ee er ” 4 FAN AAA ANA A: F4 ME À: ARE 7 Division of Mollusks Sectional Library ET” AN 4 LA \ÿ 7. = Ge ECUUUTET Ù d PAS ñ nr à ER bd Mot sn : As ANNALES DE L'UNIVERSITÉ DE LYON TOME SECOND (Fascicule 2°) CAL a Ad] 2 TE # U 7 LE, Ly Apr lHRENTTONTÉ Le - [Re # Sr ps à He À A LS UA cs . UT _ PSE ” Ces + FL A. ä& CES Es ECS P 9 #4 7: PR 1 7? / ‘ VA e S re ” # # f) / c ® 7 # / / 7 > . Ve Der”. Z, PTE TT à mr s” fe lt À haf tr Sr Sc CP , { Fe FA 7 # # 4 É V4 AS Î Rn, DS/ # j ( / * | ÿ 4 à # , Fi Le © 42 : ANNALES DE L'UNIVERSITÉ. DE LYON TOME DEUXIÈME — 2° FASCICULE ———————— FA AD RE LUN a Ni ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES l- DE LA PHOLADE DACTYLE STRUCTURE, LOCOMOTION, TACT, OLFACTION GUSTATION, VISION DERMATOPTIQUE, PHOTOGÉNIE 1 nf] ; er >} AVEC UNE THÉORIE GÉNÉRALE DES SENSATIONS es RE Mollugke (e4 JL = PAR TOR 4 le Docteur Raphaël DUBOIS PROFESSEUR DE PHYSIOLOGIE GÉNÉRALE ET COMPARÉE A L'UNIVERSITÉ DE LYON € AYEU JLEY ‘yAp Gpns oùdeutay EvdeyeTar GAXav aicbnouw Eyeuw : l'animal ne peut, sans le toucher, avoir aucun autre sens. » Anisr. de anima, L. XII, ch. XIII. « Ergo non debel poni aller sensus prœter tactum ». SAINT THOMAS D’'AQUIN, Som. théol. quest. LXXVIIT, art 5. 68 figures dans le texte, 15 planches hors texte “ : on M 11 L'7 FR \ af! GR } PARIS d # CG. MAS SON PÉPVPEUR LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, Boulevard Saint-Germain 189? MNT HSONZA® APR 6= Es \ * | HA CUREL, FF NT 7 or À sh mn ———— mn 4 = LS DÉS ET Sub PRÉFACE Peut-être quelques-uns seront-ils surpris que l'histoire d'un lambeau de mollusque puisse être l’objet d'une étude poursuivie pendant plusieurs années. On a dit de la grenouille qu'elle est un « animal physiologique », en raison de la multitude d'expériences variées qu’elle permet de pratiquer et de leur caractère particulièrement démonstratif, On peut en dire autant de la Pholade qui, de tous les invertébrés marins, que j'ai observés, est certainement le plus maniable et celui qui répont avec le plus de netteté aus questions que lui adresse l’expérimentateur. Les réactions par lesquelles la Pholade manifeste sa sensibilité sont aussi nombreuses et aussi variées que les excitations capables de mettre en jeu son irritabilité; mais ce qu'il y a de véritablement merveilleus, c'est que cette huître puisse écrire ses propres sensa- tions, dans un langage dont la clarté et la précision ne laissent rien à désirer, ainsi qu'on s'en assurera facilement par l'examen des nombreus graphiques reproduits dans cet ouvrage. Par l'étude comparative, à la fois statique et dynamique, du mécanisme biologique de cet organisme relativement inférieur et de ceus qui apparlienmnent aus animaus supérieurs, on peut se convaincre que les lois physiologiques sont plus simples et plus générales qu'on üe le suppose communément. Pour recueillir les principaus avantages de cette méthode, on ne doit pas se borner à comparer les êtres terrestres entre eus. Il est de toute nécessité de rechercher ce que deviennent les fonctions et Nous avons adopté dans cet ouvrage la nouvelle orthographie de la « Revue de Philologie française ». II : PRÉFACE n + les mécanismes propres à les satisfaire, dans des milieus aussi différents que possible de celui qui nous entoure, c’est-à-dire chez les êtres marins. C'est, ce que j'ai entrepris, malgré les difficultés qui résultent de notre organisation universitaire provinciale. D'autre part ‘on a multiplié à l'excès les laboratoires maritimes d'anatomie, subventionnés par l'Etat, tandis qu'il n'existe à l'heure actuelle qu’un seul laboratoire maritime de physiologie, celui de Tamaris-sur-mer, pour lequel aucun crédit spécial n’a été jusqu’à présent accordé. C'est dans cet établissement que j'ai fait les expériences les plus simples relatées dans ce mémoire, mais, pour celles qui néces- sitaient un matériel très difficilement transportable, j ai dû faire venir au laboratoire de physiologie générale et comparée de la Faculté des Sciences de Lyon, et à grands frais, l’eau demer et les animaus qui m'élaient nécessaires. Grâce à l'extraordinaire vitalité de ces derniers, les résultats obtenus n'en ont pas été moins satisfaisants, mais il est facile de concevoir qu'en procédant de cette manière le champ de l'expéri- mentation en physiologie comparée devient extrêmement limité. Aussi, au lieu de publier une monographie complète de la Pholade, je n'ai pu étudier jusqu'à présent que l'anatomie et la physiologie du siphon de ce mollusque, objet du présent travail. En revanche, j'ai eu la satisfaction de donner à cette publication tout le développement que je pouvais désirer, grâce à la fondation récente des Annales de l'Université de Lyon, dont l’heureuse ini- tialive appartient à l'Association des amis de l'Université lyonnaise, puissamment secondée d’ailleurs, dans cette œuvre de décentrali- sation, par M. Liard, directeur de l'Enseignement supérieur, par le Conseil général de nos facultés et par M. Masson de Paris. Les belles photogravures de nos préparations microscopiques qui accompagnent le texte et qui ont été multipliées à dessein, sont aussi d'origine lyonnaise: elles sont l'œuvre deM M. Lumière fils. L'examen de ces planches nous dispense de faire l'éloge de leurs auteurs, dont le mérite et le dévouement à la science sont d'ailleurs connus de tous. De 7 PRÉFACE lili J'ajouterai que le mode de publication choisi par le comité des Annales nous à paru préférable à tous ceus qui sont employés actuellement en France, d'une part parce qu'il permet de se pro- curer chaque travail isolément etque, d'autre part, il fait connaitre nettement son origine et par conséquent les tendances du centre universitaire d’où il est sorti. J'ai adopté pour cet ouvrage la nouvelle orthographe de la Revue de philologie française, parce qu'elle supprime d'étranges anoma- lies, n’ayant pas même le mérite de pouvoir être considérées comme des vestiges ancestraus d'une phase ancienne de l’évolution de notre langage national, qu'il n’est pas nécessaire de compliquer à plaisir, surtout en matière scientifique. Université de Lyon. — IT, B. a a Re AE th . etait 164d Nova “AE , UNE 2 MARINE LATE mr OT EU Patte Po NO Dm 0e 1er 2 ati qu MARRE DM ape + È c RE Due, St RUE EH MN ho 1 Aa Par in AMIE nan ne destin) 0 MUC TROT LANTA ae Le PART NIET ENT dt SUN AUES sûre LH) (Ts A (18 nr AL PTE TE s# Ft AE ab SES 41 AY RL pit Faure vent DOMAINE (ANS 9 DROLE ESS Ten, pes % oi EQ ATAL RON à ñ 24 VA Le ei “ae He. + ï = | MES WALES | "Hs ki vin e FR à ne 9 L ; ñ b ( DA M os en s FA L LS UN rs de Le, ù Fa ee ' 147 AS FE RS € INTRODUCTION La physiologie étudie les phénomènes de la vie, lesquels se distinguent facilement des faits anatomiques parce qu’ils comportent l’idée de temps, de durée. Cette science s'occupe seulement des phénomènes actuels: aussi, l'embryologie, qui suit les phases du développement des animaus el des végétaus vivant actuellement, doit-elle être considérée comme une branche de la physiologie, tandis que la paléontologie, dont les problèmes comportent égale- ment l’idée de temps, s'en sépare nettement, puisqu'elle étudie non ce qui vil, mais Ce qui à vÉCU. La physiologie se divise en un certain nombre de branches, dont la plus importante est la physiologie générale, qui traite des phénomènes communs aus animaus et aus végétaus et découvre les grandes lois qui régissent les êtres vivants. La physiologie zoologique a un rôle plus spécial : elle ne s'occupe que des phénomènes biologiques qui s’observent chez les animaus et comprent principalement la physiologie anthropologique, avec ses applications à la médecine, et la physiologie zoologique propre- ment dite, avec ses applications plus variées à la vétérinaire, à l'agronomie, à la pisciculture, à la sériciculture, etc., etc. Les progrès de la physiologie tout entière, et spécialement de la physiologie de l’homme, dépendent en grande partie de ceus qui sont réalisés en physiologie zoologique. Toutefois, pour que ces progrès puissent se développer, il est indispensable de comparer sans cesse entre eus, les mécanismes employés par l’homme et par les autres animaus pour satisfaire leurs besoins naturels, ou, si l’on veut, pour assurer l'exercice normal des fonctions physiologiques : telle est la mission du savant qui s'occupe de physiologie comparée. VI INTRODUCTION Mais si l'étude comparative des fonctions et des mécanismes propres à les satisfaire, considérés dans l'ensemble de la série animale, a une importance pratique très grande, il n’est pas difficile d'imaginer que sa portée philosophique ne saurait être moindre. Au fur et à mesure que l'on descent l'échelle animale, ces mécanismessesimplifient.On voit les appareils de perfectionnement, si compliqués chez l'homme,devenir de plus en plus rudimentaires, et les procédés employés par les animaus pour répondre aus besoins de leur organisme nous apparaissent alors dans toute leur naïveté. On conçoit facilement l'immense parti que l'on peut tirer de ces études comparatives pour la recherche de ce qu'il y a de fonda- mental dans le jeu des organes et des appareils qui entretiennent et perpétuent chez l’homme la vie et Ja pensée. La physiologie comparée ne comprent pas seulement la connais- sance des rapports qui existent entre les mécanismes fonctionnels employés par les animaus d'espèces différentes, ou physiologie phylogénique, elle suit aussi l’évolution de la fonction chez l'embryon, pendant que l'anatomie embryologique détermine la forme des organes aus différents stades de leur développement : elle prépareainsila physiologiedel'embryon ou physiologie ontologique. Mais la marche du physiologiste et celle de l’anatomiste sont d'ordi- naire différentes, parfois même absolument divergentes. L'histoire morphologique et embryogénique du poumon, par exemple, et l'étude du développement de la fonction respiratoire envisagée successivement dans l’œuf, dans l'embryon, dans le fœtus et dans le corps de l’adulte,ne pourraient manifestement pas tenir dans un même cadre. Les divergences qui résultent de ce que l’on ne peut suivre parallèlement le développement de la fonction et celui de l'organe s'accentuent encore davantage quand on étudie la manière dont les divers animaus satisfont la fonction générale de la respi- ration. La plupart du temps le physiologiste ne peut que constater l'indépendance de la fonction et de l'organe, qui n'avait pas échappé aus dynamistes de l’école d’Aristote, et que Saint-Thomas d'Aquin a pu utiliser pour le développement de ses conceptions théologiques en faisant de l'organe l'esclave dela fonction : « Non enim potentiæ INTRODUCTION VII sunt propter organa, sed organa propter potentias. Unde non propter hoc sunt diversæ potentiæ, quia sunt diversa organa; sed ideo natura instituit diversitatem in orqanis, ut congruerent diver- sitali potentiarum ». Som. theol. Quæst. LXX VITE, art. 3. Toutefois, malgré les modifications profondes que peut subir un organe dans le cours de son évolution, il peut arriver que la fonction lui reste fidèlement attachée. C'est ce qui se passe pour l'écran sensible de notre œil, par exemple. La rétine, en effet, n’est qu'un fragment du tégument externe, qui, après avoir élé enfoui dans la profondeur du corps de l'embryon, reparaît, plus tard, à la péri- phérie pour donner l’organe sensoriel. Or, chez la Pholade, qui n'a pas d'yeus, à proprement parler, c’est encore la peau qui est Île siège de la vision. On peut, d’ailleurs, chez les invertébrés, suivre pas à pas le développement in situ de l'organe visuel aus dépens de l’ectoderme et déjà, pour ce motif, considérer la vision comme une fonction de la peau. La découverte de la fonction dermatoptique chez la Pholade est un fait imporlant, non-seulement parce qu’elle nous fail savoir que certains animaus ne sont pas nécessairement aveugles, quoique dépourvus de ce qu’on peut appeler un organe visuel, mais encore et surtout parce qu'elle nous a conduit à des considérations fonda- mentales relatives au véritable fonctionnement de la rétine humaine et à une {héorie générale du mécanisme des sensations. Nous ne pouvons pas dire cependant que cette théorie soit absolument nou- velle : Démocrite l'avait pressentie il y a plus de vingt-trois siècles. Ce philosophe admettait que chaque sens n’est qu'une sorte de toucher. Après avoir condamné cette opinion dans le #raité de la sensation, Aristote soutient une doctrine semblable à celle de Démocrite dans le traité de l'Ame : « aairor zut zx Aa aichnrnerx aoû aœichdverar, &AAX di éréoov : Pourtant les autres organes (sensoriels) sentent aussi par le toucher. » Le célèbre commenta- teur d’Aristote, Saint-Thomas d'Aquin formule la théorie, dont nous parlons, d'une manière plus précise encore : « Ergo non debet pont alter sensus præter tactum » (1). Mais, on peut aflirmer, élant (1) Voir æ Part., chap. VI VIII INTRODUCTION donné l'état de la science aus époques où vivaient ces philosophes, qu'elle ne pouvait avoir que la valeur d’une hypothèse ingénieuse ne reposant sur aucun fait scientifiquement établi. Cette hypo- thèse philosophique ne devait acquérir la valeur d’une vérité scientifique qu'après la découverte des faits relatés dans ce mémoire et qui constituent, suivant nous, une des preuves les plus palpables de la fécondité de la physiologie comparée. Toutefois, 1l serait injuste de ne pas reconnaître que les notions physiologiques qui nous ont été fournies par l'observation et par l'expérimentation,aidées du raisonnement, eussent été insuffisantes à nous donner une explication satisfaisante des phénomènes sur lesquels repose notre théorie et des faits qui s'y rattachent plus ou moins directement, si l'anatomie comparée n'était venue en aide à la physiologie comparée. Ces deus sciences devront toujours se prèter un mutuel appui quand le physiologiste voudra porter ses investigations en dehors des sentiers battus, c'est-à-dire au-delà de l'expérimentation usuelle limitée actuellement à un petit nombre d'animaus domestiques, dont l'anatomie se rapproche beaucoup de celle de l'homme. Malheureusement, jusqu'à ce jour, la Physiologie a été consi- dérée comme une branche accessoire de la médecine et il résulte de celte fausse conception philosophique de la science la plus générale entre toutes, que la plupart des physiologistes sont plutôt médecins que naturalistes et par cela même, souvent privés des notions indispensables à ceus qui veulent aborder l'étude de la physiologie comparée. Il ne faudrait pas croire toutefois que les notions acquises par Les naturalistes proprement dits soient toujours suffisantes pour résoudre un problème de physiologie. L’anatomiste poursuit un autre but que le physiologiste et celui- ci, dans la plupart des cas, ne trouvera pas dans les ouvrages d'anatomie ce dont il a besoin pour éclairer ses recherches spéciales. Il devra se faire anatomiste, histologiste au besoin, s'il veut se rendre exactement compte des phénomènes qu'il observe, car, en physiologie comparée, on ne saurait séparer l'étude du mouvement, par exemple, de la connaissance approfondie de ce qui se meut. La conception d’une physique biologique est une invention INTRODUCTION IX malheureuse de chercheurs qui, n'ayant pas à leur disposition les méthodes d'investigation que l’on doit employer pour étudier la structure intime des êtres organisés, ont préféré déclarer que la connaissance de l'organisation ne pouvait fournir que des rensei- gnements négligeables. La physiologie générale elle-même, qui n’est autre chose que la mécanique biologique, peut être aussi considérée comme Ja physiologie comparée des animaus et des végétaus. Si cette science s'attache plus particulièrement à l'étude des phénomènes de la matière vivante réduite à son état le plus élémentaire, à l'analyse des propriétés du sarcode ou protoplasme, elle n’en pourra pas moins progresser et se développer qu'à la condi- lion que celui qui la cultive possède les méthodes d'investigation mises en œuvre pour l'étude de l’anatomie générale. Rien ne nous autorise, d’ailleurs, à assimiler la matière vivante à celle des corps bruts et si, à côté des procédés spéciaus à la physiologie, le naturaliste qui s'occupe plus particulièrement de la dynamique biologique utilise des méthodes ou des appareils imaginés par les physiciens ou par les chimistes, ce n’est pas une raison suffisante pour admettre qu’il existe une physique biologique ou une chimie physiologique. D'autre part, si l'on veut appeler physique biologique l’ensemble des conditions cosmiques qui constituent le milieu où vivent les animaus et les végélaus, et les rapports qui existent entre les individus et le milieu qu'ils habitent, on montrera seulement que l’on ne connaît pas l'histoire et les origines de la physiologie, ni même l’étymologie du nom qui a été donné à cette science par les anciens. On ne saurait protester trop énergiquement contre cette tendance fâcheuse qui consiste à enseigner le mépris de la connaissance approfondie de l’organisation statique des êtres lorsqu'il s’agit d'étudier la substance vivante à l’état dynamique. La Physiologie comparée devra sans cesse s’appuver sur l’Ana- tomie comparée, comme la Physiologie générale s’appuiera sur l’'Anatomie générale; seulement, et c’est- là un point essentiel, le physiologiste devra donner à ses recherches anatomiques une X INTRODUCTION orientation particulière, distincte de celle que le morphologiste adopte en vue du but philosophique spécial qu'il poursuit. L'examen attentif des résultats consignés dans ce mémoire sur l'Anatomie et la Physiologie comparées du siphon de la Pholade dactyle fera peut-être mieus qu'une longue dissertation philoso- phique, saisir de quelle facon nous comprenons l'étude et l’ensei- gnement de la physiologie, dont la place est marquée parmi les sciences pures qui s'appuient à la fois sur l'observation, sur l’expé- rimentation et sur le raisonnement. | J'ajouterai, enfin, que je ne professe pas, comme certains expé- rimentateurs empiriques qui apparliennent bien plutôt à l’école de Magendie qu'à celle de Claude Bernard et de Paul Bert, quoi qu'ils en puissent dire, le mépris systématique des idées théoriques ou philosophiques. Sans doute, ilest vrai, comme le répètent à tout propos ces empi- riques, qu'un fait nouveau, si petit soit-il, peut ruiner la plus sédui- sante des théories; mais quel esprit sensé voudrait nier aujourd'hui qu'il est indispensable de grouper les faits connus dans un ordre méthodique, au lieu de les entasser pêle-mêle, sans chercher les liens qui les unissent ou les lacunes artificielles qui les séparent, au risque de jeter la science dans la plus stérile des confusions. D'ailleurs, l'histoire des autres sciences, de la physique et de la chimie, par exemple, ne nous montre-t-elle pas que les théories ne permettent pas seulement de grouper des faits connus, mais qu'elles présentent encore cet immense avantage de conduire sûrement et rapidement à la découverte de nombreus faits nouveaus. Pourquoi la Physiologie resterait-elle à l'état empirique alors qu'elle tent de plus en plus à devenir, sous le rapport de la rigueur scientifique, légale de ses sœurs aînées, de l’Astronomie, de l’Ana- tomie, de la Physique, de la Chimie, en un mot des sciences générales que l’on considère comme des sciences exactes? La véritable sagesse consistera donc, non à repousser le secours de la logique, mais à se servir de la théorie, tant qu'elle ne sera pas en opposition avec les faits, et à la modifier ou la transformer suivant les progrès accomplis dans le domaine de l'observation et de l’expérimentation. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPAREES DE LA PHOLADE DAGTYLE PREMIÈRE PARTIE MORPHOLOGIE ÏJ. — Historique La Pholade dactyle estun curieus mollusque qui habite les côtes de la Manche, de l'Océan et de la Méditerranée. Cet animal était connu des anciens, qui s’en servaient pour leur alimentation, mais 1l est probable qu'ils confondaient sous un même nom liré du grec ookex, oolxc qui signifie aussi trou, caverne, divers coquillages marins habitant, comme Ja Pholade, des trous creusés dans le roc ou dans l'argile. Il est bien certain toutefois que la Pholade dactyle avait spéciale- ment attiré l'attention des naturalistes de l'antiquité, car Pline (1) parle dans ses œuvres de la merveilleuse propriété qu'elle possède, à l'exclusion des autres espèces du même genre, de dégager de la lumière. Ce coquillage marin a porté successivement divers noms scien- tifiques : PAolas, Athenœus ; Concha longa (Rondelet) ; Donax sive Dactylus mas (Belon); Balanus et Dactylus (Bonnani et Lister). Les pêcheurs de nos côtes désignent également sous des noms différents cette « huître » qu'ils appellent suivant les localités, (1) Plinius : Lib. IX, Historia mundi. Université de Lyon. — Il. B. 1 2 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES Dail, Daille, Dayon, Datte de mer, à cause de sa vague ressem- blance avec un doigt humain, qui lui a également valu le nom spécifique de Dactylus (du grec daxrvko, doigt) que lui aurait donné Linné (1). Sur les côtes de Sussex, où elle abonde, les Anglais la connaissent -sous le nom de Piddick el il est probable qu'elle porte encore beaucoup d'autres noms vuleaires. Parmi les auteurs modernes qui ont écrit sur le Pholas dactylus, on doit ciler principalement Réaumur et Pol. Réaumur a communiqué à diverses reprises d'intéressantes notes à l'Académie des sciences sur la facon dont ces coquillages s'en- foncent dans le sol et sur les merveilles des Dails, (2) et Poli (3) en a donné une assez bonne descriplion anatomique, à laquelle on n’a d'ailleurs ajouté que fort peu de chose, mais qui renferme quelques erreurs graves. Nous citerons encore les noms de Monti, de Beccari et de Galeali (4). Quant aus recherches contemporaines, elles portent pour la plupart, comme celles des auteurs que je viens de citer, sur des points très spéciaus, à propos desquels elles seront rappelées. Mais, de l'examen de ces quelques documents, 1l ressort claire- ment qu'une élude biologique générale de la Pholade, à la fois zoolo- gique, anatomique et surtout physiologique était absolument indi- quée. ÎL. — TAXONOMIE ET ORGANOGRAPHIE Si l’on se base sur la manière d’être de la coquille des animaus adultes pour la classificalion des mollusques marins, ilne convient pas de considérer, ainsi qu'on le fait généralement, la familles des (1) D’après le savant conchyliologiste français Fischer, le Pholas dactylus des auteurs contemporains ne serait autre chose que le Dactylina dactylus de Linné (j: de Gonch. T VIII, p. 242), (2) Réaumur : CG. R. 1712 et 1725. (3) Poli : l'estacea ustriusque Siciliæ eorum historiæ et anatomæ, 1792-1795, (4) V. Comm. Benon, vol. II, 1724. DE LA PHOLADE DACTYLE 3 Pholadidæ à laquelle appartient la Pholade dactyle, comme com- posée de lamellibranches bivalves. Les Pholadidæ constituent en réalité une famille à part de mollusques lamellibranches polyvalves, ainsi que Je l'ai démontré récemment par l’élude histologique de leurs valves accessoires (1). Cette famille doit être placée, comme l'avait autrefois proposé notre savant conchyliologiste lyonnais, M. Locart, après les Chitonidæ, qui termine la série des Gasté- ropodes et au commencement de la série des Lamellibranches. Le corps de la Pholade dactyle est incomplètement protégé par deux grandes valves principales, minces, fragiles, garnies de saillies aiguës, dentées, régulièrement disposées. Ces valves peuvent atteindre sur les plus beaus individus, jusqu'à huit centimètres de longueur. Elles sont baillantes en haut pour donner issue au siphon, et fortement échancrées en bas pour le passage du pied. Cette armure légère et incomplète semble surtout faite pour donner au corps mou de l'animal des points d'appui, principalement par ses crochets puissants, armés de larges cuillerons, et constituer un squelette de soutien plutôt qu'un moyen de défense (v. PJ. 1). Cette enveloppe testacée est cependant complétée par cinq valves dorsales accessoires qui présentent, ainsi que je l'ai démontré (Loc, cit.), à des degrés divers, les caractères des véritables coquilles. Les valves principales ne sont pas reliées par des ligaments, mais seulement par les prolongements du manteau et par les muscles. Le reste du corps, sauf le pied, est protégé par un épiderme assez solide, coriace, mais qui ne suffirait pas à défendre l’animal contre les crabes et autres redoutables ennemis. [n'échappe à leur pour- suite qu’en s’enfermant dans des trous qu'il creuse dans l'argile ou même dans les roches les plus dures (calcaires, gneiss.) par un mécanisme qui sera étudié dans un chapitre spécial, (1) R. Dubois : Etude sur la nature des valves ou pièces accessoires chez les pholadidæ et sur l’importancz que présente la connaissance de leur texture histologique au point de vue de la classification : (bull. soc. maiac. France, VII, juin, 1890). 4 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES Les lobes du manteau, minces et transparents dans une grande partie de leur étendue, s’épaississent au bord inférieur et antérieur et se soudent presque sur toute leur longueur, ne laissant qu’une étroite ouverture ovalaire pour le passage du pied à la partie antérieure. Ce manteau se continue postérieurement pour former les deus lobes accolés qui, réunis par une enveloppe commune, constituent un tube unique long et flexible, le siphon. Celui-ci est attaché par sa base à la face interne et supérieure des grandes valves par des insertions musculaires disposées en éventail. Si l'on fend le manteau de manière à détacher les lobes en coupant leurs commissures, on aperçoit, en allant d'avant en arrière, les parties suivantes : Entre la masse abdominale et l'insertion des lobes du manteau, sous une espèce de capuchon formé par lui, se remarque sur la ligne médiane une ouverture transverse : c'est la bouche, Elle est pourvue de deus lèvres minces qui se continuent à droite et à gauche en une paire de palpes labiales allongées, lancéolées et soudées dans une partie de leur longueur sur les parties latérales du corps. La masse abdominale est assez grasse, Le pied est court, large et tronqué. De chaque côté de la masse abdominale se trouve une paire de feuillets branchiaux. Immédiatement au-dessous de la masse abdo- minale, les branchies du côté droit se soudent à celles du côté gauche, dans une portion de leur longueur et se détachent ensuite pour se continuer dans l’intérieur du siphon branchial. Vers l'extrémité postérieure du corps est un muscle très puis- sant, transverse, qui sert à rapprocher les valves de la coquille. Outre ce muscle supérieur, il en existe encore un autre à la partie antérieure, dont les fibres très courtes s'insèrent sur quelques points du bord cardinal, en y laissant des impressions. La cavité buccale aboutit par un œsophage gros et court à un estomac en forme d’ampoule entièrement enveloppé par le foie et dans lequel la bile pénètre par un petit nombre de cryptes biliaires, qui en percent la paroi. C’est de la paroi postérieure de l'estomac et au-dessus de la grande courbure que l'intestin prent naissance. DE LA PHOLADE DACTYLE b) Cet intestin cylindrique, grêle, forme plusieurs grandes circon- volutions dans l'intérieur du foie. Après ces circonvolutions, l’in- teslin se dirige vers la ligne médiane et dorsale; il est embrassé par le ventricule, qu'il traverse, passe derrière le muscle abducteur postérieur et se termine presque immédiatement en un anus flottant entre les branchies. Le foie est assez considérable; il constitue à lui seul presque toute la masse abdominale : l’ovaire lui est accolé, et ce dernier organe ne prent un grand développement qu'au moment de la ponte. Comme chez tous les mollusques de la même classe, le cœur est parfaitement symétrique : il est placé sur le dos, dans la ligne médiane et il est composé d'un ventricule assez large et de deus oreillettes aplaties, triangulaires, qui s'ouvrent dans les feuillets branchiaus, dont elles semblent la continuation. Le système nerveus est bien développé (v. p{. XIV) : des gan- glions cérébroïdes (7. C) partent les nerfs palléaus antérieurs (P. a), les nerfs des palpes labiales (L), les cordons du grand collier (C) et ceux du petit collier (ec). Ces derniers réunissent les ganglions cérébroïdes au ganglion pédieus ({7. P.), d'où partent les nerfs du pied (N. P.)et deus branches nerveuses se rendant à l'intestin (N. L.). Des ganglions viscéraus (G, V.) situés près de l'anus partent les deus nerfs branchiaus (N. B.) et les deus nerfs palléaus postérieurs (P. p.).Ces derniers donnent naissance chacun à trois branches dont la distribution est particulièrement intéres- sante au point de vue de l’étude du fonctionnement du siphon. Les deus branches les plus rapprochées des ganglions viscéraus (4, B) se rendent dans l'épaisseur du siphon, tandis que l'extrémité du nerf palléal va se distribuer avec la troisième branche (C) dans l'épaisseur de la paroi interne du siphon ventral, Le point de bifurcalion de la troisième branche se trouve situé au-dessous d'un organe triangulaire (P) qui n'exisle dans le genre Pholas que chez la Pholade dactyle (organe de Poli). Entre les deus branches internes, à leur origine sur le nerf palléal postérieur, se trouve un amas de cellules nerveuses formant une sorte de ganglion nerveus diffus. 6 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES Le système musculaire comprent les muscles abducteurs des valves, les muscles propres du pied et enfin deus muscles parti- culiers pour le mouvement des diverses parties du manteau. Les muscles du pied s’insèrent sur les cuillerons, traversent la masse abdominale et contribuent à consolider les divers organes, dont elle est composée. Tout le bord antérieur du manteau et presque toute la masse des siphons est formé de muscles, ainsi que nous allons le voir en étudiant en détail la structure de cet important organe. Cette rapide description, qui n’est guère plus complète que celles que l’on rencontre dans les meilleurs traités, et en particulier dans celui de Deshaies (1), est seulement destinée à donner une idée générale de la topographie et des rapports des organes : elle serait absolument insuffisante pour se rendre exactement compte des relations des fonctions avec les parties qui en assurent l’exer- cice. Aussi, avant d'aborder l'étude physiologique du siphon, qui forme l’objet principal de ce premier mémoire, nous attacherons- nous à faire connaître en détail son anatomie et sa structure histo- logique. III. — ANATOMIE DU SIPHON De l’espace libre limité par les bords des valves principales de la coquille s'écartant l’une de l’autre dans leur tiers postérieur, sort un cylindre blanchâtre, membraneus, rétractile et protactle, creusé dans son épaisseur de deus canaus parallèles séparés par une mince cloison : c’est le siphon (p/. F1 et pl. IX). Ces canaus possèdent deus orifices distincts et séparés. Le canal qui correspont à la face dorsale présente une extrémité libre légèrement recourbée en arrière et dépassant la terminaison du second canal de quelques millimètres. Son orifice externe est arrondi et présente un bord tranchant et lisse dépourvu d'appendices. L'orifice du canal ventral est plus large et son pourtour est garni (1) Deshaies : Tr'aité de conchyliologie, T. Il, p. 67 et suiv. 1843-1850. DE LA PHOLADE DACTYLE 7 de petites houppes tentaculaires très pigmentées, ramifiées comme un tronc de corail garni de ses branches. Ces troncs tentaculaires se continuent par leurs bases sans tran- sition brusque avec la paroi interne du siphon sur laquelle elles forment des saillies longitudinales, généralement aussi très pigmentées, Le siphon n'est en réalité qu'une expansion du manteau qui, dans son plus grand allongement, peut atteindre jusqu'à 10 ou 15 centimètres de longueur, c'est-à-dire deus à trois fois la longueur des valves principales. Par son extrémité antérieure, il s’insère latéralement sur la face interne des deus valves, à la réunion du tiers antérieur avec les deus tiers postérieurs, par deus expansions foliacées, membrancuses et musculaires disposées en éventail. Cette partie du manteau est séparée du siphon proprement dit par un sillon transversal circulaire, situé sur la face externe, et de la lèvre postérieure duquel part un repli cuticulaire, qui va tapisser les deus tiers postérieurs de la face interne des coquilles en formant un étui au siphon (membrane coquillière), Au-dessus de la lèvre postérieure du sillon transversal, la face externe du siphon est couverte de villosités,qui deviennent d'autant plus fines et plus rapprochées, que l’on s'éloigne davantage de son lieu d'insertion. Sur la face ventrale, cette surface chagrinée s’avance en pointe vers la partie antérieure ou buccale de la pholade, dans l’interstice qui sépare les deus grandes valves: elle se continue avec le pont membraneus etmusculaire qui réunit le bord libre des deus valves principales vers leur partie moyenne et se divise antérieurement en deus bandeleltes qui se séparent pour se réunir un peu plus loin, après avoir formé une ouverture ovalaire donnant passage à un pied large, épais et charnu. Le pont membraneus et l'anneau qui entourent le pied offrent une surface lisse dépourvue de villosités. Dans la région dorsale, la surface chagrinée se termine par une languette arrondie en avant et dont l'extrémité libre finit à la partie antérieure du métaplaxe. 8 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES Sur chaque face latérale, le siphon présente un sillon longitudi- nal, qui correspont à la cloison séparant les deus canaus accolés eomme les canons d'un fusil de chasse. Si on examine à la loupe la surface externe du siphon macéré dans un liquide conservateur, (1) on constate qu'elle est par- semée dans son liers postérieur, c'est-à-dire vers l'extrémité libre, d’élevures à bords ondulés, imbriquées comme les tuiles d'un toit, ou mieus, comme les écailles d’une pomme de pin. (pl. XV, fig. 9). Dans le tiers moyen, ces reliefs forment des replis saillants, à bords irréguliers tourné vers l'extrémité libre du siphon (#g. 10). Plus en avant, vers la base du siphon, ces papilles sont représentées par des éminences mamillaires isolées (fig. 12), plus étroites à la base que vers la partie libre. Elles sont plus rares dans la Zone moyenne que sur le reste de la surface du siphon. Dans cette région, on en compte environ une trentaine sur une rangée circulaire complète et l'on peut évaluer en moyenne à seize cents ou deus mille le nombre de ces papilles cutanées sur la surface totale du siphon. A l’état vivant, toutes ces saillies ont une configuration très analogue. Elles sont isolées, rangées circulairement et compa- rables à de petites écailles incurvées suivant la circonférence du siphon, à bord libre, amincei et comme trifolié (fig. 11). Par leur extrémité libre, elles s'écartent de la surface du siphon au point d'être parfois situées dans un plan presque perpendiculaire à celle- ci. Leur crête brun foncé paraît à la loupe formée de deus lèvres pigmentées fortement, limitant entre elles un sillon plus clair. On serait tenté de les considérer comme des yeus si, d’une part, l'examen histologique ne montrait qu'elles sont constituées par de simples replis cutanés et si, d'autre part, l'analyse physio- logique ne prouvaient que certaines parties dépourvues de papilles sont également sensibles à la lumière. En dehors de ces papilles on ne rencontre aucun point assez (1) La forme des papilles se conserve mieus dans la liqueur de Müller que dans l'alcool ou dans les solutions de sublimé, qui rétractent fortement les tissus du manteau. DE LA PHOLADE DACTYLE 9 différencié pour être considéré comme un organe spécial et c’est en vain que j'ai cherché à la base des tentacules, autour de l’ouver- ture du siphon, les yeus dont parlent Will (4) et Vaillant (2). Canal ventral ou aspirateur. — T représente une cavité en forme de cône largement évasé vers la base du siphon et séparé de l’autre canal par une cloison très mince, transparente, lisse et régulière dans l'extension complète; la paroi de la cloison présente au contraire des replis transversaus quand le siphon est contracté. Dans un siphon fendu, suivant la ligne médiane de la face ventrale et élalé, cette cloison forme une bande triangulaire très allongée, qui se prolonge jusqu'à la base du siphon. Dans son tiers infé- rieur, cette cloison donne insertion aus quatre lames branchiales. Sur le reste de son étendue, la paroï interne du canal est lisse, sauf dans les points suivants : 4° Dans son tiers postérieur, elle se pigmente de plus en plus au fur et à mesure que l’on se rapproche davantage de l'orifice externe et se montre en cette région creusée de sillons longitudi- naus, séparant des colonnes qui donnent naissance aus troncs ten- laculaires, au nombre de douze environ. Ces sillons et ces colonnes sont croisés par des replis circulaires très fins, parallèles et très rapprochés, légèrement sinueus et paraissant plus pigmentés vers les crêtes. 2° De chaque côté de la cloison, et parallèlement à ses bords, s'étendent deus cordons en relief, qui partent du milieu de la région d'insertion des branchies pour aller se perdre insensible- ment dans le tiers postérieur de la paroi du canal. La présence de ces cordons à été signalée pour la première fois par Poli : ils ont été depuis, ainsi que les triangles, dont nous allons parler (p£. XL, tr.), étudiés avec plus de soin par Panceri. 3° En dehors de la région où s'insèrent les branchies et un peu … “ (1) Will : Ueber die Augen Bivalven un der Ascidien : Frorieps neu Notizsen T. XXIX, nes 622 et 623, 1844 (2) Vaillant : Note sur lés organes de la vue rhes la Pholade, mém. soc. biol., due sér. 3, 1863, p. 126. 10 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES en avant du point où commencent les cordons, on constate, en outre, la présence de deus plaques triangulaires formant, comme les cordons, un relief pariétal et constituées également par une série de replis transversaus, saillants et très rapprochés les uns des autres. La structure de ces organes sera étudiée plus loin avec plus de détail. Canal dorsal, — Sa face interne ne montre rien de particulier. Comme le précédent, il est plus pigmenté vers son orilice externe, où il présente également des colonnes charnues et des plis transversaus, mais ici les colonnes charnues ne donnent pas naissance à des troncs tentaculaires. IV. — STRUCTURE HISTOLOGIQUE DE LA SURFACE DU SIPHON Considérée dans ses traits généraus, la structure du siphon de la Pholade dactyle rappèle celle que l’on rencontre dans le siphon des autres lamellibranches siphonés et qui a été étudiée et décrite avec beaucoup de soin par M. Roule, mais à un point de vue pure- ment morphologique (1). Aussi cette étude, pourtant si remar- quable, serait-elle absolument insuffisante pour servir de base à une analyse physiologique des fonctions du siphon. Examinée sur une coupe longitudinale, les tentacules se montrent fondamentalement constitués comme les autres parties de la paroi du siphon, dont elles ne sont que des expansions plus ou moins ramiliées et hérissées, comme le corps mème du siphon, de papilles plus ou moins saillantes et pigmentées (pl. IT fig. 9). Les papilles, dans toute l'étendue de la surface du siphon, ne sont elles-mêmes que des soulèvements du derme, qui offre la même structure, aussi bien dans les saillies, que dans les inter- (1) L. Roule : Recherches histologiques sur les mollusques tamellibranches Jour. de l'anat. et de la phys. (T. 23, p. 30-86, pl. IV à VIIE, 1887). DE LA PHOLADE DACTYLE 11 valles qui les séparent. (vo. p{. 11, III, IV, V, fig. 1 et pl. VI, VHL, et: VHT). De dehors en dedans, on rencontre : 1° Ja euticule ; 2 une rangée ininterrompue de cellules épithéliales pigmentées surtout dans leur partie externe. La partie profonde de ces cellules est con- située par un protoplasme plus clair, facilement colorable et ren- fermant un gros noyau ovoïde (v. pl. XV fi. 1, 9, 3, 4, 5,6, 7,8). s #3 tt Quand on les examine, non sur les coupes, mais après disso- clation par l'alcool au tiers additionné d’acide azotique, ou après macération prolongée dans la liqueur de Müller, ces éléments semblent se terminer par une mince membrane hyaline affectant la forme d'un calice plissé où mieus d'un parapluie retourné, (fig. 2,3, 7) d'autres fois par des prolongements en forme de racine (Ag. 1, 4, 5). Mais il est bien évident que tel n’est pas leur véri- able mode de terminaison. Ces éléments pigmentés représentent dans la peau de la Pholade les diverses variétés de cellules pigmentaires qui ont été décrites et figurées par Fraisse (1), par B. Scharp (2) et par Patten (3) dans les organes oculaires de certains mollusques (4). Leur mode appa- (1) P. Fraisse : Ueber Mollusken Augen mit embryonaiem Typus : Zeit. f. w. Zool.; 35 B. 1881. (2) B. Scharp : On the visual organs in Lamellibranchiata : in Mitth. Z. stat. Neapel, © B. 1833. (3) W. Patten : Eyes of Molluses and Anthropods. Mitth Zool. stat. Z. Neapel T. VI, 1856. (4) Remarque. — Il importe de faire observer immédiatement que Pattern a décrit et figuré sous le nom de cellules myo-épithéliales (fig. 153, pl. 32, a) les mêmes éléments que Fraisse et Scharp avaient considérés comme des cellules visuelles. Selon Patten, ces cellules myo-epithéliales se termineraient par des fibres radiées qui, en s'unissant, formeraient une basale : ce même auteur aurait vu pénétrer entre ces cellules des fibrilles nerveuses présentant de petits renflements ganglionnaires. L'extrémité de ces fibrilles viendrait s'accoler à la cellule myo-épithéliale. Fraisse et Scharp n'ont pu constater la présence de fibrilles nerveuses dans les yeus qu'ils ont étudiés. De mon côte, je n'ai rencontré qu'une seule fois dans la peau de la Pholade une disposition rappelant celle qui a été décrite par Patten (v.pl. XV, fig. 5,6), mais j'ai tout lieu de croire, sans vouloir cependant l’affirmer, qu'il s'agit de l'extrémité d'une fibrille conjoncr'ive appartenant aus faisceaus du squelette, qui vont se perdre dans les couches superficielles du siphon et non d'une fibrille nerveuse. D'ailleurs la manière dont se termine exactement le système nerveus dans la couche que nous considérons comme exclusivement myo-épithéliale chez la Pholade, n'a pour nous qu'une importance secondaire. 12 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES rent de terminaison profonde est le résultat de dilacérations produites pendant la dissociation, et l'examen des coupes (v. P/. IT, IL ;< IV, VI, VAL; "VHD) Pomontretibien qu'elles mewsecoôn- fondent pas ensemble chez la Pholade, comme cela a été admis par M. Roule (/0c. cit.. p.10) pour le siphon de la Vénus, dans lequel ces prolongements se réuniraient pour former une basale séparant les éléments épithéliaus des fibres musculaires sous- Jacentes. Par leur terminaison profonde, ces éléments épithéliaus se continuent directement avec des fibres musculaires lisses diver- sement orientées, suivant les replis du derme, mais concourant principalement à la formalion d'une couche contractile longitudi- nale et d'une couche circulaire située plus profondément. La part importante que la substance contractile prent à la formation des papilles n'avait pas échappé à Poli, qui leur avait donné le nom de vésicules musculaires bien qu'il n’eût à sa dispo- tion aucun instrument capable de le renseigner sur leur structure histologique. Nous ne saurions mieus comparer encore les éléments dont nous avons parlé plus haut, qu'à ceus qui ont été récemment décrits par F. Bernard (1), et qui occupent la presque totalité de la rétine de la valvata; M. Bernard les compare aus « rétinulæ » de Patten. -Au-dessous de ces cellules, la peau du siphon ne présente pas de basale et leurs prolongements se continuent intérieurement avec des fibrilles musculaires sous-jacentes, ainsi que je l'ai déjà dit et que le montrent avec la plus grande netteté les microphoto- gravures des planches IT, LE, IV, V, VI, VII, VIIT. En ce qui concerne leurs relations avec les nerfs, on peut dire de ces cellules ce que M. Bernard dit des rétinulæ de l’æil de la Valvata: « Rien n'autorise à penser que les filaments nerveus du réseau périphérique soient en relation avec ces prolongements. » Nos éléments pigmentaires dermatiques de la Pholade présentent (1) F. Bernard : Recherches sur la valvata piscinalis; bull. sc. de la France et de la Belgique. Paris, 1890 (v. pl. XVII, fig. 3). DE LA PHOLADE DACTYLE 13 comme les rétinulæ trois parties distinctes : le segment externe tourné du côté de la cuticule qui correspondrait aux bâlonnets des relinulæ de Patten et de Bernard; le segment pigmenté occupant la partie moyenne et le segment profond renfermant un protoplasma clair entourant le noyau. J'ai rencontré également, çà et là, sur mes coupes des cellules affectant la forme que Patten a décrite sous le nom de « rétino- phoræ » ou de « cellules incolores » et que M. Bernard a figurées également (/oc. ct., fig. 4, pl. XVII). J'ai pu également en isoler quelques-unes par la dissociation. On peut se demander, avec ce dernier auteur, s’il y à une distinction fondamentale entre les cellules pigmentées rétinulæ et ces cellules dites incolores ou rétinophoræ : « Palten ne le croit pas, dit M. Bernard, et cite des «exemples de rétinophoræ. où le prolongement grèle est pénétré « de pigment. J'ai vu moi-même souvent des traînées étroites de « pigment faire suite à un corps fusiforme : mais rien ne prouve « que ce pigment ne provienne pas des cellules voisines. » Ce qui semble plus important, au point de vue des rapproche- menis que nous serons forcés de faire plus tard entre la peau de la Pholade et une rétine, c'est la présence de cellules qui sembleraient rétinophoræ par la base et rétinulæ par le sommet ; le prolonge- ment basilaire est unique et variqueux, le corps cellulaire renflé ; un col grèle aboutit à une portion pigmentée, qui s’élargit, sans cependant devenir aussi large que les parties voisines. Ayant observé plusieurs fois cette forme de passage, je crois pouvoir me ranger sans hésitation du côté des zoologistes qui admeltent que les deus éléments peuvent dériver l'un de l'autre par voie de transfor- mation dans les types inférieurs. J'ai très nettement vu les prolongements rélrécis de ce que l’on peut regarder comme les éléments correspondants des rétino- phoræ présenter des granulations pigmentaires et je les considère comme les variétés d'un seul et même élément. Pour ce qui est dusecond noyau son existence ma paraît douteuse: en effet, J'ai souvent rencontré dans les éléments pigmentés dermatiques rélinulæ ou rétinophoræ, à côté du noyau véritable, une ou plusieurs grosses granulations ayant l'aspect de goutteleltes 14 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES et ressemblant beaucoup plus aus globules de lutéine que l’on trouve dans les cônes et les bâtonnets de certaines espèces de vélébrés (reptiles, oiseaux), qu'à des noyaus. Quant au mode de terminaison des éléments en question, 1l est de même nature que celui des rétinulæ, qui ne forment pas de basale. J'ajouterai enfin que pour la peau de la Pholade Je n'ai pas été plus heureus que M. Bernard pour la rétine de la valvata » je n'ai pas réussi à observer le riche réseau nerveus décrit par Patten le long de ces cellules. » (v. la remarque de la page 11). Dans aucun cas, je n'ai pu distinguer de différences fondamen- talesentreles cellules pigmentairesdes papilles etcelles quioccupent les sillons. Toutefois les segments épithéliaus qui sont situés vers la crète de la papille sont souvent plus allongés et plus fortement pigmentés. On voit très nettement, comme Je l'ai déjà fait remar- quer sur les coupes faites parallèlement à leur grand axe, que leurs extrémités, se mettent en rapport avec les terminaisons des fibres sous-Jacentes (/g. 1 pl. II et pl. VIT), quelquefois renflées en fuseau, qui marchent les unes directement vers la profondeur de la paroi, les autres suivent une direction circulaire ou longitu- dinale. Plus profondément, ces fibres musculaires vont se mettre en rapport avec la couche neuro-conjonctive dont on trouvera plus loin la description. La paroi interne des siphons présente la même structure fonda- mentale, sauf cependant qu'elle est revêtue de cils vibratiles. Au niveau des cordons et des triangles de Poli, dont j'ai parlé plus haut, cette structure est très amplifiée et il devient alors beaucoup plus facile de reconnaitre les rapports existant entre ce que j'appelle le segment épithélial, le segment contractile et le segment neural. On voit très nettement la continuité de ces trois segments dans les coupes transversales et longitudinales des cordons lumineus (p/. XI et pl. XII, fig. 1 et 2 et pl. XV, fig. 15 à 24). Quant à la nature contractile du segment moyen, elle est mise hors de doute par l'analyse physiologique. DE LA PHOLADE DACTYLE 15 Ve — SrRUCIURE HISTOLOGIQUE DES COUCHES PROFONDES DU S'PHON Entre la paroi interne des canaus el la paroi externe du siphon, on rencontre des couches musculaires plus où moins puissantes. Les unes sont formées de fibres longitudinales et les autres de hbréstocoulaires 0(2/ 0 fg. 1e; d,te;f; fe; d)" Les fibres circulaires (d, d’pl. I, fig. 1), sont, en général, plus fines et se colorent en jaune rougeâtre par le picro-carmin, tandis que les fibres longitudinales prennent une teinte plus franchement rouge. Les faisceaux musculaires des différentes couches sont soutenus par un squelette conjonclif. On ne peut se faire une idée exacte de la structure interne, très compliquée du siphon, qu'en examinant attentivement la coupe transversale reproduite par la microphotogravuredans la planchell de ce mémoire (fig. 1, 2 et 3). En allant d'une paroi à l’autre, on peut compter jusqu'à seize couches successives dans l'épaisseur de l’un ou de l’autre canal. De dehors en dedans on trouve en effet : 1° La cuticule externe : 2° La couche myo-épithéliale (a fig. 1, 2et3, pl. IL); 3° La couche neuro-conjonctive (4. sbid) ; ko Une mince couche superficielle des muscles longitudinaus (c. ibid) ; d 3° La zone des fibres circulaires (d) ; 6° Une couche de faisceaus musculaires, longitudinaus, épars dans les travées conjonctives radiées résultant de l'épanouissement des cloisons aponévrotiques des muscles centraus (e) ; 1° La zone d'épanouissement des travées conjonctives radiées; 8 La zone externe des grands muscles longitudinaus centraus (f); 9° Une zone de travées conjonctives séparant la zone f de la suivante ; 16 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES 10° La zone interne des grands muscles longitudinaus cen- traus (/); 11° Une couche profonde de petits faisceaus musculaires épars dans des travées conjonctives comme en 6 (e'); 12° Une couche interne de fibres musculaires correspondant à la couche 5 (d') ; 13°Une mince couche de muscles longitudinaus profonds comme en 4(c’); 1% La couche neuro-conjonctive interne (4); 45° La couche myo-épithéliale interne (4°); 16° La couche cuticulaire interne à cils vibratiles. La paroi du siphon est donc en réalité formée par l’accolement de deus membranes composées de couches symétriquement dis- posées les unes par rapport aus autres, et dont la juxtaposilion se fait entre les deus couches interne et externe (f et f”) des grands muscles longiludinaus. En d'autres termes, les couches et zones 1, 2, 3, 4, 5, 6, T, 8, représentent respectivement à l’extérieur les couches 16, 15, 14, 43, 12, 11 et 10 qui appartiennent à la paroi interne. VI. — CONSTITUTION, DISTRIBUTION ET RAPPORTS DES DIVERSES COUCHES DES PAROIS DU SIPHON Couche cuticulaire externe. — Cette couche s'étend uniformé- ment sur toules les saillies du derme et tapisse les sillons qui les séparent. On ne distingue à sa surface aucun appendice piliforme ou autre, aucun orifice. Examinée au microscope, la cuticule se montre composée de trois zones anhistes distinctes : une zone moyenne comprise entre deus autres : l’une externe et l’autre interne plus réfringente et plus mince que la zone moyenne, qui est la plus épaisse des trois. Couche cuticuiaire interne. — Elle tapisse la paroi interne des canaus du siphon : on n'y distingue aucune ouverture. Elle est DE LA PHOLADE DACTŸLE 47 recouverte de cils vibratiles plus fins que ceus des branchies et très caducs. Couche myo-épithéliale externe. — La couche myo-épithéliale externe est constituée en partie par les éléments épithéliaus dont la structure a été étudiée antérieurement: ces éléments épithé- liaus se continuent avec des fibres contractiles superficielles dont les unes affectent une direction longitudinale et suivent toutes les inflexions du derme au niveau des papilles, tandis que les autres forment un plan de fibres circulaires. Couche myo-épithéliale interne. — La disposition des segments contractiles et des segments épithéliaus est la même que dans la couche externe. Mais, les segments épithéliaus sont couronnés de cils vibratiles et prennent en certains points, particulièrement sur les cordons et sur les plaques de Poli, les caractères de cellules caliciformes de sécrétions (p{. XV fig. 14, 15, 16, 17, 93, 94. Ainsi que nous l’avons déjà indiqué, la continuité entre les seg- ments épithéliaus, les segments contractiles et les éléments de la couche neuro-conjonctive est surtout apparente au niveau de ces organes de Poli (p{. XLet pl. XI, fig.1 et fig. 2). Nous reviendrons sur ce point encore une fois à propos de la description des cordons et des plaques triangulaires. Couches neuro-conjonctive externe et interne. — Ces deus couches sont respectivement sous-jacentes aus couches myo-épithéliales interne et externe. Elles sont composées de cellules et de travées conjonctives limitant des lacunes. Dans les parties les plus super- ficielles de cette zone surtout, on rencontre également des cellules bipolaires et multipolaires, donnant naissance à des prolongements très-fins, qui les mettent en communication les unes avec les autres et, très certainement aussi, avec les segments contractiles de la zone myo-épithéliale, comme l'indiquent les résultats fournis par l’analyse physiologique. Les filaments qui relient ces cellules présentent parfois une série de petits renflements, de varicosités. Je considère les tractus formés par les cellules et les filaments Université de Lyon. — IT. B. 2 18 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES comme un plexus nerveus, sorle de ganglion diffus, servant à mettre les éléments myo-épithéliaus en communication avec le système nerveus central. Entre les éléments conjoncetifs ‘proprement dits et les cellules sanglionnaires nerveuses, se trouvent en assez grande abondance des cellules de volume variable, libres, le plus souvent arrondies. Elles sont parfois très granuleuses, mais lorsque les granulations ne sont pas trop nombreuses, on peut distinguer facilement le noyau, qui est volumineus. Ces éléments se colorent fortement par le réactif d'Erlich et résistent énergiquement à la décoloration par l'acide azotique au tiers. Cette réaction permet de les reconnaître, alors même qu'elles ont perdu leur forme arrondie et qu’elles sont sorties de la couche neuro-conjonctive. Elles peuvent en effet se glisser et chevaucher entre les éléments de la couche myo-épithé- liale en s’allongeant parfois considérablement (p/. XIII). Ce sont des éléments migrateurs, amæboïdes, peut-être mème de véritables phagocytles. Je les considère comme les représentants chez la Pholade de ceus que M. Roule a signalés dans les lacunes du siphon de la Vénus et auxquels il assigne une origine endothéliale. La couche neuro-conjonctive interne ne présente rien de bien spécial, si ce n’est au niveau des cordons et des plaques de Pol, qui méritent une description particulière. Nous dirons seulement qu'en ces points son épaisseur et l’importance des éléments nerveus qui entrent dans sa constitution prennent une grande extension. (p/. XI et pl. XII, fig. 1 et 2.) Des couches fibro-musculaires. — Entre les deus zones neuro- conjonctives, le siphon est constitué dans toute son épaisseur par des couches musculaires, dont il est important de connaître la disposition pour s'expliquer les mouvements de l'organe complexe que nous étudions, Les couches 4, 2, 3, 4, 5,6, 7,8, 9, 40, 41 qui sont repré- sentées dans la figure [ de la planche IT, par la cuticule et Îles couches 4, b,c,d,e, f,avec leurs zones intermédiaires, forment l’en- veloppe commune du siphon, tandis que les parois propres des canaus sont constituées par les couches 12, 13, 14, 15 et 16. DE LA PHOLADE DACTYLE 19 Au niveau de la cloison, la zone fibro-musculaire interne d’, fournit, de chaque côté, deus lames qui se réunissent et s'accolent sur la ligne médiane de la cloison. Elles circonscrivent sur les côtés de la cloison deus groupes de faisceaus musculaires longitu- dinaus, comprenant chacun un faisceau antérieur et un autre postérieur. En arrière de ces deus groupes musculaires, on rencontre un gros faisceau musculaire faisant saillie dans la cavité du canal dorsal {E. fig. L., pl. 1). “bestcouches414,12,/ 143, 414;15ret 16 /a;6", c', d'} fig. 1, pl Il), concourent seules à la formation des parois propres des canaus et les couches 14, 15 et 16 entrentexclusivement dans la composition des triangles et des cordons de Poli (L. fig. 1, pl. II). Squelette fibreus du siphon. — Des lravées de fibres conjonctives se rendent directement de la face profonde de la couche fibro- contractile externe à la couche fibro-contractile interne. Elles forment des plans longitudinaus radiés, des cloisons pour ainsi dire aponévrotiques séparant les uns des autres les grands faisceaus musculaires des couches 8 et 10. D'autres fibres con- Jjonctives, mais affectant une direction circulaire, séparent les grands muscles longitudinaus de la zone externe (/) des faisceaus de la zone interne (/'). Les muscles de ces faisceaus sont eus- mêmes divisés en faisceaus secondaires par des cloisons moins importantes {/ig. 2 el fig. 3, pl. 11). Un certain nombre de fibres ayant concouru à la formation des cloisons radiées traversent la couche fibro-contractile externe (d. fig. ? et fig. 3, pl. 11). Le trajet qu'elles suivent sur les coupes est indiqué par des espaces plus clairs. En sortant de cette zone, elles se divisent en pinceaus fibrillaires, qui limitent les lacunes et servent de soutien aus éléments de la couche neuro-conjonctive. Dans cette même couche, la plupart de ces fibres se terminent dans des cellules conjonctives qui, à leur tour, envoient de fins prolongements dans divers sens et en particulier dansles interstices des éléments de la couche myo-épithéliale. 20 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES . Ces prolongements, lorsqu'on ne connaît pas leur origine, peuvent être facilement pris pour des fibrilles nerveuses. Elles offrent le même aspect et la même disposition que les fila- ments que Patten (/oc. cf.) considère comme des terminaisons nerveuses inter ou intra-épithéliales. De la face profonde de la couche myo-épithéliale externe partent d'autres fibrilles conjonctives, qui convergent les unes vers les autres par pelits groupes en pinceau {/ig. 1, pl. IV). Ces fibrilles forment, en se réunissant, des fibres plus volumi- neuses qui se dirigent directement vers les couches profondes. Elles traversent les cloisons radiées aponévroliques des grands muscles longitudinaus pour aller se terminer dans la couche neuro-conjonctive interne de la même manière que celles dont 1l a été question plus haut. Le long de ces fibres, on rencontre çà et là des noyaus allongés très minces, el la considéralios de l’origine et du trajet suivi par ces fibres, ainsi que la façon dont elles se comportent vis-à-vis des réactifs colorants, ne permeltent pas de les confondre avec des fibrilles nerveuses. | En résumé, on voit que les deus lames complexes qui, par leur accolement forment la paroi totale du siphon, sont reliées entre elles et maintenues dans leur accolement par des travées conjonc- üives : celles-ci partent de chacune des deus couches myo-épithé- liales pour se rendre à la couche myo-épithéliale opposée, en formant sur leur trajet des cloisons aponévrotiques pour les muscles, ainsi que le squelette fibreus limitant les lacunes et servant de soutien aus éléments de la couche neuro-con- Jonctive. Les éléments conjonctifs (cellules et fibres) semblent avoir la même origine que les fibres contractiles, qui constituent les couches fibro-contractiles interne et externe, car un certain nombre de fibres conjonctives proprement dites vont se perdre dans ces couches et semblent se continuer, en se modifiant, avec les éléments qui les forment. Disons tout de suite que l'examen physiologique ne permet pas de nier, ainsi que nous le verrons plus tard, la contractilité des fibres appartenant aus couches que DE LA PHOLADE DACTYLE 21 j'ai appelées pour cette raison fbro-contractiles circulaires interne et externe. Les caractères de ces fibres, ainsi que les relations qui existent entre le lieu d'apparition des éléments migrateurs et la situation des cellules conjonctives, nous permettent de considérer comme exacte l'opinion de M. Roule, en ce qui concerne l'origine de la travée conjonctivo-museulaire du siphon de la Vénus (loc. cit., p. 45) (À). Toutefois, je ne crois pas que tous les éléments contractiles du siphon de la pholade aient la même origine et l’on peut affirmer qu'il existe dans le siphon deus espèces bien distinctes morpholo- giquement et physiologiquement d'éléments contractiles : 4° des fibres fines, à contractions lentes, d’origine conjonctivale ou mésen- chymale ; 2° des fibres à contractions rapides, plus volumineuses, ne se colorant pas de la même manière que les précédentes avec les mêmes réactifs. Les premières forment particulièrement les feuillets circulaires que j'ai désignés sous le nom de couches fibro-contractiles et aussi les éléments de la couche myo-épithéliale, qui viennent se mettre en rapport par leurs extrémités périphériques avec la terminaison des segments épithéliaus d’une manière assez intime pour qu'ils semblent se continuer avec eus. Les secondes, au contraire, forment les grands muscles longitudinaus et les divers faisceaus plus petits qui suivent la même direction longitudinale. Il y aurait donc, dans le siphon de la Pholade deus sortes de muscles représentant au point de vue physiologique, tout au moins, les muscles rouges et les muscles blancs que l’on rencontre chez les vertébrés. (4) « En somme, dit M. Roule, la travée conjonctico-musculaire du siphon de la Vénus montre les caractères du mésenchyme typique : parmi les cellules méso- blastiques d'abord toutes semblables, les unes conservent chez l'adulte le caractère d'éléments conjonctifs susceptibles de migration et de déplacement à travers la substance fondamentale qu’elles produisent, les autres deviennent des fibres mus- culaires lisses en formant la substance contractile », 22 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES VE. — DES TRIANGLES ET DES CORDONS DE POLI Ces organes ont été décrits pour la première fois par Poli (4), puis étudiés avec plus de soin par Panceri (2), qui a reconnu la nature glandulaire de l’épithélium qui les recouvre. Toutefois, les recherches de ces auteurs ne peuvent donner de leur structure une idée suffisante pour qu'il soit possible de se rendre compte de leur fonctionnement physiologique. Les cordons sont situés dans le canal ventral, sur la cloison, (Co, pl.IX et Co PI. X.) de chaque côté de la ligne médiane. Ils s'étendent depuis l’extré- mité du canal jusque vers la base du siphon. Un peu en dehors et en avant se montrent les deus triangles (p/. IX, tr). Ces cordons et ces plaques triangulaires forment un relief de un à deus millimètres sur le reste de la paroi, dont ils se détachent, en outre, par leur couleur blanc jaunâtre notablement différente de la teinte gris bleuâtre du fond. Leur surface est marquée de sillons transversaus formés par le froncement des couches qui les composent. Pour bien comprendre la structure dé ces organes, il est indis- pensable de connaître celle des couches myo-épithéliales et neuro- conjonctives que nous avons décrites plus haut. Ces cordons, ainsi que les triangles, ne sont en réalité que le résultat d’un accroissement considérable de la couche neuro-con- jonctive (L fig. 1 et fig. 3, pl. IT; Co. pl. Xin,n. pl. XI; ec. fc, n. fig. 1 et id. fig 2, pl. XIT.) accompagné d'une modification mor- phologique et physiologique des segments épithéliaus de la couche myo-épithéliale. Ceus-ci ne sont plus ici, comme dans la paroi externe, repré- sentés par des segments recouverts d'une épaisse cuticule et chargés de matière pigmentaire; il sont transformés au niveau des cordons et des plaques en cellules caliciformes (fig. 14, 15, 16, 17, 25, (1) loc. cit. p. 2. (2) Panceri: Organe lumineux et lumière des Pholades: ann. d.Sc.nat 92ser. z001, DE LA PHOLADE DACTYLE 25 24, pl. XV.) munies de cils vibratiles très caducs. Ces cellules s'unissent par leur rebord pour former une paroi externe mame- lonnée, comme capitonnée (fig 1, pl. XII et fig 93 et 24, pl. XV). A l’état frais, ces cellules sont remplies d’un contenu blan- châtre, formé de fines granulations, qui est rejeté au dehors dès qu'on excite l'organe ou les nerfs qui s’y rendent. Dans les coupes qui ont nécessité l'emploi de réactifs fixateurs exerçant une action fortement irritante, ces cellules se montrent vides de leur contenu, rétractées et leurs parois sont accolées. Il se forme entre elles de vastes lacunes qui donnent à la coupe un aspect particulier (f. c. pl. XI et pl. XIT). Vers leur partie profonde, ces segments épithéliaus présentent un noyau assez volumineus et se continuent par un prolongement plus ou moins renflé qui représente le segment contractile (/. ce. pl. XI et pl. XIT). Celui-ci, à son tour, se poursuit sans ligne de démarcation visible, avec des tractus (#. n. fig. 1, pl. XIT) venus du tissu neuro-conjonctif (n. n, n. fig. 1, pl. XIT) formant la masse principale des cordons et des plaques. C'est principalement au niveau de ces organes que se montre manifestement la continuité des segments épithéliaus, contractiles et neuraus, dont la constatation est si importante pour l'explication des faits physiologiques quinous sontfournis par l’expérimentation. Dans la masse neuro-conjonctive, et surtout à sa base, on rencontre, en grand nombre, des éléments granuleus plus ou moins irréguliers et qui présentent la plus grande analogie avec des éléments de même nature que l'on trouve dans le mucus dont s’imprègnent les cordons et les plaques, quand on les excite. Ce sont des éléments migrateurs ausquels j'attache une grande importance au point de vue du rôle des plaques et des cordons dans la production de la lumière (v. Photogénie.). À côté des élé- ments caliciformes sécréteurs, on rencontre aussi, en les isolant par la dissociation, des éléments qui se terminent par un segment épithélial en cône ou en bâtonnet (fig. 18, 19, 90, 91, 22, pl. XV); je les considère comme des éléments purement sensoriels. 24 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES VIIL. — NERFS ET VAISSEAUS DU SIPHON Les couches neuro-conjonctives interne et externe, surtout au niveau des cordons et des plaques, constituent done comme une sorte de ganglion nerveus diffus, étendu au-dessous de la couche myo-épithéliale et présentant, soit dit en passant, une certaine analogie avec les couches cellulaires nerveuses de la rétine situées au-dessous de la couche des cellules pigmentaires et de celle des cônes et des bâtonnets. Le siphon recoit, en outre, des nerfs qui mettent les grands muscles moteurs du siphon et la couche neuro-conjonctive en communication avec les ganglions viscéraus. De ces ganglions, ainsi que nous l'avons déjà indiqué (v. p. 5), se détachent de chaque côté trois troncs principaus : le cordon du grand collier, qui se dirige en avant et dont nous n'avons pas à nous occuper ici, en arrière, le nerf branchial et le nerf palléal postérieur. Ce dernier est le véritable nerf du siphon ; il fournit trois branches principales; la plus rapprochée de son origine est un nerf qui chemine sous le cordon de Poli (a, pl. XIIT), tandis que la seconde branche (b) se rent dans les muscles longitudinaus. Le nerf palléal, après avoir donné naissance à ces deus branches, se dirige vers le triangle de Poli, passe au-dessous de cet organe et se divise encore pour fournir des filets très-fins aux parois externes du siphon. Le ganglion viscéral, d’où partent les nerfs qui innervent le siphon, est très-facile à découvrir en écartant les branchies par la face ventrale, ce qui constitue une condition très-avantageuse au point de vue expérimental. Vaisseaus. — Le système circulatoire de la Pholade ne diffère pas sensiblement de celui des autres lamellibranches (». p. 5). Le ventricule est allongé et tourné du côté du siphon. Il donne naissance à une courte aorte (aorte postérieure) qui se bifurque presque immédiatement en deus autres vaisseaus volumineus DE LA PHOLADE DACTYLE 25 lesquels se dirigent directement en arrière en suivant le trajet des cordons de Poli, au-dessous desquels ils cheminent jusqu'à l'extré- mité libre du siphon. Ces vaisseaus représentent les artères palléales postérieures. Peu après leur naissance, elles donnent chacune une branche qui se dirige obliquement en arrière pour aller passer sous les triangles de Poli, en suivant à peu près le même trajet que le nerf qui se rent dans cette région. Celte branche se prolonge au-delà de l'organe, qu’elle irrigue sur son passage, pour aller s’anastomoser avec l'extrémité de la branche correspon- dante de l'autre côté. Dans l'épaisseur de la cloison qui sépare les deus canaus, et dans toute son étendue, existe un réseau capillaire qui faitcommuniquer entre elles les deus branches principales des artères palléales postérieures. A leur extrémité postérieure, celles-ci se divisent en un grand nombre de petits capillaires, qui se distribuent aus tentacules de l’orifice du canal ventral. Le sang veineus circule dans un fin réseau qui se jèle dans un vaste sinus lacuneus occu- pant la gouttière du siphon dorsal opposé à la cloison. C'est à dessein que j'ai insisté, et quelquefois à plusieurs reprises, sur des points anatomiques qui pouvaient paraître tout d’abord ne présenter qu'un intérêt secondaire. On verra, par la suite, que ce sont précisément ces détails, qu'un anatomiste aurait pu parfois négliger, qui permettront, avec l'analyse physiologique proprement dite, de se rendre exactement compte du mécanisme intime du siphon de la Pholade. spi Hi 0 | 14 ET pu ii ilitose Dr. ul Hi pe % LE e POUUIOE Pre NE PLATE à iÉ RE ui é Es CA TM ENS af 1 Qu GE dre Er Fe paris NT 0e 2 dl sa Ha na pu ff ÿ dirt k42 AIN 1% 5h He end sel Le PP ORE ARE à ps aus #1} fe Hp ELITE F4 ELLE PNEUTE EE PIPECTR ft AAC te fe alter dat de sai N CAT sh WE Fa, cb plu x ñ ! À ; & #70 ra su CE dé ph Nr Cr 1 A by sapin dal : NES € PR HAETe é Rte 2 # he FLE 4 ANRT À ste 140 % pe éme es 4n k (Rom Wu j nt NS (a ï FA Eire OR 10 LA TDR ET 4 | pie Ya Fate. 1 141 fu PA vekafrs ns if) LU DE DATE Ft DA nc LEUR AT AS Er nt mi 1 EU At pui éd qe aie CRAH OS URL Wu + UT | Ve ne | La HT A Vu F RÔTLA CAPTER TT CALE ns : "2 ÿ 13 ! / | AE) kif FAP ki ain ER vie wi (Es 247 + (YA 4 A RH it à | | CORRE , ; LP PAte ' el 5 CAR cr fe fret Ve UE Fami tte ND STE L PET Re et ut ki à He se RATES * ga ART ist +? AA Ettt ER tEUNS RS Bet 1 ne fa ÉTTTe Lo TS 2: " ÉCAts #4 LC AE ANTON LOTS AE ECO (ue (ti Fa LL #! à, it PE k ARR ab io AT en etat me Eee hate HFds ( DRAT £ 4 } al AE A F Haut bi | t4 | js tu | tds | title nl réa à à LM TNIE DIVERSES GUITT MU Dr un RUE » de Fe 1 L é CA È À Es! 11 nan Fu ts fier AE . TH OR ER. l'url PAURTTE DS | ! NT Mens ai PEUT dEte Mean tu ia OC PET SUR EN ts 4 4 1 14 4 Tr L 3 " : OT ; . se + ROUES IAA MENÉS POUR DEL Hi LT sil _ Ç e bd L Ÿ L HN THE OS MNT HA LORATINNSE tone FIN 206 sadia st té FN nu à ù AG sant Me AE ES xs se bgf ge tes ae * / re: L_r L2 SE ROULETTE Ji r ai : PA À L th 0 : i dd + : L { æ : rs + Ze #: £ D" À ce re « | 2e A *. = s si: 2 L , * & ; L: É< QE Cr . ce D te En CURE, ñ PA PU à Au ' 17... dl 1 ed | + ei RE . tr | ÈS ° au Ah - “3 PE F DEUXIÈME PARTIE PHYSIOLOGIE ZOOLOGIQUE Ï. — DES MOUVEMENTS DU SIPHON. — IRRITABILITÉ ET CONTRACTILITÉ DE CET ORGANE Le siphon représente le principal organe de mouvement chez la Pholade. Le pied, court et épais, est loin d'avoir la mobilité que l’on rencontre chez d'autres mollusques et, en dehors des mouve- ments exécutés par les valves, il n’y a guère à considérer que ceus du siphon. Ils ne peuvent être observés que sur l'animal extrait du trou qu'il occupe à l’état naturel, Dans ces conditions, on constate que le siphon peut exécuter plusieurs mouvements spontanés. Allongement du siphon. — Le siphon peut s'allonger de façon à acquérir trois ou quatre fois la longueur des valves principales. Cet allongement peut coïncider avec un état de flaccidité presque complet; il résulte alors du relâchement général des muscles : c’est l'allongement passif. Dans d’autres cas, le siphon étant dur et demi contracté, on pourra provoquer un véritable a//ongement actif. Celui-ci est généralement assez limité. On détermine facilement ce mouvement en touchant la surface du siphon avec un pinceau ou une baguette de verre imprégnés d'une solution d'acide acétique. Le mécanisme qui produit cet allongement est de tous points com- parable à celui du thélotisme du mamelon chez la femme. J'ai 28 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES démontré (1) que ce dernier phénomène avait à tort été considéré comme élant de nature réflexe, alors qu'il est dù en réalité à une excitation directe des fibres lisses longitudinales et circulaires qui entrent dans la constitution du mamelon. Chez la Pholade, cet allongement actif du siphon s'effectue comme dans le mamelon par excitation directe des fibres contractiles circulaires et longitu- dinales. On le provoque d'ailleurs sur un siphon séparé des centres réflexes nerveus. L'allongement du siphon peut être également volontaire, ce qui permet à l'animal, ainsi que nous le verrons plus loin, de se servir de cet organe comme d’un instrument de travail. Rétraction du siphon. — La rétraction du siphon est brusque ou lente, elle est partielle ou totale. Sous l'influence de la volonté seule, l'animal rétracte son siphon lentement ou brusquement. Mais la rétraction peut toujours aussi êlre provoquée par une excitation mécanique périphérique : sa rapidité, ainsi que son étendue, sont loujours alors en rapport avec la qualité et avec l'intensité de l'excitation. Lorsque l'animal excité est entier, la rétraction se fait le plus souvent en deus temps. L'excitation détermine d’abord une rétraclion lente, s’'irradiant autour du point touché, et suivie, au bout d’un intervalle plus ou moins court, d’un raccourcissement soudain et généralisé, qui diffère beaucoup du précédent par sa rapidité et par son amplitude. Cette contraction secondaire est manifestement de nature réflexe, car si le siphon est séparé du ganglion viscéral par une section passant par sa base, on ne voit plus se produire que la contraction primaire, laquelle n’est pas due aus grands muscles longitudi- naus, qui sont au contraire mis en jeu dans la contraction secon- daire. Le raccourcissement primaire est dù à la contraction de la couche myo-épithéliale, provoquée directement par l’excitant péri- (1) R. Dubois : Sur la physiologie comparée du thélotisme : Assoc. d. sc. méd. 1890 et Province médicale, T, V, p. 178. DE LA PHOLADE DACTYLE 29 phérique. On peut s'en assurer en excitant d'un seul côté dans l'eau le siphon étendu d’une Pholade entière. Si l'excitation a été légère, la rétraction ne se manifeste que dans les parties superfi- cielles de la région excitée.Il n’y aura pas alors de rétraction secon- daire totale, comme cela se produirait si les grands muscles lon- gitudinaus centraus enlraient en jeu, mais seulement incurvation du côté excité. Il n'est pas nécessaire de se servir d'un siphon entier pour obtenir la contraction primaire : on pourra toujours la provoquer sur un fragment de ce siphon et elle conservera toujours son caractère de lenteur, qui la distingue si nettement de la contraction secondaire. L'irradiation de la contraction primaire autour du point excité se produit par un phénomène d'aulo-excitation comme celui que l'on observe sur les fibres musculaires lisses des vertébrés,ou mieus encore dans la pointe du muscle cardiaque de la grenouille, dont l'enche- vétrement des fibres rappelle celui des éléments contractiles des couches myo-épithéliales du siphon. Lorsque l'excitation est très légère, très superficielle, comme celle que l’on peut provoquer avec une pointe aiguë ou bien avec une fine baguette de verre imprégnée d'une substance excitante, ou encore avec une parcelle de sel, ou simplement un petit grain de plomb que l’on dépose sur le siphon placé hors de l’eau, le raccourcissement des fibres contractiles sous-épidermiques peut être très limité et l’on ne constate qu’une dépression localisée au point excilé, sans que le reste du siphon soit influencé. Contraction du siphon. — Quand on excite, comme je viens de l'indiquer, la contraction primaire, on provoque en général le raccourcissement à la fois des segments contractiles longiludinaus et des segments contractiles circulaires, d’où il résulte que le siphon se rétrécit en même temps qu'il se raccourcit. Lorsque l’excilation est assez forte, il n’est pas rare que la couche fibro- conjonctive intervienne et, dans ce cas, il peut se produire un véritable étranglement du siphon sous l'influence d’une excitation localisée périphérique. Sous l’action de la volonté ou d'un réflexe, 30 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES toute la couche fibro-contractile peut se contracter en même lemps que les muscles longitudinaus, alors l’eau contenue dans le siphon est projetée avec une assez grande force au dehors. Enfin, l’animal utilise parfois, dans la partie postérieure seulement, les fibres circulaires pour fermer les orifices du siphon et emprisonner une certaine quantité d’eau dans son intérieur : le siphon devient alors piriforme et résistant, C’est l'attitude qu'il prent ordinaire- ment au moment où le liquide intérieur va ètre projeté au dehors. Dilatation du siphon. — La dilatation peut être passive ou active. Dans le premier cas, tous les muscles sont dans le relâchement et l’eau vient gonfler les parois des canaus devenues flasques et minces, Dans le second cas, l'animal ferme l'extrémité de son siphon et refoule l’eau dans les canaus par le rapprochement des valves, en même temps qu'il s'oppose à son écoulement du côté du pied par le resserrement du sphincter qui l'entoure. En faisant allerner ce refoulement de l'eau avec des mouvements de rétrac- lion des muscles longitudinaus, la Pholade peut imprimer au siphon des changements de longueur et de volume utilisables dans certaines circonstances. Inflexions, balancement. — Le siphon est susceptible de s'incurver dans toutes les directions, et l’inflexion peut se produire suivant toute sa longueur ou seulement dans une région déterminée, par- ticulièrement vers son extrémité libre, Tantôt cette incurvation est due simplement à l’action des fibres sous-épithéliales, tantôt à l'action isolée des grands faisceaus longitudinaus. Quand ces mouvemeuts se produisent alternativement d'un côté et de l’autre, il peut en résulter un balancement plus ou moins rapide de l'organe. Celui-ci peut mème décrire par son extrémité un mou- vement circulaire en combinant l'action des divers faisceaus indé- pendants qui entrent dans sa constitution. Mouvements de la cloison. — La cloison qui sépare les deus canaus est le siège de mouvements complexes, mais dont on peut facilement saisir le mécanisme en jetant les yeus sur la figure qui DE LA PHOLADE DACTYLE 31 nous montre la facon dont sont disposés les muscles qui la cons- tituent en grande partie. (p/. X), Occlusion du siphon. — L'occlusion de Pextrémité libre du canal ventral peut s'opérer de deus façons : elle peut être complète ou incomplète. Dans la fermeture incomplète, les tentacules qui gar- nissent celte ouverture, et qui sont d'ordinaire étalés comme les pétales d’une fleur, rapprochent leurs extrémités du centre de l'ouverture et forment un lacis serré permeltant encore le passage de l’eau, mais s’opposant à l'entrée de corpuscules solides, même d’un très petit volume. D'autres fois, il y a constriction des fibres circulaires,de l'extrémité seulement. Ce dernier mode de fermeture est commun au siphon ventral et au siphon dorsal. Grâce aus différents mouvements que je viens d'indiquer, la Pholade peut répondre à divers besoins, en les combinant entre eus de plusieurs manières. IL. — pu ROLE DU SIPHON DANS LE MÉCANISME RESPIRATOIRE Dans l’état de repos des valves, la circulalion de l’eau dans l'appareil respiratoire est assurée par le jeu des muscles qui entrent dans la constitution des parois propres des deus canaus. L'eau chargée d'oxygène est appelée de l'extérieur vers l’intérieur et traverse le siphon ventral à la base duquel s’insèrent les branchies. Après avoir servi à la respiration et s'être chargée d'acide carbo- nique, l’eau est ensuite rejetée par le canal dorsal. C'est pour cette raison que l’on a donné au canal ventral le nom de canal branchial ou encore de canal aspirateur et au canal dorsal celui de canal expirateur. Au lieu du mot canal ou tube, on emploie souvent celui de siphon, qui doit être réservé à l’ensemble des deus canaus. Cette expression, d'ailleurs, n'est pas absolument exacte, car la circulation de l’eau dans cet organe ne rappelle en rien ce qui se passe dans un siphon proprement dit. 39 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES III. — ELIMINATION, EXCRÉTION Dans certains cas, la direction du courant dans le canal ventral peut être renversée et, par la contraction de ses parois, le siphon peut expulser au dehors soit des produits de secrétion ou d'excré- tion, tels que ceus qui résultent de l'exercice de la fonction pho- togénique, soit des corps étrangers. Caillaud a noté (1) que le produit de désagrégalion des roches résultant de leur creusement par la Pholade pouvait être puisé par la bouche et, après avoir tra- versé le tube digestif,être rejeté par le canal branchial.Les matières excrémentilielles, au contraire, s'échappent par le canal expirateur ou dorsal : elles se présentent souvent sous forme d’un long fila- ment brunâtre ininterrompu. J'ai constaté à la surface d’un de ces filaments, chez une Pholade dactyle conservée vivante dans une cloche de verre depuis plusieurs mois, la présence d’une grande quantité d'algues monocellulaires, les unes vertes et les autres violettes, présentant le même aspect que les algues symbiotiques, qui ont été décrites par Brandt chezles animaus chlorophylliens (2). Remarque. — Sur d'autres animaus, j'ai pu suivre ce filament excrémentitiel jusqu'au voisinage de la tige cristalline. I m'a semblé que la substance gélatineuse de cette singulière formation, dont on ignore le rôle, avait servi de base au filament en question. Sur la tige cristalline, à l'une de ses extrémités demi-flurdifiée, on rencontrait en grand nombre les alques dont je viens de parler, ainsi que d'autres organismes animaus et végétaus vivants. Peut-lre la tige cristal- line n'a-t-elle d'autre rôle que de fixer et de nourrir des organismes qui. peuvent à un moment donné rendre certains services à la Pholade aus dépens de laquelle ils vivent. Les canaus du siphon donnent non seulement passage à des matières solides et liquides, mais encore à des gaz dont l'origine (1) Caillaud :.ext. des ann. d. Mus. de Nantes, suppl. du 20 août 1855, Nantes impe. Mellinet. (2) Brandt: Ueber das Zusammenleben von Algen, und Thieren : biol. cent. TI, 1881, 1882, p.924: DE LA PHOLADE DACTYLE 33 n'est pas connue. Ces gaz sont très vraisemblablement le résultat d'une excrétion et ne sont pas empruntés à l'air libre, car ils peuvent être expulsés en assez grande abondance à l'état normal et spontanément par des animaus immergés depuis longtemps. Un abondant dégagement de ces gaz peut être obtenu en plongeant une Pholade dans l'eau bouillante. A l'état normal, la quantité expulsée en une seule fois ne dépasse pas, en général, deus à trois centimètres cubes, mais elle est parfois plus considérable chez les individus de grande taille, ce qui nous a permis d'en faire l'analyse. 1 ANALYSE|2"® ANALYSE|3"° ANALYSE Volume total du gaz expulsé . 614 Dr ou 4°. 36 APT CAPNONIQUE 0... (LEZ OLM00 0 00 CAVERNE. LR ui Len Lune 1 54 ONRCTE AUS ONE PSN EOEPE : Do 6 82 SAM AA OxvRéne nee. ul 18 0 6 18. 4 1005 La faible teneur de ces mélanges en acide carbonique tient pro- bablement à la solubilité relativement forte de ce gaz dans l’eau. Quant à la proportion d'oxygène, plus faible que dans les gaz simplement dissous dans l’eau aérée à la pression ordinaire, elle semble indiquer que ce mélange est de l'air extrait de l’eau par la Pholade, mais ayant servi déjà à la respiration ; toutefois, on s'explique difficilement la présence d'une aussi grande quantité d'azote dans cet air. Je rappèlerai enfin que le mode de terminaison des deus canaus présente une disposition avantageuse pour éviter le mélange de l’eau pure et de celle qui est souillée par les déjections. Lorsque le siphon est étendu, on constate que l'extrémité du canal dorsal est libre et que son orifice est tourné vers la face de l'animal, tandis que l'orilice du canal aspirateur s'ouvre directement en arrière, Université de Lyon. — II. B. 3 34 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES c’est-à dire en haut, lorsque la Pholade occupe dans son trou sa position naturelle, IV. — ROLE DU SIPHON DANS LA REPRODUCTION Le canal aspirateur sert également de conduit vecteur pour les œufs; j'ai eu, en effet, plusieurs fois l’occasion d'observer leur présence dans le mucus qui recouvre ses parois; ce fail n'a rien de surprenant élant donné que les œufs séjournent souvent pendant un certain temps dans les feuillets des branchies (Pol), où ils trouvent sans doute des condilions particulièrement favorables à l'exercice de leur respiration, c’est-à-dire de l'eau pure et sans cesse renouvelée. Il est probable que le siphon joue aussi un rôle important au point de vue de la fécondalion, mais Je n'ai rencontré dans les auteurs aucun renseignement à ce sujet et mes obser- vations sont encore trop incomplètes pour qu'il me soit permis de formuler une opinion sur cette question qui fera ultérieurement l'objet d’une étude spéciale. V. — TRAVAIL DU SIPHON — PERFORATION DES ROCHES La contraction du siphon est suffisamment puissante pour soule- ver des poids assez forts. On peut s’en assurer en fixant dans une cuve rempli d'eau une Pholade bien portante et en reliant le bout de son siphon à l'extrémité d'un fil qui se réfléchit sur une poulie et dont l’autre extrémité supporte un étrier ou un crochet que l’on peut charger de poids variables. J'ai mème pu en remplaçant, sur une cerlaine étendue, la portion du fil allant du siphon à la poulie, par une mince lige de verre filé portant un levier très léger, déter- miner par la méthode graphique, la nature et la valeur du travail fourni en fonction de certaines excitations (v. fonction. derma- toptique, chap. V, 3° part.) La force de rétraction déployée par le siphon de la Pholade peut être assez grande pour triompher de la résistance de son tissu, qui OC DE LA PHOLADE DACTŸLE OS! peut se déchirer dans certains cas, sous l'influence de sa propre traction et échapper ainsi à une violence extérieure. Quant aus mouvements que le siphon peutexécuter dans différentesdirections, ils n’ont pas seulement pour but de se prêler aus diverses fonctions dont j'ai parlé plus haut, mais ils lui permettent encore d’accom- plir un travail de protection, qui joue un grand rôle dans la vie de ce mollusque : je veus parler de la perforation du sol dans lequel la Pholade creuse la demeure où elle vit et meurt en recluse. Non- seulement les pièces de la coquille, qui recouvrent la Pholade, sont loin de posséder la résistance de celles de l'huîlre comestible par exemple, mais, en outre, elles laissent à nu une partie du corps de l'animal, qui deviendrait bientôt la proie des crabes ou d’autres animaus marins carnassiers, s'il n'avait le talent de se creuser une retraite sous l'argile et même dans les roches les plus dures. Un pareil travail semble d'autant plus surprenant de la part de ce mollusque, qu'il est incapable de déplacer son corps lourd et pesant lorsqu'il est extrait de son trou. Le siphon seul peut s'étendre et s'incliner dans diverses directions. Placée dans des bacs, la Pholade reste paresseusement étendue sans pouvoir même pénétrer le sable ou l'argile sur lequel elle repose, comme le font beaucoup d’autres bivalves. Il faut donc admettre, non qu’elle naît dans la roche, comme l'a prétendu Aldrovande, mais qu’elle y entre très jeune. Il n’est pas nécessaire que le fond soit encore à l'état de vase molle ainsi que le dit Réaumur (1), mais, on ignore à quelle période de leur évolution se fait cette pénétration, et la forme qu’elles affectent au moment de leur naissance est elle- même inconnue. Caillaud (2) a trouvé dans le roc des Pholas candida dont la gros- seur ne dépassait pas celle d’un grain de mil et des Pholas dactylus dont la longueur n’excédait pas cinq millimètres (3). Elles y pénèlrent donc de très-bonne heure, mais sans que l’on sache comment. On les rencontre aussi bien enfoncées dans des argiles () Réaumur — C. R. 1872, p. 195. (2) Caillaud, Catalogue des radiaires, des annélides, des cirrhipèdes et des mollusques marins, terrestres el fluviatiles de la Seine-Inférieure, 1869, Nantes. (3) Du même, J, de Conch. T.I., p.360, 1850, 30 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES molles ou compactes que dans des roches d’une grande dureté. Caillaud les a vues perforer des blocs de calcaire tendre apportés des environs de Rouen pour la jetée du Croisic; aus environs du Pouliguen, elles perforent les gneiss surmicacés, le micaschiste et le talc. Enfin des espèces fossiles ont été rencontrées dans les porphyres protogynes altérés de Lessine (Belgique) et dans les roches volcaniques. Non seulement on ignore encore comment la Pholade pénètre dans la roche, mais les auteurs ne sont pas même d'accord sur la facon dont elle agrandit sa demeure selon les besoins de son déve- loppement. D'après Deshaies (1), il s'agirait d'une action chimique produite par une sécrétion acide qui serail ensuite neulralisée par le mucus. Cette opinion est d'autant moins acceptable que la Pholade perfore les roches les plus différentes au point de vue chimique, même les argiles compactes et que, d'autre part, on peut observer sur les parois de son trou les traces évidentes d’une action mécanique exercée par les aspérités de la coquille. Les observations et les expériences de Caillaud (/0c. cit.), de Robertson (2), de Aucapi- taie (3) et celles plus récentes de J. Prié (4) mettent hors de doute que l’agrandissement du trou de la Pholade est dû au frottement de la coquille contre les parois. Mais il existe encore de nombreuses divergences entre les auteurs sur la façon dont s'effectue ce frottement. Parmi les auteurs qui ont écrit sur cette question de la perfo- ration des roches on peut encore citer Adanson (5), Bonati (6), (1) Deshaies, j. de conch., 1850, p. 22: Quelques observations au sujet de la perforation des pierres par les mollusques. (2) Robertson : Sur la perforation des pierres par le Pholas dactylus : j. de conch., 4, 1853, p. 311. (3) Aucapitaine : Note sur les moyens qu'emploient les Pholades pour creuser les roches : C. R. XXXIII, p. 661, 1851, et XIX, p. 402, 1851. Du même : Observations sur la perforation des rochers par les mollusques du genre Pholas : in rev. magaz. zool., 2° sér., IIT, p. 486, Paris 1854. (4) J. Prié: Assoc. franc., p. 565, 1883. (6) Adanson : hist. d. Sénégal, coq., p. 262, 1757. (6) Bonati, Récréatio mentis et oculi. DE LA PHOLADE DACTYLE A D’argenville (1), De la Faille de la Rochelle (2), Fleurian de Bellevue (3), qui ont également exposé des idées théoriques diverses sur ce mécanisme. Le principal rôle a été attribué soit au mouvement d'ouverture ou de fermeture des valves, sous l'influence des muscles qui les mettent en jeu, soit à l’action du pied agissant comme une ventouse . et susceplible de faire tourner la coquille en se déplaçant. Caillaud a cependant admis dans son dernier travail sur ce sujet l’inter- vention du siphon qui se gonflerait pour prendre un point d'appui sur les parois et servir de moteur. Il résulte de nos expériences que c’est cette dernière opinion qu'il y a lieu d'adopter définitivement. J'ai pu conserver pendant près d'une année une Pholade dactyle, au laboratoire de physiologie générale de la Faculté des sciences, dans une cloche où l'eau de mer n'’élait jamais renouvelée, mais dans laquelle des algues vertes s'étaient spontanément développées. On se contentait de remplacer par de l’eau douce celle qui s'était échappée par évaporation. Le mollusque était verticalement enfoncé dans l'argile, qui garnissait le fond du vase, jusqu'au niveau de l'extrémité postérieure de ses grandes valves, c’est-à-dire jusqu'à la naissance du siphon. Pendant plusieurs mois que je pus l’observer à loisir, 11 n’y eut aucun déplacement du corps de l'animal, bien que l’action du pied et des valves pût s'exercer librement. J’eus alors l’idée de fournir au siphon un point d'appui en l’enltourant incomplètement d’un bloc d’argile dure, formant une gouttière étroite dans laquelle le siphon pouvait s'engager en parlie. Aussitôt la Pholade se mit au travail gonflant son siphon et prenant un point d'appui sur les parois de la gouttière ; en même temps elle commença à tourner sur elle-même et à s’enfoncer dans l'argile. (1) D’argenville : Conchyl., 2° éd., p. 322 et Enumerationis fossilium qu in omnibus Galliæ provinciis reperiuntur tentamina. (2) De la Faille, de la Rochelle : mem. s. la phol. Ac. dela Rochelle, p.95, 1765. (Mémoire lu en 179€; extrait dans le Mercure en 1855). (3) Fleurian de Bellevue, Acad. d, sc. et Journal de physique de De la Metherie, Germinal, an X. 38 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES Il est bien évident pour moi que dans l’état adulte, l'organe le plus important, le seul actif à mon sens dans la perforation des roches est le siphon, qui imprime le mouvement de rotation et permet à la Pholade deräper les roches avec lesquelles elle se trouve en contact. Le siphon de la Pholade sert donc non-seulement à assurer l'exercice des fonctions les plus importantes : respiration, alimen- tation, excrélion, reproduction, mais il est encore un organe de locomotion et de travail proprement dit. Des propriétés si multiples, si variées, réunies dans un seul organe sufliraient déjà à justifier la complexité de sa structure intime, Pourtant je n'ai pas encore parlé des fonctions qui donnent au siphon de ce mollusque un intérêt véritablement capital au point de vue de la physiologie comparée. Chez la Pholade, le toucher, la gustation, l’olfaction et la vision ont surtout leur siège dans le siphon : or, les notions anatomiques que nous avons acquises nous montrent que l'on n'y rencontre aucun des appareils compliqués qui concourent à l'exercice de ces sensations chez les animaus supérieurs. On comprendra facilement les avantages que présente l'étude des organes sensoriels réduits à état rudimentaire, surtout lorsqu'on aura pu se convaincre que la nature produit les effets les plus variés avec les moyens les plus simples. Les réactions par lesquelles la Pholade manifeste sa sensibilité sont aussi nombreuses que les excitations qui peuvent mettre en jeu son trritabilité, mais ce qu'il y a de véritablement instructif, c'est qu'elle peut, comme on va le voir, écrire ses propres sensalions dans un langage très-clair et très-précis. TROISIÈME PARTIE PHYSIOLOGIE COMPARÉE Du siphon considéré comme organe de sensibilité générale et spéciale Ï. — Acrion pes EXCITANTS MÉCANIQUES ET ÉLECTRIQUES. —- SENSATIONS TACTILES Bien que le siphon puisse être, comme on vient de le voir, considéré comme un organe de {ravail et qu'il soit par cela même exposé à des froissements continuels contre les parois d'argile grossière ou de rocher de sa demeure, la sensibilité tactile n’en est pas moins extrêmement développée, ce qui ne saurait nous surprendre, puisque celte coïncidence se lrouve précisément réalisée dans la main de l’homme. Je me suis assuré que tous les points de la surface du siphon pouvaient réagir au contact, même (rès léger, d'un corps dur ayant une surface très réduite, tel que la pointe d'un stylet ou d'une fine aiguille. La réaction qui suit l'excitation mécanique peut affecter deus formes très distinctes, dont nous avons déjà dit quelques mots à propos des mouvements du siphon (2° partie. chap. I. p. 29.) Dans la première, on observe seulement au point touché une 40 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES légère dépression, qui pourra aller en s'étendant de proche en proche, soit circulairement, soit longitudinalement, soit enfin dans les deus sens à la fois par un mécanisme que nous avons déjà étudié. Quand ce phénomène superficiel se produit isolément, c'est que l'excitation périphérique a élé légère ou bien que l'on a agi sur un siphon séparé des ganglions viscéraus. Mais lorsque la Pholade est entière et que l'excilalion mécanique a été assez forte et assez prolongée, elle est bientôt suivie d'une rétraction brusque du siphon tout entier, d'ordre réflexe, el qui s'exécute par l'inter- vention des grands muscles centraus longitudinaus. Celte action réflexe peut suivre d'assez près l'excitation pour que la contraction locale des segments musculaires sous-épithéliaus passe inaperçue, mais elle est toujours facile à constater lorsque l'animal est fatigué ou épuisé. On peut analyser, par la méthode graphique, beaucoup plus exactement ces phénomènes, dont nous avons déjà parlé dans un chapitre précédent, mais sur lesquels il importe d'insister. Pour cela, 1l suffit de rattacher l'extrémité du siphon au moyen d'un fil, ou mieus d'une tige de verre filé au bras de levier d’un myographe à transmission, et d’exciter mécaniquement la surface du siphon avec une barbe de plume, par exemple. Si le siphon est détaché du corps de l'animal ou si l’ébranle- ment mécanique est assez faible pour ne pas être communiqué aus couches profondes, on oblient une courbe unique, croissant lente- ment et régulièrement. Fig. 1 Quand la Pholade est entière et bien portante, cette première contraction, qui est d’abord localisée, mais qui tent à s’irradier à DE LA PHOLADE-: DACTYLE LA la surface, a eu à peine le temps de se produire que déjà la grande contraction réflexe des muscles centraus éclate avec sa brusquerie caractéristique, ainsi que le montre la figure suivante. Fig. 2 Lorsque l'animal est fatigué, malade ou engourdi par le froid, la contraction secondaire ou réflexe des grands muscles peut se montrer beaucoup plus tard. Alors le tracé qui démontre l’exis- tence de la contraction primaire a le temps de se développer et n’est plus coupé dès son origine par la contraction secondaire. Fig. 3 Le tracé de la figure 3 a été obtenu avec un animal fatigué et la durée de l’excitalion est marquée en demi-secondes sur la ligne inférieure ou ligne de zéro. La contraction primaire coïncidait presque avec l'excitation dans l'expérience qui a donné le tracé 2, tandis qu'elle s’est montrée beaucoup plus tardivement dans le 42 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES tracé 3 (au bout d'une seconde et demie). Cette contraction s'est en outre prolongée bien au-delà du temps pendant lequel a duré l'excitation. Enfin, la contraction secondaire est apparue aussi très tardivement, alors que le raccourcissement du siphon produit par la contraclion primaire avait déjà complètement disparu. L'ordre dans lequel apparaissent ces deus contractions peut être renversé si, au lieu de porter l'excitation sur la périphérie du siphon, on excite soit les nerfs centrifuges qui commandent aux muscles longitudinaus centraus, soit ces mêmes muscles directe- ment par un courant galvanique. Le tracé de la figure 4 a été obtenu en provoquant une contrac- tion générale du siphon détaché par l'excitation galvanique de son extrémité centrale. Le tracé de la figure 5 montre un phénomène du même ordre que le précédent, mais obtenu en excitant les nerfs moteurs sur une pholade entière. DE LA PHOLADE DACTYLE 43 Les nolions que nous avons acquises précédemment nous per- mettent d'expliquer facilement le mécanisme de ces diverses réactions, Dans l'expérience qui a donné le tracé du numéro 2, les fibres musculaires sous-épithéliales se sont d’abord contractées, puis étant données les relations étroites qui existent entre celte couche contractile et la couche neuro-conjonclive sous-jacente, celle-ci a été ébranlée : l'excitation des éléments nerveus résullant de cet ébranlement a élé transmise aus centres nerveus, d'où une exci- lation réflexe est parlie pour provoquer la contraction des muscles longitudinaus. C'est pour ce motif que j'ai donné le nom de système avertisseur à l'ensemble des éléments épithéliaus et contractiles de la couche myo-épithéliale. Dans toutes ces expériences, il importe de tenir le plus grand compte du déterminisme expérimental, car on pourra oblenir avec le mème excitant, selon son intensité ou bien selon la persistance ou la répétilion de son applicalion, des courbes différentes. C'est ainsi que dans l'expérience qui a donné le tracé n° 5 on pourra peu à peu faire disparaitre par la fatigue la courbe fournie par la contraction des grands muscles longitudinaus, en répétant plusieurs fois de suite l'excitation centrale galvanique du siphon, comme le montrent les figures 5, 6, Tet 8 Fig 6 Le deusième tracé (/ig. 6), recueilli après plusieurs excitations successives, montre que la première contraction a déjà notable- blement diminué d'amplitude, tout en conservant sa brusquerie du début. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES EE FES A son tour, cette brusquerie va disparaître si l’on continue les excilalions, soit parce que les grands muscles longitudinaus cesseront de se contracter, soit parce que leur contraction devenue paresseuse sera fusionnée avec celle des autres éléments contractiles. Les tracés 7 et 8 permettent de suivre cette fusion successive. Il résulte de ces faits qu'on pourra obtenir des courbes très ana- logues avec un siphon dont les muscles centraus ne réagissent plus sous l'influence d'une excitation directe ou centrifuge et avec un autre siphon, non fatigué, mais détaché de l’animal (fig. 9) et par conséquent séparé des centres réflexes. Dans ces deus cas, c’est la contraction du système avertisseur qui prédomine, avec les caractères que nous lui avons assignés, mais la dssociation de la contraction primaire et de la contraction secondaire est obtenue par des procédés différents. Dans d'autres cas, au contraire, c’est la contraction du système avertisseur qui peut faire défaut alors que celle des muscles lon- DE LA PHOLADE DACTYLE 45 gitudinaus peut encore être provoquée. Un semblable résultat pourra être obtenu en fatiguant d’abord le système avertisseur d'un siphon détaché par un excitant spécial, tel qu'une vive lumière (v. Vision dermatoptique, chap. V, 3% part.), puis en faisant agir, aussitôt cette fatigue obtenue, un courant galvanique sur l’ensemble du siphon. Il n’est pas même nécessaire, pour obtenir une contraction unique, de faire intervenir l’action de la lumière Jusqu'à épuisement de l’excitabilité du système myo-épithélial, 1l suffit de provoquer par l'éclairage la contraction du système avertisseur et, lorsque celle- ci a été obtenue de lancer dans le siphon éclairé une excitation galvanique unique. Le tracé de la figure 10 a été obtenu par une Fig. 10 dissociation de cet ordre dans laquelle la contraction primaire ou contraction du système avertisseur fait défaut, tandis que la contraction des muscles centraus persiste. 46 ANATOMIE ET PHŸSIOLOGIE COMPARÉES Avec des siphons délachés et exposés à la lumière on pourra également oblenir par l'excitation électrique des tracés très voi- sins de ceus qui sont représentés dans les figures 5 et 6 fournis par des Pholades placées dans l'obscurité, sans que cependant le système avertisseur entre en jeu. Dans ce cas, une excitation élec- {rique unique ne suffit pas. Fig. 11 La figure 11 reproduit un tracé de celle nature, mais il a fallu deus excitations galvaniques successives pour obtenir cette forme, quiest bien évidemment le résultat de ce que l’on est convenu d'appeler une secousse musculaire additionnelle. Lorsque la première excitation a été violente, la seconde con- traction peut affecter la lenteur caractéristique de la contraction des fibres superficielles, bien que cette seconde contraction soit comme Ja première, limitée aus muscles centraus. Fig. 12 Le tracé suivant (#9. 19) montre trois secousses additionnelles, obtenues en augmentant la force du courant d'induction pendant DE LA PHOLADE DACTYLE 47 une contraction létanique, et l’on peut constater que la rapidité de la contraction diminue à chaque secousse du muscle tétanisé. Lorsque l'intensité de l'excitant ne varie pas pendant l'excitation galvanique, on obtient, au lieu de secousses additionnelles bien caractérisées, un véritable tétanos qui donne une courbe très ana- logue à celle du système avertisseur réagissant seul, sous l'influence de la lumière par exemple, dans un siphon détaché. Fig. 13 Le second tracé de la figure 13 montre bien nettement que ce télanos est le résultat de la fusion de plusieurs contractions partielles, qui se confondent pour donner une contraction homogène. L'excitation mécanique et surtout l'excitation électrique du siphon d’une Pholade entière et bien portante donne toujours des courbes présentant une grande brusquerie dans le début de la con- traction réflexe et en général une grande amplilude, mais on conçoit facilement que cette amplitude puisse varier beaucoup avec la taille de l'animal. Qu'il s'agisse de l'excitation mécanique proprement dite ou de l'excitation électrique, j'ai toujours constaté que le Lemps perdu ou période d’excitation latente diminuait avec l'augmentalion d'inten- sité de l'excitant. La période latente, dans un siphon excité au moyen d'une pile au bichromate de polasse et d’un courant n° 1 de la bobine de Dubois Reymond a atteint une durée de huit centièmes de seconde, 48 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES tandis qu'elle a été seulement de cinq centièmes avec le n° 2 de la même bobine. (1) Lorsque le siphon est isolé et placé dans une cuvette avec de l'eau de mer bien aérée, il continue d'y vivre pendant un jour ou deus. Il peut en être de mème d'ailleurs dans une atmosphère humide. L'excitation violente produite par le traumatisme résultant de la section persiste longtemps dans le bout proximal de l'organe, mais, la contracture qui en résulte et qui d'ailleurs, est très localisée, n’a d'autre effet que d'empêcher le siphon de s'anémier complètement. Avec la vitalité de l'organe, l’excitabilité mécanique s'éteint peu à peu du bout proximal vers l'extrémité du siphon. Ce sont d’abord les fibres longitudinales superficielles qui perdent les premières leur irritabilité; puis ensuite les fibres circu- laires qui représentent l’ulfimum moriens des éléments contractiles du siphon. La sensibilité tactile ou générale s'exerce donc par toute la sur- face externe du siphon où elle se confont avec l'irritabilité musculaire des éléments contractiles du système avertisseur. Elle existe aussi, bien que plus obscurément, sur la paroi interne des siphons et est plutôt amoindrie qu'exagérée au niveau des organes de Poli, qui répondent aus excitations mécaniques par une réaction spéciale (v. fonction photogénique). Toutefois, il ne serait pas exact de dire que la sensibilité r r générale est absolument confondue avec la sensibilité tactile (1) Remarque. Quant aus autres modifications imprimées aus contractions du siphon par les variations de l'excitation mécanique ou électrique, elles n'offrent qu’un intérêt secondaire parcequ’elles sont de même ordre que celles qui ont été observées pour les muscles en général. Il sera beaucoup plus intéressant de faire une analyse très exacte de ces phénomènes lorsqu'il s'agira d'étudier graphique- ment les contractions provoquées par un agent qui n’a pas encore été appliqué en myographie, comme excitant physiologique, je veus parler de la lumière. (1) (1) Postérieurement à la publication des principaus résultats de mes expériences M. d’Arsonval a publié, relativement à l’action de la lumière sur les muscles, d'inté- ressantes recherches, dont il sera question à propos de la vision dermatoptique. DE LA PHOLADE DACTYLE 49 proprement dite, chez la Pholade.Il est manifeste au contraire que les véritables organes du tact sont les tentacules qui garnissent l'orifice du canal ventral. Ces appendices sont très mobiles : lorsque le ciel est pur et que l'eau est transparente, l'orifice du siphon est largement ouvert et la couronne de tentacules reste épanouie à l'orifice du trou que ne dépasse pas le siphon à l’état naturel. Mais 1l suffit du moindre ébranlement du sol où du plus léger contact avec un corps étranger pour voir se fermer aussitôt la couronne lentaculaire, puis le siphon se rétracter en rejelant son contenu liquide. Lorsque le temps est sombre, ou l'eau trouble, les tentacules sont en général ramenés vers le centre de l’orilice du siphon, comme si l'animal redoutait la pénétration inopinée d'un ennemi à la faveur de l'obscurité. Si quelque pelit animal cherche à forcer la fragile barrière de dentelle formée par les tentacules à l'entrée du canal aspirateur, l'extrémité du siphon se resserre comme un sphincter et une véri- table trombe d’eau brusquement lancée par une contraction totale du siphon peut rejeter au loin l’assaillant. Nous savons que la structure des tentacules ne diffère pas fon- damentalement de celle des autres parties du derme : toutefois les éléments contractiles qui s'y terminent sont notablement plus fins et plus déliés (p/. JL, fig. 2). Je n'ai pu découvrir dans ces papilles tactiles aucune terminaison nerveuse spéciale et il y a lieu d'admettre que les excitations tactiles, comme dans le thélotisme, mettent directement en jeu l'ir- ritabilité des fibres contractiles superñcielles, qui ébranlent consécu- tivement les éléments nerveus situés plus profondément. Si l'on ampute l'extrémité du siphon portant les tentacules, son orifice reste ouvert, mais au bout d’un temps relativement court (sis à huit jours) on voit de nouveaus tentacules repousser sur la cicatrice du siphon, comme cela se produit après l'amputation d'un membre chez certains vertébrés. Université de Lyon — II. B. 50 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES III. — DE L’AuDITION C'est en vain que j'ai cherché à constater l'existence du sens de l'ouie chez la Pholade dactyle. Les bruits les plus intenses, les sons les plus aigus obtenus au moyen d’une sirène ou de cylindres métalliques pouvant donner jusqu'à 36,000 vibrations à la seconde n'ont provoqué aucune réaction significalive. Le résullat a été le même avec des animaus sortis de l’eau ou immergés. En revanche, chez ces derniers, le moindre ébranlement du liquide, par un très petit corps tombant d'une certaine hauteur peut pro- voquer des mouvements des tentacules du siphon, mais il est bien évident qu'il s’agit ici d'un phénomène de tact proprement dit et que ce sont les ondulations du liquide ébranlé qui jouent dans ce cas le rôle d’excitant mécanique. Un bruit, un son, si peu intense soit-il, ne pouvant se produire dans l'eau, sans qu'il en résulte un ébranlement oscillatoire, on voit comment le tact, qui s'exerce ici grâce à l'irritabilité de la substance contractile, pourrait se substituer à un organe auditif proprement dit. Pour cela il suffirait que les ondulations qui résultent des sons produits eussent l'am- plitude ou la vitesse voulue pour mettre en branle lirritabilité du système avertisseur. Peut-être le siphon de la Pholade est-il insensible au son, uni- quement parce qu'il n’existe aucun appareil de renforcement dans les points où le tact est le plus développé. D'ailleurs, dans l'organe auditif, chez les animaus les plus élevés en organisation, les terminaisons nerveuses ne sont pas directement excitées par le son. I faut un intermédiaire qui joue le méme rôle que le système avertisseur de la Pholade pour les autres sensations. IE De L'onorar Pour les animaus qui vivent au sein de l'eau, il est très difficile de séparer nettement l'odorat du goût et il serait bien imprudent de déclarer que telle substance insipide qui agit seulement sur DE LA PHOLADE DACTYLE 51 notre olfaction, doit être également une substance odorante, mais non sapide pour un mollusque marin réagissant sous son influence. Ce que l'expérience démontre c’est que la Pholade sortie de l’eau et placée dans l'air humide où elle peut vivre très longtemps, se comporte au point de vue de l'olfaction à peu près comme l’escargot. J'ai démontré (1) au moyen d’un grand nombre de réactifs odo- rants que la sensibilité olfactive n’est pas localisée chez ce mol- lusque pulmoné, comme on l’a prétendu, à l'extrémité des petits tentacules, mais qu'elle est diffuse et seulement plus ou moins prononcée et spécialisée, suivant les diverses régions du manteau qui recouvrent la partie protractile du corps de l'animal. J'ai montré en outre, par des expériences variées et par l'obser- vation directe, que dans la sensation olfactive, chez l'Hélix pomatia, ce n'est pas la neurilité ou excitabilité des terminaisons nerveuses sensorielles qui entre en jeu primitivement, mais bien l'irrétabilité des segments contractiles avec lesquels elles se conti- nuent vers l'extérieur, aussi bien chez les invertébrés que chez les vertébrés. En effet, sur des tronçons de lentacules et sur des fragments de tégument cutané, absolument séparés de tout centre ganglionnaire nerveus et placés dans la chambre humide on peut, à l’aide d’un faible grossissement, distinguer très nettement des mouvements fibrillaires, qui ne peuvent avoir leur siège que dans les prolon- gements myo-épithéliaus ausquels aboutissent les fibrilles ner- veuses terminales des nerfs cutanés, et quise produisent toules les fois que certaines vapeurs odorantes sont introduites dans la chambre humide. Le même phénomène s'observe avec les téguments de la Pho- lade, quoique plus difficilement. D'ailleurs, cela ne saurait sur- prendre, car il n'existe pas de différence morphologique fonda- mentale entre la structure du manteau de la Pholade et celle du tégument de l’escargot. (1) R. Dubois : sur la physiologie comparée de l’olfaction. CG. R. de l’Aca- démie des sciences, juillet 1890. 52 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES L'action des substances odorantes sur le siphon de la Pholade eniière est on ne peut plus facile à metlre en évidence. On place ce mollusque dans une cuvette inclinée, ne renfermant que la quantité d'eau de mer nécessaire pour que la plus grande partie du corps soit immergée, le siphon restant en dehors du liquide. L'expérience étant ainsi disposée, on atient que l’allongement du siphon se produise et que les tentacules s'épanouissent. Si, à ce moment, on approche de la surface de l'extrémité du siphon une baguelte de verre imprégnée d'une substance odorante on verra souvent se produire, au bout d’un intervalle de temps plus ou moins court, une contraction dont l'amplitude et la brus- querie varieront avec la nature de l'agent excitant. Quelques sub- stances odorantes pour nous se sont montrées inactives sur la Pholade. Mais, ce qui m’a paru en outre ressortir clairement des nombreuses expériences que j'ai faites avec les corps volalils les plus divers, c'est qu'il n'existe aucune relation apparente entre les propriétés chimiques, caustiques ou irritantes des vapeurs em- ployées et leur action sur l'olfaction. J'ai réuni dans le tableau! suivant les principaux résultats obtenus (1). Vapeurs odorantes pour la Pholade Vapeurs indifférentes Xylène : très actif, rapide Toluëne. Paraldéhyde : très actif, lent Aniline. Nitrite d’'amyle : très aetif Isodichlorhydrine glycérique. Sulfure de carbone : très actif, rapide Xylidine. Ammoniaque : très actif, très rapide Quinoleïne. Crésylol : très actif, mais un peu lent Alcool propylique. Alcool amylique : actif, rapide Essence d'anis. — éthylique : très actif, mais lent — de térébenthine. Acide acétique : actif, rapide : — de menthe Aldéhyde : actif, rapide — de genièvre, Essence de camomille : actif, rapide — de girofles. (1) L'expression « substance très active » signifie que le corps employé provoque une contraction d'une grande amplitude. Il n'y a pas de rapport constant entre l'amplitude de la contraction et la rapidité avec laquelle elle apparaît ou se déve- loppe. DE LA PHOLADE DACTYLE 53 .: Vapeurs odorantes pour la pholade Vapeurs indifférentes Alcool isopropylique : actif, assez rapide — de canelle, Chloroforme : actif, assez rapide Nitro-benzine. Essence d'aspic ; actif, lent Phénol. Camphre: actif, mais très lent Diméthyle aniline. Essence de Romarin : actif, lent Alcool butylique : actif, lent — méthylique : actif, lent Ether amylantique : actif, rapide Ether ordinaire : actif, rapide Benzine : peu actif, lent Orthotoluidine : action faible, lente IlLest certain que les vapeurs des corps très caustiques, tels que l'ammoniaque ou l'acide acétique, produisent toujours une con- traction, mais cette condition n'est pas nécessaire, puisque l’on voit des corps qui ne jouissent d'aucune propriété irritante bien marquée, tels que le xylène, le camphre, l'essence de camomille, donner lieu à une réaction olfactive, tandis que d'autres, tels que l'essence de menthe ou de cannelle, se montrent inactifs. Comme chez l'escargot, toutes les parties du manteau ne sem- blent pas également sensibles : les mouvements fibrillaires (con- traction primaire), qui précèdent le retrait du siphon, se montrent ordinairement en premier lieu du côté des tentacules ; quand l’action olfactive est peu prononcée, les mouvements sont limités à cette partie du siphon, et il n'y a pas de contraction réflexe. Mais les mouvements fibrillaires peuvent également se montrer sur des fragments de siphon privés de tentacules et détachés du corps de l'animal. VIE DELA GUSrATION On sait que certains mollusques manifestent nettement la faculté qu'ils ont de faire un chois raisonné ou instinctif de leurs aliments, alors que l'odorat ne peut leur rendre aucun service sous ce rapport, par exemple s'il s'agit de substance ne contenant D4 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES aucun principe volatil. Il en est de même lorsqu'avec l'odorat Ia vue fait complètement défaut. k D'autres mollusques semblent au contraire tout à fait indif- férents et introduisent en même temps dans leurs organes digestifs la vase et lés matières inertes ou nutritives qui se trouvent à leur portée. On peut donc admetire l'existence du goût chez certains invertébrés appartenant à cetembranchement, chez l'escargot et la limace entre autres, bien que les preuves expérimentales nous manquent presque complètement. En ce qui concerne les lamellibranches, les seules indications que nous possédions sur ce sujet sont dues à Flemming qui a décrit dans le genre pecten des verrues épithéliales, pouvant être certainement comparées aus organes gustatifs des larves de grenouille étudiées par Schulze. Mais Flemming pense avec raison que les fonctions d’un organe ne sauraient se déduire de sa forme ou de sa structure. Il était donc important d'instituer sur ce point intéressant de la physiologie comparée des organes des sens, des expériences susceptibles de nous renseigner sur l'existence de la gustation chez la Pholade, sur sa plus ou moins grande perfection, sur sa locali- sation et sur son mécanisme, dans le cas où l'existence de ce sens nous aurait été révélée. Or, rien n'est plus facile que d’obtenir sur ce sujet des rensei- enements de la Pholade. Pour cela, on garnit un vase en verre cylindrique d'argile dans laquelle on creuse une cavité destinée à recevoir la partie inférieure du corps de l'animal, le siphon et la partie supérieure des grandes valves étant laissés en dehors. On remplit alors le vase d'eau de mer, et lorsque la transpa- rence est parfaite, on voit la Pholade allonger son siphon et ouvrir l'orifice du canal ventral en étalant sa couronne de tenta- cules. À ce moment, on laisse tomber à la surface de l’eau de mer, au-dessus de l'orifice du canal ventral, quelques goultes d’une solution de picro-carminate d'ammoniaque, dont l'amertume est très prononcée et dont on peut facilement suivre les cercles de diffusion en raison de l'intensité de son pouvoir colorant. Au moment où la coloration rouge envahit les zones liquides PE DE LA PHOLADE DACTYLE 55 qui baignent l'orifice du siphon, les tentacules se replient vers le centre de lorifice du canal aspirateur, qui se ferme, puis, au bout d'un certain temps, le siphon se contracte fortement et rejette brus- quement au dehors le liquide amer. Il ne s'agit certainement pas ici d'une action topique, caustique ou autre, mais bien réellement d’une véritable impression gusta- tive, car on pourra provoquer le même phénomène avec d’autres substances amères n’exerçant aucune action irritante sur nos tissus, non volaliles et d'ailleurs parfaitement indifférentes ou neutres au point de vue chimique: le sulfate de quinine, le chlorhydrate de strychnine, l’aloès, le quassia amara, l'extrait de gentiane, le sulfate de magnésie sont dans ce cas. On obtiendra un résultat de même ordre avec les substances qui nous donnent la saveur salée : le sel marin, qu'il faudra alors employer en solution saturée, car l’eau de mer en contient déjà une forte proportion et aussi avec les corps à saveur acide, même les moins actifs chimiquement: acide acétique très dilué, acide tartrique, acide citrique, lactique en solutions très étendues; les sels à saveur alcaline : carbonate et bicarbonate de soude, carbo- nate de potasse et d'ammoniaque, etc., fournissent également des réactions caractéristiques. D'autres substances peuvent être introduites dans le canal aspi- rateur sans provoquer la contraction secondaire qui d'ordinaire est accompagnée de l'expulsion brusque du liquide contenu dans le siphon. Le sucre de canne, la glycose, la dextrine ou solutions concentrées sont dans ce cas. On observe le plus souvent un mou- vement lent et très faible, dû à la contraction primaire, suivant de très près la pénétration du liquide sucré. D'autres substances, telles que la gomme, se sont montrées complètement inactives. On peut constater par l'examen direct que les contractions primaire et secondaire présentent des caractères variables avec le degré de concentration des solutions de substances sapides employées comme réactifs physiologiques. Mais, pour analyser ces caractères, il est indispensable d'avoir recours à la méthode graphique. Pour cela, on peut adopter deus dispositifs différents, selon que 56 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES les substances sapides devront être déposées directement à la surface du siphon maintenu hors de l’eau, ou bien selon que l'on se proposera d'agir dans des condilions se rapprochant le plus possible de l’état normal, c’est-à-dire sur un animal immergé et placé dans sa position naturelle. Dans le premier cas, la Pholade est couchée horizontalement et disposée de facon que son siphon puisse glisser facilement sans frottement sur le plan horizontal ou légèrement oblique qui le supporte. On peut se servir alors avec avantage d’une assiette plate de porcelaine, à bords larges au fond de laquelle se trouve un peu d'eau de mer. L'extrémité libre du siphon est ensuite reliée par une très fine lige de verre filé à un myographe de Marey à inscriplion directe. Il suffit pour obtenir un graphique, lorsque le siphon est bien étendu, de faire tomber sur un point quelconque de la surface, et de la plus faible hauteur que l’on pourra, une. goutle d'une solution sapide. Ce procédé est parliculièrement# commode pour rechercher s’il existe des points plus sensibles les uns que les autres aus excitations gustatives et s'il y a, comme dans la langue, une spécialisation particulière, suivant les régions. Le second disposilif repose sur l'emploi du myographe à trans- mission: il est d’ailleurs d’une grande simplicité comme le montre la fisure 14. La Pholade S est fixée dans un vase cylindrique E rempli d'argile dans sa partie inférieure, et renfermant une quantilé d'eau LA PHOLADE DACTYLE oÿ | de mer assez grande pour que l’extrémité du siphon ne dépasse pas, dans son plus grand degré d'extension, la surface de l'eau. L'extrémité de celui-ci est reliée par une tige de verre filé au levier du tambour récepteur T lequel est mis en communication avec le tambour enregistreur 7” portant un stylet qui permettra d'inserire surle cylindre C les moindres mouvements du siphon S. Un petit entonnoir e, dont l'ouverture effilée plonge dans l'eau, permet de conduire le liquide réactif jusqu'à l'ouverture du siphon, sans provoquer le moindre ébranlement à la surface. Le liquide réactif doit ètre assez dense pour franchir dans le moins de temps possible, sans trop diffuser, l’espace qui sépare l'extrémité de l'entonnoir de l'orifice du siphon. Pour donner à la solution sapide la densité voulue, on peut se servir de gomme ou même de sucre de canne, comme le montre le tracé de la figuré 15 obtenu au moyen du dispositif représenté figure 14 et de quelques *goultes de sirop de sucre qui n'ont fourni qu'une contraction pri- maire d'une amplitude négligeable. Ce n'est qu'exceplionnellement, avec des Pholades très sen- sibles, que l’on peut obtenir au moyen du sucre une contraction secondaire, d'ailleurs toujours très réduite, comme le montre la figure 16. Quand la sensation d'une saveur sucrée provoque une double contraction, la première est toujours très prolongée, d'une petite amplitude, et la seconde ne survient en conséquence que tardive- ment. Cette dernière ne présente également qu’une petite ampli- tude et elle est de courte durée, le siphon reprenant vite sa D8 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES longueur primitive. Mais, je le répète, on n'oblient ces faibles manifestalions qu'avec des solutions saturées et il suffit, pour les expériences avec les excitants très actifs, de donner seulement à la solution une densité un peu supérieure à l'eau de mer. Dans ce cas, l'action du sucre est négligeable, ainsi que l'on peut s'en convaincre si l'on compare les tracés des figures 15 et 16 avec celui de la figure 17 obtenu en ajoutant une substance sapide très active au sirop de sucre. Ce dernier tracé, il est vrai, a été pris avec le myographe à inscription directe armé d'un long stylet, tandis que les tracés 15 et 16 et (ous ceus qui les suivent ont élé recueillis avec le dispositif indiqué dans la figure 14, qui permet d'obtenir des courbes moins dévelop- pées, mais aussi plus fidèles et plus compa- rables entre elles, le frottement du stylet sur le cylindre enregistreur n'étant plus commu- niqué à l'animal. Le tracé de la figure 17 est néanmoins inté- ressant, parce qu'il montre très nettement la succession des contractions primaire et secon- daire, et qu'il donne bien l'idée de l'impor- tance des mouvements en question et de leur caractère, qui est toujours très franchement accentué. Dans les expériences dont je vais parler maintenant, je me suis servi d'un liquide con- tenant du sucre, en quantité strictement néces- saire pour lui donner une densité un peu su- périeure à celle de l’eau de mer, et des doses relativement faibles de substances sapides. Une à deus gouttes de ces solutions étaient en général suffisantes pour obtenir une courbe bien caractérisée. DE LA PHOLADE DACTYLE 59 Mes solutions sapides élaient composées de la façou suivante : Solution sucrée et extrait de Quassia. . .... 1 0/0 » » chlorhydrate de sirychnine . » » Rex tTulEdersentiIANneMr IT PTEANELES » » carbonate de soude. .... je » 17 D ci [02 PL -60 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES Solution sucrée d’ammoniaque.......... 1 0’) » n° avide tariniques Li en re » ” » ee EN CR Me RP » » 1 2 MAGÉLIQUE DASALE ER RE » » ») sulfate de magnésie ML HTERE Solution saturée » Hi MESSeNRCE (le PITORES NT » » » . chlorure de sodium... : 2: 2 M À À SAVEURS AMÈRES Quassia. — Dans certains cas, la contraction secondaire s'est montrée beaucoup plus brusque que dans le tracé de la figure 18 fourni sans doute par un animal fatigué. Le second type (fig. 19) est de beaucoup le plus fréquent, je le considère comme le type normal, des réactions produites par des saveurs amères. La figure 20 montre un tracé obtenu avec l’extrait de gentiane et la figure 21 un tracé donné par le chlorhydrate de strychnine. Les différences portent principalement sur l'amplitude des courbes et sur la durée de la contraction primaire, mais on ne peut s'empècher de reconnaître qu'elles présentent véritablement un air de famille quand on les considère dans leur ensemble, SAVEURS ALCALINES Ces sensations se traduisent par des courbes qui diffèrent nota- blement des précédentes. Elles sont principalement caractérisées (1) Remarque. — Les expériences qui nous ont donné les courbes reproduites. dans les figures qui vont suivre ont été faites avec des Pholades de même origine, placées dans les mêmes conditions. Souvent le même mollusque a servi à des. expériences faites avec des substances différentes. Nous ne faisons figurer ici que des graphiques qui n’ont pas été produits acci- dentellement, mais dont on a pu obtenir plusieurs exemplaires comparables. Lorsqu'il s’est présenté quelques variations, toujours peu importantes d’ailleurs, nous avons pris le tyre moyen. Les divisions qui figurent souvent au bas des courbes marquent la valeur du temps en secondes inscrites au moyen d'un métronome enregistreur. Elles permettent de se rendre exactement compte de la durée des différentes phases. Dans toutes ces expériences le cylindre enregistreur marchait avec la même vitesse, mais pas toujours dans le même sens : on retrou- vera facilement, par ce qui a été dit antérieurement, la direction de sa marche. DE LA PHOLADE DACTYLE 61 par un allongement très léger et de très courte durée suivi d'une légère contraction secondaire, ainsi que le montre la figure 22 obte- nue avec le carbonate de potasse. Le même accident s'observe sur la courbe de la figure 23, provoquée par le carbonate d’ammoniaque. 62 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES SAVEURS SALÉES Quoique les Pholades soient en rapport permanent avec de l'eaw de mer, laquelle est fortement salée, elles n'en sont pas moins capables de ressentir des impressions gustatives par leur contact DE LA PHOLADE DACTYLE 63 avec des solutions contenant une proportion de sel, supérieure à. celle que contient leur milieu normal. 3 eo jio. La courbe de la figure 24 a été, en effet, obtenue en introduisant dans le siphon de la Pholade quelques gouttes d'une solution 6% ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES salurée de sel marin. La réaction produite par une substance salée 24 Fig. offre beaucoup d'analogies avec celles que provoquent les substances alcalines, ainsi qu'on peut le voir en comparant les figures 24 aux figures 22 et 23. Toute- fois, l'allongement qui suit la contraction secondaire dure moins longtemps. SAVEURS ACIDES Les substances à saveur acide produisent sur le sys- tème averlisseur un effet tout à fait caractéristique et dont j'ai déjà parlé à propos du mécanisme inli- me de l'allongement du siphon (deusième partie, chap. 1) comparé au thélo- tisme chez la femme. Les éléments contracti- les circulaires sont excilés exclusivement et celte réac- lion est des plus intéres- santes à constater, car elle montre une élection qui prouve bien nettement que toutes les sensalions custa- ives ne se confondent pas. Ici, l'entrée en activité du système avertisseur ne se traduit pas par;un raccour- cissement primaire. C'est le contraire qui se produit, c'est-à-dire DE LA PHOLADE DACTYLE 65 un allongement et le tracé du mouvement du système avertisseur se développe alors au-dessous de la ligne du zéro, comme le mon- Fig. 26 trent les deus tracés des figures 25 et 26, obtenus avec des solutions très diluées d'acide acétique et d’acide tartrique. Université de Lyon — Il. B. 66 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES Naturellement cet allongement ne peut s'inscrire que lorsque le bout du siphon est relié au myographe par une tige rigide; en effet, si l'on se sert d'un fil flexible, le caractère dont je viens de parler ne s'inscrit pas comme le montre la figure 27 obtenue avec l’acide citrique. Fig. 27 On peut d'ailleurs reconnaitre de visu le mécanisme de cet allonge- ment en déposant une goutte de so- lution acide sur un point de la sur- face extérieure du siphon. Il se produit en ce point une dépression qui s’étent de proche en proche, mais d'une manière particulière. C'est suivant le sens transversal que se propage celte dépression résultant manifestement d'une contraction des fibres circulaires. En se contractant, ces fibres pro- duisent un véritable étranglement analogue au resserement d’un sphin- cter, et le bout du siphon est projeté en avant, comme celui du mamelon, par une excitalion directe des fibres lisses de l’auréole, chez la femme. n revanche, si l'allongement du système avertisseur fait défaut dans la figure 27, on remarquera un aulre caractère des mouvements sensoriels provoqués par les substances acides et qui existe bien dans les figures 25 et 26, mais à un degré moins pro- noncé, je veus parler du dédouble- ment de la contraction secondaire. Il se peut, mais Je n'ose l'affirmer, que la contraclion qui suit celle des erands muscles laléraus soit due aus segments musculaires averlis- DE LA PHOLADE DACTYLE 67 seurs longitudinaus, comme cela se passe quand on excile primiti- vemeni les masses centrales des parois du siphon par l'électricité. Cette interprétation sera. plus acceptable encore si l’on compare les tracés des figures 4 et 5 à celui de la figure 27. Dans le cas qui nous occupe il y aurait donc, sous l'influence d’un excitant guslatif acide, trois sortes de mouvements sensoriels apparais- sant dans l’ordre suivant : 1° con- traction des fibres circulaires de l'avertisseur ou contraction pri- maire; 2 contraction des muscles centraus ou contraction secondaire 3° contraction des fibres longitu- dinales de l'avertisseur, provoquée [bar l'ébranlement du siphon ou par 1 1 1 Fig. induction. Dans certains cas ce- pendant, il se produit très ma- nifestement deus contractions se- condaires successives, c’est-à-dire deus mouvements consécutifs des muscles longitudinaus centraus. Le tracé de la figure 28 nous en fournit un bel exemple : le mouvement sensoriel a été pro- duit ici par l'essence de girofles. Il est intéressant de constater que la première contraction ne ressemble pas à la seconde. Peut- être s'agit-il d’une contraction réflexe suivie d’un mouvement de retrait volontaire exécuté par le siphon, comme pour éviter un contact désagréible. On ne peut , A J'A à 2 Ex s empêcher d'être frappé de la ressemblance de la deusième con- 68 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES traction secondaire avec celle que détermine l'excitation galva- nique des muscles centraus /v. fig. 4): on serait tenté de lui donner le nom de « contraction induite ». Pour expliquer rigou- reusement ce résullat, il serait nécessaire de compléter nos expé- riences en détruisant sur une Pholade, tantôt les centres réflexes, tantôt Les points qui doivent être le siège de la volonté. De nouvelles expériences sont d'autant plus nécessaires que ce phénomène peut encore recevoir une autre interprétation. On observe souvent aussi des contractions secondaires suc- cessives avec d’autres substances que l'essence de girofles, avec les. réactifs acides ou alcalins, surtout lorsqu'ils ne sont pas très dilués et cela, non seulement en opérant sur des Pholades entières mais encore sur le siphon séparé du corps de l'animal. On ne peut guère expliquer ce résullat singulier qu'en admettant que le liquide excitateur, après avoir impressionné le sysième avertisseur, pénètre plus profondément dans la paroi du siphon et va agir comme un simple excitant musculaire sur les couches qu'il rencontre successivement en se diffusant. | DiSTRIBUTION DE LA SENSIBILITÉ GUSTATIVE. Je me suis proposé de rechercher également si quelque point du corps élait particulièrement affecté aus sensations guslatives et j'ai élé très surpris de constater que les grands tentacules placés. près de l’orifice buccal ne sont que peu ou même pas du tout impressionnés par les substances sapides. Au contraire, l'animal réagit de la facon que j'ai décrite dans ce chapitre toutes les fois que celles-ci sont mises en contact avec un point quelconque de la face interne ou externe du siphon. La sen- sibilité gustative est surtout marquée dans les parois du siphon. Elle est très amoindrie pourtant au niveau des cordons et des triangles de Poli, qui sont surtout des organes de sécrétion et elle est nulle dans les autres points du corps. Les circonstances ne m'ont pas permis de préciser davantage tout ce qui a trait à la durée de la période latente, à l'amplitude, à la forme et à la durée des contractions sensorielles, provoquées. DE LA PHOLADE DACTYLE 69 par les différents excitants du goût et aus causes modificatrices telles que la fatigue, la température, etc. Mais il n’est pas dou- teus que l’on puisse pousser l'analyse des phénomènes gustatifs par la méthode graphique aussi loin que celle des sensations der- matoptiques qui vont nous occuper dans le chapitre suivant. V. — De la fonction dermatoptique (1). $ 1 La lumière est un phénomène subjectif. Sa cause externe con- sise dans le mouvement d'un fluide dont les ondulations se mesurent en millionièmes de millimètres et dont la durée s'évalue en billionièmes de secondes. Comment ces infimes ondulations de l'éther peuvent-elles agir sur nos centres nerveus ? un intermédiaire, un interprète pourrait- on dire, collecteur spécial des vibrations externes est nécessaire : c'est l'organe du sens de la vision : sa délicatesse doit ètre exquise, puisqu'il vibre sous l'influence de mouvements d'une extrème exiguité. Très compliqué chez les animaus supérieurs, ce trans- formateur des vibrations éthérées prent parfois une structure très simple chez les espèces qui occupent les degrés inférieurs de l'échelle zoologique. Chez certains êtres, l'œil n’est plus repré- senté que par une tache noirâtre, qui se distingue à peine du tégus ment, mais cette « {ache pigmentaire » dernier vestige de l'œil, cor- respont à la partie sensible de notre rétine. Ce qui dégénère surtout, chez l’invertébré, ce sont les parties accessoires comme celles qui, dans l'œil humain, concourent à l'accommodation et à la formation des images nettes sur l'écran sensible. Aussi, comme l'ont admis Lamarck, Tréviranus, Müller, Grena- cher, Sidney, Hickson,Carrère,Forel et plus récemment Plateau (2), (1) Les principaux résultats de cette partie de notre étude ont été consignés dans un article paru le 15 avril 1890 dans la Revue générale des sciences pures