i ACADÉMIE DE LA ROCHELLE. SECTION DES SCIENCES NATURELLES. I ES. 1870. - 1873. H° 10, LA ROCHELLE, TYPOGRAPHIE DE GUSTAVE MARES OHÂL , RUE DE L’ESOALE, 20. 1874, COMPTE-RENDU DES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ 018 SCIENCES NATURELLES PENDANT LES ANNÉES 1870, 1871, 1872 et 1878. Messieurs, Depuis longtemps déjà, il est dans les habitudes de notre Société de publier, tous les deux ans , un compte-rendu des travaux auxquels elle s’est livrée pendant la dernière période écoulée. Aujourd’hui, votre secrétaire doit non seulement vous exposer Fhistorique sommaire de notre Compagnie pour les années 1872-73 , mais aussi remonter jusqu’à 1870-71, pour se conformer à une décision que vous avez prise. Nos annales se trouvaient déjà contenues en substance , pour ces deux dernières années, dans les Notices historiques sur les Sociétés des Lettres , Sciences et Arts de la Rochelle, publiées 4 sous les auspices de F administration municipale avec le concours de T Académie] (*) c’est-à-dire dans un livre dont les dimensions diffèrent beaucoup de celles de nos publications périodiques. Vous avez voulu que l’exposé de nos études existât, sans in- terruption, dans une série de volumes d’un même format. Vous connaissez tous ces Notices: celle qui estrela- tive à la Société des Sciences Naturelles de la Charente* Inférieure est due à notre collègue M. deRichemond. Je crois être l’interprète de vos sentiments en le remerciant d’avoir représenté notre Compagnie par un travail aussi complet qu’intéressant, dans la pu- blication éminemment Rochelaise dont la munici- palité a pris l’heureuse initiative. À elle aussi nous devons nos remercîments pour avoir encouragé, par sa sympathie , ce goût des choses de l’esprit qui a toujours été si remarquablement développé dans notre Rochelle. Les quatre années qui viennent de s’écouler ont été employées par la Société de manière à justifier • bienveillant intérêt. % Nos réunions ont toujours été nombreuses, nos séances bien remplies, et pour le démontrer, il me suffira de rappeler à votre mémoire les principales communications que vous avez reçues. M. Cassagneaud vous a lu la traduction de me» (*) Mars 1873, MM. Ed. Beltremieux, Maire, Bor et Barbedettè, adjoints. 5 moires publiés par M. Paul Mantovani, un géologue distingué , notre correspondant , et qui ont pour objet : 1° Les divers minéraux des volcans du Latium ; 2° Observations géologiques faites pendant un voyage en Sicile ; 3° Epoque de la formation des traehytes qui constituent en partie le sol de ITie d’Elbe. M. de Ricliemond a dressé le catalogue d’on certain nombre d’algues marines existant sur les côtes de notre département , et qui ne figurent pas sur la liste publiée en 1853 dans les Annales de la Société. M. L.-E. Meyer, qui veut bien mettre au service de ses collègues sa parfaite connaissance des langues du Nord, vous a communiqué une analyse des mé- moires envoyés par la Société scientifique de Chris» tiania, relativement aux travaux du Pasteur Sars et de son fils , sur la faune maritime de la Norwége. M. Lecoq de Boisbaudran, que notre Société est heureuse de compter parmi ses correspondants , vous a entretenus de ses nouvelles recherches jus- tement remarquées à l’Institut et dans le monde aes sciences, sur la constitution des spectres lumineux. M. Beltremieux a analysé le discours prononcé à la session de 1870 de la Société géologique de Londres, par M. Huxley, sur la Paléontologie. Pendant les mois de janvier, février et mars 1871, notre Société ne tint pas ses séances. Les i 6 cruelles épreuves qui frappaient notre patrie ne laissaient à personne cette liberté d’esprit qui est indispensable à l’étude. Puis un peu de calme se fit, et en avril vous reveniez chercher, dans nos réunions mensuelles, cette distraction sérieuse, mais puissante , que la science donne à ceux qui l’aiment et qui seule convenait alors à des cœurs attristés par les malheurs publics. La séance d’avril fut tout entière consacrée aux récits con- tenus dans les comptes-rendus de l’Académie des Sciences , des efforts patriotiques tentés par les savants enfermés dans Paris , pour coopérer à sa défense. Durant cette période unique dans l’histoire, l’Aca- démie des Sciences dut se suffire à elle-même et vivre de sa propre vie. Malgré l’âge avancé de la plupart des membres de l’Institut , tous tinrent à honneur de rester à leur poste au moment du péril et jamais les réunions ne furent plus suivies. Les communications les plus fréquentes avaient trait aux questions qui s’imposaient alors à tous les esprits : l’ aérostation, l’étude des substances nutri- tives, l’emploi de l’osséine dans l’alimentation, les moyens de conservation des viandes, la préparation d’un gaz d’éclairage tiré du bois, les divers procé- dés de l’hygiène , de la médecine , de la chirurgie. Après votre séance du mois d’avril , vos travaux furent interrompus de nouveau par les anxiétés d’une nouvelle lutte plus douloureuse encore que 7 la guerre contre l’étranger. Ce n’est qu’en juillet qu’il vous fut possible de reprendre le cours régu- lier de vos études. Elles ont produit des commu- nications variées et intéressantes, parmi lesquelles nous citerons les suivantes : M. Fournier père vous a entretenus des observa- tions faites, au point de vue chimique, sur les archives incinérées du Ministère des finances, et des divers procédés en usage pour la fabrication du papier. M. le colonel Guyot-Duclos vous a rendu compte d’une théorie nouvelle relative à la constitution des Bolides. M. L.-E. Meyer vous a lu la traduction d’un mé- moire publié dans les Annales de l’Académie de Moscou, par M. Trautschold, et traitant des soulè- vements lents observés sur différents points du globe. Un extrait des Annales de l’Académie de Heidel- berg , traitant de l’exploitation des gisements d’ambre en Prusse ; Un résumé des travaux de M. Sexe, sur le sou- lèvement lent des côtes Scandinaves , et du livre publié à Christiania par M. le docteur Schubler, sous le titre: Le Monde végétal en Norwége. M. le docteur des Mesnards a analysé le livre de M. Cordier, intitulé: Les Champignons de France . Nous avons dû à M. le docteur Sauvé deux rapports très-complets sur l’Ostéologie et l’Ànato- 8 mie de quelques organes intérieurs de la tortue marine (Sphargis Luth) * trouvée sur nos côtes en juillet 1871 et acquise par notre Muséum départe- mental ; Une note sur le bruit produit sous l’eau par un poisson qui fréquente nos côtes, le Maigre; L’exposé de ses observations et de ses expé- riences sur la multiplication des huîtres , qui deviennent de jour en jour plus rares sur notre littoral. M. Cassagneaud vous a communiqué la traduc- tion d’un essai, sur les phénomènes erratiques de la période diluvienne et sur leurs causes, de M. Otto Tischler. Un travail fort étendu sur les chenilles, dont l’invasion s’était manifestée dans notre ville pendant l’été de 1872. Notre collègue a recueilli de nom- breuses observations sur la chenille dont il s’agit ; Lithosia convoluia . Vous avez entendu lire, avec un vif intérêt, deux mémoires envoyés par M. le docteur Combes, notre correspondant. L’un a pour objet la brèche osseuse de Soute, et l’autre est relatif aux peuplades qui ont habité la vallée de la Seugne à l’époque préhisto- rique. A l’une de nos séances, notre savant collègue a bien voulu mettre sous nos yeux de nombreux échantillons de sa belle collection d’instruments de silex, et nous a donné des détails sur leurs usages probables, faisant revivre, pour ainsi dire, toute 9 cette civilisation primitive dont l’histoire est encore enveloppée de ténèbres. M. de Richemond vous a fait un exposé de la doctrine de M. Von Hartmann, sur la conscience psychique chez les plantes. M. Mathé vous a fait connaître un nouveau pro- pulseur à force centrifuge, applicable à la naviga- tion, dont la description accompagnée d’un dessin a été déposée par lui , sous pli cacheté , dans les archives de la Société en 1871, et il vous a pré- senté un croquis de l’appareil indiquant son em- placement sur le navire. Dans ce système de pro- pulseur, on utilise, comme force motrice , la force vive d’une grande masse d’eau projetée d’une ma- nière continue avec une vitesse considérable contre l’arrière du navire. Cette invention présenterait, de l’avis de M. Mathé, les avantages suivants sur l’hélice : 1° Etant intérieur au bâtiment, le propulseur serait à l’abri des projectiles aussi bien que du choc contre les récifs ; 2° Il tiendrait lieu de gouvernail ; 3° Il permettrait au navire de virer sur place; 4° Il serait d’une installation très-facile , très- peu coûteuse et d’une réparation très-rapide. Deux de nos collègues ont représenté notre Société au Congrès de l’Association Française pour l’avancement des sciences , tenu l’année der- 10 nière à Lyon, et ils nous ont fait part, à leur retour, des intéressants souvenirs qu’ils en rap~ portaient. A. M. Alphonse Marchegay nous a donné une ana- lyse du système de M. Karl Vogt , sur les volcans, et un exposé des recherches faites par M. Cornu , professeur à l’Ecole Polytechnique , pour détermi- ner la densité du globe terrestre. M. le docteur David vous a fait connaître les communications faites au Congrès , par M. Charles Martins , sur les membres antérieurs de l’Qrnitho- rhinque et des Echidnés, et par M. Karl Vogt, sur les crustacés Phyllopodes. Notre collègue vous a communiqué aussi , avant de le lire à la dernière séance publique de l’Académie, son intéressant mémoire sur les fouilles de Solutré. Je dois ajouter enfin, avant de clore cette nomen- clature, qu’à chacune de nos séances, depuis le commencement de 1872, nous avons été heureux d’entendre une analyse sommaire des comptes- rendus périodiques publiés par l’Académie des Sciences. C’est à notre vénéré vice-Président, M. le colonel Guy ot-Du clos, que nous devons ces remar- quables résumés, à l’aide desquels nous avons été constamment tenus au courant des découvertes nouvelles. Plusieurs des communications faites à l’Institut nous présentaient , en outre , un intérêt tout local: je veux parler de celles qui ont traité des divers moyens essayés pour combattre le phyl - 11 loxera vastatrix , ce fléau qui menace toutes les contrées où la vigne est, comme dans notre dépar- tement, une des cultures les plus importantes. Après vous avoir parlé des travaux individuels des divers membres titulaires ou correspondants de notre Compagnie , je dois vous rappeler ici les recherches faites en commun, par plusieurs d’entre nous , dans une excursion qui fut entreprise le 20 mai 1872 , pour visiter deux dolmens et des car- rières de pierre situés à Ardillières (commune de Ciré). Nous en avons rapporté de nombreuses et intéressantes observations qui ont été résumées, mieux que je ne saurais le faire, par M. de Richemond, dans les termes suivants : « La pierre-levée signalée par Cassini , s’élève » sur le point culminant d’une colline. Elle était » autrefois supportée par quatre piliers disposés » en parallélogramme. L’un d’eux tourné du côté » du levant est aujourd’hui renversé. Les trois » autres encore debout sont séparés par des inter- » valles assez larges. Leur épaisseur moyenne est » d’environ 33 centimètres. Le pilier placé au nord » et celui du couchant ont une forme pyramidale » assez irrégulière. Le premier présente une base » de 2 mètres 17 centimètres et un sommet de 92 » centimètres , le second 9 1 mètre 29 centimètres » de base et 74 centimètres au sommet. Le pilier )) tourné au midi présente une largeur d’environ. » 1 mètre 60- centimètres. La hauteur des piliers 12 » est de 1 mètre 50 centimètres , les quatre faces » de la base sont orientées vers les points car» » dinaux. » La table se compose d’une seule pierre à peu » près carrée mais très-irrégulière, de 2 mètres 82 » centimètres sur 2 mètres 50 centimètres. Son » épaisseur varie entre 30 et 50 centimètres. » L’excavation en forme de poire a un diamètre » de 35 centimètres et une profondeur de 30 en- 2» viron. Elle parait due à un accident plutôt qu’au » travail des hommes, et semble avoir été augmentée » par Faction de l’eau du ciel pendant les siècles. $ Ce trou ne traverse point la table qui est faite » d’un calcaire corallien du pays , bien caractérisé par ses fossiles. » La dureté de la pierre du dolmen n’a permis » qu’aux mousses , aux lichens et à quelques gra» » minées d’y végéter. » La seconde pierre située dans le bois des » Mottes est à cinq cents mètres environ de la )> première et a été décrite pour la première fois » par notre correspondant M. Faye. Elle échappe » à un observateur superficiel , parce qu’elle est » moins apparente que la précédente. Les gens du Y) pays la nomment Pierre fouquerée , ou tombée , » parce que la table est inclinée et touche presque » au sol du côté du nord. M. Lesson pense que » ce n’est point par accident , mais par sa cons- » truction même que le monument affecte cette 13 » inclinaison. La table présente 3 mètres 33 centi- » mètres sur 2 mètres 13 centimètres , et une » épaisseur moyenne de 50 centimètres environ. Sa » face supérieure se trouvait à 2 mètres 06 centi- 5 mètres du sol ; les supports ont 1 mètre 56 » centimètres de hauteur. Une fente très-appa- » rente s’est déclarée au point de la plus grande » largeur. Au centre de la table on ne remarque » aucune ouverture. Ce dolmen est soutenu par » sept pierres assemblées d’une épaisseur moyenne » de 30 à 40 centimètres. M. Faye prétend que » des ossements auraient été recueillis à la suite » de fouilles opérées sous le sol du dolmen. La » tradition veut qu’à une époque reculée , des » mains sacrilèges aient essayé de renverser le » dolmen qui le lendemain avait repris sa première » position. Tombeaux , autels ou lieux de réunion, » — car toutes ces hypothèses ont été émises , — » ces monuments semblent remonter à l’époque » théocratique des Druides , chefs religieux et » politiques du pays , qui célébraient un culte » entouré de mystères , peut-être même à une » période plus reculée. » La seconde partie de l’excursion devait être 7> plus spécialement paléontologique. xAussi tout en » recueillant quelques plantes rares aux environs » d’Ardillières , et quelques insectes , la délégation » de la Société s’achemina vers les carrières, après ® avoir donné un coup d’œil à l’église paroissiale , 14 » qui offre des vestiges de construction romane , )> et présente, — ce qui rentrait dans le cadre plus » spécial de nos observations , -- des radioles de » cidaris florigemma . î> M. Ed. Beltremieux a bien voulu nous donner j) la liste exacte des fossiles qu’il a recueillis dans » les carrières. La rencontre de ces divers éclian» » tilions dont plusieurs sont spéciaux au Corallien » et quelques-uns communs au Corallien et au » Kimmeridjien, démontre que les couches à décou- )) vert dans les carrières d’Ardillières sont tout à » fait Coralliennes et présentent à peu près les » horizons de la Pointe du Ché. Voici cette liste : » Pholadomya elongata (d’Orb.). — Ostrea soit - » iaria (Sow). — Ceromya excentrica (d’Orb.). » — Diceras arietina (Lamk). — - Cardium coral - » linum. — Pecten corcdlinus (d’Orb.). — Ostrea » cyprea (d’Orb.). — Natica rupellensis (d’Orb.). » — Nerinea desvoidyi (d’Orb.). — Rhynchonelïa » ineonstans (d’Orb.). Terebratula subsella (Ley- » merie). — Âpiocrinus royssianus (d’Orb.). — » Radioles de cidaris florigemma et d 'hemicidaris » difera (Ag\). » Ces fossiles sont fortement empâtés dans le » roc et difficiles à désagréger ; cependant le mu- » séum Fleuriau s’est enrichi de quelques bons » échantillons dans la course du 20 mai. Dans la ^ seconde carrière notamment , il y avait une telle » abondance de zoophytes , échinides et polypiers 45 » que la pierre semblait toute perlée et l’explora » leur n’avait que l’embarras du choix. » Pendant les quatre années dont nous venons de vous faire l’historique sommaire , de nouveaux collaborateurs se sont joints à nous, et nous avons reçu comme membres titulaires : M. Guyot-Duclos, Colonel du génie en retraite ; M. H. Barbedette , ancien magistrat , membre du Conseil général de la Charente-Inférieure ; M. Albert Fournier , no- taire à la Rochelle ; M. E. Cahot ; M. Philippe David , docteur en médecine , à la Rochelle ; comme membres agrégés : M. Fichez , ancien mé- decin de la marine , à Dompierre ; M. Combes , docteur en médecine, à Pons ; M. Roux, professeur à l’école de médecine navale de Rochefort; M. Rigaud Ihs , à Pons. Comme membres correspondants : M. Yiaud-Grandmarais , docteur en médecine à Nantes ; M. L. Gautier , docteur en médecine h Melle ; M. Henri Jouan , Capitaine de frégate , à Cherbourg ; M. Alphonse Marchegay , Ingénieur civil des mines , à Lyon. MM. Roux , Gautier et Jouan sont les auteurs des trois mémoires couronnés en décembre 1872 / et traitant les questions suivantes que vous aviez mises au concours : 1° Etudes sur les eaux de la Rochelle ou du dé- partement. 16 2° Etude sur un sujet d’histoire naturelle mari- time ayant une utilité pratique . M. Roux a obtenu la médaille d’or de 300 francs pour ses observations sur les sels. M. Jouan et M. Gautier ont reçu deux médailles d'argent ex-œquo : le premier pour ses Notes sur quelques animaux et végétaux rencontrés dans les mers Australes et les îles du Grand-Océan ? consi- dérés au point de vue de leur classification et de leurs rapports avec V industrie . — Le second pour ses Etudes sur les eaux de Vile de Ré , considérées au point de vue chimique , physique , microgra- phique et hygiénique . Après vous avoir nommé ceux qui sont venus prendre place dans nos rangs, je devrais vous parler aussi de ceux que nous avons perdus. Permettez- moi de ne pas accomplir cette portion de ma tâche.. Il me serait trop douloureux de- vous entretenir des deuils e notre Société , car il en est un qui m’a atteint dans les plus saintes affections de mon cœur. Je ne puis que vous dire que je vous ai été et vous serai toujours profondément recon- naissant de vous être si complètement associés à ma douleur filiale et d’avoir voulu rendre un hom- mage public de respectueuse affection à la mé- moire de mon père , qui fut pendant quatorze années votre Président et je crois pouvoir le dire , votre ami. BRITiSH MUSEUM • 23 J AN - 31 ^ * NATURAL HISTORY. 17 Le Muséum départemental , dont l’accroissement est un des buts principaux de notre Société , s’est enrichi de plusieurs acquisitions précieuses. M. Beltremieux a fait don d’un magnifique échantillon de dendrophyllia Corrigera, provenant des récifs calcaires de Rochebonne. Mme veuve Léopold Michelin a fait offrir à la Société l’herbier des plantes des Pyrénées, réunies et classées par son mari , notre regretté collègue. Vous avez acquis une très-belle tortue marine (Sphargis-Luth) , prise sur une côte voisine de la Rochelle , où elle avait été poussée par le flot. Elle peut être rangée au nombre des objets les plus importants de nos collections. M. L.-E. Meyer a donné un fanon de baleine apporté par la mer en 1848. Vous avez reçu de M. E. Marchegay , Ingénieur en chef des ponts-et-chaussées , de nombreux échantillons des fossiles du terrain crétacé de Royan . - La collection d’ Ornithologie s’est augmentée d’un Macareux-Moine , d’un Fou de Bassan , oiseaux assez rares dans nos parages, et d’un Jean-le- Blanc ( Circaetus g allicus), pris dans la forêt d’Aulnay. La ville de Pons a bien voulu vous céder en échange de livres que vous lui avez envoyés pour sa bibliothèque municipale , une très-remarquable collection d’ossements fossiles qui avaient été re- cueillis par les soins d’une Société scientifique 2 18 locale aujourd’hui dissoute. C’est là une précieuse acquisition pour notre muséum au point de vue de la Paléontologie. M. Boutard vous a envoyé de l’île d’ Oler on des moules intérieurs de caprines provenant d’un banc de la Craie inférieure. M. Flachat, Ingénieur en chef de la Compagnie des Deux-Charentes, vous a fait don d’un crâne de Cachalot fossile, découvert le 20 mars 1873, pendant les travaux de la ligne de Rochefort, à peu de dis- tance de notre ville. Nous devons à M. Bisseuil , avoué à la Rochelle, une vertèbre fossile d’Icthyosaure, découverte dans sa propriété située près du Mail. Vous avez fait faire une sérieuse amélioration dans notre Muséum. Le plan en relief du fond de la mer , comprenant la rade de la Rochelle , les pa- rages des îles de Ré et d’Oleron et l’embouchure de la Charente , était composé de deux parties séparées , bien qu’exécutées à la même échelle. Elles ont été réunies et placées sous une même vitrine. Cette disposition nouvelle permet d’apprécier beaucoup mieux l’ensemble du travail dû à Fun de nos plus laborieux collègues, que nous avons perdu en 1860, M. Léon Bonniot. Enfin pour rendre plus facile l’étude de nos col- lections et les recherches dans les divers ouvrages que vous possédez , vous avez décidé l’impression \ 19 d’un catalogue de notre Muséum et de notre Bibliothèque. Nos archives se sont accrues non-seulement des publications périodiques auxquelles nous sommes abonnés , telles que les comptes-rendus hebdoma- daires des séances de l’Académie des Sciences , les Annales des sciences naturelles , la Revue scienti- fique de la France et de l’Etranger, la Revue des Sociétés savantes, le journal de Conchyliologie , les Annales des Sciences Géologiques, etc., mais aussi des mémoires et comptes-rendus publiés par les. Sociétés scientifiques Françaises ou Etrangères avec lesquelles nous sommes en relations de correspon- dance. Nous avons vu en outre pendant ces quatre dernières années notre Bibliothèque s’enrichir des intéressants ouvrages suivants : — Etudes médicales sur les serpents de la Vendée et de la Loire-Inférieure , par M. Viaud-Grandma- rais. — - Etudes sur la diphtérie cutanée, par M. le doc- teur Gyoux. — - Ornithologie Norvégienne, par Robert Collett. — Voyage zoologique , par G. O. Sars (Chris- tiania), — Voyage botanique, par H. L. Lorenson (Chris- tiania). — Traité élémentaire des fonctions elliptiques , par le docteur Broch (Christiania). — Le glacier de Boium, par S. A. Sexe. 20 — - Note bibliographique sur les épines des Echi- nocidarites (avec planches), par M. Ch. des Mou- lins , notre savant correspondant de Bordeaux. - — Spécification et noms légitimes de six Echi- nolampes , avec planches , par le même. — Etudes minéralogiques, de M. Mantovani. — Notice sur l’origine des bas-reliefs placés en 1835 dans le transept de l’église paroissiale de la Charité sur Loire , par M. Auguste Grasset. — Mémoire sur le mouvement, par M. Mayer. — - Le Nevé de Justedal et ses Glaces. — Fragments zoologiques. — Notice de M. Ch. des Moulins. — Flore des Deux-Sèvres , par M. le pasteur Maillard. • — De la Littérature des Pères de l’Eglise, — et Psychologie de Saint-Thomas d’Aquin , par M. le docteur Combes. — Etudes sur le magnétisme terrestre , par M. L. Pérard. — Atlas météorologiques de l’observatoire de Paris , pour les années 1865 , 1866 , 1867 et 1868, donnés par M. Th. Vivier , alors notre Président honoraire. — Recherches sur la Chronologie Egyptienne. — Cahiers élémentaires d’Histoire Naturelle , par M. le docteur David , fascicule n° 1. — - Notice sur un Spatangue tertiaire, par M. Ch. des Moulins. 21 — Rapport au congrès international de statis- tique à la Haye sur l’état de la statistique offi- cielle du Royaume de Norwége. — Origine et progrès de la réformation à la Rochelle , deuxième édition , par M. de Riche- mond . — Bibliographie statistique du Royaume de Norwége. par A. -N. Kiaer. — Nouveau traité de chimie industrielle, par R. Wagner , traduit par le docteur L. Gautier. — 2 torts volumes , in- 8°. — Etude sur les eaux de File de Ré , considé- rées au point de vue physique , chimique , micro- graphique et hygiénique, par le docteur L. Gautier. — Sur le mouvement simultané de corps sphé- riques variables dans un fluide indéfini et incom- pressible , par C.-A. Bjerknes. (Christiania). — Recherches sur la Faune du Fjord de Har- danger. — Crustacés , par G. -O. Bars. — Nouveaux échinodermes des côtes de Norwége, par G. -O. Bars. — Description des nouveaux annélides du Fjord de Christiania, d’après les manuscrits laissés par le professeur Bars , publiée par G. -O. Bars. — Supplément carcinologique à la Faune de Norwége, par G. -O. Bars. — Le Monde végétal en Norwége, par le docteur F.-C. Schübeler. — De quelques formes remarquables de la vie 9 animale sur les côtes de Norwége, d’après les ma- nuscrits du professeur docteur Michael Sars , par G. -O. Sars. — (Polyzoa , Conchifera , Cephalo- phora , Annelida , Anthozoa et Spongiœ.) — Rencontre de pyrites dans certains schistes de Norwége, par Âmund Helland et E.-B. Münster. Avant déterminer ce rapport, je veux vous rap- peler les œuvres diverses auxquelles vous vous êtes associés. Vous avez voulu vous inscrire sur les listes de la souscription ouverte en faveur de la famille du cé- lèbre naturaliste Suédois le pasteur Sars. Vous avez envoyé quelques publications à la ville de Saintes pour l’aider à reconstituer sa Bibliothèque, dévorée par un incendie. Les recherches à faire pour découvrir dans notre département les traces de stations préhistoriques ont été l’objet de votre sollicitude et vous avez voté une somme de 100 francs pour subvenir aux frais de fouilles à opérer dans les cavernes de Pernan , près Pons. Notre Compagnie a enfin tenu à honneur de concourir à une grande œuvre nationale: je veux parler de l’Association Française pour l’avancement des sciences qui ouvrira, nous l’espérons, dans notre ville, une de ses prochaines sessions. L’idée qui a donné naissance à cette belle institution est digne de toutes les sympathies, car l’avancement 23 des sciences et le goût de l’instruction doivent contribuer, pour une large part, à relever la gran- deur de la France. C’est à cette œuvre que nous voulons nous associer dans les limites de nos forces, par nos travaux et nos réunions, qui, en 1857, étaient appréciés en ces termes par le rédacteur du compte-rendu annuel, dont il m’est personnellement précieux de faire revivre la parole : « Ce genre d’occu- » pationsa pour nous beaucoup d’attraits, et ne laisse » pas que d’avoir aussi des résultats utiles, il nous » tient au courant du progrès des sciences; il » ouvre le champ à des discussions où chacun )> apporte le tribut de ses connaissances, et, enfin, » il nous prédispose à traiter nous-mêmes des » questions lorsque l’occasion s’en présente. » Ajoutons aussi qu’il est bon et sain, pour l’esprit, de se dégager de temps à autre des préoccupations inséparables de toute vie humaine , pour admirer de plus près ces sublimes lois de la nature, dont l’étude élève notre ârne vers Dieu, source éternelle de toute science et de toute vérité. La Rochelle, le 16 février 1874. Le Secrétaire , Alfred VIVIER, 24 La Société voulant perpétuer le souvenir des hommages rendus à la mémoire de son (Prési- dent honoraire , M. le Commandant "Théodore Vivier , décédé à la (Lochelle le ta mars 187 3, a "décidé à T unanimité que les deux discours prononcés sur sa tombe pour MM. (Seltremieux et d,e (tdichemcnd seraient insérés au registre des procès-verbaux et publiés dans le volume de ses annales . 1 U RS PRONONCÉ SUR LA TOMBE DEM. TH. VIVIER Par M. Edouard Beltremieux, Maire de la Rochelle, Président de la Société des Sciences Naturelles de la Charente-Inférieure, Messieurs , La Société des Sciences Naturelles vient de voir s’éteindre un de ses membres les plus laborieux et les plus honorables. Louis-Théodore Vivier était né dans cette ville le 13 septembre 1792. Admissible à l’École Poly- technique, il fut classé au nombre des élèves d’Ar- oa tillerie, acquit ses grades dans cette arme et devint Chef d’escadron , après avoir pris part aux deux expéditions d’Espagne et au siège d’Anvers , où il fut mis à l’ordre du jour de l’armée pour sa conduite remarquable au poste périlleux de capitaine com- mandant la batterie de brèche. Officier de la Légion-d’Honneur , Chevalier de Saint-Ferdinand d’Espagne, il revint. à la Rochelle, attaché à la Direction d’ Artillerie et reçut l’avis de sa retraite , pour raison d’âge , le 7 janvier 1851. Dès son retour parmi nous , il se fit recevoir, au mois d’août 1846, membre de la Société des sciences naturelles, qu’il présida quelques années plus tard, jusqu’au moment où, sentant ses forces physiques s’affaiblir , mais non ses facultés intellectuelles , et ne pouvant plus assister régulièrement aux séances de la Société, il déclina l’honneur de la présidence ; la Société obéit , mais à l’unanimité , elle lui offrit le titre de Président honoraire. Pendant quatorze années qu’il resta à notre tête, Théodore Vivier prit une part active aux travaux de la compagnie et fit partie de toutes les excursions scientifiques que celle-ci entreprit. On lui doit plusieurs mémoires pleins d’intérêt , notamment des recherches sur les Marnes , et une notice sur les travaux de Fleuriau de Bellevue. Président de la commission départementale de météorologie, il reçut en 1870 les palmes d’Officier de l’instruction publique. 26 Membre également des Sociétés des Lettres et * — * des Arts , de plusieurs établissements de bienfai- sance et Conseiller municipal de 1860 à 1865 , il se fit toujours remarquer par son activité infati- gable , sa haute intelligence et une bienveillance qui ne se démentit jamais. Après une carrière aussi bien remplie , cette séparation , quoique prévue , n’est pas moins dou- loureuse , non seulement à sa famille , mais à ses amis , ses collègues , et ses concitoyens qui ont su apprécier le talent et le caractère de celui auquel nous venons donner un dernier adieu. Ami et collègue regretté, tu vivras toujours dans le souvenir de ceux qui t’ont connu et viennent aujourd’hui t’accompagner à ta dernière demeure ! DÎSGOU RS PRONONCÉ SUR LA TOMBE DEM. TH. VIVIER Par M. de Richemond. Messieurs , Dans l’amertume d’une cruelle séparation , un seul sentiment peut relever et fortifier les cœurs brisés, c’est la certitude que donne la foi chrétienne de l’éternel revoir dans la céleste patrie. Si quelque chose peut , avec les consolations religieuses, soutenir ceux qui restent en face du vide profond creusé par la mort de l’homme auquel nous venons rendre les derniers honneurs , c’est le privilège de porter leur pensée vers celui qui n’est plus , de fixer cette image bien aimée et de con- server pieusement l’exemple d’une noble carrière qui porte avec elle son enseignement fécond. Fils de Louis Vivier , négociant et Conseiller de Préfecture , Louis - Théodore Vivier naquit à la Rochelle , le 18 septembre 1792 , d’une famille ancienne et des plus honorées , qui , protestante et Rochel aise, prit part à la résistance héroïque de notre cité , lors du siège de 1628. Elève d’artillerie en 1812 , Vivier devint lieute- nant en 2e en 1813 ; lieutenant en 1er en 1820 ; capitaine en 2e en 1823 ; capitaine en 1er en 1830 et chef d’escadron en 1841. Il fit les campagnes d’Aragon et de Catalogne en 1813 et 1814, et toute la guerre d’Espagne en 1823. Il fut mis à l’ordre du jour de l’armée du Nord en 1832 , comme s’étant particulièrement distingué au siège de la citadelle d’Anvers, dans la construction et le service de la batterie de brèche , dont il avait le commandement. Chevalier de première classe de l’ordre militaire espagnol de Saint-Ferdinand en 1824 , Chevalier, puis Officier de la Lêgion-d’Honneur en 1833, sous- Directeur d’ Artillerie à la Rochelle en 1846 , il fut mis à la retraite, pour raison d’âge, en 1851, après quarante années d’éminents services. Mais la retraite ne fut pas pour lui le repos. Une voix autorisée vient de vous retracer sa carrière civile qui ne fut pas moins active que sa carrière militaire et d’énumérer les travaux qui mirent le Président de la Société des Sciences Naturelles en relations de correspondance avec des savants tels que MM. de Quatrefages , Blanchard , d’Orbigny et Daubrée. Président de la Commission météorologique , de la section d’archéologie créée par la Société des Amis des arts, membre de la Société littéraire , membre de l’Association scien- 29 tifique de France , il reçut en 1870 la distinction bien méritée d’Officier de l’Instruction publique. En 1859 , il était élu Conseiller municipal , au moment où les suffrages de ses coreligionnaires l’appelaient à siéger au Consistoire de l’Eglise Réformée, et pendant dix années, il remplit cette charge toute de charité et de dévouement. En même temps il faisait partie du Bureau de Bienfai- sance , de la Commission de surveillance de l’Asile départemental de Lafond , de celle de l’Ecole nor- male de Lagord et du Conseil d’administration de la Société des Arts-et-Métiers. Nous n’avons pas besoin de rappeler ses travaux variés sur l’archéologie , la numismatique , la mi- néralogie , l’histoire et la topographie , qui ont eu les suffrages de tous les juges compétents. Pour résumer cette aimable et sympathique per- sonnalité , il ne suffit pas de rendre hommage à l’homme public , d’honorer la bravoure de l’officier supérieur , il faut se rappeler que les qualités du cœur sont plus précieuses encore que les dons de l’intelligence , qu’il était impossible de connaître le Commandant Vivier , sans se sentir attiré vers lui, et qu’il a mérité l’affection d’une famille dont les tendres soins ont prolongé son existence. Le Commandant Vivier était un homme modeste , consciencieux et bon , obligeant et serviable entre tous. On l’aimait pour ses qualités sérieuses et rares , on l’aimait aussi pour son affabilité, pour la 30 générosité de son caractère et F élévation de ses sentiments. En un mot , sa vie fut toute consacrée au bien et on peut dire en vérité : « Rien ne trouble sa fin, c’est le soir d’un beau jour. » L’Evangile aussi nous autorise à appeler sommeil cette angoissante séparation d’avec ceux que nous aimons , parce que la toi nous montre ce sommeil suivi du réveil dans le séjour radieux de l’éternelle lumière , de l’éternelle paix et de l’éternel revoir. « Bienheureux ceux qui pleurent , dit Jésus- Christ , car ils seront consolés » et le Sauveur seul a le secret des vraies consolations. Lui seul peut rendre aux âmes attristées le calme et l’espérance ! 6 COMMUNICATION FAITE A LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES Be la Charente-Inférieure, PAR LE DOCTEUR PHILIPPE DAVID. Messieurs , Délégué par vous pour assister à la deuxième session de T Association Française pour l’avance- ment des sciences, je viens vous rendre compte de ma mission. En raison de la simultanéité des séances , je ne pouvais assister aux travaux de toutes les sections dans lesquelles on traitait d’his- toire naturelle; j’ai dû me borner à recueillir les communications les plus importantes faites dans deux sections. Celle de Zoologie et celle d’ Anthro- pologie. C’est donc dans ces deux sections que je puiserai les éléments du compte-rendu que j’ai l’honneur de vous soumettre. Section de Zoologie. Le 22 août, la section de zoologie ouvrait sa première séance par une communication sur le développement des crustacés phyllopodes , faite par M. Karl Yogt , professeur à l’Académie de Genève. M. Vogt a suivi avec une rare patience les évolutions de ces petits animaux, et, ne se bornant pas à nous donner des renseignements sur leur anatomie, il nous a initiés à leur vie depuis l’œuf qui est leur première étape , jusqu’à leur âge adulte. Les Daphnides et les Nauplius ont spécialement été l’objet des recherches du célèbre naturaliste. Chez les Daphnides, les femelles portent leurs œufs réunis deux à deux et non en grappe comme chez la plupart des autres crustacés. Elles ont deux pontes annuelles: l’une d’été , et alors l’œuf se trouve maintenu entre le test et le corps même de l’animal ; l’autre d’hiver, dans laquelle l’œuf subit l’incubation dans une poche particulière située à la • partie inférieure du corps. M. Vogt a remarqué que chaque œuf possède deux enveloppes : hune externe, qui lors de l’éclo- sion s’ouvre en deux narties à la manière d’une noix; l’autre interne, qui se brise d’une façon irré- gulière pour donner issue à la Daphnide adulte. Les Daphnides ne parcourent donc pas les diverses 33 phases de développement que traversent les autres crustacés phjllopodes. Elles sortent directement de l’œuf à l’état d’animal parfait. Les Nauplius passent par trois états successifs : d’abord l’œuf qui se fractionne de la même manière que celui des Daphnides, et donne issue à un ani- mal ovoïde dont l’enveloppe est membraneuse. La grosse extrémité est la tête ; elle est arrondie ; la partie inférieure du corps est bifide. La portion supérieure porte trois paires d’appendices et un oeil médian. La partie moyenne présente une large lèvre mobile qui recouvre l’ouverture buccale. La première paire d’appendices , située à la partie supérieure du corps de F animal, est simple, à peu près cylindrique : C’est l’organe du tact. La deuxième paire, placée un peu au-dessous de la première, est bifide à son extrémité libre et garnie de cils ; elle est natatoire. La troisième, insérée au niveau de l’ouverture buccale , affecte îa forme d’une massue ; elle est , comme la précédente , garnie de cils , et sert à la mastication. La bouche, qui est centrale , se continue par un tube digestif se coudant à angle droit avant d’arri- ver à la membrane dorsale; ce tube va se terminer et s’ouvrir entre les deux mamelons inférieurs du corps de l’animal. Le rectum est animé de mouve- ments spéciaux aspiratoires, et qui, selon M. Yogt, sont très-probablement respiratoires. 34 Les appendices n’existent pas tels que nous venons de les décrire à la sortie de l’œuf. Ils se développent par bourgeonnement. Une particularité intéressante du fonctionnement de la deuxième paire d’appendices : ils sont très-peu développés chez la femelle; chez le mâle, au contraire, ils sont très-puissants et lui permettent de retenir solide- ment la femelle accolée à lui pendant la copulation. Cette deuxième paire est donc un organe accessoire de reproduction. Le bouclier ou le test se dévelop- pent par bourgeonnement à la partie supérieure dorsale. On pourrait établir une analogie assez complète entre ce mode de développement du test et celui des ailes des insectes. A mesure que l’ani- mal avance en âge, l’œil, d’abord simple, devient composé; chez les uns il reste attaché au corps, quelquefois il s’en sépare peu à peu et devient pédonculaire. Système nerveux. — Immédiatement au-dessous de l’œil central il existe un ganglion arrondi , duquel descend un pédoncule assez grêle; à ce pro- longement succèdent deux ganglions dorsaux lobés, qui envoient des filets nerveux aux appendices. A peu près sur le même plan , mais en avant, on re- marque deux autres ganglions réunis par une large commissure. Chacun d’eux envoie un assez gros prolongement cylindrique , qui descend dans la lèvre mobile. Cette lèvre est, pourM. Vogt, un des principaux organes de sensibilité. Ces ganglions 35 envoient, en outre , des filets nerveux au tube di- gestif. Enfin, de chaque côté de la tête se remarquent deux taches ganglionnaires. Les organes génitaux ne se développent qu’en dernier lieu. Parmi ces crustacés, les uns fouillent la vase, les autres nagent; et cela presque toujours le dos en bas. Ils sont herbivores. Les Branchipus, les Apus, etc., laissent tomber leurs œufs dans la poche incubatrice. C’est là qu’ils revêtent leur seconde enveloppe de nature gélati- neuse. Les matériaux nécessaires à la formation de cette seconde enveloppe sont secrétés par une petite glande, dont le conduit excréteur vient s’ou- vrir dans la poche même. Une particularité curieuse à noter : Les œufs de la seconde portée ne sont pas revêtus de l’enveloppe gélatineuse, la glande ne fournissant pas assez de liquide pour les recouvrir. Ils restent dans la poche jusqu’à l’éclosion, aussi la portée hivernale est-elle vivipare. Ces crustacés pondent dans le limon. Mais pour que les œufs éclosent, il est presque indispensable que ce limon ait été desséché après la ponte ; dès que les eaux le recouvrent de nouveau l’éclosion se fait. M. Vogt a fait, à ce sujet, de curieuses expé» riences : prenant du limon contenant des œufs de Nauplius, il en a desséché une partie et a laissé le reste sous l’eau. Bans le premier cas, l’éclosion suivait de près l’immersion nouvelle du limon et était magnifique; dans le second, très-peu d’œufs 36 arrivaient à bien. L’expérience, souvent renouvelée, a toujours donné les mêmes résultats. M. le docteur Ch. Martins, professeur à la faculté de Montpellier, fit part à la Société des comparai- sons qu’il a établies entre le squelette des membres antérieurs des monotrèmes et ceux des oiseaux et des reptiles sauriens. Prenant d’abord l’humérus, M. Ch. Martins constate la différence de direction qui existe entre le bras des monotrèmes et celui des mammifères quadrupèdes auxquels les rattache la structure générale de leur corps. Chez les derniers, l’humé- rus affecte une direction sensiblement parallèle à l’axe général du corps del’animal. L’Ornithorhinque, l’Echidné , qui sont deux représentants de l’ordre des Monotrèmes, ont leur humérus s’articulant à angle droit par rapport à l’axe général du corps. On peut donc rapprocher ce caractère anatomique de celui que présentent les reptiles sauriens, dont l’articulation scapulo-humérale offre la même par- ticularité. Passant à Y avant-bras, M. Martins commence par établir les positions respectives du radius et du cubitus, pendant la marche, chez les quadrupèdes. Chez les mammifères, ces deux os sont dans l’état de pronation et, par conséquent, ils se croisent suivant un angle plus ou moins grand, le radius se dirigeant de haut en bas et de dehors en dedans, le cubitus de haut en bas et de dedans en dehors. 37 Chez les Monotrèmes , les deux os de l’avant-bras gardent, pendant la marche, une direction parallèle, de même que leurs analogues chez les oiseaux pendant le vol. Le carpe, le métacarpe , les doigts des Mono- trèmes redeviennent, comme l’humérus, analogues à ceux des sauriens. Examinant ensuite la charpente du thorax , M. Ch. Martins retrouve, chez les Monotrèmes, des traces apparentes et indiscutables du bréchet des oiseaux. A la partie supérieure du sternum existe un épisternum comme chez les sauriens. Enfin, l’articulation scapulo-humérale se renforce de l’os coracoïdien des oiseaux. Bien que les Monotrèmes soient fouisseurs , on ne peut arguer, pour expliquer ce luxe de précau- tions de la nature, qu’elle a eu pour but de conso- lider leurs membres antérieurs destinés à creuser le sol. Les taupes , les tatous qui sont aussi des animaux fouisseurs , ne possèdent pas tous ces os complémentaires de la cage thoracique et , cepen- dant, ils ont la faculté de remuer le sol à d’assez grandes profondeurs. M. Ch. Martins est disposé à voir, dans cet en- semble de caractères anatomiques , la preuve que l’ornithorhinque et l’échidné seraient sur notre globe les derniers représentants d’espèces dispa- rues. Selon lui, de grands animaux de l’époque tertiaire , le Plésiosaure , le Mégalosaure , par 38 exemple , offrent des analogies telles au point de vue de la structure anatomique, comme aussi de vie probable, qu’il y aurait lieu d’admettre une parenté , au moins éloignée , entre ces animaux gigantesques depuis longtemps disparus et nos contemporains les Monotrèmes, qui présentent des particularités si étranges de structure et de vie. Section d’ Anthropologie. STATION DE SOLUTRÉ. Dès le début de la session, la section d’ Anthro- pologie fut saisie de graves questions relatives aux découvertes faites à Solutré, village situé à douze kilomètres de Mâcon, sur la rive droite de la Saône. Les hauteurs sur lesquelles on a commencé les fouilles font partie de la chaîne de partage des eaux séparant le bassin du Rhône de celui de la Loire. Grâce aux patientes recherches du savant et regretté M. de Ferry, aux fouilles plus récentes de M. Arcelin et de M. l’abbé Ducrost , une nou- velle preuve est venue s’ajouter à celles que nous avions déjà de la haute antiquité de la race hu- maine sur notre globe. Nous n’avions pas affaire, il est vrai, à l’homme des premiers âges, à celui que la fouille de Saint-Acheul a démontré vivant à l’époque tertiaire, mais bien à celui, contemporain du Mammouth, qui habitait notre pays au début de l’époque quaternaire. Les squelettes de Solutré ont 39 été découverts dans les argiles de la couche supé- rieure du terrain de Lias. Les débris d’animaux aujourd’hui disparus qui les accompagnent leur assignent une date, et sont de précieux indices grâce auxquels on peut essayer de se faire une idée du genre de vie de ces peuplades préhisto- riques. Nous avons en outre, pour nous aider dans cette étude, des couteaux, des grattoirs, des pointes de flèches en silex , que l’on trouve en plus ou moins grande abondance aux environs des sépul- tures. Les ossements de toute nature, ainsi que les ins- truments grossiers mis au jour par les fouilles de Solutré , doivent être étudiés à divers points de vue que nous allons essayer de classer méthodi- quement : 1° Ossements de l’espèce animale dominante ; 2° Ossements d’animaux d’espèces diverses mé- langés aux premiers , et nomenclature de ces espèces; 3° Restes humains. D’autres questions importantes se trouvent , de plus , soulevées par les découvertes faites dans ces fouilles : Quel était le genre de vie de l’homme qui habitait le territoire de Solutré à l’âge du renne ? Dans quel état de domesticité ou de sauvagerie vivaient les animaux dont les ossements ont été trouvés accompagnant ces antiques sépultures? Telles sont , Messieurs , les graves questions qui 40 ont provoqué, au sein de la section d’ Anthropologie, de minutieuses études qui n’ont pas occupé moins de cinq de ses séances. Ainsi que je l’ai dit précédemment , les fouilles ont été pratiquées presqu’au sommet d’une colline, sur la pente de laquelle est bâti le village de Solutré. Le terrain en friche , qui a été exploré , fait partie des assises supérieures du lias, et est dominé par une haute falaise calcaire dont les éboulis sont venus le recouvrir. Cet endroit se nomme : « le Crot du Charnier. » 1° Ossements de l’espèce animale dominante. — L’animal dont on rencontre les ossements en ma- jorité est le cheval. M. Arcelin, M. l’abbé Ducrost estiment que l’on peut évaluer à trente ou qua- rante mille le nombre de ces animaux , dont les débris peuplent cet immense ossuaire. Cette éva- luation ne paraît pas exagérée ; quelques membres de l’association émettent même l’avis qu’elle doit être au-dessous de la vérité. L’espace exploré est en effet très-minime , comparé à la vaste étendue de terrain où l’on n’a encore pratiqué ni fouilles , ni sondages. Ces ossements de chevaux sont tantôt empilés en ligne irrégulière, formant une sorte de mur pris- matique triangulaire, tantôt en amas coniques. Au point de vue de la forme sous laquelle ils se pré- sentent on peut les diviser en deux groupes : 1° Des ossements entiers, non brisés, et jetés au 41 hasard sur les entassements, de telle sorte que Ton ne trouve jamais un squelette complet d’animal; 2° Un magma osseux constitué par des fragments d’os réunis entre eux par un ciment calcaire. Quelques-uns de ces morceaux esquilleux présentent des traces manifestes de calcination. Au point de vue de la formation de ce magma , M. l’abbé Ducrost pense que les os , soumis à une calcination imparfaite et brisés, ont dû éprouver la transformation suivante : les sels de chaux calcinés, et passés à l’état de chaux vive , se seraient peu à peu délités, puis à la longue, sous l’influence des agents atmosphériques, seraient devenus carbonate de chaux qui, se solidifiant, aurait emprisonné les parties osseuses non atteintes par la chaleur, et ayant conservé leur texture organique. C’est là une hypothèse toute spéculative , possible , mais non prouvée. Les couches osseuses en magma se trouvent irrégulièrement disséminées et mélangées avec les ossements entiers. Les rapports de contact, qui seuls pourraient élucider la question deformation du magma , sont très-difficiles à établir : les osse- ments sont d’une extrême friabilité, et sont très- adhérents à la couche argileuse qui les recouvre, aussi bien qu’entre eux-mêmes. La question que devait forcément soulever la grande agglomération de débris de chevaux trouvés à 'Solutré , était celle-ci : le cheval était-il domes- tiqué chez ces peuplades préhistoriques, ou bien 42 vivait-il à l’état sauvage. — M. l’abbé Ducrost se basant : 1° sur l’immense quantité d’ossements de chevaux existant à Solutré ; 2° sur ce que ces osse- ments proviennent tous de jeunes animaux, admet comme probable la domesticité du cheval à cette époque. Tout le monde reconnaît indiscutable que le cheval a servi d’aliment à ces peuplades primi- tives. On sait que le cheval d’Amérique, pris au lasso, devient très-rapidement docile; mais l’appri- voisement temporaire d’un ou de plusieurs animaux ne peut entraîner la conclusion de la domestication de la race. Il faudrait pour cela qu’il y eut repro- duction de l’animal en captivité, élève et éducation du produit, etc., toutes choses qui semblent im- possibles à admettre , en présence de l’énorme agglomération d’ossements que l’on rencontre. 2° Ossements d'animaux d'espèces diverses. — Irrégulièrement dispersés dans ces amas que nous venons de décrire , se trouvent des débris apparte- nant à une grande quantité d’animaux , dont quelques-uns ont complètement disparu , d’autres ont émigré de notre pays. Ce sont eux qui peuvent servir de jalons pour assigner un âge à l’homme de Solutré. Ce que nous avons dit plus haut pour les chevaux peut aussi bien s’appliquer aux animaux dont les restes sont mélangés aux leurs. Il en est d’entiers , d’autres fracturés et ayant subi une cal- cination incomplète. Voici les noms des espèces dont jusqu’à ce jour 43 on a trouvé les ossements en nombre le plus im- portant. Ce sont : l’Elephas primigenius , l’ursus spelœus , le lynx , l’hyène , le loup , le renard , le cervus canadensis , le renne , l’antilope saïga , l’aurochs , le blaireau , le lièvre , quelques osse- ments de marmotte et d’autres appartenant à des oiseaux , notamment à des échassiers et à des ra- paces. Pendant les fouilles faites le 23 août on a trouvé une assez grande quantité de débris de renne , particulièrement une ramure presque en- tière. Les défenses de l’Elephas primigenius se rencontrent principalement à la base des amas osseux. 3° Restes humains. — Arrivons maintenant à la dernière partie de ce travail , aux restes humains découverts à Solutré. Il existe plusieurs sortes de sépultures ; les plus récentes appartiennent à l’époque mérovingienne. Elles sont d’une époque historique et nous n’avons pas à en parler ici. Les plus anciennes appar- tiennent à l’âge du renne, et encore croit-on qu’en leur assignant cette date on les rajeunit et que leur antiquité est plus grande. On possède sept squelettes provenant des fouilles faites au Crot-du-Charnier. Tous ont été trouvés dans la même position : les pieds tournés à l’Est et la tête légèrement relevée et dirigée à l’Ouest. Les bras placés parallèlement à l’axe du corps , les avant-bras demi fléchis et se croisant à peu près à 44 égale distance de la symphise pubienne et de l’ex- trémité inférieure du sternum. Leur point de croi- sement devait se trouver sensiblement au niveau de l’ombilic. La conformation des os du squelette est identique à celle de l’homme actuel. La taille des Solutréens devait être supérieure à la nôtre. Son évaluation est difficile ; on pense cependant qu’ils devaient dépasser de 15 à 20 centimètres la moyenne de la taille humaine actuelle dans notre pays. L’examen des crânes prouve que ces peuplades appartenaient à une race voisine de la race mon- golique. Le squelette découvert le 23 août à Solutré est celui d’nne jeune fille. La direction générale du corps était bien Ouest et Est , en allant de la tête aux pieds , mais par suite probablement de glisse- ment des couches terreuses dans lesquelles le corps avait été enseveli , la partie inférieure du squelette était légèrement infléchie vers le Sud, vers le point le plus déclive du terrain. Malgré toutes les pré- cautions prises , le crâne ne pût être dégagé qu’os par os ; aucune des sutures crâniennes n’avait offert assez de résistance pour se maintenir en position pendant les travaux d’extraction. La gangue ter- reuse dans laquelle était en quelque sorte cimenté le squelette y adhérait fortement , circonstance qui rendait délicate et minutieuse l’opération du dé- blaiement. Le corps reposait sur une couche noi- râtre d’une compacité moindre que celle des terres 45 environnantes. Ce sont incontestablement les traces d’un foyer , mais il n’y a pas eu crémation , les os du squelette n’ont pas subi les atteintes du feu. Sept des sépultures de Solutré présentent cette même particularité. On doit croire qu’il y avait chez ces peuples un rite funéraire , une sorte de purifi- cation par le feu de leurs sépultures. Ce fait im- pliquerait un certain état de civilisation chez ces hommes contemporains du Mammouth. De plus on trouve autour des sépultures des ins- truments , des armes en silex irrégulièrement dis- séminés. Ce sont en général des hachettes dis- - coïdales , des lances , des pointes de flèches , des couteaux, des grattoirs dont quelques-uns semblent appartenir à l’époque de transition entre les ins- truments en pierre taillée et ceux en pierre polie. Notre jeune compatriote, M. Rigaud , de Pons , a eu la bonne fortune de faire en couteaux et grattoirs une des plus heureuses trouvailles de la journée. Il résulte de cet ensemble de faits que l’endroit où s’élève aujourd’hui Solutré a été une station très-importante des âges préhistoriques. L’homme que l’on y a découvert y vivait non à l’état d’isolé» ment, àl’étatsauvage, mais bien en société. En outre, on' rencontre dans le même territoire des débris romains ; on en trouve qui datent de l’époque mé- rovingienne, ce qui prouve que déjà habitée dès la plus haute antiquité , cette localité a continué à 46 hêtre sans interruption appréciable jusqu’à nos jours , et que de plus il devait y avoir là un assez grand centre de population. Les fouilles de Solutré sont encore bien imparfaite^ , et la continuité de l’habitation de ces territoires pourrait nous fournir de très -curieux renseignements sur l’histoire humaine, les modifications de coutumes, de vie, par lesquelles l’homme a passé pour arriver aux temps dont l’histoire nous a gardé la connaissance. En outre des questions de détail que peuvent aider à élucider les fouilles de Solutré, elles ont au point de vue de l’anthropologie générale une grande importance. Les squelettes découverts ne diffèrent pas de celui de l’homme actuel , fait qui tend à établir que la race humaine procède bien réelle- ment d’un type spécial, car, s’il en était autrement, plus on se rapprocherait des premiers âges de son apparition , plus on la verrait tendre vers le type duquel elle serait issue. Or , pour moi , les faits jusqu’ici observés prouvent , à l’évidence , que de toute antiquité elle a eu et gardé une individualité propre , qui lui assigne une place à part dans la série zoologique. Tels sont, Messieurs, les faits que j’avais à vous communiquer , heureux si j’ai rempli à votre satisfaction la tâche que vous m’aviez confiée. COMMUNICATION FAÎTE A 14 SOCIÉTÉ DES SCIEIGES NATURELLES DE LA CHARENTE-INFÉRIEURE Par M. Alphonse MARGHEGAY , Ingénieur civil des mines , à Lyon. — y--*— S — Messieurs , Vous m’avez fait l’honneur de me désigner comme votre délégué , à la session annuelle que l’Association française pour l’avancement des sciences vient de tenir à Lyon. Cette distinction m’a été d’autant plus sensible qu’elle partait de la Rochelle , presque mon lieu de naissance^ et qu’elle me montrait que je n’avais pas été oublié. J’ai cherché à remplir, dans la mesure de mes connaissances, la mission que vous m’aviez confiée. Les sciences naturelles dont vous vous occupez plus particulièrement ne sont pas ma spécialité, mais dans 48 les loisirs que me laisse ma profession , c’est de ce côté principalement que se porte ma curiosité scientifique. Outre l’intérêt que ces sciences pos- sèdent en elles-mêmes , elles subissent en ce moment une évolution dans leur méthode , qui est un aiguillon de plus pour tout esprit amoureux de la science en général. Mais cela ne suffit pas pour parler magistralement des découvertes nouvelles des savants naturalistes , car la science est main- tenant tellement étendue que les hommes qui s’en occupent doivent forcément se spécialiser. Aussi n’ai-je choisi parmi les nombreuses questions d’his- toire naturelle traitées au Congrès de Lyon que celles pour ainsi dire communes à ces sciences et à la physique , science qui m’est plus familière. En agissant ainsi je n’ai fait que rentrer dans la classification d’Aristote qui, par physique ou science de la nature, entendait non seulement les sciences naturelles proprement dites , mais encore les sciences physiques. Les questions sur lesquelles j’aurai l’honneur de vous entretenir sont les suivantes : 1° Sur les fossiles du Mont Léberon , par M. Gaudry, professeur au Muséum de Paris. 2° Nouvelle théorie des Volcans , par M. E. Vogt, professeur à l’Académie de Genève. 3° Expérience nouvelle pour mesurer la densité de la Terre , par M. Cornu , professeur à l’Ecole Polytechnique. 49 Ire QUESTION. SUR UES FOSSILES DU 1VSONT LÉ8ERON Par M. A. GAÜDRY, Professeur au Muséum. La communication de M, Gaudry a été faite en séance générale. L’auteur a naturellement éloigné les détails trop spéciaux qui eussent été incompréhensibles pour la majorité de ses audi- teurs. Ayant pour ainsi dire sténographié plusieurs des points les plus importants de cette communi- cation , j’ai cm pouvoir la reproduire en style direct et j’espère que Fauteur ne pourra pas dire en me lisant : traduüore , traditore. Le mont Léberon s’élève sur les bords de la Durance , presque parallèlement au mont Venteux, dans le terrain Miocène supérieur. Des recherches antérieures avaient révélé la richesse de ce gise- ment en ossements fossiles surtout de vertébrés. Frappé de la ressemblance existant entre ce gise- ment et celui de Pikermi que j’avais déjà exploré entre Athènes et Marathon , ressemblance portant non-seulement sur l’âge géologique , mais encore sur l’accumulation de débris fossiles, j’ai pensé que des fouilles nouvelles pourraient apporter quelques 4 documents nouveaux pour l’éclaircissement de la question de X évolution dans l’ordre zoologique. Vous savez tous. Messieurs, que dans ce nouveau mode de classification des animaux, on ne regarde plus les êtres voisins comme parqués dans des espèces parfaitement déterminées et définies , mais comme des êtres vivants appartenant à des races susceptibles souvent de se croiser entre elles, et dont les différences tiennent à diverses causes que nous voyons fonctionner sous nos yeux comme les milieux , la sélection naturelle , etc. Les savants de l’ancienne école opposent à cette nouvelle conception diverses raisons que je ne rappellerai pas , iis font même intervenir dans le débat des idées de l’ordre religieux , quoique cependant les deux systèmes soient également compatibles avec la toute-puissance créatrice. Au point de vue réellement scientifique , le seul qui doive nous préoccuper , que doit-on faire ? Etudier sérieusement tous les faits rassemblés en aussi grand nombre que possible et les considérer en- suite sans idées préconçues. Les débris fossiles de vertébrés trouvés au mont Léberon , sont très voisins de ceux rencontrés à Pikermi. Dans les deux gisements on trouve des dinothérium , des rhinocéros , des lagothérium parmi les grands pachydermes, de grands sangliers, et comme herbivores fréquents des hipparions (pachydermes) et des antilopes (ruminants). Parmi 51 les carnassiers s’en trouve un très-remarquable , le machérobus , animal du genre félis , qui était de grande taille, à dents acérées et assez longues pour déchirer facilement la peau épaisse des pachy- dermes , vivant côte à côte avec lui. On trouve aussi des hyènes devant se nourrir de proies mortes comme les hyènes actuelles. le bornerai mon étude comparative aux quatre types suivants que j’ai rencontrés en grande quan- tité dans les deux stations. 1er Type. — Hipparion. Cet animal de l’époque tertiaire est un pachy- derme solipède , très-voisin de l’âne et du cheval. On peut dire que c’est dans les pachydermes qui ont précédé le cheval , celui qui lui ressemble le plus , de là son nom d’ hipparion. Mes observations ont porté sur 120 ossements fossiles , 90 du gisement de Grèce et 30 du gise- ment de Provence. Les -caractères des premiers montrent que les hipparions qui habitaient l’Altique à l’époque Mio- cène , étaient plus massifs et plus lourds que ceux qui habitaient la Provence à la même époque ; un autre caractère différentiel est donné par les mo- laires qui sont plus plissées dans les premiers que dans les seconds. Le plus petit hipparion trouvé à Pikermi , était bien plus grand que le plus grand trouvé au Léberon, mais en tenant compte de tous les os trouvés, on reconnaît que l’individu le moins massif du gisement grec , diffère fort peu de l’in- dividu le plus gros du gisement provençal. La dif- férence entre ces individus est même bien moins grande que celle existant entre deux chevaux appartenant à deux de nos races actuelles , la race Boulonnaise et la race Arabe , par exemple. Ma conclusion est que ces hipparions vivant à la même époque dans des contrées différentes, appartenaient à des races différentes et non à des espèces diffé- rentes. 2e Type. — Sanglier. Les os de sanglier trouvés à Pikermi , sont ceux d’un animal énorme qu’a cause de sa taille on a appelé sanglier d’Erymanthe. Cet animal est surtout caractérisé par un développement considérable des tubérosités maxillaires. Les sangliers trouvés au mont Léberon , n’ont pas ce développement aussi considérable , mais leurs molaires sont pareilles , ce sont donc simplement des animaux de race voisine. 3e Type. — Tragocère. L’animal dont on rencontre les ossements fossiles à Pikermi, fut dénommé chèvre d’Amaltha. Sauf les cornes qui rangent forcément cet animal parmi 53 les chèvres , c’est un animal ayant tout le faciès d’une antilope , c’est donc une chèvre à corps très allongé. Telle est la caractéristique du type grec. Les os de tragocères trouvés au Léberon corres- pondent au contraire à des animaux plus forts et moins élancés , c’est là la seule différence entre eux et ceux du gisement de Pikermi. 4e Type. — Forme gazelle. On a retrouvé à Pikermi 90 ossements , 50 au mont Léberon. Les individus trouvés en Grèce ont les cornes divergentes , ceux du mont Léberon ont les cornes en lyre , c’est là la seule différence exis- tant entre ces gazelles , ce sont donc des animaux de races différentes. Conclusions. Cette étude rapide montre la non fixité de l’es- pèce dans les temps géologiques , et sa séparation en races naturelles. Il est certes plus difficile encore que pour les animaux actuellement vivants , de prouver que les animaux disparus appartenaient à des races différentes et non à des espèces diffé- rentes. Les ranger dans des espèces différentes est plus facile et plus commode pour notre esprit. Cependant en songeant à ce que nous voyons actuel- lement sous nos yeux ou les différences entre animaux de même espèce sont souvent si grandes, 54 on voit que ces nuances commencent à s’apercevoir également chez les animaux disparus , dont nous ne possédons que quelques débris osseux et que le sujet mérite toute l’attention des naturalistes. IIe QUESTION. SUR UES VOLCANS. Conférence publique de M. Karl VOGT , Professeur à l’Institut de Genève. M. Karl Vogt est avant tout un savant naturaliste comme l’ont montré ses différents travaux -, sa coh laboration avec M. Agassiz , pour Y Histoire natu- relle des poissons; ses Recherches sur les sociétés d'ani- maux et surtout ses Leçons sur l’homme, qui Font classé au premier rang des anthropologistes actuels. En sortant de la zoologie pour faire une incursion dans le domaine de la géologie , il devait montrer à son nombreux auditoire son talent d’orateur , sa verve et la vivacité avec laquelle il décoche le trait à ses adversaires scientifiques ou non. En pareille occurrence un auditoire français est toujours pour le conférencier , ce dernier blessa-t-il plusieurs de ses idées reçues. Comme il s’agit ici d’une commu- nication sur une théorie nouvelle des volcans, je lais- serai de côté tous les développements nombreux et 55 fort intéressants donnés par M. Vogt, et je bornerai mon compte-rendu à la partie scientifique pure de la doctrine. La théorie jusqu’ici admise pour expliquer les volcans repose sur l’hypothèse du feu central. ~Qn admet que la terre d’abord à l’état fluide s’est peu à peu refroidie et que actuellement réduite à un sphéroïde entouré d’une atmosphère , l’exté- rieur seul de ce sphéroïde , la croûte , est arrivé à l’état solide , tandis que l’intérieur est encore à l’état de fusion ignée. L’augmentation de chaleur qu’on rencontre à mesure qu’on s’enfonce dans l’intérieur de la terre est le fait d’observation qui appuie le plus cette hypothèse. De nombreuses observations faites en différents lieux sur la température à diverses pro- fondeurs donne comme moyenne environ 3 degrés centigrades d’augmentation par 100 mètres, soit 30 degrés par kilomètre. Si cette augmentation conti- nuait de croître en progression arithmétique à mesure qu’on s’enfonce, il régnerait à la profondeur de 100 kilomètres une température de 300 degrés centigrades , température à laquelle tous les corps que nous rencontrons à la surface de la terre seraient en fusion. La terre ayant un rayon moyen de 6,366 kilo- mètres , il en résulterait qu’à une distance de la i surface moindre que le ^ du rayon terrestre , les 56 matières devraient être en fusion. Pour exprimer cela d’une manière plus tangible , si nous conce- vons une boule de caoutchouc de 13 centimètres de diamètre extérieur et dont l’enveloppe aurait 1 mil- limètre d’épaisseur , tout le vide intérieur rempli d’air correspondrait au noyau liquide. L’illustre astronome Laplace , par sa théorie de la formation et de la condensation des nébuleuses, est venu encore appuyer le système du feu central. Les volcans s’expliquent alors très-aisément. On disait: dans la croûte solide existent des fissures mettant l’extérieur en communication avec l’inté- rieur, par ces sortes d’évents s’échappe le trop plein de la chaudière interne, de là les volcans. Les volcans ne seraient alors que la reproduction, sur une plus petite échelle , de la formation de la montagne ignée primitive. Ce seraient même des sortes de soupapes de sûreté évitant des cataclysmes plus grands ; les grands tremblements de terre. Cette explication , que l’on peut qualifier de seconde hypothèse, en réservant le nom de pre- mière hypothèse au système du feu centrai , était même donnée comme preuve à l’appui de la pre- mière hypothèse. C’est là évidemment un cercle vicieux, M. Yogt l’a très-bien fait remarquer, et on ne peut sur ce point lui faire aucune objection. Il n’en est pas de même des raisons que M. Yogt oppose à la théorie de Laplace sur les nébuleuses , 57 et aux observations de température faites à diverses profondeurs. M. Vogt nous dit que rien n’indique si notre nébuleuse est arrivée ou non à sa période de soli- dification. C’est là précisément le point en litige. On peut en effet remarquer que la physique, par ses découvertes récentes : les expériences de Plateau sur l’équilibre des liquides soumis à la seule attraction moléculaire et animés d’un mouvement de rotation, d’une part , les analyses spectrales du soleil et des étoiles, de l’autre, sont venues apporter des faits certains à l’appui de la théorie de Laplace. Quoique l’astronomie soit cultivée par les hommes depuis une très-haute antiquité, la période d’envi- ron quarante siècles qui s’est écoulée entre les premières observations comme celles des Chaldéens et celles que nous faisons actuellement , est trop courte pour qu’on ait pu constater une diminution dans la durée du jour sidéral. De plus , les pre- miers observateurs ne pouvaient, avec leurs instru- ments grossiers , arriver à la même précision que nous. Si cette diminution était en effet constatée , ce serait une preuve certaine de la fluidité de l’in- térieur du globe; car le jour sidéral ne peut dimi- nuer de durée que si la terre diminue de volume. Mais passons au point le plus important : l’aug- mentation de la chaleur terrestre à mesure qu’on s’enfonce dans le sol. M. Vogt dit que les consta- tations faites ne s’accordent pas entre elles , que si 58 elles contiennent un élément fixe , cet élément ne peut être que très-minime , et que , par suite , on est dans l’erreur en disant que la température croît de 1 degré centigrade par 33 mètres d’enfoncement, il cite, pour appuyer son dire, les températures trouvées pour l’eau des puits artésiens. A cela on peut faire une réponse facile. De même que nous voyons sourdre à la surface de la terre, des sources thermales, ayant souvent des températures fort élevées, de même aussi il peut arriver que des puits artésiens de médiocre profondeur donnent issue à des sources venant de points bien plus éloignés de la surface, que la profondeur à laquelle ils ont été creusés. Après avoir exposé rapidement les objections qu’il oppose à l’ancienne théorie, M. Vogt expose la sienne. Pour lui, la chaleur que l’on observe en descendant dans l’intérieur du globe a pour cause les réactions chimiques qui se produisent entre les divers éléments qui le composent. Ce qui prouve, dit-il, qu’il en est bien ainsi, c’est que dans les houilles où les réactions sont fortes, le développe- ment de chaleur est considérable et souvent suffi- sant pour produire l’inflammation spontanée, tandis que dans les granits où ces réactions sont presque nulles , rien de semblable ne se produit. C’est remettre au jour les idées de Lémery, le fameux chimiste du temps de Louis XIV. M. Vogt passe alors aux volcans; ils sont pour 59 lui des phénomènes purement superficiels de l’écorce terrestre. Il trouve leur force de projection (comme dans l’ancienne théorie) , dans la tension de la vapeur d’eau contenue dans l’intérieur, et la preuve en est dans l’immense nuage blanc qui les sur- monte toujours lors des éruptions et que l’analyse a montré être presque complètement formé de vapeur d’eau. Comme la plupart des volcans sont situés près de la mer, on disait dans l’ancienne théorie que c’était l’eau de mer qui, pénétrant par des fissures dans l’intérieur bouillant du volcan, s’y convertissait en vapeur. M. Yogt admet que l’eau, convertie en vapeur, vient aussi le plus souvent de la mer; mais , pour lui, l’intérieur du volcan, la chaudière, est froide et non chaude. D’où vient alors la chaleur absorbée par la transformation de l’eau en vapeur et la fusion de la lave? D’une cause purement mécanique : les affaissements du sol, suivant M. Yogt. Ces affaissements ou trem- blements de terre co-existent toujours avec les éruptions volcaniques, surtout avant. Pour montrer qu’un affaissement , même peu considérable , peut produire une énorme quantité de chaleur, M. Yogt dit qu’en partant de la trans- formation du mouvement en chaleur, il a calculé la quantité de calories engendrées par l’affaissement d’une couche de terre de i kilomètre carré de su- perficie , 25 kilomètres d’épaisseur qui descendrait d’un pied. Le calcul donne, dit-il, une quantité de 60 chaleur suffisante pour liquéfier 266,000 tonnes de lave, dont la température de fusion est 1,300 degrés centigrades. Or, la dernière éruption du Vésuve (avril 1872), qui a été assez considérable, n’a produit que 33,000 tonnes, soit g du nombre précédent. Le calcul de M. Vogt serait à discuter, car la théorie de l’équivalence mécanique de la chaleur est encore peu avancée , et bien des idées fausses ont cours à son sujet. Mais, dira-t-on, pourquoi ces affaissements se produisent-ils? Parce que certaines couches so- lubles ou meubles , de l’écorce terrestre , ayant été entraînées par les eaux, il se forme des vides inté- rieurs qui les provoquent. En Suisse, dit M. Vogt, il existe trois centres de tremblement de terre : Bâle , Viège dans le Valais et Eglisau près Schaf- fouse. Dans les trois points se trouvent des couches puissantes de gypse et de sel gemme. On compte, paraît-il, en moyenne à Eglisau, cent secousses de tremblement de terre par an ; mais on y est tellement habitué qu’on n’y fait plus attention. On ne peut nier, en effet, que les points où se trouvent des gîtes salifères n’éprouvent de temps à autre de pareils affaissements. L’accident récent (fin 1873), arrivé à Saint-Nicolas-Varangeville, près Nancy , où des bâtiments de l’usine à sel se sont enfoncés et effondrés, en est une preuve. De même , des affaissements du sol peuvent se 61 produire sur d’anciennes carrières , comme cela n’arrivait autrefois que trop souvent à Paris, dans les quartiers construits sur les catacombes. Le point important n’est pas là ; ce qu’il faudrait bien prouver c’est l’énorme quantité de chaleur qu’un affaissement de surface, même assez minime, peut produire, de sorte qu’en résumé on peut dire que si îa théorie, jusqu’ici admise pour les volcans, n’est pas vraie , celle proposée par M. Vogt est encore moins probable , comme manquant de preuves à l’appui. IIIe QUESTION. SURLA MESURE DEL. A DENSîTÉ DEL, A TERRE PAR M. A. CORNU , Professeur de physique à l’Ecole Polytechnique. Introductions Dans l’une des séances de la section de physique, mon camarade et ami M. Cornu , ingénieur des mines et professeur de physique à l’Ecole polytech- nique , a fait une communication intéressante sur la détermination de la densité moyenne de îa terre. La recherche de ce nombre est surtout importante au point de vue astronomique, car il permet d’avoir 62 la masse absolue de la terre et par suite celle du soleil et des autres planètes ; elle présente aussi un certain intérêt au point de vue des sciences natu- relles , car elle touche à la géologie et à la minéra- logie. Le physicien anglais Mittchel , de la Société royale de Londres , entreprit vers le milieu' du XVIIIe siècle , de mesurer le rapport des actions attractives que la terre et un gros globe de plomb, peuvent exercer sur une masse donnée, et par suite d’avoir la densité moyenne du globe terrestre. Mittchel mourut avant d’avoir pu exécuter les ex- périences qu’il projetait , et il légua son appareil à Cavendish. Ce fut lui qui opéra en 1798 , après avoir ajouté à l’appareil de nombreux perfectionne- ments. Cavendish trouva comme moyenne de vingt-neuf expériences , le nombre 5,48 , comme représentant la densité moyenne du globe terrestre. M. Reich reprit à Freyberg , en 1838 , ces expé- riences , en ajoutant un miroir pour rendre plus facile la lecture des oscillations , et dans une pre- mière série d’expériences trouva 5,44, qu’il corrigea plus tard en l’élevant à 5,49. Une seconde série d’expériences faites en 1849 , lui donna 5,58. Dans l’intervalle , Baily , astronome anglais , fit paraître en 1843 , un travail considérable sur le même sujet. Les expériences de Baily , faites en grand nombre et avec le plus grand soin , don- 63 nèrent comme moyenne 5,67, mais elles renferment une erreur systématique. Expérience nouvelle . — La différence entre ces résultats , l’importance de la question, méritaient une étude nouvelle. La balance de torsion est la partie importante de Fappareil de Cavendish, aussi M. Cornu et son aide M. Baille, jugèrent-ils qu’il fallait avant tout étudier cet instrument de mesure des petites forces. Si Ton appelle c le couple de torsion du fil ; s la déviation, 9 la force attractive agissant au bout du levier de longueur l , on a l’équation. (l) c. 8 == 1. 9 pour déterminer la force 9. Les quantités s et l sont faciles à mesurer. Il n’en est pas de même du couple de torsion c. On sait en effet que ce couple se me- sure en employant la formule du pendule un peu modifiée. (2) f2 = k2. S mr2 h p r~ ou (3) £2 = t:2 — C on peut mesurer p, t ; l’accélération g de la pesan- teur est connue et on a finalement (4) 9 = y p r2 t 2 g Le moment d’inertie du levier à boules intervient donc finalement dans l’expression de la force attrac- tive. Le levier , considéré isolément , devra être léger et rigide pour influer peu sur ce moment total d’inertie. Cavendish prenait des leviers de bois assez longs , maintenant on peut prendre des leviers creux en aluminium bien plus rigides et presque aussi légers. Il faudra de plus que le levier suspendu au fil soit en équilibre dynamique, c’est- à-dire , que le fil soit axe principal d’inertie du système. On comprend aisément que l’appareil doit être bien précis et bien sensible pour pouvoir mesurer des forces qui, dans l’appareil de M. Cornu, ne dé- passaient pas — ^ de milligramme. Ces études préliminaires une fois faites , l’appa- reil définitif a été construit. Les auteurs ont tenu compte des perfectionnements de leurs devanciers et ont varié le dispositif. Le levier de la balance de torsion est un petit tube d’aluminium de 50 centimètres de longueur , portant à ses deux extrémités deux boules de cuivre rouge pesant chacune 109 grammes. Un miroir plan , placé en son milieu, permet d’observer avec une lunette une échelle graduée située à 5 mètres 60 centimètres. Le fil de torsion , en argent recuit, a 4 mètres 15 centimètres de longueur. Une oscil- lation double du levier dure environ 6 minutes 38 secondes. Cette réduction dans la longueur du levier , par rapport à celui de Cavendish qui avait près de 2 65 mètres, avec des boules pesant près de 700 grammes, est très -avantageuse. Si on discute en effet la for- mule qui exprime la déviation , on voit que dans des appareils géométriquement semblables et à même temps d’oscillation , la déviation est indé» pendante du poids des boules suspendues et en raison inverse des dimensions homologues. Cela a permis de réduire aussi la masse attirante à 12 kilogrammes au lieu de deux fois 158 kilogrammes, employés par Cavendish. La masse attirante est formée par du mercure contenu dans deux sphères creuses de fonte de 12 centimètres de diamètre intérieur , soigneusement travaillées. Ces deux sphères communiquent entre elles par un tube métallique et à l’aide d’une pompe on peut faire passer, sans choc ni trépidation , le mercure de l’une des sphères dans l’autre de manière à doubler l’effet de l’attraction. Chaque sphère a été fondue en deux hémisphères, puis tournée intérieurement. On a vérifié la sphéricité intérieure en pesant le mercure contenu. L’appareil est installé dans une des caves de l’Ecole polytechnique et grâce à un enregistreur électrique du mouvement d’oscillation du levier , on s’est dispensé de compter le temps et on a pu conserver , sous forme de tracés graphiques, toutes les circonstances qui ont accompagné l’observation. Pour faire l’expérience le mercure est d’abord à égal niveau dans les deux sphères , puis on le fait 66 passer alternativement d’un côté et de l’autre. Il faut de trente à quarante secondes pour faire passer tout le mercure dans une boule. Le mercure étant dans la boule de droite , le levier est attiré et oscille ; on mesure le milieu d’une série d’oscilla- tions lorsque le mercure est de ce côté ; puis on renverse en poussant le mercure dans la boule de gauche et on mesure le milieu de cette seconde série d’oscillations. On a relevé ainsi près de deux cents oscillations doubles formant vingt groupes, appartenant à deux séries, l’une comprenant les groupes d ’observations faites l’été, l’autre celles faites l’hiver. Moyenne de la série d’été A = 5,56 Moyenne de la série d’hiver A = 5,50 Les conditions atmosphériques ont une grande influence sur les observations. Aussi , à cause des conditions atmosphériques pendant les observations d’hiver et une légère flexion du levier qui a diminué un peu son moment d’inertie, la première série est préférable , et M. Cornu donne le résultat de 5,55 Conclusion. Ces expériences confirment donc le nombre donné par Cavendish : celui de Baily est beaucoup trop élevé. En discutant les expériences de ce dernier* on voit que plus la boule mobile aune masse faible, 07 plus le résultat est fort. Ainsi, il trouve 6,02 avec le levier seul et 5,60 avec les boules les plus lourdes. Il y a donc là une erreur systématique qui est l’appréciation inexacte de l’attraction du levie r et dont l’influence serait nulle , si la masse du levier était négligeable vis-à-vis celle de la boule. En extrapolant, en effet, les divers résultats des expériences de Baily, on trouve 5,55, c’est-à- dire un nombre très-voisin de celui de Cavendish et de celui de M. Reech. Application à la géologie. Le poids spécifique moyen de la terre est donc bien supérieur à celui des substances qui se ren- contrent en grande quantité à sa surface , car ce dernier est compris entre 2 et 3, et bien plus voisin de 2 que de 3. Pour expliquer cette anomalie , on a supposé le centre du globe terrestre occupé par des métaux en fusion. L’augmentation de température, à me- sure qu’on s’enfonce, vient à l’appui de cette hypo- thèse. De plus , l’hydrostatique montre que les molécules d’une masse liquide pesante sont d’autant plus rapprochées, qu’elles sont â une distance plus grande de la surface. Si donc l’intérieur du globe terrestre est rempli par des matières en fusion , c’est au centre que ces matières ont la plus forte densité. 68 De cette non homogénéité des différentes couches composant le globe terrestre , il résulte que la pe- santeur n’est pas maximum à la surface , mais à une certaine distance au-dessous du sol. M. Roche , en s’appuyant sur des considérations astronomiques , a trouvé que la densité Dj à une distance Rt du centre de la terre peut se repré- senter par Dj D0 (1 — 0,8 Ri2). D0 exprimant la densité au centre et R, étant ex- primé en fraction du rayon terrestre. En prenant 5,5 pour la densité moyenne du globe, cette formule donne 2,1 à la surface et 10,6 vers le centre. Il en résulterait que la pesanteur croît jusqu’à une profondeur égale au sixième du rayon; là, l’accélération due à la pesanteur surpasse de plus *1 ■» r> - de celle à la surface de la terre. Puis la pesan- teur diminue; au tiers du rayon eüe reprend la même valeur qu’à la surface, enfin elle continue à décroître rapidement jusqu’au centre, où elle est nulle. Les expériences de M. Airy ont justifié- cette ma- nière de voir. Cet astronome fit osciller deux pen- dules exactement semblables , l’un à la surface de la terre , l’autre au fond d’une mine profonde de 384 mètres. Il trouva que le pendule inférieur avançait , en 24 heures , sur le pendule supérieur, î de 2~ oscillations. Il en conclut que g, étant l’in- 69 tensité de la pesanteur à la surface , elle était de g fi -4- j au fond du puits de mine, La formule de M. Roche donnerait $ (l + ) nombre fort peu différent. L’expérience de M. Airy permet d’avoir, appro- ximativement , la densité moyenne de la terre. Appelant Ds la densité moyenne du noyau et D la densité moyenne de l’enveloppe, elle dorme Or, en étudiant les terrains placés au-dessus de la mine, on peut trouver la densité moyenne D de F enveloppe au voisinage du lieu où on opère, et comme les parties les plus rapprochées exercent une action prépondérante on peut, sans erreur sensible , prendre cette densité moyenne D comme représentant celle de l’enveloppe tout entière. On peut donc calculer la valeur de D?, c’est-à-dire la densité moyenne du noyau. Ainsi, si les terrains placés au-dessus de la mine avaient comme densité moyenne celle de la pierre à plâtre D = 2,2, on aurait Dt = 5,77. En résumé, on voit que toutes ces expériences, relatives à la recherche de la densité moyenne du globe , confirment l’hypothèse géologique d’un noyau fluide composé de métaux en fusion entouré d’une couche solide composée de matières moins denses. Elles viennent donc encore à l’appui du système du feu central. 70 PONS , PAR LE DOCTEUR COMBES. Pons possédait, depuis près de quarante ans, une collection d’ossements fossiles qu’on avait placés dans les combles de l’Hotel-de-Ville. Dis- posés, sans ordre, dans une armoire vitrée dont le délabrement les laissait exposés aux atteintes de la poussière et de toutes les variations atmosphé- riques, ces ossements ont souffert tant de l’oubli et de l’indifférence des hommes que des injures fatales du temps. Ils se dégradaient tous les jours un peu plus; beaucoup étaient tombés en pous- sière. Aussi ne pouvons-nous qu’applaudir à la décision récemment prise par l’administration de la ville de Pons, qui a consenti h se séparer de ce dépôt pour le remettre aux soins intelligents de la Société des sciences naturelles de la Rochelle. Le muséum Fleuriau a vu ainsi se compléter la série paléontologique de ses collections spéciales au département. 71 Ces ossements , dont l’importance scientifique a décru depuis l’époque de leur découverte, parce que les trouvailles de même ordre se sont multi- pliées sur tous les points du globe, excitèrent autrefois l’intérêt et la curiosité des savants les plus illustres. Nous n’irons pas jusqu’à prétendre, avec nos enthousiastes concitoyens, qu’ils mirent Paris et la France en émoi. Mais, sans exagérer les faits, nous pouvons affirmer que les encouragements les plus flatteurs vinrent de Paris à nos Pontois, pour les affermir dans le généreux dessein de ne mettre en balance , avec ces vieilles reliques , aucun sacri- fice pécuniaire. Aussi , même dans une simple notice, nous aurions mauvaise grâce à passer sous silence l’ardeur sincère et la bonne volonté em- pressée que déployèrent nos compatriotes. Ce n’est pas un mince titre d’estime pour eux , humbles habitants d’une petite ville , d’avoir soupçonné et peut-être compris le mérite de cette découverte et de l’avoir poursuivie , jusqu’à son achèvement , avec une sorte de foi pieuse qui se serait difficile- ment retrouvée , à cette époque relativement loin- taine, dans d’autres petits centres analogues. La découverte dont il s’agit remonte à 1833. Au mois de décembre de cette année quelques géo- logues , qu’une promenade avait conduits vers les carrières de Soute , remarquèrent soit par hasard, soit par suite d’une indication, quelques débris d’ossements à la base d’une tranchée ouverte pour 72 l’exploitation des pierres de taille. Ils creusèrent à cet endroit et , presque sans travail , retirèrent d’autres os dont la forme leur parut extraordinaire et dont l’antiquité leur fut immédiatement révélée par leur friabilité excessive. Bien qu’ils ne fussent pas en mesure de déter- miner ces débris de squelettes , ils en devinèrent l’importance. Ayant recueilli une quantité notable des plus curieux spécimens par des fouilles forcé- ment dépourvues de méthode , ils emballèrent le résultat de leurs recherches, qui consistaient prin- cipalement en dents et mâchoires de carnivores et de ruminants , et ils les expédièrent à M. Fleuriau de Bellevue, géologue distingué de la Rochelle. Si nous en croyons une lettre de cette époque , l’émotion fut grande à la Rochelle lorsque les caisses furent ouvertes et soumises à l’examen des hommes compétents. Chacun , dit cette lettre, en parut dans l’extase . D’Orbigny lui-même , qui habitait la Rochelle, fut vivement frappé de cette quantité de fossiles, et, sans aller jusqu’à l’extase, il leur attri- bua une valeur scientifique des plus considérables. Parmi les pièces qui furent aussitôt reconnues par les savants Rochelais , la lettre mentionnée signale une mâchoire de mammouth adulte, des mâchoires d’un individu plus jeune , trois dents et plusieurs os de mastodonte, des dents et des os d’hyène, de bœuf, de cheval. Nous n’oserions affirmer que ces déterminations étaient exactes, et, à vrai dire, nous gardons certains doutes3 notamment à l’endroit du mastodonte qui n’a certainement pas dépassé la période pliocène et n’a pu coexister avec le mam- mouth. Toujours est-il qu’à la vue de ces richesses d’un ordre particulier , d’Orbigny résolut de se rendre à Pons le plus tôt possible comme chargé* par le Préfet * d’inspecter le gisement des fossiles* avec invitation au maire de Pons de mettre le pré- deux terrain à sa disposition» Cette lettre si encourageante et si significative , et la rumeur publique qui grossissait* suivant l’or- dinaire , l’importance d’une découverte fort digne * d’ailleurs , d’être poussée à fond* déterminèrent, dans la petite ville de Pons5 un très-vif mouvement d’opinions qui se traduisit promptement en concep- tions éminemment pratiques. Une association fut organisée sous le nom de Société philomathique , pour procéder à des fouilles et pour en collectionner les produits. Les adhérents* dont le chiffre atteignit aussitôt trente-six * s’engagèrent à verser une coti- sation individuelle de dix francs avec promesse de l’augmenter, si les travaux ou des besoins imprévus nécessitaient une plus forte mise de fonds. Il fut décidé que les fouilles seraient surveillées journel- lement par un sociétaire tiré au sort , et que ce surveillant rédigerait un rapport sommaire des opérations de la journée contenant un état mimé- ratif et descriptif des ossements. Les objets prove- nant des fouilles devaient être déposés, pour former 74 un musée, dans une des salles de i’Hôtel-de-Ville. On convint de se réunir en assemblée générale une fois par mois , tant pour se tenir au courant des travaux et de la correspondance que pour entendre les communications scientifiques qui pourraient être faites par les sociétaires. Pendant que s’organisait cette institution recom- mandable à tant d’égards , des fouilles continuées au hasard avait permis d’exhumer un certain nombre de fossiles. Les sociétaires, se sentant in- capables de les reconnaître et de les classer, eurent l’idée de s’adresser au baron de Férussac, qui diri- geait à Paris le Bulletin des sciences et de V indus - trie , et de lui demander son avis sur la classifica- tion et la valeur scientifique des ossements. Ils joignirent, à la caisse contenant ces objets, une double liste des fossiles numérotés qu’ils avaient désignés vaguement et suivant l’insuffisance de leurs connaissances ostéologiques. Ils prièrent le savant Parisien de rectifier les désignations inexactes et de leur indiquer un ouvrage qui vînt au secours de leur inexpérience. Les fouilles étaient momen- tanément interrompues; on attendait, pour les re- prendre, et cette fois avec méthode, l’avis du baron de Férussac et l’autorisation du propriétaire du terrain. Avec une obligeance parfaite, le baron de Férus- sac s’empressa de répondre à nos sociétaires et de leur donner d’utiles conseils pour le mode d’opérer 75 dans leurs recherches. Comme ouvrage propre à les guider dans la détermination des espèces, il signala le grand traité de Cuvier sur les fossiles , dont on publiait, au moment même, une édition in-8° d’un prix bien inférieur à celui de la précé- dente. Prévoyant le cas ouïes sociétaires voudraient composer de tous les objets exhumés et â exhumer un musée local, il les engagea à n’épargner ni soins ni peines pour entrer en possession des spécimens envoyés à M. Fieuriau de Bellevue, alléguant cette double raison , que cette idée de musée supposait et exigeait la concentration complète de toutes les pièces du gisement exploité , et que l’envoi fait à M. Fieuriau comprenait des dents, c’est-à-dire des pièces caractéristiques , très-utiles pour constater l’ensemble des espèces du dépôt osseux. Enfin , il promit de s’occuper de l’examen et de la détermi- nation des fossiles en s’aidant du concours des hommes du métier. Cet examen , auquel participa Laurillard, qui continuait avec moins d’éclat, mais avec une compé- tence incontestable, l’enseignement de Cuvier dans îa chaire du Muséum, aboutit à des résultats con- signés dans une nouvelle lettre du baron de Férussac à nos sociétaires. Les deux savants pari- siens déclarèrent que le dépôt de Soute renfermait des débris appartenant aux animaux dont les noms suivent : 1° L’éléphant. 76 2° Le rhinocéros. 3° Le grand cerf. 4° Un carnassier. 5° Un ruminant. 6° Le cheval. 7° Une loutre , dont il n’existait qu’un très-petit fragment. L’éléphant était représenté par deux dents mo- laires d’adulte, une dent molaire d’individu jeune, un ou deux fragments de côte , un autre fragment d’os, un tibia et une partie supérieure de tibia, une tête de fémur. Au rhinocéros se rapportaient une dent entière et un fragment de dent, l’extrémité inférieure d’un humérus, une phalangette et l’extrémité inférieure d’un métatarsiens. Le cerf avait fourni deux métatarsiens et peut- être un autre os, qu’avec une probabilité égale, on pouvait attribuer à un bœuf. Les restes du carnassier se composaient d’un fragment de maxillaire , de débris de vertèbres et de mâchoires, d’un fragment de l’atlaïde , d’un corps de vertèbre , d’une petite vertèbre cervicale , d’une tête de côte , d’un humérus, d’un fragment inférieur et de la partie supérieure d’un humérus , d’une portion de cubitus, d’un tibia, d’un fragment de tibia et d’un calcanéum. Le ruminant n’avait laissé qu’ime rotule. Mais les ossements du cheval égalaient, ou même 77 surpassaient en nombre , ceux des autres animaux réunis. On y remarquait des pièces appartenant à toutes les régions du squelette, depuis les dents et les os du crâne jusqu’aux carpiens et aux pli alan» giens. Pour fixer les idées , par un chiffre , nous dirons que, sur soixante-dix-huit os numérotés, le cheval figurait pour quarante-trois. Si nous relevons ce détail , en apparence secon- daire, c’est qu’il doit nous servir à marquer la date de ce dépôt - osseux. Qui n’a déjà soupçonné, qui n’a déjà reconnu, dans les animaux énumérés, la faune de l’époque quaternaire? L’éléphant dont les carrières de Soute recélaient les débris, c’est F élé- phant à crinière, Elephas primigenius , une fois plus grand que la plus grande espèce de nos jours, armé de deux défenses atteignant trois et quatre mètres de long, couvert par tout le corps d’un poil long et dur avec une. crinière longitudinale qui allait de la tête à la queue, où elle se terminait par une touffe de poils. Le rhinocéros, c’est le rhino- céros à cloison nasale osseuse , Rhinocéros tichor- hinus , d’une taille bien supérieure à nos rhinocéros actuels, qui possédait une toison laineuse et portait sur le nez deux cornes très-puissantes. Le grand cerf, c’est le cerf à bois gigantesque, Megaceros hibernions , grand comme un taureau et particu- lièrement commun dans cette Irlande d’où lui est venu son nom. Dans le ruminant F imagination ressuscite ou Fauroch , Biso Europœus , ou l’urus, 78 Bos primigenius , celui-ci éteint comme les trois espèces dont nous venons de parler, celui-là vivant encore dans les forêts de la Lithuanie et dans le Caucase, à la faveur des ukases impériaux ou de la solitude des montagnes. Nous voilà donc dans la période quaternaire, et, s’il est permis de hasarder une délimitation de temps plus restreinte , nous sommes dans la pre- mière moitié de cette époque , à un moment rap- proché de la fameuse période glaciaire. Ce qui nous suggère cette opinion, c’est la quantité relativement considérable des ossements de cheval à côté des débris du mammouth , du rhinocéros et du grand cerf. Or, d’une part, personne n’ignore que le cheval abondait dans la première partie de l’époque quaternaire, et, d’autre part, on sait que le mam- mouth, le rhinocéros tichorhinus et le grand cerf avaient presque entièrement disparu de nos con- trées pendant la durée de la seconde partie. Des indications tout aussi positives, mais d’une précision moins limitative, ressortent de l’étude des terrains qui recouvraient le gisement ossifère. Nous avons dit que ce gisement avait été décou- vert à la suite de travaux de déblais dans une carrière de pierre à bâtir. La carrière est située au lieu dit les Pipelards , près du hameau de Soute, à l’ouest et à trois kilomètres de Pons. Le ruisseau des Chartres , qui féconde le gracieux vallon de Soute, décrit, en arrivant aux Pipelards, une sinuo- 79 sité prononcée, et la prairie profitant de ce méandre du ruisseau gagne quelques centaines de mètres sur les terres. C’est presqu’au fond de cette sorte d’anse verdoyante que se trouve la carrière , dont le bas niveau domine le vallon de trois mètres au plus. Précisément, à ce point là, le vallon se dé- gage des deux lignes de collines parallèles qui le resserrent depuis Pons; il s’élargit notablement et les prairies acquièrent le triple de leur étendue. Au moment de la découverte, la muraille cal- caire, qui résultait de l’exploitation, faisait face au sud-est , affectant une direction parallèle au cours infléchi du ruisseau des Chartres. Sur la gauche, à un mètre à peine de cette muraille, la ligne blanche du calcaire s’interrompait brusquement; elle était remplacée par des couches sablonneuses et des matières d’éboulis. En ce point, le terrain que l’ex- ploitation n’avait pas encore entamé s’abaissait en pente depuis le plateau correspondant au niveau supérieur de la carrière jusqu’à la naissance de la prairie, sur un espace d’une dizaine de mètres. Quand on eut enlevé ce talus gazonné pour mettre à nu la largeur du banc ossifère, on constata l’existence d’une brèche ouverte dans le roc , sur une largeur moyenne de trois mètres. C’était l’ancien repaire à ciel ouvert des animaux quater- naires. L’action du temps se faisant sentir sur les parois calcaires en avait amené l’éboulement , et d’autres causes intervenant pour combler ce vide 80 dans le rocher , le repaire avait disparu sous une série de couches diverses. / Voici quelle était la succession de ces couches en procédant de haut en bas : 1° Terre végétale de six pouces d’épaisseur ; 2° Six pouces de cailloux crayeux entremêlés â de la terre rougeâtre ; 3° Trois pieds de craie blanche délitée avec plusieurs moellons très-durs ; 4° Banc ossifère composé d’une argile brune veinée de blanc et servant de gangue aux osse- ments ; 5° Entassement de pierres calcaires de gros volume liées dans la partie supérieure par un ciment argileux ; 6° Sol fondamental. Nous n’avons pas besoin de nous appesantir sur l’importance de cette argile brune. Elle constitue , pour ainsi dire, le cachet paléontologique du dépôt osseux. Elle' le classe dans la période géologique qui a précédé l’inondation diluvienne , en d’autres termes , dans la période quaternaire. Appuyé sur les renseignements qui précèdent , nous pouvons donc reconstituer, par la pensée, l’état primitif des lieux et en suivre les changements. Dans cet antre sans toit, dont le plancher inégal était formé par un entassement de rochers écroulés , les carnas- siers de l’époque quaternaire accumulaient les débris de leurs repas. A la fin de cette époque , 81 le déluge , c’est-à-dire l’événement géologique qui porte ce nom , a enseveli ces restes sous un manteau de sable argileux qui a cimenté les rocs et les ossements. Une longue série de siècles et les vicissitudes de la température ont comblé la brèche en causant l’éboulement de ses parois. Enfin, grâce à la terre végétale qui a nivelé uniformément le sol , tout indice d’excavation a disparu , et la fosse s’est fermée pour plusieurs milliers d’années sur ces précieux squelettes de races éteintes. La date de ce dépôt est donc nettement établie par les espèces animales qu’il contient et par la nature des terrains superposés. Elle avait été si- gnalée aux sociétaires par d’Orbigny : « Je suis persuadé , écrivait-il , par l’importance et la grande étendue de ce dépôt , qu’on y trouvera des richesses immenses et précieuses en anatomie comparée. Si je ne nie trompe même, ce gisement ne sera pas le seul dont les résultats inestimables pour la science feront honneur aux hommes éclairés dont la réunion forme votre commission géologique. » Il pressait la Société philomathique d’exécuter ses fouilles méthodiques, et il annonçait l’intention de partir au premier jour, afin de recon- naître et de déterminer les ossements. « Cependant, ajoutait-il, que je ne retarde en rien votre opéra- tion. Je verrai avec bien de la satisfaction , à mon arrivée dans votre ville , une des salles de votre hôtel-de-ville , transformée en un vaste amphi- 6 82 théâtre d’ostéologie antédiluvienne , et , puisqu’on veut bien me le permettre , je m’adjoindrai à MM. les membres de la commission pour essayer avec eux de déchiffrer les hiéroglyphes de ce vieux monument de l’histoire de notre globe. » Après quelques difficultés facilement aplanies, la Société recommença les fouilles avec ardeur. Cette fois elle y apporta de la méthode. Abandonnant l’excavation déjà faite au centre du banc ossifère , elle entreprit de déblayer la brèche par la partie supérieure, en sorte que le travail eût lieu à ciel ouvert. Elle évitait aussi , pour les ouvriers , tout danger d’éboulemént et , pour les fossiles , toute crainte d’événement fâcheux capable de les dété- riorer. En môme temps , elle creusa à l’ouest du gisement dans l’épaisseur du talus gazonné une tranchée destinée à se raccorder avec la paroi sud de l’excavation. Il avait été convenu que les sociétaires chargés tour à tour de la suveillance et de la direction des travaux tiendraient un journal régulier des opérations accomplies dans la journée. Nous avons vainement cherché cette série de comptes-rendus dans les documents déposés à la mairie , soit que la résolution prise n’ait pas été fidèlement exécutée , soit que la plupart des résul- tats obtenus aient paru dénués d’importance , les notes recueillies se bornent à quelques faits em- brassant une courte période de jours. Nous y lisons que le 3 février , dans une des 83 deux tranchées où l’on avait déterré déjà une tête du tigre des cavernes , on tomba sur un amas d’ossements confusément liés par un sable grisâtre très-adhérent. Ces ossements consistaient en fragments de côtes , os longs de ruminants et de loups , dents de cheval et de carnassier, mâchoires entières de cheval qu’on n’a pu enlever que par fragments. Le même jour, on mit à nu l’extrémité d’un énorme tibia qu’on s’efforça de dégager; mais la nuit interrompit ce travail. Le 10 février , on recueillit des fragments de grande dimension, des dents de cheval et de cam- pagnol et quelques os de côtes. Le 11 , au point même où la tranchée de l’ouest se reliait à l’excavation primitive, on découvrit une mâchoire supérieure avec une énorme dent d’élé- phant. La dent parallèle avait été probablement extraite précédemment , dit le rapport , avec une partie de l’alvéole. La tête de l’éléphant , sauf une dent disparue , était si friable qu’un éboulement survenu malgré les précautions prises la brisa tota- lement. On n’en sauva qu’une dent avec son alvéole, quelques fragments de la boite crânienne et deux vertèbres cervicales. A côté de cette tête, on aperçut un os de membre d’une très-forte dimension qu’il fut impossible de dégager ce jour-là. Les autres observations consignées dans les do- cuments qui nous restent roulent principalement sur la constitution géologique des couches de terrain 84 amoncelées au-dessus du gîte ossifère. On retrou- vait dans toute l’épaisseur de l’éboulis une substance blanche comme la neige , adhérente à la pierre sous la forme d’une efflorescence semblable à celle du salpêtre , mais plus compacte. Cette substance devenait plus abondante , à mesure qu’on se rap- prochait du gisement. La matière qui constituait le banc ossifère était onctueuse et de couleur foncée. Les ossements étaient agglomérés pêle- mêle , sans régularité et sans rapport entre eux. Ils étaient extrêmement friables et brisés en beaucoup de points, surtout les os longs. Ces nom- breuses fractures provenaient évidemment de la chute des pierres qui avaient formé primitivement les parois de la brèche. Le rapport d’où nous extrayons ces indications résumées contient beaucoup d’autres renseignements d’un intérêt médiocre ou nul. Il mérite d’être loué pour la méthode et la netteté de la rédaction , et il avive le regret que cause la non observation des décisions de la Société ou la disparition des comptes-rendus quotidiens. Parmi les ossements découverts par l’auteur de ces observations , il faut noter une grande quantité de dents incisives ayant appartenu à des rongeurs de très-petite taille et , dans la partie sud-est du dépôt , un grand nombre de fragments d’os entiè- rement noirs et d’une apparence charbonneuse. Comme en cet endroit le lit ossifère acquérait sa plus grande épaisseur et qu’il n’était recouvert que 85 par la terre végétale , celte couleur noire et cette apparence charbonneuse trouvent leur explication clans les phénomènes physiques et chimiques qui se lient à la végétation. Fidèle à sa promesse , d’Orbigny avait quitté la Rochelle pour assister à ces intéressantes fouilles et pour en classer scientifiquement les produits. Sans doute il dut prendre la part la plus active à la direction des travaux , et peut-être sa présence , son action dominante contribuèrent-elles plus que toute autre cause à faire abandonner aux sociétaires leurs habitudes de comptes-rendus. Avec un savant de cet ordre, il n’y avait pas lieu de craindre qu’un seul fait cligne d’être observé courût le risque d’être oublié ou perdu par négligence. Mais nous sommes privés de renseignements positifs sur les actes de d’Orbigny , et nous ignorons même s’il a rédigé quelque note ; car aucune pièce écrite ne nous est tombée sous la main. Bientôt d’ailleurs la mine exploitée s’épuisa au grand regret des sociétaires qui semblaient avoir compté sur des sources d’émotion intarissables. Une notable portion du dépôt, la plus intéressante, celle qui en constituait en quelque sorte le cœur , je veux dire le centre , n’avait pas, dès le principe, reçu assez de surveillance , plusieurs objets dispa- rurent. Le bruit qui s’était répandu de la découverte de Soute n’avait pas seulement éveillé l’attention clu 86 monde savant , il avait aussi excité la curiosité d’une foule d’amateurs. Nous signalerons comme un des incidents remarquables qui s’y rattachent une demande de renseignements adressée au Maire de Pons. On désirait connaître : 1° La nomenclature des diverses espèces aux- quelles se rapportaient les ossements ; 2° Si ces débris étaient dans l’état naturel ou fossile ; 3° Si, parmi les ossements , on avait trouvé des armures , des haches, des flèches , etc. , en silex , en os, en métal ou d’autres objets ; 4° Si le dépôt paraissait être dans une caverne naturelle ou due au travail de l’homme ; s’il était à fleur de terre , etc. Si l’on réfléchit que la découverte de Soute date de 1833 et qu’elle fut bien connue en 1834 , la troisième question ne pourra manquer de provo- quer une certaine surprise. On se préoccupait donc à cette époque , même dans notre petite province , de l’existence des armes de pierre ! On les attri- buait fermement à l’industrie humaine ! Cependant, Boucher de Perthes , à qui revient le principal honneur d’avoir établi la réalité de l’âge de pierre, n’avait pas encore publié ses travaux. Quoique M. Tournai, en 1826 , eût exploré la caverne anté- diluvienne de Bise , quoique M. de Christol , en 1829 , eût fait des recherches semblables dans les 87 cavernes de Ponclres et de Souvignargues, quoique M. Schmerling, en 1833, c’est-à-dire Tannée même de la découverte de Soute , interrogeât avec une infatigable persévérance les grottes de la Belgique , peu de personnes, en France, pressentaient l’impor- tance qu’allait acquérir ce genre d’études. Ainsi la question posée sur les armes de pierre dès ce moment prouve l’érudition de son auteur en même temps qu’elle révèle un esprit avancé. 88 L’AGE DE 'LA PIERRE TAILLEE DANS LE PAYS PONTOIS, F* A. XI JLiE DOCTEUR COMBES. « » Nos recherches, sur l’âge de pierre dans le pays Pontois, remontent à l’année 1869. Elles nous per- mettent déjà de concevoir une idée générale du groupement et du stationnement de la population à cette période encore si obscure de l’humanité. Nous essayons, aujourd’hui, de dresser la première carte des temps préhistoriques. On y verra que, chez nous comme ailleurs, la situation des campe- ments antédiluviens a été déterminée par celle des cours d’eau. Quelque imparfaite que soit une sem- blable monographie, elle a, du moins, le mérite de s’adapter complètement au but poursuivi par l’asso- ciation départementale dont nous avons l’honneur de faire partie. Le canton de Pons est traversé, dans une partie de sa longueur, par la rivière de la Seugne, un des affluents de la Charente. La Seugne s’est creusé , dans le calcaire crétacé , une large et belle vallée que dominent sur l’une et l’autre rive de fortes 89 collines plantées de vignobles. Ces vignobles , qui constituent la richesse fondamentale de la contrée, ont succédé à d'anciennes forêts de chêne, dont quelques taillis sont aujourd’hui les témoins. La Seugne se dirige du Sud au Nord. Elle entre dans le canton de Pons en sortant de la commune de Mosnac par les prairies de Fléac, et elle traverse successivement les communes de Fléac , Belluire , Pons , Bougnaud , Saint-Léger , Saint-Seurin de Païennes, Montils et Salnt-Sever. Au-delà de Saint- Sever elle fait sa jonction avec la Charente qui , coulant de l’Est à l’Ouest, forme l’extrémité Nord du canton. Dans son passage à travers le pays Pontois, la Seugne reçoit quelques maigres tribu- taires. Nous n’en citerons que deux : le ruisseau des Chartres et celui de Cartier. (Voir îa carte). C’est sur les bords de ces différents cours d’eau, fleuve, rivière et ruisseaux, que se sont établies les peuplades antédiluviennes, que le hasard des courses et la loi d’expansion de l’espèce humaine ont ame- nées dans îa Saintonge. Comment s’est effectuée cette immigration pré- historique? Les immigrants ont-ils suivi les vallées descendant ou remontant les bords des rivières? Est-ce par la ligne des plateaux qu’ils se sont étendus de proche en proche , s’enfonçant dans les vallées pour y fixer temporairement ou à toujours leur demeure, lorsque remplacement leur paraissait propice à îa chasse ou à la pêche? Il est presque 90 impossible de le décider. Mais si l’on jette un coup d’œil sur la carte annexée à cette notice , on re- marquera que la rive gauche de la Seugne est dépourvue de stations, à l’exception de celles qu’on trouve près de son affluent , le ruisseau des Chartres. Ajoutons que les stations de la rive droite l’emportent de beaucoup sur celles de l’affluent de gauche par leur étendue présumable. Dès lors , il est naturel de conjecturer que le travail de propagation a dû s’accomplir par les vallées , que ce travail a été lent et successif , et que la population a dû se disséminer et s’accroître le long de la rive primitivement occupée, avant d’envoyer des colonies au-delà de la rivière. Cette vue de l’esprit, qui s’appuie à la fois sur la théorie et sur les faits, acquiert une forte présomption , si Von réfléchit qu’à cette époque, que la géologie caractérise par le .creusement des vallées , les rivières roulaient leurs eaux sur un terrain résis- tant; quelles étaient conséquemment plus larges que de nos jours, et que, cette disposition s’exagé- rant par une abondance plus considérable des pluies, elles offraient à la traversée des obstacles analogues à ceux que présentent aujourd’hui nos grands fleuves. Quoiqu’il en soit, nous admettrons, pour la com- modité de notre description, que les peuplades antédiluviennes sont parvenues dans le pays Pontois en côtoyant la rive gauche de la Charente, et nous 91 aurons l’avantage de pouvoir les relier aux races contemporaines qui avaient fixé leur résidence dans les vallées du Périgord et de l’Angoumois. En pénétrant dans cette partie de la vallée qui compose l’extrême Nord de la commune de Péri- gnac^ nos immigrants choisirent, pour y séjourner, la plaine immédiatement inférieure au village actuel de Salignac. La ballastière jadis exploitée à cet endroit par le chemin de fer des Charentes, a mis au jour par milliers les traces du long séjour de ces tribus primitives. Certes , l’emplacement ne pouvait être mieux choisi par des hommes vivant de chasse et de pêche. Au Sud de leur emplacement s’élevait, sur des pentes douces, l’une de ces vieilles forêts où pullulait le gros gibier qu’attirait le voisinage des prairies, et le chasseur, après avoir franchi les légères éminences qui portent les villages de Privés et de Rouffiac et les hameaux qui en dépendent , parcourait sans fatigue le territoire nivelé qui s’étale sur une grande superficie au pied du plateau de Montils. Au Nord, la poissonneuse Charente était en quelque sorte une ressource permanente pour les jours de besoin et de chasse infructueuse. Aussi les nouveaux venus se sont-ils installés pour une longue période sur un emplacement si propice. Les marques d’un long séjour résultent non seulement du nombre d’instruments de pierre que l’extraction du ballast a ramenés à la surface du soi, mais encore de leur nature et de leur des- tination présumée. Nulle part , on ne découvre plus de noyaux et plus d’outils imparfaits. Donc, ils ont été travaillés sur place, et nous devons mesurer le temps à leur nombre. Parmi ces noyaux , il en est plusieurs dont la forme identique suggère l’idée d’une enclume, idée que nous avons développée dans un mémoire adressé à la Société des sciences de la Piochelle. Ces outils sont taillés de manière à présenter la forme d’une pyramide ou d’un cône tronqué à large base. Sur le pourtour du cône les éclats enlevés , dans le sens de la hauteur , ont donné naissance à des arêtes plus ou moins prononcées. Or, dans le mémoire mentionné tout à l’heure, nous avons démontré qu’en appuyant sur l’une de ces arêtes le bord émoussé de l’instrument dont l’ouvrier anté- diluvien voulait opérer la retouche, pendant que le bord opposé reposait sur le sol , et en imprimant soit par la pression, soit par une percussion modé- rée un effort méthodique sur la face supérieure de l’outil à une distance calculée et variable du point d’appui pris sur l’arête, on obtenait infailliblement les effets observés sur les outils retouchés de cet âge, c’est-à-dire l’avivement du tranchant par une série de petits éclats successivement détachés du bord. A coup sûr, si ce procédé n’explique pas les grands éclats qui forment les instruments et qui sont les premières pièces dégagées du bloc primitif, 93 il est incontestable à nos yeux qu’il a dû être em- ployé pour retailler les tranchants émoussés. La quantité de ces outils atteste une population nombreuse ou un séjour prolongé. Nous en dirons autant des morceaux imparfaits qu’on ramasse à volonté sur le sol de la sablière ou le ballast de la voie ferrée. Ces objets ont été dégrossis et mis de côté, soit que la division du travail existât à cette époque et que les ouvriers se partageassent la be- sogne, soit que, dans un but de voyage ou d’échange de la matière première , on cherchât à l’alléger autant qu’on le pouvait pour la rendre facilement transportable. Avec ces deux genres de pierre, on recueille tous les spécimens que fournissent les stations ana- logues , à l’exception des objets délicats , tels que les scies fines et les pointes de flèches. Les haches y sont parfois d’une grossièreté extrême. Mais quelques-unes supposent un travail élégant. Les couteaux , les râcloirs et en général les lames atteignent des dimensions rares dans notre contrée. C’est là leur caractère le plus frappant, et, s’il est vrai, commele croient certains paléontologues, queles silex taillés aient été progressivement réduits à des dimensions amoindries, à mesure que le perfec- tionnement du travail poussait à préférer la qualité à la force, nous devons attribuer la station de Salignac à l’époque la plus reculée du peuplement de notre pays. 94 De Salignac, l’homme antédiluvien, continuant le mouvement d’expansion de sa race, s’est dirigé vers l’Ouest en descendant la Charente. Arrêté bientôt par la jonction de la Charente et de la Seugne , il a changé sa direction et tourné ses pas vers le Sud en remontant la rive gauche de la Seugne. Nous le rencontrons de nouveau, assez loin de son point de départ, sur le plateau légère- ment onduleux que domine le village de Bougnaud. S’il a existé des stations intermédiaires, elles nous seront peut-être signalées par des travaux futurs. Jusqu’à présent , nous en sommes réduits aux conjectures. Bougnaud est un des débouchés du pays mon- tueux que la géographie comprend sous la dési- gnation de collines de Saintonge. Situé au point où la vallée de la Seugne commence à acquérir sa plus grande largeur, il devait être fréquenté aux temps antédiluviens par la foule des herbivores, et le chasseur établi en ce lieu pouvait traquer tour à tour la faune des montagnes et celle des prairies. Nos peuplades préhistoriques ont affectionné ce séjour; car aucune carrière de sable n’a fourni , dans un espace aussi restreint, une égale quantité de silex ouvrés. C’est encore au chemin de fer des Charentes que nous sommes redevables de la dé- couverte de ce campement. Les râcloirs de toute forme et de toute dimension s’y montrent par milliers. Au contraire , les pointes quelconques de flèche, de javeline ou de lance, y sont en très-petit nombre, si même ces diverses catégories y figurent. Nous en avons inféré que l’habitant de Bougnaud fabriquait , en os ou en bois de renne , ses armes agressives. Il utilisait les râcloirs à travailler l’os et le bois, à les appointer , à les façonner en tête de flèche et de lance. Sans cette explication si plau- sible, on comprendrait difficilement que, dans la foule des outils sortis de cette ballastière , on ait recueilli toutes les formes connues d’instruments antédiluviens, à l’exception des pointes. On ne comprendrait pas davantage pourquoi le besoin de râcloirs se serait fait sentir au point extraordinaire que nous signalons. Dira-t-on que le râcloir, par ses bords compactes, supplée le couteau à l’occasion ? L’observation serait fondée, si les couteaux faisaient défaut dans la ballastière de Bougnaud. Mais elle en contient dans la proportion ordinaire des car- rières de meme ordre , et certains méritent d’être distingués par l’élégance de leurs formes. Nous poserons donc, comme induction légitime, qu’à Bougnaud l’os et le bois étaient consacrés d’une façon exclusive à la confection des armes pointues. Une particularité non moins remarquable, du campement de Bougnaud , c’est le nombre de ses haches. Nous en possédons une trentaine, et nous savons que beaucoup d’autres sont dispersées entre les mains de plusieurs amateurs. Considérées au point de vue du travail, elles sont à peu près aussi 90 éloignées de la grossièreté que de F élégance. On y reconnaît du soin et de la régularité. Mais les pro- cédés rappellent plutôt la taille primitive que la méthode perfectionnée de la fin de l’âge du renne. Elles affectent , de préférence , la forme pointue. Quelques-unes ont le bord coupant elliptique. Comme les outils semblables du même âge qui portent le même nom , ce sont plutôt des casse- têtes que des haches. Nous affirmons qu’elles n’ont jamais entaillé le bois. Si l’on en juge par le poids des plus massives , les bras qui les maniaient devaient être robustes. Certainement elles étaient munies d’un manche. La simple inspection de la taille qu’elles ont subie ne saurait laisser de doute à cet égard. Nous con- cevons difficilement que des paléontologues aient pu avoir une opinion différente, à moins qu’ils n’aient assimilé, aux haches, les marteaux lourds et grossiers dont la forme suffit à révéler qu’ils étaient tenus à la main. Si nous continuons à suivre, par la pensée, la dis- sémination de nos peuplades le long de la Seugne, nous parvenons bientôt, avec elles, au campement de Penthier, situé sur la même rive à quatre kilo- mètres au Sud de Bougnaud. Ici le campement est adossé à une éminence un peu abrupte et protégé par une sorte de promontoire contre le vent froid du Nord. * Quand l’habitant de Penthier gravissait la colline, 97 il entrait brusquement en plein bois dans un pays accidenté. Comme à Salignac et à Bougnaud, mais vraisemblablement dans des proportions un peu restreintes , il y eut là un village antédiluvien cpii dura de longues années , si l’on peut évaluer par comparaison cette durée problématique d’après le nombre d’objets de pierre abandonnés sur le sol. Ces outils appartiennent à tous les genres connus et plus ou moins proprement désignés sous les noms de marteaux , haches , lances , flèches , cou- teaux, râcloirs, grattoirs, scies, disques, etc. Con- trairement à ce que nous avons observé dans la station de Bougnaud , les pointes entrent ici dans le nombre pour une part notable. Leur forme évi- demment intentionnelle frappe l’attention de l’esprit le plus ignorant ou le plus sceptique , et les acci- dents de coloration qui leur viennent du gisement ajoutent un attrait de plus au travail délicat qui les distingue. Dans la crainte de nous répéter inutile- ment nous renverrons, pour des renseignements détaillés, à la description de ces divers outils con- tenue dans le mémoire publié par les soins de l’Académie de la Rochelle à l’occasion de la séance publique de 1872. Nous rappellerons seulement ici que deux forts couteaux, trouvés *par nous à Penthier, nous paraissent s’adapter à la même des- tination agressive que les pointes. En nous enfonçant un peu plus au Sud, nous atteignons enfin la station préhistorique de Mosnac 7 98 à la limite extrême du canton de Pons. Située au bas et sur le versant occidental d’une colline à pentes adoucies , la station de Mosnac ressemble , par les caractères généraux des outils de pierre qu’on y trouve , à la station de Penthier. Nous en avons retiré peu de haches, beaucoup de couteaux, de râcloirs et de lames diverses, quelques scies et des flèches d’une forme élégante. Ces dernières portant avec elles la révélation de leur âge. Ce n’est plus l’enfance de la taille; ce n’est pas encore son dernier terme. Nous assistons au progrès qui se prononce et s’accentue ; mais nous sommes en- core loin des flèches typiques de Laugerie. Nous sommes en plein âge du renne, à une distance pro- bablement égale de son commencement et de sa fin. Ici, comme à Penthier, à Bougnaud et à Salignac, les mêmes formes d’outils coexistent ; elles se cor- respondent parfois- avec une surprenante exactitude. Même en l’absence complète de la faune qui nous procurerait des moyens rigoureux d’appréciation , nous pouvons annoncer, sans courir le risque de nous tromper, que ces quatre campements appar- tiennent à la même époque et à la même race. L’homme de Mosnac est le frère de l’homme de Salignac , et l’hypothèse très-naturelle qui nous a permis de montrer ce dernier envoyant des colo- nies par la vallée de la Seugne jusqu’à Mosnac, n’est que l’indication indirecte de leur contem- poranéité et de leur identité de famille. 99 Il y a lieu de regretter, sans contredit, qu’à côté des instruments de silex fabriqués par les habitants de nos quatre stations nous ne possédions pas d’autres traces de leur industrie ou des débris de leur cuisine. Plus les indices seraient nombreux et divers, plus nous serions éclairés sur les usages de ces temps obscurs. Mais un pareil regret porte avant tout sur les conditions géologiques qui ont marqué cette période de l’histoire de la terre. Les événements généraux survenus alors devaient iné- vitablement détruire , dans notre vallée, les traces organiques du passage de ces populations. Vers la fin de l’âge du renne , des inondations diluviennes ont envahi et comblé le fond de nos vallées. Elles ont enseveli , sous d’épaisses couches de sable, les objets abandonnés par l’homme. La profondeur de ces couches varie dans les quatre stations; elle va d’un mètre à cinq mètres environ. Or, ces couches sont éminemment perméables aux eaux de pluie, et c’est cette perméabilité , c’est l’action de l’eau sur une substance susceptible de décomposition qui , aidée du temps , lequel se calcule ici par milliers d’années, a fait disparaître fatalement tous les objets à trame organique. De ces quatre stations , que nous avons été le premier à reconnaître et à signaler , les trois pla- cées sur la rive droite de la Seugne sont séparées l’une de l’autre par la même distance , cinq kilo- mètres à peu près. De Bougnaud à Salignac il n’y 100 a pas moins de quinze kilomètres. Ainsi nous sommes conduit à penser que des découvertes pos- térieures nous mettront en mesure de diminuer ce long intervalle et d’unir ces deux stations par des étapes rapprochées comme sur la rive de la Seugne. Nous ne désespérons même pas d’être obligé par le hasard des fouilles d’accroître , entre Bougnaud et Mosnac, la liste des villages antédiluviens. Déjà même entre Bougnaud et Penthier, au lieu qu’on appelle Marjolance, l’extraction du sable a donné quelques résultats de cet ordre sur un espace , il est vrai, trop étroitement circonscrit pour autoriser une affirmation sans réserves. De la ballastière de Bougnaud à Tartifume, dans une étendue d’un kilomètre de longueur, la pioche, en pénétrant, par ci, par là, au-dessous de la terre végétale dans la couche de sable gris, ramène souvent à la lumière quelque silex taillé , témoin muet du passage de quelque chasseur solitaire ou peut-être de l’exis- tence encore ignorée d’une génération agglomérée. Mais même à défaut de nouvelles stations inter- médiaires , nous en savons assez maintenant pour bannir de la paléontologie cette opinion prématu- rément conçue, que la population de l’âge du renne vivait clair-semée dans le pays à l’état de bandes errantes ou de familles éparses. La population composait alors de véritables tribus, en possession, sans nul doute, d’une organisation sociale. Peut-être serait-ce trop peu que de la comparer aux peuples 101 sauvages les plus avancés de l’Amérique du Nord. A ne la juger que d’après ses outils, elle a marché rapidement dans cette voie du progrès que les sauvages semblent ne pas même soupçonner, tant qu’ils n’ont pas été mis en contact avec les Euro- péens , et , par l’observation constante de certains types qui ne manquent ni de grâce ni d’originalité, elle a imprimé à ses œuvres une sorte de reflet artistique qui dénote un cerveau moins inculte que celui d’un indien. Pendant que florissaient les villages populeux des bords de la Seugne et de la Charente , des établis- sements plus modestes, pour la plupart, s’étaient formés sur les deux petits cours d’eau de Cartier et des Charles. Le ruisseau de Cartier qui naît d’une humble source dans la commune de Biron , traverse la plaine crayeuse d’Orgeole , et serpente au-dessous d’Avy dans un vallon des plus riants que flanquent des collines abruptes et rocheuses. Quand nous avons dirigé de ce côté nos recherches paléontologiques , nous étions persuadés d’avance qu’elles ne demeureraient pas sans résultats. En effet , en parcourant les pentes de la rive gauche , nous avons reconnu au-dessous de Gaguadou et de Pernand l’emplacement de deux campements antédiluviens. Celui de Gaguadou nous a présenté trop peu d’intérêt pour retenir longtemps notre attention. On y trouve peu d’outils complets, beaucoup de noyaux et encore plus de débris. 102 L’assiette nous en a paru défavorable. Elle n’est pas dans le voisinage immédiat de l’eau courante. Elle est exposée au nord , et son élévation relative au-dessus du niveau de la vallée la laisse sans dé- fense contre le souffle froid de l’hiver. L’opinion médiocre que nous avons conçue tout d’abord de ce campement se modifierait peut-être , si par des travaux considérables on arrivait à fouiller profon- dément la terre sur ce point. Car nous ne fondons notre appréciation que sur les silex taillés dissé- minés à la surface du sol par suite des remanie- ments agricoles. Au-dessous de Fernand , la colline s’élargit pour supporter un petit plateau , et elle s’infléchit vers le ruisseau en perdant beaucoup de sa raideur. Sur cette pente affaiblie , l’homme antédiluvien avait construit sa cabane dans la partie la plus pitto- resque du vallon. Le site profondément encaissé promettait aux nouveaux venus une température douce et presque uniforme. Il dut leur plaire , comme le prouve la quantité de silex ouvrés qu’on y remarque et que la charrue seule a déterrés. Les cabanes couvraient le bord même du ruisseau jusqu'à une altitude moyenne de cent mètres sur une longueur trois ou quatre fois plus forte. Placés au centre de forêts giboyeuses , nos chasseurs jouissaient d’une abondance relative et entretenaient sans doute avec les stations importantes des rives de la Seugne ces rapports de voisinage , relations 103 de parenté et d’amitié , commerce d’échanges que la civilisation a multipliés hors de toute propor- tion avec ces temps perdus dans la nuit des âges. Les outils de pierre du campement de Fernand sont identiques par les procédés de fabrication à ceux de la vallée de la Seugne. Nous avons collec- tionné ceux qui nous ont paru le mieux conservés pour les offrir au Musée de la Rochelle. Quelque soit le peu de valeur intrinsèque de cet assemblage, il donne , croyons -nous , une idée suffisante de ce qu’était le travail manuel du silex à la période moyenne de l’âge du renne. Parmi les quatre ou cinq spécimens de hache que nous avons ramassés, nous citerons la hache plate et finement coupante sur les bords , qu’on trouve d’ordinaire sur les plateaux et qui garde le nom de son origine. On imagine difficilement qu’en l’absence d’un instru- ment de métal, l’industrie antédiluvienne ait pu créer des objets aussi régulièrement dégrossis et délicatement affilés. Cette collection naissante provient des dernières opérations de labourage. Nous nous appliquerons à F augmenter d’année en année , lorsque le retour périodique des travaux agricoles renouvellera notre champ d’exploration. La découverte de campements sur la rive gauche du ruisseau de Cartier , nous détermina à entre- prendre sur la rive droite des études analogues. Mais ici la nature du terrain nous contraignait à modifier nos recherches. La ligne de hauteurs qui 104 ferme ce côté du vallon est taillée à pic dans une grande partie de sa longueur. En certains endroits, les terres éboulées dissimulent faiblement celte disposition du sol. Mais parfois aussi les travaux effectués pour F extraction des pierres de taille n’ont fait que l’exagérer et la rendre plus frappante. L’idée nous vint à cet aspect que , s’il fallait renoncer à chercher ici des stations en plein air , tout nous conviait à tourner notre attention et nos soins vers l’existence possible d’habitations de tro- glodytes. D’une part, la nature calcaire des roches, ainsi que l’exposition de la surface libre au sud ou à l’ouest , d’autre part, un assez grand nombre de silex taillés , épars sur les plateaux supérieurs , autorisaient nos espérances. Nous n’avons remarqué aucun trou naturel dans la partie inférieure du vallon. Mais, au-dessous du hameau qu’on appelle la Roche d’Avy , presque en face de la station ou- verte de Fernand , nous avons aperçu et visité un certain nombre de grottes. La plupart sont artiücielles, elles ont été creusées par les habitants modernes de ces contrées , qui ont l’habitude , pour se procurer du sable calcaire, d’entamer la roche friable à coups de hache et de réduire en poussière les morceaux détachés. Mais toutes n’ont pas cette provenance. Et s’il nous est interdit de l’affirmer absolument pour celles que nous n’avons pas fouillées, nous savons qu’une, au moins , a servi de demeure à l’homme primitif. Le 105 paysan qui Fa déblayée la prenait d’abord pour un trou à lapins ou à blaireaux. Il était en quête , le long de ces pentes , d’éboulis favorables à la cul- ture., lorsqu’il tomba sur une veine de terre arable. En la suivant , il la vit s’agrandir et se convertir enfin en cavité naturelle. Des silex taillés et quelques ossements brisés trouvés à l’entrée , à quelques pouces au-dessus du sol primitif levaient toute espèce de doute sur l’ancienne destination de ce trou. Je fis débarrasser l’ouverture des terres et des pierres qui l’obstruaient , et, comptant sur une abondante moisson d’antiquités antédiluviennes , j’obtins , pour continuer les fouilles , l’aide pécu- niaire de la Société des sciences de la Rochelle et le concours de deux amis , membres comme moi de la même Société. Malheureusement les résultats ont trompé notre attente : ils se bornent à des silex en petit nombre et à des ossements généralement dénués de valeur. Nous avons craint d’user mal à propos du bon vouloir de la Société, et d’un commun accord nous avons arrêté les fouilles. Peut-être avons-nous eu tort. Car , au moment de la cessation des travaux, nous pénétrions à peine dans l’intérieur de la grotte, et rien ne prouve qu’en scrutant les profondeurs' nous n’aurions pas été dédommagés de notre dé- ception première. Cette caverne s’ouvre à l’ouest par deux entrées, trois peut-être. Assez larges d’abord , les entrées 106 s’étranglent aussitôt en forme de couloir étroit. Les fouilles n’ont pas dépassé les couloirs. La terre la plus superficielle est inculte et poussiéreuse, elle a une épaisseur de deux pieds environ. Au-dessous on trouve une argile rouge , compacte et grasse dans ses parties profondes. C’est dans cette argile, vers les couches supérieures , que sont les silex et les os. Parfois le long des parois, la pioche détache des tranches friables, formées d’une poussière cal- caire durcie qui recèle des ossements ayant tous les caractères apparents de ceux qui proviennent des brèches osseuses. Il y a donc lieu de penser que cette grotte a d’abord servi de retraite à la faune des premiers temps quaternaires et plus tard d’habitation à quelques familles humaines. Plus bas que l’argile, les sondages que nous avons effectués indiquent le sable gris. Comme on voit , cette dis- position des couches reproduit exactement celle des ail avions anciennes de nos vallées. Il y a cette dif- férence toutefois que c’est dans le sable gris que gisent les restes des stations antédiluviennes au sein des ail avions anciennes , comme à Mosnac , à Penthier, à Bougnaud tandis que dans la grotte de la Roche les restes similaires occupent les couches supérieures de l’argile. Parmi ces restes, nous nous bornerons à signaler des fragments d’un crâne humain faisant partie de d’un fémur , un morceau de mâchoire d’hyène des 107 cavernes , une dent du même animal , deux demi» mâchoires inférieures d’un carnassier de petite taille et quelques os présentant des stries semblables aux marques laissées par la dent des rongeurs et d’autres empreintes plus fines qui rappellent les entailles faites par les couteaux de pierre» Notons encore , avant de quitter ce sujet, qu’aux entrées de la grotte une légère couche de cendres et des débris de charbon de bois dénotaient l’existence d’anciens foyers. Quand nous avons arrêté les fouilles , ces foyers se continuaient manifestement dans la direction de l’intérieur. Si nous franchissons la Seugne à la suite des peuplades antédiluviennes qu’un mouvement pro- gressif d’expansion poussa au-delà de la rivière , nous ne relevons, sur aucun point de la rive gauche, des établissements comparables à ceux de Mosnac, de Penthier et de Bougnaud. La Seugne s’étendait de ce côté sur une surface nivelée par l’abaisse- ment des collines ; elle y arrosait de vastes prairies marécageuses que recouvraient des inon- dations irrégulières ou périodiques. C’était un obstacle à des campements permanents. Aussi les peuplades aimèrent-elles mieux se répandre et se distribuer le long de ce tribulaire de la Seugne , plus considérable alors que de nos jours , qui tire son nom du hameau des Chartres bâti dans son voisinage. Elles s’arrêtèrent d’abord à une faible distance de la grande rivière et se groupèrent sur 108 les deux rives de F affluent aux lieux dits La Guiar- derie , Coudenne et l’Etang. Le campement de La Guiarderie sur la rive gauche du ruisseau occupait la partie la plus basse d’une dépression creusée sur le versant méridional d’une colline. Il reposait immédiatement sur un lit épais d’un sable argileux compacte. Sous le rapport de la température et des conditi ons atmosphériques, cet emplacement soutient avantageusement la comparaison avec les stations les plus heureusement choisies. Les haches y sont nombreuses , la plupart bien taillées, quelques-unes avec une délicatesse exquise. Les noyaux abondent, et presque toutes les variétés d’outils s’y rencontrent. Un champ labouré recouvre ces témoins d’un autre âge ; les travaux annuels de l’agriculture suppléent seuls aux fouilles intelli- gentes du savant. Nous sommes donc obligé d’at- tendre le résultat des labours périodiques pour collectionner les restes de cet antique village ; mais nous pouvons avancer avec confiance que ce cam- pement doit figurer avec honneur parmi ceux qui méritaient une sérieuse attention. Nous ne saurions mettre sur la même ligne ceux de Coudenne et de l’Etang, dont la situation iden- tique sur la rive droite du ruisseau prête aux mêmes remarques. Les objets qu’on y recueille sont à la fois peu nombreux et peu intéressants. Le campe- ment de Coudenne est relativement plus riche, 109 celui de l’Etang plus spacieux. L’aspect de la taille montre qu’il y a contemporanéité entre ces stations et celle de la Guiarderie. On doit rapporter à la môme époque l’établisse- ment des Chartres , qui rivalise par son étendue avec les plus notables. 11 est tourné vers le nord- est 5 mais protégé par une éminence haute et raide contre le vent du nord. Il ne touche pas comme les autres à l’ancien lit du cours d’eau ; sa direction, calculée d’après la direction de la pente , forme un angle droit avec le ruisseau. Les prairies qui en- tourent le hameau des Chartres du côté du nord- est indiquent qu’ancienne ment le ruisseau des Chartres au temps de ses plus grandes dimensions donnait naissance à une sorte de golfe ou d’étang. Les cabanes du village antédiluvien s’étageaient sur cette espèce de promontoire en arrière du hameau actuel. Dans la foule des débris de silex taillé que pré- sente ce campement , nous n’avons à signaler que deux hachettes bien travaillées. Mais nous comptons sur les hasards des futurs labourages pour accroître notre collection. Pour en finir avec les stations du ruisseau des Chartres, nous ne dirons qu’un mot du campement de Soute , que nous avons découvert sur la rive droite en face du hameau qui porte aujourd’hui ce nom. Ce campement, sans importance appréciable, nous a fourni deux ou trois hachettes mal dé- 110 grossies , au milieu d’une assez grande quantité de morceaux brisés et de noyaux. Ces morceaux se confondent par la similitude des formes et des pro- cédés de fabrication avec ceux des autres campe- ments. Ç’en est assez pour les regarder tous comme contemporains. Le même jugement s’applique à la station de Saint-Léger. Mais ici nous nous éloignons des vallées et des cours d’eau qui les parcourent. La station de Saint-Léger est placée sur la croupe d’une colline à quelques centaines de mètres au sud-ouest du village et de l’église de Saint-Léger. Le choix de cet emplacement avait été motivé sans doute par sa position au milieu des bois , à portée du gibier qui composait la principale nourriture du temps , et par l’existence d’une source qui répon- dait au besoin le plus impérieux de la vie. Cette source alimentait un cours d’eau permanent , qui a déterminé le creusement d’un petit vallon au sud de la station. De nos jours , elle n’a d’autre effet que l’entretien d’une mare. Dans le vallon dont il s’agit , à une faible dis- tance du campement , s’ouvre par un beau cintre une longue caverne à compartiments multiples qu’on appelle la grotte Madame. Nous avons essayé de l’explorer dans l’espérance d’y reconnaître une habitation de troglodytes. Mais l’ouverture d’une première tranchée a singulièrement refroidi notre ardeur en nous révélant l’énorme masse de terrain 111 diluvien qu’il fallait remuer avant de pénétrer jusqu’au sol fondamental. Les silex ouvrés du campement sont presque tous dénués de valeur ; ils consistent pour la plupart en grossiers râcloirs, en noyaux et en éclats informes. Une très-petite partie de la station a été mise au jour par le défrichement. Le reste est recouvert par un jeune taillis et ne sera connu que dans un temps indéterminé. Tel est jusqu’à ce jour le résumé de nos re- cherches paléontologiques dans le pays Pontois. La conclusion qui s’en dégage nous ramène à l’opinion que nous avons émise au début de eette modeste monographie : c’est que l’âge de pierre , bien loin de ressembler au pur état sauvage, comme certaines appréciations prématurées tendaient à l’accréditer , représente une des étapes indiscu- tables du perfectionnement de l’humanité. La popu- lation est déjà dense , les villes, villages et hameaux distribués avec une certaine régularité. Chose remar- quable ! Presque tous les campements de cet âge semblent avoir marqué d’avance les emplacements des villes et villages à venir. A côté et à proximité des grandes stations , de moindres bourgades se sont partagé le pays pour en exploiter les ressources d’une façon uniforme. Alors , comme aujourd’hui , les paysans apportaient à la ville les produits de la campagne , opérant les échanges que nous consta- tons de nos jours. 112 Cette population a toutes les allures d’une nation pacifique. Elle semble ignorer la guerre, et, quelque énigmatique que soit encore l’emploi du plus grand nombre de ses outils de pierre , ce n’est pas se hasarder que d’affirmer qu’ils ne convenaient pas à des luttes meurtrières. C’est donc une seule et même race qui a occupé le sol. Car partout où deux races se rencontrent pour prendre possession du même territoire , il est hors d’exemple que le par- tage ait lieu par des voies pacifiques. La guerre décide toujours du droit d’occupation ou plutôt elle le fonde, et le vaincu est exterminé ou s’absorbe dans le peuple vainqueur. Précisément parce que son caractère pacifique l’éloignait des luttes guerrières ou que la commu- nauté de sang lui ôt^it tout prétexte de s’y engager, cette population a dû tourner ses goûts vers les arts de la paix et consacrer ses loisirs à les cultiver. Nous n’avons retrouvé dans le pays Pontois aucun vestige certain de ses dispositions artistiques. Mais le laps de temps écoulé n’explique-t-il pas suffi- samment cette donnée négative ? Et n’est-il pas admissible qu’une race assez intelligente , assez méthodique pour réduire tous ses outils à des types convenus, dont beaucoup brillent par leur élégance, avait reçu de la nature les éléments essentiels du génie des arts ? D’ailleurs tous les indices s’accordent à démon- trer que les Pontois étaient les frères des trogïo- èïcà^oM Cit-vVtôlduvle.ww* Oa.vs U Ga-rvl'tflV e>C/ l' O] LS :0 . ,, Cotûj/iùieis JJ e i/zen il: o O A/ 077 Ti U O V? \\ SlarhoJi'Qi- \\ a ^ :Jj&Qer \ c> ° V XÇJo Peiiçjtocc \ q j X a î .3ooAtous lie lc S lac ho? -ijl J Station.^ \ 0 ~Bouq?iau2> '\ r..-. 2 .O Æ /v V®r u?atcle\ O /y ’• c xO^ htaJioïL 0e &l S ii uz iJe tic J Lac Jhz,. Q ’ioiejccc ^C’éirnJAÙMPONS jnr JtLennPjJ^iiieo . î? •**/>•• 'l'tti jî-'n» .** rtp& \î- ->.t' .'feiiüSi I B R ! T ! S H ? M J S K ‘JM i 25 TAN 51 NATURaL. RISTORY. 113 dytes du Périgord qui ont laissé des spécimens si remarquables du dessin et de la sculpture. Si la candeur et l’innocence des sentiments concordaient chez ces peuples avec l’élévation du goût que leurs morceaux d’art respirent , et si l’abondance des ressources dans le pays écartait le danger de la famine et les horreurs de la misère, aucune nation ne s’est plus rapproché de Fâge d’or chanté par les poètes ; aucune n’a plus mérité de vivre heureuse et prospère pendant une longue série de siècles. Rayons donc- en ce qui concerne notre pays, du vocabulaire de la paléontologie humaine, ce terme de sauvage que des jugements erronés ont appliqué à cet âge lointain et saluons dans ces ancêtres naguère inconnus les précurseurs de notre splen- dide civilisation. 8 114 OBSERVATIONS SUR UNE TORTUE DE MER SPHARGIS LUTH, Par le Docteur SAUVÉ. Dans les premiers jours de juillet 1871 , une tortue , d’une grande dimension, a été prise à peu de distance de nos côtes. Les pêcheurs Pont apportée à la Rochelle , et notre Société en a fait l’acquisition, pour la conserver dans les collections du Muséum Fleuriau. Cette tortue a le corps lisse , d’une couleur presque noire en dessus. Son test consiste en une peau coriace , noirâtre , soutenue par sept carènes longitudinales. Celle qui est au milieu surmonte l’épine dorsale ; elle s’étend du bord antérieur de la carapace jusqu’à la base de la queue ; les six autres , trois de chaque côté , lui sont à peu près parallèles ; les deux externes sont placées sur le bord terminal de la carapace qu’elles suivent jusqu’à son extrémité postérieure. La surface de la carapace en lisse entre les carènes qui sont un peu relevées ou saillantes , le 115 tour représente assez bien une capote de cabriolet dont le relief des cercles se dessine sous le cuir qui la forme. Le bord antérieur de la carapace est composé de trois parties : une médiane, qui règne au-dessus du cou , elle a 42 centimètres , et deux autres parties latérales, fortement infléchies, qui corres- pondent aux membres antérieurs , elles ont l’une et l’autre 49 centimètres. Les bords latéraux ayant chacun 1 mètre 35 cen- timètres , il en résulte que le tour de la carapace est de 4 mètres 15 centimètres. Le plastron ou la paroi inférieure sur laquelle porte le reptile , est coupé carrément à son bord antérieur et forme un angle obtus à son bord pos- térieur. La surface est plane , dure , et présente à sa partie moyenne une double rangée de pointes ou. tubercules obtus , aplatis , qui représentent deux lignes qui se confondent au bord antérieur et se séparent légèrement lorsqu’elles atteignent le bord postérieur. A droite et à gauche de cette ligne médiane, il en existe deux autres qui laissent entre elles des espaces à peu près égaux. Toute cette partie inférieure est gris-blanchâtre. La tête est aussi large que longue , sa circonfé- rence , prise derrière les yeux , est de 82 centi- mètres; sa longueur, du museau à l’occiput , est de 30 centimètres , sa face supérieure est légère- ment convexe, le bout du museau est comprimé ; deux yeux assez grands se voient sur les parties latérales , les paupières sont fendues obliquement de haut en bas et d’arrière en avant , la paupière inférieure et postérieure est plus grande que F an- térieure et supérieure. Entre les yeux et le museau on voit deux ouvertures qui sont les entrées des fosses nasales; enfin, pour compléter la description de la tête , nous signalerons les deux mâchoires très-fortes, épaisses et garnies de substance cornée qui présente à chaque mâchoire un sillon profond, produit par deux bords tranchants ; cette disposi- tion qui fait des mâchoires une cisaille à quatre tranchants , facilite beaucoup à l’animal la division des substances dont il se nourrit , car l’aliment se trouve divisé trois fois de chaque côté à chaque rapprochement des mâchoires. La mâchoire inférieure est recourbée en pointe anguleuse très-acérée ; la supérieure présente trois fortes échancrures, Lune en avant qui est profonde et qui reçoit l’extrémité de la mâchoire infé- rieure , les deux autres latérales moins profondes restent non remplies lorsque les deux mâchoires sont rapprochées. Quelle peut être la raison de cette disposition ? Le cou est gros , il égale presque la tête , sa peau présente quelques tubercules déprimés à sa partie supérieure. Les membres sont au nombre de quatre , deux antérieurs beaucoup plus longs et plus larges que 117 les deux postérieurs , ils sont tous couverts d’une peau lisse, noire en dessus et tachetée de blanc en dessous. La forme des nageoires représente assez bien celle d’une main beaucoup plus longue que large , qui serait enveloppée dans un sac de peau épaisse , les nageoires antérieures se rapprochent de la forme du pied quand elles sont bien étendues. La queue est très-courte, comprimée latéralement, elle dépasse de quelques centimètres l’extrémité inférieure du bouclier , qui peut néanmoins la re- cevoir dans le sillon que présente sa face intérieure. La couleur de la peau est pareille à celle des membres , c’est-à-dire noire. Le poids de l’animal n’a pas été pris exactement, mais il peut être apprécié approximativement à : Le Sphargis du Muséum Le Bpliargis du Muséum DE PARIS. DE LA ROCHELLE. Longueur totale 1 98 2 20 Tète. Longueur 0 28 . 0 30 — Hauteur 0 18...... 22 — Largeur antérieure. 0 01. 0 06 — Largeur postérieure 0 23 .......... 0 24 Cou. Longueur 0 08..... 10 Membre antérieur. Longueur. ...... 0 85 95 Membre postérieur. Longueur 0 44 55 Carapace. Longueur en-dessus 1 55 80 — Hauteur 0 49.. 0 50 — Larg. en-dessus au milieu. 1 Il 00 Sternum. Longueur totale 1 08 1 05 — Longueur moyenne ...... 0 78 95 118 Les organes internes n’ont été que très-superfi- ciellement examinés , par suite de l’état de décom- position et de fétidité dans lequel ils se sont promptement trouvés par suite des chaleurs; cependant on a pu extraire et conserver l’oesophage, qui est formé de fibres contractilées par couches horizontales , longitudinales et obliquement circu- laires , ce qui donne à cette première portion de l’intestin une force considérable. L’intérieur de cet organe est tapissé d’une toile brune qui porte des papilles cartilagineuses presque cornées , dont l’extrémité libre est inclinée et dirigée vers l’esto- mac. Ces papilles , en se redressant , paraissent avoir pour but de s’opposer au retour des subs- tances alimentaires. Le reste du tube digestif est assez prolongé , ce qui tient à ce que la Sphargis étant herbivore, la longueur de l’intestin est en raison de ce genre d’alimentation; on sait, en effet, que la longueur du tube intestinal est toujours en rapport avec la nourriture de l’animal : il est très-court chez les carnassiers et très-long chez les herbivores. Chez notre tortue il se termine dans le cloaque dont l’ouverture est ronde et plissée. Les organes thoraciques et abdominaux n’ont rien présenté digne d’être signalé et qui ne soit connu; cependant notre collègue , M. Cassagneaud , les avait fait mettre de côté pour mieux les examiner ; mais leur fétidité a fait qu’on a dû les enterrer 119 avant cet examen. La vessie était pleine et présen- tait îe volume des deux poings. Le genre Sphargis ne contient qu’une seule espèce, qui est celle que nous possédons. Tous les autres genres des Chéloniens sont pourvus d’écailles, tandis que notre tortue a la peau lisse et sans écailles. Les Sphargis acquièrent de grandes dimensions. Originaires des climats équatoriaux , elles ne viennent sur nos côtes que par accident et lors- qu’elles sont fourvoyées; aussi en voit-on prendre fort rarement dans les eaux que baignent nos contrées. Le Muséum de Paris n’en contient que deux indi- vidus: un à l’âge adulte et un du jeune âge. En 1777, un individu à peu près pareil au nôtre fut pris à Cette et porté à Montpellier, où le docteur Amouroux fils l’examina et en donna une descrip- tion qu’on trouve dans le Journal de physique , année 1778, tome 2, page 65. Une autre Sphargis avait été prise , en 1729 , à l’embouchure de la Loire; elle fut décrite par Delafont. (Voyez Mém. aead. sc., année 1729, page 8). Beaucoup d’auteurs ont écrit sur ce genre de tortue ; mais, quoiqu’il en soit, leur rareté dans les eaux françaises, où leur présence est tout à fait accidentelle, fait que ce reptile est encore peu connu. L’individu qui fait le sujet de cette notice avait été harponné bien antérieurement à sa venue dans 120 nos parages ; car il porte , dans le pli de la peau qui unit la nageoire antérieure droite à l’avant-bras, un trou parfaitement rond de 3 à 4 centimètres de diamètre, dont le pourtour est lisse et parfaitement cicatrisé. Cette circonstance n’est peut-être pas étrangère à la venue de ce reptile sur nos côtes. Le grand courant du Gulf-Stream , qui nous apporte les eaux encore chaudes de l’Equateur, a bien pu entraîner avec lui cette thalassite. Puisque nous nous occupons des lieux qu’il ha- bite, quelques mots sur la manière dont il se reproduit trouveront ici parfaitement leur place. L’époque de la fécondation est à peu près fixée : c’est au renouvellement du printemps que les in- dividus de sexe différent se recherchent et s’unissent. Une fois rapprochés, ils restent pendant un temps variable de quinze jours à un mois dans ce rappro- chement intime, qui s’opère toujours dans l’eau. Pendant ce temps , dit de cavalage , les attitudes varient selon les observateurs : pour l’un , le mâle se placerait sur la femelle pendant tout ce temps; pour l’autre , les deux plastrons se trouveraient en contact, les deux animaux ayant leur tête hors de l’eau ; enfin , d’autres admettent qu’ils se tiennent dans l’attitude dans laquelle s’opère Faccouplement chez la race canine. Quoiqu’il en soit, ce qui paraît le plus extraordinaire, c’est le laps de temps pen- dant lequel s’opère la copulation; il est vrai que les tortues sont peu prestes dans leurs mouvements, 121 mais dans ces circonstances n’abusent-elles pas du privilège de leur proverbiale lenteur. Les femelles fécondées s’occupent seules de la ponte. Lorsque l’époque de celle-ci est arrivée , elles se dirigent vers des îles sablonneuses, y atté- rissent, sortent de l’eau au coucher du soleil et se rendent avec de grands efforts jusqu’au niveau des plus hautes eaux. Là, elles creusent des trous dans le sable , y déposent leurs œufs au nombre d’une centaine et recommencent jusqu’à trois fois un pareil travail à trois semaines d’intervalle. Ces œufs, parfaitement sphériques , varient pour la grosseur; ils ont de 6 à 9 centimètres de diamètre. Après avoir recouvert la nichée avec du sable l’animal regagne la mer. La chaleur du soleil , absorbée par le sable , fait éclore les œufs du quinzième au vingtième jour, et les petites 'tortues à peine écloses se dirigent vers la mer. Il existe plusieurs manières de prendre les tortues. Quand on les rencontre sur des plages de sable on les retourne sur le dos au moyen de leviers, et il leur est alors impossible de reprendre leur attitude naturelle. D’autrefois, quand elles sont endormies sur l’eau on les harponne , ou bien on se sert pour les prendre d’un poisson pêcheur, du genre Echénéide, que l’on dresse à cet usage. Ce poisson, qu’on tient attaché avec une forte * ficelle , va s’attacher, par un appareil qu’il porte sur la tête, à la carapace de la tortue, et l’adhérence est telle que l’on peut amener vers la barque tortue et poisson. Les tortues sont très-recherchées, tant pour leur chair qui est très-bonne, que pour leur graisse, . leur huile. Leur carapace sert de bouclier, de vase, de berceau, etc. Les Sphargis ne peuvent, comme les autres tortues , fournir ce précieux produit si utilisé dans l’industrie, connu sous le nom d’écaille. 123 NOTE SUR UNE INVASION DE CHENILLES A LA ROCHELLE ET DANS LES ENVIRONS E N 1 872 , PAR M. P. CAS S AGNEAU D. — — — «- — — Un phénomène entomologique curieux et assez rare, s’est produit à la Rochelle pendant les mois de juillet, août et septembre 1872. La ville fut en- vahie par une quantité considérable de chenilles ; les murs des mes, les toits des maisons en étaient couverts. L’intérieur des appartements n’en était pas exempt; elles y pénétraient par les joints des fenêtres, y tombaient par les cheminées. D’autres y naissaient contre les murailles. On avait beau en détruire chaque jour un grand nombre , on ne pouvait les faire disparaître. De nouvelles bandes remplaçaient bien vite celles qui avaient été tuées. Dans le Muséum Lafaille, et surtout dans le Muséum Fleuriau, elles tombaient en masse des ciels ouverts; tous les jours on en écrasait plusieurs centaines. Une chose qu’on ne' s’expliquait pas , c’est que les arbres et les plantes des jardins n’en étaient 424 nullement attaqués. On ne les trouvait que sur les toits ou sur les murs, ce qui fit renoncer à l’idée qui avait prévalu d’abord, que ces animaux étaient tombés de l’atmosphère, et avaient été apportés par une espèce de trombe, qui les avait répandus en forme de pluie, semblable aux pluies quelquefois observées, de crapauds, de grenouilles, de poissons, etc. S’il en avait été ainsi , les jar- dins et les champs en auraient reçu comme les autres parties de la ville et des villages environ- nants, qui avaient également à en souffrir. On fut obligé d’admettre que ces chenilles étaient nées sur place , d’œufs déposés sur les toitures et sur les murailles par des papillons qui avaient dû être très-nombreux. On se rappelait bien avoir vu, en plus grande quantité que d’habitude, un petit papillon blanc de nuit , et l’on supposait que ces chenilles pouvaient en provenir; mais on n’en avait pas la preuve. J’en réunis alors un certain nombre , que je plaçai dans un flacon de verre, pour les étudier et tâcher d’obtenir des chrysalides. Décrivons ici la chenille qui nous occupe. Elle est brune, et porte sur le dos deux raies longitudi- nales d’un roux clair. Elle est couverte de tuber- cules avec aigrettes de poils courts et rudes. La longueur est de 25 à 27 millimètres. Elle est munie de seize pattes, savoir: six antérieures dites écail- leuses, invariables en nombre, et répondant à celles 125 du papillon , et dix autres à la suite, appelées fausses pattes, et appartenant en propre à la che- nille. Ces dernières sont divisées par Kéaumur en deux groupes : les deux terminales , qu’il appelle postérieures , et qui manquent dans certaines espèces, et les autres qu’il désigne sous le nom d’intermédiaires. Celles-ci, variant en nombre pour les différents genres, lui ont servi à diviser les che- nilles en sept classes, suivant le nombre total des pattes et leur attache aux différents anneaux du milieu du corps. Notre chenille appartient à la première classe, c’est-à-dire à celle composée des chenilles à seize pattes : six antérieures, huit intermédiaires et deux postérieures. Quand on la touchait, elle s’enroulait sur elle- même et se laissait tomber, si elle était sur un plan perpendiculaire ou incliné. Elle avait , comme la Livrée (Bombyx neustria , Fabr.), et la Procession- naire (. Bombyx processionnea , Fabr.), une propen- sion à marcher par rangées à la suite les unes des autres. M. B...., qui a observé celles qui se trou- vaient sur un toit placé au-dessous d’une fenêtre de la chambre qu’il habitait, m’a dit en avoir vu un assez grand nombre qui se suivaient ainsi ; une première en tête , puis deux , trois , quatre , etc. J’ai remarqué , moi-même , cette disposition dans le flacon qui contenait celles soumises à mon observation, mais seulement pour trois rangées. 126 Je fus fort embarrassé pour nourrir mes élèves. J’ignorais la nourriture à leur goût, car presque toutes les espèces de chenilles ont une plante qu’elles affectionnent presque exclusivement , et meurent quand elles en sont privées. Je leur donnai à tout hasard des feuilles de différentes plantes (chêne, rosier, néflier, etc., etc.), pensant que, dans le nombre, elles pourraient trouver quelque chose à leur convenance. Elles mordirent bien par- ci, par-là, mais seulement du bout des dents, et la plupart se laissèrent mourir. Je plaçai de la terre au fond du flacon, sachant que beaucoup d’espèces s’y enferment pour se transformer en chrysalide. J’attendis , mais sans beaucoup d’espoir de voir ma curiosité satisfaite par une métamorphose complète. Je regardais néanmoins de temps en temps , lorsqu’au bout d’environ trois semaines , j’eus la satisfaction de voir marcher, contre la paroi inté- rieure du verre, jusqu’à sept papillons blancs sem- blables à ceux que j’avais remarqués voltigeant le soir. Ce papillon est d’un blanc grisâtre ; les ailes au repos entourent le corps, et sont bordées d’un petit liseret jaune. Le corselet est jaunâtre ainsi que la tête, qui porte deux gros yeux noirs et deux an- tennes en filet. Ce papillon ressemble beaucoup à ceux repré- sentés par Réaumur dans son histoire des insectes (T. 1, pl. 17, fig. 13 et 14). Il en parle ainsi : « Il y a des phalènes dont les ailes supérieures » embrassent le corps d’une façon particulière, qui » mérite de faire le caractère d’un dixième genre. » Une des ailes supérieures , en se moulant sur le » corps, se roule dessus ; non seulement elle em- » brasse le corps du côté où elle part , elle l’em- » brasse même de l’autre côté vers la partie » postérieure, de sorte qu’une grande partie d’une » des ailes supérieures est presque cachée sous » l’autre, qui se contourne en spirale pour l’enve- » lopper .... » ...... Je ne suis pas encore parvenu à avoir les » chenilles qui donnent ces papillons dans la gran- » deur qui les fait reconnaître. Il en est pourtant » né chez moi un grand nombre , des œufs qui )> avaient été pondus par les papillons dans les » poudriers où je les avais enfermés; mais je n’ai » pas su donner aux chenilles nouvellement nées, » des feuilles qui fussent de leur goût ; elles sont » péries encore très-jeunes et très-petites. » (Tome 1, page 313). Mes papillons pondirent aussi dans leur prison de verre ; ils fixèrent une vingtaine de très-petits œufs contre la plaque qui recouvrait le vase ; mais je ne me suis pas aperçu qu’ils soient éclos. Ce papillon de nuit, faisant partie de la tribu des Tinéites, appartient au genre Lithosie, ainsi appelé 128 parce que plusieurs des espèces vivent sur les pierres (Lithos, en grec), ce qui explique pourquoi la chenille, objet de cette note, se trouvait exclu- sivement sur les murs et les toits, où elle se nour- rissait de plantes microscopiques, de moisissures, lichens, etc. C’est, je crois, l’espèce connue sous le nom de Lithosie enroulée ( Lithosia convoluta ), ou la L. blanche ( L . alba de Fabricius). Mais je ne puis l’affir- mer, n’ayant pas sous les yeux les descriptions de ces deux espèces faites par cet auteur. Voici comment Latreille, dans la partie de l’En- cyclopédie méthodique consacrée aux insectes , décrit le genre Lithosie , famille des Lépidoptères nocturnes , tribu des Tinéites , démembrée des Bombyx : « Antennes sétacées, simples dans la plupart, » quelquefois pectinées dans les mâles. — Langue )> distincte , allongée , roulée en spirale dans le » repos. — Palpes maxillaires cachés ; palpes labiaux » plus courts que la tête, cylindriques, recourbés, » composés de trois articles , le dernier sensible- » ment plus court que le second, cylindrique. — » Ailes supérieures longues et étroites, couchées » horizontalement sur le corps , ou se moulant » autour de lui; cellule discoïdale des ailes infé- » rieures formée par une nervure en chevron plus » ou moins prononcée et tournant sa^convexité du 119 » côté du corps. — Chenilles à seize pattes, vivant » à nu » Pour passer à l’état de chrysalides , les chenilles » se filent des coques de soie.... Quelques-unes » restent tout l’hiver en chrysalides. Les insectes » parfaits volent peu pendant le jour, et se tiennent » souvent durant des heures entières à la môme » place; cependant les mâles recherchent leurs » femelles pour l’accouplement, vers l’heure de » midi. » (T. 10, p. G49, col. 2). 9 130 LA VIE SOUS-MARINE DANS LES PROFONDEURS & après les travaux les plus récents de la. Société royale de Londres , 1E* A.TX M. 2J. do RICHE5ÎOND. Le naturaliste qui n’était jamais descendu dans les vallées basses de l’Océan a longtemps nié la réalité de la vie animale dans ces profondeurs inconnues, la nuit de V abîme. Les appareils si ingénieux des plongeurs ne sauraient pénétrer dans les entrailles de la mer, à des distances de trois à quatre mille mètres, et les merveilles enfouies dans les régions obscures et silencieuses du fond des grands bassins océaniques semblaient protégées par ce voile impénétrable d’obscurité et de silence contre l’ardente curiosité de l’homme. La science n’est jamais découragée dans sa lutte séculaire contre les mystères de la création. Au-delà des profondeurs qui défient l’œil du scaphandrier (1), une main de plomb peut fouiller (1) M. du Temple, officier de la marine française, a publié une notice sur les différents emplois du scaphandre . I 131 les ondes inconnues et pénétrer dans le plus vaste et le plus fécond laboratoire de la vie animale. Les gouffres océaniques ont été explorés par ce puissant engin qui prolonge à d’énormes distances la faculté du tact et établit une communication avec le fond même du lit des grandes eaux. En 1860 , l’appareil de sondage (1) du navire le Bouledogue ramena un groupe d’animacuîes vivant à une profondeur de plus de douze cents brasses. Dans Festom ac de ces petits êtres organisés, on recueillit des êtres plus petits encore qui avaient été absorbés. Ce n’est pas encore là F extrême peti” tesse de la création. Pascal a peint l’immensité qu’on peut concevoir de ia nature dans F enceinte de ce raccourci d’abîme : « Chacun de ces imper- ceptibles, dit Maury, change l’équilibre de l’Océan, ils s’harmonisent, et sont ses compensateurs. » En revenant du Groenland en Angleterre, pendant l’automne de 1860, le capitaine Mac-Clintock ramena une étoile de mer vivante , colorée de teintes bril- lantes d’une profondeur de deux mille cinq cents mètres . Le câble du télégraphe sous-marin que le com- mandant W. Lapierre (2) avait tendu entre la Sar- (1) C’est à M. Brooke, officier attaché à l’observatoire de Washington, que revient l’honneur de l’appareil de sondage employé par M. Maury. À la marine américaine appartient le mérite d’avoir dressé les premières grandes cartes orographiques de l’Océan, donnant le plan du fond et les profils suivant diverses coupes. (2) Capitaine de vaisseau (18157), commandeur de la Légion-d’Honneur, M. Lapierre a accompli avec Ylsîs, la Creuse et le Fleurus les voyages à daigne et Alger, ayant été soulevé en 1862 pour être réparé , montra des polypes et des mollusques vivant à des profondeurs de deux mille à deux mille huit cents mètres. L’enveloppe de gutta-percha était corrodée par des xylophages qui y avaient tracé des rainures longitudinales. Il y avait donc réellement une faune sous-marine au-delà des zones dans lesquelles les classificateurs avaient cru cir- conscrire la vie, et M. Alphonse Milne-Edwards signala au monde savant les conséquences de cette découverte. Pour soulever le fond de l’abîme , la sonde s’anima, la drague perfectionnée glissa dans les ténèbres des ondes pour ramener à la surface tout ce qu’elle rencontrait. Les profondeurs étaient ainsi mesurées par la sonde, la température des couches profondes appré- ciée par le thermomètre et les éléments de la vie sous-marine réunis par la drague. Les Etats-Unis, la Suède et l’Angleterre rivalisèrent d’activité pour surprendre le secret de l’Océan et poursuivre, dans l’épaisseur des ondes, les conquêtes de la science. Pendant une campagne scientifique, faite en \ 869 par le Porc-Epic, la sonde et la drague pénétrèrent à une profondeur de quatorze cent soixante-seize voiles les plus rapides que mentionnent les annales maritimes contempo- raines. Il vient cîe ramener à Brest la Loire-, le premier vaisseau de ligne à voiles qui ait fait le tour du monde, après avoir accompli la traversée de Toulon à Nouméa en 92 jours et de Nouméa à Brest en 70 jours. ( Océan du 5 novembre 1873). i 33 brasses et recueillirent une riche moisson d’êtres vivants. Dans une seconde croisière, la sonde des- cendit à l’énorme profondeur de deux mille trois cent quarante-cinq brasses, plus de quatre kilo- mètres , c’est-à-dire une cavité égale en sens con- traire à l’altitude du Mont Blanc. La drague ramena une boue vivante de globigérines , au corps gélati- neux, aux formes indécises. Ces animalcules étaient accompagnés d ’échino dermes, c Yannélides , de crus- tacés et de mollusques. Une troisième croisière permit de déterminer la distribution de la vie ani- male au fond des gouffres océaniques. L’amirauté anglaise autorisa l’équipage du Porc-Epic à entre- prendre, en 1870, une nouvelle série d’études. Les' mollusques , crustacés et zoophytes puisés dans les eaux profondes se divisent en deux séries : les uns sont des types nouveaux pour la science qui n’avaient jamais été décrits, d’autres ne s’étaient montrés jusque là que dans des zones limitées et dans des climats bien différents de celui dans lequel le Porc-Epic naviguait. Ces dragages, qui ont étendu l’horizon de la zoologie sous-marine, ont été opérés dans des régions de six cents à onze cents brasses. L’im- mense lit de l’Océan est donc tapissé d’une épaisse couche d’êtres vivants , et ces vastes régions sont éclairées par la phosphorescence organique jaillis- sant de légions d’animalcules qui atteignent à peine deux dixièmes de millimètre. Les eaux de la Méditerranée présentèrent une pauvreté relative de vie animale. Toutefois les dra- gages recueillirent quelques espèces curieuses connues jusque là seulement à l’état fossile et qui semblaient n’avoir pas survécu à la période tertiaire. La température de la surface ne détermine pas les conditions de la vie pour les animaux qui habitent les bas-fonds de l’Océan. La distribution de la faune est modifiée sous la môme latitude et dans la même masse d’eau par des régions froides, chaudes ou tempérées qui dé- terminent une variété considérable de climats. La pression énorme des eaux des couches supérieures et l’absence de lumière au tond de l’Océan ne sont point un obstacle au développement des organismes même les plus délicats, étincelant des plus vives couleurs. Dans son vaste empire, la mer, que les Anglais appellent l’eau bleue (plue ivater ), rapproche ainsi les climats opposés aussi bien que les différents âges de la nature. Des fossiles de la craie ont leurs similaires vivant à une profondeur de quatre cent quarante à quatre cent cinquante brasses dans la zone des eaux chaudes. Citons ce curieux échino- derme qui présente un test formé de plusieurs plaques séparées les unes des autres par une mem- brane comme une véritable cotte de mailles. L’expédition du Porc-Epic a ajouté cent dix-sept espèces nouvelles à la conchyliologie marine. Dans ce nombre, cinquante-six avaient échappé à toute description , sept étaient supposées éteintes et classées parmi les fossiles de la période tertiaire. L’Océan est la grande pépinière des rudiments de la vie. Aux rhizopodes , aux globigérines , aux forammi- fères , il convient d’ajouter les coccolithes et les coccosphères , souvent pénétrés par un organisme vivant d’un type encore plus dégradé, les bathybias. Beaucoup d’espèces marines se sont perpétuées dans ces profondeurs, à travers les mouvements de la croûte terrestre et sont ainsi passées d’une époque à une autre époque de la nature. Les cou- rants ont déterminé les limites et la température des régions sous-marines. Les protozoaires vivent par absorption des ma- tières organiques en dissolution que charrient les fleuves dans ce vaste réservoir océanique , cepen- dant que les échinodermes, mollusques et crustacés se mangent les uns les autres ou trouvent, dans les zoophytes et les rhizopodes, une nourriture sans cesse renaissante. La respiration dans les mers profondes s’explique par le rapport du gaz acide carbonique et de l’oxygène en harmonie avec l’abondance et le caractère de la vie animale. Ainsi, l’Océan a son souffle, son haleine orageuse, son système circulatoire, son pouls et son cœur (Maury nomme ainsi l’Equateur). La formation des 136 vents, des pluies, des rosées, n’est pas étrangère à la lutte des courants océaniques. Peut-être y décou- vrira-t-on plus tard la loi des tempêtes (1). Les Herschell et les Ross ont vu les nébuleuses se résoudre en systèmes de soleils d’une merveilleuse beauté. Comment serait-il refusé à l’homme de sonder les profondeurs de l’Océan, pour y trouver de nouveaux motifs d’adorer le Créateur? Puisse la France rivaliser, avec l’Angleterre, la Suède, les Etats-Unis d’Amérique, et suivre résolument cette voie féconde des conquêtes scientifiques dans le domaine de la nature ! Déjà un vaisseau à voiles de la marine militaire française a pu accomplir le tour du monde le plus rapide dont fassent mention les annales maritimes. « Sur mer, la première impression est le senti- ment de l’abîme, de l’infini, de notre néant. Sur le plus grand navire, on se sent toujours en péril. Mais lorsque les yeux de l’esprit ont sondé l’espace et la profondeur, le danger disparaît pour l’homme. Il s’élève et comprend. Guidé par l’astronomie, instruit des routes liquides, dirigé par les cartes de Maury, il trace sa route sur la mer en sécurité. » (Jansen). (1) Consulter principalement Maury, Forlies, James Ross , Roinme Brande, Redfieid, Reid, Peltier, Piddinglon, F. Julien, Adhémar, etc. LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES De la CHARENTE-INFÉRIEURE. BUREAU. MM. Ed. Beltremieux, A. Président. S. -C. Sauvé, vice- Président. T. Guyot-Duclos, C. vice- Président. Al. Vivier. Secrétaire . Ed. Beltremieux, L. de Richemond, P. Cassagneaud, MEMBRES 1 Rarbedette , Hipp. , conseiller gé- néral. Basset, Ch. , négociant. Belenfant , J. , oflicier de la Légion-d’ïïonneur , commissaire de la marine en retraite. Beltremieux, Éd. , offic. d’Acad. , ancien maire de la Rochelle , direct, du Muséum Fleuriau et du Jardin botan. , membre de la So- ciété géologique de France. Callot, Ernest , membre de l’Asso- ciation française pour l’avance- ment des sciences. Cassagneaud , secrétaire en chef de la mairie, directeur-conservateur du Muséum Lafaille. Chevallier, chef d’institution. David , Ph. , cliev. de la Légion- d’Honneur, docteur en médecine. DesMesnards, P., docteur en mé- decine, médecin-adjoint des hos- pices civils. Bor , E. , conseiller d’arrondissemL Fournier, Charles , chevalier de la Légion-d’Honneur, ancien maire, conseiller général, offic. d’Acad. A. Conservateur. A. I, Archiviste. Trésorier . JTULA1RES. Fournier, Albert, notaire. Fromentin, Ch., doct. en médecine. Guyot-Duclos , commandeur de la Légion - d’Honneur, colonel du génie en retraite. Mallet, P., docteur en médecine , médecin en chef des hospices civils. Marquet , A., pharmacien. Mathé , professeur de mathéma- tiques au Lycée. Menut, A ., vérificateur des douanes. Meschjnet de Richemond , Louis , officier d’ Académie , archiviste du département. Meyer, C.-R. , docteur en méde- cine, médecin-adjoint des hospices civils. Meyer, L.-E., propriétaire. Potel, E. , chev. delà Légion-d’Hon- neur , ingénieur des ponts-et- chaussées. Sauvé, S.-C., docteur en médecine. De Verdon, F., chev. de la Légion- d’Honneur, inspecteur des lignes télégraphiques en retraite. Vivier , Alfred , conseiller de Pré- fecture. 138 MEMBRES AGRÉGÉS. Beaudoin, pharmacien à Pons. Besnard, à la Rochelle. Boulon, pharmacien, à Rochefort. Bouyer, docteur en médecine , à Chéray (Oleron). Routard, Ed., pépiniériste , à la Rochelle. Brard, doct.-médec. , anc. membre de l’Assemb. nation. , à Jonzac. Rutaud, doct. en médec., chev. de la Légion-d’Honneur, à Royan. Castel, ancien pasteur. Chauvet, Gustave, à Pons. Chevallier, G., négoc., à Saujon. Comte de Cleryaux , adjoint au maire, à Saintes. Combes, doct. en médecine, à Pons. De Craon (princesse) au château de Benon. De Meschinet, professeur à Montlieu . De Saint-Mathurin, propriétaire, à Saint-Jean d’Angély. D’Espaillac, conducteur des ponts- et-chaussées, à St-Denis (Oleron). D’Orbigny, Ed. , à la Rochelle D’Orbigny, Aie. , à la Rochelle. Dufour , chevalier de la Légion- d’Honneur, capitaine d’artillerie en retraite , à Matha. Garreau, P.( officier de la Légion- d’Honneur, docteur en médecine. MEMBRES COR àrnoux , Sosthène , professeur , à Orléans. Bayle, chev. de la Légion-d’Honneur, ingénieur des mines, à Paris. Berthaud, professeur de physique , à Maçon. Blutel , 1er commis à la direction des douanes, à Brest. Boreau, géologue , à Parthenay. Bouscasse , Jules , propriétaire , à Àuthon. Boutigny, garde général des eaux et forêts , à Lourdes. Brociiand, doct. en médecine, à Paris Gaudineau, pharmacien, à Surgères. Lagurie (l’abbé), à Saintes. Laporte fils, employé de la marine. Lemarié , imprimeur, à Saint-Jean d’Angély. Lépine, docteur en médecine, chirur- gien de lre classe de la marine. Pause , professeur de physique , à Rochefort. Person (l’abbé), à Rochefort. D> Fichez, ancien médecin de la ma- rine, à Dompicrre. Ponsin , docteur en médecine , à Saint-Martin (île de Ré). Ravet, notaire, à Surgères. Rigàud, docteur en médecine, maire, à Pons, conseiller général. Rîgaud, Ch., à Pons. Roche, pharmacien, à Rochefort. Romteux , Ose. , chev. de la Légion- d’Honneur , capitaine de frégate. Roux, offic. de la Légion-d’Honneur, docteur en médeene , professeur à l’école de médecine de Rochefort. Rullier, à la Rochelle. Savatier , A. , docteur en médecine, à Rauvais-sur-Matha. Trigant-Beaumont (Madame), bota- niste, à Marennes. 1ESPONDANTS. BuoT,chev. de la Légion-d’Honneur, officier d’infanterie. Castan, officier d’artillerie. CLARET,doct. en médecine, à Vannes. Clauzure , docteur en médecine, à Angoulême. Contejean, docteur ès-sciences, pro- fesseur à la faculté de Poitiers. Coquand, géologue, à Marseille. Cotteaü , juge au tribunal civil, à Auxerre, officier d’Académie. Daubr'ée , command. de la Légion - d’Honneur, inspecteur général des mines , membre de l’Institut , à Paris. 139 De Barreau, docteur en médecine, à Rodez. De Cessac , Jean , officier d’Acadé- mie, naturaliste , à Guéret. De Gressot , chev. de la Légion- d’ïïonneur, chef d’escadron d’ar- tillerie. De Laizcr, command. de la Légion - d’Honneur , colonel en retraite, à Ghidrac (Puy-de-Dôme). Del av au lt , professeur à l’école de médecine de Toulon. De Quatrefages , officier de la Légion-d’Honneur , membre de l’Instilut, à Paris. De la Saussaie, chev. de la Légion- d’Honneur, membre de l’Institut , à Paris. Des Moulins, Ch., offic. d’Académie, président de la société linnéenne, à Bordeaux, com. de St.-Gr. Desmartis, docteur en médecine, à Bordeaux. De Rochebrune , Alph. , à Angou- lême. D’Orbigny, Ch., chev. de la Légion- d’Honneur, naturaliste, à Paris. D’Orbigny , Salvador , employé à la monnaie, à Rouen. D’Ounous, Léo, à Saverdun, Ariège. Dubroca, chev. de la Légion-d’Hon- neui'j docteur en médecine , à Barjac , Gironde. Bupuy , professeur d’histoire na- turelle, à Auch. Dupré , professeur de physique , au lycée Charlemagne, à Paris. D’Hàstrel , chev. de la Légion- d’Honneur, capitaine d’artillerie , en retraite, à Paris. Docteur , Anatole , négociant , à Bordeaux. Drouet, Henri , secrétaire-adjoint de la société académique de l’Aube, à Troyes. - Faure, docteur en médecine, à Paris. G'ABORiT , élève en pharmacie , à Nantes. Galles , ancien conseiller de pré- fecture, à Vannes. Gàrnault , professeur d’hydrogra- phie, à Brest. Gautier, L. , doct. enmédec.,àMelle. Gouget , chev. de la Légion-d’Hon- neur, chirurgien-major en retraite. Gourrut , docteur ès-sciences , à Niort. Grasset, offic. d’Académie, chev. de la Légion-d’Honneur, à Varzy. Guérin-Menneville , chev. de la Légion-d’Honneur, à Paris. Guillon, Anatole, à Niort. Gyoux, doct.-médec. , à Bordeaux. Hesse , directeur des vivres de la marine, à Brest. îtier , chev. de la Légion-d’ïïon- neur, directeur des douanes , à Montpellier. Janvier, à Bordeaux. Joüan, H., offic. de la Légion-d’ Hon- neur et de l’instruction publique , capit. de vaisseau, à Cherbourg. Jourdain , docteur ès-sciences , à Baveux. Lecoq de Boisbaubran , Scœvola , négociant, à Cognac. Lecoq' de Boisbaubran , chimiste, à Cognac. Legall, chev. delà Légion-d’Hon- neur, conseiller à la cour d’appel, à Rennes. Legouis , professeur de zoologie à l’école normale, à Paris. Letourneux, juge d’instruction , à Fontenay. Letellier, professeur , à Alençon. Lourde, pasteur, à Jersay. Maillard , pasteur , à la Mothe- Saint-Héraye. M air and , employé des ponts-et- cbaussés, à Niort. Manès , chev. de la Légion-d’Hon- neur, ingénieur en chef des mi- nes, en retraite , à Bordeaux. Mantovani , Paul , naturaliste , à Rome. Marchegay, Alph., ingénieur civil , à Lyon. Massé, jardinier-botaniste, à Mont- morency. Morand, Jules, naturaliste, à Yars , Charente. Mazure, professeur de physique, à Orléans. 140 Poey-d’avant (Mlk), à Fontenay. Persqnnat, V., employé des contri- butions indirectes, à Salanclies, Haute-Savoie. Personnat , Camille , employé des contributions indirectes à Privas. Personnat , Eugène , employé des contributions indirectes, à Binic , Côtes du Nord. Pellegri , employé à la gare du chemin de ter , à Châtellerault. Regnier , naturaliste , à Saint- Maixent. Rey-Lacroix , inspecteur des doua- nes , à Cette. Rouxel, professeur de physique, à Saint-Quentin. Taslé, chev. de la Légion-d’Hon- neur, ancien notaire, à Vannes. Viaud Grand - Marais , docteur en médecine, à Nantes. SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES. Académie nationale du Gard , à Nîmes. Académie nationale des sciences , belles-lettres et arts, à Bordeaux. Académie des sciences naturelles , à Moscou. Société académique de Maine-et- Loire, rue Courte, 7, à Angers. Société académique, à Nantes. Société nationale des sciences , arts et belles - lettres de la Loire- Inférieure, à Saint-Etienne. Société nationale des sciences na- turelles et arts, à Lyon. Société linnéenne, à Bordeaux. Société des sciences physiques et naturelles d’Ile - et - Vilaine , à Rennes. Société nationale des sciences natu- relles, à Cherbourg. Société des sciences physiques et naturelles, à Bordeaux. Société des sciences naturelles de la Marne, à Reims. Société des sciences et arts de la Charente, à Angoulcme. Société des sc;ences naturelles de l’Ardèche, à Privas. Société des sciences historiques et naturelles de l’Yonne, à Auxerre. Société des sciences et belles- lettres , à Montpellier. Société des sciences et belles-lettres du Var, à Toulon. Société des sciences naturelles , à Strasbourg. Société des amis des arts , à Rouen. Société d’histoire naturelle de la Moselle, à Metz. Société d’histoire naturelle, à Colmar. Société d’histoire naturelle, à Tou- louse. Société d’études scientifiques et archéologiques, à Draguignan. Soc été scientifique, archéologique et littéraire, à Béziers. Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse , à Guéret. Société historique et scientifique , à Saint-Jean d’Angély. Société d’émulation, à Montbéliard. Société de statistique , sciences et arts utiles de la Drome, à Valence. Société d’agriculture, sciences etarts de la Seine-Inférieure, à Meaux. Société d’agricubure , sciences et arts, à Lille. Société d’agriculture et d’horticul- ture de Vaucluse, à Avignon. Société nationale d’agriculture , sciences et arts, à Angers. Société d’agriculture , sciences et arts de la Lozère, à Mende. Société d’agriculture, d’histoire na- turelle et arts utiles, à Lyon. Société impériale des naturalistes , à Moscou. Société d’horticulture du Bas-Rhin, à Strasbourg. Société polymathique du Morbihan, à Vannes. Société d’agriculture et des sciences de la Haute-Loire, au Puy. 141 Société d’agriculture, belles-lettres, sciences et arts, à Rochefort. Société d’horticulture et d’agricul- ture de Saône-et-Loire, à Mâcon. Société d’horticulture de Maine-et- Loire, à Angers. Société des sciences naturelles et médicales de Scine-et-Oise , à Versailles. Société de médecine du Haut-Rhin, à Colmar. Société de médecine, à Poitiers. Société de médecine, à Rennes. Société de médecine, à Besançon. Société de médecine de la Mayenne, à Châleau-Gonthier. Société industrielle du Maine-et- Loire, à Angers. Société littéraire et philosophique , à Manchester. Université royale de Norvège , à Christiania. BR! T 1S H MUSEUM 23 «J AN SI PAGES Rapport sur les travaux de la Société, par M. A. Vivier. 3 Discours prononcé sur la tombe deM. T. Vivier, par M. Eb. Beltremieux. 24 Discours prononcé sur la tombe de M.T. Vivier, par M. L. de Rïchemond 27 Rapport sur la session à Lyon de l’association fran- çaise, par le docteur Ph. David. 31 Rapport sur la session à Lyon de l’association fran- çaise, par M. A. Marchegay 47 Notice sur les ossements' fossiles de la caverne de Soute, près Pons, par le docteur Combes 70 Notice sur l’âge de la pierre taillée dans le pays Pontois, parle docteur Combes 88 Notice sur la sphargis luth , par le docteur Sauvé. . 114 Observations sur l’invasion des chenilles, qui a eu lieu en 1872, par M. P. Cassagneaud. .... La vie sous-marine, par M. L. de Rïchemond 123 130 BRUNS H MU. SF UN/ 23 4AN 31 NATURAL HISTORY. ! » ■ - . r T' l N