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J^fci n puissant intérêt se rattache à la connaissance des êtres organisés cle ^ '$/ toutes sortes que la Nature a répandus sur le globe terrestre avec une si £ admirable profusion ; mais le sentiment de curiosité que leurs myriades 4|f d'espèces excite en nous, prend un caractère plus sérieux, lorsqu'il s'agit de la classe des Mammifères. C'est parmi ces Animaux, les plus intelligents de tous, les plus forts et les plus parfaits en organisation, que l'Homme a trouvé ses auxiliaires indispensables : le Chien, ce serviteur à la fois intelligent et dévoué ; le Cheval, qui lutte avec nous dans les combats; le Bœuf, si utile à l'agriculture que les Égyptiens en avaient fait un des objets de leur adoration ; le Mouton , la Chèvre et plusieurs autres encore, qui ont été dans tous les temps des sources intarissables de richesses. C'est aussi aux Animaux mammifères que nous empruntons nos plus belles fourrures. Enfin la recherche des Cétacés, qui donne lieu ;\ une branche importante de l'industrie, a successivement con- duit les navigateurs sur tous les points de l'Océan, .et elle a été, dans plusieurs occasions, la cause de curieuses découvertes géographiques. # A chaque pas, dans la vie, l'Homme est en rapport avec les Animaux Mammifères, et, l*'e PARTIR. a Il lorsqu'il étudie leur conformation anatomique ou qu'il cherche à les soigner dans leurs maladies, il acquiert bientôt des connaissances nouvelles aussi utiles à l'art de guérir qu'à la science proprement dite. La philosophie elle-même doit beaucoup à cette partie de l'histoire naturelle, soit qu'elle cherche à apprécier les aptitudes intellectuelles ou instinctives qui distinguent les espèces, soit qu'elle établisse les lois admirables suivant lesquelles ces dernières ont été réparties entre les continents et dans les différentes mers. Que saurait-on sur la nature humaine si l'on n'avait comparé l'Homme aux espèces qui se rapprochent le plus de lui par leur organisation, et que serait l'Homme lui-même si la Providence n'avait placé au-dessous de lui sur cette terre la classe entière des Animaux mammifères dont il tire des services si variés et des produits si nombreux ? L'intéressante division du règne animal, qui fera l'objet de cet ouvrage, comprend à la fois les Quadrupèdes vivipares des auteurs anciens et leurs Cétacés, c'est-à-dire ceux de tous les Animaux que l'on a toujours étudiés avec le plus de soin. Les grands esprits de tous les temps ont voulu en connaître les principales espèces, et la Mammalogie, c'est-à-dire cette partie de la zoologie qui traite des Mammifères, a toujours occupé une place importante dans les diverses encyclopédies. Les œuvres d'Aristote, celles de Pline, celles d'Albert le Grand ou de Gesner, et, à une époque plus rapprochée de nous, celles de Buffon, renferment à cet égard les documents les plus précieux et elles nous font connaître la somme des connaissances mammalogiques aux divers âges de la civilisation européenne. Pendant la seconde moitié du siècle dernier, Buffon a rassemblé toutes les données que les naturalistes et les voyageurs avaient recueillies sur les Mammifères, et, en y ajoutant ses nombreuses observations et des vues aussi générales qu'élevées, il a écrit un ouvrage que tout le monde a lu et qui est l'un des plus beaux monuments qu'on ait élevés aux sciences naturelles. Plus récemment, Pallas, P. Camper, Georges et Frédéric Cuvier, Etienne-Geoffroy-Saint- Hilaire, de Blainville, sur les travaux desquels nous reviendrons bientôt, ont fait une étude approfondie des Animaux: mammifères. Les découvertes célèbres de ces naturalistes éminents ont renouvelé la face de la science, et, de nos jours, la plupart des hommes distingués qui sont à la tète de la zoologie se sont aussi occupés des Mammifères avec le plus grand soin. Par leurs importantes publications, ils ont, comme l'avaient fait leurs devanciers, ajouté des notions précises à celles que l'on possédait antérieurement. Nous aurons souvent l'oc- casion d'expo:,er dans. cet ouvrage les découvertes des naturalistes anciens et modernes; mais nous devions les signaler dès à présent d'une manière générale pour rappeler à quelles sources fécondes il nous a été possible de puiser. III Travailler aux progrès do la science ou exposer seulement les résultats qu'elle a acquis sont deux choses également sérieuses et dont nous ne nous sommes dissimulé ni les difficultés ni les exigences; mais les relations suivies qui existent aujourd'hui entre les sa- vants de tous les pays ont déjà levé une grande partie des obstacles qui s'opposaient, il y a peu d'années encore, aux entreprises de ce genre. Cependant nous n'aurions pas assumé la responsabilité d'un ouvrage aussi considérable que cette Histoire naturelle des Mammifères, si nous n'avions été assez heureux pour faire antérieurement, sous plusieurs des maîtres de la science, une longue étude de la plupart des sujets qui y seront traités, et si, depuis près de vingt ans , nos efforts n'avaient été en grande partie dirigés vers cette branche de la zoologie que nous avons cherché à connaître sous les divers rapports de la zoologie propre- ment dite, de l'anatomie comparée et de la paléontologie. Ce livre n'est donc pas une oeuvre de simple compilation, car nous avons vu les objets dont nous parlons, toutes les fois que cela nous a été possible, et l'attention que nous avons portée dans leur examen nous a permis, dans certains cas, d'en donner une interprétation différente de celles auxquelles étaient précédemment arrivés d'autres observateurs. Dans cette longue exposition, dont les matériaux sont épars dans des ouvrages si nombreux ou dans les principales collections de l'Europe , nous avons cherché à réunir les principales découvertes auxquelles les Mammifères ont donné lieu depuis Buffon, sans négliger toutefois celles dont la science s'était déjà enrichie par la publication de son admirable ouvrage. Lais- sant au grand écrivain son style inimitable, et ses considérations élevées, il nous a paru conve- nable de nous attacher principalement à la clarté des démonstrations, et nous avons été surtout désireux d'exposer avec simplicité les faits nombreux et suffisamment éloquents par eux-mêmes dont la science s'est enrichie depuis ce grand naturaliste. Quelque difficile que fût cette tache, nous avons pourtant la confiance que les personnes éclairées qui aiment l'histoire naturelle et qui en reconnaissent la portée accueilleront notre travail avec quelque bienveillance, car rien n'a été négligé, soit par l'éditeur, soit par nous, pour lui conserver le caractère intéressant et sérieux que le sujet comporte. La classe des Mammifères se prête, plus que toute autre, aux considérations générales et philosophiques ; elle est également celle qui permet les applications économiques les plus nombreuses. Ce double point de vue devait être ménagé dans cette nouvelle Histoire des Mammifères, mais sans nuire à la partie descriptive ni aux détails de mœurs ou d'organi- sation qui en forment la base. Il était en même temps utile que le fond de l'ouvrage ne fût pas obscurci par les discussions, fort utiles d'ailleurs, mais ici déplacées, de la synonymie, ou par la minutie des diagnoses. Malgré leur importance, ces deux derniers éléments de la zoologie doivent rester dans les ouvrages spéciaux, uniquement destinés aux hommes de la science ou dans les recueils périodiques à l'aide desquels ceux-ci communiquent entre eux. IV D'ailleurs, la concision n'exclut pas l'exactitude, et, pour être plus courte, une description ou une synonymie ne sont pas moins suffisantes, lorsque l'on a le soin de ne diminuer leui étendue que par la suppression de particularités accessoires ou d'une moindre importance, et que l'on sait éviter de parler plusieurs fois des Animaux de même espèce qui ont été décrits sous des noms différents. L'Iconographie peut, dans bien des cas, suppléer avanta- geusement à la brièveté des descriptions, et elle occupe dans ce livre une place assez im- portante pour que nous soyons sans inquiétude sous ce dernier rapport. Le lecteur jugera si nous avons été aussi heureux quant aux autres, et tout ce qui nous reste à faire, c'est de solliciter très-franchement son indulgence pour les erreurs ou les omissions qui nous au- raient échappé, et pour les autres imperfections qu'il remarquera dans ce livre. Voici l'ordre que nous avons adopté : V Introduction qui commence le premier volume comprend, après quelques généralités relatives à l'ensemble des Mammifères, l'histoire de la Mammalogie envisagée sous le rapport, de ses progrès successifs , l'exposé des principales classifications dont les Mammifères ont été l'objet, et quelques remarques sur les modifications qu'il nous a paru convenable d'apporter dans l'exposition méthodique des Animaux dont nous traitons dans ce livre. La description méthodique des Ordres, Familles, Genres et Espèces vient ensuite. Elle forme la plus grande partie de l'ouvrage et fait connaître les mœurs, l'utilité, l'organisa- tion, etc. des Animaux mammifères dont elle s'occupe successivement. Les principaux groupes que nous avons cru devoir admettre, et dont on trouvera le tableau plus détaillé à la fin de l'Introduction, sont au nombre de quatorze. Les onze pre- miers comprennent des espèces terrestres et les trois derniers des espèces marines. On pourrait donner à ceux-ci le nom de Thalassothériens et aux précédents celui de Géothé- riens. Voici la liste des uns et des autres : 4. PRIMATES. 2. CHÉIROPTÈRES, 3. INSECTIVORES, 4. RONGEURS, 5. CARNIVORES, 6. PROROSCIDIENS, 7. JUMENT ES ou Pachydermes herbi- vores cl it do'ujls impairs, 8. RISULQUESou Ruminants et Pachy- dermes omnivores et a doiffts pairs, <>. ÉDENTÉS divers, 10. MARSUPIAUX divers, il. MONOTRÈMES, i± PHOQUES, 13. S1RÉNIIJÉS, 1-4. CÉTACÉS, INTRODUCTION CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES MAMMIFÈRES Les Mammifères, que les anciens séparaient mal à propos en deux catégories différentes, sous les noms de Quadrupèdes vivipares et de Cétacés, tonnent la première classe des Vertébrés. Ils rentrent dans la division des Animaux propres à cet embranchement, qui sont pourvus d'une vésicule allantoïdc et d'un amnios, avant leur naissance. Ils sont vivipares, et, lorsqu'ils viennent au monde, ils ont déjà la l'orme extérieure et les principaux caractères anatomiqucs qu'ils conserveront pendant le reste de leur vie ; aucun d'eux ne subit donc de véritables métamorphoses, et, sous ce rapport, ils ressemblent aux Oiseaux et aux Reptiles proprement dits, dont ils ont le mode de développement, tandis qu'ils diffèrent des Batra- ciens, Animaux plus analogues aux Poissons véritables, sous presque tous les rapports, et qui sont, comme ceux-ci, dépourvus d'amnios et d'allantoïde. Après leur naissance, les jeunes Mammifères ont encore besoin des soins de leurs parents, et ils tirent même leur première alimentation du corps de ces derniers, leur mère les nourrissant pendant un temps plus ou moins long à l'aide du lait (pie sécrètent les glandes mammaires. La présence de ces glandes, qui est constante chez toutes les espèces de la classe qui va nous occuper, a valu à ces Animaux le nom même de Mammifères , par lequel on les désigne généralement. Leur corps est presque toujours couvert de poils, ce qui permet de les distinguer à la pre- mière vue de tous les autres Animaux; leurs mouvements sont faciles et très-variés; leur cerveau est plus développé (pie celui des autres espèces, et il acquiert dans certains d'entre eux un volume considérable; on lui reconnaît aussi plusieurs parties qui ne se retrouvent point ailleurs ou qui n'y existent qu'à un état tout à fait rudinicntaire, comme le corps calleux, la protubérance annulaire ou pont de Varole, etc. Leurs relations avec le monde extérieur sont aussi plus variées, plus actives et plus complètes, et on constate dans les parties de perfectionnement qui accompagnent leurs organes des sens, dans leurs appareils de la nutrition ou de la reproduction, ainsi que dans la conformation de leur squelette, quelques autres caractères dont l'importance n'est pas moindre et qui sont en même temps en rapport avec leur propre supériorité. Telles sont, pour ne parler d'abord cpie du squelette, l'articulation du crâne avec la première vertèbre cervicale au moyen d'un double condyle et l'impossibilité dans laquelle se trouve le maxillaire inférieur d'être, comme celui des ovipares, décomposé en plusieurs pièces pour chaque côté. Nous y ajou- terons, comme ayant aussi une valeur incontestable, le mode d'implantation des dents, qui se fait toujours au moyen de racines enfoncées dans des alvéoles osseuses; la présence fréquente, mais non constante, de plusieurs racines à -certaines dents; la nature pul- monaire des organes respiratoires; la disposition spéciale de leur parenchyme; la séparation du thorax d'avec l'abdomen au moyen du diaphragme; la présence de quatre cavités au cœur; la chaleur élevée du sang; la forme habituellement circulaire de ses globules, etc. Certains Mammifères se rapprochent évidemment de l'Homme; d'autres ressemblent plus aux ovipares, et il en e;>t, comme les Cétacés, les Lamantins et même les Phoques, qui vi INTRODUCTION. présentent, dans leur forme et dans la nature de leurs mouvements, une certaine analogie avec les Poissons. Toutefois, il importe de constater (pie cette analogie se borne à l'appa- rence extérieure et qu'elle est appropriée au milieu dans lequel vivent ces Animaux. Quoi qu'il en soit, les Mammifères ne forment qu'une seule et même classe; mais leurs principaux groupes pourraient être rapportés à plusieurs sous- classes différentes. Telles sont : 1° celle des Placentaires terrestres, qui sont Hétérodontes ; elle comprend la plus grande partie de nos espèces propres h l'ancien et au nouveau continent; 2° celle des Monodelphes Homodontes, mieux connus sous le nom A'Édentës\ 3° celle des implacenlaires Marsupiaux ; -i° celle des Monotvêmes , qui sont également sans placenta, et o° celle des Talassothériens ou des Mammifères marins. Ces derniers ne diffèrent notablement des Pla- centaires terrestres que parleur apparence générale, et ils sont en tout semblables à eux par la complication de leur cerveau et par leur mode de développement. II REMARQUES HISTORIQUES Les anciens ne connaissaient qu'un très-petit nombre des Mammifères qui sont aujourd'hui décrits dans les ouvrages des naturalistes, parce (pie ce n'est qu'à une époqr.e tout à fait récente que les nations ont établi entre elles ces transactions qui relient toutes les sociétés humaines et qui permettent aux divers peuples d'échanger paisiblement entre eux les produits naturels des pays qu'ils habitent. Grâce aux progrès de la civilisation chez les peuples de l'Europe occidentale, le globe entier est aujourd'hui bien près d'être connu , et l'on a réuni ses productions continentales ou maritimes dans de vastes musées qui font honneur aux temps modernes. Les civilisations antérieures n'avaient pu opérer ce curieux recensement des productions naturelles que le Créateur a dispersées avec une si étonnante régularité dans les eaux de la mer, sur les îles ou à la surface des continents, et l'isolement dans lequel ces peuples sont le plus souvent restés les uns par rapport aux autres , ne leur ont pas même permis de se communiquer les documents obtenus par chacun d'eux. Il ne parait pas, en effet , que les connaissances scientifiques des Assyriens ou des Babyloniens et celles (pie les Hébreux ont reçues des Egyptiens ou des Phé- niciens, aient notablement prolité aux Grecs et aux Homains. On suit bien la marche de la civilisation vers l'Occident après les transformations qu'elle a subies en Orient : on voit quelques colonies dirigées par des conquérants ou par des marchands qui s'établissent dans la région méditerranéenne, et cela à des époques très-éloignées de nous, mais les souvenirs qui en sont restés dans la mémoire des peuples ont un caractère plus héroïque que réel- lement historique, et si utiles qu'aient pu être les notions des anciens, relatives à l'Histoire Naturelle, elles ne sont pas au nombre de celles qu'on se transmettait alors avec la civi- lisation. Aussi faut-il chercher séparément dans les monuments des Égyptiens, dans des ruines encore à peine connues de l'architecture assyrienne, dans les livres sacrés des Hébreux ou dans les premiers poètes delà Grèce, les détails à l'aide desquels on essaie maintenant de refaire l'histoire des premières découvertes scientitiques. D'ailleurs, l'autorité de ces anciennes civilisations était restée circonscrite dans des limites assez étroites, peu éloignées, comme on le sait, de l'Asie Mineure, qui leur servait de berceau, et non-seulement la Nouvelle Hollande et les deux Amériques (levaient être incon- nues longtemps encore, mais on if avait à celte époque que des notions eiTomnVs sur retendue INTRODt CTION. vu de l'Europe, de l'Asie ou de l'Afrique ; les principales espèces de quadrupèdes , propres à ces trois dernières parties du monde, étaient presque entièrement ignorées et celles que Ton connaissait n'avaient donné lieu à aucune étude un peu sérieuse. Lorsque les Carthaginois eurent dépassé les Colonnes d'Hercule , c'est-à-dire le détroit de Gibraltar, ils ne recueillirent à leur tour que des renseignements imparfaits sur les Animaux de l'Afrique occidentale, et d'ailleurs ces documents nous sont restés presque entièrement inconnus. On ne sait pas exactement jusqu'où se sont étendus leurs voyages et les obser- vations qu'ils avaient faites sur les espèces propres aux régions du grand Atlas, sur les- quelles s'étendait plus particulièrement leur domination, ne sont pas parvenues jusqu'à nous. Les documents anciens que la science possède sur cette dernière région lui ont été fournis par les Homains, lorsqu'après des luttes si longues et si persévérantes ils eurent substitué leur domination à celle de Cartilage. Ces détails historiques nous expliquent comment les ouvrages anciens sont si souvent muets à l'égard d'un grand nombre d'Animaux qui nous sont aujourd'hui familiers. Les écrits d'Arislote, qui nous donnent une idée de la science des Grecs à l'époque d'Alexandre, ne parlent guère que des espèces propres à la Grèce elle-même, et tout ce qu'ils disent de cer- taines autres, répandues dans la région barbaresque, dans le bassin du Nil, dans les parties occidentales de l'Europe ou de l'Inde, est le plus souvent incorrect. Aristote n'est exact que lorsqu'il parle des Mammifères indigènes, c'est-à-dire des Mam- mifères de la Grèce ou des pays qui s'en rapprochent le plus ; encore mêle-t-il souvent à des faits positifs beaucoup d'erreurs populaires. Ce qu'il dit des Oiseaux qui vivent en Grèce ou qui y viennent, des Poissons qui habitent dans la mer, sur les côtes de ce pays, et de différents Mollusques ou Zoophytcs propres aux mêmes eaux, est aussi d'une justesse remarquable. Il faut aller ensuite jusqu'à Gesner, à Belon et à Rondelet, c'est-à-dire jusqu'à la Renaissance pour trouver d'aussi bonnes observations ; aussi doit-on se demander comment l'assertion des anciens qu' Aristote aurait obtenu, par les expéditions d'Alexandre, des détails sur les Animaux de l'Inde ou sur ceux de l'Egypte a pu être acceptée par tant d'auteurs, et l'on comprend difficilement que G. Cuvier lui-même ait pu ajouter foi au récit d'Athénée sur les sommes immenses (huit cents talents ou à peu près trois millions de notre monnaie) que le chef des Péripatéticiens aurait reçues d'Alexandre pour faire faire des recherches scientifiques. Pline n'est probablement pas plus véridique qu'Athénée lorsqu'il nous parle des nombreux collecteurs (plusieurs milliers d'hommes) qu'Alexandre aurait mis en même temps à la dispo- sition de son précepteur. Les écrits de ïhéophraste , qui fut le disciple et le successeur d'Aristote, ne nous donnent pas davantage l'analyse de ces prétendues observations d'histoire naturelle que tant d'hommes , tant d'argent et tant d'expéditions aventureuses n'auraient pas manqué de fournir. Callisthène, élève et petit neveu d'Aristote, accompagna bien Alexandre comme savant, mais il fut mis à mort par les ordres du grand capitaine pendant le cours de l'expédi- tion. Alexandre, irrité contre lui, le lit périr dans les supplices à Cariate, en Bactriane, et l'histoire ne nous dit pas même s'il fit recueillir les observations que Callisthène avait déjà réunies. Aristote n'a connu les productions de l'Inde que par l'ouvrage de Ctésias et celles de l'Egypte que par le récit d'Hérodote. Certains détails d'histoire naturelle relatifs à l'Egypte ou à l' Asie-Mineure auxquels il est fait allusion dans la Bible ne parvinrent pas jusqu'à lui ; à plus forte raison en fut-il de même de ceux que nous trouvons consignés dans les anciennes encyclopédies des Chinois et des Japonais. vni INTRODUCTION. Le Perl zoôn istorias d'Àristote, que nous regardons souvent comme l'expression de la science zoologique chez les anciens, n'est donc que le résumé des observations faites dans leur propre pays par les philosophes ou les savants de la Grèce, et ce résumé sans doute, comme la plupart de leurs écrits, été fort souvent altéré clans les copies qu l'ont transmis jusqu'à nous. On aura la démonstration de ces deux propositions en relisant simplement l'histoire des Mammifères telle qu'il en est question dans Aristote. Elle comprend une cinquantaine d'espèces qui, pour la plupart, sont communes dans l'Europe orientale. Celles du nord de l'Afrique ou de l'Asie occidentale et méridionale qui y sont mentionnées sont en général mal définies, et quelques-unes 'donnent lieu à des erreurs qui indiquent souvent un travail de pure compilation. C'est ainsi qu' Aristote, en parlant de la Martichore, d'après Ctésias, il est vrai, attribue à cet Animal une triple rangée de dents; la taille, la crinière et les pieds du Lion; la face et les oreilles de l'Homme; des yeux bleus; un corps rouge cinabre; une queue telle que celle du Scorpion terrestre, armée d'un aiguillon et de pointes qu'il lance comme des traits. « Sa voix, ajoute-t-il, semble être le son réuni de la fiïite et de la trompette; il a la vitesse du Cerf, est cruel et avide de chair humaine. » (Aris- tote, traduction de Camus, t. i, p. 69.) Voilà un exemple des contes qui ont servi de base à l'histoire naturelle pendant une si longue suite de siècles, et à toutes les époques les auteurs les plus judicieux, n'ayant pas les connaissances réellement scientifiques que les modernes ont seuls possédées, oui souvent accepté comme véridiques les récits les plus mensongers' et les fables les plus bizarres. Quelques-uns semblent même les avoir recherchés de préférence, et Pline, qui appartient au premier siècle de l'ère actuelle, est l'un de ceux qui ont mis le moins de discernement dans le choix de leurs récits. Les Romains aimaient les Animaux, mais comme objet de curiosité plutôt que comme moyen d'instruction scientifique. Leur goût pour les Bestiaires les a souvent engagés à faire venir à grands frais du centre de l'Europe, de l'Asie occidentale et surtout du nord de l'Afrique, des Carnivores de grande taille comme des Ours, des Panthères, des Hyènes, des Lions, même des Tigres, ou des Ongulés plus ou moins gigantesques, parmi lesquels nous citerons les deux espèces d'Éléphants, les Rhinocéros à une corne et à deux cornes, l'Hip- popotame et la Girafe. C'est vers la lin de la république et pendant les premiers temps de l'empire que ces exhibitions paraissent avoir été plus communes ; mais l'histoire naturelle n'en a guère plus profité que la morale, et tout ce qu'elles nous ont appris se résume dans des luttes où l'on voit des Hommes, quelquefois même des Femmes, aux prises avec des Animaux féroces, dans des carnages sans nombre et dans des nombres très-probablement exagérés. En effet, on compte par centaines les Animaux féroces et d'espèces rares que les Romains disent avoir fait périr dans leurs cirques; mais si nombreux que fussent alors ces Animaux dans les forêts de la région méditerranéenne où on les prenait pour la plupart, ils ne Tétaient cer- tainement pas autant qu'on pourrait le supposer à la lecture des relations exagérées (pic les écrivains nous ont transmises au sujet de ces spectacles barbares. L'abbé Mongez a pris la peine de faire un relevé complet de tous les Animaux dont il est question à cette occasion, et, dans le Jardin des Plantes, nous avons reproduit, d'après G. Cuvier, la liste qu'il en a dressée. La phrase suivante, (pie nous empruntons au résumé que G. Cuvier a publié de ce travail de Mongez, donnera une idée de la confiance que l'on doit avoir dans les indications qui nous sont parvenues sous ce rapport : «Probus, à son triomphe, planta dans le cirque une forêt où se promenaient mille INTRODUCTION. ix Autruches, mille Cerfs, mille Sangliers, mille Daims, cent Lions et autant de Lionnes, cent Léopards de Lybie et autant de Syrie, trois cents Ours, des Chamois, des Mou- lions, etc. » Pline, qui vivait deux siècles avant le règne de Probus, avait, déjà recueilli quelques détails analogues, quoique moins exagérés. Son ouvrage est une élégante compilation, mais, comme nous l'avons déjà dit, il manque de critique. On y trouve cependant beaucoup de faits qu'Àristote n'avait pas connus, et il y est question d'un plus grand nombre d'espèces, tant exotiques qu'indigènes. Oppien, poète grec du troisième siècle, donna sous le nom de Cynégétiques, un ouvrage relatif aux chasses assez analogue à celui (pie Xénophon avait écrit plus de six cents ans auparavant, et l'on attribue à Elicn, compilateur du même pays et de la même époque qu'Oppien, un Traité sur la nature des Animaux qui est intéressant à consulter parce qu'il renferme des passages tirés de beaucoup d'auteurs qui ne nous sont pas parvenus. C'est pendant le siècle précédent qu'avait vécu Galion, médecin célèbre né àPergame, qui avait étudié à l'école d'Alexandrie. Galion fut l'un des fondateurs de l'anatomie et de la physiologie, et c'est principalement dans ses écrits que les médecins apprenaient l'anatomie antérieurement à Yésale. Nous verrons en traitant des Singes, que le Magot est l'espèce qu'il a le plus disséquée. L'histoire naturelle avait fait peu de progrès à Rome pendant le règne des empereurs , «»t elle n'avait pas été plus étudiée ailleurs pendant le même temps. Il en fut de même lorsque le christianisme s'établit sur les ruines du paganisme, et, pendant tout le moyen âge, elle fut abandonnée comme les autres éludes libérales. On ne trouve que peu de documents (fui s'y rapportent dans les Pères de l'Eglise, encore sont-ils loin d'être toujours exacts. C'est ainsi (pie saint Augustin pafle d'une dent de géant qu'il aurait vue sur le rivage d'Utique et qui aurait pu faire cent de nos dents ordinaires. Cette dent, qui bien certainement n'était pas celle d'un homme, provenait probablement de quelque Éléphant ou d'un Mastodonte; mais c'est ce qu'il est fort dilicile de décider, ces deux genres de Proboscidiens ayant laissé l'un et l'autre des débris fossiles dans le sol du nord de l'Afrique. Saint Isidore, de Séville, évoque et chroniqueur, qui vécut de 570 à 636, est souvent cité comme naturaliste, mais on ne peut pas dire non plus qu'il ait réellement fait faire des progrès à la science. G. Cuvier, qui le donne avec raison comme un compilateur très-peu instruit, ajoute : « On ne parle de son ouvrage dans l'histoire des sciences que comme d'un monument de l'ignorance du temps où il vivait. » A l'époque de saint Isidore le moyen âiie avait déjà commencé, et la même ignorance devait durer presque autant que lui. Les Scandi- naves étaient alors supérieurs dans les lettres et dans les sciences aux nations du centre et du midi de l'Europe, et ce furent les Arabes d'Espagne qui réveillèrent plus tard dans ce pays et dans le Languedoc le goût des études libérales. Au \ie siècle, les chrétiens, qui cherchaient à s'instruire, se rendaient à leurs écoles, et celle de Montpellier, qui date du xue, leur doit son origine. Ce fut à l'aide de manuscrits arabes que les textes d'Aristote furent en partie rectifiés et complétés, et ce fut vers cette époque que le philosophe grec commença à acquérir une si grande autorité auprès des scolastiques. Au xme siècle, le goût pour les connaissances sérieures commençait cependant à se réveiller. Saint Thomas d'Aquin prouva par ses écrits que les sciences lui étaient familières, et l'on trouve dans l'ouvrage encyclopédique .d'Albert le Grand beaucoup plus de notions zoologiques que dans Aristote qui lui sert cependant de base. Plusieurs Animaux du nord ite partie. b x INTRODUCTION. de l'Europe y sont mentionnés pour la première ibis et cela d'une manière assez exacte. Albert le Grand mourut en 1280. Ses œuvres n'ont été publiées qu'en 1051. La Renaissance, qui donna le signal des grandes découvertes géographiques, eut par là une heureuse influence sur les progrès des sciences naturelles. Sans aucun doute ce furent ces deux ordres de connaissances, la géographie qui étendait la domination des souverains, et l'histoire naturelle qui donnait lieu à tant d'applications économiques, qui ont le plus con- tribué, à partir de cette époque, à accroître le bien-être des nations occidentales; ce sont elles qui leur ont livré peu à peu le globe presque entier. Les voyages et les établissements des Portugais sur la cote occidentale (l'Afrique, la découverte du cap de Bonne-Espérance, l'arrivée des bâtiments européens dans la mer des Indes, la découverte de l'Amérique méridionale, et, plus tard, la colonisation de l'Amérique du Nord et celle des terres australes, devaient transformer la civilisation en lui permettant l'exploitation d'un grand nombre de productions étrangères à l'Europe ou que l'Europe ne produisait qu'en trop petite quantité. Cette activité, que les admirables applications de la mécanique, delà physique et de la chimie, devait plus tard seconder avec tant de succès, ouvrit aux nations modernes des relations bien autrement étendues (pie celles établies autre- fois par les Phéniciens, les Égyptiens, les Grecs, les Carthaginois ou les Romains, et elle fournit à la science le moyen de s'enrichir en même temps d'une foule de découvertes impor- tantes. Des voyageurs hardis et savants explorèrent successivement tous ces pays nouveaux pour les Européens; les Animaux si singuliers qu'ils y rencontrèrent frappèrent leur imagination, et les naturalistes éprouvèrent souvent une grande difficulté à les dénommer lorsqu'ils paru- rent à leurs yeux pour la première fois. Aussi leurs récits se ressentent-ils souvent de cet étonnement, et les exagérations ou les erreurs de quelques-uns d'entre eux ne le cèdent point à celles (pie les anciens nous ont léguées. Plusieurs naturalistes appartenant à l'époque de la Renaissance ont laissé de grands noms dans la science; tels sont Gesner, AIdrovande, Belon, Rondelet, auprès desquels se placent Margrave, Bontius et quelques autres moins connus peut-être, mais dont les décou- vertes ne manquent pas non plus d'intérêt. En même temps les anatomisles faisaient aussi de précieuses recherches. Fabricius d'Aquapendente, Vésale, Harvey, Riolan et tant d'au- tres encore appartiennent à cette grande époque et méritent d'être cités ici, car leurs découvertes reposent autant sur l'observation anatomique des Mammifères que sur celle de l'Homme, que Galion avait à peine entrevue. Césalpin, naturaliste italien du xvie siècle, avait donné, le premier, une classification naturelle des plantes. Ce fut un savant anglais, Jean Ray, qui publia le premier ouvrage de zoologie méthodique. Son Synopsis methodica animalium, qui parut en 1(593, eut une grande influence sur les progrès de la classification. Ray ne traite dans ce volume (pie des Animaux mammifères, qu'il appelle Quadrupèdes vivipares, comme l'avait fait Aristote, et il les divise en plusieurs groupes, d'après la considération des pieds, suivant qu'ils sont onguiculés ou ongulés. Certains rapprochements faits par Ray montrent qu'il avait à un haut d.igré le sentiment des rapports naturels, et s'il emploie le mot de Quadrupèdes, c'est pour rester fidèle au maître; car il fait remarquer qu'il y a des Animaux dont le cœur a deux ventricules comme celui de ces Quadrupèdes, dont la génération est également vivipare, la respiration pulmonaire et le corps en partie couvert de poils, qui n'o:it cependant que deux pieds au lieu de quatre; le Mamti ou Lamantin par exemple. Ray le classe à côté des Phoques, comme on l'a fait souvent depuis et, en parlant des véritables Cétacés, il fai INTRODUCTION. xi voir qu'ils ont l'organisation des Quadrupèdes vivipares et point du tout celle des Poissons. Aussi en appelant les Cétacés dés Pisces Cetacei seu Belluae marinae, ajoutc-t-il que, « sauf le milieu dans lequel ils vivent, la configuration extérieure de leur corps ( figurant corporis externam), leur peau privée de poils et leur mode de progression , qui est la nage, ils n'ont presque rien de commun avec les Poissons, tandis que l'ensemble de leur organisation s'accorde avec ce que l'on connaît chez les Quadrupèdes vivipares. » Suivant le naturaliste anglais, les Quadrupèdes vivipares seraient mieux nommés si on les appelait des Vivipares pileux. LTn autre mérite de l'ouvrage de Ray, c'est d'avoir fait, l'un des premiers, un emploi habituel de la nomenclature binaire. Les Quadrupèdes y sont classés par genres, et chaque espèce a pour dénomination le nom de ce genre, suivi d'un mot spécifique servant à la qualifier. De là à la réforme opérée par Linné il n'y avait qu'un pas; cependant il fallut toute la science et toute l'influence du naturaliste suédois pour faire accepter celte nomen- clature que les naturalistes reconnaissants appellent indifféremment aujourd'hui nomenclature binaire ou nomenclature linnéenne. Linné est le grand naturaliste classificateur du xvine siècle. Dans les diverses éditions de son célèbre ouvrage intitulé Systema naturce , il a successivement perfectionné sa méthode mammalogique. Si dans la première de ces éditions, il laissait encore les Cétacés parmi les Poissons, sous le nom de Plagiures (Plagiuri), dans les suivantes, il mit en pra- tique le conseil donné par Ray, et , grâce à quelques indications nouvelles de Bernard de Jussieu, il réunit dans une seule classe, sous le nom de Mammalia, qui veut dire pourvus de mamelles, tous les Vivipares h sang chaud, soit quadrupèdes, soit bipèdes. Ces Animaux furent alors répartis en sept ordres, sous les dénominations suivantes : 1° Piumates, d'abord nommés Antropomorphes. Ce sont, indépendamment de l'Homme, les Singes, les Lémures et les Chauves-Souris, auxquels il joignit, dans plusieurs occasions, les Bradypes ou Paresseux, qu'il a quelquefois, et avec plus de raison, classés parmi les Brutes ; 2° Buuta, ou ces mêmes Bradypes réunis aux Myrmecophaga ou Fourmiliers, aux Manis ou Pangolins, aux Dasypus ou Tatous, et, ce qui est moins convenable, au Rhino- céros, h Y Eléphant et au genre Trichecus , qui réunit le Lamantin , le Dugong et le Morse ; 3° Fekae, ou les bétes féroces. Ce sont les genres Phoca , Felïs, Yiverra, Mustela, et ceux des Didelphis, Talpa, Sorex et Erinaceus, qu'on a du éloigner des précédents; 4° Les G likes , répondant à nos Rongeurs ; Ti0 La Pecoua, ou les genres Camelus, Moschas, Cervus, Camelopardalis et Bos ; 6° Les Belluae, ou les genres Equus, llippopotamus, Tapiras et Sus. Linné avait d'abord employé pour ces Animaux le nom de Jumenta, dont nous nous servirons mais sans s'étendre aux Hippopotames et aux Sus ou Sangliers qui sont des Bisulques; 7° Les Ce te, vulgairement Cétacés. Pendant que les nouvelles éditions ou les simples réimpressions du Systema naturœ se succédaient et répandaient le nom de Linné dans toutes les écoles de l'Europe, la mamma- logie s'enrichissait de nombreuses découvertes par les soins de quelques autres observateurs. Buffon concourut plus que tout autre à cette rénovation par la publication de son im- mortel ouvrage. En même temps ffh'il travaillait à étendre les horizons de la science , il réunissait et discutait les matériaux épars dans les récits des voyageurs ou dans les écrits des zoologistes. L'exact Daubenton, son collaborateur habituel, assurait, par des descrip- tions tant extérieures qu'anatnmiquo « , lii signal^mnit dos espèces. xii INTRODUCTION. Ce fut la nomination de Buffon à l'intendance du Jardin du Roi qui décida de la vocation de ce célèbre écrivain. Chargé en chef de l'administration de ce grand établissement, Buffon prit l'histoire naturelle générale pour objet principal de ses nouvelles études, et il voulut qu'elle entrât dans une voie toute nouvelle. Un des plus grands services que la science lui doive, est d'avoir reconnu le pre- mier que les Animaux ont été distribués à la surface du globe conformément à des règles précises. Ses vues sur la géographie zoologique ont été étendues et singulièrement perfec- tionnées depuis qu'il a été possible aux naturalistes de comparer plus exactement qu'il n'avait pu le faire les espèces de l'Afrique avec celles de lTndç et celles des régions arcti- ques de l'ancien continent avec celles de l'Amérique septentrionale. L'observation des Mammifères propres à Madagascar, et, plus particulièrement encore, celle des espèces australiennes, a aussi permis d'ajouter de nombreuses remarques aux découvertes que Buffon avait déjà entrevues. La comparaison des espèces qui vivent dans chaque continent avec celles qui les y ont précédées et qu'où n'y trouve plus qu'à l'état fossile, a donné plus récemment à cette partie de la inammalogie une importance philosophique qu'on ne saurait contester. Les Mammifères , qui sont, de tous les êtres organisés, les plus compliqués dans leur structure et ceux qui sont appelés à jouer le rôle le plus important au sein de la créa- tion, sont aussi ceux dont la distribution à la surface de notre planète a été soumise aux règles les plus précises et les plus évidentes. La dispersion de quelques-uns d'entre eux sur tous les points du globe est le fait de l'Homme et point du tout celui de la nature; elle est postérieure au grand cataclysme diluvien ou même tout à lait récente. Les espèces, ainsi rendues cosmopolites, sont des espèces domestiques ou parasites, et sans l'Homme les Animaux mammifères seraient restés cantonnés dans les limites qui leur avaient été imposées à l'origine; car, lors de la création, chaque terre a reçu celles qui convenaient le mieux à sa propre nature. Pallas, naturaliste allemand au service de la Russie, joignit à la précision dcDaubeuton les. tendances méthodiques de Linné, et s'il n'arriva pas à la même hauteur de vues que Buffon, il sut néanmoins imprimer à la science une heureuse impulsion, en rattachant plus directe- ment encore que ne l'avaient fait Réaumur, Cuettard et quelques autres en France, la paléon- tologie à l'anntomie zoologique, parla comparaison des espèces fossiles de Mammifères a\ec les vivantes. Yicq-d'Azyr, trop tôt enlevé aux sciences, se rendit célèbre comme anatomisle , et. à l'imitation de plusieurs autres , il publia une classification mamnialogiquc. Adanson, plus connu comme botaniste, Lacépède, qui a surtout écrit sur les Reptiles et les Poissons, et quelques savants non moins célèbres, rendirent aussi des services à la zoologie. Les naturalistes de l'Angleterre, de la Hollande et de l'Allemagne, écrivirent aussi sur les Mammifères, soit pendant le xvme siècle, soit pendant le commencement du xi\e. On distingue parmi eux Shaw, Pennant, Allamand, P. Camper, Storr, Schreber, Blumen- bach, etc.; leur exemple trouva de nombreux imitateurs. 1/Espagnol Azara donna de bonnes observations sur les espèces du Paraguay, et. plus récemment, il a été publié sur la même branche de la zoologie des ouvrages considérables et de nombreux mémoires. Quatre des grands naturalistes dont la France s'honore, Etienne Ceoffroy-Saint-IJilaire, Georges Cuvier, de Blainville et Frédéric Cuvier, ont surtout contribué, par leurs impor- tants travaux, à mettre la inammalogie dans la voie féconde où elle fait maintenant des progrès rapides. E. Geoffroy et G. Cuvier, d'abord associés dans leurs études, ne tardèrent pas à se proposer chacun un but différent maij qui l'ut également élevé. On doit au premier INTRODUCTION. xm de nombreuses descriptions d'espèces et de genres , ainsi que des recherches d'anatomie philosophique qui ont une très-grande importance. Nous aurions à en parler longuement si la théorie anatomique et la tératologie devaient nous occuper ici. Le second s'attacha surtout à distinguer exactement les organes des Animaux, et les découvertes brillantes qu'il a faites en comparant les espèces antédiluviennes à celles du monde moderne ont eu la plus grande influence sur les progrès de la paléontologie, dont il est un des principaux fondateurs. La classification à la fois précise et simple que G. Cuvier donna des Mammifères a joui d'un grand crédit, et, encore aujourd'hui, beaucoup d'auteurs l'emploient telle qu'il l'a formulée dans la dernière édition de son ouvrage sur le Règne animal, qui a paru en 1830. La classification qu'il avait admise en 4798 dans son Tableau élémentaire des Animaux, et qu'il dit avoir de grands rapports avec celle que Storr avait proposée en 1780, n'est pas moins intéressante au point de vue historique, et nous croyons utile de la repro- duire ici en regard de l'autre. Nous y avons ajouté quelques indications synonymiques. CLASSIFICATIONS MAMMALOGIQUES DE G. CLVIEU. CLASSIFICATION DE 1789. I. Q v a i) h i: m a nés ( Quadr umana de Blu- menbach) , ou les Singes et les Makis. II. Carnassiers, comprenant : a. Les Chéiroptères ; b. Les Plantigrades (Hérissons. Musarai- gnes et Ours); c. Les Carnivores (Martes, Chats. Chiens. Civettes , Didelphcs). IH. Hong e i; r s ( C lires de Linné i . IV. fi de nt Es de Vicq d'Azyr, ou les genres Fourmillicrs. Oryetéropes . Tatou et Pa- resseux. Y . É l É i> ii a n t s (Elephantins de Vicq d'Azyr) . YL Pachydermes, ou les genres Cochon. Tapir, Rhinocéros, Hippopotame. VIL Rumin a n t s ( Pecora de Linné ) . VIII. Solipèdes de Vicq d'Azyr, comprenant le genre Cheval. IX. Amphibies (les Empêtrés de Vicq d'Azyr), ou les Phoques et le Morse, auquel sont associés , comme dans Linné , le La- mantin et le Dugong. X. Cétacés (ou les Cete de Linné). L H. III. IV. Y. VI. Ylï MIL IX. CLASSIFICATION DE 1830. Bimanes ou niommc (Pimanus de Blu- uienbachj. O r a d r e m a n e s [Quadramaua. Blum.). Carnassiers, comprenant trois l'a- milles : a. Chéiroptères; b. Insectivores; c. Carnivores plantigrades, digitigrades et Amphibies. Marsi pi \i:x. R O N (i E L R S . Ldentés. P a c h v D E R M E s , divisés en : a. Proboscidiens ou Éléphants ; b. Pachydermes ordinaires ou Hippopo- tames, Cochons, Rhinocéros, Damans; c. Solipèdes ou Chevaux. Ruminants. Cet a ces, divisés en : a. Cétacés herbivores (les Sircnidés d'il-- liger); b . Cétacés ordinaires . De Hlainville s'est aussi occupé de la méthode mammalogiquc, et il a apporté dans ses travaux sur ce sujet important des vues neuves et originales, qui ont eu beaucoup d'influence sur la plupart des classifications qu'on a publiées depuis. Dès l'année 1810, ce savant natu- raliste donnait le tableau suivant de la classe des Mammifères dans son Prodrome d'une nouvelle distribution systématique du règne animal. xiv INTRODUCTION. CLASSIFICATION MAMMALOG1QUE DE BLAINYILLE. ! Singes (ancien. Pitheci (les Singes i. du continent I nouveau. Pitheciœ (les Sapajous: i Les Jl/flto. Makis Les /.om. I ou ordre des ) ' LM?/tf-4?/<\ ■' QUADRUMANES; (pour le vol.. . .Galéopithèques. \ anomaux . », ,- , ( pour grimper. . Tardigrades. , Plantigrades (omnivores). 2e degré /normaux Digitigrades (carnivores). d'organisation \ [Insectivores. ou ordre des ) ( pour voler . . . .Les Chéiroptères. CARNASSIERS \ anomaux ] pour foui r Les Taupes. ( pour nager. . . .Les Phoques. 3e degré ^ d'organisation / normaux Édentcs. Sous-classe I. / ou ordre (anomaux pour nager. .. .Cétacés. MONODELPHES. \ clés ÉDENTÉS ) 4e degré N ,. Grimpeurs. d'organisation ( \ Fouisseurs. ou ordre ( j Coureurs. des RONGEURS, / ' Marcheurs. 5e degré \ d'organisation r _,, , , t fe . . > Eléphants. ou ordre des ( l GRAVIGRADES. / (Pachydermes, ,. , i impairs ,. ;. , he degré / normaux \ l Ibolipedes. d'organisation ) à doigts j . i non Ruminants ou Brutes. ou ordre des ) c 1 Humiliants. ONGULOGRADES. * anomaux, .pour nager Les Lamantins. /x, (Carnassiers. Souciasse IL n | Normaux U^rs. DIDELPHES. ] ' Anomaux* 1)0ur fouir VEchidin'. i pour nager LOrnitlwrhynquc. Les aperçus nouveaux formulés par de Blainville dans le tableau qui précède auraient exigé de longues explications. Il n'en donna pour le moment (pie de très-courtes, mais bientôt après il fit connaître avec plus de détails les motifs qui l'avaient guidé, dans un article fort remarquable, consacré à l'Organisation des Mammifères, qu'il inséra eu 1818 dans le Nouveau dictionnaire d'Histoire naturelle. Depuis lors, soit dans ses cours de la Faculté des sciences et du Muséum, soit dans plusieurs de ses Mémoires ou dans l'Ostéographie, qui est son dernier ouvrage, il a modifié cette classification , mais seulement dans les détails, el , pour la mettre au courant de ses propres découvertes ou de celles que l'on publiait chaque jour. A toutes les époques de sa militante carrière scientifique, il s'est dirigé d'après les mêmes principes, admettant toujours, pour ce qui regarde les Mammifères, que les différents ordres de cette classe constituent autant de degrés particuliers placés plus ou moins près du sommet de l'échelle des organismes animaux, et il a pensé qu'un même degré d'organisa- tion, c'est-à-dire un même ordre, pouvait être composé par des groupes multiples, analo- gues aux sous -ordres de certains naturalistes actuels, et chargés de représenter l'ordre auquel ils appartiennent dans des conditions différentes d'habitat , principalement dans les eaux de la mer et à la surface de; continents. INTRODUCTION. xv C'est en particulier ce que notre célèbre maître établit pour l'ordre des Carnassiers. Il a aussi persisté dans son opinion que les Cétacés étaient les représentants marins des Édentés, et il a fait de prétendus Cétacés herbivores, qui sont les Dugongs et les Lamantins, des genres marins analogues aux Éléphants, que, suivant lui, ils représentent dans les eaux salées. On ne peut nier, en effet, qu'à divers égards les Sérénides ne soient plus semblables aux Éléphants qu'aux ongulés. C'est ce qui a conduit de Blainville à établir pour ces deux sortes de Proboscidiens, les uns quadrupèdes et à trompe alLongée, les autres bipèdes et à trompe rudimenlaire, son ordre des Gravigrades. Enfin après avoir le premier rapproché les Monotrèmes des Marsupiaux, le même naturaliste a aussi été le premier à les en séparer comme sous-classe, mais sans les en éloigner comme le font encore beaucoup d'auteurs, et il a donné à cette troisième sous-classe de sa méthode le nom iïOrnithodelphes, exprimant que les organes de la reproduction y sont établis d'après un modèle analogue à celui qui caractérise les Oiseaux et les quadrupèdes ovipares. Frédéric Cuvier a rendu à l'histoire naturelle des Mammifères des services qui ne sont pas moins importants et qui prennent également rang à côté de ceux de son illustre frère. Ses recherches sur les caractères fournis par le système dentaire, dont il établit les différentes formules avec tant de soin ; la description des espèces nouvelles ou jusqu'alors mal con- nues, qu'il a pu observer dans la Ménagerie ou dans les galeries du Muséum, et surtout ses observations sur l'intelligence et l'instinct des Animaux sont justement appréciées des savants. Descartes avait émis l'opinion singulière que les Animaux sont comparables à de simples automates, et qu'ils constituent pour ainsi dire des machines animées tout à fait diffé- rentes de l'espèce humaine par la nature des fonctions qui les mettent en rapport avec le monde extérieur; aussi leur refuse-t-il la notion de leurs propres actes. La théorie de l'automatisme des hôtes qui, avait été acceptée en partie par Buffon, a été critiquée avec autant de raison que de finesse par La Fontaine, lorsqu'il disait dans sa fable des Deux Rats, du Uenard et de l'Œuf: L'animal se sent agile De mouvements que le vulgaire appelle Tristesse, joie, amour, plaisir, douleur miellé, Ou quelque autre de ces états. Mais ce n'est pas cela, ne vous y trompez pas. Qu'est-ce donc? Une montre. Et nous? c'est autre chose. Voilà de la façon que Descartes l'expose. Uescartes, ce mortel Condillac et les philosophes sensualistes tombèrent dans un excès opposé à celui de Des- cartes, lorsqu'ils accordèrent sans distinction à tous les Animaux, non-seulement la sen- sibilité, mais aussi de l'intelligence. G. Leroy publia un système peu différent, dans ses Lettres philosophiques sur les Animaux, et ce fut aussi la thèse favorite de l'ingénieux Dupont de Nemours. Les longues recherches de F. Cuvier lui ont fait voir que dans les Mam- mifères les sentiments passionnels se manifestent sous deux formes bien distinctes : les uns plus semblables à l'intelligence humaine, et, comme elle susceptibles de perfectionner les actes qui en relèvent; les autres plus nettement définis, si précoces qu'on pourrait les appeler innés, et si peu modifiables qu'ils semblent rester les mêmes, quoique les circonstances extérieures se modifient. L'éducation ne peut rien sur les espèces ainsi organisées, et les individus qui composent ces espèces sont incapables d'être rendus plus parfaits. L'expérience qui modifie les ruses des premières est pour ainsi dire sans effet sur celles des secondes. xvi INTRODUCTION. F. Cuvier a consacré plusieurs mémoires à ces intéressantes questions, et il s'est aussi occupé de la domestication au point de vue de ces causes ou des modifications qui en résul- tent. Il se proposait de donner à ces travaux une plus grande extension , et il en aurait fait l'objet d'un ouvrage spécial si la mort n'était venue lui interdire, comme à tant d'autres, la réalisation du projet qui le préoccupait depuis tant d'années. M. Flourens, à qui les sciences naturelles et leur histoire doivent tant, a cherché à suppléer à cette perte regrettable en publiant le livre intéressant qui a pour titre : Résumé analytique des observations de F. Cuvier sur l'instinct et l'intelligence des Animaux. Les physiologistes recherchent aujourd'hui, avec plus de chances de succès que Gall n'avait pu le taire, les rapports qui existent entre les aptitudes des Animaux et la conformation de leur encéphale, et nous verrons que l'on peut tirer de très-bons caractères zoologiques de la conformation de cet organe. Le volume plus ou moins grand des lobes olfactifs, les varia- tions que les hémisphères cérébraux présentent dans l'apparence, dans la disposition et dans le nombre de leurs circonvolutions; l'absence de ces circonvolutions chez quelques espèces sont des caractères importants à signaler, quoiqu'ils soient loin d'avoir la valeur qu'on leur avait d'abord attribuée. C'est ainsi (pie dans un même ordre, et parfois aussi dans une même famille, on trouve certaines espèces pourvues de circonvolutions et certaines autres qui en manquent : ce qui est rapporté avec l'élévation plus ou moins grande de ces espèces dans leur groupe respectif. Les deux premières familles de la classe des Mammifères ou les Singes et les Lémuridés nous en fournissent également des exemples. Après les grands mammalogistes dont nous venons de rappeler les travaux, nous pou- vons en citer beaucoup d'autres. Le nom (l'A. -G. Desmarest occupe un rang distingué parmi ceux des Français qui se sont occupés des Mammifères, et nous placerons auprès de lui ceux de Desmoulins, deLesson, de Laurillard le collaborateur de G. Cuvier; et des savants actuels, MM. Valcncicnnes, qui a publié avec Cuvier un grand ouvrage sur les Poissons; Duvernoy, qui a succédé à de Rlain- ville dans la chaire d'anatoime comparée du Muséum; Roulin, S. Rousseau, Ch. Bonaparte, Jourdan, Lereboulet, Schimper, Dcslongchamps, Pucheran, Doyère, Joly. Gerbe, etc. Les nombreux et savants naturalistes voyageurs que notre pays a fournis à toutes les par- ties du globe n'ont pas rendu à la science de moindres services : Lesueur, l'infatigable compagnon de Pérou, Duvaucel, Diard , Lesehenault de la Tour, Delalande, Auguste de Saint-Hilaire, Garnot, Milbert, Jacquemont, les frères Goudot, F. Kydoux, Deville et tant d'antres que la science regrette; et parmi ceux qui ont survécu à leurs fatigues, MM. Uuoy, Gaimard, (VOrbigny, Verreaux frères et plusieurs autres encore complètent la liste de ces hommes aussi instruits que dévoués qui ont tant contribué à accroître la réputation scienti- fique de la France. Plusieurs des naturalistes célèbres de l'Allemagne ont aussi concouru avec distinction aux progrès récents de la mammalogie; auprès d'Illiger, de Wagler, de J.-B. Fischer et de quelques autres non moins connus, on cite avec distinction MM. Lichtenstein , Natterer, Ruppi'l, Kaup, André Wagner, Peters, etc. M. Temminck est à la tête des naturalistes hollan- dais qui nous ont fait connaître, quelques-uns en sacrifiant leur propre existence, les riches productions de l'Inde insulaire et du Japon, et la Hollande, qui avait tant contribué aux pro- grès de l'histoire naturelle pendant le xvneetle xvnie siècle, n'est pas restée au-dessous de sa vieille réputation. Parmi les naturalistes belges, nous devons surtout mentionner M. de Sélys-Longchamps, à cause de ses excellents travaux de micromammaloçie. INTRODUCTION. \vn Les universités du Nord ont également payé leur tribut à la science par les découvertes de MM. Nilsson, Sundevall et Eschrieht, ou de MM. G. Fischer, Brandt et Nordmann, qui continuent en Russie les traditions scientifiques du célèbre Pallas. L'Angleterre, qui avait possédé Hunter, Home, etc., compte aussi des naturalistes du pre- mier mérite, et, parmi eux, MM. J.-E. Gray, Richard Owcn et Waterhouse, dont les travaux ont tant contribué aux derniers progrès de la mammalogie. Le goût de cette grande nation pour les sciences naturelles a été éminemment favorable aux découvertes scientifiques, et le caractère à la fois libre et populaire des institutions qu'on y a fondées dans ce but a déjà donné les plus heureux résultats. C'est dans les grandes collections* de Londres que sont déposés les types décrits par Hardwicke, Leach et Bennett, par MM. Hamilton Smith, O'Gilby, Gould, Martin, etc.; ainsi qu'une partie de ceux dus aux travaux de M. Andrew Smith, dans le sud de l'Afrique; de M. Hodgson, dans le nord de l'Inde, et de plusieurs habiles mamma- logistes américains. Les zoologistes que nous venons de citer et beaucoup d'autres non moins distingués dont nous rappellerons ailleurs les travaux, ne se sont pas toujours bornés à rechercher dans des pays lointains les Animaux mammifères les plus rares et les plus curieux, à en observer les mœurs ou à en décrire avec soin les particularités soit extérieures, soit intérieures; plusieurs d'entre eux ont également abordé les questions difficiles de la nomenclature scientifique ou de la classification méthodique, et, dans un exposé complet des progrès de la science, l'appré- ciation de leurs travaux fournirait aussi des développements considérables. Nous aurons d'ailleurs de fréquentes occasions d'en parler dans la suite de cet ouvrage. M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire, professeur de mammalogie au Muséum de Paris, a, comme son illustre père, entrepris des travaux étendus sur la classe des Mammifères, et il a envisagé ces Animaux sous le double rapport de la science et de l'utilité pratique. C'est d'après la classification qu'il en a établie que les Mammifères sont rangés dans les riches galeries du Muséum d'histoire naturelle. Comme celle des Oiseaux, qui est due au même auteur et qui a été savamment exposée dans un des volumes de cette collection (1), la méthode mammalogique de M. Is. Geoffroy repose sur le principe des séries paralléliques. 11 en donne la démonstration dans ses cours avec un talent qu'il ne nous appartient pas de louer, mais dont nous sommes heureux d'avoir pu profiter lorsque nous suivions, il y a bientôt vingt ans, les leçons publiques de cet honorable professeur. Dans plusieurs des ouvrages qu'il a publiés depuis lors, M. Is. Geoffroy a bien voulu citer à diverses reprises le résumé que nous avons publié, en 1835 (2), de ses savantes leçons, et il a donné en 1847 un tableau détaillé de sa méthode mammalogique auquel nous em- prunterons celui qui va suivre. Dans ce tableau (3) , M. Isidore Geoffroy partage les Mam- mifères en deux catégories primordiales, suivant qu'ils sont Quadrupèdes, et alors pourvus d'un bassin bien développé, ou qu'ils sont Bipèdes, leur bassin étant alors rudiment aire ou nul; les premiers sont ou dépourvus d'os marsupiaux ou, au contraire, pourvus d'os marsupiaux, ce (fui permet de les partager en deux nouveaux groupes, composés chacun de plusieurs ordres distincts. (I) Histoire naturelle des Oiseaux, par M. Emmanuel Le Maoul. (-2) Résumé des leçons de Mammalogie ou Histoire naturelle des Mammifères professées au Muséum de Paris, pendant l'année 185.'», par M. Isidore Geoffroy-Saint-Ililaire (in-8u Extrait du journal YEciio du Monde savant). (:>) Mammifères ; classification parallélique de M. Isidore Geoffroy -Saint-IIiluire, d'après laquelle sont rangés les Mammifères dans les galeries du Muséum d'Histoire naturelle de Paris. Tableau dressé en 1857, et retouché par l'addition ih> genre? nouveaux, en 1 8 15 , par M. J. Payer. I1V PA"\TI •:, c XVIII ixTfïODi r/no\. CLASSIFICATION M AMM ALOGIQU K DE M. ISIDORE GE0FFR0Y-SAINT-HILA1RE. Q U A I) \\ V P È D E S (BASSIN BIEN D K V KLOPPI-i ) SANS OS M A R S V P I V U X . A Y E C OS MARS V IMAI'X. familles. TRIBUS. ■ Pithécicns. , ., yliinopithrcicnf}. l.SlNf.rS.... U^!,.,. i \II a pâlir n s-. » ^ (Indrisirns. ' £. Li-mcridks \Lcmuv\cns. PRIMATES, i {Gahi'iin*. f '>. T\r.^inr.>. '<■. Cjm.iuo.midi:>. 11. , TARDSGrADLS. S . r>P.\lHI»Ol)l>. III. CHIROPTÈRES (». T. vï KormnAiDiN. _ ,. . \Pl('ropudiens. V l' a jiho: i)i ni'<. )«. \.-.sP.:r.Ti-)r rspernni,„s. ,-,ON,I,KS-/\/yrV-nn;*- !>. Noc.tilio\ïpi:> li'liinoluphicH' ordres. 10. Vamimrirks ^Sti'nodrrniicus. i \R\IY0I!Fv. .'WhijHi.sfo.-Hiriis.' 1 1. 1); sMomni.v 12. TMtidi;-; r/'.s/V/.\ç. . [Mustrtini*. », ('■■<• v.v.:«r.»..> £;f «^ l . f lli/ni/eiis. S] '■/■V/zVws-. «g M.l.ull.lK.N...^^ Tnu:„KaimKS. •£/ , Ui. KriM.I'.RIDI'.s. <*' l 17. 'h paires. \ is. Cymmiudis. :-s- ,lî». M v«:i;osci:i,n>r:s. l'.SF. TIVi HF.S. / 'j:>. Soiuoidi.s. ,-2-2. S»;iit.m>és. \Sciuriens. V. RDNCEJRS. i Arctomijcns. ; Ciisioi inis. XMurirns. *). Minime... Miricii* I. \ I. l'VSYriJIDl'S. I)KIJ'UII)!> W \MÉUi)K \" ' \-2. PlDKÏ.PMIDKS. . MAF.SUPIAU:: j ;t. |>KïiVMi:i.ii>r.s. CARNASSIERS//'.) i. }lYi!UE<:onii>KS. [ 1I('IU))I>IC)IS\ VI. PACHVDERrVÎES 2Ï. PsMROS'IOMIM.S. -:;. Sp\l\(.idis. 2. J'Ai. SUI.IN. VM (:!<;. CuiÉi.iRrs. 2 J l':>. lfsr«i-R-.\i:m«s 7" l'"^-"'-^ '" - I^[ 's. Mvr.Unl'ODKS. = 111,^1 ri: s !». imivm.oi.omidi.s, .\vlHr,pin,s III. ) f:.GN3TRÈMFS.'ii. î^im \'A. Ol'.MTHOIHlYNCI'.l BIPEDES (BASSIN RUMMENTAIUE OU NUI.) ORDRE: | l I. M\XVTIU!S. • ' *n ]'-. Hm.iomoridks. S'.RENICES. (x iiytimd.-s. ]\ N'(. |)i llMHMt)l'S. CEiACfcS. tiit m,,r,[1)i:,. LVfKODIGTION. \ix III CLASSIFICATION ADOPTÉE DANS CET OUVRAGE Toute classification est l'expression des connaissances acquises au moment où elle est publiée, aussi n'cst-il pas étonnant que les nouvelles découvertes de la zoologie y apportent des modifications incessantes. La multiplicité des classifications mammalogiques (pie les natu- ralistes ont successivement proposées dans ces dernières années s'explique par le grand nombre de travaux importants dont les Animaux mammifères ont été récemment l'objet, et les modifications que leurs propres auteurs ont souvent fait subir à la plupart d'entre elles, nous montrent assez que la science n'a point encore dit son dernier mot sur ce point. Quoique les Mammifères soient de tous les groupes qui composent le règne animal celui qu'on a le mieux étudié, il reste beaucoup à foire à leur égard. Les savants ne sont pas même d'accord sur la manière dont il faut en arrêter les principaux groupes; ils ne sont pas non plus fixés sur la valeur réelle des différences anatomiques dont ils se servent pour définir chacun dYux. C'est ainsi que les uns pensent avec Ray, avec Linné, avec G. Guvicr, que la prépondérance appartient aux caractères tirés des organes locomoteurs, tandis que d'autres préfèrent avec de Rlainville ceux du mode de parlurition; d'autres employant avec Tie- demann les particularités offertes par le cerveau, d'autres encore ayant surtout recours, avec F. Cuvier, à la considération du système dentaire. On ne s'est préoccupé que très- rarement des espèces fossiles dans la classification des Mammifères, et cependant la notion de leurs caractères rend souvent plus facile l'étude des espèces actuelles. Dans quelques occasions elle a montré (pie certains genres que l'on croyait très-différents les uns des autres, comme par exemple les Hippopotames et les Ru- minants, appartiennent à une seule et même série, les fossiles nous fournissant plusieurs chaînons dont la destruction a si largement interrompu la série de ces Animaux qu'on les croirait essentiellement différents entre eux. Les uns et les autres sont de véritables RisuU (pies, et cependant la plupart des auteurs réunissent encore les Sangliers et les Hippopotames aux Chevaux et aux Rhinocéros, sous la dénomination de Pachydermes, tandis qu'ils font a\ee les Ruminants un ordre à part; ce qui est contraire aux indications fournies par la paléontologie et par l'anatomie comparée. C'est pourquoi nous rétablissons dans cet ouvrage l'ancien ordre des Bisulques, dont il est déjà question dans Aristote, et celui non moins naturel des Jumentés auquel les Chevaux et les Rhinocéros serviront de types. L'Etude simultanée des Mammifères vivants et des Mammifères éteints a le grand avan- tage de mieux nous faire apprécier les règles auxquelles ces Animaux ont été assujettis dans leur apparition et dans leur répartition à la surface de notre planète; et, en nous permettant une comparaison plus complète des caractères propres aux uns et aux autres, elle nous permet de mieux juger de la valeur de leurs affinités respectives et d'en reconnaître, pour ainsi dire, la filiation. XX INTRODUCTION. TABLEAU ANALYTIQUE DES DIVISIONS PRINCIPALES DE LA CLASSE DES MAMMIFÈRES ADOPTEES DANS CET OUVRAGE. 1. — MAMMIFÈRES TERRESTRES. 1. Monodelphes ou placentaires-. A. lldtcrodontes, c'est-à-dire à dents de plu- sieurs sortes. a. Discoplaccntaires ou pourvus d'un pla- centa discoïde : ORDRE DES PRIMATES. ORDRE DES CHÉIROPTÈRES. ORDRE DES INSECTIVORES. ORDRE DES RONGEURS. b. Zonoplaccnlaires ou pourvus d'un pla- centa circulaire : ORDRE DES CARNIVORES. e. Polyplacentaires ou pourvus d'un pla- centa diffus: ORDRE DES PROBOSCIDIENS. ORDRE DES JUMENTÉS ORDRE DES BISULOUES. B. llomodontes, c'est-à-dire à dents d'une seule sorte. ORDRE DES ÉDENTÉS. SOIS-ORDRE DES T A R D I G R A 1) E S . — MYRMKCOPIIAGES, — 1) A S Y l'ODES. — .M AMD É S . 2. biplace ni air es. A. Didelphes. ORDRE DES MARSUPIAUX. SOIS-ORDRE DES S A R IGl'ES. D A S Y L R E S . — MYRMÉCOÏÎIES. — S YN PAC TV LES. — l'Il ASCOLOM ES . B. Ornitliodelplics. ORDKC DES MONOTRÈMES SOl'S-0 R D R E I) E S É C II 1 D N É S . — OUMTHORllàNOlE: Inconnus dans leur mode de placcnlation. ZE l (il. 0 1) 'JNTE* A M MI ITH ÈRE S. ». — mammifi;iu:s MAliiys. A. Hetérodontcs. ORDRE DES PHOOUES. ORDRE DES SIRÉNIDÉS. B. llomodontes. ORDRE DES CÉTACÉS Comprenant les Dauphins, les Cachalots et les Baleines. Quelques explications feront aisément comprendre les hases de cette classification dans laquelle nous avons essayé de tenir compte de l'ensemble des caractères, tout en les subor- donnant les uns aux attires, conformément à leur valeur respective. Nous nous servirons des mêmes signes que dans le tableau qui précède. Certains Mammifères sont pourvus de placenta pendant leur vie intra-utérine, cl c'est par l'intermédiaire de ce placenta qu'ils adhèrent à leur mère et qu'ils en reçoivent du sang: on les nomme alors Placentaires ou Monodelphes. D'autres sont dépourvus de placenta; dans ce second cas, iL* joignent à quelque^ autres caractère^ importants, celui d'avoir con>tam- INTttODICTION. xxi ment un os marsupial. Ces Mammifères inptaccntaires sont les Marsupiaux I \ i: \\ >. b> unis di ntNTs cm:/. 1. 1: Chien, wfc les v: \ n i nés et l l> mol uni-:: !. \ il, 2'.'J (U- pra:i(!( A. Les Placentaires terrestres à dents diversiformes, ou les Héiérodontes, se lassent partager à trois catégories, d'après la forme de leur placenta et quelques autres caractères, On doit principalement à M. Milne Edwards d'avoir établi la valeur que présentent ici les différences tirées de l'appareil placentaire. a. Les uns sont discoplacentaires, c'est-à-dire pourvus d'un placenta discoïde comme celui du fétus humain : ce sont les Pu hiatus, les C Il E I II 0 P T E K ES , les I N S E C T 1 V 0 R E S Ct lCS H 0 N (; E V 11 S, constituant autant d'ordres distincts. b. D'autres sont zonoplacentaires, c'est-à-dire pour- vus d'un placenta zonaire, analogue à celui du Chien; ils ne constituent qu'un seul ordre, celui des Caiim- yoiies. JY\ci.Ni\ Discoiur. — OEit de Lu'iv Kunfmanls el de Paclivdeni Ps VCF.M\ ZONAIHE. — OE: F DU CllIEN (D'après M. Coste. ) Porcins de Yicq-d'Azvr. ie:> omnivores. Les 1 c. Enfin il en est qui ont le placenta diffus, et par conséquent multiple. (> sont les Polyplacentaires divisés en trois ordres, sous les noms de Pno- nOSCIDlENS, JUMENTÉS OU PacIlY- dermes herbivores et Bisulques on 'orcins reçoivent aussi quelquefois le nom X XI l ivfnonicTiov />. Les Placentaires terrestres à dents uniformes et d'une seule :oric, eu le- lltuioiïou- tes, sont en général désignés par le nom d'Éni^vn-; s. Quoiqu'on n'en lasse le plus souvent <|ifuu seul ordre, ils présentent des caractères fort différents les uns des autres, comme nous le verrons en traitant des Tardif) rades ou Paresseux, des Myrmécopliayes ou Four- miliers, des Dasypodes ou Tatous et des Manidés ou Pangolins; aussi sera-t-il plus conforme aux principes de la classilication naturelle de les partager en plusieurs ordres différents, ou tout au moins en plusieurs""sous-ordres. K i':'«K HoMOix'.Nrr. — Les dents de lut et les dents de remplacement du Cu:uio.mi: (l-'iuiiilli' iU-s T.U), {ïi.uhI. n.il Les Placentaires marins ou les Thalassotheriens, vivent dans les eaux marines; ils ont les pattes disposées pour la natation et le corps plus ou moins fusiforme. Les Phoques sont les seuls parmi eux qui aient encore quatre membres, les autres n'en ont que deux. Tous ces Animaux ont autant d'intelligence que les Mammifères terrestres les plus favorisés sous ce rapport, l'homme excepté, et ils ont aussi le cerveau très-perfectionné. Ils semblent représenter dans les eaux marines certains ordres que nous venons d'indiquer parmi les espèces propres au sol des continents et des îles, et de Blainvillc avait proposé de les réunir à ces dernières. Les divers Animaux de ce groupe, dont il y a des représentants dans la nalure actuelle, sont les Puoouks, qui sont comparables aux Carnivores; les Si r.û\nn';s, qui rappellent à tant d'égards les Prnhoscidiens, H '^ Ci;iaci;s? comprenanl le- Dauphin-, les Cachalot- et le. INTP.Om f!TH>\. Wlfl 3ÊX) .M usrrnrv « ■ r.ïml . n;i'. »r Dii.nnrs, - S\nif,n. n f: j \ n f: i>: . I Haleines. Les Cétacés sont Homodontes comme les Ldcntés, et nous avons vu qu'ils étaient regardés par de Blainville comme étant les Édentés de la mer. 2. Certains Mammifères privés de placenta ont la gestation utérine de très-courte durée, mais ils y suppléent par une sorte de gestation mammaire dite marsupiale, et dans la plupart des cas leurs mamelles sont entourées d'une poche (marsupium), ce qui les a fait appeler Mar- supiaux : on les nomme encore mammifères didelphes. Ils sont tout aussi faciles à diviser en groupes que les Éoextés, et Ton pourrait considérer ces groupes comme formant autant d'ordres particuliers; l'un d'eux serait fourni par les Sarigues, dont toutes les espèces sont américaines. Les autres sont les Dasyares, les Myr- mécobies, les Syndactyles (comprenant les Phalangers, les Tarsipèdes, les Péramèles et les Kangurous) et enfin les Phascolomes. Tous ceux-ci sont de l'Australie ou des parties de l'Asie ^ — rx insulaire qui s'en rapprochent le plus. (Test dans le même continent qu'on a recueilli les débris fossiles des Nota- (hériums et des Diprotodons, Marsu- piaux étranges qui étaient les géants • de cette grande division mammalogique, comme les Mégathéiitims, les Mylodons, les Clyplo- dons et tant d'autres dont on découvre en Amérique les débris enfouis dans le sol, étaient ceux de la grande division des Edentés. :\. Les derniers do> Mammifères sont le; Monotrèmes ou MAMMIFÈRES ORNITHO- delphes, parmi lesquels on ne connaît que les deux genres Omitho- rhynque et Echidné, qui constituent l'un et l'autre un sous-ordre distinct. :|®-^^^f ^IMP^^^rf ^^^^ '^e sont (^es ^n"na,,x quadrupèdes, i&^Mit -% %:MWUf]0ûâ 4$*- '^-^Èk inplacenlaires, qui se distinguent (k^ précédents par l'absence de véritable utérus, par la présence d'un cloaque, par celle d'os coraroïdiens distincts et par quelques autres caractères qui les rapprochent des Ovipares. Quoique les Mammifères Mono- trèmes soient bien inférieurs aux autres Animaux de la même classe, et (pie les Marsupiaux soient eux- mêmes au-dessous des Cétacés par l'ensemble de leur organisation, nous parlerons de ces deux sous-classes d'Animaux avant de traiter des espèces marines, c'est-à-dire des Phoques, des Sirénidés et des'Célacés, parce qu'il nous a paru plus convenable de traiter comparati- vement de tous les Mammifères terrestres, qu'ils soient Placentaires ou non Placentaires, et, dans le premier cas, Homodontes ou Hétérodontes; c'était le seul moyen que nous eus- sions de bien faire comprendre quel est le mode de répartition à la surface du globe des quatre grandes catégories (Placentaires hétérodontes ou Monodelphes ordinaires, Placen- taires homodontes ou Edentés, Marsupiaux ou Didelphes, e( Monotrèmes ou Ornitliode!- phes) qui en constituent rensemble. 1 hi m r n o n m \ o t iî n v i s s \ n t , XXIV .INTRODUCTION. Les Phoques, les Sirénidés et les Cétacés forment de leur coté autant d'ordres à part, très-faciles à séparer les uns des autres. Il faut y ajouter l'ordre éteint et encore mal connu des Zeuglodontes, dont la paléontologie a dernièrement enrichi la zoologie. Il nous serait plus difficile d'assigner, dès à présent, une place précise aux prétendues Sa- rigues fossiles du terrain oolithique de Stoneslield , en Angleterre. Quoiqu'on ne puisse leur refuser la qualité de Mammifères, ces singuliers Animaux, qui sont les plus anciens de tous ceux que l'on connaisse encore dans la classe des Mammifères, n'ont été jusqu'ici décrits (pie d'après quelques débris seulement, et il est impossible de juger assez bien de l'ensemble de leur organisation pour dire quelle est leur véritable place dans la méthode naturelle. Ce sont les Amphithères. Nous les avons placés hors de rang, ainsi que les Zeuglodontes, qui sont de gigantesques Mammifères, dont les restes fossiles abondent dans certains dépots marins de 1" Amérique septentrionale appartenant à l'époque tertiaire moyenne. / ■ . tm^ <; "111 1.1 F, ill fail'l! (1\ I, |.. '>li ) ORDRES FAMILLES, GENRES et ESPÈCES DE LA CLASSE DES MAMMIFERES ORDRE des PRIMATES Animaux mammifères, pourvus de quatre extrémités onguiculées, propres à la locomotion ordinaire, dont les pouces, aux membres antérieurs et plus fréquemment encore aux membres postérieurs, sont opposables aux autres doigts comme ils le sont aux membres supérieurs chez F Homme; disposition qui a valu à ces Animaux le nom de Ouadru- llv PVUTII-. 1 2 OIÎDKK DKS PRIMYTKS. mânes, que tous ne méritent cependant pas. Organisation , mode de développement et apparence générale rappelant sensiblement l'espèce humaine, surtout dans les premiers genres. Intelligence plus ou moins développée. Régime habituellement frugivore, quelquefois insectivore. Les Primates sont vulgairement connus sous les noms de Singes, de Sapajous et de Makis. // faut leur adjoindre le genre Cheiromys et peut-être aussi celui des Galéopithèques. Le célèbre naturaliste suédois Linné apportait un goût exquis dans le choix dès nombreuses dénominations qu'il était chaque jour obligé d'inventer pour édifier son Système de la Nature. Ce fut lui qui proposa d'appeler Primates, c'est-à-dire Premiers ou Primats des Animaux, l'ordre par lequel nous commencerons cette histoire des Mammifères. Il y plaçait, avec l'Homme, non-seulement les Singes et les Makis, dont l'organisation se rapproche plus ou moins de celle qui distingue notre espèce, mais aussi les Chauve-Souris et les Paresseux qui ont du en être séparés, lorsqu'il a été permis d'apprécier plus exactement les particularités organiques qui les distinguent. Les véritables Primates ou les Animaux de ce premier ordre jouissent du privilège d'exciter vivement la curiosité; ils méritent aussi toute l'attention du philosophe. Si d'au- tres espèces de Mammifères ont acquis une égale célébrité, à cause de leur grande taille et de leurs habitudes féroces, ou, au contraire, à cause de la facilité avec laquelle elles se soumettent à la domination de l'Homme, il n'en est certainement pas qui justifient mieux l'intérêt qu'on attache à les bien connaître. La pétulance de certains d'entre eux, la lenteur réfléchie de quelques autres, la variété ainsi que la mobilité des aptitudes chez le plus grand nombre, la finesse des instincts chez tous, et en même temps la forme du corps, toujours plus ou moins analogue à la nôtre, enfin les allures de ces singuliers animaux , leur physionomie presque humaine et la similitude à peu près con- stante de leurs mouvements avec ceux que nous exécutons sont autant de faits curieux qui excitent la curiosité du vulgaire et retiennent, sans jamais lui donner satisfaction, l'attention de l'Homme observateur. C'est pour ces motifs (pie chez tous les peuples, civi- lisés ou barbares, les Singes sont recherchés avec soin, et qu'on les garde en captivité pour s'en amuser ou pour s'instruire, quoiqu'il soit impossible d'en obtenir aucun autre service. A toutes les époques, ils ont inspiré les mêmes sentiments, et, dans quelques pays, ils ont joué ou jouent même encore un rôle important dans la religion et dans les préjugés nationaux. Les Egyptiens avaient fait du Tartarin le symbole de l'une de leurs divinités principales. Les Grecs, plus éloignés (pie les Egyptiens des pays habités par les Singes, et n'ayant sur plusieurs d'entre eux que des renseignements tout à fait incomplets ou même erronés , ont laissé dans leurs écrits une fouie de notions fausses qui nous mon- trent comment la nature si ambiguë de ces Animaux avait dès lors frappé l'imagination des Hommes. Dans d'autres cas , on les a étudiés dans l'intention de perfectionner les connais- sances anatomiques, et de suppléer ainsi à l'impossibilité dans laquelle on se trouvait d'étu- dier dans l'Homme lui-même les détails de la structure humaine. Plus récemment, et sur- tout depuis les grands voyages et les conquêtes lointaines qui ont accompagné ou suivi l'époque de la Renaissance, les naturalistes ont ajouté de nombreuses espèces à celles d'ailleurs peu variées que les anciens avaient connues. OKDKK DKS PBIMATKS. 3 Les travaux de Buîïon ou de sou dévoué collaborateur Daubeuton ont surtout éclairé l'histoire des Primates ; elle doit aussi de précieuses acquisitions aux recherches de MM. Geoffroy Sainl-Hilaire père etlils, ou de F. Cuvier, en France, et de beaucoup d'autres naturalistes français ou étrangers dont nous rappellerons les noms dans cet ouvrage à mesure que l'occasion s'en présentera. Aux principaux Singes propres à l'ancien continent ou au nouveau, aux Makis et à quelques Animaux voisins que Buffon et Daubeuton connaissaient, et que Linné avait inscrits dans son Système, sont venus s'ajouter plusieurs espèces aussi nouvelles que remarquables, et qui, pour la plupart, ont servi à l'établissement de genres particuliers. Les Colobes, la plupart des Semnopithèques, beaucoup d'espèces appartenant aux autres genres de Singes, et même plusieurs de ces genres dans les diverses tribus des Pithéciens, des Sapajous et des Ouistitis; les Galagos, YIndri, YAye-Aye ou Cheiromys et les Galéopithèques n'étaient pas connus lorsque Buffon et Daubeuton publièrent leur histoire des Singes et des autres Animaux du même ordre, ou ne l'étaient encore (pie très-imparfaite- ment lorsque ce célèbre ouvrage parut. De ce nombre était aussi le Gorille, qui a été confondu avec le Chimpanzé jusque dans ces dernières années. Le Potto, déjà signalé par Bosmann , voyageur hollandais du dix-septième siècle, n'a été revu qu'en 1830, et on n'a pas connu plutôt en nature les Cheirogales de Geoffroy Saint-Hilaire dont il est cependant question dans les manuscrits du voyageur Commerson, qui avait accompagné Bougainville. Gomme on le voit, la science moderne s'est enrichie, au sujet de ces Animaux, d'un grand nombre d'observations importantes, et leurs mœurs, leur répartition à la surface du globe, les particularités principales de leur organisation ont été également étudiées avec soin. Aussi leur classification est-elle aujourd'hui parfaitement établie; en même temps, la plupart des erreurs qui s'étaient accréditées à leur sujet ont pu être reconnues et remplacées par des détails plus exacts. Beaucoup d'auteurs, imitant en cela Bluinenbach et G. Cuvier, ont préféré la dénomination de Quadrumanes à celle de Primates, qui a néanmoins prévalu. Pour les mêmes naturalistes, l'Homme, (pie Linné regardait comme le premier des Primates, et le Galéopithèque, qui en est, au contraire, le dernier, ne doivent pas être classés dans le même ordre que les Singes, les Sapajous et les Makis ou Lémuriens. Le Galéopithèque est rangé par Cuvier à la fin des Chéiroptères; et l'Homme constitue à lui seul, dans la méthode de ce célèbre naturaliste, l'ordre des Bimanes, ainsi nommé par Blumenbach, et dont la place est marquée avant celle des Quadrumanes. Noyant pas à traiter ici de l'espèce humaine, je ne dois pas discuter, avec tous les détails (pie comporterait le sujet, ce point de doctrine scientifique. Je me bornerai donc à dire que si c'est à l'organisation elle-même que l'on emprunte les caractères qui doivent servir à la classification des espèces, on donne à ceux de la station et du mode de progression par lesquels l'Homme diffère des premiers Singes, une trop grande importance, en faisant de l'Homme le type d'un ordre à part; que si c'est , au contraire, l'intelligence que l'on consulte et surtout la supériorité morale, l'établissement d'un ordre distinct pour cette espèce privilégiée n'est pas suffisant pour exprimer combien elle diffère de toutes les autres. Quant au Galéopithèque, les caractères qui le distinguent ne sont ni assez différents de ceux des derniers Primates, ni assez semblables à ceux du Cheiroptère, pour qu'il soit possible de le séparer du premier et de le réunir au second. Nous en parlerons donc en terminant l'Ordre qui comprend les Singes, les Sapajous, ainsi que les Makis. Quant à la dénomination de Quadrumanes, sous laquelle on a réuni les Singes et les Makis, en faisant allusion aux pouces opposables qui font de leurs quatre extrémités des mains comparables à celles de l'Homme, elle e>t bien loin de s'appliquer à la totalité des 4 OU DUE DES PLUMATES. espèces qui l'ont pourtant reçue, et je ne parle pas ici des Caléopitlièques , qui n'ont des pouces opposables ni aux membres antérieurs ni aux postérieurs. 11 y a des espèces parmi les Quadrumanes de Blumenbach et de Cuvicr, qui n'ont pas quatre mains, dans le sens propre de ce mot, car elles manquent plus ou moins complètement de pouces aux membres supérieurs. Tels sont les Colobes, qui sont d'Afrique, cl les Atèles, ainsi que les Eriodes, qui appartiennent, au contraire, à la tribu des Singes américains. D'autres ont bien un pouce complet aux membres supérieurs, mais ce pouce suit la même direction que les autres doigts, et il n'est pas plus opposable que celui des carnivores chez lesquels il acquiert le même degré de développement. Ce sont les Ouistitis, qu'on a même nommés Arctopithèques, à cause de cette particularité, c'est-à-dire Singes à mains d'Ours. Plusieurs Lémuriens sont aussi dans le même cas, et il en est de même du genre Cliciromys. Sous ce rapport, les Animaux que nous venons de citer sont plutôt Védimanes à la manière des Sarigues et des Phalangers, (pie Quadrumanes , comme les Singes de l'ancien monde et les Makis. On doit faire à cet égard une remarque très-importante pour la juste appréciation des caractères physiques de l'Homme, le premier de tous les Primates, et, pour tous les natu- ralistes, le premier des Animaux. Chez l'Homme, c'est le pouce des membres supérieurs qui est opposable et qui contribue à faire de la main cet instrument si parfait et si en rapport, par son exquise sensibilité ainsi (pic par la variété de ses mouvements, avec la supériorité de l'intelligence humaine, dont elle est le principal instrument. Le pouce des membres inférieurs est, au contraire, dirigé dans le même sens (pie le reste des doigts. C'est l'in- verse qui a heu chez les autres animaux : nul n'a de pouces opposables aux membres anté- rieurs, si ceux des membres postérieurs ne sont aussi dans ce cas, et quand il n'y a (prune seule paire de pouces opposables, ce ne sont jamais que les pouces de derrière. Y. r. i opf, M ORDRE DES PRIMATES. 5 L'ordre des Primates comprend un nombre considérable d'espèces, près de deux cents, qui toutes sont incites à reconnaître comme telles par l'ensemble de leurs caractères. Toute- fois, il est impossibe d'en établir une diagnosc absolument rigoureuse, aucun de leurs caractères n'ayant une constance absolue. On peut dire cependant (pie ces Animaux sont des Mammifères pourvus de quatre membres, à doigts ongui- culés, destinés à marcher ou mieux encore à grimper, et qui diffèrent des autres familles également quadru- pèdes et onguiculées, parce qu'ils ont presque généra- lement le pouce des mem- bres postérieurs, et, fré- quemment, celui des mem- bres antérieurs opposable aux autres doigts ; le plus souvent leurs mamelles sont pectorales et au nombre de (]i)\\\ seulement ; leurs dents, presque toujours de trois sortes , sont appropriées à un régime plus ou moins frugivore. Il faut ajouter (pie leur cerveau , de plus en plus semblable à celui de »*-»y,,.:CtEuys* l'Homme à mesure qu'on l étudie dans des espèces Ci in m i \ > z !■; , ?/3 <1p pi orhl, 6 ORDRE DES NWMATKS. plus rapprochées de lui sous les autres rapports, a aussi ses lobes olfactifs grêles et allon- gés, ce qui ne se retrouve que dans les Phoques, et que la plupart de leurs organes qui servent à la locomotion, à la nutrition ou à la reproduction de l'espèce, rappellent toujours ceux de l'espèce humaine d'une manière plus ou moins évidente. C'est ce qui a fait admettre, comme Linné l'avait d'ailleurs établi, que l'Homme, envisagé comme être organisé, appar- tient à la série des Primates. On verra, par ce que nous exposerons, que l'ordre des Primates peut être divisé ainsi qu'il suit, en quatre familles, savoir : 1° Les SINGES (Simiadœ, Simidœ, etc., des nomenclateurs). ils se partagent eux-mêmes en deux catégories bien distinctes, d'après la considération de plusieurs caractères que nous exposerons bientôt et qui concordent exactement avec leur répartition à la surface du globe. Les uns, auxquels on a étendu le nom de Pithèques, sont de l'ancien continent, principa- lement de l'Inde et de l'Afrique; les autres, appelés Sapajous et Ouistitis, habitent l'Amé- rique, surtout dans ses parties chaudes. 2° Les LÉMURIENS (Lemuvidœ de quelques auteurs). Us comprennent, outre les Makis, leslndris, etc., qui peuplent la grande île de Madagascar, quelques genres africains ou asiatiques, savoir : les Galagos, les Pérodictiques ou Pottos, les Tarsiers et les Loris. 3° Les CHEIROMYS (Cheiromydœ, Is. Geoffroy). Leur seule espèce connue est le singulier Aye-Aye de Madagascar, qui réunit à plusieurs des caractères propres aux Lémuriens une dentition tout à fait comparable à celle des Rongeurs; 4° Les GALÉOPITHÈQUES (Galeopithecidœ). Animaux pourvus de membranes des- tinées au vol, qui rappellent celles des Écureuils volants, et des Phalangers volants. Ainsi que nous l'avons déjà dit, ils vivent dans certaines îles de l'Inde. FAMILLE des SINGES Dans le langage ordinaire, et même dans celui de la science, le mot Singe (Simia) reçoit une signification bien arrêtée, mais plus étendue que celle que Buffon avait essayé de lui donner. Dans sa manière de voir, on aurait dû n'appeler ainsi que les espèces à formes plus semblables à celles de l'homme, également dépourvues de queue et n'ayant point d'abajoues. Ces espèces sont les mêmes que l'on a nommées depuis lors Singes an t ii r o p o m o it i> u t; s. « J'appelle Singe, dit Buffon, un Animal sans queue, dont la face est aplatie, dont les dents, les mains, les doigts et les ongles ressemblent à ceux de l'Homme, et qui, comme lui, marche debout sur ses deux pieds : cette définition, tirée de la nature même de l'Animal et de ses rapports avec celle de l'Homme, exclut, comme l'on voit, tous les Animaux qui ont dos queues, tous ceux qui ont la face relevée ou le museau long; tous ceux qui ont les ongles courbés, crochus ou pointus ; tous ceux qui marchent plus volontiers sur quatre que sur deux pieds. )> Le Pithecos des Grecs ou l'Animal de Galien, que nous verrons être le même que le Magot des naturalistes modernes, est regardé à tort comme un de ces singes par Buffon. La définition s'applique au contraire fort bien à l'Orang-Outan , auquel il rapporte non-seulement ce qui a trait à cet animal , mais aussi ce que l'on savait de son temps au sujet du Chimpanzé , qu'il a eu vivant, et du Gorille, qu'il n'a connu, ainsi que le véritable Orang, que par les récits des voyageurs. Il y ajoute le Gibbon. Au-dessous des Singes véritables, Buffon classe les FVMïLLE DES SINGES. 7 Babouins, parmi lesquels il distingue, outre le Cynocéphale ou Magot, le Papion, le Mandrill et l'Ouanderou, Après les Singes et les Babouins , il décrit les Guenons , « Animaux qui res- semblent aux uns et aux autres, mais qui ont de longues queues, c'est-à-dire des queues aussi longues ou plus longues que le corps. » Buffon en comptait neuf espèces, et il les énumère dans Tordre suivant : les Macaques, les Patas , les Malbrouks , les Mangabeys , la Mone , le Callitriclie , le Talapoin et le Doue. Toutefois, Buffon n'admet pas que ses trois catégories soient aussi distinctes qu'on serait tenté de le croire. Entre les Babouins et les Guenons vient se placer le Maimon; et le Magot , d'ailleurs distingué à tort du Pithèque, à l'espèce duquel il appartient, relie les Singes aux Babouins. Buffon ajoute qu'il ne se trouve dans le nouveau continent ni Singes, ni Babouins, ni Guenons, et que les animaux de l'Amé- rique que l'on a appelés des Singes forment deux catégories à part, les Sapajous et les « Sagouins, tous très-différents de tous les Singes de l'Asie et de l'Afrique. » Ce fut en 1766 que le célèbre naturaliste français publia, dans le XIVe volume de son Histoire naturelle, sa nomenclature des Singes. Les auteurs qui l'avaient précédé avaient mal décrit en général les Animaux que l'on désigne encore par cette dénomination, et dont les Singes proprement dits ou les véritables Singes de Buffon , ne forment qu'une frac- lion peu considérable. Son travail, auquel Daubenton concourut d'une manière active, mo- difia notablement les idées que l'on avait au sujet de ces Animaux, et il a servi de base à tout ce qui a été fait depuis sur la même matière. La distinction tranchée qu'il a établie entre les espèces américaines et celles de l'ancien continent mérite surtout d'être signalée comme une véritable découverte, car tout ce que l'on a observé depuis, aussi bien sur les espèces vivantes que sur celles qui ont vécu antérieurement à l'époque actuelle, et dont les débris ont été recueillis dans les terrains tertiaires , est venu la confirmer d'une manière éclatante. Tandis que certains genres de Mammifères fournissent des espèces à l'ancien et au nouveau continents, et qu'il en est même, comme celui des Bats, qui ont des représentants jusque dans la Nouvelle-Hollande, les genres de Primates sont très-régulièrement distribués à la surface du globe. Ceux de l'ancien continent joignent à des dents semblables à celles de l'homme par le nombre et par la formule, une disposition particulière des narines et quelques autres carac- tères à l'aide desquels il est facile de les distinguer des genres américains, et ceux-ci ne se laissent pas moins aisément séparer des Primates inférieurs que l'on réunit, dans beaucoup de cas, en une seule famille, sous le nom de Lémuriens, emprunté au mot latin Lemur, par lequel Linné avait désigné le genre qui comprend les Makis. Ils sont d'ailleurs de deux sortes : les véritables Sapajous, dont les genres sont assez variés, et les Ouistitis, animaux plus petits que les précédents et moins nombreux en espèces. Malgré le sens plus limité que Buffon avait essayé de donner au mot Singe, les naturalistes ont continué de l'appliquer aux nombreux Animaux que, dans le langage ordinaire, on appelle également ainsi. Buffon lui-même n'a pas tenu compte, dans la suite de son ouvrage, de la distinction qu'il avait établie. Les Singes, rigoureusement parlant, sont donc ces Mammifères, les uns propres à l'ancien continent, les autres particuliers au nouveau, qui ont avec l'Homme une ressem- blance plus ou moins grande dans les formes extérieures, et dont les allures ou les gestes ont souvent une telle analogie avec les nôtres que, de tout temps, les savants et le vulgaire ont été incertains s'ils ne devaient pas être associés génériquement à notre propre espèce. Les Singes sont des Animaux qui vivent pour la plupart sur les arbres ou dans les pays rocailleux, qui se nourrissent de fruits, de bourgeons, d'œufs , quelquefois aussi d'insectes. On les reconnaît aisément à leur organisation , dont les principaux traits concordent avec ceux que le genre humain présente à un degré si élevé de perfection ; leur cerveau et leurs autres organes profonds; leur apparence extérieure, et, en particulier, la forme de leur tête, la place et le nombre de leurs mamelles, leurs pouces des membres supérieurs, le plus souvent opposables aux autres doigts, leur station approchant de plus en plus de la 8 ORDRE DES PR1MYTES. verticale , mais sans jamais l'être complètement, et certaines communautés dans les aptitudes intellectuelles : tout, dans ces Animaux, accuse une incontestable ressemblance avec l'Homme et une supériorité par rapport aux autres quadrupèdes. Toutefois, cette ressemblance diminue à mesure que l'on descend dans la série des genres qui composent la famille des Singes; et, tout en conservant les traits fondamentaux du groupe auquel elles appartiennent, les dernières espèces montrent dans leur intelligence autant que dans leur cerveau, dans leurs formes aussi bien que dans la structure de leurs principaux organes, une infériorité évidente, si on les compare aux premières et surtout à l'Homme. Aussi les plaeo-t-nu à une bien plus grande distance de ce dernier dans la classification. Hit^titi u i< ri i t. \ !< i) (Jacclr.ts onriltiï), I :! il • ar.uvl. Les Ouistitis sont précisément ces Singes inférieurs auxquels nous venons de faire allusion. Ils prennent rang après les Sapajous, Animaux également américains, avant lesquels on doit, au contraire, placer les Singes de l'ancien continent. Ceux-ci ont, dans leur système dentaire et dans tous leurs organes, des affinités plus grandes avec l'espèce humaine. Ainsi, nous aurons à parler successivement de trois groupes de Singes biquPH) ou Singes de l'ancien continent, dont la formule dentaire est la même que celle de l'Homme. 2° Les Cl:;p,iENK (Sop'/jnnx) ou Singes américains, pourvus de trente-six dents, 3° Les 11 \i\\m«:\S (Onistilis) , qui n'ont que trente-deux dents, comme les Pithèques, avec une formule différente de celle de ces Animaux, et plus semblable eu réalité à celle des Sapajous, Aussi peuvent-ils être réunis aux Gébiens. TRIBU des PITHÉCIENS Les Pithéciens, ou Singes de l'ancien continent, se laissent aisément reconnaître aux carac- tères (pie voici : leurs narines sont séparées, comme celles de l'Homme, par une cloison mince, chacune d'elles est étroite et plus ou moins inférieure, sans que pourtant le nez fasse FAMILLE DES SINGES. habituellement saillie comme celui de notre espèce; le Nasique, qui est un Singe du ^enre Semnopithèque , présente cependant ce caractère. La queue existe fort souvent, et elle est tantôt longue, tantôt, au con- traire, plus ou moins courte; d'autres fois elle est tout à fait nulle, et on n'en trouve d'autre trace qu'un petit coccys caché sous la peau comme celui de l'Homme. Si développée qu'elle puisse être, elle n'est jamais pre- nante, c'est-à-dire susceptible de s'enrouler autour des corps pour les saisir ou y suspendre l'Animal. Les deux tubérosités des os ischiatiques, sur lesquelles les Pithéciens s'asseoient , sont habituellement encroûtées de cal- losités épidermiques, dites cal- losités fessières, qui manquent constamment aux Singes améri- cains. La formule dentaire est absolument la même que dans l'Homme, savoir : deux paires de dents incisives à chaque mâ- choire ; une paire do canines et cinq paires de molaires divisibles en deux fausses molaires et trois grosses, la première de celles-ci fonctionnant déjà avant la chute des dents de lait. 'Ho m m F, grandeur nafurol'.o l); \ rs i»r C ii i »! !• a \7.t adi'lte, gronde ir not.:rp;' l'" PARTIR 10 OHDKK DES PRIMATES. La première dentition ressemble aussi à la nôtre, et se compose de vingt dents ainsi réparties : deux paires d'incisives à chaque mâchoire, une pain! de canines et deux paires seulement de molaires. Les vingt dents de lut de l'espèce hi.mxink, .grandeur nature' le. I.Fx TIVT DENTS DE MIT DE I.'OlUNY, ET SES (11VTHE l'HI MIÈMES GKO^LS DtNTs i'E'i-i-r\Nirs, grandt.-ur naturel!*.'. Les Singes de la première tribu ont encore beaucoup d'autres traits communs avec l'Homme, mais ceux que nous venons de signaler, étant plus faciles à saisir, ont, à cause de cela, une plus grande importance aux yeux des naturalistes elassificateurs , et nous nous bornerons à leur seule énumération. Le nom sous lequel nous avons inscrit cette première tribu est le même qu'a employé M. de Blainville. Pithèque, et, par suite, Pithéciens ou Pithecini viennent du mot grec Pithecos, (tti^xoç) , que les anciens ont fréquemment employé, et qui s'appliquait, dans la langue des Grecs, tantôt aux différentes espèces de Singes qu'ils connaissaient, tantôt à l'une de ces espèces prise en particulier. Cette espèce, qui était alors celle qu'on recevait le plus fréquem- ment en Europe, est la même qui vit dans le nord de l'Afrique, et (pie nous appelons le Magot. Le substantif Pithecos entre aussi comme racine dans la composition de plusieurs autres dénominations, les unes employées par les anciens, les autres imaginées par les modernes pour désigner des Singes soit d'espèces africaines, soit d'espèces asiatiques. C'est ainsi qu'il est question dans Ctésias, dans Strabon et dans Pline, d'un Cercopitliecos , c'est-à-dire d'un Pithèque pourvu d'une queue, et qu'Aristote parle d'un Choiropithèque ou Pithèque à forme de Cochon. Quoiqu'il reste encore quelque doute sur la détermination spécifique du Cercopithèque que Ctésias dit asiatique, et Pline, au contraire, éthiopien, et qu'il soit encore impossible d'assurer ce qu'était le Choiropithèque qu'Aristote mentionne sans le décrire, les naturalistes modernes ont employé les mêmes dénominations en arrêtant la valeur d'une manière plus précise. TCuffon donne le nom de Cercopitliecos comme ayant le sens attaché par lui au mot Gnou»), et M. de Blainville a quelquefois substitué au nom générique des Cynocéphales, tel que les définissaient Pmffon et G. Cuvior, celui de C/iœropithecus.oi il a proposé pour d'autres genres des noms terminés également par la désinence Pithèque. F. Cuvier a nommé Semno- FAMILLE J)ES SINGES. 11 pithrf/ucs un genre do Singes asiatiques dont il y a environ vingt espèces connues; le Talapoin est devenu le type du genre Miopithecus de M. I. Geoffroy; le Cynocéphale nègre, celui du genre Cynopithecus du même auteur; et le Macaque Gel ad a de M. Buppel , son ïhevopithecus. C'est pour rappeler que la première famille des Singes comprend différentes sortes de Pithèques, que M. de Blainville lui a rendu le nom même de Pilhi-ques, dont nous nous servi- rons aussi pour indiquer les mêmes Animaux , c'est-à-dire l'ensemble des Singes propres à l'ancien continent. Buffon , qui les distinguait en Singes véritables, Babouins et Guenons, avait, le premier, compris qu'ils forment un groupe naturel bien distinct de tous les autres, et qu'on ne saurait les mêler, comme on le faisait avant lui ou comme on l'a fait quelquefois depuis, aux Singes américains. Les Pithèques, ou mieux les Singes Pithécoides , diffèrent autant de ceux-ci par leurs caractères organiques qu'ils en sont éloignés par la position géographique des contrées qu'ils habitent. Ce sont les mêmes Animaux qu'E. Geoffroy a nommés Catarrhinim, pour rappeler la disposition de leurs narines, qui diffère notablement de celle des Singes américains (ses Platyrrhinim) , et permet, dans la plupart des cas, de les en distinguer à la première vue. On les a aussi appelés Simudw , PUIwcidœ , etc. JVI \ n r, ahky \ cor. uf. h iiuNf, i e m i 1. 1 e ( Catarrhinin ) Narines terminales [Ancien continent), 1/2 de grand, uni. S a Jin i;iii\ (Vlatyrrhxnin). Narines la't'rales [Nouveau continent), 1/2 de grand, nat. Grâce aux travaux des naturalistes, l'histoire de ces Animaux est aujourd'hui fort avancée, et si l'on ajoute à ces observations zoologiques et géographiques , les détails anatomiques ou physiologiques que les mêmes naturalistes ou MM. de Blainville, Ovven et beaucoup d'autres ont publiés, on reconnaîtra que la tribu des Pithéciens est actuellement l'une des mieux connues parmi celles qui composent la classe des Mammifères. Bien n'a été négligé dans l'examen qu'on a fait de ces Animaux, et les principales collections de l'Europe se sont enri- chies d'une foule de préparations fort curieuses. Ce sont aussi ces Mammifères que l'on re- cherche avec le plus de soin dans les Ménageries. Les Pithèques sont des Animaux très-rapprochés de l'Homme par leurs formes extérieures aussi bien que par leurs caractères anatomiques. Leur front est plus saillant que celui d'aucun autre groupe de Mammifères , ce qui indique un cerveau plus développé dans ses parties anté- rieures, et, par conséquent, une plus grande intelligence. Leurs yeux sont rapprochés et dirigés en avant; leurs oreilles s'éloignent peu de la forme humaine; leurs deux narines sont séparées par une étroite cloison; leurs dents sont en même nombre que les nôtres et sembla- blement réparties en incisives, canines et molaires; ils n'ont, comme l'enfant, que vingt dents 12 ORDRE DES PRIMATES. do lait, et leur squelette, surtout dans les premières espèces, offre la plus grande analogie avec le squelette humain. L'hyoïde de la plupart des espèces, le sternum large et aplati de celles qu'on nomme Anthropomorphes, la conformation du corps chez celle des trois premiers genres, la brièveté du coccys chez un assez grand nombre sont autant de particularités dis- tinctives des Pithéciens qui démontrent le mieux le rapprochement établi par les naturalistes entre l'Homme et le Singe, et l'on ne saurait en contester la justesse dès (pic l'on a pu voir TOrang, le Gorille, le Chimpanzé, ou même d'autres espèces de la famille des Pithèques, quoique toutes n'aient pas le même degré de ressemblance avec l'Homme, et qu'il y ait encore comme nous le montrerons, un très-grand intervalle entre lui et les Singes même les plus intelligents. I ne bonne classification des Singes devait rendre un compte exact de la différence qui existe dans l'intensité des ressemblances signalées entre l'Homme et les Pithèques des divers genres. Les naturalistes qui s'en sont occupés ont, en effet, essayé de l'exprimer, mais ils ne sont peut-être encore arrivés à un résultat bien certain que relativement aux premières espèces, et je n'oserais affirmer qu'ils aient raison de placer à la fin de la série, comme plus éloignés de l'homme et du Chimpanzé ou du Gorille, les Cynocéphales , dont l'intelligence ne le cède certainement point à celle des Singes à longue queue (les Guenons de Bu f fou). L'opinion que nous émettons ici est d'ailleurs celle de Buffon lui-même, puisque, dans sa nomenclature des Singes, les Babouins, c'est-à-dire les Cynocéphales des naturalistes actuels, prennent rang immédiatement après les Singes Anthropomorphes, tandis que ses Guenons viennent les dernières, comme moins semblables à l'espèce humaine. Quoiqu'il en soit, nous nous confor- merons à l'usage qui a prévalu, et nous ne parlerons des Cynocéphales qu'après avoir exposé l'histoire des autres Pithéciens. Cette première tribu des Mammifères sera partagée ainsi qu'il suit en cinq groupes secondaires : 1° Les ANTHROPOMORPHES (Anthropomorpha) , comprenant les genres Troglodyte, G o r i l l e , 0 a a n g et Gibbon. 2° Les SE M NO PITHÈQUES {Scmnopithe 'tiens) , divisés eux-mêmes en Nasique, Semno- pitiièque, proprement dit, Presbyte et Colobe. 3° Les GUENONS (Ccrcopithéciens) , ou les genres M io pitiièque et Cercopithèque. 4û Les MACAQUES (Macaciens), qui se partagent en Magot, Mangabey, MAiMoiset Macaque. 5M^esCYNOCÉlMlALES(6^^0a'>/^/^«6'),OUlesCYN0PITHÈQUES,MANDRILLS,PAPI0NS et Théro pithèques. De ces cinq groupes, le troisième seul est exclusivement africain; les quatre autres, au contraire, ont chacun des genres particuliers en Afrique et dans l'Inde. Ln seul genre de Singe existe maintenant en Europe : c'est celui des Magots, dont l'unique espèce est représentée par quelques individus sur les rochers de Gibraltar, et, assure-t-on, dans quelques autres points méridionaux de la Péninsule. Le Magot vit aussi au Maroc et en Algérie. Des Singes appartenant à cette tribu ont fait partie des populations animales qui ont pré- cédé les espèces actuelles sur le globe. Des débris de Singes fossiles ont été constatés en France dans les départements du Gers et de l'Hérault; en Angleterre, en Grèce et en Asie, dans les dépôts sous-himalayens. Ces Singes fossiles sont, pour la France et l'Angleterre seulement : 1° une espèce voisine des Anthropomorphes, mais distincte, comme genre, de ceux d'aujourd'hui. Nous lui avons donné le nom générique de Piïopilhecus; elle répond au Pithecus antiqwis de M. de Blain- ville , et au Protopithecus antiquus île M. Larlct, qui en a découvert les seuls débris connus FAMILLE DES SINGES. 13 dans les terrains à ossements de Mastodonte, de Rhino- céros , etc. , du Gers. — 2° Le Semnopithecus ■monspcssu- lanus, dont j'ai recueilli quelques débris à Montpellier dans un dépôt moins ancien que celui du Gers, mais qui ren- ferme aussi des ossements de Rhinocéros et de Mastodontes différents, il est vrai, par leur espèce, de ceux du Gers. — 3° Macacus pliocenus de M. Owen. 11 était contemporain de YElephns jmmujenius ou grand Eléphant fossile d'Eu- rope, et du Rhinocéros à narines cloisonnées, qui habitait aussi le même continent. — 4° Macacus eocœnus , égale- s,:,m,milFm Ml,NSPFSsnAN''s- firai.di'ur rai uni o. ment décrit par M. Owen. Jl a vécu à la même époque que les Pachydermes du genre Lophiodon , et ses débris ont été trouvés dans un terrain que les géologues rapportent au mémo étage que le calcaire grossier dont on se sert à Paris pour la plupart des constructions. La découverte de débris fossiles appartenant à la famille des Singes a été faite, pour la première fois, en 1837, par M. Lartet, habile géologue d'Auc.h , qui s'est occupé avec beaucoup de succès de la recherche des Mammifères fossiles, et auquel on doit, non-seulement de magniliques collections d'ossements antédiluviens, mais aussi la description de plusieurs espèces éteintes que l'on ne connaissait pas avant lui. Cette découverte eut dans le monde savant tout le retentissement qu'elle méritait. On en comprendra bien l'importance , si l'on se rappelle que non-seulement on n'avait pas encore observé un seul ossement qui pût être rapporté à un Animal du groupe des Singes, mais qu'on avait pour ainsi dire posé eu principe que ces Animaux, pas plus que l'Homme, n'avaient existé antérieurement à la dernière révo- lution dont le globe a été témoin. Cuvier lui-même , après avoir examiné les nombreuses espèces éteintes de Mammifères dont la science lui doit la restauration, avait fait remarquer qu'on n'avait trouvé avec elles a aucun os de Singe , fàt-il d'espèce perdue. » 11 est vrai qu'il n'avait pas ajouté, comme plusieurs auteurs semblaient le lui faire dire, qu'on n'en rencontrerait pas plus tard. Cuvier se servait cependant du fait de l'absence des Singes parmi les fossiles alors connus, pour donner plus de probabilité à une opinion, déjà soutenue par Buffon, que l'apparition de l'Homme a eu lieu à une époque géologiquoment peu ancienne. Tout semble, en effet, démontrer que l'Homme n'a été créé que postérieurement à l'extinc- tion des nombreuses populations animales et végétales auxquelles ont succédé les Animaux et les Végétaux d'à-présent. Buffon avait dit que l'Homme était le dernier et le plus parfait ouvrage du Créateur. Sans contester le second terme de cette proposition, divers auteurs ont refusé d'admettre le premier, et ils ont dit que l'Homme était aussi ancien sur cette terre, non-seulement (pie les Animaux et les Végétaux existants ou que certaines espèces éteintes à une époque peu reculée, mais aussi que tous les autres Animaux et Végétaux qui, dans l'opinion de la plupart des naturalistes , ont habité le globe à des époques antérieures à l'apparition des espèces qui le peuplent aujourd'hui. Nous produirons dans cet ouvrage bien d'autres preuves contre la théorie qui soutient la simultanéité d'apparition des êtres organisés. Pour ne pas insister davantage sur ce point, relativement aux Singes fossiles de la tribu des Pithèques, nous nous bornerons donc à dire qu'antérieurement à l'époque nommée dilu- vienne par les géologues, de même que pendant cette époque, il a existé des Singes, et que les gisements dans lesquels on en rencontre les débris ne permettent pas de douter qu'ils n'aient vécu.en Asie, oii il y en a présentement beaucoup d'espèces, et aussi en Europe, oii le Magot de Gibraltar représente seul la même famille de Mammifères, et uniquement sur une très-petite surface. 14 ORDRE DES PRIMATES. ANTHROPOMORPHES Comme le nom l'indique, les Anthropomorphes sont, de tous les Singes, ceux qui ressem- blent le plus à l'Homme. Aucun n'a de queue, et les Gibbons, qui occupent le dernier rang parmi eux, sont les seuls qui aient des callosités fessières. Tous ont les membres antérieurs plus longs que les postérieurs, et ils s'en servent pour s'aider dans la marche. Leur station, qu'on a comparée à celle de l'Homme, est plutôt oblique que droite. Leurs dents molaires ont la couronne ornée de petits tubercules émoussés. Leur sternum est large et aplati. STEUMM Il'OmSG JE! NIC. 1 '2 <\" KIMIlil ÎUlt. Stïiim'm n'dmir, almltr, 1/2 df gnuul. n;»t. On connaît quatre genres de ces Animaux dans la Nature actuelle. Ce sont ceux des Troglo- dytes, Gorilles, Orangs et Gibbons, auxquels se joint celui des Vliopilhùques , dont la seule espèce décrite n'existe plus sur le globe. GENRE CHIMPANZÉ {Troglodytes, E. Geoffroy). Si, comme il est convenable de le faire, on tient compte, dans la classification , de la similitude dans la forme extérieure , de la conformité dans l'organisation interne, et des rapports que présentent l'intelligence, les instincts et les phases successives qui marquent les divers âges de la vie, le Chimpanzé, le Gorille et l'Orang-Outan se disputent incontestablement, et presque avec des titres égaux, la première place après l'Homme. De tous les êtres qui peuplent le globe terrestre ou qui ont animé sa surface antérieurement à l'époque actuelle, ce sorrt, en effet, les plus semblables à l'Homme lui-même. Doués d'une véritable intelligence, quoique bien inférieurs à l'Homme sons ce rapport, ces Singes ont aussi dans leur organisation, dans leurs mouvements, dans les états divers sous lesquels ils se présentent à nous, des rapports incontestables avec noire propre es- pèce. Ou reconnaît en eux un véritable acheminement de l'animalité vers le type humain. Tou- tefois, comme il y a encore plus de la Lîête que de l'Homme dans ces Animaux, leur ressemldance avec nous a quelque chose de choquant, et c'est avec une véritable satisfaction que nous poursuivons, dans les détails d'une sage analyse scientifique, les différences par lesquelles ils restent si fort au-dessous de notre espèce. La plupart des anatomisfes qui se sont occu- lre Partie, page 14. < ) S I IIOM'U.. M a r no i n f r \ r i- n i r c n r Tuis F. -M ri \ t * r•; i i: v IMi It \ I.. \ r it i r unis c r it \ 1 1 u i \ h h i i n iî i •-. n (i us u i ^ (.) m o i« r. \ r r N i it r f n i: i s iomiuiiies 0-. ni xyi'i \\\. \/Y0 le doigt du milieu, dans le pied, n'est pas si long qu'il l'est dans les Singes; 47° les muscles ohliquus inferior capills, pyrifonnis, et biceps femoris (biceps fémoral), sont sem- blables dans le Chimpanzé et dans l'Homme, tandis qu'ils sont différents dans les Guenons et autres Singes. Quoiqu'il soit facile de faire aujourd'hui quelques modifications à ce travail de Tyson, il n'est pas moins remarquable , surtout si l'on tient compte de l'époque, déjà ancienne, à laquelle son auteur l'a publiée et du peu de progrès que l'anatomie comparée avait encore faits. Les particularités par lesquelles le Chimpanzé paraît à l'anatomiste anglais s'éloigner de l'Homme pour ressembler aux Singes, principalement aux Guenons et aux Macaques, qui étaient alors les mieux connus, méritent aussi d'être rappelées, la plupart étant d'une exactitude scrupuleuse, nous ne changerons rien à la traduction donnée par JJuffon de cette partie de l'ouvrage de Tyson. Nous nous bornerons à rappeler que ce dernier auteur ne connaissait anatomiquement aucune autre espèce de Singes Anthropomorphes. Voici l'énoncé de ces différences que l'organisation du Chimpanzé montre par rapport à l'Homme, et qui tendent, suivant Tyson, à le rapprocher des Singes ordinaires. Elles consistent ; 1° En ce que le pouce de cette espèce de Mam- mifère est plus petit à proportion (jue celui de l'Homme, quoique cependant il soit plus gros que celui des autres Singes; 2° en ce que la paume de la main est plus longue et plus droite que dans l'Homme; 3° il diffère de l'Homme et approche des Singes par la longueur des doigts des pieds ; 4° il diffère de l'Homme en ce qu'il a le gros doigt des pieds éloigné, à peu près comme un pouce, étant plutôt quadrumane, comme les autres Singes , que quadrupède (ou bimane) ; 5° en ce (ju'il a les cuisses plus courtes que l'Homme ; 6° les bras plus longs ; 7° en ce qu'il n'a pas les bourses pendantes; 8° l'épiploon plus ample que l'Homme; 9° la vésicule du fiel longue et plus étroite ; 10° les reins plus ronds que l'Homme, et les uretères différents; 11° la vessie plus longue; 12° en ce qu'il n'a point de frein au prépuce; 13° les os de l'orbite de l'œil trop enfoncés; 14° en ce qu'il n'a pas les deux cavités au-dessous de la selle turcique , comme dans l'Homme; 15° en ce que les pro- cessus mastoïde et styloïde sont très-petits et presque nuls; 16° en ce qu'il a les os du nez plats ; 17° il diffère de l'Homme, en ce que les vertèbres du cou sont courtes, comme dans les Singes, plates devant et non pas rondes, et que leurs apophyses épineuses ne sont pas fourchues, comme dans l'Homme; 18° en ce qu'il n'y a point d'apophyse épineuse dans la Chimi'\nz k, nuun antérieure, 1/2 de grand, nul. C ii imi'A n i f. , ninin. postérieure, 1/2 de grand, r.at. 22 ORDRE DES PRIMATES. première vertèbre du cou; 19° il diffère de l'Homme en ce qu'il a treize cotes de chaque côté et que l'Homme n'en a que douze; 20° eu ce que les os des îles sont parfaitement semblables à ceux des Singes, étant plus longs, plus étroits et moins concaves que dans l'Homme; 21° il diffère de l'Homme en ce que les muscles suivants se trouvent dans le corps humain et man- quent dans le Chimpanzé, savoir : occipitales, frontales, dilalatorcs alarum nasi seu éleva- tores labri superioris , interspinalcs colli, glutœi minuni , extensor digitorum pedis , brevis et transversalis pedis; 22° les muscles, qui ne paraissent pas se trouver dans le Chimpanzé, et qui se trouvent quelquefois dans l'Homme, sont ceux qu'on appelle pyramidalis ; caro mus- culosa quadrata ; le long tendon et le corps charnu du muscle palmaire ; les muscles attollens et retrahens auricularum ; 23° les muscles élévateurs des clavicules sont comme dans les Singes et non comme dans l'Homme; 24° les muscles, par lesquels le Chimpanzé ressemble aussi aux Singes et diffère de l'Homme, sont les suivants : longus colli, pectoralis, lalissimus dorsi , glutœus maximus et médius , psoas magnus et parvus, iliaciis internas, et gasteronc- m lus intérims; 25° il diffère encore de l'Homme par la forme des muscles deltoïde , pronalor radii teres et extensor pollicis brevis. En 1740, on fit voir dans Paris un jeune Chimpanzé, le même qui fut observé par Bu f fou , et qui, étant mort Tannée suivante, à Londres, ne put être complètement anatomisé par Daubenton. Ce Singe avait été pris en Afrique. Etant debout, il avait deux pieds quatre ou cinq pouces de hauteur, depuis le talon jusqu'au sommet de la tète. 11 était plus grand que celui qui a été décrit par Tyson sous le nom de Pignnj , et qui n'avait guère plus de deux pieds. (( Après avoir comparé la description du Pygmée de Tyson avec notre Jocko , j'ai trouvé , dit Daubenton, ces deux Animaux si ressemblants, qu'il y a tout lieu de croire qu'ils étaient de même espèce comme ils étaient du même pays. » Je rappelle à dessein que le Chimpanzé vu vivant par Buffon avait été emmené de Paris en 1741 au plus tard, et je fais en même temps remarquer que Buffon n'en a publié l'histoire qu'en 1706, afin d'expliquer comment ce qu'il dit au sujet de la station habi- tuelle de ce Singe ne s'ac- corde pas avec ce qu'on a vu sur les Chimpanzés amenés en Europe de notre temps. Buffon dit en effet : a L'Orang-Outang que j'ai vu marchait toujours de- bout, même en portant des choses lourdes. )> La figure qu'il en donne, mais qu'il a d'ailleurs signalée plus tard comme inexacte , re- présente le singe Jocko parfaitement droit; et ce- pendant on sait très-bien aujourd'hui que les Ani- maux de cette espèce ont une station peu différente de celle des Orangs. Ils se tiennent inclinés plutôt que droits, , 1 FAMILLE DES SINGES. 23 Los souvenirs de Buffon le servent mieux lorsqu'il ajoute , au sujet de son Chimpanzé , qu'il appelle son Jocko : « Son air était assez triste , sa démarche grave , ses mouvements mesurés, son naturel doux et très-différent de celui des autres Singes ; il n'avait ni l'impatience du Magot, ni la méchanceté du Babouin, ni l'extravagance des Guenons. Il avait été, dira- t-on, instruit et bien appris; mais les autres que je viens de citer et que je lui compare, avaient eu de même leur éducation ; le signe et la parole suffisaient pour faire agir notre Orang-Outan ; il fallait le bâton pour le Babouin et le fouet pour les autres, qui n'obéissent guère qu'à la force des coups. J'ai vu cet Animal présenter sa main pour reconduire les gens qui venaient le visiter, se promener gravement avec eux et comme de compagnie; je l'ai vu s'asseoir à table, déployer sa serviette, s'en essuyer les lèvres, se servir de la cuiller et de la fourchette pour porter à sa bouche, verser lui-même sa boisson dans son verre, le choquer lorsqu'il y était invité, aller prendre une lasse et une soucoupe, l'apporter sur la table, y mettre du sucre, y verser du thé, le laisser refroidir pour le boire, et tout cela sans autre instigation que les signes ou la parole de son maître, et souvent de lui-même. II ne faisait de mal à personne, s'approchait même avec circonspection, et se présentait comme pour demander des caresses; il aimait prodigieusement les bonbons; tout le monde lui en donnait; et comme il avait une toux fréquente et la poitrine attaquée, cette grande quantité de choses sucrées contribua sans doute à abréger sa vie; il ne vécut à Paris qu'un été, et mourut l'hiver suivant à Londres. Il mangeait presque de tout, seulement il préférait les fruits mûrs et secs à tous les autres aliments ; il buvait du vin , mais en petite quantité , et le laissait volontiers pour du lait, du thé ou d'autres liqueurs douces. » Malheureusement l'intelligence de l'écrivain va souvent au delà de la valeur psychologique des détails qu'il rapporte. C'est ce qui est fréquemment arrivé dans les récits qu'on a donnés des faits et gestes de ces Animaux. Les Anthropomorphes sont pour ainsi dire un acheminement vers la nature humaine, mais on les assimilerait à tort aux Hommes eux-mêmes. L'appré- ciation exacte des manifestations intellectuelles des Animaux qui avoisinent l'Homme par leur structure ou qui sont organisés pour le seconder par la domestication, offre les plus grandes difficultés, et, avec un peu d'imagination, on ne tarde pas à exagérer singulièrement leur valeur réelle. Les lignes suivantes, que j'emprunte à de la Brosse (Voyage à la côte dfAn joie, 1738), ne me paraissent pas exemptes de tout reproche à cet égard. L'un des deux jeunes Chimpanzés que co voyageur avait achetés d'un nègre, le mâle, fut malade. « Il se faisait soigner comme une personne; il fut même saigné deux fois au bras droit. Toutes les fois qu'il se trouva depuis incommodé, il montrait son bras pour qu'on le saignât, comme s'il eût su que cela lui avait fait du bien. » On ne saurait trop se défier de la facilité avec laquelle certains observateurs superficiels ont accordé à beaucoup d'Animaux des sentiments et des raisonnements qui n'existent le plus souvent que dans l'esprit de ceux qui en ont parlé. Dans d'autres cas, les anciens voya- geurs ont abusé de la confiance que leurs contemporains avaient en eux, et, disons-le, autrefois, comme de nos jours, le goût du public pour tout ce qui est exagéré ou même dû à la seule imagination des écrivains a trop souvent engagé quelques-uns de ceux-ci à publier comme des vérités une foule de prétendues observations qui ne sont, en réalité, que des contes imaginés à plaisir. Aussi, faut-il apporter un soin extrême dans le choix qu'on fait parmi les détails publiés au sujet de ces Animaux. F. Cuvier disait avec beaucoup de justesse, en terminant son Mémoire sur le jeune Orang qu'il avait observé à la Malmaison : «Je no rapporte point ce que d'autres auteurs nous ont appris de ces Animaux, dans la crainte de mêler des observations précises à des faits inexacts, quoique une grande partie des choses extraordinaires qu'on a dites des Orangs ne le soient guère plus que ce que nous avons rapporté. Mais lorsqu'il çst question des phénomènes qui doivent établir la dernière limite entre l'intelligence de la brute et l'intelligence de l'Homme, on ne doit donner pour 24 ORDRE DES PRIMATES. certain que ce qu'on a vu, que ce qu'on a observe soi-même. Les erreurs ne peuvent plus être indifférentes, lorsque leurs conséquences ne le sont pas. » La même réserve doit présider à l'appréciation des rapports d'organisation qui existent entre l'Homme et les premiers Ani- maux. Elle est surtout indispensable lorsqu'il s'agit d'établir la comparaison exacte du cerveau de l'Homme et des Animaux, puisqu'il est bien reconnu que le développement de l'intelligence et les caractères qui la distinguent dans chaque espèce sont toujours en concordance avec la masse de cet organe et avec sa conformation particulière. C'est ce qui explique l'intérêt que tous les zoologistes apportent à connaître également bien les mœurs des Animaux et la forme de leur cerveau. C'est là un coté important de la connaissance des Mammifères, et les recherches de M. ïiedemann, ainsi que celles de plusieurs autres anatomistes, l'ont beau- coup perfectionné en ce qui regarde les Primates. Quelques autres Chimpanzés destinés pour la France ont surmonté les fatigues du long voyage qu'on a dû leur faire entreprendre, et sont arrivés vivants jusqu'à Paris, où on a pu Ips faire voir. Après celui qui a été vu par Buffon et Daubenton , nous citerons : la femelle que l'on possédait à la ménagerie du Muséum pendant l'hiver (Je 1837 à 1838, et qu'on appe- lait Jacqueline; nous en donnons au 7° la ligure en regard de cette page; le jeune mâle reçu dans le même établissement à la fin de 1848 et dont nous reproduisons au 7° la figure assise; et enfin celui qui s'y trouve actuellement, et pour lequel le public paraît avoir décidément accepté la dénomination (Y Homme des bois. Nous avons placé la figure de ce dernier au corne- menement de cet article. Un individu plus jeune dont la peau est montée au Musée de Lyon, mourut dans cette ville en 1853. On pourrait en citer d'autres encore, et il est probable que le nombre en sera bientôt rendu plus considérable par la fréquence des communications qui existent maintenant entre plusieurs de nos ports de mer et le Gabon. Celles que l'Angleterre entretient avec ce pays sont plus nombreuses encore, et le riche jardin zoologique de Londres, en particulier, a reçu plusieurs individus vivants de l'espèce qui nous occupe ici. Il en est également venu en Hollande, et M. Yrolich, savant anato- miste de ce pays, a publié, au sujet du Chimpanzé, un travail fort estimé. M. Rroderip a fait connaître, en 1835, ses observations sur un jeune Chimpanzé qui vivait alors à Londres. Voici comment il s'exprime à cet égard : « L'intéressant Animal dont je vais essayer de décrire les mœurs à l'état de captivité, a été apporté à Bristol, dans l'au- tomne i[a cette année, par le capitaine Wood , qui se l'est procuré sur la côte de Gambie. Les naturels qui le lui ont vendu ont prétendu qu'il venait de l'intérieur du pays, d'une distance de cent vingt mille, et qu'il n'était pas âgé de plus d'un an. La mère, qui était avec lui, suivant leur rapport , avait quatre pieds et demi de hau» teur, et ce n'est qu'après l'avoir tuée qu'ils ont pu s'emparer du jeune Animal. Ceux qui ont vu notre Chimpanzé pourront se rappeler la description, si pénible à lire, qu'a faite le D. Abel du meurtre d'un Orang-Ontan de Sumatra, surtout quand il peint les gestes Jeune Chimpanzé île M. Broderip. du Gabon. FAMILLE DES SINGES. 25 de cet Animal blessé ù mort, l'expression toute humaine de ses attitudes et (Je ses mouve- ments, au milieu des plus cruelles douleurs; enfin l'émotion qu'éprouvèrent ceux qui .ache- vèrent de le tuer, et leur incertitude sur la nature de l'acte qu'ils avaient accompli. Pendant tout le temps de la traversée, notre Chimpanzé était d'une pétulance extrême, Il était libre, montait fréquemment dans les haubans et montrait une vive affection pour les marins qui le traitaient bien. Je l'ai vu, pour la première fois, le 15 de ce mois, dans la cuisine du gardien de la ménagerie. Il porte une jaquette, et repose, comme un enfant, sur les genoux d'une bonne vieille , toutes les fois que celle-ci lui permet d'y monter. Son air est doux et pensif, et il ressemble à un petit vieillard flétri par les ans; ses yeux, sa face sans poils et ridée, ses oreilles semblables à celles de l'Homme (quoique plus grandes) et surmontées d'un poil noir qui couvre sa tète, rendent la ressemblance assez frappante, quand on ne remarque pas son nez déprimé et sa bouche avancée. Il avait déjà contracté une affection toute parti- culière pour sa vieille nourrice, qu'il paraissait considérer comme remplaçant pour lui sa mère. Dès qu'il fut devenu un peu familier avec moi, je lui montrai un jour, en jouant, un miroir, et le mis tout à coup devant ses yeux : aussitôt il fixa son attention sur ce nouvel objet, et passa subitement de la plus grande activité à une immobilité complète. Il examinait le miroir avec curiosité, et paraissait frappé d'étonnement; ensuite, il me regarda, puis porta de nouveau ses yeux sur le miroir, passa par derrière, revint par devant, et, pendant qu'il regardait toujours son image, il cherchait, à l'aide de ses mains, à s'assurer s'il n'y avait rien derrière le miroir; enfin, il appliqua ses lèvres sur la surface de celui-ci. Un sauvage, d'après le récit (les voyageurs, ne fait pas autrement dans la même circonstance. » L'auteur anglais raconte ensuite la terreur invincible dont cet Animal fut saisi à la vue d'une cage contenant un Serpent Python qu'on apporta près de lui, et les scènes diverses auxquelles sa terreur donna lieu. Il dit aussi que la vue des Tortues lui faisait éprouver une grande répugnance, mais qui n'avait rien de comparable à l'effroi que lui inspiraient les Serpents. a Le Chimpanzé, ajoute ensuite M. Broderip, est généralement assis pendant son sommeil, le corps légèrement penché en avant, les bras croisés et quelquefois la tète dans ses mains; parfois aussi il dort droit ou assis sur son séant, les jambes rapprochées du tronc et la tète dans ses bras. Son intelligence est tout à fait différente de celle d'un Chien bien dressé; ce n'est pas une imitation mimique, mais bien le résultat d'actes spontanés qui la rendent semblable à celle de l'Homme, quoiqu'elle soit infiniment au-dessous. Cet Animal n'aime pas la capti- vité. Ouand on le met dans une cage, il en frappe la porte avec une violence qui dénote une grande force musculaire; mais jamais il ne s'attaque à une autre partie de sa prison. 11 n'y a , au reste, aucun inconvénient à le laisser libre; nul n'est plus doux et plus affectueux que ce Singe pour ceux avec qui il est familier, et il n'y a pas d'Animal dont les gestes ou les regards puissent inspirer plus d'intérêt. » En tenant compte de quelques détails rapportés par les auteurs, mais que l'on sait aujour- d'hui être relatifs au (lorille, E. Geoffroy avait été conduit à penser qu'il y a peut-être plusieurs espèces de Chimpanzés, et il avait cru trouver un argument en faveur de cette opinion dans un crâne acquis par M. de Blainville, le même qui a été figuré depuis dans l'ouvrage publié par ce dernier, sous le titre d'Ostéographie. C'est pourquoi il ajoutait la des- cription qu'il en donnait dans son cours de 1829 : « N'y a-t-il qu'une seule espèce de Tro- glodytes? Le contraire est très-probable; mais cependant une seule est connue dans l'état pré- sent de la science. » Deux ans après, M. Lesson décrivait dans ses Illustrations de zoologie, et sous le nom spécifique de Chimpanzé a coccys blanc [Troglodytes leucoprymnus) , un jeune Animal de ce genre, qu'il regardait comme différent de l'espèce ordinaire. On a reconnu depuis qu'il avait tous les caractères que celle-ci présente ; aussi n'est-il plus question de ce Troglodytes leucoprymnus que comme faisant double emploi avec le Troglodytes viger. D'après M. Owen, Ire PAUTIE. A 2G ORDRE DES PRIMATES. il en serait de même du Troglodyte Tschégo, dont M. Duvernoy a donné l'indication dans les Comptes rendus de V Académie des sciences pour l'année 1853, et qui repose sur l'examen du squelette d'un sujet adulte rapporté du Gabon par M. le D. Franquet. Remarquons d'abord que ce nom de Tschégo, ou plutôt N'Tschégo, que les nègres du Gabon donnent aux Singes de l'espèce à laquelle ce squelette appartient, a beaucoup d'analogie avec celui de Jocko, qui n'est lui-même qu'une altération, adoptée par Buffon, du nom indigène des Chimpanzés en Jocko; peut-être n'en est-il qu'une simple variante. M. Duvernoy dit cependant, d'après M. Franquet, que son Tschégo aurait la face noire et les oreilles petites, tandis qu'au contraire le vrai Chimpanzé a la face de couleur de chair et les oreilles très-grandes. Il ajoute, comme caractérisant aussi sa nouvelle espèce, que les fosses temporales du crâne sont plus étendues, les crêtes sagittale et lambdoïde plus fortes, le museau plus élargi en avant, aussi bien que la voûte palatine. Le calcanéum ou l'os du talon serait aussi plus saillant, et l'astragale n'aurait pas tout à fait la même forme; enfin, le Tschégo aurait une vertèbre lombaire de moins que le squelette du sujet étudié par Daubenton; mais, sur ce point, on peut objecter à M. Duvernoy que Daubenton lui-même dit expressément, dans sa description des vertèbres lombaires du Jocko : « J'ai reconnu qu'en faisant ce squelette , on avait supprimé la seconde. [Histoire naturelle de Buffon, T. XIX, p. 79).)) MM. Owen et de Blainville donnent d'ailleurs au Chimpanzé ordinaire quatre vertèbres lombaires, et, sous ce rapport, le Tschégo n'en serait pas différent. Ces Animaux ont bien certainement l'un et l'autre treize vertèbres dorsales et treize paires de côtes, tandis que l'Orang-Oulan n'en a que douze, comme l'Homme. Les nombres treize et quatre se retrouvent chez le Gorille. Chez l'Homme, qui±i douze dorsales, il y a, au contraire, cinq lombaires, de sorle qu'en réalité le nombre total des vertèbres in- termédiaires au cou et au sacrum reste le même que dans les deux grands Singes africains. GENRE GORILLE (Gorilla, Is. Geoffroy). Proportions du corps et des membres rappelant le Chimpanzé ; formes plus robustes; face plus allongée; oreilles moins grandes; éf^f^-J- ■■/;'!Jl!i Dents m: () ouille de grandeur nnturc-1'.o. lre rartie, page 2C. h 1 * GOWALLL \GW\VYa q\w^, A/1 h lyrawAm , du Gabon. ( Do la collection du Muséum do Paris. ) FAMILLE DES SINGES. 27 canines supérieures plus saillantes ; tubercules des dents mâchclières relevés de manière à simuler une double colline transverso sur la couronne de ces dents ; la dernière molaire de la mâchoire inférieure pourvue d'un tubercule supplémentaire en forme de talon. A ces caractères on peut en ajouter plusieurs autres indiquant aussi que le Gorille, quoique voisin du Chimpanzé , doit en être séparé génériquemont. Tels sont , en particulier, le grand développement des apophyses épineuses delà région cervicale, la largeur et la forme des omoplates, ainsi que celles des os des îles, le moindre allongement des doigts, dont la peau n'est fendue aux membres inférieurs que jusqu'à la seconde phalange, la présence de poches gutturales aussi développées que celles des Orangs , etc. Gorille Gin a (Gorilla Gina). Le D. Savage, missionnaire du comité américain pour l'Afrique occidentale, ayant été retenu inopinément, au mois d avril 1847, sur la rivière du Gabon, vit, chez son collègue de cette localité, le révérend Wilson, un crâne apporté par les naturels, et qu'ils disaient être celui d'un Animal semblable aux Singes, mais remarquablo par sa grande taille et ses habitudes féroces. M. Wilson procura bientôt au 1). Savage plu- sieurs crânes des deux sexes et d'âges différents appartenant à la même espèce que celui qu'il avait vu d'abord, et, avec eux, diverses parties importantes du squelette. C'était plus qu'il n'en fallait pour constater que l'espèce dont provenaient ces ossements était à la fois différente des Orangs, que l'on ne connaît que dans l'Archipel indien, et du Chimpanzé, qui habite, au contraire, les mêmes pays que le grand Singe de MM. Wilson et Savage. De retour en Amé- rique, M. Savage rédigea, avec le concours d'un anatomiste habile, M. Wymann, une des- cription des caractères et des habitudes de l'espèce remarquable sur laquelle il avait recueilli de si précieux renseignements. Dans une publication faite à Boston, en 1847, il lui donna le nom de Troglodytes Gorilla, en l'attribuant au même genre que le Chimpanzé. M. Samuel Stutschbury, do Bristol, que M. Savage avait averti de sa découverte, mit en réquisition quelques-uns des capitaines qui font le commerce de Bristol avec le fleuve Gabon , les priant do faire des recherches sur cette espèce et d'en obtenir quelques individus. Peu de temps après , il en reçut trois crânes par les soins du capitaine George Wagstaff. Plus récemment, on a aussi apporté en Angleterre le squelette d'un Gorille tué sur les bords du fleuve Danger, qui est situé plus au sud que le Gabon. Le savant professeur du musée huntérien de Londres, M. Richard Owen , qui avait reçu de M. Savage une lettre datée du Gabon, par laquelle ce dernier le consultait au sujet des crânes qu'il s'était procurés et dont il lui envoyait en même temps des dessins, put dès lors étudier non-seulement ces dessins, mais encore les crânes en nature qui venaient d'arriver à Bristol, et il en a décrit l'espèce sous le nom de Troglodytes Savagesii, en la dédiant à M. Savage. Depuis lors M. Richard Owen est revenu au nom spécifique de Gorille que M. Savage avait antérieurement proposé , mais il n'a pas accepté la manière de voir soutenue en France par MM. Geoffroy-Saint-Hilaire et Duvernoy sur la convenance de séparer génériquement le Gorille du Chimpanzé. Le nom de Gorille (Gorilla Gina, Is. Geoffroy), sous lequel nous en parlons ici, est celui que porte, dans les galeries du Muséum de Paris, l'exemplaire adulte du Gorille qui a été rapporté du Gabon par M. le D. Franquct, chirurgien de la marine militaire, et auquel l'ha- bile préparateur, M. Poortmann, a su donner l'apparence de la vie en lui conservant son effrayante physionomie. C'est un mâle, arrivé à son plus grand développement, et sa vue inspire aux curieux, qui s'arrêtent toujours en grand nombre autour de lui,- un sentiment involontaire de frayeur. Le naturaliste lui-même ne peut s'y soustraire lorsqu'il voit pour la première fois cet Animal si hideusement semblable à l'Homme, et dans lequel la force physique accompagne un naturel si violent. Ce Gorille, qui fut apporté à M. Franquet aussitôt après qu'on l'eut tué, avait 1 mètre 67 centimètres de hauteur; 0,75 de circonférence au col; 1,35 à la poitrine, et 2 AS d'envergure. 28 ORDRE DES PRIMATES. Il est presque entièrement de couleur noire, si ce n'est sur le front, qui est brun rous- sâtre, et à la région des aisselles, dont les poils sont gris, ainsi que ceux des aines et d'une partie des cuisses à leur face interne. Les poils de l'avant-bras sont dirigés de bas en haut, comme chez l'Homme, FOrang et le Chimpanzé; ceux du dos sont plus rares que ceux des membres et de la face antérieure du corps, et, de plus, ils ont été en partie usés pendant la vie de l'Animal , qui frottait sans doute son dos contre les arbres ou leurs branches lors- qu'il traversait des endroits boisés. Une des planches de notre ouvrage représente ce (iorille au I4«. A coté do lui, et sur la même planche, est un jeune sujet de la même espèce qui a été donné par M. le capitaine Penaud. Celui-ci, comme tous les autres Singes pris jeunes , devait être beaucoup plus traitable que l'adulte. Ses narines sont moins fortes, ses lèvres moins épaisses et sa tête moins allongée. Il ressemble, sous certains rapports, à un jeune Cynocéphale. Ce Gorille a la tète plus rousse que le sujet adulte, et les poils de son corps ont une teinte un peu grisâtre. H a été possible de préparer non-seulement la peau du (iorille mâle , mais aussi son squelette. Cette belle pièce , jointe à un squelette de femelle du aux soins de AI. Gautier-Laboulaye, et déjà figuré par M. de Rlainville dans son Ostéo graphie , ainsi qu'à (k}> crânes également déposés au Mu- séum , représente suffisamment , dans la première collection zoo- logique de la France, l'espèce remarquable , à tant d'égards , sur laquelle M. Savage appela, en 1847, l'attention des natura- listes. Ce savant rapporte dans r^.r m f;();inrr nm(n m ^ pn( son Mémoire que les naturels de la côte occidentale d'Afrique lui ont appris que, plusieurs années avant son séjour au Gabon, un capitaine français, qui n'est jamais retourné dans sa pairie, s'était procuré un jeune Gorille. Tout ce que nous venons de rapporter sur l'analogie de structure qui existe entre le Gorille et l'espèce humaine fera très-aisément comprendre le soin que les anatomistes ont apporté à l'étude de ce Singe, auquel plusieurs publications importantes ont déjà été consacrées. MM. Owen et Duvernoy s'en sont surtout occupés sous ce rapport. Nous avons cherché , de notre coté' , à satisfaire la légitime curiosité des personnes qui veulent étudier l'organisation des Animaux dans ce qu'elle a de commun avec celle de l'Homme, et nous avons consacré plusieurs ligures de la partie auatomique de notre livre à représenter le squelette du Gorille mâle, et son système dentaire vu dans ses principaux détails. Ces figures ont été faites comparativement avec colles de l'Homme et des principaux Singes qui méritent le mieux, avec le Gorille, la dénomination d'Anthropomorphes. Un autre intérêt se rattachait à l'examen du Singe Gorille. Comme on n'en possédait aucun débris dans les collections, les naturalistes avaient perdu la notion de l'Animal lui-même, et ce que les voyageurs du dix-septième et du dix-huitième siècle en avaient dit avait été attribué au Chimpanzé adulte. Cependant on va voir, par les citations suivantes, que le (iorille avait ététrès-elaireuient indiqué avant, que ses dépouilles fussent parvenues en Europe. \udré Rattol, déjà cité par Ruffon, qui avait visité la cote occidentale dWfrique, en 102'), distinguait de rOrang-Outan, sous le nom de Pou go* un Singe plus grand que YEnjr-co qui est 1™ Partie, page 26. du Gabon. du Gabon. v'»OY\\\i\.V, V^YV^V ^UM du Gabon (do la ôollocfion du Mnsôiim do Paris FAMILLE DES SINGES. 29 lui-même le Jocko de Buffon et le Chimpanzé des auteurs actuels. Il assurait que ce Pongo est communément de la hauteur de l'Homme, mais que son corps est plus gros et fait à peu près le double du volume d'un Homme ordinaire, ce qui convient très-bien au Gorille. «II a, dit-il, la face comme l'Homme, les yeux enfoncés, de longs cheveux aux cotés de la tête; le visage nu et sans poils, aussi bien que les oreilles et les mains; le corps légèrement velu et ne diffère guère de l'homme à l'extérieur que par les jambes, parce qu'il n'a que peu ou point de mollets. » Battel ajoute que ces Animaux marchent pourtant debout, qu'ils vivent de fruits et ne mangent pas de chair; qu'ils vont de compagnie et tuent quelquefois des nègres dans les lieux écartés ; qu'ils attaquent même l'Éléphant, qu'ils le frappent à coups de bâton et le chassent de leur bois; qu'on ne peut les prendre vivants parce qu'ils sont si forts que dix Hommes ne suffiraient pas pour en dompter un seul, etc. Lu autre voyageur anglais, Richard Jobson, cité par le savant géographe et naturaliste Walckcnaer {Histoire des Voyages, T. IV, p. 371), visita après Battel les côtes occidentales de l'Afrique; il y signale de même l'existence d'un Singe haut de cinq pieds, que, suivant lui, les Portugais appelaient el Salvago, ou le Sauvage et les Nègres Quoja vorau. « Il a, au dire de Jobson, le corps, la tête et les bras d'une grosseur extraordinaire. Sans éducation, il est si méchant et si fort qu'il attaque un Homme, le renverse, lui arrache les yeux ou le blesse dangereusement.)) Le même auteur ajoute, mais sans doute aussi en exagérant un peu la vérité, qu'on peut lui apprendre à porter de l'eau dans un bassin qu'il place sur sa tête , et à rendre d'autres services. Buffon a pensé que le Pongo n'était qu'un âge plus avancé d'une même espèce ayant pour jeune son Jocko ou Chimpanzé , et après avoir établi, comme également possible « que le Jocko soit une variété constante, c'est-à-dire une race beaucoup plus petite que celle du Pongo » , il a persisté à croire qu'ils sont de la même espèce, se fondant en cela sur ce que la grandeur était le seul caractère bien marqué qu'il connût alors pour les séparer l'un de l'autre. Tout ce que nous avons dit précédemment montre bien clairement que Buffon a été mal inspiré et que des caractères incontestables, très faciles à saisir et dont la valeur peut même être regardée comme générique, séparent le Pongo de Battel du Jocko ou Chimpanzé. D'après M. Wilson, que nous avons déjà cité, ce nom de Pongo, que Wurmb, E. Geoffroy-Saint-Hilaire, G. Cuvier et Lacépède ont plus tard appliqué à l'Orang adulte , vient de Mpongive qui est le nom de la tribu nègre et par suite de la région qui s'étend aux bords du Gabon, près de son embouchure. L'aspect de cette contrée est ondulé et montagneux ; elle est bien arrosée par des rivières et des ruisseaux et elle abonde en fruits indigènes. Des vaisseaux expédiés de différentes parties de l'Europe et de l'Amérique remontent le fleuve pour faire le commerce de l'ivoire, de l'ébène et des bois de teinture. C'est dans l'intérieur de ce pays qu'habite le Gorille, que les naturels appellent Engë-cna, d'où l'on a fait Gina. Les nègres le redoutent extrêmement. Ses allures ne sont pas franches; quoiqu'on en ait dit, il ne tient jamais son corps droit comme l'homme, et d'ailleurs il n'a pas absolument les mêmes proportions que lui. Il est courbé en avant et se meut quelquefois en se roulant ou bien de droite à gauche. Ses bras étant plus longs que ceux du Chimpanzé, il ne s'abaisse pas autant, mais il se sert, comme lui, de ses mains de devant et de celles de derrière. H se tient souvent appuyé de cette façon, balançant son énorme corps en s'élevant sur ses bras. Les Gorilles vivent en troupes, mais qui ne sont pas si nombreuses que celles des Chimpanzés. Il y a plus de femelles que de mâles. Les personnes qui .ont fourni ces renseignements à M. Savage s'accordaient à dire qu'il n'y a qu'un* seul mâle adulte pour chaque bande; que quand les jeunes mâles grandissent, ils se disputent le commandement et que le plus fort, en tuant ou chassant les autres, s'établit lui-même chef do la communauté. M. Savage dément formellement les ridicules histoires de femmes enlevées par les Gorilles ou les Chimpanzés, et d'Eléphants mis eu déroute par les premiers de ces Animaux : histoires qui ont été rapportées par les voyageurs et que tant de livres ont répétées. Elles s'appliquaient 30 ORDRE DES PRIMATES. surtout au Chimpanzé (1), ce qui, d'après les renseignements pris par M. Savage, est encore plus absurde, et, suivant lui. elles ont probablement pour origine de merveilleux récits faits par les naturels à de crédules marchands. Les habitations des Gorilles , si l'on peut se servir de ce mot , rappellent celles des Chim- panzés, et consistent seulement en quelques bâtons et rameaux garnis de feuilles, soutenus par les fourches et les branches des arbres. Elles ne les abritent pas et leur servent seulement pour la nuit. Les naturels se moquent de cette habitude de Y Engé-éna; ils disent qu'il est fou de faire une maison sans toit dans un pays oii il pleut si souvent, et qu'il n'a pas autant de sens qu'un certain Oiseau, lequel fait un large nid avec un toit bien clos, puis enduit le dedans avec de la boue , qu'il étend tout autour avec ses ailes jusqu'à ce que les crevasses soient bouchées et que les parois soient lisses comme celles d'une maison. Les Gorilles ont des habitudes féroces et constamment offensives; ils ne fuient jamais devant l'Homme, comme le fait le Chimpanzé. Le petit nombre des individus dont on possède les dépouilles a été pris par les chasseurs d'Éléphants ou les marchands du pays lorsqu'ils venaient soudai- nement sur eux pendant leur passage à travers les forets. Le meurtre d'un Engé-éna est regardé comme un acte de grande habileté et de courage , et il rapporte à son auteur un honneur signalé. L'esclave d'un Mpongive, d'une tribu de l'intérieur des terres, a tué un mâle et une femelle dont les os ont été remis à M. Savage : un jour il réussit à tuer un Eléphant; en revenant, il rencontra un Engé-éna mâle, et, comme il était bon tireur, il retendit bientôt à terre; il ne marcha pas longtemps sans voir une femelle qu'il tua égale- ment. Ce haut fait, dont on n'avait pas eu d'exemple jusque-là, fut considéré comme surhumain. La liberté lui fut immédiatement accordée, et on le proclama le prince des chasseurs. On a aussi rapporté à M. Savage que, lorsque le mâle est rencontré le premier, il pousse un hurlement terrible, dont la foret retentit au loin, et qui peut se rendre par Kha-ahl Kha-ahl prolongé et aigu. Ses énormes mâchoires s'ouvrent largement à chaque expiration ; sa lèvre inférieure pend sur le menton; la crête velue de ses sourcils et son cuir chevelu se contrac- tent au-dessus de ses yeux , ce qui lui donne une physionomie d'une incroyable férocité. Les femelles et les jeunes disparaissent à ce premier bruit; alors il s'approche de son ennemi dans un état de fureur extrême , et en répétant avec rapidité ses cris terribles. Le chasseur attend son approche en tenant son fusil en joue ; s'il n'est pas sûr de son coup , il laisse l'Animal empoigner le canon, et, au moment où il le porto à sa bouche (comme c'est son habitude) , il fait feu; si le coup ne part pas, le canon du fusil est, dit-on, brisé entre les dents du Gorille , et cette rencontre devient fatale pour le malheureux chasseur. GENRE ORANG (Simia, de quelques auteurs* Po?igo, de Lacépède). Ce genre remarquable comprend des Singes voisins de l'Homme par leur organisation, et que plusieurs auteurs consi- dèrent même comme devant être placés dans la série avant le Chimpanzé et le Gorille. Toutefois les Orangs ont des proportions moins semblables aux nôtres que ces deux Animaux , leurs membres postérieurs étant plus courts et les antérieurs, au contraire, fort longs, de manière à toucher à terre, même lorsqu'ils se tiennent debout. Sous ce rapport, les Orangs ont plus d'analogie avec les Gibbons; mais ils sont bien plus robustes ; leur cerveau, et, par suite, leur intelligence sont plus parfaits que chez ces Animaux, et ils manquent des callosités fes- sières, qui sont un des caractères principaux des Gibbons. A part la différence des proportions, (1) On lit dans Buffon, tome XIV, page 50: « Damp:er, Froger et d'autres voyageurs assurent qu'ils enlè- vent de petites filles de nmf ou dix ans, qu'ils les emportent au dessus des arbres et qu'on a mille peines à les leur ôter. Nous pouvons ajouter à tous ces témoignages celui de M. de la Brosse, qui a écrit son voyage à la côte d'Angole en 1753, e' dont on nous a communiqué l'extrait. Ce voyageur assure que les Orangs- Outans, qu'il appelle Quiirpezés, tâchent de surprendre des négresses; qu'ils les gardent avec eux pour en jouir; qu'ils les nourrissent très-bien. « ,Vai connu, dit-il, à Lowango, une négresse qui était restée trois ans avec ces animaux. > de Bornéo FAMILLE DES SINGES. 31 leur squelette se rapproche de celui de l'Homme par certaines particularités importantes, et leurs principaux organes ont aussi avec les nôtres une analogie incontestable et qui ne le cède point à celle que montrent les grands Singes de l'Afrique. Il en est particulièrement ainsi de leurs dents, quoique leurs incisives et leurs canines soient notablement plus fortes et que la couronne de leurs molaires soit comme grossièrement guillochée. Dents de l'Ohang adulte do grandeur nature '.le. LesOrangs ne se tiennent debout qu'en s'aidant de leurs membres antérieurs, et alors leur corps reste oblique; dans la marche, leurs membres inférieurs no sont pas droits et leurs longs doigts sont à moitié fermés, les plus extérieurs portant à terre par la face supérieure, en même temps que le talon et une partie de la paume. Leur corps est couvert de poils rous* sâtres, plus foncés chez les vieux que chez les jeunes , et qui sont implantés de la même manière que chez l'Homme, ceux de la tète se dirigeant en grande partie vers le front, et ceux de l'avant-bras remontant du carpe vers le coude. La face est en grande partie nue ; lo nez est très-aplati, et la bouche fait une saillie considérable en avant du plan qui passe par le front et le menton , ce qui tient au grand développement des mâchoires ainsi qu'à la gros- seur des lèvres, dont le muscle orbiculaire est.fort développé. Les mouvements des lèvres jouent dans la physionomie des Orangs un rôle important; elles ont une grande finesse tac- tile, et leurs contractions diverses, ainsi que leur allongement, changent avec les sentiments dont ils sont animés. Le menton est fuyant, et le front, qui était proéminent dans le jeune âge , perd ce caractère à mesure que l'Animal vieillit ; alors il cesse de ressembler à celui de l'Homme pour prendre un caractère plus bestial. Les oreilles sont petites, arrondies et bordées, mais elles manquent, comme celles des autres Singes, du lobule que possèdent toutes les races humaines; le cou est court; la tète mal équilibrée sur son axe et penchée en avant ; le tronc large et fort ; le ventre gros et la démarche chancelante , à terre du moins , car les Orangs grimpent aux arbres avec une extrême habileté , et c'est au milieu des forêts élevées que se passe la plus grande partie de leur existence. L'analogie d'organisation que ces Animaux présentent avec l'espèce humaine et une incon- testable ressemblance dans leurs facultés intellectuelles avec les nôtres, en font des êtres fort curieux à observer, et sur lesquels les naturalistes modernes ont recueilli un grand nombre 32 ORDRE DES PRIMATES. de détails intéressants. Les anciens ne paraissent pas avoir eu connaissance de ces Singes , ou bien ils les ont trop vaguement connus pour qu'il soit possible de décider s'ils- ont parlé des vrais Orangs plutôt que des Gibbons. Il non est pas fait mention (Tune manière certaine antérieurement au dix-septième siècle. A cette époque Jonston leur a consacré quelques lignes dans son ouvrage, et Bontius a eu l'occasion d'en observer un exemplaire en vie. Les documents peu nombreux, d'ailleurs, qu'on lui doit, parurent en 1658. Ce médecin avait résidé à Batavia; il publia, dans son Histoire médicale et naturelle de l'Inde, quelques observations qu'il avait faites sur l'Orang- Outan de Bornéo. Après avoir rappelé ce que Pline dit au sujet des Satyres de l'Inde , il ajoute que la ressemblance ne se borne pas à la configuration extérieure, mais les détails qu'il rapporte sont évidemment exagérés. « Ce qui est encore bien plus fait pour exciter l'admiration, c'est, dit Bontius, ce que j'ai observé moi-même citez plusieurs de ces Satyres de l'un et de l'autre sexe, particulièrement cbez la femelle dont je donne ici la figure. Quand des inconnus la regardaient attentivement, elle paraissait toute confuse; elle se cou- vrait le visage de ses mains, versait d'abondantes larmes, poussait des gémissements, et avait, en un mot, des manières si semblables aux nôtres, qu'on eût dit qu'il ne lui manquait que la parole pour être de tout point une créature bumaine. Les Javanais, à la vérité, pré- tendent que ces Satyres pourraient parler, mais qu'ils ne le veulent pas faire de peur qu'on ne les oblige au travail ; opinion trop ridicule pour que je prenne la peine de la combattre. Ils le désignent sous le nom iVOrang-Outan, qui signifie Homme delà foret, et font sur son origine d'étranges bistoires » . Il faut très-probablement attribuer à un Orang-Outan ce que Léguât rapporta, en 1720, . dans son Voyage et Aventures aux deux îles désertes des Indes orientales, au sujet d'un Singe extraordinaire qu'il vit à Java, et qui avait une petite maisonnette sur la pointe d'un bastion. C'était une femelle. Léguât assure, mais il ne faut ajouter aucune confiance à ce qu'il dit à cet égard, qu'elle marchait souvent fort droit sur ses pieds de derrière, et qu'alors elle cachait avec l'une de ses mains l'endroit de son corps qui distinguait son sexe. On sait très-bien maintenant que les Animaux de cette espèce, pas plus (pie les autres Singes, n'ont aucun sentiment de pudeur, et que, pour ce qui regarde les Orangs, la station bipède et semblable à celle de l'Homme leur est rendue impossible par leur conformation elle-même. Ils emploient, pour marcher, leurs membres de devant aussi bien que ceux de derrière; toutefois, leur corps reste dans une position oblique, et leurs longs bras leur servent, comme aux Gibbons, pour se maintenir dans cette situation, qui les rapproche plus de l'Homme que les autres Singes, Je Chimpanzé et le Gorille exceptés. Dans sa Vie de Peircsc , Gassendi raconte le fait suivant, également relatif à l'Orang- Outan proprement dit et au Chimpanzé : « Vers la fin de l'année 1633, Peiresc avait reçu la visite du célèbre poète Saint-Amant, qui revenait alors de Rome avec le duc de Gréqui. Il le garda plusieurs jours dans sa maison , prenant grand plaisir à s'entretenir avec lui, à lui faire lire ses vers, mais surtout à le faire parler de choses singulières que lui et son frère avaient eu occasion d'observer durant leurs voyages dans les Indes et autres pays lointains. Saint- Amant, un jour, raconta, entre autres choses, qu'il avait vu à Java de grands Animaux qui tenaient le milieu entre l'Homme et le Singe (quœ forent naturrr Homines inter et Simias inlermediœ). Comme plusieurs des personnes présentes semblaient douter de son assertion, Peircsc cita les renseignements qu'il avait obtenus de différents pays, et principalement de l'Afrique. » A la même époque, il fut aussi question de l'Orang-Outan dans un ouvrage anglais. En publiant son excellent traité sur le Chimpanzé, Tyson cite, dans le chapitre consacré à la taille que peuvent atteindre les Hommes des bois, des renseignements recueillis par le P. Lecomte au sujet de cet Animal. Après avoir parlé de plusieurs espèces propres aux Indes, Leomte ajoute : « Ce que l'on voit dans l'île de Bornéo est encore plus remarquable et passe lre Partie, page 32. de Bornéo, FAMILLE DES SINGES. 33 tout co que l'histoire des Animaux nous a jusqu'ici rapporté de plus surprenant. Les gens du pays assurent comme une chose constante qu'on trouve dans les bois une espèce de bote nommée l'Homme-Sauvago, dont la taille, le visage, les bras et les autres membres du corps sont si semblables aux nôtres , qu'à la parole près on aurait bien de la peine à ne pas les confondre avec certains Barbares d'Afrique, qui sont eux-mêmes bien peu différents des bêles. Cet Homme sauvage, dont je parle, a une force extraordinaire, et quoiqu'il marche sur ses deux pieds seulement; il est si leste à la course qu'on a bien de la peine à le forcer. Les gens de qualité le courent comme nous courons ici 1p Cerf, et cette chasse fait le divertisse- ment le plus ordinaire du roi. Il a la peau fort velue, les yeux enfoncés, l'air féroce, le visage brûlé; mais tous ses traits sont réguliers, quoique rudes et grossis par le soleil. Je tiens toutes ces particularités d'un de nos principaux marchands français, qui a demeuré longtemps à cette île. Cependant je ne crois pas qu'on doive aisément ajouter foi à ces sortes de relations; il ne faut pas aussi les rejeter entièrement, mais attendre que le témoignage uniforme de plusieurs voyageurs nous éclairasse plus particulièrement sur cette rareté. » Allamand, naturaliste hollandais, qui a publié à La Haye une édition de Y Histoire naturelle de Buffon, eut, l'un des premiers en Europe, la bonne fortune de recevoir des renseignements nouveaux sur l'Orang-Outan. Un médecin, nommé Relian, qui résidait à Batavia, l'un des points occupés par les Hollandais dans les îles delà Sonde, lui adressa, en 1770, la lettre suivante qui a été reproduite dans les Suppléments de Buffon : « J'ai été extrêmement surpris que l'Homme-Sauvage, qu'on nomme en malais Orang* Oatang , ne se trouve point dans votre académie; c'est une pièce qui doit faire l'ornement do tous les cabinets d'histoire naturelle. M. Pallavicini, qui a été ici sabandhaar, en a amené deux en vie, maie et femelle, lorsqu'il partit pour l'Europe en 1759; ils étaient de grandeur humaine , et faisaient précisément tous les mouvements que font les Hommes, surtout avec les mains, dont ils se servaient comme nous. La femelle avait des mamelles précisément comme celles d'une femme, quoique plus pendantes; la poitrine et le ventre étaient sans poils, mais d'une peau fort dure et ridée. Ils étaient tous les deux fort honteux quand on les fixait trop. Alors la femelle se jetait dans les bras du maie et se cachait la figure dans son sein, ce qui faisait un spectacle véritablement touchant. C'est ce que j'ai vu de mes propres yeux. Us ne parlent point, mais ils ont un cri semblable à celui des Singes, avec lesquels ils ont le plus d'analogie par rapport à la manière de vivre, ne mangeant que des fruits, des racines , des herbages , et habitant sur des arbres , dans les bois les moins fréquentés. Si ces Animaux no faisaient pas une race à part qui se perpétue on pourrait les nommer des monstres de la nature humaine. Le nom d' Hommes-Sauvages , qu'on leur donne, leur vient des rapports qu'ils ont extérieurement avec l'Homme, surtout dans leurs mouvements, et dans une façon de penser qui leur est sûrement particulière, et qu'on ne remarque point dans les autres Animaux; car celle-ci est toute différente de cet instinct plus ou moins développé qu'on voit dans les Animaux en général. Ce serait un spectacle bien curieux si l'on pouvait observer ces Hommes-Sauvages dans les bois , sans en être aperçu , et si l'on était témoin de leurs occupations domestiques. Je dis Hommes sauvages pour me conformer à l'usage ; car cette dénomination n'est point de mon goût, parce qu'elle présente d'abord une idée analogue aux sauvages des terres inconnues auxquels ces Animaux ne doivent point être comparés.... C'est dans l'île de Bornéo qu'il y en a le plus, et d'oii l'on nous envoie la plupart de ceux que l'on voit ici de temps en temps. » Dans le tome VII des Suppléments à Y Histoire naturelle de Buffon, qui ont été publiés, en 1789, par Lacépèdc, il est donné une figure du jeune Orang. Le mot Orang-Outan reste pour ce naturaliste une dénomination commune aux Singes anthropomorphes de l'Afrique et de l'Archipel indien (1). Quelques citations empruntées au texte lui-même feront voir que (1) Quoiqu'on ait souvent écrit le mot Outan avec un g {Orang-Outang) , il ne doit pas en recevoir. Outan signifie sauvageon vivant dans les bois; Outang veut dire débiteur. ire PARTIE. 5 34 OKDRE DES PRIMATES. Buffon n'était pas encore parvenu à débrouiller complètement la synonymie de cette espèce d'avec celle du Chimpanzé et même du grand Singe de Battel. « Nous avons reconnu, dit-il, qu'il existe réellement, et au moins, deux espèces bien dis- tinctes de ces Animaux : la première, à laquelle, d'après Battel, nous avons donné le nom de Pongo (c'est aujourd'hui le Gorille) , et qui est bien plus grande que la seconde, que nous avons nommée Jocko, d'après le même voyageur (c'est le vrai Chimpanzé) Le Singe. que j'avais vu vivant, et auquel j'avais cru devoir donner le nom de Jocko , était un jeune Pongo (non, c'était bien le jeune du Jocko, c'est-à-dire du Chimpanzé; il est encore conservé dans les galeries du Muséum) Mais ayant reçu depuis des grandes Indes un Orang- Outan bien différent du Pongo (c'est un véritable Orang-Outan), et auquel nous avons reconnu tous les caractères que les voyageurs donnent au Jocko , nous pouvons assurer que ces deux dénominations de Pongo et Jocko appartiennent à des espèces réellement différentes, et qui, indépendamment de la grandeur, ont encore des caractères qui les distinguent. » C'est au célèbre anatomiste hollandais Camper que la science doit les premiers renseigne- ments exacts sur l'anatomie de l'Orang-Outan. Ayant disséqué plusieurs individus de cette espèce qui lui avaient été expédiés par ses correspondants , il publia de nombreux détails à leur égard, et plusieurs des planches de son Atlas leur sont également consacrées. Voici quelques-unes de ses observations sur les viscères : « En ouvrant le ventre, je trouvai , au premier coup d'œil, beaucoup de rapports entre les intestins et les viscères de cet Animal et ceux de l'Homme ; mais, après un examen plus attentif, je découvris qu'il y avait, à plusieurs égards, une fort grande différence. Le foie, qui est très-grand relativement à la taille de l'Animal, se trouvait, en grande partie, du côté droit , mais il occupait cependant aussi une place assez considérable à gauche, ainsi que cela a lieu dans presque tous les Singes. Il ressemblait au foie du Gibbon dont Daubenton nous a donné la description , et à celui du Chimpanzé de Tyson ; seulement , les lobes-portes étaient plus apparents, ainsi que l'était aussi le lobule de Spigélius. L'estomac était appuyé, comme dans les Chiens , fortement musclé vers le pylore. Il différait par conséquent beaucoup de celui de l'Homme. Au-dessous était le pancréas, qui avait, ainsi que le canal, une grande ressemblance avec celui de l'Homme. Il n'y avait ni replis dans le duodénum et dans le jéjunum , ni rides dans le reste des intestins grêles ; mais les villosités étaient fort apparentes. L'appendice vermiforme ressemble beaucoup à celui de l'Homme; cet intestin ne se trouve point chez les Singes à queue, ni chez celui d'Egypte {Magot) , mais bien chez le Pygmée do Tyson (Chimpanzé), ainsi que chez le Gibbon Wouvou. » Camper a découvert chez le jeune Orang-Outan, et Wurmb, ainsi que d'au- tres, ont retrouvé, plus développée encore chez les Pongos ou vieux Orangs, une poche placée au-dessus du sternum, et qui communique avec le larynx , l'air qu'elle reçoit de celui-ci étant suscep- tible de la dilater fortement. Une autre particularité non moins curieuse a été observée pour la première fois par Cam- per : c'est que l'articulation coxo-fémorale de l'Orang diffère de celle de presque tous les autres Animaux, et, en particulier, de celle de l'Homme, par l'absence du ligament rond , lequel a pour usage d'at- tacher la tête du fémur au bassin. PocHE cl.IîrRAli DK l0hanG) C'est là, à vingt-cinq pieds environ au-dessus du sol, que les Orangs se retirent. Ils dorment 36 ORDRE DES PRIMATES. couchés sur lo dos ou sur le côté, les membres repliés vers le corps, et l'un des bras étendus sur la tête qui repose dans la main. Quelquefois aussi ils se croisent les bras sur la poitrine. Pendant les nuits froides ou pluvieuses, ils se protègent le corps en le recouvrant de feuilles, et ils ne sortent de leur retraite que lorsque le soleil a dissipé les brouillards dont la foret était couverte, ce qui a lieu vers neuf heures du matin. La manière dont ils grimpent aux arbres et se promènent sur les branches leur donne une apparence de flegme et de circonspection réflé- chie que l'on ne trouve pas ordinairement chez les Quadrumanes; et, sous ce rapport, leurs mouvements ressemblent plus à ceux de l'Homme. C'est avec la même prudence qu'ils pas- sent d'un arbre à un autre, ayant soin de choisir les endroits où les rameaux s'entre-croisent; ils les réunissent, s'étendent de toute leur longueur sur ces ponts improvisés, en essaient la solidité avant d'en risquer le passage. Ils usent des mêmes précautions lorsque la crainte les oblige à fuir. Comme la nourriture des Orangs-Outans consiste essentiellement en fruits , il s'ensuit que les lieux que ces Animaux choisissent pour demeure sont ceux oii ils trouvent une subsis- tance plus abondante et plus facile. Il en résulte aussi pour eux des habitudes plus ou moins nomades, suivant les saisons. C'est ainsi qu'ils se montrent dans les parties méridionales de l'intérieur de Bornéo, et qu'ils font leur apparition sur la rive droite du Dousson pendant les mois d'avril et de mai, époque de la maturité des fruits du Ficus infectoria, dont eux et quelques autres Singes sont très-friands. Passé cette époque , on ne les voit plus dans ces localités. Indépendamment des fruits dont il vient d'être question et de ceux de quelques autres espèces de figuiers, les Orangs mangent aussi les bourgeons, les feuilles et les fleurs de certains arbres ou arbustes. Un vieux mâle, tué à l'embouchure du Sampiet, avait dans l'estomac des bandes d'écorces d'arbres d'un et deux pieds de longueur, et des semences non digérées provenant des fruits du Sandoricum indicum. Les Daiaks assurent que l'Orang ne fait point usage de nourriture animale, et M. Salomon Muller, qui a beaucoup étudié cette curieuse espèce, et au travail duquel tous ces détails sont empruntés, rapporte qu'un Orang mâle, haut de quatre pieds, que l'on avait réussi à prendre vivant, après l'avoir blessé, n'a jamais voulu toucher à aucune espèce de viande, soit crue, soit cuite. Lorsqu'un être vivant, un poulet, par exemple, l'approchait de trop près et venait ainsi le déranger, il le saisissait et le lançait loin de lui avec mécontentement. Cet Orang était extrêmement sauvage, et, bien que souffrant des blessures que lui avaient faites les flèches empoisonnées des chasseurs, il était resté intraitable. Son œil perçant, son regard farouche et son extrême force musculaire, le rendaient redoutable. Il était faux et méchant. Presque toujours accroupi, il se levait]lentement, et, saisissant le moment oppor- tun, il se lançait avec impétuosité sur l'objet qui lui portait ombrage, dirigeant le plus sou- vent une de ses mains vers la figure des personnes les plus rapprochées des barreaux de sa cage. Tant que cet Animal a vécu, on n'a pu lui faire prendre pour nourriture que du riz cuit, préparé en boulettes et froid. Il buvait beaucoup d'eau; il ne tâchait point de mordre , mais il paraissait user de ses bras vigoureux comme unique moyen de défense, et se fier particuliè- rement à l'extrême force de ses mains. Les Malais chassent habituellement les Orangs-Outans avec des flèches empoisonnées. Ils les poursuivent ainsi jusqu'à ce que ces Animaux, saisis de convulsions par la force du poison, se laissent tomber à terre. Alors on les achève avec de longues piques. Plusieurs peuplades de Bornéo sont très-friandes de leur chair , et leur font, pour s'en procurer, une guerre assidue. C'est ce qui explique comment on a pu réunir depuis quelque temps un nombre aussi considérable de crânes de ces Animaux. On eu possède aujourd'hui de très- belles suites en Angleterre, en Hollande, en Belgique et même en France, et leurs squelettes sont loin d'être aussi rares dans les collections qu'ils l'ont été pendant longtemps. Lorsqu'un Orang a été abattu [au moyen de flèches empoisonnées, les gens de Bornéo enlèvent immédiatement une partie des chairs situées autour des blessures, puis ils découpent FAMILLE DES SINGES. 37 l'animal , le partagent en morceaux , et mettent soigneusement de côté la graisse qu'ils em- ploient pour préparer leurs aliments. Ils font rôtir la chair sur des brasiers, ou la coupent par tranches qu'ils font sécher au soleil et qu'ils désignent alors sous le nom de ding-ding, La peau leur sert à faire des jaquettes ou des bonnets de forme grotesque, dont ils s'affublent les jours de fête ou pour se donner, à l'occasion, un air redoutable. Lorsque l'Orang se sent blessé grièvement, il monte incontinent sur la cime de l'arbre sur lequel il se trouvait, ou, lorsque cet arbre n'est pas assez élevé , il passe sur un autre qui puisse mieux le mettre à l'abri des armes. Pendant ce temps-, il fait entendre sa voix mugissante, qui ressemble à celle de la Panthère. Ne pouvant assouvir sa rage contre son ennemi, il s'en prend aux branches de l'arbre sur lequel il se trouve, casse des bûches de la grosseur du bras et les lance à terre, de fagon que toute la cime est souvent dévastée pendant cette ascension tumultueuse. II est probable que cette manière de fuir a pu fournir matière à tous ces contes exagérés relatifs aux projectiles que les Orangs lanceraient contre ceux qui les attaquent; ce qui est complètement faux , les grosses branches qu'ils cassent dans leur furie échappant aussitôt de leurs mains et tombant à terre. Cela est bien connu des chasseurs de Daiaks, et ceux que M. Muller avait sous ses ordres (l'un avait tué sept de ces Animaux et l'autre trois) assuraient que l'Homme ne court aucun danger dans cette attaque. L'Orang-Outan ne montre pas les dents à son adversaire comme le font quelques autres espèces de Singes , et il ne fait aucun usage de ces armes puissantes pour mordre; sa véritable force réside uniquement dans ses muscles. Malheur à qui serait enlacé par ses bras vigoureux; la prudence et la ruse viennent d'ailleurs au secours de l'Orang pour l'aider à se soustraire à l'Homme, son plus redoutable ennemi, à Bornéo du moins, car à Sumatra , il est aussi attaqué par le Tigre royal, qui le surprend facilement à terre , mais qui ne peut cependant le poursuivre sur les grands arbres , dont le tronc est perpendiculaire. L'Orang-Outan a le sens de l'ouïe très-délicat, et, au moindre bruit qu'il entend, sa dé- fiance le met en éveil. La voix ou les pas d'un ennemi qui se dirige vers son gîte, le frot- tement des feuilles ou des fougères que l'on traverse l'avertissent et lui commandent la retraite. Alors il se glisse furtivement dans les touffes les plus épaisses du feuillage , et il s'y tient immobile jusqu'à ce que le danger soit passé. Aussi les Daiaks, habitués à cette chasse, observent-ils le plus profond silence pour tacher d'atteindre l'Orang par ruse ou par surprise. Quoique les yeux de ce Singe, qui sont d'un brun clair, aient beaucoup de vivacité et montrent de l'expression , il semble néanmoins avoir la vue basse. Lorsque, en captivité, on lui montre des fruits cultivés, son avidité pour les posséder est extrême; aussitôt qu'il les tient, il les regarde de près, les tàte, les soumet à l'odorat, et les rejette souvent ensuite avec indifférence. Tout ce qui lui tombe sous la main est aussitôt porté par lui à peu do dislance de ses yeux et bientôt après devant l'ouverture de ses narines, ce qui a fait soupçonner qu'il a ce sens aussi peu développé que celui de la vue. On croit aussi qu'il a peu de finesse dans l'organe du toucher, qui est moins développé dans ses doigts que dans ceux de certains autres Quadrumanes. Les lèvres remplissent chez lui les principales fonctions tactiles, surtout la lèvre inférieure, qu'il a la facilité d'allonger et d'étendre d'une manière remarquable. Pour boire, il se sert de la main et laisse couler l'eau qu'elle peut contenir dans cette même lèvre inférieure, qui s'allonge alors en gouttière. Cet animal est morne et sédentaire, même à l'état de liberté; le besoin de nourriture semble seul le faire sortir de sa paresse ordinaire et l'engager à prendre du mouvement. Aussitôt repu, il reprend sa pose favorite : l'attitude accroupie, le dos courbé, la tète penchée sur la poitrine, le regard fixement dirigé en dessous, quelquefois retenu à une branche par l'un de ses bras étendu, le plus souvent les deux bras pendant le long du corps; il reste ainsi des heures entières , faisant entendre par intervalles un son morne et bourdonnant. Après l'époque de l'accouplement les vieux maies vivent complètement isolés; ceux qui ne sont pas adultes elles vieilles femelles se réunissent rarement en nombre au-dessus do trois ou quatre; les 38 ORDRE DES PRIMATES. femelles pleines et celles qui allaitent s'isolent également. Le jeune reste longtemps au- près de sa mère , dont les soins lui sont nécessaires , vu la lenteur de son accroissement. 11 accompagne celle-ci dans tous ses mouvements, constamment soutenu contre sa poitrine et se cramponnant à son pelage. On ne sait pas encore à quel âge les Orangs-Outans entrent en puberté, combien dure leur gestation, ni quelle peut être la longueur moyenne de leur vie. En prenant pour base la croissance très-lente des individus captifs, MM. Temminck et Schlegel sont portés à croire que ce n'est guère avant dix ou quinze ans que ces Animaux ont leur développement complet; dans cette supposition le terme moyen de leur vie serait de quarante à cinquante ans. Ce n'est qu'accidentellement que les Orangs-Outans s'éloignent des forets humides que nous avons signalées comme étant leur séjour de prédilection. Un de ces Animaux errants fut pris, il y a plus de vingt ans, par MM. Craygimann père et fils, du brick anglais la Marie- Anne-Soplde, alors en relâche à Banboom, sur la côte nord-est de Sumatra. Ayant été avertis qu'un Animal de grande dimension se trouvait sur un arbre du voisinage , ils résolurent de s'en emparer, et plusieurs chasseurs du pays partirent avec eux. C'était un vieil Orang. A leur approche, celui-ci descendit de l'arbre sur lequel il était monté; mais, quand il vit qu'on s'apprêtait à l'attaquer, il se réfugia sur un autre arbre, et rappela dans sa fuite l'aspect d'un Homme de la plus grande taille, dont la démarche eût été chancelante, et qui, pour ne pas trébucher, appuierait de temps à autre ses mains sur le sol ou se servirait d'un bâton. Il cheminait alors assez doucement. Bientôt on jugea de son agilité et de sa force lorsqu'il fut parvenu sur une cime. Ce n'est qu'après avoir abattu plusieurs arbres et en agissant de ruse qu'on réussit à l'isoler. Jl fut alors frappé successivement de cinq balles, dont une parut lui avoir traversé le ventre. Ses forces s'épuisèrent avec rapidité et semblèrent complètement éteintes , à la suite d'un vomissement copieux de sang noir. Néanmoins il se tenait toujours dans le feuillage. La surprise des chasseurs fut grande, lorsque, après avoir forcé son dernier asile, ils le virent se relever avec vigueur et s'élancer aussitôt sur d'autres arbres; mais bientôt une faiblesse le fit retomber presque mourant , et tout annonçait qu'il allait rendre le dernier soupir. Les marins, se croyant assurés de leur proie, voulurent s'en emparer, mais le malheureux Animal recueillit ce qui lui restait de forces et se mit en posture de se défendre jusqu'à la dernière extrémité. Assailli à coups de piques , sa vigueur et l'énergie de ses membres robustes ne se démentirent point; il brisa comme un faible roseau la tige d'une pique qu'il avait saisie dans ses mains. Cet effort épuisa ce qui lui restait de forces, et renonçant à une défense devenue inutile, il prit, assure-t-on , l'expression de la douleur suppliante. La manière piteuse avec laquelle il regardait les larges blessures dont il était couvert, toucha tellement les chas- seurs, qu'ils commencèrent à se reprocher l'acte de barbarie qu'ils avaient commis sur une créature qui leur semblait presque humaine, par la manière dont elle exprimait ses douleurs autant que par ses formes corporelles. Lorsque cet Orang-Outan fut mort, les naturels qui arrivèrent autour des Européens, con- templèrent sa ligure avec un égal étonneinent. Cet Orang-Outan était dépaysé, et il devait avoir voyagé pendant un certain temps avant d'être parvenu au lieu ou on l'avait tué, car il avait de la boue jusqu'aux genoux, et les habitants de cette partie de Sumatra n'avaient aucun souvenir d'avoir jamais vu un semblable Animal. L'examen de la dépouille de ce Singe a permis à M. Clark-Abel d'en résumer ainsi les caractères; le visage était ridé et complè- tement nu, si ce n'est au menton et au bas des joues, oii se développait la barbe; quelques cheveux d'un noir plombé tombaient sur les tempes et sur les côtés de la tète; des cils touffus garnissaient les paupières. Les oreilles étaient petites, collées le long de la tète et hautes à peine de dix- huit lignes; elles ressembleraient parfaitement à celles de l'Homme si elles avaient un lobule. La bouche, grande et projetée en avant, avait ses lèvres minces et étroites; la lèvre supérieure était recouverte par des espèces de moustaches. La paume des mains était très-longue et de la couleur de la face. Les ongles à tous les doigts étaient robustes , con- FAMILLE DES SINGES. 39 vexes et très-noirs; le pouce ne dépassait pas la première articulation du doigt indicateur. Le pelage était généralement d'un brun rouge, passant au brun foncé en quelques endroits, et au rouge vif en d'autres. Partout le poil était très-long en dessus, surtout sur le dos , où il formait une ligne plus épaisse et plus fournie. La note rédigée par M. Clark sur l'Orang-Outan, tué à Sumatra par MM. Craygimann , a paru dans le t. xv des lkcherches asiatiques. Quoique les détails qu'elle expose se rapportent plutôt aux caractères génériques de l'Animal qui a fait le sujet de son observation qu'à ses véritables particularités spécifiques , et que l'Animal fût dépouillé avant qu'il ne le vît, quel- ques auteurs y ont vu l'indication d'une espèce distincte de l'espèce ordinaire, à laquelle ils ont donné le nom de Simia Abelii. Nous rappellerons plus loin que diverses autres espèces ont encore été signalées dans ce genre , mais sans qu'il ait été possible d'en établir jusqu'à ce jour une définition réellement satisfaisante. Le trajet que l'on doit faire exécuter aux Orangs pour les amener en Europe est plus long de beaucoup que celui que doivent faire ces Chimpanzés, et le voyage est aussi plus pé- nible. C'est là sans contredit une des causes de leur extrême rareté dans nos ménageries, et, jusqu'à ce jour, on n'a encore réussi à rapporter vivants qu'un assez petit nombre de ces Ani- maux, et tous étaient plus ou moins jeunes; aussi n'en avons-nous une idée un peu exacte que pour une époque ou leur caractère est encore fort doux, plein de confiance, très-susceptible d'éducation, et, par conséquent, fort différent de ce qu'il deviendra dans un âge plus avancé. Plusieurs observateurs ont recueilli avec soin les particularités offertes par ces mêmes Orangs, qui se sont tous montrés familiers, et dont l'intelligence, sans égaler celle de l'Homme, a cependant paru supérieure à celle de tous les autres Animaux. F. Cuvier a essayé d'appliquer les règles de l'analyse psychologique à plusieurs des actes de l'un de c<>s jeunes Singes, qu'il a eu quelque temps sous les yeux. C'est par l'exposé de ses remarques que nous continuerons l'histoire de cette intéressante espèce. « Cet Orang-Outan, dit notre auteur, arriva à Paris dans le commencement du mois de mars 1808. M. Decaen, officier de marine et frère de M. Decaen, capitaine général des îles de France et de Bourbon, l'avait ramené de l'île de France, et en avait fait hommage à madame Bonaparte, dont le goût éclairé pour l'histoire naturelle fut si favorable aux progrès de cette science. Lorsqu'il arriva de Bornéo à l'île de France, on assura qu'il n'avait que trois mois ; son séjour dans cette île fut de trois mois ; le vaisseau qui l'apporta en Europe mit trois mois à la traversée; il fut débarqué en Espagne, et son voyage jusqu'à Paris dura deux mois; d'où il résulte qu'à la fin de l'hiver de 1808, il était âgé de dix à onze mois. Les fatigues d'un si long voyage de mer, mais surtout le froid que cet Animal éprouva en traversant les Pyrénées dans la saison des neiges, mirent sa vie à toute extrémité, et, en arrivant à Paris, il avait plusieurs doigts gelés , et il était atteint d'une fièvre hectique très-prononcée. Malgré les soins les plus constants, on ne put le rétablir, et il mourut après avoir langui pendant cinq mois. Pendant les premiers jours de son embarquement, cet Orang-Outan montrait beaucoup de défiance en ses propres moyens, ou plutôt, ne pouvant apprécier la cause du roulis, il s'en exagérait les dangers. Il ne marchait jamais sans tenir fortement en ses mains plusieurs cordes ou quelque autre chose attachée au vaisseau. Il refusa constamment de monter aux mats, quelque encouragement qu'il reçût des personnes de l'équipage; et il ne fut poussé à le faire que par la force d'un sentiment ou d'un besoin que la nature semble avoir porté dans cette espèce à un très-haut degré de développement, celui de l'affection. « Il n'eut le courage de monter aux mâts que lorsqu'il eut vu M. Decaen, son maître, y monter lui-même; il le suivit, et, dès ce moment, il y monta seul chaque fois qu'il en éprouva le désir; l'expérience heureuse qu'il avait faite lui donna assez de confiance en ses propres forces pour qu'il osât la répéter. Les moyens employés par les Orangs pour se dé- fendre sont, en général, ceux qui sont communs à tous les Animaux timides : la ruse et la prudence; mais tout annonce que les premiers ont une force de jugement que n'ont point la 40 ORDRE DES PRIMATES. plupart des autres , et qu'ils l'emploient dans l'occasion pour éloigner les ennemis plus forts qu'eux. Notre Animal avait coutume, dans les beaux jours, de se transporter dans un jardin où il trouvait un air pur et le moyen de se donner quelques mouvements. Alors il grimpait aux arbres et se plaisait à rester assis entre les branches. In jour qu'il était ainsi perché, on parut vouloir monter après lui pour le prendre; mais aussitôt il saisit les branches auxquelles on s'accrochait et les secoua de toutes ses forces, comme si son idée ont été d'effrayer la personne qui faisait semblant de monter. Dès qu'on se retirait, il cessait de secouer les branches; mais il recommençait dès qu'on paraissait vouloir monter de nouveau, et il accompagnait ce geste de tant d'autres signes d'impatience ou de crainte , que son intention d'éloigner par le danger d'une chute ou par une chute même celui qui menaçait de le prendre fut évidente pour toutes les personnes qui se trouvaient en ce moment-là près de lui. Cette expérience, qui a été tentée plusieurs fois, a toujours eu les mêmes résultats. Souvent il se trouvait fatigué par les nombreuses visites qu'il recevait; alors il se cachait entièrement dans sa couverture, et n'en sortait que lorsque les curieux s'étaient retirés. Jamais il n'agissait ainsi quand il n'était entouré que dos personnes qu'il connaissait. C'est à ces seuls faits que se bornent nos observations sur les moyens des Orangs pour se défendre ; mais ils suffisent, je pense, pour convaincre que ces Animaux peuvent suppléer, par les ressources de leur intelligence, à celles qu'une faible organisation physique leur refuse. Les besoins naturels de ces Quadrumanes sont si faciles à satisfaire, qu'ils doivent trouver dans leur organisation assez de moyens pour ne pas être obligés d'exercer fortement , sous ce rapport, leurs autres facultés. Les fruits sont les aliments principaux dont ils se nourrissent; et, comme nous l'avons dit, leurs membres sont essentiellement conformés pour grimper aux arbres. Il est donc vraisemblable que, dans leur état de nature, ces Animaux emploient beaucoup plus leur intelligence à écarter les dangers qu'à chercher les objets de leurs besoins. Mais tous les rap- ports doivent nécessairement changer dès qu'ils se trouvent dans la société et sous la protec- tion des Hommes ; leurs dangers diminuent et leurs besoins s'accroissent. C'est ce que nous montrent tous les Animaux domestiques, et ce que devait, à plus forte raison, nous montrer notre Orang-Outan. En effet , son intelligence a eu beaucoup plus d'occasion de s'exercer pour satisfaire ses désirs que pour se soustraire aux dangers. Je dois placer dans cette pre- mière division un phénomène qui pourrait tenir à l'instinct, le seul à peu près de ce genre que cet Animal m'ait offert. Tant que la saison ne permit pas de le laisser sortir, il avait une coutume singulière et dont il aurait été difficile de deviner la cause; c'était de monter sur un vieux bureau pour y déposer ses excréments; mais, dès que le printemps eut ramené la chaleur et qu'il fut libre de sortir de l'appartement, on trouva la raison de cette action bizarre : il ne manqua jamais de monter sur un arbre pour satisfaire aux nécessités de cette nature. Nous avons déjà vu qu'un des principaux besoins de notre Orang-Outan était de vivre en société et de s'attacher aux personnes qui le traitaient avec bienveillance. ]1 avait pour M. Decaen une affection presque exclusive, et il lui en donna plusieurs fois des témoi- gnages remarquables. Un jour, il entra chez son maître pendant qu'il était encore au lit, et, dans sa joie, il se jeta sur lui, l'embrassa avec force, et, lui appliquant ses lèvres sur la poitrine, il se mit à lui têter la peau, comme il faisait souvent du doigt des personnes qui lui plaisaient. Dans une autre occasion, cet Animal donna à M. Decaen une preuve plus forte de son attachement. 11 avait l'habitude de venir, à l'heure des repas qu'il connaissait fort bien, demander à son maître quelques friandises. Pour cet effet, il grimpait, par derrière, à la chaise sur laquelle M. Decaen était assis , de sorte qu'il ne pouvait le voir, de manière à le reconnaître, qu'après être arrivé à la partie la plus élevée du dossier de la chaise; là perché, il recevait ce qu'on voulait bien lui donner. A son arrivée sur les côtes d'Espagne, M. Decaen fut obligé d'aller à terre, et un autre officier du vaisseau le remplaça à table; l'Orang-Outan, comme à son ordinaire, entra dans la chambre et vint se placer sur le dos de la chaise sur laquelle il croyait que son maître était assis; mais aussitôt qu'il s'aperçut de FAMILLE DES SINGES. 41 sa méprise et de l'absence de M. Decaen , il refusa toute nourriture , se jeta à terre et poussa des cris de douleur en se frappant la tête. Je l'ai vu très-souvent témoigner ainsi son impa- tience dès qu'on lui refusait quelque chose qu'il désirait vivement et qu'il avait sollicité. Cet Orang-Outan aurait-il été conduit à agir ainsi par une sorte de calcul? On serait tenté de le croire ; car, dans sa colère , il relevait la tète de temps en temps , et suspendait ses cris pour regarder les personnes qui étaient près de lui, et voir s'il avait produit quelque effet sur elles et si elles se disposaient à lui céder. Lorsqu'il croyait ne rien apercevoir de favorable dans les regards ou dans les gestes, il recommençait à crier. Ce besoin d'affection portait ordinaire- ment notre Orang-Outan à rechercher les personnes qu'il connaissait, et à fuir la solitude, qui paraissait beaucoup lui déplaire, et il le poussa un jour à employer encore son intelli- gence d'une manière très-remarquable. On le tenait dans une pièce voisine du salon où l'on se rassemblait habituellement; plusieurs fois il avait monté sur une chaise pour ouvrir la porte du salon; la place ordinaire de la chaise était près de cette porte, et la serrure se fermait avec un pêne. Une fois, pour l'empêcher d'entrer, on avait ôté la chaise du voisinage de la porte; mais, à peine celle-ci fut-ello fermée, qu'on la vit s'ouvrir, et rOrang-Outan des- cendre de cotte même chaise qu'il avait apportée pour s'élever au niveau de la serrure. (( Les Hommes, au reste, ne sont pas les seuls êtres différents des Orangs-Outans auxquels ceux-ci peuvent s'attacher. Notre Animal avait pris pour deux petits Chats une affection qui ne lui était pas toujours agréable ; il tenait ordinairement l'un ou l'autre sous son bras, et, d'autres fois, il se plaisait à les placer sur sa tête; mais comme dans ces divers mouvements les Chats éprouvaient souvent la crainte de tomber, ils s'accrochaient avec leurs griffes à la peau de l'Orang-Outan, qui souffrait avec beaucoup de patience la douleur qu'il en ressentait. Deux ou trois fois, à la vérité , il examina attentivement les pattes de ces petits Animaux, et, après avoir découvert leurs ongles, il chercha à les arracher, mais avec ses doigts seulement; n'ayant pu le faire , il se résigna à souffrir plutôt que de sacrifier le plaisir qu'il trouvait à jouer avec eux Pour manger, il prenait ses aliments avec ses mains ou avec ses lèvres ; il n'était pas fort habile à manier nos instruments de table , et , à cet égard , il était dans le cas des sauvages , que l'on a voulu faire manger avec nos fourchettes et avec nos couteaux ; mais il suppléait par son intelligence à sa maladresse. Lorsque les aliments qui étaient sur son assiette ne se plaçaient pas aisément sur sa cuiller, il la donnait à son voisin pour la faire remplir; il buvait très-bien dans un verre en le plaçant entre ses deux mains. Un jour, après avoir reposé son verre sur la table, il vit qu'il n'était pas d'aplomb et qu'il allait tomber; il plaça sa main du côté oii ce verre penchait pour le soutenir Presque tous les Animaux ont besoin de se garantir du froid , et il est vraisemblable que les Orangs- Outans sont dans ce cas , surtout dans la saison des pluies. J'ignore quels sont les moyens que ces Animaux emploient, dans leur état de nature, pour se préserver de rintempérie des saisons. Notre Animal avait été habitué à s'envelopper dans ses couvertures, et il en avait presque un besoin continuel. Dans le vaisseau, il prenait, pour se coucher, tout ce qui lui paraissait convenable ; aussi, lorsqu'un matelot avait perdu quelques bardes, il était presque toujours sûr de les retrouver dans le lit de l'Orang-Outan. Le soin que cet Animal prenait à se couvrir le mit dans le cas de nous donner encore une très-belle preuve de son intelligence. On mettait tous les jours sa couverture sur un gazon devant la salle à manger, et, après son repas, qu'il faisait ordinairement à table, il allait droit à sa couverture, qu'il plaçait sur ses épaules, et revenait dans les bras d'un petit domestique pour qu'il le portât dans son lit. Un jour qu'on avait retiré la couverture de dessus le gazon et qu'on l'avait suspendue au bord d'une croisée pour la faire sécher, notre Orang-Outan fut, comme à l'ordinaire, pour la prendre; mais, de la porte, ayant aperçu qu'elle n'était pas à sa place ordinaire, il la chercha des yeux et la découvrit sur la fenêtre; alors il s'achemina près d'elle, la prit et revint, comme à l'ordinaire , pour se coucher. » Un autre Orang, que l'on a conservé quelque temps à Londres, a fourni au D. Clark-Abel ire partie, G 42 ORDBE DES PRIMATES. le sujet d'intéressantes observations que nous reproduirons aussi presque textuellement. 11 était de Bornéo, et on renvoya d'abord à Batavia. Son arrivée en Europe eut lieu en août 1817, et il y vécut jusqu'au 1er avril 1819. Lorsqu'on le prit à Bornéo, il resta paisible tant que le petit bâtiment qui le portait fut en pleine mer, et il ne se livra à la violence de son caractère que lorsqu'il se vit renfermer dans une cage de bambou destinée à le transporter à terre. Il essaya de mettre en pièces les barreaux de sa cage en les secouant violemment entre ses mains; mais, en voyant qu'il ne pouvait en venir à bout en les prenant en masse, il tâcha de les briser isolément. Il en reconnut un plus faible que les autres auquel il s'acharna tant qu'il tint bon. Étant parvenu à le rompre, il s'échappa. Lorsqu'on l'eut conduit à bord du vaisseau le César, qui devait le transporter en Angleterre , on essaya de le retenir au moyen d'une chaîne fixée contre les parois du navire par un crampon de fer; il eut bientôt brisé ce lien, et se sauva en entraînant après lui cette chaîne dont la longueur, gênant ses mouvements, lui inspira la réflexion d'en rouler l'extrémité et de la jeter sur ses épaules. Après avoir plusieurs fois répété ce manège, et ennuyé de ce que cette chaîne ne restait point sur son dos, il finit par la prendre dans sa bouche afin de fuir plus à son aise. Après plusieurs essais tout aussi infructueux que le précédent, on renonça à tenir cet Orang-Outan à l'at- tache, et il lui fut alors permis de parcourir le vaisseau au gré de ses caprices. Jl ne tarda point à se familiariser avec les matelots, qu'il surpassait en agilité. C'est en vain qu'ils essayaient fréquemment de l'atteindre en le poursuivant sur les agrès; ces jeux ne servaient qu'à montrer toute l'étendue de son adresse et la sagacité avec laquelle il savait éviter les pièges. Lorsqu'il était surpris, il cherchait à devancer ceux qui le poursuivaient; mais, lors- qu'il se trouvait trop vivement pressé, il saisissait la première corde venue en se balançant hors de leur portée. D'autres fois, négligemment couché dans les haubans ou sur la tète du mat, il attendait que les matelots, qui croyaient le surprendre, fussent arrivés à le toucher; alors, par un mouvement aussi rapide que la pensée, il se jetait sur quelque ma- nœuvre courante, et se laissait glisser comme un trait sur le tillac, ou, s' élançant sur le grand étai, il passait d'un mat à l'autre, en se balançant sur les mains, de même qu'un habile funambule. En vain secouait-on avec force les cordages mêmes auxquels il s'accro- chait, ces secousses ne l'agitaient aucunement, tant ses muscles avaient de force et de puis- sance pour maintenir ses extrémités sur les corps qu'elles embrassaient. Parfois, lorsqu'il était de bonne humeur et en disposition de jouer, il s'élançait dans les bras du matelot courant à sa poursuite, et, après l'avoir touché de la main, il fuyait d'un bond hors de sa portée comme pour le défier de l'atteindre. Pendant son séjour à Java , le même Orang- Outan avait établi son gîte dans un grand Tamarinier, situé auprès de la maison de M. Abel. il y avait formé un lit en entrelaçant les petites branches et en les couvrant de feuilles. Dans le jour, il s'y étendait nonchalamment , en ayant soin de placer sa tête hors de cette espèce de nid, afin de voir si les Hommes qui passaient au-dessous ne portaient pas des fruits; car, aussitôt qu'il en apercevait, il ne manquait pas de descendre pour en obtenir sa part. Il avait pour habitude; de se coucher avec le soleil, ou plutôt lorsqu'il avait fait un copieux reiias. Il était réveillé avec le jour, et sa première action était de visiter ceux dont il recevait habituellement sa nourriture. Pendant la traversée il paraissait faire très-peu attention à plusieurs petits Singes de Java, ses compagnons de voyage. Une fois, cependant, il essaya de jeter à la mer une cage qui renfermait trois de ces Animaux. On suppose qu'il fut guidé dans cette action par le désir de se venger de ce qu'ils avaient reçu devant lui des aliments dont il n'avait pas eu sa part. Cependant, quoiqu'il ne s'en occupât guère, dans la plupart des cas, M. Abel pense qu'il était moins indifférent à leur société lorsqu'il n'était pas observé, et il fut un jour surpris sur l"ava:it du mat de misaine jouant avec un jeune Semnopithèque. Couché sur son dos, et en partie couvert d'une voile, il contempla quelque temps avec une grande gravité les gambades du Singe qui était au-dessus de lui ; mais , à la fin, il l'attrapa par la queue et essaya de le FAMILLE DES SINGES. A% rouler dans sa couverture. Cependant l'action ne paraissait pas se passer entre égaux, car l'Orang-Outan ne daigna pas folâtrer avec le Singe comme il le faisait avec les mousses. Au contraire les Singes avaient évidemment une grande prédilection pour sa société , et lors- qu'ils étaient détachés , ils allaient le trouver. Quoique ordinairement très-doux et très-disposé à jouer, le même Orang se mettait parfois en colère, et il exprimait alors sa rage en ouvrant la bouche, en montrant ses dents, en sai- sissant et en mordant ceux qui étaient près de lui. Quelquefois il parut presque désespéré, et, en deux ou trois occasions, il se livra à des actes qui, dans un être raisonnable, auraient été regardés comme la menace d'un suicide. Si on lui refusait obstinément une orange lorsqu'il essayait de s'en saisir, il poussait de grands cris et il s'élançait avec fureur sur les cordages; ensuite il revenait et essayait derechef de l'obtenir. S'il était encore joué, il se roulait comme un enfant sur le pont, en jetant les cris les plus perçants. lTne fois, se levant soudain, il s'élança avec dépit sur le côté du navire et disparut. Témoins de celte action, les matelots crurent d'abord qu'il s'était jeté à la mer; mais, après l'avoir cherché', on le trouva caché sous les chaînes des haubans. À bord , il dormait habituellement sur la tête du mât (le chouc) , en s'enveloppant d'une voile. 11 se donnait beaucoup de mal pour faire son lit, et ne manquait pas de le débarrasser des objets qui auraient pu rendre inégale la surface sur laquelle il voulait reposer; content de cet arrangement, il tirait sur lui la voile et s'étendait sur le dos. Quelquefois M. Àbel s'emparait de son lit et aiguillonnait son hu- meur en refusant de le lui rendre. Alors il s'efforçait de tirer à lui la voile et ne voulait se reposer que lorsqu'il était resté maître du terrain. Si le lit était assez large pour deux, il se couchait tranquillement auprès de la personne qui était venue l'occuper avec lui, et s'il ar- rivait que toutes les voiles fussent dépliées, il cherchait un autre objet, prenant soit une veste, soit une chemise de matelot, ou bien il tâchait de se procurer la couverture de laine de quelque hamac. Lorsqu'on doubla le cap de Bonne-Espérance, cet Orang souffrit beaucoup du froid, surtout dans les premières heures de la matinée; aussi lorsqu'il descendait du mât, tout transi, il courait vers un matelot de ses amis, se jetait dans ses bras et le serrait fortement pour se réchauffer. 11 poussait des cris violents si on essayait de l'éloigner. Sa boisson, à Java, avait été de l'eau; pendant la longue traversée qu'il eût à supporter, elle fut aussi variée que les mets qui formaient sa nourriture; toutefois, il affectionnait le thé et le café, mais il acceptait le vin, et il prouva un goût très-vif pour les liqueurs fortes en dérobant une bouteille d'eau-de-vie au capitaine. A Londres, il préféra le beurre et le lait à toute autre substance, sans perdre toutefois ses dispositions pour le vin et les liqueurs. Deux fois seulement cet Animal manifesta une grande frayeur. Ce fut à la vue de huit grandes Tortues qui furent apportées à bord , tandis que le César était en face de l'Ascen- sion. Alors il grimpa en toute hâte sur la partie du vaisseau la plus élevée, et, de là, regar- dant au-dessous de lui, il allongea ses longues lèvres et fit entendre en même temps un son qui, d'après M. Clark, tenait le milieu entre le coassement d'une Grenouille et le grogne- ment d'un Cochon. Au bout de quelque temps, il s'aventura à descendre, mais avec beaucoup de précaution et en regardant continuellement les Tortues. On ne put jamais l'en faire appro- cher qu'à plusieurs toises de distances. Dans une autre occasion, il monta à la même hauteur et fit le même grognement. Ce fut en présence de plusieurs Hommes qui se baignaient et qui plongeaient dans la mer. Les Orangs adultes ne sauraient supporter aussi facilement la captivité que les jeunes Animaux de leur espèce, et ils diffèrent beaucoup des Singes ordinaires sous ce rapport; ils seraient d'ailleurs très-dangereux à cause de leur grande force et de leur méchanceté. Comme il est en même temps très-difficile de les prendre en vie, on n'en a possédé qu'un très-petit nombre ayant dépassé le premier âge. Il n'en est peut-être sorti aucun des îles de la Sonde, -et ceux qu'on y a possédés captifs n'ont vécu que fort peu de temps. Lorsque les chasseurs dp 44 ORDRE DES PRIMATES. Sumatra ou do Bornéo découvrent dans les forets une femelle avec son nourrisson, ils tachent de tuer la mère afin de se rendre maîtres du jeune Animal, qu'ils conservent assez facilement en vie au moyen du riz bouilli, des bananes, etc. Les petits Orangs sont très-friands de canne à sucre; ils boivent avec avidité de l'eau sucrée, et ils mangent le sucre des palmiers et du tébou. Plus tard, on les accoutume à se nourrir d'autres fruits, et même de viande bouillie ou rôtie , etc. Les navires qui touchent à Bornéo et à Sumatra peuvent assez souvent se pro- curer ces jeunes Animaux , et l'on en envoie très-fréquemment à Batavia. C'est ce qui a fait croire qu'ils habitaient naturellement l'île de Java. Toutefois il n'en est rien. On n'a plus de doute à cet égard depuis les recherches des naturalistes hollandais que le gouver- nement a envoyés pour explorer les îles de la Sonde , et , en particulier, depuis celles de M. Salomon Muller, recherches dont MM. Temminck et Schlegel ont fait le sujet d'un Mé- moire très-intéressant. L'Orang qui a vécu à Paris en 1836, et dont la présence attira pendant plusieurs mois un si graud concours de visiteurs , était un de ces jeunes individus que les Malais se procurent en tuant les femelles mères. Jl était originaire de Sumatra. M. de Blainville ayant eu connaissance, par un de ses anciens élèves, M. le D. Marion de Procé, de l'arrivée de ce curieux Singe à Nantes , le lit aussitôt acheter pour le Muséum de Paris. Voici quelques renseignements qui furent alors publiés sur cet Animal : Le capitaine Vanisghen, qui avait lui- même amené son Orang au Muséum, s'était adressé, pour l'avoir, à quelques chasseurs de nie de Sumatra. Ceux-ci s'étant mis aussitôt en recherche rencontrèrent une femelle portant son petit encore fort jeune. Cette femelle , poursuivie avec ardeur, se réfugia sur un arbre dont toutes les branches furent successivement abattues. Une seule branche restait encore, celle qui supportait l'Animal. Celui-ci, se voyant cerné de toutes parts, allait s'élancer sur un arbre voisin , lorsqu'un Homme de la troupe lui coupa d'un coup de hache une des mains de devant. La mère saisit alors son petit de l'autre main; mais comme il lui devint impossible de se soutenir, elle ne tarda pas à tomber au pouvoir de ses agresseurs. Elle fut aussitôt emmenée, ainsi que son petit; mais les fatigues du voyage et la chaleur extrême augmentèrent la gravité de sa blessure, et une dégénérescence gangreneuse la fit bientôt périr. Le petit survécut. Son âge fut approximativement évalué à six semaines ; il était entière- ment nu , et ce ne fut que plus tard que des poils recouvrirent son corps. Ceux du dos pa- rurent les premiers , puis ceux du ventre et des parties inférieures. Néanmoins ce jeune Orang avait déjà fait ses dents incisives. Les quatre canines et les molaires, au nombre de huit lorsqu'il vint à Paris , se montrèrent plus tard , mais sans occasionner aucun malaise appréciable. Il fut en partie nourri avec de la bouillie, qu'on était obligé de lui donner comme on la donne à un enfant. Il était très-faible et encore peu intelligent; depuis, il est devenu très-actif, doux de caractère et sensible aux caresses. Il affectionnait surtout son maître, mais il était familier avec tout le monde , prenait la main des visiteurs et s'accrochait à leurs jambes ou leur montait sur les épaules. C'était en lui donnant des soufflets et môme des coups de corde que M. Vanisghen le corrigeait quand il était trop turbulent. L'Animal s'as- seyait alors dans un coin, se cachait la figure dans les bras, et, dit-on, se mettait parfois à pleurer. Dans ce dernier cas , il portait ses mains sur ses yeux comme pour les essuyer. Cet Orang a vécu six mois à Paris. Son intelligence, autant que sa ressemblance extérieure avec l'espèce humaine, lui firent bientôt une immense réputation et la foule accourait chaque jour pour le voir. On a conservé le souvenir de quelques-unes de ses actions les plus remarquables. Le trait suivant m'a été communiqué par M. de Blainville. Après être passé des mains de son maître dans celles du gardien auquel l'avait confié M. Geoffroy- Saint -Hilaire, directeur de la Ménagerie du Muséum, le jeune Animal semblait avoir oublié celui qui l'avait ramené de si loin et avec qui il avait passé un temps assez long; mais, ayant pu le revoir après plusieurs mois de séparation, il le regarda d'abord avec attention, s'élança bientôt dans ses FAMILLE DES SINGES. 45 bras, et lui témoigna par mille caresses la joie qu'il éprouvait à le retrouver. Il aimait beau- coup la société, et pourvu qu'on voulût bien jouer avec lui, le rouler à terre, le balancer le laisser grimper quelque part, il s'inquiétait assez peu si les personnes au milieu desquelles il se trouvait lui étaient connues ou non; et pendant tout le temps qu'on a pu l'étudier, soit à bord du bâtimont qui l'a conduit en France, soit à Paris, il a toujours montré les mêmes dispositions. A la Ménagerie, il vivait familièrement avec les enfants de son gardien, qui formaient sa société la plus habituelle. 11 avait pour eux tous les égards que leur faiblesse aurait pu attendre d'une personne raisonnable, et il montrait les mêmes dispositions bien- veillantes dans ses rapports avec tous les autres enfants; il n'avait pas toujours les mêmes ménagements pour les grandes personnes. Peu difficile sur le choix de la nourriture, cet Orang était devonu le commensal de son gardien, et il mangeait de tout comme lui et sa famille. Il aimait assez les choses sucrées, et lorsque certains mets avaient besoin d'être mangés avec précaution, il savait parfaitement s'en tirer. 11 prenait les uns après les autres les grains des grappes do raisin qu'on lui donnait, buvait avec un verre, se servait assez adroitement d'une cuiller, etc. Si c'était du pain avec des confitures qui lui avait été remis, il imitait les enfants, qui commencent par les confitures et font ensuite fi du pain. Un jour qu'on lui avait donné de la salade trop vinaigrée, nous l'avons vu éponger entre deux plis de la couverture sur laquelle il reposait les feuilles trop acidulées, et les reporter ensuite à sa bouche ; il les mangeait alors après les avoir goûtées de nouveau. Cet Orang no tarda pas à tomber malade. Malgré les soins qu'on lui prodigua, et qui furent dirigés par plu- sieurs savants médecins de l'hôpital qui avoisine le Jardin des Plantes, malgré les médica- ments qu'on lui fit prendre de plusieurs manières et quelquefois bien malgré lui, il ne tarda pas à succomber. M. de Blainville en fit une dissection minutieuse, attachant une importance particulière à connaître la myologio do ses mains et la conformation de son cerveau, que d'autres auteurs ont également étudié avec tout le soin qu'il mérite. (Figure au 1/10°). Ainsi qu'on peut le supposer d'après tout ce que nous avons déjà dit, la constitution physique des Orangs change considérablement avec l'âge , et il en est de même de leurs caractères moraux. Ces modifications, dont presque toutes les parties du squelette subissent l'influence, se font surtout sentir sur la forme du crâne , et celle-ci est si diffé- rente dans les jeunes de ce qu'elle devient chez les adultes , que des naturalistes éminents, tels que Geoffroy-Saint-Ililaire, Lacépède et Guvier, ont, pendant quel- que temps, classé dans deux genres dis- tincts les jeunes et les vieux sujets de cette espèce qu'ils ont pu observer. Le Hollandais Wurmb avait pourtant décrit, en 1780, dans les Mémoires de la société de Batavia , un vieil Orang de Bornéo sous le nom de Pongo , parce qu'il avait cru y reconnaître le Pongo de Buffon , qui est un Animal d'Afrique. Ces obser- vations, qui furent traduites en français, n'empêchèrent pas que l'on considérât ce Pongo comme étant un Animal tout dif- férent de l'Orang et qui devait constituer un autre genre. Dans leur classification, les principaux zoologistes français le séparèrent même par plusieurs autres genres de celui des Orangs, qui ne comprenait plus en réalité que le jeune âge de l'Animal dont le Pongo de Wurmb était l'adulte. Cette erreur eut crédit pendant plu- Ce«vk\i- de l'Orang, 2/3 do grnn^ *1' toute la longueur de la première phalange. /,, ,, .- i -, r • i o- CiiBHON Siimang. — ./12e de grand. (Test cette particularité qui a valu au Sia- j * mang le nom spécilique de Syndactyle que lui a imposé Raffles. M. Gray a proposé d'en faire un genre sous le nom de Siamangus. Ce prétendu genre a été aussi* appelé Syndactylm par M. Boitard. Le Siamang est fort commun dans les forêts de Sumatra. On en rencontre des troupes nombreuses conduites par un chef, que les Malais croient invulnérable, sans doute, dit Duvaucel, parce qu'il est plus fort, plus agile et {dus difficile à atteindre que les autres. \insi reunis, ils saluent le soleil, à son lever et à son coucher, par des cris épouvantables qu'on entend à plusieurs milles, et qui, de près . étourdissent lorsqu'ils ne causent pas de 52 ORDRE DES PRIMVÏES. l'effroi. Par compensation, ils gardent un profond silence dans la journée, à moins qu'on n'interrompe leur repos ou leur sommeil. Ils ont l'ouïe très-délicate, et, quoiqu'ils aient la démarche embarrassée, ils sont cependant difficiles à prendre. Leur corps, trop haut et trop pesant pour leurs cuisses courtes et grêles, s'incline en avant, et leurs deux bras, faisant l'office de béquilles, ils s'avancent par saccades et ressemblent ainsi à un vieillard boiteux à qui la peur ferait faire un grand effort. Duvaucel dit que ces Animaux sont peu intelligents. D'après le même voyageur, quelque nombreuse que soit la troupe de Siamangs lorsqu'on la poursuit, le blessé est toujours abandonné par les autres, à moins que ce ne soit un jeune individu. Dans ce cas, la mère, qui le porte ou qui le suit de près, s'arrête, tombe avec lui, et pousse des cris affreux en se précipitant sur l'ennemi, la gueule ouverte et les bras étendus. Mais on voit bien, ajoute-t-il, que ces Animaux ne sont pas faits pour combattre, car alors même ils ne savent éviter aucun coup, et ils ne peuvent en porter un seul. Au reste, cet amour maternel ne se montre pas seulement dans le danger, et les soins que les femelles prennent de leurs petits sont aussi tendres que recherchés, et c'est un spec- tacle fort curieux que de les voir porter leurs enfants à la rivière pour les débarbouiller, malgré leurs plaintes, les laver, les essuyé]' et les sécher ensuite avec soin. Le Gibbon entelloïdk (Hylobatcs cntelloïdes , Is. Geoffroy) est du continent indien. \}\\ maie de cette espèce et une femelle adultes ont été tués dans la presqu'île malaise, vers le douzième degré de latitude, et donnés au Muséum de Paris, par M. Barre, missionnaire apostolique dans l'Inde et en Malaisie. Leur pelage est d'un fauve très-clair ; le tour de la face blanc; la face et la paume des mains sont noires; le second et le troisième doigts des membres postérieurs sont réunis par une membrane jusqu'à l'articulation de la première phalange avec la seconde. Ce caractère rapproche l'Entelloïde du Siamang. Gibbon lak {Hylobatcs larj. C'est le Grand Gibbon de Ruffon et de Daubentou, qu'ils ont étudié vivant, et dont le second de ces naturalistes a publié l'anatomie. C'est aussi Y Homo lar des premières éditions du Systema naturœ de Linné. Il est de couleur noirâtre, avec l'en- cadrement de la face et les quatre extrémités de couleur blanchâtre. On lui a donné plusieurs autres noms, et, en particulier, ceux de Pilliecus varias (Latreille), de Pithecus varler/alas (E. Geoffroy), de Simia albimana (Vigors et Horsfield). Le Petit Gibbon de Ru flou n'en est que le jeune âge. Sa patrie est la presqu'île de Malacca et, assure-l-on , le royaume de Siam. Rul'fon devait à Dupleix, le célèbre administrateur de l'Inde française, l'exemplaire de cette espèce qu'il a possédé en vie. Voici comment il en parle : « Ce Singe nous a paru d'un naturel tran- quille et de mœurs douces; ses mouvements n'étaient ni trop brusques, ni trop précipités. Il prenait doucement ce qu'on lui donnait à manger; on le nourrissait de pain, de fruits, d'amandes, etc. Il craignait beaucoup le froid et l'humidité, et il n'a pas vécu longtemps hors de son pays natal. » FAMILLE DES SINGES. 53 Le Gibbon Dkuil ( Hyïobates funereus, Is. Geoffroy) a le pelage gris cendré sur les parties supérieures et à la face externe des membres ; les parties inférieures de son corps sont noirâtres , ainsi que le devant de la tête en dessus. Il habite les îles Solo à l'est de l'archipel des Philip- pines. Le seul exemplaire qu'on en ait encore observé a été rapporté vi- vant par M. le D. Leclancher, chirur- gien de la marine, qui en a fait don à la ménagerie du Muséum. Il tient le milieu par ses caractères entre le Gibbon cendré et le Conco- lore. Tant que le Gibbon deuil , qui est déposé dans les galeries de zoolo- gie, a joui «l'une bonne santé, c'est- à-dire pendant six mois, il était d'une agilité et d'une vivacité extrêmes ; mais son intelligence, bien que très-déve- loppée, était loin d'égaler celle du Chimpanzé ou de l'Orang. 11 connais- sait très-bien son gardien et toutes les personnes qui le visitaient fréquem- ment, et il recevait volontiers leurs caresses, mais sans s'attacher à aucune d'elles, ni même à celle qui le soignait habituelle- ment. La société des autres Singes lui déplaisait, et il fallut lui retirer ceux que l'on avait essayé de lui donner pour compagnons dans la grande cage qu'il habitait. M. 1s. Geoffroy s'est assuré que la voix du Gibbon Deuil était fort différente de celle du Gibbon cendré, dont un exemplaire a aussi vécu à la ménagerie de Paris. G i b b o n o k R a r f l k s (Hy lobâtes liafflesii, E. Geof- froy). Espèce souvent confondue avec le Gibbon Lar, mais que plusieurs auteurs regardent, au contraire, comme une simple variété de l'Agile. Son pelage est noir, avec le dos et les lombes d'un brun roussâtre; ses joues ont de longs poils noirs chez les femelles; les sourcils sont plus ou moins blan- châtres. Le Gibbon de Railles habite Sumatra. F. Cuvier en a parlé, d'après Duvaucel, sous le nom iYOunko. Le Gibbon Wouwou (Hylobates agilis) , que F. Cuvier a décrit d'après Duvaucel, est une autre (j I H uo ?, I) K P. U I 1.1. s, 1 ;.}. espèce, que l'on rencontre plus souvent par couple qu'en famille. On l'a trouvée à Sumatra, comme les Siamangs, mais elle y est bien moins nombreuse. Le Wouwou, bien loin d'avoir la lenteur de ces derniers, est, au contraire, d'une agilité surprenante. Le Wouwou, écrivait Duvaucel, échappe ainsi qu'un Oiseau, et, comme lui, il ne peut être saisi qu'au vol ; à peine a-t-il aperçu le danger qu'il en est déjà loin. Grimpant rapidement au sommet des arbres, il y saisit la branche la plus flexible, se balance deux ou trois fois \ l) kl il., I/O «!<.' grand. 54 OHDRK DKS IMU MATES. pour prendre son élan, et franchit ainsi plusieurs fois de suite, sans effort comme sans fatigue, des espaces de quarante pieds. Son intelligence, sans être aussi bornée que celle du Siamang, paraît cependant peu étendue. (iii!iin\ \.r. 1 1 k, 1, 12 df î-rr-uiti. I! vit à Sumatra et, ajoute-t-on , à Bornéo. M. Wateiiiouse a donné, dans V Histoire naturelle des Mammifères de M. Martin, la notation musicale du cri de ce Gibbon. i ¥ ^•55: êéé—é-é- ^ 3 -+^+ ±4 f33W9* i ± m Gibbon a favoris blancs (Ifylobales kucogenys, O'Gilby). Celui-ci a le pelage noir avec de longs poils sur les parties latérales et inférieures de la face; ceux du dessus de sa tête sont dirigés en lia ut. Le Gibbon Hoolocii (Hylobales Uooloch, R. llarlau,//. scyritus d'O'Gilby). Son pelage est noir, avec une bande sourcillière blanche ou gris clair. Ou le donne comme étant de l'Inde continentale, vers le 26e degré de latitude, et principalement de l'Assam. Sa nourriture con- siste surtout en baies, ainsi qu'eu jeunes pousses, dont il prend le suc. Ses mouvements sont rapides; on le voit gravir avec la plus grande prestesse le tronc des palmiers, sauter de branche en branche sur les autres arbres , et fuir dans l'épaisseur des forêts dès qu'il se sent inquiété. Cependant il se ploie facilement à la domesticité et il se nourrit alors de presque tous les aliments qu'on sert sur nos tables. Les œufs, le café, ainsi que le chocolat, lui sont fort agréables. \u rapport de M. Harlan, l'individu qu il a possédé a donné diverses preux es de réflexion. FAMILLE DES SLNGES. 55 Vinsi, il lui arriva plusieurs fois, ayant soif, de prendre un vase rempli d'eau et de le porter à ses lèvres. Le riz bouilli, le pain trempé dans le lait sucré, les bananes et les oranges étaient les mets que ce Singe semblait préférer; il ne dédaignait pas non plus les insectes et même les araignées, qu'il attrapait avec beaucoup d'adresse dans les fentes des murailles. Doux par caractère, il saisissait toutes les occasions de manifester son affection pour son maître. Dès le matin, il lui rendait visite, en poussant un son guttural, Whou! Wltou! Whou! qu'il répétait pendant plusieurs minutes; puis il enlaçait ses bras aux siens, et manifestait une vive satisfaction en recevant ses caresses. Il le reconnaissait de loin à sa voix et s'empressait d'accourir à son appel, comme eût pu le faire le Chien le plus dévoué. h, m. BON CONf.O I. OR V , \ "t. Le Gibbon concolore (Hylobates concolor), également décrit par M. Harlan, est tout à fait noir. Il habite l'île de Bornéo. AI. Martin l'a nommé Hylobates Mulleri. Le Gibbon Ghorom s \ni:r, (Hylobates choromandus , O'Gilby). Il a le pelage brun cendré, de grandes moustaches noires, une barbe bien fournie, •et les poils du dessus de la tète longs et redressés. C'est une espèce incomplètement connue, que l'on dit origi- naire de l'Inde continentale. Lk G toron cendré (Hylobates leuciscus) est le Wouwou de Camper, mais point celui de Duvaucel et de F. Cuvier. Audebert l'a représenté sous le nom de Moloch. C'est celui que l'on amène le plus fréquemment en Europe. Java paraît être le point oîi on le trouve. Son pelage est uniformément gris cendré, avec le des- sus de la tète gris foncé et le tour du visage gris clair. GENRE PLJOP1THEQUE (Pliopithecus , ]\ Gerv.) La seule espèce connue n'existe plus sur le globe. C'est le Singe fossile à Sansan , dans le département du Gers, dont les débris, découverts par M. Lartet, sont décrits dans les derniers ou- vrages de paléontologie, sous le nom de Pliopl- thc.cvs antiquus. Ce Singe européen, était un peu inférieur aux Gibbons pour la taille, et ce que l'on a observé de son squelette tend à faire supposer que. Mu-motri: iNFr:«iFi':«F i)t; Pnoi'irn?'.ytK, de grand. n;>( 50 ORDRK DKS f> Il f AI \TKS. tout on appartenant à la même division des Pithèques Anthropomorphes , il doit prendre rang au-dessous d'eux dans la série des genres. M. de Blainville, M. Is. Geoffroy, M. Lau- rillard et moi en avons successivement décrit les caractères. La pièce la plus complète qu'on en connaisse est la mâchoire inférieure dont nous venons de donner la figure de gran- deur naturelle. SEMNOPITHKOLES On reconnaît les Singes de cette catégorie à haïr l'ace courte, à leurs oreilles arrondies, à leur corps assez grêle et élancé, ainsi qu'à leur queue, plus longue que chez tous les autres. (les caractères ne sont pas les seuls qu'on puisse leur assigner : il faut y ajouter 1° que les canines des Semnopithèques ne sont pas très-dévelop- pées, et que celles de leur mâchoire supérieure, sou- vent un peu plus larges que d'habitude , dépassent peu les autres dents, 2° que leurs molaires ont les tuber- cules de la couronne disposés en collines transversales, ce qui indique un régime plus exclusivement végétal que celui de la plupart des autres Primates, et concorde bien avec la forme plus compliquée de leur es- tomac. Cet organe, au lieu d'être simple et pi us ou moins analogue à celui de l'Homme, des Carnivores, etc., comme l'est celui des autres Singes, est remarquable par son grand allongement, et il présente , dans une grande partie de sa région moyenne, des boursouflures tout à fait comparables à celles du gros intestin ; sa partie cardiaque ou la plus rapprochée de l'œsophage est dilatée de manière à représenter, mais avec un développement moins considérable, la panse des Ruminants; d'autre part, la région pylorique est allongée, ce qui la fait ressembler un {khi à la caillette des mêmes Herbivores. Tous les Semnopithèques ont l'estomac ainsi disposé et ils manquent d'abajoues. Il y a deux genres parmi ces \nimaux. Celui qui renferme le plus d'espèces est celui des Semnopithèques, exclusive- ment propre à l'Inde. Deux de ces espèces, qui s'éloignent assez des autres, ont paru mériter une distinction générique. Ce sont le Nasique, Animal si singulier par le grand allonge- mont de son nez, et le Presbyte, qui diffère par l'absence de troisième colline à la dernière molaire inférieure. Les Colobes, qui vivent en Afrique , sont aussi des Semnopithéciens ; leurs mains antérieures manquent de pouces ou n'en ont qu'un faible rudiment à l'extrémité du métacarpien , qui porte chez nous et chez la plupart des Singes les deux phalanges dont le pouce est constitué. C'est à peu près le seul caractère à l'aide duquel on puisse les distin- guer des Semnopithèques véritables chez lesquels le même organe est d'ailleurs plus court qu'il ne l'est habituellement chez les Primates. [Voyez nu genre Magot.) Estomm: b\: Slm.nopiihlqie >Lif;:-.rx, 2/3 de grand, nat. FAMILLE DES SINGES. 57 Los mœurs dos Semnopithéciens paraissent peu différentes (Je celles des Guenons. Tou- tefois ces Animaux n'ont pas la pétulance des Singes africains que nous venons de nommer. Quoique fort agiles, ils sont moins brusques; leurs passions sont moins vives, et leur régime, ainsi que nous l'avons dit, approche davantage de celui des Herbivores. Leurs dimensions. égalent en général celles des grandes espèces de Cercopithèques, mais elles sont inférieures à celles des Anthropomorphes et des Cynocéphales. L' Entoile, qui représente à peu près la taille moyenne des Somnopithécions, a un peu plus d'un mètre quand il se tient debout, et sa queue est longue d'un mètre. Los couleurs des mêmes Singes sont quel- quefois assez agréables; mais, parmi eux , le Doue peut seul rivaliser avec les Guenons par l'élégance de son pelage; la plupart des autres ont en partie l'uniformité (pie nous avons vue chez les premières espèces, et le roussatre, le gris, le brun ou le blanchâtre sont leurs teintes les plus habituelles. Il n'est pas probable que les anciens aient vu des Singes du genre Semnopithèque, et les Colobes paraissent leur avoir été inconnus. Ce qu'ils nous ont laissé au sujet de l'Animal qu'ils nomment KsgxotuOsxo; (Cercopithocos) , est trop vague et trop entaché d'erreurs pour qu'il soit possible d'y retrouver avec certitude quelqu'une dos espèces à très-longue queue dont cette tribu est composée, plutôt qu'une Guenon, ou, au contraire, un Macaque, ainsi qu'on l'a successivement proposé. Le plus ancien auteur qui ait parlé du Cercopithocos est Ctésias, médecin de la famille des Asclépiados, qui vivait environ quatre cents ans avant J. C, et qui, ayant été fait prisonnier à la bataille de Cunaxa , fut retenu pendant dix-sept ans à la cour d'Artaxereès. De retour à Athènes, Ctésias rédigea une histoire de la Perse et une relation sur l'Inde; cotte dernière renferme des détails d'histoire naturelle. Il y parle de deux espèces do Singes dont une, plus petite que l'autre, ayant la queue fort longue (il dit quatre coudées). Hérodote a aussi fait mention du Cercopithèque comme d'un Animal particulier à l'Inde; mais Pline a dii qu'il était d'Ethiopie, ce qui jette quelque doute sur la détermination de ce Singe, l'Afrique no nourrissant aucune des espèces de Quadrumanes qui vivent dans l'Inde. Quoi qu'il en soit , le morne nom a été laissé eu propre par les auteurs les plus modernes aux Singes africains, appelés aussi Guenons, et dont la queue, assez longue, mais sans être égale à celle dos Somnopithéciens, constitue l'un des principaux caractères. De nos jours, on voit quelquefois des Semnopithèques dans les ménageries; mais on n'y a pas, (pie je sache, conduit encore les Colobes. L'espèce qu'on y amène le plus souvent est l'Entoile ou Singe sacré des Jndous. La ménagerie du Muséum a aussi possédé le Semno- pithèque nègre. JNi l'un ni l'autre no paraissent répondre au Cercopithèque des Grecs, et si celui-ci était réellement un Animal de ce genre, on devrait supposer que c'était plutôt le Semnopithèque à fesses blanches (Semnopithecus leucoprymnus du naturaliste Otto). En effet, celui-ci vit dans l'île de Coylan, dont les anciens ont parlé sous le nom de Trapobane ; et comme cette île, quoique dépendante de l'Inde, n'est pas très-éloignée de l'Afrique, on pourrait, à la rigueur, supposer que sa position géographique ou quelque autre cause a conduit Pline à donner le Cercopithèque comme Africain. Qui ne sait, d'ailleurs, combien sont fréquentes les erreurs relatives à l'habitation dos Animaux déjà connus de l'antiquité, et combien de semblables méprises sont commises ou rectifiées chaque jour par les naturalistes et les voyageurs au sujet des espèces dont les premiers exemplaires avaient été obtenus par suite des relations commerciales. Geinre SEMNOPITHÈQUE (Semnopithecus , F. Cuvier), Les Semnopithéciens d'A- frique ou les Colobes avaient été distingués génériquement , en 1811, par Illiger ; ce fut seulement en 1821 que F. Cuvier sépara des Guenons les Singes à longue queue de l'Inde. Il leur donna le nom de Semnopithecus , rappelant que leurs formes sont assez grêles, si on les compare à celles des Guenons et surtout dos Macaques. Deux espèces de Semnopithèques avaient déjà servi à l'établissement de deux genres différents : le Doue (genre Lasiopyga, irc partit.. 8 58 OHDBE DES PHI MATES. llliger, ou Pygatrix , E. Geoffroy), parce qu'on lo croyait à tort dépourvu de callosités fessières, et le Nasique (genre Nasalis , E. Geoffroy), à cause de la forme allongée de son nez. Ni l'un ni l'autre de ces noms ne pouvaient être appliqués aux espèces que V. Guvier a nommées Sernuopithèqucs. Il indiqua d'abord les caractères de ce genre dans son ouvrage sur les Dents des Mammifères, et, dans son Histoire naturelle de la même classe d'Animaux, il ajouta de nouveaux renseignements à cet égard, montrant en même temps que l'Entoile, le Cimepaye, le Tcbincou et le Croo devaient y être rapportés. Desmarest, l'un des premiers, a adopté cette division, qui est, en effet, excellente, et il on a parlé dans le Supplément à sa M (limnologie. M. Is. Geoffroy s'en est occupé longuement dans plusieurs occasions, et en particulier dans la partie zoologique du Voyage aux Indes de M. Bélanger. On lui doit la description de plusieurs espèces de Semnopitlièques. Voici comment le même naturaliste expose dans un autre ouvrage la classification des Semnopitlièques dont on possède les dépouilles dans les galeries du Muséum : 1° Espèces ayant les poils du dessus de la tête, à partir du front, courts et dirigés en arrière : Semnopithèque Doue (de la Cochiuchino), — Semnopithèque aux fesses blanches (de Geylan), — Semnopithègue barbique (patrie inconnue), — Semnopithèque obscur (de la presqu'île malaise) , — Semnopithèque à capuchon (de l'Inde continentale) ; 2" Espèces ayant les poils du dessus de la tête divergents, à partir du point central, et couchés : Semnopithèque de Dussumier (du Malabar) , — Semnopithèque Entelle (de l'Inde") , — »SV?/?- nopithèque aux mains blanches (des îles Philippines) ; 3° Espèces ayant les poils du dessus de la tête relevés, ceux de la partie antérieure arqués en avant : Semnopithèque huppé (do Sumatra) , — Semnopithèque nègre (de Java) , — Sonnopithèque à cuisses rayées (de Bornéo, peut-être aussi de Sumatra) , — Semnopithèque doré ^|e Java? des Mol in pies?) ; 4° Espèces ayant sur la tête de longs poils disposés en une crête ou huppe comprimée: Semnopithèque couronné (de Bornéo) , — Semnopithèque de Sut m (du continent indien), — Semnopithèque mitre (de Java), — Semnopithèque aux mains jaunes (de Sumatra), —Semno- pithèque à huppe noire (de Sumatra), — Semnopithèque rouge (de Bornéo). Cette liste ne comprend pas toutes les espèces de Semnopitlièques que l'on connaît dès à présent; mais le nombre de celles qui n'y figu- rent pas, et qui manquent par conséquent à nos collections publiques, est peu considérable. Le [\asioiji- (Semnopithecus larvatus ou S. nasalis), dont l'espèce sert de type à un genre à part, n'est pas compris dans rénumération précédente; il appartient néanmoins aux vérita- bles Sernuopithèqucs par ses proportions, par la forme de son squelette , par son système dentaire et même par son estomac compliqué, C'est bien le plus curieux des Somuopithécions; mais il diffère de ces Animaux , ainsi que de tous les Singes connus, par l'allongement de son ne/, qui ressemble à celui de l'Homme, et dépasse même en dimension celui des individus les mieux doués do la race caucasique. Les na- tkte i-E *t. i -m: v.vsiyi-F, 3-4 U K 1) K I) U S S U M I K 11 ( SeilMOpU/iecUS DuSSUHÙevl ) , et S K M N 0 P I T H k Q U li A capuciio\. La première, qui est figurée avec son petit dans la planche IV de cet ouvrage est du Malabar. Elle a le pelage brun grisàlre sur le corps, et fauve sur la tête, le cou, les flancs et les parties inférieures; sa queue et ses mains sont d'un brun qui passe au noir. Le nom spécifique qui lui a été donné est celui d'un armateur de Bordeaux, M. Dussumier, très -zélé naturaliste, qui a recueilli dans l'Inde et à la Chine des collections fort précieuses dont il a fait don au Muséum de Paris. La Ménagerie; a également du à M, Dussumier de très- beaux \nimaux appartenant à plusieurs ordres différents. Le S i; m \ o p i t h k o u k a c \ p l c h o n (Sein- ..' ^ ' ! :s- --. uopitheens cucullalus) , ou la seconde de ces espèces, est commune dans le Nord du Ma- labar et dans les montagnes des (la'ttes. C'est peut -être le Semnopithecus Jolnrii de Fischer. Il a la queue et les membres noirs, le corps brun et la tète d'un brun fauve. C'est aussi à peu de distance des mêmes ■Vnimaux que se place le Sewnopilïtccns a/bo- cinereas de Desmarest dont nous avons dé- crit de» nouveau les caractères dans la partie zoologique du voyage de la Bonite , et qui nous parait être le même Animal que le Si;u- NOPITHKQLK OBSCUK de MM. Beid , Martin S, m>opi. iimhm, a «apm.hun, l/S de srnnl 62 ORDRE DES PRIMATES. et ls. Geoffroy. 11 a le pelage gris brun , avec une teinte un peu plus foncée sur les flancs , aux avant-bras et aux quatre extrémités; le dessous de son corps, le sommet de la tête et la queue sont (Je couleur cendrée; sa face est noirâtre; de petits favoris gris vont jusqu'à l'angle de la bouche; la barbe est comte et peu fournie. Ce Scmnopithèque vit dans la presqu'île de Malacca. MM. Eydoux et Souleyet en ont rapporté plusieurs individus, sous le nom de Lolong ou Loulou, que les Malais paraissent appliquer aussi à plusieurs espèces de ce genre. M. ls. Geoffroy a récemment signalé une autre espèce de la même section sous le nom de Skmnopitukoi k a pi Ko s iîi.ancs (Semnopil/iecus albipcs) , d'après deux exemplaires pris à Manille par M. Jaurès, l'un des nHiciers de l'expédition de lu Danuïdc. Ce Scmnopithèque ne diffère guère des précédents que par ses mains, qui sont de couleur claire : les antérieures gris fauve, avec les doigts eu partie blancs, et les postérieures d'un blanc sale un peu lavé de jaune. Ou appelle S k m n o p i ï h k o l i; n k i c k i x {Scmnojnthecus pruinosus, Desmarest) une espèce dont les poils sont noirs et terminés en partie par un peu de blanc à la [jointe, ce qui donne à son pelage une apparence neigeuse. D'autres Semnopithèques ont des couleurs pins foncées. De ce nombre est le Sk.mnopitiik«u i: MAiiii-: {Seiiuiopithecus muurus), appelé aussi ïchincou {\\i\nv* son nom de pays, il en est question dans les Suppléments à l'histoire naturelle de BulTon , sous la dénomination de Aèr/rc. Ses poils sont noirs, ordinairement sans liquel lires blanches; une tache blanche ou quelques poils de cette couleur se remarquent eu dessus auprès de l'origine de la queue;. Sri huppe est courte; et plus fournie. On le trouve à Java. Dans son jeune âge, il est brun rougcàtre au lieu d'être noir. Desmarest en a parlé sous le nom de Tschln-coo , d'après un exemplaire envoyé de Su- matra par Diard et Duvancel ; mais ce n'est pas le Tschincou véritable que F. Cuvier a décrit et fait figurer d'après les mêmes voyageurs. A coté de cette espèce s'en placent deux autres : l'une est le Skmjnoimtiikol'k in ppf ( Seinnopithecus crislalus, de Rallies) , qui est noir avec quelques tiquetures blanches sur le pelage et une huppe assez longue et assez fournie;. On le trouve à Sumatra ainsi qu'à Bornéo. L'autre est 1(3 Si; mnopitukol k kkmoual (Semnopilhccus femora/is de M. llorsheld; le même, d'après M. Js. Geoffroy, que le Semnoplthecus chrysomclas de M. Salomon Millier). Celui-ci est noir aussi, mais avec .des ligues blanchâtres à la face interne des membres, sous le bas-ventre et sous la queue. 11 vit à Bornéo. f ^e S k m n o p i t h k o i; k n o n k ( Semnopilhccus aura lus , E. Geoffroy) est bien moins connu , et peut-être ne faut-il pas le séparer du Semnopilhèque Pyrrhus de M. llorsfield, que l'on signale à Java, tandis que le véritable S. auralus serait des îles Moluques. 11 reste toutefois beaucoup de doute à cet égard. Le pelage, de ce Singe est uniformément fauve doré, avec une tâche noire à chaque genou. FVMILLE DES SÎXCES. 63 Le Semnopitheque couronne (Semnopithecits frontatm de M\L Salomon Muller et Schlegel) habite Bornéo. C'est aussi le pays du Semnopitheque rubicond {Semnopithecus rubicunchts de ces naturalistes), qui est de cou- leur rougeâtre. Ces deux Singes sont encore rares dans les collections. — Il en est de même dU S E M N O P I T H È Q L' E C II II Y S 0 M È L E ( Soin 110- pithecus chrysomela), aussi de Bornéo. — Au contraire , on y voit plus fréquemment le Sem- nopitheque a huppe noire {Semnopithecus melnlophos) ou Cîmepayc, de Frédéric Cuvier. - 1'. m n o i» i r il k o r e nrnir.ovn, 1 / .le gr.'i .,!. Sk m no pi ru î:orn a iicim'k noiiik, \j'-l ii<" Son pelage est roux- vif, avec une touffe de longs poils en forme de huppe sur le sommet do la tête; il ne se rencontre qu'à Sumatra, oii il a été découvert par ï)ia rd et Duvaucel. On en doit la première description au commandant anglais sir Stamfort Baffles, auquel ces deux naturalistes avaient d'ailleurs communiqué plusieurs des espèces curieuses dues à leurs courageuses explorations dans cette île. M. Baffles a lui-même recueilli de très-belles collec- tions, aujourd'hui déposées dans le Musée britannique. Semnopitheque aux mains jaunes {Semnopitliecw jlavimanus , îs. Ceoffroy). Éga- lement de Sumatra, où il porte aussi le nom de Cimepaï ou Simpa'L Ce Singe habite seulement quelques cantons de l'île, et le Semnopitheque à huppe noire certains autres. M. Cray a décrit sous le nom de Presbytis nobUis un Semnopithèque ayant aussi de l'ana- logie avec ce dernier, mais sur lequel on n'a encore que des renseignements imparfaits. Le Semnopitheque de Si/vm {Semnopithecus simnensis , S. Muller et Schlegel) ou Semxopitiièquk aux mains noires (S. nigrimanns, Js. Geoffroy), est plus différent. Son corps est d'un cendré légèrement brunâtre, et la face interne des membres, ainsi que les parties inférieures du corps, sont blanches; ses quatre mains et toute sa queue sont noires. Il est de l'Inde continentale, soit du royaume de Siam, soit de la presqu'île malaise, mais point de Java, comme on l'avait d'abord supposé. Les Semnopithèquos dont il vient d'être fait mention ont tous, a la dernière dent molaire inférieure, un tubercule ou talon plus ou moins évident; ce qui porte à trois le nombre des collines de cette dent. Au contraire, il n'y en a que deux, les deux principales, dans le S e m n o p i t h È o u e m i t r É qu'Eschscholtz a le premier décrit sous le nom de Presbytie mitrata, et dont il a été fait mention dans la Mannnalogie de Desmarets sous le nom de Semno- pithecus comatus; c'est le Croo des habitants de Java. Cette dénomination a été écrite à tort Crro par F. Cuvier. M. de Blainville, qui a fait connaître avec soin le système dentaire du Croo dans son Ost^ogrrtphie des Primates, l'y appelle Sonlili, du nom que portait l'un 04 ORDRE DES PRIMATES. nMMiNTii î o r r. m i r r \ . 1 / i de £r.m\ktp-:. î) 66 OKIMtR DKS PRIMATES. plus ou moins vif ou de couleur olnàtro. Lo Colobe F krfil îo i.\ evx (Colobus ferrugineus) est dans le premier cas. Buffon en dit quelques mots dans ses Suppléments, T. Vil, f. 66 ; c'est le Bay-Monkey de l'Histoire (\a<> Quadrupèdes de Pennant, le Simia ferruginea de Shaw, le Colobus ferruginosus d'E. Geoffroy et le Colobus Temminchu de Kuhl. Ce Colobe vit à Sierra-Leone ; son pelage, roux ferrugineux, passe au noir sur la tête, et au hrun plus ou moins foncé sur les parties supérieures du corps, ainsi que sur les membres et la queue ; ses joues sont rousses. Le Colobe f i; l i g i x k [t x (Colobus fullglnosus) que M. O'Gilby a donné comme distinct du Ferrugineux, est de la Cambie. Il est noir ardoisé ou gris, un peu bleuâtre en dessus; ses joues, ses épaules, la face ex- ^ terne de ses avant-bras, ainsi qu'une partie des bras, des jam- bes et de la queue, sont d'un roux vif; le dessous du corps est blanchâtre ou jaunâtre. Le pouce est rudimentaire, mais apparent. La seule espèce de ce genre, dont il nous reste à parler, est le Colobe vrai (Colobus vents, Van Benedon, Bulletin de l'Aca- démie de Bruxelles, T. V). Ce Singe vient aussi de la cote occi- dentale d'Afrique. Ses mains an- térieures n'ont aucun rudiment du pouce; son pelage est assez court, olivâtre en dessus et sur les cotés, plus gris en dessous et sur les membres ; sa queue est fort longue; il n'a ni camail ni poils longs sur le dos ; sa queue est aussi longue que celle des autres Colobes, mais ses propor- tions semblent moins élancées, el il est un peu moins grand. ode viiu, 1.8 di* ?imii«r s Di (iniYLT, grand. r.;.l. FW11LLE J > I : S SINCES. 67 égale à colle du tronc. Ce dernier conserve une certaine élégance dans ses proportions, et tandis que les espèces dont nous venons de terminer l'histoire ont la queue plus ou moins tombante, les (iuenons tiennent la leur redressée le plus souvent au-dessus du dos. Us ont la face encore plus allongée, mais pourvue latéralement d'abajoues très-prononcées, et dans les- quelles ils amassent une partie de la nourriture à mesure qu'ils la recueillent ou qu'on la leur donne. Us ne manquent pas d'intelligence, mais ils sont très-remuants et même fort turbu- lents , défaut qui ne fait qu'augmenter avec l'âge. Leurs canines prennent un allongement considérable , surtout chez les mâles, et leurs dents molaires, au lieu d'avoir la couronne surmontée de petites collines transverses , résultant de la jonction des tubercules deux par deux , ont ces tubercules émoussés et distincts , et ceux de la dernière dent inférieure ne sont jamais au nombre de plus de quatre. Les Cercopithé- ciens ont , comme les Semno- pithéciens et tous les Singes qui suivent, le sternum étroit, au lieu d'être élargi à la manière de celui des Anthropomorphes; le bord supérieur de leur orbite n'a pas le crochet interne du frontal distinct ; leurs vertèbres lombaires sont au nombre de sept, comme dans la section précédente et dans celles qui suivent , tandis qu'il n'y en a que quatre chez les Singes du premier groupe. Us ne constituent qu'un seul grand genre dont , comme nous allons le montrer, toutes les espèces sont africaines. Ce genre a conservé en propre le nom de CcrcopWwcus , qui est emprunté aux anciens, mais auquel on donne aujourd'hui un sens différent de celui qu'il avait autrefois. GKjNUK CERCOPITHÈQUE (CcrcopWwcus, Erxleben). Sous ce nom, qui signifie PUhùques à queue , et que l'on trouve employé par les anciens pour une espèce qui n'a pu encore être reconnue exactement, on réunit maintenant les Singes de l'ancien continent, qui ont la tète arrondie ou peu allongée, les oreilles non appointies, le museau médiocrement saillant, des abajoues, enfin des formes gracieuses et légères, sans être grêles ; le pouce de leurs mains antérieures est bien prononcé, et leur queue est longue, sans égaler celle des Semnopithèques ou des Colobes, dont elle diffère aussi parce que l'animal la redresse au- dessus de son corps. Il faut ajouter à ces caractères que les Cercopithèques ont les deux incisives supérieures du milieu habituellement plus larges que les autres et que leurs canines supérieures prennent, comme nous l'avons déjà vu, un allongement considérable, dispo- sition qui les rend souvent très-dangereux. On connaît maintenant près d'une trentaine d'espèces de Cercopithèques, toutes appartenant au continent africain. Ces Animaux sont intelligents, mais la mobilité de leur caractère est extrême, et, quoiqu'ils soient assez doux lorsqu'ils sont jeunes , ils sont souvent aussi peu éducables que les [Macaques. D'ailleurs, ils n'ont pas tous les mêmes aptitudes, et s'il en est qui conservent plus de gentillesse que les autres, on ne saurait trop se défier de quelques- uns d'entre eux, qui, avec l'âge, et surtout dans le sexe mâle, prennent un caractère tout autre que celui qu'ils avaient d'abord, et essentiellement différent de celui des Singes américains. Une extrême défiance remplace alors la gentillesse dont ils avaient fait preuve; à la confiance succède la méchanceté, et bientôt ils deviennent aussi intraitables que des Animaux féroces. Cependant les femelle* conservent toujours une douceur plus ou moins Stkkm m j-rniml. 68 ORDRE DES PRIMATES. grande, et même de la timidité. La vivacité de ces Animaux dans les ménageries où on les retient captifs peut nous donner une idée de leur pétulance lorsqu'ils sont en liberté. Dans les immenses forêts qu'ils habitent en Afrique, ils sont presque constamment sur les arbres, grimpant avec facilité jusqu'à leur cime, et s'élancent aisément de l'un à l'autre. On les rencontre par troupes. Ils se nourrissent de fruits, et, lorsque l'occasion s'en présente, ils entrent dans les terrains cultivés, et ne tardent pas à y commettre des dégâts considérables, surtout lorsque c'est l'époque de la récolte. On affirme qu'ils mettent à cette maraude la plus grande prudence, et que les plus âgés, placés en arrière ou en avant de la bande qu'ils con- duisent, veillent à sa sûreté, s'exposent les premiers aux coups de l'ennemi lorsque le danger est pressant, et assurent ainsi la retraite.1 lorsqu'elle devient nécessaire. On dit aussi qu'à leur arrivée sur le lieu du pillage, les Cercopithèques et d'autres espèces de Singes ont bien soin d'établir d'abord des sentinelles sur les points les plus élevés, afin d'être avertis à temps , et que les fruits qu'ils recherchent sont jetés par les individus qui les arrachent ou les ramassent à ceux dont ils sont le plus rapprochés. Ces derniers, ajoute-t- on, les font à leur tour passer à leurs voisins, et ainsi de suite, de main en main, de telle sorte qu'en peu de temps les fruits de toute une plantation sont tombés en leur pouvoir. Le Talapoin, et, après lui, la Mono, l'Ascagne, la Diane, le Moustac, le Hocheur, lo Blanc-nez, sont les Cercopithèques qui ont le caractère le plus doux, et qui se montrent les plus traitables en captivité, même lorsqu'ils sont devenus adultes, Les autres le sont beaucoup moins, et cette différence d'aptitudes est en rapport avec une plus grande force physique, et en même temps avec un moindre développement de la partie frontale de leur cerveau ou un allongement plus grand des canines supérieures. Tels sont, eu particulier, le Malbrouck, le Crivet, le Callitriche, le Patas et le Nisnas. Ce sont là autant de particularités qui doivent être prises en considération, lorsqu'on veut établir la série naturelle des espèces de ce genre. Celles dont le museau cM un peu plus long et qui ont les formes plus trapues se rapprochent assez des Macaques par leurs habitudes et même par leur structure. « Comme eux, dit M. ls. (ieoffroy, mais non toutefoN au même (W^v, ces Cercopithèques sont, dans l'âge adulte, d'une méchanceté qu'il est fort difficile de vaincre. Les caresses et les bons traitements n'ont que peu de pouvoir sur eux pour les adoucir, et la crainte du châtiment , toute puissante dans le moment, est bientôt oubliée. Nous ne connaissons guère qu'un moyen de dompter rapidement uu Cercopithèque adulte, c'est la section de ses énormes canines, aussi longues à elles seules que la série des dents d'un coté, et dont les supérieures sont tranchantes en arrière, à l'égal d'une lame de couteau; armes terribles à l'aide desquelles ces Singes fout de pro- fondes plaies, et parfois causent des hémorragies artérielles d'une extrême gravité. Lue fois désarmé, un Cercopithèque change immédiatement de naturel : il a la conscience de sa faiblesse, et, loin d'attaquer, il évite ceux qu'il poursuivait naguère. » C'est dans le groupe des Cueuons que rentrent les Singes dont le pelage est le plus vive- ment et le plus élégamment coloré. Ln grand nombre d'entre eux ne le cèdent pas, sous ce rapport, au Doue lui-même, et l'on apporte quelquefois d'Afrique, principalement de la cè>te occidentale, des peaux de Cuenons qui sont employées comme fourrures : le roux éclatant, le verdàtre, le fauve, le jaune, le blanc s'y marient fréquemment aux nuances noires, grises ou gris tiqueté dont leur robe est parée. Leurs poils prennent aussi par (Mi- droits, et principalement aux joues ou au menton , un développement plus ou moins consi- dérable.- Ces variations et celles des couleurs constituent autant de caractères utilement uMi du (j m \ kt, 2/5 de grand FAMILLE DES SI Mi ES. 69 employés par les naturalistes à la distinction des espèces. D'autres Guenons portent une tàcho blanche ou noire sur le nez, une bande blanche sur le front ou d'autres signes également susceptibles de servir à les caractériser. Le Muséum de Paris ne possède pas encore toutes les espèces connues dans ce groupe, mais il en a déjà réuni le plus grand nombre, et plu- sieurs d'entre elles ont été vues vivantes à la Ménagerie ou s'y voient encore. MM. O'Gilby, Waterhouse et (iray en ont décrit plusieurs qu'on ne possède encore qu'à Londres, et M. Peters, après son voyage sur la côte Mozambique, en a rapporté au Musée de Berlin trois autres encore qu'il nomme Cevcopithccus evylhvacus , ochvaccus et flaoidus. Nous devons également citer le Cercopitlœcus albo gui avis de M. Sykes, que Ton avait d'abord rangé parmi les Somnopithèques, et que Ton avait supposé, mais sans plus de motifs, avoir pour patrie l'île de Madagascar, quoique ce pays n'ait fourni jusqu'à ce jour aucune espèce de la famille des Singes. Les Guenons sont au nombre des Animaux étrangers à nos climats que l'on est parvenu à l'aire reproduire dans les ménageries européennes, et, en particulier, dans celle de Paris. Dans plusieurs ouvrages, on a figuré, d'après un vélin du Muséum, une femelle avec le petit qu'elle a mis bas dans les conditions que nous venons d'indiquer. Cette1 même femelle a produit trois fois, et l'un de ses petits a pu être élevé. Comme le font aussi les Macaques et les Cynocéphales, elle le portait constamment pendu après elle, et elle le soutenait dans une position telle qu'appliqué ventre à ventre contre elle, il avait la bouche tout près de l'un de ses mamelons. Plus tard, au contraire, ce petit savait se tenir lui-même à sa mère en s'aecro- chant à son pelage à l'aide de ses quatre mains. Elle semblait alors ne plus s'en occuper; elle sautait avec la même agilité que si elle avait été entièrement débarrassée de son fardeau et en conservant la même aisance que si elle ne l'eut jamais porté. Le mâle, loin de partager avec la femelle l'éducation du petit, était fort indifférent pour l'une et pour l'autre, et parfois il leur cherchait querelle ou même il les maltraitait. Aussi fut-on obligé de l'isoler. M. 1s. Geoffroy, qui a recueilli ces détails, rapporte aussi le fait suivant : « Par un con- traste remarquable et qui intéressait vivement les visiteurs, on voyait, il y a quelques années (en 1837), dans Tune des loges de la Ménagerie, la femelle du Grivet, seule avec son petit, qu'il avait fallu dérober aux tracasseries et aux mauvais traitements du père; et, dans une loge immédiatement contiguë, on contemplait avec un vif intérêt plusieurs Cynocéphales Papiows et un Cynocéphale Chacma , entourant deux femelles et leurs deux petits, caressant les deux mères avec les plus vives démonstrations de tendresse, les serrant entre leurs bras, les embrassant presque à la manière humaine, et se disputant le plaisir de porter les petits, qui, après avoir passé de bras en bras, étaient fidèlement rendus chacun à sa véritable mère. » Nous avons déjà dit que le nom de Guenons s'appliquait à ces Singes presque à l'exclusion de tous les autres. Le mot Gnome, serait, suivant les étymologistes , la racine du mot Guenon, que, dans le langage figuré, on emploie souvent pour signifier une face laide, grimacière et grippée. En effet, les Vnimaux qui portent cette dénomination sont souvent grimaciers à l'excès; presque tous sont également sales, et leur caractère est irascible et querelleur. Us sont fort gourmands et très-voleurs. On doit même éviter de les irriter trop fortement, car, au dire de certaines personnes, leur rancune pour les mauvais traitements se prolongerait souvent pendant des années entières. On sait aussi que le plus souvent ils ne font pas attendre leur vengeance, et qu'un bon coup de croc châtie la main imprudente qui a voulu les contrarier, quelquefois même les caresser. Mais tous ne sont pas aussi méchants, et il y a plusieurs catégories parmi eux. Les Cercopithèques, que l'on place les derniers dans la série des espèces de ce genre, sont aussi les plus grossiers et les plus à craindre. Les premiers sont, au contraire, plus caressants, et ils ont en même temps plus de délicatesse dans les foi mes. Sous ces diiïéienls rappoils, les premières espèces de Guenons ont plus d'analogie a^oe les Cébien.-V. 70 OUI) HE DES PRIMATES, Voici la liste de ces petites sections : Le Talapoin commence; la Mono vient ensuite, puis la Diane et quelques espèces voisines; le Grivet, le Callitiïche et plusieurs autres forment le groupe suivant; et les derniers sont le Patas et le Nisnas, qui ont déjà une analogie notable avec les Mangabeys, des Animaux du même groupe que les Macaques. Les Mangabeys ont été fort souvent réunis par les auteurs aux véritables Guenons , mais ils s'en distinguent par plusieurs caractères, et prin- cipalement par la présence d'un cinquième tubercule à leur dernière dent molaire inférieure; et, sous ce rapport, comme sous plusieurs autres, on doit les associer aux Macaques. M. ls. Geoffroy Saint-Hilaire a classé de la manière suivante les Guenons dont les dé- pouilles sont conservées dans les galeries du Muséum de Paris. Le Talapoin n'est pas men- tionné dans la liste que nous lui empruntons , parce qu'il forme, dans la classification de ce savant naturaliste, un genre à part, sous le nom de MiopUhèque. 1° Espèces à museau court, à forme plus scelle : 1. Le nez velu et blanc ; Cercopithèque hoche en (de Guinée), — Cercopithèque blanc nez (aussi de Guinée) ; B. Le nez n'est pas blanc, et il n'y a pas de bande sourcillière blanche : G e r c o p i t h È o u e m o u s t \ c ( de la côte occidentale d'Afrique ) . — G e n < ; o p i r h È q u e m o n o ï d e ( du même pays) — C e h c o p i t 11 è o e e a u x l è v h e s b l a n c h e s ( de Port - Natal % sur la côte orientale d'Afrique). — Cercopithèque Mone (de l'Afrique occidentale). C. Une bande frontale blanche : Cercopithèque Diane (de Guinée et de nie de Eer/iando-Po). — Cercopithèque a d i a d è m e (de Guinée) . 2° Espèces à museau un peu plus long et h formes un peu moins sveltes : A. Le pelage est vert ou teinté de vert : Cercopithèque Del al an de (de V Afrique australe). — Cercopithèque Vervet (de l'Afrique ; région encore indéterminée) . — C e r c o p i t h è q u e M a l r p» o u c k (de l'Afrique occidentale) . — C e r c o p i t h è q u e G R ï v e t ( d* Abyssin ie et de Nubie) . — C e r c o p i t h è q u e roux vert (d'Afrique; région indéterminée). — Cercopithèque C \ luit riche (de F Afrique occidentale). — Cercopithèque Werner (d'Afrique ; région indéterminée). B. A pelage d'un roux vif : C e R c o p rr h È q u e P a t \ s ( du Sénégal) . — C e R c o p i t h è q u e nisnas (de Nubie ) . AL Ls. Geoffroy a aussi donné, dans son Mémoire sur le* Singes, qui a paru dans les Archives du Mvséum et dans l'article Cercopithèques , qu'il a rédigé pour le Dictionnaire universel d'histoire naturelle, de fort bons documents relatifs aux espèces dont il vient d'être question, et à quelques autres dont nous exposerons les principaux caractères dans les alinéas suivants. Plusieurs des espèces décrites par les naturalistes anglais ou allemands manquent seuls à la collection de Paris. 1. Le Cercopithèque T vlapoin (CeicopitJiecus talapoin), dont nous parlerons d'abord, est une jolie espèce que la douceur de son caractère, son intelligence et sa taille moindre que celle des autres Singes de l'ancien continent rendent éminemment intéressante. Son pelage est verdàtre avec les parties inférieures du corps et la face interne dos membres blanches; les poils de son front sont relevés et forment une sorte de huppe large; et courte; son nez est noir, ce qui l'a fait appeler Melarliine par F. Cuvier. M. ls. Geoffroy, en tenant compte du déve- loppement cérébral qui distingue le Talapoin , de la brièveté de son museau, de l'élargissement de sa cloison internasale plus considérable que chez les autres Pithéciens, et de la petitesse de ses dernières dents molaires, dont l'inférieure n'a même que trois tubercules, l'a séparé génériquemeut des autres Guenons. Il a donné à ce nouveau genre le nom do Miopïthèque iMiopithecuS; . Diifion et Daubenton avaient publié une bonne description du Talapoin, et de F V MILLE DES SINGES. 71 Blainville a signalé cette jolie espèce comme devant prendre rang avant les autres Cerco- pithèques qu'elle surpasse presque tous en intelligence. r. o im ' u i:m( f T vi. \roiv, J/'i i \ i> k i':\ d> {La Diane de F. (htvicr.) C khc i> p i ni r ni' î \ i> ; \ !» i: m :• . I/O <]<• irrar.d. Cette Guenon a sur le front une grande tache blanche représentant un segment de cir- conférence dont la convexité est supérieure; son pelade est en grande partie noir; sou f,e partie, 10 ORDRE DES PRlMVTES. dos est tiqueté de verdàtre; ses favoris sont bien fournis mais plus courts que ceux de la Mono; son nez est blanc et ses mains sont grises ainsi r e noix- v i: n t (Cercopithecu.s vufo-ciridis , peu do poils roux sous la queue et son pelage est vert-roussatre en dessus avec du gris-ver- dàtre aux épaules et aux cuisses : il est d'Afrique, probablement de la cote occidentale. "j i i \ ut \ 1. 1 , 1/ i il»' çraml ls. Geoffroy) n'a que très- L Il T , i/o de ^nuid. im i Hi yi h Wi i;\ i r. -2/.") i|«- gniMl. Le CnncopiTiiÈQui- Wi-RM-ir. (Gerco/nU>ect/.s M'erneri , ls. Geoffroy) esl encore assez semblable aux précédents , d'un fauve roux varié de noir, ses poils étant colorés par grandes zones de ces deux couleurs. Il est dédié à M. Werner , habile artiste auquel l'iconographie zoologique doit de si jolis dessins, et qui a tant contribué à donner de l'intérêt à ce livre par les nombreuses ligures dont il l'a enrichi. FAMILLE DES SINGES. 79 Le (li-Tu:oï>miK()[ir. M alrisoit.k {CercopUlwcus cynosurus) est plus facilement incon- naissable que le Werner et ou l'a distingué plus tôt. Jîulïon jie l'a pourtant pas caractérisé très-nettement, mais il est bien décrit par Fréd. Olivier, (l'est le Slmia cynosurus et le Si mi a faunus de Linné. Il est gris-verdatro avec un bandeau blanc sur le front; ses membres et sa queue sont de couleur grise; son scrotum est d'un bleu cobalt. On l'a supposé à tort de Ken- gale, mais, quoiqu'il soit certainement africain, on ne sait pas au juste quelle partie de ce continent il habite. Fr. Cuvier a donné, au sujet de cette espèce, quelques détails intéressants qui s'appliquent également aux Cercopithèques du mémo groupe, et quo nous allons repro- duire.. Lorsque le Malbrouck est à terre il se lient toujours sur ses quatre pattes; comme il est essen - licllemeut organisé pour vivre sur les arbres et pour y grimper, sa marche n'a point d'aisance. Ses jambes de derrière étant plus longues que celles de devant, il eu résulte que la partie antérieure de son corps ne peut pas, dans ses mouvements, se conformer à ceux de la partie postérieure et que celle-ci s'avance beaucoup plus que l'autre, ce qui le force à porter alter- nativement son train de derrière à droite et à gauche, lorsqu'il veut s\uancer lentement, ou a s'élancer par sauts lorsqu'il veut courir. Cette conformation, si peu favorable pour un Animal destiné à vivre à terre, l'est beaucoup au contraire pour ceux qui doivent se tenir sur les arbres ; l'excédant de la longueur des jambes de derrière sur celles de devant ne nuit point pour grimper, il donne au contraire le moyen de s'élancer de branche en branche, et même d'un arbre à l'autre ; aussi ces Singes descendent-ils rarement à terre. Réunis en troupes, ils peuplent avec les Oiseaux le ciel de verdure qui couvre les forets. La Ménagerie en a possédé un assez grand nombre de tout âge et de tout sexe : il n'est point d'Animaux plus agiles. Celui dont nous donnons la ligure s'élançait souvent de manière à faire plusieurs tours comme en volant, couché sur le côté et ne se soutenant en l'air que par l'impulsion qu'il se donnait en frappant de ses pieds les parois de sa cage. Ces Malbroucks faisaient rarement entendre leurs voix, qui ne fut jamais qu'un cri aigu et faible, ou bien en grognement sourd. Les maies dans leur jeunesse étaient assez dociles, mais dès que l'âge adulte arrivait, ils de- venaient méchants, même pour ceux qui les soignaient. Les femelles restaient plus douces et paraissaient seules susceptibles d'attachement. La circonspection est une des qualités princi- pales du caractère de cette espèce; cependant les Malbroucks sont excessivement irritables; mais, si d'un coté ils sont violemment poussés parleurs penchants, de l'autre ils calculent tous leurs mouvements avec soin ; et lorsqu'ils attaquent, c'est toujours par derrière et quand on n'est point occupé d'eux; alors ils se précipitent sur vous, vous blessent de leurs dents ou de leurs ongles, et s'élancent aussitôt pour se mettre hors de votre portée, mais sans cependant vous perdre de vue, et cela, autant pour saisir le moment favorable à une nouvelle attaque que pour se soustraire à votre vengeance. L'extrême irritabilité du Malbrouck est cause 80 ORDRE DES PRIMATES. qu'on ne peut ni l'apprivoiser complètement, ni lui faire supporter la contrainte, c'est-à-dire qu'il n'est susceptible d'aucune autre éducation que celle de la nature. Dès qu'on le violente ou qu'on veut qu'il obéisse, sa pétulance cesse, il devient triste et taciturne et bientôt après il meurt. '&&' Ces Animaux se servent de leurs mains avec beaucoup d'adresse; ce sont des organes qu'ils emploient à tout; c'est avec eux qu'ils portent ordinairement leur manger à la bourbe, qu'ils jouent , qu'ils se battent, et ils saisissent les plus petits objets entre leur index et leur pouce, malgré la brièveté de celui-ci ; lorsqu'ils mangent des fruits ou des racines, ils ont toujours soin de les peler avec leurs dents, et ils flairent tout ce qu'on leur donne à mâcher; ils boivent constamment en humant. Leurs sens sont fort bons sans cependant être délicats, et c'est de la vue qu'ils font le plus souvent usage. 4. Les dernières espèces du genre des Guenons sont les Pat as , qui comprennent le Patas véritable et le Nisnas. Leur pelage est de couleur rousse; leur face prend un allongement notable avec Yàge ; leurs canines supérieures sont fortes et longues, (les singes ont les mœurs sau- vages des Grivets et des Malbroucks; quoiqu'on les soumette parfois à une certaine édu- cation, ils sont toujours difficiles à adoucir, et lorsque tous leurs organes sont développés, ils deviennent également dangereux. Le Cercopithèque" Patas (Cercopitheciis ruber) est une des espèces que Ton amène souvent en Europe : il vient du Sénégal. Ruffon et Linné le connaissaient déjà. Plusieurs auteurs , supposant à tort que ce Singe habite aussi la Nubie, l'ont considéré comme étant le Kêpos d'Aristote, que d'autres érudits ont cru retrouver dans la Mono, et que l'on pense aujourd'hui être le Grivet ou le Nisnas. La couleur du Patas l'a fait appeler Singe rouge; elle est d'un fauve brique ou rouillé assez vif sur le dos, les flancs, les cuisses et la queue; les bras sont gris ainsi que les avant-bras; les jambes et les mains sont blanchâtres comme tout le dessous du corps; le nez est noir. Fr. Cuvier a fréquemment observé les Patas, et il a pu les comparer aux autres Cercopi- thèques; il disait, au sujet de deux Singes de cette espèce, qu'il avait possédés pendant un certain temps, que, bien que jeunes, ils étaient déjà méchants, montraient de l'emportement, FAMILLE DES SINGES. 81 avaient le caractère capricieux et l'inaffection de la plupart des Guenons, mais qu'ils jouissaient en même temps de toute la pénétration de ces Animaux. La femelle ne diffère pas du mâle par ses couleurs, et le Patas à bandeau noir n'est lui-même que le Patas ordinaire. C F. I! t'O IMTII f'OT 1- P \ r \ », 1 '|H il." Quant au Pains a bandeau blanc , Fréd. Guvier, qui en donne la description, ne décide pa s'il constitue une espèce à part ou simplement une variété. Il dit cependant que les différences qiril signale entre ce Patas et celui que nous venons de décrire, sont à peu près égales à celles qui distinguent les uns des autres le Gallitriche, le Grivet, le Malhrouck, le Vervet, etc. Il faut admettre au contraire que les Patas de Nubie ne sont pas de la même espèce que ceux du Sénégal; on les nomme Cercopithèques Xisws {CermpUhotnia pyrrïwnotu$.)e Le Nisnas a été reconnu comme différent du Pa- tas ordinaire, avec lequel on l'avait longtemps con- fondu, par MM. Uemprich et Ehrenberg, qui ont eu souvent l'occasion de l'observer pendant leur voyage dans la liante Egypte. Le second de ces natura- listes en a donné une description dans son Recueil intitulé Symbolœ physkœ , et M. Yalenciennes en a aussi publié la figure et les principaux caractères dans le grand ouvrage de Fréd. Cuvier. Le Nisnas a le nez en partie blanc tandis que celui du Patas est noir; ses épaules ainsi que la face externe de ses bras sont de la même couleur jaune rouillé que sa tête, son dos, ses flancs, ses cuisses et sa queue; un triangle généralement plus roussàtre existe sur le front. Ce Singe devient plus fort que le Patas. 11 a été connu des anciens Égyptiens, et on le trouve quelquefois représenté sur les monu- ments qu'ils ont laissés. On en voit une ligure assez reconnaissable , quoique peu différente de celle qui aurait, été faite d'après un Grivet, sur un tombeau de Mempbis. Elle a été copiée i,r pvr/nr, 1 1 (Ifiu'opithkiji'f Nisn\«5, |/.} df> gr.iml. 82 ORDRE DES PRIMATES. par Passalacqua , et, d'après lui, par MM. Ehrenborg et de Biainville. Nous la reproduisons à notre tour. Comme les Cercopithèques Nisnas qu'on amenait dans la basse Egypte ont pu passer de là en Grèce et à Rome , quelques personnes pensent maintenant que c'est leur espèce qu'Aristote et d'autres auteurs anciens ont appelée Kepos, et que c'est aussi le Cercopithèque éthiopien de Pline. Je n'oserais dire que cette version doive être définitivement acceptée, quoiqu'elle soit préférable à celle qui fait do la Moue le véritable Kêpos, et du Callitriche de Buffon le véritable Callitriche de Pline. Ce petit problème de synonymie est à la fois historique et géographique, et il est évident que si Buffon avait bien connu la patrie de son Callitriche et celle de la Mone, il n'aurait pas donné comme observés par les anciens deux Singes qui sont confinés dans une région de l'Afrique avec laquelle les Crées et les Romains n'a- vaient aucune relation. IV MACAQUES La quatrième division des Pithéciens comprend, indépendamment de r Animal auquel les anciens donnaient le nom de PUhrque , plusieurs espèces asiatiques et un petit nombre d'autres qui sont africaines. On en a fait plusieurs genres distincts; les Macaques constituent Tun de ces genres et ils ont donné leur nom à tout le groupe. Ces Singes ont à peu près l'intelli- gence et le caractère des dernières Guenons, et comme elles ils deviennent plus difficiles à domptera mesure que leur âge avance. Leur crâne , peu différent de celui des Guenons, s'en distingue cependant par une apparence plus robuste et par une épaisseur habituellement plus grande de l'arcade sourcilière, qui a le plus souvent une saillie orbitnire interne très-sail- lante; leurs molaires sont mamelonnées à peu près de la même manière que celles des Guenons, mais la dernière inférieure a tou- jours un cinquième tubercule , ce qui n'a pas lieu dans les espèces de la tribu précédente. Les Macaques ont des abajoues bien déve- loppées et dont on ne tarde pas à reconnaître la présence si on leur donne quelques ali- ments; ils n'ont plus les oreilles arrondies et bordées, mais un peu appointes à la partit1 supérieure; leurs formes , moins sveltes que celles des Semnopithèques, sont aussi moins gracieuses que celles des Guenons ; ils n'ont pas non plus la variété de couleurs qui dis- tingue la plupart de ces dernières , et leur queue, toujours moins longue que celle des Semnopithèques et des Colobes, est égale à celle des Guenons, ou au contraire moindre, quelquefois même nulle ou presque nulle exté- rieurement, i.r M \ FAMILLE DES SJ:\GES. 83 Port un peu plus lourd que celui dvs On place en général à la fin du groupe les espèces qui sont dans ce dernier cas; c'est aussi la marche que nous suivrons, mais en faisant remarquer que le Magot, qui se trouve ainsi placé après les autres, ne leur est pourtant pas inférieur en intelligence, et que peut- être la série des espèces, telle qu'on l'établit alors dans la division générique des Maca- ques, devrait être intervertie. Leurs femelles sont, comme celles des autres Singes, sujettes à un flux qui revient périodiquement tous les mois, et qui est accompagné chez elles d'une tuméfaction plus ou moins grande des organes qui eu sont le siège. Cette tuméfaction s'ob- serve aussi dans les Mangabevs, Animaux longtemps classés parmi les Guenons, dont ils ont plusieurs caractères, mais qui sont mieux placés dans la division des Macaques et du Magot. Ces Manyabcys , le Mayot et les Macaques, eux-mêmes divisés en plusieurs sous- genres, suivant la longueur de leur queue, composent le groupe des Macaciens. Nous allons décrire leurs différentes espèces. (JKNBE MANGABEY [Cercoccbus , E. Geoffroy; Guenons, mais analogue au leur; queue assez longue, également relevée au-dessus du dos : tels sont les caractères à l'aide desquels on peut distinguer les Mangabevs; leur taille est la même que celle des Guenons et de la plupait des Macaques, et, comme les premiers de ees Singes, ils ont le continent africain pour patrie. Huffon a vu deux des trois espèces que l'on connaît dans ce genre , et il les a nommées Maayubcy, parce1 qu'il croyait qu'on les trouve à Madagascar dans les terres voisines de Man- gabey ; Linné avait déjà signalé la troisième sous le nom de Si ni ta œthiops. M a n c. a b I- y É t ii i o i» s [Cercoccbus œthiops) . Sa calotte rousse est bordée de blanc en arrière et le dessus de son cou est de la même couleur que sou dos, c'est-à-dire gris-brun ainsi que la queue et la face externe des membres. On ignore quelle partie de l'Afrique ce Singe habite. Maingmîf.y a collikk blanc de Daubenton et de Fréd. Guvier (Cercoccbus collaris de MM. Gray et Isid. Geoffroy). [Voyez la trie, pay. 1J.) Les joues et les tempes, le tour du cou et la poitrine sont blancs ainsi que le ventre ; il y a une calotte rousse sur la tête ; tout le dessus du corps, la queue et la face externe des membres sont gris -brun. Daubenton, après avoir décrit le Mangabey à col- lier blanc, et fait remarquer les caractères qui le distinguent du Mangabe} enfumé, qu'il appelle le Mangabey simplement dit , ajoutait : « Ces différences ne peuvent venir que de l'âge et du sexe , et sont trop légères pour caractériser une espèce particu- lière ; il faudrait pouvoir faire des observations sur les autres parties do cet Vnimal pour mieux juger de son espèce. » Ces observations ont été faites et elles ont contredit l'opinion que le savant collaborateur de y\ k N V. \ K K \ K C 0 1. 1. I K H B L A N C , mains mitcrioure H posk'rioure, 1/2 de grand. M \ n r, \ h v. \ :i|.l.lhK RI.' 84 OKDRE DES PRIMATES. Jiuffon s'était faite du Mangabey à collier, sans toutefois détruire ce qu'il avait dit au sujel de la grande affinité qui rapproche cette espèce de la suivante, Le M vng \bk\ bflmî (Ccrcoccbuv fidiginosus, E. Geoffroy), dont il est surtout question dans le travail de Buffoii et de Daubenton, n'a pas de roux sur la tète, qui est d'un gris enfumé ainsi que tout le dessus du corps, la queue et la face externe des membres. Son menton, ses joues, les cotés et le dessous de son cou sont blancs, ainsi que la poitrine et le ventre. Fr. Cuvier a parlé de cette espèce sous le nom de Mangabey. « Nous avons vu, dit-il, un très-grand nombre de ces Singes, et nous en avons possédé plusieurs; et, soit hasard, soit qu'en effet ils aient un naturel plus heureux que les autres, nous n'en avons pas rencontré un seul qui ne fut familier et doux, malgré la plus grande pétulance; et, à cet égard même, ils m'ont paru surpasser la plupart des Guenons; sans cesse en action, ils prenaient toutes les attitudes, et souvent les plus grotesques; on les aurait dit, à la variété et à la vivacité de leurs mouvements , pourvus d'un plus grand nombre d'articulations (pie les autres Gue- nons et de plus de force ; c'étaient surtout les mâles qui se faisaient remarquer, et ils mêlaient constamment à leurs sauts une grimace particulière, qui montrait leurs incisives, toujours très-larges, et qui ressemblait a une sorte de rire. Les femelles, plus calmes, étaient aussi plus caressantes. » Dans son catalogue des Primates du Muséum, M. Is. Geoffroy regarde comme étant sans doute un Mangabey enfumé, le Singe albinos, qui est décrit et figuré par Audebert sous le nom (YAtfjs. Précédemment il avait cru y reconnaître un Semnopithè<]iie doré; M. Ogilby en avait fait un Khésus et Fischer un Macaque ordinaire. Il est probable (pie l'exemplaire type de cet Atys , que Ton conserve au Muséum , est le même que Seba avait figuré dans son ouvrage sous le nom de Grand Singe blanc. L'examen de son crâne permettrait de résoudre les dif- ficultés 1 * L A y l i. I) K H . II On distingue facilement les Macaques de Huffon à leur pelage assez court, brun olivâtre tiqueté de noir sur la tête et le corps, plus gris sur les membres et noirâtre sur la queue. On les amène communément dans nos contrées. Comme ils sont robustes sans être gros, ils supportent plus ou moins longtemps les rigueurs de nos hivers, et les corrections qu'on leur administre pour les rendre plus obéissants n'altèrent pas sensiblement leur santé. Cependant ils périssent eu général avant la vieillesses souvent même avant d'être devenus adultes. Les Singes de cette espèce, et presque tous ceux que l'on amène dans nos climats, succom- bent à des maladies de poitrine. Quelques-uns résistent cependant à l'humidité ou au froid , et, plus vigoureux que les autres ou moins impressionnables et mieux soignés, ils peuvei.l être conservés plus longtemps hors de leur pays. Quelques Macaques ont produit en captivité; ils n'ont eu, comme les autres Singes de l'an- cien continent, qu'un seul petit à chaque portée. On a obtenu le Mélis du Macaque ordinaire et du .Macaque Iîonnet-Chinois, et même celui d'un .Macaque uni à une Guenon. Il esl arrivé plusieurs fois que les femelles mères n'aient pris aucun soin de leur petit, ce qu'il faut san> V UIILLM DKS SlNT.KS. 87 doute attribuer aux changements considérables que Ja captivité , lorsqu'elle n'a pas été poussée jusqu'à la véritable domestication, apporte dans les sentiments des Animaux qui y sont assujettis. D'autres fois elles leur ont voué une affection illimitée. Pendant les premières semaines, le jeune Macaque reste accroché à leur corps, tenant l'une ou l'autre des tétines entre ses lèvres, et ne remuant pour ainsi dire que les yeux, qu'il dirige avec curiosité dans tous les sens. Plus tard, la mère le laisse marcher; mais, tant qu'il n'est pas assez fort, elle ne lui permet point de s'éloigner, et au moindre signe d'inquiétude, elle le reprend et se dispose à l'emmener. La démarche de ces Animaux à terre est assez différente de celle des Guenons, et comme leurs membres sont mieux proportionnés, ils ont aussi les mouvements moins roides et moins saccadés. En les voyant gambader dans les ménageries, on reconnaît qu'à l'état de liberté ils doivent se tenir moins souvent sur les arbres que les vraies Guenons. C'est d'ailleurs ce (pie confirment les récits des voyageurs, qui disent avoir le plus souvent rencontré ces Ani- maux et leurs congénères dans les lieux rocailleux, sur les petites montagnes, ou même à une plus grande hauteur, sur les montagnes de l'Inde. Le Macaque de Buffon habite le continent indien et plusieurs des îles de la Sonde ou des Moluques. Les naturalistes hollandais ont constaté sa présence à Java, à Sumatra, à Banka , à Bornéo, à Gélèbes et à Timor. On assure que des Singes de cette espèce se sont natu- ralisés à l'île de France (île Maurice), ot l'on, distingue parmi ceux de l'Inde ou des îles indiennes, que Ton conserve dans les collections publiques ou que l'on voit journellement, plusieurs variétés de taille, de teinte générale ou de figure. Mais il est encore impossible de dire s'il y a parmi ces différents Macaques plusieurs espèces, et quelle est au juste la valeur «les caractères qui les distinguent de celles plus ou moins voisines que Fréd. Guvier, M. Is. Geoffroy- Saint-Hilaire et divers autres naturalistes séparent du Macaque ordinaire. On a décrit les deux suivantes comme étant particulières : M vc vou; nor \ no iu:: ( Vacants aurais, Js. Geoffroy) , du Bengale et de Sumatra. Son pelage est d'un fauve roux, composé de poils onduleux et striés; ses membres sont gris clair à leur face externe; de longs poils couvrent ses joues ainsi que les parties latérales de sa tète. r v u r i; « o y \ ikirk | /:.{ ,> pmnd. M \ i - K n y V. A FAT r NOIIiF, 1/:} ({c uffon \ \l\. F \ MILLE DES SINGES. 89 do l'Inde continentale, et si on le trouve aussi à l'état de liberté à l'Ile de France , c'est qu'il y a été importé depuis l'occupation de cette île par les Européens. C'est le Toque de plusieurs naturalistes, et, en particulier, de Fréd. Cu\ïer. Ses caractères consistent non-seulement dans les poils rayonnants à peu près comme les rayons d'un cercle qui exis- tent au-dessus de sa tète, mais aussi dans la nudité de son front et dans sa face également nue, allongée et ridée. La couleur de ce Singe est en grande partie gris verd titre ; son poil est soyeux. On l'a aussi nommé Marnais radiatus. On le rencontre sur la côte de Coromandel et au Malabar. In autre Singe voisin de celui-ci, et dont il est fait mention dans les Suppléments de Buffon sous le nom de Guenon couronnée, est appelé Macaque cochonné (Macacus pileatus) par M. ls. Geoffroy. On lui a quelquefois transporté, mais a tort, le nom de Bonnet- Chinois, quoiqu'il ne réponde pas à l'espèce ainsi nommée par Buffon. Il a aussi les poils du dessus de la tète divergents; son corps est d'un brun roux vif plus ou moins doré, sur la tète, le corps et la face externe des membres. Cet Animal est plus rare que le précédent, dont il ne diffère pas notablement par ses habitudes. Il reste quelque doute sur sa véritable patrie. 2° Espèces à queue moins longue que la moitié du corps et rien égalant guère que le tiers. Macaque Olandekou (Macacus Silenus). C'est encore une espèce dont Buffon et Daubenton ont fait connaître les caractères avec soin, et dont ils ont donné la figure. Comme elle a des caractères extérieurs fort tranchés, il est facile de la reconnaître dans les indica- tions relatives aux Singes qui ont été laissées par plusieurs auteurs plus anciens. On l'a aussi décrite depuis d'une manière très-exacte, et elle est aujourd'hui fort bien connue. Le mot Onanderou a été imaginé par Buffon ; il l'a tiré de Wendrru , qui est, dit-il , le nom de cet Animal à Ccylan. La Ménagerie de Paris a possédé assez fréquem- ment des Ouanderous , et elle en a dû en particulier de très-beaux exemplaires à M. Dussumier. Comme tous les Singes de leur espèce, ceux-ci étaient noi- râtres sur le corps, la tète et les membres, et leur face était encadrée de longs poils gris simulant une hortc de crinière; leur ventre était gris, ainsi que la poitrine : la face était noire. On donne Ceylan comme étant principalement la patrie de l'Ouan- derou ; mais il existe aussi sur le continent , prin- cipalement dans la presqu'île de Pondichéry. C'est un des Singes qui s'avancent le plus dans le Nord , et, à certaines époques de l'année, il s'élève, dit-on, dans les Himalayas, jusqu'à la région des neiges perpétuelles. 11 paraît avoir été connu des anciens, et Ton a pensé qu'il avait été ramené pour la première fois en Europe au retour des conquêtes d'Alexandre dans l'Inde; mais il ne faut pas prendre à la lettre tout ce qu'on a dit sur les résultats heureux que cette expédition avait eus pour l'histoire naturelle, car les détails qui ont été donnés à cet égard sont souvent bien plutôt du domaine du roman que de celui de l'histoire. Ctésias avait déjà parlé de Singes de l'Inde appartenant à une autre espèce que son Cercopithécos. Il assurait qu'ils forment « une nation d'Hommes, habitant les montagnes de l'Inde, ayant une tète de Chien, des dents plus longues I,e PAHTIK. 12 M \ c x g 0 r \ Ni) r rt o r, 1/1 de pr.irul. 90 ORDRE DES PRIMATES. que chez ces Animaux, des ongles comme eux, mais plus longs et plus arrondis, de couleur noire, se vêtant de peaux des Animaux signalés par les an- ciens comme de quelques étymolo- gies un peu trop forcées que tout le monde connaît; il faut beaucoup aider à l'interprétation pour admet- tre les rapports qu'elles supposent. Celle qui réunit les Calystres et les Otianderous dans la même espèce de Singe a peut-être raison , mais son évidence laisse certainement quelque chose à désirer. Que dire de l'opi- nion des auteurs qui ont admis que ces Cynocéphales ou Calystres étaient de vrais parias arrivés au dernier point de la dégradation humaine, et de celle de Malte -Brun, qui s'est demandé sérieusement s'ils ne con- stituaient pas la souche des nègres océaniens? Belin de Ballu avait cru, au contraire, qu'ils étaient de l'es- pèce des Orangs-Outans; mais l'ab- sence de queue chez ces derniers et réloigncment des deux îles qu'ils habitent montrent suffisamment le contraire. Il est donc plus simple iVon revenir à l'Ouanderou; mais encore nV*l-co que par induction que nous admettrons identité avec le Calystra, rien n'étant démontré à cet égard. Les conquêtes d'Alexandre dans l'Inde procurèrent sans doute des Singes et d'autres Animaux aux médecins attachés à son armée; cependant il paraît bien certain que les ren- seignements qui furent alors recueillis restèrent, quoiqu'on en ait dit, inconnus à Aristote. En effet, celui-ci ne parle que du Pithèque, du Kêbos, du Cynocéphalos et du Clioeropithécos, c'est-à-dire des Singes propres au nord de 1' Vfriquo. Il est vrai qu'il est question de Singes dans le XIXe livre du Roman d'Alexandre ; mais cet ouvrage, qui prétend donner le nV.it des expéditions du roi de Macédoine, et qui a la prétention de nous apprendre ce qu'il a fait, est entièrement apocryphe; nous ne le citerons donc que pour faire voir avec quelle défiance il faut consulter certains des documents qu'on attribue aux anciens. En parlant des proprlelez des lestes qui ont war/ttitude , force et pouvoir en leur Imdalitct, le traducteur du Pseudo-Callisthène dit quelques mots des Satyres, «qui ont corps d'Hommes, vont droitz comme Hommes, branslans leurs testes telles quils les ont. » Puis il ajoute : <( De ces bestes cy en fit praudre Alixandre V ou VI cens, que jeunes, que vieuls, de moyen eage et de toutes sortes, masles et femelles et de petits, comme petits enffans, qui grognaient comme Pourceaux, comme Chiens, comme Marmolz, qui avaient de petites mains comme Cynges, qui semblaient à petits enffans tant beaux que rnervielles. De ces petits plusieurs en envoya Alixandre aux dames de Perse, aux dames de Macédono , singulièrement à sa mère, des plus beaux, pour la tenir toujours joyeuse, avec autres satires, grans et moyens y\ v c k> y y 0 y * n d v. \ 1/12 do fïi-.-.ni. son FAMILLE DES SINGES. 91 de diverses sortes et eontrcffaites. » Mais c'est là le Roman des conquêtes d'Alexandre, et point du tout leur histoire, faite sur des documents authentiques, et pourtant certains auteurs anciens ont rapporté des fables analogues. Les personnes qui voudraient connaître ce que l'on sait relativement à l'origine de ce roman bizarre devront recourir a l'intéressant ouvrage que M. Berger de Xivrey a publié, en 1836, sous le titre de Traditions tératologiques. Un compilateur grec du commencement du troisième siècle, Elien, a réuni dans son ouvrage sur la Nature des Animaux des détails d'autant plus précieux qu'ils sont souvent tirés d'au- teurs qui ne nous sont pas parvenus ; il a donné sur les Singes de l'Inde des renseignements dont quelques-uns paraissent s'appliquer assez bien à rOuanderou. Il parle, en effet, de Singes vivant dans le Prase indien, qui ont la chevelure et la barbe blanches, tout le reste du corps noir et la queue (qu'il dit à tort longue de cinq coudées) terminée par un flocon de poils. Elien parle aussi des Singes que rencontra l'armée d'Alexandre, et il raconte à leur sujet, ce que Ton a souvent répété, qu'ils étaient en si grande abondance que les soldats crurent un moment (pie c'était l'armée ennemie. (l'est ce Singe du Prase indien que Strabon appelle Kercopithecos. S'il était sûrement de la même espèce que celui de Ctésias, ce serait à tort qu'on aurait vu dans ce dernier un Somnopithèque; mais cela ne changerait rien à ce que nous avons dit sur la patrie probable du Singe à longue queue de Ctésias, l'Ouanderou existant aussi à Ceylan. Le M. y caque rhésus (Macacus erythrœus) répond aux Macaque à queue courte de Buffon (nommé Simia erythrœa par Schreber) et au Patas à queue courte du même auteur. C'est un Singe plus fort que le Macaque ordinaire et que l'Ouanderou. 11 a quelque analogie dans les couleurs avec le Magot, mais sa queue est presque» aussi longue (pie celle de l'Ouanderou. Il n'a pas de crinière, et son pelage est tiqueté, caractères auxquels il faut ajouter que la partie nue de ses fesses se colore vivement en rouge, principalement à cor- laines époques. C'est encore un Animal de l'Inde continentale. M \ <: \ n ; v n m k^ r > muf, 1 i'i I V. I H S I \j\:\ .!<• nr.-.ml. L'irsin a été découvert en Cochinchiue par M. Diard. F. Guvier n'a connu son Macacus waurus que par un dessin que lui avait envoyé Jkivaucel, qui voyageait avec M. Diard. Le Macaque a face iuhice {Macacus speciosus) , dont on doit la première description à Fréd. Guvier, n'habite pas l'Inde comme on l'avait cru d'abord, mais le Japon. MM. Tem- minck et Schlegel en ont plus récemment donné une bonne description et de nouvelles figures, d'après des exemplaires rapportés de ce pays par le savant voyageur hollandais, M. de Siebold. La face de ce Singe et les autres parties nues de sou corps sont d'un rouge clair, un peu rosé; ses poils sont très-doux, très-tins, et à peu près bruns-verdàtrcs ; c'est la seule espèce de Singe qui vive.au Japon, et en même temps la plus éloignée des localités habitées par les autres Macaques. 94 ORDRE DES PRIMATES, 1/lu il.- nr.uul Los Macaques à lace rouge ressemblent au Magot , et Mirtout à H rsiu par fextrc me bne\elé do leur queue. Les bateleurs japonais les élèvent et leur apprennent, comme ou le t'ait en Europe pour les Macaques ordinaires, certains tours qu'ils exécutent avec assez d'intelligence. Gkmik MAGOT (Pillwnts des anciens). Le Magot e*t un Singe assez difiicile à bien classer, mais qui paraît cependant être plus voisin des Macaques à queue rudimentaire que d'aucun autre groupe. 11 a les formes trapues de ces Animaux et leur démarche lorsqu'il pose sur le sol par ses quatre extrémités; ses habitudes diffèrent assez peu, et son intelligence est à peu près égale à la leur, quoique cependant elle soit supérieure sous certains rapports. Commet Macaques, il est doux et susceptible d'éducation lorsqu'il est jeune, mais il devient obstiné, hardi et méchant lorsqu'il a atteint l'Age adulte, et on est bientôt obligé de le v ^ tenir enfermé ou de l'attacher avec une forte chaîne. Sa force , qui s'est alors considéra- blement accrue, est mise par lui au service de ses mauvaises passions, et il semble que l'étroite captivité dans laquelle il faut alors le retenir ne fasse qu'exagérer encore ses dispositions vicieuses. 11 diffère organiquement des Macaques en ce qu'il manque entièrement de queue , n'ayant, comme l'Homme et les Singes an- thropomorphes, qu'un coccis rudimentaire» qui est caché sous la pe.iu. Jl n'a pas non im.m- im mu,«»i, s, ami n.t. plus d'échancrure orbitaire interne à la partie de l'os frontal qui recouvre l'o-il, et le cinquième, tubercule de sa dernière molaire inférieure, au lieu d'être simple, comme l'est ordinairement celui des Macaques, est subdivisé en trois par deux petits sillons latéraux. FAMILLE DES SINGES. 95 c ih\f h i. m v < - r iî v i vi m Mvcor, \ji «le prrawl. Les Singes de cette espèce vivent dans les montagnes boisées et sur les rochers dans plusieurs parties de la région barbarosque. H y en a dans la province de Constantine, dans la kabylio, dans la province d'Alger, et, dans le Maroc, à Coula; mais on n'en trouve point dans la province d'Oran, qui prend bien plutôt le caractère réellement africain que celles d' Vlger, et surtout de Constantine. Un des lieux de l'Algérie que l'on cite le plus souvent comme nourrissant des troupes de Magots, est la région du Petit-Atlas que traverse la Chiffa. Eu allant de Jjlidah à Médéah, on s'arrête habituellement dans une petite auberge située sur les bords de la rivière, dans l'une des gorges qui y aboutissent . c'est un lieu très-favorable pour observer ces animaux, car, à pou près tous les jours, il en descend un certain nombre dos montagnes avoisinantes, pour venir boire, soit au ruisseau, soit à la rivière. En face Coûta, de l'autre côté du détroit, et par conséquent sur la pointe la plus avancée de la péninsule espagnole, il y a aussi dos Magots, principalement sur le rocher de Gibraltar. Les naturalistes se sont quelquefois demandé si ces Singes de Gibraltar, qui sont d'ailleurs ,..— - pou nombreux, ne provenaient pas, comme les Macaques de l'Ile-de-France, d'indi- vidus échappés à la domesticité et que Ton aurait apportés d'Afrique ; mais il paraît qu'ils existent bien naturellement sur celte partie de l'Europe, qui possède d'ailleurs en commun, avec le nord de l'Afrique, un grand nombre d'autres espèces terrestres, et en particulier des Mammifères, des Rep- tiles, dos Insectes, des Mollusques, etc. ; aussi pense-t-on que l'Espagne était jointe au continent africain avant qu'une grande ouverture établie à travers les Colonnes- d'ilercule eût fait communiquer l'Océan avec la Méditerranée. Quelques auteurs assurent même qu'il y a aussi des Magots sur d'autres montagnes de l'Andalousie et jusqu'en Grenade. A Gibraltar, ils seraient bientôt détruits si la garnison anglaise , qui occupe ce point, ne les avait pris sous sa protection. Leur chasse en est très- sévèrement interdite ; on la fait cependant quelquefois, et voici comment on s'y prend : .\ugot i.'Ai.gkktk, ry ,i,. gMn.i 96 ORDRE DES PRIMATES. on place, sur les rochers oii viennent les Magots, des calebasses dont on a rempli l'intérieur avec du vin et du pain. l;n trou, ménagé à Time des extrémités, est disposé de manière à per- mettre à l'animal d'y fourrer sa tète sans pouvoir la retirer. Pendant la nuit les Magots sont attirés par la lumière qu'on a placée auprès de ces calebasses, et lorsque l'un d'eux a voulu eu vider une, il s'en trouve coiffé sans pouvoir la retirer, et le vin qu'elle renfermait s'écoulant sur sa figure et dans ses yeux, le rend plus embarrassé encore, ce qui permet de le saisir. Le Magot était-il plus répandu autrefois dans le midi de l'Europe qu'il ne l'est aujourd'hui? c'est ce que les écrits des anciens auteurs ne nous disent pas, et, comme on n'en a nulle part encore observé de restes enfouis dans le sol , on ne peut pas répondre affirmativement à la question que nous venons de poser. On doit cependant rappeler que Procope, auteur grec du vie siècle, a écrit qu'il naissait en Corse des Singes presque semblables à l'espèce humaine, et que M. de Blainville, dans son travail sur les Singes connus des anciens, rappelle cette assertion sans la contredire. Aucun autre document n'a été recueilli à cet égard, et Ton n'a encore rencontré ni dans les brèches osseuses de la Corse, ni dans celles d'aucun autre point de la région méditerranéenne , une seule pièce qui puisse appuyer l'opinion que Procope a \oulu parler du Magot comme d'un Animal autrefois propre à la Corse. Quant au Singe fossile qui a été découvert dans les dépots probablement assez peu anciens de la Grèce, rien ne nous dit non plus que ce soit un Magot. Rien au contraire, le fragment de crâne qu'on en a trouvé au pied du mont Pentélicon , auprès d'Athènes, a paru à M. Wagner provenir d'un Animal intermédiaire aux Cibbons et aux Semnopithèques , et le savant professeur de Munich qui Ta décrit, en 1839, lui donne le nom de Mesopithccus penlelïcits. C'est à tort qu'on a mis fréquemment le Magot au nombre des Vnimaux de l'Egypte; les voyageurs qui ont si souvent parcouru ce pays depuis le commencement du xixe siècle ne l'y ont point rencontré. On ne le trouve pas non plus dans les parties de l'Afrique autres que dans celles où nous l'avons signalé précédemment. L'âge apporte de grands changements dans la physionomie extérieure des Magots aussi bien que dans leur caractère, et Buffon, qui a connu cette espèce en nature, qui l'a décrite et qui a joint à sa description une très-bonne étude anatomique du même Animal faite par Daubenton, consacre un article à part au Pithèrjue des anciens, qui n'est cependant que le même Animal que le Magot. Dans les Suppléments publiés, il est vrai après sa mort, par Lacépèdc, Ruffon revient sur ce sujet et figure sous le nom de PUhèque un Singe qui n'est qu'un jeune Magot. La même erreur paraît avoir été commise par Aristote, dont le Cynocéphalp n'est sans doute que l'âge adulte du Pithèque. C'est ce que l'on est conduit à penser par la lecture de ce qu'il dit lui-même : « Le Cynocéphale est tout semblable au Pithèque, seulement il est plus fort et a le museau avancé, approchant presque de celui du Chien, et c'est de là qu'on a tiré son nom; il est aussi de rweurs plus féroces et il a les dents plus fortes que le Pithèque et plus ressemblantes à celle du Chien. » Le Pithèque est également cité par Galien, et, comme il le rapporte, c'est ce Singe que le célèbre médecin de Pergame a disséqué et sur l'étude duquel il a écrit son anatomie. On sait qu'anciennement, soit à l'époque d'ilippocrate, soit à celle de Galien ou même après, il était défendu de chercher à connaître l'Homme vivant par l'observation de l'Homme mort; aussi les médecins n'ont-ils eu pendant longtemps d'autres notions anatomiques que celles qu'ils avaient tirées de l'observation des Animaux. De toutes les espèces que l'on connaissait anciennement et que Ton pouvait employer avec quelque succès pour se faire une idée de la structure humaine, le Pithèque ou Magot était sans contredit la plus favorable; Galien ne manqua pas d'eu profiter. Il rappelle qu'il avait vu les quelques os humains que l'on montrait dans l'école d'Alexandrie lorsqu'il s'y était rendu pour se fortifier dans ses études; il raconte aussi qu'il eut un jour l'occasion de faire des observations analogues sur le cadavre presque entièrement décharné d'un voleur qu'on avait tué à peu de distance de Rome et qui était resté sur la grande route privé de 1WAÏ1LLF DFS SI\GFS. 97 sépulture; puis, il ajouta qu.j ceux qui n'auront pas de pareilles occasions devront étudier, comme il l'a fait lui-même, l'anatomie du Pithèque. La lecture de son ouvrage prouve d'ail- leurs qu'il n'a presque rien vu sur l'Homme, car beaucoup des détails très-circonstanciés dans lesquels il entre sont contraires à ce que l'on voit dans l'espèce humaine, tandis qu'ils sont conformes à ce que l'on ob- serve dans le Magot. Après Galien, la science anatomique resta longtemps statioimairc, et, jusqu'à l'époque de la renaissance, son ana- tomie, presque entièrement faite d'après le Pithèque, fut même prise par les médecins pour celle de l'Homme, quoique ce qu'il dil du larynx, du sternum, de l'os intermédiaire aux deux rangées du carpe, de certains muscles, de la forme du cœcum , de la communication de l'appareil nasal avec le crâne, etc., etc., ne concorde point du tout cimt i.t mk\mimm, im- Mvr.or, ur.:iui n..:. avec ce que l'on voit dans notre espèce. La cour de Rome maintint l'interdiction que les anciens législateurs avaient portée contre la dissection du corps humain. Cependant, au xiiie siècle, on reconnut l'utilité- de mieux savoir l'anatomie. L'empereur Frédéric 11, roi des Romains et des Deux-Siciles, qui eut d'ailleurs de longs démêlés avec le pape, défendit d'exercer la médecine à quiconque ne serait en mesure de prouver qu'il avait étudié l'anatomie sur le cadavre; et, plus tard, en 1370, les docteurs de l'Lniversité de Montpellier obtinrent de Louis d'Aragon, frère de Charles Y et gouverneur du Languedoc, la permission de disséquer chaque année le corps d'un criminel supplicié. Au x\]e siècle parut enfin l'anatomie humaine de Yésale (De Corporis Immaui fabrka), dont les descriptions et les figures contredisaient si souvent le texte de Galien. Le célèbre médecin de Philippe II n'avait pas tardé à s'apercevoir, en faisant les nombreuses recherches nécessitées par cette immortelle publication, (pie Galien n'avait pas étudié sur l'Homme lui-même, mais le plus souvent sur des Singes. Toutefois, la plupart (\q^> médecins refusèrent de se rendre à l'évidence, et quelques-uns, plus jaloux de leur confrère que désireux de connaître réel- lement la vérité, cherchèrent à démontrer que c'était Yésale qui se trompait. Le médecin d'Henri IV, Riolan , à qui son mérite personnel aurait du éviter ce petit travers, et qui avait d'ailleurs appris l'anatomie sur l'Homme et sur le Singe, se joignit à Sylvius, à Fustache et à tous ceux qui se disaient les défenseurs des anciens contre le réformateur de l'anatomie. La vérité n'en fut pas moins du coté de Yésale. Plus récemment, Pierre Camper a voulu retrouver, en se guidant par les descriptions ana- tomiques de Galien , quelles étaient les espèces de Singes que ce dernier avait connues. Le mémoire qu'il a rédigé sur ce sujet a surtout [jour but la réfutation des critiques de Yésale, publiées deux siècles avant par Fustache, célèbre anatomiste italien, qui mourut en 1570 à Rome, ou il était professeur. Fustache, comme on vient de le voir, était du nombre des savants qui soutenaient que l'anatomie donnée par Galien était bien l'anatomie de l'Homme; Camper fit voir qu'elle reposait en grande partie sur l'observation du Magot; mais il lui sembla que peut-être aussi elle s'était inspirée de la dissection de l'Orang, ce qui a été; contesté depuis par M. de Rlainville. C'est sur la description donnée par Galien de l'organe de la voix (pie Camper se fonde principalement; il ajoute cependant : « Nous verrons par la suite que les anciens n'ont absolument pas connu le Singe sans queue de Tyson (le Chimpanzé) , mais (pie Galien a probablement vu l'Orang-Ontan de Rornéo, ou plutôt que, pour examiner l'organe de la voix , il a disséqué quelque Singe d'Afrique dont l'espèce nous est encore inconnue. » Peut- j,e parti n. 13 98 • OHDHE DES PRIMATES. être dira-t-on que c'était le Gorille (jui a, comme l'Orang, d'énormes sacs laryngiens; niais nous non-; garderons bien pour notre part (remettre encore aucune opinion sur ce point. Les récits qu'on a souvent reproduits au sujet des Singes maraudeurs ont été faits aussi à propos des Magots. In botaniste français, qui avait parcouru, vers la lin du siècle dernier, une partie de l'Algérie, le savant Desfontaines, communiqua à FJuffou quelques détails à cet égard. Ces détails ont paru dans le tome VU des Suppléments à ï Histoire naturelle; ils ont assez d'intérêt pour que nous les reproduisions en partie : « Les Singes Pitbèques, dit Desfontaines , vivent en troupes dans les forêts de l'Atlas, qui avoisinent la mer, et ils sont si communs à Stora , que les arbres dos environs en sont quel- quefois couverts (ils y sont devenus bien plus rares; cependant les Arabes en prennent encore dans le pays et les amènent de temps en temps au marcbé de Philippcville, ou nous en avons vu). Ils se nourrissent de pommes de pin, de glands doux, de figues d'Inde, de melons, de pastèques, de légumes qu'ils enlèvent des jardins des Arabes, quelques soins qu'ils prennent pour écarter ces Animaux malfaisants. Pendant qu'ils commettent leurs vols, il y en a deux ou trois qui montent sur la cime des arbres et des rocbers les plus élevés, pour faire senti- nelle, et dès que ceux-ci aperçoivent quelqu'un ou qu'ils entendent quelque bruit, ils pous- sent un cri d'alerte, et aussitôt toute la troupe prend la fuite en emportant tout ce qu'ils ont pu saisir. Le Pitbèque n'a guère que deux pieds de liant lorsqu'il est droit sur ses jambes; il peut, marcher debout pendant quelque temps, mais il se soutient avec difficulté dans cette attitude, qui ne lui est pas naturelle. Sa face est presque nue, un peu allongée et ridée, ce qui lui donne toujours un air vieux. Il a vingt-deux dents (l'adulte en a trente-deux comme l'Homme et les autres Singes Pithéciens). Celui de tous les Singes avec lequel le Pitbèque a le plus de rapports est le Magot, dont il diffère cependant par des caractères si tranchés, qu'il parait bien former une espèce distincte. Le Magot est plus grand. Les dents canines su- périeures du Magot sont allongées comme des crocs de Chiens; celles du Pitbèque sont courtes et à peu près semblables à celles de l'Homme (ce ne sont là que des conséquences de la différence d'Age, et le Pitbèque de Desfontaines, au lieu d'être une espèce particulière, n'est que le jeune de son Magot). Le Pitbèque a des mœurs plus douces, plus sociables (pie le Ma- got. Celui-ci conserve toujours, dans l'état de domesticité, un caractère méchant et féroce; le Pitbèque, au contraire, s'apprivoise et devient familier » (cette douceur dépend encore de l'âge). Un Pitbèque, c'est-à-dire un jeune Magot que Desfonlaiucs avait rapporté de son voyage, a fourni à A icq d'Azyr le sujet d'un long travail anatomique {OKuvres de Vicq d'Azyr, tome \ , page 295 à 320, et fcncyrlnpédiu niethodir/ue, 1792). L'auteur y traite successivement des os, des muscles, ainsi que des organes de la circulation, de la respiration, de la sécrétion, de la sensation, delà sensibilité, de la génération et de1 la nutrition. Plus récemment, les Singes de cette espèce sont devenus assez communs; on en a surtout reçu un grand nombre4 depuis l'occupation de l'Algérie, et tout le inonde a eu occasion de les voir en vie. C'est pourquoi nous ne nous étendrons pas davantage à leur égard. Les détails que T. Cuvier a publiés sur leur compte ont d'ailleurs été reproduits fort souvent dans les ouvrages de compilation. Les jeunes Magots aiment la société de l'Homme ou des Animaux; ils sont faciles sur le choix de la nourriture, mais ils sont toujours plus ou moins sales, quelque éducation qu'on leur ait donnée. En grandissant, ils deviennent colères , et , comme plusieurs autres Animaux de la même famille, ils expriment l'état d'irritation qui leur est habituel par des mouvements très-précipités et comme convulsifs de la mâchoire inférieure, et ils les accompagnent d'un fort claquement de dents. Quand ils ne sont pas encore assez méchants pour qu'on les prive de liberté ou qu'on les isole, ils donnent quelquefois des marques d'attachement aux per- sonnes ou aux Animaux dans le voisinage desquels on les tient. Ils aiment surtout à chercher dans les cheveux de leur maître ou dans le poil des Chats, des Chiens et des autres compa- gnons qu'on leur a donnés, les moindres saletés qui s'y rencontrent, et, à mesure qu'ils les FAMILLE DES SINGES. S9 ont saisies, ils les porlent à la bouche. Ils agissent de même entre eux, et les femelles coif sacrent beaucoup de temps à épuuiller ainsi leurs petits; elles les soignent avec tendresse. Les mêmes habitudes s'observent chez les Cynocéphales et chez beaucoup d'autres Singes. On dit que les Arabes mangent avec plaisir la chair des Magots. Les anciens, comme nous l'avons vu, ont souvent parlé de cette espèce, qui est encore commune dans les parties nord de l'Afrique, qu'ils connaissaient le mieux. Strabon lève tous les doutes qui pourraient exister au sujet du Pithèque lorsqu'il nous donne l'indication de la patrie véritable de ce Singe. Il rapporte, en effet, (pie Posidonius, en allant par mer de Cadix en [talie, avait longé la Lybie (Etats barbaresques) , et qu'il avait eu l'occa- sion de voir un très-grand nombre de Pithèques dans les forets qui couvrent la cote de cette partie de l'Afrique. On le prouverait au besoin, comme l'ont fait Camper et de Mainville, par le texte do Galien. V la suite du Pithèque, c'est-à-dire du Magot, nous décrirons un Singe assez analogue à celui-ci par ses formes, mais qui vit dans un pays très-éloigné de celui oîi l'on trouve le Magot véritable; c'est le Cynopithèque nègre , que l'on peut regarder comme établissant la transition des Macaques aux Cynocéphales, < omme les Mangabeys forment celle des Macaques aux Guenons. Gk\KK CVNOPITHÈOl E [Cyuopit/iecus, ls. Geoffroy). Point de traces extérieures de queue ; face médiocrement allongée ; oreilles rondes et bordées; dentition des Cynocéphales, mais avec un développement bien moindre des canines et de la première molaire inférieure que chez les autres espèces de ce groupe4. Tels sont les principaux caractères génériques que présen- tent une curieuse espèce de Singe propre à Cé- lèbes et à quelques îles voisines. Cette espèce est entièrement noire, et sa taille est un peu inférieure à celle du Magot. Son naturel est vif, doux, intelligent, et elle semble relier encore plus intimement le^ Cynocéphales aux Ynthropomor- phes que ne le fait le Pithèque lui-même. On ne saurait cependant la séparer des premiers, et elle est peut-être une preuve qu'il faudra en reve- nir à classer les Singes comme le faisait lîuffon, c'est-à-dire à faire suivre immédiatement les espèces de la première catégorie» par les Cynocé- phales ou Pahouins , et à reléguer les Singes à queue longue après ceux qui l'ont courte ou nulle. Ce serait presque, comme on le voit, le contraire de ce que nous avons dû faire pour nous conformer à la marche généralement suivie par les naturalistes actuels. Le Singe type du genre Cynopithèque a d'abord été décrit par Desmarest dans le Sup- plément à son Traite de Mammalogie, sous le nom de Cynocéphale nkcke (Cynocephalus niger)\ il est aussi indiqué par Fréd. Cuvier dans un des articles de son Histoire des Mammifères qui ont paru à la même époque; c'est maintenant le Cynopithecus niger. D'autres auteurs rappellent Macacus niger, parce qu'il n'a pas les narines terminales des autres Cynocéphales, et qu'ils le considèrent comme une espèce du genre Macaque. Enlin, c'est aussi le Macacus mal ay anus de Desmoulins. On a vu vivants à Paris et à Londres plusieurs Cynopithèques nègres, et cette espèce a pu être disséquée. Son intestin présente» un coTiim ample» comme celui des Macaques et long de trois pouces: son gros intestin, que nous avons mesuré sur l'exemplaire qui avait été figmé e; \ n (» r it h î 1 : de u-hii.cI. i,-! 100 OltDKE DES 1MUMATES. vivant pour les vélins du Muséum, eu ISIÎS), a deux pieds huit pouces do longueu l'intestin grêle cinq pieds. MM. Quoy et (iainiard ont parlé du Cvnopithèque nègre dii partie zoologique de la première expédition de Y Astrolabe commandée par Dumont dTrville. Leur exemplaire provenait de Matchian. Il était familier et jouait avec la première personne venue sans jamais faire aucun mal. On assure que la même espèce existe aussi aux îles Su lu ou Soloo,qui forment un petit archipel entre Bornéo et Meudanao , et limitent au nord lu mer de Célèbes. M. Temminck, dans son Coup d'wil sur les possessions néerlandaise* de Vlnde , donne comme distincte du Cvnopithèque nègre, mais comme étant du même genre, une autre espèce dont le pelage est brun noirâtre au lieu d'être d'un noir intense; c'est son Papio nigreseens : ^ toutefois, ce n'est peut-être qu'une variété du précédent, et il n'en est plus fait mention dans la liste des Mammifères propres aux mêmes îles que MM. Temminck et Schlegel ont placée plus récemment en tète de l'ouvrage de M. Sa- loinon Muller. Le Cvnopithèque nègre y e^t seul indiqué sous son ancien nom de Ct/iioce- phalua nif/ei\ i\ et mu h vit : i". t...' * MM. eu<>\ nr.-u;il nr. 0 ï \r>i'i T H r. o t E NfORF, i,S do grand, rwil. FAMILLE DES SI MES. 101 CYNOCEPHALES Quoique le nom de Cynocéphale , eu grec KuvoxscpaXo;, indiquant une ressemblance avec la tête du Chien, ait été employé par Aristote pour désigner un Singe qui n'est très-proba- blement que le Magot dans un âge avancé, on s'en sert assez généralement aujourd'hui pour indiquer des Singes de l'ancien monde ayant, comme les Babouins et les Mandrilles, les narines terminales, la face très-allongée, les meeurs toujours grossières cl les goûts sordides. Ceoffroy-Saint-lFilaire et C. Cuvier avaient cependant employé la dénomination de Cyno- céphales pour désigner, dans leur nomenclature de 1705, le genre qu'on a depuis lors appelé Pithèque ou Magot (Pitliecus, Inuus, Magus). Il est vrai que l'acception donnée par Aris- tote au mot Cynocéphale n'est pas celle que lui ont conservée d'autres auteurs anciens, et que plusieurs s'en sont servi pour indiquer des espèces appartenant très-certainement au genre que l'on appelle actuellement du même nom de Cynocéphales. C'est ainsi qu'Agathar- chides, dans son livre sur la mer Bouge, et Pline, dans son Histoire naturelle, font venir les Cynocéphales et les Sphyux des parties de l'Afrique qui avoisiuent l'Egypte; ce qui s'accorde très-bien avec la patrie des Hamadryas, qui constituent Tune des espèces de la série des Cyuocéphaliens dont il a été le plus souvent question. Il est également probable que c'est à quelqu'un des Singes nommés Cynocéphales par les modernes qu'Aristote a l'ait allusion sous le nom de Chéropithèque, eu grec XoipoiriOcxoç, qui signifie Cochon-Singe, ou plutôt Singe à formes de Cochon. Ce mot convient, eu effet, sous tous les rapports, aux Cyuocé- phaliens, et de Blainville, qui a essayé de reformer la nomenclature des Singes, Ta employé pour désigner ceux dont nous allons parler, le nom de Cynocéphales prêtant à quelque con- fusion, si l'on se rappelle les diverses acceptions qu'on lui a successivement données. Les Cyuocéphaliens ou Chéropithéciens répondent aussi, à peu de chose près, aux Babouins de Buffon, et ils ont encore reçu plusieurs autres dénominations. Comme ou le voit, la synonymie de ces Animaux était loin d'être claire avant que Buffon publiât dans son Histoire naturelle les chapitres qu'il leur a consacrés, et elle s'est encore notablement compliquée depuis que ces chapitres ont paru. C'est là le mauvais coté de la nomenclature : elle traîne avec elle une quantité souvent considérable de dénominations devenues inutiles ou qu'on a appliquées de travers, et c'est au milieu de ce pêle-mêle de mots tombés en désuétude, changés dans leur signification ou diversement altérés, qu'il faut faire passer la véritable science. Aussi est-il parfois difiieile de ne pas accorder à la synonymie; plus d'importance qu'elle n'en mérite, et l'on doit également craindre, dans d'autres circonstances, de faire trop bon marché de ses exigences; dans ce dernier cas, la confusion ne tarde pas à obscurcir les résultats auxquels on croyait être arrivé. Les Cyuocéphaliens, avec lesquels on place; fréquemment le genre Cgnopilhèque décrit plus haut, ont été di visés en deux genres principaux, savoir : les Mandrilles et les Cgnocépliales, partagés eux-mêmes en plusieurs sous-genres dans les ouvrages récents de Mammalogie. Les \nimaux de ces deux genres atteignent une taille supérieure à. celle des Singes que nous avons nommés Semnopithèques, (menons et Macaques; mais ils ne deviennent pas aussi grands que les Orangs ou les (iorilles. Ils sont hauts sur jambes; leur corps est fort et leurs membres sont robustes. Chez quelques-uns, la tête se modifie encore plus avec l'âge que chez les grands Singes que nous venions de nommer, et souvent on a embrouillé leur synonymie, parce qu'on a regarde'? les jeunes comme; appartenant à d'autres espèces ejue les adultes. Les observations auxquelles ils ont donné lieu sous ce rapport montrent qu'on ne saurait plus se» servir, comme on le faisait autrefois à l'exemple de^ P. Camper, de; la mesure s (Mandrill a Mormon) répond aux Si/nia Mormon et Maimon des naturalistes linnéens et au Mandrillc de Jmffon, qui n'en a connu en nature que le jeune âge. ("est le Uofjfjo des nègres de la Cuinée. On ne l'a vu eu Europe que depuis rétablissement des Portugais sur la cote occidentale d'Urique. Comme ses caractères changent notablement avec l'Age, on a, [tendant un certain temps, considéré les jeunes comme étant d'une autre espèce que les adultes; Linné leur a donné h1 nom de Si/nia Mai/non, et Ihiffon celui de Chôma. Cette erreur paraîtra toute naturelle, si Ton examine, sur les deux âges de cette espèce, les couleurs du corps, la forme générale, et surtout la grandeur proportionnelle <|e la face et du enme, ainsi que le développement des canines. Ces diverses parties sont, en effet, très-diffé- KUIILLK DKS SINGES. 103 rentes chez ces deux sortes d' -Vnimaux , et leurs habitudes offrent une égale diversité. Autant le jeune Mandrille est doux et paraît susceptible de se perfectionner par l'éducation, autant l'adulte, et surtout le vieux mâle, est sauvage et redoutable. L'extrême prépondérance que la partie faciale de sa tête a prise sur la partie crânienne proprement dite, la vigueur extraordi- naire de ses membres, l'effrayant développement de ses dents canines supérieures, la nudité de certaines parties de son corps et la facilité avec laquelle elles s'injectent sous l'impression des sentiments impétueux qui l'animent, font du vieux Mandrille Ghoras non pas, comme on l'a dit, le moins intelligent des Singes, mais l'un des plus redoutables Animaux de cette famille. Aussi tient-on enfermés tous les individus arrivés à cet âge que l'on montre dans les foires ou dans les établissements publics. Leurs habitudes sont en général aussi révoltantes (pie leur aspect est hideux. BARËS1E. Mvmhîijik Cikmms. 1/10 rlp çr.irvl nal, dépendant leur pelage est assez élégant, et les parties nues de leur corps sont vivement eolorées; leur face, en particulier, est comme enluminée par des bandes rouges, bleues et blanches, et les rides ou sillons qu'on y remarque semblent être l'effet d'un tatouage plutôt qu'une disposition naturelle. Toutes les parties supérieures de leurs cuisses et le grand espace nu de leurs fesses sont également colorés du rouge le plus vif avec un mélange de bleu qui ne manque réellement pas d'élégance. Ces couleurs ne sont pas le résultat d'un pigmentum , comme on le voit chez beaucoup d'autres espèces; elles dépendent d'une injection toute particulière de ces parties, et elles s'affaiblissent ou s'effacent lorsque l'Animal meurt ou même lorsqu'il est seulement malade. Ce Mandrille a encore deux des rides saillantes qui se trouvent de chaque côté du nez, colorées par le bleu le plus pur, et le nez lui-même devient d'un rouge brillant lorsque l'Age adulte commence; mais, quoique ces couleurs aient beaucoup d'éclat, elles ne sont pas comparables a celles des cuisses; on en voit même se développer de semblables chez d'autres quadrupèdes et sur des points différents du corps à l'époque où ils arrivent au terme de leur accroissement, telles sont les couleurs bleues, jaunes, etc., du scrotum chez le Malbrouk, le (irivet et quelques autres. Pondant les années qui précédent le développement des canines, les Mandrilîes ont la tête large et courte et le corps assez trapu; leur face est noire avec les deux côtes ou rides 10-4 OIWHK HES PRÏM VTKft maxillaires bleues; le derrière ne montre en- core aucune couleur particulière. Dès que les canines commencent à pousser, leur corps et leurs membres s'allongent et prennent des proportions élancées , en même temps (pie la physionomie devient plus grossière par l'al- longement du museau. Alors l'extrémité du ikv. rougit , les fesses se parent de leurs vi- ves couleurs et le scrotum devient rouge. Après deux ou trois ans, les canines ont pris un accroissement considérable ; les muscles des membres se sont fort épaissis; toutes les parties du corps ont acquis de l'ampleur , principalement les postérieures , et le museau s'est développé dans les mêmes proportions ; de sorte que ce Maudrille à membres si grêles et à corps si mince, a pris des formes si tra- pues et si lourdes qu'on pourrait à cet égard le comparer à un Ours. Durant cette période, le nez devient rouge à peu près dans toute la longueur, et les brillantes couleurs des cuis- ses s'avivent, ainsi que le rouge des parties qui sont voisines de l'anus. Quant au pe- lage, il n'éprouve aucun changement impor- tant : il est généralement d'un brun verdàtre, plus clair sur la tète (pie sur le reste du corps, ce qui résulte de poils colorés, dans toute leur longueur, par des anneaux alternativement noirs et jaunes sales; derrière chaque oreille se trouve une tirhe d'un blanc grisâtre; les cotés de la bouche sont d'un blanc sale, et le menton est garni d'une barbe jaunâtre. La région postérieure du ventre est blanchâtre, mais les autres parties inférieures du corps sont brunâtres. Dans les vieux individus, les poils de la tête se relèvent quelquefois de manière à former une aiizretle ; Piris e»t d'un brun clair; les oreille* cl les mains s;>::t noire-. v i :• v x, 1/i de arar.il. naf. f'iUNE ijl Modp.ii i :■: Ciidis'as \ 1 g r \ , »rK S PIÏIM VTKS. mont la teinte verdàtre de l'Animal pour toutes les parties supérieures du corps. Dans la femelle la nuance est généralement plus pale. Le jeune nulle, qui a la tête bien moins allongée et les crêtes sourcillères encore peu développées, a les couleurs du pelage assez semblables à celles de la femelle. (le qui distingue à la pre - mi ère vue le Mandrille Leucophe du Mandrille (llioras , c'est la couleur entièrement noirâtre de sa face, qui n'acquiert ni les teintes bleues ni la rougeur terminale que nous avons si- gnalées chez celui-ci. Malheu- reusement ce» teintes changent avec la dessiccation, et les deux espèces de Mandrilles sont assez difficiles à distinguer d'après les exemplaires préparés de nos i,ul( , - lU, UTa)1(i ral collections : c'est sur le vivant qu'il faut constater leurs véritables caractères, (le Leucophe a (Tailleurs les iim-urs de sou congénère et il vit dans les mêmes régions de 1' Uriquo, ClKNRE .CYNOCÉPHALE {Cytiucvphalus). Cette dénomination est déjà employée par les auteurs de l'époque de la renaissance, et en particulier par Cessner, dans un sens analogue à celui qu'elle a de nos jours. Toutefois on attribue la distinction du genre Cynécnpbale à Hrisson, naturaliste français, qui a publié vers le milieu du siècle dernier un volume relatif aux Mammifères s >us le titre de Hryivî animal. if Ci' r \ h \, l/ll .K- gr.ind n.it. MISSING PAGE(S) MISSING PAGE(S) FAA11LLK Ï)KS SI\(iKS. (07 Tels que nous les circonscrivons ici, les Cynocéphales répondent aux Papions et Babouins t dans beaucoup d'occasions le Toth est figuré tenant ou examinant la ba- lance , au moyen de laquelle il fait la part des mauvaises et eles bonnes actious des défunts, à mesure qu'ils se présentent devant lui. Champollion , le savant traducteur des hiéro- glyphes, et M. Ehrenberg, de Herliu, qui s'était fait connaître comme voyageur naturaliste» avant de devenir célèbre par ses beaux travaux micrographiques, ont publie'1 plusieurs figures du Toth. Il v est représenté 108 ORDRE DES PRIMATES. L h Tôt ii î- c un \nt. fonctionnant comme juge suprême des âmes ; celle que nous reproduisons d'après le grand ouvrage sur l'Egypte est empruntée à l'un des temples de Phila?, île de la mer Rouge, aujourd'hui nommée Jezyret et Birbé. Sur d'autres figures le même person- nage est assis et il trace des caractères sur une tablette , à l'aide d'un bout de roseau. Le Toth est toujours reconnaissable à son long museau et à son énorme chevelure qui simule une crinière ; d'autres figures représentent le Tartarin plus jeune; telle est entre autres celle dans laquelle on le voit perché sur les épaules d'un homme, et que MM. Ehrenberg et de Blainville ont aussi reproduite dans leurs ouvrages , alors il n'a pas encore son épaisse chevelure. Ou a souvent regardé le Papion comme étant le modèle qui a servi à la plupart de ces figures, et principalement à celles que Ton suppose maintenant représenter des Hamadryas jeunes. Celles-ci ont sans doute dans les hyéroglyphes une autre signi- fication que celles des vieux Toths ou des Dieux -Juges, dont les longs poils de la tète et des épaules ressemblent si fort à des perruques, et qui ont, suivant M. Ehrenberg , servi de modèle à la coiffure de plusieurs dignitaires chez les anciens peuples. Le Tartarin est le seul Singe qui ait pu servir de .module à ces dessins, il est aussi le seul que les Egyptiens paraissaient avoir représenté. Le Papion ne prend pas avec l'âge le singulier caractère qui distingue l'Hama- dryas, et les pays qu'il habite semblent exclure l'opinion qu'il ait pu être connu des Égyptiens d'autrefois. Cette dernière détermination du Singe sacré est celle qu'a proposée M. Ehrenberg ; elle n'est pas admise par tous les savants. E. (icoffroy- Saint-Hilaire, qui avait visité l'Egypte, bien avant le naturaliste prus- sien, pensait que le Babouin avait été honoré d'un temple à llermo- polis, et M. de Blainville a attribué au Cynoccphalus Sphynx , c'est- à-dire au Papion véritable , l'ancienne figure d'un jeune Cynocéphale porté à dos d'homme que nous avons empruntée à l'ouvrage français sur l'Egypte. Toutefois, on n'a encore retrouvé parmi les momies de Cynocéphales, que l'on extrait des catacombes, aucune espèce autre que l'Hamadryas. C'est à cette espèce que l'on doit aussi attribuer, jusqu'à preuve du contraire , une partie des documents que les Grecs et les Romains nous ont laissés sur leur Cynocéphale ou Singe à tête de Chien , et les quelques mots par lesquels Aristote signale son Chœro- pithi'fjue ou Singe Cochon doivent encore être regardés comme s'appli- < {liant au même Animal. Pline parle du Cynocéphale et d'un autre Animal qu'il nomme Sphynx. A l'exemple d'Aga- tharchides, il le fait venir des bords de la mer Rouge, ce qui convient beaucoup mieux au Tartarin qu'à toute autre espèce de Cynocéphaliens. Le Cynocéphale Papion {Cynoccphalus Sphynx), que Buffon a nommé le Grand Papion, est , de toutes les espèces du même genre, celle que l'on voit le plus souvent dans nos Ménageries. Il a pour patrie les forêts du Sénégal et de quelques autres points de la côte occidentale d'Afrique. Ses poils sont assez longs, plus ou moins fournis , suivant la région du corps, et d'une couleur brun roussàtre assez généralement tiquetée, presque tous étant an- nelés de noir et de roux; les anneaux noirs dominent sur les parties foncées, et ceux de couleur rousse sur les autres. La face est noirâtre; les fesses sont plus ou moins violacées, suivant la quantité de sang dont leur peau est injectée. .1 F. ! N V. C ï N 0 f. .' 1' Il \ f. K por'i!" p ir un Kjjryp'icn. FAMILLE DES SINGES. 109 P a i- 1 o n mxi.e, l/'i de gr.ir.d. ni.t. Le Papion est un des Singes les plus intelligents. 11 a même plus de pénétration que beau- coup d'autres; aussi lui apprend-on bien des tours si l'on veut s'en donner la peine, surtout en le prenant jeune. Il est actif, remuant, fort lascif et très-gourmand, et, en lui montrant des friandises, on peut le retenir assez longtemps attentif, presque suppliant, ce qui donne le temps de bien l'examiner. L'âge n'altère pas autant le caractère de ce Singe que celui des Mandrilles ou du Chacma, et, quoiqu'il devienne assez souvent brutal , qu'il soit habituellement fort emporté, il n'est pas aussi dangereux que ces derniers. Quand on se tient de- vant sa cage et qu'on lui montre une chose qu'il désire posséder, il se met fréquemment à danser, mais sans précipitation et en tenant ses deux mains de devanl pendantes, à la ma- nière de personnes qui manquent de la grâce ou de l'habitude que com- porte le même exercice. Sa voix or- dinaire est une espèce de grognement qui rappelle assez bien celui du Co- chon; mais, dans ses moments de colère, il pousse des cris plus aigus; son agitation est alors des plus grandes. Toutefois , il est le plus souvent assez tranquille, et l'on peut laisser ensemble des Papions de tout âge et de sexe différent , sans qu'il en résulte d'autres inconvénients que ceux auxquels donne lieu leur habituelle lubricité. Les mâles ne tourmentent pas les petits. Contrairement à ce que l'on a observé dans d'au- tres espèces, ils les recherchent et ils font preuve à leur égard de sentiments très-affectueux. Sous ce rapport, ils sont bien supérieurs aux mâles des Cercopithèques ou des Macaques, dont la taquinerie pour leurs femelles ou pour leurs petits va jusqu'à la méchanceté. Les mères ne sont pas moins tendres pour leur progéniture que ne le sont celles des genres précédents, et, comme elles sont plus sociables , leurs bons sentiments ont une plus longue durée , et l'on peut sans crainte laisser leurs petits avec elles lorsqu'ils sont devenus assez forts pour sub- venir eux-mêmes à leurs besoins. Tant qu'ils sont faibles , elles les tiennent entre leurs bras ou pendus à leur mamelle, les portant constamment avec elles, et, dans les moments de repos, elles s'appliquent avec un soin tout particulier à rechercher les moindres saletés qui se sont fixées après leurs poils : c'est ce que rappelle très-bien la figure du Papion femelle avec son petit que nous avons donnée à la page 5. Les Papions adultes se rendent aussi les mêmes services. Ces Animaux supportent assez bien la captivité, mais le grand air et un exercice régulier leur sont très-profitables. Dans la grande cage ou on les lâche presque tous les jours au Muséum, ils se font remarquer par leurs gambades de toutes sortes, par la facilité de leurs ascensions et par les jeux auxquels ils se livrent avec leurs compagnons de toutes sortes. Les Papions qu'on s'est donné la peine d'instruire sont habituellement très-curieux à ob- server et, dans les troupes de Singes savants que l'on voit de temps en temps, ils ne le cèdent à aucune autre espèce par l'habileté avec laquelle ils remplissent leur rôle. A cet égard, ces Singes et les autres Cynocéphales se rapprochent des premiers Pithéciens, et nous ne pou- vons que répéter ici ce que nous avons déjà dit à propos du Magot et du Cynopithèque, qu'il est fort douteux que les Cercopithèques, les Scinnopithèques et la plupart des Macaques doi- vent être classés avant eux. Plusieurs espèces de Cynocéphales ne sont pas encore aussi bien connues que le Tai tarin et HO oh disk dks i'him m: s. IU nur l \ M \ le, l/'i ■■ Hfltt.- i'nmh: «iincxA, 1/9 irnuul. nnf Le Hollandais Kolke, qui a parcouru le sud de l'Afrique, rapporte que les Cynocéphales Chacmas sont si audacieux que parfois ils enlèvent aux voyageurs, et sous leurs yeux, une parlie de leur repas, et qu'ils se tiennent ensuite à peu de distance, narguant leur dupe par d'affreuses grimaces; mais ce ([lie nous avons déjà dit au sujet des Singes nous a montré suffisamment qu'il ne faut pas toujours prendre à la lettre ce que les voyageurs ont rap- porte sur leur compte, et c'est le même motif qui nous a empêché de reproduire, à propos des (iuenons, les traits, fort piquants d'ailleurs, que Levaillant attribue à son Singe favori, Kefis. Toujours est-il que les Chacmas sont des Animaux fort intelligents, mais extrêmement violents et très -redoutables. Ils ne sont cependant pas incapables d'éducation, et il est pos- sible de donner quelque liberté aux jeunes que Ton tient dans les habitations. M. Puchcran, aide-naturaliste au Muséum de Paris, a publié à cet égard quelques détails «pie lui a fournis M. Verreaux et que nous reproduirons d'après lui : « Au Cap, les jeunes Chacmas sont recherchés par les habitants de la colonie parce qu'ils sont de très-bonne garde et avertissent de rapproche des personnes étrangères. Sur l'ordre de leur maître, ils appor- tent les objets qu'on leur désigne avec la même docilité que nos chiens domestiques; mais, pour qu'ils accomplissent leur tâche jusqu'au bout, il faut que la personne qui leur commande ne les perde pas de vue, car pour peu qu'elle détourne les yeux, ils en profitent pour s'enfuir i»t laissent tomber à terre l'objet qu'ils avaient dans les mains. Certains d'entre eux sont même employés à des travaux utiles : ici c'est un forgeron qui se sert d'un Chacma pour entretenir le feu" v 1 i \. m l e v H uoi'x, g ranri . lUi t. (Iiu.ne or H tf 3 leur, 2/5 de grand, nat HYOÏDE \)V Hf lU.HMt 2/5 de grand, nat. qu'on lui connaît , et qui a suggéra aux premiers voyageurs qui ont parlé des Hurleurs les fables que Margrave a reproduites au sujet de la bruyante éloquence des chefs de chacune de leurs troupes. Le cartilage thyroïde du larynx de ces Singes est aussi fort développé. Pour compléter la caractéristique des Hurleurs, il faut ajouter qu'ils ont la queue longue, en partie nue, calleuse à la face inférieure dans sa partie terminale , et très-préhen- sile. Ces Cébiens sont assez lents dans leur démarche , tou- jours tristes et do mœurs moins douces que les autres espèces américaines; ils vont par troupes, sous la con- duite d'un chef, et celui-ci est toujours un mâle. 11 se place, dit-on , dans un lieu plus élevé comme pour veiller à la conservation de la famille qu'il dirige. Sa petite bande ne se met en mouvement que lorsqu'il en a lui-même donné l'exemple; elle parcourt alors les arbres, passant avec calme d'une branche à l'autre et sans sauter. Comme il est facile d'approcher les Hurleurs, on peut se placer au-dessous d'eux si l'on veut les tirer; mais il paraît que la crainte les gagne bientôt , et elle est souvent assez grande pour qu'ils lâchent leurs excréments, qui tombent alors sur les personnes ou sur les Animaux qui les inquiètent. C'est ce qui a fait penser qu'ils avaient recours à cette tactique pour éloi- gner leurs ennemis, et l'on a dit qu'ils prenaient même leurs ordures avec la main pour les jeter au visage de ceux qui les inquiètent. La queue leur est très -utile pour se maintenir sur les arbres; on rapporte qu'ils s'en servent si souvent et qu'une fois accrochée elle est si tenace que, lorsqu'on les a blessés ou même tués, ils restent suspendus, et qu'il est assez difficile de se les procurer après qu'on les a tués. Dans quelques parties de l'Amérique on mange leur chair après les avoir fait rôtir à la broche ; mais Watterton rapporte que la ressemblance, que montre alors leur corps pelé OS inOÎDE ET C4RTIUGE THYROÏDE Dl" KcnLEm, 2/5 do grand, nat. ii8 ORDKE DES PRIMATES. avec celui d'un petit enfant qu'on aurait éeorché, répugne aux voyageurs européens qui se refusent à manger d'un pareil mets. La peau des Hurleurs est employée pour la sellerie. Ces Singes n'ont, comme tous ceux qui précèdent, qu'un seul petit à chaque portée. La femelle le porte sur son dos, et il s'attache à son cou à l'aide de ses bras. Lorsqu'elle est très- effrayée, il arrive quelquefois qu'elle l'abandonne pour se sauver elle-même plus facilement. Quelques auteurs l'ont, à cause de cela, considérée comme n'ayant qu'à un faible degré les sentiments qui animent les femelles de presque tous les autres Animaux, et il en est qui ont cru en trouver la raison dans le moindre développement des parties postérieures du crâne; ce qui est, en effet, l'un des caractères des Hurleurs. On sait que c'est dans la partie du cerveau qui y est logé que (ïall plaçait le siège des sentiments qui portent les parents à se dévouer pour leurs petits. Cet organe est nommé organe de la pliilogéniture par quelques phrénolo- gistes. Mais la doctrine de Gall n'est qu'une exagération de la véritable phrénologïe, et elle a reçu de trop rudes atteintes pour qu'on la prenne encore au sérieux dans ses détails. Le fait suivant, rapporté par Spix, est d'ailleurs assez loin de lui être favorable en ce qui concerne les Hurleurs. Spix raconte que des femelles de ce genre, qui avaient été blessées , fuyaient en emportant leurs petits avec elles, et qu'au moment oii leurs propres forces les abandonnaient, elles avaient encore assez de courage et en même temps assez de prévoyance pour lancer ces jeunes Animaux sur les branches afin de les ravir aux chasseurs qui les poursuivaient. L'in- différence des Hurleurs pour leurs petits est cependant attestée par Vzara, mais lui-même ne donne pas pour certain tout ce qu'on lui avait rapporté à ce sujet, et, s'il raconte q ~;e les Hurleurs femelles abandonnent leurs petits lorsqu'on leur crie des sottises, a cris au bruit desquels la mère arrache son petit de son cou et le jette par terre, » il ajoute : a On applique le même conte aux Singes que je décris après celui-ci (au Saï); néanmoins il n'est pas douteux que la mère n'abandonne son petit que parce qu'elle est effrayée des éclats qu'elle entend, et que ce ne soit pour fuir avec plus de légèreté; car quel instinct lui ferait comprendre la signification de l'injure qu'on emploie et qui ne saurait en être une pour elle? » On distingue plusieurs espèces de Hurleurs. Les change- ments que leur couleur éprouve avec l'Age ou suivant le sexe en avaient fait d'abord établir un nombre plus considérable que celui que l'on accepte maintenant, et il faudra peut-être réduire aussi ces dernières lorsqu'on les connaîtra d'une manière plus complète. Le HutLKi n koi \ [Mycelva sc/ticulws) est WAlonale de But-- fon , le Si/nia seninila de Linné, et le Mono Colorado L. de Humboldt. 11 a le dessus du corps d'un beau roux ; sa tête et ses extrémités sont d'un roux foncé très-vif; sa face est nue et noire. Le corps et la tête ont quarante-cinq centimètres environ ; la queue est un peu moins longue. Ce Singe vit principalement H r r l e r h non, 13 de griir.d. dans la Guyane. Le Hum-un a oueuk doiuU: (Mycclcs clirysunis , K Geoffroy) est de la Colombie, principalement sur les bords de la Magdelaine, dans le gouvernement de la Nouvelle-Grenade. Il porte le nom tfAraguafo. La dernière moitié de sa queue et le dessus de son corps jusque vers les épaules, sont d'un fauve doré très-brillant; l'autre moitié de la queue est d'un roux marron assez clair, et le reste du corps est d'un marron foncé, principalement sur les mem- bres, oii il prend une teinte violacée. Comme la plupart des Singes, le Hurleur à queue dorée» vit par troupes. M. Moulin, qui a eu l'occasion de l'observer plusieurs fois, a remarqué que lorsqu'une bande d'Araguates doit passer d'un arbre à l'autre, tous les individus qui la composent agissent d'une manière» absolmnent semblable, sautant successivement aux mêmes points, et posant aussi Ipvun FAMILLE DES SINGES. iii pieds aux mémos places, comme si chacun d'eux était obligé d'imiter, jusque dans ces détails, celui qui l'a précédé. MM. Castelnau et Emile Doville ont retrouvé le Hurleur à queue dorée au Brésil, dans la province de Matto- Grosso, sur les bords du Paraguay. H r r t. f. r n \ q i: y. r F. dorée, 1/fi do grain! . inf . Le Hurleur Ourson (Mycptes ursinus) , ou VAraguaio de la Monographie publiée par de Humboldt, habite principalement les bords de l'Orénoque, en Colombie; mais on le trouve aussi au Brésil dans plu- . , ,, sieurs provinces* \ / ^ II i r i k r r 0 r r s o n , 1 j'i do grand . Etienne Geoffroy, qui l'a nommé Si ont or ursinus , en a séparé , sous le nom de Stentor jlavicaudalm et de S. fusais, deux autres Singes dont le second répondrait à Y Ou aviné de Buffon, qui est O r \ n i n e de B r r f o n , 1/8 de grand, nnl . \\ vu i r r k \r \ m \ i ns non I':î il»- sr.ir.il nnt. Il C R ! F i 11 NOIR, 1/3 .1.' grand, n;^. 120 ORDRE DES PRIM\TES, elle-même le Simia Belzebuth de Linné , ainsi qu'au Guarlba de Margrave ; tandis que le flavicaudatus serait le Choro de M. de Humboldt. On ne les distingue plus de l'Ourson. La couleur de ces Singes est d'un roux doré, à peu près uniforme, avec la face en partie cou- verte de poils. Ils recherchent les contrées élevées et froides et se tiennent de préférence auprès des mares ombragées par les Sagoutiers. Le lï ijr leur atx mains roi'sses (Mycetes rufimanus de Kuhl) serait la quatrième espèce de ce genre. Son pelage est généralement noir, sauf sur les mains , qui sont rousses. Spix a nommé M y cet es discolor des Hurleurs ayant les mêmes caractères. On les rencontre dans le Brésil , principalement dans la région de l'Aragay , d'oii le Muséum en a reçu par les soins de MM. de Castelnau et E. De- ville. Le Hurleur noir {Mycetea niger, E. Geoffroy), ou le Ca- renja d'Azara, est tout à fait noir dans les mâles adultes, et, au contraire, jaunâtre dans les femelles et dans les jeunes mâles; aussi ces derniers ont-ils été décrits, comme formant une espèce à part, sous le nom de Stentor stramineus. Les Hurleurs noirs sont de la Bolivie ainsi que du Brésil, et ils s'étendent jusqu'au Paraguay ou Azara les a observés. Dans un mémoire publié en 1815, M. (ira y signale comme nouvelles quatre espèces du genre d'Hurleurs, sous les noms de Mycetes laniger, Iricolor 9 auratus et villosus. Une espèce encore différente existerait au Pérou, d'après le savant voya- geur M. Tschudi. Genrk LAGOTHRICHE (La- golhrix , E, Geoffroy). Les Lago- thriches ont les proportions moins robustes que les Hurleurs , et leur os hyoïde bien moins développé ; leur queue est également longue, prenante et calleuse en dessous vers son extrémité. Leur pelage est très- fourni et très-moelleux, et il forme une épaisse fourrure. Lagotiiriciie de Castelnai: (Lagothrix Castelnaui, Isidore Geof- froy et Deville), rapporté des bords du haut Amazone, au Pérou, par MM. Castelnau et E. Deville. On doit â M. Deville quelques observa- tions relatives au Lagothriche de Castelnau qui peuvent nous donner L \C OTII U If 11 R I)F C. *STKI.N\ 1/H il<> grand. FAMILLE DES SINGES. V2\ une idée des mœurs qui distinguent les Singes de ce genre. Ces Animaux sont fort intelligents, extrêmement gourmands et très-voleurs; ils s'apprivoisent, du reste, facilement et sont affec- tueux pour ceux qui en prennent soin; ils se servent de leur queue, comme les Atèles, pour saisir au loin les objets qu'ils prennent ensuite avec leur main pour les porter à leur bouche. Lorsqu'on leur attache les mains supérieures derrière le dos, ils marchent debout avec une grande facilité. Si on les tourmente, ils font entendre un petit grognement et projettent, de même que les Atèles et les Orangs, leurs lèvres en avant. On en a distingué plusieurs espèces, dont trois seulement paraissent être authentiques. Leur tailla est moindre que celle des Hurleurs, et leur naturel est plus doux. On les trouve dans la Colombie, au Pérou et au Brésil. Voici les noms de celles qu'on a décrites : Lagotimuche gapparo (Lagothrix Humboldtu,K Geoffroy). M. De Humboldt, qui l'avait observé sur les bords du Bio-Guaviare, l'a signalé sous le nom de Simia lagothrix. Jl a été retrouvé à l'embouchure de l'Orénoque, en Colombie et au Pérou. L agotiihichi«: EXFii.MK (Lagothrix infumalus de Spix, ou Lagothrix Poppigii de Schinz). L \r.0Tif inr.HE oniso\ {Logothrix canus, E. Geoffroy), du Brésil. Gknjik EBIODE (/modes, ls. Geoffroy). Queue longue, préhensile, en partie nue et calleuse sons son extrémité. A ce caractère par lequel les Ériodes ressemblent aux Hurleurs, aux Lagothriches et aux Atèles dont nous parlerons ensuite, ils joignent une forme générale, une longueur de membres et des proportions plus analogues à ce que Ton voit chez ces der- niers, dont ils s'éloignent, au contraire, par d'autres points, pour se rapprocher des deux premiers. Aussi doivent-ils être considérés comme intermédiaires aux uns et aux aulres , et c'est ce que confirment l'étude de leur crâne et celle de leur dentition. FI faut y joindre qu'ils ont les ongles presque aussi comprimés que les griffes des Chiens et de quelques autres Car- nassiers; (pie le pouce de leurs mains de devant est nul ou tout à fait rudimentaire (voyez pagt- 4), et que leurs narines sont moins écartées que celles des autres Cébiens, et plus semblables, sous ce rapport, à celles des Pithéciens. Lue des espèces d'Ériodos avait servi (Je type a Spix pour établir son ^qwyq Brachyteles, mais il en avait rapproché à tort un véri- table Atèle. a Ge genre Ériode, dit M. Ls. Geoffroy, est, dans l'état actuel de la science, composé de trois espèces, toutes originaires du Brésil, et encore peu connues; aucune d'elles n'a jamais été, du moins a notre connaissance, amenée vivante en Europe, depuis un individu qu'Edwards vit à Londres, en 1761, et qu'il a mentionné sous le nom de Singe-Araignée, sans nous transmettre a son sujet aucune remarque intéressante. Les Ériodes ont été également très-peu observés dans Tétat sauvage. Spix, auquel on doit la découverte de l'un d'eux, nous apprend seule- ment que ces Singes vivent en troupes et font, pendant toute la journée, retentir l'air de leur voix claquante , et qu'à la vue du chasseur, ils se sauvent très-rapidement en sautant sur le sommet des arbres. » L'E n i o d h h k m 1 1) a c, t y l e [Eriodes hemidactylus , Js. Geoffroy). 11 est d'un fauve cendré qui passe au noirâtre sur le dos; quelques poils roux existent auprès de l'anus. On en doit la découverte à Delalande; Desmarest en a parlé sous le nom d'Atèle hypoxanthe ; mais, d'après M. Geoffroy, ce n'est pas l'espèce que le prince de Neu- wied appelle ainsi dans son ouvrage sur la Zoologie du Brésil. L'Éiuodf. \ ttrerctle (Eriodes tuberifer , Isidore Geoffroy) est le véritable Hypoxanthe. Tandis que le précédent a un pouce extrêmement court, mais onguiculé, celui-ci a le tu- bercule (jui représente le même doigt absolument privé d'ongle. Son pelage est d'ailleurs à jï(* partu:. |(> !•: n i o d k h i- m i ii \ c r \ i. r, , I / i de £r;in ^r;uxl. nna de Linné. « II serait , um-rvn-ctN, i/i a- gi-nn'. d'ailleurs , à peu près impossible , ajoute ce savant, de FAMILLE DES SINGES. 129 rapporter ces noms aux espèces qui les ont reçus primitivement. » Les Sajous Capucins paraissent être communs à la Guyane et au Brésil. Le Sajou châtain (Cebus castaneus, 1s. Geoffroy) est plus grand que le précédent; son pelage est d'un châtain roux, plus ou moins tiqueté sur le corps, avec les membres posté- rieurs, le bas des avant-bras, la queue et la ligne dorsale plus foncées; ses épaules sont fauves roussâtres à teinte pale; son front et les cotés de sa tête ont la même couleur; mais sa calotte est de plusieurs couleurs, rousse à l'occiput, noire au vertex et sur la ligne qui rejoint le front; les mains sont brunes. Le Muséum doit cette espèce à feu M. Poitcau, botaniste distingué, qui l'a recueillie pen- dant son séjour à la Guyane, ainsi que beaucoup d'autres Mammifères fort curieux. Le Sajou versicolore (Cebus versicoïor) a été décrit par M. Pucheran d'après un exem- plaire rapporté de Colombie, 11 est remarquable par sa taille supérieure, comme chez le précédent, à celle de presque tous les autres Sajous. Sa tête est, en grande partie, blanche, sans ligne noire médiane, etjses membres sont d'un beau roux marron, avec les mains noires. Il paraît qu'on le trouve jusqu'à la hauteur de Santa-Fé de Bo- gota. Le Sajou a pieds dorés (Cebus chrysopus) , que Fréd. Cuvier avait antérieurement dé- crit et figuré, est de plus petite dimension; sa face est largement encadrée de gris ; sa queue est gris jaunâtre, son dos un peu lavé de brun, et ses membres sont entièrement de couleur dorée, depuis le coude ou le genou jusqu'aux doigts. 11 est aussi de Colombie, oii il a été trouvé par M. Plée, l'un des nombreux voyageurs qui ont payé de leur vie leur dévouement à l'histoire naturelle. Le Sajou a uorce r langue (Cebus hypoleucus , E. Geoffroy) déjà signalé par JJiiffon S a j o v v r. HsicoLOit r , 1 /3 de gr< n groml. nat. 17 1 30 on DR m des pnm ytes. et Daubcnton sous le nom de Sw à #or# de grand, nat. Le Callitiuciil a m a souk {Cal/ithrix pcrsonalus. E. Geoffroy) est aussi du Brésil , où il a été observe par 31 M. de Langsdorff, consul de Russie, et Auguste de Saint-llilaire, savant botaniste français que les sciences ont perdu récemment. 11 est gris fauve, avec la queue rousse et la tête, ainsi que les quatre mains, noirâtres. Sa patrie est le Brésil, et on le trouve surtout sur les bords des rivières nom- mées Itabapuana, Itaprinemin, Espcrilu-Santo et Hio-Doce jusqu'à Saint- Mathieu. C \ i m r u n; h !■. v >i \ * o i i- , I /2 do grain' . Cu.Liriunn; <;n.o, \]1 di- cnaid. Le Cai.lstiugiiu <,h;o (Callillirix giyo de Spix) vit également au Brésil, dans la région 132 ( i M I. i r |< i c II I-: V l \ M A l N > N <-> 1 R 1> , i ORDRE DES PRIMATES. de l' Amazone. Ses couleurs sont distribuées comme celles du Callitrieho a masque, mais elles ont des nuances plus foncées; la tète entière est noire dans l'Age adulte. Le Cai.utiuche aux mains xoiuks [Callithrlr nw/rntochir, Neu-Wied) est de la province do Rallia, dans l'empire du Rrésil. Son pelade est cendré, avec la partie postérieure du dos, les lombes et l'ex- trémité do la queue roussàtres; ses mains sont d'une teinte fuligineuse. Le Callitiuchk mituk {Callithrlr- hifuhitus, Ivub! et Lichtenstein) est gris eu dessus, roussAtre en dessous, avec une grande tache blanche entourée de noir au- dessus des yeux; sa queue est jaune roussAtre à la base et terminée de noir. C'est encore une espèce brésilienne. Le C allitihc.hk do.naconklk {Callithrlr doitacophi- /«.*, d'Orbigny et P. (ierv.) est de Rolivie. Il a tout le corps gris roux, avec la tète et le ventre plus foncés, tous les poils <'tant annelés de noir, de blanc et de roux; la queue, où ils sont (Tune seule teinte, est gris brun. \1. \. d'Orbigny , qui a parcouru, de 1820 à 1833, une grande partie de Y \mé- riquo méridionale, a rencontré cette espèce dans la province de Moxos, république bolivienne. Elle est très-craintive, et vit ordinairement par paires dans les bois et parmi les roseaux qui bordent les rivières. Le Callit un; ut: ihscolouk {Callithrlr. dhcolor, ls, Geoffroy et Deville) a été découvert au Pérou et dans le Rrésil, sur les bords de l'Amazone et de ri rayai i, par M. E. De- ville. Son pelage est d'un gris plus ou moins roux et tiqueté roux marron très-vif en dessous et sur la presque totalité des membres;1 sa queue est grise, avec l'extrémité des poils blanche. C'est YQuappo clos Indiens Pebas, oXYOnapovssa des missionnaires espagnols. Rien n'égale, dit AL Emile Deville, la gentillesse de ces petits Singes lorsqu'ils s'élancent d'un arbre à l'au- tre, les femelles portant leur petit sur leur dos; ils ont alors la promptitude et la légèreté d'un Oiseau. Ce sont des Animaux nocturnes, comme on pouvait d'ailleurs le supposer a la grandeur de leurs yeux. Dans la journée, ils se tiennent en boule, faisant entendre de temps eu temps un petit cri sourd et comme intérieur, d'où leur viennent, les noms de Singes ventriloques et de Singes chantants qu'on leur donne quel- quefois. A la tombée de la nuit, ils repren- nent leur agilité. Les fruits et les Insectes forment leur principale nourriture. Ils sont doux, mais peu intelligents. Cependant ils s'ap- privoisent aisément , et alors ils mangent tout ce qu'on leur présente , préférant toutefois la viande cuite et les sucreries a tous les autres aliments. Le C M. M rr.lUli. ALuni.il 'Callithrlr Mnlor/t) e-t C \ L I. I I JU <".!1 en dessus, t, au contraire C \ i i i i i! i ( n i: dim.o i. o h r , 1/.'î de »:' luMiiiirnr M ni nr ii . 1' FAMILLE DES SINGES. 133 connu depuis plus longtemps. Il a été décrit eu 1807 par Hoffmansegg , de Berlin. Il est cendré, à poils aimelés sur le dessus du corps; ses joues et son ventre sont d'un roux vif; le bout de sa queue et ses mains sont presque blancs. On le rencontre dans la province de Para, au Brésil. Le Gallitriche cuivré (Callithrix cupreus de Spix) est aussi du Brésil. Il diffère peu des deux espèces précédentes. Genre SAIMIBl {Saïmiris, ls. Geoffroy). Ge genre comprend le Saïmiri de Buffon et Daubenton et trois ou quatre autres espèces ou variétés que l'on a séparées plus ré- cemment du Saïmiri ordinaire. F. Guvier avait déjà remarqué que ces Singes devaient être distingués des autres Gébiens, et M. ls. Geoffroy, en sanctionnant cette manière de voir, a fait du nom de l'espèce la plus connue celui du genre entier. Pris dans ce sens, le mot Saïmiri est synonyme de Pithcsciurm (Lesson) et de Chrysothrix (Wagner). Les Animaux auxquels on l'applique sont plus petits et plus élancés que les Sajous; ils sont aussi plus gracieux, et ils passent pour plus intelligents. Leur principal caractère con- siste dans la grandeur de leur crâne, dont la cavité est surtout développée suivant le diamètre antéro-postérieur , et loge un cerveau très - considérable , eu égard au volume du corps. CiM.NI. 1)1 SUMIKI, i/2 grand, na Le Saïmiui entomopiïac e (Saïmiris cnlomophagus , d'Orbigny et P. Gerv.) est de la Bolivie? et du Pérou, et c'est AL d'Orbigny qui l'a le premier rapporté. Il est, en général, fauve, avec des teintes verdatressur le dos; il a la gorge blanchâtre; les lèvres, la calotte et le bout de la queue noirs. Ses formes sont grêles et gracieuses, comme celles des précédents; mais sa queue est un peu plus longue. Les poils sont annelés de fauve et de noirâtre sur une grande partie de son corps; les avant-bras, les mains et les pieds sont fauve doré. Ce Singe voyage par grandes troupes; il se nourrit principalement d'Orthoptères et d'Araignées. M. Is. Geoffroy suppose l'existence d'une quatrième sorte de Saïmiris. Ge serait le Tili daVOrénoque de M. de Humboldt; il l'appelle Saimiiu a lunule (Saïmiris lunulatus). (ïkinre JXYCTIPITIIÈQUE (Ntjclipithccus). Les Nyctipi- thèques de Spix , que F. Guvier appelle, de son côté, Nocthores , doivent cette double dénomination à leurs habitudes essentiellement nocturnes. M. de Humboldt, qui s'en était procuré un exemplaire antérieurement aux recherches des deux naturalistes que nous ve- nons de citer, l'avait aussi indiqué sous un nom générique particu- lier; il le nommait Aotus. Toutefois, ce dernier mot n'a pu être conservé, quoique plus ancien que les autres, parce qu'il indique» que les Animaux auxquels on l'a donné seraient privés d'oreilles; ce qui n'est réellement pas. ,_...., ... Dents de N'yctipith kqtf, Les Nvehpilheques ont, au contraire, une conque auditive assez çrn (1 t 136 ORDRE DES PRIMATES. semblable à colle des genres que nous venons de décrire, et ce n'est pas par la considéra- tion de cet organe qu'on peut les en distinguer. Leurs principaux traits consistent dans leur queue très-faiblement prenante, comme celle des Gallitricbes et des Saïmiris, et susceptible seulement, comme celle de ces Animaux, de s'enrouler autour des corps sans pouvoir les saisir ni fournir à l'Animal un moyen de suspension. Leur tête, volumineuse, mais arrondie, permet de les séparer des Saïmiris, chez lesquels cette partie est allongée, et des'Callitriches, chez lesquels la face est plus courte et la surface angulaire de la mâchoire inférieure plus considérable et surtout plus élevée. Les Nyctipithèques ont aussi le front moins renflé que les Saïmiris, et leurs yeux, qui ont un volume considérable, sont phosphorescents dans l'obscurité. ÏÈWf life vs^K*' N yctipith èq i v., I/o dx> gnind. nat MAI, Humboldt, Spix et F. Cuvier ont décrit les mœurs des Nyctipithèques. Ces jolis petits Singes dorment à peu près tout le jour, aussi bien dans les ménageries qu'en liberté. M. de Humboldt a possédé pendant cinq mois un Aote ou Nyclipilhèque qui s'endormait assez régu- lièrement à neuf heures du matin, quelquefois à l'aube du jour, et ne se réveillait que vers sept heures du soir; la lumière l'incommodait beaucoup, mais, pendant la nuit, il était aussi actif que le sont durant le jour presque tous les autres Singes. Les Nyctipithèques se logent de préfé- rence dans les creux des gros arbres et ne vivent pas en troupes comme les autres. M. de Humboldt assure qu'ils se tiennent deux à deux, dans un état de véritable mo- nogamie. Toutefois, Spix dit que ceux qu'il a observés allaient par bandes. Leur voix est forte, et, suivant M. de Humboldt, leurs cris rappellent, pendant la nuit, ceux du Jaguar; ce qui a valu aux Nyctipithèques, que l'on trouve dans les Missions de l'Orénoquc, le nom de Mono-Tigre et de Titi-Tigre, De son coté, Spix appelle l'une des espèces de ce genre Nyctipithèque vociférant. Celle-ci est du Brésil. Le \YCTXPlTHKOl'E FkI.IN (NyctipithcCVS fclliUlS, Nvct,nt..lq,-f Fkl.n, l/2 de grand. FAMILLE DES SINGES. 137 Spix) , qui vit dans les bois do la province de Moxos, en Bolivie, ainsi que dans les parties du Brésil qui s'en rapprochent le plus. L'espèce la mieux connue est le Nictypithèoue Douroucoujli de Fréd. Cuvier et de Blainville (Nocthora trivirgata, F. Cuv.). Elle a tout le pelage des parties supérieures du corps gris; les poils ont leur base noire, et sont ensuite annelés de blanc et de noir; les parties inférieures sont orangées depuis le menton jusqu'à l'anus, et cette couleur remonte sur les cotés du cou; le dessus des yeux est blanc, et trois lignes noires, rayonnantes, divisent le front; la queue est d'un gris jaunâtre dans les trois premiers quarts de sa longueur, avec le reste noir; elle a onze pouces ; le corps et la tête en ont dix seulement. Fréd. Cuvier a constaté les habitudes crépusculaires et même nocturnes de son Dourou- eouli; il le nourrissait de lait, de biscuits et de fruits; mais, dans l'état de nature, l'espèce est surtout insectivore, et il en est de même de ses congénères. M. de Humboldt assure que ces jolis Singes chassent aussi les petits Oiseaux. Le N y c t i p i t h è que d e M. de H u m b o l d t, auquel reviendra en propre le nom de Nycli- plthecus trivirgatus, est, pour M. 1s. Geoffroy, une seconde espèce habitant les forêts épaisses du Cassiquaire et les environs de Maypure, entre le deuxième et le cinquième degré do latitude boréale, La troisième est le Nyctipithèque vociférant (Nyctipitheciis vociferans , Spix), du Para. La quatrième répond au Mariquoina d'Àzara ; elle est du Chaco, sur la rive occidentale du Paraguay. Nous ne lui connaissons pas de nom spécifique, les autours l'ayant presque tous réuni aux Douroucoulis de de Humboldt et de F. Cuvier ou au Saki. Lue cinquième est le Nyctipithèque d'Osery (Nyctipithecus Oseryi, Js. Geoffroy et Deville) , dont le nom rappelle celui de l'un des compagnons de M. Castelnau, lâchement assas- siné par les Indiens de la nation des leboros, pendant le cours de sa longue expédition a travers l'Amérique méridionale. Le Nyctipithèque d'Osery habite les bords du haut Amazone au Pérou; on l'y nomme Va. Les parties supérieures de son corps sont d'un gris roux, qui passe au roux brun sur la ligne medio-dorsale ; le dessous de son corps est fauve jaunâtre ; deux lignes noires contournées en S se voient sur les côtés de la face; il a une tache de même couleur au-dessus de chaque œil ; les quatre mains sont brunes , et la queue est noire en dessus, avec la plus grande partie de son dessous rousse. Une sixième espèce est le Nyctipithèque lémurîn (NyclipUhecus lemurinus, Ls.Geoff.) Celle-ci habite les Andes de la Nouvelle-Grenade. M. Justin Goudot, qui l'a plusieurs fois chassée dans les grands bois du Ouindiii, rapporte qu'on la trouve fréquemment à la hauteur de 1,400 mètres an -dessus du niveau de la mer, et même bien plus haut. Elle ne sort ordinairement de sa retraite qu'à la nuit tombante, vit par petits groupes ou familles, et ne paraît pas s'éloigner de certains sites oh elle peut trouver facilement sa nourriture. La nuit le Lémurin fait entendre continuellement, lorsqu'il va dans les bois, un petit cri sourd qui se trouve assez bien rendu par le mot dourmœou, sourdement et faiblement prononcé. C'est sans doute le même motif qui a fait appeler ailleurs Donroucouli une espèce du même genre. A la Nouvelle- Grenade, on les nomme Mico-Dormilon , à cause de l'ha- -^v^^ bitude qu'ils ont de dormir tout le jour. En liberté, ils se NlCTIPITHÈ naturalistes très-compétents; nous n'osons pourtant pas assurer qu'on ne doive par la suite y apporter des modifications. 2. Sakis à queue de longueur ordinaire. D'autres espèces de Sakis ont la queue à peu près aussi longue que le corps, ce qui les distingue de celles que nous venons d'énumérer sous le nom de Bracbyures. Ces Animaux ont les mêmes mœurs et les mêmes particularités organiques que ces derniers. On peut les diviser en groupes ainsi qu'il suit : Les premières espèces manquent de barbe sous le menton. On n'est pas non plus bien fixé sur le nombre auquel on devrait le réduire; les deux plus anciennement observées ont été confondues par Buffon sous le nom de Saki. A cause du caractère non préhensile de leur queue, il les avait rapprochées de ses Sagoins qui sont nos Ouistitis et nos Tamarins, mais en établissant cependant qu'ils ne sont pas absolument du même genre. M. Gray a décrit deux nouvelles espèces de Sakis dans la partie zoologique du vaisseau an- glais le Sulphur ; il leur donne le nom de Pithccia irrorata et leucoccphala. Le Sakt a tûti- blanchi- (Pithccia leucoccphala des catalogues méthodiques) a pour type FAMILLE DES SINGE». (il le Siiki r>uré dans l'ouvrage de Suffon et décrit dans son texte sous le numéro I. Il est noir avec le tour de la face d'un blanc saie; son corps , la tête comprise, a vingt-neuf ou trente centimètres et sa queue en a trente-cinq. Sa kl k TfirE 4ih.>nchk, de çrand, n; t. Lu Saki a vi;\THr: noix (Pit/tecia rufivenler) est le second Saki de Buffon. Il est brun lavé de roussàtre avec le ventre roux; il vit comme le précédent dans la Guyane et il y reçoit aussi le nom de ) argué. Le Saki ociuiocéphalk ( Pithecia chrysoccphala , Kuhl) a les poils des parties supérieures et latérales de la tête de couleur ocracée, mais il n'a pas la queue et les membres noirs. Le Saki a ti-tk iron (Pithecia ochrocepJtala , 1s. Geoffroy) est noir avec du roux doré vif sur les parties qui sont de couleur d'ocre dans l'espèce pré- cédente. Dans le jeune âge, il a le pelage un peu tiqueté et le dessous de son corps est d'un brun marron qui passe au roux sous la gorge. Il paraît habiter le JBrésil. Le Saki Moine (Pithecia Monachus, E. Geoffroy) est plus facile à distinguer par sa tète MM A 1 i. r I. 'ou, 1/2 de grmiil. S \ k i a vi. \ tki: » it ( v , 1/2 de grand. Le Saki Maiuquoina (Pithecia Mariqnoina) , ainsi nommé par Azara , qui l'a décrit dans son ouvrage sur les Quadrupèdes du Paraguay, est gris-brun en dessus, cannelle en dessous , avec les poils du dos annelés et deux taches blanches au-dessus des yeux. Ce Singe habite les bois de la province de Chaco et la rive orientale de la rivière du Para- guay. Le Saki ijiu'lk (Pithecia inasta , Spix) est du haut Rrésil. Sa tète et ses mains sont jaune d'ocre, le dessus du cou est ferrugineux et le reste du corps noir. C'est à la même section qu'appartiendrait le Saki mm h de F. Cuvier, s'il était constaté qu'il fût adulte; mais il devra être préalablement comparé à ceux qui ont déjà été dénommés régulièrement. Les détails qu'on possède sur ce Singe sont malheureusement incomplets, les notes que F. Cuvier avait recueillies à son égard n'ayant point été retrouvées dans ses papiers lorsque la figure qu'il avait fait faire du Saki noir a été publiée. Le Saki a nez blanc (Pithecia alùinasa, ls. (ieoffroy et Deville) serait tout noir, si ce n'est qu'il a sur le nez une tache blanche qu'on ne voit pas dans le précédent, du moins sur le dessin qu'en a laissé Fréd. Cuvier et que son fils a publié. Il est de la province du Para. 2. Les autres Sakis à longue queue ont sous le menton une barbe assez longue ce qui augmente encore la singularité de leur physionomie. L'un des plus curieux est le Sak i s atamoie (Pithecia Sa(anas), ainsi dénommé par lloff- mansegg; c'est le Couxio de M. de Mumboldt. Son pelage est d'un brun noir dans h» maie et d'un brun roux dans la femelle; une chevelure épaisse couvre toute sa tête et retombe sur son front; sa barbe est très-fournie et fait une forte saillie en avant. On le trouve dans les bois de la région de l'Orénoque, en Colombie et dans les provinces du Para et du Rio-Négro, au Rrésil. Les jeunes du Saki satanique n'ont ni les cheveux longs ni la grande barbe des adultes, et FAMILLE DES SINGES. t4.S Sui Satan iqttf, I/O Ce grnnd. nnt. on les a quelquefois considérés comme étant d'une autre espèce. Ce sont des jeunes Sakis sataniques qui ont reçu de Spix le nom do Hrachyures Israélites (Brachyurm israrfita). Le Saki velu (PUJwcia hirsuta de Spix) est du haut Brésil; ses poils sont abondants, en général noirs et un peu ondulés ; sa barbe est divisée en deux faisceaux. Le Saki Capucin (Pithecia chiro- potes) ou le S'unia cliiropotes do M. de llumboldt doit son nom spécifique à l'habitude qu'il a de se servir du creux de sa main lorsqu'il boit, afin de ne point mouiller sa barbe, mais il n'est pas le seul Singe qui prenne une sem- blable précaution. M. de Humboldt l'a souvent ob- servé dans les régions désertes du haut Orénoque, et il habite aussi la Guyane. Son nom de Saki Capucin lui vient non-seulement de sa barbe , mais aussi de la couleur roux brun des poils de son corps, qui rappellent la robe et l'habit d'un capucin; sa face et son front sont nus; ses yeux paraissent grands et enfoncés; sa queue passe au noirâtre. tl est solitaire et son caractère est mélancolique. Il n'est pas certain qu'on doive en distin- guer le Simia sagulatado AL Traill ; celui-ci a été envoyé de Demerary et par conséquent de la Guyane anglaise. Saki Satanique jeune, 4/5 de grand, nat. 144 ORDRE DES PRIAI \TKS. TRIBU des HAPALIENS Los IUpalikns (Hapalina, (iruy, Is. Geoffroy, etc.) comprennent los Ouistitis et les Tamarins. Ils sont plutôt la continuation des Cubions qu'une véritable tribu distincte de celle de ces Animaux. En effet, il serait facile de retrouver chez les Cébiens véritables la trace des particularités qui semblent les éloigner des Singes llapaliens. La sixième paire de mo- laires, que l'on voit diminuer de volume chez beaucoup de Cébiens, manque entièrement chez les Hapaliens; mais la dentition de lait est la même dans les deux groupes. Le pouce antérieur est à peine opposable chez beaucoup de Cébiens, et, chez d'autres, il ne Test plus du tout. Ici, c'est ce dernier caractère qu'il présente. Les griffes des Hapaliens sont, il est vrai, plus allongées que celles des Cébiens, mais c'est là un caractère on rapport avec leurs habitudes plusgrimpeuses, et ces Animaux ont les narines disposées comme celles des Cébiens. \ussi E. Geoffroy réunissait-il les uns et les autres sous le nom commun de Plalyrrhinins. Enfin, ces deux sortes de Singes sont également particuliers à l'Amérique; et, sous ce rap- port encore, elles diffèrent également des Pithécions, dont les espèces ne se rencontrent que dans l'ancien monde. On pourrait donc dire que les Ouistitis et les Tamarins ne sont que les derniers des Cébiens. Cependant divers auteurs en font une troisième tribu dans la famille des Singes, et nous suivrons ici leur opinion, quoique nous ne la partagions pas, parce qu'elle a été adoptée dans plusieurs grandes collections. Genius OUISTITI (llapaïe, llliger). Buffon et Daubenton appellent Ouistiti une espèce de petit Singe américain ayant dans sa forme générale quelque analogie avec les Ecureuils, et, comme eux, vif, pétulant et organisé pour vivre sur les arbres, dont les moindres branches ou les sommets les plus flexibles lui sont pour ainsi dire accessibles. Ce nom, imaginé par Buffon , rappelle le son articulé par l'Animal lui-même lorsqu'il donne de la voix. L'espèce de cet Ouistiti est la même que Brisson et d'autres auteurs avaient précédemment décrite sous le nom de Sagouin [Su nia Jacclnis , Linné). Elle est une décolles qui ont été; rangées par Buffon dans son genre des Sagoins, et il en avait déjà été question dans Clusius et dans quelques auteurs du xvie siècle. Il n'est pas nécessaire d'ajouter qu'elle était inconnue avant la découverte de l'Amérique, et, c'est pour avoir oublié ce fait que Lo Guide a représenté l'Ouistiti dans son tableau de l'enlèvement d'Hélène. Le genre Sagoin, tel que Buffon l'avait défini, répond exactement à celui auquel les natu- ralistes modernes ont étendu le nom d'Ouistiti, et quTUiger a nommé en latin Hapale, par allusion à la fourrure en général moelleuse des espèces qui s'y rapportent. On en a cependant réparé les Tamarins dont nous parlerons en même4 temps. Outre l'Ouistiti commun, Buffon et Daubenton avaient connu quatre autres espèces d'IIa- paliens véritables; et si les mêmes auteurs ont placé avec elles lo Saki, c'est faute d'avoir connu que son système dentaire le rapproche au contraire des autres Quadrumanes améri- cains, c'est-à-dire des Sapajous ou Cébiens. Le Saki est, il ost vrai, remarquable par la disposition non préhensile de sa queue, mais c'est le seul caractère générique qu'il partage réellement avec les Ouistitis. D'ailleurs Buffon avait déjà entrevu que ce Singe n'était pas un Sagoin proprement dit, et qu'il avait même pressenti la nécessité dans laquelle on devait être, après un examen plus complet, d'en faire le type d'un genre à part. Il dit, en effet, que le Saki (type du genre4 actuel des Pitlœcia) a est aisé à reconnaître et à distinguer de tous les autres Sagoins , de tous les Sapajous et de toutes les Guenons, » c'est-à-dire de tous les Singes qui sont pourvus comme lui d'une longue queue. Les caractères des Ouistitis ou véritables Sagoins sont très-faciles à saisir, et, quoique les espèces actuellement connues dans ce groupe soient nombreuses, sa circonscription est FAMILLE DES SINGES. 11.5 encore aussi nettement arrêtée qu'elle l'était dans l'ouvrage de Buffon après la séparation du Saki. Les vingt-cinq ou trente espèces d'IIapaliens que les recherches des naturalistes ont fait découvrir en Amérique sont toutes d'une taille peu considérable; leur pelage est bien fourni et leurs couleurs sont plus variées que celle des autres Singes; leur queue est longue, très- velue et tout à fait incapable de saisir les corps ou même de s'enrouler autour d'eux; leurs ongles sont allongés et forment des griffes presque comparables à celle des Carnivores, ce (jiù leur a valu quelquefois le nom de Singes-Ours (ArctopWwques , E. Geoffroy) ; mais, comme on en a fail la remarque, ces ongles ne leur servent guère qu'à s'accrocher aux arbres et ils en font rarement usage comme moyeu de défense. Les Ouistitis ont cinq doigts à chaque main; leurs pouces de derrière sont seuls opposables, ceux de devant étant rapprochés de l'index et dirigés de même. mét\i:vrpe dk t'Ocistiti grand un t. M UN DROITE DE I.'Ot'Srin A PINCEAUX, grand, nat. Dents de i.'Onsnn adit.tk, grand, nat lue particularité non moins importante s'observe dans le système dentaire de l'Ouistiti et de tousses congénères : ces Animaux sont les seuls parmi les Singes américains qui n'aient que I rente-deux dents. Les autres en ont trente-six, comme les véritables Sapajous de Buffon, aux- quels il faut joindre son Saki et plusieurs autres genres qu'il n'a pas eu l'occasion d'observer. Toutefois les Jlapaliens ne se rapprochent pas pour cela des Pithéciens, puisqu'ils ont trois paires d'avant-molaires, au lieu de deux, à chaque mâchoire, et que, comme les Sapajous, ils ont les dents de lait au nombre de vingt-quatre, tandis que les jeunes Pithéciens n'en ont jamais que vingt. C'est donc une paire d'arrière-molaires qui leur manque aux deux mâchoi- res; à cet égard, ils diffèrent à la fois des Sapajous et des Sakis aussi bien que des Pithéciens, puisque tous en ont constamment trois paires. Sous presque tous les rapports, les Hapa- liens sont inférieurs aux autres Singes, et cette infériorité se retrouve dans la disposition de leur cerveau, dont les hémisphères n'ont pas de circonvolutions. e»\\.. dYn O; i^rm acé de 37 jours, srnnd. nat. .AIvcmoiri.s de i. Onsrin aruete grand, nat. Cerveau de l'Ouistiti, grand, nu». On doit en conclure, ou du moins on en a conclu, qu'ils n'acquéraient pas le même (loixv^ d'intelligence que les autres Singes, et ce que plusieurs naturalistes ont observé sur les Ouistitis vivants paraît confirmer cette manière de voir. Ainsi ils ne sont pas éducables comme la plupart des autres, mémo lorsqu'on les prend jeunes, et, s'ils ne paraissent pas méchants, comme beaucoup do Pithéciens, il faut dire qu'ils n'ont ni la force, ni la ruse, ni surtout l'amour de la liberté qui caractérise ces derniers, et qui, on leur rendant l'esclavage insup- portable, les éloigne de l'IFomme dès qu'ils sont assez forts pour se passer de ses services rc p\'îtï!-:. 19 140 ORDRE DES PRIMATES. ou se soustraire à ses caprices. A cet égard , les Ouistitis tiennent peut-être plus des Ecureuils que des Singes supérieurs, et , comme ils ont aussi la livrée de ces Rongeurs, on les confon- drait aisément avec eux si l'on ne constatait qu'ils sont Primates par leurs mains de derrière, par leurs dents , par la capacité encore assez grande de leur crâne et par l'ensemble de leur organisation. Mais, comme nous l'avons déjà dit, ce sont des Singes inférieurs à tous les autres, et ils tiennent le dernier rang dans la nombreuse catégorie de ces Mammifères; leurs yeux plus écartés, le grand élargissement de leur membrane internasal, ainsi i geries (les Singes de cette espèce. Jls passent habituellement la journée couchés dans la partie Ja plus obscure de leur cage, mais dès que le crépuscule arrive, ils retrouvent toute leur activité; c'est alors qu'ils prennent leur nourriture; à l'aube, au contraire, ils retournent dans leur coin. Le Pincho vit dans la Guyane, dans le Brésil, dans le Pérou et dans la Colombie. L'Ouistiti d k ( 1 1- ofp r, o v ( llttpale Geoffroyii ) , dont la description a été donnée par le 1). Pueheran , habite l'isthme de Panama; il diffère du Pinche par les particularités suivantes : 4° Tous les autres Hapalicus ont les poils de la tète entièrement ras , et quelquefois même cette partie est plus ou moins nue. On peut distinguer parmi eux trois petites divisions, suivant qu'ils n'ont de blanc ni aux lèvres ni au nez, qu'ils n'ont de blanc qu'aux lèvres ou bien qu'ils en ont au nez et aux lèvres. <»:kiiii :>!■' (iKiirKiiov, •>/:{ il.- irmul. . .... . ((. \la première do ces sous-divisions se rapportent trois r-ipèces que Ton a plus particulièrement appelées Tamarins , ce sont : L ' O i i s t i t r a m o i t i k VA. \m: {lf a pale bieolor) , signalé k l , "2/3 de gmul 152 OBDRE DES P1UM\TES. L'Ouistiti de Weddel (//^fc ir^Wi) a été décrit par M. Emile Devillo et dédié au savant courageux botaniste, M. Weddel, qui composait avec lui et M. d'Ozery la com- mission scientifique qui a traversé deux fois Amérique intertropicale, sous la direction de M. de Caltelnau. L'Ouistiti de Weddel a été trouvé dans la province d'Apolobamba, en Bolivie, par le savant dont il a reçu le nom; il est surtout distinct par son front blanc et sa face est aussi encadrée de la même cou- leur. L'Ouistiti d'Illigeu (Hapalc IUigeri, Pucberan) est encore une autre espèce ; il a la tête noire ainsi que la queue et les mains; le dos et les lombes variés de noir et de1 jaune et le reste du corps roux : on le suppose de Colombie. M. Wagner le réunit à Y Hapalc fuscicollis de Spix. C'est auprès de lui que se place T Ouistiti a front no in (Hapalc nigri front, Is. Geof- froy) , sur l'habitat duquel on n'a encore aucun renseignement certain. c. Parmi les espèces à lèvres et à nez de couleur blanche, on connaît : L'Ouistiti l a tu é (Hapalc labialus , E. Geof- froy) , à pelage noirâtre en dessus, roux ferrugi- neux en dessous et à tète noire; L'OUÏS T I T f A C A L 0 T T E R O U S S E ( Hapalc pilcata) , qui est aussi l'une des espèces décrites par MM. Is. Geoffroy et Devillc ; il a le dessus do la tète d'un roux mordoré vif; le dessus du corps varié de noir et de gris sans bandes distinctes; les membres, la queue et le dessous du tronc noirs ou noirâtres : il a été pris à Pebas; L'Ouistiti a moustaches ( Hapalc mysla.r de Spix), qui n'a de roux ni sur la tète ni inférieurement; il est du Pérou. MM. de Castel- nau et Devillc l'y ont trouvé auprès de Saint-Paul , dans la région du haut Amazone. OlISTlTI A f. W.OTMC li O Y < grand, rrnt. HEM ABOI ES SUR LES CÉBIENS ET LES ÏÏAPALIENS FOSSILES Tous les détails que nous venons de rapporter au sujet des Cébicns ou des ïlapaliens, et le fait bien constaté (pie ces Animaux ne se rencontrent point ailleurs qu'en Amérique., rend plu» curieuses encore les observations qu'on a faites sur les espèces fossiles de ces deux groupes. Ce nest également qu'en Amérique qu'elles ont été observées. M. Lund, savant paléontolo- giste, auquel on en doit la connaissance, en distingue cinq parmi les débris fossiles qu'il a recueillis au Brésil, dans le bassin de lîio dos Velhas, l'un des affluents du fleuve Saint- François. En voici la liste : 1° Un Sajou (Ccbas macrognalhm, Lund); 2° In Callitriciie dont la taille était presque double de celle des espèces du même genre (CaUUrix jmmwvm, id.) ; 3° In Ce ni en dont la hauteur égalait quatre pieds et dont les caraclères indiquent un FAMILLE DES LEMl RI DES. 153 genre différent de ceux d'à présent (M. Lund l'appelle Protopitiikque et donne à l'espèce le nom de ProtopWwcvs brasUiensis) ; 4° lin Ouistiti grand comme l'Ouistiti à pinceaux ; 5° Un Ouistiti double en dimensions et par conséquent plus grand que ceux qui vivent maintenant (Hapaïe grandis). FAMILLE des LÉMURIDÉS Plusieurs des genres de Mammifères qui vivent dans l'ancien continent, ont avec les Singes un certain nombre de caractères communs, et, en particulier, le pouce des pieds de derrière opposable aux autres doigts. Ils ont été réunis en une seule famille, sous le nom de Lé mu- ridés, et plus fréquement encore sous celui de Lémuriens. La plupart habitent Madagascar, tels sont Tlndri, deux autres genres qui s'en rapprochent, les Makis et les Cheirogales. D'autres vivent en Afrique : on les connaît sous les noms de Galagos et de Pérodictique. Il y en a aussi dans l'Inde et dans ses îles : ce sont les Loris et le Tarsier. Quelquefois on a associé à ces Animaux l'Aye-Aye, et même les Galéopithèques, qui en sont très-voisins, à certains égards, et qui habitent également l'ancien continent. Néanmoins nous (ni parlerons séparément, parce qu'ils diffèrent des vrais Lémuridés par plusieurs parti- cularités importantes. La deuxième famille des Primates et les deux genres que nous venons de signaler répon- dent au genre Lemur de Linné ou des naturalistes qui l'ont suivi. Sa division en plusieurs genres a été successivement opérée par Buffon, par Pallas ainsi que par G. Cuvier et E. Geof- froy. Les Animaux qu'elle comprend se rapprochent bien des Singes à plusieurs égards, et ils leur ressemblent plus qu'aux autres Mammifères; mais, indépendamment de leurs affinités avec les Singes des deux continents, ils sont faciles à en distinguer si l'on consulte l'ensemble de leurs caractères, soit extérieurs, soit profonds. Inférieurs par leur organisation aux espèces de la première famille, les Lémuridés consti- tuent un groupe parfaitement naturel et leur répartition géographique n'est ni moins curieuse ni moins régulière que celle des Singes. Ceux de Madagascar forment deux tribus assez dis- tinctes, sans comprendre l'Aye-Aye, et l'une de ces deux tribus semble tenir dans cette île, ou plutôt dans ce petit continent, la place que les Singes supérieurs occupent dans l'Jnde et en Afrique. Lne de ses espèces a même dans sa démarche et dans la brièveté de sa queue assez de ressemblance avec l'Homme, quoique bien plus éloignée de lui par son organisation qu'au- cune des espèces de la famille des Singes, et dans quelques districts on l'appelle Y Homme des bois. Les Lémuridés madécasses de l'autre tribu sont les Makis et les Cheirogales; aucun des genres de ce groupe ou du précédent ne possède d'espèce en Afrique ni dans l'Inde, et chacun de ces deux derniers continents nourrit aussi des genres qui lui sont particuliers, ceux de l'Afrique n'étant pas les mêmes que ceux de l'Inde. Buffon , qui avait si bien compris la répartition géographique des Singes , n'avait pu réunir assez de documents pour se faire une idée entièrement exacte de celle des Lémuridés, Animaux dont il ne connaissait d'ailleurs qu'un petit nombre d'espèces. Plusieurs naturalistes avaient donné les Loris comme semblables aux Paresseux de l'Amérique, ce qui les avait conduit à dire (pie ces derniers ou l'Aï et l'Unau vivent aussi dans l'île de Ceylan. Buffon discuta cette assertion, et il ajoute qu'il lui paraissait que le Loris poucan, mal à propos nommé Paresseux du Bengale , approche plus de l'espèce du Loris (ou Loris grêle) que de celle d'aucun autre Animal, et (pie ces deux Loris se trouvent également dans l'ancien continent. 11 ajoutait dans le même article : « Ce fait, que les Animaux des parties méridionales de l'ancien contineijÇ jhî;. ire iMirni:. 20 154 OBDBE DBS PBIM YTES. se trouvent pas dans le Nouveau-Momie, est démontré par un si grand nombre d'exemples, qu'il présente une vérité incontestable. » Et eu effet, non-seulement on n'a trouvé depuis Buffon aucun Loris en Amérique, ni aucun Paresseux véritable dans l'ancien continent, mais il n'a été rencontré, ni en Amérique, ni à la Nouvelle-Hollande, une seule espèce susceptible d'être réunie à la famille des Lémuridés. Le Kinkajou, de la Guyane et du Brésil, dont on a voulu faire un genre du même groupe;, appartient certainement à l'ordre des Carnivores. Des vues analogues à celles que Buffon avait émises sur la différence des Mammifères propre^ aux parties méridionales de l'ancien et du nouveau continent , ont été démontrées vraies pour la Nouvelle-Hollande et pour Madagascar. Ce grand écrivain avait dit, au sujet des Makis pro- prement dits, qu'ils sont originaires des parties de 1' Yfrique orientale, et notamment de Ma- dagascar, ou on les trouve, en effet, en grand nombre. On sait aujourd'hui que ces Animaux sont exclusivement de Madagascar, et que, de même qu'il n'y a pas de Singes dans ce pays, il n'y a non plus ni Maki, ni Indris en Afrique, même dans F Afrique orientale, dont Mada- gascar n'est pourtant éloigné (pie de soixante myriamètres. Vucun Mammifère autre que ceux qui ont été répandus par l'Homme sur toute la surface du globe n'est commun à ces deux pays, et ils diffèrent autant entre eux (pie F Yfrique elle-même diffère de F\niérique méri- dionale. Madagascar, que. les géographes nous décrivent comme une île africaine, comparable à Fernando-Po par exemple, n'est donc pas, comme cette île, une dépendance de l'Afrique, car elle ne nourrit pas les mêmes productions indigènes. A ce titre, Ceylan dépend de la presqu'île de Pondiehéry, Sumatra relève de celle de Malacca, et Yan-Diémen est un démembrement du continent australien. Madagascar au contraire est une terre à part, comin.» l'Afrique, comme l'Inde, comme l'Amérique du Sud et comme la Nouvelle-Hollande. C'est un centre particulier de population animale, et cela non-seulement par les caractères propres de ses espèces réelle- ment indigènes, mais aussi par un grand nombre de ses genres. Commerson , qui avait visité cette terre après avoir accompli presque en entier le tour du monde avec Bougainville, fut le premier qui eu fit la remarque. Il dit, en effet, dans un slylc métaphorique, mais dont le sens exact est facile a saisir, que la nature semblait a' vire retirée à Madagascar, comme dans un sanctuaire , pour y travailler sur d'autres modèles que ceux auxquels elle s'est asservie ailleurs. Nous insistons donc sur ce point : Les L'hnuridés de Madagascar diffèrent (jéuériqucmcnl de ceux de l'Afrique, et ces derniers ne sont pas non plus les mêmes que ceux de Vitale. Tous ces Animaux sont néanmoins de la même famille; car, bien qu'ils diffèrent d'espèces et même de genre, ils ont plusieurs particularités communes, comme en ont aussi l a r k s s n r x (Loris tar- digradns) , (jue Buffon a signalé, d'a- près Wosmaër, sous la dénomination de Loris du Bengale, est un peu plus gros et surtout plus robuste ; il est roux en dessus avec une ligne dorsale brune ; une bande blanche remonte des cotés de son nez et s'étend jus- v qu'au front; le dessus de son corps est grisâtre. Son corps est long de vois décimètres et demi. FAMILLE DES LEMIBIDES. île de Ce vlan que vit ce curieux 157 Mammi- Lonis r a r r.s^E i: \ , 3/i do ernnrl. Loris onf.i, e, \l\ dr grand. On le trouve à Java, à Sumatra et à Bornéo, peut-être aussi au Bengale, mais il y a moins de certitude à cet égard. On en a distingué, mais sans doute à tort, une espèce sous le nom de L. javanus. Le Loris paresseux, qu'on nomme aussi Poucan, est le type du genre Nycticèbe d'E. Geof- froy. La description du Loris du Bengale, que Buffon avait tirée de Wosmaër, n'a été publiée qu'après sa mort, dans le t. Vil de ses Suppléments. C'est par erreur qu'elle attribue à cette espèce la tète décharnée trouvée dans un puits de l'ancienne ville de Sidon, et dont Dau- benton avait donné la description dans le t. XV du même ouvrage : cette tête est celle du Daman et point du tout celle du Loris. TRIBU des GALAGOS Elle a pour type le genre Gala go. Une nouvelle étude des Pérodictiques me porte à croire qu'il doit également en faire partie. (ïkmik PEHODICTIQUE (Pcrodicticus , Bennett). Bosmann, voyageur hollandais du xvir siècle, qui avait été en Guinée, parle, dans le récit qu'il a laissé, de plusieurs Ani- maux particuliers à ce pays qui n'ont été revus que dans ces dernières années. L'un d'eux est un Cbevrotain dont nous rappellerons les caractères en décrivant les espèces de ce genre; un 158 OlUMtE DES PRIMATES. autre est un Quadrumane que Hosmann appelle Potto, et dont les naturalistes modernes mit fait successivement un Galago, un Nycticèbe, et plus récemment un genre distinct. Le Pkuodictique Potïo {Perodicticus Potto) a les oreilles à peu près semblables à celles des Loris et bien moins grandes que celles des Galagos, mais il a une queue tandis (lue les Loris en manquent; d'autre part, cette queue est bien moins longue que celle des Ga- lagos ; elle est à peine égale au tiers du tronc. Cet Animal est moins gros qu'un Chat et il paraît être essentiellement grimpeur. Ses pieds de derrière, dont le pouce est bien séparé et complè- tement opposable, ont leur second orteil pourvu d'un ongle subulé et, antérieurement, sa main a aussi le pouce opposable, élargi à sa base et tellement écarté, que la main elle-même res- semble à une pince dont une branche serait formée par le pouce et l'autre par le reste des doigts; mais le premier de ceux-ci ou l'index présente une particularité, très-remarquable; il est tout à fait rudimentaire et ne paraît extérieurement que comme un petit tubercule on- guiculé. On ne connaît rien d'analogue dans les autres espèces de la classe des Mammifères. Le Potlo a la dentition des Loris et des (ialagos; il se rapproche surtout de ces derniers, mais il a la première molaire supérieure uniradirulée et la dernière plus courte. Nous n'avons pu en représenter que la dentition de lait. L'exemplaire observé par Uennetl, eu 1830, était dans ce dernier cas, ainsi que celui qu a décrit plus récemment 31. Van (1er lloeveu, et il en est de même d'un troisième appartenant au Muséum de Paris. C'est de celui-ci que nous don- nons une figure en couleur. (Planche M.) Le Potto est un Animal assez trapu, coloré de roux brun avec un glacé plus foncé sur In dos et gris-blanc sur les lombes, les flancs et les pattes; la partie terminale de sa queue est noire. On le trouve dans les forêts de la Guinée, particulièrement auprès de Sierra-Leone. C'est un Mammifère lent et paresseux qui semble établir le passage entre les Loris do l'Inde et les Galagos de l'Afrique. GENRK G AI, A GO (Gftlflf/o, E. Geoffroy). Adanson , qui a été, comme l'on sait, un grand botaniste, a aussi rendu des services fort importants à la zoologie, soit par ses travaux sur les Mollusques, soit par les collections mammalogiques et ornithologiques qu'il a faites au Sénégal. C'est à lui que l'on doit les premières observations sur les (ialagos, qu'il avait eu l'occasion d'observer pendant son voyage, et dont il rapporta en France des peaux ainsi qu'un crâne. E. Geoffroy rappelle plusieurs particularités à cet égard dans son Mémoire intitulé « Le Galago du Sénégal, description suivie de considérations sur l'Animal anonyme, » mémoire qui a paru dans Y Histoire naturelle des Mammifères de V. Cuvier. « Il y avait longtemps, dit Geoffroy, qu' Adanson avait eu connaissance du Galago: des nègres qui le servaient durant son séjour au Sénégal , ayant remarqué qu'il prenait des notes sur toutes les productions de leur pays, lui procurèrent cet Animal dont ils lui avaient auparavant vanté la gentilles.se et l'extrême agilité. Ce joli Quadrupède est connu dans les déserts au delà de Galam sous le nom de Galago, que nous avons adopté. Adanson en prit sur les lieux plusieurs croquis. Il en rap- porta aussi quelques dépouilles en Europe; et, c'est en s'aidant de ces moyens que, do retour IM..IX p/;/to/>/t y/ors; porro //>, ,/„■/,,■„., s; //, 1>K (il'INKK './ F VMILLE DES LEMIRIDÉS. 159 a Paris, il lit composer une planche do grandeur in-folio, ou lo Galago est représente dans les attitudes qui lui sont le plus familières. Feu Desmoulins fut chargé de la gravure de cette belle planche, et Adanson ne l'a employée, ni dans son Voyage au Sénégal, ni dans aucun autre de ses ouvrages. Occupé du projet d'une Encyclopédie sur l'histoire naturelle, il y a toujours destiné cette planche ainsi que d'autres faites avec les mêmes frais, et il est mort sans publier ces précieux: matériaux. » Le Galago ordinaire du Sénégal, qui reçoit aussi dans ce pays le nom de Khoyah, n'est pas la seule espèce connue dans ce genre. Outre quelques Galagos dénommés par les auteurs modernes, mais dont quelques-uns sont trop peu différents de l'espèce ordinaire pour que Ton puisse les en distinguer comme espèces, il faut y joindre deux espèces qui sont au contraire plus grandes, mais également de couleur gris perlé, et une autre plus petite. Celle-ci est le Galago do Demidoff, à tort rapprochée du Maki nain; les autres sont le Galago à grosse queue et le (ialago d'Allen. Quand au Potlo de Jîosmanu, dont quelques auteurs ont fait aussi un Animal de ce genre, nous eu avons parlé précédemment sous le nom de Pérodictiquo, pareu qu'il doit évidemment constituer une division à part. Les Galagos sont de jolis Animaux ayant à la fois l'organisation des Primates et l'apparence gracieuse des Ecureuils. Ils ont pour caractères leur tète assez grosse et arrondie , remarquable par ses grandes oreilles membraneuses et par la grosseur des yeux; leur queue est longue et fournie; leur pelage est moelleux; le pouce de leurs pieds de derrière est opposable aux autres doigts; leur second orteil est pourvu d'un ongle subulé et leur tarse est notablement _ _____ allongé. Ils sont du petit nombre des Primates qui ont trois Tti-H-:: -.:i; -S^KS®^^!^^^ paires de mamelles; leurs dents sont en même nombre que " " chez les Makis, les Loris et les Sapajous, c'est-à-dire au nombre de trente-six; mais la forme de ces organes est bien plus semblable ici à ce que l'on voit chez les Makis ou Loris; les trois paires antérieures de la mâchoire inférieure étant proclives et en forme de peigne , commo chez ces derniers Animaux. Les (ialagos sont inoffensifs, presque entièrement nocturnes, et ils vivent sur les arbres ou ils font la chasse aux insectes et aux petits Oiseaux; ils mangent aussi d^ fruits. On les trouve surtout dans les grandes forêts de Gommiers ou arbres qui fournissent la gomme, et les Européens du Sénégal les nomment, à cause de cela , Animaux de la gomme. Il paraît qu'ils aiment aussi cette substance, et, en captivité, on peut leur eu donner ainsi que des fruits et d'autres aliments. G. Cuvier et (ieoffroy-St-IJilaire imposèrent, en 1795, le nom latin de (llùrosciurns , qui signifie Ecureuil à mains, au genre qui comprend les Calages, et, Tannée suivante, dans son Mémoire sur les rapports naturels des Makis, lo second de ces naturalistes en parla sous le nom qu'Adanson avait indiqué. En 1811, llliger, consé- quent au principe trop souvent oublié, mais auquel la synonymie doit plus d'un embarras, que les noms em- ployés d'abord comme spécifiques ne doivent jamais être pris dans une acception générique , substitua le mot iïOtoIionis (signifiant oreille en forme de van) à celui de (ialago, et il appela l'espèce la plus commune Oto- licnus (Ialago , comme antérieurement Schreber l'avait appelée honar Galago. >. \<. i) r r Ta ii sikh . 1-2 do grand. Pn-i> i>r T\ u sir ». irnind. n.-i! 162 ORDRE DES PRIMATES dont on ait bien démontré l'existence; il a reçu plusieurs dénominations, et divers auteurs ont établi à ses dé- pens deux ou trois prétendues espèces qui n'ont pas pu être acceptées. On le trouve dans ies îles de Ranka , de Bornéo et de Gélèbcs, qui font partie du grand Archipel indien; il n'est pas certain que Sumatra le possède, mal- gré son voisinage de Banka. C'est un petit Animal fort gracieux, à pelage doux, de couleur roussâtre, plus ou moins nuancé de brun en dessus et de gris en dessous; sa taille égale à peu près celle du rat com- mun, mais son corps a plus de rapport avec celui des Singes; son museau est court et iin ; sa queue , longue et velue , est plus fournie à son extrémité que vers la base. Les Malais le nomment Podje. Il est inof- fensif, tranquille ou même lent, et il vit principalement d'Insectes. On le rencontre dans les lieux boisés. Malgré T\«Mi:n, 1/2 de grand. l'analogie de ses pieds avec ceux des Didelphes Australiens , dont il est voisin p^ aussi bien que C.y n v i: * i; ni' T a h »; i r i< , «rand. nat par sa patrie ar plusieurs autres do ses caractères, nous ne le séparons pas des vrais Lénmridés. Peut-être devrait-on lui donner un rang plus élevé parmi ces Animaux, car il paraît leur être supé- rieur en intelligence aussi bien que par quelques-unes de ses parti- cularités anatomiques. Cependant son eerveau manque de circonvolutions. véritables II LEMITRIDES DE MADAGASCAR On peut les partager en deux: groupes constituant chacun une tribu; le le «reiiro Indri, et le second les Makis proprement dits. premier a [>our type TRIBU des INDRIS L'Indri, le Propithèque et I'Avahi forment, parmi les Lémuriens de Madagascar, une petite tribu que nous placerons avant celle des Makis véritables, à cause de l'analogie' plus grande que certains de leurs caractères présentent avec ceux des Singes. Ces Animaux se tiennent droits plus facilement que les Makis et pendant plus longtemps qu'eux. Leurs dents, appropriées à un régime végétal, sont moins nombreuses que celles de ces Animaux; ils n'en' ont jamais que trente, savoir : cinq paires de molaires à chaque mâchoire, au lieu de six; MISSING PAGE(S) MISSING PAGE(S) MISSING PAGE(S) MISSING PAGE(S) M\ki a vKNriiK j\hf, 1/2 (lt grand FAMILLE DES LÉMIRÎDÉS. 107 Is. Geoffroy) a les parties inférieure» du corps et les membres d'un rouge marron très-peu différent de celui qui colore le dessus du dos chez le Maki rouge; il est brun roux tiqueté en dessus; sa queue est noirâtre et ses joues ont une touffe dQ poils rouge marron. Le M a k i a v kntre jaunf: (Lcmuv flaviventer , Isidore Geoffroy) en est voisin, mais sa gorge est blanche; son ventre est jaune, et la face externe de ses membres est jaunâtre. 11 a la face noire. Le Maki a ruAisii {Le mur collaris , E. Geof- froy) est brun jaunâtre, plus clair aux parties infé- rieures. Le mâle a la tête noire et les favoris d'un jaune orangé ; la tête de la femelle est grise. On en doit la découverte à Péron et Lesueur. Le Maki roux (Lemur rufus, Audebert) appartient aussi à la catégorie des Makis à fraise, c'est-à-dire de ceux qui sont pourvus de favoris touffus. Ses poils sont roux dorés, sauf aux joues et sous le cou , où ils sont gris , et sur la ligne moyenne de la tête , oii ils sont noirs; les membres sont gris roux et le dessous du corps est jaunâtre. Le M\ki a mains blanches (Lemur albbiianus , E. Geoffroy), que Audebert avait précédemment figuré, et qui est peut-être le Maki aux pieds blancs de Brisson, se reconnaît à sa couleur grise en dessus, blanche à la gorge et à la poitrine, roussàtre au ventre et roux cannelle sur les favoris. Celui que l'on possède a Paris provient aussi des collections apportées par Péron et Lesueur. Les autres espèces n'ont pas les poils des joues disposés en frais. La première, ou le Maki a f i\ o n r n l a n c ( Lemur albifrons , E. Geoffroy), sur lequel Fréd. Guvier a donné de nouveaux ren- seignements , doit son nom à la couleur de son front , qui est blanche , principalement chez le nulle, sauf cependant au milieu ; M \\\ \ I l< () N I \) I ANC. , J •"{ (li' {Tî'JII si son pelage est presque entièrement d'une teinte gris roux. Cette es- pèce est une de celles qui se sont reproduites en Europe, M \ k i \ rit ont tu. \xr: femelle, \jl de grand. 1C>8 OKDKK DKS PRIMATES. Ee Maki \ front noir {Lemur nlgrifrom, E. Geoffroy) ost fort rapproché du pré- cédent, mais il sVn distingue par quelques diffé- ^Hi. renées dans la robe cl par le noir do son front. M \ k i \ ! »; ont \rn<> \ \\\ I '2 de irr.-.ml. Il en est de même du Maki a bandeau d'or {Lemur ehrysompjjx de M. SclmermanO . F\M1LLE l)KS LKMl 1UDKS. 160 qui eu est encore distinct des précédents par l'absence de tache noire au ventre, et par la couleur blanche de ses parties inférieures et externes. Les exemplaires (pie possède le Muséum de Paris sont dus à MM. Dernier et Louis Rousseau. DE QUELQUES ANIMAUX VOISINS DES MAKIS. Entre les Makis proprement dits que nous venons d'énumérer et d'autres espèces de moindre taille, auxquelles on a donné les noms de Cheirogales et de Microcèbes, se placent deux ou trois Lémuridés intermédiaires aux uns et aux autres par plusieurs de leurs carac- tères et que nous ne saurions passer sous silence. Le premier est le Maki guis (Lemur grisais, appelé aussi le L. tinerous), que Sonnerat avait rapporté, et dont il est question dans le tome VIL des Suppléments de Duffon, sous le nom de Petit Maki r/ris. (l'est un Animal un peu moins grand que les précédents, son corps n'ayant que trente- cinq à qua- rante centimètres ; sa face est aussi plus courte que la leur, et ses oreilles sont velues. Il a le pelage gris cendré en dessus et sur la queue, passant au blanc en dessous et fauve sur la ca- lotte. Ses dents sont plus serrées que celles des Makis proprement dits; le talon interne de ses molaires supérieures est moins fort, et les collines de ses molaires inférieures sont plus obliques, ce qui lui donne une plus grande analogie avec l'Indri. Cette particularité est probablement liée avec un régime plus habituellement végétal que celui des autres espèces. Le Makis gris est un Cheirogale pour M. Van der Hoévcn, et, pour M. Is. Geof- froy, il devient le type d'un nouveau genre, sous le nom d'il apalk mure [Hapakmnr). Dinin d'in Maki gris presque ndulW.', grand na!. IPH;; H v i» w. f. muhk ou Maki g jus, 1/0 do PARTIE. 22 170 ORDRE DES PRIMATES. Ce dernier naturaliste en rapproche, sous le nom cTHapalémure olivâtre (Hapalemur olivaceiis) , un Animal également originaire de Madagascar, qui a le pelage plus long, plus serré et plus touffu, et dont la couleur est olivâtre teintée de roux. Une autre espèce, type aussi d'un genre à part, dans la classification de M. Is. Geoffroy, est son Lepilémure mustélin (Lepilemur mustelinus) , également intermédiaire pour la taille aux Makis et au Gheirogale de Milius. Son pelage est roux , avec la gorge blanche , le front et les joues gris, les parties inférieures et internes étant d'un gris jaunâtre. Il a été rapporté de Madagascar par M. Jules Goudot. Cette espèce de Lémuridés manque d'incisives supérieures (du moins dans l'âge adulte) ; L £ y i l É m r r i: m r s r i. \. i n Dents nr Lki'H.v.mvhf. , grand, nat. ses canines supérieures sont fortes et pourvues d'une sorte de crochet à leur base postérieure ; ses molaires ont de l'analogie avec celles du Maki gris et des Indris; enfin sa queue est moins longue que celle des autres Animaux de la même tribu. On n'a point encore de renseignements sur sa manière de vivre. Genre GHEIROGALE (Cheirogaleus , E. Geoffroy). Avec les manuscrits laissés par Gommerson et que l'on a déposés au Muséum, existent aussi des dessins en général bien faits et qui représentent les objets les plus curieux observés par cet infatigable naturaliste pendant ses voyages. C'est d'après l'inspection de trois de ces dessins faits par Commerson à Mada- gascar, mais dont l'authenticité ne reposait malheureusement ni sur une description ni sur des pièces conservées, qu'Etienne Geoffroy établit, en 1813, le genre Gheirogale. Voici un passage de la note qu'il lit imprimer alors dans les Annales du Muséum, en publiant les figures laissées par le compagnon de Rougainville : « Les Animaux que ces dessins nous font connaître ont, comme les Chats , la tète ronde, le nez et le museau courts , les lèvres garnies de moustaches, les yeux grands, saillants et rapprochés, les oreilles courtes et ovales; leur queue est longue, touffue, régulièrement cylindrique, se ramenant naturellement en avant, ou s'enroulant tantôt sur elle-même, et tantôt autour du tronc, Jusque-là, ce ne sont que des traits empruntés en quelque sorte à la famille des Félis; mais ces traits sont combinés, dans les Animaux de Commerson, à des doigts aussi profondément divisés et aussi propres à la préhension que le sont ceux des Makis. On trouve également, dans ces deux genres d'Animaux, un pouce à chaque main, aussi écarté, aussi distinct et aussi susceptible de mouvements propres. Ces nouveaux Animaux n'ont, d'ailleurs, d'ongle large, court et aplati qu'aux pouces ; les ongles des autres doigts sont étroits, grêles, aigus et dépassant de beaucoup la dernière phalange. Toutefois , cette disposition des ongles n'en fait pas des griffes comme celles des Arctopithèques (Ouistitis) , des Ours et des Chats; leur FAMILLE DES LÉMUR1DÉS. 171 forme et leur position les font plus ressembler à ces ongles subulés qui, clans les Makis, no garnissent que le seul deuxième doigt des pieds de derrière. » Les dimensions respectives des trois Animaux figures par Commerson ont fait admettre à Geoffroy trois espèces de Cheirogales, sous les noms spécifiques de C. major 9 médius et minor. Le Cheirogalous minor est sans doute le Microcèbe Murin sur lequel nous reviendrons bientôt. Quant aux Cheirogalcus médius et major, il est plus difficile d'établir leur synonymie par rapport aux Lémuridés, plus ou moins analogues par leur taille, qui ont été rapportés de Madagascar par les voyageurs qui ont visité ce curieux pays depuis Commerson, et Geoffroy, dans ses Leçons sur l'histoire des Mammifères , a lui-même abandonné ces dénominations pour appeler Cheirogale de Milius un Animal évidemment du même genre, peut-être même identique avec le Cheirogalcus major qui a vécu pendant quelque temps à la Ménagerie de Paris . Le Cjieirooale de Milius (Cheirogalcus Milii , E. Geoffroy) est aussi le Maki nain ou Myspithccus typas de F. Cuvier {Histoire natu- relle des Mammifères). Jl a les principaux ca- ractères des Makis, soit dans la forme de ses ongles, soit dans la conformation de ses dents, et il n'en diffère que par des traits secondaires. Il est aussi de plus petite taille. Son corps est long de trente-cinq centimètres ; sa queue est à peu près égale; son pelage est épais, soyeux, comme crêpé, et presque entièrement d'un gris fauve uniforme, sauf sous la gorge, sous la poitrine et au ventre, qui sont d'un blanc plus ou moins pur. Pendant son séjour à la Ménagerie, il passait tout Je jour caché dans un nid qu'il s'était fait avec le foin qu'on avait placé dans sa cage, et ce n'était qu'à la nuit qu'il commençait à sortir de sa retraite pour entrer dans un état d'activité qui durait jusqu'au matin. Son agilité était des plus grandes , et il pouvait faire des sauts de six à huit pieds de haut. Comme tous les Animaux nocturnes, il avait les yeux très-gros et d'une extrême sensibilité. Aussi la lumière l'incommodait-elle beaucoup. On le nourrissait de fruits, de pain et de biscuit. Ce Cheirogale diffère peu des Makis, mais il est moins haut sur pattes, en outre, son squelette est peu différent du leur; il a cependant les côtes plus larges et au nombre de treize paires au lieu de douze; ses vertèbres lombaires sont au nombre de sept. Ses intestins ont un cœcum plus large que le colon, et dont la longueur est de deux décimètres. Le Cheirogale a fourche (Cheirogalcus farci fer de MM. de Blainvilie et ls. Geoffroy) a été rapporté de Madagascar par M. Jules Goudot. l\ diffère du précédent par la disposition caniniforme de sa première molaire supérieure , par le développement plus fort de ses incisi- ves supérieures, et par son crâne, qui est plus allongé dans sa partie faciale et busqué sur les os du nez. Extérieurement, il s'en éloigne aussi par sa queue, un peu plus longue, et par sa coloration. Son pelage, laineux et doux, est d'un gris cendré, avec quelques nuances fauves; le dessous du corps est plus clair que le dessus ou les côtés; les pattes sont d'un roux noirâtre, et une bande noirâtre, comme veloutée, commence sur le sacrum, s'élargit un peu sur le dos, et se continue jusqu'à l'occiput, oii elle se bifurque pour envoyer sur les yeux et jusqu'auprès du museau chacune de ses deux branches, que l'on peut comparer à celles d'une fourche. La queue a la couleur générale du corps dans sa première moitié ; elle devient noire dans sa seconde. On n'a point encore reçu d'exemplaire vivant de cette espèce. De même que le précédent , ce Cheirogale ne diffère pas autant des Makis proprement dits que l'avaient fait penser les dessins de Commerson. Toutefois elle ne doit pas rentrer '.' m m it o g \ i. e d E Milius, ïfî dv grand. 172 OKDKK OKS 1MUMATKS. dans le même genre qu'eux, et on pourrait aussi le séparer du Cheirogale de Milius, comme on a séparé le Lemur murinvs ou véritable Makis nain. Quant au Chcirogaleus typions de M. Smith, nous ignorons s'il doit être ou non distingué du Cheirogale de Milius, auquel il ressemble beaucoup, Cil 1.1 H (H, V LE \ l'OHIUI!, 1 C> Le Cheirogale nain (C/wiruf/atcas inurhius) ou le Utile MacancoWo Brown [I.emvr mu ri nus , de Pennant) a le corps long de quinze centimètres, avec la queue un peu plus longue; il est entièrement roux ferrugineux. Duffon en avait vu et l'ait dessiner un individu vivant, mais il n'avait pu en faire la description complète, et Ton n'a trouvé dans ses papiers qu'une courte note oii il en parle sous le nom de Bal de Madagascar, ClIF. IROGALE NAIN, 2/'. FAMILLE DES CHEIROMYDÉS. 173 Dans cette note, que Lacépède a fait paraître dans le tome VII des Suppléments à l'Histoire naturelle, il est dit que le prétendu Rat de Madagascar (Hait nocturne, et qu'il avait les mou- vements très-vifs. On le nourrissait d'amandes et de fruits. La même espèce a été nommée Lemur pusillus par Geoffroy-Saint- Hilaire, qui en a fait plus récemment le type de son genre Microcebus; c'est peut-être aussi le Cheirogaleus Smithii de M. Cray. D'autres auteurs la regardent comme appartenant au même genre que les Galagos, à cause de sa grande ressemblance extérieure avec le Galago de Demidoff. L'un des caractères les plus remarquables de ce petit Animal est d'avoir trois paires de mamelles, comme les espèces du genre que nous venons de nommer, tandis que les vrais Makis n'en ont qu'une seule paire, laquelle est placée sur la poitrine, à peu près comme celle des Singes. Nous ignorons si les Oheirogales des deux espèces précédentes diffè- rent à cet égard de l'espèce type du genre Microcèbe. M. Is. Geoffroy a fait connaître que le cerveau de ce dernier était privé de circonvolutions. CeHVKU' DE OlEIKOGU.E NAIN JFrNE, grand, r.at. DlNTS DU C.UhlHOtiXI.E NAIN, FAMILLE des CHEIROMYDÉS La seule espèce que l'on connaisse dans cette famille est le Cheiromys A\e-Aye, Animal essentiellement différent de tous les autres Primates, parce qu'elle n'a que deux sortes de dents, savoir : des incisives, en même nombre et à peu près de même forme que celles des Rongeurs, et des molaires assez semblables à celles des Sciuridés, et qui sont de même sé- parées des incisives par une barre ou espace vide. Genre CHEIROMYS {Cheiromys, G. Cuvier). Lors de son voyage à Madagascar, Sonnerat se procura, sur la côte occidentale de cette île, cette espèce fort bizarre de Mammifère dont aucun naturaliste n'avait encore parlé. On pouvait la prendre, à son apparence générale, pour quelque gros Écureuil; mais, en réalité, c'était plutôt un Quadrumane, ayant de la ressemblance avec les Rongeurs de la famille des Sciuridés, car ses pieds de derrière avaient je pouce opposable aux autres doigts; sa tête était arrondie, et on reconnaissait que la partie cérébrale en était volumineuse. La queue longue, bien fournie et lâche du même Animal, avait, d'ailleurs, autant de ressemblance avec celle des Sakis qu'avec celle des Écureuils; mais ce qui le rendait surtout singulier, c'était le grand allongement de ses doigts antérieurs, et, comme il joignait aux caractères que nous venons d'énumérer un système de dentition tout à fait comparable à celui des véritables Rongeurs, et fort différent, par conséquent, do celui des Primates ou Quadrumanes, on comprend combien les zoologistes furent embarrassés lorsqu'ils essayèrent de déterminer le rang précis qu'il convenait d'assigner dans la classifi- cation à ce Quadrupède d'un genre si exceptionnel. Le peu de détails que Sonnerat publia sur cet Animal , dans son Voyage aux Indes , laissa subsister toutes les difficultés que présentait une réunion de caractères aussi insolite, et elles furent peut-être encore augmentées par ce que Lacépède en dit dans le Supplément aux œuvres de Ruffon, qu'il fit paraître bientôt après. Sonnerat avait possédé deux exemplaires vivants de cette singulière espèce à laquelle il 174 ORDRE DES PRIMATES. donna le nom & Aye-Aye, qui rappelle l'exclamation que les Madécasses d'une autre, partie do l'île poussèrent lorsqu'il les leur montra. L'Ave- Ave, Animal fort rare à Madagascar, n'était pas même connu des gens qui habitent cette île. Sonnerat conserva ses Aye-Aye vivants pendant deux mois. « Je les nourrissais, dit-il, de riz cuit, et ils se servaient, pour le manger, des doigts grêles des pieds de devant, comme les Chinois se servent de leurs baguettes. Ils étaient comme assoupis, se couchant la tête placée entre leurs jambes de devant ; ce n'était qu'en les secouant plusieurs fois qu'on parve- nait à les faire remuer. » Ces deux Aye-Aye ont été, jusque dans ces dernières années, les seuls qui soient venu* à la connaissance des naturalistes, et Sonnerat paraît mémo \ie\\ avoir conservé qu'un. Il le déposa, en 1782, au Jardin du Roi, à Paris (depuis lors le Muséum d'histoire natu- relle). Cet Aye-Aye est encore l'une des pièces les plus pré- cieuses de la collection mam- malogique de ce vaste éta- blissement. C'est d'après la peau bourrée du même Aye- Aye, son crâne et quelques os tirés de ses membres, que l'espèce a été décrite par les auteurs qui s'en sont occupés. Cependant, en 1844, un autre individu de la même espèce fut trouvé à Madagascar et préparé par les soins de M. de Lastelle, qui en a aussi fait don au Muséum. Nul autre cabinet d'histoire naturelle ne possède encore cette espèce ani- male; mais l'exemplaire du à Sonnerat a souvent été décrit et figuré. Ayant pu observer ces Animaux en détail , aussi bien celui de M. de Lastelle que celui de Sonnerat , nous essayerons d'en tracer l'histoire de manière à les faire bien connaître, et nous rappellerons en même temps les principales observations aux- quelles ils ont donné lieu de la part des naturalistes. La singularité des caractères distinctifs des Aye-Aye, et l'intérêt des discussions scientifiques auxquelles ils ont donné lieu, nous ont paru mériter ces dévelop- pements , dont nous nous serions , au contraire, abstenu, s'il se fût agi de l'un de ces genres dont tous les naturalistes comprennent les affinités de la même manière. Dans l'édition qu'il a publiée du Systema nalnrœ de Linné, en 1789, (imelin inscrivit l'Aye- Aye parmi les Écureuils, sous le nom de Sciants madnfiascarumsh. Les notes publiées sous le nom de Buffon l'avaient bien comparé au* \nimaux de ce genre, mais elles ajoutaient que, par l'aplatissement du pouce de ses pieds de derrière, il se rapprochait du Tarsier. m* {] II I. I RM M Y" • > n i: it v i , iiïi d(> grand. CiJ 1. IKOM \ * DE M, DE L \ S ! El. I- T., 1/2 '11' gMU'l FAMILLE DES CHEI ROM YDÉS. 175 Vers la môme époque, Schreber, d'Erlang, en fit un Lémuridé, et il l'appela Lemnr psilo- dactylus. Enfin, ce fut E. Geoffroy qui le signala le premier comme devant former un genre à part, et il dédia ce genre à son maître et ami Daubenton. Lors de la publication de ses Leçons d'anatomie, c'est-à-dire en 1800, G. Cuvier remplaça, par la dénomination de Cheiromys , qui signifie Rat-à-Mains, le nom de Daubenlonia, proposé deux ans auparavant. Il en explique ailleurs le motif: « C'est, dit-il, parce que l'usage de donner des noms d'Hommes n'est pas reçu en zoologie comme en botanique. » Quoique l'on n'ait pas toujours suivi cette règle , et qu'il y ait même eu zoologie plusieurs genres Cuvieria, le nom de Cheiromys a prévalu sur celui de Daubent o nia , bien que moins ancien que lui et malgré l'idée fausse qu'il donne de la véritable nature réelle de l'Aye-Aye, qui n'est pas, comme ce mot semble l'indiquer, un Rongeur pourvu de mains. C'est pour éviter cet inconvénient que Blainville a composé beaucoup plus tard les noms de MyspiUiecus ou Myslemnr par lesquels il exprime les doubles affinités que montre l'Aye- Aye, d'une part, avec les Quadrumanes, en particulier avec les Lémuridés, et, d'autre part, avec les Rongeurs; mais Blainville n'a fait que très- rarement usage de ce mot, et lui, aussi bien que Geoffroy-Saint-Hilaire , se sont habituellement servi dans leurs ouvrages du terme employé par Cuvier, La différence d'opinions que Gmelin et Schreber avaient eue au sujet des affinités de l'Aye-Aye se retrouve chez les naturalistes plus récents. E. Geoffroy, ainsi que G. et F. Cuvier, d'une part, et, d'autre part, de Blainville, et après lui, M. Is. Geoffroy, ont surtout pris part à ce débat, les premiers ayant continué à rapporter l'Aye-Aye à l'ordre des Rongeurs, et les deux derniers, au contraire, le rapprochant des Lémuridés, dans l'ordre des Quadrumanes ou Primates. Aux divers caractères propres à l'Aye-Aye que nous avons déjà indiqués , il faut en ajouter plusieurs autres. Tels sont : la position terminale des narines; l'absence de fissure verticale au milieu de la lèvre supérieure; l'ampleur des conques auditives, qui sont fort minces et ouvertes en avant; la position des yeux, beaucoup moins latérale que chez les Rongeurs ; deux mamelles seulement , placées à la région inguinale; la nature du pelage composé de deux sortes de poils, les uns soyeux, quoique rudes, longs et lisses, les autres laineux et four- nissant une sorte de bourre à la base des premiers; enfin la disposition touffue, mais non distique, des poils de la queue. Quant aux mem- bres, au crâne et aux dents, ils méritent que nous nous y arrêtions davantage?. Les membres antérieurs ont cinq doigts, comme les postérieurs, mais la forme en est assez différente. Le radius et le cubitus sont distincts dans toute leur longueur, et leur forme rappelle celle des mê- mes os chez les Quadru- manes. Le carpe montre aussi, entre ses deux ran- gées , l'os intermédiaire que présentent la plupart des Animaux du môme ordre, mais que l'on retrouve dans plusieurs autres groupes. I Il \V K DE C H E I W 0 M Y 's A IM' L T K , grond. IU\1 . Les doigts sont allongés , Main antir. de CnErnûMvs 1/2 de grand. 176 ORDRE DES PRIMATES. principalement l'annulaire; le médius, après lui le plus long, est remarquable par son extrême gracilité; l'annulaire dépasse un peu l'index, et le pouce, quoique écarté, n'est pas réellement opposable. Au contraire, celui des membres postérieurs l'est complètement, et, comme chez les Lémuridés, mais à un moindre degré, le second orteil a son ongle plus effilé que celui des autres doigts et subulé. Un des principaux caractères du crâne consiste dans l'état com- plet du cercle orbitaire, et ce caractère, joint à plusieurs de ceux que présente la même partie du squelette, aurait dû paraître plus que suffisant pour faire ranger l'Aye-Aye parmi les Quadrumanes. La considération des membres ne laissait non plus aucun doute à cet égard, car elle indiquait des affinités plus grandes avec les Lémuridés qu'avec aucun autre groupe de la classe des Mammifères. Toutefois, un caractère que nous n'avons encore fait qu'indiquer, celui de la dentition, fit méconnaître la valeur de tous les autres. L'Aye-Aye est dépourvu de canines, et, semblable aux Rongeurs, il présente en avant, supérieurement et inférieurement, une paire de fortes incisives, séparées des molaires par un espace vide comme celui qu'on nomme la barre chez ces Animaux. Ses molaires elles-mêmes ont quelque chose de celles des Rougeurs, surtout dans leur nombre. On en compte quatre paires en haut et trois en bas, toutes à couronne mousse et comparables, jusqu'à un certain point, à celles des Ecureuils proprement dits; elles ont cependant aussi quelque chose de celles de certains Cébiens. ^jà% ^^33^' l>F%r< 1)1' f. Il Kl ROM YS ADULTE, ('. H K i ko M s s j k rsi', ffr.md . li.'il. De Rlainville, qui avait rédigé, en 1816, un mémoire très-détaillé sur l'Aye-Aye, mémoire qu'il a publié dans le grand ouvrage qu'il publiait sous le titre ù'OsMof/raphie, lorsque la mort est venue le surprendre, a donné, au sujet de quelques pièces ostéologiques alors con- nues de ce Mammifère, des renseignements auxquels nous renverrons. L'Aye-Aye que le Muséum doit à M. de Lastelle est moins âgé que celui de Sonnerat, et il en diffère à quelques égards par sa coloration. Sa face et sa gorge sont d'une nuance plus claire, et le fond de son pelage est brun au lieu d'être roux. Les poils soyeux sont plus nom- breux , et leur couleur blanchâtre détermine sur le dos une espèce de glacé qu'on ne retrouve pas sur l'autre exemplaire. Il n'a pas non plus le même nombre de dents, ce qui tient aussi à la différence d'âge. Sa mâchoire supérieure n'a encore que trois paires de molaires , mais on voit en arrière le trou alvéolaire par où sortira la quatrième. La première de ces dents est petite , comme chez l'adulte ; les deux autres sont birnamelonnées près leur bord externe , ce qui tient au degré moins avancé de leur usure ; les inférieures sont aussi au nombre de trois , comme chez l'adulte, mais avec cette différence que la première est fort petite, à peine égale à la première &en haut, tandis que chez l'adulte la dent antérieure et la suivante sont plus grosses que la troisième. Cette première dent du jeune Aye-Aye est une dent caduque, peut- être une dent de lait, et l'on voit en arrière des deux grosses dents molaires qui la suivent un trou par lequel sortira une autre dent, qui sera la dernière de la série. Ce jeune Aye-Aye a trois décimètres et demi pour le corps et la tête ; l'adulte mesure près de cinq décimètres sans la queue , qui est à peu près aussi longue. FAMFLLE DES GALÉOPITIIECIDES. 177 On n'a pas obtenu de nouveaux documents sur les mœurs do l'Ave- Aye, et tout ce que Ton a dit jusqu'à ce jour sur les usages auxquels il emploie ses longs doigts antérieurs n'est pas du tout certain. On doit aussi douter que son régime, à l'état libre, soit purement insec- tivore, ainsi qu'on J'a affirmé; ses dents molaires sont plus plates que ne le sont celles des Animaux qui mangent habituellement des insectes, et ses grandes incisives doivent faire supposer qu'il a plus d'analogie dans sa manière de vivre avec les frugivores. FAMILLE des GALÉOPITHÉCIDÉS Cette famille est formée par le seul genre des Galéopithèques , qui ne comprend qu'un petit nombre d'espèces. Ses principaux traits distinctifs résident dans la disposition pectiniforme des incisives infé- rieures, dans l'état incomplet du cercle osseux de l'orbite, dans la présence de deux mamelles de chaque côté de la poitrine, dans la forme comprimée des ongles, dans l'impossibilité où se trouve le pouce, même aux pattes de derrière, d'être opposé aux autres doigts, et enfin dans la présence, de chaque côté du corps, depuis l'épaule jusqu'à l'extrémité de la queue, d'une membrane servant de parachute, et dont les Galéopithèques peuvent s'aider pour franchir, en volant, des distances assez considérables. Ce sont là autant de particularités importantes et sur lesquelles nous allons revenir avec plus de détails en parlant des espèces, d'ailleurs peu nombreuses, que l'on connaît parmi ces Animaux. Genre GALÉOP1THÈQUE (Galeopithecus, Pallas). Tous les Primates que nous avons étudiés précédemment ont le pouce des pieds de derrière opposable aux autres doigts, quelle que soit, d'ailleurs, la conformation de leurs membres antérieurs ; les Galéopithèques manquent seuls de ce caractère. Chez eux tous les doigts sont dirigés dans le même sens, et le pouce n'est écarté des autres à aucune des extrémités. Ces doigts sont assez longs; mais ils sont réunis par une membrane; ils ont en outre leurs dernières phalanges très-comprimées et garnies d'ongles arqués et crochus qui servent admirablement à ces Animaux pour monter le long des arbres. Les Galéopithèques sont, en effet, des Animaux essentiellement grimpeurs ; ils joignent à cette propriété celle de pouvoir s'élancer à d'assez grandes distances et de se maintenir en l'air, à la manière des Écureuils-Volants, des Anomalures et des Pétauristes. Ils doivent cette aptitude à une membrane qui s'étend sur les côtés de leur corps depuis le cou jusqu'à l'extrémité de la queue, et qui est mise en mouvement par les membres à la manière d'un parachute. Cette membrano aliforme s'arrête aux poignets et aux chevilles, mais une véritable palmature s'étend aussi entre les doigts, qui ressemblent plutôt, par leur forme, à ceux des pieds de derrière des Chauve -Souris qu'à ceux des antérieurs de ces dernières. La membrane aliforme est velue sur toute son étendue ; entre les mem- bres postérieurs , elle a une forme anguleuse, le sommet PlFD DE DERRIÈRE DU (î AT ÉOIMTlil Q( V. , 4/5 de gr.ind. lTe PARTIE Os DU IMF.D DE DERRIÈRE oc C.aléopitiikqie, 4/5 d<> grand. 23 ^«-^ Ch.v.m: m G ai. t: M. 0\\"K 2/1. lfe Partie, page 178. \. '\i\A\S\YA\ \\,m?\x *\mVy\v\\yY M'I vVe- ç\m\uU\v\\ FAMILLE DES G ALÉOPITHÉCIDÉS. 179 voit, plus ou avant, trois paires d'incisives proclives. Celles-ci sont très -singulières par l'apparence dentieulée de leur couronne, et, sur les deux premières, les denticules sont si élevés et si bien fendus, que la dent elle-même ressemble à un véritable peigne. Les Galéopithèques n'existent que dans les îles de l'Inde; ils vivent dans les forets, sont très-agiles, même lorsqu'ils sont à terre, et ils courent facilement. Leur mode de progres- sion a quoique chose de celui des Chats, et leurs ongles leur permettent de s'accrocher aux arbres encore plus solidement que ne le font ces Animaux. Dans la marche, leurs membranes pendent à la manière de celles des Écureuils -Volants. Lorsqu'ils veulent passer d'un arbre à un autre, ils les étendent comme le font aussi les Chauve-Souris et les Rougeurs volants; ils s'élancent alors comme un trait, et l'on assure que la distance qu'ils peuvent ainsi par- courir est d'une centaine de mètres. Ce sont des Animaux nocturnes, et, jusqu'à un certain point, omnivores. Quelques auteurs disent qu'ils mangent des feuilles; d'autres assurent qu'ils préfèrent les fruits; tous ajoutent qu'ils aiment beaucoup les Insectes, et l'on a cons- taté qu'ils prennent souvent aussi de petits Oiseaux pour les dévorer. Leur intelligence est bornée et leur caractère sauvage; ils griffent fortement lorsqu'on les inquiète ou qu'on veut les saisir. La science doit la connaissance de ces Animaux aux voyageurs hollandais du xvir siècle, et il en est question dans Bontius, en même temps que de l'Orang-Outan. Camelli, mission- naire et botaniste morave de la même époque, dont Linné a donné le nom au Camélia, les nomme Chat-Singes volants, en latin Gaïeopithecus. Cette dénomination rend assez bien compte de leurs principaux caractères , et Pallas s'en est plus tard servi lorsqu'il a de nou- veau décrit le genre de ces Quadrupèdes dans les Actes de l'Académie de Saint-Pétersbourg. Buffon a omis d'en parler, et les naturalistes qui s'en sont occupés après Pallas ont hésité sur la place que ces Mammifères doivent occuper dans la méthode. Les Linnéens en ont fait une espèce de Lémuridés, sous le nom de Lomur vol ans, qui veut dire Maki-Volant. G. Cuvier, revenant à l'opinion de Bontius, qui les appelait Vesperlilio admiràbilis , les a classés parmi les Chéiroptères, quoiqu'ils n'aient, en réalité, ni les dents, ni les longs doigts anté- rieurs, ni la forme de crâne, ni la plupart des caractères qui distinguent les Mammifères de cet ordre, et qu'ils ressemblent aux Insectivores par plusieurs de leurs caractères. C'est à l'opinion des Linnéens que la plupart des zoologistes se rangent aujourd'hui, et de Blainville a fait ressortir, dans son Ostéographie des Lémurs, les principaux caractères par lesquels les Galéopithèques se rapprochent des espèces de ce groupe. Toutefois, on doit les placer après toutes les autres, et les considérer comme étant, par rapport aux vé- ritables Primates, dans un état d'infériorité analogue à celui des Ouistitis comparés au reste des Singes. Il est également convenable d'en faire une famille à part, quoique leurs espèces ne soient qu'en très-petit nombre et qu'elles ne constituent qu'un seul genre. On avait, depuis assez longtemps, soupçonné l'existence de différentes espèces dans le genre des Galéopithèques, mais celles que l'on avait d'abord distinguées ne reposaient pas sur des caractères suffisants , et elles n'étaient guère fondées que sur des particularités d'âge ou de couleurs. Tel était, en particulier, le Galéopilhèquc varié d'E. Geoffroy, que l'on regarde maintenant comme étant le jeune du Galéopithèque ordinaire. Celui-ci a encore reçu plusieurs autres noms. Ainsi, Geoffroy et Desmarest ont établi à ses dépens deux autres espèces, sous les noms de Galéopithèque roux et marbré; mais de nouvelles recherches paraissent avoir démontré que ces prétendues espèces n'existent pas non plus, et l'on suppose qu'il faut en dire autant du Galéopithèque de Ternatc , établi d'après Séba. C'est à cette première espèce qu'il faudrait rendre le nom do Galéopithèque volant {Gaïeopithecus volans). Plusieurs auteurs l'appellent cependant Galéopithèque varié , à cause du mode de coloration do son pelage, ou encore Galéopithèque de Temminck, en l'honneur du savant directeur du musée de Lcyde qui a beaucoup contribué par ses recherches à en dé- brouiller la synonymie. On trouve ce Galéopithèque à Java, à Sumatra et à Bornéo, 180 ORDRB DES PRIMATES, (1 ALKoriTHÈy L'ii v o l \ N t , J/tf île grnwl. Il est gris foncé ou noirâtre en dessus, avec des mouchetures blanches, et comme jaspé; le dessous de son corps et de sa membrane est gris fauve; enfin ses pattes sont noirâtres et un peu pointillées de blanc. Sa longueur totale approche de cinq décimètres ; son crâne est plus long et plus fort que dans l'espèce suivante, et ses dents antérieures sont plus festonnées. Le Galéopithèque des Philippines (Gaîeopithecus phïlippinensis , Waterhouse) a aussi les couleurs assez variables; quelquefois il est brun noir en dessus et simplement brun en dessous, avec quelques ponctuations irrégulières et blanchâtres sur la face supé- rieure; d'autres fois il a le dessous gris varié de blanc et de noir, et le dessous blanc lavé de brun. Sa taille est moindre que celle du vrai Galéopithèque volant, mais il a, d'ailleurs, la même aptitude pour le vol, les mêmes allures et les mêmes appétits; sa longueur totale n'est que de quatre décimètres et demi ; sa tête est moins longue que dans le Galéopithèque ordinaire et son palais plus large; ses dents montrent aussi quelques différences. M. de Blainville indique, d'après M. Temminck, une autre espèce, le Galéopithèque a grande queue (Gaîeopithecus macrurus). Celui-ci, qu'on ne connaît encore qu'imparfai- tement, n'a que trois vertèbres sacrées au lieu de six; mais sa queue serait plus longue et composée de vingt et une vertèbres , tandis que celle des autres n'en a que seize ou dix-sept. Il a le même nombre de côtes, c'est-à-dire treize, mais elles sont moins larges; son omo- plate est plus grande et plus arrondie, son humérus moins long proportionnellement, l'avant- bras et la jambe un peu différents et les doigts plus longs; ce qui indique une espèce moins aérienne et plus voisine des Makis. On le suppose propre à l'île de Ceylan. Contrairement à ce que nous avons dit plus haut au sujet de la réunion des Galéopi- thèques volant, varié, marbré et de Ternate, de Blainville croyait à la possibilité d'y recon- naître deux espèces, d'après la forme des dents antérieures, et il a engagé les naturalistes à vérifier si ces différences ne concorderaient pas avec d'autres caractères. Il y aurait alors quatre espèces parmi ces Animaux , mais aucune observation nouvelle n'a confirmé l'opinion de Blainville. Nous terminerons ce chapitre en rappelant qu'il n'est pas certain qu'il existe des Galéo- pithèques sur le continent indien, quoique l'on ait affirmé qu'il y en avait jusqu'en Chine. ORDRE des CHÉIROPTÈRES Animaux mammifères pourvus de quatre extrémités onguiculées, propres a la marche, pouvant également servir au vol par suite de la eon for- mation exceptionnelle que présentent les mains antérieures qui ont quatre de leurs doigts fort longs et sou tendant une membrane qui se continue sur les flancs et, plus ou moins largement, entre les mem- bres postérieurs; pouce des membres antérieurs écarté des autres doigts; trois sortes de dents; deux mamelles pectorales ; organes de la reproduction conformés comme ceux des Primates. Les Chéiroptères, (pie F on nomme habituellement Chauve -Souris, sont des Animaux crépusculaires, qui vivent cV Insectes ou de fruits. Ce sont , de tous les Mammifères, ceux qui sont le mieux disposés pour s élever dans les airs, et ils peuvent voler à la 'manière des Oiseaux. L'incertitude que les anciens ont eue sur la nature véritable des Chauve-Souris, et que les modernes ont quelquefois partagée, cesse promptement dès que l'on examine avec quelque attention la structure anatomique de ces Animaux ou simplement leurs caractères extériniis lrfl l'YRTIK. 23* 182 ORDRE DES CHEIROPTERES. Tous les organes des Chauve-Souris soûl disposés comme ceux des Mammifères, et leurs principaux actes vitaux s'exécutent de la même manière : respiration, circulation, chaleur du sang, structure du cerveau, composition ostéologique, tégument extérieur, organes des sens, reproduction vivipare et placentaire, tout, dans ces Animaux, indique des Mammifères, et même des Mammifères très-peu différents des derniers Primates. Aussi leurs organes reproducteurs sont- ils presque entièrement conformés comme ceux de ces derniers, et ils n'ont habituellement qu'un seul petit à chaque portée. Leurs mamelles sont également au nombre de deux et pectorales, et le pouce de leurs membres antérieurs doit être considéré comme opposable. Les Chauve-Souris ne sont donc point des Oiseaux, comme on l'a dit quelquefois, et elles ne doivent pas davantage être regardées comme formant un acheminement de la classe des Mammifères vers celle de ces Animaux. Ce sont bien des Mammifères, et elles ne diffèrent pas plus des autres ordres de cette classe que ceux-ci ne différent entre eux. Le nom de Chéiroptères qu'on leur a donné signifie mains-ailées ; il rappelle la singulière disposition de leurs membres antérieurs, qui sont, en effet, transformés en ailes, quoiqu'ils restent beaucoup plus semblables à ceux des Mammifères qu'à ceux des Oiseaux. Le canal intestinal des Chéiroptères est court et sans cœcum; le cerveau de ces Animaux a ses hémisphères lisses, et, par conséquent, dépourvus cniVFUM.rCivrvF-wnH. de circonvolutions. fcntn<1 n,',( La plupart des Chéiroptères dorment ou restent cachés tant que le soleil est à l'horizon, et comme le bruit les incommode non moins que la lumière, ils recherchent pour s'y abriter des lieux qui leur permettent le mieux de se soustraire aux impressions extérieures. Quoique nocturnes, ils ont les yeux petits ; leur tact est délicat, et ils savent se diriger au moyen de ce sens dans les endroits les plus difficiles. On avait même cru que les Chauve-Souris avaient un sens de plus que les autres Animaux, mais il n'y a rien de vrai à cet égard. La délicatesse de leur toucher et la finesse de leur audition suffisent à l'explication des faits observés jus- qu'ici. Leur cri est en général fort perçant, et leur oreille est conformée de manière à perce- voir des bruits très-faibles et eu même temps des sons si aigus qu'ils doivent échapper à la plupart des autres Animaux. Leur organisation est parfaitement appropriée pour le vol; c'est en vue de ce mode tout spécial de locomotion que leur corps est court et large; que leur tête est très-l'approchée (\^ épaules; que leurs membres antérieurs sont mis en mouvement par des muscles puissants, et que quatre de leurs doigts sont très-allongés. C'est aussi pour arriver à ce résultat que les mêmes doigts soutendent une partie de la membrane alaire des Chauve-Souris. Le pli du bras a une portion moins considérable de la même membrane; une troisième partie va du doigt auriculaire à la jambe en Rattachant à Pavant-bras, au bras et aux (lancs; enfin il y en a une dernière portion entre les membres postérieurs. Celle-ci reçoit le nom de membrane interfémorale; elle est, en général, soutenue par la queue dans sa partie médiane. C'est celle dont le développement offre le plus de variations dans la série des espèces propres à chaque famille. Un fait curieux, que les observations de M. Agassiz et les miennes ont mis hors de doute, c'est que la membrane alaire des Chauve-Souris n'existe pas pendant les premières phases de la vie embryonnaire de ces Animaux, et qu'elle ne se développe que quelque temps avant la naissance. En même temps qu'elle se montre, -les quatre grands doigts de la main commen- cent aussi à prendre leur développement définitif, et la transformation qui doit changer le membre antérieur en une véritable aile est facile à suivre dans tous ses détails. ORDRE DES CHÉIROPTÈRES. 183 On a encore observé une autre singularité dans le développement de ces Animaux ; c'est l'apparition de leur système dentaire de lait avant la naissance. Cil U' VF-SOU RI S A DIVERS AGES l> F I. \ VIF E M B R Y 0 N N A I H F . Le squelette des Chéiroptères présente, de son côté, plusieurs dispositions dignes d'être signalées. Telles sont l'ossification et la réunion très-précoce des os du crâne ; l'état toujours incomplet du cercle orbitaire ; la saillie plus ou moins grande du sternum , qui simule une sorte de bréchet utilisé pour l'attache des muscles pectoraux , toujours très-puissants ; le grand développe- ment des clavicules ; la gracilité du cubitus, ou même sa disparition plus ou moins complète à mesure que le développement s'opère; la présence d'une petite rotule cubitale placée au-dessus de la saillie olécranienne; la grande mobilité de la symphyse pubienne chez les femelles, etc. Les pieds de derrière ont des ongles crochus qui servent aux Chauve -Souris pour s'accrocher et se suspendre. Le pouce des membres antérieurs sert également au même usage; en général, c'est le seul doigt de leurs mains qui ait un ongle. Il faut cepen- dant faire une exception pour les Roussettes, qui, sauf la Cépha- lote, ont encore un ongle au doigt indicateur. Les doigts allongés présentent quelques variations dans le nombre de leurs phalanges, suivant les genres chez lesquels on les étudie. Dans les contrées froides ou tempérées, les Chauve-Souris tom- bent, en hiver, dans un état d'engourdissement qui se prolonge autant que la mauvaise saison. Elles présentent alors les mêmes particularités que les autres Animaux hivernants. Les nombreuses espèces de Chéiroptères que les naturalistes modernes ont décrites sont répandues sur tous les points du globe; on n'en connaît cependant que quelques-unes à la Nouvelle-Hollande, et elles sont encore plus rares dans les îles du grand Océan. La répartition géographique de ces Animaux est presque aussi régulière que celle des Primates. Ainsi, les Roussettes manquent à l'Amérique et se trouvent dans les diverses parties de l'ancien con- tinent, la Nouvelle-Hollande comprise (il n'y en a pas en Europe); les Rhinolophes et les autres genres de la même famille qu'eux s'observent en Europe, ainsi que dans les pays où il y a des Roussettes ; les Phyllostomes et divers genres plus ou moins analogues* sont uniquement Américains, et l'on a constaté l'ancienne existence de quelques espèces de la même famille dans les contrées où vivent ses représentants actuels. C'est ce qui résulte des observations faites par M. Lund au sujet des Mammifères fossiles du Brésil. Au con- traire, d'autres genres ont des représentants sur tous les points du globe; tels sont ceux Sternum de Roussette , grand, no t. 1M ORDRE DES CHÉIROPTÈRES. des Molosses et des Vespertilions qui fournissent des espèces à l'Amérique aussi bien qu'à l'ancien continent. Le grand genre des Vespertilions est surtout remarquable par la disper- sion des espèces qui lui appartiennent; mais il faut remarquer que ces espèces sont aussi les derniers des Chéiroptères, et que, dès lors, il est moins singulier de voir coïncider la localisation moins restreinte de leur habitat sur le globe avec l'incontestable infériorité de leur organisation. C'est également à la tribu de Vespertilions qu'appartiennent les Chéiroptères connus dans les formations géologiques les plus anciennes. Quelques ossements indiquant des Animaux de cet ordre que l'on a recueillis dans les terrains miocènes de l'Europe, et particulièrement en France ainsi qu'en Allemagne, sont bien certainement des Vc>p;Ttilions, et il en est de même du Cheiroptère que G. Cuvier et de Blainville ont décrit d'après une portion notable de squelette découverte dans les plàtrières de Montmartre, près Paris, avec des os de Palco- thériums et d'Anoplothériums. Quoique les Chéiroptères aient tous une grande ressemblance apparente entre eux , on peut très-aisément les différencier les uns des autres , si Fou lient compte des caractères qu'ils présentent dans la disposition de leurs doigts et de leurs membranes, dans la forme de leurs organes des sens, dans la longueur et la disposition de leur queue, et surtout dans la manière dont leurs dents sont disposées. Ils présentent à cet égard des différences considé- rables, et c'est en les étudiant sous ces divers rapports que Daubenlon avait pu en .caracté- riser très-nettement seize espèces dès l'année 1761). Depuis lors ils ont été étudiés avec beaucoup de soin par les naturalistes; nous citerons, parmi ceux qui ont fourni les meilleurs renseignements à leur égard , Pallas, E. Geoffroy, de Blainville, ainsi que MM. Temminck, Gray et Is. Geoffroy. Nous partagerons les Chéiroptères en quatre groupes (pie l'on peut regarder comme autant de familles; ce sont les Ptéropodës ou Roussettes, les Phyllostomidés, les llhinolophidés et les Yespertillonldës. FAMILLE des PTÉROPODËS Les premiers des Chéiroptères, c'est-à-dire les plus élevés en organisation, et ceux qui se rapprochent davantage des Primates, sont incontestablement les Roussettes. Ils jouissent , comme toutes les Chauve-Souris, de la possibilité de voler, mais ils peuvent être distingués, au moyen de plusieurs particularités importantes, de toutes les autres espèces du même ordre. Brisson en avait déjà fait un groupe à part sous le nom de Pteropus, et, lorsqu'on en a connu un plus grand nombre d'espèces, on a été conduit à les partager en différents genres. Le nom de Roussettes, celui de Ptéropodës et quelques autres ont été choisis pour désigner l'ensemble de ce groupe de Chéiroptères. Genre ROUSSETTE (Pteropus, Brisson). Ce genre et les divisions qu'on a établies à ses dépens comprennent un nombre assez considérable d'espèces de Chéiroptères qui sont, en général, beaucoup plus grandes que toutes les autres, ont un régime frugivore, et dont les dents molaires sont inégales entre elles et toujours simples ou simplement tuberculeuses à leur couronne. Le nombre de ces organes varie dans la série des espèces, et il n'est pas toujours le même à tous les âges dans une même espèce. H y a une paire de canines à chaque mâchoire , et les incisives sont le plus souvent au nombre de deux paires , supérieu- rement et intérieurement; elles sont verticales, petites et plus ou moins distantes entre elles. FAMILLE DES PTEROPODES. 185 Le cercle osseux de l'orbite n'est complet chez aucun Ptéropien; niais il y a toujours une Toile apophyse postorbitaire au frontal, et souvent une apophyse postorbitaire saillante à l'os zygomatifjiie. Tous les Animaux de cette famille ont la partie interfémorale de la membrane aliforme rudimentaire, et souvent ils manquent de queue. Ceux que l'on connaît sont tous de l'Afrique, de l'Asie méridionale, des îles de l'Inde et de plusieurs archipels de grand Océan, soit au Japon, soit dans la Micronésie et la Polynésie; il y en a aussi à la Nouvelle-Hollande et à Van-Diemen. Les îles Mascaraigncs, Madagascar et une grande partie de l'Afrique en nour- rissent. L'Europe n'en possède pas, même à l'état fossile. C'est dans l'archipel indien que les Roussettes sont le plus nombreuses en individus et même en espèces. Ces Chauve-Souris peuvent atteindre une grande taille; et certaines d'entre elles n'ont pas moins d'un mètre ou même d'un mètre et demi d'envergure. Vucune espèce de Ptéropodés n'est redoutable autrement que par les dégâts que ces Ani- maux occasionnent dans les plantations, dont ils enlèvent les fruits pour s'en nourrir. Ils dorment le jour, et sortent principalement le soir. Cependant quelques-uns volent également bien à la clarté du soleil et dans une demi -obscurité. Quand les Roussettes veulent se reposer, elles rentrent dans les forêts, et s'accrochent aux arbres par leurs pattes de derrière; elles se retirent aussi pendant le jour dans les creux des rochers, dans des cavernes ou dans les monuments abandonnés. Dans beaucoup de localités, on mange la chair de ces Animaux; mais il faut avoir soin de les dépouiller avec propreté, parce que leur urine a une forte odeur musquée dont leurs poils sont habituellement imprégnés. 11 est difficile de les conserver longtemps vivants en captivité. On y a cependant réussi quelquefois, et l'on en a même amené en Europe, mais en recourant à de grandes précautions. 11 faut avoir soin de leur donner des fruits, et ceux du bananier leur plaisent plus que tous les autres. Ln chirurgien français de l'île Maurice, alors il<3 de Franco, M. Roch , avait autrefois essayé de ramener avec lui un de ces Animaux en Europe; la navigation était alors bien loin d'être aussi rapide qu'elle l'est de nos jours. Après avoir épuisé les bananes et les autres fruits dont il avait fait provision pour nourrir sa Roussette, M. Roche eut recours à des gelées, à des confitures et à des crèmes de riz, puis il essaya des viandes crues et cuites; I' \nimal les mâchait, mais il les rejetait presque aussitôt. Plus tard il lui offrit, par amuse- ment plutôt que dans l'espoir de lui fournir un aliment agréable, le corps d'une perruche fraîchement morte; la Roussette l'écorcha et le mangea aussitôt avec avidité; aussi depuis cette époque lui donna-t-on toutes les nichées de Rats que l'on trouvait à bord, les restes de volailles, etc. Enfin, lorsque le bâtiment fut arrivé au port, on put lui donner de nouveau des fruits. Cette Roussette passait toutes les nuits éveillée; elle paraissait alors inquiète et tourmentée du désir de sortir de sa cage; le jour, au contraire, elle restait accrochée par ses pattes de derrière, comme le font les Chauve-Souris communes, et elle cachait sa tête dans ses membranes. Elle avait de l'attachement pour la personne qui la soignait, et l'on a constaté dans d'autres circonstances que les Animaux de cette famille ne sont pas dépourvus d'intelligence. Les Roussettes les plus rapprochées de nos contrées vivent en Asie Mineure et en Egypte; elles ont sans doute été connues des anciens et elles ont très-probablement donné lieu à la fable des lïarpyes et de ces autres êtres satani(hi/i8, Pérou et Lcsucur) e*t remarquable par sa grande taille; c'est un Cheiroptère véritablement gigantesque, si on le compare à tous le. autres, les individus adultes de cette espèce ayant jusqu'à 0,10 ou 0,-15 pour le corps et la tête, et un mètre cinquante centimètres (1,50) d'envergure. Leur tète montre à la fois de l'analogie avec celle d'un Makis et d'un Chien; celle dont nous donnons ici la ligure est de grandeur naturelle. Le pelage est noirâtre, avec du roux à la partie postérieure du cou, sur les épaules, au museau et sur la ir>rge. HOI'SSETTE ÉDITE MAIE, tflMIKl. Cette espèce est connue dans plusieurs îies de l'archipel indien; mais on a quelquefois confondu avec elle d'autres Roussettes a peu près de même grandeur. Le Musée de Leyde en FAMILLE DES PTÉBOPODES. 187 possède des exemplaires authentiques expédiés de Java, de Sumatra et de Banca. Elle occasionne des dégâts considérables. Le nom (Yêdule lui vient de ce vieux arbres ou dans les rochers , elle préfère les grands arbres des forets et se suspend à leurs branches. Il o i- s s f. t f !■: v r i.gaiiie, i /9 de grand , La Roussette i>aielée (Pteropus stramineus, E. (ieoffroy) a[)partient à l'Afrique; elle est du Sénégal et du Sennaar, et non de Timor, comme on l'a dit souvent. M. P. E. Rotta l'a rapportée de la seconde de ces contrées. C'est aussi une espèce de taille moyenne, mais à mâchoires assez allongées; elle est fauve châtain, avec la tète, la poitrine, le dos et le dessus des membres bruns; son envergure est d'environ quarante-cinq centimètres. 2. Tête très-allongée, surtout dans sa partie faciale; dents faibles, courtes , surtout les postérieures ; nombre des dents molaires ~ ; langue longue et exsertilc ; point de queue. (iiïNRK MACROGLOSSE (Macroglossus , F. Cuvier). La seule espèce connue est la Roussette Kiodote {Pteropus ml ni mus , E. Geoffroy), d'abord trouvée à Java par le naturaliste français Leschenault de la Tour, et, depuis lors, daus les îles de Sumatra, Bornéo, Amboine, Bauea et Timor, qui, toutes, dépendent de l'archipel indien. C'est la plus petite des espèces de cette famille; son corps n'a que 0,08, et son enver- gure 0,22. Elle est d'un fauve brun sur le corps, avec quelques places plus claires ou même grises; ses membranes sont fauves ; sa langue, remarqua- ble par son allongement, n'a pas moins de deux pouces de longueur dans sa plus grande extension, tandis que la tète n'en a qu'un. Celle-ci a la face étroite et comme allongée en forme de rostre. La Roussette Kiodote, que les Javanais appellent Lowo-Assu, est un Animal frugivore, très-redouté dans les plantations, parce qu'il attaque les fruits 190 OKDHK DKS CHKlKOPTfcUKS. les plus succulents : ceux de l'Eugénia, qui sont remarquables par leur odeur suave, rappe- lant celle de la rose, lui plaisent plus que tous les autres. m. o-M\ i '2 «l.« priiml 3. Face encore plus allongée; molaires , ~ ; lèvres supérieures tombantes , principale- nient dans le sexe mâle; des bouquets de poils divergents aux épaules, également dans les mâles ; point de queue. GKMIK LPO MO PHOPi L ( Fpomophorus , lîennott). ■ Le> |ious>.ettes qui piésentent ces caractères sont africaines. Quoiqu'on leur ait donné plusieurs noms spécifiques, el qu'elles paraissent être, en effet, de plusieurs espèces, il est ceitain qu'on en a exagéré le nombre en le portant à quatre, savoir : rteropus II hitei\ lîennett ; Pteropus macrocvj)halus , O'Gilby; Pteropus megacephalus . Swainsnn; Pteropus labiatus , Temminck. Les trois premières font double emploi (Mitre elles, et il nVst pas même certain que la quatrième soit autre cliose qu'une variété locale de la même es- pèce. Celle-ci a été recueillie dans le Sennaar par M. P. K. Botta , dont les voyages ont rendu des services importants à la zoologie, et qui s'est rendu célèbre par les belles découvertes qu'il a laites de» l)!.NTs I) IMMIMITIKHIK. 2I\ «!f -rjl| il . .,. . T puis lors sur les ruines de 1 ancienne Muve. Les exemplaires, dédits par les trois naturalistes anglais que nous avons cités précédemment, viennent de la cote occidentale d'Afrique, et paiticulièrement de Gambie. L'envergure de ces Roussettes ne dépasse guère 0,30. M. Peters en cite une autre espèce» eu Mozambique. \. Les molaires sont au nombre de ,': dans certaines Poussettes, essentiellement propres à l'Afrique ; le crâne est plus long dans sa partie faciale et moins arqué au-dessus du cerveau ; le corps se termine aussi par une petite queue, C'est le (,\:y UK L LU. T 11 KHL i\ L (kleu- fhervra , Gray'i, aussi appelé Cynonycterus, \antha.rpya . etc. FWIILLK |)KS PTK ROPODKS. 101 h i i. \ HuiiSFT r F i) ' K a \ P t i: , 3/1 'le ifivuv1 La Ilot sskttk n'Le. yptk (Pleropus iïggplincus , H, Geoffroy), qui est une des Xan- tharpios de M. Gray, vit ou K^rvpto et on Nubie; elle a 0,55 d'envergure, et a le poil gris brun. Elle a très-probablement fourni le modèle des dessins assez exacts de grosses Ghauve-Souris laissés par les anciens Égyp- tiens , et dont plusieurs sont reproduites dans l'ouvrage de Rosellini (Voi/. pag. 187); la petite (jueue qui termine le corps, l'absence presque complète de membranes interfémo- rales que les dessinateurs égyptiens ont eu soin de reproduire, conviennent mieux aux Roussettes d'Egypte qu'à, toute autre Ghei- roptère. Actuellement, les Animaux de cette espèce sont encore assez communs dans les mêmes lieux, et ils se retirent pour dormir dans ios nombreuses mines qui nous sont restées do l'ancienne civilisation égyptienne; on en trouve jusque dans les chambres des pyramides. La Rousskttk hotte \tottk (Pteropns hotlentolus , Erachii et col la ris) est de 1' \ trique, australe; ses caractères diffèrent peu (\o ceux de la précédente. 5. Dire rues autres Poussettes sont également moins grandes que celles que nous droits citées les premières , e( elles sont plus trapues ; leur tète est plus courte que ne Pest en général la leur, et leurs molaires sont au nombre de -*-, c'est-à-dire de quatre paires à la mâchoire su- périeure, et de cinq à l'inférieure; elles diffèrent aussi des premiers groupes par la présence d'une petite queue. Le premier nom générique qu'on leur ait donné est celui de GVNOPTLIÎL (Co DKit >i f. i>f. Pkhon, çrr.nd. na4. II \ iîim i. f.j' pu •. i.otf, £i\u:ye ce pu alote [Harpya cep/ta fuies ou Cephaloles Vallasït des ouvrages plus récents). Son envergure est de 0,010. La Céphalote vit à Amboine et à Célèbes. FAMILLE DES PHYLLOSTOM10ES La famille des Phyllostomes et genres voisins comprend des Chauve-Souris américaines, dont les narines sont percées dans une espèce d'écusson membraneux, à peu près demi- circulaire et surmontées d'une feuille en fer de lance. Ces Animaux ont habituellement deux paires d'incisives à chaque mâchoire; toutefois, le Desmode fait exception sous ce rapport. La grandeur de leur membrane interfémorale est variable; leur queue est courte ou nulle; leurs oreilles ont un petit oreillon crénelé. Ce sont ces espèces que l'on a nommées Fers de Lance, Vampire, Phyllostomes , etc.; toutes sont de l'Amérique et plus particulièrement des régions chaudes de ce continent. Leur régime est assez varié et leur système dentaire montre suivant les genres des différences importantes. Les unes préfèrent les fruits, d'autres les substances animales; mais lorsque la faim les presse, elles sucent le sang des Animaux mammifères ou des Oiseaux qu'elles trou- vent endormis. Ruffon , qui n'a connu qu'un très-petit nombre de ces Chéiroptères, a fait de l'un d'eux FAMILLE DES PHYLLOSTOMIDÉS. 19.1 Stknodriimf x i.c net te s (Bouche ouverte), RP< (le Vampire, p. 196), un portrait exagéré, et, par suite, peu exact, mais qui indique cependant quel- ques-unes des particularités qui distinguent ces Chéiroptères de tous les autres, et en font les plus redoutable d'entre eux. « Le Vampire a , dit -il , le museau allongé; il a l'aspect hideux des plus laides Chauves- Souris ; sa tête informe est surmontée de grandes oreilles fort ouvertes et fort droites; il a le nez contre- fait, les narines en entonnoir, / avec une membrane au-dessus qui s'élève en forme de corne ou de crête pointue , et qui aug- mente de beaucoup la difformité de la face. » Les Phyllostomes et les autres Animaux de la même famille sont fort redoutés par les habi- tants de l'Amérique, et comme ceux de l'espèce à laquelle le nom de Vampire appartient en propre sont les plus forts et les plus carnassiers, ce sont aussi ceux dont on a le plus sou- vent parlé. Il en est question dans les premiers écrits relatifs à l'histoire naturelle du Nouveau- Monde. Pierre Martyr rapporte, ce qui est d'ailleurs exact, que ces singulières Chauves-Souris sucent le sang des Hommes et des Animaux pendant qu'ils dorment, et il assure qu'ils les épuisent au point de les faire mourir. Jumilla, don Antonio de Ulloa et d'autres racontent les mêmes faits. La Condamine , qui visita l' Amérique pendant le siècle dernier, pour y faire des observations d'astronomie et de géographie mathématique, rapporte aussi que les Vampires inquiètent nioinme qu'ils tourmentent, et font même périr les Animaux. Il a constaté que ces Chauves-Souris sucent le sang des Chevaux, des Mulets et même des Hommes, quand on ne s'en garantit pas en dormant à l'abri sous une tente. Jl y en a, dit-il, de monstrueuses pour la grosseur, et, en divers endroits, elles détruisirent le gros bétail que les missionnaires espagnols y avaient introduit et qui commençait à s'y multiplier. Cependant il ne faudrait pas croire que l'action de ces Chéiroptères, quelque méchants qu'ils soient, ait été aussi funeste qu'on le supposerait en lisant ces récits, et l'on trouve la preuve du contraire dans la grande multiplication des Chevaux et des autres Animaux d'ori- gine domestique qui se sont acclimatés dans la plupart des contrées chaudes de l'Amérique. Azara et d'autres observateurs ont donné des détails moins effrayants au sujet des blessures que font certains autres Phyllostomidés. Ce que dit Azara s'applique aux Chauves-Souris du genre Sténoderme, qui ont reçu d'E. Geoffroy le nom de Stenoderma rotundaiam, mais qui paraissent d'ailleurs être moins redoutables que les Vampires et les vrais Phyllostomes. « J'en ai vu, dit ce naturaliste, un grand nombre; elles étaient toutes entre elles d'une identité constante, mais elles diffèrent de toutes les autres Chauves-Souris en ce que, posées ù terre, elles y courent presque aussi vite qu'un Rat, et en ce qu'elles aiment à sucer le sang. Quelquefois elles mordent les crêtes et les barbes des volailles qui sont endormies et en sucent le sang; d'où il résulte que ces volailles meurent par ce que la gangrène s'en- gendre dans ces plaies. Elles mordent aussi les Chevaux, les Mulets, les Anes et les bêtes à cornes, d'ordinaire aux fesses, aux épaules ou au cou, par ce qu'elles trouvent, dans ces parties, la faculté de s'attacher à la crinière ou à la queue. Enfin l'Homme n'est point à l'abri de leurs attaques; et, à cet égard, je puis donner un témoignage certain, parce qu'elles ont mordu quatre fois le gros du bout de mes doigts de pieds tandis que je dor- re parti k. 25 194 ORDRE DES CHETROPTÈRES. mais en pleine campagne dans des cases. Les blessures qu'elles me firent sans que je les eusse senties étaient circulaires ou elliptiques, d'une ligne à une ligne et demie de dia- mètre, mais si peu profondes qu'elles ne percèrent pas entièrement ma peau, et l'on recon- naissait quelles avaient oie faites en arrachant une petite bouchée, et non pas en piquant, comme ou pourrait le croire. Outre le sang qu'elles sucèrent, je juge (pie celui qui coula pouvait être d'une demi-once (environ quinze grammes) lorsque leur attaque m'en tira le plus; mais, comme l'épanchement pour les Chevaux et les Bœufs est d'environ trois onces (près de quatre-vingt-douze grammes) et (pic le cuir de ces Animaux est très-épais, il est à croire (pie les blessures sont plus grandes et plus profondes. Ce sang ne vient ni des veines ni des artères parce que la blessure ne va pas jusque-là, mais des vaisseaux capillaires de la peau, d'où les Chauves-Souris le tirent-sans doute en suçant ou en léchant. Quoique mes plaies aient été douloureuses pendant quelques jours, elles furent de si peu d'importance que je n'y appliquai aucun remède; à cause de cela, à cause que ces blessures sont sans danger et parce que les Chauves-Souris ne les font (pie dans les nuits oii elles éprouvent une disette d'autres aliments, nul ne craint ici ces Animaux, et personne ne s'en occupe, quoi- qu'on dise d'eux que, pour endormir le sentiment chez leur victime, ils caressent et rafraî- chissent en battant leurs ailes la partie qu'ils vont mordre et sucer. » Azara donne quarante-deux centimètres d'envergure à cette espèce de Phyllostomidé. Les véritables Vampires sont habituellement plus forts et aussi mieux armés, leurs canines étant bien plus vigoureuses et leurs molaires plus semblables à celles des Carnivores, ce qui indique des habitudes plus féroces. Un voyageur qui a visité l'Amérique postérieurement à Azara, ]tf. Tschudi, a eu l'occasion de voir ces Animaux au Pérou'. 11 résulte de ses observations que le sang qu'ils tirent n'excède pas une once ou deux, mais que la plaie continue quelquefois à saigner assez longtemps, et il dit qu'il n'est pas rare de retrouver le matin les Animaux qui ont été attaqués par les Phyl- lostomes dans un état assez déplorable et pour ainsi dire baignés de sang. M. Tschudi a eu l'une de ses Mules blessée par ces Chauves-Souris, et il ne réussit à lui sauver la vie qu'en lui frottant le dos avec un Uniment composé d'eau-de-vie camphrée, de savon et d'une huile particulière. M. Tschudi rapporte encore le cas d'un Indien ivre qui fut piqué pendant son sommeil par un Phyllostome. La blessure, petite, et en apparence fort légère, que cette grosse espèce de Chauve-Souris lui fit à la figure, fut suivie d'une telle inflammation et d'une telle enflure, que ses traits en devinrent méconnaissables. La langue des Phyllostomiens est toujours plus ou moins singulière; très-extensible chez les Glossophages, elle est garnie a sa face supérieure, chez d'autres, et en particulier chez les Sténodcrmes et les Phyllostomes, de papilles qui paraissent destinées à faire l'office de ven- touses. Pour rendre plus facile la classification des espèces assez nombreuses qui composent cette famille, nous les diviserons eu quatre genres, sous les noms de Phyllostome , Glossophage , Sténoderme et Desmode, et nous parlerons, à propos de chacun des trois premiers, de quel- ques-unes des divisions qui en ont été séparées par divers auteurs sous des noms différents. G E n n E P 11 Y L L 0 S T 0 M E ( Phyllostoma , E. Geoffroy et G. Cuvier). Ce genre, dont les espèces ont été pendant quelque temps réunies aux Sténodcrmes et même aux Glossophages, a Dents du P.iw.i.ostome Feu de Unce, 2/i do gron.l f>OUr type le Fer de LCUICC (le RuffOU (Vospertilio FAMILLE DUS PU YLL0ST0M1DÉS. 195 maximus des auteurs du dernier siècle1). Cette grosse espèce de Chauve-Souris a des goûts sanguinaires. Ses dents molaires sont au nombre de vingt (cinq paires pour chaque mâ- choire). A ce caractère se joint celui de la feuille nasale qui est hastiforme, et dont la partie basilaire est bien développée; la tète est médiocrement allongée; la membrane interfémorale est grande et s'étend comme un voile entre les cuisses et les jambes; il y a un rudiment de queue. r«UF. r>r Fini lostiijik Feu de Lance, J/3 do grand 1' 11 y i. i.os tom y. Fui de L\nce, grand, nat. (Jette espèce, la mieux connue du genre, est le Pjiyllostome Feu de Lance (Phyllos- toma haslatum). Elle vit au Pérou, au Brésil et à la Guyane, où on la redoute parce qu'elle attaque fréquemment les Animaux domestiques, et parfois l'Homme lui-même. Ou trouve aussi des Animaux fort semblables dans la Colombie; mais l'examen d'un crâne rapporté de la vallée de la Madeleine par M. lioulin me fait regarder^ comme très-probable qu'ils y sont d'une autre espèce Pour ne pas multiplier les divisions génériques nous énumérerons, eu même temps que les Vampires, d'autres Chauves-Souris à mœurs également carnassières et à dents peu diffé- rentes de celles du véritable Phyllostome; de ce nombre est le plus redouté de tous les Phyl- lostomidés. Le Va. MiM he spectre (Phyllusloma spt'Ctrmn) , type du genre Vampyrus de Leach et de \L Gray. 11 n'a pas moins de soixante-cinq centimètres d'envergure et il en atteint parfois soixante-dix; son corps et sa tète sont longs de dix-huit centimètres; sa tète est allongée; ses dents sont fortes, principalement les canines, et il a cinq paires de molaires supérieures et six inférieures plus semblables encore à celles des Carnivores que celles des autres Chéi- roptères; son pelage est fauve. C'est le Vam- pire de Buffon , également signalé dans la plupart des auteurs plus anciens , tels que Brisson, Seba, etc. On le trouve dans plu- sieurs parties de l'Amérique méridionale : à la Guyane, au Brésil, etc. Le Lopiiostome sylvicole (Lophos- toma sylcivolum, d'Orb. et P. Gerv.) est plus petit, mais il a les mêmes mœurs. On le voit dans les grandes forets qui bordent le pied oriental de la Cordillière bolivienne, au pays des sauvages Yuracarès. Son envergure s ' est de trente-cinq centimètres seulement; ses >Xx mâchoires ont cinq paires de molaires supé- a iv,rii.r. Rprr.Tpr, grand, nat rieurement, et iiiférieurement. \ i e o l r , grand, nat. 196 OUDKE DES CHEinOPÏEKES. Les deux espèces , que M. Ciray appelle Cora/lie verru- queuse et Corallie brésilienne paraissent s'éloigner assez peu des Lophostomes. La seconde répond au Phyllosloma brachyotum du prince de Neu-Wied. Ces Phyllostomidés sont aussi de moindre taille que les Vampires et (pie les Phyllostomes véritables; ils paraissent être un achemi- nement vers les Glossophages. Geni\e GLOSSOPH AGE (Glossophaga , K. Geof- froy). Il comprend des Chauves-Souris à feuille nasale moins grande que celle i\ix> Phyllostomes et des Sténo- dermes, niais à peu près de même forme; leur tête est plus allongée; leurs dents sont petites et assez analogues pour l'apparence générale à celle des Maeroglosscs, mais, en réalité, elles sont établies sur un modèle peu différent de celui des Phyllostomes quoique leurs pointes soient moins rele- vées. On compte cinq, six ou peut-être même sept paires de molaires supérieures et six inférieures. Le principal caractère des Glossophages consiste dans leur langue qui est longue, déliée, très-extensible et dont la surface est garnie d'un assez grand nombre de poils. Leur nom signifie mange-langue et fait allusion a la facilité d'extension dont jouit cet organe qu'ils font souvent sortir et rentrer avec précipitation. La queue de ces Animaux est courte ou nulle et leur membrane interfémorale médiocre ou même rudiment aire. Les Glossophages sont des Chauves-Souris insectivores ayant à peu près deux décimètres d'envergure. Les voyageurs qui les ont rapportées du Brésil et de la Guyane ne nous ont rien appris de particulier sur leurs nueurs, mais ils leur attribuent, comme aux précédents, l'habitude de sucer le sang de l'Homme et des Quadrupèdes. L'une des espèces du genre Glossophage a été décrite par Pallas, sous le nom de Ve.rper- tilio soricinus ; c'est le Glossophage sorueix (Glossophaga soricina) , que Yicq-d'Azyr a nommé la Feuille; son envergure est de 0,25; sa membrane interfémorale est large et sa queue nulle. Il est de la Guyane et île plusieurs des îles Caraïbes. D'autres animaux appar- tenant au même genre de Chéiroptères ont été plus récemment observés par les naturalistes. Nous citerons les suivants, dont la désignation est due à E. Geoffroy. Le ( i l o s s o pu a ( ; e a m r l k x i c a v d e ( Glossophaga auiplexicaudala, E. Geoffroy), dont nous figurons ici la tête d'après nature, est du JJrésil. 11 est brun, a les ailes assez amples, la membrane interfémorale assez étendue et de moitié plus longue que la queue, qui y est incluse; son museau est peu allongé; il n'a que cinq paires de molaires supérieures. C'est le type du genre Phyllophora de M. Gray, dans lequel ce naturaliste range deux autres espèces également brésiliennes, sous les noms de Ph. megalolis et de Ph. nigra. Le G r o s s o r n a g i: c: a i d \ t a i n e ( Glossophaga caudata , E. Geoffroy ) a la membrane interfémorale très-comte, et sa queue la déborde un peu. Il a été découvert au IJrésil par Delalande; c'est peut-être la même espèce que Leach a nommée Monophyllus Hedmani. Telle est du moins l'opinion émise à son égard par M. Cray, l'un des zoologistes contempo- rains qui ont le plus étudié les Chéiroptères. Le G los so pu âge sans ou eue {Glossophaga ecaudala , E. Geoffroy), qui est devenu le genre Anoura de M. Gray, a la membrane interfémorale très-courte, seulement marginale G i. o 5 s o p h a <; i: \ m i> L i: \ u: a u d e , zvuvA nat . FAMILLE DES PHYLL0ST0M1 DES. 197 et sans aucune trace extérieure de queue ; son corps est fauve clair et ses membranes pâles et transparentes. On le rencontre au Brésil , particulièrement auprès de Bio-Janeiro. (i \i X \\ M S T É N 0 1) E B M E (Stenoderma , E. (ieoffrov ) . Certains Chéiroptères américains ayant, comme les Vampires ou les Phyllostomes, une feuille nasale liastiforme diffèrent de ces Animaux par leur régime essentiellement frugivore, et ils ont les dents autrement con- formées; leurs canines sont moins longues; leurs molaires sont aplaties obliquement à la couronne, et manquent des tubercules relevés en pointes que l'on voit chez les Vampires; ces dents ont aussi une autre forme, et la dernière de celles qui garnissent la mâchoire supérieure est subarrondie au lieu d'être étroite et transversale. Ces Animaux ont quatre ou cinq paires de molaires supérieures et habituellement cinq inférieures. Ln caractère non moins important des Sténodermes et qui leur a même valu ce nom (Stenoderma , c'est-à-dire membrane étroite) , consiste dans le peu d'étendue de leur membrane interfémorale qui forme une simple frange entre leurs cuisses, au lieu de s'étendre en manière de voile, comme chez les Vampires; leur queue est petite ou même nulle extérieurement; leur tête est courte et élargie; leurs lèvres sont garnies de verrues et leur langue est disposée pour la succion. Les Sténodermes ont aussi l'habitude de sucer le sang des Animaux qu'ils trouvent endormis. Les espèces de ce genre sont indiquées, dans le Cours sur les Mammifères d'E, (ieoffrov, sous le nom de Plnjllostomes proprement dits , et plusieurs de leurs espèces ont servi à l'établissement de genres particuliers sous les noms de Brachyphylle. , Madalée , Artibee, Histiop/wre et Diphylle. C'est Blainville qui les a remis sous la dénomination commune de Sténoderme, qui rappelle fort bien la petitesse de leur membrane interfémorale, et qui n'a pas, comme le mot Phyllostome, l'inconvénient d'appartenir essentiellement aux Vampires. Ce nom générique est d'ailleurs emprunté aux travaux d'E. Geoffroy sur les Chauves-Souris, et si les remarques que Blainville et moi avons faites, sur l'Animal auquel il a d'abord été appliqué, sont exactes, il était convenable de lui donner, comme plusieurs zoologistes l'ont accepté, la signification que nous lui conservons ici. L'espèce type et d'abord unique du genre Sténoderme est le Stk- nodi-r.mk iioiî.x [Stenoderma rufum, E. (ieoffrov), qui a 0,32 d'en- vergure; elle parait n'avoir que quatre paires de molaires eu bas comme en haut, et sa membrane inter- fémorale est si étroite, qu'elle borde à peine les cuisses inférieurement sans se rejoindre en arrière du coccyx. E. (ieoffrov a dit que son Sténoderme roux n'avait pas de feuille nasale; mais il m'a semblé , en revoyant l'exemplaire d'après lequel il l'a décrit, que l'absence de ce caractère, qui existe au contraire chez les Chéiroptères pourvus de dents de même forme que les siennes , était le résultat d'une mutilation. Le pays dont cette Chauve-Souris provient n'est pas connu; on peut cependant supposer, eu égard aux autres caractères de l'Animal lui-même, que c'est l'Amérique. D'autres Chéiroptères assez souvent désignés sous le nom générique de Phyllostom.es doivent être réunis au genre de ce Sténoderme. Tel est d'abord le Stkxodermk a lunettks (Stenoderma perspicillatum) , que Linné a signalé sous le nom de Vespertilio perspicillatum, et Buffon (Supplément, t. VII , p. 252), sous celui de grande Chauve-Souris Fer de Lance de la Guyane; il a quatre paires de molaires supérieurement et cinq inférieurement, la cinquième de la mâchoire inférieure étant fort petite et subarrondie. Sa membrane interfémorale est médiocre et fortement échancrée; sa queue ne parait point extérieurement; sa membrane S I KN O I) Ml M !■; 1) i: \ i s t) u Si kn o h F. loi k no r \, i]';il>n.> K. Geoffroy. 198 ORDRE DES CHEIROPTERES, nasale est composée de deux parties, l'une en fer de lance peu aigu, l'autre basilaîre à peu près en fer à cheval; son pelage est brun fauve et il a un arc. blanchâtre au-dessus des yeux; son envergure est de 0,45 à 0,50. On trouve ce Cheiroptère à Cuba, à Haïti, à la Jamaïque et, sur le continent américain, clans la Guyane ainsi qu'au Rrésil. Palisso! de Reauvais avait constaté, pendant son séjour à Saint-Domingue, que cette espèce peut se nourrir de fruits. M. Alexandre Ricord a donné depuis lors quelques détails à ce sujet, dans une lettre qu'il a adressée à Geoffroy-Saint- Ililaire, et que ce dernier a publiée. uTous les soirs, dit M. Ricord, deux heures après le cou- cher du soleil , ces Animaux quittent les forets vierges qu'ils habitent pendant le jour : on les voit alors venir, par vol de plus de mille, se précipiter sur les arbres eh; sapotilles, dont ils dévorent les fruits. On les voit souvent sur ces arbres mordre indistinctement toutes les sapotilles , afin de trouver s i i:n(.1;mum k k lunette, grand. nn(. celles qui sont mûres, car ce n'est que par le toucher que l'on s'assure de la maturité de ce fruit ; ils en font un grand dégât. Les coups de fusil no les éloignent pas; cependant s'il vient à pleuvoir, ils se retirent en emportant, fixva à leur dent canine, une sapotille mure. J'ai observé ces Chauves- Souris durant une nuit entière, et je les ai vues reprendre, une heure avant le jour, leur vol et se diriger vers les forets; elles occupent des lieux inhabitables , au pied des grandes mornes. » Il est très-probable, ainsi que je l'ai fait remarquer dans la partie niammologïque de l'ou- vrage publié par M. de la Sagra, sur l'île de Cuba, que les genres Madatœus et Artibwus , de Leach, reposent sur les Sténodermes de l'espèce dont il vient d'être question, ou tout au moins sur des espèces très-peu différentes. Leach a publié la description de ces Chéiroptères dans les Transactions de la Société linéenne de Londres. Ou en retrouvera la reproduction dans quelques ouvrages français, et, en particulier, dans V Histoire des Chéiroptères publiée, il y a peu de temps, par M. E. Desmarest. Le Stknodehmk lys (Stenoderma litium) , décrit par E. Geoffroy sous le nom générique de Phyllostome , est aussi de ce genre; c'est la Chauve-Souris brun rougcàlre ou quatrième de l'ouvrage d'Azara, Le Stkxodkkm y. kayé (Stenoderma lineatiun) ou la Chauve-Souris brune et rayée d'A- zara, est une espèce du Rrésil et du Paraguay, qui est plus petite que la précédente, brun clair avec une ligne dorsale blanche. La Chauve-Souris brune ou troisième, du même auteur, est aussi un Sténoderme. E. Geof- froy lui a donné le nom spécifique de rotundatum. 11 faut sans doute en dire autant de Vlfistiophorus flavescens de M. Gray et du Pliyllosloma obscurwn , de Neu-Wied. Le S t i':xoDKii mk dks CAVEKNKS (Stenoderma cavemarum) , décrit par M. Gray sous le nom générique de BradnjplnjUa , est de la Caroline du Sud, de l'île Saint- Vincent et de Cuba; il est un peu plus fort que les précédents et sa tète diffère de la leur par un peu plus d'allongement; il a la queue bien apparente; ses dents antérieures sont moins pointues. Le Sténodekmi- chilien {Stenoderma chiliensis, P. Gerv.), que j'ai décrit et dont j'ai donné la figure dans l'ouvrage de Aï. Gay sur le Chili, est au contraire plus petit que celui à lunettes; il a la tête grise, le dos et les pieds brun foncé, le dessous du corps plus clair et de chaque coté des épaules une fraise de poils de couleur cannelle!; il a cinq paires de molaires supérieures et Desmodk non, pnmd nat. FAMILLE DES PHYLLOSTOMIDÉS. 199 inférieures. M. Tschudi a trouvé au Pérou une espère qui en est très-peu différente. — On a encore indiqué plusieurs autres espèces de Phyllostomiens qui paraissent susceptibles d'être réunies aux Sténodermes, mais nous ne les connaissons pas aussi bien que ceux qui viennent d'être énumérés, et il reste encore quelques observations à faire sur les caractères que pré- sente leur dentition. CiExMiK DESMODE (Desmodus, Neu-Wied). Ce genre, dont on doit la distinction au prince Maximilien de Neu-Wied, est un des plus curieux parmi ceux qui composent la tribu des Plivilostomidés. La singulière disposition de son système dentaire le rend aussi excep- tionnel dans l'ordre des Chéiroptères que l'Aye-Aye dans celui des Primates. Ses incisives supérieures, dont il n'y a qu'une seule paire, sont fortes, subtriangulaires et aiguës; elles ressemblent à un double soc; les inférieures, en deux paires, sont séparées sur la ligne mé- diane par un espace vide; elles sont assez petites et bidenli- culéos à leur couronne. Les canines supérieures présentent a peu de choses près la forme des incisives de la même mâ- choire , mais elles sont moins larges, d'avant en arrière, et un peu moins arquées; leur sommet est, comme celui des incisives, en pointe tranchante. Les canines inférieures sont moins fortes et plus semblables à celles des autres Chéirop- tères. Le Desmode ira que deux paires supérieures de dents molaires et trois inférieures, toutes comprimées, tranchantes et pourvues d'une seule racine. Cette singulière disposition des dents molaires rappelle jusqu'à un certain point ce que l'on voit chez le Protèle et chez le Tarsipède. On ne sait pas encore avec quelle particularité du modo de nourriture des Desmodes cette disposition tout à fait excep- tionnelle de leurs dents est en rapport ; mais on assure que ces Chéiroptères ont, comme les Sténodermes, les Vampires et les Spectres, l'habitude de sucer le sang des autres Ani- maux. Leurs puissantes incisives supérieures ainsi que les canines tranchantes qu'ils ont à la même mâchoire leur per- mettent/-sans doute, de percer le derme de leurs victimes, en même temps que la disposition de leurs lèvres leur rend plus facile de humer le sang qui s'échappe par l'ouverture qu'ils ont pratiquée. Cependant on ne sait rien de certain à cet égard, et j'ignore s'il a, comme plusieurs Plivilostomidés, les caroncules labiales que Ton voit si bien dans la figure de notre page 191 Les Desmodes présentent dans la conformation de leur squelette plusieurs particularité* qui ont été signalées par de Blainville. La partie faciale de leur crâne est étroite et courte; leur mâchoire inférieure n'a qu'une très-faible saillie angulaire; leur fémur est aplati et comme marginé à ses bords externe et interne; leur os péroné est plus élargi que celui des autres Chéiroptères, et il est aplati ainsi que le tibia. Quand à leurs caractères extérieurs, ils sont peu différents de ceux des Sténodermes. Ainsi leur membrane interfémorale est courte et ils n'ont pas de trace extérieure de la queue; l'oreillon est petit et découpé; les oreilles sont écartées et la feuille nasale consiste essentiellement dans une portion basilaire analogue à celle des genres voisins, mais avec une partie seulement de la feuille hastiforme qui la surmonte chez ceux-ci. Le Desmode roux (Desmodus rufus, Neu-Wied) , que M. Waterhouse a nommé Desmodus Orhgmji et M. Dorbigny Edosloma cinerca, est la seule espèce connue dans ce genre, On le trouve au Chili, au Pérou, en Bolivie, au Brésil et dans la Guyane; sa taille ne dépasse pas celle de nos Vespertilions murins ; sa couleur est brun cendré un peu roussâtre. Il attaque les C iu ni: i> v. D v. s m n n e , grand, nnt. 200 ORDRE DES CHEIROPTERES. \nimaux et même les enfants endormis pour sucer leur sang. Quelques auteurs l'ont considéré, à cause de la disposition singulière de ses dents, comme devant former une tribu ou même une famille à part dans l'ordre des Chéiroptères, sous les noms de Desnwdinés ou Desmodidés. FAMILLE DES UHINOLOPHIDES Les Rhinolophidés ont une feuille nasale qui rappelle celle des Pliyllostomidés, sans être repondant conformée de la même manière. Leurs dents ressemblent plus à celles des \ espcr- tilionidés qu'à celle des Pbyllostomes ou des Sténodermes. Ils forment plusieurs genres dont les représentants n'ont encore été observés que dans l'ancien continent et en Australie. î) F. \ T * D K MICUFBMK T E V IL L F. , 3/ 1 do grand. Di. m s de Mi:iiidf.rmk Lyhk, 3/1 de grand. Ce sont les Mégadermes, les Wiinopomes, les Nyctères , les Ilhynolophes et les Nyclophiles. Les Rhinolophes ont été eux-mêmes partagés en plusieurs genres par quelques auteurs mo- dernes ; mais nous continuerons à les réunir sous une seule dénomination générique. FAMILLE DES HIIINOLOPHJDES. 201 GENRE MÉGADEHME (Megaderma, E. Geoffroy). La série des Rlnnolophidés com- mence par des espèces à membrane interfémorale très -ample quoique dépourvues de queue, à oreilles également fort développées, mais non réunies sur la ligne médiane et dont l'o- reillon est considérable. Ges espèces ont les narines surmontées d'une feuille nasale, et cette feuille est grande et compliquée. Ge sont les Mégadermes, Animaux exclusivement propres à l'Asie et à l'Afrique, que l'on a regardés quelquefois comme représentant les Phyllostomes dans l'ancien continent. Ils sont tous moins grands que les espèces d'Amérique auxquelles on a donné ce nom, et l'on n'a pas la certitude qu'ils sucent le sang des Mammifères comme le font celles-ci. Leurs caractères sont d'ailleurs différents à plusieurs égards. Leurs dents, appropriées à un régime insectivore, se composent de cinq paires de molaires à la mâchoire supérieure et de cinq à l'inférieure, de quatre canines assez fortes et de deux paires d'incisives inférieures seulement; leur os incisif reste cartilagineux et ils ne paraissent pas supporter d'incisives supérieures, au moins dans l'âge adulte; enfin c'est à coté des Rhinoloplics et non avec les Phyllostomidés qu'il convient de classer les Mégadermes. Le Mkgadkrme Lyrk (Megaderma Lyra, E. Geoffroy) a la feuille nasale rectangulaire et la follicule qui la précède de moitié plus petite; son envergure, lorsqu'il a les ailes étendues, est de trente-cinq centimètres. On le trouve sur la cote du Malabar. M v. <; u> e n m k L y n e , grand . nat . M kg a de rm k i- e v i L l e , grand, nat. Le M K CAD F U M K F F Li J L L F. ( Megadarma frons ) ou la Feuille de Daubonton et le genre Lavia de M. Gray, qui a été rapporté du Sénégal par Adanson , se trouve aussi en Gambie. Il a la feuille nasale de forme à peu près ova- laire, de moitié moins longue que les oreilles et un peu plus courte que la follicule. Deux espèces assez peu différentes vivent en Afrique ( Sénégal et Sennaar ) , et depuis Séba , on en connaît une autre dans l'Inde. Celle-ci ire PARTIE. M É g A d e n m E feuille i /3 de grand . 20 202 ORDRE DES CHEIROPTERES. est le M É g a d e r m e s p a s m e ( Vespertilio spasma de Linné d'après Séba, pi. 56, fig. 1). Elle vit dans l'île de Java, mais n'a point encore été si- gnalée ailleurs. Sa feuille est en cœur avec la fol- licule aussi grande et de même forme. Genre RHINOPOME (Rhinopoma, E. Geof- froy). Genre de Rhinolophiens facile à distinguer par la petitesse de sa membrane nasale , qui rap- pelle, mais en raccourci, le fer de lance des Phyl- lostomes , par son oreillon assez grand , et surtout par sa queue , qui est longue et grêle , et que la membrane interfémorale ne borde qu'en partie. Ses dents sont au nombre de vingt-huit, savoir : quatre canines ordinaires aux Chéiroptères, une paire d'incisives, quatre paires de molaires supérieurement, et deux paires d'incisives, plus cinq de molaires inférieu renient. Mko aof.kmk smsmf., srnrkl. nnt- Dents nr. Riiinopomb m i c n o p h y l l p. , 4/1 de grand . Crâne n r R h i n o p n m f. m i c « o p ii ^ 1. 1. 1- , 2/ 1 d<> gnrnd Le R h i x o p o m e m i c r o p h y L L e ( Rhinopomm microphyllus ) es t la Chauve-Souris d'Egypte de Belon, savant naturaliste du xvic siècle qui avait visité la Grèce, l'Egypte et l'Arabie. FAMILLE DES RHIN0L0PHIDÉ8. 203 Il a été étudié de nouveau par Brunnich et E. Geoffroy. La figure faite d'après nature que nous en donnons ici le montre (aux deux tiers de la grandeur naturelle) dans la position qua- drupède que la brièveté de ses membranes lui rend plus facile encore qu'à la plupart des autres Chéiroptères. On n'a encore trouvé cette espèce avec certitude qu'en Egypte. Le Rhinopomk de Hardwicke {Rhinopoma Hardwkkii, Gray) est du Bengale, en par- ticulier de Madras et de Calcutta. Quant au Rhinopome de la Caroline {Rhinopoma Caroliniensis , E. Geoffroy), nous croyons nous être assuré, lorsque nous avons étudié dans la collection du Muséum, il y a une quinze d'années, avec M. de Blainville, l'exemplaire qui lui sert de type, que cette espèce doit être supprimée. Elle repose en effet, comme l'a publié alors notre célèbre maître, sur un exemplaire du Nyctinomus acetabulosus de l'Ile de France, ou sur quelque espèce peu différente. Genre NYCTÈRE {Nycteris). E. Geoffroy a nommé ainsi un genre ayant quelque ana- logie avec les Rhinolophes , mais qui s'en distingue aisément par la présence d'un véritable oreillon et par la disposition excavée de son chanfrein, dans lequel la feuille nasale est pour ainsi dire cachée sous la forme d'un appareil crypteux. La queue des Nyctères est de grandeur ordinaire et elle a sa dernière pièce bifurquée pour soutenir le sommet de la membrane interfé- morale. Ces Animaux ont deux paires supérieures et trois paires inférieures d'incisives; leurs molaires sont au nombre de quatre paires en haut et de quatre ou cinq en bas. Leurs habi- tudes sont celles des Rhinolophes. NtCTKRK DK IA f H É B A i II E , J/2 (le gnind. On a trouvé des :\yctères en Egypte, au Sennaar, au Sénégal, à la côte mozambique , à Fernando-Po ainsi qu'au Damarha , en Afrique; on en cite aussi dans l'Inde, mais à Java seulement. Les trois espèces que nous allons signaler sont celles qui ont été décrites le plus 204 ORDRE DES CHEIROPTERES. souvent par les auteurs. M. Gray en ajoute deux sous le nom de N. damarcnsis Qipoensis, et M. Pe- ters deux autres sous le nom de N. fullginosa et villosa. Dents «r Niciuif, 0/1 de grand. NVCTIUK PE l\ TlIFIiUDE, l/i Crâne de >*\ctèhe, 2/1 do grand. L'espèce la plus anciennement connue est le Nyctlkl Campagnol volant (Nycteris his- pida) , que Daubenton a décrit sous le nom de Campagnol volant, d'après un exemplaire rapporte du Sénégal par Adan- son. Elle a le pelage brun roussàtre en dessus et blanchâtre en dessous. Ce Nyetère n'a que quatre paires de molaires infé- rieures. Le N y c t k n l d i-: l a T h l b a ï d k ( Nycteris thebaka ) a été découvert et décrit par E, Geoffroy. Il vit en Egypte °t au Sennaar; son pelage est gris; il a 0,25 d'envergure et défiasse un peu le Campagnol volant sous ce rapport. Le N y c t k r k d k J a v a ( Nycteris javaidca , E. Geoffroy ) est une troisième espèce jusqu'ici particulière a l'île indienne dont il porte le nom. C'est le type d'un petit genre nommé Pe- talia par M. Gray. Genre RHINOLOPHE (Rhinolophus, E. Geoffroy et G. Cuvier). Le genre, assez nom- breux en espèces, des Rhinolophes comprend les Chéiroptères auxquels on donne, d'après Daubenton, le nom vulgaire de Fer à Cheval, C'est le même nom que divers naturalistes ont traduit en langage scientifique par le mot Hipposideros. Ce genre est encore un de ceux qui paraissent être étrangers au nouveau monde, ses espèces n'ayant été observées jusqu'ici que dans l'ancien continent, y compris la Nouvelle-Hollande, mais point encore dans l'Amérique méridionale, ni mémo dans l'Amérique septentrionale. Elles sont faciles à reconnaître à leur feuille plus ou moins compliquée et composée de deux parties, l'une basilaire à peu près en forme de fer â cheval , l'autre montante, en lamelle découpée, vorruqueuso ou bien en fer de lance et comme gaufrée sur sa face antérieure par la présence de cavités en forme de cellules; cette feuille varie suivant les espèces et fournit de très-bons caractères dont on s'est servi pour leur distinction. Les oreilles des Rhinolophes sont en cornets évasés, plus ou moins plissées auprès de leur bord externe et sans oreillon intérieur. Leur queue est de grandeur ordinaire et comprise dans la membrane jusqu'à sa pointe. Ces Animaux ont l'os intermaxil- laire lamelleux et mobile, ne portant qu'une seule paire de dents incisives; inférieurement ils ont deux ou quelquefois trois paires de ces dents; leurs canines sont assez fortes et leurs molaires varient conformément aux formules suivantes : £, £ ou £; elles sont appropriées au régime insectivore. Le crâne des mêmes Chéiroptères est très-renflé à la région olfactive; leur péroné est très -grêle, presque filiforme et accollé au tibia dans une grande partie de sa longueur. On avait supposé que ces Animaux étaient pourvus de quatre mamelles, deux à la poitrine et deux autres auprès des aines; mais les premières de ces glandes méritent seules le FAMILLE DES RHINOLOPHIDÉS. 205 nom de mamelles et sont seules Iactifùres; les autres servent à la production d'une matière odorante ainsi que l'ont démontré les recherches de Kuhl et de M. Temminck. Les Rhinolophes ont le pelage en général pâle, d'autrefois orangé, plus ou moins élégant, toujours long et très-fourni. Us vivent, à la manière des Vespertilions, chassant à la brune et se retirant le jour dans des trous d'arbres, dans des creux de rochers ou, lorsqu'ils habitent des villes, dans les édifices abandonnés ou déserts. Leur taille est assez variable, mais le plus souvent elle est moyenne ou même petite, et, sous ce rapport, les Rhinolophes ressem- blent encore aux Vespertilions. Nous n'avons pas besoin d'ajouter que les naturalistes qui aiment à faire des noms nou- veaux, dans l'espoir peut-être mal fondé de contribuer aux progrès de l'histoire naturelle, ont divisé ces Animaux en plusieurs genres pour lesquels ils ont proposé autant de dénomina- tions particulières. M. Temminck, qui a fait la monographie de ce groupe, et qui a rendu par ce travail un service plus réel à la science, conserve à toutes les espèces le même nom générique de Rhinolophes, et il les divise d'après la configuration de leur feuille nasale en deux catégories distinctes; c'est aussi ce que nous ferons, n'ayant pu réunir assez de docu- ments sur les particularités que présente leur système dentaire pour les classer conformément aux indications qu'il pourrait fournir. 1. Wûnolophes à feuille nasale simple, transversale et plus ou moins arrondie. Le RlIINOLO.PHE FAMEUX (R/lVWlopIlUS 110- bilis, Horsfield) est le plus grand de tous; sa taille est plus forte que celle du Phyllostome Fer de Lance; son pelage est varié de marron, de gris brun et de blanc; il a 0,53 d'envergure. Il habite les îles de Java, de Sumatra, d'Amboine et de Timor. Le Rhinolophe diadème (Hhinolophus dia- dema% E. Geoffroy) est connu à Timor seulement; ' r~-:-^^y /^fS^^^^ il est inoins grand, mais cependant il a 0,45 d'en- ^^"^l, „ l\vN \ ( vergure. jraiiu , niais cepenuani u a u,4a u en- y(( a w ^ v; vVxTtr Le R H I N O LO PUE DIS T I N G U É ( Rhvwlop/l US Ùl~ H h i n o l o p h t fuiei\, çrond. nu' . signis , Horsfield) n'est (pie de Java. Le Rhinolophe ckumenifèiie (Hhinolophus spcoris) , dont il y a une excellente figure dans l'Atlas de Pérou et Lesueur, a été rapporté d'Amboine et de Timor. Je le crois aussi de la cote malabare, oii il y a du moins une espèce qui s'en rapproche beaucoup. Le Rhinolophe bicolore (Hhinolophus bicolor, Temminck) est de ces deux îles et de celle de Java; il est plus petit encore que le Crumenifère; ses poils sont blancs à la base et roux marron à leur pointe. Le Rhinolophe t m dent (Hhinolophus t ridons , E. Geoffroy) n'est pas rare en Egypte et en Nubie; nous en avons aussi vu des exemplaires venant de Bombay et du Sénégal. Le nom de cette espèce est emprunté à la forme de sa feuille qui est tridentée. Le Rhinolophe tiucuspide (Rhinolophus tricuspidalus , Tenmiinck) est fort petit et n'a que 0,21 d'envergure; sa feuille est également tridentée : c'est le pygmée du genre Rhino- lophe, comme le Rhinolophe Fameux en est le géant. Son pelage est brun et sa feuille tridentée mais d'une forme un peu différente de celle du Rinolophe trident. Il n'a été vu qu'à Amboine. C'est une des espèces découvertes par les naturalistes que le gouvernement hollandais a envoyés aux îles de l'Inde et qui ont enrichi le musée de Leyde de si précieuses collections pour la Mammalogie. II. Rhinolophes à feuille nasale plus ou moins compliquée, ayant sa seconde partie relevée en fer de lance et une sorte de soc naissant du centre du fer à cheval Le Rhinolophe de cil (Hhinolophus Inclus , Teniminck) est une espèce de Java, de Su- 206 ORDRE DES CHEIROPTERES. matra et de Manille; sa taille est assez forte; son pelage est noirâtre. Le Rhinolophe euryote (Ilhinolophus cu- ryotis, Temminck) habite l'île d'Amboine. Le RlIINOLOPHE TRÈFLE (Ilhi/lolopltUS iHfo- liatus, Temminck) vit dans celle de Java. Le R h i jn o l o p h e a f F i n e (Ilhinolophus af finis , Horsfield) a été observé à Java et à Sumatra. Le Rhinolophe nain (Ilhinolophus minor , Horsfield) est une petite espèce propre à Java et à Timor ; sa taille le rapproche un peu du Rhinolophe tricuspide, mais il s'en distingue par sa feuille, et son envergure est de 0,25. Le Rhinolophe pu s il le (Ilhinolophus pu- s il 'lus , Temminck) est encore une petite espèce, mais qui est propre à un autre pays. Il a été découvert au Japon; il n'a que 0,22 d'enver- gure; ses mœurs sont celles de nos espèces européennes. Celles-ci sont au nombre de trois, savoir : Le Rhinolophe cliffon (Ilhinolophus clivosus), qui a d'abord été décrit par M. Cretz- chmar, de Francfort, d'après des exemplaires rapportés d'Afrique par le D. Ruppel. On le trouve en effet sur ce continent depuis l'Egypte jusqu'au cap de Bonne-Espérance, mais il a été observé depuis lors en Europe, dans la Dalmatie, par exemple, et dans d'autres parties du Levant; il existe aussi dans l'Asie occidentale. Sa taille est assez petite, car il n'a que 0,08 de longueur totale, la queue comprise et environ 0,30 d'envergure; ses molaires sont au nombre de dix-huit; sa feuille est médiocrement compliquée. Le Rhinolophe unifer (Ilhinolophus unihastalus) est bien plus commun en Europe que le Cliffon; on le voit en Italie, eu Allemagne, en France, en Hollande, en Angle- terre, etc. , et il existe aussi dans le nord de l'\frique, en Algérie. C'est le grand Fer à Rhinolophe deiil, grand, nat. Rhinolophe unifer, 1/3 de grand . FAMILLE DES RHINOLOPIIIDÉS. 207 : Cheval de Daubenton et le Horsc- Shoe bat des Anglais; sa feuille est compliquée de larges cellules. Le Rhinolophe bifer (Rhino- lophus bihastatvs ) , que Linné a considéré comme une simple variété du précédent, malgré la bonne des- cription qu'en avait donnée Dau- benton dans son Mémoire publié en 1759, est connu sous le nom de petit Fer a Cheval. tioi'HK i) e C o')i m KitsoN, grand . nal . Khinolophe i.-nifgk, grand, nat. L'énumération qu'on vient de lire montre que le genre Rhinolophe est représenté par plusieurs espèces en Eu- rope , en Afrique et dans l'Asie continentale , et qu'il est surtout commun et riche en espèces dans les îles de la Sonde; il paraît exister aussi à Mada- gascar. E. Geoffroy a en effet décrit, d'après les manuscrits de Commerson , un Rhinolophe de cette région observé au fort Dauphin et qu'il nomme Rldnolophus Commersonii. On ne le connaît encore que par ce qu'en a dit le naturaliste dont il porte le nom. Parmi les espèces indiquées depuis que M. Temminck a publié sa Monographie, nous n'en tu no top he 0B4VCK, \ !2 de grond. 208 ORDRE DES CHEIROPTERES. citerons que trois : la première, appelée Phyllorlnna vittata par M. Peters, et d'assez forte dimension et vit en Mozambique. Les deux autres sont de la Nouvelle-Hollande. M. Gray, qui en a parlé, les appelle Rhinoloplms megaphyllus et aurantiacus. La première est de la Nouvelle-Galles du Sud; la seconde, dont il fait aussi son genre Rhynonycteris , est de Port- Essington. Dans son bel ouvrage intitulé Mammals of Australia, M. Gould en a donné une bonne figure que nous reproduisons ici. Les mœurs du Rhinolophe orangé paraissent être les mémos que celles de nos espèces européennes. Auprès des Rhinolophes et des Nyctères vient se placer le GENRE NYCTOPIIILE (Nyctophylus , Leacb) , dont l'unique espèce, étudiée de nouveau par M. Temminck, est aussi l'un des Chéiroptères que possède l'Australie. On l'appelle Nyctoimïilk dk Gkoffuoy (Nyctophihts Gcoffroyi), Elle a une paire d'inci- sives supérieures et deux inférieures, et ses molaires ne sont qu'au nombre de quatre paires à chaque mâchoire, ce qui, joint à ses quatre canines, lui fait en tout vingt-six dents. Ses oreilles sont grandes et pourvues d'un oreillon lancéolé; sa feuille est enfoncée comme celles des Nyctères. Cette Chauve-Souris n'a que douze ou treize centimètres d'envergure; sa queue, qui a sept millimètres de longueur, est comprise jusqu'à son extrémité dans la membrane interfémorale. FAMILLE des VESPERTILIONIDÉS Nous réunirons, sous la dénomination de Vespertilionidés, un grand nombre de Chéirop- tères, très -différents des Roussettes par l'ensemble de leurs caractères, dépourvus delà feuille nasale qui caractérise les Phyllostomidés et les Rhinolophidés, et dont les ailes, la queue et le système dentaire ont une disposition plus ou moins analogue avec celle qu'ils ont chez ces derniers. Ils constituent plusieurs genres dont les premiers ont la queue plus ou moins rudimen- taire, tandis que les derniers l'ont plus longue que la membrane interfémorale. Nous en parlerons sous les noms de Taphien, Saccopteryx , Diclidure , Vesperiilion (comprenant plusieurs divisions) et Molosse. Nous traiterons en premier du genre Taphien, qui serait mieux placé parmi les Rhinolo- phidés, s'il n'était dépourvu de feuille nasale, comme tous les Chéiroptères de la présente famille. GENRE TAPHIEN (Taphozons, E. Geoffroy). C'est un petit groupe encore voisin des Rhinolophes, mais que l'on peut aisément séparer des espèces que nous avons réunies sous ce nom. Ici il y a un oreillon , comme chez les Rhino- pomes et les Nyctères , et la queue est aussi de longueur ordinaire; en outre, elle passe au-dessous de la mem- brane interfémorale, qui est cependant assez grande, sans être comprise dans son épaisseur, comme chez la plupart des autres Chéiroptères. L'os incisif est cartila- gineux , et il paraît manquer de dents incisives ; il y a en tout vingt-six dents, dont deux paires d'incisives et cinq de molaires à la mâchoire supérieure, et aussi cinq paires de molaires à la mâchoire inférieure; le front est excavé, comme chez les Nyctères; enfin il y a de même une apophyse postorbitaire de l'os frontal ; mais on ne voit à la surface extérieure de la tête aucun rudiment de feuille membraneuse. Ce sont aussi des Animaux de l'Afrique et des parties dEnts »u hi-hien perforé, au do *ran<> réduits obscurs, tels que des creux d'arbres, des trous de murs, des dessous de tuiles, des greniers, dos combles de grands édifices, des cheminées oii l'on ne fait pas de fou, i\r^ excavations de rochers, des galeries de carrières abandonnées ou mémo en exploitation, et des souterrains ou des cavernes. On ne les trouve pas toujours au même lieu, et leurs retraites d'hiver ne sont pas les mémos que colles ou ils passent les journées et les heures les plus obscures de la nuit pen- dant la belle saison. Quelques-unes restent isolées ou réunies par petites compagnies; d'autres, au contraire, se rassemblent par centaines ou moine par milliers, et nous eu avons trouvé ainsi des quantités extraordinaires dans rime des églises do Paris, dans la grande tour d* \igues- Morte, dite tour de Constance, et dans la grotte de la Madeleine, qui est située à pou de dislance de Montpellier. Leurs cris aigus, quoique faibles, ou l'odeur musquée de leurs excréments ne tardent pas à faire découvrir les Chauve-Souris, et, si on les inquiète trop longtemps, on les voit bientôt prendre leur vol , mémo en plein jour, et tourner en l'air sans prendre d'abord une direc- tion bien déterminée. Celles (pie j'ai vues dans la grotte de la Madeleine formaient au fond de la caverne, au delà de la grande mare qui en rend l'exploration à la fois difficile et dan- gereuse, une sorte de tapisserie de fourrure, tant elles étaient serrées les unes contre les autres, et il me fut possible d'en prendre en un instant plus d'une centaine, en les enlevant par plaques de la surface contre laquelle elles étaient appliquées eu quantité innombrable. Elles appartenaient presque toutes à l'espèce du Vesjwrtl/ion wi/stachi, et c'étaient, pour la plupart, des femelles. Sur quatre-vingt-cinq que j'ai conservées, une dixaine seulement étaient du sexe mâle. Presque toutes ces femelles étaient en état de gestation, et, à peu de chose près, au même terme; une seule avait deux foetus jumeaux; toutes les autres n'auraient mis au monde qu'un seul petit chacune. Avec ces Chauve-Souris, et provenant delà mémo grotte, il y en avait de deux autres espèces, mais en moindre nombre; douze étaient des Pipistrelles, dont huit femelles et quatre maies; une seule appartenait au petit Rhinolopho {/ihinolophus ùihastahts). Deux Pipistrelles seulement étaient en gestation; les autres paraissaient avoir mis bas depuis quelque temps, mais elles n'avaient point leur petit avec elles. L'habitude qu'ont les Chauve-Souris de se re- tirer dans les cavernes rend difficile de reconnaître si leurs ossements, que l'on trouve quelquefois dans le sol de ces cavités souterraines, sont aussi anciens que ceux des grands Ours, des Hyènes, etc., avec lesquels on les observe alors. Le limon de plusieurs cavernes a été remanié par les eaux , et les Chauve-Souris dites fossiles qu'on y a ren- contrées appartiennent, d'ailleurs, à des espèces actuelles. Je suis loin de nier cependant que leurs espèces aient été contemporaines des grands Ani- maux perdus dont les restes sont enfouis dans ces couches antédiluviennes; je fais seulement remar- quer que nous manquons de faits précis sur la date de leur enfouissement. V une époque bien antérieure à celle du creu- sement et remplissage des cavernes, il existait déjà des Chéiroptères du genre des Vespertilions. M. Lartet en a découvert plusieurs mâchoires et divers ossements dans les dépôts à Mastodontes et à Pdiinocéros de Sansan , dans le Gers, et j'ai même publié , dans un autre ouvrage , la description de plusieurs de ces ossements dont je G in u v f - S <> v iî i s r o s s 1 1, k dnns les plntrièies que colle de la Pipistrelle. C'est peut-être le Discolore. V K f; 1' [■; H T I L I 0 N I) I S C O I. O H I'. , 1 ,2 de gr. 111(1 . \J. Temminck donne, en effet, la même formule den- ture au Vespertîlion discolohe (Vesperlilio discolor, Kuhl), qui est une des espèces propres à l'Europe. On en sup- pose l'existence en France, mais l'Autriche est le pays ou on l'a observé le plus souvent. De Blainville a signalé comme V^PERriLioN in> chlore, grand, nat l)E\Ts m; Vespertilion df. Lesitei-r, i/l «1<' pr,-m«l. ayant aussi le même mode de dentition une espèce recueillie aux Etats-Unis par le courageux compagnon de Pérou, feu M. Le- sueur; il l'appelle Vespe rti mon dk Lesueijr (Vespertilio Le- sueur H) . 3. Vespcrtilions pourvus de trente-six dents, dont vingt -deux molaires (£ de chaque côté), par suite de la présence de deux paires de petites molaires supérieurement et de trois paires inférieurement. A . Espèces connues sous le nom d'Q REILLÀRD. Le Vespertïlion oreillard de Daubenton (Ves- perlilio auritus) a les dents ainsi conformées. C'est une Chauve-Souris de petite taille, ayant 0,30 d'envergure, a poils gris en dessus , gris cendré en dessous , assez longs, et qui est surtout remarquable par les grandes dimensions de ses oreilles et par les grands oreillons spa- diformes qu'on voit dans leur cornet. L'Oreillard est de plusieurs parties de l'Europe : on le trouve en France , aussi bien dans le nord que dans le centre ou dans le midi, mais il est rare partout; il aime les jardins, les lieux peu habités, et paraît vivre isolé. La grandeur de ire PARTIE. V E S P F. R T I L I 0 N OREILLARD, grand. h»t 28 218 OUI) RE DES CHEIROPTERES. ses oreilles en a fait faire un genre à part (Plecopus, E. Geoffroy), auquel on a quelque- fois associé d'autres Vespertilions ayant aussi les oreilles très -grandes. V e s r F. il t [ 1. 1 n s ontii, l \ ii o , 1 '2 «1'.' çrr.m] On en a distingué, mais peut-être à tort, une espace européenne sous le nom d'Oreillard brévimanc. Le Vespe rtilion grande-oreille (Vespertlllo macrolis et megalotis) , qui est de l'Amérique septentrionale, paraît, au contraire, constituer une autre espèce. Il a été décrit par Rafinesque et par M. Lecomte. Il en est plus sûrement ainsi du Yespertilion elryote (Vespertilio euryotis, Nattcrer), qui est de r Amérique méridionale. C'est aussi une Chauve-Souris à grandes oreilles, et, sous ce rapport, il a encore de l'analogie avec le Yespcrtilion voilé. B. Esprcc type du genre F L R J E de F. Cuvier. Il existe également trente-six dents chez la petite espèce de la Guyane à oreilles courtes, arrondies et très-ouvertes, à oreillon hastiforme et à face verruqueuse et presque difforme , que. F. Cuvier a décrite comme formant un genre à part, sous le nom de Furie horrible (Furia horrens). \. Vespertilions pourvus de trente-huit dents dont vingt-quatre molaires (f de chaque côté) par suite de la présence de trois paires de petites molaires en haut et en bas. Ceux qui ressemblent le plus au Murin ont reçu le nom de Murinoïdes. Le Yespertilion mtrin de Daubenton (Vespertilio murinus) est le plus fort et l'un des plus communs parmi les Chéiroptères de ce groupe. On le trouve dans une grande partie de l'Europe et même en Algérie. Il vit par troupes nombreuses, se retirant pendant le jour dans les endroits sombres et, en général, sous les combles des grands bâtiments. Son vol est rapide. Ses excréments, que Ton trouve amoncelés dans les lieux ou il se cache, ont, comme FAMILLE DES YESPEKTIL10NIDES ceux île la plupart des autres Chéiroptères, une odeur musquée. Il a 0,45 d'envergure. Son pelage est brun cendré; son museau est assez allongé et ses oreilles en forme de cornet ont leur oreillon en lame pointue. 219 CiiXNh i; r Di\H n'n \ i:m'i;htiiion iu uun im: i'L> .M i i:i i>t;nTii.K>\; u.mnoi\.ili ; de la nuit , et parait rarement ailleurs que sur les eaux et au milieu clés roseaux. On ne l'a encore trouvé qu'en Hol- lande. Nous avons lait connaître , dans l'ouvrage sur le Chili de M. Gay , les dents du Y \: s v l n t il i o n d k Cm loi: ( ( espor - tilio c/f//oe;*67s,Watcrhouse), petite espèce non moins curieuse qui habite le Chili; elles rapprochent ce Cheiroptère du Lim- nophile. L'Amérique méridionale est aussi le pays des YespcrtUiu brasUicnsts ( Spix ) ; V. hypolhrlr (P. Gerv. et d'Orh.) et Y. fsidori (P. Gerv. et d'Orh.). L'île de Cuba a seule fourni jusqu'à ce jour l'espèce plus curieuse encore par la forme de sa face et l'allongement de sou crâne, «pie j'ai décrite sous le nom de Vespcrtilh lepldu.s (Histoire de Cuba, publiée par M. De la Sagra). Cette espèce devrait former à elle seule une division particulière. Plusieurs Yespertilions également pourvus de trente-huit dents sont propres à l'Amérique septentrionale. Tels sont les Ycspertillo gvyphus, Y. subulatus et Y. Salaril de Fréd. Cuvier; tous trois sont de l'État de New-York. Dans rémunération qui précède nous avons du insister sur les espèces vulgaires ou siu celles plus rares qu'il nous a été possible d'étudier en nature. Nous eu aurions beaucoup d'autres à signaler si nous voulions donner la liste complète de celles qui ont été décrites dans ce genre, mais on n'a pas fait connaître le système dentaire de1 la plupart de celles qui nous resteraient à signaler, et il est par conséquent impossible de leur assigner un rang dans la méthode que nous avons adoptée; il en est d'ailleurs quelques-unes, ainsi que M. Temminek en a déjà fait la remarque, qui ont été décrites d'une manière trop imparfaite pour qu'il soit possible de les reconnaître avec certitude. E. Geoffroy n'avait pas multiplié, comme on l'a fait depuis, les divisions génériques de la tribu des Yespertilioniens, et il avait assigné des limites plus larges au genre Yespei'tilion, Il n'en comptait , il est vrai, que dix-huit espèces. M. Temminek, qui a apporté un soin égal et dos vues non moins sages dans l'élude du même groupe», en évaluait, il y a déjà quelques années, les espèces à une centaine, non comprises celles à une seule paire d'incisives supé- rieures, dont nous avons parlé sous les noms d'Atalaphe et de Nyctieée. Lne trentaine de ces espèces sont de l'Europe, région du globe oii les Vespertilions représentent le groupe des Chéiroptères à l'exclusion de presque tous les autres genres du même ordre. L'Amérique septentrionale paraît en posséder un nombre à peu près égal , mais il y eu a moins dans l'Amérique1 méridionale, qui nourrit tant de Phyllostomidés, et ils n'entrent pas non plus [jour une fraction aussi notable dans le nombre total des Chéiroptères propres à l'Inde et à l'Afrique, pays si riches en Molosses et surtout en Poussettes. On ne connaît encore que trop incomplètement les Chéiroptères de Madagascar pour qu'il soit possible de rien dire sur la proportion suivant laquelle les différentes familles de Chéiroptères y sont représentés. La Nouvelle-Hollande, ce continent si pauvre en Mammifères monodelphes, a fourni quel- ques Chéiroptères comme1 aussi quelques Rongeurs, et ces Chéiroptères, quoique d'espèces différentes de ceux du reste1 de la terre, rentrent, comme1 beaucoup de Reptiles austra- liens, dans des genres propres à l'ancien continent. On n'y connaît aucun Phyllostomidé, mais il va, comme nous l'avons déjà dit, deux em trois Poussettes; la famille des Phino- lophes y est représentée par le. Nyctophile ele Geoffroy et par les Phinolophes orange' et mégaphylle; enfin il y a plusieurs Yespertilions. C'est parmi eux que paraissent se ranger les Yespertilionidés, nommés par M. Gray : Nocluluta tnsmaniemts , Scotophilus (Umhlii , ScotopJiilus pumilvs, Scotophilus Grcyi et Scotophilus Mario. Il y a aussi un Yespei'tilion à la. FAMILLE DES \ ESPERT1LI0N1DÉS. 221 Nouvelle-Zélande; c'est le Mijslacina tubercidata de M. Gray, et un autre de l'île Norfolk qui est peu éloignée du même archipel. Ces deux Chéiroptères sont les seuls Mammifères que l'on connaisse encore dans l'archipel Nouveau -Zélandais, qui est si différent de la Nouvelle-Hol- lande par ses productions ornithologiques, que l'on doit le considérer comme étant aussi un centre particulier de population animale. Nous avons donné les caractères du Mystaclna tubercidata en parlant des OEllo et des Emballonures. Le Vespertilion de Norfolk {Vcspcrlilio norfolccnsis , Gray), que nous avons récemment étudié dans le musée Britannique , est de la taille de la Pipistrelle et du Mystacin, et il a, comme eux, la queue entièrement comprise dans la membrane interfémoralo et de forme ordinaire. Son oreillon est à peu près sécuriforme ; sa couleur est brunâtre. Genre MOLOSSE (Molossus, E. Geoffroy). Les Chéiroptères dont nous parlerons sous ce nom, comme l'ont fait de leur côté MM. Temminck et de Ulainvillo, sont les mêmes dont on a fait les différents genres des Molosses, Nyctinomcs, Myoptùrcs , Dysopcs , Cheiromclcs , Dinops, etc. Ils sont remarquables par leur grosse této, par leurs oreilles simples, arrondies, plus ou moins gaufrées, comme ourlées à leur pourtour, mais sans véritable oreillon inté- rieur; par leurs lèvres épaisses et dont les supérieurs sont en lippes plus ou moins frangées; par leur queue dépassant de moitié la membrane interfémoralo; enfin par les soies roides que l'on voit sur leurs doigts de derrière. Ce sont des Animaux hideux, à ailes étroites , mais aiguës , et dont les jambes courtes ont leur péroné presque aussi fort que le tibia, et très-arqué en dehors; ils volent avec rapidité et marchent plus facilement que la plupart des autres Chauve-Souris, Leur taille est, en général , supérieure à celle de nos petites espèces de Vespertilions ; elle égale ou même dé- passe, dans la plupart des espèces, celle du Murin et de la Noctule; leur régime est essen- tiellement insectivore; ils ont des incisives dont la formule varie avec l'âge, mais qui sont habituellement au nombre de deux paires à la mâchoire inférieure, et d'une seule à la supé- rieure; les premières étant simplement bilobées à la couronne, et les unes et les autres serrées entre les canines, qui sont fortes; ils ont tantôt quatre, tantôt cinq paires de molaires supérieures, et présentent constamment cinq paires de dents analogues à la mâchoire inférieure. Les diverses espèces du genre des Molosses habitent les régions chaudes et tempérées; elles nous fournissent le second exemple d'un genre à la fois commun aux deux continents. Tous ceux que nous avons étudiés jusqu'à présent, soit parmi les Chéiroptères, soit parmi les Primates, étaient particuliers au nouveau continent ou, au contraire, à l'ancien, et quelques-uns mêmes, parmi ceux qui habitent ce dernier, exclusivement cantonnés en Afrique, dans l'Inde ou à Madagascar, comme c'est le cas pour la plupart des Pithéciens et pour les Lémuridés. Une seule espèce de Molosse a été constatée en Europe. C'est le Molossas Cestoni, type du genre Dinops de M. Savi. Aucune n'a été signalée en Australie. i. Certains Molosses n'ont que quatre paires de dents molaires supérieures. Le Molosse a collier de Temminck (Molossus torquatus) , que M. Horsiiold a décrit sous le nom générique de Cheiromèlc , est de ce nombre; c'est le Molosse pedimane de M. Temminck. C'est aussi la plus grande espèce connue; sa longueur totale est de 0,15, et son envergure 0,65. On le trouve à Bornéo, et, assure- t-on, dans le royaume de Siam. Le doigt externe de ses pieds de derrière est entièrement séparé des autres , libre et presque aussi opposable que le pouce des Qua- drumanes ; le corps n'a que quelques poils. Le Molosse de Daube nton {Molossus Daube n- tonii) , dont nous avons parlé plus haut sous le nom de Rat-volant, a été découvert au Sénégal par Adan- son; il est moins fort que le précédent; il a le corps tout couvert de poils bruns. 1)ENrs Dl' M^^t nh iuihlm-on. 2/1 d.« Rr.« 222 ORDRE DES CHÉIROPTÈRES. Molo>se m o l' s , grand nat . Le Molosse mops (Molossns mops) , décrit comme espèce du genre Dysopes par F. Cuvicr, est de Sumatra, oii il a été trouvé par Diard et Duvaucel ; c'est peut-être le même que le M. dilatatus de quelques auteurs. Le Molosse ourson (Molossus ursinus , Spix) habite, au contraire, l'Amérique méridionale, ainsi que les M. ru fus (E. Geoffroy), vehx (Temminck), et obscurus (E. Geof- froy). Ce dernier a été rapporté de Cuba et de la Martinique, ainsi que du continent Sud-Américain, par exemple, de la Guyane. Le Molosse véloce va jusqu'à Buenos-Ayres. Le Molosse roux est de Saint-Jcan-de-Curaçao. 2. Les autres espèces du même genre ont cinq paires de molaires aux deux mâchoires. On ne connaît bien parmi celles de l'Amérique que le Molosse nasique (Molossus nasutus, Spix, ou Nyctinomus brasiliensis , E. Geoffroy) , que l'on trouve au Brésil, dans la République argentine et au Chili; il paraît s'étendre au nord jusqu'à la Nouvelle-Orléans. Ce Molosse a les lèvres plissées, le tour du nez denticulé, les oreilles amples, non réunies au- dessus du front, et le pelage de couleur brun noir en dessus et cendré en dessous; son enver- gure est de 0,29. Le Molosse de Cestoni (Molossus Cestoni) , que M. Savi a décrit sous le nom géné- rique de Dinops, s'observe en Italie; il a d'abord été découvert à Pise; il existe aussi en Egypte et dans l'Algérie. Molosse de Cf.stoîu, grand, nat H k n t s oc Molosse m y. Cïstom, 2/ 1 de grand Cette curieuse espèce de Chauve-Souris est sans doute l'Animal que Rafînesque avait appelé Tadarida tœniolis , et aussi le Molosse Ruppcl de la Monographie de M. Temminck. Le Molosse plissé (Molossus plicatus) , nommé encore Nyctinomus bengalcnsis , est de couleur de suie, avec le dessous du corps plus pâle; ses lèvres sont plissées; son enver- gure est de 0,33. 11 vit au Bengale. Le Molosse égyptien (Molossus œgyptiacus), découvert par E. Geoffroy, est de la taille de la Sérotine ; ses oreilles ne sont pas réunies sur la ligne médiane. L? Molosse de Port-Louis (Molossus acetabulosus) , décrit par E. Geoffroy et Temminck , et déjà signalé dans les manuscrits de Commerson , vit à l'Ile-de-France et peut-être à Madagascar; c'est une espèce assez petite et dont l'envergure n'a que 0,28. La glande qu'il porte sous le cou est considé- rable, eu égard à la taille de l'Animal et lui a valu son nom la- lin; son pelage est brun noir. M'U.n^r m. Pour- Eu ! is, er. ORDRE des INSECTIVORES A ni maux mammifères pourvus de quatre extrémités onguiculées, propres à la locomotion ordinaire ou modifiées pour fuir, n'ayant pas les pouces opposables; mode de développement analogue à celui des Chéi- roptères et des Primates; intelligence très-peu développée; régime plus ou moins insectivore; dents souvent aiguës ou garnies de tuber- cules aigus , en général moins faciles à diviser en trois sortes que celles des familles précédentes, mais toujours différentes de celles des Rongeurs, dont la plupart des Insectivores se rapprochent sous d autres rapports. Les plus connus de ces Animaux sont les Héris- sons, les Musaraignes et les Taupes. U Afrique et l'Asie méridionale en nourrissent qui constituent des genres différents. t/ordre des Insectivores répond, à peu de choses près, à celui des Bestiœ de Linné, mais il faut en éloigner son genre Dhlelphis, dont le mode de développement est tout différent. Quoique beaucoup d'autres Mammifères se nourrissent d'Insectes , on laisse en propre à ceux dont nous allons parler le nom ^Insectivores. Ils constituent un groupe intermédiaire aux ordres des Chéiroptères et des Rongeurs, ayant avec eux des affinités incontestables dans la forme ih\ cerveau, dans le mode de reproduction, dans le degré d'intelligence, etc., mais qui se laisse aisément distinguer des uns et des autres par l'apparence extérieure ainsi que par la disposition de leur système dentaire. La forme des membres chez les Insectivores , la position des mamelles et quelques autres 224 ORDRE DES INSECTIVORES. caractères séparent nettement ces Animaux des Chéiroptères ; leurs dents ne permettent pas non plus de les confondre avec les Rongeurs , quelque ressemblance qu'ils aient d'ailleurs avec ces derniers sous d'autres rapports. Ils ont toujours un nombre plus considérable de dents, et jamais ils ne présentent, entre les incisives et les vraies molaires, le grand espace vide ou la barre que l'on trouve constamment chez les Rongeurs. Toutefois, cette différence n'est pas aussi importante que celles qui distinguent les Insectivores d'avec les Chéiroptères. On peut cependant y ajouter que les incisives antérieures des Insectivores, et leurs vraies molaires ont toujours une autre forme que celles des Rongeurs, et cette nouvelle particularité coïncide avec la différence qui existe dans le régime de ces deux groupes de Mammifères Les Rongeurs vivent surtout de graines, d'herbes ou d'autres substances végétales. Certains d'entre eux aiment aussi la chair et les matières animales; mais aucun ne se nourrit d'Insectes. Les Insectivores, au contraire, comme leur nom l'indique, préfèrent toujours les Insectes, et, s'ils y associent d'autres aliments, ce sont surtout des aliments empruntés aux classes inférieures du règne Animal, tels que les Vers, les Limaces, etc. Aussi n'onl-ils pas le canal intestinal aussi long que celui de la plupart des Rongeurs, et le plus grand nombre d'entre eux manquent de cœcum. Au lieu de prendre leur proie au vol , comme le font les Chauve-Souris , ils la poursuivent sur les arbres, à terre, dans l'eau ou dans le sol lui-même. De là des différences considé- rables dans leurs organes locomoteurs, et qui rappellent, dans l'ordre des Insectivores, la plupart des formes qui distinguent entre eux les Rongeurs. Il n'est pas jusqu'à celle des Cerbilles et des Gerboises, ou Rongeurs disposés pour le saut et à pieds de derrière très- allongés, qui ne se retrouve chez les Insectivores, où elle nous est fournie par les Macrosce- lides et les Pétrodromes. Les espèces arboricoles sont représentées par les llylomys, les Tupaias et les Ptilocerques, et les seconds de ces Animaux ont une si grande analogie extérieure avec les Écureuils, que les Malais les désignent par le même nom; les genres terrestres du même ordre sont les Hérissons, les Gymnures et plusieurs autres ; les Desmans sont la répétition des Ondatras, des Myopotames, etc., dans le même groupe; enfin, les Taupes, les Chrysochlores, etc., y tiennent la place de ces Rongeurs éminemment souterrains, auxquels on a même donné le nom de Rats-Taupes, pour rappeler la similitude qu'ils ont avec les Taupes dans leur genre de vie aussi bien que dans l'apparence extérieure. Indépendamment de leurs grandes affinités avec les Rongeurs, les Insectivores en ont aussi avec les Marsupiaux, et principalement avec ceux qui se nourrissent, comme eux, d'Insectes. Ces ressemblances sont telles qu'à plusieurs reprises les naturalistes ont regardé comme Insectivores placentaires des Animaux qui sont, au contraire, des Insectivores mar- supiaux, et réciproquement comme Marsupiaux des Insectivores placentaires. Toutefois, certaines particularités du squelette et la disposition des organes reproducteurs , ainsi que la forme sous laquelle les petits viennent au monde, établissent entre ces deux sortes d'Animaux une différence tranchée. Il est également remarquable (pie les Insectivores marsupiaux et les Insectivores monodelphes, (pie Ton peut confondre les uns avec les autres, ne se ren- contrent point dans les mêmes pays. Ainsi, les Sarigues, habitent l'Amérique méridionale, où il n'existe aucune espèce de ce groupe, et il n'y a pas non plus d'Insectivores mono- delphes dans la Nouvelle-Hollande, qui est le pays des petits Dasyures, des petits Phalangers, du Myrmécobie et des autres Insectivores marsupiaux les plus semblables à nos Insecti- vores. Les Insectivores monodelphes se rattachent d'une manière plus évidente encore aux Lémuridés par quelques-unes de leurs espèces, principalement par les Tupaias, qui ont, comme les Lémuridés, le cercle orbitaire entièrement osseux. FVM1LLK DES É H I \ A Cl DÉS. 22ô Les genres dont nous aurons à parler dans ce chapitre se groupent autour de notre Hérisson, de nos Musaraignes ou de nos Taupes, qui sont les seuls Insectivores répandus en Europe; ils sont propres à l'Afrique, à l'Asie ou à ses Iles méridionales, ainsi qu'au Japon et à l'Amérique septentrionale. On les distingue aisément les uns des autres par leurs caractères extérieurs, auxquels se joignent de très-bonnes particularités empruntées au nombre et à la disposition des dents. Toutefois, il est diflicile de donner pour ces derniers des formules aussi précises (pie celles qu'on établit pour les autres ordres, et les auteurs sont loin d'être d'accord sur leur répartition en incisives, canines et molaires; c'est pourquoi nous nous attacherons de pré- férence au nombre et à la forme de ces organes. On n'a pas non plus établi d'une manière précise les changements que l'âge apporte dans le nombre et dans la disposition de ces dents. Les Insectivores paraissent être, sous ce rapport, dans une condition tout à fait particulière; mais ce que l'on a dit au sujet de plusieurs d'entre eux doit être revu avec soin. Leurs organes (\^> sens présentent des variations considérables, suivant qu'ils sont appelés à vivre dans telles ou telles conditions, et nous parlerons des particularités qui les distinguent à propos de la description de chaque genre. Il en est de même de leur système tégunien taire dont les deux dispositions extrêmes nous sont offertes par le Hérisson et par la Taupe. Indépendamment des diverses espèces d'insectivores que l'on connaît dans la nature actuelle, on en a décrit plusieurs autres qui n'existent plus aujourd'hui et dont les restes fossiles ont seuls permis d'établir les caractères distinctifs. On en cite surtout dans les ter- rains miocènes de l'Europe. Il y en a aussi dans les dépôts à Paléotherium. Un fait re- marquable, c'est (pie, dans plusieurs endroits, les débris de ces Insectivores d'espèces éteintes sont associés à ceux de certains Marsupiaux intermédiaires aux petites espèces qui vivent maintenant dans l'Amérique méridionale et dans l'Australie. Dans une autre partie de cet ouvrage, nous parlerons de ces Marsupiaux, fossiles en Europe, sous le nom de Peratherhim. On peut diviser les Insectivores qui vivent actuellement sur le globe en quatre familles, savoir : 1° Les ÉRINACIDÉS, divisibles en quatre tribus, sous les noms de Tupaia, Hérisson, Gymnure et Tanrec ; 2° Les MACROSCÉLIDÉS, qui comprennent les Macroscélidiens et les Uhynclioeyons; ;)° Les SOR1CIDÉS, partagés en Musaraignes, Solénodontes et Desmans; 4° Les TALP1DÉS ou les Chrysochlores, les Sealops, les Condylures et les Taupes. FAMILLE des ÉRINACIDÉS Les Animaux que nous réunissons dans cette famille sont les plus gros de tous Jes Insec- tivores et ceux dont l'apparence extérieure s'éloigne le moins de celle des autres Mammifères. Leur apparence générale rappelle assez bien celle «les Carnassiers, et ils ont aussi plus ou moins d'analogie avec ces derniers dans leur régime, quoique les Insectes en forment l'élé- ment essentiel. Leur dentition est également moins anormale que celle des Talpoïdes, et, sous ce rapport encore, ils tiennent des Carnivores; ils ont aussi de l'analogie avec les Lému- ridés; cependant on ne saurait les placer ailleurs que dans l'ordre des Insectivores. La diversité des conditions d'existence auxquelles la nature les a destinés rend compte des différences de forme qui les séparent les uiw des autres , et qui ont souvent fait méconnaître les caractères ire putTir. 29 22(3 OKDHK DES INSECTIVORES. plus profonds qui doivent les faire associer. Les Tnpaïan, r Tr i i nnv i; i n f. r \ , 2 1 <1<' 2r\u;.! rissent aussi bien de fruits que d'Insectes. Les Tupaias ont en tout trente-huit dents, dont neuf paires supérieures et dix inférieures. Les premières consistent de chaque coté en : deux incisives assez longues, grêles et écartées entre elles; une dent cauiniforme implantée la première dans l'os maxillaire; quatre fausses molaires, dont la quatrième est forte et pourvue d'une grosse épine à sa base interne; enfin trois arrière-molaires ayant trois tubercules épineux à leur couronne et un bourrelet externe, lnférieurement , il y a deux paires de dents antérieures qui rappellent à peu près les premières dents des Indris par leur proclivité; puis une dent plus FAMILLE DES ÉK I NAC1 DÉS. 227 petite, une autre plus forte et caniniforme, trois petites fausses molaires crois.sant de la pre- mière à la troisième et trois vraies molaires dont la partie antérieure est tricuspide. Le crâne ^s ïupaias est remarquable par le cercle osseux comparable à celui des Lémuridés qui entoure cliaque orbite, et de plus son os molaire est percé. Leur cerveau parait assez dé- veloppé. Le pelage de ces Animaux est doux, assez fourni ; il a de l'analogie avec celui des Sciuridés et avec celui (le certaines Mangoustes ; leur queue longue est en panache comme celle de la plupart des Ecureuils. On trouve ces Mammifères dans les parties boisées des îles de la Sonde. 11 y en a aussi dans l'Inde continentale; mais ils y sont plus rares. Ce sont les plus élégants et les plus gra- cieux de tous les Insectivores. On en distingue maintenant six espèces. Le Tupaia ff.hmgixki x (Tupaia femtf/htca, Kafîles) ou le Press de V\Vi], Cuvier, est presque entièrement de couleur ferrugineuse. Son museau est notablement allongé; son corps et sa queue ont ensemble quarante centimètres environ, dont la queue fait plus de la moitié. Il es! communaux îles de Java, de Sumatra et de Bornéo. T i i- \ iv i h i! r. rniM:i \ . Le ïi-paia tana (Tupaia tana , Piailles) est brun roussàtre, avec le dos piqueté et une petite ligne oblique plus rousse sur chaque épaule On le trouve à Sumatra ainsi qu'à Bornéo, Sa taille est un peu supérieure à celle du Tupaia fenugineux. Le Ti paia Di: Java (Tapaia javamca, Kaffles) est d'un gris brun, tiqueté, avec la ligne des épaules blanchâtre; il est un peu moindre que le précédent. C'est le Cerp ou Bancrring i'v \\ (îuvier. On Ta observé dans les trois îles où vit aussi le Tupaia ferrugineux, c'est-à-dire à Java, à Sumatra et à Poniéo, 228 ORDRE DES INSECTIVORES. Li: Tcpaia murin {Hyïogalc murlna de Temminek et Schlegel) n'a encore été observé qu'à Rmnéo. Ti rn\ Minn, l'3 F 11 il n i s s o n , crnim I . n.i t . 230 OKDltE DES INSEGTINOltES. sous dos tas de pierre et ils y restent dans un état de somnolence jusqu'au soir; (dors ils se mettent à roder, cherchant, suivant l'occasion, des Insectes, des fruits ou menu; des racines; ils sont peu intelligents, mais ils peuvent devenir familiers si l'on s'occupe d'eux, et on les nourrit très-bien en captivité avec les restes de la cuisine. On peut les laisser dans les jardins sans qu'il en résulte de véritables inconvénients. Pallas a fait, au sujet des Hérissons, une remarque digne d'être citée, elle est relative à la faculté qu'ont ces Animaux de manger des Cantharides, même en grande quantité, sans en être incommodés, tandis que pour l'Homme et pour beaucoup d'autres espèces, ces- Insectes sont un poison des plus violents, et dont les effets désastreux ne tardent pas à amener la mort. Les Cantharides sont même dangereuses si elles ont été prises eu petite quantité. Les Hérissons des contrées ou l'hiver est rigoureux s'engourdissent à la manière de plusieurs autres espèces pendant la mauvaise saison. Ces Animaux ont de trois a sept petits à chaque portée. En unissant ils n'ont pas encore les piquants qui constituent l'un de leurs caractères génériques. Ces piquants sont leur principale défense, et lorsqu'ils se sont roulés en boule, ils en ont le corps hérissés de toutes [unis, ce qui empêche les Renards, les Chiens et tous les autres Animaux qu'ils ont pour ennemis do les saisir. Ils restent ainsi tant que le danger les menace, mais lorsqu'ils ont jugé qu'ils peu- vent se remettre en route, ils se hâtent de retourner à leur retraite. Il y a plusieurs espèces de ces Animaux; elles sont répandues en Europe, en Asie et en Afrique : celle de nos pays s'engourdit en hiver. C'est le Hkiussom eikopi:i:n {Erinaceits cnropœns j qui habite une grande partie do l'Europe. H est long de vingt centimètres ses piquants, à peine Ioiilcs de trois centimètres, sont d'un brun clair avec la pointe blanchâtre ; ses poils sont d'un gris sale et presque tous assez rudes. Cet Animal est YEchiuos des Grecs, Exivo;. Les anatomistes ont réuni de nombreux détails sur la conformation de ses dif- férents organes. Quoiqu'il ait été longtemps employé on ma- tière médicale, on n'en tire plus aujourd'hui aucun parti. On mange cependant sa chair dans quelques endroits. Sa peau ser- vait autrefois de cardes à cause des piquants dont elle est gar- nie , et l'on peut employer ces derniers en guise d'épingles; '.wm^..* i. u..ki:n. m «\- ^.-mu comme ils n'ont pas les incon- vénients des épingles métalliques, ils sont quelquefois préférés pour les préparations anato- miques que l'on veut placer dans l'alcool. Quelques personnes admettent l'existence de deux espèces parmi les Hérissons de nos pays , mais rien ne justifie réellement cette distinction. Quoi qu'il en soit, le Hérisson ordinaire n'est pas l'unique espèce européenne de son genre. Il existe dans les parties orientales de l'Europe et dans les provinces occidentales de l'Asie une ou deux espèces analogues qui se distinguent de la notre par des caractères assez cer- tains. Telle est, en particulier, la suivante : IIku isson a lonouks orkillks (Erinaccns aurilus , Pallas). Il habite les bords de la mer Noire, ainsi que Y Erinaccus concolor de M. Martin, dont les caractères sont moins bien < OlillUv FUMLLK I) K S EltlN VCIDKS. 231 La région liiinalayonno et l'Inde ont aussi leurs espèces de Hérissons, et les auteurs décri- vent comme distinctes celles dont les noms suivent : Erinaccus spatangus (Ueniiett) , des monts Himalayas; E. Grayi (lîcnnett) , des mêmes montagnes; Erinaccus nudicentris (Hodgson) , de Madras; Erinaccus collaris, (iray) , également de l'Inde continentale. L'Afrique nourrit aussi des Animaux de ce genre. Ceux que l'on trouve en Egypte ont été généralement rapportés à l'espèce nommée Erinaccus auritus par Pallas. M. Lereboullet a proposé d'appeler Erinaccus algirus le Hérisson que Ton rencontre dans quelques parties de l'Algérie, et l'on en cite deux autres dans l'Afrique australe sous les noms (Y Erinaccus fron- IoUh (lîennett) et Erinaccus capensis (A. Smith). Les caractères de ces différentes espèces auraient besoin d'être revus comparativement, et jusqu'à ce que ce travail ait été fait on peut conserver quelques doutes au sujet de quelques- unes d'entre elles. Plusieurs terrains appartenant à la période tertiaire renferment des débris indiquant des espèces plus ou moins voisines des Hérissons d'à présent. M. de lïlainville nomme Ericancus arvernensis une première espèce qui est enfouie dans les dépôts miocènes de l'Auvergne, et M. Aymard, Erinaccus nanus une seconde propre aux couches marneuses, à Paleotherium , des environs du Puy en Velay. Les cavernes et le diluvium ont fourni dans plusieurs localités des fragments de mâchoires et des os qui ont été attribués au Hérisson ordinaire; quelques-uns ont des dimensions supé- rieures et ils indiquent une race ou peut-être une espèce à part : on en a fait Y Erinaccus major. TRIBU des GYMNURES Dents plus nombreuses que celles des Hérissons; pelage doux; queue longue et nue. Un s<»ul genre. (iKM\K G1MNIRE (Gymnura). La seule espèce qui le constitue est pour ainsi dire un Hérisson à corps et surtout à tète plus allongés que dans ceux qui viennent d'être décrits, 232 ORDRE f)i:S INSECTIVORES. à poils flexibles et pourvu d'une queue à peu près nue et aussi longue que le tronc. Ses dents sont aussi plus nombreuses; il y en a en tout quarante-quatre, dont trois paires d'in- cisives en crochet et écartées entre elles, une canine biradiculée, trois paires de petites fausses molaires écartées et quatre de vraies molaires à la mâchoire supérieure, et, inférieurement, trois incisives, une canine, quatre petites fausses molaires et trois vraies molaires de chaque coté. C'est le Gymnure de Raffles (Gymnura Uafflesli) que sir Raffles a le premier décrit, mais en le plaçant à tort parmi les Viverriens sous le nom de Viverra gymnura. MM. Yigors et Horsfield, en Angleterre, et M. Lesson, en France, ont reconnu à peu près en même temps la nécessité d'en faire un genre à part et ils lui ont donné le nom de Gymnure, que de Blain- ville remplace par celui d' Echinosorex , pour lui laisser sa valeur spécifique qu'il avait précé- demment. L'Animal dont nous parlons s'appellerait alors Echinosorex gymnurus. Le Gymnure est encore peu connu. Toutefois, on peut assurer que ce n'est ni un Viverien, comme on l'avait dit d'abord , ni un Marsupial, comme on l'a pensé depuis; ses affinités le ramènent auprès des Hérissons. Tl est grisâtre et son corps est recouvert de poils soyeux dont la disposition et la couleur rappellent le pelage de la Sarigue ordinaire ; son museau est surtout plus allongé que celui des Hérissons ou des Tendracs, et ses avant -molaires ainsi que ses incisives sont plus écartées. Sa taille est à peu près égale à celle des Hérissons, mais il a les formes plus élancées et il doit être plus agile. Son corps a 0,35; et sa queue 0,30. On ne l'a encore observé qu'à Sumatra. TRIBU des TÂNRECS Le nom latin Cenleles , que plusieurs auteurs écrivent Cenlencs , a été appliqué comme générique à des Animaux de Madagascar, qui ont une assez grande analogie avec les Héris- sons et les Gymnures, mais qui en diffèrent surtout parce que leur crâne manque d'arcade zygomatique. Ces Animaux ont le corps plus ou moins épineux; leur queue est courte ou nulle. Ce sont aussi d'assez petits Animaux, qui se nourissent d'Insectes et qui \ivenl à terre. Buffon en parle sous les noms de Tanrec et de Tendrac , mais ce qu'il en dit est un peu obscur, et ce n'est qu'après les travaux récents de MM. de Rlainvillc et ls. Geoffroy, que Ton a reconnu la nécessité de diviser ces Insectivores en deux genres comme nous allons le faire. GENRE TENDRAC (Eviculus, ls. Geoffroy). Comprend des Animaux encore très-sem- blables aux Hérissons par la forme de leur corps ainsi que par la nature de leurs piquants, et, comme eux, peuvant se rouler en boule. Ce sont les prétendus Hérissons de même espèce que les nôtres signalés à Ma- dagascar par Buffon, sous le nom de Sora. C'est , en effet , ainsi qu'on appelle les Tendracs dans ce pays ; ils ont le crâne à peu près de même forme que celui fies Hérissons véritables, mais sans arcade zygoma- tique, et leurs dents diffèrent de celles de ces Animaux; ils en ont trente- six, savoir : deux paires d'incisives à chaque mâchoire, une pairo de cornues médiocres et six paires de mo- laires. On n'en connaît bien qu'une espèce, le Tendu \r. i':im\k i;x (Ericulus spi?wsus) , qui est le Centimes spinosvs de G. Cuvier, et YErtcuhis nifjrescons do M. Is. Geoffroy. C'est une C w \ ni: f t d i- m s d k T i: ndri c , grar.d . r.a : FAMILLE DES ÉMNACJDÉS. 233 sorte de Hérisson d'un tiers moindre que le nôtre , très-épineux et dont les épines ou piquants ont leur portion apparente noire avec la pointe blanche ou roussatre dans le plus grand nombre. Cette espèce vit à Madagascar et ne se rencontre point ailleurs. T r n D k \ c, v. v i n f u \ , \ '1 (le ux encore celle d*^ \ \ Dents i> e M k c h o s c é l i i> e de Ho z e t , gniml. n F. m: Iloz i.t, 1/2 de grand. Nous énumérerons, mais sans les décrire, les espèces de Macroscéiides qui sont propres à l'Afrique australe ; ce sont les Macroscéiides rupestrls, intuji , brachyrhynchus et Edxvanlsil des Illustrations zoologiques de M. Andrew Smith, et le llhinomys jaculus de M. Lichtenstein. Celui-ci répond peut- être à l'un des précédents, mais il est bien certainement distinct du Macroscélide de lîozet, ainsi que Ton peut s'en assurer en comparant le crâne de l'un et de l'autre sur les planches du grand ou- vrage ostéologique de Blainviile. Ces diverses espèces vivent dans la colonie du Gap , en Cufrerie et dans le pays des ITottentots. M. Peters en a trouvé une autre en Mozam- bique; c'est celle qu'il appelle Macroscéiides fuscus. Sa taille et ses mœurs sont les mêmes que dans celles dont il vient d'être question. Ln cknre PÉTPODUOME (Pctrodromus, Peters) se rapproche sensiblement du pré- cédent par sa forme générale, par son nez allongé en trompe, parles grandes oreilles et par le grand développement de ses membres postérieurs, dont les métatarsiens sont disposés comme ceux des Vnimaux que nous venons de citer. Il a le même nombre de dents et la Ti* i .■: r. r r \ ttf. d: M * i.i. M) h s il secs, grand, «a t. 238 ORDRE DES INSECTIVORES. même formule, mais ses pieds de der- rière n'ont que quatre doigts au lieu de cinq , même au squelette. L'unique espèce est le P v. t n o du o m r- 'J'ÉTRADACTYLE {PetVOllromUS tvh'(l~ dactylus, Peters) de Tête, en Mozam- bique. Cet Animal a les mœurs des Maeroseélides, mais il les surpasse eu grandeur. Tf.TF, f,KR\F. U' ET l'UTK l'dSl Ùli Kl RE n F. l1 H T R O H II O M I-'. , pTfind . 11 l1l> irrnnd. Mr dt.' sr.ird. (Vnnéf»' d<> \n su'v.ir.l< ) M ' s \ n \ i c n r: it'n r ( Screx fcdiens) . 1/."> de çimix'. Les Animaux de ce groupe vivent principalement d'Insectes et leur dentition permet de les distinguer aisément de tous les autres Mammifères. Ils ont en avant une paire de fortes inci- sives supérieures et inférieures; les premières de ces «lents sont arquées et renforcées à leur hase postérieure par un talon comprimé simulant une forte dentelure; les autres ou celles de la paire inférieure ont leur couronne plus longue que leur racine et en lame de couteau obtus, quelquefois dentelé sur son tranchant. En arrière de la grande paire» d'incisives supérieures sont trois, quatre ou même cinq petites dents gemmi formes qui, étant placées de chaque côté entre cette incisive et les véritables molaires et offrant une forme assez anormale, sont désignées par le nom de dents ^~ intermédiaires; derrière elles, à la même mâchoire, sont quatre paires de vraies molaires assez compliquées à leur couronne et dont la dernière est étroite transversalement ; la grande incisive inférieure est suivie (Je chaque côté par deux petites dents intermédiaires et après celles-ci on voit trois vraies molaires décroissantes. Suivant le nombre de leurs dents intermédiaires supérieures , les Musaraignes ont au total vingt-huit, trente ou trente-deux dents. On établit parmi elles des distinctions génériques ou plutôt sous-génériques en partie fondées sur ce caractère. La séparation de leurs dents antérieures en incisives proprement dites, canines et fausse; Dents de la Musaraigne musette, 3/1 do grand. FAMILLE DES SOÏUCIDÉS. 241 molaires, ne saurait être établie avoc certitude tant que Ton n'aura pas reconnu exactement le mode d'implantation des supérieures et leur mode de remplacement. La grande dent en crochet de la mâchoire supérieure et une partie des premières paires de dents intermédiaires sont implantées dans l'os intermaxillaire, les autres le sont dans l'os maxillaire. Il est éga- lement possible de faire intervenir, dans la caractéristique des sous-genres, la coloration partiellement rouge ou au contraire l'absence de coloration de la couronne des dents. Le crâne des Musaraignes manque d'arcades zygomatiques; il est un peu en forme de coin. Leur mâchoire inférieure a son apophyse angulaire très- prononcée. Ces petits Animaux ont habituellement trois paires de mamelles; cependant le Musaraigne d'eau en a quatre, ainsi que Daubenton l'avait remarqué. L'odeur qu'ils répandent est due à une glande située sur les flancs de chaque côté du corps. '. \. \\;>f. odoiivmt 01: i. \ Mus \n w g m;. Son A n a t o m i e d'après E. Geoffroy. Les anciens ont connu les Musaraignes, et les Grecs leur ont donné le nom très-convenable de Mygale (MuyaXyj), qui veut dire Souris-Belette; tandis que les auteurs modernes ont très- improprement employé le même mot pour désigner les Desmans. Les Romains les nom- maient Mus aroneus, et c'est sous cette dénomination qu'il en est question dans Pline. Albert le Grand en a parlé plus tard sous le nom de Mus terraneus. Les auteurs modernes se sont beaucoup occupés de ces Animaux, et s'ils ont enrichi la science d'un grand nombre d'observations au sujet des espèces exotiques, ils n'ont pas été aussi heureux pour ce qui regarde les Musaraignes européennes, et les travaux de plusieurs d'entre eux ont singuliè- rement compliqué» la synonymie de nos trois espèces les plus communes. Ces trois espèces servent de type à trois des sous-genres que l'on a établis dans ce groupe. 1. Musaraignes a dents blanches, au nombre de vingt-huit , dont trois petites pai?*es inter- médiaires à la grande paire d'incisives et aux quatre vraies molaires supérieures. G il OC ID l il E (Crocidura, Wagler). (Voir la pg., p. 240.) Le groupe des Grocidures est aussi le genre Suncus de M. Ehrenberg. La Musaraigne musette ou Musaraigne des Sables (Sorex araneus) est longue d'environ 0,002 pour la tète et le corps, et de 0,035 pour la queue ; elle est grise, un peu lavée do fauve roussatre en dessus. On la rencontre dans une grande partie de l'Europe, où elle vit dans les bois, dans les champs et dans les grands jardins, recherchant les Insectes, les vers et d'autres substances animales. En hiver, elle se rapproche davantage des habitations, se cache sous les meules ou dans les tas de fumier et elle entre parfois dans les écuries ou les étables. On croit à tort qu'elle mord les pieds des Animaux domestiques et qu'elle leur oc- casionne certaines maladies. C'est un petit Animal tout à fait inoffensif, gracieux dans ses mouvements , élégant dans ses formes , et qui répand une odeur musquée. Les Chats attra- pent les Musettes, jouent avec elles comme avec des Souris, mais ils ne les mangent pas. Quelques auteurs en distinguent, avec Hcrmann, la Musaraigne le u code (Sorcx leucodon) ; mais elle en est si peu différente qu'il reste beaucoup de doute u cet égard. On fait cependant valoir qu'elle est plus brune en dessus et plus franchement blanche en dessous. On la cite en Alsace, en Champagne et dans quelques autres parties de l'Europe. Au contraire, il paraît certain que plusieurs autres Musaraignes européennes qui ont été signalées comme constituant des espèces différentes de la Musette, mais du môme groupe, lre PARTIE, 3( 242 ORDRE DES INSECTIVORES. ne doivent pas on être séparées; au contraire, il y a en Afrique plusieurs Musaraignes vérita- blement distinctes de celle-là, quoique appartenant au même sous-genre. De ce nombre est la M u s a r. a i g n k a o r k u k k p a i s s k (Sorex crassicaudus, Lichtenstein) , dont le pelage est d'un brun gris argenté, et la queue épaisse à son origine. Elle dépasse notablement en grandeur celle de nos pays, et se rencontre dans plusieurs parties de l'E- gypte. Les anciens Égyptiens paraissent l'avoir mise au nombre de leurs Animaux sacrés, car on en trouve des exemplaires momifiés dans les cryptes ou sont enfouis les restes de tant d'autres sortes d'Animaux : Mammifères, Oiseaux et Reptiles, qu ils ont préparés presque avec le même soin que les momies humaines, et dont les squelettes, comparés à ceux des individus morts de nos jours, n'ont montré aucune différence appréciable. Comme ces momies n'ont pas moins de trois mille ans , on y trouve la preuve (pie les espèces sont beaucoup moins modifiables que ne le croient certains naturalistes. Olivier s'était déjà procuré, dans les puits de Sackara, des momies de Musaraignes, et Lesson les a appelées Sorex Olivieri. M. Is. Geoffroy en a observé d'autres dans la collection formée par M. Passalacqua. Il en indique de plusieurs espèces, et donne à l'une d'elles le nom de Sorex religiosus. Il eu est également fait mention dans un ouvrage de M. Eliren- berg, sous la dénomination de Suncus sacer. Hérodote, le plus ancien des historiens grecs qui nous aient parlé de r Egypte, avait déjà cité deux sortes de Musaraignes sacrées. M. Peters vient de faire connaître quatre espèces de Crocidures toutes de Mozambique. Il donne à l'une d'elles le nom spécifique de Cr. sacral is. La Musaraigne blondi-: (Sorex ftavescens, Is. Geoffroy) ne diffère des Crocidures égyptiennes que par sa couleur, qui est d'un blond fauve. Elle vit au cap de nonne-Espérance. C'est sans doute la même espèce que M. Lichtenstein, de Berlin, appelle Musaraigne cannelle. L'Afrique australe est encore la pairie de quelques autres Musaraignes appartenant à ce sous- genre. Nous citerons en particulier la M us ah ahink mangoustk (Sorex herpestes , l)u- vernoy) , qui ne diffère peut-être pas du Sorex varius de M. Smuts. La dentition de la Mrs au aigxk ardoiskk {Sorex cyaneus de M. Duvernoy) n'a point encore été observée, ce qui empêche de dire si c'est bien une Croeidure ; il en est de même pour les Sorex capensoïdes , etc., de quelques autres mammalogistes. Ces espèces sont éga- lement propres aux régions de l'Afrique qui avoisinent le Cap. 2. Musaraignes à dents blanches, au nombre de trente, dont quatre petites paires inter- médiaires à la grande incisive et aux quatre vraies nadaires supérieures. P VCTI Yl \\]L (Pa- chyura, de Sélys). La Mus a n a i g n e k t ru s o l k ( So- rex etruscus , Savi) représente cite division en Europe. Cest le plus petit de tous les Mammifères propres à cette partie du monde. Ce curieux Animal est presque entièrement gris; il a les oreilles arrondies et la queue garnie de quelques longs poils en forme de soies. Son corps est long de 0,035, la tête comprise, et sa queue a 0,02-"). On l'a d'abord trouvé en Italie, et particulièrement en Toscane. Plus récemment, il a été constaté en France dans les départements du midi. M. Crespon , de Nîmes , m'en a re- M rs.utu c. v f KTHt'^Q l' f . givmO . ml, FAMILLE DES SORKïIDÉS. 213 a été trouvée au Cap par M. Ver- rais un exemplaire, recueilli par lui auprès de cette ville, et M. de Sélys l'a reçue des bords de la Duran ce. Il y a en Afrique et dans l'Inde des Musaraignes du même groupe et à poli près de la mémo taille. Nous en connaissons une en Algérie, qu'il nous a morne été impossible de distinguer jusqu'à prosent de la Musaraigne étrusque, mais dont nous n'avons, il est vrai, observé qu'un seul exemplaire. D'autres sont plus distinctes : La M csara icne grêle (Sorex gracilis, Blajnville) reaux ; elle, a six centimètres, en comprenant la queue, qui est un \m peu comprimée. La Musaraigne de Per- r o t t e ï ( Sovcx Perrotleln , Du- vernoy) est du plateau de JNill- Gorrliies, dans la presqu'île do Pondiehéry, où elle se tient, à une hauteur de 2,300 mètres au-dessus du niveau de la mer. Elle n'a de longueur totale que soixante- un millimètres ou un peu plus do six centimètres, dans lesquels la queue entre pour vingt- quatre millimètres. Cette espèce, les deux qui précèdent (Sorex gracilis et elruscus) , la Musaraigne pygmée, dont il sera question plus loin , et la Musa- raigne de Madagascar, sont les plus [ etits Mammifères que l'on connaisse encore : le pelage de la Musaraigne de Perrottet est noirâtre en dessus et sur les flancs, avec le dessous grisâtre. Elle a été rapportée par M. Per- rottet , pharmacien et botaniste habile. La Musaraigne de Madagascar (Sorex madagascariensis, Coquerel) n'est guère plus grande; elle a 0,069 dont 0,038 pour la queue; ses poils sont luisants et d'un gris brunâtre. Elle est de Sainte-Marie de Madagascar. D'autres Pachyures ont , au contraire , une taille supérieure à celle des espèces qui viennent d'être décrites, et l'une d'elles est même la plus grande Musaraigne con- nue; sa taille approche de celle du Hat ordinaire. La plus connue est la Musaraigne a queue de \\ at (Sorex myosurus , Pallas), dont il faut rapprocher toutes celles nommées par les auteurs plus modernes : S. aveUanornm , indiens, capensis, eœruleseens , glganteus , indiens, Sonnerai! et serpent arius. D'après M. de Blainvillo, elles ne constitueraient moine qu'une seule espèce, et le Sorex mnrinxis de Linné n'eu différerait pas non plus. Ce qui est certain, c'est que l'on trouve dans plusieurs parties de l'Inde continentale, dans les îles de l'archipel indien et dans d'autres localités, telles que l'île Bourbon et plusieurs autres encore, des Musaraignes ayant la dentition des Pachyures ainsi que leurs autres caractères principaux. Toutes sont de couleur gris cendré, et elles ne MrsuniiiM' n k TI'Iihottet, ^r.'ind. nat. M r s \ ii v ir, n (■ 1) \ se a it , ^r.'ind. n<'U. M r ? \ p. a i g n i: jil:ik i)!-: Hat, pT' nur mi- i \ i ritïDE, 2/:l do avimii. C'est riiiOTiiiciit talcoidk (L rolrichus lalpoïdes, Temminck) qui a été découvert au Japon il y a quelques années. Son corps a 85 millimètres et sa queue 45; ses poils sont soyeux, de couleur roux cannelle, avec la base grise. La figure que nous en donnons diffère notablement de celle qu'eu a publiée M. Temminck. Cependant elle a été faite d'après l'exemplaire, dénommé par ce savant naturaliste, que possède le Muséum de Paris, TRIBU des DESMANS Elle comprend des Soricidés dont les membres sont appropriés a la vie aquatique, et dont la queue, plus ou moins comprimée, constitue une espèce de rame. Ces Animaux ont le crâne pourvu d'une arcade zygomatique ; leurs molaires intermé- diaires sont plus nombreuses que celles des Musa- raignes, ot ils ont la première paire des incisives supérieures forte et Iricuspide. Quoiqu'on puisse en faire deux genres , nous en parlerons sous le seul nom générique de Desmans. GKNHE DESMAN {Mygale, G. Cuvier). Dans les deux espèces qui composent ce genre, le tronc est médiocrement allongé, et les poils qui le cou- vrent , ainsi que la tête , sont luisants et légèrement Dfnts 1m. .. v ,. , c* dents Di I)fsn»\ Minr.oviTf:, siVind n.'it. 248 OIIDUE DES INSECTIVORES. irisés; le museau est prolongé en une petite trompe aplatie; la queue est longue et plus ou moins comprimée, et les doigts, principalement ceux de derrière, sont palmés et propres à la natation. $m^K D f. •; m \ n n F. s P \ u i. y v. k s , I !i Je grain I . Ces Animaux vivent, en effet, dans l'eau, ou ils vont à la recherche des Insectes, des Mollusques, des Grenouilles et même des Poissons; ils ont les yeux assez petits et les oreilles tout à fait rudimentaires ; leur crâne a une arcade zygomatique , assez grêle, il est vrai, et leurs dents ont une disposition tout à fait particulière. Il y en a quarante -quatre, dont onze paires à chaque mâchoire; la première paire supérieure, qui est seule implantée dans l'os incisif, est grande, en pyramide triangulaire, verticale, avec l'arête antérieure convexe; elle répond à la grande incisive des Musaraignes, mais elle n'a pas le crochet que celle-ci porte à sa base postérieure; après elle viennent sept avant-molaires simples et petites, puis une dent un peu plus compliquée, et enfin trois vraies molaires. Intérieurement, il y a trois vraies molaires ; ce sont les trois dernières, et, en avant d'elles, on compte huit dents plus ou moins simples, inégales, dont les deux antérieures sont plus hautes que les autres, aplaties, jusqu'à un certain point comparables à des incisives hu- maines , et en ligne transversale sur le devant de la mâchoire. Chacune des deux espèces de Desmans que l'on connaît est devenue le type d'un genre à port. La moins grande, ou le Dksman des Pyrénéks {Mygale py- rvnoïca) vit dans les Pyrénées. On la trouve dans les petits cours d'eau, à Tarhes, aux deux Jjagnères, a Saint-Bertrand-de-Com- minges, etc., dans le département des Hautes -Pyrénées. Le natu- p^ ^ 1)E.SUN ,.K, yYlîfNÉE. raliste qui l'observa le premier fut M. Desrouais . et la première gr«mi. n»t. FAMILLE DES SORICIDÉS. 249 description en a été donnée par E. Ceoffroy. Le Dosman des Pyrénées est le type du genre Galcmys, Wagler, ou Mygalina, Is. (Geoffroy. 11 est long de treize ou quatorze centimètres, depuis le bout de la trompe jusqu'à l'origine de la queue. Son poil est brun fauve et luisant, un peu lavé de gris en des- sous; ses ongles sont fortes, et sa queue , qui n'est pas comprimée dans toute sa longueur, a quatorze; centimètres ; elle est écai lieuse. Le Dosman des Pyrénées répand une odeur très-prononcée de musc. M. Braguier assure que cet Animal se nourrit essentiellement de Truites. Le Dksman moscovite {My- gale moscovitica) , dont Pallas a fait l'histoire sous le nom de Sorcx moschatus , est encore plus odorant que celui des Pyrénées. 11 est aussi de plus grande dimension, et sa (moue est plus fortement comprimée dans toute sa longueur. Le corps a vingt-deux centimètres, et la queue dix-neuf environ. C'est elle qui répand, au moyen de glandes, surtout nombreuses auprès de sa base, l'odeur propre à ces Animaux. Cette odeur se conserve très-bien sur les exemplaires préparés; aussi la queue des Desmans est-elle, à cause de cela, l'objet d'un petit commerce. 1)i:-"\:\n des T\ renées, 1,2 de grand., iVapà-s mi vô'.in du Musikun. :--^< senillon. Dl'sM \ N y O'iCOVITi; , 1/3 (111 iie papiTii-:. o2 250 OHDHE DES INSECTIVORES. Le corps et la tête ont des poils de deux sortes, les uns en bourre, les autres soyeux, luisants et qui recouvrent les premiers; la couleur, qui est généralement brune aux paitios supérieures, devient argentée en dessous. L'odeur de ces Desmans est si forte qu'elle se com- munique aux Poissons qui mangent leur chair. Espkcks fossilks. — On connaît encore, mais à l'état fossile seulement, plusieurs espèces d'Insectivores ayant la dentition (hvs Desmans ou une dentition peu différente. Il y en a dans les terrains ossifères du département du Gers et en Auvergne, leur description a été donnée dans les ouvrages de Paléontologie, sous les noms de Mygale, Plesius.we.r et Mysaraehne. On cite aussi des débris de Musaraignes semblables dans les mêmes dépots. FAMILLE DES TALPIDES On rapproche de la Taupe et Ton réunit dans la menu» familh certains Insectivores fouis- seurs qui ont avec elle une analogie pins appareille que réelle, leur système dentaise élanl très-divorsiforme. Ce sont le> Talpidés ou Talpoïdes qu'il serait certainement plus convenable d»1 diviser en plusieurs familles. \ous nous bornerons à les diviser en tribus sous les noin^ de Chrysochlores, Scalopes, ConclyJures et Taupes, empruntés à leurs différents genre-. TRIBU des CHRYSOCHLORES CiENRlï CIIRYSOCIFLOI1E [Chrysocloris, (ï. Olivier). Il comprend certaines espèces africaines qui se font remarquer extérieurement par le luxe dos reflets irisés de leur p >lage. Ce caractère, fort rare chez les Mammifères, et que les Desmans ne présentent qu'à un faible degré, est ici fort prononcé; il est joint à diverses autres particularités qui font des Chryso- chores des Animaux fort singuliers.. Leur museau est tronqué, un peu relevé, et plutôt en forme de polît soc transversal qu'en véritable boutoir; les yeux sont forts petits; ils \\y a aucune trace i\o<> oreilles externes, et leur corps, qui est trapu et ramassé, n'a en arrière qu'un faible rudiment de queue; les pattes sont courtes et essentiellement disposées pour fouir, surtout les antérieures, dont les trois seuls doigts ont des ongles faleiformcs très-puissants, surtout l'externe; elles ne sont pas en pelle comme celles des Taupes et des Scalopes ; les postérieures ont cinq doigts, elles diffèrent beaucoup moins de la forme ordi- naire que celles de devant. Les dents de ces Animaux sont au nombre de quarante, en dix paires pour chaque mâchoire : la première paire (Von haut est en pyramide, assez semblable à celle des Des- mans, mais un peu moins forte; en arrière sont cinq petites dents dont le volume croît successive- ment, puis cinq paires de mo- laires proprement dites, de forme transversale , et dont la dernière est moindre que les autres. Des dix paires inférieures, les deux premières, qui sont des incisives, sont dirigées en avant, encore comme celles des Desmans; les trois suivantes ressemblent à des fausses molaires, et il y a ensuite cinq molaires proprement dites. Toutes ces dents ont la disposition qui CnvNi: ni-: Ciiîi^nr.iu.ow-: , l)EN IS I)K Cil RY <.0 II ! o nr, 2/J de çranl. FAMILLI-; DES TALPIDÉS. 251 convient à un régime essentiellement insectivore , et elles font des Chrysochlores un groupe intermédiaire à ceux des Desmans et des Taupes, mais dont le genre de vie est bien différent de celui des premiers. Le nombre plus grand des vraies molaires (-:;-) que chez les autres genres s'expliquerait si l'on admettait que ces dents, d'ailleurs simples, tandis que celles des autres Insectivores sont à deux collines, ne sont que le dédoublement de ces dernières, opinion que leur examen avait déjà suggérée à M. de Blainville. Dans ce cas, les quatre vraies molaires qui sont antérieures chez les Chrysochlores répondraient à la pénultième et à l'antépénultième des autres Talpoïdes ou des Desmans qui resteraient dédoublées, par suite du défaut de coalescence de leurs deux moitiés composantes; la dernière ne serait elle-même qu'une pai tiède sa correspondante chez le* auties genres. (1 h h \ s o o h i. o h h , 0/3 df grand . Les Chrysochlores sont des Animaux essentiellement fouisseurs, qui passent presque entie- îement leur existence sous terre, remuant le sol avec autant ou plus de facilité que les Taupes de nos pays. Leur squelette montre plusieurs particularités en rapport avec ces habitudes. Ainsi leur crâne est pour ainsi dire en coin , ayant sa partie occipitale ample, ses os zygoma- tiques plus forts que ceux (rancune autre espèce du même ordre, sa partie antérieure très- solide et dépassant les premières incisives; enfin sa mâchoire inférieure courte, avec l'apophyse angulaire considérable et la partie coronoi'de ne dépassant pas la hauteur de l'articulation. Le développement de la caisse du tympan et de l'oreille interne doit faire admettre une grande délicatesse dans l'ouïe de ces Insectivores; leurs vertèbres manquent des ossifications , en forme de sésamoïdes , que Ton voit chez les Taupes, au bord articulaire des corps des mêmes os sur les dernières dorsales et aux lombaires ; l'omoplate est plus large que celle de la Taupe et la terminaison acromiale de son épine s'avance au delà de l'insertion de la clavicule. Celle-ci, au lieu de ressembler, comme dans les Taupes, au corps d'une vertèbre de Poisson , est grêle et allongée comme chez le Hérisson. L'humérus n'est pas moins singulier que celui do la Taupe, mais il a une toute autre apparence; c'est une sorte de croissant irrégulier, dont une extrémité serait formée par la tête supérieure et l'autre i:>2 ORDRE I)KS l\SLCT!YORKS. Stkum'm i> k CiiiinsociiLOiii , 2/1 (k- grand. par une énorme tuhérosité (épi- trochlée) de la partie inférieure; celle-ci est percée d'un trou, comme clans beaucoup d'autres espèces. La tubérosilé inférieure externe du même os ou l'épi— condyle est bien moindre que l'interne ; le radius et le cubitus diffèrent moins que l'humérus de ceux de la Taupe , mais la patte offre la singulière particularité de porter un os pisiforme beaucoup plus développé que celui des au- tres Mammifères et remontant le long de r avant-bras jusqu'à l'hu- mérus , avec la saillie interne duquel il est même en connexion. C'est une disposition tout à fait spéciale aux Chrysochlores et qui peut servir à appuyer l'opinion que le pisiforme , qui est plus ou moins rudimen- taire chez les autres Animaux, est un os de l'avant-bras et non une partie du carpe, comme on le dit ordinairement. Le bassin manque de symphyse pubienne. Cette disposition est commune aux Chrysochlores et à plusieurs genres de Talpoïdcs; elle était commandée par le volume considérable et bien supérieur à celui du détroit pelvien, que les petits ont déjà lorsqu'ils viennent au monde. Les Chrysochlores étaient nommées Taupes dorées et Taupes rouges (T Amérique ou d' \sie par les naturalistes du dernier siècle; on ignorait alors qu'elles sont exclusivement africaines. Cuvier, au lieu de les associer génériquement aux Taupes, comme l'avaient fait Brisson et Linné, les a réunies pendant quelque temps aux Musaraignes, mais il en a fait plus tard un genre distinct (pic tous les naturalistes ont adoptés. Il y a plusieurs espèces de Chrysochlores ; leur taille est à peu près la même que celle do la Taupe, mais leur corps est moins long, et chez toutes le pelage a des reflets métalliques irisés qui le rend très -singulier en même temps que très-élégant. Les caractères qui séparent ces espèces les unes des autres ne sont pas toujours très-évidents. L'espèce la plus répandue dans les collections est la Chrysochlohk dorki-: (Chryso- chloris aure a) ou la Taupe dorée de Buffon et des naturalistes de la même époque, qu'on a aussi appelée Chrysnchloris capensis; elle habite, en effet, les parties australes de l'Afrique. M. Smith en distingue les Chrysochloris rillosa et holleiiluta; M. O'Cilby le Chrysochloris damarensis, et M. Peters le Chrysochloris oblusiroslris. Mi.iiiiiu. ^n'niun nt. Ciiimociu.oK. •2/1 de grand. Tête E Sc^loi'e, grand, nat. d incisives prochves, dont la première est moins forte que la seconde, trois dents gemmiformes et trois véritables molaires biparties, comme celles de la plupart des autres Animaux de cet ordre et même plus larges qu'elles ne le sont habituellement. Le Scalope du Canada (Scalops canadensis) , appelé aussi Taupe de Virginie, et même Musaraigne aquatique par quelques auteurs , est l'espèce type de ce genre. C'est un Dents du Scalote, 3/1 de grand. i a i o r p n v ('. \ \ \ i< ; 1/"! de crnn.l 254 ORDRE DKS OSECTIVORES. Animal brun cendré, à poils volontés, , Chrysochlores, les Taupes et les Desmans ; leur crâne est assez allongé. Leur système dentaire présente une disposition assez particulière; les dents, au nombre de quarante-quatre, sont ainsi réparties: à la mâchoire supérieure, une première paire en pinces ou cul- triforme; une seconde petite et aciculaire; une troisième caniniforme; une autre bien plus petite, mais à peu près semblable ; puis quatre paires B O l TOI R I) E C 0 M) Y I. U K i: , :/t de gr, e C •■) M» v i. r R e , 3/ j de grand . biradiculées à couronne pointue (la quatrième de celle-ci est bien plus forte (pie les autres) , et enfin trois paires de vraies molaires; toutes ces dents sont écartées entre elles; il en est de même des inférieures, qui sont ainsi distribuées de chaque coté : deux premières paires d'incisives en palettes et proclives; une troisième fort petite; une dent caniniforme à deux racines; quatre dents intermédiaires biradiculées à couronne cuspidée, et trois arrière-molaires véritables. Le crâne des Condylures est plus allongé et moins robuste (pie celui des autres Talpoides; leurs trois premières paires de dents supérieures sont implantées dans l'incisif. Le Condylchk étoile (Condylura crislala) , qui est le Sorex crislalus de Linné ou la Taupe à museau étoile de plusieurs auteurs, est long, en totalité, de douze ou treize centi- mètres, dont six ou sept pour la queue. Son pelage est doux, comme celui de la Taupe, mais FAMILLE DES T VLPTOES. 255 moins fourni; il est également d'un noir velouté. Cet Animal habite dans une grande partie des États-Unis; il a les mêmes mœurs que les Scalopes ou que les Taupes. OiNDviriiE hTon.r. l;'i ik- ffr.nul. On en a distingué, comme espèce, le Condyluiu: a longue que ri- (Condylura Wf/mtra, Harlar, et r. eut-être aussi Condylura longicaudata, Desmarost), qui est du nouveau Jersey, également aux États-Unis; mais ces esi)èces n'ont pas été adoptées, et il en est de même du Condylura prasinata de llarris. M. (ïrny se sert du mot Astromyctcs pour désigner génériquement les Condylures. TRIBU des TAUPES Noire Taupe, si répandue dans presque toute l'Europe, est le type de cette tribu, et elle nous en donne tons les caractères. Deux ou trois espèces viennent s'y placer avec elle. (i UNttE TAUPE (Talpa, Linné). L'Animal (Je nos contrées qui a servi à l'établissement de ce genre est, sans contredit, l'un des plus curieux à examiner dans les détails de son organisation. Son corps, bien loin d'avoir l'élégance et l'apparence dégagée de celui des Tupaias , des Macroseélides ou des Musaraignes, ressemble pour ainsi dire à un sac qui se prolongerait antérieurement en un cône terminé par un groin, et en arrière par un petit appendice velu représentant la partie caudale ; ses quatre mem- bres sont courts, et, dans la marche, il se traîne presque à terre. Les pattes antérieures sont terminées en palettes arrondies , et elles portent des ongles puis- " » Tut ue Tatpe, vue on tïesso-js, sauts; les postérieures sont moins p*t™< i,e t^-pe. cnni n.- observations nombreuses ont montré le contraire. C'est également à tort qu'on les a crues privées de nerfs optiques ; elles en ont comme les autres Animaux, mais leur œil étant très- petit, le nerf spécial qui s'y rend est aussi d'un moindre volume. On a signalé en Europe une seconde espèce de Taupe qui a été nommée Tau pk aveugle (Talpa cœca) par Savi. Elle est un peu plus petite que la précédente, a les yeux plus faibles encore et paraît avoir aussi le boutoir plus aplati. Cette Taupe n'est, suivant quelques naturalistes, qu'une simple variété; d'autres la regardent comme étant tout a fait différente. Elle a été d'abord signalée dans les Apennins, et depuis lors on l'a distinguée comme existant aussi en Grèce, dans le midi de la France, en Suisse et à Hambourg. Ce n'est peut- être que la petite Taupe qu'on prend aussi dans beaucoup d'autres endroits de l'Europe. Poiret parle de l'existence de Taupes véritables en Algérie, et d'autres naturalistes dirent qu'il y en a. aussi dans l'Inde et dans l'Amérique septentrionale; mais il faut faire deux remar- ques à cet égard. D'abord ces indications n'ont pas toutes la certitude désirable , et e.isuile il se pourrait que les Animaux qui leur ont donné lieu ne fussent pas de la même espèce que les Taupes européennes. Quant aux Taupes de l'Algérie, elles sont plus douteuses encore, aucun naturaliste ne les ayant revues, malgré les nombreuses recheiches de /< ol >gie qui ont eu lieu dans ce pays depuis plus de vingt ans. Les auteurs qui ont parlé des Taupes de Elude ne donnent aucun détail sur leurs véritables caractères spécifiques, et il n'est pas démontré que celles de l'Amérique septentrionale soient autre chose que des Scalopes. La T a u p e \v o o g u n a ( Talpa wouf/ura , Temminck) , du Japon, est certainement une hr^^^ri espèce distincte de la Taupe d'Europe; elle a vv/ été découverte au Japon par M. Siebold. Avec une apparence extérieure fort semblable à celle de la Taupe de nos pays et des moeurs absolu- ment identiques avec les siennes, elle est facile à en distinguer parce qu'elle n'a que trois paires d'incisives à chaque mâchoire. Sa cou- leur est habituellement d'un fauve sale. On pourra la regarder comme un genre distinct. Taupes fossiles. Les Paléontologistes ont découvert, en Europe, des dents et des os- sements, principalement des humérus, qui indiquent aussi des Animaux talpoïdes ou même appartenant au genre des véritables Taupes. La plupart ont été décrits par M. de Blainville dans le chapitre de son Ostéograpliie , qui est consacré aux insectivores. Son Talpa acuti- dentata est fossile dans les dépôts lacustres de la Limagne (Puy-de-Dôme). — Le Talpa anliqua , du même auteur, est aussi dans ce cas. — Au contraire, le Talpa sansaniensis (Lartet) est de Sansan , dans le départemeut du Gers. — C'est aussi le aisément du Talpa minuta (Blainville). — Le Dimylus paradoxus (II. de Moyer) est un autre Talpoïdc du terrain miocène; il en a été recueilli quelques débris à Weisenau, près Mayence. — Le Palœospalax magiuus (Owen) était aussi un insectivore de ce groupe, mais il était de plus grande taille; on Va comparé au Hérisson sous ce rapport. C'est un Animal encore incom- plètement connu dont il a été recueilli quelques débris dans le terrain diluvien de l'Angleterre. // W \ Dh\T>l>i:TuTi: WIXXWIU , 3 i (le prnml. T l. T E L) K T \ V l> K V O O G V II \ vite en des-Mi^, pr.ind. îi.if î^s^ARl-STII, ORDRE des RONGEURS Ani)naux mammifères pourvus de (paître extrémités onguiculées, propres à la locomotion ordinaire, au saut ou au fouissemcnt ; n ayant point le pouce opposable ; pourvus de deux sortes de dents dont les antérieures ou incisives sont fortes, servent à ronger et sont au nombre de deux seulement à chaque mâchoire; les autres, ou molaires, étant presque constamment uniformes, peu 7iombreuscs et séparées des précédentes par un espace vide nommé barre. Quelques espèces seulement portent à la mâchoire supérieure une paire de petites dents avant -molaires rappelant les dents intermédiaires des Insectivores. Le cerveau est très-rarement pourvu de circonvolutions. L organisation générale est peu différente de celle des Insectivores; le mode de développement est disco-placentaire comme celui des Mammifères des trois ordres pré- cédents. Les Rongeurs sont presque toujours de petite dimension; ils sont dépourvus de véritable intelligence, pour la plupart herbivores ou frugivores, quelquefois omnivores; on en commit des représentants dans toutes les parties du globe, Madagascar excepté. Ces Animaux sont vulgairement désignés sous les noms de Lapins, Ecureuils, Pores- ORDRE DES RONGEURS. 261 Epies, Rats, etc. Ils sont fort nombreux en espèces et constituent plu- sieurs familles susceptibles d'être partagées en deux sous -ordres, suivant qu'ils ont une paire d incisives supérieures supplémentaires ou qu'ils en sont privés. Le mot latin (/lires , que les Latins donnaient aux Loirs, a été choisi par Linné pour désigner l'ordre des Rongeurs, et adopté par presque tous les naturalistes. Vicq-d'Azvr lui a cependant préféré celui de llodentes , et Storr celui de liosorcs. Les nombreuses espèces auxquelles on l'applique se relient entre elles par de nombreux caractères, et elles sont assez faciles à distinguer des autres Mammifères par les particularités que nous venons d'énumérer, e\ principalement par la disposition de leur système dentaire; mais ce caractère, en appa- rence essentiel des Rongeurs, ne suffirait pas à lui seul pour faire reconnaître ces Animaux, et il est utile de constater qu'il coïncide bien avec ceux qui font des Mammifères dont il va être question un groupe de la série des Monolophes disco-placentaires. Ainsi le Phascolome, qui appartient à la sous-classe des Marsupiaux, a la formule dentaire des Rongeurs, et le Daman, avant d'avoir été suffisamment étudié, leur avait été réuni, tandis qu'il rentre dans la même famille que le Rhinocéros. Enfin, il faut ajouter (pie les Rongeurs, quoique disco-placen- taires comme les Primates, s'en distinguent aussi bien que des Insectivores par plusieurs par- ticularités importantes. Aussi ne doit-on pas leur adjoindre le genre des Cheiromys, quoiqu'il ait une dentition semblable à la leur, et il est plus que probable que le genre Pilhéchcir de F. Guvior, qui a le pouce des pieds de derrière opposable aux autres doigts, devra également être placé dans un ordre différent. Les Rongeurs forment une réunion très-naturelle; cependant leurs nombreuses espèces peuvent être partagées on plusieurs familles , et il est même convenable de les diviser en deux sous-ordres. Les uns n'ont, comme le Rat, l'Écureuil et la plupart des autres, qu'une seule paire de dents incisives à chacune des mâchoires ; tandis que les autres ou les Lièvres, les Lapins et quelques rares es- pèces qui leur ressemblent, ont en arrière des incisives supérieures communes à tous Chase d k Lu;o»ns \\. Pis. g:\uul. rat. Chase d'An u m a l u r r < , grand, nat. les Rongeurs, une paire d'incisives supplémentaires plus petites. Sous ce rapport et sous quelques autres plus importants encore, les Animaux de la même famille que le Lapin s'éloign:nt du type commun et méritent par conséquent d'occuper une place à part. L'en- semble des autres Animaux du même ordre a pour types les plus connus le Rat , l'Écureuil , le Porc-Epic et le Cochon d'Inde, et, comme le Rat est de tous celui que nous connaissons le mieux, les voyageurs et même les zoologistes se servent souvent de son nom pour désigner le plus grand nombre des Animaux du même sous-ordre, quelle qu'en soit la famille. L'appa- rence extérieure de tous ces quadrupèdes ne permet cependant pas de les faire immédiatement reconnaître pour Rongeurs, et souvent ils diffèrent plus les uns des autres dans leur forme et 202 ORDRE DES RONGEURS. leur proportion que do telles autres espèces qui appartiennent pourtant à des ordres fort dif- férents. 11 y a des Primates, des Insectivores et des Marsupiaux qui ressemblent beaucoup à des Rats , à des Ecureuils ou à des Cabiais, et que l'on prend d'abord pour Rats, des Ecureuils, etc., tandis que des Rongeurs véritables ont un extérieur tout a fait différent, comme les Gerboises et les Rats-Taupes. Cela est en harmonie avec, les conditions d'existence dans lesquelles ces Animaux ont été placés par la Nature, et il en est de mémo de leur taille, quoique en moyenne elle soit inférieure à celle de tous les autres ordres de Monodelphes, les Insectivores et les Chéiroptères exceptés. Le Cabiai , le Castor, le Dolichotis et le Porc-Epic sont les plus grandes espèces de Ron- geurs du monde actuel; mais le premier de ces Animaux n'égale pas la grosseur d'une Rrebis. La grande majorité des autres genres de Rongeurs arrive à une taille beaucoup moindre, et la Marmotte ainsi que le Lièvre comptent encore parmi les grosses espèces de- cet ordre. L'Ecureuil, le Surmulot et le Rat nous donnent une idée des dimensions moyennes de la plupart dos autres. 11 en est beaucoup qui ont encore un moindre volume et qui le cèdent même au Mulot et à la Souris. Néanmoins les plus petits Rongeurs sont supérieurs en volume aux plus petites espèces de Musaraignes que nous avons signalées dans le chapitre précédent, et la taille des autres surpasse sensiblement celles des insectivores, auxquels ils ressemblent le plus à différents égards. C'est ainsi que les Ecureuils et les Marmottes ont des dimensions moyennes plus fortes que celles dos Tupaias et dos lïylomys; que les Porcs-Épics sont bien plus gros que les Hérissons; les Rats que les Musaraignes; les Castors ou les On- datras (pie les Desmans de Moscou et des Pyrénées; les Rats-Taupes que les Taupes, et les Gerboises que les Macroscelides. Sous le rapport d(^ la taille l'avantage reste donc aux Rou- geurs, Animaux qui trouvent plus facilement à se nourrir (pie les Insectivores. L'espèce de parallélisme qui existe entre les Insectivores et les Rongeurs de la grande catégorie des Mammifères diseo-placentairos pourrait être poussée plus loin, et elle a été aussi envisagée sous d'autres rapports que celui de la taille, principalement par M. Jsid. Geoffroy. Ainsi que le remarque ce savant naturaliste, il y a en général dans l'apparence extérieure de ces Animaux correspondants, les uns Insectivores et les autres Rongeurs, et, en mémo temps, dans leur organisation profonde, des analogies plus curieuses encore. Ou remarque aussi que certaines espèces appartenant à la grande division des Marsupiaux australiens répètent dans leur propre groupe certaines des formes animales que les insectivores et les Rongeurs fournissent aux autres continents. Chez les Rongeurs cette diversité dos formes, en .rapport avec les habitudes terrestres, fouisseuses, arboricoles, aquatiques, etc., des Ani- maux que Ton observe, a d'ailleurs acquis une intensité plus grande encore que chez les Insec- tivores, et les modifications des organes locomoteurs et sonsoriaux par lesquelles elle se manifeste sont des plus profondes. C'est ce qui a conduit plusieurs naturalistes à l'opinion que les Insectivores et les Rongeurs, placés fort loin les uns des autres par certains classi- fîeateurs, sont des Animaux d'un seul et même ordre. C'est là un autre coté intéressant de l'étude comparative de ces deux groupes, et M. de Quatrefages en a fait ressortir quelques considérations tout à fait dignes d'intérêt dans un travail sur les Caractères zoologiqucs des Rongeurs , (mil a publié en 18-40. A certains égards, en effet, une Souris diffère moins d'une Musaraigne, une Gerboise est moins éloignée d'un Macroscélide, un Rat-Taupe moins opposé à une Taupe ou à une Chrysochlore, que ne le sont entre eux les Insectivores ou les Ron- geurs que nous citons ici comme exemples. In Cochon d'Inde ressemble on apparence si peu à une Marmotte ou à un Écureuil, et un porc-Épie paraît d'abord si éloigné d'un Chinchilla, qu'on douterait de la réalité de leurs affinités si l'on n'étudiait leurs caractères profonds, au lieu de se borner à contempler leur apparence extérieure. Aussi Yicq d'Azyr, qui avait cepen- dant fait une étude assez approfondie de la plupart de ces Animaux, plaeait-il le Hérisson et les Tanrccs dans le même grand .genre que le Porc-Epic et le Desmau à coté de l'Ondatra ; mais les caractères de la dentition, et avec eux quelques autres dispositions du squelette dont ORDRE DES RONGEURS. 263 on ne saurait méconnaître la valeur, ne permettent pas de rapprocher les uns des autres les Rongeurs et les Insectivores, dont la physionomie extérieure est la même. 11 est vrai qu'ils ne justifient pas non plus l'éloignement dans lequel on a le plus souvent tenu les Animaux. de deux ordres. Si l'observation nous conduit à séparer les deux catégories dont il est ici question, elle nous indique en même temps qu'elles doivent être placées l'une à côté de l'autre dans la méthode, et nous avons ainsi la clef de leurs répétitions pour ainsi dire paralléliques, puis- que chacune des conditions d'existence dans lesquelles tous deux sont représentés dans la nature comporte une reproduction jusqu'à un certain point similaire de leurs organes de la vie de relation , et que la principale différence entre les uns et les autres dépend surtout du régime. Quelques détails feront mieux comprendre l'importance des particularités secondaires par lesquelles les différentes familles de Rongeurs diffèrent entre elles, et qui ont permis de classer d'une manière claire, sinon entièrement naturelle, les nombreuses espèces qui s'y rappor- tent. \ r. foivs ii r S wi i r o: R v T Éi'lNF"\, 1/2 do çr.iiK1. Le pelage habituellement doux et moelleux de ces Animaux devient roide et même épi- neux dans quelques-uns, et parfois il se compose en paitie de piquants dont la longueur est fort considérable comme chez les Porcs-Épies; mais les Rongeurs épineux ne sont pas tou- jours aussi bien armés, et les piquants des Eehimys, des Acomys, etc., sont bien moins forts; chez le Perchai et chez quelques autres, les poils sont simplement un peu plus rigides ([lie d'habitude. Il ne faudrait pas chercher dans les variations que présente ainsi le pelage les caractères fondamentaux de la classification , car il y a dans plusieurs familles des espèces à poils épineux et d'autres à poils doux. Le Perchai et le Rat du Caire, qui est le type du genre Acomys, sont desMuridés épineux. LesEehimys,qui ont aussi des piquants, se placent 264 ORDRE DES RONGEURS. à coté des Cercomys , mais les Hystriciens et les Synéthénens sont tous plus ou moins épi- neux. Beaucoup de Rongeurs n'ont qu'une seule espèce de poils; ces poils sont plus ou moins durs, quelquefois cassants, et ils ne sont pas doublés à leur base par des poils doux repré- sentant le duvet des autres espèces. Les Animaux, qui sont dans ce cas, sont très-sensibles au froid, et comme ils habitent des pays dont la température est élevée et peu variable, leur ac- climatation dans nos contrées est par cela même difficile, sinon impossible. Nous en avons un exemple dans le Cochon d'Inde, qui périt si on ne le soustrait au froid et à la pluie. En outre, la fourrure de ces Rongeurs offre peu de ressources pour l'industrie et elle n'est pas recherchée. 11 en est tout autrement de ceux qui ont à la base des poils ordinaires une bourre plus ou moins fournie et chez lesquels ces poils sont souples et délicats; on les recherche avec soin et beaucoup (rentre eux sont l'objet d'un commerce fort étendu; les plus estimés sont eu général particuliers aux régions du Nord ou aux lieux élevés des pays plus méridionaux; tels sont en particulier les Écureuils des régions septentrionales de l'ancien et du nouveau continent, le Chinchilla, plusieurs espèces de Lièvres, etc. D'autres espèces non moins pré- cieuses par leur fourrure sont aquatiques; les plus utiles pour nous sont le Castor, l'Ondatra et le Myopotame. Mi lot \ \ i n . !> k F i« * > t: e , 3/-i de grand . Les Rongeurs sont en général très-féconds et ils se multiplient rapidement. Tout le monde sait avec quelle facilité les Rats pullulent en peu de temps dans les lieux ou on ne leur fait pas une guerre assidue, et l'intérieur de nos appartements n'est point à l'abri de l'invasion des Animaux de ce genre; les Souris s'y multiplient avec une extrême rapidité si on ne leur oppose les Chats et les souricières. Les Lapins et les Cochons d'Inde pullulent aussi avec une égale rapidité et, sous ce rapport, ils surpassent nos autres Mammifères domes- tiques. 11 est vrai que leurs congénères sauvages n'ont pas autant de petits à chaque portée et que l'influence des circonstances dans lesquelles l'Homme a placé ces deux espèces de Rongeurs contribue singulièrement à augmenter leur fécondité. Eu général , les jeunes Rou- geurs naissent sans poils et avec les yeux fermés; cependant les Levraults font exception et les jeunes Cochons d'Inde courent déjà très-bien et broutent facilement dès le premier jour; cela provient de ce que la gestation de ces derniers a une durée bien plus longue que celle des Lapins, des Rats ou des Écureuils, dont les petits naissent sans poils et incapables de marcher. ORDRE DES RONGEURS. 265 Le nombre des mamelles est assez variable : les Cochons d'Inde n'en ont que deux, malgré le nombre bien plus considérable de leurs petits, et il y a jusqu'à dix mamelles chez les Écureuils. La position de ces organes n'est pas non plus la même dans tous les genres. Les glandes mammaires des Cochons d'Inde sont inguinales , d'autres genres en ont sur l'abdomen et à la poitrine; enfin elles sont placées sur les flancs et presque dorsales chez certains genres de l'Amérique méridionale, et en particulier chez les Myopotaines. Quelques espèces de Ron- geurs, les Lapins entre autres, ont été souvent étudiées par les embryogénistes. L'examen de leur développement a été fait presque aussi complètement que celui des Oiseaux. Nous nous bornerons à rappeler ici que les Lapins, les Cochons d'Inde, les Rats, les Écureuils et tous les autres Rongeurs que Ton a pu observer à cet égard ont un placenta discoïde et qu'ils res- semblent par conséquent aux espèces des trois ordres que nous avons déjà décrits. Ce sont d'ailleurs les derniers Tlétérodontes chez lesquels nous aurons à signaler ce mode de placenta, et ils cloront la première des séries qui composent la classe des Mammifères. De nombreuses particularités, dont la description pourrait donner lieu à des remarques importantes, devraient être signalées dans le squelette des Rongeurs. Nous nous bornerons à rappeler que la tète osseuse de ces Animaux n'a pas une grande capacité cérébrale, que la cavité nasale y est en général étendue, et que le cercle orbitaire n'est jamais complète- ment clos, quelle que soit la grandeur (pie les apophyses post-orbitaires acquièrent dans certaines espèces. La mâchoire inférieure a son condyle allongé au lieu d'être transversal, ce qui lui permet d'exécuter les mouvements de va et vient indispensables à l'action de ronger. C'est le mode de mastication qui est habituel à ces Animaux et qui a donné l'idée du nom par lequel on désigne l'ordre lui-même. Chez beaucoup d'espèces, le muscle masséter a une disposition spéciale : il envoie en avant un faisceau considérable qui passe au-dessous de l'O'il et sous l'arcade zygomatique pour aller s'insérer dans la fosse canine, à laquelle il arrive en traversant une perforation plus ou moins grande placée entre l'os maxillaire et l'os lacrymal. Cette perforation se confond presque complètement avec le véritable canal sous- orbitaire; elle varie beaucoup de forme dans la série des Rongeurs, et elle peut fournir de bons caractères pour la classification naturelle de ces Animaux. Le nombre des vertèbres est loin d'être constant : le Capromys et le Coëndou ont seize dorsales; l'Oryctère des Dunes, le Porc-Épie et le Castor en ont quatorze; il y en a treize ou seulement douze chez les autres Rongeurs. Les vertèbres lombaires varient entre six et sept, mais il n'y en a que cinq chez les Porcs-Epics et les Coëndous. Le sacrum se compose de trois ou quatre vertèbres, plus rarement de deux. Les variations qui existent pour les cau- dales sont plus grandes. Le Rat Pilori en a trente-six; l'Écureuil des Indes, trente-deux; plusieurs autres Ecureuils, vingt-cinq; rAnomalure, trente et une; les Marmottes, vingt ou vingt-quatre; les Lapins, dix-huit; le Hamster, quinze; l'Oryctère des Dunes, quatorze; lo Lcmming, onze; l'Agouti, neuf; le Zemmi, huit, et le Cochon d'Inde, six. La clavicule est tantôt complète, tantôt incomplète ou presque nulle. On s'en est servi comme guide dans la classification de ces Animaux et on les a quelquefois partagés en deux groupes, suivant qu'ils ont de fortes clavicules ou des clavicules rudimentaires; ces derniers ont aussi été appelés Aclidiens (Acleidii, Desm.). Les Lièvres n'en ont qu'une imparfaite, et il n'y en a pas du tout chez les Gavions. Au contraire elle est parfaite chez les Écureuils, les Rats, les Castors, les Anomalures , les Porcs-Épics et beaucoup d'autres. L'humérus des Rongeurs clavicules ressemble plus à celui des Carnivores, et celui des Ron- geurs à clavicules rudimentaires ou nulles a plus d'analogie avec celui des Ongulés. L'extré- mité inférieure de cet os est surtout variable dans sa forme; dans certains cas, il est percé d'un grand trou dans la fosse olécranienne, d'autres fois il en manque; mais chez certaines espèces il porte un canal au-dessus du condyle interne. L'humérus du Castor est très-élargi à son extrémité cubitale, de manière à rendre plus faciles les mouvements de natation que cet Animal doit exécuter; le radius et le cubitus restent séparés à tous les âges et dans toutes )re partie. 31 zm ORDRE DES RONGEURS. Ils Mi'nr'i m: grand Cab'ai, IlrMKnrs oe C\*Ton fihi-u, 2 ') i> grand. 4/- de grand. les espèces, mais il n'en est pas de même du péroné, qui se soude souvent au li: ^ dans une partie notable de sa lon- gueur. Les doigts ne sont pas constamment au nombre de cinq, et dans certaines espèces ceux de derrière sont réduits à trois. II y a fréquemment un os intermédiaire entre la pre- mière et la seconde rangée du carpe. L'astragale a une forme semblable à celle qu'on lui con- naît chez les Primates, chez les Insectivores et chez la plupart des autres Mammifères mono- delphes , les Bisulques et certains Édentés exceptés. Il est peu d'ordres qui renferment des espèces aussi différentes les unes des antres, par leur mode de locomotion, que l'ordre des Rongeurs, et chez lesquelles on puisse mieux cou* stator les particularités organiques qu'entraînent toutes ces différences de séjour. Il y a des Rongeurs capables de franchir dans l'atmosphère des espaces considérables et qui semblent voler, tant ils apportent de précision et de vigueur dans l'exécution de leurs longs sauts aériens. Ce sont les Écureuils volants, ou les Ptéromys et les Sciuroptères , et les Anomalures qu'on leur a quelquefois associés. Les expansions cutanées que ces Animaux ont sur les flancs et qui pendent entre leurs membres, les replis analogues qui s'étendent entre les cuisses et sur la base de la queue des Anomalures, ont été comparées à des ailes et ils servent en effet à les soutenir en l'air, comme le font ceux des Galéopithèques et des Pétau- ristes. Les Écureuils, les Loirs, certains Rats, les Coèndous et quelques autres sont essentiel- lement destinés à vivre sur les arbres, mais ils n'ont pas d'expansions cutanées étendues entre les membres. Chez les derniers de ces Animaux la queue est même préhensile, comme celle des Kinkajous et de la plupart des Singes qui vivent dans le même pays qu'eux. D'autres Rongeurs se tiennent plus volontiers à terre. Ceux-ci se rapportent à deux catégories bien distinctes l'une de l'autre, surtout si on n'envisage (pie les espèces extrêmes : les uns marchent avec facilité mais sans sauter; ils ont les membres postérieurs peu différents de ceux de devant; les autres au contraire n'avancent guère que par sauts et par bonds; leurs pieds de derrière sont beaucoup plus forts que les antérieurs et leur queue est en général allongée.. Parmi ces Animaux sauteurs on remarque surtout les Gerboises, dont les longs métatarsiens des second, troisième et quatrième doigts sont soudés en un seul os, comparable au tarse des Oiseaux. Il y a aussi, et en grand nombre, des Rongeurs qui fouillent le sol pour s'y cacher. Certaines espèces marcheuses , sauteuses ou même arboricoles ont également cette habitude, mais elle est portée à son plus grand développement chez les Rongeurs de la tribu des Rats-Taupes, qui sont ici les représentants des Talpoïdes insectivores. Ces Rats-Taupes vivent dans les galeries qu'ils se sont creusées et ils offrent pour principales particularités un corps trapu, des oreilles courtes ou nulles, une queue plus ou moins rudimen taire, des doigts forts et armés d'ongles falciformes; enfin des yeux toujours plus petits que ceux des espèces terrestres, et quelquefois si rudimentaires, que la peau passe au-devant d'eux sans s'ouvrir sous la forme de paupières. Il y a aussi des Rongeurs aquatiques; on les trouve dans des localités fort éloignées les unes des autres. Le Castor vit sur une surface assez grande de l'hémisphère boréal; le Campagnol amphibie ou le Rat d'eau habite l'Europe; l'Ondatra est de l'Amérique septentrionale, oii l'on retrouve d'ailleurs le Castor; le Myopotame ou Coypou fait partie de la faune sud-américaine, et Tllydromys de colle de la Nouvelle-Hollande. Ces ORDRE DES RONGEURS. 207 trois ^étires sont fort diversement organisés, et c'est bien à. tort qu'on les a jusqu'ici réunis dans une seule famille. Toutes ces particularités dans la forme du corps et dans la composition des membres ont moins (l'importance qu'on ne serait d'abord porté à le supposer, et Ton établirait une classi- fication peu naturelle des Rongeurs si l'on se laissait uniquement guider par ceux des ca- ractères qui sont en rapport avec la manière de vivre. En effet, chaque groupe naturel peut être représenté par quelques-uns de ses genres dans des conditions d'habitat assez opposées. Ainsi il y a des Sciuridés qui volent; il y en a qui vivent sur les arbres, mais qui ne volent pas, et d'autres se tiennent plus près du sol ou creusent même des terriers; enfin le Castor n'est peut-être que le représentant aquatique de la même famille. L'Ondatra appartient plus certainement a. la tribu des Campagnols, quoiqu'il vive dans l'eau comme le Castor, et l'ily- dromys est de celle des Rats. Les Coëndous sont des Iïystricidés qui se tiennent sur les arbres, et les Pores-rEpics des Hystrieidés terrestres; enfin le Myopotamc est , pour ainsi dire, un Ca- promys fluviatilo, et il doit être rapproché de ce dernier dans la classification méthodique. Le principal caractère des Rongeurs est tiré de leur système dentaire, qui se compose de deux sortes de dents seulement, des incisives et des molaires. Les incisives, dont il y a toujours une paire forte et tranchante à chaque mâchoire, sont longues, arquées et revêtues, à leur face antérieure4, d'une bande épaisse d'émail. C'est à l'aide de ces dents que les Rongeurs cou- pent les substances dont ils se nourrissent, qu'ils rongent les fruits durs, les écorecs, le bois, coupent les branches et attaquent des matières plus dures encore, les os, par exemple; elles peinent aussi servir à leur défense, et les blessures qu'elles font sont le plus souvent redou- tables. Ces dents poussent pendant toute la vie; elles prennent dans l'intérieur des mâchoires une très-forte insertion, i^ràec à leur racine longue et unique qui s'enfonce profondément dans l'intérieur des os et passe souvent au-dessous des molaires à la mâchoire supérieure aussi bien qu'à l'inférieure. Il arrive donc (pie les incisives supérieures, s'enfoncent, non-seulement dans l'os incisif ou intermaxillaire, mais aussi dans le maxillaire; aussi a-t-on pensé quelquefois que ces dents pouvaient être considérées comme étant des canines et non do véritables incisives. A l'appui de celte manière de voir, on a allégué que si les grandes dents antérieures de la mâchoire supérieure sortent des os incisifs, elles sont en réalité implantées dans les maxil- laires, ce qui est le caractère des dents canines; mais il faut objecter (pie c'est dans les os incisifs ou intermaxillaires qu'elles commencent à se développer, tandis (pie les canines n'of- frent jamais cette particularité, et que les deux petites dents qui sont placées en arrière d'elles, chez les Lapins, restent aussi dans les mêmes os sans atteindre, dans aucun cas, les maxillaires. Malgré leur énorme développement, ces deux paires de grandes dents à couronne coupante ou pointue méritent donc bien, comme celles de la mâchoire supérieure? des Elé- phants, la dénomination de dents incisives. Par suite de leur enfoncement dans l'os maxil- laire, les dents inci>ives (k^ Rongeurs étendent quelquefois leurs racines jusqu'auprès des molaires et même au delà de l'insertion de celles-ci; c'est ce que les (iéoryques montrent d'une manière très-évidente, et cependant personne ne songe à y voir de véritables dents molaires, ce qui, à notre avis, ne serait pas plus erronné que de les considérer comme canines. Elles poussent pendant toute la vie, mais elles s'usent aus^i constamment par l'usage qu'en font les Rongeurs et elles conservent à peu près les mêmes proportions à tous les âges. Si l'une d'elles vient à manquer, celle qui lui est opposée n'éprouvant plus de frotte- ment, s'allonge sans s'user et elle peut sortir de la bouche à la manière des défenses des Éléphants, ou >e replier en dedans et devenir une cause de diffor- mité; c'est ce que l'on a plusieurs fois observé chez les Lapins et chez les. Rats. Le Castor en a aussi fourni un exemple, et il pourrait s'en présenter dans d'autres genres. 268 OKDKB DES KOiNUElIlS. Les dents incisives sont suivies par un espace vide ou barre qui les sépare des molaires. Le nombre le plus habituel des molaires est de trois ou quatre paires à chaque mâchoire: mais il s'élève à cinq chez les Lagomys , et même , supérieurement, à six dans les Lièvres et les Lapins. Chez les Hydromys de la Nouvelle- Hollande, il des- Dents u'IIhLiOPHOBiE, -2/l de grand. I) v. m> m o l a m E s u ' H w> n n m y s , '2/1 de grand . cend au contraire à deux en haut comme en bas. M. Peters a constaté la présence de cinq paires de molaires à Tune et à l'autre mâchoire dans un Rongeur voisin des Ratbyergues qu'il a rapporté de Mozambique et qu'il nomme Héliophobie. Qu'elles soient au nombre de deux paires, de trois, de quatre ou de cinq à chaque maxil- laire, les dents molaires des Rongeurs sont uniformes ou à peu près uniformes, assez souvent égales entre elles et elles ne peuvent être distinguées nettement en avant-molaires, principale et arrière-molaire , comme celles des Primates ou des Carnivores. Cependant beaucoup de Sciuridés ont leurs quatre molaires supérieures précédées par une molaire plus petite appelée dent gemmiforme ou caduque, qui est une sorte d'avant-molaire comparable aux petites dents, que nous avons nommées dents intermédiaires chez les Insectivores. Lue semblable dent existe aussi chez quelques espèces de Rats, tels que les Sminthus et les Mérïones; on la retrouve encore chez plusieurs Gerboises. Les dents molaires des Rongeurs sont appropriées à des régimes assez peu variés. Essentiellement herbivores chez les Lapins et les autres Animaux de la même famille , elles ont leur fut composé d'une ou deux lames verticales com- posées d'ivoire entouré par une couche d'émail. Dans d'au- tres genres, l'émail forme dans leur masse dos replis rubanés qui leur donnent plus de solidité, et dont les contours divers ou les figures variées doivent être consultés avec soin pour la caractéristique des espèces, et souvent pour rétablisse- ment des genres. D'autres fois ces complications de l'émail se produisent surtout à la partie co- ronalo, et, au lieu de rentrer dans la substance des dents par le flanc , elles s'y introduisent par le sommet, aussi lorsque l'usure a entamé ce dernier, détermine-t-elle des îlots elliptiques ou arrondis formés d'émail. Leur nombre et leur disposition ne sont pas moins changeants, et l'âge en modifie souvent la disposition d'une manière très-notable, parce que la coupe de ces enfoncements donne des dessins dif- férents, suivant la hauteur de la couronne a dents de Rat i.'e.u-, 4, i de çmnd. laquelle l'usure les rend apparents. Dans un Dents molaire m 1res l'itiKi hks ni: Sminuiis, ORDRE DES RONGEURS. 209 ■ï^^VU/'' Ûgihei il n t l'Indk (molaires île forme tuberculeux). troisième cas, ce sont les surfaces latérales qui sont flexueuscs, anguleuses, etc. Nos espèces vulgaires de Campagnols présentent cette disposition à un degré très-développé et la coupe de leurs dents est en zigzags. Enfin la cou- ronne peut être tuberculeuse et ses variations dépendent alors de la conformation de ses mamelons, c'est-à-dire de leur saillie, de leur épaisissement, etc. ; c'est ce que l'on voit chez les espèces granivores , comme les Rats , et mieux encore chez celles qui sont frugivores , comme les Loirs. Une semblable disposition est à peu près générale chez les Sciuridés. On comprend l'importance qu'il y a d'étudier toutes ces variations dentaires, non-seulement pour acquérir une connaissance plus exacte des nombreuses espèces de cet ordre, mais encore pour arriver à comprendre leurs mœurs et les régimes plus ou moins spéciaux qui leur sont habituels. Dans la classification générale des Rongeurs, on tient également compte de la disposition radiculée ou non de leurs dents molaires ; mais il ne faut pas donner à ce caractère plus de valeur qu'il n'en a réellement. F. Cuvier, qui a étudié ces Animaux avec le plus grand soin et environs de Paris, les lignites d'Apt et les calcaires du Puy en Yelay sont, en France, les seuls gisements un peu anciens qui nous en aient encore fourni des débris. Le nombre des Rongeurs connus, sans y comprendre les fossiles, approche de six cents espèces, et les genres dans lesquels on les a partagés sont fort multipliés. Il y a loin de leur classification actuelle à celle que Linné et les naturalistes de la même époque avaient établie, et dont nous donnerons une idée en la reproduisant comme Gmelin l'a exposée dans la der- nière édition du Systema naturœ. Les genres n'y étaient encore qu'au nombre dix, et ils ne renfermaient qu'un petit nombre d'espèces chacun ; ce sont les suivants : Ilyslrix (quatre espèces); Caria (huit espèces); Castor (deux espèces: la deuxième est le Gastor huidobrius, qui est très-probablement le même Animal que le Goypou) ; Mus (qua- ire partie. 35 274 ORDRE DES RONGEURS. rante-deux espèces); Arcfomys (sept espèces); Sciurtis (vingt-huit espèces); Myoxus (douze espèces); Hyrax (deux espèces, qui sont les Damans, aujourd'hui classes, avec raison , auprès des Rhinocéros). A cette époque (1789) , Pallas avait publié depuis quelques années le bel ouvrage sur les Rongeurs (1) dans lequel il a si savamment éclairci l'histoire de ces Animaux (2) ; mais les découvertes des voyageurs et des naturalistes plus récents ont permis d'ajouter beaucoup d'espèces à celles qu'il avait étudiées lui-même et de perfectionner à certains égards la des- cription de celles qui étaient déjà connues de son temps. Pallas avait surtout fait connaître les Rongeurs du vaste empire russe, et ses grands voyages dans la Grimée, ainsi que dans la Russie d'Asie, lui avaient procuré beaucoup d'espèces inconnues avant lui. Celles des parties occidentales de l'Europe, sur lesquelles Buffon et Daubenton avaient déjà réuni des documents précieux, ont, depuis lors, attiré l'attention des observateurs. Grâce surtout aux travaux de M. de Sélys Longchamps, on les connaît maintenant d'une manière réellement satisfaisante. En y joignant celles de l'Europe orientale, leur nombre n'est pas inférieur à cent. Les Rongeurs de l'Afrique, ceux de l'Asie méridionale ou des deux Amériques, et ceux bien moins variés qui sont associés aux Marsupiaux dans la Nouvelle-Hollande ont été re- cherchés avec un soin tout particulier, et les observations aussi importantes qu'inattendues auxquelles ces Animaux ont donné lieu ont amplement dédommagé les naturalistes du temps et de l'attention qu'ils leur ont accordés. F. Cuvier est un de ceux qui s'en sont occupés avec le plus de soin. Plusieurs de ses ouvrages et divers mémoires spéciaux insérés par lui dans les recueils périodiques renferment de nombreux documents relatifs aux Mammifères Rongeurs. Les travaux de MM. E. Geoffroy, Desmarest, Isidore Geoffroy, etc., ont aussi contribué à perfectionner cette branche importante de la mammalogie à laquelle divers naturalistes étrangers, tels que MM. Gray, A. Wagner ou Brandt, et plus particulièrement notre savant ami M. Waterhouse, ont aussi fait faire récemment des progrès aussi rapides qu'importants. Les détails minutieux dans lesquels M. Waterhouse est entré au sujet des Rongeurs qu'il a pu observer, et les données précieuses qu'il en a tirées pour la distribution géographique et pour la classification naturelle de ces animaux donnent à ses recherches une très -grande valeur. De mon côté, j'ai essayé, dans plusieurs occasions, d'ajouter des documents nou- veaux à ceux que l'on possédait déjà relativement au même ordre, et j'ai fait en même temps Une nouvelle étude des espèces fossiles que l'on connaît. Ce travail m'a conduit à modifier dans certains points la classification des Rongeurs , que je diviserai d'abord en deux sous- ordres sous les noms de Duplicidcntés et de Rongeurs ordinaires. Avant d'en commencer l'histoire, je parlerai d'un genre dont il est encore impossible de décider la véritable place, parce qu'il n'est établi que sur l'examen d'un dessin envoyé de l'Inde par Duvaucel , c'est celui des P i t ii k c h k j r s (Pithecheirus) : ce Rongeur est décrit comme ayant le pouce des pieds de derrière opposable aux autres doigts , ce qui lui a valu son nom de Pithéchéir, signifiant main de Singe. Je l'aurais passé sous silence si je ne le trouvais men- tionné parmi les Mammifères Rongeurs dans la liste que MM. Temminck et Schlegel ont publiée des Animaux de l'archipel indien. Voici comment F. Cuvier en a parlé dans son Histoire des Mammifères : (1) Novœ species quadrupedum e ulirium ordine cum illustralionibus complurium ex hoc ordine animaliiun, uuctore Petro Sim. Pallas. In- V\ Erlangaï, 1778. (2) Vicq-d'Azyr, qui s'est beaucoup servi de l'ouvrage de Pallas, a partagé les Rongeurs en dix catégories qu'il nommait des genres. Ce sont : 1° les Sciuriens (Sciuriï), comprenant vingt espèces; 2° les Écureuils volants {Sciuri volantes), quatre espèces; 5° les Glirins (filirini), ou les Marmottes, les Campagnols et les Rats, qua- torze espèces; *>° les Surmurins [Surmurini), comprenant les Cavia de Linné et de Gmelin; 6° les Essorillés {Inauriti), groupe de six espèces tout à fait artificiel; 7° les Planiqueues (Planicaudati), ou le Castor, l'Ondatra et même le Desman ; 8° les Sauteurs {Saltatores) ou les Gerboises, trois espèces; 9° les Double-Dents (Duplici- dentes), ou les Léporidés, dix espèces; 10^ les Épineux (Spinosi), ou les Hystriciens d'aujourd'hui, auxquels sont associés le Hérisson et les Tanrecs. ORDRE DES RONGEURS. 275 Genre Plïlf ÉGIIÉ1 R (Pitlwcheivus , F. Cuvier). « Tant que j'ai conservé l'espérance qu'un jour les papiers laissés par M. Alfred Duvaucel me seraient rendus; que les nom- breuses notes qu'il m'annonçait par sa correspondance et que les dessins qu'il avait fait faire pour mon ouvrage tomberaient entre des mains assez fidèles pour les adresser à sa famille, après qu'à Madras il eut succombé aux fatigues et aux dangers de toute espèce; tant, dis-je , que j'ai eu l'espoir de recouvrer les richesses qu'il avait accumulées par quatre années de travaux, j'ai dû ne point publier les Animaux dont il m'avait envoyé les peintures, sans y joindre de description ni surtout de ces détails pleins d'intérêt et de vie dont il savait si bien animer leur histoire. a Aujourd'hui (1), après dix ans d'attente, je dois renoncer à la pensée que l'héritage scientifique de mon ami pourra m'ètre un jour rendu; mais, en même temps, naît pour moi le devoir de faire connaître tout ce qui, dans les envois qu'il m'a faits, se trouve être assez complet pour que la science en puisse profiter, et pour que quelques traces en restent dans la mémoire des naturalistes qui savent apprécier le sacrifice d'une vie fait au profit des con- naissances qu'ils se font gloire de propager. Le P i t h k c n k i n , ù'iipits Fr. Cu\ier , i /2 de grand, « Ce sont ces motifs qui me déterminent à publier aujourd'hui des figures sur lesquelles je n'ai point reçu de notes explicatives, et, entre autres, celle du Mammifère que je donne ici sous les noms de Pithéchéir mélanure (Pithccheirus melamirus) , noms qui expriment les caractères principaux de cet Animal. Par ces caractères, nous voyons que ce Mammifère se rapproche des Rats et des Sarigues , sans toutefois pouvoir être réuni entièrement ni à l'un ni à l'autre de ces genres. La tête et la queue rappellent la tête et la queue des Rats, tandis que les pieds de derrière et un peu la tête rappellent les Pédimanes américains; mais les pouces, très-séparés aux pieds de derrière, avec un ongle plat, et ceux des pieds de devant, quoique très-courts, garnis aussi d'ongles aplatis et paraissant également opposables aux autres doigts, ne permettent pas d'admettre cet Animal parmi les Rats; on ne peut pas davantage le considérer comme une Sarigue, à cause de ce pouce des membres antérieurs et de sa queue non prenante. ( 1 ) Février 18:> 276 ORDRE DES RONGEURS. « D'après ces caractères tirés des organes du mouvement, le Pithèchéir nous présenterait le type d'un genre nouveau et probablement de l'ordre des Rongeurs, ou de la famille des Pédimanes; mais cette question restera douteuse jusqu'à ce qu'on ait connaissance de son système de dentition. a Les couleurs de son pelage, d'un brun fauve uniforme, et sa queue noire l'éloignent également des genres dont nous venons de parler. En effet, toutes les espèces qui constituent ces genres sont revêtues d'un pelage terne , et elles sont en assez grand nombre pour qu'on puisse en induire qu'il n'est pas dans leur nature qu'elles soient revêtues d'un pelage brillant. « Je ne puis indiquer ni la taille de cet Animal ni sa patrie. Sous le premier rapport , en le jugeant par analogie, nous lui donnerions la taille d'un grand Rat. Quant aux contrées oii il vit et oii il se retrouvera sans doute un jour , j'ai lieu de présumer, de l'époque ou il m'est parvenu et des peintures qui accompagnaient la sienne , qu'il est originaire des provinces du nord du Bengale, si ce n'est des parties occidentales de Sumatra. » Dans leur énumération des Animaux propres aux îles de rjnde, MM. Temminck et Schlegel citent le Pithèchéir parmi les Mammifères Rongeurs, mais sans rien ajouter à ce que F. Guvier en a dit. Ils le mettent au nombre de ceux qui sont particuliers à l'île de Java et ne le mentionnent pas dans la liste des espèces qui vivent à Sumatra ou dans les autres îles de l'archipel indien. A en juger par la figure due à Duvaucel , le Pithèchéir me semble avoir bien plus d'analogie avec les PtUocerqucs (p. 230) qu'avec les Rongeurs, mais je ne puis donner à l'appui de ce rapprochement aucune observation précise, n'ayant observé le Pithèchéir dans aucun des Musées que j'ai visités. SOUS-ORDRE [ibs DUPLICIDENTÉS Dans la classification des Mammifères qu'il a publiée en 1792, dans Y Encyclopédie métho- dique, Vicq d'Azyr a admis sous le nom de Duplicidentés un groupe à part comprenant les Lièvres, les Lapins et plusieurs espèces plus petites auxquelles on a donné, depuis lors, le nom générique de Lagomys. Ces Animaux diffèrent des Rongeurs ordinaires parce que leurs dents incisives supérieures sont doubles, celles de la paire qui reste unique dans tous les genres que nous étudierons ensuite étant doublées ici par une seconde paire, plus petite qu'elles et placée à leur face postérieure. A ce caractère, qui a déjà quelque valeur, les Duplicidentés en joignent plusieurs autres, principalement tirés de la forme de leur crâne, qui est tout à fait différente de celle qui caractérise les Rongeurs ordinaires. Aussi la plupart des auteurs ont-ils admis ce groupe. La valeur que nous lui donnerons est la même que celle qui lui a été accordée par llliger dans son Prodrome d'un système des Mammifères, publié à Berlin en 1811. llliger s'est servi, comme Vicq d'Azyr, du nom de Duplicidentés (Dupli- cidentata) pour désigner ce sous-ordre dont d'autres naturalistes ont placé à tort les espèces au milieu de la série des Rongeurs proprement dits. Il n'y a qu'une seule famille parmi les Duplicidentés; c'est celle des Léporidés. FAMILLE des LÉPORIDÉS Aux caractères tirés du nombre des incisives et de la forme générale du corps, les Lépo- ridés en joignent plusieurs autres, tous d'une moindre importance, et qui ne permettent FAMILLE DES LÉP0R1DÉS. 277 pas de partager en plusieurs familles les espèces, soit vivantes , soit fossiles, de Duplici- dentés que l'on connaît maintenant. Tels sont la présence d'au moins cinq paires de molaires à chaque mâchoire , la forme plus ou moins distinctement bilamellée de ces dents , la lon- gueur de leur fut et le manque de racines distinctes , sauf cependant pour les dents de lait. Le crâne a son trou sous-orbitaire petit; l'intestin est long, pourvu d'un cœcum ample et boursoufflé ; le régime est entièrement végétal. Les Léporidés sont répandus sur une grande partie de la surface du globe. Il y en a en Europe, en Afrique et en Asie ; l'île de Java et le Japon en possèdent chacun une espèce; l'Amérique septentrionale en nourrit plusieurs, et une autre vit dans une grande partie de l'Amérique méridionale. Ni Madacascar, ni la Nouvelle-Hollande, ni les terres qui s'en rap- prochent ne nourrissent de Léporidés, mais on y a transporté le Lapin domestique, et il y a réussi, ainsi que dans beaucoup d'autres lieux, comme, par exemple, les deux îles Maloui- nés, qui étaient autrefois privées d'Animaux de la même famille. Les stations occupées par ces Rongeurs sont fort diverses, et cependant ils ne montrent pas des caractères bien diffé- rents les uns des autres ; aussi est-ce à peine si l'on a pu distinguer parmi ceux de la nature actuelle trois ou quatre groupes, dont les Lièvres et les Lagomys représentent les formes extrêmes. Les Lagomys habitont principalement les montagnes et se tiennent surtout dans des en- droits rocailleux; les Lièvres fréquentent, au contraire, les bois ou les plaines, mais on eu rencontre des espèces aussi bien dans les régions chaudes de l'Afrique que sur le sol glacé du pôle arctique ou dans les grandes chaînes de montagnes, à une hauteur considérable au- dessus du niveau de l'Océan. Ainsi, pendant que les uns se plaisent sur les sables chauds et mouvants du désert, d'autres pullulent au milieu des neiges presque perpétuelles des hautes montagnes ou du cercle polaire arctique. Plusieurs espèces de ces Animaux sont estimées, soit pour leur chair, soit pour leur fourrure. Les Rongeurs de la famille des Léporidés ne sont pas absolument nouveaux sur le globe terrestre. Outre que les ossements de Lièvres, de Lapins et de Lagomys observés dans les cavernes, les brèches et les alluvions, montrent qu'il y avait en Europe, et, en particulier, en France et en Angleterre, des Animaux de ces trois catégories pendant l'époque pléistocène ou diluvienne, on a constaté qu'il avait aussi vécu des Léporidés lorsque les terrains nommés pliocènos et miocènes par les géologues se sont déposés dans nos contrées. Les débris de Léporidés que l'on rencontre dans ces derniers, soit à OEningen ou à Montpellier, soit à Sansan, 5 Issoiro, à Saint-Gérand-le-Puy, à Montabuzard ou à Weissenau, et par conséquent en Suisse , en France et en Allemagne , ne laissent aucun doute sur l'existence de certaines espèces appartenant à la même famille que les Lièvres et les Lapins pendant les deux époques géologiques qui ont précédé. Ces espèces, antérieures à la dernière des faunes que notre globe ait reçues, ont servi à la distinction de plusieurs genres parmi lesquels nous citerons seulement celui des Titanomys de M. Hermann de Meyer. C'est avec les Lagomys actuels qu'elles ont le plus d'analogie. Je renvoie, pour plus de détails sur ces fossiles, à ce que j'en ai dit dans ma Zoologie et Paléontologie françaises. On peut diviser les espèces actuellement vivantes de la famille des Léporidés en deux genres principaux : 1° les Lièvres (Lepus), qui comprennent aussi les Lapins et les Carpolages, et 2° les Lagomys, qui sont des Léporidés plus petits et d'une forme assez différente. Le Lièvre était le Lagos (^ayw;) des Grecs et il en est question sous ce nom dans Aristote; l'Animal que le même philosophe nomme Dasgpus (Aoc<7U7rou;) , ce qui veut dire pieds velus, est le Lapin. Il est donc très-fâcheux que Linné ait transporté ce dernier nom aux Tatous (genre Dasypus, Linné) , qui sont des Animaux américains fort différents de ceux que les anciens ont désignés par le même mot. En parlant du Dasypus, Aristote dit que cet Animal a du poil dans les joues et qu'il en a aussi sous les pieds; mais, ainsi qu'on en a fait la remarque, ces carac- tères sont également applicables au Lièvre, et Camus doute que le Dasgpus soit réellement 278 ORDRE DES RONGEURS. différent du Lagos. Mais Polybe, qui a écrit pou do temps après Aristote, distingue très- nettement le Lièvre et le Lapin l'un de l'autre ; il emploie morne pour designer le premier un -mot Cunielos (KouvixXoç) , emprunté du latin Cuniculus ou Cunilus , et qui a pour origine le mot ibérien ou espagnol, qui signifie Lapin; c'est le même qui sert de racine au nom des Lapins dans presque toutes les langues modernes. En effet, le Lapin est appelé Coniglio par les Italiens, Conejo par les Espagnols, Coeïho par les Portugais, Cony par les Anglais et Comiin ou Connil dans l'ancienne langue française. Les Anglais rappellent aussi Jiabbil et les Allemands le nomment Kaninichen. Athénée, Posidonius et Strabon ont parlé du Lapin comme Polybe, et Élien, qui en a traité -dans un chapitre différent de celui qu'il consacre au Lièvre, fait remarquer (pie le mot Canichis qu'il emploie pour le désigner est tiré de celui que les Ibériens donnent au même Animal. C'est à Pline que Camus reproche d'avoir donné aux mots Lagos et Dasypus une signifi- cation différente de celle admise précédemment par Aristote. « 11 a employé sans discernement, •dit Camus dans ses notes sur Aristote, les trois noms Lepus, Cuniculus et Dasypus, Il y a des endroits où il est évident qu'il a traduit le mot Dasypus d'Aristote par celui de Lepus, et d'autres où il a fait de ces deux noms deux Animaux différents qu'il compare l'un à l'autre; ailleurs il ne sépare pas moins le Cuniculus du Dasypus. Il y a longtemps qu'on lui a reproché -cette confusion, et ses annotateurs, ou ceux qui ont voulu prendre sa défense, n'ont pu rien dire de fort clair pour le justifier. Je crois donc qu'il faut tenir, avec Budée, Bochart et Klein, que le Dasypode et le Lièvre sont le même Animal. » Cependant on pouvait induire le con- traire de ce qu' Aristote dit quelque part qu'il n'y a point de Dasypodes à Ithaque, et que lo Lagos est plus petit dans l'Egypte que dans la Grèce (Liv. VIII, chap. xxvin); car si le Lagos et le Dasypus étaient de la même espèce, il n'est pas probable qu'Aristotc aurait employé dans la même phrase et pour désigner la même espèce deux mots ayant pour lui le même sens. L'opinion de Camus est donc peu probable et elle a dû être abandonnée. Les auteurs qui se sont occupés de commenter les textes anciens (et ils ont été nombreux à la fin du moyen âge, à la renaissance et au xvme siècle), avaient été plus embarrassés encore par quelques passages de la Bible, où il est question de deux Animaux, le Saphan et YÂrnebeth, que le texte hébreu classe parmi les Animaux qui ruminent, quoiqu'ils n'aient pas les pieds fourchus. Voici comment il en est question dans le Lévilique, chap. xi, vers. 3 et \ (je me sers de la traduction de Lemaistre de Sacy): «Le Lapin qui rumine mais qui n'a point de corne fendue est impur; le Lièvre aussi est impur, parce que, quoiqu'il rumine, il n'a pas la corne fendue. » Camus, à son tour, a voulu interpréter ce passage: ((Dans la ioi de Moïse, le Lièvre est mis au nombre des Animaux qui ruminent. Bochard assure que personne n'a con- firmé cette observation ; cela peut être à l'égard des Lièvres de nos contrées. Cependant il y a trois singularités à observer, dont deux sont remarquées par Aristote et confirmées par les modernes; la troisième par plusieurs naturalistes et par Klein entre autres c'est qu'on a vu des Lièvres cornus et qu'il n'est pas rare d'en trouver de tels en Norwégo. Voilà bien des traits d'analogie avec les Animaux ruminants, et Mereurialis fait voir que, quoique le Lièvre n'ait pas quatre estomacs , il n'est nullement impossible qu'il rumine. » Mereurialis est un médecin italien du xvie siècle. P. Camper a repris son assertion , et , dans sa Leçon sur la Rumination des Animaux pur 's et impurs (t. III. p. 57 de ses œuvres) , en parlant des Lièvres et des Lapins, il dit : « Ces Animaux ruminent incontestablement, malgré le doute que Buffon a voulu faire naître à cet égard, » et il se fonde sur la position des molaires chez ces Animaux; quant aux Lièvres cornus, il n'en parle pas, et aujourd'hui on ne croit plus à leur existence; mais que deviennent tous ces arguments relativement au Lapin, du moins depuis que Ton sait que le Saphan de la Bible est le Daman et point du tout notre Lapin. La grande érudition de Bochart ne l'avait pas trompé sur ce point, et il disait déjà, en 1653, dans son Ilicrozoicon: u Saphan non est Cuniculus , sed majoris mûris genus » , c'est-à-dire ; Le Saphan n'est pas FAMILLE DES LEPOMDES. 279 le Lapin, mais un genro de Rat plus gros. C'est, eu effet, par erreur que les Septante ont tra- duit Saphan par le mot Dasypus , et les modernes par celui de Cuniculus ou Lapin. II est vrai que la difficulté n'est pas aussi aisée à éclaircir à propos du Lièvre, et qu'en traduisant le mot Amebeth du texte hébreu par Lagos , qui veut dire Lièvre, les Septante ont eu raison, puisque les Arabes et les habitants de la Syrie donnent encore, à l'espèce de Lièvre qui est dans leur pays, le nom iïArncbcth. Les mouvements que le Lièvre fait constamment avec sa bouche lorsqu'il est au repos, et qu'on a pu prendre pour une sorte de rumination, seraient- ils le seul motif de l'opinion des Hébreux, c'est ce que les observations des modernes n'ont pas encore complètement décidé. Genre LIÈVRE (Lepus, Linné). Oreilles plus ou moins grandes et en cornet; yeux la- téraux; face allongée; narines en fente, mobiles et sans muffle; corps plus ou moins allongé, plus fort en arrière qu'en avant, ayant les pattes postérieures plus longues que les anté- rieures et disposées pour le saut ; cinq doigts aux pieds de devant; quatre à ceux de derrière; queue courte, relevée, velue; de six à dix mamelles ; dents incisives principales larges aux deux mâchoires , celles d'en haut marquées d'un fort sillon vertical sur leur face antérieure ; six paires de molaires supérieures dont la dernière , petite, simple et à fût ovalaire ; cinq paires inférieures, la cinquième étant beaucoup plus petite que les autres, plus simple et plus oblique. Le genre qui comprend le Lièvre et le Lapin se partage en deux sous -genres, qu'on peut nettement distinguer l'un de l'autre si l'on ne considère, parmi les Animaux nommés ainsi, que ceux qui vivent dans nos contrées, mais qui semblent se confondre l'un avec l'autre lorsque l'attention se porte sur certaines espèces exotiques. On a établi plus récemment une troisième division pour le Lepus hispidus , sous le nom de Garpolagus. Nous aurons donc à parler successivement 1° des Lièvres ou véritables Lepus; 2° des La- pins que M. Gerbe a nommés Cuniculus, quoique ce nom ait été employé précédemment par Wagler dans un autre sens , et 3° des Garpolagus. I. Les Lièvres. On les reconnaît aux particularités suivantes : Corps allongé; oreilles grandes; pieds longs, surtout ceux de derrière; queue toujours bien évidente. Ces Animaux ne se creusent pas de galeries comme le font les Lapins; leurs petits sont déjà velus en naissant et ils ont les yeux ouverts. Lièvre timide (Lepus timidus) . Cet Animal que Bu f fou et Daubenton ont décrit avec soin , a reçu de Linné le nom sous lequel il est inscrit dans les ouvrages de zoologie métho- dique; après le Castor c'est notre plus grande espèce de Rongeurs. Ses caractères sont connus de tout le monde, et il suffit pour le faire distinguer des espèces qui lui ressemblent le plus de rappeler qu'il a les oreilles, le corps et les jambes plus longs que le Lapin domestique; qu'il est aussi plus grand que la plupart des variétés de ce dernier et que son pelage est gris fauve, jaspé de brun sur les parties supérieures; que ses oreilles sont grises et terminées de noir; que sa queue est en partie noire en dessus; que le dessous de son corps est plus ou moins blanc et que ses pieds sont gris fauve avec la plante rousse. Les lièvres de cette espèce conservent les mêmes couleurs en hiver qu'en été, ils sont seulement plus fournis pendant la mauvaise saison; ils diffèrent à cet égard des Lièvres dits changeants, qui deviennent alors presque entièrement blancs. Quelques Lièvres timides sont cependant blancs, mais par Dents nr Lièvre adi-lie, grand, nnt. 280 ORDRE DES RONGEURS. albinisme; ils le sont en toute saison; leurs yeux sont rouges comme ceux des Lapins blancs et la pointe de leurs oreilles n'est plus noire. Au contraire, les Lièvres changeants qui ont pris leur pelage blanc d'hiver conservent du noir au bout des oreilles et ils n'ont pas les yeux colorés en rouge comme les Animaux entièrement albinos, parce que le pigmcntum ou la matière colorante qui est dans l'intérieur de ces organes n'a pas cessé de se développer. Le Lièvre ordinaire est plus élancé que le Lièvre changeant et il ne se tient pas dans les mêmes lieux. Les jeunes Lièvres ou Levrauts ont le pelage plus foncé que les adultes. Chez les vieux, il est au contraire plus pale. En général, les maies se distinguent des femelles par leur der- rière plus blanc; ils ont aussi la tète plus arrondie, les oreilles plus courtes et la queue un peu plus longue. Daubenton a longuement décrit les particularités que présente le pelage du Lièvre en pre- nant pour sujet de ses descriptions des exemplaires tués en Bourgogne. Cette province est une de celles qui fournissent au commerce le plus grand nombre de peaux de Lièvres. Il en vient aussi de l'étranger et principalement de l'Allemagne. Les peaux du Lièvre changeant en pelage d'été sont assez fréquemment mêlées à celles du Lièvre ordinaire, Buffon a parlé du Lièvre au point de vue général, et ce qu'il en dit s'applique autant à l'ensemble des espèces du sous-genre des Lièvres qu'à celle de nos contrées; mais les observations de mœurs qu'il a publiées ont surtout rapport au Lièvre ordinaire. Suivant lui, les Animaux de cette espèce ne vivent que sept à huit ans au plus, et il ajoute : « La durée de la vie est, comme dans les autres Animaux, proportionnelle au temps de l'entier développement du corps; ils prennent presque tout leur accroissement en un an et vivent environ sept fois un an; on prétend seu- lement que les mâles vivent plus longtemps que les femelles, mais je doute que cette obser- vation soit fondée. » Buffon fait aussi remarquer que les Lièvres passent leur vie dans la solitude et dans le silence. « On n'entend leur voix que lorsqu'on les saisit avec force , qu'on les tourmente et qu'on les blesse : ce n'est point un cri aigre, mais une voix assez forte dont le son est presque semblable à celui de la voix humaine. Ils ne sont pas aussi sauvages que leurs habitudes et leurs mœurs paraissent l'indiquer; ils sont doux et susceptibles d'une espèce d'éducation; on les apprivoise aisément; ils deviennent même caressants, mais ils ne s'attachent jamais assez pour pouvoir devenir Animaux domestiques; car ceux même qui ont été pris tout petits et élevés dans la maison, dès qu'ils en trouvent l'occasion, se mettent en liberté et s'enfuient à la campagne. Comme ils ont l'oreille bonne, qu'ils s'asseyent volontiers sur leurs pattes de derrière et qu'ils se servent de celles de devant comme de bras, on en a vu qu'on avait dressés à battre du tambour, à gesticuler en cadence, etc. En général, le Lièvre ne manque pas d'instinct pour sa propre conservation ni de légèreté pour échapper à ses ennemis; il se forme un gîte; il choisit en hiver les lieux exposés au midi et en été il se loge au nord; il se cache pour n'être pas vu entre des mottes qui sont de la couleur de son poil. » Le célèbre écrivain rapporte le passage suivant emprunté à Du Fouilloux, qui paraîtra bien exagéré sur certains points. « J'ai vu, dit l'auteur de la Vénerie, un Lièvre si malicieux, que depuis qu'il oyait la trompe il se levait du gîte , et eût-il été à un quart de lieue de là , il s'en allait nager en un étang, se reloissant au milieu d'icelui sur des joncs sans être aucune- ment chassé des Chiens. J'ai vu courir un Lièvre bien deux heures devant les Chiens, qui, après avoir couru, venoit pousser un autre et se mettoit en son gîte. J'en ai vu d'autres qui nageoient deux ou trois étangs, dont le moindre avoit quatre-vingts pas de large. J'en ai vu d'autres, qui, après avoir été bien couru l'espace de deux heures, entroient par dessous la porte d'un tect à Brebis et se reloissoient parmi le bétail. J'en ai vu, quand les Chiens les couroient, qui s'alloient se mettre parmi un troupeau de Brebis qui passoit par les champs, ne les voulant abandonner ne laisser. J'en ai vu d'autres qui, quand ils oyaient les Chiens cou- rans, se cachoient en terre. J'en ai vu d'autres qui aboient par un coté de haie et retournoient par l'autre, en sorte qu'il n'y avoit que l'épaisseur de la haie entre les Chiens et le Lièvre, de France. FAMILLE DES LEP0R1DES. 281 J'en ai vu d'autres qui, quand ils avoient couru une demi-heure, s'enalloient monter sur une vieille muraille de six pieds de haut et s'alloient reloisser en un pertuis de chauffant couvert de lierre. J'en ai vu d'autres qui nageoient une rivière, qui pouvoit avoir huit pas de large et la passoient et repassoicnt en la longueur de deux cens pas plus de vingt fois devant moi. » Buffon ajoute au récit de Du Fouilloux : « Mais ce sont là sans doute les plus grands efforts de leur instinct; car leurs ruses ordinaires sont moins fines et moins recherchées; ils se contentent, lorsqu'ils sont lancés et poursuivis, de courir rapidement et ensuite de tourner et retourner sur leur pas; ils ne dirigent pas leur course contre le vent, mais du côté opposé; les femelles ne s'éloignent pas tant que les mâles et tournoient davantage. En général, tous les Lièvres qui sont nés dans le lieu même où on les chasse ne s'en écartent guère, ils revien- nent au gîte, et, si on les chasse deux jours de suite, ils font le lendemain les mêmes tours et détours qu'ils ont faits la veille. Lorsqu'un Lièvre va droit ou s'éloigne beaucoup du lieu ou il est lancé, c'est une preuve qu'il est étranger et qu'il n'était dans ce lieu que passant. il vient, en effet, surtout dans le temps le plus marqué du rut, qui est aux mois de janvier, de février et de mars, des Lièvres mâles, qui, manquant de femelles en leur pays, font plu- sieurs lieues pour en trouver, s'arrêtent auprès d'elles; mais dès qu'ils sont lancés par les Chiens , ils regagnent leur pays natal et ne reviennent pas. » Les Lièvres ladres ou ceux qui ont la chair mauvaise et pâle vivent dans les lieux bas et humides; ceux des plaines élevées et des collines ou abondent les herbes aromatiques sont meilleurs et leur chair est plus colorée. Ainsi que le dit Buffon, la chasse du Lièvre est l'amu- sement et souvent la seule occupation des gens oisifs de la campagne : comme elle se fait sans appareil et sans dépense, et qu'elle est à la fois utile et lucrative, elle convient à tout le monde. a On va le matin et le soir, au coin du bois, dit l'habile écrivain, attendre le Lièvre à sa rentrée ou à sa sortie; on le cherche pendant le jour dans les endroits où il se gîte: lors- qu'il y a de la fraîcheur dans l'air par un soleil brillant et que le Lièvre vient de se gîter après avoir couru , la vapeur de son corps forme une petite fumée que les chasseurs aperçoivent de fort loin, surtout si leurs yeux sont exercés à cette espèce d'observation. J'en ai vu qui, conduits par cet indice, partaient d'une demi-lieue pour aller tuer le lièvre au gîte. Il se laisse ordinairement approcher de tout près, surtout si l'on ne fait pas semblant de le regarder, et si, au lieu d'aller directement à lui, on tourne obliquement pour l'approcher. Il craint les Chiens plus que les Hommes, et lorsqu'il sent ou qu'il entend un Chien, il part de plus loin : quoiqu'il court plus vite que les Chiens, comme il ne fait pas une route droite, qu'il tourne et retourne autour de l'endroit où il a été lancé, les Lévriers qui le chassent à vue plutôt qu'à l'odorat, lui coupent le chemin, le saisissent et le tuent. Il se tient volontiers en été dans les champs, en automne dans les vignes et en hiver dans les buissons ou dans les bois, et l'on peut en tout temps, sans le tirer, le forcer à la course avec des Chiens courants; on peut aussi le faire prendre par des Oiseaux de proie : les Ducs, les Buses, les Aigles, les Renards, les Loups, les Hommes lui font également la guerre; il a tant d'ennemis qu'il ne leur échappe que par hasard et il est bien rare qu'ils le laissent jouir du petit nombre de jours que la nature lui a comptés. » Les Lièvres portent environ trente jours et le nombre de leurs petits est de deux , trois , quelquefois quatre et plus rarement cinq à chaque portée. Les femelles sont sujettes à la superfétation ; leurs petits ne tettent guère que quinze ou vingt jours après lesquels ils se séparent. La nourriture de ces Animaux consiste en jeunes pousses, en herbes diverses et principalement en herbes aromatiques; pendant l'hiver ils mangent aussi des racines. La chair du Lièvre fait partie des viandes noires; elle est savoureuse et excitante : celle des Lièvres d'Arabie et d'Afrique est succulente. Cependant la loi de Moïse en avait interdit l'usage aux Hébreux et le Coran la défend pareillement aux Mahométans. I,e PAItTIE. 36 282 ORDRE DES RONGEURS. Le Lièvre timide n'existe pas ailleurs qu'on Europe, et dans ce continent même, il y a des Animaux qui, tout en étant bien du même sous-genre, n'appartiennent pas à la même espèce. Ceux qu'on en distingue le plus aisément sont les Lièvres changeants qui vivent dans les grandes chaînes de montagnes et dans plusieurs régions du Nord. Brisson en avait fait son Lepus albus; Pallas les a nommés Lepus variabilis , mais de nouveaux renseignements sem- blent établir que sous ces noms de Lepus timidv.s et Lepus variabilis, tels que Pallas lui-même les avait définis, on a encore confondu diverses sortes de Lièvres. Plusieurs zoologistes récents les considèrent non-seulement comme des races, mais comme de véritables espèces, à cause de la valeur qu'ils attribuent aux caractères par lesquels elles se distinguent les unes des autres. M. Schimper, de Strasbourg, a réuni, dans le musée de cette ville, un grand nombre de Lièvres et de Lapins pris dans des localités très-différentes. 11 nous a écrit qu'il avait reconnu que, sous le nom de Lepus timidus , on confondait, en effet, plusieurs espèces, dont deux se rencontrent en France. L'une vit surtout dans les départements du Centre et dans ceux du Nord ; l'autre est du Midi. M. Schimper a réuni celle-ci à l'espèce d'Italie et d'Espagne (Lepus méridional is de Gêné) : c'est celle du Languedoc et do la Provence, qui diffère de l'autre par ses proportions et par quelques traits de sa coloration. Malgré les renseignements que M. Schimper a bien voulu me fournir à cet égard, je ne peux encore établir tous les carac- tères qui séparent le Lepus meridionalis de Gêné du Lepus vwditerraneus de M. Wagner, que je signalerai plus bas, à propos des Lièvres africains. Les parties de l'Europe qui confinent l'Asie possèdent aussi un Lièvre qui, mieux étudié, a paru différent de l'espèce ordinaire, c'est le Lièvre caspien {Lepus caspicus). Il fréquente les bords de la mer Caspienne, ce qui lui a valu son nom spécifique. Pallas l'avait rapporté au Lepus timidus. Enfin il paraît en être de même pour le Lièvre de la Suède. M. Nilsson établit que c'est aussi une espèce à part et il lui donne le nom de Lièvre blanchâtre (Lepus canescens). Celui-ci est gris blanchâtre en dessus et blanc endossons; il a les oreilles noires à leur pointe ainsi que sur une partie de leur bord postérieur: c'est le Lièvre de la Suède méridionale, ou il remplace l'espèce ordinaire, celui-ci ne s'étendant pas au nord au delà du Danemark. Le Lièvre chavgeaxt (Lepus variabilis, Pallas), qui répond au Lièvre blanc (Lepus albus de Brisson) , est remarquable par ses changements de couleurs; gris fauve ou simple- ment fauve en été, avec le bout des oreilles noires et la queue grisâtre, il devient d'un beau blanc de neige en hiver, mais en conservant encore la pointe de ses oreilles noire. C'est un Animal à peu près gros comme le Lièvre ordinaire, mais moins haut sur pattes et à oreilles un peu plus courtes. Les Lièvres variables vivent principalement dans la Russie et sur quel- ques montagnes des autres parties de l'Europe centrale, ainsi que dans une partie du nord de l'Asie. On les trouve également en Ecosse; le Lièvre d'Irlande leur appartient peut-être aussi, et ils se retrouvent dans les Pyrénées. Cette espèce aime les lieux froids et la couleur blanche, qu'elle prend en hiver, ainsi que l'abondance de ses poils lui permettent de vivre au milieu des neiges sans en souffrir. Sa blancheur l'aide aussi à échapper plus facilement à ses ennemis, et sans le bout noir de ses oreilles elle serait entièrement de la couleur du sol neigeux qu'elle affectionne. Les peaux de ces Animaux et des races ou espèces qui s'en rapprochent le plus sont très-estimées des fourreurs. Lorsqu'elles sont blanches, elles imitent bien l'hermine et on les emploie souvent à la place de celle-ci. Beaucoup de palatines blanches et les épitoges des gens de robe sont généralement faites avec du lièvre variable. Cette fourrure n'est pas moins recherchée en Chine (m'en Europe. La chair du Lièvre changeant est moins bonne que celle du Lièvre timide, mais elle n'est pas mauvaise, et, dans beaucoup de lieux, les Lièvres que l'on vend sur les marchés appartiennent à cette espèce ou à celles qu'on en a tout récemment distin- guées. On en vend dans plusieurs de nos départements pyrénéens, FAMILLE DES LÉPORIDÉS. 283 Auprès du Lièvre changeant se placent plusieurs espèces européennes assez peu différentes par leurs caractères pour qu'on les ait confondues avec lui jusque dans ces derniers temps; d'après les auteurs les plus récents, elles seraient au nombre de quatre, savoir : Le Lepus aquilonius de M. Blasius, qui répond au Lepus variabilis hybridas de Pallas, au Lepus médius de M. Nilsson, et au Lepus allaïcw distingué par M. Gray, d'après Evers- mann. Il est de l'Europe boréale et du nord de l'Asie. Le Lepus borealis de M. Nilsson, qui est de la Suède. Il est bien constaté que celui-ci devient blanc en hiver, sauf à la pointe des oreilles qui reste noire. Le Lepus hibcrnicus de M. Yarrel. C'est le Lièvre d'Irlande; des observations plus récentes ont fait penser qu'il ne devait pas être séparé du véritable Lièvre variable. Le Lepus alpinus. M. Schimper a aussi constaté des différences entre les Lièvres variables des Alpes et ceux de la Russie, et il a proposé do désigner les premiers par le nom de Lepus al pi nus; d'après ses observations, les Lièvres variables des Pyrénées seraient plus semblables à l'espèce de Russie, et il ne lui paraît pas possible de les en séparer. Le Lièvre tolaï (Lepus tolaï , Pallas) tient à la fois du Lièvre ordinaire et du Lièvre changeant, mais sa tète est plus longue, plus comprimée et plus étroite; son pelage peu diffé- rent de celui du premier ne change pas non plus en hiver. Lo Tolaï habite la Sibérie, la Mongolie, la Tartane et même le Thibet. Quand on le chasse, il fuit droit devant lui au lieu de chercher, comme les deux autres espèces, à dépister son ennemi par des détours et il gagne les fentes des rochers ou quelque autre cavité pour s'y réfugier. On le nomme indifféremment Lièvre ou Lapin de Sibérie, parce qu'il a aussi quel- ques rapports avec les Lapins. \}\\ Lepus plus rapproché du vrai Lièvre existe dans le petit Thibet; c'est le Lepus tibclmms de M. Waterhouse, peut-être identique avec le Lepus oiostotus de M. llodgson, que nous cite- rons plus bas. Le INépaul et les contrées voisines ont aussi fourni à M. llodgson deux autres Lièvres qu'il nomme Lepus pallipes et Lepus œmodius : leur authenticité n'est pas encore prouvée. Ces diverses espèces ne sont pas les mêmes que celles de l'Inde, où l'on en connaît main- tenant deux, savoir : Lièvre mossel (Lepus nigricoUis do F. Cuvier) , dont la patrie est essentiellement l'île de Java. Le dessus de son corps est roux tiqueté et les parties latérales passent au gris; sa queue est gris brun en dessus; les membres antérieurs sont roux en dehors; la gorge et les parties inférieures du corps sont roussâtre clair; l'oreille, blanche à sa base, a son extrémité noire et le reste roux; le dessus du cou et la nuque sont brun noirâtre. La même espèce se retrouve à l'île Maurice, oii elle a sans doute été introduite par l'Homme. On dit qu'elle existe aussi dans l'Inde, à Madras, au Rengale et dans le Deccan; c'est alors le Lepus kurgosa de IJuchanan. Le Mossel est de la taille d'un gros Lapin. Le Lièvre a queue rousse (Lepus ruficaudalus , ls. Geoffroy) ressemble plus au Lièvre ordinaire, mais on peut néanmoins l'en distinguer à sa queue plus longue, rousse on dessus au heu d'être noire, à sa tâche oculaire qui est moins prononcée et à ses joues, qui sont d'un roux très-mélaugé de noir; son poil est plus rude que celui de notre Lièvre et sa taille un peu moindre. Il habite le Bengale, dans les plaines qui bordent le Gange. On l'a retrouvé au Népaul , dans les monts sous Himalaya. Faute d'avoir reconnu que c'était bien le Lièvre ruficando, M. llodgson le décrit comme nouveau sous le nom de Lepus macrolus. Il y a aussi une espèce de Lièvre dans la Chine, et M. Gray en a donné la ligure dans ses Illustrations of indian zoology , sous le nom de Lepus sinensis. L'Afrique et l'Arabie paraissent plus riches en Rongeurs de ce groupe qu'aucun des autres continents. Ces Animaux trouvent dans les grandes plaines qui en constituent le sol beau- coup d'endroits très-propices à leur multiplication. Aux différents Lièvres africains dont nous allons donner la liste, il faut ajouter le Lièvre méditerr vnéf.n (Lepus meditevraneus) , 284 ORDRE DES RONGEURS. qui forme aussi une espèce à part. Il est plus petit que notre Lièvre commun d'Europe, soit du centre, soit du midi; sa chair est aussi très-inférieure : c'est le Lièvre de l'Algérie et de la Sicile. Le Lièvre de Syrie (Lepus syriacus) habite le mont Liban, oii il est connu sous le nom arabe {YEmcb ou Aerneb, qui correspond si bien au mot hébreu Arncbcl employé par la Rible. Ainsi que le précédent, il est décrit dans l'ouvrage publié par M, Ehrenberg sous le titre de Symbole? physicœ. Le Lièvre d'Arabie (Lepus arabicus, Ehrenb.) est de l'Arabie déserte, particuliè- rement auprès de Gonfodah et de l'Arabie heureuse par Loheia. Il n'a point de tache noire aux oreilles et sa queue est brun noir en dessous. Il en est question dans le livre que nous venons de citer. Lièvre d'Egypte (Lepus œgyptius, E. Geoffroy). Il est en grande partie fauve tiqueté par endroits, surtout à la tète, et blanc en dessous; sa queue est noire à la face supé- rieure et blanche à l'inférieure; ses oreilles sont d'un roux brunâtre avec l'extrémité noire. Cette espèce vit en Egypte , comme l'indique son nom; sa taille est celle du Lapin, mais ses oreilles sont proportionnellement plus grandes que celles du Lièvre commun. Le L i È v r e d ' A b y s s y n i e ( Lepus habessi- nkus, Hemprich et Ehrenberg) a les oreilles moins grandes et la face plus semblable à celle des Lapins. Il a été observé en Abys- sinie , auprès de la plage dWrkiko. Le L i È v re i s a b e l le (Lepus isabellinus) , décrit par le D. Cretzsehmardans Y Allas zoo- logique de M. Ruppel , est de Nubie; c'est le même que le Lepus œthiopicus de MM. Hem- prich et Ehrenberg : c'est une espèce assez petite. On le rencontre dans la Nubie et dans le Dongola. Les Lièvres sont aussi représentés dans l'Afrique australe et l'on reconnaît très-nettement deux espèces parmi les Animaux de ce genre, qu'on a rapportés de cette partie du globe. Elles ont les proportions du Lièvre ordinaire, mais elles s'en distinguent par plusieurs caractères évidents. Une troisième moins bien connue a reçu le nom de Lepus avenarius , que nous nous bornerons à signaler. Le Lièvre des Rochers {Lepus saxatilis, F. Olivier), aussi nommé Lepus rufnmcha , longicaudatus et fumigatus, est le Berg Haas ou Lièvre de montagne des Colons. 11 est grand comme le Lièvre ordinaire d'Europe, a les oreilles très-longues; a le col roux, la gorge noire et les membres gris brun ainsi que les cotés du corps; le bout de ses oreilles est noir. Il vit dans les montagnes. Le Lièvre nr Cai» (Lepus Capcasis, Linné) est gris un peu roussàtre, avec la gorge et les membres roux; le bout des oreilles noir; le bout du museau roussatre et la queue noire eu dessus. Ses oreilles sont fort grandes et ses pieds très-allongés. Les Hollandais le désignent par le nom de Viable haas , qui veut dire Lièvre de plaine. M. Waterhouse lui réunit le Lepus ochropus de M. Wagner, et il pense que 1(3 Lepus avenarius de M. Js. Geoffroy n'en est peut-être que le jeune. Linné et Thunberi: ont parlé du Lièvre du Cq>, mais c'est par Li h «t: d'Ég^ pte, 1/i de FAMILLE DES LEPORJDES. 285 F. Guvicr, par M. Is. Geoffroy et par M. Waterhouse, que ses caractères ont été définitive- ment établis, On compte six ou sept sortes de Lièvres dans l'Amérique septentrionale, non comprises quelques-unes do celles que M. Bachmann a proposé de distinguer, mais sans leur assigner des caractères réellement suffisants, et il y en a une également distincte de celle de l'ancien continent dans l'Amérique méridionale. Le Lièvre arctique {Lepus articus , Leach), qui est décrit dans l'appendice au Voyage du capitaine Ross, a été d'abord considéré comme le véritable Lièvre timide ; erreur à laquelle les Lièvres changeants d'Europe ont d'ailleurs également donné lieu : c'est le Hawchoch des Indiens Copper et YOuhalik des Esquimaux. Il est gris en été et devient blanc en hiver, sauf sur le bout des oreilles. On le rencontre dans le Labrador, du coté de la baie de Baf fin et au Groenland. C'est aussi le Lepus glacialis de Leach; sa taille est un peu supérieure à celle du Lièvre changeant d'Europe, qu'il représente sur le continent américain. Le Lièvre d'Amérique {Lepus americanus , Erxleben) est gris fauve varié de brun en été, avec le dessous du cou et le ventre blancs; ses oreilles n'ont pas de noir au bout et sa queue est grisâtre en dessus; en hiver, il devient blanc, sauf sur la queue et les oreilles, qui conservent leur couleur d'été. 11 habite une grande partie de l'Amérique septentrionale, ne fait pas de terrier, mais se cache dans des trous qu'il trouve tout faits, principalement au pied des arbres; il ne craint pas de se réfugier dans les marais lorsqu'il est poursuivi , et, à ce que l'on assure, il grimpe même sur les arbres pour y trouver un abri. Sa femelle fait deux ou trois portées par an, chacune de deux petits. On le voit depuis la cote nord -ouest de la baie d'Hudson jusque dans les Florides et en Caroline. Le Lièvre de Virginie {Lepus virglnianus , ïlaiian) est aussi de la catégorie des Lièvres changeants. Son pelage est brun grisâtre en été et blanc en hiver, avec le tour des yeux do couleur fauve roussàtrc à toutes les époques de l'année. C'est une espèce des États du Centre et du Midi, habitant les marais et les prairies qui sont au pied des montagnes. Le Lepus Douglasii de M. Gray ou Lepus palus tri s , Bachmann, paraît originaire (Je la Californie et du Texas. Le Lcpus Bcnncttii de M. Gray vit en Californie, et le Lepus callotis de Wagler habite lo Mexique. Je terminerai cette énumération par ce qui est relatif au Lepus de l'Amérique méridionale. C'est le Lièvre Tapéti {Lepus brasiliensis, Linné). Il a la queue bien plus courte que la plupart des autres espèces du genre, et quoiqu'il ait les teintes vives de plusieurs Lièvres, on peut dire avec Azara qu'il n'est réellement ni Lièvre ni Lapin. C'est une espèce fort dis- tincte des autres, plus petite que notre Lapin de Garenne, à pelage varié de brun et de jau- nâtre en dessus, ayant un demi-collier blanc sous le cou et les oreilles beaucoup plus courtes que la tète. Le Tapéti ne se creuse point de terriers et il vit à la manière des Lièvres, établissant son gîte dans les bois; sa femelle n'a qu'une portée par an et met bas deux petits, quelquefois trois, plus rarement quatre; sa chair ressemble à celle du Lapin, mais elle est moins savou- reuse. Au Paraguay on ne la mange pas. Cette espèce est connue au Pérou, au Brésil et au Paraguay. On a dit que c'était le Citli de Fernandez, ce qui a fait supposer qu'elle est aussi de la Nouvelle-Espagne. IL Les LAPINS {Cuniculus, Gerbe) ont les caractères principaux des Lièvres, mais leurs oreilles, ainsi que leurs pattes, sont moins longues; leurs petits naissent nus et avec les yeux fermés ; enfin ils font des terriers et vivent en société. Ils sont moins nombreux en espèces, mais c'est parmi eux que se classe le Lapin domestique, dont l'utilité pour l'Homme est incontestable, et qui est d'autant plus précieux que, en même temps qu'on mange sa chair, on sait aussi tirer de sa peau et de ses poils un parti fort avantageux. Nous avons déjà vu, en traitant des Animaux que les anciens ont appelés Lagos, Dasypus et Cunkulus , qu'il n'était point question d'une manière certaine du Lapin domestique dans 286 ORDRE DES RONGEURS. les ouvrages des Grocs. Si des Lapins d'Espagne s'y trouvent signalés, ce sont des Lapins sauvages de ce pays et non les Lapins clapiers, et il n'est guère douteux que le Dasypus d'Aristote soit aussi le Lapin des bois ou des rochers et non le Lapin domestique. Cependant il n'est pas impossible que l'on démontre quelque jour que Pline a voulu désigner ces trois sortes d'Animaux rongeurs par les noms de Lepus , Dasypus et Cunkulus , mais cela est encore loin d'être certain, et il est même impossible de ne pas regarder, jusqu'à preuve du contraire , les deux mots Dasypus et Cunkulus comme étant synonymes l'un de l'autre et comme s'appliquant tous les deux à notre Lapin sauvage ou Lapin de garenne. 11 faut donc les réserver également pour cette espèce et cesser d'étendre le second au Lapin domestique, car très- probablement encore ce dernier ne descend pas du Lapin sauvage de nos pays. De nouvelles recherches faites avec attention dans les textes anciens et en vue de résoudre le -petit problème do l'origine réelle des Lapins que nous élevons en captivité offriraient un intérêt incontestable. Le Lapin domestique {Lepus domcstkus) est facile à distinguer des Lièvres par les caractères que nous avons déjà signalés et par quelques autres encore, tels que ceux de son squelette. Son crâne est plus étroit à la région faciale et proportionnellement plus long; les expansions de ses os frontaux , qui s'étendent au-dessus des orbites, sont moins larges et ont de moindres échancrures antérieure et postérieure. Tous ses os sont moins forts, et ceux des membres ont une longueur proportionnellement moins considérable. D'ailleurs, les mêmes dispositions générales président à la conformation de ces deux Animaux, et, à part quelques différences de valeur sous-générique , ils sont organisés de même. D'autres espèces du même genre se distinguent aussi de l'un et de l'autre par quelques particularités légères de la forint du corps ou de celle du squelette; tels sont le Lepus nigrkoUis et le Lepus hispidus. In des traits distinctifs de la tête osseuse des Lapins et des Lièvres consiste dans la struc- ture celluleuse et réticulée de la branche montante de l'os maxillaire, au-dessus et en avant du trou sous-orbitaire. Les traces d'une semblable structure se retrouvent sur plusieurs points de la boîte crânienne , principalement chez les sujets avancés en âge. La communica- tion du cercle orbitaire avec la fosse temporale y est étroite, et cette dernière ne se distingue que très-imparfaitement, à cause de la forme irrégulièrement sphéroïdale de la boite céré- brale et de la position toute particulière des crêtes destinées aux insertions musculaires. Les orbites sont considérables et communiquent l'une avec l'autre auprès du trou du nerf optique; les os du nez et la branche montante des incisifs sont fort allongés, ce qui est en rapport avec la forme de la face et de la barre; les trous incisifs sont très-grands , et ils ne sont séparés de l'échancrure des arrière-narines que par une sorte de pont osseux que fournissent le maxil- laire et les os palatins dans leur partie réellement palatine; le méat auditif est ossifié et remonte en forme d'entonnoir au dessus de la caisse auditive, qui, sans être aussi renflée que celle des Gerboises, des Chinchillas ou d'autres Rongeurs, acquiert cependant un déve- loppement assez grand et particulièrement en rapport avec la finesse de l'ouïe chez ces Ani- maux. On ne saurait se dissimuler que , dans sa disposition générale, le crâne des Lièvres et des Lapins ne s'éloigne de celui des Rongeurs pour ressembler à celui de certains Pachyder- mes, tels que les Chevaux. Toutefois, c'est là une ressemblance de physionomie plutôt que l'expression d'une affinité réelle. La mâchoire inférieure montre aussi une tendance analogue; cependant le condyle y est plus élevé que l'apophyse coronoïde qui se confond presque entiè- rement avec lui. La hauteur de la mâchoire à l'aplomb de sa saillie articulaire est plus grande que dans les autres Rongeurs; la surface massétérienne y est considérable, et l'apo- physe angulaire a son contour curviligne et marginé au bord inférieur interne. Le Lièvre et le Lapin ont douze vertèbres dorsales, et, par conséquent, douze paires de côtes chacun. Ils ont tous deux sept lombaires, qui sont remarquables par leurs apophyses transverses1, croissant de la première à la sixième et dirigées obliquement d'arrière en avant; leurs apo- physes articulaires et épineuses sont également saillantes, r>t elles donnent aussi aux muscle. FAMILLE DES LÉPORIDÉS. 287 puissants du dos et des lombes de fortes insertions; c'est ce qui permet à ces Animaux de sauter avec tant de facilité. G. Guvier compte quatre vertèbres au sacrum du Lièvre et deux seulement à celui du Lapin; mais cette différence tient seulement à ce que la troisième et surtout la quatrième des vertèbres , qui sont placées après la région lombaire , ne se soudent qu'à un âge plus avancé chez le Lapin que chez le Lièvre ; car toutes les quatre ont assez exactement la même forme. Suivant le même auteur, il n'y aurait en arrière de ces quatre vertèbres que seize caudales chez le Lapin, tandis qu'il y en a vingt au squelette du Lièvre. Mais ce n'est pas là non plus un caractère absolu , car j'en compte dix-huit sur un squelette de Lopin domestique. Les Lièvres et les Lapins n'ont qu'un rudiment de clavicule ; leur humérus a une forme assez caractéristique; il montre inférieurement un grand trou percé dans la fosse olécrânienne , mais il n'en a pas au-dessus du condyle interne, et sa poulie in- férieure présente une gorge médiane ayant, de chaque côté, une autre gorge moins large et plus raccourcie. fcu>rF. letté nr Laimv, \l\ de grand. Le radius et le cubitus restent distincts dans toute leur étendue, quoique très-fortement appliqués l'un contre l'autre; la saillie du coude est considérable; le pouce, quoique très- évident et fortement onguiculé, est plus court que les autres doigts. Aux pieds de derrière, on remarque la fusion du péroné avec le tibia dans une étendue qui excède leur moitié infé- rieure; l'astragale ne diffère pas par sa forme de celui des Animaux que nous avons précé- demment étudiés, et il n'y a que quatre doigts à chaque pied de derrière, même au squelette. La plupart des pièces qui entrent dans la composition du squelette des Lapins sont faciles à distinguer, et même, en prenant d'autres Animaux que ceux de nos contrées, on peut aisé- ment reconnaître si les os que l'on observe ont été fournis par des Lièvres ou des Lapins , ou bien par des Animaux de même taille, mais qui appartiennent, comme par exemple le Chat, la Fouine, la Marmotte, etc., à des genres plus ou moins différents. Les Lapins domestiques varient notablement dans leurs couleurs; indépendamment de ceux qui sont gris , et que l'on peut regarder comme plus semblables que les autres au type primitif, il y en a de noirs, de roux et de blancs, et d'autres qui présentent un mélange de l'une ou même de plusieurs de ces dernières couleurs avec le gris primitif. Ce sont là des 2S8 ORDRE DES RONGEIRS. différences très-apparentes sans doute, mais sur lesquelles on ne peut établir aucune distinc- tion de race, car elles peuvent se montrer fréquemment dans une même lignée, et la couleur des parents est loin d'être un gage certain de celle qui caractérisera les petits. Le plus habi- tuellement, cependant, des Lapins noirs, blancs ou roux en produisent qui leur ressemblent, et les Lapins gris donnent le plus ordinairement des Lapereaux qui sont également gris. L'érythrisme, l'albinisme et le mélanisme plus ou moins complets se reproduisent dans les diverses races de ces Animaux, et ne sauraient caractériser par eux-mêmes des races véritables. On peut en dire autant de l'absence des oreilles qui pourtant se perpétue aussi par voie de génération et ne mérite guère d'être considérée que comme une production tératologique. Ces Lapins sans oreilles sont disgracieux; ceux que j'ai vus appartenaient à une des plus fortes races que l'on distingue dans cette espèce. Ruffon et Daubenton distinguaient trois races parmi les Lapins, savoir : 1. Le Glapier (Lepus domesticus vulgaris) ou ordinaire, dont une sous-race, celle des Lapins-Lièvres du Midi, acquiert des dimensions supérieures à celle de la sous-race ordinaire et fournit des individus pesant jusqu'à six et même près de sept kilogrammes. Il a été obtenu aux environs de Liège (Belgique). 2. Le Riche (Lepus domesticus argenicus) , en partie gris argenté, en partie de couleur d'ardoise plus ou moins foncée. Sa tête et ses oreilles sont presque entièrement noirâtres, et ses pattes sont brunes avec le dessous blanc; les poils sont longs et fermes. C'est le Silver llabbit des Anglais. Brisson le nommait Lepus cinereus. 3. L'Angora (Lepus domesticus angorensis) , dont le pelage, beaucoup plus long que celui des autres , a deux ou trois pouces , est ondoyant et en partie frisé comme de la laine. Dans le temps de la mue, les poils se pelotonnent, et ces pelotons, qui pendent quelquefois jusqu'à terre, sont comme feutrés. Desmarest rappelle que Pennant a signalé une quatrième race sous le nom de Russe (Russian llabbit). La peau de celle-ci est très-làche sur le dos et forme une sorte de capu- chon qui recouvre la tête ; la poitrine présente un autre plissement analogue : c'est plutôt une variété tératologique qu'une race. M. Waterhouse réunit ce Russian Rabbit au Lapin d'Angora. L'origine des Lapins domestiques n'est pas plus connue que celle de la plupart des autres Animaux dont l'Homme dispose, et tout ce que l'on peut affirmer à leur égard, c'est quils sont, comme la presque totalité de ceux-ci, originaires de l'ancien continent. Aucune des espèces du genre Lapin qui vivent en Amérique n'a été réduite en domesticité , et , parmi les espèces sauvages de l'ancien continent, il n'en est qu'une que l'on ait considérée comme la souche de ces Animaux : c'est le Lapin ordinaire dont nous parlerons plus bas. Cepen- dant, en comparant avec attention les Lapins domestiques avec les Lapins sauvages, on constate entre les uns et les autres des différences qui doivent faire considérer comme très-douteuse la filiation qu'on leur a supposée. Le vrai Lapin sauvage est plus petit que le Lapin domes- tique ; ses proportions ne sont pas absolument les mêmes ; sa queue est plus petite ; ses oreilles sont plus courtes et plus velues, et ces caractères, sans parler de ceux fournis par la couleur, sont autant d'indications contraires à l'opinion qui réunit ces Animaux sous la même dénomination spécifique. On a souvent répété que le Lapin était originaire des pays chauds, et qu'il en avait été amené dans les régions tempérées de l'Europe et dans le nord de ce continent , et comme on a toujours fait du Lapin domestique et du Lapin sauvage d'Europe une seule et même espèce, on a aussi attribué à ce dernier comme au premier une origine étrangère. Il y a dans cette manière de voir une seconde confusion, et nous la retrouvons dans Buffon; elle consiste à assimiler notre Lapin sauvage avec ceux du nord de l'Afrique et de quelques autres pays. Buffon ne distinguait même pas les Lapins d'Europe d'avec ceux du golfe Persique, de la baie de Saldana, de la Lybie, du Sénégal et de la Guinée; aussi a-t-il accepté l'opi- nion que nous combattons ici, et il a ajouté, à propos du Lapin : « Les Grecs le connais- FAMILLE DES LÉPOMDÉS. 289 saient, et il paraît que les seuls endroits de l'Europe ou il y en eut anciennement étaient la Grèce et l'Espagne ; de là on les a transportés dans les climats plus tempérés, comme en Italie, en France, en Allemagne, où ils se sont naturalisés; mais dans les pays plus froids, comme en Suède et dans le reste du Nord , on ne peut les élever que dans les maisons, et ils périssent lorsqu'on les abandonne à la campagne. » On ignore si les Grecs et les Romains avaient des Lapins clapiers, rien dans leurs écrits ne se rapportant à ce point , qui est pourtant un de ceux qu'il importerait d'abord d'éclaircir. Quoi qu'il en soit, il n'est pas permis de douter que les Lapins sauvages n'aient été ancien- nement aussi répandus en Italie, en France et dans d'autres parties de l'Europe tempérée qu'ils le sont aujourd'hui. On en a la preuve dans les débris osseux, depuis longtemps enfouis dans le sol, que ces Animaux ont laissés dans plusieurs parties de l'Europe. Beaucoup de cavernes et divers atterrissements dont le dépôt remonte à une époque peu éloignée de celle dite diluvienne, ont fourni non-seulement des ossements de Lièvres, mais aussi des osse- ments de Lapins, et ceux-ci paraissent indiquer plusieurs espèces fort semblables , d'ailleurs, au Lepus cuniculus. On en signale jusque dans la Belgique , en Allemagne et en Angleterre. Ainsi nos Lapins sauvages ne proviennent pas de Lapins africains qui auraient été répandus sur notre sol par les anciens, et d'ailleurs les Lapins du nord de l'Afrique constituent, comme les Lièvres de la même région , des espèces différentes de nos Lapins et de nos Lièvres de l'Europe. Est-ce leur séjour dans les habitations et l'action directe de l'Homme qui ont transformé les Lapins de garenne en Lapins clapiers? Rien ne nous autorise à l'admettre, et la véritable origine de ces derniers ne nous est pas connue, si ce n'est peut-être celle des Lapins dits d'Angora, qui sont donnés comme originaires de la ville d'Anatolie dont ils por- tent le nom. On attribue la même origine aux Chèvres et aux Chats à longs poils. Ce qui est plus certain, c'est que le Lapin domestique était autrefois beaucoup moins ré- pandu qu'il ne l'est aujourd'hui. Les voyageurs enropéens Font porté dans la plupart des pays oîi ils se sont établis, et dans quelques endroits, les Animaux de cette espèce ayant été abandonnés à eux-mêmes, se sont considérablement multipliés et sont devenus sauvages, sans prendre toutefois les caractères de notre Lapin de garenne. Ceux que l'on retrouve maintenant aux îles Falkland ont été décrits à tort par MM. Lesson et Garnot comme formant une espèce à part, sous le nom de Lepus magellanicus. Us sont d'un noir violacé, marqués ça et là de taches blanches; leurs oreilles sont d'un beau roux. MM. Lesson et Garnot ont pensé que ces Lapins étaient indigènes des îles oîi on les trouve maintenant; mais l'observation qu'ils supposent en avoir été faite par Magellan dès l'année 1520 doit être regardée, suivant M. Darwin, comme se rapportant au Cavia australis ou Kerodon Kingii et non à un véritable Lapin, quoique le célèbre navigateur portugais se soit servi du mot Conejos, qui veut bien dire Lapin. On a souvent appliqué ce nom à des Rongeurs plus ou moins semblables en apparence aux Lapins véritables. Les Lapins domestiques ou clapiers , que tant de personnes élèvent en Europe et dans d'autres parties du monde, donnent lieu, par leur grande multiplicité, à des transactions commerciales qui ne sont pas sans importance et qui touchent même à plusieurs des brai>- ches de l'industrie. Indépendamment de leur chair, ces Animaux fournissent en effet leur peau que l'on emploie de diverses manières, soit en laissant le poil attaché au derme, ce qui donne alors une assez bonne fourrure , soit en utilisant séparément le poil et le derme. Le derme du Lapin, débarrassé de son pelage, sert surtout à la fabrication de la colle, et son poil est principalement employé dans la chapellerie , quoiqu'il ait moins de valeur que celui du Lièvre et que depuis quelque temps on lui ait substitué la soie. Autrefois le Lapin servait encore à un autre usage; sa graisse ainsi que celle du Lièvre étaient employées en pharmacie , l'une sous lo nom û'Aocungia cuniculi et l'autre sous celui (VAxungia leporis. Dans beaucoup de fermes et autres établissements analogues , on élève des Lapins; il s'en ire partie. 37 290 ORDRE DES RONGEURS. fait souvent do grandes éducations. Les bénéfices qu'on en lire peuvent être considérables si l'on a soin d'approprier convenablement les locaux dans lesquels on les tient, et si l'on use de certaines précautions sans lesquelles la mortalité ne tarde pas à dépeupler la lapiniùre et à transformer en pertes tous les bénéfices qu'on espérait obtenir. C'est là la grande culture du Lapin domestique, et il est facile d'améliorer la chair et le pelage de cet animal par le choix d'une bonne nourriture, par le bon entretien et par la propreté. La petite culture du même Animal est plus fréquente encore : beaucoup de familles, soit dans les villages, soit même dans les villes, espèrent faire un emploi avantageux des restes de leurs repas de chaque jour et en même temps de quelques herbes potagères dont le prix est peu élevé , en nourris- sant des Lapins dans leur cour, quelquefois dans leur cuisine, et, à l'occasion, jusque dans l'unique chambre qui sert à la fois de cuisine, de salle à manger et de chambre à coucher. Le Lapin des cours ou des garennes forcées est le Lapin clapier, et il partage souvent le nom de Lapin de choux avec les Animaux de même espèce qu'on élève dans les circonstances tout à fait défavorables que nous venons de rappeler. C'est sur ces Animaux , dont les feuilles du choux sont, en effet, la principale nourriture, que les maladies sévissent avec le plus d'intensité; les paralysies, le rachitisme, l'hydropisie ou les hydatides abdominales en enlè- vent la plus grande partie, et ceux qui survivent assez longtemps pour devenir mangeables ont la chair tout à fait décolorée et d'une saveur fade ou désagréable que l'on aurait fait dis- paraître en donnant à ces Animaux des locaux plus aérés et plus propres , et une nourri- ture plus accommodée à leurs besoins. Dans les pays de rochers, là ou abondent les plantes aromatiques de la famille des labiées, on peut procurer aux Lapins domestiques un fumet qui diffère peu de celui des meilleurs Lapins sauvages. L'exploitation du Lapin clapier a attiré l'attention de quelques agriculteurs sérieux, mais elle a aussi suscité, surtout dans ces dernières années, diverses publications qu'on ne saurait prendre à la lettre, quoique les bénéfices exagérés qu'elles promettaient leur aient donné un certain crédit, surtout auprès des gens des villes, dont quelques-uns se sont aisé- ment laissé persuader qu'on pouvait se créer un très-bon revenu en élevant des Lapins. C'est ainsi que M. Despouys n'a pas craint de garantir vingt mille francs par an à ceux qui consa- creraient à l'éducation des Lapins, et conformément à ses préceptes, un capital de cinq cents francs. — (Voir Le Lapin domestique, brochure in-8°. Paris, 1838). Au contraire, quelques propriétaires ont traité la question sérieusement. Mon collègue à la Société d'agriculture de l'Hérault, M. Rouscaren, a écrit sur ce sujet une petite notice qui est le fruit de ses observations personnelles, et dont nous croyons utile <1(* reproduire ici les principales données. « Une des principales causes de réussite, dit cet habile praticien, est de tenir les Lapins sur des litières fraîches et abondantes , renouvelées tous les quinze jours, dans des locaux secs et aérés. L'on est ainsi à l'abri de ces mortalités dues, la plupart, à des maladies occa- sionnées par leur voracité pour les plantes aqueuses, ou par la malpropreté et l'humidité. Il faut séparer les jeunes des adultes; les grands nuisent toujours aux petits, qui ont besoin d'une nourriture plus substantielle dont les plus âgés s'empareraient aux dépens des plus jeunes s'ils étaient ensemble, tout en les foulant dans leurs brusques mouvements, surtout lorsqu'ils ont peur, et tout le monde connaît leur poltronnerie. u 11 faut donc les séparer au moins en deux catégories ; l'une d'un mois à deux, l'autre de deux à trois et quatre mois. Alors ils peuvent être vendus. Lu Lapin, communément, pèse trois kilogrammes; les femelles peuvent commencer à devenir mères à six mois. A cet âge, séparez-les dans des loges d'au moins deux mètres carrés. Un seul mâle peut servir huit femelles. Vous lui faites parcourir les huit compartiments de huit en huit jours, de sorte qu'au bout de deux mois, il est à présumer que toutes vos huit femelles seront pleines , un mois suffisant pour la portée d'une Lapine. La femelle de votre loge n° l ou la première visitée par le mâle vous aura déjà donné une nichée dont les petits auront un mois lorsque FAMILLE DES LÉPORIDES. 291 vous enlèverez votre mâle de la loge n° 8. Vous reporterez donc celui-ci dans la loge n° i , et, successivement, il passera en revue, de huit jours en huit jours, toutes les femelles. a Par la méthode de l'isolement, la femelle, tout occupée de recevoir le mâle, sans être distraite par la jalousie ni les soins de la maternité, conçoit promptement. Dès la seconde quinzaine, elle s'occupe à préparer son nid que rien ne vient déranger. Enfin , une fois qu'elle a mis bas, tout en se maintenant dans un bon état de santé, sa sollicitude maternelle lui fait soigner sans trouble sa jeune famille. Lorsqu'on la lui enlève, la joie de retrouver le mâle la lui fait bientôt oublier. Elle est donc constamment et utilement occupée, et ménagée de manière à ne pas avoir à nourrir des petits dans son sein, tout en étant épuisée par d'autres qui téteraient encore, tracassée par les mâles et chagrinée par l'indiscrétion, la méchanceté et la jalousie des autres femelles, conséquences inévitables de la communauté. a Les loges, exposées, autant que possible, au midi, auront, comme nous l'avons dit, deux mètres carrés de surface ; les séparations ou cloisons, d'un mètre au moins de hauteur, seront en planches, à joints ouverts de deux ou trois centimètres, afin que les Lapins puissent se voir. Le sol , en planche ou en béton , pour les empêcher de gratter, aura une petite pente vers l'extérieur pour que l'urine n'y reste pas. Une petite planche d'environ quarante ou cinquante centimètres de long sur vingt-cinq à trente de haut, adossée contre l'un des côtés et retenue par deux charnières en cuir clouées contre l'un des côtés de la loge, pour l'empêcher de tomber ou de s'écarter, formera un abri sous lequel la femelle fera vo- lontiers son nid. a Ln petite sébile ou le fonds d'une boîte en bois pour y déposer la nourriture sèche, composera, avec la planche, l'ameublement de chaque loge. Ln petit râtelier serait du luxe pour une femelle seule, mais il est très-utile pour le commun , ou sont réunis en grand nombre les Lapereaux. Pour ces derniers, l'espace est nécessaire; le plus n'est (pie le mieux. Leur mobilier consiste : 1° en planches derrière lesquelles ils aiment à se cacher; 2<> en une mangeoire longue et étroite pour les grains et farines; et 3° en un râtelier, autant que pos- sible en gros fil de fer, car ils rongent le bois. « 11 convient de donner deux fois seulement à manger aux Lapins, le matin et le soir. Dans le milieu du jour, surtout en été, ils se reposent. Il faut veiller à ce que les herbes ne soient jamais humides ni mouillées. Lorsqu'on ne leur donne que des aliments secs, il est nécessaire de leur tenir à boire , ce qui est inutile et même nuisible lorsqu'ils mangent de l'herbe fraîche. (( Vingt-quatre femelles peuvent fournir, à cinq portées par an de six petits chacune, menées à bien, pour parler au positif et sans exagération, sept cent vingt Lapins, à i fr. 25 c. l'un 900 fr. (( Loyer du local et entretien des loges 100 fr. \ a Soins, dont partie sont déduits pour la valeur considérable des fumiers 100 fr. Loyer d'un terrain de vingt ares, que l'on cultive en orge, vesces, betteraves , etc 50 (( Cinq cents kilogr. tourteaux de lin ou sésame, à 10 cent 50 « Pépins de raisin , semences diverses 50 (( Faux frais 50 / Reste donc , quitte -bénéfice 500 fr. « Encore faut-il que les gros Rats, les Chiens, les Chats et autres Animaux carnivores ne s'introduisent pas dans rétablissement pour déranger ces calculs. Croire que l'on peut obtenir par Lapine une portée par mois et une moyenne de huits petits par portée , c'est ne jamais avoir eu de Lapins sous les yeux; c'est de la théorie souvent fort éloignée de la pra- tique. La femelle peut, il est vrai , devenir mère plusieurs mois de suite, mais ses petits sont «•hétifs, et hj plus souvent, faute de lait, elle les abandonne ou les détruit elle-même, en 292 ORDRE DES RONGEURS. pouvant les nourrir. In bénéfice de cinq cents francs que l'on peut doubler si le local le permet , n'est-il pas un assez beau résultat , surtout si l'on songe qu'il est obtenu sans risquer un capital , ainsi que l'on en court la chance dans l'éducation des bêtes à laine ? » Olivier de Serres, le célèbre agronome du commencement du xvne siècle, s'était déjà étendu sur les mérites du Lapin domestique , et , parmi les auteurs contemporains , on peut citer, comme fournissant de très-bons conseils relativement à la culture du même Animal, M. Cadet de Vaux (Bibliothèque des propriétaires mraux, n° 97 , neuvième année), ainsi (pie le P. Espanet, de la Trappe (département de l'Orne), dont M. Germain Le Duc a reproduit les observations dans les Cent traités pour l'instruction populaire. J'ajouterai seulement que , suivant les pays , l'alimentation des Lapins et l'aménagement de leurs locaux doivent être modifiés pour arriver aux résultats les plus avantageux sans augmentation de la dépense. Le Lapin de Garenne (Lepus cunicuïus) est le Lapin sauvage de l'Europe. On le rencontre non- seulement dans les régions méditerranéennes, mais aussi dans une grande partie de l'Europe centrale et dans les régions qui avoisinent l'Atlantique. Il est plus petit et assez différent par sa couleur , qui est généralement gris tiqueté avec un peu de roux en arrière de la tête, et le dessous du corps blanchâtre; sa queue est plus petite; ses oreilles sont plus courtes , noires à leur pointe ; ses pieds sont plus velus. Il préfère les lieux élevés et rocailleux , tels que les sols calcaires, les landes, les gar- rigues, etc. ; il vit par petites sociétés et point isolément comme le Lièvre, dont il diffère encore par l'habitude qu'il a de se creuser une garenne ou terrier, et par l'état de débilité dans lequel naissent ses petits. Existe-t-il en Europe différentes espèces de Lapins sauvages ? Quoiqu'on n'en ait reconnu qu'une et qu'on l'ait donnée comme originaire d'Espagne et même d'Afrique, il est possible que de nouvelles observations fassent reconnaître qu'il en est des Lapins comme des Lièvres, et que ceux de la Grèce ou de l'Espagne ne sont pas les mêmes que ceux de l'Allemagne ou de rirlande, et depuis plus de quinze ans déjà M. Gray a séparé de l'espèce ordinaire le Lapin sauvage de l'Irlande auquel il a imposé le nom de Lepus vcrmicula. Les Lapins d'Arabie et d'Afrique constituent plus certainement encore des espèces diffé- rentes de la nôtre. Le Lapin du Sinaï (Lepus Sinaicus), dénommé par MM. Hemprich et Ehrenberg, et décrit par le second de ces naturalistes, a les oreilles d'un cinquième plus longues que la tête , et les tarses à peu près aussi longs qu'elle. Les parties supérieures de son corps sont fauve brun, variées de noir; le bout des oreilles est noir, et la queue, noire en dessus, est blanche en dessous. Cette espèce vit dans les vallées de l'Arabie pétrée qui avoisinent le mont Sinaï. Le Lapin de l'Algérie a été décrit par M. Lercboullet comme ayant aussi des carac- tères particuliers. Le Lapin a grosse queue (Lepus crassicaudatus , Is. Geoffroy) esta peu près égal en grosseur au Lapin de Garenne; il est roux brun avec la queue de même couleur, sauf à la pointe, où elle est un peu plus foncée. C'est le Lapin du cap de Bonne-Espérance; les colons hollandais l'appellent Rood Haas ou Lapin rouge. Le Lapin brachyure (Lepus brachyurus, Tcmminck) s'éloigne, à quelques égards, de la forme habituelle, et n'est réellement ni un Lièvre ni un véritable Lapin. Quelques-unes des particularités qui le distinguent semblent le rapprocher des Carpolagues, et des Lagomys, quoiqu'il ait la taille des Lapins. Ses oreilles sont peu allongées; son crâne a les apophyses supra-orbitaires peu étendues et le palais élargi; sa queue est très-courte. Ce Lapin est entiè- rement d'un roux brun avec le dessus du corps plus foncé ; sa gorge est blanchâtre et son abdomen roussâtre. C'est un Animal du Japon; il en a paru une description et une figure dans la Faune de ce pays , qui est due aux naturalistes hollandais. FAMILLE DES LÉPORIDÉS. 293 III. Les CarpolageIjS (Carpolagus, Blyth ). Ce sous -genre ne | comprend encore qu'une seule espèce que la forme de son crâne et la nature de son pelage éloignent notable- ment des autres Lepus. Lièvre rude (Lepus hispidus, Pearson). Le 'pelage est rude au toucher au lieu d'être doux comme celui des Lièvres et des Lapins ; il est moucheté de noir sur un fond brun en dessus et plus pâle inférieurement , ou il passe au blanc; les pattes sont do couleur fauve blanchâtre ; la queue est rousse, sauf à la base inférieure. Le Lapin rude n'est encore connu que dans le royaume d'Assam; il y oit plus commun dans les montagnes que dans les plaines, et il se terre comme le font les Lapins d'Europe, M. Blyth a fait les remarques suivantes sur le crâne de cet Animal ; il est beaucoup plus solide et plus fort que celui des autres Lepus, et toutes les modifications qu'il présente con- courent à ce but, mais sans le soustraire aux conditions réellement caractéristiques du genre; la dentition est la même, mais les molaires sont plus larges et plus fortes; les incisives ont aussi une plus grande largeur proportionnelle. Les perforations palatines, qui sont grandes et allongées chez les Lapins et les Lièvres, sont plus réduites ici, et la surface osseuse du palais, au lieu d'être courte comme chez ces Animaux, est longue et large; les perforations réticulées de la branche montante du maxillaire, qui s'étend au devant des orbites, sont presque fer- mées; les os du nez sont larges, et ils se prolongent moins en arrière que chez les Lièvres; les maxillaires et les incisifs ont aussi plus de solidité; l'os zygomatique est deux fois aussi long cpie chez les Lièvres; la saillie supra-orbitaire n'est pas interrompue en avant; l'échan- crure qu'elle présente chez les autres Animaux de ce genre n'existant pas, l'échancrure postérieure de la même saillie est aussi beaucoup moins considérable. Genre LAGOMYS (Lagomys, G. Guvier). Les Lagomys sont des Léporidés plus petits que les Lièvres et même que les La- pins, qui s'éloignent en outre les uns des autres par la brièveté et la forme arrondie de leurs oreilles, par leurs membres courts et par l'ab- sence de queue. Ils n'ont , d'ailleurs, que cinq molaires à chaque mâchoire par suite de l'absence de la dernière molaire que nous avons signalée à la mâchoire supérieure des Lepus. Leur crâne est plus prolongé et plus arqué que celui des Lièvres ou des Lapins; l'espace intor-orbi taire y est étroit, et les orbites sont comme dirigées en dessus; enfin la branche montante du maxillaire n'a pas l'apparence ré- ticulée que l'on remarque chez les mêmes Animaux. Ces petits Rongeurs ont quelque similitude avec le Cochon d'Inde dans leur apparence extérieure; mais ils appartiennent, par leur dentition et par l'ensemble de leurs caractères, à la même famille que les Lièvres; ils sont fouisseurs, vivent de sub- stances végétales et font des provisions pour l'hiver. On ne les trouve que dans l'hémisphère boréal , et ils se tiennent principalement sur les montagnes élevées ou dans les régions du nord; leur voix est forte; elle a été comparée au cri d'appel de la Caille. Dans son ouvrage sur les Glires, Pallas a donné d'excellents détails sur ces Animaux, et il a caractérisé plu- sieurs des espèces qu'on en connaît. Elles vivent dans les parties orientales de l'Europe, en e gtvmd. 29i o\\\)\\K des JH)\(ii;i ns. Asie et dans l'Amérique septentrionale. M. Wateiiiouse a reproduit dans son Histoire natu- relle des Mammifères la plupart des documents que. Ton possède, à leur égard. Nous n'avons pas de Lagomys en France, et il n'y en a pas non plus en Angleterre, en Espagne, ni en Italie; mais il en a certainement vécu en France et en Vngleterre à une époque qui n'est pas antérieure à l'apparition de la Faune actuelle. Los brèches osseuses de la région méditerranéenne ont fourni non-seulement des débris fossiles de Lièvres et de Lapins, mais encore des restes de Lagomys. On en trouve aussi en Auvergne et même aux environs eh» Paris. Dans cette dernière localité, ils sont associés aux ossements des Spormophiles et des Hamsters dont la race y a également été détruite ; leur ancienne existence en Angleterre n'est pas moins certaine. D'autres Lagomys ou Animaux voisins des Lagomys ont vécu pendant les époques ter- tiaires moyenne et supérieure que les géologues désignent par les noms de miocène ou de pliocène. Les Tltanomys, de Weisenau , près Mayence, que j'ai également signalés à SainU Gérand-le-Puy d'après des pièces recueillies par M. Feignoux , appartenaient à l'époque, miocène. Lagomys si'Lr. an (Lagomys pusillus , Pallas). Est varié de brun et de gris; ses oreilles sont bordées de blanc; elles n'ont pas un centimètre et demi de long; le corps en a dix-neuf. (Test le seul Animal de ce genre que l'on connaisse en Europe; encore est-il commun aux parties les [dus orientales de ce continent et à l'ouest de l'Asie. On le rencontre depuis les districts situés au sud du Volga et sur les pentes méridionales des monts Ourals, jusqu'en Sibérie, dans le bassin de l'Obi. Le Lagomys alpin [Lagomys al pi nus , Pallas). Observé dans les monts Altaï et au Kamtschatka; il est roussàtre, avec les oreilles et la plante des pieds brunes. I, \r, oji\ .- K i. P I N , 1/-5 il*' fïrniKl Le Lagomys ogotonk (Lagomys ogotona, Pallas), que les Tartares Mongoux nomment Ogolone , est gris pale avec les oreilles de la couleur du corps; sa taille diffère à peine de Mie du précédent. Il habite la Tartane mongole, et principalement le désert do (lobe, le> FAMILLE DES SCIURIDES. 295 contrées montueuses situées au delà du lac Raïkal et les sables ou les îles du Salenga, en Asie. Le L agomys hyperboréen {Lagomys hyperboreus , Pallas) n'a que treize centimètres de long; sa fourrure est épaisse, gris brun, un peu lavé de roussâtre; ses oreilles sont bordées de blanc. 11 a été décrit d'après des exemplaires du Tchuktchi, qui est à l'extrémité nord-est de l'Asie, au nord du Kamtscbatka et auprès du détroit de Behring. Le Lagomys roussâtre {Lagomys rufescens, Gray) se tient dans les collines rocail- leuses du Caboul. Le Lagomys d'Hodgson {Lagomys Hodgsonii , Blyth) est des pentes sud -ouest des monts Himalaya. On donne comme une troisième espèce propre au centre de l'Asie le Lagomys du Nk~ paul {Lagomys Nepaïensis , Ilodgson) du Nepaul et du Thibet. Lîne quatrième habiterait les vallées du Penjaub ; c'est le Lagomys de Royle {Lagomys lloyïii, O'(iilby), découvert par le naturaliste de ce nom dans la montagne de Choor, à une élévation (Je onze mille cinq cents pieds (mesure anglaise). La partie zoologique du Voyage aux Indes de Victor Jacquemont rapporte que ce voyageur a vu le môme Lagomys à Kanawer, dans la vallée d'Yurpo et dans le Penjaub, au Cachemyr, dans la haute vallée ou le Sind et le Gombour se séparent. Le Lagomys de Royle se tient parmi les pierres et dans les anciens éboulements. Le Lagomys P ri n ceps {Lagomys Princcps, Richardson) est propre à la chaîne des montagnes Rocheuses qui parcourent et traversent presque complètement l'Amérique septen- trionale dans sa longueur. On Ta observé depuis le 42e jusqu'au 60e degré de latitude. Les \nimaux de cette espèce vivent dans les endroits pierreux, et ils établissent leur demeure entre1 les pierres. On les voit souvent, après le coucher du soleil, grimper sur quelque frag- ment de rocher pour s'appeler entre eux ; leur cri est une sorte de sifflement aigu. II SOUS-ORDRE des RONGEURS ORDINAIRES Les Rongeurs de ce second sous-ordre n'ont jamais qu'une seule paire de dents incisives, en haut comme en bas; ils se partagent en plusieurs familles, dont nous parlerons successi- ment sous les noms de Sciuridés, Castoridés, Hystricidcs, Gtënomydës, Pscudoslomidcs, Dipo- didës, Myoxidës et M arides. Leur ensemble répond exactement aux liodentes de Vicq-d'Azyr. FAMILLE des SCIURIDÉS En plaçant à la tète des Rongeurs la famille des Léporidés, nous avons cherché à éliminer un certain nombre d'espèces, et rendre, par cela seulement, plus facile l'exposition des nom- breux genres dont il nous reste à parler; mais nous n'avons pas prétendu établir que les Lapins soient supérieurs aux autres Mammifères du même ordre; ils sont, au contraire, inférieurs à la plupart d'entre eux par la conformation de leur cerveau. Une seconde famille de Rongeurs comprend les Écureuils, les Marmottes et les espèces volantes auxquelles les zoologistes donnent les noms de Sciuroptères et de Plëromys, et que l'on appelle aussi Pola- touches. L'ensemble de leurs espèces a été divisé en plusieurs genres qui, tous, ont pour 296 ORDRE DES RONGEURS. caractères communs une certaine forme de crâne; des dents molaires radiculées, au nombre de quatre paires à chaque mâchoire, et souvent de cinq à la supérieure; le corps plus ou moins élancé; la queue assez longue et souvent floconneuse, toujours veluo, et portant quel- quefois ses poils sous la forme d'un panache élégant. Ce sont des Animaux essentiellement granivores , dont les uns vivent sur les arbres et les autres , au contraire , à la surface du sol oii ils se creusent des terriers. 11 est facile de distinguer les Sciuridés de toutes les autres espèces du même ordre. Tou- tefois, nous croyons qu'il faut en rapprocher le Castor, qui forme une famille à part, très- voisine de la leur, ou peut-être même une simple tribu dans leur propre famille. Le Castor, qui est un Animal aquatique, présente plusieurs particularités qui sont en rapport avec ce genre de vie. Les deux principales semblent d'abord l'éloigner considérablement des Mar- mottes et des Écureuils ; je veux parler de la palmature de ses pattes postérieures et de la forme en disque aplati et écailleux de sa queue. On peut y ajouter encore ses molaires , sou- tenues par des replis profonds de l'émail et dépourvues de véritables racines ; mais le crâne du Castor est établi sur le même modèle que celui des Sciuridés, et, quoiqu'il manque d'apo- physes postorbitaires au frontal, son trou sous-orbitaire a la même forme que celui des espèces dont nous allons parler, et comme on l'a démontré, la forme du crâne a chez les Rongeurs une importance incontestable. Les genres de Sciuridés véritables sont les suivants : Pteromys , Marmotte, Spermophile , Sciuroptère et Écureuil* On pourrait les partager en plusieurs tribus. Les Pteromys et les Sciuroptères ou les Sciuridés , qui sont pourvus de membranes ali- formes, doivent être éloignés l'un de l'autre; ils sont faciles à distinguer entre eux par quelques caractères, principalement par la forme de leur crâne qui rappelle tantôt celui des Marmottes, tantôt celui des Écureuils. Les Pteromys sont dans le premier cas et les Sciuroptères dans le second. Genre PTEROMYS (Pteromys, G. Cuvier). Tête de même forme que celle des Marmottes, surtout dans les parties osseuses; oreilles un peu plus grandes; corps moins trapu; queue plus longue et en panache ; une membrane s'étend sur les flancs entre les ^_ .^^-^^^% membres antérieurs et les postérieurs ; elle se prolonge en pointe saillante près du poignet ; dents molaires flexueuses à la couronne et ^ faiblement rubanées , au nombre de \ , avec la première supérieure presque gemmiforme. glj Crv*e de Pteromys i'ét \unisT e, grand, nat. Dents de Pteromys i-étahriste, 3/1 de grand. Les Pteromys sont des Animaux de l'Asie méridionale et des îles de l'Inde. On en connaît plusieurs espèces, toutes plus ou moins remarquables par la vivacité de leurs teintes. Ces Rongeurs ne sont pas moins curieux par leur agilité, qui égale celle des Écureuils, et ils MISSING PAGE(S) MISSING PAGE(S) MISSING PAGE(S) MISSING PAGE(S) FAMILLE DES SCII'RÏDÉS. 2*>9 en a dans ceux do l'Isère, des Hautes-Alpes et des Basses-Alpes. On ajoute qu'elles existent aussi dans les Pyrénées , ce que je n ai point encore eu l'occasion de confirmer. Autrefois, les Animaux du même genre étaient plus répandus en France, et nous connais- sons en Auvergne, aux environs de Paris et à Mort, des gisements oii l'on trouve des os pétrifiés de Marmottes. L'une des deux espèces auxquelles ces débris appartiennent est VArc- tomys prunigenia de M. Kaup, également fossile, dans le duché de liesse Darmstadt; elle était un peu plus forte que la Marmotte des Alpes. Une seconde est YArclomys arvemensis des environs d'Issoire. Une autre espèce fossile, assez grande pour un Rongeur, est le Plesiarclomys Gervaisii de M. Bravard, qui est d'une époque bien plus ancienne. C'est une des espèces éteintes de Mam- mifères qui ont été découvertes dans le département, de Vaucluse. Quoique grande au moins comme les Marmottes, elle avait plus d'analogie avec les Écureuils par la forme surbaissée de ses tubercules dentaires. L'Europe possède une seconde espèce de Marmottes vivantes: c'est la Maumotti: Bobac [Arctotnys Bobac) de l'Europe orientale et de l'Asie septentrionale. Elle diffère à quelques égards de YAvctomys cdp'nms, et habite des lieux moins élevés, se tenant de préférence dans les endroits secs et exposés au midi. On la trouve; depuis la Pologne jusqu'au Kamtschatka. Au sud, elle, s'étend jusqu'au Thibet et aux llimalayas. Cette espèce vit par sociétés de trente à quarante individus; elle constitue deux variétés, Tune presque noire, l'autre beaucoup plus claire et dont il vient des peaux en quantité sur le marché d'Odessa, Elle esl plus connue sous le nom de Marmotte de Pologne. La Marmotte a lo.nguk ou euk (Arctomys caudalus , ls. Geoffroy) vit en Asie, dans la vallée de (iombour. Jacquemont l'a observée à trois mille cinq cents mètres d'élévation. Elle ne fouit que dans les terrains les plus meubles, et son terrier s'ouvre en général sous un quartier de rocher; elle y accumule une grande quantité d'herbes sèches dont elle so nourrit en hiver. Cependant il est probable qu'elle s'endort pendant cette saison comme les autres, et l'on dit qu'à la fonte des neiges elle sort d(3 sa retraite dans un état de maigreur excessive. D'autres espèces sont propres à l'Amérique septen- trionale ; les mieux connues des naturalistes sont YAvctomys empêtra ou Marmotte de Québec (PL XWJII); VA. prninosits (le Whistlcr) ; VA. brachyurus et VA. monax (ou Wood Chtik des Amé- ricains). Dans son ouvrage sur les Quadrupèdes des États-l'.nis, M. Biehardson donne à leur égard tous les renseignements descriptifs désirables. Gknri-; SPEBMOPH1LE (Spermophilus) . Sous ce nom qui veut dire amateur de graines , F. Cuvier a séparé des Marmottes quelques Rongeurs plus petits qu'elles, mais peu différents par leur organisation et par leurs habitudes ; ils ont le crâne proportionnellement plus allongé, les dents molaires un peu autrement con- formées , et leur bouche est pourvue d'abajoues. Les Spermophiles ont aussi les membres postérieurs moins plantigrades que les Marmottes, mais ce sont également des Animaux fouisseurs et qui vivent à terre. L'Europe, l'Asie et l'Amérique septentrionale en nourrissent de plu- sieurs sortes. Nous n'en avons pas maintenant en France. L'espèce la moins éloignée de notre pays est le Speu- . ri m m-. srF.RMonniE, -r>/o la\\ près la mer d'Azof , que les blés ont à peine fourni l'équivalent do la semonce. M'S I I K , l;'i On distinguo du Souslik quatre autres espèces de Spermopbiles européens, qui sont en même temps répandus dans les parties ouest do l'Asie; ce sont lo SjwrwophUus musicus do M. Ménétrier, le Sprrmophilus musof/aricus do M. Lichtenstein , le Spcnnophifua fulvus du même auteur, et le SperuwphUus inuluUUus de M. Temminck. Il n'y a point d'Animaux du même genre dans les parties occidentales do l'Europe; cepen- dant il on a existé en Allemagne sur les bonis du Ithin, et morne en France. Ou en a la preuve par les restes d'une espère de Spermopbilo fort voisine du Souslik, que l'on trouve dans les brèches à ossements de Montmorency, auprès de Paris, dans celles d'Auvers, près Poutoise, et aux environs d'issoiro. Le Spi-umophile co.ncolouk (Spormophilus concoïor , 1s. Geoffroy) a été rapporté par M. Délanger de la province d'Azerbaïdjan, en Perse. Partout ou la morne espèce habite, ce voyageur a observé de petites buttes de terre dont elle abrite la partie souterraine de sa demeure. Son terrier est rempli de grains qu'elle se procure en ravageant les champs et en pénétrant même dans les magasins, après avoir traversé des murs de terre fort épais; c'est pourquoi on lui fait uno guerre assidue, mais sans voir sensiblement diminuer le nombre des individus, tant l'espèce reproduit promptoment. Dans l'Amérique septentrionale les Spcrmoplriios sont encore plus variés en espèces que dans l'ancien continent. M. Uichardson en cite huit différents aux États-Unis, et Ton en a plus récemment rencontré dans la Californie, auxquels B^u-tt a donné les nom* d(» Sprr FAMILLE DES SCH RIDES. 301 mophilus spilosomus et macrourus. L'une des plus curieuses par la distribution de ses couleurs est le Spekmophilk a treize lignes (SpcrwopkUus Iredccim-linealus). Elle doit sou nom aux treize bandes alternativement claires ou brunes avec des points clairs qu'elle porte sur le dos : quelques autres ne sont pas moins élégantes. Celles-ci ont reçu les noms sui- vants : Sper mophilus ludovicianus , Parrt/i, /Uchardsonii , FranchHniï% Becdwri , Dou(jlasii , lalcralis et lloodih {rPEIÏMOnilLK \ THEIZE LIGNES, \j\ ilCglïlKll. Le Spermophile de Richardson so tient dans les plaines qui bordent le Saskatehevvan , et il place ses terriers dans le sable; ils sont profonds et commencent par un monticule qui ser! de belvédère à l'Ynimal, pour regarder si les environs sont libres et s'il peut sans danger aller chercher sa nourriture. Les mâles se battent avec fureur pour la possession des femelles. Les Spermophiles de Richardson passent l'hiver sous terre et ils ne sortent que lorsque la neige est fondue. On trouve alors dans leurs abajoues des petits bourgeons de l'anémone de Nuttal, et le corps a une couche épaisse de graisse. Ces Rongeurs servent de pâture aux Oiseaux de proie. Le Carkajou les poursuit aussi et les Indiens les tuent pour les manger; mais ils multiplient rapidement, leurs portées étant de six à sept petits. Le Spermophile de Hood , qu'on appelle aussi Écureuil de la fédération et, à cause de sa fourrure, Marmotte-léopard, est commun sur les rives du Missouri : il est très-nuisible aux jardins. (.ÏKNK'K S Clin OPTE RE (Sciuroptcrus, F. Cuvier). Les Sciuroptères joignent à des formes qui rappellent celles des Écureuils une membrane fort semblable à celle des Ptéromys. Cette membrane s'étend de chaque côté de leurs corps, entre leurs membres antérieurs et les postérieurs, auxquels elle est fixée. Elle est velue comme celle des Ptéromys et fournit également aux Sciuroptères un véritable parachute, qu'ils étendent eu écartant leurs membres et qui ralentit leur chute ou facilite leur ascension lorsqu'ils s'élancent d'un arbre sur un autre. Les Sciuroptères reçoivent plus particulièrement le nom de Ckhviu, hV 11|)lAT(ll, Pol(itouclws,e\ dan> les pays oii ils vivent on les nomme /{curetais smn.i ■!.»• 302 ORDRE DES RONGEURS. volants, aussi bien que les Ptéromys. Toutefois il est aisé de les eu distinguer génériquemcnt. Leur crâne , au lieu d'être fait comme, celui des Marmottes , a plus d'analogie avec celui des Écureuils; leur mem- brane se termine près du poignet par un lobe arrondi, tandis que celle des Ptéromys présente, au même endroit, une pointe saillante; enfin leurs dents mo- laires ont la forme de celles des Écureuils, tandis que celles des Ptéromys ont des sinuosités fort compli- quées de l'émail qui indiquent un acheminement vers la forme des dents rubanées. A cet égard , les Sciu- rof itères sont réellement intermédiaires aux Spormo- philes et aux Tamias; enfin ils ont les yeux fort gros. Pi m -; i»K Toi. \ i m i ( il i , 71 dv pnmrl V---^'}> '"■■ M-.. :>'\ ' %4 X-^^Tçv Sci croptîire pni.\Ton:uF, 1/2 de çranl. Comme l'indique cette dernière particularité, ce sont des Animaux nocturnes. Us vivent sur les arbres, mangent des graines ou des fruits et se font remarquer le soir par leur extrême vivacité. Leur légèreté a été comparée à celle des Oiseaux. Il y a plusieurs espèces de Sciuroptères; l'une d'elles est commune à l'Asie et aux parties orientales de l'Europe; d'autres sont exclusivement asiatiques, mais elles ne s'étendent pas jusqu'aux régions chaudes de l'Inde, non plus qu'à ses îles; enfin il y en a aussi dans l'Amé- rique septentrionale. L'espèce européenne est le Sciit.optkke polatolïciie (Sciuroptcriis volons), qui est gris cendré en dessus, blanc en dessous, à poils doux et fins, à queue très-fournie et distique. Son corps est long de 0,15 et sa queue de 0,12. On le rencontre en Europe depuis la Volhynie jusqu'en Laponie. En Asie, il paraît exister surtout en Sibérie. C'est une charmante espèce, mais que les naturalistes des parties occi- dentales de l'Europe ont rarement l'occasion de voir en vie. Ce Sciumptère n'est pas le seul qui vive en Asie, et l'on eu cite d'autres jusque dans la FAMILLE DES SCIURIDÉS. 303 région nord do l'Inde, principalement dans le Népaul. M. Gray a décrit trois de ces dernières, sous les noms de Sciuroptère noble, Sciuroptère fraityé et Sciuroptère blanc-noir. Parmi celles de l'Amérique nous citerons d'abord le Sciuroptkuk assapan (Sciuropterus rolucella) ,dontPallaset F. Cuvieront donné de bonnes descrip- tions. C'est un Animal peu différent du Polatouche, de même taille et qui a les mêmes habitudes. Il est inoffensif, timide et doué de peu d'intelligence; toutes ses ressources sont dans son extrême agilité et dans la vie retirée qu'il mène. Lorsqu'il est effrayé il jette un cri faible et aigu, et il laisse échapper son urine. On en a possédé à la Ménagerie de Pans, et autrefois à la Malmaison. Ces derniers ont même eu des petits; malheu- reusement ils n'ont été l'objet d'aucune observation suivie, et cette occasion qu'on avait de mieux connaître» leur espèce ,. , , , SciunoPTfcnr. As^apvn, grand, nat a ete perdue pour la science. Cette négligence est d'autant plus fâcheuse, que si beaucoup de voyageurs ont parlé des Assapans,il en est peu qui aient étudié leurs mœurs avec détails. La plupart se sont attachés à décrire les couleurs de ces Animaux et surtout l'espèce de vol qui leur est habi- tuel. Leur organisation elle-même a été pendant longtemps mal connue, et jusqu'à F. Cuvier on les a confondus, ainsi que les autres espèces du même genre, avec les Ptéromys, qui n'ont pourtant ni la même forme de crâne ni la même disposition dentaire, quoiqu'ils leur ressemblent beaucoup extérieurement. C'est là un nouvel exemple de la convenance qu'il y a de ne jamais assigner aux Animaux une place dans la méthode naturelle sans s'être assuré préalablement de la conformation de leurs parties intérieures. Ln examen, à la fois plus pro- fond et plus complet, peut seul faire comprendre l'importance de certains caractères exté- rieurs auxquels on n'avait pas d'abord accordé assez d'attention, et les exemples analogues nous montrent qu'avec une apparence extérieure fort semblable certaines espèces peuvent être, en réalité, susceptibles d'être rapportées à des groupes fort différents. Nous en verrons plus loin un nouvel exemple chez les Anomalures qui paraissent si voisins des Écureuils volants et qui ont pourtant si peu de véritables affinités avec eux. On connaît dans l'Amérique septentrionale une seconde espèce de Polatouches, c'est le SciunoPTKiiE sabiun (Sciuropterus sabrinus) dont Forster a parlé le premier sous le nom de Grand Ecureuil volant, et sur lequel M. Richardson a donné de nouveaux détails dans le Zoological Journal. Celui-ci est plus grand que le précédent; on le trouve auprès du lac 1 luron. GENRE ÉCUREUIL (Sciants , Linné). Les espèces, que nous réunirons sous cette déno- mination, sont gracieuses dans leurs formes, vives dans leurs mouvements et toujours plus ou moins semblables par l'ensemble des caractères qui les distinguent à notre Écureuil vul- gaire; toutefois elles en diffèrent plus ou moins par certains caractères, tels que la forme de leur tête, la grandeur de leurs oreilles et l'épaisseur de leur queue; ce qui les a fait diviser en plusieurs catégories par les naturalistes. 11 ne nous a pas paru nécessaire d'accepter ici ces divisions comme constituant de véritables genres, d'ailleurs elles sont peut-être trop nom- breuses, et nous nous bornerons à établir deux groupes principaux d'Ecureuils. Le premier sera celui des T amies ou Tamias , dont les habitudes sont encore à demi- terrestres et rappellent celles des Spermophiles ; leur crâne est sensiblement allongé et leurs dents ont les tubercules encore assez saillants. Le second des groupes principaux du genre Sciurus , ou celui des -véritables Ecureuils , se partagera lui-même en plusieurs petites catégories qui concordent assez bien, comme celles distinguées parmi les Tamias, avec la répartition de leurs nombreuses espèces à la surface du globe. Les véritables Ecureuils vivent essentiellement sur les arbres; leurs oreilles sont 304 OROHE DES HONG EL H S. plus grandes; leurs yeux en général plus gros et leur queue, qui est bien velue, est souvent distique. A ne considérer que certaines de leurs espèces, on les séparerait aisément des Tamias les plus terrestres. De même que les Tamias, les Écureuils véritables ont quatre paires de molaires à chaque mâchoire et quelquefois une cinquième à la mâchoire supérieure; celle-ci est plus petite que les autres et pouruie d'une seule racine. I. Les T.VMTVS, par lesquels nous commencerons rénumération des Sciurus , ont presque l'apparence extérieure de nos Écureuils, mais ils ressemblent encore un peu aux Spermophiles. Leurs habitudes sont à moitié terrestres; leur queue est en général moins fournie que celle des vrais Écureuils et souvent elle est moins longue; leurs oreilles sont ainsi moins grandes et toujours sans pinceaux; enfin leurs molaires ont les tubercules de la couronne assez saillants. Lorsqu'ils ont une molaire supplémentaire, cette dent est aussi plus forte, et, à cet égard, elle rappelle celle des genres précédents; do plus la tête des Tamias dépasse en longueur celle dos autres Écureuils. Plusieurs de ces Animaux sont remarquables par l'élégance de leurs couleurs. Il y en a en Afrique, dans l'Inde et dans l'Amérique septen- trionale. Certains auteurs en font plusieurs genres. Parmi les Tamias africains ou les Geosciurus de M. A. Smith, nous citerons I'Ecureui l fossoyeur [Sciurm fossor ou erylhrupusdvs linnéens) qui appartient à la Faune du Sénégal. Ses ongles forts et très-propres a fouir rappellent les habitudes auxquelles il doit son nom; sa taille dépasse un peu celle de l'Écureuil vulgaire et il est fauve verdâtre en dessus, blan- châtre en dessous, avec une bande latérale coupant la teinte verdâtre des lianes. On trouve en Abyssinie et dans les contrées australes de l'Afrique plusieurs espèces qui s'en rapprochent. Leur description est due principalement à MM. Kuppel et A. Smith. L'Écureuil Lary (Sciurus insignis, F. Cuvier) est de Java et de Sumatra. 11 est roux plus ou moins varié de gris ou de noirâtre, et se distingue surtout par les trois bandes longi- tudinales noires qu'il porte sur le dos. L'Écureuil Delessert (Sciurus DelesserUi , P. Gerv. , ou le Sciurus sublinealus de M. Waterhouse) a aussi trois bandes noires sur le dos, mais elles sont plus courtes et moins tranchées et le fond de son pelage est brun olivacé. Il habite le Nil-Gerrhies dans l'Indoustau. L'Écureuil palmiste de JJuffon (Sciurus palmarum , Gmelin) est comme l'Ecureuil Delessert, une espèce plus petite que l'Écureuil vulgaire. 11 est gris brun plus ou moins lavé de fauve, avec trois bandes longitudinales blanchâtres sur le dos; le dessous du corp:; est blanc et la queue roussâtre. On le trouve dans l'Inde, principalement sur les palmiers. M. Les- son faisait du Palmiste son genre Funambule. M. Waterhouse a distingué sous le nom de Sciurus Iristriatus une espèce restée jusqu'alors confondue avec le Palmiste ordinaire. L'Écureuil suisse (Sciurus st rialus , Pallas) est une jolie espèce propre à l'Amérique septentrionale, ainsi que plusieurs autres Animaux de la même section. Il est on partie rous- sâtre avec cinq lignes longitudinales noires et deux blondes sur le dos. H est aussi plus petit que celui d'Europe, et vit plutôt à terre que sur les arbres. Il se creuse des terriers à deux ou- vertures ayant autant de branches latérales qu'il (m faut pour placer ses provisions d'hiver. Celles- ci consistent principalement en graines. L'Écureuil (I'Hudson (Sciurus JJudsonius, Pallas) n'a que deux bandes noires, une sur chaque flanc. C'est aussi l'une des espèces de Tamias que nourrit l'Amérique septentrionale. Nous en citerons encore une autre, I'Écureui l de Uotta (Sciurus Bolla\ Lesson), Celle-ci et K r U H t U 1 1 li'ill'lisi) FAMILLE DES SCIURIDÉS. 205 plus grande. Son corps a 0,25 et sa queue 0,18; elle est fauve onde de roux et de noir; ses oreilles sont noires. Cet Ecureuil a été découvert en Californie par le naturaliste dont il porte le nom. IL Les ÉC TREUILS VRAIS ont la tête plus courte; les oreilles plus longues, quelquefois garnies de pinceaux; la queue panachée et très-souvent distique, c'est-à-dire à poils divergents presque comme les barbes d'une plume; enfin les dents molaires à tubercules émoussés. Leur molaire supplémentaire de la mâchoire supérieure est petite ou même nulle. Ce sont des Ani- maux qui vivent presque constamment sur les arbres, où ils établissent leur nid; leurs allures sont vives; leur robe est élégante et leur genre de vie plus ou moins semblable à celui des Écureuils de nos contrées. On peut établir parmi eux plusieurs petits groupes. Les espèces de chacun d'eux occupent en général une circonscription géographique régulièrement limitée. Les plus nombreux sont propres à l'Inde ou à ses îles; d'autres ne se trouvent que dans l'Amérique septentrionale ou bien dans l'Amérique méridionale; enfin ceux de l'Afrique sont également susceptibles d'être séparés en une petite section naturelle. Les deux espèces répan- dues en Europe peuvent elles-mêmes être séparées de toutes les autres par quelques-unes de leurs particularités. La forme du crâne fournit le meilleur caractère que l'on puisse employer pour distinguer ces diverses sections les unes des autres. Les Écureuils d'Europe sont facilement inconnaissables à leur queue longue comme le corps et bien fournie, à leurs oreilles ornées d'un pinceau de poils, à leur crâne busqué et assez élargi, enfin à leurs dents molaires supérieures au nombre de cinq paires. On n'en a longtemps distingué qu'une seule espèce ou 1' Écureuil vulgaire {Scrurm vuîgaris), qui est roux vif, plus ou moins varié de gris sur les flancs ou sur d'autres parties et dont toute la face inférieure, depuis le menton jusqu'à la région anale, est de couleur blanche. L'Écureuil a deux décimètres environ pour le corps et autant pour la queue; celle-ci est (Tune teinte plus foncée que le dos. K c r n f i- 1 r. v r i. c \ 1 n r. [variété albinc) , H/i <1o grnr.il « L™ PÀKTIK, 39 30G ORDRE DES RONGEURS. Quoique cet Écureuil soit loin d'être le plus joli de tous ceux que l'on connaît dans le même sous-genre, il n'en est pas moins fort gracieux et fort élégant. Par sa taille, par la gentillesse de sa démarche , c'est un des Animaux les plus intéressants de nos contrées ; aussi le rocherche-t-on dans toute l'Europe pour l'élever en captivité, et la demi-familiarité dont il est susceptible ajoute encore à l'agrément qu'on en tire. Buffon a écrit, au sujet de l'Écureuil, une de ces pages qui rendent si attachante la lecture de son ouvrage. Comme la plupart des autres Écureuils, l'espèce vulgaire vit par paires et elle se tient sur les arbres, qui forment son séjour habituel. Chaque couple en choisit un de préférence et il y établit son habitation consistant en une petite bauge à peu près sphérique et couverte de mousse qui la dissimule le mieux possible. La capacité en est assez grande pour que le père, la mère et les petits puissent y trouver place. Les Écureuils ne s'en écartent guère que pour aller chercher leur nourriture ou se jouer au milieu du feuillage sur l'arbre même qui porte leur demeure ou sur ceux qui en sont peu éloignés. Dès qu'ils sont inquiétés , ils cherchent à fuir, d'autres fois ils rentrent dans leur nid et ils y trouvent un refuge assuré contre les Chats ou les Oiseaux de proie qui sont, avec l'Homme, les seuls ennemis qu'ils aient a redouter. Ces Rongeurs sont d'une grande propreté; ils passent beaucoup de temps à se lisser le pelage; leur nourriture consiste en fruits à coque plus ou moins dure; leur cri, qui est très-aigu, décèle quelquefois leur présence. C'est dans le nord de l'Europe et de l'Asie qu'existe 1' Écureuil petit -g ri s. La plupart des auteurs le regardent comme n'étant qu'une simple variété de l'Écureuil vulgaire. Ce Petit-Gris est très-commun dans certaines contrées et on lui fait une chasse active, afin de procurer au commerce les peaux connues sous le même nom et qui sont l'une de nos four- rures les plus agréables. Le Petit-Gris est une pelleterie à la fois riche et simple; il est léger et en même temps fort doux au toucher. La teinte fauve qui s'étend sur presque tous les poils du dos, le blanc pur des parties inférieures, la nuance rembrunie de la queue sont rehaussés par le gris, qui est la couleur principale du corps. Le Petit-Gris de Buffon est d'une autre espèce que celui-ci. Il vit aux États-Unis. Une espèce différente du Petit-Cris et de l'Écureuil vulgaire a été distinguée sous le nom d' Écureuil alpin (Sciurns alpbnis , F. Cuvier). Elle comprend les Écureuils des Alpes et des Pyrénées, qui sont d'un brun très-foncé avec des tiquetures jaunâtres sur toutes les parties supérieures du corps et d'un blanc très-pur sur les inférieures ; la face interne de leurs membres est grise et leur queue est noirâtre ; leur taille et leurs allures sont les mêmes que dans l'Écureuil vulgaire. On trouve aussi ces Écureuils dans les pays qui avoisinent les grandes chaînes de montagnes , dont il vient d'être question, Une autre espèce européenne est plus distincte encore, c'est 1' Écureuil du Caucase (Sciurus Caucasiens, Pallas) , que l'on ne voit que dans les montagnes de ce nom et dans l'Asie Mineure. Son pelage est gris-brun en dessus, brun jaunâtre en dessous et brun jaunâtre sur la queue, avec quelques poils à pointe blanche; il se nourrit de faines et de noisettes, et, dans les montagnes d'Adshara, de la semence du Pinns orienlalis. Il y a un grand nombre d'Écureuils dans les autres parties du monde. 1. Nous parlerons d'abord de plusieurs espèces africaines qui nous ont aussi montré quel- que analogie avec les Tamias. La forme particulière de leur crâne dont le front est plat, la face assez courte et la partie cérébrale bombée, en font un petit groupe â part. Elles ont quatre paires de molaires à l'une et à l'autre mâchoire; leurs oreilles sont courtes et manquent de poils en pinceaux; leur queue est cylindrique. L'une d'elles, qui est d'Abyssinie, a servi à M. Ehrenberg pour l'établissement de son Genre Xerus, c'est le Scinrus abyssiniens de ce naturaliste. L'Écureuil a ou eue annelée (Sciurus annulatus, Desm.) s'en distingue plus par les couleurs que par la forme générale; il est gris verdâtre en dessus et blanc en dessous avec la queue auuolée de noir et de blanc, L'Écureuil barbaresque (Sciurus getulus) , qu'on peut en rapprocher, quoiqu'il ait cinq FAMILLE DES SCIURIDÉS. 307 paires de molaires supérieures, a encore d'autres couleurs. II est gris brun légèrement lavé de roussàtre, un peu plus foncé sur le dos et plus gris en dessous; deux bandes blanchâtres séparées par une bande brune de la même teinte que le dos s'étendent depuis l'épaule jus- qu'au croupion; la queue est en panache sans être distique. Cette jolie espèce vit dans l'empire du Maroc; ou l'a possédée vivante à la Ménagerie du Muséum. lier ut vil iiAitBAKhîiQiK, J/i do grand. 2. Les Écureuils de V Amérique septentrionale sont aussi nombreux que ceux de l'Inde, mais ils constituent un sous-genre différent. Leur crâne est plus allongé et plus courbé, moins élargi au chanfrein, à boîte cérébrale moins ample. Ils ont tantôt cinq paires de molaires supérieures, tantôt au contraire quatre seulement; mais, dans le premier cas, leur molaire supplémentaire est grêle et comme aciculaire; elle manque chez I'Ecureuil capistrate {Sciurus eapistratus, Dose) et chez quelques autres, tels que les Sciurus niger et Carolinicnsis. Le Capistrate, qui est un des mieux connus de ce groupe, a le pelage gris de fer ou noir en dessus et la tête noire» avec le bout du museau et les oreilles de couleur blanche. Il est plus fort que FÉcureuil vulgaire et manque, comme presque tous les Animaux de ce groupe, de pinceaux aux oreilles. Parmi les Écureuils nord-américains qui possèdent la petite dent molaire supérieure, nous citerons Y Ecureuil gris de la Caroline et Y Ecureuil gris brun de Bosc. 3. Lue autre petite section également fondée sur quelques particularités anatomiques con- cordant avec un mode spécial de distribution géographique comprend certains Écureuils qui ont Y Amérique méridionale pour patrie. Leur front est en général peu bombé; la courbure supérieure de leur crâne est brisée à la ligne interoculaire, mais la forme générale en est comme chez les Écureuils de l'Amérique septentrionale, c'est-à-dire plus allongée que dans les Macrojcus indiens; en outre, le chanfrein est moins élargi que chez ceux-ci et que chez les raitres espèces de l'ancien continent. 11 y en a de plusieurs espèces. L'une d'elles est I'Ecureuil paillé (Sciurus slramincus , P. Gerv. , Voyage de la Bonite) , aussi décrit sous le nom d' Écureuil de Nkbolx par M. Is. Geoffroy, dans le Voyage de' la cervelle la Vénus: il a quatre paires de molaires à chaque mâchoire; ses poils sont assez «'ouil.>, noiiàln^ el terminés He jaune paille doré; la teinle ou le glacis fauve qui en résullo 308 OKDI1E DES KOSGEl US. est plus vif aux lombes et h la face externe des membres postérieurs; les quatre extrémités sont comme gantées. Le corps est long de 0,27 et la queue de 0,30. Cet Animal a été rapporté du Pérou par M3I. Eydoux, Seuleyet et Neboux, chirurgiens de la marine française. L'Écureuil a ventre roux (Scmrus igniventris, de Nattirer) en diffère par ses couleurs. 11 est de la Bolivie. 4. D'autres espèces habitent encore Y Amérique méridionale, en Colombie, à la Guyane, au Brésil et au Pérou particulièrement. Elles ont été décrites par différents auteurs. La plus anciennement connue et l'une des plus communes dans les collections est 1' Écureuil Guer- linguet (Sciants œstuans, Gmelin) , dont il est question dans Buffon, sous le nom de Grand Guerlinguel, et qui sert de type au genre Macroxus de F. Cuvier. Son crâne est bombé en arrière du chanfrein, et sa mâchoire supérieure a quatre paires de molaires seuloment. Il so rapproche à plusieurs égards des Écureuils de l'Archipel indien, dont on a fait aussi des Macroxus dans quelques ouvrages. Le Guerlinguet proprement dit habite la Guyane et le Brésil; il est d'un gris olivacé lavé de roussâtre; sa queue est cylindrique, plus longue que lo corps et nuancée de brun, de noir et de fauve; il est de la taille de TÉcureuil commun et se nourrit principalement de fruits de palmier. 5. Vlnde et ses principales îles sont les contrées du globe les plus riches en espèces d'Écureuils. La plupart de celles qu'on y connaît ont la tète large , le crâne aplati, le nez busqué , le chanfrein élargi et déprimé et la queue distique; leurs molaires sont au nombre de (juatre paires, quelquefois de cinq à la mâchoire supé- rieure. Ces Animaux forment une section à part , qui est, avec celle des Écureuils nord-américains, la plus importante du genre, et leurs espèces ont des couleurs plus belles que celles des espèces répandues dans les deux autres pays. Parmi celles qui sont pourvues de quatre paires de molaires supérieures se placent deux Écureuils dont la taille est supérieure à celle de tous les autres. La première est le Grand Écureuil (Sciurus maximus, Gmelin) que Sonnerat décrit sous le nom du Grand Ecureuil du Malabar (PL AIT/). 11 est plus que double de celui d'Europe, et ses couleurs sont remarquables par leur vivacité. Le dessus de sa tète, ses flancs et ses jambes sont de couleur marron pourpre ; une tache placée transversalement près des épaules, la partie postérieure du dos, les lombes et la queue sont d'un beau noir; le dessous du corps et la face interne des membres sont jaune pâle. Le corps a 0,10. de long et la queue autant. Cet Écureuil est presque aussi gros qu'un Chat. L'Écureuil bicolore (Sciurus bicolor , Sparmann) est brun foncé ou noirâtre en dessus et roux vif en dessous; ses yeux sont entourés de noir. 11 a près de 0,35 de longueur pour le corps et autant pour la queue. 11 habite principalement Sumatra et Java. M. Is. Geoffroy en distingue 1' Écureuil a ventre doré (Sciurus aureïvenler) de Su- matra. Fauve légèrement brunâtre en dessus avec le dessous du corps , les membres et les lianes roux doré. Son corps a 0,30 et sa queue 0,50. Le Sciurus ephippium et le Sciurus hypoleucus appartiennent au mémo groupe. Ils sont aussi des îles de la Sonde. D'autres, du même auteur, ont une cinquième molaire supérieure; leur face est un peu plus étroite et leurs os du nez sont moins arqués que chez los précédentes espèces. Il y en a en même temps sur le continent et dans les îles. Plusieurs d'entre elles portent sur les côtés du corps des bandes dont la couleur diffère de celle des parties voisines. L'Écureuil \ queue de cheval (Sciurus hippurus, Is. Geoffroy) a le ventre et la région Dents molaires de l'Kccrei-il a ventre doré 1/2 de grand. MISSING PAGE(S) MISSING PAGE(S) FAMILLE DES CASTORJDÉS. 309 interne dos membres roux marron, avec le dessous du corps roux tiqueté de noir; sa queue est garnie de longs poils : elle a été comparée à celle du Cheval. C'est un Animal de Java et, ajoute-t-on, de Malacca. L'Écureuil de Raffles (Sciurus Iiafflesii, Horsfield) est noir sur le dos et la queue, roux cannelle sous le corps et aux membres; il présente de chaque côté, depuis la joue jusqu'à la hanche , une bande blanche lavée d'un peu de gris ou légèrement jaunâtre. Il est de Malacca et de Bornéo. é Le Sciurus flavimanus, Is. Geoffroy, de Cochinchine; le Soumis grisciventer , Is. Geoffroy, de Java; le Sciurus bivittalus , F. Cuvier, de Malacca; le Sciurus bilineatus , E. Geoffroy, de Java, et quelques autres également indigènes des îles de la Sonde ont aussi le système den- taire et les principaux caractères des Sciurus hippurus et Jlaf/lesii. Certaines espèces plus petites sont les Sciurus exilis (de Sumatra et de Bornéo) et melanotis (de Java et de Su- matra), décrits par MM. Salomon Muller et Sehlegel. FAMILLE des CASTOIUDÉS Les auteurs ont souvent varié la place qu'ils donnent aux Castors dans l'ordre des Ron- geurs. Nous avons essayé , dans un Mémoire publié il y a déjà plusieurs années , de faire voir que leurs affinités les rapprochaient des Sciuridés , et qu'ils devaient être considérés comme formant un groupe voisin de ces Animaux. M. Waterhousc , dont les travaux ont tant con- tribué à perfectionner la classification des Rongeurs, a accepté cette manière de voir. Nous parlerons donc ici des Castors. Ces Animaux, si célèbres par la singularité de leurs instincts, sont aquatiques, et, comme tels, on les a souvent associés aux autres espèces du même ordre qui vivent aussi dans l'eau. Leurs pieds palmés les ont fait ranger dans la même famille que le Myopotame, l'Ondatra et même l'Hydromys; mais les Castors n'ont point l'or- ganisation de ces derniers, et il est préférable, de les rapprocher des Sciuridés. Ils ont, en effet, la même conformation crânienne que les Écureuils et les Marmottes, et ils se rappro- chent encore de celles-ci par plusieurs autres particularités importantes. Les caractères qui les isolent et qui justifient peut-être leur distinction comme famille à part, consistent dans la disposition palmée de leurs membres postérieurs et dans la forme écailleusc et élargie en pa- lette de leur queue ; cet organe concourt avec leurs pattes de derrière à les rendre très-bons nageurs. Trois ou quatre genres établis par les paléontologistes pour des espèces éteintes depuis un temps plus ou moins reculé doivent être ajoutés à celui des Castors actuels : on leur a donné les noms de Sleneofibcr (E, Geoffroy), Chalicomys (Kaup) et Castoroïdes (Forster). La seule espèce de ce dernier est connue d'après des ossements trouvés dans un marais voisin du lac Ontario, dans l'Amérique septentrionale; elle était d'une taille supérieure à celle des autres Rongeurs , ainsi qu'on peut en juger par son crâne , qui a 28 centimètres de long , tandis que celui du Castor vivant n'en a que 15. Celui du grand Cabiai en a cependant 25. Genre CASTOR {Castor, Linné). Quatre paires de molaires subégales en haut et en bas, ayant leur ivoire renforcé par des replis de l'émail qui sont inversement disposés pour chaque mâ- choire; corps trapu, bas sur jambes; yeux assez dknts Moi.\iuts m iustiir ni H u ô m-- , Krnmi n..f petits; oreilles assez courtes et arrondies; queue 310 ORDRE DES RONGEURS. élargie on pâlotte ovalaire, aplatie et écailleuse sur ses deux faces; pieds à cinq doigts, les postérieurs palmés; ongles forts, celui du quatrième orteil comme doublé; deux paires de poches ovoïdes auprès de F anus. Celles de la première paire sécrètent une humeur huileuse; celles de la seconde fournissent le castoréum, substance odorante dont on fait usage en pharmacie. Los Castors sont des Animaux aquatiques; il n'y en a (pie dans l'hémisphère boréal; on les rencontre en Europe, en Asie et dans l'Amérique septentrionale, mais les naturalistes n'ont pas encore trouvé de caractères certains à l'aide desquels on puisse distinguer ceux de ces Ani- maux qui habitent l'Amérique d'avec ceux de l'Europe ou de l'Asie. Cette espèce, en apparence unique, est le Castor fiber (Castor fiber) , dont les auteurs anciens ont parié d'après les colonies de ces Animaux qu'on observe en Europe et en Asie, et sur lequel les modernes ont fait beaucoup d'observations nouvelles, non-seulement dans l'ancien continent, mais aussi dans le nouveau. Elle est pins grosse (pie la plupart des autres Animaux du même ordre; son corps mesure à peu près G5 centimètres et sa queue 28 ou 30; celle-ci en a 0,10 dans sa plus grande largeur; elle est écailleuse, sauf à sa base; tout le corps et les pattes sont garnis de poils abondants, les uns soyeux et de couleur marron, les autres plus longs, bruns ou gris, formant au-dessous des premiers une sorte de duvet doux et moelleux, qui donne à la fourrure du Castor les qualités supérieures qu'on lui reconnaît. Quelques exemplaires ont une coloration plus ou moins différente; il y en a de plus foncés, d'autres sont plus pales, et il en est même de tout blancs, mais ce sont alors des individus albinos. La fourrure des Castors est fort estimée; elle est plus ou moins belle, suivant l'âge de l'Animal et selon l'époque de l'année à laquelle on l'a tué. Castor Fiber, 1/8 de grand. On trouve des Rongeurs de cette espèce sur une surface très-étendue ; toutefois, il ne parait pas qu'il y en ait en Afrique, ainsi qu'on l'avait dit, ni dans l'Inde. D'ailleurs ils étaient autrefois plus abondants qu'ils ne le sont de nos jours, et en France ils n'existent plus qu'en fort petit nombre. Dans mon ouvrage sur la Zoologie cl la Paléontologie de la France, j'ai donné les ren- ^."inneinent:? suivants au ^ujH d<4 la répartition de.. Casino harnais II- v snnl présenl et comme pour le renforcer. » Un Castor du Rhône a fourni au môme auteur une observation qui mérite également «■l'être rapportée, et dont on s'est souvent servi lorsqu'on a voulu établir la différence qui sépare l'instinct de la véritable intelligence : « Ce Castor était, dit-il, logé dans une très- grande cage carrée, grillée sur deux de ses faces; mais, en dehors d'une des grilles, était un volet, et, entre elle et lui, se trouvait un espace vide oii l'Animal pouvait atteindre au travers des barreaux de la grille avec ses pattes et son museau. On lui donnait habituellement pour nourriture des branches de saules dont il mangeait l'écorce, et dès qu'elles étaient dépouillées, il les coupait en petits morceaux et les entassait derrière la grille fermée du volet. Ce fait me révélant le penchant de cet Animal à bâtir , je lui fis donner de la terre mêlée de paille et do branches d'arbres ; le lendemain, je trouvai toutes ces matières entassées derrière la grille ; mais , comme il ne travaillait jamais au grand jour ni en présence de spectateurs , je fis entiè- rement fermer la cage par des volets où je pratiquai de petites ouvertures qui , d'une part, laissaient passer assez de lumière , et de l'autre me permettaient de voir l'Animal sans en être vu. Los choses étant ainsi disposées, je lui fis donner de nouveaux matériaux, et, à 316 ORDRE DES RONGEURS. rinstant mémo, il se mit à l'ouvrage. L'intervalle de la grille au volet était toujours le lieu oii il cherchait à construire. Placé au milieu du tas de terre, il la jetait avec force en arrière, de même que tout ce qui y était mêlé, à l'aide de ses quatre, pattes, et du coté oii il voulait qu'elle se trouvât; et quand il avait ainsi travaillé pendant quelques instants, ou il formait de petites masses de cette terre avec ses pieds de devant et les poussait devant lui, s'aidant de son menton, ou les transportait simplement avec sa bouche, et il ne paraissait mettre à ce travail aucun ordre; à mesure qu'il plaçait ces matériaux, il les pressait fortement avec son museau les uns contre les autres, et, à la fin, il en résulta une masse épaisse» et solide. Souvent je l'ai vu, un bâton au travers de sa gueule, cherchant à l'enfoncer à coups redou- blés dans l'édifice, sans autre but apparent que d'y placer ce corps-là de plus. Lorsque les morceaux de bois dépassaient la surface de la grille , ils étaient à l'instant coupés à son niveau. Souvent il mêlait à la terre de construction le pain ou les racines qu'on lui donnait aussi pour nourriture et qu'il ne mangeait pas; mais il les en retirait quand il était pressé par la faim. Sa propreté était extrême. Quand il ne dormait pas, il n'était occupé qu'à se lisser le poil et à le dépouiller des plus petites impuretés. Il mangeait toujours assis dans l'eau, et y plongeait ses aliments. C'était en cela que consistait toute son existence durant le jour, qui était presque entièrement rempli par le sommeil. Lorsqu'il se croyait menacé, il faisait entendre un bruit sourd , frappait avec force de sa queue contre la terre, et si l'inquié- tude devenait plus grande, il se jetait avec colère sur l'objet qui en était cause. C'était donc par un mouvement tout à fait instinctif et machinal que ce Castor était porté à construire; aucune circonstance extérieure ne l'y déterminait; son intelligence n'y prenait aucune part; il satisfaisait aveuglément un besoin aveugle lui-même. L'espace qu'il remplissait de terre n'en était pas mieux fermé par son travail, et il ne pouvait résulter aucun bien-être pour lui de toutes les peines qu'il se donnait par là, dans toutes les saisons comme dans tous les temps. » FAMILLE des HYSTRICIDÉS La plupart des Hystrieidés (Hystrkidœ , Gray, Waterhouse, etc.) ont une certaine ressem- blance avec les Cochons par la nature de leurs poils, et en même temps par la forme de leur corps, par leurs allures grossières et par quelques autres particularités secondaires, dont le Porc-Épic , le Cochon d'Inde et le Capromys nous donnent une idée. Il m'a semblé que l'on devait prendre ces derniers Animaux pour types de la grande famille qui renferme, avec les Porcs-Épics et genres voisins, les Échimys, les Cabiais, les Agoutis, les Pacas, les Chinchillas, les Synéthères et beaucoup d'autres encore dont on peut faire plusieurs tribus bien distinctes. Tous ont quatre paires de dents molaires, et ces molaires, égales entre elles, présentent à leur couronne des replis ou des enfoncements de l'émail qui donnent h la coupe de leur fût une figure plus ou moins compliquée. Leur taille est supérieure à celle de la plupart des autres Rongeurs, et c'est parmi eux que se place l'espèce la plus grande de cet ordre; leur crâne se distingue par la présence d'une grande perforation sous-orbitaire recevant une partie du muscle masséter, et leur mâchoire inférieure a, sauf chez les Anomaluriens et chez quelques espèces fossiles en Europe, une forme qu'on ne retrouve que chez les Octodontidés. Ce carac- tère, sur lequel M. Waterhouse a insisté avec beaucoup de raison, consiste en ce que la courbe qui représente la surface extérieure de l'alvéole des dents incisives de la mâchoire inférieure passe en dedans du plan formé par l'apophyse angulaire de la même mâchoire, tandis que chez les autres Rongeurs cette ligne courbe et la même apophyse sont dans un seul et même plan. Les Hvstricidés se divisent en tribus de la manière suivante : Co viens, Célogényeus -. FAMILLE DES 1IYSTRIC1DÉS. ;>I7 Dasyproctiens , Hyslrkiens , Aulacodiens, Éréthyzoniens, ChinchilUens (quelquefois appelés Ca/lo/nyens) et Anornaluriens. T1U1JU des CAVIENS Les Caviens ne comprennent qu'une partie des espèces que les naturalistes du dernier siècle avaient réunies sous le nom de Caria, celles seulement qui ont les molaires sans racines, avec des replis plus ou moins nombreux et souvent eordi- formes de l'émail; ils n'ont que quatre doigts en avant et trois seulement en arrière; leurs ongles sont presque des sabots; aucun n'a une véritable queue. Cet organe est représenté chez les Caviens par quelques vertèbres cachées sous la peau et dont on ne voit d'autre trace à l'extérieur qu'un simple tubercule. Leur crâne, propor- tionnellement assez grand, a un trou sous-orbitaire considérable, et leur mâchoire inférieure rappelle dans sa forme celle de plusieurs autres groupes de Rongeurs r , , . , . , . . . , " CiiaM' ut Comiox n'ixnr, 3/1 de prnnrt . presque tous propres a 1 Amérique méridionale. Les Caviens sont des Animaux marcheurs qui courent avec facilité et dont le Cochon d'Inde peut nous donner un exemple. C'est parmi eux que se place le Cabiai. Tous sont herbivores et leur intestin est pourvu d'un cœcuni fort étendu. On divise les Caviens en plusieurs genres sous les noms de grand Cabiai (Ilydrocliœrus) , Dolichotis (Dolicholis ou Marri), Cobaye (Cavia ou Anœma) et Kerodon. Le premier de ces genres est souvent considéré comme formant une tribu à part sous le nom d'Hydrochériens, autant à cause de la forme particulière de ses dents que du caractère semi-palmé de ses ex- trémités. Tous les Caviens sont particuliers à l'Amérique méridionale, et c'est de cette partie du monde que nous est venue l'espèce domestique à laquelle on donne assez généralement le nom de Cochon d'Inde. C'est aussi dans l'Amérique que l'on a recueilli les seuls débris authentiques de Caviens fossiles que l'on possède encore. ( i E N lus II YD R 0 G II È R E (Hydrochœrus, Rrisson) . Tète forte ; oreilles arrondies, largement ouvertes; yeux grands; lèvre supérieure fendue; poils peu abondants, assez roides; point de ([iieue; membres assez longs, pourvus de quatre doigts en avant et de trois en arrière. Si Ton ajoute à ces caractères que les Cabiais ont la dentition qui caractérise les mammifères Rongeurs et que, par conséquent, ils n'ont point de canines et seulement une paire d'incisives à chaque mâchoire, on s'étonnera que les auteurs qui ont écrit sur eux antérieurement à Rrisson aient fait de ces Animaux une espèce de Cochon, et que Linné lui-même les aient appelés pendant longtemps Sas hydrochœras. Ruffon, qui a parlé du Cabiai après Rrisson, Ta ('gaiement éloigné des ongulés , auxquels Linné et presque tous les auteurs l'avaient jusqu'a- lors associé; à cet égard, Ruffon s'exprime de la manière suivante : a Ce n'est point un Cochon comme l'ont prétendu les naturalistes et les voyageurs; il ne lui ressemble même que par quelques petits rapports et en diffère par de grands caractères. » On peut ajouter aujourd'hui que toutes les observations auxquelles ce prétendu Cochon d'eau a donné lieu démontrent qu'il n'appartient pas plus que le Cochon d'Inde au genre qui a pour types le Cochon domestique et le Sanglier. Ray, à qui la classification des Mammifères doit tant de remarques intéressantes, avait pourtant fait du Cabiai le rorcus fluviatilis; Jonston en avait parlé sous le même nom, et Desmarchais, dans son Voyage a Caycnne , le nommait Cochon d'eau; llill , moins bien inspiré, s'il est possible, Rappelait Hippopotame sans queue , et Peu- nant Tapir h nez court (Thicknosed Tapir), L'espèce dont ces différents auteurs ont parlé et 3(8 ORDRE DES RONGEURS. dont ils avaient si mal appréciées affinités, est aujourd'hui bien connue des naturalistes; c'est le grand Cabiai. Elle est encore la seule ijue l'on connaisse dans ce genre, HvnpociiÈRE CAVYB.vnE, 1/12 de grand. Hydrochkiu: capybare (Hydrochœrus capybrtrci\ tel est le nom sous lequel on la désigne maintenant. Cet Animal devient presque aussi gros qu'une brebis de race moyenne; sa tête est volumineuse par rapport au reste de son corps; ses poils sont brun roussàtre, plus foncés en dessus qu'en dessous, peu fournis et de nature sèche; ils ne sont point soutenus par une bourre. L'ostéologiede cet Animal donne lieu à plu- sieurs remarques intéres- santes et son crâne en particulier est fort cu- rieux à étudier. Ses dents ne sont pas moins carac- téristiques : les incisives supérieures ont un sillon longitudinal ; les molaires ont plus de lamelles que celles des autres Gavions; celles des trois premières supérieures sont à peu près en forme de doubles cœurs non réunis, à bases situées en dehors ; la quatrième dent est seule aussi longue que celles-ci et elle pré- sente une dizaine d'ellipses irrésulières , séparées les Dents molaires de l'U\ dbocuere, grand, mit. ilR°u ' L FAMILLE DES il Y STRIC1DES. 319 unes dos autres par de la matière corticale; sa première lamelle est eordiforme; la qua- trième molaire inférieure est bien moins longue que celle d'en haut et elle égale à peine la troisième; l'ensemble des lobes qui les composent est moins régulier et la base des cœurs y est quelquefois tournée du côté externe des mâchoires comme aux dents supérieures. Le Cabiai vit dans les pays oii il y a de l'eau et il s'éloigne peu des lacs ou des rivières ; c'est en s'y jetant qu'il échappe à ses ennemis et il y va aussi pour chercher une partie des herbes qui servent à sa nourriture. C'est également auprès des eaux qu'il creuse sa demeure. Il est pacifique et sert de proie aux grands carnivores, particulièrement aux Jaguars. Sa femelle a huit paires de mamelles et, suivant Azara, elle fait de quatre à huit petits; d'autres auteurs disent un ou deux seulement. Les jeunes s'apprivoisent sans aucun soin et ils n'ont aucune mauvaise disposition; les adultes mêmes ne sont pas dangereux, aussi peut-on laisser libres tous ceux que l'on attrape. La chair de ces Animaux passe pour un bon riianger. Le Cabiai détruit les melons et les citrouilles, s'il en trouve à sa portée. Lorsqu'on l'effraye, il pousse, suivant Azara, un son élevé et plein qui dit : A , pë , et qu'il n'emploie dans aucune autre circonstance, puis il se jette à l'eau, oii il nage facilement, ne laissant dehors autre chose ({lie ses narines ou les parties environnantes ; mais si le péril est plus grand ou s'il est blessé, il plonge et va sortir plus loin, parce qu'il ne peut demeurer sous l'eau sans reprendre haleine de temps en temps. Il fait parfois des traversées assez longues pour chercher d'autres eaux; mais chaque famille conserve pendant un certain temps le même repaire que Ton re- connaît aux tas d'excréments en pelottes allongées qui l'avoisinent. Les Cabiais habitent une grande partie de l'Amérique méridionale, depuis le fleuve des Amazones jusqu'à la Plata ; il y eu a aussi dans le Pérou, mais point dans le Chili. On en amène quelquefois dans nos ménageries. Ce sont des Animaux assez tristes, en apparence peu intelligents et dont le cerveau a cependant montré des traces manifestes de circonvo- lutions. Les voyageurs en parlent sous les noms de Capivard, Caprygona, Cabiai, Cochon d'eau, etc.. Ces gros Rongeurs ne sont pas très-rares dans les environs de Cayemie et dans d'autres parties de la Guyane. (Iemie DOLÏCHOÏIS (DoHchotis, Desm.). Dans une note de son excellent traité de Mani- malogie, Desmarest, après avoir reproduit ce qu'il avait lui-même écrit en 1829, au sujet d'un Mammifère du Paraguay déjà signalé par Azara, propose d'en faire un genre à part, si sou système dentaire se montre, lorsqu'on le connaîtra suffisamment, différent de celui des Agoutis. Dans le cas oii la nécessité de ce nouveau genre serait reconnu, il propose de le désigner par le nom de DoHchotis. L'Animal qui a donné lieu à cette distinction générique, pour ainsi dire conditionnelle, habite l'Amérique méridionale et il est très-commun dans certains endroits de la Patagonie. Azara en avait parlé comme d'un Lièvre et il est aussi léger à la course que les espèces de ce genre, mais ses jambes sont plus élevées, ses oreilles sont moins grandes et il n'a point de queue. Ce prétendu Lièvre pampa ou patagonien ressemble bien davantage aux Caviens, principalement aux Kérodons, et le naturaliste anglais Pennant avait mieux jugé de ses affinités en le nommant Patagonian Cavy , c'est-à-dire Cabiai de Patagonie. En effet , il ressemble beaucoup plus aux Cabiais qu'aux Lièvres ou même aux Agoutis , et lors- qu'on a pu étudier ses dents, on a vu qu'elles approchaient beaucoup par la forme de celles des Cochons d'Inde et des Kérodons. Elles ont, comme celles de ces Animaux, des lobes do l'émail cordiformes, deux à cha- cune, et ces lobes sont réunis près de leur base, qui est externe à la mâchoire supérieure et au contraire interne à l'inférieur. La première figure eordiforme des dents inférieures est irrégulière, et la dernière de celles de la mâchoire supérieure est doublée par une portion nouvelle de forme subcirculaire. Le crâne des Dolichotis n'est pas moins allongé dans sa partie faciale que celui du Kérodon, et c'est de lui qu'il se rapproche le plus par sa forme générale. Les pieds du même Cavieu ont quatre doigts en avant et trois en arrière; les oreilles sont 320 ORDRE DES RONGEURS. plus longues que celles des autres espèces, un peu en cornet, mais cependant inférieures en dimensions à celles des Lièvres et des Lapins. M. Lesson a remplacé le nom de Dolichotis, que Desmarest avait proposé pour ce genre, par celui de Mara [Centurie zoologique). 11 n'y a qu'une espèce connue : Dolichotis pat agoni en (Dolichotis patagonica) . Presque double du Lièvre en dimen- sion; pelage doux, roux, brun sur le dos, passant au fauve sur les cotés, au gris sur le sacrum et les cuisses et au roux à la tète; croupion noir; fesses blanches; membres lavés de fauve et do gris. Dolichotis de P a t v g o ni e , I , V de gnm.l . Les mours de ce joli Animal ont été observées par Azara et par M. Darwin. Voici en quels termes Azara en parle : « Jl n'existe point au Paraguay, mais j'en ai vu et pris beau- coup entre le 3ie et le 35e degré de latitude méridionale, dans les Pampas, au sud de Buenos- \yres, et le domicile de cet Animal s'étend sur toute la terre des Patagons. On rap- pelle Lièvre, mais il est plus charnu, plus grand que celui d'Espagne et très-différent même par le goût de sa chair. On trouve presque toujours deux Lièvres pampas réunis, un maie et une femelle, qui courent ensemble avec beaucoup de vélocité, mais ils ne tardent pas à se fatiguer, et un chasseur à cheval bien monté les prend en les enlaçant ou eu leur don- nant un coup avec les boules. J'ai entendu la nuit la voix élevée, incommode et assez aigre de cet Animal, qui dit: 0, o, o, y, et quand on le prend il crie de même. Les Indiens non soumis mangent sa chair blanche et nos journaliers aussi; mais ils la trouvent très-inférieure à celle du Tatou velu, du Tatou Mulet, du Tatou Pichiy et du Tatou Mataco. Quelques per- sonnes m'ont dit que ce Lièvre mettait bas dans les viscachères, et qu'étant poursuivi il s'y réfugiait; mais en ayant chassé beaucoup, j'ai vu qu'aucun d'eux ne s'était fié, pour son salut, à autre chose qu'à sa légèreté, quoiqu'il eût la ressource de plusieurs viseachère*. Je ne les ai jamais trouvés dans leur gîte que couchés à la manière des Cerfs; et, comme ceux- ci, ils courent à d'assez grandes distances. Pris petits, ces Lièvres pampas s'apprivoisent beaucoup, se laissent gratter, reçoivent le pain de la main, mangent de tout, sortent libre- ment de la maison et y reviennent de même.,. Tels sont les Lièvres que Buffon dit qu'on a V VMILLE DES ïf YSTRI CI DES. 321 vers le détroit de Magellan, mais ils sont très -différents du Lièvre d'Europe, auquel il les compare, parce que, outre ee que j'en ai dit, les Lièvres patagons vont par pas et non par sauts lorsqu'ils ne courent point. » Ces Animaux n'ont pas les membres aussi dispropor- tionnés que les Lièvres, quoiqu'ils aient le corps assez élevé, et, sous ce rapport, ils res- semblent davantage aux Agoutis. Azara nous apprend que la variété de leurs couleurs et la souplesse assez grande de leur poil les fait rechercher comme pelleterie, et qu'on en fait des tapis très-agréables à l'œil et qui sont fort estimés. Genre KÉBODON {Kerodon, F. Cuvier). Forme générale du Cochon d'Inde, mais avec un peu plus de légèreté dans la taille. Les molaires ont aussi une grande analogie avec celles de cet Animal et avec celles du Cobaye austral; leur couronne est en double cœur irrégulier dont les deux bases sont reliées Puric avec l'autre, supérieurement au bord interne de la rangée dentaire et inférieurcment au bord externe; la barre est plus grande que dans les Cobayes, mais les incisives inférieures sont également pointues à leur extrémité et les supérieures élar- gies; les pieds de devant ont quatre doigts et ceux de derrière trois; la queue est réduite à un simple tubercule; le pelage est lisse et doux. Kerodon moco {Kerodon rupestris , F. Cuv. , ou Kerodon scmreus , Is. Geoffroy). II est gris varié de brun et de fauve en dessus, blanchâtre au contraire en dessous; sa taille est un peu supérieure à celle des Cochons d'Inde et ses formes sont moins lourdes. On le ren- contre au Brésil, principalement sur les rochers qui sont situés à peu de distance des cours d'eau. jk l'un w on m o c o , i /3 do grand . Plusieurs auteurs regardent le Cobaye austral comme une seconde espèce de Kerodon, et M. (iray le donne comme étant identique avec le Kerodon Kingii. Genue COBAYE (Cavia). Le nom générique de Cavia, proposé en 1750 par le natura- liste Klein, a d'abord été étendu à toutes l<"s espèces qui composent la tribu des Caviens, ire partit-, 41 322 ORDRF DUS RONGKIRS. ot, de plus, aux Agoutis et aux Paeas. Pallus regardait même le Daman comme un Caria ; mais lorsqu'on a repris en détail l'étude des Rongeurs, les genres admis jusque vers le premier quart du siècle actuel sont devenus des familles, et leurs démembrements ont même été parfois rapportés à des groupes différents. Ainsi, pour ne parler que des Caria, l'on a fait un genre pour le grand Gainai, un autre pour le Cochon d'Inde, un troisième pour l'Agouti, un quatrième pour le Paca, etc., et, dans presque tous ces genres, on a pu dis- tinguer plusieurs espèces. C'est également par suite de cette révision que les Agoutis et les Pacas ont été éloignés du grand Cabiai et du Cochon d'Inde et placés dans une tribu différente. Chacune des divisions nouvelles a reçu un nom nouveau, quelquefois même plusieurs, et, dans l'impossibilité de prendre l'ancien nom générique sous une acception différente de celle qu'il avait d'abord, on a également négligé de se servir du mot Caria. F. Cuvier a fait du Cochon dTnde le genre Anœma. Cependant ce nom n'a pas prévalu, et la plupart des auteurs actuels remploient dans le même sens du mot Caria. Nous lui conserve- rons aussi cette signification. Malheureusement h4 nom français Cabiai, qui est, pour ainsi dire, la traduction de celui de Caria, est parfois donné au grand Cabiai-, dont le genre s'ap- pelle en latin Ifydrochœrus. Le genre Caria, réduit aux seuls Anama de F. Cuvier, comprend plusieurs espèces, et parmi elles le Cochon d'Inde. Toutes ont à peu près la taille de ce dernier, et, à part la cou- leur, presque tous ses caractères extérieurs. Ce sont des Animaux à grosse» tête, à poils durs et peu serrés, ayant quatre doigts aux pieds antérieurs et trois seulement aux postérieurs. Leur queue ne se montre que sous la forme d'un petit tubercule; leurs narines ne sont point entourées par un mufle; l'œil est de moyenne grandeur; les oreilles sont courtes, étalées et arrondies à leur contour. Ce sont des Animaux sans intelligence, qui vivent par petites sociétés, et que l'on trouve de préférence dans toutes les régions sableuses, bien exposées. Il y en a depuis le Mexique jus- qu'en Patagonie. Celle de leurs espèces qui diffère le plus du Cochon d'Inde est le Cobaye austral. Cette différence» se remarque surtout dans la forme de sa tête et dans celle l)i nts ur Cochon d'Imie. 2r.m1L nut. l (Je ses dents molaires. Cependant on peut dire que tous les Cobayes ont quatre paires de molaires à chaque mâchoire, et que ces dents sont irréguliè- rement on doubles cceurs inégaux . disposés d'une manière inverse pour l'une et l'autre mâchoire. La figure en est un peu différente de celle des Kérodons et des Dolichotis. Les incisives supérieures n'ont pas do rainure verticale comme cela se voit dans l'Ilydrochèro. Nous commencerons par l'espèce la plus rapprochée des Kérodons. C'est le Cobaye austral (Caria avstralis, Is. Geoffroy et d'Orb.). Il a les molaires eu doubles cceurs assez irréguliers, mais la barre est déjà moins longue que celle des Kérodons. Ses poils sont, eu grande partie, anuelés de gris, de jaune1 et de noir, d'où résulte une teinte générale grisâtre; en dessous, la couleur passe au blanc. Cet Animal est long de 0,22 ; il habite les régions les plus australes de l'Amérique méridionale, et ne s'avance guère vers l'équateur au delà du 40e degré. On le trouve communément sur les bords du Rio-Négro et dans le voisinage4 des rivières situées plus au sud. Il se creuse des terriers profonds sur les coteaux sablonneux et couverts de buissons, principalement à une petite distance des lieux habités. Ces Cobayes vivent par familles, s'éloignent peu de leur retraite et sortent le soir ou pendant la nuit. Ce sont des Animaux assez vifs, doux et craintifs; ils n'ont que deux petits à chaque portée. Les Indiens puelches les appellent Sahal , les Patagons Tireguin, et les Espagnols Tucu-Tucu. Dans la partie mammalogique du Voyage en Amérique, M. d'Orbigny et moi, nous avons donné de nouveaux détails sur le Cobaye austral. M. Cray, qui donne cette espèce comme identique avec le Kerodon Kincjïï de Bonnott, lui conserve ce dernier nom. FAMILLE DES 1H SÏR1C1DÉS. 323 Le Cob.w e de Cutler (Cavia Culleri , King) a le pelage noir, un peu lustré de brun; son corps a 0,25. Ou le suppose du Pérou. Le Cobaye a dents jauges (Cavia flavidcns, Brandi) a les dents incisives colorées en jaune, tandis que les précédents les ont blanches. Son pelage est brun jaunâtre, mêlé de mm pale sur le dos ; le dessus de sa tête et une bande oculaire sont de couleur noirâtre corps est long de 0,23 ; on le trouve au Brésil. M. d'Orbigny l'a aussi rapporté des mon- tagnes de la Bolivie, qu'il habite entre trois mille et quatre mille cinq cents mètres au-dessus du niveau de la mer. Le Cobaye de Spix (Cavia Spixii , Wagler) est du Brésil. Jl a les poils gris noirâtres sur le dos, mêlés de blanchâtre et de brun fauve; une tache blanche existe sur ses yeux et derrière ses oreilles ; le dessous de son corps est de la même couleur. C'est un Animal du Mexique , ainsi que le C o b a y e brilla n t ( Cavia fulgida ) du même auteur. Le Cobaye aperea (Cavia aperça des auteurs), dont la prince de Neu-Vied sépare deux espèces également brésiliennes sous les noms de Cavia rufescens et saxatilis, est l'espèce sauvage la plus anciennement connue. Son pelage est gris roussàtre en dessus et blanchâtre en dessous; sa taille est un peu moindre que celle du Cochon d'Inde, mais son crâne est fort semblable a celui de ce dernier; ce qui vient à l'appui de l'opinion assez géné- ralement admise que ces deux sortes d'Animaux ne constituent qu'une seule et même espèce. Il vit au Brésil et à la Guyane. Au rapport d'Azara, il est également commun au Paraguay. Il se cache parmi les chardons ou les pailles les plus hautes dans les plaines, les enclos et les buissons. 11 ne creuse point de terrier et ne sait point profiter de ceux qu'ont abandonnés les autres Animaux. 11 vit d'herbages, a des habitudes nocturnes, et son caractère est st li- pide, mais nullement sauvage. Chacune de ses portées n'est que d'un ou deux petits, et il n'en fait qu'une seule par an. Comme il n'est pas entièrement démontré que l'Apéréa soit la souche du Cobaye domestique, nous consacrerons a celui-ci un article à part. ;,. [■■,(„ 'Agi ;;|'V //•;; i ;|';i: '"'îo^^-^jafe'' ^MmMm^M^ïMmS Cochons h'Inde, \j\ rt^ grand. 324 ORDRE DES ROMiEURS. C'est lu Cochon d'Inde ou le Porquel de mer des habitants du midi. Jolmston en a parlé sous le nom de Porcclhis indiens , et Brisson sous celui de Cuniculus indiens. Linné l'appelle Mus porcellus et Mus brasiliensis. C'est aussi le Guinea-Pig dos Anglais et le Ferkel- Maus des Allemands. Quelquefois on le désigne aussi par le mot Couis ou Coui-Coui, qui n'est e la reproduction du cri qu'il fait entendre le plus habituellement. La coloration des Cochons d'Inde est toujours par grandes plaques irrégulières noires et jaunes sur un fond blanc. Elle est bien différente de celle des Apéréa et des autres Cobayes non domestiques. C'est le résultat d'une altération, et on ne peut l'attribuer qu'à la domes- ticité; elle reproduit à la fois les trois principales modifications dont la coloration des Mam- mifères est susceptible : le blanc ou albinisme, le noir ou mélanisme, et le roux ou érythisme. Il est probable que les Cochons d'Inde ont subi depuis longtemps cette modifi- cation qui les rend en apparence si différents des autres Cobayes, et on les trouve déjà décrits avec ces caractères dans les premiers naturalistes qui ont parlé des Animaux de l'Amérique. « Nous voyons, par les écrits d'Aldrovande, dit F. Cuvier, que déjà, vers le milieu du xvie siècle, c'est-à-dire un demi siècle après la découverte du \ouveau-Monde, le Cochon d'Inde avait les couleurs blanche, rousse et noire que nous lui voyons aujourd'hui. Alors donc il avait déjà éprouvé toutes les modifications dont il est susceptible, car depuis deux siècles et demi il n'en a point éprouvé d'autres. » Des tapisseries et des peintures qui datent de François Ier représentent les Cochons d'Inde avec les caractères qu'ils nous mon- trent actuellement. Un autre fait témoigne encore mieux de raneienneté du cet asservissement du Cobaye à l'espèce humaine, c'est le nombre de ses petits, bien plus considérable à chaque portée que chez les Cobayes sauvages. Certains individus ont le poil entièrement blanc et leurs yeux sont rouges. Quoique les femelles n'aient que deux mamelles, elles mettent bas, à chaque portée, cinq ou six petits et mémo jusqu'à dix et onze. A la première portée, elles n'en ont habi- tuellement que deux, ce qui est aussi le nombre pour les espèces sauvages. Leur gestation, qu'on a quelquefois évaluée à un mois seulement, est réellement plus longue. Des observa- tions bien faites portent à soixante-six jours environ le temps qui lui est nécessaire ; il est vrai que les petits Cobayes, lorsqu'ils viennent au monde , ont déjà assez de force pour suivre leur mère ; ils sont velus comme les adultes, ont les yeux ouverts, mangent aussi souvent qu'ils tettent, et ne diffèrent en apparence des adultes que par une moindre dimension. Leurs dents sont même parfaitement développées, et les observations do M. Emmanuel Rousseau ont montré que celles de la dentition de lait sont déjà tombées et que les persistantes se sont montrées avant la naissance. Celles de lait, qui tombent pendant la vie intra-utérine, sont, d'après ce naturaliste, au nombre total de huit, savoir : quatre incisives et quatre molaires. (Voyez p% 270 , pour la figure,) Aussitôt après avoir mis bas, les femelles des Cochons d'Inde peuvent recevoir le niàle, et les jeunes de ces \niniaux sont aptes à la reproduction dès qu'ils ont atteint cinq ou six semaines. L'extrême ardeur des mâles, l'état de polygamie dans lequel on les tient habituel- lement, et le grand nombre de petits que les femelles adultes fout à chaque portée , rendent leur multiplication très-rapide ; aussi Ruffon a-t-il écrit i\xfavcc un seul couple on pourrait en avoir un millier dans vn on : mais il y a bien là quelque exagération. Les Cochons d'Inde sont des Animaux essentiellement instinctifs; aucun signe ne révèle chez eux cette apparence d'intelligence dont plusieurs autres Rongeurs donnent cependant quelques preuves. Manger, engendrer et dormir, ce sont leurs seuls besoins , et les actes par lesquels ils satisfont aux deux premiers tendent à les faire placer encore au-dessous des autres Animaux du même ordre. La fréquence de leur sommeil , l'insignifiante activité de leur veille seraient encore des signes d'infériorité, si l'étude des espèces sauvages du même genre ne nous montrait dans les Cobayes des Animaux crépusculaires ou nocturnes, et que le grand jour incommode jusqu'à un certain point. De même que leur* congénères sauvages, le-. FAMILLE DES 11 \ ST1UC1DES. 325 Cochons d'Inde se réunissent on société, et, dans la marche, ils se suivent à la file, trottant l'un à la suite de l'autre derrière le chef do leur petite colonne, en passant par tous les endroits oîi il a passé et en opérant tous les détours qu'il lui a plu d'exécuter. C'est mémo un exer- cice assez amusant à observer que la marche de ces petits Mammifères, et il est facile de s'en donner le spectacle en laissant pendant quelques instants circuler dans un endroit clos une demi-douzaine de ces Animaux. La sécrétion de leurs poches anales est sans doute ce qui les guide dans ces promenades. Ils ont un petit grognement pour exprimer leur contentement et dans les occasions ordi- naires un cri assez aigu que rendent assez bien les mots Coui-coui ou cousi-cumi. Origi- naires des parties les plus chaudes de l'Amérique, ces Animaux n'ont le pelage ni assez fin ni assez fourni , aussi souffrent-ils de la rigueur de nos hivers; l'humidité leur est également défavorable. On doit donc les soustraire à ces deux causes de destruction, qu'ils ne savent même pas éviter en se creusant des terriers. C'est ce qui empêche de les tenir en liberté dans des parcs oii ils acquerraient sans doute le fumet qui leur manque. D'ailleurs ils échapperaient encore plus difficilement que les Lapins aux Fouines, aux Chats et aux autres Carnassiers. Leur chair est en général aussi fade que celle des Lapins clapiers, et leur petite taille, qui rap- pelle celle des Rats, (311 fait un manger assez peu appétissant. En compensation, ils ne sont pas difficiles sur le choix de la nourriture, car ils se contentent volontiers d'herbes, de feuilles de choux ou d'autres substances abondantes en principes aqueux, et comme ils peuvent aisément se passer de boire, on a cru qu'ils ne buvaient jamais. Ils aiment aussi les feuilles des arbres, l'écorce des jeunes branches, les croûtes de pain, etc., et dans les appartements ou on les tient quelquefois, ils se rendent incommodes par l'habitude qu'ils ont de ronger les pieds des meubles, lorsque le bois n'en est pas très-dur. On leur attribue souvent la propriété de chasser les liais et les Souris par leur odeur. L'estomac de ces Animaux est considérable; leur intestin mêle mesure à peu près deux mètres de long et leur gros intestin 0,32; leur cœcum est, comme celui de beaucoup d'autres Rongeurs, d'une ampleur remarquable; sa longueur égale 0,1 1 et sa largeur est presque aussi considérable. On voit de chaque côté de leur anus une glande petite qui laisse suinter la substance qui donne à leurs déjections une odeur assez désagréable. Les organes de la reproduction et le squelette des mêmes Animaux présentent plu- sieurs autres particularités intéressantes pour les anatomistes, et qui peuvent donner une idée exacte des principaux caractères que les autres Gavions présentent sous ce rapport. Les prétendus Cochons d'Inde fossiles que Ton a signalés (311 Europe ne méritent pas ce nom. Ceux de la Limagne sont des Pédétiens (Voy. plus bas), et ceux d'OEningen, en Suisse, des Animaux très-voisins des Lagomys et qu'on n'a pas encore pu séparer génériquement de ces derniers. On ne connaît donc dans l'ancien continent aucun Animal, ni vivant ni fossile, que l'on doive attribuer à la tribu des Gavions : le Cochon d'Inde ne fait point exception à cette règle de répartition géographique, puisqu'il est lui-même originaire de l'Amérique méridionale et que l'Homme seul est la cause de sa présence actuelle en Europe et dan> d'autres parties de l'ancien continent. TRIBU des CELOGENYENS Les Pacas forment le seul genre de cette tribu. Ce sont des Animaux assez bas sur jambes, ayant quatre doigts en avant et cinq eu arrière, oii le pouce est rudimentaire. Leurs ongles sont comparables à de petits sabots; leur tête est grosse, et sous leur arcade zygomatique , qui est renflée et conchoïde, se replie une poche cutanée dont l'usage est resté tout à fait inconnu; ils ont les yeux et les oreilles peu différents de ceux des Agoutis et dos Porcs-Épics; leur queue est réduite à un simple tubercule; enfin leurs denb molaires 326 OBDBE DES BOMiEIBS. ont des racines distinctes, et, lorsque l'usure les a entamées, leur couronne paraît formée» d'un cercle d'émail entourant l'ivoire dans lequel rentrent des replis de l'émail ainsi que quelques ellipses et des petits cercles de cette dernière substance. Les Pacas ont été souvent réunis aux Caviens, mais la nature de leurs dents et quelques autres caractères les ont fait rapprocher des Hystricidés, Ce sont, comme les Agoutis ot les Caviens , des Animaux exclusivement américains. GENRE PACA (Cœlogonys, F. Cuvier). On peut ajouter quelques caractères à ceux que nous venons d'énumérer, tels sont l'absence de sillons sur les incisives; la grosseur égale (\e<< quatre paires de molaires supérieures et inférieures, et l'existence de deux paires de mamelles, l'une pectorale située a la partie antérieure de l'aisselle, l'autre à la région pubienne. La poche que ces Animaux ont sur chaque joue est fort singulière; c'est une rentrée dénudée et submuqueuse de la peau qui se loge sous la grande expansion de l'arcade zygomatique existant toujours au crâne des Pacas. Cette expansion osseuse, que l'on ne retrouve dans aucun autre genre d'Animaux, est formée par l'os zygomatique, et surtout par la branche zygomatique du maxillaire. Celle-ci est rugueuse et réticulée à sa surface convexe ou extérieure, et la même apparence se retrouve sur l'os zygomatique et même sur les os frontaux ; en avant de cette espèce d'abajoue osseuse est la grande perforation sous-orbitaire dont les deux portions, l'une propre au muscle et l'autre au nerf, sont bien distinctes; la cavité qui reçoit le repli cutané est lisse, uniquement creusée dans la partie maxillaire de l'arcade zygo- matique, et elle forme une espèce de caverne, ayant son ouverture large et inférieure, dont la longueur peut avoir cinq centimètres et la plus grande largeur trois; son bord externe qui est le plus long est un peu épaissi; son bord interne est le plus court et il est fourni de chaque côté par la portion palatine du maxillaire, qui est située en avant des molaires et qui se relève en forme de crête longitu- dinale; son bord postérieur va obliquement de la base antérieure de la première molaire à la suture maxillo-zygomatique ; en avant, cette cavité osseuse est limitée par une ligne, plus étroite; c'est celle de la jonction du maxillaire avec la face inférieure i\o^ incisifs. Cette dispo- position anatomique est véritablement fort curieuse. F. Cuvier a essayé de démontrer qu'on avait confondu sous le même nom de Paca (Cutti- culus Paca, Brisson; Mus Paca, Linné) deux espères bien distinctes, mais que leurs couleurs permettent de distinguer aisément; cependant aucune différence anatomique n'est venue con- firmer cette séparation, et 1(5 crâne de ces deux sortes de Pacas semble être conformé de la même manière. La même partie du squelette étudiée sur un exemplaire rapporté de Colombie par M. Boulin indique au contraire une espèce très-distincte, mais que nous ne pouvons encore signaler que par son crâne. Celui que nous avons étudié dans la collection du Muséum est plus étroit que le crâne des Pacas brun et fauve; son abajoue osseuse est également moins grande, moins étendue dans sa partie descendante et bien moins rugueuse à sa surface. Nous indiquerons provisoirement cette espèce sous le nom de Pac\ pkksque lisse, Cœlo- genys sublœvis. Le Paca brin (Cœlogcwjs subniger , F. Cuv. ) est d'un brun chocolat sur le corps et la face externe des membres; il a sur les flancs des taches arrondies, blanchâtres, formant trois ou quatre séries assez régulières de chaque coté; 1(3 dessous du corps est blanc légère- ment jaunâtre. On trouve ce Paca au Brésil et à la Guyane, il est long de quatre ou cinq décimètres et haut de trois environ. Le Paca fauvk (Cœlogcnys fu! vu*. F. Cuv.) a le fond du pelage fauve, mais d'ailleurs i.ii^l i) i l* a t \ D H i' n . 'i,'Ô do pr.md FWfTLLK T)ES HYST1UCFDKS. 327 la même apparence, les mêmes taches et la même taille que le précèdent. F. Cavier et Des- marest disent ([ue son front et ses abajoues osseuses sont plus lavées et plus rugueuses que dans le précédent; cette différence ne m'a pas paru aussi sensible qu'ils le disent, et ces deux Pacas diffèrent moins entre eux que du Cœlogenys sublœvis. Ces Animaux vivent dans les lieux secs, se creusent des terriers et mangent des substances végétales; ils sont doux et assez lents. Ceux que l'on tient en captivité ne refusent pas la viande. V \i \ r it r v . t» f C u r \ v f , I /fi i\o crawl . Les Pacas montrent plusieurs particularités anatomiques assez intéressantes; l'organe maie de ces Animaux est surtout singulier par les armatures dont il est pourvu et leur intestin est assez, considérable. Dans un Paca brun que j'ai eu l'occasion de disséquer, je l'ai trouvé long de près de six mètres (5,85) pour la partie grêle, et de plus de trois mètres (3,20) pour le gros intestin; le cœcitin est considérable et long de 0,35. Le genre Osteopkka de M. Tfarlan ne repose que sur l'examen (Tune tète osseuse de Paca, recueillie dans le sud des États-Unis, auprès de Delaware. L'absence de documents relatifs à ce crâne n'a pas permis phnlu i: S RO\(iEURS. Porcs-Épics ordinaires et ses cornets olfactifs ne sont pas aussi «''tondus que les siens; d'autre* part, ces Animaux diffèrent des Paras, auxquels on les associe le plus souvent, par l'absence du repli cutané et des abajoues osseuses qui caractérisent ces derniers. Ce sont des Animaux assez élevés sur jambes, ayant cinq doigts en avant et trois seulement en arrière; leur tète est assez allongée; leurs oreilles sont largement ouvertes; leur train de derrière est plus fort que celui de devant et la queue tout à fait rudimentaire. Ils ont quelque ressemblance exté- rieure avec les Chevrotains, mais la forme de leurs oreilles et leurs incisives de Rongeurs t'ont bientôt reconnaître leurs véritables affinités. I/O .!«• çr.-in.l Ce sont de jolis Vnimaux, légers à la course et qui se nourrissent de substances végétales, telles que des herbes, des fruits, etc.; ce qui les fait redouter des cultivateurs. Us savent, comme les Écureuils, se servir de leurs pattes antérieures pour porter la nourriture à leur bouche. Leurs poils sont d'une seule sorte, couchés, assez luisants, forts et do nature cas- sante; ceux des lombes sont plus longs que ceux du reste du corps. fies Agoutis ne constituent qu'un seul genre dont les espèces, plus nombreuses qu'on ne Pavait cru d'abord, habitent I' Ymérique méridionale et les parties de l'Amé- rique septentrionale, qui s'en rapprochent le plus. Us vivent par troupes , établissent leurs terriers au pied des arbres. On les chasse pour leur chair, qui est un bon mander, et ils sont très-faciles à rendre domesti- ques; cependant ils sont gênants par l'habitude qu'ils ont de tout ronger et ils ont le caractère colère; si on les irrite on voit, dit-on, leur poil tomber comme celui des Cerfs ou comme les piquants des Porcs-Epics et des Hérissons. Les femelles font de trois à six petits. Leur taille est. comparable à celle des Lièvres et des Lapins, mais ils sont plus élevés sur jambes et leurs formes sont plus dégagées, •>ï ,W -ri FAMILLK DES IIYSTMCÏDÉS. 329 Genre AGOUTI (Dasyprocta, Uliger). Les molaires sont arrondies, soutenues à la cou- ronne par des replis, des ellipses ou des cercles d'ivoire qui leur donnent assez de ressem- blance avec celles des Pacas, des Porcs-Épics, des Acanthions et des Athérures; les poils sont annelés et le plus souvent variés de fauve et de verdàtro, ce qui a fait appeler les Agoutis Chloromys, c'est-à-dire Rats verts, par F. Cuvier. Ces Animaux sont plus connus sous les noms ^Agouti et d'Acouchi. L'agouti acouciii (Dasyprocta acuschy) ou YAcoucliy de Buffon paraît être le Mus lepo- rlnus de Linné. Son pelage est brun piqueté de fauve; sa croupe est noirâtre et son ventre roux; il n'a point de crête derrière la tête. On le trouve dans la Guyane; il paraît également originaire de plusieurs des Antilles. L'Agouti huppé (Dasyprocta cristata) décrit par Des- marest, d'après G. Cuvier, a le pelage noirâtre piqueté de roux; les poils de son occiput sont allongés en manière de crête; son ventre est brun. On le rencontre dans la Guyane, i»t en particulier aux environs de Surinam. L'Agouti a c u t i (Dasyprocta acull) est brun piqueté de jaune ou de roussâtre; sa croupe est rousse. U vit à la Guyane w-,ï,t, „,.«, - •,/ , ■' 7 ' " a coi ti m n» u , J/l de grand. et au Brésil. Wagler a décrit deux autres espèces d'Agoutis sous les noms de Dasyprocta fulighiosa et de Dasyprocta prymnolopha. M. Gray fait remarquer que le premier est peut-être le même que celui qu'il a nommé de son côté Dasyprocta ni gra, et il ajoute encore deux autres espèces sous les noms de Dasyprocta punctata et Dasyprocta albida ; elles appartiennent à l'Amérique méridionale comme celles que l'on connaissait déjà. Il y a dans les collections anatomiques du Muséum de Paris un crâne d'Agouti plus long que les autres et qui est peut-être d'une espèce encore différente; sa dimension indique un Animal plus grand et sa forme paraît plus allongée. Il a été envoyé de la Caroline du Sud par M. Lherminier. F. Cuvier lui avait imposé le nom de Chloromys caroliniensis. D'autre part le Mexique nourrit des Agoutis, mais je ne puis dire s'ils sont ou non semblables à celui que je viens de signaler. Cependant un Agouti qui avait été donné à la Ménagerie par M. de la Tour-Maubourg, comme provenant de cette partie de l'Amérique, m'a paru se rapprocher du Chloromys caro- liniensis. Les poils de sa tête étaient annelés de jaune ainsi que ceux du dos et des épaules; quelques-uns à l'occiput étaient entièrement noirs et un peu plus longs que ceux du garrot; ceux de la croupe plus longs encore étaient annelés de blanc. Longueur de la tête et du tronc, 0,48; hauteur au garrot, 0,21 ; aux lombes, 0,30. L'organe mâle avait, comme dans les autres espèces de ce genre, une double lame dentée en scie, et il y avait aussi auprès de l'anus deux glandes de la grosseur d'une aveline, fournissant une matière grasse, odorante et de couleur jaune chamois : la même sécrétion a lieu chez les autres Agoutis. M. Tiedemann a vu un de ces Animaux qui la lançait par jets aussitôt qu'on l'effrayait. Ce liquide était d'une teinte vert jaunâtre et il avait une odeur alliacée. MM. Nattcrer et Wagner appellent Dasyprocta nigrkans une espèce d'Agouti propre aux régions chaudes d<> l'Amérique méridionale. TRIBU des HYSTRICIENS Cette tribu comprend, non-seulement le genre Porc-Epic , mais encore ceux qu'on eu a séparés sous les dénominations d'Acanlhion et d'Athërure. GENRE PORC-KPIC (Hystrix). On a réservé ce nom à quelques espèces assez peu distinctes les unes des autres, répandues dans le midi de l'Europe et de l'Asie, ainsi qu'en ire partie. 42 330 ORDRE DES RONGEURS. Afrique ; elles ont pour caractères principaux' : le corps trapu , volumineux ; la tète grosse et plus ou moins renflée dans sa région fronto- nasale, qui est arquée et recouvre des cellules très -développées en communication avec l'appareil nasal. La queue est rudimentaire et les piquants sont longs ; ceux de la tête et du cou sont grêles , flexibles et dis- posés en crêtes ; ceux du dos très -forts et ceux de la queue moins longs et en forme de tubes, afta- rorPK n); (:uvNi. nr p^.^,,,, M ,le grmd. chés à la peau par un pédicule grêle. Plusieurs autres Animaux que Linné rangeait aussi dans le genre Porc-Épic en ont été séparés génériquement par les naturalistes à cause des caractères assez différents qu'ils pré- sentent dans la nature de leurs piquants, dans la longueur ou la conformation de la queue, et en même temps dans la forme du crâne. Les vrais Porcs-Épics sont de gros Rongeurs dont les allures sont fort singulières , et que leur physionomie rend plus bizarres encore. Ils vivent isolés, se creusent de grands terriers dans les lieux déserts, et ne sortent guère de leur retraite que pendant la nuit. Ceux des régions tempérées tombent dans une sorte d'engour- dissement pendant les moments les plus froids de l'hiver; ils cessent alors de prendre des aliments, mais ils recouvrent le mouvement et l'appétit dès que le temps est moins rigoureux. Leur régime est essentiellement végétal, et leur caractère assez calme; mais, lorsqu'on les irrite ou qu'ils sont effrayés, ils redressent les longs poils et les épines qu'ils ont sur le dos , aux lombes et à la queue; les tubes de cette dernière partie battent les uns contre les autres et produisent un bruit particulier. Les Porcs-Épics trouvent dans cette tactique un moyen sûr de se soustraire aux attaques des Animaux carnassiers ; aussi l'Homme est-il presque partout leur principal ennemi. Ces Rongeurs ont une grande finesse dans le sens de l'odorat; la physionomie étrange et la singularité de leurs téguments ont suggéré aux anciens quelques erreurs qui se sont perpétuées jusqu'à ce jour. On a dit et l'on répète quelquefois encore que les Animaux de ce genre savent se défendre contre les agressions dont ils sont l'objet en lançant sur ceux qui les inquiètent les piquants longs et aigus dont leur corps est en partie recouvert. On y voit des espèces de javelots dont ils disposeraient a leur gré; mais c'est là une pure fable que Buffon a déjà suffisamment réfutée. Ruffon rappelle à ce propos un passage extrait des Mé- moires pour servir à l'Histoire des Animaux. Les anatomistes de l'ancienne Académie des sciences, en parlant des Porcs-Épics qu'ils ont disséqués, avaient dit : ((Ceux des piquants qui étaient les plus forts et les plus courts, étaient aisés à arracher de la peau, n'y étant pas attachés fermement comme les autres; aussi ce sont eux que ces Animaux ont accoutumé de lancer contre les chasseurs, en secouant leur peau, comme font les Chiens lorsqu'ils sortent de l'eau. Claudion dit également que le Porc-Épic est lui-même l'arc, le carquois et la flèche, dont il se sert contre les chasseurs. » Ruffon ajoute avec beaucoup de sens : a La fable est du domaine des poètes, et il n'y a pas de reproche à faire à Claudien; mais les anatomistes de l'Académie ont eu tort d'adopter cette fable, apparemment pour citer Claudien; car on voit par leur propre exposé que le Porc-Épic ne lance point ses piquants , et que seulement ils tombent lorsque l'Animal se secoue. » Cependant les Porcs-Épics ne se bornent pas toujours à une défense passive, et lorsqu'ils se sentent pressés de trop près, ils s'élancent avec impé- tuosité contre leurs agresseurs , en se dirigeant toujours de côté , de manière à opposer les piquants les plus forts et les plus acérés et à s'en faire une arme offensive; tout à fait redou- table. Ils peuvent encore se défendre au moyen des fortes incisives tranchantes dont leurs mâchoires sont garnies. Les Pors-Épics aiment le.^ fruits, mais il est faux que lorsqu'ils en ont une grande quantité à leur portée, ils se roulent au milieu d'eux pour ou fixer le plus qu'ils peuvent h l'extrémité de leurs piquants. FAMILLE DES II YSTRICIDES. 331 Ponc-lîi'ic a crêtes, 1/8 de grand. Dans la région méditerranéenne , c'est au mois de mai que ces gros Rongeurs se recher- chent pour s'accoupler, et c'est au mois d'août que les petits naissent, après une gesta- tion de soixante- dix jours. Les jeunes viennent au monde avec les yeux ouverts et déjà ils sont revêtus d'épines , mais les plus longues n'ont guère que sept lignes. A cette époque leur corps a lui-même deux décimètres; celui des adultes est de huit environ. Porc -É pic a crêtes (Hystrix cristal a, Linné). Il est noirâtre sur toutes les parties couvertes de poils, et ses épines sont marquées d'anneaux alternativement blancs et noirs; los tubes de sa queue sont blanchâtres ; sa hauteur au train de derrière est de quatre ou cinq décimètres, et de trois environ au train de devant. Sa démarche est lourde et son museau obtus; ses narines sont grandes. C'est un Animal singulier sous presque tous les rapports. On rapporte à cette espèce les Porcs -Épies de la région méditerranéenne, soit ceux de l'Europe, soit ceux de l'Afrique septentrionale et des parties de l'Asie qui s'en rapprochent le plus. En Europe, il s'en trouve encore en Crimée et dans le midi de l'Italie (en particulier dans le royaume de Naples) , en Sicile et en Espagne. Ils sont plus communs en Algérie, et ils se rencontrent également en Egypte et dans l'Asie Mineure. Le Sénégal, les environs du cap de Bonne -Espérance et plusieurs autres provinces de l'Inde, telles que le Bengale, le Nepaul et le Deccan, nourrissent aussi de véritables Porcs- Épics; mais ceux-ci sont regardés par la plupart des auteurs comme formant des espèces distinctes de celle que nous venons de décrire. Cepen- dant ces espèces s'en rapprochent considérablement. C R n F. p r l'o «t.- I-, i» h, 1,':J do gr«»n«l ( " R A .\ F. Il Y. V I \ l - K y i c n i; S é n égal, i /3 ce\(', \ /•"> île 1 1 ;>n Hystriciens, et il a les incisives supérieures marquées chacune de forts sillons verticaux. Genre AULACODE (Aulacodus). Ce genre, établi par Van-Swinder, professeur à Groningue, a été décrit pour la première fois par M. Temminck dans ses Monographies de Mammalogie , mais d'une manière assez incomplète, à cause de l'âge trop peu avancé de l'exemplaire que l'on en possédait alors. Ses principaux caractères extérieurs sont les suivants : corps recouvert de piquants à peu près égaux, de médiocre longueur, couchés; museau court et large; queue garnie de poils épineux peu différents de ceux du corps; quatre doigts apparents à chaque pied. Le crâne dont nous avons publié la description en 1842 est trapu, élargi à l'espace inter- orbitaire, pourvu d'une crête occipitale puissante; son trou sous-orbitaire est considérable; ses apophyses styloïdes sont bien développées, et ses caisses tympaniques peu renflées; ses trous incisifs allongés. Le front est bombé de chaque côté, et les os du nez sont également convexes dans leur longueur, ce qui laisse entre eux une sorte de gouttière; le canal lacrymal s'ouvre en arrière de l'apophyse jugale du maxillaire; il est plus grand que chez les Un si î i- FAMILLE DES HYSTRIGIOES. 335 cions; la mâchoire inférieure est assez semblable à celle des Capromys; la symphyse en est élargie et solide. Les molaires sont au nombre de quatre paires à chaque mâchoire; l'émail y forme des replis assez compliqués , en festons, inversement disposés pour chaque mâchoire. 11 y a supérieurement trois replis externes et deux internes pour chacune des molaires; infé- rieurement, on voit trois replis ou festons internes et deux externes. Les sommets intérieurs des festons internes et externes se touchent presque, et la partie éburnée qu'ils laissent entre eux est très-peu considérable. La barre ou l'espace vide qui existe entre les molaires et les incisives est plus considérable supérieurement qu'inférieurement ; les incisives sont larges et puissantes; celles d'en haut, les seules qui soient sillonnées, ont chacune trois sillons, un presque médian , qui est le plus marqué de tous , et deux près le bord interne. DCLANGLE* A u l a c o i) k de Swinder, 1 jH de grand . Aulacode ui« Swindkk (Aulacodus Sivinderiamts, Temminck). C'est un Animal de couleur brune , à peu près gros comme un Lapin , mais ayant le corps plus long et plus bas sur pattes ; il est encore rare dans les collections. La Société zoologique de Londres eu a reçu un exemplaire de Sierra-Léone ; celui du Muséum de Paris, que nous avons fait figurer, a été envoyé du Fouta-Dhiallon, Sénégambie , par feu M. Heudelot. TRIBU des ERETHIZONIENS Les Hystriciens sont des Rongeurs particuliers à l'ancien continent et dont aucune espèce ne se retrouve dans l'Amérique. Les Animaux de cette partie du monde qui ressemblent le plus à ceux dont nous venons de terminer l'histoire sont les Oursons, les Couis et les Goendous, que M. Gray a distingué comme tribu, sous la dénomination de Gcrcolabina, Ge mot rappelant le caractère préhensile de la queue des Goendous, nous lui avons substitué, tout en acceptant la manière de voir du savant zoologiste anglais, celui $ Ëréthizoniem < également emprunté à l'un des genres de cette tribu. Gomme il signifie simplement que ces :\(My obdbl di:s bongei bs. Animaux ont des picjuants, il s'applique» également aux différents genres qui la composent, (les genres sont au nombre de quatre : Krélldzon , Sphiggure , Chœlomys et Coendou. Les espèces qu s'y rapportent s'éloignent moins par l'ensemble de leurs caractères de l'Aulacaudo que des véritables Hystriciens, mais leurs incisives supérieures ne sont pas sillonnées; leurs piquants sont plus ou moins entremêlés de poils, quelquefois même dissimulés par eux, et leur queue, toujours plus ou moins longue, est prenante dans certaines espèces; leur crâne a une forme assez particulière : il ne présente, dans aucun cas, Farcure régulière de la ligne supérieure qui distingue celui des Pores-Epies, des Acautbions, etc. Genre ÉBETIIJZON (Eretldzon,Y. Cuvier). Ypparence extérieure assez semblable à celle des Marmottes ; queue moins longue (pie la moitié du corps; piquants courts, en partie cachés sous les poils. Le crâne montre plusieurs particularités tout à fait caractéristiques, dont F. Cuvier parle en ces termes : « La tète, vue de profil, au lieu de présenter dans sa partie supérieure un arc de cercle, présente une ligne presque droite, interrompue4 par l'éléva- tion des crêtes orbitaires du frontal. Les parties de l'organe olfactif se partagent à peu près également la longueur de la tête avec le cerveau , qui n'est en communication qu'avec la- partie postérieure des frontaux; mais les nasaux sont courts; ils forment un parallélogramme et occupent un peu moins du tiers de cette longueur; les cornets paraissent avoir la même structure et, par conséquent, la même simplicité que ceux du Porc-Epic de Java; les fron- taux, qui sont plats, sont garnis d'assez fortes crêtes, lesquelles se réunissent eu un angle aigu pour former la crête sagittale; la fosse orbitaire , jointe à la fosse temporale, est très- grande, lorsqu'on la compare à colle des Porcs-Epics et des Acantluons, et celte comparaison rend sensible la grandeur du trou sous-orbitaire et surtout le peu de largeur de l'apophyse qui en forme la partie supérieure. L'os lacrymal est dans un état tout à fait rudimentaire et ne dépond plus ({lie du maxillaire, quoiqu'il reste en communication avec le frontal. Les crêtes sagittales sont fortes et saillantes; la caisse surpasse en grandeur celle du Porc-Epic ordinaire, quoique la tète de celui-ci soit du double plus grande. » L'Eukthizox l'nsox (Erethizon dorsatas) est l'espèce type de ce genre; c'est Y/fy.sIrij- llwlsoniï de Brisson , Ylrson de Buffon , et Yllystrix domain de (imelin. Cet Animal vit aux Etats-lnis; il se creuse des terriers sous les arbres et se nourrit d'écorces, principalement de celles des genévriers, ainsi que de fruits et des racines de ces arbres; il a le corps long de sept décimètres environ , et la queue longue de deux et quelque chose ; ses piquants sont en partie cachés sous les poils, surtout en hiver; ils sont en partie blancs ou jaunâtres et en partie bruns ou noirâtres ; ceux de la croupe sont un peu plus longs que les autres; le pelage est brun sombre, un peu glacé de blanc. L'irson se roule eu boule quand on l'attaque. C'est un Animal nocturne, qui jouit de la propriété de grimper, et dont la chair est mangeable. La femelle produit annuellement trois ou quatre petits ; elle n'a qu'une portée. L'irson est le Cauguau des Indiens et YOuskelouk des Esquimaux. Nous ou donnons une figure à la page 333. F. Cuvier en rapproche, sous le nom d'ÉiiKTiiizoN in Buffon (Erethizon Buffonii), l'Animal représenté par le célèbre auteur de Y Histoire naturelle, sur la planche 54 de sou douzième volume, sous le nom inexact de Coendou. De même que dans l'irson, la queue est très-distincte , non prenante, entièrement revêtue d'épines ; les épines sont blanches dans toute leur longueur, sauf à la pointe , qui est brune; la teinte générale est blanchâtre. ("lENRE SPlllGGl BE {Sphiggurus, F. Cuvier). Animaux essentiellement grimpeurs, ayant la queue prenante et en partie nue. Leurs ongles sont arqués , et les paumes ainsi que les plantes de leurs pattes sont élargies ; leurs piquants ne sont pas très-longs, mais ils ont leur point d'attache rétréci, et leur sommet est très-aigu; suivant les saisons, ils sont plus ou moins recouverts par les poils et dissimulés par eux. C'est ce qui les rend plus dan- gereux encore4; et si Ton touche les Sphiggures sans précaution, ou peut se blesser plus ou moins fortement. V cause de cette particularité, l'espèce principale de ce genre a été FAMILLE DES IIYSTRICïDfiS. 337 nommée Uyslrix insidioso , c'est-à-dire Porc-Épic insidieux. Les Sphiggures ont beaucoup d'analogie avec les Goendous, avec lesquels tous les naturalistes les réunissaient même avant la publication du Mémoire de F. Cuvier ; mais ce dernier observateur a montré que leur crâne est assez différent de celui des Goendous. Les os du front y sont déprimés au lieu d'être proéminents; l'organe de l'olfaction est aussi limité dans un espace moins considérable; et les dents incisives ont un sillon longitudinal. On trouve des Sphiggures depuis le Mexique jusque dans la vallée de la Plata; il yen a aussi au Pérou. Le Spiik;gurr Golmy (Sphiggurus inshliosus) , ou l'espèce ordinaire des collections, est déjà signalé dans Brisson; c'est un des Animaux que Buffon appelle Goendous, et il est décrit dans l'ouvrage d'Azara sous le nom de Covig, Ses piquants sont, en grande partie, jaunâtres à la base et à la pointe, bruns au milieu; les poils sont en général de la mémo couleur; la longueur du corps dépasse cinq décimètres; la queue a deux décimètres et demi. G'est au Paraguay qu'Azara a observé le Gouiy. Il dit que cet Animal y est rare, mais qu'il en a possédé cinq exemplaires qu'il trouva aux mois de septembre et d'octobre sur les grands arbres, oii ces Animaux montrent beaucoup de tranquillité dans leurs habitudes, et où ils marchent sans effroi sur les branches les plus petites aussi bien que sur les troncs. Toutes leurs actions ont le caractère de la lenteur, et leur goût sédentaire est si prononcé, qu'un des des sujets observés par l'auteur espagnol passait quelquefois vingt-quatre et même quarante- huit heures sans changer de lieu, ni même de posture; il ne se déplaçait que pour manger, ce qu'il faisait communément vers neuf heures du matin ou à quatre heures de l'après-midi. \zara dit qu'il ne l'a vu se remuer qu'une seule fois à la clarté de la lune et une autre fois à a .celle d'une lumière artificielle. Toutefois, pendant les premiers jours de sa captivité, il grimpait partout et il se mettait sur la pomme ou sur le dos d'une chaise, mais jamais sur rien de plat ; étant monté un jour sur la fenêtre et s'étant placé sur le bord du volet, il ne chercha pas depuis une autre place. 11 y passait, sans plus de mouvement qu'une statue, tout le temps qu'il n'employait pas à manger, et il s'y tenait dans une posture étrange, parce que, sans se fixer ni par les pattes de devant, ni par la queue, il s'attachait seule- ment par les pieds de derrière. 11 plaçait alors son corps dans une situation plus voûtée que celle d'un Lapin; il avait les pattes de devant jointes ensemble et touchant presque celles de derrière, et son museau baisait presque ces dernières. Quoiqu'il entrât du monde et qu'on parlât, il ne regardait pas et il ne se dérangeait pas jusqu'à ce que son heure de descendr manger fût venue. On le nourrissait de pain, de maïs, de manioc, d'herbes, de feuilles, de Heurs et de fruits de toutes sortes, mais il en prenait infiniment peu, et il aimait à varier sa nourriture en mangeant de plusieurs choses différentes. On lui a également vu manger du bois de saule et de la cire vierge. Le Gouiy d'Azara prenait ses aliments avec les dents, les élevait et les soutenait aussitôt de ses deux pattes de devant, comme le fait l'Agouti; son sens le plus perfectionné était l'odoral. Si on l'appelait par son nom, il tournait rarement la tête, et lorsque le froid le tourmentait, ou la faim, ou les puces, il faisait entendre sa voix, qui se bornait à un hé prolongé et si sourd qu'on l'entendait à peine. Il se laissait toucher avec autant de facilité que s'il eût été de pierre; mais si l'attouchement lui faisait quelque violence, il hérissait ses épines, sans pourtant faire aucun mouvement du corps et en contractant seulement sa peau. On a dit de cet Animal qu'il lançait ses piquants contre ceux qui l'inquiétaient; on a aussi assuré qu'il faisait tomber les fruits d'un arbre, et qu'après s'être roulé sur eux, il les em- portait cloués à ses épines; tout cela n'est pas plus vrai pour le Gouiy que pour le Hérisson ou le Porc-Épic. Azara dit avoir vu quelquefois les excréments du Jaguar remplis de piquants du Gouiy, qui, ajoute-t-il , sortent (els qu'ils sont entrés et sans s'altérer dans aucun point. Le Jaguar mange donc les Plongeurs de cette espèce, et il est probable que d'autres Carnassiers ont irc partie. 43 338 OnnilK DES RONGFt RS. aussi cette habitude. Malheureusement on n'a point encore de renseignements précis relati- vement aux mœurs des Sphigguros, et il reste quelque incertitude sur la valeur des diffé- rences qui distinguent entre eux ceux que Ton a jusqu'ici réunis dans les principaux musées. Desmarest et d'autres mammalogistes également distingués n'ont admis qu'une seule espèce dans ce genre, mais F. Cuvier en a décrit une seconde comme facile à distinguer, et depuis lors, on eu a ajouté deux ou trois autres. F. Cuvier donne aux Sphigguros Couiy le nom de Sphiggurus spinosus, et il le décrit comme dépourvu de poils; mais on sait qu'ils en acquièrent en hiver de manière à dissimuler presque entièrement leurs piquants : ainsi que nous l'avons vu, c'est de là (pie l'on a tiré leur nom s| >éc i fique (ïl/isidiosa. Le S phi ce. uni-: Or.ic.o [Sphiggurus rillosus) est distingué par F. Cuvier sur l'examen d'un exemplaire rapporté du Brésil par M. Auguste de Sainl-llilaire. Voici comment il décrit cette nouvelle espèce : Elle a environ quatorze pouces do longueur (près de quatre décimètres) du bout du museau a l'origine de la queue, dont la longueur égale celle du corps ; elle diffère surtout de la pré- cédente par les poils très-longs et très-épais qui la recouvrent extérieurement et sous lesquels les épines sont tout à fait cachées. Ces poils, qui colorent l'Animal, ont jusqu'à cinq pouces de longueur; ils sont blanchâtres à leur origine, noirs dans rétendue d(^ deux à trois pouces, et blonds ou d'un marron très-clair à leur extrémité", la queue est de cette dernière couleur dans sa première partie et noire dans le reste. Les épines sont, sur les différentes parties, distribuées et colorées comme celles du Couiy. Fischer ne doute pas que l'Orico ne soit le menu» Animal que le Couiy dans son pelage d'hiver. M. Gray distingue sous le nom de Spiiïggurk mki. wtrk (SpJtigguru melanuruH) une espèce, également du Brésil, qu'il regarde comme étant peut-être Yllyalrlr nyctlu>im>ni de M..Lichtenstem. Le Spiiigguiie bicolore (Sphiggurus bkolor) a été découvert au Pérou et décrit par M. Tschudi, auquel ou doit de très-bons travaux sur les Animaux de cette contrée. GENRE CHETOMYS (Chœtomys , Gray), Piquants subégaux, moins longs et moins forts que chez les autres Eréthizoniens; la queue n'a de vrais piquants qu'à sa base; ceux qui la recouvrent dans le reste de son étendue sont plutôt di^ poils quoiqu'ils soient encore roids s et cassants; le museau n'est pas renflé; la forme du crâne est très-singulière. Il est élargi et aplati en dessous, et son cercle orbitaire est presque complet, les deux opaphyses pnstorbi- taires se rapprochant plus l'une de l'autre que dans aucun autre Rongeur. L'orbite dépasse peu en grandeur le trou sous-orbitairo. Les dents ont aussi une forme très-caractéristique. Le C h i:: t o m y s s r o k i» i n i: r x (Chœlomys sub- spinosus) est Yl/ystrix subspinosa de M. Lich- tenstein et de Kuhl. M. Gray en a fait, avec, juste raison , le type d'un genre à part. Cet Animal a les piquants cylindriques, à sommets appointis ; leur couleur est brun fauve tendant au cendré. Taille peu différente de celle du Couiy; corps plus allongé'; oreilles plus petites; queue plus grande. Ce Rongeur a été découvert par prince Maximilien do Neu-Wied, au Mm \uus if Ci \. \ i.i'inti \, un p.'u p; tr.'ili.li <; que r,:it Rrésil. Il vit dans les provinces du centre et du nord. Son corps a 0,38 et sa queue 0,3.">. M. Pictet a donné une description de la même espèce sous h» nom de Pktirocebrus Morkanrfi. FAMILLE DES IlYSTIilCIDES. 339 (iKNHK S}\ETIIÈNE (Synelltcres , F. Cuvier) , vulgairement Coaidou. Lacépède le réunissait aux autres Érétliizoniens à queue prenante, sous le nom latinisé de Coendu. M. lîramlt y a substitué celui de Ccrcoldbes. Les Synétbères ou Coendous vrais ont la queue longue et prenante , les pattes modifiées pour grimper, le corps couvert de piquants assez ana- logues à ceux des autres genres de la même tribu, c'est-à-dire cylindriques, rétrécis à leur base et pointus au sommet ; leurs narines sont ouvertes dans nu renflement arrondi en forme de tubercule, et leur crâne est re- marquable par un soulèvement considérable de la région olfac- tive. Ces Animaux sont propres à F Amérique méridionale. On n'en connaît bien qu'une espèce , le S Y N K T H È H E G 0 E N D 0 U ( Sfjtl C - theves prelicnsUis) dont il est question dans les premiers ou- vrages d'histoire naturelle relatifs au nouveau continent. Il a le corps couvert eu dessus de pi~ quanls assez courts, annelés de blanc et de noir et sans mélange de poils; sa queue a aussi des piquants dans une partie de sa longueur, mais ils décroissent rapidement, et elle est nue et écailleuse vers son extrémité. Le corps a six décimètres el demi de long, et la queue près de cinq. Le Goendou a des allures assez singulières; il grimpe très-bien, mais sans agilité, et la protubérance brunâtre dans laquelle sont percées ses narines contribue à rendre sa physio- nomie plus bizarre encore. On le trouve dans les lieux boisés, les arbres étant sa demeure habituelle ; ses mœurs, à l'état de liberté, n'ont pas été décrites, et, en captivité, elles n'ont lien offert de bien particulier. On rencontre principalement ces Animaux dans la Guyane, au Brésil et même au Mexique. On soupçonne qu'ils constituent plusieurs espèces. Ihisson a parlé de ceux du Mexique sous le nom (.Yllynlrlx JSovœ- Hispaniœ. Dans son histoire de ce pays, ïlernandez les avait appelés Hoiizlacuaizin. M. Brandi en sépare une autre espèce sous le nom de Crrcolabes plalyccnlrotus. Sa patrie est, encore inconnue. On en dislingue aussi le C. boliciensis, qui vit, ainsi que son nom l'indique, dans la Bolivie. m m: j ii Lu i CvE s i) l/X dv grand 340 ORDRE DES RONGEURS. TRIBU des CAPROMYENS Cette1' tribu comprend des espèces dont le pelade est tantôt doux, tantôt au contraire pins ou moins épineux, mais sans que leurs épines aient jamais la consistance ni la longueur de celles des Hystricicns ou même des Éréthizoniens. On pourrait, à cause de ce caractère, la séparer en deux catégories, en mettant d'un coté ceux qui ont des épines, et de l'autre, ceux qui en manquent; mais la transition des uns aux autres est insensible, et on classait encore, il y a quelques temps, dans un seul et même genre, sous le nom d' Echimys, des espèces à poils rudes ou épineux, et d'autres qui les ont souples ou même doux au toucher. D'au- tres Gapromyens sont les Capromys, Plagiodonles et Myopolamcs. Genre ECU ni YS (Echimys, E. Geoffroy). On ne considère plus comme méritant la dénomination d'Eehimys, c'est-à-dire de Rats épineux, qu'une partie des Animaux auxquels on l'avait d'abord appliquée. Le caractère d'avoir les poils do nature plus ou moins épi- neuse peut se rencontrer en effet chez un assez grand nombre d'espèces de Rongeurs; et ces espèces, tout en se ressemblant extérieurement, peuvent différer entre elles par des particula- rités plus importantes. C'est pourquoi l'on rapproche maintenant des véritables Rats celles qui ont, comme les Aeomys, une dentition analogue à celle de ces Animaux, et par contre, on met à côté des Echimys proprement dits quelques espèces dont le pelage est souple et soyeux, Une particuhïté plus importante de ces Animaux épi- neux consiste dans le nombre et la forme de leurs dents molaires; les vrais Echimys en ont constam- ment quatre paires à chaque mâchoire et elles sont égales entre elles. Ces Rongeurs ont aussi un grand trou sous-orbitaire, et, à cet égard encore, ils s'éloi- gnent des Rats. Leur taille est en général plus forte que celle de ces derniers ; celle du Surmulot ou du Perchai peut cependant en donner une idée; ils ont la queue à peu près aussi longue que le corps; leur extérieur rappelle celui des espèces essentiellement destinées pour vivre à la surface du sol, et, comme elles, ils ne sont que médiocrement fouisseurs; leur nourriture consiste en végétaux. L'Amérique méri- dionale et les parties de l'Amérique septentrionale qui s'en rapprochent le plus sont les seuls pays qui aient encore fourni des Echimys. On les a partagés en plusieurs genres , que nous grouperons ici comme autant de sous- genres, de manière à laisser au groupe des Echimys, tel que l'avait établi E. Geoffroy, à peu près les mêmes limites. Dans cette manière de voir, le genre des Echimys reste également synonyme du genre Loucherez (Jlliger) ; il répond alors a la tribu des Echymiens de plusieurs auteurs. Ce sont les Cercomys , les tichimys proprement dits, les IS'clotnys, les Daclylomys et les Lashircmnjs, auxquels on eu a ajouté d'autres encore. Parmi ces derniers se rangent le genre fossile des Carterodon (Lund), qui a les incisives supérieures cannelées, et celui des Mesomys (Wagner), dont l'espèce type manque, dit-on, de queue. MM. Pictet, ls. Geoffroy et Wather- housc, ont notablement ajouté à nos connaissances sur les Echimys. Nous commencerons par l'espèce type du sous-genre Cercomys. 1. Cercomys (Cercomys, F. Olivier). Poils doux; queue nue et éeailleusc; molaires radiculées, suharrondies à leur couronne, qui présente une échancruro interne aux dents supé- rieures, une externe inléiiuiue** d'énitûl de l-inue o\alaire M or. .w re s b'LcniM* >, 2/1 , i s ji [ B k î. su., 2/3 de gninil . 2. Eciiimys proprement dits (Eehimys, ls. Geoff.). Le pelage est plus ou moins épineux sur les parties supérieures du corps; les dents sont plus ou moins semblables à celles du genre précédent; la queue est également nue et écailleusc; les tarses sont allongés. Eciiimys Di- Gayenni- (Eehimys cayennensls , E. (ieof.) Des piquants assez nombreux; pelage roux passant au brun sur le milieu du dos et au blanc en dessous. Cette espèce habite la Guyane, 312 OBPBE DES KONG El US. Eciiimvs so\i:i\ {lu- hi m y s ôr/amv, E. Geoff.). Il a le pelage roux, assez doux ol peu mole de piquants; il est blanc on dessous et au bout des piods. GVst un Ynimal du Brésil. Eciiimys épineux (Echi/nys spi/wsits, E. (ieolï. ). Pelage d'un brun obscur mêlé de rou- goàtrc en dessus et île blanc sale en dessous; les poils sont entremêlés d'aiguillons forts et nombreux; la queue est plus courte que la moitié du corps. Espèce de la (iuyane et du Brésil. Échimys iiispiDE (Eeliimys hispldus, E. Geoff.). Brun roux, plus clair en dessous; les poils du dos épineux et larges; queue de la longueur de la tète. Éciiîmys A épines beanciies {Echimys alhisphtiis , Is. Geoff.). Des piquants aplatis, lancéolés, très-forts et très-nombreux, peu mêlés de poils, sotd répandus sur le dessus du corps jusqu'à la queue et aux cuisses; ceux (U^ parties latérales ont leurs extrémités blanches. Habite la petite île Deos, sur la cote du Brésil , auprès de Bahia. Al. ]s. Geoffroy n'admet qu'avec, doute comme distinct, et sous le nom d'Éoimn s m vos lui: (Echimys myosuroa) , le hmehcres myo.wms de M. Lichlensleiu, auquel il réunit d'ailleurs les ,1/V.s' h'ptnso/nits et cinnamomeus du même auteur, ainsi que le Loticheres hmykmulaluH de Benggor. C'est un Animal du Brésil et du Paraguay. 3. \ JÎLOMï S (AWo/>///.s\ Jourdan). Pelage plus ou moins épineux; queue souvent velue; tarses peu allongés; molaires formées de lobes elliptiques aussi larges que la couronne. Plusieurs de ces espèces sont assez, pou différentes des vrais Echimys par leur apparence- extérieure. M..LVIU! - > M \ <■> H ! M l - \ I ï\ élu M\ S PAILLÉ i.\i'{uniyx palrttcrnsi ou le hmchrrcs pdlcdrod d'Illigcr e! des ailleurs allemands. C'est un Animal du Brésil que Fischer m» distinguo pas du précédent, quoique 1 Niger lui-même ait dit qu'il en diflémil. Sa patrie est le Brésil. Nélomvs de Blain ville (\eloniys BlainviUii, Jourdan) est une autre espèce découverte dans la province de Bahia. Nélomvs didelphoïoe (\clontys didclphoïdcs). Espèce décrite par E. Geoffroy et ])es- inarest sous le nom iïEchi/ny-s didelpfwïde ; sa queue, qui est delà longueur du corps, est. velue dans un septième de son étendue et pourvue dans le reste d'écaillés nues et verlicilléos. Nklomys acmé [Nclouiys avnudus , ls. Geoff.). Autre espèce établie sur le Vus hixpidm de M. Liclitenstein, qui n'est pas V Echimys hispidus d'E. Geoffroy. Il reste quelques doutes à son égard. Nklomys demi- velu (Ncloitiys ficmi-vlllosus, Js. Geoff.). Queue velue et écailleuse, sauf à la base; corps roussàlre eu dessus tiqueté de jaune; des piquants médiocrement forts sur le corps; d'autres encore très-roides et très-aplatis sur la trie. De Carlhagène, dans la. Nou- vel lc-Grenade. Nélomvs huppé (\ohnnys crislolns) ou le h'ml U tic r C\ \ i:\-n r, l/i do grand. \. I) vcTvrOMis (Daclyhmys, 1s. (ieoff. ). Corps couvert de poils, à (jueuc sou velue à sa hase ; pattes courtes , les antérieures tetradactvles , à cause de l'état tout à l'ait rudimontaire du pouce* ont Jours doigts intermédiaires plus longs que les autres, ('/est une disposition assez caractéristique , mais (pie présentent à Un donTé presque égal plusieurs espèces d'Echimys. Les lamelles des molaires sont séparées par dos plis obliques de Témail et forment dos figures irréguliè- rement cordiformes. D \e. t \ l (.) m v s t y p r; ( Daclyhmys ty- pas, Is. (ioolï.). Autrefois nommé Edii- nnjs daclyluiM par E. (ieoffroy. C'est un \nimal de r Vmérique méri h i:; ii l: \s ï li. {Capromys prehansilis , Pocppig). Il est un [jeu plus petit que le C. Fourniftri ; il a la queue proportionnellement plus longue, un peu préhensile et garnie de quelques poils roides dans une partie de sa longueur et nue en dessous vers son extrémité. Le pelage est cannelle plus ou moins mêlé de gris ou de blanchâtre : celte dernière teinte domine sur la tète et aux pattes. C it Vuimal vit aussi dans l'île de Cuba. Capuouvs dk Poky- {Capromys Poj\ FAMILLE DES I! VST R KîïDÉS. 347 Vl Wiionovrr: dks h \jutations {Phigiodontia wdium). Taille et forme du Capromys do Fournier; couleur à peu près semblable. Le pelade est généralement brun clair, sauf aux parties inférieures, où il devient blond jaunâtre; la queue est entièrement nue et revelue d'écaillos pentagones très-petites, serrées les unes contre les autres. Le Plagiodoute vit dans l'île de Saint-Domingue, où il est connu sous le nom île Rat Cayes, c'est-à-dire Rat des habitations. Il a pour habitude de se rapprocher des maisons, mais il ne sort que la nuit. Le maie et la femelle se quittent pou; leur nourriture principale consiste en racines et en fruits, et, comme tous les Rongeurs frugivores, ils sont fort bons h manger; aussi les Haïtiens en sont-ils très- friands. F. Olivier devait à M. Alexandre Ricord l'exemplaire de cette espèce qu'il avait étudié; celui dont nous avons examiné le foie et le crâne a été également rapporté par le même naturaliste, Il faut très-probablement attribuer à la même espèce ce qu'Oviédo a écrit, vers 1725, de* Hondas de l'île a laquelle les Espagnols donnèrent d'abord le nom iYHispanioUi et que nous nommons aujourd'hui Haïti ou Saint-Domingue. \u rapport d'Oviédo, a il y avait dans cette île un Animal nommé Hntid, qui était quadru- pède, avec, la forme d'un Lapin, mais cependant plus petit et avec de plus petites oreilles, et la queue ('tait comme celle des Rats; sa couleur était d'un gris brun; sa chair paraissait être Irès-bonno à manger et les Indiens le chassaient avec de petits Chiens goitreux qu'ils avaient avec eux, et maintenant cet Animal est devenu rare. » (iKMlK \l YOPOTAM E (Myopolamus, Commerson). Lu autre \nimal intéressant et dont on fait également un genre à part est le Ooypou des grandes rivières et de> fleuves de l'Amé- rique méridionale, principalement du Chili ainsi que. du bassin de la Plata. Cet Animal a une grande ressemblante extérieure avec le Castor, et il a, comme lui, les pieds de derrière palmés: mais sa queue est e\liudrique et nue comme ('elles des Rats el dos Plagiodonto, ^on crâne est établi sur le type qui caractérise ce donner genre; il lui ressemble ausH par quelques autres caractères, et il est bien évident qu'il doit en être rapproché plus que de tout autre Rongeur. C'est donc à tort que l'on a fait du Ooypou tantôt une espèce de Castor, tantôt une espèce d'Hydromys. C'est bien un Animal de la catégorie qui nous occupe en ce moment et il ne diffère guère, plus du Plagiodonle sous le rapport du système dentaire que celui-ci ne diffère du Capromys. Ses dents molaires manquent également de racines dis- tinctes, et leur couronne, qui est irrégulièrement festonnée à son contour, présente à sa face de trituration dos replis ondulés de l'émail et quelques îles ovalaires dont la disposition est inverse aux doux mâchoires. Une autre particularité des Myopotames consiste dans la posi- tion tout a fait latérale et même assez relevée de leurs mamelles. Ce caractère, que l'on retrouve d'ailleurs chez quelques autres Rongeurs leur a valu le nom de Masto/iotiis, c'est- à-dire mamelles dorsales, sous lequel M. Wesmael les a décrits en 18-41, mais sans recon- naître l'identité spécifique do l'exemplaire» observé par lui avec le Ooypou. Le mot Myopotamo, (pie l'on trouve déjà dans les manuscrits de Commerson, et qu'E. Oeoffroy-Sainl-Hilaire a fait prévaloir, exprime d'ailleurs très-bien le genre de vie de l'Animal qui sort de type au genre du Ooypou, puisqu'il veut dire Rat (ou plutôt Rongeur) tluvialile et que le Ooypou habite en effet les eaux courantes. Cet Animal parait être Punique espèce du genre. Il se pourrait néanmoins que l'on dût considérer comme distinct, mais en mémo temps comme congénère, le Castor huidobrms qu'a décrit Molina, et que M. Losson a pris pour type d'un genre à part, sous le nom de 0 i'ILlomys. Malheureusement il n'a pas été donné de nouvelle description de cet lluidabrius* et tout ce qu'il nous est permis d'en dire, c'est que cet Animal se trouve au Chili; qu'il a les formes extérieures et la couleur du Myopotame; que ses pieds postérieurs sont palmés comme los siens; que sa queue a la morne forme et qu'il a comme lui de fortes incisives. La seule différence qu'on puisse signaler, par rapport au Myopotame, c'est qu'il est un peu plus petit et seulement égal pour la bulle au Capromys ou au Plagiodonle. C'est donc contrairement à 348 ORDRE DES RONGEURS. toutes les vraisemblances que, dans son Histoire du Chili, M. Claude Gay éloigne PHuido- brius du Goypou pour le rapporter au genre des Loutres. Tout démontre que ce n'est pas un Carnivore, et sa place est auprès du genre Myopotame, si même il ne doit pas être réuni à l'espèce du Goypou véritable, ce que nous ne sommes pas en mesure de décider. Mïopotame, 1 /G do grand . La peau des Myopotames est recouverte de poils fins et soyeux, ayant à leur base une bourre comparable à celle des Loutres et du Castor, et elle est souvent employée aux mêmes usages que la fourrure de ces Animaux. Il en vient en Europe par le commerce de la Plata, et autre- ibis on en recevait encore une plus grande quantité. C'est aux peaux de Coypous que l'on donne le nom de Castors de la Plata. On les appelle aussi Ragondin et NutriayvMÙs ce dernier nom est celui des Loutres en espagnol. Ce n'est que vers l'année 1810 que l'on commença à les apporter en grande quantité. On les désigne également par le nom de Rats. Au rapport de M. d'Orbigny, le plus grand commerce des Rosas avec les Correntinos, consiste en pelle- teries de Coypous, et plus décent cinquante mille douzaines en furent livrées, de 1827 à 1828. Le même auteur évalue à soixante mille les peaux vendues annuellement dans les seules villes de Ruénos-Ayres et de Santé-Fé. Un propriétaire assurait avoir tué sur ses terres plus do six mille de ces Rongeurs, et l'on calcule que chaque année plus de trois millions de peaux de Coypous sont livrées au commerce. On chasse ces Animaux avec des Chiens, parce qu'ils sont nocturnes et qu'il faut les poursuivre de nuit. Les naturels Américains employaient déjà les peaux de Coypous avant l'arrivée des Espagnols, et ils en faisaient des manteaux en les cousant ensemble en nombre suffisant. Cet usage s'est conservé chez plusieurs de leurs nations. Le Myopotame coypou (Myopotamus coypus) ou l'Animal qui fournit ces peaux est le Quoiuya d'Azara et le Coipu de Molina. Son corps est long de six décimètres et sa queue de quatre; il est brun marron sur le dos, roux sur les flancs et brun clair sous le ventre ; il nage avec facilité et creuse son terrier sur la berge. La femelle met bas cinq ou six petits , quelquefois sept, et elle les conduit avec elle. La nourriture de cette espèce est végétale et FAMILLE DES HYSTRICIDÉS. 349 son caractère est fort doux; elle est susceptible d'être apprivoisée, et, sous ce rapport encore, elle diffère peu du Capromys dont nous avons parlé plus haut. Des débris fossiles de Myopotames ont été observés au Brésil ; on en a également signalé en France , mais ceux-ci nous ont paru appartenir plutôt à la famille des Castoridés, Denis df Chinchilla, -3. 1 il^ fi-aml. TRIBU des CHINCHILLIENS La petite division des Chinchilliens comprend trois genres de Rongeurs, tous les trois particuliers à l'Amérique méridionale , qui se font remarquer par l'abondance et la douceur de leur pelage, par leur queue assez longue , par leurs doigts pourvus d'ongles fouisseurs, et surtout par la forme tout à fait particulière de leurs dents mo- laires. Ces dents sont au nombre de quatre paires à chaque mâchoire , à peu près égales et composées de plusieurs lamelles obliques , alternativement formées d'émail et d'ivoire. Cette disposition est compa- rable, à certains égards, à ce que l'on voit chez les Otomys; les molaires des Archéo- mys, genro éteint qu'on n'a encore observé qu'en Auvergne, leur ressemblent encore davantage. Les Chinchilliens ont le crâne pourvu d'un grand trou sous-orbitaire. On les distingue génériquement entre eux par le nombre de leurs doigts et par la forme de leurs oreilles ou de leur queue. Nous en par- lerons sous les noms de Lagostomus , Lagotis et Chinchilla. GENRE LAGOSTOME {Lagostomus, Brookcs). Corps assez semblable à celui du Lapin; oreilles moins larges, ayant leur cornet évasé et un peu en pointe; de fortes mous- taches ; queue assez longue, en balai; quatre doigts aux pieds de devant; trois à ceux de der- rière; ces derniers forts, surtout celui du milieu, pourvus d'ongles puissants. Les dents sont établies sur le même modèle que celles des autres Chinchilliens. Ce genre ne comprend qu'une seule espèce, vulgairement désignée par la dénomination de Viscache. Le Lagostome viscache {Lagostomus viscaccia) est un Animal aujourd'hui bien connu, mais dont les caractères et la classification sont restés longtemps incertains. On l'emploie cependant depuis assez longtemps, et Nuremberg, Laët et Feuillée en ont fait men- tion. Molina et Azara en ont parlé depuis lors, et, dans ces dernières années, MM. Brookos, Is. Geoffroy, Van der Hœven , Lichtenstein et plusieurs autres naturalistes distingués s'en sont successivement occupés. M. de Blainville, qui avait vu une Viscache vivante dans une ménagerie de Londres, n'avait pas reconnu sa véritable espèce, et, dans une note qu'il a fait publier à cet égard par Desmarest, il en faisait une espèce de Gerboise, sous le nom de Gerboise géante {Dipus maximus). La Viscache est de la taille d'un Lapin, mais ses oreilles moins grandes et sa queue assez longue, la font immédiatement distinguer des Animaux de ce genre; elle s'en éloigne d'ailleurs beaucoup par son organisation intérieure et par le nombre ainsi que la forme de ses dents. Son pelage est partout abondant et épais, mais il n'a pas la finesse de celui des Chinchilla. Il est gris, glacé de brunâtre en dessus, et passe au blanc sur les parties inférieures; les poils de la queue sont secs et roides; ils sont 350 ORDRE DES RO.\GEl RS. de couleur marron sale ; la tête est brune en dessus, blanchâtre dans la région des yeux et des lèvres, et parcourue de chaque coté par une bande noirâtre; les moustaches sont longues et noires; le corps mesure en longueur cinq décimètres et demi, et la queue deux. Les Yiscaches habitent les grandes plaines de l'Amérique méridionale auxquelles on donne le nom de Pampas; elles sont surtout abondantes dans le bassin de la Plata, et du coté de Buenos- Ayres ainsi qu'à Montevideo, on en tue un grand nombre. Ce sont des Ani- maux herbivores, timides, qui vivent en société, et auxquels on donne la chasse parce qu'ils dégradent le sol, font des ravages dans les lieux cultivés, et fournissent une fourrure de quelque utilité. On s'en sert eu Amérique pour fabriquer des casquettes. On ne mange pas la chair des Yiscaches. Ces Animaux sautent avec légèreté et fuient très-rapidement lorsqu'on les inquiète ; leurs allures ont été comparées à celles des Kanguros et des Gerboises ; leurs habitudes sont sédentaires, et ils n'abandonnent les terriers oii ils sont nés que si la né- cessité les y force. C'est ce qui a lieu lorsqu'une famille est devenue trop nombreuse et qu'elle est obligée de se diviser pour vivre. Dans leurs moments du tranquillité, ils se tiennent sur leurs pattes de derrière, redressés à la manière des Lapins, se grattent avec les mêmes pattes ou se lissent avec celles de devant. Celle que M. de Blainville avait vue à Londres mangeait volontiers du pain, dc^ carottes et divers autres légumes; elle portait se* aliments à sa bouche. On la disait, mais à tort, originaire de la i\ouvelle-[Iollando. Dans l'état sauvage, les Yiscaches se nourrissent de graminées et de légumineuses; une herbe de cette dernière famille qui ressemble à la luzerne, et qui recouvre une grande partie des Pampas, paraît être leur aliment favori. Les femelles mettent bas pendant la belle saison de l'hémis- phère sud, c'est-à-dire en décembre, janvier et février; elles ont de deux à quatre petits pour chaque portée; la durée de leur accroissement parait être de quatre à cinq mois; elles ont divers cris : lorsque quelque chose les effraie, on les entend dans leurs terriers exprimer leur crainte par di^ sons rauques qui imitent une espèce de roulement ; lorsqu'elles sont surprises hors de leur trou, elles poussent en se sauvant un cri aigu. Les Yiscaches ont servi de type au genre CaUomgs de MM. 1s. Geoffroy et d'Orbigu\ , qui comprend l'ensemble des Chinchilliens. Elles répondent plus particulièrement à celui des Lagostomus, qui a été proposé, en 1829, par M. Brookes, et qui rappelle la ressemblance de leur bouche avec celle des Lapins. Plusieurs auteurs, et, entre autres, Molina, ont confondu le Lagotis avec la Yiscache. (Planche XXIX.) Genre LAGOTIS {Lagotis, Bennett). Le corps est moins fort que celui des Yiscaches; les oreilles sont plus longues, moindres cependant que celles des Lièvres, auxquelles on les a comparées; la queue est longue et en panache; les pieds de derrière ont quatre doigts comme ceux de devant. Quant aux dents, elles sont lamelleuses et très-semblables à elles des Yiscaches ou des Chinchillas. On cite trois espèces dans ce genre; elles ont été décrites par M. Bennett, sous les noms de Lagotis Cuvieri et L. pallipes, ainsi que par M. Gay, sous celui de L. criaiger. M. G. Fischer a aussi publié un petit mémoire au sujet de ces Animaux, et M. Moyen en a pari*'1 sous le nom de Lagidiwn. Les Lagotis ont le port gracieux, le pelage très-doux et approchant de celui des Chin- chillas, mais leur queue a des poils plus longs ou plus sétiformes que celle do ces Animaux ; ils se rapprochent des Lapins par les dimensions, ont des formes plus élégantes et plus élancées, et leur longue queue leur donne une autre physionomie. On les trouve en Bolivie, au Pérou et au Chili, dans la chaîne des Andes. Lagotis du Cuvikk (Lagotis Cuvieri). L'espèce appelée ainsi par Bennett est sans doute la même que MM. ls. Geoffroy et d'Orbigny avaient décrite antérieurement sous le nom de Callomys aurais, d'après des peaux incomplètes observées chez un fourreur de Paris. Voici quels caractères ils lui assignaient : Pelage d'un jaune nuancé de verdàtre à la face supérieure du corps; d'un beau jaune doré. MISSING PAGE(S) MISSING PAGE(S) FAMILLE DES 11YSTRIC1DÉS. 351 lavé de roussàtre à la face inférieure; le jaune du dessus du corps est légèrement ondulé de noir ; une ligne longitudinale noire sur le milieu de la partie antérieure du dos ; poils extrêmement fins et doux au toucher ; moustaches noires. i) k C c v 1 1: h , do grand, Le Lagotis d<> Cnvtev est abondant sur ie versant Occidental dés Andes, dans la province de Colehagua et en Bolivie; il s'étend à peu près du 33° au 18e' degré; il s'élève jusqu'à la hauteur ' A nom w.r kk « r Vv.\.v., l/i do y and. 358 ORDRE DES RO.\T.EI RS, FAMILLE DES CTÉNOMYDÉS Les Rondeurs tic cette petite famille n'ont pas tous le même extérieur et leur séjour respectif est également différent : il y en a qui se tiennent sur les arbres, ou ils vivent à la manière des Loirs et des Ecureuils; d'autres courent sur le sol et quelques-uns sont même plus ou moins souterrains; mais tous ont huit molaires (quatre paires à chaque mâchoire) et leur trou sous-orbitaire est fort grand. Leurs molaires sont plus ou moins simples à la couronne et sans racines distinctes. Les caractères, très-faciles à saisir, qui distinguent ces Ani- maux les uns des autres, les ont fait partager en plusieurs genres, qui sont les suivants : Cténorne, Pvphagomys, Shizodonle, Oclodontf et Abrocomc. Ils ont à la fois des affinités avec les Pseudostomidés et avec les Chinchilliens. Comme les uns et les autres, ils ne vivent qu'en Amérique, et c'est également dans ce continent qu'on en a n^rs ,H trouvé des débris à l'état fossile. Genre CTÉrXOMË (Ctenomys, Rlainville). Corps trapu; oreilles à peu près cachées par- les poils de la tète; queue à peine aussi longue que le tiers du troue; pouce des pattes anté- rieures rudimentaire, onguiculé; ongles des quatre autres doigts plus longs que ceux des orteils, propres à fouir; molaires décroissantes de la première à la dernière, irrégulièrement subtriangulaires; la dernière inférieure4 cylindrique. Apparence et moeurs des Campagnols ordinaires; taille plus considérable. Nous en avons observé deux espèces. 1)1 C 1 h ;s O M !•; ihii'M! I h> , -t;uh! n;if. FAMILLE DES CTÉNOMYDÉS. 359 Gténome brésilien (Ctenomys brasiliensis, Blainv.). Il a le pelage presque entièrement roussàtrc, sauf sous le corps oii il est blanchâtre; les poils de sa queue sont bruns. Cette espèce vit au Brésil , dans la république Argentine et on Bolivie. A quelques lieues au sud do Polosi, elle s'élève à une hauteur de 12,000 pieds sur les pentes des Andes, principalement dans les vallées sablonneuses. Elle s'établit à peu de distance des eaux et, dans beaucoup d'endroits, elle mine le sol pour creuser ses galeries souterraines. On a distingué à tort du Cténome brésilien les Ctenomys boliviens is et Nattcreri. Gtéxome magellanique (Clenomys mayellanica, Bennett). Il s'éloigne peu du précé- dent par son apparence extérieure, cependant ses poils sont châtain fauve en dessus et sa queue est blanchâtre ainsi que ses pattes; ses molaires sont plus petites que celles du Gténome brésilien et leur contour a une forme un peu différente. Ce Gténome est répandu dans tous les terrains sablonneux de la Patagonie qui sont secs et arides. 11 laboure aussi le sol de manière à le rendre très-dangereux pour les voyageurs à cheval. On cite des restes de Gténomes fossiles dans les terrains à ossements de grands édentés qui forment le sol d'une assez grande partie de l'Amérique méridionale : Clenomys bonariensis (Laurillard et d'Orbigny) et Clenomys prisons (Owen). (rK-NUK PÉPIIAGOMYS (Pœphagomys , F. Guvier). Corps moins trapu que dans le genre qui précède; queue un peu plus grande, mais n'égalant pas la moitié de la longueur du corps; pouce des pattes antérieures bien développé; les ongles des mêmes pattes médiocre- ment allongés; oreilles dépassant les poils de la tête; dents molaires toutes didymes, à peu près en forme de 8, faiblement décroissantes. Animaux fouisseurs ayant des rapports avec les Campagnols dans leur manière de vivre. Pépiiacomys noir (Pœphayomys ater, F. Guvier). Cet Animal approche du Campagnol amphibie pour la taille; ses oreilles sont presque dénudées; ses poils sont entièrement noirs, un peu luisants sur la plus grande partie du corps. V f. P H \ G 0 M V S un, i Dr m s h r. S \ c ici i> n (» K i: mi'Mc. ain. >'l de RPflinL On rencontre des espèces de ce genre depuis le Canada jusqu'en Californie et au Mexique, Nous parlerons d'abord de celle qui a été le plus anciennement décrite. FAMILLE DES PSEUDOSTOMIDES. 363 S An coi> h oit h a boirse (Saccophorus bursarius) ou le Mus bursarius do Shaw. Il a lo pelage gris roussàtre plus clair sur le ventre que sur le dos; ses abajoues ont les poils plus ras et d'une teinte encore plus claire, Cet Animal est plus grand que le Hamster. On le trouve au Canada et au lac Supérieur. Ses incisives présentent antérieurement deux sillons, l'un médian très-marqué, l'autre moins évident et placé au bord interne; ses deuxième et troi- sième molaires sont ovalaires transverses. Le Saocophore mexicain (Saccophorus mcjckanvs) a été décrit par M. Lichtenstein sous lo nom iWUcomys mcxkanus , et il en est déjà question dans l'ouvrage d'Ilernandez sous celui de ïucan. Comme l'indique son nom latin, on le trouve au Mexique; sa couleur est brune ou d'un roux marron; ses dents incisives ne présentent qu'un seul sillon médian; ses deuxième et troisième molaires sont ovalaires, transverses; taille du précédent. Le S accophork de Botta (Saccophorus Bottœ , Eydoux et P. Cervais, d'après Blain- ville) est plus petit. Ses incisives n'ont pas de sillons verticaux bien prononcés, et les deuxième et troisième molaires, supérieures sont en forme de cœur au lieu d'être régulièrement ovalaires; l'extrémité aiguë de celte sorte de couir est tournée du coté interne. La couleur est d'un fauve roussàtre plus claire en dessous et à la queue, et presque blancbe à la gorge et aux abajoues. Longueur du corps, 1 décimètre; de la queue, 5 centimètres. C'est M. Botta qui a découvert cette espèce. 11 l'a rapportée de la Californie, il y a déjà une vingtaine d'années. Los Animaux de ce genre ont l'habitude de fouiller le sol pour se creuser des galeries et ils se nourrissent de substances végétales, soit de racines, soit do bulbes. Dans un travail récent, Aï. Lecomte en porte le nombre à onze espèces (1). Elles vivent principalement dans les prai- ries et dans les plaines humides. Plusieurs des noms génériques que ces Animaux ont reçus «les auteurs rappellent, comme celui de Sacccophore, les singulières poches qu'ils ont de do chaque coté dv la t*vlo, tels sont ceux iWiscomi/s et de Pseiidoïlow.v. On les a aussi appelés M l.<- iitf .i'inpi. lr nnm j.i m'mjiir de (.evr.nx jmojuW- |».ir M. lJaHuique», qui tst en effet r-lus an- 36 i ORDRE DES RONGEURS. Géomys, ce qui veut dire Rats de terre et fait allusion à l'habitude qu'ils ont de creuser le sol. Genre APLODONTIE (Aplodontia, Richardson). Malgré la forme un peu différente de son crâne et celle de ses dents , ce genre ne nous paraît pas devoir être éloigné des Sac- cophores. Il comprend une espèce également fouisseuse qui habite aussi l'Amérique septen- trionale. M. Waterhouse le réunit aux Sciuridés; c'est l'A plo dont ie lépoiune {Aplodontia leporina, Richardson), répandue sur les bords de l'Orégon, oii elle se réunit en sociétés et creuse de longues galeries. Son corps a près de quatre décimètres. TRIBU des SACCOMYENS Certains Rongeurs pourvus comme les Saccomys de grandes abajoues, ayant le crâne assez jemblable sous certains rapports et les dents en même nombre et à peu près de même forme, composent une tribu particulière dans la même famille. Ils ont les formes moins trapues; les jambes hautes comme celles des Gerbilles; la queue longue; les yeux et les oreilles externes bien développés. Ces petits Rongeurs vivent d'ailleurs dans les mêmes contrées que les Sae- cophoriens. Ce sont les Saccomys , les Dipodomys et les Hëtéromys. Nous leur adjoindrons provisoirement le genre Macrocaulc * quoiqu'il paraisse ne pas avoir d'abajoues. GENRE SACCOMYS (Saccomys, F. Cuvier). 11 nous paraît convenable d'éloigner des Échimys, et en même temps des Octodontidés, le genre Saccomys de F. Cuvier, qui, joignant à des dents de même apparence que celle des Nélomys, une forme de crâne peu éloignée de celle de ces Animaux, mériterait de leur être réuni s'il n'avait de chaque coté de la bouche deux grandes poches qui lui ont valu son nom générique. Le pelage est doux et la queue longue et nue; le pouce des pattes antérieures est rudimentaire 9 mais apparent et pourvu d'un petit ongle ; les oreilles et les yeux ont la propor- tion qui distinguent les véritables Echimys. Ce genre ne comprend encore qu'une seule espèce dont l'histoire est restée jusqu'à ce jour assez incomplète. C'est le Saccomys anthopiiile (Saccomys a/t~ ihophihts, F. Cuv. ) , que l'on dit habiter l'Amérique septentrionale. 11 n'a guère que la taille du Campagnol amphibie, mais sa tête est plus grosse ; son pelage est brun fauve presque partout, quoique plus pale aux sacs buccaux, aux membres et sous le corps. Son nom spécifique rappelle qu'il aime les Heurs et il parait eu effet qu'il les recherche pour s'en nourrir. Le Saccomys a les tarses assez longs et il doit sauter avec facilité. L'exemplaire unique qui en a été décrit n'est pas tout à fait adulte. C'est par l'examen de son crâne que nous avons été conduit à comparer cet Animal aux Nélomys ■et aux vrais Eehymys, tout en le classant parmi les Pscudostomidés. cion que celui de Succoyhorus , el antérieur par conséquent à ceux de Pseudoslome et iï.lscomys. Il asMijne pour patrie à chacune do* onze espèces les localités suivantes : S v c c o m \ s a nt h it o i' m île, 2/3 de grand . Tète vue en dessous Geomys Jàspidus : de Mexico. Geomys canadensis, le même que le Saccophorus bursarius : du Canada. Geomys Pineli : de la Floride, de l'Alaluuiia el do Géorgie. Geomys mexicamts: du Mexique. Geomys oregonensis: de la vallée du Columlna Geomys rufescens, peut être le Succopliorus Jiollœ: de la vallée du Odumb'a. Geomys Douylasii : du même pa\s. Geomys talpoïdes : de la baie d'Hudson. Geomys nmbrinus : de la Lou'siane. Geomys bulbirorus : de la vallée du (lolunibia. Geomys raslanops : ; leurs dents molaires ont quelque analogie, pour la forme, avec celles des Campagnols, et sont en effet un peu en zig-zag à leur couronne; ils en ont également trois paires à chaque mâchoire: quelques espèces ont une molaire plus petite en avant des molaires supérieures ; les incisives supérieures sont marquées d'un sillon vertical. L'étude anatomique de ces \nimaux a été faite par plusieurs auteurs, parmi lesquels nous cite- rons M. Lereboullet, qui a publié nés détails intéressants au sujet de la Gerboise qui vit dans les possessions françaises du nord de T Vfriquc. Les anciens avaient remarqué les Ger- boises, et Ton voit la figure d'un Animal de ce genre sur les médailles de Cvrène. lïr. \rs i»e Gf.rboisk (Dipus hirlipes), 3/1 c> grnml. 308 OH DUE DES BONGEURS. On peut partager les Animaux de ce groupe en trois catégories, en tenant compte du nom- bre de doigts qu'ils ont aux pieds de derrière; M. Brandt en a donné une classification plus minutieuse et qui l'a conduit à l'établissement de plusieurs coupes génériques nouvelles. I. Gerboises n'ayant que trois doigts postérieurs. Cette division comprend les Se ut topo de s et les Dipus de M. Brandt. Gerboise gerbo (Dipus sagitta , appelé aussi Dipus gerboa). C'est la véritable Gerboise de Buffon; mais ce célèbre naturaliste rapporte à tort au même genre plusieurs Animaux ayant une organisation tout à fait différente, tels que le Kanguroo et d'autres encore. On l'a d'abord donnée comme étant commune à une grande partie de l'Afrique, à l'Arabie et à la Russie méridionale ; cependant il paraît que plusieurs espèces ont été confondues sous ce nom, mais leur distinction n'a pas encore été établie d'une manière suffisante. Ces Animaux sont fauve clair en dessus, blancs en dessous, a^ee la queue à peu près de la couleur du dos dans ses deux premiers tiers, puis blanchâtre sur une courte étendue, noire sur une plus grande longueur et terminée de blanc. Le corps a 0,15 et la queue 0,20. C'est cette Gerboise (pie Ton voit le plus souvent dans les ménageries; la facilité avec laquelle elle ronge les bois les plus durs oblige de la tenir renfermée dans des cages doublées de fer -blanc ; elle est commune dans plusieurs parties de l'Algérie, principalement dans la province d'Oran. Duvernoy, donne à la Gerboise d'Algérie le nom de Dipus mauritaniens. M. Liechtenstein , de Berlin, rapproche du Dipus jaculus les Dipus bipes, d'Egypte; Dipus telwn, deTartarie, près la mer Aral; Dipus Iiirtipes, d'Egypte, et Dipus ïagopus, de Bûchai ic. II. Gerboises ayant quatre doigts aux pieds postérieurs , ou les SciRTOMYS, Brandt. Gerboise tétradactyle (Dipus tetradactylus , Liechtenstein). Elle diffère surtout (W> précédentes parce qu'elle a quatre doigts aux pieds de derrière ; c'est le pouce qui apparaît ici, mais il n'y a pas de trace extérieure du cinquième orteil. Cette espèce, dont la taille est un peu moindre que celle du Gerbo, a été découverte dans les déserts de la Lybie, entre Siwah et Alexandrie. III. Gerboises ayant cinq doigts aux pieds postérieurs, ou le genre \ l, \CT \c. \ , F. Cuvier. (Scirteles, Wagner; Scirteta et Plalyccromys, Brandt). Gerboise alactaga (Dipus jaculus, Gmclin) ou le Mus jaculus de Pallas, le Mongul de Vicq d'Azyr, la Flèche de quelques auteurs. Nous en donnons la figure coloriée (PI. A/A). Les deux doigts latéraux ne descendent pas jusqu'à la terminaison inférieure du canon ; les oreilles sont assez grandes et les moustaches longues; le pelage est gris fauve en dessus avec la base des poils gris, et blanc jaunâtre en dessous; la queue est de couleur gris fauve dans la première moitié ; son troisième quart est noir, et le quatrième blanc et en balai. Sa longueur totale est de 0,30; celle du corps égale seulement 0,25. De la Russie méridionale, en Europe et en Asie. Gerboise acontion (Dipus acontion, Pallas). Peu différente de l'Atactaga, mais plus petite; son corps n'a que 0,10; sa queue mesure 0,18. Elle est aussi de la Russie mé- ridionale. C'est aux mêmes contrées qu'appartiennent les Dipus brachyurus, Blainville; Dipus minutus , Blainville, et Dipus platvrus , Liechtenstein. La seconde est aussi le Dipus pygmœus du zoologiste de Berlin, Une dernière espèce paraît spéciale au sud de l'Algérie. F. Cuvier, qui la signale, lui donne le nom (V Alactaga arundinis. Sa longueur, de l'origine de la queue au bout du museau, est de 0,135; la queue seule a 0,140. Tout le dessus du corps est d'un gris fauve , jaunâtre sur les côtés et sur la queue, laquelle est terminée par une mèche dichotome brun noir et blanche à l'extrémité; les côtés des joues, les parties inférieures du corps, la face interne des membres et les côtés des fesses sont blancs ; de grandes moustaches brunes garnissent les côtés du museau; les incisives sont blanches et unies; les oreilles sont presque nues. Tels sont les caractères assignés par F. Cuvier à cette espèce de Gerboise pentadactyle MISSING PAGE(S) MISSING PAGE(S) FAMILLE DES WPODTDES. 309 que Shaw avait signalée sous le nom do Jerboa, comme vivant le plus ordinairement dans les sables du Sahara. Il l'appelle Alactaga des roseaux, parce que, d'après le voyageur anglais, elle aime ces végétaux, et que partout où il y en a on est sur de la rencontrer aussi, \L Cray signale une espèce d' Vartana dans l'Inde. TRIBU des PÉDÉTIENS Les Pédétiens (Peddina, Cray) ont pour type le genre Pédète , aussi appelé ïfelamys , dont nous rapprocherons le Pétromys , placé à tort par quelques auteurs à côté des Echimys. Ces Animaux, qui sont particuliers à l'Afrique, ont eu pour |s^ représentants européens, pendant la période miocène, les /ssindnrnmys , que l'on ne connaît encore que par les restes 1/3 .i" m-.Ms.' C r \ n F. ni: P i: d È t f , I l'-i (\ e grand . fossiles qu'ils ont laissés dans les terrains du centre de l'Auvergne. Ce genre paraît les rat- tacher aux Rongeurs fossiles, également pourvus de seize molaires, dont nous avons parlé à la page 273, et même aux Ànomalures ainsi qu'aux Myoxidés. CiRMiK PÉDÈTE \Pedcles, llliger). \nimaux sauteurs, à corps allongé, ayant la tète grosse , les oreilles grandes et pointues, les yeux assez volumineux, la queue longue et velue, les pieds postérieurs bien plus longs que les antérieurs et à quatre doigts seulement , tandis que ceux-ci en ont cinq; enfin tous les ongles forts et disposés pour fouiller le sol. Le crâne des Pédètcs a une forme assez singulière ; les os du nez sont larges et saillants, disposition qui se traduit dans la physionomie extérieure de ces \nimaux par la saillie de leur nez ; le trou sous-orbitairo est très-grand; l'orbite, considé- rable , est presque complètement encadrée ; la mâchoire inférieure courte ; les dents incisives, fortes et larges aux deux mâchoires, sont coupées carrément à leur bord tranchant; les molaires, au nombre de quatre paires en haut et en bas , à peu près égales entre elles, sont marquées d'un fort sillon, qui est externe aux supérieures, interne aux inférieures , et fait paraître leur couronne incomplètement bilobée. C'est, d'ailleurs, ce que la figure ci-jointe fera comprendre beaucoup mieux que la description que nous pourrions en donner. Ces dents n'ont pas leurs racines distinctes. Ce genre a reçu de F, Cuvier un nom différent : i! l'appelle ffélamys, et quelques auteurs ire partie, 47 Dents de Pédètk, 2/1 Î0 ORDRE DES RO\GElRS. mi ont parlé sous cette dénomination; mais le mot Pcdcfps. qui est le plus ancien, a du être préféré. On trouve l'unique espèce qui s'y rapporte dans les régions sableuses de l'Afrique australe, à peu de distance du cap de Bonne -Espérance, et Sparmann, \oyageur hollandais de la fin du siècle dernier, en a déjà fait mention. C'est son (ierbua capensis. Pallas a traité du même Animal sous le nom de Mus va fer. Les colons hollandais l'appellent l>or(j /uias , t'e qui signifie Lièvre de montagne, et Sprint/ haas , c'est-à-dire Lièvre sauteur. C'est YAerdmannclje des Hottentots, dénomination d'oii l'on a tiré les noms de Manuel ou Maunet, sous lesquels il est question du Pédète dans plusieurs auteurs. C'est aujourd'hui le Pkdkte or Cap {Pedvtes copemis). Cet Animal a le corps à peu près aussi long qu'un Lapin, mais il est moins fort des reins, et sa queue est bien plus longue; elle a 0,45, et le corps un peu plus. Le dessus do la tète, le dos, les épaules, les lianes et la croupe sont brun jaune, légèrement grisâtre; le dessus de la cuisse est un peu plus pale; la jambe est plus brune, et elle a une ligne noire vers le talon. Il y a du brun jaunâtre mêlé de blanc sur les cotés de la tête, et les parties inférieures de tout le corps \ .j; P f. » !• t r i> r ( . \ r . 1 /'fi il'v pTon'l . FAMILLE DKS DIPODJDÉS. 371 sont blanches; la pointu dos oreilles et les moustaches sont noires; la queue est d'un roux assez vif eu dessus et blanc en dessous, jusqu'à son milieu; noire, au contraire, à sa pointe. Les Pédètes ou Hélamys marchent surtout par bonds, à la manière des Gerboises et des Kanguroos; alors ils allongent leur queue et tiennent leurs pattes de devant appliquées contre leur poitrine; ils ne sortent guère que le soir ou la nuit; leur nourriture consiste en substances végétales ; ils passent presque tout le jour cachés dans des terriers qu'ils se construisent en fouillant le sol à Prude de leurs oncles puissants, et, lorsqu'ils en sont sortis, ils y rentrent immédiatement si quelque bruit se fait entendre. Leur précipitation est des plus grandes, et ils semblent plonger sous terre; leur timidité est excessive. Lorsqu'ils sont calmes, leur voix consiste en un grognement assez sourd. On a raniment possédé les Pédetes en vie. Allamand, qui en a vu un en Hollande, nous apprend que, pendant son sommeil, il ramenait sa tête entre ses jambes de devant, et qu'avec celles de derrière il rabattait ses oreilles sur ses yeux et les y retenait appliquées comme pour les préserver de toute atteinte extérieure. Les Pédètes ont deux paires de ma- melles. Ou ignore combien ils ont de petits à chaque portée. (iENKM VÈT\\OM\ S (Pelromtjs, \. Smith). Animaux coureurs, à pieds postérieurs à peine plus longs que les antérieurs; queue presque aussi longue que le corps ; oreilles de forme ordinaire; dents molaires au nombre de quatre paires à chaque mâchoire. Cii v M' !• !' I'i-ïkom i s, grand n«i i'i'.i in> m \ s, '2/1 Pkthomvs tw>k (Pcfrowf/s If/pkus, \. Smith). C'est la seule espèce qu'on ait encore observée; sa taille est à peu près celle d'un Spermophile, mais sa forme extérieure est plus semblable à celle des \brocomes ; son pelage est de couleur roussàtre. ' i i r. m i y • Tvrr . -,.7 île gvmvî 372 ORDRE DES RONDEURS. Cet Animal a été observa dans l'Afrique méridionale , vers l'embouchure de la rivière Orange, par M. Smith, et dans le pays des Namaquois, par M. J. Yorreaux. Jl se tient prin- cipalement sur les collines rocailleuses ; habitude qui a conduit 1* auteur cité à l'appeler Pntromys, ce qui veut dire Rat des rochers. C'est là que ce petit Mammifère établit son nid sous les pierres ou dans quelque crevasse. Sa nourriture est essentiellement végétale et paraît consister principalement en fleurs de composées; il préfère celles des séneçons. Genre ISSIODOROMYS (Issiodoromys , Croizet). J'ai essayé de démontrer ailleurs qu'il fallait rapprocher des Ptéromys et des Pédètes ce genre de Rongeurs dont l'espèce type avait été regardée par quelques auteurs comme congénère du Cochon d'Inde et de l'Apéréa. LTssiodoromys , dont le nom veut dire Hat d'Issoire, a été distingué génériquement par le savant curé de Nochers, près Jssoire, M. l'abbé Croizet, qui a fait faire de véritables progrès à la paléontologie des Animaux vertébrés par ses belles recherches sur les fossiles de T Au- vergne, et qui a apporté dans l'étude de cotte science des vues à la fois indépendantes, neuves et ingénieuses. Voij. page 273 pour la dentition de I'Issiodoiîomys. TRIBU des CTENODACTYLIENS GENRE GTÉNODACTYLE (Cteiwdavlyhts, Gray). L'unique espèce de ce genre est un Animal africain, à corps ramassé, à oreilles courtes, à pieds disposés pour fouiller le sol et doni les molaires sont au nombre de douze en tout. Malgré les caractères que nous venons (l'indiquer, et aussi malgré les différences notables de la forme extérieure qui séparent ce genre des Pédètes, et plus encore des Gerboises, on jie peut nier qu'il n'ait avec eux certaines analogies et qu'il n'établisse pour ainsi dire un lien entre les Campagnols et les Dipodidés. Le crâne du Gténodactyle a un grand trou sous- orbitaire et son canal auditif est large el tubuleux. Deux autres particularités remarquables qu'il nous a présentées consistent dans l'étroitesse de sa partie faciale, en avant du trou sous-orbitaire , ce qui le fait ressembler à celui des Gerboises, et dans la composition du trou sous-orbitaire lui-même. Celui-ci n'est que partiellement encadré par l'os maxillaire, dont l'apophyse zygomalique n'envoie qu'un courte et étroite portion au bord externe du trou. La racine antérieure du zygomalique complète ce bord, et sou arc supérieur est en grande partie formée par l'os unguis. M. Gray a proposé le premier de rapporter ce genre à la tribu des Campagnols; de mon coté, j'ai émis l'opinion qu'il appartenait aux Dipodidés. Il est incon- testable qu'il tient à la fois (]o> uns et des autres, et qu'il ressemble d'une part, aux Campa- gnols les plus fouisseurs et d'autre part aux Pédétiens du genre Pélromys. Les Cfénodaetyles ont quatre doigts à chaque pied; ceux de derrière, et principalement les deux externes, sont garnis d'une rangée de poils roidis qui ressemblent à un peigne. Le Gténodactylk de Masso.n {(Jtenodactyhis Massonii, Gray) paraît exister à la fois dans les régions sablonneuses qui avoisinent le cap de Ronne-Espéraneo et dans la région saharienne la plus voisine de Tripoli, en Rarbarie. Les premiers exemplaires qu'on en ait observés ont été rapportés de l'Afrique australe, en 1774, par Masson, botaniste voyageur auquel on doit aussi plusieurs belles espèces de bruyères. Leur taille est celle d'un Lagomys et leur pelage est cendré, un peu lavé de fauve. Leur espèce a été successivement étudiée par M. Gray, par M. Jourdan et par M. Wagner. On en conserve un exemplaire au musée de Lyon. Les dents molaires supérieures du Gténodactyle sont uniformes, avec une échancrure externe; les inférieures sont didymes, à lobes tran verses et un peu obliques; la mandibule de ces Animaux rappelle , à quelques égards, celle des Gténomys; leurs incisives sont lisses. Pallas a très-probablement parlé des Cténodactyles du nord de l'Afrique, sous le nom do Mus Gundii. Il dit, d'après Rothmann, que cette espèce, qu'il compare à un petit Lapin, c'est-à-dire à un Lagomys pour sa taille, a la queue courte, les pieds tétradactyles et le corps gris roussâtre. FAMILLE DES MYOXIDÉS. 373 FAMILLE DES i1 MYOXIDES Les Loirs ou Myoxus servent de type» à la famille des Myoxidés, et ils en constituent le principal genre. Ces Animaux rappellent les Ecureuils par leur apparence extérieure et par leurs habitudes; mais ils tiennent aussi des Rats sous certains rapports, et ils ont en parti- culier le crâne à peu près de même forme que ces derniers, lis sont principalement caracté- risés par leurs dents molaires, qui sont en tout au nombre de seize, et qui ont la couronne marquée de plis transversaux do l'ivoire, de manière à rappeler jusqu'à un certain point, mais avec plus de régularité , ce que nous avons vu chez les Ptéromys. Les molaires des Myoxidés sont pourvues de racines distinctes, comme celle des Sciuridés et des genres omnivores de» la grande famille des Rats. On ne trouve ces Animaux que dans l'ancien continent, mais il yen a dans ses trois parties. Ils ne sont pas nombreux en espèces. Tous vivent sur les arbres et ils ont , comme la plupart de ceux auxquels ce genre de vie convient, les proportions du corps élégantes, les oreilles pourvues d'une conque auditive entière et la queue longue et en pinceau. Leur taille est infé- rieure à celle des Ecureuils, et, quoique leurs habitudes diffèrent peu des leurs, ils ont un régime plus complètement frugivore. Les Myoxidés (pu vivent dans les régions froides ou tempérées jouissent tous de la remarquable propriété de l'hibernation. Lorsque le froid com- mence, ils se retirent dans leurs cachettes et tombent dans un sommeil léthargique, qui dure jusqu'au printemps suivant; alors ils ne prennent aucune nourriture, et s'ils se réveillent, par instant, c'est pour retomber bientôt après dans leur engour- dissement. Les Loirs captifs ont, aussi bien que les Loirs des vergers ou des bois, la propriété dont nous parlons, et E. Cuvier l'a même constatée sur un Loir du Sénégal (Myoxux Coupcil) qu'il a possédé vivant à Paris. La température de ces Animaux s'abaisse alors notablement, et la graisse dont leur épiploon et presque tout leur corps s'étaient accrus pendant la belle saison diminue proportionnellement à la durée de leur sommeil. C'est par la combustion lente de cette substance que la vie s'entre- tient chez eux; car, quoique leur respiration et leur circulation soient fort ralenties, elles: ne sont pas entièrement suspendues. i.-MK m sfsMiu. uiï.hi wM ïl y a deux genres de Myoxidés, celui des Loirs ou Myoxiis qu'on a quelquefois essayé de diviser en genres secondaires, el celui des Graplûui'ca. Le premier fournit plusieurs espèces à l'Europe, à l'Afrique ainsi qu'à E Vsie; le second n'en a encore présenté qu'une seule réellement authentique; elle est du sud de l'Afrique. (iENKE LOIR (Myoxus, Sehrober). Les espèces qu'on a étudiées avec soin ont toutes présenté la forme cannelée de la surface coronale des dents molaires que nous venons de décrire en parlant des caractères généraux de la famille. Elles vivent dans les bois, les buissons ou les vergers, montrent une légè- reté égale à celle des Écureuils , auxquels elles ressemblent aussi par leurs formes extérieures, font rarement un nid, se reliront dans les trous des murs, des rochers ou des arbres, et se font craindre dans les endroits cultivés par le préjudice qu'elles occasionnent en détruisant les fruits. Ces Rongeurs ont plus de vivacité que les Rats, leur pelage a ?' aussi des couleurs plus vives que celui de ces derniers; toutefois, :,iiUUh£„ „„ LbB0Ii .h ^ Smn,\ 374 ORDRE DES RONCEl RS. leurs dents et certaines parties de leur squelette sont aussi différemment conformées , ce qui permet de distinguer sûrement les débris qu'ils ont laissés dans plusieurs couches géologiques. Loin e. lis {Myoxus gïis). 11 a le pelage d'un gris brun cendré en dessus, blanchâtre en dessous et brun autour de l'œil; les poils de sa queue sont bien fournis; cette partie a 0,13 et le corps 0,15. C'est une espèce de l'Europe méridionale et de plusieurs pays de l'Europe centrale; on l'observe en Grèce, en. Autriche, en Italie et en Espagne; nous ne la connais- sons en France que dans la Provence et dans le Roussillon, M, de Selys la cite dans les bois de \aux et Moyeuvre (Moselle), d'après M. Hollandre, Il dit dans sa Faune belge que plu- sieurs personnes lui ont assure l'avoir vue en Relgïque, mais qu«i les exemplaires qu'on lui a envoyés comme tels n'étaient que des Lérots. Les érudits supposent que c'est l'Animal nommé GUs par les Romains, qui le tenaient en captivité pour l'engraisser et dont ils esti- maient beaucoup la chair. Varron donne la manière de l'aire ces garennes de Loirs, et Apicius celle d'en faire des ragoûts. Cependant les personnes qui ont mangé la chair de ce Rongeur disent qu'elle est mauvaise et d'une odeur désagréable, Vristote a écrit que- les Loirs passent tout l'hiver sans manger, ce qui est exact, cotte saison étant celle de leur engourdissement; mais il a ajouté à tort que le sommeil les nourrit plus que les aliments et que, pondant cette abstinence prolongée, ils deviennent extrêmement gras. Comme tous les Animaux dormeurs, les Loirs s'amaigrissent pendant leur léthargie; la vie, quoique peu active en eux, s'enlreto- nant surtout aux dépens des matières grasses dont ils s'étaient accrus en automne. Loir» Lkiiot (Mijo,nus //Halo). Eauve brunâtre en dessous ainsi que sur ia lac externe des bras et des cuisses; blanc en dessous, aux quatre pattes, aux joues et aux épaules; queue fauve brune, puis noirâtre en dessus, et enfin blanche; une grande tache noire entoure I'umI, se continue autour de l'oreille et s'élargit derrière elle sur les cotés du cou. Longueur du corps, 0,15; do la queue, 0,12. Le Lérot est commun dans une grande partie de l'Europe. Il préfère les lieux cultivés, approche des habitations et se tient dans les vergers, dans les parcs, dans les jardins, dans les bois de petite étendue. Sa nourriture consiste principalement en fruits et il en gale une très-grande quantité. Sa ehairn'e>t pa> mangeable, el r\nima! vivant a. une odeur dé>améabl<\ F UN LLK DES M VOMDKS. 375 11 est très-friand do matières sucrées; ce qui donne un bon appât pour l'attirer dans les pièges qu'on lui tend ou pour l'empoisonner; lorsque les fruits lui manquent, il se rabat sur d'autres matières appartenant aussi au règne végétal ; il mange également de la chair. On voit souvent les Lérols que Ton tient en cage dévorer les plus faibles d'entre leurs compagnons; les femelles que l'on prend avec leur nichée mangent aussi leurs petits. Lorsque le froid com- mence, ils se cachent dans leurs retraites et tombent en léthargie. On en rencontre parfois plusieurs dans un même trou, tous ramassés en boules au milieu des provisions de noix, de noisettes, etc. , qu'ils ont eu soin de rassembler pour les manger à leur réveil. Ces Animaux se multiplient assez rapidement ; ils ont jusqu'à six et même huit petits par portée. Leur espèce est le Lérot de Ruffon ainsi (pie de Fréd. Cuvier, le Mus quereinu* de Linné et le Mus nilela de Schreber. Loin dryade (Myoxus dryas , Schreber). ÎI est souvent considéré comme une simple variété du Lérot; mais il paraît cependant qu'il faut l'en séparer comme espèce. Son pelage est d'un gris fauve en dessus et d'un blanc sale en dessous, avec une tache obscure entourant l'œil et s'étendant jusqu'à l'oreille; la queue est assez courte comparativement à celle du Lérot, (0,085) ; sa base a de grands poils blancs. Le Dryade habite les bois de la Géorgie. On le signale aussi dans la vallée du Volga et en Lithuanie: c'est le Myoxus niledula de Pallas. Loin musgardi.v (Myoxus a.veJlaiiarius) appelé aussi Craque voir. C'est la plus faible «les quatre espèces que ce genre possède en Europe; son pelage est fauve clair, un peu cendré par intervalles et blanchâtre en dessous; sa queue paraît un peu aplatie et les poils en sont distiques; elle a 0,075 et le corps à peu près autant. Ce joli petit Animal habite la plupart des fitats européens et sa présence a été constatée jusqu'en Suède : il est également répandu en Angleterre, oïi l'on ne voit ni le Loir ni le Lérot. Ses mœurs lui donnent autant de res- semblance avec les Écureuils que ses caractères extérieurs. Connue eux, il vit sur les arbres, dans les lieux un peu sauvages ou même dans les forets, mais il fait son petit nid à la bifur- cation de quelque branche, soit sur un arbre peu élevé, soit dans un buisson; la femelle y dépose sa progéniture, et, pendant l'hiver, les Muscardins des deux sexes s'y engourdissent et ils y passent tout le temps que dure leur état (Je torpeur. Chaque portée est de cinq petits, qui sont nus en venant au monde, comme ceux des Rats ou des Lérots, et ont les yeux fermés. On a fait quelquefois des Muscardins un genre distinct de celui des Loirs proprement dits, et M. Kaup propose pour ce genre le nom de Museardins. C'est une distinction qui n'a pas prévalu. M. Wagner sépare aussi génériquement des Loirs ses iïliomys, espèces africaines , dont il a donné les caractères dans un Mémoire publié en 1810. Les Loirs africains sont : Myoxus orobhius (Wagner) du Sennaar; Myoxus Coupon (F. Cu- vier) du Sénégal; Myoxus marinas (J)esniarest) du cap de Ronnc-Espéranee et de la ente Mozambique. Lue autre espèce est étrangère à l'Europe et à r\frique, c'est le Loin kuU;a\t {Myoxus <>h>gans, Tomminck et SchlegeO, C'est sans doute le mémo Animal que le Myoxus lineafus de :\L de Siebold. Il a été découvert au Japon. Des Loirs fossiles ont été découverts en Europe, et particulièrement en France, non-seule- ment dans les cavernes, mais aussi dans des dépots plus anciens, soit miocènes, soit même proicènes. Les Loirs miocènes ont reçu de M. Lartet le nom de Myoxus sansaniensis ; j'en ai figuré quelques débris dans ma Zoologie franrmso\ ceux du terrain proicène ont été décou- verts et déterminés par G. Cuvier : ils viennent des plàtrières de Montmartre, près Paris. On leur a donné les noms de Myoxus speheus ou parisiensis et Myoxus Cuvieri. Ci: MIE OR \ PII IL RE (Graphiurus, F. Cuvier). Caractères extérieurs des Loirs; molaire* plus petites et sans apparence de cannelures transvesrsnles. (i il apiiiim; h du cap (Graphiurus capensis , F. Cuv.). Cette espèce précédemment indiquée par F. Cuvier sous le nom de Myoxus Catoirii , et plus récemment par M. Smith sous celui de Myoxus oruJarh , a. le dessus de la lète, le cou , les épaules, le dos, les flancs, la croupe 37fi ORDKK DES nO\fiEl HS. et le haut tics membres d'un gris brunâtre; le bout do sou museau, les cotés et le dessous de sa tête sont blanc roussatre, ainsi que le bas des membres; une large bande noire s'étend depuis les yeux jusqu'au-dessous des oreilles, comme chez le Lérot; la queue a son extrémité blanc roussatre et en forme de pinceau; la taille et les proportions rappellent le Lérot. Cette espèce a été découverte au cap de Donne-Espérance par M. Catoire. M. O'Gilby en signale une seconde propre à la mémo partie de l'Yfrique, c'est son Graph'wrus elcgans. iXïl4ft (.. Il A 1- Il M lt I. FAMILLE des MUKIDÉS Les nombreuses espèces qui s'y rapportent sont, pour la plupart, de petite dimension, et il n'en est que quelques-unes qui atteignent la moyenne de la taille propre aux autres Ron- geurs. Leurs dents sont presque constamment au nombre de trois paires à chaque mâchoire, et, au total, de douze; leurs formes rappellent plus ou moins celles du liât, de la Souris et dm Campagnol; quelques-unes sont aquatiques, mais la plupart sont terrestres. Jl y a des Animaux de cotte famille sur tous les points du globe ; cependant ceux de la première tribu , dont on pourrait d'ailleurs faire une famille à part, ne se rencontrent que dans l'ancien e ontinenl. Nous parlerons d'abord de ces Muridés sous le nom de Bals -Taupes. Après eux viendront les Murions, dont les principaux types sont ceux des Campagnols et des Rats. TRI1UJ des RATS-TAUPES Ces Animaux se partagent en plusieurs genres, qui appartiennent tous a l'ancien monde. Ce sont les suivants : Batkyergues , Géoryqucs, tthizomys, Siphnés et Spahi.r. Nous y ajoute- rons les Héliophobies, par lesquels nous commencerons. Les Ilats-Taupes sont des Animaux fouisseurs ayant | molaires, quelquefois j seulement, FAMILLE DES ML" RIDÉS. ?>n ou au contraire ^, toujours plus ou moins radicu- lées; la queue courte ou nulle; la tête grosse; les ongles forts; les yeux plus ou moins réduits, et le trou sous-orbitaire subarrondi, de grandeur médiocre. gemie héliophobie (fMwpjwbius, Peters). C'est le seul de tout le sous --ordre de Rongeurs ordinaires qui ait cinq paires do molaires à chaque mâchoire. {Voir page 2G8 , la figure.) L'espèce, encore unique, est F II kl 10 phobie ar- c k n t i n ( Hëlio'phobms cincreo - argenteus , Peters) , dont nous donnons ici la tête et les pieds. Cet Ani- mal appartient à la cote Mozambique. IW-i.10 Patte an'érieure, gr. )BIE \H(.ENTI t. P.itk' ]»:>Sti- ^ M. Pé'.i'iN.) ■icurc, gr. naf , il M.tiiPii o ru- \ r. r, f v t i n , vu <]o profil , grnnd n<-* f . 11 f 1. 1 npii obie uiu'min. V!i do fai r>, grand, nat. Cenue l> AT II VEIMiL E [Rot/njergus, Uligerj. Les espèces qu'il renferme présentent les caractères suivants : Point d'oreilles externes; yeux petits mais pourvus d'une ouverture pal- pébrale; queue très-courte; doigts au nombre de cinq à chaque pied , ayant des ongles puis- sants; corps gros, ramassé; molaires \ plus ou moins régulièrement en forme de 8, sensi- blement décroissantes; incisives très-longues, surtout les inférieures. Le trou sous-orbitaire des Rathyergues est petit; leur canal lacrymal est tubuleux (t situé (Mi arrière de l'apophyse zyg'omatique de l'os maxillaire. Cm ne de Bath-yergue des dunes, grand, nat D !• N T S I» K B \ T II Y F H G f F I) E S |) (ï N E S , 2/ 1 fflMIlil . Ces \nimaux vivent en Afrique, principalement dans les régions méridionales et maritimes ire p\utïf.. 43 378 OIÏDKK DKS lU).\(iEl Il S. de ce continent. On les rencontre dans les terrains sableux, et surtout dans les dunes qui avoisinent la mer. Ils passent presque toute leur vie sous terre, dans des paieries qu'ils creu- sent eux-mêmes, et, sous ce rapprt , on les a très-exactement comparés aux Taupes. C'est pour le même motif que les Bathyorgues et plusieurs genres voisins reçoivent le nom do Bats-Taupes. Lo cap de Bonne-Espérance en a fourni trois ou quatre espèces. Batiiyergie des dunes (BathyenjusmarUimus). C'est la plus forte espèce du genre. Sou corp- approche pour la grosseur de celui du Lapin de garenne; il est long de trois décimètres au moins; sa queue, qui n'a que six centimètres. e>t un peu aplatie; elle e s n i- S l m \ r ii \ (Wnzomys snmalrensis , Cray) , antérieurement Mus snmalrensis pour Baffles et Spalax javanus pour Cuvier; c'est le Bamboo Bal ou Bat dos bambous du major anglais Farquhar. M. Teinminck le dérrit dans ses Moitoy rapines sous le nom J\!yc- ioclcplcx Dckan , et il est possible que. le Bldiomys clnueiisis de M. Cray n'en diffère point. La véritable patrie; de ce Bongour n'est pas Sumatra; c'est encore moins Java, comme on l'avait cru. Le Bbizomys habite la presqu'île de Malacca. C'est de ce pays que MM. Eydoux et Soule\el a\aienl rapporté les individu-- eue j'ai décria et ligures dans le voyage de la Bonile. Leur grandeur est telle «l'un Lapin de pelile dimension; leur pelage, est soyeux, assez dur, peu serré, surtout aux parties inférieures; la couleur eu c-( gris jaunâtre ou blonde; une, larho ohlnnmie, de nuance fau\e clair se remarque sur le front, et derrière celle tache il y a un peu de brun; les yeux sont de médiocre grandeur; les oreilles, petites, velues à leur face externe, et la queue nue; est longue de 0,10; le corps, dans les individus les plus forts, a jusqu'à '»,]> les mousladic; snul ■■nw>u,«---; caractères certains, parmi lesquels ceux de la denlition et de la forme du crâne sont pcut-èlre les plus impor- tants. On peut grouper les différents genres et sous-genres à la distinction desquels on est arrivé par cette étude autour des trois genres principaux : les Campagnols, les llats et les Gerbilles. Les espèces intermédiaires qui les relient les uns aux autres empêchent d'eu faire des tribus à part. [° Dis Campagnols et des genres qui s'en rappruc/tarf. (oi.Mlli CAMPAGXOL v ircicula , Laeépèdo). Les Campagnols ou petits Rats à queue courte qui vivent dans nos champs sont, dans l'Europe centrale, les représentants les plus ordinaires du grand genre de Muridés, auquel on a donné les noms iVArcicoïa , Leinnius, Hypudeus, etc. Il serait facile do démembrer ce groupe en plusieurs autres, ce qui, du reste, serait conforme à l'opinion de la plupart des naturalistes; mais nous devons laisser ce luxe de divisions aux publications plus spéciales, et, conformément aux règles qui nous ont guidé dans la rédaction de ce livre, nous parlerons, sous la dénomination commune de Campagnols [Arvkola) , de la plupart des Rongeurs qui constituent la tribu des Arvicoliens, Leur principal caractère consiste en ce que leurs dents molaires, qui sont au nombre de douze, comme celles de la très-grande majorité des Rats, ont les replis de leur fut disposés angulairement, Ce caractère donne à leur couronne une coupe en forme de zig-zags, et ceux-ci sont bien plus réguliers que chez les Reithrodons ou les Psammomys, qui établissent la transaction entre les Campagnols, les Rats et les Gerbilles. Les Campagnols, que d'autres Animaux représentent dans l'Afrique» et dans l'Amérique méridionale, mais sans appartenir précisément au même groupe qu'eux, forment un grand nombre d'espèces toutes propres à l'hémisphère boréal. Ces Arvicoliens vrais se rattachent à plusieurs égards aux Rats-Taupes par leurs espèces les plus fouisseuses, et le curieux genre des Ctenodactyles offre un mélange de leurs caractères et de ceux des Dipodidés , quoiqu'il soit très-différent do^ Cerboiscs par ses formes lourdes et par ses habitudes, souterraines. Les Ondatras s'en rapprochent encore plus intimement et doivent être considérés comme des Arvicoliens proprement dits ayant les pieds palmés. 1. In premier groupe d'Arvicoliens comprend, entre autres espèces, le Lemming. Le Campacnol Lkmminc (Lemmus norvégiens) a le pelnge roux fauve, marbré de noir et de brun ; ses poils sont bruns dans la plus grande» partie de leur longueur, ef ce n'es! que vers la poinle que la plupai'1 d'enlro eux deviennent fauves. Des grandes marbrures noirâtres se remarquent surtout sur le dessus de la tète et à la région des épaules ; le corp.^ est trapu, la tête est grosse, et la queue tout à fait rudimentaire ; enfin les ongles sont forts et, très-propres à remuer le sol. La tête et le tronc mesurent près d'un décimètre, tandis que la qm'iio ne dépasse guère un centimètre en longueur; elle se termine parmi petit houqm I de poils. L'apparence extérieure du Lemming serait, celle, d'un pelil Lapin si ses oreilles n'étaient pas si rudimeutaires. C'est une espèce particulière à la Norwége et a la Laponie, qui est célèbre par ses migia lions. A certaines époques, et sans que la cause en soit bien évidente, elle quitte par troupes innombrables la chaîne des Alpes Scandinaves, qui est sa demeure habituelle, et elle s'en éloigne, uv qui '■ dhi^cid \ ci - !■'• ni"! du !NenJ mai FAMILLE DES ML RIDES. 383 client do l'Est à l'Ouest, et ceux qui descendent vers h» golfe de Bothnie vont de l'Ouest à l'Est. Tls retournent ensuite vers leurs montagnes. Pierre fïœgslnem, qui les a vus revenir, en parle dans un mémoire publié, en 1710, dans l'Académie royale de Suède. « Ce retour, dit-il, passe en général inaperçu, parce que ces Animaux sont réduits à un très-petit nombre; mais ils marchent aussi en ligne droite comme dans leur descente vers la plaine. » t&*Û*^**' Li: m !!im;, J/3 (le exnnrf On a beaucoup parlé de ces voyages des Lemmings, et ils méritent, en effet, d'être connus. .Nous empruntons les détails qu'on va lire à M. le professeur CI). Martins, qui, dans un voyage qu'il a fait dans Je Nord avec M. Bravais, a rencontré des troupes nombreuses de ces Animaux, et a réuni dans un travail particulier la plupart des renseignements que la science.» possédait à leur égard. Les migrations des Lemmings sont rares. Linné affirmait qu'elles n'ont lieu que tous les dix ou vingt ans. Voici la liste de toutes celles dont M. Martins a pu retrouver les dates, avec l'indication, entre parenthèse, du nom des auteurs qui les ont mentionnées. La lettre E veut dire que les lieux où les Lemmings sont parvenus sont situés à l'Est des Alpes Scandinaves, et la lettre 0 qu'ils sont à l'Ouest de la même chaîne. 1580. Trondhjem, 0. (Wormius); 1823. lïernœsand , E. (Zetterstedt); 1831. Lyksele, E. (Zetterstedt); 1833. Bossecop, 0. ; 1833. karasuando, E. ; 1830. Musnioniska, E. ; 1 méo , /:". 1G48. Niordliord, 0. (Wormius); 1607. Tornéo, /:'. (Rycaut) ; 1730. Luléo, E. (llœgstrœin); 1713. Lméo, E. (llœgstrœm) ; 1757. Trondhjem, 0. (Cunnerius) : — Kongsberg , 0. ( Brunniehius) ; Les migration* des Lemmings sont probablement plus fréquentes que ne le pensait Linné ; la dernière série semble l'indiquer. Sans avoir assisté au dédié do toute la migration de 1830, MM. Bravais et Martins ont vu une grande partie de cette armée de Rongeurs se mettre en marche vers la mer. A Bossecop, point de départ de ces deux observateurs (latitude 70°;, les Lemmings étaient assez rares, et dans la foret marécageuse qui sépare ce village du plateau Lapon il n'y en avait pas un seul; mais, sur le plateau, ils étaient en quantité 38 A ORDRE DES RONCEIRS. immense le 8 et le 9 septembre , et on les voyait se réfugier sous chaque touffe de bouleaux noirs. Au dessous de la limite du bouleau blanc, et, par conséquent, à une moindre éléva- tion, le nombre des Lemmings commença à diminuer ; ils n'étaient pas communs autour du Kausekeino (latitude, G9°), quoiqu'il y eut un grand nombre de leurs terriers, et l'on n'en voyait point entre Kausekeino et Karasuando (68° 30') ; mais, autour de ce dernier village, qui est situé sur la rive gauche du fleuve Muonio, ils étaient très- communs, quoique moins abondants que sur le plateau Lapon. Il n'y en avait pas non plus beaucoup sur les bords du fleuve ; mais, le 21 septembre, près du village de Muonioniska (lat. 67° 55'), les Lemmings furent rencontrés en plus grande abondance dans une foret de pins et de sapins. Il eût été impossible de compter tous ceux que l'on apercevait dans un même instant, et ils augmentaient à mesure que l'on avançait dans la foret. Ils couraient tous dans une même direction parallèle au cours du fleuve. C'était probablement la tête de la colonne. Quand les Lemmings traversent une plaine, ils serrent encore plus leurs rangs, a Ils tracent, dit Linné , des sillons rectilignes, parallèles, profonds de deux ou trois doigts, et distants l'un de l'autre de plusieurs aunes; ils dévorent tout sur leur passage, les herbes et les racines. Rien ne les détourne de leur route. Lu homme se met-il dans leur passage, ils glissent entre ses jambes; s'ils rencontrent une meule de foin, ils la rongent et passent à travers; si c'est un rocher, ils le contournent en demi- cercle et reprennent leur direction rectiligne ; un lac se trouve-t-il sur leur route, ils le traversent en ligne droite, quelle que soit sa largeur, et très-souvent dans son plus grand diamètre. In bateau est-il sur leur trajet au milieu des eaux , ils grimpent par dessus et se rejettent dans l'eau de l'autre coté. In fleuve rapide ne les arrête pas ; ils se précipitent dans les flots, dussent-ils tous y périr. » Toutefois, ils n'entrent jamais dans les maisons, et MM. Bravais et Aïartins en virent beau- coup autour de Karasuando, mais pas un seul dans les habitations. Les détails rapportés par Linné sont confirmés par différents auteurs, Leemius et lïœgslrœm entre autres. Zetterstedt dit que, dans la migration de 1(523, ils faillirent faire sombrer plusieurs bateaux en traversant l'Angcrmanelr , près d'Iïennesand. V Bossecop, on a dit la même chose à M. Martins; on lui a appris qu'en 1833 ils montèrent dans les bateaux, près de Dupvig. Rycaut, qui écrivait avant Linné et qui paraît avoir assisté a une migration, donne des détails analogues. « Les Lemmings, ajouto-t-il, cheminent surtout la nuit et le malin, mais ils sont tranquilles le jour. » C'est ce qui explique pourquoi nos deux compatriotes n'ont vu des Lemmings en marche que le matin, et pourquoi, la nuit, il leur était impossible de conserver dans leur chambre ceux de ces Animaux qu'ils avaient mis en cage. Ces Lemmings sautaient, sifflaient et aboyaient tellement qu'il était impossible de dormir auprès d'eux. Rycaut affirme que, dans les colonnes en mouvement, les femelles portent un petit dans leur gueule et un autre sur le dos; il les a même figurées ainsi. Linné a répété la même chose. Dans les migra- tions observées par MM. Bravais et Martins, on n'a pu confirmer cette assertion, attendu que les femelles n'avaient pas encore mis bas. Ces armées de Lemmings arrivent enfin sur les bords de la nier du Nord ou du golfe de Finlande; mais, en route, un très-grand nombre des individus qui les composaient au départ ont succombé à une foule d'accidents. Iïœgstrœm pense qu'une centaine à peine retourne dans les montagnes, qui sont leur séjour habituel. Beaucoup doivent périr de froid ; un plus grand nombre se noie en traversant les rivières, quoiqu'ils nagent très-bien; la plupart deviennent victimes de la chasse que les Carnassiers font à leur espèce. Les Chiens des Lapons ne mangent que la tête des Lemmings, d'oii l'on avait conclu autrefois que ces Rongeurs étaient vénéneux. In Chien finlandais, qui accompagnait MM. Bravais et Martins, en étrangla un nombre prodigieux; plusieurs fois il fit des essais pour les avaler, mais il les rejeta toujours avec dégoût. Il paraît certain que les Rennes ont l'habitude de les manger, et qu'ils se détournent de leur roule pour les poursuivre. Lœstadius a constaté ce FAMILLE DES MURIDÉS. 385 fait, et il a aussi remarqué que les Rennes deviennent alors sujets à une maladie appelée graen en norwégien. Les Chèvres et les Moutons deviennent également malades quand ils en mangent. Les Renards et les Isatis ne mordent pas aux pièges dans les endroits ou passent les migrations de Lemmings, ceux-ci leur fournissant une nourriture abondante; mais, Tannée suivante, on en prend beaucoup, au dire des Lapons, parce qu'ils descendent dans les plaines pour y chercher les Lemmings qu ils avaient suivis l'année précédente. Les Ours sont très -friands de la chair des mômes Rongeurs; les Gloutons, les Martes , les Hermines en détruisent aussi en immense quantité; enfin les Oiseaux voraces, tels que les Corbeaux , les Corneilles, les Pies, différentes espèces de Hiboux et de Chouettes, les Goélands, etc., en enlèvent un grand nombre. Rycaut a observé qu'ils ne leur mangent que le cœur et le foie et qu'ils dédaignent le reste, et M. Martins a constaté ce fait. C'est une opinion généralement répandue dans le Nord que les migrations des Lemmings. qui ont presque toujours lieu en automne, annoncent des hivers très -rudes. Hœgstrœm a rassemblé quelques faits à l'appui de cette opinion, et il compare ces migrations à celles des Hermines, des Écureuils, des Martes et des Renards, qui semblent aussi pressentir les hivers rigoureux ou les froids prématurés. Pallas les attribue au manque de vivres. Au rapport de Rrunnichius, et c'est aussi l'avis des Norwégiens, cette disette, est due à des vents constants qui dessèchent les plateaux de la Laponie. Olaùs Magnus, archevêque d'Upsal, affirme naïvement, dans son ouvrage publié à Rome (m 1555, que les Lemmings tombent du ciel, soit que des orages les apportent de quelques îles éloignées , soit que les orages les engendrent eux-mêmes. Cette fable a été reproduite par Lemius et surtout par Wormius (1G53), qui rapporte quelques faits pour lui donner la valeur (rime démonstration. Lne femme, dit-il, étant assise devant sa porte, un Lemming tomba sur ses genoux. Deux de ces Animaux tombèrent dans un bateau au milieu de la mer. Linné et Gunnerius (17G7) iront pas accepté ces absurdités, et ce dernier assure que, s'il a vu tomber dans le Nordland deux Lemmings et un Hérisson, il a aperçu chaque fois au-dessus de sa tête des Oiseaux de proie qui les avaient laissé échapper de leurs serres. Les Lemmings nagent très-bien , ce qui ne les empêche pas de se noyer en grand nombre quand ils traversent quelque rivière rapide. MM. Bravais et Martins ont jeté plusieurs de ces Animaux au milieu du Muonio , dans un point ou la largeur du fleuve est double de celle de la Seine à Paris et le courant très- fort ; tous ont gagné le bord sans beaucoup de peine. Cependant des cadavres de Lemmings flottaient en nombre considérable à la surface de l'eau. Les Lemmings ont les cinq doigts antérieurs assez développés et pourvus d'ongles forts; ces Animaux sont fouisseurs, et ils creusent des terriers pour s'y retirer. Ceux qu'ils font dans l<»uî's montagnes sont souvent ramifiés, et ils ont trois doigts de large. La plupart n'ont qu'une issue, mais quelques-uns en ont deux et parfois trois; presque tous sont creusés dans ces bulles ou mottes de terre coniques que l'on rencontre partout en Laponie. Un grand nombre, dit M. Martins , paraissent devoir leur origine à un tronc d'arbre coupé et converti par le temps en terreau végétal; les autres se forment par l'accumulation des terres entre les branches du bouleau nain. La végétation y est toujours beaucoup plus active; elle se com- pose de mousses et de lichens, au milieu desquelles s'élèvent plusieurs espèces de phanéro- games. Les Lemmings ne coupent point les racines superficielles des arbres, mais leurs terriers passent ordinairement par dessous. Chacun de ces derniers reçoit de un à quatre habitants. Wormius dit qu'on a vu dans un seul nid jusqu'à neuf petits. Ce nid se compose de tiges et de feuilles d'une espèce de graminée, coupées par brins et disposées, celles du haut longitudinalement, et celles du bas transversalement. On y trouve aussi des débris de quelques autres végétaux. M. Bravais soupçonne qu'il y a deux portées par an, l'une en juillet, l'autre en octobre. Rycaut a attribué jusqu'à neuf petits à chacune, et Gunnerius six ou sept, mais M. Martins n'a jamais trouvé plus de cinq fœtus dans les femelles pleines qu'il a ouvertes. C'est aussi le chiffre indiqué par Linné. Le nombre des mamelles est de huit. îre parti k, 49 380 ORDRE DES RONCELRS. Cette curieuse espèce a été appelée Lcmmar ou Lemmus par Olaùs Magnus; Lapin de Norwége (Cimiculus Norwegkus) ; par Rrisson; Lemming, par Ruffon et beaucoup d'autres auteurs; Mus Norwegkus, par Ray, Linné, etc. Quelques mammalogistes actuels la séparent génériquement , ainsi qu'un petit nombre d'autres espèces , des véritables Campagnols; mais ses dents et son crâne sont en tout semblables à ceux de ces derniers. On a dit que, vers le pôle, les Lemmings deviennent blancs en hiver ; c'est, du moins, ce (iue rapporte M. Lesson, en se fondant sur le passage suivant qu'il emprunte au capitaine Ross : « Un de ces Animaux ayant été enfermé pendant quelques jours s'échappa pendant la nuit, et on le retrouva le lendemain matin sur la glace près du vaisseau; dès que l'on descendit la cage, qu'il reconnut dans la main de celui qui le soignait, il rentra immédiate- ment dedans. Il vécut plusieurs mois dans la chambre; mais, ayant trouvé que, comme cela a lieu pour les Lièvres apprivoisés dans de pareilles circonstances, il gardait sa fourrure, d'été, je fus conduit à essayer l'effet du froid en l'exposant pendant quelques jours à la tempé- rature de l'hiver. Je le plaçai en conséquence sur le tillac, dans une case. Le premier de février et le matin suivant, après avoir été exposé à une température de trente degrés au-dessous de zéro , sa fourrure sur les joues et une place sur chaque épaule sont devenues parfaitement blanches. Le jour suivant, les places sur chaque épaule s'étaient considérablement étendues, et la partie postérieure de son corps et de ses flancs s'était changée en un blanc sale. Pendant les quatre jours suivants, ce changement continua, mais lentement, et, au bout de la semaine, l'Animal était entièrement blanc, à l'exception d'une bande foncée, traversant les épaules, qui se prolongeait postérieurement en bas sur le milieu du dos, et formait une espèce de selle où la couleur n'avait pas du tout changé. Le thermomètre continua à rester entre 30° et 40° au-dessous de zéro jusqu'au 18 sans produire aucun autre changement; mais alors le pauvre Animal devint souffrant et périt de la rigueur du froid. En examinant sa peau, il parut que toutes les parties blanches de la fourrure étaient plus longues que les parties qui n'avaient pas changé, et que les bouts seuls de cette fourrure étaient blancs dans toute la partie qui excédait en longueur la fourrure de couleur foncée, et en enlevant cgs bouts blancs, à l'aide de ciseaux, la peau paraissait avoir repris sa fourrure d'été foncée, mais avec un léger changement dans la couleur, et précisément de la même longueur qu'avant l'expé- rience. » Le Lemmiug a le pouce des pieds antérieurs complètement onguiculé, ce qui lui donne cinq doigts aux membres de devant comme aux postérieurs; il a aussi les ongles plus forts que la plupart des Campagnols; ses oreilles sont plus courtes que les leurs, et il est plus fouisseur que la plupart d'entre eux. C'est ce qui l'a fait prendre pour type du petit groupe que plusieurs auteurs appellent Lemmus, du nom qui lui appartient en propre, et sous lequel il est déjà décrit dans l'ouvrage d'Olaù* Magnus. Pallas avait désigné la même division par le mot Myodes , et il y plaçait aussi deux autres espèces européennes, décrites dans sa Faune de Russie. Ce sont ses Myodes lagurus et lorqualus. La première est de l'Asie centrale et des parties de l'Europe qui s'en rapprochent le plus; la seconde, est de la Russie boréale et vit sur les bords de la mer Blanche. Le Lemmus scmilrkolor de M. Nilsson, qui vit en Norwége, rentre dans la même division, et il faut également y ranger le Mus hudsonius de Pallas, qui habile le Labrador. Ce groupe des Myodes répond au genre Lemmus de quelques auteurs, mais on no doit pas y rapporter le Zokor, non plus que h4 Sukerkan, ainsi qu'on l'a fait quelquefois. *2. Une seconde section de Campagnols a pour type le Campagnol dos champs et celui des prés. C'est la plus riche en espèces. Campagnol des champs (Arvkola arvalis). Taille de la Souris; oreilles plus longues que le poil, velues; yeux gros, proéminents; pelage d'un fauve jaunâtre mêlé de gris en dessus, blanchâtre en dessous ; queue un peu plus longue que le quart du corps, unicolore, jaunâtre; pieds d'un blanc jaunâtre. C'est le Campagnol de Ruffon et Daubenton ou le 3 fus FAMILLE DES MUUDÉS. :;87 arvalis de Linné. M. de Selys Longchamps a fait à son égard do nouvelles et intéressantes observations, et, dans ses études sur la Micromammalogie UW a bien fait ressortir les carac- tères à l'aide desquels on pouvait le reconnaître. y '. M \} 1/2 «le Sr^i. Ce Campagnol est un Animal commun dans presque toute l'Europe, et, malgré «-a petite taille, il peut être un iléau pour les moissons, lorsque, sous l'influence de certaines circon- stances, il est devenu abondant. Jl établit sa demeure dans les plaines cultivées, parti- culièrement dans les champs de blé. En été, il coupe les tiges des céréales pour en faire tomber l'épi, qu'il dévore, et, lorsque les gerbes ont été enlevées, il s'en prend aux racines des jeunes trèfles, et il se jette ensuite sur les champs de carottes ou des autres plantes potagères; lorsque, l'hiver arrive, il attaque les semailles. Quand le froid a gelé le sol, il vient se réfugier sous les meules, et il y fait de nouveaux dégâts. Quelques individus sont variés dans leurs couleurs; les uns étant noirs, d'autres entièrement blancs ou simplement blanc jau- nâtre, et quelques-uns pies ou tapirés de blanc sur la couleur ordinaire. Cette espèce s'étend non-seulement en Europe, mais encore en Sibérie, jusqu'auprès de l'Obi. On assure que l'Italie est la seule partie du continent européen oii on ne voit pas le vrai Campagnol des champs. Dans quelques lieux, il s'élève à une grande hauteur, et M. Schinz en a observé i\^ individus auprès de l'hospice du Snint-Golhard , à plus de six mille pieds au-dessus du niveau de la mer; il a constaté qu'il y forme aussi des magasins qu'il remplit avec les racines du saule dv<, Alpes. Pendant certaines années, les Campagnols sont extrêmement nombreux dans les champs, et l'on ne peut expliquer leur présence en quantité si considérables qu'en supposant l'arrivée de nouvelles colonies de ces Animaux; d'autres fois, ils sont plus rares. Suivant M. de Selys , ce n'est guère qu'une fois ou deux en dix ans que leur nombre est extrême. Les petits Carnassiers leur donnent la chasse, aussi bien que les Oiseaux de proie et les Hérons. On en trouve quelquefois une dizaine et plus dans le jabot de la Buse, et leurs crânes, ainsi que les autres parties plus ou moins fracturées de leur squelette, se retrouvent dans les pelottes vomies par les Oiseaux de proie nocturnes, après" que ceux-ci en ont extrait, par la digestion stomacale, les chairs et les sucs nutritifs. Los débris des Campagnols y sont souvent mêlés h des os de Musaraignes que ces Oiseaux ont également, capturés dans les mêmes lieux. 388 ORDRE DES RONGEURS. Les grandes pluies qui inondent les terriers de ces petits Rongeurs ou dont les eaux tor- rentielles les emportent en les noyant en détruisent aussi beaucoup. On peut arriver artifi- ciellement au même résultat en creusant dans les champs de simples trous dans lesquels les Campagnols ne manquent pas de se laisser tomber, et oîi l'on vient les tuer une ou deux fois par jour. Aristote en signalant le tort que certaines espèces de Rats font aux moissons, avait certai- nement voulu désigner le Campagnol ou quelque espèce voisine et le Mulot, qui sont l'un et l'autre les ennemis de nos champs cultivés. En effet, les pertes qu'ils occasionnent sont quel- quefois énormes, et personne n'a encore trouvé un bon moyen pour y mettre obstacle. On estime qu'en 1816 et 1817 celles qu'ils occasionnèrent dans le seul département de la Vendée furent évaluées à près do trois millions, et les prairies furent ravagées aussi bien que les rhamps. Indépendamment de ce Campagnol , nos plaines et nos prairies eu nourrissent plusieurs autres. Le soin minutieux que M. de Selys Longchamps , et, après lui, M. Gerbe ont apportés dans l'observation de ces petits Mammifères, nous permettra de donner à leur égard des détails très-précis. Le Campagnol faivk (Arvkola fulvus, J)e>m.) est de la taille du Campagnol des champs; il a les oreilles externes nues et presque nulles; son pelage est d'un fauve jaunâtre clair en dessus et blanchâtre en dessous; sa queue égale la longueur du tiers du corps, et elle est jaunâtre ; ses pieds sont jaunâtre clair. C'est un Animal encore peu connu et qui est même assez rare. On l'a observé en Belgique, auprès de Liège, et en France, dans les environs de Strasbourg. M. de Selys en a pris un avec des Campagnols ordinaires. Le Campagnol incertain (Arvkola incerlus) est signalé en Provence, dans le dé- partement du Var, et en Languedoc, aux environs do Montpellier. M. Gerbe y rapporte le Campagnol à douze paires de côtes ; les Campagnols agreste et roussâtre en sont voisins. Le Campagnol de Selys ( Arcicola Sclysii, Gerbe). Celui-ci est brun ferrugineux en dessus, fauve cendré pâle en dessous; a les pieds fauve cendré, les oreilles brunes et velues; sa queue est brune en dessus et fauve en dessous, et elle est terminée par un petit pinceau blanc; sa taille est à peu près égale h celle du Campagnol des champs. Cette espèce est du département des Rasses-Alpes. M. Gerbe cite aussi dans les Basses-Alpes les Arvkola glareolus et JSayeri de M. Schinz. Le Campagnol de Savi (Arvkola Savil do Sélys) est encore de la taille de celui des champs; il a les oreilles externes un peu velues, mais beaucoup plus courtes que les poils qui les entourent; son pelage est gris brun en dessus et cendré en dessous; sa queue est un peu plus courte que le tiers du corps, bicolore, brunâtre en dessus, blanchâtre en dessous; ses pieds sont d'un cendré clair; enfin il a quatorze paires de côtes. C'est une espèce ré- pandue en Ralie; elle est quelquefois très-abondante, et le prince Ch. Bonaparte dit qu'en une seule saison il en fut tué onze mille individus dans une seule ferme des États-Romains. Elle aime les lieux secs, se creuse deux ou trois courtes galeries, plaçant séparément son nid et son magasin qu'elle remplit de céréales ou de fèves. Le Campagnol soutf.hr a ïn {Arvkola subterraneus , Sélys). Il a été premièrement distingué par M. Bâillon, d'Abbeville, sous le nom d' Arvkola pralonsis ; mais cette déno- mination n'a pu être conservée parce qu'elle avait déjà été employée pour une espèce diffé- rente vivant dans l'Amérique septentrionale. Voici le résumé de ses caractères : Taille un peu moins forte que celle du Campagnol des champs; oreilles un peu plus courtes que la longueur des poils , presque nues; yeux très-petits; pelage d'un gris noirâtre en dessus , cendré ou blanchâtre sur l'abdomen seulement ; queue de la longueur du tiers du corps, bicolore, noirâtre en dessus, blanche en dessous; pieds cendré foncé; treize paires de côtes. Il habite la Belgique et la Picardie, dans les prairies humides, mais jamais dans les FAMILLE DES MU Kl DÉ S. 389 champs. Sa nourriture consiste principalement en céleri, en carottes, en artichauts, et il cause de grands ravages dans les jardins maraichers. 11 est plus souterrain que les espèces voisines, et il ne multiplie pas autant que les Arvicola arvalis et Savii. 11 mange aussi les racines du grand liseron. M. Gerbe a constaté sa présence dans les environs de Paris, à Meudon. Le Campagnol social (Arvicola socialis) , nommé aussi Compagnon par Vicq-d'Azyr, est le même Animal que le Mus socialis de Pallas. Sa taille égale celle des précédents; ses oreilles sont larges et presque nues; son pelage est très-doux, d'un cendré pâle en dessus, blanc en dessous et sur les pieds; sa queue, un peu plus courte que le quart du corps, est blanchâtre; il a douze paires de cotes et cinq vertèbres lombaires. 11 habite les déserts situés entre le Volga et le Jaik , préfère les lieux couverts d'herbes, se nourrit de racines des diverses plantes et de bulbes, principalement de ceux des tulipes dont il remplit ses magasins. Le Campagnol agreste (Arvicola agrestis) , répondant au Mus agrestis de Linné. 11 est plus fort que Y Arvicola arvalis; ses oreilles sont cachées par les poils; son pelage est brun foncé en dessus et rappelle celui du Rat d'eau; ses pieds sont cendrés et velus; enfin sa queue, moins longue que celle de VA. rubidm, est semblable, pour la couleur, à celle de ce dernier. On le connaissait en Suède. M. de Sélys l'a retrouvé en Delgique et en Picardie. Ceux de cette province ont servi à l'établissement de son Arvicola Baillonïi, qui doit être supprimé. V Arvicola ncglecta, signalé en Ecosse par M. Thompson, et VA. arenicola de la Hollande qui a été décrit par M. de Sélys , sont aussi , d'après les nouvelles recherches de ce dernier natu- raliste, des Arvicola agrestis. Le Campagnol économe (Arvicola œconomus), ou le Mas œconomus de Pallas et le Fégoulc de Vicq-d'Azyr. 11 est un peu plus fort que V Arvicola arvalis; ses oreilles sont nues et beaucoup plus courtes que les poils de la tête ; son pelage est gris foncé en dessus , un peu jaunâtre sur les côtés, blanchâtre en dessous; sa queue égale à peine le quart du corps; elle est poilue et bicolore, noire en dessus, blanche en dessous; les pieds sont gris, et il a qua-%. torze paire de côtes. On a quelquefois attribué à cette espèce certains Campagnols de l'Europe, occidentale; mais elle ne paraît exister que dans les contrées voisines de l'Oural, et c'est surtout en Sibérie qu'elle est abondante. Son nom d'Econome lui vient de ce qu'elle amasse de grandes pro- visions dans ses terriers; elle est également voyageuse, et dans ses migrations elle marche par grandes troupes, en se dirigeant toujours suivant une ligne droite. M. de Sélys a montré que les prétendus Économes de l'Europe occidentale devaient être rapportés aux espèces dont nous avons déjà parlé et non à l' Économe véritable. Le Campagnol a douze côtes (Arvicola duodecim coslatus, Sélys) n'est connu que par son squelette qui montre douze paires de côtes et six vertèbres lombaires; sa taille est celle de V Arvicola arvalis, et sa queue est un peu plus longue que le tiers du corps. Des deux individus observés par M. do Sélys, l'un avait été pris aux environs de Montpellier, par Olivier, et l'autre auprès de Genève. M. Gerbe considère que cette espèce ne diffère pas de V Arvicola incertus. Campagnol roussatre (Arvicola rubidus, Caillou). Également grand comme V Arvicola arvalis; oreilles plus grandes que les poils, velues; yeux gros, proéminents; pelage d'un roux rubigineux en dessus , cendré sur les côtés , blanchâtre en dessous ; queue un peu plus longue que la moitié du corps, bicolore, noirâtre en dessus, blanchâtre en dessous; pieds blanchâtres; treize paires de côtes. Ce Campagnol habite les bois humides et il creuse sa retraite sur le bord des petits ruis- seaux. On a constaté sa présence en Angleterre et sur une grande partie de l'Europe centrale. M. de Sélys fait remarquer que son aire d'habitation paraît bornée au nord par le Danemark, au sud par la Loire, les environs de Lyon, et le midi do l'Allemagne, à l'est par l'Oural. Cette espèce a aussi reçu le nom ftHgpudœus hercyniens (Mehlis). 3(J0 ORDRE DES ROMiELRS. Campagnol a queue blanche (Arvicola leucums, (ierbo). Taille plus forte *[uo celle de YArvicola arvalis; oreilles plus grandes que les poils, velues au sommet; pelage cendré fauve en dessus, blanc en dessous; queue blanche plus longue que la moitié du corps; pieds blancs ou blanchâtres ; treize vertèbres dorsajes. De Barcelonnettc (Basses-Alpes) , où il est connu sous le nom de Rat de montagne, M. Gerbe distingue cette espèce de YArvicola nivalis, dont elle paraît, dans tous les cas, très-voisine; il nous apprend qu'on la rencontre le plus ordinairement à quinze cents mètres environ au-dessus du niveau de la mer; elle s'élève même jusqu'à la hauteur de deux mille mètres. Toutefois, elle est loin d'être confinée dans des zones aussi froides : on la trouve aussi dans des vallées dont l'altitude n'est que de douze cents mètres. Elle paraît s'établir de préférence dans des trous de murs ou de rochers et dans des tas de pierres. Dans les montagnes, les granges et les chalets sont sa demeure habituelle, et pendant l'hiver elle y trouve un abri dans le foin qu'on y entasse. Campagnol des neiges {Arvicola nivalis, Martins). Ln peu plus grand que YArvicola arvalis; oreilles arrondies plus longues que les poils de la tète; yeux médiocres; pelage gtis noirâtre devenant bientôt gris cendré lorsque l'animal est empaillé, un pou ]avé de fauve sur les flancs, gris cendré clair sur le ventre avec des macules noires cl blanche-,; queue plus longue que la moitié du corps, à poils blancs; treize, vertèbres dorsales. MM. Bravais et Martins ont découvert ce Campagnol sur le Faulhorn, montagne de la Suisse, qui s'élève à 2,683 mètres. 11 mange les pousses et les pétales du (ieurn reptans et du Geum montanum : quelques individus se sont établis dans l'intérieur de l'auberge qui est sur le Faulhorn. 3. D'autres Campagnols ont la queue encore plus longue et au moins égale à la moitié du corps; leurs pieds sont plus ou moins écailleux, et ils n'ont qu'un rudiment de pouce aux membres antérieurs. Ce sont des animaux plus ou moins aquatiques. Campagnol schekmaus (Arvicola lerrestris). 11 a été décrit par Hermann, de Strasbourg, tl'après des sujets recueillis dans les environs de cette ville. On le signale en France, en Suisse et en Allemagne dans les vallées du Rhin; il habite les prairies situées au bord des eaux, mais n'est pas aussi aquatique que le Campagnol amphibie, ce qui lui a fait donner par opposition le nom spécifique de Terrestre. Voici corn- ^^^^^& d'un brun plus ou moins jaunâtre en dessus, jaunâtre sur JÊÊ^^^^^^^^mJÊ brune en dessus, plus pâle en dessous, un peu plus longue ^jBi^^^^^^^^^^^m nomenclateurs du dernier siècle. 11 a la taille du Rat noir, ?<»^\ '^v^p mais il est facile à en distinguer, même extérieurement, par CxMi'AfiMu m. me n m a i s, prnnri. nat, sa tète plus large , son pelage brun roux et sa queue seule- ment un peu plus longue que la moitié du corps. Sa longueur est de 0,15 environ pour la tète et le tronc et de 0,07 ou 0,08 pour la queue. Son pelage est doux, assez épais, d'un brun terreux ou ferrugineux en dessus, un peu roussàtre sur les cotés et cendré foncé en dessous; les pattes ont un épidémie écailleux et il en est de même de la queue; mais les écailles qu'on y voit sont petites et en partie recouvertes par des poils courts; ceux de la queue qui sont roux noirâtre sont un peu roides. 11 aime l'eau et nage très-bien, mais il ira pas les pieds palmés. On le rencontre auprès des grands cours d'eau, ainsi que sur le bord des petites rivières et des lacs; il y en a aussi dans les étangs salés qui a voisinent la mer. Le Campagnol amphibie ou Rai d'eau fait deux; portées par an, chacun»1 de six ou huit petits. FVMÏLLE DES M1RIDES. 301 Le Campagnol destructif n (Arvicola destructor, Savi) est grand comme le Rat Rats par leur apparence e\h' ■ FAMILLK DUS Ml RIDES. 309 rieure et que l'on serait tenté de rapprocher des Capromys dont il a été question plus haut. Ils ont cependant l'organisation des Muriens , et le principal caractère, qui les distingue des autres Animaux de cettre tribu consiste dans la forme de leurs dents molaires, qui tien- nent même un peu de celles des Gerbilles, l'émail formant à leur couronne des ovales ou ellipses bien séparées les uns des autres. La première molaire supérieure en a trois, et les deux suivantes deux seulement; à la mâchoire inférieure, la première et la seconde en ont trois , et la dernière deux. Le Hat perchai montre déjà la trace de cette disposition. J'ai donné dans la partie zoologique du Voyage de la Bonite de nouveaux détails sur les caractères anatomiques et sur les affinités zoologiques des Phléomys. Le Phléomys de G u m i x g (Phlœomys Cumingii, Waterhouse) est un Animal de l'île Luçon, qui fait partie de l'archipel des Philippines. Les deux exemplaires que nous en avons étudiés ont été pris par 31. de la Gironnière sur les montagnes , dans la province de Nueva- Exoica, à quarante ou cinquante lieues de Manille. L'espèce n'y est pas commune, et, dans l'espace de dix ans , M. de la Gironnière n'a pu s'en procurer que ces deux exemplaires, qui sont aujourd'hui conservés au Muséum; c'est aussi dans l'île Luçon que M. Guming a trouvé le Phléomys qu'il a rapporté en Angleterre. Les Nigritos appellent ces gros Rats Parout. Ge sont des Animaux assez vigoureux pour résister aux Ghiens,et l'un de ceux de M. de la Giron- nière en avait blessé un en se défendant. Cependant ils sont susceptibles d'être apprivoisés. P h r. k o m y s d i: C u m ixc, i /ô de grand . Dents du U \ t commun, 4/ i de grand. 400 ORDRE DES RONGEURS. D'après les renseignements recueillis par M. Cuming, les Phléomys se nourrissent d'éeorces, et c'est même cette particularité qui leur a valu le nom générique qu'ils ont reçu de M. Wa- terhouse. M. de la Gironnière assure qu'ils mangent aussi des racines et des jeunes pousses ils ne terrent pas. Genre RAT (Mus, Linné). Quoique ce genre ait beaucoup perdu de l'extension que Linné et même Pallas lui attribuaient, il renferme encore un nombre fort considérable d'espèces, nombre que les travaux récents des naturalistes et, en particulier, ceux de M. Waterhouse, ont notablement accru. 11 y a des Rats sur tous les points du globe , et l'un de ces Animaux, le Surmulot, s'est établi jusque dans les petites îles de l'Océanie , à peu près les seules que la Nature ait privées d'espèces de ce genre. Ces Rongeurs sont omnivores ; ils ont en général les molaires radiculées, décroissantes de la première à la dernière, et constamment au nombre de trois de chaque côté des mâchoires, La couronne en est tuberculeuse; mais les tuber- cules présentent des formes différentes suivant les espèces ; la Souris et le Surmulot nous en fournissent les deux types principaux pour les Rats propres à notre hémisphère. In troisième type est celui de quelques Rats qui vivent dans l'Amérique méridionale. Ces Animaux sont très -féconds; ils se multiplient avec rapidité, et ils sont presque tous nuisibles, attendu qu'ils vivent dans les champs ou même dans les habitations; leur penchant pour la destruction fait surtout redouter ceux de la seconde catégorie. Les Rats atteignent , dans certaines espèces , des dimensions assez grandes , et le Surmulot n'est pas le plus fort de ceux que l'on connaît. Le Perchai et le Caraco de l'Asie, le Piloris des Antilles sont, comme lui, de véritables Rats, mais ils ont une taille supérieure à la sienne; d'autres sont, au contraire, plus petits, comme la Souris, le Mulot nain et quelques-uns encore. On a partagé en plusieurs genres les Animaux que nous réunissons ici sous le nom commun de liais. Sans nier l'importance de ces divisions, il nous a paru utile de les réunir, provisoi- rement du moins, sous une seule dénomination générique, tous leurs caractères n'ayant pas été décrits avec une égale précision. Nous avons aussi laissé parmi eux quelques espèces plus distinctes encore, mais qu'il nous a paru préférable de signaler en même temps que les véritables Rats vivant dans les mêmes lieux qu'elles, et nous avons pris pour guide, dans cette longue et minutieuse énumération , l'ordre géographique qui a sur l'ordre réellement méthodique l'avantage de donner plus d'intérêt à cette étude. î. Espèces européennes du genre des Bats. Elles sont plus nombreuses dans les parties de ce continent qui avoisinent l'Asie que dans les Etats occidentaux, et deux d'entre elles qui occupent une étendue plus considérable que les autres, ont une origine étrangère; ce sont le Rat ordinaire et le Surmulot. Ces deux Animaux nous sont venus du continent asiatique, à une époque encore assez peu éloignée. Les Grecs et les Romains ne les ont connus ni l'un ni l'autre. Ce n'est qu'au temps des Croisades que le premier s'est introduit en Europe, et le second n'y est arrivé que pendant le cours du xvme siècle. La Souris, au contraire, paraît être indigène de ce continent. Comme elle , le Rat noir et le Surmulot ont été portés depuis lors par les bâtiments européens dans toutes les parties du monde, et le Surmulot a pullulé à peu près partout d'une manière prodigieuse. On le rencontre maintenant dans les contrées froides aussi bien. que dans celles FAMILLE DES MURIDÉS. 401 ou la température est extrême, et en tous lieux, dans toutes les conditions, il montre les instincts destructeurs qu'on lui connaît dans nos pays. Se rapprochant des habitations autant qu'il le peut, il entre jusque dans les magasins et détruit les substances alimentaires et celles que le règne organique fournit à l'industrie. Sa présence a été constatée dans plusieurs parties de l'Afrique; on le rencontre à Madagascar et dans les îles voisines; il abonde dans certaines parties de l'Inde; est maintenant commun dans les deux Amériques, et se trouve aussi dans les colonies australiennes , ainsi que dans les îles de la mer des Indes et dans celles de l'Océan Pacifique, ou les Européens ont fondé des établissements. C'est aujourd'hui l'un des Animaux les plus cosmopolites que l'on puisse signaler, et peut-être celui de tous qui fait le plus de tort au commerce et à l'industrie. La liste suivante donne le nom des espèces propres au genre Rat, qui ont été observées en Europe. Nous en décrirons plus loin quelques-unes : 1. Mus vagus , Pallas. De Russie. 2. Mus agilis, Dahne. D'Allemagne. 3. Mus agrarius, Pallas. D'Allemagne et surtout de Russie. \. Mus minulns, Pallas, ou Mus messorius , Shaw ; le Mulot vain. D'une grande partie de l'Europe. 5. Mus Pecchioli , Ch. Bonaparte. De l'Italie méridionale. 0. Mus sylvaticus, Linné; le Mulot ordinaire. De toute l'Europe. 7. Mus 1 tor lui anus , Nordmann. De Crimée. 8. Mus musculus, Linné; la Souris. 9. Mus leucogaster, Pictet. De Suisse; aux environs de Genève». Espèce douteuse. 10. Mus teclorum, Savi; le Mus- Alexandrinus d'E. Geoffroy, suivant de M. de Se lys. M. Ch. Bonaparte n'accepte pas cette synonymie. 1 1 . Mus llallus , Linné ; le liai noir. 12. Mus decumanus , Pallas; le Surmulot. Deux autres espèces moins bien connues sont mentionnées en Sicile par Rafinesque. Ce sont les Mus frugivorus et dicrurus. Lne dernière, signalée en France, est plus douteuse encore. C'est par elle que nous commencerons. Celle-ci, ou le Mus subcœrulus de Lesson, n'est peut-être que le Rat noir. D'après cet auteur, ce serait un nouvel exemple de la facilité avec laquelle les espèces exotiques du même genre peuvent s'acclimater dans nos pays. Elle s'est établie dans les greniers de l'hôpital de la marine, à Rochefort, et provient, suivant Lesson, de quelque colonie lointaine, d'où elle a été rapportée dans les coffres à médicaments par les vaisseaux de la marine de l'État. Le Rat noir et le Surmulot lui font, d'après le même auteur, une guerre d'extermination. Le Rat Souris (Mus musculus, Linné) ou la Souris ordinaire, Sorice des Italiens, Mouse des Anglais, Maus des Allemands, Muys des Danois, est l'espèce la mieux connue, et, avec le Surmulot et le Rat noir, celle que les habitants des villes voient Je plus souvent. C'est l'Animal auquel les Romains et les Grecs donnèrent principalement le nom de y.ïïç ou Mus. C'est à la Souris que s'applique ce passage de Buffon : « Timide par sa nature, familière par nécessité , la peur ou le besoin font tous ses mouvements ; elle ne sort de son trou que pour chercher à vivre; elle ne s'en écarte guère, y rentre à la première alerte, ne va pas, comme le Rat, de maisons en maisons, à moins qu'elle n'y soit forcée; fait aussi beaucoup inoins de dégâts; a les mœurs plus douces et s'apprivoise jusqu'à un certain point, mais sans s'attacher. » (( Ces Animaux, ajoute le même auteur dans son élégante description, ne sont point laids; ils ont l'air vif et même assez fin; l'espèce d'horreur qu'on a pour eux n'est fondée que sur les petites surprises et sur l'incommodité qu'ils causent, » On peut dire aussi que celte espèce iTe partit., 51 402 ORDRE DES RONGEURS. d'horreur, ou plus simplement cette défiance que les Souris inspirent à beaucoup de per- sonnes , fait bientôt place à la curiosité lorsque ces petits Animaux ont été pris dans quelque piège. Souvent un certain intérêt succède à ce premier sentiment si l'Animal appartient à la variété blanche, et beaucoup de gens qu'une Souris grise effraie ou dégoûte regardent avec intérêt ou élèvent même avec soin des Souris albinos. Soi: ri s, 3/5 do grand. Le genre de vie de ces petits Rongeurs et tous les détails de leur histoire sont trop connus pour que nous nous arrêtions à les décrire. On trouve les Souris non-seulement dans les appartements, mais aussi dans les jardins; parfois jusque dans la campagne. Leur longueur totale varie entre dix-huit ou vingt centimètres, dont la moitié environ pour la queue; leur couleur est habituellement d'un gris brun, que l'on prend souvent commo terme de compa- raison en disant d'un objet qu'il est gris de Souris ; la nuance en est plus foncée en dessus qu'en dessous; les pieds sont grisâtres; les yeux sont assez petits et proéminents. Il y a plusieurs variétés dans l'espèce de la Souris ; certains individus sont blancs, et ils ont les yeux rouges ; ils se transmettent cette coloration par voie de génération ; ce sont de véritables albinos. Dans plusieurs pays de l'Europe, et même en Chine, on élève les Souris blanches dans une sorte de domesticité; d'autres sont pies, c'est-à-dire irrégulièrement marquées de gris, et de blanc. Cette disposition est individuelle. Certaines sont plus fauves ; c'est le cas des Souris propres aux contrées méridionales, et déjà , dans le midi de la France, on leur reconnaît souvent ce caractère. Dans le nord, au contraire, le gris des parties infé- rieures du corps passe au blanc, et une semblable variété, qui est commune à la Suède et à l'Irlande, a été décrite, à tort, comme une espèce distincte sous le nom de Mus isl (indiens. Les Souris portent vingt-cinq jours; chaque portée est de quatre à six petits, qui sont nus et aveugles au moment de leur naissance et qui tettent pendant une quinzaine de jours. Les jeunes Souris sont bientôt aptes à se reproduire, et la multiplication de leur espèce est, par conséquent, très-rapide. La Souris se distingue du Mulot par la forme de ses dents molaires. Ces deux espèces ont aussi quelques caractères extérieurs qui empêchent le plus souvent de les confondre. Le Rat Mulot (Mus syîvaticus, Linné), dont Buffon et Daubenton nous donnent FAMILLE DES MUR1DÉS. 403 Rat Ml- lot, 1/2 île grand. l'Histoire dans leur ouvrage, est grand comme la Souris ou un peu plus fort qu'elle. Cette espèce a le pelage fauve jaunâtre, plus vif en dessus ; tout le dessous de son corps étant blanc et nettement sépare du fauve des flancs et du dos. Ses yeux sont grands et proéminents, et ses pieds blanchâtres. Elle a les oreilles grandes, noirâtres à l'extérieur; sa queue est velue, noirâtre en dessus, blanchâtre en dessous; son museau est assez pointu. Le Mulot, qu'on nomme aussi le Rat Sauterelle, vit dans toute l'Europe et dans une partie de l'Asie; il se tient dans les bois et dans les champs; en hiver, il se retire dans -les meules de blé, et parfois jusque dans les maisons , les caves ou les granges. Le Rat nain (Mus minutes, Pallas) est un Mulot de petite espèce; c'est là son principal caractère. Il a tout le dessous du pelage d'un brpn fauve jaunâtre, plus vif sur les joues et sur la croupe, et qui s'éclaircit sur les flancs; le dessous de sa tète, sa poitrine et son ventre sont d'un beau blanc; sa queue et ses pieds sont jaune clair; ses oreilles sont courtes, arrondies et velues; elles dépassent peu les poils de la tète, et les yeux sont proéminents. Nous le figurons à la page 263. Le Rat nain, que l'on nomme encore Mulot nain, Rat des Moissons, etc., est le plus petit de nos Rongeurs de France; il est aussi gracieux par ses formes que par ses couleurs, et la manière dont il construit son nid ne le rend pas moins intéressant. Dans les champs oii il vit, il entrelace plusieurs tiges de blé encore sur pied, et il s'établit vers lo milieu de leur hauteur un nid a peu près sphérique qui rappelle celui de certains Oiseaux, et, en particulier, celui des Pouillots et de quelques Mésanges. Ce nid est protégé par la partie supérieure des chaumes très-artistement tressés* avec de la paille en brins, et comme il n'a d'autre étai que les blés qui le supportent, il oscille avec eux et se maintient malgré l'agitation de l'air. C'est par allusion à la manière dont le Rat nain fait sa demeure que Hcrmann , naturaliste de Strasbourg, avait donné à cette espèce le nom de Mus pendulinus. Les Mussoricinus et parvulus du même auteur n'en diffèrent pas, et d'autres auteurs l'ont nommé Mrs arenanus ni Mus messorius. Otle dmiière dénomination, qui rappelle l'habitude 404 ORDRE DES RONGEURS. qu'il a de vivre dans les champs cultivés. L'espèce a été trouvée en Angleterre et dans l'Eu- rope continentale, depuis la France et la Finlande, d'une part, jusqu'en Crimée et en Sibérie de l'autre. Quelques auteurs en font le type d'uu sous-genre à part sous le nom de Micromys, N'ip ni lUr nain, 1/2 .li- ïi-iiîi.l. Le Rat \oin (Mus Ratlus , Linné), que Buffon décrit sous le nom de Jiat, a le pelage de couleur noirâtre en dessus, sans mélange de roussàtre, et passant graduellement au cendré foncé en dessous; sa queue est plu£ longue que le corps; elle a, en général, vingt- deux centimètres , et celui-ci vingt. Palias le croyait originaire de P Amérique, mais il est plus probablement asiatique ; ce qui est plus certain , c'est que les anciens ne l'ont pas connu. L'opinion la plus générale est qu'il s'est introduit en Europe à l'époque des Croisades , au retour des bandes qui avaient pris part à ces expéditions. Pourtant on ne le trouve pas mentionné d'une manière certaine par les auteurs antérieurement au xvie siècle. Gesner en a donné le premier une description reconnaissable. Le Rat noir n'est plus aussi commun aujourd'hui qu'il l'était avant l'arrivée du Surmulot. Celui-ci lui ayant fait presque partout une guerre très-active, il a dû abandonner un grand nombre de localités; dans beaucoup d'autres il est devenu assez rare. Chez nous, il'se tient de préférence dans les granges et les-greniers , sous les toits de chaume et dans les maisons abandonnées , quelquefois aussi dans des terriers qu'il creuse lui-même. Les Rats de cette espèce ont plusieurs portées par an. Au moment des amours , ils se livrent, dit G. Cuvier, des combats violents, et on les entend alors pousser des cris qui ressemblent à des siflements aigus; ils préparent avec des feuilles, de la paille, du Coin ou toute autre matière convenable, des nids pour leurs petits. Ceux-ci sont, comme ceux des FAMILLE DES MURIDÉS, 405 autres espèces, entièrement nus lorsqu'ils viennent au monde, et ils ont aussi les yeux fermés; fréquemment il y en a jusqu'à neuf pour chaque portée, lhî noiiî , 1/2 de ur;u:<]. Le Rat Suhmulut (Mus dccumunus , Pallasj n'est pas moins fécond, et il a, comme chacun sait, des dimensions plus fortes. Brisson en a parlé sous les noms Me Mas sylvcstris et Sorwcgicus. C'est le Wandcrratte des Allemands et le Nurway-Rat des Anglais. Cet Animal est le plus grand , le plus destructeur et le plus méchant de tous les Rats qui vivent en Europe ou qui s'y sont établis. On n'a constaté sa présence dans cette partie du monde que depuis le milieu du xvine siècle, et il paraît y avoir été amené de la Perse ou de l'Inde par la navigation. Pallas nous apprend que les Surmulots arrivèrent à Astracan en 17*27 et qu'ils s'y montrèrent tout à coup en si grande quantité qu'on ne pouvait rien soustraire à leurs atteintes. Ils venaient du désert de l'Ouest et avaient traversé le Volga , dont les flots en engloutirent sans doute un grand nombre. D'autre part, Buffon rapporte que les endroits oii l'on constata pour la première fois leur présence en France sont les châteaux de Chan- tilly, de Versailles et de Marly, et qu'ils s'y firent bientôt remarquer par leurs dégâts. Il leur donna le nom de Surmulot, qui exprime une ressemblance avec le Mulot, tout en indiquant la supériorité des dimensions. Il y a des Surmulots qui ont vingt-cinq ou vingt-huit centi- mètres de longueur, sans compter la queue, et l'on peut, sans exagération, les dire parfai- tement capables de lutter contre les Chats ; leur pelage est brun lavé de roussâtre en dessus, cendré en dessous ; leur queue est écailleuse comme celle des Rats noirs et un peu moins longue que le corps. Quoique les Surmulots passent pour les ennemis les plus déclarés des Rats noirs , on les a cependant vus avec eux dans certaines localités. Ce fait a été constaté plusieurs fois et dans des pays différents. F. Cuvier dit à cet égard : « Les Surmulots n'excluent pas nécessairement les Rats noirs d'oii ils s'établissent , et j'ai vu ces deux espèces vivre sous le même abri et 406 ORDRE DES RONGEURS. dans des terriers conligus; c'est qu'ils trouvaient dans ces lieux d'abondants aliments , et que les plus forts n'avaient pas besoin , pour se nourrir, do faire la guerre aux plus faibles; car ce n'est que dans ce cas seulement que les uns sont la cause de la disparition des autres, et, comme toutes les espèces du genre , ces Rats se dévorent entre eux lorsqu'ils sont pressés par la faim. » Les Surmulots parcourent les magasins, les caves, les celliers, les égouts, et des lieux plus sales encore. Dans les grandes villes, ils sont très- nombreux et très - redoutés ; ils viennent jusque dans les lambourdes des planchers , s'établissent entre les cloisons , et se montrent souvent aussi audacieux que malfaisants. Les établissements d'équarrissage, les fossés oii l'on prépare la poudrette, les ruisseaux les plus malpropres les nourrissent par milliers ; ils fréquentent aussi les amphithéâtres de dissection et les laboratoires des naturalistes. Leur reproduction est très-rapide, et les femelles ont jusqu'à dix ou même douze petits à chaque portée. Certaines races de Chiens, particulièrement celles des Terriers et des Boules-Dogues, les détruisent avec une rare adresse, faisant aussi bon marché d'eux ou des Rats noirs que les Chats le font des Souris. Cependant le nombre des Surmulots ne diminue pas sensible- ment, et, dans certaines localités, il augmente même, ces Animaux se multipliant d'une manière réellement inquiétante. Rat surmulot, t /?> de grand . Les endroits où l'on dépose les immondices enlevés dans Paris attirent particulièrement les Surmulots, qui se réunissent surtout en grande quantité à Montfaucon et dans d'autres lieux analogues. On peut juger de leur nombre par celui de leurs terriers ; ceux-ci sont souvent si profonds que la solidité de certaines constructions en a été ébranlée. Parent-Duchâtelet rapporte qu'une des personnes qui dirigent l'établissement de Montfaucon n'a préservé sa propre demeure de l'atteinte des Surmulots qu'en entourant d'une couche épaisse de fragments de bouteilles les fondements sur lesquels elle reposait. Le même observateur ajoute que si Ton abandonne pendant une nuit dans les cours les chevaux équarris, les Surmulots en dévorent complètement la chair de manière à mettre à nu tous les os dont se compose le squelette. En hiver, pendant les fortes gelées, s'il arrive qu'on ait laissé le cadavre d'un cheval sans en enlever la peau , le< Rais «'y introduisent . soit par l'anus , soit par la saignée, FAMILLE DES MURIDES. 407 s'établissent au milieu du corps, en rongent toutes les parties molles, et, lorsqu'au dégel, les ouvriers viennent pour enlever la peau , ils ne trouvent en dessous qu'un squelette com- plètement décharné et que l'on pourrait placer dans un musée , tant il a été bien nettoyé. Parent -Duchâtelet raconte encore le fait suivant, qu'il tenait, dit-il, de M. Magendie : a Ayant fait prendre douze Surmulots pour ses expériences de physiologie, le savant professeur du collège de France les enferma dans une boîte; mais ils s'y livrèrent de tels combats que, lorsqu'il arriva à son domicile, il n'en trouva plus que trois. Ceux-ci avaient dévoré les neuf autres, et M. Magendie no trouva, assure Parent-Duchatelet, d'autres traces de leurs victimes que les queues et quelques débris épars. » La grande quantité do Surmulots que l'on peut tuer en quelques jours a engagé divers industriels à tirer parti de ces Animaux. J'ignore si leur fourrure est vraiment employée avan- tageusement à quelque usage, mais je trouve dans plusieurs auteurs l'indication que leur peau chamoisée a servi dans la fabrication des gants. On rapporte même à ce sujet que deux gantiers de Grenoble avaient offert cent francs par mille de ces peaux. Si l'on se rappelle qu'en décembre 1849 quelques jours ont suffi pour prendre deux cent cinquante mille Rats dans les égouts de Paris, on ne saurait douter de la possibilité de tirer parti des Surmulots , tout en encourageant leur destruction. Dans les colonies, ces hardis Animaux ne sont pas moins redoutés, et, sur plusieurs points, l'autorité a dû intervenir pour mettre obstacle à leur trop rapide propagation. Un officier de la marine m'a affirmé que, dans les îles qui avoisinent Madagascar, on les voit parfois arriver en grandes quantités, mais qu'ils émigrent bientôt pour un autre lieu lorsque l'île a été dévastée par leur voracité. Ils ne craignent pas de traverser à la nage les distances qui séparent les unes des autres certaines de ces îles, lorsqu'elles ne sont pas trop considérables. Le voisinage des eaux douces leur est également favorable, et on les trouve abondamment auprès des eaux courantes ou dans les étangs. Quoique dépourvus de membranes interdigitales , ils nagent avec beaucoup de facilité. Les eaux les plus sales sont celles où ils sont le plus en sûreté, et il n'est pas de cloaque si infect qu'ils ne puissent y prospérer. M. de Sélys dit qu'il vient quelquefois en Belgique des troupes nombreuses de Rats voya- geant pendant la nuit, mais qu'il ne faut pas les rapporter au Rat noir ou- au Surmulot. 2. Description des espèces propres à l'Afrique , et de quelques cadres quon en a séparées génériquement. Les dernières publications des naturalistes, et plus particulièrement celles de MM. Ruppel, Andrew Smith et Peters, ont porté à quarante au moins le nombre des espèces africaines qui appartiennent à la tribu des Rats, et, dans ce nombre, ne sont pas comprises les Gerbilles, dont on a distingué plus de dix espèces. Plusieurs des espèces qui vivent dans l'Afrique n'ont pas été séparées génériquement des Rats proprement dits. Nous signalerons parmi elles le Rat de Barbarie (Mus barbarus, Linné), dont la taille est intermédiaire à celle du Mulot et du Rat noir. Son pelage est gris fauve et strié sur le dos de dix lignes longitudinales brunes; cette espèce est aussi appelée Bat strié. On la trouve en Algérie, et elle est bien connue des personnes qui ont habité cette partie de l'Afrique, C'est un joli petit Animal , propre , qui devient bientôt familier, et que l'on peut conserver longtemps en captivité en le nourrissant de blé, de pain, etc. M. H. Lucas en a possédé à Paris un mâle et une femelle qui ont plusieurs fois reproduit. Chaque portée a été de sept à huit petits , et ceux-ci étaient déjà en état d'engendrer dès l'âge de quatre mois. On peut citer ensuite le Rat pumulion (Mus pumilio , Linné) qui appartient à l'Afrique australe ; les raies de son dos sont moins nombreuses. Le Rat du Nil (Mus Niloticus) , qui répond au Lcmmus Niloticus d'E. Geoffroy, est long de 0,20 pour le tronc et la tète réunis, et il a la queue longue de 0,12. Son pelage est 408 ORDRE DES RONGEt 'RS. uniformément brun, mêlé do fauve en dessus, et gris jaunâtre en dessous; il se tient au bord des eaux. Le Rat d'Alexandrie (Mus Alexandrinus , E. Geoffroy) est plus semblable au Sur- mulot pour la [orme et les proportions générales ; son pelage est gris brun , légèrement teint de roussâtre en dessus, et d'un gris cendré un peu jaunâtre en dessous, avec les pattes de la couleur du dos; il a quelques-uns des poils du dos subépineux, aplatis et marqués d'une rainure à leur face supérieure. C'est un Animal propre à l'Egypte. On dit qu'il s'est établi dans le midi de l'Europe depuis le commencement de ce siècle, et, suivant M. de Selys- Longchamps, le Mas teclorum , signalé en Toscane et dans les états Romains par M. Savi comme une espèce distincte, ne reposerait que sur l'examen de Rats de cette espèce. M. de Selys dit aussi qu'on a constaté la présence du Mus Alexandrinus ou teclorum, dans le midi de la France , en Languedoc et en Provence. D'autres Rats africains ont présenté des caractères assez importants pour que les natura- listes aient cru devoir en faire des genres à part. Voici des détails sur plusieurs d'entre eux : Les DENDROMYS (Dendromys , A. Smith), que nous citerons les premiers, rappellent, jusqu'à un certain point, les Loirs par leurs allures; mais ils n'ont pas la queue velue, et leurs dents n'ont pas de plis, comme celles de ces Animaux. Une espèce de cette petite division , que nous avons observée , nous a présenté la particularité fort remarquable d'avoir le doigt externe des pieds de derrière presque aussi écarté des autres que l'est le pouce des Quadrumanes. Les Dendromys sont de jolis petits Rou- geurs ayant h peine la taille des Souris, et dont le pelage est gris perlé, avec une bande dorsale noire. M. Smith en distingue deux espèces sous les noms de Dendromys lypicus et melanotis. I'i.vts nr D r MtisiMi v s, '2/1 rt<> gr.iml '"' \û I) ! N I) RUJUS T V l> I n (* K , 1 j'i (If S f fin ri MOLAIKLS DE l'AcOMYS Cure, C/l de grand . FAMILLE DES MURIDÉS. 409 Les ACOMYS (Acomys, Is. Gooff.) sont aussi de faible taille. Leurs molaires sont petites et décroissantes. Les poils de leur corps sont en partie épineux , ce qui rappelle certaines grandes espèces de l'Inde , ou bien encore les Rongeurs de l'Amérique méri- dionale du genre Échimys. On en connaît trois ou quatre espèces , dont une vit au mont Sinaï ; la mieux connue est I'Acomys du Caire (Acomys cahirinus) , décrit par E. Geoffroy sous le nom de Mus cahirinus. Cet Animal est déjà mentionné dans Aristote; il est de la taille de la Souris, mais il a la queue moins longue; ses poils sont épineux et gris cendrés en dessus et sur les flancs , plus doux au con- traire et d'une couleur moins foncée en dessous. L'espèce que nous avons fait figurer est d'une cou- leur un peu différente et tirant sur le roux, ce qui lui a valu le nom d' Acomys roussatre {Acomys russa- tus). C'est le Mus russalus de M. Wagner. (Voir à la page 2G3.) L'Acomys très-épineux (Acomys sjnno sis simus , Peters) vit en Mozambique. Les CRICETOMYS (Cricetomys, Waterhouse) sont encore des Murions propres à l'Afrique. Ils sont plus grands que les Surmulot, et ils joignent à la même forme de queue que les Rats et à des molaires à peu près semblables à celles de ces Animaux ou des Hamsters le caractère d'être pourvus d'aba- joues. Le Cricetomys de Gambie (Cricetomys gambianus, Waterh. ) est la seule espèce bien connue de ce genre. On le trouve non-seule- ment en Gambie, comme l'indique son nom, mais aussi à Fernando-Pô , et même dans le Kordofan , oh M. Ruppel l'a signalée sous le nom de Rat Goliath. Ces grands Rats établis- sent leur demeure sous terre, mais ils mon- tent aussi sur les arbres pour en prendre les fruits. Les nègres estiment beaucoup leur chair qu'ils apprêtent pour leurs meilleurs repas. Jl y a aussi des Cricetomys en Mozambique. La Mozambique a fourni à M. Peters trois genres nouveaux de Muriens : Les S A C G 0 S T 0 MUS, caractérisés par la présence d'abajoues. Deux espèces : Saccostomus lapklarius et Saccostomus fuscus. Les PÉLOMYS, ayant les incisives supérieures sillonnées comme celle des Gerbilles : Pelomys fallax. Les STÉATOMYS, également semblables aux Gerbilles par les incisives, mais à queue plus courte que le corps. Deux espèces : Steatomys edidis et Steatomys Krebsii. 3. Espèces asiatiques. On en a déjà distingué une quarantaine, les unes petites comme les Souris et les Mulots, les autres au contraire aussi grosses que le Surmulot ou même plus grosses; parmi ces der- nières nous citerons les suivantes : Le Rat caraco (Mus caraco, Pallas), qui est de la Mongolie, de la Chine et de la Sibérie orientale. 11 vit, comme le Surmulot , dans les habitations et devient plus grand que lui d'un quart. Le Rat géant (Mus giganteus,\làvdwiGko) ayant 0,37 pour le corps et autant pour la queue. lre PARTIE, 52 R\t Goliath de M. Ruppel, 1/2 de grand. 410 ORDRE DES RONGEURS. Son pelage est brun en dessus et blanchâtre en dessous avec les pieds noirs. Ou le trouve dans l'Inde, sur les côtes du Malabar et de Coromandel , ainsi qu'au Bengale. C'est le Ban- dicot des Anglais. Le Rat Perchal (Mus Perchai) , dont Buffon a parlé d'après un exemplaire rapporté par Sonnerat, se rencontre principalement dans la presqu'île de Pondichéry. 11 entre dans les maisons comme les précédents et devient aussi grand qu'eux. C'est encore un Animal très- incommode. Il présente, entre autres caractères, une rigidité assez grande des poils de son dos. 4. Des espèces de V Amérique septentrionale et des genres quon en a séparés. Les auteurs en ont signalé quinze environ, indépendamment de celles qu'on a quelquefois rapportées au même genre, mais qui sont des Campagnols véritables. Leurs caractères de dentition et de forme extérieure diffèrent peu de ceux que présentent ordinairement les espèces propres à l'ancien continent. Ce sont les Mus nigrkans , leucopus, polionolus, Juunilis, auréolas , Mitchiganensis , Caroliniensis , palustris , etc. Deux espèces ont servi à l'établissement du genre NÉOTOME (Neotoma, Say et Ord). Elles ont les replis émaillés de leurs dents plus profonds et plus obliques et leur fourrure est plus souple que d'habitude; sous ce double rapport elles ressemblent davantage à certains Rats de l'Amérique méridionale, dont nous parlerons dans le paragraphe suivant, et en par- ticulier aux Reithrodons. La plus grande des deux espèces de Néotomes est le Néotome des Florides (Scotoma floridina, Say et Ord); l'autre est le Néotome de Drummond (Ncotoma Drummondii , Richardson). Celle-ci s'étend plus au nord que la précédente; M. Cray en fait un petit genre à part auquel il a donné le nom de TÉONOMA, qui n'est que l'anagramme du mot Néotoma. Ces Animaux sont pour ainsi dire un acheminement des véritables Rats vers les Campa- gnols, et l'on peut citer, comme étant dans le même cas, le Sigmodon hispidum de MM. Say et Ord , qui vit aussi dans les Florides. 5. Des espèces de V Amérique méridionale et de quelques-nns des genres qu'on a établis parmi elles. Les Rats de l'Amérique méridionale paraissent être plus nombreux en espèces que ceux d'aucune autre partie du monde. En général, ils s'en distinguent par une physionomie spé- ciale, et même par quelques caractères assez tranchés pour qu'on les reconnaisse aisément. Ces différences sont surtout tirées de la forme du crâne et de celle des dents. Leurs particu- larités secondaires distinguent en même temps les espèces américaines des autres Muriens, et elles les ont fait partager en plusieurs sous-genres. La description en est principalement due aux naturalistes Azara, Brandt, Waterhouse et Lund. a. Les espèces qu'on a nommées OXYMYCÏÈRES (Oxymycterus, Waterh.) sont, sans contredit, les plus distinctes de toutes les autres. Leurs molaires sont didymes ou subdidymes et elles décroissent en volume d'arrière en avant; leur crâne est allongé et bien différent de celui de la plupart des autres Rats; enfin leurs pieds ont cinq doigts évidents eu avant aussi bien qu'en arrière, et les ongles qui les terminent sont forts, fouisseurs et presque aussi développés que ceux des Saccophores. On en connaît deux espèces qui sont un peu plus fortes que le Campagnol ordinaire de nos contrées. L'une est I'Oxymyctère nasique (Oxymycterus nasutus, Waterh.) de Maldonado, à l'embouchure de la Plata. L'autre est I'Oxymyctère scalops (Oxymycterus scalops, P. Cerv.), dont j'ai rédigé la description pour l'ouvrage de M. Cl. Cay sur le Chili; elle est de ce pays. b. M. Meyen a nommé AKODON une petite division établie par lui pour une espèce habi- tant les Andes de la Bolivie et du Pérou (Ahodon boliviense, Meyen), dont les molaires sont décroissantes et à tubercules pavimenteux, et la queue un peu plus longue que le corps. C'est un Animal peu différent de la Souris par sa grandeur. Iî h i: i t 11 r o ï» o n ci'NicrLOiDF, çrciiul. r.at. FAMILLE DES MURIDÉS. 41 i c. Los REITHRODONS (Reithrodon, Watcrh.) ont les incisives supérieures marquées d'un sillon vertical sur leur face antérieure, ce qui indique un passage vers les Gerbilles; leurs molaires sont décroissantes; leur queue est médiocre et velue; leur tète est forte et leur crâne est un peu élargi, de manière à rappeler jusqu'à un certain point celui des Campagnols, et surtout des Hamsters, dont les Reithrodons se rapprochent également par leurs dents molaires. La tendance qu'ont ces espèces et la plupart des Murions de l'Amérique méridionale à ressembler aux Campagnols ou à d'autres Animaux de l'ancien monde, dont ils tiennent la place dans ce continent, est un fait d'autant plus digne d'être signalé que ces derniers sont connus pour être exclusivement propres à l'hémisphère boréal. Les Muriens d'Amérique res- semblent en mémo temps aux Rongeurs de la famille des Octodontes, qui sont comme eux des Animaux sud-américains. La plupart des Muridés qui sont propres à l'Amérique méridionale ont donc des caractères par- ticuliers, et si quelques-uns d'entre eux s'éloignent d'une manière plus ou moins notable du type le plus ordinaire, c'est pour ressembler aux Animaux des autres pays, dont ils occupent ici la place; par exemple aux Campagnols de l'Europe et de l'Amérique septentrionale, ainsi qu'aux Loirs de l'ancien monde et aux Gerbilles de Fïndc et de l'Afrique. 3M. Waterhousc a distingué trois espèces dans le genre des Reithrodons : Le Reithrodon type (Reithrodon Ujpicxts) de Maldonaldo; le Reithrodon cuniculoïde {Reithrodon cuniculoules) de Santa -Cruz , et le Reithrodon chinciiilloïde (Reithrodon chincliilloïdcs) du détroit de Magellan. d. Los PU YL LOTIS ou Hcspcromys du même auteur comprennent aussi trois espèces, savoir : le Piiyllotis de Darwin, qui est du Chili; le Piiyllotis xantiiopyge do Santa-Cruz, et le Piiyllotis grts-fauve du Rio-Negro. e. Los espèces dont M. Waterhousc fait sa division des ARROTHRIX sont plus nom- breuses; il en décrit sept auxquelles nous avons ajouté le Rat de rochers (Mus mpestris, P. (ierv.) , que MM. Gaudichaud et Eydoux ont trouvé au Chili. La taille de celui-ci est un peu supérieure à celle du Mulot. /. Les ÉLIGMODONTES (Eligmodonlia , F. Cuv.) , que M. Waterhousc a plus récem- ment appelés CalomySi ne comprennent que quatre espèces, savoir : les Calomys bima- ci;lé, élégant et gragilipède du naturaliste anglais, et I'Éligmodonte type du naturaliste français. (j. Certaines autres espèces sud -américaines constituent un dernier petit groupe , celui des HO LOCH IL US de M. Wagner. Tel est le Rat du Rrésil (Mus brasiliensis , E. Geoff.) dont les dents sont encore en même, nombre que chez les Rats ordinaires , mais avec une forme plus rapprochée de celle qui caractérise les Échimyens du genre Cercomys. Le Rat du Rrésil approche du Surmulot pour la taille, mais son poil est plus lustré et d'une nature moins grossière. Le Rat jaunâtre (Mus Iules cois) que j'ai décrit et fait figurer dans l'ouvrage de M. Gay sur le Chili en rapproche h plusieurs égards. Le R\r pilori (Mus pilorfdes* Pallas) devra Tikï rii.nm, :);3 Av gianrl. Ail ORDRE DES RONGEURS. sans doute constituer une division encore différente. Il n'est pas très- éloigné du Perchai et du Surmulot par sa dentition, mais il est encore plus grand ; son crâne a une forme assez analogue à celle du leur; enfin son pelage est d'une toute autre nuance. 11 est noir velouté en dessus, ainsi que sur les flancs, et blanc en dessous depuis le menton jusqu'à l'origine de la queue : celle-ci est aussi longue que le corps. Le Pilori vit aux Antilles, et depuis longtemps il en est fait mention dans les ouvrages des naturalistes. Rochefort en a parlé dans son Histoire des Antilles, qui a paru en 1G59, et Dutertre dans son livre sur le même archipel. L'un et l'autre racontent los dégâts que cette grosse espèce de Rats occasionne dans les plan- tations. Le Rat pilori ne saurait être confondu avec aucune autre espèce do ce genre, et il est en particulier très-différent du Surmulot. On ne saurait en dire autant de quelques autres espèces que les naturalistes ont décrites comme particulières à l'Amérique méridionale, et certaines de celles que nous avons passées sous silence ne reposent peut-être que sur l'observation de véritables Surmulots acclimatés dans cette partie du monde. M. Waterhouse, qui a si bien étudié les Muriens de ces localités, et à qui l'on doit des travaux si consciencieux et si exacts sur les caractères spécifiques qui les distinguent les uns des autres , s'est même demandé si le Mus decumanoïdes ou Jacobiœ , des îles Gallopagos, et le Mus maurus de Maldonado, qu'il avait d'abord admis comme formant des espèces particulières, ne sont pas tout simplement des variétés du Surmulot; c'est là un genre de méprise contre lequel on ne saurait trop se prémunir et que l'état un peu confus dans lequel sont encore la nomenclature et la diagnose des Muriens peut rendre très-facile. 6. Espèces de la Nouvelle-Hollande. Indépendamment des Muriens constituant les genres Hydromys et Hapalolis , on a décou- vert sur le continent australien et à Van-Diémen plusieurs espèces de véritables Rats. MM. Gray et Gould n'en décrivent pas moins d'une dizaine, parmi lesquelles nous citerons le Mus albo-cinercus ici figuré, et il faut y ajouter les Pseudonujs australis et Greyi. Ce sont des espèces de taille moyenne ou même petite. Mi's-ALBOcm-HErs di- M. fiould, 1/2 do gnuul. GENRE HAPALOTIS (Hapalolis, Lichtcnstein) aussi nommé Conilure par M. OT.ilhy, Il comprend plusieurs espèces de la Nouvelle-Hollande, qui joignent à une dentition très-peu MOLAIRKS 1)' II A 1» A LOTI S . 4/1 (le {.ml. FAMILLE DES MIRIDÉS. 413 différente do celle des Rats et des Gerbilles un port assez semblable à celui de ces dernières. Les pattes postérieures sont plus longues que celles des Rats, et la queue est longue et velue. On a quelquefois, mais à tort, rapproché les Hapalotis des Chinchillas. L'espèce qu'on a connue la première est riÏAPALOTis al bipède (Hapalotis albipes, Licht,). Les colons de la Nouvelle-Hollande l'ont comparé à un Lapin, quoiqu'il n'ait point la taille de cet Animal et qu'il en diffère beau- coup par son apparence extérieure, ainsi qu'on peut s'en assurer par la figure que nous en donnons ici à la page 272. Cet Hapalotis est le Conilure constructeur de M. O'Gilby. On le rencontre principalement dans la Nouvelle- Galles. L'Hapalotis d e G o u l d (Hapalotis Goal- dii, Gray) a été trouvé au port Essington. On ne dit pas de quelle contrée de la Nou- velle-Hollande vient 1 ' H a p a l o t i s m é l a n u n e (Hapalotis melanura , Gould). M. Gould donne encore, dans son bel atlas sur les Mammifères de l'Australie, les Hapalotis lonyicaudata et MicJielii. (iJiNKii HYDROMYS (Hydromys , E. Geoff.). Les Animaux de ce genre sont de tous les Rongeurs ceux qui ont le moins de dents. Leurs molaires ne sont qu'au nombre de deux paires à chaque mâchoire; elles ont aussi une forme tout à fait particulière; la première de celles du haut a trois fois la lon- gueur de la seconde, et elle se compose de trois lobes subarrondis qui sont uniformément excavés dans leur milieu ; la seconde n'a que deux parties dont l'antérieure est même fort •petite et rejetée à l'angle antéro- interne. Inférieurement les molaires des deux paires ont chacune deux lobes excavés sur la couronne; seulcmenUla première de chaque côté est du double plus longue que la seconde. Nous en donnons une figure à la page 268. On n'a pas encore constaté si dans le jeune âge les Hydromys étaient plus semblables aux autres Mu- riens par le nombre de leurs dents molaires, et l'on ignore s'il s'opère chez eux un rcmpla-^ cernent. La tète de ces Rongeurs est allongée; leurs corps ressemble à celui des Rats, et il en est de même de leur queue ainsi que de leurs pattes; celles de derrière ne sont pas notablement palmées. Cependant les Hydromys sont des Murions aquatiques, et c'est même l'habitude qu'ils ont de vivre dans l'eau qui leur a valu ce nom, qui veut dire Rats aqua- tiques. Les Hydromys sont du petit nombre des Mammifères monodelphes qui vivent dans l'Aus- tralie. On ne les a observés qu'à la Nouvelle-Hollande, dans les îles du détroit de Bass et à la terre de Van-Diémen. Leur taille est à peu près égale à celle du Surmulot, mais ils parais- sent avoir le corps plus effilé. E. Geoffroy, qui les a fait connaître aux naturalistes, en a distingué deux espèces : I'Hy- dkomys a ventre jaune (Hydromys chrysoyaster) et I'Hydhomys a VENTUE BLANC (Hydromys leucoyaster) . Tous les deux ont le pelage brun plus ou moins marron en dessus, Chane u' Il y d it om Y s, -4/1 de grand. 414 ORDRE DES RONGEURS. 1 1 \ l> R 0 M Y S A Y T. N T I\ !.' B L \ \ C , I /' ") C V £ IV. 11(1 . mais celui du premier est orangé en dessous et celui du second est blanc. M. O'Cilby a ajouté comme troisième espèce THydromys a ykntiîk fauve (llydromys fulcogaslcr) , delà rivière des Cygnes; toutefois, M. Cray est d'avis que cette prétendue espèce et les deux précé- dentes ne constituent que de simples variétés. FIN DE l/OUDUli DUS LION (i Kl US. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LA PREMIÈRE PARTIE INTRODUCTION i ORDRE DES PRIMATES 1 FUITLLE DES SlNfJES G T r i r, l d i- s P i t ii é c: i e n s 8 I. Anthropomorphes 14 GVwc Chimpanzé id. — 6oW// • FAMILLE DES GVSTORIDÉS 309 Genre Castor id. \MILLE DES HVSTIUCIDKS. .'. 316 T \\ I B l! DES C A V I E N s 317 Genre I/gdrochcre id. — Dolichotis 319 — ■ Kérodon 321 — Cobaye id. T r. i b u d e s G É l o g É n \ e n s .... 32 5 town? /tort 326 TlUBU DES DaSYPUOCTIENS. . . 327 GewY? Agouti 329 T ii l BU D 15 S II Y S T IU C I E N S id. Genre Porc- Epie id. — Acanthion 332 — Athérure 333 T R I B U D E S A L L A C O D IE s s 334 Genre Aulacode id. T n i b u des É B É t h i z o n i e \ s . . . 335 Genre Éréthizon 3.: 6 — Sphiggure id. — Chëtomys 338 — Synëlhèrc 339 T n i b u d i: s C a p n o m y e n s 340 Genre Holdings id. i . Cercomys id. 2. Échimvs 341 3. Nùlomvs 342 4. Oactylomvs 343 5. Lasiuromys 344 Genre Caproniys id. — Plagiodonte 346 — Mgopotame 347 — Guillomgs id. T n I B U DES C H I N C H I L L I E N S . . . 349 Genre Lagostome id. — Lagotis 350 — Chinchilla 351 T IU B U D E S A N O.M A L U A I E N S. . . . 355 Genre Anomalure id. Famille des Gténomydés. . . 358 Genre Ctcnome id. — Pëphagoïtigs 359 — Sehizodonle., 360 i'° i-AivllK, MATIÈRES. 417 P.iges. Genre Octodonle 360 — Abrocome 361 Famille des Pseudostomy- DÉs.f 362 Tiubu des Saccophobiens. . . id. Genre Saccophorc id. — Aplodontie 304 Tiubu des Saccomyens id. Genre Saccomgs id. — Etéromys ... : 365 — Dipodomgs id. — Macrocaule id. Famille des Dipodidés 366 T ni b u des G e n b o i s e s id. Genre Gerboise id. T IU B U D E S P É D É T I E N S 369 Genre Pédètc id. — Pctromys 371 — Issiodoromys 372 Tiubu des Gténodactyliens. id. Genre Cténodactgle id. Famille des Myomdés 373 Genre Loir id. — Grapldure 375 Famille des Ml h ides 376 Tribu des Rats-Taupes.... id. Genre Héliophobie 377 — Bathgergue id. — Géorgque 379 — Rhyzomys id. — Siphne 380 — Spalax 381 Tiubu des Muiuems 382 Genre Campagnol id. — Ondatra 391 — Cricet 393 — Gerbille 395 — Psammomys 397 — Sminthus id. — Mérione id. — Otomys 398 — Phléomgs id. — Rat 400 — Dendromgs 408 — Acomys 409 Crkëtomys, id. 53 118 TABLE DES M ATI EUES Vaçc*. Genre Saccostomm 409 — Pélomys - . id.. — Stéalomys id. — Néotome 410 — Téonoma id. Sous-Genre Oxymyctère id. — Akodon id. Sous-Genre Rc'ithrodon 411 — Phyllotis id. — Abrothrix id. — Éligmodonle id. — [ïolocliilus id. Genre Hapalolys 412 — Ilydromys 413 CLASSEMENT DES GRAVURES DE LA PREMIEBE PARTIE Coloriée. Orang bicolore, en regard du titre. Noire. Squelette humain , vu de face 14 — — vu de profil id. — Squelette de Chimpanzé maie id. — Chimpanzé de la cote occidentale d'Afrique 16 — Chimpanzé du Gabon 24 — Squelette de Gorille 26 — — de Gorille femelle id. — Gorille du Gabon 27 — Gorille du Gabon , de la collection du Muséum de Paris 28 — Orang-Outan vieux et jeune 30 — Squelette d'Orang-Outan adulte 32 Coloriée. Semnopithèque Doue 59 — - Semnopithèque Dussumier 60 — Colobe Guéréza 65 — Cynocéphale Hamadryas 107 Noire. Squelette de Saïmiri Sciurin . 134 Coloriée. Tamarin Marikinn 149 — Pérodictique Potto 158 — Propithèque diadème 163 — Avahi lanigère 165 — Maki rouge 1 66 Noire. Squelettes de Tarsier et de Galéopithèque 178 Coloriée. Roussette d'Edwards 188 Noctilion-Bec-de-Lièvre 211 Noire. Lièvre et Lapins 280 Coloriée. Ptéromys éclatant 296 — Marmotte de Québec 299 Écureuil du Malabar 308 Lagostome Viscache 350 Anomalure de Pelé 357 Alactaga flèche - 368 ERRATA. Planche lrc, au lieu d' Or an g bicolore d'Abysshùe, lisez de Sumatra. Planche 11, au lieu de Colobe Geéréza de Sumatra, lisez dWbyssinie. Page 214 au lieu de 114. Page 233, au lieu de Genre TANRECS, lisez TAJNREC. Page 215, ligne 45, au lieu de Ongu Ida , lis ez 11 u m i \ a n t s . Page 247, au lieu de Genre V ROT RI OLE, lisez l ROT RICHE. Page 266, l'humérus de Castor fiber doit cire retourné. Page 277, ligne 24, au lieu de Carpolagcs , lisez Carpolagucs. Page 2j3, ligne lre, au lieu de Carpolageis, lisez G arpolagees. Page 301, ligne 52, au lieu de Cerveau de Pofatouche, lisez Crâne. Page 333, ligne 13, au lieu de Atlidrurc en pinceau, lisez A thé ni; ni: a pince ai Page 364, au-dessous de la figure, au lieu (I'Anthrophilk, lisez Antiiophile , > THE UNIVERSITY OF MICHIGAN GRADUATE LIBRARY DATE DUE DO NOT REMOVE OR MUT1LATE CARD 3 9015 03410 0498 UNIVERSITY Or MICfflGAN HENRY VIGNAFD LTBBARY