i v X, 1 0INDERS \ ETUDE SUR LES OISEAUX ts ARCHITECTURE DES NIDS DÉNICHAGE — OISEAUX SÉDENTAIRES PAR M. !F. LESCUYER MEMBRE TITULAIRE DE j/jNSTITUT DES PROVINCES IÎT DU CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCK. DE LA SOCIÉTÉ PROTUCTHICK DES ANIMAUX, DK PARIS, DK LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION, DE PARIS, MEMBRE TITULAIRE ET FONDATEUR DK LA SOCIÉTÉ &OOLOG1QUK DE FRANCE, MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE DK STANISLAS, DE NANCY, DE L'ACADÉMIE NATIONALE DE REIMS, DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, COMMERCE, SCIENCES ET ARTS, DR LA MARNE DE LA SOCIETE DES SCIENCES ET ARTS DE VITU Y LK-FHANÇOItt, DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE I>\\GR1CULTUR1C, SCI UN CES, ARTS ET RKLI.KS-LKT TRES, DE L'AUBE, DE LA SOCIÉTÉ DES LETTRES, SCIENCES ET ARTS, DK 1JAK-LK-DUC, DK LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE DK LANGUES, DE LA SOCIÉTÉ LINNKKNNE DK MAINE-ET-LOIRE, DE LA SOCIÉTÉ LINNKKNNE DE BORDEAUX, ETC. Ouvrage couronne par la Société (l'Agriculture de France DANS SA SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE DU 27 JUIN 1876 MÉDAILLE D’AUGrENT DEUXIÈME ÉDITION, REVUE ET AUGMENTÉE PARIS J. -B. BAILLIERE et FILS LIBRAIRES-ÉDITEURS 19, rue Ilautefeuille, 19 Victor PALMÉ LIBRAIRE-ÉDITEUR rue de Grenelle-St-Germain, 25 SAINT-DIZIER Firmin MARCHAND, Libraire-Éditeur 1 8 7 S Vf 3< ( ÉTUDE SUD LES OISEAUX ARCHITECTURE DES NIDS 1 ETUDE SUR LES OISEAUX Q'iJp fS _ Ltfé ARCHITECTURE DES NIDS PAR M. P. LUSCUYER MEMBRE TITULAIRE DE L’INSTITUT DES PROVINCES ET DU CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. DE LA SOCIÉTÉ PROTECTRICE DES ANIMAUX, DE PARIS, DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION, DE PARIS, MEMBRE TITULAIRE ET FONDATEUR DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE DE FRANCE, MEMBRE CORRESPONDANT DE L’ACADÉMIE DE STANISLAS, DE NANCY, DE L’ACADÉMIE NATIONALE DE REIMS, DE LA SOCIÉTÉ D’AGRICULTURE, COMMERCE, SCIENCES ET ARTS, DE LA MARNE, DIS LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS DE VITRY LE-FRANÇOIS, DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE D’AGRICULTURE, SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES, DE L’AUBE, DE LA SOCIÉTÉ DES LETTRES, SCIENCES ET ARTS, DE BAR-LE-DUC, DE LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE DE LANGRES, DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE DE MAINE-ET-LOIRE, DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE DE BORDEAUX, ETC. Ouvrage couronné par la Société (l’Agriculture de France DANS SA SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE DU 27 JUIN 1875 MÉDAILLE D’ARGENT DEUXIÈME ÉDITION, REVUE ET AUGMENTÉE PARIS J.-B. BAILLIERE et FILS LIBRAIRES-ÉDITEURS 19, rue Hautefeuille, 19 Victor PALMÉ LIBRAIRE-ÉDITEUR rue de Grenelle-St-Germain, 25 SAINT-DIZIER Firmin MARCHAND, Libraire-Éditeur AVIS DE L’ÉDITEUR. Le jour où ce livre a été couronné par la Société centrale d’agriculture de France, M. Les- cuyer a appris que trois ouvrages, traitant des nids, avaient été publiés, l’un en Italie, un autre en Allemagne et le troisième en Angleterre, mais qu’ils n’avaient pas été traduits en français. Comme beaucoup d’ornithologistes, il en ignorait l’existence. Il ne s’est donc nullement inspiré des doctrines qu’ils contiennent. Toutefois des publications d’ornithologie faites dans des lan- gues différentes ne sont jamais que des traduc- tions plus ou moins exactes du grand livre de la nature. Les auteurs, sans se copier, peuvent et doivent ainsi être en communauté d’idées sur beaucoup de points. Nous qui habitons Saint-Dizier et qui connais- sons particulièrement M. Lescuyer, nous pouvons déclarer qu’à vrai dire ce livre a été composé dans les plaines, sur les eaux, dans les forêts, c’est-à-dire au milieu des oiseaux et de leurs nids. Chercheur passionné de la vérité, l’auteur ne s’est laissé arrêter, dans ses explorations, ni par la fatigue, ni par des sacrifices et des dan- gers de toute sorte. C’est ainsi qu’il est arrivé à faire d’innombrables et consciencieuses observa- 6 tiens, à en déduire les théories qu’il a exposées et, en particulier, celle si remarquable des élimi- nations végétales et animales. Si donc, en matière de nids, son ouvrage n’est pas, comme il le pensait, l’unique ou le premier, il est au moins d’une complète originalité, et c’est là que je voulais en venir; il sera certainement un nouvel et impartial hommage rendu aux véri- tés qui ont pu être déjà exposées par des auteurs étrangers. J’espère, du reste, que cette publication, qui, dès son apparition, a été l’objet d’encourage- ments si flatteurs pour l’auteur, rendra de véri- tables services à la science, à la société et surtout à l’agriculture, et que, pour ces raisons, elle aura de nombreux lecteurs. Pour rendre plus sensibles ses descriptions et faciliter la propagande de ses démonstrations, M. Lescuyer a réuni, en neuf groupes, les types les plus caractéristiques des nids, des œufs et des oiseaux de sa collection (1), et il en a confié la reproduction à M. Jacob, photographe à Chaumont et à Saint-Dizier, à la condition que ses photographies soient très-soignées et ven- dues à bon marché (2). Firmin MARCHAND, Éditeur. (1) Les oiseaux ont été montés par Petit, naturaliste prépara- teur, à Pans, avenue d’Orléans, n° 35. (2) Elles se trouvent chez les Editeurs, aux prix mentionnés sur la couverture. SOCIÉTÉ CENTRALE D’AGRICULTURE DE FRANCE. La Société centrale d’Agriculture de France, ayant accueilli cet ouvrage, l’a envoyé k l’examen de sa section des sciences naturelles, composée de MM. Brongnard, de Quatrefages, Blan- chard, Daubrée, tous membres de l’Institut, et de M. Milne Edwards, membre de l’Institut, doyen de la faculté des sciences, administrateur et professeur de zoologie au muséum d’histoire naturelle. Conformément aux conclusions d’un rapport fait au nom de cette section, par M. Milne Edwards, une médaille d’argent a été accordée k M. Lescuyer. Elle lui a été remise par M. de Meaux, ministre de l’agriculture et du commerce, dans la séance pu- blique annuelle du 27 juin 1875. EXTRAIT DU RAPPORT DE M. MILNE EDWARDS. « M. Lescuyer passe la plus grande partie de sa vie k la cam- pagne; le spectacle de la nature lui inspire un vif intérêt, et il a compris de bonne heure que la connaissance des harmonies naturelles est utile au cultivateur, non moins qu’au philosophe. Il a compris également que, pour acquérir k ce sujet des idées justes, il fallait, tout d’abord, noter avec soin les faits particu- liers, les comparer entre eux, en peser la valeur et en chercher la signification; fournir ainsi aux raisonnements des bases solides et approfondir certaines investigations bien circonscrites, plutôt que de s’occuper de généralisations. M. Lescuyer a été conduit, de la sorte, k étudier avec persévérance les mœurs des oiseaux qui habitent le pays où il demeure, et, comme il ne perdait jamais de vue les intérêts du cultivateur, il a dirigé principale- ment son attention sur les circonstances qui favorisent ou qui restreignent la multiplication de la population ornithologique dont le concours nous est utile contre l’envahissement des in- sectes nuisibles k l’agriculture. Il s’est appliqué à bien connaître les caractères du nid de chacun des oiseaux qui habitent la région où il se trouve, et, dans cette vue, il a formé une collec- tion très-nombreuse de ces constructions légères, variées et parfois élégantes. Au moyen de la photographie, il en a repro- duit les principales formes, et il a cherché k les classer métho- diquement non d’après les espèces ornithologiques auxquelles ils appartiennent, mais d’après leur mode de constitution. 8 « M. Lescuyer s’est appliqué aussi à déterminer avec précision les époques de ponte des oiseaux qui habitent la vallée de la Marne. Pour chaque espèce, il a noté les dates de la première et de la deuxième ponte, ainsi que la date de la ponte intermédiaire, lorsqu’il y en a trois, et il a disposé ces indicateurs en tableau par ordre chronologique. « Nous ajouterons que M. Lescuyer a observé un grand nom- bre d’autres faits intéressants, relatifs aux mœurs de plusieurs espèces et aux relations qui existent entre les variations que l’on y remarque et les conditions biologiques dans lesquelles les individus se trouvent. Enfin l’auteur s’occupe de l’utilité agricole de ces animaux et des mesures législatives ou autres qui lui paraissent nécessaires pour favoriser la multiplication des oiseaux insectivores. Nous ne croyons pas devoir entrer ici dans l’examen détaillé de ces questions, qui ne sont guère sus- ceptibles d’analyse, et nous nous bornerons à dire que, sur un grand nombre de points, nous partageons les opinions de M. Lescuyer ». LETTRE DE M. GODRON, DOYEN HONORAIRE DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE NANCY, MEMBRE CORRESPONDANT DE i/lNSTITUT , ETC. Nancy, le 30 juin 1875. Mon cher Monsieur, C’est avec une satisfaction bien vive que j'ai lu les travaux que vous avez publiés jusqu’ici sur les oiseaux. Les observations personnelles, si nombreuses et si variées, que vous avez faites, avec autant de patience que de sagacité sur ces intéressants vo- latiles, sur leurs mœurs, leurs habitudes, et spécialement sur le rôle providentiel. qu’ils remplissent, vous ont conduit à établir la théorie de Y élimination judicieusement déduite des faits que vous avez constatés. Votre nouvelle étude sur les nids des oiseaux, dont vous avez bien voulu me communiquer le manuscrit, n’est pas moins digne d’attention. Vous avez décrit avec un soin minutieux les diverses espèces des nids de la région que vous habitez et dont vous pos- sédez la collection complète ; en observant les oiseaux R l’œuvre vous avez pu surprendre leurs procédés de construction. Aucun nid n’a échappé à vos investigations, pas plus celui de la pie, perché jusqu’au sommet des arbres les plus élevés et protégé, comme une véritable citadelle, par des rameaux épineux contre 9 les rapaces, que le nid plus humble du troglodyte, caché dans la mousse et dissimulé avec un art admirable. Aussi vous nous avez initiés îi beaucoup de faits intéressants, les uns complètement nouveaux, d’autres jusqu’ici imparfaite- ment observés ; vous avez exposé clairement des doctrines vraies et, j’aime à le croire, vous venez d’élever à la science un monu- ment aussi durable qu’original. Veuillez, cher Monsieur, agréer l’assurance de mes sentiments les plus dévoués. Godron. EXTRAIT D’UN RAPPORT FAIT EN MAI 1877, PAR M. GEOFFROY SAINT - HILAIRE , DIRECTEUR DU JARDIN D’ACCLIMATATION , A LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. Dans plusieurs publications, M. Lescuyer s’est occupé de l’étude des mœurs de nos oiseaux indigènes. Ces travaux ont attiré l’attention de la Société. Les études comme celles faites par M. Lescuyer sont des guides précieux pour combattre les espèces nuisibles ou pour protéger celles qui profitent à l’agriculture. ÉVÊCHÉ Chàlons, le le*' juillet 1875. de CHALONS - SUR - MARNE Monsieur, J’ai lu avec le plus grand plaisir votre Etude sur V Architec- ture des nids. Ce travail, qui a pour base vos observations per- sonnelles, est l’analyse patiente de tous les procédés, de toutes les industries, de toutes les précautions de l’oiseau constructeur. Je n’ai rencontré nulle part une exposition aussi complète de l’art de ce charmant architecte et de ses œuvres. Des naturalistes plus autorisés diront mieux que moi le mérite d’un livre si original qui enrichit l’çrnithologie de faits 10 nouveaux ramenés à des principes lumineux et incontestables, d’une admirable simplicité. Mais je tiens h louer ce qu il y a de religieux et de sérieusement philosophique dans votre livre à la fois si gracieux et si technique. Tandis que le matérialiste et le panthéiste veulent systémati- quement tout ramener à une sorte de Dieu-nature, inconscient, fatal, qui n’explique rien, et serait le plus grand des mystères s’il n’était pas une absurde conception, vous. Monsieur, vous montrez dans l’oiseau l’ouvrier du Dieu créateur et providence, ouvrier qui, dès le premier jour, a construit le nid dans une perfection telle, qu’elle ne permet ni progrès, ni changement. « La demeure des hommes », dites-vous, « a varié suivant les siècles, les besoins et les fantaisies : le berceau de l’oiseau a atteint du premier coup sa perfection relative ». Je souhaite vivement que votre livre se répande et par les principes religieux qu’il professe, et par les progrès qu’il est appelé à réaliser dans la science, et par les conseils qu’il donne au profit de l’utilité publique. Agréez, Monsieur, l’assurance de mes sincères félicitations. *f- Guillaume, évêque cle Châlons. ÉVËCIIÉ DE LANGRES Saint-Dizicr, le 11 août 1875. (haute-marne) Monsieur, \os études sur les nids des oiseaux sont pleines de charmes et d intérêt ; elles sont le résultat d’observations aussi intelligentes que soutenues, et si les savants ont su les apprécier, tous ceux qui vous liront vous sauront gré d’avoir mis en lumière des merveilles qui échappent à bien des esprits distraits. Vous ne vous contentez pas de montrer la beauté si variée et architecture si savante des nids d’oiseaux ; vous rattachez souvent à vos descriptions des renseignements précieux, de hautes considérations, et ceux dont vous n’aviez voulu faire, ce semble, que des architectes, deviennent des êtres aussi utiles nrévo van tS ' ^ moralistes do «t la tendresse et la prévoyance donnent les plus sages leçons. nrofitahlp Ure ^ V ° tr6 intéressante P°ur tous, sera surtout ] roütable aux agriculteurs : on trouve des pages qui désarme- raient les dénicheurs les plus barbares, et l’ensemble contribuera à faire bénir cette admirable Providence qui a voulu que les airs, comme la terre et l’eau, aient des habitants pour publier sa gloire. Agréez, Monsieur, l’assurance de mes sentiments aussi respec- tueux que dévoués. f Jean, évêque de Langres. EXTRAIT D’UNE LETTRE DE SON ÉMINENCE LE CARDINAL DE BORDEAUX. Monsieur, Bordeaux, le 9 novembre 1873. Tout ce que vous avez écrit sur les oiseaux a déjà produit une très-salutaire impression et je vous en félicite. Votre étude sur l’architecture des nids m’a particulièrement intéressé; aussi j’aime à répéter cette phrase si vraie et si poétique de mon bien- aimé frère et ami de Châlons : que je n’ai jamais rencontré une exposition aussi complète de l’art du plus aimable des architectes et de ses œuvres. La lecture de votre livre, vous dirai-je encore, avec le vénérable et bien cher évêque de Langres, intéressant pour tous, contribuera à faire bénir cette admirable Providence qui a voulu que les airs, comme la terre et l’eau, aient des habitants pour publier sa gloire. Agréez, Monsieur, l’assurance de mes sentiments les plus distingués. f Ferdinand, cardinal DONNET, Archevêque de* Bordeaux. EXTRAIT D’UNE AUTRE LETTRE DE SON ÉMINENCE LE CARDINAL DE BORDEAUX. __ Bordeaux, le 3 novembre 1877. Monsieur, Rien de plus gracieux et en même temps de plus original que vos études sur l’oiseau. Ce rôle providentiel d’éliminateur, que vous décrivez si bien, suffirait à lui seul pour mériter à vos aimables clients la sympathie des cultivateurs et le respect des braconniers. — 12 — Puissent Jes exemplaires de vos ouvrages se répandre par milliers dans nos campagnes ? Mon vœu est d'autant plu s s j n _ cère que je considère comme un des bonheurs de ma vie d’avoir été si souvent appelé ii défendre cette cause dans nos comices agricoles et même devant les premiers corps politiques de l’Etat. Tout à vous. f Ferdinand, cardinal DONNET, Archevêque de Bordeaux. A MES ENFANTS INTRODUCTION Des milliards de créatures humaines n’auraient pu, depuis la création, vivre et se renouveler sur la terre sans une continuelle et très-abondante repro- duction des végétaux; aussi les forces reproductives de la végétation sont-elles d’une puissance merveil- leuse. Néanmoins tout le bien que l’homme peut en at- tendre n’est assuré qu’autant qu’elles sont modifiées et équilibrées par d’autres forces, dont nous avons parlé dans une étude précédente (1) et que nous avons appelées forces de X élimination. « L élimination complète d’un végétal ou d’un ani- mal comprend trois opérations : la mise à mort, le déplacement et la transformation en humus. Ces trois opérations ne sont pas toujours pratiquées par le meme éliminateur. La gelée fait périr une plante, mais sans la déplacer ni la transformer. Au con- traire, le corbeau, en mangeant un animal en putré- faction, ne fait que le déplacer et le transformer. Le moineau, en prenant et en avalant une chenille, l’élimine complètement. (1) Les Oiseaux dans les Harmonies de la Nature , 2 e édition. Uez Bailllère et Palmé, éditeurs, à Paris; et Firmin-Marchand, éditeur, h Saint-Dizier. 40 ARCHITECTURE DES NIDS. « A la différence de la moisson, de la fenaison, du défrichement, de la coupe de bois, de la cueillette des fruits, qui sont autant de destructions générales nécessaires à la consommation, l'élimination ne s’at- taque qu'à une faible partie des genres ou espèces des végétaux ou des animaux qui sont groupés dans le même lieu, ou même, par voie d'amputation, à un seul de leurs membres. « L’élimination est doublement extensible. Elle peut : 1° attaquer une partie très-limitée d’un être ou un nombre plus ou moins considérable de végé- taux ou d’animaux de différentes espèces d’un même groupe ; 2° ne pas rester concentrée en un même lieu et au contraire se propager de contrée en con- trée, d’une région à l’autre. Une gelée frappe ordi- nairement plusieurs territoires. Les semences des végétaux sont emportées par le vent ou par les ani- maux. Les invasions lentes, mais progressives, des insectes deviennent régionales. L’action des oiseaux s’étend à d’immenses surfaces. « Par suite de cette force d’extension, l’élimination s opère ainsi plus ou moins rapidement, selon les circonstances. « L élimination détruit tantôt un végétal ou un ani- mal plein de vie, tantôt un être débile, tantôt enfin elle décompose un corps organique qui a été frappé de mort. « Dans ces diverses circonstances, son but princi- pal n est pas, comme celui de la moisson, de pour- voir avant tout à la consommation de l’homme. ARCHITECTURE DES NIDS. 47 mais de faire disparaître, dans une sage mesure, les végétaux et les animaux qui languissent ou sura- bondent dans un lieu quelconque et les corps orga- niques qui se trouvent privés de vie, afin de favo- riser par un certain déplacement de forces de la production le complet développement des êtres qu’elle y laisse ou qui doivent succéder à ceux qu’elle enlève. « Une autre conséquence de l’ élimination, c’est que les produits qu’elle détruit sont convertis en pro- duits nouveaux. « Et il arrive ainsi que, si l’élimination, dans le moment où elle intervient, prive l’homme d’une partie, d’ailleurs très-faible et de peu de valeur, des végétaux et des animaux qui existent, elle lui pré- pare pour plus tard des ressources beaucoup plus précieuses. « L’énumération des nombreuses espèces d’élimi- nateurs et de leurs moyens si variés d’action nous a déjà fait connaître sa puissance. & Tantôt par l’action de la chaleur, du froid, de l’humidité et du vent, elle opère de véritables razzias, mais seulement dans telle ou telle contrée, telle ou telle région, et par intermittence ; tantôt, quand les végétaux sont très-rapprochés, elle fait succomber les plus faibles sous l’action des plus vigoureux. Le plus souvent, elle se porte d’un point à un autre pour produire en détail et d’une manière avantageuse tous ses efforts. « ,Les insectes, les petits animaux et les oiseaux iS ARCHITECTURE DES NIDS. qui sont chargés de ce dernier travail de répartir l’élimination sur tous les points, de la pratiquer en détail, mais quelquefois aussi en grand où elle devient particulièrement nécessaire, sont conformés et outillés de façon à attaquer, dans certains pays ou certaines parties de territoire, tels ou tels êtres, telles ou telles parties de ces êtres, pour les détruire et les transformer immédiatement. « C’est pour accomplir la partie la plus difficile et la plus importante de cette tâche, que les oiseaux ont le privilège de faire des déplacements très- mul- tipliés, très-rapides et très-éloignés, malgré tous les obstacles. « Quoique puissante, l’élimination n’est que secon- daire par rapport à la production ; mais elle est à cette force principale, dont elle est inséparable, ce que le frein et l’aiguillon sont pour l’animal de trait, ce que sont le frein, le volant et le régulateur par rapport au moteur d’une machine. « Or, nous savons que le régulateur d’une force est, malgré ses faibles proportions, capable de grands effets. Un enrayoir, une guide, si petits en compa- raison d’une voiture, d’un cheval, suffisent pour les arrêter. « Il pouvait donc arriver que les éliminateurs vinssent bouleverser la production végétale et ani- male, produire le désordre, le chaos et rendre la terre inhabitable pour l’homme. ais Dieu a tout combiné si merveilleusement dam cette partie de la mécanique terrestre, que ARCHITECTURE DES NIDS. 19 d’immenses bienfaits nous sont assurés quand nous n’y mettons jp as obstacle « . Nous croyons avoir ensuite démontré qu’il existe toujours une parfaite concordance entre les forces de la production et les forces de l’élimination, et que la puissance de la seconde se proportionne à la puissance de la première, de manière à pou- voir, selon les circonstances, la modérer ou l’ac- tiver. Il est surtout à remarquer que les éliminateurs de l’ordre des animaux se reproduisent de telle sorte, qu’ils assurent cet équilibre entre la production et l’élimination. Les questions qui se rattachent à ces matières ont donc une très-grande importance, et il est particu- lièrement intéressant de rechercher et d’exposer quelques principes essentiels touchant la reproduc- tion des oiseaux. ARCHITECTURE DES NIDS I. De l’œuf et du nid. — De leur raison d’être. Ou sait que la vie animale n’est possible qu’au moyen d’une chaleur corporelle variable selon les espèces (1). Si un animal ne peut vivre sans une certaine chaleur corporelle, à plus forte raison, il ne peut naître, se former et se développer que dans des conditions de température à peu près égales à celle de ses parents. Aussi est-ce une règle sans exception , que le premier germe d’un animal se produit dans le corps d’un être de son espèce. 11 naît dans un œuf. (1) On peut en juger d’après quelques exemples donnés par John Davy. Température du corps en degrés centig. Canard commun Grive Chien Chat commun... Ecureuil Tortue Serpent. Requin Truite commune. Limaçon Ecrevisse Guêpe Grilîon 43 42.8 39 38,3 38.3 28.9 31.4 25 14.4 24.0 26.1 24.4 22.5 22 ARCHITECTURE DES MDS. L’œuf a la forme arrondie des corps qui en pénétrent d’autres. Cette forme est celle d’une cir- conférence un peu allongée, si bien caractérisée parles variétés d’œufs, qu’on l’a appelée ovalaire, du nom de l’œuf (1). Les insectes, les crustacés, les mollusques, les poissons, les amphibiens, ayant une température corporelle plus basse que les mammifères et les oiseaux, ont pu placer leurs œufs sur la terre nue et dans l’eau. Au dedans et au dehors de ces œufs les petits atteignent leur premier développement sous l’influence de la chaleur atmosphérique, à la façon des végétaux. Chez les mammifères dont la température se rapproche beaucoup de la chaleur humaine, à en juger par les exemples cités , le premier germe devait se développer dans le corps de la mère, et non à la température trop froide de l’air et de l’eau (2). Pourquoi n’en est-il pas de même chez l’oiseau, dont la chaleur corporelle est plus élevée que celle mnhL m0t f u f vient du latin ovum et du grec cMv, forme pri- d à deux mètres P lus bas - u " de , in S ^T tî ang ’ ?“ nid de STèbe-castagneux, et, à trois mètres de là, un nid de sterne-épouvantail (17 juin 1873) l m r o l0 . g !s d ® canar( ïï er > un nid de eanard-nyroca, et* à un mètre ae la, à I extrémité, un de morelle (15 mai 1874) ■ detix r mMrps U ririi l0 Pi’ de .f a - nardier ’ deux nids de héron-blongios, et, à x mètres de là, à 1 extérieur, un de poule d’eau. (20 juin 1874.) ARCHITECTURE DES NIDS. 31 que la buse, le milan et l’épervier-autour ? Cela est probable, car j’ai trouvé, dans le flanc d’un nid de corbeau-corneille, un nid de grimpereau (15 avril 1867) ; dans celui d’un héron, un de friquet (12 mai 1866) ; dans celui d’une buse, un autre de friquet (8 mai 1874) ; dans celui d’un épervier-autour, un de grimpereau (2 mai 1871) ; dans celui d’un milan royal, un de friquet (2 mai 1866), et dans celui d’un milan noir, un de grimpereau (20 mai 1874). Plu- sieurs fois aussi, j’ai vu sur le même arbre des nids de colombe-colombin et d’étourneau avec des frelons ou des abeilles. En résumé, chacun a pu voir des nids plus ou moins rapprochés sur tous les points de la surface terrestre, celui de l’alouette sur la terre, de la fauvette sur un buisson, de la grive sur les taillis, de corbeaux sur les arbres, de grèbe-castagneux sur l’eau, de la rousserolle sur les roseaux. Pour nicher, l’hirondelle de rivage et le martin-pêcheur pratiquent dans le sol des trous qui ont jusqu’à 80 centimètres et même 1 mètre 20 de profondeur ; dans le même but, les pics se creu- sent dans le tronc des arbres de véritables cham- bres. Pour les nids d’une espèce, on remarque ordinai- rement les mêmes particularités de lieux; cependant quand certains oiseaux prévoient une grande abon- dance de nourriture sur un point où ils ne peuvent établir leurs nids comme à l’ordinaire, ils se rési- gnent à sortir exceptionnellement de la règle qu’ils sont instinctivement portés à suivre. Ainsi j’ai vu des œufs de chouette-hulotte sur la mousse du sol et sur le grenier d’une maisonnette des bois, des nichées de huppes sur terre et sous 32 ARCHITECTURE DES NIDS. des fagots, de mésanges charbonnières dans un nid d’écureuil, de mésanges bleues dans des nids de troglodytes et de grives , de mésanges mouettes dans des nids de merles. Or, ces oiseaux nichent toujours dans des trous d'arbre, quand ils en trouvent à leur convenance. ARCHITECTURE DES NIDS. 33 III. En général, c’est l’oiseau qui construit son propre nid. Exceptions. Le nid étant en général nécessaire pour la repro- duction de l’oiseau, il fallait que celui-ci pût en édifier, mais cependant sans trop de fatigues et de peines. Ainsi la plupart des oiseaux, et surtout ceux de petite taille, peuvent se contenter, pour chaque reproduction, d’un nid relativement peu solide ; le travail long et difficile d’un logement destiné à durer plusieurs années est donc inutile. D’ailleurs, il eût été impossible à beaucoup d’entre eux d’aller chercher et de manier de gros matériaux, tels que des baguettes de bois ; de plus, les nids même très- solides fixés sur la terre n’auraient pu résister aux intempéries de l’hiver ; enfin, les conditions de l’éli- mination se modifient souvent, et de manière à entraîner pour les oiseaux un changement corres- pondant de domicile. Beaucoup d’oiseaux sont donc obligés, chaque année, de faire de nouvelles constructions. Un certain nombre de ceux qui font plusieurs pontes en un été sont meme forcés de recommencer autant de nids que de pontes. Après l’élevage d’une première famille, la couche est au moins déformée, poudreuse, et souvent envahie par les insectes. Par cela même que le nid est très-simple, l’oiseau, avec les aptitudes dont il a été doté et que comportait sa constitution, peut en construire assez 3 34 ARCHITECTURE DES NIDS. facilement un nouveau, quand le sien est détruit, ou qu’il le croit convoité par un ennemi. Il est des oiseaux qui en font plusieurs pour dépister les ravisseurs, et surtout les dénicheurs; et si, en apportant des matériaux, ils se voient observés, ils changent de direction. Ne dirait-on pas qu’en pensant à leurs petits, les oiseaux sont effrayés de leur faiblesse et de leur impuissance? La lutte est souvent impossible, la fuite ne peut sauver les enfants, du moins les père et mère cacheront bien leur retraite. En règle générale, le nid est terminé pour le jour où le premier œuf doit y être déposé ; cependant, quelquefois des oiseaux y font de légères augmen- tations, surtout quand l’incubation touche à la fin ou que les petits éclosent. Dans ces circonstances, des buse ont placé des feuilles et de nouveaux chiffons dans le fond de la cuvette, des tou terelles ont épaissi leur clayonnage en y ajoutant des baguettes. Certains oiseaux utilisent les anciens nids, qui sont au centre des éliminations qu’ils trouvent à faire. Les nids appartenant aux gros oiseaux , étant composés de matériaux solides, le plus souvent de baguettes enchevêtrées, peuvent durer plusieurs années. Ordinairement les rapaces s’en emparent et y font des réparations proportionnées aux avaries. De même les oiseaux qui nichent dans les trous n ont qu à reprendre possession des anciens et à les approprier. Il se trouve de la sorte que quelques pères et meres profitent de constructions faites par d’au- ARCHITECTURE DES NIDS. 35 lies oiseaux, ou par d’autres animaux, ou qu’ils utilisent celles qu’ils ont faites eux-mêmes une ou plusieurs années auparavant. Non-seulement ils s’établissent dans un ancien nid qu’ils réparent, mais encore ils le démolissent quelquefois pour faire servir les matériaux à l’édi- fication d’un nouveau. Dans un jardin d’un de mes amis, le 9 avril 1872, un couple de pinsons nicha à l’extrémité d’une branche de lilas ; quatre jours après le vent souffla avec violence et le nid fut très-fortement ballotté. Ces oiseaux comprirent alors que cette résidence n’olfrait aucune sécurité, et sur la même branche, mais à un mètre trente centimètres plus bas, ils en construisirent un second, en utilisant une grande partie des matériaux du premier. De ce qui précède, il résulte donc que chaque oi- seau fait usage d’un nid pour la reproduction, qu’en général il travaille plus ou moins à son édifica- tion. Il n’y a à cette règle que fort peu d’exceptions. De même encore, et il a été facile de le voir, le nid n’a pour objet que d’assurer la reproduction : les oiseaux n'en construisent point dans le but de se poser ou de s’abriter. Nos sédentaires d’hiver, comme la perdrix, le moineau domestique et la chouette-chevêche, trouvent des abris, la première dans une touffe d’herbe ou un rebord de fossé, les autres sous nos toits, dans les greniers, dans les granges. Cependant le pic a l’habitude de se creu- ser une chambrette là où il se propose de résider, et, en hiver, la chouette-hulotte est souvent blottie dans un trou d’arbre ; mais cette retraite n’est point un nid. 36 ARCHITECTURE DES NIDS. IV. Confirmation par des exemples du principe de nidification. Ces énonciations générales trouvent leur appli- cation et leur confirmation dans les exemples sui- vants. Les fauvettes, les bruants, les grives, font autant de nids que de pontes. Quand on donnne des inquiétudes aux oiseaux, souvent ils abandonnent leur nid et en font un autre : ainsi fait la bondrée. Il est vrai que quel- ques-uns agissent différemment. Des buses ont même recommencé à pondre dans les nids d’où on avait enlevé les premiers œufs. Afin de tromper ses ennemis, souvent la pie en construit plusieurs. Le troglodyte fait quelquefois de même. Les milans, les buses, l’autour, la crecerelle, 1 épervier, le moyen-duc viennent chaque année s établir dans leurs anciennes résidences, quand ils ont pu y élever leurs petits et que le champ de leurs éliminations n’est pas changé. Dans le cas contraire, ils cherchent un nid de corbeau ou d écureuil. Ce n’est que lorsqu’ils n’en trouvent pas qu’ils en construisent. f n avnl 18/0 ™ ae milan royal a été in terre au milieu d’une pièce de seigle, dan ARCHITECTURE DES NIDS» 37 contrées de la Champagne éloignée des bois. Les père et mère avaient arraché le seigle à un mètre à la ronde pour se donner plus d’aisance. Le corbeau-corneille , qui est un très-habile constructeur, utilise quelquefois des matériaux qui ont déjà servi. Le 20 avril 1873, j’ai vu un nid de cet oiseau dont la base se composait des restes d’un nid de pie de 1872. Deux jours plus tard, j’en ai trouvé un de corbeau de l'année 1872 et qui avait été parfaitement res- tauré en 1873. Le 5 juin 1865, deux hippolaïs polyglottes ont fait une seconde ponte dans un nid, qui avait servi à l'élevage de la première nichée. En 1875, deux rubiettes tithys ont agi de même. Le 10 juillet 1873, deux gobe-mouches gris ont repris possession d’un nid, dans lequel ils venaient d’élever cinq jeunes ; le 12, il y avait deux œufs. Le 4 juillet 1874, à six heures du matin, cinq jeunes pinsons ont quitté leur nid, et le 8, leur mère y a déposé le premier œuf d’une seconde ponte. Le 10 juin 1874, cinq rossignols sont sortis d’un nid dans lequel les père et mère en avaient élevé cinq autres à la même époque de 1873. Un nid a suffi, avec quelques réparations, à deux linottes pour élever leurs petits, en mai 1873 et en avril 1874. En 1875 et 1876 deux gobe-mouches gris ont élevé trois nichées dans un même nid ; il est vrai qu’il était à couvert et parfaitement encaissé dans les baguettes d’un treillage. 38 ARCHITECTURE DES NIDS. J’ai également vu des nids de grives et de merles établis sur d’anciens nids de geais, de grives et de merles. Les étourneaux, les mésanges, retournent aussi à leurs trous, les hirondelles à leurs nids, quand les conditions de nourriture sont les memes. Souvent il faut faire des réparations ou des augmentations: les sittelles et quelquefois les étourneaux en font de très-remarquables. Si les trous ont disparu sous la cognée du bûche- ron, ou sous l’action du temps, ou s’ils sont occupés par des oiseaux plus forts, ils en cherchent d’autres, et généralement ils en trouvent. Le pic, dont le nom indique assez la force du bec, a été chargé d’en construire pour la plupart des oiseaux. Il se creuse ordinairement un trou pour chaque ponte; déplus, pour aller atteindre les insectes et se procurer plu- sieurs résidences, il établit chaque année une dou- zaine de trous. Il arrive de la sorte qu’il en fournit à beaucoup d’autres oiseaux L effraie retourne dans les mêmes combles d’une maison, d’un édifice ou d’un clocher. Il a été donné à un petit nombre d’oiseaux de pouvoir déposer leurs œufs sur le sol. En Champagne, on trouve les œufs de l’œdic- ni me ciiard sur de petits morceaux de crayon, ceux du petit pluvier à collier sur les grèves de la arne, ceux de l’engoulevent sur le sol des forêts ; mais ces œufs arrivent quand la chaleur est in- a , r nornbleux exemples, nous venons devoir que les oiseaux reviennent au lieu où ils ont niché ARCHITECTURE DES NIDS. 39 et même reprennent leurs anciens nids ; c’est la règle générale. Voici à ce sujet ce qui se passe. Le père et la mère, ou Fun ou l’autre d’entre eux, en raison sans doute de leur autorité, s’y établissent, et leurs enfants vont ailleurs. Probablement aussi que ceux-ci y reviennent assez souvent plus tard, quand surtout les père et mère sont morts. Je pourrais, à l’appui de cette assertion, citer beaucoup de faits. Deux pinsons très-adultes, par conséquent très-colorés et recon- naissables, ayant niché sur un poirier de mon jar- din, sont revenus l’année suivante camper sur la même branche. Un couple de pic-épeichette a creusé un trou dans un hêtre de la forêt de Saint- Dizier, le 19 avril 1868. Pendant quatre ans, et dans toute cette forêt, je n’ai jamais connu que cette fa- mille de cette espèce d’oiseaux. Des mésanges bleues, après s’être établies dans une de mes statues en fonte, ont emmené leurs petits et sont revenues pondre huit jours après. Chaque année elles recom- mencent. On sait aussi que des hirondelles, aux pattes des- quelles on avait attaché des fils rouges, sont reve- nues l’année suivante à leurs nids. Assurément, ces diverses opérations dénotent chez l’oiseau la mémoire, et surtout la prévoyance. Quand il commence à construire, il y a quelquefois en perspective plusieurs mois de travaux à accom- plir, et il lui faut alors calculer si les ressources du voisinage pourront suffire. Du reste, l’oiseau fait acte de prévoyance dans beaucoup d’autres cas. Par exemple, qu’une chouette effraie ait l’occa- 40 ARCHITECTURE DES NIDS. sion de capturer beaucoup de souris et de rats, elle apportera près de son nid ceux qui sont destinés à la nourriture du lendemain ; si le lendemain la chasse est également fructueuse, et si les jours sui- vants la même chance se continue, ces mammifères s’amoncellent; aussi on en a quelquefois trouvé plus d’un double décalitre. La pie-grièche écorcheur attache à une pointe d’épine ou d'une autre essence de bois les co- léoptères et les petits oiseaux dont elle fait pro- vision. J’ai connu un corbeau qui faisait le bonheur d’un de mes voisins ; aussi celui-ci aimait à le gâter, et il lui donnait du sucre. L’oiseau était très-sensible à cette marque d’amitié ; mais, très-sobre de sa nature, il n’en mangeait jamais qu’un tout petit morceau ; si, selon lui, il y en avait trop, il cachait pour plus tard ce qu’il ne voulait pas manger tout de suite. Un jour on s’amusa à lui voler ce qu’il avait mis en réserve sous un paillasson. Grand fut son émoi quand il vit qu’il n’y avait plus rien. Il ouvrit de grands yeux, tourna et retourna le paillasson, eut l’air de beaucoup réfléchir et sembla aussi dés- appointé qu’étonné. Chez la pie, l’instinct de mettre en réserve est tellement grand que cet oiseau prend quelquefois 1 habitude de cacher, et que, pour cela, elle s’est fait souvent appeler Pie- Voleuse. Il est certain que dans bien des cas, et surtout «à 1 occasion de son nid, l’oiseau fait acte de pré- voyance. La nidification est bien faite pour donner une haute idée de l’intelligence de l’oiseau. ARCHITECTURE DES NIDS. 41 J’ai une collection de nids qui intéresserait les hommes les plus indifférents. Il en est quelques- uns qui sont restaurés avec beaucoup d’art, par exemple un nid d’hirondelle rustique approprié par et pour un troglodyte, un nid de fauvette à tête noire restauré et surmonté d’une coupole en mousse par une mésange à longue queue. Un nid de gobe- mouehe gris bien encaissé dans un nid d’hiron- delle rustique. Un autre nid d’hirondelle rustique approprié et complété l’année suivante par des hirondelles de fenêtre, occupé ensuite et garni de plumes à l’intérieur par des moineaux domes- tiques. 42 ARCHITECTURE DES NIDS. Epoques de la nidification. — Raison de l’avance et du retard. Ce paragraphe aurait pu être l’objet de nombreux développements ; j’ai pensé néanmoins que les prin- cipaux faits qui s’y rattachent seraient déjà très- instructifs s’ils étaient simplement exposésetclassés dans l’ordre du tableau suivant : Oiseaux de la vallée de la Marne (section de Chaumont à Châlons). Échelle des pontes d'une centaine d'espèces. ' . - ARCHITECTURE DES NIDS. 43 X <1 H CQ O ZS XJ XI O saanamTva s_ co cO > saovNmvo s s o o saaissvHoa xnvaaassva w H <5 » w C3 c2 p* a> o -X -a> O g •XJ a. s, S aO CM 3 Q 3 s _L, « co Xi O \ sajmjptioq'B stqiï ax înos sojuocl sojaioioad sa^ ïjo anof tf CO < 3 > -s Oiseaux de la yallée de la Marne (section de Chaumont à Chàlons). (Suite.) 44 ARCHITECTURE DES NIDS. OISEAUX DE PROIE Milan royal Chouette effraie Epervier autour 1 saaçamivj N snovNmvo SH3ISSYH05I « xnvaaassvd Merle noir Corbeau- corneille Pi e Mésange à longue queue Grimpereau Grive chanteuse o O 2 • J ' DATES des 2 e et 3 e pontes Du 25 avril au 25 juin, surtout 15 mai Quelquefois du 1 er au 10 juin Quelquefois du 5 au 12 juin Quelquefois vers le 10 mai Du 25 mai au 10 juillet Du 10 mai au 13 juin Du 15 mai au 5 août, 1 surtout le 20 mai PREMIÈRE PONTE Dernier jour 15 avril 1 er mai 7 mai 14 avril 15 avril 25 mai 25 avril 20 avril 15 avril | 25 avril s O 10 mars 20 mars 30 mars 18 mars 1 er avril 5 avril 5 avril 1 er février 20 mars ; 20 mars 6Q}tH?pUOqB snjdonuos sepiod SMÇîUKUd BOl IJO anor Avril 5 5 5 7 8 8 10 10 10 12 ARCHITECTURE DES NIDS. 45 Ci ctf S Grand ramier Grèbe castagneux • • • • • • • • • • Pinson ordinaire Traquet rubicole Mésange bleue Mésange nonnette 1 Mésange charbonnière Alouette des champs Sittelle Moineau domestique Verdier 1 Du 15 mai au 15 juin 7 juillet Du 19 mai au 15 juin, surtout au l or juin Du 19 mai au 15 juin, surtout au 1 er juin. Id. Du 20 juin au 1 er août. Du 30 mai au 30 juin et même jusqu’au 10 sep- tembre. Du 20 au 31 mai, du 18 juin au 31 juillet. Quel- quefois 4 pontes. Du 1 er juin au 24 juillet Du 10 au 23 juin, surtout le 20. f 25 avril 25 avril il mai 4 mai 4 mai 29 mars, 6 mai 25 avril 12 mai 24 avril 28 mai 1 er mai S c« N 9 avril 8 avril 10 avril 6 avril 20 avril 9 avril 6 avril 20 avril 19 avril 13 avril ^ 50 50 ^ 2 04 04 G'î ^ «eH -H ^ la Marne (section de Chaumont à Cliàlons). (Suite.) 46 ARCHITECTURE DES NIDS. fi fi 'fi fi fi fi fi X} fi ◄ fi O ARCHITECTURE DES MDS. 47 P -£■ P « O ° O O go 2 S ° P c~. C/3 O a — o : o . o P- H 3 f I f# gg C S O C/3 "~ •“ CS X s- = rt — 5 s 5 r î h M o ï_, a p3 Ch cq ^ -a ,g o o.S Sôê SUD , “ a o J n3 ~ c/3 - — 2 o CS Cfl En O fa ! ^ n-t -1 fÜ O O ao CM zz; ® -i— s CM — *ri ' ,—s S P S SO îO 3 çç es -—s n o -S 'g. s S -s a* So P ^ a> o ^ o E S o .— «5 Ctf ÇS g s s s CO iO CD O O o 0J <43 0 £ -ri 'ES £:=: 0 a> O S-. G g S & cS & c_ JJ O G Æ £3 O =3 *X> 03 &iD 0 Q. s-, ■ pi û* rn E» — ° 1 -G Sh •a s .s .2 ’5 — g ’3 / Oiseaux de la vallée de la Marne (section de Chaumont à Châlons). (Suite). oO 1 ARCHITECTURE" DES NIDS. OISEAUX DE PROIE saanamnva ) s^ovxmvo Caille SH3ISSVH03 xnvauassva Accenteur mouchet Torcol Gobe-mouches gris Hippolaïs ictérine Merle à plastron Rousserolle turdoïde Martinet Rossignol de muraille J ■ -u» 1 - * DATES des 2 e ET 3 e PONTES. 10 juillet. 1 er juillet. -• • • • • • E PONTE Dernier jour i 30 mai 25 mai 18 juin 30 mai CD ^ OJ «■S S . ci C3 ■ P1 aO O t, O *a CM CO © (M 4> ïO ^ M \ 'W J ^ S f g CH ■- Ph £ 12 avril 17 mai 24 avril 20 mai 18 mai 20 mai 10 mai 25 avril •89^UBpUOq'B Stl^d 9J JUOS S9JUOd 60a?IUl0.ld 89 1 TJO HÜOf 25 gr. Garniture intérieure ' Herbes fines et tètes de roseaux.. . 11 Poids total 36 gr. ARCHITECTURE DES NIDS. 437 Rousserolle effarvatte. Tiges et petites racines d’herbes, muc pa ) coton végétal., 5 gr. 70 Garnituie \ jj er jj es très-fines 3 intérieure ( Poids total 8 gr. 70 Quelques explications sont le complément néces- saire de ces chiffres et de ces faits. La plus grande préoccupation de la turdoïde a été assurément de suspendre solidement le nid qui devait recevoir ses œufs plus lourds que l’eau et ses jeunes dont les pieds ne sont nullement palmés. Or, ce berceau, pesant 36 grammes, avait à porter 5 œufs du poids de 15 grammes environ, plus la mère de 29 grammes. Les petits arrivant à leur grosseur, ce poids devait aller à 174 grammes 30 centigrammes, et même avec la mère à 203 grammes 50 centigrammes. C’était là un fardeau beaucoup trop lourd pour un roseau ; il fallait en trouver au moins trois, également éloignés les uns des autres, comme le sont les angles d’un triangle équilatéral , et ca- pables par cela même de supporter et d’équilibrer trois points correspondants de la circonférence du nid. Il fallait ensuite trouver à une hauteur de 30 à 50 centimètres, c’est-à-dire là où les tiges ne sont ni trop rapprochées de l’eau , ni trop flexi- bles , des feuilles de roseaux formant crochet ; le plus souvent on n’en rencontre pas de pa- reilles à la même hauteur sur trois tiges aussi rap- prochées. 138 ARCHITECTURE DES NIDS. Enfin, pour placer les premières attaches de la fondation, la turdoïde ne pouvait s’aider d’un écha- faudage quelconque, même d’une branche. Il fal- lait, pour un travail aussi important, que cet oiseau posât ses pattes sur la tige si mobile d’un de ces roseaux de manière à se tenir à peu près droite. Eh bien ! il n’est nullement arrêté par ces diffi- cultés. Après avoir choisi, autant que possible au centre des éliminations qu’il prévoit, les trois, quatre, cinq, six ou sept tiges de roseaux auxquelles il at- tachera les bords de son nid, il va chercher parmi les feuilles desséchées de joncs, de roseaux, et de graminées aquatiques celles qui sont longues de 20 à 35 centimètres et qui ont le plus de souplesse, il les mouille, les unit, pour en for- mer une mèche assez compacte, les place à la hau- teur voulue sur un crochet formé par une feuille, les roule fortement autour de la tige d’un roseau, les dirige ensuite sur la tige voisine qu’il enroule également. En recommençant plusieurs fois avec le plus grand soin cette première opération, il rat- tache les unes aux autres les tiges des roseaux, comme on le ferait avec une ficelle ou plutôt une mèche de chanvre. En continuant ainsi de bas en haut ce genre de travail, il arrive à tresser les parois du nid, comme un vannier une corbeille. Les tiges des roseaux n ayant pas toujours à point des crochets comme il en faudrait, la turdoïde englue de sa salive les herbes qu elle roule autour des tiges et les fait ainsi très-bien adhérer. ARCHITECTURE DES NIDS, 139 A ces ligaments des parois et surtout du fond sont également collées des herbes aplaties et des feuilles, qui forment ainsi une espèce de carton- nage. Enfin, et pour que ces mélanges ne laissent rien à désirer, la turdoïde y ajoute un peu de coton qu’elle cherche sur les végétaux les plus rappro- chés. C’est contre cette paroi, d’un poids de 25 grammes, qu’est posée la garniture intérieure, composée de 11 grammes d’herbes très-fines et des panicules soyeuses des roseaux. Si, pendant la construction, quelques attaches ont eu l’air de faiblir, on les a multipliées d’autant plus, et il arrive ainsi que certains nids ont 22 et même 25 centimètres de hauteur. Du reste, tous sont relativement profonds et épais. Il en résulte que les œufs et les petits ne sont pas exposés à souffrir de l’évaporation des eaux et à tomber, quand bien même les roseaux seraient très-agités par le vent. Le bord supérieur, ayant, en raison de la flexibilité et de la mobilité des roseaux, l’impor- tance d’un cercle de tonneau, est tressé et renforcé comme le haut d’un panier. Tout est donc mis en œuvre pour que le berceau de la turdoïde, quoique suspendu au-dessus de l’eau, en plein étang, ait autant de solidité que d’élasticité et de chaleur. S’il n’y a pas de roseaux sur un étang, ce qui ar- rive quand il vient d’être mis en eau, la turdoïde va, comme les fauvettes, planter son nid sur un buisson des rives et surtout de la chaussée. La construction de l’effarvatte ne diffère sensible- ment de celle de la turdoïde que par le volume, le 140 ARCHITECTURE DES NIDS. poids et la grosseur des matériaux. L’effarvatte fait même preuve, dans certaines circonstances, d’une très-grande habileté. Fréquentant le plus souvent les rives des eaux et les petits canaux, elle niche assez souvent sur un arbuste, sur des brandies qui penchent au-dessus d’une rivière ; alors elle fait des prodiges d’équilibre. J’ai vu des nids reposer tout à la fois sur une brindille de buisson et sur un roseau diversement inclinés, d’autres qui étaient suspendus comme celui d’un loriot. L’esquif de la morelle ne se construit pas non plus sans peine et sans de graves préoccupations. Les joncs, ayant moins de densité que l'eau, restent à la surface d’un étang; mais ce n’est qu’en en superposant un certain nombre qu’on obtient de l’élévation. Il en faut même de deux à trois cents pour supporter, à une hauteur convenable, une morelle et ses œufs, soit un poids de 1.200 grammes: 540 grammes pour quinze œufs, et 660 pour la mère. Or, les joncs (scirpi) du nid, dont je donnerai plus loin l’analyse, pesaient, complètement séchés, 470 grammes ; ils s’élevaient à 13 centimètres au-dessus de l’eau, et comme la cuvette avait 6 centimètres de profondeur, il y avait entre le niveau de Feau et les œufs une épaisseur de 7 centi- mètres . Des tiges de ces joncs, longues de 70 à 80 centi- mètres et ayant un diamètre de 1 centimètre , avaient été arrachées par l’oiseau , amenées les unes sur les autres et reliées entre elles par leurs racines , leurs feuilles rugueuses et dé- trempées. Sur un bout renforcé de ce radeau, ARCHITECTURE DES MDS. 141 avaient été disposées d’autres feuilles de ces joncs destinées à la cuvette du nid ; ces dernières, dessé- chées, souples et flexibles, avaient été superposées, croisées et contournées de manière à former des bords assez solides et assez élevés. L’espèce de queue de ce radeau servait de rampe pour monter et pour descendre. Si un pareil esquif avait été simplement placé à la surface même d’eaux dormantes, le vent l’eût poussé d’un bout de l’étang à l’autre. Il en serait résulté un éloignement du centre des éliminations à la charge de la morelle, une exhibition fort dan- gereuse, quand passentle busard harpayeetle milan noir, et même une culbute. Aussi, la morelle avait eu soin de le construire au milieu d’un buisson de joncs, en sorte que les joncs du pourtour du nid servaient d’amarres. Quand il y a une grande profondeur, le nid est enchâssé dans un massif de roseaux. Dans ces massifs de joncs et de roseaux, la mo- relle trouve non-seulement des attaches et un abri pour son nid, mais encore des graines et des in- sectes, dont elle est chargée d’empêcher la trop grande multiplication. Dans un étang qui vient d’être mis en eau, il n’y a pas encore de végétation, aussi on n’y voit pas les insectes, ni les petits animaux qui vivent de plantes aquatiques. C’est pourquoi les nids de morelle y sont très-rares. Par cela même que cet oiseau construit à la sur- face d’un étang, il plonge et disparaît facilement dans l’eau, à l’approche d’un oiseau de proie, il a même le talent de ne reparaître que dans les lier- 142 ARCHITECTURE DES NIDS. bages, de laisser son corps entièrement submergé, de ne sortir que la tête et d’attendre ainsi que le danger soit passé. En même temps, il pousse une note d’alarme et met en éveil tous les voi- sins. Avec des préoccupations du même genre, la poule d’eau construit un nid, qui a quelque ressemblance avec celui de la morelle. Pour en composer le fond, les parois et la garni- ture intérieure, elle cherche et arrache au besoin des feuilles de joncs. Etant moins lourde que la morelle, elle ne se croit pas obligée d’en réunir les tiges pour les fondations. Elle cherche ordinaire- ment une touffe de joncs bien enracinés, dans des eaux peu profondes et offrant beaucoup de résis- tance. Au milieu de cette touffe, elle emboîte ses premiers et plus gros matériaux. Ensuite, elle place et plaque les unes sur les autres, des feuilles de joncs et d’arbre. En les mouillant et en les pres- sant , elle obtient une certaine adhérence. Les feuilles de joncs composant les parois sont croi- sées et contournées de manière à donner toute la solidité désirable. Les plus minces et les plus souples sont naturellement réservées pour l’in- térieur. Ce nid, construit sur pilotis, comme celui de la morelle, se trouve ainsi fixé au sol et ne bouge pas plus que la touffe de joncs avec laquelle il fait corps. f ne lois seulement, j’ai vu une poule d’eau éta- blii son nid autrement qu’à l’ordinaire. On venait de lui détruire celui qu’elle avait fixé dans des joncs. Alors l’idée lui vint d’en faire un second sous ARCHITECTURE DES NIDS. 143 un vieux tronc de saule qui de la chaussée de l’é- tang était incliné au-dessus de l’eau. Il est bon de remarquer que les nids de morelle et de poule d’eau ne sont faits que pour la période de la ponte et de l’incubation. À peine éclos les pe- tits vont à l’eau. Plusieurs fois, j’ai pris dans ma main des œufs qui s’agitaient ; les petits faisaient de nouveaux efforts, ouvraient la coquille, se sau- vaient, s’élançaient à l’eau, se mettaient à nager et môme à plonger. Ils étaient alors d’autant plus in- téressants, qu’ils ont l’avant de la tête orné de plumes d’un rouge vif. A ces considérations j’ajoute les chiffres de deux analyses : Morelle ( fulica atra) Poule cl'eau (Gallimda chloropus ) Diamètre de la cuvette. . . .. 0 m , 19 13 s. 0 m , 12 Profondeur .. 0 m , 06 0 m , 05 Largeur du nid , .. 0 m , 33 0 m , 23 Hauteur du nid 0 m , 15 Hauteur au-dessus de l’eau. 0 m ,13 0 m , 12 Hauteur dans l’eau . .. 0 m , 12 0 m , 03 Longueur de la rampe. . , . .. 0 m , 50 » Cube de la cuvette . . . 1.080 cent.cub. 320 cent.cub. Poids total du nid . . . 470 gr. 65 gr. Les nids de canards ressemblent d’autant plus à ceux de la morelle et de la poule d’eau, que le plus souvent ils sont établis sur des touffes de joncs, sur les bords ou à la queue des étangs. Il importe seulement de signaler certains faits nouveaux que j’ai pu constater. De très-jeunes canards des espèces du nord, con- nues sous les noms de souchet, anas clypeata (Boie, ex Linn.) (canard spatule) ; siffleur, anas penelope IM ARCHITECTURE UES NIDS. (Linn.); pilet, anas acuta (Linn.) (canard à longue queue), ont été tués sur les étangs du Der, au 1 er août de 1866 et de J 867. J’ai eu connaissance d’une ponte de pilet, qui datait du 30 avril 1870. Nous voyons également, en été, et meme chaque année, des nichées d’une espèce du midi, appelée nyroca, anas nyroca (Boie) (sarcelle d’Egypte). Les deux dernières pontes que l’on m’a indiquées dataient, l’une du 28 mai 1873, l’autre du 30 mai 1874. La première avait été prise par un canardier, dans une loge de l’étang de Lahore. Les douze œufs dont elle se composait furent pris et confiés à une cane domestique. Les petits sont éclos très-bien ; mais ils avaient des instincts de sauvagerie si déve- loppés, qu’à la première excursion dans le ruisseau voisin, deux y restèrent. Au bout d’une semaine, tous avaient quitté la mère pour vagabonder. La grande sarcelle d’été, anas querquedula (Linn.), niche également sur nos étangs. Il se trouve ainsi que, pour ces canards du nord et du midi, nous sommes à la limite extrême des régions qu’ils habitent plus particulièrement en été. Nous avons vu que les forces de l’élimination ont été créées et distribuées dans la nature, de manière à pouvoir, dans toutes les circonstances, modifier, régulariser et rendre plus profitables à nos intérêts les productions végétales et animales. Or, si, pour pratiquer et régulariser les élimina- tions sur les eaux et sur leurs rives, il n’y avait eu que des échassiers du genre de la morelle et de la ARCHITECTURE DES NIDS. 145 poule d’eau, des palmipèdes comme le canard et quelques passereaux, les graines, les œufs, les larves d’insectes et les animaux naissants n’au- raient pas échappé à leurs recherches; mais les insectes ailés n’auraient pas été suffisamment con- tenus et ils se seraient multipliés au point de rendre inabordables les étangs et les terres maréca- geuses. Autour de nos maisons et des petits cours d’eau, dans la plaine, sur les lisières des bois, les hiron- delles d’écurie, de fenêtre, de rivage et les marti- nets font la police des insectes ailés ; mais dans les contrées où il y a des groupes d’étangs ou de marais, ces agents, quoique nombreux, sont insuf- fisants, il leur faut des auxiliaires, ou plutôt ils devaient être remplacés par des éliminateurs plus puissants. Aussi dans la région des étangs du Der, situés à la jonction des départements de la Marne, de la Haute- Marne et de l’Aube, voyons-nous chaque année, et quelquefois en très-grand nombre, des oiseaux que les savants nomment sternes et guiffettes et qui sont connus dans ces pays-là sous les noms d’hi- rondelles de mer, de marais ou d’étang. Dans un catalogue de la faune de l'Aube, date de 1843, un de mes savants correspondants, M. Ray, conservateur du musée de Troyes, a signalé dans l’Aube la présence de la sterne épouvantail, sterna nigra (Linn.), pendant tout l’été. En 1864, au congrès de Troyes, j’ai avancé que j’avais découvert l’espèce dite moustac, sterna hybrida (Gray, ex Palias), dans la région du Der et qu’elle devait y nicher. On ne me ménagea pas les 10 146 AKCHlTECTtME DES NIDS. objections, parce que mon assertion n’était nulle- ment en rapport avec ce que les naturalistes ont écrit à ce sujet. Je tins donc d’autant plus à vérifier et à confirmer ce fait. Or, en J 867, 48 68, 4874, 1872, 4873 et 4874, j’ai visité plusieurs étangs de Giffaumont (Marne) et j’y ai vu chaque fois des nids de l’épouvantail et de la moustac. En 1872, j’ai même été assez heureux, ainsi que je l’ai dit, pour trouver une magnifique ponte de sterne leucoptère. Le nid de cet oiseau ressemblait extrêmement à celui de la moustac. En jetant un premier coup d’œil sur ces con- structions, on se demande comment elles peuvent inspirer assez de confiance aux père et mère ; mais ceux-ci se font une juste idée de la force de résis- tance des matériaux et ils savent n’en employer que le moins possible, sans compromettre leurs œufs et leurs petits. Ils commencent par s’assurer que tel amas de vieux joncs est bien amarré et assez solide et com- pacte pour servir de fondation. Quand des touffes de plantes aquatiques et vivaces leur offrent le même avantage, ils s’en emparent. Je n’ai pas encore vu un nid flottant qui fût sans attache. Il est vrai que, le plus souvent, elles ne sont pas appa- rentes, et que pour les sentir il faut enfoncer les bras bien avant dans l’eau. Il est bon que cet emplacement ne soit pas éloi- gné d’un groupe de roseaux ou de joncs, afin de n être pas trop en évidence ; de même qu’il ne doit pas être d’un accès difficile, parce que ces oiseaux ont besoin d’espace pour prendre leur vol. Une épouvan- ARCHITECTURE DES NIDS. 147 tail que j’ai mesurée avait de taille 24 centimètres 5 millimètres, et d’envergure, 61 centimètres 3 mil- limètres ; en plein vol elle couvrait une surface de 383 centimètres carrés* Le mesurage d’une moustac m'a donné, au lieu de ces chiffres, les suivants : 28 centimètres 5 millimètres pour la taille, 71 centimètres 5 millimètres pour l’enver- gure, et 544 centimètres carrés pour la surface ; le premier de ces oiseaux pesait 67 grammes 25 centigrammes, et le second 87 grammes 25 centi- grammes. Les difficultés de l’emplacement étant résolues, les transports commencent. Ce n’est pas là une fatigue pour l’épouvantail ; car ses matériaux ne pèsent que 52 grammes quand elle les prend mouillés, et 9 grammes seulement quand ils sont séchés. Un nid de ce genre, qui me semblait en carac- tériser beaucoup d’autres, était composé de 52 brins d’une plante aquatique nommée potamot (potamogeton crispus ). Reliées entre elles par 12 vieilles feuilles fila- menteuses de roseaux, les branches de potamot étaient elles-mêmes sinueuses, garnies de nom- breux embranchements et de feuilles tuyautées ; tous ces matériaux, étant mouillés, croisés, enlacés et pressés, formaient avec les roseaux et les herbes de la fondation une unité très-compacte et élas- tique» La cuvette avait en diamètre 7 centimètres, et en profondeur 2 centimètres* Les œufs n’étaient éloignés de l’eau que par un fond de 1 centimètre d’épaisseur. J’ai vu des cuvettes bien moins pro- 148 ARCHITECTURE DES xMDS- fondes et d’autres, au contraire, dont le fond tou- chait l’eau : mais, à l’époque des pontes et de l’in- cubation, les eaux pluviales de cet étang sont relativement chaudes, et du reste, quand cela devient nécessaire, l'épouvantail fait des répa- rations à son nid et y ajoute de nouvelles herbes. J’ai remarqué des nids composés entièrement de feuilles de roseaux. Les feuilles de l’année pré- cédente avaient autant de consistance que de souplesse ; mouillées au moment de la mise en œuvre, elles avaient été aussi bien collées qu’en- lacées. La moustac cherche, pour ses fondations, 10, 15, 20 tiges de joncs ; elle les fixe à des her- bages qui lui semblent bien ancrés et les re- couvre de feuilles de joncs et de roseaux. Ces matériaux sont non-seulement superposés, mais encore croisés et enlacés de manière à supporter et à retenir au-dessus de l’eau les œufs, la mère et les petits. Les feuilles les plus souples et les moins larges sont réservées pour l’intérieur. Si les sternes n’ont pas en architecture l’habileté du pinson et de la mésange à longue queue, elles ne sont pas moins dévouées à leurs petits; elles savent très-bien, par des moyens fort simples, mais appropriés aux circonstances particulières de leur vie, assurer leur reproduction annuelle. Aussi, si elles ne sont pas empêchées par les canardiers, qui les détestent parce qu’à l’ouverture de la chasse elles donnent l’éveil aux canards et aux morelles , par le s troupeaux de vaches qui s’avancent très-loin dans l’étang, si, dis-je, des ARCHITECTURE DES NIDS. 149 obstacles insurmontables ne s’opposent pas à leur installation , les sternes viennent chaque année, dans la région du Der, fournir un contingent nou- veau de puissants éliminateurs. A Giffaumont, aux Machelignots (Marne) et dans les villages voisins, il y a chaque année des fièvres paludéennes auxquelles n’échappent pas toujours les plus anciens habitants ; quant aux nouveaux arrivants, ils sont souvent obligés d’abandonner le pays. Les diptères y sont si nombreux qu’ils s’y voient sous forme de nuages. Pendant les chaleurs orageuses de l’été, on est obligé, dans les maisons les plus rapprochées des étangs, de brûler des herbages et des feuilles pour produire beaucoup de fumée et éloigner ainsi des milliers de mouches et de moucherons. Le bétail, les chevaux et les hommes sont sans cesse harcelés et ne peuvent souvent rester dans les champs. On comprend donc que les sternes soient venues prêter leur concours pour la destruction de ces ennemis aussi acharnés qu’innombrables et insaisissables. Pour cette guerre, elles sont aux palmipèdes, aux échassiers et aux passereaux, tels que les rousse- rolles, les phragmites et les bergeronnettes, ce qu’est la cavalerie à l’infanterie. Elles croisent sans cesse et tombent à l’improviste sur les rassemble- ments. Par leurs cris perçants elles épouvantent et font lever les insectes qui cherchent à se cacher. Partout on assiste à des mêlées, à des poursuites et à des hécatombes. Ce qui nous a le plus étonnés, c’est une charge exécutée par un groupe de mous- tacs. Parties de la queue d’un étang, elles sont passées comme un ouragan au-dessus de nos têtes, 150 ARCHITECTURE DES NIDS. ont disparu dans la plaine et reparu quelques ins- tants après, en exécutant toutes les évolutions ima- ginables, et toujours nous avions à admirer la rapidité, la variété et la grâce de leur vol. Très-souvent donc les insectes, quoique ailés, n’ont pas le temps de se reconnaître , et leurs débâcles ne finissent qu’au départ des sternes, vers la fin d’août , quelques-uns restent jusqu’au 25 septembre. Dans les estomacs de ces oiseaux, j’ai trouvé des diptères de beaucoup d'espèces, et en particulier des hannetons, des larves de ces coléoptères et des noctuelles. Mais ce qu’on ne peut indiquer, c’est la quantité de ces insectes qui sont avalés en une saison par des colonies de 100, 200 et 300 hirondelles d’étang. L’épouvantail pesant 67 grammes et la moustac 87 grammes, chacun de ces oiseaux parcourait des centaines de kilomètres pendant le temps qu’il nous faut pour être exténués de fatigue et de faim, comprend-on combien il faut de mouches et de moucherons pour rassasier de pareils chasseurs? Il n’est donc pas étonnant que j’aie pris plaisir à étudier la reproduction de ces oiseaux. Un de mes amis et collègues en ornithologie, M. le vicomte de Hédouville, s’est associé à mes recherches et nous sommes allés ensemble, six fois depuis huit ans, visiter les étangs sur lesquels ils nichent. Rapporter tout ce que nous avons vu serait trop long; mais je veux, au moins pour les ornitholo- gistes, ajouter quelques détails. En 1867, les premières sternes sont arrivées à Giffaumont le 6 avril ; nous y étions le 7 mai. Sur ARCHITECTURE DES NIDS. 151 un premier étang, nous n’avons rien trouvé. Il était quatre heures, quand, à la queue d’un second, nous vîmes un groupe de 8 nids d’épouvantails. Ils étaient à 100 mètres de la rive et n’étaient éloignés les uns des autres que de 3, 4, 5 et 6 mètres. En naviguant j’aperçus, dans la direction de la chaussée, 5 nids de moustac également espacés de 3à6 mètres. Nous avons compté environ 250 sternes qui pla- naient au-dessus de nous et qui essayaient sans doute par leurs cris déchirants ou plaintifs de nous effrayer ou de nous attendrir. Nous n’avions donc vu qu’un petit nombre de leurs nids. Les pontes d’épouvantail dataient des 16, 24 et 30 avril, et celles de moustac du 24. En 1868, les sternes arrivèrent le 27 avril et nos recherches eurent lieu le 28 mai. A la queue de l’étang où nous avions vu les nids en 1867, nous n’en trouvâmes pas un seul, tous étaient établis à 150 mètres de la chaussée près des massifs de joncs, de roseaux et d’herbages ; nous nous en doutâmes, quand, à notre approche, ces oiseaux se mirent à pousser leurs cris d’alarme. Nous visitâmes 10 nids d’épouvantails ; les œufs de 3 d’entre eux touchaient à l’eau. Les pontes remontaient aux 27, 22, 18, 14 et 12 mai. Nous trou- vâmes seulement 2 pontes de moustac datant des 20 et 22. En 1869, les étangs de Giffaumont étant en culture, je me suis transporté, le 4 juim sur l’étang de Chantecoq , village voisin. J’ai vu 22 nids d é- pouvantails, dont les pontes remontaient aux 17, 24, 28, 31 mai et 1 er , 2 et 3 juin. Quelques sternes ARCHITECTURE DES NIDS. 152 étaient arrivées le 13 avril ; mais les autres n'a- vaient pas paru avant les 27, 28 et 29 avril. Un nid se trouvait sur une botte de paille enchevêtrée dans les joncs, un autre était établi dans un ancien nid de morelle. Il n’y avait pas une seule moustac. Le 5 juin, je me suis rendu à l’étang de Lahore et je n’y ai aperçu que 8 épouvantails. Le 3 mai 1871, M. le vicomte de Hédouville a trouvé sur un étang de Giffaumont trois groupes de nids de moustacs, le premier en contenait 9, le deuxième 8 et le troisième 30. Le 30 mai 1872, sur le même étang, nous avons vu 16 nids de moustacs dont les pontes dataient des 3, 10 et 25 mai. 4 pontes d'épouvantails remontaient aux 18 , 25 et 30 mai. La ponte de leucoptère dont j’ai parlé avait dû commencer le 15 mai. Le 13 juin 1873, il n’y avait sur le même étang que 6 nids d’épouvantails et 3 de moustacs. Enfin, le 8 juin 1874, nous n’avons trouvé qu’une douzaine de nids d’épouvantails dans lesquels il y avait des œufs et 3 de moustacs qui étaient à peine achevés. Je n’ai jamais vu plus de 3 œufs dans un nid d’épouvantail ; dans 2 seulement de la moustac, il s’en est trouvé 4. L’étang de Chantecoq a 50 hectares, ceux de Giffaumont en ont chacun une centaine, celui de Lahore est à beaucoup près le plus grand de la région. Six nids d’épouvantail et de moustac m’ont donné les moyennes suivantes : ARCHITECTURE DES NIDS. 453 Epouvantail. Moustac. Diamètre de la cuvette 0 m , 07 0 m , 09 Profondeur de la cuvette.. . 0 m , 109 0 m , 02 Largeur du nid 0 m , 15 0 m , 16 Hauteur du nid 0 m , 06 0 m , 07 Hauteur au-dessus de l’eau 0 m , 03 0 m , 03 Hauteur dans l’eau 0 m , 03 0 m , 04 Cube 48 cent. cub. 80 cent. cub. Les constructions en forme de coupe sont, dans nos contrées, les plus nombreuses : aussi j’aurais pu facilement multiplier les descriptions d’espèces et de variétés ; mais ceux des nids que je n’ai pas décrits ressemblent à tels ou tels des types dont je viens de parler ; de plus, dans le cours de cette étude, j’ai signalé ce que quelques-uns d’entre eux ont de plus caractéristique. On pourra donc déjà, je l’espère, apprécier les caractères et le mérite d’un nid que l’on trouvera et réunir les éléments d’un catalogue complet, qui est indispensable pour la distinction des espèces. Par exemple, nous avons vu que les oiseaux de grande taille , qui nichent sur les arbres , sont obligés d’employer les plus solides des matériaux qu’ils peuvent porter , travailler et mettre en œuvre, c’est-à-dire de moyennes et de grosses baguettes. Leurs nids, qui ont 1 apparence d un fascinage, durent, il est vrai, plusieurs années. Eh bien ! aux types de la buse, de la bondrée et du coi- beau, que nous avons donnés, se rapportent les nids d’éperviers, de faucons, de ducs, et au type du gros-bec, ceux de geais et de bouvreuils. Beaucoup d’oiseaux se contentent d’herbages : les plus gros, parce qu’ils nichents à terre , les autre, 154 ARCHITECTURE DES NIDS. parce qu'étant de petite taille ils n’ont pas besoin d’une construction de première solidité. Les nids de bergeronnette, de pipit, de bruant, de rouge- queue tithys, ont de grandes analogies avec ceux de la pie-grièche et de la fauvette. A ce genre appartiennent également les admi- rables hamacs du loriot et des rousserolles, la gracieuse coupe de l’hippolaïs, quoique, par les accessoires et le fini, elle ressemble à celle du char- donneret. Enfin, les gallinacés, les palmipèdes et les échassiers nichent comme la poule d’eau et la bécasse. Les nids d’hirondelle et de merle sont des types auxquels on peut facilement rattacher tout travail en terre. Si, comme nous, pour construire, les oiseaux emploient la terre, le bois et Je chaume, ils ont également recours à la mousse dont nous nous servons pour élever ou orner des reposoirs, fabri- quer des pavillons rustiques. Dans ce genre, ils font de charmants nids, aux- quels se rapportent ceux du traquet tarier et de Taccenteur mouchet. Les nids de rossignol, de bécasse et de lusciniole sont encore des types; ils font ressortir l’habileté des oiseaux qui fabriquent des cartonnages en feuilles plaquées. Beaucoup de ces variétés de genre se retrouvent dans les nids de forme sphérique et meme en ceux qui sont creusés dans la terre ou dans le bois, et ainsi les types que j'ai produits faciliteront encore les recherches et les appréciations dans ces deux ordres. ARCHITECTURE DES NIDS. m § 2. — NIDS RECOUVERTS ET DE FORME SPHÉRIQUE. PIE, MÉSANGE A LONGUE QUEUE. Chacun a pu admirer le nid de l’hirondelle de fenêtre et même le voir construire. Il en est d’autres, ceux de pie, que l’on aperçoit dans la campagne, mais très-souvent au sommet d’un peuplier, et ils sont là placés pour beaucoup de dénicheurs, comme le raisin du renard de La Fontaine. Nous avons pu en visiter quelques-uns qui étaient moins élevés, et vraiment nous les avons trouvés singulièrement remarquables. L’un d’eux, que j’ai descendu, m’a permis de fournir les indi- cations suivantes : à la base, il avait la forme d’une coupe profonde et était composé de trois parties très-distinctes, d’un revêtement extérieur en fortes baguettes, d’un fond et de parois en mortier, enfin d'une double garniture intérieure : l’une, celle du bas, en brindilles, l’autre en racines très-fines ; au- dessus s’élevait une coupole formée de petites branches. Cette construction pesait 3.015 grammes et elle avait supporté 6 jeunes d’un poids de 1,4-00 grammes environ. Des matériaux autres que des baguettes longues, résistantes et épineuses, n’eussent pas permis aux pies d’en bien établir et fixer les fondations, les accotements et la "voûte ; aussi ces oiseaux en avaient-ils cherché et employé qui étaient longues de 40 centimètres à 1 mètre. J’en ai même trouve une pliée en deux, qui avait 4 métré 30 centi- 156 ARCHITECTURE DES KJDS. mètres de longueur et qui pesait 30 grammes. On comprend que le transport et le maniement de fardeaux aussi embarrassants ne soient pas faciles. Il m’a été donné, en 1874, d'apprécier ce genre de difficulté. M’étant caché sous des arbres verts, j’ai au deux pies, qui, étant parties d’un nid en construction, y revinrent bientôt, le mâle avec une brindille de 40 centimètres de lon- gueur, et la femelle avec une baguette longue de 80 centimètres. Lafemelle s’élevait difficilement etsa tête tournait sous le poids du gros bout de sa bran- che ; mais son époux, qui l’avait précédée et qui avait facilement placé sa brindille, se porta à son secours au moment de son arrivée. Chacun prit un bout de cette pièce de charpente, qui, grâce à de communs efforts, fut plantée à la place qui lui était destinée. Un instant après, une autre pièce du même genre fut apportée et également piquée dans les fondations, mais de manière à se croiser avec la première. Comme la partie supérieure de cette dernière branche restait trop droite, la femelle, qui sem- blait diriger les travaux, s'élança dessus et se mit à sauter, jusqu’à ce qu’elle lui eût fait atteindre l’in- clinaison voulue. On comprend qu’avec de pareils ouvriers , rien n’ait été négligé pour assurer le succès de l’entreprise. Aux branches principales des fondations et des accotements, les oiseaux en ajoutent d'autres plus petites, mais garnies de crochets et d’épines. C’est sur ce solide fascinage que s’appuie la coupe en moitiei ; elle a pour le fond 3 centimètres d'épaisseur et pour les côtés de 1 centimètre à 15 millimètres. La terre pétrie dont elle est ARCHITECTURE UES AIDS. 157 formée est liaisonnée par des tiges d’herbes et des racines d’arbustes, et de plus elle est solidement fixée aux baguettes du pourtour. La garniture intérieure, étant doublée, permet à une pluie d’orage d’envahir la coupe, mais sans inonder les œufs ou les petits avant sa filtration à travers la terre. L’élasticité et la douceur de l’inté- rieur sont extrêmes, si j’en juge surtout par le fait que je vais raconter. Ainsi que je l’ai dit plus haut, un propriétaire de Saint-Dizier fit couper, en avril 1874, quelques arbres d’un petit bois. Sur l’un d’eux était un nid de pie contenant 5 œufs. Les père et mère en construisirent de suite un autre à 100 mètres de là, au sommet d’un saule très- élevé et très-fragile. Neuf jours après, le coupeur vint abattre ce dernier arbre, au moment où j’arrivais. Un grimpeur monta pour me descendre le nid ; mais, en raison de la fragilité du bois, je fis scier la branche qui le supportait , elle tomba perpendiculairement de 22 mètres de hauteur , puis arrivée sur le sol, elle s’affaissa doucement. Eh bien, dans ce nid, il y avait un œuf, et cet œuf n’était pas cassé. Ainsi j’ai pu constater que cette construction n’avait duré que neuf jours. Le nid de pie, si remarquable à la base, est bien plus curieux encore par sa coupole. Elle se com- pose de baguettes choisies à cause de leur longueur, de leur force, de leurs crochets et surtout de leurs épines. Solidement plantées dans le massif, elles s’entre-croisent de manière a former une voûte a claire-voie , mais très-solide. Cette fortification permet à la pie, qui n’est pas armée comme un rapace, de se risquer sur les arbres isolés et très 158 ARCHITECTURE DES NIDS. en évidence dans la plaine. Deux ouvertures, cal- culées sur le diamètre de son corps, lui permettent d’entrer et de sortir facilement, tandis que des ennemis de forte taille, comme le corbeau corneille et la buse, n’osent s’y aventurer. De loin, cette espèce de touffe en baguettes se confond avec les nombreux rameaux de la cime des arbres et dissimule autant que possible la demeure de la pie. Les feuilles se développant aident encore à détourner l’attention. Pour que le lecteur se fasse une idée exacte de ce genre de construction , je reproduis ici les mesures et le poids du nid dont j’ai parlé plus haut : F Profondeur de ia cuvette de A à B. * ü m , 125 Diamètre — de C à D 0 m , 145 ARCHITECTURE DES NIDS. 159 Hauteur de la coupe de B à E 0 m , 18 Hauteur de la coupe et du soubassement en baguettes de B à F 0 m , 35 Hauteur de la coupole de B à G o m , 35 Largeur totale du nid de H â 1 0 m , 60 Diamètre de rentrée J 0 m , 16 — de la sortie IL*. 0 m , 13 Epaisseur de la garniture intérieure : 1° des baguettes 0 m , 02 2° des racines 0 m , 05 Cube de la cuvette 1.500 c. c. Maintenant voici de quoi se composaient les matériaux : 57 grosses baguettes, la plupart d’épines, ayant une longueur de 30 à 80 centimètres, et un diamètre de 5 à 8 millimètres pour former le recouvrement du nid 290 gr. 105 grosses baguettes de diverses essences 750 gr. de bois, pour le revêtement extérieur de la coupe et les attaches 410 40 plus petites reliant les plus grosses à la terre . 50 Pour la coupe, terre fixée par des racines et de petites branches à crochet 2.150 Petites branches, racines et herbes matelassant l’intérieur de la cuvette * 115 Total général 3.015 gr. Les nids sphériques appartiennent surtout aux petites espèces et sont peu visibles. Quand vous traversez le bois, examinez bien la boule de mousse que l’on voit sur ce buisson, c’est l’appartement d’un troglodyte. Prenez garde, cette éminence de trois centimètres en herbes et en feuilles, qui se trouve au bout de votre soulier, c’est la demeure d’un pouillot, et 160 ARCHITECTURE DES NIDS. cette espèce de trou de souris que vous voyez en est l’entrée. Ces nids sont beaux, et cependant celui de la mésange à longue queue l’est bien davantage encore. Voici, d’après un exemplaire que j’ai sous les veux, les dimensions intérieures du nid de cet «j > oiseau : de A à B 0 m , 035 de C à D 0 m , 072 de E à F 0 m , 055 de G à II 0 m , 10 Ces mesures sont celles du vide intérieur qui est de 200 centimètres cubes ; les parois ont géné- ralement 15 millimètres d’épaisseur; le fond en a de 15 à 25. Pour donner à ce nid la solidité, le confortable, la chaleur et la beauté qui lui étaient nécessaires, il a fallu d’abord 32 grammes 75 centigrammes de matières diverses, savoir : Mousse jaune , pour l’enveloppe la plus solide ; lichen, pour revêtement extérieur ; fils de soie de cocons d’araignées, pour joindre les fibres de la mousse et les pail- lettes de lichen, et former des attaches aux branches 20 gr. 70 Tiges d’herbes très-fines pour dresser et con- solider les matériaux o gr. 80 Pour revêtement intérieur, 2.130 plumes grandes et petites de rouge-gorge et de mésange 11 gr. 25 Total 32 gr. 75 ARCHITECTURE DES NIDS. ICI Ces 2.130 plumes , disséminées partout dans le bois, par suite de la mue du printemps, ont été réunies, piquées par leur tube dans la mousse , ou plaquées et fixées au moyen de brins d’herbes et de fils de soie. En découvrant que les matériaux étaient reliés entre eux par d’innombrables et presque imper- ceptibles fils de soie , j’ai naturellement désiré savoir si cette soie venait d’un cocon de chenille ou d’araignée, et de quelle espèce, et j’ai envoyé à M. Godron , doyen honoraire de la Faculté des sciences de Nancy, de la mousse tissée, des mèches et des fils de cette soie, quelques fragments de la partie intérieure et lisse des cocons trouvés par moi au milieu des paillettes de lichen et des fibres de la mousse. Cet aimable savant, si dévoué à la science et à tous ceux qui s’en occupent, s’est empressé de m’envoyer la lettre suivante : « Nancy, le 26 avril 1874. « Cher Monsieur, « J’ai examiné les petits cocons blancs trouvés par vous dans le nid de la mésange h longue queue. Je n’ai pas voulu vous donner mes observations personnelles avant de les avoir fait contrôler par deux savants qui se sont beaucoup occupés des animaux articulés, MM. Mathieu et Fliche, tous deux professeurs à l’école forestière. Ce produit feutré et formé de fils fins et soyeux est aussi un nid non moins merveilleux que ceux des oiseaux. C’est un nid d’une espèce d’araignée qui a déposé ses œufs dans cette enveloppe mollette, où ils étaient préservés de la pluie et des autres causes n 162 ARCHITECTURE DES NIDS. d’altérations qui auraient pu les atteindre, si ce n’est toutefois du bec de la mésange, qui a du les croquer avant d’utiliser l’enveloppe. Nous ne pou- vons vous indiquer le nom de l’espèce d’araignée; mais c’est un animal de cette famille qui les a fabriquées et qui possède aussi le talent industriel du fileur et du tisseur. Que les matérialistes et les athées étudient sérieusement ces merveilles et qu’ils nous disent si cela est l’oeuvre du hasard. « Veuillez, Monsieur, agréer l’assurance de mes meilleurs sentiments. « Signé : A. Godron ». Que le savant doyen de Nancy veuille bien une fois de plus agréer mes remerciements pour cette lettre et pour les communications diverses qu’il m’a faites au sujet de mes études d’histoire naturelle. Je suis heureux de pouvoir lui offrir ce témoi- gnage public de ma profonde gratitude. C’est donc bien avec des fils d’araignées que la mésange à longue queue tisse la mousse etle lichen et qu’elle en unit les parties les plus infimes. Il en résulte que les parois et le fond du nid sont d’une grande élasticité et que quinze jeunes trouvent moyen d’élargir un peu cette chambrette et de s’y mettre à l’aise. Ce nid, en raison surtout de sa forme et des plumes dont il est garni, est aussi chaud que doux, élastique et solide, et conserve une température élevée, même pendant les froids de mars et d’avril. Il a, comme, certaines poires, la forme d’un ovale un peu rétréci à la partie supérieure, avec inclinaison du côté de l’ouverture; sa surface exté- ARCHITECTURE DES NIDS. 163 rieure est aussi unie et aussi douce que la toison d’un agneau. En raison des teintes granitées que lui donnent les mélangés de mousse jaune, de lichen et de cocons, il se confond avec l’écorce des arbres et échappe à la vue, quand les feuilles ne sont pas encore poussées. « Enfin », et d’après M. Gerbe ( article Mésange du Dictionnaire universel d’histoire naturelle ), « ce nid offre ceci de particulier, qu’assez souvent sur deux de ses faces opposées sont pratiquées deux petites ouvertures , qui se correspondent de telle façon que la femelle ou le mâle puisse entrer dans ce nid ou en sortir sans être obligé de se retourner. Cette double ouverture est évidemment un fait de pré- voyance inspiré à cet oiseau par la nature ; c’est afin que sa longue queue, qui, au moindre obstacle, se détache ou se froisse , soit à son aise durant l’incubation ; et ce qui le prouve , c’est qu’après l’éclosion et lorsque les jeunes peuvent se passer de la chaleur maternelle, en d’autres termes, lors- qu’il n’y a plus de nécessité pour la femelle ou pour le mâle de se tenir dans le nid, ceux-ci se hâtent de boucher l’une des deux ouvertures qu’ils avaient ménagées ». Une fois seulement j’ai trouvé un nid à deux trous; mais le second, placé au côté opposé à celui de l’ouverture, était très-petit et traversé dans plu- sieurs sens par des fils d’araignées, ce qui indiquait qu’il ne servait ni au passage de la mésange ni pour les mouvements de sa queue. Cet oiseau, en faisant la seconde ouverture, s’était-il réservé, comme la pie, de fuir parla fenêtre si un ennemi se présentait à la porte, ou était-ce un moyen de ventilation? 164 ARCHITECTÜP.E DES NIDS. Un nid, que j’ai recueilli le 13 avril dernier dans le jardin d’un de mes amis, est trop curieux, pour que je n’en dise pas encore quelques mots. Il était à terre ; sa base très-large était très-adhérente au sol. Comme, en raison de leur élasticité, ses parois s’affaissaient un peu, les mésanges eurent l’idée de rattacher la partie supérieure du nid à une brin- dille d’épine noire, au moyen d’une traînée en mousse parfaitement tissée. Cette demeure venait d’être abandonnée ; mais, en voyant un chat tapi sur un arbre voisin, nous comprîmes pourquoi les père et mère avaient délogé. Maintenant pourquoi, par une exception si extraordinaire à la règle, cette construction avait-elle été posée à terre ? Sans doute parce qu'un premier nid, établi à quelques mètres de là sur une branche d'épicéa, avait été culbuté par le même chat. Du même oiseau j’ai encore constaté une opé- ration qui dénote des instincts vraiment bien surprenants. C’était à la fin de mars dernier. Deux mésanges à longue queue, séduites sans doute par l’abondance de la nourriture et la facilité des déplacements, s’étaient décidées à établir leur nid dans des taillis de huit ans près d’une clairière. Alors elles virent une branche de taillis qui s’appuyait contre le tronc d’un petit chêne, à l’abri de la pluie et à l’aspect du levant, et elles pensèrent qu’elles pouvaient construire à leur jonction. Tout alla bien d’abord, et les parois du nid étaient terminées et tapissées de feuilles de lichen ; mais un vent très-violent et persistant vint à agiter la branche de taillis et à ébranler ce cher berceau. \ ARCHITECTURE DES NIDS. 165 La branche allait-elle s’écarter de manière à le laisser tomber avec des œufs ou des petits ? Quel sujet de perplexité pour des père et mère ! Mais nos mésanges sont encore plus remarquables par l’étendue de leur instinct que par la longueur de leur queue. Elles remarquent qu’à un centi- mètre au-dessus du nid le brin de taillis forme une fourche. Il suffît donc d’attacher à la partie supé- rieure du nid une chaîne en mousse, de la faire passer dans la fourche, retomber de l’autre côté, et, pour faire contre-poids au nid, de la terminer par une masse de mousse en forme de queue de castor. Cette conception n’échappe pas à nos habiles architectes, et en peu de temps ce travail est aussi bien exécuté que conçu. Assurément la joie fut grande entre les époux; mais, deux jours après, le 1 vent redoubla et le brin de taillis fut tellement agité qu’ils crurent prudent de construire à nou- veau. Le temps pressait; vite on se mit à l’œuvre, et cette fois on édifia un nid magnifique, d’où sont sortis plus tard onze oisillons coquets et fré- tillants comme leur maman. Ces nids servent maintenant à orner mes collections. Remarquons-le donc encore une fois. Dans toutes les circonstances, l’oiseau choisit un emplacement qui offre pour ses petits des garanties contre la disette, les ennemis, le froid, l’humidité, la pluie, la chaleur et le vent. De plus, le nid est construit très-ingénieusement et de manière à préserver la famille de toute chute et à donner satisfaction à tous ses besoins. Tous ces actes d’intelligence, de prévoyance, et surtout d’amour maternel ne sont-ils pas admi- 466 ARCHITECTURE DES NIDS. râbles, et ne doit-on pas répéter avec le savant doyen de Nancy : « Que les matérialistes et les athées nous disent si cela est l’effet du hasard ! » § 3. — NIDS CREUSÉS DANS LA TERRE ET LE BOIS, MARTIN-PÊCHEUR , HIRONDELLE DE RIVAGE , PIC , SITTELLE TORCHE-POT. En parcourant les divers ordres de l’architecture des oiseaux, nous arrivons à un troisième genre de nids. Jusqu’alors nous n’avons eu affaire qu’à des ouvriers de la classe de ceux qu’en terme d’atelier on nomme feutriers, modeleurs, tresseurs, ourdis- seurs, pétrisseurs, etc. Il nous faut maintenant dire quelques mots des ouvriers qui font le métier de mineurs, de char- pentiers et de maçons. Dans la section des mineurs , se trouvent le martin-pêcheur et l’hirondelle de rivage. Le premier de ces oiseaux recherche les trous faits par les rats d’eau, les taupes, les hirondelles de rivage, et les approprie à ses besoins. Quand il n'en trouve pas dans les parages qu’il choisit pour l’élevage de ses petits, il en creuse. Voici ce que j’ai plusieurs fois constaté, L’orifice a en hauteur 0,07 c., en largeur 0,0 6 c. Là com- mence une galerie de 0,55 c. environ et avant les deux diamètres de 0,07 sur 0,06 et la direction horizontale du niveau de l’eau. Au fond et de côté est creusée une chambre ayant en hauteur 0,10 c. et en largeur 0,15 ; ces 0,15 c., ajoutés aux 0,55 de la galerie, donnent une profondeur totale de 0,70 c. La partie basse de la chambre a la forme d’une AJICHITECTUUK DES NIDS. 167 cuvette et est recouverte d’une couche assez épaisse d’arêtes de poisson, triturées et pesant 20 grammes environ. Les hirondelles de rivage font des galeries qui sont plus remarquables encore ; pour les creuser, elles sont obligées de choisir des terres qui se désa- grégentassez facilement, ordinairement desterrains sableux ; mais, grâce à leur bec court et solide, et surtout à leur patience et à leur énergie, elles trouvent moyen de camper leurs colonies partout ou il y a abondance de nourriture et des falaises pénétrables à la sape. Elles préfèrent les falaises qui sont perpendicu- laires ou surplombées, parce qu’elles s’y croient plus en sûreté qu’ailleurs ; elles y établissent alors 10, 20, 30, 40, 50 nids, qui souvent ne sont pas éloignés les uns des autres de plus de 30 centi- mètres. La galerie a, en général, en longueur 70 centi- mètres; si l’oiseau a été inquiété, si surtout des ennemis ont pénétré chez lui , il lui donne 80 centimètres et môme 1 mètre 20 centimètres. L’ou- verture a en hauteur 6 centimètres sur 4- centi- mètres de largeur; tels sont aussi les diamètres de la galerie , au fond de laquelle se trouve une cuvette ayant en hauteur 8 centimètres et en lar- geur 10 centimètres ; elle est recouverte d une couche de paille sèche mélangée de quelques herbes fines. Le plus souvent les galeries décrivent des courbes, et ainsi le nid échappe encore plus aux agresseurs du dehors. Elles sont assurément très-avanta- geusement combinées, car le martin-pêcheur, le 168 ARCHITECTURE DES NIDS. moineau friquet et l’étourneau s’en emparent quand ils le peuvent. Un jour qu’un friquet profitait de l’absence d’une hirondelle, pour visiter sa demeure, celle-ci rentra. Entre elle et le friquet s’engagea une lutte terrible, dans laquelle succomba la propriétaire du nid. Je suis, hélas ! arrivé trop tard pour empêcher cette lutte. Tout ce que j’ai pu faire a été d’empailler cette pauvre mère et de lui donner une place dans ma collection. Sur beaucoup de falaises de la Marne, on aperçoit un certain nombre de petits trous : ce sont les entrées d’autant de chambrettes creusées par ces hirondelles. Ces oiseaux, ne pouvant s’établir dans les roches qui bordent les fleuves, s’empressent de profiter des bancs de sables qui parfois s'y rencontrent. Ainsi au Sponek (groupe de Kaiserstuhl), duché de Bade, le Rhin se trouve encaissé dans des rochers qui forment une falaise très-élevée, et la couche puissante de lœss qui la surmonte est remplie de trous creusés par les hirondelles. De même que certains oiseaux se font des terriers, de même quelques autres se creusent des loges dans un tronc ou dans les grosses branches d’un arbre. Pour ce genre de travail ils ont reçu un bec qui leur sert comme la besaigiie au charpentier, le ciseau au menuisier, le pic au sapeur; aussi ces oiseaux ont-ils reçu le nom caractéristique de pic. Ainsi outillé, ce charpentier emplumé, non-seule- ment fouille le bois pour saisir les insectes qui l’attaquent, mais encore il.pratique des chambrettes ARCHITECTURE DES NIDS. 169 qui lui servent soit de domicile, soit de simple résidence. Chaque année le pic-épeiche en creuse une douzaine de nouvelles et pourvoit ainsi aux besoins de quelques sylvains (1) qui nichent dans les creux, sans pouvoir les faire eux-mêmes. Les sylvains sont d’utiles insectivores, et pour cette raison il est très-important que les nids, au moyen desquels leur reproduction est assurée, soient bien connus et appréciés ; c’est parce que je les ai pris pour modèles que je crois avoir résolu la question des nids artificiels. Mais n’anticipons pas, et commençons par exposer ce qu’il y a de caractéristique dans les nids naturels des pics. Trois espèces nichent dans nos pays, le pic-épei- chette, le pic-épeiche et le pic-vert. Ils représentent trois machines à éliminer d’une puissance bien différente, ainsi qu’il résulte des états suivants : Cube Epaisseur Poids du corps du corps Taille Pic-épeichette 18 gr. 65 19 cent. c. 0 m , 03 0 m , 147 Pic-épeiche. . 68 gr. 130 cent. c. 0 m , 045 0 m , 233 Pic-vert 188 gr. 295 cent. c. 0 m , 065 0 m , 325 Ces trois oiseaux, étant de trois grosseurs diffé- rentes , devaient nécessairement construire des chambrettes proportionnées à leur taille. Quelques dessins et quelques chiffres permettront d en juger. (1) Gloger, De la nécessité de protéger les animaux utiles , page 25. 170 ARCHITECTURE DES NIDS. Pic-épeichette. Ouverture Profondeur du trou de À à R Largeur de C à D — de E k F — de G k H Cube intérieur 0 ra 038 sur 0 m 033 0 27 0 01 0 07 0 05 — 830 cent. cub. Pic-épeiche. Ouverture 0™ 057 sur 0 m 048 Profondeur du trou de A k B. . 0 33 Largeur de C k D 0 057 sur 0 048 — de E k F 0 09 — de G k II,. 0 075 Cube intérieur 1.333 cent. cub. Pic-vert. Ouverture 0 m 085 sur 0™ 065 Profondeur du trou de A k B. . 0 38 Largeur de C k D 0 085 sur 0 065 — de E k F 0 115 — de G k II 0 09 Cube intérieur.. 3.260 cent. cub. Ainsi qu’on le voit, les différences entre ces nids n'existent que pour les dimensions ; pour le reste, les mêmes règles ont été appliquées. ARCHITECTURE DES NIDS. 171 D’abord le diamètre de l’orifice correspond au diamètre du corps de l’oiseau; il ne devait pas, à la vérité, lui être inférieur, mais, s’il s’était trouvé plus grand, il aurait favorisé l’entrée d'un puissant ennemi; l’oiseau ayant le corps protégé par les parois d’un nid , comme la tortue l’est par sa carapace, il peut braquer et lancer contre l’agres- seur, et surtout sur ses yeux, le bec fort et pointu dont il s’est servi pour creuser le bois ; il a d’autant plus de chance de l’atteindre, de l’effrayer et de l’éloigner, qu’un adversaire ayant la prétention d’entrer dans sa loge ne peut être d’une taille très- sensiblement supérieure à la sienne; plus une ouverture est petite, plus aussi elle échappe à la vue des dénicheurs. Ensuite le nid est à une certaine profondeur. Il n’est pas accessible à la patte de la martre, ni même à celle du chat sauvage , la patte de la martre n’ayant que 15 centimètres de longueur, et celle du chat que 20 centimètres. Pour arriver au fond, il faut descendre comme dans un puits, ce qui ne convient ni au moineau domestique, ni au moineau friquet, grands amateurs et grands accapareurs de loges pratiquées dans la terre, la pierre et le bois. On peut s’en convaincre en examinant la forme et les proportions du nid sphérique d’un moineau domestique. m ARCHITECTURE DES NIDS. H Diamètre de l’ouverture Cube de l’intérieur 0 m 05 400 cent. cub. I Largeur de l’intérieur Hauteur de l’extérieur Grand diamètre de l’extérieur 0 20 Hauteur de l’intérieur ^ r î, n o 07 0 09 0 25 0 m 10 G Un moineau domestique, du poids de 32 grammes 35 centigrammes, a pour cube de tout le corps 37 cent., pour petit diamètre 35 centimètres, et pour taille 16 centimètres. Enfin le nid d’un pic-épeichette ne peut, à cause de ses faibles dimensions, servir à l’écureuil. Pour ces diverses raisons les nids, qui sont si bien appropriés aux besoins de nos trois espèces de pics, ne conviennent pas moins aux sylvains de môme taille qui nichent dans les trous. Ainsi la mésange charbonnière , la mésange bleue, la mésange nonnette, le rouge-queue, le rossignol de muraille, le gobe-mouches à collier, le gobe-mouches noir, le grimpereau, la sittelle, s’empressent de loger dans la chambrette du pic- épeichette. Lorsqu’ils n’en découvrent pas, ils s’établissent dans la chambre d’un pic-épeiche ; mais c’est avec regret, car ils s’y trouvent moins bien, et ils ont affaire à de nouveaux compétiteurs, comme le torcol, la huppe et l’étourneau. Dans ce cas-là, et quand elles trouvent du bois bien vermoulu , la mésange charbonnière et la mésange bleue se mettent aussi à forer pour l’établissement d’un nid; quand cette ressource ARCHITECTURE DES NIDS. 473 leur manque, elles se résignent à s’établir dans un nid de grive, d’écureuil ou de troglodyte. J’ai même découvert un couple de mésanges charbonnières dans un trou de souris, profond de 30 centimètres, et donnant sur un revers de fossé, d’une forêt. J’ai, ainsi que je l’ai déjà dit, un très-joli nid de mésange nonnette, fait dans un nid de merle, qui venait d’être achevé, et, chose très-curieuse, le merle et la mésange y avaient déposé, l’un deux œufs, l’autre quatre. Je les ai vus le 22 avril 1873, pendant que la nonnette les couvait. Le 16 avril 1868, j’ai également trouvé un grim- pereau dans un nid de grive qu’il avait ap- proprié. Il est vrai que la si ttelle vient aussi au secours des petits nicheurs en creux. Cet oiseau sait pétrir la terre, l’appliquer au bois et la rendre aussi solide qu’un ciment. De plus, il est assez habile pour donner à l’ouverture qu’il rétrécit les proportions de son corps, et comme ce sont égale- ment celles du pic-épeichette, il en résulte que la chambre du pic-épeiche, restaurée par une sittelle, peut admirablement servir à la plupart des petits oiseaux qui n’ont pas à leur service un pic- épeichette. L’appartement du pic-vert est occupé par la chouette chevêche, parles oiseaux que nous venons de citer, quand ceux-ci n’en trouvent pas assez de pic-épeiche et de pic-épeichette. Quelquefois alors, l’étourneau imite la sittelle, il en rétrécit l’ouver- ture, jusqu’à ce qu’elle n’ait plus que le diamètre de son corps. La huppe elle-même pratique quel- 174 ARCHITECTURE DES NIDS. cjuefois aussi la même opération et emploie pour cela de la terre mélangée d’excréments. Si, au contraire, l’ouverture du nid du pic-vert est agrandi, la chouette hulotte et la colombe co- lombin en prennent possession. A défaut de ces trous, cette colombe va s’établir ailleurs, dans d’autres bois, la hulotte se décide à déposer ses œufs à terre, sur de la mousse ou des herbes sèches, et même dans le grenier d’une mai- sonnette. Les trous pratiqués par les pics ne sont pas les seuls qui se trouvent dans les bois ; car il en est qui sont dus à la pourriture et à des accidents de toute sorte ; mais ce sont les mieux appropriés aux be- soins de l’oiseau, et d’ailleurs, pour les autres, il ne manque pas d’hôtes très-empressés, comme les abeilles, les guêpes, les frelons, les chauves-souris, les martres, les écureuils, etc. Ainsi donc, grâce aux attributions diverses des constructeurs de nids, la reproduction d’oiseaux insectivores très-utiles est assurée et, une fois de plus, nous avons à admirer la sagesse du Créateur. Il est cependant bon de le dire, quand le moment est venu pour les oiseaux de s’établir au centre d’une élimination facile, soit dans un ancien nid, soit surtout dans un creux d’arbre, il y a quelque- fois des luttes acharnées. Le 24 avril 1873, j’ai été témoin d’un combat de ce genre. Des ouvriers de bois, me voyant passer près d’une coupe où ils tra- vaillaient, m’appelèrent pour me montrer deux sit- telles et deux étourneaux, qui étaient fort achar- nés les uns contre les autres. Voici ce qui s’était passé : AJiGHITECTUIlE DES NIDS. 175 En 1872, un pic-épeiche s’était construit un nid dans un tremble. Le 21 avril 1873, deux sittelles, le trouvant bien situé et à leur goût, se mirent à en rétrécir l’entrée au moyen de terre pétrie et à l’oc- cuper. La femelle y avait déposé trois œufs, quand, teXUrcty 1873, à huit heures du matin, deux étour- neaux, qui avaient en vain cherché un logement en ces lieux, profitèrent de l’absence momentanée des sittelles pour démolir la maçonnerie ; quelque temps après, ils purent entrer et prendre posses- sion du logis. Vite ils allèrent, mais alternative- ment, chercher de la paille, qu’ils posèrent sur les œufs de la sittelle, pour l’établissement de leur nid. Les sittelles étaient exaspérées, elles avaient harcelé leurs puissants ennemis pendant toute la journée. Quelques-unes de leurs amies étaient même ac- courues les aider à faire cette guerre d’épouvan- tail ; mais la nuit vint, laissant victorieux les spo- liateurs. Le lendemain, en arrivant au bois, les ouvriers virent un étourneau entrer dans le trou. L un d eux monta lestement dans l’espoir de le surprendre ; mais l’étourneau se sauva à temps ; toutefois, il fut tres-effrayé et crut prudent de se tenir à distance respectueuse pendant toute la journée. Alors, les sittelles en profitèrent et se mirent à rétrécir l’en- trée du trou par une nouvelle maçonnerie. Les étourneaux revinrent plusieurs fois à la charge , mais la sittelle femelle, qui était dans la cham- brette, se trouvait protégée contre toute attaque de côté et luttait avec avantage d autan plus que la sittelle mâle harcelait et inquiétait 1 e^rneau^ sur- tout par ses cris de détresse et de colere. Ces bruits 176 ARCHITECTURE DES NIDS. attiraient les ouvriers de la coupe, elles étourneaux fuyaient. Le soir étant venu, les sittelles purent coucher dans leur forteresse. C’est pendant la lutte de cette journée que j’ai été appelé et que j’ai pu observer les manœuvres sa- vantes des combattants. Malheureusement, le sur- lendemain, les ouvriers eurent la curiosité de briser une paroi de la chambrette. Il y avait au fond du trou, sur des feuilles de chêne, trois œufs de sit- telle ; sur ces œufs, de la paille ; sur cette paille, ap- portée par les étourneaux, les sittelles avaient posé quelques feuilles, et sur ces feuilles, la femelle avait pondu un œuf. Sans doute l’étourneau était dans son tort, en voulant user du droit du plus fort contre la sittelle. Celle-ci était en possession du nid, elle l’avait res- tauré et approprié à ses besoins, et elle jouissait ainsi de son travail. Mais, attendu que, dans ce centre probablement excellent d’exploration, il n'y avait qu’un logis ; que ce logis avait été construit par un pic, surtout pour un oiseau de sa taille comme l’étourneau ; que sans doute aqssi il était urgent pour l’étourneau de trouver place pour ses œufs ; qu’il, s'etait livré à des voies de fait seule- ment contre la maçonnerie et non contre les per- sonnes, peut-être cet oiseau trouverait-il avocat pour plaider sa cause, demander des circonstances atténuantes, obtenir pour l’avenir du propriétaire du bois, des nids artificiels, et, de l’autorité, un peu de sévérité contre les dénicheurs. Des lecteurs se sont peut-être demandé pourquoi je n’ai pas parlé de la propreté des nids. Je n’ai pas cru indispensable, pour le but que je AKCHITECTUflE DES NIDS. •177 me propose, de dire tout ce que je sais sur la re- production des oiseaux; mais je puis profiter d’un petit coin du présent chapitre, pour ajouter quel- ques mots sur la bonne tenue des berceaux dans lesquels sont élevés les oiseaux ; c’est surtout, il est vrai, à l’occasion des nids sphériques ou creusés dans la terre et dans le bois, que le lecteur a pu se poser certaines questions. Aucun animal n’est plus propre que l’oiseau; il aime à s’éplucher, à se laver et à lustrer ses plumes avec une espèce d’huile, qu’il tire de son croupion. Un rapace dissèque sa proie sans se salir. Le corbeau qui vient de manger de la charogne essuie complètement son bec en le frottant contre terre. Ces instincts de propreté, poussés quelquefois jusqu’à la coquetterie, devaient naturellement aussi se manifester, quand deux, quatre, six, huit, dix et même dix-huit jeunes sont placés, pour ainsi dire, dans les mêmes langes. Dans les nids en forme de coupe, quand les pe- tits éprouvent certain besoin, ils se tournent et se hissent de telle sorte, qu’il reste peu de chose sur les bords. La mère intervient ensuite pour tout nettoyer. Les héronneaux et beaucoup de jeunes rapaces ont même la propriété de lancer leurs excré- ments, d’ailleurs très-liquides, à 50, 60, 80 centi- mètres et jusqu’à 1 mètre de distance. Aussi, quand on veut étudier leur nid et qu’on approche de la nichée, il faut se mettre en garde; soit de détresse, soit peut-être pour se défendre, les petits lancent souvent une bordée qui, pour les yeux du curieux, deviendrait un dangereux collyre. Dans les nids sphériques ou creusés dans la terre 12 178 ARCHITECTURE DES NIDS. et dans le bois, les père et mère se chargent chaque jour de la vidange ; ce travail est si bien fait dans la ehambrette du troglodyte, qu’après l’en- volée des jeunes, il ne ne reste aucune trace de leur séjour. On ne peut en dire autant de l’antre de la huppe, et du couloir du martin-pêcheur. Il y a là souvent de quoi dégoûter et éloigner les dénicheurs, ce qui n’empêche pas toutefois les jeunes de ces oiseaux d’être encore très-propres. § 4. — QUELQUES TRAITS DE DÉVOUEMENT. Il est possible que, dans un catalogue complé- mentaire, nous mentionnions ce qui se rapporte à chaque nid de nos espèces sédentaires ; nous nous sommes surtout proposé, dans cette première partie de notre étude, de reconnaître et de poser les prin- cipes de la nidification, afin d’en tirer les conclu- sions les plus intéressantes. Pour donner à ces con- clusions plus d’autorité, ajoutons encore quelques traits de l’histoire des oiseaux. Si, en traversant la plaine, vous faites sortir de son nid une perdrix, en partant, elle volera très- mal et se reposera à quelques pas pour attirer votre attention et la détourner de son domicile. Ainsi agit la bécasse dans les mêmes circonstances. Cette dernière emporte même dans son bec un de ses petits qu’un danger menace. Quand une mère couve très-fort, elle ne peut sou- vent se décider à abandonner ses œufs, et elle se laisse ou couper sur. son nid par la faux du mois- sonneur, ou prendre à la main par le dénicheur. ARCHITECTURE DES NIDS. 179 On a vu des hirondelles plonger dans les flammes d’un incendie, pour porter secours à leurs petits, et. tomber victimes de leur dévoue- ment. Quand un oiseau est attaqué dans sa demeure, souvent les voisins de son espèce accourent à son cri d’alarme pour lui prêter secours. On a vu, disent les auteurs, des hirondelles de fenêtre s’unir à des père et mère dont le domicile avait été envahi par un moineau, et les aider à boucher l’ouverture du nid pour y enfermer le ravisseur. M. Servaux, actuellement sous-directeur au mi- nistère de l’instruction publique, m’a raconté à l’occasion des nids de pic-vert et à l’appui de ce que j’avance une charmante histoire que je suis heureux de reproduire : « A la fin de l’hiver de 1855 à 1856, j’ai remar- qué », dit-il, « dans une grande propriété de Mont- morency (Seine-et-Oise), deux pics (le plus commun, le picus viridis) qui avaient commencé à creuser leur nid dans un orme, à environ 4 mètres du sol. Vers le milieu de mai, pensant, à juste raison, qu’ils devaient avoir des œufs , j’appliquai une échelle et montai le long de l’arbre ; mais impos- sible d’introduire mon bras dans I ouverture : l’arbre était trop épais, et le trou était profond de cinquante centimètres environ. J’essayai, mais en vain, et pendant plus d’une demi-heure, d’arriver aux œufs, soit à l’aide d’une branche enduite de glu, soit avec une cuillère en étain recourbée. . . . Enfin, lassé de mes tentatives infructueuses, je me décidai à boucher l’entrée du nid, avec cette espé- 180 ARCHITECTURE DES NIDS. rance que, peut-être, pressée de pondre, la femelle déposerait ses œufs (ainsi que je l’ai observé plusieurs fois) dans un trou d’arbre des en- virons. « Je ne m'occupais plus des pics et ne pensais déjà plus à eux, lorsque, le soir, vers quatre heures, passant dans cette même allée, j’entendis frapper à coups redoublés sur l’orme que j’avais quitté le matin... je m’avançai avec précaution et j’aperçus, cramponné à l’arbre et frappant sans interruption, juste à la hauteur du fond du nid, c’est-à-dire à 50 centimètres plus bas que l’ouverture , un pic qui, tout préoccupé de son opération, ne me vit pas et me laissa approcher jusqu’au pied de l’arbre ; il s’envola alors, et grand fut mon étonne- ment, lorsque j’entendis continuer, mais intérieu- rement, dans l’arbre, le même bruit que j’avais entendu au dehors... Evidemment j’avais enfermé la femelle dans le nid, sans m’en douter, et la pauvre bête, couchée sur sa couvée, n’avait pas donné signe de vie le matin, lors de mes tentatives pour lui enlever ses œufs. « J’appliquai de nouveau l’échelle contre l’arbre et je collai mon oreille à l’endroit où les coups de bec arrivaient sans arrêt et avec une précipitation qui indiquait le désir de liberté que devait éprouver la prisonnière ; je fis du bruit, elle s’arrêta, mais un instant après elle recommença de plus belle. De son côté, le mâle n’était pas resté inactif, je vous assure; car l’écorce de l’arbre était fortement entamée sur une largeur de 5 à 6 centimètres et sur une profondeur de plus de 2 centimètres. Inutile d’ajouter que ce commencement de trou ARCHITECTURE DES NIDS. 181 correspondait juste à celui que la femelle commen- çait à l’intérieur. « La captivité forcée que j’avais imposée bien in- volontairement à la pauvre femelle avait duré assez longtemps, et après m’être bien assuré du fait que je viens de vous raconter, je retirai la pierre que j’avais mise le matin pour boucher l’entrée du nid; la femelle s’élança immédiatement ; mais je la saisis au passage pour l’examiner avec attention. Elle était, comme vous devez le penser, extrêmement farouche, très-agitée, les plumes hérissées, le bec tout couvert de sciure de bois, et lorsque je la lâchai, elle poussa deux ou trois cris en s’envo- lant... Etait-ce la peur que je venais encore de lui causer, ou plutôt la joie et la liberté ? «En quittant la maison, je fis part au jardinier de ce qui venait de m’arriver ; il me plaisanta beaucoup, me disant que c’était impossible, attendu que, dans la journée, à plusieurs reprises, il avait vu les deux pics qui frappaient l’orme à l’extérieur, et qui étaient tellement occupés à leur travail qu’ils le continuaient malgré sa présence, ne s envolant qu’au moment où il allait les toucher... Je m expli- quai alors l’énorme trou fait en si peu de temps et qui, bien probablement, n’aurait pas tardé à offrir une sortie à la prisonnière. Pour rendre la liberté à sa femelle, le pic mâle avait eu recours à 1 obli- geance d’un camarade, de son frère peut-être ? «Cette histoire est vraie en tous points, 1 expé- rience, au besoin, pourrait être renouvelée Je crois que cette observation n’a pas encore e e ai e , peut-être pourrait-elle intéresser les personnes qui s’occupent d’oologie et d’ornithologie ». 482 ARCHITECTURE DES NIDS. A ces faits, j’en ajoute quelques autres dont j’ai été témoin. Le 3 juin 1873, des chasseurs de Saint-Dizier, ayant entendu dire que des oiseaux de proie détrui- saient leur gibier de bois et de plaine, allèrent, avec autorisation préfectorale, explorer l'enceinte qui leur était indiquée et qui bordait une plaine très-giboyeuse. On trouva un nid d’autour et on tua la mère. Elle était magnifique et pesait 1.120 grammes ; on l’ouvrit et on vit que l’estomac était rempli de lapin. On continua donc les re- cherches. Une buse, au sortir du nid, fut également tuée ; c’était encore une femelle; son poids était de 930 grammes. Le 28 du même mois, à la suite d’une chasse au lapin, on repassa sous les nids et, au grand ébahis- sement de tous, on tua les deux mâles qui avaient échappé la première fois. Un grimpeur monta sur les arbres et en descendit chaque fois trois jeunes. Le plus gros buson ne dépassait pas 510 grammes; mais le plus grand des autours allait à 646. Ces jeunes avaient donc été élevés parleurs pères pendant 25 jours ! aussi l’autour ne pesait que 772 grammes et la buse que 810 Encore une histoire du même genre. En 1875, dans le département de la Marne, le pro- priétaire d’un étang aperçut sur les roseaux un nid de busard harpaye ( circus œrugiJiosus ) dans lequel étaient trois jeunes ; il alla chercher son fusil et abattit la mère. Le père nourrit les trois jeunes jusqu’au jour où ils furent tués et pris tous les quatre, c’est-à-dire pendant 14 jours. A l’extrémité du bois dont je viens de parler, j’ai ARCHITECTURE DES NIDS. 183 constaté, en 1 874, un fait plus curieux encore. Le 23 mai, on y tua, au sortir du nid, une buse qu’on m’apporta et qui était un mâle. Le 1 er juin, après une chasse aux renards, les chasseurs retournèrent au nid ; à deux mètres au-dessus ils aperçurent un oiseau qu'ils prirent pour la mère. L’un d’eux lui envoya un coup de fusil, et elle tomba; mais en même temps une autre buse partit d’un arbre voisin. Eh bien ! l’oiseau tué était encore un mâle. Etait-ce un ogre emplumé qui cherchait à trom- per la vigilance de la mère pour lui manger ses petits ? était-ce au contraire un serviteur à gage, un voisin charitable, un époux qui était devenu le père adoptif des enfants d’un premier lit? Je dois dire en sa faveur, que, de l’avis des chasseurs, il avait une attitude bienveillante, et que dans son estomac je n’ai trouvé que deux courtilières. â De ce que j’ai dit on peut au moins conclure que, dans les espèces monogames, et même chez les rapaces, on trouve des pères aussi dévoués que de fidèles époux. Quoique le dévouement des mères soit beaucoup plus connu, on comprendra que je mentionne un petit drame qui s’est accompli chez un de mes amis. C’était le 24 mai 1873, M. de la F. était, avec sa famille, sur la terrasse du vieux château de Saint- Dizier, tous regardaient attentivement une nichce de bergeronnettes grises qui faisaient leur entree dans le monde des oiseaux, Elles semblaien prendre plaisir à sautiller sur toutes les ui es e même sur la chanlatte du grand toit, au milieu e 184 ARCHITECTURE DES JVIDS. moineaux et des hirondelles. Tout à coup les père et mère paraissent effarés ; leurs gesticulations, la tristesse de leurs accents semblent annoncer un malheur ou un grand danger. La famille de la F., ne découvrant ni chat, ni oiseau de proie, n’v com- prit rien. Quelques jours plus tard on remarqua qu’une bergeronnette venait souvent se poser sur le sol du jardin, près d’un angle du château. Ce fait, se renou- velant de plus en plus, attira l'attention des pro- priétaires et, le 7 juin, la maîtresse de la maison, fort intriguée, se plaça de manière à bien observer. Elle découvrit alors que cette tendre mère profitait d'un petit trou pour passer son bec et pour donner de la nourriture à un de ses petits, qui se trouvait emprisonné dans une boîte en fonte. On s’expliqua alors la scène du 23 mai, cette imprudente enfant s’était laissé tomber dans un tuyau qui conduit les eaux de la chanlatte dans un réservoir; heureuse- ment elle avait fait une chute de 15 mètres sans se rien casser. Entre le réservoir et le tuyau il y avait un conduit en fonte, percé au dessus de petits trous, dans lequel elle avait pu vivre, mais c’était là une prison aussi solide qu’humide et peu éclairée et dans laquelle elle serait morte sans le dévouement de sa mère et sans l’intervention empressée de Mme de la F. On alla chercher un serrurier, et la plaque en fonte, qui recouvrait le conduit, fut enlevée. D’un bond l’oisillon fut sur le toit de la remise voisine où triste et inquiète se tenait la pauvre mère. A cette apparition, que de transports de bonheur! La fillette ne pouvait se contenir; elle sautillait et ARCHITECTURE DES NIDS. 185 voletait comme pour s’assurer qu’elle n'était plus en prison, mais bien en plein air et loin des chan- lattes. Sans doute que ces folies de la joie étaient des témoignages de reconnaissance à l’adresse de sa mère, de Mine de la F., et même du serrurier. Aussi jamais la mère et la fillette n’avaient éprouvé autant de plaisir à balancer sans cesse leurs jolies queues. Ces divers exemples montrent que, dans les cir- constances les plus graves, le dévouement des père et mère peut s’élever à la hauteur de l’héroïsme. Il est juste d’ajouter encore que, depuis la pre- mière jusqu’à la dernière minute de l’élevage, leur sollicitude et leur abnégation sont toujours admi- rables. J’ai voulu m’en rendre sérieusement compte et pour cette raison surtout j’ai dressé les états suivants : / J 486 ARCHITECTURE DES NIDS. NOMBRE DE VOYAGES PAR HEURE ET NOMS DES 0 ISF AUX De 5 à 6 heures | De Q à 1 heures | De 7 à 8 heures De 8 à 9 heures . «0 JD S U < O "H 05 15 Q | De 10 à 11 heures ’o JD S CD CM <5 -H «D Q JD S O) •< <5 CM «H Q | De 1 à 2 heures D e 4 h. 34 m. à 5 heures Moineaux domestiques 19 24 29 26 12 16 25 22 21 20 De 4 h. 30 m. à 5 heures Mésanges bleues De 3 h. 50 m. à 4 heures 15 46 42 22 42 23 35 17 34 30 Gobe-mouches gris 6 25 De 4 h. 22 m. à 5 heures 20 19 28 21 23 13 30 9 8 Hirondelles rustiques 12 4 20 20 21 44 40 32 22 37 3 / ARCHITECTURE DES NIDS. 187 S PAR FRACTIONS D’HEURE. CO fl fl ◄ fl O > v fl NOMBRE ET AGE DES PETITS w fl co « S» , S ■43 < CO <4> Q S 5 «u S < 'CS CO <43 Q «0 CJ S îO 'CS *■? ■43 Q ■43 S* S <43 “C? CO 'CS 40 <43 Q Co CD 5-. 55 Qj -< J— 'CS co <43 Q co M fl fl <3 H O fl fl fl CQ S O £ o ^ ^ q g 5 g « fl H h g fl 'fl fl fl fl fl H â 'A a s a A 'fl a « <1 fl o* De 7 h. à 7 h. 5 m. 28 17 19 20 14 2 314 14 II. 21 m. 5 jeunes âgés de 7 jours Beau temps 13 août 1872 De 7 h. à 7 h. 8 m. 21 37 36 35 19 5 459 14 h. 8 m. 10 jeunes âgés de 6 jours Beau temps 18 mai 1872 De 7 h. à 8 h. De 8 h. à 8 h. 15 m. 16 24 119 22 32 12 2 329 16 h. 8 m. 3 jeunes âgés de 10 jours Beau temps 21 juin 1872 De 8 h. à 8 h. 10 m. 31 41 20 28 20 25 3 430 15 h. 15 m. 4 jeunes âgés de 13 jours Temps pluvieux jusqu’à 8 h. du matin; bru- meux jusqu’à 10heures;plus beau le reste de la journée. 20 juin 1872 188 ARCHITECTURE DES NIDS. J’ai constaté qu’en 312 voyages, les moineaux ont parcouru 34.320 mètres, que 158 de ces excur- sions ont été faites par la mère, et 154 par le père. En 459 voyages, les mésanges bleues ont franchi 45.900 mètres , soit pour chacune d’elles 22.950 mètres. Un voyage de gobe-mouches ne représentait en moyenne qu’un parcours de 55 mètres; à ce compte, les 329 excursions n’ont produit que 18.100 mètres; mais, malgré cette infériorité, et à en juger par quel- ques apparences, le gobe-mouches se donne encore plus de peine que le moineau et la mésange. Dans ses courses aériennes, que le moindre moucheron se montre à son horizon, il l’aperçoit comme nous découvrons une perdrix dans la plaine, il s’élance à sa poursuite et le saisit rapidement quels que soient les zigzags que, pour s'esquiver, il décrive à toutes les hauteurs et dans toutes les directions. Grâce à la souplesse de ses mouvements, cet oiseau se livre alors aux voltiges les plus incroyables. Les 430 voyages des hirondelles m’ont fait faire des calculs plus curieux encore. Sans égaler le gobe-mouches, dans l’art de crocheter l’insecte ailé dans de petits espaces, cet oiseau, grâce à son vol très-puissant et très-soutenu, a pu en capturer des quantités prodigieuses. On a vu que les deux journées des père et mère représentaient 30 heures 30 minutes; or, en notant exactement les minutes et les secondes que ces oiseaux ont passées à donner la becquée et à se reposer, j’ai trouvé que le temps des distributions, à raison d’une minute en moyenne, pour chacune d’elles, avait été de 7 heures 39 minutes, et que 82 ARCHITECTURE UES NIDS. 189 minutes avaient été employées à faire 10 poses près du nid. J’admets, ce qui est extrêmement pro- bable, que les hirondelles ne se sont pas reposées loin de leurs petits, d’autant plus que chaque voyage avait à peu près la même durée. En déduisant des 30 heures 30 minutes, 7 heures 39 minutes, plus 1 heure 22 minutes, c’est-à-dire 9 heures 1 minute, j'ai donc trouvé que ces oiseaux avaient passé 21 heures 29 minutes à voler. Au len- demain de ces explorations, c’est-à-dire le 21 juin, jai voulu calculer la vitesse de l’hirondelle rustique quand elle se livre à la chasse des insectes ailés. La moyenne de 15 observations m’a donné 56 kilo- mètres pour chaque heure, ce qui fait en chiffres ronds 1.200 kilomètres pour les 21 heures 29 minutes, soit pour chaque journée d’hirondelles 600 kilomètres ! Notons encore que l’élevage de ces oiseaux dure dans le nid 19 ou 20 jours, et qu’il se prolonge encore au delà de la sortie. Ces chiffres ne sont-ils pas de véritables révéla- tions? Comment, en pensant aux actes si nom- breux, si variés et si constants du dévouement qu’ils caractérisent, ne pas entrevoir toute la beauté et toute la puissance de l’amour maternel des oi- seaux. On comprend alors que l’instinct de la nidi- fication s’épanouisse au foyer de cet amour, que l’oiseau y trouve la dextérité d’un habile ouvrier et même le feu sacré de l’artiste. On s’explique que partout et toujours les nids soient en parfait rapport avec les besoins et les goûts de chaque espèce. Ces stations, sous les nids, m’ont naturellement 190 ARCHITECTURE DES NIDS. permis de faire d’autres observations sur la nourri- ture et sur les mœurs des oiseaux, mais les ques- tions qui se rattachent à cet ordre de choses sont trop importantes pour être traitées incidemment. Gomment, cependant, ne pas dire un mot d’une des harmonies de l’élimination qui m’est alors apparue. Pendant que dans les espaces très-restréints qui se trouvent entre les murs, les arbres et leurs grosses branches, les gobe-mouches s’élançaient à la poursuite des insectes ailés, et qu’ils les hap- paient au moment où ceux-ci s’efforçaient de dis- paraître dans les massifs,, mon attention était sou- vent attirée par les hirondelles et les martinets qui sillonnaient les airs à toutes les hauteurs; de temps en temps aussi j’apercevais deux fauvettes à tête noire qui furetaient dans les buissons. Ainsi, pendant des journées de 15 et de 16 heures, autour du jardin où j’étais, à tous les étages de l’espace, depuis le sol jusqu’aux plus hautes ré- gions, d’incalculables travaux d’élimination étaient exécutés, grâce à l’incomparable spécialité de ces ouvriers. Je me demandais alors par quoi les destructeurs acharnés de ces insectivores ont la prétention de les remplacer ! N’oublions pas que nous étions au 21 juin, qu’à cette époque les inseetes pullulent, que beaucoup d’entre eux sont à l’état parfait pour se reproduire, qu’ils volent non-seulement pour des déplacements journaliers, mais encore pour prendre des canton- nements nouveaux, et dont quelques-uns doivent durer des années. ARCHITECTURE DES NIDS. 191 Aussi, au moment où les gobe-mouches et les hirondelles allaient goûter le repos de la nuit, c’est- à-dire à 8 heures 15 minutes, les chauves-souris apparaissaient et se mettaient au travail. Ainsi s’opèrent et se continuent quelques harmo- nies de l’élimination, au profit surtout de ceux qui s’inspirent du dévouement des oiseaux pour pro- téger leurs nids. § 5. — UN MOT DU COUCOU GRIS. Tous les livres d’ornithologie constatent que le coucou ne construit pas de nid. Le plus souvent la femelle pond son œuf à terre, sur delà mousse, ou des herbes, elle le prend ensuite dans son bec et va le déposer dans le nid d’un oiseau. Elle en met très-rarement deux dans le même. Elle ne fait qu’une ponte par an ; mais, cette ponte étant de cinq ou six œufs (1), elle met à contribution cinq ou six nids pendant la saison du printemps. On a remarqué que, presque toujours, le jeune coucou restait seul dans le nid, et qu’ainsi une nichée d’oiseaux lui était sacrifiée. Ces faits, aussi extraordinaires qu’incontestables, ont mis à l’épreuve la sagacité des observateurs et des savants. Toutes les questions soulevées à ce sujet n’ont pas encore été résolues ; mais il en est résulté quelques éclaircissements importants. Ainsi, d’après Florent Prévost, Degland et Gerbe, le coucou serait polygame. Il s’ensuit que, par une exception unique, dans (1) Degland et Gerbe. 192 ARCHITECTURE DES NIDS. l’ordre de nos passereaux, la femelle du coucou est polygame, qu’elle ne construit pas de nid, qu’elle ne couve pas ses œufs et qu’elle n’élève pas ses petits. Assurément, ce ne sont pas là des titres au res- pect et à la bienveillance ; mais, après un plus com- plet examen , on voit que cette espèce n’est pas moins utile et profitable à l'homme que la plupart des autres. Le coucou est le plus puissant éclionilleur de nos forets. Il a la propriété de rejeter par le bec, sous forme de pelottes, les poils de chenilles dont il se nourrit. Il avale en effet celles qui sont velues, aussi bien que celles qui ont la peau lisse, et même celles pour lesquelles les autres oiseaux éprouvent le plus de répugnance. Un coucou, que j’avais à la maison, mangeait des chenilles processionnaires. La clirysorée, la disparate, la limée, ne tardent pas à disparaître des cantons forestiers où cet oiseau s’est établi (1). Comme la partie aqueuse des chenilles n’est guère nourrissante, et que le coucou est plus gros que la grive-draine et pèse 125 grammes, il en mange considérablement. Aussi j’ai trouvé, dans un coucou qu’on a tué le 7 mai 1872 , à 10 heures du matin, les restes et les tètes de 210 chenilles. D’après le calcul d’Homeyer rapporté par Brehm (2), dans un bois de pins de dix hec- tares, des coucous ont mangé par jour 192.000 chenilles de l’espèce nommée liparis monaclia (1) Millet, inspecteur des forêts, Constitutionnel , 29 juin 1869. (2) La Vie des Oiseaux illustrée, t. II, p. 175. 193 ARCHITECTURE DES NIDS. en 15 jours,' ils en ont dévoré environ 2.880.000. Il faut donc que le coucou puisse opérer facile- ment de continuels déplacements. Pour cela, il a reçu des ailes qui ont la forme de celles des fau- cons et dont la surface plane est de 479 centi- mètres, tandis que la surface plane de celles d’un épervier ordinaire pesant 144 grammes n'est que de 455 centimètres. Si nous remarquons encore que l'estomac des jeunes coucous ne pourrait s’accom- moder de la nourriture ordinaire des vieux, on comprendra déjà que cet oiseau ait été dispensé de couver ses œufs et d’élever ses petits. Les instincts de cette espèce sont vraiment très- remarquables. La femelle recherche pour sa ponte les retraites les mieux cachées. Portant son œuf dans son bec, elle le dépose au besoin dans le nid sphérique du troglodyte, dont l’ouverture n’a que 30 millimètres sur 35 millimètres. Elle a soin, ont dit quelques auteurs, de le dépo- ser dans les nids dont les œufs ne sont pas couvés et qui ressemblent le plus au sien, et il est à noter que les œufs du coucou ont des couleurs très- variées. Pour 20 que j’ai trouvés, ces faits se sont vérifiés le plus souvent. Ce qu’il y a d’incontesté, c’est que cet œuf est plus petit que celui de la grive draine, quoique cet oiseau soit, ainsi que nous l’avons dit, moins gros que le coucou. Il en résulte que cet œuf peut être déposé au milieu de ceux des petits insectivores sans que cela paraisse beaucoup. Jusqu'alors je n’en ai trouvé que dans les nids de rouge-gorge, 13 •194 ARCHITECTURE DES NIDS. de troglodyte, de pipit, de pouiJlot, de fauvette, de pie-grièche grise et de bruant proyer. Le coucou, ne déposant qu’un œuf dans chaque nid, le petit auquel il donne naissance y est d’au- tant plus à son aise, que le plus souvent il finit par être seul, soit que pendant l’incubation la mère du coucou ait pris soin de venir enlever un ou plu- sieurs œufs du nid, soit que le jeune coucou ait fini lui-même par jeter dehors les œufs ou les jeunes qui le gênaient. La mère du coucou vient, en effet, de temps en temps surveiller la nourrice qu’elle a choisie pour son petit. Le mode si exceptionnel de la reproduction de cette espèce est donc de nature à plutôt augmenter qu’à diminuer l’admiration que nous avons pour toutes les œuvres du Créateur; car c’est surtout par les difficultés exceptionnelles que se révèle sa puissance. En fait, la reproduction de cette espèce est aussi assurée que celle de toutes les autres , et nous avons chaque année pour purger nos forêts les plus voraces des insectivores et surtout des éche- nilleurs, et pour les animer, des chanteurs dont les premières notes, si connues de tout le monde et qui se font entendre dans les premiers jours d’avril, sont comme l’annonce du printemps, des grands concerts d’oiseaux et le réveil des espérances. D’autres observations que j’ai faites au sujet du coucou ne seront peut-être pas sans intérêt pour les ornithologistes. Deux fois sur vingt-six j’ai trouvé deux œufs de coucou dans un même nid, la première fois c’était ARCHITECTURE DES NIDS. 193 dans un nid enfoui sous des herbes par un rouge- gorge, la seconde dans un nid de troglodyte ; mais sous le rapport des proportions, du poids, de la nuance générale et du dessin ces œufs étaient très- différents. Je suis donc persuadé qu’ils provenaient de quatre mères qui ont pu se tromper à cause de 1 obscurité du lieu et je ne pense pas avec certains auteurs qu’un coucou dépose deux œufs dans le même nid. Autre fait. La mère adoptive du jeune coucou se charge encore de son éducation après la sortie du nid. Dans une circonstance surtout j’ai eu l’occa- sion de le constater. Je visitais un petit bois de la Champagne crayeuse, quand j’entendis les petits cris répétés d’un jeune coucou. Je me dirigeai de suite vers lui. A peine avais-je fait quelques pas qu’une pie-grièche à poitrine rose partit en lançant une note d’appel. Aussitôt le coucou se leva et s’en- vola à sa suite ; tous deux se reposèrent à cent mètres de là dans un autre petit bois. A mon approche la pie-grièche s’éleva, emmenant encore le coucou. Je répétai une troisième fois cette expé- rience. Il était donc évident que cette pie-grièche avait conservé jusqu’alors sous sa tutelle le coucou qu’elle avait élevé. Du reste j’ai déjà trouvé un œuf de coucou dans un nid de pie-grièche grise. Après l’exposé des faits et des principes qui caractérisent le plus la nidification, ii me semble qu’il est temps et facile de conclure. 196 ARCHITECTURE DES NIDS. X. Conclusions. § 1. — CONDUITE DE L’HOMME A L’ÉGARD DES NIDS. Les bienfaits résultant de la production des oiseaux ne nous sont assurés que si ceux-ci peuvent nicher; il importe donc que nous cherchions par tous les moyens à leur rendre cette tâche facile. A ce sujet voici quelques recommandations. Planter dans la plaine et dans les jardins pota- gers des arbustes pour l’établissement des nids d’insectivores, aussi bien que pour servir de per- choir. Laisser, à partir du 25 mars, aux écuries et surtout aux étables à vaches des ouvertures qui permettent aux hirondelles rustiques d’y pénétrer et d’y nicher. Ne pas toucher aux nids, et même, pour cer- taines espèces, éviter, en les regardant de trop près, d’attirer l’attention des père et mère. Rendre ces nids inaccessibles à leurs ennemis. J’entoure d’épines le pied d’un arbre de mon jardin, quand je vois des oiseaux apporter les premières brindilles de la construction. Dans les parcs et les jardins placer des nids artificiels. Si dans la forêt ils étaient respectés, on en tire- rait de grands profits; en voici un exemple. Dans les années 1852 à 1857, l’inspecteur général des forêts, M. Diétrich, à Grünheim, en Saxe, rap- ARCHITECTURE DES NIDS. 197 porte que deux espèces de coléoptères (charançons), les hylobins abietis, ont exercé de grands ravages sur les forêts de sapins de son district. On employa dans ce laps de temps une somme de plus de 4.000 francs pour détruire ces insectes, et malgré tous les efforts le mal persista. Alors on y remédia au moyen des étourneaux. L’inspecteur fit placer 121 nids artificiels dans le voisinage des planta- tions d’épicéas. Le succès fut complet. A la fin de mai on examina les étourneaux à peine ailés, et l’on trouva leur estomac rempli de charançons, dont la trompe avait été soigneusement brisée par le père et la mère (1). En raison de la spécialité industrielle de chacune de leurs espèces, comme aussi de la puissance de leur locomotion, les oiseaux sont des régulateurs dans les forces de l’élimination, et leur place est marquée partout où apparaît la production. Pourquoi y aurait-il exception à l’égard des vignes ? En la forçant, ainsi que le sol qui la nour- rit, on devait arriver au rachitisme de cette plante. Bientôt des éliminateurs du genre du phylloxéra sont Tenus en hâter la décomposition. Ne trouvant pas eux-mêmes d’agents assez nombreux et assez puissants pour modérer leur action, ils se sont multipliés au point d’inspirer des alarmes à d im- menses vignobles. En plantant dans les vignes des buissons, comine des groseilliers, pour faciliter l’établissement des nids d’insectivores, du genre de la fauvette, en attachant des nids artificiels à de jeunes arbres ou (i) Bulletin de la Société d'acclimatation de Nancy, t. V, p. 87. 198 ARCHITECTURE DES NIDS. à des poteaux pour appeler des mésanges, on attire- rait assurément des oiseaux qui se chargeraient d’une partie de la police des vignes. J’ai souvent entendu faire des objections au sujet de ces nids ; mais je puis y répondre péremptoire- ment. Si je transportais dans mon jardin un arbre de foret dans lequel aurait été creusé un nid de pic, j’aurais toutes les chances possibles d’attirer les oiseaux qui nichent dans les creux ; en fixant sur un de mes arbres une branche forée par un pic, j’arri- verais au même résultat. Or, les nids naturels des trois espèces de pics, je les ai pris comme modèles pour en creuser de pareils dans les branches que je fixe à mes arbres. Avec le numéro du pic-épei- chette, j’ai des oiseaux de petite taille et surtout la mésange. Nous avons vu qu’heureusement le moi- neau domestique et le moineau-friquet ne les trouveraient pas à leur convenance. Avec les numéros du pic-épeiche et du pic-vert, j’ai attiré des éliminateurs de plus forte taille. Mes nids sont construits de manière à être aussi solides et aussi confortables que ceux des pics, et à être facilement attachés et même dissimulés. Voici le dessin du modèle que j’ai inventé et que je re- commande. Le morceau de bois que j’emploie a les deux extré- mités coupée en biseau , de sorte qu’il apparaît comme une loupe sur une branche d’arbre avec laquelle il s’identifie, et qu’il offre le moins de prise possible à un grimpeur comme ARCHITECTURE DES NIDS. 199 le chat. Pour plus de sûreté, j’entoure le pied de l’arbre d’une ceinture d’épines. Ce forage se fait au point A pour l’ouverture, et au point B pour la chambrette. Un bouchon en bois est coupé et creusé dans sa partie supérieure, de manière à s’adapter à la forme arrondie et con- cave du nid, et dans sa partie inférieure, il prend l’inclinaison du biseau de mon morceau de bois. Une pointe à la hauteur de la lettre C fixe le bou- chon et un fil de fer qui s’enroule autour de la branche de l’arbre. Un second fil de fer placé au point D et s’enroulant également autour de cette branche, est le complément de mes attaches. Au moyen d’un revêtement en écorces d'arbre ou en mousse, j’arrive à dissimuler autant que pos- sible ce petit appartement. Si l’on se reporte à ce que j'ai dit dans le cours de cette étude, et surtout sous le paragraphe précé- dent, on comprendra que j’ai déjà causé quelques satisfactions à certains oiseaux et à plusieurs de mes amis. S’il faut venir en aide à l’oiseau pour la con- struction de son nid, il est nécessaire, à plus forte raison, d’empêcher le dénichage, à moins qu’il ne s’agisse de quelques rares espèces considérées comme nuisibles en ce moment. Surtout, il faut que l’ornithologie soit enseignée dans les écoles primaires et dans les collèges ; on n’arrivera à protéger efficacement les oiseaux que lorsqu’on aura fait connaître leur rôle important dans les harmonies de la nature. N’y a-t-il pas de danger à divulguer les secrets de la nidification à une époque où l’on est si porté 200 ARCHITECTURE DES NIDS. à ne pas respecter les nids? C'est une objection qui m’a été faite. Or, ce que j’ai écrit est aussi bien à la portée des gardes qu’à celle des braconniers, et d’ailleurs beaucoup de dénicheurs sont très- instruits en ces matières et ne se cachent pas pour enseigner ce qu’ils savent. § 2. — AVANTAGES QUE L’ORNITHOLOGISTE PEUT TROUVER A ÉTUDIER ET A COLLECTIONNER LES NIDS. Les vérités que nous avons exposées et dont nous avons fait entrevoir les applications aussi nom- breuses que pratiques se recommandent assez d’elles-mêmes pour que l’on soit porté aies étudier et à les connaître. L’ornithologiste a des raisons plus que tout autre de se livrer à ces études. Il y a bien des questions que je n’ai résolues qu’en procé- dant ainsi. L’une d’elles, qui préoccupe d’abord l'ornitholo- giste, est de déterminer les espèces d’un pays." En effet, il convient surtout de savoir quelles sont les différentes industries pratiquées par les oiseaux, combien parmi eux il y a de corps d’états, combien de journées de travail ils nous donnent dans telle ou telle saison. Les œufs indiquent la présence d’oiseaux qu’on ne voit pas ou qu’on ne distingue pas, mais cer- taines variété d’œufs d’espèces différentes se res- semblent tellement, que plus d’une fois des mar- chands en ont abusé pour vendre des œufs qui n’étaient pas des espèces par eux indiquées. Par exemple, je possède certaines variétés d'œufs du rossignol de muraille, du traquet tarier, du ARCHITECTURE DES NIDS. 201 gobe-mouches à collier et de l’accenteur mouchet, qui se ressemblent au point de ne pas être reconnus par les plus experts : à la vérité, ils viennent de nids très-différents et pour celui qui les a recueillis ils constatent, dans telle ou telle contrée, la pré- sence de tels ou tels travailleurs. Dans des circonstances de ce genre, il m’est arrivé de résoudre des questions bien difficiles. L’une d’elles m’a trop intéressé pour que je n’en parle pas. Le 24 juin 1871, je reçus de Charmont, village situé dans la Marne, à trente-deux kilomètres de Saint-Dizier, une lettre dans laquelle on me disait que des faucheurs avaient mis à découvert tin nid contenant quatre œufs, très-différents de ceux qu’on trouvait ordinairement dans la plaine ; on ajoutait qu’on profitait d’un occasion pour me les envoyer et qu’on me priait de les classer. Je reçus, en effet, les œufs le lendemain. Par la taille et les couleurs, ils ressemblaient beaucoup à ceux du busard saint-martin, et même presque complètement à des variétés que je possède de cet oiseau ; mais ils avaient été pris en plaine, dans un pré, et, à ma connaissance, le saint-martin n’a jamais niellé ailleurs que dans le bois et même dans les taillis de deux à six ans. Les explications embrouillées et inexactes de la lettre me dérou- taient plus qu’elles ne m’éclairaient. J’étais donc très-embarrassé pour trouver la vérité. Alors j’écrivis de me conserver le nid, et plus tard, en le voyant, je découvris que cette ponte venait du busard montagu. Jamais, dans ces pays que je connais très-bien, 202 ARCHITECTURE DES JNIDS. je n’avais remarqué cet oiseau au moment des pontes ; mais on n’avait naturellement pas chassé pendant l’invasion de 1870 ; le gibier de poil et de plume s’était multiplié, et ses éliminateurs s’é- taient de suite montrés en plus grand nombre. En 1871 et 1872, on ne faisait pas un pas, dans la plaine surtout, sans rencontrer des oiseaux de proie. J’ai su, depuis, que le 27 juin 1871, on avait éga- lement trouvé une autre ponte de montagu, à quatre kilomètres de la première. Très-exceptionnellement donc, et à raison de la quantité anormale du gibier, ces deux familles de busards étaient venues s’établir dans les prairies de Charmont. Au contraire, voici des œufs qui ont les mêmes proportions et des couleurs très-différentes. J’en ai de dix nuances fort distinctes ; mais ils viennent de nids en tout semblables et qui indiquent qu’il n’y a là qu’une espèce d’individus, portant le nom de pipit des arbres. La connaissance du nid de cet oiseau est d’autant plus nécessaire qu’une variété de ses œufs res- semble à ceux du pipit des prés, et que ces deux oiseaux eux-mêmes ne présentent de différences caractéristiques que dans la courbure de l’ongle du pouce ; chez le pipit des arbres, qui perche, elle est très-arquée ; chez le pipit des prés, qui marche, elle l’est moins. Les nids et leurs œufs ont aidé à déterminer des espèces d’oiseaux qui pendant longtemps avaient été confondues ; cela peut se présenter encore. En 1871, j’ai montré àM. Gerbe quelques variétés ARCHITECTURE DES NIDS. 203 d’œufs si extraordinaires, que lui-même eut besoin de mon humble secours pour les classer. Tous les savants réunis eussent d’ailleurs été aussi embar- rassés. Par exemple , j’étalai sous ses yeux cinq œufs de chouette hulotte qui avaient les couleurs jaunâtres d’un œuf de buse : jusqu’alors on n’en a vu que de blancs. Je n’étais certain qu’ils étaient de hulotte, que parce que j’avais très-bien distingué dans le nid et à côté les père et mère. A ce sujet le savant M. Gerbe me disait, avec beaucoup de raison, que dans certains cas ce genre de justification était néces- saire. On le voit, l’étude des nids peut rendre plus facile la recherche de la vérité et par conséquent laisser aux savants des heures qui valent pour eux et pour nous beaucoup plus que de l’argent. Inutile d’ajouter encore que cette étude aide sin- gulièrement à connaître les mœurs des oiseaux et a déterminer leurs espèces et leurs genres. 11 est même des oiseaux qui ne se laissent étudier qu au- tour de leurs nids : tels sont, par exemple, 1 aigle jean-le-blanc et le milan royal. ^ 3. — UNE LEÇON DE MORALE RELIGIEUSE. Nous trouvons dans l’étude du nid non-seule- ment des enseignements d’économie agricole, une voie de plus pour découvrir les principes de l’orni- thologie, mais encore une leçon de morale reli- gieuse. . C’est en fabriquant le nid que l’oiseau fait la 204 ARCHITECTURE DES NIDS. plus grande dépense d’intelligence, de sentiment, de prévoyance, de toutes les forces dont il dispose. Et cependant, là comme en tout, il est borné à la façon d’une machine. Or, une machine* vivante, si utile, mue par des forces si merveilleuses, si variées, selon les espèces, ornée de la beauté et des grâces qui, à un si haut degré, captivent les regards et l’esprit, ne pouvait être créée par l’homme, ni par aucune autre puis- sance secondaire. Elle ne pouvait être l’œuvre que du souverain Créateur des planètes et de l’âme humaine. Cette intelligente machine se renouvelle et fonc- tionne pour notre plus grand bien depuis la création du monde ; elle ne finira qu’avec lui. Elle seule suffirait donc pour rendre manifestes les attributs de Dieu, et en particulier son infinie bonté, elle nous porte à l’admiration, a l’adoration et à l’espérance. En ces jours si sombres et si orageux que tra- verse la France, n’avons-nous pas quelques raisons de plus pour méditer sur ces vérités fondamentales que les oiseaux ont, comme les grandes créations de l’univers, mission d'enseigner, et en leur mysté- rieux langage ne nous répètent-ils pas sans cesse le sursnm corda de l’Eglise ? § 4. — RÉCIT DE MADAME DE TRACY. Intervention de la famille . — Dénickagc. — Société 'protectrice des animaux . Sous l’influence de ces idées, je suis heureux de pouvoir reproduire une très-remarquable descri p- ARCHITECTURE DES NIDS. 205 tion d’un nid de mésange à longue queue ; car, je l’espère, ce récit si poétique, dû à l’élégante plume de Mme de Tracv, touchera le lecteur que je n’aurais pu convaincre. « Ce matin, en faisant une promenade sur les bords de l’étang, j’ai joui d’un spectacle qui m’a confondue d’admiration et que je vais tâcher de raconter : « Je m’étais appuyée contre un saule pour me reposer un instant, lorsque tout à coup un char- mant petit oiseau sembla jaillir de l’écorce même de l’arbre ; je voulus me rendre compte de ce phé- nomène, et voici ce que je vis, en y regardant de très-près. A environ quatre pieds de terre, j’aperçus collé contre le tronc du saule une sorte de gros cocon à base élargie, et affectant la forme d une petite bouteille, ou plutôt d’une pomme de pin. Les parois extérieures de ce cocon étaient entière- ment garnies d’un lichen argenté et moussu, le- cueilli sur l’arbre même et ajusté avec un art si merveilleux qu’on aurait pu passeï vingt lois devant l’arbre sans croire à autre chose qu’à une rugosité de l'écorce. Je m’approchai avec précau- tion, et par une petite ouverture ménagée dans l’édifice, à environ un pouce du sommet, j’aperçus, ô merveille ! ô prodige ! ô spectacle incomparable ! j’aperçus vingt petites têtes et vingt petits corps rangés avec la plus parfaite symétrie dans ce petit réduit, qui n’était guère plus grand que le creux de la main. C’était un nid de mésange que j’avais sous les yeux, un nid de cette mésange si jolie, si gracieuse, qui est, je crois, la plus petite de son espèce et qui certainement n’est pas plus grosse 206 ARCHITECTURE DES NIDS. qu’un roitelet. Quand on songe à toute la peine que ce pauvre petit oiseau a dû prendre pour construire un pareil édifice sans autre instrument que son bec et ses deux petites pattes ; quand on pense à l’activité incessante qu’il est obligé de déployer pour nourrir une si nombreuse famille, on est partagé entre l’admiration et l’attendris- sement. « Et dire qu’il y a des gens assez stupides pour oser porter la main sur un pareil chef-d’œuvre, assez cruels pour jeter la désolation dans une si charmante famille? Je m’empressai de m’éloigner, et, m’arrêtant à quelque distance, j’eus l’indicible bonheur de voir la mère regagner courageusement son nid et distribuer à sa jeune famille deux belles chenilles vertes ». Du récit de Mme de ïracy, on peut tirer plus d’une leçon ; on voit, par exemple, que le cœur chrétien d’une mère a des aptitudes toutes particulières pour découvrir certaines vérités et pour les faire aimer. Pour parler à un enfant, quelle voix pour- rait être plus autorisée que celle de la mère, et pourquoi celle-ci ne lui dirait-elle pas en s’inspi- rant de Mme de Tracy : Mon enfant, ces oiseaux que lu vois sans cesse voler dans les airs sont créés par Dieu, surtout pour être de puissants auxiliaires des hommes ; selon la volonté du Créateur, ils devien- nent pour eux des serviteurs infatigables, ils accom- plissent des travaux parfois si difficiles, qu’à prix d’argent on ne pourrait les entreprendre. Si le pain, le vin, l’huile, le bois et beaucoup d’autres pro- ductions de la terre sont à bon marché, n’oublie jamais que nous leur sommes redevables d’une ARCHITECTURE DES NIDS- 207 partie de ces bienfaits, et puis sur cette terre que l’on a appelée une vallée de larmes, tu auras sou- vent besoin d’encouragements ; alors les oiseaux qui sont si beaux, si gracieux et si bons musiciens, seront là pour te distraire, toucher ton cœur, rele- ver tes espérances. Eh bien! ces nids sont les ber- ceaux de leurs chers enfants. Les toucher, les dé- truire, serait donc une faute très-grave, ce serait manquer à Dieu, aux hommes, à toi-même, re- pousser avec dédain un bienfait du Créateur, priver tes semblables des ressources dont ils ont besoin, et de ta part un acte de sottise et de cruauté. Aie donc toujours présent à l’esprit ce petit comman- dement : Respecte , aime et protège les nids ; si tu les cherches, que ce soit pour les admirer, les aimer et en devenir le vigilant gardien ; de la sorte, tu feras le bien et tu goûteras de douces joies du cœur. Pourquoi le père de famille dédaignerait-il de prendre part à la propagation de ces vérités? Nous l’avons dit, elles peuvent être utiles sous beaucoup de rapports ; ne convient-il pas surtout que le père ne souffre dans sa maison rien qui puisse altérer le sentiment du respect. En tolérant le dénichage, on autorise l’esprit d’insubordination et des habitudes qui amoin- drissent râme. Voyez dans la plaine ces quatre petits dénicheurs, c’est un jeudi, on ne va pas à l’école, et ces gamins en profitent pour battre les haies et les buissons. Trouvé, s'écrie l’un d’eux, et triomphalement il dé- tache d’une branche un nid de fauvette qui con- tient cinq œufs. Comme il l’a trouvé, il en prend 208 ARCHITECTURE DES NIDS. deux, il en reste un pour chacun de ses camarades ; on va les avaler, seulement, en les cassant, on voit qu’ils sont très-couvés et on Jes jette. La pauvre mère est là qui se lamente ; mais, a dit La Fontaine, l’enfance est sans pitié. La bande reprend ses explorations et se met à fureter dans les broussailles. Planquet agite sa casquette ; à ce mystérieux signal, tous arrivent dans le plus grand silence, car on comprend qu’il s’agit d’une affaire importante. Une fauvette à tête noire est sur son nid. Alors Chaudon, le plus habile des quatre, retrousse les manches de sa blouse, se glisse comme un serpent, et,... c'est bientôt fait, la pauvre mère se débat sous sa main. Est-il adroit ce Chaudon ! Chacun brûle de Limiter. Animal, dit le ravisseur, il me donne des coups de bec; alors on l’agace, on le tourmente, et, après s’être amusé de ses tortures, on l’achève en lui tordant le cou. Dans le nid, il venait de naître cinq petits 1 Toute l’après-midi se passe ainsi : le soir, on rapporte pour la potée quelques oisillons, pas seulement en tout 100 grammes de viande. Le lendemain, à 1 ecole, ou en y allant, on raconte ces prouesses. On le voit, d’imprudents parents laissent ainsi germer, dans le cœur de leurs enfants, des senti- ments qui étoufferont leurs aspirations chrétiennes. Et cet autre gamin qui sort de la forêt, à son re- gaid fauve, à sa chevelure ébouriffée, à son air débraillé, à l’aspect de son pantalon et de sa che- mise tout déchirés, vous pouvez être certain que pour les nids il est impitoyable. Hier, il a été à leur recherche avec deux de ses pareils ; il a, avec eux, trouvé, pris et partagé quelques jeunes ; mais, ARCHITECTURE DES NIDS. 209 dans deux nids, l’un de merle, l’autre de grive, il y avait huit petits, à peine âgés de quelques jours ; on est convenu qu’on les prendra dans la huitaine; pour les avoir tous aujourd’hui et, dès la pointe du jour, il a été les dénicher; ils sont à moitié étran- glés dans ses poches, on ne peut distinguer les merles des grives, parce qu’ils n’ont pas encore de plumes. Ce malheureux vagabond, livré dès le bas âge aux instincts de la sauvagerie, nous le reverrons plus tard sur les bancs de la police correctionnelle ou de la cour d’assises, s’il ne se trouve personne pour lui tendre une main charitable, lui donner une culture chrétienne et, avec elle, l’intelligence du vrai et du bien. Nous voici à l’Ascension. Les dénicheurs savent qu’à cette époque, il y a beai_Dup de nids, des jeunes grands comme père et mère, et pendant que les cloches sonnent, et que les populations accou- rent dans les églises, pour y chercher la lumière, la force et les plus grandes effusions du cœur, ils parcourent les forêts. En voici trois, ils sont éche- lonnés de cinquante mètres en cinquante mètres, et ils marchent parallèlement comme pour une battue, aucun nid ne leur échappe ; ils sont tous visités sans exception, les petits sont pris et par- tagés, quelquefois un chien les accompagne et les aide ; il jappe et avertit si un garde approche ; il cherche à terre, et lui aussi il trouve des nids ; il est surveillé par les dénicheurs, parce que, s il le peut, il avale les petits, avant que 1 on soit arrivé. Les trous de pic sont élargis jusqu’à ce que le bras puisse passer; comme ce travail fait perdre du 14 210 ARCHITECTURE DES NIDS. temps et qu’il ne s’accomplit pas sans bruit, le dé- nicheur emporte un fil de fer d’un mètre de lon- gueur, très-pointu, à l’une de ses extrémités; ce fil, non recuit, s’enroule comme un cor de chasse et est facilement caché sous la blouse. Le dénicheur l’introduit dans le trou du pic, de l’étourneau, et embroche les petits, les retire et les fourre ainsi mutilés dans sa poche. Quand il sent qu’ils remuent encore trop, il les achève en les étouffant. Tout cela se fait naturelle- ment avec joie et en riant, comme si on accomplis- sait un devoir. Çe sont là cependant des habitudes coupables et qui entraînent avec elles de graves conséquences. Le dénicheur devient très-facilement un bracon- nier, il a perdu ou il perdra le discernement de la vérité, le respect de la loi, et il est fort à craindre que, pour ses semblables et même pour sa famille, il ne devienne dur, méchant, acariâtre, impi- toyable ; de là au crime il n'y a qu’un pas. Tout ce que je viens de raconter est historique, et j’aurais pu encore mentionner d’autres méfaits qui n’ont pas moins de gravité. Fort heureusement le dénichage ne se pratique pas ordinairement avec des circonstances aussi aggravantes. Cependant, même avec des atténua- tions, c est toujours un acte que la conscience et l’opinion publique doivent réprouver aussi bien que la loi. Il ne faut pas oublier, surtout, que les dénicheurs de profession sont ceux qui opèrent dans les forêts, et que le dénichage dans les forêts a pour consé* quence de réduire le nombre des oiseaux de nos ARCHITECTURE DES NIDS. 211 jardins, de ces aimables conservateurs de nos pota- gers et de nos fruitiers. C’est pour ces raisons que, selon moi et beau- coup d’autres, il importe que les chefs de famille viennent au secours de l’autorité ; secondé par la famille, l’enseignement des écoles primaires et des collèges aura de l’efficacité. Alors, et à bon droit, l’Etat intimera à tous ses gardes de faire rigoureu- sement leur devoir ; alors aussi il sera permis d'es- pérer en faveur des nids un mouvement de l’opinion, un progrès dans les mœurs, et à tous les étages de la société de nombreux et de zélés protecteurs. Sous l’impulsion de la Société protectrice des animaux, de Paris, des instituteurs d’un certain nombre de villages et leurs écoliers ont pris à cœur de protéger les oiseaux et surtout les nids. Facile- ment agréés comme membres titulaires, ils en re- çoivent le bulletin mensuel, qui les renseigne par- faitement sur ce qu’ils ont à faire. Depuis l’année 1862, où, pour la première fois, cette Société décerna une médaille à un instituteur qui avait ajouté à son programme scolaire 1 ensei- gnement des idées protectrices, jusqu’en 1875, 516 instituteurs ont été l’objet de ses distinctions. 28 ont reçu la médaille de vermeil ; 167, la médaille d ar- gent; 248, la médaille de bronze, et 184, la mention honorable. Des médailles et des mentions honorables ont été également accordées aux élèves des écoles pii- maires. , . De pareils actes ne peuvent être trop loues ; car ils sont également honorables poui ceux qui récompensent et pour ceux qui sont récompensés. 212 ARCHITECTURE DES NIDS. §5. — LÉGISLATION. Dans la loi des 3 et 4 mai 1844, sur la police de la chasse, nous trouvons les dispositions suivantes : « Art. 4. Il est interdit de prendre ou de détruire sur le terrain d’autrui, des œufs ou des couvées de faisans, de perdrix et de cailles. « Art. 9. Les préfets pourront prendre des arrêtés pour prévenir la destruction des oiseaux ». En vertu de ce dernier article, les préfets ont gé- néralement défendu de dénicher les oiseaux et leurs œufs. Et, en cela, ils ont agi sagement; car le déni- chage est le plus répréhensible de tous les actes de chasse. Ils n’ont admis d’exception que relativement aux espèces déclarées nuisibles par leurs arrêtés. En cet état de choses, on ne peut donc, à aucune époque, même sur sa propriété close, détruire les pontes et les jeunes qui se trouvent dans les nids, quand les oiseaux de ces nids appartiennent aux espèces non déclarées nuisibles, et le droit ac- cordé en ce qui concerne les oiseaux nuisibles ne peut être exercé que sur le terrain dont on a la pro- priété. A défaut de droit, pourrait-on néanmoins obtenir un peu de tolérance, soit pour faciliter des recher- ches vraiment scientifiques , soit pour avoir des oiseaux de cage ? Dans une certaine mesure, cela serait à désirer. Une nation voisine de la France permet de prendre quelques jeunes oiseaux au nid, moyennant indem- nue, qui est versée à son trésor. ARCHITECTURE DES NIDS. 243 Notre législation serait facilement améliorée. Il faut espérer aussi que bientôt des mesures interna- tionales seront prises pour la protection des oiseaux utiles et que la surveillance des gardes et la sévérité des tribunaux augmenteront. Cependant, la répression ne sera efficace que si dans les écoles primaires et les collèges on donne des notions d’ornithologie. L’Etat, lui-même, serait impuissant, s’il n’était secondé par les autorités des départements et des communes, et surtout par les familles. Enfin, il ne faut pas oublier surtout que, par la démonstration et par l’exemple, chacun peut faci- lement prendre part à cette bonne œuvre. Etymologies . En finissant cette étude, le lecteur se demandera peut-être, comme moi, quelle est l’étymologie du mot nid ? Dès les premiers temps les hommes ont dû, pour rendre possibles et faciles leurs rapports, donner à tout ce qu’ils voyaient et croyaient comprendre des noms caractéristiques ; cette préoccupation, qui se retrouve dans les étymologies de toutes les langues, est particulièrement remarquable en ce qui con- cerne le nid. Si nous ouvrons un dictionnaire français, nous y voyons la définition suivante : « Nid, petit logement que se font les oiseaux pour y pondre, y faire éclore leurs petits et les élever ». Si ensuite nous faisons une excursion dans les 214 ARCHITECTURE DES NIDS. langues étrangères et anciennes , nous trouvons beaucoup de mots qui ont avec le nôtre la plus grande affinité : En vallon En provençal.. . En espagnol En portugais . . . En italien En latin En allemand.. . : En anglais ni niu, nieu, nis, ni nido ninho nido, nidio nidus nest nest Maintenant, quelle est l’origine de ces mots ? Ne trouvant pas satisfaisantes les étymologies déjà connues, je me suis adressé à un savant de mes amis, qui m’a répondu : « Nid et nidus semblent venir du sanscrit nida et nad, affaisser, asseoir, se balancer, mouvoir, aller. « Nad serait lui-mème un abrégé de nisada, ferme, solide, ou de nisadia, petit lit. « Enfin, tous ces mots dériveraient de sad, sid. racine qui exprime l’idée de s’asseoir, couver. « Notre mot français se traduit : .“ En 8 ' rec ’ P ar : 10 neossia, de neossos, petit des oiseaux, de neos, jeune, ou peut-être de naiô, habi- ter, naos habitation ; - 2» kalia, c’est-à-dire habi- tation de bois sec, de kalon, bois ; « En hcbreu, par : ken, de kanan, créer, fabri- quer, arranger, ou de kâna, élever, fonder, créer». n le voit, deux idées principales ont à bon droit ° te considérées et choisies par les peuples les plus connus pour caractériser le nid. La première indique pour la mère le fait d’être ARCHITECTURE DES NIDS. 215 couchée sur ses œufs et ses petits, de manière à leur assurer la vie ; la seconde, l’action de créer, d’édifier. De plus, ces idées ont été exprimées par des signes et des sons qui s’harmonisent bien avec elles. Le choix, le nombre et l’assemblage des signes, sont d’une simplicité qui plaît ; les émissions de sons ont, pour exprimer la première, de la douceur et de la grâce, et en plus, pour caractériser la se- conde, une note plus accentuée, celle de la force de la création. Ne semble-t-il pas que, de tout temps, on ait voulu, rien qu’en prononçant le nom de nid, le rendre aimable et le faire aimer ? APPENDICE. ÉTUDE SUR LES OISEAUX DE LA VALLÉE DE LA MARNE (Section de Chaumont a Châlons) Groupes composés par M. F. Lescuyer pour servir de complément à son ouvrage sur V Architecture des Nids et reproduits par M. J . Jacob , photographe à Chaumont et à Saint-Dizier. LÉGENDES DES PHOTOGRAPHIES PREMIER ORDRE D’ARCHITECTURE Nids en forme de coupe NIDS EN BAGUETTES Première étagère. (Septième de la grandeur naturelle.) A LA BASE, nid de buse (buteo vulgaris ), 3 œufs de cet oiseau. Sur les tablettes, au centre , une buse vulgaire; à gauche, buse vulgaire, variété noire; — à droite, buse vulgaire, variété blanche. Deuxième étagère. (Septième de la grandeur naturelle.) A LA base, un corbeau corneille (corvus corone), son nid, ses Sur les premières tablettes, à gauche , un bouvreuil vulgaire (pyrrhula europœa) f son nid, ses œufs; — à droite , gros-bec ordinaire ( coccothraustes vulgaris ), son nid, ses ceuls. Sur la deuxième tablette, à gauche , un geai ordinaire (garrulus glandarius), son nid, ses œufs ; — au centre, une tourterelle ( columba turtur), son nid, ses œufs ; — a droite, un grand ramier (columba palumbus), son nid, ses cents. Troisième étagère. (Septième de la grandeur naturelle.) A LA base, un héron gris (ardea cinerea), son nid, ses œufs; - une couleuvre. m ARCHITECTURE DES NIDS. NIDS EN HERBES Quatrième étagère. (Septième de la grandeur naturelle.) A la base, premier -plan , pie-grièche rousse (l ardus rufus), un nid, un œuf; — alouette des champs ( alaitda arvensis), un nid, un œuf; — bruant jaune (emberiza citrinella), un nid, un œuf; — pie-grièche écorcheur (l anus collurio), un nid, un œuf, Deuxième plan , pipit des arbres (anthus arboreus), un nid, un œuf; fauvette babillarde (sylvia curruca), un nid, un œuf; fauvette à tête noire (sylvia atricapilla), un nid, un œuf. Première tablette, premier plan, loriot mâle (oriolus gal- bula), un nid, quatre œufs ; — hyppolaïs polyglotte (hyppolais polyglotta), un nid, un œuf; — oiseau-mouche, un nid; -- loriot mâle, un nid, un œuf. Deuxième plan, phragmite des joncs, (calamodyta phragmita), un nid, un œuf; — une autre phragmite ; — phragmite aqua- tique (calamaclyta aquatica), un nid, un œuf. Deuxième tablette, au centre du premier plan, deux rousse- rolles t urdoïdes ( calamoherpe turdoides), un nid, deux œufs. Aux extrémités du premier plan et sur le deuxième plan, deux rousserolles effarvattes (calamoherpe arundinacea), cinq nids de cet oiseau sur des branches diversement inclinées. NIDS EN MOUSSE Cinquième étagère. (Septième de la grandeur naturelle.) la base, merle noir (turdus merula), un nid ; — grive draine (turdus viscivorus), un nid, un œuf ; — grive chanteuse (tur- dus musicus), un nid, un œuf. Première tablette, moitié d’un nid de merle noir, un œuf; — md de merle contenant un nid de mésange nonnette (parus palustris), et un œuf de ce dernier oiseau ; — moitié d’un nid de grive chanteuse, un œuf. Deuxieme tablette, accenteur mouchet (accent or modularis), un nid un œuf; - pinson ordinaire (fringiUa cœlebs), un nid, un œut ; chardonneret élégant (carduelis elegans), un , un œu ; verdier ordinaire (clilorospiza cliloris ), un nid, un œuf. '* nids en terre Sixième étagère. (Septième de la grandeur naturelle.) E rusUca) T ] ABLETTË ' d 9auche t hirondelle rustique (hirundo .le fe nJr/T* ^ a , U ‘ dessus - ] ’ oiseau : - “id d’hirondelle fenetre (hirundo urbica), deux ceufs, au-dessus, l’oiseau ARCHITECTURE DES NIDS. 219 NIDS EN FEUILLES Sixième étagère. (Septième de la grandeur naturelle.) Première tablette, à gauche , bécasse grise (scolojpax grisea), un nid, quatre œufs ; — au milieu , nid de la lusciniole fluvia- tile (lusciniola fluviatilis) , — à droite , rossignol (erithacus htscinia), un œuf, un nid dans lequel cet oiseau a niché pen- dant deux ans. NIDS EN ROSEAUX Sixième étagère. (Septième de la grandeur naturelle.) A la base, premier plan , sterne épouvantail (sterna fissipes), son nid, trois œufs. Deuxième plan , à gauche , nid et œufs du héron blongios ( ardea minuta) ; — en avant , un blongios mâle ; — en arriéré, un blongios femelle ; — adroite , morelle, son nid, neuf œufs. DEUXIÈME ORDRE D'ARCHITECTURE Nids de forme sphérique NIDS EN HERBES Septième étagère. (Septième de la grandeur naturelle.) A gauche , tronc d’arbre aux lierres duquel sont attachés deux nids de troglodyte (troglodytes europœus) composés de mousse : nid du même genre posé sur le sommet de ce tronc d’arbre. A droite, tronc d’arbre dans la mousse duquel sont incrustés deux nids fabriqués par le même oiseau et composes de mousse et de feuilles ; — nid du même genre posé sur le sommet de pouillot fitis (phyllopneuste trocMlus), son nid un œuf ; - au müieu, un nid de mésange à longue ÏÙe’ue V,; caudatus) reposant par la base sur le sol et dont ?„ partie supérieure est accrochée à une branche par une atta- cLTn mousse; _ d droite , pouillot sylvicole (phyllopneuste p Sljl Tgauche, nid n’hirondelle rustique com- Premiere tablette,^ a g _ a u milieu, nid de f té * « ^ complété' et approprié par une mésange SueVeue;-'d droite^ sp gnmp^an familier ^ Deuxième tablette, d gauciie , n u 220 ARCHITECTURE DES NIDS. oiseau, œuf; — au milieu , roitelet triple bandeau (regulus ignicapïllus) , son nid, son œuf; — à droite, nid de mésange h longue queue. A la partie supérieure, nid sphérique de moineau domestique ('passer domesticus), l’oiseau, l’œuf. Huitième étagère. (Huitième de la grandeur naturelle.) Nid de pie ordinaire (pica caudata), l’oiseau, l’œuf. TROISIÈME ORDRE D 'ARCHITECTURE Nids creusés dans le bois et dans la terre Neuvième étagère. (Huitième de la grandeur naturelle.) A la base, premier plan, colombe-colombin (colicmba œnas), un œuf; — pic-épeichette (picus minor), femelle, un œuf; — pic-mar (picus médius), un œuf ; — pic-vert (picus viridis), un œuf ; — pic noir (picus martius); — pic cendré (picus ca?ius), un œuf; — pic-épeiche (picus major), un œuf; — pic- épeicheite mâle, un œuf. Deuxième plan, chouette hulotte (strix aluco), un œuf. Troisième plan, entrée d’une loge de colombe-colombin, — inté- rieur et entrée de la chambre d’un pic-vert ; — entrée d’une loge de chouette hulotte. Première tablette, premier plan, sittelle-torche-pot (sitta eu- ropœa), un œuf; — rossignol -de muraille ( erithacus phœni- curus), un œuf ; — huppe vulgaire femelle (hupupa epops ), un œuf; — étourneau mâle vulgaire (sturnus vulgaris), — chouette- chevêche (strix psilodacty la), un œuf; — étourneau mâle, un œuf ; — huppe mâle ; — torcol verticille (yunx tor - quilla), un œuf; — moineau domestique. Deuxième plan, ouverture d’une chambrette de mésange char- bonnière (parus major), — ouverture d’une chambrette de pic- épeiche ; — ouverture et partie de l’intérieur d’une chambrette d’un pic-épeichette, — ouverture d’une chambre de pic-épeiche, rétrécie et maçonnée par une sittelle-torche-pot, — ouverture d’une chambrette de mésange charbonnière. Sur les nids du deuxième plan, grimpereau, un œuf; — mé- sange-nonnette, un œuf ; — mésange-charbonnière, un œuf, — mésange bleue (parus cœruleus), un œuf; — mésange noire (parus ater), un œuf; — moineau friquet (passer montanus). NIDS EN BAGUETTES DE BOIS NIDS CREUSÉS DANS LE BOIS TABLE DES MATIÈRES. Pages. Avis de l’Éditeur 5 Société centrale d’agriculture de France 7 Lettre de M. Godron, doyen honoraire de la Faculté des sciences de Nancy 8 Lettre de Mgr l’évèque de Chàlons 9 Lettre de Mgr l’évêque de Langres 10 Introduction 15 I. De l’œuf et du nid. — De leur raison d’être. 21 II. Etablissement du nid au centre des éliminations à réaliser, sur la terre, sur l’eau, sur les plantes, sur les arbres, et sur les constructions qui s’élèvent au-dessus du sol et qui y forment des superpositions d’étages nombreux et variés 26 III. En général, c’est l’oiseau qui construit son propre nid. — Exceptions 33 IV. Confirmation par des exemples du principe de nidification 36 V. Epoques de la nidification. - Raison de Favance et du retard... 42 VI. Avantages que le nid doit offrir à l’oiseau. § 1* Des cibotds du nid ; •*. y* § 2. Solidité du nid. — Attaches ; — résistance et épaisseur des parois et du fond ; — procédés employés par les oiseaux pour unir les principaux matériaux \ — revêtements intéiieui et extérieur ; — la verticale de l’axe ; - cube intérieur et forme du nid ; .* V * § 3. Température du nid. — Le froid peut causer la mort des oiseaux. — Moyens qu’ils emploient pour rendre leurs nids suffisamment chauds et secs 222 ARCHITECTURE DES NIDS. Pages. VII. Matériaux et fabrication du nid. — Variétés de ce travail. — Sa durée 80 VIII. Beauté du nid 98 IX. Genres et types § 1 .Nids en forme de coupe. — 1° Nids en baguettes : Héron gris, jean-le-blanc, milan royal, buse, épervier autour, bondrée, busard des marais, corbeau corneille, gros-bec, tourterelle.... 100 2° Nids en herbes : Pie-grièche écorcheur, fauvette à tête noire. 113 3° Nids en terre : Hirondelle rustique et hirondelle de fenêtre. 116 4° Nids en mousse : Merle et grive, pinson et chardonneret... 124 5° Nids en feuilles : Bécasse, lusciniole 130 6° Nids en herbes aquatiques et en joncs : Rousserolle turdoïde et rousserolle effarvatte, morelle et poule d’eau, canard, sterne épouvantail, sterne moustac et sterne leucoptère 135 § 2. Nids recouverts et de forme sphérique. — Pie, mésange à longue queue • J155 § 3. Nids creusés dans la terre et le bois. — Martin-pêcheur, hirondelle de rivage, pic, sittelle torche-pot 166 § 4. Quelques traits de dévouement 178 § 5. Un mot du coucou gris X. Conclusions. — § 1. Conduite de l’homme à V égard des nids. 196 § 2. Avantages que l’ornithologiste peut trouver à étudier et à collectionner les nids 200 § 3. Une leçon de morale religieuse 203 § 4. Récit de Mme de Tracy . — Intervention de la famille. — Dénichage. — Société protectrice des animaux... 204 § 5. Législation 212 Etymologies 213 Appendice 0 . 7 Bar-le-Duc. — Typographie des Célestins. — Bektuand. OUVRAGES DE M. F. LESGUYER 1. Introduction a l’Étude des Ciseaux. (1878.) 2. Les Oiseaux dans les Harmonies de la Nature. (2 e édition, 1878.) 3. Architecture des Nids, Dénichâge, Oiseaux séden- taires. (2° édition, 1878.) Neuf photographies de nids peuvent être ajoutées à cet ouvrage. Elles ont le format de la carte-album, sont» sur carlon ou sur papier fort à intercaler dans le texte et se vendent chacune 0 fr. 80 c. Planche donnant la réduction des neuf photographies, format carte- album ou sur papier fort à intercaler dans le texte : 1 fr. 4. Oiseaux de passage et Tendues. (2 e édition.) 5. Langage et Ciiant des Oiseaux. 6. De l’Diseau au point de vue de l’Acclimatation. 7. La Héronnière d’Écury et le Héron gris. (2 e édition.) 8. Recherches sur le Dimanche. (1878.) Souscriptions des ministères de l’Instruction publique et de l’Agriculture; approbations de savants zoologistes et de prélats éminents; sept médailles d’argent, de vermeil et d’or, de la Société protectrice des animaux, de la Société d’ acclimatation, de la Société centrale d’insectologie, du Concours régional agricole de Reims et de la Société centrale d’agriculture. Éditeurs des ouvrages n os 1,2,3, 4, 5 , 6, 7 : MM. PALMÉ et BAILLIÈRE, Libraires-Éditeurs, a Paris; MARCHAND, Libraire-Éditeur, a Saint-Dizier. Éditeur des Recherches sur le Dimanche M. Henri BRIQUET, Libraire-Éditeur, a Saint-Dizier. le-Duc. — Typ. dos Cclestins — IJirtrand I ■ L . „• '»• '■ **' i. -’S’." • K 1 • ; '-"V : 4' \ S