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Boston Médical Library

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BOOKFUND OF

FRANC D. INGRAHAM

M.D., HARVARD 1925

FOUNDER, DEPARTMENT

OF NEUROSURGERY

CHILDREN'S HOSPITAL

1929-1964

NEUROSURGEON

PETER BENT BRIGHAM

HOSPITAL 1948-1964

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ABRÉGÉ

D E LA

THÉORIE

CHYMIQUE,

Traduction des Ouvrages de Ai. Boerbaavây par M. de U Mûrie, Docteur en Médecine.

APhorifmes de M.Berman Boerhaave, fur h Connoi/Tance ôc h Cure des Maladies, in- 12, 1739. 3. i.

Traité de la Mariére Médicale pour fervir à la compofîtion des R-emédes indiqués dans les Aphorifmes , par le même, au- quel on a ajouté ks Opérations Chy- miques da même Auteur , /«-12. 1759.

2. 1. 10. ù

Inftitutions de Médecine du même , traduit en François par M. delaMétrie, 2. vol. tn-Tz. 1740. 5. 1.

Traité de la Petite Vérole avec la manière préfente de la guérir , par le même , tn-u. 1, L 4. C

- àts Maladies Vénériennes 5 par M.

de la Métrie > in* 1 2. broché , 1 7 3 9. 1 . 1.

io,f.

La Théorie Chymique de fa Terre, fuivant ks Principes de M. Boerhaave * auquel on a joint le Traité du Vertige * avec une Lettre à M. Aftmc fur ks Maladies Vénériennes, par le même, in- 1 2. bro- ché, 2. 1.

Le Commentaire fur les Institutions de Mé- decine, rire des propres Ecrits de M. Boerhaave, in-iz. fous prefïc.

tU ccavi

ABRÉGÉ

DELA

T H E O R I E

C H Y M I Q U E-

Tiré des propres Ecrits de M. B o e r h a a v e. Par M. DE LA METRIE.

Anqnel on a joint le Traité du Vertige , par le même.

A PARIS, RUE S. JACQUES,

Chez Lambert & Durand, Libraires., à S. Landry , à la Sageiïè & au Griffon.

M D C C X L I. , Avft Aççmb&tim S5 Privilège an lUi»

APPROBATION.

J'Ai lu par l'ordre de Monfeigneur le Chancelier Y Abrégé de U Théorie Chi- mique , félon les Principes de M. Boerbaa- ve. Cet Ouvrage ne pouvant être que très- utile au Public y j'eftime qu'on doit en permettre rimpreiiion. A Paris, ce 9 Juin

CASAMAJOR

PRIVILEGE DU ROY.

LOUIS pat la grâce de Dieu Roi de Fran- ce & de Navarre , à nos amez & féaux Confeillers, les Gens tenans nos Cours de Par- lement , Maîtres des Requêtes ordinaires de no- tre BôteL, Grand Confeîl , Prévôt de Paris , Baiilifs , fénéchaux , leurs Lieutenans Civils & autres nos juiliciers qu'il appartiendra , Salut Notre bien aimé le Sieur De ia Met- îrie Nous ayant fait remontrer qu'il fouhaite- roit faire imprimer & donner au Public un Ou- vrage qui a pour titre : les (Êuvres au Sieur Boerhaave . traduites par ledit Sieur de la Mettriez s'il nous plaifoit de lui accorder nos Lettres de Privilèges fur ce nécefiaire^orrrant pour cet effet de te faire imprimer en bon papier & beaux cara- ôeres,fuivant la feuille imprimée & attachée pour modèle fous le contre- feel des Préfentes. A ces caafes voulant traiter favorablement ledit Sieur Expofant, Nous lui avons permis & permettons par ces Préfentes,de faire imprimer le<UtOu?rag?

cy-defltis fpécïfié , en un ou pludeurs volumes , conjointement ou féparémcnt , & autant de fois que bon lui fcmblera , & de le faire vendre & débiter par tout notre Royaume pendant le terns de neuf années confecutives,à compter du jour de la datte defdites Préfentes î faifons défenfes a toutes fortes de perfonnes de quelque qualité & condition qu'elles foîent d'en introduire d'impreffion étrangère dans aucun lieu de notre obeiifance comme aufïï à tous Libraires, Impri- meurs & autres d'imprimer, faire imprimer, vendre , faire vendre , débiter ni contrefaire ledit Ouvrage ci-delfus expofé en tout ni en partie , ni d'en faire aucuns extraits tous quel- que prétexte que ce foit , d'augmentation , correction , changement de tifre ou autre- ment , fans la permifTion exprefle & par écrie dudit Expofant ou de ceux qui auront droit kie lui , à peine de eonnfcation des exemplaires con- trefaits y de trois mil livres d'amende contre chacun des contrevenans , dont un tiers à Nous un tiers à l'Hôtel-Dieu de Paris | l'autre tiers audit Expofant , & de tous dépens* dommages & intérêts ; A la charge que ces Présentes fe- ront enregistrées tout au long far îe Kegiftre^ de la Communauté des Imprimeurs & Libraires de Paris , dans trois mots de la datte d'elles : Que f imprellton de cet Ouvrage fera faite dans nofre Royaume & non ailleurs ; en bon papier & beaux earaâeres , conformément aux Re- glemens de la Librairie , & notamment à ceki du dix Avril 17ZJ. & qu'avant que de l'expo~~ 1er en vente , le Manufcrit ou Imprimé qui aura fervi de copie à Timpreffion dudit Ouvra- ge , fera remis dans le même état ou l'Appro- bation y aura été donnée > es mains de notre très- cher & féal Chevaiier le Sr. Dagueflea»^

Chanceficf de France , Commandeur de ftos Ordres ; & qu'il en fera enfuite remis deux Exemplaires dans notre Bibliothèque publi- que , un dans celle de notre Château du Louvre , & un dans celle de notre très-cher & féal Che- valier le Sieur Daguefïeau Chancelier de Fran- ce , Commandeur de nos Ordres , le tout à peine de nullité des Préfentes : Du contenu chfquelles vous mandons & enjoignons de faire jouir l'Expofant ou fès ayant caufe pleinement & paifîblement , fans foufFrir qu'il leur foie fait aucun trouble ou empêchement. Voulons que la copie defdites Préfentes y qui fera im- primée tout au long au commencement ou à la fin dudit Ouvrage i foit tenue pour duement fîgnifîée , & qu'aux copies collationnées par l'un de nosamez & féaux Secrétaires, foi foit ajoutée comme à l'original. Commandons au premier notre Huiffier ou Sergent , de faire pour l'exécution d'icellcs tous aétes requis Se néceflaires , fans demander autre permiflion , & nonobftant clameur de Haro , Charte Nor- mande & Lettres à ce contraires ; Car tel eft notre plaillr. Donné à Paris le feiziéme jour de Juillet , l'an de grâce mil fept cens trente- huit , & de notre règne le vingt-quatrième. Par le Roy en fon Confeil.

S A I N S O N.

"kegiflré fur le Regijlre X. de la Chambre

Royale 0 Syndicale des Libraires £) Imprimeurs de Paris , Jtf. 6 9. foi. 6 o conformément an Règlement de 17 z\. q tu fait défenfe , Article JV, à toutes perfonnes de quelque qualité quelles foienî autres que les Libraires Î5 Imprimeurs de vendre débiter £2 faire afficher aucuns Livres peur les

vendre en leurs notfif , fait qiÇils s'en difent les Auteurs ou autrement ; & à la charge de fournir k ladite Chambre Royale Î5 Syndicale des Li- braires $5 lmpritneurs de Paris les huit Exem- plâtres prefcrits par /' article CVIII du même Rè- glement. A Paris le 17 Juillet 173 g,.

Langlois, Syndic.

Mefîieurs Huart Se Buiassok ont droit de jouir du préfent Privilège fuivant l'ac- cord fait entre nous, Delamettrie.

ABRÉGÉ

Illlg»

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ABREGE

D E

LA THEORIE

CHYMYQUE.

A Chymie efl un art qui enfeigne à faire certaines opérations phyfique, par le moyen defquelles les corps fenfibles , ou capables d'être rendus tels , re- çoivent dans des vafes , & par le fecours d'inftrumens propres à cela , des changemens qui peu» vent , félon l'intention qu'on fe

A

2, Théorie

propofe pour l'ufage de differens arts , produire des effets (ingu- liers , & en faire connoître les çaufes.

DES TROIS REGNES

LEs corps fur lefquels travail** lent les Chymiftes , font les mhierâux,les végétaux ? & les ani- maux qui forment ce qu'on nom- me les trois règnes de la Çhy- mie.

Les minéraux font des corps naturels?formés dans le fein ou fur la fuperficie de la terre , lefquels font d'une fabrique fi fimple , qu'il n'a pas été poifible jqfqu'ici , pas même avec le fecours des meilleurs mkrofeopes , d'y aper- cevoir aucune différence entre les vaifleaux , & les chofes conr tenues dans ces vaifleaux , m*

Chtmiqub. 5

forte qu'on trouve dans toutes les parties de chacun de ces corps , une parfaite reffemblance avec le tout dont elles font partie, quoiqu'on fçache néanmoins cer- tainement qu'il y a dans plufieurs de ces corps un concours de par- ties fluides , & de parties fo- ndes.

Parmi les fofïiles ou minéraux on donne le premier rang aux métaux , qui font des corps durs , pefans , coulans au feu , fe dur- ciflans au froid , & obéiffanc au marteau.

Les Anciens comptoient fept fortes de métaux , qu'ils appel- èrent du nom des fept planettesJ Le lieu naît le vif argent ou le mercure , fon poids , fa fimplici- , & la facilité dont il s'amal- game ou fe joint avec les au- tres métaux > ces attributs le fi- rent ranger dans cette clafTe ,

Aij

4 Théorie

mais comme il n'a ni la dure- té , ni la du&ilité , ni la fixicé des Métaux , on n'en compte plus que fix , l'Or , l'Argent , le Cui- vre , l'Etain , leFer , & le Plomb.

De tous les corps l'Or eft le plus péfant , & puis par ordre le Mercure , le Plomb , l'Argent , le Cuivre, le Fer , & l'Etain. Ce n'eft que par la péfanteur qu'un corps peut avoir le plus d'affini- té avec les Métaux : mais le Mé- tal le plus léger a deux fois plus de poids que le corps le plus pé- fant non Métallique.

Après les Métaux viennent les Sels , qui font des Sucs con- crets , dont chaque particule a le même goût Se la même natu- re que le tout. Tels font le Sel Marin , le Sel Gemme ? le Sel des Fontaines falées , leNkre, le Bo- rax , le Sel Armoniac naturel , (un , les Sels Acides qui fe

ChYmique. 5

trouvent dans les Mines.

Les Soufres font encore des fofliles, qui le durciffen tau froid, fe pulvérifent aifément, coulent à une chaleur modérée , comme de la cire fondue, & s'enflam- ment enfin fous la forme d'un feu violet , dont les vapeurs vo- latiles font très - nuifibles aux poumons.

Enfin les pierres font des Mi- néraux durs qui n'obéiffent point au marteau , qui font fragiles , fixes au feu , ne fe diffolvent point dans Peau , & ne fe fon- dent pas aifément par quelque feu que ce foit. Ces corps font plus ou moins opaques , ou tranf- parens , & dans cette c/a/Te oft peut ranger toutes fortes de Crif- raux , de Diamans , de Pierres précieufes , Sec.

On appelle demi métaux , tous les foiTiks dans la compofition

Aiij

6 Théorie

dcfquels entre une matière vrai- ment métallique , liée avec quel- qu'autre de différente nature , comme fels , foufres; Se tels font, par exemple ? le cinnabre na- turel , & les vitriols.

L'autre règne fournis à la Chy- ïïûe eft le végétal , qui renfer- me ces corps communément ap- pelles du nom de plantes.

La plante eft un corps hydrau- lique contenant en plufieurs vaif- feaux des humeurs différentes 9 & ayant une partie externe par laquelle il adhère à un autre corps, dont il tire par cette partie mê- me la matière de fa nourriture & de Ton accroiflement. C'eft la racine qui a dans chaque petit point de fa fuperflcie une infini- té de petites bouches ouvertes , par lesquelles l'eau, les efprits, les huiles, les Tels de la terre mêlés enfemble , montent fous la

Chymiqu*. 7

forme de fucs aqueux , délayés le long de chaque tuyau de la plante , & fe diftribuent dans toute fon étendue. La ftruâure de la plante , le feu de la terre &du ciel , l'élafticité , Jesviciflî- tudes de L'air , du jour , de la nuit , des faifons , toutes ces cho- ies à force de mouvoir & d'agi- ter , comme il arrive fur tout au Printems , les fucs de la terre en- core cruds, les travaillent , les di- gèrent , les changent en la pro- pre fubftance des végétaux , qui par ce moyen les empîoyent avec un fuccès merveilleux au déve* loppcnient de leurs branches , de leurs feuilles, de leurs fleurs, de leurs fruits , & en un mot de toutes leurs parties, qui croifTent, fe nourriffenc 9 & réparent leurs pertes par la même méchanique, que norre corps.

La clalTe des animaux fuccé- A iiij

8 Théorie

de à celle des végétaux. On don* ne le nom d'animal à tout corps hydraulique jouiffant de la vie au moyen d'un mouvement affi- du & réglé d'humeurs qui pafienc ipar des vaiffeaux , & ayant en foi des conduits femblables aux racines des plantes , par lefquels il tire la matière qui le nourrit -, ïe fait croître & répare fes per- tes. Ces conduits font les veines ladtées 9 & autres veines abfor- bantes. Les corps animés font compofés comme les plantes, d'ef- prits , d'eau , de fels , d'huile 8c de terre qui fait toujours la bafe de l'édifice. L'examen Chymi- que (a) de l'os en donne une preu- ve évidente. On tire d'un os ré- cent de i'eau 9 du fel ? de l'huile,, &: de la terre. Conclurede-

(a) Qiienny Oeconom. anim. pag. 64. 6f, 66. Ce Chirurgien ne brille ici que d'une lu- mière empnmrée.

C H Y M I Q U B. 9

que toutes font fa matière pro- pre , ce feroit fe tromper , car fi Ton prend un os dans un Ci- metière , il aura été long-tems enterré , enfuite expofé à l'air , & plufieurs fois mouillé par la pluie 9 ou par la rofée , & plufieurs fois deffeché , on n'en tirera plus ni fel , ni huile ordinaire , quoi- que cet os foit encore entier 8c parfait. Il peut même être brun- ie & confurné , fans que les par- ticules qui le compofent , quit- tent le même ordre ou la même place qu'elles ont naturellement les unes près des autres , enforte que les cendres de cet os , en repréf enteront encore le volume & la figure. D'où lyon comprend affez quelle part a la terre dans la compofition de cet os 9 puif- que ces cendres qui le répréfen- tent encore après la combuftion 9 ne font ici que de la terre même.

îo Tëêoéïe

Par Pembrafement donc cet o3 a été fufceptible , & par l'odeur qu'il répand en brûlant , il n'eft pas difficile d'y reconnaître un principe huileux que le feu dé* tache, & qui étoit fi fermement attaché aux particules reftées en cendre , qu'il n'y a qu'un feu ou- vert qui fait capable de le dé- funir. Car fi on enfermoic cet os dans un vafe , pour l'expofer à un grand feu , ce principe hui- leux tiendroit contre la plus vive chaleur fans fe détacher. L'os, & pareillement toutes autres par- ties foiides, peuvent , ainfi enfer- mées , fe changer en charbon * mais elles ne fe réduiront point en cendres. II faut un feu ouvert à qui Pair puiffe donner le degré d'aâivité fuffifant pour arracher êc enlever cette huile tenace. Les cendres qui reftent de cet os, bien examinées 9 ne fe trou>*

Chymique. Ï3

vent plus être qu'une terre pureP qui étoit fi bien la fubftance pro- pre de l'os , qu'à la liaifon près » elle repréfente encore , comme il a été dit , après l'embrafement 9 l'os fous le même volume. Une plante qu'on aura fait bouillir, du bois flotté ? ne fourniffent plus pareillement de fel , ni d'autres principes, que la terre *, 8c cette même huile qui fert feulement à la joindre , & qui eft en effet à fon égard une cole fi forte , que la chaleur de l'eau bouillante ne peut détruire le tiflu extrêmement fin de la feuille 9 ou de la fleur la plus tendre & la plus délicate* Après cela doit-on être furpris de voir que les fièvres les plus ardentes ne brûlent pas les petits vaifieaux de notre corps , puis- que leur chaleur n'égale pas la moitié de celle qui fait bouillir 1* eau» Telle efl donc la nature de

îi Théorie

toutes les parties folides qui cortl- pofent les fibres , les vaiffeaux / les membranes , les nerfs , les ten- dons , les mufcles , les cartilages, les os, tant de notre corps, que de celui des animaux , tous les éle- mens primitifs des végétaux font auffi terreflres , une efpece de ciment aqueux en fait la liaifon. Mais ce qu'il y a de bien admira- ble fur tout dans les corps ani- més , c'eft qu'il eft confiant par des obfervations très-exaâes , qu'à l'exception d'une particule d'une petitefle immenfê ,1a maf- fe du plus énorme géant n'effc formé que d'humeurs très-fubti- les devenues enfin folides , com- me cette première particule , & cela , fuivant les mêmes loix , qui d'un feul gland , font un chêne énorme.

Il eft de fait que tous les chan- gements que la Chymie peut pro-

C H Y M I Q U E, IJ

duire dans tous les corps donc nous avons parlé 9 ne s'opèrent que par le feul mouvement ; que ce mouvement n'a d'autre fin que de joindre ou féparer , c'eft-à- dire , ou de joindre enlemble plufieurs chofes fimples , en forte qu'elles faffent un compofé, ou de divifer un compofé en plu» fieurs chofes fimples , pour mieux connoître la nature des parties qui le compofent. C'eft ce qu'on nomme AnalyfeChymique. Mais pour ne point donner à l'art plus d'étendue qu'il n'en mérite , il faut fçavoir que tout ce qu'on obtient par cette analyfe îVexif- coit pas toujours auparavant dans les corps analyfés, L'aâion du feu change l'eflence des chofes 9 & en enfante de nouvelles.

Voyons maintenant quels font les divers agens qu'empîoyent les ^hymiftes pour leurs opérations.

*4' Théorie

ce font le Feu , l'Air , l'Eau , la Terre , les Menftrues ou diffol- vans , & enfin les Inftrumens Chy- miques. Examinons donc d'a- bord la nature du Feu , & fai- sons en peu (le mors l'hiftoire de ce terrible Elément.

D U F E U.

L'A&ion du Feu eft fi éten- due , & fes effets font fi merveilleux , qu'autrefois le plus fage des Nations le regardoit comme un Dieu , 8c i'adoroit.

Certains Chymiftes confidé- rant fa puiflance foupçonnoient cjue c'etoit un Etre incréé , & ks plus Illuftres d^entr'eux , com- me s'ils euffent appris de lui tout ce qu'ils fçavoient , fe diioicnt Phiiofophes par le Feu. Voilà le titre dont ils étoient le plus fiât-

C H Y M ï Q U E. 1 y

Ces. Si le Feu eft un Elément (i admirable , c'eft parce qu'il eft la caufe de tout les Phénomènes qui paroiffent à nos Sens , tan- dis qu'aucun de nos Sens ne peut alors l'appercevoir , & que par une fubtilité incompréhenfi- ble ? il élude fi bien les recher- ches eurieufes du Phyficien le plus pénétrant , qu'on l'a pris plus communément pour un efprit que pour un corps : C'eft pour cela qu'en étudiant fa nature , on doit prendre garde de tomber dans l'erreur. Il faut donc rejetter toute fpéculation enfantée par l'efpric feul , & n'admettre au- cun Syftême fondé fqr l'imagi- nation. En effet fi l'on fe trom- pe fur le vrai cara&ere du Feu, cette erreur fe répand dans tou* te la Phyfique.

Tous ceux qui veulent fça* Voir ce que c'eft que le Feu ,

h 6 Théorie

doivent fuivre l'Analyfe des Géo- mètres , qui cherchant une cho- fe inconnue , ne confiderent que les propriétés données , ou celles qui font déjà démontrées. Si cette précaution eft neceffaire , c'eft principalement ici , parce que les parties du Feu fe répan- dent par tout , fe diftribuent in- différemment dans tous les #f- paces & dans tous les corps; & qu'ainfi il eft très-difficile de dif- tinguer l'a£tion propre du Feu des autres caufes qui concourent avec lui à produire les effets na- turels que nous voyons.

Une autre difficulté , c'eft la petiteffe immenfe des parties dont le Feu eft compofé. Ce qui a fait naître tant d'erreurs & d'abfurdités , non feulement dans la Chymie & la Phyfique , mais dans la Médecine même. Je par- te des Fiâions qui ont paru fur

la

CmymiquI i 7

la chaleur innée , fur l'humide radicale 9 &c. Suppofons donc que ie Feu nous eft tout à fait inconnu , Se cherchons un figne donc la préiVnce nous manifefte clairement celle du feu. Or tou- tes les fois que les effets du Feu font fenlibles , tous les hommes les reconnoiffent pour les indi- ces de la préfence de cet Ele- xnent. Il eft donc néceffaire de les examiner s pour trouver celui que nous cherchons.

Tout le monde fçait que les principaux effets du Feu , font la chaleur , la lumière , la cou- leur , la rarefaâion , l'embrafe- ment , i'ébullition,lafufion ,&c. La chaleur eft une fenfation qu'on a toutes les fois que le Feu occafionne quelque changement dans les organes du fentiment. L'idée claire que j'ai de cette fenfation ne m'apprend rien tou-

B

iS The or i e

chant ce qui la produit , ni fur le rapport qu'il y a entr'elle , &c la façon particulière dont le Feu. meut les efprits dans les nerfs. Sent-on d'ailleurs la chaleur à la- quelle on eft accoutumé , & ne prend-on pas toujours pour froid une chaleur inférieure à celle qui eft ordinaire ou. naturelle ? Quoi- que la chaleur foit indmémenc unie- avec le Feu , elle ne ferc xionc pas plus à découvrir fa na* ture , qu'à mefurer fes dégrés.

Voyons fi la lumière peut ici nous éclairer » à l'aide ( a, ) de » verres Se de miroirs farts ex~ 5> près , oa ramafTe beaucoup de & ce Feu , avec lequel la Lune y> nous éclaire pendant la nuit ^ n fans que ce Feuraffembléfoup- » niffe rien autre chofe qu'une y> lumière dont on peut à peine * foutenir l'éclat. Nulle chaleur ^

(*) Quefnai pag. iz±

Ch ymi que 19

*> nulle raréfaâion , nul embra- » fement , nulle autre impref- » fion fenfibie ne fe remarquent j> dans les corps qui lui font ex- » pôles. D'autrefois ce Feu fe 3> fait fentir par une chaleur » grande dans plufieurs corps , « qu'il nous brûleroit jufqu'aux » os, & cela fans donner aucune » lumière. » Que de Feu fans lu- mière ! Que de lumière fans Feu.

Pour la couleur du Feu , com- me elle n'eft que la réflexion des rayons de lumière , ou la lu- mière même , il eft évident qu'el- le ne peut fervir à nous indi- quer la préfence du Feu.

La raréfaûion feule peut ici nous guider. Comme il n'eft point de corps que le Feu ne di- late , il paroît que cette expan- fioncft Punique &: le vrai ligne du Feu ? toujours 8z par tout le même, il en eft irréparable -9 er$

B'4

ao Théorie

nous aiïurant de la préfence de cet Elément 9 il nous fert àme- furer fes dégrés , 8c conféquem- ment à découvrir fa nature Se fes propriétés.

Il eft donc fort important de bien connoître cet effet indivi- duel du Feu, Tant que le Feu pénétre un corps , 8c s'augmen- te au dedans de la fubfëance de ce corps, chaque partie s'éloi- gne continuellement du centre de fa petite malle , ainfi que de la maffe toute entière , 8c par- conféquent fe raréfie , fe dilate r ou occupe de plus grands efpa- ces. Mais auffi-tôt que le Fm commence à fe retirer du corps qu?il penétroit , les arômes de ce corps fuivent le panchant natu- rel qu'ils ont pour fe rappro- cher & s'unir enfemble ^ comme on l'obferve dans les métaux fondus y: Bc forment un tout dont

Chymïque 21

la folidiré elt proportionnée à la privation du Feu ou à la Hiefure du Froid. Le Froid ne confifte donc que dans l'abfencedu Feu , d'où rélulce un mouvement in- terne , manifeftement contraire à celui que iya£tion du Feu pro- duit.

Le Feu raréfie tous les corps y on n'en peut douter ? folides ou fluides, dur* & mois, légers ou* péfans ? tous font fournis à cet- te loix confiante & néceffaire. Mais efl auiïi certain qu'ils ne le dilatent pas tous également. Les fluides fe raréfient bien plus que les folides au même degré de Feu 3 & cela proportionnellement à leur fluidité ou à leur légère- té , 8c les folides fe dilatent plus ou moins denfes ou compa&s. Ou- tre cette denftté , il y a encore une autre caufe qui influe fur l'ex-

22 Théorie

panfion que le Feu procure , c'efé la difficulté plus ou moins gran- de avec laquelle certains corps le liquéfient. Les verres par exen> pie , qui ne fe fondent pas tous auffi vice au même Feu ne fe ra- réfient pas également par la mê- me chaleur. Voilà la cauie de l'i- négalité des Thermomètres , qui font compofés de diverfes efpe- ces de verre.

Il fuit de ce que nous avons dit ci-devant , que les corps s'a- grandiffent fuivant toutes leurs» dimenilons fous un climat chaud 9 fe refferrent 9 ou occupent moins d'elpace dans un pays froid. La même variété paroi t fenfiblement dans un enême pays; car com- me la chaleur eft différente félon- ies diverfes faifans de l'année ,. les corps doivent différemment fe contracter ou fe dilater. C'eft ce qu'il efl néceffaire de bled

Chymiqub. 2$

confîdérer , pour rendre raifon de l'inégalité qu'on obferve dans les Horloges en différens climats , en diverlcs faifons , ou en diffë* rens lieux.

J'ai dit ci-devant que lesflui* des fe dilatent par le Feu pro- portionnellement à leur légèreté :: je vais entrer dans quelque dé- tail à ce fujet.

De tous les corps , l'Air eft celui que le Feu dilate le plus; Il eft démontré que la chaleur de l'eau bouillante le raréfie d'un îiers de fa maffe. L'efprit de virt fe raréfie de la vingtième par- tie de fon volume , par la cha- leur naturelle d'un homme fain & robufle , qui eft d'environ 90 ou 92 dégrés. La chaleur de l'eau bouillante le dilate '*. C'eft à quoi fon doit faire attention , lorf- qu'onyeut conferver des liqueur^ j récieufes. Il faut échauffer lea

24 Théorie

vaifleaux & ics liqueurs , ou ne pas remplir exactement les vaifleaux f car la chaleur venant à s'augmen- ter fait occuper plus d'efpaceaux liqueurs qui montent néceiTaire- ment , s'élèvent , s'échappent au travers des pores du bouchon 9 font fauter le bouchon , Se rom- pent même aufli quelquefois les vaifleaux.

Après PAIcohol, l'Huile y£- thérée de Térébenthine fe dilate le plus au moindre Feu. L'eau a bien plus de peine à fe raré- fier. Il faut 56 dégrés de cha- leur pour qu'elle commence à fe dilater fenfibîement , &212 pour la faire bouillir : mais dès que Té- bullition commence ? on a beau mettre du Feu au tour du vafe 9 & l'animer à force de foufBets T le Feu le plus vif & le plus ar- dent peut bien rendre Fébulli- tion plus confidérable , mais il n'augmentera

Chymique. n'augmentera jamais la chaleur de l'eau bouillante , à moins que fa furface ne foit plus preffée par le poids de l'Atmofphere. En effet les molécules d'eau étant alors plus comprimées ou plus ref- ferrées, il faut plus de Feu pour les faire s'écarter les uns des au- tres , ou , ce qui revient au mê- me , pour les faire bouillir. Cet- te expérience efl fenfible dans la machine pneumatique. On j met un verre plein d'eau chaude , à mefure qu'on en tire l'air , Peau qui ne bouilioit point com- mence à bouillir , & l'ébullition ceffe auffi - tôt : qu'on fait ren- trer l'air au dedans du vaiffeau. D'où il fuit que l'ébullition des liqueurs efl d'autant plus facile & plus confidérable que non feu- lement elles font plus légères , compofées de parties moins ad- hérentes entre elles , qu'elles ont

G

i6 Theorï e

plus d'affinité avec la nature du Feu ; mais encore qu'elles font moins preffées par 1 Atmofphe* re.

Pour le Mercure , le Ther- momètre de Fahrenheit fait voir à l'œil qu'il fe raréfie aifément. Plongez-le dans l'eau chaude , vous verrez ce fofïîle monter con- tinuellement , jufqu'à ce qu'elle commence à bouillir. Cet infini- ment eft donc néceflaire pour connoîrre .les dégrés de Feu re- quis dans certaines opérations chymiques , Se utiles dans la pra- tique de la Médecine , pour ju~ ger précifément de combien de dégrés la chaleur des fièvres ex- cède celle qui eft falutaire à l'homme.

Il ieroit inutile d'entrer dans un plus grand détail au fujet de la dilatation des corps. Il eft conk tant qu'il n'en eft aucun dont le

C H Y M t Q U !. If

volume ne s'augmente par l'ac- tion du Feu , & que dans la nature entière , il n'y a que le Feu feul qui ait cette vertu. Par- -conféquent toutes les fois qu'on pourra tirer d'un corps une ma- tière qui puifle raréfier un corps, on fera en droit de conclure que cette matière eft vraiement tiu Feu.

Cela pofé , je dis que le Feu cft toujours préfent dans tous les corps , dans tous les lieux , <& dans tous les efpaces. Deux la- mes de fer très-froides appliquées Tune fur l'autre , Se fortement preffées par un poids mis fur la lame fupérieure , s'échauffent par cette feule compreffion. Otez ce poids , vous aurez beau agi- ter ces deux lames avec le plus de force qu'il vous fera poili- blc, vous ne produirés jamais tant de chaleur , que fi la lame fupé-

Cij

28 Théorie

rieure écoic en même tems com- primée. D'où il fuie que la feu- le preffion échauffe les corps, c'eft- à-dire , met en mouvement les parties ignées qui étoient affez tranquilesau dedans de ces corps. Je dis parties ignées , car le Feu ainfi créé s'infinue dans tous les corps même les plus denfes , les échauffe , les dilate , les brûle % les fond , reluit , brille , éclaire , & produit abfolument les mêmes effets que le Feu connu. D'ail- leurs il naît fans le fecours d'au- cun Feu prééxtflant avant lui , & il dure fans le fecours d'au- cun aliment. Donc du Feu vé- ritable que la preffion a fait for- tir des corps il fe tenoit ca- ché.

Si l'on peut créer du Feu par la comprefFion , il fuit évidem- ment que le frotement , & à plus forte raifon le frotement joint à

Gh YMIQUÈ. 29

comprefïion , peut* exciter beaucoup de chaleur. Voici en peu de mots les Icix. Phyfiques du frotement.

Plus les corps font folides , denfes , eompa&s , durs , roides & pefans , plus il eft aifé d'en faire fortir du Feu par le fro te- rrien t. Ainfi quoique le plomb foit plus péfant que le fer , il eft bien plus difficile d'en tirer du Feu , parce qu'il eft corrapo- de parties moins roides ou plus flexibles; mais fi deux corps étoient compofés de parties éga- lement élaftiques , le plus péfant âuroit le plus de vertu en ce cas.

Plus les corps font lâches , moins on en tire de Feu par le frotement. On connoît par pourquoi ceux qui ont les fibres lâches font d'un tempérament froid , & pourquoi la chaleur du

Ciij

Theo'r if

tempérament eft proportionnée à la force ou à l'élafticité des fi- bres. L'un & l'autre dépendent uniquement du frotement réci- proque plus ou moins violent des folides &: des fluides.

Lorfqu'il y a deux corps mous entre deux corps durs , on a bien de la peine à en tirer du Feu par le frotemeat > jufqu'a ce que le corps mou , fait détruit ou confumé. D^ux lames de fer trem- pées dans de l'huile, , ne fournif- lent guéres de chaleur , avec quelque violence qu'oa les agi- te , jufqu'à ce que l'huile s'étant ëiffipée ,. leurs furfaces £e tou«* chent immédiatement.

C'eft" pourquoi on a la précau- tion de froter d'huile les eflieux des roues, de peur qu'étant trop fecs , ils ne prennent Feu *, éc dans la trop grande rigidité des vaiffeaux . on fait avec fuccès

C Y M I Q U E, 51

un ufage tant externe qu'inter- ne d'huiles douces & récentes qui donnent plus de foupleffe êc de jeu aux fibres, dont les vail- féaux font compofées.

Plus on frote deux corps avec force & avec vîtcfle , plus il en fort de Feu. Toutes chofes éga- les , plus le froid eft grand , plus le frotement eft efficace.

Les corps rares donnent moins de Feu par le frotement que les corps denfes j, ils s'échauffent plus promptement ; mais ils confer- vent moins Iong-tems la chaleur qu'ils ont reçue par quelque cau- fe que ce loi t.

Les corps les moins propres à produire de la chaleur par le fro- tement , font ceux qui font fi poreux , que l'air , les efprits 9 les huiles , Peau, &c. peuvent traverfer librement leurs pores,

La prefîion réciproque des

C iiij

32 Théorie parties qui compofent les flui- des , au dedans d'elles-mêmes , fur elles-mêmes , & contre les parois des vaiffeaux ils font contenus , fait naître beaucoup de chaleur , & cela proportion- nellement à l'élafticité des flui- des. A'mCi comme l'eau eft la plus légère & la moins élaftique de nos humeurs ? plus notre fang eft aqueux , plus il eft dépour- vu dereffort,& conféquemment moins il s'échauffe par la circu- lation. Au contraire plus le fang eft denfe , plusfes parties fe meu- vent avec force en tous fens au dedans des vaiffeaux. Voilà une féconde raifon de tempéramens chauds & froids , du danger du frotement dans les uns , & de l'utilité de ce remède mécanique dans les autres.

Puifque les fluides s'échauf- fent d'autant plus par le frote-

C H Y M 1 Q U E. 55

ment qu'ils ont plus de reffort , il fuit que l'agitation des par- ties de l'air entr'elles doit en augmenter la chaleur , & qu'ain- il n'eft pas furprenant qu'on voie de grands vents ou de vio- lentes tempêtes avec un air chaud, & de la gelée fans aucun vent. Je fçai que le plus doux zéphir paroît froid ? quand on eft échauf- fé; &: c'efl pour des raifons, que je ne puis me difpenfer de dire ici , à caufe de leur utilité. La chaleur naturelle de l'homme eft à peu près de 92 dégrés , comme je l'ai dit ci-devant. Il eft certain que perfonne ne peut vivre dans un air auïïi chaud. Nous avons donc toujours plus de chaleur que l'air qui nous environne % ainfi les vêtemens qui nous cou- vrent , s'échauffent plus que s'ils étoient expofés de toutes parts à l'air , & nous échauffons né*

54 Théorie ceffairement l'air contigu à no* tre corps-: parconféquent , fi fërir qui environne le corps de l'hom- me , efl abfolument en repos , l'Atmofphere de l'homme fera plus chaude que celle de l'air. Mais s'il s'eleve du vent , il dif- fipe bientôt la chaleur que no- tre corps avoit communiqué à nos habits , qui , expofés à un froid toujours nouveau , le com- muniquent à notre corps. Êteft comme fi on prenoit fans ceffe de nouveaux vêtemens froids * ainfi quoique le vent ne produi- fe point de froid abfolu y com- me le Thermomètre nous Rap- prend 9 il nous rafra&hit pre- mièrement les poumons & la: peau^ il affeâe nos nerfs exté- rieurs 9 nos membranes > & par- ticulièrement celles du nez , d'ok nai fient tant de catharres : plus si refle long-tems appliqué à b

C H Y M I Q U E. ff

furface de notre corps, plus il difïipe de notre chaleur & fe glifle aiiément dans nos vaif- ieaux Se dans toutes les parties internes de notre corps. On peut juger par de l'imprudence de ceux qui s'expofent au vent ou à Pair froid , lorfqu'ils font en fueur principalement s'ils s'y re- pofent après avoir long-tems cou- ru. Delà viennent fouvenx des Afthmes qui ne finiffeni qu'a- vec la vie , des angines y des pleureftes ,des peripneumonies 9 des rhumatifmes 9 h goutte , <&c. Je reviens aux loix du frotementa Si le frotemeni des fluides entr'eux feuls produit de la cha- leur , à plus forte raifon le mê- me effet réfuîtera-t-il de l'avion d'un fluide contre un corps fo~ Hde. Aufïi voyons^nous qu'un boule/ de canon , qui parcours éqo. pieds d'air dans l'efpace

36 T H E O R î «

d'une féconde , brûle les lieux il frappe , quoique dans tout fon chemin il ait été expofé à un froid toujours nouveau. Certaine- ment fon extrême chaleur ne peut venir du feu mis à la pou- dre : il y féjourne trop peu de tems? pour qu'il puifles'y enflam- mer de la forte. Elle ne vient donc que de la violence & de la vîteffe extrême avec laquelle ce globe a été frotté dans l'air. Il fuit de cette dernière loi que la chaleur de notre corps doit s'accroître proportionnellement à l'aftion des fluides fur les fo- lides , & à la réaâion des fpli- des fur les fluides. Voilà en effet la caufe immédiate des fièvres ardentes , & des plus grandes inflammations.

Concluons que le feu ne fe manifefte jamais d'une façon fen- fible quand les efpaces , les lieux.

Chymique. 97 ou les corps qu'il pénétre , font en repos y parce que relie efl la fubtilité de fa nature qu'il traver- fe tout librement. Cependant il eft toujours préfent par tout , il habite les lieux mêmes l'on croit trouver fon contraire ; quoi- que l'eau ne fe change en glace que dans la faifon la plus froide, ce prétendu froid veut dire plus de 30 degrés de chaleur ou de feu : on le trouve dans les fouter* rains les plus profonds , comme fur .les plus hautes montagnes : dans les lieux humides , comme dans des lieux fecs ; dans tous les corps , dans tous les efpa- ces , dans le vuide même. En ef- fet l'expérience nous apprend que les corps s'y échauffent par le frottement , 8c comment cela î fi ce n'efl: par la forte preffion des parties des corps 9 jointes à

}8 Théorie leurs vibrations , lcfquelles con- fident en ce que toute leur fub- fiance fe dilate , fe contracte , fc bande & fe débande fucccflî- vement. On conçoit aifément que le feu renfermé dans la fub- ïlance des corps eft agité forte- ment & avec viteffe par le trem- blement de leurs fibres. Or com- me fon propre reflbrt fe force de réagir fur les Ëlernens mêmes qui le preffent & l'agitent , il eft vraifemblable que c'eft de ce mouvement réciproque des par- ticules folides des corps fur fe feu ? & du feu fur ces mêmes mo- lécules , que naît la grande cha- leur qui eft excitée ou créée par frottement. Mais quand je dis que le feu eft ainfi créé , j'entens feulement que le frottement des corps entr'eux meut davantage le feu qui eft renfermé au dedans de leur iubftance , & que ce me-

C h y m i q y e. 19 me mouvement en ratnaffe d'au- tant plus dans un même endroit, qu'il eft plus coniidérable ou plus violent. De cette manière les lieux voifins peuvent perdre au- tant d'atomes ignés , qu'il en eft plus attiré dans celui-ci. Car pourquoi le feu , qui eft le plus ïubtil de tous les Elemens , ne pourroit - il changer de place comme les autres fluides ? Cela pofé, auffi-tot que d'un efpace il étoit difperfé 9 il fera réuni* dans un lieu plus étroit, fa quan- tité , & fes effets nous le rendront aufli fenfible , que s'il venoit d'ê-» tre aduellement créé. Si donc le feu tantôt paroît à nos fens j Se tantôt eft invifible l il faut s'en prendre à fon mouvement f a (on repos , à fa colle&ion , à fa difpenfion 9 %. à fes diverfes dire£tions ; voilà en effet la caufe de tous les effets que le feu pn>

4-o Théorie

duit. Enfin pour fe convaincre que le feu ne fe montre gueres ious l'apparence de feu ,fans l'ac- tion de quelques corps folides , il fuffit de faire attention aune chofe fûre , qui eft que la cha- leur efl d'aufant plus grande , qu'on approche plus du centre de la terre , Sz qu'elle diminue à mefure qu'on s'en éloigne -, com- me on le voit par la neige , qu'on trouve au milieu de l'été , furie •fommetdes plus hautes monta- gnes , Se par le froid piquant , qui s'y fait fentir malgré le poids de l'Atmosphère , qui y eft en- core allez confidérable , à caufe du peu d'éloignemenc , l'on eft de notre globe. Que n'eft- il poffible de faire des obfer- vations plus haut ? on compren- droit qu'en approchant du So* leil , la chaleur diminue , & le mouvement fe ralentit tellement

que

C H Y M 1 Q U E

que les corps fort élevés fèmblcnc jouir d'un repos abiolu. Voyez les mêmes arbres plantés de même femence , de la même Mon- tagne , & expofés au mêm£ af- petï du foleil , ceux qui lont au pied de la montagne , croiffent bien plus que ceux qu'on a plan- tés fur le fommet. Voila le fon- dement fur lequel les anciens Alchymifles ont dit qu'il règne un repos abfolu , un filence ex- trême dans le feu pur ; que Dieu l'habite ; que de il lance des feux pour animer les corps , les mouvoir , & leur faire exécuter fes ordres , félon le libre arbitre de cette divinité qui peut tout. Les plus anciens Hébreux & les Auteurs facrés fe font auflî ex- primés de la même manière.

Loin donc que le feu foie le produit d'aucune caufe dans la nature , il en eft l'agent univers

' D

42 T H E* O R î E.

fel , & c'eft par lui que tous les effets s'y produifent. Ses parties pénétrent tout , vivifient tout , font prefcntes par tout , l'hom- me ne vit que par le feu -, la li- quidité des fluides ,1a végétation, des plantes ,.. la vie des animaux ,.. la corruption ,, la génération , tout dépend de cet élément. En, un mot le feu eft Famé Se la vie de toute la nature ^ & comme- la nature eft. aâive par tout ^ le feu fe trouve par tout , dans. I*air , dans l'eau ,.. dans les dif- ferens mixtes , dans- tes entrail- les de la terre. Mais quoiqu'il foie, ainfi répandu dans tous lescorps^, il s'y trouve dans un état cachée Se fans s'y faire appercevoir pat les qualités fenfibles qui le mani- fefteat. Pour qu'il puiife paroitre fous les qualités qui le font dis- cerner à nos fens , il faut, que fa. marche gaifible dam, l'inierftica

C H Y M î Q U E. 4}

des rnixres , foit interrompue par quelque caufe qui l'excite. Alors fa violence excitée annonce d'une manière fenfible fa préfen- ce, non que le feu , je le répète , foit produit , ou que les parties qui n'ëtoient point feu deviennent telles ; mais parce que le feu , qui paifible auparavant ?fuivoit un cours tranquille dans les corps, eft interrompu ^ retardé, irrité, ce qui développe toute fon ac- tivité.

Selon les Cartéïïens , le feu eft une matière groffiere , vivement agitée par une matière fubtile xjui n'eft affujettie à aucune étendue , ni forme particulière qui eft au- comraire toujours dans la néeef^ fité de varier à cet égard- Cette matière fubtile feule n'eft point feu , 1& matière grofllere feule ne l'eft point non plus. L'une Se Fâutre doivent £e combiner. En-

D- ij

44 Théorie

core faut-il pour rendre ce fets lumineux , le concours d'une troifiéme forte de matière , ( c'eft la matière globuleufe ) pour pro- duire les réflexions & Refradions de la lumière. Mais laiffons ces chimères.

Le feu cft feu , comme tout autre corps eft tel corps 9 par la forme fpécifîque de fes particu- les 5 & puifque c'eft un élément comme les autres , fa forme doit être d'une grande (implicite*, fes arômes doivent être parfaitement folides , extrêmement polis P les plus fubtils i Se les plus mo- biles de l'Univers. Tout ce que le feu vulgaire a d'apparent n'eft que paffager par rapport au feu élémentaire ; en forte que , quoi- que cette idée du feu ne nous 3e reprefente point par aucun des attributs qui le rendent fen- fible g elle ne s'accorde eepea-

C H Y M I Q U E,

dant pas moins avec tous les ef- fets qui le caraâérifent. Us vien- nent cous en effet d'une feule & même matière , qui eft dans Pinaâion Se ne les produit point , tant qu'on la larffe tran- quille dans les corps ou les ef- paces qu'elle habite. Mais de combien de manières ne peut el- le pas être mife en œuvre. Les vibrations non-feulement , mais le Soleil , les verres & miroirs ardens , tout excite , tout raf- femble ce feu. Le reffort des par- ties du corps combuftible , leur facilité à s'enflammer ^l'élafticité de l'air environnant , 8c en- fermé dans ce corps 5 voilà au- tant de caufes de l'incendie ou de l'embrafement , qui ne vient que de la continuation & de l'ac- tivité de celles qui ne font fim- pîement qu'échaufer: Selon que i?air eft plus ou moins ouvert 9

46 T K E O R I S

agité 9 félon que les corps fane plus au moins durs , &: élafliques p ils font donc plus ou moins vite ou. fortement brûlés. Eft-il n-éceffai- re de faire ici mention de la ver ta du Soleil. Ne furfit-il pas qu'il s'aproche ou s'éloigne de nous pour augmenter ou dimi- nuer le feu ou la chaleur y que les parties gpoffieres & ces ef- peces de miroirs nébuleux con- tenus dans l'air , ne peuvent encore qu'animer en renée haffant ou refrangiflant les rayons. Quel moyen plus puiflant pour rafiem- bler beaucoup de feu que ces miroirs ardens. Il en eft qui fon- dent & vitrifient les métaux dans un inftant. Enfin les corps froids s'échauffent en ie communiquant à des corps chauds ^&:cela moins fuivant la chaleur de ceux-ci , que k nature de ceux-là \ car, par exemple 9 la pierre brûle au fiaieii

C H Y m r Q u e, 47 ^ui tiédit à peine l'eau.

Je ne fiiiirois pas , (i je vou- lois fuivre Monfieur Boerhaave dans tout ce qu'bl dit du feu v il rapporte généralement toutes les expériences qui ont été faites P tant par rapport à la raréfaction à la chaleur , à la flamme ^au& rayons , que par rapport aux choies qui fervent d'aliment au. feu \ l'expofé qu'il donne là-def- iîis peut être regardé comme une hiftoire naturelle du feu. C'eft non-feulement une bonne intro- duction pour ceux qui commen- cent à étudier ces matières , mais un mémoire excellent y & qui n'efl: que trop complet , pour d'habiles Phyficiens v car , com- me le ftiîe eft fort diffus ». l'ou- vrage a une étendue énorme» Voyez Moniteur Quefnay dans Ion traité de Fœconomk Ani- maJe depuis la page n. jufqu^a

48 Théorie 3 3 .Tout ce qu'il nous donne fou- vent comme de lui eft tiré mot pour mot de Monfieur Boer- haave , comme les connoîffeurs peuvent en juger , s'ils daignenr faire la comparaifon d'un Phyfi- cien de faint Corne avec ce grand Philofophe.

xli

DE L' A I R.

E feu tire toute fa force de PAir c'efl pourquoi nous examinerons ici la nature de cet agent. Sa première proprié- té eft fa fluidité , qui eft telle que le froid le plus violent , la plus forte compreflion , les pîus puiffans coagulans , &c. ne peu- vent l'altérer *, & il paroît qu'il a en propre la caufe de cette fluidité , puifqu'il eft compofé de parties extrêmement fines Se

déliées,,

C H Y M I Q V E. 49

déliées , qu'on ne peut aperce- voir même avec les meilleurs mi- crofeopes , Se qui font en même tems fi lubriques ou gliffantes , que la moindre force fuffit pour les écarter les unes des autres 9 & les divifer en tous fens.

La féconde propriété de l'Air eft fa péfanteur , qui confifte dans la tendance de toutes fes parties vers le centre de la ter- re. C'eft une vérité qui a été fi bien démontrée par Toricelli p Pafcal , Boyle , & Mariotte , qu'il n'efl aujourd'hui rien de plus certain efi Phyfique. On fçaït auflî que cette péfanteur de l'At- mosphère varie fans ceffe , 8& que ces viciffitudes continuelles font caufées par les divers mé- téores & les différens afpeéts des Planettes. Il fuffit de jetter un coup d'œil fur les tables Météo- rologiques de Nicolas Kruquius ,

E

yo T H E.O R I E

pour en apercevoir coures les eau- les, L'Air comprime la furface de la terre , & les corps qui y font fitués , d'autant plus qu'ils font plus près du centre. Cette preffion eft encore, plus ou moins forte, félon que lepoidsde l'Air augmente ou diminue , comme on le voit au Baromètre. Ce qu'il y a ici de fort furprenant en apparence , c'eft que , quoi- qu'une colonne d'Air , pefe au- tant que peferoit une colonne d'eau de pareille groffeur , qui auroit yi pieds & \ de hauteur, on ne fent cependant* point fa pefanteur. Pourquoi l c'eft que cet élément , entant que péfant & fluide à la fois , preffe égaler rnent les corps de tous côtés / latéralement, horifontalement , verticalement , fupérieurernent , inferieurement, obliquement. De ce principe dépend l'explication

Chymiqitk. CI d'une infirmé de petites expé- riences aiTez curieufes , que h multitude des chofes qui iepré- fentent ne nie permet pas d'é- crire. Mais avant que de perdre de vue cette propriété , il n'efl: pas hors de propos de confidé- rer combien elle devient quel- quefois prodigieufe ; un homme en fouflant un petit tuyau qui •s'abouche avec trois ou quatre veflîes chargées d'un poids de plus de ioo livres , peut par ion feul foufle , gonfler ces vef- lîes , jufqu'à enlever le poids qui les charge. Un autre en tenant la glotte long-tems fermée , peut fans foufrir , porter fur la poitri- ne des poids énormes, par la force de l'Air interne qu'il retient, com- me on l'a vu. La péfanteur de l'Air donne donc la raifon de quantité d'effets furprenans qu'on îie pourroit expliquer fans elle.

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Ç2 Théorie

La }<>. propriété de l' Air efl fon reffbrc , qui confifle en ce qu'il occupe d'autant moins d'ei* pace , qu'il efl plus comprimé , 8z qu'il fe rétablit à mefure que la prefïion cefle , depuis quelque tems qu'il foit comprimé. Ce qu'il y a ici d'étonnant , c'efl que cha- que portion d'Air agit autant par ion élaflicité , que tout l'Air ex- terne ; ce qui fe démontre clai- rement par une expérience de Boyle. Prenez un Baromètre dont le mercure foit élevé à cer- taine hauteur, que vous remar- querez attentivement. Plongez- le par fa -partie inférieure dans un vafe cylindrique rempli de Mercure , 8c tellement conftruit qu'on puiffe à fon gré au moyen d'un Syphon ôter toute commu- nication de PAtmofphere/ave'ç le peu d'air qui efl dans ce va- fo Alors comme l'Air externe

Chymique. £j n'agit plus fur 3'interne , il efl évi- dent que celui-ci feul peut prêt* fer la furface du Mercure con- tenu dans le Baromètre. Or dans cette expérience le Mercure ref- te à la même hauteur qu'il avoit pendant qu'il étoit cornprimépâr toutei'Atmofphere. Cette petite portion d'air interne peut donc fou tenir par fon reffort un auflï grand poids que tout l'air ex- terne. Chauffez enfuite le Baro- mètre, vous verrez le vif argent monter de plus en plus , pro- portionellement à l'expanfion de l'Air enfermé. Les Chymiftes doivent bien faire attention à cette admirable propriété de l'Air*, car comme la plupart des opérations Chymiques fe font fur le feu dans des vaiffeaux fermés r quels effets terribles ce reffort de l'Air ne peut-il pas fouvenc produire. De tous les corps 9

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54 Théorie

l'Air eft celui que le feu dilate le plus , & fa raréfaâion eft en raifon de . fa denfité. De deux portions d'Air , la plus conden- sée fe dilatera le plus au même degré de chaleur , la moins pref- fée aura moins d'expanfion , 8c conféquemment d'élafticité. Tel- le eft Pénorme rarefcibilké de FAir , que l'Air le plus rare eft au plus denfe , comme l'eft i . à y20ooo. félon Boyle : le plus grand froid peut altérer ce prodigieux reffort de l'Air, non plus que les plus violentes cha- leurs. Les extenfions qui arri- vent dans les premières voies par celles de l'Air qui y eft en- fermé , font-elles donc furpre- nantes^Ceci fuffit pour faire juger quelle peut être l'étendue > & la force du reffort de l'A ir,& qu'une petite portion d'Air peut par cette vertu produire d'auffi

Chymique. çj

grands effets qu'une grande quan- tité. Mais qu'une quantité d'Air un peu confidérable fe trouve divilée & emprifonnée par pe- tites portions -, c'cfl alors que ie reffort ie multiplie extraordinai- rement , comme on le voit dans des corps embrafés , & furtcut dans les fels qui pétillent, parce que le feu venant à bander l'ékf- ticité de l'Air, cet Elément rompt avec bruit les petits liens qui î'enchaînoient.

De ce qu'on vient de dire , on peut déduire les effets de l'Air fur les foffiîes. L'Air efl fluide , péfant , élaftique \ iJ fe condenfe proportionnellement aux poids qui le compriment 9 il a d'autant plus de force ou de reffort qu'il efl plus conden- , & enfuite plus raréfié , il s'in- finue dans tous les corps ? Se jus- qu'au centre de la terre. Or qui

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56 Théorie

peut dire jufqu'à quel degré l'Air eft condenfé dans ces lieux pro- fonds, Se enfuire raréfié par le feu, que le frottement de tous les corps , &: des parties de l'Air même y produit. Cet Elément doit donc par fon aâion raf- fembler les parties ioiides ho- mogènes, féparer les héceroge- nes , ou celles qui ne font point faites pour s'ailbrrir avec les au- tres , rendre ainfi les foffiles plus durs, plus compa£ts, 8z les créer en quelque forte. Voilà peut- être la raifon pour laquelle on ne trouve des minéraux que vers le centre de la terre.

Une qualité de l'Air qui , pour être connue de tout le monde, n'en eft pas moins difficile à comprendre , c'eft fon abfolue néceffké pour la vie. Mettez un oifeau dans la machine pneuma- tique , à mefure que vous en ti-

C H Y M î Q U E. 57

ferez l'Air, vous le verrez fuf- foquer, & rendre prefque les der- niers foupirs , faites-y rentrer l'Air , le petit animal reprendra des forces en refpirant. Mettez un poiffon vivant dans l'eau donc vous aurez auparavant tiré Y Air, il expirera en peu de tenis. Met- tez-en _ un autre dans un vafe plein d'eau , fi éxaûement bou- ché , que l'Air contenu dans cet- te eau ne puiffe fe renouveller , vous le verrez mourir après \ d'heure de langueur. Les infec- tes ne peuvent faire éclore leurs foetus dans le vuide , lafemence des plantes y meurt , elles n'y peuvent végéter , les animaux n'y peuvent vivre r le feu s'y éteint, comme on le voit , en pompant l'Air de la machine pneumati- que , dans laquelle on a mis un charbon ardent \ tout en \m mo- ment périt fans, le fecours de

ç8 Théorie l'Air , il femble que ce foir un aliment qui nous nourrit , nous conferve , fert à réparer nos per- tes , ainfi que les autres alimens, s'identifie , 8c s'incorpore avec nous. C'eft fait de nous , s'il vient à nous manquer. Tout le monde connoit ces vérités : mais quelle eft cette propriété de l'Air plus admirable encore que fingu- liere , fans laquelle on ne peut vi- vre ? Quelle eft fa nature, la caufe, fon a£tion > Eft-ce par l'Air pure- ment élaftique que tout refpire ? Et s?iî eft vrai , comme on n'en

Î>eut douter, que la refpiration, a végétation , l'embrafement , &c. ne peuvent avoir lieu dans l'air même s'il eft enfermé. C'eft qu'alors cet air fixe & immobile reftant toujours également appli- qué contre la furface des corps , les prive de ce branle , de ces on- dulations , ou de ces vibrations

C H Y M 1 Q. U E. J9

néceffaires pour entretenir leur mouvement propre, ou continuel- lement bandé contre ces corps s'y oppofe entièrement ? C'eft une conféquence qui me paroît bien déduite de l'expérience de Boyle , que j'ai ci-devant rap- portée.

Comme il eft difficile de fe feire une jufte idée de ce qu'on, entend par l'air élaftique,à moins que de connoître auparavant tous les corps étrangers qui na- gent dans fon immenficé, nous allons légèrement les parcourir. L'Air eft toujours plein de feu, plus ou moins , comme nous l'a- vons vu dans le Chapitre pré- cédent*, les Thermomètres le dé- montrent à Pœil dans tous les tems& dans tous les Pays. L'Air eft auffi toujours rempli d'eau, de cette eau qui s'exhale par la voie de Pinfenfible tranfpiration,

6o Théorie tant de nos corps , que de ceax des animaux , & même des végé- taux , comme plufieurs habiles Phyficiens l'ont affez prouvé 5 de cette eau que le Soleil & les autres feux font fans cefle s'évaporer. Suivant des calculs plus d'une fois vérifiés , il en tombe dans l'eipace d'une année 30. pou- ces de haut fur la furface de tou- te la terre , & dans le même ef- pace de tems cette eau fe diffipe. Que d'eau dans l'air ! Comme elle va s'appliquer à tous les corps qu'elle rencontre , il n'eft pas difficile de l'appercevoir d'une façon auffi fenfible qu'agréable. Expofez à l'air en Eté dans un jour chaud & fec , un morceau de glace récemment tiré d'une glacière , il paroîtra fur le champ obfcurci -, prenez-le y il fumera entre la glace & la furfaee de la main \ ce qui prouve , dk ML

Chymique 6i Boerhaave , que les particules d'eau qui étoient invifibles, parce qu'elles étoienc également difper- iées dans l'atmofphere , s'étant rapprochées & réunies plus étroi- tement par le froid de la glace , doivent fenfiblement fe manife« fier. Mais s'il m'eft permis de dire ici librement mon avis , n'efl-il pas évident que cette fumée efl en partie formée par les molécu- les d'eau qui s'élèvent de la gla- ce'à mefure qu'il la fond &: la ré- foud en vapeurs. L'expérience qui fuit me paroîr plus concluan- te. Mettez de l'eau durant l'Eté dans un vaifleau de verre fore fec en dehors , la furface exter- ne de ce vafe demeurera tou- jours lèche. Diflblvez dans cet- te eau une partie de fel armo- niac très-fec & pulvérifé , en pre- nant biengard_e que la partie extei> ne du même vaiffeau ne contrac-

62 Théorie

te quelque humidité : toute cette même iurface fera promptemenc couverte d'une roiée aqueufe , qui devient peu à peu fi abon- dante j qu'elle diftiile des gout- tes d'eau fort fenfibles. Or on ne s'avifera pas de dire que ces gouttes ayent tranfpiré au tra- vers des pores du vale , puifque le froid de ce ici a du les reffer- rer, & que d'ailleurs l'eau nepé- nérre point le verre , ce quifuf- fit ici. Voici donc la vraie irai- ion de ce Phénomène. Tout com- me l'haleine qui eft impercepti- ble l'Eté , paroît vifiblement du- rant l'Hiver , de même le froid du fel armoniac raffemble fous la forme de rofée ou de petits nuages l'eau que la chaleur avoir extrêmement divifée. Toutes ces choies & une infinité d'autres prouvent clairement qu'il y a tou- jours de l'eau dans l'air; vérité

C H Y M I Q U E 6}

que la machine pneumatique a mile en tout fon jour ; & plus on raréfie l'air , plus le verre s'obf- curcic intérieurement , parce qu'a- lors les molécules d'eau le déta- chent de l'air pour s'attacher au verre ; d'où il fuit que plus l'air eft chaud ,. raréfié , moins il con- tient d'eau , Se par conféquenc moins il efl péfant. Expofez des lels à l'air , ils s'y fondent , Se devienenttrès-péfans, parce qu'ils abforbent fon humidité : autre

f>reuve de l'eau contenue dans 'air. Plus cette eau eft élevée 8c dilperfée en de grands efpaces , plus elle eft imperceptible. Auf- fi l'air eft-il alors fec Se ferein , il ne paroi t humide que lorfque cette même eau dont les mole* cules étoient fort écartées les unes des autres defeend Se fe raf- femble fenfiblement dans notre Atmofphere.

64 Théorie

Outre le feu & l'eau , Pair eft plein de rofée. C'cft un compo- d'eau' , & de bien d'autres corps gras , falins , huileux, fpi- ritueux , que le foleil attire de la furface de la terre & des plan- tes. Tant que ces exhalaifons font agitées & éparfes çà & dans l'air, on ne les voir point : mais vers les trois heures de l'après midi , l'air venant à fe refroidir à cauie de l'éloignemcnt du So- leil , Se la terre confervant fa chaleur bien plus long-tems que Pair , on voit ces vapeurs s'éle- ver fenfiblement , & couvrir bien- tôt toute la furface de la terre , jufqu'à ce que le Soleil revienne les diflîper par fon retour. Ces vapeurs font différentes félon les lieux d'où elles s'évaporent, C'efl- pourquoi on trouve tant de con- tradiction parmi les Chymiftes qui ont fait PAnalife de ces ma- tières, C'eft

C H Y M 1 Q U E. 65

C?eft encore l'Eau prefque feule qui forme les nues. Ses Ele- mens difperfés dans la haute ré- gion de l'air , venant à fe réunir en defcendant dans des lieux plus étroits , prennent la forme d'eau fenfible , dont l'amas for- me les nues. Toutes ces fortes de pluyes , les fontaines ? les ri- vières, les fleuves ^les ruiffeaux,. les torrens , toutes les eaux de h terre y viennent de celles de l'air ? comme celles de l'air y viennent de celles de la terre. C'eit dans l'air que fe forment la neige ? la grêle , la foudre , 1-e tonnerre ? les éclaires dont l'explication nous meneroit trop loin. Il s'y élevé des efprits effen- îiels , fermentes des végétaux , & ceux qu'enfante l'a&ion du feu- Les huiles , les fels, la terre même s'exaltent 5 les plantes n'ont aucune partie qui ne foit eia-

F

66 Théorie portée dans cet Elément. Il en cft ainfi des efprirs des animaux , de leurs excrèmens,de toutes leurs parties que la chaleur diflipe en- fin , des œuts féconds de toute efpece , des fofïiles , des foufres , des métaux. Il n'eft point en un mot de corps dans toute la nature, qui ne s'évapore dans lair^c'eft un vrai cah,os;il s'y trouve juiqu'à des portions des animaux les plus pefans. Les cadavres même des hommes foit qu'on les brûle , foit qu'on les laiffe fe corrompre à l'air , foit qu'on les enfevelifïe , toutes leurs parties fans excep- ter les os mêmes , fe perdent dans cette affembîée univerfele-,& fi l'air contient les Elemens mê- mes de nos corps , eft-il furpre- nant qu'il contribue en quelque forte à nous nourrir , & à repa- rer nos pertes.

On conçoit à préfent ce qui

C H Y M I Q'U é; 67

conftitue cette partie élaftique de l'air , ou l'air proprement dit : c'eft l'air dégagé de tous les corps hétérogènes qu'il ren- ferme , &dont il eftle véhicule. Voila l'air qui pénétre dans tou- tes les liqueurs , & qu'on en fait fortir ea forme de bulles , par lebullition , ou en diminuant le poids de l'atmofphére dans la machine pneumatique. Et c'eft celui que la gelée fait fora* de l'eau , tel efl celui que no.usref- pirons , & qui ne contribue pas peu à entretenir la circulation. Il fe diffoùt en fes derniers Elemens pour pouvoir s'infmuer dans les cellules des liqueurs qui fontvui- des d'air : mais il ne peut pé- nétrer dans les fluides qui en font tout-à -fait remplis , ou faoulés. ce qu'il y a d'étonnant ? c'eft qu'il y a plus d'air dans l'eau , que d5eau même , comme on le fait

Fij

68 T'HEORl E

par des expériences qui ne peu- vent tremper. Mais tant que cet air eft renfermé entre chaque Elé- ment aqueux ,., iJ n'eft point pro- prement air : il n'y agit point, comme hors des liqueurs ; c'eft que les atomes de l'air difperfésy feu! à feul , ne font point é!af- tiques.. Chaque Elément d'air it'ar en foi aucun reffort -, il faut pour cela la réunion de plufieurs Elément. D?où il faut conclure que Fair contenu dans-nos humeurs, y étant divifé en fes dernières mo- lécules rn'y exerce point d'ofeiU îktions , comme Borelli Sz plu- sieurs autres grands hommes fe fe font imaginé , qu'il eft. peut- lire la caufe de' la putréfaction de notre fang ,.& que la plus for- te chaleur; naturelle n'eft pas fuf- ifonre pour faire fortir l'air ren- fermé- dans les petits vuides de wa& feaneurs.. Aacrement.il feroic

C H Y M I Q U E. 6$

impofïible de vivre. Sans la cor- refpondance d^e Fait extérieur point donc de vraïe putréfa&ion, point de vra-ye fermentation y nos humeurs fe confervent ère effet fans fe corrompre dans la, machina du vuide. Il faut ce- pendant favoir que c'eft le feir. qui metlairen jeu dans les mou- vemens fpontanes de fermenta- tion & de putréfa£Hon ,. comme c'eftpar le raoyer* de Peau que Pair opère dans les fucs 5 les chan- gemens qui leur arrivent dans les mouvemens fpontanes * du? moins de putréfa£tian. 5. effet qui ne commence 9 que lorfque is terre 8c le fel commencent eux- mêmes à fe défunir par la fingu- Hère infmuation de i'eau , qui va ici plus loin r que le feu dans l'embrafement Ceux qui ne ion c point en état de lire Monfieuï Boerhaave,. peuvent lire fon-Corn*

jo Théorie pilateur que j'ai déjà nommé , page 33 juiqu'à 58.

Si 1 air eft un cahos rempli de corpufcule de toutes efpeces , on peut dire que tous les corps font remplis d'air ; on en tire beau- coup principalement du vinai- gre, des yeux decreviffe, de la craye , de l'huile de tartre par défaillance mêlée avec le vinai- gre , ou l'huile de vitriol , de l'efprit de nitre mêlé avec un ou deux grains de fer , ou avec de l'huile diftiiée de chenevi \ enfin il fort de l'air de tous les corps , tant par le feu & la fer- mentation , que par la putréfac- tion , la diftillatiorr&c. L'air en un mot fe trouve par tout, comme tout fe trouve confondu avec lui ; mais on peut dire qu'il n'eîl que l'inftrument univerfel de la na- ture , le feu eft le feul principe a£U£ , le véritable agent. L'air n'eft qu'un de ces matéraux

C H Y M I Q U E. 71

qu'il mec en œuvre pour brûler, corrompre , féparer, détacher , difperfer , rapprocher, appliquer, comprimer, contenir , voiturer, & rendre à la. terre les débris des corps qu'il a décompofé, 8c donc la terre & les plantes ont beioin pour s'entretenir Se fe reprodui- re. C'eft donc par l'.entremife du feu qu'eil établi ce commerce in- time &: éternel qu'il y a entre Pair Se la terre , celle-ci rece- vant tout ce qui tombe de l'air , & celui-là recevant tout ce qui tombe de la terre. Ceux qui pour mieux entendre ces matières veu- lent plus de détail doivent aller à la fource. Monfieur Boerhaave n'en épargne aucun, Se quoique M. Quefnay paile pour l'avoir mis en pièce , tout ce qu'il a pris de ce célèbre Médecin fur ce fuiet , n'eft certainement pas capable de dédommager de ce qu'il n'a pu prendre.

72 T H E G R î E

DE L' E A U.

IL efl très-difficile de connoî- cre la nature de l'Eau ,. parce qu'on peut à peine la tirer de tous les corps qu'elle pénétre , Se en féparer tous ceux dont elle efl: remplie. Tous les corps fur les- quels la Chymie opère , font pleins d^eauy & elle eft'tellemenc adhérente à Fait 9 dans lequel' fe font toutes les opérations ehymiques ? qu'on ne peut ja- mais l'en féparer. Des cornes de cerf gardées pendant 50. ans y Se dures comme du fer , donnent tin efprk duquel on tire non- feulement de i'huile Se du fel y mais beaucoup d'eau. Il en fort de la brique , de la pierre , & dit caillou -, difons plus : L'Eau efl en quelque forte la glue qui fert

Chtmiqu e. 75 â unir 8c conglutiner les parti- cules terreftres & folides , qui compofent les rochers & les montagnes. Quant à l'Eau qui nage dans l'air , nous l'avons affez démontrée dans le Chapi- tre précédent , auquel nous ren- voyons.

Puifque Pair eft toujours plus ou moins rempli d'eau , & que tous les corps font entourés Se même remplis d'air , il eft im- poflible d'opérer dans l'air , fur des corps abfoîument fecs9 quel- que effort qu'on fafle pour les deflecher entièrement. J'ajoute que (i on a bien de la peine à feparer l'Eau , je ne dis pas de l'air , mais de tous les corps qui en font imbibés , il eft encore plus difficile de féparer de l'Eau toutes les parties hétérogènes qu'elle contient , telles font le Feu , l'Air \ tout ce qui eft mêlé

G

74 Théorie

avec Pair , & cous les corps eafe qui peuvent fe diflbudre dans l'eau ; à raefure qu'elle les ren- contre dans les entrailles de la terre.

L'Eau efl: une liqueur très- fluide, fans odeur, fans goûr^ fans couleur , tranfparenre , 8c qui à un certain degré de froid ie change en glace. Cette défi- nition ëiftingue l'Eau de tout autre liquide , mais n'eft p^s moins difficile d'en découvrir les propriétés , parce qu'on n'efl: ja- mais fur d'avoir de l'eau pure , êc qu'au contraire elle fe trouve toujours unie à d'autres corps d'une façon prefque inféparabie- Notre ilkiftre Compatriote 9 M. de Maupertuis 9 parle d'une grof- fe fource de l'eau la plus pure , qui fort d'un fable très-fin , 3e qui conferve fa liquidité pen- dant les plus grands froids de

C H Y M I Q C *. 7'Ç

ï'hiver , lorfque la mer du fond du Golfe, & cous les fleuves font auffi durs que le marbre. Cette fource fe trouve au pied d'une montagne de ILaponie , nommée JCittis^ auprès du village de Pel~ lo. Mais les petites particules de ce fable,5 quoique très-fin ,9 différent €n grandeur & en figu- re , & ne peuvent le répondre fi exa&ement qu'elles ne laiffent entr'elles de petits vuides , pat lefquels l'Eau fe filtre , fans fe purifier tout -fait. Hérodote parle d'eaux encore plus pures 9 fur lefquelies rien ne flottoit* aii le bois * ni des corps plus légers ,6c qui faifoient vivre fé- lon lui , les Ethiopiens qui £n ^ufoient î20. ans , quelquefois

Î Jus. Ce qui ne paffe pour fabu- eux que dans lefprit de quel* <jue$ demi-Sçavans , ou de ceux *jtfi ? peu verfés dans Miiftoire na~

Gij

76 T H E O R î E

turelle , ne font point en état de comprendre tout ce que peut la nature. L'obfervation de cet ancien Naturalifte n'eft>elle pas analogiquement confirmée par celle du fçavanc Moderne.

La première propriété de l'Eau efi fon poids propre ou fpéci- fique 9 mais comment s'en affu- rer ? l'Eau contient des corps plus légers , & plus pefans qu'el- le même ; tout ce qui participe de la nature des efprits ferment rés , rend l'Eau plus légère , ceux qui s'élèvent des végétaux ou des Animaux putréfiés dans l'air , fe mêlent avçc l'Eau qui nage dans cet Elément , & ren- dent les eaux plus péfantes. Il en eft ainfi des matières falines, favoneufes , vitrioliques , qui fe mêlent dans l'air avec l'Eau , & augmentent fon poids naturel , fan$ les entrailles de la terre f

Chymique. 77 differens corps fc mêlent encore avec l'Eau , il n'eft donc pas Surprenant que la péianteur des Eaux varie tantfuivant les lieux, & que l'Eau pure foit Ci rare.

Je paffe ici fousfilence le poids relatif de l'Eau aux autres corps , parcequeBoyle en a parfaitement traité dans fa Médecine HydroJla~ tique. Une feule chofe fort eflen- rielle qu'on ne doit jamais ou* blier en faifant mention des poids relatifs des corps, c'efl qu'il faut toujours avoir foin de dire le degré de chaleur inhérente aux corps, dans le tems qu'on les peloit : car l'expanfion que la chaleur produit , cft proportion- nelle au poids des corps qu'elle dilate : or comme la dilatation de l'Eau -cft parconfequentpro- digieufe , eu égard à celle d'un corps métallique *, il fuit que fi on examine leur diverfe péfan-

Giij

78 T H E O R I E

teur en différeras tems, ou a dfc vers degrés de chaleur, on n'au- ra que des obfervations mal fai- tes. Règle générale fort connue 9 l'Eau la plus pefante eft la plus îïiauvaife , la plus légère eft la meilleure. Aufîi eft - elle fort re- commandé par Hippocrate pour la cure des maladies ,, dans fou traité de aère 9 aquis & loris ,ce qu'il y a de finguiier c'eft que l'Eau ia> plus légère ,. naturelle ou diftilléè , pourvu que fa lé- gèreté ne foit point artificielle oucoatraâée parle mêlange;d'ef- prits fermentes ,.çft toujours plus pefante que tous nos vins & tou- tes nos bïerres.

La féconde propriété de l'Eau, & qui lui eft commune avec les au- tres liqueurs * eft fa fluidité qui^ eft fort confiderable,car toutes les, parties s'écartent ou s'éloignent les unes des autres par le moin-

CHÎ MIQUE. 79

dre mouvement ou la plus fci- ble chaleur , d'autant plus qu'el- les font plus pures , ou moins adhérentes. Delà on conçoit la raifon pouf laquelle Peau faîée s'évapore moins que l'Eau douce, & ce qui a été trempé dans la mer fe feehe plus difficilement que ce qui n'a été mouillé que d'Eau douce. Le fel & le bitume delà mer donnent beaucoup de ténacité à la cohéfion defeséle— mens.

Mais fi telle efl la mobilité des molécules aqueufes , que la plus petite force ou la moindre cha- leur fuffife pour la divifer & la refoudre en fes derniers princi- pes , eft-il étonnant que le Soleil & les vents difïipent & empor. tent des volumes d'eau auffi con- fiderables : «fe delà ne conçoit- on pas leur Heureux ufage , en ce qu'ils mobilifent l'Eau , Se

G iiij

80 Théorie

l'empêchent de croupir & de s'épaiffir.

Eft-il néceffaire d'indiquer la caufe de cette grande fluidité de l'Eau ? Il eft évident qu'elle dépend du feu feul , puifqu'à un certain degré de chaleur , l'Eau fe convertit en un corps dur , êz qu'un feul degré de chaleur de plus , lui rend fur le champ toute fa liquidité. C'eft le tiers du plus grand chaud que la na- ture produife , qui forme & con- ferve la glace 5 l'Eau n'eft , Se ne demeure Eau qu'aux deux autres tiers. Chofe furprenante fans doute , mais ce qui le paroiE encore bien plus 9 c'eft qu'au 33. ou au 34 degré de chaleur , l'Eau eft auffi fluide , qu'à un feu beau- coup plus vifjComme on le voit par la célèbre expérience de Monficur Newton, Il mit une pendule dans de Peau très-chaude,, 8c une autre

C H Y M I Q U E. £f

f>endule dans de l'Eau très-froide, eurs balanciers trouvèrent d'é- gales refiftances du moins autant qu'il fut poffible de s'en aperce- voir. Car, abfolument parlant ? l'Eau étant d'autanc plus raréfiée, qu'elle eft plus chaude , fes par- ties doivent être plus foiblemene unies , &: conféquemment obéir davantage au mouvement des corps. Mais cette diminution de refiflance eft peu 'feniible , parce que l'Eau bouillante n'occupe que ~ plus d'efpace , 8z qu'en même tems le corps du pendule fe gonfle relativement à fa maffe.

Or de ce que le plus grand feu ne peut divifer l'Eau , plus qu'une chaleur de 3 5. degrés 9 il fuit que fes parties élémen- taires font extrêmement petites r & peut-être plus que lesclemens élaftiques de l'air. L'Eau tranfu-

&2 T H E O & I E

de en effet par des bois, par des- cuirs , & par bien d'autre corps l'air véritable ne peut s'inft- nuer r ce qui prouve que fi l'Eau n'eft pas à beaucoup près fi pé- nétrante que le feu, ellel'eftdu moins plus que l'air, /avoue que la pénétrabilité des corps dépend plus de la figure que de la noaffe de leurs molécules v en effet ui* grain d'or fphérique paffe par êe très petits efpaces qu'il ne peut enfiier r lbrfqu?dn lur don- ne une autre figure. Cela pofé , de ce que l'Eau paffe l'air ne peut s'infinuer,il ne s'enfuit pas que les élemens de l'un foienc plus grêles ou plus fins queceux. de l'autre ^auffi ce qui me le per- fuadè principalement ,; c'ëft que les particules de l'air trouvent place entre celles de l'Eau , Se que cependant l'Eau, à force d'ê* tre comprimée , n'en eft pas plus* condenfable~-

G H Y M î QUI. 85;

La pénétrabilité de l'Eau a des bornes qu'il faut affigner ; ce font les métaux y. les pierres vi- les ou précieufes , les cailloux 9 le verre , la porcelaine , cer- tains bois durs r pefans , den* fes , refineux , le foùfre ,Ja terre à potier , les cimens ordinaires r 8z plufieurs autres corps que l'Eau ne peut pénétrer , quot qu'on ta comprime; euquJork la raréfie autans qu'il effipofli- ble. Oeffc ce que prouvent les, vafes qui fervent à nos diftila- rions : l'expérience d'un Mathé- maticien nommé Chriffophe Cla- rius ,. qui mit de l'Eau- dans une phiole fcellée hermétiquement , laquelle écoit î 20* ans^ après dans le même crac qu'il Pavoit laif- fée : c'eft ce que prouvent l'Eo* lipile qui malgré1 la violence du feu ne IaitTe échaper l'eau que gar fon orifice, la machine de

84 T H E O R I É

Papin , 8c enfin différentes ma- chines hydrauliques , qui toutes montrent à l'œil , que quelques efforts qu'on faffe pour compri- mer l'Eau & la faire bouillir ? on ne peut la forcer au travers des pores des vaifleaux affez foli- des , pour ne pas la laiffer cou- ler naturellement Ceci foit die contre M. Stahl 8c Bêcher qui ont prétendu , l'un que l'eau en fe f ubtilifant par quantité de difti- iations tranfpiroit au travers de la fubftance même des vaiffeaux de verre ; 8c l'autre , qu'elle deve- noir très corroiîve par les mêmes caufes. Si donc on lit que l'Eau paffe au travers de globes caves Se fphériques faits de quelque mé- tal , 8c mis fous de forts preiToirs 7 Je feul changement de figure qui refulte d'une violente compref- fion explique ce phénomène. Car la Sphère qui de toutes lesfîgu-

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ces a le plus de capacité , a for- ce d'être pouffée fur une liqueur qui n'efl pas comprefîîble , ne peut fe changer en une autre fi- gure qui contient toujours moins quelle qu'elle fok , fans que les parties métalliques qui la for- cent foient plus écartées , plus minces : d'ailleurs l'eau déformais furabondante doit tirailler Se dif- jiendre de plus en plus les lames élaftiques du métal déjà atténuées par le changement de figure 9 Se par conféquent peut enfin être forcée d'enfiler Içs paflages qu'on lui fait par ce moyen. Mais qu'on donne aux lames métalliques le tems de refermer leur pores ou- yerts , l'eau ne pourra plus s'é- chapper 9 d'où je conclus que la corppr^ffion n'ajoute rien à fa pénétrabilité , Se que cette expé?» pence #e détruit point ce qui

S6 T H E O R I E

a été avancé ci-devant.

Le froid feul peut augmenter î'éxilité des particules 'de l'eau; .mais ce pouvoir ne s'étend que jufqu'au 32. degré,, car au-def- fous de ce degré l'eau n'eft plus »eau :, & comment ohferver la contraction des Elémens de la glace , puifque l'air y forme des bulles qui ladilatent plus , que le froid ne la refferre l Quoiqu'il en fort , puifque la {eule abfence du feu rend les Elémens de l'eau plus petits 4 cela fuffit pour ren- dre raifon du paradoxe qu'avan- cent les ouvriers qui employ ent les ciments pour retenir l'eau. Ils affurent tous que plus Peau eft froide, & plus ils ont de peine à empêcher quelle ne perce les murs. Ce qui vient de ce que le froid condenfe plus les parties de l'eau , que les pierres , dont chaque pore eu conféquemmenc

C H Y M 1 Q U E. 87

irnoins rétréci , que chaque mo- lécule aqueuCe. Ainfi l'eau extrê- mement froide paffe l'eau chaude ri'auroit point d'encrée., Ç'eft donc la dilatation des par- ties de l'caq par la chaleur , qui les empêche de s'infinuer avec :la même facilité qu'elles feraient^ fi elles occupoien témoins déplace^ CecieftcontxjeropmiGn commu- ne.

Les particules de Peau ne font point autant de petites anguil- les foup|es Se Mantes 9 commis Defcarces fe l'eft imaginé ; elles font m contraire au(H roides^ auflE inflexibles , Se auffi dures .que le diamant 9 ce qui paroît fort s'accorder avec les effets fur- jprenams qu'elle produit 9 lors- qu'elle dilate les pores du bois s puifque les Tailleurs de meules ■de moulins n'ont pas de meilleur moyen pour féparer une meule 4'avec le roc 9 .après l'avoir tail*

88 Théorie lée , que d'enfoncer des chevil- les de bois dans des trous ho- rizontaux qu'ils font entre la meule & le roc , puis de mouil- ler ces chevilles. Car alors l'hu- midité qui les pénétre les fait enfler de manière , qu'en peu de tems la meule fe trouve féparée. On pourroit encore citer ici l'exemple de la corde mouillée qui élevé des poids extraordi- naires , qu'elle ne pourroit éle- ver étant iéchc.

i L'air a du reflbrt , mais Peau n'en a point , elle n'eft aucune- ment fufceptible de comprefïion, comme on peut aifément le dé- duire de ce qui a été dit ci-de- vant , & de quantité d'autres ex- périences dont les Livres des Phyfkiens font remplis. L'air qui fe glifle dans les vaiffeaux , l'air forcé parla chaleur, ou par la diminution du poids de l'at- , mofpherc

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ttiofphere , de forcir dès infter- ftices de l'eau; enfin l'élargiffe- ment des pores des corps.dont j'ai déjà indiqué les caufes , produi- fent fouvenc des effets qu'on at- tribue mal-à-propos à l'eau. Rem- pliffez parfaitement d'eau une iphere d'or, vous ne pourrez jamais la comprimer *, mettez- en dans un globe d'étain , à for- ce de le preffer , l'eau jaillira par l'orifice , & peut s'élancer de la longueur de trois pieds. Mais ja- mais ce fluide , quelque compri- mé qu'il foit 9 ne donnera au- cune marque d'élafticité , jamais il ne fortira au travers de la lub- ftance des corps qui le retien- nent naturellement.

Quelques dures & inflexibles que foient les particules infen- .fibles de Peau, elles ne bleflent ni les yeux , ni le nez, ni aucun autre organe , quand elles y font

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ço Théorie

appliquées ,,.& Ton ne trouve pas même de plus grand adouciflanc: que l'eau ,; quand eile eft tiède; Audi- Hippocrare. la^ recomman- de-t-il en fomentation pour cal- mer les plus viy es douleurs. L'eau en effet- ne caufa aucune irrita- tion aux parties les plus fenfibles, , enflammées, 9, bleffées ,, ulcérées. C'eft la plus douce de toutes nos humeurs ,, fans excepter l'huile* elle eft amie des nerfs les plus lïuds j elle, délaye 5 & corrige en, même tems toutes les matières, acres 5 acides , & acrimonieufes, qui circulent dans nos vaiffeaux* Ceftï donc un vrai anodin , 8c: un vrai parégorique,

I^eaueft non-feulement dou- ait1, mais fimple ;fes parties font toujours inaltérables , toujours le&mêmes^ quanti leur maffe ?.; ,, leur denfité , leur ?7&c. on voit aifex qu'il s'a*-

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git ici de Peau pure , abftra£Hon faite de toutes fes parties hété- rogènes.

Si nous confidérons mainte- nant l'eau comme menflrue , nous trouverons qu'elle a la propriété de diffoudre prefque tous les corps ; c'eft-à*dire que l'eau en s'infinuant dans leur fubflance les délaye , en fait une liqueur fluide , dans laquelle le corps folide une fois diflbus , eft fi éga- lement diftribué , qu'il s'en trou- ve rpropor tion gardée , une par- tie dans chaque partie d'eau. Or les corps fur lefquels l'eau peut agir de cette manière , font les minéraux (impies ,.& compofés, folides ou liquides , comme le fel gemme , le fel marin , le bo- rax, le nitre , le fel armoniac, . l'huile d'alun , de foufre, de vi- triol, Pefprit de nitre , l'efpric de fel marin, le verd de gris.

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Ç2 Théorie La même folutîon arrive aux feîs des animaux & des végéraux , tant naturels , que factices , au tartre même, à l'alcohol , aux huiles fermentées , aux favoris naturels ou artificiels , à l'air même ( en ce qu'il fe divife en autant: d'élemens tju^l y a de pe- tites ceîki! es dans les liqueurs qu'il habite) aux matières terreftres9 &c. Il eft vrai que lés fels con- tenus dans l'eau peuvent fouvenr produire les folutions qu'on at- tribue à l'eau même , & que d'ail- leurs tous les fels volatils dont effc rempli l'air des laboratoires l'on fait h plupart de ces expé- riences , peuvent- entre? pour beaucoup dans la production des effets furprenans qu'on nous van- te. En effet , il eft certain que î'eau ne dïflbat point la terre pure , îe verre , les pierres pré- cieufes* les métaux ; les rc-che3^

C H YMI QUE. 9|

&c. 8c par conséquent ce n'eft point un diiïblvant univerfel.

Il e(t à préfcnt facile de con- cevoir que l'eau doit s'inlinuer fort aifément dans les pores des corps , tanc par fa lubricité , 8c la pefanreur , que par fa vertu diflblvante, & la nature ferme & inaltérable de fes élémens. Il n'eli donc pas étonnant qu'elle en augmente le poids 9 en mê- me tems qu'elle en dilate la maffe, C'eft pourquoi les fels , les fouf- fres, les matières terreftres , les parties foiides des animaux , les huiles 9 l'alcohoJ même,font rem- plis d'eau , qui s'unit avec ces corps d'une façoa prefque i-nfé- para-bte ï mais s'il vous faut des preuves plus fortes pour croire que les corps les plus péfans,&: les plus durs doivent la cohé- fion de leurs parties à l'eau feu- le > qui eil à leur égard \àx\q cote

9^ The or i e

& un ciment dont rien ne peut égaler la force, & qtfen liant enfemble les particules de cer- tains corps mois , elle en fait des corps durs , jettez les yeux fur la terre à potier , qui par le mélange de l'eau r8t par la coc- tion contraâe une dureté rem- blaie, à celle des pierres les plus folides v voyez la pouffiere qui vole dans les grands chemins ^ 8z qui incommode fi fort les voiageurs , elle ne peut for- mer un corps folide , tant que même aridité fubfifte : qu'il tombe enfuite de la- pluie pen^ dant quelque tems, la terre de- vient grafle ,. &■ comme une pâ- te liante, qu'on peut.enfukadur- cir extrêmement par le feu. Si vous voulez faire un bon ciment 9 il ne fuffit pas de jetter du fa* ble dans de la chaux , il faut en- core, les unir fortement par le

h t mi que; 9 y mélange de l'eau. Les ongles 5les cornes , lesdents , les os , doivent leur fermeté, à l'eau; &rien nele démontre mieux , que ce qui ar- rive , lorsqu'on jette dans Peaiii un os calcine à blancheur , fe encore entier. L'eau fe précipi- te alors* avec bruit & fiflementr dans tous les, intervalles de cet os , & lui rend; par la; cohéfiori; qu'elle procure à toutes les par- ties qui le compolent, le même: poids 6c la* même dureté qu'ils avoir auparavant» Gependantr Phuile, les' baumes ,Ja*coiopho- ne ,..la réfine 9 non plus que tous lès- corps- fôlides, dont la; furfa- ce efl enduite de quelque ma* tiere oléagineufé ,. ne fe marient point- avec Peau* D'où l'on com- prend fans peine que. les poif- ibns auraient été: bientôt diflbus ; parle feu] Elément qui km, efti deftiné ?j;fans ces écailles, onc-

9& T H E O R I K

tueufcs donc la nature a pris foin de les revêtir.

L'eau nourrie tous les corps -, Se à examiner cette merveille avec toutes les circanftances qui l'accompagnent , on s'imagine- roit à la première vue que ces corps ne peuvent être que de l'eau même -, cependant tout bien péfé , l'eau n'efl point la ma^ tiere des mixtes, elle en lie feu- lement les parties. Il eft vrai que il on place un oignon de fleurs à l'entrée d'une phioie pleine d'eau , dont l'embouchure foir a fiez large pour embrafferla ba- fe de cet oignon , & qura me- fure que l'eau diminue , on h répare , en y. jettam quelques goures d'eau nouvelle , l'oignon pouffera des racines, & produi- ra des feuilles , des fleurs , comme s'il étoit en pleine terre , Se ce- la au plus fort même de l'hyver- ,

pourvu

C H Y M I Q U E. 97

pourvu que ce foit dans une chambre clofe , & il ne gèle pas, ce qui revient à la fameufe expérience du faule de Vanhel- monr. Mais comme nous avons vu qu'il n'y a point d'eau qui ne foit mêlé de particules hétéro- gènes , il fuit que c'eft moins l'eau , à proprement parler , que le mélange qu'elle renferme , qui entre dans la compofition , & fait la nourriture & l'accroiffement detousles végétaux.

En effet , fi l'on veut pafler en revue les différentes efpeces d'eau , l'eau de pluie eft en quel- que forte la leflive de l'Atmof- phere ; elle contient tous les ato- mes des corps qui voltigent dans l'air , Se qui y font attirés tant par le feu du Soleil , que par le feu fou.terain , le feu des cuifines, des artifans, Se des Chymiftes. Cette eau eft donc différente 9

I

§§ Théorie félon la caufc qui l'a élevée , fé- lon le lieu d'où elle a été atti- rée , félon la faifon , lés météo- res 9 le tonnere , les vents , la fé- chereffe , l'humidité , la chaleur , le froid &c. L'eau de pluie dans un tems très-chaud fe corrompe facilement *, mais elle ne s'aigrit jamais. Les Navigateurs qui font fouvent forcés de boire de mau* vaife eau , pour la rendre bon* , doivent la faire bouillir , la laiffer quelque tems en repos, afin qu'elle fe purifie , & y ver* fer enfuite quelque goûte d'ef* prit acide 9 qui empêche effec- tivement Peau de devenir ver* mineufe , Se par conféquent eft un préfervatif fort utile , princi- palement fous l'Equateur , 8c en* tre les Tropiques.

Quoique l'eau de pluie foit remplie d'une infinité de petits >nimaiçtil-es qu'on y découvre $

C H Y M I Q U E. 95

la faveur de bons microfcopës , pour ne rien dire de fes autres corps étranges, c'efl: cependant la plus légère de toutes les eaux que nous connoifibns, excepté l'eau de neige. L'eau de fontaine ne vient que de la pluie ; fi donc elle eft plus pure , ce n'eft qu'au- tant qu'elle s'eft purifiée dans les entrailles de la terre. C'efl par conféquent de la diverfe fitua- tion des fontaines que dépend h différente légèreté de leurs eaux ? & comme elles partici- pent de la nature des corps qui le mêlent avec elles , delà vient <jue les unes font nuifibles , en- venimées , & les autres falutai- res & médicinales. Pour juger de la qualité des eaux quelles qu'elles foient ? il faut donc les examiner dans leurs fources mê- mes , 8c faire en même tems at- sentîoA à nature des foffiles

ïij

ioo Théorie qui y dominent.

Ce que je viens de dire des fontaines peut s'appliquer aux fleuves , Se aux rivières , qui ont la même origine , fans avoir la même vertu. La raifon de cela , c'eft que ces eaux qui font tou- jours expofées au grand air , re- çoivent les exhalaiions qui tom- bent principalement durant h nuit , les corps que le vent tranf- porte , tout ce que les poiffons , les animaux , les amphybies 9 les hommes y dépofent eft ce qui rend l'eau de rivière un peu plus péfante que l'eau de fontaine» Je ne parle point de l'eau des canaux ? des lacs , des étangs , 8c de toutes les eaux qui croupif- fent ; j'ai fait voir dans mes let- tres fur la ianté qu'il faut éviter jufqu'à leur voifmage.

En général l'eau fert de véhi- cules à tous nos alimens , c'eft

C U Y M I Q U E. 101

elle qui porte dans les plus petits vaiffeaux de notre corps les par- ties folides qui doivent réparer nos pertes, 8c c'eft ainfi qu'elle contribue à nourrir les hommes & les animaux , comme je l'ai dit des plantes , & comme on le voit avec plaifir dans la fta- tique des végétaux de M. Ha- ies; mais s'il eft vrai que les plan- tes doivent à l'eau leur éxiften- ce & leur accroiffemcnt , il ne Peft pas moins que les métaux mêmes ne parviendroient point à leur perfeâion fans fon fe- cours , comme on le voit dans les Œuvres du fameux Agricola. Sans elle la terre feroit ftérile , les couleurs , les odeurs, les goûts feroient autant de pîaifirs per- dus pour nous : elle aide la ver- tu de médicammens , PefFervef- cence , la fermentation , la pu- tréfaction , la précipitation , la

I iij

ïoa Théorie

diffolution , la fublimatior* , I? eonnoiffance des dégrés de char leur , tout s'apprend , fe fait , Se s'explique par le concours mer- veilleux des effets de l'eau. On diroit que la Phyfique 8c la Chy- mie lui doivent leur nahTanee 8c leurs progrès.

N'oublions pas un fait très-re- marquable, 8c qui n'eft pas fans fruit dans la pratique de la Mé- decine y c'efl: que Tenu eft d'au- tant plus adîve ou pénétrante , qu'elle eft divifée dans un plus grand nombre de molécules iubtiles. C'efl pourquoi Peau chaude ou tiède eft préférée à l'eau froide dans les fièvres r parce que d'ailleurs en buvant de l'eau froide dans un état brû- lant, ce feroit s'expofer au dan- gereux contrafte du froid & du chaud. Par la même raifon l'eau en vapeurs efl: plus dilTal vante,

C H Y M T É. IOJ

qu'en fubftance; mais principa- lement fi elle eft chargée de fels , ce qui n'eft aucunement contn> diâoire avec ce que nous avons dit , que Peau chaude ne petit paffer par paffe l'eau froide De toutes les propriétés de l'eau ci-devant expliquées , nous concluerons que l'eau çonfide? rée en elle même eft une efpec.ç de verre qui fe fond r loifqu'il éprouve une chaleu^ de 3} de* grés , & qui recouvre fa premier re dureté , lorfque la chaleur di- minue ? ou defcend au deffous de ce nombre de degrés; dure- té qui fait de l'eau r un corps éîaftique , fragile , tranfparent , dont on peut faire des lentilles pour des microfeopes , ou dont on peut fe fervir en place de verres brûlans. La glace eft donc l'état naturel de l'eau. Mais ce qu'il y a de plus étonnant en ap^

I iiij

104 Théorie parencc dans la métamorphofe de Peau en corps folide , c'eft que la glace eft plus légère , & oc- cupe plus d'eipace que le même volume d'eau , avant que d'être ainfi changé. Or quelle eft la rat- ion de ce Phénomène , qui pour être commun f n'eft pas moins fmgulier $ la voici , à peu près telle que M. Mariotte la donne. Plus la glace eft forte , plus l'air y eft comprimé ou condenfé 9 plus il eft condenfé , plus le frô- lement des parties d'air qui com- pofent les bulles , entr'elles , & contre la glace , eft confidérable 9 la chaleur eft l'effet du frote- inent , la raréfaûion eft celui de la chaleur , les bulles d'air em- prifonnées dans le fein de la gla- ce doivent donc fe raréfier. Voi- là ce qui leur donne tant de force 8c de reffort , qu'elles écar- tent 9 gonflent « tuméfient , & di*

C H Y M I Q U E. 10-jf

latent ainfi Peau glacée , bien plus que le froid ne l'avoit ref- ierré pour la convertir en gla- ce.

Enfin l'eau eft-elle convertible en terre? c'eft ce que nous ver- rons dans le chapitre fuivant ; mais en attendant , M. Quefnay me permettra de remarquer qu'il ne dit pas un feul mot fur l'eau qu'il n'ait copié dans Je même ouvrage dont je donne la doc- trine. Auffi un plaifant s'eft - il avifé de mettre au Frontifpifce du livre de ce Chirurgien 9 pour devife 9

■MutttâtQ lumine fut gens.

DE LA TERRE,

LEs Chimifles & les Philo- fophes ont donné le nom de terre , aux principes ^ o&

*o6 Théorie aux élémens, qui fervent debâZe aux corps compofés ? & qui les rendent très propres à faire les opérations de la nature &del'Art, Mars plus on examine le fens ? ou l'idée proprement attachée au mot Terre , plus on efl convaincu qu'il faut entendre par un corps minerai , fimple , dury fixe au feu , qui ne coule point au feu , & que Peau , l'alkohol y l'huile , Pair , ne peuvent d if- foudre.

. Qui peut refufer l'idée de corps à la Terre ? Elle efl étendue fuivant trois dimenfions , elle efl tout-à-fait impénétrable , 8c enfin efl cara£lérifée par des figu- res & un poids qui lui apartien- nent en propre. Il paroifîbit plus douteux fi l'on devoit mettre la Terre au rang des foflrles. Mais fi l'on fe rappelle ce qui a été die cy-devaat des trois règnes na~

C H Y M I Q U E. 107 turels , on conviendra qu'il n'y a point à balancer là-deflus. En effet la Terre fe trouve mêlée à prefque tous les minéraux con- nus , plus ou moins à la vérité 9 mais toujours en partie. S'il eft difficile de la démontrer dans les métaux , il eft aifé de la trou- ver dans les autres fofïiles ; elle s'y rencontre même en fi grande quantité , qu'il faut bien du tra- vail pour J'en féparer toute. Tel- le eft auffi fa péfanteur , qu'elle l'emporte fur l'eau , les huiles 9 Se les efprirs des plantes & des animaux , Se c'eft pour cette raifon qu'elle s'infmue par tout fi profondement dans les entrail- les delà Terre , elle fe trouve conftamment.

Je dis plus : La Terre pure ne paroit jamais mêlée d'aucun autre élément ; toutes chofesqui $ous apprennent que la Terre

toS Théorie mérite d'être placée dans la clafife des fofïiles. Mais fi la Terre eft une matière minérale , quelle eft fa (implicite ? Quel corps pa- roit plus fimple dans toute la na- ture , même parmi les métaux l D'ailleurs lorfqu on l'a bien fepa- réedes autres corps, alors , quoi- que fort tenue, elle paroit avoir aiTez de dureté & de confiftance *, & tant qu'elle ne fe dérobe point à nos fens , elle paroit fragile, car on la broyé aifément , & on la réduit par ce moyen en pou- dre extrêmement fubtile *, ce qui la diftingue fort des vrais mé- taux & des pierres précieufes. Mais rien ne la différencie mieux, que fa fixité dans le plus grand feu , qui ne peut l'altérer , ni la faire couler , fi elle eft feule.

L'eau de pluie diftillée avec foin , laiffe au fond unfédiment , qui ,mis à part , bien deffeché ,

C H Y M î Q.U E: I09

êc enfuite expoié au feu , pour être parfaitement brûlé , donne enfin des cendres qu'il fuffit de laver , jufqu'à exa&e Répara- tion de tout le fel qui y adhère, pour les convertir dans une terre fine & pure , qu'on appelle terre Vierge. Or d'où vient cette ma- tière ? De Pair même par lequel cette eau a pafie , & non d'au- cun changement que la diftila- tion ait procuré à cette eau. Car , comme nous l'avons vu ci- devant , l'air quoique tranquille, eft contenu dans un lieu fermé , & rempli d'unf prodigieufe quan- tité de poufliere , qui paroit fenfiblemenr , lorfqu'on regarde obliquement les rayons de lu* miere dans une Chambre obf- cure , ou lorfqu'on y étend quel- que drap noir *, car 1 étoffe eft bien-tôt couverte de la poudre de l'air , laquelle n'eft donc ea

sio Théorie grande partie , qu'une Terre très atténuée par une infinité decau- fes , & à force d'être agitée, de- venue propre à voltiger dans l'air, fur-tout quand il fait du vent. El- le fe mêle étroitement non-feu- Jement à l'eau de pluie , mais à la rofée , à la neige , à la grê- le, à la gelée &e. La terre , il eft vray , ioutient fans s'échaper êc fans aucune altération le feu le plus violent; mais cette immu- tabilité n'eft point une preuve contre cette origine. Car autre chofe eft pour les corps , d'être en repos dans un feu qui leur eft également appliqué de toutes parts , quoique très violent *, au-, tre chofe eft d'être emporté , par le mouvement inégal de l'air; fans vent, Qu'une poudre très fine foit dans un creufer , prefi- fée par le même feu de tous cô- tés 7 inférieurement 9 fupérieurc-

C H Y M I QUE. tir ment en enbas, par les côtés, dans le centre,n'eft-elle pas en quelque forte eroupiflame dans un fluide homogene,&:conféquemment en repos. Mais fi quelqu'un foufle au* dedans du creufet fur cette pou- dre , il l'en fera fortir. Les me* mes vens qui font marcher les nues , qui agitent , élèvent , pouffent les flots de la Mer > font voler dans l'Egypte Se dans la Lfbie , une fi grande quantité de fable 9 que toute F Armée de Cambyfe en fut couverte, Qui croiroit qu'une matière fi vola- tile , fut fixe au feu l Les plus fines lames d'or, ou d'autres mér eaux , fupportent long-tems fans nul changement, toute la puiffan- ce du creufer le plus ardent5tandis que le moindre vent ou foufle d'haleine , les emporte au loin, dans Pair,

&es corps tout-à-faîç terrefirés,

1 1-2> Théorie cane qu'ils font feuls , & non mê- Jés à d'autres , demeurent pref- que toujours fixes & immuables au feu,aulieu que (ce qu'il faut bien confiderer ) tel mélangé que ce foit 9 les rend fi mobiles , que le moindre feu les voiatilife. Rien n'eft plus fixe au feu , que- l'or pur. Mais fi on le mêle avec le ré- gule d'Antimoine^ qu'on le broyé long^tems , enfuite doucement avec de bon mercure fubiimé-j alors il aura tellement changé , qu'une médiocre chateur le tera s'exalter. La Terre pure, feule,fe- parée de tout autre principe , demeure inaltérable fur le plus grand feu. Qu'on mêle d'autre corps avec elle , on la voit le difperfer à l'infini. Les feux do- meltiques en font la preuve. En effet la fumée du Bois qu'on brû- le , s'élève au haut de la chemi- née 9 & y porte une fuie noire ,

laquelle

C ta Y M' l'Q U B. H'j

laquelle chimiquement exami- née donne une Terre abondan- te que l'huile 8c le fel mêlés avec elle ont fi fort exaltée. Mais qu'on expofe cette Terre pure 8c (im- pie au plus grand feu , on la trou- vera conflamment fixe.

Il efl donc maintenant facile de comprendre , comment on peut avoir la Terre la plus pure ; c'eft par la diftillation de Peau la plus pure. Cependant les fèces ainfi produites contiendront en elles-mêmes tout ce qui voloit dans l'air avec cette Terre , & ce qui en même tems n'étoit pas affez léger , pour pouvoir s'éle- ver au degré de chaleur , né- ceffaire pour diftiller l'eau.

Les Végétaux brûlés k un feu ouvert ^donnent des cendres blan- ches 5 fixes , tenues , que le moin- dre mouvement 9 refout en pou4- dres très fubtiles , volatiles , 8c que le vent jette au loin ça 8c là*

K

H4 Théorie

Parmi toutes les plantes connues T il n'y en a pas une feule x qui par l'uftion ne foumiffe ces cen- dres : qu'on les lave avec de l'eau de pluie très pure , on en tirera tout le fel mêlé avec elles , & comme le feu en avoit déjà au- paravant confumé toute l'huile &r le fel volatil , Peau ne le trou- vera enfin chargé que de la Terre feule. Or fi l'on mêle cette eau r qui n'eft plus aucunement falée avec de l'eau pure ,.. qu'on la re- mue fouvent T de ces deux eaux il en | efultera une liqueur trou- ble % qu'on- verfe cette liqueur dans un autre vafe très net , &c toujours de nouvelle eau pure £ur le Réfidu ; qu'on continue ainfi* jufqu a ce que toute la een* cire qui rend cette eau. trouble Soit parfaitement lavée & feparee de toutes parties pefantes r (com- me feble^gravier^petites pierres #

Chymique. 115 petits cailloux , parcelle de ver- re , Se autres corps folides ) qui ne peuvent fe délayer dans l'eau. Qu'on laifle enfuke toute cette eau trouble en repos dans un feu! vafe 9 jufqu'à ce que toutes les cendres viennent au fond. Qu'on verfeenfuite doucement l'eau qui fumage , fans toucher au fédi- rnent. Si cette féparation du fel adhérent à la Terre , a été bien faite , la Terre qui refle pourra être deffechée au feu , & on aura par ce moyen les vrais élemens terreftres tirés des plantes par la Chymie. Cette Terre n'a aucune odeur , ni aucun goût , fa cou- leur eft blanche , fa confiftance eft molie , 8c à peine fonore , quand elle vient à frapper d'au- tres corps y l'air , l'eau , le feu , l'alcohol , l'huile peuvent à peine la diffoudre.La preuve qu'elle eft

Kii

n6 Théorie fixe au feu, lorfqu'elle eft feule r c'eft qu'alors elle eft invitrifiable. Mêlée avec de l'eau, comme la fari- ne,on en peut faire une efpcce de pâte liante , & de cette pâte un vafe qui peut fupporter un feu très violent , qui ne fe vitrifie à aucun degré de nos feux ordinai- res , mais leur refifte parfaite- ment, & ne laifle échaper aucune métal fondu. Telle eft la terre dont les Orfèvres font les vafes qui leur fervent à examiner la na- ture des métaux , & à connoîrre la quantité d'or ou d'argent qui fe trouve mêlée avec les autres minéraux. Tous les corps étran- gers , fe diffipenc par Faction du feu dans ces creufets , mais For & l'argent fondus ne sécha- pent jamais , on les trouve ra- maffés en petits globes.

On tire auffi une Terre tout- à-fait femblable de cette partie

C H Y M ï Q U E. 117

des végétaux que le feu fait s'é- lever fous la forme de flammes , d'étincelles , de fumée , fuie, 8c il n'importe quel végétal on employé , récent , ou vieux , acre 9 ou doux , , il en refaite* le même effet ; car cette fumée qui monte au haut de la cheminée y forme une fuie qufil eft aifé de ramaffer ,. &: qui expofée à l'ac- tion d'un feu violent fume 9. prend feu f s'enflamme , & enfin fe re~ i^wi en cendres blanches , qui bten lavées 81 dégagées de route matière ialine, s'il enrefte?laiffe une terre dant toutes les pro- priétés font Ci femblables à la précédente , qu'on ne peut l'en éloigner par aucun ligne. D'où l'on voit combien la terre mêlée à d'autres corps volatils v p^ut- elle-même , à force d'être agitée par un feu violent , devenir vo- Mtiie f. s'élever ^ s'évaporer da&s

n8r Théorie Pair , &fe confondre avec lui ; & par coniequent cette fumée noire qui s 'élevé des végétaux qu'on brûle , n'eft en partie que leur terre devenue volatile , qui monte en forme de nuées. En- fin lorfqu'on diftiie de la fuie par une cornue de verre , fuivantles divers degrés de ku , &lesdifc ferens rems de la diftillation , on en tire du phlegme , des ef- prits , un fei volatil , un fel qui ne peut s'élever que par la puii- fance du plus grand feu, & diver- fes huiles : i! refte au fond un fé- diment noir qui , bïuîé" à un feu ouvert ? donne des cendres lef- quelles bien lavées & purifiées de toute matière faîine , donnent précifément la même terre qu'on avoir par les expériences précé- dentes. Un feu violent peut donc élever , & agiter la terre même avec Peau-,, l'huile , le fel ,&on

C H Y I I Q u !, ri^ voit qu'elle eft tout à fait de mê- me nature que celle quireftedans les cendres fixes des plantes après la combuftion. Ce qui r quoique fort furprcnant & incroyable à la première vue , eft cependant démontré vrai ,&: nous fait ccn~ noitre la nature de la terre. De- venue volatile par la combuftion,. tant dans la fuie , que dans la fumée qui la précède , féparée tant par la diftillation que par î'uftion de toutes les autres par- ties aqueufes y huileutes 9 fali- nes f en un mot feule & pure , el- le fera toujours auffi fixe , que celle qui fe trouve dans les cendres fixes après la combuftion du mê- me végétal. Par coaféquerr-t tant que la terre eft feule & bien fé- parée des autres Elerrperrs , elle: eft toujours fixe au feu ; mais lors- qu'elle fe trouve intimement mê- lée aux huiles &; aux fels ,. ce

no Théorie mélange la rend alors aifement volatile. Jugez maintenant com- bien l'air eit rempli de vraie ma- tière terreftre , fur-tour dans les lieux l'on brûle tous les jours des végétaux.

De plus qu'on rnette quelque plante que ce ioic , telle que la nature la donne , dans des cor- nues de verre bien nettes, qu'on les cxpofe à un feu prudemment ménagé , & peu-à-peu augmenté jufqu'au dernier degré *, qu'on reçoive dans le récipient tout ce qu'un tel feu poura y détermi- ner, on verra la plante ,. dont on fe fert , partagée en deux parties différentes ,. dont l'une élevée par la vertu du feu coule dans le ré- cipient , tandis que l'autre qui- demeure au fond de la cornue foutient toute la violence du feu fans s'élever y & demeure fous la? forme d'un charbon noir tresse,

comme

C H Y M I QUI ïaï

comme Vanhelmonc l'a écrie , êc cette vérité a été confirmée par l'expérience de Hook, Les Chymifles difent ordinairement que Peau , les elprits , les hui- les , les fels volatils montent 9 comme parties volatiles , fous une forme liquide dans le réci- pient; mais que la terre Se le fel fixe demeurent au fond avec un. peu d'huile fixe, Voyons ce qu'il y a de vrai en cela. La premiè- re partie qui efl volatile contient plufieurs principes , fçavpir Peau 9 les efprits , un fel acide , un fel alkali , différentes huiles 9 toutes choies 9 qui mêlées enftmble & bien unies, fourniffent une ma- tière prefque entièrement fem- blable à la fumée 9 Se à. la, fuie qui en efl: formée. La feule dif* férence qui fefait ici remarquer , ç*eft que quand ces chofes s'éle*

lia Théorie vent à un feu ouvert , elles s'é- lèvent en plus grande quantité, que quand la même matière eft agitée par le feu dans des vafes fermés. Ainfi la même quantité de la même matière végétale don- ne beaucoup moins de cendres à un feu ouvert , qu'autrement 9 & en effet il refte une plus gran- de quantité de charbons & de cendres dans le fond du vafe Pon diftille , par l'action du feu qu'on met deflbus. Mais fi Pon prend derechef toute la matiè- re qui a pafle dans le récipient , & qu'on la diftille une féconde fois , il reliera toujours au fond une matière abfolument feche , un charbon noir & fixe , que le plus grand feu ne pourra volati- lifer: il en fortira toujours à la vérité quelque fumée ; mais il ref- rera toujours un charbon donc la noirceur ne pourra qu'augmen-

Chymique 125 ter. Après avoir en vain tenté de diffiper & d'anéantir ce char- bon , tirez-le , vous le trouverez léger & fongueux > expofez-le à l'a£tion d'un feu ouvert , le grand air le fera s'enflammer, toure fa noirceur fe diffipera , & il ne reftera plus qu'une terre blanche , <jui bien lavée & purifiée de tou- te matière faline , donnera cette terre vierge dont nous avons par- lé. D'où il eft évident que cette terre monte avec l'eau , le fel , les efprits , l'huile , dans la diftil- lationmême des végétaux. Main- tenant qu'on prenne l'huile qui a été ainfi préparée , & qu'on la diftille de nouveau à un feu fuc~ ceffivement augmenté jufqu'au plus haut degré , on aura par ce moyen une huile plus pure, 8c beaucoup plus pénétrante que la première ; c'eft ainfi qu'à force de cohobations, on peut faire

Lij

124 Théorie' une huile auiïi fubrile que I'alco- hol*, mais à chaque diftillation , une grande partie de cette huile s'évapore , ainfi que cet efprit reâeur qui en fait l'odeur , & le goût , & d'ailleurs il refte toujours au fond du vafe un charbon noir qui ne peut jamais fe volatilifer, êc ne donne aucun fel ; fi on le brûle à un feu ouvert , il fe re- ioud en cendres blanches , 8z en une .affez grande quantité de terre , toujours de même nature , 8z cela fans feu *, car chaque dif- tillacion donnant de la terre , prefque toute l'huile fe convertit ainfi en terre pure & fimple , comme l'illuftre Boyle le dit dans fon traité de la mutabilité des principes.

Il eft donc certain que toutes les parties des végétaux donnent la même terre , ians que les lens y puiffent découvrir aucune dif*

C H Y M I Q Û E. I2J

féfence. On fçaic encore que toute cette terre , pourvu qu'elle foit abfolument pure , eft telle- ment fixe au feu , que fa plus grande violence n'y caufe pref* que aucun changement , tan- dis que mêlée à d'autres parties volatiles , elle fe volatilife el- le-même par l'a£tion du feu , tant ouvert que fermé. Nous voyons de plus que les plantes n'ont au- cune partie volatile quifaffeéva- porer plus de terre & plus faci- lement que l'huile. Mais parmi les diverfes efpeces d'huiles qu'on tire naturellement ou par l'art des végétaux, il n'en eft point qui élevé avec foi plus de terre dans la diftillation , que cette dernière huile épaiffe , comme la poix , que la plus grande activi- té du feu peut enfin feule arra- cher. C'eft donc le mélange des parties cerreftres qui rend leshui-

Liij

12.6 Th eorib les plus péfantes & plus tenaces;. & ce qui confirme cette vérité 9 c'eft que la terre en étant ôtée par la diftillation , ces huiles de- viennent auffi-tôt très-fines , lé- gères , & volatiles.

Mais pour mieux connoître la merveilleufe origine de la terre pure , confidérons attentivement cette féconde partie des cendres que donnent les végétaux brû- lés , je veux dire ce fel Alkali fixe qui a été détaché de la terre en la lavant. Qui croiroit qu'il contient de la terre > Car lorf- qu'il fe fond dans l'eau , & paffe fous la forme d'une leflive pure par des filtres très-épais , il laifle fa terre indiffoute. Mais qu'on laiffe long-tems cette leflive en repos afin que fon fédiment fe précipite , alors elle fera claire & limpide , comme de l'eau ; on la filtre & refiltre , alors elle

CH YMIQUE.' 127

fera fi pure , qu'à la faveur des plus excellens microfcopes , on n'y pourra entrevoir aucune ap- parence de matière terreftre , & ii on la conferve plufieurs années dans un vafe parfaitement fer- mé, elle ne dépofera aucune ter- re. Qu'on mette cette liqueur fi pure dans unvafenet,dans un lieu tranquille Se non poudreux , qu'on lui donne fur le feu la con- fiftance d'une huile épaiffe, qu'on mette enfuite cette liqueur dans un vafe de fer , pour la changer en fel fec ? en la remuant douce- ment avec la fpatule , on aura un fel alkali fixe très-pur ; qu'on en- ferme ce fel dans un bon creu- fet bien couvert , & expofé au plus violent feu , jufqu'à ce qu'il vienne en fufion ; qu'on le verfe enfuite dans un mortier de cui- vre chaud , & qu'à force de le remuer avec une fpatule chaude,

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saS - Théorie on le reduife en poudre alkali- ne 9 fixe , faline \ qu'on l'expofe auffi-tôc à l'air dans un large ver- re , en un endroit il n'y aie poinr de poufliere , tout le fel fe fondra fur le champ , Se de- viendra très-fluide ; au fond il fe trouvera une poudre blanche terreftre 9 qui bien lavée & fépa- rée de tout fel adhérent , n'eft qu'une terre pure , femblable à celle que les cendres avoient don- née auparavant. Qu'on feche une féconde fois cette huile par dé- faillance , après l'avoir calciné , qu'on l'expofe à Pair , & qu'on l'y laiffe fondre , on aura encore une huile par défaillance , & tou- jours de la terre pour réiîdu , 8c fi , malgré l'ennui qui accompa- gne ces opérations y on veut bien les répéter , la plus grande par- tie du fel alkali fe convertira en- fin en terre pure & (impie. Cet^

CHYMIQUë !1£

te terre avoit été unie par la com* buftion à l'autre principe , & cet- te union formoit le fei alkali * niais le principe falin s'en étant féparé par toutes les calcinations & folutions , ia terre eft reftée feule. Si cependant on ramaffe éxaâement toute cette terre 9 qu'on "la pefe enfuite , elle pefe- ra bien moins que le fel ne pe- foit auparavant ; d'où il fuit qu'- une grande partie du fel eft de- venue volatile & s'eft évaporée. Si on refléchit fur cette expérien- ce qui réuffit toujours de la même manière , on doit conclure que cette terre éxiftoit auparavant dans le fel alkali fixe , duquel on l'a tiré : mais qu'elle y étoit cachée, qu'elle s'eft laiffée tout-à- fait diffoudre dans l'eau 5 ce qui répugne autrement à la nature de la terre. On voit en même tems que la terre la plus pure unie à

130 Theor i b un autre principe fe diflbud ai- fément dans l'eau , & non , quand elle eft feule ? à moins qu'on n'i- maginât peut-être que le fel mê- me qui n'étoit point terreftre au- paravant , à force de calcina- tions & de folutions a été chan- gé & vraiment transformé de non terre en terre ; mais cette opinion ne paroît fondée ni fur la raifon , ni fur l'expérience ; elle répugne au contraire aux loix de la nature , qui dans les mê- mes chofes , agit toujours d'une façon uniforme ; en effet aucun Elément n'a jamais paffé pour prévaloir fur l'autre ; mais ils ob- fervent toujours la même propor- tion entr'eux.

Quant à la première opinion , qui eft que la terre unie à d'au- tres principes falins devient pro- pre à fe fondre dans l'eau en une liqueur qui ne 'paroît aucune-

Chymique. 131 mène terreftre , c'eft ce que la Chymie nous enfeigne par tour. Dans le verre n'eft-ce pas la ter- re unie au fel alkali , qui for- me une concrétion tranfparenre 9 laquelle cependant, comme Van- helmont nous l'apprend , le re- foud de nouveau en alkali & en terre ? Tous les métaux unis cha- qu'un à l'acide particulier qui les diflbud ne paroiffent-ils pas dans l'eau fous la forme d'un fel tranfparent , & ne peut-on pas delà les retirer entiers , opaques 9 & fans aucun changement.

Que dirai- je de la craie, des pierres , des écailles , & de tant d'autres chofes qui par l'union d'un fel fe réfolvent en fels très- purs , quoiqu on puiffe les réfou- dre encore de diverfes manières en leurs liqueurs dilïbl vantes, & convertir enfuite ces liqueurs en terre. C'eft ce que la précipita-

ïji Théorie tion Ghymique montre à décou^ vert. Il eft donc Gonflant par les expériences rapportées i0.- que les iels alkalis fixes , ordinai- res , tirés des végétaux ? vien- nent en affez grande partie d'une vraie terre fimple élémentaire ^ qui entre dans leur formation. a0. Que cette terre eft telle- ment cachée , mêlée , diffoute dans ces fels , qu'elle ne s'y ma- nifefte par aucun (igné , Se la preuve en eft qu'elle fe réfout dans Peau , & à l'air humide, dans une liqueur très-claire <fe très-fimple. 50. Que cette terre des végétaux , ne peut être at- ténuée jufqu a ce point , que par le plus grand feu , lequel unit en même tems , au feu ouvert feul , cette terre très-attenuée y mais de la façon la plus intime , avec cet autre principe . iaun, alcali P afin que de ces deux pria*

C H Y M I Q U E. ï 3 J

cipes bien joints naiffe Pakali qui eft une vraie produdion du feu. En effet , un charbon de bois verd expofé au plus grand feu fermé pendant plufieurs heu- res, demeure toujours char:on noir, fans donner de fel alkalî fixe, au lieu qu'à un feu ouverc il fe pulvérife bien-tôt v& don- ne un fel fixe dans fes cendres; preuve certaine , que ce. fel n'e- xiftoit point auparavant dans les végétaux , & qu'il n'a été créé , que lorfque le feu a joint la terre à cette autre partie qui concourt à le former à l'air ou- vert , & non dans un vafe fermé : Et il eft encore très-évident que ce n;eft qu'à Pair ouvert , &: par la feule force du feu qu'efl pro- duit ce fel alkali fixe ; parce qu'effeâivement quelque végétal que ce foie , brûlé dans un vafe fermé ou à l'air ouvert jufqu'à

î}4 Théorie être converti en charbon très- noir , fans rien de plus , ne don- ne aucun fel alicali , lorfqu'on broyé ou pulvérife ce charbon noir , & qu'on le mec à cuire dans l'eau : mais fi ce charbon, ou la poudre dans laquelle on l'aura réduit , eft convertie à un feu ouvert en cendres blanches, ces cendres bouillies dans l'eau donneront un vrai fel alicali fixe. Donc c'eft la terre des végétaux très-atténuée par l'extrême acti- vité d'un feu ouvert , qui , unie intimement à une autre par- tie , l'huile étant confumée , pro- duit Talkali fixe ; Se le fel n'a certainement point d'autre ori- gine. 40. Donc les fels alkalis fixes ne font point des corps fimples, mais compofés de deux principes très-différens , intimement unis. 5°. Il eft encore très- probable que ç'eft la combuftion des vé-

Chymique ï 3 ç végétaux qui combine cette ter- re atténuée avec le fel naturel des plantes , qui exifte fous la forme d'un mélange favonneux fait d'huile & de fel ; mais qu'en- fuire elle confume la principale partie de l'huile , & qu'alors ce fel , cette terre , & l'huile de- venue noire & plus tenace , pren- nent la forme d'un charbon noir, dans lequel la partie faline eft tellement couverte fous cette huile & cette terre , que le fel de ce charbon ne paroît pas fo- luble dans l'eau , mais demeure à couvert de fon aftion , jufqu'à ce qu'un plus grand feu 8c plus long-tems appliqué ait confume l'huile qui lioit enfemble la terre & le fel. Alors enfin cette par- tie faline qui étoit auparavant volatile par elle même , paroît ik fixer , & s'unir avec cette der- nière terre fubtile , abfolument

136 Théorie délivrée de fon huile ; en forte que le fel même alkali fixe , à force d'être expofé à Faction d'un feu violent, devient enfin vola- til , & périt dans le feu , lui , qui mêlé en certaine portion à des cendres , ou à la terre , fe con- vertit en verre , qui refte très- long-tems affe-z fixe au feu. 6°. De-là il fuit qu'il n'y a dans les végétaux aucun fel fimple qui foit fixe par lui-même , mais qu'il doit toute fa fixité à cette terre avec laquelle le feu a formé ce fel. Car fi on laifle des végétaux fe deiïécher à l'air , & s'humec- ter tour-à-tour pendant un long efface de tems 9 ou fe putréfier tout-à-fait , on a beau les, brûler enfuite 3 "leurs- cendres ne con- tiennent aucun fel alkali fixe. 70. De-là encore ces feis akalis fixes créés , de la manière qu'on vient de dire , fe réfolvent , par l'arti- fice

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fice dont on a fait mention, il n'y a qu'un moment , dans les deux principes dont la vertu du feu n'avoit fait auparavant quïinieul corps , fçavoir dans un fel im- perceptible pur , fimple , volatil, &: dans une terre fixe , pure , très-fubtile; 8°. Par conféquent il efl plus vraifemblable que ces fels viennent ainfi de cette terre unie au fel , que de l'eau intime- ment mêlée à la terre ; car de quelque manière que la Chymie unifie l'eau à la terre pure , il n'a jamais paru en réfulter un fel al- kali fixe, malgré l'a&ion du feu le plus vif. 90. Ainfi cette terre eft toujours par tout en grande quantité , on en tire de l'eau , des efprits , du fel volatil j du fel fixe , & des huiles , en forte que tous ces corps une fois dégagés de leurs liens terreftres, font tel- lement atténués , deviennent fi

M

138 Théorie mobiles , 8c fi volatils, qu'on ne peut les appercevoir, & que ne pouvant plus être retenus dans un vafe , ils s'évaporent dans l'air > & retournent ainfi dans leur an- cien cahos.

Il n'y a que la terre , qui étant feule, ne s'évapore point ? tant elle eft folide : ce n'eft donc pas fans fondement que les plus anciens Chymiftes ont avancé que ce font les huiles ou le fou- fre qui empêchent les efprits de fe diffiper \ mais que la terre feu- le peut brifer le foufre & les fels^ & qu'ainfi la rerre feule eft vrai- ment fixe. Telle eft la nature de la terre qui fe trouve dans laclaf- fe des végétaux y qui en eft la bafe & l'élément immuable.

Examinons donc maintenant la nature de la terre que nous offre le régne animal. On a obfer- dans tous les rems que les ani-

C H YMt QUE, IJ9

maux de toute efpece, ceux qui volent dans l'air, qui nagent dans les eaux, qui habitent les entrailles dela-terre , expofésàun air tiède & humide , fe putréfient aufïi-tôt après la mort à une chaleur moins considérable qu'elle ne fe trouve dans un homme fain ; & tel eft ce changement , que leurs corps fe réfolvent en entier en une ma- tière putréfiée très fétide , qui fe répand de loin dans l'air , en forte qu'il n'en relie qu'une pe- tite partie ferme & folide. L'E- léphant, la Baleine, le Chameau, le Dromadaire, le Cheval, l'Hom- me , tous les corps fe confument bien-tôt tout-à-fait , il n'en relie que les os. L'eau , les efprits , les huiles , les fels , fe diffipent, & ne laiffent qu'un peu de ma- tière terreftre , tout-à-fait fem- blable à la terre vierge que don- nent la pluie Se les végétaux.

M ij

140 Théorie

Mais fans tant difcourir ? il n'y a qu'à jetcer les yeux fur les Cimetières publics des grandes Villes ; tous les cadavres qui y font enfevelis fe réfolvent en un peu de terre , qui élève à peine celle du lieu. Toutes les parties tant fluides que folides dont tous les animaux font formés fe vola- tilifent toutes ? leur feule terre refle fixe , 8c n'efl point empor- tée dans Pair avec les autres par- ties r elle paroît fous la forme d'os véritables r ou d'un peu de cendres qu'emporte le moindre fouffle.

Si nous examinons encore la terre que donne le régne animal,, nous en trouverons jufques dans leurs humeurs T c'ell-à-dife dans celles qui fe dépouillent de leur nature étrangère , Se fe conver- îiffent en celle de l'animal parti- culier dans lequel on les trouve

C H Y M I QUE. T4T

par les fondions naturelles du corps. Si donc on les expofe dans les vaifïeaux exactement joints & fermés à l'aâion du feu-, ils donneront d'abord à 212. dé* grés de chaleur une prodigieufe quantité d'eau ,. qu'on ne fe fe- roit point imaginé trouver dans ces humeurs. En continuant ce même degré de chaleur , l'eau qu'on tire paroît femhlable dans k plus grand nombre de fes qua- lités à celle qu'on tire des végé- taux.

On y découvre en eïet une odeur fubtile , fétide & défagréa- Me, Expofez le réfidu de ces hu«* m^urs à un feu plus violent , toute l'eau s'en évapore à la chaleur de l'eau bouillante", & alors il refte une maffe féche & en quelque forte un peu brûlée , d'où l'on tire une liqueur légère , jaune 9 moins volatile que cette première

142 Théorie eau , c'eft refpric de ces hu- meurs. Il eft fétide & même fi falé , qu'il entre en effervefcen- ce avec les acides.

Après avoir éxaâement ramaf- tout cet efprit , qu'on le diftil- le une féconde fois , on aura un fédiment qui , bien brûlé & bien lavé , donnera la même terre fixe, de forte qu'elle monte avec cette humeur , & peut en être tirée. Si enfuite on force enco- re le feu fur cette maffe d'hu- meurs dont cet efprit a été tiré au degré de feu néceffaire , on aura une affez grande quantité d'huile animale , qui étant dif- tillée une féconde fois laiffe au fond beaucoup de terre fixe,com- me on Ta dit , en parlant des hui- les diftillées des végétaux ; & fi l'on réitère encore la diftillation, ces mêmes huiles fe convertiffcnt auflî en terre , en forte que c'eft

Chymïque. 145 de la terre qu'elles empruntent pareillement leur épaifleur , leur ténacité Se leur fixité. Pour le fel volatil des animaux f qu'on en tire en partie avec leurs hui- les y Se qui fort feul enfuite, le premier qui fort contient tou- jours beaucoup d'huile 9 Se cette huile qui lui eft affez étroite- ment liée y le retient Se le fixe. En effet auflî-tat qu'on a éxaâe- ment iéparé toute l'huile de ion fel , il devient tout-à-fait volatil, Se en réitérant la diftillation y il ne laiffe rien de féculent ; mais fi on le fublime à un feu doux 9 il laiffe une eau douce dans le fond» Car quelque fec que ce fel paroiffe^l'eau y adhère tellement qu'elle fe manifefie toujours au fond du vafe à une douce fubli- mation ; Se il n^eft aucun moyen de féparer toute l'eâu de ce fel °9 ainfi toute la fixité qu'on trouve

144 Théorie toujours dans les fels naturels des animaux , ne vient uniquement: que de l'huile ; 8c cette huile ne doit elle-même fa fixité qu'à la terre qui y adhère , c'eft donc cette même terre qui enchaîne le fel des animaux , lequelautre- nient deviendroit volatil. Après les premières huiles , il fort à force de feu une huile noire 7 épaiffe 8c tenace comme la poix, venteufe , qui, à force de fe gon- fler, remplit tout le col delà cor- nue , 8c coule ainfi dans le réci- pient fous la forme de poix tu* méfiée , 8c eft plus pefante que toute la liqueur que ce végétal avoit auparavant donnée par la diftillation. Qu'on diflille de nou- veau cette dernière huile , il réi- téra dans la cornue beaucoup de terre , quelque feu qu'on faiTe» Ces deux principes font donc tellement liés , qu'on peut dire

que

Chtmique, 145 que cette huile n'eft en grande partie qu'une terre pure. On fçaic de-là que le feu agiffant fur les huiles mêlées à la terre , rend en quelque force la terre même volatile ; & puifque ces huiles ne peuvent s'évaporer qu'à la faveur du plus grand feu , il eft évident que toutes leurs propriétés dé* pendent principalement de la terre. C'eft d'elle en effet que vient leur fixité , leur ténacité, leur poids , tous attributs qu'on peut , pour arnfi dire , féparcr avec la terre. La terre eft donc mêlée inséparablement avec tou- tes les huiles animales , ce qui les empêche d'être volatiles \ car comme les huiles par leur mêlan* ge rendent la terre volatile au feu , de même au contraire la ter- re mêlée aux huiles, les empêche d'êrre toujours trop faciles à §#exaker au moindre feu , &

N

146 Theoriï comme l'huile retient & enchaî* ne les efprits , les plus mobiles, de même la terre fixe en quelque forte les huiles. Enfin fi on laiffe long-tems expofé au feu le plus ardent ce dernier fédiment , fixe , très-noir , qui refte au fond du vafe après Pentiere diffipation de l'huile , il en fort des fumées bleues , épaifles avec des cor- pufcules étincelans , qui reçus dans de Peau froide pure 5 fe condenfent , tombent fous l'eau par leur poids , s'y raffemblent en petites maiTes , 8c forment un phofphore qu'on peut appel- 1er folide 5 comme le premier , qui eft errant en forme de fumée, liquide. Ge corps expofé à l'air prend feu , fe confume fous la forme d'une flamme brillante , êc s'évapore en laiflant une odeur fétide. L'eau qui le contenoit eft ?rès-açid@ ? épaiiTe 9 parce qp'vU

C H Y M I Q U b: Ï47

ïe contient toujours quelques fé- culences terreftres. Ce merveil- leux corps appartient au régne des animaux ou des Végétaux: Eft-ce une produâion naturelle du feu , ou de toutes ces chofes enfemble ? Certes il efl: parfaite- ment ardent ; plufieurs années ne fuffifent pas pour le difîbu* dre dans Peau , à moins qu'on ne la chauffe m9 car alors il s'y fond comme la cire. Sa nature cft donc plus huileufe , que faline , ou terreftre *, car il ne contient au- cune terre , il ne reffemble ce- pendant à aucune huile , ni ma- tière huileufe connue jufqu'à préfent.

Qu'on examine en dernier lieu le réfidu des dernières fèces , on le trouvera encore noir : mais ff on le tire doucement de fon vait (eau , pour le brûler à un feu ou- vert « il devient blanc , tejrret*

Î4$ T H B O R I B

tre , çoniervant toujours fon an» ciennc forme. Cette hifloire de$ animaux & des végétaux faite à l'occafion de connoître la natu^ re de la terre prouve la grande affinité de ces deux differens corps 9 dont h nature s'accorde & paroît la même eflentiellement dans la plupart des çhofes. Il n'efl: donc pas étonnant que les ani- maux foient fouvent faits oq compofés de purs végétaux t moyennant deux acceflbirs né* ceffaires pour faire cette méta- rnorphofe , Peau & la faculté cocs trice des fibres animales \ c'eft jpn effet une vérité par tout fi confiante , qu'on peut dire que les corps des animaux ne font prefque que des végétaux chan? gés. S'il y a quelque différence à obferver , c'eft par rapport aux fels des deux genres ; car dans m grand nombre de végétaux %

C ri y m t ç> tf é. 149 les fcls qui leur font propres font acides 5 ou aufteres , dans la plupart , ceux qu'on prépare par le feu , font fixes. Or on a beau brûler quelque animal que ce foit , on n'en tirera point de fel fixe > alkaii , non plus que d'acide , ou d'acerbe $ de nos humeurs naturelles , non crues , mais bien conditionnées , quoi* qu'il y ait des plantes > comme le cochlearia , la moutarde , qui ont un fel femblable au Volatil âkalin des animaux. Pour la ter* re , ou les huiles, entant qu'elles font fort terreflres , c'eft ce mê- me mélange qui fait la principa- le diverfitéde la fixité du fel ani- mal ou végétal * d'où il fuit que la terre abonde moins dans les huiles Si les fels des animaux, & qu'elle y efl moins étroite- ment unie, que dans les végé- taux.

Niij

tjô T H B O R I «

Conterons maintenant la pu- tréfa£Uon des végétaux , & les changemens qu'elle y produit. La terre fe fépare des matières huileufes & falines ; c'efl pour- quoi les plantes qui , avant la putréfa£tion donnoient par l'uf- tion beaucoup de fel fixe alKali; n'en donnent plus aucunement après , mais fourniflent tout leur fel volatil , comme les animaux. Rien ne fépare donc mieux la terre élémentaire , que la putré- faction , qui fépare , divife les Elémens les uns des autres, dé- truit l'ancienne forme , & rend prefque tous femblables les elé- mens des animaux Se des végé- taux. Cette même putréfa£tion rend donc les corps des animaux Se des végétaux très -propres à fournir tant dans l'air , que dans l'eau & la terre , une nouvelle matière capable de nourrir de

CHYMJQVi ÎÇi

nouveaux végétaux , & par eux, d'autres animaux. Toutes les, ma- tières putréfiées font donc très- propres à féconder la terre; Se par conféquent tous les animaux qui ont été , font, ou feront , donneront toujours parla putré- fadion de nouveaux principes qui , fuivant les loix de la natu- re, pourront donner une nou- velle fécondité à la terre qui les a produits.

Ne croyez pas que la fermen- tation faffe le même effet que la putréfaâion. Elle. a beau mettre en mouvement les végétaux , les élemens terreftres ne fe déta- chent pas pour cela des fels Se des huiles , & par conféquent les végétaux ne deviennent point fi femblables aux animaux. Il n'y a que l'acidité des fels qui l'égui- fe , mais au refle elle ne touche point aux fels fixes produits par

N iiij

î y 2 Thïouë la combuftion , comme on le voit dans le tartre. Il eft vrai qu'elle convertit Une des huiles végéta- les en alcohol volatil -, mais elle ne peut ainfi changer tout l'hui- leux de la plante.

On doit maintenant connoître la nature de cette terre élémen- taire , qui concourt , comme un vrai principe, à compofer les animaux & les végétaux. Elle eft fi peu différente dans ces deux genres , qu'on diroit qu'elle eft parfaitement la même. Auflî fait- on d'aufli bonnes coupelles à i'u- fage des Orfèvres , de la cendre des végétaux , que de celle des animaux ; & pourvu que cette cendre foit une terre parfaite- ment pure, il n'importe qu'on fe ferve de poiffons , d'oifeaux , de quadrupèdes , de leurs os , de leurs ongles , de leurs chairs , de leurs humeurs. C'eft donc la ter-

C H * M t Q t t. tj)

te qui fait jouir a plante & l'a- nimai des mêmes avanïâges , qui leur donne une ftru&ure fiable & terme , eh lorte que c eft la baie des autres élemens , lefquels lui iont tous unis , Se lui doivent leur forme foiide ; car la terre étant ôtée , il ne refte plus qu'une maffe informe , ou tous les autres Elemens dégagés de leur chaîne, deviennent volatils, c'eft la ter- re qui non feulement retient , affocie, & arrange les autres prin- cipes , mais leur donne cette du- reté qui les rend capables de ré- fifter à l'air , à l'eau , au foleïl , & à certain degrés du feu même. Mais fi l'huiie & l'eau font liées par la terre , les Elemens terref- tres , ne peuvent faire corps fans eau ou fans huile , deux élemens qui à leur tour font le ciment de la terre.

Des animaux brûlés dans les

ÏJ4 Théorie flammes, jufqu'à une entière con* fomption , ne laiffent que des cendres blanches > qui ne font qu'une terre pure , iemblable à la précédente.

Il eft tems d'examiner la terre dans les folides. Prenons d'abord desfels naturels, comme le nitre, le fel gemme , celui des fontai- nes , ou de la mer i les plus purs qu'on pourra trouver. Après les avoir diffbus dans de l'eau très- pure j qu'on les laifle très-long- tems en digeftion ? on trouvera au fond du vafe une terre dépo- tée par les fels , & infolubîe dans l'eau. Qu'on faffc évaporer la li- queur jufqu'à pellicule , & qu'on la mette enfuite repofer dans Un lieu froid , on aura des crif- taux de fel. Séparez la liqueur qui refte fluide , 8c non changée en fel , faites - la encore évaporer jufqu'à pellicule , vous aurez en-

Ch ymiquë; iyç fuite de nouveaux criftaux , mais moins beaux. Enfin après la der- nière criftallifation , il refte une liqueur graffe , faline , qui don- ne un peu de terre, & qui après avoir été fort defféchée au feu , fe fond de nouveau promptement à l'air , Se eft d'une âcreté fore âpre. Et comme chaque opéra- tion donne un peu de terre il n'y a qu'à mettre à part tous les divers produits , on verra que les fels foflîles en donnent une quantité atTez confidérable. Enfin à force de criftallifation , Se de folution , tout le fel de- venu volatil & imperceptible , fe diflipe dans l'air , il n'en relie que la terre pure.

On trouve auffi de la terre dans les fels minéraux par la diftillation. Prenez les mêmes dont il a été ci-devant mention, réduifez-les en poudre féche ,

î ç<5 T H è o r î i mêlez-les avec le triple d'argiîé bien féche * de bol , de brique broyée , ou de terre pure , ex- pofcz-les au feu le plus vif , le tout fe fépare en une partie li- quide acide . volatile , corrofive, éc en une partie fixe , qui de-* meure au fond du vafé dans terre qui a été mêlée* Si par la coâion dans l'eau on fépare cette partie fixe de la terre , qu'on la filtre , qu'on la purifie, qu'on la criflalife , on en tire un fel allez femblable à celui qui avoir d'abord été employé pour cette diftillation , fi ce n'eft que mêlé avec le nitre , il s'al- kalife en quelque forte. Ce fel ainfî produit , criftallifé de nou- veau , diffous , épaiffi , donne encore beaucoup de terre fem- blable à celle qu'on avoit fépa- rée de ce premier fel. Quant à la liqueur acide, produit de ce

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fel par la diftillation , diftillée de rechef , elle laiffe au fond du vafe des fèces jaunçs qu'il fuffit 4e défécher pour y trouver de nouvelle terre. Âinfi ces fels acides ainfi préparés , exaête* ment dépouillés de toute leur terre , font fi volatils , fi enne- mis de toute fixité , & de tout repos , qu'ils s'éyaporçnt en fu- mée , & en fumée fi mobile 9 qu'on peut les retenir dans les vafes , elles s'enfuient aux moindres approches de l'air, comme on l'obferve dans Peau fortç , d^ns l'efprit de nitre , dans Tefprit de Tel de glauber 9 dans Pefprit de fel marin , pen- dant que fe fait la diftillation * car lp fel acide eft fi volatil , que fans Pimpulfion d'aucune çaufe externe 9 il s'évapore de |ui même en fumées blanches ou yquge§? H ne feroft donc pp

158 Théorie abfurdc de penfer que tous !es fels acides dont nous avons parlé , ne font point d'eux-mê- mes tranquilles dans notre air , niais qu'ils doivent leur repos ou leur fixité à la terre qui efl fixe , êc lie la volatilité naturel- le , laquelle par conféquent re- naît , dès que fes chaînes font brifées. Les fels (impies acides & akalis feraient donc toujours volatils , s'ils étoient parfaite- ment purs , c'eft leur mariage avec la terre qui les fixe.

Les matières fulphureufes tant liquides que folides contiennent fans doute, auffi des principes terreftres. Mais les métaux en contiennent-ils? Les Chymiftes croyoient autrefois que les mé- taux étoient compofés de vif-ar- gent feul , &d'un autre principe qui lui donnoit une fermeté conf- iante 3 &la facilité de céder fous

C H Y M I Q. U E. IJ9

Je marteau Se l'enclume *, que tels étoient les principes de l'or &de l'argent. Les Modernes faifant mention de l'analyfe 8c de la compofition des métaux , ne par- lent que de phlogiftique & de terre vitrifiable , qui , félon eux, fert à former les métaux. Mais , M. Bperhaave qui a beaucoup travaillé fur ces matières , n'eft point du même avis. A peine çonvient-il qu'il s'en trouve dans le mercure , regardant la poudre qui s'en fépare comme trop ri-? che en vertus médicinales , pour être une terre fimpie. Ufaut por- ter le même jugement de tou$ Jes autres métaux , tels que l'or , l'argent , &c. A quelque épreuve que notre Auteur les ait mis, il p'a jamais pu en tirer une vrgiç terre,

FIN*

TRAITE

D U

VERTIGE.

AVEC

LA DESCRIPTION D'UNE

Catalepfie Hjfierique & une Lettre k M. Aftruc , dans laquelle m répond à la Cri- tique qu'il a faite d'une Dijfertatim de i Auteur fur les Maladies Fénériemes*

0

A

MONSIEUR

HERM AN

BOERHAAVR

M

onsjevr;

zAprès queMonfîeurtîunauld meut appris UftruEture du corps de f Homme , je paffai en HoJIatù de ^uniquement pour voir çt) ] pour intendre celui qu'on regardoit k

Ôij

Paris comme l'oracle de la Méde- cine Moderne, Vous fîtes un ac- cueil gracieux au Di/ciple de vo- tre Illu(ire Ami y vous vous êtes toujours fait unplaifîr de rèjou- dre mes difficultés de bouche ou par écrit -y en un mot y MON- SIEVR>fîfaifait quelques pro- grès dans ce grand Art dont vous êtes le réformateur y cefiprinci- paiement a vous que je les dois j puifque ceft dans vosfçavantes Leçons & dans vos divins Ou- vrages que f ai puifé cette Théo- rie qui a répandu fur la Médeci- ne une clarté que deux mille ans di études {g) d'expériences na- voient pu lui procurer ; Théorie lumineufe , qui feule fuffîr oit a& moins expérimenté 0- le feroit

marcher apas/urs dans lapratL que $ tandis que fans elle le Pra- ticien le plus conjommè eJlpre/L que toujours réduit au tâtonne- ment & a la divination. Permet- tez donc , MONSIEVR , que ce petit Ouvrage jouife du droit quil a de paraître fous vos auf- pices , (êfr recevez ce témoignage publique de mafincére reconnoif- fancef$ de ma, profonde vénér ac- tion.

fai V honneur d'être ,

MONSIEVR,

Votre très-humble & uh^ ebéiffànc Serviceur, PE LA MeTTRIEo

AVERTISSEMENT.

CE Traité du Vertige riefi point une tra- duction de la Di(fertation Latine en forme de Lettre fur le mêmefujetquejefis imprimer Van pajje. Cefi un Ouvrage beau- coup pins étendu & plus à la portée non» feulement des jeunes Etudians en Médecine , mais des gens du monde qui ont quelque teinture de Phjfique. fy ai joint , 1°. La Defcription d'une Catalepfie Hjflerique , Maladie extraordinaire fur laquelle ilferoit à fouhaiter que quelque habile Médecin voû- tât bien nous communiquer fe s lumières \xQ * Une Lettre à Monfieur Afiruc , dans la- quelle •> fans m écarter du refpetl qui efl dh à cet illufire Auteur , je réponds a la Cri* tique quil a faite de ma Differtation fur les Maladies Vénériennes. On me pardon- nera fi je place ici un Ouvrage qui a fi jeu de rapport avec les deux autres *, je ri ai prit trouver autrement le moyen de me jujlfr. fier aux jeux du Public,

TRAITE

D U

VERTIGE.

Ë Vertige eft accompa- gné d'un fi grand nom- bre de phénomènes 8c de phénomènes fi diffé- rensr qu'il feroit impof- fible de les renfermer tous dans une fimple définition. Ainfi pour donner une idée plus claire de ce mal , il efl à propos de commen- cer par en décrire les fymptômes 9 & par en faire une hiiloire exacte & générale.

i68 TRAITÉ

CHAPITRE I.

Defcription des Symptômes du Vertige.

LEs corps externes qui font na- turellement en repos paroiffent fe mouvoir en rond , tomber de haut en bas , ou monter de bas en haut.

On croit tomber du Ciel fur la Terre ou dans la Mer , s'élever de- là )ufqu*aux nues, tourner comme un tourbillon dans Pair, & être en- fuite précipité avec tout l'Univers , dans les plus profonds abîmes. Je pafle ici fous ftlence une infinité d'autresûmaginations fauffes dont le détail feroit inutile.

Les uns voyent deux objets au lieu d'un , les autres des couleurs plus ou moins vives. Voilà les prin- cipales illufîons de la vue dans le Vertige ; voici celles de l'ouie.

On croit entendre tantôt des fif-

flemeiis

DU VERTIGE. 169

fiemens horribles , cels que ceux des ferpens, tantôt le bruit des flots de la mer , du vent qui enfle les voiles , delà pluye ou de la grêle qui tom- be , le murmure d'un ruiffeau , le fon d'une flûte, Parmonie d'un con- cert -, Se mille autres faux bruits.

Outre le dérangement delà vue & de l'ouie , les fondions (a) des autres fans ne font pas moins inter- rompues? l'odorat eft émouflé dans les uns , le goût ou le ta£t altéré dans les autres.

Les mufclesfe relâchent , les ge- noux &tous les membres tremblent à la fois \ la frayeur eft alors fi gran- de, qu'elle faifit le Guerrier le plus intrépide & le Philofophe le plus inébranlable ; le cœur ferefferre,Ies forces fe difïipent de plus en plus 5 on eft abatu , confterné&détruic en fi peu de tems , qu'un grand Chi- mifte (b) s'eft imaginé qu?il y avok

[ a ] Frofp. Alpin, de | [ b ] Joan. Eapt. HeU

Jbied.Mcsh.p. 5*7, j mpnt. de LitUia5,

P

m

i7o TRAITÉ un venin fingulier dans le Vertige, En même tems qu'on tombe , on a des maux de cœur , on vomit , on fe traîne à terre , on fe méconnoîc foi-même & les plus proches.

On voit les paupières s'élever à certains cris & le baifler auflî-tôt. Ce mouvement efl à peine fenfible qu'il s'évanouit. On eft auffi quel* quefois agité par des convulfions , & des ttanfports violensson refpire, avec une difficulté extrême, on fuë, on dort la bouche remplie d'écume, $c on fe réveille enfuite comme un homme fain qui auroir eu le fom- mçil le plus tranquille. Ces derniers fymptgmes appartiennent propre- ment à i'Epileplîe& à l'Apoplexie; mais comrne le Vertige dégénère Êrès-fouvent en ces Maladies , j'ai cru qu'il me feroit permis de les ran- ger s à l'exemple d'Aretée , (a) au nombre ciè eeux qui cara&érifenç plus fpççialeinçqt ce mal finguliçf ,

DU VERTIGE. 171

Voilà en peu de mots l'hiftoirc générale des principaux fymptômes du Vertige , Se fes métamorphofes les plus familières. Elle efl: fondée fur ma propre obfervation & fur la leâure des Auteurs anciens , & prin- cipalement de l'élégant Aretée qui a le mieux décrit les phénomènes qui manifeflent ce genre de mal. Effayons à préfent d'en rendre rai- fon luivant la Théorie Etiologique du fubtil Bellini. Cet Auteur efl: le feul qui nous ait donné une idée clai- re de la manière dont le Vertige fe fait.

CHAPITRE IL

Explication des Symptômes du> Vertige.

AVANT que d'expliquer les fymptômes du Vertige , il efl: I aéceffaire de pofer quelques princi-

î7l TRAIT É pcs d'Optique , pour répandre plus de clarté fur tout cet Ouvrage. Il n'y a que les rayons qui paflTenc par la pupille qui fervent à la vifion ; mais comme il fe croifent ou fe rompent dans ce paflage étroit , ceux qui viennent d'enhaut Se du côté gauche , vont fe réunir en bas êz au côté -droit ; ceux qui viennent d'en bas &' du côté droit vont de même s unir en haut & au côté gau- che. Ainfi'la partie fupérieure d'un objet doit fe peindre dans le bas, l'inférieure dans le haut \ le côté gauche au côté droit , & le droit au gauche de la rétine. Par confé- quent les objets font renvêrfés au fond de l'œil -, comme la célèbre expérience de Defcartes le prouve fenfiblernent. Cependant les objets ne nous paroiffent point renverléss quoique leur image le ioit tffec- tf$èrw§8| au fond de l'œil. Nous rapportons les parties des objets le* loa la même ligne par laquelle nous

DU VERTIGE. ï7) avons reçu leurs rayons. C'cft pour1 quoi nous -attribuons au haut l'im- preflion faite au bas, au côté droit celle qui Te fait au côté gauche & njïcc verfâ. Oeil ainli qu'un Aveu- gle qui tient à Ta main droite un bâton [ tâtonne les objets qui font à gauche , & les rapporte de ce cô- té - par l'imprcfTion qu'ils font dans. la main droite par le moyen du baron.

Si la peinture ou l'image de l'ob- jet s'avance du côté droit, l'objet doit donc paroïtre fc mouvoir à gauche ; fi elle pafTe à gauche , il pafTe à droite ; fi elle monte il def- cend , ou s'élève \ fi elle le baille; en un mot l'objet femble jouer avec fon image & l'image avec fon ob- jet. Or, comme tous ces change- rhens ne font fenfibles au-dehors, qu'autant qu'ils le font au-dedans de l'œil , on ne doit anpcrccvoir le mouvement des corps ? qu'autant •qu'ils fe peignent fur la rétine .dans

Pu]

ï74 TRAITÉ

un foyer différent de celui dans le- quel ils étoienc repréfentés un mo- ment avant que d'être mus. Ainfi tant qu'ils continuent de fe mou- voir , leur image fe promené fur la rétine, & change fans ceffe de pla- ce. Par conféquent l'objet ne doit paroître tranquille , que lorfque fon image l'eft elle-même abfolument : car fi elle fe dérange ou change de lieu , par exemple , en ligne droite, on dira avec raifon que l'objet fuit cette même détermination \ Ci elle s'en écarte , il s'en écarte auffi , il l'imite & fuit toujours les lignes qu'il trace fur la rétine.

Puifqu'on juge toujours du mou- vement des corps par celui de leur image , pour qu'un corps paroiffefe mouvoir ? il n'efl pas néceflaire qu'il fe meuve réellement, ilfuffitquefon image feule foit mue pendant qu'il eft en repos ; d'où il fuit que le mou- vement apparent d'un objet tranquil- le dépend du feul mouvement de fon

DU VERTIGE. i?5

image. Or l'œil n'a qu'à le mouvoir» de façon qu'il foit détourné de fa po" firion naturelle, il efl évident que la peinture de l'objet en repos fera dé- rangée par ce feul mouvement. Un corps tranquille doit donc paroître fe mouvoir , toutes les fois que l'œil eft dérangé. Ainfi fi l'œil fe meut de droite à gauche , les rayons qui fe plioient du côré gauche revenant plus à droite doivent peindre l'objet de ce dernier côté.

Ce dérangement de l'œil donne non -feulement la raifon du mouve- ment apparent des corps tranquilles, mais de leur multiplication. Quand on prefle un des yeux avec le doigt , pour peu qu'il s'écarte de fa pofmon dans l'Orbite,on voit deux objets au lieu d'un -, l'un des deux fuit l'état de l'œil qu'on prefle ? & paroît plus ou moins élevé , félon que cet œil l'eft lui-même plus ou moins. Mais lors- qu'on celte de le comprimer , les fauffes apparences fe diflipen$ à nie*

P ïiij

i75 T RAITÉ f ure qu'on lui rend fa première fitua» tion ; on voit l'objet chimérique fc perdre ou fc confondre dans le vé- ritable , que l'autre œil qui eft tran- quille distingue toujours fort bien. C'eft un petit jeu d'Optique , auquel tout le monde peut prendre plaifir , ou en laiffant ouvert l'œil qui n'eft point dérangé , tandis qu'en même tems on prefïe l'autre avec le doigt , comme je l'ai dit, ou en fermant l'œil qui n'eft point dérangé : ce qui prou- ve que quand l'axe de la vûërçgarde deux points différens, on voit dou- ble , c'eft à-dire, on voit le même objet en deux endroits. Au contrai- re quand cet axe eft dans fon état naturel, on ne voit qu'un objet, quoi- qu'on ait deux yeux, foit que ces deux images aillent fe peindre dans l'endroit les nerfs optiques s'unif- fent avant que de paffer par les trous ronds , foit qu'on rapporte à la mê- me place les deux images peintes fur la rétine.

DU VERTIGE. 177

J'ai fait voir ci-devant qu'un corps en repos doit paroître le mouvoir, pour peu que l'œil foit écarté de fa pofition , parce que ce dérangement entraîne néceffai renient celui de la rétine, & que conféquemment l'i- magechange de place fur cette tuni- que médullaire. Je fuis donc en droit de conclure que toutes les fois que la rétine fera dérangée parquelque caufe que ce foit , on fera pris d'un Vertige?puifque tout le monde s'ac- corde à dire qtse ce genre de mal confifte proprement en ce que les corps qui font naturellement tran- quilles paroiffent mus ou agités. Ne perdons pas de vue ce principe , il n'en eft point de plus lumineux ni de plus fertile en conféquence.

Tous les Anatomiftes convien- nent que la rétine n'efi autre cho- fe que i'exparifion de la moelle du nerf optique. Ainfi toutes les fois que ce nerf fera dérangé, la rétine le fera auffi néceffairement, Se par

178 / TRAITÉ

conféqucnt on aura le Vertige.

Pour comprendre plus clairement cette vérité , confidérons avec Bel- lini (a) les fibres optiques comme pîufieurs lignes à égale diftance les unes desautres qui le terminent tou- jours à la convexitéde la rétine. Cela pofé , lorfqu'un rayon vifuel vient japper une de ces lignes , il forme avec elle un certain angle quele dé- rangement de cette ligne détruit ou change fur le champ. Je fuppofe qu'un autre rayon vifuel forme avec cette même ligne , avant qu'elle fe foitécarféedes autres lignes ,unan* g'e égala celui que fon dérangement a produit, il eu évident que ce fé- cond rayon ne tombe pas furie pre- mier , & par conséquent part d'un au- tre point de l'objet. Il eft indifférent, félon ce que nous avons dit ci-de- vant, que l'objet foit mû, tandis que le nerf optique eft en repos, ou que ce nerffoit en mouvement, pendant

[* ].Belli«i?pag, J7<?. 5?7«

DU VERTIGE. 179

que l'objet eft tranquille. Donc com- me le fécond rayon qui frappe la li- gn e ou la fibre qui eft fuppoféeà égale diftancedes autres fibres, repréfente néceiTairement l'objet à caufe du fcul changement d'angle , le pre- mier rayon doit auffr faire voir l'ob- jet en mouvement , parce que la fi- bre dérangée, ou qui n'eft plus éga- lement éloignée des autres fibres , change néceiTairement l'angle que ce même premier rayon avoit d'a- bord formé avec elle.

On doit inférer de ce raifonne- ment que les fibres optiques venant à fe déranger , les angles que les rayons de lumière avoient formés avec elles fe changent néceffaire- ment , & comme l'image de l'objet eft aufïî dérangée par-là , il fuit que le Vertige, ou ce qui revient au mê- me , le mouvement apparent d'un corps tranquille dépend du plus pe- tit dérangement des fibres de la ré- tine ou du nerf optique.

*8o TRAITE

Mais d'où viennent ces divers changements d'angles^De la diverfité des vibrations de ces mêmes fibres , qui vient delà diftribution inégale du fuc nerveux , laquelle inégalité du cours desefprits peut venir d'une infinité de caufes différentes.

Pour avoir une idéeclaire de ces vibrations i il faut faire attention à une chofe que tout le monde fçait , qui eft que fi on éloigne de l'œil un corps qu'on vient de voir, de forte1 qu'il ne puifle plus fe peindre fur la rétine , on voit , les yeux ouverts ou fermés , comme s'il ésoit encore préfcnt.La raifon décela, c'eftque les rayons de lumierevenânt à tom- ber fur la rétine , y excitent des on- dulations qui fe propagent le long des nerfs optiques jui'ques dans le Senforium commune. On doit donc Continuer de voir un objet abfent )ufqu'àce queîa rétine ne t rémoufle plus , ou que les vibrations de fes fi* bresneceflent \ mais lorfque l'objet

DU VERTIGE. 181

ayant di {'paru depuis un certain tems, cette tunique jouit d'un repos abiolu Sz parfait, il faut en quelque forte rç- veiiler ion image pour le voir; c'eft ce que fait l'imagination en faifan.t couler unecertaine quantité d'efprits dans les fibres optiques, & en créant fucceffivement par ce moyen les mêmes ondes que l'objet avoitfak naître par fa préfence ; ainfi pour qu'un corps.- tranquille paroiffe fe mouvoir , il n'y a qu'à fe repréfen- ter les mêmes mouvemens ou à peu près femblables à ceux qu'on a vu \ Se il n'importe que ce corps foit prêtent ou abient,que les yeux foienc fermés ou ouverts ? c'eftpar les effets de l'imagination que ce corps doiç paroître agité d'une façon aufli évi- dente que s'il J'écoit réellement ou À parte /?', comme parlent les Phi- lofophesde l'Ecole, Voilà les diffé- rentes caufes immédiates du Vertige, i °, Il efl aifé de concevoir à pré- fent pourquoi les corps qui font na*

i8z TRAITE

turellemcnt en repos paroiffent fe mouvoir en rond dans le Vertige: ç'eft que leur image eft mue circu- lairement fur la rétine. Si elle monte de bas en haut, l'objet paroîtra tom- ber de haut en bas , fi au contraire elle defeend , il paroîtra s'élever,&c, comme je l'ai expliqué ci devant.

2°. L'imagination ne fe borne pas àreprçfenterdescorps qui font tran- quilles5agités en mille fens differens, elle peut auffi nous repréfenter nous- mêmes à nous-mêmes montans au Cieljtournans comme un tourbillon dans TAtmofphereau moindre vent, précipités dans de profonds abîmes comme il arrive dans les rêves. La caufe immédiate des fonges terribles aufquels on eft fu jet dans le Vertige , efl: donc l'imagination ; & l'on peut dire en général que ce mal n'efl qu'une imagination fauffe, reconnue pour telle par Wfk) jugement. En

[ a 3 Sennçrr. Inft, Med . Lïb, ^ Part, h Se#» x. Cap,

DU VERTIGE. 185

effet la réflexion ne tarde pas à diiTi- per , je ne dis pas ces illufions , mais les vaines frayeurs qu'elles ont pu produire. Ce qui diftingue le Verti- ge'du délire & des autres maladies du cerveau , dans lefquelles la rai- fon même efl livrée aux erreurs de rimagination,parce qu'alors les mê- mes idées que la préfence de tel ob- jet ayoit fait naître fe réveillent avec force & vivacité , par le moyen des efprits qui le frayent les mêmes tra- ces, & produifent par-là, la même difpofition méchaniquedans le cer- veau , de forte que l'ame voit clai* rement l'image de çemêrne objet , & quoiqu'il foit abfenr, on efl: for* tement convaincu qu'il eft préfenc 9 que rien n?en peutdiffuader. D'où il iuit que Duret (a) établit avec raifon le fiége du Vertige dans la partie fantaftique du cerveau , ç'eft-à-dîre 9 celle qui imagine ce qu'on ne voie point, ou qui repréfente à l'efprit ¥fe

i«4 TRAITÉ

mage des corps abfcns. En effet, il eft certain qu'elle eft toujours affrétée, du moins en dernier lieu, & qu'il n'y auroit point de Vertige , fi elle ne I'etoit pas.

3°. Pourquoi voit-on deux objets au lieu d'un ? Parce que l'axe de la vifion fe tournant vers deux points différens , le même objet fe peint en deux endroits différens de la rétine. Ce qui arrive toutes les fois qu'il n'y a qu'un œil intérieurement compri- mé, car alors on doit être fujetàla même illufion que fi on le déran- geoit avec Je doigt ; or comme les humeurs des deux yeux ne font pas toujours également raréfiées, les vaii- feaux d'un çeil fe gonflent quelque- fois plus que ceux de l'autre , & par coniéquent la rétine étant inégale- ment agitée , l'axe de la vue peut fe déranger ; mais fi la fituation des deux yeux eft dérangée, on doit par îa mêmeraifon voir deux objets mus au lieu d'un qui jpft en repos. Voilà

la

DU VERTIGE. i8y

la caufe de la multiplication des ob- jets dans le Vertige , elle eft tou- jours proportionelle aux foyers dans lefquels les rayons vifuels vonc fe réunir.

On peut rendre raifon de la va- riété admirable des couleurs qui pa- roiflent dans le vertige, &donr"Bel- lini ne fait aucune mention. En effet, quoique la vue dépende de Pimpref- fion des rayons de lumière fur la ré- tine, onfçait qu'elle peut fe faire, & fe faitfariseuXjtouteslesfoisque les fibres de cette tunique reçoivent par quelque caufe que ce foit des ondulations femblables à celles que ces mêmes rayons produiroient. C'eft , à mon avis , le plus ou le moins de promptitude (a) dans ces vibrations , ou dans les fecôuffes des efprits, qui fait voir les différentes couleurs, le blanc, le jaune, le rou-

(œ) Mem.de l'Acap» / branche. R. des Sciences iiçy. Newton. Opt, Tcra.

Reflex fur la Lu m. & 2* Livïe 3

les Coul, parlée, MaU

Q

186 TRAITÉ

ge , le bleu , & plufieurs autres nuan- ces qui refultent du mélange des couleurs primitives , & font quelque- fois fi bien variées , qu'elles repré- fententl'Arc-en-Ciel , comme Are- tée (*)l'a remarqué dans l'Epilep- fie , qui ne diffère du Vertige que du plus au moins. On peut par-là ren- dre raifon des lueurs plus ou moins vives, quiparoiffentàforcedetouf- fer ou de vomir, lorfqu'on reçoit un coup fur l'œil , ou qu'on le preffe avec le doigt dans l'obscurité, dans l'affeâion Hyflerique & Hy ppoeon- driaque, à ceux qui tombent en foi- blefle , aux pendus avant que de mourir, félon le fait atteflé par le Chancelier Bacon (b) dans Ion Hifi toire U vie & de la mort , & enfin aux peftiferés qui un moment avant que d'être pris du Vertige , voyent quelquefois d'auffi belles couleurs dans tous les objets qu'à travers un

( a ) Arcfaeus.Cappad. / Iam. Hift- Vît. & Mort. J3g. ï. zs I Araft, 173* Vol. J.pag.

i*)F. Basode Vw*« ' 171

DU VERTIGE 187 Prifme, comme l'illuftre Boyle (a) nous l'apprend. Ce qui prouve qu'il n'eft pas neceffaire d'avoir le Ver- tige pour donner lieu à ces appari- tions , qui font toujours d'autant plus confiderables , qu'on eft plus dange- reusement affe£ié.

Les illufions de l'oiiie ne font pas fi difficiles à expliquer que celles de la vue. Les petics rameaux que les carotides fourniflent au dedans de l'oreille étant gonflées par la plé- thore ou par lararefa&ion du fang9 agiflent fur cet organe , comme nous dirons dans la fuite que ceux de l'Uvée & de la Choroïde agiflent: fur la rétine pendant l'yvreffe. Atnfi la portion molle du nerf auditif qui fe répand dans le labyrinthe eft pref- fée , les petics mufcles d'Euftachi , de Caflerius & de Duverney fe con~ îra&ent inégalement , les pecits offe- lets, leurs membranes, les canaux demi-circulaires fe forme le fon,

(a) B», Boyle j Tom9 h 4c Co'ssîfrus . plg. £„7?$<,

188 TRAITÉ

enfin tout l'organe de l'oiiic s'ébranle ou fe dérange par la pulfation trop vive des artères. Or on entend des fons plus ou moins graves ou aigus , félon que l'ébranlement de la lame fpirale , & des canaux demi-circu- laires eft plus ou moins lâche , ferré , ou tendu, ou félon ladiverfité des vibrations que cet organe immédiat reçoit de l'aâion desfolides, fans le fecours de l'air externe s & il n'im- porte que cet ébranlement fe faffe du côté du cerveau ou de l'oreille, il en refulte toujours la même fenfa- tiori, comme on l'obferve dans la commotion du cerveau , le délire , la phrénefie , &c. on peut par-là ren- dre raifon des tintemens, desbour- donnemens, des fifflemens , des murmures , & des autres faux bruits qu'on entend dans le Vertige. Si ce fon interne eft femblable au bruit de la pluye ou de la grêle , on croira entendre tomber l'un ou l'autre de ces météores 9 s'il imite la déclama-

DU VERTIGE. i%9

tiond'unÀâeur tragique, on s'ima- ginera entendre une tragédie qu'on applaudira peut-être comme celui dont parle Horace, (a)

» Qui fe credebat miros audire » tragœdos

» in vacuo laetus fefïbr plaufor- » que theatro.

S'il produit la douce harmonie qui naît de l'accord de divers inftru- mens , on fera enchanté du plaifir d'être au concert , s'il imite l'ofcil- lation d'une pendule, on s'imagi- nera qu'on en a une attachée à !a tê- te , comme cette Dame de Picardie donc Monfieur Duvérney fait men- tion dans fon Traité (b) de l'Organe dei'oûie. Pour confirmer cette théo- rie , n'oublions pas un fait que ce célèbre Atanomifêe ajoute au même endroit, qui eft que le battement d'oreille de cette Dame s'accordoit toujours avec celui du cœur , ce

(a) Epîft. z. a4 Jul. I (*) p, \6&. 161,

JFlot. V. 130, I 9

i9o TRAITÉ

qui détruit le fylTerne de ceux qui atribuent ces faux bruits à des vents , des fumées ou à d'autres vapeurs qui agitent l'air implanté dans l'oreille. Pour ce qui regarde les maladies dans lefquelles le Vertige dégénère , je n'ai garde de me laiffer entraîner au penchant que j'auroisde les ex- pliquer; la digreffion qu'il me fau- droit faire pour fuivrecesmétamor- phofes , m'écarterok trop de mon lu jet

CHAPITRE III

Divijton du Vertige.

IL faut diflinguer à prefent les différentes efpeces du Vertige , pour éviter la confufion. i°. Il eft Jimple ou ténébreux : dans le pre- mier , les objets qui font tranquilles paroiffent feulement fe mouvoir en aifferens fens , mais dans le fécond

DU VERTIGE. 191

les efprits ne pouvant plus fe diftri- bucr dans Pœil , la vifion ne fe faic point. 20. II eft naturel , c'eit-à-dire produit , par une caufe externe na- turelle fans aucun dérangement de l'œconomie animale ; on non natu- rel , je yeux dire provenant decaufes tant externes qu'internes non natu- relles ou morbifiques. 50. Celui-ci fe divife en fympathrque qui vient de quelque dérangement des vifee- res, & en idiopathique qui vienc immédiatement d'un vice du cer- veau. 4e7. Enfin le Vertige doit être encore divife, en fymptomatique , qui n'eft que le fymptôme d'une maladie principale 9 Se en critique qui en annonce la fin bonne ou mauvaife.

Je n'entreprens point de traiter du Vertige critique. Un Volume fuffirok à peine , pour approfondir cette matière , pour décrire Se ex- pliquer les differens cas dans lefquels il rencontre y Se toutes les crifes

ip* TRAITÉ

qu'il annonce ; tantôt il faut s'atten- dre à une criie dangereufe, au dé- lire , à l'Apoplexie , &c. tantôt à une crife faiutaire, foit par l'hémorrha- gie ou le vomiffement : Si l'on voit , par exemple , dans plufieurs mala- diesaigiks, le Vertige paroîtreavec un tintement d'oreilles 9 une pefen- teur de tête infuportable , princi* paiement au haut du nez , tous les affiliants effraies défefperent de la vie du malade ; mais vous , Méde- cin , homme de jugement raffurez- les, 8t ne cragnezrien, lefangqui va couler des narines lui fauvera la vie. Rien n'étonna plus les Méde- cins de Rome que de voir un mala- de faigner copieufement du nez , comme Galien l'avoit prédit, feu- lement parce que ce malade s'étoic levé de peur d'être mordu d'un fef- pent de feu , qu'il croyoit voir dans ion lit. En effet rien ne fait plus d'honneur , principaîemet à un jeu- ne Médecin, que ces fortes de pé-

diâions.

DU VERTIGE. 199

dirions. Allez à la fource , lifez Hyppocrate, Arecée,Galien, Duret, Proipcr Alpin , &c. noms à jamais recommandables dans le grand Arc de la Médecine , vous verrez avec quelle exaâitude fcrupuleufe ils nous font distinguer les différentes çrifes que la nature prépare fous la forme du Vertige. Je fuis furpris que Rivière & plufieurs autres célèbres Praticiens modernes qui ont cent fois remarquer dans la pratique, combien il eft dangereux de me- connoîtrele Vertige critique, ayent omis des diftinétions auffi effen- tielles, La moindre faute en ce genre coûte tous les jours la vie à des millions d'hommes que la nature feule gueriroit peut-être. Ç'eft donc à nous de la fuivre comme à la pifte , & de prendre garde de la troubler , quand elle mé- dite quelque évacuation critique. C'eft ce que les anciens Auteurs que je viens de citer nous rècox*

R

i94 TRAITÉ

mandent expreflement en cent en- droits , pour nous apprendre à ne point nous tromper dans notre pro- gnoflic.

CHAPITRE IV.

Çau/ès externes naturelles du Vertige,

*AY dit ci-devatit que ce déran* gement de la rétine qui forme effentiellement le Vertige , ne fup* pofe pas toujours quelque change* ment dans ftçconpmie animale; en effet la moindre çaiife extçrne na* turellefuffit pour produirç. Un charbon de feu , une rouç , un fo^ leil artificiel tourné rapidement ça rond , un toupin qu'on foiiette à coups redoublés , un torrent impé- tueux , un tourbillon d'eau , de grêle ou de neige que le vent fait voltiger par petiçs pelotons dans Tair, Iq

j

DU VERTIGE. i9ç

mouvement d'un vaiffeau fur une mer agitée, le devant d'un carotte dans un chemin raboteux , le bruit des trompettes , du canon , du ton- nerre (a) , un violent tremblement de terre (£), la viie d'un précipice, d'une baie de paume que les joueurs fe ren voy ent long- tems a veç adreffe, d'un grand nombre de fufées qui fe croifent fous la forme d'une infinité d'arcs ou de cercle , dans l'Atmof- pherc.en un mot tout corps qui tourne en rond peut faire naître le Vertige,

Pourquoi apperçoit-on un cercle de feu à force de regarder fixement un tifon qu'on tourne rapidement en rond ? Les impreffions faites fur la rétine durent quelque tems , celle que ce tifon fait d'un côté , dure jufqu'à ce qu'il y foit revenu. Ainfî tous les points de la circonférence qu'il décrit vont fe peindre les uns

(a) Foreftus, VoI« l. I (b) Baglivi de motu I/iy. i Q pag. +S9* ' terrse Romano , pag. $ \ o,

Rij

ï96 TRAITÉ

après les autres fur la récine , ils tracent une ligne circulaire rouge , qui donne avec l'idée d'un cercle de feu , celle de rotation 8c le Ver- tige ; tant il y a , pour ainfi dire , de firapathie entre les idées , & les mouvemens corporels , que l'un eft réciproquement une fuite neceffaire de l'autre. Mais on n'a qu'à fermer les yeux , & les ouvrir eniuite pour être auffi-tôt délivré de ce Vertige, Ce qui prouve qu'il ne vient d'aucun vice des vaifleaux Se des liqueurs de l'œil s mais de la feule aftion du tifon Cur la rétine.

Voyons pourquoi il prend un Ver- ti.ge lorfqu'on regarde en bas dun eu fort élevé, Envoicilaraifon. La pçur qu'on a de tomber fait que l'i- magination repréfente les objets tels qu'Us ont paru toutes les fois qu'on $ tombé ? c'eft-à-dire tournans en rond 5 comme je l'expliquerai dans un moment. Or comme en même rçpisks corps tranquilles fur Jefquels-

DU VERTIGE. 197 on jette les yeux fe peignent fur la. tétine , donc les fibres tremouffent fortement toutes enfemble à l'image ou à l'idée de la rotation des objets que la peur fait naître 3 il fuit que c'eft la même chofe que il l'œil écoit en mouvement , ou que fi les corpâ extérieurs tournoient pendant qu'il feroit en repos *9 par conséquent on doit alorsêtreprisd'un Vertige d'au- tant plus violent ? qu'on jette les yeux fur une plaine immenfe d'un lieu plus élevé. Il me fouvientque je fus faifi d'une frayeur fi grande fur la Tour d'Anvers j que j'eus bien de la peine à me perfuader que je ne tour- nois pas en rond. Il faut alors bien de la force d'efprit pour fe foutenir, fur tout fi l'on regarda fixement l'en- droit oiY l'on s'appuie, car comme il paroît néceffairement s'enfuir , on tombe malgré foi en voulant l'ar- rêter.

Voulez vous une preuve plus feiv fible des effets de la crainte ? Jettez

R ii}

198 TRAITÉ

les yeux fur ce matelot qui monte au haut des mâts dans le fort de la tempête. Comme il fe renverfe fur une échelle de corde vacillante ! Combien de tems il s'y tient par les pieds pour l'utilité de la manœuvre , fans être puni de fa témérité ! pen- dant qu'un honnête paflager eu fu- jet à des maux de cœur & à des Vertiges d'autant plus violens qu'il imagine plus de péril. Tant il efl vrai que rien n'excite le Vertige plus fouvent que la crainte! C'eft pour- quoi Mahomet (a) , pour cacher l'E- pilepfiedont ilétoit attaqué, l'attri- buoit à l'apparition de l'Ange Ga- briel , à la vue duquel , difoit-il , il étoit faifi d'une fi grande frayeur, qu'il lui prenoit un Vertige téné- breux qui le faifoit tomber.

On peut déduire de ces effets de la crainte plufieurs vérités affez im- portantes. Il n'eft pas indiffèrent principalement aux femmes & aux

(a)Baylc Di&ion. ï Tait. 4 e Mahom.

DU VERTIGE. 199

cnfans qui font d un tempérament timide ou craintif, démarcher dans un chemin haut & étroit , ou dans un lieu bas & large, dans un che- min droit ou dans un labyrinthe ( a ) dans une ailée folitaire , ou parmi une grande multitude de perfonnes. En un mot , une trop grande variété d'objets trouble la vue , comme l'é- prouvent ceux qui courent la pofte à cheval ou en chaife , ou ceux qui font dans un vaifleau qui fend Tonde à pleines voiles : le rivage femble fuir , parce que fon image qui fe meut fuccefïivement au fond de Tœil produit la même fenfation que s'il étoit en mouvement.

Qu'il me foit permis de mettre au nombre des caufes naturelles du Ver- tige la circumgiration du corps ; tout le monde fçait qu'il prend un Ver- tige à force de tourner ou de dan fer en rond. Mais quelle en eft la raifon > La voici. Il eft évident félon ce que

[a] Atttéc , pag, ti», îaa

ÎLiiij

ityë TRAITÉ

f ai dit ci-devant , que pendant que notre corps décrit un cercle autour de lui-même , tous les objets ex- térieurs , quoiqu'abfolument tran- quilles , doivent paroître tourner en rond , & même paroître continuer ce mouvement quelque tems après qu'on a fermé les yeux , & qu'on ne tourne plus ; c'eft-à-dire jufqu'à ce que les vibrations de la rétine ne viennent à cefîer , & que cette tu- nique ne foit abfolument en repos. Cette impreffion dure à proportion de la vîteffe & du tems qu'on a tourné en rond : d'ailleurs le corps ayant un mouvement progrefïif tout au tour de la circonférence du cer- cle dont le milieu du pied eft le centre , le tronc doit être baloté d'une cuifie à l'autre , de celle qui eft en mouvement à celle qui eft en repos Se qui doit le foutenir , jufqu'à ce que l'autre cuiffe qui eft élevée pour marcher n'ait trouvé f on point d'appuy fur la terre. D'où conclus

DU VERTIGE. 201 que les mufcles venant à fe con- tra&er violemment, doivent jetter le tronc avec tant d'impetuofité fur la cuifle qui ne marche point , & qui n'eft que très-foiblement appuyée , qu'elle ne fera plus capable de le

Eorter. Ainfi l'équilibre fe rompt $ 1 centre de gravité fe détruit & par conféquent on doit enfin tomber. Nouvelle caufe du Vertige -, car comme en tombant la tête Se les yeux font circulairement agités , les objets externes doivent paroîtrefui- vre cette même détermination , par- ce que leur image trace neceffai- rement un cercle fur la rétine, comme il arrive lorfqu'on regarde un miroir {a) qu'on tourne rapi- dement en rond. Voilai peu près manière dontBellini ra if on ne fur cette chute , qui eft bien différente de celle à laquelle on eft fi fujet en regardant la terre d'un lieu très-éle- vé.On peut concevoiràpréfent pour-

[<*] Etmulcrdç Vcrtigine, T. i p. 3<*.

i02 TRAITÉ quoi les gens y vres ont tant de peine à fe foutenir, pourquoi un cheval qui tourne une meule de moulin les yeux ouverts eft bien-tôt pris d'un Vertige ténébreux qui le fait tom- ber , &c.

CHAPITRE V.

Des cau/es externes non naturel* les ou morbifiques du Vertige*

APRE'S avoir expliqué les prin- cipales eaufes naturelles du Vertige , je dois faire mention des eaufes non naturelles ou morbifiques de ce mal i c'eft4-dfre celles qui occafionrient quelque changement fenfible dans l'œconomie animale. Eîfeâ font externes ou internes. Je vais commencer par déveloper les premières. Il eft certain qu'une (im- pie commotion du cerveau caufe un Vertige ténébreux , & que fi elle eft

DU VERTIGE, aoj

plus violente, la Léthargie , l'Apo- plexie & même la mort fubite peu- vent s'enfuivre , comme on l'a vu. Mais quelle en eft la raifon? La voi- ci. Pour qu'on la comprenne plus fa- cilement, il eft important de prou- ver d'abord que le cerveau remplie exaâement le crâne.

L'Anatomie nous apprend que les artères du cerveau n'ont point de tunique mufculeufe, & qu'elles fonc toujours comme dans un bain de va- peurs qui doit beaucoup relâcher le tifïu de leurs fibres. Cependant il eft indubitable qu'elles s'ouvrent bien plus rarement que celles du nez 9 quoique celles-ci foient munies de membranes élaftiques que l'aâiont de l'air externe auquel elles fonc fans ceffe expofées t rend encore plus fortes & plus folides s quelle eft la raifon de ce phénomène aufli fur- prenant que commun ? C'eft que les artères du cerveau réfiftent par tout également au cours des fluides , $c

ao4 TRAITÉ

n'ont point par conféquenr d'en- droit foible par lequel le fang puiffe s'échaper hors de leur cavité, au lieu que celles du nez étant inégalement appuyées, comme l'Anatomie nous, l'apprend , il n'eft pas furprenanc qu'elles cèdent au moindre effort de la pléthore , Se qu'ainfi les hemor*. rhagies des narines foyent infini- ment plus fréquentes que les Apo- plexies de fang extravafé. Les ar-, teres du cerveau font donc foute- nuës par fa fubflance molle , avec autant d'égalité Se de force que fi elles étoient couchées fur le crâne même. Cela ppfé le fang a beau monter abondamment & avec vio- lence à la tête , les veines font for- cées de le reprendre proportionel- lementà fa quantité moins que le cerveau ne foit violemment ébranlé , comme je le dirai dans la fuite , ôur que le diamètre des veines ne foit naturellement trop petit ou rétréci par quelques excroiffances, comme,

VERTIGE, aa5

on l'a obfcrvé dans certaines mi- graines incurables ) je défie ceux qui admettent du vuide dans le cer- veau d'expliquer ce phénomène, f

Le crâne étant donc exa£tement rempli , je dis qu'il ne peut être frapé, fans communiquer au cer- veau une portion du mouvement qu'il a reçu , laquelle portion fera toujours proportionne non feule** ment à la violence du coup , mais à la refiftance du crâne. Je m'expli- que par deux comparaisons familie* res. Je regarde le cerveau dans le çrane comme un homme qui eft dans un bateau , & qui n'a qu'un mouvement commun avec lui. Or fi ce bateau vient à heurter contre un rocher , par exemple 9 il s'arrête tout à coup 9 à caufe de la grande refiftance qu'il oppofe à ce rocher 9 & cette même refiftance fait qu'il communique à cet homme qui eft fdedansunefî grande partie du mou- vement qu'il a reçu. ? qu'il J'ébranle $

ic6 TRAITÉ lui fait perdre lequilibre & le fait tomber. Monfieur de la Faye rap- porte une autre expérience qui rend la chofe encore plus facile à enten- dre. On prend par un bout une plan- che mince , on en heurte fortement la furface plate contre quelque corps dur , fi elle ne refifte point au choc , c'efl>à-dire fi elle caffe , la main n'eft point du tout ébranlée , parce que le mouvement que cette planche avoit reçu s'eft perdu en même tems qu'elle s'efl: rompue; mais fi elle ne caffe point , le mouvement fe pro- page le long de chaque fibre de la planche , quelquefois avec tant de violence qu'on fent à la main un ébranlement douloureux. Il fuffit de faire l'application de ces deux com- paraifons poyr concevoir la raifon pour laquelle les fraâures les plus confiderables font fouvent moins dangereufes que de fimples ébranle* mens du cerveau.

Voyons à préfcnt en quoi con-

s

DU VERTIGE. 207

fiflent ces ébranlemçns. Le cerveau, comme tout le monde fçait , eft une malTe très -molle çompofée d'une infinité de petits vaifleaux fanguins dont les tuniques font extrêmement minces , & de fibrilles nerveufçs me- dullaires,d'une fi grande délicatefle, qu'un million de cçs fibrilles n'éga- le peut-être pas l'épaifleur de la cen- tième partie du cheveu le plus fin : or , quand à l'oçcafion d'une chute ou d'un coup fur la tête , cette fubf- tançe vient à recevoir une certai- ne portipn de mouvement , elle s'é- branle néceffairement , <§£ par con- séquent les nerfs optiques font aufli ébranlez en même cems, C'çft ainfi qu'une fimple commotion fait naître le Vertige. Mais fi la commotipn eft affez violente pour produire quelque affaiflement dans les fibres du cer- veau , les nerfs optiques feront com- prime^ à leur origine ,les efpritsne pourront plus fe diftribuçr dans l'oeil, #infi la vifion fera ppinç 9 ou 9

ao8 TRAITÉ

ce qui revient au même , on aura un Vertige ténébreux. Je dis plus ; fi le mouvement fe perpétue avec force jufqu'au cervelet , fes fibres feront facilement ébranlées , tirail- lées , diiîenduës ; elles fe relâche- ront exceffivement , & faute de ref- fort devenues paralitiques , elles s'af-

faifferont les unes fur les autres. D'où

: il fuit , que les efprits vitaux étant interceptés dès leur origine ,1a mort fubite s'enfuivra néceffairement. Il eft à propos de remarquer ici

- qu'il n'eft pas neceffaire que la tê- te ait été , je ne dis pas endom* triagée ou blefiee de quelque ma- nière que ee foit , mais aucunement frapée , pour produire le Verti- ge , êc d'autres accidens bien plus fâcheux. Un coup , ou une chute fur toute aurre partie du corps , fur les feffes 9 par exemple , peut , par la violente feçouffe des folides & dès liquides 9 tranlmettre jufqu'au ceb

. veau affe£ de mouvement reper-

çuffif

DU VERTIGE. ao9

Cufïïf pour y caufer des ébranlement funeftes , comme nous l'avons re- marqué depuis peu dans une Dame de Saint Malo. Enfin (i la commo- tion eft extraordinairement vioierç- te, les liqueurs doivent circuler dans les vaifleaux du cerveau avec tant de rapidité , qu'elles peuvent aifç- ment forcer des barrières :aufiï min- ces que le font leurs; tuniques , ^ elles fe rompent quelquefois dans une partie oppofée à celle qui a re- çu le coup. C'eft ainfi que le fang s'épanche dans le cerveau , foit p^r une efpece de contre-coup , foit par un coup (impie fuf la tête ou fur . toute autre partie , fans q«e le crâne paroiffe quelquefois endommagé.; fource de calamités . aufquelles gfi ne peut remédier qu'engrenant up parti extrême ? comme je le fer^i voir à iafin de ce Ch&pitrq. .

Le moindre effet que le plus pf-

tit. épanchement produire yeft fans

.doute k V«çige, Nouî^.vons yu,g|-

iio TRAITÉ

devant que le cerveau remplit exac- tement le crâne , il ne fçauroit donc contenir une feule goutte de li- queur de plus , qu'il ne foit nécéf- fairement prefle ou comprimé *, & comme fa iubftance eft très-molle, il ne peut l'être dans un endroit fans l'être dans plufieurs. Or , pour peu que les nerfs optiques fouffrent de cette preflîon , le cours des efprits qui fervent à la vifion étant déran- gé , les fibres de la rétine le feront auffi , & par conféquent on fera fu- jet au Vertige. La même chofe ar- rivera fi les carotides font compri- mées : car leur diamètre étant ne- çeflairement rétréci par ce moyen , |1 fuit qu'elles doivent refifter davan- tage au cours des liquides : Mais comme la force du cœur s'augmen- te à proportion de la refiftance des artères ( les fièvres le prouvent ) le fang venant enfuite à être pouffé avec plus d'impetuofité à la tête , di- late & gonfle ces carotides. Ceux

DU VERTIGE. 211

qui connoiflent la fituation de ces artères auprès des nerfs optiques, la longueur & la liberté de ces nerfs en cet endroit , peuvent juger de la fa- cilité avec laquelle elles agifTent fur eux , les dérangent , Se conféquem- ment font naître le Vertige. Si la preflion fe fait à l'origine des nerfs % l'Jiomme du monde qui a le plus d'efprit devient imbécile j & jecroi que pour rendre raifon des différen- tes altérations de l'efprit qu'on voit tous les jours arriver après certaines chutes , il n'eft pas même neceffai- re de fuppofer aucune liqueur épan- chée au dedans du crâne , il luffic de concevoir que dans le moment d'une violente commotion f les ef- prits trop agités ayent pu fe frayer de nouvelles routes , & troubler ain^ fi les organes de l'intelligence ou que quelques fibres du cerveau ayent été plus ébranlées que les autres y Se n'aient pu reprendre leur première fituation & leur reflbrt naturel ;. car

il* . TR AIT É

on ne doit pas douter que cette pe- tite parai) lie , donnant lieu à quel- que dérangement dans la diflnbur tion deseiprits ,. n'entraîne neceffai-. tement celui de l'tiprit -, tant ij y a d'analogie , & pour ainfi dire, de fympathie entre J'efprit 8c ce fluide, iubtil qui circule dans tous les pe- tits filament nerveux , qu'il paroît par toutes fortes d'obfervations su-? res que l'un dépend pr.efque effen- tiellement , non feulement de la cir- culation , mais de la quantité & de la qua'ité de l'autre *, quoiqu'il faille avouer que les propriétés de La ma-? tiere nous font trop inconnues poux qu'on puiffe jamais appercevoir au-r cun rapport, entre les traces des et prits &.le& idées qui. en refultent. Il n'eft pas'neceffaire que le cer- veau foit immédiatement compri- mé pour créer le Vertige, la feule preflion médiate de la fubfrance peut occafionner le même dérange- ment dans le nerf optique* . On a y*j

DU VERTIGE. «3

à Paris un Pauvre qui demandoit l'aumône dans une portion de ion crâne. Pour peu qu'on pofât légère- ment la main fur l'appareil qui cou- vroit fa dure-rpere, il voyoit d'a- bord des étincelles de feu ; l'ap- puyoît-on un peu plus ? il lui pre- noit un Vertige, & enfin envie de dormir. On a fait les mêmes obfer- vations en comprimant le cerveau d'un- chien & d'un verolé qui a voit perdu une partie de foncrane^. Tout le mond^ fçait comment les Bou- chers tuent les bœufs -, c'eft en leur donnant , pour ainfi dire , d\in feul coup un Vertige ténébreux qui les fait quelquefois tomber roides morts j quoique leur crâne fe ronv ce par la violence du coup, oa ne trouve ordinairement aucune li- queur extravafée fur la fubftance du cerveau. Ce fait : .que j'ai eu la çu- xiofité de vérifier plus d'une fois , confirme ce que j'ai dit ci-devant, ;<^ue moins k çr^ne' refifte > mokis

ai4 TRAITÉ

les effets de ia commotion font à craindre.

Une fimple contufion ou une lé- gère bleflure à la tête , le trépan in- prudemment fait , la moindre frac- ture (a) , l'enfoncement du crâne , en un mot tout ce qui change la fi- gure du crâne & conféquemmenc l'égale expansion du cerveau peut caufer au moins le Vertige. C'eft pourquoi Hyppocrate {b) le regar- doit cfemme un des plus funeftes fymptômes des playes de la tête.

Comme renfoncement du crâne cft un malheur qui n'arrive que trop fôuvent aux enfans , principalement par l'imprudence des accoucheufes ou des nourrices , il faut fçavoir comment y remédier. En ce cas je ferois d'avis d'appliquer une emplâ- tre fort tenace fur la portion d'os enfoncée , & dix ou douze heures après on doit la tirer doucement &

t a J Cœfàr Magai. T, I [ b ] De vuther. capït» a, pag. ni, u$. 1 V. Bo«has?« A$h< aé?»

VERTIGE. 215

perpendiculairement par le moyen d'un gros fil fort attaché au milieu. Pour rendre cette élévation plus fa- cile, il faut que le malade retienne long tems fon haleine. La raiion de cela eft que , tant que le poumon eft dans l'ina&ion , le fang n'y peut circuler librement. Ainfi il doit s'ac- cumuler dans le ventricule droit, dans la veine cave , dans les jugulai- res, &c. comme on le voit par gonflement de ces veines & la rou- geur extraordinaire du vifage. Par conféquent ne pouvant revenir du cerveau , il gonfle neceffairemenr les carotides , ainfi que les membranes & la fubftance même du cerveau qui par ce moyen eft en état d'élever un peu la portion d'os enfoncée. Voilà Iavraye raifon de ce phéno- mène qu'un Chirurgien (a) mauvais Phyfiologïcien , comme ils le font prefque tous , attribue fans fonde-

I a 1 G uengeor , Traité des opérations (k Ckisui&& T. 3 l'O^eiatroj* du Tiefa».

2i6 TRAITÉ

mène à la predion du diaphragme fur l'aorte : car M. Senac a démon- tré dans un Mémoire ( a ) qu'il a don- né fur le diaphragme , que cette pref- fion eft (i légère , qu'elle n'y entre prefque pour rien.

En voilà affez pour donner une idée claire des caufes externes non naurelles du Vertige. Mais avaiK que de paffer aux caufes internes de ce mal , qu'il me foit permis de faire une reflexion fort importante qui peut ici trouver fa place.

Je fuppofe qu'un homme eft at- taqué d'Apoplexie immediatemenc après une chute fur ja tête ou fur toute autre partie du corps , fans que le crâne paroiffe aucunement en- dommagé. Sur cela pn doit croire que la commotion du cerveau a été fi violente que fes fibres fe font afr faiffées les unes fur les autres , & qu'ainfi fes vaiffeaux étant compri- més par cet afFaiffement,Ie fang crou-

frfJMeak, de l'Acad. •%,&$• Sciences. i?29.> < ï

DU VERTIGE. 217

pic dans leur cavité, ou , qui pis eft , on peut craindre qu'il ne f e loic fait quelque épanchement. Pour re- médier à cet affaiffement, il nes'a^ gît fans douce que de défemplir les vaiiTeaux du cerveau : car par les artères reprenant leur reflbrt natu- rel , font en état de pouffer dans les veines le fang qui croupit dans leur cavité , & les fibres fe relevant peu à peu /occupent bien-tôt le vuide que leur relâchement excefïif avoic formé au dedans du crâne. Or pour défemplir immédiatement le cer- veau, il n'efl point de faignée plus efficace que la jugulaire , comme Monfieur Freind l'a démontré Ana- tomiquement. Mais il eft bon de préluder auparavant par deux ou trois faignéescopieufes faites au bras de quatre heures en quatre heures ; autrement il fe feroit tout à coup un (i grand vuide dans le cerveau, qu'il en feroit, pour ainfi dire,étorçné & ftupefeit 9 & pourroit par-là fouf-

T

ai» TRAITÉ

frir quelque atteinte dangereufe.

S'il n'y a que croupiffement de fang, il eft fort rare de voir deux jours s'écouler, fans que la connoif- jfance revienne au malade , pourvu qu'il foit bien traité ; car à mefure que les fibres reprennent leur rçffort, Je fang recommence fa circulation ordinaire , & fournit de nouveaux efprits. Ainfi lorfqu'on voit le même rnal continuer ou augmenter trois ou quatre jours après la chute , il y a touç lieu de croire qu'il y a du fang extravaféqui comprime la fubftance du cerveau. On fatisferoit donc à cette indication en atténuant les hu^ meurs épanchées , & en les rendant affez fluides pour les faire rentrer dans la mafle du fang par les tuyaux abforbans. Il eft fans doute très-dif* ficile , mais non pas impoffible de rëiiffir dans ce grand projet. On doit joindre aux faignées fréquentes & copieufes, dont je viens de parler , despurgatioas & des lavemens corn-

DU VERTIGE. 219

pofcs tout ce qui peut difibudre le fang coagulé. Les Tamarinds , la Crème de Tartre , le Jalap , la Scauv- rnonée , le Nitre , le Sel Ammoniac , le Sucre, le Miel , &c. conviennent en ce cas ; la boiffon doit être faite , non des vulnéraires de Suiffe en de- co£tion ( car quoiqu'on les employé ordinairement pour diffoudre le fang grumelé , on n'en: sûr par aucu- ne expérience que ces remèdes ayent: cette vertu ) mais des cinq racines apèritives, des plantes & des bois fudorifiques aufquels il eft bon de mêler beaucoup de jus de citron. On ne négligera pas de mettre fur l'oreille des fomentations d'herbes acres , ou des cataplâraes d 'oignons- cuits fous la cendre. Depuis que Valfalva , Santorini Se plusieurs au- tres Célèbres Anatomiftes ont dé- montré la communication de l'oreil- le avec le cerveau, je ne doute point qu'il n'y puiffe continuellement pénétrer par ce moyea des vapeurs

Tij

220 TRAITÉ

afll'Z fubciles pour atténuer les Ii- queursquiy iontépanchées. Ondoie auffi injefter de l'eau chaude par les narines pour dilater les rameaux des carotides qui s'y diflribuent , & les rendre par-là plus capables d'abfor- ber les humeurs quand elles font atté- nuées. On peut auffi mettre dans le nez des feuilles de Betoine ou de Tabac , pour faire éternuer , & faire prendrç un léger vomitif. Tous ces rnouvemens , bien loin d'être à crain? çlre quand les yaiffeaux font vuides , aident alors la refçrbtion d'une fa-? çon. mervcilleufe,

Si malgré cette méthode les fym- ptp r»es augmentent de plus en plus loyez sûr que les humeurs épanchées font fi épaiffes & coagulées qu'il jrcft point de remède connu dans toutç la nature qui puiffe les diffou- dre.Quei parti prendre dans une auf- fi déplorable extrémité i Après avoir effaïé en vain tous les moyens donc 04 k ffrç prdinaireinçat jpqur d&»

DU VERTIGE. 221

couvrir fi le crâne eft bleffé, on doit appliquer fur le crâne découvert une emplâtre compofée des remèdes les plus attirans : par cette méthode on aperçoit quelquefois avant 1-efpace de 24. heures une tumeur noirâtre qui manifefle l'endroit afifefléc^par conféquent la necefiité d'y faire l'o- pération du trépan. Mais ii après ce tems il neparoit ni tumeur ni con* tufion , ni enfoncement , ni en un mot aucun figne extérieur de fang extravafé , faut-il tenter l'opération à tout hafard , fans fçavoir ap- pliquer la couronne du trépan ? Cet- te queftion n'eft pas difficile à ré«* foudre > dans cette hypothefe il eft certain que le malade va perir fans l'opération , à la vérité il n'eft pas sûr que le malade en revienne par l'opération \ mais aufïi on la fait , il eft incertain qu'il meure. Il fiuc donclafoire. Maisoù? i°. dans l'en- droit où le malade a porté la main , fi on Pa remarque , car ces mouve-

T iij

a22 TRAITÉ

mens fpontanés font fouvent de su- res indications. 20. Il le trouve quel- quefois un côté paralitique pendant que l'autre eft en convuilion : alors comme le fang ne peut être épan- ché que du côté paralitique , il fe- roit inutile de le chercher ailleurs , & par conféquent on ne doit opérer que de ce (eul côté ; & on doit à mon avis y réitérer l'opération 9 & le cribler , pour ainû dire , de trépans , jufqu'à ce qu'on trouve l'humeur extravaiéc, 30. Sicecas^ qui eft en effet très-rare, n'a pas lieu , îî faut appliquer le trépan aux deux côtés oppofés du crâne. Si le pre- mier trépan eft inutile, le fécond peut réùfïir , comme on la vu dans un SoMat qui, ayant été en vain tré- pané du côté droit , le fut une fé- conde fois au côté gauche, l'on trouva heureufement beaucoup de fang grumelé fur la furfacc convexe de la dure-mere , 8c par ce Sol- dat fut guéri, Cette hiftoire que je

DU VERTIGE. 113

tiens de M. Boerhaave , dont la bon- ne foy ne peur être fufpeâe , con* firme l'utilité de la Doctrine que ce grand Homme nous enieigne dans les divins Aphorifmes. Jjrgentibus fimtomatibus , dit- il A ph. 286. lient nullus locus lœfu>s certo invenir i queat 9 tamen trepanum applicandum & ab -unâ & ab altéra parte cranit*

Pardonnez- moi cette digreffion en faveur de fon utilité. Je reviens aux caufes internes ïdiopathiques du Vertige.

$9i Xi :& >?£ ïï{ ï% & ï?4 -ïïi & >% &4 ïïééi -2K }%

5m< fat */*< î£$ b'J. 5$ Îjîs \àS *,3& &8 }té i»3 5â3 5*4 y&

CHAPITRE VL

Des caufes internes idiopatbL que s du Vertige

DE toutes les caufes internes Idtopathiqucs du Vertige , il -n'en eft gueres de plus fréquente que -la raréfaction des liqueurs. Pour en bien connoître les effets , il n'y a

Tiiij

124 TRAITÉ

qu'à le rappcller ceux de l'ivrefle5 tels que Beliini (a ) les a expliqués. Le vin efl une liqueur fermente'e remplie d'Alcohol ; quand même le cœur ne feroit pas monter cet ef- prit à la rêce , il efl: d'une nature trop volatil pour ne pas s'y é!evcr. Le vin doit donc raréfier le fang Se principalement celui des artères pro- portionellement à fa quantité , & à la fpirituofité. Or quel eft l'effet de la rarefaûion des liqueurs C'cft d'augmenter leur mouvement , de diflendre , dilater , ou pouffer au de- hors les parois des vaiflfeaux dans iefqucls elles font contenues , & d'a- gir ainfi fur les parties voifines. Ju- gez donc du dérangement que le gonflement des carotides & des ar- tères de l'Uvée & de la Choroïde doit produire dans les nerfs optiques & la rétine. Comme cette membra- ne médullaire eft alors neceïïaire- ment preflee , lefuc nerveux s'y dif-

£*} Beliini, pag 583, si4«

DU VERTIGE. 225

tmbuant inégalement , change les ondulations de fes fibres , & par con- féquent les dérange. Les objets en repos doivent donc paroître fe mou- voir, & l'on doit voir deux objets au lieu d'un , pour peu que l'axe de vue regarde deux points différens. Ce qui arrivera , lorfqu'il n'y au* ra qu'un œil intérieurement preffé , comme je l'ai dit* Or comme il ne s'élève pas toujours la même quan- tité d'Àlcohol dans chaque œil à mefure qu'on boit, les vaifleaux d'un œil fe gonflent quelquefois plus que ceux de l'autre , & par conféquenc il n'y a que la pofition d'un œil dé- rangée. Mais les deux axes font changés , on doit voir deux objets mus au lieu d'un qui eft en repos. Voilà la caufe de la multiplication des objets dans Pyvreffe , comme dans le Vertige. Si les artères qui rampent fur la furface des nerfs op- tiques & de la rétine font tellement remplies de fang raréfié * que la ca«

116 TRAITÉ

vite des fibres optiques (bit entière-* ment abolie Se détruite , la vifion ne fe fera poinr , faute d'efprits. En- fin l'on tombera y vre mort pour des raifons qu'il en: aile de déduire de ce qui a été dit fur la rotation du corps. Ce qu'il y a d'admirable , c'eft que le fomrncil ayant fait s'exhaler tout le fuperfiu de l'-efprit qui gon- fioir les vaifleaux , les loiides & les liquides reprennent ieur jufle équi- libre, & pourvu que i'eftomac n'en- tre pour rien dans ces Vertiges cra- pulaires 9 ils s'évanouiffent bientôt avec tous leurs fymptômes.

Une trop grande application au jeu ou à l'étude , un amour violent 8c malheureux , une certaine quan- tité de tabac pris en poudre ou en fumée , la colère , la fureur ? un coup de Soleil , une chaleur exceflive , la petite vérole , fur-tout celle qui doit être confluente, félon l'obfervation de Sydenham, la ciguë aquatique (a)

Ç A ) Wepfetus de Cicutâ aquatici».

DU VERTIGE. 127

& quantité d'autres venins qui raré- fient le fang , produifent le Vertige. Si la rarefaâion du fang fait naî- tre le Vertige, la pléthore (a) doit aufli le produire , parce que la réti- ne efl: dérangée par le gonflement de les artères &' des carotides. La. même choie doit arriver à plus for- te raifon dans les ophtalmies chro- niques. DepuisqueRidiey&Ruifch nous ont appris que la rétine étoic parlemée de quantité de vaifleaux ianguins , on conçoit qu'elle doit s'enflammer auiîi facilement que le blanc de l'œil. L'artère qui eft au milieu de cette tunique fe dilate mê- me quelquefois juiqu'au point d'ab- forberprefque tous les rayons. C'eft pourquoi on éprouve alors précifé- ment ce qui arriveroit , (1 le nerf op- tique perçoit l'œil directement dans fon milieu , la vifion ne fe fait que très-confufément , on aperçoit de petits points noirs , des mouches-

(4) fxeid Eramenalog. pag. ij,

ai8 TRAITÉ voler , des nuages monte*5 & clef- cendre, des phantômes tourner dans Pair & mille autres chimères qui fe préfentent durant le jour avec tant de douleur qu'on eft contraint de refter toujours dans l'obfcurité.

Il en eft aînfi de l'inflammation des membranes du cerveau ou de fa fub- ftance cendrée*, comme il fe forme alors desaneuvrifmes dans les artè- res St des varices dans les veines de cette fubftance,il eft facile de trouver l'origine de ces Vertiges fi- xes & violens dont les Phrenetiques font attaquez.

Leucophlegmatîe , la Létar-* gîe , l'Apoplexie , les migraines ( a ) Violentes & invétérées , le Scorbut * k Vérole , la Catalepfie , en un nlot toute humeur aqueufe , fereu- fe , acre, pituiteufe ,acrimonieufe i épaiffe , vifqueufe , lente., froide ou chaude fait naître le Vertige & fes plus fâcheux lymptômes, pour peu

[>J Am. pag. %^ 17- z%, nr »«6 1J7. nï.

DU VERTIGE. *2$

que la iubftance du cerveau ioit prefice médiatement ou imméd ate- ment , ou que fes nerfs foienc irri- tés. 11 eft aifé d'en déduire les rai- fons des principes que j'ai établis dans le Chapitre des caufes exter* nés non naturelles du Vertige.

Pourquoi , par exemple , ceux qui ont des migraines violentes & invé- térées font-ils fujets au Vertige £ Les petits vaificau^c fanguins qui s'é- lèvent de la dure-mere entre les dents des futures du crâne , étanE gonflés de fang , on fent une dou- leur qui vient de ce que les dents offeufes ne pouvant céder , les fi* bres ncrveules de ces vaiifeaux font extrêmement tiraillées &diftenduës? La douleur iemble circuler iuivanc les lieux fe fait ce gonflement. Or , fi l'engorgement des petits vaif- feauxfe communique à d'autres plus confiderablcs , & enfin aux caroti- des ,. il eft évident que les nerfs op? {;qu£$ peuyent êtrç çiçrangez.

%^o TRAITÉ

Pourquoi les Scorbutiques fa) les Véroles Se les Cataleptiques font- ils quelquefois attaqués de ce mal ? Le fang des Scorbutiques eft acre & diffous ; leurs vaifleaux , à force d'être rongés par cette âcreré , de- viennent fort lâches, comme il pa- roîc par leurs gencives dont le fang fore pour peu qu'on les preffe. Ju- gez donc par la ftruclure des vaif- feauxdu cerveau qui n'ont point de membrane élaftique & qui font toû-* jours dans un bain de vapeurs ? com- me je l'ai déjà dit , jugez , dis-je , delà facilité avec laquelle la partie la plus fluide du fang doit s^échaper hors de leur cavité , & par confé- quent prefler la fubftance du cer- veau. D'ailleurs, pour ne rien dire ici de la foibîefle des efprits des Scorbutiques , qui pour cette feule raifon fon t fi fu j ets au Vertige , com- me je l'expliquerai dans la îuite , l'a- crimonie de ces mêmes efprits eft

l a J W'illhie Vsnigine scoifcuticâ, Ti i .p,i53 . if 4.

DU VERTIGE. 251

fi grande qu'elle peut déranger les nerfs optiques à force de les irriter*

Quant aux Véroîez, fans parler des tumeurs contre nature qui forment dans leur cerveau & peu- vent y retarder le cours du fang , fa feule épaiffeur fait qu'il s'arrête Se y féjourne long-tems. Ainfi ne pou- vant refluer aifément par les veines, il coule en plus grande abondance par les artères collatérales des yeux 8c des oreilles. Voilà l'origine des Vertiges f/*) , des tintemens& delà lurdité aufquels les Vérole^ font quelquefois fujets.

Dans I3. Catalepfie les artères & les veines du cerveau font farcies de fang fort épais , comme on le voit par la diiïe£Hon. Il n'en1 donc pas lurprenant que le gonflement des carotides 8c des vaiiîeaux de l'œil donne lieu au Vertige téné*» breux dont les Cataleptiques font ordinairement attaqués , un moment

l a ] Aftrus de Moibis Yeneseis , pag» 3 » 7?

*3* TRAITÉ

avant que de tomber dans leur ao ces , comme je l'ai remarqué dans une jeune Fille Cataleptique dont pn trouvera i'hifloire à la fin de ce Traité.

àmmmmmmmmmmmmm$mm

CHAPITRE VIL

Des Evacuations ordinaires ou périodiques fupprimées.

ON doit mettre au nombre des caufes idiopathiques du Ver*- tige toute évacuation ordinaire ou périodique fupprimée par quelque caufe que ce foit , fans qu'on lui en ^it fubftitué de nouvelle *? car la plé- thore s'enfuit néc.eflairement. Jugez fdonc des effets qu'une continence trop léyere doit produire, principal- ement dans ceux qui font d'un tem- péramment vigoureux & qui fe font fait une douce habitude des plaifirs cle l'Arnour. Il n'eft pas néçeiîaire

de

DU VERTIGE. 253

de rappeller ici les préceptes de Gelfe 8c deLommius. Il eft évident que le coït trop rare peur exciter des maux aufïi funeftes que le coït trop fréquent ; fi l'un épuife nos el- prits , l'autre nous appauvrit , pour ainfi dire , de leurs richeffes. Plus la femence féjourne dans les vélicu- les feminales , plus elle s'y échauffe, s'y divife & s'y atténue; ainfi les par- ties devenues volatiles par la cha- leur , doivent enfin être abforbéc*s danslamafledufang de laquelle la nature nelesavoit pas féparées pour qu'elles y rentraient toutes. La rai- fon de cela, c'eft qu'auflî-tôt que ces- véficules font remplies , la feule vue ou la feule converfation d une jolie femme attire la matière au bout du gland, & l'on eft ordinaire- ment fujet à des fréquentes pollu- tions no&urnes*, d'où il fuir qu'une trop grande quantité de fpermenuir à nos humeurs par l'extrême raréfac- tion qu'elle y caufe , & produit aiàli

V

2?4 TRAITÉ

ces Vapeurs , ces Vertiges & ces H émorrhagies des narines qu'on re- marque fi iouvent dans la plupart des jeunes gens 8c des vierges plé- thoriques.

La fupprefliondesHémorrhoïdes n'eft pas moins dangereufe ; lorfque Ja nature a coutume de fe déchar- ger de fon fuperfiu par cette voye , il ne faut pas tout à coup ni tout-à- fait la lui interdire. C'cft pourquoi Hyppocrate {a ) avoit toujours loin d'entretenir l'écoulement libre d'u- ne Hémorroïde , pendant qu'il ar- rêtoit les autres par des remèdes aftringens ; précaution d'autant plus TiécefTaire qu'il aveit à traiter des hommes auffi fujets à ce flux , que nos femmes le font à leurs régies. A quelles triftes extrêmkcz ne £au~ -il donc pas s'attendre quand les régies viennent tout à coup à être iupprmées à quelque âge que ce foit, eu ne paxoiffent point dans une fille

DU VERTIGE. ^ 135

qui n'a point encore connu d'hom- me ? Des vaiffeaux qui ne font & ne doivent point être naturellement ou- verts , cèdent à i'aâicn de la plé- thore & fouvent par force, les régies leur lortent par les doigts , par les narines, par les pores de la tête,par le poumon , &c. prefque tous nos Auteurs font remplis de ces exem- ples terribles. Ou il elles Séjournent long- rems dans les vaiffeaux , (a ) elles s'y corrompent , infcûent tou- te la mafïe du iang , les nerfs & les elprits , & produisent ainfi en peu de tems le Vertige, l'affedion Hy- ftérique, la -Cataiepfie, &c.

Il faut appliquer la même doflrine au crachement de farig,au piffemenc defang, aux Hémorrhagies des na- rines, aux lueurs, aux fleurs blan- ches , aux vieilles Mules , aux ul- cères trop tôt deiTecHés T aux rhu- mes du cerveau improprement dits ^ àla pituite , à la faîive , à l'urine , à

!"]■ V. Q,uefji;iy , occonom. animal.

Vij

îj6 TRAITÉ

la gale , à la teigne , & enfin à tou- tes fortes d'humeurs dont le cours ordinaire eft interrompu.

CHAPITRE VIII.

t>*j évacuations trop abondantes.

RIEN ne prouve mieux qu'une maladie peut venir de différen- tes caufes tout-à-fait contraires que de voir le même effet , je veux dire , le Vertige produit par une évacua- tion fupprimée , Sz par une autre trop abondante. On concevra cette vé- rité pour peu qu'on fafle attention à la ftruâure des artères vertébrales. Elles ne confervent leur tunique mufculeufe que jufqu'à leur entrée d ans le crâne :*ainfi elles ne doivent fe contracter proportionellcment au lang qu'elles contiennent que juf- qu'à cet endroit, & par conféquent , lors même qu'elles deviennent pref-

DU VERTIGE. iî7

que Vuides , on peut dire qu'elles ne font pas moins pleines qu'aupara- vanr , eu feulement égard au contai de leurs parois, Mais ces artères ayant une fois pénétré dans le cerveau , fe dépouille de leur tunique forte & élaftique , comme )e l'ai déjà dit. Ainfi elles doivent néceflairenient s'affaifler , à mefùre qu'elles fe dé- fempliffent ou qu'il s'évacue plus de liquide. Mais à mefure qu'il vient de nouveau fang dans les mêmes artè- res , ainfi que dans les carotides , elles fe relèvent êc s'affaiffent en- core le moment fuivant qu'il efl repris par les veines ; ce trémouffe- ment eft fans doute aflez confi- dérable pour déranger les nerfs op- tiques. En efFet,cornme ils ont d'ail- leurs d'autant plus perdu de leur li- quide que l'évacuation efl: plusabon- dante , il fuie qu'ils fontflafques,lâ- ches , épuifés d'efprits , 8z par con- fequent qu'ils doivent céder avec une facilité extrême à la pulfation

%)% TRAITÉ des carotides qui doit être afiez con* fidérable pour des raifons que j'ai dites ci-devant.

Suivant ce rationnement il eft fa- cile de réioudre ces questions. i°. Pourquoi les Hydropiques font-ils fujets au Vertige ôc aux défaillan- ces après qu'on leur a tiré d'un feul coup par la ponâion toutes les eaux du bas ventre ? Les vaifleaux déli- vrés de la preflion des eaux repren- nent leur diamètre naturel. Ainfi le fan g trouvant plus de liberté à cir- culer , quitte tout à coup la tête Se fc précipite vers les parties inférieur res ; ce qui doit faire le même effet que les évacuations dont j'ai parlé 9 & produit la défaillance , comme Mqnfieur Sénac l'explique dans- le Mémoire (a) que j'ai cité. 2°. Pour- quoi eft-o-n quelquefois attaqué du Vertige le lendemain du jour qu'on a trop bu, quoiqu'on ait allez dor- mi & que l'eliomac n'y entre pour

- t'JPag* H?.

DU VERTIGE. 259

rien *. Parce que la matière crapulai- re étant évacuée parles urines , par les feiles &c. il le fait dans les vaif- feaux un vuide qui dérange les nerfs optiqueSjComme je viens de l'expli- quer ? & fait même quelquefois trem- bler les mains. 3°. Quelles font les fuites du coït trop fréquent? Il caufe le Vertige avec de violentes dou- leurs, d'eftomac par l'épuifemenr; d'efprits il nous réduit , Se par le tiraillement exceflif des fibres de .ce vifeere.

Il eft aifé de concevoir à préfen£ pourquoi L'abftinenee exceiïive, une trop long méditation , l'exercice im- modéré,, le flux menftrud trop co- pieux , les vomiffemens les diiTen- teries , les Hémorrhagics des nari- nes,les Hémorrhoïde^ ; pourquoi en un mot toute évacuation trop abon- dante peut exciter le Yenig^.

24° TRAITÉ

CHAPITRE IX. *])e Ufoiblejfe des efprits.

LA foibiefle des efprirs occa- fionne les mêmes accidens que leur difette, mais bien plus fréquem- ment. C'eft la caufe de cette difpo- fïtlon Vertigineufe qu'on obfervs dans les uns plutôt que dans les au- tres 9 laquelle dépend , à mon avis , de la lenteur de la circulation. Voici ma preuve. Si l'homme eft devenu mille fois plus robufte qu?il n'étok autrefois, il eft probable que ces vaifleaux étoient mille fois plus foi- fcîes , St fon fang mille fois plus fluide. On ne peut nier cette pro- portion. Or qui eft-ce qui a donné tant de forces & de r effort aux fibres, tant d'épaiffeur ou deconfifïance au fang du fœtus devenu homme , fi ce aJeft la circulation ? Et comment

cela 2

DU VERTIGE. z4i

cela ? Si ce n'eft en faifanc que les Elémens folides & liquides Te tou- chent par plus de points. Ainfi. la cir- culation entretient l'union des Elé- mens,& la rend d'autant plus étroite & plus forte qu'elle fe fait avec plus de vélocité. D'où il fuit quefi elle eft trop lente, non-feulement les fi- bres feront trop lâches Se trop foi- bles , mais le fang fera trop fluide 8z tropdiffousy par conféquent la lym- phe , le ferum , le fuc nerveux ou les efprits participeront de ce même vice : car toutes les liqueurs du corps font formées de la même ma-> tiere 8c par les mêmes loix , & il y a fans doute la même différence analogique entrç les efprits d'une femme Hyftérique &eeux d'un Pay- fan robufte , qu'entre le fang ou la lymphe de l'un & de l'autre. Voilà la nature des efprits dont Aretée (4) fait mention, 8c ce que j'entends par difpofitionVertigineufe. C'ed cette

x

242^ TRAITÉ extrême fluidité des eiprits qui les rend fi foibles & fi mobiles, qu'ils cèdent à la moindre imprefiion , Se tournent , pour ainfi dire , avec un cercle. On peut expliquer par -là pourquoi ceux qui font d'un ten> pérament timide & craintif, pour- quoi les enfans & les femmes, & pria? cipalementlesHyftériques,pourquoi les Scorbutiques , & fur tout les Epi* kptiques font (ifujetsau Vertige.

CHAPITRE X.

H}e h cure du Vertige pléthoru que.

. Â YANT que de palier aux eau* X~jL fcs lymphatiques du Vertige,il feroit à propos d'ajouter la cure de fes caui-sidiopathiquesà la théorie qui a précédé. Mais comme en les traitant toutes les unes après les au- tres , il faudroit fp . jçttçr dans un dé*

DU VERTIGE. 243 tail d'une infinité de maladies qui font différences du Vertige & qui par conféquent m'écarteroient trop de mon principal objet , je me con- tenterai de traiter les Vertiges idio- pathiques les plus fréquens , je veux dire ceux qui viennent de la plétho- re & de la foibleffe des efprits.

Lorfqu'il eft certain qu'un hom- me e(l pléthorique , comme il eft à craindre que les vaifleaux ne fe rom- pent à force d'être dilatés par la trop grande prefïion des liqueurs , il eft évident que la faignée eft indiquée. C'eft pourquoi Hyppocrate (a) fai- foit beaucoup faigner les Athlètes, Se Vanhelmont même ennemi dé- claré de cette doctrine l'approuve (b) çn ce cas.

Il eft bon d'avertir ici que je ne prefcrisla faignée en général , qu'en fuppofant la pléthore générale ; car fi elle n'eft que dans les artères ,

[>] AphorH ?. I pic. 4. Numéro if.

f>]DeFeWibas, Ca» \

244 TRAITÉ

comme il arrive le plus fouvent , les veines font alors prelque vuides, Pourquoi donc les ouvrir? Ne iuffi^ rôit-il pas en ce cas de diffîper la raréfaction des liqueurs artérielles en excitant les Hémorrhoïdes & les Hémorrhagies des narines ? En efFec les artères reprennant par-là leur ret. fort naturel feroient en état de pouf* 1er dans les veines le fuperflu du lang qui les fuffoque. Mais voici d 'autres moyens plus fimples Se pref- quVaffi efficaces que la Phyfique nous découvre.

Il efl démontré qu'un fluide quj coule d'un petit canal élaftiquedans un large vaifleau qui n'a point de refïbrt , y croupit en quelque forte , fant il s'y meut lentement. Si donc ]i$ diamètre de toutes les veines pri- (4$ enfemblc devient trois fois plus coniidérable que celui des artères, i! fuit ? toutes chofes égales, que les deux liersde la niaffedu fangpour^ îo.u.çtre contenu dansleç yeinçs

DU VERTIGE. i4ï

Or jufqu'à quel degré ne pourroic- on pas augmenter leur capacité ? L'eau pénétre dans leur cavité par toutes forces de voyes^relâche leurs fibres , affoiblit leur tiflu & par con- léquent les dilate d'autant plus qu'el- le cil: abondante & qu'elle y féjour- ne p!us long-tems , comme on !e remarque dans lesHydropiques dont les veines font très - larges parce qu'elles font prodigieufement gon- flées d'eau, pendant queleursartéres font petites, fechcs& arides ; voi- là en paffant la caufe de leur foif continuelle.

On doit inférer de ce raifoniie- ment que la boiffon ordinaire dans le Vertige pléthorique doit être de Peau & par conféquenr que les Bains font fort falutaires, par cette feule raifon qui eft que les veines fe dc- femplifîent en faveur des artères ' , & ■qu'ainfi la circulation fe fait plus li- brement. Je dis par cette feule raifon, afin de faire remarquer que l'eau

Xiij

a46 TRAITÉ

ne rend point par elle-même le fang plus difîbus , comme on le voir par les expériences de Ruifch & de Bocrhaave & parle fang des Bu- veurs d'eau qui n'eft jamais fluide , qu'à caufe de la foiblefle de la cir- culation qui vient elle-même , com- me nous l'avons dit,du relâchement des fibres que l'eau procure,

La nourriture doit être très-légè- re*, il faut étouffer , s'il eft poffible, les fortes paffions & chaifer les idées amoureufes , qui caufent trop de mouvement dans la machine. Le fommeil trop long eft fort nuifible principalement le jour 8a après le re- pas ;, mais en quelque tems qu'on fc couchera tête doit toujours être fort éievée. Enfin on doit éviterla lumiè- re , le bruit; &c. Se tout ce qui peut augmenter la rarefa£Hon du fang.

Quant aux médicamens antiplé- thoriques,!es principaux font le Mi- tre,le Tartre fans préparation, l'eau deSureau,de Cerifes?de Grofeilles^

DU VERTIGE. 247

&c. Toutes les plantes qui augmen- tent la circulation du fang?telies que le Romarin , le Thinje Serpolet , la Marjolaine & autres fort célèbres dans la cure du Vertige font très- dangereufesdans le Vertige plétho- rique , Se ne conviennent peut-être que dans celui qui vient de la foi- blefle des fibres & des efprits. L'e- xercice même qui efl fi falutaire dans ce dernier cas , comme nous le ver- rons dans la fuite , efl nuifible dans le Vertige pléthorique , quand la pléthore eft parvenue à fon dernier période. Tant il eft vrai qu'il -y a une infinité de maladies comprifes fous un même nom , qu'un remède qui eft falutaire dans un cas , eft nuifible dans un autre, parconféquenc qu'il n'eft point de fpécifiqueuniverfel & qu'en un mot un bon Médecin doit être efeiave de la circonftance Se fui- vre toujours la marche delà nature. Qu'il faut en effet de prudence \ de ■lagacité&dedoârine dans une pro-

Xiiij

248 TRAITÉ fefïîon qui traite de la vie des hom- mes , & dans laquelle la moindre fau- te eft de la dernière conféquence!

Il ne fuffit pas de guérir la plé- thore a&uelle , il faut prendre garde qu'elle fe régénère, C'eft ce qu'on n'a point à craindre dans ceux qui ont la bile & l'urine acres ; car il eft impoffible qu'ils deviennent gras , à moins qu'on ne puiffe corriger la grande âcreté de ces humeurs. Mais îorfqu'elles font naturellement affez douces,on acquiert en peu de tems non-feulement beaucoup d'embon- point , mais la pléthore fe reproduit facilement , comme on l'obferve dans les jeunes gens robuftes qui font plus de fang qu'il ne leur en faut pour croître, & qui pour cette rat- ion font fi fujets au faignement de nez , au Vertige & à différentes ap- paritions qui fe préfentent lorfque le fang eft prêt à couler , & qui fe diffilpent aufïî-tôt après cette éva- cuation, fiellen'eft pas trop abon-

DU VERTIGE. 249

cUnte. Pour obvier à la récidive du Vertige pléthorique , après l'ufage des remèdes que je viens d'indiquer, jeconfeille celui des plantes ameres Se acres telles que l'Abfinthe, le chardon bénit, la petite Centau- rée,le Marrhube blanc , la racine de Gentiane, &c.

CHAPITRE XL

Cure du Vertige qui vient de U faible jfe des efprits*

LE fuc nerveux n'eft Ci mobile ni Ci aifé à mettre en déroute que parce que le fangeft trop fluide ou trop diflbus ; le fang n'efl trop fluide & trop diflbus que parce que les fibres font trop foibles ou trop lâches: enfin les fibres ne font Ci dé- biles que parce que les liqueurs ne circulent pas avecaflezde vitefle: toutes ces chofes ont été clairement

■ayo TRAITÉ prouvées ci-devant: toutes les cau- fes qui augmenteront la circulation du fang, fatisferont donc ici à l'indi- cation thérapeutique ; lefrotemenc, par exemple ? peut furpaffer laâion des folides les mieux conditionnés, il fait palier plus vite le fang des ar- tères dans les veine$j& des veines au cœur : le cœur fe contra&ant plus fréquemment , la même quantité de fang eft plus fouvent pouflee dans les artères -, 8c par conféquent le fro- tement augmente la circulation y comme il paroît par le pouls qui re- double de viteffe, tandis qu'on fe fait froter ; l'aâion des fluides fur les folides eft donc plus fréquente , & par conféquent les folides doivent réagir plus fouvent fur les fluides. Or cette réaâion n'eft autre chofe que laproximationdesélémens qui compofent les fibres , le contad plus f rré , plus intime des fibres qui en- tent dans la compofition des vaif- ieaux ; d'où ii fuit queîefrocement

DU VERTIGE. aji

rend les fibres plusfolides , plus for- tes & plus élaftiques. Or plus les vaif- feaux acquièrent d'élafticité, plus ils font en état de comprimer les fluides qui circulent dans leur cavité , & il cil certain que c'eft de cette preffion que dépend la confiftance du fang & celle des efprits. Puifque la force de la circulation rend le ciffu des fibres fi compafl , on demande pourquoi les entàns dans lefquels le fang cir- cule fi promptement ont les fibres fi foibles & fi lâches : je répondsà cet- te objedtion qu'il faut distinguer la circulation qui n'efttjue propre ou rapide, d'avec celle qui eft rapide Se forte. A la vérité le fang circule avec beaucoup de vitefle dans les enfans; mais comme il eft fort aqueux , il ne frappe que bien foiblement les parois des vaiffeaux , dont il élude, pourainfi dire, la réaâion; au lieu que dans un âge plus avancé , les li- quides feconvercifiant prefque tous en fang rouge, vont attaquer les vaif-

252 TRAITÉ féaux avec plus de force,& les provo- quent ainfi à un combat plus vif éc plus ardent. D'où Ton e(l en droit de conclure que les enfans doivent avoir les fibres foibles > quoique leur fang circule promptement , 8c que la confiftance des humeurs dépend de la force avec laquelle les fluides 8c les folides agiffent les uns fur les autres.

L'équitation eft auffi un des moyens les plus efficaces pour re- médier au genre du Vertige dont il s'agit. Je n'ai prefque rien à ajouter à l'éloge que Sydenham en a fait. Je remarquerai feulement que comme l'air agit en raifon de fa viteffe * il n'eft rien de plus falutaire que de galoper contre le vent. Les vahTeaux extérieurs du. corps & ceux du pou- mon fe rafermiffent par-là en peu de tems d'une façon fort fenlible. Les Dames qui ne font point dans Pha- bitude d'aller à cheval i peuvent fe faire porter en chaife ou en carroffe.

DU VERTIGE. ayj Le mouvement d'un VaifTeau fur la Mer produit à-peu-près les mêmes effets* En un mot tous les différens genres d'exercice augmente la tranfpiration, comme on le voit par l'appétit qu'ils augmentent , & les felles qu'ils diminuent. Ce qui prou- ve qu'il sjeft plus féparéde chyle des alimens 9 Se que conféquemmenr les folides ont acquis plus de reiTort. On conçoit à prêtent pourquoi les An- ciens regardoient le frotement & Pexercice comme la bafe de leur thérapeutique dans les maux qui pn> viennent de pure débilité ? tels que la Phtifie, le Rachitis, &x. Ceux qui feront curieux de connoître les dif- ferens genres d'exercice qui étoient autrefois en ufage à Rome 9 peuvent UreCelfe pag. 23.

Tous les remèdes qui rendent le cours des liqueurs plus rapide font donc ialutaires en ce cas, pourvu qu'en même tçms ils ne relâchent pas lps £b?cfe ? tels que Thé ou k

a 54 TRAIT É Caffé : car quoique ces liqueurs dif- fipent quelquefois tout à coup de pe- tits nuages de vapeurs , il s'en forme dans la fuite de bien plus confidé- rables , comme on le remarque en Hollande les femmes font en gé- néral plus fujettesà ces maladies que les Françoifes , parce qu'elles boi- vent fans ceffe du Thé & du CafFé , & font dans un climat plus humide. Outre ces préceptes, en voici d'au- tres plus importans qu'ils ne le pa* roiffent. Il vaut mieux demeurer au fécond, troifiéme ou quatrième étage qu'au premier ; plus le lieu ou le pays qu on habite eft humide , plus il faut profiter de cet avis. Les vapeurs groflieres qui s'élèvent de terre juf- qu'àune certaine diftance relâchent les fibres. Lorfqu'on demeure ji rez- de-chauffée , le lit l'on couche doit être un peu élevé , félon l'ufage ordinaire des Hollandoisqui font obligés de fe fervir d'une petite échelle pour y monter, Sans cette

DU VERTIGE. 2yj fage précaution ils feroieiK conti- nuellement comme clans un bain de vapeurs. La chambre l'on cou- che doit être boifée fans verni 5 le bois fecabforbe l'humidité de l'air qui voltige fur la furface huiîeufe de la peinture ? comme on le voit par les feis qui fe fondent auprès des mu- railles peintes. C'eft une remarque que les Chimiftes Se les Apotiquaires ont faite il y a long-tems. Les cou- vertures du lit doivent être chauffées tous les foirs Se le lit baffiné. La cha- leur diiïîpe les parties aqueuies qui font entre les élémens fibreux , Se par conféquent rend les vaiiïcaiiX plus folides. C'eft dans ce fens qu'on dit que les fièvres ardentes deffe<- chent Se brûlent. Cette précaution eft principalement néceffaire aux R achitiques. On doit toujours avoir le corps un peu ferré : (a) plus le dia- mètre des vaifTeaux fe rétrécit , plus la chaleur s'augmente , parce que la

la] Boerhaavc ds Fibrâ *kbili & lasâ , Aph, zg . 3,

256 TRAITÉ

force du cœur eft toujours propor* tionnelleàla réfiftancedes artères. Voilà en même-tems la raifon pour laquelle la gl^ce rend les mains fi chaudes. On ne devroit aufTi porter en ce cas que des chemifes de fla- nelle fine lèches & toujours chauffées avant qu'on les prenne. La toile ne convient qu'à ceux qui tranfpirent trop , & il efl démontré qu'on tranf- pire trop peu dans ces maladies. Il fait que l'air eft d'autan tplus falutaire qu'il efl plusfec. Enfin pendant tout le tems de la cure on doit fuir tous les objets qui tournent en rond & qui caufent le Vertige. Ce n'eft que lorfqu'onefttout-à- fait rétabli, qu'on doit peu à peu s'y accoutumer , jet- ter les yeux fur tous les coros mus circulairement , regarder de haut en bas , marcher hardiment dans des chemins étroits , aller fur la mer, ga- loper à cheval en mille iens difië- rens , &c. je ne doute point qu'en ebfervant exactement ces préceptes

on

DU VERTIGE. 257

On ne guérifle parfaitement la plu- part des Vertiges & des vapeurs qui viennent de la débilité des fibres 8c des efprits. Tant il eft vrai que la Médecine n'eft autre chofe que le jugement éclairé par la Phyfique.

Si vous trouvez ces principes fon- dés fur de juftes idées de l'économie animale , voici le régime de vivre qu'il faut fuivre en conféquence. 1 °. Pendant tout le tems de la cure , je confeilîe l'ufage du lait , s'il tîe s'ai- grit point dans l'eftomach. Le meil- leur lait eft celui d^ne femme faine qui ne croît plus, qui fait de l'exer- cice, qui fe nourrit de bons alimens. Il faut boire le lait tout chaud for- tant des mammelles,ou téter la nour- rice auffi-tôt après fa dernière dïgef- tion ; après le lait de femme dont la nature eft la plus analogue à la nô- tre, parce qu'il contient le plus d'é- lémens terreftresou fibreux, le meil- leur eft celui d'ânefle , enfuite celui de Chèvre & celui de Vache. Quel-

Y

a58 TRAITÉ

que le lait qu'on prenne on ne doit point le faire chauffer: l'aciion du feu change ou aîtére la bonne qua- licé en faiiant évaporer les particu- les lubtiles & nourricières.

2°. Les œufs frais fortant du corps de la poule iont ici d'un grand fe- cours. Selon les obfervationsdu cé- lèbre Malphigi (a) le blanc d'œuf frais forme dans l'efpace de vingt & un jours le corps entier d'un poulet par la chaleur naturelle de la poule qui couve l'œuf. La chaleur de l'homme eft femblabie â celle de la poule v le Thermomètre de Fahren- heit en fait foi. Il doit donc fe chan- ger dans le corps de l'homme en parties très-folides. D'ailleurs les ex- périences chimiques que Monfîeur Boerhaave (h) a faites fnr la lym- phequi eft lamatieredela nutrition^ démontrent clairement la parfaite

PT'C.» I r>e ovo ïncubaro | [ b 1 Elément. Chiïru êc de formatione çulli in ; T. a. in Animalia*

DU VERTIGE. 259 analogie de ces deux iubftances. Le blanc d'œufeft donc une excellente nourriture dans la débilité des fibres & des efprits , principalement ii on le délaye encore chaud dans de l'eau & du lait fans l'approcher du feu.

30. Les bouillons de viande font aufîî d'un bon ufage ; l'animai donc on prend la chair pour les faire , doit être jeune , fain , & doit avoir fait de l'exercice. Après avoir entiè- rement dégraiffé la viande, on la coupe par petits morceaux , & on la fait cuire dans la machine de Pa- pin ou dans toute autre femblab.ie , afin que le fuc de la viande le piuf fubtil& lepiusnourriflant ne fe dijV fipe point.

40. On ne doit fe fervir que pain qui a bien fermenté Se qui ef| bien cuit , p;)rce qu'il perd par- fa vilcofi'té qui relâche les fibres & le rend indigefte. On peut le préparer de.bien des façons, en pan£e, en rô- ties avec du vin,en gelée, eh- crème * &c. Y il

260 TRAITÉ

5°. La boiflbn doit être de la Bicr- re , que les Hollandois nommenr Brunfwkoudu Vin; Peau la plus légère eft toujours plus pefante que le vin, parce qu'elle contient plus de parties Hétérogènes : elle doit donc relâcher ou affoiblir les fibres , 8c ainfi tous lesalimens aqueux & gras font contraires au mal dont il s'agit. Au contraire l'efprit qui eft contenu dans le vin donne de lafoliditéaux vaiffeaux jufqu'au point de les ra- cornir enfin, comme on le remar- que dans les cadavres de ceux qui ont beaucoup de liqueurs fortes & fpiritueufes. Cette boiffon doit donc être prife modérément. Il faut imiter la nature qui a percé les pa- pilles des mamelles de très-petits trous afin que les enfans ne puflent pas téter à la fois une trop grande quantité de lait. Mais pour que le vin faffe plus d'effet dans l'eftomach , &nepaffe pas fi vite dans les fécon- des voyeSj il faut en faire des rôties

DU VERTIGE 261

avec de la canelle & un peu de lu- cre. J'ai guéris des femmes très-dé- licates,Hyftériques& Vertigineufes par l'ufage prudent de ce Cardiaque qui feroic bien plus recherché 9 sTil étoit moins commun.

Pour ce qui regarde les remèdes Pharmaceutiques 9 il n'en efl point fans doute de plus efficace en ce cas que la Limaille d'Acier*, on n'en preferit I'ufage qu'après avoir bien préparé les premières voyes ; les ex- périences Chimiques de M. Boer- haave me font croire avec raifon que fon Souffre Métallique fe diffouc 8c s'abforbe par l'acide, dont le ven- tricule des perfonnes foibles efl né- ceflairement rempli , & qu'il y pro- duit un efprit fort chaud qui n;efl du tout point acide. Tout le monde fçait que le Mars contient encore 4in autre principe qui efl le plusaf- tringent&: le plus confondant de tous les corps. Toutes les fois qu'une fille affligée des pâles eoulcuts éa

262 TRAITÉ

nie , fon pouis devient élevé & plus prompt, les parties extérieures de ion corps s'échauffent , ion Vifage prend une couleur vive & vermeille, d'où il fuit que les vaifleaux ont ac- quis par ce remède plus d'élafticité , 8z les fluides plus de confidence. C'eft ainfi que le Mars donne aux viiceres la force de changer le chyle en fang rouge , fur-tout fi en ufanc de ce grand remède, on fait tous les jours un peu d'exercice. Car j'ai fou- vent remarqué que ians cela ce mê- me mal le régénéroit peu de tems après avoir diiparu. Les Vapeurs & les'*Vertigesqui viennent de la pure débilité des fibres fe diffîpent par l'u* fagedu même remède. Mais il faut des mains prudentes pour l'admini- ftrer 9 Se bien connoître le tempéra- ment de ceux à qui on l'ordonne.

Ceux qui aiment les formules tou- tes faites en trouveront ici plufieurs dont je me fuis fer vi avec fuccès.

ft. D'Opiate de Romarin, une once.

DU VERTIGE. z6}

De Cachou à la Violette, deux dragrocs.

De Maftic , une demie dragme.

De Gelée de Coings , une once.

Mêlez le tout avec S. Q. deSyrop de Myrte \ la doze de cette Opiate eft une demie dragme ou une drag- me de trois heures en trois heures.

m. D'Ecorces de TamarilCj

De Canelle ,

De Quinquina ,

De Fleurs de petite Centaurée, parties égales, une demie once.

De Pierre Hématite, une demie dragme.

De Limaille d' A derXixdra^mes*

De Sauge ,

De Stécas Arabique, parties éga- les, une once.

De Vin d'Efpagne^ieux peintes & demie.

LaiiTez le tout en cfigefficHi pen- dant deux ou trois iours, vous- aurez du Vin fort agréable au goût Se ex- cellent dans l'Hydropifie, le Verti-

264 TRAIT Ê

ge , les Vapeurs & les Pâles Cou- leurs. La doze de ce Vin eft trois Verres par jour.

Ou enfin ,

Prenez des feuilles de Lavande, De Romarin , De Marjolaine, De Sauge ,

De Stécas Arabique , Sic. par- ties égales , une demie poignée.

Il faut que ces feuilles foienttrès- féches avant que de les pulvérifer , on fume de cette poudre comme*. duTabac,&on faitpaffer la fumee par le nezjcette fumée qui eft agréa- ble à l'odorat fortifie la membrane pttukaire de Schneider Se le pou- mon : ainfi elle convient non-feulo ment dans le relâchement des fi- bres , mais dans les rhumes du cer- veau improprement dis qui caufent eux-mêmes quelquefois le Vertige , comme il eft aiféde le concevoir.

Voilà un afïez grand nombre de formules ; il eft aifé d'en faire 81 de

les

DU VERTIGE. 265

les varier à l'infini , quand on con- noît parfaitement les caufes& lesfî- gnes des Maladies , quand on fçait dévoiler les diverfes formes fous lef- quellcs elles fcmblcnt le cacher, dé- bouiller leurs complications & in- terpréter , pour ainfidire , le langa- ge équivoque de la nature. Sans cela il cft impoffible d'être heureux dans la pratique. L'expérience même la plus confommée n'eft qu'une routi- ne incertaine , pour ne rien dire de p!us,quand elle n'eft pas dirigée par les lumières de la Phyfique, par une étendue de génie capable de com- biner plufieurs fymptômes, de rat fembler fous un feul point de vue une foule d'idées à la fois , & en un mot par cet efprit de difcuiïion qui eftla clef de toutes les Sciences,

»7<5 TRAITÉ

CHAPITRE XII.

O^j eaufes /ympathiques du Ver- tige.

JE vais entrer dans le détail des çaufesfympathiques du Vertige,

1°, Loriqù'il y a iong-tems qu'on 0 mangé 9 le pilore §(ï flâfque & re- lâché, par conféquent S'il y adeç vers dans les inteftins , ils n'auront pas de peine à monter dans l'efto? ina^. Voilà une caufe fréquente des convulfions , du Vertige & de rSpilepfîe des enfans. Âinïï lorfque ces mm% paroiffent après une trop kmgue abftinence, ou lorfqti'on a lieu de foupçonncr des vers?ondoic §rftptayer dés Aftcàelmintiques ou 4^ forts purgatifs.

%°. I^abiïe monte auffi dans l'efto- mac après des jeûnes trop rigou^ reuK ,'elleyeft continuellement ex*

DU VERTIGE. %6j

tiède dans fon paffage , il n'eftdonc pas furprenaat qu'après avoir féjour- quelque tems dans un vifeerc aufli chaud &auflî proche du cœur, elle s'y brûle , comme parle Durer f (*}■ s'y f utrefie , s'y alçalife ; ce qui produit des exhalaifons corrompues qui irritent les nerfs de Peftomac , Se par conféquent ceux du cerveau qui leur font continus. En ce cas H faut avoir recours à TOximel , à la crème de Tartre , au Sel Polycrefte, au Tartre vitriolé , aux Tamarins , &c. vomitif, purgatif, tout doit être antifeptique,il faut, pour ainfi dire, baigner le corps dansde l'acide.

j°. La colère & la fureur produi- fent les mêmes effets, ces paflions agiffent avec violence fur les con- duits bilaires qui s'ouvrent dans le duodénum, Ainft la bile doit mon- ter ^dans le ventricule & s'y corrom* pre. Ce qui prouve qu'Homère , Hippocrate,&ç.n'avoient pas rai?

0] Oucct, in coaco Hipjpoccat.

2'j

z6$ TRAITÉ

ion de regarder la bile comme4 la Tource de ces paffions.

4°. Voici une nouvelle fource de calamités. Pour peu qu'il fe trouve d'acide dans l'eftomac , Je laie s'y coagule. La partie coagulée ne pou- vant parler par le pilote , féjourne dans la cavité de ce vifeere & s'y aigrir. La même chofe arrive , à me* furc qu'on prend.de nouveau laie. Il n'y a que ù férofité qui s'échappe dans les fécondes voyes, la partie caleufe s'unit à celle qui y efl reftéc 8z s'aigrit encore. Ainfi l'eftomac fe trouve enfin farci de fromage ai- gre, Voilà une nouvelle cauie des coavuifionsVertigineufes & Epilep* çiquesdes enfens."*

... parcourons les autres çaufes fy n> pathiqiies.qui ont leur fiége dans l/elioniac. Loffqu'on a trop mangé, fcs principaux va i fléaux font acca- blés par le poids des alimens, par coniçquenc .ils perdent beaucoup de leur diametrç, Or cela ne peiiç

D*U VERTIGE. 299 arriver que le cours du fangn'y ioic interrompu; ainfi il n'y a que les rameaux qui rampent autour de ies orifices dans lefquels la circulation foit libre. Tous le fan g & tous les; efprits qui étoient auparavant diftri- bucs par tout ce viicere , doivent donc ie porter avec impétuofité vers ces deux ouvertures , ce qui fait qu'elles fe contractent avec violence &fe ferment fpafmodiquemënt. Que devient alors la matière dont le ven> tricule eft furchargé ? elle s'échauffe, fe rarefie,&fe putréfie. Il fort de fou feindes vapeurs putrides qui irritent les nerfs du ventricule, oufe portent au cerveau par la circulation. D'ail- leurs ceuxqui connoifient lâfituation de l'Aorte, ne peuvent douter qu'elle ne perde de fon diamètre par la pref- fion de ce vifcere , d'où il fuit qu'il monte d'autant plus defangà la tête qu'il cuva moins aux parties inférieu- res; ce qui forme un Vertige plétho- rique.auquel les gens de lettres font Z iij

aTO TRAITÉ

principalement fujets parce qu'ils écrivent ou s'appliquent à l'étude auffi-tôt qu'ils font forcis de table.

Les effets de la crapule fontfcm* blables à ceux delà gourmandife. Le ventricule étant dilaté au-de-là de fes forces naturelles , le pilore fe bouche fi exactement , qu'il nelaiffe pas paffer une feule goutte de li- queurs dans les inteftins. Voila la caufe de mille maux dangereux. Le Vertige Se l'Apoplexie ne paroifTcnt que comme les avant-coureurs d'une mort certaine. Ce que je dis ne re- garde pas feulement l'excès du vin, mais l'excès du cidre, delà bierre, du petit lait , de l'eau commune froide ou chaude , du thé, du caffé, des eaux minérales , &c. une trop grande quantité de liquide quel qu'il foit excite des Vertiges crapulaires plus dangereux que ceux qui vien- nent de l'yvreflfe ; car ceux-ci dif- paroiflent auffi-tôt que tout l'efprit du vin fuperflu s'eft exhalé, & que

£>U VERTIGE, 171

par conféquent les folides & les li- quides ont repris leur jufle équilibre. Ceft pourquoi le fommeil fcul diffi* pe toutes les illufions de l'yvreffe, à moins qu'il n'ait refté de mauvai* fes humeurs dans l'eftomae*

Uneépingle,une aiguille ^un mof* ceau de verre * ou de criital , ud noyau , une petite pierre 3 des gruh meaux de fang : en un mot toute matière qui bouche le pilore 9 peut caufer le Vertige & fes plus cruels fymptomes, Vanhelmont (a) racon- te l'hifloire de fon coq qui couroit de côté dans fa cour , tomboitfou- venr en arrière, ne ferele voit que pour«aller donner contre une porte <les coups violens de fa crête & fon front, & mourut ainfi dans uri accès terrible de Vertige. On Vmm vrif , Se l'on ne trouva.d'autfe caufe d'une mort fi extraordinaire qu'un; petit cailloux qui bouchoit exaite* ment lepilore. Cet Auteur raconte

171 TRAITÉ

pluficurs aunes faits qui confirment celui-ci. Ruifch fait mention d'une jeune fille qui mourut après avoir avaliéune aiguille qui s'arrêta au pi- lore. Prelquc tous les Livres font remplis de pareils faits.

Je n'ai garde de pafler fous filence la raréfaâion de l'air dans le ven- tricule. J'entens non-feulement l'air que nous refpirons, mais celui qui ell contenu dans les alimens > 8c qui en fort par la chaleur des parties ils féjournent. Cette raréfaction eft quelquefois fi confidérable , qu'elle caule de violens Vertiges auiquels les Vieillards font principalement fujets , parce qu'ils font remplis de vents ; en ce cas il fuffit de relâcher les parties contra&ées , ou d élargir leur diamètre par des remèdes hui- leux Se aqueux. Le canal étant ou- vert depuis la bouche jufqu a l'anus, vents, pets, rots, borborygmes , tout l'air raréfié s'echape par l'une ou l'au- tre extrémité. G'eft pourquoi je fe-

DU VERTIGE. 17? rois allez de l'avis de Vanhelmonc qui a plus de foi dans cette dilatation des conduits que dans tous les pré- tendus carminatifs.

Voici une belle obfervationd'A- retée. (^)Lorfqu'un abcès du foye vient à s'ouvrir , on elï lujet au Ver- tige 8c à les plus cruels fymptôrnes. C'efl: ici qu'il faut beaucoup de ju- gement & de pénétration pour dé- couvrir la cautedes triftes cataftro- phes qui furvienoent. Si on les at- tribue à quelque caufe idiopathique, on ordonnera des iaignées qui feront périr le Malade,tandis qu'il ne s'agit que de purger entièrement cette vo- mique. Car on a beau faire , aucun fy mptôme ne fe diffipe que lorfqu'on en a fait fortir tout le pus qu'elle contient. Ce qu'on dit du foye peut s'appliquer à tout autre vifeere. Ju- gez combien cette oblervation efl utile dans la pratique. Liiez l'ancien Auteur que je viens de citer 9 c'efl

(<* ) Aret.pag, 127. \z%>

274 TRAITÉ le plus parfait Ecrivain , & î'Gbfeî* vateur le plus exa£t qu'on ait vu de- puis Hyppocrate.

La Péripneumonie n'eft jamais plus dangereufe, quelorfqu'eile efi: accompagnée du Vertige. Mais ce fymptôme ne vient certainement pas des vapeurs qui s*élevent du pou- mon au cerveau , comme on fe l'i- maginoit avant Harvée. Depuis que cet illuftrc Auteur a découvert la circulation , on ne peut douter que l'inflammation des artères capillaires du poumon n'empêche une partie dufangde parler dans le ventricule gauche , ainfi il doit s'accumuler dans le ventricule droit,dans laveine cave, dans les jugulaires, Se par con* féquent dans le cerveau \ de forte qu'enfin les carotides & les artères de l'œil venant à fe gonfler , les Pé- ripneumoniques font faifis du Ver- tige le plus violent. On peut être pris du Vertige pour la même rai- fcn en faifant de grands effortspour

D U' VERTIGE- ±7*

porter des poids confidérables'jcar la grande quantité d'air qu'on retient alors dans le poumon empêche l'ac- tion de ce viicere,& comprime l'ar- tère pulmonaire. Ainfi le fang n'y pouvant circuler qu'avec peine 9 s'amafle dans le cerveau , comme je viens de le dire. Voilà en paffant une des caufes de la colique néphrétique ou de l'inflammation des reins -, car le fang qui s'étoit accumulé dans le poumon pendant tout le tems de l'infpiration , eft pouflee après l'ex- piration avec tant de 'force dans le ventricule gauche , & dans l'Aorte qu'il fe fait paffage dans les petits vaiffeauxdes reins , les dilate &les enflamme d'autant plus qu'ils luire- fiftent moins. Il eft aifé de conce- voir à préfent pourquoi on peut être pris du Vertige à force de courir , de retenir fon haleine , d'éternuer , d'avoir le col ou la tête ferrée. La maladie nommée Choiera 9 (a)

ta J Asetatusj^. 14*

a76 T R A I ,

l'affeflion Hyflérique&: Hypochon- driaquc, de violentes palpitations U) du cœur , du fang grumulé(^) dans l'eftomac , le rhume du cerveau improprement dit , un Polype, !?Hy-. dropilie Afcite, la Gfoflefle, l'ufage de l'Opium ( c ) de petits vers ca- chés dans les replis delà membrane pîtuitaire de Schneider , certains vents , (d) certaines fai forts , la Ci- guë aquatique, la moindre particule de venin , un ulcère ( e ) dans les in- teilins : voilà les principales càufcs du Vertige Symphatique. En un mot pour faire une petite récapitulation de tout ce qui a été dit ci-devant ; ii faut conclure que tout ce qui affai- blit ,épuife, trouble ou fixe les ef- prits \ que tout ce qui irrite ou corn* prime médiatement ou immédiate- ment les nerfs ou la fubftance du cer- veau , 8z enfin que tout ce qui empê- che le fang de circuler par les parties

!>] Aret. p. i6.j>]p »?•] [«*] Hîppocrat. Scft. î. [ c ] Monon ce febtîfoïxsl'Àpir- >'• i?> *?. fft jjenece a jp 3&, | [c] Àiessus, p* éi.

DU VERTIGE. 277

infcrieures3peut cauier le Vertige. Il cft à propos de remarquer que de deux Ver tiges, il y en a un. qui vient de quelque dérangement del'efto.- mac. Vanhelmont (a) a fait de grands efforts pour prouver cette vé- rité qui étoit connue de prefque tous les Médecins qui l'ont précédé.

Voilà l'hifloire générale d'un mal très-fréquent & peu connu ; tous les Auteurs qui en ont écrit font à peine digne d'être lus, excepté l'élégant Aretée & le fubtil Bellini qui m'ont fervi de guides: encore , j'ofe ledi*- re, ni l'un ni l'autre n'en a traité âflez au long ni avec affez de mé- thode. Si les jeunes étudians en Mé- decine retirent quelque fruit de ce petit Ouvrage , je croirai avoir bien profité de l'heureux loifir dont un jeuneMédecin jouit iong-tems avant que la pratique le détourne tout-4* fait de Fétude de fa profeflion,

f <*] Vanh'elm. Pyhrtis Reffor. N, 24,

FIN.

a78 CATALEPSIE

DESCRIPTION

D'UNE CATALEPSIE

HYSTERIQUE.

HELEINE Renault de Saint Malo âgée de 17. ans , & Olive fa fceur aînée furent atta* <juées, l'une le 1 1 8c l'autre le 1 5. du mois de Mars dernier , d'une affec- tion Hyftérique caufée par la fup- preffion de leurs régies. L'aînée n'en eue que cinq ou fix accçs çonfécu- tifs& fut bien-tôt radicalement gué- rie 7 grâce aux Emménaguoges & aux Hyftériques que je lui fis pren- dre , & qui lui rendirent fes menf- truës : la cadette ne fut pas fi heu- reufe , les remèdes qui rétablirent fa fœur ne firent qu'irriter fon mal. Après dix oudouge accès qui nefu»

HYSTERIQUE. 279 rent qu'Hyftériques,ellc tomba dans une véritable Se parfaite Catalepfie , fymptômes de vapeurs , métamor* phofe nouvelle , dont aucun Au- teur,que je fçache,n?a fait mention, "Les doigtsjes phalanges des doigts, Je poignet, l'avant-bras , le bras, les y eux, la tête, toutreftoit immobile , dans la fituation Ton s'avifoitde la mettre; en un mot ce fpeâacle étoitfi effrayant, que la Meredela Malade fut prife d'un violent accès Hyftérique la première fois qu'ellç vit fa fille en cet état. Outre ces ac* ciderçs communs aux Cataleptiques, l'odorat de celle-ci avoit un fenti- ment exquisjquelqu'odeur fpiritueu* fe un peu forte qu'on approchât à î ou 2 pouces de la narine droite, elle fe jettoit du côté gauche , fi on Tapprochoit de l'autre narine, elle fe retpurnoit avec force du côté droit : fi l'on ôtoit la main avec la- quelle elle reçoit fortement: (on XiïZp elle y portait l'autre avec une vuene

280 CATALEPSIE

incroyablejîl'onôtoit encore celle-- ci, la première qui croit rcflée iuf? pendue ne fernbloit l'être que pour défendre plus promptement cet or- gane ennemi déclaré de toutes for- tes d'odeurs fortes ? & principale- ment de l'efprit volatil de Sel Am- moniac qu'elle fentoit à plus de dix pieds dediftance de fon lit. Lorf- qu'on l'approchoit d'elle un peu plus près , elle fe couvroit le vilage de Ion drap ou fe cachoit fous la cou- verture par je ne lçai quel inflinct qu perception qui la fervoit fans le confentem'ent de fa volonté : on n'a? yoit même qu'à prononcer le nom de cet efprit , la voilà fur fés gardes, comme ces fous que certains mots mettent fur leur folie. Enfin fi l'on venoit armé d'une plume trempée dans cet elprit pour violenter ion nez & la faire ainii revenir -, elle peuffoît des cris affreux , fans les entendre:, lui prenoitdes convul- fions violentes, des tr^nfports de co- lère

HYSTERIQUE. 281 1ère & de rage , trois hommes ne pouvoienc alors la renir , elie qui avant l'accès avoit à peine la force de parler. Ce qui prouve évidem- ment que quoique les efprits vola- tils diffipenc pour l'ordinaire la Ca- talepfie préfente 7 ils font toujours nuifibles dans les maladies des nerfs par la grande irritation qu'ils leur caufent ;&par conféquenc lorfqa'ua Médecin aura à traiter une Catalep- fie Hyftérique comme celle-ci ? il ne doit point fe fervir d'efprit auffi violent pour diffiper le Paroxifme aâuel. J'ai remarqué que la fumée d'une carte allumée fa if oit le même effet fans aucun danger.

Notre malade eut pendant Pef- pace de deux mois plus de vingt ac- cès de cette Cataiepfie que j'appelle Hyftçrique , parce qtr'en effet elle fuccédoit toujours à l'affeciion Hyf- terique : à>nrtefure que ion oppref-. ftondiminuoit?.fesyeuyi paroiffoient plus fixes s M en même îcîtls qu'elle

A a

282 CATALEPSIE

ceffoit, il lui prenoit ordinairement un petit Vertige ténébreux qui la faifoit doucement tomber fur fon oreiller. Quelquefois cependant fa Catalepfie étoit accompagnée de fa fuffocation utérine à laquelle on voïoit fouvent fuccéder d e violentes convulfions t & un délire bien plus fpirituel que l'état fain. Il arrivoic aufli de tems en tems qu'elle revoit durant fon accès de Catalepfie T il étoit alors affez plàifant de voir cette jeune fille aflife dans fon lit , le tronc immobile , la tête panehée , lesyeux tournés de tous les cotés qu'on s'a- vifoit de les tourner y les bras fléchie & fufpendus, foûrire agréablement avant que de parler r comme une ftatue à refforts fufceptible de toutes fortes de mouvemens. Après cha- que accès , elle jouiffoit cPune Apu- rexie femblable à celle des fièvres intermittentes ,. & fe portoit bien* qu'elle fe flàttott toujours de ne plus retombe? £ cependant b moindre

HYSTERIQUE. 183

frayeur, une mauvaiie nouvelle, le plus petit fujet de mélancolie ou de colère ,Ja moindre odeur puante & Hyfterique, telle que celle du Gai- toreum ou de la Rhue , reveilloient ce genre de mal , 8c même en acce- leroienc le Paroxifme.

Après tous ces accès de Catalep- fie Hyfterique , la malade eut pen- dant près de deux (a) mois un heu* reux intervalle que le lait de chèvre, l'air de la campagne ,. & principale^ ment l'exercice , lui procurèrent. Mais elle fut à peine de retour à 1# Ville que la Catalepfie reparut r fans être comme auparavant précédée do Faffe&ion Hyfterique , mais avec d'autres fingularités remarquables. Elle commençok Toujours par tom- ber en foibleffe , Se quelquefois en* fyncope. Lorfque dans cet état om s'avifoit de la picquer pour la faire revenir ,ou de lui faire fentir que!- qu'odeur puante . elle devenoir Ça**

(*} fnïn & JuiU«s,

284 CATALEPSIE

raleptique \ mais pour l'ordinaire de la moitié du corps feulement. On l'a vue auffi tomber d'elle - même dans cette demie Catalepfie qui étoit plus ou moins parfaite. Enfin ce mal qui change de face, comme un Protée 9 prit une nouvelle face bien plus dangereufe que les précé- dentes, je parie de l'Apoplexie. Le premier accès dura trois jours en- tiers avec des convulfions fi violen- tes de la machoir? inférieure 9 qu'on ne voyoit point les dents de cette mâchoire , & que par conséquent on ne pouvoit rien lui faire avaler \ elle n'a eu depuis le mois d'Août que deux légères attaques de cette Apo- plexie Cataleptique.

Voilà Phiftoire delà maladie d'He- leine Renault ; je n'avance rien qui ne foit exactement vrai , 8c que la plupart des Médecins de Saint Malo n'ayent vu. Ceux qui ieront curieux de connoître les différentes caufes Phyfiques de la Catalepfie propre-

HYSTERIQUE. 285

mène dite, peuvent confuker Bel- lini. Oeft à mon avis celui qui les a le mieux expliquées. Pour la Ca- talcpiie Hyflerique dont il s'agit, je ne connois point d'auteur qui l'ait décrire. Toutes les Hiftoi.ires de Ca- talepfie qu'on trouve à la fuite de la differtation de Dionis fur la mort ^^//^nereffemblentpoinràcellecî , comme 011 en peut juger. On trouve auffi dans plusieurs Auteurs l'expli- cation des eau les Se des effets de l'affeâion Hyfterique , qu'il fuffit de coudre avec celle que Bellini a faite de la Cataîepfie , pour comprendre ce qu'il y a de plus merveilleux en. apparence dans ce récit» Aurefte.ee merveilleux n'eft que pour ceux qui ignorent jufqu'à quel degré peut al- ler le dérangement de notre machi- ne v car ceux qui font éclairés des lu- mières de la phyfique penferont tout autrement , perfuadés que tous les mouvernens du corps humain qui paroiffent le plus tenir du prodige,

z%6 CATALEPSIE

ne fe font que par des loix pure- ment naturelles , quoiqu'il taille avouer que les plus habiles font fans- doute fort éloignés de la parfaite connoiffanee de ces loix.

Sans me répandre en de vains rai- fonnemens qui me meneroient trop loin , je me contenterai donc de marquer ici ce que j'ai obfervé dans la cure de ce genre de mal. t°. On* a employé inutilement tous les re- mèdes capables de faire revenir les règles de la malade. 2°. Tous les An- tifpaf modiques fétides recomman- dés par tous les Médecins dans la cure des vapeurs y nous ont toujours paru fort nuifibles. }°. Oiia tiré en^ viron quinze ou feize livres de iang; dans le cours de la maladie , tant dt* bras Se du pied , que de la gorge & du nez. 40. Tous les remèdes aqueux ont eu des effets faiuraires. 5e Le Syrop de Karabé Narcotique donné à propos , a fouvent calmé prefque tout à coup l'Erethifme des^

HYSTERIQUE. i&7

nerfs & l'Ataxie des efprits. 6°. La malade a eu pendant deux mois , depuis Ion premier accès , une ef- pece de diarrhée entretenue par de légers Purgatifs , à laquelle elle at- tribue fa guerifon \ en effet je ne doute pas que cette évacuation ®fy entre pour beaucoup , & on peur r ce me femble , en inférer que les purgatifs ,.& principalement les Hy- dragogues conviennent dans ces fortes de maladies, 70. On a toujours mis en ufage un régime de vivre fort hume£tant.

Voilà en peu de mots la méthode Thérapeutique qu'on a fuivie. La malade paroit jouir d'une famé par- faite,, quoique fes règles ne foyenir point encore revenues. C'efl: pour- quoi on met aâuellement en œuvre tous les moyens capables de les ra- peller y afin que la curatioa foit ra* dkale.

188 RÉPONSE

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LETTRE

A MONSIEUR

ASTRUC.

GNSIEUR

?

LA critique que vous avez ES de ma differtation fur les Ma- ladies Venériennesya fans doute de- *y\ formé contre moi des préjugés qu'il m'eft important de détruire. C'eft dans cette idée que j'entre- prens de me.juftifier.

Vous dites (a) que Monfieur Boerhaave n'établit pas toujours le

(*} De Motbis Venesi» , -^. 5 s*»

fiege

A M. ASTRUC, 289 fiége du venin vénérien dans la graifTe , & que vous n'avez rien 1$ dans toute la Préface de l'Apliro- difiacus qui foit en faveur de cet» ce conclufion , que je tire dans la troiiîeme page de mon difeours préliminaire ; il ne faut cependant qu'un peu d'attention pour en con- venir, La defeription exa&e que Monfieur Boerhaave ( a ) fait & qu'il dit être obligé de faire du Pannicule adipeux pour expliquer fon fyfteme fur la Vérole , la membrane cellu- laire de Ruifch qui environne les glandes de Couper , les Proflates , ïes Veiïcules feminales , &c. & qui ielon lui [b ) , fert de fiége aux diffé- rentes efpeces de Gonorrhées , les fignes qu'il donne ( c ) pour faire connoître fi le venin cft répandu dans toutes les cellules adipeufes , enfin la cure qu il fait (d) confifter à évacuer jufqu'à la dernière goûte

C») Aph. Pratf p. 6, (c)Pag 17.18.

(b)-pag U. '*. f [dJPag. i. 9.

B.b

290 RÉPONSE

d'huile infeftée , tout manifçflc qu'il prétend que le mal vénérien na point d'autre fiége que la graifle. Telle eft fon opinion : elle iaute aux yeux prefqueà chaque page. Auffj, quoi- qu'elle loir peu conforme à la vôtre f il paroit que vous n'avez pu longr tems vous la diflîmuler. Les propres prrolesde Monfieur Boerhaave que vous ra portez (a ) , & les efforts que vous faites pour les réfuter vous trahifTent malgré vous , 8c font aper? cevoiren même tems uuc contre di&iou affez fiiguliere. Car pour* quoi difputçr contre un fait qu'ot* nie?

a0 Je ne fçai pourquoi vous croyez {h) que j'attribue h pre- mière origine de la Vérole ai| com- merce impur d'une Courtifane de Valence avec un Lépreux. Ilfalloit que vous eutîiez l'efprit bien occupé de l'opinion de J. Manard pour me la denner gratis; car j'en fuis éloignç

lï) 3* M*. I tb3 Pî»g. S6+*

3

A M. ASTRUC. 291 tetoCçlo. Je ne raconte ce fait (a) ue pour faire mention des progrès e la contagion Vénérienne. Ei> effet , il s'agit d'une fille de joye qui donnaJayeroleàun lépreux. Elle l'avoit donc , çopme M. Freind le penfe (b ) : la conféquence eft claire , & il n'y a aucune contradi&ion avec ce que je dis (c) : j'en fais juges jousmes lefteurs ; je fuis perfuadé .qu'ils conviendront auffi que vous p'ètes pas plus fondé à inférer (d) que je rejette tpuslçs caïmans, les raftaichiff^ns , les Anodyns dans la cure de la Gonorrhée,& que je pré- fère le Turbith minerai, Je n'en dis pas uti feul mot en ce cas ; fi je le* confeilîp , c'efl feulenient lorfqu'il forme des Veruçs Vénériennes dans l'Urerhre. Voilà trois points effen? tiels dans lefquels j'ai eu le malheur de n'être point entendu. Ce qui me

[ a ] DilT. fut les Mal. | [c 3 Pag. ?+. 35. j<f.

Vencp. Pag 39. , [ d ] M. Aft'ruc tire cet-

f b "J Hift de la Med, tecouféq. des p. 6p, sj.

Tom. 3 pag. ipg. ) 54. de ma DiflTcrt. "

B b i j

29X RÉPONSE

confole , Monfieur, c'eft que ceux qui m'ont lu avec plus d'attention , me rendent plus de juftice.

Je paffe aux raiforinemens que vous faites ( a ) fur la vertu du Mer» cure. Vous accordez qu'il guérit ra- dicalement la Vérole lorfqu'elle in* feâe d^es lieux fe trouvent des ar- tères dans lefquelles la circulation fe fait avec affez de viteffe . Or , dites* vous ? il n'y a aucune partie vivante clans tout le corps l'on ne trouve de telles artères : donc le Mercure efl toujours efficace dans h cure de la YcTQÎe. Permettez-îTioi , Monfieur, de Vous faire confiderer la membra* ne cellulaire de la verge. Les hu* meurs y circulent-elles affez vite , pour que le vif-argent gueriffe les Gonorrhées qui y ont leur fiége ? Non fans doute. Vous en convenez vous-même ( h ). La rooëllç des os qui rfi filtrée par les vaiffeaux du periofc te n'efl-elle pas en quelque forte hors

(a) P.g? HS 1+tf- | (b) Pag. 145, N.4.

A M. ASTRUC 193 lie la circulation , dès qu'elle eft une fois dépoiéedans leurs cavicés ou en- tre leurs larmes î LereiTort des vaii- feaux , des petits offelttsdu nez eft- il affez fort pouf reioudre le Vif- argent en fes Atomes > Or 9 félon vous -même , cela eft abfolumenc neceffaire pour qu'il puiffe divifer à fon tour les liqueurs infcâées 9 Se les rendre affez fluides pour pou- voir être évacuées. Par confequenc fi le vomer , par exemple ? a une lame cariée , ce foffile ne pourra la détacher des autres lames voifines vivantes. Il ne iuffii donc pas qu'il agiffepar fa feule pelanteur. Si le vi- rus eft dans des lieux fi éloignés du cœur que fon a£lion s'y fafïeà peine fentir , il bravera , pour ainfi dire , le Mercure avec toute fa vertu.

Le Gayac en décoâion eft fans doute bien plus efficace ; comme il paroît par la propre expérience de Hutten, & les observations de Mon- fieur Boerhaave *, c'eft une vérité

Bbiij

i94 RÉPONSE

que vous n'avez pu éluder qu'en les confondant (a ) enfemble avec plus d'adreffe que de bonne foi pour don- ner lieu à une conjeâure qui pafoîc peu fondée.

Pour ce qui regarde les friûionS mcrcurielles , vous prétendez ( b ) , Monfieur , qu'on peut déterminer exaftement la quantité de Mercure qui entre dans les vaiffeaux , en con- fiderant i °. La grandeur ou l'éten- due de la partie qu'on frote. 1. La finefle > la propreté ou la chaleur de la peau. j°. La quantité de Mercure mêlé avec l'onguent. 40. La pureté , la mobilité de ce foffile. 50. La for- ce du frotement , le tems qu'il dure , &c. Les conditions de la peau , fé- lon vous , font donc en raifon com- pofée de l'étendue , de la propreté & de la chaleur de la partie frotée : celles du Mercure font aufli en rai- fon compofée de fa quantité , de fa mobilité , de fon mouvement , &c.

C*3 *»g. 143. [bjPag. n*.

A M. A S T R Ù C. 295

C'eftainfi , ajoutez- vous,qu'on peuc juger de la quantité de Vif-argenc qui entre dans le fang par les fric- tions , en faifant attention à la rai- fon compoféedes deux raifonscom- pofées. Penfez-vous donc , Mon- iteur , que ce froteur dont vous ne dirigez pas la main 5 puilTe obferver des combinaifons qu'il n'entend pas» & que le plus fçavant Géomètre ne pourroit fuivre exactement * Vous- même qui les avez faites Ci ingenieu- fement , vous vanteriez - vous de pouvoir fûrement prédire par-là qu'il en refulteroit une ialivation qui ne feroit ni trop ni trop peu abondan- te : la différente combinaifon de ces conditions ne produit-elle pas fou* vent plus d'effet avec une petite qu'avec une grande quantitéde Mer- cure? Quand même on feroit fiir qu'il y auroit 115000. pores dans un petit efpace de la peau qu'un grain de fable pourroit couvrir , comme fe l'eft imaginé celui qui a

Bbiiij

*9<5 RÉPONSE

vu la caufe des Fièvres au travers d'un microfcope , il faudroit encore fçavoir, i°. Combien il y auroit de ces petits efpaces dans toute l'éten- duëdela partiequ'onfrote.20. Mul- riplier les pores connus dans tel ef- pace par le nombre des autres efpa- ces enfin découvert , pour connoî- tre le nombre infini de pores de la partie frotée. 50. Il faudroit fçavoir combien il entre d'Atomes mercu- riels par chaque pore 3 ou de Mer- cure par tous les pores enfembie. Mais comme le Mercure entre par les porcs de la peau , proportionel- ïement à leur diamètre , il fuît que votre régie efl incertaine. Il faut convenir que vous ne la donnez pas pour géométriquement fûre. Auf- fi 9 fi j'y trouve à redire , fouvenez- vous , je vous prie , que vous m'avez reproché plufieurs fautes d'impref- fion très-fenfibîes. C'eft une petite vengeance pardonnable.

Enfin , Monfieur , vous préten-

A M. A S T R U C 297 dez qu'on peut guérir la Vérole fans la falivation. C'eft un fait, dites* Vous , d'expérience fouvent réitérée. Mais par malheur combien de célè- bres Praticiens, tels que Sydenham, Freind , Boerahave , &c. difent le contraire ! » Les Médecins de Mont- »pellier,dh Monfieur Fréind,(a)<?#* » beau vanter leurs onguents & toutes i> leur s préparations mercurielles , lorft » que ces remèdes ne font du tout point » ou ne font point a([ez>faliver , la cure » du mal nefl que palliée. Nous avons » fouvent pratiqué leur méthode 5 mais » nous n'avons jamais eu lieu d'en être vfatis faits. » Rien ne fait plus de tort à la Médecine que cette contradic- tion des plus grands Médecins , en ce cas, comme en bien d'autres. Ce qu'il y a de certain , c'eft que le Vif- argent , par quelque voye qu'il entre dans le corps, produit naturellement la falivation. Donc fi on détermine l'effet de ce remède par les felles 9

fa] Hift. de la Med. Tom. 3, pag. 273,

%9* RÉPONSE on s'oppofe , pour ainfi dire , à l'in* tention de la nature & du remedé qui femblent affeâer de concert d'évacuer les humeurs veroliques pat la bouche. D'où il fuit que cette der- nière méthode n'efl point généra- lement bonne ; & qu'ainfi on ne doit s'en fervif qu'en certains cas parti* culier.

Voilà , Monfieur , ce que f ai cru devoir vous répondre pour me jus- tifier aux yeux du public. Au refte j'ai lu votre Livre avec beaucoup de pîaifir. C'eft l'ouvrage le plus complet que nous ayons en ce genre^ & il n'efl: fans doute rien déplus cu- rieux que l'hiftoire que vous faites de l'origine & des progrès du mal Vénérien. Je fuis cependant fâché que malgré l'envie que vous aviez de ne vous difïïmuler aucun des ar- guments qu'on peut faire contre no- tre opinion, vous ayez oublié ceux qu'on tire ordinairement du XV. chapitre du Levitique, & n'ayez pas

AM.AST RUC 199 refuté plus au long le fyfteme plau- fîblë du fçavant P. Calmet. Comme fes deux Differtations fur la Lèpre des Juifs , Se fur la maladie de Job font inférées dans fes Commentaires fur la Bible que peu de gens font en état d'avoir , on eût été charmé d'en trouver Tanalyfe critique dans votre excellent ouvrage. Cette difeution eût été plus utile que tous les Statuts de laReine Jeanne dont le quatrième article fitffifoit. Il eût été d'ailleurs âffez plaifant de voir une foule de Théologiens mettre tout en œuvre pour prouver que Job avoit la Vé- role, pendant que Bayle& des Mé- decins tels que Bartolin & vous prétendent que ce feroit faire injure à ce Saint Homme que de lui don- ner une incommodité auilî honteufe, & qu'on devroit parrefpeft couvrir fon niai d'un Voile plus honnête ou n'en point parler. Au refte , Mon- fieur , comme vous faites voir clai- rement l'énorme différence qu'il y a

300 REPONSE entre la Lèpre des Arabes ou des Grecs & la Vérole , il eft aile de fixer ion jugement fur la Lèpre des Juifs. Mais je ne penfe pas que cette dif- férence vienne en partie de ce que la Lèpre n'eft ordinairement poinE contagieufe , comme vous le di- tes (aJ; la description que Féleganç Aretée fait de l'Elephantiafis , & principalement les Loix feveres de Moïfe , me perfuadent le contraire. Pour ce qui regarde la fameufe St inutile queftion de l'origine de la Vérole , vous l'avez fans doute déci- dée & aprofondie dans les i oo. pages in 40. que vous lui avez confacrées» 11 faut nécessairement conclure de tous les faits que vous rapportez, qu'elle n'a commencé à paroitrc en Europe qu'au fiégede Napîes. C'efl un fait que vous avez rendu plus clair que le jour , & il n'eft rien de plus judicieux que la reflexion que vous faites après M. le Clerc (b) t

( a ] P. x i , ( b ) Hift. de la Mcd» de le Clerc.

AM.ASTRUC. joi qui eil que quand même il eue été poffible que les anciens Médecins qui ont décrit les moindres mala- dies avec une e#a£titude fi ferupu- leufe , euflent négligé de faire men- tion du mal Vénérien, du moins les Poètes ne l'auroient pas oublié. Un fond auffi inépuifable de latyre & de raillerie pour nos Poètes modernes* eût-il échapé à un Bocace , à un Pétrone , à un Juvenal ? &c. J'ai l'honneur d?être ,

MGNSIEU K9

x . . .

Votre très-humble & très obéiffant Serviteur, pp Ia Mettiiîe,

TABLE

De ee qui eft contenu dans le Traité de la Théorie Chymique.

DEs trois lignes y page % Du Feu^ 14

De l'Air^ 48

pe fEaUy 72,

pe U Terre ) ioj

Fin de la Table de 1^ Thçprie Chymique*

TABLE

pe ce qui eft contenu dans le Traité du Vemge-

GH A P. I. Defcription des Symptômes du Vertige >

\èi

C H. II. Explication des Symp*

tomes du, Vertige > iy%

G H. III. D'vyifion du Ver tige y

190

C H. I V. Caufes externes na- turelles 4% Vertige 9 ^^

ÇH. V. De$ caufes externes non naturelles du Vçrtige ,

ï'ûi

CH. VI. Des caufes internes:

idiopathiques du Vfrtige^n 3

TABLE.

C H. VU. Des évacuations or^ dinaires ou périodiques fupm

primées , z j %

CH- VIII. Des évacuations

trop abondantes , 2.36

CH. IX, De la foiblejfe des

efprits , 249

C H. X; De h cure du Vertige

pléthorique ■' 242

C H. X I. Cure du Vertige q ui

fuient de la foiblejfe des ef

prit s y 249

CH. XII. Des caufes (ympa-

thiques du Vertige ' z66 Defcription d'uneCatalepfîe Hyf

tériquey 278

%éponfe a Monfeur Aflruc, 288

F I N.

COUNTWAY LIBRARY OF MEDICINE

QD 30 E63

VA.

1&