îa pierre de granit qui a servi de point de repère dans Îe nivellement. Le puits de Saba’h-byâr est entouré d’eau ; plus loin, le courant s’est creusé un lit assez profond et a rongé les dunes : l'eau coule avec une rapidité que l’on peut évaluer à 4 pieds par seconde. = Plus avant encore, l’eau, après avoir fait un grand détour à gauche, se répand dans deux vastes bassins qu'elle remplit. Ces bassins ont 6 à 7 lieues de circonférence (2). L'eau s'étend jusqu’au pied de [a dune sur laquelle est bâtr Cheykh-Henädy, et entoure une partie du plateau voisin, auquel on peut communi- quer He une langue de terre. Le 1.‘ frimaire, nous avons quitté l’eau pour nous rendre directement au Serapeum, en suivant [es dunes. le Serapeum étoit un bâtiment circulaire de 12 à 15 pieds de diamètre dans l'intérieur ; ce que lon reconnoît à une moulure faite sur un bloc de granit éoncave : d’âutrés ruines Sont au sud-ouest; on y voit des fragmens de granit, de grès et de pierre calcaire; celle-ci est semblable à [a roche qui forme le plateau sur lequel se trouvent ces débris d'une ville ancienne. Du Sérapeum , nous nous sommes dirigés sur l’extrémité des montagnes de Souéys; nous avons traversé, dans une étendue de 3 lieues, les lacs ou parties basses qui se trouvent dans cette direction (3). Pendant la première lieue; on remarquoit du sulfate calcaire cristailisé en aiguilles rayonnantes et par masses isolées d'environ 3 pieds de haut, qui avoient l’apparence de troncs de palmiers coupés. Le terrain s’amollit et descend: on trouve enfin de [a boue et de l’eau extrêmement saumâtre , dans faquelle il m’a paru que le muriate de soude dominoit plus que dans l’eau dé mer. De lautre côté, le terrain est fendu en quartiers de 15 à 20 pieds, qui ont environ 4 pieds de haut: l’eau les dissout et les divise. Ces blocs sont composés de masses de muriate dé soude, quelquefois très-considérables, et de sables {(1)Ce village est à 3000 mètresenvironausud-ouestd'A'bbâceh, tous les ans au Kaire, et qui passe à présent par Hadjeroth, suivoit près d’un fac nommé Birhet el-Feroeh, où Birket l-Häggy el- alors lOuidy-Toumylât, afin de pouvoir contourner le golfe Ari Qedym.Ce dernier nom, qui signifie ancien lac des pélerins, etlesrestes bique; ce qui vient encore à l'appui de l'opinion de M. da Bois- d’établissemens que l'on trouve sur le chemin de Belbeys et sur Aymé sur fes anciennes limites de la mer Rouge. la digue de Sencka, appelée Gisr Soultänyeh, établissemens que (2) Sur la carte, ils sont indiqués sous le nom de ac du Tens&h les habitans du pays annoncent avoir servi autrefois aux pélerins ou du Crocodile, de Ja Mecque , portent à croire que fa caravane qui se rassemble (5) Ces lacs font partie du grand bassin de l'isthme, > 73 À ANCIENNES LIMITES DE LA MER ROUGE, mélangés de petits cristaux de sulfate de chaux. Après une lieue et demie de ce terrain tourmenté, le sol s'abaisse encore ; il est humide et boueux. De l'autre côté, l’on trouve, en s’élevant, quelques coquillages sur du sable; puis du sable sans coquilles, sur [lequel if ÿ a du carbonate de chaux qui paroît se décomposer, et enfin des cristaux de gypse rayonnant, [a pointe en bas. Le terrain est boursouflé et fendu, non comme par l'effet d’un retrait entre ses parties, maïs au contraire comme si une plus grande extension les eût soulevées et brisées. Les parties les plus saillantes de ce terrain sont des masses de muriate de soude, qui présentent des crevasses de quelques pouces de largeur, à travers lesquelles j j'ai sondé sans trouver le fond à un mètre de profondeur au-dessous du muriate de soude. Le 2 frimaire , en sortant de ces bas-fonds, nous avons marché au sud-ouest, et nous nous sommes beaucoup rapprochés des montagnes auprès desquelles passe la route de Belbeys à Soueys ; ensuite nous avons dirigé notre marche à l’est; nous avons traversé les vestiges du canal au sud des bas-fonds du centre de l’isthme; nous sommes revenus ensuite directement à Soueys, en traversant un plateau élevé, formé de gros sable ; nous avons, près de [a mer, repassé à l'ouest du canal , et nous sommes arrivés à Soueys. RENSEIGNEMENS recueillis auprès de plusieurs Cheykhs et Habitans de la vallée des Toumylât, dans les derniers jours de Nivôse an 9 , par M. DEVILLIERS, chargé de relever les canaux du Nil depuis le Kaire jusque dans la vallée des Toumylàt. LA plus grande hauteur d’eau dans la vallée a été entre A’bbâceh et Räs el-Ouädy. D'après le rapport des habitans de Toumylât el-Cheryf, elle a pu s’élever à quinze pieds près d'A’bbäceh. Quand les eaux baissent , les environs d'A’bbâceh se découvrent d'abord ; le terrain voisin de Räâs el-Ouädy se dessèche ensuite, et l’inondation se concentre vers Abou-Nechäbeh, vis:à-vis duquel paroît être Ie pot le plus . bas de la vallée, | L'eau ne pénètre dans l'Ouâdy que par de petits canaux dérivés de celui de Belbeys, mais dont le fond est plus élevé ; en sorte qu’elle ne peut s’y introduire que dans les grandes crues, qui n'arrivent guère que tous les cinq ou six ans : encore faut-il que les Toumylât viennent couper d'autorité Îes digues d'A’bbâceh et de Seneka , malgré les habitans des villages supérieurs. Cette coupure se fait entre Seneka et Messit, On se rappelle qu'il y,avoit autrefois un grand pont d'une seule arche, entre Seneka et Messit sur le Bahr el-Ramel, près de Baatyt. L’utilité d'un canal qui, tous les ans, conduiroit réguliè- rement l’eau dans l'Ouâdy, n’est pas douteuse : il suffiroit de creuser plus profondément un des petits canaux dont nous avons parlé. Mais il seroït nécessaire en même temps de rétablir Ia digue de Seneka ou celle d’A’bbâceh, afin de ne donner entrée dans l'Ouâdy qu’à la quantité d’eau nécessaire pour l’arroser sans la submerger. Cette submersion totale fait perdre pour la culture l'année que les eaux mettent à se retirer : ainsi ce n’est que l'été prochain que les terrains de lOuädy pourront être cultivés. Dans les années où l'eau du Nil ne pénètre pas dans l'Ouädy , le peu de culture que l'on y entretient se fait au moyen de l'eau des puits, qui ne manque jamais. Dans les crues extraordinaires de cette année , les eaux ont rompu la digue de Räs el- Ouidy , et n'ont pas dépassé, à l’est et au sud, le lieu nommé Cheykh-Henädy ; maïs elles se sont répandues au nord jusqu’à Râs el-Moyeh. Un cheykh nous a dit: Räs el-Moyeh el-Ballak a vu l'eau du Nil cette année, Nous rapportons cette expression, qui est celle même de cet Arabe. On ne coupe jamais la digue de Râs el-Ouädy. Les Toumylât disent qu'ils n'y trouveroient aucun avantage, et cela se conçoit facilement. Il y a vingt-quatre ou trente ans que le Nil n’avoit porté autant d'eau dans lOuädy. # FIN DU: TOME.JII. TABLE DES MÉMOIRES CONTENUS DANS LE TOME IL Noriez sur la conformation physique des Égyptiens et des différentes races qui habitent en Égypte, suivie de quelques réflexions sur l'embau- mement des momies ; par M. le baron Larrey, docteur en chirurgie de Paris et en médecine de l'université d'Iéna, membre de l'Institut d Ep ypte et de plusieurs académies, l'un des commandans de la Légion ACER NE RENTE ne ne de Re. PR ee SE rt Mémoire sur la partie occidentale de la province de Bahyreh, connue ancien- nement sous le nom de nome Maréotique ; par M. Gratien Le Père, ingénieur en chef au corps royal des ponts et chaussées... eut Notice sur la préparation des peaux en Égypte ; par M. Mae SES en chef d'armée en Égypte, membre de l'Institut d "Égypte et. de la LPO ONTENT ES EE Lg PURE CON EVER NÉE Mémoire sur le M egyàs de l'ile de Roudah, et sur les inscriptions que renferme ce monument; par J. JS. Marcel, sembre de la Légion d'honneur... .. Voyage dans l'intérieur du Delta, contenant des recherches géographiques sur quelques villes anciennes, et des observations sur les mœurs et Les usages des Égyptiens modernes ; par MM. du Bois-Aymé et Jollois, ingénieurs des ponts et chaussées, membres de la Commission des sciences et des arts d ‘Égypte, chevaliers de la Légion d'honneur... ....... A Abré dgé FAR de l'histoire des Mamlouks d'Égypte, depuis He or1g1n6 Jusqu à la conquête des Français ; par M. Delaporte, membre de la Commission des sciences et des arts d'Ép ypte, chancelier-interprète à Tripoli de rare SORT OO EE MR EN de pete A, s Mémoire sur le canal d'Alexandrie; par MM. Lancret et Chabrol, Ingénieurs des ponts et RÉÉDIS TON LS RE ë FA RATE Description iydrographique des provinces de Beny-Soueyf et du 7 ; par P. D. Martin, ingénieur au corps royal des ponts et chaussées... . Notice sur les poids Arabes anciens et modernes ; par M. Samuel Bernard. Nomenclature des tribus d'Arabes qui campent entre L Éo ypte. et la Palestine, depuis Khän Younes et Ghazzah jusqu'à l'Oronte, et dans la partie septentrionale du désert qui sépare la 7 de la us ce; par M. le chevalier Amédée Jaubert..... TH CRT ONENNURe 7, TARA Danse I. DAT. 29. OI. IE 22 LA 736 TABLE DES MÉMOIRES. Observations sur la topographie de la presqu'ile de Sinaï, les mœurs, les usages, l'industrie, le commerce et la population des habitans ; par TIM J'COMERE, #0 RE. PR Te Matador le States DAD AE. Extrait d'un Mémoire sur l'état ancien et moderne des provinces orientales de la basse Égypte ; Dar ge MNIAISS 4 deu nr de SET EN FSU Tables nécrologiques du Kaire pendant les années VIT, VIII et IX [ 1798, 1799, 1800 et 1801], publiées par R. Desgenettes. . ......,.. sa a. Mémoire sur les monnoies d'Égypte; par M. Samuel Bernard. ...... 22U: Extrait d'un Mémoire sur les lacs et les déserts de la basse Ésypte; par M. Gratien Le Père, ingénieur en chef au Laon Re des ponts et DRE CES ee eee Ua A ue à ut ere” ; 469. Notice Anne sur la partie en Hs 2) comprise entre one et Alexandrie, et sur les environs du lac Maréotis ; par MM. Chabrol bEIjeR ASANCTOL. er der STE LA TIM ERRRENR RER Sd NAN Â83. | 1 | Mémoire sur L ‘agriculture , l'industrie et le commerce de Égypte ; par M. P.S. Girard, engénieur en chef des ponts et chaussées ; membre de l’Académie royale des sciences, et de l'Institut d Fe Re ; chevalier de lortre royal al" Léon d'honnenr.. 2. ee on -ticale. the he ONE Appenaice au Mémoire sur les anciennes limites de le mer Rouge ; par M. du Bois-Aymé, ingénieur des ponts et chaussées , membre de la Com- MISSION d'Égypte, correspondant de l'Institut de France, de la société Ttahenne, des académies de Turim, Florence, de... ......,....... RER FIN DE LA TABLE DU TOME Il. ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE ZI. F1G. 1 à 10. FABRICATION DE L'HUILE. le graines qui servent, en Égypte , à la fabrication de l'huile, sont, Le Lin /Xiïtén], La Navette / Seloam ], Le Carthame / Kourtoum ], La Laïtue / Rés], Et le Sésame /Semsem ]. Les procédés, pour la fabrication de lhuile, diffèrent selon la graine que l'on emploie. | : | Les deux parties de la figure r.° représentent le plan et l'élévation de a presse au moyen de laquelle on exprime l’huile de la graine de lin broyée et réduite en pâte. | On met cette pâte entre de petits paillassons circulaires , faits de feuilles de pal- mier, que lon réunit en pile, afin de les placer ensemble sous la presse. En Pro- vence, on se sert, pour cette opération, de sacs en jonc à deux ouvertures, que l'on appelle couffins. Il est assez probable que ces sacs tirent leur nom d'Égypte, où tous les paniers communs, faits avec des feuilles de palmier, s'appellent couffés. La partie supérieure de la figure 1." représente la presse vue de côté. Cette machine n'est autre chose qu'un levier du deuxième genre, dont le point d'appui est dans le mur de la salle : [a pile de paillassons est placée, au quart de la lon- gueur, sur une zaye destinée à recevoir l'huile. À l'extrémité du levier, on sus- pend, au moyen d’une vis, une meule très-pesante. Ce levier a besoin d'être extrémement solide; il est composé de trente-six pièces de bois disposées sur six de hauteur et six de largeur, fortifiées, du côté du point de compression, par douze autres pièces de bois. Toutes ces poutrelles sont moisées en neuf points de leur longueur. Les moises et les contre-forts sont disposés avec art, pour la plus grande solidité du levier. Lorsque toute l'huile est exprimée, et que l’on veut retirer les paillassons pour les remplacer par d’autres, on détourne la vis à l'extrémité du levier, et on laisse poser la meule à terre; puis, en continuant à tourner la vis dans le même géns, la meule servant de point d'appui, on soulève toute la masse de charpente du levier, et on dégage la pile de paillassons, qui ne renferment plus que ce qu’on appelle Æ grignon. On donne à manger aux bœufs qui tournent la meule, le grignon qui provient de la graine de lin; ce qui les engraisse beaucoup. Les habitans de l'Égypte mangent eux-mêmes la pâte qui provient de la graine de sésame : ils l’appellent sg. É, M. PL. I. ARTS ET MÉTIERS. re La partie inférieure de la figure 1." représente le levier vu par-dessus, et fait connoître la manière dont les moises sont assemblées. Pour broyer la graine de lin et pour la réduire en pâte, les Égyptiens se servent . d’une meule verticale, mue par un bœuf. Cette meule et ses accessoires sont représentés fig. 2 er 3. La figure 2 représente la machine vue en dessus. On voit la #arre dans laquelle on met da graine : le fond est élevé de o".50 [ 18 pouces environ ] au-dessus du sol ; ïl n’est pas de niveau; il forme un cône très-aplati, dont le sommet est au milieu de la #arre. Le bord de la marre est élevé de o".1$ [6 pouces environ], pour retenir la graine. Le fond est construit en ciment, et bien dressé. Au centre de la rarre, s'élève un arbre vertical tournant sur lui-même. II est tra- versé par un levier horizontal qui sert d’axe à une meule en pierre dure, d’un mètre environ de diamètre. Ces meules sont, en général, des portions de colonne en granit ou en grès; elles sont taillées en forme de tronc de cône, dont le plus petit diamètre est du côté du bord de la zarre, et cannelées. La meule peut tourner circulairement sur son axe; elle peut aussi avoir un mouvement de translation le long de son axe, mais seulement du côté de l'arbre vertical. Une rondelle fixe la retient de l’autre côté. A l'extrémité extérieure du levier, on attelle l’animal des- tiné à imprimer le mouvement. Un autre levier, de même longueur que le pre- mier, est attaché avec une corde, d’un côté, à l'arbre vertical, et de l'autre, à Ja tête de Fanimal : ce levier passe devant la meule. La forme conique que l’on donne à la meule augmente beaucoup le frottement de la jante sur l'aire; frotte- ment qui seroit déjà considérable, si la meule étoit cylindrique. Ce frottement donne à la meule un mouvement de translation indispensable au broyement par- fait de la graine. La figure 3 représente l’élévation de la machine. Il y a continuellement deux ouvriers employés au service de a meule: leur occupation est d’atteler et de dételer les bœufs, de les conduire , et de pañtre la meule, c'est-à-dire, de ramener ou repousser sans cesse la graine sur son passage. Les instrumens dont ils se servent pour cette opération, sont une pelle et un rateau, ou simplement une petite planche, qu'ils tiennent à la main. Les deux machines que nous venons de décrire ont été dessinées, au Kaiïre, par M. Conté. J'ai eu occasion d'en voir d’à-peu-près semblables à Syout, et je les aï dessinées. Elles diffèrent un peu de celles du Kaire. La meule verticale , destinée à broyer la graine, est passée dans un levier horizontal qui ne traverse pas l'arbre vertical, mais qui y est attaché seulement par une corde. La meule est au-delà de cet arbre, par rapport au bœuf, qui n'est attelé qu'à un seul levier. | Quant à la presse, elle est composée d’un moins grand nombre de pièces de bois à l'extrémité à laquelle le poids est attaché, ét le nombre de ces pièces augmente graduellement en approchant du point où l'effort du levier est le plus considé- rable. Ces pièces sont moisées de même, mais leur assemblage est mieux entendu. H y a dix fabriques d'huile à Syout; on la fait avec la graine de Jin /bizr kirrän], PLANCHES E et avec le selgam, espèce de navette; on en fait aussi avec le {ourroum | carthame] et la laitue /r4s ]. La presse, à Syout, coûte {oo réals de 90 parats. Quand elle est bien servie, elle peut exprimer l'huile de deux ardeb de kirrän ou de selgam. Le selyam donne plus d'huile que le lin; deux 4rdb de selgam fournissent deux #a/läs d'huile, et la même quantité de kärän ne fournit qu'une ba/lés et demie. Mais cette dernière est plus agréable à manger. L'huile de sésame /semsem], que l’on fait particulièrement au Kaire, ne se fa: brique pas de la même manière. La première opération que l'on fait subir à la graine de sésame /semsem |, est la torréfaction. Elle s'exécute dans un four construit exprès, et dont on voit les plan, coupe et élévation représentés fig. 7, 4, 9 «t ro. La figure 8 représente le plan du four; on met la graine dans la partie la plus vaste, et le feu dans l'autre partie. . La figure 9 représente une coupe de four prise sur l'axe de l'ouverture par 1a- quelle la chaleur passe du foyer dans le four. La figure 10 représente l'élévation du four; on voit, au milieu , l'ouverture par laquelle on introduit la graine, et à gauche, l'œil du four. La plus grande partie des parois du four approche de la forme circulaire ou parabolique , afin de mieux réfléchir la chaleur sur la graine. Tout le four est bâti en brique. On laisse la graine pendant six heures dans le four. On l'écrase ensuite entre deux meules horizontales. Le moulin qui sert à cette opération, est représenté ffg. 4, f et 6. La figure 4 représente ce moulin vu par-dessus. La meuleunférieure est fixe: la meule supérieure est mobile. On a indiqué, dans le dessin, les deux leviers qui, d’une part, sont fixés à la meule supérieure, et, de l'autre, à un joug auquel on attache l'animal destiné à produire le mouvement. On voit, au milieu, l'auger par lequel le grain se rend entre les deux meules: et” au milieu de lauger, Vaxe de la meule et l'anile, Autour des meules, est l'arche destinée à recevoir la farine à la sortie des meules : le fond de cette anche est incliné vers un conduit vertical par lequel la farine descend dans un vase placé exprès au-dessous pour la recevoir. : La figure $ représente la coupe du moulin. On voit la trémie par laquelle on introduit la graine, et le vase dans lequel elle tombe en sortant de l’anche. La figure 6 représente l'élévation du moulin. Après avoir torréfié et broyé la graine de sésame /semsem ], on la pile, avec les pieds, dans une cuve que l’on maintient à une température assez élevée, et on la réduit en pâte. L'expression se fait à travers un vase poreux. Le sésame vient de la basse Égypte. De toutes les graines dont on fait l'huile, il n'y a que celle de sésame que l’on torréfie. ED. DEVILLIERS. ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE L FIG. 11; 42, 13 FOURMAMMOULERS: La figure 11 est le plan d'un grand four à poulets, composé de vingt-huit fourneaux, que j'ai dessiné à Louqsor, village situé sur les ruines de Thèbes; la figure 12 est la coupe longitudinale sur la ligne A B du plan; la figure 13 est la coupe transversale sur la ligne C D, à une échelle quadruple. A l'entrée est une pièce longue, qui sert de vestibule. La disposition générale est la même que celle des fourneaux du Kaire; mais il y a, de plus, de petites portes par lesquelles toutes les chambres communiquent entre elles. | E. JomMARp. ARTS ET MÉTIERS. nd ee. PEL N CITE STT, ÉEG US RAR OUR A POULETS, Cr four, composé de vingt-quatre chambres et de vingt-quatre fourneaux, à été dessiné au Kaire par M. Conté, et c'est l’un des plus grands de cette ville. La figure. 1 est le plan du four pris à deux hauteurs : le bas représente les chambres inférieures; et le haut, les chambres supérieures ou fourneaux. L'échelle est double de l'échelle ordinaire des plans. La figure 2 représente une coupe transversale faite sur la ligne DE du plan. La figure 3 est une coupe longitudinale brisée, faite sur les deux lignes AB, B C. La première partie de la coupe fait voir l’intérieur de la galerie, les portes des chambres inférieures où l'on met les œufs, les portes des fourneaux qui sont au-dessus, enfin les niches qui se trouvent entre ces dernières; on voit en coupe les rigoles où les poussins viennent prendre la nourriture {voyez fig. 2), et les petits massifs circulaires placés entre les rigoles. La seconde partie de la coupe fait voir l’intérieur des chambres. I faut consulter le Mémoire de MM. Roziere et Rouyer sur les fours à pou- lets, pour connoître en détail la disposition des fourneaux et les opérations qui s'y pratiquent. FiG. 4, s, 6. FOUR À CHAUX. C’EST principalement auprès de B4b el-Nasr que la chaux se fabrique au Kaire. La pierre se tire de Gebel el-Gyouchy, derrière la citadelle : on choisit celle qui est d’un grain homogène et sans coquilles numismales, et on la casse en petits fragmens. Les fours sont chauffés de bouz ou de roseaux; on y entretient le feu pendant deux jours et une nuit: avec cinq cents bottes de bouz, on peut cuire une fournée de cent cinquante gantär de chaux (1). Le bouz se paye de sept à dix parats la botte; une charge d'âne en fait huit. Le qantär de chaux ordinaire ou de grr belädy, c'est-à-dire, chaux du pays, se vend trente-cinq à quarante parats ; la chaux du plus beau blanc, que l’on appelle gr soulräny , se vend à la couffe, et une couffe coûte vingt-cinq parats. Cette chaux fine est d’un grand usage dans l'intérieur des appartemens , et leur donne un blanc magnifique. I y a quatre fours à B46 el-Nasr, et deux fours dans d'autres quartiers du Kaire. La gravure faite d’après le dessin de M. Conté, ainsi que les figures suivantes, (1) Le qantàr équivaut à environ quarante-quatre kilogrammes ou quatre-vingt-huit livres poids de marc. FE MSOBE. I ARTS ET MÉTIERS. représente un four d'assez grande dimension. L'intérieur du four a deux mètres (1) de long sur un et un quart de large : sa forme est un parallélipipède arrondi sur une face: il est ouvert au sommet dans toute sa largeur. La figure 4 est le plan du fourneau. La figure 6 est l'élévation, qui présente, en bas, l’entrée du foyer, et une rampe douce à droite et à gauche, pour con- duire à l’enfoncement pratiqué sur le mur extérieur; il y à dans cet enfoncement une ouverture circulaire pour voir dans le fourneau , et pour retourner la pierre à chaux. La figure $ est la coupe totale du four, où l'on voit la rampe qui descend au foyer et l’une des deux rampes montantes. Les massifs de maçonnerie qui environnent le fourneau, renferment quelques distributions. « Ce genre de four est analogue à ceux de Lorraine et d'Alsace, appelés à grande flamme. On n'y établit pas des lits successifs de pierre et de combustible comme dans les fours coniques ou à perit feu ; mais la pierre se charge dans le | four au-dessus du bombement que l’on voit dans la coupe, et le combustible est introduit par le pied du four. A Foueh, dans le Delta, on fait calciner la chaux dans des fours de brique ayant la forme d’un cône renversé, peu évasé, avec une bouche en avant, c’est- à-dire, de la même forme que les fours à chaux ordinaires de la Flandre et de plusieurs autres provinces, forme qui est reconnue pour la plus avantageuse. Fic. 7, 8 FOUR A PLÂTRE. IL y a au Kaire plusieurs fours à plâtre, principalement près de Bäb el-Charyeh, dans le quartier nommé Gabbäseh, de gybs qui veut dire plärre. La pierre à plâtre vient de Bayad près de Beny-Soueyf, où elle s'exploite à ciel ouvert, et aussi d'Elouän en Arabie : un petit bateau chargé coûte deux piastres; un bâtiment de cent soixante ardeb de piérre à plâtre coûte, arrivé au Kaire, vingt-cinq sequins. La pierre d’Elouân est blanche, celle de Bayad est rougeñtre. La gravure représente un des fours que j'ai vus dans le quartier de Bäb el- Cha’ryeh. Le four est de forme circulaire et voûté en plein cintre : son diamètre est de quatre mètres environ; par conséquent, sa hauteur est de deux mètres. Il est composé de deux parties ou étages : le supérieur, où lon met la pierre à plâtre; l'autre, où se place le combustible. La figure 8 est une coupe sur la ligne AB du plan, lequel est pris à la hauteur de l'aire du four ; la bouche pour le tirage est du côté B. Il y a deux portes, pour introduire la pierre, et pour la retirer quand elle est cuite; on les tient fermées pendant Fopération. Au sommet du four, est une ouverture pour l'échappée de la fumée, large de quatre décimetres ou quinze pouces. Le plan et la forme du cendrier'sont d'une bonne disposition. Ces fours à plâtre différent tout-à-fait de ceux des environs de Paris, et sont mieux disposés pour l’économie du combustible. Les vapeurs du plâtre, que lon sait être malsaines, sont aussi beaucoup moins abondantes dans les fours (1) L’échelle de la figure 4 et celle de Ia figure 7 sont d’un centimètre pour mètre, et non telles qu’on les a gravées sur la planche. PLANCHE IL du Kaire et moins incommodes que dans les nôtres, É les premiers soient placés au milieu de da ville. On réduit Ja pierre en morceaux d’un décimètre | quatre à cinq pouces], et l’on dispose ces morceaux de manière à laisser dans le milieu un conduit vertical, qui traverse le tas dans toute sa hauteur; ce canal répond à l'ouverture supérieure. On allume et on entretient le feu avec des tiges de dourah et de roseaux. L’ou- vrier qui arrange la pierre dans le four, gagne cinquante médins par fournée; et ceux qui entretiennent le feu, trente médins. Le feu reste allumé trois heures; mais on ne retire la pierre qu'au bout d'un jour. Quand elle est cuite, au lieu de la faire battre à bras d'homme, comme on fait aux environs de Paris, on l’écrase dans un moulin, sous une meule en granit. Cette méthode est exempte des inconvéniens attachés à la nôtre, qui est vraiment barbare: et elle mériteroit d’être empruntée aux Égyptiens, autant pour l’éco- nomie du procédé, que pour la santé des ouvriers. Le moulin est mu par des bœufs, qui se relayent de quatre en quatre heures. I faut deux à trois jours pour moudre le plâtre d'une fournée. L’ardeb de plâtre pulvérisé, composé de six sacs, se vend cent trente-deux parats le plâtre d'Elouäân, et soixante parats celui de Bayad ou plâtre commun. Le premier prend le nom de gybs souläny : ce plâtre est très-fin et très-blanc; on s’en sert pour enduire les murailles, les coupoles, &c. II est si fin, qu'on peint habi- tuellement dessus, sans autre préparation, des fleurs , des fruits et divers dessins dans Île goût Arabe. Le moulin à plâtre du Kaire présente une disposition digne de remarque. On sait que le plâtre, s’il n'étoit que frappé et battu, ne se réduiroit pas en poudre; il faut pour cela qu'il soit broyé et trituré, comme il arrive pour le sel ammo- niac. Pour que la meule puisse écraser le plâtre, on lui a donné la forme d’un cône tronqué, dont la plus grande base est du côté de l'axe du moulin. Il en résulte que chaque point de la petite base à plus de chemin à parcourir dans le même temps, que le point correspondant de la grande ; ce qui ne peut se faire que par un mouvement de translation, qui est simultané avec le mouvement de rotation pour tous les points de la surface du cône. Cette surface, en tournant sur l'aire qui est aussi COnique, produit donc deux frottemens ; savoir, celui de la seconde espèce qui sert à piler le plâtre, et celui de la première qui fait que le plâtre est écrasé et broyé. (Voyez la planche XXI.) E. JomMARpD. ARTS ET MÉTIERS. TIG 9, ao, 11. FOUR A: POTERTES: LA figure 9 représente le plan d’un four du Kaire, de forme elliptique, et com- posé de deux étages. L'étage inférieur est du côté B. La figure 11 est l'élévation du four, prise du côté B du plan : en bas, est L porte du foyer; en dessus, est une ouverture pour voir dans le four. La figure 10 est 5 coupe prise sur da ligne AB du plan; elle montre la manière dont sont disposés les deux étages du four. C’est dans le supérieur que fon met les pièces à recuire : les poteries y sont entassées lune sur l'autre, jusqu'à cinq à six décimètres de hauteur. La terre dont on fait usage dans les ateliers du Kairé, se tire de Basatyn ét Deyr-el-tyn, villages placés au sud du Kaire, et qui doivent leur nom à l'espèce d'argile , appelée zyreh, qu'on vient y recueillir. Cette terre est principalement formée du limon du Nil; elle est mêlée d’un sable fin, que les vents de l’est y apportent de la vallée de FÉgarement, près de l'embouchure de laquelle est situé le village de Basatyn. Quand deux inondations ont séjourné sur la plaine, la terre est bonne à exploiter pour cet usage. Outre les bardaques ou vases réfrigérans, qui forment la plus grande partie des pièces qu'on fabrique, on fait, avec cette argile, suivant le degré de finesse, diverses pièces, telles que des jattes, des sou- coupes, des fourneaux de pipes, &c. On n'entre pas ici dans de plus grands dé- tails sur les poteries d'Égypte, parce qu’elles feront l’objet d’une description parti- culière. F1G. 12. TOUR DU POTIER. LA figure 12 représente le plan et l'élévation du tour du potier. Le procédé du tour incliné dont on se sert aujourd’hui, étoit aussi en usage parmi les anciens Égyptiens; ce-n’est pas la seule pratique simple et ingénieuse conservée de lanti- y P RTE | quité. L’axe du tour passe dans une pièce de bois perpendiculaire à sa direction, et paï conséquent oblique à l'horizon ; une autre pièce, dirigée dans le même sens, est jointe à la première par une traverse où est accoté louvrier : celui-ci fait tourner la roue avec le pied, sans se servir d’un bâton pour donner l’impülsion à la roue, pied, comme on le fait dans nos ateliers. L’inclinaison du tour a cet avantage, que le mouvement s’entretient facilement par le poids de la roue, qui tend sans cesse à la faire descendre. H y a des tours où l’ouvrier est assis, comme je l'ai vu à Edfoû, y r , 3 . r] dans la haute Egypte. On a représenté, dans la planche xxir, l'intérieur de l’ate- 8yP > lier du potier. FIG. 13, 14, 15, 16. FOUR A VERRERIE. LA figure 13 représente le plan d’un four à verrerie, de forme carrée. Ces fours s'appellent, en arabe, ma'mal gezäz : on les chauffe avec des roseaux. La PLANCHE II. La porte du foyer est en À; c’est par une espèce de rigole, indiquée au trait sur le plan, que la flamme arrive. La matière est en fusion tout autour de cette rigole. En dehors du four, sont trois murs à hauteur d'appui, devant lesquels sont assis les ouvriers. | La figure 14 est le four vu par-dessus, avec les contre-forts qui servent à sépa- rer les ouvriers. La figure 16 est l'élévation prise du côté A du plan : en bas, est la porte du foyer, ouverte dans le petit mur d'appui; au-dessus, deux des trous par lesquels les verriers prennent Îa matière au bout d’un tube, et la soufflent. On voit, plus haut encore , d’autres ouvertures, correspondantes à un étage supérieur , où l'on fait recuire les bouteilles , qui sont les principales pièces qu’on exécute dans ces ateliers. | La figure r $ est la coupe du four, prise sur la ligne AB du plan. On y voit le canal du foyer, et la rigole en coupe (1); au-dessus, est le four supérieur pour faire recuire les pièces. | Il y a au Kaire des fourneaux dont le plan est circulaire, et où la voñte occupe toute la hauteur du four. Voyez /a planche xxr11. On trouvera, dans l'ouvrage, des observations plus détaillées sur Part de la verrerie chez les Égyptiens. FiG. 17, 18, 19. FOUR A VERRERIE POUPEE ENSIER "A MNEMON'RAC. Ces figures représentent les détails du fourneau de verrerie employé dans les fabriques de sel ammoniac. La figure 17 donne le plan de ce fourneau. La ligne qui divise ce carré en deux parties inégale indique le mur qui sépare le foyer, qui est à la droite du spectateur, d'avec la cuvette, qui est à sa gauche. La figure 18 représente l'intérieur du même fourneau. On y remarque la coupe du mur dont on vient de parler, laquelle est marquée en blanc : elle est terminée en haut par un angle assez aigu (2). La figure 19 représente l'intérieur du fourneau. F1G. 20, 21, 22, 23. FOUR À SEL AMMONIAC. CES figures représentent le fourneau de sublimation pour le sel ammoniac. La figure 20 représente le fourneau chargé des ballons, vu en dessus. La figure 2 1 représente la coupe de ce même fourneau, prise sur la direction de la porte : on y remarque la disposition des arceaux qui supportent les ballons. La figure 22 présente l'élévation du fourneau chargé des ballons. (1) Le rebord de Ia rigole n’a pas été exprimé. la voûte intermédiaire, et par laquelle la flamme pénètre (2) Le foyer, dans la figure, ne descend pas assez bas. dans le four à recuire. On a omis aussi d'indiquer l'ouverture qui se trouve dans # He SOPE..' LT: 2 ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE IL La figure 23 représente la coupe d’un ballon rempli comme il convient, et prét à être mis sur le fourneau (1). Consultez, pour la vue générale de l'atelier , la planche xxiv, et la Descrip- tion de l'art de fabriquer le sel ammoniac. (1) On a mal-à-propos indiqué dans cette figure, pas outre-passer Le plan horizontal que Iés suies forment que le lut s’élève jusqu’à l'extrémité du col; il ne doit à leur surface. ARTS ET MÉTIERS. Sn ee P L'ANCH € NI FT, VUE ET DÉTAILS DE LA ROUE À JANTES CREUSES, ou MACHINE A ARROSER. Fic. 1. Vos de la roue à jantes creuses. Cette roue, mue par un bœuf ou un buffle, est en usage dans le Delta. Celle qui est ici représentée, a été dessinée . dans l’île de Farcheh, en face de Rosette. Cette machine nest propre à élever les eaux que de 2 mètres 70 centimètres environ [8% +] Elle est composée d’un arbre auquel on a conservé quelques branches pour servir de point d'appui au levier que le bœuf met en mouvement : cet arbre sert d’axe à une roue horizontale ayant un engrenage qui renvoie le mouvement d’équerre à une autre roue verticale. La roue à jantes creuses est adaptée au même axe que la précédente. Cet appareil est placé au-dessus d’un réservoir creusé avant linondation du Nil, et qui donne la facilité d'élever les eaux à mesure que le - fleuve s’est retiré. La roue à jantes creuses est disposée de manière à prendre l'eau dans le réservoir, au moyen des trous placés à la circonférence extérieure du cercle, par où elle s'introduit dans des coffres pratiqués dans l'épaisseur de la roue. L'eau, ainsi obligée de monter en suivant le mouvement de Ia roue, retombe ensuite, par la circonférence intérieure du cercle, dans les orifices par lesquels elle s'échappe; ensuite elle s'écoule dans un réservoir, et de là dans une rigole d’où on la distribue aux terres. | __ Les roues qui communiquent le mouvement sont assez grossièrement exécutées : mais il n’en est pas de même de celle à jantes creuses ; elle est faite avec soin et précision, d'un bois de neuf centimètres [37° +] d'épaisseur. À droite du dessin est une étable à découvert pour les bœufs. Dans le fond, lon voit un petit village, à côté duquel on aperçoit la voile latine d’une barque qui navigue sur le Nil. Fic. 2. Plan de la machine. Fic. 3. Coupe sur la ligne À B. Voyez fig. 2. Fic. 4. Coupe sur la ligne C D. id. Fic. s. Coupe sur la ligne E F. Z4:d. Fic. 6. Détail d'une partie de la jante creuse. CÉCILE. ES HPABOIENEIT. : 1) 10° À pi. tH aies à à emémisibo 0 " elaaerd à 4 ‘#80 sup shot 511$ sde ASINSE £ UC LISE Iq9T D bi 123 ip 52. $ CT # bb ra 03 20 à Poe 7 secs sb éos) 6° l 4D Sup, xE% 23] 19° vals £ LAC 329 24 100. £ ro |: upas sidi nb 3ùe 000 185 au {. ne gidis 339 * 36 ARS I. LE 3 ou id of sup 1stval ue fuqqs ‘banioq mer en AG Ita vor sl-sjowast Pr p : vases SHOT Er n6 VS oleroxioit SHOT SEU É sb : % : re DÉRSIIE HE So INT, 91e E: € Le : elospesl 4i sQ- L QE 4 abs jes vou AG: esun 4 So £ EE: lents suo1 ot onu £ ST: iov ; 26 2e Ésiegqs #9- Shasbooès sl 5 Miss sl aanob : ep ! 1 (M 8h doi non t #4 + 29801) esttial É auox sl rise res à svvol eq suont: sb dsyoir us: iov EYE : sb ss she :6b anxb tiubortaï®> sis bo sq | hrs ; el sb insu inèvius ds 193n0t 9h sbgildo jsnis ;ues* Miro sl 2aeb- 5 9 4 db. sieste pestois ls . « ; LS sfostx CAT ps él.oË ss Ldovigsbt s ny à ec uote ol sriyens : 1 seisst HG 2 ke. Lt L2SdLIKS ATHLE | moe TPE TL vriorre ol SA EÈ SE Mn LS ce ind " de “at y 3e niassb es “ttre | sua van : ap - sup LS N ERE IE miser. a ob a so À "4 sn st: SX, 4: oO sapil st 3 ES EL rail a. ' +108 de 4 ARTS ET MÉTIERS. PRRANOC IT ET ET. ROUE A POTS, ou MACHINE À ARROSER. Pour l'intelligence de cette planche, il est nécessaire de recourir à lexplication de la planche v. | La machine dont la planche 1v offre les plans, coupes, élévations et détails, existe dans un des jardins de Qäçim-bey, sur les bords du canal qui traverse le Kaire. La figure 1." représente le plan de la machine. Il est facile d'y reconnoître, 1. La traverse horizontale, encastrée dans les deux montans en maçonnerie; 2° La roue dentée horizontale, armée de quarante-neuf dents ; 3.° Le manége que parcourt l'animal moteur de la machine; Â.° La roue dentée verticale; | s.° L'arbre de la roue à tympan et de la roue dentée verticale; 6.° Le puisard; | 7.° La roue à tympan et l’auge en bois où se verse le produit de la machine; 8.° La rigole construite en pierre et en ciment, qui conduit les eaux dans le bassin ; 9. Le bassin. La figure 2 présente une coupe de la machine prise sur la ligne C D. N.: Les deux parois du puisard qui sont vues en profil à droite et à gauche, n'ont été indiquées que par des tailles horizontales ; ce qui n’est pas tout-à-fait aussi distinct que les tailles inclinées, dont on se sert ordinairement. Cette figure représente l’élévation de la face antérieure de la roue à tympan. On y a laissé voir à dessein les pots qui forment le chapelet, et dont on ne devroit apercevoir qu'une partie, puisqu'ils sont cachés par les pièces d'assemblage de la face antérieure de la roue à tympan. On a supposé aussi coupée l'auge en bois qui reçoit le produit de la machine, afin d’en laisser voir la profondeur. Cette figure présente en élévation une partie de la roue dentée verticale, et la roue dentée horizontale vue sur la tranche. La figure 3 représente l'élévation de la machine sur la ligne À B. On y voit par la tranche la roue dentée horizontale , le poteau vertical et lencastrement de ses deux tourillons inférieur et supérieur dans les taquets en bois. On y voit aussi de profil la roue dentée verticale et la roue à tympan, ainsi que toute Ia lon- gueur de l'arbre auquel elles sont adaptées. Les tourillons de cet arbre sont en fer. Sur la gauche, on voit le profil du mur cylindrique, qui isole le système de roue dentée, et à la partie supérieure duquel est établi le manége. La figure 4 présente la face postérieure de la roue à tympan. La figure $ donne le détail de la roue dentée verticale. DA IOLEOLS ËÉ, M. PL. IV. Er pr a 0% CU D Er 0 EN, Un Ne ù ++ 1) dt | “ « } 2 Rai PET “ Mu, CS AM 4 | La AA £e os F: * LES : Fe TE ro -s dr FE 4 ul RER à Lt Hi A HG te #5 ab Fo LATE ARTS ET MÉTIERS. PR D De PLANCHE VF, ROUE A POTS, ou MACHINE A ARROSER. Cerre planche représente la vue de lune des machines dont on fait le plus fréquemment usage en Égypte pour les arrosemens artificiels. On la retrouve em- ployée dans les jardins et tout le long des rives du Nil, depuis embouchure du fleuve jusqu'à la première cataracte. Quélquefois cette machine, que les gens du pays nomment douläb (1), est remplacée, sur les branches de Rosette et de Damiette, par une roue à godets appelée en arabe z’ge/ (2), que l'on décrira ailleurs (3), et qui remplit le même objet que celle dont nous avons à parler. La machine dont il est ici question, et qui à été dessinée par M. Conté, est celle que l’on voit au Kaire dans les jardins de Qäcim-bey, que le Général en chef avoit mis à la dis- position des membres de l'Institut et de la Commission des sciences et arts. Ce n'est autre chose qu'un chapelet vertical, qui tourne autour d’une roue à tympan. Cette roue est fixée verticalement sur un arbre horizontal, auquel est adaptée une roue dentée verticale d'environ quatre-vingt-dix-sept centimètres (4) de rayon, armée de vingt-quatre dents. Cette roue est mise en mouvement par une autre roue dentée, horizontale, qui a deux mètres quatre-vingt-douze céntimètres (s) de diamètre et qui est armée de quarante dents. La roue horizontale est adaptée à un poteau vertical, dont les tourillons inférieur et supérieur tournent dans des crapaudines pratiquées dans des taquets en bois : le taquet inférieur est encastré dans la maçonnerie; le taquet supérieur est fixé à une grande traverse horizontale en bois, qui est elle-même encastrée dans deux montans construits en maçon- nerie. Cette traverse maintient tout le système dans une position fixe. Un levier horizontal ou timon traverse le poteau par le centre, et sert à atteler l'animal qui imprime le mouvement à toute la machine. C’est ordinairement un bœuf: il a les yeux bandés ; il est fixé au timon par les cornes avec des cordes de feuilles de palmier. Quelquefois on emploie des chevaux et des ânes. Le système de roue dentée est isolé par une construction en maçonnerie, qui s'élève tout autour à quatre-vingt-dix-sept centimètres (6) au-dessus du sol; et c’est au niveau supérieur de ce mur qu'est établi le manége. Le chapelet est composé de pots de terre fabriqués exprès : ils sont attachés sur une échelle de corde dont les échelons sont quelquefois en bois, comme dans la machine que nous décrivons, mais le plus souvent en cordes. Les pots se vident dans une auge en bois, placée dans l’espace parcouru par la roue à tympan. Les clefs qui réunissent les deux faces de la roue à tympan, sont ici disposées cylindriquement : mais il y a de ces sortes de machines où elles sont disposées coniquement, probablement pour renvoyer le chapelet en dehors et (1) esYs. (3) Voyez l'explication de la planche 111. (s) Neuf pieds, (2) JS. (4) Trois pieds. (6) Trois pieds. HRDIU EI V. ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE V. faire mieux vider les pots. L'auge communique à une petite rigole qui conduit les eaux dans un bassin, d’où on les fait écouler pour les distribuer ensuite dans tous les terrains qu’elles sont destinées à arroser. L'eau est tirée d’un puisard cons- truit en maçonnerie, qui est assez profond pour que dans toutes les saisons il puisse être rempli par les eaux du fleuve, qui y arrivent par infiltration. Le pui- sard est ici assez grand pour qu'on ait pu y établir deux machines telles que celles que nous venons de décrire, et dont une seulement est entièrement. exprimée dans la planche v. | La machine que représente la planche v, eu égard à l'état des arts en Égypte, est construite avec une sorte de recherche et de som que l’on ne pouvoit re- trouver que dans la capitale de l'Égypte et dans les jardins d’un bey. Toutes les pièces de boïs sont bien équarries, les faces de la roue à tympan bien dressées. Les extrémités. de l'arbre horizontal et du poteau vertical sont revêtues d’arma- tures en fer; les tourillons sont eux-mêmes de fer : les rigoles et les bassins sont construits en maçonnerie, revêtus en bon ciment. Mais, par-tout aïlleurs qu'au Kaire, ces machines sont construites avec beaucoup plus d'économie et moins de recherche, on peut même dire, avec une sorte de négligence qui force bientôt à les renouveler. Le timon ne passe point par le centre du poteau vertical ; il est seulement attaché avec des cordes à la partie extérieure de ce poteau. La traverse horizontale est tout simplement un gros tronc de palmier non équarri, fixé sur les deux montans construits en maçonnerie, par de grosses pierres attachées avec des cordes de palmier. Les rigoles sont formées par de petites parois en terre, qu'on élève au-dessus du terrain naturel. Dans ces sortes de machines, sur-tout celles qui sont construites assez grossièrement, la force motrice a une grande résistance à vaincre de la part du frottement; ce qui est assez annoncé par le bruit qu'elles font entendre au loin, lorsqu'elles sont mises en mouvement. Plusieurs circonstances peuvent influer sur le produit plus ou moins considé- rable de la machine, qui dépend plus spécialement de la force motrice; car on peut augmenter le produit en rapprochant davantage les pots les uns des autres. Quand la machine est en mouvement, il est nécessaire qu'un homme soit là constamment, pour que l'animal ne s'arrête point, et pour Îe remplacer lorsqu'il a sufhisamment ‘travaillé. Il faut aussi remettre des pots à la place de ceux qui peuvent se casser. On sent qu'il est difhcile d’assigner en général le produit de ces machines, qui est variäble pour chacune d'elles en particulier; ce n’est que par des expériences faites exprès, qu'on pourroit y parvenir. Une machine de ce genre mue par un bœuf, et dont le chapelet étoit formé de cinquante-six pots, a élevé, en une minute, d’une hauteur de dix mètres et trente-neuf centimètres (1), soixante-sept mille six cent deux centimètres cubes (2) d'eau; ce qui fait soixante- sept litres et six décilitres (3). M. Faye, ingénieur des ponts et chaussées, à fait à Alexandrie, sur ces sortes de machines, des expériences dont il publiera les résultats par la suite. PET OLroNnS (1) Trente-deux pieds. (2) Trois mille quatre cent huit pouces cubes. (3) Soixante-onze pintes, ARTS ET MÉTIERS. D A D D. PLANCHE VI. VUES ET DÉTAILS DE DEUX MACHINES À ARROSER, APPELÉES CHAÂDOUF ET MENTAL. Fic. 1. Vug de l'atelier d'irrigation par le moyen du châdouf. Ces ateliers, établis pour fournir l'eau aux rigoles d'irrigation ‘lorsque le Nil décroît, sont placés sur les bords du fleuve, et multipliés à différentes hauteurs, suivant l'abaissement des eaux. | x | L'atelier ici représenté consiste en quatre.plates-formes placées les unes. au- dessus des autres, sur chacune desquelles se trouvent des réservoirs où l'eau est ‘successivement élevée pour passer du dernier dans les canaux d'irrigation. On voit, au-dessus. de chaque plate-forme, des supports en terre, semblables à : des piliers, destinés à porter une pièce de bois transversale, à laquelle sont atia- chés les leviers et contre-poïds par le moyen desquels l’eau est élevée. Ces piliers sont au nombre de trois sur les deux premières plates-formes, et de deux sur-les autres. | Sur ces plates-formes sont pratiquées autant de rigoles qu'il y a d'hommes en action. C'est là que l'eau est versée pour se rendre dans les réservoirs où abou- tissent les rigoles. Un peu au-dessous, sur une banquette faite à cet effet, sont placés les hommes qui puisent l'eau et qui l’élèvent à la hauteur de leurs plates- formes respectives. | | L'eau est puisée, soit dans le fleuve, soit dans chaque réservoir, au moyen d'une couffe à anse, espèce de seau fait en feuilles de palmier, recouvert en cuir noir : l'anse de cette coufle est soutenue par une corde attachée au bout de la perche qui sert de levier. Les Îeviers sont eux-mêmes attachés, au quart de leur longueur, et par le gros bout, à la pièce de bois transversale que nous avons indiquée, et qui est posée sur les supports en terre. À fextrémité de la perche opposée à la corde qui supporte le seau, sont placées des rondelles en terre cuite au soleil, formant contre-poids, et servant à équilibrer l'eau contenue dans le seau. Les deux premières plates-formes, semblables entre elles, exigent le service de quatre hommes. Elles ont chacune quatre rigoles pour la conduite de l'eau dans leurs réservoirs. L'eau est élevée de deux mètres sur chacune d'elles. Les deux plates-formes supérieures diffèrent des autres en ce qu’elles n'emploient que deux hommes, qu'elles n'ont que deux rigoles et un seul réservoir, et que l’eau n'est élevée sur chacune d'elles que d’un mètre. Cet atelier, ainsi disposé, est servi par douze hommes. Ceux qui sont placés Ë. Me SPL. VI. I 2 ‘ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE VL sur la première plate-forme au bord du fleuve, y puisent l'eau, laquelle, portée dans le réservoir au moyen des rigoles, y est puisée à son tour par les quatre hommes placés sur la seconde plate-forme, d’où elle est élevée sur la troisième, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'elle soit parvenue à la hauteur des canaux d’irri- gatiOn. Ce 0 d'élever fon fort simple en lui-même, est commode dans un pays où l'on emploie beaucoup d'hommes pour un At salaire. Il est combiné de manière à répartir le travail assez également entre eux, et à exiger de chacun la même activité. Ce travail est accompagné et comme réglé par le chant qui marque la mesure. Sur le haut de la rive, à la gauche du tableau, se tient le chef de l'atelier. On voit sur le premier plan une barque remontant le Nil à laide d'une voile latine. Le patron de la barque est représenté assis et fumant sur l'avant. Fic. 2. Plan de l'atelier du chädouf. ‘ Fic. 3. Coupe de l'atelier du châdouf sur la Jongueur. Fic. 4. On a représenté dans ce dessin une autre manière assez usitée en Égypte d'élever l’eau jusqu'aux rigoles d'irrigation, lorsque le niveau du Nil ne se trouve quà un demi-mètre environ au-dessous de ces rigoles. Cette 1 manière d'arroser s'appelle zrentl. € On pratique sur la rive du fleuve une petite tranchée formant une espèce de réservoir. Deux hommes nus se placent en face l’un de l’autre sur les deux bords de cette tranchée. Ils sont à demi assis sur des buttes en terre, pratiquées à cet effet. Ils tiennent de chaque main une corde; aux extrémités de ces quatre cordes est attachée une couffe ou seau fait en feuilles de palmier et recouvert d'un cuir noir : ils lancent le seau dans le fleuve, où il s’emplit; puis, se jetant chacun en arrière, ils l’élèvent jusqu'à la hauteur de la rigole et y versent l’eau. La tête de cette rigole est garnie de nattes pour contenir la terre, que la chute de l’eau finiroit par délayer. Céc LE: ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE VIL. VUE, PLANS ET COUPES DU MOULIN A SUCRE. Fic. 1. Vue perspective d’un moulin pour pressurer la canne à sucre, mis en mouvement par un bœuf. , Ce moulin a été dessiné à el-Bayädyeh, village Chrétien au-dessus de Minyeh, dans l'Égypte moyenne. | Au-dessus d’une fosse circulaire de 70 centimètres environ de profondeur, est placé un beffroi, qui porte deux cylindres avec leurs axes, posés horizontalement lun sur l'autre : deux roues d’engrenage verticales sont adaptées à ces cylindres: elles sont d’un diamètre différent, parce que l’une est fixée au cylindre du bas et l'autre à celui de dessus. Ces deux roues sont disposées de manière à engrener avec une roue dont l'axe est un arbre vertical auquel on a conservé une branche pour servir de point d'appui au levier auquel le bœuf est attelé. | Dans la fosse au-dessous des cylindres est une grande jarre en terre dans laquelle tombe le jus de la canne à sucre. Un homme debout dans la fosse prend les cannes deux par deux sur un tas placé à sa droite, et les fait passer entre les cylindres : un autre homme puise dans la jarre le jus de la canne, et l'emporte dans un vase fait en forme de sébile; ïl le verse dans de petites gouttières par lesquelles ce jus coule dans des réservoirs placés dans une pièce voisine. Ce moulin, quelqu'imparfait qu'il soit, et quelque grossière que soit son exécution, est cependant une preuve de l'intelligence des Égyptiens. Malgré leur ignorance des principes de la mécanique, et de l'art de calculer les effets des machines, ils ont néanmoins senti qu'étant obligés d’avoir deux roues d’un dia- mètre différent, et par conséquent d’une vitesse différente, ils devoient donner également à leurs cylindres un diamètre différent : on voit, en effet, que celui qui est attaché à la grande roue, est plus gros que l'autre. | Frc. 2. Plan général de la sucrerie. À, B, deux pièces ayant chacune un moulin à sucre. À est le plan de la partie basse du moulin où se trouve la jarre qui reçoit le jus de la canne à sucre; B est le plan au-dessus, avec les rouages d'engrenage. a. Pièce où le jus de la canne est réduit en sirop. b, b. Gouttières où l’on verse le jus de la canne, et par lesquelles il coule dans les vases que contient la pièce voisine. C; C. Jarres en terre cuite, servant de réservoirs, et placées sous les gouttières pour recevoir le jus de la canne, qu'on porte ensuite dans la chaudière. | ÉNs BL, VEL L 2 ARTS ET MÉTIERS. PLANGHE VII €. Chaudière pour la fabrication du sirop. d, d. Formes ou moules pour les pains de sucre. Fic. 3. Coupe de la pièce à (fig. 2) où se fait le raffinage, prise sur la ligne C D. a. Chaudière. Fic. 4. Plan détaillé du moulin à sucre sur une échelle double. a. Fosse où se place l’homme qui fait passer la canne entre les cylindres. Fic. $. Coupe du moulin à sucre sur la ligne A B, Jig. 4, et sur la même échelle. | Le moulin est composé de deux cylindres horizontaux à b, d’un diamètre différent, ayant chacun une roue verticale à son extrémité : ces deux roues engrènent dans une roue horizontale adaptée à un corps d'arbre où est fixé le levier du moteur. Le diamètre de chacun des deux cylindres est proportionnel au nombre de dents dont est garnie la roue verticale concentrique à ce cylindre, de manière qu'en supposant les dents également espacées sur les deux roues, leur vitesse de rotation soit en raison inverse de leurs diamètres. C. Jarre recevant le Jus de la canne à sucre. d. Fosse où se place l’ouvrier qui fait passer la canne sous les cylindres. CÉCILE. ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE VIII, F1G. 1. LA CHARRUE. Cerre vue a pour objet de faire connoître la charrue dont les Égyptiens mo- dernes se servent pour labourer leurs champs. Le fond du paysage représente une partie de {a ville du Kaire , dont on aperçoit quelques minarets , des sycomores et des palmiers. Les gerçures qui sont sur îe premier plan, résultent de l'effet de la grande chaleur sur la terre argileuse de l'Égypte. La charrue, nommée en arabe weharrar (1), consiste en deux pièces de bois réu- nies à l'une de leurs extrémités, sous un angle dont on augmente ou diminue à volonté louverture, au moyen d’une cheville qui est fixée à la pièce inférieure et qui passe dans un trou pratiqué dans la pièce supérieure. Cette cheville est percée de plusieurs trous, dans lesquels on passe une clavette qui rend invariable Fou- verture de l'angle. La pièce la plus longue sert de timon. À son extrémité, est une pièce transversale ou joug auquel les bœufs sont attelés. Le joug est posé sur le cou des animaux, et y est retenu par des cordes de palmier. À la pièce inférieure sont assemblés, à tenons et mortaises, deux montans en bois, qui donnent au laboureur la facilité de diriger la charrue, et d’enfoncer dans la terre le soc en fer dont elle est armée. Ce soc est ici très-pointu; il n’en est pas de même dans tous les endroits de l'Égypte. À Rosette, où j'ai observé la charrue dont on fait usage, j'ai constaté que ce soc est fait en forme de bêche. Comme j'ai recueilli les dessins de cette dernière charrue (2), je vais en donner les dimensions , et indiquer les petites différences qu'elle offre avec celle que nous venons de décrire. La pièce de bois inférieure a quatre-vingt-un centimètres de long (23); elle est revêtue d'une plaque de fer en forme de bêche. Aux deux côtés sont deux planches épaisses, qui s'élèvent verticalement jusqu'à la hauteur d'un mètre et cinq centimètres (4), et qui y sont fixées par encastrement, au moyen de deux chevilles en bois. Ces planches ont treize centimètres (5) de large et vingt-sept millimètres (6) d'épaisseur. Tout ce système est fixé à l’extrémité du timon, au moyen d'un collier de fer retenu par une cheville de fer qui traverse le timon. La cheville qui lie le timon à la pièce inférieure, et qui donne la facilité d'aug- menter ou de diminuer l'ouverture de l'angle que font les deux pièces, est de fer, et elle est percée de plusieurs trous dans lesquels on passe une clavette. Le timon a deux mètres quatre-vingt-quatre centimètres (7) de longueur; le joug a un mètre sept décimètres (8) de long. () ce. | (s) Cinq pouces. (2) Voyez la planche 1v. (6) Un pouce. (3) Deux pieds et demi. (7) Huit pieds neuf pouces. (4) Trois pieds trois pouces. \ (8) Cinq pieds trois pouces. CAPI. VIII, ARTS ET MÉTIERS. La charrue des anciens Égyptiens présente le même degré de simplicité que celle que nous venons de décrire et qui a été dessinée par M. Conté; elle paroît même, à certains égards, d’un emploi plus simple et plus commode. (Voyez le Mémoire sur les grottes d’Elerhyia, par M. Costaz.) F1G 2. MACHINE A BATTRE LES GRAINS. CETTE figure représente la machine à battre les grains, appelée noreg (1) en arabe. On la voit ici en action. Sur le premier plan, sont des gerbes de grain encore liées; d’autres sont étendues sur l'aire où la machine est mise en mouve- ment, Le fond du paysage est un village d'Égypte environné de sycomores et de palmiers. . | La machine consiste en un châssis horizontal (2), à-peu-près carré, formé de deux pièces de bois d’un mètre soixante-treize centimètres (3) de long, .et de dix-sept centimètres et demi (4) d'épaisseur, réunies par deux traverses horizontales qui y sont assemblées à tenons et à mortaises. Trois essieux en bois, dont les axes sont distans entre eux de trente-deux centimètres {s), sont posés en travers de ce châssis, et assemblés dans les deux pièces les plus longues du chariot. Les deux essieux extrêmes sont armés de quatre roues de fer de trente-sept centimètres et demi (6) de diamètre, et de neuf à dix millimètres (7) d'épaisseur : l’essieu du milieu n’en a que trois. Tout le chässis est mobile sur les roues de fer, dont la disposition est telle, que celles fixées sur le même essieu correspondent au milieu de l’espace compris entre les roues fixées sur l’essieu suivant. Ce châssis est surmonté d’un siége en menuiserie, où se place le conducteur des bœufs qui font mouvoir cette sorte de chaise roulante. Un anneau en fer, fixé dans la traverse antérieure du chassis, sert à attacher, au moyen d’une corde, un timon, à l'extrémité duquel est une barre transversale ou joug qui est posé sur le cou des bœufs, et qui y est retenu par des cordes de feuilles de palmier. Quand on veut faire usage de cette machine, on étend sur une aire bien dressée, des gerbes de grain qu'on a déliées. Le conducteur de la machine la fait promener circulairement autant de temps qu'il est nécessaire pour que le grain ait pu être détaché. Un homme est occupé à repousser avec une fourche sous la machine les pailles et grains qu’elle écarte. Quelquefois le conducteur fait pro- mener la machine en tout sens sur l'aire couverte de paille. Cette opération ter- minée, on sépare avec des fourches le grain de la paille hachée et lon achève de le nettoyer en le projetant en l'air. Le vent emporte les parties les plus légères et laisse le grain. Quelquefois cette opération du vannage se fait en transportant le grain sur les terrasses des maisons. Cette machine s'emploie pour toute sorte de grains ; mais le riz, après cette (1) td (4) Six pouces six lignes. (2) Voyez les dessins géométraux de [a machine, (s) Un pied. planche IX. (6) Quatorze pouces. (3) Cinq pieds quatre pouces. (7) Quatre ou cinq lignes. Ÿ PLACE" iux employés à l'agriculture. € MD MIO LOorTSn IX Ai N tt «à SO MER ARTS ET MÉTIERS. ST TS PT, PEPANCEHE IX, 1. CHARRUE. — 2, 3. MACHINE A BATTRE LES GRAINS. —ÿ.. .7. MACHINE A BLANCHIR LE RIZ.—8, 9, ro. MOULIN A FARINE. | , Fic. 1. Erévarion géométrale de la charrue. La charrue dont on fait usage à Rosette, est représentée ici en élévation. Elle ne diffère que très-peu de celle que l’on emploie au Kaire et dans d’autres parties de l'Égypte. On trouvera, dans l'explication de la planche vrr1 des Arts et Métiers, tous les détails que nous avons recueillis en Egypte sur cet instrument aratoire si utile. | F1G. 2. Plan de la machine à battre le graïn. Cette figure offre le plan coté de.la machine à battre le grain. Nous avons . déjà décrit fort au long cette machine dans l’explication de la planche vrrI des Arts et Métiers : tout autre détail seroit superflu, et n’ajouteroit rien à ce qu'apprend l'inspection du dessin lui-même. Fic. 3. Élévation de la machine à battre le grain. On a représenté dans cette figure l'élévation latérale de la machine à battre le grain. On y distingue les roues de fer sur lesquelles roule toute la machine, et le siége en menuiserie où s’assied celui qui la conduit. Voyez, pour de plus amples détaïls, l'explication de la figure 2 de la planche VIII. Fic. 4 Plan d’une partie d’un bâtiment renfermant une machine à blanchir le riz. | a. Pièces destinées à être habitées. b. Manége. c. Pièce où l’on soumet le riz à la percussion de la machine. Fic. $. Plan de la machine à blanchir Îe riz. Avant d'entrer dans le détail de toutes les parties de cette machine, nous allons en donner une description succincte. Lorsque le riz sort des mains du cultivateur, il n’est encore que séparé de Îa paille, opération qui se fait au moyen du soreg représenté fig. 2 et 3. Les mar- chands achètent le riz le plus ordinairement à l'état d'orge, et le font blanchir à leurs frais, au moyen de la machine dont ïl est ici question. Cette machine consiste en des pilons cylindriques de fer creux, de trois décimetres EU NPIEOUX. I 2 ARTS ET MÉTIERS. de hauteur et d’un décimètre de diamètre, fixés à l'extrémité de leviers mobiles dans un plan vertical. Le mouvement des leviers se fait autour d'un axe de fer situé à peu près au tiers de leur longueur totale, et qui repose sur des appuis solides en maçonnerie. Il est imprimé par des mentonnets distribués sur un arbre horizontal et exerçant une pression à l'extrémité du plus petit bras des leviers. A. l'arbre horizontal est adaptée une roue dentée verticale, dont les dents sont en- grenées par celles d’une roue dentée horizontale, d’un diamètre beaucoup plus grand. L'arbre vertical de cette dernière roue est traversé par des barres de bois horizontales, où l’on attelle les bœufs ou les chevaux. Le riz est placé sous les pilons dans des espèces de mortiers pratiqués dans le sol, espacés entre eux de quarante centimètres, et dont l'ouverture supérieure a cinquante centimètres en- viron. Au-dévant de ces trous sont des escabeaux où s’assiéd un ouvrier dont l’occu- pation continuelle est de reporter avec les mains, sous les pilons, le riz qui tend à s’en échapper à chaque percussion, Les trous ou espèces de mortiers, ainsi que les escabeaux, sont espacés de manière que l’ouvrier soit placé convenablement pour exécuter cette opération dans deux trous à-la-fois. La machine que nous venons de décrire, peut être composée d’un plus ou moins grand nombre de pilons. Dans son Mémoire sur l'aménagement et le pro- duit des terres de la province de Damiette, M. Girard fait mention d’un moulin à deux pilons et des résultats que l'on en obtient. Le moulin dont nous nous occupons, a quatre pilons, et nous l'avons vu en activité à Rosette. On conçoit que, selon la quantité des pilons, la force motrice doit être plus où moins considérable. . Leviers à l'extrémité desquels sont fixés les pilons. c. Mentonnets exerçant la pression à l'extrémité du petit bras des leviers. d. Murs sur lesquels reposent les axes des leviers. €. Arbre horizontal traversé par les mentonnets, et à l'extrémité duquel est une roue dentée verticale. f, Roue dentée verticale. . Roue dentée horizontale. Les dents traversent l'épaisseur de la roue et sont arrêtées par des clavettes. h. Arbre vertical de la grande roue : dentée.* 1. Traverses en bois où sont attelés les chevaux ou bœufs qui impriment le mouvement à la machine. k. Trous ou mortiers destinés à recevoir le riz en-orge que l'on soumet à la percussion de la machine. 1. Escabeaux où s'assied l’ouvrier chargé de reporter avec les maïns dans les trous le riz que la percussion en écarte. Fi. 6. Élévation latérale de la machine à blanchir le riz. b. Pilons cylindriques de fer creux. Toutes les lettres de cette figure sont les mêmes que celles de la fewre PT et indiquent les mêmes parties de la machine. PLANCHE IX. | 3 Fic. 7. Élévation longitudinale de la machine à blanchir le riz. Toutes les lettres que l'on remarque sur les différentes parties de la machine, sont les mêmes que dans les deux figures précédentes, où nous venons d’en donner l'explication. Fic. 8. Plan du moulin à farine. Le moulin à farine tel que nous l'avons trouvé en Égypte, et qu’il est ici repré- senté, a probablement été importé d'Europe : il est de la plus grande simplicité. Un cheval attelé à une pièce de bois courbe, grossièrement travaïllée, imprime le mouvement à toute la machine. Le mécanisme consiste dans une roue hori- zontale qui engrène une lanterne. Les deux meules sont traversées par l'axe de la lanterne. La meule supérieure, plus petite que la meule inférieure, participe au mouvement de rotation donné par la force motrice : toutes deux sont posées | sur un plan incliné, afin que la farine en sortant ne puisse s'échapper que par un goulet pratiqué dans la meule inférieure, pour tomber dans la couffe destinée à la recevoir. D'ailleurs, les joints des deux meules sont recouverts par une corde qui empêche la farine de s'échapper par tout autre endroit que celui que nous venons d'indiquer. La caisse en bois placée au-dessus des meules est une trémie qui contient le blé et le laisse échapper entre les deux meules. Le moulin à farine représenté dans les figures 4, 9 et 10, par un plan, une élévation et une coupe géométrales, a fait le sujet d’une courte notice dans l'explication de la plznche du meunier ( Arts et Métiers, p/. x). On peut la con- sulter ci-après. a. Meules. Bb. Trémie. c. Couffe destinée à recevoir la farine. d. Couffes portatives pour le transport du grain et de la farine. f. Lanterne. Fic. 9. Elévation du moulin à farine. Les lettres qui se trouvent sur cette fjeure, sont les mêmes que celles de la figure # , à laquelle il faut recourir r pour en avoir l'explication. Fic. 10. Coupe du moulin à farine. Cette coupe offre le détail du mécanisme du moulin à farine. Voyez ci-dessus l'explication des figures & et 9. PO RDOrS ARTS ET MÉTIERS. D D D à. PAMAN CHE TX, F1G. 1. LE MEUNIER. L:s Égyptiens n’ont ni moulins à eau ni moulins à vent pour préparer Ja farine de leurs blés. Ceux dont ils se servent sont rarement banaux; chaque particulier un peu aisé a le sien, placé dans son cellier. Il est mu par un cheval ou par un âne, ou même par un homme. Ce moulin est, comme on le voit dans la gravure, de la plus grande simpli- cité : un cheval attelé fort mesquinement à une branche d'arbre qu'on a choisie courbe, maïs qu'on ne s'est pas amusé à équarrir, le fait aller en parcourant, à pas précipités, une ligne circulaire autour de deux meules en pierre de lave placées lune sur l’autre, et dont la supérieure, plus petite, est mobile comme dans tous les moulins d'Europe. La caisse en boïs, placée au-dessus des meules, est une trémie qui contient le bié et le laïsse couler entre les deux meules, pour y être écrasé; une couffe, espèce de panier faite de feuilles de palmier, placée au-dessous, Lee la farine : on en aperçoit deux autres dans lesquelles se trouve ou du blé qu'on va moudre, ou de la farine qu'on doit emporter. | Un domestique debout, et tenant un fouet à la main, fait marcher le cheval à son gré et dirige toute l'opération. Fic. 2. LE BOULANGER. IL existe en Égypte beaucoup de fours banaux où chacun va faire cuire son pain ordinairement deux fois par jour, et un instant avant les repas. Ce pain, dans la composition duquel entre pour levain un morceau de pâte du dernier fabriqué, ressemble à une galette; il n’a guère que l'épaisseur du pouce et la grandeur du fond d’une assiette. Il est cuit en moins de cinq minutes dans les fours banaux d'une grande capacité, dont la moitié est occupée par des matières combustibles qui y entretiennent la chaleur convenable. Ces fours sont ordinairement placés dans des boutiques, ainsi qu'on le voit dans la gravure. Le maître du four y introduit et y arrange les pains à mesure que les gens les lui apportent, et les leur rend tout cuits; une femme et un enfant sont [à pour l'aider dans ses fonctions. Ces pains, quoique souvent peu levés et peu cuits, et par conséquent un peu indigestes, ont cependant assez bon goût, grâce à l'excellence du froment qui a fourni la farine dont ils sont composés. C’est dans ces mêmes fours à pain qu'on fait torréfier le blé de Turquie. ÉMNPI. X, £, ARTS ET MÉTIERS. Fic. 3. LE PÂTISSIER Le) Les bonbons qui font les délices des Égyptiens, ne sont guère que des espèces de pains d'épice qui se font avec de la mélasse et de la farine de millet, de pois chiches, &c. &c. Ils portent différens noms, selon les ingrédiens qui les composent et la saveur qu'on leur donne. Kz4k est le nom générique : on appelle semsis celui qui est cou- vert de graïnes de sésame ; hammousis, celui dans lequel entre la farine de pois chiches; Jwz, celui qui est fait avec des amandes, &c.. On voit, dans l'atelier où on les fabrique, une bassine dans laquelle le bon- bonnier à fait le mélange des matières à l'aide d’une spatule, et une autre bassine qui est sur le fourneau, et dans laquelle il a fait cuire ce mélange au point con- venable: il est occupé, avec son aide, à malaxer, à détirer la pâte, que sa femme découpe ensuite avec des ciseaux sur un carré de bois à rebord; près d'elle est un vase debout, dans lequel elle prend de la farine pour en saupoudrer les mor- ceaux de cette pâte, afin de les empêcher d’adhérer entre eux. À côté sont les ballas ou pots dans lesquels sont la provision de la mélasse et le vase renversé qui a servi de mesure pour la quantité de farine employée. Fic. 4. LE CONFISEUR ou LE FABRICANT DE PÂTES SUCRÉES. CET art a moins de rapport avec celui de notre vermicellier qu'avec ceux des faiseurs de pains azymes, d'oublies ou de gaufres, excepté que, pour produire des résultats à peu près semblables aux leurs, le vermicellier Égyptien ne se sert pas de ces deux plaques de fer polies intérieurement, et qu’à l'aide de deux longs manches, on rapproche quand on a étendu sur lune la matière à mouler et à cuire, et quon éloïgne quand on veut'retirer cette même matière, après la cuisson. Un es -d'œil jeté sur la gravure va faire connoître la manière différente qu'emploie l'artiste Égyptien. Sur le devant de sa boutique et à sa droïte, est un fourneau cylindrique très- vaste, portant à sa partie supérieure un large plateau de cuivre de même diamètre qu'elle. Le maître vermicellier tient dans ses mains un vase dont le fond est percé de trous, comme l'est la pomme d’un arrosoir; il est rempli d'un HÉQNEe liquide composé de farine de blé de Turquie ou de millet, d'œufs et d’eau : à l'aide d’un mouvement circulaire que fait la main qui porte le vase, la matière qui filtre par les trous, s'étend sur toute la surface du plateau chauffé, et sy cuit en très- peu de temps; elle se détache d'elle-même, et d'autant plus facilement que l'artiste a eu la précaution de graisser légèrement le plateau avec du beurre. Un aide supporte un bassin contenant la matière qui doit remplacer dans la passoire .celle qui s'est écoulée. Un enfant assis dans la rue et près du foyer du fourneau, y entretient le feu PLANCHE "XI 3 avec des tiges de grand millet, espèce de combustible qu'on transporte de la haute Égypte au Kaïre, et qui y est d’une très-grande utilité. Une femme placée sur le devant de la boutique distribue par portions le ver- micel qui vient d'être cuit, et après lavoir assaisonné avec du sel et du beurre. Les Égyptiens sont très-friands de cette espèce d’aliment; ils le mangent tout chaud, et souvent dans le lieu même où il a été préparé. C'est particulièrement dans les grandes chaleurs, pendant les mois d'avril et de maï, qu'ils en font un plus grand usage; on remarque que dans cette saison ils mangent très-peu de viande. BOUDET. 5 SUPEUDE * fn à Lis FF AU ARTS ET MÉTIERS. PIPASNICFNEN XI, F1c. 1. LE VINAIGRIER | vinaigre se fait, en Egypte, de deux manières; avec du raisin, ou avec des dattes. Les fabriques, dont on compte environ une douzaine au Kaire, portent le nom de #14’mal cl-khall 6 I er Vinaigre fait avec le Raisin. ON emploie pour cette fabrication du raisin sec apporté de Chypre ou des îles de la Grèce, et qui porte, en Égypte, le nom d’eLzebyb ou de raisin du Levant. Le peu de raisin que l’on recueille dans certains cantons de l'Égypte, est mangé tandis qu'il est frais; ou bien les Qobtes en font, comme dans le Fayoum, un vin qui, n'étant pas susceptible d'être gardé, se consomme sur les lieux aussitôt qu'il est fabriqué. Pour faire le vinaigre, le raisin s'écrase d’abord sous la meule. Le moulin dont on se sert est d’une construction fort simple (1). Un massif de maçonnerie cy- lndrique, d’un mètre d'élévation au-dessus du sol, et de près de deux (2) de diamètre, est destiné à recevoir le raisin : il est lésèrement concave dans sa surface supérieure, revêtue de dalles très-exactement jointes et un peu creusées. Au centre de ce massif s'élève un pilier vertical, de cinq pouces d’équarrissage, tournant sur son axe : une traverse horizontale , fixée à ce pilier, lui donne le mouvement, et. passe au centre de la meule, qui, posée de champ sur le massif, en parcourt ainsi toute la circonférence à chaque révolution du pilier vertical. Au lieu d'être cylindrique, cette meule a la forme d’un cône tronqué. Son plus grand diamètre est de deux pieds six pouces, et le plus petit, de deux pieds trois pouces; son épaisseur, d’un pied. Elle est en granit, et cannelée dans sa circonfé- rence, c'est, comme dans la plupart des moulins de cette contrée, un tronçon de colonne antique que l’on a scié et un peu travaillé pour le rendre conique et y former des cannelures. Sa position offre une circonstance remarquable; c’est que le plus grand dia- metré est tourné vers le centre du massif, et le plus petit vers sa circonférence : par conséquent, tandis que la grande base de cette meule achève, en trois révo- lutions, de parcourir le cercle dans lequel elle se meut, la plus petite base, qui parcourt un cercle dont Îe développement est double, auroit besoin de sept ou huit révolutions pour le parcourir entièrement si elle n’avançoit qu'en vertu du (1) Voyez la planche 1, fig. 2 et 3. (2) Cinq pieds et demi à six pieds. É, M, PL. XI. J ARTS ET MÉTIERS. mouvement de rotation : mais, comme elle marche toujours parallèlement à la grande base, étant fixée avec elle et faisant partie de la même masse, elle achève nécessairement sa course dans le même nombre de tours, c’est-à-dire, en trois: il faut donc, pour suppléer aux cinq autres , qu'à ce mouvement de rotation, qui seroit fort insufhisant lui seul, se joigne en même temps un mouvement de transport. Ce double mouvement est ce qu'il y a de particulier au moulin des Égyptiens, et ce que le lecteur doit sur-tout considérer dans cette machine. II sentira que, par le mouvement de transport, au lieu de ne faire qu'appuyer, la meule frotte encore sur la matière qu’elle écrase, la soulève continuellement, renouvelle et varie sans cesse les points de contact : le raisin en est beaucoup mieux écrasé, et cela dispense de réitérer F'opération; ce que l’on seroit obligé de faire avec une machine qui ne feroit simplement que presser sur la matière, en lui laissant tou- jours la même situation, comme cela à lieu dans nos pressoirs : aussi dans ces derniers, malgré une force bien supérieure, le marc de raisin n’est jamais par- faitement desséché par une première opération, et l’on est contraint de le repasser à plusieurs reprises. I est vrai que le but de l'opération est un peu différent dans la fabrication du vinaigre : on s'y propose moins d'exprimer le suc du raisin que de briser et de rompre les grains dans tous les sens. Au surplus, comme cette sorte de moulin à meule verticale est employée dans plusieurs arts, on pourra voir cet effet présenté sous plusieurs jours différens qui en faciliteront l'intelligence; et je renvoie à la Description de l'art du plâtrier et à celle du tanneur, qui l'emploient également, l’un pour écraser le plâtre, l'autre pour broyer les écorces de grenades dont on extrait le tan en Égypte. Il est des fabriques où ces sortes de meules sont mues par un cheval ou par un buffle; mais dans celles-ci le travail est peu pénible, et les forces d’un seul homme sufhisent pour mettre la machine en mouvement. Quand le raisin a été sufhsamment écrasé, on le jette dans des cuves avec de l'eau, et on le laisse fermenter pendant environ quinze jours, plus ou moins, suivant la température de l'atmosphère à cette époque : cette température doit être au moins de quinze à dix-huit degrés. Dix gantär de raisin écrasé se partagent dans six jarres que l’on remplit d’eau; elles ont environ sept décimètres (1) de hauteur, sur cinq (2) de diamètre. On passe la liqueur à travers un tamis de crin; elle coule dans de grands vases qui portent le nom de gourmah , et qui sont enterrés dans l'atelier jusqu'aux deux tiers de leur hauteur; on y met du miel; on la laisse achever de fermenter pendant dix jours, et quelquefois davantage quand la température est très-froide : on décante ensuite le vinaigre; et pour le conserver, on le met dans de très-grandes jarres, que l’on n'emplit qu'aux trois quarts. | La fabrication de cette espèce de vinaigre n’est pas la plus considérable ; elle est la plus coûteuse, à cause de la cherté du raisin, qu'il faut apporter de si loin: mais aussi le vinaigre est beaucoup plus estimé que celui qui se retire des autres 1) Vinet-quatre pouces. 2) Dix-huit pouces, ) st-q P P PLANETE , MIN matières; il se vend environ douze médins la mesure équivalente à une pinte, tandis que Fautre ne se vend guère plus de moitié, ou tout au plus les deux tiers de ce prix. On fait aussi au Kaire une petite quantité de vinaigre avec du vin de Chypre et du vin de Smyme; il se vend à-peu-près le méme prix que celui que l’on fa- brique avec l’el-zebyb. Se uRE. Fabrication du Vinaigre de Dattes. Si la vigne manque presque entièrement à l'Égypte, le dattier, en revanche, y est extrémement commun, et c'est presque le seul arbre que l’on rencontre en parcourant Île plus grand nombre de ses provinces. Malgré l’immense quantité de dattes quis'y recueillent, ce fruit devient encore un objet d'importation de la part des carävanes qui partent des différentes parties de l'Afrique; et la totalité ne pou- vant se consommer à l’état de fruit, l'industrie tire parti de l’excédant pour sup- pléer aux productions qui manquent au pays. Les dattes renferment, comme le raisin , une grande quantité de matière sucrée. On n’en a jamais fait, je crois, d'analyse exacte ; mais par leur saveur on doit présumer qu'elle y est au moins aussi abondante que dans le raisin, Les dattes sont donc susceptibles de donner comme lui, par un premier degré de fermentation, une liqueur spiritueuse , et par un second degré une liqueur acide. Selon toute vraisemblance, on pourroit parvenir à en tirer une liqueur d’un goût analogue à celui du vin; la séve même du palmier peut fournir une espèce de vin; et l’on en recucille en effet dans plusieurs contrées, au moyen d’incisions qu'on fait dans l'écorce du palmier : mais les Égyptiens attachent peu d'importance à cet objet, les liqueurs spiritueuses étant réprouvées par l'islamisme, et le vin qu'on fabrique en Égypte se conservant d’ailleurs difficilement {1 1). Le vinaigre, dont l'usage est général, est un objet FF eRnD plus important, et sur lequel s'est principalement portée l'industrie. ” C’est pendant été qu'on le fabrique : les dattes ne s'écrasent point sous la meule ; on se contente de les agiter et de les broyer un peu dans l’eau, jusqu'à ce qu'elles soient bien délayées. On les expose ensuite au soleil pendant quelques jours, dans les vases mêmes où elles ont été broyées; opération qui dure huit à dix jours. Après cela, on les presse sous un pressoir à vis, pour achever d’en exprimer le suc. C’est cette opération que l'on a figurée dans la planche xr. L’ouvrier est représenté tournant le levier destiné à serrer la vis du pressoir. On passe ensuite la liqueur au tamis, après lavoir sufhsamment étendue d’eau. On méle du miel avec cette liqueur, et on la laisse encore fermenter pendant dix jours. Pour deux cents livres de dattes on emploie, lorsque lon veut faire (1) On retire cependant des dattes une certaine quantité TES -vie pour lusage des Qobtes, des chrétiens Grecs et des Européens établis en Ée gypte. ARTS ET MÉTIERS. du vinaigre de bonne qualité, trente ou quarante livres de miel, que on à fait bouillir auparavant, et que l'on verse aussitôt dans la liqueur des dattes. Après que la fermentation est achevée, on passe le vinaigre, on l'expose au soleil, on le décante de nouveau, on l'enferme dans des jarres, dont on lute les couvercles lorsqu'il a acquis toute sa force. Ces jarres, qui sont très-grandes et imperméables, ne se fabriquent pas au Kaiïre; elles viennent des côtes de Barbarie, où lon s’en sert pour renfermer les huiles que l’on envoie en Égypte. On transvase'le vinaigre que lon vend en détail, dans des pots de terre que l’on enduit de poix ou de résine, pour dimi- nuer leur porosité. Ce vinaigre ne se vend que six à huit médins la mesure, qui contient environ une pinte : aussi est-il bien inférieur en qualité, comme nous l'avons déjà indiqué, à celui qui se retire du vin ou du raisin. ROZIERE. F1G. 2: LE DISTILLATEUR. LA principale opération des distillateurs du Kaire, est la distillation de l’eau-de- vie de dattes ; les fabriques d’eau-de-vie s'appellent #arbakh a‘ragy. L'alambic est de terre et de la plus grande simplicité, ainsi que tout l'appareil; sa forme est celle d’une cloche: son diamètre est d'environ dix-huit pouces sur seize de haut; le chapeau a environ quatorze pouces ; la hauteur totale de l'appareil est de deux pieds à deux pieds et demi. Il n’y a pas de fourneau ; mais l'alambic pose à terre, et le combustible se place dessous. Les tubes sont de roseau, et lutés sans soin. Au lieu de la pipe avec le serpentin ou réfrigérant usités dans nos ateliers, il y a une terrine pleine d’eau, dans laquelle plonge le vase qui reçoit l’eau-de-vie. On conçoit quelle perte de chaleur il résulte d’une pratique aussi grossière, et combien il se perd de vapeurs dans le laboratoire : aussi ne peut-on comparer, sous aucun point de vue, ces ateliers du Kaire avec les distilleries de France. Dans une contrée qui passe pour la patrie de la chimie, et qui est celle des premiers auteurs qui Ont écrit sur cette science, on s'étonne de rencontrer des instrumens et des procédés aussi imparfaits pour un art chimique aussi ancien que celui de la distillation. Voici le détail de lopération : on fait digérer les dattes dans l’eau, pendant quarante jours en hiver, et pendant dix à quinze en été; on les mêle ensuite avec de lyensoun ou anis, et l'on fait bouillir le mélange pendant une demi-journée ; ensuite on l'introduit dans l'alambic, et lon procède à la distillation. Cette opé- ration dure aussi un demi-jour pour un mélange de cinquante rotles (1) de dattes, lequel fournit trois forses d’eau-de-vie. Cette eau-de-vie est très-blanche et sent fortement l’anis; quant à sa qualité, elle est inférieure à celle de leau-de-vie de vin. {1) Le rotle vaut quatre hectogrammes et demi, ou environ quatorze onces de la livre de France. Les P'ÉANESEFE EXT Les dattes dont on se sert sont en pâte et se nomment 4’goueh : on les paye deux cent dix médins, et jusqu’à deux piastres ou trois cents médins, le qantar (1). L'yensoun vient principalement de Bardys dans le Sa’yd, et aussi de la basse Égypte ; on le vend quarante-cinq à cinquante parats le 704 ou quart de boisseau. La botse de la meilleure eau-de-vie se vend de quatre-vingt-dix à cent vingt médins. Les fabriques du Kaire, au nombre de dix à douze, sont généralement fort mal montées : on n’y fait pas écouler les matières en putréfaction: ce qui répand une odeur infecte dans les ateliers. La plus grande fabrique est celle de l’okel de Solyman tchiouch; elle contient un fort bel appareil de onze alambics. Le dessin de M. Conté présente un atelier de trois alambics ; un homme excite la flamme avec un wogacheh ou balai de feuilles de dattier ; les paniers qu'on voit sur une tablette du fond, sont des couffes remplies d’a’goueh. Outre l’eau-de-vie, on distille aussi beaucoup d’eau de rose en Égypte, prin- cipalement dans le Fayoum. La plus commune se vend, au Kaire, trente à trente- cinq médins la bouteille; celle du Fayoum se vend jusqu'à quatre-vingts médins. Quant à l'essence de rose, on la vend au poids, savoir, quatre piastres ou six cents médins le darem (2) ; une mesure d’un darem et demi, qui ne remplit qu'un très-petit flacon, coûte six piastres. L'essence pure se distingue en ce qu'elle demeure figée en hiver. On parlera plus en détail, dans un autre endroit, de ce qui regarde la distillation de l'eau ét de l'essence de rose, | E. JomaARp. (1) Poids de cent rotles, (2) Le darem équivaut à plus de trois grammes ou cinquante-huit grains environ. by É M CPR ONE | * "k De net de ë 1 : # MEL N À RER À FAT {! ME dE 29 OR ee Fe TES d û 4. Vi * On 4! ARE | à à MAC SU KL 4 * r pr au É j ". # : AT: k FU 1 ! + L n Lu 1 4 L 1 wi ; 1 LEE ' t : j Fe Ru le v. + : Fo en 7 = PERL lee 1 à HI A4 ve YO RES RE d [120 M £ ARTS ET MÉTIERS. AO AT AS PLANCHE XII. VUE INTÉRIEURE D'UN MOULIN A HUILE. Cerre planche représente la vue intérieure d’un atelier dans lequel deux meules sont employées à écraser les graines dont on extrait l'huile en Égypte. Le dessin, fait avec la plus grande vérité, par feu M. Conté, donne une idée complète de la simplicité de la machine et des ‘outils employés dans cette partie de Fart du fabricant d'huile. Tous les procédés de cet art ont été décrits précédemment avec le détail qu'ils exigeoïent. Voyez la description de la planche I." des Arts et Métiers , page 2. PLANCHE XIII. VUE INTÉRIEURE DE L'ATELIER DU TISSERAND. Lz métier du tisserand est composé de quatre poteaux plantés en terre, de deux traverses à chapeau qui les réunissent deux par deux, du battant, des trois rouleaux et des marches. dd) Les traverses portent plusieurs entailles dans lesquelles on engage successive- ment le battant, soutenu par ses tourillons ,.en l'éloïgnant dans chaque cran à mesure que l'ouvrage avance, pour éviter de rouler souvent la toile. L'ensouple ou rouleau sur lequel la toile est roulée, est porté, ainsi que celui qui est placé en arrière du métier, par des poteaux également plantés en terre. Le troisième rouleau est fixé près du plancher. La terre, sous le milieu du métier, est creusée pour placer les marches que l’'ouvrier fait mouvoir, assis sur un tabouret très-bas, ou sur un tronçon de pal- mier. La chaîne, d’abord ourdie d’une seule longueur, composée de la moitié des fils qui doivent former la toile, est pliée par le milieu, et retenue par un poids sur le troisième rouleau; elle se réunit en passant sous le second pour former la chaîne entière, arrêtée au rouleau le plus près de l’ouvrier. Lorsque la chaîne est trop courte pour passer sur le rouleau supérieur, une corde fixée par un bâton à cette chaîne, et portant le même poids, la tient éga- lement tendue. Les envergures pour séparer les fils de la chaîne, le peigne, les marches et lames, la navette et la trême, les dévidoirs et ourdissoirs, sont assez semblables à ceux qu'on trouve chez les tisserands de nos campagnes. FO BR OR IT Et XII. L 2 ARTS ET MÉTIERS. PLANCHES XII ET XIII. Le métier, bien plus grossièrement établi, est aussi moins solide: mais, en rap- prochant les points du travail de la partie fixée en terre, on pare en quelque sorte à l'inconvénient du peu de solidité. Néanmoïns, pendant le travail, le métier est toujours en mouvement. Les ateliers, souvent très-vastes, sont placés pour l'ordinaire dans des lieux retirés, situés au nord, et éclairés par de petites ouvertures près du plancher, qui, comme dans la figure, est quelquefois soutenu par des füts de colonnes de granit ou des tronçons de diamètres inégaux, placés sans ordre les uns sur les autres, ou simplement par des troncs de palmier. Le peu d'espace qu'occupe chaque métier permet d'en Es un grand nombre dans quelques ateliers. Les toiles de lin qu'on y fabrique sont généralement claires, légères, de 4 déci- mètres 6 centimètres de largeur [un quart d’aune et demi Ce unies ou rayées. _ Les premières semploient pour serviettes, chemises, larges caleçons que portent les hommes et les femmes de toutes les classes, ou sont teintes en bleu pour les robes communes et pour les voiles des femmes du peuple, aïnsi que pour l'habillement de la classe peu aisée, des ouvriers et des domestiques. Les toiles rayées, plus claires que les premières, servent, entre autres usages, à faire les moustiquières de ceux qui ne peuvent pas faire la dépense des mous- tiquières en gaze. | Le prix du lin brut, tel qu'on Bone du Sa yd, est de 3 pataques la charge de chameau : battu et peigné, il coûte 8 pataques le qantär; ce qui revient à 12 pataques et quatre cinquièmes la charge. Le marché du lin est le plus con- sidérable du Kaïre; il se tient deux fois par semaine. On vend au Kaire beaucoup de toiles faites dans la haute Égypte, principale- ment à Syout; on vend aussi beaucoup de toiles à tente, appelées Aheych, et fabriquées dans le Fayoum. Cette même toile sert à faire les sacs. La toile de coton se fait sur le même métier que la toile de lin : elle coûte 10 parats le pyk, achetée en détail. CoOUTELLE. ARTS ET MÉTIERS. D D. PB LANCE ve X LV: EtGns MERS SEMENTIER:.. Ox à donné ici le nom de passementier plus particulièrement à l’ouvrier qui fait les cordons, les galons et les ganses, quoique les tresses représentées f2. 2 soient aussi de la passementerie, dans l'acception du mot. Le métier est fort simple: les fils de la chaîne sont roulés sur un rouleau placé au bout, qu'on peut appeler l’ensouple , et qui est percé de plusieurs trous. Vers le milieu du métier, ces fils sont séparés en deux parties. Par le mécanisme ordinaire des deux lames suspendues à une poulie et des marches placées sous les pieds et qu'on ne peut voir dans la figure, l'ouvrier sépare les deux moïitiés des fils de la chaîne, il les croise avec la trame qui est roulée sur un petit bâton servant de navette, et, quand ïls sont croisés, il serre à chaque fois son ouvrage, au moyen d’une petite baguette qu'il tient de la main gauche. À mesure que le galon est fait, il le roule à l'autre bout du métier; et pour continuer son travail, il déroule les fils qui sont sur l’ensouple, en changeant de trou le levier qui la retient. I y a au Kaïre un quartier consacré aux fabricans et aux marchands de cordons de soie, et qu'on appelle el A’qadyn, mot qui veut dire proprement, Les faiseurs de nœud. Is font aussi des glands entrelacés de fils d’or ou d'argent, des rubans, des rênes, des boutons, des olives et différens ouvrages de cette espèce, même des houppes et des franges. On fabrique une grande quantité de cordonnets ronds en soie rouge, et plus ou moins riches, pour suspendre les sabres au côté: Les plus beaux se vendent 8 à 10 parats le darem. Outre ces ouvrages en soie, on en fait aussi en coton ou en laine. Dans le même quartier, on file la soie blanche et jaune sur de petits métiers assez bien faits, qui sont des’ rouets à deux bobines, mus à laide d’une mani- velle, et l'on file aussi l'or et l'argent sur la soie. Ces ouvriers s'appellent 4r77a- gyeh et gassabgyeh ; la plupart sont des Qobtes. On vend $o parats un mitqâl ou un darem et demi de fil d’or, et 4o parats, un mitqäl de fil d'argent. Le mitqäl pèse 3 grammes neuf centièmes, ou $8 grains trois seizièmes. FIG. 2. LE FAISEUR DE CORDONNETS. L'OUVRIER, assis à terre, tient dans les doigts de chaque main la moitié des fils qui doivent composer sa tresse : avec beaucoup de promptitude et de dextérité, il les entrelace:; et à chaque fois qu'il les a entrelacés , il les applique et les serre contre une cheville bien fixe. Aux fils du cordonnet est attachée une corde qui passe sur deux poulies et qui supporte un poids. Par ce moyen, ils sont for- tement tendus quand l'ouvrier les tresse. 3 | É: M. PL. XIV. I 2 ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE XIV. Les hommes qui fabriquent les tresses, s'appellent e//abbäkyn. On nomme cheryt les cordonnets ronds ou plats tressés en laine ou en coton. FiG. 3. LE FABRICANT D'ÉTOFFES DE LAINE. LE métier, grossièrement fait, est construit en bois brut, attaché avec des clous et des ficelles. On travaille sur ce métier une étoffe de laine qui est le drap du pays. L'ouvrier, assis sur une pierre, tient la navette de la main droite, ayant la main gauche appuyée sur le métier, et pose les pieds sur les deux marches qui font mouvoir les peignes. Les étofles de laine brunes, c’est-à-dire, avec la couleur naturelle de la laine, s'appellent icht. On les teint souvent en noir, et on les mélange de quelques fils d'un jaune doré formant différens dessins. Celles-ci s'appellent z’4ayek ; on les vend 30 parats le pyk : la largeur est d’un pyk et demi [trois quarts d’aune |. I en faut dix pyks pour une robe d'homme, et ces robes se vendent 300 parats; les autres se vendent 3 pataques. Ces étofles sont grosses et épaisses ; elles forment le plus ordinaire et presque l'unique vêtement des gens du peuple, hommes et enfans. FIG. 4 LE CEINTURONNIER. L'OUVRIER qui fait les ceintures et les ceinturons, travaille debout. La largeur de ces ceintures est variable depuis quatre jusqu’à six et huit doigts. Comme une partie du métier est cachée, il faut supposer que les fils de la chaîne sont séparés en deux parties, au moyen des licerons et des lames, lesquelles sont mises en mouve- ment par les marches qui sont censées sous les pieds de la figure. Le ceinturonnier tient de la main gauche la navette et la trême; à chaque fois que la trame a passé, il serre son ouvrage au moyen d’un large couteau plat en bois. A l'extrémité droite du métier est le rouleau sur lequel sont les fils de la chaîne, et à l’autre, celui sur lequel se roule la ceinture à mesure qu'elle est fabriquée. La corde qui retient les fils est passée autour d’une cheville, etun poids y est suspendu. : On nomme kamar les différentes espèces de ceintures. On les fabrique en soie, en coton ou en laine, avec des fils diversement colorés et qui ont une certaine variété de dessins et d’arrangement; elles sont assez longues pour faire deux fois le tour du corps, et se ferment avec des boucles. Les Égyptiens y renferment des papiers, de l'argent, y placent leur pipe et en font divers autres usages. Tous les habitans en portent, sans exception: aussi rien n'est plus varié que la compo- sition des ceintures, depuis celles en cachemire et celles qui sont en soie tissue d'or et qui se vendent jusquà 9c pataques, jusqu'aux ceintures en laine qui se font pour le peuple. * Les ceinturonniers font encore des sangles pour les chevaux, les mulets, les chameaux et Îles ânes. Elles sont larges comme la main, tressées en laine et en coton, et très-solides; on les appelle /zzäm : elles se ferment au moyen d’un anneau qui est à un bout, et d’une courroie qui est à l’autre. E. JomaARD. ARTS ET MÉTIERS. TS I A TS PLANCHE XV. F1G. 1. L'ARCONNEUR DE COTON. Czrre figure représente l’arçonneur qui prépare du coton avec l’zrçon ou grand archet, qu'il tient de sa main gauche. La corde tendue d’un bout à l’autre de l'arçon est destinée à vibrer chaque fois que louvrier la fräppe avec la coche ou espèce de maillet qu'il tient de sa main droite. Les flamens du coton s’entortillent sur la corde qui ue les flocons. Elle se charge de ces filamens lorsque l'arçon est abaissé, et elle s’en dégage lorsqu'il est relevé. L’habileté de ouvrier consiste à mouvoir son arçon à propos, et à frapper sur la corde de manière à y faire attacher le coton, ou à le faire quitter. Un enfant, près de l'arçonneur, met sur un rouleau de bois du coton préparé. Les Égyptiens emploient un arçon plus petit que celui des ouvriers Européens. Ces derniers sont obligés, en se servant d’un arçon très-grand, de le suspendre à une corde verticale, afin de le faire mouvoir en le balançant : ils proportionnent, en se tenant debout, leurs mouvemens à la dimension ‘de l'instrument. Les Égyp- tiens travaillent assis, et manient avec adresse un arçon plus petit; ils vont dans les maisons pour rebattre le coton des coussins et des matelas, que l'on n'est pas dans l'usage de carder. Ils préparent aussi la laine dans les manufactures de feutre. Fic. 2. LE FILEUR DE LAINE. LE fileur de laine se sert d’un simple fuseau; il tire une portion de fil à sa droite hors du BAPE de laine qu'il tient de la main gauche. Son fuseau est sus- pendu au fil et s'amincit par le bas, afin qu'il puisse être tourné avec les doigts. Un crochet retient en haut du fuseau le fil qui doit être tordu. Lé fileur garnic successivement son fuseau de toutes les portions de fil qu'il tord. La laine filée | sert pour diverses étofles; les Arabes du désert en font les toiles de leurs tentes. F1G. 3. LA DÉVIDEUSE DE LAINE. La dévideuse pose un de ses pieds sur le châssis d’un dévidoir, à l'une des extrémités duquel elle a monté sur le côté un fuseau. Elle tourne la roue, ou le tambour, qui est la pièce principale du dévidoir. Plusieurs fils croisés entre deux cercles de planches forment la circonférence du tambour , d’où une anse de corde se prolonge sur une bobine qui tourne. On peut, avec ce dévidoir, garnir une bobine ou un fuseau de plusieurs fils à-la-fois, sans y passer beaucoup de temps. HP : à ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE XV. I] sert aux femmes dans leur ménage, et aux tisserands dans leurs manufactures. Sa construction, au moyen des fils du tambour, est simple et remarquable. FIG. 4 LE TOURNEUR EN BOIS. . LE tourneur se sert de la main et du pied pour tenir son ciseau. I] est assis et courbé; il travaille à l’archet. Son tour est très-imparfait, ét consiste en deux poupées posées sur un plancher, l’une fixée à gauche, et l’autre mobile. Cette dernière s'écarte ou se rapproche pour serrer entre deux pointes les 6bjets à tourner. Ni l’une ni l'autre des pointes n'est à vis. Une longue traverse de fer supporte le ciseau du tourneur, et pèse assez sur les poupées pour assujettir celle qui ést mobile. Cette traverse reçoit plus de poids par l'addition d’ün cylindre de pierre à l'une de ses extrémités. L'ouvrier supplée par l'adresse à l'imperfection de ses instrumens. I sait tirer le plus grand parti de son tour à pointes; il n’est presque point d'ouvrages qu'il ne puisse exécuter. | Les tourneurs, occupés en Égypte à des travaux grossiers ou délicats, né se servent que de tours à archet, construits comme celui qui vient d’être décrit. Ils s'entraident pour tourner des mortiers pesans : ils corrigent ensuite hors du tour les défauts qu'ils n'ont pu éviter. D'autres ouvriers mettent beaucoup d’art à tourner de lambre ou de l'ivoire pour faire des bouts de tuyaux de pipe. Ils travaillent tous dans la même attitude que le tourneur en bois. F1G. 5. LE SERRURIER EN BOIS, LE serrurier en bois travaille assis sur le plancher de sa boutique, comme la plupart des ouvriers Égyptiens. Il tient un morceau de bois entre ses pieds, et le dresse avec un rabot. Ses outils sont la plupaït autour de luï. Il fabrique des serrures neuves, et il en raccommode de vieilles. Il ajuste les pièces qu'on lui demande; et il leur donne à toutes une proportion telle, qu'une serrure ne peut s'ouvrir qu'avec une clef faite exprès. Souvent on appelle un serrurier pour ouvrir une serrure difficile. Il tâche alors d'en faire glisser le pêne en le mouillant, et il l'ébranle pour faire jouér les fiches qui le ferment. Il introduit une plaque de tôle au-dessus du pêne, quand une clef est perdue; il frappe sous la serrure, et fait remonter, par des secousses, les fiches sur la plaque. Le pêne peut ensuite être ouvert. Maïs une telle méthode est impraticable quand une serrure est bien faite; le pêne doit assez bien joindre le montant où il est enchâssé, pour ne point laïsser d'intervalle. I faut ordinai- rement se résoudre à ôter une serrure avec des tenaïlles, quand on en a perdu da clef. {Voyez la description de la serrure Égyptienne, FLIRAE, ) : À. DELILE. ARTS ET MÉTIERS. SI SL ST PLANCITE XVI. Fr AE EINTURIER. Cerre planche représente l'intérieur d’un atelier de teinturier en indigo. Le massif de maçonnerie placé sur la gauche renferme de grands vases en terre, dans lesquels on introduit le mélange destiné à former la cuve. On voit un ouvrier occupé à agiter ce mélange. Sur le devant sont des vases en terre cuite, fabriqués avec la terre végétale ou limon du Nil, et qui servent à délayer l'indigo après qu'il a été écrasé, avant. de lintroduire dans des vases scellés dans la maçonnerie. Fic. 2. LE CORDIER. LA planche représente un atelier de corderie. On aperçoit facilement, en Fexa- minant, combien est simple l'appareil que les Égyptiens emploient pour faire la corde. Sur une poupée portée à hauteur d'homme par deux pieds grossièrement tra- vaillés , et tenus debout par une corde dont l'autre bout tient à une pièce plantée en terre, sont fixées par leur axe quatre bobines portant des crochets. Ces bobines, dont l'axe est mobile dans la poupée, sont mises en mouvement au moyen d’une corde sans fin qui les enveloppe deux fois et leur communique un mouvement égal. C'est à tirer cette corde que sont employés deux hommes que l'on voit debout près de la poupée. Un autre, placé en avant, tient quatre cordons, et, sans employer le cône à rainures dont se servent nos cordiers, il les dispose avec les doigts de manière à former une corde égale. La matière employée par les Égyptiens leur est fournie par le palmier. Cet arbre, comme toutes les plantes à un seul cotylédon, porte des feuilles qui, à sa naissance, enveloppent la tige tout autour , et dont le pétiole, s'ouvrant à quelques centimètres plus haut, sépanouit en éventail. La partie de ces feuilles qui enve- loppe la tige, étant développée et privée de son parchemin par la macération, laisse à nu un réseau dont les fils se croisent en losange et offrent un tissu régulier. Les Égyptiens apprêtent ces feuilles convenablement et en effilent le tissu. Ils donnent le nom de /f à cette matière ainsi préparée. Le lif qui provient des feuilles plus vieilles, est grossier, et sert à faire les grosses cordes communes. Celui que produisent les plus jeunes est fin, d’un jaune de paille brillant, et procure des ouvrages très-agréables. Note fournie par M. HUMBLOT, gendre de fèu M. CONTE. Ee MROPE NU XVI ; EX ASE] À 3 AU » pi ii: a ES ORNE + RAEUr à À In RAP PIS FEAT EME DELL ? GP He PAR PTS SP à” ‘as PATES TNA FARSASS Aa FIALREE Je NUPFENISS +. x FPT TE # À ! 3 | : : ARTS ET MÉTIERS. TS TS SOL AMIE KV IT! FiG. 1. LE BRODEUR AU TAMBOUR. Crrre planche représente l'intérieur d’un atelier de broderie; on y voit plu- sieurs apprentis occupés à broder les fleurs qui ont été dessinées par le maïtre. L'art de la broderie est fort cultivé chez les Égyptiens. On brode sur presque toutes les étoffes; sur le drap et les étoffes de soie, pour faire des coussins et des tapis de divan; sur la mousseline, pour les ceintures et les mouchoirs que l’on est dans l'habitude de donner en présent lorsqu'on fait des visites. Le genre de cette broderie, qui est souvent entremélée de parties lamées, est remarquable en ce quelle n’a point d'envers, et que le dessin est entièrement semblable des deux côtés. | On brode encore sur cuir avec une grande perfection. Ce genre de broderie nest point fait, comme en-Europe, avec un fil de soïe sur lequel on roule une lame d'argent, mais au moyen”‘de fils ronds en argent doré et très-fins; ce qui rend ces broderies plus éclatantes et plus durables. Pour leur donner du relief, on trace les dessins avec du cuir jaune découpé, que l’on colle sur l’étoffe. On appelle goubourgyeh les brodeurs sur peaux et maroquins et aussi sur velours, tant en or qu'en argent. Ces ouvriers sont regardés comme les plus adroits de tous ceux de la ville du Kaire. F1G. 2. LE FABRICANT DE FEUTRES. CETTE figure représente l’intérieur d’une boutique de fabricant de feutres: le maître et deux apprentis sont occupés à feutrer une pièce de laine, en roulant et déroulant sans cesse l’étoffe sur elle-même au moyen des pieds, avec un mou- vement régulier et alternatif. Cette manière de fouler a peut-être quelques avantages sur la méthode commune, et c'est un exemple de plus de l'emploi que les Égyptiens font de leurs pieds pour les ouvrages que nous exécutons avec la main. La matière que l'on feutre, est de la laine de mouton et d'agneau, ou du poil de chameau. Pour donner à cette matière toute la consistance qu’elle doit prendre, l’ouvrier la baigne dans une dissolution de savon vert chauffée suffisam- ment; on ignore quelle espèce de colle, ou même si la colle entre dans l'opé- ration. À mesure que l'étoffe se façonne et se feutre, elle se roule par un bout autour d'un bâton, et l'on continue de la fouler par l’autre. Par cette opération, la pièce diminue considérablement d’étendue et gagne en épaisseur. Ce travail se fait assez promptement. Comme les feutres sont d’un usage très-répandu, on rencontre au Kaiïre beaucoup de boutiques de cette espèce. La rue principale FL MER TE I 2 ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE XVIL qui leur est affectée, est appelée e/Leboudyeh , près de Hammäm-el-gedyd, grand bain du Kaire, et non loin du quartier de l'Hamzäouy. On y fait des feutres blancs et bruns de toute épaisseur. Le nom générique est Æ4deh. Les uns sont des pièces plus ou moins longues, employées à divers usages domestiques ; les autres sont des bonnets blancs très-chauds, qui servent à recouvrir le dessus de la tête et à main- tenir la transpiration en l'absorbant doucement. On met plusieurs bonnets de soie ou de toile sur ce feutre, et par-dessus le tout, un £rbouch, bonnet en laine rouge. C'est sur ces enveloppes que le turban s'applique et se roule autour de la tête. Pour façonner les bonnets de feutre, on humecte la laine avec une legère eau de colle, on l'applique sur une forme comme celle de nos chapeliers, et on la presse dou- cement avec la main Jusqu'à ce qu'elle se moule. De temps en temps on souffle dessus , avec la bouche, une eau de savon, pour faciliter le foulage, et l'on porte l'étoile à l'épaisseur convenable. Le prix de ces bonnets est de 30 médins. La plus grande partie des feutres sont employés sous les selles des chevaux, et remplacent les coussins rembourrés dont nos selliers font usage. Pour remplir cet objet, on place immédiatement sur le cheval quatre ou cinq doubles de ces feutres, cousus ensemble et attachés au boïs de la ‘selle par de petites courroies en cuir, de manière que le tout ne fasse qu'une seule pièce. Quoique chauds et pesans, ils sont avantageux aux chevaux, parce qu'ils boivent la sueur et pré- viennent la suppression de fortes transpirations ;'c’est pour cela qu’on les appelle a’rrägah. M résulte aussi de leur largeur, que les chevaux sont moins souvent blessés au garrot qu'avec nos selles; avantage précieux pour les chevaux.de Mam- louk, habitués à des exercices violens. FE. JomaARp. ARTS ET MÉTIERS. SA AS A PLANCHE XVIII, Fic. 1. LE MAÇON,. Les maçons travaillent ordinairement debout. Ils émploient un mortier com- posé de chaux et d’une terre noirâtre, pour lier leurs constructions, qui sont en briques et moellons. Ils ont pour principe de mettre dans un mur de face ou de refend, à deux mètres de distance à peu près, des couches en bois de sapin, dans une ligne horizontale ; ce qui empêche le mur de se lier. Un autre vice de construction, c’est que le moellon taillé qu'ils emploient pour les deux faces des murs, est d’une très-petite épaisseur ; il est posé sur champ, et le centre est rempli des recoupes et pierrailles, qui, ne se liant pas avec les deux paremens, tendent à les écarter et à faire ébouler le mur. F1G. 2. LE COUVREUR. LE couvreur attache sur les chevrons des roseaux, et souvent il les couvre d’une natte sur laquelle il étale un enduit de mortier. L’enduit se répand également sur les roseaux qui ne sont pas recouverts d'une natte, PLANCHE XIX, F1G. 1. LE CHARPENTIER. L: charpentier travaille toujours assis. L'outil qu’il emploie le plus ordinairement, est une espèce d'herminette qui lui sert à dresser les bois. La besaiguë est in- connue aux charpentiers. Il est très-rare, dans leurs assemblages, qu'ils fassent des mortaises ; tous les bois sont taillés en sifflet aux extrémités, et fixés avec des clous. Is font rarement usage des chevilles. Le scieur de long se sert d’un moyen bien simple pour mettre en chantier la pièce qu'il veut couper : il appuie verticalement contre le mur deux boulins: au bout des extrémités hautes est un cordage auquel est suspendu un poids; ce cordage attache horizontalement une pièce de bois qui supporte un des bouts de celle qui est à refendre, et le poids qui est suspendu, en serrant les deux pièces ensemble, et par son tirement, maintient tout l'échafaudage, quel que soit le mouvement occasionné par le trait de scie et l'homme placé sur la pièce; elle est soutenue, en avant, par deux petites potences qui se croisent, que lon recule et avance à volonté. É. M. PL. XVIII et XIX. î 2 ARTS ET MÉTIERS. PLANCHES XVIII ET XIX. La scie est presque semblable à la nôtre. La majeure partie du bois de charpente du pays est de ab; on se sert aussi du Æ4b4kh. Le bois se vend à la charge, qu'on appelle hamleh. Chaque hamleh de bois non débité, pesant 160 rotles, se vend 150 parats, et de bois débité, 200 à 220 parats. Fic. 2. LE MENUISIER. LE menuisier n'a point d'établi, il travaille à genoux ou assis; il se sert d’un xabot semblable au nôtre, et communément d'un guillaume, pour dresser les planches. Il ne connoît pas la varlope. Il fait aussi usage d’une herminette, mais plus petite que celle du charpentier, et appelée gaddoum. LE PÈRE, Architecte, ARTS ET MÉTIERS. CRE REREONIT ERA Pie TE DAIDEUR DE NATTES I L nya point en Égypte d'usage plus répandu que celui des nattes. Celle qui est ici sur le métier est d’une gras dimension, mais de l'espèce commune. Rien de plus simple que le métier à nattes, et en même temps de mieux appro- prié à la pratique ordinaire des ouvriers Égyptiens de travailler à terre. À un rouleau plus ou moins long, élevé d'un pied de terre environ, est attaché un filet de fortes ficelles, distantes de plusieurs doigts. Sur ce châssis, on applique les tiges de jonc, de souchet ou de roseau, en les passant alternativement dessus et dessous les fils; à chaque rangée faite, louvrier frappe avec un battant de bois qu'il ramène à lui, pour serrer les tiges l’une contre l’autre. Ce.battant est supporté par les fils qui passent au travers. Le nattier est soutenu sur la natte par une ban- quette qu'on avance par-dessous à fur et mesure du travail. Quand la pièce doit être d’une grande étendue, deux, trois ou quatre ouvriers travaillent de front et de concert, de façon à saisir le battant tous à-la-fois. Les nattes les plus communes faites au métier se fabriquent avec les tiges de deux espèces de souchets que M. Delile a reconnues pour être le cyperus alope- curoïdes et le cyperus dives ; on fend ces tiges longitudinalement en deux ou trois lanières. | Les Joncs LL aux nattes d'appartement s'appellent samar, et ces sortes de nattes, losr samar. NH y a deux espèces de joncs: les uns viennent de Terräneh, les autres d'Elouan près de Tor; les premiers sont les plus estimés. On reçoit ceux-ci des Arabes Geouäby, qui les tirent des environs des lacs de Natroun et d'un endroit éloïgné de trois grandes journées de Bahr-belä-mä; ils les apportent à Terräneh sur le Nil. C'est le yuncus spinosus. Le mamleh de joncs, ce qui est une charge de chameau, se paye 10, 12, 14 piastres. Avant d'employer ces joncs, on les fait sécher au soleil pendant un ou deux mois; puis on les fait digérer pendant vingt jours dans le safranum ou dans les autres teintures; après quoi, ils sont lisses et flexibles. On les teint en jaune, en noir, en rouge, &c. et on les emploie encore mous. Une natte ordinaire de neuf pieds sur trois et demi se vend cinq pataques de 90 parats, à raison de 1$ parats le pyk environ, et la natte double, dix pataques. Il y en a qui sont composées de jolis dessins, de losanges noires et jaunes, &c. Le quartier des marchands de nattes au Kaire, s'appelle e/ -Hosaryel. On y vend beaucoup de nattes fabriquées dans le Fayoum. E. JoMARD. É, M) BL/EEX, L 2 ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE XX. F1G. 2. LE FAISEUR DE COUFFES. Les couffes les plus grossières sont faites de feuilles de dattier vertes et anciennes. On fait les coufles les plus fines avec de jeunes feuilles qui jaunissent en séchant. Ce sont, à proprement parler, les folioles ou les petites feuilles placées le long de la côte des grandes feuilles de dattièr, qui servent à faire des tressés, que l’on coud ensuite pour en former les coufles. Le fil épais qui sert à coudre les tresses ensemble, passe dans le pli que chaque foliole laisse sur le bord de la tresse. Ce fil est fait avec des fibres de grappes de dattier. Il suilit du tact, pour tresser les feuilles de dattier. On voit des aveugles qui réussissent à ce genre de travail. Les fabricans cousent des tresses suivant la forme que l'on desire, et vendent ces coufles pour beaucoup d’usages. On renferme les dattes, celles de Syouah, par exemple, dans des couffes un peu alongées comme des sacs. Le riz se conserve et se transporte dans des couffes un peu arrondies. En général, les Égyptiens substituent des coufles aux toiles et sacs d’emballage destinés aux diverses mar- chandises. | A. DELILE. ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE XXI, F1G. 1. LE CHAUDRONNIER. LA figure représente la boutique du chaudronnier détaillant, plus particulière- ment étameur que fabricant. | . Les pièces qui doivent être étamées, sont placées dans un creux au-devant de sa boutique, qui, comme celle de tous les marchands, est en saïllie dans la rue, et élevée de six à sept décimètres. Des enfans, sur un morceau de natte de couflin ou sur un paquet de feuilles de palmier placé dans la pièce de cuivre, la dégraissent et l’écurent avec du sable ou de l'émeri, en tournant alternativement dans l’un et l'autre sens, les mains appuyées sur le bord de la boutique. Les pièces étant suffisamment nettoyées, l'étamage est fait à la manière de celui des Européens. L'atelier du chaudronnier fabricant ne diffère pas sensiblement de celui de nos chaudronniers. La chaudronnerie est un des arts exercés par les Turcs de a manière la plus parfaite. On y emploie les mêmes outils, quoique plus grossière- ment faits; on y trouve les. ge cisaïlles et les longues bigornes employées par nos ouvriers et montées de la même manière. La forge et les soufflets cylindriques sont les mêmes que ceux des forgerons et taillandiers. Outre les ustensiles de cuisine, les fänous ou lanternes, les aiguières, les cafetières et autres vases, qui sont faits avec soin, le chaudronnier coule le cuivre et fabrique les plateaux, les bassines, les chaudrons et les chaudières de toutes les grandeurs; le quartier du Kaire appelé e/_Nahäsyn est rempli de bou- tiques où se fabriquent et se vendent ces ustensiles. Les ue de cuivre sont souvent UE à deux, trois et quatre marteaux, avec une vitesse et une précision qui tient à l'habitude qu'ont les Turcs d’accom- pagner d'un chant mesuré tous les travaux qui demandent l'emploi de plusieurs ouvriers ensemble ou de plusieurs forces réunies, ainsi qu’à l'étude qu’on en fait faire aux enfans dans les écoles publiques. Cette manière de frapper est particulièrement remarquable dans l'atelier de la monnoie où se forge le métal pour frapper les parats ou médins. Les lames très- minces qui servent à leur confection, ne sont point passées au laminoir avant d’être découpées; elles sont forgées à chaud et en paquet de six à sept lames ensemble. Une aussi petite épaisseur se refroïdissant promptement, elles sont remises au feu, après avoir été frappées sur un tas très-étroit par cinq forgerons armés d’un mar- teau dont le manche très-court est tenu des deux mains. Les cinq coups succes- sifs qui se distinguent en commençant, sont bientôt confondus pour ne former qu'un roulement, pendant lequel chaque coup n'est plus entendu. ÉE MERE XPE 1 2 ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE XXI. Cette opération, qui ne dure que quelques secondes, après lesquelles le métal est mis au feu, est répétée l'instant d'après, et continuée sans interruption pendant tout le temps que dure Îe travail, sans que jamaïs un des marteaux soit heurté par un autre. Ce travail est un modèle d'activité et de précision. Le chaudronnier, le forgeron, l'orfévre, le tourneur et presque tous les ou- vriers en Égypte, transportent leur atelier et le construisent dans la cour de celui qui veut les employer devant lui. La charge d'un chameau ou d'un âne suffit au transport des outils et de tout ce qui est nécessaire à leur établissement: et. à leur travail. : F1G. 2. LE FORGERON. LES forges, au Kaire, peuvent plutôt être comparées aux forges de campagne qu'à celles de nos serruriers ou forgerons. Elles sont composées d’un massif en ee qui porte à une de ses extrémités le garde-feu et le foyer sans hotte, à l'autre l'enclume du forgeron. Les soufllets sont simples, de forme cylindrique, composés chacun de deux planches: l'une, qui porte la tuyère, est fixée sur deux poteaux plantés derrière le garde-feu; l’autre est arrêtée au milieu d'un châssis en forme de parallélogramme, dont le petit côté inférieur est rendu mobile par ses tourillons, dans deux petits poteaux également plantés en terre. Le petit côté supérieur forme la poignée, élevée à la hauteur de la main de l'ouvrier, qui incline alternativement ces châssis en avant et en arrière, pour ouvrir et fermer les soufflets. piat.>; Hs sont composés d’un seul cuir, cloué à la manière ordinaire sur le bord des deux planches circulaires, qui sont munies dans leur centre chacune d’une soupape, dont l'une, placée du côté du levier, permet à l'air d'entrer, et l’autre, du côté de la tuyère, le laïsse sortir et s'oppose à la rentrée des cendres et des charbons. | Ces sortes de soufflets étoient employés verticalèment dans le seizième siècle, tant pour animer le feu des forges que pour élever l'eau, soit en raréfant l'air, soit en le comprimant ; ils sont décrits dans l'ouvrage de Ramelli, imprimé en 1588. Le forgeron confectionne les marteaux, tenaïlles, pincettes, les fers de bâti- ment, les enclumes, les bigornes et les tas des ouvriers en cuivre et des orfévres. Il fait également les couplets pour ouvrir et fermer les croisées ‘et le petit nombre des portes qui ne sont pas portées sur des pivots en boïs. Les serrures sont l'ouvrage des ouvriers en boïs. COUTELLE. ARTS ET MÉTIERS. Æ LAN CHE: XXL. I. VUE INTÉRIEURE DE L'ATELIER DU FABRICANT DE POTERIES. . ) Les Égyptiens profitent, comme nous, de la propriété qu'ont les terres dites argileuses, de se pénétrer d'eau, de pouvoir former une pâte qui se laisse pétrir, qui prend toutes sortes de formes, soit sur le tour, soit à la maïn, soit dans les moules, et qui acquiert beaucoup de solidité et de dureté par l'action du feu; mais ils ne font que des ouvrages communs et qui n'inspireroient aucun intérêt, s'ils ne leur donnoient des freres agréables, et s'ils ne les Parts très-propres aux différens usages auxquels ils les emploient. Les fabriques de poteries sont extrêmement multipliées en Égypte; elles sont- ordinairement le plus à portée possible de la couche d'argile qui les alimente, et placées dans des: maïsons en ruines où sont des hangars couverts de feuilles de palmier (voyez planche xx11). Elles consistent en plusieurs pièces. Dans la première, on reçoit la terre argileuse qui à été divisée, triée, imbibée d’eau, quon a long-temps laissé tremper dans une fosse pour la pourrir, c'est-à-dire, pour lui faire éprouver un certain degré de fermentation propre à lui donner plus de liant, plus de ténacité : on pétrit cette terre avec les pieds, on la corroie, on la bat avec une masse, &c. Dans la seconde, sont les tours sur lesquels on la forme en vases (voyez planche XXII). Dans la troisième, sont placés sur des lattiers les vases: fabriqués pour y être séchés. Dans la quatrième est construit le four qui sert à les cuire, et dont la description se trouve ci-dessus à l'article de la planche 11 (fig. 9, 10 et 11). Les principales poteries d'Égypte sont représentées dans les planches EE et FF (£. m. vol. IT); mais elles ne sortent pas toutes indistinctement des mêmes fabriques, et ne sont pas les produits des mêmes terres. C’est dans la haute Égypte, et particulièrement à Meylaouy et Manfalout, que se font les grandes jarres et les immenses terrines destinées à l’usage de l'indigotier, du tanneur, du tein- turier, du sucrier. Elles sont fabriquées avec une argile jaunâtre qu'on nomme tafl, qui se trouve dans le voisinage de ces deux villes, et à laquelle on ajoute un peu de terre du Nil. On les forme de plusieurs pièces qu'on réunit après qu’une legère dessiecation a permis de les manier; on tient ces vases très-épais, et. on leur donne une assez forte cuisson. La première fois qu'on y met de l'eau, elles se laissent un peu pénétrer; maïs bientôt elles deviennent ose C'est dans un seul village, qu'on nomme Belad el-Ballas, qu'on prépare les vases’ nommés Oallas. On les a représentés dans les figures Lies 6,72 D, 26 23; É. M. PL. XXII. \ 1 2 | ARTS ET MÉTIERS. ils sont très-bien cuits et très-peu perméables. On les fait avec une terre argileuse qui n'a pas besoin de f'addition d'une autre terre. Le vase représenté fig. 2r est particulièrement employé par les habitans des campagnes et par les ouvriers des villes, pour aller chercher de l'eau au Nil. Les femmes le portent avec beaucoup de grâce sur leur tête /voyez pl. À, É. . vol. IT) ; il sert, ainsi que les vases fg. f, , 7, 23, à contenir du miel, de la mélasse, du vinaigre, &c. Quant au vase fig. 22, c'est le chapiteau de l’alambic Égyptien : le trou qu’on aperçoit près la pointe du cône, est fait pour recevoir un tuyau de canné qui en doït former le bec voyez ci-dessus l'explication de la pl x1, fig. 2). C'est par- ticulièrement de la fabrique de Qené que sort cette multitude -de petits vases qui servent à rafraîchir l’eau, et qui sont représentés dans la planche FF [£. m. vol. IT). Le nom générique de ces vases est /ardaque, mot tiré du turc; mais, d'après quelque différence dans leur forme, ou les accessoires qu'on leur donne, ils prennent différens noms. Aïnsi les pots simples terminés comme le haut d’un entonnoir, portent le nom de gou/kh; ceux qui ont un orifice étroit, le goulot et la forme d’une bouteïlle, ont celui de doraqg; ceux enfin qui ont des anses et un bec, sont appelés eryg. Toutes ces bardaques ont plus ou moins la grandeur des pots à eau de faïence ou de grès usités dans nos ménages : leur couleur est grise; elles sont très- minces, très-légères et très-perméables à l'eau, d'où vient leur propriété réfri- gérante (voyez les Mémoires d'antiquités , »0/. I, p. 7). Les bardaques de Qené ont cela de particulier, qu’elles exhalent une odeur agréable lorsqu'on y met de l'eau; ce qui n’a pas lieu pour les bardaques fabriquées ailleurs, et ce qui fournit un moyen de reconnoftre. celles-ci. Quant aux poteries les plus communes, telles que les terrines, les marmites et autres vases de ménage, les pots pour les roues à chapelet, ceux à nicher les pigeons, les vases dans lesquels les portiers et les sâys font du feu et devant lesquels ils se chauffent accroupis, les cônes percés à leur pointe, qui servent pour le sucre, les jarres qu'on place sur un châssis porté par quatre pieds pour recevoir et contenir l'eau apportée du Nil dans des outres, et qui, à raison de leur perméabilité, ont au-dessous un autre vase pour retenir l'eau qui découle (1); tous ces vases, auxquels on peut encore joindre les briques crues et cuites qui servent à bâtir, et qui, comme eux, peuvent être fabriquées avec le seul limon du Nil, se font généralement dans toute l'Égypte, et sur-tout au vieux Kaire, à Gyzeh et à Rosette : maïs aucun n'est vernissé. Ce n’est que dans quelques ateliers du Kaiïre qu'on fabrique d'autres espèces de poteries ayant une couverte, soit en verre de plomb coloré diversement, soit en émail de différentes couleurs. Les principales de ces poteries sont les pots à contenir des confitures, du tabac, &c., et sur-tout les tasses à café, si géné- ralement usitées, qui sont d'une faïence commune, blanche et à fleurs, et qu'on {1) Voyez cet appateil, É. M. planche EE, fig, 12 PLANCHE XXII. 3 appelle fingän belady, et aussi ces carreaux d'appartement, appelés geychäny ; avec lesquels les Égyptiens modernes remplacent les carreaux beaucoup mieux faits par leurs ancêtres, et qu'on se procure en détruisant, dans les anciens monu- mens Arabes, les muraïlles qui en étoïent garnies et ornées. La terre qui sert aux potiers du Kaire pour leurs ouvrages les plus délicats, et sur-tout pour les fourneaux de pipes, se nomme #yzek : on la tire de Basatyn et de Deyr er Tyn, à un myriamètre du Kaire. Les jarres prennent différens noms, suivant les usages ae auxquels on les applique dans les arts et dans l'économie domestique. On nomme les jarres de l'indigotier, denn el-nyleh; celles de l'huilier, denn el-zeyt; celles du tanneur, dnn el-madbaghyn. Celles qui renferment les provisions d'eau, en prennent deux : le premier de ces noms est zyr, et s'applique aux jarres qui servent à l'usage du peuple; les autres, à l'usage des grandes maisons, s'appellent ze}, et il y en a de deux espèces, dont les unes, ze/4’4 Gelady, se font dans le pays et sont en terre rouge comme les zyr, et les autres se nomment ze/4°} moghraby , et viennent de Barbarie : elles sont de couleur blanche. La forme des unes et des autres diffère beaucoup de celle des zyr, qui se terminent inférieurement en cône et qui ont un cou de peu de largeur, tandis que les zel4’} sont d'une forme arrondie et sans Cou, et ont une large ouverture. ‘ BoOUDET. F3, 2: »id 9h fre sf: do a! À sais % LS "4 6) “Sémeboren pré El ET ti a ie pr . aa > po HE nèxe k Ji Mi # Hs me ls ï Es HEURE AR ja Te : 25b-sgeerl gp ÉD cor no Le dit QUES : à | ‘NES Los prrioness ‘sr > aie se. x TE ES ii pl re % he cam ai sel euxee DA | | fai à | Rs | and à REINE os LS fl f “ 5 " ; % ON NA dti : Au etre f D», Lomme | Ni: S CM LUE il < jh ‘a Le ET SAT 1 AVE Ah ARTS ET MÉTIERS. CPLANCHE.X XII. æ . LE FABRICANT DE BOUTEILLES DE VERRE. L'Art de la verrerie, qui a été poussé assez loin en Égypte, y est aujourd’hui presque anéanti. Îl paroît que les Égyptiens ne fabriquent plus le verre, maïs seulement ils le refondent. La matière dont ils se servent pour alimenter leurs fourneaux, est une fritte de verre commun tirée de Venise. [ls en fabriquent des verres plats, légèrement bombés, qui éclairent les dômes des bains ; des bouteïlles de la forme des nôtres, des ballons pour faire le sel ammoniac, des mortiers de verre, des alambics; de petits pilons qui servent à polir les ouvrages de cuir, les papiers, les cartons ; et enfin des bocaux à bords renversés qui leur servent de lampes. Pour rendre les bocaux propres à cet usage, ils établissent au fond un tube qui reçoit une mèche de coton; l'huile est supportée par une certaine quantité d’eau qui ne dépasse pas l'extrémité du tube. C’est par la voie du commerce qu'ils se procurent les lustres, les cristaux et les porcelaines qu'on voit chez eux. Entre autres produits des fabriques d'Europe, ils tirent de Venise les miroirs, les verres à facettes et les vitres colorées dont ils font grand usage dans l'intérieur des appartemens; et du Japon, de magnifiques porcelaines. Si l'art de la verrerie est aujourd'hui resserré en Égypte dans des bornes aussi étroites, il faut l’attribuer à la perte des anciennes pratiques, a rareté actuelle du combustible, et à la crainte des avanies auxquelles les: fabri- cans seroïent exposés si l'industrie prenoït un plus grand essor: maïs, d'un autre côté, rien n’est plus économique et plus simple que ces sortes d'établissements; la planche xxuI peut en servir d'exemple. L'atelier n'est qu'une grande salle, au milieu de laquelle est Le four construit à peu de frais. Le combustible est la paille de dourah ou du maïs, ou bien la tige du roseau. On ne voit pas dans cette fabrique d'autre produit de la verrerie Égyptienne, que des bouteilles en verre assez grossier, et qui sont de la forme de nos bouteilles communes. Le four est celui dont on a vu les projections dans la planche 11, Jfg. 13, 14, 15, 16. (Voyez cette planche et son explication.) Deux ouvriers sont assis devant les trous par où ils doivent prendre la matière en fusion ; un troisième, debout, tient une portion de cette matière au bout d’un tube et la souffle. Au milieu, se voit l'ouverture du foyer, dont le fond va en montant; ce qui tend à augmenter la chaleur {voy. p/. 11, ibid.) Dans la partie supérieure du four, on aperçoit d’autres trous qui répondent à la chambre où l’on met les bouteilles à recuire : un homme s'occupe de ranger sur une table les bouteilles fabriquées. Le combustible se voit lui-même à l'angle à droite de la planche. I É, M. PL. XXII. Fe. ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE XXIIL Une verrerie s'appelle #a'mal el-gezäz. y en a quatre au Kaire : les deux principales sont situées, l’une dans le quartier e/Hasanyeh, et l'autre danse quar- tier e/Faouäleh. Celle de Gyzeh est assez considérable; comme celle de Mansourah, elle fait partie de la fabrique de sel ammoniac, parce qu’elle est principalement destinée à lui fournir les ballons dont elle a besoin, BouDpEex et E. JomMARr5. ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE AIX ET. LE FABRICANT DE SEL AMMONIAC. Csrre planche représente l'intérieur d’un atelier de sublimation pour le sel ammoniac. On voit le fourneau chargé de ballons qui répandent dans l'air une fumée épaisse. Un ouvrier placé auprès de la porte du fourneau entretient le feu avec le combustible / kers) placé en tas en avant du fourneau. On aperçoit sur la gauche, par l'ouverture de la porte, quelques ballons lutés qui sont à sécher dans la cour de la fabrique (1). L'atelier est couvert de poutrelles en bois de dattier, par-dessus lesquelles sont des feuilles du même arbre placées en travers. Les lignes blanches qui se font apercevoir au-dessous du toit, rendent avec assez d’exactitude l'effet des rayons du soleil qui traversent lépaisse fumée dont l'atelier est rempli. (Voyez, pour les détails, la planche II, fig. de 20 à 23.) ÉLOVSNCOLLER DESCOSTELS. (1) On a, dans ce dessin, fait un peu trop sortir les sentir que la partie des ballons au-dessous de laquelle se ballons au-dessus du fourneau, et l’on n’a pas assez fait fixe le sel ammoniac, n’est pas enduite de lut. ËÉ, M. PL. XXIV. dur + iQ ASE sq 8 IR Fe De) 4 ne : k 3 à , SP de t van & EE: ra " ms Le 1409 4 nr FRE RE AE 19 ÿ prés 0e ea de ieai, x ts RS 2 5 L ADNE ET REA CAF en USE sé dus na ile LE HASLELNTE HAL ri. à ee w à PNR AS ee" D | ge o he ARTS ET MÉTIERS. TT PLANCHE XXY. Fi1G. 1 L'ÉMOULEUR. LA méthode de l'émouleur du Kaire ne mérite pas d'être décrite; la seule chose remarquable, c'est l'usage qu'il fait de son pied droit pour faire tourner la ma- nivelle de la meule : on sait que les Égyptiens se servent de leurs pieds avec beaucoup d'adresse pour exécuter toute sorte d'ouvrages. La meule est fixée par un axe ne tient la manivelle; ellea environ vingt-six pouces de diamètre. On donne à l'émoulage, des sabres, des couteaux, des #hangar, &c.; je nai point vu de meule à émoudre les rasoirs. | Je donnerai ici quelques détails sur l'extraction de la pierre dont les meules du EME sont formées, opération dont j'ai été le témoin. Cette pierre est un grès qui se tire du pied de la chaîne du Moqatam, au milieu de l'embouchure de la vallée de l'Égarement, c'est-à-dire, à deux lieues et demie au sud du Kaïre et après avoir passé Basatyn; ce grès forme des collines peu élevées, dont les couches sont verticales, et qu'on exploite de la manière suivante. Après avoir choisi un point sur l'une de ces buttes et en avoir ôté le sable environnant, on creuse un trou circulaire d'environ huit pouces de profondeur et plus large que la meule qu'on veut tirer; ensuite on place en-dessous tout autour vingt ou trente coins bien maintenus par des plaques de fer. Un travailleur frappe un coup sur chacun des coins, et il arrive toujours que le dernier coup sépare et enlève la meule; ce qui s'aperçoit à un petit bruit qu'elle fait en se détachant du bloc. Les ouvriers ont la paresse d'exploiter leurs meules horizontalement, sans faire attention que dans cet endroit les lits du grès sont verticaux. Îl en résulte qu'une meule est souvent composée de deux à trois lits d’inégale dureté : lorsqu'elle tourne , elle s'use inégalement et n’est jamais ronde. En outre, le mouvement centrifuge la fait souvent éclater et briser à l'endroit des lits: ce qui occasionne des accidens ficheux pour les ouvriers. Ils ont aussi la méthode de ne jamais exploiter que la partie supérieure des collines, et rarement tirent-ils plus d’une fois des meules d’un même point. Le grès que l’on choisit est blanc, d’un grain fin et assez dur, parsemé de points ferrugineux et d'impressions de coquilles, mais généralement homogène. Nous avons cherché inutilement à faire comprendre aux ouvriers qu'ils auroient plus d'avantage à exploiter le grès en hauteur, de manière à trouver dans chaque lit une meule ou deux, plus égales, plus solides et beaucoup meilleures. La rue où M. Conté a représenté l’émouleur du Kaire, ne peut donner au lecteur une idée avantageuse des villes d'Égypte: mais l'aspect en est fidèle. Ces deux femmes qu'on voit avec leurs enfans, assises sur un banc de pierre, forment HOTLINE IE. ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE XX. un spectacle qui est très-commun dans les rues du Kaire. Derrière elles est une fontaine où lon remarque, pour pierre d'appui, un fragment d’antiquité; ce qui est également fort commun dans cette ville. F:G. 2. LE BARBIER. LE barbier Égyptien est d’une promptitude et d’une adresse dignes d’être citées : il lui faut beaucoup moins de temps pour raser la tête entière, qu’il n’en faut à un barbier Européen pour raser le menton. Sa pose est d’un aplomb remarquable, que M. Conté a bien exprimé dans ce dessin; la gravure exprime aussi avec fidélité la mise et la physionomie d’un barbier, et celles d’un homme de la classe des mar- chands. On voit dans le fond de la boutique tout ce qui compose le mobilier d'un barbier du Kaiïre ; l’un de ces meubles ést un miroir grossissant , qu'il donne à tenir à ceux qui se font raser. Après l'opération, il a coutume de parfumer la barbe d’un homme riche avec des eaux aromatiques. Son talent principal est d'ar- ranger la barbe à chacun, suivant sa condition, son âge et sa figure : en parcourant les planches de Costumes et d'Arts er Mériers , le lecteur verra les différences que les Égyptiens observent dans la manière de porter la barbe; ce qui est une des parties essentielles de la toilette d’un Musulman. . Les pierres à aiguiser dont on se sert pour donner le fil aux rasoirs, viennent de l’Archipel, et sont d’une excellente qualité : on sait que c’est du Levant que nous recevons les meilleures; l'ile de Cos, aujourd’hui Stanchio, a dû son nom à cette espèce de pierre, qui sy trouvoit en abondance. Le barbier Égyptien repasse habituellement ses rasoirs sur une longue bande de cuir qu'il porte à sa ceinture ; ses rasoirs coupent toujours parfaitement. Ce sont les barbiers qui coupent les ongles des mains; ils le font aussi à l'aide du rasoir et avec une grande dextérité. Presque tous ils font de la chirurgie et de la médecine, racontent les nouvelles ; et se mêlent d’intrigues, comme par-tout. On trouve chez eux, ainsi que chez les baigneurs, la pommade épilatoire, dont les hommes et les femmes font un grand usage: on sait que cette pommade fait tomber le poil très-promptement et sans douleur, dans toutes les parties du corps où on l'applique. Elle est composée de chaux vive et de réalgar ou oxide d'ar- senic. Chez les anciens Égyptiens, les prêtres avoient coutume de se raser le corps entier tous les trois jours, comme nous l’apprend Hérodote; mais on ignore s'ils se servoient de pommades épilatoires. Cet historien fait remarquer que les Égyp- tiens étoient les seuls qui fussent dans l'usage de se raser la tête et le menton : quand ils avoient perdu leurs proches, ils se laissoient croître les cheveux et la barbe, tandis qu'ailleurs se raser étoit le signe du deuil : mais aujourd’hui l’on ne voit en Égypte aucun homme fait qui ait le menton rasé, si ce n’est les Mam- louks, les Grecs et les Francs. FE. JomMARD. ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE XXVI. Fc r.LE TAILLANDIER. L'arecrer du taïllandier ne diffère pas de celui du forgeron pour la. forge: _et les soufflets; l’enclume est remplacée par un petit tas ou par une bigorne: . NH fabrique les faucilles, les grands ciseaux pour tondre les chameaux et les ânes, les fiaches, hachettes, les outils du jardinage, et Îes gaddoum ou herminettes, qui remplacent, chez les ouvriers Turcs, une partie des outils de menuisier et de char- pentier, et leur servent de marteau, de ciseau,.de hache, hachette et besaiguë. COUTELLE. F1G. 2. MOULIN A PLÂTRE. +. CETTE figure est la vue intérieure d’un atelier où lon pile le plâtre par le moÿen d'un moulin. On a vu, dans la planche 1 (fg. 2 et 3), la projection du moulin à huile, presque entièrement pareïl à celui-ci, et, planche 11 (fig. 7 et #), l'explication du moulin à plâtre. Il suffit ici de faire remarquer que le dé qui s'élève au centre de l'aire, a une forme conique très-prononcée: on a déjà donné le motif qui a fait choisir pour l'aire la forme de cône. A mesure que le plâtre est pilé, un homme le recueille et le serre dans des sacs ; il s'occupe aussi à remettre sous la meule les morceaux de pierre qui n'ont pas été pulvérisés. La vue représente une circonstance très-commune dans tous les moulins du Kaire, savoir, l'emploi de fragmens d’antiquités Égyptiennes ; un morceau chargé d'hiéroglyphes fait partie du dé, et la meule est un tronçon de colonne de granit de forte dimension, légèrement cannelé, pour être plus propre à broyer le plâtre. Cette meule a communément de douze à quinze et dix-huit décimètres | trois à cinq pieds | de largeur : elle est taillée en cône comme l'aire, ou bien elle prend insensiblement cette forme. ; Il est superflu de faire observer combien est simple l'exécution de cette machine, où toutes les pièces de bois, c'est-à-dire, le levier et les deux axes, sont des branches grossièrement tailléés, ou même encore avec. eur écorce : maïs cette grossièreté d'exécution n'empêche pas le moulin à plâtre d'être une machine économique et bien conçue. Le plâtre se pile aussi en Suisse, en Espagne et en France, par le moyen d'un PAPE XVI. I 2 ARTS ET MÉTIERS. moulin. La méthode {a plus vicieuse est celle qu'on suit aux environs de Paris, où l’on pulvérise le plâtre à bras d'homme; ce qui expose les ouvriers à respirer un air chargé de gypse. E. JomaARp. À ee F1G. 3. ATELIER OÙ L'ON BRÜLE LE CAFÉ. LE café moka, dont l'usage est habituel dans toutes les classes en Égypte, est apporté de Geddah et d'Yanbo’ sur des bâtimens Turcs qui le débarquent à - Qoseyr et Soueys, d'où il est transporé à Qené, dans la haute Égypte, et au Kaire. Pour la consommation intérieure, on le brûle dans des ateliers, sur un large plateau de cuivre, au compte des marchands en détail et des particuliers : ce. plateau est scellé à la surface d’un fourneau construit avec de la terre, en pierre ou brique. L'ouvrier qui brûle Îe café, entretient d’une main, avec des roseaux, un feu clair sous le plateau, tandis que, de l’autre, il le remue avec une espèce de balai formé de petites branches de palmier. Le café brûlé est ensuite pilé dans un mortier fait d’un tronçon de colonne de granit, creusé de deux décimètres [ sept à huit pouces environ |, d'un diamètre à peu près égal par le haut, et d’un décimètre [trois à quatre pouces | près du fond, selon que le mortier a servi plus ou moins de temps, mais généralement trop étroit dans le fond pour que deux pilons puissent y être placés à-la-fois. Deux et le plus souvent trois ouvriers lèvent et abaïssent successivement et avec force, dans le mortier, un pilon de quatre décimètres [ quatorze à quinze pouces | de long, du poids de cinq à six kilogrammes [ dix à douze livres], et quelquefois plus pesant, en accompagnant leur mouvement d’un chant mesuré, tandis qu'un enfant enfonce et retire sa main dans le mortier, et remue chaque fois le café, en suivant exactement, pour cette opération, la quatrième mesure du chant, lorsque ce travail se fait à trois ouvriers, et la troisième, lorsqu'il se fait à deux, sans jamaïs suivre des yeux les mouvemens des pileurs. Tandis que les Européens, peu habitués à ce genre de travail, le regardent avec surprise, craïgnant à chaque instant de voir la main de l’enfant écrasée par les pilons, le chef fume tranquillement sa pipe, et tous remplissent leur tâche sans se douter de lintérét qu'on porte à cet enfant. On enseigne de bonne heure dans les écoles à marquer la mesure, et cette instruction sert dans une foule de métiers, particulièrement pour l'art du pileur de café. Le maître frappe de sa baguette sur une table, et l'enfant doit présenter la main au point précis où a touché la baguette, puis la retirer latéralement. A mesure que le mouvement s'accélère, la maïn court plus de risque d’être frappée: avec de l'usage, l'élève parvient à éviter la baguette, quoiqu'elle batte à coups redoublés. C’est ainsi qu'on fait faire sans danger, aux plus jeunes enfans, un tra- vail que nous regarderions comme impossible. CoOUTELLE. PLANCHE XX VI. 3 F1G. 4 LE MAROQUINIER. Toures les préparations de peaux se font, particulièrement au Kaïre, dans ‘un vaste établissement, qui consiste en une cour immense, entourée d’une mul- titude d'ateliers où travaillent deux ou trois cents ouvriers. Le quartier où est située cette grande fabrique, se nomme /Hasänyeh. L'établis- sement lui-même est appelé e/-Madäbagh : il est près d'un lac désigné sous le nom de Birket el Sagqäyn , et qui n'est rempli d'eau que pendant trois mois de l'année, août, septembre et octobre; en sorte qu'aussitôt que l'eau diminuée s’y couvre d'une feurée verte, les ouvriers qui employoïent l'eau de ce lac pour Je travail de leurs peaux, sont obligés de les porter au Nil, en le suivant dans son décroissement. On tanne au Madäbagh, pour les habitans du Kaire et pour ceux de la haute Égypte, les peaux de taureau, de vache, de buffle, de mouton et de chèvre; mais on n'y donne pas à celles qui sont travaillées pour maroquin les dernières préparations qu'exige cette espèce de cuir. C’est dans un grand o’kel appelé Sakhtyän, situé près du Soukkaryeh, qu'on achève les maroquins, et c’est dans un marché connu sous le nom de Soug el-A’sr, qu'on les vend tous les matins. it noir, le jaune, et celui qui est teint en rouge, mais simplement avec le /eggem, ou le boïs coloré, ne s’achètent que soixante à quatre-vingt-dix médins la peau entière, tandis que le prix du maroquin coloré en rouge par le doud [le kermès ou la cochenille | s'élève à quatre, cinq et six pataques, et à huit et dix pataques, lorsqu'il vient de Barbarie. La figure représente un des ateliers du Madäbagh; on y voit deux hommes nus, occupés, l'un à laver , à fouler les peaux dans une suite de réservoirs, l’autre à les écharner sur le chevalet, avec li instrument usité en Égypte. {Voyez la Notice sur la préparation des peaux en Égypte, dans le »o/. IT des Mémoires sur l’État moderne, pag. 21.) | BOoUDET. D ie sotis sénsinanit two. au ns ‘sie tr: de à "rave RES #6 so #9b selles à ÿo coll shui BE dre spot *S8. Mel: ri 4 ok euoë denkeb 28l ab Et ren LAURE ob toit af" MabEs PR EN Ed Ce Pratt ne 50 same MR DE AS : srdiD #8 CR rs Guise) asie 1 VE ue se jantes His Dit WT 1: rh 1 étesii EA Fer si em — rotUEnR sb" “sil FU ETS DE p ro er AO ed Mavsirsive fn mb € to * ns Les Pr: sa Lori eh iris sf 3 AL és ét à 8 | £ 2 nest éal Feb or Ho Rte rer érs SES UE dun SES 36". : nt 7e A Mu me tes 8 #7 bo: “y “if me RE tr Hot ‘ ia FE 4 Ltée #4 ", suit s ne td SEE ae EH k an HUE stone : te ven" se # ” Act #4 roi se | + 4ë* ‘ de : " DEUS D ie. ARTS ET MÉTIERS. SN ITS ST I A PLANCHE X XVII. DICO LE PAISEURDE TUYAUX DE PIPE. Ox appelle chouboug les tuyaux de pipe faits en bois de différentes espèces, tels que le noïsetier, le cerisier, le lilas ou le jasmin ; on les paye soixante, quatre- vingts et jusqu'à cent pataques, lorsqu'ils ont dix fetr de long [dix-neuf décimètres environ |. Les tuyaux en roseau sont plus ordinaires, et s'appellent /ouz dokhän. L'ouvrier qui perce les tuyaux de pipe, soit de bois, soit de roseau, se nomme choubouggy ; y a au Kaïre un quartier appelé Choubouggyeh, auprès du Mou- ristân, où l'on ne voit que des boutiques occupées par cette espèce d'ouvriers. Le chouboukgy se sert d’une petite machine en forme de châssis, qu'il maintient avec le pied, et qui est garnie d'un gros fil d'archal, appelé retgäb. Au moyen d'un archet, il introduit ce fil dans le tuyau, qu'il tient perpendiculairement de la main gauche, et la mèche pénètre successivement jusqu'à l'extrémité. D'après la position du bois ou du roseau, l’on voit que le tuyau se vide de lui-même, sans que l’ouvrier perde du temps à le nettoyer, tellement que cette opération est faite en une ou deux minutes. On a aussi un calibre sur lequel on ajuste le tuyau quand il est percé, aïnsi que le représente la figure. Les tuyaux de boïs précieux sont garnis de soie plissée, et à la base, de fils d'argent et de soie entrelacés plus où moins richement. Quelquefois on les fait de deux parties , pour les rendre plus portatifs ; quand on veut fumer, l’on rejoint les deux bouts à l'aide d’une vis. | Voyez le détail de la machine planche XXX, fig. 17, et l'explication de la même planche. L'examen de cette planche donne lieu de renouveler la remarque de l'usage habituel que l'Égyptien fait de ses pieds. Cette habitude appartient à presque tous les ouvriers. On peut l’attribuer à ce que les gens du pays sont très-souvent déchaussés; par-là ils ont de fréquentes occasions d'employer le pied à divers usages. Les orteils étant libres, souvent exposés à l'air, et de plus toujours propres et bien lavés, conservent leur souplesse, leur mobilité naturelles, et acquièrent de la force par un exercice constant, comme cela arrive à tous les organes qu'on exerce. L'habileté de certains ouvriers est telle, qu'avec le pied ils saïsissent leurs . outils, les maintiennent sur un point et les dirigent même où ïl faut. À cet avantage les Égyptiens en joignent un autre: c’est d’avoir les pieds et les ongles bien faits, et non déformés comme chez les Européens qui usent d’une chaussure ÉS eos SeErr Voyez les planches XV, XVII, XX, XXI, XX. En Jo ARD. É, MÉPE. XXVIL I ra ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE XXVIIL. F16. 2, LE PÉLEUR DEV AS AC Les Égyptiens font usage de tabac pilé et non râpé; ils y mêlent un peu de natroun pour le tenir humide. Ce sel attire l'humidité de l'air et n’est point mal- faisant. | Les mortiers dont ils se servent sont de bois et ont la forme des nôtres; leurs pilons sont fort différens. [ls emploient pour pilon une massue fort longue, dont l'extrémité la plus étroite est celle qui frappe le mortier et broye le tabac, tandis que l'extrémité supérieure, qui est la plus large, augmente l’action du pilon par le poids plus considérable qui en résulte. Les mortiers et les pilons avec lesquels les Égyptiens pilent le café et diverses drogues, ne ressemblent point aux mortiérs ni aux pilons usités pour Île tabac. À. DELILE. né mé om de ti nee een ln tn en lai ie Et mis ÉD PE NS PS D EC EC ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE XXVIII. FiG 11: EATFAISEUSE DE MOTTES. Ex Égypte, où il y a fort peu de bois, on n’emploie guère au feu de la cuisine que. des mottes faites avec la fente des animaux. Beaucoup d'enfans et sur-tout de jeunés filles ramassent cette frente sur les chemins, et vont.la chercher dans les étables et les écuries ; ils la mettent dans de petites couffès ou corbeïlles dé feuilles de dattier, pour la porter aux femmes qui font les mottes. On voit, sur la gravure, deux filles ou femmes qui portent ces couffes sur leur tête ; ‘une troi- sième fait les mottes en brisant la fiente sèche, et la préparant avec un peu d’eau, de paille et de poussière. Les faiseuses-de mottes choisissent, pour ce métier, quelque cour dans les fau- bourgs, quelque ruelle ou passage peu fréquenté, ou un emplacement découvert, au-dehors de la ville. Elles pétrissent à terre, avec de l'eau, la frente des animaux, et pressent, sur la poussière et sur la païlle hachée, de petits taside cette frente, pour en faire des mottes minces et arrondies: elles font sécher ces mottes par terre, ou les collent contre les murs de leur habitation, d'où elles les ôtent quand elles sont sèches. G Cessmottes, bien allumées, donnent une flamme légère; sans beaucoup de fumée, et sans une aussi forte.odeur que l'on pourroit croire. Elles se réduisent en un charbon qui donne long-temps de la chaleur avant de tomber en cendres. L'usage de ces mottes a introduit celui de la fabrication du sel ammoniac, que l’on retire de la suie et de la poussière des maisons où l'on a ainsi brûlé la fente des animaux. On n’obtiendroit point ce sel de la suie qui résulteroit de la combustion des matières seulement végétales, tandis qu'il est formé et volatilisé naturellement dans la suie, lorsqu'on.a brûlé des matières animales. a CIE GEM ELLE À. Tous les transports de ‘fardeaux se font en Égypte à dos de chameau, et non sur des voitures. Le chamelier, chargé de soigner un ou plusieursichameaux, s'occupe aussi de tout l'attirail propre à charger les marchandises. Le chameau est nourri de paille et de féves, ou de trèfle, mis à terre devant lui dans sa mangeoire. À la ville, on le mène boire tous les jours; mais, lorsqu'on se propose de faire quelque voyage dans le désert, on habïtue, pendant quelques jours à l'avance, les chameaux à ne boire quertous les deux jours: tous ces soins sont du devoir du chamélier. Il rend cet animal docile à s’agenouiller et à se É. M: PL. XXVIIL I reposer à terre, pour recevc oir ou d époser sa charge fe (chameau st conduit par. une simple corde he autour dé sa tête, sans gêner les mâchoires ni le. museau. j à La selle consiste en deux barres longitüdinales, liées à à deux-fourches « qui appuient sur des coussins bourrés , pes SpResi re ment. Le ee attache les “La figure représente ces SA FT un est vide et suspenc ndu , ce dont les autres A sont déposés à terre et pleins de paille, dans | étiez où le chameau sont en repos. | Ê ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE XXIX, LE JARDINIER. Rasses des terres ne se fait en Égypte que par inondation. Une des principales occupations du jardinier est de distribuer l'eau pour arroser. Les jardins sont cultivés à la houe, et partagés en carrés au bord desquels on mé- nage des ruisseaux qui amènent l'eau. Le jardinier, en remuant la terre, ouvre ou réferme les -ruisseaux, d’où il a fait couler dans les carrés la quantité d’eau nécessaire. La gravure représente un jardin où l’eau commence à pénétrer d'elle-même, au bord d'un étang, à l'extérieur de la ville du Kaire. C'est la fin de l'été et le moment de linondation; le terrain reste abandonné à quelques herbes sauvages. Le jardinier , travaïllant nu-pieds, marche sans inconvénient dans les parties arrosées d'un jardin; et plante dans le limon les racines des herbes qu'il a fait lever de graines : il se fait aider par des femmes et des enfans. L’habillement fort large et léger de tous les ouvriers, en Égypte, leur laisse une grande liberté pour les exercices du corps; ils retroussent leurs longues manches, au moyen d'une corde fine que lon voit croïsée en sautoir sur leur dos, et qui forme un double anneau en repassant en devant sur chaque épaule. Le sol est facile à travailler ; il n'est point profondément retourné avec la houe, comme il pourroit l'être avec la bêche. La houe est suffisante: elle sert à arracher les mauvaises herbes, à ouvrir et à briser la terre pour len- :SeMeEnCET: La culture des dattiers et de la vigne, que les jardiniers émondent autant qu'il est nécessaire, ne leur a cependant pas fait faire.de progrès dans la culture ni dans la taille des autres arbres : ïls ne connoïssent presque point la greffe, et ne cultivent point .d'espaliers ; ils élèvent seulement la vigne sur des treillages de roseaux qui forment de longues allées couvertes. Le jardinier approvisionne les marchands fruitiers des herbes potagères de chaque saison, et de celles qui sont propres aux assaisonnemens ; il cultive plu- sieurs plantes à bouquet, parmi lesquelles le basilic fort odorant est toujours recherché ; il cueille les fruits, les dattes, les oranges et Îes citrons, qui sont | fort communs. À. DELILE. É: MMEL. XXI E eh L FT Li D ” su ‘à * EE té Ve RC ST OP ONE TON is 1. Fr3 se EE IS ;, y 1% rend: sa > cut Éd pps 5: . WT NE 4 tag À dut VOA eZ: fé 4 Me tie ie PE EN A3 Hs uH HET PAU PER ñÀ je he sais W ÿ AE RP OL IE PL N ÉRUE, \ | ARTS ET MÉTIERS. D D D D. J PLANCHE XXX. OUTILS ET INSTRUMENS. kb A figure 1 nt la serrure ordinaire des- Égyptiens faite en boïs, et qu'ils nomment dabbeh. Elle est vue de face, telle qu'elle se trouve posée à une porte. La figure 2 représente une Sie faite à plat sur l'épaisseur de cette serrure ; celle-ci est ouverte, et le verrou prêt à tirer. La figure 3 est le montant ou la portion verticale de cette serrure, vu sépa- rément avec la coupe transversale du verrou et de la clef : ici la serrure est fermée. La figure 3’ est le plan de la clef. Cette serrure est de bois et faite de deux pièces : l'une #4 (fig. 1 et 2), verti- cale et fixe, qu'on FES appeler le montant; l'autre 66, PORPONEE et mobile, qui est une espèce de pêne ou de verrou. | Le montant de cette serrure s'attache aux portes avec des clous; il est entaillé transversalement dans plus de moitié de son épaisseur, pour contenir le verrou. (Voyez en 4, fig. 3.) Au-dessus de l’entaille du montant se trouve un petit dé de bois très-dur (voyez en d, fig. 2 et 3 }, incrusté dans lépaïsseur même du montant. Ce dé, qui est ordinairement fait de buis, est percé de plusieurs trous, hors desquels s'abaissent de petites fiches de fer, susceptibles aussi de remonter et d’être entièrement cachées dans le dé qui les contient. Le verrou est plus épais aux extrémités que dans le milieu pour ne pas sortir de l'entaïlle du montant, tandis qu'il glisse de droïte et de gauche dans cette entaille. Ce verrou est longitudinalement évidé en dessous, de manière à présenter une coulisse qui se voit en e (fig. 2), et qui reçoit la clef « (fig. ret 2). Cette clefest un petit morceau de boïs propre à être introduit dans la coulisse du verrou. Elle est garnie de six dents de fer qui se voient en f (fig. 2). Les dents de cette clef, quand on la soulève dans la coulisse du verrou, pé- nètrent dans des trous correspondans, percés au haut de la coulisse de ce verrou, et rencontrent dans ces trous les fiches qui se sont abaïssées, hors du dé du montant. Ce sont ces fiches qui tiennent la serrure fermée ; et les dents de la clef, en déplaçant ces fiches, ouvrent la serrure. Les Égyptiens se servent de serrures de cette espèce pour fermer leurs maisons, leurs magasins et leurs armoires. [ls adaptent aussi quelquefois ces serrures à des coffres. Elles sont fabriquées par des menuisiers qui en ont toujours une grande quantité de toutes prêtes dans leurs boutiques, et de différentes grandeurs. Les plus petites sont au moins doubles de la figure 1 et de la figure 2. D MMPE,: KKS à 2 ARTS ET MÉTIERS. On met des serrures d'une grandeur médiocre dans les appartemens : on en met de fort grandes aux larges portés des maïsons et des villes. Il y avoit à la porte Bäb el-Foutouh, au Kaire, une serrure de bois dont le verrou avoit environ un demi-mètre | dix-huit pouces | de long, sur environ quinze centimètres d'épaisseur [ cinq à six pouces |. On fabrique, dans les grandes villes, ces serrures avec assez de soin, et l’on y emploie des pointes de fer pour faire les fiches de la serrure et les dents de la clef; mais, dans les villages, on substitue des chevilles de bois aux pointes de fer, et l’on na que des serrures grossières et moins solides. Les figures 4, $ et 6 représentent diverses parties d’une serrure de bois qui s'ouvre et se ferme avec une clef en fer, de même espèce que les clefs de nos serrures. La figure 4 est le pêne de cette serrure, vu de côté et en dessous; La figure $, le même pêne vu en dessus. | La figure 6 est le montant dans lequel glisse le pêne.. Il y a derrière le pêne de cette serrure un morceau de bois qui est taillé de ma- nière à représenter un tenon qui se loge tantôt au dedans, tantôt au dehors d’une échancrure du pêne « (fig. f). Lorsque la clef rencontre, en tournant, les dents du pêne (fig. 4), elle le fait avancer ou reculer; elle soulève aussi le morceau de boïs en tenon qui s'arrête dans léchancrure du pêne, et l’ouvre ou le ferme. Les serrures de cette espèce sont rares en Égypte; elles nous ont paru faites très-grossièrement sur le modèle de quelque serrure apportée d'Europe, et moins bonnes que la serrure (fig. r) que nous avons décrite la première. La figure 7 est celle d’une essette vue de côté et avec son manche. La figure 8 est la même essette vue en dessus. Cette essette sert de fermoir et de marteau aux menuisiers Égyptiens. Nous avons été trés-habitués à les voir manier cet instrument, qu'ils appellent gaddoum. Ils tiennent cette essette d’une seule main ; elle ne pèse qu'un demi-kilogramme [environ une livre]: elle sert aux menuisiers et charpentiers d'Égypte à. tailler les plus petits morceaux de bois aussi-bien que les plus gros. En France, les menuisiers ne se servent point d’essette; mais les couvreurs et les tonneliers sont les ouvriers qui s'en servent: les charrons emploient aussi de très-grandes essettes. | L'essette (fig. 7 et 8) est de la forme des essettes fabriquées au Kaiïre. On en apporte de beaucoup plus minces de Constantinople au Kaire; mais il est rare que les Égyptiens ne leur préfèrent pas celles fabriquées chez eux. Cette essette est très-commode pour les menuisiers et les charpentiers Égyp- tiens, qui restent le plus qu'ils peuvent assis en travaillant. Ils sont trés-adroits à se servir de cet instrument. | La figure 9 représente un bec-d'äne, espèce de ciseau propre à faire des mortaises : a est le fer de ce bec-d’âne forgé grossièrement ; 4 est un anneau de fer que les menuisiers placent entre le manche et la base de l'outil pour l'affermir. PLANCHE XXX. 3 Cet anneau supplée au rebord large et bien forgé qui garnit la base de nos ciseaux de menuisier , et qui les empêche d'entrer trop profondément dans les manches qu'on leur adante. La figure 10 est le tranchant du bec-d’âne vu de face. La figure 11 est un févileret dont les menuïsiers d'Égypte font un très-grand usage. La figure représente ce feuilleret vu en dessous et réduit à.un peu plus de moitié de sa grandeur. Il est plus long que les feuillerets des menuisiers Français. Les Égyptiens ne choisissent leur feuilleret aussi long que pour être plus sûrs de bien dresser leur bois, parce qu'ils n'ont point de varlopes, qui sont les longs rabots avec lesquels les menuisiers en France dressent le bois. Le seul LEE suivi par les menuisiers Égyptiens pour dresser un morceau de boïs, consiste à Re mièrement le feuilleret sur les bords du bois, pour dresser ces bords, et à enlever ensuite avec le rabot la partie de bois inégale restée entre les coups du feuillerer. Cette méthode dont les menuisiers Égyptiens ne s’écartent point, et qui est appropriée à leur attitude génée, puisqu'ils travaillent assis et qu'ils ne pourroïent manier une varlope longue et pesante, est pratiquée quelquefois par nos ouvriers en France. Elle est décrite dans l'art du menuisier ( Encyclopédie de Diderot et d' Alembert, page 67). C'est assurément une méthode très-convenable. Les figures 12 et 15 représentent deux rabots. Leur grandeur naturelle est au moins quatre fois celle de la figure. Ces rabots sont grossièrement façonnés. La lumière où espèce de mortaise d'un rabot ordinaire est difficile à faire. Les Égyp- tiens, pour éviter les difficultés de ce travail, se bornent à faire, sur le côté du füt de leurs rabots, une simple entaïlle avec la scie pour suppléer à une lumière, et pour tenir le fer au moyen du coin. En France, on nomme Jfeuillerets, gorgets, et bouvets, les rabots dont le fer se place ordinairement dans une entaïlle faite de cette manière, et qui servent plutôt à faire des rainures et des moulures, qu'à dres- ser et à aplanir le boïs. Aïnsi, en ne considérant les instrumens fo. r2 et 1j que par rapport à leur forme, ül faudroit les appeler feurllerets ; maïs, en considérant leur usage entre les mains des Égyptiens, il faut les appeler rabots. La figure 13 est le dessous du rabot ff. 2, à lame fort étroite. La figure 14 est le dessous du rabot fig. 15 , à lame plus large. La frite 16 est un foret ou vilebrequin qui peut être regardé comme particulier aux Égyptiens et à quelques peuples de l'Orient. a est le fer ou la mèche de ce foret; 4 est un manche arrondi, sur lequel se roule la corde d’un archet; « est la poignée ou extrémité supérieure du manche. La figure présente ce foret d’un tiers de sa grandeur. On se sert de cet outil en le faisant tourner rapidement par le moyen d’un archèt; on le fixe en tenant de la main gauche la poignée, tandis qu’on fait mou- voir larchet avec la main droite. La poignée de cet outil est toujours faite d’un noyau de doum. Ce noyau est très-dur ; il est creux à l'intérieur, et contient un bouton qui termine le sommet du manche. Les menuisiers Égyptiens se servent de ce foret avec une très-grande facilité,  ARTS ET MÉTIERS. PLANCHE XXX. La figure 17 est une machine à forer les tuyaux de pipe. Cette machine est composée d’un châssis marqué ff, qui est destiné à recevoir un ou plusieurs forets. z est un de ces forets, dont le manche et les diverses parties sont cotés ,c,d,e. a représente particulièrement la mèche qui perce les trous; elle est d’un fil d’archal épais, aïgu par le sommet, et qui porte une petite anse à la base pour être fixée dans le manche. On voit ce manche en 4, €, d, e; il est arrondi, et tourne par le moyen d’un archet. La corde de l’archet se roule sur la partie e. d est un rebord saïllant qui fixe le manche sous une des traverses du châssis. & est un anneau de bois ou de métal, mobile sur la partie e, et qui embras- sant fortement cette partie, y fixe l’anse du foret. | Cette machine est ordinairement haute d’un mètre et un tiers | quatre pieds |. La figure 18 est une essette qui a de la ressemblance avec celle des figures 7 et 8, mais dont le côté tranchant a beaucoup moins de largeur. On voit au Kaïre quelques menuisiers se servir de cette essette, pour dresser les côtés intérieurs des mortaises. ÿ | La figure 19 est une équerre à niveau ; elle est garnie.du cordeau et du poids de ce niveau. Les joints coudés au-dessus de la traverse de cette équerre sont d’une invention bizarre et manquent de solidité. La figure 20 représente la trrelle des maçons d'Égypte. C'est une spatule en fer, coudée comme l'indique la figure, et dont la longueur est d’un pied environ [ quatre décimètres ]. Les figures 21 à 26 représentent les instrumens qui servent à travailler le cuivre. La figure 21 est un warteau de chaudronnier. Ce marteau est plat par un bout pour travailler sur des surfaces un peu larges, et se termine, par le bout opposé, en une pointe mousse, pour frapper sur des objets diversement figurés. La figure 22 est une «salle pour couper les feuilles de cuivre. La figure 23 est une bgorne, enclume à deux branches, dont l’une plus forte que l’autre, relevée et terminée en tête. La figure 24 est un as, haut d'environ un mètre [ trois pieds], et dont le sommet est arrondi. La figure 2$ est un #allet pour aplanir des plateaux de cuivre. La figure 26 est une génce pour tenir le cuivre et le mettre au feu. À. DELILE et CÉCILE. ARTS ET MÉTIERS. SI ST IA AT PA NICET EX XX T, { CHIRURGIE.) Fic. 1 à 7. VUE ET DÉTAILS DE PANIERS PROPRES AU TRANSPORT DES BLESSÉS. N. B. On a cru quil ne seroit pasinutile d'insérer dans cet ouvrage la représentation des moyens de transport qui ont été imaginés par M. Ie docteur Larrey, RER en chef de l’armée Française d'Orient, pour le transport des blessés. Fic. 1. Vue de l'ambulance légère ou ambulance volante. Le groupe des personnes qui sont à la gauche du tableau, se compose du chirurgien en chef de l’armée, qui vient de panser deux blessés, assis sur le champ dé bataille des Pyramides; il ordonne aux serviteurs musulmans qui sont debout. derrière les blessés, de les mettre dans les paniers suspendus au dos du chameau : cet animal est accroupi pour faciliter le chargement des malades; auprès de lui est son conducteur. RC 42 022 4.01.) “lle panier d’ambulance vu sur toutes les faces et dans ses coupes ou Fic. 6 et 7. Les blessés assis dans les paniers de deux manières différentes. FiG. 8 et 9. SARCOCEÈLES D'HOMME ET DE FEMME. F1c. 8. Représentation d’un sarcocèle | oschéocholosie |, et de l'éléphantiasis aux jambes, développée au troïsième degré. Le sarcocèle pesoit trente kilogrammes. Fic. 9. Tuméfaction des parties sexuelles d’une femme Égyptienne, maladie du même genre que le sarcocèle. EMPAUMBE) XIRXE 410 PACE SOL A # vu a Rue =. e TABLE DE L'EXPLICATION DES PLANCHES DES ARTS ET MÉTIERS. P LANCHE Î. Fig. 1 à 10, fabrication de l'huile... .... ED CPS ER à Par MM. DEVILLIERS, Fig; 12, 13, four à poulets 2.127. PRES ME RS VANNES PAT INR JOMARD. PLANCHE IL. Fig. 1,2, 3, four à poulets... … NA. : CARRE EE RS à PR PI OUR ANCHAUX ONE à. 0 Dalle Fig. 7, 8, four à plâtre... ... NE Fig. 9, 10, 11, four à poteries. 1 Pat: or © JOMARD. ig. 12, tour du potier ne ÉD 17, EP OR IOUT à, VEITETIE-+ as eee + ce à SPAS Fig, 17, 18, 19, four à verrerie pour le sel ammoniac............. Fig. 20, 27, 22, 23, four à sel ammoniac.. ............. RE | PP ANORER LR RNE rc, Ne e Ve. HR NORNEN PES. CÉCILE. Vue et détaïls de Ia roue à jantes creuses, ou machine à arroser. zoNCe0e MINOR ON IE TEE M praiaeLe : #7 1 OT AE Lis JoLLoIs. Roue à pots, ou machine à arroser. RING IE MA LA ES le O2 RES RE EP AE OP JOLLOIS. Roue à pots, ou machine à arroser. ANCIEN er en te DRASS RME TE SES EN A NT CÉCILE, Vues et détails de deux machines à arroser appelées chädouf et mentäl, PLANCHE ILE. PART AU AE De SR SCA D A TTE PIESOR Tee À CÉCILE. Vue, plans et coupes du moulin à sucre. AN CNP AIRE LORIE RTE re Et LORPE UE CES JOLLOIS. Fig. 1, la charrue. Fig. 2, machine à battre les grains. PLANCHE IX... Re en te Le Fig. 1, charrue. RS VE pe PE NE PE TE L'ENTE JOLLOIS. Fig. 2, 3, machine à battre les grains. Fig. 4, $, 6, 7, machine à blanchir Le riz. Fig. 8, 9, 10, moulin à farine. DANGER ENG A UE Re EE RTL CAT HN ANES RE BOUDET. Fig. 1, le meunier. Fig. 2, le boulanger. Fig, 7, le pâtissier. Fig. 4, le confiseur, ou le fabricant de pâtes sucrées. PLANCHE X1. FRE TAROT RE RENTE Pise JO RS RER Pranone XII: 2 | LR SAP NAN L ER. SR RE ER Le cts DEVILLIERS. Vue intérieure d’un moulin à huile. TA CEDEREACL) LR aeE era x Vue intérieure de l'atelier du tisserand. PTANCHEIXIV Nu FPE Fig. 1, le passementier. SU SES SN NAS ROZIÈRE. NAME NET MAPS RENE" JOMARD. À RP A LE RE EN CE ET COUTELLE. RAT RSR LE CONS ER AN TAN ADN JOMARD. Fig. 2, le faiseur de cordonnets. Fig. 7; le fabricant d’étoffes de laine. Fig. 4, le ceinturonnier. É. M. TOME Le, 1° partie, PRANGEE APR NOR PRET LT AE MI VEET AN RrÈTE Fig. 7, l’'arçonneur de coton. "4e Fig. 2, le fileur de laine. . . Fig. 7, la dévideuse de laine. ù Fig. 4, le tourneur en bois. Fig. $, le serrurier en bois. PRANO A I ELA ET E RRT E AARET Eee ie et Fig, 1, le teinturier.. Fig. 2, le cordier. PLANCHE XVII ee © ee © © = PERS M ME PES EN ee e c'e ee « Fig. 1, le brodeur au tambour. Fip. 2, le fabricant de feutres. PA A AA den di SLR TRE AE .S à 2 CRT Fig, 1, le maçon. Fig. 2, le couvreur. RANCE NA TEA ERNEST RS CS RE Fig. 1, le charpentier. Fig. 2, le menuisier. Prancus XX. Fr NT ietaseunDdenattes es Ne eee ue NL AR RES TS He, Jefaiseunde contest ere mere RME ee de PPANGEE NON NE A EME LE NN ET Re JEU Fig. 1, le chaudronnier. Fig, 2, le forgeron. PLANCHE ALERTE pl troh 8 ras 5 GEtbe pt sale Ta afiattne Vue intérieure de latelier du fabricant de poteries. PA Ce AIT ITR EEE RS DR LAS Lien ec ESC TM Le fabricant de bouteilles de verre. PLAN GENE ONATEO RER ARE APE LE DER SE CRE GARE } Le fabricant de sel ammoniac. PRLNC NN ONON ON PARMERVE NARNIA UML ET RAC NUS 7 TANT ee Fig. 1, lémouleur. Fig. 2, le barbier. PLANCHE X XVI. Fr detaandien Cr CELPE EEE CEE EE sf Lier ATEN Fine} imoulinephirer rte eee cet ec Fir, 3,ratelieroul'onbrüleecafé.,. te ne Fig. 4, le maroquinier. . . .…. TEE 20 AL LOS URTE SE Piancue X XVIL, Fig, 1, le faiseur de tuyaux de pipe. ..:... SERRE 2 PR AN "RS SUTE Fig. 2, le pileur de tabac..............,............. PLANCA EX AVI. RES, di se Fig. 1, la faiseuse de mottes. Fig. 2, le chamelier. ANCIEN MES AE al SM dE Re NE PAS EE Fio. 1, le jardinier. F , PIANGAE AAA, RS EL Aa Dors Outils et instrumens. PLANCHE X XXI. Chirurgie. — Vue et détails de paniers propres au transport des blessés. ,...... RE de do. ] Par MM. A. DELILE. HuMmBLOT-CONTÉ. +4 JOMARD. LE PÈRE, architecte. LE PÈRE, architecte. JOMARD. À. DELILE.: COUTELLE. BOUDET. BOUDET et JOMARD. COLLET DESCOSTILS. JOMARD. COUTELLE. JOMARD. COUTELLE. + BOUDET. JOMARD. A. DELILE. A. DELILE. À. DELILE. À. DELILE et CÉCILE. B.°" LARREY.