mer Revo RER RES Se ts aoe Res a a As ans ees CC RES Pr > Re} RARES 4 tats ies cS USGS - eue a pS Re roscoe nore ene eet; HO eue RRS * Me a 3 Pact ins PSN Oo ee CA =F a! CA 2 Cc) Ma nv: state te ater Root: va eee on me Cito Pat a Ru Fée D | oe : à ; my OCT ey ete à bee L'on BE 6599100 ToEg 0 DUT NT IOHM/18N | ANIMAL PSYCHOLOGY SEMINARS Section de Psychologie expérimentale = CA fn. Let: cll MR OT RRA fi Comportement Animal = . EU | l e BUREAU ' Président : Professeur H. PIERON ; Pa Vice Présidents : NL 2 i ‘ Sir FRÉDÉRIC BARTLETT ; C ridge k ns Prof. C. H. GRAHAM ; Columbia University Prof. H. LANGFELD ; Princeton Prof. PIAGET ; Genève dire | . Secrétaire genéral ‘s Prof. G. Viaup : Strasbourg i PLAN Secrétaire exécutif : SAME NO MLNNES Prof. E. VALENTINI ; Rome Prof. F. J. J. Buytenpisx ; Utrecht Prof. Mortnca ; Chiba (Japon) | | Adresse du Secrétariat Us Laboratoire de Psychologie animale Institut de Zoclae et Biologie générale 12, rue de l’Université i F | STRASBOURG (France) ' Library of Congress Card No. 59-1375 ins INTERNATIONAL UNION OF BIOLOGICAL SCIENCES ~~ UNION INTERNATIONALE DES SCIENCES BIOLOGIQUES EXPERIMENTAL PSYCHOLOGY AND ANIMAL BEHAVIOUR SECTION ANIMAL PSYCHOLOGY SEMINARS Strasbourg University - October 1956 and Brussels University - August 1957 PERGAMON PRESS LONDON . PARIS . NEW YORK . LOS ANGELES 1959 PERGAMON PRESS LTD. 4 & 5 Fitzroy Square, London, W.1. PERGAMON PRESS, S.A.R.L. 24, rue des Ecoles, Paris (Ve) PERGAMON PRESS, INC. 122, East 55th Street, New York 22, N. Y. P.O. Box 47715 Los Angeles, California Copyright © 1959 Pergamon Press, Ltd. PRINTED IN FRANCE IMPRIMERIE MODERNE, 43, rue Voltaire - AGEN (L.-et-G.) REUNION DU 4 OCTOBRE 1956 A STRASBOURG lors de la Session d'Études de l'Association de Psychologie Scientifique de Langue Francaise (Strasbourg, 5-8 octobre 1956) Communications du 4 octobre 1956 Cain (J.) et Mu Exrremet (J.). — Apprentissage et névroses expérimentales. Brun (R.). — Le Cerveau des Fourmis et des Insectes en général comme instrument de formation des réflexes condilionnés. MEDION: (J.). — Analyse expérimentale du phototropisme de la Drosophile sauvage. Heintz (E.). — La question des substances*terrifiantes. LANGFELD (H.S.). — Animal behavior studies al the R.B. Jackson Memorial Laboratory, Bar Harbor. VALENTINI (E.). — Contribution à la connaissance de l'agressivité du trem- bleur-paon pere. TEN Cate (J.). — Modification des réflexes de la conduile des animaux par conditionnement. — APPRENTISSAGE ET NÉVROSES EXPERIMENTALES par Jacques CAIN et Josette EXTREMET (Marseille) Pour rester assez proche des sujets qui seront exposés demain, ici même, et tout en demeurant dans le cadre de la psychologie ani- male, il nous a paru intéressant d’exposer la question des relations entre l’apprentissage et les névroses expérimentales. Il s’agit, d’ailleurs, d’un problème qui s’est imposé à nous au cours même de nos recherches expérimentales et plus particulièrement lorsque nous nous sommes attaché à l’étude de la genèse du comportement mor- bide chez le chat ou le rat (1). En effet, que ce soit au cours de notre expérimentation, que ce soit à la lecture des travaux des divers au- teurs, il nous est apparu que les troubles de la conduite provoqués chez l’animal pouvaient survenir dans des conditions très variées: dans certains cas, la névrose est la suite inéluctable d’un processus de conditionnement bien ordonné ; — dans d’autres cas, au contraire, le même trouble apparaît de façon brutale sans que l’animal ait subi un dressage antérieur, si minime soit-il. De plus, il ne suffit pas de faire précéder le déclenchement de la névrose par un apprentissage complexe, pour dire que l’un est la conséquence de l’autre; et, l’inverse, on peut se demander si même dans les expériences où le trouble 2 un déclenchement très aigu il n’a pas existé un appren- tissage passé plus ou moins inaperçu. C’est ainsi que nous voudrions aujourd’hui nous poser, sinon résoudre, les questions suivantes : quel est le rôle de l’apprentissage dans le déclenchement des névroses chez l’animal ? Lorsque cet ap- prentissage existe en fait, est-il toujours nécessaire ? Enfin, dans les cas où l’expérimentateur ne l’a pas sciemment utilisé, peut-on affirmer qu’il soit véritablement absent ? * * * Rae ees Pour mieux situer notre développement, il est nécessaire de rap- peler ici quelques données essentielles sur les névroses expérimentales. Comme le terme prête à confusion en raison des compré- hensions multiples que chacun lui accorde, disons tout d’abord que nous entendons sous la définition de névroses expérimentales, tous les changements du comportement, segmentaires ou globaux, aigus ou plus ou moins chroniques, survenant chez Vanimal en situation devant un expérimentateur. Sémiologiquement, l’élément essentiel de l'attitude névrotique est donc comparatif, il s’agit d’un changement du comportement de animal, changement que l’on peut objectiver de deux manières : soit par rapport au comportement antérieur, soit par rapport à un onimal témoin. La névrose obtenue se caractérise par des troubles généraux de la conduite et par des modifications portant sur certaines attitudes: activité ralentie ou au contraire exagérée, agressivité ou au contraire passivité extrême, troubles portant sur l’alimentation, la sexualité, modification des rapports entre l’animal et ses congénères ou entre l’animal et l’expérimentateur. Pour créer un tel état névrotique on à utilisé de multiples pro- cédés qui, en fait, peuvent se ramener à trois mécanismes fonda- mentaux : — le premier procédé consiste à placer des animaux antérieu- rement conditionnés à réagir à des stimuli de sens contraire dans une situation où la discrimination n’est plus possible. C’est le mé- canisme utilisé dans l’expérience princeps de Chenger-Krestov- nikova (2) et repris par la suite par de nombreux auteurs comme Maier, Cook et Bijou (3), (4), (5). — un deuxième procédé consiste à soumettre l’animal, bruta lement à des stimuli très intenses qui rendent la situation d’emblée insupportable. C’est ce procédé que Rikman a utilisé chez le chien et c’est par un processus semblable que l’on peut déclencher des crises audiogènes chez le rat blanc (6). — le dernier procédé a été préconisé par Masserman et peut se résumer ainsi: on conditionne les animaux A une habitude précise et on rend ensuite impossible l’accomplissement de cette habitude grâce à un élément traumatique surajouté (7). Ces trois procédés fondamentaux sont à la base des multiples méthodes que chacun a pu décrire pour déclencher la névrose chez Vanimal. C’est précisément sur ces méthodes essentielles que nous allons essayer de voir la valeur de l’apprentissage dans le déclen- chement ultérieur du trouble du comportement. * * * Examinons tout d’abord le cas où la névrose apparaît sans que l’expérimentateur ait utilisé volontairement l'apprentissage. L'animal non préparé est placé brusquement de sa cage de séjour SS Baa dans une situation nouvelle qui le traumatise immédiatement. C’est l'exemple que nous offre la crise audiogéne du rat blane où nous rappellerons que 30 % des animaux pris au hasard dans un élevage neuf réagissent par une crise aiguë lorsqu’on les soumet à des bruits spécifiques. L’autre exemple nous est donné par Rikman qui utilisa des chiens non préparés et les placa d’emblée devant une sommation de stimuli trés intenses et trés divers. Un dernier exemple, enfin, est celui de la pseudo-épilepsie de Brown-Sequard où les cobayes à qui l’on a sectionné les deux nerfs sciatiques, présentent des crises nerveuses quand on pince la peau de leur nuque. Nous savons que tous les auteurs ne sont pas d’accord pour dé- clarer que de tels états sont de véritables névroses expérimentales mais nous ne voulons pas nous étendre sur ce point que nous avons défendu dans des travaux antérieurs. Rappelons seulement que dans la crise audiogène et la pseudo-épilepsie de Brown-Sequard, l’impor- tance du conflit et la négativité de l’électroencéphalographie plai- dent entre autres très nettement en faveur d’une compréhension né: vrotique de ces états morbides. Quoi qu’il en soit, on peut affirmer qu’il n’existe dans ces di- verses expériences, aucun apprentissage antérieur, même latent, même involontaire. La seule donnée restrictive peut être la suivante: les animaux utilisés dans de telles expériences sont des animaux de laboratoire, c’est-à-dire élevés dans certaines conditions de familia- risation avec l’expérimentateur. Et si l’on peut dire qu’il n’a pas existé un apprentissage réel, il faut quand même reconnaître que ces animaux n’ont absolument pas été préparés aux divers stimuli qu’on allait leur infliger. En somme, il n’y a pas apprentissage, mais il y a, au contraire, manque de préparation, si bien que l’animal est encore plus surpris au moment où on le soumet à la situation cruciale. Toutes ces névroses qui apparaissent sans apprentissage ont en commun les faits suivants : — le premier fait est que dans ces situations, la névrose n’ap- paraît pas de façon constante. Quel qu’il soit, le procédé n’est pas parfaitement efficace; c’est ainsi que seulement 30 % des rats font des crises audiogènes et que, par ailleurs, tous les chiens ne se né- vrosent pas dans la situation où Rikman les avait placés ; x — un deuxième fait, propre à ces états, est l’intensité des moyens mis en œuvre pour que la situation devienne conflictuelle : chez le cobaye de Brown-Sequard la section des sciatiques est une opération grave ; — chez les chiens de Rikmam les stimuli sont parti- culièrement violents; — chez les rats audiogénes l’intensité sonore utilisée est extrémement forte ; — un dernier fait, enfin, est que les stimulations que l’on utilise ainsi sont très souvent sélectives et propres à certaines espèces : seul le cobaye réagit ainsi à la section de ses sciatiques, seul le rat ou la souris sont sensibles de telle manière au bruit émis. ea = eee La névrose peut donc apparaître chez l’animal sans appren- tissage antérieur, mais il faut alors noter que le procédé n’est pas toujours efficace, que l’on est souvent obligé de faire appel à des stimuli très intenses et enfin que les procédés sont souvent spé- cifiques à certaines espèces. i * * * Nous abordons maintenant le deuxième cas, qui se situe à l’op- posé du précédent: la névrose apparait aprés un apprentissage, la situation conflictuelle est créée après que l’on ait établi chez l’animal un dressage long et minutieux. Le traumatisme apparaît alors au moment où l’on change les conditions de l’expérience. L'exemple typique nous est donné par l’expérience classique du chien qui a appris à discriminer entre un cercle et une ellipse : lorsque le rapport entre les deux axes atteint 9/8 la névrose survient. De notre côté, nous avons conditionné des rats à discriminer deux couleurs et lorsque la différenciation devenait impossible, nos rats présentaient aussi des troubles du comportement. Dans tous ces cas, l’apprentissage est l’élément nécessaire dans le déclenchement de la névrose. Si l’on n’est pas passé par le détour du dressage, qui chez l’animal crée des circuits particuliers (si l’on suit une certaine terminologie) et (nous aimerions mieux dire) donne un sens particulier à chaque chose, on n’obtient pas de troubles névrotiques. Ici, c’est bien le conflit artificiellement créé qui déter- mine la névrose, conflit que l’on peut placer sur un plan neuro-phy- siologique, sur un plan pulsionnel ou tout aussi bien comme une contradiction entre des significations de sens opposé. Nous noterons ici qu’un tel procédé, même s’il est plus délicat, a l’avantage sur les précédents, de déterminer pein temas toujours les anomalies de la conduite. * * * Un dernier exemple doit être soumis à notre critique. En effet, dans certains cas, l’expérimentateur crée un apprentissage puis fait apparaître une névrose, mais le lien entre les deux est beaucoup moins évident qu’il le paraît. Reprenons par exemple l’expérimen- tation de Masserman ou même celle que nous avons conduite dans le même sens. Des chats sont dressés à appuyer sur une pédale en réponse à un stimulus sonore pour recevoir leur nourriture. Dans l'expérience cruciale on électrifie la pédale, si bien que l’animal sur- pris, présente des troubles du comportement. En répétant l’expéri- mentation un certain nombre de fois, on aboutit ainsi à une véritable névrose expérimentale. I] apparaît au premier abord dans cette ex- périmentation, que la névrose est la conséquence logique de ie tissage. Or, en fait, et à regarder les choses de plus près on s’aper- çoit que le rôle joué par l'apprentissage est bien différent de celui qui apparaissait dams les expériences de discrimination de type ges Pavlov. Il est vraisemblable que si l’on électrifiait la mangeoire de n’importe quel chat, placé dans n’importe quelle condition, il pré- senterait aussi des troubles du comportement. L'intérêt de l'apprentissage est quand même ici évident. D’abord parce qu’il nous permet de voir quels sont les éléments en présence au moment du conflit et done de mieux isoler le facteur déterminant. Nos chats par exemple sont pris entre l’habitude acquise d’aller appuyer sur la pédale et la peur de recevoir la décharge électrique et une telle méthode nous permet évidemment beaucoup mieux d'étudier la conduite approche-évitement comme l’a fait Miller. Un autre avantage est qu’une telle méthode nous permet de diminuer l'intensité du traumatisme utilisé. Par exemple, le choc électrique que l'animal reçoit est extrêmement léger et si, au lieu d’un choc électrique on fait tomber l'animal dans une trappe : comme nous l’avons fait avec Masserman et Pechtel, l’action trau- matisante est relativement nulle. L'intérêt ici, est donc de nous rapprocher de conditions que l’on pourrait qualifier de naturelles et d’éliminer toute action physique directe du traumatisme (8). Un dernier avantage, enfin, est de nous permettre d’objectiver les troubles du comportement par rapport à un critère précis, celui de l'apprentissage antérieur. Tel animal qui n’effectuait plus d’erreur et accomplissait le test de façon régulière et parfaite se trompera régulièrement quand il est névrosé. En le testant à nou- veau quotidiennement, on pourra se rendre compte des progrès. effectués et du retour progressif des états antérieurs. AE * * Ainsi donc, les relations entre Vapprentissage et les névroses expérimentales nous apparaissent comme beaucoup plus complexes que me le révélait un examen superficiel. Dans certains cas où l’expé- rimentateur croît ne pas utiliser d’apprentissage, il existe malgré tout une certaine relation entre l’expérimentateur, l’animal et les données expérimentales avant la création du traumatisme. Dans d’autres expériences, les conduites apprises sont absolument néces- saires pour déclencher le trouble du comportement. Enfin, une troi- sième perspective nous montre des névroses apparaissant après un apprentissage qui n’a pas un lien génétique direct avec l’anomalie de la conduite mais garde malgré tout un intérêt majeur. Ce sont ces diverses réflexions. qui nous ont paru intéressantes à mettre au point et à exposer ici. , Travail du Département de Psycho-Pathologie du Laboratoire de Physiologie (P' Morin), Faculté de Médecine de Marseille. SANTE OUVRAGES CITÉS (1) Cain J. — La crise audiogène du rat albinos. — Thèse de Sciences. Marseille 1952. 75 pages. (2) CHENGER-KRESTOVNIKOVA. — Le problème de la différenciation des exci- tations visuelles et des limites de la différenciation de l’analyseur visuel du chien. Bul. de l’Inst. Scient. Lesgaft de Pétrograd. 3, 1921. (3) Mater N.R.F. — Studies of abnormal behavior in the rat. I. The neu- rotic pattern and an analysis of the situation which produces it. New York Harper. Bros. 1939, 55-81. (4) Cook S.W. — A survey of methods used to produce experimental neu- rosis. Amer. J. Psychiat. 1939, 95, 1259-1276. () Buou S.W. — A study of experimental neurosis in the rat by the con- ditionnel response technic. J. of Comp. Psychol. 1943, 36, 1-20. (6) Rikman V.V. — Trouble de l’activité nerveuse normale du chien sous l'influence d’excitants étrangers forts. — Trav. des Lab. de Physiol. Pavlov, 1928, 3, F.L. (7) Masserman J.H. and Pecuter C. — Neurosis in monkeys. A preliminary report of experimental observations. — Ann. of the New York Acad. of Sci. 1953, 56, 253-265. (8) Masserman J.H., Pecuter C. et Cain J. — Création de névroses expéri- mentales chez le chat par un traumatisme psychologique. — C.R. Soc. de Biol. 1954, 148, 2041. LE CERVEAU DES FOURMIS ET DES INSECTES EN GENERAL COMME INSTRUMENT DE FORMATION DES REFLEXES CONDITIONNES par R. Bruxy, Zurich MOXSIEUR LE PRESIDENT, Avant de commencer j’éprouve le vif désir de dire quelques mots à votre adresse : Quoique ce soit la première fois que j'ai le plaisir de vous ren- contrer en personne, ce n’est pas maintenant que je fais votre connaissance. En effet, c'était en 1913, lorsque j’étudiais la litté- rature sur le problème de l'orientation lointaine des fourmis, que j'avais trouvé entre autres deux travaux que vous avez jadis consacrés à ce problème fascinant. Et en les lisant je me rendis compte qu’il y avait là enfin une trace de lueur qui pourrait mener à la solution de certaines questions qui jusqu’alors étaient restées absolument obscures. Je ne tarderai pas à vous dire que ces deux travaux sortis de votre plume m’avaient beaucoup inspirés dans mes propres recherches en me montrant la direction à suivre. Je tiens à vous en remercier de tout mon cœur ! MBSDAMES ET MESSIEURS, En étudiant le cerveau d’une fourmi (fig. 1) (il s’agit de la fourmi commune des bois F. rufa L.) dans une série de coupes trans- versales — que voici — nous sommes tout de suite frappés de la pré- sence de deux lobes proéminents sur les deux côtés de la face dorsale du protocerebrum, parce que leur structure histologique rappelle singulièrement celle de l'écorce cérébrale des vertébrés supérieurs. En effet, ces lobes symétriques forment de chaque côté deux circon- volutions de substance moléculaire entourées d’une épaisse couche périphérique à très petites cellules, — des cellules merveuses de la deuxiéme catégorie de Golgi. Nous venons de décrire les « lobes à circonvolutions » ou corps pédonculés, découverts dès 1850 par le fameux histologue français François Dujardin, chez une petite fourmi du genre Lasius. En même temps Dujardin a pu montrer que ces lobes à circonvolutions se trouvent aussi chez les autres hymé- noptères sociaux, c’est-à-dire chez les abeilles, les bourdons et les guépes. Bien plus tard, en 1874, Auguste Forel, le célèbre myrmécologue de la Suisse francaise a démontré pour la premiére fois que le déve- loppement des corps pédonculés — au moins chez les fourmis — dif- fère nettement) dans les trois sexes (fig. 2), c’est-à-dire qu’il se sou- met au trimorphisme de.ces insectes sociaux: trés petits chez les mâles ils sont assez bien développés chez la femelle et atteignent le plus haut degré de perfection chez les ouvrières. Il paraît done que ce trimorphisme cérébral est étroitement lié aux facultés « mentales » des trois sexes. En effet, om sait depuis longtemps que chez les fourmis comme chez les autres hyménoptères sociaux, ce sont les ouvrières auxquelles incombent presque uniquement les soins pour la communauté sociale, tandis que les femelles fécondées n’y prennent généralement part que pendamt une période très restreinte de leur vie et que les mâles n’y jouent aucun rôle du tout. Aussi la faculté de former des réflexes conditionnés n’a-t-elle pu être nettement dé- montrée que chez les ouvrières et les femelles, les mâles par contre n'étant que des machines à réflexes inconditionnés. Cette découverte nous impose une courte excursion dans l’ana- tomie comparée : Voici le cerveau (Ganglion supraocesophagien) d’un orthoptère (fig. 3), la grande sauterelle verte (Locusta viridissima). On re- marque de suite que les corps pédonculés de cet insecte sont toujours assez bien développés, mais on se rend compte en même temps qu’ils ne forment que deux calottes à un seul calice qui ne montrent aucune trace d’involution et ne rappellent en rien les circonvolutions élégantes des fourmis.*) Par contre, en examinant une coupe transversale du Ganglion mandibulaire de cet insecte (fig. 4), on est tout de suite frappé du nombre et de la grandeur dés cellules motrices à la base du ganglion. On pouvait s’y attendre si l’on pense aux sauterelles migratoires dont les essaims sont capables de ruiner en quelques heures la ré- colte d’une année d’un district entier ! Chez les Lépidoptères (fig. 5) (il s’agit du cerveau de la Macro- glossa stellatarum), les corps pédonculés semblent même manquer complètement au premier abord. Cependant si l’on suit la série des 4 (*) Il y a lieu cependant de remarquer ici que les corps pédonculés ne sont pas si pauvrement développés chez tous les Orthopdères. En effet, chez les Blattides — on trouve, selon Newton, des circonvolutions assez bien formées, mais pas encore strictement séparées en un corps médial et un corps latéral. Cest aussi le cas chez certains Lépidoptères de la famille des Papilionides. CERVEAU DE LA FOURMI DES BOIS (Formica rufa L.) (Micrephotogramme) On reconnaît très bien au-dessus du tronc cérébral les deux circonvolutions élégantes à chaque côté. A gauche et à droite : les yeux complexes avec la rétine et le lobe optique, en bas les lobes olfactifs. Fig. 2 LE TRIMORPHISME DU DEVELOPPEMENT DES CORPS PEDONCULES DANS LES TROIS SEXES: chez les mâles, les c.p. sont très petits et leurs calices grossièrement involuées. Chez la femelle les c.p. sont de grandeur moyenne et les c.p. montrent déja des calices assez bien involuées, mais ce n’est que chez les ouvrières que ces organes se présentent au maxi- mum de leur développement. Dessiné d’après des coupes microscopiques originales faites du cerveau du « Lasius umbratus Nyl. » des trois sexes. Fig. 4 COUPE FRONTALE FRONTO-TRANSVERSALE PAR LE GANGLION SOUS-ŒSOPHAGÉEN DE LOCUSTA VIRIDISSIMA (Microphotogramme) On reconnait tout de suite, a la base, le développement énorme du noyau mandibu- laire de cet insecte vorace. Fig. 3 GANGLION CEREBRAL DE LA GRANDE SAUTERELLE VERTE (Locusta viridissima L.) On voit que chez ces orthop- tères les corps pédonculés sont restés au stade de calotte et quit n’y a qu'un corps pédonculé à chaque côté. (Microphotogramme). Fig. 5 COUPE FRONTO-TRANSVERSALE DE LA PARTIE OCCIPITALE DU GANGLION CEREBRAL D’UN LEPITOPTERE (Macroglossa stellatarum). Chez ces insectes les corps pédonculés sont refoulés à l’extrémité occipitale et basale du lobe protocérébral. Comme chez les orthoptères il n'existe qu'un c.p. de chaque côté qui nous montre en outre une faible trace d’involution (à gauche). Au milieu entre les deux c.p. : le grand noyau moteur de Haller. En bas : le ganglion sous-cesophagéen. (Microphoto- gramme). Bays: tl coupes d’avant en arrière, on les trouve à la fin sous forme d’un très petit collicule de chaque côté qui permet de reconnaître un commen- cement d’involution. Chez les Hémiptères, les Diptères, les Coléoptères, les Neurop- tères, et les Odonates (libellules), le développement des corps pédon- culés est encore plus arriéré que chez la plupart des Lépidoptères. Vous vous en rendrez compte en regardant le cerveau d’une grande mouche, par exemple, de la Sarcophaga carnaria (fig. 6). Comme dans le cerveau de la Macroglossa, les corps de Dujardin y semblent faire complètement défaut. En réalité ils ont été refoulés à l’extré- mité occipitale du cerveau par le développement énorme des lobes optiques (fig. T) Là ils forment un très petit globule seulement qui ne s'élève presque pas au-dessus du niveau dorsal du ganglion et qui ne montre - aucune trace d’involution, c’est-à-dire de formation d’une circon- volution. En résumé, on peut donc dire que parmi les insectes les corps pédonculés atteignent leur maximum chez les Hymenoptères sociaux où ils forment deux véritables circonvolutions de chaque côté du ganglion cérébral. Chez les Orthoptères leur développement s’est. généralement arrêté au stade de formation d’une simple calotte, tandis que chez les inscctes inférieurs il est resté au stade globulaire primitif comme on le voit encore chez les Myriapodes. Nous constatons donc à travers la classe des insectes un dévelop- pement phylogénétique de ces organes tout à fait analogue à celui qu’on trouve dans le règne des Vertébrés. Naturellement il s’agit dans ce développement d’un phénomène de convergence seulement et non pas d’une homologie dans le sens anatomique. En 1923 j'avais taché aussi d'exprimer si possible ce développe- ment phylogénique par des chiffres exacts. A cet effet une observation du savant roumain Jonescou (1909) nous a donné le point de départ. Jonescou avait démontré que dans le cerveau des insectes il existe des parties plus ou moins invariables d’une part, et des parties variables d’autre part. Au premier genre appartiennent par exemple les lobes optiques, les lobes olfactifs et les corps pédonculés, tandis que le trone du ganglion cérébral, étant la partie la plus archaique et par conséquent la plus conservatrice, présente dans toutes les fa- milles et même dans tous les ordres des insectes à peu près la même structure primordiale. J’ai done procédé comme suit: Dans une série de coupes frontales à travers le ganglion cérébral d’un insecte, on cherchera d’abord la coupe transversale dans laquelle ce tronc cé- rébral à atteint le maximum de sa surface virtuelle. On projette alors cette partie du cerveau au moyen d’un oculaire à dessiner sur un papier à millimètres carrés, et on marque les contours de cette formation sur ce papier. Ensuite on cherche dans la même série la coupe où les différentes parties variables, par exemple les corps pé- donculés, ont atteint la plus grande étendue, puis la coupe où ceci est le cas pour les lobes olfactifs, les lobes optiques, etc. I] va sans 2 SF Bea Les pourcents maxima des parties variables du cerveau de différents insectes par rapport à Pétendue maxima du lobe protocérébral constant, mesuré en millimètres carrés sous un giossissement égal pour toutes les coupes POURCENTS MAXIMA DU TRONC PROTOCÉRÉBRAL INSECTES EXAMINÉS Corps Beteneulee Lobe Lobe % des % dutronc| olfaciif | optique corps péd. protocérébral I. — HymMENoPrERA (Formicidae) Formica L. ruta RS souvriere ior one ie 41,0 | 118,0 71,0 | 108,8 C.p.lat. 59,0 ufa L., tr x 4 C.p.med. 46,0 F Ws ab rufa runcorum Nyl, male | Gilat Si 64,5 Fusca L., ouvrière .......... | ae a | 118,4 | 78,6 | 123,6 Lasius Fabr. | PE Wea Oe C.p.med. 51,1 a AL7 umbratus Nyl., ouvriére .... Cplat. 489 119,7 75,8 : umbralus Nyl., femelle ..... aa ae 86,0 71,0 95,9 umbratus Nyl., male ....... C.p.med. 50,1 ( 38,8 44,0 | 110,7 C.p.lat. 49,9 ( . Teleutomyrmex Schneideri Kut. femelle: Po. Un tn (C.p.med. 51,4) 711 | 52,1 7,7 (C.p.lat. 48,6 | II. — ORTHOPTERA ‘ = . . 5 Locusta Deg. viridissima L. 28,9 26,2 | 140,5 III. —. LEPIDOPTERA Macroglossa stellatarum L. 23,3 21,90} aye IV. — APHANIPTERA Pulex irritans L. 23,7 60,5 iT V. — DIPTERA 1911 49,0 | 287.0 Calliphora vomitoria. D nv pence ere ee ee En | Er er TT # 4 ' 2 = se > NS & fa ™ tet “Si “+: 4 .* - ' se. AY Sr # * Fig. 6 COUPE FRONTO-TRANSVERSALE DU LOBE PROTOCEREBRAL D’UNE MOUCHE (Sarcophage carmaria). (Microphotogramme). Dans ces coupes les corps pédonculés font complètement défaut. Par contre, les lobes optiques et les yeux complexes sont très bien développés, tandis que les lobes olfactifs sont plutôt petits. Fig. 7 LE CORPS PEDONCULE GAUCHE DE LA MOUCHE CALLIPHORA VOMITORIA. (Microphotogramme). Comme chez les lépidoptères, les c.p. - sont refoulés à l'extrémité occipito- basale du cerveau à cause du déve- loppement énorme du lobe optique. En outre, leur développement s’est arrêté au stade globulaire. dire qu’il faut dessiner tous ces objets sous le méme grossissement linéaire. Finalement on n’a qu’à compter le nombre des millimètres carrés couverts par chacune de ces formations et on pourra établir alors une relation assez exacte de la grandeur et par conséquent du développément relatif de ces différentes parties par rapport au tronc cérébral. En d’autres termes: on obtiendra par cette méthode le moyen de pouvoir comparer directement le développement relatif des parties cérébrales en question entre les différentes espèces, familles et même ordres d'insectes. Ainsi j’ai pu constater (Tableau), par exemple au moyen de cette méthode que chez la Formica rufa ouvrière les corps pédonculés couvrent une surface maxima relativement au lobe protocérébral de 118 %, tandis que chez le mâle d’une espèce très voisine (7. trun corum) ce pourcentage n’atteint que 64,5 %. Chez le Lasius umbratus les indices relatifs se montent à 119,7 % pour l’ouvrière, 86 % pour la femelle et 39 % seulement pour le mâle. De même chez l’orthoptère Locusta viridissima cet indice relatif de la surface maxima des corps pédonculés n’est que de 28,5 %, chez le lépidoptére Macroglossa de 23,3 % seulement, tandis que chez le diptère Calliphora vomitoria il s’abaisse même jusqu’à 13 % ! Comme vous le voyez, le développement relatif des corps pédon- culés correspond dans tous ces cas étroitemént à la faculté de cha: cun de ces insectes de former des réflexes conditionnés et par consé- quent de pouvoir s'adapter à des conditions changées de leur monde extérieur, en modifiant le déroulement aveugle, rigide et machinal de leurs instincts héréditaires. Par ce fait, il devient presque certain que les corps pédonculés de Dujardin remplissent en effet principalement une fonction ana- logue à celle de l’écorce cérébrale des animaux vertébrés et qu’ils di- rigent en outre probablement aussi le déroulement des instincts compliqués, par exemple dans l'orientation lointaine. Cette théorie (qui a été avancée bien avant moi par un grand nombre d’auteurs comme par exemple Dujardin, A. Forel, Viallanes, Floegel, Dietl, Béttger, Berger, Jonescou, von Alten et surtout Kenyon et Caroline B. Thompson, contre les réserves faites plus ré- cemment par Pietschker, Pandazis et surtout par Hanstrom et quel- ques autres) a trouvé récemment un appui inattendu par une belle découverte que mon ami et ancien élève, le D° H. Kutter, a fait en 1949 A Saas-Fee, Valais supérieur, Suisse. La, & une altitude de 2 000 mètres, il a eu la chance de trouver une très petite fourmi, longue de 2,4 mm seulement, anergate, c’est-à-dire manquant d’ou- vrières, qu’il a nommée Teleutomyrmex Schneideri (novum genus et nova species). Ce fut une sensation zoologique, car cette nouvelle espèce s’est avérée être un parasite social extrême: après son vol! nuptial, la femelle fécondée cherche la rencontre avec une ouvrière de son espèce « esclave » (le Tetramorium caespitum). Quand elle en a trouvé une, elle Ini offre aussitôt quelques gouttes d’un liquide sécrété par des glandes spéciales, sur des trichomes qui se trouvent aux deux côtés de son thorax (Goesswald). Cette sécrétion paraît peg, LA avoir en quelque sorte un effet enivrant sur le Tetramorium, car elle est aussitôt léchée avidement par celui-ci, aprés quoi l’amitié entre les deux fourmis est parfaite, même à ce point que la Tetramorium permet au T'eleutomyrmex femelle de monter sur son dos et de se lais- ser porter dans le nid Tetramorium. Arrivé là, le parasite descend, se met aussitôt à la recherche de la reine du nid et lui monte sur le dos pour ne plus la quitter toute sa vie ! Il peut méme arriver qu’une reine « esclave » se trouve ainsi être parasitée par non moins que 8 femelles T'eleutomyrmex qui y sont accrochées comme les poux sur la peau d’un vertébré. On peut donc parler ici d’une transition à l'ectoparasitisme, phénomène unique dans une famille d’insectes si hautement développée comme le sont les fourmis. Figurez-vous, par exemple, Mesdames et Messieurs, qu’on découvrirait un jour une race humaine pygmée qui aurait l'habitude de mener sa vie sur le dos des éléphants ! Le Teleutomyrmex montre déjà certaines adaptations morpho- logiques à sa vie d’ectoparasite, à savoir, un abdomen très aplati, voire même concave, à sa face ventrale, de sorte que l’abdomen du parasite peut se coller étroitement contre la surface convexe de sa monture. En outre, ses tibias et ses tarses sont fortement élargis à leurs extrémités distales et enfin ses derniers sont munis de crochets relativement énormes. Pour comprendre cela, il faut savoir que la femelle Teleutomyrmex fait preuve d'un véritable réflema tonique d’accrochement qui peut durer plusieurs jours sans s’épuiser. Il me fut possible d'étudier à fond le système nerveux central de cette fourmi bizarre (*). Quant aux corps pédonculés (fig 8) j'ai constaté qu’ils sont fortement refoulés latéralement et en arrière et que le corps pédonculé latéral ne montre aucune trace d’involution, tandis que le calix du corps médial ne présente qu’une baie trés su- perficielle et plutôt grossière. C’est à peu près l’état comme on le trouve chez les mâles des fourmis et chez les hyménoptères inférieurs associaux. Enfin, l’index des corps pédonculés du Teleutomyrmex par rapport au tronc cérébral dans la coupe maxima monte seule- ment à 71 %, tandis que chez la fourmi non parasitique il est de 86 %. Les corps pédonculés de la Teleutomyrmex montrent donc tous les signes d’une réduction secondaire dégénérative qui est sans doute la suite du développement parasitaire de cet insecte depuis la fin de la dernière période glaciaire (Kutter). Mais d’autre part, cette fourmi a aussi développé dans ses cen- tres nerveux certaines adaptations secondaires à la vie éctopa- rasitique, par exemple au ganglion infraoesophagien. Dans celui-ci on remarque à la base trois petits lobules contenant des amas de très petites cellules granulaires. te) Je dois remercier ici le Professeur Karl (roesswald, de l’Université de Würzburg pour son amabilité d’avoir mis à ma lisposition ses excellentes séries microscopiques et j'ajoute que H. Kutter, le Docteur Stumper, de Luxembourg, le Professeur Goesswald et moi, nous avons travaillé en team-work pour l’inves- tigation exhaustive de cette merveille zoologique. Fig. 8 LES CORPS PEDONCULES DU TELEUTOMYRMEX SCHNEIDERI KUTT. FEMELLE (Microphotogramme). Les corps pédonculés (a droite) sont extrémement réduits. Le corps médial montre le type male avec un calyx seulement trés superficielle- ment plié, tandis que le corps latéral ne montre aucune involution de tout. GARE 1-2 Une formation analogue, mais encore plus nette, se trouve à la base des ganglions thoraciques où ces micro-cellules forment une vé- ritable couche épaisse et continue. Au premier abord, je prenais ces cellules pour les cellules motrices, mais à un grossissement plus fort on reconnaît très bien les véritables cellules motrices, relativement urandes et chromatosomes, à leur place ordinaire au-dessus de la couche granulaire que je viens de décrire. J'ajoute qu’une pareille couche granulaire basale manque abso- lument aux fourmis normales, c’est-à-dire non ectoparasitiques Vous pouvez vous en rendre compte en examinant une coupe longitudinale d’un ganglion thoracique de Formica. I s’agit done bien là d’une néoformation et, à mon avis, il est fort probable que cet appareil chez Teleutomyrmex sert à augmenter les électro- potentiels des cellules motrices au service du réflexe tonique d’ac- crochement dont nous avons parlé tout à l’heure. Mais maintenant vous pourriez me demander: « Qu’est-ce que cela prouve pour la thèse à savoir que les corps pédoneulés des in- sectes sont le laboratoire des réflexes conditionnés ? » Je vous ré- pondrai : Vous avez raison. Il nous manque en effet encore la preuve histologique. Qu’est--ce que nous dit Vhistologie des corps pédonculés ? On sait depuis longtemps que les petites cellules de l'écorce des corps pédonculés n’envoient pas seulement leurs neurites mais aussi leurs dendrites dans les corps semilunaires connus sous le nom de calices et que la substance moléculaire de ces derniers consiste pour une grande partie des fibrilles terminales de ces dendrites (Kenyon et autres). Kenyon a aussi prouvé que dans ces mêmes calices se terminent aussi les neurites provenant des centres sensoriels, principalement du lobe optique et olfactif. Quant aux neurites des microcellules des corps pédonculés, ils entrent presque en totalité dans les pédoncules postérieurs qui s’enfoncent profon- dément dans le tronc cérébral où ils semblent prendre fin très près de la ligne médiane sans se prolonger du eôté opposé ni continuer ailleurs. Il est plutôt curieux que pendant des décades l’on ne se soit pas du tout étonné d’un état de choses tellement bizarre, étant donné que les corps pédonculés ont été désignés par presque tous les sa- vants comme étant les centre psychiques, voir même « intellectuels » des insectes. Comment alors ces centres pourraient-ils transmettre leurs messages innervateurs et mnémiques aux centres moteurs sous- jacents si leurs neurites centrifuges prenaient fin dans une espéce de cul-de-sac à la ligne médiane du tronc cérébral ? La première à s’en étonner était Caroline B. Thompson, une élève très douée du fameux entomologiste américain William Morton Wheeler. En 1914, elle avait trouvé qu’au moins chez les fourmis (et donc probablement aussi chez les autres insectes) les fibres centrifuges provenant des corps pédonculés ne prennent nullement fin près de la ligne médiane du cerveau, mais que la coupe transversale ne nous montre qu’une ap- parence trompeuse. En réalité ces fibres, près de la ligne médiane ne font que changer de direction, c’est-à-dire elles décrivent un crochet en angle droit pour se diriger ensuite vers la partie occipitale du ih bed: Jobe protocérébral. Dans leur parcours ultérieur elles forment deux faisceaux assez gros de chaque côté de la ligne médiane, faisceaux que déja Viallanes avait trés bien vus et décrits sous le nom de « tubercules centraux ». Par plusieurs auteurs comme, par exemple, v. Alten, Jonescou, Deegener, et méme Kenyon, ils ont été pris pour les continuations centrales des nerfs ocellaires et par conséquent désignés du nom de « glomerules ocellaires ». Comme nous l’avons vu, aussi cette erreur fut corrigée par Thompson. Elle croyait aussi pouvoir affirmer que les globules centraux se terminent dans le corps central de Viallanes, la grande commissure intra- cérébrale présente chez tous les insectes. Or, par l’observation de deux séries de coupes frontales (fig. 9) légèrement asymétriques que j'ai faites à travers le cerveau de la - Formica fusca ouvrière, j’ai pu entièrement confirmer les consta- tations de Thompson que cès globules centraux de Viallanes n’ont rien à voir avec les nerfs ocellaires, mais qu’ils ne sont en effet rien d’autre que la continuation occipitale des pédoncules postérieurs des corps pédonculés (1). Par contre, je ne pouvais pas me convaincre que ces faisceaux s’épuisent principalement dans la commissure du corps central comme Thompson l'avait prétendu. De mes prépa- rations j’avais plutôt gagné Vimpression certaine que le faisceau dorsal des pédoncules garde son individualité jusqu’au dela du corps central, car on le trouve toujours à la même place — même dans les coupes plus occipitales où cette grande commissure s’est déja épuisée. Seulement là on voit entrer ces fibres (fig. 9 4) — du moins une grande partie d’elles — dans la « commissure dorsale », décrite par Viallanes sous le nom de « pont intercérébral ». Or, on sait depuis les recherches de Kenyon et de Jonescou que cette commissure dor- sale est essentiellement formée par les dendrites des grandes cellules de la région intercérébrale, connue sous le nom du noyau intercérébral de Haller. La encore il est plutôt étrange que les auteurs précédents ne se soient pas mieux occupés de ce grand noyau moteur. Méme dans le standard work de B. Hanstrém, paru en 1928, ce noyau, pourtant très remarquable et imposant, est à peine mentionné. Et cependant on sait que ce noyau envoie ses axones dans le grand connectif ventral, c’est-à-dire dans le ganglion subæsophagéen et plus loin dans la chaîne ganglionnaire ventrale et que ces faisceaux ent à peu près la même fonction que la voie pyramidale des animaux vertébrés ! Un entrecroisement de ces fibres, analogue à la décus- sation des faisceaux pyramidaux des mammifères, dont l’existence a été prétendue par Steiner et d’autres, n’a cependant pas pu être confirmé par les investigations ultérieures. Aussi fut-il réfuté par des expériences physiologiques de Bethe et de Loeb et contesté pour des raisons physiologiques aussi par Deemor. Quant au faisceau ventral des pédoncules protocérébraux. il s'enfonce selon Thompson dans la partie ventrale du tronc cérébral pour s’y épuiser peu à peu. Je peux confirmer aussi cette consta- tation de M Thompson. Il est fort probable que ce faisceau ventral des corps pédonculés se termine principalement dans le noyau MORGE (at moteur du lobe olfactif du côté opposé, situé dans la partie médio- dorsale de ce lobe, et qu’il transmet à ce noyau des impulsions d’ordre réflexe conditionné venant des corps pédonculés. Mais retournons encore un moment au noyau intercérébral. Les faits décrits parlent — à mon avis — singulièrement pour la théorie que ce grand noyau moteur du lobe protocérébral reçoit encore, à côté de son innervation réflexe inconditionnée directe par les grands centres sensoriels des lobes optiques et olfactifs, des impulsions ré- flexes conditionnées de la part des corps pédonculés. Mais jusqu'ici nous nous trouvons toujours encore sur le ter- rain des hypothèses. Cependant, en 1925, deux ans après ma première publication sur le cerveau des insectes, j’eus la chance inouie de pou- voir étudier ces problèmes encore du point de vue anatomo-patho- logique. Ce fut la preuve finale décisive qui m'avait manquée -jusqu’alors. Un jour je reçus de mon collègue, le myrmécologiste renommé docteur Stäger, de Berne, dans un tube à l’alcool une fourmi ouvrière de l’espèce Formica pratensis. Cet envoi était ac- compagné d’une véritable histoire de maladie qui remplissait non moins que cinq pages ! Dans un nid artificiel en plâtre où il gardait une petite colonie de F. pratensis, le docteur Stäger avait observé une fourmi qui ne restait pas avec ses camarades mais se tenait seule en tournoyant sans cesse, en décrivant de petits cercles de gauche à droite. Elle n’était plus capable de marcher droit devant elle. Quand elle rencontrait une de ses camarades, elle ne semblait plus la reconnaître comme amie, car elle l’attaquait furieusement, fai- sant même usage de son poison. De temps en temps elle était arrêtée et fixée sur place par plusieurs de ses camarades qui la tenaient par les pattes et même par les antennes. Aussitôt relâchée, elle reprenait son tournoiement incessant presque sans prendre de nourriture. Stäger avait aussi pu observer qu’elle boîtait un peu du pied droit antérieur qui semblait être un peu parétique et qu’elle n’était plus capable de tâter le terrain et les objets avec ses antennes, mais qu’elle tenait ces organes rigidement étendus devant elle, et enfin que l’antenne droite était aussi un peu parétique. A la fin cette an- tenne était absolument paralysée. An sixième jour de l’observation Stäger avait tué l’animal malade et me l’avait envoyé pour l’investiga- tion microscopique. Vers la fin de sa vie cette fourmi paraît avoir vomi une masse blanche qui restait collée devant sa bouche, Le docteur Stager fit le diagnostic médical d’un « processus cérébral destructif à localisation unilatérale ». En effet, en coupant le cerveau de cette fourmi inclus dans un bloc de paraffine, sur lequel j'avais soigneusement marqué les côtés gauche et droit de la tête, on pouvait voir déjà sur la coupe non colorée que dans la partie postérieure (occipitale) du cerveau les corps pédonculés gauches n’étaient plus reconnaissables mais qu’ils semblaient être remplacés par une épaisse masse blanche sans aucune structure, tandis qu’à droite sur la même coupe on pouvait. parfaitement discerner la structure caractéristique de cet organe, à gh rs savoir les deux corps semilunaires avec leurs courbes élégantes et pro: fondément involuées à la base. Dans les coupes colorées par l’héma- toxyline et l’écsine la masse blanche à gauche était malheureusement partie, mais on pouvait quand même reconnaître à la surface ventrale à laquelle cette masse avait collé, encore des amas de très petites cellules ressemblant à des gliocytes. Des corps pédonculés il n’y avait plus trace à gauche. Ils semblaient être complètement détruits et substitués par cette masse qui rappelait absolument la structure d’une tumeur cérébrale. Mon maitre, le professeur v. Monakow, à qui je montrais cette préparation, confirmait mon impression et croyait qu'il s'agissait probablement d’un glioma cérébral. Ce serait done pour la première fois — à ma connaissance — qu’on aurait trouvé une tumeur cérébrale dans le cerveau d’un animal invertébré. L'investigation histologique (fig. 9) montrait en outre ce qui suit: Le segment médial du lobe optique gauche montre une dégénération secondaire marquée et c’est aussi le cas pour les parties dorso- latérales du tronc cérébral gauche. Le grand noyau central moteur gauche a disparu, tandis qu’à droite on le reconnaît très bien dans la ligne paramédiane, ainsi qu’au-dessous de toute l’étendue de la partie occipitale des corps pédonculés droits, qui eux aussi sont absolument intacts. Mais la constatation la plus intéressante con- cerne une dégénération secondaire complète des glomérules centraux gauches. Ils sont fortement rétrécis et parsemés de petites lacunes. Par contre, les glomérules du côté droit présentent un aspect tout à fait normal. Mais il y a mieux: en observant la coupe suivante (fi- gure 10) par un grossissement de 300 diamètres, on se rend très bien compte que la moitié droite du pont de Viallanes, dont le commen- cement est justement visible dans cette coupe, est elle aussi visible- ment rétrécie, c'est-à-dire qu’elle montre également une dégénération lacunaire partielle, tandis que la moitié gauche du pont de Viallanes, quoique située immédiatement au-dessous de la tumeur, présente un aspect absolument normal. On peut donc constater qu’il existe wn entrecroisement au moins partiel, de sorte que les fibres dégénérées du glomérule central dorsal gauche traversent la ligne médiane pour se rendre dans la partie droite du pont de Viallanes, et vice-versa, que les fibres intactes du glomérule dorsal droit croisent dans la direc- tion de la moitié gauche du pont central. Je crois qu’on pourra sans grand risque d’erreur conclure de cette observation histologique que le pédoncule dorsal postérieur des corps pédonculés envoie la plupart de ses axones dans la moitié croisée du pont de Viallanes et que par conséquent la connexion des corps pédonculés avec la couche du noyau central moteur de Haller est, du moins en partie, croisée, Il nous reste encore la tâche de confronter les symptômes que cette fourmi malade avait montrés pendant « l’observation clinique » avec les altérations anatomo-pathologiques que nous avons constatées dans son cerveau. En premier lieu il s’agit d'expliquer le tournoiement à droite. Déjà en 1831 Treviranus avait observé que les animaux articulés Resta der = de Prefecer- Lobus aleaeToushlou Fase vent €: : me NN re 4 Fig. 9 QUATRE COUPES SUCCESSIVES, UN PEU OBLIQUES, D'UNE SÉRIE D'UN CERVEAU DE FORMICA FUSCA L. (Dessins semi-schématiques d'après les coupes originales). Dans ces coupes légèrement obliques ont voit très bien, en a) que les «globules centraux de Viallanes» ne sont rien d'autre que les continuations occipitales des pédoncules des c.p. En b) on voit que ces globules gardent leur individualité, et en d) on voit le faisceau dorsal se perdre peu à peu dans le pont dorsal de Viallanes, tandis que les faisceaux ventraux se perdent dans le tronc cérébral. Fig. 10 MICROPHOTOGRAMME DE LA REGION CENTRALE DU LOBE PROTOCEREBRAL D’UNE OUVRIERE DE FORMICA RUFA QUI AVAIT SOUFFERT D’UNE TUMEUR CEREBRALE. Au milieu on voit les quatres globules centraux de Viallanes. Du côté de la tumeur ces globules montrent une dégénération secondaire de forme lacunaire extrême, tandis que le côté opposé présente un aspect tout à fait normal. Par contre, dans le pont dorsal de Viallanes qui entre juste- ment en vue, on voit une dégénération lacunaire partielle a droite, tandis qu’à gauche le pont montre l'aspect normal, quoiqu il soit situé immé- diatement au-dessous de la tumeur. Il y a donc au moins un entrecroise- ment partiel des globules dorsaux qui ne sont autres que les continua- tions des pédoncules des c.p. rai hy yee (crustacés, insectes, etc.), après hémisection du grand connectif entre les ganglions supra — et infraoesophagéens, montrent toujours ce mouvement circulaire vers le côté resté intact. Ce fait fut confirmé plus tard par un grand nombre d'auteurs (Yersin, Faivre, Claude Bernard, Dietl, Steiner, Dubois, Bethe et Jawlowski et autres chez les insectes, et par Vulpian, Lemoine, Young, Ward, Petit, Steiner, Bethe, Leb et autres chez les crustacés). Bethe, ainsi que Leb y ont ajouté l’observation qu’aprés cette opération, mais aussi par suite de la destruction d’une moitié du cerveau, la tonicité est changée dans les jambes du côté opéré dans ce sens que la tonicité augmente dans les fléchisseurs, tandis qu’elle diminue visiblement dans les extenseurs. Par contre, il n’y à jamais de paralysie. Il s’agit donc seulement d’une distribution fautive du tonus parmi les agonistes et les antagonistes, dans le sens d’un abolissement de Vinhibition réciproque dans les centres moteurs de la Ghaîne gan- ‘glionnaire du corps. Il est évident qu’un trouble pareii doit mener à un trouble de la marche dans le sens d’un tournoiement vers le côté intact par rapport au ganglion supra-oesophagéen. Car, à cause du spasme de leurs fléchisseurs, les jambes du côté malade décriront continuellement des excursions trop petites, tandis que les jambes de l’autre côté, ayant gardé leur tonicité normale (donc les jambes du côté droit) s’allongent davantage et font des excursions plus amples. Le résultat sera que le corps de l’insecte doit forcément dé- crire continuellement des courbes vers le côté sain. Chez notre fourmi c'était le côté droit. Il est facile de deviner que la cause de ce trouble ne peut être au- tre que la destruction complète du noyau intercérébral de Haller dans la moitié gauche du cerveau. On comprend cela encore mieux en re- gardant une esquisse schématique des connexions neuroniques dans l’intérieur du cerveau de la fourmi. Car à ce que nous venons de dire, il s’ajoute encore d’autres suites lointaines que nous avons constatées chez cette fourmi. En effet, nous avons vu que, par la destruction complète des corps pédonculés du côté gauche, le centre moteur cérébral du côté droit, quoique resté absolument in- tact, fut complètement privé de l’influence inhibitrice des corps pédonculés gauches. Comme nous le savons maintenant, cette in- fluence inhibitrice mnémique, c’est-à-dire de nature réflexe condi- fionnée, lui fut transmise par le glomérule dorsal gauche, dont les fibres croisent pour une grande partie vers la moitié droite ‘du pont de Viallanes, où ses fibres terminales communiquent avec les den- drites des cellules motrices de Haller. Par ce fait, le centre moteur droit était dorénavant livré com- plétement à la merci des grands centres sensoriels du côté droit. Ne recevant plus les impulsions mnémiques inhibitrices, il était devenu autonome, c’est-à-dire qu’il était abandonné uniquement au service des réflexes inconditionnés provenant des centres sensoriels droits. Le méme mécanisme défectueux peut, & mon avis, étre rendu responsable aussi de l’apraæie des antennes observée par le docteur Stäger, avec la différence pourtant que cette apraxie des mouvements 3 CEE DRE, antennaires concerne aussi l'antenne droite, qui même devenait para- iytique à la fin, paralysie survenue peut-être par la pression que la tumeur avait exercée dans la direction du noyau moteur du lobe an- tennal droit. Enfin, les troubles psychiques sont, eux aussi, faciles à expliquer par le déraillement des fonctions mnémiques, survenu par suite de la destruction des deux circonvolutions gauches du cerveau. Mais i} faut y introduire encore un autre facteur d’ordre réflexe condi- NE tionné. C’est le facteur que C. v. Monakow avait jadis introduit ~ dans la physiologie cérébrale et qu’il avait très justement nommé la « diaschisis commissurale », pour expliquer comment il se fait que, par une lésion unilatérale, une fonction tellement universelle et diffuse comme le sont les réflexes conditionnés du comportement instinctuel et individuel, peut subir des troubles sérieux, allant même jusqu’à son abolissement complet. Le temps ne permet plus de nous arrêter encore à cette question aussi difficile que fascinante. J'espère cependant que j'ai réussi à vous convaincre par cette conférence de Vutilité, pour ne pas dire de la nécessité des études anatomiques et même anatomo-patholo- giques pour la fondation ct Vamplification ultérieure de la théorie du comportement des animaux. Si, à cet effet, nous avons choisi les fourmis et la structure miraculeuse de leur cerveau si extrêmement petit, nous avons profité de la chance de pouvoir aborder ces pro- blèmes sur une échelle bien moins compliquée et par conséquent bien plus facile à comprendre que celle des animaux vertébrés et surtout de l’être le plus différencié mentalement, c’est-à-dire ? Homme. BIBLIOGRAPHIE V. ALTEN H., Zur Phylogenie des Hymenopterengehirns. — Jenaische Zeilschr. Nalurw. 46, 511, 1910. Benepicentr A., Recherches histologiques sur le système nerveux central et périphérique du Bombux mori. — Arch. Ital. de Biol. 24, 1895. Bercer E., Untersuchungen über den Bau des Gehirns etc. der Arthropo- den. — Arb. Zool. Inst. Wien et Triest 1, 1878. Bercer E., Nachtrag zu deen Untersuchungen. Wien 1879. BERNARD CLAUDE, Leçons sur la physiol. et la pathol. du système nerveux. — T. I, 505-515, Paris 1858. Berne Arsr., Vergl. 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La plupart sont dus soit à des physiologistes directement intéressés par différents problèmes de la photoréception chez les Insectes (1), soit à des généticiens. Ces derniers ont tenté de faire l’étude comparée des réactions photo- tropiques chez les Drosophiles sauvages et chez divers mutants ne différant des individus normales que par un ou plusieurs caractères mendéliens, oculaires ou alaires (2). Or des recherches entreprises dans ce sens n’ont guère de chances d’aboutir, aussi longtemps que l’on ne connaîtra pas à fond les différents aspects du comportement phototropique, qui — comme Viaud l’a montré dès 1938 — est une conduite complexe s’expliquant à l’aide de plusieurs facteurs de comportement. Pour découvrir ces facteurs, il faut étudier la « cinéti- que » du comportement phototropique (3), c’est-à-dire les variations de la vitesse, la durée, la direction, la précision... des déplacements des animaux, en fonction des variations systématiques du stimulus lumineux. Tel était le but des expériences que nous allons relater. ’étude expérimentale du phototropisme des animaux comporte deux aspects principaux: 1° l’orientation axiale des animaux par rapport à la direction des rayons lumineux, ou phototaæie, pour re: prendre la terminologie de Fraenkel et Gunn (4). 2° L’intensité des réaction phototropiques ou photocinèse. Nous avons appliqué 4 la Drosophile deux techniques expéri- mentales correspondant à ces deux points de vue. ‘ Sy gi: L’appareillage employé pour l'étude des réactions d’orientation axiale est très simple: il se compose essentiellement d’une enceinte de verre présentant la forme d’un parallélépipéde-rectangle très aplati (70x12x0,3 cm), dont les plus grandes faces sont hori- zontales. Cette enceinte est traversée, dans le sens de sa longueur, par un faisceau de lumière parallèle exactement diaphragmé aux di- mensions de sa section (12x0,3 cm). Les trajets des Drosophiles dans ce champ lumineux homogéne peuvent ¢tre suivis et enregistrés à l’aide d’un pantographe dont la pointe se déplace sur la paroi su- périeure de l’enceinte de verre, à quelques millimétres au-dessus de la mouche en expérience. La sinuosité des trajets fournit un indice inverse de la précision de Vorientation axiale des Drosophiles. Les expériences portant sur la photocinése ont été conduites à l’aide de l’appareillage déjà employé par Viaud dans ses recherches sur le phototropisme des Daphnies et des Planaires, et décrit en dé- tail par lui dans un mémoire de 1950 (5). L’organe essentiel de ce dispositif est une cuve de verre cylindrique d’un mètre de long et de 3 centimètres de diamètre, illuminée par un faisceau cylindrique coaxial, de même diamètre, constituant un champ lumineux direc- tionnel sans gradient d’intensité. Ce tube est disposé horizontale- ment sur un banc d'optique. On y introduit les petits animaux d’ex- périence par une tubulure latérale, située à égale distance des deux extrémités. Leurs déplacements vers la lumière ou en sens opposé peuvent être considérés comme des réactions phototropiques positi-- ves ou négatives. On peut étudier les caractéristiques cinétiques de ces réactions sur un seul individu à la fois, dont on enregistre les déplacements par rapport à la source lumineuse pendant un cer- tain temps, par exemple 40 minutes; ou sur un groupe de 50 indi- vidus, par repérage photographique à différents moments de l’ex- périence, choisis et fixés à l’avance. Dans ce dernier cas, le calcul du « centre de gravité statistique » (6) du groupe indique sa posi- tion moyenne et les variations de celle-ci dans le temps. Toutes nos expériences ont été conduites en chambre noire, à la température de 24,5 + 0,5° C, sur des Drosophiles mates de la souche sauvage homozygote « Champetières », âgées de 6 à 8 jours et préalablement adaptées à l’obscurité pendant 30 minutes au moins. Résultats des expériences d'orientation 1° Les Drosophiles sauvages s’orientent « télotactiquement » au cours d'expériences comportant deux faisceaux lumineux cylin- driques d’égale intensité se coupant à angle droit. C’est-à-dire que ces animaux ne se conforment pas à la règle des résultantes, mais se dirigent vers l’une des deux lumières expérimentales. Ce fait s’ac. corde bien avec ce que l’on sait déjà sur la haute différenciation morphologique des yeux composés des Drosophiles (7) et sur leur acuité visuelle (8). gas ea 2° Dans un unique faisceau de lumiére paralléle, la précision de l’orientation axiale dépend beaucoup du mode d’introduction des Drosophiles dans le premier des deux appareillages décrits plus haut : Cette précision est extrême pour toutes les lumières employées (blanches ou monochromatiques), si les mouches sont soumises, lors de leur introduction dans l’appareil, à des chocs mécaniques nota- bles appliqués au récipient qui les contient. De plus, dans ce cas, 90 % des mouches environ réagissent positivement à la lumière ex- périmentale. Mais les phénomènes sont tout différents quand on évite toute stimulation mécanique. Dans ce cas, une proportion notable des ani- maux se montrent photonégatifs au début de l’expérience. Et sur- tout, les trajets des Drosophiles vers la lumière sont beaucoup plus sinueux, au moins dans certaines conditions d’éclairement. Cette action sensibilisatrice des stimuli mécaniques, Carpen- ter (9) l'avait déjà signalée en 1905, tant pour le phototropisme que pour le géotropisme de Drosophila ampelophila. 3° En ce qui concerne la précision de l’orientation phototropi- que, les résultats les plus discriminatifs sont obtenus en l’absence de toute sensibilisation mécanique, à l’aide de lumières expérimen- tales monochromatiques, toutes d’égale énergie, mais de longueur d’onde variable. Dans les limites du spectre visible, la précision de l'orientation axiale passe par un maximum dans le vert, entre 520 et 550 my (fig. 1). Or l’on sait que chez les insectes — et en parti- culier chez les Diptères (10) la précision de l’orientation axiale est étroitement liée à l’intégrité des deux yeux composés. On peut done conclure que la courbe de la figure 1 représente approximative- ment les variations de la sensibilité spectrale des yeux composés de la Drosophile. Le maximum de cette sensibilité est voisin de 540 mu. Résultats concernant la photocinèse 1° Le plus immédiatement frappant de ces résultats concerne le caractère polyphasique du phototropisme de la Drosophile dans toutes les lumières, blanches ou colorées, moyennement ou fortement excitantes. La Drosophile n’est donc pas un insecte photopositif de façon permanente en toutes circonstances, mais présente des pha- ses alternantes de phototropisme positif et négatif. A cet égard, les Drosophiles sont très comparables aux Daphnies et aux Planaires étudiées par Viaud (5). 2° L’alternance des phases positives et négatives du phototro- pisme semble d’ailleurs s'expliquer chez les Drosophiles de la même façon que chez les Daphnies: les différents individus sont doués d’une « capacité photopathique » très variable, c’est-à-dire qu’ils =~ 0 = = O O O O Ud}JEYINO}| 2p suuzdow uojs!ids24qg Fig. | Variations de la précision moyenne de l’orientation phototropique (or- données) en fonction de longueur d’onde des lumières moncchrematiques (abcisses) chez la Drosophile sauvage. La courbe obtenue traduit égale- ment les variations de la sensibilité photique dans les limites du spectre visible. (De part et d’autre de chaque point expérimental est indiquée la largeur de bande — à 50% — des filtres utilisés). 450 500 550 600 mp 400 Longueur d'onde 650 600 550 SOO, 45C mx 1000 sec 736 500 250 Longueur d'onde 110 O O 0) 9) 7O U O 20 sanrisod saseyd sop auuzAow 221nq Fig. 2 Variations de la capacité photopathique des Drosophiles en fonction du logarithme de l'éclairement en lumière blanche (à gauche) et en fonction de la longueur d’onde de lumières monochromatiques visibles d’égale énergie (à droite). oy geal sont très diversement capables de supporter une intensité lumi- neuse donnée pendant un temps donné. En outre, la durée moyenne des phases positives, qui mesure cette capacité, est inversement pro- portionnelle au pouvoir excitant de la lumière. Très généralement, les lumières blanches fortes et les lumières monochromatiques de courte longueur d’onde sont moins bien supportées que les lumières blanches faibles et les lumières monochromatiques de grande lon- gueur d’onde. Le graphique de la figure 2 donne l’expression quan- titative de ce résultat général. 3° Cole avait déjà établi, en 1922, que la vitesse de locomotion des Drosophiles vers la lumière croît linéairement avec le loga- rithme de Vintensité de la lumière blanche, conformément à la loi de Weber-Fechner (11). La technique de Viaud nous à permis de vé- rifier cette relation, entre 10 Lux et 30 000 Lux (figure 3 A). Mais - elle vaut seulement pour les vitesses des déplacements positifs. En ce qui concerne les vitesses négatives, nous n’avons pu trouver au- cune relation définie entre la grandeur du stimulus et celle de la réponse. Ces faits sont très comparables à ceux qui caractérisent la cinétique du phototropisme des Daphnies (Viaud 1938). Ils indi- quent que les réactions photopositives et les réactions photonéga- tives ne sont pas des conduites de même nature. Nous reviendrons sur ce fait important dans notre conclusion. 4° La vitesse de locomotion des Drosophiles attirées par des lu- mières monochromatiques d’égale énergie dépend de deux facteurs physiques principaux: la longueur d’onde des radiations visibles et leur niveau énergétique. — a) Pour des lumiéres relativement faibles (18 ergs/cm°/sec.) la vitesse maximum s’observe vers 490 my. Dans le violet, les mouches sont notablement plus rapides que dans le rouge (figure 3 B). b) Des données encore peu nombreuses concernant la vitesse en lumière forte (800 ergs/em°/sec.) semblent indiquer que le maxi- mum de la photocinèse se décale vers les grandes longueurs d’onde quand l'énergie des radiations monochromatiques augmente. Nos résultats ne font d’ailleurs que confirmer, sur ce point, les données obtenues, grâce à des techniques différentes, par 3ertholf et par Fingerman et Brown. En présence de tous ces faits, nous pen- sons pouvoir conclure provisoirement à l'intervention de deux types de photorécepteurs dans la phôtocinèse. L’œil composé, sensible au maximum aux radiations vertes, joue probablement un rôle prépon- dérant dans la commande des réactions aux lumières fortes, mais les réponses aux lumières colorées d’énergie plus faible seraient principalement sous la dépendance d’un autre type de photorécep- teurs. S'agit-il des ocelles, dont la courbe de sensibilité spectrale n’est pas connue, ou du « sens dermatoptique » si développé chez beaucoup d’invertébrés ? Cette question reste encore entiérement a résoudre par la voie expérimentale. Longueur d'onde . n 5] 5 re € Ô ce de O O C O £ Ww) Y L 9 £ =) 4 650 600 550 500 450 400 aay N Q O O (Te) Ÿ y Ww o 0 y un) 5 cy) C a) [op] v | 2 5 E ne | sr N on 5) eye orleans is Gp a Qu i) Le dd Co ee i coe Orn doa mien tie E jittsod suas ud 2ssS21A Fig. 3 Variations de la photocinése positive des Drosophiles en fonction du logarithme de l’éclairement en lumière blanche (à gauche) et en fonction de la longueur d'onde des lumières monochromatiques visibles d’égale énergie (à droite). pli 1 Pee 5° La photo-inhibition, ou ralentissement de l’activité locomo- trice sous l’action de la lumière, se rencontre chez beaucoup d’es- pèces phototropiques. Chez la Drosophile, elle s’observe sous une forme assez particulière, car elle n’affecte pas la totalité des ani- maux mis en expérience, mais seulement une fraction de ceux-ci. Cette fraction est voisine de 30 %, pour toutes les lumières blanches d’intensité supérieure à 80 lux. Au-dessous de 80 lux, on n’observe aucun cas de photo-inhibition. Celle-ci apparaît done — comme un phénomène s’établissant par Tout-ou-Rien — au-dessus d’un seuil compris entre 10 et 80 lux. Elle se manifeste non seulement par le ralentissement de la locomotion, mais aussi par l’apparition d’ar- rêts d’une durée de plusieurs minutes, interrompant des trajets de quelques centimètres seulement. La photo-inhibition s’observe aussi en lumiére monochromatique, principalement dans des radiations vertes de longueur d’onde comprise entre 520 et 575 my. Dans les autres radiations, les cas de photo-inhibition sont exceptionnels. Il semble donc que la photo-inhibition ait pour point de départ des ex- citations photiques oculaires. Conclusions Dans son ensemble, le phototropisme alternant de la Droso- phile, comme celui de la Daphnie (étudié par Viaud), peut être dé- crit comme suit: l’animal photopositif va vers la lumière d’autant plus vite que celle-ci est plus excitante. IL reste photopositif aussi longtemps qu’il peut supporter l’action de la lumière, les lumières les plus intenses ou les plus actiniques étant les moins bien suppor- tées. La phase négative qui s’amorce ensuite n’est caractérisée par aucune relation définie entre la grandeur du stimulus et celle de la réponse. Par suite, on peut fort bien, avec Viaud, la concevoir comme une fuite devant un stimulus devenu insupportable et comme une période de récupération sensorielle précédant une nouvelle phase d’attraction. Les différences qui existent entre le phototropisme de la Dro- sophile et celui de la Daphnie sont relativement minimes et concer- uent davantage les modalités physiologiques de la photoréception que la cinétique du comportement phototropique. L'analyse péné- trante du phototropisme des Daphnies, due à Viaud, semble donc s'appliquer à ces Arthropodes incomparablement plus évolués que sont les Drosophiles. Les réactions phototropiques de ces insectes s’expliqueraient donc par le jeu combiné de trois facteurs de com- portement principaux: le « signe primaire positif » du phototro- pisme et l’« impulsion photocinétique » rendent compte de l’attrac- tion par la lumière et de la photocinése positive; la « capacité pho- topathique » règle l’alternance des phases positives et négatives successives. Toutefois le phototropisme des Drosophiles est plus complexe que celui des Daphnies, à cause de l’influence d’autres facteurs, parmi lesquels la photo-inhibition joue un rôle important. case. D Vite Cette étude des réactions de la Drosophile à une lumière orien- tée est encore très incomplète. Néanmoins, nous pensons qu’elle peut servir de point de départ à une analyse génétique de ce com: portement. (Laboratoire de Psychologie Animale Institut de Zoologie et de Biologie générale. Université de Strasbourg.) 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Frisch (1) a montré que la peau de poissons, no- tamment du Vairon (Phoæinus phoxinus) agit sur des poissons de la même espèce comme un puissant répulsif et qu’elle contient une substance qu'il a appelée « Schreckstoff » ou substance terrifiante. Cette substance se trouve dans les tissus intérieurs de la peau, un vairon mort, mais dont la peau est intacte n’exerçant aucune action répulsive sur d’autres vairons. Elle est extrêmement active puisque la diffusion dans un aquarium d’une dilution de 1/10 de g de peau de vairon dans 50 litres d’eau donne encore une action ré- pulsive très nette. ; V. Frisch a montré que Ja substance terrifiante est une subs- tance odorante. Elle ne se rencontre pas seulement chez les vairons, mais chez tous les cyprinidés. L’action répulsive est assez spécifique. Chez les cyprinidés la peau de vairon agit principalement sur les vairons mais à un degré beaucoup plus faible sur les espéces voisines et d’autant plus fai- blement que le degré de parenté zoologique diminue. Cette diminu- tion de l’action peut servir, d’après v. Frisch, pour déterminer les relations de parenté. En dehors des cyprinidés, il existe aussi des substances terri- fiantes chez les characidés et les poecilidés, donc chez des poissons exotiques vivant en groupe. D’autres poissons vivant en groupe comme les salmonidés ou encore comme les perches, vivant en groupe quand elles sont jeunes, ne contiennent cependant pas de substances terrifiantes dans leur peau. (1) K. v. Frisch. — « Uber einem Schreckstoff der Fischhaut und seine biolo- gische Bedeutung ». Z. f. vergl. Physiol. t 29.46.1941. a ee V. Frisch attribue à la présence d’une substance terrifiante la signification biologique de la valeur d’un signal d’alarme destiné à prévenir une population d'animaux de la présence d’un animal pré- dateur ; la blessure causée par ce dernier à des vairons laissant échapper de la peau une « substance terrifiante ». A la suite des travaux de v. Frisch, d’autres auteurs ont signalé la présence de substances terrifiantes et répulsives. Kempendorf (2) en 1942, a trouvé que le broyat du Gastéropode Helisoma nigricans, et en 1949 et 1950 Eibl-Eibesfeld (3) et Hrbacek (4) que des broyats de têtards du crapaud Bufo bufo agissent comme répulsifs sur ces mêmes animaux. Nous-mêmes (5,6) depuis 1954, avons trouvé le phénomène chez un grand nombre d'animaux; d’abord sur des poissons: Rhodeus amarus B, Lebistes reticulatus R & et Q, Xiphophorus Helleri H G et 9, puis sur des insectes: Drosophila melanogaster Meig., Lepti- notarsa decemlineata, Apis mellifica, Locusta migratoria L., Tene- brio molitor, sur Tubifex tubifeæ L; et enfin sur Paramaecium cau- datum. Chez tous ces animaux nous avons pu montrer que les broyats agissent comme répulsifs sur des animaux de la méme es- pèce. Par la méthode de G. Viaud (7,8) de la détermination du dé- placement du centre de gravité statistique de populations entiéres, nous avons pu mesurer quantitativement l’action des broyats et avons trouvé que l’action répulsive augmente linéairement avec le logarithme du poids du stimulus employé. Nous nous sommes aussi occupé de la question de la spécificité des broyats. A cet effet nous avons étudié le comportement d’ Apis mellifica et de Formica rufa en les soumettant à l’influence conti- nue de broyats de natures diverses. Nous avons fait agir des broyats de guêpes, de doryphores, sur Apis mellifica et sur Formica rufa, des broyats de Tenebrio molitor sur Apis mellifica et des broyats d’Apis mellifica sur Formica rufa. (2) W. Kempendorf. — Arch. f. Molluskenkunde 74. 1942. (3) Eïbl-Eibesfeld. — « Uber das Vorkommen von Streckstoffen bei Erdkrôten- quappen » Experentia, t. 5, 236,1949. . (4) J. Hrbacek. — Experentia, t. 6,100,1950. (5) E. Heintz. — « Actions répulsives exercées sur divers animaux par des substances contenues dans la peau ou le corps d’animaux de même espèce », C. R. Soc. Biol. t 148.585.1954. (6) E. Heintz. — « Nouvelles actions répulsives exercées par la peau ou le corpe de divers animaux sur des animaux de même espèce ». C. R. Soc. Biol. t. 148,717,1954. (7) G. Viaud. — « Recherches expérimentales. sur le phototropisme des Daph- nies ». Publ. Fac. Lettres Univ, Strasbourg 1958. (8) G, Viaud. — Behaviour t. 2,163,1950. Attraction Repulsion Rag Bs Dans tous ces cas il n’y avait aucun effet mesurable. De méme des broyats de peau de bouviére, des broyats d’abeilles, de dorypho- cm Cyprinus carpio L. +15 +10 4 Te O:' log p Fig. | Actions attractives et répulsives de broyats de peau de Cyprinus carpio L. Attraction : droite a = -+ 1,90 log p + 24, 0. Répulsion : droite r = — 1,97 log p + 11,6. Droite du bas : témoins. res, de fourmis ou de Tenebrio molitor n’exerçaient aucune action répulsive sur Paramaecium caudatum (9). Nous avons déjà mentionné que l’étude quantitative de la répul- (9) E. Heintz. — « Des répulsifs nouveaux : Les « Répulsifs spécifiques ». Ex- périences sur l’Abeille et le Doryphore ». Phytiatrie et Phyto-pharmacie. N° 1, 45.1955. +10 730 + ae sion a montré que celle-ci augmente linéairement avec le logarithme du poids du stimulus employé. Pour compléter cette étude nous avons étendu le champ de nos recherches aux très petites quantités de broyats. Nous avons trouvé, dans ces conditions, que les mêmes Tubifex tubife x Extraits Joctobre 1955 Mesures Fig. 2 Actions attractives et répulsives de broyats et d’extraits de broyats de Tubifex tubifex sur Tubifex tubifex ? Extraits de broyats : Attraction : droite a = -+ 4,1 log p + 60,4. Répulsion : droite r — — 4,0 log p — 36,5. Broyats : Attraction : droite | (en indice) a,— -+ 4,2 log p + 38,4. Répulsion : droite | (en indice) r,— — 4,1 log p — 12,8. substances au lieu d’exercer une répulsion produisent une attrac- tion. Nous allons décrire des expériences faites sur Cyprinus carpio . Attraction Repulsion : ures | | esa? L. avec des quantités variables de broyats de la peau de ces ani- maux. Dans un aquarium de 70 x 10 x 10 cm furent placés neuf car- pillons d’environ 5 cm de longueur. Sur une des parois terminales Abeilles Muscles, janvier 1955 Mesures, octobre 1955 Fig. 3 Actions attractives et répulsives de broyats de muscles d’Apis mellifica sur Apis mellifica. Attraction : droite a = —- 4,2 log p + 9,5. Répulsion : droite r — — 4,3 log p — 3,5. de aquarium fut appliqué chaque fois un papier filtre de 10x10 em imbibé de 1 cm? de solution aqueuse d’une certaine quantité de broyats frais de peau de Cyprinus carpio. Sur l’autre paroi termi- es” pas nale de aquarium fut appliquée une feuille de papier filtre identi- que 4 la précédente, mais non imprégnée de substance, pour rendre les autres conditions expérimentales identiques dans les parties sy- métriques de aquarium. Lorsque le papier filtre n’est imprégné d’aucun stimulus, les trajectoires qu’effectuent les carpillons dans Vaquarium sont telles que la moyenne des déplacements pendant un temps donné du centre de gravité statistique de tous les animaux se situe au milieu de Vaquarium. Avant chaque mesure avec un broyat, on a contrôlé que le centre de gravité se trouvait « bien » placé (courbe « témoin » sur la figure 1). On voit que ses variations ne dépassent pas +0,5 cm. En imbibant maintenant un des papiers filtres avec 1 cm? de solution contenant le broyat de la peau de Cyprinus carpio, on ob- tient avec de grandes quantités de stimulus variant entre 10-* et environ 10-5 g/em3 des répulsions variant linéairement avec le lo- oarithme du point du stimulus employé (branche r de la courbe). En diminuant la quantité de stimulus, l’action change de si- gne, on obtient des attractions et qui augmentent d’intensité tou- jours suivant la même droite r jusqu’à une concentration de 5 x 10-9 g/cm3 environ. A ce moment l’attraction atteint son maxi- mum. Pour des concentrations encore plus faibles elle diminue sui- vant une droite a pour devenir nulle vers une concentration d’envi- ron 10-12 g/cmS8. Les pentes des droites représentatives a et r sont les mêmes aux erreurs d'expériences près: — 1,97 pour la branche r et + 1,90 pour la branche a. Des expériences analogues ont été faites avec Phoxinus phoxi- nus L., avec Tubifer tubifer (fig. 2) et avec Apis mellifica (fig. 3). Dans ce dernier cas, nous avons employé comme stimulus le-broyat de muscles d’abeilles, car, comme nous avons pu le montrer chez l’abeille, la substance active se trouve dans les muscles. Toutes ces expériences concordent dans le fait que pour des grandes quantités de broyats l’action est répulsive et attractive pour de faibles concentrations, avec un maximum bien marqué. Elles concordent aussi dans le fait que les pentes des droites a et r, représentant l’attraction et la répulsion sont les mêmes au signe près. Cette égalité des pentes des deux parties de la courbe semblent indiquer que les phénomènes d’excitation sont les mêmes pour l’at- traction et la répulsion. Il s’ensuit que le comportement des ani- maux étudiés sous l'influence des broyats des animaux de la même espèce entre dans le cadre des comportements à maximum décrits par Viaud (1). Il s’agit donc ici de tropismes vrais; nous avons à faire à des chimiotropismes positifs causés par des stimuli faibles. A Nos résultats conduisent done à une autre interprétation que celle qu'avait donnée von Frisch qui attribuait à l’action répuisive la valeur d’un signal d’alarme, ae Le fait que des animaux comme l’abeille, les Tubifeæ ou les lar- ves de Tenebrio molitor contiennent aussi dans leurs organes des substances répulsives et le fait que des attractions se manifestent aussi bien que des répulsions semblent mal s’accorder avec l’hypo- thése de von Frisch. Celle-ci n’est peut-étre valable que dans des cas particuliers. (1) G. Viaud, Les Tropismes. P. U. F. 1951. ANIMAL BEHAVIOR STUDIES AT THE R. B. JACKSON MEMORIAL LABORATORY, BAR HARBOR + HERBERT 8S. LANGFELD, Princeton University This is a report on experiments on heredity and social behavior at the Division of Behavior Studies of the Hamilton Station of the R. B. Jackson Memorial Laboratory at Bar Harbor, Maine*. The Jackson Laboratory is concerned with the general problem of growth, and is well known for its cancer research. The Hamil- ton Station Behavior Laboratory was established by the Rockefel- ler Foundation for research on heredity and Social Behavior. It was made a part of the Jackson Laboratory because, D* Clarence C. Little, for many years its director, was well-suited as an out- standing geneticist to guide such work on heredity. . The research is done principally upon dogs. The dogs selected for cross-breeding are: 1. Cocker spaniels, selected for ability to learn game finding by flushing and retrieving. They show a tendency to « set » and lack timidity and aggressiveness. 2. The African Ba- senjis. They have the ability to learn pursuit of game, show unu- sual timidity, a high degree of aggressiveness and are barkless. They have long been isolated from European breeds. It should be noticed from the above that lack of timidity and lack of aggressi- veness go together and likewise timidity and aggressiveness. The following dogs are selected for genetic differences but are not cross- bred. 3. Beagles, which learn game finding by trailing in packs. * I have had the privilege of following the work of this laboratory but for most of the information contained in this report I am indebted to Dr. J. P. Scott, Director of the Station and to his colleague, Dr. John L, Fuller. Bas Vas 4. Wire-haired fox terriers, wich attack small game and are highly aggressive. 5. Shetland sheepdogs, which are highly intelligent and have the ability to learn sheep-herding. The puppies of the various breeds are all raised most carefully in the same general environment. In the case of the cockers and basenjis, the maternal environment has been kept the same by back- crossing to mothers of each pure strain. The studies on dogs was commenced in 1945 and at the time of this report 470 dogs have been used. The difference in strenght of traits between dogs is thought to be the result of selection. Traits are common to all dogs but cer- tain dogs have a trait more highly developed than other dogs, and can therefore be more easily trained in that trait. The dog is se- lected for training whose developed trait is desirable in a given si- tuation. The results of such selection are seen in the following example: the cocker has an inate trait of sitting or crouching. When, as puppies, they are put on a scales for weighing, 80 % will learn to sit quietly with the minimum of training. The basenji has the habit of standing and only 12 % learn to sit in the same period of training. We have here two traits, degrees of quietness and posture. During the training the two traits are organized to meet the situation. Evidently both heredity and environment play their parts. The role of heredity is seen at all ages, but it is less apparent in young animals with their limited pattern of behavior. Thirty major tests, both mental and physiological, have been used. All the strains show some variability and overlap. In one case the variance due to mating, within breeds was greater than between breeds. In most measures, however, there was a highly significant breed difference. It might be of interest to describe a recent experiment in detail, an experiment whose results came out contrary to expectation. The aggressive basenjis and the friendly shepherd dogs were used. Half of each breed was trained and restrained most severely, the other half of each breed was petted and thoroughly spoiled. Food was then placed before all the dogs and they were all punished if they attempted to eat. Then all the dogs were placed in a room with the food and there was no punishment. It was thought the dogs of each breed that had been brought up strictly would as it were have a conscience and would not eat while the spoiled dogs would. The results did not turn out that way. The aggressive ba- senjis ate and the friendly shephards refused the food. It was evident in this experiment that breed characteristics were more im- portant than training. In conclusion T should like to point out that there is good opportunity for students to work at the laboratory on experiments in animal behavior. Anyone interested should write to Dt J. P. Scott, Hamilton Station, Box 847, Bar Harbor, Maine, U. S. A. CONTRIBUTION A LA CONNAISSANCE DE L'AGRESSIVITÉ DU TREMBLEUR-PAON PERE par E. VALENTINI Institut de Psychologie de l'Université de Rome. Le mot Colombe est le terme général qui désigne les espèces d'oiseaux qui appartiennent à l’ordre des Colombiformes. D'après Ghigi et Sharpe, la généalogie du trembleur-paon est la suivante : trembleur-paon, race domestique de l’espèce Columba Livia, genre de Columba Linnea, sous-famille des Columbine, famille des Co- lumbidæ ou pigeon, sous-ordre des Columbe. Il s’agit ici du trembleur-paon en tant que père (c’est-à-dire en tant que partenaire de couple et coopérateur à la génération du poussin, nouveau-né) : c’est dans l’exercice de la fonction de père que se manifestent toutes les modalités de la tendance agressive et c’est alors que se manifeste le plus la tendance agressive. Le trem- bleur-paon père est un trembleur-paon adulte (c’est-à-dire qui a franchi le seuil de l’âge adulte après les quatre mois de la période évolutive, qui ont suivi sa naissance). La méthode générale, employée dans la recherche, à été celle de l’observation armée (1). Cette observation doit être précédée d’un temps suffisamment long d'observation pure, durant lequel on introduit peu à peu les conditions d’observation expérimentale qui demeurent proches du cadre naturel: le comportement des animaux doit être aussi spontané que possible. On doit éviter autant qu’il se peut le conditionnement et l’apprentissage ; néanmoins il faut as- (1) « Dans des conditions définies, toute liberté est laissée aux comportements « individuels des animaux » (H. Piéron). Pour l'explication ultérieure de la mé- thode de l’observation armée, ou « préparée », et pour son emploi dans la pré- sente recherche, Cf. E. Valentini, Tendenza aggressiva et accertamento precoce del sesso nel pavoncello (tendance agressive et vérification hâtive du sexe chez le trembleur-paon), Pontificiae Academiae Scientiarum Scripta varia, 1951. SA oe surer l’adaptation de l’animal à la présence de l’observateur dans la cage d’expérience (2). La méthode de l’observation armée met en évidence les comportements agressifs des individus; elle permet aussi au chercheur de provoquer des comportements antagonistes, ceux-ci faisant l’objet de comparaison. Les conditions concrètes d’expérimentation ont été les sui- vantes : 1° Deux cages, dont l’une (cage A) suffisamment vaste (lon- gueur m. 5,11; largeur m. 1,85; hauteur m. 2,53), et l’autre (cage B) plus petite (longueur m. 2,71 : largeur m. 1,43; hauteur m. 2,64), bien orientées ; À 2° Dans la cage A: on trouve, au premier temps, une maisonnette et une petite caisse qui sert d’abri pendant la nuit et en cas de pluie, un bassin pour le grain, un bassin pour boire; au second temps, plusieurs maisonnettes, une grande caisse qui sert d’abri en cas de pluie, deux bassins pour le grain, un bassin rectangulaire, long et étroit, pour boire, un bassin circulaire pour prendre le bain; 3° Dans la cage B: on trouve, au premier temps, deux maisonnettes et une petite caisse qui sert d’abri en cas de pluie, un bassin pour le grain, un bassin pour boire; au second temps, cing maisonnettes, un bassin pour le grain, un bassin pour boire 4° La position in loco dans les deux cages, d’un ou de deux « nids d’adaptation ». Les observations ont été conduites dans la cage A, au premier temps, sur quatre individus, deux adultes et deux jeunes (c’est-a- dire âgés au moins de deux mois); au second temps, sur un plus grand nombre d’individus, adultes et jeunes, vivant dans la même cage A. Dans la cage B les observations ont été conduites d’abord sur six individus, vivant ensemble, dont quatre adultes, et après sur huit individus, dont quatre adultes; enfin sur dix individus. Tous les habitants se trouvent « en situation ». Les situations sont les suivantes : 1° adultes en couvaison et jeunes; 2° adultes non en couvaison et jeunes ; 3° un nombre restreint d'adultes en couvaison et l'adultes non en couvaison ; 4° un nombre plus grand, jusqu’à trente- cing individus dans la cage A, d’adultes (en couvaison on non) et de jeunes; 5° les dits individus pendant la préhension de la He soit qu'ils se trouvent tous en couvaison ou non en Couvaison, s soit que certains d’entre eux se trouvent en couvaison et les autres non: (2) Au début il y a, en effet, une forme num du trembleur-paon mâle adulte à. l’égard de l'observateur. AA CE 6° les dits individus tantôt mis, tantôt non mis, « en disposition d’appétit » ; 7° les dits individus tantôt soumis « à Ja faim », tantôt rassasiés à leur goût. ; Les observations ont été conduites en général le matin, en moyenne pendant deux heures, au début de la distribution du grain et après celle-ci (8). Les conditions d’expérimentation ayant été les mêmes (4), les résultats peuvent être comparés. _ L’agressivité du trembleur-paon adulte se manifeste : 1° dans la défense de la couvaison : il chasse les autres individus du toit de la maisonnette et des alentours du nid. En général le trem- bleur-paon mâle adulte est plus agressif dans la période de la pré- paration et pendant la couvaison. 2° dans la défense du territoire: il combat pour le choix de la maisonnette, après avoir formé couple avec sa partenaire, ou, s’il désire changer de maisonnette, au moment de la préparation de la couvaison ; il chasse les autres individus du petit bassin de la nour: ~ riture (5), et il va jusqu’à combattre pour y affirmer son domaine. 3° dans la défense de sa partenaire de couple: il chasse le trem- bleur-paon mâle adulte qui fait des « cérémonies » à sa partenaire ou qui cherche à la couvrir sexuellement; il défend sa partenaire quand elle est attaquée par un autre individu. 4° dans Vexaltation du comportement agressif en présence d’un autre trembleur-paon mâle adulte, surtout quand, après que plu- sieurs individus se sont battus, ils se retournent sur eux-mêmes avec des petits pas de danse, en roucoulant, la poitrine proéminente et la tête soulevée. | 5° dans les manifestations de seæualité, soit qu’il les exerce envers sa partenaire de couple, ou envers une autre femelle, parte- naire, ou non, de couple, soit qu’il court pour empêcher l’accou: plement. On a résumé les principales modalités du comportement agressif du trembleur-paon mâle adulte (6). Chacune de ces modalités pour- rait être démontrée par la description des différentes situations, dans lesquelles elle à été mise en évidence à l’aide de conditions (3) Parfois les observations ont été continuées toute la journée ; plusieurs fois, surtout au printemps et en été, elles ont été répétées Vapres-midi. (4) Les réactions du comportement agressif, quand le trembleur-paon mâle adulte se trouve « en situation », se sont révélées jusqu'ici les mêmes le matin et l’après-midi, pour ce qui concerne leurs modalités de manifestation. Par ailleurs, la presque totalité des observations de cette recherche ont été faites le matin. (5) L’expulsion par le trembleur-paon mâle adulte d’un autre individu loin des bords du petit bassin est une des modalités du comportement agressif qui au- rait besoin de plusieurs éclaircissements, parce qu’elle admet différentes signifi- cations de comportement suivant les diverses situations globales vécues par l’ani- mal. (6) L'analyse statistique des résultats, soutenue par une description plus vaste de cette première contribution à la connaissance de l'agressivité du trembleur- paon mâle adulte, formera l’objet d’un autre travail en cours d'élaboration. CHAN: a concrètes de recherche. Après avoir donné une première contribution à la connaissance du comportement agressif du trembleur-paou mâle adulte, l’auteur remet à une autre occasion l’exposition plus vaste de ce sujet: en effet, il est nécessaire de reprendre l’explora- tion systématique de chaque modalité à la lumière des résultats déjà acquis. Ayant déjà étudié par des conditions expérimentales le trembleur-paon mâle jeune, on comprend mieux le comportement du mâle adulte en faisant la comparaison avec les phases de son Age évolutif. Le comportement de l’animal, qui est global, ne saurait faire l’objet d’observations partielles; bien plus, on ne peut l’isoler entièrement de son environnement. Néanmoins on peut faire res- sortir certains aspects de son comportement, qui, pour être compris dans sa totalité, doit être étudié depuis le début de l’âge évolutif jusqu’à la complète maturation de l’animal, puis de celle-ci jusqu’à la vieillesse: les phases de l’âge évolutif sont confirmées par le comportement du trembleur-paon mâle adulte, comportement qui, à son tour, permet de mieux comprendre celui du jeune individu. Avant de terminer, notons certaines questions qui se posent au sujet de ce qui vient d’être présenté, questions qui se rattachent d’ailleurs aux études qui feront l’objet des prochaines journées sur le conditionnement et l’apprentissage : 1° pour sauvegarder la spon- tanéité de l’animal, faut-il éviter l’apprentissage et dans quelle mesure le peut-on ? 2° dans la défense du toit de la maisonnette et du petit bassin, faut-il voir toujours une défense du territoire ? 3° la défense du territoire ne ‘peut-elle pas être interprétée plutôt, dans certaines situations, comme une défense de la couvaison ? 4° quelles sont les relations entre l’apprentissage et le conditionne- ment dans une situation qui, vitale, relève de plusieurs facteurs ? Toutes ces questions, et d’autres encore, qui se posent au cher- cheur, montrent la richesse des situations vitales et en même temps la prudence qu’il faut avoir dans les conclusions: après de longues expérimentations, on n’arrive souvent qu’à des conclusions très restreintes. Ernesto VALENTINI, MODIFICATION DES REFLEXES DE LA CONDUITE DES ANIMAUX PAR CONDITIONNEMENT J. TEN Cate (Amsterdam) Chez les chats et quelques autres animaux, une dilatation de la pupille est provoquée par de fortes stimulations acoustiques ; une sonnette électrique par exemple. C’est un réflexe inné, inconditionné d’après la terminologie de Pavlov. Comme le réflexe de constriction de la pupille sur l’action de la lumière, la dilatation réflectoire se peut produire chez des chats décortiqués. Cependant la dilatation de la pupille, provoquée par une forte stimulation acoustique est un phénomène compliqué, car ce réflexe passe simultanément avec des processus psychiques qui doivent être lo- calisés dans l’écorce cérébrale. La sonnette provoque la frayeur, laquelle peut être attribuée à une forte excitation du système ner- veux central et du système ortho-sympathique en particulier. Comme j’ai pu le démontrer, en même temps que la dilatation des pu- pilles on peut constater une accélération du rythme cardiaque et assez souvent de la respiration. La sécrétion de l’adrénaline peut être aussi augmentée. Dans des conditions normales la lumière provoque une cons- triction de la pupille ; la lumière est donc un excitant inconditionné ; ce réflexe est inné. Les excitants acoustiques modérés dans des con- ditions normales ne provoquent ni dilatation, ni constriction de la pupille. J'ai tenté d’éveiller une constriction de la pupille sur la son- nette électrique chez des chats à l’aide du conditionnement. Les expériences ont été exécutées de la manière suivante: une fois que l'animal était habitué aux conditions des expériences, on procédait à la formation du réflexe conditionné. Tout d’abord la sonnette était mise en action, 15 secondes plus tard une lumière était dirigée vers Vanimal ; j’ai laissé agir ces deux excitants pendant une minute sur l'animal. Se «| FOR Six ou sept stimulations combinées avec des pauses de 5 à 30 mi- nutes ont été exécutées chaque jour. Pour former ce réflexe conditionné il a fallu 140 stimulations avec la sonnette et la lumière. Depuis lors, l’excitant conditionné — ja sonnette — provoquait régulièrement une constriction des pu- pilles au lieu d’une dilatation. Ce réflexe conditionné pouvait être inhibé par de fortes excitations inaccoutumées, par exemple une claque. Pour former une constriction de la pupille par un signal acous- tique faible — une flûte — par exemple, qui ne produisait pas de dilatation de la pupille, un conditionnement pouvait être constaté déjà après 43 excitations combinées de la flûte et de la lumière. La longue durée de la formation du réflexe conditionné à la son- nette peut être expliquée, je pense, de la manière suivante: Par le conditionnement la conduite du chat est altérée, l’action de la son- nette ne provoque plus la frayeur. Dans ce cas il se forme un pro- cessus d’inhibition dans l’écorce cérébrale qui supprime la réaction psychique — la frayeur, laquelle était accompagnée par les symp- tômes ortho-sympathiques. Cette inhibition de la frayeur est analo- gue aux processus d’inhibition, décrits par Pavlov, comme extinc- tion de la réaction d’orientation, laquelle se manifeste toujours au commencement des expériences avec les réflexes conditionnés. Avec la suppression de la frayeur le réflexe de dilatation de la pupille s’affaiblit peu à peu et disparut. En même temps l’action de la lumière commence à produire une constriction de la pupille. Après un certain nombre d’excitations combinées de la sonnette et de la lumière une constriction de la pupille se produit. Il s’est formé un réflexe conditionné sur la sonnette. Les expériences que je viens de décrire ont prouvé que par conditionnement, une conduite d’un animal peut être modifiée et en même temps un réflexe condi- tionné peut être formé sur un excitant qui provoquait d’abord un réflexe complètement différent. Dans les expériences avec des invertébrés, j'ai pu démontrer que la conduite de ces animaux peut aussi être altérée par condi- tionnement. On sait que les pagures (Bernard 1’ Ermite) se retirent dans leur coquille lorsqu’une ‘irritation mécanique plus ou moins forte est appliquée sur une partie quelconque de l’animal. Lorsque l’écre- visse s’est retirée dans son refuge il est toujours fort difficile de l’en faire sortir. Il me semblait intéressant de savoir, comment les pagures se comportent quand on leur irrite l’abdomen qui est toujours tenu complètement caché dans la coquille. Il me semblait possible que Virritation de cette partie du corps obligerait l’animal d’abandon- ner son refuge. Ces expériences sont faites pour la grande partie par M™ ten Cate. Pour pouvoir irriter la partie postérieure de l’animal on a pra- tiqué, avec précaution, une ouverture dans les tours supérieurs de la coquille. Lorsqu'on irrite doucement l'abdomen du pagure la partie ir- ritée de l’abdomen seule s’écarte de l’objet irritant. Si Virritation de l’abdomen devient plus forte l’animal se déplace vers l’orifice de sa coquille, mais pour un instant seulement, car aussitôt il se retire de nouveau dans son gîte. Si on répète l’irritation le pagure s’avance de nouveau, pour se retirer quelques instants plus tard. Ce jeu peut durer assez long- temps sans que l’animal abandonne sa coquille. Cependant lorsqu’on continue à irriter l'abdomen pendant quelques minutes, il peut ar- river que l’animal, après s’étre déplacé en avant ainsi qu’en arrière, quitte soudain sa coquille. Dans des expériences successives nous avons essayé d'établir, s’il était possible par des irritations de la partie postérieure de l’abdomen répétées pendant un certain temps plusieurs fois par jour d’arriver à ce que les animaux quittent leur coquille dès le pre- mier attouchement. Dans ce but, nous avons fait des expériences avec 15 pagures, dont les coquilles avaient été trouées au niveau des tours supérieu- res de la spirale. Tous les jours on a fait au moins dix expériences sur chaque animal, au cours desquelles on irritait la partie pos- térieure de l'abdomen jusqu'à ce que le pagure abandonne sa co- quille. Au début tous les animaux quittaient leur coquille après une irritation de longue durée. Quelques jours plus tard on pouvait déjà voir les pagures quitter leur coquille bien plus rapidement qu'auparavant. Après une dizaine de jours les pagures abandon- naient leur coquille dès qu’on touchait leur abdomen. Même des ir- ritations très faibles de l’abdomen provoquaient à ce moment un abandon rapide de la coquille. Il s’était formée une réaction condi- tionnée à l’irritation mécanique de l’abdomen. Comme on peut en conclure par ces expériences, la ee de retraite qui domine d’abord dans la conduite de l’animal s’affaiblit peu à peu et fait place à la réaction de fuite. Après une dizaine de jours à peu près on arrive à ce que la réaction de retraite qui est celle qui se produit ordinairement, soit remplacée par Ja réaction de fuite. Dans ces cas un simple attouchement de l’abdomen suffit pour provoquer immédiatement une fuite du pagure. On peut donc remplacer la réaction innée, instinctive de retraite par une réaction conditionnée de fuite. Par conditionnement la conduite des pagures peut être profondément altérée. J'ai pu provoquer une altération d’une autre réaction innée à l’aide d’un conditionnement chez l’Amphioxus (Branchiostoma, lan- ceolatum), un animal marin pisciforme qu’on trouve sur les côtes sablonneuses de la Méditerranée. Les amphioxus vivent dans le sable, dans lequel ils s’enterrent, ne laissant en dehors que la partie antérieure de leur corps. Lors- qu’une partie quelconque de l’animal est irritée mécaniquement, par exemple par attouchement, l’amphioxus se retire dans-le sable et disparaît rapidement. Dans des conditions naturelles on pouvait voir, extrêmement rare, l’animal nager dans l’aquarium. GARGS i Call J’ai tenté de transformer par conditionnement la réaction in- née de l’enfouissement dans le sable en une réaction de fuite. Pour atteindre ce but, j’ai placé les animaux dans de petits aquariums, contenant seulement une mince couche de sable pour qu’ils ne se cachent pas dedans lorsqu’on les irrite. Lorsqu’on irrite Hamphioxus dans ces conditions par attouche- ment il tâche d’abord de s’enterrer, mais en vain; alors il prend la fuite et nage quelque temps dans l’eau. En répétant ces expériences pendant quelques jours dans les mêmes conditions j’ai pu constater que les animaux perdaient leur habitude de s’enterrer dans le sable et prenaient la fuite aussitôt qu’ils étaient irrités. Même lorsqu'ils étaient remis dans un aquarium contenant beaucoup de sable ils ne s’enterraient pas, mais prenaient la fuite et nageaient assez longtemps. Mais quand un de ces amphioxus réussissait par hasard à s’enter- rer quelques fois dans le sable la réaction conditionnée de fuite faisait place à la réaction innée d’enterrement, laquelle de ce moment resta dominante. Par ces expériences avec l’amphioxus, je crois avoir démontré qu’une réaction innée, instinctive d’enterrement, peut se transfor- mer en une réaction conditionnée de fuite. Chez les amphioxus on pouvait donc aussi provoquer une altération de la conduite par conditionnement. REUNION DU 5 AOUT 1957 A BRUXELLES lors du XVe Congrès international de Psychologie (Bruxelles, 28 Juillet - 3 Août 1957) Communications du 5 août 1957 Tuines (G.). — Le comportement comme critère taxonomique. BROADHURST (P.L.). — The effect of some antecedent determinants of the emotionality of the Rat as measured by the openfield test. Carpo (B.). — Action antagoniste de la chlorpromazine et de l’amphétamine sur le conditionnement de fuite chez le Rat. Me BoNaveNTURE (N.). — Comportements tropistiques de monstres de Planaires. Me ‘Tapouret-KELLER (A.). — L’analyse expérimentale du géotropisme de la chenille d’un Saturnide, Automeris illustris Walker. Meproni (J.). — Expériences sur la création skioptique et sur la pholo- réception chez Limnaea stagnalis L. Viaup (G.). — Sur le déterminisme du changement de sens des réaclions dans le galvanotropisme polyphasique. Me Beniest-Noirot (E.). — Le comportement dil « maternel » chez la souris. LE COMPORTEMENT COMME CRITERE TAXONOMIQUE par G. THINES (1) (Université de Louvain) Si la psychologie animale, au cours de son développement his- torique, est progressivement passée du stade de l’observation occa- sionnelle et incontrôlée à celui d’une discipline systématique ap- pliquant la méthode scientifique dans toute sa rigueur, c’est dans une large mesure parce qu’elle a adopté de façon de plus en plus nette les hypothèses et les méthodes des sciences biologiques. Ii importe cependant de remarquer qu’elle n’est pas entrée en contact - simultanément avec toutes les branches de celles-ci et si elle se tourne très tôt vers la physiologie comparée, elle reste au contraire longtemps sans contact important avec la systématique. Or, si l’on y songe, cette situation est d’autant plus paradoxale que les origi- -nes de la psychologie animale étaient bien plus proches de la systé- matique que de la physiologie. Elle se constitue en effet en discipline autonome à partir de la théorie de l’évolution, dont elle dérive avant tout en vertu d’un principe de cohérence logique, que l’on peut for- muler brièvement comme suit: S’il existe une loi de continuité en- tre les structures anatomiques des différentes espèces animales, il est légitime de supposer qu’une loi semblable existe également entre les caractéristiques psychologiques corrélatives de ces mêmes es- pèces. + L’idée scientifique du psychisme animal est donc liée, dès ses origines, à une notion d’homologie ou d’analogie, notion élaborée par le systématicien, dans sa tentative d’unification du systéme de la nature. © D’autre part, dès le moment où existait sous le nom de psycho- logie animale une discipline autonome, la zoologie, et particuliére- ment la taxonomie, ne pouvait .manquer d’apparaître aussitôt ‘ (1) Chercheur qualifié du Fonds National de la Recherche Scientifique. NAS (ees comme sa science annexe la plus importante. C’est en effet à la taxo- nomie qu’elle emprunte dès le début, la totalité de ses objets d’in- vestigation, qui sont les diverses espéces animales, emprunt de base dont son existence méme dépend, matériel qu’elle n’appréhende déja plus sous une forme indifférenciée puisque l’œuvre du classificateur lui a déja imposé les catégories de son propre systéme d’intelligibi- lité, mais qu’elle va cependant utiliser de son point de vue propre. Ce dernier différe principalement de celui du taxonomiste en ce que, contrairement à ce dernier, il ne considère plus simplement les es- pèces animales comme des entités fixes, reliées entre elles par un système plus ou moins élaboré de critères discriminatifs, mais comme autant de centres d’activités qu’il importe d’étudier dans leur déroulement même. L'opposition des deux points de vue est manifeste, on le voit clairement, le premier considérant les organismes comme autant de points inanimés situés dans l’espace et entre lesquels il s’agit d'établir une ou plusieurs lois de coordination (le taxonomiste tra- vaille sur des specimens morts, « fixés » dans un milieu conserva- teur artificiel), le second tentant au contraire de saisir une réalité psychique dont le comportement est l'expression vivante dans le temps. Malgré cette différence d’objet formel, la parenté matérielle des deux sciences est un fait incontestable; mais l'incidence de la zoologie sur la psychologie animale, que certains auteurs, parmi les- quels Piéron, préfèrent avec raison appeler psychologie zoologique. ne se limite pas la: Il est hors de doute, dans l’état actuel de com- pénétration des disciplines (1) qu’un nombre important de problè- mes propres à l’étude du comportement ne puissent être correcte- ment posés ni adéquatement résolus, que si le psychologue possède à leur sujet un certain nombre de renseignements de base que la taxonomie est seule en mesure de lui fournir. Nous songeons parti. culièrement ici à certaines connaissances fondamentales comme la communauté de phylum ou de classe, l’identité ou la similitude de certaines caractéristiques morphologiques ou physiologiques qui, non seulement rendent les comparaisons plus fécondes mais écartent dès l’abord les faux problèmes et, d’une façon générale, les ques- tions qui, dans l'hypothèse d’une séparation absolue des discipli- nes, ne se révèleraient être des impasses qu'après un temps plus ou moins long de recherche aussi laborieuse que stérile. Ces questions sont précisément celles qui n’ont que faire dans l’instauration d’une psychologie comparée digne de ce nom. Pour prendre un exemple qui ne peut manquer de convaincre même les profanes, on voit im- médiatement l'intérêt d’une comparaison entre le développement (1) Il est remarquable que la zoologie systématique et l'étude du comporte- ment ne commencent à converger qu'après avoir divergé au maximum pendant que la seconde se constituait en discipline autonome. Il se peut que ce phénomène de retour ne soit que le stade synthétique final d’un processus d’ensemble ayant comporté un stade antithétique initial indispensable à la synthèse en question, parce que caractérisé par l'élaboration de concepts nouveaux, ou tout au moins par la transformation de concepts anciens. — 57 psychique du chimpanzé et celui de l’enfant humain, mais il paraît peu probable qu’il y ait quelque intérêt essentiel à comparer l’orien- tation lointaine du pigeon à celle de l’homme, la supériorité consi- dérable de développement des structures cérébrales chez le second introduisant dans la formulation même du problème une incompati- bilité dans les termes qui ne peut être évitée que par une informa- tion appropriée. Or, cette dernière nous est fournie, dans ses gran- des lignes, par l’étude taxonomique des espèces, et dans ses détails par l’anatomie et la physiologie comparées ; il n’est d’ailleurs pas inutile de faire remarquer que seule la première peut nous intro- duire utilement aux secondes. Les considérations développées jusqu’à présent pourraient don- ner à croire que la zoologie, et particulièrement la taxonomie cons- titue une science de base dont la psychologie zoologique ne serait qu’un chapitre. Cette conception se rencontre effectivement dans certains traités de zoologie (1). Dans cette perspective, les relations entre ces deux disciplines existeraient au bénéfice exclusif de la psychologie animale incapa- ble par nature et par position, de rendre à sa science-mére les dons abondants que cette derniére lui prodigue depuis ses origines. Si cette idée de la filiation des sciences correspond à quelque réalité — et l’histoire des systèmes philosophiques et scientifiques en témoigne abondamment — c’est en elle que nous pouvons espérer trouver une réponse à la question qui vient d’être posée. La condi- tion essentielle pour que s’établissent entre deux sciences des liens de réciprocité, est en effet qu’elles aient atteint l’une et l’aure un degré de maturité sensiblement équivalent; autrement dit il ne peut exister d'échanges bilatéraux effectifs qu'entre disciplines adultes, et tant que cet équilibre, pour des raisons historiques diverses, n rest pas réalisé, toute science-fille emprunte à sa science-mère sans lui rendre en proportion. Mais prenons garde ici à la signification de certains termes susceptibles d’éveiller en notre esprit l’inverse de ce qu’il faudrait entendre. Nous avons dit plus haut que la zoologie, et spécialement la taxonomie, apparaissait dès les débuts de la psy- chologie animale, comme la science annexe la plus importante de cette dernière. Lorsque l’on parle de « sciences annexes », il ne faut pas perdre de vue que l’on vise assez paradoxalement, les disciplines que d’au- tres s’annexent en raison même de leur insuffisance propre. Deve- uir une science annexe est, pour une discipline, le plus sûr indice que l’ensemble de ses acquisitions, tant sur le plan des faits que des théories, en lui permettant de devenir le point de départ de disci- plines nouvelles, lui a conféré la maturité historique. Ainsi donc, en dépit de leur qualification apparemment péjorative, les sciences annexes sont en réalité les sciences de base. Ceci admis, le problème qui nous sollicite est de savoir, eu (1) Cf. Notamment Parker T, J, et Haswell W. A. — Text-book of Zoology, Volt, {pS Cig yale égard à certains développements récents, dans quelle mesure on peut admettre que la psychologie zoologique, non contente de conti- nuer à emprunter à la taxonomie les faits et les notions auxquels nous faisions allusion plus haut, commence, à son tour, à lui four- nir des faits et des renseignements divers, autrement dit, à jouer à ‘son égard le rôle de science annexe. Savoir si cette réciprocité existe, c’est concrétement, compte tenu de l’objectif poursuivi par la taxonomie, savoir la valeur que peut avoir le comportement comme critére différentiel de classifi- cation. L’étude des conduites animales aura donc une incidence sur l'œuvre classificatrice de la taxonomie dans la mesure où il sera établi que, dans ses manifestations concrètes et jusque dans ses détails, le comportement est caractérisé par des actions stéréoty- pées dans Vespace et dans le temps, au point qu’elles puissent servir d’étiquette à un animal donné. Et certes, lorsque l’on sait l’extraor- dinaire diversité des conduites de toute nature que l’on rencontre chez les animaux, des formes dites inférieures à celles réputées su- périeures, qu’il s’agisse du cri ou du mode de vol des oiseaux, des comportements de nidification ou de ponte et des soins qu’accordent à leur progéniture la plupart des vertébrés, des poissons aux mam- mifères, ou encore des comportements sociaux que l’on observe tant chez les invertébrés que chez les vertébrés, on serait plutôt tenté de s’étonner que la taxonomie n’ait pas utilisé plus tôt ces carac- téristiques si nombreuses et si variées. Nous tacherons d’expliquer brièvement ce phénomène à la fin de cet exposé (1). La tâche qui nous incombe maintenant est d’évaluer ces carac- téristiques du comportement en fonction des critères de la taxono- mie classique en vue d’établir si elles peuvent, en principe, être de quelque utilité au systématicien. Examinons donc les exigences de la taxonomie classique, telle qu’elle est pratiquée par les spécialistes actuels. Mais ici se pose, au départ, un important problème de termino- logie : c’est la distinction due à Fage (1952) entre tazonomie et sys- tématique. « Le premier devoir pour un zoologiste qui observe un animal, écrit cet auteur, est de l’identifier, de savoir à quel genre, à quelle espèce il appartient. Le plus souvent et, avec plus ou moins de peine, d’hésitation, il arrive à lui donner un nom; cet art qui consiste à appeler correctement un individu, à lui mettre une éti- quette est à proprement parler la Taxonomie. C’est la besogne courante de tous les collectionneurs. Elle n’est pas sans difficultés, nécessite la consultation de nombreux ouvrages, des comparaisons minutieuses, une mémoire fidèle, un esprit critique aigu et une con- naissance déjà étendue du groupe considéré. Elle permet de met- tre de l’ordre dans les musées. (1) Nous avons discuté cette question dans une autre étude intitulée Space and time in taxonomy (Proc. Linnean Soc. London, sous presse). AS : UNE — 59 — « Mais les véritables difficultés commencent quand le biologiste s’interroge sur la signification du vocable qu’il vient ainsi d’attri- buer à tel ou tel animal. Indique-t-il avec les espèces du même genre un lien de parenté ? Quelle est la valeur de ces différences, en fait minimes mais qu’il a cependant reconnues, entre l’individu soumis à un examen plus attentif et ceux auxquels il le compare ? S’agit- ii de la réponse passagère à quelque variation du milieu, ou s’agit- il d’une modification d’origine plus profonde, et déjà inscrite dans le patrimoine héréditaire ? « Dès l’instant où le taxonomiste se pose des questions de cet ordre, et s’efforce d’y répondre, il fait œuvre de systématicien, c’est- à-dire qu’il cherche à mettre exactement tel ou tel animal à la place qui lui revient dans le système de la Nature. C’est pourquoi parler de systématique évolutive, de systématique biologique, c’est user d’un pléonasme, utile en vérité puisqu’il est destiné à rappeler le -but et les méthodes de cette discipline et à la distinguer de la Taxo- nomie qui, d’un mot, simplement, enregistre ses conclusions ‘». Si nous n’avons pas hésité à citer ce passage in extenso, c’est parce qu’il souligne de façon particulièrement nette le caractère technique de la taxonomie. Qu’est-elle en effet, d’après la descrip- tion qu’on vient d’en lire, sinon une technique d’information dis- criminative dont l’idéal pourrait se matérialiser sous la forme d’une classeuse automatique, alors qu’apparait au contraire, indis- pensable à l’œuvre de la systématique l’action interprétative et créa- trice de l’esprit opérant la synthèse des données ainsi récoltées ? Malgré cette restriction de principe, les critères dont dispose la taxonomie pour atteindre son but, possèdent, on va le voir, une extension considérable et touchent aux autres grands secteurs des sciences biologiques. On peut les classer dans les catégories sui- vantes : 1° Critèrés morphologiques. — Ils relèvent de l’apparence for- melle et de l’anatomie de l’animal considéré. La première donne lieu à une analyse quantitative et qualitative des caractéristiques exté- rieures tandis que la seconde utilise principalement les méhodes de la biométrie pour procéder à des mensurations comparatives des di- vers segments de l’organisme, lesquelles sont généralement expri- mées sous forme de rapports. 2° Critères biologiques. — S’il est vrai que l’apparence de lPani- mal « n’est que l’expression de la lutte entre les facteurs du milieu, extérieur et intérieur — sources principales des variations — et les facteurs héréditaires essentiellement conservateurs » (Fage, ibid. : 6), on comprend immédiatement la nécessité, pour le taxonomiste, de posséder, au sujet de l’espèce qu’il étudie, le maximum de ren- seignements d’ordre écologique (milieu extérieur) et biochimique (milieu intérieur) . En ce qui concerne particulièrement l’étendue du milieu exté- rieur, une intéressante étude de Poll (1952) a mis en évidence les relations existant entre la ségrégation géographique et la formation des espèces; l’auteur y montre de façon très claire qu’« examinés SN fase à des niveaux régionaux de plus en plus localisés, les effets de la sé- grégation géographique nous placent devant des différenciations de moins en moins prononcées » (p. 219). - | Mettant alors en regard le degré d’isolement géographique et les diverses catégories taxonomiques, il établit entre les deux un système de correspondance selon lequel la ségrégation locale donne- rait naissance aux microsous-espèces, la ségrégation régionale aux sous-espèces, la ségrégation intracontinentale aux espèces et aux genres, la ségrégation continentale enfin aux familles et aux catégo- ries taxonomiques plus élevées (ibid.: 220). Si cette hypothèse est exacte, l’utilité que la connaissance de ce type de relation entre l’organisme et le milieu peut avoir aux yeux du taxonomiste, est évidente : en effet, la simple indication du lieu d’origine d’un spécimen d’une espèce donnée le renseigne déjà provisoirement (et de façon encore imprécise) sur la position systé- matique de celui-ci par raport à un autre spécimen déjà classé. Sup- posons par exemple, qu’une carpe d’une coloration encore inconnue soit pêchée dans une rivière de France. Il est très probable, a priori, qu’elle ne constitue qu’une variation du genre Cyprinus, tel qu’il existe en Europe occidentale et qu’elle constitue une espèce nouvelle par rapport à celles appartenant au même genre mais vivant en Amérique du Nord. Il y a là une précieuse indication de départ sus- ceptible d’orienter des analyses ultérieures plus détaillées, d’ordre morphologique et physiologique, et dont notre exemple ne donne forcément qu’une idée grossière. Néanmoins les critères morphologiques et biologiques, malgré leur précision souvent très poussée, ne permettent pas d’arriver à des déterminations qui, au niveau spécifique tout au moins, soient absolument univoques. Il suffit d’ouvrir un traité de zoologie pour se convaincre que les synonymies d’espéces sont extrêmement nom- breuses. Le premier travail du taxonomiste qui procède à la révi- sion d’une espèce connue ne consiste-t-il pas en effet, à établir la liste des différentes dénominations qui ont servi à désigner, depuis la date de sa description originale, un seul et même animal consi- déré à tort par divers auteurs comme constituant chaque fois une espèce nouvelle ? Une telle situation ne peut évidemment résulter que de l’imprécision des critères. Or, celle-ci est imputable selon Laurent (1953), à deux causes principales: la méconnaissance de l’allométrie et l’imprécision des mesures. La première risque de faire considérer comme spécifiquement différents des spécimens qui représentent simplement des stades différents de développement on- togénétique ; la seconde risque de fournir des rapports biométriques erronés susceptibles d’être interprétés fallacieusement comme des indices différentiels, lors d’une comparaison ultérieure avec un spé cimen semblable. C’est pour éviter ces sources d’erreurs que le même auteur propose d’élaborer les critéres de la taxonomie mor- phologique sur une base statistique en recherchant les meilleurs ca- ractéres discriminatifs par l’étude des proportions. Cette méthode est, en bref, la suivante: on procède, sur un petit nombre d’indivi- AU Al dus appartenant à deux populations présumées différentes, à un nombre assez élevé de mensurations variées, On calcule ensuite pour chacune d’entre elles la moyenne et le logarithme de la moyenne. On établit alors, pour chaque population un histogramme où figu- rent, en abscisse et dans le même ordre pour les deux populations, les dimensions considérées, et en ordonnée les valeurs logarithmi- ques trouvées. Ces histogrammes sont ensuite superposés à partir d’une dimension de référence. Cette superposition fera apparaître des dif- férences positives ou négatives entre les colonnes correspondantes des deux graphiques. Dans ces conditions la différence la plus grande se trouvera entre les deux dimensions fournissant l’écart positif et l'écart négatif le plus grand. La première est celle dont le rapport à la dimension de référence chez une espèce dépasse le plus fortement le même rapport chez l’autre ; la seconde est celle dont le rapport à -]a même dimension chez la même espèce est le plus inférieur au même rapport chez l’autre espèce. On trouve de la sorte les deux dimensions dont le rapport aura le plus de chances d’être diagnos- tique. (id., ibid. 273-279). Une semblable méthode est sans doute de nature à éliminer un nombre considérable d’erreurs dues non seulement aux deux causes principales signalés plus haut, mais également à l’introduction de critères qualitatifs insuffisants résultant d'examens superficiels ou donnant lieu à des jugements trop subjectifs. Telles sont, brièvement décrites, les techniques taxonomiques classiques dont dispose le systématicien pour réaliser son œuvre. Ces techniques, nous venons de le montrer, comportent, à côté d’aspects relativement rigoureux, des aspects moins satisfaisants et notamment une finesse de discrimination qui se révèle souvent très insuffisante. Si les tendances actuelles de la taxonomie et particulièrement la ten- dance statistique, visent à introduire plus de rigueur dans cette science, que peut attendre le systématicien de l’introduetion dans celle-ci de critères nouveaux tirés de l’observation systématique du comportement ? Celle-ci pourra-t-elle jamais fournir des données suffisamment précises pour qu’elles puissent être utilisées en taxo- nomie ? Autrement dit, ces données possèderont-elles jamais une valeur différentielle comparable à celle des données morphologiques ou biologiques ? Tel est le problème auquel nous devons essayer de répondre maintenant. Nous l’avons fait précéder de considérations relativement éten- dues sur les techniques classiques de la taxonomie, afin que, connais- sant les pouvoirs et les limites de ces derniéres, nous puissions tenter d’y apporter une solution à la fois plus exacte et plus nuancée. Une grave erreur consisterait en abordant ce problème, à considérer le comportement comme une entité abstraite et uniforme. Si le schéma behavioriste (Stimulus-Réaction) suffit à rendre compte de toutes les formes de la conduite animale, toute originalité — on serait presque tenté, dans la perspective de la taxonomie, de dire: toute singularité — s’en retire, et toute possibilité de caractérisa- tion d’un animal par son action propre, disparait puisque par dé- finition, toute conduite quel que soit le niveau organique auquel on la constate, n’a de sens qu’une fois réduite à un « quid » fonction- nel identique dans tous les cas. 11 paraît done indispensable, si l’on veut trouver une solution au problème qui nous occupe d’insister avant toute chose sur la nécessité de remettre en honneur l’étude concrète . et détaillée des diverses formes de comportement que l’on rencontre dans le règne animal. Ici encore, remarquons-le, un paradoxe s’im- pose à nous: l’œuvre classificatrice de la taxonomie s’accommode mieux — toutes questions de méthodes mises à part — du point de vue de l’observation minutieuse telle qu’elle fut pratiquée par les anciens entomologistes par exemple, que du point de vue plus « strict » des behavioristes. On doit aux premiers et à leurs pareils une richesse d’information que n’atteignirent jamais — et à la- quelle ne visèrent d’ailleurs jamais, ne l’oublions pas — les seconds. Ajoutons en passant que le premier point de vue a été large- ment remis à l’honneur, avec l’apport de méthodes scientifiques éprouvées cette fois, par l’ethologie comparative. Il importe également, pour évaluer l’importance de la contribu- tion éventuelle de la psychologie animale au travail taxonomique, d’analyser les principales formes de comportement que l’on dis- tingue généralement afin d'établir si leurs caractéristiques propres les rendent utilisables dans un système de classification dont l’exi- gence de base est la fivité des critères (1). Il est clair que nous ne pouvons songer à passer en revue l’infinie variété des conduites ani- males, aussi nous contenterons-nous d’envisager certaines d’entre elles à propos desquelles le problème qui nous occupe se pose de façon particulièrement nette. 1° Les conduites acquises. Si, comme nous le disions il y à un instant, la fixité des critères est une exigence fondamentale de la taxonomie, il faut exclure au départ tous les comportements acquis pour la simple raison que tout apprentissage implique une modification de la conduite dans le temps et dans l’espace. Etant en outre très variable d’un individu à l’autre, il ne permet aucune différenciation permanente et générale. On pourrait cependant admettre à la rigueur que la capacité d’ap- prentissage puisse jouer le rôle de critère différentiel. Deux populations d'oiseaux constituées d’individus identiques sous tous les rapports à ceci près que les individus de la première mèneraient une vie exclusivement terrestre et ceux de la seconde une vie exclusivement aérienne, feraient sans doute l’objet d’une dis- crimination taxonomique ; on parlerait à leur sujet de deux races, (1) Voir également à ce sujet notre étude signalée p. 58 en note. sx peut-être même de deux espèces différentes (1). Or l’identité des structures morphologiques empêcherait toute différenciation de cet ordre. La distinction reposerait donc entièrement sur une différence dans la capacité d'apprentissage. Parmi les conduites acquises, il semble bien que ce soit l’impré- gnation (imprinting) qui constitue la forme d’apprentissage la plus caractéristique d’une espèce. Défini par les éthologistes à partir des observations de Heinroth (1910), qui avait constaté que de jeu- nes canards, élevés dans l’isolement à partir de l’œuf, avaient ten- dance à réagir aux humains qui les soignaient comme s’il se fût agi de leurs parents, ce comportement est lié à une forme d’acquisi- tion particulière, intermédiaire entre l’habituation et l'insight. (Thorpe, 1950: 402 sq. et 1956: 115 sq.) IL permet au jeune animal @apprendre pendant une période très courte (quelques heures ou méme parfois quelques minutes aprés la naissance) un certain nom- -bre de réactions indispensables à sa survie, comme les mouvements de saisie de la nourriture chez certains oiseaux, par exemple, réac- tions qui exigent pour se produire la présence dans le champ sen- soriel intéressé, de certains stimuli-signaux. Si ceux-ci ne se sont pas présentés pendant cette période, l’imprinting ne peut plus avoir lieu. Il s’agit donc d’un phénomène irréversible limité aux tout premiers moments de la vie individuelle. Ce comportement présente pour le systématicien, deux caractéristiques intéressantes : une fois acompli, il reste extrêmement stable dans son exécution; ensuite, c’est le processus qui permet à l’individu d’apprendre les compor- tements fondamentaux de l’espèce. Il apparaît donc comme une ca- ractéristique éthologique spécifique et invariable susceptible d’être utilisée comme critère taxonomique. L’imprinting est connu chez de nombreux oiseaux, chez certains poissons et peut-être chez quelques insectes (Id., ibid. : 403). 2° Le parasitisme. Si le parasitisme, comme tel, n’a jamais servi à définir une espèce, il exerce cependant de profonds effets sur la morphologie (1) Il est digne de remarque qu’en ce qui concerne particulièrement les oi- seaux, la taxonomie, tout en se fondant principalement sur des différences d’or- dre morphologique, ait attribué aux principaux ordres de la classe des noms caractéristiques du comportement ou du mode de vie : rapaces, passereaux, cou- reurs, etc. Le comportement migrateur, pour important qu'il soit n’a aucune incidence taxonomique précise ; quant à la distinction entre espèces diurnes et espèces nocturnes, elle était en usage bien avant que les travaux de Von Kries et surtout de Hecht n’eussent mis en évidence le fait morphologique de la dupli- cité rétinienne. On distingue de même chez les insectes dans l’ordre des orthoptères le sous-or- des orthoptères coureurs (Familles des Blattides, Mantides et Phasmides) et le sous-ordre des orthoptères sauteurs. (Familles des Acridides, Locustides et Grylli- des). A cette différenciation éthologique est cependant liée une différenciation mor- phologique : le développement des pattes postérieures ; chez les coureurs celles-ci sont grêles et ne sont pas construites pour le saut tandis que chez les sauteurs elles sont allongées et renflées aux cuisses, ce qui dénote une faculté de saut très développée. RAT pre et sur la physiologie des individus (réduction et perte d’organes, modifications dans le mode de reproduction, etc.), au point de les rendre méconnaissables après un certain temps. On constate ces altérations chez un nombre important de Crustacés. Les femelles de certains Copépodes parasites des poissons (Caligus rapaz, Chon- dracanthus lophii, Sphyrion levigatum, Hamobaphes cyclopterina, etc. (Lapage, 1951 - 143 sq.) se fixent sur leur hôte après la fécon- dation et subissent à partir de ce moment des modifications de struc- ture tellement profondes qu’il est impossible de dire si ce sont en- core des Crustacés. Seul un examen minutieux, l’observation de l'apparition des larves et surtout la connaissance de leurs mœurs parasitiques, permettent de les identifier; cette détermination est due en grande partie, on le voit, à l’observation du comportement qui se révèle être ici un critère fort utile. Il en va de même pour les mâles parasites de certaines de ces espèces, et particulièrement du Chondracanthus lophii qui, de-dimensions plus réduites que la femelle vit attaché à la partie postérieure du corps de cette dernière au voisinage des œufs. Cette situation particulière et permanente constitue incontestablement une caractéristique discriminative. Le parasitisme des mâles nains se rencontre d’ailleurs aussi chez les vertébrés : il est connu chez trois espèces de poissons abyssaux (sous- ordre des Cératioides): Photocorynus spiniceps, Ceratias Holbôlli et Edriolychnus Schmidti, dont les mâles peuvent être immédiate- ment identifiés par ce moyen. Le parasitisme entraîne également des modifications dans les comportements reproducteurs, comme l’hermaphroditisme, que l’on rencontre chez les douves et la parthénogénèse, caractéristique des tiques. Ces particularités éthologiques s’accompagnent de change- — ments physiologiques profonds, maïs constituent au même titre que les altérations morphologiques, des caractéristiques discriminatives apparaissant au niveau du comportement global et peut-être suscep- tibles d’utilisation en taxonomie. 3° Les associations plante-animal. Les végétaux constituent non seulement la nourriture mais aussi Vhabitat d’un nombre incalculable d’espéces animales et particuliè. rement des insectes. Le fait est tellement général que les descrip- teurs ont souvent caractérisé les diverses espéces d’insectes par la végétation élective ou la plante particuliére sur laquelle ils vivent. C’est ainsi que l’on parle de la Piéride du chou (Pieris brassice) de la Vanesse du chardon (Vanessa cardui), de la Chrysoméle du cresson (Phedon cochleariæ) ou du peuplier (Melasoma populi), etc. Cette élection écologique résulte d’un grand nombre de fac- teurs tant mésologiques et génétiques que physiologiques, qu’il ne nous appartient pas d'aborder ici. Notre seul but est d'insister une fois de plus sur le fait que cette élection est un comportement glo- bal qui peut être analysé en termes d’actions tropistiques positives et négatives, et qui constitue, par son caractère exclusif, une carac. ey ge téristique individuelle aussi nette qu’une différence morphologi- que (1). Un exemple mettra le fait clairement en évidence. On connaît, outre le hanneton commun (melolontha melolontlia) diverses autres espèces de hannetons qui diffèrent entre eux princi- palement par la taille et la coloration, mais dont certains vivent également sur des essences végétales différentes. C’est ainsi que l’on distingue le hanneton bronzé de la vigne (Anomala aenea) et le han- neton vert de la vigne (Anomala vitis), le grand hanneton du pin (Polyphylla fullo) et le hanneton du seigle (Anisoplia segetum). Il est fort probable que si la discrimination entre le hanneton du pin et le hanneton du seigle était établie sur la seule base de la différence de association écologique, elle serait aussi fine, du point de vue taxonomique que celle effectivement utilisée et qui repose sur une différence de taille et de coloration. : La valeur de ce critére éventuel de comportement est compara- ble à celle des critères qui permettent de distinguer les deux espèces de la vigne où, l’essence visitée étant la même dans les deux cas, seules peuvent entrer en ligne de compte des différences d’ordre morphologique. (1) L. V. Bujeau signale, dans une étude fort intéressante (La philosophie entomologique de J. H. Fabre, Presses universitaires de France, 1943), que Fabre lui-même avait proposé de substituer à l’anatomie, comme principe de classifica- tion, la nourriture spécifique. « On ne s’est guère occupé des insectes, écrit-il (p. 5-7) que pour les faire entrer dans la classification : c’est commode, il suffit de les rapprocher par leurs caractères structuraux. De leurs mœurs, la classification ne dit pas un mot. Pourtant, quoi de plus vivant que les mœurs ? Mais, dira-t-on, chaque espèce est étiquetée d’une appellation qui la désigne, et ne désigne qu’elle! En effet, par malheur, nous ne sommes pas plus avancés : si la classification est, pour ainsi parler, un vain jeu de patience, la nomenclature, à son tour, est ab- surde, la plupart du temps et par suite, stérile. On donne à l’animal des noms savants et barbares, dissimulant mal, dans le repli des syllabes grecques ou la- tines, une ignorance profonde de la réalité vivante. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, s’il eût été bien renseigné sur les mœurs de l’insecte qu’il dénommait, le savant n’eût pas appelé Rhynchites betuleti — Rhynchite du bouleau — le co- léoptère qui roule en longs cigares les feuilles de la vigne ! En définitive pourquoi classification et nomenclature ne font-elles point avancer d’un pas notre connais- sance de l’insecte ? Parce que l’une et l’autre travaillent sur des cadavres, parce qu’elles ne tiennent pas compte que des détails identiques de structure n’impli- quent pas forcément l'identité des mœurs... Ce qu’il nous faut étudier, par consé- quent, c’est l’insecte vivant, surpris dans |’ « exercice de ses aptitudes » ; nous pourrons peut-être, alors, déterminer un facteur constant pour une même espèce et qui permette de donner à celle-ci une dénomination précise répondant à quel- que chose de réel : « Je réclame, dit Fabre, une classification où les aptitudes de Vinsecte, son régime, son industrie, ses mœurs, aient le pas sur la forme d’un article antennaire ». Ce facteur invariable, Fabre croit l’avoir trouvé dans le genre de nourriture : « ...L’espece même peut, dans bien des cas, se déterminer d’après la nature des vivres ». Au lieu de me perdre dans le labyrinthe de mille détails de structure laborieusement notés, mais que leur abondance même rend confus, je considère, par exemple, que le Sphex « chasse des Ephippigères », et, avec ces trois mots, le jour aussitôt 8e fait ; je connais mon Sphex sans erreur possible, lui seul ayant le monopole de pareille proie. Pour donner ce vif trait de lumière, que faudrait-il ? observer réellement, et ne pas faire consister l’ento- mologie en des séries d’insectes embrochés ». wala core Ce critère de comportement a d’ailleurs été utilisé de façon systématique par Stokes ((1955) qui distingue sur cette seule base deux diptères identiques au point de vue morphologique, mais dont l’un, Dasyneura violæ, ne se reproduit que sur les espèces de vio- lettes viola tricolor et viola hortensis, tandis que l’autre (Dasyneura affinis) ne se reproduit que sur viola odorata. Si, quittant maintenant le domaine des associations plante-ani- mal on considère d’une façon générale les relations qui existent entre le comportement et la morphologie, on constate que les critè- res que la taxonomie peut trouver dans l’un et l’autre domaine ont une valeur discriminative sensiblement égale. Quoi de plus normal d’ailleurs, si l’on songe que la morphologie détermine, dans les pre- miers stades du développement ontogénétique, l’apparition et l’évo- lution de toutes les formes de conduite caractérisant tel organisme ou tel autre, quel que soit son niveau dans l’échelle animale. Les charancons Calandra granaria et Calandra oryz@ par exemple peu vent étre distingués par trois ordres de critéres repris dans le tableau ci-après : # CRITÈRES CRITÈRES . CRITÈRES DE se SPÈCES | MORPHOLOGIQUES | ÉCOLOGIQUES | COMPORTEMENT Calandra | Structures alaires| Vit sur le riz. | Vie aérienne. oryze normales Réactions opto- motrices. Calandra | Légère atrophie|/Vit sur. Vorge,|Incapacité au granaria alaire. le seigle et le} vol. Taille légérement} mais. Vie terrestre. supérieure. Pas de réactions optomotrices. Que ces trois ordres de critéres semblent également valables n’a rien de bien étonnant si l’on considère leur interdépendance. Celle-ci est surtout marquée entre les critères morphologiques et les critères tirés du comportement: le type de vie aérienne ou ter- restre dépend en effet du développement des structures alaires, el dé- termine à son tour la présence ou l’absence de réactions opto- motrices, ces dernières ne pouvant se produire que si l’animal est obligé de lutter contre le déplacement passif dû à l’action du vent. Or seule la vie aérienne expose à ce danger. (Dijkgraaf, 1956: 511 - Thines, 1957: 449). Vu la corrélation inéluctable entre la morpho- logie et le type de comportement il devient indifférent que l’on dis. tingue les deux espèces de charançons en fonction de l’un ou de OS Oar l’autre type de critère: le résultat est identique. Les critères éco- logiques, qui sont également des critères de comportement, sem- blent à première vue indépendants des deux autres type de critères ; ils aboutissent néanmoins à une séparation identique des deux espè- ces. Le systématicien disposerait donc dans les trois cas d’un moyen de classification possédant une finesse discriminative équivalente. L’anguille (Anguilla anguilla) constitue le seul genre de la fa- mille des Anguillidés (Ordre des Apodes) et comprend quatre espe- ces principales: l’anguille d’Europe (Anguilla anguilla), Vanguille d’Amérique (A. rostrata), Vanguille japonaise (A. japonica) et l’an- guille d’Australie (A. australis). Ces quatre espèces sont distinguées d’après leur moyenne vertébrale respective (nombre moyen de ver- tébres des différentes populations). Ce critére anatomique est hau- tement discriminatif en ce qui concerne l’anguille européenne et l’anguille américaine ; la première est caractérisée par une moyenne vertébrale d’environ 115, tandis que la moyenne de la seconde n’at- teint que + 107. Ces deux moyennes ont une variabilité très faible (Bertin, 1951). Le même critère n’aboutit cependant qu’à une dis- tinction beaucoup moins tranchée en ce qui concerne l’anguille eu- ropéenne et l’anguille japonaise, qui sont considérées, pour cette raison, Comme des espèces très voisines. Si l’on se tourne par ailleurs vers le comportement, on peut aisément distinguer les principales espèces d’anguilles, d’après la différence de distance couverte par celles-ci au cours de leur mi- gration. L’anguille américaine va, comme l’anguille d'Europe, pon- dre dans la mer des Sargasses, mais le voyage qu’elle accomplit dans ce but est environ trois fois moindre que celui de la première ; l’anguille japonaise et l’anguille australienne vont frayer à l’est, respectivement du Japon et de l’Australie, et les voyages qu’elles effectuent sont encore plus courts que ceux de l’anguille américaine (Bertin, 1949 : 429). Ces distinctions spécifiques sont aussi nettes que celles que l’on pourrait obtenir à partir de différences morphologiques tranchées ; elles sont d’ailleurs confirmées en théorie par les effets ségrégatifs résultant de l’isolement géographique tels qu’ils sont conçus dans l'hypothèse de Poll (1953) exposée plus haut. Il n’est pas inutile enfin, de montrer que si les distinctions ob- tenues au moyen de critéres tirés de la morphologie et du comporte- ment peuvent donner, comme le montrent nos exemples, des résul- tats convergents, il existe des cas où ces mêmes critères se révèlent les uns et les autres également inopérants, ainsi qu’il ressort de l'exemple suivant: Etudiant les poissons aveugles (Characidæ) vivant dans des grottes du Mexique central appartenant toutes à un même système hypogé, Breder et Rasquin (1947) constatèrent de légères différen- ces de pigmentation entre les individus provenant de biotopes dif- férents: Alvarez (1946) avait distingué antérieurement sur cette base, l’Anoptichthys hubbsi, originaire de la Cueva de los Sabinos et l’Anoptichthys antrobius, originaire de la Cueva del Pachon, ces Pa mse) en deux espèces étant elles-mêmes distinguées, pour la même raison, de l’Anoptichthys jordani, originaire de la Cueva Chica et décrit anté- rieurement par Hubbs et Innes (1936). Breder et Rasquin (1947) constatérent également chez ces trois espèces des différences dans les réactions photocinétiques. L’exa- men comparatif de la pigmentation d’A. Jordani et d’A. Hubbsi montre que les différences entre les deux espèces sont très faibles ; par ailleurs des mesures de la photocinèse d’A. Jordani (Thines, 1954), nous ont montré que la variabilité inter-individuelle des ré- sultats était considérable, circonstance ne permettant guère de con- sidérer cette réaction comme un critère fixe. Ni les critères structu- raux, ni ceux tirés du comportement ne permettent par conséquent d'établir ici une distinction spécifique tranchée. 4° Les conduites instinctives. Les conduites instinctives étant innées, peu modifiables par l’apprentissage et stéréotypées dans leur exécution, semblent bien posséder le caractère fondamental de fixité que les taxonomistes exigent de leurs critères. Il ne peut évidemment s'agir ici de fixité spatiale au sens de la taxonomie morphologique, mais de cons- tance dans le mode d’extériorisation du comportement, L’ab- sence complète de modifications importantes qué l’on constate d’une génération à l’autre et, dans une même génération, d’un individu à l’autre, dans l’exécution de la plupart des actions instinctives, ga- ‘antit la valeur de celles-ci comme critères taxonomiques. Remarquons qu’il ne peut en être ainsi que si l’on donne aux conduites instinctives la signification que leur donnèrent Whitman (1899) et Heinroth (1910) et que leur donnent actuellement les théo- riciens de l’éthologie comparative, c’est-à-dire celle d’actions par- cellaires stéréotypées et ritualisées. Ce n’est que dans ce sens que les instincts se prêtent à une ana- lyse qualitative et quantitative précise ainsi qu’au relevé des carac- téristiques souvent minutieuses qu’utilisent les systématiciens. Une étude récente d’Andrew (1956) a montré l’utilité que pou- vait avoir en taxonomie la connaissance détaillée d’actions de ce genre. Cet auteur étudia les mouvements intentionnels de vol chez une centaine de Passereaux (Emberizine, Richmondenine, Cardue- line et Ploceidæ). Ce sont principalement des mouvements des ailes et de la queue. Seuls les mouvements de la queue furent observés systématiquement et quantifiés sommairement au point de vue de leur déplacement latéral et de leur amplitude verticale. L’étude de la forme de la composante verticale permit de dis- tinguer quatre types différents de mouvements intentionnels qui peu- vent étre considérés comme des critéres taxonomiques discrimina- tifs. Ils permettent en effet de caractériser la sous-famille des Em- berizinæ, suggèrent que le pinson Fringilla est étroitement appa- renté aux Carduelinw, et enfin, que les Estrildinæ constituent un groupe isolé. Les quatre types de comportements que nous avons considérés Ne: Nees ne constituent qu’un échantillon réduit du registre trés étendu des conduites susceptibles de rendre service au systématicien en lui fournissant des critéres de classification. Si tous ceux qui étudient le comportement animal enrichissent chaque jour la somme des con- naissances déjà considérable en ce domaine, il ne reste qu’à souhai- ter que les systématiciens se tournent de plus en plus vers cette mine de renseignements, dont ils n’ont fait jusqu’à présent qu’un usage trés limité. On pourrait d’ailleurs légitimement se demander pour- quoi il en est ainsi, et supposer notamment que, de l’avis des systé- maticiens, ]’étude du comportement serait par sa nature même im- propre à fournir des critères valables. Nous avons vu plus haut (1) que Fabre lui-même ne le pensait pas et qu’il estimait même, au moins en ce qui concerne les insectes, que certains comportements caractéristiques permettraient d’établir des critères de classifica- tion plus sûrs et plus commodes que les données de l'anatomie. S’il n’a guère été suivi dans cette voie, c’est à notre sens pour les raisons suivantes : 1° En premier lieu, la facilité relative avec laquelle les insec- tes se prêtent à l’observation n’existe pas au même degré chez tou- tes les autres classes d'animaux. S'il est possible d’observer à loisir, au même titre que les insectes, un grand nombre de poissons et d’oi- seaux, un nombre considérable d’autres animaux pratiquent un mode de vie et occupent un habitat qui rendent impossible toute observation détaillée et suivie de leur comportement. 2° Historiquement, l’étude systématique du comportement est apparue assez tardivement. Si beaucoup d’entomologistes et d’or- nithologistes se livrèrent, dès le milieu du siècle passé, à des obser- vations multiples et minutieuses sur les mœurs des animaux, ils manquèrent la plupart du temps d’hypothéses directrices et se préoc- pérent plus de rechercher la signification philosophique de l’ins- tinct que d’en découvrir les constantes phénoménales. Ajoutons à ceci l’influence du behaviorisme, qui eut pour effet, au début de ce siècle, en proposant un schéma mécaniste et uni- forme applicable en principe à tous les niveaux du comportement, de détourner les psychologues de l’étude des caractéristiques indi- viduelles et concrètes de la conduite animale. 3° Enfin, il est hors de doute que les caractéristiques morpho- logiques individuelles possèdent aux veux du classificateur l’avan- tage d’être des structures typiques d’ordre visuel permettant des comparaisons rapides et relativement faciles entre spécimens fixés. Cette fixité du matériel insistons-y, semble avoir joué un rôle im- portant dans l’orientation prépondérante des techniques taxonomi- ques vers l’étude de la morphologie. Il est sans nul doute plus sim- ple de comparer l’aspect extérieur de deux spécimens et de soumet- tre ceux-ci à des mesures diverses, qui sont, remarquons-le bien, des mesures véritables au sens de la métrologie, que de recourir à (1) Cf. note p. 73. _ des observations de comportements qui reposent toujours sur le té- moignage plus ou moins autorisé d’un observateur (si prudent que puisse être ce dernier et quelque caractéristiques que puissent être ‘les conduites observées), et qui, en outre, ne sont pas aisément re- productibles. ; : Certes, il ne saurait être question de prétendre substituer les critères du comportement à ceux qu’a patiemment élaborés la sys- tématique au cours de son développement et qu’elle à d’ailleurs por- tés à un haut degré de perfection. Si cette tâche n’était pas impos- sible, elle ne serait même pas souhaitable: outre qu’une comparai- son soigneuse des distinctions obtenues par Vapplication des deux types de critères, montrerait, selon le cas, lequel est le plus indiqué, il est probable que leur utilisation conjointe permettrait de résou- dre certains problèmes taxonomiques particulièrement ardus. Le seul objectif que doive donc se proposer en ce domaine la psycholo- gie animale sous ses diverses formes, est de contribuer, dans toute la mesure de ses moyens, à l’œuvre de la systématique, pour méri- ter d’être considérée dans l’avenir comme une des sciences auxiliai- res de la zoologie. TRAVAUX CITÉS ALvaREz J. (1946). — Revision del genero Anoplichthys con descripcion de una especie nueva (Pisce. Characidae). An. Escuela Nac. Cienc. Biol. Mexico, Vol. IV : 263-282. Anprew R.J. (1956). — Intention movements of flight in certain passerines, and their use in systematics. — Behaviour, Vol. X, part 1-2 : 179-204. 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Among such factors, the following had no significant effect in our experiments on defecation scores: (a) deprivation of form vision from birth until the standard age of testing (100 days), (b) handling or gentling daily from 56 days of age until tested, and (c) sexual experience, including parturition and suckling a litter in females, before testing. The ambulation scores were, however, significanily increased by sexual experience. This effect was observed in both sexes, and is atlri- buable in females to the experience of suckling a litter. Defecation was reduced significantly by : (e) previous experience of the same test at an early age, though this effect is confined to young rats (50 days old) and is not seen in older ones. Both the defecation and the ambulation scores were affected. by : (j) strain differences, as was seen in a study of five pure-bred strains of different coat colours, which, together with a selective breeding study of emotionality now at the seventh generation, provides a basis for a gene- tical analysis of this behavioural trait in the rat. — 73 — -REFERENCES Hatt, C.S. — Emotional behavior in the rat: I. Defecation and urination as measures of individual differences in emotionality. — J. comp. Psychol., 1934, 18, 385-403. BroapHurst, P.L. — Determinants of emotionality in the rat : I. Situational factors. — Brit. J. Psychol., 1957, 48, 1-12. Broapuurst, P.L. — Determinants of emotionality in the rat : II. Ante- cedent factors. — Brit. J. Psychol., 1958, 49, 12-20. Broapuurst, P.L. — Determinants of emotionality in the rat : III. Strain differences. — J. comp. physiol. Psychol., 1958, 57, 55-59. ACTION ANTAGONISTE DE LA CHLORPROMAZINE ET DE L'AMPHETAMINE SUR LE CONDITIONNEMENT DE FUITE CHEZ LE RAT par CARDO B., Bordeaux : [. — INTRODUCTION L’étude pharmacodynamique du conditionnement commencée par Pavlov et ses collaborateurs, et développée surtout depuis la dé- couverte ou la synthèse de substances excitantes ou au contraire tranquillisantes, a permis de montrer que le réflexe conditionnel est sensible à certaines substances chimiques. C’est le cas en particu- lier de la chlorpromazine et de l’amphétamine dextrogyre (maxiton). _ Il est connu que la chlorpromazine perturbe le conditionne- ment. Citons les travaux de M™ Courvoisier sur le conditionnement de fuite chez le rat (4-5), le travail de M. Malméjac sur le condi- tionnement salivaire (15), ainsi que ceux de Floru sur les réflexes conditionnels alimentaires (10), de Jacobsen sur un réflexe condi- tionnel de fuite (13), de Votova sur des réflexes conditionnels di- vers (22), d’Old sur un réflexe conditionnel établi par self-stimula- tion de certains noyaux hypothalamiques et paléocorticaux (18), de Rutledge et Doty sur un réflexe conditionnel par stimulation corti. cale directe (20), de Mirsky sur l’exctinction d’un réflexe condition- nel ((16). Tous ces auteurs reconnaissent le rôle perturbateur de la chlorpromazine sur le conditionnement. En ce qui concerne l’amphétamine, certains résultats bien que - moins spectaculaires méritent d’être mentionnés. Plane et Bogaert ont noté une augmentation de la performance d’un réflexe conditionnel salivaire chez le chien (19). Wentink a noté également une augmentation du nombre des réponses lors d’un conditionnement dans une boîte de Skinner (24). L'ensemble de ces résultats pouvait laisser supposer une action antagoniste des deux substances, vis-à-vis d’un réflexe conditionnel, antagonisme qui trouverait une explication relativement satisfai- sante dans certaines théories récentes faisant intervenir la forma- tion réticulée comme un lieu d’intégration biochimique sensible à l’action de ces drogues. C’est pourquoi nous nous sommes attachés depuis quelques mois à l’étude de l’antagonisme de ces substances sur un réflexe conditionnel. C’est le résultat de nos premières ex- périences que nous voudrions vous Communiquer aujourd’hui. II. — CONDUITE DE L'EXPÉRIENCE 1° Conditionnement. — Un réflexe conditionnel de fuite a été élaboré chez 10 rats albinos (8 mâles et 2 femelles) âgés de 4 à 6 mois. L’appareil utilisé, dérivé de celui de Warner (23), comprend deux grilles électrisées alternativement, et séparées par une barrière elle-même électrisée. Un microphone, placé au-dessus de chacune des grilles, peut émettre des sons purs, d’intensité, de fréquence et de durée variables. Les paramètres utilisés dans la présente expé- rience sont les suivants : Stimulation électrique des grilles (stimulation inconditionnelle. 50-70 volts. Durée : 4 secondes. Stimulation auditive (stimulation conditionnelle). 90 dbs. 700 c/s. Durée: 2 secondes. ; _Intervalle séparant la fin de la stimulation conditionnelle du début de la stimulation inconditionnelle: 0 seconde. L'animal doit donc sauter pendant l’émission du son, afin de ne pas recevoir de renforcement. Chaque animal était soumis chaque jour, à deux séan- ces de 25 essais chacune. Les expériences de conditionnement ont été poursuivies jusqu’à ce que la performance individuelle des animaux atteigne 80 %. La stabilité du réflexe conditionnel ainsi élaboré a été vérifiée pendant toute la durée des expériences. 2° Action de la Chlorpromazine seule. — Dès que le critère de 80 % a été atteint, après un dernier contrôle de la performance nor- male, les perturbations du conditionnement sous chlorpromazine ont été étudiées sur dix animaux. Le produit a toujours été injecté par voie intrapéritonéale (sup- pression du léchage et absence de gêne de Ja’ marche). Le contrôle débutait 15 secondes après l’injection et était poursuivi pendant 5 à 8 heures à raison de deux contrôles par heure. Chaque contrôle con- sistait à soumettre l’animal à dix essais en utilisant les mêmes pa- ramétres que ceux précédemment définis. Des variations indivi- duelles importantes sont apparues en utilisant toujours la même dose de produit. Aussi les animaux ont-ils subi plusieurs contrôles du réflexe conditionnel sous chlorpromazine, en utilisant des doses croissantes, afin de rechercher le seuil de réaction caractéristique. Les doses utilisées dans la présente expérience vont de 1,5 mg/kg à » mg/kg. PEN ag ae 3° Action de Vamphétamine dextrogyre seule. — L’étude de ce produit n’a pas été poussée si loin que celle de la chlorpromazine pour des raisons qui seront exposées ultérieurement. Toutefois, qua- tre animaux ont subi des injections intrapéritonéales d’amphéta- mine dextrogyre à raison de 0,5 mg/kg. Le contrôle expérimental a été le méme que celui utilisé pour la chlorpromazine. 4° Actions conjuguées de la chlorpromazine et de Vamphéta- mine. — Deux types d’expériences ont été provoqués. a) Recherche d’une action préventive éventuelle de l’amphéta. mine sur l’action de la chlorpromazine (trois animaux). A cet effet une dose de 1 mg/kg de maxiton était injectée, tou- jours par voie intrapéritonéale; une demi-heure plus tard la dose convenable de chlorpromazine était administrée. Le contréle expérimental habituel était alors appliqué. b) Recherche d’une action curative de l’amphétamine sur la chlorpromazine (dix animaux). Dans ce second cas, le maxi- ton n’était administré que quand la chute, due à l’action de la chlorpromazine atteignait son maximum. C’était done au cours du contrôle expérimental que l’amphétamine était injectée. Le temps séparant les deux injections variait de 1h. 30 à 5 heures, c’est-à-dire que l’administration du maxi- ton avait toujours lieu pendant l’action optima de la chlor. promazine. III. — RÉSULTATS 1° Action de la Chlorpromazine seule. Sous réserve de quel- ques détails, il est certain, comme cela avait été déjà mis en évidence par de nombreux auteurs, qu’un réflexe conditionnel est très sérieu- sement perturbé par la chlorpromazine. Tableau 1. — Le tableau 1 résume les performances individuel- les normales et sous chlorpromazine. Les moyennes générales pour l’échantillon des dix rats s’éta- blissent à 78,95 % pour un conditionnement normal et à 25,81 % pour un conditionnement sous chlorpromazine. Courbe 1. — La courbe 1 est encore plus instructive. Chaque point de la courbe représente la performance moyenne des dix ani- maux; le premier point représente la moyenne des performances avant l’injection. Les deux lignes horizontales en pointillé correspondent au ni- veau moyen de performance respectivement du réflexe condition- nel (ligne inférieure) et du réflexe inconditionnel (ligne supérieure), ce dernier étant la réaction de fuite au choc électrique. La ligne brisée supérieure donne la perturbation du réflexe inconditionnel qui, à l’état normal, demeure à 100 %. La différence entre le réflexe inconditionnel et le réflexe condi- tionnel sous chlorpromazine indique done bien que ce dernier est beaucoup plus sensible au produit que le réflexe inconditionnel. Performance apres stabilisation du conditionnement 90% 192% 109% > < Ô 3 N +s w oe iN 5 w res a 78.95%: 25.877 Action de la CHLORPROMAZINE (15.5 mg/Kg) sur un conditionnement de fuite . MOYENNES DES PERFORMANCES INDIVIDUELLES . SSD Sc : Son pur 0 dbs. 700 C/s. Durée 2 secoudes St: Choc electrique. 50.70 vols Durée : 4 secoudes ftervale : 0 secoude { se intrsperitonesle ) “SdW3SL° 08 Ohnt nh M9 9 SG of 867 oD Mar of Did "+ ne “JOIE fy OP PUF aur SY om pas sa uveurofs3, eue "sPwsew "Sy op veuve s2uP uty ao “HOLIXVE snes cid PUIVMONAIONS S105 TY ae suuslouw ovewsrota, ms : apnebgr "INIZVWOËHdHOTHD ep uorosfu,; sod eqinjied ayiny ap {USWUA@UUOHIDUOD un | dns SNINYVL3HAWY "A DI ep uoy2y ; € BauNOD ue = JONVNYOAYSd * KAVHWINY OF ans §331NDIW2 SINW340W Balas Ale a) action préventive du maxiton. — Aucune action préventive nette n’a pu être mise en évidence (Il est vrai que seuls 3 animaux ont subi cette épreuve). Après injection d’am- phétamine, la chlorpromazine entraîne une perturbation du conditionnement identique à celle obtenue avec la chlorpro- mazine seule. b) action curative du maæiton. — 10 animaux ont subi cette épreuve (certains l’ont subie plusieurs fois). Les résultats sont extrêmement nets, et même souvent spectaculaires. Le tableau 3 résume ces résultats individuels. La courbe 3 résume les résultats du tableau. Chaque point calculé est la moyenne des 10 animaux. La partie gauche de la courbe indique la performance moyenne sous chlorpro- mazine, la partie droite de performance moyenne après in- jection de maxiton. Il faut ajouter que l’action de l’amphétamine est généralement très rapide. 7 animaux sur 10 ont retrouvé leur perfor- mance normale 30 minutes au plus tard après l’injection. Les 3 autres rats réagissent plus lentement entre 1 heure et 2 heures après l’administration de maxiton. Si l’on compare les performances moyennes normales et après injection de maxiton, on arrive à des résultats semblables : Conditionnement normal . . ......... Aner maa re 8 Conditionnement perturbé par la chlorpro- mazine puis rétabli par le maxiton ........ 75,35 Nous n’avons enfin constaté aucune nouvelle baisse de la per- formance lors des contrôles successifs pendant les 5 heures qui suivent l’administration d’amphétamine. CONCLUSIONS Quelles conclusions pouvons-nous dégager de l’exposé précé: dent ? Deux faits semble-t-il peuvent être retenus: 1° En ce qui concerne l’action de la chlorpromazine seule sur le réflexe conditionnel, nous ne saurions qu’apporter une confirmation supplémentaire à un fait bien établi par de nombreux auteurs. Aussi n’insisterons-nous pas sur ce point. Un probléme plus important et pins discuté est posé par le mode d’action de cette drogue. Nous : n’avons certes pas la prétention dans le cadre de ce modeste travail de répondre à cette question. Toutefois quelques remarques prélimi- naires peuvent être formulées. a) L'animal sous l’influence de la drogue présente les mêmes signes extérieurs de crainte lorsqu'il est introduit dans l'appareil que l’animal normal (défécation exceptée). b) Pour un animal sous chlorpromazine le stimulus conditionnel (son) à perdu toute signification. Donc puisque simultanément la signification du stimulus condi- tionnel disparaît alors que la crainte demeure, la perturbation ne ibd semble porter que sur la transmission ou le transfert de cette signification. 2° Un second point semble à nos yeux digne d’attention, c’est Vantagonisme de l’amphétamine et de la chlorpromazine vis-à-vis d’un réflexe conditionnel de fuite. Nous ne pouvons que rappeler ici que cet antagonisme au niveau du comportement est parallèle à celui trouvé au niveau des enregis- trements corticographiques par certains auteurs. Dell et ses collabo- rateurs en particulier ont retrouvé cette action opposée de l’amphé- tamine et de la chlopromazine, sur les réactions d’activation de la réticulée, le maxiton entraînant un réveil cortical semblable à celui obtenu par l’adrénaline (11), la chlorpromazine au contraire suppri- mant les effets de l’adrénaline et déprimant les réponses de la réti- culée aux excitations sensorielles et nociceptives (12). Ce parallélisme d’action sur le plan électrophysiologique et sur celui du conditionnement nous inciterait à penser que la disparition du réflexe conditionnel résulte bien de Vinhibition de la formation réticulée par la chlorpromazine. Nous ne saurions toutefois terminer sans préciser que ce ne sont là que des hypothèses, et nous ne saurions espérer sur la base d’une expérience si limitée dépasser le stade qui consistait à les formuler. BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE 1. Bonvattet, DELL el HuGuELIN. — J. de Physiologie, n° 46, 1954, p. 262. 2. 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A cause de l’ana- logie de ces phénomènes avec ceux qu’étudie l’embryologie, les bio- logistes ont examiné essentiellement l’histogénèse et la morpholo- gie des régénérats, et se sont fort peu occupés de leur comporte- ment ; nous ne connaissons qu’un seul auteur, H. Bock, qui, en 1930, a observé certains aspects de leur phototropisme. Cet auteur a montré qu’il y a toujours prédominance au moins temporaire de l’une des têtes chez des monstres bifides, malgré la bipolarité di- rectionnelle de ces régénérats. Commençant à notre tour une étude systématique du comportement des régénérats monstrueux de Pla- naires, notre idée a été de nous servir de la remarquable plasticité de ces animaux pour essayer de découvrir certains aspects du dé- terminisme des comportements tropistiques non observables chez les animaux normaux. 2. Obtention des monstres. Jusqu'à présent nous n’avons étudié que les comportements de deux sortes de régénérats: les monstres bifides et les hétéromorpho- ses (fig. 1). Pour obtenir les monstres bifides, on coupe longitudina- lement les Planaires normales (Planaria lugubris O. Sch.) entre les — 88 — , deux yeux, jusqu’au pharynx. Vingt-quatre heures après l’opéra- tion, on les recoupe au même endroit pour éviter que la blessure se cicatrise. On conserve ces Planaires au frais et à l’ombre; on ne les met en expérience qu’au moins trois semaines après l’opération, car le système nerveux n’est régénéré complètement qu'après vingt et un jours (Lender). 1cm mm Monstre bifide Hétéromorphose Fig. | Monstre bifide. Hétéromorphose. Les hétéromorphoses de Planaires sont des monstres que lon obtient en coupant les tétes de ces animaux juste derriére les yeux et en les conservant également au frais et à l’ombre. Au bout de huit jours et dans cinquante pour cent des cas environ, une deuxième tète régénère en sens opposé. 3. Appareillage. Les techniques employées dans l’étude du galvanotropisme des monstres sont essentiellement celles qu’a décrites G. Viaud pour observer les réactions galvanotropiques des Planaires ainsi que pour mesurer leur anisotropie électrique. Le montage classique pour l’étude du galvanotropisme se compose d’une batterie d’accumula- teurs, d’une résistance variable, d’un galvanomètre, d’un inverseur de courant et d’une cuve à électrodes impolarisables. L’anisotropie électrique est mesurée par la différence des valeurs de la conduc tance en sens homodrome et en sens antidrome. On fait cinq mesu- res dans chaque sens par animal. Et Pour l’étude du phototropisme nous avons employé un faisceau de rayons parallèles de lumière blanche qui éclaire une cuve de verre à faces parallèles dans laquelle nagent ou rampent les ani- maux. La cuve est placée sur une platine réfrigérante où passe un courant d’eau qui maintient la température de la cuve au voisinage du thermopréférendum des Planaires (17°). On peut interposer des filtres de couleur entre la source de lumière et la cuve. On se sert en particulier d’un filtre rouge pour obtenir du phototropisme posi- tif, les Planaires étant généralement lucifuges en lumière blanche ou avec des ondes courtes. Un deuxième système d’éclairage, ana- logue au premier, donne un faisceau de rayons parallèles qui coupe DL NOR le premier à angle droit dans la cuve et permet d’éclairer les ani- maux simultanément ou alternativement avec les deux sources. On observe les animaux à la loupe binoculaire. 4, Résultats. I. — Galvanotropisme a) Monstres bifides: Les monstres bifides sont cathodiques. comme les Planaires nor- males. Mis préalablement en position homodrome (téte vers la ca- thode) ou en position transverse, tous les monstres nagent vers la cathode ; mais en position antidrome (têtes vers l’anode) il faut dis- tinguer deux cas: 1° Les monstres dont une seule téte dirige la locomotion se re- tournent vers la cathode comme des Planaires normales. La téte subordonnée n’est pas toujours dirigée vers la cathode; elle se laisse traîner et de ce fait est orientée vers l’anode ; l’entraînement est es- sentiellement mécanique (fig. 2). Fig. 2 Monstre bifide, ayant une tête directrice, soumis à l’action d’un courant galvanique, en position homodrome. 2° Lorsque les deux têtes sont directrices, elles essaient toutes les deux de se retourner vers l’extérieur de leur corps pour s’orien- ter vers la cathode. Le plus souvent leur partie commune se déchire. Les deux têtes semblent donc être totalement indépendantes. Pour- tant au bout d’un certain temps, le monstre bifide relève ses têtes dans le plan vertical pour essayer ‘de se retourner. Dans un seul cas, il est arrivé à se retourner entièrement sur le dos (ce qui prou- verait que l’orientation cathodique est une tendance plus forte que le thigmotropisme ventral de la Planaire ou répulsion à être couchée sur le dos (Pearl, 1903). Mais généralement après quelques efforts infructueux il se pelotonne sur un côté et ne bouge plus. (Fig. 3). <3 : ne 5 @ © Fig. 3 Monstre bifide ayant deux têtes directrices, soumis à l’action d'un cou- rant galvanique, en position antidrome, Des mesures de conductance ont montré: a) Que les monstres, tout comme les Planaires normales, pré- sentent une anisotropie de conduction électrique (conductance en sens homodrome plus grande qu’en sens antidrome), et que cette anisotropie varie en fonction de leur taille (méme ordre de grandeur que l’anisotropie des Planaires normales (Viaud, 1952). (Voir ta- bleau 1). Tableau 1. Anisotropie des Plansires Anisotropie des sonstres norssles (abo x 107°). bifides (mho x 107°), Fig. 4 Tableau |. Variation de l’anisotropie électrique des monstres doubles en fonction de leur taille. b) Que l’anisotropie électrique est plus grande entre la tête di- rectrice, quand il y en a une, et la queue qu’entre la tête subordon- née et la queue. Maïs elle est à peu près équivalente entre chaque tête et la partie postérieure chez les Planaires dont les deux têtes sont directrices. (Voir tableau IT). Tableau Il A ; : 1 tête directrice inal NMS ae 1 téte suborionnée. Taille (ar) anisotropie Anisotropie (mho x 1078), 6 (imho x) 30 7) Tête directr. Tête subord. $ Nota: Les valeurs affectées du sifne mefatif indiquent des anisotropies inverses par rapport à l'anisotropia normale. Fig. 5 Tableau 11. Anisotropie électrique des deux catégories de monstres bifides. Ces mesures permettent d'expliquer le déterminisme du com- portement galvanotropique de ces deux catégories de monstres: se- lon Viaud, le sens des réactions galvanotropiques est déterminé fondamentalement par une anisotropie électrique des tissus de l’or- TOR EE ganisme, ceux-ci conduisant mieux le courant en sens homodrome qu’en sens antidrome. Donc quand l’anisotropie de conduction est la même entre chaque tête et la queue, il y a un conflit entre les deux moitiés qui tendent toutes deux à diriger l’animal entier. Au con- traire quand l’anisotropie de conduction est plus élevée pour une des têtes, celle-ci prend facilement la direction et l’autre suit passi- vement. Ainsi, nos observations s'accordent avec les conclusions de Viaud. Nous allons voir que l’anisotropie électrique est également le facteur fondamental qui détermine l'orientation galvanotropique chez les hétéromorphoses des Planaires. b) Hétéromorphoses. Nous avons suivi les différents aspects du comportement galva- - notropique de ces monstres à partir du jour de l’opération jusqu’à la régénération complète d’une hétéromorphose dont la deuxième tête est bien différenciée. Nous avons pu définir trois stades pen- dant cette régénération : Premier stade: Les deux premiers jours, la plupart des segments coupés ne réagissent pas galvanotropiquement dans le courant, le. quel ne provoque que des oscillations non orientées. Nous avons fait des mesures de conductance à l’aide de très fines électrodes sur 32 de ces segments — 5 mesures par animal —. Un traitement sta- tistique de nos résultats a montré que le courant ne passe pas mieux en sens homodrome qu’en sens antidrome, et que la différence de con- ductance en sens homodrome et en sens antidrome n’est pas signi- ficative : en moyenne: C homo = 0,42 x 10 —6 mho (¢ = 0,09) C anti = 0,41 x 10-8 mho (« = 0,09) Il est compréhensible alors qu’un tel segment de Planaire qui ne possède pas d’anisotropie électrique, ne présente pas non plus de galvanotropisme cathodique. Deuxième stade: Du troisième au dixième jour environ, le seg- ment de Planaire effectue des mouvements de manège quelle que soit la position du segment dans le sens du courant. Ces mouvements de manège ne conduisent l’animal dans aucune direction définie. Un tel comportement nous paraît actuellement difficile à expliquer. Troisième stade: Quand les yeux sont bien régénérés et pour une intensité de courant suffisante, l’hétéromorphose se met en po: sition transverse. Les deux têtes essayent de s’orienter vers la cathode, mais l’animal se contracte et reste fixé transversalement dans la cuve (fig. 6). Sur vingt Planaires, 5 mesures par animal, nous avons mesuré la conductance en sens homodrome et en sens antidrome dans la téte ancienne et dans la téte régénérée, Fig. 6 Galvanotropisme des hétéromorphoses ; 3° stade. Orientation en fer à cheval. Un calcul statistique, significatif au seuil de probabilité de 5 %, montre qu’il existe une anisotropie électrique dans chacune des têtes : Tableau III. Tête ancienne C hoso = 0,40 C anti = 0,31 Tête rigén2rée C homo = 0,:8 C spti = 0,0 Fig. 7 Tableautil. Anisotropie électrique des deux têtes des hétéromorphoses. Mais les différences de conductance dans les deux têtes entre le sens homodrome et le sens antidrome ne sont pas significatives. On a donc affaire à deux anisotropies électriques de sens opposé dont la résultante est nulle. Cela explique le fait que l’hétéromorphose reste transversalement dans le courant bien que chaque tête tente de prendre une orientation cathodique. Remarque. — Viaud a montré que l’anisotropie électrique dé- croît linéairement en fonction de la taille et tend vers zéro pour une Planaire normale de 2 mm. Une hétéromorphose qui mesure entre 0,5 et 1,5 mm ne devrait plus présenter d’anisotropie électri- que; c’est le cas des segments de Planaires opérés de la veille. Les hétéromorphoses qui ne sont guére plus grandes, présentent cepen- dant une double anisotropie électrique. Ces résultats semblent con- tradictoires mais ce n’est peut-étre qu’une apparence: la région coupée est une région particulière où affluent entre quatre et cing jours des néoblastes dispersés auparavant dans tout le segment et qui migrent vers la blessure pour former un blastéme de régénéra- tion ; il est très vraisemblable que, dans cette région, des phénomè- -nes électriques particulièrement intenses se produisent, ce qui ex- oc Vanisotropie anormale observée dans les hétéromor. phoses, pal pla II. — Phototropisme Nous avons été frappé par l’analogie que Vobservation nous a montrée entre les comportements phototropiques et galvanotropi- ques des monstres bifides et des hétéromorphoses. Cette analogie entre les comportements laisse supposer qu’il y a aussi une analo- gie entre leurs déterminismes, ; a) Monstres bifides. — En lumière blanche, comme les Planai- res normales, les monstres doubles sont phototropiques négatifs. Mais ces animaux peuvent se diviser en deux groupes, quant aux aspects de leur comportement photonégatif : 1° Monstres bifides dont une seule téte dirige la locomotion ; la région postérieure et la téte directrice forment un ensemble dont le comportement est tout à fait comparable à celui d’une Planaire normale. Ils fuient la lumière en ligne droite, et, dans deux fais- ceaux perpendiculaires d’égale énergie, prennent la direction de la résultante. Quant à la tête subordonnée, elle a une orientation quel- conque et se laisse entraîner passivement par la tête directrice (fig. 8). Cette tête, détachée de l’organisme, a un comportement phototro- pique négatif net et bien orienté. L Le Fig. 8 Monstre bifide ayant une tête directrice, fuyant dans un faisceau de rayons parallèles de lumière blanche. 2° Monstres bifides dont les deux têtes sont directrices; leurs mouvements sont indépendants les uns des autres; quand on les place têtes à l’opposé de la lumière, elles essaient de fuir, mais leur locomotion est très lente à cause de l’indépendance de leurs mou- vements. Par contre, quand on les place face à la lumière, les deux têtes essaient de se retourner à l’opposé de la source; elles pivotent vers le plan sagittal du corps et par conséquent se croisent l’une sur l’autre. Le mouvement photonégatif de l’organisme est ainsi blo- qué. La Planaire essaie alors d'échapper à la lumière par d’autres moyens: chaque tête se glisse alternativement l’une sous l’autre, ou bien chaque tête se replie sous elle-même et se cache sous la par- tie qui la porte. (Fig. 9). ; ® Fig. 9 Monstres bifides ayant deux tétes directrices, faisant face 4 un faisceau de rayons paralléles de lumiére blanche. Ii est à remarquer que leur comportement n’a rien de stéréotypé. Nous avons observé le cas intéressant de monstres bifides qui avaient, dans un faisceau lumineux de lumière orangée une tête _ photopositive et l’autre photonégative. Si les deux têtes sont direc- trices, chacune tire de son côté, et la Plamaire peut se déchirer. Si une tête l’emporte sur l’autre, par exemple la tête photopositive, la tête négative se cache sous la partie postérieure. b) Hétéromorphoses. — Comme pour le galvanotropisme, nous avons suivi les variations du comportement phototropique de ces monstres à partir du jour de l’opération jusqu’à la régénération complète des hétéromorphoses dont la deuxième tête est bien diffé- renciée. Ici, également nous avons pu distinguer trois stades : Premier stade: les segments de téte sont trés phototropiques négatifs; ils s’orientent rapidement et se déplacent aussi vite que des individus entiers. Cela tient vraisemblablement à ce que ces segments possèdent non seulement la partie céphalique du système nerveux et les yeux, mais encore une région cicatricielle très sensi- ble à la lumière. La rapidité de ces réactions à la lumière contraste avec la quasi-immobilité des mêmes segments à l'obscurité, Nous n’avons jamais observé de réactions photopositives chez ces segments. Deuxième stade: Entre le troisième et le septième jour, le seg- ment qui régénère s’oriente encore négativement, mais ces mouve- ments sont de plus en plus lents; on observe une perte progressive de la photocinése et une difficulté de plus en plus grande à s’orien- ter. Au bout de quelques dizaines de secondes ou de quelques minu- tes dans le champ lumineux, l’animal perd son orientation et fait des mouvements de manège. Ces mouvements cessent quand on éteint la lampe; le segment se réoriente phototropiquement quand on la rallume et recommence ensuite ses mouvements de manège. Troisième stade: Le huitième jour, les yeux régénérés apparais- sent; certains individus présentent encore des mouvements de ma- Met je nége aprés des essais d’orientation; mais la plupart ne s’orientent plus et s’immobilisent dans la lumière, bien qu’ils soient très mo- biles à l’obscurité. On observe que les hétéromorphoses s'étendent au maximum dans le champ lumineux, dans le sens de leur axe lon- gitudinal, et quelle que soit leur orientation. (Fig. 10). L —_———» 3e ie Fig. 10 Phototropisme des hétéromorphoses. 3° stade. Réaction d’extension dans un champ lumineux. Ill. — Discussion Dressons d’abord un tableau comparatif des comportements gal- vanotropique et phototropique des monstres de Planaires. GALVANOTROPISME PHOTOTROPISMD I. Monstres bifides Cathodique Généralement négatif avec une tête directrice et une tête subordonnée dont l’entraînement est mécanique, ou avec deux tétes directrices: qui, en position homodrome rampent vers la cathode; en position antidrome, essaient de se retourner. (Comportements pés.) en pivotant vers l’extérieur du corps puis en relevant les deux têtes dans un plan vertical ; non-stéréoty- Stimulus très fort agissant sur tout l'organisme (très souvent déchirures entre les deux par- ties). qui quand elles tournent le dos à la lumière, rampent dans la direction opposée ; quand elles font face à la lu- mière, essaient de se retourner (comportements non-stéréotypés) : en pivotant vers le plan sagit- tal du corps, puis les deux têtes se cachent l’une sous l’autre. Stimulus plus faible, qui agit sur les veux et les téguments. UO Es II. Hétéromorphoses Trois stades dans la régénération : 1° Pas de galvanotropisme 1° Phototropisme uégatif cons- (segments trop petits). tant (en liaison avec la sensibi- lité des yeux et de la région ci- catricielle). 2° Mouvements de manège. 2° Mouvements de manège. 3° Absence de galvanotropis- 3° Absence de phototropisme. me (expliqué par deux anisotro- pies équivalentes, de sens oppo- sé, et qui s’annulent). Ce tableau nous montre les analogies importantes qui exis- tent entre les comportements galvanotropiques et phototropiques des monstres bifides d’une part et ceux des hétéromorphoses d’autre part. Les différences qui se manifestent entre les deux types de com- portements peuvent peut-étre étre rapportées aux stimuli et aux récepteurs différents. v . Fig. 11 A) Réaction de retournement d’un monstre bifide soumis à l’action d’un courant galvanique en position antidrome ; B) réaction de retournement du même animal, faisant face à une source de lumière blanche. En second lieu, on peut remarquer des différences dans les mo- des de retournement des monstres bifides quand ïls sont en position antidrome dans le courant électrique (galvanotropisme cathodique) et quand ils font face à la lumière (phototropisme négatif) : le pivo- tement a lieu dans le premier cas vers l’extérieur du corps, dans le second, vers le plan sagittal. Nous pensons, que, dans les réactions d’évitement de la lumière, chacune des têtes cherche à se mettre à l’abri de l’autre. Ce qui appuie cette hypothèse, c’est le fait que, dans le cas du phototropisme positif, lorsque les monstres bifides ee ee se tournent vers la source, leurs têtes pivotent comme dans le cas du galvanotropisme, le plus souvent. En nous appuyant sur les notions fondamentales établies par Viaud dans Vanalyse du galvanotropisme des Planaires normales, nous pouvons expliquer dans ses grandes lignes le comportement galvanotropique des monstres bifides et des hétéromorphoses (voir plus haut). En considérant les analogies profondes du galvanotropisme et du phototropisme des monstres en question, nous pouvons concevoir une hypothèse sur le déterminisme de leur phototropisme. Nous supposons qu’il existe entre la partie antérieure et la partie posté- rieure d’une Planaire un gradient de sensibilité à la lumière et que ce gradient se retrouve dans les deux parties des monstres bifides aussi bien que dans les deux têtes opposées des hétéromorphoses ; si ces organismes sont déterminés dans leurs réactions (positives et né- gatives) à la lumière par de tels gradients, on comprend que les monstres bifides s’orientent par pivotement de leurs têtes selon les modes indiqués plus haut, et que les hétéromorphoses, soumises à l’action antagoniste de leurs deux têtes, restent immobiles dans le champ lumineux. Bien entendu, cette hypothèse devra être validée par des expé- riences ultérieures. IV. — CONCLUSIONS Dans notre étude sur le galvanotropisme et le phototropisme des régénérats monstrueux de Planaires nous avons montré que: 1. Les monstres bifides sont cathodiques comme Jes Planaires normales ; que nous pouvons les diviser en deux groupes, ceux dont une seule téte dirige la locomotion, ceux dont les deux tétes sont directrices. 2. Les hétéromorphoses ne présentent plus de galvanotropisme. 3. Dans les deux cas, des mesures de conductance ont montré que le déterminisme du comportement galvanotropique est fondé sur une anisotropie électrique des tissus. | 4. En lumière blanche, les monstres bifides sont phototropiques négatifs. Nous pouvons également les diviser en deux groupes, ceux dont une seule tête est directrice, ceux dont les deux têtes dirigent l’animal entier. 5. Au cours de la régénération, les hétéromorphoses perdent progressivement leur phototropisme. 6. Les analogies qui s’observent entre les aspects des compor- tements phototropiques et galvanotropiques laissent supposer qu’il y a aussi des analogies entre les déterminismes de ces comporte- ments. Nous supposons l’existence d’un gradient de sensibilité à la lumière le long de l’axe de la Planaire, jouant un rôle analogue à l’anisotropie électrique mise en évidence chez cet animal. Dr y Et BIBLIOGRAPHIE AsELoos (M.). — Recherches expérimentales sur la croissance el la régé- nération chez les Planaires. — Bull. Biol. France et Belgique, 1930, 64, 1-152. Bock (H.). — Lichtrückeneinstellung und andere lokomot. Lichtreaklionen bei Planaria gonocephala. Zool. Jahrb. Allg. Zool. 1936, 56. Cuitp (C.M.). — Physiological Dominance and Physiological Isolation in Development and Reconstitution. Arch. für Entw. Mechanismus 1929, 117, 38-41. Hyman (L.H.). — Studies of the correlation between metabolic gradients, electrical gradients and galvanotaxis. II Galvanotaxis of the brown hydra and some non fissioning planarians. Physiol. Zodl., 1932, 5, 185-90. Lenver (T.H.). — Rôle inducteur du cerveau dans la régénéralion des yeux d'une Planaire d’eau douce. Bull. 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On le ren- contre assez rarement dans le règne animal sous la forme d’un dépla- cement dans le sens même de la pesanteur, c’est-à-dire vers le bas: en effet, les comportements d'enfouissement se limitent surtout aux animaux qui vivent dans le sable ou dans la vase; le caractère de tropisme de ces comportements à d’ailleurs été controversé par des auteurs comme Rabaud (11) et Viaud (12a). Le comportement géo: tropique le plus répandu est une géocinèse ascensionnelle, déplace- ment opposé au sens de la pesanteur. Parmi les « trois grands tropismes »: phototropisme, galvano- tropisme et géotropisme, le géotropisme présente une particularité liée aux caractéres du stimulus qui le provoque: la pesanteur, qui intervient d’une maniére permanente et quasiment uniforme dans tout le monde vivant. La pesanteur cause d’une maniére générale des sensations proprioceptives et spécialement des excitations du sens statique. De ce fait peut-être, étude des réactions causées par la pesanteur a souvent été orientée vers des recherches concernant des problèmes annexes, comme le sens de l’équilibre ou la physiolo- gie des organes statiques. (a) Piéron H. — Vocabulaire de la Psychologie 1951, p. 19. Note : Les indices numériques entre parenthèses renvoient aux ouvrages cités dans la Bibliographie, — 100 — Les nombreux travaux consacrés au rôle et aux effets de la pe- santeur dans le régne animal se divisent principalement selon deux orientations: les uns, à la suite des théories leebiennes sur les tro- pismes, considérent le comportement géotropique comme la résul- tante d’attions et réactions de caractère mécanique liées à la symé- trie bilatérale de animal; les autres, dans le cadre de l’école sta- tocystique allemande, ont surtout étudié les organes du sens stati- que en essayant d'expliquer le comportement géotropique par des phénomènes physiologiques sensoriels. Dès la fin du siècle dernier, des auteurs comme E. Mach (1875) et J. S. Breuer (1874) avaient éclairé, par leurs travaux expérimen- taux et leurs réflexions théoriques, le rôle et la fonction des Canaux semi-circulaires et des organes du type « otocyste » dans la recher- che et le maintien de l’équilibre. Leurs travaux furent suivis de recherches nombreuses qui, le plus souvent, s’en tiennent stricte- ment à l’aspect physiologique de la question. Mais en 1888, Loeb (9 a) réagit en montrant que Ja plupart de ces réactions étaient plus que de simples phénomènes de physiologie ‘sensorielle et qu’elles s’ins- crivaient dans des comportements où la pesanteur intervenait comme facteur déterminant. Comme il l’avait fait pour l’héliotropisme, Leeb introduit le terme de tropisme dans la nomenclature des comporte- ments animaux orientés par la pesanteur, et il est le premier à par- ler de « géotropisme ». L'importance de la théorie lebienne des tropismes est liée au rôle qu’elle a joué dans l’évolution de la psychologie biologique de la fin du xix° siècle, en réagissant contre les interprétations an- thropomorphiques des comportements animaux. L’étude des ins- tincts avait mené Leb à distinguer parmi ceux-ci « les tropismes ». Il les définit par les critères suivants : une orientation forcée (awangsmissige Orientierung) ou une cinèse dont l'orientation a un caractère forcé et qui ne répond à aucune finalité (Zwecksmässig- keit). Ces critères se retrouveront d’aïlleurs dans la définition des tropismes par Viaud, mais ils s’avèreront insuffisants. Lœb a non seulement défini les tropismes, mais il a cherché à en établir le mécanisme. L'idée fondamentale de Leb est que « les organismes vivants sont des machines physico-chimiques » (9 c). C’est cette idée-clef qui permet de comprendre. les définitions don- nées par Leb pour chacun des tropismes. Comme il l’avait fait pour Vhéliotropisme, en se basant sur la joi de Bunsen-Rosce, Loeb a tenté une explication physico-chimique du géotropisme en se basant sur la loi d’action de masse (plus pré- cisément : loi de Guldberg et Waage). Voici comment: « si l’on ad- met que, dans les cellules, il y a deux phases de densité différente qui réagissent l’une sur l’autre, une réaction se produit à leur sur- face de contact. Chaque accroissement de cette surface accroit la masse des molécules réagissantes » (9 ce). L’accroissement de la sur- face peut être entraîné, par exemple, par l’inclinaison de la cellule. Tout d’abord (1909), Loeb nie le rôle des otolithes dans l'orientation — 101 — géotropique. Les terminaisons nerveuses des organes otocystiques sont le siège du phénomène déterminant qui consiste probablement en des réactions moléculaires produites au contact de deux phases de masse spécifique différente. Plus tard (1913), Loeb admet que les otolithes participent à l’orientation géotropique, sans cependant leur accorder le rôle déterminant. Leb (9d) cite l’expérience de- Kreidl (8) sur le crustacé Palaemon. Cette espèce perd ses otolithes au moment des mues. Placé dans un aquarium avec des petits grains de fer, Palaemon les utilise pour remplacer ses otolithes; en condi- tion naturelle, il les remplacerait par des grains de sable. Dans ces conditions, un aimant placé, par exemple, en haut et à gauche de l’animal provoquera un déplacement de l’animal vers ‘le bas et à droite. Loeb en conclut: « L’animal se comporte comme si les varia- tions de traction et de pression des otolithes sur les terminaisons nerveuses correspondantes déterminaient l’orientation de l’animad. Mais une expérience de contrôle importante pour cette théorie n’a pas été concluante; l’orientation des animaux reste normale même si on enlève entièrement les organes otolithiques ». Dans les recherches postérieures à celles de Leb, la base phy- sico-chimique de sa théorie n’a pas prévalu. Certes, Loeb avait mis Paccent sur la symétrie bilatérale de l’animal sur le plan morpholo- gique, chimique et nerveux, mais ceci toujours en liaison avec l’existence d’un double chaîne de réactions physico-chimiques dé- pendant de l’apport d'énergie extérieure sur des récepteurs symétri- ques (cas de l’héliotropisme). Dans le cas du géotropisme, le lien entre la pesanteur et une double chaîne de réactions physico-chimi. ques étant moins simple à concevoir, Læb n’a pas introduit la sy- métrie bilatérale dans ses tentatives d'explication. Le schéma « læ: bien » du géotropisme, tel que le présentent certains de ses succes- seurs, procède donc d’une simplification extrême des positions de Leb en ne retenant comme fait déterminant que la tension de la musculature en liaison avec la symétrie bilatérale morphologique. L’illustration la plus importante de cette orientation est don- née par les travaux de W. J. Crozier (2) et de son école (Harvard). Leurs recherches ont porté sur des souris, des poussins, des escar- gots, des étoiles de mer, mais principalement sur de jeunes rats et des limaces. Ces animaux, placés sur un plan incliné à inclinaison variable, grimpent vers le haut. angle d’inclinaison ron 4 du plan zat angle d’inclinaison. du trajet de l’ani- mal par rapport à l'horizontale a b ligne de plus gran- de pente sur le plan incliné Figure 1 — 102 — Un grand nombre d’expériences et l’analyse statistique des ré- sultats obtenus ont amené Crozier à dégager une relation mathéma- tique entre l’angle « d’inclinaison du plan et l’angle d’orientation © compris entre le trajet de l’animal sur le plan et l’horizontale. Selon cette loi, l’ascension est d’autant plus proche de la ligne de plus grande pente du plan, que ce plan est plus incliné. Cette loi a un caractère logarithmique. = k log sina + C Crozier a également montré que la vitesse de la course de l’ani- mal croît avec l’angle d’inclinaison du plan et que la variabilité des mesures de l’angle d’orientation diminue avec cet angle. L'effet de poids additionnels fixés sur le dos ou attachés à la queue des ani- maux est de faire croître langle d'orientation en fonction du loga- rithme des masses additionnelles, ce qui prouverait que les réponses de l’animal dépendent principalement de la pesanteur. Ces faits confirment, selon Crozier, le schéma lœæbien de la symétrie bilaté- rale : l’inégalité des tensions de la musculature des deux côtés du corps de l’animal provoque une orientation qui cesse, quand la dif- férence d’intensité des efforts entre un côté et l’autre est inférieure à une valeur liminaire déterminée. Celle-ci correspond à une valeur liminaire de l’angle 6. | Les conclusions de Crozier ont soulevé des critiques et provoqué, de différentes parts, des travaux de vérification. Les critiques essen- tielles, en ce qui concerne le géotropisme des jeunes rats, ont été présentés par Hovey et Hunter. Hovey (4) constate que les petits rats ne grimpent pas spon- tanément vers le haut du plan. Il observe que, au commencement des expériences, les jeunes rats, placés sur le plan incliné, roulent vers le côté ou glissent vers le bas. Après un certain nombre d’es- sais, les rats grimpent vers le haut, parce que, dit Hovey, « c’est la seule manière qui leur évite de tomber ». La disposition des griffes sur les pattes est telle que la progression vers le haut est plus fa- cile que la descente. Il s’agirait donc d’un apprentissage : les temps mis par les animaux pour atteindre le bord supérieur du plan, di- minuent avec les essais successifs comme les temps d’une courbe d'apprentissage. Hovey confirme cependant les relations mathéma- tiques établies par Crozier. Hunter, lui s'attaque (5) non séulement aux théories explicati- ves de Crozier mais aussi aux équations elles-mêmes: « pour une pente donnée, le rat ne grimpe pas toujours suivant un angle © ou même suivant une série de valeurs étroitement groupées, maïs sui- vant des valeurs très dispersées... par exemple: les valeurs de 0° varient pour une inclinaison x = 70° du plan, de 48 à 88°, pour une inclinaison « = 45°, de 33 à 88°. Hunter montre par ailleurs que la valeur critique de l’angle d’orientation © augmente avec la pente du plan (selon Crozier, pour cet angle critique, les tensions des deux côtés du corps sont juste inférieures ou juste égales au seuil). La marge des angles critiques pour chaque inclinaison est très — 105 — grande. L’analyse des composantes de la pesanteur par rapport au plan incliné conduit Hunter aux conclusions suivantes: la direction du déplacement vers le haut et l’angle d’orientation © sont dus à une -combinaison de réflexes de posture déclenchés par certaines compo- santes du stimulus pesanteur, à la force relative de l’animal et au fait qu’il progresse normalement en avant, à des facteurs tels que le glissement et la fatigue. Les réflexes de posture seraient en relation étroite avec le fonctionnement de l’appareil vestibulaire. L'étude du géotropisme des limaces a été reprise d’une manière critique par H. Piéron (10 a, 10 b). En accord avec les conclusions de Crozier, un de ses élèves, E. Wolf (13) avait attribué le géotro- pisme d’Agriolimaæ levis à la différence de traction exercée sur les deux côtés du corps par le poids de la musculature. Les limaces, se déplaçant sur un plan que l’on incline perpendiculairement à leur axe de marche, se redressent d’un certain angle qui est proportion- nel au logarithme du sinus de l’angle d’inclinaison du plan, sui- vant la loi établie par Crozier. Mais Piéron à établi que chez Limax maximus, dans l’air, l’angle de grimpée est variable au point qu’une analyse mathématique devient impossible. Dans l’eau, par contre, les faits sont nets: l’angle d’orientation © est constant et égal à 90° avec une variabilité d’autant plus faible que l’angle d’inclinaison du plan est grand. Le seuil d’excitation est très bas: 14 sur 18 lima- ces vont vers le haut pour une pente de 2 à 3° et, chez 9 d’entre elles, l’angle d'orientation approche 90° avec un écart de moins de 10°. Selon Piéron, ce sont les statocystes qui permettent aux lima- ces d’obtenir des renseignements sur la direction de la pesanteur. Dans ses conclusions, Piéron s’élève contre la confusion, courante chez les disciples de Leb, entre tropismes et réactions d’un autre ordre, telles que des réactions de fuite. Von Buddenbrock (1 a) a également remis en question les con- clusions de Crozier. Cet auteur pense que les animaux bilatéraux tendent toujours à maintenir vertical le plan de symétrie de leur corps. De là vient qu’ils tendent à se rapprocher de la ligne de plus grande pente. Von Buddenbrock confirme cette hypothèse en analy- sant les données de Crozier sur les jeunes rats et en citant les résul- tats fournis par les recherches de son élève, H. Jäeger (6). Von Buddenbrock fait une distinction fondamentale entre les comportements des animaux munis de statocystes et ceux sans sta- tocystes. Les premiers présentent un géotropisme vrai et celui-ci se manifeste par des déplacements selon la ligne de la plus grande pente à toutes les inclinaisons, que ce soit vers le haut ou vers le bas. Les réactions étudiées par Crozier ne seraient pas des tropis- mes, mais des comportements plus évolués. On voit l’importance attachée par von Buddenbrock et ses éle- ves à la présence, chez l’animal, d’un appareil de perception sta- tique sous forme de statocyste différencié. Cette position implique l'attribution des mêmes caractères au géotropisme. ascensionnel d’Hélix ou de la chenille d’Automeris par exemple, et au comporte- — 104 — ment d’enfouissement d’Arenicola. Or, comme le dit Viaud (12a), il semble que ces deux sortes de comportement soient très diffé- rentes : — L’enfouissement d’Arenicola cesse dès que l’animal est re- couvert de sable (6). A ce moment, le ver se retourne vers le haut et, sans sortir, maintient sa position qui est sa po- sition normale d’habitat. Le géotropisme ascensionnel, par contre, continue tant que la grimpée le long d’un solide est possible: une chenille d’Automeris, de 5 cm de long, grimpe à une hauteur de 5 mètres sans s'arrêter... Elle a donc ac- compli un trajet égal à 100 fois sa longueur. — L’enfouissement a pour but de soustraire, dans la plupart des cas, l’animal à des conditions défavorables ; le géotro- pisme ascensionnel n’a rien d’une réaction adaptive. — La direction de la « réaction géotropique positive » dépend moins de celle de la pesanteur que de facteurs morphologi- ques ou physiologiques particuliers aux espèces considérées. L’angle d’enfouissement varie selon l’espèce : il est de 45° à 60° chez l’Arénicole (6), de 23° chez le Couteau Solen en- sis (3). De plus, les différentes espèces ne procèdent pas de la même manière pour s’enfouir: par exemple, la queue du Ver de terre s’enfouit la première dans la terre; par con- tre, l’Arénicole s’enfouit tête la première. Ces faits montrent que la distinction de von Buddenbrock en- tre animaux avec ou sans statocystes est vraisemblablement moins importante que celle qu’il convient d'établir entre le géotropisme ascensionnel et les comportements d’enfouissement. La distinction de von Buddenbrock rendrait, par ailleurs, difficile l’interprétation des réactions des organismes unicellulaires: or, les travaux de O. Koehler (7), en particulier, ont prouvé, sur l’exemple des Para- mécies, qu’il s’agit bien de comportements tropistiques, de géotro- pisme. Les travaux de Koehler sont basés sur la théorie « statocys- tique » qui admet que les corps, inclus normalement dans tout pro- toplasme cellulaire, exercent en se déplaçant selon la pesanteur, une certaine pression sur le protoplasme et jouent ainsi un rôle analogue à celui du statocyste différencié. Koehler fait la distinc- . tion entre la tendance des Paramécies à se déplacer vers le haut des tubes de culture et l’orientation géotropique elle-même. Pour Vobserver, il suffit d'ajouter du gaz carbonique au liquide de eul- ture: pour une concentration donnée, toutes les Paramécies mon- tent parallèlement suivant la verticale, mais leur vitesse ascension. nelle diminue. Cette vitesse mesure la géocinèse des Paramécies et dépend de l’action exercée par la pesanteur. Koehler le démontre en faisant ingérer à ses Paramécies des particulies de fer qui vont se loger dans leurs vacuoles digestives. En combinant à l’action de la pesanteur celle d’un champ magnétique, produit par un électro-ai- — 105 — : mant, Koehler observe que les réactions des Paramécies dépendent de la pression que les corps inclus exercent sur leur protoplasme ; ces réactions se font en sens inverse de l’attraction: ce sont donc des réponses physiologiques et non de simples phénoménes mécani- ques, comme on avait voulu le voir autrefois, Cette revue des travaux a été volontairement limitée à ceux qui semblaient être typiques des principales tendances selon lesquelles les recherches sur le géotropisme se sont effectuées. On peut en dé- gager les notions suivantes: le géotropisme comprend, d’une part, une réaction primitive, la géocinèse ascensionnelle et, d’autre part, des réactions d’orientation, dépendant d’organes plus ou moins spécialisés qui transforment la simple tendance à monter en une ascension dirigée avec précision. Les réactions d’enfouissement, ap- pelées souvent « géotropisme positif » ne sont vraisemblablement pas du géotropisme. | Dans l’ensemble, les mécanismes en jeu dans le géotropisme ascensionnel sont mal connus. Le mode d’action de la pesanteur dans la géocinèse ascensionnelle demande à être précisé. On con- naît mieux les réactions d’équilibration par statocystes ou autres organes statiques. Or, ces réactions d’orientation sont accessoires par rapport à la réaction motrice polarisée. Crozier lui-même re- connaît que les relations établies par lui et le déterminisme qu’elles impliquent « n’expliquent naturellement pas pourquoi Vanimal s'oriente plutôt vers le haut que vers le bas — fait qui pourrait être déterminé par Voreille interne — mais expliquent pourquoi l’ampli- tude de l’orientation atteint des valeurs particulières lorsque l’in- clinaison varie ». Viaud a émis une hypothèse, dont la vérification permettrait de comprendre pourquoi animal grimpe vers le haut : l’anima! obéirait à la loi du maximum d’excitation. « Dans le géotropisme, les propriocepteurs sont plus excités quand l’animal grimpe sur un plan incliné que lorsqu'il descend » (12 b). Le but de ce travail est de vérifier, d’une part, les données ex- périmentales de Crozier sur un animal différent de ceux étudiés par son école: la Chenille d’Automeris illustris W. et, d'autre part, Vaffirmation de von Buddenbrock sur la nécessité de la présence de statocystes pour qu’il y ait un géotropisme vrai. L’analyse expé- rimentale du comportement d’Automeris sur le plan incliné doit également permettre de vérifier Vhypothése de Viaud. I. MATÉRIEL ET PROCEDES D’EXPERIENCES. MÉTHODES D’ANALYSE DES TRACES EXPERIMENTAUX A. Matériel et procédés d’expériences. Le Saturnide Automeris illustris Walker vit habituellement en Amérique du Sud, mais l’élevage ab ovo, en laboratoire, en est fa- cile. En captivité, les chenilles se nourrissent de feuilles de troéne. Une dizaine de chenilles ont été élevées dans des conditions de tem- — 106 — pérature constante : entre 20° et 24°, à l’abri du soleil, de méme que dans des conditions hygrométriques adéquates: 70 % à 85 of d'humidité relative. Cette espéce de Saturnide se caractérise par de petits œufs blanes dressés, de 2 mm d’axe. Le micropyle est vert clair s’ils ne sont pas fécondés, et noir aprés fécondation. Les chenilles, blan- châtres à l’éclosion, prennent rapidement la couleur vert clair. El- les sont garnies de nombreux tubercules épineux, verts eux aussi. En 7 mues, elles passent de 2 mm à 7 cm de longueur. Leur poids passe de 0,178 gr après la troisième mue à plus de 3 gr après la dernière mue. Les papillons, brun-orangé, sont d’assez grandes di- mensions: la femelle mesure 14 cm et le mâle 10 cm. Les expériences ont toujours eu lieu pendant les périodes d’ac- tivité des chenilles. Les chenilles d’Automeris manifestent un rythme d'activité très net: jusqu’à la quatrième mue, on observe 2 heures et demi d’activité pour 2 heures et demi de repos, à peu près. Mais, après la quatrième mue, le rythme d’activité varie: la phase de re- pos est diurne et la phase d’activité nocturne. Les expériences se font alors le soir. L'observation d’un élevage de chenilles d’Automeris illustris W. avait montré, qu’avant les premières mues, les petites chenilles for- ment des processions qui montent le long des branches de troëne sur lesquelles elles se nourrissent. Ce comportement géotropique n’était, peut-être, que passager et lié à l’état physiologique particu- lier qui précède la mue ? Quelques expériences de grimpée avec des chenilles normales ont permis de vérifier que la géocinèse ascension- nelle était permanente chez cette espèce. L'appareil utilisé pour l’étude du géotropisme est un plan à inclinaison variable. I] mesure 58 cm de haut et 38 cm de large. Figure 2 — 107 — Les tracés sont faits directement, au crayon, sur la feuille de papier où grimpe la chenille. Pour chaque tracé, on utilise une nou- velle feuille. Les conditions de température et d’éclairement sont à peu près constantes pour toutes les expériences. La température est la même que celle des bocaux d’élevage : 20° à 24°; la lumière est diffuse et l’on vérifie la constance de son intensité sur toute la surface du plan incliné. B. Méthode d'analyse des tracés expérimentaux. Le comportement des chenilles est défini d’après les données suivantes d’un tracé: Chenille C, we5em x » 90° te 9 Osec e e 48cm. L 49cm. es 7 R:+=09 moyen 2 84° (Figure 3) a) L'indice de rectitude du trajet par rapport à la ligne .de plus grande pente est indiqué par le rapport R = Gar l'est la longueur de la projection du trajet sur la ligne de plus grande pente; L est la longueur du trajet. b) La discontinuité de Vorientation est notée par le nombre d’orientations différentes adoptées par l’animal au cours du trajet. c) L'orientation du trajet est indiquée par les valeurs angu- laires ©, ©,, pondérées par les distances parcourues dans chacune de ces orientations. Du fait de la croissance des chenilles, dont la longueur passe de 3 à 7 cm au cours du travail expérimental, les distances, parcourues dans chacune de ces orientations, seront ex- primées en longueurs de chenilles quand il s’agit de comparer des trajets d'animaux d’âges différents. d) La vitesse de la course de l'animal: elle est exprimée par le rapport de la distance parcourue, mesurée éventuellement en lon- gueurs de chenilles, au temps de parcours. e) L’intensité du stimulus gravifique est évaluée par l’inelinai- son du plan par rapport à l'horizontale : angle x, 108 II. LES RÉSULTATS A. Description du comportement. Avant de passer à l’analyse proprement dite des données ex- périmentales, il convient de faire quelques remarques à propos du comportement de la chenille sur le plan incliné. Chenille C3 us 35cm. t= 465sec Figure 4 Trois tracés caractéristiques du comportement des chenilles sur le plan incliné. Tracé n° 55 : la chenille part tête en haut, tracé n° 158: la chenille part latéralement, tracé n° 189 : la chenille part tête en bas. Au cours du premier trajet, la première réaction de la chenille est une réaction d'exploration à laquelle participe surtout la par- tie antérieure de la chenille; cette première réaction est suivie d’un comportement de mise en train du géotropisme: le trajet n’est en- core qu’imparfaitement orienté, ensuite l’orientation est nette. Au cours des trajets suivants, la première portion du trajet est influencée par la position de départ de la chenille, comme le montre la figure n° 6. La position de départ, « tête en bas », est intéressante pour confirmer qu’une inclinaison donnée correspond effectivement à une réponse nettement orientée. B. Etude de l'orientation. L'analyse des tracés montre que l'orientation des chenilles sur le plan incliné est nette et qu’elle se fait selon la ligne de la plus grande pente dès que l’inclinaison a dépassé une valeur liminaire qui . se situe autour de 40°. Pour des inclinaisons inférieures à 40°, l’orientation se fait au hasard : très souvent la chenille rencontre un des bords du plan et le suit par un effet de thigmotropisme, sans doute. — 109 — ANGLE « R moyen | ÉCART-TYPE | © MOYEN ÉCART-TYPE 90° 0,91 0,07 79° 6° 7 80° 0,94 0,05 80° LAS S 70° 0,92 0,06 78° 10° 8 65° 0,91 77° 60° 0,90 0,08 78° 55° 0,94 77° 50° 0,90 0,05 79° 40° 0,92 0,04 78° On voit en effet que, pour des valeurs croissantes ou décrois- santes de l’inclinaison du plan (angle «), le rapport R indiquant la - rectitude du trajet par rapport à la ligne de plus grande pente est constant et voisin de l’unité. La valeur de l’angle moyen des pentes des trajets par rapport à l'horizontale est également constante. En-dessous de l’inclinaison- seuil : 40°, le trajet se fait au hasard sur le plan. L’inclinaison-seuil a été définie comme l’inclinaison pour laquelle 75 % des tracés sont nettement orientés: en effet, sur 22 tracés, 16 sont nettement orientés. Las valeurs moyennes de © et de R ont été calculées chacune à partir de 20 expériences ou plus pour les inclinaisons suivantes : 90°, 60° et 50°. Pour les inclinaisons intermédiaires, les valeurs de © et de R sont calculées à partir d’un nombre moindre de tracés. 90° 80° 70° Angle d'orientation :) 186 188 190 192 194 196 198 0,0O (90°) Figure 5 . Variations de l'angle @ d'orientation de |’animal en fonction de l'angle « d’inclinaison du plan. En trait plein, valeurs obtenues chez Automeris illustris. En trait pointillé, valeurs obtenues chez Helix par Crozier (1935). La superposition, sur la figure n° 5, de la courbe d’Automeris avec l’une des courbes caractéristiques de la loi de Crozier (obtenue avec Héliz), illustre la différence des résultats : pour Hélix, une droite dont la pente traduit des variations graduelles de l’angle d'orientation en fonction de l’inclinaison x du plan, donc de l'intensité du stimulus gravifique. Ces variations, liées par une re- lation logarithmique, sont continues entre le seuil et le maximum d’inclinaison du plan. C. Etude de la vitesse. L'étude de la vitesse s’est avérée délicate parce que les chenilles sont extrêmement sensibles au bruit en général et particulièrement aux vibrations. Notre local donnant sur la rue, le passage d’un gros camion, par exemple, occasionnait un arrêt plus ou moins long. L'origine et la présence de vibrations n'étant pas toujours aussi évidentes, nous n’avons utilisé que les temps des grimpées non in- terrompues. Les tracés de chenilles de différentes longueurs sont groupés ; la vitesse est donc exprimée en nombre de longueurs de chenilles par minute. (LONGUEUR DE L'ANIMAL ANGLE « VITESSE PAR MINUTE) 10° 20° 30° 40° 50° 70° 80° 90° L'analyse des temps de parcours montre que la vitesse de Vanimal est liée à l’intensité de la stimulation gravifique par une loi logarithmique. Figure 6 Ô Variations de la vitesse de grimpée de la chenille d'Automeris illustris en fonction de l’inclinaison du plan. VITESSE (longueur du cerpa/min) © œ rey (90% (10°) LOG. sine — 111 — D. Etude de la sensibilisation. L’observation d’une chenille après sa mise en expérience sur un plan & grand angle d’inclinaison montre qu’elle manifeste un com- portement très particulier: remise sur la branche de troëne, elle grimpe rapidement le long de la tige ; arrivée en haut, elle redescend, puis elle remonte, Ce manège dure un certain temps après lequel l'animal reprend une position normale de repos. La durée de ce ma- nège n’a jamais dépassé sept minutes. . Ces observations ont entrainé des recherches sur la sensibili- sation induite par l’activité tropistique. On constate, par exemple, qu’une chenille ayant effectué un trajet pour chacune des incli- naisons suivantes : 2 = 90°, 80°, 70°, 60°, 50°, aura encore une orientation nette pour une inclinaison de 20° (R = 0,86) et parfois . même 10°. De même, après une série de 6 trajets dont le premier est fait sur un plan ayant une inclinaison de 25° et les cinq suivants sur un plan ayant une inclinaison de 90°, la cheniile remise à une inclinaison de 25° effectuera un trajet parfaitement orienté suivant la ligne de la plus grande pente, alors que quelques temps avant, pour cette même inclinaison, son trajet se faisait absolument au hasard. L'orientation reste bonne même si la position de départ de la chenille se fait « tête en bas ». Est-ce que ce comportement implique un phénomène de mémoire ? Laissons s’écouler un certain temps entre les trajets sensibilisateurs et le trajet-témoin à une inclinaison infraliminaire. Les trajets sensibilisateurs ont excité la chenille. Toute tentative pour empêcher Automeris de se déplacer provoque un comportement d'exploration intense au point que, placée sur un flotteur au milieu d’un bac, elle trempe sa ‘tête dans l’eau à plusieurs reprises. Il à. fallu, pour la maintenir immobile, la placer dans une boîte adaptée à ses dimensions. Le temps d’immobilisation est successivement diminué de 5 mi- nutes à 1 minute: la sensibilisation disparaît dès que le temps d’im- mobilisation dépasse 1 minute 30 secondes. Seul un comportement géotropique continu maintient done la sensibilisation. IIT. — CoNcLUSIONS L’analyse expérimentale du comportement de la chenille d’Auto- meris illustris W. sur le plan incliné montre qu’il existe, chez cette espéce, un géotropisme permanent qui se manifeste par une géocinése ascensionnelle. Ce comportement a les caractéres du tropisme tels que Viaud les a définis: 1. Le géotropisme de la chenille d’Automeris est une cinése polarisée. . 2, La réaction orientée selon la ligne de la plus grande pente se fait normalement a partir d’un seuil caractérisé par une certaine inclinaison du plan: 40° pour le premier trajet. — 112 — 3. La vitesse de l’organisme est liée par une relation logarith- mique à l’intensité de la stimulation gravifique évaluée par l’inclinaison du plan. 4, L'adaptation préalable à l’excitant facilite les réactions en abaissant leur seuil : de 40° à 20°, ou même à 10°. Ces résultats méritent d’être commentés, particulièrement en regard des données exposées au cours de l’introduction. Le comportement géotropique d’Automeris est un tropisme vrai au sens de Viaud. Ceci s’oppose sur deux points aux thèses de von Buddenbrock qui pense que la « théorie des tropismes » n’a plus qu’un intérêt historique (1c). Tout d’abord, l’utilisation des organes des sens même chez les organismes inférieurs et a fortiori chez des ani- maux aussi évolués que des insectes, dépendrait de la « liberté » (Freiheit) et de la « disposition » (Stimmung) de l’animal et ne serait nullement le chaînon d’un déterminisme rigoureux lui dictant son comportement. Comment expliquer alors, pour Automeris, le fait que, sur plus de 200 expériences, dont 17 tracés avec position de départ « tête en bas », on n’ait jamais observé de géocinése continue vers le bas, méme avant sensibilisation. D’autre part, dans son chapitre sur « la Géotaxie » (le), vor Buddenbrock attache une importance fondamentale au rôle du stato- cyste dans la détermination du comportement de l’animal sur le plan incliné. I] y aurait une différence essentielle de comportement entre les animaux avec statocystes et les animaux sans statocystes. Les premiers suivent la ligne de la plus grande pente, vers le haut ou vers le bas; c’est ce que von Buddenbrock appelle « géotaxie ». Les seconds prennent une orientation qui dépend de Pinclinaison du plan; ce n’est pas 14, selon von Buddenbrock, une vraie « géotaxie », alors que Crozier voit dans ce rapport la loi même du géotropisme. Le comportement d’Automeris contredit la thèse de von Buddenbrock. Il est vraisemblable que la netteté de l’orientation dépend du type d’organe statique de l’animal, peut-être de la présence de stato- cystes. Il se peut que la symétrie bilatérale de la musculature ou des organes d'accrochage (ventouse par exemple) joue également un rôle. Mais l'orientation reste un aspect accessoire de la réaction primaire de géocinèse polarisée. Nos résultats montrent également que les formules de Crozier, selon lesquelles l’angle @ d'orientation serait proportionnel au loga- rithme de l’angle « d’inclinaison du plan, n’ont pas un caractère général de loi du géotropisme. Dans le cas de jeunes rats, les critiques que nous avons rap- portées, montrent la présence de comportements complexes qui fon- dent peut-être les lois de proportionnalité de Crozier. Dans d’autres cas, ces lois ne seraient-elles pas la traduction du fait que les résultats sont dispersés entre la ligne de la plus grande pente et des valeurs d’autant plus éloignées que la valeur de l’angle » est plus petite; la valeur moyenne de l’angle d’orientation © se rap- proche de 90° dans la mesure où la dispersion des résultats par rap- — 115 — port à la ligne de la plus grande pente diminue, c’est-à-dire quand l’angle « augmente. Dans le cas des Limaces, d’après les données de Piéron, et dans celui des Rats, d’après les données de Hunter, on sait que la variabilité de © croît énormément quand l’inclinaison du plan diminue. Ceci pourrait inciter à penser que Crozier a confondu l’ex- pression mathématique d’une statistique de dispersion décroissante avec une loi physiologique. En ce qui concerne Automeris illustris W. nos résultats montrent que l’animal grimpe toujours vers le haut ; il n’y a pas de réponse graduée liée à une graduation de l’excitation. Quand l'excitation atteint une certaine valeur, la réponse est d’em- blée maximum; elle se traduit par un trajet orienté verticalement vers le haut. Le comportement géotropique a un caractère de « tout ou rien ». . Nos résultats apportent, sinon une vérification, du moins une illustration positive de l'hypothèse de Viaud, selon laquelle le géo- - tropisme ascensionnel obéirait à la loi du « maximum 4’excitation ». Il serait cependant hasardeux de généraliser ces résultats, er particulier à des espèces aussi différentes de la chenille que le Rat ou la Limace. A cette prudence, nos observations sur « la sensibili- sation » viennent ajouter de nouvelles consignes expérimentales ; il faut s’interdire de grouper, pour une analyse statistique, par exem- ple, toute espèce de tracés sans en noter les conditions « historiques » pour l’individu intéressé. Dans le cas du géotropisme d’Automeris. pour les premiers tracés notamment, l’état de repos ou d’activité pré cédant la période expérimentale a une importance essentielle. Ces observations sur la sensibilisation généralisent l’idée « d'adaptation préalable à Vexcitant ». Il est possible que d’autres facteurs interviennent dans le comportement géotropique: pour Automeris, par exemple, la période précédant les mues entraine des modifications des réactions géotropiques qu’il n’a pas été possible de préciser suffisamment au cours de ces recherches. Ces faits nous éloignent d’autant plus du schéma mécaniste loebien que les orga- nismes sont plus évolués. Ils nous conduisent à aborder le géotro- pisme non comme une réaction mécanique mais comme un compor- tement global, inséparable, en général, des conditions d’existence de Vorganisme vivant. — 114 — BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE (1) von Buppensrock (W.). — a) Tropismen dans Gellhorns Lehrb. Allg Physiol. Leipzig 1931. b) Grundriss der vergleichenden Physiologie. 1937, 1, 161-205 (chap « Statische Sinnesorgane »). c) Vergleichende Physiologie 1952, 1, 269-320 (chap. « der statische Sinn »). (2) Crozier (W.J.). — Geotropic orientation of young rats. Jour. gen. Physiol., 1927, 10, 257-29, 519-24. The geolropic response in Asterina. Journ. gen. Physiol., 1935, 18, n° 5, p. 729-737. On the geotropic orientation of Helix. Journ. gen. Physiol. 1935, 18, 659-667. L Crozier (W.J.), Pincus (G.). — On the geotropic orientation of young mammals. Journ. gen. Physiol., 1928, 11, 789-802. 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A notre connaissance, les premières sont dues à Graber (1884), qui indique que ces Mollusques sont « leucophiles », c’est-à-dire qu’ils recherchent les endroits éclairés, de préférence aux endroits obscurs. Ce résultat est confirmé par Willem (1892), auteur de la pre- mière étude expérimentale d'ensemble sur la photoréception des Gastéropodes Pulmonés. Dans ce groupe, la vision des formes serait très mauvaise, en particulier chez les Basommatophores (genres Limnaea, Planorbis, Physa). Chez Limnaea stagnalis, cela s’expli- querait en partie par la présence, au-dessus et en avant de lil, d’un vaste sinus sanguin où confluent tous les vaisseaux de la région oculaire et tentaculaire. Les objets en mouvement ne seraient pas mieux perçus que les formes immobiles. Enfin Willem a montré que la Limnée et les autres Pulmonés possèdent une sensibilité photique extra-oculaire bien développée, permettant à des animaux aveuglés expérimentalement de s'orienter conformément à leur plus ou moins grande leucophilie dans un appareil à choix à deux compartiments (l’un obscur, l’autre éclairé). La réaction skioptique, ou retrait brusque de l’animal dans sa coquille, en réponse à la projection d’une ombre sur son corps, a été mise en évidence chez Limnaea stagnalis par les expériences clas- siques de Piéron (1909-1910). Cet auteur a montré notamment que la réaction skioptique subit, à la suite d’obscurations répétées, une extinction provisoire qui peut être considérée comme une forme élé- — 117 — mentaire de mémoire. L’évanouissement du « souvenir » suit une loi très analogue — aux paramètres près — à la loi de l’oubli établie par Ebbinghaus et par Henri pour la mémoire humaine. Füh (1932), sur Helix pomatia, a fait une étude quantitative trés soigneuse de la réaction skioptique, en fonction de Vintensité de la lumiére blanche, de la densité de Vombre et de la durée de obscuration. Confirmant les anciens résultats de Nagel (1894), Fôh a montré que la réaction skioptique de l’Escargot est à point de départ exclusivement extra-oculaire: les Escargots réagissent à l’obscuration localisée de différentes parties de leur corps, mais jamais à une obscuration de la tête et des yeux. Quelques expériences - sur la Limnée complètent ce travail, dont l’objet principal était de vérifier, chez les Gastéropodes, la validité des relations expérimen- tales sur lesquelles Hecht à fondé sa théorie photochimique de l’exci- tation lumineuse. Tous ces travaux concernent des réactions à la lumière blanche. Dans un mémoire de 1934, Liche rapporte des expériences sur la sen- sibilité de la Limnée à des lumières colorées. Selon lui, ce Mollusque serait doté d’un sens chromatique lié à l'intégrité des yeux; des Limnées aux yeux détruits seraient encore capables de discriminer des lumières d’après leur luminosité, mais non plus d’après leur qualité chromatique. Malheureusement, les expériences de Liche sont très criticables, car il a comparé l'effet de lumières colorées d’égale énergie, et non d’égale brillance subjective (ou « phanie »). Et comme il s’est borné à des comparaisons par paire, il est impossible de tirer de ses résultats des indications valables concernant au moins la sen- sibilité spectrale, sinon la vision discriminative des couleurs. Le présent travail a pour but: 1° de préciser la nature et les modalités de la réaction skioptique chez Limnaea stagnalis ; te 2° de montrer, à l’aide de preuves expérimentales nouvelles, que cette réaction dépend avant tout de la sensibilité photique extra- oculaire ; 3° de déterminer la courbe de la sensibilité spectrale extra-ocu- laire, grâce à une technique fondée sur l’observation de la réaction skioptique. I. — Observations sur. la nature et les modalités de la réaction skioptique Plaçons une Limnée, en chambre noire, dans un cristallisoir contenant 1 em de hauteur d’eau (ce qui oblige l’animal à ramper sur le fond); éclairons ce cristallisoir d’en haut, à l’aide d’une lampe de microscopie, puis attendons que la Limnée soit bien étendue dans le champ lumineux. En interposant un écran opaque entre la lampe et le cristallisoir, pendant une seconde environ, nous pourrons observer une rétraction plus ou moins prononcée d’un ou des deux tentacules, ou, éventuellement, de toute la région céphalique de la 9 — 118 — Limnée ; le temps de réaction est très appréciable et peut atteindre deux secondes. La réaction observée présente un caractère ambigu, car nous ne savons pas au juste quel est le stimulus réactogène. Est-ce le mou- vement de l’ombre ? Est-ce la diminution brusque de l’éclairement, ou au contraire son augmentation soudaine après le passage de l’écran ? Cette incertitude est facile à résoudre: car les rétractions des tentacules et de la tête s’observent aussi quand on se borne à éteindre la lumière expérimentale, soit pendant une fraction de seconde, soit pendant un temps supérieur au temps de réaction. Il s'ensuit que nous avons affaire à une réaction skioptique, et non pho- toptique (l’animal réagissant à la diminution de l’éclairement, et non à son augmentation); de plus, la perception d’une ombre en mou- vement n’est pas nécessaire au déclenchement de cette réaction. Toutefois, le rôle de ce dernier stimulus n’est pas négligeable. Certaines de nos observations montrent en effet qu’il agit en renfor- cant le stimulus skioptique principal: car les rétractions causées par une ombre en mouvement sont plus vigoureuses que celles produites par la simple extinction d’une lampe (toutes choses égales d’ailleurs). En outre, quand survient l’évanouissement de la réaction skioptique, par suite de l’extinction répétée de la lampe, il est souvent possible de susciter encore cette réponse à l’aide d’une ombre mobile. Il est d’ailleurs relativement aisé de trouver des conditions dans lesquelles la réaction skioptique de la Limnée ne subit pas d’extinc- tion : c’est ainsi que le passage brusque, toutes les 90 secondes, d’un éclairement de 1 200 lux à un éclairement de 60 lux, m’a permis d’ob- server, chez certains individus, une centaing de rétractions consé- cutives, sans affaiblissement notable dû à la répétition du stimulus (voir aussi les résultats concordants de Féh). Mais l’emploi de lu- mières moins intenses et, surtout, d’une fréquence de répétition plus élevée, permettent de constater l’affaïblissement graduel, puis l’éva- nouissement de la réaction, étudiés quantitativement par Piéron. Il existe d’ailleurs une relation directe entre l’intensité lumineuse d'adaptation et la persistance de la réaction skioptique, comme en témoignent les résultats consignés dans le tableau I (observations faites sur un lot de 25 Limnées; obscurations à 100 %, répétées à des intervalles de 30 secondes). TABLEAU I Nombre moyen de rétractions avant À Éclairement évanouissement d'adaptation (lux) de la réaction skioptique 5 1/8 50 4 G 1/4 — 119 — L'existence d’une réaction photoptique, chez l’Escargot et chez la Limnée, a été niée par Fôh. En fait, nos propres observations mon- trent que cette réaction est difficile à provoquer, mais qu’elle existe bel et bien, au moins chez la Limnée: les conditions les plus favo- rables sont celles qui comportent une augmentation très rapide et très considérable de l’éclairement (par exemple, passage brusque de 60 à 1 200 lux, ou, mieux, éclair d’un « flash » électronique). La réac- tion photoptique est différente de la réaction skioptique : la Limnée ramène sa coquille vers l’avant, de manière à l’interposer entre la source lumineuse et la partie antérieure de son corps, mais on n’0b- serve jamais de rétraction des tentacules. Ce phénomène se produit très régulièrement chez certains individus, mais il n’est pas général. Par conséquent, la réaction photoptique de la Limnée se prête mal à des expériences sur la photoréception. En résumé, l’ensemble des observations ci-dessus permet de définir la réaction skioptique de la Limnée comme une rétraction des tentacules ou de toute la tête, en réponse à une diminution rapide de l’éclairement du corps. Le mouvement de l’ombre accroît son pou- voir réactogéne, mais n’est pas indispensable. Dans les meilleures conditions, la réaction skioptique peut être reproduite un très grand nombre de fois successives. La réaction photoptique et la réaction skioptique sont qualitativement différentes. II. — Rôle respectif de l'œil et de la sensibilité photique extra-oculaire dans le déclenchement de la réaction skioptique. A. — Une très simple observation établit indiscutablement l’in- tervention d’une photoréception de nature extra-oculaire dans le dé- terminisme de la réaction skioptique. Avec le dispositif expérimen- tal décrit plus haut (p. 125), on peut déplacer très lentement un écran opaque entre la Limnée rampant sur le fond du cristallisoir et la lampe, de manière à projeter une ombre mouvante, d’abord sur la région caudale, puis sur la eoquille, enfin sur la région antérieure et la tête de la Limnée. Dans ces conditions, on constate souvent que la rétraction des tentacules se produit bien avant que l’ombre ait atteint les yeux. Il suffit même, parfois, d’amener l’ombre au niveau du bord postérieur de la coquille pour provoquer une réac- tion skioptique parfaitement typique. Ces faits imposent la conclu- sion suivante : les téguments de la Limnée sont sensibles à la lu- mière. B. — Des observations très soigneuses de Fôh sur l’Escargot ont montré que la peau de ce mollusque n’est pas également sen- sible aux obscurations en tous ses points, certaines régions des téguments étant à l’origine de rétractions plus régulières et plus vigoureuses que d’autres régions. La sole pédieuse de l’Escargot est insensible aux obscurations, de même que la tête, les tentacules et les yeux (pédoneulés). La zone la plus sensible aux stimuli skiop- tiques serait celle du bord antérieur de la coquille, la sensibilité — 120 — diminuant graduellement vers l’arrière et s’annulant au niveau de la queue. Chez Limnaea stagnalis, la répartition de la photosensi- bilité tégumentaire est la même que chez l’Escargot, nous avons pu le vérifier. Toutefois, il y a une différence importante entre les deux espèces : car la tête et les tentacules de la Limnée sont très sensi- bles aux obscurations, au méme titre que la région immédiatement post-céphalique (celle du bord antérieur de la coquille). Comme les yeux des Limnées — contrairement à ceux des Escargots — sont sessiles, la méthode des obscurations localisées est impuissante à déterminer si ces organes ont une part dans le déclenchement de la réaction skioptique. Pour résoudre cette question, nous avons ins- titué d’autres expériences. C. — Tout d’abord, nous avons mesuré le seuil ‘le la réaction skioptique chez des Limnées normales et chez des Limnées aux yeux détruits. Technique. — Un échantillon de 21 Limnées a été préalable- ment seiechiouné.. parmi une péche plus abondante, d’aprés le cri- tère suivant : obtention de 8 rétractions au moins, en réponse à 10 obscurations se succédant à des intervalles de 10 secondes (éclai- rement d'adaptation: 500 lux; durée de Vobscuration: une demi- seconde). Grâce à cette sélection préliminaire, nous avons disposé d’un échantillon expérimental dont la réactivité à des stimuli skiop- tiques était particulièrement bonne. Les Limnées sélectionnées ont été élevées en aquarium, au laboratoire, et nourries régulièrement. L'expérience a consisté à recenser le nombre d’animaux réagis- sant à l'extinction complète de lumières blanches d’intensités va- riant entre 0,35 et 350 lux (obscurations à 100 % dans tous les cas). Pour graduer l’éclairement, nous avons utilisé une source lumineuse constante (lampe de microscopie) et un jeu de filtres neutres. Après une adaptation à l'obscurité de 30 minutes environ, chacune des Limnées était successivement mise en expérience dans un cristalli- soir de 10 em de diamètre, éclairé d’en haut. Au bout de 5 minutes d'adaptation à la lumière expérimentale, un seul stimulus skiop- tique était administré: il consistait dans l’extinction complète de la lampe, à l’aide d’une clé de Morse, pendant une demi-seconde environ. Cette durée est largement inférieure au temps de réaction ; par conséquent, l'extinction de la lampe ne génait pas les observa- tions, qui ont porté sur deux points : a) Proportion des Limnées de l’échantillon expérimental réa- gissant à l’extinction d’une lumière d’intensité donnée ; b) Force de la rétraction éventuellement observée. — Pour quantifier les observations portant sur la vigueur de la réaction, le « code » suivant fut établi : 0 pas de réaction skioptique observable. + ébauche. de rétraction d’un ou des deux tentacules. + + rétraction vigoureuse d’un ou des deux tentacules. +++ rétraction vigoureuse des deux tentacules, avec début de retrait de la téte dans la coquille. j + + + rétraction complète de la région céphalique dans la co- quille. Nous avons renoncé à tenir compte des réactions les plus faibles, au cours desquelles les Limnées ramènent leur coquille au-dessus de teur tête, sans aucune rétraction tentaculaire visible. Car ce mou- vement est ambigu, attendu qu’il se produit aussi au cours de la locomotion normale, en l’absence de toute obscuration. Aprés observation des Limnées intactes, les deux yeux de cha- que individu ont été soigneusement cautérisés à l’aide d’une fine baguette de verre chauffée. Ce travail requiert beaucoup de pa- tience, car on doit attendre, avant d'intervenir, que les Limnées soient bien étendues hors de leur coquille. Sinon, on risquerait de Jéser les tentacules. Cette double opération affecte peu les Limnées, qui se comportent normalement au bout d’une demi-heure. Toute- fois, et pour plus de précaution, nous avons attendu 24 heures avant de répéter sur les animaux opérés les observations faites sur les animaux intacts. Par la suite, il semble que la cautérisation n’ait causé aucun dommage essentiel, et tous les animaux ont survécu au moins quatre semaines à l’opération. Toutes les expériences ont eu lieu en chambre noire, à la tem- pérature de 22 à 24°. Résultats. 1° La fréquence des réactions skioptiques observées augment: régulièrement avec le logarithme de l’éclairement d'adaptation selon une courbe sigmoïde: à 0,35 lux, on n’observe aucune réaction; à 350 lux, les Limnées réagissent toutes. Si on définit conventionnel- lement le seuil de la réaction skioptique comme l’éclairement don- nant lieu à une réaction chez la moitié des individus, on obtient, par interpolation graphique, une valeur très voisine de 13 lux, aussi bien pour les animaux aveuglés que pour les Limnées aux yeux intacts (Figure 1). 2° La force moyenne des réactions skioptiques (évaluée par la somme des signes « + » obtenus par l’ensemble de l'échantillon) augmente également, suivant une courbe en $, avec le logarihme de l’éclairement d'adaptation. Le point d’inflexion de cette courbe correspond: à un éclairement de 12 à 13 lux. La réactivité des ani- maux aveuglés expérimentalement ne diffère nullement de celle des animaux intacts (Figure 2). Ces résultats prouvent que le rôle de l’œil dans le déclenche- ment de la réaction skioptique est insignifiant, sinon nul, et que cette réaction est avant tout due à l’excitation d’un système photo- récepteur extra-oculaire. La nature possible de ce système est dis- cutée plus loin. Nos résultats suggèrent aussi que le taux de Limnées réagissant à une obscuration et la force moyenne des réactions peuvent être ‘100 50 29 Fréquence des réactions skioptiques y + Se a 2 3 log. Eclairement Fig. | Variation de la proportion des Limnées de l'échantillon expérimental présentant la réac- tion skioptique (ordonnées), en fonction du log. de l’éclairement d’adaptation mesuré en lux (abcisses). Les cercles désignent des mesures faites sur les Limnées intactes, et les croix, des mesures faites sur les mémes animaux aprés destruction des yeux. L’en- semble des mesures peut étre représenté par une seule courbe en S, symétrique par x rapport à son point d’inflexion. L’abcisse de ce point correspond a un éclairement de 13 lux (seuil moyen). utilisés comme deux indices concordants de la brillance subjective (ou phanie) de Ja lumière. A l’aide de lumières spectrales d’égale énergie, il doit alors être possible de déterminer la courbe de la sensibilité spectrale extra-oculaire de la Limnée. C’est d’ailleurs ce principe que Hecht (1921) a appliqué dans ses recherches sur la sen- sibilité spectrale de la Mye des sables. III. — Expériences sur la sensibilité spectrale extra-oculaire Technique. — Un deuxième échantillon, comportant 20 Lim- nées, a été sélectionné selon les critères indiqués plus haut, et élevé en aquarium au laboratoire. L'expérience a consisté à recenser les Limnées réagissant à l’ex- — 123 — Force moyenne de la réaction —4 eS 1 2 log. Eclairement Fig. 2 Variation de la force moyenne de la réaction skioptique (ordonnées), en fonction du log. de l’éclairement d’adaptation mesuré en lux (abcisses). La force moyenne de la réaction, pour chaque intensité lumineuse, est évaluée par la somme des signes ‘ +" pour tout l’é- chantillon expérimental. Les deux séries de points expérimentaux (mêmes conventions que figure |) se distribuent autour d’une seule courbe en S, symétrique par rapport à son point d’inflexion. L’abcisse de ce point correspond à un éclairement de 12 à 13 lux (seuil moyen). tinction d’une lumière spectrale, et à noter la force des réactions observées. Les observations ont été ensuite répétées, sur le même échantillon, avec d’autres lumières spectrales de même énergie. Toutes ces lumières ont été obtenues à l’aide d’une série de 12 fil- tres interférentiels « Balzers », dont la largeur de bande à 50 % ne dépassait en aucun cas 15 mu. Les énergies transmises ont été éga- lisées, après mesures radiométriques, à l’aide d’un jeu de filtres neutres. AE 71 D Avant chaque série expérimentale, les Limnées ont été adaptées à l’obscurité pendant 30 minutes. Les expériences ont eu jieu en chambre noire, à la température de 22 à 24° C. La force moyenne des rétractions en lumières monochromatiques a toujours été rapportée à la force moyenne des rétractions dues à l'extinction d’une lumière blanche de comparaison (Eclairement = 500 lux), les mesures en lumière blanche étant toujours faites im- médiatement après les mesures en lumière monochromatique, pour chaque longueur d’onde. Cette méthode nous a permis d’éliminer Vinfluence des variations dans le temps de la réactivité des animaux Cette variabilité était d’ailleurs faible. 100 + ie) i, : uv) ® S + eo 7O +) © © ¥ vi @ n Cc © pe 0 2 50 ry) (D) c rr rr) © D Ô c ® ù 25 fr Qu Cc LL à PSE SEU A REMC HEA! RACK er RES OrnrIARAeEA, ESPRIT 400 500 600 mp FOO": Longueur d'onde : Fig. 3 Variation de la proportion des Limnées présentant la réaction skioptique (ordonnées): en fonction de la longueur d'onde de la lumière d’adaptation (abcisses), Cette propor- tion est maximum vers 520 mv, avant comme après destruction des yeux (mêmes conven- tions graphiques que figure |). tone Résultats. 1° Chez les Limnées aux yeux intacts, la phanie ou brillance subjective de lumières spectrales dont les longueurs d’onde sont comprises entre 405 et 665 my, varie selon une courbe en cloche à peu près symétrique, dont le maximum se situe à 520 my environ. Les deux indices de phanie employés (pourcentage de réactions skioptiques observées, force relative des rétractions) donnent, à cet égard, des indications absolument concordantes. A 405 my (violet) et à 665 my (rouge), on n’observe plus aucune réaction skioptique, ce qui semble montrer que les Limnées ne perçoivent plus ces ra- diations, ou y sont du moins fort peu sensibles (Figures 3 et 4). 100 to aN ar ¢ 0 Ù © © pre ms lo o a 50 8 Oo C 5 > 3 + £ & ù 25 ‘ Ê , > @ @ 400 500 SOO mp 700 Longueur d'onde | rig, Variation de la force moyenne de la réaction skioptique (ordonnées), en fonction de la longueur d’onde de la lumière d’adaptation (abcisses). La force moyenne de la réaction ‘est évaluée en °/, de la force moyenne dans une lumière blanche d’adaptation de 500 lux. Le maximum de la courbe se situe vers 520 mu, avant comme après destruction des yeux (mêmes conventions graphiques que figure |). — 126 — 2° De nouvelles observations, faites sur les mêmes animaux aprés destruction des yeux, n’indiquent aucune modification de la sensibilité spectrale consécutive à cette opération (Figures 3 et 4). IV. — Discussion La réaction skioptique est très répandue chez les Invertébrés : on la rencontre principalement chez les Annélides tubicoles et chez les Mollusques (Lamellibranches et Gastéropodes), mais également chez le Lombric, chez des Oursins, chez le Balane, chez la larve du Moustique. Elle a même été signalée chez un Vertébré, la Tortue Testudo ibera. Chez toutes ces formes, il semble qu’elle ait la même signification biologique: évitement d’un ennemi spécifique ou d’un danger quelconque. En tout cas, ce fait a été bien étabii par Piéron en ce qui concerne la Limnée. Par contre, le rôle biologique de la réaction photoptique, qui est aussi très répandue, semble moins évident. Rappelons que cette réaction s’observe parfois chez la Limnée, contrairement aux asser- tions de Füh, et qu’elle diffère, au point de vue moteur, de la réac- tion skioptique. Cette diversité dans les réactions motrices ne cor- respond-elle pas à une différence concernant les photorécepteurs res- ponsables de l’excitation ? Une telle hypothèse serait évidemment gratuite, si l’on ne connaissait déjà d’autres exemples analogues parmi les espèces « photoskioptiques » (pour reprendre le terme de Nagel, 1894) : ainsi, Koller et von Studnitz (1934) ont montré que la Mye des sables réagit de deux façons différentes à l'élévation et a Vabaissement rapides de l’éclairement environnant, et que les deux types de réactions sont commandés par des photorécepteurs cutanés différents. Unteutsch (1937, cité par von Studnitz 1940) a prouvé que la réactivité photoptique segmentaire du Lombric décroît rapide- ment de la tête et de la queue vers le milieu du corps, en relation avee la distribution de photorécepteurs décrits et identifiés dès 1925 par W. N. Hess. Pour revenir à la réaction skioptique, le passage d’une ombre en mouvement est un stimulus complexe, comportant deux éléments : la diminution rapide de l'intensité lumineuse et le déplacement de l'ombre. Comme le signale von Buddenbrock (1930), le pouvoir réac- togène respectii de ces deux éléments varie considérablement selon les espéces: Balanus improvisus est indifférent au mouvement de Vombre, tandis que, chez l’Annélide Polychète Branchiomma et chez le Lamellibranche Arca, c’est uniquement le mouvement, indépen- damment de toute variation d’éclairement, qui provoque la réaction improprement appelée « skioptique ». Pecten maximus et Pecten va- rius, présentent, en plus de la réponse à un mouvement perçu vi- suellement, un « Schattenreflex » au sens strict. Chez la Limnée, la situation semble encore différente: le mouvement perçu est incapa- ble, à lui seul, de provoquer la réaction skioptique, mais il renforce l'efficacité d’une simple diminution d’éclairement. A première vue, on pourrait done conclure à l’existence d’une relation de subordi- nation entre les deux stimuli associés. Encore faudrait-il établir — 127 — par l’expérience qu’il n’existe pas de conditions optimales d’ampli- tude et de vitesse du mouvement, dans lesquelles celui-ci pourrait devenir réactogène indépendamment de toute obscuration. Cette question mériterait d’être approfondie, dans le cadre d’une étude sur la perception visuelle du mouvement. Le stimulus skioptique « simple », consistant uniquement dans une diminution de l’éclairement auquel l’animal est adapté, pré- sente encore un certain caractère de complexité, qui ressort des expériences de Füh sur l’Escargot et sur la Limnée. Cet auteur a montré que la force de la réaction skioptique dépend à la fois de l’intensité de la lumière d'adaptation et de l'intensité de l’obscura- tion: la réaction est d’autant plus forte que l’éclairement initial est plus intense et que l’obscuration est plus complète. Nos expé- riences nous ont permis de vérifier la première de ces relations dans le cas particulier où l’obscuration est totale. Il s’ensuit que la va- leur du seuil réactionnel, tel que nous l’avons déterminé, est rela- tive aux conditions de l’obscuration. Ce seuil serait certainement plus élevé si le stimulus employé avait consisté dans une obscura- tion de 50 %, par exemple (éclairement diminué de moitié). Pour . évaluer l'intensité d’un stimulus skioptique, il faut done prendre en considération à la fois l’obscuration absolue (— A I) et Vobseu- ration relative (— A I/I). L’expérience nous ayant appris que les yeux des Limnées n’in- terviennent pas dans le déterminisme de leur réaction skioptique, quelle hypothése pouvons-nous émettre, concernant la nature du systéme photorécepteur dont dépend cette réaction ? En tenant compte de toutes les données actuellement connues sur la photo- réception extra-oculaire, nous pouvons envisager deux possibilités. Ou bien la réaction skioptique dépend de la « sensibilité derma- toptique » au sens strict, c’est-à-dire de la sensibilité photique ba- nale de tissus non-différenciés quant à la photoréception; ou bien ce sont des photorécepteurs différenciés, disséminés dans les tégu- ments, qui commandent la rétraction au passage d’une ombre. Ces deux types de systèmes photosensibles sont, l’un et l’autre, très répandus chez les Animaux, et aussi chez les Végétaux. L'existence du premier a été très bien établie, en particulier par les recherches de Viaud (1950) sur le phototropisme des animaux inférieurs : les Cladocères, les Rotifères, les Planaires sont d’autant plus attirés par des lumières monochromatiques que leur longueur d’onde est plus courte. Cette photocinèse causée par les radiations les plus réfrangibles du spectre visible est indépendante de la pré- sence des yeux ; elle se retrouve aussi dans les mouvements de la ci- liature de certains epithelia absolument indifférenciés quant à la photoréception : l'amplitude des battements ciliaires est inversement proportionnelle à la longueur d’onde éclairante (résultats de Viaud, 1942, sur Vepithelium pharyngien de la Grenouille et l’epithelium branchial de la Moule et de l’Anodonte). : Quant à la présence, dans la peau ou dans d’autres tissus du corps, d'organes photorécepteurs plus ou moins différenciés, elle — 128 — est bien connue depuis les travaux de R. Dubois (1892) sur la Pho- lade dactyle et ceux, déja cités, de W. N. Hess sur le Lombric. Hecht (1920-21, 1928), d’une part, et Koller et von Studnitz, d’au- tre part, ont montré que les organes photorécepteurs du siphon de la Pholade et de la Mye présentent une sensibilité maximale aux radiations spectrales du milieu du spectre visible (entre 500 et 575 mu, selon les cas), c’est-à-dire qu’ils se comportent comme des yeux véritables dotés d’un système pigmentaire ayant son maximum d'absorption dans la même bande de radiations. Tl résulte des expériences relatées plus haut que la sensibilité extra-oculaire des Limnées est maximale à 520 my. C’est donc une première indication en faveur de l’existence de phorécepteurs dif- férenciés disséminés dans les téguments, qui seraient à l’origine de la réaction skioptique. Cette hypothèse est étayée par l’existence de variations locales de la sensibilité skioptique, qui est maximale dans la région céphalique et immédiatement post-céphalique, et nulle à la face inférieure du pied. Pour prouver cette hypothèse, il serait, bien entendu, nécessaire de faire l’étude histologique des téguments de la Limnée, d'identifier des formation photoréceptrices tant soit peu dif- férenciées et de montrer qu’il existe une concordance entre la sensi- bilité skioptique des différentes parties du corps et la répartition anatomique des organes photorécepteurs. RÉSUMÉ elt: La réaction skioptique de Limaea stagnalis consiste dans une rétraction des tentacules ou de toute la téte, en réponse & une dimi- nution rapide de l’éclairement ambiant. 2. Le pouvoir réactogéne du stimulus skioptique est accru par le déplacement d’une ombre sur le corps du Mollusque. 3. La Limnée présente également une réaction photoptique, ou réponse à une augmentation soudaine de l’éclairement. Cette réponse, qui a également pour effet de mettre la tête à l’abri de la Coquille, est moins constante que la réaction skioptique; elle met en jeu des effecteurs différents. 4. Des expériences d’obscurations localisées et d’ablation des veux prouvent que ces organes n’ont qu’une part très restreinte dans * le déterminisme de la réaction skioptique. 5. La sensibilité spectrale extra-oculaire, déterminée par l’ob- servation des réponses à l’obscuration de lumières monochromatiques d’égale énergie, présente un maximum dans la région moyenne du spectre visible (520 mu). Les limites du spectre visible pour la Limnée sont approximativement 405 et 665 mu. 6. La photoréception extra-oculaire de la Limnée n’est sans doute pas une sensibilité photique banale du protoplasme. Elle s’ef- fectue vraisemblablement par l’intermédiaire d’yeux rudimentaires disséminés dans la peau. Sige BIBLIOGRAPHIE von Buppensrock (W.). — Untersuchungen über den Schattenreflex. -- Z. f. vergl. Physiol., 1930, 13, 164-213. . Dusors (R.). — Anatomie et Physiologie comparée de la Pholade Dac- Lyle, 1892. 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IL arrive que ce comportement se ré- duise à deux phases, une phase cathodique de faible durée, une phase anodique de longue durée (galvanotropisme biphasique) ; il arrive aussi qu’il y ait plusieurs phases alternantes : phase cathodique, phase anodique, phase cathodique, phase anodique, etc., les phases anodiques étant généralement de, plus longue durée que les phases cathodiques (galvanotropisme polyphasique). Les formes animales paraissent se partager en deux grands groupes quant aux aspects de leur comportement galvanotropique : 1° les formes à galvanotropisme. monophasique : exemple : les Paramécies, les Planaires ; 2° les formes à galvanotropisme bi-ou polyphasique ; exemple : ies Echinodermes (étudiés par F. Scheminsky), les Gammares (Rose), les tétards de Grenouille, les Poissons. N.B. — Nous rejetons les conclusions des auleurs (par ex. Hyman et Bellamy, 1922) qui sont à l’origine de cette opinion très répandue selon laquelle les Invertébrés seraient généralement galvanotropiques cathodi- — 131 — ques el les Verlébrés galvanolropiques anodiques. Nos observalions nous ont moniré, avec cerlilude, que les Verlébrés, comme les Inverlébrés, peu- vent présenter des phases cathodiques : cela dépend de l'intensité du courant et du temps d'exposition. Nous confirmons ainsi les conclusions d'anciens auteurs (Hermann et Mathias, 1885-94; Blasius el Schweizer, 1893 ; Ewald, 1894) selon lesquelles les Vertébrés (têtards de Grenouille, alevins de Salmonidés, etc...) sont primairement galvanotropiques catho- diques, secondairement anodiques. Le problème que nous posons est le suivant : pourquoi y a-l-il des formes animales ne présentant que du galvanolropisme cathodique ; pour- quoi d’autres présentent-elles du galvanotropisme. polyphasique ; quel est le délerminisme du gaivanotropisme polyphasique ? Il. Rappel de notions fondamentales expliquant le galvanotro- pisme monophasique. — Les recherches systématiques que nous avons entreprises depuis 1949 sur le galvanotropisme monophasique catho- dique des Planaires (Planaria lugubris) ont montré en substance que ce comportement dépend : 1° d’une anisotropie électrique des tissus de l'organisme (conductance plus grande en sens homodrome qu’en sens antidrome) ; 2° d’une anisotropie d’excitation de Vanimal (sensibilité au cou- rant plus grande en sens homodrome qu’en sens antidrome) ; 3° de la loi du maximum d’excitation (Vanimal s’oriente spon- tanément dans le champ électrique dans le sens où il est le plus excité par-le courant — sens homodrome —, e’est-a--dire vers la cathode). - Nous avons retrouvé, dans le déterminisme du galvanotropisme de Paramoecium caudatum, les mêmes facteurs et la même loi. III. — Application de ces notions fondamentales à l’explication du galvanotropisme polyphasique. — Les phases cathodiques du gal- vanotropisme polyphasique s'expliquent de la même manière que le valvanotropisme cathodique monophasique. Nos observations sur des têtards de Rana fusca et sur le Poisson Carassius vulgaris ont montré : 1° que ces animaux ont une anisotropic électrique analogue à celle des Planaires ; 2° qu'ils ont une anisotropic d’excitation analogue aussi à celle des Planaires ; 3° que leur réaction galvanotropique primaire (cathodique) obéit également à la loi du maximum d’excitation. IV. Déterminisme des phases anodiques du galvanotropisme polyphasique. — Etant donné le sens des anisotropies fondamentales (de conductance et d’excitation) chez les tétards de Rana et les Pois- sons Carassius, il est évident que ces animaux, lorsqu’ils deviennent anodiques, recherchent l’orientation dans le courant qui correspond au minimum d’ excitation. Leur réaction est alors une réaction de fuite ou d’évitement. C’est bien ainsi qu’elle a été caractérisée par plu- sieurs auteurs: F. Scheminsky (1931) parle de « réaction anodiques dues à la fatigue » chez les Echinodermes ; M. F. Canella (1937) dit ety js ue que les Poissons fuient « l’électrode excitante » ou cathode, et appelle cette réaction, qui contraste avec les réactions cathodiques par son caractère adaptatif, du « pseudogalvanotropisme ». Le même auteur ajoute que les Poissons, dans leurs réactions anodiques, peuvent méme chercher à échapper à l’action génante du courant, si celui-ci est fort, en bondissant hors de la cuve à électrodes. Nous avons éga- lement observé ces faits. Ainsi, nous savons pourquoi tous les animaux à galvanotropisme monophasique ou polyphasique prennent l'orientation cathodique : c'est parce qu’ils ont des anisotropies fondamentales qui sont telles qu’ils s’orientent vers la cathode en vertu de. la loi du maximum d’excitation, laquelle loi exprime une tendance primaire de leur or- ganisme. Et nous savons aussi pourquoi certains animaux présentent des phases de galvanotropisme anodique: c’est parce qu’ils ne peu- vent plus, au-delà d’une certaine intensité du courant ou au-delà d’un certain temps d’exposition, supporter l’action du courant dans la position qui correspond au maximum d’excitation; ils prennent alors, au moins pendant quelque temps, l’orientation inverse, celle qui correspond au minimum d’excitation. I] nous reste maintenant à savoir pourquoi certaines formes ani- males ne présentent que du galvanotropisme cathodique monopha- sique, tandis que d’autres manifestent du galvanotropisme polypha- sique. Cette question constitue le problème principal que nous étu- dions dans cette communication. Sa solution nous paraît être donnée essentiellement par un phénomène de régulation interne, le phénomène de la « force électro- motrice d'opposition ». V. — Le phénomène général de la force électromotrice d’oppo- sition. — Quand on fait passer dans le corps d’un animal, suivant son axe longitudinal, un courant électrique continu, l’animal répond en développant une force électromotrice qui tend à s'opposer au pas- sage du courant. Nous l’avons appelée à cause de cela: « force élec- tromotrice d’opposition ». Le phénomène se produit, que l’animal soit en position homodrome ou qu’il soit en position antidrome dans le courant d’excitation. Nous avons mis en évidence ce phénomène chez trois espèces que nous avons étudiées à cet égard: Planaria lugubris, têtards de Rana fusca et Carassius vulgaris, en opérant de la manière sui- vante (fig. 1): dans un circuit parcouru par un faible courant continu sont placés un galvanométre très sensible et l’animal d’ex- périence (électrodes appliquées à l’extrémité antérieure et à l’extré- mité postérieure). A la fermeture du circuit, le courant d’excitatiou commence par faire dévier le spot du galvanomètre dans une cer- taine direction (fig. 2); mais le spot ne se stabilise pas immédia- - tement comme il ferait si, au lieu d’un animal, une résistance mé- tallique était placée entre les électrodes ; au contraire, il revient en arriére assez lentement et finit par se stabiliser sur une certaine di- vision de l’échelle, qui peut être voisine du zéro. Ce fait peut in- r O-1210Q R 70000 Fig. | Appareillage pour la mise en évidence de la f.é.m. d'opposition. Fig. 2 Enregistrement des déplacements du spot du galvanomètre sous l’influ- ence antagoniste delaf.é.m. d’excitation et dela f.é.m. d'opposition chezles tétards de Rana fusca. A, l'animal est en position antidrome ; H, il est en position homodrome. Les croix indiquent le moment où l’on coupe le cou- rant d’excitation. 10 diquer, soit que la résistance de l'animal augmente au cours du passage du courant d’excitation, soit qu’une f.é.m. s’opposant à ce courant est développée progressivement par l’animal. Les deux hypo- thèses sont possibles, mais c’est certainement la dernière qui est vraie : car, si, après stabilisation du spot, on coupe le courant d’exci- tation, on voit le spot reculer brusquement sur une partie plus ou moins grande de l’échelle, puis revenir lentement vers le zéro. Ce der- nier fait ne peut être interprété que de la manière suivante: il y a une f.é.m. d'opposition qui agit seule sur le galvanomètre après rupture du courant d’excitation, et qui se dissipe peu à peu. L'évaluation de la f.é.m. d’opposition est facile à réaliser dans chaque cas: si on connaît la résistance du corps de l’animal (mesurée par ailleurs avec un courant extrêmement faible qui ne développe pour ainsi dire par de f.é.m. d'opposition) ; si on remplace l’animal entre électrodes par une résistance métallique équivalente, on voit jusqu’où le spot dévie sous l’action du courant d’excitation seul; la différence entre la déviation du spot dans cette condition et sa po- sition de stabilisation quand il est sous la double influence anta- goniste de la f.é.m. produisant le courant d’excitation et de la f.é.m. d’opposition, donne aisément la valeur de cette dernière. Nous avons trouvé, pour tous les animaux étudiés : 1° que la f.é.m. d’opposition croît avee la f.é.m d’excitation jusqu’à un certain maximum, qu’elle décroit ensuite et finit par s’annuler (fig. 3) ; mV @ Sens antidrome 1500 Fam. dopposition 500 i090 20CO0 3000 4000 mv Fem d'excitation Fig. 3 Variations de la f.é.m. d'opposition en fonction de la f.é.m. d’excitation chez Planaria lugubris. 2° que la f.é.m. d'opposition est souvent un peu plus forte quand l'animal est en position homodrome dans le courant d’excitation que quand i] est en position antidrome, ce qui n’a rien d’étonnant, puisque, à cause de l’anisotropie de conductance de l’animal, le cou- — 155 — rant d’excitation est plus fort en position homodrome qu’en position antidrome pour une même f.é.m. d’excitation. Mais, si la forme des courbes de variation de la f.6.m. d’oppo- sition en fonction de la f.é.m. d’excitation est la méme pour les divers animaux étudiés, par contre les valeurs critiques de la f.é.m. d'opposition varient grandement suivant les espèces : VALEUR MAXIMALE VALEUR ; de la f.é.m. d’opposition| de la f.é.m. ESPECES Sens d’excitation au ee max. de la homodrome | a ntidrome | f-¢.m. d’oppos. Planaria lugubris....... 1.700 mV | 1.665 mV 2.000 mV Tétards de Rang: Pas 200 195 335 Carassius vulgaris...... 112 132 250 200 © Sene namedrems © Sene enikrere Farm deppectien 6 Le) 200 400 600 800 1 Fé. denchation Fig. 4 Mêmes phénomènes chez les tétards de Rana fusca. Un fait remarquable ressort de ces résultats: Planaria, malgré sa taille faible (18 mm) comparée à celle des têtards de Rana (25 mm) et surtout à celle de Carassius (72 mm en moyenne), fournit une f.é.m. d'opposition incomparablement plus grande que ces deux der- nières espèces, et son maximum correspond à une valeur beaucoup plus grande de la f.é.m. d’excitation (fig. 6). VI. La régulation interne et la f.é.m. d'opposition. — Il est ma- nifeste que le développement de la f.é.m. d’opposition est un phé- noméne adaptatif ou régulateur, tendant à diminuer l’effet pertur- bateur de la f.é.m. d’excitation. Or ce phénomène régulateur est de — 136 — mv 2 : i © Sens homodrome 6 @ Sens antidrome Fe.m. d'opposition 100 200 300 «CO mV 500 F.é.m. d’excitation Fig. 5 Mémes phénomènes chez le Poisson Carassius vulgaris. 1000 2006 3000 4000 mv Fém. d'excitetion Fig. 6 Graphique d'assemblage montrant la grandeur de la f.é.m. d'opposition chez Planaria lugubris comparée à celle des têtards de Rana fusca. valeur très différente suivant les espèces animales considérées, comme nous venons de le voir: chez les unes, il parvient presque à. équilibrer la tension de la f.é.m. d’excitation jusqu'à 2 000 mV (Pla- naires) ; chez les autres, il est loin d’y parvenir et, en tout cas, « abandonne la lutte » au-delà de 250 à 350 mV environ (tétards, Poissons). Autrement dit, la régulation interne en réponse à l’exci- tation galvanique, par la f.¢.m. d'opposition, est bonne chez les Pla- naires, trés médiocre chez les tétards et les Poissons. D’autre part, nous savons que les Planaires ne présentent ja- mais que du galvanotropisme cathodique, et que les tétards et les Poissons, par contre, manifestent du galvanotropisme polyphasique Ac a Se as Mee ee — 137 — dont les phases anodiques correspondent à des réactions adaptatives d’évitement, de fuite, de « mise à l’abri » relatif quant à l’excitation galvanique. La confrontation de ces deux ordres de faits paraît imposer la conclusion suivante: quand un animal peut développer une f.6.m. d'opposition suffisante pour diminuer considérablement l’excitation galvanique, il reste cathodique pour toutes les intensités de courant d’excitation jusqu’à ce qu’intervienne l’électro-narcose (ce qui est très visible chez les Planaires) ; il répond donc à l’action directrice du courant par une réaction tropistique cathodique selon la loi du maximum d’excitation, et à l’action excitante de ce courant par une réaction électrique, ou régulation interne; quand l’animal ne peut développer qu’une faible f.é.m. d'opposition, il reste cathodique tant que cette force n’a pas atteint son maximum, mais devient anodique dès qu’il ne peut plus lutter contre l’action excitante et génante du courant par réaction électrique ou régulation interne; c’est-à-dire qu’il cherche à échapper au maximum à cette action en prenant la direction du minimum d’excitation ; sa réponse est done alors une réaction locomotrice orientée (anodique), qui est une régulation externe. VII. Conclusion générale. — Les phénomènes régulateurs que nous venons de mettre en évidence dans le galvanotropisme animal présentent une analogie remarquable avec les phénomènes de ther- morégulation qui se manifestent chez les Poïkilothermes et les Ho- méothermes. Les Poïkilothermes ne sont capables que d’une faible thermorégulation interne: dans un espace où est établi un gradient thermique, ils réagissent par du thermotropisme, c’est-à-dire recher chent la zone correspondant à leur « thermopreferendum », et la trouvent par une série de réactions locomotrices orientées, réactions d’évitement au « trop chaud » et au « trop froid »: leur régulation thermique est de type externe. Les Homéothermes, à côté de réactions thermotropiques, manifestent aussi et surtout une régulation ther- mique interne, que les physiologistes ont minutieusement analysée : de ce fait, ils peuvent répondre à d’assez larges variations de tempé- rature du milieu sans présenter de réactions locomotrices d’évitement. Aux Homéothermes correspondent dans l’ordre galvanotropique les animaux qui développent une forte f.é.m. d'opposition (régulation interne) ; aux Poikilothermes, les animaux qui ne développent qu’une aible f.é.m. d’opposition et qui, par conséquent, ne peuvent éviter, dans une certaine mesure, l’action gênante du courant que par des réaction anodiques d’évitement (régulation externe). Mais, tandis que la régulation thermique interne est d’un type évolué, la régu- lation galvanique interne est d’un type primitif. (Paramécies, Planaires); et, tandis que la régulation thermique externe est d’un type primitif la régulation galvanique externe semble exister surtout chez des animaux évolués (Arthropodes, comme les Gam- mares; Vertébrés, comme les Amphibiens et les Poissons). Ces conclusions générales sont encore en partie hypothétiques. — 138 — La continuation des recherches sur d’autres espéces animales mon- trera leur validité. Quoi qu’il en soit, nos résultats expérimentaux actuels sur les Planaires, les tétards de Grenouille et les Poissons montrent que les changements du sens des réactions (de cathodiques en anodiques) dans le galvanotropisme polyphasique doivent étre rap- portés à la faiblesse de la f.é.m. Wopposition. Cette réaction élec- trique interne en réponse au passage d’un courant d’excitation paraît être un phénomène général; mais sa grandeur a un caractère spéci- fique, qui distingue les animaux à galvanotropisme monophasique et les animaux à galvanotropisme polyphasique. C’est probablement la première fois que l’investigation scienti- fique atteint des bases physiologiques susceptibles d’expliquer les changements de signe périodiques d'un comportement tropistique. OUVRAGES CITÉS Bzazius (E.) et ScHweizer (F.). — Pflüger's Arch., 1893, 53, 493-543. Ewatp (J.R.). — Pfäger's Arch., 1894, 55, 606-621. Hermann (L.) et Marutias (F.). — Pfliiger’s Arch., 1895, 57, 391-405. Nace (W.A.). — Pflüger’s Arch., 1895, 59, 603-642. Hyman (W.A.) et Berramy (A.W.) — Biol. Bull. 1922, 5, 313-347. CanELLA (M.F.). — Boll. Soc. Ital. Biol. Sper., 1937, 12,: 1-3. SCHEMINSKY (Fe.), ScHEMINSKY (Fr.) et Buxatscu (F.). — Tabulae Biologicae, 1941, 19, 2 (Cellula), 76-262. Viaup (G.). — Les Tropismes. Paris, P.U.F., 1951. Viaup (G.). — Experientia, 1954, 10, 233-242. Viaup (G.). — Arch. d’Anat., d’Histol. et d'Embryol., 1954, 37, 2° partie, 145-151. Vol. jubilaire L Bounoure. LE COMPORTEMENT DIT « MATERNEL » DE LA SOURIS par Eliane BENIEST-NOIROT, Bruxelles La mère souris manifeste vis-à-vis de ses petits les compor- tements typiques suivants que l’on désigne sous le terme de compor- tements « maternels » : 1. Les comportements de parturition, 2, Le « retrieving », 3. La nidification, 4. Le « nursing », 5. La position d’incubation ou d’allaitement, 6. L’allaitement proprement dit, 7. Le comportement agressif-défensif. — Les comportements de parturition comprennent trois acti- vités distinctes, manger le placenta, ronger Je cordon ombilical, net- toyer le nouveau-né. — Le « retrieving » consiste dans le transport des petits égarés au nid. (Fig. 1 et 2). — La nidification se rencontre chez toute souris, mais s’inten- sifie nettement chez l’animai qui soigne des petits. __ Le « nursing » comprend le nettoyage et le massage des petits au moyen de la langue. A défaut de ces soins, les petits ne peuvent ni uriner, ni déféquer et meurent en conséquence. — La femelle qui allaite ses petits adopte une position typique, la position d’incubation ou d’allaitement: en écartant au maximum les quatre pattes, elle s’étend sur les petits, de manière a couvrir toute la nichée. (Fig. 3 et 4). — 140 — — L’allaitement proprement dit dure environ trois semaines chez la souris. — Le comportement agressif-défensif, c’est-à-dire l’attaque (et si possible l’éloignement) des animaux intrus est souvent considéré comme un comportement de « défense des petits ». Nous verrons dans la suite s’il y a lieu d’adopter ce point de vue. La plupart des auteurs pensent que les configurations compor- tementales que nous venons d’énumérer apparaissent chez l’animal mère sous l’influence de son état hormonal spécifique. Nous nous sommes proposé de rechercher dans quelle mesure l’état hormonal post-partum détermine ces comportements, et dans quelle mesure la situation extérieure (la présence du jeune souriceau) parvient à les déclencher. Nr Notre expérimentation se divise en trois parties. Nous avons commencé par étudier les composantes de « retrieving », nidification, « nursing » et comportement d’allaitement pour voir si ces actions pouvaient être couramment accomplies par d’autres que la mère. Cela nous a conduit à étudier dans un deuxième moment les compor- tements de parturition et à chercher si d’autres sujets que la mère se livraient éventuellement eux aussi aux mêmes comportements ; par exemple: ronger le cordon ombilical, manger le placenta, etc. Une troisième phase de l’expérimentation a été consacrée à l'analyse du comportement agressif-défensif et des variations qu’il subit dans des conditions de gestation, d'allaitement et de présence de jeunes. I. — Les comportements de « retrieving », nidification, « nursing » et position d’allaitement. A. — Groupes adultes. Des animaux non mères, répartis en cinq groupes expérimentaux ont été observés durant 5 minutes en présence de trois petits âgés de 24 à 48 heures, les petits placés dans leur cage à un endroit situé hors du nid. Le nombre de réactions « maternelles », sous forme de « retrieving », nidification, « nursing » et position d’allaitement, observées dans chacun des cinq groupes expérimentaux, à été com- paré au nombre de réactions « maternelles », observées dans un groupe de mères primipares qui, au Cours du second jour après la par- turition, ont été observées durant 5 minutes en présence de trois de leurs petits placés en dehors du nid. Voici quels sont les groupes expérimentaux : Groupe 1: mères primipares après la lactation, Groupe 2: femelles en première gestation, Groupe 3: femelles vierges adultes, Groupe 4: mâles adultes qui ont vu la partenaire soigner une nichée, Groupe 5: mâles vierges adultes, ER PT ET à PA MIT ER NU UE RS Ee Re ee A, PP PE LS ee des ss 7 à « RETRIEVING » Figure | POSITION D’ALLAITEMENT Figure 4 La position d’abandon de l’intrus chez l’animal propriétaire. (à Figure 5 gauche) provoque une inhibition de l'agression MES À A Chaque groupe, de même que le groupe de référence des mères primipares, se compose de 20 sujets. Les sujets des groupes 2, 3 et 5 n’avaient jamais vu de petits avant cette expérience. Les résultats des tests de signification montrent que les compor- tements de « retrieving », nidification, « nursing », ainsi que la posi- tion typique d’allaitement apparaissent aussi fréquemment dans chacun des groupes expérimentaux que dans le groupe des méres primipares. B. — Groupes impubères. La présence d’un petit déclenche les comportements dits « ma- ternels » chez l’animal adulte, en va-t-il de même chez la souris impubère ? Nous avons observé en premier lieu quatre-vingt souris impu- bères qui n’avaient jamais vu de petits. Elles se répartissent parmi ces groupes-Ci : — mâles âgés de 20 à 29 jours, — mâles âgés de 30 à 39 jours, — femelles âgées de 20 à 29 jours, — femelles âgées de 30 à 39 jours. En second lieu, nous avons soumis à l’épreuve des souris impu- bères, formant quatre groupes parallèles aux groupes ci-dessus, qui avaient vu la mère soigner une nichée. Chacun de ces sujets a été observé durant 5 minutes en présence d’un petit âgé de 24 à 48 heures. Cette expérience, dont les résultats ont été mis en scalogramme, montre que les réactions « maternelles » s’installent successivement et dans l’ordre suivant chez les animaux impubères : 1° « nursing », 2° « retrieving », 3° nidification, 4° position d’allaitement. Elle met aussi en évidence que, contrairement à l’animal adulte qui, en présence d’un petit se livre spontanément à tous les compor- tements « maternels » qu’il soit déjà habitué à soigner un petit ou non, l’animal impubère qui à vu la mère soigner une nichée mani- feste plus précocement les comportements « maternels » que l’animal qui n’a jamais vu de petits. Ainsi, nous avons relevé un nombre de réactions de « retrieving » et de nidification significativement plus élevé parmi les groupes, mâles et femelles, âgés de 20 à 29 jours, qui ont pu profiter de l’exemple maternel, que parmi les groupes de même âge qui n’avaient jamais vu de petits avant l’expérience. Toutefois, à l’âge de 30 à 39 jours, cette différence ne se manifeste plus qu’au niveau de la nidification, le « retrieving » étant apparu spontanément à cet Âge. ae II. — Les comportements de parturition. Dix femelles vierges adultes et dix mâles vierges adultes ont été observés en présence de deux nouveaux-nés dont l’un était pourvu du cordon ombilical et l’autre du cordon et du placenta. Jamais auparavant ces sujets n’avaient vu de petits. Neuf des femeiles et huit des mâles ont réagi comme l’animal parturient: ils ont mangé le placenta, rongé les cordons ombilicaux et nettoyé les petits. L’ex- périence a été reprise avec les trois sujets qui avaient réagi au nou- veau-né par l'indifférence ou par l’agression, en évitant tout facteur susceptible de perturber les animaux tel que bruit, gestes brusques, etc. Ces trois animaux ont réagi positivement aux nouveaux-nés au cours de cette seconde observation. . III. — Le comportement agressif-défensif. A. — Données générales. La souris qui rencontre un intrus sur son territoire réagit vis-à- vis de lui, soit par une attitude tolérante, soit par une agression, très rarement par l’indifférence. L'animal « propriétaire » tolérant renifle l’intrus des pieds à la tête, le suit fréquemment dans tous ses déplacements, mais ne l’at- taque pas, même si l’intrus se permet de prendre place au nid ou d'entamer les provisions de nourriture. L'animal « propriétaire » agressif attaque l’intrus et le mord à plusieurs reprises. Cette agression est le plus souvent précédée par un reniflement de l’intrus, mais certains animaux très agressifs peu- vent attaquer d'emblée tout intrus, omettant de se livrer d’abord à cette prise de contact. | L'animal intrus ne se défend pas contre les agressions qu’il subit, mais se met en « position d'abandon ». La position d'abandon est une attitude typique, « ritualisée » dans le sens qu’attribue l’école de Lorenz à ce terme. Elle consiste à se mettre debout sur les pattes postérieures, les pattes antérieures recourbées et le ventre exposé à l'adversaire. Dans la majorité des cas, l’animal qui se met en position d'abandon crie de manière brusque et stridente. Ces cris et cette attitude sont efficaces dans le sens qu’ils peuvent suspendre l'attaque. Dans le cas où l’animal propriétaire est très agressif, ils ne suspendent pas l'attaque mais provoquent néanmoins une inhibi- tion chez l’agresseur, qui se manifeste, ne fût-ce que sous la forme d’un léger retrait de la tête. Durant quatre mois, cinquante-huit souris ont été observées journellement en présence d’un intrus, alternativement mâle et femelle, sur le territoire. Nous notions leur attitude à l'égard des intrus (attaque ou non, mode d’attaque). Le traitement statistique de ces résultats montrait que: — les sujets attaquent plus fréquemment les intrus du même sexe qu'eux que les intrus de l’autre sexe. — 143 — — l'agressivité peut varier considérablement d’un sujet à l’au- tre, et d’un moment à l’autre chez le même sujet. Entre autres, l’exemple d’un partenaire tolérant peut entraîner une diminution de l'agressivité à l’égard des intrus, l’exemple d’un partenaire très agressif peut entraîner une augmentation de agressivité à Végard des intrus; l’animal isolé, privé de partenaire sexuel, devient géné ralement beaucoup plus agressif qu'auparavant ; on peut se demander également dans quelle mesure les petits ne tendent pas à imiter une attitude agressive ou tolérante marquée des parents. B. — Variations de l'agressivité dans les conditions de gestation, d'allaitement et de présence de petits. Une population de treize mâles et de treize femelles ont été mis journellement en présence d’un intrus, alternativement mâle et fe- melle, sur leur territoire; nous notions leur attitude à l’égard des intrus. Les animaux vivaient en couples, chaque couple a été formé d’un mâle et d’une femelle dont l’agressivité vis-à-vis des intrus était > ie mTaUS oF AGRESSIUITE __ inraus g DES ee Merle ss 6s 2 S 8 à < 2 ry Pa 5 | ALLAITE MENT ' | 1 DES UGC TIR RO idee AMY Ree | | GESTATION | t Graphique |! Remarque : les femelles n’ont pas été fécondées au cours de l'œstrus post-partum, dans quel cas on n’observe pas la diminution de l'agressivité durant la période d’al- consécutive. se a peu près égale. De cette facon nous ne risquions pas de fausser les résultats par des variations de l’agressivité dues, soit à l’iso- lement du sujet, soit à l’influence qu’un partenaire nettement plus ou nettement moins agressif peut exercer sur celui-ci. Nous avons constaté ainsi que l’agressivité vis-à-vis des intrus est significativement plus élevée au moment où les sujets soignent leurs petits qu’au moment où ils vivent sans petits. En analysant plus profondément cette augmentation de l’agres- sivité, il apparaissait que: — L’agressivité des femelles augmente progressivement durant les périodes de gestation, atteint un maximum au moment de la par- © turition et décroît graduellement ensuite durant les périodes de lac- tation (graphique 1). Remarquons que la plupart des femelles tentent de s’isoler et de fuir le partenaire, à moins qu’elles ne vivent depuis très long- temps avec lui, à l’approche du terme de la grossesse (par exemple, en construisant un autre nid dans la cage ou en chassant le par- tenaire). — L’agressivité des mâles croît graduellement durant les pé- riodes de gestation de leur partenaire femelle, décroît brusquement après la parturition de celle-ci et augmente à nouveau progressi- vement durant le temps que la femelle allaite une nichée (gra- phique 2). | — RGRESSIVITE DES MALES DURANT LES ‘PERIODES DE GESTATION ET D'ALLRITEMENT 2 e-4-mc 19 2d z ao D “a w ow J = Pr J Où — INTRUS @ 2 INTRYD oF - ALLAITE ENT Graphique 2 Les variations de l’agressivité de la femelle, dans le sens d’une augmentation au cours de la gestation, d’un maximum au moment de la parturition et d’une diminution ensuite, allant de pair avec une — 145 — tendance marquée à Visolement, à Vapproche de la parturition, constituent peut-être une défense de Vorganisme contre la fécon- dation post-partum, qui entraine dans la plupart des cas une mor- talité élevée parmi les nichées. L’augmentation de l’agressivité du male dont la partenaire est en gestation ou allaite ses petits s’explique peut-étre, comme dans le cas de l’animal que l’on isole, par une frustration du besoin sexuel puisque la femelle refuse généralement de s’accoupler durant les pé- riodes de gestation et de lactation. CONCLUSIONS La présence d’un petit suffit à déclencher chez l’animal adulte, quelle que soit sa condition hormonale, les comportements dits « ma- ternels » de « retrieving », nidification, « nursing », ainsi que la position d’allaitement. Ces mémes comportements apparaissent suc- cessivement et dans un ordre déterminé chez l’animal impubère, leur installation nécessite un certain niveau de maturité mais elle est plus précoce chez animal qui a bénéficié de l’exemple d’un adulte. Il en va de même pour les comportements de parturition qui ap- paraissent chez toute souris adulte qui se trouve en contact avec un nouveau-né. A l'encontre des théories généralement admises, il semble donc que, chez la souris, la manifestation des réactions dites « mater- nelles » soit indépendante de l’état hormonal du sujet. Contrairement à ce qui nous est apparu pour les réactions pré- cédentes, pour l’agressivité il semble que le déterminisme hormonal joue un rôle fondamental chez la femelle dans le sens d’une augmen- tation jusqu'au moment de Ja parturition et d’une diminution ensuite. (L’agressivité de femelles ou de males vierges auxquels on confie des petits ne subit aucune variation). L’isolement d’une part, et l'augmentation simultanée de l'agressivité de la femelle à lap- proche de la parturition constituent peut-être, dans la perspective évolutive des fonctions de survivance, une défense de l'organisme contre la fécondation post-partum, néfaste au développement des petits. — 146 — BIBLIOGRAPHIE ~ Beacu F.A. — « The neural basis of innate behaviour ». I. 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