MA Y SPACE | VE ANNALES SUIENCE AGRONOMIQUE FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE Comité de rédaction des Annales. Rédacteur en chef : L. GRANDEAU, directeur de la Station agronomique de l'Est. U. Gayon, directeur de la Station agronomique de Bordeaux. Guinon, directeur honoraire de la Sta- tion agronomique de Châteauroux. Margottet, recteur de l'Académie de Lille. Th. Schlæsing, membre de l'Institut. E. Risler, directeur de l’Institut na- tional agronomique. L. Mangin, docteur ès sciences, pro- fesseur au lycée Louis-le-Grand. A. Müntz, membre de l’Institut. A. Ronna, membre du Conseil supé- rieur de l’agriculture. Ed. Henry, prolesseur à l'École na- tionale forestière. E. Reuss, inspecteur des forèts à Fontaineb'eau. C. Flammarion, directeur de la Station de climatologie agricole de Juvisy. Correspondants des Annales pour les colonies et l’étranger. COLONIES FRANÇAISES. H. Lecomte, docteur ès sciences, pro- fesseur au lycée Saint-Louis. ALLEMAGNE. L. Ebermayer, professeur à l'Univer- sité de Munich. : J. Kônig, directeur de la Station agro- nomique de Münster. Fr. Nobbe, directeur de la Station agronomique de Tharand. Tollens, professeur à l'Université de Güttingen. ANGLETERRE. R. Warington, chimiste du laboratoire de Rothamsted. , Ed. Kinch, professeur de chimie agri- coie au collège royal d'agriculture de Cirencester. BELGIQUE. A. Petermann, directeur de la Station agronomique de l'Etat (Gembloux). CANADA. Dr 0. Trudel, à Ottava. ÉCOSSE. T. Jamieson, directeur de la Station agronomique d'Aberdeen. ESPAGNE ET PORTUGAL. Joâo Motta dà Prego, à Lisbonne. ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE. E. W. Hilgard, professeur à l'Univer- sité de Berkeley (Californie). HOLLANDE. A. Mayer, directeur de la Station agro- nomique de Wageningen. ITALIE. ; A. Cossa, professeur de chimie à l’'E- cole d'application des ingénieurs, à Turin. NORWÈGE ET SUÈDE. Dr Al. Atterberg, directeur de la Sta- tion agronomique et d'essais de se- mences de Kalmar. SUISSE. E. Schultze, directeur du laboratoire agronomique de l'Ecole polvtech- nique de Zurich. RUSSIE. : Thoms, directeur de la Station agro- nomique de Riga. M. Ototzky, conservateur du musée minéralogique de l’Université impé- riale de Saint-Pétersboureg, rédacteur en chef de la Pédologie. Nora.— Tous les ouvrages adressés franco à La Rédaction seront annoncés dans Le premier fascicule qui paraitra après leur arrivée. Il sera, en outre. publié, s'il y a lieu, une analyse des ouvrages dont la spécialilé rentre dans Le cadre des Annales (chimie, physique, géologie, minéralogie, physiologie végétale et animale, agriculture, sylviculture, technologie, etc.). Tout ce qui concerne la rédaction des Annales de la Science agronomique française et étrangère (manuscrits, épreuves, correspondance, etc.) devra étre adressé franco à M. L. Grandeau, rédacteur en chef, 48, rue de Lille, à Paris. ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE ORGANE DES STATIONS AGRONOMIQUES ET DES LABORATOIRES AGRICOLES PUBLIÉES Sous les auspices du Ministère de l'Agriculture PAR Obs ar ET AUNEPYE AT DIRECTEUR DE LA STATION AGRONOMIQUE DE L'EST MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'AGRICULTURE DE FRANCE RÉDACTEUR EN CHEF DU « JOURNAL D'AGRICULTURE PRATIQUE » PROFESSEUR AU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS INSPECTEUR GÉNÉRAL DES STATIONS AGRONOMIQUES VICE-PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ENCOURAGEMENT A L'AGRICULTURE MEMBRE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AGRICULTURE 2° SÉRIE — CINQUIÈME ANNÉE —- 14899 Tome Il. Avec figures dans le texte. BERGER-LEVRAULT ET Ci, LIBRAIRES-ÉDITEURS PARIS NANCY D, RUE DES BEAUX-ARTS 18, RUE DES &GLAcis 1399 M'A FX 9 LUE. À Du £ CAT Ce 5 és RAS Pod LA DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES ET LES FORMES D'HUMUS DANS LEURS RAPPORTS AVEC L'AGRICULTURE ! PAR er DEN OL EN K PROFESSEUR D’AGRICULTURE A L'ÉCOLE TECHNIQUE SUPÉRIEURE DE MUNICH (Suite). VII. — CONDITIONS DE LA DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES Après avoir jusqu'ici exposé les faits qui montrent l'intervention des organismes inférieurs dans les processus de décomposition, il faut maintenant parler des conditions auxquelles ces processus sont soumis in specie. Comme ils sont régis par l’activité de ces microor- ganismes, on pourrait, il est vrai, conclure à priori que le cycle de ces réactions correspond aux exigences biologiques des êtres qui les provoquent, comme on l’a montré ci-dessus; mais on se ferait ainsi une idée insuffisante des circonstances décisives, d’un côté, parce que l'influence des facteurs varie de mille manières qui doivent être exposées en détail, et, de l’autre, parce que certaines conditions qui n'ont été qu'indiquées jusqu'ici jouent un rôle important dans la décomposition des matières organiques. Si, dans ce qui va suivre, 1. Voir ces Annales, t. IT, 1898, et t. I, 1899. ANN. SCIENCE AGXON. — 2€ SÉRIE, — 1899, — 11. l 2 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. il n’est question que de l’eremacausis el de la putréfaction, cela tient uniquement à ce que ces deux processus sont du plus haut intérêt pour l’agriculture, tandis que les autres modes de décomposition sont beaucoup moins importants et ont été exposés plus haut. (Voir ci-dessus, 1899, 1. I, 2° fasc.) 4. — Conditions de l’eremacausis. a) État physique et chimique des matières organiques. En ce qui concerne la décomposition en plein air, l’état de la ma- tière organique est de grande importance ; car l'intensité de cette décomposition dépend à un haut degré tant de la quantité, de la concentration et de l’état de division de la matière que de sa com- position chimique et de son degré d’altération. À) Quantité et concentration de la matière. — Pour déterminer l'influence qu'ont sur la décomposition des taux divers de matières organiques, J'ai fait quatre mélanges de sable quartzeux (380 gram- mes) avec différentes proportions de fumier de cheval en poudre (3, 10, 15 et 20 grammes), je les ai humectés avec 40 grammes d’eau et placés dans des tubes en U plongeant dans un bain-marie à 30°. L’acide carbonique dégagé en vingt-quatre heures était mesuré chaque jour d’après la méthode de v. PETTENKOFER. La moyenne de six déterminations a donné : MATIÈRE ORGANIQUE. mo —— ‘ 5 gr. 10 gr. 15 gr. 20 gr. 1°Cessai : es Le 2 Ets Moyenne du volume d'acide car- - bonique dans 1000 d'air. . . 41,000. 547442 56,5980 57,550 RADDOR ER E PNR NE TRRRER l 1,32 1,38 1,40 PICSSOR : MOIUMEEMONEA A ME 24,689 42,359 48,054 51,098 RaNpOrt RER RER TE TEL: 1 12 1,95 2,07 On voit que ie taux d’acide carbonique de l'air du sol qui, à cir- constances extérieures égales, peut servir à mesurer l’intensité de la décomposition s’accroit, il est vrai, avec la dose de malière orga- nique, mais dans une proportion bien moindre que la matière, si DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 3 bien qu’au delà de certaines limites (15 grammes de malière orga- nique dans le cas précédent), on n’observe pas un dégagement d’a- cide carbonique sensiblement plus fort. Ce fait ne lient pas du tout à ce que, dans les essais précédents, l'oxygène nécessaire à la dé- composition aurait fait défaut ; car, après défalcation de l’acide car- bonique dégagé dans les deux essais, il restait encore une quantité d'air largement suffisante. Suivant toute vraisemblance, cette particularité doit être attri- buée aux propriétés antiseptiques de l'acide carbonique, ainsi que H. Kozre : l’a démontré. Quand cet acide carbonique s’est accumulé dans la matière en décomposition au delà d'un certain taux, l’acti- vilé des microorginismes el, par suite, l'oxydation du carbone de cette matière diminue. Plus le laux d'acide carbonique s'élève, plus l'intensité de la décomposition s’affaiblit. Cette règle s'applique aussi à la nitrification des matières azotées. Déjà LEONE * avait remarqué que, pour une teneur un peu forte en matière organique, non seulement la mitrification est interrompue, mais que même les mitrates et les nitrites formés pouvaient se trans- former en ammoniaque. D'après des essais récents du même auteur”, ce résultat obtenu d’abord avec des solutions est vrai aussi pour le sol; de fortes fu- mures de matière organique mènent à une destruction de nitrates et de nitrites, ce qui n'arrive pas avec une fumure faible. Dernièrement P. Picxarp ‘ à étudié à fond cette question et a dé- montré que la quantité absolue d’acide nitrique formé croissait à la vérité avec l’augmentation de l'azote organique dans la matière, mais que sa quantité relative (en pour-cent de l’azote existant) dimi- nuait considérablement, tandis que la production d’ammoniaque est exactement proportionnelle au taux d’azote de la substance orga- nique. Il en résulte ce ‘fait très important dans la pratique que le taux absolu d’ammoniaque formée augmente avec celui de lazote 1. Journal für praktische Chemie. Neue Folge, vol. XXVI, 1882, p. 149-155. 2. Gazella chimica italiana, vol. X, p. 505. 3. Atli della R. Accademia dei Lincei, sér. IV, Rendiconti, vol. VE Roma, 1890, p. 33-39. 4. C. R., t. CXIV, p. 81-84; Annales agronomiques, t. NII, p. 108-119. 4 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. organique dans la matière en décomposition, tandis que celui de l'acide mitrique diminue. D’après PicHarD, on peut admettre que la nitrification est active tant que la substance renferme 1 gramme d'azote organique par kilogramme, mais qu’au delà de cette limite elle décroit sensiblement au profit de la production d’ammoniaque. Cette influence défavorable à la nitrification tient peut-être à ce que l’augmentation de matière organique entraine la production d’une plus forte quantité d’acide carbonique qui gène l’activité des microorganismes. On pourrait aussi, pour l'explication de ce fait, alléquer cette circonstance que le carbonate d’ammoniaque formé agit défavorablement sur le ferment nitrique ; mais cette explication ne saurait être mise en avant pour les essais de PicHARD, parce que la terre y renfermait assez de sulfate de chaux pour transformer le carbonate d’ammoniaque. C’est seulement au cas où la quantité de chaux est insuffisante que l’influence du carbonate d’ammoniaque vient probablement s’ajouter à celle de l'acide carbonique. P. P. DEnÉéRaIN ‘ a montré que la nitrification des sels ammonia- caux était fort influencée par leur quantité. 20 grammes de terre placés dans une soucoupe furent additionnés de doses diverses de sulfate d’ammoniaque ou laissés tels quels et mis sous une cloche où l'air circulait. Du 27 septembre au 15 octobre 1884, il s’y forma ies quantités suivantes de nitrates (en milligrammes) : ACIDE NITRIQUE formé. EE © Te, 4 2 Tertetelle-quelle. Su 7 SALE NES 12:20 46355 Terre avec 0%,010 d'azote sous forme de sulfate d'ammoniaque. 10,03 Se Er UADE" 030 — — p 4,50 262 Non seulement le sulfate d’ammoniaque ajouté n’avait pas été nitrifié, mais 1l avait empêché la nitrification de l’azote contenu dans le‘sol sous forme organique, et d'autant plus que la quantité de sel ajoutée était plus grande. Comme la terre employée était assez sèche, l’auteur voulut savoir si les choses se passeraient de même dans un sol très humide. Il prit un sol de jardin renfermant 32 p. 100 d’eau. Pendant trente-six jours, 100 grammes de ce sol auquel on ajouta 1. Annales agronomiques, t. XIII, 1887, p. 241-261. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. J diverses doses de sulfate d’ammoniaque formèrent les quantités sui- vantes de nitrates : AZOTE AJOUTÉ ACIDE NITRIQUE ACIDE NITRIQUE PRODUIT sous forme de produit par 100 kilogr. de terre sulfate d’'ammoniaque. en 36 jours. par jour. grammes. grammes. grammes. 0,020 0,075 22,0 0,040 0,070 20,0 0,060 0,060 47,0 0,080 0,042 12,0 0,100 2,013 3,8 Une notable partie de l'azote de lammoniaque a été nitrifiée, mais les quantités de nitrates. formées ont été d’autant plus faibles que la dose de sel ammoniacal était plus forte. Si l’on compare ces résultats avec ceux de l’essai précédent, on voit que l’humidité du sol est d’un haut intérêt pour la nitrification de l’ammoniaque : elle est bien plus intense dans un sol humide. Le degré de concentration des solutions nitrifiantes (urine, sels ammoniacaux) est aussi un facteur extrêmement important dont l’action s'exerce suivant une loi qui n’est que faiblement influencée par le concours d’autres circonstances. Les résultats de J. Soyka’ le prouvent : Accès de l'air limilé. p. 100. (DHEA CNE 100 } L'acide nitrique n’a pas encore paru au bout de Urine étendue à. . 50 | 4 mois. — 1% 10 Apparu au bout de 36 jours. — #2 1 — DD — En l'absence de l'air. Urine pure. . .; . | 100 | NES è : à Pas d'acide nitrique après 4 mois. Urine étendue à. . 50 | IDE AUAARe ADESS a — Eu 10 Il y a de l'acide nitrique après 7 jours. — = 1 — — 4 — Les recherches de R. WarinGrox* sur les sels d’ammoniaque ont aussi prouvé que la nitrification commence toujours d’abord dans la solution la moins concentrée et qu’il y a sans doute pour chaque so- 1. Zeilschräift fur Biologie, vol. XIV, 1878, p. 449-482, 2. Journal of the chemical Society, vol. XLV, p. 637-682. 6 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. lution un degré de concentration au delà duquel la nitrification est impossible. On peut donc soit favoriser ce processus dans une large mesure, soit l'empêcher complètement, au moins pour un temps assez long. I s’agit ici de faits analogues à ceux que l’on constate quand on augmente peu à peu la proportion d’air. B) Répartition et degré de finesse de la matière. — Pour déter- miner expérimentalement l'influence du degré de finesse et de la répartition de la matière organique sur sa décomposition, j'ai em- ployé ‘ de la tourbe pulvérisée séparée par des tamis en lots de diverses grosseurs et de la paille de pois, soit broyée, soit hachée en fragments de 1 à 5 centimètres de long. Dans l'essai [, 40 grammes de poussière de tourbe ont été mélan- oés à 370 grammes de sable quartzeux et 75 grammes d’eau ; dans l’essai ÎE, on a emplové les mêmes quantités, mais avec 40 grammes d’eau seulement. Quant à l'essai IT installé à l’air libre dans un cy- lindre en tôle d’une contenance de 90 litres, on mélangea d’une manière bien homogène 383 grammes de paille de pois à 61 grammes de sol riche en humus. Ces matières ont dégagé les quantités suivantes d’acide carbo- nique qui sont les moyennes de quatre déterminations (essai D), de trois (essai IT) et de douze (essai HD) : Volume d’acide carbonique dans 1000 volumes d’air du sol. GRAIN DE LA TOURBE. Oum 0-Jmm,25, Om ,25-Qnu,50, Den Be [> 17,069 15,682 15,703 13,773 TRES 54,537 48,336 39,718 41,484 JR Sol sans paille : Avec paille de pois Avec paille en fragments Avec paille en fragments pulvérisée : de { centimètre : de 5 centimètres : 4,046 11,004 12,058 11,254 De ces chiffres il semble résulter que les malières organiques difficilement décomposables (tourbe) se décomposent d'autant mieux qu'elles sont en éléments plus fins et, par suile, mieux mélangés, landis que, pour les substances facilement décomposables (paille de 1. Journ. f. Landw., 1886, p. 273. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 7 pois), la finesse des grains est sans importance. Dans le premier cas, l'influence de l’état de division s’explique par ce fait que plus les grains sont fins, plus loxydation est facilitée. Dans le second cas, il faut sans doute prendre en considération la porosité plus grande de la matière et sa composition chimique plus favorable à la nutri- tion des microorganismes. Il est donc avantageux de pulvériser les engrais qui n’ont qu'une très faible aptitude à la décomposition. A ce groupe appartiennent, par exemple, certains engrais animaux (cornes, sabots, poils, décheis de laines) : les rognures de cuir, la matière organique des os bruts, etc. Par la transformation de ces substances en poudre de corne, de laine, de cuir, d’os, etc., leur altérabilité est sensiblement augmen- tée ; en général, cette opération est suivie de plus d’effet si la tex- ture de la masse est rendue poreuse par des moyens plus énergiques, tels que la torréfaction, la cuisson en vases clos sous forte pression ou l’atiaque par l'acide sulfurique. C’est ainsi que, d’après mes re- cherches, la cuisson en vase clos à une pression de trois atmosphères a exercé une très heureuse influence sur la décomposition du cuir et de la corne. Voici l'acide carbonique contenu dans 1 000 volumes d’air et rapporté à 1 gramme de carbone. (Les chiffres suivants sont la moyenne de six dosages.) POIDS IDE correspondant eo CARBONIQUE TAUX de carbone. HR produit. p. 100 grammes. Poudre de cuir brute . . . . 48.82 2,05 9,507 —. après cuisson . 47.90 2,09 14,457 Poudre de corne brute. . . . 45.40 2,20 6,119 — après Cuisson . 45.34 2,25 8,509 On voit qu'après cuisson la matière s’est décomposée plus facile- ment. La torréfaction des déchets de corne et le traitement par l’a- cide sulfurique de certaines substances, telles que les déchets de laine, exercent la même action heureuse. C) Degré de décomposition de la matière organique. — Comme les substances prises à divers stades de décomposition ont un taux de carbone différent, qui augmente avec l’âge (année 1898, t. IE, p. 9309) et que, par suite, en employant d’égales quantités de ces 8 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. matières pour déterminer leur aptitude relative à la décomposition, on ne pourrait faire de comparaisons valables, j'ai, dans les essais cités plus haut’, dosé d’abord le carbone de la substance et pris pour base une quantité renfermant { gramme de carbone. La portion pesée fut toujours intimement mélangée dans une capsule de porce- laine à 400 grammes de sable quartzeux pur et à 50 centimètres cubes d’eau distillée. Le mélange fut aussitôt introduit dans des tubes en U plongeant dans un bain-marie à 30°. De cette façon, on obtenait dans tous ces essais comparatifs l’identité de toutes les circonstances extérieures. Pour rendre comparables les résultats obtenus, il n’y avait plus qu’à faire les dosages à des intervalles de temps égaux. Pour cela, le mélange des matières et le remplissage des tubes furent faits pour chaque essai de 8 à 10 heures du matin ; les tubes furent laissés dans le bain-marie pendant vingt-quatre heures exacternent, au bout desquelles avait lieu la première prise d'air comprenant chaque fois 2 litres aspirés en deux heures ; l’opération était donc terminée pour 10-12 heures du matin. Tous les autres jours on opéra de même. La décomposition des matières se mesure par le dégage- ment des quantités ci-après d’acide carbonique : Taux Pour 1 gr. MES ee re p. 100?. il faut d'air 5. ; (° HTAISS ES LR ES MARNE ER TRE 94.16 4,14 43,434 Fumier \ - ÿ “a de eine | ju de 8 SRiURes He 90.27 3,33 11,706 ” vieux d6.20/SeMANES 2 a EST 2,89 8,248 Funriert"#\" frais Sept PP RSR NS EE 2,78 10,390 de mouton | à demi décomposé . . . . . . . 37.05 2,69 8,043 Tourbe de 10°%,5 à 36°m,8 deprofondeur. 40.03 2,49 3,229 (Cunrau) de 22001 à Ar m6 — . 43.09 2,32 3,052 de 78m,9 à 110,7 — FUI ES ARR 30 2,827 de 0%,0 à 0,2 de profondeur . . 40.12 2,49 2,934 Ê | de 0®,2 à 0,5 — 12.290424 04 2,34 2,724 Tourbe L À = Dan) de 0,5 à 0,8 _ PARU RATE SON ANS 88 2,545 de 0n;8 à 1m — LS MAMMA 06 AS 2,394 | de 1,1 à 1,4 — TL RS UN 2,262 . Journ. f. Landw., 34° année, 1886, p. 275. Ces nombres se rapportent à la matière séchée à l'air. Moyenne de six dosages. CC 0 DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 9 De ces chiffres on doit conclure que les mulières organiques se décomposent d'autant plus difficilement que leur altération est plus avancée. Les fumiers de vache et de mouton ont fourni d'autant moins d'acide carbonique qu'ils étaient plus vieux. De même, son dégagement diminue, dans la tourbe, à mesure que l’on s’adresse à des couches plus profondes, c’est-à-dire plus décomposées. L’exacti- tude de ce point est démontrée aussi par ce fait, constaté dans pres- que tous les essais, que le dégagement d’acide carbonique est le plus violent au début, puis diminue constamment pendant le cours de l'expérience. On comprend aisément que l’oxydation du carbone dans les ma- tières organiques non décomposées soit plus forte au début qu'après: et plus forte aussi que dans les matières primilivement identiques par leur composition, mais déjà en train de s’altérer, si l’on observe que la provision latente d'énergie chimique des matières en question est d'autant plus grande qu’elles renferment plus de corps aussi voisins que possible des combinaisons formées dans les plantes sous l’action de la vie. Si des corps non altérés, c’est-à-dire ayant leur maximum d’affinité pour l'oxygène, sont soumis aux facteurs de la décomposition, ils dégageront dès le début la plus grande quantité d'acide carbonique. Quand cette première explosion est terminée, la production d’acide va constamment en décroissant jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que des restes organiques à forme d’humus qui, par suite de leur constitution, s’oxydent lentement et contribuent à peine à la production du gaz carbonique. L’azote des principes azotés des matières organiques se comporte comme le carbone. Ainsi il résulte des recherches de À. MORGEN ‘ sur la décomposition des poudres de corne et de cuir que presque tout l'azote s’était transformé dans les huit premiers jours de la pu- tréfaction, puisque la proportion avait toujours été plus faible. Les essais de G. F. À. TUXEN * montrent d’une manière éclatante que les choses se passent dans l’eremacausis comme dans la putréfaction. 1. Landwirthschaftliche Versuchsstationen, vol. XXVI, 1550, p. 51-72. 2. Undersôgelser vedrorende de Kralstofholdige Gjodningssloffers Omdannelse à Jordbunden. Tiedsskrift for Landokonomie, 1884. 10 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Des cylindres en terre vernissée furent remplis de 5 kilogr. soit de lehm, soit de lehm argileux. Pour se rapprocher le plus possible des conditions naturelles, on ajouta à ce dernier assez d’engrais pour élever le taux d’azote à 2 p. 100 (calculé sur le sol séché à 100°). Ce taux correspondait à peu près à celui du lehm (1.8 p. 100). La terre fut maintenue humide afin de se placer dans les circonstances les plus favorables à la transformation des engrais azotés, mais on em- pêcha la saturation en faisant écouler l’eau en excès tout en tenant compte naturellement de l'acide nitrique qu’elle contenait. Le dosage initial de l’azote sous forme d’ammoniaque et d’acide nitrique servit de point de départ et de comparaison. Voici les résultats obtenus : Azote sous forme d'ammoniaque et d'acide nitrique exprimé en centièmes de l’azote ajouté. DATES . 1°" juin 1880. MÉAuillet-e 1° septembre. | {® novembre .: | 20 avril 1881.: 20 juin 1°" septembre LEHM PLUS (MO :S0INMES: .40| 0.65 45151. . SO .29| .50| -40| .15| 2 » 2.69] - 30! .50! 6 :09 .00! ô . SERA ñ . . . C7 = 9 = 19 1 SAUEOLO © (JA a Ie le = Guazo | Fumier de | de |poisson.| cheval. le SABLE LEHMEUX PLUS — |, d'os. | Poudre | 19 — LL mm Lie] Guano aude poisson. | | 2 D © Ù 10 C0 I. MMO NO " Qr 09 (2Ù © — © © | Fumier de cheval. AZOTE sous forme d'ammoniaque. d'acide nitrique. d'ammoniaque. d'acide nitrique.. d'ammoniaque. | d'acide nitrique. d'ammoniaque. | d'acide nitrique. d'ammoniaque. | d'acide nitrique.. d'ammoniaque. d'acide n'trique. d'ammoniaque. d'acide nitrique.| Absiraction faite du sol non fumé et du sol fumé avec du fumier de cheval, on voit nettement pour les autres que la transformation des éléments azotés des engrais (poudre d'os et guano de poisson) se fait incomparablement plus vite au début de la décomposition que plus tard. Déjà au bout d’un mois, 50 p. 100 de l'azote primitif DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. LE étaient transformés en ammoniaque qui, plusieurs mois après, de- venait de l’acide nitrique. Il y a donc deux réactions successives, d’abord formation d’ammoniaque, ensuite oxydation de cette emmo- niaque en acide nitrique. L’azote de l’humus du sol non fumé n’a subi qu’une modification très lente ; celui du fumier de cheval se comporte différemment ; il contient évidemment divers principes azotés ; sa transformalion est plus facile et plus rapide dans le sable lehmeux que dans le lehm, où il parait y avoir en automne un temps d'arrêt dans la décomposi- tion qui reprend au printemps avec une nouvelle activité. D) Composition chimique de la substance. — La décomposition des matières organiques est surtout réglée au point de vue chimique par leur taux en composés complexes (principes albuminoïdes, amidés), par la solubilité de ces composés, par leur taux de matières minérales et par la présence de substances capables d’atténuer l’ac- tion des facteurs extérieurs. Toutes circonstances égales, le taux d’azote des matières orga- niques a, dans certaines limites, une influence tout à fait prédomi- nante sur la décomposition. On voit déjà que les parties végétales pauvres en azote et riches en cellulose (paille des céréales) se dé- composent plus lentement que celles qui sont riches en azole et pauvres en cellulose (paille des légumineuses). Les chiffres suivants provenant de mes essais prouvent le fait. TAUX Pour 1 gr. ra de carbone de carbone dans p. 100. share ge à OU ERNE Ses SOI ee OU 39.79 252 23,673 EE RNOIS EN NE CE 40,75 2,49 22,156 ne PA IéVErOIe SR IT te 39.84 2:51 22,076 Paille d'orge de mars. . . . . . 41.43 Al 19,562 RAS MAIS RE tbe etre 40.74 2,45 18,837 — de blé de mars. . . . . . 42.54 2,39 18,560 — de seigle de mars. . . . . 41.95 9,38 18,189 — d'avoine de mars. . . . . 3510017) 2,50 17,388 — de seigle d'hiver . . . . . 43.36 2290 15,936 {. Moyenne de six dosages. 12 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Si les feuilles des végétaux se décomposent aussi plus vite que leurs tiges et leurs racines, comme le montre le tableau suivant, cela tient également à ce que ces organes sont plus riches en azole. TAUX Pour 1 gr. Ÿ CU de carbone de carbone dans p- 100. il faut DAC [ feuilles. . . , | 38.42 2,60 24,294 SOjA FA A TANUURES ARENP SEE 41.08 2,43 23,052 ACIRES ME EEE 39.38 2,54 22,061 | IEULIES ARE 38.92 2,59 24,134 Féveroles . UISeS NES RE 43.27 2 Gil 19,809 à 'ACIN ES RO 41.99 2,38 19,293 Side’ d'Hiver { feuilles. . . . . 42.10 2,37 18,211 © L tiges AAA 43.05 DB? 17,019 Dans les essais que j'ai faits spécialement pour élucider le rôle des matières azotées”?, j'ai placé diverses sortes de pailles réduites en poudre, soit dans l’eau, soit dans une solution d’albunune (pro- venant de blanc d'œuf) à 4 p. 100 environ; après les avoir fait macérer à basse température pendant quarante-huil heures, Je les ai desséchées sur du papier à filtre à la température de la chambre. J'ai mélangé 4 grammes de la matière ainsi préparée avec 400 grammes de sable quartzeux J'ai humecté le mélange avec 40 grammes d’eau et l’ai placé alors dans les tubes en U. Le déga- sement d'acide carbonique (moyenne de six ou huit déterminations) a été : Volume de C0° dans 1000 volumes d'air. D etde scie { macérée dans l'eau. . . . . . . . 10,611 ; PT TA] — la solution d° nel 13,812 Be ee | macérée dans l'eau. . . j : 19,492 DEC) — la solution d° ne ; 22,415 - Eu | macérée dans l'eau . … … - ; 6,946 P à seigle : sale sde seigle | — la solution d° aibes 41,559 1. Moyenne de six dosages. 2. Journ. f. Landw., XXIV, 18S6, p. 287 DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 12 On remarque nettement que la décomposition des matières or- ganiques est favorisée par une augmentation du taux d'albu- mine. Cette relation entre l'aptitude des matières à la décomposition et leur teneur en azote s'explique par ce fait que l’azote joue un grand rôle dans l'alimentation des microorganismes. On serait néanmoins mal fondé à tirer de ces faits la conclusion que le taux d’azote des matières organiques détermine étroitement leur faculté de décom- position. Cette opinion serait en contradiction avec l’observation, souvent constatée, que des matières particulièrement riches en azote, comme la corne, la tourbe, etc., ne se décomposent qu'avec une lenteur extrême. En scrutant de plus près les causes de ces faits, on se convainc qu'outre l’état mécanique de la matière et son taux en principes azotés, la forme de ces principes et les autres éléments constitutifs de la matière en question influent sur son aptitude à la décomposi- tion. La corrélation entre cette aptitude et le taux d’azote se vérifie seulement quand les éléments azotés sont facilement altérables, comme c’est le cas pour la plupart des matières albuminoïdes et quelques combinaisons azotées aisément décomposables (urine, sucs digestifs). Ceci est vrai non seulement pour loxydation du carbone, mais encore pour la formation de l’ammoniaque et des nitrates. Mais les substances organiques renferment, en outre, des combinai- sons azotées plus ou moins difficilement décomposables encore in- connues en général dans leur constitution intime. Si elles existent en assez grande proportion dans la matière, celle-ci, malgré son fort taux d’azote, se décomposera plus lentement qu’une autre ayant une moindre proportion de principes azolés plus facilement alté- rables. Les recherches précitées de TuxEN et MoRGEN démontrent que la transformation des matières azotées en éléments nutritifs assimi- lables présente déjà de grandes divergences, ce qui fait présumer que, suivant leur constitution chimique, elles seront aussi diverse- ment prédisposées à la décomposition. Dans les essais de TuxEx, l’azote de la poudre d’os et du guano de 14 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. poisson, par exemple, s’est montré bien plus soluble que celui du fumier de cheval et MoRGEN a trouvé que la matière azotée de la corne en poudre se dissolvait plus facilement que celle du cuir en poudre. Comme autre preuve citons l’observation de P. P. DeEné- RAIN‘ d’après laquelle les matières azotées du fumier nitrifiaient plus facilement que celles des tourteaux de maïs et du sol arable ; c’est dans ce dernier que la nitrification se faisait le plus lente- ment. À. SruTzER et VW. KLINGENBERG* ont proposé, pour déter- miner l'efficacité de l’azote en combinaison organique, de traiter les engrais organiques azotés (poudre d'os, de sang, de corne, de cuir, güano de poisson, excréments, poudrette, engrais verts, tourbe, etc.), par une solution digestive, telle que le chlorhydrate de pepsine. Ils choisirent cette matière qui digère l’albumine, parce que les principes azolés des os, du sang, etc., sont très voisins de l’albumine et que des essais préalables avaient donné de meilleurs résultats qu'avec le suc intestinal, qui dissout également l’albu- mine. On ne peut naturellement pas affirmer que les données acquises par cette méthode soient directement applicables à la décomposition dans le sol des matières organiques azotées et que la dissolution s’y fasse exactement de la même façon, mais les processus sont analogues, et le procédé en question peut établir d’une manière approchée la valeur relative des diverses formes d'azote combiné. D’après ces recherches, il semble y avoir, dans les engrais comme dans les fourrages, deux groupes de composés azotés nettement dis- tincts, l’un soluble, l’autre insoluble dans la pepsine. La nature de ce dernier groupe est encore à établir ; ces auteurs admettent qu'il doit son origine à la nucléine. Ce principe extrêmement réfractaire se rencontre, plus ou moins modifié, dans presque toutes les matières animales ou végétales, et même l'azote de la tourbe, ainsi qu’une grande partie de celui du sol, devraient être rapportés en dernière analyse, d’après ces auteurs, à la nucléine qui existait primitivement dans les plantes. 1. Annales agronomiques, t. XIII, 1887, p. 241-261. 2. Journal fur Landwirthschaft, 30° année, 1882, p. 263-250. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 19 Voici les valeurs moyennes obtenues dans ces essais : SUR 100 PARTIES, AZOTE la pepsine DÉSIGNATION DES ENGRAIS. ——_——— —— total. : un CL dissout. 9 dissout pas. Sang desséché et pulvérisé . 13.54 89.75 10.25 Déchels de cuir en poudre . . . 6.91 39.19 60.81 Corne en poudre, grillée . Are 13.70 40.73 29217 — brtite TADÉC A - CUT 7.06 29.49 76,957 Poudrette de Liernu, traitée par le borax . 6.77 80.23 ei = non traitée par le borax. GET 83.36 16.64 Poudrette de Metz. . . . 155 22.92 77.08 Déche:s de laine, . 10.55 2.72 97.28 : ; em 95.45 4.55 Poudre d'os brute. . | 3.94 97 95 2 05 5 A a 4.31 92.74 7.26 Poudre d'os soumise à la vapeur . 2 43 88 35 11.65 Guano brut du Pérou, traité par le borax. . 11.08 94.53 5.47 Les grandes différences que ces chiffres dévoilent dans la solu- bilité de l'azote des diverses substances concordent généralement avec les données de la pratique sur l’efficacité des engrais. Elles se trouvent aussi, à peu d’exceptions près, en accord avec les valeurs que j'ai obtenues pour l'aptitude à la décomposition”. Parmi les éléments accessoires des matières organiques qui in- fluent sur la décomposition, il y a surtout à considérer les résines, les cires, les graisses et les tannins. La présence des résines est par- ticulièrement importante dans la tourbe. La lenteur avec laquelle la tourbe s’altère tient non seulement à l'état peu soluble de ses composés azotés, mais aussi à sa teneur en matières résineuses et tanniques. Les matières résineuses, solubles dans le mélange d’alcool et d’éther, existent souvent en proportion notable et d’autant plus forte que la tourbe est plus ancienne. Quand ces résines enveloppent la substance organique, elles empêchent l’action directe des facteurs de décomposition, particulièrement 1. Dans la poudre d'os traitée par la vapeur il y a relativement moins d'azote dis- sous que dans la poudre brute, parce que les matières azotées, facilement solubles, ont été extraites des os lors du traitement. Get inconvénient est compensé par certains avantages (pulvérisation plus parfaite et par suite action plus rapide). 16 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. l’arrivée de l’eau et de l'air, et, par suite, ralentissent singulièrement celte décomposition. C’est ce que montre une expérience spéciale que j'ai faite sur de la tourbe de Schleisheim *. Le taux de résine s’é- levait à 5.12 p. 100. Il s’est dégagé : Volume d'acide carbonique dans 4000 volumes d'air. TOURBE — traitée pure. pars l’alcoo!l et l’éther bouillants. Moyenne de quatre dosages. . . 25,995 50,651 Il s'ensuit que la résine est un obstacle à la décomposition de la tourbe. La lenteur de la décomposition de certaines substances d’origine organique employées comme engrais a élé souvent attribuée à la matière grasse qu’elles contenaient, sans que cette opinion ail été appuyée sur des chiffres. Pour faire cette preuve, j'ai pris” divers engrais riches en matière orasse, notamment du guano de Fray-Bentos (formé de déchets de viande), de la poudre de viande, de la poudre d’os, des aiguilles d’épicéa et de pin pulvérisées, des tourteaux de colza ; une partie fut laissée telle, l’autre fut privée de sa matière grasse par léther. Dans les essais [et IT, les prises d’essai commencèrent quand Péther fut complètement évaporé, ce qui exigeail quatre à cinq jours. Mais lorsqu'on vit que, contrairement aux idées reçues, la portion débar- rassée de la matière grasse se décomposait plus lentement que la substance fraiche et que ce résultat était peut-être dû à l'action antiseptique de Péther, on laissa, dans les essais IT et IV, les échan- üllons traités par l’éther exposés à l'air libre pendant deux mois avant de les soumettre à la décomposition. Pour plus de sûreté, on plaça dans les mêmes conditions des échantillons non traités. Dans chaque essai, la quantité de substance employée était de 4 grammes, qu'on mélangeait à 400 grammes de sable quartzeux {. Journ. f. Landw., 1886, p. 289. 2. 1bid., 1886, p. 292. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. auf et qu'on humectait avec 40 grammes d’eau. Le tout, mis dans des tubes en U, était traité suivant la méthode plusieurs fois décrite. Voici les résultats des dosages de l'acide carbonique. Volume de C0? dans 1000 volumes d'air. Sans Avec Sans Avec Sans Avec sa sa sa sa sa sa | matière | matière | matière | matière | matière | matière! grasse. | grasse. | grasse. | grasse. | grasse.| grasse. mms omnecmeeees | ccm | commen | mms Gus Guano de Fray-Bentos. Poudre de viande. Poudre d’os. ————— [. Moyenne de six dosages . .[20,037/21,279/28,001 © 27,184 24,577]25,967 Tourteau de colza. | Aiguilles d’épicéa.| Aiguilles de pôn. A “ — —— Il. Moyenne de six dosages . .|15,732|18,989 7,381/10,058 9,899 1 A 12,086 Tourteau de colza. | Aiguilles d'épicéa.| Aiguilles de pin. — 2" | "° —— HI. Moyenne de neuf dosages. . 17,312]17,719 148521802717 11,339/10,738 Poudre d’ SUR Poudre de viand ouare os. de Fray-Bentos. oudre de viande. 2 © © | a — A, | 2 © © © | | IV. Moyenne de huit dosages. .119,476 22,165/20,941/24,670|21,999|22,799 Ces chiffres montrent, presque sans exception, que l'extraction des matières grasses, au lieu de favoriser la décomposition, l’a au contraire entravée. Bien que les différences dans les dosages ne soient pas très grandes, elles sont pourtant nettes. Il est difficile de décider expérimentalement si le traitement par l’éther à amené des modifications chimiques qui diminuent l'aptitude à la décom- position, ou si cette diminulion est due aux propriétés antisep- tiques de l’éther. Si l’on s’en tient aux résultats précédents, on pourrait conclure qu’on n’active pas la décomposition des engrais riches en matière grasse en les en débarrassant par le sulfure de carbone ou la benzine, comme on l’a proposé souvent dans ces derniers temps. Étant donné que les matières expérimentées sans traitement préalable ont accusé un très fort dégagement d'acide carbonique, il est juste d'admettre que la matière. grasse est à peu ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE, — 1899. — It. 2 18 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. près sans influence sur la décomposition des substances qui en sont imprégnées. Pour beaucoup de matières, telles que la tourbe, le cuir, les feuilles d'arbre, etc., le taux de tannin semble influer fortement sur la décomposition. Ces tannins sont par eux-mêmes extrêmement ins- tables et enclins à s’allérer, mais avec les principes albuminoïdes ils forment des composés trés résistants. Pour le montrer, j'ai brové’ finement des pailles de seigle d'hiver, de maïs, des feuilles de soja, je les ai fait macérer soit dans l’eau, soit dans des solutions tan- niques de concentration diverse pendant quarante-huit heures, puis dessécher à la température de la chambre. Après les avoir mélan- gées à du sable et à d’égales quantités d’eau, je les ai soumises à la décomposition dans des tubes en U, à une température de 30°. La moyenne de six dosages d’acide carbonique a été la suivante : Volume, de C0? dans 14000 volumes d'air. MACÉRÉ 2 — dans ee une solution dans l’eau. AE ARE à 1 p. 100. Paille de seigle d'hiver. . . . 10,611 6,457 Paillerde mais meer 19,492 13,435 Feuilles de SOA SERRE ER 28,115 12,596 MACÉRÉ RE dans RE l'eau. 34 p.100. à 2 p.100. à Æ p.100. à 8 p. 100. dans une solution de tannin — Feuilles de soja . . . 2165692109 007 195 008.-18,052 16,029 Ces chiffres montrent que la décomposilion des matières orga- niques est sensiblement ralentie par la présence du taniin. J'ai cherché à déterminer? dans quelle mesure la décomposition est influencée par les principes minéraux que renferment les ma- tières organiques ; pour cela j'ai fait bouillir deux échantillons de tourbe et de sol riche en humus pesant respectivement 75 grammes 1. Journ. f. Landw., 1886, p. 288. 2. Ibid., 1886, p. 252. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 19 et 300 grammes, l’un avec de l’acide chlorhydrique étendu, l’autre avec de l’eau distillée ; après dessiccalion, je les ai humectés avec 80 grammes d’eau et j'ai dosé les quantités d'acide carbonique qui se dégageaient à 30° pendant vingt-quatre heures en présence de l'air. Voici les nombres trouvés : Volume de C0° dans 4000 volumes d'air. SOL RICHE Dee TOURBE UILLIE en humus bouilli ci HACAUE EEE — avec * avec acidechlorhy- avec eau. acidechlorhy- avec eau, drique. drique. Moyenne de cinq dosages. 41,342 50,658 8,037 35,904 Donc les échantillons dépouillés par l'acide chlorhydrique de leurs principes minéraux solubles ont dégagé üne quantité beaucoup plus faible d'acide carbonique que ceux qui sont restés inallérés. Pour mieux éclairer ces faits, je fis encore deux essais où j’ajou- tai à des mélanges artificiels de sols des solutions nutritives conte- nant par litre 08,4 de tartrate d’ammoniaque, 05,2 de phosphate de potasse (KI PO‘), 05,2 de chlorure de potassium, 08,1 de sul- fate de magnésie et 05,1 de nitrate de chaux. Le taux de cette solu- tion correspondait donc à 0.1 p. 100. J’employai aussi une solution de concentration double (0.2 p. 100). Dans lessai [, le mélange consistait en 400 grammes de sable quartzeux, # grammes de paille de seigle d'hiver pulvérisée, le tout arrosé de 40 centimètres cubes d’eau ou des susdites solutions ; dans l'essai IL il y avait 400 grammes de sable quartzeux, 4 grammes de poussière de tourbe et 60 centimètres cubes de solution. Voici les quantités d’acide carbonique dégagées à 30° : Volume de C0° dans 1000 volumes d'air. S OLUTION E A U. "A — à O.1 p. 100. à 0.2 p. 100. FFE SEE 16,672 20,256 20,400 RSS RER PEU 2 6,833 : 7,872 8,612 Ces deux expériences concordantes montrent que l'oxydation du 20 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. carbone des matières organiques est sensiblement favorisée par l’ad- dilion d’une solution diluée renfermant tous les principes nutriufs, sans doute parce qu’en présence de composés facilement assimilables (tartrate d'ammoniaque, matières organiques azotées) les microor- sanismes intervenant dans la décomposition sont mieux nourris et pullulent davantage. E) Décomposition des matières organiques employées comme engrais. — Les délrilus animaux et végétaux employés comme en- grais présentent les plus grandes différences dans leur aptitude à la décomposition, suivant leur composition physique et chimique, par- fois aussi suivant des causes encore inconnues. Pour avoir une idée approchée de ce qui se passe à cet égard, j'ai pulvérisé les différents engrais’, j'en ai pris des quantités correspondant à 1 gramme de carbone, je les ai mélangées avec 400 grammes de sable quartzeux el 50 centimètres cubes d’eau et les ai soumises à la décomposition dans des tubes en U, dosant chaque jour pendant six Jours par la méthode de Pettenkofer l’acide carbonique dégagé en vingt-quatre heures. La moyenne des six dosages peut donner une idée de l’apti- tude relative des diverses substances à la décomposition. Le tableau ci-dessous indique ces moyennes. SAM eee MATIÈRES. de a de SATA carbone. HS ïl PpprEteRes air, p- 100 Poudre d'os soumise à la vapeur . 9124 10,82 31,769 GuAN Ode NPOISSON AREA SE) 3,63 28,453 Poudresdeiviande ACTE ARE 31:09 2,66 27,528 Fumier.d'oie 452% 12502 7755) 0 NE ERErs 43.43 2790 27,949 — 0e DISCO PCI EN ENRERRE 29.49 3,99 26,716 LL UCIPOULC Pr ARE NREE ER 33.16 4,01 25,379 GHANO AE PÉROU.. EE O NN 16.67 5,99 24,855 Faille te eo ae. 2er te CRE a) 1 2,52 23,673 RO ND OS rt NS VIN RER 40.75 2,45 22,156 —— ABMHÉVEEDIE annee ULIQURe 39.84 el 22,076 —— OL ESCEMDEINTEMNS PRET NRE 41.43 2,41 19,562 1. Journ. f. Landw., 1886, p. 274-2892, DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 21 TAUX 1 SL “d'acide £ MATIÈRES. de de conique carbone. Nbre 1 poor pans Paille de maïs. . . . BAFA RATES ENS 40.74 2,45 18,837 — de blé de ARTS An A CM 42,54 Des 18,560 — de seigle de printemps. . . . . . 41.95 2,38 18,189 «d'avoine de printemps... 4. 39.97 2,90 17,388 Fanes de pommes de terre. . . . . . . STE 2,88 17,956 PAPE UTEEVERIS nl 250 ner desole bris » LU 45.95 JS 4710122 Paille de seigle d'hiver . . . . . . . . 43.36 2,30 45,936 Fumier de pore frais . . . . À: 30.09 2,32 14,901 — decheval, à moitié dope cb 39073 D ADI 12,166 SUN AGREE PAISRES er lp Votes ati e 24.16 4,14 13,431 Ad Mouton frais 7 MO SIRUT 35.94 2,78 10,390 Pouure de euirfbrute nel? tn) hnk Li 48.82 2,09 9,507 RTS ANIn LM SH EE gr 48.22 2,08 9,936 REUHIESUE (Chênes 1.0 Nine 1t 43.20 DSi 9,421 Eh CO (ERNEST 49.22 2,03 8,424 Fokite de /edrmner brest UE 20e 45.40 2,20 7,170 Sciure d'épicéa . . , FEES 44.12 2,27 5,284 Tourbe (Cunrau), HE TE HAE OS 2,49 3,229 Tourbe (Donaumoos), couche ere ; 40.12 2,49 2,934 En les rangeant par groupes, on voit que la poudre d’os, le guano de poisson, la poudre de viande, les excréments des oiseaux de basse-cour se décomposent le plus facilement. Après viennent les pailles employées pour litière et les fumiers. Les cuirs et cornes en poudre et la couverture. des forêts se détruisent plus difficilement, mais c’est pour la sciure et enfin la tourbe que le phénomène est le plus lent. | | Les différences que l’on constate entre les nombres de la troisième colonne du tableau ne peuvent donner qu'une idée approchée du phénomène, d’abord parce que les matières n’ont pas été employées dans leur état naturel, mais pulvérisées, ensuile parce que l’aplitude plus ou moins grande des excréments et fumiers à la décomposition dépend aussi bien de l’alimentation que du degré d’altération de la masse ; et à ce propos, on peut faire ressorlir que les fumiers dési- gnés comme frais élaient déjà probablement entrés en décomposi- tion; on n'a pas pu le vérifier parce qu'ils venaient de points éloignés. £ 22 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. En s'appuyant sur les données précédentes, ainsi que sur d’autres observations et sur les résultats de la pratique, on peut, à propos de la décomposition des matières organiques employées comme en- grais, affirmer que {ous les délrilus animaux, à quelques exceplions près, se décomposent plus facilement que les végélaux, qu'il s'agisse de l'oxydation du carbone ou de la produchon d'ammoniaque et de la nitrificalion. On vient de voir que la poudre d’os et de viande, le euano de poisson, les fientes des oiseaux de basse-cour, le guano du Pérou s’altèrent plus vite que les autres matières d’origine végétale. I y a, d’ailleurs, dans la décomposition des détritus animaux de grandes différences que nous allons brièvement examiner. Les produits azotés de désassimilation (urée, acide hippurique, acide urique soit dans l’urine, soit dans les fientes d’oiseaux, prin- cipes azotés des sucs digestifs rejetés dans les excréments) sont ceux qui se transforment le plus vite : les portions des excréments qui proviennent des aliments non digérés sont plus rebelles; suivant leur taux d'azote et leur état physique, elles présentent de grandes difté- rences. Les excréments de l’homme, des pigeons et des poules se décomposent ordinairement beaucoup plus vite que ceux des canards et des oies qui sont plus aqueux et moins azotés. Ceux des chevaux et des moutons, vu leur taux relativement élevé d’azote, leur pau- vreté en eau, leur état poreux les rendant facilement pénétrables à l'air, subissent une décomposition bien plus active que ceux des vaches et des porcs qui ont des caractères opposés. Les déchets de viande (viande, viscères) des animaux domestiques, les chenilles, mollusques, larves se rapprochent sous ce rapport des excréments humains, tandis que les matières azotées analogues à la corne (cornes, sabots, poils, déchets de laine, chitine des insectes, déchets de cuir) font parlie de ces substances qui s’altérent avec le plus de difficulté, même en les comparant aux détritus végétaux. Quant à ceux-ci, on constate d’une manière générale qu’à l’elal vert, ils tombent plus facilement en décomposition que s'ils ont élé desséchés, puis humectés, et cette aptitude est proportionnelle à leur leneur en matières azolées. Font exception ces matières humiques qui se sont formées par le processus de la putréfaction en l’absence de l'air; exposées ensuite aux agents de décomposition, elles ne DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 23 s’allérent qu'avec une extrême lenteur, malgré leur richesse en azote. C’est le cas de la tourbe qui, de toutes les matières orga- niques étudiées, oppose le plus de résistance. Les causes de cette particularité ne sont pas encore bien connues et se rattachent probablement à certaines propriétés de la tourbe qui font obstacle à la pullulation des microorganismes ; elles tien- nent peut-être aussi aux matières bitumineuses et coriacées qui se trouvent dans la tourbe, diminuent Paction des agents d’altération et entravent la décomposition de la masse. Le taux d’azote de la substance n’est pas toujours proportionnel à l'intensité du phéno- mène, puisque la couverture des foréts, comme le montre le tableau ci-dessus, se décompose plus difficilement que les pailles plus pauvres pourtant en azole. Pour expliquer le fait, 1l faut en rapprocher cette circonstance que le taux de résine et de principes tanniques dans les aiguilles et dans les feuilles est un obstacle à l’altération de ces or- ganes. La décomposition lente de la couverture, telle qu’on l’observe dans la nature, tient aussi à la texture plus ou moins serrée de la masse qui diminue l'influence des divers facteurs, notamment celle de Pair. Par le mélange de matières facilement et difficilement décompo- sables, on peut fabriquer un ensemble ayant une aptitude moyenne à cet égard ; c’est ce qui se fait en grand dans la préparation des fumiers. En mélangeant les litières avec les excréments, on aug- mente l’aptitude de celles-là à la décomposition en diminuant celle de ces derniers. C’est ce qui arrive encore quand on incorpore du fumier de cheval « chaud » à du fumier de vache « froid ». Comme conclusion, il y aurait enfin à discuter les relations à ce point de vue entre les éléments azotés et non azotés des matières organiques. Abstraction faite des détails, il résulte de nombreuses observations que, dans une malière où existent ces deux sortes d’é- léments, les non-azotés se décomposent relativement plus vite que les azotés, si bien qu’à mesure que progresse l’altération, le taux cen- tésimal d’azote s'élève. Ceci est vrai surtout des substances végétales. Le phénomène est influencé aussi qualitativement par les conditions extérieures de l'eremacausis. 24 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Ces relations sont mises en évidence pour les produits végétaux par une recherche de J. NessLer ‘ qui dosa l’azote des feuilles de divers arbres forestiers à l’automne après leur chute et au prin- temps (mai), après qu’elles avaient passé tout l'hiver sur le sol en plein air. Le taux centésimal d'azote dans ces feuilles a été : FEUILLES A — de chêne. de hêtre. Non déCOMPOSÉES TS 1970 1,78 DÉCOMPOSCES EEE ARE 201 2,01 L’enrichissement en azote indiqué par ces chiffres et par d’autres recherches du même genre n’est pourtant que relatif. Il s'explique par ce fait que, dans les réactions, le carbone, l'hydrogène et l’oxy- gène disparaissent en proportions relativement plus fortes que l’a- zote. Celui-ci cependant diminue par transformation en ammoniaque et acide nitrique, mais il reste finalement un résidu qui se montre plus ou moins réfractaire suivant les circonstances (comme il résulte des recherches de TuxEn relatées ci-dessus, $ C). On y voit que 60-70 p. 100 des matières azotées de la poudre d'os, du guano de poisson et du fumier de cheval étaient transformées au bout de seize mois. Le reste représente-t-il les matières azotées plus diffici- lement attaquables de la substance primitive ou des composés azotés qui se transforment peu à peu en ammoniaque ? C’est là une ques- lion qui n’est pas encore résolue. Une partie de ces matières est sous forme d’amides, comme diverses observations l’ont établi?, une autre a vraisemblablement passé dans le corps des animaux et des microorganismes. Cette dernière opinion, soutenue par P. Kos- TYTCHEFF *, est très probable ; car 1l n’est pas douteux que les prin- cipes absorbés par ces êtres pour leur nutrition soient empruntés au substratum en décomposition et dans une mesure proportion- 1. Bericht über Arbeilen der grossh. Versuchsstation. Karlsruhe, 1870, p. 90. 2. À. Baumann, Ucber die Besliminung des im Boden enthallenen Ammoniak- slickstoffs und über die Menge des assimilirbaren Stickslofÿfs im unbearbeitcten Boden. Habilitationsschrift, 1886. 3. Annales agronomiques, t. XVII, 1891, p. 17-38. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 25. nelle à leur pullulation; précisément ces produits de décomposition, tels que les composés ammoniacaux et amidés, servent très bien d'aliments aux bactéries et aux champignons. Il est donc possible que, parallèlement à la destruction des matières albuminoïdes, il s’en fasse par voie synthétique une reconstruction. La quantité d’al- buminoïdes retenue par ce procédé est très variable et dépend essen- tiellement des conditions biologiques des animaux et des organismes inférieurs ; mais, dans la plupart des cas, elle ne doit constituer qu’une part relativement faible de la matière primitive; du moins c’est ce qu'on doit conclure de ce fait, bien démontré, que la plus grande partie des principes azolés des matières organiques soumises à l'eremacausis se transforme en nourriture assimilable pour les plantes. b) Conditions extérieures de l'eremacausis. Des relations ci-dessus décrites entre les agents extérieurs de la vie et les fonctions des organismes inférieurs, on doit conclure à priori que les décompositions qu’ils provoquent sont influencées par une série de facteurs. Les recherches précédemment exposées mon- trent que l’accès de l'air, l'humidité, la chaleur et certains composés chimiques ont la plus grande influence sur l’intensité de l’erema- Causis. À) Air. — L'accès de l'air doit être mis naturellement à la pre- mière place dans un processus qui est caractérisé comme étant surtout un processus d'oxydation. J'ai cherché à montrer de la façon suivante comment l’accès de l'oxygène retentit sur le dégagement de l’acide carbonique‘. Un mélange de 170 grammes de sable quartzeux et de 20 grammes de poussière de tourbe fut humecté avec 30 grammes d’eau et placé dans des tubes en U où arrivait soit de l’air avec des taux variés d'oxygène, soit de l'azote pur. Les quantités d’acide carbonique dé- gagées en vingt-quatre heures sont exprimées par les chiffres sui- 1. Journ. für Landw., 1886, p. 232. 26 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. vants (moyennes de sept dosages pour l’essai [et de six pour l'essai ID) : | Volume d'acide carbonique dans 1000 volumes d'air. L’air injecté renfermait : Essai I. 100 O. 67 O. 33 O0. 33 Az. 67 Az. 100 Az. Acide carbonique . . . 12,368 41,452 10,945 8,356 Essai II. 2470; 15 C. 8 O. 2.0. 79 Az. 85 Az. 92 Az. 98 Az. 100 Az. Acide carbonique. . . 12,509 10,883 10,078 3,619 3,336 On voit que l'oxydation du carbone augmente avec le taux d’oxy- gène sans lui être proportionnelle ; car au-dessus d’une certaine limite (8 p. 100 d'oxygène), l’augmentation d’acide carbonique est insignifiante, tandis qu’au-dessous sa production est fort diminuée. Elle ne cesse pourtant pas, même si l’oxygène est entièrement rem- placé par un gaz inerte, tel que l’azote. Ce fait a été mis en évidence encore par d’autres essais dus, les uns à moi, les autres à J. von Fopor. Il est difficile de décider si l’acide carbonique qu’on ren- contre dans ce dernier cas s’est formé aux dépens de substances réductibles (nitrates, sels de fer et de manganèse au maximum) ou si c’est du gaz produit avant le début de l'expérience et qui se dé- gage peu à peu. Il est probable que c’est à ces deux causes qu’est due la présence de l’acide carbonique dans un milieu sans oxygène. Les recherches de Th. ScHLæsinG * ont donné les mêmes résul- tats; le dégagement d’acide carbonique s’est accru avec le taux d'oxygène, mais, au delà d’une certaine limite, il s'est montré plus ou moins indépendant de la quantité d'oxygène et n’a pas cessé, même quand le sol n’a été pourvu que d’un gaz (azote) sans action sur la décomposition des matières organiques. Ainsi dans des mé- 1. Hygienische Untersuchungen über Luft, Boden und Wasser. Braunschweig, 1882. | DUC. /R:;t. LXXNIL 1873, p. 203 et393: DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 24 langes d’azote ei de 0, 6, 11, 18, 21 p. 100 d'oxygène, SciILŒsING a trouvé 96,3, 15"6,9, 16 milligr., 16"£,6 et 16 milligr. d’acide carbonique produit par jour dans 1 kilogr. de terre. On voit qu'ici encore, à partir de 6 p. 100 d’oxygène, la produc- tion d’acide carbonique est restée à peu près constante, quelle qu’ait été la quantité d'oxygène introduite dans le milieu. Les différences ont même été bien moindres que dans mes essais, ce qui tient au dispositif des expériences. Tandis que dans les miennes, le mélange d’air n’était renouvelé qu'après chaque prise, toutes les vingt-quatre heures, dans celles de ScHLŒsiNG ce renouvellement était beaucoup plus fréquent pour que l'air offert au sol eût toujours la même compo- sition. Ses résultats sont moins démonstratifs, parce qu’en employant des mélanges plus pauvres en oxygène que les miens, il fournissait néanmoins par cet incessant renouvellement des quantités d'oxygène suffisantes pour la décomposition complète des malières organiques. Les travaux de Th. ScaLæsinG * sur l'influence de l'air dans la nitrification ont montré qu’elle dépend de la quantité d’oxygène en présence, mais peul se produire encore nettement avec un accès d’air hmité. Cet auteur a fait passer à travers cinq échantillons d’un sol riche en humus (2 kilogr.) des mélanges d’oxygène et d’azote en diverses proportions. Les quantités de nitrate formées du 5 juillet au 7 novembre 1872 ont été : Proportion d'oxygène dans l'air. p. 400 1.5 6 1{ 16 21 DOMOTIQUE Dee. ce mINgT. 40:71 99,1 132,5::246:6% 162,6 La quantité d'acide nitrique croit donc avec le taux d’oxygêne, mais elle est encore assez forte même avec une faible proportion de ce gaz, circonstance qui s'explique peut-être par le dispositif de l'expérience. Pour maintenir constante la composition de l’air occlus dans le sol, on y fit passer le mélange d’air sans interruption, ce qui fait que, même avec un faible taux d'oxygène dans le mélange, il y avail d’assez grandes quantités de ce gaz disponibles pour l’oxy- dation. , Loc:"cil. Î 2. ScHLæsiNG pense qu'il ÿ a eu probablement interversion dans ces deux résultats. 28 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les résullats suivants d’une expérience de v. Foror’ montrent que la nitrification s'arrête en l’absence d'air. Il remplit un large tube de zinc avec 3 kilogr. de sol humide et le ferma par un bou- chon de caoutchouc. Après l'avoir laissé pendant trois semaines à la température de la chambre, il l’arrosa de 100 centimètres cubes d’eau, puis, pendant seize jours, il aspira de l’air à travers ce sol et l’arrosa encore une fois avec 100 centimètres cubes d’eau. Il re- boucha le tube et, au bout de vingt-trois jours, l’arrosa d’eau dis- tilée. L'eau employée à l’arrosage fut analysée après son passage à travers le sol. 100 centimètres cubes renfermaient en milligrammes : ACIDE TT AMMONIAQUE. nitrique. nitreux. ue pets 0,0 0,12 18,0 | Aloe 0,0 0,12 16,0 pese | a. 4,1 0,13 10,0 TIPUE 3,8 0,13 8,0 À nouveau sans air. . | 7 ose Gien Gas Fes Hcibe 0,090 0.00 par accident) En présence de l’air, la décomposition a donc lieu avec formation d’acide nitrique et nitreux ; mais en l’absence d'air, au lieu d’acide mirique, il se produit de l’ammoniaque ; il n’y a pas trace d’acide nitrique; bien plus, quand l'air fait défaut, l’acide nitreux déjà formé et même la plus grande partie de l'acide nitrique sont de nouveau réduits. Les observations de Bouss:nGaurr* et de MILLON”, montrant qu’un sol saturé d’eau, peu perméable à l'air, ne nitrifie pas, concordent avec celles de Fonor. En résumant les résultats précédents, on peut dire que : 1° L’intensité de l'eremacausis (oxydation du carbone el de l'azote) augmente en général avec le laux d'oxygène fourni, mais pas pro- porlionnellement ; d'abord progressive, l'augmentation devient insi- gnifiante à partir d’une certaine limite ; 2° L’acide carbonique peut se produire même en l'absence d'oxy- gène, mais dans une faible mesure ; . Loc.“cit. Court. EXXXYL D: CLR TAUTX SD. 282 COS USE DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 29 3° En l'absence d'air, non seulement la nitrification ne se fait pas, mais les nitrates el les nilriles du sol se réduisent. IL était logique, dans le mème ordre d'idées, de rechercher si l'influence de l'oxygène actif (ozone) sur l’eremacausis élait la même que celle de l'oxygène ordinaire. Pour résoudre la question, je fis passer ‘, à travers du sable calcaire riche en humus (300 grammes) additionné de 80 grammes d’eau, soit de l'air, soit de l'oxygène pur, soit de l'air ozonisé. Celui-ci était préparé en faisant passer de l'air à travers un flacon rempli d'essence de lérébenthine (4) ou à travers un vase dont le fond était garni d’une solution de perman- ganate de potasse additionnée d'acide sulfurique (b). La moyenne de sept dosages donna, pour le dégagement d'acide carbonique, les chiffres suivants : Volume d'acide carbonique dans 4000 volumes d'air. AIR OZONISÉ. AIR OXYGÈNE. — a — atmosphé- a. b. rique. Acide carbonique. . . 86,849 73,216 68,497 79,212 Dans un second essai, l’air fut ozonisé en le faisant passer par aspiration dans un flacon sur le fond duquel se trouvaient des bà- tons de phosphore à demi recouverts d'eau. Entre ce flacon et le tube en U contenant le sol en expérience on intercala un vase plein d’eau pour purifier l’air du nitrate d’ammoniaque naissant en pré- sence de l'ozone. Dans un cas (A), on employa de nouveau le sable calcaire riche en humus (140 grammes avec 35 grammes d’eau), dans l’autre (B), un mélange de sable quartzeux (170 grammes), de tourbe pulvé- risée (20 grammes) et de 30 grammes d’éau. Voici les résultats (moyennes de huit dosages) : Volume d’acide carbonique dans 4000 volumes d’air. A. B: RE EE AIR AIR AIR AIR ozonisé. ordinaire. ozonisé. ordinaire. Acide carbonique. . . 22,228 27,976 13,687 42,947 1. Journ. f. Landw., 1886, p. 256. 30 _. ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Le sol avec tourbe donnant un résultat différent de ceux obtenus auparavant, .on dut recommencer l'essai. Le dispositif fut le même, avec celte seule différence qu’au lieu de sable calcaire riche en humus on employa un mélange (A) de 170 grammes de sable quartzeux, 2 grammes de fumier de cheval pulvérisé et 20 grammes d’eau. L'analyse de Pair extrait du sol accusa les différences sui- vantes (moyennes de six dosages) : Volume d'acide carbonique dans 1 000 volumes d'air. A. B. © A A — AIR AIR AIR AIR ozonisé. ordinaire. ozonisé. ordinaire, Acide carbonique. . . 23,174 30,745 14,949 9,406 L'ozone ralentil donc en général l’eremucausis des malières orga- niques. C’est seulement pour la tourbe que le contraire se produil. I est difficile jusqu’à présent de donner une explication plausible de ces résultats. Il est certain que l’ozone, puissant agent d’oxyda- tion, a diminué la production d’acide carbonique dans des matières organiques facilement décomposables. Ceci ne peut s'expliquer qu’en admettant que l'ozone a entravé l’activité vitale des organismes qui interviennent dans la décomposition. Pour la tourbe, il se peut que les combinaisons carbonées qui s’y trouvent mélangées à l’humus en quantités assez considérables soient directement attaquées par l'ozone et que ce soit la cause de l’augmentation observée dans la production de l’acide carbonique. B) Chaleur. — Puisque la destruction des matières organiques est liée à l’activité de certains êtres, on ne doit pas s'étonner que la chaleur joue un grand rôle dans le phénomène. J. MôLLER ‘ eLJ. VON Fopor * ont trouvé que le dégagement d’acide carbonique augmente en général avec la température et ne cesse pas à 60°, quoique, au delà de cette limite, il diminue. Dans mes recherches sur cette question, j’employai le même dis- 1. Millheilungen aus dem forstlichen Versuchswesen Œsterreichs. Nienne, 1878, vol. I, fase. 2. 2. Hygienische Untersuchungen über Luft, Boden und Wasser, ?° partie. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. SA positif que dans mes précédents essais, avec cette seule différence que les tubes en U contenant les matières en expérience étaient plongés, non plus dans une cuve commune, mais chacun dans un vase spécial rempli d’eau. Dans ces vases où l’eau devait avoir une température constante de 10° se trouvait un serpentin en plomb où circulait de l’eau à 5-6°. La source de chaleur était un bec de gaz placé sous Chaque vase et muni d’un régulateur (thermostat de Soxhlet). Pour le reste, il fut procédé exactement comme pour les recherches expo- sées précédemment. La quantité d’eau aspirée était chaque fois d’un litre. Voici les résultats exprimant la moyenne de 2-3 dosages : Volume d'acide carbonique dans 1000 volumes d'air. TEMPÉRATURE DU SOL. TAUX d'eau. 40». 20». 30c. 40. 50. p. 10). I. Terre de compost : 372 gr. 41.00 2,80 15,46 36,24 42,61 76,32 IL. Sable calcaire pur .avec | tourbe pulvérisée : 458,0 13.09 5,42 144,56 20,73 32,04 42,42 IT. Terre de compost : 284570 6.79 2,03 3,22 6,86 14,69 25,17 IV. — 340,8 26:79 18,38 54,24 63,50 80,06 81,52 Y. ee 3975%,6 46.79 35,07 64,49 82,21 91,86 97,48 D’après ces chiffres, la production d’acide carbonique dans les sols augmente avec la température, d’abord très vite; puis de plus en plus lentement. Concluons donc que /x décomposition des matières organiques, loutes conditions extérieures égales, s'accélère à mesure que la lempérature s'élève. Les limites de température au-dessus desquelles l'oxydation du carbone s’arrête et dans l’intérieur desquelles se fait l’eremacausis avec une intensité croissante et décroissante, n’ont pas encore été déterminées exactement. Il ne semble pas qu’il y ait un dégagement d'acide carbonique au-dessous de 0° ; les quantités de ce gaz ré- coltées dans ces conditions provenaient de réactions survenues anté- rieurement à la gelée, à des températures plus élevées. J. MôLLER”" en a donné la preuve expérimentale. Au-dessus du 1. Il plaça 600 grammes de terre fumée dans un mélange réfrigérant de glace et de sel et dosa l'acide carbonique contenu dans un litre de l'air du sol — 50"8,4. Le lendemain le mélange réfrigérant était fondu et fut renouvelé. La terre resta alors dix heures gelée. Des prises d'air faites pendant ce temps, la première accusa dans 32 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. point de congélation de l'eau, l'oxydation du carbone augmente constamment avec la température jusqu'à un certain degré (opli- mum) au delà duquel elle décroit pour des températures de plus en plus élevées el finalement s'arréle (maximum). L'optimum et Île maximum de chaleur relatifs à la production de l’acide carbonique ne sont pas encore suffisamment déterminés. D’après mes recherches et celles de J. MüLLER, l’optimum serait vers 50-60° ; mais les résul- lats ne sont pas à l’abri des objections, parce que les observations n’ont pas été continuées assez longtemps et qu’une plus ou moins forte portion de l'acide dosé peut provenir du gaz qui s’étail dégagé avant l'installation des expériences. Les résultats obtenus par P. Kosryrscuerr * semblent plus dignes de confiance, parce qu'il a déterminé en dixièmes de milligramme les quantités d’acide carbonique que 100 grammes de feuilles fraiches de bouleau desséchées et pulvérisées dégageaient à divers degrés de température et d'humidité. Voici ses chiffres : HUMIDITÉ POUR 100. TEMPÉRATURE. EEE ER RS 5 78.9 64.1 38.7 4147 3.6 DSSRÉTEREREERS 1 950 2 OSS 2 254 43 0 LAN TEE 3 789 3 445 5 154 23 0 SD de the De TNA e 14913 15 441 15 022 122 0 DO ET Ve » 188 5 494 9 44 919 59 CODE LE 3 821 JO 4 132 657 102 L’optimum de température pour le dégagement de Pacide carbo- nique est donc environ 39°, le maximum dépasse 69° et git, suivant toute vraisemblance, vers 80°. Quant à l’oxydalion de l'azote (nitrification), les recherches de Th. ScuL œsiNG ont appris qu’elle se fait avec une lenteur extrême à 9°, qu’elle est nettement sensible à 12, qu’elle atteint son optimum à 37° et qu’à 99° elle cesse complètement. un litre 445,4, la seconde 9"5,6, la troisième 25,4 et la dernière seulement 05,4 d'acidé carbonique. Un second essai où MürLer avait placé la même terre dans un mélange réfrigérant donna, pour le premier litre, 158,2, pour les deux suivants, aspirés à deux heures d'intervalle, 0"#,8 et 0%,4, donc à peine plus qu’il n'en existe dans l'atmosphère. Annales de la Science agronomique française et étrangère, 1887, t. II, p. 165. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. De C) Humidité. —J.MôrLera cherché à déterminer par divers essais le rôle joué par l’eau dans la décomposition de la matière organique. Dans une terre fumée qui avait élé desséchée à 100°, il n’y eut aucun dégagement d’acide carbonique. Mais les analyses ci-après montrent que, par la seule influence des rayons solaires, la terre peut devenir assez sèche pour que ce gaz ne s’y forme plus. Des feuilles de charme et des aiguilles de pin noir furent desséchées au soleil, et 5 grammes furent mélangés à 500 grammes de sable quartzeux desséché de la même façon. On mit aussi en expérience 300 grammes de terre de compost sé- chée au soleil. Les trois sols furent placés dans des appareils tels que l'air atmosphérique ne pouvait y arriver; celui qui était introduit après les prises d’essai était dépouillé de son acide carbonique: Le tableau suivant donne les résultats exprimés en volume d’acide car- bonique pour 1 000 volumes d’air. TERRE D) S. AIGUILLES. FEUILLES GUILLES de compost. 13 juillet. CNRC ICE 0.87 2.60 » ÉERA SUE 0.55 0.99 4.38 GIE NES Da FT ER Re » » 2502 PO EEE BUS A EST EG 0.43 0.00 0.87 LINE ER 0.00 » 0.00 UE LES NE 0.00 0.00 0.00 Le dernier jour, MôLLER introduisit dans chaque vase 50 centi- mètres cubes d’eau distillée, préalablement bouillie. Les dosages d’acide carbonique donnèrent alors les résultats suivants : TERRE JUILLES. AIGUILLES. FEU 5 2LES. Ge compost. CEE IC PAR 5.45 1.30 4.58 See te Ro: 1.30 0.87 9.98 SD Cane her. 28.17 7.58 26.44 SM TROUS LU 36.84 10.83 20.04 RER ARR EN 49.29 13.00 21.66 Il résulte de ces chiffres que le desséchement du sol est lié à son appauvrissement en acide carbonique, tandis que l'humidité aug- mente le dégagement de ce gaz dans une proportion considérable. 1. Miltheilungen, elc., vol. I, fase. 2, 1878, p. 136-140. = | ANN. SCIENCE AGRON. — 92° SÉRIE, — 1899. — 71. 3 34 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. J. von Fopor ‘ a employé, pour ses recherches sur ce sujet, des poids égaux de sable auxquels furent intimement mélangés 5 grammes de sucre et 1 gramme d’urée ; il les arrosa de quantités variables d’eau, et obtint en vingt-quatre heures les volumes suivants d’acide carbonique : TENEUR DU SOL EN EAU. EE 2 p.10). Æ p. 100. 8 p. 100. 47 p.100. 30 mai 1877 . 2.0 24.0 41.0 66.0 31 — 3.0 18.6 44,7 74.1 9 juin 1877. 2.0 121.4 135.0 211.4 Il est évident que l'humidité hâte la décomposition des matières organiques ; mais quand l'humidité croît en progression géomé- trique, acide carbonique croit seulement en progression arithmé- tique. Il y a une énorme différence dans l'intensité du phénomène quañd le taux d’eau passe de 2 p. 100 à 4 p. 100. Avec 2 p. 106 d’eau, il se développe à peine une trace d’acide carbonique et après un temps assez long ; avec 4 p. 100 le dégagement est déjà considé- rable ; il est 10-20 fois plus grand qu'avec 2 p.100. I! semble suffire que l'humidité d’un sol atteigne 4 p. 100 pour que la décomposition s’y fasse presque avec pleine intensité ; d'autre part, le sol n’a qu’à perdre 1-2 p. 100 pour qu’elle s'arrête. Dans mes essais ?, Les sols desséchés à l'air furent mélangés avec soin et partagés en plusieurs portions de poids égal dont chacune, mise dans une capsule de porcelaine, fut malaxée avec la quantité voulue d’eau distillée de façon à avoir une masse aussi homogène que possible et fut ensuite placée dans les tubes en U. Volume d’acide carbonique dans 1000 volumes d’air. TEMPÉRATURE DU so (terre de compost). TAUX se d’eau. 10». 20». 30:. 40”. 50:. p. 100. 6.79 2,03 J 224 6,86 14,69 25,17 20H) 18,38 54,24 63,50 80,06 81,52 46.79 35,07 61,49 82,12 91,86 97,48 1ENLOC ACL, p.447 2. Journ. f. Landw., 1886, p. 243. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 39 Tous ces résultats sont concordants * et montrent que les malières organiques se décomposent d'autant plus vite qu'elles sont plus hu- mides. Ceci n’est vrai pourtaat qu’à condition que l’eau n’obstrue pas les pores au point d’entraver notablement l’accès de l’air. Aw delà d'une certaine proportion l'eau doit abaisser la production d'acide carbo- nique, parce qu’elle diminue l’afflux d’air ($ A, Air.) Le dégagement d’acide ne cesse cependant pas dans un sol saturé d’eau; fait ana- logue à celui qui a été observé quand, au lieu de plonger le sol dans l'air, on le met dans un gaz inerte ; mais dans les deux cas il dimi- nue énormément. J'ai prouvé qu’il en était ainsi par une expérience. De la tourbe de Kolbermoor (Haute-Bavière) fut bouillie pendant trois jours pour chasser tout l’acide carbonique et placée dans ua large tube de verre rempli d’eau. À chaque dosage d’acide carbonique, on chassa de bas en haut 2 litres d'azote à travers le sol plongé sous l’eau et on fit passer le gaz dans les tubes à baryte. À la température de 30°, le volume d’acide carbonique dégagé (moyenne de sept dosages) fut de 1,683 pour 1 000 volumes d’air. Dans un second essai on procéda de même. Mais, pour pouvoir estimer en même temps la diminution provoquée par l’absence de l'air dans la formation d’acide carbo- nique, on fit passer pendant quelque temps à travers le sol, au lieu d'azote, de l’air atmosphérique sous pression, trois semaines après la dernière prise de gaz et on y dosa l’acide carbonique. La moyenne de treize dosages donne pour l'acide carbonique dégagé : En l'absence de l'air . . . 1,964 volumes pour 1 000 volumes. En présence de l'air . . . 5,165 — — On peut déduire de ces chiffres que l’oxydation du carbone dans un sol complètement imbibé n’est pas arrêtée, mais elle est notable- ment diminuée. Ces faits, rapprochés des résultats des expériences failes pour mesurer l’influence de l'air, c’est-à-dire de l’oxygène, sur la décomposition, semblent justifier cette conclusion que l'acide 1. Comparez aussi les résultats des expériences de Kostryrscugrr signalées plus haut. 30 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. carbonique se dégage avec le plus d'activité, quand la substance possède un laux moyen d'humidité (oplimum) à partir duquel, soil qu'il augmente, soit qu'il diminue, le dégagement se ralentit cons- Lamment jusqu'à devenir nul quand la subslance est à l’état de complète dessiccalion à l'air, et très faible quand elle est saturée d'eau”. Cette loi s'applique à la nitrification. Son intensité s’accroît avec le taux d’eau de la substance, entre certaines limites, comme il ré- sulte de l'expérience suivante de P. P. DEHÉRAIN ?. Il mit sous une cloche de verre, où se trouvait un vase rempli d’eau, de petits vases contenant 100 grammes de terre et arrosés de 5, 10, 15, 20 et 95 centimètres cubes d’eau. La terre contenait au début 05,160 d'’a- zote organique et 05,015 d’acide nitrique dans les 100 grammes. Les quantités de nitrate formées en quatre-vingt-dix jours ont été les suivantes : Quantité d’eau dans le sol. . . . cent. cub. 5 10 1520 Acide nitrique dans 100 gr. de terre. millig. 25 26 27 29 O2 19 [SA 1 Dans un second essai on ajouta aux 100 grammes de terre, 05,010 de sulfate d’ammoniaque. Pour le même laps de temps que dans l'expérience précédente, les quantités d’acide nitrique formées ont r élé : Quantité d'eau dans le sol. . . . cent. cu. 5 10 15 20 Acide nitrique dans 100 gr. de terre. milligr. 19 49 57 60 O1 12 O0) ' Si l’on considère en outre qu’une terre prise en pleine nitrifica- lon perd par la dessiccalion tout son pouvoir nitrifiant et que dans le sol gorgé d’eau il ne se forme pas trace d’acide nitrique, qu’au contraire celui qui existe se réduit”, on voit que les lois trouvées pour l'oxydation du carbone s’appliquent pleinement à celle de l’a- zote, en ce qui concerne l’action de l'humidité. 1. Les travaux de KosryrscHerr, analysés dans les Annales de la Science agrono- mique française el élrangère, 1887, t. Il, p. 165, sont aussi très instructifs à cet égard. 2. Annales agronomiques, t. XIII, 1887, p. 241-261. ? 3. J, “ox Fopon, Loc. cit. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 31 D) Lumière. — L'influence de la lumière sur les processus chi- miques de l’eremacausis n’a été jusqu'alors établie que pour la nitrification. D’après J. Sovxa *, la lumière l'entrave, tandis que l’obscurité a une action favorable. De deux échantillons de sable humecté d’urine étendue, l’un fut exposé à la lumière, l’autre à l'obscurité. Pour 100 centimètres cubes d'urine, l'azote trouvé sous forme de nitrate et de nitrite s’éleva : ESSAI I, ESSAI II, milligr. milligr. ATARI T ENT REN ER 19 110 AMRODSCUTITE A PEUR 86 360 R. WARiNGroN ? a obtenu des résultats analogues. ro] E) Électricité. — On a affirmé de divers côtés qu’une solution de certains éléments du sol pouvait être influencée par un courant gal- vanique *. Comme il pouvait se faire qu’il y eût aussi influence sur la décomposition des matières organiques, je fus amené“ à soumettre cette question à une épreuve expérimentale. Les sols imprégnés d’égales quantités d'une même solution furent placés dans des tubes en U, suivant le dispositif maintes fois employé, et dans les deux branches en contact intime avec le sol et à sa surface furent dispo- sées des plaques métalliques reliées par des fils de cuivre aux pôles d’une batterie électrique ou d’une bobine d’induction. Voici les quantités d'acide carbonique dégagées à la température de 30° à intervalles égaux de vingt-quatre heures (moyenne de huit dosages). Volume d’acide carbonique dans 1 000 volumes d'air. COURANT d’induction jrs PE £ FE 9 élé Meiïdinger. Meidinger, électricité. (2 éléments). 8 5 2 ÉLÉMENTS 1 ÉLÉMENT SANS I. Mélange de 450 gr. sable quartzeux, 2 gr. fumier de cheval en poudre et 60 gr. eau distillée . . . . 12,12 12,37 42,74 19325 . Zeilschrift für Biologie, vol. XIV, 1878. . Landw. Versuchsslationen, vol. XXIV, 1879, p. 161-166. . Agronomische Zeilung, 1861, p. 50. 4. Forschungen auf dem Gebicle der Agrikullurphysik, vol. XI, 1888, p. 105-111. O2 19 38 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. COURANT 3 ÉLÉMENTS 1 ÉLÉMENT SANS d’induction (3 éléments). Meidinger. Meidinger. élccetricité. II. Mélange de 450 gr. sable quartzeux, 2 gr. paille de seigle pulvérisée et 60 gr. d'eau distillée. . . . 1,19 7,23 7,60 7,57 II. Mélange de 450 gr. sable quartzeux, 2? gr. poussière de tourbe d'OI- denburg et 60 gr. d'eau distillée. 2,31 2,17 2,24 2,25 IV. 250 gr. de sol (sable caleaire riche en humus) et 80 gr. d'eau dis- UGC NE RE 1500 14,36 15,89 15,54 COURANT 5 ÉLÉMENTS SANS d'induction (5éléments). Meidinger. électricité. V. Mélange de 450 gr. sable quartzeux, 2 gr. fumier de cheval en poudre et 60 gr. d'EAUNAISTUÉCS SRE Pr 11,89 12,96 11,41 VI, 250 gr. de sol (sable calcaire riche en humus) et 50 gr. d'eau distillée. . . . 11,32 11,88 42,45 VII. Mélange de 450 gr. sable quartzeux, 2 gr. paille de seigle pulvérisée et 60 gr. d’eau ISSU SEE Er RE 5,89 6,98 6,69 Ces chiffres montrent avec une parfaite concordance que la dé- composilion des matières organiques n’est influencée ni par des cou- rants d'induction, ni par des courants galvaniques d’intensités diverses. Pour déterminer linfluence d’un courant galvanique sur la nitri- fication, 2%,5 de terre de jardin humide bien mélangée furent mis à l’état humide dans deux cylindres en verre qu’on couvril d’une feuille de carton et qu’on exposa pendant trois mois à la chaleur tempérée d’une chambre. Pendant tout ce temps, on fit passer à travers la terre d’un des cylindres le courant électrique fourai par un élément Meidinger. Les deux échantillons furent à la fin épuisés à laide de 2 litres d’eau distillée. Dans la liqueur filtrée, on trouva les quantités suivantes d’ammoniaque et d’acide nitrique rapportées à 1 000 parties de sol sec : . ACIDE AMMOXTAQUE. Hitcique, DOIMÉIECITIS EEE RE 0,006 0,088 Sol non électrisé . . . . . 0,010 0,077 DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 39 Ces nombres accusent une faible augmentation dans la nitrifica- tion, grâce à un courant galvanique peu intense ; mais ce résultat n’est pas très probant à cause de l’extrème pauvreté de la terre en combinaisons azotées solubles. F) Agents chimiques. — La présence des acides, des bases, des sels a une influence considérable sur les processus de l’eremacausis, et c’est là un fait des plus importants pour la pratique, puisqu'il donne la possibilité de modifier les réactions dans un sens déter- miné. D’après ce qu'ont appris les recherches faites jusqu'ici, les acides ralentissent l’eremacausis. Je l’ai prouvé’ en dosant l’acide carbo- nique qui se dégageait en présence de l'air et en vingt-quatre heures d’un mélange de sable quartzeux (400 grammes) et de fu- mier de cheval en poudre (2 grammes) additionné de 40 centi- mètres cubes d’ure solution d'acides minéraux à 0.1 p. 100 où 0.2 p. 100 ou simplement arrosé de 40 centimètres cubes d’eau dis- üllée. Les résultats ci-après expriment la moyenne de huit dosages : Volume d'acide carbonique dans 1000 volumes d'air. ACIDE 7 Matière ajoutée . . EAU. chlorhydrique. sulfurique. nitrique, Re es A — = — — p. 100. p. 100. p. 100. p. 100. p- 100. Taux de la solution. » 0,1 0,2 0,1 0, 0,1 En pour-cent du sol. » 0,01 0,02 0,01 0,01 0,01 Acide carbonique. . 18,410 15,086 10,477 12,503 10,294 17,380 Ces chiffres montrent que l'oxydation du carbone dans l’erema- causis, en présence des acides minéraux, méme dilués, se ralentit d'autant plus qu'ils sont plus concentrés. La witrification, elle aussi, est non seulement amoïñdrie, mais arrêtée dès que le substratum est faiblement acide. Ceci s'applique même aux acides nitrique et nitreux dès qu'ils se sont accumulés à assez haute dose dans une malière en nitrification sans pouvoir se combiner. Quant à l'influence sur la décomposition des matières organiques 1. Journ. fr Landw., 1886, p. 255. 40 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. de l’alcalinité de la solution qui les imprègne, j'ai pris des mélanges de 400 grammes de sable quartzeux et de 4 grammes de paille de seigle pulvérisée ; les uns furent imbibés d’eau, les autres de solu- tions alcalines (40 centimètres cubes) de concentration variée ; tous furent exposés à la décomposition, de la même façon que précé- demment et à une température de 30°. Voici les résullats (moyennes de 7-9 dosages) : Volume d'acide carbonique dans 4000 volumes d'air. Matière ajoutée. . . . EAU. SOLUTION DE POTASSE. — —_———— p. 100. p- 100. p. 100. p. 100. p-. 100. Taux de la solution . . » 0,1 0,5 Î 2 5) (En pour-cent du sol) , » (0,01) (0,05) (0,10) (0,20) (0,50) Acide carbonique . . . 8,099 140,493 9,260 8,059 4,994 0,609 Dans l'essai suivant, le sol artificiel était formé de 300 grammes de sable quartzeux, 5 grammes de tourbe pulvérisée et 60 centi- mètres cubes de solution ou d’eau. Les quantités d’acide carbonique dégagées furent les suivantes : Volume d'acide carbonique dans 4 000 volumes d'air. Matière ajoutée . . . . EAU. SOLUTION DE POTASSE. BE EE (En pour-cent du sol) . » (0,016). 10,032) LA (0067) Acide carbonique . . . 3,605 4,083 4,518 5,005 De ces deux expériences, on doit conclure que l’eremacausis est favorisée par la présence de solutions alcalines faibles, mais que des solutions trop concentrées la diminuent, et proportionnellement à leur concentration. La cause de ce dernier fait ne tient pas, comme on pourrait le croire, à une combinaison de l’acide carbonique avec la polasse, car la quantité d'acide libre suffit parfaitement à carbonater lalcali dans un très bref délai, même s’il s'agit de fortes doses d’alcali. On ne peut du reste accepter celte opinion, puisque les carbonates alca- lins exercent la même influence que les alcalis hydratés. Pour pré- ciser cette action, m’écartant des concentrations employées dans mes précédentes recherches, je n’ai employé que des liqueurs très diluées. Dans l'essai I, les tubes reçurent un mélange de 400 gram- DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. AT mes de sable quartzeux, 4 grammes de paille de seigle pulvérisée et 40 centimètres cubes de solution ; dans l'essai IE, ils reçurent 300 grammes de sable quartzeux, 5 grammes de tourbe pulvérisée (d’Oldenbourg) et 60 centimètres cubes de solution. Les analyses de l'air aspiré ontdonné les résultats suivants (moyenne de sept dosages): Volume d’acide carbonique dans 1000 volumes d'air. Essai I. . . , CARBONATE Matière ajoutée . . , mag. “mm de potasse. de soude. — TS — - p. 100. p- 100. p. 100. p. 100. p. 100. Concentration de la SOIUUON.-,. ”. - . » 0,01 0,05 0,05 0,1 0,5 En pour-cent du sol . » 0,001 0,005 0,005 0,01 0,05 Acide carbonique . . 44,289 142,321 12,541 12,014 12,093 13,187 Essai II. . . , CARBONATE MatiéRetalOuÉÉe 7 Pipes oo PU: de potasse. — A — TE p. 100. p. 100. Concentration de la solution. . . » 0,167 0,334 En pour-cent du sol. . . . . . » 0,033 0,067 ACIDETCARDONIQUER FE N 3,605 4,638 5,801 Ces chiffres prouvent que des solutions étendues de carbonales alcalins favorisent la décomposition des matières organiques, sur- tout quand elles sont déjà en train de s’alltérer (tourbe). L'action des hydrates et carbonates des terres alcalines est diver- sement appréciée. Les uns leur accordent une influence favorable à la décomposition ; les autres citent des observations d’après les- quelles ces substances entraveraient le phénomène ; tels sont les ré- sultats des essais installés par E. Wocrr ‘et J. NESSLER *. Le premier soumit du fumier frais, préalablement analysé, à des conditions de décomposition différentes. Une portion fut abandonnée à l’air libre, deux autres furent mises à couvert, l’une telle quelle, la seconde avec de la chaux caustique (250 grammes par pied cube 1. Landw. Versuchsstationen, 1859, p. 141. 2. Berichl uber Arbciten der Grossh. Versuchsstalionen. Karlsruhe, 1870, p. 93- 103. 42 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. de fumier). Au bout de quinze mois, 1l y avait encore les quantités suivantes, exprimées en pour-cent de la teneur primitive : A COUVERT A L'AIR CPR A A nn libre. tel quel. avec chaux. P. 100. P. 100. P. 100. RUMIER TASSE 46.9 48.8 41.1 Matière organique. 25.2 33.8 44.0 Azote. 14.1 67.6 9225 L’addition de chaux a, d’après ces chiffres, diminué la perte en matière organique et en azote et, par suite, exercé une action relar- datrice sur la décomposition. Dans les essais de NESSLER, une addition de chaux caustique à di- verses matières organiques telles que de la tourbe, de la poudre d'os brute et soumise à la vapeur a, dans les trois premiers mois, retardé la décomposition à des degrés divers; dans les neuf mois suivants, il y eut compensation ou bien augmentation d’activité, si bien qu’au bout d’un an le retard apporté par la chaux à la des- truction des malières organiques ne se montrait pas encore toujours nettement. PETERSEN * est arrivé à un autre résultat : il a trouvé que les sels de chaux hâlaient la décomposilion des matières contenant de l’hu- mus acide. L'expérience fut faite avec une terre de forêt feuillue de réaction très acide, dont le taux d’humus s'élevait à 58 p. 100 et à laquelle on ajouta, dans un cas 1 p. 100, dans l’autre 3 p. 100 de carbonate de chaux. En seize jours, des poids égaux de ce sol (205°,6 à l’état sec) 15 IL. a — * —— — TT — soL SOL SOL avec 4 p. 100 PÈRE avec 3 p. 100 tel quel. de tel quel. de È Ca O, CO. Li Ca O, CO. milligr. milligr. milligr. milligr. Acide carbonique. 47,20 181,12 44,67 244,71 Bien qu'une partie de l'acide carbonique du sol chaulé puisse pro- venir de la portion du calcaire dont la chaux se combine avec les 1. Lan{wirlhschaflliche Versuchsstalionen, vol. XIE, 1870, p. 155-175. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 43 acides humiques, on constate que, même dans le cas le plus favo- rable, cette partie est moindre que la quantité observée dans le sol chaulé. En conséquence, la décomposition des matières humiques acides est activée par leur mélange avec du carbonate de chaux. Pour voir clair dans ces divergences d'appréciation, j'ai installé ! une série d'expériences. Dans les tubes en U on disposa, d’une part, un mélange de sable quartzeux (400 grammes) et de paille de seigle finement pulvérisée (4 grammes), additionné de 40 centinètres cubes d’eau distillée (essai D), et, d’autre part, un mélange de sable quartzeux (300 grammes) et de tourbe pulvérisée (5 grammes), additionné de 60 centimètres cubes d’eau (essai ID). Ces sols reçurent diverses quantités de chaux caustique qui fut mise en suspension dans l’eau d'arrosage ; l’un resta tel quel. Le tableau ci-dessous contient les résultats obtenus (moyenne de huit essais) : . Volume d'acide carbonique dans 1000 volumes d'air. Essai I. SOL © "A ———— additionné de chaux caustique. tel quel. — “RE Ozr,0%. Osr,2 Os, Or. 2.0. Acide carbonique. . 12,981 10,949 9,819 6,837 0,456 0,350 Essai II. SOL additionné de chaux caustique. tel quel. TE — 0:r,05. 0:r,1. O.r,2. Acide carbonique. . . . . 3,194 3,374 3,614 3,902 La chaux caustique a donc diminué la production d'acide carbo- nique dans les malières organiques non décomposées (paille de seigle) ; elle l’a au contraire augmentée dans les substances déjà allérées (tourbe). Les résultats relatifs à la paille tiennent surtout à une action spé- cifique de la chaux, et pas seulement à une combinaison de l'acide 1. Journ. f. Landw., 1886, p. 261. 44 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. carbonique avec cette chaux ; car les quantités d’acide perdues par cetie voie ne sont pas assez grandes pour expliquer la diminution de production de l’acide carbonique dans l'essai en question. Le sol tel quel a dégagé, pendant la durée de l'essai, au moins 596,8 d'acide carbonique, étant donné qu’à chaque dosage on .a extrait 9 litres et, entre les dosages, 1 litre. Pour saturer 0,04, 0,2, 0,4, 0,8 et 2 grammes de chaux, il faut respectivement 18, 90, 180, 360 et 540 LE tamncet ou (en rapportant à 596,8) 3, 0, 15,1, 30,2, 60,4 et 90,6. La diminution dans l'acide carbonique est, p. 100, de 15.7, 93.6, 47.3, 96.8 et 97.3. Il résulte immédiatement de 1à que les chiffres obtenus pour la chaux ne peuvent pas être dus seulement à une combinaison de l'acide carbonique dégagé. Dans d’autres expériences faites par moi, les sols furent placés dans des cylindres en tôle de 50 centimètres de hauteur, de 1000 centimètres carrés de section, qui furent remplis de la même ma- nière autant que possible. Chaque vase fut muni d’un tube en tôle, de 30 centimèires de longueur, recourbé vers l'extérieur, fermé par un bouchon de caoutchouc et destiné à permettre à l’occasion l’écou- lement de l’eau qui, par les grandes pluies, aurait pu se rassembler au fond. Les cylindres furent laissés à l'air libre dans une caisse en bois de 50 centimètres de hauteur. La distance entre les vases et les parois de la caisse était de 30 centimètres, et cet espace était rempli de terre jusqu’au bord de la caisse pour obtenir artificiellement l’échauffement latéral des sols à l'essai. Ceux-ci se composaient de lehm, de sable quartzeux, de sable calcaire !, mélangés au quart de leur volume avec de la tourbe pulvérisée, et enfin de tourbe pure en gros grains *. Le remplissage des vases se fit au printemps de 1880. Les sols restèrent à l'air pendant l’hiver et furent analysés l’année suivante (1881). La quantité de chaux caustique en mélange fut toujours de 614 grammes pour 90 litres de sol et (si on la rapporte au poids des sols séchés à l'air) de 1 p. 100 (lchm), 0.8 p. 100 (sable quartzeux), 0.9 p.100 (sable calcaire) et 3.5 p.100 (tourbe). L’air aspiré d’une 1. Sable calcaire de l'Isar contenant 84.6 p. 100 de calcaire. 2, Provenant des couches inférieures de la tourbière de Schleissheim, près de Munich. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 49 profondeur de 30 centimètres renfermait les doses suivantes moyen- nes d’acide carbonique : Volume d'acide carbonique dans 1000 volumes d'air. LEHM SABLE QUARTZEUX| SABLE CALCAIRE + 1/4 + 1/4 + 1/4 de son volume de son volume de son volume de tourbe de tourbe de tourbe — —— — TOURBE. NOMBRE des dosages. avec sans avec sans avec sans avec sans chaux, chaux. | chaux. | chaux. | chaux. | chaux. | chaux. | chaux. !| 27 avril-27 septembre{880.| 14 | 0,500 | 3,633 | 0,783 19 avril-17 juin 1881 . . 12959 4 juillet-3 octobre 1881 . 3,012 19 avril-4 juillet {SS1. 16 juillet-3 octobre 1881. À cause de la lenteur de décomposition de la tourbe, j’employai l’année suivante (1882) des matières plus facilement décomposables (du fumier de cheval pulvérisé ‘) et, outre la chaux caustique, j'y mélangeai du carbonate de chaux chimiquement pur. Pour étudier encore une fois la manière dont les corps humiques naturels se comportent vis-à-vis des deux sols calcaires, j'ai expérimenté sur du sable calcaire non fumé riche en humus (sol du champ d’expérience). La quantité de chaux ajoutée était de 500 grammes; celle de carbo- nate de chaux de 660 grammes pour 50 litres de sol. Voici les ré- sultats de l'analyse de l’air du sol : Volume d’acide carbonique dans 4000 volumes d’air. SABLE CALCAIRE humique ur : : : = Ê humique, non fumé avec fumier de cheval avec fumier de cheval —————— —— — ———— sans avec avec sans avec avec sans avec avec NOMBRE d'analyses. chaux. | chaux. |calcaire.| chaux. | chaux. |calcaire.| chaux. | chaux. |caicaire. 29 avril-26 mai . 16,660| 0,120/46,813110,864| 0,512 140,594] : 0,276| 3,417 14 juin-24 juillet. 16,721124,342,14,874110,564| 8,984 |10,113| 5,388) 5,793) 5,491 7 août-22 sept. 8,093] 4,293] 6,975] 3,382] 3,454 | 4,061 41 2,309! 3,059 = | 1. Fumier de cheval desséché, modérément décomposé. 46 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. L'action de la chaux caustique se manifeste d’abord par une dimi- nution du taux d’acide carbonique de l’air du sol, conséquence de la fixation de la plus grande partie de l'acide dégagé ; puis vient une période où ce taux s'élève jusqu’à ce que finalement la produc- tion d’acide carbonique du sol chaulé tombe de nouveau au-dessous de celle du sol non chaulé. Par l'emploi du carbonate de chaux, le dégagement d’acide est d’abord augmenté et son influence dure plus lorgtemps que celle de J’hydrate de chaux. Mais ensuite, il se forme moins d'acide carbonique dans le sol pourvu de calcaire que dans celui qui n’a rien reçu. Si nous résumons les faits acquis jusqu’à ce Jour, nous arrivons à la conclusion que La décomposition des matières organiques non dé- composées paraît étre retardée par l'addition d'hydrate ou de car- bonale de chaux; celle des matières déjà allérées el pourvues de plus ou moins grandes quantités d'acides humiques parail élre fa- vorisée par les mêmes circonstances. L'action de la chaux sur la décomposition des matières organiques déjà altérées repose sur ce fait que les acides humiques, à mesure de leur formation, se combinent à la chaux et que ces combinaisons, comme on l'a souvent admis, se détruisent plus facilement que les acides non combinés. Pour vérifier la justesse de cette hypothèse, j'ai pris de la tourbe de Kolbermoor (près d’Aibling, Haute-Bavière), ayant un faible taux de cendres, et je l'ai arrosée avec une solution de potasse moyennement concentrée pour avoir ane solution d’acide humique. Celle-ci, fortement colorée, fut séparée par filtration en deux portions, dont l’une fut incorporée au sol sous forme d’acide humique non combiné, et l’autre fut employée à former de l’humate de chaux qu’on obtint en ajoutant du chlorure de calcium à la solu- tion renfermant l’humate alcalin. Les précipités furent lavés sur filtre à l’eau distillée chaude, séchés et pesés. On détermina la te- neur en chaux de l’humate et on prit pour les expériences des por- tions de ces deux composés renfermant même quantité d'acide hu- mique. On mélangea 86 grammes de sable quartzeux avec 115,465 d’humate de chaux, correspondant à 408,483 d’acide hbumique, et on mouilla avec 5 grammes d’eau (1). Comme cette quantité d’eau était insuffisante, on en ajouta 10 grammes. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 47 La quantité d’air extraite fut d’un demi-litre pour chaque dosage. Le volume d’acide carbonique existant dans 1 000 volumes d’air du sol a été: HUMATE ACIDE de chaux. humique. TE Moyenne de 3 dosages. . . . . 10,600 4,418 IT. — PORTER Le 16,129 8,949 L'humate de chaux se détruit donc bien plus vite que l'acide hu- mique pur. Par là s'explique l’action favorable exercée par la chaux, dans les précédents essais, sur la décomposition des matières orga- niques. La présence des bases ou des composés à caractères basiques (alcalis et terres alcalines et leurs carbonates) est d’une très grande importance pour la nitrificalion, comme l’ont montré les recherches de R. WariNGTon’. Dans les solutions acides, on l’a déjà dit plus haut, 1! ne se forme pas d’acide nitrique; &l faut qu'il y ait une base à laquelle celui-ci se combine. Quand toutes les bases disponibles sont neulralisées, la nitrification cesse. Uue solution étendue d’urine fut laissée à elle-même sans autre addition que le ferment nitrique ; l'urine se transforma d’abord en carbonate d’ammoniaque que l’a- cide nitrique put utiliser comme base, mais qui s'épuisa avec le temps. Le résultat de l’expérience fut qu’il se forma la moitié seulement de l’acide nitrique qui aurait pris naissance dans les mêmes condi- lions si la solution avait contenu du carbonate de chaux et de soude ; évidemment la nitrification se serait poursuivie jusqu’à ce que toule l’ammoniaque fût transformée en nitrate d’ammoniaque, puis se serait arrêtée. D’après WaRiNGToN, il suffit d’une quantité encore faible de sel alcalin pour que la nitrification soit déjà sérieusement entravée. Le carbonate de soude commence à exercer une influence retardatrice sur le début du phénomène, quand il y en a plus de 300 milligrammes par litre. Dans des solutions qui renfermaient 1 gramme de ce sel par litre, il fut impossible de provoquer la nitrification. 1. Journ. of the chem. Society, 1884, vol. XLV, p. 637-682. 48 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. D’après de récentes recherches” du même auteur, le carbonate de soude surtout paraît être un obstacle à la mitrification, tandis que le bicarbonate exerce une très heureuse influence, même à la dose de 4 à 4 grammes par litre. Au delà de ces limites, il a une action retardatrice, comme cela a été observé pour un taux de 6 grammes par litre. Les résultats des expériences de F. Dumonr et F. CROCHETELLE * montrent aussi la faible influence du carbonate de soude sur la nitri- fication et, au contraire, l’action favorable assez intense du carbo- nate de polasse. Ils ont opéré sur du sol d’Avilly, qui est en pré de temps immémorial et qui contient par kilogramme 420 grammes de chaux et 685,4 d’humus renfermant 11 grammes d’azote organique et 385",2 de carbone combiné. Le 10 mai, à 1 kilogr. de ce sol on ajouta diverses quantités de carbonate de potasse ; Le tout fut bien mélangé et arrosé à diverses reprises. Au bout d’un mois, on dosa l'azote des nitrates et on obtint les résultats suivants par kilo- gramme : Garbonate de-potasse. . . . = gr. 0 Î 2 3 4 5 Azote (sous forme de nitrate) . . milig. 70 160 230 250 130 73 tandis que le sol renfermait au début 60 milligrammes par kilo- gramme. En juillet, nouveaux dosages qui donnèrent, par kilogramme : Garbonate delpotasse ONE cr 0 NT DATA SI ONMES 4 S'NENGEIRS Azote (sous forme de nitrate). milligr. SO 98 140 460 127 100 85 80 60 Un troisième essai fut fait avec de la terre provenant des bords d’un fossé d'écoulement. Cette terre faisait une vive effervescence avec les acides et se formait sur les rives d’un ruisseau dans lequel se déversaient des eaux résiduaires de toutes sortes ; elle contenait 288,7 de carbone combiné ou 578,6 d’humus par kilogramme. 1. On nitrification. Parl. IV. À report of experiments mode in the Rothamsted laboratory. London, Harrison and Sons. 2. C. R., t. CXVU, p. 670-673. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 49 Du 20 juin au 10 juillet, il s’y forma par kilogramme : CACDORALE RIDOLASSES PARA IMEN AMNE PR MAO MEET 55, MEET EUERS Azote (sous forme de nitrate). . . milig. 8 6? 91 140 180 105 D’après tous ces chiffres, a nilrification est activée par l’addilion de petites quantités de carbonate de potasse allant jusqu’à 2.5 p. 1000 ; de plus fortes doses lui sont nuisibles. Le carbonate de chaux et de ma- gnésie influe dans tous les cas favorablement sur la nitrification ; par contre, le carbonate d’ammoniaque en excès l'empêche, comme WA- RINGTON l’a démontré. La solution la plus concentrée où ait jusqu'ici commencé la nitrification contenait une quantité de carbonate d’am- moniaque équivalente à 368 milligrammes d’azote. C’est l'influence nuisible d’un excès de ce sel qui empêche les solutions concentrées d'urine de nitrifier. La présence de l’ammoniaque et de ses sels est surtout un obstacle à la formation des nitrates à l’aide des nitrites. Cette antipathie des organismes nitrifiants pour l’ammoniaque ex- plique la marche de la nitrification dans des solutions ammoniacales relativement concentrées (1 gramme par litre) ensemencées avec un peu de terre. Il se forme, dans ce cas, de grandes quantités d’acide nitreux ; l'acide nitrique n'apparaît que quand la dose d’ammoniaque est notablement diminuée. L’eremacausis est fortement influencée par l'addition de sels à la matière en décomposition ; elle se modifie de diverses façons suivant la nature et la proportion du sel. Voici à peu près ce que l’on peut dire jusqu'alors sur cette question : Les sulfales semblent restreindre l'oxydation du carbone dans l’é- remacausis ; c’est du moins le cas pour le sulfate de chaux (gypse). Le fait a déjà été constaté par E. WozrFr', qui a trouvé qu'après addition de 200 grammes de gypse par pied cube à du fumier frais, on trouvait, au bout de quinze mois, les quantités suivantes des divers principes exprimées en pour-cent de leur Laux dans le fumier frais : SANS AVEC addition. gypse. CHBUCAMAIS AA Te 48,8 47,6 Matière organique . . . . 33,8 40,0 LE CRE RER 67,6 77,5 1. Landwirlhschaflliche Versuchsstationen, 1859, p. 141, ANN. SCIENCE: AGRON. — 2° SÉRIE. — 1899. — Ir. 4 50 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Le gypse s’est comporlé de la même façon dans une expérience que j'ai faite avec un mélange de sable quartzeux (300 grammes), tourbe pulvérisée (5 grammes) et eau (60 centimètres cubes). Les chiffres ci-dessous le montrent: Volume d'acide carbonique dans 1000 volumes d’air. GYPSE. RIEN, ES O:r,05. O:r,1. Acide carbonique . . . 3,194 3,029 2,713 L'addition de gypse a diminué la perte en matière organique et même en azole ; le gypse exerce donc une influence retardatrice sur l'eremacausis. Par contre, les recherches de P. PicHarp', R. WaRINGToN?, F. Duuoxr et F. CROCHETELLE * ont montré que les sulfates ontune ac- lion trés favorable sur la nitrification. D’après les expériences de Picarp, les sulfates de chaux, de po- tasse et de soude semblent être les mieux doués sous ce rapport et dépasser les carbonates. Si l’on ajoute à un sol 0.5 p. 100 de ces sels, il nitrifie énergiquement, surtout avec le gypse. En prenant des poids égaux des sels à essayer et posant le pouvoir nitrifiant du gypse égal à 100, celui des autres sels s'exprime par les chiffres sui- vants (pour le sol en expérience) : Sultate de CHAUX 100.00 SUITE TE SOUTENUE A7 91 SUALENTE DOTASSE PR EEE 39.178 Garbonatétde/ChAUX MON PR PME IE 13.952 Carbonate de magnésie. . . 12152 Pour le climat du sud de la France, la nitrification dans les sols calcaires et gypseux est surtout active aux mois de septembre et 1. C. R., t. XCVIN, p. 1289; t. CXIV, p. 490. Annales agronomiques, t. X, Fo à x , P..505,; t, XVIII, p. 337. 2. Annales agronomiques, t. XI, p. 557 3.1C.R;,01t, CXNIL ND 670! pu DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. SA d'octobre. Dans ce laps de temps, d’après PrcaRp, il y à eu en sol calcaire 26.9 p. 100, en sol gvpseux 46.3 p. 100 de l'azote total ni- trifié. Cette action du gvpse ne se fait remarquer que dans des sols bien perméables ; elle n’a pas lieu dans les sols insuffisamment perméa- bles ou qui contiennent trop d’humus acide, parce qu'alors le sulfate de chaux se réduit vite en sulfure de calcium et même en hydrogène sulfuré qui tous deux arrêtent la mitrification. Ces réactions peuvent cependant être évitées si avec le gypse on ajoute au sol du carbonate de chaux et si on l’ameublit à fond. On peut déduire des recherches de WaRiNGToN que le gypse dé- truit l'influence fâcheuse du carbonate d’ammoniaque sur la nitrifi- calion. Dans les solutions d’urine pourvues de gypse, celui-ci dispa- rut peu à peu et à sa place il se développa sur les parois du vase des masses cristallines, consistant probablement en carbonate de chaux. Ces dépôts disparurent à leur tour à mesure que progressa la nitrification. Les essais de F. Dumonr et F. CROCHETELLE prouvent que le sul- fate de potasse à certaines doses favorise plus la nitrification que le carbonate de potasse (voir plus haut). En un mois il s’est formé par 1 000 grammes de terre (d’Avilly) les quantités suivantes d’azote ni- trique par addition de 0, 1, 2, 2,5, 5, 4, 5, 6 et 8 grammes, soit de carbonate de potasse, soit de sulfate de potasse : Avec le carbonate . millig. 80 98 140 160 127 100 85 80 60 Avec le sulfate . . — SOS? 60221027 0m32108350 Dans la terre de Gally, il s’est produit du 20 juin au 20 juillet: Azote nitrique. . . .. miligr. 78 420 456 300 pour Sulfate de potasse . . . gr. 0 2 © (#) Le sulfate de potasse a donc, à certaines doses, très fort accéléré la nitrificalion, qui se ralentit au contraire, si on emploie ce sel en trop fortes quantités. Cette influence varie, d'après ces mêmes au- 5? ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. teurs, suivant les doses d’humus en présence, comme le montrent les chiffres suivants : Azote nitrique produit en quinze jours dans 4 000 grammes de terre. TERRE avec 29 gr. d’humus par kilogr. A — — TERRE avec 10:r,8 d’humus. milligr. milligr. milligr. milligr. Tellesquelle 54402 T- ARE 39 En excédent 28 Eu excédent Avec carbonate de potasse . 6S 29 32 4 Avec sulfate de potasse . . 80 A1 46 18 On voit que l’excès d'azote nitrique, provoqué par l'addition des sels alcalins, s’amoindrit à mesure que le sol est plus pauvre en humus. Le sulfate de fer, d’après P. PrcuaRp *, tant qu'il ne trouve pas à s’oxyder, exerce sur la nitrification la même influence que le gypse, quoique à un moindre degré. Dans les sols perméables, 1l empêche au contraire la nitrification, comme on peut le conclure de ce fait que les doses de nitrate du sol sont mversement proportionnelles au sulfate de fer qui s’y trouve. Ainsi M. MÆRCKER *, expérimentant sur des sols tourbeux, a trouvé, dans 100 parties de sol sec : ACIDE FER nitrique. soluble. Sol cultivé d'une manière permanente. . . 0,0956 0 SOI RON CUITE EEE 0 1,349 SOL AULTE DIS CHATEAU 0,0088 0,298 L'action nuisible du sulfate de fer sur la nitrification, action qui ressort des chiffres précédents, tient surtout à ce qu'il fixe énergi- quement l'oxygène de l'air ambiant et se transforme en sel au maxi- mum. Les phosphates ont, en général, sur l’oxydation du carbone comme sur la nitrificalion, une influence favorable, à moins qu'ils n'existent à l’état soluble en trop fortes quantités. Les chlorures possèdent, comme on sait, des propriétés antisep- 15 CCR, LGNIEMISONE DM ES 5: 2. Zeilschrifl des landw. Centralvereins für die Provins Sachsen, 1874, p. 70. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 53 tiques et antifermentescibles très nettes ; 1l n’est donc pas étonnant que, même à faibles doses, ils entravent l'activité des microorga- nismes de la décomposition. J'ai montré ‘ que le chlorure de sodium diminue fortement l'oxydation du carbone. J’ai soumis à l’erema- causis un mélange de 400 grammes de sable quartzeux et 2 grammes de fumier de cheval en poudre, arrosé de 40 centimètres cubes d’eau distillée et de solutions de sel marin diversement concentrées. Les quantités d’acide carbonique dégagées en vingt-quatre heures sont indiquées ci-dessous (moyenne de neuf dosages) : Volume d’acide carbonique dans 1000 volumes d'air. Matière ajoutée. . . . . . RIEN. SOLUTION DE SEL MARIN. — RE — D: 1000p--100p-"10): p-100p-100: Concentration de la solution. » 0.5 Î 5 10 20 (En pour-cent du sol) . . . » (OO AIO DOCS) EL E0) (EE 0) Acide carbonique. . . . . 147.288 15.316 10.737 8.237 6.174 1.753 Le chlorure de sodium, méme à faible dose, ralentit l'oxydation du carbone et d’aulant plus que le taux de sel de la masse est plus élevé. Relativement à l’action du sel marin sur la nitrification, P. P, De- HÉRAIN ?, en opérant sur de la terre à laquelle il ajoutait des doses de sel variant de 0,1 à 2 grammes par 100 grammes, a trouvé que de petites additions n’avaient pas d'effet nuisible, mais qu'avec des doses trop fortes cet effet se produisait et d’autant plus que l’expé- rience durait plus longtemps. Avec 05,5 de chlorure de sodium par 400 grammes de terre, la nitrification s’arrêtait. Le chlorure de potassium paraîl avoir une action moins défavo- rable en ce sens que, d’après les recherches de F. Dumonr et K. CKOCHETELLE *, à pelites doses il accélère la mitrification, quoique, comme le montrent les chiffres ci-dessous, dans une faible mesure, bien moindre que le sulfate et le carbonate. L’azote nitrique formé en un mois dans 100 grammes de terre d’Avilly s’éleva pour les 1. Journ. f. Landw., 1886, p. 271. 2, Annales agronomiques, t. XIV, 1888, p. 259-320. 3. G'R:, t. GXVII, p. 670-713. 54 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. doses de 0, 1, 2, 2,5, 5, 4, 5, 6 et 8 grammes de chacun des trois sels à : SOMTO NE 10000 ETS SNS DNS » milligr. avec le chlorure de po- tassium ; 80 98 140 160 127 100 85 80 60 — avec le carbonate de potasse ; 80 150 180 220 260 240 270 340 350. — ayec le sulfate. Dans un sol riche en humus, l'addition de 2 millièmes de ces sels a provoqué en quinze Jours par kilogramme de terre les quantités suivantes d'azote nitrique : CHLORURE CARBONATE SULFATE Matière ajoutée. . . . RIEN. de de de potassium. potasse. potasse. Azote nitrique . . . . miligr. 39 7 68 80 Le chlorure de potassium n’a donc qu’une influence modérée sur la mitrification. Pour apprécier la mesure dans laquelle les nitrates influent sur la décomposition, j'ai humecté * un mélange de 400 grammes de sable quartzeux et 2 grammes de fumier de cheval en’poudre, soit avec 40 centimètres cubes d’eau, soit avec des solutions de nitrates diver- sement concentrées et J'ai trouvé les chiffres suivants, moyennes de sept dosages : Volume d’acide carbonique dans 1000 volumes d'air. Matière ajoutée. . . EAU. SOLUTION DE NITRATE DE SOUDE. #3 TT — p. 100. p- 100. p- 100. p. 100. p- 100. p. 100. Concentration de la SOIUUIDN ER ANNE ) 0.5 Î 6] 10 20 En pour-cent du sol. » 0.05 0.10 0.50 1.0 2,0 Acide carbonique . . 16.366 18.041 17.131 10.245 6.821 4.452 Concluons que des solutions diluées de nitrates favorisent l’oxyda tion du carbone, tandis que des liqueurs concentrées la ralentissent, et cela proportionnellement à leur degré de concentration. Leur 1. Journ. f. Landw., 1886, p. 270. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 59 influence sur la nitrification a été étudiée par P. P. Denérain t. Il prit de la terre qui conténait 28',61 d'azote par kilogr., la mit, avec ou sans addition de nitrate de soude, dans une atmosphère saturée de vapeur d’eau et y dosa les nitrates à des intervalles déterminés. Voici ses résultats : Azote nitrique par 1 000 kilogr. sou SOL SOL avec O:r,06 avec O:r,6 p. 100 p- 100 avec rien. de nitrate de nitrate de soude. de soude. gr. gr. gr. Après 31 jours. . 1532 0,00 0,33 Après 39 jours . . 127 0,33 0,00 Après 70 jours. . 1,48 0,75 0,58 Après 103 jours 0,63 0,50 0,14 On doit en conclure qu’une assez forte dose de nitrates ajoutée au sol empêche d’abord la nitrification, mais que, comme le montre nettement l’essai avec 05,06 de nitrate, le ferment nitrique peut s’habituer peu à peu à ces nouvelles conditions. Mentionnons enfin, pour être complet, que si l’on imcorpore à un sol des sels ammoniacaux en quantités croissantes, la production de l’ammoniaque diminue aussi progressivement, comme il résulte de diverses expériences de A. HÉBERT *, dont nous eiterons seulement quelques chiffres : Azote ammoniacal (en milligrammes). AU DÉBUT A LA FIN de de DIFFÉRENCE. l'expérience. l'expérience. SOJtBRQUel pa Lt 4 sur ao 2,90 12,94 + 10,04 —+ 0*,010 sulfate d'ammoniaque. 4,09 13,33 + 9,24 —+ 0#,020 — — 5,46 14,38 + 8,92 + 0#,050 — — 11,54 197 +1 :823 + 05,100 — — 23,18 26,65 mie + 0#,150 — — 27265 29,84 02, 19 + 0#,200 — — 39,80 38,99 LU El 1. Loc. cit. 2. Annales agronomiques, t. XV, 1889, p. 355-369, 56 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Ces chiffres montrent nettement que la production d'azote ammo- niacal diminue avec la quantité de sel ammoniacal ajouté et que la formation d'ammoniaque cesse à partir de certaines limites. Si l’on jette un coup d'œil d'ensemble sur les faits énoncés dans ce chapitre, on peut, en négligeant les détails, les résumer en ces quelques lois : 1° Les acides minéraux et les solulions salines trop concentrées entravent les réaclions qui se passent dans l’eremacausis (for- mation d'acide carbonique, d'ammoniaque, nitrification) et d’au- tant plus énergiquement que les doses de ces substances sont plus fortes ; 2 Une faible alcalinilé de l1 malière organique favorise l’oxyda- tion du carbone et de l'azote ; 3° La présence de bases et de composés ayant ce caractère (alca- lis, carbonales alcalins [ceux-ci à faibles doses], surtout terres al- calines el leurs carbonates) sont, en dedans de certaines limites, indispensables à la nitrificalion ; 4 L'oxydalion du carbone dans l’eremacrusis est diminuée par l'addition de chlorures et de sulfates, augmentée au contraire par celle de phosphales et de nitrates, en admettant que la concentration de la solution ne désasse pas certaines limites, à partir desquelles les sels ont une aclion nuisible ; à La nürification s'accélère par l'adjonction à pelites doses de sulfates el de phosphales, tandis que les chlorures, surtout celui de sodium, ralentissent ce processus dans les mêmes circonstances. 2. — Conditions de la putréfaction. L'existence et l’activité des microbes de la putréfaclion sont natu- rellement liées à certaines circonstances extérieures qui, par leurs variations, provoquent les phénomènes complexes de cette sorte de décomposition. En premier lieu, il y a à considérer les exigences au point de vue de l'oxygène. Les organismes dont il est ici question, qui comptent parmi les anaérobies proprement dits, comme, par exemple, le Bacillus butyricus, se nourrissent parfaitement sans oxygène; le libre accès de l’air ralentit ou suspend leur végétation. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 57 Pourtant, quelques formes semblent ne pouvoir exister que si on leur fournit de temps en temps de l’oxygène. L'observation de Nenckt et NæGELt est à noter, que des bactéries, agents de fer- mentation, vivent très bien sans oxygène ‘si elles se trouvent dans une solution appropriée, apte à fermenter, mais que ces mêmes bactéries ne peuvent plus se développer qu’en présence d'oxy- gène si elles ont à leur disposition un liquide nutritif moins favo- rable. Comme chaque processus de végétation dépend de la tempéra- ture du milieu ambiant, celui des bactéries de la putréfaction est aussi essentiellement régi par les rapports de température, ainsi qu’il a déjà été exposé pour celles de l’eremacausis. D’après les faits précédents, les organismes en question peuvent végéter dans de très larges limites de température, et leur optimum est très élevé. Le Baclerium Termo, par exemple, peut végéler entre 5° et 40° ; son optimum git entre 30° et 35°. Le Bacillus bulyricus a, d'après Firz, son optimum vers 40°, son maximum vers 4°. Les tempéra- tures de germination paraissent êlre plus élevées, du moins pour quelques espèces. Quant aux limites inférieures de température, on peut les consi- dérer comme n’existant pas en réalité, tant est grand le nombre des bactéries qui peuvent supporter, sans périr, les températures les plus basses. La limite supérieure, qui provoque la mort des cellules végétatives de la plupart des formes, est à peu près Ja même que pour la généralité des autres plantes, c’est-à-dire 50-60° centigrades. Quelques-unes résistent pourtant à des températures de plus de 100°. La composition chimique et physique du milieu nutrilif n’est pas de moindre importance pour la présence et le développement des di- verses espèces que les conditions de température : cela résulte de nombreuses observations. On est seulement en train de faire des recherches plus approfon- dies sur les conditions spéciales de la vie de ces microbes ; ce que nous venons d’en dire est suffisant ’. 1. Voir pour le surplus les développements du chapitre VI. 58 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 3. — Conditions des autres processus de décomposition. De même que l’eremacausis et la putréfaction, les autres fermen- tations qu’on observe dans la destruction des matières organiques sont régies par des agents extérieurs qui sont principalement lPoxy- scène, la température, lhumidité, la composition physique et chi- mique du substratum. Que sont dans chaque cas ces influences ? Cela dépend des conditions biologiques des organismes participants et se peut suffisamment apprécier d’après ce qui a été dit au cha- pitre VE. Pour la fermentation ammoniacale de l’urine, qui offre de lin- térêt au point de vue agricole, les recherches de A. LADUREAU * ont établi que la fermentation a lieu aussi bien en présence de Pair, c’est-à-dire de l’oxygène, qu’en présence de l’azote, de l'hydrogène, du protoxyde d’azote et de l’acide carbonique ; mais elle est très affaiblie dans ces derniers cas, particulièrement avec l’hyarogène et l’acide carbonique, comme le montrent les chiffres suivants : Ammoniaque par litre. APRÈS GAZ INTRODUIT. SE — Ê 20 jours. 40 jours. gr. gr. ATP RUSSE. NP SIREN 871 10,23 OXVLÈNEMCR EEE 219 8209 AZOLP HE eNEE RE ERRR 8,13 92119 Hydrogène. : . . . . . 3,76 6,68 Protoxyde d'azote. . . . 7,60 JE Acide carbonique. . . . 0,97 5,94 LADUREAU a trouvé qu’en ajoutant de l’acide phosphorique, du monophosphate de chaux et de la chaux caustique à une liqueur ren- fermant 2 p. 100 d'urine, la fermentation ammoniacale subit une dépression correspondant à la quantilé de matière ajoutée. A. MüLLer* dernièrement expérimenta sur de l’urine provenant 1. C. R., t. XCIX, 1884, p. 877; Annales agronomiques, t. XI, 1885, p. 272 et 252. 2 2. Landw. Versuchsstationen, vol. XXXII, 1885, p. 271. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 99 d’un homme sain (soumis à une nourriture substantielle régulière et à une abondante consommation d’eau) et employée à divers degrés de dilution, à l’état frais ou fermenté, avec ou sans addition”. Plu- sieurs essais furent faits avec du carbonate d’ammoniaque. Parmi les principaux résultats il faut d’abord signaler que la réaction de la liqueur soit acide, soit alcaline, est décisive pour l’énergie de la fer- mentation de l'urine. L’addition de bases, à moins qu’il ne s’agisse de lessives alcalines concentrées, agit favorablement; celle d'acides gêne très nettement la fermentation. Sous ce rapport, les orga- nismes inférieurs en question se comportent comme ceux qui inter- viennent dans les processus d’oxydation des matières organiques. 4. — Résultats généraux. En s'appuyant sur les considérations et les résultats qui précèdent on voit que la présence et l’activité des divers organismes inférieurs qui régissent les différents processus de décomposition sont soumises à des conditions déterminées. On a montré que pour les deux pro- cessus les pius importants sous les rapports agronomique et hygié- nique, l’eremacausis et la putréfaction, la qualité disponible d’air est le facteur dominant. Tant que l'oxygène peul arriver librement jusqu'à une certaine dose, ce sont les phénomènes d'oxydation (ere- macausis) qui entrent en jeu; quand l'accès de l’uir est insuffisant ou nul, ce sont les phénomènes de réduction (putréfaction). Relati- vement aux conditions dans lesquelles s’exerce chaque réaction, on peut, d’après ce qui vient d’être dit, les résumer en cette loi: Toutes les fonctions des microorganismes qui participent aux décomposi- tions se manifestent à partir d’une limite inférieure (minimum), s'exal- lent jusqu'à un certain degré (optimum) pour lequel elles s'exer- cent avec le plus d'activité, puis elles diminuent au deld, 4 mesure que l’intensilé du facteur s'accroil, pour cesser finalement lorsque celle intensilé alteint un certain degré (maximum), ou prendre un caractère essentiellement différent du précédent à la suile de la pul- 1. Les doses des substances ajoutées à l'urine étaient comprises entre 0,25 et 0,63 par {00 centimètres cubes, 60 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. lulation d'autres organismes dont la multiplication et l'activité onl élé excitées par les modifications des conditions biologiques. L'influence de chaque facteur peut, d’après cela, se représenter par une courbe ascendante et descendante déterminée par un sys- tème de coordonnées où les abscisses figureraient l’intensité du fac- teur et les ordonnées son influence. Figurons l’influence de la tem- pérature sur la nitrification. D’après ScuLŒsiN6, les limites extrêmes sont 5° et 9°, l’optimum est 57°. On oblient avec ces données la courbe de la figure 44. Pour les autres facteurs et réac- ions, on a des figures ana- logues. De tous ces faits il ressort avec évidence que les Lois qui ont élé délerminées pour la végétalion des plantes supé- rieures s'appliquent aussi à MT ES CC EN TC TE - celle des organismes infé- rieurs. Il faut en conclure encore que les facteurs 1m- portants, S'ils agissent dans le même sens, se prêteront un mutuel appui et que l’activité des orga- nismes alteindra son maximum quand toutes les conditions exté- rieures seront les plus favorables. Done, à doses égales de matières organiques, l’eremacausis, par exemple, sera d’autant plus intense que Ja chaleur et l'humidité seront à leur optimum. Une de mes expériences ie montre nettement. _ L CONSEMIONIS SOLE SO ES AO AM EONESNEO LC FIG. 44. Volume d'acide carbonique dans 14000 volumes d'air. TAUX TEMPÉRATURE DU SOL (terre de compost). D'EAU TE p. 100. 10° 20° 30” 40? 50° 6.79 2.03 3,22 6,86 14,69 25,17 26.79 15,35 54,24 63,50 S0.06 81,952 46.79 35,07 61,49 82.15 91,86 97,48 Dans la nature, les influences des divers facteurs agissent rare- DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 61 ment dans le même sens ; le plus souvent c’est en sens contraire, ce qui amène dans le résultat des modifications multiples. Ainsi, par exemple, l'influence de la température peut être favo- rable ou défavorable, suivant que la quantité d’eau de la matière est suffisante ou non. L'exemple suivant, tiré d’une de mes expériences, est très instructif à cet égard : Volume d'acide carbonique dans 14000 volumes d'air. TEMPÉRATURE DU SOL (terre de compost) nn — 102. 20:. 80». 4Ov. 50e. Hauxid'eau.:.,,1#24p. 100 ‘46,8 36,8 26,8 16,5 6,8 1 Acide carbonique. . . 33,18 62,27 13,23 66,83 14,42 Les températures les plus élevées (40° et 50°) n’ont pu produire leur plein effet, parce que l’eau existait dans le sol en quantité insuffisante. De même, les taux d'humidité qui accélèrent x le plus la décomposition (46.8 p. 100 et 36.8 p.100) ne se sont pas montrés sous ce jour, parce qu'il y avait en même temps des températures défavorables. Ces rapports sont représentés par le gra- phique de la figure 45 qui se passe de commentaire. 80 Les autres agents qui influent sur l’ac- tivité des microorganismes se comportent comme l’eau et la chaleur ; on ne peut en douter d’après ce qui vient d’être dit. Donc on peut formuler cette loi impor- tante dans l’appréciation des processus de la décomposition des matières orga- niques : ils sont régis en quantité et en qualité par le facteur qui intervient soit au minimum, soit au maximum. FiG. 45. D'une part, cette loi aide beaucoup à comprendre la succession des réactions extrêmement compliquées qui se passent dans la na- 62 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ture (chap. VID) ; d'autre part, elle rend possible l'emploi de toute une série de mesures pratiques destinées à régulariser ces réactions (voir la III° partie). VIILL — DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES DANS LA NATURE 1. — Climat et température. Puisque deux facteurs aussi importants pour la décomposition des matières organiques que la température et l'humidité se montrent de par le monde avec une intensité plus ou moins grande et variable à chaque instant suivant la marche moyenne et les sauts brusques des éléments météorologiques, il est évident que cette décomposition elle-même présentera les plus grandes variations à la surface du globe suivant les localités. Abstraction faite des influences locales, constatons d’abord que la diminution de la température de l’équateur aux pôles ou des plaines aux sommets des montagnes se lie à une diminution correspondante de l’intensité des processus de décomposition et que, par suite, les accumulations de matières organiques sont en général plus abon- dantes dans les régions du nord ou dans les lieux élevés que dans les régions du sud et dans les plaines basses. Ces différences aug- mentent avec la quantité des pluies, parce que, dans les contrées chaudes, la destruction des matières organiques est favorisée par leur humidité et que, dans les lieux plus froids, les accumulations de grandes masses d’eau nuisibles à la décomposition se forment facilement par la réduction de l’évaporation. En second lieu, les influences du climat sur les points en question dépendent de la distribution locale des deux facteurs que nous étu- dions. Là où les précipitations sont abondantes et tellement réparties que l’humidité subit des variations moindres que la température, celle-ci règle en général la décomposition. Cela a été démontré pour diverses localités par la détermination du taux de l’air du sol en acide carbonique, taux qui, toutes circons- DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 63 tances égales, peut servir à mesurer l'intensité de cette décomposi- tion. Pour mettre ces rapports en évidence, nous citerons les chiffres obtenus à Dresde par H. FLeck” dans des recherches qui ont duré trois ans. Déterminations de la température et de l’acide carbonique du sol. (La température est exprimée en degrés centigrades, l'acide carbonique en volume pour 1000.) A 2 MÈTRES DE PROFONDEUR. 1873. 1874. 1875. qe £ TE PSS Ar Er nr en ee 0 à ame à 00 SJ Janvier. L. 6,88 re 5,79 11,4 5,60 14,6 FéyRer 5. 5,30 7,0 4,82 40,1 4,63 11,4 MAPS 7 5,29 8,7 5,11 10,2 3,56 LE à NRA ARR | 10,19 14,5 7,61 14,3 5,89 13,6 L'ÉT EN ETAANANTE 10,07 18,8 9,66 14,2 9,54 21,8 Jon Loin. ROSE TON V6 1 HOL A8: 30 45 JUIEL LA 16,18 44,3 17,41 37,9 16,62 36,6 ROUTE, 18,09 43,5 47,66 37,1 17,88 48,3 Septembre . . 17,41 41,4 16,63 36,6 17,30 44,3 Octobre: 21. 14,54 39,8 15,67 32,0 14,40 32,4 Novembre PU 20,1 10,55 19,0 10,06 24,0 Décembre. . . 8,01 1 7,26 Dore 6,30 1452 On voit par ces chiffres que le taux d'acide carbonique de l'air occlus dans le sol croît et décroit avec la température du sol; c'est quand le sol atteint sa température maximum qu’il est le plus riche en acide carbonique ; c’est quand il arrive à son minimum de cha- leur qu’il est le plus pauvre. Les recherches faites à l’instigation de M. von PETTENKOFER * sur le taux d’acide carbonique dans un terrain d’éboulis à Munich ont conduit à des résultats absolument semblables. Étant donnée la simi- litude des conditions climatériques d’une grande partie de l’Europe 1. Zveiter Jahresbericht der chemischen Centralstelle für offentliche Gesund- heitspflege in Dresden, 1873, p. 15-419; 1874, p. 3-24. 2, Zeilschrift fur Biologie, vol. VII, 1871, p. 395-417; vol. IX, 1873, p. 250- 257. Voir aussi G. Wozrraücez, ébëd., vol. NV, 1879, p. 98-114. 64 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. moyenne, on peut admettre que la quantité d’acide carbonique con- tenue dans l'air du sol, c’est-à-dire la décomposition des matières organiques, y augmente sensiblement du printemps à l’été, puis di- minue constamment en automne et en hiver. Ceci se présentera d’autant plus nettement que les localités considérées seront situées dans la région des pluies d'été et qu’alors le plus fort taux d'humi- dité coincidera avec la température la plus élevée. Dans les pays où la température est assez uniforme, tandis que les précipitations subissent des variations importantes, c’est l'humidité qui est le facteur dominant du phénomène. On observe surtout ce fait dans les contrées tropicales, où des périodes de sécheresse per- sistante alternent avec des périodes de pluies abondantes. Les hautes températures des premières ne peuvent avoir tout leur effet sur les processus de décomposition, parce que le taux d'humidité des ma- lière est insuffisant vu la forte évaporation; quand celles-ci sont humidifiées à l’entrée de la saison des pluies, la décomposition s’ac- célère jusqu’à une certaine limite pour se ralentir après la fin des pluies, comme le montre clairement le taux d'acide carbonique du sol. Ainsi, par exemple, d’après les observations de T. R. Lewis et D. D. CunninGram! dans les Indes (Calcutta), le taux d’acide carbo- nique libre du sol a une marche parallèle à celle des pluies. A l’é- poque des plus grandes précipitations on a trouvé, de la manière la plus nette, à trois pieds de profondeur, une augmentation d’acide carbonique jusqu’à un maximum à partir duquel il descend vers un minimum après la cessation des pluies. Des différences analogues se constatent dans d’autres pays et d’au- tres climats. Ainsi, l’ltalie du Nord (et spécialement la plaine lom- bardo-vénitienne) est caractérisée par des pluies assez abondantes et des varialions de température relativement grandes, tandis que dans Je sud et surtout en Sicile les pluies sont rares, mais la température est élevée et assez régulière *. D’après les résultats obtenus dans l’Europe moyenne et dans 1. Eleventh annual report of the sanitary commission with the government of India, 1874. .) ?. G. Ferrari, Annali di agricollura, 1883 ; Roma, 1884. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 65 l'Inde, on devra admettre à priori que, dans le nord de l'Italie, l'intensité de la décomposition dépendra surtout de la température et, dans le sud, de l'humidité. Entre le climat humide des îles ou des côtes maritimes et le climat sec de l’intérieur des continents, il y a des différences de même ordre sous le rapport qui nous occupe. Celte lutte d'influence entre la température et l'humidité se pré- sente aussi, naturellement, pour de courts intervalles, si bien que, dans une localité déterminée, l'influence du climat s'exprime d’une manière plus ou moins nette. Dans chaque cas, ainsi qu’il ressort suffisamment des exemples précédents, les réactions sont influen- cées suivant la loi générale du minimum et du maximum formulée plus haut et peuvent se mesurer approximativement par létude des facteurs exlérieurs de la décomposition sans qu’il soil besoin d'expériences spéciales. On n’aura à pénétrer plus avant dans ces réactions si compliquées qu’au cas où entreront en jeu certaines influences locales décisives pour la constitution du matériel à dé- composer, et telles que celles dont il va être question dans les cha- pitres suivants. 2. — Sol. En dehors des influences du climat et de ia température, les réac- tions qui ont lieu dans le sol lors de la décomposition des matières organiques dépendent essentiellement de ses propriétés physiques, surtout de l'aptitude à l’échauffement, à l’imbibition et à la perméa- bilité. De quel genre sont ces influences particulièrement intéressantes pour l’agriculture ? Cest ce que nous allons exposer brièvement. L'exposition, c’est-à-dire l’inclinaison du terrain vers un point de l’horizon, a une grande importance pour l'humidité et la tempéra- ture du sol et, par suite, pour les réactions qui s’y passent. Relativement à l'humidité, J'ai montré ‘ que les pentes exposées 1. Forschungen auf dem Gebiete der Agrikulturphysik, édité par E. Wozenyv, Heidelberg. G. Winter, vol. X, 1887, p. 3-S. ANN, SCIENCE AGRON, — 2° SÈRIE. — 1899, — 1. 5 66 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. au nord sont les plus humides, puis viennent les expositions ouest, est, el ce sont les expositions sud qui sont les plus sèches. Cela res- sort nettement des chiffres suivants obtenus par dessiccation d’é- chantillons d’un sol portant du maïs: Taux d’eau du sol jusqu’à 20 centimètres de profondeur. INCLINAISON DE 15° EE ea vers vers vers vers le nord. le sud. l’est. l’ouest. Moyenne de 14 dosages. . p. 100. 19:13 16.24 17.96 18.67 Comme l'humidité, la température d’un seul et même sol est mo- difiée par l’exposition ; celle du sud est la plus chaude, puis viennent celles de l’est el de l’ouest, et enfin celle du nord qui est la plus froide. Cette loi se déduit des résultats que j'ai obtenus ‘ sur un sol de sable calcaire riche en humus portant du mais : Température moyenne du sol à 15 centimètres de profondeur. INCLINAISON DE 450 EE vers vers vers vers le nord. le sud. l’est. l’ouest. Moyenne de 48 observations du 5 au 8 juillet. . . . 24°,61 25°,51 25°,30 24°,99 Ces différences s’exagèrent par une insolation continue et une haute température. L'influence des deux facteurs principaux pour la décomposition des matières organiques (eau et chaleur) étant sensiblement modi- fiée par l’exposition, il faut conclure que l'intensité des processus ‘qu'ils déterminent varie dans le même sens. Pour le prouver, j'ai fait * des dosages d’acide carbonique dans des sols à diverses expo- sitions. 1. Ibid., vol. X, 1887, p. 8-54. 2. Ibid., vol. IX, 1886, p. 170-174. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 67 En voici les résultats : Taux d'acide carbonique dans l’air du sol (en volume pour 4000). — Sol nu. TEMPS GÉNÉRALEMENT HUMIDE TEMPS GÉNÉRALEMENT SEC INCLINAISON DE 18° INCLINAISON DE 18° —— —_— © vers vers vers vers vers vers vers | vers le sud. l’est. l’ouest. | le nord. le sud. l’est. lJ’oue:t. |le nord. 22 avril . 4 mai. . 14 mai. . 25 mai, . 3 juin. . {4 juin. . 26 juin... 6 juillet. {7 juillet. 29 juillet. 11 août . 30 août . 14 sept. . 27 sept. . 7 [=] Le] WW 12 1,145 | 0,799 1,589 || {4 avril . 0969207970, 1971151 mar. !. 1,489 | 1,891 11,770 || 16 mai. . 2,388 | 1,918 | 2,975 || {7 juin. . 1,999 3,014 | 1,299 || 15 juin. : 1,754|11,919 | 1,351 17 juillet. 4,093 | 4,041 | 3,098 || 135 juiliet. 6,243 | 4,997 | 3,905 || {1er août . 3,288 | 3,113 | 3,674 || 16 août . 2,749 | 2,400 |9,374 || 19° sept. . 2,165 | 1,309 | 1,018 || 15 sept. . 2,013 | 2,624 | 2,459 || 19 oct. 0,862 | 1,901 | 1,939 14705207 |, 7738 { ,802 1,967 2 [Sa (er ) © o NO — [Sal O2 © _ 2 M = t] — D 12 19 © À 12 s le] 2 re ES . © À 1 1 Co M 19 = 19 Ù] 1 7 [ee] © © (o) e - I © ©! OO TE) Qt en LI 19 O2 vo C9 C9 > He COM COM ON © a © _ J mm © © © © 1] 1 (Le) De 10 Co CO MON CON RL NNN Le) 12 ea 12 JR & 19 O9 19 02 O1 æ À > à — Ke [St] 19 + " mn 19 C9 = Co 9 C9, O9 ma 9 O2 mi O2 O2 C0 C2 C Long en nl (w2] —] rs [SA] AN es ie JUL OU ET OUI MO MOTENNU EAN CO) Moyenne. 2323112, 200102; 472 Moyenne.| 2,978 En rapprochant ces chiffres des différences assez importantes pour l’humidité et la température de sols diversement exposés, on est frappé de voir que les différences dans les taux des produits gazeux de la décomposition (acide carbonique) ne ressortent pas nettement. Cela peut tenir en partie à ce que les échantillons n’ont été pris qu’à une faible profondeur (20 centimètres) à laquelle l'air du sol se dif- _fuse facilement dans l’atmosphère. Ajoutons que les vents, en in- fluençant diversement la surface, ont pu modifier les effets de la température et de l'humidité. Au reste, sans tenir compte de ces circonstances accessoires, il faut chercher la cause du fait dans ce que les deux facteurs dominants (eau et chaleur) se contrecarrent en partie dans ces sols diversement exposés. Ceux qui regardent le sud sont les plus chauds, mais aussi les plus secs ; ceux qui regar- 63 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. dent le nord sont les plus froids, mais en même temps les plus hu- mides. Bien souvent l’échauffement plus fort du versant sud ne pourra produire que peu ou pas de supplément d’oxydation du car- bone, parce que l'humidité nécessaire fera défaut. Inversement, dans le sol exposé au nord, a décomposition des matières organiques trouverait bien, il est vrai, un adjuvant dans l’augmentation du taux d’eau, mais la température trop basse s’opposera à ce que ce facteur rende son plein effet. Ainsi s'explique que les différences dans les taux d'acide carbonique de l’air du sol soient relativement faibles. Si l’on examine séparément les dosages, on voit que le temps a une influence décisive sur la prépondérance de l’un ou l’autre des deux facteurs étudiés. En 1880, année humide, l'air ocelus dans le sol a presque toujours été plus riche en acide carbonique sur les versants sud que sur les versants nord, parce qu’alors leffet de l'excès de température des premiers pouvait se manifester. Dans l’année 1881, généralement sèche, l’influence de la chaleur sur la production de l'acide carbonique fut plus ou moins entravée par le manque d'humidité, si bien que le taux de ce gaz dans les versants sud descendit au-dessous de celui des versants nord plus humides. Ce n’est que dans certains cas, par exemple les 1% et 15 juin et le 1e septembre, quand de fortes pluies avaient bien humecté le sol, que l’échauffement relativement plus grand des sols exposés au sud amena un surcroit de production de gaz. Il résulte de ces faits que le maximum du taux d'acide carbonique de pentes à diverses expo- siions subit des variations dans des périodes plus ou moins lon- ques ; par la sécheresse, le sol des versants nord est généralement plus riche en acide carbonique que celui des versants sud ; si le sol est bien humecté par les pluies, c'est le contraire qui arrive. Si nous considérons ici seulement les versants nord et sud, c’est parce qu'ils présentent les écarts maximums sous le rapport de lé- chauffement et de l'humidité, et qu’on peut alors saisir le mieux sur eux l’influence de ces deux facteurs ; on s’est dispensé d'étendre ces considérations aux versants est et ouest, parce que leurs relations avec les points étudiés se déduisent de ce qui vient d’être dit, en retenant que, sous tous les rapports, ils se placent entre les deux autres versants (nord el sud). DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 69 L'inclinaison ou pente amène des différences en ce sens que Le sol horizontal est plus humide que le sol en pente, et celui-ci est d’au- tant plus sec que la pente est plus forte. C’est ce que montrent les chiffres suivants extraits d’une assez longue série de recherches que j'ai faites à ce sujet’: Taux d’eau du sol jusqu’à 20 centiméêtres de profondeur. I. Pente exposée au sud el plantée en féverolles. PENT E. A ——— — O0. 100. 20. 30». p- 100. p. 100. p. 100. p. 100. Moyenne de 4 dosages. . . 16,42 45,17 4370 412,12 IT. Pentes à diverses cxposilions el garnies de mais. ANGLE DE PENTE. Nord. Sud, Est. Ouest, p. 100. p. 100. p. 100. p. 10). IR Enr RNA Dre LE ER RS 19,13 16,24 17,96 18,67 CREER e Crete RL 17,81 14,59 45,07 16,43 - Pendant la saison chaude, le sol à l'exposition sud et dans cer- laines limites est d'autant plus chaud, à l'exposition nord il est d'autant plus froid que la pente est plus forte, tandis que l'influence de l’inclinaison sur l’échauffement est très faible aux autres exposi- tions. Mes expériences, dont Je donne ci-dessous quelques résultats, militent en faveur de cette opinion * : Température moyenne du sol à 15 centimètres de profondeur. I. Terrain nu exposé au sud. INCLINAISON. A —— Oo. 100. 20. 300. Moyenne de 60 observations. . 24,03 25,45 26,04 26,58 IT, Terrains à diverses expositions. ANGLE DE PENTE. Nord. Sud. Est. Ouest. l'O PAT AA 2 ee 24,64 25,51 25,30 24,99 RER TOC SRE 24,19 26,38 29,13 24,87 1. Forschungen, etc., vol. IX, 1886, p. 1-10 ; vol. X, 1887, p. 3-8. 2, Forschungen, elc., vol. IX, 1886, p. 10-70 ; vol. X, 1887, p. 8-54. 70 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les dosages d’acide carbonique relatés ci-dessous et que J'ai faits sur des pentes exposées au sud” établissent à quel degré la décom- position des éléments organiques est influencée par les circonstances d'humidité et de température variables avec l’inclinaison de la sur- face. Taux d’acide carbonique dans l’air du sol. — Volume pour 1 000, à 20 centimètres de profondeur. — Terre nue. PENTE INCLINÉE DATES. M 2 10 à 200. à 30 DR SA TLC SUR EEE 2,456 3,265 1,407 APE DT En NS Er ne 1,697 1,996 0,966 AR RS CR RENE 3,472 3,746 2,500 PSE RER ES re 2,851 3,893 201 DNJUNLS, M Te ee 2,842 4,582? 2,318 DÉS EE. TAN 3,908 4,584 2,234 2bih— 6612 Les 4,461 6,524 2,869 BUGS EE RE 8,716 9,094 5,104 LITRES EN AMAR EEE 5,054 7,686 4,265 Do En tte nl 3,368 4,894 2,488 SAONE, RENNES 1092 JO 1,620 ST RE CR D EE À 4,461 3,431 2,471 AELSSEDIEMDTÉ PAR 19792 3,105 1,418 28 NL AS PURES 1,315 2,859, 1,813 MOYENNE HSE ER 3,396 4, 491 2, 393 1 ressort de là que le taux d'acide carbonique alteint son maxi- num avec une certaine pente (20°), tandis qu'il diminue pour une pente moindre (10°) ou plus forte (30°). Si l’eremacausis n’était régie que par la température du sol, le taux de ce sol en acide carbonique libre croîtrait, dans les cir- conslances précédentes, à mesure que la pente s’accentuerait. Mais comme le taux d’eau a aussi une grande importance et que le dégagement de gaz s'accroît avec lui jusqu’à une certaine limite qui west pas atteinte ici, on comprend pourquoi la température élevée des fortes pentes n’a pas sur la production de lacide car- 1. Forschungen, elc., vol. IX, 1886, p. 166-170. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 71 bonique l’effet qu’elle pourrait avoir; c’est que l'humidité fait défaut. Sur un sol plus plat celle-ci est en quantité suffisante, mais la température est trop basse, si bien que l'effet du premier fac- teur est paralysé en partie par celui du second. Avec une pente moyenne on est dans les conditions les plus favorables à la dé- composition ; — l'humidité n’y est pas en excès comme dans les terrains plats, ni en défaut comme dans les pentes raides; la température y est moins élevée que dans ces dernières el plus que dans les premières — si bien que, loutes circonstances égales, c’est là que se dégagent les plus fortes quantités d’acide carbo- nique. La loi formulée plus haut (p. 6), suivant laquelle la décom- position des matières organiques est gouvernée, cæleris paribus, par le facteur qui intervient au minimum, se vérifie encore dans les résullats précédents et se vérifierait dans tous les autres cas, élant donnée sa généralité pour toutes les influences étudiées jus- qu'ici. La constitution physique du sol a de l'importance pour les réac- tions qui s’y passent, puisque c’est d'elle que dépendent surtout la perméabilité, l'humidité et la température. Tout d'abord, c’est la grosseur des particules du sol qui déter-- mine la quantité d’air qui y est occlus; elle croît avec le diamètre de ces particules. Ce fait a été nettement démontré sur un sol sa- blonneux préalablement séparé par des tamis en lots de diverses grosseurs et pourvu de sa plus pelite capacilé pour l’eau’. J'ai trouvé ? les chiffres suivants pour les quantités d'air occluses dans chaque lot. {. Les Allemands distinguent la plus petite capacité pour l’eau ou capacité absolue (die kleinste Wassercapacilät) et la plus grande capacité (die grosste ou die volle Wassercapacität). La première est la quantité d'eau qui est retenue par le sol d'une façon durable sans s'écouler dans les profondeurs. La seconde est la quantité d'eau que Je sol peut retenir dans le voisinage de la nappe souterraine (Forsiliche Bodenkunde, par le D' Raman, p. 65). Voir Con!ribulion à l'étude de la Chimie agricole, par Th. Scazæsinc, Paris, Dunod, 1888, p. 89-95. (Trad.) 2. Forschungen, elc., vol. VIIL, 1885, p. 367-373. 72 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 1 000 volumes du sol renfermaient en volumes d’air : GROSSEUR DES GRAINS, EN MILLIMÈTRES. I ET EEE CR SM TL 0,01-0,071. 0,071-0,114. 0,114-0,171. 0,171-0,25. 0,23-0,50. 0,20-1,00. 1,00-2,00. 104.4 422.7 372.1 364.1 359.7 347.8 344.0 L’argile, qui est encore plus fine que le sable dé l'essai précédent, ne renfermait dans les mêmes conditions de saturation que 81.6 vo- lumes d’air pour 1 000 voiumes de sol et l’humus 293.7. Ces différences se modilient au détriment des éléments fins à me- sure que le taux d’eau augmente ; avec un taux élevé, les matières à grains fins ne contiennent que des quantités minimes d'air. Cela est vrai aussi bien du sable très fin que de l'argile et de l’humus, où les pores sont extrêmement rapetissés par l’augmentation sous l’ac- tion de l’eau des éléments colloïdaux que renferment ces divers sols. Comme l'air est rarement stagnant dans le sol, qu'il y est d’ordi- naire constamment en mouvement par suile de la pression atmo- sphérique, des variations de température et de l’action des vents, donc incessamment renouvelé, la capacité du sol pour l’air a moins d'importance vis-à-vis des réactions que sa perméabilité pour l'air, c’est-à-dire son aptitude à le laisser circuler. Pour acquérir sur ce point des notions exactes, J'ai ajouté diverses quantités d’eau aux lots de sable dont il vient d’être question, je les ai placés en couche de 50 centimètres dans des tubes de 5 centimètres de diamètre et J'y ai fait passer de l’air sous une pression de 50 millimètres d’eau. Les quantités d’air (en htres) qui ont passé par heure sont inscrites ci-après : GROSSEUR DES GRAINS, EN MILLIMÈTRES. EAU ajoutée. 0,01-0,071. 0,071-0,114. 0,114-0,171. 0,171-0,25. 0,25-0,50. 0,50-1,00. 1-2. Cent. cubes. 80. 1,02 7,00 16,30 26,16 24,90 61,44 719555 160. 0,69 1,08 4,48 8,83 27,00 20782 48,00 240. 0,24 0,27 3,16 4,32 12,00 25,05 43 ,00 1. Forschungen, elc., vol. XVI, 1893, p. 193-222. 2. Le volume du sol était de 981°°,5. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 73 Il ressort clairement de ces chiffres que la perméabilité du sol pour l'air décroit à mesure qu'augmente le taux d’eau et décroit d'autant plus que le sol est à grain plus fin. Dans les sols tels que les sols argileux ou humiques qui contien- nent une assez grande quantité de matières colloïdales, aux modi- fications provenant du taux d'humidité viennent encore s'ajouter celles qui tiennent à leur changement de volume sous l'influence de l’eau. Par l’humectation les éléments colloïdaux gonflent ; cette augmen- tation de volume a pour conséquence de réduire celui des pores de façon que l'air cireulant dans le sol s’y meut plus difficilement qu’au- paravant. Un éclatant exemple de ce fait m'a été fourni par une sorte de tourbe (d’Oldenbourg) qui, déjà avec un taux d’eau de 33 p. 100 en volume, était complètement impénétrable à l'air, tan- dis qu’elle a pu absorber de l’eau jusqu’à complète saturation de 60-70 p. 100 en volume. Les sols argileux se comporteront de même *, on peut en êlre certain, et on devra conclure que {ous les sols riches en substances colloïdales (humiques, argileux, ferrugi- neux, elc.) deviennent, à l'état naturel, imperméables pour l'air déjà avec un taux d'eau qui est plus ou moins au-dessous du point de saluralion. Il est bon de remarquer que, grâce à l'humectation par l’eau at- mosphérique des couches superficielles du sol, l'accès de l’air s’y trouve diminué et entravé d'autant plus que ces couches sont plus saturées et demeurent plus longtemps à cel état, c’est-à-dire d’au- tant plus que le sol est à grain plus fin et contient plus d’éléments humiques et argileux. Le taux d’eau du sol est, comme celui de l’air, très différent sui- vant sa constitution physique, toutes circonstances égales d’ailleurs, c’est-à-dire pour une égale addition d’eau. En laissant de côté les détails, il résulte des recherches faites jusqu’à présent que l'humidité contenue dans le sol augmente avec 1. Pour ces sols il n'est pas possible de démontrer le fait par l'expérience, parce qu'avec une faible humectation ils se mettent en grumeaux et qu'avec une plus forte ils donnent une bouillie. 74 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. la finesse du Grain el le taux du sol en principes colloïdaux. Ceci ressort nettement des chiffres suivants que j'ai obtenus entre autres ‘ : Taux d’eau du sol jusqu’à 30 centimètres de profondeur exprimé en pour-cent du volume. (Moyennes de 27 dosages faits pendant le semestre d'été.) Sable quartzeux. GROSSEUR DES GRAINS EN MILLIMÈTRES. A — — — mm 0-0,25 0,25-0,50 0,50-1,0 1,0-2,0 2,0-4,5 4,5-6,75 1592. 24.23 18.04 1152229 9.00 7.84 6,06 1893. 151 12.95 11.54 7.50 7.20 5.31 Du lehm renfermait dans les mêmes conditions 38.81 d’eau, soit 32.66 p. 100 en volume. De faits tels que ceux qui précèdent, on doit conclure que, parmi les diverses espèces de sols, le sable accusera un moindre taux d’eau que l'argile et l’humus. C’est ce que montrent les chiffres ci-dessous provenant de mes expé- riences ? : Taux d'eau du sol jusqu'à 30 centimètres de profondeur exprimé en pour-cent du volume. (Moyennes de 9 dosages pendant le semestre d'été.) SABLE CALOAIRE PONT AN AUSESEN TOURBE. riche LEHM. calcaire à quartzeux. en humus. grain fin. 11871920 40.99 36.79 28.31 25.74 10.39 . Ces différences proviennent de ce que le nombre des interstices où s'exerce l’aclion capillaire ainsi que la surface mouillée par l’eau augmentent avec la finesse du grain et que les substances colloïdales s'imbibent d’eau, contribuant ainsi, comme nous l’avons vu, à un 1. Forschungen, elc., vol. XVI, 1893, p. 386 et 3587. 2. Forschungen, elc., vol. V, 1882, p. 17. =] Qt DÉCOMPOS!TION DES MATIÈRES ORGANIQUES. rapetissement des pores et, en même temps, à un accroissement de la capillarité. Les résistances qui s’opposent au passage de l’eau à travers le sol sont proportionnelles à la grosseur des interstices. Les eaux d’infil- tralion qui s’écoulent à une profondeur délerminée sont d'autant moins abondantes que le sol est à grains plus fins. Cela est évident d’après les chiffres suivants empruntés à quelques-unes de mes expériences : Quantités d'eau d'infiltration à 30 centimètres de profondeur par 400 centimètres carrés de surface, en grammes. (Moyennes de 27 ebservations pendant le semestre d'été). Sable quartzeux. QUANTITÉ GROSSEUR DES GRAINS EN MILLIMÈTRES. de pluie. gr. 0,0-0,25 0,25-0,50 0,50-1,0 1-2 24,5 4,5-5,75 1892. 27 338 8 836 15 091 18 S80 20 641 21 876 22 138 1593. 20 286 4 530 10 5S4 12 790 13 557 15 398 Lou L’argile et l'humus sont complèlement impénétrables à l'eau quand ils sont saturés *. Remarquons aussi que la perméabilité d'un sol pour l’eau dépend exclusivement de la couche qui renferme les élé- ments les plus fins. Ainsi s'explique qu'un sol, d’ailleurs perméable, ne fournisse aucune eau d'infiltration s’il repose sur un sous-sol imperméable (roche massive, argile, sable très fin, calcaire, etc.). Dans ces conditions, l’eau qui a traversé les couches supérieures se rassemble à la surface de la zone impénétrable en constituant ce qu’on appelle la nappe souterraine (Grundwasser). Celle-ci s'élève plus ou moins suivant les circonstances et rem- plit d’eau complètement :ou en partie les couches du sol qu’elle baigne. En ce qui concerne la température du sol dans ses relations avec sa composition physique, cetle température résulte de la combi- naison des influences d’une série de facteurs qui réagissent l’un sur 1. Forschungen, elc., vol. XVI, 1893, p. 389 et 390. 2. Forschungen, elc., vol. XIV, 1591, p. 14. 76 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. l’autre d’une manière si compliquée qu’on ne peut se faire une idée juste des particularités des divers sols à l’aide des moyennes d’ob- servalions embrassant une assez longue période, el ce sont seule- ment les différences relatives avec la température extérieure dans chaque période qui offrent un point d'appui. Ceci se déduit de ce que nous venons de dire, que les divers sols, malgré leur manière d’êb'e sensiblement différente vis-à-vis des variations de température, n’accusent généralement dans la moyenne annuelle que des écarts minimes, comme le montrent par exemple les résultats suivants ob- tenus par E. EBERMAYER : : Température moyenne annuelle du sol à Münich. (Moyenne de quatre années.) SABLE JNE OFONDEU Re LEHM. 2e | Pret RME quartzeux. calcaire. HE l'HACENTIMELTES 0 Go 8° 63 8955 8° 92 30 — TE 9 21 O0 8 74 OM 60 — RS 939 9 14 SU 10 16 90 — ESSAI E Oo 9 23 9 16 10 03 Les caractères thermiques du sol s’apprécient bien plus nette- ment en suivant la marche de la température dans un même sol. Les règles qu’on peut poser à ce sujet se résument à peu près ainsi. Quand la température s'élève (pendant l’insolation et la saison chaude comme pendant une journée), de tous les éléments des sols c’est le quartz qui s’'échauffe le plus, puis viennent en série descen- dante le calcaire, l'argile et enfin l’humus qui éprouve le minimum d’échauffement. Quand la température s’abaisse (pendant la saison froide et pendant la nuit), les rapports caloriques des principaux éléments des sols sont inverses des précédents ; c’est le sable quartzeux qui se refroidit le plus vite et l’humus le plus lentement, l'argile et le calcaire se plaçant entre les deux. Ces assertions se vé- rifient pour la plupart dans le tableau suivant emprunté à l’ouvrage de E. EBERMAYER déjà cité. 1. Forschungen, elc., vol. XIV, 1891, p. 195. fur s MPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. DECO 90° 6 18‘F £1‘e cer ce‘ Ta‘ y co‘ 9 *s9199p ‘3090 06 I, 10‘@T | 82‘0T go‘s | 61‘e gr‘gr | gg‘or ce‘2T | 92‘9T 29°8T | ZS'S8T £0*08 | F9 20,9 29/8 26,7 OT PS 2 20,4 29,0 23,4 Moyenne. . . 49, 53 20, 26 22,03 Les différences de température entre le sol couvert et le sol nu sont, au moment du maximum journalier, plus grandes que dans les moyennes mensuelles. Pendant la nuit le sol nu, surtout à l'heure du minimum journalier, est généralement, sinon toujours, plus froid que le sol couvert. L’échauffement du sol, sous l'influence des diverses espèces de sols, se fait dans les couches superficielles pen- dant le jour comme il se fait dans l’été pour les moyennes mensuelles, et pendant la nuit il suit une courbe analogue à celle des moyennes mensuelles hivernales. L’excès de température diurne du sol nu sur le sol couvert est si prononcé que le refroidissement nocturne rela- 1. E. Wozzny, Der Einfluss der Pflansendecke, elc., p. 44. 90 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tivement plus accentué du premier ne se fait pas sentir sur la tem- péralure moyenne qui, on le voit, est plus élevée que celle du sol couvert. Du reste, l’effet que la couverture exerce sur la température du sol est très différent suivant le temps, suivant la composition du sol et des objets qui le recouvrent. Si, pendant l’été, il survient une im- portante dépression dans la température, les couches superficielles du sol nu deviennent au contraire plus froides que celles du sol garni de plantes. Inversement, si, après une période de froid, la tem- pérature s'élève, le sol friche s’échauffe plus vite que le sol couvert de plantes vivantes ou de détritus végétaux. Plus est grand le nombre des jours clairs et ensoleillés, plus s’accusent les différences de tem- pérature entre le sol nu et le sol couvert ; elles diminuent dans la mesure où s'accroît la nébulosité et où décroit la température de l'air. Il résulte de tout ceci que l’influence de la couverture du sol sur sa température est d'autant plus sensible que les agents exté- rieurs de l’échauffement du sol se montrent plus favorables et vice versa. N'oublions pas de mentionner que les influences de la couverture sur l’échauffement du sol, telles qu’elles sont indiquées plus haut, se font sentir à des degrés divers sur des terrains de composition physique différente. Sur ceux d’origine minérale, comme les sols sablonneux qui conduisent relativement bien la chaleur, les change- ments de température provoqués par la couverture sont sensible- ment plus rapides que sur les sols de nature organique (tourbe) à conductibilité faible, si bien que, dans le premier cas, le sol nu s’échauffe beaucoup plus vite que celui qui est couvert quand la température s'élève et que, dans le second cas, il se refroidit plus vite quand la température décroit'. Enfin, la composition de la cou- yerture, toutes autres circonstances égales, a de l’importance pour la température du sol. Si elle est formée de plantes à vie courte, les différences de tem- pérature entre les sols couverts et les sols nus sont minimes, tant que les plantes sont à l’état jeune et que l’insolation est faible (prin- 1. Forschungen, etc., vol. VI, 1883, p. 199-218. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 91 temps) ; elles s’accentuent à mesure que la végétation progresse et que la température s’accroit ; elles atteignent d'ordinaire leur maxi- mum en été pour diminuer à l’automne dans la mesure où s’atté- nuent l’ombrage et l’insolation. Les arbres forestiers se comportent de même avec cette différence que, vu la lenteur de leur végétation, leurs influences se prolongent pendant un grand nombre d’années. Si ces arbres se développent assez pour couvrir complètement le sol, celui-ci subit de ce chef pendant l'été le plus fort abaissement de température. La densité des tiges a une influence assez grande sur la tempéra- ture du sol, ainsi qu’il résulte des chiffres suivants d’une de mes expé- riences : : Pois. — Température du sol à 10 centimètres de profondeur. NOMBRE DES TIGES PAR 4 MÈTRES CARRES. DATES. EEE 64. 100. 144. 196. ee degrés. dou degrés. Fe 26 JUMAS TS MEN 18,53 18,14 17,99 17,24 55 CORTE PR EEE ESS E 18,25 17,95 17,38 16,93 DS Miel ALI du 18,61 17,94 17,53 16,94 NN Re à 23,69 22,97 22,26 ST Morenne it OTBNTS 0) 48:29 1 17,76 00) 47,23 Ces chiffres établissent que La température du sol en été est d'au- tant plus basse que les plantes qui le couvrent sont plus denses. Mes recherches? ont aussi montré que le sol en été s’échauffe d'autant plus faiblement que les organes aériens des plantes sont plus déve- loppés. La moitié d’une parcelle de gazon fut amenée par des engrais appropriés à un développement luxuriant tandis que l’autre moitié restée sans engrais ne montrait qu'une végétation médiocre. Voici les températures du sol à 10 centimètres de profondeur dans les deux moitiés : | 1882 a — — ___—— MOYENNE. 19 juillet. 20 juillet. 21 juillet. 22 juillet. degrés. degrés. degrés. degrés. dezrés. Parcelle fumée. . . 19,42 19,83 20,15 20,12 19,88 Parcelle non fumée. 20,03 20,82 21:16 20,72 20,68 1. Forschungen, etc., vol. VI, 18S3, p. 243. 2, Ibid., vol. VI, 1883, p. 227-250. 92 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Un autre exemple est fourni par une expérience où l’on cultiva des plants de fèves également espacés provenant les uns de grosses graines, les autres de petites. Les plants développés proportionnel- lement à la grosseur de la semence eurent sur la température du sol une influence différente qui ressort des chiffres ci-après : Température du sol à 40 centimètres de profondeur. I. II. FÈVES FÈVES provenant de graines. provenant de graines. A EE — Grosses. Petites. Grosses. Petites. degrés. degrés, degrés. egrés. 7 juillet {881 . 21,90 23,19 21520 22,42 5 = s 21,10 93.23 21 59 22,01 Moyenne. . 21.50 22, 80 21,93 22,90 Pour les végétaux forestiers comme pour les agricoles, la tempé- rature du sol dépend de la densité du peuplement, du développe- ment des organes aériens et du port de la plante; leur influence est d'autant plus grande qu’ils sont plus serrés et que leurs organes aériens sont plus largement développés”. L'action d’une couverture morte dépend surtout de son épaisseur comme le montrent mes essais ? Température du sol à 45 centimètres de profondeur. COUVERTURE DE PAILLE 2 MOIS. SOL NU. de de de 5 2 centi- 5 centi- ? mètres. mètres. a. Rae Bu RE nannee Avril 1884. . . 7,86 7,76 7,64 7,58 Maison 15,08 14,11 13,76 13,31 Ininse 14,97 14,58 14,43 14,18 Juillet . . . . 20,11 19,42 19,06 18,66 AOÛT FETE SE 18,92 18,33 18,23 17,32 Septembre. . . 15,44 1547 15,25 REA LE Moyenne. . 15,40 14, 86 14,73 14,15 {. Forschungen, etc., vol. XVII, 1894, p. 168. 2. Ibid., vol. XIII, 1890, p. 163. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 93 Température du sol à 12 centimètres de profondeur. COUVERTURE DE MOUSSE TR nr MOIS. SOL NU. Fe de ? d de D ue + He de Deere. dues on Mai 1888 . . . VHS 13, 29 12,69 12,50 12,42 Join een 18,35 17,28 16,86 16,66 16,55 AU ER METRE 16,97 16,17 16,00 15,90 15,83 LOUE SR 17,84 16,89 16,66 16,56 16,49 Septembre . . . 14,59 14,28 14,34 14,43 14,47 Helopret.rrt. le tien | 7,28 7,67 8,11 8,24 Moyenne. . . 14,94 14,19 44,04 14,03 44, 00 De ces chiffres il ressort que le sol est d'autant plus froid pendant la saison chaude, d'autant plus chaud pendant la saison froide que lu couverture est plus épaisse. Tous ces résultats peuvent s’expliquer ainsi. Par la présence des plantes, l'influence directe de l’insolation sur la surface du sol est gênée plus ou moins suivant l’état serré des plantes et le développe- ment de leurs organes aériens, donc suivant l’ombrage. En outre, par l’évaporation extrêmement forte de l’eau à la surface des feuilles il y a beaucoup de chaleur combinée qui est perdue par le sol pen- dant la saison de végétation, et les plantes consomment de la cha- leur pour l'entretien de leurs fonctions (travail interne). Enfin, la mauvaise conductibilité tant de la couche d’air plus ou moins sta- gnante retenue entre les plantes, que du sol parcouru en tous sens par les racines et pourvu d’une grande quantité de matière orga- nique pourrait être mise en avant pour expliquer le faible échauffe- ment du sol sous l’action d’une température élevée. En hiver, la température du sol sous l’influence de la couverture présente des rapports inverses de ceux constatés dans la saison de végétation et pour les mêmes raisons. La couverture, mauvaise con- ductrice, garantit le sol contre un trop grand refroidissement. De plus, avec des plantes pérennes, il se forme à la surface, aux dépens des organes aériens morts, une couverture qui, vu sa faible conduc- tibilité et sa grande chaleur spécifique, diminue l’action de la tem- pérature de l'air sur le refroidissement du sol. 94 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Cette température extérieure agit immédiatement sur les sols nus qui sont par cela plus froids en hiver que les sols couverts. Les influences des couvertures mortes sur la température du sol doivent être rapportées à des causes semblables. L'action exercée à ce point de vue par les diverses formes de la végétation se déduit dès lors d’une manière générale des faits précé- dents. Si, dans ce qui va suivre, il sera surtout question de la période de végétation, la raison en est que les processus organiques dont le sol est le théâtre sont principalement importants dans cette saison. De toutes les formes de la végétation, c’est la forét qui refroidit le plus le sol à cause du couvert exercé par les cimes et de la protec- tion que la couverture morte fournit au sol. La longue période de végétation des arbres, surtout des arbres verts, doit être aussi mise en avant, pour expliquer l’importante dépression de la température dans le sol forestier. Après les arbres des foréts, ce sont les fourrages pérennes (luzerne, esparcelle, trèfle, prairie) qui contribuent le plus à l’abaissement de la température du sol, quoique à un moindre degré que les arbres ; leur influence s'explique par leur très longue durée de végétation et par leur état serré qui ombrage bien le sol. Ce n’est qu'après la fau- chaison que cette influence diminue et fait place à un plus fort échauf- fement, comme il résulte des observations suivantes que j'ai faites* : Température du sol à 10 centimètres de profondeur. 26 Mar. 27 MAI. 28 Mat. 16 JUIN. MOYENNE. degrés. desress degrés. dégrés. degrés. Herbe non fauchée. . . 14,21 15,35 Don 14,60 15,11 Herbe fauchée . . . . 19,04 20,32 19,22 16,09 19,53 À mesure que se développent les organes aériens, l'influence ré- frigérante de la couverture vivante augmente à nouveau et atteint son maximum quand le sol est derechef complètement ombragé. Les végétaux agricoles, cullivés pour leurs grains, leurs racines, leurs tubercules, elc., s'opposent dans une bien moindre mesure à l’échauffement du sol parce qu’à cause de leur état clair, ils ombra- gent moins le sol, parce qu'aussi leur saison de végétation est géné- 1. Forschungen,etc., vol. VI, 1883, p. 241. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 95 ralement plus courte et qu'après la récolte le sol se trouve plus ou moins longtemps à l’état friche. Les cultures agricoles présentent sous ce rapport les plus grandes différences. Ce sont les grandes légumineuses à feuillage abondant (fèves, vesces, pois), et le maïs fourrage qui dépriment le plus la température, puis viennent les navets, les betteraves et, après, les céréales, tandis que les plantes largement espacées, cultivées pour leurs racines et leurs tubercules, opposent le moindre obstacle à l’insolation. L’humidité du sol, tout comme sa température, est modifiée par les couvertures. Parmi les nombreuses recherches que j'ai faites à ce sujet’, je citerai les résultats suivants : TAUX D'EAU DU SOL PROFONDEUR dei SOUS Le couche. gazon. FACE | 0-10 11,95 20,88 34,43 10-40 15,19 22,30 29,98 15 août 1875. 3 ; 7 à ü | 40-70 15,35 23,95 26,42 70-100 16,60 24,51 26,28 Les chiffres ci-dessous donnent une idée de l’influence des arbres forestiers sur l'humidité du sol ? : Taux d’eau du sol en moyenne jusqu’à 0",50 de profondeur. ÉPICÉAS BOULEAÜX ANNÉE. PE er sans GAZON. SOL NU. couverture. couverture, Couverture. lssToe ins j: on titi me: 9616008 Peu (A (15-20 2.19 0 2 1947 he i0n36 OR 5e TIR LES Ge LA 00 LR OA , 1750 IRIS ‘-[3) OBMARTATEN ARS ee To dE 18,49 EI en EU LOIS AUANMTE, CAN A S6UHT 1818 Moyenne * . 14,37 15,37 13,66 14, 49 17, 29 1. E. Wozzwy, Der Einfluss der Pflanzendecke und Beschattung, etc., Berlin, 1877, p. 105-135.—Forschungen, ebc., vol. X, 1887, p. 261-321 ; vol. XII, 1889, p. 2-31. 2. Forschungen, etc., vol. XVIT, 1894, p. 171-180. 3. Ges chiffres sont les moyennes de 117 déterminations faites pendant la saison de végétation, 96 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Ces résultats montrent avec la plus grande netteté que: 1° le taux d’eau d'un sol garni d’une couverture vivante est, pendant la saison de végétation, toujours plus faible que celui d’un sol nu; 2° un sol recouvert de fumier, de paille et de matières inertes analogues pos- sède, à égalité de composition, un taux d’eau plus fort qu'un sol nu ; 3° pendant l'été, le sol couvert de paille ou de fumier est le plus humide, le sol nu l’est moins et le plus sec est celui qui est garni de plantes vivantes. Ces conclusions ont été confirmées par les recherches de beau- coup d’autres expérimentateurs *, si bien qu’on ne peut plus mettre en doute leur exactitude. Le desséchement du sol par les plantes tient à leur importante consommation d’eau. Par leurs feuilles qui s’étalent dans l’air sur de vastes surfaces se fait une grande évaporation d’eau provenant d’abord des cellules voisines de la périphérie ; celles-ci cherchent à combler leur perte, par imbibilion et endosmose, aux dépens des cellules situées plus profondément, et c’est ainsi que se forme dans toute la plante un courant qui va des racines aux organes extérieurs. Donc, il faut que la racine tire du milieu ambiant, le sol, constamment autant d’eau qu’il s’en évapore par les feuilles, pour que les tissus restent turgescents et que les fonctions s’accomplissent sans inter- ruption, C’est le sol qui doit fournir les quantités d’eau nécessitées par la transpiration ; c’est le seul milieu par où les précipitations atmosphériques puissent arriver aux plantes. On ne peut admettre, les expériences l'ont montré, que les organes aériens des plantes absorbent l’eau en quantité appréciable, qu’elle soit en gouttelettes ou à Pétat de vapeur. Pour leur consommation d’eau, les plantes sont exclusivement réduites au sol. A quel chiffre énorme s'élève cette consommation ? c’est ce que l’on peut mesurer par les quantités d’eau nécessaires pour former 1. G. Wicaezu, Wochenblalt fur Forst- und Landwirthschaft in Würtemberg, 1866, p. 174 ; Land- und forstwirthschaftliche Zeitung, 1867, p. 31. — J. Bne- TENLORNER, Allgem. land- und forstwirthschaftliche Zeitung, 1867, p. 497. — W. Scaumacuer, Fühling's landw. Zeilung, 1872, p. 604-610. — Pour l'influence des arbres forestiers sur l'humidité du sol, voir surtout le travail de E. Esenmayen dans les Forschungen, etc, vol. XII, 1889, p. 147-174. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 97 les produits végétaux ou bien encore par l’évaporation de sols plantés comparés à d’autres non plantés. Les recherches de H. H£eLLRIEGEL ‘ et les miennes faites suivant la première méthode ont montré que, par exemple, chez les diverses plantes agricoles, la produelion de 1 gramme de substance sèche exigeait de 262 à 402 grammes (233-912 grammes)? d’eau. Dans mes expériences sur l’évaporation de sols garnis ou non de végéta- tion, j'ai montré que, du 4 juin au 27 septembre 1851, il s'était éva- poré par 1 000 centimètres carrés : D'un sol de gazon . . . 34 605 grammes d'eau. DUnNSOIQUERESS 139719 — et que des surfaces égales ayant reçu 57 253 grammes de pluie ont rejeté dans l'atmosphère du 15 avril au 31 octobre 1875 les quan- tités d’eau suivantes : SABLE HET LEHM. TOURBE. GAZON SRE 47 355 Eye | 5 630 SORA RUE 18 31? 33 599 30 200 De ces recherches et de beaucoup d’autres du même genre il res- sort avec évidence que les sols garnis de plantes en végétation éva- porent, toutes conditions égales, de bien plus grandes quantités d’eau que les sols nus. La surface d’évaporation du sol est en quelque sorte multipliée par les plantes un certain nombre de fois. La four- niture directe d’eau provenant du sol même est sensiblement amoin- drie par la couverture parce que celle-ci diminue beaucoup l'évapo- ration du sol; mais celte influence ne profite pas à la provision d’eau du sol, que les racines des plantes revendiquent énergique- ment pour fournir aux organes aériens l’eau nécessaire à la trans- piration. Sur le sol nu l’évaporation directe, l’évaporation de la couclie superficielle, est, il est vrai, plus grande que sous les plantes ; mais dans ce dernier cas intervient Pimportant emprunt d’eau fait 1. H. HezLuEecEz, Beitrage zu den nalurwissenschaftlichen Grundlagen des Ackerbaues. Braunschweig, 1883, p. 622-664. 2, Der Einfluss der Pflanzendecke und Beschattung. Berlin, 1877, p. 123-125. ANN. SCIENCE AGRON. — 9° SÉRIE. — 1S99. — 11. 7 98 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. par la végétation. Ajoulons que les précipitations atmosphériques pénètrent intégralement dans le sol nu, tandis que, sur le sol garni de végélation, elles sont retenues en partie par les feuilles ; en outre, au moment des sécheresses, le sol sans végétation se dessèche plus ou moins et cette croûte superficielle desséchée s'oppose à l’évapo- ration. | Les arbres forestiers se comportent sous ce rapport comme les plantes herbacées. Ainsi j'ai trouvé” qu’une surface d’un mètre carré recevant une lame d’eau de 990,6 évaporait par an, en litres (moyenne de six années) : PROS Pau er ee 2 LE BOULEAUX É sans avec sans SOL NU. couverture. couverture. couverture. 860,8 877,7 754,0 482 ,0 L'action exercée par les couvertures mortes (paille, famier, cou- verture, ete.) tient tout d’abord à ce que la surface d’évaporation du sol, en contact avec l'atmosphère, est diminuée par lPadjonction de ces matériaux et à ce que l'influence des agents d’évaporation est entravée. Dans ces conditions le vent et l’insolation ne peuvent plus faire sentir directement sur le sol leur action desséchante. En outre, Pabaissement de la température du sol sous l'influence des couver- tures mortes intervient dans l’explication du phénomène, comme aussi la circonstance que les matières organiques enferment une couche d’air saturée de vapeur d’eau qui est un obstacle à l’évapora- tion du sol. Mes résultats relatés ci-après montrent le degré de cette influence * : Quantité d'eau évaporée (en grammes) par 1 063 centimètres carrés de surface. (Du 27 juillet au 5 août 1875.) SABLE. LEHM. TOURBE. Sol ire anironnenr rte 3 783 3 339 3 820 Sol couvert d'une couche de 1,5. . . 1 265 4 423 4915 1. Forschungen, etc., vol. XNII, 1894, p. 202. . Ibid., vol. X, 1887, p. 297, et vol. XIII, 1890, p. 175. Le DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 99 Quantité d'eau évaporée (en grammes) par 1000 centimètres carrés de surface. SABLE CALCAIRE RICHE EN HUMUS avec une couverture de 2cm,5 ELEC" de d’aiguilles de feuilles —— © °©Ù A, SO] NU. d’épicéa. de pin. dechêne. dehêtre. mousse. Du 11 au 19 juin et du 20 au 30 août 1888 . . .:. . . 410 360 480 270 270 2 030 Du 12 au 20 juillet et du 1° au PAFAOUR LES PAPE, MORE ESE7S0 630 680 440 370 2 020 Le sol muni d'une couverture a donc évaporé beaucoup moins d’eau que le sol nu. L’humidité du sol, comme sa température, est diversement in- fluencée par la composition des couvertures. L'état plus ou moins serré des tiges est d’abord de grande importance, comme il résulte des observations suivantes faites par moi’: | Taux d'eau du sol jusqu’à 20 centimètres de profondeur. Pois, 13 juin 1875 : Nombre de tiges par 4 mètres carrés. 64 100 144 Humidité du sol. . . . . . . .. 20,11 14,71 11,93 Betteraves, 4 août 1875 : Nombre de tiges par 4 mètres carrés. 16 36 49 Humidité dsl AE A er 23,14 17,53 15,66 Pommes de terre, 16 juillet 1876 : Nombre de tiges par 4 mètres carrés. 16 36 64 Huron Au SOMECAT EME NET: 18,04 17,01 16,58 Ces chiffres montrent que le sol s’épuise d'autant plus en eau que les plantes sont plus serrées. Au reste, la consommation d’eau par les plantes est, toutes choses égales, d'autant plus forte que les plantes sont plus développées. 1. Forschungen, ete, vol. X. 1887, p, 298. 100. ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Cela résulte non seulement de mes expériences’, mais aussi de celles de H. GizgerT? dont voici quelques résultats : PRAIRIE A —————— —_ Fumure , non de'sels Fumure fumée. ammMONA- Ge nitrates. caux. Récolte de foin en 1870 par acre en cwt*. 5 3/4 29 1/2 56 1/4 Taux d’eau du sol à diverses profondeurs (25 et 26 juillet 1870). De «“Osà 22,centimètres . . 10,53 13,00 12,16 De 22à 44 —= Se 13,34 10,18 11,80 De 44 à 66 — er 19,23 16,46 15,69 De 66à S8 “= Ro 223 18,96 16,30 De 88 à 110 = LC 24,28 20,54 17,18 De 110 à 132 — one 25,07 21.34 18,06 Moyenne. . . . . 19,14 16,75 45,19 En ce qui concerne la dessiccation du sol aux diverses phases de l'accroissement, la moindre réflexion indique que c’est pendant la jeu- nesse que les végétaux absorbent le moins d’eau, que cette absorp- tion augmente constamment avec leur accroissement et afteint son maximum quand la plante est entièrement développée, après quoi la consommation diminue à mesure que les végétaux approchent de leur maturité. C’est ce que mettent en évidence les résultats de plu- sieurs de mes expériences‘ et de celles de E. EBERMAYER* sur les arbres forestiers. Voici les moyennes des taux d’humidité du sol : Taux d'eau du sol entre 40 et 80 centimètres de profondeur. ÉPICÉA. EE SOL Jeunes bois Bois moyens Bois Le a R “ exploitables. non boisé. 25 ans. 60 ans. 120 ans. 1884-1885 . . . 16,89 15,28 18,43 20,17 1885-1886 . . . 18,65 17,30 49,74 20,46 1. Forschungen, elc., vol. X, 1857, p. 298-320. 2. On Rainfall, Evaporalion and Percolation. Proceedings of the Instilution of civil Engineers London. 1876, vol. XIV, 3° partie. 3. L'acre vaut 0",40, et le quintal anglais (ewt) 50*,8. (Trad.) 4. Forschungen, etc., vol. XII, 188), p. 28. o. 1bid., vol. XII, 1889, p. 150 et 152: DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 101 Il résulte de ces chiffres que l'humidité du sol est plus ménagée pendant le jeune âge des bois que pendant leur âge moyen, puis qu'avec les progrès de l'accroissement (à l’âge d’exploitabilité) l’ex- traction d’eau du sol subit une diminution. Ces résultats confirment, au surplus, ce que nous avons dit plus haut : le sol nu renferme plus d’eau que le sol planté. L’épaisseur de la couverture morte a bien plus d'importance pour l'humidité du sol que sa composition. Les chiffres suivants emprun- tés à quelques-uns de mes essais montrent dans quelle mesure cette épaisseur influe sur l'humidité du sol: Humidité du sol jusqu'à 20 centimètres de profondeur. COUVERTURE DE PAILLK A PERTE de de de Ocn,5 2 centim. 5 centim. 1883 et 1884?. . . 19,88 23,39 25,49 26,18 COUVERTURE DE MOUSSE EE ST —— SE SE de de de de 20,5 5 centim. 7cm,5 40 centim. 1888 et 1889°. . . 47,51 20,49 20,81 21,22 21,49 On voit qu’un sol muni d’une couverture est sensiblement plus humide pendant la saison chaude qu’un sol nu et d’autant plus que la couverture est plus épaisse. Celle augmentation d'humidité du sol sous l'influence de couvertures d’épaisseur variable n’est cepen- dant pas proportionnelle à cette épaisseur; les chiffres montrent qu’elle croît dans un moindre rapport. Si l’on résume l’ensemble des résultats précédents et des obser- valions auxquelles ils donnent lieu, si l’on tient compte aussi d’au- tres expériences failes par E. EBERMAYER et par moi, on peut, au point de vue de l’influence des végétaux agricoles et forestiers sur l'humidité du sol, poser les conclusions suivantes: Parmi les plantes qui contribuent le plus à dessécher le sol pendant la saison de végétation, il faut compter certainement les fourrages 1. Forschungen, elc,, vol. XIII, p. 1890, p. 172 et 173. 2. Moyenne de vingt-neuf dosages. 3. Moyenne de trente-six dosages. 102 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. drus, vivaces, à longue période de végétation (trèfle, luzerne, sain- foin, herbes fourragères, etc.). Les prairies ne rentrent pas, en géné- ral, dans cette catégorie, parce qu’elles occupent des places plus hu- mides où l’eau leur est fournie par le dessus ou par le dessous. Les légumineuses à feuillage abondant, cultivées pour leurs graines, et quelques plantes commerciales ont de moindres exigences vis-à-vis de l’eau ; à elles se joignent par ordre décroissant les végétaux forestiers. Les céréales se placent très près de ces derniers en ce sens qu’elles empruntent au sol tout autant ou quelquefois moins d’eau qu'eux. Les plantes à tubercules ou à racines, cultivées avec large espace- ment, quelques plantes commerciales qu’on traite de la même ma- nière, sont celles qui ont besoin de la moindre provision d’eau. Ce que nous venons de dire n’a qu’une valeur générale ; car non seulement il y a dans chacun de ces groupes de grandes différences, mais encore pour, la même plante l'influence sur l'humidité du sol dépend des circonstances extérieures. Ce qui explique l'extraordinaire appel d’eau fait au sol par les fourrages vivaces, c’est, avant tout, ce fait qu’ils sont très drus, qu’ils se trouvent presque toujours en grande transpiration et qu'ils ont une longue saison de végétation. Les récoltes de graines emploient relativement beaucoup moins d’eau, parce qu’elles couvrent moins longtemps le sol et que, de- puis la récolte jusqu’à la culture préparatoire de la récolte suivante, le sol reste nu plus ou moins longtemps. En outre, ces végétaux uti- lisent moins d’eau au moment de la maturité. L’épuisement du sol dépend du développement des feuilles ; les légumineuses abondamment feuillées extraient de la terre plus d’eau que les céréales chez lesquelles l'appareil foliacé est bien plus ré- duit. Dans ces groupes il y a des différences nombreuses. Ainsi, le besoin en eau des espèces dressées, à vie longue, de la famille des légumineuses (féverole, haricot nain) est plus grand que celui des espèces traînantes à durée de végétalion plus courte (pois, vesce) et, parmi les céréales, les espèces, telles que le maïs-graine et le sorgho, qui sont cultivées en rangs espacés tirent moins d’eau du sol que celles qui croissent à l’état serré. De ces dernières, l’avoine et le blé prennent plus d’eau que l'orge et c’est le seigle qui DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 103 est le plus frugal. La méthode de cultiver les plantes à tubercules ou à racines à l’état clair entraine un moindre épuisement de la provision d’eau du sol. Même dans ce groupe de végétaux 1l se produit des diffé- rences: les betteraves absorbent plus d’eau que les pommes de terre et, parmi ces dernières, celles qui ont beaucoup de feuilles en con- somment plus que celles qui ont un plus faible développement foliacé. Pour les arbres forestiers, abstraction faite de la densité du peu- plement, l'absorption de l’eau pendant toute l’année est plus grande chez les arbres verts (conifères) que chez les feuillus. Ceux-ci peu- vent sans doute épuiser davantage le sol pendant la saison de végé- tation. Quand il y a une couverture, le taux d’eau du sol est un peu plus élevé que dans le cas contraire ; mais les différences d’humidité dans le sol à ces deux états sont faibles, même nulles ou quelquefois en sens contraire parce que l’accroissement des plantes et par suite leur pouvoir de transpiration est accéléré par les principes nutrilifs formés dans la couverture lors de la décomposition des matières orga- niques et rapportés au sol par linfiltration des eaux atmosphériques. De ce qui vient d’être dit il ressort suffisamment que les deux fac- teurs importants pour la décomposition des matières organiques, chaleur et humidité, sont modifiés par les formes de la végétation de la manière la plus variée ; 1l en résulte qu’il est très difficile de prévoir exactement dans chaque cas les rapports des diverses cul- tures avec les faits en question, d’autant plus qu'aux agents déjà cités il s’en joint deux autres, le travail du sol et sa fumure. Vou- loir mesurer * l’action de ces divers facteurs par l’acide carbonique de l'air du sol serait un procédé qui conduirait à des notions trop inexactes. On détermine ainsi la quantité de gaz carbonique existant dans le sol?, qu'il soit fumé ou non, abstraction faite de son état phy- sique qui agit très différemment, suivant les cultures, sur la forma- tion et sur la sortie du gaz. De plus, selon les plantes que l’on cultive, l'accumulation de la matière organique dans le sol se fait de la façon la plus variée ainsi que sa décomposition. C’est seulement dans le cas où toutes les cir- 1. E. Escamaven, Forschungen, elc., vol. XIII, 1890, p. 23-49. 2, Ibid., vol, IX, 1886, p. 165-194. 104 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. constances sont égales qu’on pourrait obtenir par cette méthode un résultat permeltant de juger de l'influence des formes de la végéta- tion sur les processus organiques du sol. Partant de ce point de vue, il faut, pour évaluer l’action de la couverture sur la décomposition, choisir un disposilif où le sol pos- sède une composition absolument homogène et où la couverture n’ait encore amené aucun changement dans le taux d’humus. J'ai fait des essais dans ces conditions ‘. Des cylindres de tôle de 0°",5 de hau- teur et de 0"°,01 de section, entourés de terre et munis à la base d’un tuyau destiné à l’écoulement de l’eau en excès, furent rem- plis de 60 kilogr. de sable calcaire riche en humus préalablement mélangé avec soin. La surface dans l’un fut garnie d’une couche de paille de 1°%,5 de hauteur, dans l’autre d’un tapis de gazon et dans le troisième elle resta nue. L'air aspiré d’une profondeur de 0",95 pen- dant l'été renfermait les quantités suivantes d’acide carbonique : 1 000 VOLUMES D'AIR DU 801 VOLUME RAPPORTÉ renfermaient au volume trouvé sous le gazon en acide carbonique. pris comme unité. ———“ ©" Gazon. Paille. Sol nu. Gazon. Paille. Sol nu. LS MAILS T8 le 0730 TS OR MON ODE PNTE EP NUL MATE DOIALSE FE HE ON AE DOIE TT ANSE 1 AMG? EMI TS. 1,415 ,734 1,970 Î 4,05 5,39 8 — se 9000 ADO TA OU E ELE 17100 OS 15 — L A0 UD TS USE UTE 20e Tee TRI SEe 22 2 ANAUE CAISSE SAGEM) 5 PUSPESSMMEM 1e: juillebiBas tx Open foto. 2032: 101 HE aa res 8 — ET Te DIET TAN l 2,00, 320 13 — A Te OBS 2e AT (6 AG NT AS OL A SR 2) 20 = Re es ne à Von Lalla Pa Le Vu 3062 PM 5006 97 _ 800008 Husyaom MoN TON A HASSE S août 1878 ha 4 010 NS 800 DS 270 Al 0,96: 2411 Om OP D68 2 A8 046 UT 42 PRESS 00 EST ADE eee cl 0e 536320 9,820 l 3,08" 5,36 DEN Se AN ER 2 A0 ENS 21 60 AIO CAS SL loose ts 00 ro Mason hier 212082 vu t2 us 7 septembre 1879. 3,428 11,233 14,005 Î 3,28 4,09 17 = OPA 0-7 2250 LS, 240 mal: à DL ES 21 _ 0,770 7,001 7,490 1 9,09 9,73 Moyenne . 2,101 1: 4192 9,434 4 3,40 4,49 1. Forschungen, etc., vol. II, 1880. p. 1-14. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 105 Étant donné que le taux d'acide carbonique de l’air occlus dans le sol peut, dans les conditions précédentes, servir à mesurer l’inten- sité des processus de décomposition, on doit conclure du tableau précédent que dans le sol garni de végétation l'eremacaucis est bien plus lente que dans le sol garni d’une couverture morte; c'est dans le sol nu qu'elle est la plus intense. Ce sont des différences dans l’échauffement et l'humidité qui pro- duisent ces résultats. Puisque le sol nu, on la montré, est plus chaud et plus humide que le sol garni de végétation, l’eremacausis doit être nécessairement plus active dans le premier. Si le sol muni d’une couche de paille, de fumier, ou de feuilles mortes accuse une plus faible décomposition que le sol nu, malgré un taux d’eau plus élevé, cela doit être avant tout altribué à ce que sa température est moindre. Si le sol nu avait été ameubli une ou plusieurs fois, comme on le fait en agriculture dans la jachère, et que, par suite, l'influence de l'oxygène eût été favorisée, 1l eût manifesté une décomposition en- core plus active que dans les expériences relatées. Naturellement, l'influence de la couverture ne se borne pas à l’oxy- dation du carbone ; elle se fait sentir aussi sur l’oxydation de l’am- moniaque qui se forme par dédoublement des éléments azotés. Quelques expériences de R. WaRiINGTON' montrent qu'il en est bien ainsi. Après la récolte (1878), il dosa l’azote nitrique de sols qui avaient porté des récoltes agricoles ou qui étaient restés en Ja- chère. Il trouva les chiffres suivants : Azote nitrique en kilogrammes par acre. FUMURE COMPLÈTE SUPERPHOSPHATE SANS FUMURE EE © ER © TT, + Fèves. Jachère. Fèyes. Jachère. Blé. Jachère. De 0 à 22 centimètres. 5,4 13,5 3,3 10,0 fe 12,8 De 22 à 44 centimètres. 3,8 8,9 1,9 6,3 traces 250 —— 9,2 22,0 4,8 16,3 1,2 45,1 Bien que ces résultats ne soient pas absolument démonstratifs en 1. Journ. of the Soc. of Arts, 1882, t. XXX, p. 532-544. 106 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ce qui concerne l'influence de la garniture végétale sur la nitrifica- tion puisque, pendant leur développement, les végétaux utilisent des nitrates du sol, on peut cependant admettre que les différences accusées par les chiffres précédents ne tiennent pas uniquement à cela ; d’abord, les dosages ont été faits après la récolte, c’est-à-dire à la fin d’une période pendant laquelle les plantes prennent très peu de chose au sol; ensuite, la parcelle en jachère avait sûrement perdu par dissolution une partie de ses nitrates ([° partie). Eu égard à ces circonstances, on peut attribuer, sans crainte d’une fausse inter- prétation, les résultats précédents aux différences dans la tempé- rature et l’humidité du sol et conclure que la couverture vivante diminue sensiblement la nitrification dans le sol. Ceci n’est vrai que pour la saison chaude ; pendant la saison froide les rapports sont inverses, comme il résulte de quelques essais que j'ai faits ‘ suivant le procédé décrit un peu plus haut. En hiver et au printemps, l'air du sol renfermait pour 1000 volu- mes les quantités suivantes d’acide carbonique : GAZON. SOL NU. 4 novembre 1878 . . . . 0,544 0,408 DANMATS IC TONER NERRRE 1,938 1,213 SAINTS TO EEE NICE 0,872 0,349 JO ANA 1,382 0,276 MOYenTeR rene 1,184 0,561 Ces différences ne sont pas importantes et les taux d'acide carbo- nique sont faibles ; ce qui n’a rien de surprenant, puisque les diffé- rences de température et d'humidité entre le sol gazonné et le sol nu sont minimes en cette saison eë qu’il n’y a pas assez de chaleur pour une décomposition active. Mais, cependant, ces résultats in- diquent nettement que les deux facteurs les plus importants pour la décomposition interviennent dans un sens inverse à celui de l’élé. Ce qui vient d’être dit sur les rapports entre la couverture du sol el sa température où son humidité montre que la mesure dans la- quelle sont influencées les réactions dépend de la composition de 1. Forschungen, etc , vol. II, 1889, p. 9. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 107 celte couverture. Puisque les plantes assèchent d'autant plus le sol et le protègent d'autant mieux contre l’insolation qu’elles sont plus drues, on peut déjà conclure à priori que, toutes conditions égales d’ailleurs, le taux d’acide carbonique de l’air occlus dans le sol va- riera suivant cet état de densité. Cette hypothèse est confirmée par les résultats suivants d’une de mes expériences". 1000 volumes de l’air du sol contenaient, par 0%°,01, en acide carbonique, un volume de : NOMBRE DE TIGES D'AVOINE. 3 6 12 24 20 juillet 1879. . . 3,76 4,92 3,12 2,42 30 2 AUDE 6,89 2,23 isTe 147 9 août 1879 . . . 4,26 3,07 2,62 id Moyenne. . . 4,96 3,44 231 4,87 Il résulte, en effet, de ces chiffres avec la plus grande netteté que la décomposition des matières organiques dans un sol cultivé est d'autant plus entravée que les plantes ont une végétation plus luxu- riante et l’on peut conclure que la couverture vivante diminue la décomposition des éléments organiques du sol proportionnelle- ment à l’état de densité et de vigueur des plantes qui la compo- sent. Les deux agents dominants, chaleur et humidité, ont évidemment une importance différente suivant que le sol est couvert ou non. Dans un sol assez sec garni de végétation, c’est l’eau qui règle, pas exclusivement mais pour la plus grande part, les processus de décomposition; dans un sol nu avec couverture morte, ceux-ci dé- pendent surtout de la température. Cette conclusion ressort en par- tie des résultats de mes expériences, mais tout simplement aussi des faits précédemment exposés sur les relations de la température et de l’humidité avec la décomposition. En s'appuyant sur ce qui précède, on pourra déterminer approxi- mativement quelle influence les diverses formes de la végétation et les couvertures plus ou moins épaisses exercent sur les réactions dont 1. Forschungen, elc., vol. IT, 1880, p. 15. 108 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. nous parlons, si l’on sait quelles modifications elles apportent dans l’échauffement et humidité du sol. Malheureusement, ces influences dues aux végétaux à longue vie (arbres forestiers, gazon, fourrages, pérennes) ne peuvent se représenter par la détermination du taux de l'air du sol en acide carbonique parce que, nous l'avons déjà dit et laf- firmons encore, avec ces végétaux la quantité de matières organiques dans le sol se modifie avec le temps (voir la I° partie) et qu’en outre il est difficile de trouver un sol nu, non fumé, maintenu pur de toute végétation pendant des dizaines d'années. A cause de ces difficultés et de l'absence d'analyses comparatives poursuivies pendant un temps suffisant et qui pourraient seules résoudre la question, on doit se borner à préjuger, d’après ce que nous venons d'apprendre, l’in- fluence de la couverture sur la température et l'humidité du sol en tenant compte de sa perméabilité. Les formes de la végétation se divisent sous ce rapport en deux catégories. L'influence retardatrice que toutes les couvertures vi- vantes exercent à un degré variable sur l’eremacausis, si elle n’est pas annihilée dans la plupart des cultures agricoles par le travail du sol et par son maintien à l’état friche entre la récolte et la prépara- tion pour la récolte suivante, est en tout cas très atténuée si on la compare à ce qu’elle est dans les cultures où le sol n’est que très rarement, même jamais travaillé. Sous ce rapport, on peut dire en gros, que, cæleris paribus, la décomposition est beaucoup plus intense dans les champs labourés que dans les sols qui ne sont que rarement travaillés (oseraies, sainfoins, luzernières) ou jamais (prairies et fo- rêts). Dans ces deux groupes se prononcent des divergences multi- ples suivant le couvert et la durée de végétation des plantes consi- dérées. | Parmi les cultures qui favorisent l’eremacausis, il faut citer en pre- mière ligne celles où les plantes sont largement espacées et où le sol est ameubli pendant la saison de végétation, telles que les plantes sarelées qui, on Pa vu plus haut, économisent relativement le mieux la réserve d’eau du sol et permettent le plus fort échauffement de la zone ameublie. Par suite de ces circonstances favorables, la décom- position des matières organiques est à son maximum dans le sol arable et dans les limites déterminées par la couverture vivante ; DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 109 alors, conformément à ce qui a été dit sur la température et l’humi- dité, viennent, par ordre décroissant, les céréales, les légumineuses à vie courte et à tiges couchées (pois, vesce), celles à tiges dressées et à vie plus longue (féverole, haricot nain), et ce sont les sols oc- cupés par des plantes vivaces (trèfle, sainfoin, luzerne, gazon) qui accusent la plus grande lenteur dans la décomposition de leurs élé- ments organiques, non seulement à cause de leur faible taux d’eau et de leur basse température, mais aussi parce qu’ils ne sont soumis à aucune manipulation tant que la récolte n’est pas faite. Dans les sols de prairie ou de forêt constamment garnis de végé- taux vivants, l’eremacausis est bien plus lente que dans les champs qui, au bout d’un certain temps, sont destinés à de nouvelles cul- tures et par suite ameublis. Dans les sols forestiers, à l’action des ar- bres vient s’ajouter celle de la couverture qui agit moins par les modifications de l’humidité du sol que par celles de la température. Comme on l’a déjà montré, cette température s’abaisse encore plus lorsqu’intervient l'action du couvert exercé par les arbres. Pour ces motifs, les malières organiques, loules circonstances égales, se dé- composent bien plus lentement dans les sols forestiers que dans les sols agricoles. L'influence des végétaux forestiers dépend essentiellement de leur âge, de leur consistance et de l'épaisseur de la couverture. Dans le jeune âge, où le couvert est faible ainsi que l'absorption d’eau, les réactions se font encore assez bien ; mais elles vont en diminuant constamment à mesure que les arbres se développent ; elles attei- gnent leur minimum d'intensité quand le massif est bien plein et que le sol est garni d’une couverture plus ou moins épaisse. Plus tard, les conditions redeviennent plus favorables, parce que les arbres à un âge avancé transpirent moins et tirent donc du sol moins d’eau que dans l’âge moyen. s La densité du peuplement, qu’elle soit due à la nature ou à des moyens artificiels, a naturellement, tout comme son âge, sur les dé- compositions qui se passent dans le sol, une influence prononcée. Plus les arbres sont serrés et puissamment développés, plus l’humi- dité et la température du sol diminuent el par suite aussi l'intensité des réactions. Toutes les mesures tendant à établir un état plus clair 110 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. du peuplement (éclaircie forte ou faible, ébranchement, etc.) provo- quent dans la décomposition une augmentation proportionnelle à l'excédent de chaleur et d'humidité qu’elles amènent dans le sol. On peut se rendre compte de la mesure dans laquelle la couver- ture, suivant son épaisseur, influe sur l’eremacausis en se rappelant qu'avec l’accroissement de cette épaisseur s’accroit aussi l'humidité du sol, d'autant que diminue son évaporation directe”, mais que cette influence est plus ou moins balancée par le meilleur développement des végétaux forestiers dù à cette augmentation de la couverture : aussi faut-il prendre presque exclusivement en considération la dimi- nution qu’elle amène dans la température du sol. Étant données les relations bien connues de ce facteur avec les processus de décompo- sition, il n’est pas difficile de répondre. Si les matières organiques contenues dans le sol forestier se dé- composent lentement, celles qui se trouvent à sa surface, dans la couverture, se trouvent dans des conditions bien plus favorables puisqu'elles sont exposées à l'air et peuvent s’oxyder énergiquement. Cependant, les réactions y sont moins intenses que dans les champs à cause du taux d’eau généralement très grand qui diminue d’autant l'aptitude à la décomposition, à cause aussi de la faiblesse de l’échauf- fement tenant au couvert des arbres. Suivant le degré de cette dernière mfluencé, l’eremacausis s’exer- cera avec une activité variable, moindre quand le massif est fermé, plus grande quand il est clair et cela tant qu’il y aura dans la masse une humidité suffisante ; elle n’aura lieu que dans une faible mesure si, par suite de circonstances particulières de température, la cou- verture perd par évaporation de grandes quantités d’eau. C'est dans le sol des prairies que la décomposition va le plus len- tement parce qu’en raison de la présence en masse des racines du gazon dans les couches superficielles, en raison de l’affluence de l’eau dans les couches profondes, l'accès de l'air est très limité et la température du sol est basse. Aussi, les réactions y sont moins actives que dans le sol forestier plus sec où les racines s’enfoncent plus pro- fondément et ne sont pas si accumulées dans la zone superficielle ; 1. Forschungen, etc., vol. X, 1887, p. 428-446. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 111 généralement même la décomposition s’y fait suivant un mode qui doit rentrer dans la putréfaction. Dans les sols marécageux, tels que les tourhières constamment gorgées d’eau jusqu’à la surface, c’est la putréfaction seule qui inter- vient à cause de l’absence complète d’air. L'influence des diverses formes de la végétation sur la nitrification doit être discutée à part, puisqu'elle amène quelques particularités dans ce processus. Le sol agricole, fréquemment travaillé, nitrifie toujours et d'autant plus énergiquement que les plantes absorbent moins d’eau el abaissent moins la température. C’est bien certainement dans le sol garni de fourrages vivaces que la nitrification est la plus faible ; elle peut même être complètement interrompue, si le sol laissé en friche assez longtemps n’a qu’une faible perméabilité, et se trouver remplacée par la dénitrification. | Les conditions nécessaires à la nitrification ne se rencontrent gé- néralement pas dans les sols de forêts, de prairies et de tourbières, puisqu'ils ne possèdent pas d'organismes nitrifiants, comme nous l'avons montré plus haut. Leur alimentation azotée doit donc être autre que celle des plantes agricoles qui utilisent principalement les nitrates du sol. Les cultures des graminées dans des solutions nutritives ne conte- nant, avec les autres sels minéraux, que de l’ammoniaque ont montré que ces plantes pouvaient absorber l’azote sous cette forme ; elles se développent aussi bien que si l’azote leur est donné en nitrate‘. Il peut en être de même pour les arbres forestiers, comme le fait pres- sentir ce fait qu’on trouve dans leur sève de certaines quantités de sels ammoniacaux *. Outre l’alimentation par les sels ammoniacaux, il y a aussi à envisager pour les plantes en question la possibilité de se nourrir à l’aide des éléments organiques azotés du sol. Il est vrai qu’on a jusqu'alors admis que les plantes supérieures vertes étaient réduites, pour satisfaire leurs exigences en carbone et en azote, à l'acide carbonique de l’air, aux nitrates et aux sels ammoniacaux et qu’elles étaient incapables d'utiliser dans ce but les matières orga- 1. E. Bréar, Annales agronomiques, t. XIX, 1893, p. 274-293. 2. E. Esermayen, Allgemeine Forst- und Jagdzeilung, août 1888. 112 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. niques ; mais diverses observations récentes rendent très vraisem- blable l’utilisation de ces matières pour la construction de leurs üssus, utilisation qui peut être directe (graminées) ‘, ou indirecte par le concours des mycorhizes (arbres forestiers)”, revêtement de mycélium entourant les radicelles (I partie). Pour lalimentation azoltée des graminées et des arbres forestiers, les combinaisons amidées, qui se trouvent en assez grande quantité dans les sols de prairies ou de forêts, semblent jouer un grand rôle ; d’après les ob- servalions de A. BAUMANX *, l’ammoniaque qui se dégage de ces sols sous l’action d’une lessive de soude peut dépasser de 10 à 20 fois le taux réel d'ammoniaque du sol. 4. — Eau. Bien que dernièrement, pour décider si l’on pouvait jeter les ma- üières fécales dans les cours d’eau, on ait fait de nombreuses obser- vations sur ce que deviennent les matières organiques dans l’eau, on n’est pourtant pas encore arrivé à des résultats qui puissent être généralisés, el cela parce que d’abord on n’a pas soumis la question à une recherche systématique tenant suffisamment compte de toutes les circonstances accessoires, et qu’ensuite on a souvent, en vertu d’idées préconçues, laissé de côté les résultats de recherches faites isolément sans liaison entre elles. Dans ces condilions, on ne doit pas s’étonner que les idées de ceux auxquels incombe, par devoir professionnel, la tâche de pénétrer les phénomènes soient jusqu'alors si divergentes. En présence de ces lacunes, il faut chercher jusqu’à quel point les règles développées jusqu'ici peuvent être utilisées pour juger la question de l’état des matières organiques dans l’eau et surtout, 1. E. Bréaz. Annales agronomiques, t. XX, 1894, p. 353-370. 2. À, B. Frank. Berichle der deutschen bo'an. Gesellschaft, vol. III, 1885, p. 128 ; vol V, 1887, p. 359 ; vol. VI, 1888, p. 248-269. 3. À. BaumanN. Ueber die Bestimmung des im Boden enthallenen Ammoniuk- slickstoÿfs und über die Menge des assimilirbaren Stickstoffs im unbearbeiteten Boden. Habilitationssehrift, 1886. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 113 puisque c’est le but de ce livre, au point de vue des intérêts de l’agriculture. D'abord, en l’état actuel de nos connaissances sur les phénomènes de décomposition en général, abstraction faite des détails, on peut affirmer que toutes les matières organiques des eaux sont beaucoup moins aérées que celles des autres stations, à l’exceplion des sols marécageux. Cet accès limité de l’air doit avoir pour conséquence que l’eremacausis des matières organiques dans l’eau est non seule- ment restreinte, mais souvent remplacée par leur pulréfaction, c’est- à-dire par ce processus qui entrave plus ou moins la volatilisation des matières organiques et favorise leur accumulation en masse. Dans quelle mesure lun ou l’autre de ces deux processus essen- tiellement différents l'emporte dans un cas donné, cela dépend évi- demment des circonstances extérieures, surtout du degré d’accès de l'air, puis de la quantité et de la répartition des matières organiques dans l’eau et aussi de l’utilisation de ces substances par les animaux et les plantes aquatiques. Les quantités d'oxygène que l’eau renferme sont déterminées par celles qui y sont reçues et celles qui y sont utilisées. Il est clair que, pour une eau donnée, l’arrivée de l’air est plus grande dans les couches supérieures que dans les couches pro- fondes parce que les premières sont plus près de l’atmosphère et que les courants verticaux sont très lents dans l’eau et assez souvent nuls surtout par les fortes chaleurs. Les éléments organiques en suspension se trouvent donc dans des conditions d’eremacausis plus favorables que ceux des zones profondes ou ceux qui gisent sur le fond où, en général, la putréfaction remplace l’eremacausis. Ge pro- cessus par putréfaction doit naturellement, toutes circonstances éga- les, s'étendre d’autant plus que la couche d’eau est plus épaisse. À hauteur égale de lame d’eau, sa vitesse d'écoulement et son mode de mouvement ont une grande influence sur la quantité d’air absorbée et par suite sur la décomposition des matières organiques. Dans les eaux stagnantes (viviers, étangs, lacs), l’agilation de l’eau est faible et n’est produite que par les vents dont l’action est en gé- néral proportionnelle à la surface de Feau. Dès lors, il y a peu de matières organiques en suspension puisqu'elles peuvent aisément se ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE. — 1899, — 1. 8 114 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. déposer dans ces eaux tranquilles où elles forment avec les cadavres des animaux et les débris des plantes aquatiques une couche plus ou moins épaisse de limon. Les éléments organiques n’y sont sou- mis qu’à la putréfaction qui utilise complètement en outre la faible dose d'oxygène de l’eau. Ce qui montre clairement que ce processus intervient seul dans les circonstances données, ce sont les pratiques suivies dans l'exploitation des étangs. Par une longue stagnation, l’eau y devient de moins en moins favorable à l’éducation du pois- son, qui ne peut se passer d'oxygène. Aussi, dans une exploitation rationnelle *, adopte-t-on la règle de n’utiliser les étangs pour la pro- duction du poisson que pendant un certain temps et d’en cultiver le fond pendant quelques années afin de se débarrasser des dépôts qui y sont accumulés. De plus, la grande résistance qu’offrent, comme on sait, à la dé- composition les matières organiques enfouies dans la vase des étangs indique bien encore qu’elles se sont formées par le mode de la pu- tréfaction. Les eaux courantes (ruisseaux, rivières, fleuves) absorbent de bien plus grandes quantités d'oxygène que les eaux stagnantes et d'autant plus qu’elles sont plus rapides et se mélangent plus intime- ment à l'air. L’eau courant sur un fond lisse incorpore toujours moins d’air que celle qui cascade sur des obstacles ou qui devient écu- meuse en heurlant des piles de pont ou en rebondissant sur les pierres de son lit. La proportion dans laquelle Pair dissous dans l’eau ou qui lui est mécaniquement mélangé est utilisé pour loxyda- tion des matières organiques dépend, dans les eaux courantes, de la composition, de la quantité et de la répartition de ces matières. Celles qui ont une densité suffisante gagneront le fond et se rassem- bleront dans les points où la vitesse de l’eau sera moindre. Au lieu de l’eremacausis, elles subiront ia putréfaction, surtout si la couche d’eau est assez épaisse. Les circonstances seront bien plus favorables à la décomposition, les matières organiques seront plus énergique- 1. Comme celle du domaine du prince de Schwarzenberg à Wittingau, en Bohême, qui est placée sous la direction de M. SusrTa, si compétent dans la théorie comme dans la pratique de l'élevage du poisson. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 115 ment oxydées si elles sont finement pulvérisées et restent en suspen- sion, ne pouvant vaincre la poussée de l’eau. Dans ces conditions, si l'air est dissous dans l’eau en assez grande quantilé, tous les éléments organiques soit dissous, soit en suspension, sont rapidement et coraplètement oxydés, en admettant qu'il n’y en ait pas trop relati- vement à la masse aqueuse et que les matières soient par elles-mêmes facilement décomposables. Pour le premier point, on peut d’abord affirmer qu’il n’y a pas de limite déterminée, valable pour tous les cas, puisque nous avons montré que l’action oxydante de l’eau est très inégale. Quant au second point, il ne faut pas perdre de vue que toutes les matières organiques animales se décomposent bien plus facilement que celles d’origine végétale. La composition chimique de l’eau a parfois aussi une action non négligeable sur la destruction de ces matières. Les eaux très cal- caires forment des agrégats : les matières en suspension s’agelomè- rent en grumeaux qui tombent au fond en formant des dépôts. Les carbonates alcalins favorisent la précipitation des particules entrainées mécaniquement et la formation de dépôts épais de limon. Si les eaux contiennent des substances qui tuent les micro-organismes in- tervenant dans la décomposition, comme il arrive lorsqu'on jette dans les rivières les eaux résiduaires de certaines industries, les réactions cessent et ne reprennent que quand les malières toxiques ont été suffisamment diluées. Enfin, il y aurait encore à examiner la participation des animaux et des végé!aux aux phénomènes en question. Les animaux emprun- tent à l’eau l’oxygène nécessaire pour leur respiration et dégagent de l’acide carbonique ; ils nuisent donc aux réactions oxydantes de l’eau. Les plantes aquatiques vertes décomposent l'acide carbonique et dégagent de l'oxygène ; mais, la nuit, elles se comportent comme les animaux. Suivant la proportion dans laquelle les organismes en question et les éléments putrescibles existent dans l’eau, son taux d'oxygène sera plus ou moins influencé. En embrassant d’un coup d'œil les facteurs qui viennent d’être décrits, on ne peut nier que, dans des conditions favorables, l’oxyda- tion n’alteigne une intensité qui va Jusqu'à produire la volatilisation complète de la matière organique et à déterminer celte propriété 116 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. de certaines eaux connues en hygiène comme s’épurant d’elles- mêmes. Vouloir de cette observation tirer la conclusion que cette pro- priété est l’apanage de tous les cours d’eau sans exception serait aller contre tous les faits connus jusqu'ici sur les conditions de la décomposition des matières organiques ; bien plus, on doit penser que, pour beaucoup d’eaux, on ne peut admettre l'hypothèse d’une puissante oxydalion et la décomposition s’y fait dès lors suivant le mode de la putréfaclion. Nous ne pouvons clore ce chapitre sans indiquer que les processus de décomposition dans les eaux sont naturellement liés à l’interven- tion d'organismes inférieurs (champignons). Il n’est guère admis- sible que des algues y contribuent d’une manière notable, comme on l’a maintes fois soutenu dernièrement, parce que ces végétaux n'existent qu’à l’état disséminé dans les eaux courantes, surtout dans celles qui s’épurent d’elles-mêmes et ne peuvent dès lors in- fluer directement sur la destruction des matières organiques. Le fait que les algues aient la faculté d’absorber les matières organiques el de les utiliser pour leurs tissus ne peut guère modifiernotre opinion sur la € purification des eaux par les algues » : car la quantité d’élé- ments extraits de l’eau par ce procédé est en tout cas faible et re- tourne à l’eau après la mort de ces organismes. On peut en dire autant des végétaux supérieurs à chlorophylle vivant dans l’eau. LES BASES DU. PRIX. DE VENTE SCORIES DE DÉPHOSPHORATION PAR J. GRAFTIAU DIRECTEUR DU LABORATOIRE D'ANAUYSES DE L'ÉTAT A LOUVAIN Vingt ans se sont écoulés depuis la découverte du procédé de dé- phosphoration des fontes par la chaux et la magnésie. Cette inven- tion, qui a révolutionné la métallurgie, a, en même temps, doté l’agriculture d’une matière fertilisante dont la vogue rapide et cons- tante démontre suffisamment la haute valeur : la scorie phosphatée, ou scorie de déphosphoration, ou phosphate basique. = Dès l’origine, une double base fut choisie pour déterminer la valeur marchande des scories : leur teneur totale en acide phospho- rique et le degré de finesse. Les scories brutes se présentent en blocs et fragments plus ou moins volumineux qui, exposés au contact de l'air, se divisent peu à peu. Dans cet état, elles ne sont guère susceptibles d’être livrées à la culture. Les nécessités d'épandage et de mélange intime à ta couche arable exigent l'emploi de matières finement divisées. C’est pourquoi, les scories de déphosphoration sont livrées à l'état de poudre d’une assez grande finesse. 118 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. L’apprécialion, purement conventionnelle, du degré de finesse des scories, se fait au moyen du tamis de Kahl, n° 100, dont les mailles sont distantes de 0"",17. Le commerce livre les scories en deux catégories de finesse : la première est garantie à 75 p. 100 de finesse, c’est-à-dire que 75 p. 100 passent au tamis de Kahl. La deuxième est garantie à 50 p. 100. Il est aisé de comprendre que la détermination du degré de finesse ne peut se faire avec la rigueur d’un dosage chimique. Aussi, on ad- met généralement une tolérance assez grande. En Belgique, la tolé- rance admise par le service de contrôle officiel des matières fertili- santes est de 5 p. 100. Nous disions tout à l’heure que la finesse constatée par la méthode en usage est de pure convention (il ne peut, du reste, en être au- trement), mais nous pouvons ajeuter qu’elle ne représente pas, en réalité, l’état de division de la matière essayée. En effet, le tamisage de la scorie partage celle-ci en deux parties seulement : celle qui passe au tamis et le refus. Or, dans la partie ayant traversé les mailles, 1l y a une grande variété dans le volume des grains. Deux scories accusant la même finesse conventionnelle présenteront des étals de division extrêmement différents. Cela a-t-1l de l'importance ? Tous les agronomes répondront affirmativement. Ils diront que action des matières fertilisantes insolubles dans l’eau est sous la dépendance directe de leur degré de dissémination dans le milieu parcouru par les racines des plantes et de l'étendue des surfaces que l’engrais présente aux agents de dissolution. Ces deux conditions sont en rapport intime avec la finesse des particules fertilisantes. Un classement en plusieurs catégories de volumes donnerait sans doute des indications de quelque utilité, mais il compliquerait beau- coup les analyses et les transactions. Au surplus, les renseignements ainsi obtenus laisseraient encore dans l’obscurité un des côtés de la question : la surface des grains, laquelle dépend de deux facteurs : le volume et la forme. Il y aurait bien, selon nous, un moyen plus correct et assez simple de déterminer l’état relatif de division de la scorie fine en s'appuyant sur cette simple observation : Un corps solide plongé BASES DU PRIX DE VENTE DES SCORIES DE DÉPHOSPHORATION. 119 dans un liquide ne pouvant exercer sur lui aucune action chimique, se mouille uniformément. La quantité de liquide retenue est done proportionnelle à la surface mouillée, pour autant que d’autres causes n'interviennent pas pour s’opposer au départ du liquide en excès. Dans le cas qui nous occupe, l’attraclion capillaire aurait pour effet de retenir une partie du liquide, logé dans les vides séparant les particules solides, mais il est aisé de voir que la partie ainsi retenue serait aussi en rapport avec l’état de division de la substance essayée. Une scorie fine retiendrait donc plus de liquide qu’une scorie à grains plus volumineux. De même une scorie à grains irréguliers, donc présentant une suriace d'attaque plus grande, fixerait plus de liquide qu’une scorie à grains de même volume, mais de forme arrondie. L'expression de la finesse déterminée par un procédé semblable serait incontestablement plus vraie que celle admise jusqu’à présent. La seconde base acceptée pour fixer la valeur marchande des scories de déphosphoralion est leur richesse en acide phosphorique. D’après les recherches d’'Hillgenstock, Albert, Petermann et de Marneffe, Otto, l'acide phosphorique des scories se trouve engagé avec la chaux suivant une combinaison caractéristique. Il forme avec cette base un phosphate tétracalcique (Ph°0°, 4 Ca0). Sous cette forme, l’expérience répétée l’a établi, l'acide phosphorique est très bien utilisé par la végétation. Le tétraphosphate des scories est entièrement soluble dans les acides azotique et chlorhydrique habituellement en usage pour la dissolution des phosphates au laboratoire. Il se dissout très peu dans le citrate d’ammoniaque alcalin. En revanche, il est attaqué aisément par le cilrale acide d’ammoniaque ou par l'acide citrique. Les sco- ries, traitées par le citrate acide d’ammoriaque, réactif de Wagner, lui cèdent une proportion considérable d’acide phosphorique. On a constaté que la solubilité citrique du phosphate de scories est d'autant plus grande que la richesse en silice est plus élevée. D’après ces prémisses, quel est le dissolvant le mieux approprié à déterminer la valeur des scories ? Dès l’apparition de ce produit sur le marché des engrais, on l’a vendu à l’unité d'acide phosphorique soluble dans les acides miné- 120 .__ ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. raux, c’est-à-dire que tout l'acide phosphorique y contenu interve- nait pour fixer le prix. Toutefois, on ne tarda pas à rechercher un dissolvant capable de différencier le phosphate de scories des phos- phates minéraux, ces deux matières phosphatées élant solubles dans les acides forts, mais agissant bien différemment sur les récoltes. Wagner imagina le réactif qui porte son nom (une solution de citrate d’ammoniaque rendue acide par l'acide citrique). Dans ce réactif, les scories abandonnent une forte proportion de leur acide phosphorique. Nous avons trouvé, M. Petermann et moi, sur onze scories, des solubilités de 37 à 93 p. 100 de la quantité totale. Les essais de culture dé Wagner étaient entièrement en faveur du citrate acide. Ge réactif donnait sensiblement, d’après lui, la mesure de l’action du phosphate basique sur la végétation. Néanmoins, Wagner ne se prononçait pas pour la vente exclusive à l’unité soluble dans le citrate acide. Les essais subséquents de Maercker, confirmant les siens, lui firent abandonner sa réserve, et bientôt la nouvelle base de vente prit une certaine extension. Dans notre pays même, elle trouva quelques partisans, notamment M. Crispo et M. de Molinari. Cependant, les objections ne tardèrent pas à se faire jour. La méthode se montrait, de l’aveu même de son auteur, peu concor- dante. Elle donnait des différences suivant l’état de division plus ou moins parfait, suivant qu’on augmentait ou diminuait soit la quan- tité, soit la durée d'action du réactif. M. Dubbers et M. Paturel, notamment, montrèrent que toutes les scories accusent une solu- bilité très élevé dans le citrate acide dès que ce réactif est employé en excès. Nous avons eu l’occasion de constater qu'un échantillon de scories analysé dans notre laboratoire et dans deux autres établisse- ments similaires accusait les solubilités citriques suivantes : Acide phosphorique total. . . . . . . . 22,5 FITNESS deNMIOUIUTE PE Ter 68.6 Solubilité dans le réactif de Wagner : 1° laboratoire : 9.09 ou 42.3 p. 100 du total. 2 — 13.95 ou 64.9 — 3 — (Heron ET — BASES DU PRIX DE VENTE DES SCORIES DE DÉPHOSPHORATION. 121 D'autre part, les essais culluraux tentés par d’autres expérimen- tateurs, notamment M. Petermann et moi, M. Grandeau, au Parc des Princes, M. Meissl, à Vienne, ont donné des résultats ne per- mettant pas d'admettre la relation étroite et constante entre la solubilité citrique et l’assimilabilité des scories, telle qu’elle résul- tait des expériences de Darmstadt et de Halle. Et tout récemment, les essais publiés par la Station agronomique de Marbourg sont venus confirmer cette conclusion qu’il n'existe pas une relation constante entre la solubilité de l’acide phosphorique des scories et leur action sur les récoltes. Il semble de pius en plus certain que les bases primitivement admises (finesse de mouture et teneur totale en acide phosphorique) sont les bases les moins arbitraires sur lesquelles on puisse s’ap- puyer pour fixer la valeur des scories. Les rangs des partisans de la base nouvelle proposée par Wagner s’éclaircissent chaque jour. Les journaux du mois d'août viennent de publier encore une retraite : celle de M. Crispo. Néanmoins, nous sommes d’accord avec tous les chimistes agri- coles pour reconnaître à la méthode de Wagner sa véritable valeur pour la recherche des falsifications de scories. Dans cet emploi, elle est à sa place et elle continuera à être utilisée. Mais elle appelle encore des améliorations qui lui permettent d'assurer une plus grande concordance entre les opérateurs. Louvain, laboratoire d'analyses de l'État, septembre 1898. LES LABORATOIRES D'ANALYSES DE L'ÉTAT RAPPORT Présenté à l'assemblée générale extraordinaire du 18 décembre 1898. Par M. J. GRAFTIAU DIRE{TEUR DU LABORATOIRE D'ANALYSES DE L'ÉTAT A LOUVAIN Recrutement du personnel. C’est de l'Institut de Gembloux qu'est partie l'initiative de Ja création de la Station agronomique et des premiers laboratoires agricoles. Une grande partie du personnel de ces établissements est fournie par l’Institut. C’est ce qui m'a engagé à examiner ici ce qui existe et ce qui pourrait encore utilement être fait, dans l'intérêt d’une institution si intimement liée à la prospérité de l’agriculture. Mission des stations et laboratoires agricoles. Dans un pays comme le nôtre, où la population est dense, la production agricole a dû prendre un caractère intensif qui n'es! plus en rapport avec les anciennes méthodes précédemment en usage. Il a fallu employer des méthodes perfectionnées, avoir recours aux agents de fertilisation de grande puissance, pour faire produire au sol des récoltes suffisantes pour supporter les charges pesant sur l’agriculture et pour compenser les pertes résultant de lavilissement RAPPORT SUR LES LABORATOIRES D'ANALYSES DE L'ÉTAT. 123 des prix. Mais pour cela, les connaissances spéciales faisaient géné- ralement défaut. Les masses rurales n'avaient aucune notion des sciences agronomiques. Elles ignoraient les propriétés de ces ma- tières fertilisantes du commerce, qu’elles ne pouvaient plus se dispenser d'employer sous peine de succomber dans une lutte dé- sormais inégale. La station agricole de Gembloux fut la première institution établie pour remédier à cet état de choses. Elle fut chargée de renseigner la culture sur la valeur des engrais commerciaux et autres, des ma- tières alimentaires destinées au bétail, et elle pratiqua, auprès des cultivateurs, l’enseignement direct en donnant, à toute personne qui lui en faisait la demande, les renseignements les plus complets pour les cas où les connaissances des intéressés se trouvaient en défaut. Plus tard, des laboratoires agricoles, aujourd’hui au nombre de sept, furent institués également pour faire les analyses réclamées par la culture et pour donner aussi des renseignements verbaux ou écrits aux exploitants du sol. Actuellement, le service des renseignements à la culture est très développé. Il forme la principale occupation des agronomes de l'État. Mais, malgré l'institution de cetie catégorie de fonctionnaires, les laboratoires sont restés des bureaux de consultations agricoles dont les cullivateurs usent encore fréquemment, et les services qu’ils rendent sous ce rapport ne sont pas la partie la moins fruc- tueuse de leur tâche. Le plus grand nombre des analyses faites dans les laboratoires d'analyses de l'État sont des analyses agricoles. D'après les rapports sur le service de ces établissements pendant l’année 1897, il y a été effectué un total de 26 937 analyses, dont 25 324 sont des analyses intéressant l’agriculture, soit une proportion de 9% p. 100. Personnel des laboratoires. Les considérations qui précèdent étaient nécessaires pour montrer que, malgré leur nouvelle dénomination, les laboratoires d'analyses de l’État sont restés des laboratoires essentiellement agricoles, tant par le genre de renseignements que l’on vient habituellement y 124 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. puiser, que par la grande majorité des analyses qui y sont faites. Et c’est pour cela que les laboratoires sont desservis en grande partie par des ingénieurs agricoles, mieux à même que d’autres spécia- listes de répondre aux exigences d’un service chimique agricole. Les sept laboratoires d’analyses de l’État comptent un personnel chimique de trente-cinq personnes. La stalion agronomique de Gembloux avec son directeur en compte quatre. Cela fait en tout trente-neuf. Sur ce nombre, il y a vingt-huit ingénieurs agricoles. En laissant de côté la station agronomique, il reste un personnel de trente-cinq personnes comprenant vingt-cinq ingénieurs agricoles, un ingénieur honoraire des ponts et chaussées, un docteur en sciences, deux candidats en sciences, un pharmacien, deux porteurs de certificats d’études chimiques universitaires, deux porteurs da certificat de droguiste et un sans diplôme. Nous avions donc raison de dire que ces établissements ont conservé entièrement leur caractère agricole. C’est de cette situation qu'il faut s'inspirer dans tout ce qui touche à leur organisation et au recrutement de leur personnel. Recrutement du personnel. Connaissances exigées. Jusqu'en 1883, les laboratoires agricoles belges fonctionnant sous le régime privé, il n'existait pas de règle fixe pour le choix du personnel. Après la reprise de ces établissements par l’État, il en fut d’abord de même. Mais l'arrêté ministériel du 3 novembre 1891 est venu combler cette lacune. Il décide que, pour pouvoir être appelé aux fonctions de préparateur, les candidats doivent, outre les conditions ordinaires, avoir satisfait à un examen écrit et oral. . Le programme de l'examen est vaste et suppose un ensemble de connaissances qui, à première vue, peut donner satisfaction aux plus difficiles quant aux garanties de savoir à exiger de fonctionnaires ayant à remplir une mission particulièrement difficile. Néanmoins, nous estimons qu'il reste là une lacune à combler et nous la signa- lons à l'attention de ceux qui veillent avec sollicitude à maintenir les laboratoires publics à la hauteur de la tâche, chaque jour plus diffi- RAPPORT SUR LES LABORATOIRES D'ANALYSES DE L'ÉTAT, 1295 ciles, qu’ils ont à remplir. Cette lacune consiste à n’exiger des can- didats chimistes aucun diplôme d’études supérieures. L’examen pour l'entrée dans les laboratoires est un concours et, à ce titre, il a notre entière approbation. Mais on ne doit demander à un examen que ce qu'il peut donner. Dans un examen, les inter- rogaleurs n’ont qu’à s'assurer si les récipiendaires ont étudié et connaissent les matières prévues au programme. Chacun sait qu’on peut subir avec succès des examens difficiles, en se soumeltant à une préparation toute particulière, dont certaines maisons d’instruc- tion se sont fait une spécialité, sans pour cela avoir fait des études bien considérables. C’est une sorte de dressage, en vue de l'examen. L'étude des questions probables remplace les années que d’autres consacrent à acquérir le fonds de connaissances qui sont l'apanage indispensable de tout homme aspirant à une situation honorable dans le monde scientifique. L'examen, le concours sont à même de faire un classement entre personnes ayant fait cerlaines études. Ils sont impuissants à déter- miner lélendue des connaissances. Celles-ci s’acquièrent par des études régulières et prolongées, dont le succès est constalé par un diplôme, et ce n’est pas sans raison qu’on attribue au parchemin une si haute valeur dans les familles et dans les sociétés. Toute mesure tendant à en diminuer l'importance est doublement regret- table : elle enlève à l’étudiant son meilleur stimulant; elle tend à abaisser le niveau intellectuel des sociétés. Pour ce qui concerne les laboratoires, l'arrêté dont j'ai parlé prescrit bien que le jury, en transmettant au ministre les résultats des examens, fera rapport sur les titres des récipiendaires résultant de diplômes, certificats, publications, recherches personnelles et preuves d'aptitude données dans des positions antérieures. Cela est insuffisant. Modification proposée. Le diplôme doit être préalable à l’examen. Nous reconnaissons volontiers, qu’en édictant semblable règle sans correctif, on pourrait en arriver à devoir renoncer aux services 126 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. de chimistes excellents dépourvus de toute espèce de diplôme. Mais ce serait l'exception et 1] ne faut pas que celle-ci dicte la loi. Que l'exception reste l’exception et qu’elle soit autorisée lorsque le cas se présentera. Quel diplôme exigera-t-on des chimistes ? Nous avons vu quelle part importante est prise par la chimie agricole dans les laboratoires de l'État. Le diplôme d'ingénieur agricole doit done continuer à y être au premier rang. Les ingénieurs agricoles doivent occuper, dans les laboratoires, une place en rap- port avec l'importance des analyses agricoles qui y sont faites. L’in- génieur agricole ayant achevé avec succès sa quatrième année d’é- tudes dans la section de chimie est particulièrement bien préparé pour le service des laboratoires agricoles. Mais, à cause de la diversité des analyses qui sont demandées aux laboratoires, on ne peut souhaiter de voir recruter exclusivement les chimistes parmi les ingénieurs agricoles. Il est utile que les la- boratoires aient recours aux lumières de quelques spécialistes. Il convient d’y admettre, en proportion raisonnable, les docteurs en sciences, les pharmaciens, les ingénieurs du génie civil, des mines, des arts et manufactures. Nous souhaitons vivement de voir améliorer la situation des chi- mistes des laboratoires, afin d'attirer et de retenir dans cette car- rière les meilleurs éléments parmi les porteurs des diplômes que nous venons d’énumérer. L'administration de l’agriculture et la commission de haute surveillance des laboratoires sont animées, à cet égard, des meilleures dispositions. La mesure que nous leur proposons contribuera à leur assurer un personnel d'élite. La discussion de cet intéressant rapport est ouverte. M. Grégoire estime que quant au rôle des laboratoires d'analyses de l’État, un point important devrait attirer l’attention du monde agricole. En ce qui concerne la question des engrais commerciaux et des produits alimentaires, les laboratoires ont atteint leur but. L'instruction, l'éducation de la grande masse est faite ou à peu de chose près. Il n’en est malheureusement pas de même pour un autre point qui présente certainement presque autant d’importance RAPPORT SUR LES LABORATOIRES D'ANALYSES DE L'ÉTAT. 121 pour l’agriculture que les précédents. IL s’agit du contrôle des semences. Ge contrôle existe bien sur le papier, les prix des analyses se trouvent renseignés sur les tarifs des laboratoires d'analyses, mais au point de vue pratique rien n’est fait. Le personnel technique nécessaire n’existe pas et l’éducation du cultivateur sur ce point est complètement à faire. Les résullats obtenus par l’organisation actuelle prouvent combien elle est défectueuse. Tous les laboratoires d'analyses de l’État belge réunis ne font pas 50 examens de graines par an sur les 25 000 analyses qu’ils effectuent. Cependant à l’étran- ger, il n’en est pas de même. La station d'essais de Paris fail an- nuellement 4 000 analyses de graines et les stalions agronomiques allemandes en font davantage encore. L'éducation du cultivateur doit être faite. Il faut lui montrer, par les résultats, l'importance de l’emploi d’une graine saine et vigoureuse, lui faire comprendre que l’argent dépensé pour le contrôle de la semence est peut-être encore mieux placé que celui qui est consacré au contrôle de l’engrais. Pour obtenir ce résultat, il semble que l’on ne puisse suivre un meilleur chemin que celui qui a conduit au succès pour le contrôle des engrais : l’organisation d’un contrôle à peu près gratuit, ou du moins à prix très réduit. Aucun autre moyen ne semble devoir con- duire au but : ni conférence sur le choix des semences, ni même des études agricoles supérieures ne suffisent pour donner au culti- vateur l'habitude de faire contrôler sa semence. Dès le début, donc, le Gouvernement doit faire des sacrifices, oh! pas bien considérables ! et travailler à peu près gratuitement. Il est même probable que, pour certains cas du moins, ce régime devra être adopté d’une manière définitive. Tel est le cas pour l'analyse des graines de prairies. Au prix des tarifs actuels, l’examen de la semence destinée à la création d’une prairie peut coûter 50 à 60 fr. et même davantage. C’est absolument trop onéreux. D’après ceci, donc, l’État devrait créer pour la semence un con- trôle analogue à l’ancien contrôle des engrais et fournir les analyses gratuitement moyennant une certaine rétribution des maisons con- trôlées. | Comme laboratoire, l'État pourrait facilement, et à peu de frais, utiliser les laboratoires d'analyses existants. Il suffirait de créer dans 128 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. deux laboratoires du pays — un laboratoire dans la partie wallonne et un laboratoire dans la partie flamande du pays — une section de botanique. Il est utile qu’il y ait deux établissements pour permettre un contrôle réciproque, mais les frais ne seraient pas bien grands. Le matériel nécessaire est peu considérable et deux botanistes suffi- raient au début. Comme botaniste, on devrait évidemment prendre des ingénieurs agricoles ayant fait quelques études spéciales, car il ne s’agit ici que de questions d'application. M. Lecocq souligne la constatation d’après laquelle les labora- toires sont restés essentiellement agricoles par la nature des travaux qu'ils ont à effectuer. Il serait donc beaucoup plus rationnel de leur rendre leur ancienne dénomination et de les appeler labora- toires agricoles. M. Ch. Masson fait connaître les motifs qui ont amené le chan- gement de dénomination. Les industriels ont demandé à être mis sur le même pied que l’agriculture, et pour faire droit à ces réclamations on à mis les laboratoires d’analyses à leur disposition. M. Delstanche fait remarquer que la grande majorité des indus- triels possèdent leurs laboratoires et qu’ils ne recourent pas aux chimistes étrangers. M. de Marneffe discute longuement le rapport de M. Graftiau. Le travail exécuté dans les laboratoires d’analyses de l’État étant essentiellement agricole, il n’est que juste que le personnel soit composé de chimistes ayant fait des études agricoles. Cela semble encore plus indispensable quand on examine la question de plus près. Dans quelques années, il arrivera infailliblement avec le régime actuel que la direction des laboratoires sera confiée à des personnes étrangères aux choses agricoles. Or, le règlement organique de ces établissements suppose les directeurs au courant des sciences et même de la pratique agricoles, car ils sont tenus de donner des consultations aux cultivateurs. Quid alors ? Ces quelques considéra- tions montrent bien que nous devons réclamer contre le régime actuel et demander que l’on exige le diplôme d’ingénieur agricole RAPPORT SUR LES LABORATOIRES D'ANALYSES DE L'ÉTAT. 129 pour entrer dans le service des laboratoires d’analyses de l’État. Il doit en être de même à plus forte raison pour la station d’essai des semences que tôt ou tard on devra créer. Que l'entrée de ces éta- blissements soit aussi subordonnée à un examen sérieux, visant surtout les sciences d’application. M. Lecocq constate que sa proposition de rendre aux laboratoires leur ancienne dénomination, équitable en elle-même, rendrait beau- coup plus frappante la justice de nos revendications. M. Graftiau estime qu’il ne faut pas être trop exclusif, que s’il est juste que la majorité des chimistes des laboratoires de l’État soient ingénieurs agricoles, il peut cependant être utile qu'il y en ait qui aient fait d’autres études. M. Ernotte trouve juste également que la majorité des chimistes soient ingénieurs agricoles puisqu’en fait, malgré qu’on ait débap- tisé les établissements en question, ils sont restés et doivent rester des laboratoires agricoles, il est juste et rationnel que les chimistes et, à plus forte raison les directeurs, soient pris parmi les ingénieurs agricoles. On pourra demander un supplément de connaissances chimiques, bactériologiques et autres qui les mettent à même d’effec- tuer loutes les recherches qui se présentent. La création de la qua- trième année d'étude à l’Institut rendra d’ailleurs très facile aux jeunes gens qui se destinent aux laboratoires l'acquisition du bagage scientifique et pratique supplémentaire. M. Crahay résume le débat. Pour le travail courant, qui est resté essentiellement agricole, il faut des ingénieurs agricoles et une organisation analogue à celle qui fonctionne à la satisfaction géné- rale à l’administration des eaux et forêts. En conséquence, il propose d'émettre le vœu suivant : Qu'il ne soit admis aux concours insli- tués pour le recrutement du personnel des laboratoires d'analyses de l'État que les porteurs du diplôme d'ingénieur agricole, sauf pour les sections spéciales qui pourront élre créées au sein des laboratoires. Ce vœu est adopté à l’unanimité. ANN. SCIENCE AGRON. — 2€ SÉRIE. — 1899. — I. 9 APPLICATION DES LEVURES SÉLECTIONNÉES EN VINIFICATION Par E. KAYSER OHEF DES TRAVAUX DE FERMENTATION A L'INSTITUT AGRONOMIQUE Pasteur, ensemençant une levure de vin dans un moût d’orge, avait obtenu une boisson de caractère vineux ; 1l avait ainsi apporté la preuve que la levure pouvait influer sur le goût et la saveur de la boisson fermentéèe. Le savant danois Hansen, s’occupant plus spécialement des levures de brasserie, nous a fait voir que toutes les levures employées par la brasserie ne se comportaient pas de la même façon; qu’il y en avait qui donnaient des bières de bonne qualité, de bonne conservation ; que d’autres pouvaient occasionner des troubles, donner des bières malades. Nous savons aujourd’hui qu'il en est de même des levures de vin, que dans une même lie il peut y avoir des levures distinguées et des levures sauvages; nous avons de plus appris qu’il y a des levures qui peuvent rendre les vins malades : c’est ainsi que nous connaissons des levures occasionnant la maladie de la graisse des vins. On voit par ces quelques considérations qu’il est tout à fait im- APPLICATION DES LEVURES SÉLECTIONNÉES EN VINIFICATION. 151 portant de bien étudier les propriétés et les caractères des diverses levures, afin de les appliquer en connaissance de cause; c’est à quoi ont visé toutes les expériences que j'ai entreprises depuis 1892 dans le Midi, à l’époque des vendanges (campagnes 1892 à 1898 com- prise). Les recherches purement théoriques ont été faites au laboratoire ; on a ensuite employé les levures étudiées au laboratoire dans la pratique ; on est ainsi arrivé à trouver un certain nombre de levures qui donnent toujours de bons résultats en tenant, bien entendu, compte de leurs exigences spécifiques; d’autres, au contraire, ont dû être rejetées comme trop capricieuses ou comme n'apportant ouère d'amélioration au produit fermenté. L. — PARTIE THÉORIQUE Le problème de l’emploi des levures sélectionnées en vinification est beaucoup plus difficile qu’en brasserie ; le moût de vin n’est pas stérilisé, il est sujet aux plus grandes variations dans sa compo- sition, et on peut dire que la fermentation vineuse se fait dans les conditions les plus variables. C’est ainsi que, dans une même année, dans une même région, les divers cépages d’un même vignoble donnent des moûts de composi- lion différente. A priori, on peut admettre qu’une même levure se comporte très différemment dans ces différents moûts, soit dans son allure géné- rale, soit encore par les produits de fermentation. Lorsqu'on examine au microscope un moût vineux en fermentation, on y voil un grand nombre de levures diverses qui se distinguent sou- vent déjà par la forme : levure apiculée, levure elliptique, levure ronde. La vinification, la transformation du moût en vin, se fait donc en général sous l’influence d’un mélange de levures ; mais l’on remar- que aussi que souvent l’une des levures arrive à dominer sur les au- tres : Jouit-elle de bonnes propriétés, elle agira favorablement sur le produit final; dans le cas contraire, elle peut devenir, soit par son 132 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. action directe, soit encore indirectement, en raison de sa faible ac- tivité, la cause d’allérations de la boisson fermentée. Or, comme, dans une même lie — on peut même dire dans de très bonnes lies — il peut exister des levures plus ou moins actives, des levures sauvages, on comprend aisément combien il est prudent d’être préalablement fixé sur la valeur et les exigences de la levure sélectionnée qu’on désire employer. Il n’est nullement indifférent d'employer, pour fixer les idées, telle ou telle levure de cham- pagne. Il existe, en effet, diverses races de levures dans une même ré- gion viticole. C’est pour ne pas en avoir tenu suffisamment compte qu’on à eu à enregistrer de nombreux échecs qui peuvent, aujour- d’hui que nous connaissons un peu mieux les levures, s’expliquer (emploi de mauvaises levures [sauvages ou peu actives], levures délicates tombant dans des moûls mal appropriés en raison de leur composition ou à cause de leur température, emploi trop tardif de ces levures ou encore emploi en trop faible ou en trop forte quan- tilé ele.) Les levures sont des êtres assez capricieux et une bonne levure ne donnera pas toujours de bonnes fermentations ; la composition du moût (acidité, richesse saccharine [nature et quantité]), la richesse azotée, la température ambiante, sont autant de facteurs qui jouent ici un très grand rôle, qu’il importe de bien connaître avant toute experience pratique. Étudions maintenant une à une ou combinées ces diverses influen- ces, nous verrons ainsi mieux comment les levures se montrent sen- sibles et changent leur allure générale dans un sens ou dans un autre. a) Influence de l'acidité du milieu. Le moût est en général trop acide, car les levures ‘ravaillent mieux dans un milieu neutre ; mais l’acidité du moût est un bienfait ; ces acides du moût protègent la levure en empêchant le développe- ment des ferments de maladie. Dans le jus de raisins on trouve l'acide tartrique, l'acide malique, APPLICATION DES LEVURES SÉLECTIONNÉES EN VINIFICATION. 133 l’acide citrique, l'acide glucique, l'acide gluconique, l'acide pecti- que, l’acide caprique, l'acide acétique, elc.; ce sont les deux pre- miers qui, avec la crème de tartre, constituent la majeure partie de l’acidilé; leurs doses respectives varient d’une année à l’autre, d’un cépage à l’autre, etc. Ensemençons dans un même milieu (eau de touraillons) sucré à raison de 1095°,21 de saccharose par litre et additionné : &) de 55,71 d'acide tartrique, ou b) de 56°,38 d’acide malique, diverses levures de vin, nous verrons que les quantités de sucre laissées varient avec la levure et l'acide. a b Grammes. Grammes. ENUIRES STRESS 17,71 p. 1000. 38,70 p. 1000. eg 204 1 85,007 — 2020 an LAON e 86,76 — 32,07 — CU OUES OR 91,06 — 37,77 — on LL NA ARE 40,00 — 29,32 — C’est donc l’acide malique qui gène en général moins que l’acide tartrique ; or, les proportions de ces deux acides dépendent surtout de la maturité, elles sont variables d’une année à l’autre et l’on voit que, de ce chef, une même levure pourra changer un peu son allure générale ; le tableau suivant nous donne les diverses doses de sucre laissées intactes par litre dans un même milieu sucré, mais additionné de 78,50, 35,75 ou 15,87 d'acide tartrique par litre. DOSES Æ — —"— 7::,50 3:r,75 1z,87 Grammes. Grammes. Grammes. LEE Ne 7 mr 38,98 3,60 3,99 EU PO LS. 40,85 7,80 2,00 RS LS 27,10 2235 3,53 On voit que c’est la levure 12 qui est la plus sensible à l'acidité, elle a pour origine un vin d’Espagne à 14° d'alcool et provient d’un moût très riche en sucre et peu acide. On pourrait fournir des nombres tout à fait comparables obtenus par l’addition d’acide malique ou d’acide citrique. 134 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. b) Influence de la température. Ensemençons de l’eau de touraillons à 180£",76 de sucre par litre, additionnée de 6 grammes Wd’acide tartrique par litre avec diverses levures de vin; portons la moitié des ballons dans une éluve main- tenue à 29°, l’autre moitié dans une étuve à 39°. Nous verrons, d’après les quantités de sucre laissées, que certaines levures supportent beaucoup mieux une température élevée, mais que toutes souffrent déjà à cette température de 39°. A 250. ASS Grammes. Grammes. Levure 2. 2:10 115,0 = 2,70 55,0 D 3,23 53,3 HPRoES 12,00 44,0 Len. 6,5 49,5 Étudions maintenant, pour nous rapprocher un peu de la réalité, l'influence de l’acidité et de la température à la fois; dans ce but, en- semençons une même eau de touraillons sucrée à 86 grammes par litre, additionnée ou non d’acide tartrique, et portons la moitié des ballons à 25°, l’autre moitié à 35°; tous les nombres sont rapportés au litre. c) Influence de la température et de l'acidité. LEVURE ? LEVURE 32 a —— à 250. à 350. à 250. à 35°. © TT, Re a Moût Moût Moût Moût Moût Moût Moût Moût acide. neutre. acide. neutre. acide. neutre. acide. neutre. Extraits cu L0 042 707289 35 TS LL MG 0 AE TO ES CS RTE ON Acidité volatile en CAO ENORME AE DST ON 86 0 AP FO SL ECO TE 0 A DENO Glycérine, 451 deal, 78001 ,44602,702586473 17" 3,08: 4 1790987 Acide succinique 00/6220 22 00 9700; SO O0 GA 0 PS 02206309 Pouvoir ferment . . 62 60 78 89 46 39 12501119 Dans celte expérience, où les deux influences de la température et APPLICATION DES LEVURES SÉLECTIONNÉES EN VINIFICATION. 139 de l'acidité viennent se superposer, nous constatons des différences assez grandes. Ainsi, la glycérine et l’acide succinique sont en plus forte pro- portion dans le moût acide; de plus, il y a plus de glycérine à 35° qu'à 25°. Les deux levures essayées ne se comportent donc pas de la même manière, l’une semble mieux supporter lacidité, l'autre la tempé- rature élevée, semblant ainsi rappeler leur pays d’origine (Cham- pagne et Midi). Ajoutons maintenant l'influence de la richesse saccharine. Dans ce but, deux levures de vin, les n° 14 et 37, ont été essayées aux températures de 30 à 35° d’une part, et de 35 à 39° d’autre part, dans des solutions de diverses teneurs en sucre et en avide tar- trique. Les doses respectives sont indiquées par les chiffres placés à droite des lettres S et A; ainsi À, S,, veut dire 6 grammes d’acide par litre et 140 grammes de sucre par litre. d) Influence de la richesse saccharine, de la température et de l'acidité. I. Variation du sucre, constance de l'acidité. TEMPÉRATURE 30 à 35°. TEMPÉRATURE 35 à 39. Re CZ RE MILIEU. Acidité Sucre Acidité Sucre volatile. restant. volatile. restant. Grammes. Grammes,. Grammes. Grammes. Levure 14. À Si 0,34 ° traces 0,38 traces A 0,44 7,29 0,48 8,29 ASE 0,73 26,64 0,76 30,28 Levure 37. À Su10 0,31 3,44 0,29 4,99 ES 0,38 6,72 0,44 6,40 PATES 0,44 19,03 0,66 26,07 136 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. IT. Variation de l'acidité, constance de la richesse saccharine. TEMPÉRATURE 30 à 350. TEMPÉRATURE 85 à 390. EE MILIEU. Acidité Sucre Acidité Sucre volatile. restant. volatile. restant. Grammes. Grammes. Grammes. Grammes, Levure 14. LR ST 0,25 10,90 0,32 8,88 APAS 0,36 3,42 0,49 9,99 Ke 0,58 9,22 0,57 17,64 Levure 37. AE 0,25 12,00 0,27 10,90 INC 0,36 7,16 0,34 10,52 APS 0,46 9,04 0,52 24,48 III. Variation de l'acidité et de la richesse saccharine. Levure 14. APS 0,43 traces 0,48 3,42 TOI TE 0,34 3,74 0,37 5,06 Levure 37. APS 0,36 9.09 0,40 4,10 ASS 0,33 6,05 0,32 4,75 Signalons seulement le minimum de sucre restant, pour une aci- dité de 6 grammes et une richesse saccharine de 130 grammes, lorsque la température s’est maintenue entre 30 et 35°. Il semble y avoir un optimum dans les rapports entre ces deux quantités, la le- vure exigeant une quantité déterminée de sucre à transformer pour une quantité donnée d’acide; j'ai d’ailleurs eu à constater des exemples pareils et tout à fait comparables avec du moût de Petit- bouschet, la fermentation se faisant en demi-muids. e) Influence de la nature du sucre. Le jus de raisin contient un mélange de glucose et de lévulose : ces deux sucres se trouvent rarement en proportions égales : le glu- APPLICATION DES LEVURES SÉLECTIONNÉES EN VINIFICATION. 134 cose domine dans les fruits verts, le lévulose augmente pendant la maturation ; ce n’est que lorsque les raisins sont arrivés à maturité complète que les proportions de glucose et de lévulose se rappro- chent de celies du sucre interverti ; le plus souvent, c’est le lévulose qui domine. Les diverses levures manifestent des propriétés électives à l’égard des deux sucres; c’est, en général, le glucose qui est le premier atta- qué. Si nous ensemençons deux levures de vin dans des solutions à te- neur égale de lévulose ou de glucose, nous trouverons que les quan- tités de sucre laissées sont très variables ; elles dépendent et de la levure et de la température. Quantités de sucre laissées par litre. A 25c A 35° A —Ù — EE GLUCOSE. LÉVULOSE. GLUCOSE. LÉVULOSE. Grammes. Grammes. Grammes. Grammes. Levure 2. . . . . 2,50 16,85 45,15 65,10 ASE NE 4,67 22,75 17,95 35,92 L'activité des levures semble être plus grande dans les solutions de lévulose à 35°, l'inverse a lieu à 25°. Nous savons d’ailleurs qu’il existe des levures qui préfèrent nettement le lévulose au glucose. Nous venons de voir comment les quantités de sucre laissées par une levure sont sujettes à de très grandes variations et que ces quan- tités varient énormément d’une levure à l’autre. Il en est de même des autres produits de la fermentation : gly- cérine, acide succinique, acides volatils, etc. Si nous ensemençons de l’eau de touraillons additionnée de 6 p. 100 de glucose ou de 6 p. 100 de lévulose ou encore de 3 p.100 de glucose et de 3 p. 100 de lévulose, nous trouvons par gramme de levure les quantités suivantes d’acide acétique : GLUCOSE GLUCOSE. LÉVULOSE. LÉVULOSE. Milligr. Milligr. Milligr. LENULE AMEN Te 43 53 o1 Er Pure ce 34 63 63 2209 LE, 45 9 60 138 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. On voit aisément que la présence du lévulose augmente beaucoup la production d’acides volatils. La quantité de ces acides qui inter- viennent dans la formation des éthers dépend d’ailleurs de la levure, de la température, de la matière azotée du milieu ; ce sont des produits de souffrance, comme nous l’a appris M. Duclaux. Quantité d'acide acétique par gramme de levure. A 250. A 85. Milligr. Milligr. Levure 2 DORE 650 1 390 OO EU 630 S90 — 24 380 480 Toutes choses égales d’ailleurs, les levures produisent donc des quantités très variable de ces acides volatils, selon la température de fermentalion. f) Influence de la matière azotée. La teneur du vin en azole varie dans des proportions considérables de 10 milligrammes à 900 milligrammes par litre ; tandis que les vins de cru sonl très riches en azote, les vins d’Aramon sont pauvres; les moûts d’ailleurs ont des compositions tout à fait correspondantes. À priori on pourrait affirmer que la richesse en matière azotée du moût doit influer sur la marche générale de la fermentation et sur l'allure de la levure ; ainsi, une addition de 1 gramme de phosphate d'ammoniaque par litre agit déjà très favorablement et active beau- coup la fermentation, et d’autant plus que la température est plus basse. Additionnons de l’eau de touraillons sucrée et acidulée de di- verses doses de phosphate d’ammoniaque : 0, 2,5, 5 grammes par litre, et dosons les quantités de sucre restant sur 2706°,8 par litre à l'origine. LEVURE 17. LEVURE 24 LÉMOIT SR AE ESS 63,9 49,1 Avec 2.5 p. 1000 de phosphate. 29,4 44,6 Avec 5 p. 1000 — ? 49,1 41,0 La simple inspection du tableau montre que le phosphate agit d'autant plus activement que la levure est moins énergique. APPLICATION DES LEVURES SÉLECTIONNÉES EN VINIFICATION. 139 II. — PRATIQUE Nous voyons par ces quelques exemples qu’il existe de nombreuses races de levures ; qu'il faut les étudier à tous les points de vue avant de les employer, pour savoir choisir celles qui conviennent le mieux dans un cas déterminé. Il failait donc commencer par des tâtonnements, faire beaucoup d'expériences en opérant sur de faibles quantités de vendanges, per- meltant ainsi d’avoir un milieu bien homogène ; mais ces quantités de vendanges devaient être suffisamment fortes pour donner lieu à des conclusions applicables en pratique. Mais ce n’est pas tout : le nombre des levures essayées en pra- tique ne devait par être très grand, mais il fallait les choisir en se basant sur les résultats acquis au laboratoire d’une part, et de l’autre sur ceux que la pratique avait fait connaître et démontrés d’une cam- pagne à l’autre. C’est ainsi que toutes les expériences commencées en 1892 ont élé poursuivies avec la même méthode et, d’année en année, nous avons pu enrichir nos connaissances sur les levures et sur le meilleur mode d'application dans la pratique. Toutes les fermentations de jus de raisin ou de vendange ont été faites dans des tonneaux de cinq hectolitres ; on a toujours cherché à avoir le plus d’homogénéité dans les différents tonneaux (Lonneaux levurés et témoin). Les vins obtenus ont été analysés au laboratoire d’après les mé- thodes usuelles ; les lies ont été étudiées microscopiquement et com- parées aux levures pures ayant servi comme semence. La dégustation a eu lieu à la fois au laboratoire et dans la région où les vins avaient été produits par une commission de dégustateurs de profession ; nous attachons la plus grande importance à l’appré- ciation de ces derniers. Le classement des vins à la dégustation dépend essentiellement du point de vue auquel on se place; il est évident que le classement ne peut être le même si l’on envisage les qualités d’un vin comme vin de table ou à un point de vue commercial. 140 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Ceci établi, voici brièvement le mode opératoire généralement employé: la levure a été rajeunie dans 25 à 30 litres de moût chauffé à 65°, refroidi et ensemencé trente-six heures à l’avance ; ces 95 litres de moût en fermentation ont été répartis sur la ven- dange au fur et à mesure qu’on remplissait le tonneau de 5 hecto- litres. Dans beaucoup d'expériences on avait deux témoins, l’un non ensemencé, l’autre ensemencé avec 25 litres de moût préalablement porté à 65° et ensemencé lui-même avec 5 grammes d’un tonneau en fermentation spontanée. C’est donc en général au pied de cuve qu’on avait recours pour ensemencer les demi-muids. Les acidités sont exprimées en acide tartrique pour l'acidité totale et en acide acétique pour l'acidité volatile ; tout est rapporté au litre. PREMIÈRE PARTIE CAMPAGNE 1892 Première expérience. — Aramon en rouge. ALCOOL. SUCRE AOIDITÉ Nes. EXTRAIT. e 3 R——— volume. restant. {otale. volatile. HMTÉMOINER SE RS 16:25. 76,0- 0,67 (833102 0; 566 2 Levure de bourgogne 1. . 15,80 82,0 0,62 8,17 0,808 3 Levure de bourgogne IL. . 16,50 75,0 0,75 8,17 0,558 La température n’a nulle part dépassé 28°,5; elle a monté régu- lièrement de 20 à 28,5; c’est le vin n° 2 qui était le plus riche en alcool; l’acidité totale est sensiblement la même dans les trois vins, mais l'acidité volatile du vin n° 3 était bien plus faible. Les deux levures ensemencées se sont bien développées ; les lies des trois vins étaient très belles et homogènes, aussi les trois vins sont-ils tout à fait comparables. Dégustation du laboratoire : vin n° 3 le meilleur, puis n° 2, et enfin le témoin. APPLICATION DES LEVURES SÉLECTIONNÉES EN VINIFICATION. 141 Dégustation commerciale : témoin, léger en couleur par rapport aux deux autres, vieillarde un peu, manque un peu de la fraicheur des fruits, assez fondu. Vin n° 2, plus tendu que le témoin, très droit de goût, goût plus dépouillé, supérieur au témoin. Vin n° 3, très droit de goût, plus nerveux et plus dur que le té- moin, bien meilleur que le témoin. Deuxième expérience. — Aramon en blanc. ACIDITÉ Nos. EXTRAIT. ALCOOL, © totale. volatile. HAT ÉMOINEA EN PR MER 14,2 67,0 10,51 1,490 On leyuresis das He : 13,3 69,5 8,78 0,667 3 — 1317 69,0 9,58 0,865 On voit que le témoin est un peu moins riche en alcool; son aci- dité volatile est considérable ; il est un peu piqué. Les lies des deux vins ensemencés étaient bien plus homogènes que celles du témoin. Dégustation du laboratoire : le meilleur n°5, puis n° 2, enfin le témoin. Dégustation commerciale : témoin, à bouquet peu prononcé, à peu près neutre; vin n° 2, goût des vins du Midi; vin n° 5, plus frais, plus net, plus fin, paraît devoir se conserver le mieux. Troisième expérience. — Vins blancs. ACIDITÉ EXTRAIT. ALCOOL. a — — — totale, volatile. TÉMONEM Merde De. 22,39 118,0 8,84 0,652 MEVÉRSAULEEDES RE 21,35 112,0 8,87 0,870 Ces deux vins, qui se ressemblent beaucoup, à part la différence en alcool, au point de vue chimique, ont été reconnus bien différents à la dégustation ; le vin à la levure de sauternes a élé trouvé très fin, très délicat; le témoin, par contre, plat. C'est ainsi que la dégustation joue un bien plus grand rôle que l'analyse chimique. 142 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. CAMPAGNE 1893 Première expérience. — Aramon. ACIDITÉ Nos, ALCOOL. a totale. volatile. LPTÉMOIN ce AE nr 106,0 8,54 0,931 2 Levure 48 (ensemencement ordinaire)» ES AR. 107,5 8,63 0,699 3 Levure 48 (pied de cuve) . 104,0 8,94 0,808 4 — 19 — $ 105,0 9,24 0,974 Les lies des vins 1 et 4 étaient les plus belles; à la dégustation, les vins ont été classés comme suit: n° 4, bien supérieur, ex æquo 1 et 2, enfin le n° 3; la levure 48, originaire de Roumanie, se plaisait moins dans le moût du Gard que la levure 19, isolée du même vi- enoble en 1892 et par conséquent indigène. Deuxième expérience. — Aramon. ACIDITÉ Nos. EXTRAIT. ALCOOL. —_— totale. volatile. 1”, STÉMONMALER ANA 18,1 90,5 7,74 0,964 DPTLeNUre EE ERP AR 16,7 87,0 7,08 0,752 Le vin levuré avec la levure 7 de saint-émilion était de beaucoup supérieur au témoin. Troisième expérience. — Aramon. ACIDITÉ Nos. ALCOOL. a — totale. volatile. HMMAVINSleVUrTE Sel EME LE 88,0 7,42 1,002 2 — Je a ESS 91,0 6,96 0,993 3 — DURS ee 82,0 6,90 1,305 4 —") 90—+ levure I : . 91.0 6,52 0,661 Cette expérience avait pour but de voir l'influence de la combi- naison de deux levures ; il est évident que ceci ne peut être que re- latif, attendu qu'il y a toujours des levures apportées par le raisin. APPLICATION DES LEVURES SÉLECTIONNÉES EN VINIFICATION. 143 A la dégustation, on a eu le classement suivant : vin n° 2, le meil- leur, ex æquo 1 et 4, enfin en dernier lieu le vin n° 8. Lorsqu'on ensemence dans un même milieu stérile deux ou trois levures, les levures se gênent souvent réciproquement, d’autres fois elles s’entr’aident et c’est l’étude préalable du laboratoire qui doit nous renseigner à cet égard. Voici de l’eau de touraillons sucrée à 180 grammes par litre et additionnée de 45,24 d’acide tartrique; on y ensemence les levu- res.À, 7 et 9 soit seules, soit combinées ; voici les résultats de cette analyse : ALCOOL SUCRE RESTANT ACIDITÉ LEVURES. en A — —— a volume. trouvé. calculé. totale. volatile. Grammes. Grammes. 1 100,0 14,86 ) 6,56 1,402 7 109,0 5,26 » 6,09 1,201 9 106,0 2,98 D) 6,09 1,148 ES : 106,0 10,65 10,06 6,05 1,251 ser 105,0 d78 212 6,24 1,211 1+9 98,0 15,91 3,92 6,23 1,377 (79 100,0 10,93 7254 6,26 1,226 La simple inspection de ce tableau nous montre que tous les cas sont possibles. Ainsi, dans la combinaison 1 et 7, les deux levures ont harmonisé; dans la combinaison 1 + 9, c’est la levure 9 qui prend le dessus; enfin dans la combinaison 7 + 9, les deux se gè- nent. Il importe donc de bien connaître les levures qu'on ensemence ensemble, par des essais préalables au laboratoire. Quatrième expérience. — Petit-bouschet. ACIDITÉ Nos. EXTRAIT, ALCOOL, TR totale. volatile. { Témoin. . . 19,1 97,0 8,175 3,855 DEV AIONEE NV REN A 1 AL 1250 6,59 0,794 3 Levure 12 . 20,2 109,0 6,96 0,799 Chaque demi-muid a reçu 350 litres de vendange, 15 kilogr. de sucre et 390 grammes d'acide tartrique. 144 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La fermentation a été très régulière dans les tonneaux 2 et 3, très tumultueuse dans le tonneau témoin ; la température s’est maintenue pendant plusieurs jours entre 36 et 37°. Il convient surtout de signaler la plus forte teneur en alcool des vins ensemencés ; les deux levures 10 et 12, habituées à supporter des températures élevées et à faire fermenter des moûts de haute dose saccharine, se sont très bien comportées. Les vins n° 2 et 3 ont été reconnus de beaucoup supérieurs au témoin, et ceci a été constaté dès la décuvaison; cette amélioration est allée en s’accentuant, à tel point qu’on les estimait 30 à 55 fr. l’hectolitre, pendant que le témoin ne valait que 14 à 15 fr. Les vins obtenus avec petit-bouschet sans addition de sucre (témoin etlevures 10 et 12) ont montré moins de différence entre eux ; ceci prouve une fois de plus qu’il faut employer les levures dans des mi- lieux appropriés. CAMPAGNE 1894 Première expérience. — Carignan. ACIDITÉ Nes, EXTRAIT. ALCOOL. —— totale. volatile. 1 Témoin. 20,65 123,4 6,82 0,970 2 Levure indigène, . . . . 25,90 11195 8,90 0,660 3 — 18. EDS 23,50 126,0 7,64 0,582 4 OU RS MER 19,70 10221 M7) 5,48 0,539 La fermentation a été très rapide dans les tonneaux 2 et 4 ; beau- coup plus lente dans les deux autres; ce sont ces deux derniers qui sont les plus riches en alcool. Le maximum de température atteint était de 27° ; à la décuvaison - le thermomètre marquait 18° et le mustimètre indiquait 0. Colorimètre : 3 le plus coloré, puis 2, 4 et 1. L'examen microscopique a montré que la levure 18 s'était déve- loppée dans la proportion de 75 p. 100, la levure 90 à 50 p. 100; les deux témoins ne présentaient pas la même levure dominante, dans le n° 2 nous avions une levure ronde, dans le n° 1, au contraire, une levure très allongée. | APPLICATION DES LEVURES SÉLECTIONNÉES EN VINIFICATION. 149 Dégustation commerciale : n° 1, simple, droit de goût ; n° 2, très bon, très joli et fin; n° 3 très bon et fin; n° 4 assez bon avec un léger goût de terroir. Deuxième expérience. — Aramon. ACIDITÉ Nos. EXTRAIT. ALCOOL. TT —— totale. volatile, (A ÉT OT RNRPRREN 20,65 92,3 9,14 0,317 2 Témoin (pied de cuve in- digéne) er. ©, | 23,10 96,7 9,98 0,423 SNS 11104 EN RE 23,35 96,7 10,26 0,290 4 Id gs LS pe 22,10 90,6 9,55 0,461 RE 0 21365 91,7 8,97 0,355. La levure 7 s’était le mieux développée. Colorimètre : 1, 4, 9, 5, 8. Dégustation : n° 5 le meilleur, 4, 3, 1 et 2. Troisième expérience. — Petit-bouschet. ACIDITÉ No:, EXTRAIT, ALCOOL. _—_—__— totale. volatile. DR TÉMOMAQU AE hu 10 28,75 112,6 13,1 1,34 D ENOEO 29,35 113,3 9,8 0,57 3 — RARES, he 29,40 104,6 13,2 0,64 Chaque demi-muid avait reçu 350 grammes d’acide tartrique et 13,5 de sucre; chaque tonneau a été ensemencé avec un pied de cuve de la levure choisie, d’environ 95 litres ; le témoin lui-même avec 25 litres de moût de petit-bouschet en fermentation spontanée. Colorimètre : 2, 1, 3. Classement commercial : 3, 2, 1; ce dernier, le témoin, a été reconnu bien inférieur. Quatrième expérience. — Petit-bouschet. ACIDITÉ Nos EXTRAIT. ALCOOL, RE totale. volatile. AT IN SR FAN CRESEES 21,65 100,0 8,10 0,609 DENTS AE NE a 21,35 104,3 8,33 0,804 BOIS Er AT MOINE à 22,25 101,2 8,50 0,605. ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE. — 1899, — 11, 10 1160 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Chaque demi-muid avait reçu 450 litres de vendange additionnés de 15 kilogr. de sucre et de 300 grammes d’acide tartrique ; chaque tonneau a été ensemencé avec 25 litres de moût en fermentation. Colorimètre : 9, 3, 1. Dégustation commerciale : les n° 3 et 2 bons et fins, le témoin à goüt de pelit-bouschet très prononcé. Cinquième expérience. — Aramon. : ACIDITÉ Nes. EXTRAIT. ALCOONL. ER totale. volatile. 1 Témoin. 21870 82,3 10,04 0,479 2'UENUTEN TE. Re 21,29 lg 0 9,33 0,183 SAS DÉMONM ETAPE 20,85 82,3 10,63 1,384 ÉOMÉETUTE NE 20,45 89,0 Sarl 0,603 n — 12. 20,65 86,5 9,65 0,413 6 — 0: 19,10 87,2 1,38 0,746 Cette expérience avait surtout pour but d'étudier l'influence de la température. Les demi-muids ont reçu 450 litres de vendange foulée aux pieds; acidité du moût était de 10 grammes par litre, exprimée en acide tartrique; les deux tonneaux n°° 1 et 2 sont maintenus à l’aide de nageurs à glace à une température voisine de 25 à 26° ; les quatre autres sont portés, par des circulations d’eau chaude, de 55 à 38°. Chaque tonneau a été ensemencé par 25 litres de moût en fer- mentation. Variation de la température. Pen Matin. . 23° 23° 230 23° PA Vale 20e Soir . 29,0 129,00 03 32 39 34 re es \ Matin. 25-027 39 39 38 37 | Soir 2470 0026 57 37 38 37,9 Troisième jour, matin . 29,026 35,9 39,9 36 37,9 Quatrième jour, décuvaison 26,5 26,5 32,5 32,5 33 33,0 Pour ce qui concerne la richesse alcoolique, ce sont les levures 9, d'Algérie, et 12, d’Espagne, qui tiennent la Lête, les deux témoins ont à peu près la même teneur. Au point de vue de l'acidité totale, nous constatons des différences APPLICATION DES LEVURES SÉLECTIONNÉES EN VINIFICATION. 147 d’une levure à l’autre et, à cet égard, il convient de relever l'identité à peu près complète entre les vins n° let5 et n° 2 et 4; mais cette identité n'existe qu’en apparence, car l'acidité volatile varie en pas- sant de 1 à 3 ou de 2 à 4 du simple au triple ; nous devons remarquer que l'acidité volatile est bien plus élevée dans les moûts maintenus à 39°; ces levures ont évidemment souffert ; d’ailleurs l'examen mi- croscopique a montré les lies 3, 4 et 6 très granulées; par contre, la lie 5 l’était beaucoup moins. La comparaison des lies 2 et 4 montre dans 2 une levure ellip- tique, très homogène et dominante, à protoplasma transparent ; par contre, dans la lie 4, il y a peu d’homogénéité ; les mêmes différen- ces s’observent entre les lies 1 et 3. Colorimètre : 2, 3, 6, 5, 1, 4. Dégustation commerciale : n° 1 très mauvais, 2 très bon et fin, 3 bien mauvais, 4 médiocre, 5 bon, net de goût, 6 bon. Les levures 9 et 12 des pays chauds ont donc le. mieux supporté ces températures élevées, par contre la levure 7 de Saint-Émilion préfère des températures plus basses. Sixième expérience. — Jacquez. De la vendange de jacquez, foulée aux pieds, a été mise à raison de 350 litres par demi-muid ; le moût marquait 2145°,3 de glucose par litre et 14 grammes d’acidité en acide tartrique. Tous les tonneaux ont, en outre, reçu 1 500 grammes d’acide tar- trique, sauf Le n° 4 qui n’a reçu que 1 200 grammes ; tous les ton- neaux ont été ensemencés par des pieds de cuve de 25 litres ; les le- vures étaient les n° 15, 17, 18 du Gard, la levure 7 de saint-émilion; le témoin a été ensemencé avec 25 litres de moût de jacquez en fer- mentation spontanée. AGIDITÉ Nos. ALCOOL. —— totale. volatile. 1 Témoin. 121,0 FOI 0,223 2 Levure: 17: 124,3 9,09 0,137 CE 12395 7,80 0,198 4 ALORS Us PP er de 121,0 Chart 0,268 o —, 15. 122,3 9,75 0,137 6 ne 118,6 10,13 0,164 148 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les lies des vins n* 3, 4, 5 et 6 étaient très belles. Dégustation commerciale : vin n° 6 le meilleur, venaient ensuite et dans l’ordre les vins n% 3, 4, 2, 5 et finalement le témoin, qui était bien inférieur aux autres. | CAMPAGNE 1895 Première expérience. — Aramon. ACIDITÉ Nos. EXTRAIT. AICOOL. RE — totale. volatile. JNTeNIre 18,19 106,6 6,62 0,747 7 = « AÙe 22:10 106,6 7,93 0,303 3 —. 22. 20,75 105,6 7,34 0,338 4 = Sie 22,14 107,3 7,16 0,309 6] — T1: 23,15 108,0 7,04 0,289 6 Témoin. 21,25 105,0 7,04 0,224 Si l’on met le vin obtenu avec la levure 7 à part, on remarque que tous ces vins se ressemblent ; c’est le témoin qui a l'acidité vola- tile la plus faible. Voici les résultats de la dégustation commerciale : vin n° 1 et vin n° à les meilleurs, bonne couleur et fins ; vin n° 2, ferme et bonne tenue; vin n° 3, vif et brillant, légèrement amer; vin n° # moins co- loré, assez bon; témoin astringent, assez de couleur, pas mauvais. Deuxième expérience. — Alicante-bouschet. ACIDITÉ Nos. EXTRAIT. ALCOOL. SUCRE. TT SU totale. volatile. 12 CTÉMONV ES RER 19,40 76,2 2,82 6,33 0,65 2 = Levure 18,50 PIN 2,69 6,82 0,75 3 mn 0 Le AU are 18,25 81,6 traces 6,66 00 A la dégustation, le vin n° 3 a été reconnu bien supérieur aux autres, de couleur très brillante ; vin n° 2, moelleux ; témoin, pas mauvais, mais moins coloré. La lie du vin n° 3 était très homogène. APPLICATION DES LEVURES SÉLECTIONNÉES EN VINIFICATION. 149 Troisième expérience. — Aramon. ACIDITÉ Nos, EXTRAIT. ALCOOL. a totale. volatile, DAC ECIDOMLE ee ete. con at» 28,90 120,2 2,409 0,708 D'OLeVUTE Tee done : 23,45 12279 4,704 0,609 3 20 NE rhone 34,40 114,5 5,073 0,738 Classement à la dégustation : vin n° 2 bien supérieur aux deux autres, très fin. Quatrième expérience. — Carignan-terret-clairette. ACIDITÉ Nos, EXTRAIT. ALCOOL. ——— totale. volatile. IPPACYUrONT US. EURE. 23,50 114,8 6,76 0,737 HU nt. . JE, 24,95 108,6 7,59 0,462 3 LS TES NP tee 30,40 110,0 7,63 0,453 PRTÉMON A) EN tr der r 23,30 116,8 6,53 0,471 Il convient tout d’abord de signaler les deux acidités totales des vins n° 2 et 3 obtenus avec les levures 32 et 37 retirées de la même lie de langlade ; elles sont plus élevées que pour la levure 7 dont le vin à une acidité volatile plus forte. Dégustation commerciale : le meilleur, vin n° 1, très fin; puis n°2; le n° 3, moins ferme ; tous les trois étaient reconnus bien supérieurs au témoin. Aprés une année de bouteille, les vins n° 1 et 2 étaient devenus encore meilleurs et faisaient abstraction complète avec le témoin. Cinquième expérience. — Petit-bouschet. ACIDITÉ Nos. EXTRAIT. ALCOOL. _—_—_—_— totale. volatile. eu Red leave 10101, 00 11,85. 0,61: en ne a Co 30,15 102,6 1872 0,67 3 an LUE de ete 29,85 102,0 10,96 0,49 AR EN Poe ESRI 29,75 99,0 12,65 0,71 Rene NT en 28,70 114,4 12.39 0,57 RE OMR T Eee 29,75 104,0 12,25 0,71 7 mo Vpn fer ab eos 29,25 101,3 11,66 0,61 Din" FAT PE RRAIPREE D 29,95 109,0 12,45 0,99 J'ITEMR A EN One ag 30,30 112,0 12005 150 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Chaque demi-muid rempli jusqu'aux quatre cinquièmes a reçu 350 grammes d’acide tartrique et 15 kilogr. de sucre. Dégustation commerciale : vin n° 6, le meilleur, net de goût, frais bon ; ensuite, dans l’ordre, n° 5 à 8 nets de goût, âpres ; témoin bon et net; vin n° 1 fin, même très fin, mais pas frais. Tous les vins avaient une couleur supérieure au témoin; les lies 4 et 6 élaient très belles et jolies à voir. Sixième expérience. — Petit-bouschet. ACIDITÉ Nos. EXTRAIT, ALCOOL. a totale. volatile. As TÉMOINS re RENE 23,30 116,0 8,66 0,708 DADlevure NO ERP RET- 25,15 113,1 8,86 0,724 3 100 Me eMail Le 25,39 1220 8,70 0,519 Classement commercial : vin n° 2, le meilleur, franc de goût ; vin n° 3, bon avec beaucoup de bouquet ; vin n° 1, le moins bon, mais pas mauvais. CAMPAGNE 1896 Première expérience. — Petit-bouschet. ACIDITÉ Nes. EXTRAIT. ALCOOL, == 1 totale. volatile, 1 Témoin. 24,90 86,3 10,30 0,831 2 Levure 9 24,90 90,5 10,27 0,608 3 091 à + 22 F0 88,7 8,84 0,559 4 SR ET Me 24,80 88,7 10,23 1.009 6) TR 23,99 89,9 9,38 0,402 Le témoin est le moins riche en alcool ; au colorimètre, les vins se classent comme suit: 1, 4, 5, 5 et 2. Dégustation commerciale : vin n° 5, très supérieur; vin n°2 et vin n° 3, très bons ; Lémoin et vin n° 4, pas mauvais, mais inférieurs aux trois autres. APPLICATION DES LEVURES SÉLECTIONNÉES EN VINIFICATION. 15] Deuxième expérience. — Petit-bouschet. ACIDITÉ Nos. EXTRAIT. ALCOOL, totale. volatile. 1 Témoin. 21:85;:01 61,3 10,47 0,964 20 Levure: ,9. : 21185 64,6 10,20 0,621 5: et nf (RARE 29,35 59,9 14,96 0,710 4 =" 147: : 23,90 61,3 12,71 0,896 5 NP ER ee 21,30 61,7 10,06 1,110 Dégustation commerciale : vin n° 3 et vin n° 2 très moelleux ; ensuite le vin n° 4 et le témoin ; le vin n° 5 le moins bon, piqué. Troisième expérience. — Petit-bouschet sucré et acidulé. ACIDITÉ Nos, KXTRAIT. ALCOOU. © totale. volatile. (TÉMOINS Ten. Var 29,99 116,0 14,89 0,364 AFTerure 104 PAIE + 28955 115,0 14,68 0,413 FA DRE CN ERREUR dr 110,0 14,00 0,408 4 Es NE AE RE EUR OISE 27,85 109,0 14,28 0,405 Dégustation commerciale : vin n° 4 très supérieur, très fin; vin n° 2, corsé et fin; puis ez æquo vin n° 3 et le témoin. ? 2 Quatrième expérience. — Aramon. ACIDITÉ Nos. EXTRAIT, ALCOOL. 2 © © A — totale. volatile. DE MONL AE SES ne 29-25 100,0 9,29 0,351 2 Levure 8. 23,30 100,0 10,61 0,362 METRE UE 23,80 99,0 10,26 0,313 Dégustation commerciale : c’est le vin n° 3 obtenu avec la levure 32 (comme dans l’expérience ci-dessus) qui est le meilleur; vient ensuite le vin n° 2 et finalement le témoin. Cinquième expérience. — Espar. SUCRE. ACIDITÉ Nos. EXTRAIT. ALCOOL. ant T0 Re LU 74,2 105 48,16 1,736 0,939 DRE VUTE JE eue 46,85 122 23,00 4,128 0,707 152 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Dans cette expérience, les vins, en raison de leur forte richesse saccharine, n’ont pas fini de fermenter ; on a dû procéder à la décu- vaison avant la fin de la première fermentation, pour éviter le goût d’amertume qu’on constate souvent chez l’espar s’il cuve trop long- temps ; mais il convient de remarquer que la levure 32 ensemencée avail laissé beaucoup moins de sucre à ce moment et l’ensemence- ment est ici tout indiqué, surtout en se servant d’une levure éner- gique. Sixième expérience. — Aramon. ACIDITÉ Nos, EXTRAIT. ALCOOL. TR totale. volatile. (ATOM 0 he RSS 111,0 10,42 0,309 2 Levure indigène. . 17,20 107,0 8,78 0,359 Ba nd Viet ll. ace RNeT:008 40 110,0 12243 0,330 4 — 19.. 17,45 112,0 8,90 0,403 [ci le pied de cuve indigène (vin n° 2) a donné le meilleur vin, il élait très bouqueté et on n’y reconnaissait plus l’aramon ; venaient ensuite les vins n° 4, 3 et enfin le témoin ; le vin n° 4 avait de très sérieuses qualités (la levure 19 est une levure du Gard, donc encore indigène). Septième expérience. — Aramon. ACIDITÉ Nos, EXTRAIT. ALCOOL. a — totale, volatile. LSTéMOINs. 5e 29,30 103 LOT 0,274 MP OTUTe dl men 0e 18,90 110 8,51 0,207 g-: MENGES Bi RS ne 19,75 102 9,86 0,189 4 —. 65 28,45 98 10,49 0,221 Er 19,00 100 8,96 0,154 Ici encore les deux levures 1 et 7 ont donné des vins bien supé- rieurs. APPLICATION DES LEVURES SÉLECTIONNÉES EN VINIFICATION. 193 Huitième expérience. — Carignan-clairette. ACIDITÉ Nos. EXTRAIT, ALCOOL. RE —— totale. volatile. (OTÉMOMUUXS ENS ONE 20,60 142,5 74992 0,426 D MEN URSS nai btec «ris 23,05 117,5 6,912 0,359 DR OT NC vas Id O0 113,0 6,528 0,442 RS M Ds 20 35 7,936 0,385 6] il (CORRE 21,10 114,0 6,720 0,426 Dégustation commerciale : le vin n° 5, bien supérieur aux autres ; viennent ensuite les vins n“ 4, 2, 3 ; le témoin était nettement infé- rieur et aussi le moins coloré. DEUXIÈME PARTIE CHAUFFAGE DU MOUT Considérations générales. Lorsqu’on ensemence plusieurs levures dans un même moût stéri- lisé, on peut dire que toutes se développent, les unes se muluiplient beaucoup, les autres moins; 1ly en a toujours une qui dominera. Lorsqu'on ajoute donc un pied de cuve d’une bonne levure sélec- lionnée, en plein bourgeonnement, dans un demi-muid de vendange, il y a beaucoup de chance — nous l'avons vu par les expériences précédentes — qu'elle dominera dans le liquide fermenté et qu’elle donnera un certain cachet à la boisson fermentée; mais les diverses levures atlachées après le raisin se développeront aussi, de sorte . que la levure sélectionnée ne sera jamais seule à transformer le sucre du raisin en alcool : ceci peut être un bien dans certains cas. Comme cette levure sélectionnée a été en lutte avec les levures apportées par le raisin et avec les ferments de maladie, elle n’a ja- mais donné tous les effets dont elle était capable. Aussi, pour en tirer tout le profit, a-t-on essayé du chauffage, de la pasteurisation du moût ; ce mode opératoire a dunné des ré- sultats fort encourageants et promet beaucoup d'avenir. 154 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Déjà en 1893, j'ai eu l’occasion de pasteuriser deux hectolitres de moût en blanc, partagé ensuite entre huit petits tonneaux et ense- mencé avec diverses levures ; le témoin était classé parmi les vins médiocres. A la campagne de 1895, jai eu à reprendre ces expériences avec un appareil Kubhn encore défectueux et un pasteurisateur ordinaire, les vins obtenus avec moûts chauffés ont été reconnus supérieurs au témoin. A la campagne de 1896, nouvel essai avec l’appareil Kuhn et le pasteurisateur Vigouroux. A la campagne 1897, trois séries d’expériences ont été faites avec le pasteurisateur Vigouroux. Enfin, à la campagne 1898, on a comparé le pasteurisateur Vigou- roux, l’appareil Égrot-Houdart et le pasteurisateur Bourdil, de Nar- bonne. Je n'ai pas à entrer ici dans le détail des opérations, l'essentiel est de fournir les résultats obtenus au point de vue chimique et au point de vue de la dégustation. Nous verrons ainsi qu'ici encore les levures sélectionnées, choisies en connaissance de cause, peuvent amener de notables améliorations el ce mode opératoire nous réserve peut-être une révolution dans Part de la vinification. CAMPAGNE 1896 Expérience avec moût d’aramon. ACIDITÉ Nos. EXTRAIT. ALCOOL. totale. volatile. LsVinpn ee Ans ct 15,75 117 5,376 0,484 HAL EE Ce MER CR 14,65 116 5,376 0,507 DNS ARER 22 à ie eme 15,35 118 5,056 0,546 ANNEE Ne NAT TEEN DIE 13,60 118 4,608 0,458 Be 1ey 5 sh 17,35 117 6,400 0,250 6 — 6 PATES 13,60 119 o,216 0,385 Les vins n° 1, 2, 3 sont obtenus avec le moût non chauffé, les vins n% 4, 5, 6 avec le même moût chauflé à l'appareil Kuhn. Le vin n°.1 sert de témoin, les n° ? et 4 ont été ensemencés avec APPLICATION DES LEVURES SÉLECTIONNÉES EN VINIFICATION. 199 une levure de champagne, 5 et 5 avec une levure de sauternes, enfin le n° 6 avec une levure de folle-blanche. À la dégustation faite à Nimes, Reims, Paris et Bordeaux, les vins obtenus avec moût chauffé ont été reconnus supérieurs aux n° 1, 9, 3; les uns préféraient le vin n° 4, les autres le vin n°5 ; quelques dégustateurs y reconnaissaient même l’origine des levures ; le té- moin a été classé le sixième, c’est-à-dire le dernier. Il convient d’ajouter qu’en ne dépassant pas la température de 65-66°, nous n’avons jamais constaté le moindre goût de cuit. CAMPAGNE 1897 Expérience avec moût d'aramon. ACIDITÉ a —— — — totale en acide Nos, EXTRAIT. ALCOOL. sulfu- volatile. rique. DRDENOEE EN AS roersreat ne 16,65 97 3,893 0,407 DOS AMIS RAIN 16,55 97 3,921 0,388 3 rs CAR PPT CE TE a 17,85 97 3,967 0,413 4 — 42 (moût refroidi). 17,15 100 4,058 0,413 — 42 (moût non re- froidi). . . 18,10 98 4,126 0,455 GAUTÉMONEEE) Mr 4. 19,30 107 4,651 0,801 Le témoin, très inférieur à tous les autres, ne supportait pas le contact de l'air, il se cassait au bout de peu de temps. Classement commercial : vin n° 2 le meilleur, puis n°* 5, 4, 1,3 et enfin le témoin. CAMPAGNE 1898 Expériences avec de l’aramon. ACIDITÉ Nos. EXTRAIT. ALCOOL. SUCRE. a totale. volatile, ie Levure TR 16,20 89. 0,703 … 5,341 0,573 2 = Mere 16,39 89 0,642 5,607 0,863 Sp Litiges 14240087 0 642/101:680001 40% sa ST DRE 15,10 2 822 70,642 : . 5,450 20,376 5) ee DRE 115 Sent) 0,661 5,817 0,986 Ge TEMONS LE NE 15535089 00-681 5,559 * 0,558 156 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Nous voyons qu’au point de vue chimique, tous ces vins sont bien comparables ; mais à la dégustation on a trouvé des différences très marquées. Voici les appréciations de la commission locale de Nimes : Classement : vins n° 1, 2, 3, 4, 5 et finalement le témoin obtenu avec moût non chauffé. Vin n° 1, très droit, très bon, Lout à fait supérieur ; Vin n° 9, très droit, très bon, très remarquable ; Vin n° 3, bon, bouqueté, fin, droit, bien neutre ; Vin n° #4, droit, bon, suit le vin n° 3 de près; Vin n° 5, fin, vif, plus acide que le témoin; Vin n° 6, témoin, bon, mais un peu brutal au goût. Si nous récapitulons brièvement les résultats que nous venons de passer en revue, nous voyons tout d’abord qu’un certain nombre de levures, que nous avons le droit d'appeler de bonnes levures, se distinguent, parmi les autres, par les caractères particuliers qu’elles communiquent au vin ; les boissons obtenues par leur ensemence- ment Lant comme pied de cuve en moût non chauffé que comme faible quantité en moût chauffé, ont élé toujours classées parmi les meilleures, telles nos levures 4 (champagne), 7 (saint-émilion), 10 (Algérie), 9 (Algérie), 12 (Espagne), 18 et 19 (Gard), 52 (lan- olade), 71 (Portugal). Ainsi, la levure 7 s’est montrée levure distinguée dans du moût d’aramon, petit-bouschet, jacquez, carignan ; c’est une très bonne levure. Par contre, il peut arriver qu’une bonne levure donne de mauvais résullats ; ceci s’est vu pour la levure 65 qui, dans un cas, a été classée la première, dans un autre cas le vin qu’elle a donné était très mé- diocre: c’est ici l'influence du milieu qui a joué le grand rôle. Nous avons également vu que beaucoup de levures indigènes peu- vent être très avantageusement employées dans leur région ; l’essen- tiel est de connaître leurs divers besoins, c’est-à-dire de les avoir étudiées au laboratoire. APPLICATION DES LEVURES SÉLECTIONNÉES EN VINIFICATION. 197 CONCLUSIONS GÉNÉRALES a) Fermentations principales. L'emploi judicieux de levures sélectionnées, c’est-à-dire de le- vures bien connues au point de vue de leurs exigences, essayées préalablement en petit, peut amener des améliorations sensibles dans les vins ; la fermentation est plus rapide, peut-être plus com- piète ; le vin peut présenter certains caractères de bouquet que l’on ne trouve pas chez le témoin et qui lui assureront une meilleure conservation. Il importe avant tout de choisir des races bien vigoureuses, bien appropriées au moûl que l’on veut ensemencer, bien habituées aux conditions de température dans lesquelles elles doivent accomplir la transformation du sucre en alcool ; c’est à quoi l’on peut arriver par des recherches méthodiques de laboratoire et par des essais pratiques. Des exemples nettement positifs ne peuvent pas être infirmés par les échecs, les résultats négatifs. La stérilisation préalable du moût permet d'utiliser au mieux les levures sélectionnées et de tirer bon parti du moût obtenu avec des raisins malades. Ce chauffage nous rend plus maître de la température de fermen- tation, nous met à l'abri des levures sauvages, des ferments de ma- . ladie. Il convient, de plus, de se rappeler qu’une température de 35° peut devenir très gênante pour la plupart des levures. Toutefois, certaines levures, telles nos n° 9, 10 et 12, supportent beaucoup mieux ces températures élevées. b) Fermentation secondaire. Ces levures sélectionnées peuvent encore nous rendre de grands services dans la fermentation secondaire. Souvent on a eu à constater que la fermentation secondaire des 158 - ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. vins de Champagne, après la mise en bouteilles, se faisait mal et qu’il y avait développement de ferments de maladies. On peut y re- médier par l’ensemencement de levures énergiques, supportant bien l'alcool, l’acide carbonique, donnant du bouquet avec dépôt grume- leux. J'ai même eu à constater que de bonnes levures ayant procédé à la fermentation principale de moût d’Aramon font encore sentir leurs effets jusque dans la fermentation secondaire des vins champanisés. c) Fermentation de vins sucrés ou malades. A différentes reprises, il m'est arrivé de faire refermenter des vins encore sucrés par l’ensemencement de levures énergiques qui ont fait disparaître tout le sucre restant. Il importe maintenant de dire qu’il faut savoir se contenter de solutions approximativement satisfaisantes (fermentation normale, complète, clarification rapide, meilleure conservation de la colora- tion, de la finesse, etc.) ; on ne pourra jamais faire avec du jus d'ara- mon un vin véritable de Sauternes ou de Montrachet, mais .on peut obtenir, surtout avec le moût chauffé, une notable amélioration. Cet emploi des levures est utile dans les années froides, pluvieuses ; dans les moûts très sucrés, il donne également, avec des levures ju- dicieusement choisies, de très bons résultats dans les années où la ven- dange a lieu à des températures élevées. MÉTHODES CONVENTIONNELLES ADOPTÉES PAR LES LABORATOIRES BELGES, LES STATIONS AGRIGOLES HOLLANDAISES ET LA STATION AGRICOLE DU GRAND-DUCHÉ DE LUXEMBOURG POUR L'ANALYSE DES MATIÈRES FERTILISANTES ET DES SUBSTANCES ALIMENTAIRES DU BÉTAIL Les transactions commerciales entre les Pays-Bas et la Belgique, particulièrement le commerce des phosphates, superphosphates et tourteaux, ont pris depuis quelques années un développement im- portant. Afin d’amener une entente sur les procédés analytiques à suivre pour fixer le titre en principes actifs des produits passant la frontière, le gouvernement néerlandais et le gouvernement belge, de commun accord, ont réuni, en 1897, en deux conférences, des délégués des deux pays. Assistaient à la réunion de La Haye : M. Hoogewerff, professeur de chimie à l’école polytechnique de Delft, représentant la commission de surveillance des stations agri- coles hollandaises ; M. Holleman, professeur de chimie à l’Université de Groningue ; M. Van der Zande, directeur de la station agricole, à Hoorn ; M. Swaving, directeur de la station agricole, à Goes, représentant les stations agricoles néerlandaises; M. Petermann, directeur de la station agronomique de Gembloux, représentant la Commission de surveillance des laboratoires d’ana- lyse de l’État belge ; | 160 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. M. Crispo, directeur du laboratoire de l'État, à Anvers, représen- tant les laboratoires de l’État belge ; M. de Ridder, chimiste à Bruges, représentant les chimistes agréés par l’État belge. La réunion de Bruxelles comptait les mêmes chimistes délégués, sauf M. Hoogewerff, remplacé par M. Wysman, professeur de chimie à l’Université de Leyde. M. Holleman présidait la conférence de La Haye, M. Petermann celle de Bruxelles. MM. Swaving et Crispo ont rempli les fonctions de secrétaires- rapporteurs. La discussion détaillée des méthodes analytiques et les essais comparatifs faits par les chimistes des deux pays ont donné lieu à l'adoption définitive de la présente convention. On remarquera que, pour la plupart des dosages, un seul procédé d'opération est renseigné. Lorsque deux méthodes sont décrites pour la détermination du même principe fertilisant ou du même principe alimentaire, le chimiste peut choisir, à sa convenance, entre les deux procédés, ceux-ci ayant été reconnus comme fournissant les mêmes résultats. Les délégués des deux pays sont convenus, en outre, de soumettre les méthodes adoptées à une revision, chaque fois que les progrès de la chimie analytique le rendront nécessaire. La première revision de la présente convention a eu lieu dans une conférence tenue en janvier 1899, à Goes. Y assistaient : MM. Holleman, Van der Zande, Swaving, Petermann, Crispo el de Ridder, prénommés, ainsi que M. le docteur G. Aschman, direc- teur de la station agricole d’Ettelbrück, délégué du gouvernement du grand-duché de Luxembourg. La conférence de Goes était pré- sidée par M. Holleman, les fonctions de secrétaires étaient remplies par MM. Swaving et Cripso. La présente publication annule celle de mars 1898, n° 3 des do- cuments officiels concernant les laboratoires belges. ANALYSES DES MATIÈRES FERTILISANTES. 161 MATIÈRES FERTILISANTES FE =—AZOTE AZOTE AMMONIACAL Sulfate d'ammoniaque : Peser 10 grammes. Introluire avec de l’eau distillée dans un ballon de 1 litre. Porter au volume. Filtrer s’il y a lieu. Distiller 50 centimètres cubes avec environ 3 grammes de magnésie calcinée. Recueillir l’ammoniaque dans 20 centimètres cubes d’acide sulfu- rique titré 1/2 normal. Titrer l’excès d’acide par une solution alca- line, de préférence de l’eau de baryte 1/4 normale. AZOTE NITRIQUE A. — Méthode Schlæsing-Grandeau. a) Nitrate de soude : Peser 165,5. Introduire avec de l’eau bouillie dans un ballon d’un demi-litre. Porter au volume. Traiter 10 centimètres cubes dans l'appareil Schlæsing avec 50 centimètres cubes d’une solution de chlorure ferreux saturée à froid et le même volume d’acide chor- hydrique concentré. Rincer l’entonnoir avec de l’acide chlorhydrique demi-dilué. Comparer le volume obtenu avec celui produit dans les mêmes conditions par 10 centimètres cubes d’une solution type de 33 grammes de nitrate de soude pur el sec par litre. Avoir soin de ne remplir les tubes gradués qu'avec de l’eau distillée froide, fraiche- ment bouillie ; chasser l’air de l’appareil en introduisant un peu de nitrate; en cas de plusieurs dosages, prendre Île titre su milieu de la série. b) Nitrale de potasse : Peser 20 grammes. Introduire avec de l’eau bouillie dans un ballon d’un demi-litre. Porter au volume. Opérer sur 10 centi- mètres cubes. Liqueur type : 40 grammes de nitrate de potasse pur et sec par litre. ANN. SCIENCE AGRON. = 2° SÉRIE — 1899, — ni, 11 162 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. B. — Méthode Ulsch. Cette méthode n’est pas applicable en présence des sels ammo- niaCAUx. Peser 10 grammes. Introduire avec de l’eau distillée dans un ballon d’un demi-litre. Porter au volume. Introduire 25 centimètres cubes de la solution dans un ballon, ajouter 5 grammes de fer ré- duit par l’hydrogène et 10 centimètres cubes d’acide sulfurique dilué (1 volume d’acide concentré sur 2 volumes d’eau distillée). Placer le bouchon avec déflegmateur, chauffer à petit feu, écarter la flamme pendant le dégagement des gaz, chauffer encore lésère- ment pendant 5 minutes. Introduire le contenu du déflegmateur dans le ballon, puis encore 100 centimètres cubes d’eau distillée. Distiller avec environ 3 grammes de magnésie calcinée (ou 30 cen- timèlres cubes d’une solution de soude caustique, densité 1.25), continuer comme le dosage de l’azote ammoniacal. AZOTE ORGANIQUE À. — Méthode Kjeldahl. Quantités à peser : Sang, corne : | gramme ; Cuir, laine, tourteaux, engrais de poissons : 15°,9 : Poudre d'os : 2 grammes. Introduire la pesée dans un ballon. Ajouter, suivant l'importance de la prise d’essai, 10 à 20 centimètres cubes d’acide sulfurique à 66° B., renfermant 10 p. 100 d'acide phosphorique anhydre, puis une goutte de mercure (environ 05,5) ou 05,5 à 1 gramme de bioxyde de mercure. Chauffer au moins une heure après la décolo- ration complète. Laisser refroidir et diluer. Ajouter de la lessive de potasse ({ partie KHO +2 parties FO) jusqu’à presque neutralisa- tion ; introduire 40 centimètres cubes d’une solution contenant par litre 50 grammes de sonde caustique et 20 grammes de sulfure de sodium, un peu de pierre ponce ou de limaille de fer. Rincer le col, agiter et adapter à l’appareil à distiller. Toutes ces opéra- ANALYSES DES MATIÈRES FERTILISANTES. 163 tions doivent se faire rapidement. Recueillir les vapeurs dans 20 cen- timètres cubes d’acide sulfurique 1/2 normal. Titrer l’excès d’acide par l’eau de baryte 1/4 normale. Faire bouillir et refroidir avant de ütrer. B. — Méthode Gunning modifiée. Pesées comme ci-dessus. Ajouter 20 centimètres cubes d’acide sulfurique à 66° B.,1 gramme de mercure, 1 gramme de sulfate de cuivre anhydre ; agiter pour empêcher la formation de grumeaux ; chauffer. Quand la matière est charbonnée, ajouter 10 à 15 grammes de sulfate de potasse en cristaux. Chauffer sur de forts brûleurs. L’at- taque est finie en une demi-heure. Continuer comme ci-dessus. AZOTE NITRIQUE ET AZOTE AMMONIACAL Engrais composés : Peser 10 grammes à 500 centimètres cubes. Opérer sur 25 ou 00 centimètres cubes. Azote nitrique : Procédé Schlæsing-Grandeau. Azote ammonical : Distillation avec la magnésie. AZOTE ORGANIQUE ET AZOTE AMMONIACAL Poudretle, engrais composés : Azote total : 2 grammes. Procédé Kjeldahl. Azole ammomiacal: 5 grammes distillés avec la magnésie. AZOTE ORGANIQUE ET AZOTE NITRIQUE Engrais composés : Azote total : 1 à 2 grammes. Procédé Kjeldahl-Jodlbauer. Employer 20 à 30 centimètres cubes d'acide sulfophénique con- tenant par litre 60 à 100 grammes d’acide phénique cristallisé. Pour faciliter la dissolution, il est recommandable de chauffer lente- 164 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ment jusqu’à 40° C., refroidir et ajouter par petites portions À gramme de poudre de zinc. Laisser digérer à froid pendant deux heures au moins. Continuer comme le procédé Kjeldahl ordinaire. Azole nitrique : Procédé Schlæsing-Grandeau. AZOTE ORGANIQUE, AZOTE AMMONIACAL ET AZOTE NITRIQUE Guanos, engrais composés : Azote total: Procédé Kjeldahl-Jodlbauer. Azole ammonical : Distillation de l’engrais avec la magnésie. Azote nitrique : Procédé Schlæsing-Grandeau. Azote organique — azote total — (azote ammonical + azote nitrique). N. B. — Pour les deux cas précédents on peut aussi opérer de la manière suivante : Chasser l'azote nitrique par une ébullition avec l'acide chlor- hydrique et le chlorure ferreux. On revient alors au cas de l’azote organique seul o1 à celui de l'azote organique et de l’azote ammo- niacal. L’azote nitrique est dosé sur une prise d’essai spéciale par le procédé Schlæsing-Grandeau. I, — ACIDE PHOSPHORIQUE ACIDE PHOSPHORIQUE SOLUBLE DANS LES ACIDES MINÉRAUX À. — Méthode générale. o grammes + 90 centimètres cubes d’acide nitrique (D. 1.20) d’eau régale + 190 centimètres d’eau. Bouillir une demi-heure, faire volume de 500 centimitres cubes et filtrer. Prendre : Pour phosphate riche, phosphate précipité, 25 centi- mètres cubes; pour phosphate pauvre, superphosphate et scories, 90 centimètres cubes. Neutraliser par l’ammoniaque la plus grande partie de l’acide libre. Précipiter à chaud par 109 centimêtres cubes d’une solution de nitro-molybdate ammonique; faire bouillir et filtrer à chaud ou ANALYSES DES MATIÈRES FERTILISANTES. 165 bien chauffer au bain-marie à 80° C. pendant une demi-heure. Laver avec 100 centimètres cubes d’acide nitrique à 1 p. 100. Re- dissoudre avec le moins possible d’ammoniaque à 10 p. 100 (0.96), laver avec ammoniaque à 5 p. 100 (0.98) et filtrer au besoin. Satu- rer la plus grande partie de l’ammoniaque par l'acide chlorhvdrique. Précipiter à froid par 10 centimètres cubes de mixture magné- sienne. Ajouter d’abord 2 à 5 gouttes de mixture. Agiter jusqu’à l’apparition d’un trouble, verser le restant. Ajouter 50 centimètres d’ammoniaque à 10 p. 100 (0.96). Laisser déposer au moins deux heures, filtrer, laver avec ammoniaque à 5 p. 100, calciner, peser. Facteur, 0.64. N. B. — Matières fertilisantes organiques : les guanos, poudre d'os, poudrette, peuvent être directement dissous dans l’acide nitri- que ou l’eau régale; les tourleaux et engrais de poissons doivent être désagrégés par l'acide sulfurique pur, suivant Kjeldahl. Le dosage de l'acide phosphorique dans les matières incmérées n’est plus admissible. B. — Méthode spéciale. (Méthode dite citro-mécanique.} 25 centimètres cubes de la solution précédente de phosphate, guano, poudre d'os dans l’acide nitrique ou l’eau régale ou 50 cen- timètres cubes d’une solution aqueuse de superphosphate sont à peu près neutralisés par de l’ammoniaque. On ajoute 30 centimètres cubes de citrate Petermann (voir annexe) et 10 centimètres cubes d’ammoniaque de 20 p. 100 (0.92); on place sous l’agitateur et pendant le mouvement on verse, goutte à goutte, 25 centimètres cubes de mixture (voir annexe). On agite pendant une demi-heure. Laisser déposer pendant deux heures, filtrer, laver et calciner. ACIDE PHOSPHORIQUE SOLUBLE DANS L'EAU (Par digestion.) Peser : 20 grammes. La prise d’essai, introduite dans un morlier en verre ou en porce- laine, est triturée en additionnant 20 à 25 centimètres cubes d’eau 166 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. distillée froide. — Cette opération est renouvelée plusieurs fois en versant chaque fois le liquide trouble dans un ballon d’un litre. A la fin, le tout étant amené dans le ballon, on porte le volume à en- viron 900 centimètres cubes et agite pendant une demi-heure dans un appareil spécial. En défaut d’un appareil de rotation, pour les superphosphates : simples, on laisse digérer pendant deux heures en agitant quelque- fois. Pour les superphosphates doubles (plus de 22 p. 100), une diges- tion de 24 heures, en agitant de temps en temps, est nécessaire. On porte au volume, filtre, prélève 50 centimètres cubes (soit 1 gramme de matière). On dose l’acide phosphorique soit par la méthode au molybdate, soit par la méthode citro-mécanique. ACIDE PHOSPHORIQUE SOLUBLE DANS L'EAU ET LE CITRATE D’AMMONIAQUE Peseis: Superphosphate riche et phosphate précipité : 1 gramme ; Superphosphate ordinaire (10 à 20 p. 100 Ph° 05) : 2 grammes ; Superphosphate pauvre et engrais composés à moins de 10 p. 100 Ph° 0° : 4 grammes. Attaque : La prise d'essai, introduite dans un petit mortier en verre, est d’abord broyée à sec, puis additionnée de 20 à 95 centi- mètres cubes d’eau et triturée à nouveau jusqu’à délayage complet de la matière. On décante sur un filtre et recueille la solution filtrée dans un ballon jaugé de 250 centimètres cubes. On répèle trois fois l'opération, puis amène le tout sur le filtre. On continue à laver sur le filtre, jusqu’à volume de 200 centimètres cubes environ. On ajoute quelques gouttes d'acide nitrique si on opère la précipitalion par le nitro-molybdate ammonique, ou d'acide chlorhydrique si l’on emploie la méthode citro-mécanique et on met au trait. Le filtre contenant tout le résidu insoluble est introduit dans un ballon jaugé de 250 centimètres cubes avec 100 centimètres cubes de citrate d'ammoniaque alcalin. Le phosphate précipité est traité directement par le citrate. ANALYSES DES MATIÈRES FERTILISANTES. 167 L'action à froid sur le résidu insoluble sera prolongée pendant 45 heures et facilitée par l’agilation. Puis cette action sera suivie d’une digestion à 40° C. pendant une heure, comptée à partir du moment où le thermomètre du bain-marie indique cette tempéra- Lure. Précipitation : De la solution citrique refroidie, portée à 250 cen- timètres cubes et filtrée, on prélève 90 centimètres cubes auxquels on ajoute 90 centimètres cubes de la solution aqueuse. Les 100 cen- timètres cubes du mélange sont addilionnés de 10 centimètres cub:s d'acide chlorhydrique de 1.10 ou 15 centimètres cubes d’acide nitrique de 1.20 et maintenus à l’ébullition pendant 5 minutes (transformation du méta en ortho). On dose finalement l'acide phos- phorique par la méthode citro-mécanique en ajoutant encore 10 cen- timèlres cubes de citrate Petermann après avoir à peu près neutra- lisé par de l’ammoniaque. Si on précipite par le molybdate, l’ébullition préalable avec les acides minéraux est imulile. III. —— POTASSE A. — Méthode générale. (Dosage à l’état de chloroplatinate de potassium.) Sels de potasse : Peser 10 grammes. Introduire dans un ballon de 1 litre. Porter à demi-volume, faire bouillir. Précipiter exactement l'acide sulfurique par le chlorure de baryum. Porter au volume, filter. Prélever 20 centimètres cubes (chlorure et sulfate) ou 50 centimètres cubes: (kaïnite). Ajouter 10 centimètres cubes de chlorure de platine à 10 p. 100. Évaporer à consistance sirupeuse. Reprendre par l'alcool à 80° G.-L., écraser avec soin les cristaux et laver à alcool à 85° G.-L. sur filtre taré ou dans le creuset de Gooch. Sécher à 125° à l’étuve à air ou à xylol. Coefficient : 0,194. 168 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. B. — Méthodes spéciales. On met sur le même pied la méthode néerlandaise et celle de Corenwinder et Contamine. 1° Méthode néerlandaise. Superphosphale polussique, engrais composés : Peser 20 grammes, faire bouillir avec de l’eau pendant une demi- heure, refroidir, porter à 500 centimètres cubes, mesurer 90 centi- mètres cubes de la liqueur filtrée, ajouter du chlorure de baryum à l’ébullition pour précipiter exactement l'acide sulfurique. Ajouter de l’hydrate de baryum en excès, refroidir, porter à 100 centimètres cubes, ajouter à 50 centimètres cubes du filtrat, à l’ébullition, du carbonate d’ammoniaque et de l’ammoniaque jusqu’à ce qu'il ne se produise plus de précipité; refroidir ; porter à 100 centimètres cubes, évaporer 0 centimètres cubes du filtrat, chasser les sels ammoniacaux, reprendre par l’eau, filtrer. Continuer comme dans la méthode générale. 2° Méthode Gorenwinder et Condamine. 10 grammes à 1 litre. Prendre 50 centimètres cubes, ajouter Î centimètre cube d’acide chlorhydrique, évaporer à sec, chasser les sels ammoniacaux et les matières organiques, s’il y a lieu, sans toutefois porter au rouge. Reprendre par l’eau acidulée d’acide chlorhydrique. Évaporer, ajouter 10 centimètres cubes de chlorure de platine à 10 p. 100. Évaporer à consistance sirupeuse, épuiser par lPalcool à 85° G.-L. Redissoudre par l’eau chaude, recevoir la dissolution dans 90 centimètres cubes de formiate de soude à 10 p.100 portés à l’ébullition. Chaulffer jusqu'à réduction complète. Aciduler par l'acide chlorhydrique en évitant une quantité trop forte d’acide. Filtrer, laver à l’eau froide, calciner. Platine X< 0.483835 — potasse anhydre. La réduction peut se faire aussi à l’ébullition en solution neutre par 2 grammes de calomel, ajouter ensuite 2 centimètres cubes d'acide chlorhydrique, faire bouillir et filtrer (d’après Mercier). ANALYSES DES MATIÈRES FERTILISANTES. 169 IV. — PRÉPARATION DE L'ÉCHANTILLON DE SCORIES ET DÉTERMINATION DE LA FINESSE DE MOUTURE Tamis n° [avec des trous ronds d’un diamètre de 1,5. Tamis n° II d’un diamètre de 20 centimètres, à fils écartés de 0"%,17, soit une grandeur de mailles de 0""?,0289. L’échantillon entier est tamisé au tamis n° 1; le résidu est de non- valeur, mais on le pèse pour la correction des dosages suivants : Une partie de la scorie tamisée par le tamis n° [ (50 grammes) est soumise pendant un quart d'heure au tamisage dans le tamis n° IE. On pèse le résidu et on calcule la finesse que l’on corrige d’après le refus éliminé. Une autre partie de la scorie lamisée par le tamis n° [, sert sans autre préparation, pour le dosage de l'acide phosphorique et on corrige le dosage d’après le refus éliminé au n° I. SUBSTANCES ALIMENTAIRES DU BÉTAIL Préparation de la substance à analyser. — Les tourteaux, cons, etc., sont réduits à l’aide d’un moulin à un degré de finesse suffisant pour passer au tamis de 1 millimètre. Dosage de l'eau. — 5 grammes sont desséchés dans l’étuve à air à la température de 100 à 105° C. jusqu’à poids constant. Dosage des cendres. — 5 grammes sont incinérés, sans être re- mués, à douce chaleur, de préférence dans un moufle, jusqu'à ce que les cendres soient blanches ou faiblement grisâtres. N. B. — Tolérance, d’après la loi belge, dans le taux des matières minérales insolubles dans les acides minéraux : la proportion tolé- rable des substances minérales étrangères insoluble dans l’eau chaude renfermant environ 10 p. 100 d’acide chlorhydrique (sable, terre, etc., adhérents aux grains ou introduits par la mouture industrielle, 170 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. substances qui ne foni pas partie des cendres physiologiques), est fixée à 2 p. 100. Dosage de lu matière albuminoïde brule. — 1 à 2? grammes (sui- vant la richesse) de substance sont traités d’après Kjeldahl, comme cela est décrit dans l'analyse des matières fertilisantes renfermant de l'azote organique (page 162). Azote X 6.25 — matière albuminoïde brute. … Dosage de la malière albuminoïde pure d’après Stutzer (éventuel- lement). — 1 gramme est adlitionné de 100 centimètres cubes d’eau et porté à l’ébullition. On ajoute ensuite 2 à 3 centimètres cubes d’une solution saturée d’alun pour empêcher la production d’alcali libre par l’action de l'hydrate de cuivre sur les phosphates alcalins. On verse ensuite, avec une pipelte, une quantité d’hydrate de cuivre, correspondant à environ 05,4 d'oxyde de cuivre. (Voir plus loin la préparation du réactif Stutzer.) Après refroidissement, on amène le résidu quantitativement sur le filtre, on lave d’abord à l’eau, ensuite à l'alcool et dose l'azote, dans la substance + filtre, d’après Kjeldabl, sans dessiccation préalable. Azote X 6.25 — matière albuminoïde pure. Si la substance contient un alcaloïde, on enlève d’abord celui-ci en faisant bouillir la matière au bain de sable avec 100 centimètres cubes d'alcool additionnés de T1 centimètre cube d’acide acétique. Après dépôt, on décante l’alcool sur le filtre qui doit servir dans la suite à la filtration du précipité cuivrique. Dosage de la matière grasse. — 3 à 5 grammes de substance sont épuisés, dans un des extracteurs connus, par le tétrachlorure de carbone ou par l’éther. L’éther du comnerce doit être traité par le sodium et redistillé, et lorsqu'on emploie ce dissolvant, la substance doit être préalablement desséchée à 100? G. dans un courant de gaz inerte ou dans le vide. La matière grasse réunie dans un ballon de 100 à 150 centimètres cubes est, après avoir chassé le dissolvant, desséchée pendant deux heures de 98 à 100° C., par exemple dans une étuve à eau bouillante (éluve de Gay-Lussac) et pesée. ANALYSES DES MATIÈRES FERTILISANTES. 171 Pour l’analyse des substances contenant des matières solubles dans l’éther, autres que la graisse (telles que pulpes, drêches, vi- nasses), le produit de lextraction est redissous dans l’éther. On ajoute de l'alcool en volume égal à l’éther, neutralise exactement par de la soude étendue, évapore à siccité, reprend la graisse par l'éther, filtre dans un ballon taré, sèche pendant deux heures comme ci-dessus et pèse la graisse pure. Dosage de lu cellulose brute. — 3 grammes de substance sont additionnés de 200 centimètres cubes d’acide sulfurique à 1.25 p. 100. On fait bouillir une demi-heure en maintenant constant le niveau du liquide. On laisse déposer et on décante. On extrait ensuite deux fois dans les mêmes conditions, avec 200 centimètres cubes d’eau. Les liquides de décantation sont réunis dans un verre à pied et agités ; après dépôt, ils sont siphonés. Le résidu est réuni à la masse prin- cipale de la substance et le tout est traité comme ci-dessus, d’abord avec 200 centimètres cubes de lessive de potasse à 1.25 p. 100, puis deux fois avec 200 centimètres cubes d’eau. Les liquides de décan- tation sont réunis, agilés, additionnés d’eau bouillante et siphonés après dépôt. La malière est réunie au résidu contenu dans le verre à pied, le tout est lavé par décantation deux ou trois fois avec de l’eau bouillante et amené sur un filtre taré. Laver à l’alcool chaud el à l’éther, sécher à 100° C. et peser. On détermine la cendre dans le produit obtenu et on la déduit. La poire de Holdefleiss facilite ces différentes opérations. En em- ployant la poire de Holdefleiss, un procède comme suit : 3 grammes de matière + 200 centimètres cubes acide sulfurique à 1.25 p. 100 ; porter à l’ébullition pendant une demi-heure par injection de vapeur, filtrer sur tampon en asbeste, laver à l’eau chaude jusqu’à disparilion de la réaction acide. Le résidu + 200 centimètres cubes de lessive de potasse à 1.25 p. 100 est porté à l’ébullition pendant une demi-heure comme ci-dessus. Lavage jusqu’à disparition de la réaction alcaline. Laver à l’alcool et à l’éther, sécher et peser. In- cinérer, peser à nouveau. Différence de poids — cellulose brute. 112 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ANNEXE PRÉPARATION DES RÉACTIFS SPÉCIAUX L. — Nilro-molybdate ammonique. 150 grammes de molybdate ammonique sont dissous dans un litre d’eau distillée. On verse la solution dans 1 litre d’acide nitrique à 1.20. 2. — Mixture magnésienne. Chlorure de magnésium cristallisé, 80 grammes. Chlorure d’ammonium cristallisé, 160 grammes. Ammoniaque à 10 p. 100 (0.96), 320 grammes. Faire un voiume de 1 000 centimètres cubes avec de l’eau distillée, : laisser déposer 48 heures, filtrer. 3. — Cirale d'ammoniaque alcalin. (Formule Petermann.) 200 grammes d’acide citrique pur sont dissous dans l’ammoniaque à 20 p. 100 (0.92) jusqu’à réaction neutre (il faut environ 700 cen- imètres cubes). On amèëne la concentration du liquide refroidi à la densité de 1.09 à 19° C. en ajoutant de l’eau. On ajoute par litre 50 centimètres cubes d’ammoniaque à 20 p. 100 (0.92), agite, laisse reposer 48 heures et on filtre. (La densité du réactif achevé est de 1,082 à 1,083). 4. — Préparation du réactif de Stutzer. On dissout 100 grammes de sulfate de cuivre cristallisé dans 5 litres d’eau, ajoute environ 2 grammes de glycérine et précipite l’oxyde hydraté par une lessive de soude étendue, ajoutée jusqu’à réaction alcaline. On filtre et délaie le précipité dans de l’eau renfermant o grammes de glycérine par litre. Par des décantations et des filtra- üons, on débarrasse le précipité complètement de son excès d’alcali et finalement on le triture avec de l’eau glycérinée pour le trans- former en bouillie pouvant être aspirée par une pipette, bouillie qui se conserve parfaitement à l’obscurité dans des flacons bien bouchés. L'évaporalion et l’incinération de 10 centimètres cubes de la bouillie cuivrique fournissent la quantité de l’oxyde de cuivre con- tenu dans le réactif, COMPOSITION DE BETTERAVES SUCRIÈRES TRES RICHES DEÉVIATOANMPAGNE LS © vo) PAR J. GRAFTIAU DIRECTEUR DU LABORATOIRE D'ANALYSES DE HUE UE AUD, A LOUVAIN Les betteraves à sucre de la présente campagne se distinguent par deux caractères principaux, constatés dans toutes les parties de notre pays et des contrées voisines se livrant à la culture de cette plante : un poids moyen réduit et une richesse saccharine élevée. Sur 1200 analyses effectuées dans notre laboratoire, nous consta- tons les résultats suivants : p. 100. Richessesmoyenne #20. 4 2:00... 16.4 MAX UNA SEINS LT 202 2 MUUIMA SE PUMA ad a 0e 12.5 Malgré la progression constante du titre saccharin de la betterave, obtenue d’année en année sous l’action d’une sélection patiente, on élait loin de s’attendre aux richesses vraiment extraordinaires ré- vélées par les analyses de cette campagne. Un autre facteur, très puissant, est intervenu dont l’effet s’est traduit par une concentra- tion remarquable du principe sucré dans la racine charnue dont la 174 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. culture exerce une si grande influence sur l’économie rurale de notre pays. Estimant a priori que la composition anormale de la récolte bet- teravière pouvait correspondre à un état d'équilibre nouveau entre les divers principes constituants de la racine, nous avons soumis à une analyse assez complète un des lots de betteraves accusant la plus grande richesse en sucre. Il nous a fourni les nombres suivants : Analyse d’un lot de betteraves très riches. Date de l’arrivée au laboratoire : 20 octobre. Nombre de racines formant le lot : 12. Poids moyen par racine : 400 grammes. Constitution physique. MÉTHODE 2 — par dosage par du sucre MOYENNE. dans]la pulpe épuisement. et dans le jus. METRE ENS 6.48 Tl 6.79 3 JUS REPAS MR ET Ne 93.52 92.89 93.21 100.00 100.00 100.00 Composition chimique. Haute LE RÉ 7 TOO AN ARR LA VeER ! Matières albuminoïdes!. . | Matières grasses . Matière organique. . . . . . 271.63 ( Saccharose . Peu | Matières extractives non azotées. * Gellulose Soupe Et eue Chaux . ‘Matières minérales physiologi- LS Potasse . He QUES ENRENNS DON A RE TT 6.00 2 £ Acide phosphorique . Non dosé . PE ce SEE] (Em ne DER nr EN Sn oi hp À 1 000.00 1. Azote correspondant . 1 000. SO MC m On w COMPOSITION DES BETTERAVES SUCRIÈRES TRÈS RICHES. 1419 Les betteraves qui ont fait l’objet de cette analyse proviennent des cultures de M. Jules Castaigne, à Vellereilles-le-Sec, près Harmignies (Hainaut). Sur notre demande, il nous a fourni des renseignements complémentaires : «Je m'attendais, dit-il, à avoir des betteraves très riches sur cette terre qui réunissait toutes les conditions pour avoir une forte richesse : graine de la variélé Schreiber ; sol argilo- calcaire, reposant sur sous-sol de marne crayeuse. C’est la première plantée de ma culture. La levée a été magnifique; les vides presque nuls. Le champ était donc parfaitement peuplé. Lors de l’arrachage, les betteraves étaient bien mûres depuis longtemps. » Voici l’indication sommaire des méthodes d’analyse employées : Marc el jus. — A. 20 grammes de pulpe fine épuisés complète- ment par l’eau. Le résidu sec est pesé sur un filtre laré — marc. Jus par différence. B. Dosage optique du sucre dans la pulpe et dans le jus extrait parune pression modérée. Un calcul simple donne les taux de jus ct de marc. Eau. — La pulpe arrosée d’un peu d’alcool est séchée à 100° jus- que poids sensiblement constant. Matières albuminoïdes. — Azote d’après Kjeldahl x 6.25. Matière grasse. — Pulpe bien sèche traitée par l’éther sec. Saccharose. — Dosage optique par méthode directe Pellet-Masson. Cellulose. — Méthode de convention des stations agronomiques. Matières extractives. — Évaluées par différence. Cendres. — Incinération à douce température. Sable. — Insoluble dans l'acide chlorhydrique. Chaux, magnésie, potasse. — Dosage dans les cendres par Îles méthodes usuelles. Acide phosphorique. — Dosage après désagrégation de la matière organique par le procédé Kjeldaht. Pour trouver des points de comparaison, nous avons pris les ana- lyses complètes de betteraves que nous avons faites en 1885 et 1886, 1. D'après les analyses que nous avons effectuées à Gembloux (Recherches de chi- mie et de physiologie appliquées à l'agriculture, par À. PETERMANN, (. II, 1895), sur 100 parties d'azote total contenu dans les betteraves d'expériences, il y en avait de 36.9 à 46.7 p. 100 à l’état non albuminoïde. 176 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. à l’occasion des recherches poursuivies pendant onze années consécu- tives à Gembloux, sous la direction de M. Petermann. Nous avons cal- culé pour chacune de ces années la moyenne des quatre lots analysés. Pour établir notre tableau, nous avons fait figurer, à côté des nombres indiquant la composition de la racine fraiche, ceux donnant la teneur de la substance entièrement sèche en ses principaux cons- lituants. La seconde colonne donne des indications plus faciles à com- parer, les différences et les analogies ressortant d’une manière plus frappante que lorsqu'on fait intervenir l’eau, dont les variations sont trop grandes. Comparaison entre les betteraves très riches analysées et les betteraves des cultures expérimentales de Gembloux des années 1885 et 1886. BETTERAVES DE 1885. | BRTTERAVES DE 1886. | BETTERAVES DE 1898. ORNE Es) EPP es" 4 1 Le FER État frais.| État sec. [État frais.| État sec. |ltat frais.| État sec. LL a | p. 1009. | p.1000. | p. 1000. | p.1000. | p. 1000. | p. 1000. ÉTÉ SRE en ETES » | 781.0€ 721.56 » Matière sèches + ec. | 165. 1 000.00! 218.9 : 278.44 | 1 000.00 Matières albuminoïdes brutes.| 10. .70 ; 2. 12792 46.40 Matires grasses... 20 7 ». : >.00 : ; .47 1.69 | Saccharose HÉERN.eE UN D ul .40 : SE .00 703.96 | Matières extractives . . . . sé 415 Ses h k 179.84 43.67 24.44 21.48 2.96 4.49 21 ET HS 3: 0.17 6.82 | Acide phosphorique. . . . . < : : 8 116 ; 2.20 À l'examen du tableau, on remarque d’abord que les betteraves de 4885 étaient relativement pauvres; celles de 1886 étaient moyenne- ment riches et celles de 1898 très riches. Mais la richesse saccharine de la substance sèche n’oscille qu’entre des limites assez rapprochées : CÉRUIOSe pure ns LS Es : 225 | Gendres brutes . Cendres physiologiques . Sable . Chaux . | Magnésie. . Potasse OO VOL O0 © mm QUE CR O NONONMS SUCRE. L'EST ÉRENE RP RE RPAMELE 707.40 p. 1000. LS SCENE AE AE 688.10, — LSD SAME AE ER CRE RECEr 105 960 COMPOSITION DES BETTERAVES SUCRIÈRES TRÈS RICHES. 177 Les matières azotées semblent diminuer au fur et à mesure qu’aug- mente la richesse en sucre dans la betterave, MATIÈRES AZOTÉES. p. 1000, L'ÉSO A AM NEREM LULU SIM 65.70 1SS Of Erat e pelinrs de tonte 45.40 MS SRE RE OT Sn A 46.40 La cellulose diminue en raison directe de l’accroissement de ri- chesse sacharine. CELLULOSE. p. 1 000. LOS DE MRRTE e prr on cn ait Et 61.25 LS SORT en re AA e Ur ac. 23.00 DOS PR its ON) Me) ie 43.67 Mais le changement le plus remarquable se manifeste dans les substances minérales pures. CENDRES PURES. p. 1000. ROBOT RUN A er SL L'lu edun 52.68 RS OO Me eee one 28.74 SOON CEE INTERNET 21.48 Cette constatation vient à l’appui de l'opinion généralement admise, attribuant à la betterave une pureté d'autant plus grande que sa richesse saccharine s'élève davantage. Notre tableau met en évidence un autre fait non moins important : à mesure que la betterave devient plus riche, sa matière minérale manifeste une teneur plus élevée en chaux et s’appauvrit considé- rablement en potasse et en acide phosphorique. ACIDE CHAUX. POTASSE. phos- phorique. p. 1000. p. 1000. p- 1000. ÉREUD Gao en 3.04 20.17 6728 1886. Sarre 3.48 10.04 3.706 EE ERA EATE SAP 4,42 6.82 220) L'action déprimante de la potasse sur la richesse en sucre est connue. Il est connu également que les terrains calcaires favorisent ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE. — 1899. — y. 12 178 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. à un haut degré l'élaboration saccharine. Mais la comparaison des analyses est une démonstration frappante du rôle absolument diffé- rent de ces deux bases. Il peut sembler étonnant que l'acide phosphorique diminue lorsque la richesse saccharine augmente. Cela parait être en désaccord avec le rôle qu’on Jui fait remplir en culture. C'est lui qui, dans les mélanges fertilisants, à pour mission d’assurer la production des hautes teneurs en sucre. Peut-être se localise-t-il plus particulièrement dans les feuilles, dont il abrège l'existence en hâtant la maturiié. On comprend du reste qu'il suive la potasse dans ses variations, puisque c’est surtout à l’état de combinaison avec cet alcali qu’il pénètre dans les tissus végétaux. | La magnésie reste en proportion relativement stable, malgré les variations de l'acide phosphorique, ce qui, ainsi qué Fa déjà fait observer M. Petermann, ne confirme pas la manière de voir de M. Corenwinder, d’après laquelle la magnésie et l’acide phospho- rique seraient absorbés sous forme de phosphate ammoniaco-ma- gnésien. | Nous bornons là, pour le moment, nos rapprochements entre les termes comparables des analyses. Nous ne nous dissimulons pas tout ce qu'ont d’insuffisant les élé- ments dont nous disposons. Nons ne recherchons pas davantage les parts d'influence attri- buables aux conditions essentiellement différentes dans lesquelles ont été obtenues les betteraves analysées. Notre but est une simple constatation matérielle des changements intervenus dans la racine sucrière obtenue dans des conditions diverses, et des relations qui se révèlent entre les proportions respectives des principaux consli- tuants. | RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN PAR MM. AIMÉ GIRARD & EI: LINDET (Bulletin du Ministère de l'agriculture, 1899). INTRODUCTION L'étude des transformations progressives que subit la grappe dé raisin au fur et à mesure qu’elle se développe, depuis la formation première du grain jusqu’à sa maturité, a donné lieu déjà à des tra- vaux importants et nombreux, mais, à de rares exceplions près, c'est à l’analyse de la pulpe sucrée que ces travaux ont été con- sacrés. | Cependant les Recherches sur la composition des raisins des principaux cépages de France dont nous avons publié les résultats en 1895’, ont montré combien est importante la considération des autres parties de la grappe du raisin; les peaux, les pépins et les rafles interviennent en effet dans la production du vin que cette grappe fournira en apportant de nombreux produits, différents par leur nature et par leur quantité. 1. Bullelin du Ministère de l’agriculture, 1895, p. 694. 180 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Parmi ces produits, 1l en est trois, particulièrement, dont nous avons mis l’existeñce en lumière, qui, certainement, jouent un rôle au cours de la vinificalion, et dont la présence parmi les composés que la grappe apporte à la cuve du vigneron n'avait pas jusqu'ici fixé l'attention. Dans les pépins du raisin, nous avons reconnu la présence d’acides volatils appartenant certainement à la série grasse, dont une petite partie est à l’état de liberté, mais qui surtout figurent à l’état de elycérides dans l'huile que ces pépins contiennent. D’une éthéri- fication facile pendant et après la fermentation, ces acides volatils doivent être considérés comme l’une des causes, sinon comme la cause principale du bouquetage des vins. Dans la peau du raisin et à côté de la matière colorante, nous avons vu logée une matière odorante variant suivant les cépages et neltement caractéristique de ceux-ci, matière dont la présence im- pose à chaque vin l’odeur spéciale qu'il exhale, surtout lorsqu'il est nouveau et qui, suivant le langage des praticiens, en constitue le caractère. Daus les pépins enfin, comme aussi dans les rafles, nous avons signalé, à côté du tanin, une matière qui, tout d’abord, nous a paru analogue à certains produits résineux et que depuis nous avons iden- üfiée avec le phlobaphène, matière dont les rapports avec les tanins sont certains, et qui, soluble dans l’alcool, peu soluble dans l’eau, d’une saveur âcre au début, douce ensuite, doit exercer sur le goût du vin une influence appréciable. C'était alors chose intéressante que de suivre ces trois matières pendant le développement de la grappe de raisin, de noter le mo- ment de leur apparition, de rechercher si les quantités de chacune d'elles renfermées dans les diverses parties du grain diminuent ou ädugmentent au cours de la maturation; si, enfin, il existe quelque relation physiologique entre elles et les autres matières dont la grappe se charge progressivement. Si étendus, d’ailleurs, que soient les travaux des savants qui nous ont précédés dans l’étude de la maturation du grain, ceux-ei ont laissé encore un cerlain nombre de points intéressants à éclaircir ou à vérifier. DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 181 Si bien qu’en suite de ces considérations diverses, nous avons été, en 4895, conduits par nos Recherches sur la composition du raisin des principaux cépages de France, à entreprendre une étude nou- velle du développement progressif de la grappe du raisin dont nous avons dû, en 1896 et 1897, reprendre quelques points de détails; ce sont les résultats fournis par cette étude que nous exposons au- jourd’hui. PREMIÈRE PARTIE 1, — MÉTHODE SUIVIE POUR CES RECHERCHES ET ÉTUDE CHIMIQUE DE LA GRAPPE Le plan que nous avions adopté en 1894 pour l'étude des raisins des principaux cépages de France, devait tout naturellement nous servir de modèle pour l'étude du développement progressif de la grappe du raisin. Ce que nous avions fait, en fin de campagne, pour la grappe mûre, nous l’avons répété pendant la campagne nouvelle et à cinq reprises différentes pour la grappe en cours de développe- ment. Pour donner aux résultats que nous allions constater un caractère aussi général que possible, nous avons soumis à la même analyse, et simultanément, trois cépages différents, nettement caractérisés et provenant de régions différentes aussi, ces cépages sont: l’aramon du Midi, le petit-verdot du Médoc, et le pinot noir de Bourgogne. Les grappes nécessaires à nos recherches ont été gracieusement mises à notre disposition : pour les raisins d’aramon cueillis dans le orand vignoble d’Aigués-Mortes (Hérault), par M. Crassous, direc- teur de la Compagnie des salins du Midi; pour les raisins du pelit- verdot, par M. G. Roy, propriétaire du cru renommé d'Issan, près 1. L'étude que nous avons faite en 1895 avait été précédée, en 1894, d'une autre étude, beaucoup moins complète, de la maturation de l'aramon. Nous ferons, dans la suite, allusion à ce travail, qui confirme un certain nombre de résultats exposés, Les cueillettes ont eu lieu, en 1894, les 18 juillet, 6 et {8 août, et le 1° septembre. 182 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Margaux (Gironde); pour les raisins de pinot, par M. E. Petiot, correspondant de la Société nationale d’agriculture, propriétaire du vignoble de Chamirey, près Mercurey (Saône-et-Loire) ; à nos trois collaborateurs nous adressons ici l'expression de nos vifs re- merciements. Pour suivre avec autant de régularité que possible le développe- ment progressif des raisins de chaque cépage, il avait été convenu, entre eux et nous, que les envois de grappes se succéderaient de quinzaine en quinzaine. Il en a été ainsi, avec une variation maxima de deux à trois jours d’un envoi à l'envoi suivant, varialions qu’ont rendues inévitables les conditions diverses du travail à la vigne, celles de l’expédition, etc. C’est ainsi que les grappes d’aramon expédiées d’Aigues-Mortes par M. Crassous nous sont parvenues : Pour la première fois, le 13 juillet ; Pour la deuxième fois, le 29 juillet ; Pour la troisième fois, le 10 août ; Pour la quatrième fois, le 26 août ; Pour la cinquième fois, le 9 septembre. Que les grappes de petit-verdot expédiées du vignoble d’Issan par G. Roy nous sont parvenues : Pour la première fois, le 20 juillet ; Pour la deuxième fois, le 7 août ; Pour la troisième fois, le 25 août; Pour la quatrième fois, le 6 septembre ; Pour la cinquième fois, le 25 septembre. Que les grappes de pinot expédiées du vignoble de Chamirey par . E. Petiot nous soni parvenues : Pour la première fois, le 25 juillet ; ‘ Pour la deuxième fois, le 9 août ; Pour la troisième fois, le 23 août ; Pour la quatrième fois, le 9 septembre ; Pour la cinquième fois, le 23 septembre. Pour chaque cépage et pour chaque envoi, les grappes ont été, à la même vigne, cueillie sur des pieds voisins et choisies de façon à se rapprocher, autant que possible, de l’état moyen de la récolte. M. — À pt DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 183 Emballées avec un soin extrême, ces grappes nous sont toujours parvenues en excellent état, intactes et bien saines. La précision apportée par nos collaborateurs au choix des grappes dans chaque cueillette nous a permis de fixer, pour les trois cépages, l’époque si importante de la véraison en 1895. Pour l’aramon, c’est sur les grappes reçues le 9 aoû! que la colo- ration des grains a commencé de se manifester ; c’est à 5 p. 100 en- viron que pouvait, à cette date, êlre évaluée la proportion des grains déjà teintés ; c’est donc-au 9 août que, pour ce cépage, il convient de placer l’époque de la véraison. Pour le petit-verdot, l'envoi du 23 août avait été exclusivement composé de grappes encore vertes intentionnellement choisies ; mais à l'envoi suivant, le 6 septembre, on comptait déjà sur les grappes 25 p. 100 de grains arrivés à leur coloration normale, 50 p.100 de grains plus ou moins colorés, et 25 p. 100 seulement de grains en- core verts; la véraison battait son plein et c’est en retournant de quelques Jours en arrière, vers le 28 août, par conséquent, qu'il convient d’en placer le début. Pour le pinot, l'envoi du 9 août ne comprenait encore que des grains verts, mais les grappes formant l’envoi du 23 août se mon- traient, quant à leur coloration, tout analogues ax grappes de pelit- verdot reçues le 6 septembre; la véraison, en un mot, s’y montrait déjà très avancée, de telle sorte qu’en comparant le nombre de grains arrivés à coloralion normale et de grains encore verts, nous avons été conduits à fixer au 15 août le début d> la véraison. En résumé, c’est aux dales suivantes : Pour l’aramon, le 9 août, Pour le petit-verdot, le 28 août, Pour le pinot, le 16 août, qu'il convient de placer, en 1895, l'époque de véraison, à laquelle les œnologues ont toujours attaché une importance capitale, impor- tance que nos recherches actuelles ne font que confirmer. Pour étudier la composition des grappes formant chacun des en- vois précédents, nous avons suivi exactement la méthode opératoire 184 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. dont, il y a deux ans, nous avons donné la description détaillée dans nos Recherches sur la composition du raisin des principaux cépages de France ; sans revenir sur cette description, nous nous contente- rons de rappeler rapidement les opérations successives que la mé- thode comporte, nous arrêtant seulement sur les points qui ont été l’objet de quelques modifications. 1. — Étude de la grappe. Dans l’étude du développement progressif de la grappe de raisin, c’est évidemment sur l'accroissement particulier de chacune des par- lies qui composent celte grappe que lattention du physiologiste doit se porter en premier lieu : aussi nous sommes-nous altachés à suivre pas à pas cet accroissement. À chaque envoi nouveau, et pour chaque cépage, une douzaine de grappes au moins ont été assorties avec soin et choisies telles, qu’elles représentassent, aussi bien que possible et dans leur en- semble, la moyenne de la cueillette. Ces grappes ont été pesées en- üières, puis de chacune d’elles on a détaché les grains; ceux-ci ont été comptés et pesés à leur tour de façon à obtenir d’un côté le poids moyen de la grappe, d’un autre, le poids proportionnel des rafles et des grains ; d’un autre, enfin, le poids moyen du grain, Soumis ensuite à la dissection, au nombre de 100 ou de 150, et par le procédé que nous avons précédemment décrit, ces grains nous ont fourni le poids absolu et le poids proporiionnel des peaux, des pépins et de Ja pulpe du grain moyen. Chacune des parties ainsi séparées de la grappe : rafle d’un côté, peaux, pépins et pulpe du grain d’un autre, a enfin été soumise à la dessiccalion et à l’analyse chimique. C'est à deux points de vue différents que les modifications de com- position ainsi constatées pour chacune de ces parties peuvent être envisagées ; pour chacune d'elles on peut, ou bien se contenter de considérer la proportion centésimale des différents produits que celte analyse v a fait découvrir, ou bien appliquer à un certain nom- bre d'unités, à 100 grains par exemple, le pourcentage des produits tif ST DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 189 ci-dessus reconnus et dosés de manière à fixer les transformations successives et sur place de chacune de ces unités. Cette seconde manière de faire est certainement plus instructive et plus frappante que la première ; elle montre, en effet, avec plus de netteté que celle-ci les phénomènes d’où résulte l’accroissement et le changement de composition de chaque individu ; aussi, pour les crains tout au moins, est-ce de cette façon que les résultats obtenus seront présentés. Pour les rafles, cependant, ce serait s’exposer à des erreurs sé- rieuses que de prétendre appliquer ce système ; nous en donnerons bientôt la raison, et pour cette partie du grain c’est au pourcentage direct des produits que nous devrons nous borner. Parmi les causes qui, & priori, semblent devoir exercer une in- fluence marquée, peut-être sur la composition, tout au moins sur l’état d'hydratation des diverses parties de la grappe, il faut compter les quantités d’eau que la pluie apporte à la vigne en un temps dé- terminé. Nous nous sommes préoccupés de cette influence ; M. Mascart, directeur du bureau central météorologique, et M. Angot, chef du service climatologique, ont bien voulu mettre à notre disposition le tableau journalier des observations pluviométriques recueillies en 1895 en des points aussi rapprochés que possible des localités où nos grappes étaient récoltées ; c’est de Cette, de Bordeaux et de Dijon que ces observations provenaient. Pour les deux parties Les plus importantes en poids de la grappe, la rafle d’un côté, la pulpe d’un autre, nous avons alors soigneuse- ment rapproché les chiffres correspondant à l'accroissement d’une quinzaine des quantités de pluie tombée pendant le même. temps. Mais l'été de 1895 a été généralement beau et sec ; les pluies ac- cidentelles qui, à certains intervalles, ont été constalées, n’ont plus paru exercer sur la composition des diverses parties de la grappe l'influence qu’eussent certainement exercée les pluies continues ; nous ne négligerons pas, cependant, ce côté de la question. Les chiffres qui seront donnés dans la suite de ce travail, et qui représentent le pourcentage des matériaux contenus dans chacune des parties conslituantes de la grappe, seront rapportés à la matière Es 136 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. fraiche et hydratée. Seuls les résultats relatifs aux rafles seront, pour une raison que nous développerons plus loin, rapportés, au contraire, à la matière sèche. 2. — Étude des raîfles. C'est, d'une manière générale, sur tous les produits, qu’en 1895, à l’époque du raisin mür, nous avions trouvés logés dans les rafles, qu'à chacune des phases successives du développement de la grappe, nous avons fait porter l’analyse en 1895. Parmi ces produits, la plupart ne devaient nécessiter le recours à aucune méthode nouvelle de dosage, et c’est par les procédés pré- cédemment décrits que nous avons, pour chaque série, déterminé l’état d’hydratation des rafles, leur teneur en tartre, en tanin, en malières azotées, en matière minérale et en ligneux ; mais à côté de ces produits, il en est trois sur lesquels nous avons, à l’occasion des recherches actuelles, porté plus d’attention que nous ne l’avions fait encore; ce sont, d’une part, les matières sucrées ; d’une autre, les acides libres contenus dans la rafle ; d’une autre enfin, la matière, indéterminée jusqu'ici, qui accompagne le tanin et que précédem- ment déjà nous y avions signalée. Dans nos Recherches sur la com position des raisins des principaux cépages de France, el sans doute à cause de la grande maturité du raisin qu'avait déterminée la sécheresse exceptionnelle de 1893, nous n'avions que rarement, et en quantité très faible, rencontré des matières sucrées dans les rafles ; mais il était à présumer qu’au cours du développement de la grappe et en année normale, ces ma- lières sucrées ou les malières saccharogènes envoyées des feuilles aux grains s’y pourraient rencontrer; il en a été ainsi, en effet, en 1895, 1896 et 1897. La présence des matières sucrées dans les tissus de la rafle avait été à peine indiquée jusqu'ici. Dans l'important ouvrage où, en 1884, il a exposé l’état actuel de nos connaissances sur le dévelop- pement de la grappe de raisin, M. Mach s'exprime ainsi à ce sujet : « Le sucre figure en très petite quantité dans la rafle. » DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 187 Les recherches dont nous exposons en ce moment les résullats donnent à cette présence de la malière sucrée une tout autre impor- tance. Ce n’est pas, en effet, en petite quantité que nous la voyons intervenir à la composition de la rafle ; dans le tissu végétal fourni par la dessiccation de cette rafle, nous la voyons généralement figu- rer à la proportion de 3 à à p. 100 et en certaines circonstances le pourcentage s’en élève à des chiffres beaucoup plus forts : 8.50 p.100 le 6 septembre pour le petit-verdot, 8.93 p. 100 le 23 août pour pinot noir ; 14.91 p. 100 enfin le 26 août pour l’aramon. L’étendue du travail auquel ces recherches nous ont conduits, la complexité des opérations analytiques qu'ils comportent, nous ont - empêchés de chercher à préciser pour chaque époque la nature des sucres contenus dans la rafle. Nous avons tenu à jeter, au moins provisoirement, quelque lumière sur celte question : le 6 septembre, des rafles de petit-verdot, prises à l’état frais, ont élé soumises aux procédés anaiytiques ordinaires et nous y avons trouvé : DUCLEACAUCLEUT Eee ete 0.54 p. 100 IN N CLIDIE ee Cheers 0.05 — Vers la même époque, des rafles de gros cépans (variété de mon- deuse) cueillis encore verts à Saint-Yorre (Allier) ont été de même épuisées par l’eau froide et la solution ainsi obtenue, traitée par la liqueur de Fehling avant et après inversion, a donné pour 100 de rafle fraiche : SUETOMEUNCIOUT EEE EC 0.93 p. 100 EE MVOTUDIe : RU à « 0.58 — La présence d’un sucre inverlible (peut-être le saccharose) parmi les matières sucrées que la rafle contient peut donc être considérée comme évidente au moins en certaines circonstances el pour cerlains cépages. Dan: les rafles de nos trois cépages nous avons, à toute époque, constaté la présence de matières sucrées; en quelques circonstances le poids s’y est élevé jusqu’à 15 p.100 du poids de la matière sèche, à près de 4 p. 100 du poids de la rafle hydratée. A de rares excep- 183 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tions près, c’est sous la forme de glucoses réducteurs que celte ma- lière sucrée s’est montrée en quelques cas. Cependant, à côté de ceux-ci, nous avons constaté la présence d’un sucre invertible. C’est, tantôt en épuisant par l’eau chaude les rafles écrasées au mortier, tantôt en faisant macérer celles-ci dans l'alcool, chassant ce dissolvant, déféquant au sous-acélate de plomb, et soumettant enfin le liquide déféqué à l’action de la liqueur de Fehling bouillante qu'a eu lieu, soit directement, soit après inversion par les acides, le dosage de ces malières sucrées. La recherche des acides libres dans la rafle nous a fait, d’autre part, reconnaitre, au moment de la maturité complète tout au moins, un fait inattendu. Tandis que dans la pulpe de raisin, même à ce moment, on rencontre, à côté d’une petite quantité d’acide tartrique libre, des quantités importantes d’acide malique, il nous a été im- possible de retrouver celui-ci dans la rafle portant les grains mûrs, alors que cependant la proportion des acides libres y atteignait un pourcentage de 0.5 à 0.7 p. 100. Si, après avoir épuisé par l’eau les rafles des grappes mêmes, et avoir séparé de la liqueur d’un côté le lanin et la matière qui l’ac- compagne, d’un autre le tartre et l'acide tartrique libre, on soumet celle-ci à l’action d’une solution bouillante d’acétate de plomb, on n'obtient, quelle que soit la concentration de la liqueur, aucune cristallisation de malate de plomb. On est donc conduit, dans ce cas, à admettre la présence, dans la rafle du raisin mûr, d’un acide autre que les acides tartrique, ma- lique, et dont la nature jusqu’ici n’a pas été établie. Mais, au cours de l’étude des raîles, c’est principalement sur la matière que provisoirement nous avions désignée sous le nom de matière résineuse (nom très impropre) que notre altention s'est portée. Cette matière, en effet, présente des propriétés intéressantes, non seulement au point de vue de la vinification, mais aussi au point de vue physiologique. Ses relations avec le tanin semblent, en effet, certaines; comme nous le faisions prévoir dans nos Recherches sur la composition des raisins des différents cépages, elle appartient à la classe des phlobaphènes découverts pour la première fois par DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 189 MM. Holstetter et Stähelin dans les écorces de pin, de platane, et, si l’on adopte l'opinion de M. Etti, elle doit être considérée comme l'anhydride du tanin que les rafles contiennent *. De diverses façons ce phlobaphène ou auhydride du tanin peut être extrait des rafles; on peut, et c’est ainsi que nous avons opéré en premier lieu, faire macérer les rafles dans l’alcool, ou bien, comme nous l’avons fait ensuite, opérer par diétheralyse. Dans l’un et l’autre cas, on profite de cette particularité remar- quable que le phlobaphène se dissout aisément dans une solution aqueuse de tanin, propriété très importante au point de vue physio- logique, car elle permet d’attribuer au tanin la faculté de mobiliser son anhydride et de lui donner une forme de voyage*. Si le procédé adopté est celui de la macération, on recouvre les - rafles découpées aux ciseaux d'alcool à 50 ou 60 degrés et le mé- lange est pendant plusieurs jours abandonné à lui-même. La solution alcoolique est ensuite évaporée à consistance sirupeuse ; et il suffit, enfin d'étendre le sirop, lorsqu'il est entièrement débarrassé d'alcool d'une quantité d’eau convenable pour voir le phlobaphène se préci- piter. La séparation du tanin et de son anhydride peut être obtenue avec une grande précision, alors même que la solution renferme encore de faibles quantités d'alcool, en y introduisant des cordes harmo- niques précédemment gonflées à l’eau et telles qu’elles sont em- ployées pour le dosage du tanin. Sur la matière animale dont ces cordes sont faites, le tanin se fixe et détermine ainsi l’insolubilisa- tion du phlobaphène qui se précipite à l’état pulvérulent. _ Un procédé plus élégant et plus sûr est celui de la diétheralyse. Dans une grande allonge à robinet, on entasse des rafles découpées qu'on recouvre d’éther faible, à 56 degrés. Dès le lendemain, on trouve au bas de l’allonge une couche abondante, aqueuse et légère- ment alcoolique, dans laquelle tanin et phlobaphène se sont concen- trés. Cette couche est décantée, évaporée dans le vide à froid et 1. Liebig's Annalen' der Chemie, t. CLXXX, p. 223. 2. Cette propriété avait été entrevue par Bottinger pour le phlobaphène de l'écorce de chêne, (Bulletin de la Sociélé chimique, année 1881, €. [°", p. 617.) 190 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. amenée, comme la solution précédente, à l’état de sirop. On lui ap- plique alors, pour la séparation du tanin et de son anhydride, le procédé qui a été décrit plus haut. Extrait de la rafle par l’un ou l’autre procédé, c’est avec les mêmes caractères que se présente le phlobaphène de la rafle de raisin. Au moment où il se précipite dans l’eau, la couleur en est d’un jaune grisätre (couleur bois), mais en séchant, la coloration se fonce rapidement et atteint, en définitive, le brun clair (couleur cachou). Bouilli au contact de l’eau, il se dissout sensiblement, mais 1l se précipite par le refroidissement ; l’eau cependant en retient, en dis- solution et à froid, une petite quantité qui lui communique une saveur douceàtre. IL est très soluble dans l'alcool; l’addition de l’eau à la solution alcoolique en détermine la précipitation; il se dissout également dans l’éther ; le chloroforme, la benzine, etc., n’ont sur lui aucune action. Sa solubilité dans les solutions tanniques est considérable et augmente avec la richesse de ces solutions en tanin; le poids du phlobaphène dissous peut égaler le poids du tanin; mais au contact de ces solutions, il suffit de placer des cordes de boyaux de mouton pour voir le phlobaphène se précipiter rapidement, par suite de la fixation du tanin sur les cordes. L’acide chlorhydrique ne le dissout pas. Soumis à l’action de la potasse en fusion, il fournit, comme le phlobaphène des écorces, de l’acide protocatéchique. Les solutions aqueuses faibles qu’on en peut obtenir donnent, avec le perchlorure de fer, un précipité vert sale, avec l’eau de brome, des flocons jaunes ; l'addition de chlorure de sodium, de chlo- rure d’ammonium aux solutions de phlobaphène en détermine la séparation, | Soluble dans les alcalis étendus, il peut être séparé des solutions ainsi obtenues par l’addition ménagée d’un acide. Les solutions de phlobaphène enfin coagulent légèrement l’albu- mine et fortement la gélatine. DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN, 191 Soumis à l’analyse élémentaire, le phlobaphène extrait par dié- theralyse, c’est-à-dire le plus pur que nous ayons obtenu, a donné d'abord pour des rafles d’aramon, ensuite pour des rafles de raisins blancs, les résultats suivants : 1e EL. CAPHONP SE 27,39 57.85 Hydrogénelt NES 4,71 LS Oxysénent és nee + 37.94 37.40 LOUIS 100.00 100.00 Ces nombres coïncident presque exactement avec ceux que M. Etui a fait connaître en 1876 pour les phlobaphènes retirés par lui de l’écorce de chêne et des cônes de houblon ; à ces phlobaphènes en effet, M. Elti a trouvé la composition suivante‘: Carbone. . 57.46 Hydrogène. 4,92 Oxyeénet ren remet 1 RAD Er 38.32 MOINE ET ER 100.00 Aux produits qu’il venait d'étudier, il a alors attribué la formule brute C*H#°0"; poursuivant l’étude de ces phlobaphènes, considé- rant surtout l'identité qu’ils présentent avec le premier produit de déshydratation du tanin sous l'influence de la chaleur, M. Etui les à regardés comme représentant l’anhydride du tanin. Nous adopterons celte vue de l’auteur ; elle a, en effet, l’avantage de favoriser l'hypothèse d’une relation physiologique entre le tanin et son anhydride que nous avons, d’une manière constante et pen- dant la durée entière du développement du raisin, rencontrés asso- ciés dans tous les éléments de la grappe, à l'exception de la pulpe. 3. — Étude des peaux. Dans les Recherches sur la composition des raisins des principaux cépages de France, que nous avons publiées en 1895, nous nous 1. Etti, Lichig's Annalen der Chemie, t. CLAXX, p. 223, 192 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. sommes bornés à rechercher et à doser dans la peau du grain l’eau, la crème de tartre, le tanin, les acides libres, la matière minérale et le ligneux. Au cours des recherches actuelles, nous nous sommes également attachés à reconnaître les variations qui, aux phases successives du développement du raisin, se sont produites dans le pourcentage de ces produits; le rôle de la peau du raisin, imparfaitement défini jusqu'ici, est, en effet, considérable, et c’est à travers les couches cellulaires qui la composent qu'ont lieu les échanges gazeux que détermine la respiration du fruit. Les procédés que nous avons employés pour mesurer ces variations sont ceux que précédemment nous avons décrits, et à ce sujet nous n'avons rien de particulier à signaler. Mais, précisément à cause de l’importance de cet élément du grain, nous avons cru devoir, dans le cas actuel, en pousser plus loin l'analyse. Et nous avons été ainsi conduits à rechercher si, dans la peau du orain, l’acide tartrique libre existe à côté du bitartrate de potasse et de l'acide malique, à y doser les matières azotées, à distinguer parmi les matières minérales celles qui sont solubles et celles qui ne le sont pas, à rechercher enfin, à côté du tanin, son anhydride le phlobaphène. Cependant, pour établir ces données nouvelles, nous n'avons pas eu besoin de recourir à des procédés nouveaux ; ceux que déjà nous avons indiqués, celui auquel nous avons fait, tout à l’heure, allusion pour le dosage du tanin et du phlobaphène dans les rafles, nous ont suffi. D'autre part, sans nous astreindre à faire, aux différents moments du développement du grain, une mesure précise de l'intensité de la coloration des peaux, nous avons cependant suivi avec attention les modifications de cette coloration et nous avons pu ainsi, comme nous le mentionnerons bientôt, constater qu’au développement de celte coloration, à partir de Ja véraison, correspond la disparition des composés acides et du bitartrate de potasse contenus dans la pellicule du grain. De la même façon, nous avons donné toute notre attention à la DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 193 formation et au développement de la matière odorante que dans cette pellicule nous avons rencontrée à côté de la matière colorante. À chacune des phases du développement du grain et pour chacun de nos trois cépages, une quantité soigneusement pesée de peaux grat- iées et rapidement lavées a été mise en macération d’un côté dans l'alcool à 50 degrés, d’un autre dans l’alcool à 10 degrés. Aban- données pendant deux ou trois mois, ces préparations ont enfin été soumises à l’appréciation de M. Cuvillier, dont la grande compétence en ces questions est acceptée par tous, et examinées par lui au point de vue de la caractérisation de la matière odorante enlevée aux peaux du raisin par les liquides alcooliques dans lesquels celles-ci avaient macéré. Des observations intéressantes ont été, dans ces conditions, faites par notre habile et obligeant collaborateur ; nous en présenterons le résumé bientôt, lorsque nous étudierons l’en- semble des résultats fournis par l'étude de la composition de la peau des raisins. 4. — Étude des pépins. Parmi les produits divers que l’analyse fait reconnaître dans la masse des pépins des raisins, deux surtout on! retenu notre atten- tion : d’une part, le produit que dans nos recherches précédentes nous avions improprement désigné sous le nom de malière résineuse, que depuis nous avons identifié avec le phlobaphène de la rafle et qui, de même que celui-ci, peut être considéré comme l’anhydride du tanin; d’une autre, les matières grasses dont le pépin se charge rapidement et particulièrement les acides volatils dont déjà nous avons signalé l’existence au cours de nos recherches antérieures. Ajoutons encore qu’au dosage des divers produits dont nous nous étions occupés précédemment, il nous a paru intéressant de joindre le dosage des matières azotées, ainsi que la distinction des matières minérales, les unes solubles, les autres insolubles. Sur les procédés dont nous avons fait usage pour doser le tanin et son anhydride, il est inutile de revenir en ce moment ; ces procé- dés ont été exposés en détail à propos de l'analyse de la rafle de la grappe. ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SËRIE. — 1899. — x. 13 194 ‘ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Mais il est intéressant de faire remarquer qu’au point de vue de ses propriétés, comme au point de vue de sa composition, le phlobaphène des pépins s’est montré semblable au phlobaphène des rafles, que, très probablement même, il est identique à ce- lui-c1. La couleur en est la même ; de la même façon il se comporte avec les réactifs ; l'analyse élémentaire enfin nous a montré qu'il contient 57.81 p. 100 de carbone, alors que dans le phlobaphène des rafles nous avons trouvé : 27.39 et 7.89 p. 100 ; c'est en somme par une formule identique à celle du phlobaphène des rafles qu’il doit être représenté. Les acides volatils dont en 1895 nous avions signalé la présence dans les pépins du raisin ont, certainement, au point de vue du bouquetage des vins, une grande importance. Ainsi que nous l’avons annoncé précédemment, ces acides volatils existent dans le pépin même, à l’état de liberté, mais la proportion que l’on en peut extraire à cet état est extrêmement faible; pour déterminer au moins approximativement cette proportion, nous avons fait des essais nombreux. Tantôt, après avoir broyé les pépins fraîchement extraits des rai- sins et les avoir immédiatement recouverts d’eau, nous avons soumis le mélange à la distillation directe, recueilli le liquide distillé et vérifié son acidité à l’aide d’une solution de potasse déci-normale ; tantôt, c’est en substituant de l’eau salée à l’eau pure que la distil- lation a été conduite; tantôt enfin, après avoir extrait l'huile des pépins à l’aide de la benzine et avoir chassé le dissolvant par la chaleur, nous avons soumis l'huile à l’action d’un courant de vapeur d’eau. Par ces divers procédés, ce sont des résultats toujours comparables ‘entre eux que nous avons obtenus, et c’est à quelques dix-millièmes du poids des pépins que nous avons vu alors se limiter la propor- tion d’acides volatils préexistant à l’état de liberté dans cet élément du grain. Les nombres suivants donneront une idée précise de cette pro- portion, En octobre 1896, nous avons, à la distillation directe avec l’eau, DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 1995 extrait pour 100 grammes de pépins frais, les quantités ci-dessous d'acides libres : GéDASe ArAMONS ER ET 0.06 p. 100 nr TU CR COLNATE UNS el + Dee 0.07 — Her ŒUlATe MAR EMILE 0.02 — Si faibles que soient ces proportions, elles n’en sont pas moins intéressantes à signaler. Beaucoup plus importante d’ailleurs est la proportion d’acide vo- latil contenue dans les pépins à l’état de glycérides. Dans nos précédentes Recherches, nous avons décrit le procédé à l’aide duquel ces acides volatils ont été dosés, et nous nous con- tenterons de le rappeler rapidement. Les pépins mis à macérer dans l’alcool chaud fournissent une so- lution dans laquelle viennent se loger les parties les plus solubles de huile des pépins; additionnée d’un léger excès de potasse, cette solution est chauffée dans un appareil à reflux de manière à assurer la saponification complète des glycérides; l’alcool est chassé ensuite par évaporation et le savon restant décomposé par l'acide phospho- rique en très léger excès. La distillation des acides gras provenant de cette saponification a lieu enfin, au bain d’huile, à l’aide d’un courant de vapeur d’eau; toutes précaulions étant prises d’ailleurs pour éviter l’entraînement de l’acide phosphorique. Les proportions d’acide volatil ainsi recueillies sont beaucoup plus considérables que celles déjà rencontrées à l’état libre ; bientôt nous montrerons qu'en certain cas elles peuvent s'élever à près de 1 p. 100 du poids des pépins. | Mais déjà pour les raisins dont les pépins nous-ont fourni les quantités d'acides directement volatils tou à l'heure indiquées, nous les voyons s'élever par 100 grammes de pépins à : Gépage. d'aramonms ML ii: 0.36 p. 100 Le COMAN + 2 Mate 0.38 — M EILIATEr MALENREMEMINES UN 0.51 — Si, au lieu de rapporter ces proportions d'acides volatils au poids: des pépins, on les rapporte au poids de l’huile que ces pépins con- 196 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tiennent, on reconnaît bientôt que leur importance est loin d’être négligeable. D'une manière générale, en effet, on peut admettre qu’à l’époque de la maturité les pépins des raisins contiennent, en moyenne, : 10 à 12 p. 100 d'huile, de telle sorte que dans la composition de cette huile, et d’après les données ci-dessus, on est conduit à admettre la présence d’acides volalils à la proportion de: Acides volatils pour 400 d'huile de pépins. A L’ÉTAT j AE — — de ie glycérides. p- 100. p. 100 Cépage d'aramon. . . . . 0.6 3.6 — de colman . . . . 0.7 3.8 — d'œillade. . . . . 0.2 oeil C’est d’ailleurs à la série grasse, ainsi que nous l’avons établi dans nos Recherches sur les raisins des principaux cépages de France, que ces acides volatils appartiennent, et dès lors nous pouvons nous considérer comme autorisés à leur accorder un rôle important dans la formation des éthers qui, au cours de la fermentation et à la suite de celle-ci, déterminent le bouquet des vins. 5. — Étude de la pulpe. Des quatre parties constitutives de la grappe du raisin : rafles, peaux, pulpe et pépins, c’est la pulpe qui, au point de vue de son développement progressif, a surtout jusqu'ici attiré l’attention des savants. Les recherches relatives à ce développement sont nombreuses et les résultats auxquels ces recherches ont abouti sont importants, et il semble, au premier abord, que le sujet doive être considéré comme épuisé. Il est loin de l’être, cependant, et de ce côté, comme pour les autres parties de la grappe, on rencontre encore beaucoup d’in- certitude, même d’obscurité. C’est ce que montreront bientôt les résultats que nous a fournis, à DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN, 197 cinq périodes successives du développement de la grappe, l’étude des pulpes et par conséquent des jus sucrés extraits des raisins de nos (rois cépages. Comme pour les autres parties de la grappe, nous avons, pour l’étude des pulpes, suivi le plan que, précédemment, nous avions adopté dans nos Recherches sur les raisins des principaux cépages de France. Ce plan, nous l’avons alors exposé en détail, nous n’y reviendrons pas. Parmi les produits dont nous avons recherché la présence dans la pulpe sucrée et au dosage desquels nous nous sommes attachés, il en est quelques-uns qui, au cours des recherches actuelles, ont élé de notre part l’objet d’une attention particulière. Au premier rang de ces produits, il convient de placer le sucre, ou plutôt les sucres dont la pulpe du raisin s’enrichit rapidement, du fait de sa maturation. C’est il y a une trentaine d'années que les idées ont commencé de prendre corps au sujet de la nature de ces sucres. Buignet, en 1860, n'avait dans la pulpe du raisin rencontré que des sucres ré- ducteurs et cependant comme, à la maturité, 1l avait trouvé la ma- tière sucrée du raisin formée par parties égales de glucose et de lévulose, identique par conséquent au sucre inverti, il en avait con- clu qu’à un moment donné le saccharose avait dû être le générateur de cette matière sucrée. Cette manière de voir a été, pendant quel- ques années, généralement admise. Un examen plus attentif de la question devait cependant la modi- fier. Des recherches importantes, dont l’exposé détaillé figure dans le remarquable ouvrage publié à Vienne, en 1884, par M. Mach, di- recteur de la station viticole de San-Michele, dans le Tyrol’, et dont plusieurs sont personnelles à ce savant, nous ont appris qu’au fur et à mesure de l’enrichissement du grain en matière sucrée, on voit la nature de cette matière se modifier progressivement. Formée, au début, de glucose dextrogyre, elle va se chargeant peu à peu en lévulose lévogyre, dont la proportion augmente rapidement jusqu’à 1. E. Mach, Die Gährung und die Technologie des Weins. Wien, 1884. Verlag von Georg Paul Faesy. 1 Goldschmiedgasse, 11. 195 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ce que, à la maturité, elle égale la proportion de glucose. L’exacti- tude de ces observations a été depuis constatée par plusieurs expé- rimentateurs et notamment, en France, par M. Bouffard, à l'École nationale d'agriculture de Montpellier, et par MM. Dugast et Pousset, à Ja Station agronomique d'Alger. | Leur importance est capitale ; elle ne pouvait nous laisser indiffé- rents, et nous nous sommes altachés dans nos recherches à la véri- fier de nouveau. Mais, en même temps, nous avons tenté de résoudre une question non moins importante au point de vue physiologique ; cette question, c’est celle de la présence du saccharose ou tout au moins d’un sucre invertible parmi les matières sucrées dont le grain du raisin se charge progressivement. En soumettant la pulpe de ce grain soigneusement filtrée et défé- quée à l’action de la liqueur de Fehling, avant et après inversion par le procédé Clerget, nous avons pu reconnaitre alors que, dans un certain nombre de cas, le jus du raisin renferme une matière sucrée non réductrice, invertible et qui, très probablement, n’est autre que le saccharose. La quantité en est toujours faible ; c’est dans les raisins verts qu’elle est surtout appréciable ; dans les raisins mürs, on ne la retrouve plus. Une fois, pour le cépage pinot noir, nous avons vu la proportion s’en élever à plus de la moitié du poids des sucres réducteurs (0.38 de saccharose pour 0.62 de sucre réducteur); souvent, elle a représenté le dixième environ de ce poids ; enfin, et même dans quel- ques raisins verts, il nous est arrivé de ne la point rencontrer, de telle sorte qu'il semble, en somme, que la présence d’un sucre non réducteur, probablement du saccharose, dans la pulpe du raisin, soit due à des circonstances que nous ne connaissons pas encore. C’est un fait généralement connu qu’à l’enrichissement de la pulpe en matière sucrée correspond un appauvrissement de cette pulpe en acides hibres, si bien qu’à la maturité le pourcentage de ces acides libres est faible par rapport au pourcentage du sucre, alors qu’au début de la végétation du grain il était égal et même supérieur à celui-ci. Pour quelques physiologistes, ces deux phénomènes doivent êlre DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 199 regardés comme inversement proportionnels, et de là est née cette pensée que le sucre, dont le poids augmente, pourrait bien résulter d’une transformation chimique des acides libres dont le poids di- minue. Pour nous, cette manière de voir, en l’état actuel de nos connais- sances, du moins, n’est pas justifiée ; mais pour appuyer notre opinion à ce sujet, nous avons dû, à chaque phase du développement pro- gressif du grain, nous atlacher à faire, aussi exactement que pos- sible, le départ de l’acide malique libre, de l'acide tartrique libre également, et enfin des acides autres, parmi lesquels l’acide glyco- lique semble être le plus important. C’est en séparant d’abord Pacide tartrique libre à l’état de bitar- trate de potasse, d’après le procédé de MM. Berthelot et de Fleurieu, puis l'acide malique à l’état de malate de plomb’, et comparant enfin la quantité d’acide ainsi caractérisée à la quantité totale des acides contenus dans la pulpe que nous avons pu obtenir ce départ. Nous verrons plus tard à quelles conclusions l'application de ce procédé nous a conduits. En même temps que décroît le poids d’acides et particulièrement d'acide tartrique libre contenus dans la pulpe, on voit croître dans une mesure importante le poids du bitartrate de potasse. La question se pose alors de savoir si c’est à la saturation de l'acide tartrique libre par l’afflux de quantités nouvelles de polasse qu'est due la diminution de l’acide tartrique libre, ou si c’est à une combustion intracellulaire qu’il la faut attribuer. Nous nous sommes efforcés d’apporter à la solution de cette question des observations nouvelles, et c’est avec un soin extrême que nous avons, pour nos trois cépages, suivi comparalivement la diminution progressive de 1. Pour estimer cette proportion d'acide malique, nous avons fait aux liqueurs bouillantes des additions suecessives d’acétate de plomb neutre, jusqu'au moment où ces liqueurs commençaient à se troubler. Celles-ei étaient alors abandonnées à la cristallisation pendant vingt-quatre heures ; les eaux-mères étaient reprises ensuite et traitées de même successivement jusqu'à ce que par le refroidissement elles ne four- nissent plus de malate de plomb cristallisé. Aux chiffres ainsi trouvés, il convient cependant de faire une correction relative à la quantité de malate de plomb en solution dans les dernières eaux-mères par l'acide acétique résultant de la réaction même. 200 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. l'acide tartrique libre et l'augmentation également des composés minéraux, augmentation qui, au moment de la maturation surtout, devient considérable. Considérable aussi est à ce moment l’augmentation des matières azotées ; c’est là un fait physiologique auquel on n’a peut-être pas accordé jusqu'ici une attention suffisante ; à la détermination de celle augmentalion nous nous sommes attachés, parce qu’il convient d'y voir une démonstration saisissante de l’activité végétative du grain aux derniers moments de sa maturation. On admet généralement que dans la pulpe sucrée de ce grain on ne rencontre pas de composés tanniques. Désireux de fixer les idées à ce sujet, nous avons, pour un de nos cépages, le petit-verdot, cherché à constater dans le jus sucré du raisin la présence du lanin; nous avons eu recours, dans ce but, au procédé de fixation des composés tanniques par les cordes de boyaux de mouton, et dans ces conditions nous avons pu conslater, dans le jus sucré de ce cé- page, des quantités infinitésimales de malière tannique; ces quan- tités ont été: x 5) 9 es Le 20 juillet, de 0.05 p. 100 — TU000 : Le 23 août, elles ont été nulles ; 6) 9 Û Ve rdc Le 25 septembre, de 0.05 p. 100 — 10000 Ce sont là des quantités si faibles qu'il serait téméraire d’en con- clure la présence normale du tanin dans la pulpe. Mieux vaut, à notre avis, adopter l’opinion émise par M. Mach à ce propos, et dire que si dans cette pulpe on rencontre quelquefois des pelites quan- üités de tanin, il les faut considérer comme introduites dans le jus par le foulage ou la pression qu’ont subis les peaux et les pépins. A la composition de la pulpe, nous n'avons pas cru nécessaire de faire intervenir, dans nos recherches actuelles, le pourcentage de la matière cellulosique qui forme les parois des cellules dans lesquelles le jus sucré est enfermé, matière que, dans nos Recherches sur la composilion des raisins des principaux cépages de France, nous avions simplement désignée sous le nom de ligneux. La proportion en est tellement fable, en effet, qu’elle ne peut DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 201 être considérée comme exerçant sur la composition de la pulpe une influence notable. Parmi les vingt-deux cépages que nous avons étu- diés en 1893-1894, il en est seize pour lesquels la proportion de cette matière cellulosique est comprise entre 0.25 et 0.40 p. 100 du _poids de la pulpe ; et dans un cas seulement, nous l'avons vue s’éle- ver au-dessus de 0.45 p.100. En face de proportions aussi faibles, il ne nous a pas paru utile d'apporter aux analyses si compliquées que nous entreprenions un nouvel élément de complication. C’est à la composition de la pulpe filtrée et limpide que se rap- portent les résultats que nous ferons bientôt connaître. Tels sont les procédés à l’aide desquels nous avons, en 1895, suivi dans leur développement progressif, d’un côté la grappe de raisin considérée dans son ensemble, d’un autre, chacune des quatre par- ies dont cette grappe est formée : rafles, peaux, pépins et pulpe. DEUXIÈME PARTIE DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF 4. — Accroissement de la grappe et de ses parties constitutives. Lorsqu'on cherche à préciser les conditions dans lesquelles se développe la grappe de raisin, le premier problème que l'on ren- contre est celui qui consiste à mesurer d’un côté l'accroissement de la grappe entière, d’un autre la part que prend à cet accroissement chacune des parties dont la grappe est composée: rafle et grains d’abord; peaux, pépins et pulpes du grain ensuite. Déjà nous avons indiqué par quels procédés nous avons cherché à établir cette mesure et, comme résultat de nos observations, nous réunissons ci-dessous, et en premier lieu, les chiffres qui représentent pour chacun de nos cépages, et à chacune des cinq périodes étudiées, le poids moyen d’une grappe et le poids moyen d’un grain, en même 202 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. temps que la proportion relative de rafle et de grains fournis par la dissection de la grappe moyenne. Proportion centésimale Proportion centésimale DÉSIGNATION. DÉSIGNATION. DÉSIGNATION. Cépage aramon (Hérault). 1 II. III. IV. V: 13 juillet. 29 juillet. 10 août. 26 août. 9 sept. grammes, grammes. grammes. grammes. grammes. d'une grappe. 158,00 205,00 338,00 360,00 327,00 d'un grain . 1,18 2,39 3,24 4,00 4,50 de la rafle . 1232 5.70 0223 3.07 2.39 des grains . 92.68 94.30 94.77 9605 97 (61 100.00 100.00 100.00 100.00 100.00 Cépage petit-verdot (Gironde). 1 IT. III. HVE Ve 20 juillet. 7 août. 23 août. 6 sept. 25 sept. grammes. grammes. gramines. grammes. grammes. \ d'une grappe. 32,03 39,02 49,00 20,50 74,00 1 1 1 ? ) | d'un grain . 0,43 0,61 0,72 0,88 1,35 de la rafle . 7.54 6.31 6.52 5.89 2.858 des grains . 92,46 93.69 93.48 94.65 9712 . 100.00 100.00 100.00 100.00 100.00 Cépage pinot noir (Saône-et-Loire). 1e IT. II. VE V.. 25 juillet. 9 août. 23 août. 9 sept. 23 sept. grammes. grammes. grammes. grammes. grammes. d'une grappe. 41,00 48,50 82,50 88,00 108,00 d'un grain . 0,, 52 0,77 0,86 1,05 1,28 Proportion | de la rafle . 4.64 2.00 2292 2.07 1.67 centésimale | des grains . 95.36 95.00 97.08 97.93 98.33 + + «+ 100.00 100.00 100.00 100.00 100.00 A la simple inspection des chiffres qui précèdent, il est aisé de reconnaître l'intensité de l’accroissement progressif de la grappe de raisin prise dans son ensemble. Cet accroissement, cependant, nous ne saurions à l’aide de ces données prétendre à en préciser d’une manière absolue la progres- DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 203 sion. C’est, en effet, sur la pesée d’un certain nombre de grappes moyennes que nos constatations reposent ; mais ces grappes moyennes, éloignées des vignes où la cueillette avait eu lieu, nous avons dû les prendre telles que l'envoi de notre collaborateur nous les ap- portait. Pour obtenir sur ce point des données d’une précision mathématique, il aurait fallu, à chaque période, considérer des grappes portant exactement le même nombre de grains qu'aux pé- riodes précédentes ; nous ne le pouvions pas, et par suite, il n’y à pas lieu de s'étonner si, pour le poids de la grappe moyenne, les tableaux précédents présentent quelques anomalies. Cependant, c’est seulement pour le cépage aramon, dont les grosses grappes sont difficiles à assortir, que ces anomalies ont une importance notable, et l’on ne peut, à ce propos, s'empêcher de remarquer que pour les deux dernières périodes, pour la dernière surtout, le poids de la grappe ne répond pas à l’accroissement du poids du grain; c’est à 420 grammes ou 430 grammes très pro- bablement et non à 327 grammes qu’aurait dû, le 9 septembre, s'élever le poids de la grappe moyenne. Pour les deux autres cé- pages : petit-verdot du Médoc et pinot noir de Bourgogne, l’accrois- sement est régulier au contraire, et des chiffres observés il est per- mis de tirer une conclusion au moins approchée. On peut dire alors, d’une manière générale, que le poids de la grappe müre est deux fois et demie supérieur au poids de la grappe prise à l’état de raisin vert; qu'en deux mois environ, par consé- quent, la grappe s’est accrue, en poids, dans la proportion de 450 p. 100. C’est à l’accroissement du grain seul qu'est due celte grande augmentation du poids de la grappe; la rafle n'y participe pas, ou n’y participe que dans une très faible mesure; au moment de la maturité, le poids de cette rafle est sensiblement égal à ce qu’il était deux mois auparavant. Au point de vue physiologique, la rafle ne doit être considérée que comme le support et le canal d’alimentation des grains. La constance du poids de la rafle, pour une grappe donnée, de- puis l’époque du raisin vert jusqu’à l’époque de la maturité, tout 204 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. au moins la faible variabilité de ce poids, résulte nettement des données numériques ci-dessus indiquées, alors même que ces don- nées sont, en quelques cas, imparfailes. Si, en effet, au poids de chaque grappe moyenne, on applique le pourcentage de rafle constaté par la dissection de cette grappe, on obtient, pour le poids de rafle correspondant, les chiffres suivants : DÉSIGNATION. ARAMON,. PETIT-VERDOT. PINOT NOIR. grammes. grammes. grammes. Première période. . . 11,96 2,53 1e 90) Deuxième période. . . 11,98 2,26 2,42 Troisième période . . 17,58? 3,19 2,40 Quatrième période . . 11,05 2,70 182 Cinquième période . . 7,80? "ep 1,81 Dans ce tableau figurent quelques anomalies, mais celles-ci ne sauraient enlever à la conclusion que nous avons tout à l’heure indiquée son sens général. Ainsi que nous l’avons reconnu tout à l'heure, lorsque nous avons considéré le poids des grappes entières, il y a eu, certainement, appréciation inexacle dans la caractérisation de la grappe moyenne de l’aramon aux dernières périodes, et pour ce cépage la constance de Ja rafle n’apparaît pas; mais si on laisse de côté une légère sur- charge correspondant à la troisième période du petit-verdot, elle est tellement nette pour les deux autres cépages, qu'aucun doute ne saurait exister à l'égard de cette conclusion; à partir du moment: où le grain est formé, et où les transformations de celui-ci com- mencent, la rafle, jusqu’au moment de la maturité, conserve un poids constant. Le poids de rafle qui porte les grains au moment de la maturité varie d’ailleurs beaucoup suivant les cépages; d’après M. Haas (1874), la proportion de rafles à 100 de grains peut varier de 1.6 à 6.4 p. 100; d’après M. Mach, elle peut varier de 1.96 à 5 p. 100. Dans les recherches qu’en 1895 nous avons publiées et au cours desquelles nous avons examiné les raisins des principaux cépages de DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN, 209 notre pays, nous n'avons jamais obtenu de chiffres aussi élevés que ces chiffres extrêmes. Sur ces cépages nous n’en avons rencontré que quatre pour lesquels la proportion des rafles aux grains fûl in- férieure à 3 p. 100 (2.91, 2.42, 2.03, 2.33); d’autre part, cette proportion a été pour dix cépages comprise entre 3 et 4 p. 100; pour huit d’entre eux enfin, elle a varié de 4 à 4.76 p. 100, sans jamais dépasser ce chiffre. Des faits que nous venons d’exposer, il résulte que c’est au grain et au grain seul qu'est dû l’atcroissement de la grappe. Cet accroissement, du reste, est continu, et l'opinion émise par quelques expérimentateurs qui considèrent que pendant la deuxième période (période de maturité) le développement des grains devient faible ‘, ne se trouve pas justifiée par nos observations. Au contraire, nous voyons l’aramon augmenter entre le 10 et le 96 août de 23 p. 100, entre le 26 août et le 9 septembre de 20 p.100. Pour le petit-verdot, l'accroissement du 23 août au 6 septembre est de 22 p. 100, du 6 au 26 septembre le grain augmente de moitié. Pour le pinot, il en est de même : du 23 août au 9 septembre le grain gagne 23 p. 100, du 9 au 23 septembre, il gagne 18 p. 100. C’est, par suite, une question particulièrement intéressante que celle de rechercher quelle part prennent à cet accroissement in- cessant les trois éléments dont le grain est composé : peaux, pépins el pulpe. Les résultats auxquels cette recherche conduit sont indiqués ci- dessous ; 100 grammes de grain soumis à la dissection fournissent : Cépage aramon (Hérault). I. If. III. IV. Y. DÉSIGNATION. 13 juillet. 29 juillet. 10août. 26 août. 9 sept. grammes. gramimes. grammes. grammes. grammes. Peaux ist. 2021! 10920/46 9,86 8,51 6,30 ,37 Pépins . . . . . 5,76 3,93 2,76 2,00 1,58 De ET TS A SOS TN SN 01:70 ‘02,05 Total. . . 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 1. M. Mach, oc. cit. 206 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Cépage petit-verdot (Gironde). : Le II. III. IV. Y. D SRCIN EE OUT 20 juillet. 7 août. 93 août. 6 sept. 25 sept. grammes. grammes. grammes. grammes. grammes. BEAUX ARTE se PO 13,65 10,57 9520 TON 8,15 Pénins LU UN 1 2.84)14010204 9,84 7,53 4,08 Pipe Lee C0 073,51: 784080 00 RASE Total. . . 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 Cépage pinot noir (Saône-el-Loire). : J I. IT. III. HV V. DESOMERTAATQEE 25 juillet. 9 août. 23 août. 9 sept. 23 sept. grammes. grammes. grammes, grammes. grammes. PEAUX ER 11,23 9,00 7,36 »,78 »,98 BÉDINS EE EEE 11,86 10,84 8,06 5,94 4,37 Pulpe. 4 re 76,91 S0,16 84,958 88,25 89,65 Total. . . 100.00 100,00 100,00 100,00 100,00 Un examen même superficiel de ce tableau suffit pour reconnaitre aussitôt qu’au cours du développement du grain, le poids propor- tionnel des peaux, comme aussi celui du pépin, diminue, tandis qu’en même temps le poids proportionnel de la pulpe augmente rapide- ment. C’est par la pulpe presque exclusivement que le grain s’ac- croit et que, par une conséquence qui s'impose, la grappe s’accroit elle-même. Mais le tableau qui précède n’exprimerait pas d’une façon suff- samment saisissante l’allure de cet accroissement, si à côté du poids proportionnel des diverses parties du grain, aux diverses périodes, nous ne placions les chiffres représentant le poids même de ces diverses parties, en place, dans une unité, c’est-à-dire dans un grain ou mieux dans 100 grains. Ces chiffres sont réunis dans le tableau suivant, où les peaux, les pépins et la pulpe sont comptés d’abord à l’état frais, ensuite après qu'ils ont été desséchés à l’absolu*. 1. Pour les pépins, après avoir constaté que le nombre, du fait du hasard de la fécondation, en était généralement variable d'un grain à l'autre, nous avons été con- duits à prendre pour chaque cépage un nombre moyen, représenté par la moyenne DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. Poids dans 100 grains{ de raisins Poids dans 100 grains de raisins Cépage aramon (Hérault). DÉSIGNATION. II. III. 18 juillet. 29 juillet. 10 août. grammes. grammes. grammes. des ( fraîches . 241082231000 27,50 We séchées à 100°. 3,20 3,80 5,60 des (frais. . 6,80 9525 8,95 pépins! séchés à 100°. 1,78 4,38 5,28 de la | fraiche. . 87,10 202,70 286,50 pulpe | séchée à 100°. 3.67 9,20 23,06 Cépage petit-verdot (Gironde). I. II. III. 20 juillet. 7 août. 23 août. DÉSIGNATION. grammes. grammes, grammes. des (| fraîches . . 2,87 6,45 6,62 peaux | séchées à 100. 1,20 1,34 1,50 CESM\AITAIS NE 5,92 6,67 7,08 pépins! séchés à 100°. 1,60 3,03 4,01 de la ( fraiche. . 31,60 47,88 58,32 UE séchée à 100°. 1,53 2,24 3,46 Cépage pinot noir (Saône-et-Loire). DÉSIGNATION. I IT. IT. 25 juillet. 9août. 23 août. grammes. grammes. gramimes. des (| fraîches . . 5,80 6,90 6,20 peaux { séchées à 100°. 1,20 1,30 1,70 des Nue re #0; 17 8,35 6,93 pépins! séchés à 100°, 1,42 3,40 3,62 desa| "fraiche 2% 740,002 61,72: 72,7a pulpe { séchée à 100°. 1,95 4,06 9,43 207 IV. V. 26 août. 9 sept. grammes. grammes. , 27,20 28,66 cui PAGES SOA RNANEL 4,96 4,50 364,80 414,22 45,60 62,30 IV. V. 6 sept. 25 sept. grammes. grammes, 7,69 11,00 2,14 213,78 6,62 5,51 4,30 4,00 64,45 118,49 800. 28.07 VA \ 9 sept. 23 sept. grammes. grammes. 6,10 7,60 2.014 09:69 6,24 5,59 3,947 :3,93 92,71 119,69 17,98 25,40 Le rapprochement des chiffres inscrits dans les trois tableaux qui précèdent permette de reconnaître un certain nombre de faits in- téressants qui, jusqu'ici, n’avaient pas été signalés. Le premier de ces faits réside dans l’invariabilité ou tout au moins des nombres constatés aux cinq périodes d'analyse ; ce nombre a été pour 100 grains d'aramon de 170 pépins, pour 100 grains de petit-verdot de 183 pépins, pour 100 grains de pinot noir de 168, 208 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. dans la faible variabilité du poids des peaux qui enveloppent 100 orains de raisins’. Dès le début de nos observations, alors que le grain vert ne pèse guère plus du tiers de ce qu’il pésera à la matu- rilé, le poids de Ja peau est, à peu de chose près, fixe, si l’on néglige l'exception présentée par le petit-verdol à sa dernière période (le poids des peaux varie de 78,69 à 11 grammes). Cette proportion se vérifie dans tous les cas. Pour l’aramon, le poids des peaux fraiches qui entourent 100 grains est de 24510 le 13 juillet; deux mois après, le 9 septembre, il n’est que de 285,66, alors que dans le même temps le poids de ces 100 grains s’est élevé de 118 grammes à 450 orammes ; pour le petit-verdot, en laissant de côté l'exception tout à l’heure signalée, on voit les peaux de 100 grains, pesant près de 6 grammes le 20 juillet, ne peser que 66,69 le 23 août, et 76°,69 le 6 septembre, alors que le poids de ces 100 grains passe de 43 à 135 grammes; pour le pinot noir enfin, alors que le poids de 100 grains passe de 52 à 128 grammes, le poids des 100 peaux dont ces grains sont entourés ne varie que de 95,80 à 78,60. L’accroissement en poids des peaux reste donc singulièrement faible pendant toute la durée du développement du grain. Pour de gros raisins comme l’aramon, on peut même dire que cet accroisse- ment est sensiblement nul, et dès lors l’attention est conduite à se porter sur les modifications que la pellicule du raisin doit éprouver dans sa structure physique, alors que l'accroissement du grain en poids et en volume se poursuit. Tout autour de ce grain, la pellicule développe à la maturité une surface qu'on peut considérer comme étant approximativement triple de la surface dont elle enveloppait le grain vert deux mois auparavant, et dès lors on doit admettre qu’au fur et à mesure de l'accroissement du grain cette peau doit aller s’étirant et s’amincissant dans une large proportion, comme le ferait une membrane élastique de caoutchouc. C’est chose généralement admise qu’au cours de l’accroissement du grain et dès la deuxième période de la maturation les pépins 1. Ge fait avait été déjà constaté dans nos expériences préliminaires de 1894, où le poids des peaux humides de 100 grains d'aramon n'avait varié, du 18 juillet au 1°° septembre, que de 21 à 29 grammes. DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 209 atteignent leur grosseur définitive. Les observations que nous avons faites en 1895 nous conduisent à penser que le moment où ce résul- lat est acquis doit être avancé, et que, bien avant la véraison, le poids des pépins a cessé de croître. | Pour l’aramon, dont la véraison a eu lieu le 7 août, le poids maxi- mum des pépins était atteint dès le 28 juillet ; pour le petit-verdot, dont la véraison a été placée par nous au 28 août, il en était de même dès le 6 août; pour le pinot noir enfin, que nous avons re- connu véré le 16 août, c’est au 7 août que nous avons nolé pour les pépins le poids le plus élevé. En somme, on peut dire que, de très bonne heure et bien avant la véraison, le développement du pépin a atteint son apogée. Mais un fait plus intéressant encore et non signalé jusqu'ici, ré- sulte de l’examen du poids relaté dans les tableaux ci-dessus. Ce fait, c’est la diminution du poids des pépins frais à partir précisé- ment de la véraison. Au 10 août, pour l’aramon, c’est-à-dire au lendemain de la vérai- son, le poids des pépins frais de 100 grains était de 8#°,95; à la maturité, ce poids n’était plus que de 7#°,11. Pour le pelit-verdot, ce poids était de 75,08 le 23 août; il n’était plus que de 94,91 à la maturité; pour le pinot noir enfin, il était, du 23 août au 93 sep- tembre, descendu de 65,93 à 55,59. C’est donc une chose certaine que pendant la dernière période de maturation du grain, en un mois environ, le poids du pépin diminue dans une importante proportion, de 15 à 20 p. 100. L’explication de ce fait curieux semble à priori difficile à trouver; nous la trouverons cependant toute probable lorsque, soumettant ces pépins à l’analyse, nous constaterons qu’à cette époque on voit disparaître de leurstissus des proportions notables de matières grasses et de tanin, qui, oxydés sans doute, sont dans ces tissus mêmes remplacés par des produits gazeux. Mais si, dans le grain du raisin, l'analyse nous montre le poids des peaux variant dans des limites très faibles, le poids des pépins, stationnaire au début, diminuant dans le dernier temps de la matu- ralion, elle nous montre au contraire la pulpe s’accroissant en poids, sans arrêt, bien avant que la véraison se produise. ANN. SCIENCE AGRON. — 9° SËRIE. — 1899. — 11. 14 210 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Et cet accroissement est si considérable, que si, au lieu de considé- rer la pulpe fraiche, qui avec l’âge du raisin va se déshydratant peu à peu, on considère la pulpe séchée à 100 degrés, on trouve, à la maturité, celte pulpe pesant pour 100 grains d’aramon seize fois ce qu’elle pesait deux mois auparavant ; pour 100 grains de petit-verdot, dix-huit fois ; pour 100 grains de pinot-noir, treize fois ce qu’elle pesait alors qu’à la fin de juillet elle faisait partie du grain encore vert. Bientôt l'analyse chimique de cette pulpe nous montrera que, parmi les matériaux dont elle est faite, c’est le sucre qui pour la plus grande part intervient dans cet énorme accroissement. 2. — Composition de la raîfle aux périodes successives du développement de la grappe de raisin. Pour rendre plus frappantes les modifications que subit, aux di- verses périodes de son développement, la grappe de raisin, nous avons adopté le mode d'expression des résultats obtenus qui consiste à rapporter au poids de 100 unités, c’est-à-dire de 100 grains, le poids des divers produits qui concourent à la composition de cette grappe. Pour la rafle, cependant, nous avons dù renoncer à ce mode d’ex- pression ; il n'aurait pu, dans ce cas, fournir de renseignements exacts. Le poids de la rafle, en effet, peut, d’une grappe à l’autre, varier notablement par rapport au nombre de grains qu’on y rencontre en cours de développement normal. Lorsque la grappe est en fleurs, la fécondation n’en est jamais générale ; un certain nombre de fleurs y échappent ; quelques grains, en outre, conservent pendant toule . la durée de la vie de la grappe l’état rudimentaire sur leurs pédi- celles. Ces pédicelles végètent cependant jusqu’à la maturité des autres grains, et c’est chose évidente que leur poids, comme aussi le poids de la partie du pédoncule qui leur correspond, viendrait en surcharge par rapport au poids normal de la rafle à laquelle 100 grains également fécondés et développés seraient attachés. C’est donc dans le cas actuel, c’est-à-dire pour la rafle, à la com- DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN, 211 position centésimale seule qu’il faut demander de nous éclairer sur la composition de celte partie du grain et sur ses modificalions succes- sives. Lorsque d’ailleurs on détermine sa composition par l’analyse, on reconnait aussitôt. que l’eau, d’un côté, d’un autre l’ensemble des celluloses (hexanes et pentanes), auquel nous donnerons pour sim- plifier le nom de ligneux, forment une somme qui représente 90 à 80 p. 100 du poids de la rafle. De là résulte que dans la rafle fraîche chacun des produits dosés par l’analyse n’apparaït, en général, qu’à la proportion de 4 à 4.5 p. 100 environ. Des chiffres aussi faibles rendent la comparaison assez aléatoire ; aussi, dans le but de rendre plus facile l'appréciation des résultats constatés, avons-nous préféré pour la rafle, mais pour la rafle seule- ment, appliquer ces résultats non plus à un produit hydraté, cueilli à la vigne, mais au produit desséché préalablement à 100 degrés, c’est-à-dire à l’absolu. ‘A l'exposé de ces résultats, cependant, nous aurons soin de joindre, et c’est à cela que nous nous attacherons en premier lieu, les chiffres exprimant l’état d'hydratation de la rafle et par suite la proportion de matières sèches qu’elle contient aux diverses époques de sa cueillette et de son analyse. A ces chiffres, nous joindrons ceux que nous devons à l’obligeance de MM. Mascart et Angot, et qui expriment les quantités de pluie tombée dans l'intervalle d’une cueillette à la cueillette suivante et constatées aux stations météorologiques les plus voisines des localités où cette cueillette avait lieu : Cépage aramon (Hérault). DATE NANED TS: 13 jé 29 juillet TOUTE NIET M HÉROS 2 RS D à Le 90.24 s1.61 80.65 80.16 74.53 Matière sèche «2247 ..l, 4 9.76 18.39 - . 19.395 19.84 25.47 | Totate 1: .0 "100200: 7100-00 100.00’ °°‘100! 00” 100 0p _ Nombre de jours écoulés d'une ET DT cueillette à l’autre. . . . 16 12 16 14 _ Pluie constatée à la station météorologique de Cette. . Néant. isa 4gmm Néant. 212 ‘ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Cépage pelit-verdot (Gironde). : I. E III. IV. VE DABIQNEMEON 20 juillet. 7 août. 23 août. 6 sept. 25 sept. Eau . email te the | TIRSO TNA 69.91 63.40 Matièretsèche MEME. ©: 22,109 22015 22:76 31.09 36.60 Total . . . . 100.00 100.00 100.00 100.00 : 100:00 Nombre de jours écoulés d'une a —— —— ——— cueillette à l'autre. . . . 18 16 14 19 Pluie constatée à la station mé- téorologique de Bordeaux. 4omm DRE 290 BD Cépage pinot noir (Saône-et-Loire). : £ 1 DEA Int ILE. IV. Me DE SLON TO 25 juillet. 9 août. 23 août. 9 sept. 23 sept. AU Er. No STONE NE 80.60 To 74.04 66.86 69.35 Matiérelsèche RER 19.40 22.39 25.96 33.14 30.65 Total . . . . 100.00 100.00 100.00 100.00 100.00 Nombre de jours écoulés d’une di enr met ner dou ne cueillette à l’autre. . . . 16 14 17 14 Pluie constatée à la station météorologique de Dijon . A9mm 26m Néant. 14 Les chiffres qui précèdent nous font reconnaitre dans l’état d’hy- dratation des rafles (du moins pour l’année 1895) une période de stabilité inattendue ; c’est ainsi que pour l’aramon, et pendant un mois entier, la proportion d’eau reste comprise entre -81.61 et 80.16 p. 100, que pour le petit-verdot, et pendant plus d’un mois, du 20 juillet au 23 août, une période semblable se rencontre où l’hydratation ne varie que de 77.91 à 77.24 p. 100. Moins mar- quée pour le pinot, cette période apparaît cependant encore pour le mois d'août, où l’hydratation descend seulement de 77.61 à 74.04 p. 100. | GR | C’est seulement pendant les dix ou quinze derniers jours de la ma- turation qu’on voit la proportion d’eau s’abaisser rapidement dans DÉVELOPPEMENT -PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 213 la rafle, comme d’ailleurs nous la verrons plus tard s’abaisser dans la pulpe. Pendant cette courte période d’activité puissante, la grappe se charge rapidement de nouvelles quantités de produits ; c’est ja période pendant laquelle le grain s’enrichit, et la rafle chargée, cer- tainement, de lui apporter ou ces produits mêmes, ou les matières dont ils dérivent, prend à cet enrichissement une part toute natu- relle. L'été de 1895 a été, on:le sait, particulièrement sec, et l’on ne pouvait, par suite, s'attendre à voir, du fait de pluies impor- tantes, l’élat d’'hydratation de la grappe se modifier notablement. En années pluvieuses, il en serait peut-être autrement; mais en altendant des constatations nouvelles sur cé point, nous devons faire remarquer que, pour l’année 1895, l'influence de quelques pluies constatées a été nulle sur lhydratation de la rafle. Pour l’aramon, 49 millimètres de pluie tombés du 10 au 26 août lais- sent la proportion d’eau sensiblement constante entre 80.65 et 80.16 p. 100; pour le petit-verdot, il en .est.de .même: du 20 juillet au 7 août, on constate 40 millimètres de pluie, et cepen- dant la teneur en eau reste identique (77.91 et 77.85 p. 100); pour le pinot noir seulement, le chiffre de 49 millimètres d’eau, du 95 juillet au 9 août, abaisse l’état d’hydratation de 80.60 à 77.61 p. 100. Dans l’analyse de la rafle, comme dans celle des autres parties du grain, comme dans celle de tous les tissus végétaux, à côté des produits connus : sucres, acides, tan, matières azotées, etc., on rencontre cet ensemble de produits non définis, -solubles dans l’eau, sur la nature et les propriétés desquels’ la science ne pos- sède encore aucune donnée, et que, d’une manière générale, on désigne sous le nom d’inconnu. La proportion en est très grande dans la rafle ; elle y représente le quart et quelquefois le tiers du poids total, la moitié par conséquent du poids de la matière soluble. Cette proportion dépasse de beaucoup la proportion d’in- connu que l’on rencontre dans les autres parties de la grappe, et notamment dans la pulpe ; elle autorise au sujet de la rafle lexa- men d'hypothèses sur lesquelles nous reviendrons tout à lheure, lorsque nous discuterons les résultats fournis par l’analyse des 214 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. rafles séchées à 100 degrés et consignés dans les tableaux ci- dessous : A Composition centésimale des rafles séchées à 100 degrés. Cépage aramon (Hérault). Te II. III. IV. î DÉSIGNATION. 13 juillet. . 29juillet. 10août.: 26 août. 9 sept. Sucres . . « . . . . . Nondosés. Non dosés. 5AD2 14.91 4.00 Bitartrate de potasse. . . 10.86 6.41 5.2 Br 69F APE Acide tartrique libre. . . Néant. Néant. 005 DID 0.23 Acides autres. . .« + « . Soil 1.41 1:03 1.26 0.47 < ( normal. . . 10.24 4.78 3.87 5.69 4.86 Tarnos | anhydride. . 7.14 4.02 3.46 1.83 5.37 Matières azotées totales, . Non dosées. 5.43 4.18 6.45 491 Matières solubles!, . Id. 5.87 4.59 Perdues. 6.59 en insolubles. . Id. 1250 2753 Id. 2.00 Ligneux cellulosique. . , Id. 41.65 44.19 45.51 41.61 INCONNTEMENTAARONNE TE Id. 29.03 Se (| 11279 26.56 TOI RER » = » 100.00 » 100.00 Cépage pelit-verdot (Gironde). DEnIGNAEnrON 20 res ae Mes son Gaere ° 25 He SUCTES de ee pee PR NNIEis 2.16 1.36 850010 Bitartrate de potasse. , . PAT 1.85 3.59 3.932 202 Acide tartrique libre. . . 0.04 0.31 0.04 0.16 0.02 Acides autres. , .®. . 3.07 3.38 0.57 1.36 0.73 Tan er es normal. . , 3.98 6.00 4.87 8.90 (os 110 anhydride. , 0.19 2.86 6.15 3.98 4.72 Matières azotées totales. . 7.65 5.64 3.03 3.68 5.19 Matières ( solubles!.:, 0.54 D 5.09 3.22 3.27 minérales insolubles. . 3.07 1502 lets 1759 LT Ligneux cellulosique. ‘. 52.96 46.32 43.52 38.85 40.0: MOUSE 20:77 24.23 30.97 26.41 25.41 ——_————…——…—_—_ + ee NUETRERES » 100.00 100.00 100.00 100.00 te, 1. Déduction faite du carbonate de potasse provenant de la combustion du tartre. DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 219 Cépage pinot noir (Saône-el-Loire). DÉSIGNATION. 95 juillet. 9 sé re oh Hi 23 sn DUCTES 2,4 SUICUe . . -Non dosés. 2.63 8.93 TES 7.56 Bitartralte de potasse. . . 3.39 DO 3.65 2.114 220 Acide tartrique libre. . . 0.10 0.26 0 19 0.15 0.3 Aciles atuires es es to 0e 1.59 1592 0.77 0.57 0.58 ; (normal... 5.97 3.17 6.43 4.97 5.48 Tanin . . . - | anhydride, . 7.98 7.50 6.08 5.61 4.37 Matières azotées totales . 14.17 15.18 9.89 1AATO 12.61 Matières ( solubles'. . Non dosées. 7.81 2.03 Non dosées. 4.53 minérales | insolubles. . Id. 3.48 2:19 Id 1.72 Ligneux cellulosique. . . Id. 30.99 32.66 Id. 34.58 lnconu SENS ds Id. 24,79 27:13 Id. 27.20 Total » 109.00 100.00 » 100.00 Nous avons précédemment appelé l’attention sur la présence d’un sucre réducteur et même d’un sucre inverlible dans les rafles de raisin. Nous n’y reviendrons pas; mais nous ferons remarquer que c’est en général au moment où la véraison vient de se produire, où la pulpe s'enrichit en sucre, que les rafles également se montrent très sucrées, et par suite il semble naturel d'admettre que, dirigée vers celte pulpe qui ne pouvait la loger assez vite, une partie de la matière sucrée est arrêlée, en attente, dans la rafle. La brusquerie des variations constatée d’une époque à l’époque suivante, l'absence de toute régularité dans leur ordre et dans leur étendue, vient donner à l’hypothèse qui précède une grande proba- bilité. Au fur et à mesure que le grain s’approche de la maturité, on voit dans la rafle qui le porte diminuer le pourcentage des composés acides que celle-ci contenait au début. La rafle en ua mot, à ce point de vue, se comporte exactement comme nous verrons bientôt la pulpe se comporter. | | Chacun sait qu’au début du développement de la grappe la rafle présente, au goût, une acidité prononcée qui disparait à l’époque de la maturité. 1. Déduction faite du carbonate de potasse du tartre. 216 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. L'analyse chimique apporte la vérification de cette observation pratique. C’est à trois produits différents qu’est due l’acidité de la rafle : à la crème de tartre d’abord ou hitartrate de potasse, à l’acide tar- trique libre, ensuite, et enfin aux acides indéterminés que, faute de les savoir caractériser, nous désignerons sous le nom d’acides autres. La proportion d’acide tartrique libre que contiennent les tissus de la rafle est insignifiante ; dans les rafles fraiches, elle représente à peine _. du PRE de celles-ci ; dans la rafle sèche, cette propor- Lion ne dépasse pas — T 000 : nous en avons tenu compte cependant et nous l'avons vue varier de façon tout à fait irrégulière. Il n’en est pas de même du tartre ou bitartrate de potasse qui semble, à cause de sa faible solubilité, ne pas traverser aussi rapide- ment que lacide tartrique les cellules de la rafle ; régulièrement ous en avons vu le poids diminuer au fur et à mesure de la matu- ration du grain, comme si, par suite d’une transformation intracel- lulaire, une partie du bitartrate passait à l’état de tartrate neutre. Si, enfin, réunissant par le calcul acide tartrique libre et Pacide tartrique combiné à la potasse, nous cherchons à nous rendre compte de ce que la totalité de cet acide tartrique devient dans la rafle du raisin qui mürit, nous reconnaissons que la diminution de son pour- centage est certaine : les quantités que la rafle de chaque cépage en contient lors des analyses correspondant aux époques successives sont alors les suivantes pour 100 de matières sèches : DÉSIGNATION. ARAMON. PETIT-VERDOT. PINOT NOIR. Première analyse . 9228 1.88 2.94 Deuxième analyse. 5.44 1.58 228 Troisième analyse. 4.48 3.05 SJ 2) Quatrième analyse. . 4.93 2.98 1e) Cinquième analyse. . 3.09 2.25 2.07 C’est ce que montre le diagramme ci-après (fig. 1), dans lequel les proportions d’acide tartrique total constatées à chaque analyse sont exprimées par les ordonnées au centième du poids de la rafle DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 217 sèche, tandis que sur la ligne des abscisses est exprimée en jours l’époque des analyses successives. Les lettres À, V, P représentent Aramon Verdot 8 P AV PA V PA Ve BYA V ce] LE ES © © & e & o © oi = = © o © S el (=) ce + an de) [D Fra. 1. — Acide tartrique total, libre et combiné (en centièmes de la rafle sèche). le point de départ sur l’abscisse des ordonnées relatives aux aramon, verdot et pinot des différentes cueillettes. PAV P'ARAQV PA V PA V F1@. 2. — Acides autres que l’acide tartrique (en centièmes de la rafle sèche). Quant à la diminution des acides autres, elle est, ainsi que le montre le diagramme figure 2, régulièrement progressive et presque 218 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. totale à la maturité du grain; les chiffres extrêmes mis ci-dessous en regard montrent l'étendue de cette diminution : APAMON TE RME NE UC Lie de 3.51 à 0.47 p. 100 PetiEVETTO MERE. de 3.07 à 0.73 — PIDO NOIRE CE de 1.59 à 0.58 — C’est, selon toute probabilité, à la combustion des acides du fait de la respiration végétale qu’est due cette rapide et profonde désa- cidification de la rafle. Ce serait se tromper d’ailleurs que de considérer l’acidité de la rafle comme également répartie dans toutes les parties de cet élé- ment de la grappe ; c’est auprès des grains qu’elle est le plus pronon- cée. Deux essais exécutés vers l’époque de la maturité nous ont permis d'établir avec netteté ce fait important. Le 3 septembre nous avons assorti en trois lots les diverses par-- ties d'une certaine quantité de rafle de cabernet-sauvignon et, dans chacun de ces lots, nous avons dosé d’un côté le tartre, d’un autre l’acidité totale évaluée en acide sulfurique. Les résultats ont été les suivants, pour 100 de matière fraiche : ACIDITÉ TARTRK. totale. 192PÉMONCUlES A ENTANE SN 0.19 0.38 2° Pédicelle du haut de la grappe. 0.71 0.52 3° — du bas de la grappe . 0.65 0.73 Un autre essai fait sur des rafles de petit-verdot, le 5 septembre, a donné de même sur 100 de matière fraiche : ACIDITÉ FRERE totale. 1MPÉTONCUIES ER 0.80 0.72 2BPédicelles Rate 1922 0.93 C’est donc dans les pédicelles, c’est-à-dire à proximité des grains, que s’accumulent surtout le tartre et les acides. 1. En 1894 les produits acides ont été rencontrés dans les proportions suivantes : ACIDE ACIDKS DEN tartrique. autres. 18 juillet . 1eE10 0.15 °» 6 août. . CA MSUE V2 2010 0.13 0.29 l'A EN RNA 1.26 Presque nul. 0.46 {7 septembre. 0:92 Id. 0.23 DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 219 Nous nous sommes précédemment étendus avec détail sur les propriétés des deux matières lanniques que la rafle du raisin con- tient : le tanin normal d’un côté, son anhydride ou phlobaphène de l’autre. Nous avons montré combien était délicate la séparation de ces deux produits, combien était difficile le dosage de l’un et de l’autre. Malgré cette difficulté, nous avons pu, au cours des recherches actuelles, établir entre ces deux produits des rapports frappants, rapports dont des.études plus jAGUTNCE Gp certainement la démonsiralion précise. Si l’on considère les chiffres successifs qui représentent, aux cinq époques de nos cueillettes, le pourcentage du tanin, on reconnait, qu’étant donnée la latitude que comportent des dosages de ce genre, ces chiffres varient peu du début à la fin des observations. Pour l’aramon, si on laisse de côté la première analyse, on voit la proportion de tanin normal débuter (29 juillet) à 4.78 p. 100 et, après des oscillations en sens divers, se retrouver à la maturité (9 septembre) à 4.86 p. 100. Pour le petit-verdot de même, le do- sage du tanin normal donne le 7 août le chiffre de 6 p. 100 et ce do- sage, après deux oscillations également, se retrouve à la maturité aboutissant au chiffre de 6.12 p. 100. Même observation peut être faite pour le pinot noir. Aucune règle, d’ailleurs, ne préside aux oscillations que nous venons de constater, c’est tantôt dans un sens, tantôt dans un sens opposé qu’elles se produisent. Mais ce qu’il convient de remarquer aussitôt, c’est que les chiffres représentant le pourcentage du tanin normal et le pourcentage de son anhydride sont souvent sensiblement é égaux ou toujours au moins assez Voisins. Considérons, en effet, les rafles séchées du cépage aramon, nous Y trouvons, en centièmes : ANHYDRIDK DÉSIGNATION. ou normal. phlobaphène. Deuxième époque. _. .:.. . 4.78 4,02 Troisième époque . . . . . 3.87 3.46 Quatrième époque . . . . . 5.69 4.53 Cinquième époque . 4.86 5.37 220 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Pour le petit-verdot, la concordance est moins sensible, mais il faut se hâter de remarquer, comme déjà on a pu l’observer pour les époques 4 et 5 de l’aramon, que si l’un des chiffres mis en compa- raison diminue, l’autre augmente, et réciproquement; c’est aimsi que, pour ce cépage, on trouve les chiffres suivants, en centièmes de la rafle séchée à 100 degrés : | ae ANHYDRIDE DÉSIGNATION. Le ou normal. phlobaphène. Deuxième époque. . . . . . 6.00 >.86 Troisième époque . . . . . 4.87 615% Quatrième époque . . . . . 8.90 3.98 Cinquième époque . . . . . 6.12 4.72 Pour le pinot noir, on trouve de même : ANHYDRIDE DÉSIGNATION. Tu ou normal. phlobaphène. Deuxième époque. … . . . . 3.17 7.00 Troisième époque. . 6.43 6.08 Quatrième époque . 4.97 ».61 Cinquième époque . . . . . 2.48 4.37 À la suite de ces constatations on est tout naturellement conduit à lotaliser les chiffres représentant, dans la rafle, et à chaque époque, la proportion centésimale du tanin normal et de son anhydride, et l’on est alors frappé de la constance des totaux ainsi obtenus, ou tout au moins du peu de variations qu’elle présente ; c’est aux chiffres suivants que cette totalisation aboutit : DÉSIGNATION. ARAMON. PETIT-VERDOT. PINOT NOIR, Deuxième époque. . . ..… 8.80 11.86 10.67 Troisième époque . . . . 7.33 vil:0? 122511 Quatrième époque . . . . 10.52 MYT88 7 10.58 Cinquième époque . . . . 10.23 10.84 9.85 Si alors, tenant compte des difficultés que présentent des dosages tels que ceux dont nous exposons les résultats, on admet, pour les chiffres qui les traduisent, une certaine latitude, on peut se consi- DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 221 dérer comme autorisé à conclure que dans la rafle, à partir du mo- ment où celle-ci a pris ses dimensions définitives : 1° La somme du tanin normal et de son anhydride (phlobaphène) est constante pour chaque cépage, aux périodes successives du dé- veloppement de la grappe, ou tout au moins aboutit à des chiffres toujours voisins ; 2° Que dans cette somme le tanin et son anhydride figurent sou- vent en proportions sensiblement égales ; 9° Que dans le cas où une variation notable se manifeste dans un sens pour l’un de ces produits, une variation en sens contraire se produit pour l’autre. De telle sorte que dans le tanin normal il n’est peut-être pas té- méraire de voir la forme de voyage des composés de cet ordre, dans son anhydride leur forme de réserve. Le dosage des matières azotées dans la rafle aux diverses époques du développement de la grappe ne révèle aucun fait saillant; pen- dant les trois mois qu’occupe ce développement, le pourcentage des matières azotées varie peu ; on pourrait, à la rigueur, le considérer comme presque constant. C’est là l’indice d’une vie végétale peu active et les fails ainsi observés peuvent être notés comme venant à l'appui des constatations que nous avons précédemment faites sur Je non-accroissement en poids de la rafle. L’invariabilité du poids proportionnel du ligneux, c’est-à-dire de la trame végétale de la rafle pendant toute la durée du dévelop- pement de la grappe, vient se joindre aux observations qui pré- cèdent pour établir fortement l'opinion, antérieurement émise par nous, que la rafle n’est que le support et le canal d’alimentation du grain. À propos de cette alimentation, 1l convient de fixer encore notre attention sur la grande proportion de matières inconnues que les procédés de lanalyse chimique laissent échapper lorsqu'on les ap- plique à l’étude de la rafle. | Dans les rafles de l’aramon et du petit-verdot, dont l’analyse a généralement été plus complète que celle de la rafle du pinot noir, on voit celte proportion de matières inconnues, généralement assez constante, n’offrir de variations sérieuses que quand en sens inverse 222 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. se produisent des variations sérieuses également du pourcentage de la matière sucrée. Ainsi, pour l’aramon, au 10 août, le sucre ne représente que 5 p. 100 du poids de la rafle, alors que l’inconnu s'élève à 25.37 p. 100; mais quinze jours après, le 26 août, la proportion du sucre monte à 14.91 p. 100 et en même temps la proportion de l'inconnu tombe à 11.79 p. 100; pour le petit-verdot, le 23 août, la rafle ne contient que 1.36 p. 100 de sucre, tandis que la proportion de l’in- connu est 30.97 p. 100 ; mais le 6 et le 25 septembre, la teneur en sucre atteint 8.00 et 10.13 p. 100, et du même coup on voit l’inconnu s’abaisser à 26.38 et à 25.35 p. 100. | C’est donc entre le sucre et l’inconnu que semble se faire surtout le jeu des variations observées dans le pourcentage de matière so- luble, et dès lors on est conduit à se demander si, parmi les matières dont est fait cet inconnu, ne figure pas quelque matière glycogène dont la transformation sous l’influence d’une diastase peut, à un mo- ment donné, et si l’afflux des matières sucrées envoyées directement par les feuilles diminue ou même fait défaut, venir en aide à Pali- mentation du grain et contribuer à son enrichissement en sucre. 3. — Composition de la peau du grain aux périodes succes- sives du développement de la grappe de raisin. Le rôle que joue, au cours du développement de la grappe de raisin, la pellicule même dont le grain est entouré, est loin d’être connu ; ce rôle doit cependant être important. C’est à travers le tissu cellulaire dont elle est faite que s'effectuent les échanges gazeux que détermine la respiration du fruit, et c’est à l’intervention de ces échanges bien probablement qu’il faut attribuer quelques-unes des lransformations dont la pulpe est le lieu et que l’analyse chimique permet de reconnaitre. Pour établir ce rôle, une étude spéciale serait nécessaire, étude qui n'aurait pu prendre place dans le cadre que nous nous étions tracé dans nos recherches; et pour la peau du grain comme pour les deux autres parties du grain : pépins et pulpe, nous nous contenterons d'établir, à cinq époques du développement de celui-ci, d’un côté la DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 2923 proportion centésimale des divers produits qui interviennent dans la composition de la peau, d’un autre le poids de chacun de ces pro- duits contenus dans les peaux de 100 grains des raisins de chaque cépage. Dans les tableaux qui suivent nous nous plaçons successivement à ces deux points de vue. Raisins d’aramon (Hérault). Composilion centésimale de la peau des raisins. : % I. II. QT IV. Y. Hpne ts CE 13 juillet. 29juillet. 10août. 26 août. 9 sept. 150 CASE ACER MERS FES 86.69 83.458 TF6 TT 60 Tout Bitartrate de potasse. . 0.34 1.28 0.95 0.52 0.31 Acide taririque libre. . 0.02 0.26 0.20 0.00 0.00 — malique et autres . . 1.94 1: 59 0.91 0.81 0.79 : HONDA RE 0.45 0295 1.00 1.01 0.98 Tanin , a 5 anhydride. 0.50 0.25 1.32 0.81 0.80 Matières azotées . 1e 0.48 1520 1:08 - - 1.45 2.32 Matières | solubles! . . . 0 36 | 0.00 0.28 0.32 1.18 minérales | insolubles. . | 0.36 0.42 0.34 0.34 Celui EME nn, EE A » 11.34 15.36 8.75 6.90 Matières non dosées. . . . » » » 8.39 Ca oi! LOtAlS = berne » 100.71 101.38. 100.00 100.00 Poids contenus dans les peaux fraîches de 100 grains de raisin. a LE III. IV. Y. DÉSIGNATION. 13 juillet. 29 juillet. 10août. 26août. 9 sept. grammes. grammes. grammes. grammes. grammes. Poids de 100 grains. . . . 118,00 235,00 324,00 400,00 450,00 — despeaux de 100grains 24,10 23,10 27,05 27,20 28,10 re Feu 0. OPP2DLSS 19,28 21,96 2 EN SAR ES — de la matière sèche. . 3,22 3,82 5,54 6,09 6,55 Bitartrate de potasse. . . . ° 0,08 0,29 0,26 0,14 0,09 Acide tartrique libre. . . .' 0,00 0,02 0,02 0,00 0,00 — malique et autres . . 0,47 0,37 ‘0,25 0,20 0,23 (énanmal. 27. AD 10 0,23 0,27 0,27 0,28 anin . . : 4 | anhydride, . . 0,13 0,23 0,36 0,22 0,23 Matières azotées . . . . . 0,12 0,28 0,30 0,59 0,66 = MINCrTAeS ti, 0,08 0,08 0,19 0,17 0,42 CESSE LA ER » 2,60 » 2,34 1,98 1. Déduction faite du carbonate de potasse fourni par l'incinération du tartre. 224 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Raisins de petit-verdot (Gironde). Composilion centésimale de la peau des raisins. ; T II. III. IV. Y. DAS GENRE 20 juillet. 7 août. 23 août. 6 sept. 25 sept. Eau. 4 02 2: . .. 19.66 N0Vo06 ur 2 006 Bitartrate de potasse . 0.29 0.70 1.36 1.00 028 Acide tartrique libre. . 0.04 0.11 0.05 0.03 0.01 — malique et autres . 1.66 0.88 0.94 0.54 0.54 : { normal. . 19105 0.88 0.92 1:10 1.26 Tanin . .! 2 : | anhydride. . 124 151 1.13 1.43 1.06 Matières azotées . 2.03 1.54 1.65 1252 1.90 Matières solubles ! . 0.41 | 0.74 0.97 07 : minérales | insolubles. . . | + 0290) Due 0.44 0.24 Cellnlose 54 ES LT » 13.44 » 1119 8.06 Matières non dosées. . . . » 125 » 9.96 20542 TOR EN SREE » 100.00 » 100.00 160.00 Poids contenus dans les peaux fraîches de 100 grains de raisin. : Te in IIL. IV. Y. RÉ S RRE 20 juillet. 7août 93 août. 4 6 sept. 25 sept. grammes, grammes. grammes. grammes. grammes. Poids de 100 grains. . . . 43,00 61,00 12,00 85,00 135,00 — des peaux de 100 grains 5,87 6,49 6,62 7,69 11,00 — de l'eau …. 58 4,75 5,11 512 5,04 1322 — de la matière sèche. . RE 1,36 1,50 ai 5 3,78 Bitartrate de potasse. . 0:02 0,04 0,09 0,08 0,03 Acide tartrique libre. . 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 — malique et autres . 0,10 0,06 0,06 0,04 0,06 d normal. . 0,06 0,06 0,06 0,08 0,14 Tanin 0 k anhydride. . 0,07 0,08 0,07 0,11 0,12 Matières azotées . 0,22 0,10 0,11 0,12 (RU minérales. 0,05 0,04 0,05 0,09 0,13 Cellulose . » 0,87 » 0,86 0,89 1. Déduction faite du carbonate de potasse fourni par l'incinération du t{artre. DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN,. 229 Raisins de pinot noir (Saône-et-Loire). Composition centésimale de la peau des raisins. DÉSIGNATION. 25 juillet. 9 As RE 9 a. 23 Me HAUTES Of AU ICE 270,88 81.53 75.61 66.96 64.77 Bitartrate de potasse. . . . 0.70 0.71 O1 0.61 0.32 Acide tartrique libre. . . . 0.16 0.21 0.00 0.14 0.01 — malique et autres . . 1.53 TL 0.43 0.42 0.41 ‘ normal: SU. 0.39 0.69 0.67 0.78 1.02 Tanin . . ; anhydride. . . 1.48 1.28 1509 1.84 LT Matières azotées . , . . . 1.84 1.41 12967 SU 300 Matières | solubles! . . . 0.39] es 1.00 0.85 0.59 minérales | insolubles. . . 0.32 | : 0.42 0.30 0.68 Gellulose . . . 26 - dt 6.72 » 13.38 13.0 18.19 Matières non dosées. . . . 6.59 » 4,21 11.94 8.78 Lola AIS RAT AI00 00 » 100.00 100.00 100.00 Poids contenus dans les peaux fraîches de 100 grains de raisin. ; I. II. IT: IV. Y. DS CES 25 juillet. 9 août. 93 août. 9 sept. 23 sept. grammes, grammes, grammes. grammes, grammes. Poids de 100 grains. . . . 92,00 77,00 86,00 105,00 128,00 — des peaux de 100 grains 5,80 6,90 6,20 6,10 7,60 0e DEAN ce UE 4,63 5,62 4,69 4,08 4,92 — de la matière sèche. . Leu 1,28 1,51 2,02 2,68 Bitartrate.de potasse. . . . 0,04 0,05 0,05 0,04 0,02 Acide tartrique libre. . . . 0,01 0,01 0,00 0,01 0,00 — malique et autres . . 0,09 0,12 0,03 0,03 0,03 . normal. . . . 0,02 0,05 0,04 0,05 0,08 NT Sp CN AIRE 1 0,09 0,10 0,11 0,13 Matières azotées ... . . . + 0,11 0,10 0,12 0,19 0,27 Matières minérales '. . . .. 0,04 0,0! 0,09 0,07 (ES & Gelaiose a RP 0,39 » 0,83 0,79 1,33 La constance ou tout au moins les faibles variations que déjà nous avons signalées dans le poids des peaux dont le grain de raisin est entouré, à quelque moment que ce soil de son développement, 1. Déduction faite du carbonate de potasse provenant de l'incinération du tartre. ANN. SCIENCE AGRON. — 2 SÉRIE, — 1899. — 11. 15 226 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. donnent un intérêt particulier à l’étude des mouvements que peut subir le pourcentage des différents produits qui concourent à sa composition. C’est, en effet, à un chiffre presque identique que, à l'exception d’une légère augmentation constatée lors de l’analyse correspondant à la dernière cueillette, s'élève, pour chaque cépage, le poids des peaux fraîches et hydratées. Malheureusement le poids si faible de ces produits que contiennent les peaux de cent grains en rend l'étude un peu précaire et, dans certains cas, c’est à la composition centésimale de la pellicule du orain qu'il semble plus prudent de s'adresser pour les apprécier. Quoi qu'il en soit, nous porterons d’abord notre attention sur l’état d’hydratation de cette partie du grain. Si l’on suit avec atten- lion la série des chiffres qui pour chaque cépage représentent le poids des peaux séchées à 100 degrés de cent grains, on voit ces chiffres augmenter régulièrement, surtout à partir de la véraison. L’explication de ce fait se rencontre aussitôt dans le tableau de la composition centésimale des peaux ; c’est à la déshydratation de cette partie du grain qu’elle est due et ne correspond pas par conséquent à l'apport d’une nouvelle quantité de matériaux fixes. Moins hydratée que la pulpe, contenant au début 15 p. 100 envi- ron, à la fin 10 p. 100 environ d’eau, en moins que celle-ci, elle n’en suit pas moins le même régime et va comme elle se déshydra- tant peu à peu, sans que son poids réel en soit sérieusement affecté. C’est alors, comme nous l’avons précédemment indiqué, que, pour obéir à l'accroissement du grain, elle va s’étirant et s’amincis- sant sans changer sensiblement de poids. Le poids de la trame cellulaire qui constitue les tissus de la peau ne semble pas subir de ce fait des variations sérieuses. Sauf une anomalie constatée le 10 août à l’analyse du troisième lot d’aramon, ‘le poids de cette trame reste pour le cépage réellement constant (28°,60 — 28,34 — 15,98) ; pour le petit-verdot et à partir de la véraison, on n’observe que des variations insignifiantes (08,83 — 06,79 — 18,33); pour le pinot noir enfin, la constance est absolue (0e°,87 — 06°,86 — 06,89). De toutes façons en un mot, la constance ou la faible variabilité du poids des peaux pour un même cépage se trouve confirmée. DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 227 Parmi les produits que la peau du raisin contient, nous n’avons pas cru devoir signaler les sucres ; la présence en est, en effet, problématique. A la vérité, et à deux reprises différentes, nous en avons nettement constaté la présence. Pour le petit-verdot, le 23 août, alors que la pulpe ne contenait encore que 1.17 p. 100 de sucre, nous en avons trouvé 0.95 p. 100 dans la peau du grain. Pour le pinot noir, et le même jour, alors que la pulpe contenait déjà 10.05 p. 100 de sucre, nous en avons trouvé 3.63 p. 100 dans la peau du grain. Ces résultats, cependant, ne doivent être notés qu'avec réserve ; F4 2" #2; 1 Aranmon LEE Eau © Vérdot 10° o° 0 0e 50° 60® ae F1G. 3. — Variations du poids de tartre dans les peaux de 100 grains. on doit craindre toujours, en effet, malgré un lavage superficiel, qu'une petite quantité de pulpe soit restée adhérente à la face inté- rieure de la peau et n’ait apporté à celle-ci le sucre que l'analyse y a fait reconnaître. Malgré la faiblesse numérique des poids qui représentent la teneur des peaux de cent grains en divers produits, il est, pour quelques- uns de ces produits, possible cependant de constater des mouve- ments intéressants. Il en est ainsi pour le tartre certainement ; au début et jusqu’à la véraison on en voit, comme le montre le diagramme c1-Joint (fig. 5), le poids s'élever puis diminuer rapidement, pour, à la maturation, redescendre à des chiffres aussi bas que ceux constatés au début. 228 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. En poids l'acide tartrique libre n’est pas à considérer ; les faibles teneurs correspondant à la composition centésimale représentent le plus souvent T0U0 à Peine du poids de la peau fraiche. 0.50 PRE NY RS AT ANOTT o.ko DS NV eTOOE 0.30 0.20 010 TER 0.00 ñ V PA NERPA V P AV AP F1G. 4. — Variations du poids des acides maliques et autres dans les peaux de 100 grains. Les mouvements des acides autres sont, au contraire, particu- lièrement intéressants à suivre. Leur poids, dès le début, décroit rapidement, comme l’indique le diagramme figure 4, et lorsque ar- 0.30 0.25 BEEN NAT nr A est DORE SEN/ATANTON °r20 24 A AVerdot 0.15 A PR, re A Te ADN Pinot È svt © o ce] € © Q] © 2. =) = =] = = =) © a CN] Ce) + 10 Le) Es F1G. 5. — Variations du poids de tanin contenu dans les peaux de 100 grains de raisin, rive la maturité, 1l ne représente plus que la moitié, quelquefois le tiers, du poids initial. Ï en est autrement du tanin et de son anhydride ; jusqu’à la vé- raison, il est vrai, on en voit la proportion grandir, mais à partir de DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 229 ce moment, le poids qu’en contiennent les peaux de cent grains reste sensiblement invariable. C’est ce que montre pour le tanin le diagramme figure 5. La somme du tanin et de son anhydride devient alors sensiblement constante à partir de la véraison et jusqu’à la maturité, ou du moins elle ne varie que dans la limite des erreurs possibles d’analyse. Pour nos trois cépages, cette somme est la suivante : DÉSIGNATION. ARAMON,. PETIT-VERDOT, PINOT-NOIR. grammes, grammes. grammes. Première époques : .':. 0525 0,13 1 28 Deuxième époque. . . . . 0,46 0,14 0,14 Troisième époque. . . . . 0,63? 0,13 0,14 Quatrième époque . . . . 0,49 10519 0,14 Cinquième époque Pet PATTES 0,51 0,26? 0,21 Le régime que semble suivre Jusqu'ici la peau du raisin est donc fort analogue à celui que suivent les rafles; mais lorsqu'on considère les matières azotées et les matières minérales, ce régime se trouve, en réalité, bien différent. Tandis que dans la rafle, en effet, nous avons vu la proportion des matières azotées et des matières minérales varier peu et en tout cas ne point s’accroitre au fur et à mesure que le grain se développe, nous voyons dans la peau du raisin les unes et les autres obéir à un mouvement d’accroissement considérable ; pour l’aramon, comme le montre le diagramme figure 6, le poids des matières azotées dans les peaux de cent grains de raisin ne dépasse pas 08,12 au début ; il est de 05,66 à la maturité ; pour le pelit-verdot, l’accrois- sement est de 08°,12 à 08,21 ; pour le pinot noir, il est de 06,11 à 06,27. Non moins remarquable est, aux mêmes époques et surtout vers la fin de la maturité, l’accroissement du poids des matières miné- rales. Sur le diagramme figure 7, comme sur les tableaux précé- dents, on peut se rendre compte de l’importance de cet accroisse- ment, en peu de temps on y voit le poids des matières minérales contenues dans les peaux de cent grains double et même quadruple (aramon). 230 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. C'est à une grande activité végétative que correspond cet accrois- 0-70 4 0.60 PRET rt /Aramon 1 nn) Verdot / Te SP ETIOE / Fr@. 6, — Variations du poids des matières azotées contenues dans les peaux de 100 grains. sement des matières azotées et des matières minérales, et dès lors on est conduit à voir dans la peau du raisin un appareil particulière- o.Lko 0:30 ENT Sr TES TnSrce AZ _— - Ce NE DR ÉLMTURE La Tee 9.00 PLAY PA V PA V PA V F1G, 7. — Variations du poids des matières minérales contenues dans les peaux de 100 grains. ment actif, alors que la rafle nous est apparue comme un simple support et un canal d'alimentation du grain. DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 231 Très probablement, mais cependant sans qu’il soit possible, quant à présent, de rien préciser à ce sujet, c’est au développement des deux produits les plus importants de la peau que correspond cette activité et si, à partir de la véraison, la peau s’enrichit en matières azotées et en matières minérales, c’est que celles-ci ont pour mission d’activer la formation, d’un côté, de la matière colorante, d’un autre, du produit odorant dont nous avons précédemment signalé la pré- sence et qui au vin de chaque cépage doit imposer un caractère spécial. Des observations que nous avons faites aux diverses époques de la cueillette, il semble résulter que la matière colorante, en très peu de temps et à partir de la véraison, atteint dans la peau son inten- sité normale ; lorsque approche la maturité, d’ailleurs, on voit, du fait de la diminution des acides contenus dans la peau, la gamme de cette matière colorante se modifier en virant vers le violet ; c’est plus tard, lors du foulage et en cuve, que, sous l'influence des acides contenus dans la peau, cette matière colorante, se modifiant de nou- veau, reprendra cet aspect rouge et brillant qui communique au vin son éclat. | C’est, de même, au fur et à mesure du développement des grains que nous avons suivi la production de la matière odorante caracté- rislique du cépage et du vin que son raisin fournira. M. Cuvillier a bien voulu, en cette circonstance, comme il l'avait déjà fait en 1894, nous apporter l’aide de sa grande et indiscutée compétence. Il a bien voulu déguster avec nous, et en nous signalant les points remarquables, les diverses macérations alcooliques (à 10 et 50 degrés) que nous avions préparées quelques mois aupara- vant des peaux de nos trois cépages à chacune des cinq périodes d'observation. Considérés soit à l’état même où la macération les a amenés, soit après avoir été étendus d’eau, les liquides que nous avions préparés ont conduit M. Cuvillier à formuler les constatations suivantes : Petit-verdot. — Les macérations du 20 juillet présentent au goût et à l’odorat une grande analogie avec les liquides alcooliques dans 252 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. lesquels ont macéré des fruits incomplètement mürs (nous croyons qu’on ne peut mieux comparer celte saveur et ce bouquet qu’à celui des eaux-de-vie qui ont servi à la préparation des prunes et autres fruits) ; le 7 août, le goût et l’odeur sont moins marqués ; le 23 août, ils se relèvent légèrement, mais le 6 septembre, en même temps que commence à apparaitre la couleur du vin, apparaît également le bouquet qui détermine la formation de la matière odorante et qui dans la cuve donnera au vin son caractère ; le 25 septembre enfin, ce caractère du vin est complet et nettement accru. Pinot noir. — Les macérations obtenues avec les peaux du 25 juil- let possèdent un goût de vert identique à celui reconnu pour les macérations du pelit-verdot ; dans les macérations du 9 août, ce goût s’atténue et déjà, dans les liquides provenant des peaux mises à macérer le 23 août, la matière odorante apparaît en même temps que les matières colorantes, et le caractère du vin se manifeste ; pour la série suivante (9 septembre), ce caractère est plus fortement marqué; le 23 septembre enfin, le goût caractéristique qu’aura le vin apparait net et franc. Aramon. — C'est à des résultats identiques que la dégustation conduit, Le goût de fruit vert existe au début ; dans la liqueur pro- venant des peaux mises en macération le 29 juillet et le 10 août, ce goût de fruit vert s’atténue rapidement; dans celle provenant des peaux du 20 août, le goût caractéristique du vin apparaît déjà ; dans les macérations du 26 août, il est très accentué; dans celles du 9 sep- tembre, il est complet. Les observations si nettes et si précises que nous devons à l’obli- geance de M. Cuvillier nous autorisent donc à conclure que la matière odorante (essence ou éther?) qui plus tard imposera au vin son caractère, se développe régulièrement dans la peau, à partir de la véraison el concurremment avec les matières colorantes. C’est de la peau da grain que dérivent le caractère et la robe du vin. DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 239 4, — Composition des pépins du raisin aux périodes successives du développement de la grappe. Les phénomènes dont la vie du pépin, à l’intérieur du grain de raisin, s'accompagne, sont d’une netteté remarquable et conduisent à regarder ces pépins comme vivant pour eux-mêmes, ne Contri- buant en rien ou ne contribuant qu’accessoirement à la vie des autres parties du grain et se constituant, s’accroissant uniquement en vue de la propagation de l’espèce. Cette proposition est aisée à établir en comparant la composition centésimale des pépins et la valeur pondérale des divers produits contenus dans les pépins de 100 grains aux époques successives du développement du grain. Raisins d'aramon (Hérault). Composilion centésimale des pépins du raisin. : ë I. In III. IV. V. RE U dà 13 juillet. 29juillet, 10août. 26 août. 9 sept. Danse tr AT. 73088 52.56 41.22 38.07 36.70 MER EN ee 11079 5.87 9.93 12:92 Ale Tanin normal . . 1.70 3.90 4.20 3.80 3.20 ‘| anhydride. . 1.50 1.64 116 1.46 2.74 Matières azotées , À 2.15 4.52 2.00 5.08 5.00 Matières | solubles. . . . 112) 0.56 0.35 0.37 0.36 minérales | insolubles . F | 0.70 1.19 1832 1252 Ligneux cellulosique. . 1300 j 27.07 29:91 31632 30.10 Matières non dosées , HAE: 3058 7.74 6.26 9.24 Totaux. . . . 100.00 100.00 100.00 100.00 100.00 Poids des produils contenus dans les pépins de 100 grains de raisin. £ 1 TE IL. IV. ; DES : SPORE 13 juillet. 29 juillet. 10 août. 26 août. 9 sept. grammes, grammes. grammes. grammes. grammes. Poids de 100 grains. . . . 118,00 235,00 324,00 400,00 450,00 — despépinsde {00grains 6,80 9,25 8,95 8,00 7,11 NOR LE POEUAS 5,02 4,86 3,67 3,00 2,61 — de la matière sèche. . 1,78 4,39 5,28 5,00 4,50 Huile. LR RE PES 0,05 0,54 0,89 0,98 0,79 Tanin normal ., . . . 0,11 0,32 0.37 0,30 02? é anhydride. . . 0,10 0,15 0,10 0,12 0,19 Matières aZolécsi" 1. 6%: 0,14 0,42 0.44 0,41 0,39 Ligneux cellulosique. . . . » 2,49 2,60 2,50 2,14 Matières minérales . . . . » 0,11 0,14 0,14 0,11 234 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Raisins de petit-verdot (Gironde). Composilion centésimale des pépins du raisin. ; br IL. III. IV. Ve DAS SGEN ROIS 20 juillet. 7août. 23 août. 6 sept. 25 sept. FAURE 71.16 54.44 43.40 35.05 than Huile. . AUTE 0.50 4.76 10.58 12.96 1202 : normal. . 2.60 4.90 4.90 5.00 4.10 Tanin . . . anhydride. . 2.24 1.68 1.66 1.10 1.28 Matières azotées . Soul 4.44 5.46 6.19 7.04 Matières (| solubles 0.79 0.65 1.06 0.96 1e) minérales. / insolubles. . 0.51 0.68 0.81 IE 122 Ligneux cellulosique. . IF OR 27.66 28.34 33.01 37.06 Matières non dosées. 1.57 0.79 3.79 4.49 S.54 Totaux EN O0 O0 100.00 100.00 100.00 100.00 Poids des produits contenus dans les pépins de 100 grains de raisin. DÉSTGNAMEON: rs ÉTavoN sHBsRÉ 6 cn 25 ne grammes. grammes. grammes. glammes, grammes. Poids de 100 grains. . . . 43,00 61,00 72,00 88.00 135,00 — despépinsde {00 grains ,92 6,67 EMEA en. it — "20e l'eau 1-0 NeR TE 3,92 3,63 ..3,07 2,322 LE AMES — de la matière sèche. . 1,60 3,04 4,01 4,30 4,06 Huile." .08- EP SERRE 0,03 0,31 0,75 0,85) 0,66 s NOT Ale 0,24 0,33 0535 0,33 0,23 Tanins. . ; 0 7 / È anhydride. . . 0,12 ON one 0,07 0,07 Matières azotées ME 0,17 0,30 0,39 0,41 0,39 Ligneux cellulosique. . . . 0,96 1,84 2,00 2rULS 2,04 Matières minérales . . . . 0,07 0,08 0,13 0,14 0,14 Raisins de pinot noir (Saône-et-Loire). Composilion centésimale des pépins du raisin. ie I. ns TI. IV. V. DE EENESCRONE 25 juillet. 9 août. 23 août. 9 sept. 23 sept. LUTTE LE EU OS TPE EEE Le 77.04 8.94 47.70 36.88 29.67 Huile Mo en ne 0.47 4.97 10.34 11.28 11.12 Tani | normal. HE 2.50 5.00 5.20 2.90 5.80 an. L | anhydride. . . 3.40 Le) 1.66 1.40 PA LA Matières azotées . 2.96 4.56 5.42 1-22 1582 Matières | solubles 0.36 0.49 0:16 : 10:29 0.45 minérales { insolubles. . . 0.61 0.82 11128 1.58 1.50 Ligneux cellulosique. . . . 13.69 21:63 22.82 31.42 38.08 Matières non dosées. . . | » 152 De4? 4.07 3.42 Totaux . 1.4 100.991 100.00 100.00: : 100-001 40000 DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 290 Poids des produits contenus dans les pépins de 100 grains de raisin. DÉSIGNATION. 25 jaillet. 9 1 ms snde. LUE a 23 sept. grammes, grammes. grammes. grammes, grammes. Poids de 100 grains. . . . 52,00 77,00 86,00 105,00 128,00 — despépins de f00grains 6,17 8,39 6,93 6,24 5,99 SOIN RENE 4,75 14,92 3,30 2,30 1,78 — de la matière sèche. . 1,42 3,43 3,63 3,94 3,81 Huile . pa ME pad 0,03 0,41 0,71 0,70 0,62 Ro HOCMAL EU" 0,15 0,41 0,36 0,36 0,32 anhydride. . . DPI 0,14 0,11 0,09 0:12 Matières azotées . . . . . 0,18 0,38 0,37 0,45 0,44 Ligneux cellulosique. . . . 0,84 IA) 1,57 1,94 2,13 Matières minérales . . . . 0,06 0,11 0,10 0,12 0,10 Déjà, au moment où nous avons appelé l'attention sur laccroisse- ment progressif des trois parties conslituantes du grain, nous avons fait remarquer que le poids des pépins, atteignant rapidement son maximum, devenait, même avant l’époque de la véraison, sensible- ment stationnaire. Ce fait avait été déjà signalé; mais ce qui ne l'avait pas encore été, c’est que vers la fin de la maturation ce maxi- mum subissait une décroissance notable. C’est ainsi que, pour cent grains d’aramon, le poids des pépins, atteignant 95,25 Le 29 juillet, décroit insensiblement jusqu’au 9 septembre, où il tombe brusque- ment à 78,11; que pour le petit-verdot, la chute, plus marquée en- core, est de 78,08 à 55,51 et que, pour le pinot noir, elle est de 88,39 à 06°,59. C’est, d’une part, à la dessiccation qui, même au milieu de la pulpe hydratée, se produit au moment de la maturité, d’une autre à la disparition partielle de l'huile et du tanin que ces chutes sont dues. Sur la part que prend à ce phénomène inattendu l’abaissement du Laux d’hydratation des pépins, il est inutile d’insister ; les chiffres inscrits aux tableaux qui précèdent en montrent nettement l’impor- tance, mais au sujet des variations qui, pour l’huile et le tanin no- tamment, se traduisent non par un accroissement, mais par une diminution, il est nécessaire d'entrer dans quelques détails. Quelque cépage que l’on considère, on voit, au début de la consti- 236 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tution du pépin, la matière grasse n’intervenir dans la composition de celui-ci que pour des quantités faibles et en lout cas inférieures au centième du poids des pépins frais. Mais, rapidement, en moins d’un mois, ces quantités grandissent et de 0.5 à 0.8 p. 100; le pourcentage de l’huile passe à 10 p. 100 environ. L’accroissement s’arrête alors brusquement, le pépin est constitué et sa teneur en huile reste sen- siblement stationnaire, jusqu’à la période de maturité complète où, brusquement aussi, on voit cette teneur s’abaisser de 1 p. 100 quel- © [=] _ Q © Le] 30° &oe 50° 60° 708 F1@. 8. — Variations du poids de l’huile dans les pépins de 100 grains de raisin. quefois. Rapportée au poids des pépins de cent grains, cette diminu- tion de la teneur en huile est plus sensible encore, ainsi que le montre le diagramme figure 8. C’est, il est permis de le croire, à un phénomène de combustion intracellulaire qu’est due cette disparition d’une partie de la ma- tière huileuse. Elle coïncide, d’ailleurs, ce qui donne à cette manière de voir une valeur sérieuse, avec un accroissement notable de la proportion des acides gras volatils que l'huile contient pour une petite partie à l’état de liberté, pour la plus grande partie à l’état de slycérides saponifiables. DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE: DE RAISIN. 231 Pour ne pas compliquer outre mesure les tableaux qui précèdent, nous n’y avons pas fait figurer le pourcentage de ces acides volatils. Nous l’indiquons séparément tel qu’il nous a été fourni par l’analyse, pour cent parties de pépins frais. DÉSIGNATION. ARAMON. « PETIT-VERDOT. PINOT NOIR. p. 100, p- 100. p. 100. Première époque. . . . . 0.39 0.47 0733 Deuxième époque. . . . . 092 021 0.40 Troisième époque. . . . . 0.88 0.45 » Quatrième époque . . . . » 0.83 0.47 Cinquième époque . . . . 0.98 0.87 0.64 Ces chiffres établissent nettement que la formation des acides gras volatils est progressive, concomitante de la disparition d’une partie de la matière grasse et que la proportion peut, au moment de la maturité, s’en élever à près de 1 p. 100 du poids du grain, à près de 10 p. 100 par conséquent du, poids de l'huile des pépins de raisin. Les proportions relatives de tanin normal et de son anhydride le phlobaphène sont, dans les pépins, toutes différentes de ce qu’elles sont dans les rafles et dans les peaux. Là, c’est en proportion presque égale que nous les avons rencontrés ; dans les pépins, cette égalité disparaît et toujours la proportion de phlobaphène se montre infé- rieure à la proportion de tanin normal. Elles n'en forment pas moins, comme dans les autres parties du grain, une somme constante ainsi que le montrent les chiffres sui- vants représentant la somme des poids de tanin et phlobaphène con- tenus dans les pépins de cent grains de raisin, aux cinq époques de cueillette, de nos trois cépages. DÉS MENÉS ARAMON. PETIT-VERDOT. PINOT NOIR. grammes. grammes. grammes. Première époque. . . . . 0522 0,36 0,36 Deuxième époque. . . . . 0,47 0.44 0,55 Troisième époque. . . . . 0,47 0,47 0,47 Quatrième époque . . . . 0,42 0,40 0,45 Cinquième époque . .. . . 0,41 0,30 0,44 C’est à peine si dans ce tableau on constate deux ou trois ano- 238 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. o 35 , 548 È 0.30 0.25 0.20 0.15 ommmmmmmm———— 5.05 PAV BEA \4 P A V PA V FiG. 9. — Variations du poids de tanin normal contenu dans les pépins de 100 grains de raisin. 0:30 0.25 0,15 SA. —— 0.05 0.00 P AV PA V PA IN P'A V F16G. 10, — Variations du poids de phlobaphène (anhydride du tanin) contenu dans les pépins de 100 grains de raisin. DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 299 malies, dues sans doute à des erreurs d’échantillonnage ou d’ana- lyse. Aussi, lorsqu'on cherche à représenter graphiquement la variation progressive du poids du tanin d’une part, d’une autre de son anhy- dride contenu dans les pépins de 100 grains de raisin, est-on con- duit, comme le montrent les diagrammes ci-joints figures 9 et 10, à deux courbes absolument inverses, qui donnent du sens général des variations une démonstration frappante. Les varialions que nous venons de signaler dans le poids de la matière grasse et des acides gras volatils, dans le poids des com- posés tanniques, sont d’ailleurs les seules que l'on ait occasion de signaler dans la composition des pépins pendant le développement du grain de raisin. Les matières azotées et les matières minérales, au début de la végétation, augmentent rapidement en proportion centésimale et en poids; mais bientôt, et dès que la masse du pépin est constituée, elles deviennent stationnaires. MAI FE = 0.30 0,20 7 0.00 P AV PANNE ERA MB ATEN FIG. 11. — Variations du poids des matières azotées contenues dans les pépins de 100 grains de raisin. C’est ce que montrent les diagrammes figures 11 et 12, où, dès la seconde époque de cueillette ou la troisième au plus tard, la ligne des poids de matières azotées contenues dans les pépins * de 100 grains, comme aussi la ligne des poids de matières miné- 240 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. rales que ceux-ci renferment, devient parallèle à la ligne des abscisses ‘. Ïl en est de même encore du ligneux cellulosique, au sujet duquel l’analyse ne permet de constater aucune variation appréciable. Si bien que de l’ensemble de tous ces faits il est permis de con- 0.20 o.15 D:10 01 10) Un SNS ar Aramon 0.05 Verdot Es Jin P AV PA V PA VAPEA' V Fi@. 12. — Variations du poids des matières minérales contenues dans les pépins de 100 grains de raisin, sidérer le pépin du grain de raisin, à partir du moment où il est constitué, comme un organe indifférent à l’accroissement des autres parties de ce grain et aux phénomènes d’où cet accroissement résulte. 5. — Composition de la pulpe du raisin aux périodes successives du développement de la grappe. C’est à l'étude de la pulpe sucrée que, dans la plupart des docu- ments publiés jusqu'ici, se sont principalement attachés les expéri- mentateurs qui ont cherché à éclairer l'intéressante question de la maturation du raisin ; aussi, sur ce terrain, ne pouvions-nous espérer apporter à la science œnologique beaucoup de faits nouveaux ; il nous a semblé néanmoins intéressant de reprendre par certains côtés 1. Dans nos expériences préparatoires de 1894, nous avons constaté également que le poids des pépins, constant tout d'abord, diminuait à la fin de la maturation; que l'abaissement du taux de l'huile expliquait également ce phénomène ; qu'enfin le tanin et le phlobaphène formaient un chiffre constant. Poids des, pépins de 100ïgrains : #0. gr. US A0MN9 10 SO MOTS Huile (p."100/de pépins) 1%: FpM00 MO OMS PS0 EE Tanin «et phlobaphène. . : . . — 6.65M 48-760 762840009959 DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 241 cette étude, de chercher à éclairer un certain nombre de points douteux, d'apporter à quelques autres des démonstrations nouvelles, de discuter enfin, expérimentalement, la valeur de quelques théories. Dans la première partie de ce mémoire, nous avons décrit la marche suivie par nous pour cette recherche, et, de suite, nous en exposerons les résultats, en réunissant, pour chaque cépage, et en deux tableaux, d’un côté les chiffres exprimant la composition cen- tésimale de la pulpe, d’un autre le poids de divers produits contenus dans la pulpe de cent grains de raisin aux cinq époques que nous avons choisies. Les résultats des tableaux ci-dessous sont rapportés non pas à 100 centimètres cubes, mais à 100 grammes de jus, ce qui, ainsi que nous l’avons vu plus haut, représente, à très peu de chose près, 100 grammes de pulpe. La densité du jus, surtout à la fin de la ma- turation, est telle, que l’on ne peut se permettre d’assimiler les poids aux volumes et que le dosage en poids des différents éléments con- tenus dans un volume déterminé donnerait un total toujours de beaucoup supérieur à 100. Raisins d’aramon (Hérault). Composition centésimale de la pulpe du grain. — | É II. ALTER PAT RSENS Y. DÉSIGNATION. 13 juillet. 29 juillet, 10 août. 26 août. 9 sept. D PT TR RO US NUL OL 1 O2 IR DES [097 EUR ESS 7 oc le 95.78 95.46 91.96 87.51 84.95 Sucres ere nt ie 0.50 1.08 ».43 9.86 1279 Sucre invertible . . . . . Non doé. (De 0.12 0.24; 0.00 Bitartrate de potasse . . . 0.47 0.42 0.57 0.46 0.52 Acide tartrique libre. 0.36 0.50 0.25 0.12 0.05 FE + +) malique hits 1.53 0540,56 0.48 Acides autres! . . JL. Ana QE 0.30 0.56 0.25 Matières | À 220téeS . 0.12 0.15 0.15 0.14 0.27 ei |-miufedes ea 002: 0407 0.06 0.10 0.15 Ligneux et inconnus . L. : 0N46 » » 0.45 0.54 Dot el 00 00 100.15 100.40 100.00 100.00 1. Évalués en acide malique. 2, Déduction faite du carbonate de potasse fourni par l'incinération du tartre. ANN. SCIENCE AGRON. — % SÉRIE, — 1899.— 11. 16 242 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Poids des produits contenus dans la pulpe de 100 grains. ; I. II. III. IV. DÉSIGNE EONRS 13 juillet. 29 juillet. 10 août. 26 août, grammes. grammes, grammes. grammes. Poids de 100 grains, . . . 118,00 235,00 324,00 400,00 .— delapulpede100grains 87,10 202,70 286,50 364,80 ON EU PP .,_. 83,41000199 549 2265-56 8819/20 — de la matière sèche. . 3,69 9,21 22,94 45 ,60 Sucres réducteurs. . . . . 0,43 22H19 15,96 395,98 Sucre invertible. . . . . . Non dosé. 0,20 0,28 0,67 Bitartrate de potasse. . . . 0,41 0,86 1,63 1.68 à tartrique libre. 0,31 1,01 0,80 0,44 Acide rt. k = malique. . . . 1.95 3,65 4,39 2,08 Acides autres ! . Mae: ; 1515 0,86 2,00 Matières azotées. 2.04 0,10 0,30 0,43 0,51 TS: | minérales? . . 0,06 O,14 0,17 0,40 Raisins de petit-verdot (Gironde). Composition centésimale de la pulpe du grain. 16 II. III. IV. DÉSIGNATION. 90 juillet. Taoût. 2Saoût. 6 sept. Densité du jus . = 1.017 1.016 1.019 1.054 ET RC mr UE LE 95.28 94.04 86.03 Sucres réducteurs. . . . . 0.51 0.54 1.17 10.34 Sucre invertible . ; 0.03 0.10 0.05 0.00 Bitartrate de potasse. . . . 0.71 0.61 0.65 0.66 . tartrique . . . 0.51 0.55 0.54 0.26 Acide . . . malique. . 9 12 9 49 2.04 1:42 Acides autres! . Le Jet 0.66 0.40 \ tie azotées. 0.21 0.25 0.13 0.18 PAT : lümiérales #0 0:06 60.02 010 0.13 Ligneux et inconnus. . . 0.70 0.23 0.62 0.58 100.00 100.00 100.00 Totaux... 10000 1. Évalués en acide malique. VE 9 sept. grammes. 450,00 414,20 351,86 62,34 57,57 0,00 2,34 0,22 1,99 1,03 1,21 0,67 2. Déduction faite du carbonate de potasse fourni par l'incinération du tartre. DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 243 Poids des produits contenus dans la pulpe de 100 grains. DÉSIGNATION. Poids de 100 grains. — _ delapulpe de 100grains — de l’eau . — de la matière sèche. Sucres réducteurs. . Sucre invertible. . Bitartrate de potasse. . FFF tartrique libre . malique. . . Acides autres, { azotées. Mati è TR n | minérales ?. . Raisins de pinot noir (Saône-et-Loire). 1e 29 juillet. grammes. 43, 31, 30, 1, 0. 00 60 00 60 16 0,01 0,22 0; E 16 67 0,07 0 ,02 IT. 7 août grammes. 61,00 47,90 45,60 2,30 0,26 0,05 0,29 0,26 III. 23 août. grammes. 72,00 58,30 54,80 3,50 0,68 0,03 0,38 0,31 1,18 0,39 0,08 0,06 IV. 6 sept. grammes. 88,00 64,50 57,10 7,40 6,66 0,00 0,42 0,17 1,05 0,42 0,11 0,08 Composilion centésimale de la pulpe du grain. DÉSIGNATION. Densité du jus . FAURE ue Sucres réducteurs. . . . Sucre invertible. . Bitartrate de potasse. . . . tartrique libre. malique Acides autres ! , azotées. Acides. . Matières . Ligneux et inconnus. Totaux. 1. Evalués en acide malique. minérales ? , . E 25 juillet. 1.015 9 .13 02 .38 .79 41 .14 II. 9 acût. 1.024 Ce] Co .42 . 64 ONOLOROM ME OI SONO Le) (=) III. 23 août. — © ne (=) PRO ORC SION Le] [°A) IV. 9 sept: 1.075 50.61 .91 .00 .54 .09 9.000000 0e +2 Co V. 25 sept. ‘grammes. 135,00 118,50 90,40 28,10 25,37 0,00 0,60 traces 2. Déduction faite du carbonate de potasse fourni par l'incinération du tartre, DANS ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Poids des produits contenus dans la pulpe de 100 grains. I. II. III. 1I\ ES \'Ée 25 juillet. 9 août. 23 août. 9 sept. 23 sept. DÉSIGNATION. grammes. grammes. grammes. grammes. grammes. Poids de 100 grains. . . . 52,00 77,00 86,00 105,00 128,00 — delapulpede100grains 40,00 61,72 HEIN 92,741 114,69 = deléaue. M2. .. 38.00. 57050 OU OR IeE — de la matière sèche. . 2,00 4,07 9,44 17,98 25,40 Sucres réducteurs. . . . . 0,25 1,01 7,30 15° 67 23,59 Sucre invertible. . . . . . 0,15 0,00 0,00 0,00 0,00 jitartrate de potasse. . . . 0,30 0,47 0,41 0,50 0,63 En tartrique libre. 0,16 0,33 020 N0S 0,03 malique. . . | 0-85 AS 70,090: 018 ADR AIDES HAUTES ie. 27220) à 0,36 0,32 0,29 0,26 ÿ azotées. . . . 0,19 0,17 0,19 0,30 . 0,55 Matières . 2: Sd minérales? . . 0,01 0,01 0,05 0,12 0,16 Des études antérieures à celles dont nous exposons actuellement le résultat ont, depuis longtemps déjà, permis de caractériser l'allure si remarquable que suit, au fur et à mesure que la grappe se déve- loppe, l'enrichissement en sucre de la pulpe du grain, et il est clas- sique aujourd’hui de dire que, pendant une première période, qui se prolonge jusqu’à la véraison, le grain s'organise el grossit, sans acquérir de sucre; qu'immédiatement après cette véraison com- mence une deuxième période dite de maturation, pendant laquelle au contraire la richesse en sucre de la pulpe croît avec une rapidité singulière. Nos recherches n’ont pu que vérifier ces faits; mais, à cette no- tion, elles nous permettent d’ajouter, au sujet de l’hydratation de la pulpe, des observations nouvelles. Si l’on étudie, dans le tableau précédent, les ines qui expriment cet état, on voit que dans la première période ils varient peu et que la pulpe s’accroit en poids, d’une manière égale, par tous les pro- duits qu’elle contient, produits parmi lesquels le sucre ne figure que dans une proportion très faible, tandis qu’à partir de la véraison les produits autres que le sucre ne varient que dans de faibles limites; c’est alors entre l’eau et le sucre que se fait tout le jeu des variations 1. Évalués en acide malique. 2..Déduction faite du carbonate de potasse fourni par l'incinération du tartre. , DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 249 centésimales de la pulpe. L’eau et le sucre forment une somme presque constante égale à 96 ou 97 p. 100 du poids de Ja pulpe, et à toute augmentalion dans le pourcentage du sucre dont celle-ci s'enrichit, correspond une diminution sensiblement égale dans le pourcentage de l’eau qu’elle contenait. ‘[l n’en résulte pas, bien entendu, que la pulpe, sur place, se déshydrate, mais au contraire que le sucre lui est apporté par une solution plus concentrée que celle qu’elle contenait déjà. 60 9 A D Aramon 50 3° Verdot os" 309" 20 37 10 7 o% El 2 Se œ > £ 2 © . € 2 n S = =] © (e] Q = _ = a ñ # DS S LE F1G. 13. — Variations du poids du sucre contenu dans la pulpe de 100 grains de raisin. Dans ces conditions, on voit, après la véraison, la proportion de sucre croître avec une rapidité telle qu’en moins d’un mois elle peut, dans la pulpe, passer de 1 à 20 p. 100; son poids représente alors le cinquième du poids de celle-ci ; pour certains ee même, ces chiffres peuvent être dépassés. Le diagramme figure 13 montre d’une façon saisissante la diffé- rence capitale que présente, aux deux périodes ci-dessus indiquées, l'accroissement du poids du sucre dans la pulpe de cent grains. Plus on s'approche de l’époque de la maturité, plus cet accroisse- ment est intense: une semaine de beau temps, de riche lumière 246 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. vers cette époque, suffit quelquefois pour augmenter d’un tiers la richesse sucrée de la pulpe. Et ainsi se trouve justifiée l'importance que le vigneron accorde aux derniers jours de beau temps dont la vendange est quelquefois précédée. Ainsi que nous l'avons précédemment fait pour les rafles, nous avons voulu nous rendre compte de l'influence que la pluie pouvait exercer sur l’état d’hydratation des pulpes. Mais, comme nous l’avons rappelé déjà, l'été de 1895 a été généralement sec dans toute la France et les pluies ont été rares et peu copieuses. Nous rapprochons néanmoins dans le tableau ci-dessous les chiffres qui représentent l’état d’hydratation et le pourcentage des matières sèches de la pulpe aux diverses époques, des quantités de pluie re- cueillies aux stations météorologiques les plus voisines des localités où nos raisins ont été cueillis. De l’examen des nombres qui suivent il résulte que les pluies peu abondantes de 1895 n’ont pas eu d’effet appréciable sur l’état d’hydratation de la pulpe des raisins de nos trois cépages. Cépage aramon (Hérault). 1 its III. IV. Ve DÉSIGNATION. 13 juillet. 29juillet. 10 août. 26 août. 9 sept. EAN ENT EVE ERA ES 95.78 95.46 91.96 87.51 84.95 Matière SÈCRE Re Eee 4099 4.54 8.04 12.49 1505 Total ID 000 100.00 100.00 100.00 100.00 Nombre de jours écoulés d’une PRES LOC Di er An 0 Er cueillette à l’autre. . . . 16 12 16 14 Pluie recueillie à la station météorologique de Cette. . Néant. gun SOLRSANÉ ANT Cépage petit-verdot (Gironde). ; 1 II. III. IV. V. D'ÉRASASES OS 20 juillet. 7 août. 23 août. 6 sept. 25 sept. au Re Re er OO SAT 95.28 94.04 86.03 716.33 MafieneSsCChe REC 0e 4.86 A2 2.96 13.97 23.67 Total DO 0000 00 OCDE 000 0EC 00 DA D) Nombre de jours écoulés d'une rm ee 2 ou M a ne cueillette à l’autre. . . . 18 16 14 19 Pluie recueillie à la station mé- téorologique de Bordeaux. 40mm grm De FT DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. . 247 Cépage pinot noir (Saône-et-Loire). 5 in TS III. IV. V. PC RE 25 juillet. 9 août. 23.août. 9 sept. 23 sept. ÉD SMEMENRSSE ER RENNES 95.13 93.42 87.02 80.61 11.85 Matière sèche. 2. et, 4.87 6.58 12.98 1939 22410 ———— ——— ————] ———— —— Lotals 1... 0109009 100.00, 10000 100.00. ,100-00 Nombre de jours écoulés d'une A — — cueillette à l'autre . . . 16 14 17 14 Pluie recueillie à la station météorologique de Dijon . 49220 26m Néant. se Dans l'exposé qu’au commencement de ce mémoire nous avons fait des méthodes employées pour nos recherches, nous avons som- mairement rappelé l’état actuel des idées sur la nature des sucres que la pulpe contient à ses différents âges et montré qu'aujourd'hui, rejelant la théorie de la préexistence du sucre inverti, l’on admet en général que la pulpe, chargée d’abord en glucose dextrogvre, s'enrichit ensuite par l’apport continu de lévulose lévogyre. Nous avons tenu à vérifier l'exactitude de cette théorie et, à l’aide de dosage du sucre réducteur et de lobservation polarimétrique du jus, nous avons pu calculer le pouvoir rotatoire de la matière sucrée contenue dans la pulpe aux différentes époques de son en- richissement. Les pouvoirs rotatoires ainsi calculés sont les suivants : DÉSIGNATION. ARAMON, PETIT-VERDOT. PINOT NOIR. Première époque. . . . . 65° 047 63° 047 53047 Deuxième époque . . . . 21 047 39 04” 9 0” Troisième époque . . . . 5 1 33 0€” 17 0% Quatrième époque . . . . 16 S% 18 9 21 0 Cinquième époque . . . . 18 0 » » On ne saurait désirer de démonstration plus nette et le passage de droite à gauche du pouvoir rotatoire de la matière sucrée pour tous les cépages, au moment où l'enrichissement de la pulpe com- mence, peut être considéré comme établissant définitivement la 218 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. nature différente du sucre qui, aux diverses époques, détermine cet enrichissement. C’est, en réalité, au pouvoir rolatoire du sucre inverti que ces observations aboutissent, et c’est celte coïncidence qui, certaine- ment, a induit en erreur les savants qui, les premiers, se sont occu- pés de celte question. ia Au début, il convient de le remarquer, le pouvoir rotatoire cons- taté est, pour deux cépages au moins, plus élevé que celui du olucose dextrogvyre. C’est là un fait important ; il vient à l’appui de la présence dans la pulpe du grain, au début de son développement, d’une faible proportion de sucre mvertible au procédé Clerget, peut- être de saccharose. D’après nos analyses, cette proportion ne dépasse guère 0.10 à 0.20 du poids de la pulpe; une seule fois, pour le pinot noir, nous l'avons vu s'élever à 0.38 p.100. Lorsque la maturité suit son cours, ce sucre invertible disparait. Sa présence, cependant, doit être notée. L'étude des acides que l’analyse permet de caractériser et de doser dans la pulpe du grain est, par des variations que celle-ci fait reconnaitre, d’un intérêt tout particulier. Quatre produits définis concourent à communiquer à la pulpe du raisin la saveur acide qui, très marquée au début, va s’atténuant avec l’âge pour, à la maturité, disparaître presque complètement. Ces quatre produits sont: le bitartrate de potasse, l'acide tartrique libre, l'acide malique libre également et enfin certains acides in- complètement déterminés jusqu'ici, parmi lesquels cependant figure certainement l'acide glycolique, ainsi que l’a établi M. Erlenmevyer et que nous-même nous avons reconnu par l’analyse élémentaire de cristaux très nets du sel de plomb obtenus après séparation de l'acide malique. Lorsqu'on étudie les chiffres qui, dans nos tableaux, représentent, pour ces quatre produits, le poids qu’en contient la pulpe de 100 grains, on reconnail : 1° Que le poids du bitartrate de potasse augmente régulièrement à la fin de la campagne ; DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 249 2° Que le poids d’acide tartrique libre diminue proportionnelle- ment et finit même par disparaître ; 3° Que le poids d’acide malique diminue de même dans une grande proportion ; 4° Que le poids des acides autres diminue également, mais dans une proportion moindre *. L'augmentation du poids de bitartrate de potasse est considérable pour l’aramon, où elle passe, pour 100 grains, de 08,41 à 28°,34; elle est, quoique moins importante, très marquée encore pour le 2.5 AT NIONL Verdot 0 2 AD LE A nr Pinot A 7" AT AS = 0.0 P AV PYATSMEV PA VPA V F1G. 14, — Variations du poids du tartre contenu dans la pulpe de 100 grains de raisin. petit-verdot et le pinot noir; le diagramme figure 14 permet de se rendre compte de ces accroissements. À ces accroissements correspond au contraire une diminution rapide, surtout au moment de la maturation, de l’acide tartrique libre qui, au début, n’avait cessé d'augmenter, et cette diminution est telle, que, dans le raisin mür, le pourcentage de l’acide tartrique libre est généralement nul. 1. Voici les résultats obtenus dans les expériences préliminaires de 1894, qui re- présentent les poids des différents éléments acides contenus dans la pulpe de 100 grains: 18 JUILLET, 6 AOÛT, 18 AOÛT, 17 SEPTEMBRE, Tarires TN PRES 7.34 14.31 15.28 17.41 Acide tartrique . 12.80 15.09 13.60 4,20 Acides autres. , . 22.55 48.61 8 SN 22.61 250 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Deux hypothèses ont été émises pour expliquer cette disparition progressive de l'acide tartrique libre : l’une suppose que cet acide est éliminé par suite d’une combustion intracellulaire ; l’autre que, par suite d’une arrivée incessante de sels à base de potasse, il est saturé par cet alcali et vient ainsi renforcer le poids du bitartrate de polasse. À notre avis, c’est celte dernière hypothèse qu’il convient d’adop- ter; d’une part, en effet, si l’on totalise les quantités d’acide tartrique libre et d'acide tartrique combiné à la potasse que la pulpe contient, 2.5 L2 2.0 z a ee — EE Q— —— — ——Q— V4 1.5 7 4 Re Aramon za Ver dot — = te Le - OSY ENS NN === PAV PAMEN EURE NPA TUE VI F1G. 15. — Poids de l'acide tartrique total (libre et combiné) contenu dans la pulpe de 100 grains de raisin. on reconnait que (sauf une anomalie pour la dernière époque de l’aramon) ce total reste invariable, comme le montre le diagramme figure 15, d’où l’on est conduit à conclure qu'aucune portion de l’acide tartrique constaté dans la pulpe au moment du maximum n'a disparu; d'autre part, le dosage des matières minérales, et par conséquent des sels de potasse, permet de constater que si le poids de ces matières minérales en est singulièrement faible dans la pulpe de 100 grains pendant la première période de la maturation, il acquiert au contraire une importance relativement remarquable au moment où la maturité va être atteinte, d’où l’on peut conclure qu'à ce moment de vitalité puissante un apport abondant de sels DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 291 polassiques venant au contact de l'acide tartrique libre en détermine la saturation et la transformation en bitartrate de potasse. Cet accroissement rapide et caractéristique de la matière miné- rale (déduction faite, sous la forme de carbonate, de la potasse 0.80 / 0.70 / / CR AT AT ON / 0.60 / ; Verdot / ee tort PATIOC / F1G. 16. — Variations du poids de la matière minérale (déduetion faite du carbonate de potasse laissé par l’incinération du tartre) contenue dans la pulpe de 100 grains de raisin. combinée à l’acide tartrique) est représenté avec une grande netteté sur le diagramme figure 16. C’est par un autre procédé que l’acide malique disparaît : plus oxydable que l'acide tartrique, il entre directement en combustion du fait de la respiration da grain à partir du moment où la véraison commence et où la pulpe se charge en sucre. Dans le diagramme figure 17, nous avons, sans distinguer l’acide malique des acides autres, montré graphiquement d’abord laccrois- sement rapide du poids de ces acides dans la pulpe de 100 grains, 252 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ensuite sa décroissance non moins rapide pendant la deuxième pé- riode de maturation. Ce mouvement inverse de l’accroissement du sucre et de la dimi- nution des acides a suggéré à quelques personnes la pensée qu'il pouvait y avoir une relation chimique entre ces deux phénomènes connexes et que dans les acides disparus, dans l’acide malique no- tamment, on pourrait peut-être voir la matière première du sucre acquis. Même on a été jusqu’à dire que les deux phénomènes étaient inversement proportionnels. / Fr f 4 39 7 AT A TTION A NV eo CC PAR CO PE RE LEA a De TN PO Et OR AR Pinot FRE o% PAV AP V. PA VAPA Ni F1G. 17. — Variations du poids des acides maliques et autres contenus dans la pulpe de 100 grains de raisin. Cette hypothèse, attrayante, il faut le reconnaitre, a été admise pendant un certain temps et même aujourd’hui quelques personnes y sont encore attachées. Elle doit, cependant, être repoussée d’une façon absolue; elle ne résiste pas, en effet, à l'examen. Sans rechercher si, au point de vue chimique, la transformation de l’acide malique en sucre est possible, il suffit de mettre en parallèle, à quelque moment que ce soit, les poids d’acide disparu et les poids de sucre acquis pour re- connaître que la disproportion entre les deux phénomènes est énorme. Nous ne prendrons qu’un exemple parmi ceux que nous apportent les raisins de nos trois cépages et considérerons, pour le petit- verdot, dont la végétation s’est prolongée le plus longtemps, d’un DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 293 côté le poids total des acides disparus, d’un autre le poids du sucre acquis, à partir de la véraison, pendant les deux quinzaines qui ont suivi cette modification de la peau du raisin et qui, en somme, constituent la période de maturité du grain. POIDS EE HÉRIODES: d'acide de sucre disparu. acquis, Du a00 au CG SePLeMDreN en 00 0,24 5,99 Du 6 septembre au 25 septembre. . . : . 0,83 15,71 Totale EN 1,07. 24,70 L'examen des chiffres constatés par l’analyse pour l’aramon et le pinot noir conduirait à des constatations absolument identiques. C'est donc à un phénomène d’un tout aulre ordre, c’est à l’adduction directe par la rafle qu’il convient d'attribuer l'enrichissement de la pulpe en matière sucrée. L’appauvrissement de la pulpe en composés acides n’en est pas moins, au point de vue physiologique et même au point de vue de la technologie vinicole, un phénomène d’un haut intérêt. Pour en rechercher l’origine, on peut se proposer d’étudier les diverses zones de la pulpe et de voir si, dans toutes les parties du grain, les acides et le sucre sont également répartis. M. Mach a déjà été attiré dans cette étude, mais le procédé opératoire dont il a fait usage ne nous a pas paru à l'abri de la critique ; d’ailleurs, c’est sur les raisins mûrs seulement que son attention s’est portée, et 1l est aisé de com- prendre l'intérêt que doit présenter la même étude s’appliquant aux phases diverses du développement du grain. Pour élucider cette question d’une manière plus complète, nous avons opéré de la ma- nière suivante : | A diverses époques, un certain nombre de grains ont été choisis avec soin, bien semblables entre eux sous le rapport de leur état d'avancement. Chacun de ces grains a été sectionné en deux lobes égaux et de chacun d’eux alors, à l’aide d’une petite curelte de chirurgie, mesurant environ 6 millimètres de diamètre, nous avons extrait d’abord la pulpe centrale avec les pépins, ensuite une couche d’une épaisseur égale au tiers du rayon du grain environ, pour enfin détacher de la peau la pulpe directement en contact avec elle. Quel- 254 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. quefois nous avons dû, à cause de la petilesse du pépin, nous con- tenter de séparer la pulpe en deux parties : une zone centrale et une zone périphérique. Les pulpes de zones différentes ainsi détachées de plusieurs grains ont été ensuite soumises à l’analyse par les procédés ordinaires. Les résultats que nous avons obtenus en suivant ce procédé sont indiqués dans les tableaux ci-dessous par le pourcentage d'acides et de sucres constatés à chaque opération. . ZONES , EE DÉSIGNATION, érinhé- inter” Pre médiaire. centrale. Acides. 2,60 » 2,39 9 : 1  ZA) L 1. Raisin vert! (Saint-Yorre, Allier) . +3 SUVNQUE Le 1 ; 1,70 Acides . 2,40 » 2 40) 9 0 1 #7 À 1 Ê] 2. Raisin vert! (Saint-Yorre, Allier) Se RU 4e ; 1,59 3. Raisin vert prêt à vérer (Montfer- { Acides. 2,15 » 2,30 meil (Seine-et-Oise) . Sucre... 5,43 » 4,46 : Acides. 1,33 1.83 1,91 4. Raisin blanc mûr (Ivry, Seine) . Sncre/ 44 9056 8,23 1,84 5. Pinot noir (Ghamirey, Saône-et-Loire) ( Acides . 1,10 » 1,98 [23 août]. à Sucre . 9,58 » 7,86 6. Aramon (eues-ortes, Hérault) Acides . 0,76 120 1,28 [26 août]. Sucre , 11,47 10,77 9,95 Acides . * 0,78 » 1,92 PArn : : Le 7. Raisin des Vosges assez mûr. : Mn EE ; 11,47 8. Petit-verdot (Issan, AE ie sep- { Acides. 0,39 » 1,00 tembré | Menu Sucre RUU22%89 » 20,67 Les indications que ces chiffres apportent présentent, au point de vue physiologique, un intérêt singulier. Elles permettent, en effet, de reconnaitre dans le mouvement réciproque des acides et du sucre à la périphérie et au centre du grain deux périodes nettement différentes, dont le point de sépara- tion coïncide presque exactement avec l’époque de la véraison. Pendant la première période, c’est-à-dire pendant la période d’accroissement du raisin vert, elles accusent (analyses 1, 2 et 3) dans la zone périphérique, près de la peau, une proportion d’acide 1. Lors de cette observation on a pu, parmi les sucres, constater la présence de 0.06 p. 100 près de la peau, de 0.12 p. 100 près dés pépins d'un sucre invertible, qui peut-être était du saccharose. DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN, 200 plus grande qu’au centre près des pépins ; la proportion de sucre, au contraire, est plus faible dans la zone située directement au-des- sous de la peau que dans la zone voisine des pépins. Puis brusquement, aussitôt que la véraison s’annonce (analyse n° 4), les relations changent de sens ; près de la peau, la proportion d’acide se montre moindre qu’au centre, la proportion de sucre plus grande au contraire ; au fur et à mesure que la maturité s’avance (analyses 5, 6 et 7), le phénomène s’accuse davantage et enfin lors- que le raisin est à pleine maturité (analyse n° 6), le pourcentage de l'acide est triple près des pépins de ce qu'il est au-dessous de la peau. Ainsi, au cours de l’accroissement du grain, la répartition des acides et du sucre dans la pulpe de celui-ci se modifie et prend à la fin une orientation inverse de ce qu’elle était au début. Pendant la période du raisin vert, on trouve près de la peau plus d’acide qu’au centre et moins de sucre; pendant la période de maturité, plus d’acide au centre que près de la peau et moins de sucre. Dans ce fait remarquable, il faut voir alors une démonstration nouvelle du changement brusque de régime que subit le grain au moment de la véraison. Ce changement de régime peut être mis encore en évidence en dosant le sucre et l’acidité dans des co de maturation différente en cours de véraison. Des grappes de petit-verdot ont été, au moment de la véraison, égrappées avec soin el on a séparé 1 grains encore verts, 93 grains teintés, et 65 grains complètement colorés. Voici les résultats que l'analyse du jus de chacun des lots a donnés : ACIDITÉ. SUORK. p. 100 p. 100. (GHAINSAVET ES NE Tee SNS ET 12 225 4.90 Grains emTés APE 1.91 8.36 Grains colorés. . . . 1.52 10.90 Et comme d’ailleurs, par le rapprochement de tous les faits que nous avons décrits, on est conduit à admettre cette hypothèse que les acides disparaissent des diverses parties du grain par ‘un phéno- mêne de combustion, il semble permis de rapprocher la persistance 20). ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. du taux d’acides près du pépin de la disparition concomitante d’une partie de l’huile et du tanin contenus dans ce pépin, comme si, à ce moment, l'oxydation, continuant à la périphérie dans les conditions normales, se portait au centre, et de préférence sur les produits de la pulpe qui les entoure. Pour terminer enfin cette étude de la pulpe, nous appellerons l'attention sur l'intensité de l’accroissement de cette partie du grain en matières azotées au moment de la maturation. En un mot, on Sep 2 MAramon He LE LÉ PENSE 7 0.80 0.20 0.00 F1G. 18. — Variations du poids de la matière azotée contenue dans la pulpe de 100 grains de raisin. voit alors pour tous les cépages le poids des matières azotées con- tenues dans la grappe augmenter avec une rapidité que l’on ne re s'empêcher de rapprocher de la rapidité -avec laquelle croît, moment, le poids de la matière sucrée. Pour l’aramon, le me de matières azotées est, le 9 septembre, le triple de ce qu'il était le 10 août; il en est de même pour le petit-verdot du 23 août au 25 septembre, pour le pinot noir du 23 août au 23 septembre (fig. 18): Cet aflux abondant de la matière azotée est le signe le plus net, DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. 291 peut-être, de la grande activité végétative qui caractérise la dernière période de l’accroissement du grain de raisin. Il est encore un fait intéressant que nous signalerons à propos de la répartition de la matière azotée dans les différentes parties du grain. Le pourcentage azoté est loin d’être identique dans ces diffé- rentes parties ; le jus renferme à peine 0.25 p. 100 de matières azotées, tandis que les peaux ea contiennent de 2 à 3 p. 100 et les pépins de 5 à 7 p. 100. Malgré cette différence, on voit les quantités de matières azotées se répartir assez uniformément en quantité absolue dans les différentes parties du grain. Matières azotées contenues dans les peaux, pépins et pulpe de 100 grains. DÉSIGNATION. IE IL. III. IV. V. (Bean 0.12 0.28 0.30 0.39 0.66 ATAMON ee - | Pépins . 0.14 0.42 0.44 0.41 0 39 Pulpe. . 0.10 0.30 0.43 0.51 RSA \ | Peaux 012 0.10 DL 0.12 (DE Petit-verdot . . + Pépins . OP 0.30 05 0.41 0.39 | Pulpe. . 0.07 0.12 0.08 OAI 0.26 Peaux 0.11 0.10 O1 0.19 0.27. Pinot noir. | Pépins . 0.18 0.38 0.37 0.45 0.44 Pulpe. . DL9 0.17 0.19 0.30 0.55 CONCLUSIONS GÉNÉRALES Nous avons montré dans le mémoire qui précède que la rafle qui soutient les grains n'est pas sujette au même accroissement que ceux-ci; quelle que soit la maturité du raisin, les rafles de grappes moyennes, c’est-à-dire qui portent à peu près le même nombre de grains, présentent des poids sensiblement égaux. Nous avons montré également que des trois parties dont le grain est formé, la pulpe seule augmente de poids pendant la maturation ; la peau et les pépins ne semblent pas contribuer à l’accroissement du grain. La composition chimique des rafles varie dans de faibles limites et les seules différences que l'on constate tiennent, d’une part, à ce ANN. SCIENCE AGRON. — 9° SÉRIE. — 1899. — 1. 1e 258 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. que la rafle se dessèche au cours de la maturation, d’autre part, à ce que la poussée vers le grain des matériaux élaborés par les feuilles et les racines est plus ou moins active ; la rafle étant le canal d’ali- mentation du grain, on constate que certains éléments, comme les sucres et même les acides, sont arrêtés momentanément par une accumulation trop active de ces mêmes éléments dans le grain. Le tanin est accompagné dans ces rafles, comme il l’est d’ailleurs dans les peaux et les pépins, de son anhydride, le phlobaphène. La proportion de ces deux corps, aussi bien dans les peaux et les pépins que dans les rafles, est en général complémentaire, une diminution dans la teneur en tanin étant compensée par un accroissement dans la teneur en phlobaphène, et réciproquement. Durant la première période de végétation du grain, la pulpe se constitue, s'enrichit de matériaux divers et spécialement de maté- riaux acides, mais le sucre n’y apparaît qu’en petite quantité ; au moment de la véraison, le régime physiologique change ; le sucre s’accumule avec une étonnante rapidité dans la pulpe, pendant que les éléments acides disparaissent. Le sucre se trouve, au début, plus abondant dans la zone qui avoisine les pépins, plus abondant au contraire à la périphérie au moment de la maturité. La distribution des éléments acides est in- verse de la distribution des éléments sucrés. Le sucre réducteur, au début, est dextrogyre ; il devient peu à peu lévogyre par suite de l’apport continu de lévulose. La quantité d'acide tartrique libre et combiné augmente d’une façon continue dans le grain; une partie de l’acide tartrique peut être brülée, mais une partie également est fixée à l’état de bitartrate de potasse. L’acide malique, l'acide glycolique et autres disparaissent par combustion directe. Les acides disparaissent également de cette façon dans les peaux qui mürissent. Au moment de la maturité, on voit la quantité de matières azo- tées augmenter dans des proportions considérables, devenir triple, quadruple et même, dans le cas de l’aramon, décuple de ce qu’elle élait au début ; il en est de même des matières minérales. Les peaux subissent également, au même moment, celte augmen- DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA GRAPPE DE RAISIN. .259 tation brusque dans la teneur en matière azotée el en matière mi- nérale. Mais elles ne changent pas sensiblement de poids; elles se déshy- dratent, pendant qu'elles se distendent, et assimilent de nouveaux malériaux. En même temps que la couleur apparaît dans la peau, les pro- duits odorants, que nous avons reconnus donner au vin le caractère du cépage dont il provient, se forment et s’arcentuent par la ma- Luration. | | Les pépins semblent avoir une vie plus indépendante ; une fois coustilué, le poids du pépin et sa composition se maintiennent cons- tants. Mais au moment de la maturité, une partie de l’huile, dont la production avait été progressive, disparaît par un phénomène de combustion intracellulaire ; le pépin perd en même temps une partie de ses matières azotées, de ses celluloses, de ses matières miné- rales. Cette modification cuincide avec une production plus abon- dante des acides gras votatils contenus dans l’huile du pépin à l’état de glycérides. LA DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES ET LES FORMES D’HUMUS DANS LEURS RAPPORTS AVEC L'AGRICULTURE! PAR 56 DE MNEOMEMEMN PROFESSEUR D AGRICULTURE A L'ÉCOLE TECHNIQUE SUPÉRIEURE DE MUNICH (Suile.) DEUXIÈME PARTIE PRODUITS DE DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES LES HUMUS I. — FORMATION DES HUMUS Il résulte de ce que nous venons dire sur la décomposition des matières organiques que leurs principes élémentaires se volatilisent en quantités et formes variables suivant les circonstances extérieures. Mais cette volatilisation n’est pas complète, si bien que, même dans les conditions favorables, il reste un résidu solide formé de matières organiques enfermant ane partie des principes minéraux; ce résidu est l’humus, substance amorphe, généralement de teinte foncée, qui n’a pas de composition chimique définie, puisqu'elle est soumise à d’incessantes modifications et qui, dès lors, ne peut s’apprécier que par les caractères extérieurs. 1. Voir ces Annales, t. II, 1898; t. [ et Il, 1899. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 261 Quant aux dépôts d’humus, 1l y a d’abord deux cas à distinguer _ Suivant que les malières organiques se trouvent ou non en présence de lair. Dans le premier cas (eremacausis), c’est la volatilisation qui domine et le dépôt d’humus s’y fait en quantité bien moindre que dans le second (putréfaction) où, cæleris paribus, la formation de produits gazeux se réduit et celle de composés solides, peu ou pas volatils, augmente. C’est ainsi que l’humus s’accumule en pro- portion beaucoup plus faible dans les lieux où se trouvent réunies les conditions de l’eremacausis que dans ceux où les matières orgu- niques sont soumises à la putréfaction. : Entre ces limites on constate des différences plus ou moins grandes tenant aux circonslances extérieures el à certaines propriétés des substances à décomposer. Partout où, avec de l’air en suffisance, un taux moyen d’humi- dité et une température assez élevée provoquent une puissante eremacausis, l’humus ne se forme qu'en minime quantité ; dans tous les cas où l’un des facteurs importants pour l’oxydation tombe au minimum, la volatilisation de la matière organique subit une diminution correspondante, compensée par l'augmentation corré- lative des résidus solides de la décomposition. Le climat, la tem- pérature, la composition du sol, etc., ont aussi de l’influence sur les dépôts d’humus. Leur épaisseur est faible, toutes choses égales d’ailleurs, dans un climat humide et de température constante ; elle est très importante dans les régions plus froides. La chaleur favorise l’eremacausis seulement s’il y a une humidité suffisante ; sans quoi, malgré la température favorable, la décomposition est si faible, que la matière organique reste longtemps presque sans changement. Aussi, les agriculteurs des régions arides de la Cali- fornie, par exemple, sont obligés de fabriquer d’abord des com- posts avec la paille et le fumier pailleux avant de mettre ceux-ci dans les champs’. De cet exemple et de bien d’autres il ressort clairement que les conditions climalériques essentielles exercent les unes sur les autres des actions réciproques variées dont la résul- tante se manifeste dans la diversité des dépôts d’humus. En géné- 1. E. W. Hizcaup, Forschungen, elc., vol. XNI, 1893, p. 103. 262 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ral, on peut admettre (et cela est confirmé par l'observation) que l'accumulation des matières humiques croit avec l’abaissement de la température, mais cette influence est modifiée par l'humidité des lieux considérés. Le sol a, comme le climat, des rapports très variables avec les phénomènes en question. Plus est grande sa perméabilité, moins les matières humiques peuvent s’y accumuler, en supposant qu'il renferme des quantités d'humidité suffisantes pour l’erema- CaUSIS. Si ce n’est pas le cas, la matière organique ne se décompose que lentement en laissant un résidu assez abondant ; c’est ce qui arrive sur les sols à grain très fin, parce que la quantité d’air qu'ils ren- ferment est insuffisante, dans les conditions ordinaires, pour une eremacausis active. Quelquefois même l'air y peut être si rare que la matière organique se décompose par le mode de putréfaction et s’accumule dès lors en couches épaisses. Il y a tous les degrés entre ces extrêmes suivant la perméabilité des sols, et ces degrés sont re- présentés par des formes très variées, parce que la qualité dont nous parlons, quoique la plus importante, n’est pas la seule qui influe sur l’eremacausis. Vouloir entrer plus avant dans les processus qui résultent de l’action de tous ces facteurs, lantôt concurrents, tantôt antagonistes, entrainerait des longueurs qui peuvent d’autant mieux être évitées qu'il n’y a aucune difficulté à se faire une opinion sur la question en se référant à la loi citée plus haut et aux exemples qui ont été brièvement rapportés ici. Pour l’accumulation des produits de la décomposilion qui se fait en l'absence de l'air, la température a une importance parti- culière. Sous les tropiques, avec une insolation continue, la fer- mentation peut aller si vite, qu’il n'y ait pas de couche d’humus en quantité un peu considérable. Avec l’abaissement de la température suivant la latitude ou l’altitude, les produits de décomposition vont en augmentant, formant des couches de plus en plus puissantes de. matières organiques en putréfaclion. Outre les influences en question, la quantité de la matière orga- nique produite dans les diverses circonstances locales et son altéra- DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 263 bilité pèsent ici d’un grand poids. Plus les conditions naturelles sont favorables à la végétation, plus grande est la masse de subs- tance végétale produite, et inversement. C’est pourquoi, par exem- ple, il se forme plus d’humus dans les régions humides que dans les pays arides où, par suite du manque d’eau, les plantes ne fabri- quent qu’une petite quantité de matière végétale. Ceci ressort net- tement des recherches de E. W. HizGarp qui, dans les sols les plus divers de la Californie, a trouvé pour les zones humides ou sèches les quantités moyennes suivantes d'humus (matière noire de Grandeau) ? : Taux moyen d'humus du sol pour 100. RÉGION ARIDE. RÉGION HUMIDE. Plaines. Collines. 3,04 0,99 0,75 De même, pour tous les autres cas, la formation de lhumus, toutes circonstances égales, est déterminée par la puissance de pro- duetion des plantes, en ce sens que la proportion de résidus incor porés au sol varie avec sa fertilité. Ce qui a été dit plus haut (voir vin: A, e) peut servir à délerminer dans quelle mesure l’altérabilité des matières organiques influe sur les dépôts d’humus. D'une manière générale, l’eremacausis est beaucoup plus complèle pour les matières animales, à l'exception des parties cornées el chilineuses, que pour les produils végétaux. Ceux-ci présentent à leur tour de grandes différences suivant leur taux en principes albuminoïdes el suivant leurs diverses propriétés physiques. Les parties sèches des plantes se décomposent plus len- tement que les parties vertes, les pailles des légumineuses plus vite que celles des céréales et celles-ci, à leur tour, plus vite que les arbres feuillus et résineux ; vient ensuite le bois, et de toutes les matières végétales employées en agriculture c’est la tourbe qui se décompose le plus lentement, {ous les produits de lu pulréfaction 1. Forschungen, elc., vol. XVII, 1594, pp. 478-485. 2. Voir plus loin. 264 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. parmi lesquels on comple la tourbe, se distinguant par leur exlraor- dinaire fixilé, même dans le cas où ils sont soumis aux conditions de l'eremacausis. Enfin, pour un seul et même sol, l’enrichissement en humus dépend de son mode d'exploitation. Les cultures où le sol est occupé longtemps ou toujours par les plantes (fourrages vivaces, prairies, forêts) présentent sous ce rap- port une grande différence avec celles où la durée de végétation des plantes cultivées est courte. Dans le sol agricole travaillé, malgré l’adjonction d’engrais organiques, l’humus est en bien plus faible quantité que dans les terrains de même composition, constamment garnis de végélation (prairies, forêts), le premier réalisant, à un bien plus haut degré, les conditions requises pour une active dé- composition. Les sols nus, soit travaillés et fumés, soit en friche et non fumés, subissent à la longue une diminution dans leur taux d’humus par volatilisation d’une partie de leur matière organique, tandis que le sol garni de plantes pérennes (prairies, forêts), gräce aux restes de racines mourant chaque année et ne se décomposant que lentement, compense ainsi son appauvrissement ou même s’en- richit constamment. Relativement à l’action des cultures sur le taux d’humus des sols nous possédons de nombreux documents, avec chiffres à l’appui, fournis surtout par J.-B. BoussinGauzr, TRrucaorT', H. JouiE?, J.-B. Lawes et J.-H. Giveerr *, P.-P. DEHÉRAIN * el moi. P.-P. DEnÉRAIN, qui a fait sur cette question des recherches approfondies, a dosé lazote et le carbone dans quatre parcelles qui avaient reçu, de 1875 à 1877, des engrais à doses massives et qui, dans les quatre années suivantes (1878-1881), avaient porté sans fumure diverses récoltes. Les analyses, faites en 1878 1. Annales agronomiques, t. I. 1875, p. 35. 2. Revue des Industries chimiques et agricoles, 1. V, 18S{, pp. 350-370. 3. Ann. de Chim. et de Phys., série 6, t. IL. p. 511. et Journ. of lhe Agric. Soc. of England, vol. XXV, part. L. Londres, 1889. 4. Annales agronomiques, t. VIII, 3° fase., 1882, pp. 321-356, et t. XII, 1°’ fase, pp. 17-24. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 265 el en 1881 après la quatrième récolte, ont donné les résultats sui- vanls : Taux de carbone du sol (en grammes par kilogramme). FUMURE NITRAT JL": précédente. FIBRE. de TES aonenes FLAN Mais-fourrage : LBAO Pere 16,7 213,2 15,2 15,2 CRIE RREMPNTEETS 8,0 6,1 » 7,6 Pommes de terre (2 années), puis céréales (2? années) : ÉB TS eL de à 2e 14,6 17,0 16,2 DER MS à » 8,8 » Ghn : Sainfoin : ls rs M DES 13,4 12,8 » 12,9 IE NINOTRR AE 1252 12,4 » 13,3 Taux d'azote du sol (en grammes par kilogramme), Mais-fourrage : SOIENT 2,01 1:49 1,55 1,67 PO ne de 1,68 1,45 1167 1,45 Pommes de terre (2 années), puis céréales (? années) : BAD ESAENS 208 1,78 1,74 1,74 SO RE PSE 1,69 b: 1,94 1,69 Sainfoin : LOTS SET jue 1,90 1,50 1,01 1,46 DOSIP EEE 1,65 1,52 1,96 1,90 Dans une seconde expérience, le même auteur a cherché à déter- miner l’action du gazon succédant à celle du sainfoin, et il a obtenu les chiffres intéressants qui suivent : Taux d'azote du sol par hectare (en kilogrammes). FUMÉ DATE en de la prise 1875,1876 et1877 | 4 CÜLTURES. EF SRectdt fumier NON FUMÉ. échantillons. sas HER Luzerne, 1870-1875. . . 1875 7 854 1 854 Betterayes; 1871-1877. . 1879 3 775 5 621 Maïs-fourrage, 1878. . Sain{oin, 1879-1881. . . 1881 6 352 ST 1 1 LA Sainfoin, 1882-1883 . . | 1885 6 814 6 352 Gazon, 1884-1885 . 266 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. LaAwEs et GILBERT sont arrivés à des résultats semblables : ils ont trouvé que le sol cultivé (champ d’orge) était moins riche en car- bone et en azote que le sol garni de plantes vivaces. L'action des diverses cultures sur l'enrichissement du sol en ma- tière organique s’est montrée plus nette dans mes expériences". 5 caisses percées en dessous, ayant 2 mètres carrés de surface et 0,50 de hauteur, en fortes planches, furent enfoncées dans le sol (essai 1); dans l’essai Il, à lysimètres de même dimension furent, au printemps de 1886, remplis identiquement de sable calcaire con- tenant de l’humus. à épicéas de cinq ans, aussi égaux que possible, furent plantés de la même façon dans chacune des cases À et B. La case C reçut 9 plants de bouleau du même âge, la case D fut gazon- née et la case E resta nue. Sur la case B, après la plantation (prin- temps 1886), on répandit en couverture des aiguilles d’épicéa sur 10 centimètres de hauteur jusqu’au printemps de 1889 ; après, on mit une couverture de mousse de même épaisseur. Au printemps de 1892 pour les caisses en bois et à l’automne de 1893 pour les lvsimètres, on ôla les couvertures et dans chaque case on prit, au moyen d’une sonde et jusqu’au fond, environ 100 échan- tillons qu’on mélangea et tamisa avec le plus grand soin. On déter- mina le taux de carbone par combustion avec l’oxyde de cuivre et, celui d'azote par la méthode de Kjeldahl. Voici les résultats obtenus : Taux centésimal de carbone du sol séché à 1052. A. B. C. D. E. ÉPIOÉAS ÉPICÉAS sans avec BOULEAUX. GAZON. BOL NU. couverture, couverture. ESS 2313 2,844 2,103 2,879 1,578 Essai IT EM 2,297 TES 2,359 2,918 1,857 Taux centésimal d'azote du sol séché à 4052. ESSAI er 0,245 ,269 .231 75 0,213 0,2 0 0,2 Essai He + . . 0957 000-218 0200 05 OO CT On voit par ces chiffres que Les sols pourvus de végétation étaient, après six ou sept années, sensiblement plus riches en carbone el en 1. Forschungen, etc., vol. XIX, 1896, pp. 161 et 165. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 261 azote que le sol nu. Ces différences tiennent à ce que le sol nu subit une perte en matière organique par suite de sa destruction, tandis que le sol planté, où cette destruction est moindre et large- ment compensée par les racines qui meurent chaque année, s’enri- chit, au contraire. C’est ainsi que le taux élevé de carbone et d’azote du sol planté comparé à celui du sol nu accuse, au profit du pre- mier, un enrichissement en ces deux éléments”. Il est à remarquer que.le sol gazonné et le sol portant des épicéas avec couverture montrent une plus forte augmentation en matière organique que le sol planté en bouleaux ou bien en épicéas sans couverture. Cela tient probablement à ce que le gazon laisse plus de racines et à ce que les épicéas se développent plus vigoureuse- ment grâce à la couverture (c'était le cas en effet *), et renferment dès lors, dans leur système radiculaire, plus de malière organique qu'il ne s’en forme dans la case sans couverture. En examinant de près les résultats des expériences précédentes, on voit clairement que La terre qui est cullivée lous les ans s’appau- vrit en substance organique, quelle que soil l'addition de fumier ; cel appauvrissement prend fin et le sol s'enrichit quand on cesse de travailler le sol et qu'il est occupé par des plantes vivaces. Sauf en ce qui concerne l’azote, dont il sera parlé dans la troisième partie, ce fait tient en général à ce que les plantes agricoles à vie éphémère ne laissent dans le sol que peu de racines, et qui se détruisent beaucoup plus vite, vu la perméabilité du sol et l'accès facile de l'air, que dans le cas où le sol est garni de végétation d’une manière permanente. L'action exercée à ce point de vue dans ces deux groupes par les diverses cultures offre des degrés variables suivant le développe- ment, la densité et la durée de végétation des plantes. Plus celles-ci sont serrées et puissamment développées, plus leur végétation est longue, plus considérable aussi, en général, est le dépôt d’humus, 1. L'enrichissement réel n'aurait pu se mesurer que si l'on avait déterminé les taux de carbone et d'azote des sols avant l'installation des expériences. Cela n'a pas été fait, parce que les essais en question avaient d'abord un autre but et qu'on ne pré- voyait pas de modifications dans la composition du sol. 2. Forschungen, elc., vol. XVII, 1894, p. 179. 268 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. paree que les résidus augmentent dans la même proportion et que diminuent d'autant les conditions favorables à une intense erema- causis. Dans les cullures où l’enrichissement du sol en humus se fait sur la plus grande échelle, il s’'apprécie d’après les facteurs précé- dents, et aussi d’après certaines particularités des végétaux et du sol. Les arbres forestiers, qui enfoncent leurs racines dans le sol à de grandes profondeurs, étendent leur influence bien plus loin que le gazon dont les organes souterrains n’occupent que les couches su- perficielles qu’elles enrichissent à peu près exclusivement. Dans des stations modérément humides, le dépôt d’humus se fait plus vite que dans les lieux très humides, Peremacausis se fait plus activement dans le premier cas que dans le second, où l'accès de l'air est plus ou moins entravé par la trop forte proportion d’humi- dité du sol. C’est pourquoi les prés hauts sont moins riches en humus que les prés bas. Comme l'augmentation du taux d’humus est liée à une semblable augmentation dans la faculté d’imbibition du sol, on comprend que pour les prairies, qui se trouvent déjà na- turellement dans des lieux humides, le taux d’eau du sol puisse devenir tel, que l'air n’y puisse plus du tout pénétrer et que la masse d’humus accumulée en ces points soit dès lors soumise aux processus de la putréfaction. Dans les forêts, l’humus se forme non seulement dans, mais sur le sol ; les feuilles et les aiguilles tombées, la mousse dans les peu- plements de résineux, sont soumises à l’eremacausis, qui est plus ou moins rapide, suivant l'intensité du couvert. Dans les forêts aux- quelles on laisse leur couverture, il se produit à la surface une couche plus ou moins épaisse d’humus, parcourue par une partie des racines des arbres, el portant une végétation basse des plus variées. Dans les forêts, la production de l’humus est généralement plus abondante à la surface du sol que dans son intérieur, parce que la quantité des racines qui meurent chaque année est bien plus faible que celle des feuilles qui tombent. La proportion suivant laquelle se fait en forêt l’accumulation d'humus dépend naturellement de plusieurs influences extérieures *. {. E. Enenmayer, Die gesamimite Lehre der Waldstreu. Berlin, 1876, p. 205. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 269 Dans les massifs pleins d'âge moyen, 1l s’en forme plus que dans les vieux massifs ouverts et sur le retour. Dans ceux à couvert épais (hêtre, épicéa, sapin), il y en a plus que dans ceux à couvert léger (chêne, pin, mélèze). L'exploitation en futaie avec massifs pleins longtemps maintenus doit être plus favorable à la production de l’humus que l’exploita- tion en tuillis sous futaie, laquelle vaut mieux à son tour que celle en taillis simple, où le sol reste nu assez souvent, à de courts inter- valles. Le régime de la futaie est donc le plus propre à améliorer le sol forestier. Si, dans l’espace d’une révolution (cent à cent vingt ans), on n’a pas enlevé la couverture, on peut être sûr que même un mauvais sol est transformé en un sol forestier substantiel. Les montagnes favorisent plus que les plaines le dépôt. d’humus ; les versants exposés au nord et à l’ouest, les cuvettes et Les dépressions sont d'ordinaire plus riches en humus forestier que les versants qui regardent le sud et l’est et que les endroits exposés au vent où les feuilles sont constamment enlevées. Dans les vides, dans les coupes à blanc étoc, dans les peuplements clairiérés, dans ceux exploités à courte révolution ou qui sont sur le retour, se montrera bientôt la pauvreté en humus. Enfin, à autres conditions égales, les sols argileux doivent être plus riches en humus que les sols cal- caires ou sablonneux. On comprend, d’après ce que nous venons de dire, que le taux d'humus des sols varie extrèmement et peut passer par toutes les valeurs possibles. Pour désigner les sols d’après leur taux d’humus, il sera bon d’adopter les termes de W. Knor', qui a distingué les catégories suivantes ? : 0 — 2,5 pour 100 d'humus : sol pauvre en humus. ND Em D — sol humifère. 5 — 10 = sol humique. 10 — 15 — sol riche en humus. 23158 — sol excessivement riche en humus. 1. W. Knor, Die Bonitirung der Ackererde. 1871, p. 67. 9, J'ai abaissé à 2.5 p. 100 les limites des deux premières catégories que Knor avait fixées à 3 p. 100. 210 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les chiffres suivants *, rapportés à la matière séchée à l’air, donnent une idée du taux d’humus de quelques sols : HUMUS p- 100 1 Sable argileux, vignoble (d'après Frey). . . . UE eat Guess 0,340 2? Sol de désagrégation du lias, sol arable fertile (& après FRET): ..-. . "(0 628 8 Sol de désagrégation du grès liasique, de Hohenheim (d'après E. Wozrr). 0,825 4 Sable pur de Lauenbourg, sol d'une très faible fertilité (d'après W. Kwor). 0,930 5 Sable argileux humique, surface d'un diluvium marneux, de Rixdorf près Berlin (d'après Ernst Scauzz). 5 MU A 20 ER 1,130 6 Même sol, de Friedenau près Berlin Fe post Sante): + CS RUE 1,230 7 Bon sol à blé et trèfle, de Bockwa près Zwickau (d'après Knor) . . . . 1,350 S Lehm sableux, sol arable, de Mückern (d'après Knor). . . . . . . . 1,410 9 Excellent sol à blé et trèfle, de Mattstedt près Apolda (d'après Knor). . 1,750 10 Sol de lüss, Langenweddingen (Magdebourg). . . . SAC ER CUITE 11 Diluvium sableux, pineraie, Eberswalde (d'après W. Sade re : 0,555-1,825 12 Argile rouge compacte, alluvion, Rossla dans le Harz . . . . . . . . 2,044 13, Lehm.alluvion de;la Saale.sBenkendorf 2" NUE 2 OST 14 Sol de désagrégation du calcaire liasique, Hohenheim (d'après E. Worrr). 2,091 15 Alluvion du Nil, sol arable du Caire (d'après Knor). dE : DM 16 Lehm sableux, produit de la désagrégation du grès rouge, près Kyfhäuser. 2,214 17 Sol fangeux marneux, Tempelhof près Berlin (d'après WAHNSCHAFFE) . 2,470 1S Lehm sableux, Tan PreTAU ET ANT TRS RE M 2 STE 19 Lehm sableux, alluvion, Brodau en Bohème . : . 2,856 20 Argile alluviale de Ken provenant de basalte et de rente 2,883 21 Sable argileux, forêt de hètres, Danemark (d'après TuxEN) . . . 1,120-3,040 22 Sol sablonneux, forêt de chênes, Danemark (d'après TuxEN). 3,080 23 Sol sablonneux, terre de bruyère, Danemark (d'après Tuxen) . . . 0,34-3,300 24 Lehm sableux, lôss, Ferbetiz, Bohême . . 4 2, 4 0 à 3010 25 Lehm siliceux rouge, alluvion, Nordhausen . 3,929 26 Lehm compact, alluvion, Neuhof en Silésie . 3,973 27 Lehm humique, lùss, Ploscha, Bohême . 3,973 28 Grès bigarré, sol arable, Neuenburg, W ne 3,990 29 Argile eos Prague. F se (107 VA s 4,173 30 Sol syénitique, terre à betterave, Manet en à Morale ee re ee AR 31 Lehm humique, alluvion, jamais fumé, Gruszka, Galicie . . . . . . . 4,845 32 Diluvium calcaire, Munich (terre fine, d'après Wouenx) . . . . 2,7 — 5,031 1. Ces chiffres sont tirés d'un travail de W. Orrecn : Ueber den Humns und seine Beziehungen zur Bodenfruchtbarkeit, Berlin, 1890, et de quelques analyses faites par W. Scaürze (Zeitschrift für Forst- und Jagdwesen, T, p. 50, et I, p. 360), par C.-F.-A. Tuxen (Sfudien über die nalwrlichen Humusformen, par P.-E. Mucren, Berlin, 1887), par M. FLriscner (Landw. Jahrbücher, 1590), par G. Scamir (Bal- tische Wochenschrift, 1880, n° 25 et 26, et 1881, n° 10 et 11), par P. Kosrvr- scuërr (The Soël, Ghicago) et par moi. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 271 HUMUS p- 100. Sol marécageux, Oidenbourg. . . . Rs in ee RO Et Sol des marais de l'Oder, alluvion, Kienitz ni sure en ete NEO Sol marécageux, taupinière, Oldenbourg. . . . . . . . . . . . . . 6,012 Argile d’alluvion, Prague . . . . : Buste ee OIGS Sol noir de marais avec sous-s0l ee @ après E. w ODEF) VS. a 0 000 Terreau de hêtre, Danemark (d'après TuxEN) . RON o-10-8,330 Sol marneux de marais, alluvion récente, marais de Heufen à Teltow (d'après WAHNSCHAFFE) . . . = meer uistue. à utag 0,480 Sol marécageux de Dollard, achement mt SAONE 2, 000 Terre noire de Russie, Tschernosem (d'après C. Scamior ch P. Kosryr- scuerr), ordinairement 8-10 p. 100 ; limites extrêmes. . . . 5,42-16,340 Tourbe de bruyère, Danemark (d'après TuxEN). . . . . . . . . . . 41,500 Tourbe de hêtre, Danemark (d'après TUxEN) . . . . . . . . 34,70-48,510 Tourbe de hêtre à forme de terreau, Danemark (d'après TUxEN) . 002 500 Tourbe de marais de Môgsjôkärret près Reijmyra, Suède (d'après V. Hot 73,051 Marais de bas-fond, Gunrau (d'après E. Wozzny). . . . . . 69,012-74,563 Marais de bas-fond, marais du Danube à Neuburg, Bavière (d'après HANOENRIR SeeelE mel eNdate e Le oie ON 0 INIST En général, les matières humiques ne sont pas également répar- lies dans le sol, mais, à part quelques exceptions, elles vont en diminuant à partir de la surface. On l’a démontré expérimen- talement pour les sols forestiers comme pour la terre noire de Russie. Ainsi, C.-F.-A. Tuxen ‘ a trouvé dans des sols de forêts de hêtre: Essai I. TAUX D'HUMUS DU SOL POUR 100. Sol. Sous-sol a — — EE Couche Couche Couche Couche supérieure. inférieure. supérieure. inférieure. 2,67 1,23 0,31 0,29 Essai II. TAUX D’HUMUS DANS LES COUCHES ÉLOIGNÉES DE LA SURFACE de de de de 4-8 pouces. 12-22 pouces. 27-33 pouce. 36-42 pouces. 1,35 0,56 : 0,22 0,21 1. Tuxen, dans P.-E. Muzcen, Die natürlichen Humusformen. Berlin, 1887, pp. {11 et 300. 2172 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La distribution des matières humiques dans le tchernosem est la même, comme le montrent les chiffres suivants‘: TRE à DE : L 2 Ÿ < S pouces. p. 109 p. 100 p. 109 p. 100 p. 100 156), PORESE 5,42 8,11 9,29 9,64 TON CSM SE 4,83 5,19 6,23 TT 6,81 Rd ca 3,63 3,92 4,33 6,71 5,57 EE SE re 2,56 M2 81 O0 NE 4,36 DÉS 2,58 2,11 » 3,51 3,58 SUR ee 1,88 1,47 » 3,18 1,93 HD Era 120) 0,51 ) 1,96 » Les prairies de l'Amérique du Nord et les pampas de l’Amérique du Sud, qui appartiennent aussi aux formations de terres noires, se comportent de même ?. Tous les autres sols couverts d’une végéta- tation spontanée doivent accuser une semblable répartition des ma- üères humiques. Leur diminution, à parlir de la surface, tient, sans aucun doute, à ce que les racines dont sont formées les matières organiques se développent d’autant plus abondamment qu’elles sont plus près de la surface et aussi à ce que les différences à ce point de vue sont incomparablement plus grandes que celles qui se rap- portent à la décomposilion des restes de racines dans les diverses zones, décomposition qui s’accroit de bas en haut. IT. — CLASSIFICATION ET PROPRIÉTÉS DES DIVERS HUMUS Les matières humiques telles qu’elles existent dans la nature ont des propriétés qui différent beaucoup, surtout suivant les circons- tances extérieures qui ont présidé à leur production, si bien que l’on peut, d’après ces circonstances, ranger les humus en groupes 1. P. Kosrvrscurrr, Annales de la Science agronomique, 1887, t. Il, jp. 165-191 ; en outre : G. Scamipr, Baltische Wochenschrift, 1880, n° 25 et 26, 1881, n°% 10 et 11. — W. DokourcnAErr, Tschernozème de la Russie d'Europe. Saint-Pétersbourg, 1879. 2. Les formations de terres noires n'existent en Allemagne que sur quelques points de la Silésie et des environs de Magdebourg. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 213 plus ou moins nettement délimités. Le présent chapitre ne peut donner à cet égard que des notions approchées, parce que nos con- naissances sont encore insuffisantes et qu’une classification des formes d’humus répondant à toutes les exigences n’est pas possible pour le moment. 4. — Les produits de l’eremacausis. a) Humus formés dans de bonnes conditions. Les humus formés sous l’action de l’oxygène de l’air, d’une hu- midité modérée et d’une température convenable ont pour carac- tère commun de se détruire plus ou moins vite en donnant de l'acide carbonique, de l’eau, de l’ammoniaque, en laissant comme résidu les principes minéraux contenus dans la matière organique et d'a- voir une réaction alcaline ou neutre. On les désigne ordinairement sous le nom d’humus doux ; mais il serait préférable d’emplover une expression plus juste, par exemple celle de Mull (terreau) pro- posée par P.-E. MëLLER”. Suivant le lieu où il s’est formé, on dis- tinguera un terreau agricole et un terreau forestier. Le terreau agricole provient des débris des récoltes et des subs- tances organiques apportées au sol; c’est une sorte d’humus qui se décompose extrêmement vite par suite des conditions favorables à l’eremacausis et, par suite, ne s’accumule en quantités un peu considérables que dans des cas assez rares, s’il s’agit de terre arable ameublie, bien perméable à l'air. Ceci n'arrive que si le sol reste assez longtemps sans labours dans certaines cultures (fourrages vivaces), s’il est à grain fin et par suile peu perméable. Qu’on ameu- blisse de tels sols, les dépôts humiques qui s’y étaient formés se décomposent bientôt. Le lerreau forestier comprend l’humus du sol (Waldmull) et l’humus de la couverture (Streumull). Le premier provient des ra- 1.-P.-E. Mürrer, Die nalürlichen Humusformen. Berlin, 1887. Nous emploierons dans ce livre le mot {erreau comme équivalent du terme allemand ul. Les horti- culteurs et les sylviculteurs le connaissent déjà ; le {erreuu des jardiniers, le terreau neutre où simplement le terreau des forestiers sont des humus doux, c'est-à-dire des mull en allemand. (Trad.) ANN. SCIENCE AGRON. — %° SÉRIE, — 1899. — 11. 18 274 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. cines des arbres qui meurent chaque année dans le sol. Dans les sols forestiers à texture grumeleuse, ces matières humiques se com- portent comme celles des champs labourés, mais se décomposent plus lentement, parce que la température du sol forestier est infé- rieure en moyenne à celle du sol agricole. C’est certainement le cas pour l’humus qui se forme dans un sol difficilement perméable. L’humus de la couverture recouvre d'ordinaire le sol en couche mince ; il se présente rarement en lits un peu épais, parce que la couverture se décompose trop vite. Îl est grumeleux et recouvert habituellement d’une couche meuble de détritus de faible épais- seur. Les éléments de cet humus se distinguent partout à ce qu'ils offrent un mélange intime de matières organiques avec les éléments minéraux du sol. Le taux des matières organiques est de 5 à 10 p. 100. Cet humus de la couverture est largement répandu, surtout là où le sol est couvert d’une végétalion puissante el dense. D’après les plantes auxquelles ce terreau doit sa naissance, on peut distinguer le terreau des forêts feuillues (hêtre, chène, etc.), le terreau des forêts rési- neuses (épicéa, pin, elc.), le terreau de bruyère, etc. L’humus de la couverture est habité par un grand nombre d’or- ganismes soit végétaux (myxomycètes, mucorinées, bactéries), soit animaux (vers de terre, myriapodes, nématodes, etc.). Les animaux concourent à la formation de l’humus en dilacérant les résidus végétaux, en mêlant leurs déjections à la masse et en y laissant leurs cadavres. Ainsi s’explique la présence dans l’humus de parties du corps des insectes difficilement altérables (chitine). La flore caractéristique des sols à terreau comprend surtout, d’après P.-E. MüLLer, les plantes suivantes : forêts de hêtres : Aspe- r'ula odorala, Mercurialis perennis, Milium effusum, Melica uniflora, Anemone nemorosa et ranunculoides, Oxalis acetosella, Phegopte- ris polypodioides, P. dryopteris ; forêts de chènes: Trifolium me- dium, Viola canina, Vicia cracca, Lathyrus montanus, Hypericum perforalum, Gulium saxalile, Campanula rotundifolia et persicæ- foliu, Succisa pratensis, Holcus mollis, Adoxa moschatellina, etc. Pour les pineraies, il faut signaler l’absence des bruyères, des ai- relles et en partie aussi de la fougère impériale. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 215 Enfin, on pourrait encore nommer ici le terreau de vase (Schlam- mull, d'après H. von Posr') qui, dans les eaux oxygénées, forme une masse très finement grenue, d’un brun gris ou vert, provenant d’excréments d'animaux aquatiques, de restes d'algues et d’infu- soires, et décomposée par des bactéries. On n’y reconnait plus aucune structure et généralement elle ne forme qu’une couche peu épaisse. Cet humus est d'ordinaire mélangé à de la matière inorganique et en proportion telle, que son laux de substance organique dépasse rarement 20 p. 100. b) Humus formés dans de mauvaises conditions. Les humus de cette catégorie forment, dans une certaine mesure, le passage entre les produits de l’eremacausis et ceux de la putré- faction, se rapprochant de l’un ou de l’autre groupe, suivant les circonstances extérieures. Ils se distinguent du terreau en ce que, Jà où ils existent en assez grande quantité, ils forment des couches compactes, serrées et ont une réaction acide. Il n’y a pas, jus- qu’alors, de terme convenant à ces formes d’humus; celui de fourbe (Torf) proposé par P.-E. MüLLER pourrait prêter à confusion, puis- qu'on comprend généralement sous ce nom les produits de la pu- tréfaction. C’est généralement le nom de Rohhumus (humus brut) qui est usité ; nous l'emploierons, faute d’un meilieur. Les conditions de formation de l’humus brut sont très diverses et se présentent chaque fois qu’un des facteurs nécessaires pour une erermacausis intense atteint son minimum. L’humus brut se forme donc quand l’air ne pénètre pas suffisam- ment, quand la température est trop basse (pays seplentrionaux) et l’eau trop abondante en même temps (bords de la mer, hautes mon- tagnes), ou quand l'humidité fait défaut (sécheresse due à la tempé- ralure, à la composition el silualion du sol, au desserrement des massifs) ou quand le sol est pauvre en principes nutritifs. Toutes ces conditions défavorables à l’eremacausis peuvent provoquer le dépôt de matières humiques à un état plus ou moins décomposé, sous 1. Landwirthschaflliche Jahrbücher, 1888, pp. 405-420. 270 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. forme d’une couche compacte à la surface du sol. Suivant l’endroit où ils se forment, ces humus peuvent se classer dans les groupes suivants : L’humus brut des steppes forme une partie mtégrante des sols des prairies, des pampas el des Lerres noires. Ces sols sont surtout occu- pés par une végétation herbacée où domine, dans les steppes russes, Slipa pennata'. On y trouve aussi, moins abondamment, Slipa capillala, Festuca ovina, Kæleria cristata. Dans les steppes kirghiz, Stipa capillala et Elymus junceus forment la majeure partie du peuplement. Le sol est formé d’une matière à grains très fins qui correspond, en général, au lôss par ses propriétés et qui renferme en proportions variables (6-16 p. 100) des matières organiques provenant de la décomposition des plantes des steppes. D’après les recherches de P. KosTyTscHerr, la terre noire (tschernozem) du gouvernement d'Ekaterinoslaw a la composition physique suivante : PROFONDEUR 0-6 6-12 12-18 24-30 30-36 36-42 pouces. pouces. pouces. pouces. pouces. pouces. \ p. 1C0 p- 100 p- 10) p- 100 p. 100 p- 100 Eléments fins . 34,5 35,3 35,7 37,0 37,7 30,3 Sable en. se O0 60,01 DAS EP56 1 SC ROUE La finesse extraordinaire des grains du sol, telle qu’elle résulte des chiffres qui précèdent, et leur étroite juxtaposition font que l'humidité pénètre à peu de profondeur (jamais au delà de 1 mètre, même en hiver); donc peuvent seules y prospérer les plantes qui exigent peu d'humidité dans le sol et qui ont une courte période de végétation. Aussi, les forêts ne se trouvent-elles pas sur des sols de cette composition ; on ne les rencontre que sur les points où le ter- rain, grâce à son grain plus gros, se laisse pénétrer plus facilement par les pluies jusqu’à d’assez grandes profondeurs. Dans la région des terres noires, ces sols à gros grains sont occupés par les forêts, tandis que la steppe s'étend sur les sois à grain fin. C’est donc la nature du sol qui amène soit la forél, soit la steppe. 1. Forschungen, elc., vol. XII, 1889, p. 76, et vol. XIV, 1891, p. 261, — Voir aussi The Soël, Exposition de Chicago, p. 11. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 277 P. Kosryrscnerr prouve que les différences dans les formes de la végétation des steppes ne sont pas dues à des influences climaté- riques. Il s'appuie sur des observations météorologiques montrant que forêts et steppes ont le même climat et que des steppes complète- ment identiques par leur flore peuvent être exposées à des condi- tions climatériques très différentes. Par contre, de nombreux exem- ples parlent en faveur de l'influence des propriétés physiques du sol sur la distribution des formes de la végétation. Ainsi, les sols à gros grain qui pénètrent dans la région des terres noires sur sa limite septentrionale présentent toujours leur végétation forestière caractéristique. Sur les points plus élevés où les éléments les plus fins du sol ont été lixiviés et enlevés facilement par les eaux plu- vialés, le sol est à grain plus gros que dans la terre noire mlacte et la végétation se distribue également d’après les propriétés physiques du sol. Les forêts se présentent plus abondantes sur les hauteurs et les steppes dans les dépressions. Un examen plus approfondi des sols de cette région fournit une preuve plus convaincante des rapports qui existent entre la composition physique du sol et les formes de la végétation. D’après les recherches de DoxuTcHaErr, les sols du gouvernement de Nijni-Nowgorod présentent la composition sui- vante : ÉLÉMENTS TRE —— SABLE. HUMUS. plus fins plus gros que que 0,01 mm. 0,01 mm. p. 100 p. 100 p. 100 p. 100 — Plateau de terre noire (sols argileux COMPACTS MEME ALIM TL EE QUI FRA 37,4 10,1 58,3 41,2 2? Vallée de terre noire (sols argileux). 59 ,4 6,3 35,5 63,2 3 Sols de forêt gris foncé (lehm com- DOC RE UR en u a le tas 66,4 4,1 28,3 70,8 4 Sols gris (lehm de compacité moyenne) 76,2 2,9 21,5 78,0 5Sols delehnulégen {42 .1u00.n4,. 81,4 159 17,3 S1,4 6 Sols de lehm sableux. Le | 87,2 1,6 9,3 ? 7 Sols de sable lehmeux . . . . . . 9158 PES! LE ? 8 Sols de sable quartzeux . . . . . JW 0,3 20 97,5 Les steppes ne se voient que sur les trois premiers groupes de 2178 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ces sols, peut-être aussi exceplionnellement sur ceux du quatrième groupe. Le plus grand nombre des sols de ce quatrième groupe et tous les sols des groupes suivants portent, sans exceplion, des forêts. On a fait les mêmes constatations pour d’autres points du domaine des steppes asialico-européennes. Ainsi, KRASSNOFF a trouvé dans le Tian-Schan des formations de steppes sous les climats les plus divers, depuis la zone des cultures jusqu’à la zone alpine. D’après RICHTHOFEN, les forêls manquent complètement sur le lôss, et, selon WuiTney, forêts et prairies dans l'Amérique du Nord se répartissent d’après la composition du sol, qui est très voisine de celle des steppes asiatico-européennes, comme le montrent les analyses suivantes : TERRE NOIRE DE RUSSIE A 5 SOL DE PRAIRIE (d’après Rispolajenski et Gordjagin). (d'après Osborne). A — ———— — RE — À 2 3 1 2 Particules plus fines que 0"%,01. . 47,00 -24,20 32,00 44,33 "37,39 — de 0,01 à 0,05 15,00: 50,25 50,65 41,48 43,5 —. de 00m 05 A 0m 951 7.504 20,25% 416,80 3,5 00 — plus grosses que om. 25. 0,50 179 0,50 0,10 0,62 Le sol des pampas de l'Amérique du Sud est certainement scm- blable à ceux-là, puisqu'on sait que le 1ôss, partout où il se présente, a la même composition. Il résulle de ce que nous venons de dire que la forêt s'empare des sols à gros éléments, la steppe de ceux à éléments fins, quelles que soient les conditions climatériques. Cela tient à ce que, dans le premier cas, les plantes, à cause de la grande perméabilité du sol et de sa faible faculté d’imbibition, peuvent utiliser l’eau des pluies d'été, tandis que dans le second cas, vu l’insuffisante perméabilité du sol, elles sont réduites essentiellement à l'humidité hivernale, qui représente, il est vrai, au printemps des quantités d’eau assez abondantes, mais qui s’épuise vite, l’évaporation dans de tels sols étant très forte. Comme les plantes ne peuvent utiliser suffisamment l’eau des pluies d’été, elles doivent avoir une courte existence. Le fait de l’envahissement progressif de la steppe par la forêt n’est pas en contradiction avec la théorie de KosTYTSCHEFF que nous venons de résumer, et voici pourquoi. La pluie tombe à dose égale DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 219 sur la forêt et sur la steppe ; mais pour la neige, c’est autre chose : dans les forêts et leurs environs immédiats, elle se rassemble d’ordi- naire en grande quantité, tandis que sur la steppe la hauteur de la couche de neige est déterminée par la végétation herbacée ; une grande partie de la neige est enlevée par le vent et se dépose dans les sillons et les dépressions pour de là s’écouler au printemps dans les ruisseaux el les fleuves sous forme d’eau de fonte. Aussi, le sol est-il dans les forêts et leurs environs beaucoup plus humide au printemps que dans les steppes. En outre, sur le sol des forêts s'étend la converture morte qui empêche les herbes de croître et qui conserve au sol son humidité. C’est ainsi que se créent les con- ditions favorables à la végétation des arbres forestiers et que la forêt pénètre avec lenteur, mais aussi avec persévérance, dans le domain: de la steppe. Sous l'influence de la forêt, les propriétés physiques de ce sol des steppes à grain fin se modifient ausst et il acquiert bientôt toutes les qualités du sol forestier grumeleux. La forêt peut aussi du reste être installée artificiellement en enlevant les herbes et ameublissant le sol par un labour. L’humus brut des steppes doit donc sa formation à un état phy- sique particulier du sol; on ne peut en douter d’après ce qui vient d’être dit. Get état s'oppose à l’humidification du sol en été ct comme, en outre, l'arrivée de l'air est restreinte par la grande finesse des particules et la saturation fréqueate par l’eau des cou- ches supérieures, l’eremacausis des débris végétaux se fait dans des conditions défavorables. L’humidité de l'hiver agit dans le même sens en diminuant par son intensité la perméabilité du sol. Dans ces conditions, l’humus s’accumule en assez grande quantité et donne au sol la couleur foncée qui lui a valu son nom de « terre noire ». Une fois cultivé et garni de plantes agricoles ou d’arbres, il passe peu à peu à une teinte grise ct blanchâtre, parce qu’alors, bien humecté et bien perméable, il opère rapidement la destruction des matières humiques. La fertilité extraordinaire de la terre noire doit être surtout attri- buée à la circonstance que les matières minérales solubles formées par désagrégation sont complètement à l'abri de la lixiviation : l’eau d'infiltration existe effectivement à très faible dose dans le sol à IQUE. M ONO E AGR G e A E LA SCI S DE NNALE A £0°6] -obruaup Sauyr pun uorbousopuaz: APAUYIS 42P U0IL0 F4 09 SND 12puñ 1r°9y £e°T 6988 S0 ‘0 0£‘0 £0°0 €9°0 1L‘0 Gers Sy'£I 10 0 L0‘0 G°0 GS 0 c9 ‘0 ys° 96 L0°S8S « no t— at = 2 = =) — …— mr = © DE OIOIOIOLS © © = cn = — — rs zn © = PL « 0968 A4Puaoqun Sop PUR own Ua ‘088 39 CZ ‘A Tr ‘pfruyosuayoo M 2YosinDg :10 ‘O88T edro ‘82792q 2407 40p Bunyonstaqun 2Yostuay) : issue TIOA ‘LAINRHDS ‘9 SQide, ‘I 1£°ç9 « 08 ‘Ya Ga IS * ‘ * eçqes J0 ONLY ‘€ ü *_ XNPU9 9p 9JPU0qE") * 17 68 6G'O1 &0°0 61°0 vo ‘0 16°0 L£°0 80°} GI O CIN 70 ‘0 c1‘0 C0 ‘0 0y°0 09 ‘0 68‘ 8] 60 ‘06 16°6 * ‘enbrinyins 9proy “onbaouydsogd oproy + + +" -epnos OA A * ‘AISQUSEI + + + + +xnem) 9SQUPSUEUI 9P 9PAXO * * ‘ 49} 9p 2pAXO + + + ‘ournpy ET Sanbiq}1[09Z saoueJsqns ‘] :e À 1 sorponbsor suep *SA[PIQUIUL S22ULJSQNS Sn er ere CT * n9} ne 9)10g € JATIG 007 ‘d “51nq DIS ESS *MOJBIES 9p Te) O0Z ‘€ ‘BAUJIOX 2h ‘UZAUOIO À op “MOQUE T, 92p 69°£ mr UV && 9 19°9 007 ‘4 "ASIN ap &0 ‘9 * ‘OQUIQU09 NE YL‘OI D AR SN ET : JU91JU09 9U29SS9P [OS 97 « “anbrdoosoi$fq ne 007 ‘d 1POTOS MON “EU fINT op —————_—_—_—_—— TT SLNHWKUuNUUHANO)D DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 281 grain fin et les principes solubles sont aussitôt absorbés par le réseau très serré des racines des plantes des steppes. Ils retournent de là, pour la plus grande part, dans l’humus qu’ils contribuent à former et, quand celui-ci est soumis à la culture du sol des steppes dans des conditions favorables à la décomposition, ils profitent en forte proportion aux végétaux cultivés, d'autant plus que les matières organiques se décomposent alors très vite. Les analyses précédentes publiées par P. Kosryrscuerr donnent une idée de la composition chimique de la terre noire de Russie. Les nombres ci-dessous, dus également à KOsTyTSCHEFF, mon- trent l’extraordinaire homogénéité de composition chimique du tchernozem jusqu’à d’assez grandes profondeurs : Terre noire du gouvernement d’Ekaterinoslav. PROFONDEUR DE LA COUCHE (en pouces). ÉLÉMENTS DOSÉS. 0-6 6-12 | 12-18 | 18-24 | 24-30 | 30-36 I PRES À p. 100 p. 100 p. 100 p.100 p.100 p.100 Eau hygroscopique. . . .| 8,47 | 8,61 Do STI TA ES"6S ! Le sol desséché contient : HOME EU trees l'E 0N 041] 01 Eau combinée. . . . .| 3,98 | 2,46 Péri an tem tr le PE OT ET Substances minérales. . .| 86,38 dans lesquelles il y a : 1. Substances zéolithiques : Silice . Alumine . Oxyde de fer . Oxyde de manganèse . Chaux. . Magnésie. : EOLASSER METTRE Soude. PE Acide phosphorique Acide sulfurique. . — — Ce) {8,01 18,63 | 18,70 7,81 95 | 7,90 5,01 2| 5,28 0,21 21| 0,20 1,41 1,46 1,66 3 | 1,71 0,77 0,81 0,10 0,10 0,18 0,17 0,02 3| 0,03| 0,33 ER D 1 a ESS Le) [le] LI 19 OM SI, OUT © ER SES —) s [æ] ? O2 1] (ee) [er] ee] - a 19 (w2] [ec] _ eo lOPE den 190 © OO © © © mm © À 2 — en 34,88 | 35,18 | 35,81 | 36,31 | 36,66 2, Carbonate de chaux . . . A Ep 2 QE S-PATCIIelet:SADIe 0 2153,93 | 54,88 | 55,07 | 56,74] 57,11 282 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.. Près de l'humus brut des steppes peut se ranger une autre espèce d’humus qui se forme de la même façon et qu’on peut appeler à juste titre humus brut de vase (Schlammrohhumus). En mélange avec divers éléments minéraux à grain très fin (argile, sable, marne), il forme ce qu’on nomme le limon (Schlick), qui se dépose sur le: bords et à l'embouchure des fleuves et contribue à la formation des marais (Marsch). Cette sorte d’humus provient originairement de restes organiques animaux et végélaux ; les plantes et animaux aqua- tiques se trouvent exposés à la décomposition sur des places assé- chées du lit; lors d'uue crue, ils sont transportés plus loin à l’état pulvérulent et finalement se déposent en mélange avec des matières terreuses. Le taux de ces substances organiques en humates, de même que leur mode de formation, montrent qu’elles ont pris nais- sance dans des conditions défectueuses de l’eremacausis. Le taux d'humus dans les sols de marais humiques s'élève à 5-10 p. 100. L’humus brut de bruyère existe dans les régions où les conditions de sol et de climat sont si favorables à la végétation de la bruyère (Calluna vulgaris), qu’elle étouffe presque entièrement toutes les autres plantes et couvre le sol d’un tapis serré’. Sur les sols sa- blonneux, les dévastalions des forêts sont la principale cause de l’in- vasion de la bruyère. Le vrai sable de bruyère se reconnait à une couche de grès brun ou noir (Ortstein*?) situé à une faible profon- deur au-dessous de la surface. Avec la bruyère on trouve, dans cerlaines contrées, le genêt à balai (Sarothamnus scoparius), divers genêts (Genista anglica, G. pilosa), l’airelle myrtille ( Vacci- nium myrtillus), l’airelle canche (Vaccinium vitis idæa), l’ajonc (Ulexz europœus), etc. ‘Les régions à bruyères sont en général caractérisées par la sé- cheresse du sol; donc l'humus brut de bruyère est une variété qui se forme par la décomposition des bruyères avec défaut d'humidité. Dans les premiers stades, l'humus est de teinte sombre el de struc- ture compacte, peu fibreuse ; plus tard, il devient brun noir ou noir, 1. A. Sazrecn, Die Kullur der Haideflächen Nord-West-Deutschlands. Hildes- heim, 1870, imprimerie Gerstenberg. Ft 2. C'est notre alios. (Trad.) DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 283 de la consistance de la tourbe (lourbe de bruyère), très homo- gène, presque graisseux à l’état humide et solidement agglutiné à l’état sec. L’humus brut forestier se forme aux dépens de la couverture quand, par suite de la température ou de la croissance des arbres, l'humidité diminue et l'air n’arrive plus à dose suffisante. De plus, les plantes qui s'installent de préférence sur cet humus (bruyères et airelles) contribuent, par leur rés:au serré de racines et leurs dé- tritus propres, à l'augmentation de ces dépôts‘. Les plantes caractéristiques de l’humus brut forestier sont sur- tout : la bruyère (Calluna vulgaris), l’airelle canche (Vaccinium vilis idæa), l'airelle myrtille (Vaccinium myrtillus), le mélampyre des prés (M. pralense), le Mayanthemum bifolium, le Trientalis europæa dans les pays du Nord et dans les montagnes, le rhododen- dron dans les montagnes, les fougères (Pleris aquilina et diverses espèces d’aspidium), les lycopodes (Lycopodium clavatum, L. com- planalum), diverses mousses (entre. autres : Hypnum Schreberi, H. purum, Hylocomium triquetrum, Sphagnum Girgensohnii, Leu- cobryum vulgare). Partout où commence à se former l’humus brut, la couverture morte se montre plus ou moins compacte, tandis qu’elle est poreuse là où naît le terreau. Donc déjà par l’état de la couverture on voit si l’on à affaire à l’une ou à l’autre espèce d’humus. L’humus brut forme généralement des couches assez épaisses qui, à l’état peu décomposé, constituent des masses fibreuses d’une structure moyen- nement poreuse ct, plus tard, à mesure que l'air fait défaut, des dépôts compacts presque semblables à la tourbe (tourbe sèche) *. Dans le premier cas, l’humus brut est encore susceptible d’une dé- composilion ultérieure s’accomplissant en quelques années ; dans le second, il se montre au contraire d’une grande fixité. 1. E. Raman, Forstliche Bodenkunde und Standortslehre. Berlin, 1893, p. 230. 2. Il ne me paraît pas opportun de séparer, comme Ramanx l'a proposé, les dépôts désignés jusqu'ici par le nom général d'humus brut (Rohhumus), en deux groupes, humus brut et tourbe sèche (Rohhumus et Trockentorf}, parce que cette distinction n'est pas nette et que la tourbe sèche (Trockentlorf) procède le plus souvent de l'humus brut (Rohhumus). 284 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Quant à la facilité et à la rapidité avec lesquelles progresse le dépôt d'humus brut, les détritus végétaux qui le forment présentent des différences remarquables. D’après E. Raman, les arbres se ran- gent à ce point de vue dans l’ordre suivant: hêtre, épicéa, chêne, pin. Pour le sapin, le mélèze et le bouleau, les observations man- quent encore. Le même auteur cile parmi les espèces du tapis vé- gétal : bruyère, airelle canche, airelle myrtille, fougères, mousses, surtout celles qui forment des touffes serrées. Suivant le matériel producteur, suivant le degré d’altération et les circonstances exté- rieures, lhumus brut présente une consistance et une couleur diffé- rentes. L'humus brut des prairies provient de la décomposition des ra- cines des graminées et autres plantes des prairies avec un accès d'air limité et un taux exagéré d'humidité dans le sol. Ce sol des prairies est difficilement perméable à Pair, parce qu’il n’est pas tra- vaillé et qu’à cause de sa situation dans les points les plus bas du relief il jouit d’une humidité excessive. Ajoutons que le réseau radi- culaire richement ramifié des plantes des prairies obstrue le plus grand nombre des pores aérifères. Par suite de cette texture du sol, - la décomposition des matières organiques est très lente ; celles-ci se rassemblent peu à peu en quantité plus ou moins grande sous forme d’humus brut et contribuent d’autant, vu leur grande faculté d’imbibition, à augmenter le taux d'humidité du sol. Finalement, il arrive un moment où l’accès de l'air atteint son minimum ; alors se manifes'ent les réactions de la putréfaction et les matières hami- ques qui se déposent se rapprochent de la composition de la tourbe (tourbe de prairie). Le sol de la prairie prend alors le caractère tourbeux qui se manifeste par la disparition des graminées et par la pullulation des herbes acides (Carex, Scirpus, etc.) et d’autres plantes de marais. Comme on vient de le voir, les matières de Phumus brut, quand elles sont soumises à des conditions défectueuses d’eremacausis, passent finalement à des produits très voisins de ceux de la putré- faction dont ils sont des formes de transition. Qt DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 28 2. Produits de la putréfaction. L'humus formé dans les eaux stagnantes en l’absence de l’air est ordinairement d’un brun sombre ou d’un noir brun, avec une con- sistance variable et laisse encore aisément reconnaitre la structure des plantes dont il provient. Le produit de cette humification, nommé {ourbe ou « humus acide », se signale par une grande fixité et ne subit que des changements insignifiants quand il est soumis à des conditions favorables à la décomposition (eremacausis). On ne peut admettre que des organismes inférieurs ne participent pas à ces processus, puisque, comme on l’a montré plus haut, la transfor- mation des matières organiques est liée, d’une manière absolument générale, à l'activité des champignons et qu’en outre les produits gazeux et solides résultant de la formation de la tourbe ont une composition analogue à ceux qui naissent dans la putréfaction des résidus végétaux. Le fait que la tourbe a des propriétés antisepti- ques * et l'observation signalée par plusieurs auteurs? qu’on n’a pas trouvé de bactéries ni d'êtres organisés quelconques dans la tourbe faite ne sont pas en contradiction avec cetle opinion ; car on n’a pas examiné les premiers stades de décomposition dans lesquels les microorganismes, d’après ce que nous savons des processus de la putréfaction, déploient sans aucun doute leur activité. Plus tard, elle s’arrête dès qu’une certaine quantité d’acides orga- niques (acides humiques) est formée, parce qu’ils rendent difficile et finalement empêchent le développement des bactéries. C’est pour cela que la décomposition ultérieure de la matière organique se trouve en même temps entravée à un degré extraordinaire, ne s’opérant plus vraisemblablement que par des réactions purement chimiques (ulmification ou humification). Il en est de même pour lhumus brut dont la formation est liée aussi à la présence des acides humiques. Les points où se forment sous l’eau, par la putréfaction des débris 1. Garrkv, Archiv für klinische Chirurgie, vol. 28, fase. 3, — Neuner, ébäd, vol. 27, fase, 4, et vol. 28, fasc. 3. — G. Reinz, Prager medicin. Wochenschrift, 1886, n° 13-15. 2. J.-J. Frün, Ueber Torf und Doppleril. Zürich, 1883, p. 38. 286 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. végétaux, des couches plus où moins épaisses de tourbe s'appellent des tourbières (Hoor). Les districts ainsi couverts d’eau stagnante se trouvent partout où, à cause de l’imperméabilité du sol ou de la persistance des infiltrations, l’eau s’accumule et noie le sol d’une manière continue. Les plantes qui s'installent dans ces milieux et donnent des dépôts de tourbe par leurs touffes qui meurent chaque année sous l’eau sont différentes suivant la composition chimique et la quantité de l’eau, mais elles offrent avec leurs stations des rap- ports caractéristiques qu’on utlise pour la distinction des diverses tourbières. C’est surtout d’après la flore qu’on sépare les tourbières basses (Grünlandsmoore) et les tourbières hautes (Hochmoore) *. a) Les tourbières infra-aqualiques. Ces tourbières, que LESQUEREUX a désignées sous le nom d’infra- aquatiques”, s'appellent aussi tourbières basses, de vallées, de prai- ries, ou tourbières calcaires, tourbières à roseaux ou à cypéracées ; elles se forment sur les bords et dans les environs immédiats des eaux courantes ou encore dans les cuvettes des lacs et généralement sur les rives. Elles se trouvent surtout dans les plaines basses, plus rarement dans les pays de montagnes. La végétation y consiste essentiellement en graminées (Phragmiles communis, Glyceria speclabilis et aqualica) ou en cypéracées, parmi lesquelles en remarque surtout Carex stricta, paniculata, ampul- lacea, vesicaria, canescens, paradoxa, des espèces de Juncus et de Scirpus et, en outre, des mousses (Hypnum inlermedium, giganteum, aduncum, scorpioides, slellalum, vernicosum, cordifolium, nitens, 1. F. SireNsky, Ueber die Torfmoore Bohmens. Prag., 1891. — On y trouve la bibliographie complète. Ouvrages importants : À, GuiseBacu, Ueber die Bildung des Torfes in den Emsmooren. Gôttingen, 1846. — 0. SenvrNER, Die Vegetalionsverhältnisse Südbayerns. München, 1854. — F. Sexrr, Die Humus-, Marsch-, Torf- und Limonitbildungen. Leipzig, 1862. — d.-1. Faüu, loc. ct. — H. vox Posr, Landw. Jahrbacher, vol. XVII — E. Ramanx. Forstliche Bodenkunde. Berlin, 1593. 2. ‘n allemand on les appelle Grunlandsmoore ou Niederungs-, Thal-, Flach-, Wiesen-, Rasen-, Kalk-, Rôhricht-, ou encore Rohrmoore où Moos (pl. Moser) ou enfin Riede. (Trad.) | DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 281 Dicranum palustre, Philonotis fontana, Gymnocybe palustris, Sca- pania undulala, Bryum pseudotriquelrum). À côté de ces plantes, dunt les graminées, les cypéracées et les hypnées sont les plus im- portantes pour la formation de la tourbe, on trouve encore beaucoup d’autres espèces dont la liste complète ne peut trouver place ici*. Suivant l’origine, la situation, la composition et la quantité de l’eau, les tourbières basses présentent des flores différentes. Quand elles commencent à se former, ce sont d'ordinaire les Phragmites, les Typha, les Glyceria spectlabilis qui dominent et on les désigne sous le nom d’Arundinelum * (de Arundo Phragmites — Phragmites communis). Sont-ce les cypéracées (Carex, Scirpus, Juncus) qui ont surtout contribué à leur formation, on les appellera des Caricelum, et des Hypnetum si elles doivent leur principale origine aux Hypnum que nous venons de citer. En général, la formation de la tourbe est due d’abord aux Phrag- miles, Typha, Glyceria, Scirpus, c'est-à-dire à des plantes qui en- foncent leurs racines sous l’eau et développent au-dessus leurs organes aériens. Quand les restes organiques se sont accumulés assez pour que la couche de tourbe s'approche de la surface, les Carexz s'installent, végétant surtout au-dessus de l’eau et élargis- sant toujours peu à peu leur domaine. Les cypéracées couvrent souvent de grands espaces qui ont, en Bavière, en Souabe, en Hon- grie, des noms spéciaux et qui, avec les Phragmites, constituent souvent les seuls points solides de la surface tremblante de la tour- bière, points qui s'élèvent de 0,4. En Bavière, ce sont les Schœnus ferrugineus et nigricans qui contribuent principalement à leur for- mation ; ailleurs, c’est le Carex stricla. Quand les végétaux généra- teurs de la tourbe se répandent dans les lacs et les étangs, la surface de l’eau se rélrécit peu à peu à partir des bords jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un pelit espace d’eau libre au-dessus du point le plus profond de la cuvette; celui-ci même avec le temps finit par être envahi et se couvrir de végétation. 1. On trouvera dans l'ouvrage ci-dessus cité de Sitensky une liste complète des plantes des tourbières. 2. Dans certaines régions de France, on les appelle des rosclières. (Trad.) 288 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Par suite de cette marche de formalion de la tourbe, la partie centrale reste la plus humide et le taux d’eau de la masse diminue à mesure qu’on s’avance vers la rive, caractère qui distingue déjà exté- rieurement beaucoup de tourbières basses des tourbières hautes. Dans les bas-fonds des fleuves, les tourbières se constituent sur- tout là où les bords sont plats et où des alluvions se sont accumu- lées à la suite des inondations. Avec une pente faible, les inondations ont lieu facilement; aussi, la vitesse du cours d’eau est-elle de grande importance pour la formation de la tourbe. Malheureusement, on manque, pour les fleuves, d'observations sur là pente maxima pour laquelle se forme la tourbe sur leurs bords dès qu'ils sont plats et sur la pente minima au-dessous de laquelle les rives restent sèches. D'après les observations, d’ailleurs éparses, que O. SENDTNER à faites à ce sujet, on peut admettre que, dans les grands fleuves, la formation de la toube est déjà empêchée par une pente de 5,93 pour 10000 ; dans les rivières à méandres, il faut 20,5, mais dans ces dernières la production de tourbe a encore lieu avec 17,39, tandis que, dans les grands fleuves, elle s'empare de la place avec 6,8 (Inn) et 3,01 pour 10000 (Danube). Quant au sens dans lequel progresse la formation de la tourbe aussi bien dans les lacs d’assez grande dimension que dans les larges cours d’eau dont la direction est nord-sud ou à peu près, il paraît, d'après les recherches de J. KLINGE”, que la direction du vent do- minant est de grande importance. Get auteur a trouvé notamment que les rivages des lacs (dans l’est des provinces baltiques, en Ba- vière, Salzburg) et aussi des fleuves (s’il n’y a pas de courant trop fort perpendiculaire à la direction du vent dominant el si, en outre, le fleuve a une largeur telle que le vent puisse produire des vagues assez fortes) forment d’abord des tourbières sur la rive protégée contre le vent dominant et c’est à partir de là qu’elles s’étendent. Le bord sud-ouest des lacs des provinces baltiques orientales est toujours celui qui se couvre de végétation, le bord nord-est, quand la largeur est suffisante, est dégarni. Dans le reste de l’Europe, les rives occidentales sont préférées par la végétation côtière. Dans les 1. Botanische Jahrbücher, vol. XI, 1889, p. 265. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 289 fleuves, c’est la rive à l’abri du vent qui se couvre de végétation. C’est la direction du vent dominant qui détermine toujours le sens de la marche de cette végétation. C’est pourquoi, dans les lacs, la por- tion de la surface qui reste libre ne se trouve pas au-dessus de la plus grande profondeur qui occupe ordinairement le milieu ; elle est toujours rejetée vers le bord exposé au vent. Le fond des tourbières infra-aquatiques peut être de composition très diverse, siliceux, argilo-siliceux, marneux. Il est habituellement formé de dépôts vaseux contenant de l’humus, du calcaire, de l’ar- gile ou du lehm. Dans l’Allemagne du Nord, où ces tourbières sui- vent partout le cours des fleuves, c’est d'ordinaire le sable, plus rarement le lehm sableux, qui en constitue le fond, recouvert d’hu- mus vaseux. Dans le sud de la Bavière, elles reposent sur de la silice (limon glaciaire) qui est presque partout surmontée d’une couche plus ou moins épaisse de calcaire tourbeux (4lm). En présence de telles différences dans la composition du fond des tourbières, on ne peut admettre que celui-ci ait quelque influence sur la production des plantes caractéristiques des tourbières infra-aquatiques ; les nombreuses observations faites à ce sujet montrent que les plantes des tourbières infra-aquatiques exigent des eaux riches en éléments nulrihifs, notamment en chaux; c’est là la première condition de l'apparition de la flore typique de ces lourbières. | L’épaisseur de la couche de tourbe y est très variable ; elle atteint dans le nord de l’Allemagne 1-2 mètres, rarement 2,5-3 mètres. Il en est autrement dans le sud de la Bavière où, d’après SENDTNER, la tourbière d’Erdinger a jusqu’à 6",5 d’épaisseur et celle de Neu- burg, sur les bords du Danube, offre en maints endroits des épais- seurs de 6,9 à 9",5. b) Les tourbières supra-aquatiques. Désignées aussi sous le nom de tourbières à mousses, à sphaignes, à bruyères”, les tourbières que LESQUEREUX nomme supra-aquati- ques sont les tourbières proprement dites ; elles occupent généra- 1. Les synonymes allemands donnés par WorLNy sont les suivants : Moos-, Sphag- num-, Haidemoore, Filze, Lohen. (Trad.) ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE, — 1899. — 1f, 19 290 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. lement des dépressions en forme de cuvette aussi bien dans les plaines que dans les montagnes et ont souvent une grande étendue. Dans tous les cas, elles débutent et s'étendent par des mousses nommées sphaignes, végétant à la surface de l’eau qu’elles élèvent avec elles. Déjà par là les tourbières supra-aquatiques se distinguent des autres où il n’y a pas de sphaignes. Dès que ces mousses ont pompé l’eau en excès et qu'il n’y en a plus au-dessus d'elles, 1l apparaît sur leur masse spongieuse diverses autres plantes caracté- ristiques, notamment Calluna vulgaris, Erica telralix, Vaccinium oxæycoccos el uliginosum, Eriophorum vaginatum, Ledum palustre, Andromeda polifolia Myrica gale, Drosera rotundifolia, longifolia et ovata, et la tourbière en formation se complète avec quelques autres mousses (Polytrichum strictum). Suivant la prédominance des espèces, la tourbière s’appelle Sphagnetum, ou Eriophoretum, ou Sphagneto-Ériophoretum, ou Vaccinieto-sphagnetum, Vaccinielo-Callunelum, etc. Le genre Sphagnum est extrêmement riche en espèces. Celles qu'on rencontre le plus souvent sont : Sphagnum cymbifolium, cus- pidatum, capilhifolium, molluscum, acutifolium, medium, varia- bile, subsecundum, teres, cavifolium, rigidum, molle, fimbriatum, Girgensohni. Ces mousses sont non seulement les éléments forma- teurs essentiels de la plupart des tourbières, mais encore elles sont éminemment propres par leur structure à retenir l’eau *. La tige (fig. 46) consiste au centre en cellules allongées à parois molles, incolores autour desquelles est un anneau de cellules ponc- tuées qui sont de plus en plus étroites et à parois de plus en plus épaisses vers l'extérieur. Les cellules de la couche tégumentaire ont des parois minces, incolores et sont beaucoup plus larges que celles du centre. Ces parois présentent quelquefois de minces épaississements spiralés et sont percées de grandes ouvertures qui mettent en communication les cellules voisines. Elles ne contiennent que de l’air ou de l’eau qui y monte comme dans un appareil capillaire très actif. 1. J. Sacns, Trailé de bolanique, traduit par Van Tiecnem sur la 3° éditionalle- mande, Paris, Savy, 1874, p. 439, DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 291 Les feuilles, insérées par une large base sur la tige et les rameaux (fig. 47), sont composées de cellules de deux sortes régulièrement disposées ; les unes grandes, larges, en losanges allongés, les autres étroites, tubuleuses, chemimant entre les premières et reliées en- semble en réseau. Les grandes cellules perdent bientôt leur contenu et paraissent incolores ; leurs parois sont munies de rubans spiralés, élroits, irréguliers, lâächement enroulés et de grandes ponctuations Fra. 46. — Sphagnum cymbifolium (90). Fra. 47. — Sphagnum acutifolium (90). Section transversale de la tige : æ, cellules intérieures à parois incolores et molles ; r, cellules corticales de plus en plus étroites et à paroïs de plus en plus épaisses et plus sombres vers l'extérieur ; ee, couche tégumen- taire ; 7, trous par où les cellules superposées commu- cellules vides. (D’après J. SAOHS.) niquent ensemble. (D’après J. SAOHS.) bordées chacune par un anneau d’épaississement et dans toute l'étendue desquelles la membrane cellulaire est bientôt résorbée. Il en résulte de grands trous, le plus souvent circulaires, dans la membrane de ces cellules incolores. Les cellules étroites situées entre les premières conservent au contraire leur contenu, for- ment des grains de chlorophylle et constituent ainsi le tissu nu- tritif de la feuille, tissu dont la surface totale est néanmoins plus faible que celle du tissu incolore et inactif (Sacus). Grâce à la forme particulière de ces cellules perforées de la tige À, une portion de la surface de la feuille vue d’en haut; cl, cellules à chlorophylle; j, les rubans spiralés ; /, les trous des grandes cellules vides. — B. Section transyer- sale de la feuille ; ct, cellules à clorophylle ; ls, grandes 292 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. et des feuilles, l’eau de la tourbière peut être pompée et amenée dans les parties supérieures de la plante. Il en résulte que les sphai- gnes, croissant constamment par le haut, sont humectées jusqu’au sommet comme une éponge, même quand le tapis végétal est déjà fort au-dessus du niveau de l’eau. Les propriétés de ces mousses sont telles que, dès qu’elles appa- raissent, la formation de la tourbière commence. Ce revêtement de mousses saturées d’eau est presque complètement impénétrable à l'air, si bien que les restes organiques sous-jacents sont soumis à la putréfaction. En raison de cet excès d'humidité, les sphaignes s’ac- croissent sur la surface de la tourbière comme une éponge gigan- tesque qui élève l’eau toujours plus haut et qui absorbe l'humidité atmosphérique en quantités toujours plus grandes; cette vaste éponge s’étend sur ses bords et, dans les circonstances favorables, finit par couvrir toute la vallée. Dans les lieux plats, la surface des tourbières est habituellement bombée, et c’est à cetle propriété qu'elles doivent leur nom (Hoch- moor). Ainsi, d’après SENDTNER, les bords de la tourbière de Murn, près de Wasserburg, sont à 7°,3 plus bas que le milieu, et ceux de la tourbière de Panger, près de Rosenheim, à 4,5 ou 6 mètres. Dans lIsergebirge, l’Erzgebirge et les monts de Bohême, il y a, d'après SITENKY, quelques tourbières dont le centre est de 2 à 3 mè- tres plus élevé que les bords. GRISEBACH admet que le bombement de la grande tourbière d’Arenenburg, dans la Frise orientale, atteint environ 6,4 ; celui de la tourbière de Düvel, près de Brême, s’élève vers le centre jusqu’à 11",5. Les tourbières ont donc leur maximum d’élévation au point où elles ont commencé à se former, c’est-à-dire là où les couches de tourbe sont les plus anciennes, les plus puis- santes, donc d'ordinaire en leur milieu. Ce bombement est la cause principale de leur agrandissement ; quand la couche tourbeuse a acquis une certaine épaisseur, elle presse par son propre poids sur ses bords, si bien que les limites primitives s’élargissent et qu’il se forme à la périphérie une nouvelle auréole de sphaignes. Celles-ci provoquent la formation de tourbe qui reste cependant toujours à un niveau plus bas que l’ancienne parce que celle-ci continue à s’accroitre en épaisseur. Ainsi s'explique le bombement des tour- DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 293 bières et ce fait qu’elles sont souvent plus humides sur les bords qu’à l’intérieur. Partout où agissent sans modification les facteurs extérieurs (hu- midité, qualité de l’eau) dont dépend la flore des tourbières, les dépôts d’humus des tourbières infra ou supra-aquatiques augmen- tent et, suivant les circonstances, cel accroissement de la tourbe se fait plus ou moins rapidement. Toute modification tranchée dans les conditions d’existence des plantes a, d’ordinaire, pour consé- quence une interruption dans la formation de la tourbe parce que la végétation des plantes qui la produisent s'arrête et qu’on voit apparaître d’autres espèces (des li- chens ou des graminées frugales qui préparent peu à peu le sol à recevoir des végétaux plus exi- geants). Ces interruptions peuvent être dues : à une sécheresse anor- male longtemps prolongée, à la ces- sation de l’arrivée de l’eau par tarissement des sources, par cor- rection des cours d’eau, par drai- nage ou encore à l'emploi de sols minéraux en couverture (pierres, sable, argile, lehm ou terre fer- tile). Dans ces cas, la croissance de la tourbière s'arrête, soit temporai- rement, soit pour toujours, suivant Pie. 48. que les causes qui ont provoqué en ARE l'arrêt persistent ou non. La tourbière infra-aquatique de Reuti, dans le sud de la Bavière, offre un exemple de ce fait; d’après SENDTNER, la tourbe y est sépa- rée en couches d’inégale épaisseur par de nombreux lits d’argile, comme le montre la figure 48. De pareils cas sont pourtant rares, parce que d’ordinaire les modifications persistent dans le même sens. : Quand on recouvre la tourbière avec des sols minéraux ou quand l’eau fait défaut soit naturellement soit artificiellement, la formation de tourhe cesse. Sur la surface asséchée s’installent diverses herbes 294 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. acides (Carex acuta, flacca, Juncus filiformis) ou douces (Aira cæs- pilosa, Anthozanthum odoratum, Agrostis stolonifera, Alopecurus pratensis, Poa trivialis, Festuca pratensis) et d’autres plantes (Car- damine pratensis, Menyanthes trifoliata, Trifolium hybridum, etc.) ou même, quand le sol est très sec, des mousses (Bryum cœæspititium et intermedium) en nombreux petits amas recouvrant toute la sur- face. Entre les paquets de sphaignes flétries on voit des lichens, sur- tout des cladonia (CL. furcala, fimbriata, ochrochlora, macilenta, uncinata et, dans les montagnes, en outre, CL. bellidiflora, Floer- keana, deformis), d’abord à l’état disséminé, puis en quantités assez grandes. Quand la persistance de l’assèchement amêne une dimi- nution constante des végétaux précédents, la surface est envahie par les Cladonia rangiferina et rangiformis. On voit aussi par place Pogonatum aloides, nanum, Pleris aquilina, Calamagrostis epi- geios. Les restes de ces plantes se décomposent souvent en compa- onie de ceux de la bruyère en formant une masse terreuse feutrée, presque semblable à de la sciure et d’une teinte qui varie du blanc gris au jaune brun. A Pair, cette masse se transforme en un humus poudreux, d’un brun noir, contenant beaucoup de résine gluante, et que les Allemands appellent Bunkerde ou Schollerde. Sur cette couche épaisse de 15 à 45 centimètres on voit apparaître d’abord des graminées peu exigeantes (Phleum pratense, Anthoxanthum odoratum, Holcus lanatus) et plus tard des espèces moins frugales (graminées et papilionacées) quand le sol s’est amélioré. Tandis que la prospérité des plantes formatrices est liée dans les tourhières infra-aquatiques à la présence d’eau riche en principes nutritifs, d’eau calcaire, celle des plantes des tourbières supra-aqua- tiques exige une eau pauvre en chaux. Les premières, en d’autres termes, ont besoin d’eau tellurique, les secondes d’eau atmosphé- rique provenant des pluies ou des neiges. C’est cette différence dans la composition de l’eau qui entraine celle des deux groupes caracté- ristiques des végétaux des tourbières. L'opinion de SENDTNER, que la base minéralogique des tourbières détermine leur formation et que les tourbières supra-aquatiques ne peuvent naître que sur l’ar- gile, est en contradiction avec ce fait que maintes tourbières ont un sous-sol calcaire ou siliceux. D’après les recherches concordantes DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 295 de Poxorny, FRÜH, LORENZ, SITENSKY et RAMANN, la majorité des tourbières supra-aquatiques provient de prairies tourbeuses ou de dépôts d’humus, notamment dans les forêls. On a souvent observé qu’elles peuvent prendre naissance directement sur l’argile, donc sur des dépôts inorganiques; mais c’est parce que l’eau de pluie reste stagnante sur ces couches argileuses imperméables et que les sphaignes s’y installent, en formant de la tourbe, comme on peut s’en convaincre dans les vieux fossés argileux remplis d’eau de pluie. Le plus souvent, le fond consiste en une couche d’humus produite par la flore d’une tourbière infra-aquatique ou par des arbres forestiers et qui se dépose aussi bien sur l'argile que sur divers autres sols minéraux (lehm, marne, sable). Une tourbière à sphaignes peut se former sur une tourbière infra- aquatique si la composition de l'eau se modifie ; qu’une tourbière de ce dernier type acquière toute l'épaisseur qu’elle peut avoir dans les conditions données, ou que, pour une cause quelconque, l’ap- port d’eau tellurique soit diminué, ou bien encore que cette eau s’appauvrisse par son épuisement plus ou moins complet en matières nutritives, surtout en chaux, sous l'influence des plantes de marais, l'accroissement de la tourbière prendra fin. Si, dès lors, il se forme dans les dépressions des accumulations d’eau atmosphérique, sur ce fond humique, très aqueux, les conditions deviennent favorables à l'apparition des végétaux qui donnent les tourbières à sphaignes, par exemple : Sphagnum rigidum, verum, compactum, aculifo- lium, etc., et d’autres mousses. Ces tourbières peuvent aussi se former dans les forêts de façons diverses, soit directement, soit après une phase de flore des prairies tourbeuses. Dans le premier cas, la production de la tourbe est sou- vent occasionnée par une couche d’alios interstratifiée dans le sous-sol'. L’alios qui se forme dans les forêts sous l’influence de l’humus brut provoque, par son imperméabilité, l'accumulation de grandes quantités d’eau pendant la saison humide; les arbres végè- tent moins bien et meurent peu à peu. Le sol reçoit plus de lumière et de chaleur, ce qui active la décomposition d’une partie de l’humus 1. E. Raman, Forstliche Bodenkunde, Berlin, 1893, p. 248. 296 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. accumulé et favorise la végétation de la bruyère qui supplante les mousses. Les couches d'humus de bruyère s'accroissent constam- ment en épaisseur et comme, vu leur grande faculté d’imbibition, elles sont très humides, elles permettent l’arrivée de plantes telles que l’Erica tetralix, l'Eriophorum vaginaltum, le Scirpus cæspito- sus qui font de larges emprunts à la provision d’eau du sol. Ces plantes font reculer les bruyères sur les bords moins mouilleux de la tourbière et y forment des couches de tourbe. « Elles ne restent pas longtemps en possession incontestée du domaine. D'abord, en cer- tains points, qui vont s’élargissant, apparaissent des sphaignes et, de même que la forêt primitive a été supplantée par les bruvêres, celles-ci ont été plus tard supplantées par les Eriophorum, lesquels ont été toujours plus acculés sur les bords par les mousses de tour- bières. » Dans toutes les tourbières de ce type on trouve donc, en allant des bords vers le centre, toutes les plantes qui prennent part à la formation de la tourbe et justement dans l’ordre de leur appari- tion (bruyère, Erica tetralix, Eriophorum vaginatum, Sphagnum). La figure 49 donne une coupe d’une tourbière de cette origine. FIG. 49. — Tourbière d’origine forestière (D’après E. RAMANN). a, tourbe de sphagnum ; b, tourbe d’eriophorum ; e, tourbe de bruyère ; d, restes d'arbres et matières organiques indéterminées ; e, 80] minéral. À mesure que décroit pour les plantes, avec le gonflement de la couche de tourbe, la faculté d’absorber l’eau qui leur est nécessaire, la bruyère fait invasion de nouveau et la tourbière marche vers une fin certaine. C’est ainsi que se termine presque toujours la forma- tion des tourbières dans les vallées, comme l’ont montré les re- cherches de P.-E. Müzer‘, D. Emeis? et A. BorGMANN*. Les tour- 1. Études sur les formes naturelles de l'humus. Berlin, 1887. Traduit dans les Annales de la Science agronomique française et étrangère, 1889, t. I. ?, Allgemeines über Wald, Moor, und Haide in Schleswig-Holstein. Berlin, 1873. 3. De Hoogvenen van Nederland. Inaug.-Dissertationen. Groningen, 1890. Re- Jferal in : Forschungen, elc., vol. XIV, 1891, p. 274. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 297 bières où il n°v a pas de restes d’arbres ont, comme sous-sol, un Callunetum ou, en son absence, un Eriophorelum. En montagne, la production des tourbières à sphaignes aux dé- pens des forêts est favorisée par cette circonstance que, sur les pla- teaux et les pentes, il se forme très facilement de puissantes couches d’humus brut sur lesquelles se fixent les mousses des tourbières (d’abord le Sphagnum aculifolium) et ces mousses constituent peu à peu une tourbière à sphaignes. Celles qui prennent naissance dans les forêts par le second mode, c’est-à-dire qui ont pour sous-sol une prairie tourbeuse, sont beau- coup plus rares que les précédentes. Elles ont été observées, par exemple, dans des endroits peuplés d’aunes et de saules et qui pos- sèdent une humidité suffisante. Ici peuvent se montrer diverses espèces d’hypnum, de cypéracées et d’équisétacées qui, par leur présence en masse, augmentent l'humidité de ces places et facilitent le déracinement des arbres par le vent. « Ou bien la formation tour- beuse, partant de cuveltes, de fossés aqueux généralement garnis d’'Equisetum limosum, Juncus communis, Sphagnum et autres plantes, s’élend aux environs dans la forêt sur l’humus humide et empêche les arbres de prospérer. Dans le cours des années, les tiges des arbres déracinés et tombés se sont transformées partiellement ou totalement en humus qui enrichit la tourbière et la rend particulié- rement propre à la croissance des mousses de la tourbe. » (SITENSKY.) L’épaisseur de la couche de tourbe dans les tourbières à sphai- ones est assez considérable. Ainsi, aux environs d’Ems, la tourbière de Papenburg atteint une profondeur de 7°,5 à 9",4 et celle d’Au- rich de 8 mètres à 11°,5. Dans le sud de la Bavière, quelques tour- bières ont, suivent SENDTNER, une épaisseur de 8 mètres et plus. En Lithuanie, EISELEN affirme que certaines tourbiôres présentent des couches de tourbe de 10 mètres à 41",3 tandis que celles de l'Allemagne du Nord ont, en moyenne, d’après le même auteur, 4 à 8 mètres d'épaisseur. D’après LESQUEREUX, les tourbières du Jura ont des couches de tourbe épaisses de 9",5 à 13 mètres". 1. F. Senrr, Die Humus-, Marsch-, Torf- und Limonitbildungen, Leipzig, 1S6?, p. 104. 298 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. En comparant ces données avec ce qui vient d’être dit sur les tour- bières infra-aquatiques, on voit que les couches de tourbe dans les tourbières à sphaignes sont, en général, plus épaisses. En outre, la tourbe présente dans les deux groupes de tourbières de grandes différences, soit dans l’ensemble, soit dans chaque couche. Tandis que dans les tourbières infra-aquatiques elle est toujours poudreuse et d’un noir pur de haut en bas, dans les tourbières à sphaignes elle apparaît, à la surface, comme une masse jaunâtre laissant dis- tinguer les restes des végétaux ; elle devient d’un brun jaune ou d’un brun rouge jusqu’à une profondeur de 1",2 à 1",6, puis commence une couche plus compacte, de 3 à 4 mêtres d'épaisseur, qui devient plus dense et plus foncée à mesure qu’on s’enfonce et qui, à 6 mètres, prend une structure terreuse complètement amorphe et une colora- tion noir brun. c) Tourbières mixtes. Il peut y en avoir de diverses sortes, soit que les tourbières pré- cédemment décrites coexistent sur une même surface, soit que les masses tourbeuses aient un caractère indéterminé. On appelle tourbières mixtes (Wischmoore) celles où des espaces ou îlots plus du moins grands présentent une flore différente de celle de la portion principale. Ainsi, d’après SENDTNER, il y a dans le sud de la Bavière des tour- bières à sphaignes qui entourent des îlots de tourbières infra-aqua- tiques ou, au contraire, des tourbières de celte dernière sorte montrent sur certains points des sphaignes. Cela peut être dû à des différences dans la composition de l’eau. SITENSKY distingue deux sortes de formations tourbeuses à carac- tères mélangés. Il a trouvé l’une aux points de contact d’une tour- bière à sphaigne et d’une tourbière infra-aquatique et la considère comme une formation de passage, telle qu’on en voit sur lesdites tourbières quand les circonstances favorisent l'installation de la flore des tourbières à sphaignes. Ces modifications se constatent dans un seul et même marais, qui peut présenter ici de la tourbe infra-aquatique avec début de tourbe à sphaignes et ailleurs le type parfait de la tourbière infra-aquatique. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 299 La seconde sorte de formations tourbeuses indéterminées com- prend les marais (Erlbrüche) avec eau stagnante de faible profon- deur qui se trouvent dans le voisinage des étangs ou des eaux cou- rantes sur fond de sable, de lehm, de marne ou de tourbe près des tourbières infra ou supra-aquatiques. Ces marais (Erlbrüche), par l’état de la végétation, sont tout semblables aux tourbières. Suivant la composition du sous-sol, on distingue les marais tourbeux à fond de tourbe, de sable, de lehm et de marne. À cause du taux élevé d'oxygène de l’eau, l’humus acide ne s’y forme d'ordinaire qu’en faible proportion. C’est ce qui fait qu’autrefois on désignait ces marais sous le nom de tourbières douces par opposition aux tour- bières acides (E. RamanNx). d) Tourbe de vase. La tourbe de vase (Schlammtorf) provient de restes de plantes ou d’animaux se déposant dans des eaux stagnantes ou à cours lent, pauvres en oxygène et en principes minéraux solubles. On peut, d’après les éléments constituants, distinguer la vase siliceuse, la vase argileuse, etc. Les matières organiques qu’elle renferme ont perdu généralement leur structure et ont une teinte rouge brun ou noir brun. INFLUENCE DES FORÊTS SUR. LES.EAUX., S OUTERE AIENIES Excursion hydrologique de 1897 dans les forêts septentrionales) PAR PF: OTOEZIEN CONSERVATEUR DU MUSÉE MINÉRANOGIQUE DE L'UNIVERSITÉ DE SAINT-PÉTERSBOURG IL Cet article est la suite de mon premier travail, dans lequel est énoncé le résultat de l’excursion hydrologique faite par moi en 1895 par délégation de la Société impériale libre économique, dans les forêts de la steppe de la Russie’. D’après les recherches faites principalement dans la forêt Chipoff (gouvernement de Vorone]j) el dans la forêt Noire (gouvernement de Kherson), j'ai tiré alors la conclusion suivante : dans les foréts de la zone des steppes en Russie, les autres conditions physico-géographiques étant les mêmes, le ni- véau, des eaux souterraines plus ou moins prés de La surface (jusqu'a 16-19 mètres) est toujours plus bas que dans la sleppe voisine ou même dans les grandes clairières au milieu de la forét. Un tel abais- 2 i. P. Ororzky, Influence des forêts sur les eaux souterraines (Annales de lu Science agronomique française et étrangère, 1897, t. 1) ; le même ouvrage est aussi traduit en allemand par le professeur Gravelius (Zeitschrift fur Gewässerkunde, 1898, n° 4, 5). INFLUENCE DES FORÊTS SUR LES EAUX SOUTERRAINES. 301 sement s'exprimait parfois très brusquement. Ainsi, dans la forêt Chipoff, dans le rayon d’Erycheff, sur une distance de 193 mètres, le niveau des eaux phréatiques s’abaissait de 10",96 ; dans le rayon de Laptieff, sur une longueur de 32 mètres la différence de niveau dé- passe 10 mètres ; dans la forêt Noire, rayon de Zandroff, sur une dis- tance de 200 mètres le niveau tombe 4,95 plus bas; près du rayon de Tsybouleff, sur 114 mètres il descend de 10",78, ete. Toutefois, malgré la concordance remarquable des faits constatés et l'absence complète d’exceptions, la question si controversée et si obscure du rôle des forêts sur le régime des eaux phréatiques était loin d’être résolue. Il reste encore beaucoup de côtés de la question qui n’ont pas du tout été éclairés par mes recherches. Les plus im- portants de ces æ sont : Quelle est l’influence des forêts dans d’autres régions physico-géographiques et dans d’autres climats ? La corrélation du niveau des eaux, constatée par moi, se rapporte- t-elle seulement aux mois d’été pendant lesquels eurent lieu mes recherches ou existe-t-elle toute l’année ? Comme avant, la Société impériale libre économique prit une vive et aintable participation à la solution de cette question. Grâce à son appui moral et matériel, je pus établir des observations régu- lières dans la forêt Chipoff et, l’été de 1897, je fis des recherches hydrologiques dans certaines forêts du gouvernement de Saint-Pé- tersbourg : forêt d'Oudiélnaïa, forêt de l’observatoire de Pavlovsk et forêt de Droujnacélié’. Dans cet article, j'exposerai,. en peu de mots seulement, les résultats de ma dernière excursion, en remettant la parole sur mes vbservations régulières à une autre fois, quand il s’amassera plus de matériaux et, comme Jje l'espère, concernant différents points de la Russie. La méthode et les procédés des recherches furent ici absolument les mêmes que dans les forêts de la steppe, mais les conditions des travaux tout à fait autres et assez inattendues. 1. L'été de la même année, par délégation de la Société impériale libre économique, je fis encore une excursion dans le domaine de M. de Carrière (district d'Élisavetgrade, gouvernement de Kherson) dans le but d'étudier l'influence de ces fameuses bandes re- boisées sur l'irrigation souterraine. J'espère consacrer à celte excursion une notice particulière. 302 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Prenant en considération la proximité des eaux souterraines de la surface, en général, dans la Russie septentrionale, je comptais faire un grand nombre de sondages et élargir le rayon de mes recherches ; mais la réalité trompa mon attente. Avant tout, grâce au relief inégal (paysage morainique), le choix même des points pour les études était très difficile. Ensuite, les dépôts posttertiaires très sa- blonneux embarrassaient excessivement les travaux avec les instru- ments que nous avions à notre disposition (sonde Voïslav) ; le travail était surtout lent et pénible dans les occasions fréquentes où la sonde rencontrait une couche de sable fin saturé d’eau. Enfin, il y eut beaucoup de temps perdu et de sondages laissés à moitié finis à cause des gros cailloux qui se rencontrent, en grande quantité, dans les dépôts glaciaires de la Russie d'Europe. Forêt d'Oudiélnaïia. Cette superbe forêt de sapins du département des Apanages occupe un emplacement d'environ 1 kilomètre carré et est située sur la seconde terrasse (appelée Kolomiagui) de la vallée dè la Néva. Cette terrasse, assez large à l’ouest (près de Pargoloff) va en se ré- trécissant vers l’est et, à l'endroit que nous décrivons, n’a pas plus de 1 kilomètre et demi de largeur. Au nord, elle finit à la haute troisième terrasse (hauteurs de Pargoloff, montagne des Salects, etc). Au sud, elle se termine en forme de marches abruptes dans la plus jeune partie de la vallée de la Néva. L’emplacement est très uni. Par-c1 par-là seulement s’élévent de petites collines, apparemment petites îles de l’ancienne mer loldique. Il n’y a pas non plus de ca- vités, ni de ravins importants. Même les bords abrupts et assez hauts de la terrasse ne manifestent pas, comme à l’ordinaire dans ce cas, uné forte érosion, probablement à cause de la ténacité de l’argile dont se compose la terrasse. La composition géologique est égale et régulière sur tout l’em- placement. Immédiatement au-dessous du sol vient le sable argileux jaunâtre ou grisâtre, assez friable el d'épaisseur variable. A certains endroits elle atteint 2-3 mètres (Lesnoe), à d’autres elle va en dis- paraissant. Il est indubitable que ces sables sont de même origine INFLUENCE DES FORÊTS SUR LES EAUX SOUTERRAINES. 9303 et de même nature, et que toutes les modifications indiquées sont le résultat de la dénudation actuelle. Sous le sable, on trouve de fines couches d'argile vert grisâtre très gluante et compacte. Ces couches, à leur tour, sont étendues sous l’argile et la sous- argile morainique. Dans des cas plus rares, entre elles s’étendent de fines couches de sable haut morainique. Jusqu’à ces derniers temps, précisément avant les travaux des géologues suédois et fin- landais, MM. Berghell', Ramsay”, etc., l’âge de l'argile gris bleuâtre restail énigmatique. Aujourd’hui, il est certain que ces argiles sont les dépôts de la mer post-glaciaire nommée loldique et correspon- dant précisément aux argiles que l’on appelle en Suède « hvarfig lera ». La forêt est vieille, haute et épaisse. Sous la cime serrée des sapins règne une demi-obscurité éternelle. Depuis longtemps cette forêt est réputée excessivement humide. Et, en effet, l'impression d'humidité est si grande ici, qu’à chaque pas que l’on fait, on craint d'exprimer l’eau avec la semelle de ses bottes. En procédant aux re- cherches, j'étais sûr de rencontrer les eaux soulerraines, sinon près de la surface, au moins à peu de profondeur. Quei fut mon étonne- ment, quand, après l'examen du puits et le percement des sondages, je constatai que les eaux phréatiques se trouvent ici à une profon- deur de 2-3 mètres, c’est-à-dire presque deux fois plus profondes que dans beaucoup d’endroits sciemment secs, comme, par exemple, la forêt-parc de l’Institut Forestier, celle de l’observatoire physique de Pavlovsk, etc. Cela s’explique simplement. Grâce au terrain argileux, à l’hori- zontalité de l'emplacement et au fort ombrage, les précipitations atmosphériques restent longtemps à la surface en augmentant l’hu- midité de l'air et des feuilles mortes, tandis que, dans les forêts sèches mentionnées, ces précipitations sont rapidement absorbées par ces sols sableux qui sèchent vite à la surface. On a bien des diffi- 1. H. BencneLc. Bidrag till kännedomen om sôdra Finlands kvartära niväfo- randingar. (Bull. de la Commiss. géolog. de la Finlande, mai 1896.) 2, W. Ramsay. Tüll frägan om det senglaciala havwfels ulbredning à sodra Fin- land, (Ibid., févr. 1896.) 304 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. cultés à trouver ici un emplacement pour les recherches. Toute la limite sud et sud-est de la forêt s’étend sur le bord abrupt de la terrasse de Kolomiagui ; celle du nord se perd au milieu des jardins, des villas, des haies, etc. L'endroit le plus convenable est la lisière ouest Lournée vers la gare. Ici fut fait le premier sondage. La première chaine (fig. 1) est située sur le point où la limite ouest de la forêt forme un angle aigu avec le remblai du chemin de fev de Finlande. LIGUE EL = UE CCR RTE d TT LA WE LOL, « OI EE $ 1 Le terrain est horizontal. Ce n’est pas, à proprement parler, un champ qui aboutit à la forêt, mais plutôt une grande clairière, puisque d’un côté (sud) elle est bordée par une lisière de bois et de l’autre (ouest et nord) par des jardins. Cette clairière servait pro- bablement autrefois de potager. On y voit encore d’anciens contours de plates-bandes ; mais il y a bien longtemps, à ce qu’il parait, parce que, d’après le caractère de la végétation, l’endroit porte des marques visibles de marais. Le long de la lisière de la forêt se trouve un chemin bordé des dèux côtés par des canaux insignifiants. Ils étaient à cette époque (1°° juin) tout à fait secs, témoignant par là de leur situation plus haute que la nappe des eaux souterraines. La forêt finit brusquement et s’élève en haute muraille. Le ter- rain descend en pente douce vers la forêt. Les sondages ont été faits très près les uns des autres (56 mètres) et à la même distance des deux côtés de la lisière. INFLUENCE DES FORÊTS SUR LES EAUX SOUTERRAINES. 305 Le sondage n° 24 est dans un terrain nu, à 28 mêtres de la forêt. La sonde rencontre d’abord le sable argileux brun rougeâtre ; un peu au-dessous, il devient un peu plus argileux et, à la profondeur d’un mètre, 1l se change en argile gris bleuâtre gluante et d’une. épaisseur considérable à ce qu’il semble. L'eau fut rencontrée à 0%,50 de profondeur, à un tel point abondante qu’elle empêchait le forage. Le sondage n° 25 est dans la forêt, à 28 mètres de la lisière d’une forêt de sapins, légèrement mélangés de bouleaux et d’aulnes, haute et vieille. Le terrain est plat. L’orifice du trou est plus bas de 0",42 que celui du sondage précédent. La composition géologique est en _général la même que dans le sondage n° 24. A la surface, sous les feuilles mortes, se trouve le sable brun rougeâtre sans galets, d’une épaisseur de 0",75 ; au-dessous on rencontre l’argile gris bleuâtre, excessivement gluante, homogène, sans concrélions. L’eau se montre à la profondeur de 3 mètres; ensuite elle monte un peu et s'arrête au niveau de 1,70 ; elle est abondante. Il est re- marquable que la couche aquifère ne se distingue pétrographique- ment en rien, du moins à vue d'œil, de l’argile qui se trouve au- dessus. Ainsi, sur une distance de 96 mètres en tout, la différence du niveau des eaux souterraines alteignait 1",62, en admettant que l’eau dans la forêt reste à la profondeur de 1",70 et non à 3 mètres, ce qui serait plus juste et qui augmenterait la différence encore de 1,30. Dans la forêt, le premier niveau manque complètement. Il est impossible d'attribuer ce fait à autre chose qu’à l’action des arbres, puisque toutes les conditions physico-géographiques sont identiques dans les deux sondages. Même si l’on admet quelque peu l’action de drainage des canaux ci-dessus mentionnés, elle doit être identique pour les points com- parés qui se trouvent à égale distance des canaux ; elle sera même plutôt plus forte pour le sondage n° 24, puisque les surfaces du sol et de l’argile vert grisâtre descendent en pente vers le canal. Quant au léger caractère artésien de l’eau dans le sondage de la forêt, il faut en chercher la cause dans les conditions stratigraphiques, com= munes à tous les emplacements. ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE, — 1899, — 11, 20 306 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Comme le montrent les forages profonds (professeur Voissloff el autres) faits non loin de l’endroit décrit, sous une épaisse couche d'argile gris bleuâtre, s'étend l’horizon aquifère dans les sables mo- rainiques, avec l’eau qui se trouve sous une forte pression. Îl est vrai que nous avons trouvé l’eau dans l'argile et non dans le sable, mais, selon toute probabilité, cette argile est, dans ses horizons inférieurs, saturée par l’eau de la couche aquifère mentionnée. Dans tous les cas, quelles que soient les causes du phénomène décrit, le fait de l'influence brusque de la forél sur les eaux souterraines esl ici évident. : Dans cette forêt il a encore été fait une chaîne de sondages ayant 4 CU EU KAU F6. 2, pour but de résoudre un problème fort intéressant. Sur un point de sa lisière sud, la forêt est à 150 mètres du bord abrupt de la terrasse. L'emplacement est plan et descend légèrement vers le sud. Du pied de la terrasse, c’est-à-dire à 4 mètres de sa crête, coulent des sources qui forment un pelit ruisseau. Cette terrasse, en drainant le terrain avoi- sinant, devait amener, selon toute probabilité, une forte dépression des eaux souterraines. D’un autre côté, il était très intéressant de sa- voir si la forêt ne produisait pas aussi, en pompant l’eau, la même dé- pression de la nappe, mais seulement du côté inverse. Dans ce but furent faits deux forages, l’un (n° 26) dans un endroit découvert, l’autre (n° 27) dans la forèt même, à 147 mètres du précédent (fig. 2). Sondage n° 26. — Grande clairière, libre du côté sud; terrain INFLUENCE DES FORÊTS SUR LES EAUX SOUTERRAINES. 307 plat, descendant légèrement vers le sud, couvert d’une herbe haute et épaisse. La distance la plus proche de la forêt est de 63 mûtres. Sous une légère couche de sol un peu teinte par l’humus (sol sableux) se trouve le sable gris brun, se changeant pelit à petit à la profondeur de 0,75 en argile vert grisâtre ordinaire et gluante. L'eau est à la profondeur de 1",17, avec un faible écoulement. Sondage n° 27. — Forêt de sapins, vieille, épaisse, avec une masse de buissons et d’herbes. À 84 mètres de la lisière, dans la direction du sondage n° 26. Emplacement uni. Son orifice est plus haut que le forage précédent de 1*,55. Sous une couche (0,05) de feuilles mortes, se voit le même sable, qui devient à une profondeur de 0",50 de l’argile gris bleuâtre. Les feuilles mortes et l’horizon supé- rieur du sable sont humides , au-dessous plus secs. L'eau s’est montrée à la profondeur de 2",95 et n’a nullement monté. Les résultats des forages ont surpassé notre attente. Quoique le sondage n° 26 se trouve deux fois plus près du bord de la terrasse drainante que le sondage de la forêt, dans ce dernier le niveau de l'eau est à 0",47 plus haut que dans le premier. Il n’y a pas de doute que, si la forêt n’existait pas ici, la nappe des eaux souterraines n'aurait pas le profil anormal que nous donne la figure n° 2. Ce dessin schématique nous montre que la pente de l’eau, bien que très faible, descend tout de même de la forêt vers la clairière. Mais il est très possible que, si entre ces deux points nous avions fait encore une série de sondages, alors nous aurions rencontré un point culminant, d’où la dépression de la nappe d’eau se dirige des deux côtés vers le nord et vers le sud’, Forêt de l'observatoire de Pavlovsk. La forêt ou plutôt le pare de l'observatoire de Pavlovsk se trouve à 30 kilomètres de Pétersbourg vers le sud et est située, à vrai dire, sur la même seconde terrasse que la forêt d'Oudiélnaïa, seulement près de la côte méridionale de la mer loldique, qui à l'endroit que 1. L'année suivante, en 1898, nous fimes dans cette forêt des recherches supplé- mentaires qui donnèrent de curieux résultats. Nous en parlerons dans notre compte rendu général (plus détaillé). 308 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. nous décrivons s’élargissait considérablement. Le bord de cette mer présente une haute marche dénudée à plusieurs endroits, dite les hauteurs Tsarskæ-Sélo. Notre forêt est non loin de cette marche et c’est celle circonstance, à ce qu’il paraît, qui fait que par son relief el sa composition géologique cet emplacement se distingue quelque peu de la terrasse de Kolomiagui. La surface est couverte de collines et remplie de ravins, elle rappelle même par places un paysage mo- rainique, quoique nous ne trouvâmes point de trace évidente de l’ac- tion glaciaire (les sédiments morainiques se trouvent ici à une pro- fondeur considérable). Selon toute probabilité, le relief actuel de la forêt de l'observatoire et de ses environs est le résultat de la dénu- _dation de la côte maritime déjà à l’époque ioldique. Le caractère pétrographique et l’ordre des couches géologiques y sont les mêmes que dans la forêt d’Oudiélnaïa, seulement ces cou- ches se distinguent par plus d'épaisseur. Sur la surface se trouvent les sables gris brun de 1 mètre et demi à 4 mètres d’épaisseur. Plus bas on rencontre l’argile gris bleuâtre compacte dont l’épaisseur n’a pas été déterminée ; il y a des raisons de croire qu’elle est plus épaisse que celle de Kolomiagui. A juger d’après les coupes qui se trouvent plus au nord que la forêt de l'observatoire, tout cela repose sur la sous-argile morainique, dont l'horizon supérieur est fortement sa- bleux. Le premier niveau des eaux souterraines est dans les sables el repose sur l'argile gris bleuâtre. La forêt est vieille, et assez haute. L'espèce prédominante est le sapin, ensuite vient le bouleau, et en moindre quantité d’autres es- pèces. Dans la partie septentrionale le peuplement est un peu plus Jeunc et plus petit qu’à l’ouest, mais ici le pin prédomine, probable- ment à cause de la plus grande épaisseur des sables gris. Je me suis arrêté à la forêt de l’observatoire parce qu’elle m’in- téressait grâce aux deux particularités suivantes : premièrement, on Y trouve au milieu une assez grande clairière, où s'élève l’observa- toire et où l’on fait depuis plusieurs années des observations sur le régime des eaux soulerraines (malheureusement, dans des condi- tions anormales, comme je l’ai su plus tard); secondement, la lisière sud de la forêt touche à un terrain déboisé depuis peu. Ainsi, j'avais raison (attendre ici légalité dans la structure des sols ct du terrain INFLUENCE DES FORÈTS SUR LES EAUX SOUTERRAINES. 909 des deux points comparés, ce qui dans la question considérée est, en général, de grande valeur. Les travaux furent commencés le 4 juillet 1897. Je fis une ligne de sondages depuis la partie déboisée ck£ 29. ac cKé 28 Ts 0,0 - ou 20 Fi&. 3. (que je viens de mentionner) à travers la forêt sur la clairière (fig. 3 et 4). cx6 31 WA — — 90 se Dex dt à CROAU PRET OL, Fe F1@. 4. Sondage n° 28. — Terrain libre, exploité depuis peu, plein de monceaux de terre, couvert, de loin en loin, de jeunes bois de petits sapins; par-ci par-là, sortent des souches. L'emplacement est, 310 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. en général, assez uni et descend légèrement vers le chemin qui touche le long de la lisière au pare de l'observatoire. Le parc, à son tour, va un peu en montant, de sorte que la route de bordure passe comme sur une cavité plate’. Cette route est entourée des deux côtés de canaux peu profonds. Le sondage a été fait à 23 mè- tres de la lisière de la forêt. Sous une légère couche de sol, la sonde rencontra le sable friable, brun, qui, un peu plus bas, devint gris. Dans ce sable, à la profondeur de 0",72, se montra l’eau souterraine très abondante, ce qui rendait L,4 cx&. 32 = — L } = F l 1 1 ! ' 1 ' F4 AT, PRIE (==) 5 De = = 0 © 20 Ê mire E————— _— = F1G. 5. le sondage fort difficile. Le niveau des eaux ne subit aucun change- ment pendant plusieurs jours. Le sondage n° 29 à été fait dans la forêt à 19 mêtres de la lisière et de la route, et à 42 mètres des forages précédents. L'emplacement, comme nous l’avons dit, va un peu en montant de la lisière dans le fond de la forêt. Gelte dernière est haute, épaisse ; l'espèce prédomi- nante est le sapin avec un léger mélange de bouleaux. Entre les ar- bres elle est assez riche en buissons et en herbes. L’orifice du trou est plus bas de 0",36 que celui du forage n° 28. La composition géologique est la même : sous les feuilles mortes et sous une légère couche de sol, le sable d’abord brun et ensuite 1. Sur la coupe, le contour de cette cavité ainsi que celui du relief de l'endroit, en général, est, grâce à la petitesse de l'échelle, trop brusque et exagéré. INFLUENCE DES FORÊTS SUR LES EAUX SOUTERRAINES. 311 gris repose sur l'argile bleuâtre et compacte. On rencontre l'eau à la profondeur de 0",97 aussi abondante, à ce qu'il parait, que dans le sondage précédent. Le changement du niveau n’a pas été constaté non plus. Le sondage n° 80 est à 130 mètres du sondage n° 29. A cet endroit, la forêt a la forme d’une langue assez étroite (environ 40 mètres) ou d’un isthme, entre le champ dont il a été question et la clairière où se trouve le sondage d'observation. Le peuplement et l’âge de la forêt sont les mêmes : sapins et bouleaux. L'emplacement est, en général, assez uni, descendant légèrement vers le sud-est. L’orifice du sondage est plus haut que le précédent de 1,40 et que celui n° 28 de 1°,04. Il se trouve à 18 mètres de la clairière d'observation et à 25 mètres du champ. Jusqu’à la profondeur d’un mètre se voit le sable ocreux, friable ; ensuite l'argile ordinaire gris verdâtre qui repose sur de légères couches bleuâtres. L’eau reste dans le sable à une profondeur de 4®,91 de la surface ; elle est assez abondante. Le changement du ni- veau n’a pas élé constaté. Le sondage n° 31 de l'observatoire a été creusé il y a plusieurs années, d’abord dans le but de faire des observations sur la tempé- ralure des couches profondes du terrain. Ensuite, des observations régulières furent établies sur le changement de niveau des eaux sou- terraines, et elles durent jusqu’à présent. Les conditions géologiques dans le point choisi pour les observa- tions sont quelque peu enfreintes. Quand on organisa celte station d'observations, tout l’espace occupé par elle, c’est-à-dire environ 30 mètres carrés du sol et du terrain (sable), fut creusé, et toute cette fosse fut remplie de sable homogène et repétri. Ensuite, la place fut remplie du même sable à une hauteur de 0,76 environ au-dessus de la surface de la clairière, de sorte que l’orifice du son- dage décrit et des autres (pour mesurer la température) se trouve à la même hauteur, dominant le sol environnant. Bien que de cette manière les conditions naturelles du terrain fussent ici enfreintes, il est pourtant indubitable que les eaux souterraines, sous la place d'observations, ne forment aucune accumulation isolée et sont en continuité avec l'horizon aquifère de Lout le rayon décrit; nous 9312 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. crûmes donc avoir raison, en mettant le sondage de lobservatoire dans notre chaine de sondages. Pendant nos recherches, l’eau phréatique dans le sondage d’obser- valions était à une profondeur de 2*,21 de son orifice, c’est-à-dire à un demi-mètre au-dessus du niveau de l’eau du sondage n° 30. La distance entre ces deux sondages est égale à 90 mètres. L’orifice du sondage de l'observatoire surpasse l’orifice n° 30 de 1",49. Ce chiffre est double du chiffre normal, grâce au remblai artificiel men- tionné ; en réalité, l'emplacement descend très légèrement du côté du sondage n° 30. Ainsi, comme le montrent les faits décrits et les féniss dans la forêt de l’observatoire de Pavlovsk le fait ordinaire suivant a été constaté : sous les bois, les eaux souterraines ont été trouvées quel- que peu abaissées en comparaison des endroits voisins libres. Il est vrai que cet abaissement est insignifiant. Sur la lisière sud de la forêt, il atteint 0,70 sur une distance de 42 mètres ; dans l’autre cas, un demi-mètre en tout sur une étendue de 90 mètres. Une si faible dépression s'explique probablement par la perméabilité excessive des sables aquifères qui permet le déplacement comparativement libre des eaux dans la direction horizontale, et apporte une certaine compensation à l’eau transpirée par les arbres. Néanmoins, malgré le complet accord des phénomènes avec les faits constatés ici et observés avant et après, nous devons avouer franchement que nous regardons les observations de la forêt de Pob- servatoire comme les moins convaincantes de toutes celles faites jusqu’à présent. Il y a plusieurs causes à cela. Premièrement, comme on le voit sur les figures, la dépression des eaux souterraines, dans les deux cas, est en accord avec la pente générale du terrain. Il est vrai que celte pente est légère; peut-être n’agit-elle même aucune- ment sur l’hydrostatique des points étudiés, mais tout de même, théoriquement, nous ne pouvons nier une telle influence, et cette circonstance obscurceit la question. Enfin, nous noterons encore un fait insignifiant, Des deux côtés de la route, le long de la lisière sud de la forêt, sont creusés des canaux peu profonds ; au moment des recherches ils étaient secs, c’est-à-dire qu’ils ne drainaient pas l’em- placement. Cependant, ayant en vue le peu de profondeur des eaux INFLUENCE DES FORÊTS SUR LES EAUX SOUTERRAINES. 313 souterraines et considérant le peu d’études sur le régime des eaux souterraines en général, nous n'avons pas le droit de nier catégori- quement l'influence de ces canaux, bien que à priori l’on puisse compter que leur drainage doit être pareil des deux côtés (du côté de la forêt et du côté du champ} et que, par conséquent, ils ne jouent aucun rôle dans notre question. Quoi qu’il en soit, toutes ces circonstances d’actions qu’il est im- possible de mesurer ne peuvent pas ne pas agir, ne füt-ce que légè- rement, sur la clarté de la question de l'influence de la forêt de l’ob- servatoire sur le niveau des eaux souterraines. Voilà pourquoi je fus obligé de renoncer à mon intention première d’établir des observa- tions régulières sur le régime des eaux souterraines dans la forêt et dans les champs voisins, malgré l'intérêt que prirent à mes travaux les directeurs (l’ancien et le nouveau) de l’observatoire, MM. Rykat- cheff et Doubinsky, auxquels, à cette occasion, j’exprime mes remer- ciements cordiaux. Forêt de Droujnocélié. La forêt de Droujnocélié, domaine du prince Vitguenschtem, est située à 67 kilomètres vers le sud de Pétersbourg, entre la gare de Siverskaïa et celle de Divenskaïa. Nous ne nous arrêtâmes pas direc- tement à ce point, mais, après d’assez longues recherches pour trouver un endroit commode, plus au nord. Les premiers travaux furent commencés à 6 kilomètres plus au nord que Droujnocélié, à proximité da village de Siverskaïa, sur un plateau élevé et uni, pré- sentant par ses conditions orographiques et autres un superbe em- placement pour les études. Malheureusement, et contre mon attente, les eaux souterraines y furent rencontrées à une grande profondeur (environ 12 mètres) dans les grès dévoniens, c’est-à-dire considéra- blement plus bas que les limites des racines, de sorte que, vu l'im- possibilité d’avoir ici des résultats, les travaux furent interrompus. En général, ces grès et peut-être les calcaires se trouvant près de la surface empêchérent plus d’une fois les travaux dans les parties du district décrit. Droujnocélié avec ses environs est situé dans une plaine basse 314 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. assez vaste el unie, occupée, à ce qu'il paraît, encore récemment par un lac, dont l'existence est témoignée par de nombreux marais et par d’épais sédiments lacustres. Nous n'avons pas déterminé les limites de cet ancien lac, mais, comme l’ont montré les sonda- ges, son bord sud devait se trouver non loin de lendroit où fu- rent concentrés les travaux décrits plus bas. Cet emplacement présente une place peu vaste, très unie, bordée du côté sud et est par une forêt de bouleaux assez haute et épaisse. À une distance peu éloignée, 200 mètres vers le nord, se trouve une parcelle de forêt d’un arpent environ, du même âge et de même peuplement que la précédente. Il était très intéressant d’éclaircir l’influence de ce peuplement feuillu, croissant sur l’argile, c’est-à-dire se trouvant dans des con- ditions que nous n’avons pas encore rencontrées jusqu’à présent. Tout l’espace de pré entre les forêts est sillonné, dans toutes les directions, par des canaux de drainage. Il est curieux que pas un canal ne dépasse la lisière de la forêt. De cette manière, tout l’inter- valle entre la forêt, qui, il y a plusieurs années, était encore un ma- rais fangeux, a maintenant baissé ses eaux d’un demi-mèêtre, grâce au drainage. Dans quelles conditions hydrologiques la forêt était-elle avant le drainage ? À nos questions, les habitants répondirent que jadis tout l'arrondissement présentait un épais marais, et qu’à mesure que grandissait la forêt, ce marais séchait. Effectivement, l'examen de la forêt ne découvrit aucune trace de marais ancien ou actuel, tandis que le pré drainé, bien qu’il fût ensemencé de trèfle, avait la flore marécageuse typique. Les sondages furent faits dans la prairie et dans les deux forêts. Dans la futaie sud, plusieurs sondages faits dans certains endroits découvrirent à une profondeur de 1 à 1,50, sous les roches maré- cageuses-argileuses, une pierre de taille (grès dévonien ?) qui des- cend vers le nord. L’eau ne fut rencontrée nulle part. Bien que cette circonstance fût caractéristique, vu l’inégalité des conditions géo- logiques, nous ne mettons pas les sondages mentionnés dans la chaine comparative. Nous nous arrêterons aux trois sondages suivants (coupe 5). INFLUENCE DES FORÊTS SUR LES EAUX SOUTERRAINES. 9515 Sondage n° 32. — Presque tout le centre de la clairière drainée est ensemencé de trèfle. De la lisière de la parcelle de forêt il ya 70 mètres. Emplacement tout à fait plan, s’élevant invisiblement à l'œil vers le nord. Dans les canaux de drainage ayant une profon- deur de 0,50 à 0",70 l’eau se voit. Abondance de laiches (carex). Sous une légère couche (0",10) de sol marécageux noir, se trouve l'argile brune, un peu sableuse, au-dessous de laquelle se rencontre probablement le grès. Le niveau des eaux est à la profondeur de 0,50 de la surface. Le sondage n° 33 est entre la forêt et le sondage précédent, à 47 mètres de ce dernier. L'emplacement est uni. Le sol et le terrain sont les mêmes. L’eau se trouve à la profondeur de 0,70, c’est-à-dire au même niveau que le sondage précédent. Le sondage n° 34 a été fait dans l’épaisseur de la parcelle de forêt, à 45 mètres de la lisière sud et est, et à 68 mètres du sondage n° 33. L’orifice de ce dernier se trouve à 0",52 plus bas que le premier. L'emplacement est plan, non drainé. Forêt de bouleaux de trente à quarante ans, excessivement épaisse. Masse de végétation herbacée et d’arbustes. La sonde a traversé les couches suivantes : de la surface à la pro- fondeur de plusieurs centimètres se trouve le sol grisâtre qui se change en argile sableuse brunâtre, de même composition que dans le sondage ci-dessus; à la profondeur de 2 mètres se voit l'argile gris bleuâtre, très gluante et humide. L’eau s’est montrée et arrêtée à la profondeur de 2",5. Comme nous le voyons, l'influence de la forêt s'est exprimée ici très brusquement. Malgré l’abaissement artificiel du niveau des eaux phréatiques dans les champs cultivés et bien que l’emplace- ment non seulement ne descende pas vers la forêt, mais qu’au con- traire celle-ci soit un peu plus élevée, l'horizon des eaux sous la forêt, à la fin de juillet, s’est trouvé abaissé de 1",16 sur une étendue de 68 mètres. Il serait fort intéressant de savoir si une pareille cor- rélation du niveau des eaux souterraines se conserve longtemps et comment elle change en général à diverses périodes de l’année. Nous ne perdons pas l’espoir d'établir des observations régulières et de répondre avec le temps à cette curieuse et importante question. 316 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Ainsi, malgré d’autres conditions physico-géographiques et clima- tiques (proximité de la surface et abondance des eaux souterraines, climat froid et très humide, bois avec des racines superficielles, perméabilité des roches supérieures, etc.), dans les forêts de la zone septentrionale de la Russie, j'ai rencontré le même fait que dans les steppes: partout, dans les foréls étudiées, le premier horizon des eaux soulerraines se trouve plus bas que dans le champ voisin *. Ce fait s’est surtout accusé très fort dans la forêt d'Oudiélnaïa, où le premier horizon des eaux souterraines était complètement absent. Mais, en général, pour des raisons compréhensibles, l’influence des forêts septentrionales est plus faible que celle des forêts de steppe. Ainsi, dans la forêt de Droujnocélié, sur un parcours de 86 mètres, le niveau s’abaisse de 1",16 ; dans celle de l'observatoire de Pavlovsk, sur une distance de 42 et 90 mètres, la différence de niveau dépasse 0",70 et 0",50. Toutefois, prenant en considération les conditions physico-géo- graphiques et climatiques mentionnées plus haut, qui masquent évidemment l’action transpiratoire des forêts, l’effet d’une telle influence, observé par moi, me paraît brusque et caractéristique au plus haut degré. À Saint-Pétersbourg, mai 1899. 1. L'unique fait que le niveau des eaux souterraines fut trouvé dans la forêt (d'Oudiélnaïa) de 0,47 plus haut que dans la clairière appartient à la catégorie des exceptions qui ne font que confirmer la règle générale. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LA CULTURE DE LA FRAISE DANS LES ENVIRONS DE PARIS PAR M. Henri COUDON CHEF DES TRAVAUX CHIMIQUES A L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE INTRODUCTION Les sciences chimiques ont fait faire de grands progrès à l'agri- culture et de nombreux agronomes ont contribué à l'amélioration de nos plantes cultivées, par l’étude de leur composition, par la recherche de méthodes de sélection, par la détermination de leurs exigences en éléments fertilisants, enfin par l'établissement de règles pratiques pour l’application rationnelle des engrais chimiques à leur production. Mais, si de nombreuses recherches ont permis d'élever dans de fortes proportions les rendements de nos plantes de grande culture, il n’en est pas de même pour les plantes potagères qui, en France, n’ont été l’objet que d’un très petit nombre de travaux, la plupart in- complets, et dont la production n’a pu suivre le mouvement imprimé depuis quelques années à l’agricullure proprement dite. La culture potagère n’occupe qu’une surface relativement res- lreinte, mais elle n’en a pas moins une importance considérable, 318 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. eu égard à la valeur des produits qu’elle fournit et aux bénéfices élevés qu’elle permet de tirer d’un hectare de terre. Cette branche de l’horticulture comprend la production de tous les légumes, elle est donc des plus intéressantes et mérite d’attirer l’attention des chimistes et des agronomes. Comme le fait très justement remarquer M. Dybowski dans son excellent Trailé de cullure polagère, parmi les cultivateurs de pro- fession qui produisent des légumes d’une façon à peu près exclu- sive, 1l y a lieu de distinguer le maraicher et le cultivateur propre- ment dit. | Le maraicher exploite une faible étendue de terrain, qu’il mo- difie sans cesse par des additions, à doses massives, d'engrais riches et rapidement assimilables. Des arrosages très fréquents lui per- mettent de faire rendre au sol artificiel qu’il a ainsi créé, Lout ce qu’il est susceptible de donner. Les conditions économiques aux- quelles il est assujetti l’obligent à ne cultiver que des plantes à évolution rapide : il fait des primeurs. Le cultivateur produit en grandes quantités les gros légumes destinés à la consommation courante. Il n’arrose pas et il n’emploie que des quantités très limitées d’engrais, car il exploite de vastes surfaces aux environs des grandes villes. J'ai pensé que le concours du chimiste agricole pourrait être de quelque utilité à cette classe intéressante de producteurs et J'ai entrepris des recherches dans cet ordre d'idées; d’abord sur la culture en grand des produits qu’on est convenu de désigner sous le nom général de légumes, persuadé que les résultats obtenus pourraient profiter, dans une certaine mesure, à la production des primeurs et même au forçage en serre. Le présent travail a pour objet le fraisier, qui occupe dans la culture potagère une place prépondérante, tant par l'étendue de surface cultivée, que par la valeur marchande élevée de ses pro- duits. La culture du fraisier est relativement récente : elle remonte au milieu du xvi° siècle. Après être restée longtemps limitée au potager et au jardin fruitier, elle a pris de plus en plus d'extension et au- jourd’hui elle occupe des surfaces importantes principalement autour CULTURE DES FRAISES. 319 des grandes villes comme Paris, Lille, Rouen, Nantes, Brest, Nancy, Orléans, Bordeaux, Lyon, Marseille, ete. En Provence, on produit en différents points des quantités consi- dérables de fraises. Rien que sur le petit terroir compris entre Car- pentras, Pernes et Monteux (Vaucluse), on trouve, d’après les ren- seignements que J'ai pu recueillir, près de 1000 hectares de fraiseraies, produisant selon les années de 4000 à 10 000 kilogr. de fraises par hectare. Les principales variétés cultivées sont la Mar- guerile Lebreton, la Victoria et la Vicomtesse Hericart de Thury. La presque totalité de ces fraises est expédiée à Paris et à Londres : puis à Lyon, Genève, Montpellier, Cette, lorsque les prix ne sont plus rémunérateurs à Paris. En Bretagne, il existe également de grands centres de produc- tion. Tout le monde connaît la plaine de Plougastel, près Brest, où l’on cultive plus de 500 hectares de fraisiers et dont les produits sont expédiés surtout en Angleterre. Aux environs de Paris on s’adonne beaucoup à cette culture de- puis quelques années. Dans la vallée de l’Yvette il existe environ 300 hectares de fraiseraies ; on en compte de 800 à 1 000 dans les communes que traverse la Bièvre avant d’entrer dans Paris et plus de 500 dans la vallée de l’Orge. Depuis longtemps, aux États-Unis d'Amérique, on cultive la fraise en plein champ et la population des grandes villes en consomme des quantités importantes. Au Canada, certains fermiers la font entrer dans la rotation de leur culture. En Hollande, en Allemagne, en Angleterre on en produit beau- coup et l’on cite plusieurs fermiers anglais qui possèdent chacun plus de 150 hectares de fraisiers. Importance du marché parisien. — La fraise est, sans contredit, le fruit qui se vend le mieux et celui qui arrive en plus grande quantité sur le marché de Paris. L’organisation de ce marché est peu connue; aussi, Croyons-nous intéressant de donner quelques renseignements numériques sur l'importance des transactions oc- casionnées par la vente des fraises. Les données qu: suivent ne se trouvent dans aucun bulletin de statistique; je les dois à l’extrême 320 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. obligeance de MM. Ladeuil, président du syndicat des mandataires aux ventes en gros des Halles centrales, et Vignaud, inspecteur prin- cipal des perceptions municipales. Les forts arrivages aux Halles durent environ six semaines. Ils comprennent, en premier lieu, les fraises du midi de la France qui arrivent, par chemin de fer, pendant environ 21 jours. Puis, ces arrivages cessent et sont remplacés par les apports directs des culti-' vateurs qui amènent, au moyen de voitures, les fraises plus tardives des environs de Paris et dont la saison dure également 21 jours. Le marché officiel de la ville de Paris occupe, pour la fraise, le pavillon n° 6; il est régi par la loi du 11 juin 1896 sur les halles, lot mise à exécution le 28 juillet 1897. La vente y est faite par les Man- dataires aux ventes en gros (anciens facteurs). Pendant les cinq der- nières années, les quantités de fraises vendues dans ce pavillon ont été les suivantes : ASE rrsepretact - 330 285 kilogr. lRAG ENS ETS ES 32901900 — LS 07 Reeves ee 508 510 — 1890 RES RAS 181 610" — 1899 Et TE er 266 320 — soit en moyenne 320,000 kilogr. par année. Mais le marché officiel de la ville de Paris est concurrencé par environ 80 maisons de commission et 50 approvisionneurs qui, par suite d’une tolérance de la Préfecture de police, vendent également de la fraise dans le périmètre des Halles et sur le carreau forain. Il en résulte que les transactions sur la fraise sont beaucoup plus importantes au dehors que dans le marché officiel. On estime que les quantités vendues au pavillon n° 6 ne repré- sentent que 1/40 des apports généraux faits par chemin de fer et on évalue à 12 810 000 kilogr. la quantité de fraises arrivant annuelle- ment par voie ferrée et vendue dans le périmètre des Halles. Il existe, en outre, un marché important, désigné sous le nom de carreau forain, où se vendent les fraises plus tardives produites dans les environs de Paris. Voici quelques détails sur ce marché : Pendant trois semaines, il arrive chaque nuit, aux Halles, environ CULTURE DES FRAISES. 321 700 voitures ‘ de fraises dont le contenu est rangé aux endroits ci- dessous : SURFACE. Trottoir et chaussée de la rue Rambuteau . . . . . 2 712 mètres carrés. Trottoir et chaussée de la rue Ballard. . . . . . . 324 — Chaussée de la pointe Saint-Eustache. . . . . ,. . 600 — Üneparte delarrue Furbigo, "2. : Le NS « 1 380 — Une partie de la rue Etienne-Marcel . . . . . . . 1 200 — Une partie du boulevard Sébastopol. . . . . . . . 630 — RO ee Re LCD 6 846 mètres carrés. Superficie totale du marché . . . . . . 6 846 mètres carrés, Passages pour la circulation . . . . . . 2 282 — . Superficie occupée par les fraises . 4 564 mètres carrés. On compte environ 15 paniers pour 2 mètres carrés de surface, ce qui fait 34230 paniers contenant chacun 8 kilogr. de fraises, soit en tout : 273 840 kilogr., et pour une période de 21 jours : 5 750 000 kilogr. de fraises. Sur ce marché la vente est faite en majeure partie par les culti- vateurs eux-mêmes, le reste est vendu par quelques approvision- neurs. La totalité des fraises vendues à Paris est donc de : Apports par chemin de fer, . . . . 12 810 000 kilogr. Apports par cultivateurs. . . . . . > 700000 — AT LINEAR 18 560 000 kilogr. Il est facile d'évaluer le rendement en argent de la vente de ces fraises. Les prix pratiques au pavillon n° 6 ont été, en 1899, d’après les relevés officiels, de 1 fr. 07 c. à 0 fr. 56 c. le kilogramme. On peut admettre que, dans les maisons de commission et chez les approvi- sionneurs, les prix ont été sensiblement les mêmes, ce qui fait une moyenne de 0 fr. 81 c. le kilogramme. 1. Parmi ces voitures sont comprises celles du petit chemin de fer sur route d'Ar- pajon aux halles de Paris. ANN. SCIENCE AGRON. — 29 SÉRIE. — 1899, — 11. 21 322 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Nous avons donc pour les arrivages par chemin de fer: 12 810 000 kilogr. à 0 fr. Si — 10 376 100 fr. D’après les statistiques de la vente sur le carreau forain, les prix ont varié de 0 fr. 80 c. à 0 fr. 60 c., soit une moyenne de Ofr. 70 c. le kilogramme. On a donc pour les apports par cultivateurs : 5 750 000 kilogr. à 0 fr. 70 — 4 025 000 fr. La vente des fraises de grande culture expédiées aux Halles de Paris peut se résumer ainsi pour 1899 : PROVENANCE. QUANTITÉS. VALEUR. kilogr. Ér Expédiées par le Midi de la France. . . . . 12 S10 000 10 376 100 Produites dans les environs de Paris. . . . » 750 000 4 025 000 TOURS TERRE ES 18 560 000 14 401 100 Dans cette statistique, il n’est pas tenu compte des fraises de grande primeur, résultat de la culture forcée et qui arrivent en mars el avril, principalement de Rosny-sur-Seine, Saint-Germain, Versailles et environs. Cette fraise (tout Docteur Morère) se vend en caisses de 6 à 24 fruits de O0 fr. 50 c. à 4 fr. la caisse. On peut évaluer à environ 200 000 fr. par an le produit de la vente de ces primeurs. Après les deux grandes saisons dont il a été parlé plus haut, il sxrive de Rouen, Bourg-la-Reine, Saint-Cloud, etc., de petites quan- tités de fraises des quatre saisons. Ces arrivages durent de juin à octobre; ils sont peu importants, environ 100 kilogr. par jour. Les prix varient de 2 fr. à 3 fr. le kilogramme, et le chiffre de vente annuelle dépasse rarement 59 000 fr. En résumé, cette statistique nous montre que la culture de la fraise a pris, depuis un certain nombre d'années, une importance beaucoup plus grande qu’on ne se le figure généralement. Nous voyons en effet la vente annuelle de ce produit de la culture potagère CULTURE DES FRAISES. 323 atteindre, rien que pour Paris, le chiffre élevé de 14 millions et demi de francs. Plan des recherches effectuées aux environs de Paris. — Peu de recherches ont été faites sur le fraisier. Sans parler des cultures forcées en pots dont 1l n’est pas question ici, on peut citer plusieurs essais d'engrais effectués en Allemagne et en Amérique et dans les- quels les auteurs arrivent à des conclusions assez différentes. Ainsi, par exemple, Lierke attribue un rôle prédominant à la potasse et à l’acide phosphorique, celui des engrais azotés étant très faible. Pour J. M. White, ce sont, au contraire, les engrais azotés qui ont une influence prépondérante sur la production des fraises. En France, M. Zacharewicz a étudié la culture du fraisier sous châssis et 1l est arrivé à cette conclusion que, dans les terres d’allu- vion de la Durance, les engrais azotés ont peu d’action sur cette plante et que ce sont surtout les engrais phosphatés et potassiques qui agissent. Il a ensuite exécuté, en pleine terre, une série d’expérien- ces d’engrais qui promeltait d’être très intéressante, mais qui n’a malheureusement pu être terminée par la pesée des fraises, la récolte ayant été presque entièrement détruite par la grêle. Dans ces conditions, il m’a semblé intéressant d'entreprendre une étude assez complète sur ce sujet. La culture de la fraise est très rémunératrice, mais elle exige beaucoup de soins et de main-d'œuvre. Les frais d'établissement d'une fraiseraie sont élevés et sa production n’est guère que de trois années. Même dans les meilleures terres à fraises, la fumure donnée au début agit surtout sur les deux premières récoltes, et, après la troisième, qui est souvent médiocre, le cullivateur se trouve dans la nécessité de retourner son champ pour procéder à une nouvelle plantation. | On emploie, ordinairement, le fumier de ferme ou de champignon qu'on applique à haute dose, une fois pour toutes, avant la plantation. La durée d’action de cette fumure doit être de quatre années, dont une pendant laquelle les plants se développent, les trois autres sont de production normale. On ne peut songer, au cours de ces trois années de production, à ajouter en couverture un supplément de SA ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. fumier. Il serait assez mal utilisé par les plants et présenterail le grave inconvénient de salir les fraises, diminuant de beaucoup leur valeur marchande. Aussi se contente-t-on de mettre au printemps une conche de paillis (fumier composé exclusivement de paille courte) destinée à maintenir la fraicheur du sol et à préserver les fraises du contact de la terre. « Ce paillis, dont la décomposition est très lente, n’apporte au sol que des quantités insignifiantes d'éléments fertilisants. On est donc en droit de se demander si, par un complément d’engrais chimiques, mis en couverture chaque année au printemps, on ne pourrait pas non seulement assurer un rendement élevé pendant les trois années de production normale, mais encore maintenir la plantation en pleine vigueur pendant une quatrième et même une cinquième année. On sait que parmi les éléments fertilisants mis en œuvre par les plantes, 1l en est qui ne leur sont fournis qu'avec parcimonie, soit par le sol qui n’en renferme souvent que de très faibles quantités, soit par les fumures qui peuvent être insuffisantes. Or, si certaines plantes se contentent de quantités relativement faibles d'éléments fertilisants et peuvent, à la rigueur, prospérer dans des terres mé- diocres, il en est d’autres, au contraire, qui élaborent des quantités beaucoup plus grandes de ces éléments; on les considère comme plus épuisantes que les premières et on leur réserve les terres les plus riches ou les plus fortes fumures. Il était donc indispensable, avant d’organiser un champ d’expé- riences sur le fraisier, de se faire une idée aussi exacte que possible de la composition de cette plante, ainsi que des quantités d’éléments fertilisants qu’elle exige chaque année pour son développement et la production des fraises. Ces exigences ont élé établies pour un certain nombre de nos plantes cultivées êt récemment mon maître, M. A. Müntz, a effectué de magistrales recherches sur ce point important de Ja culture de la vigne. Mais, en ce qui concerne les plantes polagères, on ne sait encore rien de précis à cet égard, aussi le premier objet de ces recherches à été la détermination des exigences du fraisier en élé- ments fertilisants. CULTURE DES FRAISES. 329 Cette détermination a été effectuée, pendant l’année 1896, sur un certain nombre de variétés, et les données qu’elle a fournies ont permi d'établir un champ d’expériences où j'ai pu étudier, en 1897 et 1898, l’action des engrais chimiques sur une des variétés les plus exigeantes. J'ai voulu me rapprocher le plus possible des conditions de la pratique et réaliser ces recherches chez le producteur même, afin d'opérer sur des champs d’expériences beaucoup plus vastes que ceux qu’on peut établir dans un jardin d’essais et aussi pour profiter de la science pratique des gens du métier, élément qui fait presque toujours défaut dans les expériences effectuées en petit. Dans ces conditions, j'ai été forcé de restreindre beaucoup le programme que Je m'étais tracé tout d'abord, car je ne disposais d'aucune subvention el j'avais à compter, non seulement avec les nombreux frais qu’en- traîne toujours ce genre de travaux, mais aussi avec la valeur élevée des fraises. Ces fruits, en effet, se vendent cher; ils sont assez délicats et, pour conserver malgré Le transport toute leur valeur marchande, 1ls doivent être cueillis au bon moment. Faire des expé- riences dans une fraiseraie, c’était apporter, dans l’ensemble de la cueillette, de grandes perturbations et occasionner, en même temps, une augmentation très sensible des frais de main-d'œuvre. Il était donc difficile de trouver beaucoup de cultivateurs qui consentissent à entreprendre des recherches de ce genre et c’est pour ces raisons que je me suis borné à déterminer, à Châtenay, les exigences en éléments fertilisants de cinq variétés de fraises à gros fruits; à Ro- binson, celles de la fraise des quatre saisons. Les essais d'engrais n'ont pu être effectués que sur un seul champ d'expériences. J'ai eu la bonne fortune de trouver, près de Paris, un collabora- teur des plus précieux, M. Martine, adjoint au maire de Châtenav (Seine), qui est un des meilleurs producteurs de fraises de la banlieue parisienne. J'ai rencontré chez lui toutes les facilités nécessaires à celte étude, et sa longue pratique de la culture du fraisier m’a été des plus utiles. Le champ d’expériences de 20 ares, sur lequel ont été effectués les essais d'engrais, fait partie des fraiseraies de M. Martine. Ce dernier, malgré le peu de temps dont il peut disposer au moment 326 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. de la récolte, malgré la valeur élevée des produits du champ d’expé- riences, s’esl attaché, avant tout, à assurer le succès de nos recher- ches. La cueillette et les pesées des fraises ont élé effectuées sous sa direction, à Jours fixes et séparément pour chaque parcelle en expérience. Je suis heureux de le remercier, ici, du dévouement et du désintéressement dont il a fait preuve. Considérations géologiques. — Les premiers essais de culture en grand ont naturellement porté sur les petites fraises de l'espèce Fragaria Vesca ou des quatre-saisons. La fructification de cette espèce dure longtemps: elle commence vers le 15 juin et se continue jusqu’à la fin de septembre. La récolte, qui se fait pendant presque toute celle période, coûte très cher, aussi la culture en grand de cette espèce est-elle assez limitée. L'apparition des fraises à gros fruits, dites américaines (résultat d’hybridation entre diverses espèces botaniques), dont la cueillette ne dure que quelques semaines, a provoqué l’extension de cette cullure qui s’est répandue assez rapidement dans presque toutes les communes des environs de Paris. Cependant, malgré tous les avantages que le cultivateur peut re- ürer de la culture en grand de ces variétés à gros fruits, rendements élevés, récolte rapide, écoulement assuré à des prix très rémuné- rateurs, on est surpris de constater qu’elle a été abandonnée à peu près complètement dans toute la partie nord et est de Paris, pour se concentrer peu à peu dans une zone assez restreinte, où elle à pris une importance considérable. On peut dire que, dans le voisinage de Paris, la production des fraises est localisée au sud de la capitale sur les flancs des coteaux qui bordent les vallées de la Bièvre, de l’Yvette et de l'Orge. Les communes qui s’adonnent le plus à cette culture sont : Buc, Jouy, Bièvres, Vauhallan, Igny, Verrières-le-Buisson, Antony, Chà- tenay, Sceaux, Bourg-la-Reine, etc., pour la vallée de la Bièvre ; Chevreuse, Gif, Bures, Orsay, Palaiseau, Villebon, Longjumeau, etc., pour la vallée de l’Yvette. Depuis l’ouverture de la ligne de chemin de fer sur route qui relie Arpajon à Paris, et sur laquelle circule chaque nuit un convoi de CULTURE DES FRAISES. 327 marchandises qui pénètre jusqu'aux Halles centrales, la culture de la fraise s’est beaucoup développée sur la rive gauche de l’Orge. Les communes de Linas, Marcoussis, Montlhéry, etc., sont de grands centres de production de fraises qui, en juin, en expédient sur Paris des trains entiers. Dans le mois de juin 1898, le chemin de fer sur route d’Arpajon en a transporté, aux Halles, 1 215 000 kilogr. Si l'on parcourt les environs de Paris en relevant, sur la carte géologique, les emplacements de tous les champs de fraises que l'on rencontre, on s'aperçoit bien vite que les fraiseraies sont établies d’une façon presque exclusive sur les sables de Fontainebleau. Ceux-ci forment, au sud-ouest de Paris, une masse continue découpée par les vallées de la Bièvre, de lYvette et de l’Orge et recouverte en partie par les calcaires et meulières supérieurs qui sont eux-mêmes surmontés par le limon des plateaux. Le fond des vallées est constitué par des dépôts fluviatiles modernes qui occupent une très faible surface et se réduisent le plus souvent à quelques limons déposés le long des cours d’eau. Immédiatement au-dessus vient un affleurement de marnes vertes, nappe imper- méable épaisse de 6 à 12 mètres. Cette nappe constitue la base des coteaux ; ses affleurements sont peu importants, souvent même ils sont à peine visibles. Cette couche d’argile est recouverte par une masse puissante de sable de Fontainebleau qui occupe la presque totalité de la surface des collines, plus ou moins escarpées, qui bordent les rivières que nous venons de citer. Un peu avant d’arriver au sommet des coteaux, on rencontre soil la meulière de Beauce, soit la meulière de Montmorency, qui sont généralement boisées et qui arrivent jusqu'au point culminant de ces hauteurs à partir duquel on trouve le limon des plateaux. Les fraiseräies sont toujours établies sur les flancs de ces coteaux dont la pente est souvent très faible, mais qui sont très escarpés en certains endroits. La terre végétale y est constituée soit par des sables à peu près purs, soit par la meulière de Montmorency; sou- vent aussi, par un mélange de ces deux couches provenant d'ébou- lements de la meulière. C’est dans ces sols très pauvres en cal- caire, légers, perméables, facilement drainés par la pente et par 328 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. l’épaisse couche de sable pur qu'ils recouvrent, que se cultive la fraise. Situalion des champs d'expériences el composition des terres. — Les fraiseraies de M. Martine sont établies sur la commune de Chà- tenay, dans des terres provenant d’une partie du bois de Verrières défrichée pour lextraction de cailloux siliceux qui servent à rechar- ger les routes. Ce défrichement partiel a été effectué, en plusieurs fois, à différentes époques et les terres, livrées de ce fait à la culture, ont été toujours fort recherchées des producteurs de fraises, qui les considèrent comme représentant le type des meilleures terres à fraises. Les 2 à 3 hectares de fraisiers que cultive M. Martine sont situés au sud-ouest de Châtenay, entre la route de Choisy-le-Roi à Ver- sailles et le bois de Verrières. La terre végétale y est constituée par un mélange de sable de Fontainebleau et de meulière de Montmo- rency. Elle est presque entièrement dépourvue de calcaire et ren- ferme de nombreux cailloux siliceux, d’assez faibles dimensions, apportés par la meulière. Son épaisseur, sol et sous-sol, est d’environ un mêtre. En dessous se trouve une puissante couche de sable à peu près pur. Des échantillons de sol et sous-sol ont été prélevés en quelques points de ces fraiseraies, ainsi que dans la partie non encore défri- chée du bois de Verrières. Les résultats fournis par l'analyse de ces divers échantillons sont réunis dans les tableaux suivants. On y a joint la composition de la couche inférieure de sable sur laquelle reposent ces différents sols. POUR 1000 DK TERRE. EE — Cailloux Terre fine. rec Sol. 535.9 464.1 Terre dite de l’ancien parc VÉSRER! 538 9 611 / SOI te 216.9 483. Terre dite des nouveaux plants. . Gi en ve Sols re 254.2 405.3 re dite d y bois Terre dite du nouveau bois NT 594 7 483 1 Terre du bois de Verrières partie | SDL 514.5 455.5 non défrichée. 7 | Sous-sol. T0 123.8 Sable inférieur pris à 1",50 . Ë 1000.0 0 CULTURE DES FRAISES. 329 L'analyse physique de ia terre fine a donné : POUR 1000 DE TERRE SÈCHE. —_——— ÉLÉMENTS grossiers. A — EE — Sable Sable Sable Sable siliceux. | calcaire. [siliceux. |calcaire. ÉLÉMENTS FINS. Argile. | Humus. SORA IA ET e LEE traces Sous-sol. .| 478.5: 478. — SE) AMOR ñ 2e — Sous-sol. .| 501.4 454. — SO NS 323. — Sous-sol. . 4. : = Sol. Sous-sol. . 4.1 5 NO .9 | Sable inférieur. . . . . . . . 3 ; .9 | traces | [| Ancien pare DUT Co | Nouveaux plants. : | Nouveau bois. Üt mt 19 19 || Bois de Verrières. A l'analyse chimique on a trouvé : \; POUR 1000 DE TERRE FINE. TS VE Se “pe a — Acide Carbonate | Azote. phospho- | Potasse. de Magnésie. rique. chaux. es .8T 30 | .60 .80 .50 1 Ancien parc P ul L {5 Lil | SOIF | , Nouveaux plants. Sous-s0l Sol. Sent ; SOL: 4 Sous-sol. . \ouveau bois. Bois de Verrières. =R-N-N-N-N-NEN=RCT ir © © mm © = Sable inférieur . Ces résultats rapportés à la terre brule, c’est-à-dire au mélange de terre fine et de cailloux, donnent les proportions suivantes de 330 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. principes fertilisants contenus dans les éléments fins d’un kilogramme de terre naturelle : POUR 1000 DE TERRE NATURELLE. EE -— —— Acide Carbonate phospho- | Potasse. de Magnésie, rique. chaux. ol | Ancien pare . . Are ous-sol. . | Nouveau bois. . FES FA 2 Sous-sol. . Sol. | Bois de Verrières. { | j Sous-sol. . Nouveaux plants. | OMNORONONOMNOLOEIS RS (ISSN) (e) ei COMORES NONONOMS ’ A OMONS ON OSNOME ShONS, SOROMNORONSROQ Sable inférieur . Ces terres, si on en excepte celle de l'ancien parc que de nom- breuses années de culture ont un peu enrichie, sont très pauvres, surtout en azote el en acide phosphorique. Les cailloux sont très abondants et constituent près de la moitié de la masse. Les quantités d’éléments fertilisants que les plantes peuvent trouver dans ce milieu sont donc très faibles et cependant le fraisier y pousse vigoureusement. Cela tient en grande parte à la profondeur du sol, et aux nombreux cailloux qui facilitent Ja pénétration des racines. D'autre part, les propriétés physiques de cette terre caillouteuse, légère, draiaée naturellement par l’épaisse couche de sable sur laquelle elle repose, en font un excellent support pour le fraisier. Cette plante peut utiliser les fortes fumures qu’on lui donne à la plantation, car ces terres ne sont pas acides et la dé- composition des engrais organiques ainsi que la nitrification s’y produisent normalement, bien qu’elles ne contiennent que des traces de calcaire. La partie du bois non encore défrichée ne diffère des terres culti- vées que par la proportion de cailloux, qui y est sensiblement plus élevée. Le sable inférieur ne renferme que très peu d’azote et d'acide CULTURE DES FRAISES. a À phosphorique, mais il contient de la potasse en quantités apprécia- bles. Établissement et exploitation d'une fruiseraie. — La plantation est précédée d’un défoncement très profond, après lequel on enfouit une forte dose de fumier de champignon, 45 mètres cubes par hec- tare. Le mètre cube de ce fumier pèse environ 500 kilogr., ce qui fait une fumure de 22 500 kilogr. par hectare. Ce fumier de champignon a la composilion suivante : VATIOURE TUE CPE METRE 1.07 p. 100 Acide phosphorique . . . . 12 POISSON EIERR UE A 07 1.03 — Ce qui fait, pour un hectare, un apport d’éléments fertilisants de : 241 kilogr. d'azote. 274 — d'acide phosphorique. 231 — de potasse. Cette fumure doit durer pendant les 4 années d’exploitation de la fraisceraie. À partir de la 2° année, on ajoute, il est vrai, en cou- verture du paillis, fumier très riche en paille dont le but est de maintenir une certaine fraicheur dans le sol et surtout d'empêcher les fraises de se souiller au contact de la terre. Ce paillis pèse 400 ki- logr. au mètre cube et l’on en met environ 20 000 kilogr. par hec- tare et par an. Il a la composition suivante : Azote. . PE Een RE 0.70 p. 100 Acide phosphorique . . . . 0.41: — Potasse . - Don Mais ce produit ne subit pendant l'été qu'une décomposition insignifiante et comme il est, en grande partie, entraîné par les vents d'automne, on peut considérer comme négligeables les faibles quantités d'éléments fertilisants qu’il abandonne au sol. La plantation se fait du 1° mars au 1% avril avec des plants pro- venant de filets ou stolons arrachés dans un champ voisin. Les plants sont disposés par planches comprenant 3 rangées dis- 32 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. O9 tantes de 0",35. Dans chaque rangée ils sont espacés de 0",40 à 0",50 et entre chaque planche on ménage un sentier de 0",70. Ce qui fait pour chaque planche, sentier compris, une largeur totale de 1",40. De nombreuses numérations effectuées sur place m'ont per- mis de fixer à environ 50000 le nombre réel de plants à l’hectare. La première année le fraisier ne donne pas de fruits et on enlève soigneusement les fleurs el les filets pour permettre aux plants de prendre un bon développement en vue des récoltes futures. Les trois aulres années sont de production normale. La récolte commence dans les premiers jours de juin et dure sui- vant les variétés jusqu'aux environs du 15 juillet. Les fraises cueillies dans la journée, de préférence l'après-midi, sont placées dans des paniers garnis de feuilles de châtaignier et recouverts d’un linge propre. Ces paniers portent, marqués sur une fiche très apparente, les poids nets des fraises qu’ils contiennent, généralement 6 à 8 ki- logr. Ils sont rangés avec soin dans une grande voiture couverte, bien suspendue, et portés chaque soir aux Halles de Paris, où la vente se fait dans la nuit, sur le carreau forain. Là les marchands se basent pour la vente sur le nom de la va- riété. Chaque variété a un prix différent, lequel prix varie lui-même suivant la grosseur, la couleur et la fraicheur du fruit. Cette der- nière qualité influe beaucoup sur le prix. C’est ainsi que les cultiva- teurs qui, comme M. Martine, n'hésitent pas à conduire eux-mêmes à Paris les fraises cueillies dans la journée, arrivent toujours à les vendre au cours le plus élevé. Tandis que ceux que l'éloignement ou l’appréhension de nombreuses nuits passées aux Halles, obligent à faire leurs expéditions par chemin de fer, les écoulent souvent à des prix sensiblement inférieurs à cause de l’altération produite par le transport. Aussitôt la récolte terminée, il est d’usage de procéder à ce que l’on nomme le netloyage des plants. On arrache les filets ainsi que la moitié environ des feuilles de chaque plant, le tout est réuni en tas puis brûlé. À l'automne, généralement au commencement d’octobre, on enlève de nouveau les filets qui ont pu se développer depuis la ré- colte. CULTURE DES FRAISES. 339 On peut établir de la façon suivante les frais d'établissement et d'exploitation d’une fraiseraie, le tout est rapporté à l’hectare : Première année. Eocatonrdu terrain 60.3 MIO OL, 200 fr. Défoncement . . . . . ME 0e 450 Fumier de champignon, 45 are cute à 9 fr. HU 405 Rayonnage pour enfouir le fumier . . . . . . . . . 100 Hersage. en RÉ do edit Pt 45 Traçage des ligues pour ER HantaLon SR Eee es 30 Mateur/des plants: (LS frlemille): : 2 "2 a. 2: 750 Bréparationndesinlamsss"" "ire CEE nt 25 BTARTA GONE MEET MES Ua ie. LEE ERA TRE 100 ADI ALES PO UNS 6 ST SAT AA: 150 DRCIDIA TES ERA RS LT dl el «en TN tn fi 120 Ron ATEN JSTOR: Pour chaque année de production, les frais se répartissent de la façon suivante : Par année de production. LRU PTE TT RE ee CEE Re 200 fr. PAS DD IMÉITES EUDES A ONEr. UE MEME EUR 250 See ba 45 21binages ur. : 150 Cueillette (un peu fre À 0 fr. 10 par De Fe CAIN 1 800 (environ) NELIOYACO TTESADIANS eee me eee eme UNS 135 PRelbiAces ee SES CRAN AT. 120 Transport aux Halles et frais “ Site MER: DIU dy 500 LOIR TE AE UE ANT TS 3 200 fr. Pendant toute la durée de l'exploitation de la fraiseraie (4 années dont 3 de production), on aura déboursé, par hectare, les sommes suivantes : Frais de premier établissement (1"° année), . . . . PA 1 ne 1 Frais d'exploitation, 3 années de récolte à 3 200 fr. 9 600 DOLAE A NPRE LRPRE d rel 11975 fr. Ce qui fait en chiffre rond 4000 fr. de frais généraux par hectare de fraiseraie et par année de production. 334 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les bénéfices qu’on peut retirer d'une fraiseraie varient beau- coup suivant les années et aussi suivant les variétés cultivées, il est donc difficile de fixer un chiffre moyen. Cependant, d’après les ren- seignements que J'ai pu recueillir, la culture de la fraise, lorsqu’elle est bien faite, est susceplible de donner des bénéfices élevés qui, ramenés à l’hectare, varient de 2500 à 8000 fr. Les variétés de choix, comme le Président Thiers, peuvent même, certaines années, rapporter beaucoup plus. Variétés cullivées. — Les variétés cultivées par M. Martine sont, par ordre de précocité : | Sir Joseph Paxton, variété très précoce, assez peu productive ; à fruits moyens, très colorés ; chair rose, sucrée et 1rès parfumée ; Vicomtesse Héricart de Thury, plante assez précoce, vigoureuse ; fruits rouges, de grosseur moyenne ; chair juteuse ; Président Thiers, variété très vigoureuse ; fruits très gros, sou- vent irréguliers, rouges, très sucrés et très parfumés. Cette variété est la plus appréciée, comme qualité, à Châtenay et à Verrières ; Éléonor, plante très vigoureuse ; fruits gros, allongés, peu colo- rés, très beaux et très appréciés ; Jucunda, variété Lardive, à végétation puissante, très productive ; fruits gros, de couleur rouge foncé. Les prix de vente ont été assez élevés en 1896, année moyenne, Ces fraises ont élé vendues sur le carreau forain. La récolte de la variété Sir Joseph Paxtlon a duré du 7 au 98 juin. Les cours ont varié de 2 fr. 20 c. le kilogramme à 1 fr., avec une moyenne de 1 fr. 40 c. L'Héricart de Thury a été récoltée à peu près en même temps et le prix du kilogramme a varié de 1 fr. 60 c. à O fr. 70 c. ; moyenne O9 0ic: Les fraises de ces deux variétés sont vendues tout venant, mais pour l’Éléonor et le Président Thiers il est d’usage de mettre à part les fraises de choix qu'on désigne sous le nom de Parure et qui se vendent toujours un prix relativement élevé. Chaque jour, au début de la cueillette, le cullivateur fait ramasser les plus beaux fruits dont il fait un lot spécial, véritable dessus du panier, qui se vend CULTURE DES FRAISES. 339 aux Halles aux détaillants et aux restaurateurs pour parer les fraises plus communes, d’où le nom de Parure qui leur est donné. La récolte du Président Thiers, commencée le 17 juin, a été ter- minée le 4 juillet; elle a fourni euviron 1/3 de parure qui a été vendu en moyenne 3 fr. le kilogramme, les deux autres tiers de fraises communes ont été pavés 1 fr. 50 c. le kilogramme. Ce qui fait une movenne de 2 fr. le kilogramme. L'Éléonor a donné des fruits du 21 juin au 8 juillet. Les fraises de choix se sont vendues 9 fr. 50 c., les autres 1 fr. 90 c. le kilo- gramme; moyenne 1 fr. 80 c. La récolte de la Jucunda a duré du 21 juin au 13 juillet; le prix de vente du kilogramme a oscillé entre 1 fr. 20 c. et 0 fr. 80 c., avec une moyenne de 0 fr. 90 c. Détermination des exigences en éléments fertilisants. — En 1896, mes recherches ont porté sur les 5 variétés énumérées plus haut. On a choisi, pour chaque variété, 21 pieds moyens qui, après avoir été marqués d’une façon apparente, ont servi à la détermination des ‘exigences en éléments fertilisants. Voici les résultats obtenus : 1° Sir Joseph Paxton : 21 plants ont donné : A L'ÉTAT FRAIS. A L'ÉTAT SEC. grammes. grammes. Fraises. . TD 405,9 Pédoneules . X'NN RUE 129,0 28,9 Feuilles enlevées après la récolte. . 578,7 253,9 Feuilles enlevées en octobre. . 2178;S FO RENT Filets enlevés après la récolte . . 092,0 195,9 Filets enlevés en octobre 220,0 74,8 Ce qui fait pour un hectare : A L'ÉTAT FRAIS. A L'ÉTAT SEC. kilogr. kilogr. Fraises 9 470,0 991,9 Pédoncules . ATOME TN: ; 308,3 69,2 Feuilles enlevées après la récolte . 11374:9 604,5 Feuilles enlevées en octobre . 5 187,3 1 694,2 Filets enlevés après la récolte 1 409,7 466,6 Filets enlevés en octobre 523,9 178,0 336 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. L'analyse de ces différents produits a donné les résultats suivants: POUR 100 DK MATIÈRE SÈCHE. phospho- | Potasse. rique. PÉDAÏIS ESA SPC EN DANONE LINE ? “oi FÉdONCUIES PE : .183 Feuilles enlevées après la OI ; .421 | Feuilles enlevées en octobre. . À .007 Filets enlevés après la récolte . ! 543 Filets enlevés en octobre . . . 5 . 244 19 © = et 19 Ce qui permet de calculer les quantités d'éléments fertilisants absorbées par an, pour un hectare : ACIDE MATIÈRES SÉCHÉES A 1000. 5. |phospho-| POTASSE rique. MA- GNÉSIE. || kilogr. | kilogr. | ki . | kilogr. LA ACCES ENN PET MANEER ET SE A7 »,069/19,342 S 1,488 || Pédonculese #70 Are 2 2 0 ,2S4 | Feuilles enlevées après ï le ,: 9,188|12,514| 0,363 Feuilles enlevées en octobre . . 5 133,907 41 3,050 || | Filets enlevés après la récolte . 56 ù .934111,572 | 0,280 Filets enlevés en octobre . . . 6 bS| 4,721 0,178 LOU ER EM 576 0 .831180.053|56 Ce sont là des exigences moyennes en ce qui concerne l’acide phosphorique, mais très élevées quant à l’azote et surtout la po- tasse. Cela tient à ce que les différentes parties du fraisier : fraises, pédoncules, feuilles et filets, sont riches en azote et en potasse. 2% Vicomtesse Heéricart de Thury : 21 plants ont donné : y P A L'ÉTAT FRAIS. A L'ÉTAT SEC. grammes. grammes. FrASES SL NT AMMRES TA ET RER 6 939,7 703,7 Pédoncules. . . . . ; SES 178,3 37,7 Feuilles enlevées après “ De Te 1 590,2 621,8 Feuilles enlevées en octobre. . . . . 4 725,0 1 606,5 Filets enlevés après la récolte. . . . ca 0 22852 Filets enlevés en octobre . 365,0 120,4 GULTURE DES Ce qui fait pour un hectare : Fraises . Pédoncules RPÉN UE ST Feuilles enlevées après la récolte. . Feuilles enlevées en octobre. . Filets enlevés après la récolte. Filets enlevés en octobre. vants : FRAISES. A L'ÉTAT FRAIS. A kilogr. 16 523,0 494,5 3 786,7 7 875,0 1 961,7 869,0 Fraises . Pédoncules. . UT ÉRS Feuilles enlevées après la récolte. Feuille enlevées en octobre Filets enlevés après la récolte . Filets enlevés en octobre . Ce qui donne pour les quantités d'éléments par an pour un hectare : MATIÈRES SÉCHÉES A 1000. DE ER D SRE AE Feuilles enlevées après la ré- colte. nl Feuilles enlevées en octobre. 2 Filets enlevés après la récolte. Filets enlevés en octobre . Acide phospho- rique. kilogr. | kilogr. FRAIS EST PS RE IN GTI6 6811155259 BédOneneS 89,6| 1, oz POUR 100 DE MATIÈRE SÈOHE. —— — —— POTASSE. kilogr. 31,356 2,159 23,097 55,531 13,206 Potasse. Chaux. | Magnésie. 6,126 Tottdte tt. 106.0 .|71:980)32, 148] 181476 ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE, — 1899. — 11. 931 L'ÉTAT SEC. kilozr. 1 676,8 89,6 1 480,6 2 677,5 43,4 86,8 19 © L'analyse de ces différents produits a donné les résultats sui- .130 .310 .050 .170 290 .230 ferulisants absorbées MA- GNÉSIE. kilogr. | kilogx. 5,869 1,505 25,466 40,778 4,511 2,762 80,891 338. Ces exigences, élevées pour l’acide phosphorique, très fortes quant à l’azote et surtout la potasse, tiennent à l’abondante produc- tion de fraises et de feuilles. ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 3° Président Thiers : 21 plants ont donné : A L'ÉTAT FRAIS. A L'ÉTAT SEC. grammes. grammes. Fraises . » 475,0 582,0 Pédoncules. . ERP |: 111,0 23,1 Feuilles enlevées après la récolte. 102479 359,6 Feuilles enlevées en octobre. S05,0 254,9 Filets enlevés après la récolte . 1 554,0 457,9 Filets enlevés en octobre . 2 000,0 540,0 Ce qui fait pour un hectare : A L'ÉTAT FRAIS. A L'ÉTAT SEC. kilogr. kilogr, Fraises . 13 037,6 1 386,9 Pédoncules. . NV TAReE 265,5 55,3 Feuilles enlevées après la récolte . 2 440,3 846,8 Feuilles enlevées en octobre. 10 062,5 3 185,8 Filets enlevés après la récolte . 4 414,1 1 090,3 Filets enlevés en octobre . 11619 12855 Ces différents produits contiennent les quantités de principes fer- ülisants inscrites dans le tableau ci-dessous : Fraises . Pédoncules. | Feuilles enlevées en octobre . | Filets enlevés après la récolte . | Filets enlevés en octobre . | Feuilles enlevées après la récolte, Azote. phospho- Acide Potasse. rique. .oil .329 .427 .411 .078 507 1H 2 1. He 2 2% Chaux. . 0 l Î l 0 0 .320 .700 .630 .046 . 900 .986 POUR 100 DE MATIÈRE SÈCHE. Magnésie. 120 -370 .060 .170 .310 .280 CULTURE DES FRAISES,. 339 Ces données permettent de calculer les quantités d’éléments fer- tilisants absorbées par an pour un hectare : ACIDE MATIÈRES SÉCHÉES A 1000. AZOTK. |phospho-| POTASSE. | CHAUX. : rique. GNÉSIE. | MA- kilogr. | kilogr. | kilogr. | kilogr. | kilogr. | kilogr. | Fraises} Re .0 LOGE TT 386,91 1193431027,087| 27,599 | 4.458 |21%6604] BÉdOneUIeS Mari Me 59,3 ,62 0.182] .1,615| 0,940] 0,205 Feuilles enlevées après la LE 1e) DE et OS DE 846,8| 1 3,616| 14,311 |13,803 Feuilles enlevées en octobre. 3 185,8| : 38 113,094! 56,962 49,252 Filets enlevés après la ré- Copa OO ES 7001 6%20212267.8 Filets enlevés en octobre. 1285,7| 15,6S6| 7,290| 32,7 21| 9,813 08 |12,677 Totaux 48 DIU 102,859 37,570] 160,016 190,923 Cette variété, dont la puissance de végétation est remarquable, a puisé dans le sol des quantités extrêmement élevées d’azote et de potasse. ° Éléonor : 21 plants ont donné : A L'ÉVAT FRAIS A L'ÉTAT SEC. grammes. grammes. HRAISES 2 ee C NUITS ETRER SE 6 072,0 546,5 POTONCUIES PURE sa 164,1 39,9 Feuilles enlevées après s Técolte, te 122737 442,0 Feuilles enlevées en octobre. . . . . 31622,5 1 195,4 Filets enlevés après la récolle . . . . 1 715,0 444,2 Filets enlevés en octobre . . . … : - 390,0 114,4 Ce qui fait pour un hectare : A L'ÉTAT FRAIS. A L'ÉTAT SEC. kilogr. kilogr. RER oo: ne AUOIME MEe MOMCLIDUE 14 457,0 150271 Rédencules nn 5" Et AA: 390,4 85,9 Feuilles enlevées après n TA RE 3 225,8 1161,3 Feuilles enlevées en octobre. . . . . 8 625,0 2 846,3 Filets enlevés après la récolte. . . . 4 083,4 1 057,6 Filets enlevés en octobre. . . . . . 928,5 272,3 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Ces différents produits ont donné à l'analyse : POUR 100 DE MATIÈRE SÈCHE. Acide phospho- rique. Azote. Potasse. Chaux. | Magnésie. Fraises . Pédoncules. Feuilles enlevées après nite. || Feuilles enlevées en octobre . | Filets enlevés après la récolte . Filets enlevés en octobre . (es lém MATIÈRES SÉOHÉES A 100°. Fraises . | Pédoncules ë | Feuilles enlevées après la DÉCOILE EM À | Feuilles enlevées en Er Filets enlevés après la récolte. Filets enlevés en octobre . .440 .050 .780 .740 .660 .064 UN 19 19 19 ©@- [ge =) A 72 = = = ei = 72 pet] [æ) EX 72 [et] =R un © [ur lp ©@- un A [= — SE [qe) Q TA et} Lur) © [qe] ee Le) [ee] © =) -| POTASSE. kilogr. 31,771 1,753 20,671 49,526 28,132 6,982 | Totaux . 84,429 138,835 MA- GNÉSIE. Es, kilogr. | kilogr. 4,557 1,300 19,277 44,630 9,201 2,508 81,473 Là encore on se trouve en présence de très fortes exigences. 0° Jucunda : Fraises . Pédoncules ; Feuilles enlevées après la cote Feuilles enlevées en octobre. Filets enlevés après la récolte . Filets enlevés en octobre . 21 plants ont donné : A L'ÉTAT FRAIS. grammes. A L'ÉTAT SEC. grammes. [er] e2 © © — [er] …. = um OT I 19 19 CULTURE DES FRAISES. 341 Ce qui fait pour un hectare : A L'ÉTAT FRAIS. A L'ÉTAT SEC. kilogr. kilogr. Brass ame cale uet MSreAtE RPE 122190 161977 BÉTONCUIES ET : HRORLE 915,3 100,5 Feuilles enlevées après à hecoltee Te 4 134,8 1 488,6 Feuilles enlevées en octobre. . . . . 12 375,0 3 753,3 Filets enlevés après la récolte. . . . 1 523,8 416,0 Fietsenlevés.en. octobre … . .: 1 614,0 494,9 Le tableau suivant donne les quantités de principes fertilisants contenues dans ces divers produits : POUR 100 DE MATIÈRE SÈCHE. + Magnésie. a Le] © Fraises . Pédoncules. Feuilles enlevées après là écailles Feuilles enlevées en octobre . Filets enlevés après la récolte . Filets enlevés en octobre . 2 19 1 LD 1 19 19/9 129 WW] — Éléments fertilisants absorbés par hectare et par an : ACIDE MATIÈRES SÉCHÉES A 1000. . |phospho-| POTASSE. rique. kilogr. | kilogr. | kilogr. kilogr. kilogr. Fraises : . . . . .. . . 1619,7115,225|. 8,163] 41,140| 5,993 Rédoncules 01... $ 100510045028 010829651799 Feuilles enlevées Hess la FÉrOe ee MU. MAS" 6 31| 5,999] 32,749122,627 Feuilles enlevées en Cet 3753,3148,418117,191| 89,328 153,822 Filets enlevés après la récolte. 416,0 9,147| 11,939| 2,704 Filets enlevés en octobre. . 494,91 5,840) 2,499] 12,353 5,874 Totaux . . TÉSREES 36,880] 190,474192,819 Cette variété a de très fortes exigences, c’est aussi la plus tardive, 342 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. la plus productive et celle qui présente le développement foliacé le plus abondant. Discussion des résullats. — De l’ensemble de ces résultats, il ressort nettement que le fraisier est une plante des plus exigeantes, surtout en azote et en polasse. Nous avons vu que, pendant le cours de sa végétation, le fraisier ne reçoit pas de fumures complémentaires, mais seulement une couche de paillis qu’on étale sur le sol chaque année au printemps. Ce paillis est surtout destiné à préserver les fraises du contact direct de la terre, aussi a-t-on soin de choisir pour cet usage un fumier très peu décomposé et très riche en paille. Il est impossible d'apprécier les quantités de principes ferulisants abandonnées par cette paille aux pluies d'été et susceptibles d’être utilisées par le fraisier. Mais on peut les considérer comme à peu près négligeables. Le paillis, en effet, ne subit pendant l'été qu’une décomposition in- signifiante et il est en grande partie entrainé par les vents d’au- tomne. Sans tenir compte de ce faible apport, examinons si la forte dose de fumier de champignon, enfouie à l’établissement de la fraiseraie, fournit au sol une somme de matières fertilisantes suffisante pour faire face aux exigences des trois années de production et empêcher son appauvrissement. Le tableau suivant va nous renseigner à ce sujet : PAR HECTARK. —— Azote. phospho- Potasse. rique. kilogr. kilogr. kilogr. Apporté par la fumure à la plantation . . . . . . 241 274 231 Mis en circulation pendant 3 années de production : PARTONS ES EN Eu RTE RER EEE “etre 59 240 HériCar de CONTE AE NES 234 96 393 Président Dhiers 7 SN TERRES 308 2 4S0 ÉJÉONOE QU De ENT SET EE RE SERRE 253 91 416 Jucundas fees NAN DIRE EIRE MEL 281 110 71 Deux variétés, Sir Joseph Paxton et Vicomtesse Héricart de Thury, trouveront dans la fumure donnée au début à peine assez d’azote 9 CULTURE DES FRAISES. 343 pour les besoins de trois années de récolte, et des quantités tout à fait insuffisantes de potasse. Quant à l’acide phosphorique, la dose apportée par la fumure dépasse de beaucoup les besoins du fraisier. Pour les trois autres, Président Thiers, Éléonor, Jucunda, Y'acide phosphorique est le seul élément apporté en abondance et eiles de- vront emprunter au sol d'assez fortes proportions d’azote et d’énor- mes quantités de potasse. Aussi est-ce avec raison que ces trois der- nières variétés, surtout le Président Thiers, sont considérées par les producteurs comme très épuisantes et qu’elles ne peuvent être cul- tivées dans le même sol pendant de longues années. Pour bien comparer entre elles ces cinq variétés cultivées de la même façon et dans des sols à peu près identiques, on a établi le tableau suivant qui donne, pour l’année 1896, les quantités de ma- tières végétales élaborées par chacune de ces variétés pour une pro- duction de 1 000 kilogr. de fraises. Production végétale, en 1896, pour 1 000 kilogr. de fraises. FRAISES PÉDONCULES FEUILLES FILETS VARIÉTÉS. EE fraiches.| sèches. frais. secs, |fraîches.| sèches, frais. secs. eee eeneces | cameppemsmene. Senesenmaeemes | ce neces encens | eexmmmmceuns mnceceuess kilogr. | kilogr. | kilogr. | kilogr. | kilogr. | kilozr. | kilogr. | kilogr. Président Thiers.| 1 000 | 106 927 Ë 182 Jucunda . . .| 1 000 94 28 935 30: 23 Éléonor. . . .| 1000 | 90 025 lé 346 92 Paxtons 1110008 24105 É 658 Héricar tee en) 0 008 TO 683 Ce qui fait un poids total de matière sèche (y compris les fraises elles-mêmes) indiqué dans le tableau suivant : Matière sèche totale correspondant, pour 1896, à 4 000 kilogr. de fraises fraîches. Président Thiers. . . . . . 60{ kilogr. JUGUNAAN ART IS 456 — HIÉDHOTR = MON à 464 — RACONTENT PRNIRES 4992 — Héricart . . . . . . . .. : AO — 344 ANNALES .DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. On voit que, pour une même production de fruits, l’intensité de la végétation peut être très différente d’une variété à l’autre. Ainsi, entre l’Héricart de Thury et le Président Thiers, il y a une différence de matière sèche totale de près de 200 kilogr. pour une production de 1 000 kilogr. de fraises à l’état frais. Il convient maintenant de comparer entre elles les quantités res- pectives de matières fertilisantes mises en œuvre, en 1896, par cha- cune de ces variétés. Le tableau suivant donne ces quantités pour 1000 kilogr. de fraises considérées à l’état frais, pédoncules non compris. En regard se trouvent inscrits les rendements par hec- tare. Mis en œuvre pour la production de 4 000 kilogrammes de fraises. ACIDE RENDEMENTS en fraises à l’hectare à l’état frais. DÉSIGNATION DES VARIÉTÉS. phospho- POTASSE. rique. kilogr. kilogr. kilogr. kilogr. Président TES en CT AS Se ,SS1 12,273 13,037 ral 11,061. | 175219 93 9,603 | 14,457 9 9 Jucunda Et EN EE EEE IP OS CO 21 ÉROnORe Ter be. Men AL PO OA0 Deal || Sir Joseph Paxton. . . . . . .| 6,104 2,094 8,453 9,470 HÉTICAN PRE MILLES PEER EN TNT O 1,945 7,957 16,523 Les conclusions qu’on peut tirer de ces derniers tableaux concor- dent parfaitement, pour chacune de ces variétés, avec l'opinion des producteurs de fraises, et l’on constate que, par l'observation et la pratique culturale, on a opéré une sorte de sélection naturelle dans ces variétés. Les moins exigeantes sont de beaucoup les plus répan- dues, tandis que les autres, plus difficiles à obtenir, ne sont cultivées que. par un petit nombre de producteurs, dans leurs meilleures ter- res et sur des surfaces relativement restreintes. A Châtenay, le Président Thiers est considéré comme la variété qui présente le moins de chances de -succès. Quand le sol est bon et la fumure abondante, elle vient bién et procure de beaux bénéfices. Mais, par contre, elle donne souvent de mauvais rendements là où une aulre variété aurait réussi. Si, malgré son prix de vente très CULTURE DES FRAISES. 345 élevé et les forts rendements qu'elle est susceptible de fournir, elle est peu répandue, cela tient certainement à ses Lrès fortes exigences. On voit en effet quelles énormes quantités d'éléments fertilisants elle met en œuvre pour produire 1 000 kilogr. de fraises. Aussi un grand nombre de producteurs, qui avaient été séduits par la valeur marchande si élevée de cette fraise, ont dù, après plusieurs essais infructucux, renoncer à sa cullure. Une des principales causes de ces exigences est l'abondante pro- duction de feuilles et surtout de filets. En effet, pour 1 000 kilogr. de fraises on a trouvé 927 kilogr. de feuilles et presque autant de filets, 703 kilogr. Or, si les feuilles ont concouru, par l'élaboration des principes immédiats, à la production des fruits, les filets, au contraire, ont été développés en pure perte et il est permis de sup- poser que, dans le cas présent, la quantité et le volume des fraises auraient été bien supérieurs si le sol n'avait pas eu à nourrir celte énorme proportion de filets, auxquels on donne souvent le nom bien justifié de gourmands. On diminuerait sensiblement les exigences de celte variété en pratiquant, à partir du mois d'avril, de fréquents effilages. La fraise Éléonor, sans atteindre la valeur marchande du Prési- dent Thiers, est cependant d’une vente facile et d’une réussite sensi- blement plus certaine. Nous constatons aussi qu’elle est notablement moins exigeante. Pour 1! 000 kilogr. de fraises, elle a mis en œuvre environ 2 kilogr. d'azote, 0,700 d’acide phosphorique el 2,6 de potasse de moins que n’en aurait exigé le mème poids de fraises Président Thiers. La variété Jucunda est intéressante à plusieurs points de vue. Elle est à grands rendements, plus tardive que les précédentes et d’une réussite plus facile. Elle est aussi sensiblement moins exigeante, non pas tant par la moindre proportion de principes fertilisants mis en œuvre que par la plus faible production de filets. Pour 1 000 ki- logr. de fraises, celte variété a produit 935 kilogr. de feuilles, quan- tité à peu près égale à celle développée par le Président Thiers, mais par contre elle n’a fourni que 182 kilogr. de filets, alors que pour le même poids de fraises le Président Thiers en a donné 703 kilogr. 346 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La fraise Sir Joseph Paxlon est la plus précoce des cinq variétés étudiées. Ses exigences sont relativement faibles el, comme son prix de vente est élevé en raison même de sa précocité, on com- prend que, malgré des rendements assez bas, elle soit d’une culture lucrative. La Vicomtesse Héricart de Thury, plus généralement connue sous le nom d’Héricart, est de beaucoup la plus répandue. Partout où l’on fait de la fraise, on la cultive, et partout elle est considérée comme la variété de fond, c’est-à-dire celle dont la réussite est cer- taine et qui donne toujours des résultats, quelles que soient les con- ditions atmosphériques du printemps et la nature du terrain. Si l’on se reporte au tableau précédent, on voit que cette opinion est par- faitement confirmée. En effet, l’Héricart est la variété qui, tout en donnant des rendements très élevés, met en œuvre, pour la produc- tion d’un poids déterminé de fraises, la plus petite somme de prin- cipes fertilisants. En un mot, c’est la moins exigeante, la plus rusti- que. C’est pourquoi, malgré les prix relativement bas auxquels elle est cotée sur les marchés, sa culture est très en faveur et on peut dire qu’il n’y a pas de producteur de fraises qui ne cullive chaque année plusieurs pièces d’Héricart. Délerminalion des exigences de la fraise des qualre-saisons. — Bien que la culture des petites fraises, dites des quatre-saisons, soit de plus en plus abandonnée, il m’a semblé intéressant de déterminer ses exigences afin de les comparer, dans la mesure du possible, à celles des variétés à gros fruits. J'ai pu effectuer cette détermination, également en 1896, dans une fraiseraie située sur la commune de Robinson, tout près de Sceaux. Le sol de cette fraiseraie, constitué par des sables à peu près purs, a donné à l’analyse les résultats suivants : POUR 1000 DE TERRE SÈCHE. © Cailloux Terre fine. siliceux. SOLARIS TEEN. 977.8 DD SOUS-SOL EME 978.3 DAT CULTURE DES FRAISES. 347 L'analyse physique de la terre fine a donné, pour 1 000 de terre sèche : | JELÉMENTS GROSSIERS. ÉLÉMENTS FINS. Sable Sable Sable Sable Êe J ÊE 2 Argile Humus. siliceux. calcaire. siliceux. calcaire. SOIR RAUETAIER B12E traces. 169.9 | traces. 1117 SOUS-SOL NA Im S22 —— 158.8 — 11.9 CAR- BONATE ACIDE phospho- | POTASSE, rique. SOIR Sous-sol. Ces résullats, rapportés à la terre naturelle, donnent les propor- lions suivantes d'éléments fertilisants contenus dans les éléments fins de 1 kilogr. de terre naturelle. ACIDE AE 4 BONATE s phospho- | POTASSE. NATE |wacnésir| ï de FRE chaux. SO) LES Que Sous-sol. Cette terre, presque entièrement constituée par du sable, ne con- tient que très peu de cailloux; elle est assez pauvre en éléments fer- tilisants. Elle l'ail partie de la formation dite des sables de Fontaine- bleau. La fraiseraie de Robinson provient de semis. Les plants, repiqués en 1894, ont donné une première récolte en 1895. A l’époque où 348 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ces déterminations ont été effectuées, ils étaient dans leur deuxième année de production normale. Au repiquage, on a appliqué une forte famure au fumier de ferme. Le nombre des plants est de 66,000 à l’hectare. En 1896, la production de fraises a été de 10,650 kilogr. à l’hec- tare, et le prix de vente a varié de 1 fr. 50 c. à 2 fr. 50 c. le kilo- gramme. La récolte a duré du 15 juin au 15 octobre. On a choisi 21 plants moyens qui ont servi à déterminer les exi- gences en ce qui concerne les feuilles et les filets. Pour les fraises, le rendement a été déterminé sur l’ensemble de la fraiseraie d’après les pesées du produit des différentes cueillettes. | Voici les résultats obtenus : 21 plants ont donné : A L'ÉTAT FRAIS. A L'ÉTAT SEC. grammes. grammes, Feuilles enlevées en novembre, . . . 2 730 857,2 Filets enlevés en title Rennes 14995 798,0 Filets enlevés en novembre. . . . . 735 29450 Ce qui fait par hectare : A L'ÉTAT FRAIS. A L'ÉTAT SEC. kilogr. kilogr. Fraises nec Er 2MEPAMICEL CRT RE) 10 650 1 619 BÉdONCQUIES HR RENE SIRET 123 192 FEULES PNR ES RENTE SR 8 580 2 788 Filets -enlevés.en juillet. … …. . 6 270 2 508 Filets enlevés en novembre . . . . 2 310 924 L'analyse de ces différents produits a donné : POUR 100 DE MATIÈRE SÈCHE. a Acide phospho-| Potasse.| Chaux. rique. Fraises MEN EL AMENER BR MO .025 Pédoneules 61: 24H émane els .006 Feuilles SEM DM ANR Eee CAE .b83 Filets enleyés en que ER NUE | 0.395 Filets enlevés en novembre . . . . . .| 0.9: 00 CULTURE DES FRAISES. 349 Ces chiffres permettent de calculer les quantités d’éléments ferti- lisants absorbées par hectare et par an. MATIÈRES SÉCHÉES A 1000. Fraises . Pédoncules. . Feuilles . + he Filets enlevés en juillet. Filets enlevés en novembre . Totaux een kilogr. 1 619 kilogr. 33,513 192 T8S 508 924 ACIDE phospho- rique. kilogr. 16,594 0,971 16,254 9,907 3,631 47,357 POTASSK. kilogr. 49,055 7,507 54,589 31,350 11,810 154,311 MA- GNÉSIE. kilogr. 11,657 5,914 De? A 4, 1,097 95,741 |: Bien que la quantité de fraises produite par hectare (10,650 ki- logr.) soit relativement peu élevée, on voit que celte espèce a de très fortes exigences. Pour comparer ces résultats à ceux fournis, la même année, par les variétés hybrides, on a fait figurer dans les tableaux suivants, à côté de la fraise des quatre-saisons, deux de ces fraises à gros fruits, le Président Thiers et l’Héricart de Thury. Production végétale, en 1896, pour 4 000 kilogr. de fraises. FRAISES PÉDONQULES FEUILLES FILETS VARIÉTÉS. © ©, |, © © << À © © TT | Dec Quatre saisons . | 1 000 Président Thiers.| 1 000 Héricart. . | 1 000 fraîches.| sèches. frais. secs, [fraîches.| sèches. frais. secs. kilogr. 122 182 50 18 4 5 kilogr. 805 703 1? kilogr. 805 dr 683 kilogr. 262 309 251 kilogr. kilogr. 152 106 101 kilogr. 68 20 25 Matière sèche totale correspondant, pour 1896, à 1 000 kilogr. de fraises fraîches. 754 kilogr. 601 407 Quatre-saisons. . Président Thiers . Héricart . 9390 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Matières fertilisantes mises en œuvre pour la production de 1000 kilogr. de fraises. RENDEMEN1ISE en fraises ACIDE VARIÉTÉS. phospho- POTASSE. à l'hectare rique. ES = : à l’état frais. kilogr. TETE kilogr. kilogr. Duaire-Saisons Fee Eee) 1020 0 4,440 14,480 10,650 Présidentélhiers-mAe BR NPAMER "ON T 5891422881 19 227e: 13,037 HériCAT RE SEM Mt Eee dE L 4,719 | 1,945 7,957 16,223 Ces tableaux mettent en relief les très fortes exigences de l'espèce . dite des quatre-saisons. Ainsi, pour la production de 1 000 kilogr. de fraises fraîches, elle a élaboré environ 150 kilogr. de matière sèche de plus que le Président Thiers et environ 350 kiïlogr. de plus que l’Héricart. Quant aux matières fertilisantes mises en œuvre, la disproporlion est encore plus grande, puisque cette espèce puise dans le sol presque deux fois plus de potasse et plus du double d'azote et d'acide phosphorique que n’en exige l’Héricart pour la production d’un même poids de fraises. On voit que ces fortes exigences des petites fraises tiennent, en partie à l'abondance des filets produits par cette espèce, filets qui sont sensiblement moins aqueux que ceux des espèces à gros fruits. De plus, on sait qu'au point de vue botanique, les fraises ne sont pas de vrais fruits, mais bien des réceptacles hypertrophiés, à la surface desquels sont logés de petits fruits secs, indéhiscents, nom- més akènes. Or, comme nous le verrons plus loin, les grosses fraises hybrides contiennent, relativement à leur poids, peu de ces fruits proprement dits, tandis que les petites fraises des quatre-saisons en renferment de trois à cinq fois plus, ce qui augmente beaucoup leur teneur en matière sèche et en éléments fertilisants. Les fortes exigences des petites fraises, jointes aux inconvénients que présente leur récolte, expliquent pourquoi leur culture est au- jourd'hui presque complètement abandonnée et remplacée par celle des fraises à gros fruits, surtout par l’Héricart. En effet, malgré le prix de vente élevé qu’atteignent toujours les petites fraises, les pro- CULTURE DES FRAISES. 391 ducteurs ont tout avantage à leur substituer les variétés hybrides à gros fruits comme l’Héricart qui, si elles n’arrivent qu'à des prix de vente beaucoup plus modestes, présentent de réels avantages, tant au point de vue de leurs faibles exigences, qu’à celui des facilités culturales, qui permettent d’en produire sur de plus grandes surfaces. Composition des fraises fraiches. — On sait que la fraise est for- mée par un réceptacle hypertrophié, à la surface duquel sont logés les fruits proprement dits ou akènes. Pour compléter l'étude des variétés cultivées à Châtenay, nous donnons, à titre de document, la composition chimique des fruits proprement dits et celle du récep- tacle, masse charnue, très aqueuse, riche en sucre et en principes odorants, qui constitue la partie comestible de la fraise. POUR 100 DE FRAISES FRAICHES. Paxton. | Héricart,| Président. |Eléonor.| Jucunda. Réceptacle ou chair . . .] 98.43 | 98.15 98 87 | 28.62 Fruits proprement dits lakèneshinénetaanat 0% 1.85 Ces chiffres représentent la moyenne de plusieurs déterminations effectuées, pour chaque variété, au cours de la récolte de 1896. Composition centésimale du réceptacle. HÉ- PRÉ- LE JU- QUATRE- PAXTON, ELEONOR. | KICART. | SIDENT. GUXDA. |SAISONS. [er] S.O0f 92 .13 (o2) © AURAI EREMCE QU.:50 TERN . 18 .33 | 90.40 Matières minérales . . . . . . ; .41 | 0.40 Sucres (en glucose). . . . . .| 5. :01.12:5:69 Acides (en acide tartrique). . . # Par al RE Matières azotées albuminoïdes. . 146 10.340003? Matières azotées non albuminoïdes.| traces | traces | traces Corps pectiques . . . . . . .| 0.47] 0.55 | 0.69 Célula EVE, OCDE NE K:25 Matières indéterminées . . . .| 0.39| 0.51 | 0.38 Frs Be 19 .54 .00 25 .66 .55 .94 | > © © © mm © © —= mm or © 392 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE,. Composition centésimale du fruit proprement dit ou akène. HÉ- PRÉ- ALES UATRE- PAXTON. ELEOXOR. 5 RIOART. | SIDENT. SAISONS. a [=] 10.81 3.90 ie EAU RER AE | Matières minérales . Matières grasses . Sucres (en glucose). . [0] OS & © © © mm | Acides (en acide tartrique). | Matières azotées albuminoïdes. . | Matières azotées non albuminoïdes. | Corps pectiques . US TOR CRUE Va Le | Matières extractives indétermi- | nées. ni EXPÉRIENCES D'ENGRAIS EFFECTUÉES EN 1897 ET 1898 Dans le choix de terres à fraises, on tient surtout compte des pro- priélés physiques du sol et l’on s’inquiète peu de sa richesse en élé- ments fertilisants. Aussi les fraiseraies sont-elles, dans les environs de Paris, exclusivement établies sur des terres très meubles, légères et perméables, très pauvres en éléments fertilisants. La pauvreté de ces sols oblige le cultivateur à leur appliquer de fortes fumures aux fumiers de ferme, de cheval ou de champignon. La fumure donnée, en une seule fois, lors de la plantation, ne peut, pour des raisons que nous avons déjà exposées, être renouvelée pen- dant la durée de la végétation du fraisier, qui est de quatre années. Il est évident qu'après une ou deux récoltes le stock d’éléments fer:- ülisants mis dans le sol au début, doit se trouver considérablement amoindri. Nous avons constaté, en effet, que dans bien des cas cette forte fumure n’apporte au sol que des quantités d’éléments fertili- sanis insuffisantes pour faire face aux exigences dé trois années de production normale. D’autre part, il faut tenir compte également des pertes résultant de l'entrainement d’une partie de l’azote par les CULTURE DES FRAISES. 393 pluies, pertes qui ne peuvent être considérées comme négligeables dans ces terres légères, où la décomposition des matières organiques et la nitrilication se produisent normalement. Dans ces conditions, on pouvait espérer que l’addition, en couverture, d'engrais chimi- ques, appliqués au printemps, produirait une augmentation notable de la végétation, se traduisant nécessairement par une surproduction de fraises. C’est en effet ce que j’ai pu constater sur le champ d’expériences établi à Châtenay, chez M. Marune, dans une fraiseraie plantée, en 1894, en Jucunda, variété qui est une des plus exigeantes. L’analvse du sol et du sous-sol du champ d’expériences a donné les résultats suivants : POUR 1 000 DE TERRE. CR EE Terre fine. Cailloux. SOLE Ra TR sis 268.9 431.1 SOUS-SOL ANSE RS ME APE 380.7 619.3 Analyse physique de la terre fine. ÉLÉMENTS GROSSIERS. RE 0 ÉLÉMENTS FINS. Sable Sable Sable Sable siliceux. |calcaire.|siliceux. |calcaire. Argile, | Humus. SO LOT CAE NS ri ilracesh2886btraces SOSESO ee RAT Re eT .| 641.6 — 306.8 — Analyse chimique, POUR 1 000 DE TERRE FINE. POUR 1000 DE TERRE NATURELLE, de chaux, Carbonate de chaux. Carbonate SOLE. Sous-sol , ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE, — 1899. — x. 23 394 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les propriétés physiques et la composition chimique de ce sol sont en tout point semblables à celles des autres terres à fraises de M. Martine et les observations que nous avons faites plus haut à leur sujet peuvent également s'appliquer au champ d’expériences. En résumé, c’est une terre caillouteuse, légère, drainée naturellement, pauvre en éléments fertilisants, mais profonde. Au printemps de 1897, ces plants de Jucunda avaient déjà fourni deux récoltes. À ce moment, on à pris, dans la fraiseraie, une surface de 2 000 mètres carrés qui a été divisée en cinq parcelles égales de 400 mètres carrés chacune. Les doses d’engrais ont été calculées de façon à fournir au sol des quantités d'éléments fertili- sants sensiblement supérieures à celles mises en œuvre par cette variété pendant la végétation de l’année précédente, soit, pour un hectare : ZOO RS EE eue Lie 110 kilogr. Acide phosphorique. . . . . 45 — POTASSE ARS RE ere 210 — Ce qui correspond à peu près à: Nitrate dersoude "1770 700 kilogr. Superphosphate . . > - 00 Chlorure de potassium . . . 425 représentant une dépense d'environ 285 fr. La parcelle n°1 a reçu la fumure complète, soit: Nitraterde soude mm 28 kilogr. Superphosphate . . . . . . 12 — Chlorure de potassium . . . 17: — La parcelle n° 2 a reçu de l’engrais sans azote, soit : Superphosphate . . . . . . 12 kilogr. Chlorure de potassium . . . 17 — La parcelle n° 3 a servi de témoin et n’a reçu aucun engrais. CULTURE DES FRAISES. 3) La parcelle n° 4 a été affectée à l’engrais sans acide phosphorique, soit : Nitrate de soude. : 2: . | 28 kilogr, Chlorure de potassium . . . 17 — La parcelle n° 5 a été fumée avec l’engrais sans potasse, soit: Nitratelde soude. 1." 28 kilogr. Superphosphate . , . . . . 12, — Ces engrais ont été mis, en couverture, le 15 mars 1897. Comme le temps était pluvieux, une partie seulement du nitrate de soude a été mise ce jour-là, le reste a été semé quinze jours plus tard. Dès le mois de mai, on pouvait constater des différences très marquées dans la végétation de ces différentes parcelles. Les plants du n°1, engrais complet, étaient les plus beaux de tous, comme végélalion ; ceux de la parcelle n° 3, {émoin sans engrais, élaient de beaucoup les moins vigoureux. Ces différences se sont maintenues jusqu’à la récolte. La récolte a duré du 22 juin au 8 juillet. Les fraises ont été cueillies et pesées séparément pour chaque parcelle. Les résultats trouvés sont résumés dans le tableau ci-dessous : Champ d'expériences de Chàâtenay. Résultats de l'année 1897. D NUMÉROS DES PARCELLES. (Surface 4 ares.) FT TR) VE nn er LU NU À 2 | 1 2 3 4 5 Nature de l’engrais ajouté.|Engrais eom-|Engrais sans|Témoin sans| Engrais sans|Engrais sans plet. azote. engrais, acide phos-| potasse, | phorique. 22m ee D EEE Res | : kilogr. kilogr. kilogr. kilogr. kilogr. Poids des fraises récoltées. 667 550 708 675,5 Poids des fraises rappor- tées à l'hectare. . . . 32e 16 675 13 750 17 700 16 887 Excédent de récolte dû à RÉTUMUrE MEME. 2 925 3 950 3431 356 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. A la fin de 1897, cette fraiseraie en était à sa 4 année, dont 3 de production normale ; elle avait atteint le terme de son existence. J’ai pensé qu’au lieu de la détruire pour procéder à une nouvelle plan- tation, il serait intéressant de la conserver encore une année pour continuer ces essais. C’est ainsi que, le 15 mars 1898, les mêmes parcelles ont reçu des doses d'engrais identiques à celles qu’on leur avait distribuées en 1897. Les différences d’aspect dans la végétation se sont reproduites dans le même ordre. La récolte a duré du 29 juin au 18 juillet. Les résultats obtenus sont résumés dans le tableau suivant : Champ d’expériences de Châtenay. Résullats de l’année 1898. NUMÉROS DES PARCELLES. (Surface 4 ares.) ©" 1 2 3 Æ 5 Nature de l'engrais ajouté. Engrais eom-| Engrais sans| Témoin sans|Engrais sans| Engrais sans plet. azote. engrais. acide phos- potasse. phorique. QE en kilogr. kilogr. kilogr. kilogr. kilogr. Poids desfraises récoltées. 1 506 703 5 989 Poids des fraises rappor- téestailhectire PER 6 / 17 575 Excédent de récolte dû à la fumure. . Discussion des résultats. — Le premier point qui resssort nettement des résultats de ces deux années d'expériences, c’est que, dans les terres de Châtenay, le fraisier est extrêmement sensible à l’action des engrais chimiques”. En effet, si l’on compare les rendements obtenus respectivement dans les parcelles n° 1, avec engrais chi- nique complet, et n° 3, témoin sans engrais, on voit que l'addition d'engrais complet a augmenté la production de fraises de 47.8 p. 100 1. Les engrais n'ont eu aucune action sur la qualité des fraises. À la dégustation, il a été impossible de distinguer les fraises des parcelles à engrais de celles de la parcelle témoin. CULTURE DES FRAISES. 391 en 1897, année de moyenne récolte, et qu’elle l’a presque doublée (85.7 p. 100 d'augmentation) en 1898, qui peut être considérée, au point de vue des conditions météorologiques, comme une très bonne année. J'ai indiqué précédemment que, dans les environs de Paris, la culture du fraisier est aujourd’hui exclusivement localisée sur les . points où émergent les sables de Fontainebleau. De plus, on sait que les terres cultivées qui appartiennent à cette formation géologique sont sensiblement uniformes, tant par leurs propriétés physiques que par leur richesse en éléments fertilisants. Ces conditions nous permettent de généraliser les résultats obtenus à Châtenay et d'établir en fait que, dans cette région, l'addition d’engrais chimi- ques, mis au printemps en couverture, est susceptible d’élever dans de grandes proportions les rendements en fraises. Pour déterminer quelle a été, sur le rendement, l'influence rela- tive de chacun des éléments fertilisants, azote, acide phosphorique, potasse, il suffit de comparer les excédents de récoltes obtenus respectivement dans les parcelles n° 1, engrais complet, n° 2, sans azote, n° 4, sans acide phosphorique, el n° 5, sans potasse. On trouve ainsi que, par rapport au sol sans engrais, EN 1897. EN 1898. p. 100. p. 100. L'azote a augmenté la production de . . . . : 26.6 46.8 L'acide phosphorique a augmenté la production te. : 19.1 39.2 La potasse a augmenté la production de. . . . . . 2501 45.1 L'engrais chimique complet a augmenté la production (HER EE SARA ONE BASE El Ne PE à FAR EN RE RES 47.8 85.7 On voit que chacun des trois éléments fertilisants fondamentaux a une action très marquée sur la production des fraises. On s’étonnera peut-être que le superphosphate ait une si grande efficacité sur le fraisier qui, nous l'avons vu, a des exigences assez faibles en acide phosphorique. Mais il ne faut pas oublier que nous avons affaire à des terres très pauvres, ne contenant que 0.22 p. 1000 de cet élément. Le tableau suivant résume les quantités d'éléments fertilisants que 398 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. le fraisier a puisés dans cette terre pendant les deux années d’expé- rlences : MIS EN ŒUVRE PAR HECTARE. | DÉSIGNATION DES PARCELLES. Azote. Acide phosphorique. Potasse. | . Re. EE —© °C — en 1897, | en 1898. | en 1897. | en 1898. | en 1897. | en 1898. kilogr. kilogr. kilogr. kilogr. kilogr. kilogr. | N° 3 Témoin sans engrais. 77 98 29 37 1o1 193 1 Avec engrais complet.| 114 184 43 225 561 2 Engrais sans azote . 94 143 34 5 18 281 \° 4 Engrais sans acide phosphorique. . : 99 149 > Engrais sans polassse. 95 139 Ces chiffres nous montrent que, dans le sol du champ d’expé- riences où les éléments nutritifs sont si peu abondants, le fraisier est capable de puiser des quantités très élevées d'éléments fertilisants. En effet, nous voyons la parcelle témoin, qui n’a pas reçu de famure depuis 1894, fournir au fraisier, par hectare: 77 kilogr. d'azote en 1897 et 98 kilogr. en 1898 ; 29 kilogr. d'acide phospho- rique en 1897 et 37 kilog”. en 1898; 151 kilogr. de potasse en 1897 et 193 kilogr. en 1898. Dans la parcelle n°2, à fumure sans azote, le fraisier a pu tirer du sol 97 kilogr. de cet élément en 1897 et 143 kilogr. en 1898. Dans la parcelle n° 4, qui à toujours reçu lengrais sans acide phosphorique, il a absorbé 37 kilogr. de cet élément en 1897 et 27 kilogr. en 1898. Enfin, la parcelle n°5, fumée sans addition de potasse, a pu lui abandonner de très fortes quantités de cet élément, soit 186 kilogr. en 1897 et 273 kilogr. en 1898. .Ces chiffres nous montrent à quel haut degré le fraisier peut uliliser les réserves foncières du sol, même lorsque celui-ci est très pauvre, pourvu toutefois que ses propriétés physiques lui conviennent. Dass le cas présent, les nombreux cailloux, qui forment à peu près la moitié du sol et du sous-sol, facilitent la pénétration des racines et ces dernières peuvent aller, jusqu’à une grande profondeur, tirer parti du stock d'éléments fertilisants qui se trouve dilué dans une CULTURE DES FRAISES. 339 grande masse de terre. Les résultats fournis, en 1898, par ce champ d'expériences vont nous permettre de tirer une dernière conclusion très importante et sur lequelle nous appelons l’attention des cultiva- teurs. Après la récolte de 1897, la plantation de Jucunda, sur laquelle se trouvait le champ d’expériences, ayant fourni trois récoltes, était arrivée au terme de sa durée. Au lieu de la retourner, comme c’est l'usage, pour procéder à une nouvelle plantation, nous l'avons conservée pour voir si les engrais chimiques auraient encore une action efficace sur des fraisiers de 5 ans et s’ils pourraient assurer une 4° récolte suffisamment abondante. Nous voyons que la parcelle qui a reçu l’engrais complet a donné, pour celte 4° récolte, un rendement en fraises très élevé, 32690 kilogr. par hectare. Ce qui prouve bien, comme nous le pensions en abordant ces recherches, que, si la pratique a limité la durée d’une fraiseraie à 3 années de récolte, on peut cependant, par l'addition d'engrais chimiques, la prolonger d’au moins une année. Il est fort probable que, dans bien des cas, on pourra obtenir, à l’aide des engrais, » et même 6 récolles sans renouveler les plants. Il eût été intéressant de conserver ce champ d'expériences pendant quelques années pour voir jusqu’à quelle limite on pourrait, par l'addition d’engrais chimiques, prolonger la durée d’une plantation tout en maintenant le rendement en fraises. Mais, n'ayant aucune sub- vention pour ce travail, j'ai été obligé d’en limiter les frais à ces trois années de recherches. Voyons maintenant dans quelles proportions l’addition d'engrais chimiques a augmenté les bénéfices nets rapportés à l’hectare. Cette augmentation des bénéfices nets se calcule facilement en retranchant du produit brut de la vente de l'excédent de récolte, les frais sup- plémentaires,: soit: achat et épandage des engrais, cueillette et transport des fraises. Pour la campagne de 1897, nous avons : AChatetténantage d'EDETAIS 2 MR EC Ce 330 fr. Supplément de frais de cueillette (0 fr. 12 par kilogr.) 790 Hransporbietiventezt ire CAN FR MANS IR NENR & 150 Total des frais RM MINT TES 1 270 fr. 360 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Le prix moven de vente a été de 0 fr. 65 le kilogramme, on a donc: 6 579 kilogr. d'excédent de récolte à O0 fr. 65 le kilogr. ANS Dont il faut déduire les frais supplémentaires . 1 270 Augmentation du bénéfice net par hectare. . . 3 003 fr. Pour la campagne de 1898, nous avons : Achat et épandage d'engrais . . . . RTS Le 330 fr. Supplément de frais de cueillette (0 fr. 12 par kilogr.). 1 800 DTANSDOREIE ENCRES em enr cn EN en 200 TOTANTESATAIS RS ET Er 2"330"fr: Le prix moyen de vente a été de 0 fr. 35 le kilogramme, on a donc: 15 075 kilogr. d'excédent de récolte à O fr. 35 le kilogr. 5 276 fr. Dont il faut déduire les frais supplémentaires . . . . 2 330 Augmentation du bénéfice net par hectare. . . 2 946 fr. Ces chiffres sont tout à fait significatifs et ils montrent quel grand avantage le cultivateur peut tirer de l'emploi d'engrais chimiques, compléments indispensables de la famure donnée au début. CONCLUSIONS GÉNÉRALES 1° Après avoir été essayée dans presque toutes les communes des environs de Paris, la culture de la fraise s’est concentrée, à peu près exclusivement, sur les terres qui appartiennent à la formation dite des sables de Fontainebleau. Ces sables forment des sols légers, siliceux, profonds, drainés naturellement et dont les propriétés phy- siques conviennent parfaitement à la culture du fraisier; 2 Le fraisier est une plante très exigeante, surtout en azote et en potasse. Les petites fraises des quatre-saisons paraissent être les plus exi- geantes. Comparées aux variétés hybrides à gros fruits, elles mettent en œuvre, pour la production d’un poids déterminé de fruits, des quantités d'éléments fertilisants beaucoup plus élevées. Aussi leur culture est-elle presque complètement abandonnée. CULTURE DES FRAISES. 361 Dans les grosses fraises, les exigences sont différentes, suivant les variélés. Celles que nous avons étudiées peuvent se classer, à ce point de vue, par ordre décroissant : Président Thiers, Jucunda Éléonor, Sir Joseph Paxton, Héricart de Thury. Il est à remarquer que la variété la plus cullivée est l’Héricart de Thury, c'est-à-dire la plus rustique, celle qui à égalité de végétation donne les plus forts rendements en fruits. 3° Dans les terres de Châtenay, le fraisier est extrêmement sensible à l’action des engrais chimiques mis au printemps en couverture. Chacun des trois éléments fertilisants fondamentaux, azote, acide phosphorique, potasse, à une aclion très marquée sur la production des fraises. Avec une fumure au nitrate de soude, superphosphate et chlorure de potassium, représentant, comme prix d'achat, une dépense an- nuelle de 330 fr. par hectare, on a augmenté la récolte de fraises de 47.8 p. 100 en 1897 et de 85.7 en 1898. Cette fumure complémen- taire a procuré une augmentation des bénéfices nets, par hectare, de 8 000 fr. en 1897 et de 2940 fr. en 1898. On peut généraliser ces résultats et dire que, dans toute la région des sables de Fontainebleau, l'addition d’engrais chimiques, mis au printemps en couverture, est susceptible d’élever dans de grandes proportions les rendements en fraises. Si l’on compare la valeur argent des engrais chimiques ajoutés à celle de l’excédent de récolte résultant de leur addition, on voit qu'avec une faible dépense on peut, sans nuire à la qualité des fraises, obtenir une surproduction importante se traduisant, tout compte fait, par un bénéfice net très élevé. 4 Il est en outre possible, par l'addition d'engrais chimiques, de prolonger la durée d’une fraiseraie au delà des limites adoptées par la pratique culturale. ? LA DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES ET LES FORMES D'HUMUS DANS LEURS RAPPORTS AVEC L'AGRICULTURE PAR Déthre MIO L NE PROFESSEUR D'AGRICULTURE A L'ÉCOLE TECHNIQUE SUPÉRIEURE DE MUNICH (Suile.) III. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES ET CHIMIQUES DES HUMUS 4. — Propriétés chimiques. L'humus renferme les mêmes éléments que les restes des plantes et des animaux qui l’ont formé, mais dans des proportions qui va- rient avec le degré et les agents extérieurs de la décomposition. Dans le cours de ses transformations incessantes, il produit une subslance qui n’a pas de composition stable et n’est même pas un mélange de combinaisons chimiques définies ; c’est un complexe de produits de décomposition en train de s’altérer et encore insuffi- samment définis. Tous les efforts faits jusqu'alors pour isoler de l’humus des combinaisons définies ont plus ou moins échoué. C’est notamment le cas pour les travaux de G. J. MuLDER*, qui à étudié 1. Voir ces Annales, t. Il, 1898, et t. I et II, 1899. 2. J. Mücrer. Die Chemie der Ackerkrume. Berlin, 1861, [. p. 308-364. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 363 avec le plus de soin les éléments de l’humus. Ils n’ont de commun que jeurs caractères physiques et quelques propriétés chimiques. a) Éléments organiques de l'hunus. Ïs consistent, d’après MuLner : en wlmine et acide ulmique, élé- ments caractéristiques de l’humus brun, se formant aux dépens des matières organiques dès le début de l’eremacausis et de la putré- faction ; en humine et acide humique, parties essentielies de Phu- mus noir, indiquant le point culminant de l’humification et se produisant surtoul en présence de l'air; enfin en acide crénique (incolore) et apocrénique (variant du jaune au brun), qui provien- nent de l'oxydation ultérieure de l'humine et de l’acide humique et peuvent se transformer directement en combinaisons inorgani- ques. Voici, d’après Mucper et W. Dermer’, la composition élé- mentaire de ces divers corps : Taux p. 400 de la substance sèche, cendres déduites. CARBONE. HYDROGÈNE. OXYGÈNE. Ulmine de tourbe brune (DErMER).| 52.14 20° 40.19 Ulmine et acide ulmique fabriqués artificiellement à l'aide de sucre (STEIN) . Se Acide ulmique de sucre hot Acide ulmique d'une vieille écorce de quinquina (HESSE). . Humine et acide humique de sucre {| (Murpen). Humine de tourbe noire Rai || Acide humique. de tourbe noire et {| desolarable. Moyenne (DEruer). || Acide humique de divers sols de jardins et de champs (DerTuen).|5 || Acide erénique d'une terre arable (Muper) . EPL Crénate d'ammoniaque d une terre AFADIE (MOEDER) 3. Vue ee , 191 SON RO A TES 1. Landw. Versuchsstationen, vol. XIV, 1871. 364 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. De l’examen de ces chiffres il ressort qu'on n’est pas encore arrive à obtenir les divers éléments de l’humus à l’état chimiquement pur; on ne peut donc les caractériser d’après leur composition. Mais on voit par les analyses précédentes qu'ils sont plus riches en carbone que les hydrates de carbone et que leur taux d'hydrogène est à peu près celui qui existe dans l’eau. Ils peuvent dès lors être envisagés comme des hydrates de carbone fortement déshydratés ; celte opinion est corroborée par ce fait qu’on peut, en partant des hydrates de carbone, préparer, à l’aide d’acides très avides d’eau, des subs- tances artificielles très voisines des éléments de l’humus. L'augmentation du carbone et la diminution de l'hydrogène et de l'oxygène dans la formation de lhumus se constatent aisément quand on compare la composition centésimale d’un hydrate de car- bone tel que la cellulose avec celle des éléments de l’humus, comme on le fait dans le tableau suivant emprunté à DETMER : HUMINE CELLULOSE. et acide humique. Garboner.! 20m tr 44.444 29.74 HVATORÈRE EE eee 6.173 4.48 OXYSÉN ETAPE NE RER UE 49.383 39-18 Les chiffres suivants obtenus par Wize et Meyer : fournissent un autre exemple : BOIS DE CHÊNE DÉCOMPOSÉ. BOIS DE CHÊNE. ——— — Brun clair. Brun foncé. Carbone . . 50.6 53.6 56.2 Hydrogène. Eu ne 6.0 5.2 4.9 Oxygène et azote. . 413.4 41 2 38.9 Ces analyses montrent que dans l’humification le taux du carbone augmente, tandis que celui de l'hydrogène et de l'oxygène diminue. Remarquons aussi que les humus naturels contiennent de lazote. On ne sait encore si cet azote entre dans la constitution des corps humiques, maisil est connu qu’une partie provient de l’ammoniaque 1. Archiv der Pharmacie, 1° série, vol. LXX, 273. — Pharm. Centralblatt, 1852, D DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 369 combinée avec les acides de l'humus, qu’une autre plus importante appartient à des matières azotées inconnues (amides ? ‘) qui se for- ment aux dépens des éléments azotés des déchets animaux et végé- faux. Cet azote de l'humus est sous une forme difficilement assimi- lable qui, d’après A. Mayer, est probablement semblable à celle de l'azote des lignites et des houilles. Suivant une autre opinion, beaucoup des principes albuminoïdes des plantes sont à comparer pour l’inaltérabilité à la corne des animaux et sont encore protégés par leur mélange avec les acides de lhumus, qui ont beaucoup de ressemblance avec les tannins. La résistance à la décomposition d’une partie des éléments azotés de l’humus est attribuée par quel- ques auteurs (H. von Posr* et P. E. Muzcer*) à ce que les nom- breux insectes qui en vivaient laissent à leur mort dans l’humus les parties chitineuses de leur corps, et on sait que la chitine est rebelle à la décomposition. Cette manière de voir est très plausible, car le taux de chiline peut être assez élevé dans certains humus (hbumus brut forestier, tourbe *). Dernièrement P. KoSTYTscHEFr a montré que beaucoup des éléments azotés des matières soumises à la dé- composition étaient utilisés par les myriades d'organismes inférieurs (bactéries, champignons) qui se nourrissent des principes albumi- noïdes et de l’ammoniaque et les emploient à former leurs tissus. Jusqu'à quel point ces diverses opinions correspondent-elles à la réalité, c'est à quoi l’on ne peut répondre avec certitude pour le moment. Pour notre but, il suffit d’avoir prouvé que les éléments azotés de l’humus se trouvent en grande partie sous une forme peu soluble. 1. À, Baumanx (Ucber die Beslimmung des im Boden enthallenen Ammoniak- sticksloffs und über die Menge des assimilirbaren Slicksloffs im unbearbeileten Boden. Habilitätionschrift, 1886) a montré qu'en traitant le sol à froid avec une lessive de soude ou à chaud avec de l’acide chlorhydrique, la quantité d'ammoniaque obtenue dépasse souvent le taux réel d’'ammoniaque du sol, 2: Landw. Jahrbüucher, 1888, p. 405. 3, Studien über die natürlichen Humusformen. Berlin, 1887, p. 173. 4. V. Posr apnelle ces humus coprogènes, par opposition aux humus végétaux ordi- maires. 5. Annales agronomiques, t. XVII, 1891, p. 17-38. 366 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Depuis que W. DETMER à établi que l’ulmine, l’humine et leurs acides correspondants montrent une grande concordance dans leur composition et leurs propriétés, on sépare les éléments organiques de l’humus en deux groupes, suivant leur réaction vis-à-vis des alcalis : les uns, insolubles dans les solutions alcalines, se trans- forment peu à peu en acides de lhumus ; ce sont les matières humi- ques (Humusstoffe) ; les autres, facilement solubles dans les alcalis, peuvent être séparés de leurs dissolutions par des acides minéraux plus énergiques; ce sont les acides de l’humus (Humussäure). Les matières humiques (ou humus indifférent : humine et ulmine) sont des composés dont la teinte va du brun au noir, qui sont inso- lubles dans les milieux les plus divers, se gonflent dans les liqueurs alcalines et ne possèdent aucune propriété chimique saillante. Les acides de l’humus’ sont plus ou moins solubles dans l’eau pure et dans les acides faibles (phosphorique, borique), mais ils sont insolubles dans l’eau salée ou contenant de l’acide chlorhydrique et sulfurique. Ils forment avec les terres alcalines (chaux, magnésie), avec les oxydes de fer et de manganèse et les oxydules correspondants, comme avec lalumine, des combinaisons * appelées humates, insolubles dans l’eau et dans les solutions alcalines moyennement concentrées, mais qui se redissolvent en présence soil d’un excès d’acides, soit de carbonates alcalins. L’humate de chaux humide se décompose plus vite que l’acide humique pur en donnant du carbonate de chaux. Celui-ci peut alors se combiner avec de nouvelles quantités d’acides de l'humus. C’est sur celte propriété que repose surtout l’active décomposition des matières humiques dans les sols riches en terres alcalines. L'insolubilité de l’hamate de chaux explique la clarté des eaux calcaires qui sont en contact avec des sols humiques. 1. GC. G. Eccenrz, Studien und Untersuchungen über die Humushôrper der Acker- und Moorerde. Meddelanden fran konigl. Landbruks-Akademiens-Experimental- Jält, n° 3. Stockholm, 1888, p. 1-66. — Biepermanw's, Centralblalt fur Agrikultur- chemie, 1889, p. 75. 2. D’après Murver, il se forme alors des humates doubles d'alcali et de chaux, ma- gnésie, oxyde de fer, oxydule de fer et de manganèse ou d'alumine (Chemie der Ackerkrume, 1, p. 333). DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 367 Les acides de l’humus forment avec les alcalis (ammoniaque, potasse, soude) des combinaisons solubles dans l’eau, comme le prouve la couleur brune ‘ des eaux qui traversent des tourbières ou d’autres sols riches en matière organique. Dans ces solutions alcalines, les acides minéraux forts produisent un précipité volumi- neux qui se réduit beaucoup par la dessiccation et donne un produit amorphe, brun, difficilement soluble dans l’eau. Les acides faibles (carbonique, borique) ne donnent aucun précipité. Les réactions des acides de l’humus sur les alcalis et des humates alcalins sur les acides minéraux rendent possible leur extraction soit du sol, soit de toute matière contenant de l’humus. La méthode employée par L. GRaNDEAU ”, méthode par laquelle il extrait du sol une substance appelée matière noire, importante à plusieurs points de vue pour la fertilité des sols, consiste à traiter la masse humique par l'acide chlorhydrique étendu pour mettre en liberté la chaux avec laquelle sont le plus souvent combinés les acides de l’humus et, après l’avoir lavée à l’eau distillée, à extraire la matière noire par l’'ammoniaque diluée. La solution, évaporée à sec, donne une masse charbonneuse noire qui est la matière noire. D’après les recherches de C. G. EGGERTZ, ce résidu se dissout presque entièrement dans le carbonate ou oxalate ou phosphate d'ammoniaque, ainsi que dans le carbonate de potasse ou de soude, mais pas dans le chlorure d’ammonium, le nitrate et le sulfate d’ammoniaque, ni dans le sulfate ou phosphate de potasse. Avec une solution de chlorure de calcium ammoniacal, les dissolutions des acides de l’humus donnent des dépôts complètement insolubles dans l’eau et les alcalis caustiques, mais solubles en partie dans le chlorure d’ammonium, mieux dans le nitrate et mieux encore dans le sulfate d’ammoniaque. Les dépôts de chaux sont détruits par l’oxalate et le carbonate d’ammoniaque, le carbonate de soude et le sulfate de potasse, avec formation d’un composé soluble d’humus 1. Ce n'est pas toujours le cas, la teinte brune pouvant provenir aussi de la disso- lution de l’acide humique pur. 9, Recherches sur le rôle des matières organiques du sol dans les phénomènes de la nutrition des plantes. (Annales de la Station agronomique de l'Est, 1872.) 363 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. et d’alcali. L'humate de chaux est dissous par le phosphate d’am- moniaque en une solution brune sans qu’il y ait de précipité de phosphate de chaux. L’acide obtenu de l’humus par précipitation avec les acides mi- néraux contient toujours de l'azote, même quand il est à nouveau dissous dans l’alcali et reprécipité par les acides. Il subit ainsi, il est vrai, une décomposition partielle, mais l’azote ne s’en sépare pas, car les nouveaux précipités sont toujours plus riches en azole que les matières dont ils proviennent. Mème après une distillation de 4 heures et demie, avec une les- sive de soude, tout l’azote n’a pas été chassé, d’après les essais d'Eccerrz. Dans 8 échantillons contenant de 5.80 p. 100 à 10.70 p. 100 d’azote, il en est resté de 2.12 p. 100 à 5.30 p. 100. Les précipités renfermaient toujours, en outre, des principes fixes qu’on doit considérer comme faisant partie intégrante du com- plexe organique. C’est le cas pour le soufre, le phosphore, le fer et aussi pour l’alumine et la silice, comme EGcerrz la prouvé. La composition des 13 précipités qu’il a analysés variait comme il suit : Carbone . 40.S6-56.18 p. 100 Hydrogène . 4.33- 6.63 — Oxygène . : 2520987081 Azote . 2 0020428 Silice 0.37-10.47 — Phosphore . 0.15- 7.58 — Soufre . ART CIEER 0.53- 2.09 — Alumine et oxyde de fer . 0.38-,3:90, . — Il est important, sous plusieurs rapports, de noter que l’acide hümique est à ranger parmi les substances colloïdales. Ceci ne ré- sulte pas seulement de sa manière d’être vis-à-vis des solutions nutritives, mais encore des modifications que ses dissolutions subis- sent par congélation. Dans ce dernier cas, l'acide humique se sépare de ses dissolutions sous forme d’une poudre de teinte foncée qui ne se dissout plus que très difficilement *. 1. Il est dificile de déterminer si ce processus joue un rôle important dans la for- mation des marais tourbeux, comme on l'a souvent soutenu. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 369 Il est donc très vraisemblable que les acides de l’humus se com- portent dans l’eau comme l’empois d’amidon, comme la silice géla- Uüneuse, etc., ce qui n'exclut pas pour eux la possibilité de former des sels, ainsi qu’il arrive pour d’autres acides se gonflant en gelée à l’état libre (silice, acide stannique). Parmi les éléments organiques de l’humus, il faut enfin signaler les principes cireux et résineux qu’on trouve dans tous les dépôts d'humus, en quantité très variable d’ailleurs. C’est l’humus doux qui en renferme le moins, puis vient l’humus brut, et ce sont les tourbes qui en contiennent le plus, jusqu’au delà de 20 p. 100. Dans la tourbe de Dachau-Schleissheimer, près Munich, j'ai trouvé p. 100 de principes solubles dans l’alcool et léther. D’autres recherches * ont fourni les quantités suivantes : PRINCIPES ——— = RÉSINE. cireux. résineux, p.100. p.100. p.100. Tourbe amorphe noire (BEnGsMA) . . . , . . : 18043296 Tourbe en exploitation de Hagenbruck RE ER 6:200047S009 Tourbe de débourbage de Hagenbruck (WiEcmann).. 0.25 0.43 2.25 G. J. Mucper * a obtenu les résines d’une tourbe de la Frise en la traitant par l'alcool bouillant après l’avoir épuisée par l’eau. Par refroidissement il se déposait une poudre d’un blanc brunâtre. De deux autres principes restant dissous dans l'alcool, l’un, de couleur noire, se combinait avec l’oxyde de plomb et l’autre, d’un vert sale, ne s’y combinait pas. Enfin, on obtint de la tourbe déjà épuisée par l'alcool une quatrième résine d’une teinte brun foncé en la traitant par le pétrole. GREBE a montré qu’on oblenait souvent aussi de notables quantités de ces substances dans les sols de sable. On ne sait rien sur la formation de ces principes cireux et rési- neux. Il est probable qu'ils proviennent en plus ou moins grande 1. F. Senrr, Die Humus-, Marsch-, Torf- und Limonitbildungen. Leipzig, 1862, p. 135. 2, Enpmann's, Journ. für praktische Chemie, vol. XVI, 1839, p. 495, et vol. XVII, p. 444 ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE, — 1899. — 11. 24 310 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. partie des plantes génératrices de l’humus. [ls influent grandement sur les modifications que subissent les matières humiques, en ce sens qu'ils ralentissent notablement la décomposition, ainsi qu’on l’a vu plus haut. b) Eléments minéraux de l'humus. Tout humus naturel renferme, à côté des principes organiques ou combustibles, une certaine proportion de matières minérales ou fixes provenant des plantes qui l’ont formé. À mesure que la matière se volatilise, elle devient naturellement plus riche en principes miné- raux, en admettant que les précipitations atmosphériques n’en dis- solvent pas une partie. Les recherches faites jusqu'alors ne permet- tent pas d'apprécier exactement dans quelle proportion le fait se produit, parce que, d’après la composition centésimale de la matière, soit fraiche, soit décomposée, on ne peut évaluer la perte absolue due au phénomène dont il s’agit. Elles montrent seulement que, parmi les éléments des cendres, c’est la polasse, la magnésie et l'acide sulfurique qui se dissolvent en plus grande proportion, la chaux et l’acide phosphorique beaucoup moins; le fer et la silice résistent le mieux à la lixiviation ‘. Diverses circonstances extérieures, telles que le processus de la décomposition, la nature du sol, la situation, le climat, influent sur cette perte par dissolution. Partout où les matières organiques sont soumises à une décomposition intense, la perte en principes miné- raux est nécessairement très forte, puisque les éléments des cendres passent à l’état soluble proportionnellement à la volatilisation de la matière organique. Si les conditions de décomposition sont défavo- rables, plus faible est la diminution des principes minéraux, leur passage à l’état soluble se trouvant entravé dans la même mesure que la décomposition, et sûrement ils atteindront leur maximum là où domine la putréfaction, là où les matières organiques ne s’altèrent qu'avec une extrême lenteur. Il va de soi que la perméabilité du sol, 1. J. Scurôner, Fors{chemische und Pflanzen physiologische Untersuchungen. Dresden, 1898. — E. Erenmayer, Die gesammte Lehre der Waldstreu. Berlin, 1876, p. 277. — KE. Ramann, Forsiliche Bodenkunde. Berlin, 1593, p. 276. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 311 les conditions du ruissellement, l'intensité et la répartition des pré- cipitalions atmosphériques exercent une grande influence sur la dis- solution des éléments minéraux de l’humus. c) Composilion des dépôts naturels d'humus. Elle varie beaucoup suivant la matière qui les donne et les agents extérieurs de la décomposition. L’extraordinaire pénurie d’analyses ne permet d'établir à cet égard que quelques données générales qui peuvent se résumer comme il suit : Toutes choses égales d’ailleurs, le rapport entre les combinaisons solubles dans les alcalis et l’humus dit indifférent dépend des condi- tions extérieures de la décomposition. On peut admettre en général que le terreau renferme le moins d'acide, l'humus brut déjà plus et que la tourbe est la plus riche. Plus est intense l'intervention des facteurs favorables à la décomposition (air, humidité, chaleur, agents chimiques), plus la matière se transforme facilement en combinaisons chimiques simples et en éléments nutritifs assimila- bles pour les végétaux. C'est pourquoi le terreau (Mull) disparaît peu à peu plus ou moins complètement, la matière organique se volatilisant en acide carbonique, eau, ammoniaque (puis acide ni- trique), tandis que les principes minéraux passent à un état facile- ment assimilable. Il ne se produit donc pas, avec cette sorte d’humus, dans ces circonstances favorables, d’accumulations importantes de détritus. L’humus brut se décompose plus difficilement en combi- naisons solubles et volatiles, aussi produit-il déjà des dépôts trop considérables. C’est dans la tourbe que la volatilisation de la matière organique est la plus faible ainsi que la transformation des principes minéraux en éléments solubles; la tourbe est la forme d’humus la plus rebelle à l’altération. Les quantités d’azote et de principes mi- néraux qui y sont contenues se transforment très difficilement, même dans le cas où la tourbe est soumise aux conditions les plus favorables. L’état de l'azote dans les divers humus est particulièrement ca- ractéristique et important sous plus d’un rapport; il dépend des circonstances extérieures. Tandis que, sous l'influence de doses 312 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. suffisantes d’air, d’eau et de chaleur, l'azote des détritus animaux et végélaux se transforme presque entièrement en ammoniaque et acide nitrique, il s’accumule en partie sous forme de combinaisons difficilement transformables, encore inconnues pour la plupart, dès que l’un des facteurs de l’eremacausis atteint un minimum, c’est-à- dire agit avec une intensité insuffisante pour une décomposition complète. Les recherches de E. W. Hizcarp' sont un éclatant exemple de ce fait; la matière noire des sols de la région aride est incomparablement plus riche en azote que celle de la zone humide, comme le montrent les chiffres suivants : TAUX D'AZOTE pour 109 d’humus. SOLS DE CALIFORNIE. RÉSIONPNUMITE RER EPA Région aride (plaines) . . . . 10.03 Région aride (collines). . . . 15.87 Au premier coup d'œil, ces chiffres accusent une différence extra- ordinaire dans le taux d’azote de l’humus suivant le degré d’humi- dité du sol. Quand le taux d’azote dans les sols humides types varie de 3 à 6 p. 100 pour atteindre en moyenne 5 p. 100, le taux dans l’humus des sols arides s’élève entre 12.5 et 19 p. 100, arrivant en moyenne aux environs de 16 p. 100. Donc le rapport entre les taux moyens de l'azote de l’humus des sols des deux régions est d’envi- ron 1/3. Exceptionnellement, il est de 1/6 et les chiffres maxima pour les humus arides dépassent même le taux d’azote des matières protéiques. Le manque de chaleur a autant d'influence sur le taux d’azote de l’humus que le manque d’eau. Mais c’est le défaut d’air qui semble agir, de la manière la plus saisissante, sur l’enrichissement en azote des produits de décomposition; car, de tous les humus, ceux qui se forment en l’absence de l'air (mode par putréfaction) ren- ferment, toutes choses égales, le taux le plus élevé d’azote. En généralisant ces faits, on arrive à cette conclusion : le taux d'azote des humus est d'autant plus fort que les conditions de décomposition 1. Forschungen, etc., vol. XVIT, p. 475. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. DUO sont plus défavorables et inversement. En général, le (aux des ma- tières minérales des humus marche du même pas que la décompo- sition, en ce sens que, enfermées en quelque sorte dans la masse organique, elles ne peuvent se solubiliser que dans la mesure où cetle dernière se décompose. On ne peut d’ailleurs, jusqu'alors, donner de chiffres, du moins pour le plus grand nombre des dépôts d'humus. Il en est de même de l’influence qu’exerce la compo- sition physique et chimique des détritus sur la composition chimique des humus. Dans cette voie, on ne connaît que quelques faits de détail. On sait, par exemple, que les détritus des hêtres forment plus facilement des acides libres que ceux des chênes et des épicéas, tandis que de tous les arbres forestiers c’est chez les pins que cette propriété existe au moindre degré. Les détritus des bruvères et des airelles fournissent au contraire des doses importantes d'acide. Enfin, la durée de altération influe sur la composition chimique des humus, surtout de ceux qui se sont formés dans des circons- tances défavorables. Diverses observations faites dans les tourbières, montrent que la masse s'enrichit en carbone à mesure que la pro- fondeur augmente. Dans de la tourbe séchée à l'air, j'ai obtenu” comme taux de carbone : A UNE PROFONDEUR DE E— — a ———— 10c0,5-36cn,8 42cm ,1-73cn,6 78cn,9-115cm,7 Tourbière de Cunrau . . 40.03 43,09 43.25 A UNE PROFONDEUR DE TR RE 0»,0-Om,2 Om,2-0m,5 O",5-On,8 0n,8-11,1 1m,1-1m,4 Tourbière du Danube. 40.12 42.64 42.80 44.05 45.24 Les recherches plus approfondies de W. Dermer* font aussi connaître les variations des autres éléments et des cendres avec les progrès de la décomposition. Trois échantillons de tourbe de Jess- 1. Journ. fur Landwirthschaft, XXXIV° année, 1886, p. 176. 2, Landw. Versuchsstationen, vol. XIV, 1871. 314 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. beck (Schleswig-Holstein), séchée à 120°, renferment (en rapportant à la matière combustible seule) : RU A 7 PIEDS. A 14 PIEDS. Carbone. AISNE NES. 57.75 62 02 64.07 HyAROSÈn EEE EC 0-10. 5.43 5.21 o.01 OXVCÉNC REA RE TER. 0 36.02 30.67 26.87 AAOLE TER EURE Made ner de 0.80 2.10 4.05 (CERATES) AMENER Une | (2472) (7.42) (9.16) Donc, à mesure que l’altération progresse, les produits deviennent plus riches en carbone et en azote, plus pauvres, au contraire, en hydrogène et en oxygène ; le taux des principes minéraux s’augmente aussi à mesure que la matière organique se volatilise. A l'exception de la tourbe, on ne possède que peu de résultats uulisables sur la composition des dépôts naturels d’humus. Celui-ci est d'ordinaire mélangé, surtout dans les terreaux et les humus bruts, avec une assez forte proportion d'éléments terreux dont on ne peut le séparer, si bien que les analyses se rapportent non à l’humus pur, mais à un mélange d’humus et d’éléments minéraux. Ce que J'ai appelé terreau (Mull) n’a pas encore été étudié à fond. G.-F.-A. Tuxen donne, pour le terreau de hêtre séché à l'air, un taux d’humus variant de 5.10 à 8.33 p. 100 ; dans un échantillon de Store Hareskov, il a trouvé 0.268 p. 100 d’azote et 1.494 p. 100 d'éléments minéraux solubles dans l'acide chlorhy- drique. Quelques analyses de l’humus brut des forêts ont été faites par À. EMMERLING et G. Loces'. De l’humus de hêtre, renfermait en pour-cent de la matière séchée à l'air : Humus . 2) Azote. . 0.387 Potasse . 0.032 Chaux . 0.089 Magnésie . À 0.030 Acide phosphorique . 0.C45 Î. Vereinsblall des Haide-Kultur-Vereins fur Schleswig-Holstein, XI° année, 1883, p. 107 ; XV® année, 1886, p. 65. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 875 dont HIMUS EN AT ARS 2. 0.019 AZOLOU TE PR ADR EL 0.0019 Potasse.s 1e LRAIRETERE 0.001 CRAUXE NIET PRESSE 0.0015 Magnése sd SEL » Acide phosphorique . . . 0.00053 étaient solubles dans l’eau. Dans d’autres essais, les mêmes chimistes ont obtenu les chiffres suivants : Pour 100 de substance sèche il y a : HUMUS BRUT HUMUS BRUT J ñ HUMUS BRUT EM 7 Re ME e : de i élan- Acide elle tres de feuilles mélan hètre sur lehm. bruyère sur sable.| géessur sable | | 24: E —, ÉLEMENTS DOSES. Soluble dans l’eau. Soluble dans l’eau, En totalité, En totalité, Soluble dans l’eau, En totalité, En totalité, 3.87 0.107 14,70 0,0372 0,991 0.741 80.84 » Hi © | Eau combinée . . Principes minéraux. , Ceux-ci contiennent : . .0081 .0103 .0007 .0007 .0088 » 0.0079 De : 0.0007 Oxyde de fer. . . 2.3: 0.0023 Alumine. 2% Acide phosphorique .14 0.0003 -0169 Acide sulfurique ê 0.0098 0.0052 Acide silicique. . 0,0043128.0 -0060[86. » 0.: 0. 0. 0. 0. 2. 0. 0. 100 parties d’humus contiennent : Sur 100 parties d’humus pur, il se dissout dans l’eau. . . , . . . . Sur 100 parties d’azote total, il se dissout dans l’eau : Sous forme LHLURREENEE ,c 206731 0.2029 0SA6I 253 -1507/ 0.480 Sous forme d’azote organique. | 0.1337) 0.1818 .2993) Il E. RAMaANN’, dans ses recherches, a eu surtout en vue les matières + 1. Die Waldstreu. Berlin, 1890, p. 29. — Zeitschräft fur Forsl- und Jagdwesen, 1583. 316 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. minérales. Donnons cependant, pour être complet, les chiffres ob- tenus. 100 de subtance sèche contiennent : HUMUS BRUT mm HUMUS BRUT de pin GE ; é de ÉLÉMENTS DOSÉS. de pin sylvestre. vestre. NE Lauen- Biesenthal. brück - | Apen- || (Ha- novre) bruyère.|} rade. || Potasse . . || Soude. . | Chaux. . || Magnésie. . Alumine . . || Oxyde de fer . !| Oxyde de manganèse . \ Acide phosphorique . Acide sulfurique. . | Ghlore || Silice . | Azote. En mr © À& © © 9 © © CON RCS CNEN N —) 19 © C2 © ma 02 ©, © LL LL 2 mi 1 ei © à SM OO mm © © mr mr © = & © mm © © 19, CN OM ANT OS © VW A © ww EE © à © © = 12 — © + a 1 On pourrait difficilement tirer de ces chiffres des conclusions générales, parce que, d’une part, la composition des matières est extrêmement variable et de l’autre le nombre des analyses est encore insuffisant. Grâce à l’activité de la station d’essais de Brême, nous possédons des recherches plus approfondies sur la tourbe des tourbières infra et supra-aquatiques relativement aux substances qui intéressent la mise en culture de ces terrains. Citons les chiffres suivants, lirés des publications de M. FLEISCHER :. 1. Landwirthschaftliche Jahrbücher, vol. XX, 1891, p. 378. — Menrzez und LencenkEe‘scher Landw. Kalender, 1888, p. 48. Voir aussi F. SEnrr., Die Torf-, Humus-, Marsch- und Limonilbildungen. Leipzig, 1862, p. 135. — F. SITENSEKY; Ucber die Torfmoore Bôühmens. Prague, 1891, p. 207-215. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. at1 Composition des sols des tourbières à sphaignes ou supra-aquatiques de l'Allemagne du Nord en pour-cent de substance sèche. MATIÈRES LOCALITÉS. L CHAUX. |phospho-|| combus- mi- tibles. | nérales, argile. rique. ACIDE a. Couche supérieure. (Humus de bruyère). Tourbière de Lilienthal. . . Tourbière de Hellweg . . Tourbière de Bourtang. . . Tourbière de Papenburg . . b. Couche profonde. (Tourbe de sphaigne). || Tourbière de Lilienthal. . Tourbière de Hellweg . . Tourbière de Bourtang. . Tourbière de Papenburg . . MATIERKS ACIDE LOCALITÉS. : hospho combus- mi- P P i tibles. | nérales.| argile. rique. Nickwarzbruch, (Prusse occidentale). 10.17 | 29.8: Si Iserauer Wiese, (Prusse occidentale).| s1.51 | 18. Ait Landsdorf, près du lac de Trieb (Po- méranie) . . Gunrau, (Saxe). . . Fienerbruch, (Saxe). . : Dresow, près de Gr. Justin (Pomé- ranie) . 3" ECS Er Lalesie, près de Nakel (Posen). . Sammenthin, près d'Arnswalde (Bran- NON LOC CA RRENS Pætzig, près de Schænfliess (Brande- bourg) . Cette composition accuse, entre les divers éléments, des diffé- rences importantes qui apparaissent plus grandes encore par com- 318 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. paraison avec les analyses précédentes. Ges différences dans la com- position des deux groupes principaux de tourbières prennent plus” d'importance par ce fait que les tourbières plus riches en pour-cent d'azote, chaux et acide phosphorique possèdent en général une plus grande densité, si bien que, pour une surface et une profondeur déterminées, elles renferment beaucoup plus de matières solides que les tourbières pauvres. Les moyennes ci-dessous, calculées sur un assez grand nombre d'analyses de M. Fceiscuer”, donnent à cet égard une meilleure idée du fait. 100 parties de substance sèche contiennent : Lee PO- ACIDE AzOmR UE CHAUX. phosphor i- TASSE. rique. nérales. Tourbière à sphaigne. EE Æ = = = Humus de bruyère (couche supé- rieure) . 1:92 13:0::20:05410 3592220710 Tourbe de sphaigne. . . . . . 0.8 2.0 0.03 0.25 0.05 Tourbière infra-aquatique. Tourbière de vallée . . . . . . 2.5 40.0 0.10 4.0 0.25 Tourbière de montagne. 205 00 00 0.20 Une couche de 20 centimètres renferme par hectare : E er AZOTE. RTE CHAUX. ÉCRITES : “ rique. Tourbière à sphaigne. kilogr. kilogr. kilogr. kilogr. kilogr. Humus de bruyère (couche supérieure). Le. 4 240 00024 2880722100 840 210 Tourbe de sphaigne . . . . 180000 {450 24 450 22 Tourbière infra-aquatique. Tourberde vallée 5... 500000 12500 500 20000 1 250 Tourbe de montagne. . . . 360000 7 200 1250531600 720 1 mètre cube de sol frais contient en substance sèche : Tourbière à sphaigne. Humus de bruyère (couche supérieure). . . 120 kilogr. Tourbetde SDDAIene PER EME CE CE 90 — Tourbière infra-aqualique. TourheMe Al AREA RPC RCE 250 — DOURDETeEMONT ARE RENE EE CCE 180 — 1. Menrzez und Lencenk£'scuer Landw. Kalender, 1892, p. 14. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 319 De la comparaison de ces chiffres, 1l ressort nettement que : 1° Le taux de chaux est la différence caractéristique entre les tourbières infra et supra-aqualiques, les premières élant beaucoup plus riches en chaux que les secondes. Les causes de ces différences ont déjà été indiquées plus haut ; 2 Les tourbières infra-aquatiques sont plus riches aussi en prin- cipes minéraux el surtout en acide phosphorique ; 3° La pauvreté en polasse est un caractère commun aux deux grands groupes de tourbières. Les infra-aquatiques contiennent en général, il est vrai, un peu plus de matières nutritives, mais la diffé- rence est trop faible pour être caractéristique et pour désigner, comme riches en potasse, les sols formés par les tourbières infra- aquatiques. Cette pauvreté en potasse tient probablement à ce que cette base forme, avec les acides de lhumus, des sels facilement solu- bles qui sont vite lessivés. En se fondant sur les précédentes analyses de cendres de tourbe, on voit que le laux de soude est généralement inférieur, mais par- fois aussi supérieur à celui de la potasse. La magnésie se com- porte comme la chaux. L’oxyde de fer, l’alumine, l’acide sulfurique et la silice ne manquent jamais dans la tourbe, mais s’y montrent en proportions très variables. On peut admettre en général que l’alumine et la silice diminuent en proportion de l’oxyde de fer et de l’acide sulfurique. Parmi ces derniers principes minéraux, c’est habituellement l’oxyde de fer qui domine; il y en a 70 p. 100 et plus dans les cendres. Il résulte aussi des analyses de cendres de tourbe que : le Les lourbières infra-aquatiques sont en moyenne notablement plus riches que les autres en sels de fer. Si nous passons aux matières organiques, on reconnait très netle- ment, d’après les données ci-dessus, que : 5° La matière organique combustible existe dans les lourbières à sphaignes en proportion beaucoup plus forte que dans les lour- bières infra-aqualiques, les éléments minéraux (incombustibles) présentant le rapport inverse. Ainsi s'explique pourquoi la tourbe des tourbières supra-aquatiques est bien plus combustible que celle des infra-aquatiques. Quant aux corps simples, les recherches de 380 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. FLeiscuer et de SiTEnsxky n’accusent de différences importantes, entre les deux groupes, que pour l'azote; 6° Les tourbières infra-aqualiques se distinguent des autres par un taux d'azote bien plus élevé. L’altérabilité de la tourbe, très faible comme nous l’avons dit maintes fois, présente, dans les deux groupes de tourbières, des différences non négligeables qui peuvent se préciser ainsi: 7° Avec des circonstances favorables, la decomposition de ‘la ma- lière organique se fait nueux dans les tourbières infra-aquatiques que dans les aulres. Geci peut se déduire du fait établi d’abord par M. FLEISCHER : que, à conditions égales, l’air ocelus dans le sol est plus riche en acide carbonique, ce produit final de la décomposition, dans les tourbières infra-aquatiques que dans les tourbières à sphai- gnes, comme le montrent les moyennes suivantes : 100 litres d’air confiné dans le sol, renfermaient, sur 30 cen- timètres de profondeur : 801 SOL MÉLANGÉ avec couverture de sable de sable. à la surface. grammes. grammes. Tourbière supra-aquatique. . . . 9,333 C0? 8,876 C0* Tourbière infra-aquatique. . . . 39,260 — 23,319 L'air contenu dans le sol, riche en chaux, de la tourbière infra- aquatique de Cunrau, contenait donc trois à quatre fois plus d’acide carbonique que celui d’une tourbière supra-aquatique, pauvre en chaux. Dans mes expériences, les différences ont été plus faibles, mais dans le même sens. 1000 volumes d'air confiné dans le sol? sontenaient, sur 30 cen- ümètres de profondeur, un volume d’acide carbonique de : 1892. 1893. 189%. Tourbière supra-aquatique (Haspel). . . . 4.471 3.420 3.547 Tourbière infra-aquatique (Schleissheim). . 6.745 6.074 6.278 . Landw. Jahrbücher, vol. XX, 1891, p. 884. Il 2. Moyenne de 26 dosages. dt a. ni be st es ne à ee à ne de LÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 381 M. FceiscHEr' a montré aussi que l’eau extraite de la tourbe était soixante-dix fois plus riche en acide nitrique, dans une tfour- bière très calcaire que dans une autre pauvre en chaux, ce qui tient sans doute à la différence des taux de chaux dans les deux groupes de tourbières. Mentionnons enfin que l’azote dans les tourbières existe presque exclusivement sous forme organique ; quand, par le desséchement, l'air peut pénétrer dans le sol, une partie relativement faible de l’azote se transforme en ammoniaque qui, dans certaines conditions encore à préciser, passe à l’état d’acide nitrique. C’est le moment d’ajouter quelques remarques sur les Minéraux des tourbières, d'autant plus que quelques-uns seront étudiés spécialement lorsqu'il sera parlé, au chapitre IIT, de la culture de ces sols. Parmi les minéraux d’origine organique, il y a tout d’abord à citer la Dopplérite? (Haïidinger), sorte de charbon résineux de tourbe, produit homogène, à formation très lente, qui a été rencontré jusqu'alors dans quelques tourbières de la Suisse, de la Carmiole, de la Bohème et de la Frise orientale. La dopplérite mûre se montre uniformément noire, élastique, de consistance gélatineuse, de teinte jaune brun, translucide comme une mince membrane ramollie de gutta-percha. La dopplérite en voie de formation est grenue et diffère par là de la précédente quant à ses propriétés optiques ; sa couleur varie du brun de cuir au jaune- rouille ; quand elle est très humide, elle devient gélatineuse. Ce minéral n’est pas de nature simple ; il est formé, comme la tourbe, d’un mélange variable de combinaisons organiques et minérales et, comme elle, contient presque sans exception de l’azote. Les prin- cipes minéraux y varient en qualité et quantité suivant la tourbe où la dopplérite a pris naissance. Les bases sont combinées pour la plus grande partie à la matière organique et, pour une faible part, 1. Menrzez und Lencrrke'scaer Landw. Kalender, 1888, p. 50. 2. J, J. Fnün, Ueber Torf und Doppleril. Zurich, 1883, p. 61-84. 382 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. aux acides minéraux qui s’y trouvent en même temps. La dopplérite consiste donc essentiellement en humates avec quelque peu de sels inorganiques appartenant surtout aux sulfates, phosphates et sili- cates. Suivant les conditions de production, la composition oscille entre certaines limites comme il ressort des chiffres suivants : Composition de la dopplérite séchée à 140°. (Le caleul est fait sur la matière débarrassée de ses cendres.) Genres FFM 2.23-14.3 Carbone sera 51.11-58:25 Hydrogène 5.14- 6.29 OXYCÈTET MEME 34.16-42,49 AZOLEN MST Ver Eur 0022527 La dopplérite existe toujours dans la tourbe infra-aquatique qui se compose d’hypnmus, de carex et de phragmites difficilement AURUET A RE ET SE SES EP UE c RUE EN Eg LR AE TE TETE Era ion Fa - PO RQ Ode pare Tr me PRE NAGER UNE F1G. 50. — Coupe idéale à travers une tourbière supra-aquatique des Préalpes (d’après Früx). E, terrain erratique; R, tourbe de gazon; H, tourbe de sphaigne; m, jeunes noyaux de dopplé- rite; S, grès; W, racine ou tige d'épicéa; les traits noirs indiquent la dopplérite sous des formes variées, décomposés (fig. 50). Ainsi s’explique le fort taux de chaux de ses cendres. La Fichtélite (Bromeis), qui, d’après FIcKENSCHER, existe dans la tourbière desséchée de Redwitz, en Bavière, et aussi, d’après GôP- PERT, dans les tourbières d’Eger (Scheerérite), se forme aux dépens DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 383 de la résine des tiges de pins et d’épicéas enfouies dans la tourbe *. On la trouve dans les fentes de l'écorce et entre les anneaux ligneux sous forme de lamelles cristallines ou de croûtes minces, plus rare- ment en aiguilles. Elle est nacrée, inodore et insipide, plus légère que l’eau et plus lourde que l’alcool et se dissout très facilement dans l’éther. D’après sa compositiôn élémentaire, sa formule est C, H, (Bromeis). Parmi les composés inorganiques des tourbières, il faut mention- ner d’abord la terre de diatomées (Kieselguhr) qui appartient du reste plutôt aux fossiles qu'aux minéraux. D'après Sirensky, les diatomées abondent dans la plupart des tourbes de Bohême qui se forment sur fond argileux dans et près les étangs. Ces tourbes ont d'ordinaire une teinte plus ou moins grise, se dessèchent vite el sont friables. Sur beaucoup de points la terre de diatomées n’est pas mélangée à la tourbe, mais se montre en couches plus ou moins étendues ayant jusqu’à 90 centimètres d'épaisseur, ou en amas de la grosseur de la tête ou plus petits, soit sur les fonds argileux au bord des tourbières, soit même en veines plus ou moins épaisses incluses dans la masse ou en nodules à sa surface. Le calcaire des tourbières (Moorkalk, Moormergel) est plus im- portant. Il se présente en nodules intercalés dans la tourbe, ou en couche continue plus ou moins épaisse, dans le fond de la tourbière, à la surface du sous-sol minéral, Dans le sud de la Bavière, le cal- caire des tourbières * forme, dans beaucoup de tourbières infra- aquatiques (Erdinger, Dachau-Schleissheimer), une couche généra- lement continue qui repose sur le diluvium glaciaire parfaitement perméable et qui est recouverte par la masse de tourbe. Le calcaire des tourbières (4/m) est blanc et à grain extrêmement fin, ce qui fait qu’il a une grande faculté d’imbibition et une très faible per- méabilité. Il forme avec l’eau une masse visqueuse. À l’état sec, il est friable et se délite à l’air en une masse pulvérulente, très meuble. Il consiste surtout en calcaire amorphe comme il résulte des ana- 1. Jahrbuch der Mineralogie, 1841, p. 848. 2, Que l'on appelle Am dans ce pays. , 334 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. lyses suivantes de l’Alm de Memmingen faites par H. VoceL sur la matière séchée à l'air : ACUeCALDONQUE ARE EEE CCR 41,060 GRADE EE LUC CSP ENS 00,307 Magnésie . SSSR 0,098 Alumine et oxyde de fer . : . . . . . 0,864 DUICE Re neue perche UE SP RTIER 0,250 ACIdelSULIUTIQUE CR RENNES 0,463 DIS AICAUNS ET 5% EE RCE 0,513 HO S AUL TES NOM E RP NERERE 0,366 Matière OTSAnIqUue. SEEN EC 5,000 98,911 L’acide phosphorique ne s’y trouva pas une fois à l’état de trace; le chlore, l’acide nitrique et l’ammoniaque y existaient en quantités minimes. L'origine de ce calcaire des tourbières n’est pas encore suffisam- ment établie. En tout cas, il se trouvait d’abord à l’état de dissolu- tion ; du moins sa forme montre qu’on doit le considérer comme un précipité. E. RaMANN°? croit devoir admettre, d’après ses obser- vations, que le calcaire des tourbières provient de la dissolution des coquilles par les acides de l’humus ; leur chaux se montre là où agissent des influences extérieures (air atmosphérique ou eau du sous-sol) et où par oxydation l’humate de chaux peut se détruire en reformant du carbonate de chaux. O0. SENDTNER * pense, au con- traire, que la formation du calcaire des tourbières précède celle de la tourbe ; du moms cherche-t-il à expliquer ainsi la naissance sur fond de galets des tourbières du sud de la Bavière. D’après lui, Peau chargée de bicarbonate de chaux s’infiltrant à travers les cailloux doit déposer peu à peu à leur surface une couche de calcaire par suite du dégagement d’une partie de l’acide carbonique ; il se forme ainsi un fond imperméable sur lequel la tourbe peut se déve- lopper. 1. Berichte des Augsburger naturhislorischen Vereins, 1885, p. 166. 2. Forsiliche Bodenkunde, p. 128. 3. Die Vegelationsverhaällnisse Sudbayerns, 1854, p. 622. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 389 Cette explication est très vraisemblable pour les localités en ques- tion; mais il se peut aussi, comme le reconnait SENDTNER, que la production du calcaire des tourbières soit ailleurs postérieure à la tourbe. Un autre minéral très répandu dans les tourbières est la pyrile qui existe sous ses deux formes, pyrile et marcasile, et provient de l’action réductrice des délritus organiques quand de l’eau ferrugi- neuse rencontre du sulfate de chaux. Il se forme alors, par réduc- üon, du sulfure de fer dont la formule est FeS,. Ce composé, déjà si nuisible à la végétation, peut devenir néfaste quand 1l est en con- tact avec l’air, parce qu'il se transforme alors en sulfate ferreux et acide sulfurique qui, dans la proportion où ils existent parfois, dé- truisent toute végétation”. Ce dédoublement peut être représenté par l'équation chimique suivante : Fes, + 0, + H,0 — FeS0, + SO,H, Pyrite. Oxygène. Eau. Sulfate Acide ferreux. sulfurique. Le sulfate ferreux peut souvent s’oxyder plus et devenir du sulfate ferrique. Celui-ci existe en effet dans les tourbières mais en bien moindre quantité que le premier. Dans celte réaction il se forme de l'acide sulfurique libre avec production de sulfate de fer 5-basique et séparation d’hydroxvde de fer *. Le sulfate ferreux se produit parfois en si grande quantité, qu’on peut obtenir facilement de l'extrait aqueux ce sel en cristaux. Sous l’eau, en l'absence d'air, le sulfate peut être de nouveau réduit par les matières bumiques et ramené à l’état de pyrite. Celle-ci se pré- sente dans les tourbières et dans leurs sabstratums à l’état finement disséminé, ne se laissant pas reconnaître à l'œil nu, ou bien en no- dules et en fortes et larges plaques (marcasite) ou en écailles minces brillantes et en petits grains (pyrite) ou souvent comme minéralisa- tion de débris végétaux (SITENSKY). 1. M. Mærcken, Zeitschrift des landw. Centralvereins der Provinz Sachsen, 1874, p. 70. — M. Furiscuer, Landw. Jahrbücher, vol. XV, 1886, p. 78, et vol. XX, 1891, p. 955. — W. Ta. Osswazn, Landw. Jahrbücher, vol, VI, 1877, p. 391. 2. E. Heien, Lehrbuch der Düngerlehre. Stuttgart, 1866, vol. I, p. 411. ANN. SCIENCE AGRON. — 9° SÉRIE. — 1899, — 171. 25 336 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Le sulfate ferreux et l'acide sulfurique provenant de l’oxydation de la pyrite subissent dans les tourbières de nombreuses transfor- mations qui donnent lieu à des composés divers. À ceux-ci appar- lient d’abord l’hémalile brune provenant de la transformation du sulfate ferreux et du calcaire sous l’action de l’eau et de l’oxygène. Cette réaction peut s'exprimer par l’équation suivante : 2FeSO, + 2CaC0, + 3H,0 + O0 — Fe, 0,H, + 2CaS0, + 200, Sulfate Carbonate Eau. Oxygène. Hydroxyde Sulfate Acide ferreux. de chaux. de fer de car- (hématite chaux. bonique. brune). Très souvent l’hématite brune dans les tourbières est due à Pac- tion physiologique des colonies de Crenothrix et Cladothrix, hôtes habituels des eaux de source. Il se présente, généralementsouillé de matières organiques et même minérales, surtout argileuses, sous forme de terre ocreuse, coloré en jaune foncé ou en brun rouge; il est soit en nids, soit en veines, soit en couches variant de plu- sieurs centimètres à quelques décimètres d’épaisseur (SITENSKY). Dans les parties les plus profondes des tourbières on trouve très souvent la limonite ou fer des marais, formée surtout d'hydroxyde de fer mélangé à du protoxyde de fer, de la silice, de largile, de la chaux, de la magnésie, de l’humus et du phosphate de fer. Le taux d'oxyde de fer varie de 25.24 p. 100 à 82.38 p. 100, celui de la silice de 2.80 à 12.60, celui de l'acide phosphorique de 0.19 à 10.99". La limonite constitue des masses solides, dures, de teinte brune ou noire, de forme sphérique, globuleuse ou stalactitique, se présentant en amas ou en couches continues. Elle est parfois tachée en vert ou en beau bleu par du phosphate de fer en mélange. Ce phosphate, nommé vivianite, existe aussi dans les tourbières en .masses terreuses d’un bleu verdâtre ou en nodules ou en pelli- cules, ou comme pseudomorphose de tiges ligneuses ou comme remplissage de coquilles. Selon SENFT, il peut se produire par l’ac- on sur le carbonate ou l’humate ferreux dissous de l’acide phos- phorique formé par l’oxydation du phosphore des matières azotées 1. F. SENFT, Loc. cil., p. 174. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 387 des végélaux des tourbières, ou encore par l’action du sulfate ferreux sur le phosphate de chaux contenu dans le bois et dans les détritus animaux. Dans la Frise orientale, le phosphate ferreux est considéré comme le signe d’une bonne tourbe. Signalons enfin, pour être complet, le fer humique (Modereisen) formé d’humate de fer, d’eau, d’un peu d’oxyde de fer et de sulfate de magnésie et constituant dans les fossés d'écoulement une masse opaque, noire, d’éclat résineux, durcissant par la sécheresse. C’est à la présence du sulfate ferreux et de l'acide sulfurique libre dans la tourbe que beaucoup de minéraux doivent leur nais- sance. Nommons d’abord le gypse qui procède de l’hématite brune et de l’action de l’acide sulfurique sur le calcaire. Cette réaction est caractérisée par l'équation suivante : SO,H, + CaCO, — CaSO, + CO, + H,0 Acide Carbonate Sulfate Acide Eau. sul- de de car- furique. chaux. chaux, bonique. Le gypse se rencontre dans presque toutes les tourbières pyri- teuses el calcaires en croûtes formées de petits crislaux sur les parois desséchées des trous d'extraction et sur les briques de tourbe. L'action de l'acide sulfurique sur le silicate de magnésie donne dans la tourbe du sulfate de magnésie; quand l’acide agit sur un sous-sol argileux ou schisteux, il se forme dans les couches profondes argileuses du sulfate d’alumine*. Le soufre se trouve plus rarement sous forme d’un revêtement blanc jaunâtre. Il peut se déposer par l’action des algues sulfuraires (Beggiatoacées) ou par la destruction du sesqui-sulfure de fer Fes,, qui se produit par la réaction de l'hydrogène sulfuré sur lhydroxyde de fer et qui dans l’air humide se transforme très vite en un mé- lange d’oxyde de fer et de soufre *. 1. On l'appelle dans ce pays Stifel, 2, SITENSKY, Loc. côêt., p. 218. 3. M. Mzæncker, Zeischrift des landw. Centralvereins der Provins Sachsen, 1874, P. 69. 388 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Comme conclusion à ces considérations sur les propriétés chimi- ques de l’humus, étudions maintenant l Absorption des principes nutritifs par l'humus. Il faut tout d’abord ne pas perdre de vue que les matières hu- miques formées de substances organiques et inorganiques sont très complexes, et par suite les phénomènes qui s’y passent. La matière organique de l’humus ne peut évidemment avoir d'action chimique que par les acides qui y sont contenus en pro- portions variables et, dès lors, elle ne peut exercer une absorption notable que sur les bases comme les terres alcalines (chaux, magné- sie), l’oxyde de fer et l’alumine qui forment avec les acides de l’hu- mus des combinaisons insolubles. Il ne peut y avoir absorption des alcalis (potasse, soude, ammoniaque) par ce procédé, puisque les humates correspondants sont solubles dans l’eau. Mais comme l’humus renferme plus ou moins de principes minéraux, il y a, en général, aussi une forte absorption de bases alcalines paraissant tenir surtout à ce qu'il se forme des sels doubles insolubles d’hu- mates alcalins et d’humates alcalino-terreux. Il s’ensuit que dans la nature l’humus possède, vis-à-vis des alcalis, des terres alcalines, de l’oxyde de fer, de l’alumine, un pouvoir d’absorption considé- rable, en n’envisageant que les processus purement chimiques. Les acides sulfurique, chlorhydrique et phosphorique au contraire ne sont pas absorbés de cette façon. Les matières humiques ont encore la propriété d’absorber par un procédé purement mécanique, à linstar des substances colloïdales, les acides, les bases et les sels. La solution des acides de l’humus est de nature colloïdale, comme celle qu’on obtient par dissolution de‘la substance coagulée provenant d’une solution alcaline préci- pitée par un acide. À cet état, comme l’a démontré si nettement J. M. Van BEMMELEN”, ces malières peuvent fixer certaines quantités d’autres substances provenant de la solution d’où on les a séparées; 1. Landw. Versuchsslationen, voi. XXXV, p. 69-136. — Recucil des travaux chimiques des Pays-Bas. Leide, 1888, ti. VII, p. 37. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. = 389 si elles sont séparées à l’état pur et mises ensuite dans une solution d’autres matières, elles peuvent en absorber une partie. L'auteur précité nomme ces composés des combinaisons d'absorption. L’affinité est relativement faible, mais pourtant suffisante pour permettre de séparer de la gelée par de l’eau souvent renouvelée (dia- lyse) ou par lavage lent ces combinaisons qui restent dans l’eau de la gelée. Les molécules d’eau et les molécules d’acide, etc., ont entre elles une affinité plus grande que l'attraction exercée sur elles par le reste de l’eau présente. Les sels absorbés par la gelée peuvent, dans les dissolutions d’au- tres sels, provoquer non seulement des décompositions ou de véri- tables combinaisons, mais encore des substitutions chimiques. Les matières colloïdales de l’humus donnent des combinaisons d'absorption avec les acides et les sels et plus facilement encore avec les bases. Les sels et les acides sont absorbés en faible quan- tité et les bases en quantité plus grande. Les alcalis sont fixés plus énergiquement que la chaux, mais le sel de chaux est moins so- luble. Si, donc, on traite l’humus par une dissolution d’un sel al- calin, il se fixera une certaine quantité d’alcali en substitution à de la chaux et de la magnésie. Mais si on traite la combinaison soluble d’humus et d’alcali avec une solution de chaux, il se formera une. certaine quantité d’humate de chaux insoluble. Quand on extrait l’humus par un acide étendu et qu’on délruit ainsi les combinaisons colloïdales de l’humus avec ses bases, on obtient le minimum d’ab- sorption. Il résulte de ces quelques faits que l’humus peut absorber sur- tout des bases en assez grande quantité soit chimiquement, soit mécaniquement. S'il contient des malières minérales, ce qui arrive d'ordinaire, en proportion plus ou moins grande, à l'absorption par l’'humus vient s'ajouter l'absorption par ces matières minérales, qui est un processus analogue à l'absorption par les zéolithes. Il ré- sulte, comme lui, d’un échange de bases. De l’humus forestier provenant d'arbres creux d’une forêt de hêtres fut mis par Rau- TENBERG‘ dans une solution de chlorure d’ammonium contenant 1. R. Sacusse, Lehrbuch der Agrikulturchemie. Leipzig, 1888, p. 176. 390 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 167,605 de chlorure dans 300 centimètres cubes ; il absorba 0#,0845 d’ammoniaque. Il s'était dissous une quantité de chaux (05',1044) et de magnésie (05,0394) presque équivalente à l’ammoniaque absorbée. La quantité d'ammoniaque exactement équivalente serait 08°,0968. En faisant bouillir l'humus avec de l'acide chlorhydrique étendu, sa puissance d’absorplion diminue d’un quart. Les humus pourvus de plus fortes doses de matières minérales sont naturellement capables aussi d’absorber des acides. L’acide phosphorique est fixé en proportion d’autant plus forte que les bumus contiennent plus de principes minéraux pouvant former avec lui des sels insolubles”*. C'est pourquoi les tourbières infra-aquatiques plus riches en terres alcalines que les tourbières à sphaignes ont un pouvoir d'absorption plus grand et plus énergique. La silice n’est absorbée qu’en pré- sence de bases entrant en combinaison avec elle. Aussi reste-t-elle souvent dissoute dans les sols humifères, tandis que la base qui lui était associée (potasse) est absorbée. Ce fait remet involontairement en mémoire l'influence que les débris végétaux en décomposition exercent sur le développement des plantes exigeant beaucoup de silice (roseaux, prêles, herbes acides dominant dans les marais tourbeux et acides). Si on chaule de tels sols, ces plantes disparaissent, parce que la silice se combine à la chaux qu’on apporte. 2. — Propriétés physiques de l’humus. a) Propriélés physiques générales. A) La couleur de l’humus varie beaucoup et dépend de l'espèce et du degré de décomposition, de la composition de la matière pre- mière et du taux d'humidité. Les humus formés par eremacausis ont une teinte qui varie du brun foncé au noir, tandis que les produits de la putréfaction ont une couleur plus rouge brun. Celle-ci, par dessiccation, passe au brun noir et au noir de jais, surtout chez certaines tourbes qui, au 1. À. Kônic, Landw. Jahrbücher, vol. XI, 1882, p. 1-49. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 391 bout de peu de temps, offrent ce changement de coloration par suite. de l’action de l'oxygène. Plus la décomposition est avancée, plus Ja couleur se fonce. Cette couleur dépend aussi de la matière pre- mière ; ainsi les tourbes infra-aquatiques sont toujours plus foncées que les tourbes à sphaignes, lesquelles sont jaunes, jaune rouge ou brun clair suivant le degré de leur décomposition. Des tourbes de carex et de roseaux lavées et peu décomposées sont souvent comme blanchies. A l’état humide les humus montrent une colora- lion beaucoup plus foncée qu’à l’état sec. B) La structure ou texture des couches d’humus est extrêmement variable suivant la composition des plantes formatrices, suivant la compression et suivant le degré de la décomposition. Le terreau (Hull) a toujours une texture poreuse. L’humus brut est tantôt fibreux (bruyères, pins, hêtres, airelles), tantôt terreux (steppes, fougères, etc.) et plus ou moins compact. Dans les tourbes infra-aquatiques encore peu décomposées l'humus est un tissu lâche, feutré, à fibres enchevêtrées (tourbe fibreuse), tandis que la tourbe supra-aquatique est spongieuse et friable, se réduisant en grumeaux. Par les progrès de l’altération, les diffé- rences entre les variétés de tourbe s’effacent peu à peu; les couches deviennent plus denses, plus compactes et quand la tourbe est très vieille elle présente un aspect graisseux, poisseux (Lourbe poisseuse) et forme une masse plastique amorphe. Le plus ou moins de compa- cité des couches dépend de l’âge, mais aussi de la pression qu’elles supportent et de l’eau qu’elles contiennent. Souvent les tourbières présentent des stratifications qui, d’après F. Sirensky', se montrent en Bohême le plus nettement dans la tourbe d’hypnum parmi les parties non encore complètement humi- fiées, et qui, dans les points les plus bas et les plus aqueux, sont surmontés souvent par à mètres et plus de tourbe compacte, presque amorphe. Une tourbe se formant ainsi avec excès d’eau sous la pression des couches supérieures a une stratification par- faite ; tant qu’elle est humide, les plantes qui la composent se laissent 1. F. Srexsxy, Ueber die Torfmoore Bühmens. Prague, 1891, p. 190. 392 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. : séparer en feuillets très minces. La tourbe provenant de plantes herbacées est toujours, dit cet auteur, beaucoup mieux stratifiée que celle qui est due aux airelles, callunes et plantes analogues. Celle-ci, desséchée, se fragmente en petils morceaux, tandis que la première manifeste sa stralificalion par les fentes qui s’y produisent au desséchement. La structure schisteuse de la tourbe n’est parfai- tement nette que quand elle est pressée par d’autres couches. Avec une faible pression, la tourbe conserve sa texture primitive tant que la décomposition ne la modifie pas. Assez souvent, surtout dans les tourbières infra-aquatiques, la stratification est troublée par les nom- breux rhizomes ou racines de monocotylédones aquatiques et d’é- quisetums qui traversent verticalement les couches. Dans la tourbe de roseaux pure ou mélangée, les lits sont perforés par les rhizomes jaune clair, gros comme un tuyau de plume ou même le doigt, du Phragmites communis où du Glyceria spectubilis. Ges rhizomes gardent leur aspect même quand le reste de la tourbe à déjà pris une teinte brune, presque noire. Par la gelée l’humus devient plus poreux, parce que l’eau con- tenue dans les pores et entre les lames de la tourbe se dilate en se transformant en glace qui sépare les particules les unes des autres. Celte action n’amène pas toujours un émiettement complet de la masse, mais provoque toujours un certain gonflement. Une partie de l’eau se trouve, de la sorte, isolée et s’évapore plus vite que quand elle était absorbée par lPhumus. Ainsi s'explique que les morceaux de tourbe congelés se dessèchent plus rapidement que les autres. À la suite du descéchement des tourbières, leur masse devient aussi plus poreuse, puisqu’une partie de l’eau a disparu par cette opération qui accélère l’aération des parties desséchées. Grâce à la décomposition plus active des couches d’une tourbière exposées au jour et au desséchement, les débris végétaux se frag- mentent plus ou moins complètement et forment alors une masse terreusé feutrée, semblable à de la sciure et possédant une texture poreuse (terre de tourbe). | C) Les changements de volume des masses humiques sont en gé- néral très accentués ; elles se gonflent par l’humectalion et se con- DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 393 tractent beaucoup par le desséchement. L’intensité de ces change- ments varie suivant la substance et son degré d’altération, L’humus résultant de l’action de l’acide sulfurique sur le sucre n’éprouve par l’humectation et le desséchement que des changements de vo- lume insignifiants ; 1ls sont relativement plus forts chez la tourbe privée de ses éléments minéraux et résineux par l'acide chlorhy- drique et le mélange d’éther et d’alcool ; mais les plus remarquables sont ceux que présentent les humus naturels et à un degré d’autant plus élevé que leur décomposition est plus avancée. Voici quelques chiffres que j'ai obtenus en expérimentant sur des bumus et sur des sols minéraux : Augmentation du volume par humectation rapportée à 100 de la masse sèche. Humus de sucre Re RUN CANNES ce ORNE 1.814 Tourbe traitée par l'acide chlorhydrique et l’éther . . . 15925 Tourbe naturelle (des tourbières du Danube) : DeDP RONA OS ANA RRROIONUGUT - 2 -- eue 46.793 De:0, ;:2 à/0,5 — Me Feat Mae à tee 50.154 Deo ,»à0 ,8 — MER CUT 60.979 Hens-act,,1 — ME PRE PA 83.820 SADIERQUALIAEUXESTOS SIDE lee Vient 0.000 PTE ME OIIN Fe AR er me del a Bree | Une Lo 36.608 Garhonate de NAMNEMENEEL SUN EENET HONTE, 5.093 Il résulte de ces chiffres que: 1° l'humus artificiel comme celui qui est traité par l’acide chlorhydrique et l’éther augmentent beau- coupemoins de volume par l’humectation que l’humus naturel ; 2 celui-ci se dilate bien plus que l'argile qui occupe à cet égard la premiére place parmi les éléments minéraux, et 3° l’humus naturel éprouve des changements de volume d'autant plus importants que sa décomposilion est plus avancée. Le gonflement considérable des humus naturels par l'humecta- tion et leur retrait, considérable aussi, par la dessiccalion tiennent en partie à leur Laux en matières colloïdales qui se gonflent beau- coup en absorbant l’eau et se rétractent fortement en la perdant. Avec les progrès de la décomposition, les changements de volume de l'humus sont d’autant plus accusés que le taux des substances coloï- 394 ,: ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. dales augmente davantage. Mais il est certain que les autres éléments de l’humus et les parties des plantes encore peu décomposées pos- sèdent des propriétés analogues. Cette contraction de l’humus par le desséchement fait que les tourbières desséchées se raffermissent peu à peu et d'autant plus que la tourbe y était plus décomposée et plus aqueuse. F. SITENSKY*, par exemple, a observé qu'un bombement de 2",3 s'était abaissé en trois ans à 1,50 et que, dans une autre tourbière, il s'était réduit presque au tiers. Une tourbière formée presque entiérement de Sphagnum cymbifolium s’est réduite environ à moitié de son vo- lume primitif par le desséchement, une autre (Hypnelo-caricetum) très décomposée au quart et une tourbe de vase au cinquième. Il se forme assez souvent, par ce retrait, des fentes et des failles surtout aux bords des tourbières et parfois sur 100 mètres et plus de longueur (SITENSKY). Par suite de l'inégalité des diverses couches de tourbe au point de vue de l’état physique, de la faculté d’imbibition et du taux d’eau, ces couches chevauchent souvent l’une sur l’autre ; elles peuvent même glisser quand le fond est en pente. Au printemps, époque où la tourbière est saturée, on observe que les parois des trous d’ex- ploitation et surtout les couches aqueuses de Sphagnum bombent. A d’autres places, on voit la couche inférieure poisseuse (Hypneto- caricetum) aplatie et refoulée par la pression des assises supérieures plus compactes, de façon qu’il se forme, sur les parois des fossés d'exploitation, des fentes parallèles pouvant amener l’effondrement de lout un côté ?. e Ces fortes modifications dans le volume de l’humus à la suite des alternatives de sécheresse et d'humidité, surtout de gel et de dégel en hiver, exercent une fâcheuse influence sur les plantes cultivées en les exposant au déchaussement. Les plantes ont leurs racines peu à peu soulevées hors de terre; elle perdent leur assiette, gisent sur le sol et sont tuées par la gelée. C’est pour cela que la culture des plantes hivernantes est exclue des sols très humiques. 1. SITENSKY, loc. cül., p. 189. 2.0Loc.\cil.; p.193. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 399 D) La cohésion des humus, la force avec laquelle adhèrent leurs particules, est relativement faible. On peut la mesurer par la résis- tance que le sol oppose à se laisser pénétrer par un instrument tran- chant, soit par traction (cohésion relative), soit par pression (cohé- sion absolue). Des-essais faits selon ces deux procédés par Il. Pucx- NER’, avec de la tourbe pulvérulente et des sols minéraux artificiels montrent nettement que l’humus possède la plus faible cohésion, l'argile la plus forte, le sable se plaçant entre les deux. Pour rompre un cylindre de terre * de 3 centimètres de hauteur et 2 centimètres de diamêtre, il a fallu, avec un taux d’eau égal à 60 p. 100, 40 p. 100, 20 p. 100, 0 p. 100 de la faculté d’imbibition totale : 60 p. 100. 40 p. 100. 20 p. 100. O p. 100. grammes. grammes. grammes. grammes. ATOTIe Amor tte 19 224 21 188 23 641 32 949 Sable um 4 403 4 679 3 805 7175 HumuS-ente nl- 17292 1 000 42 47 Ces trois éléments principaux des sols se rangèrent dans le même ordre au point de vue de la résistance au couteau. Les poids néces- saires pour faire pénétrer dans le sol un coin d'acier de 2 centimé- tres de large et À centimètre de haut avec une ouverture d’angle de 43° furent les suivants: Teneur relative des sols en eau. (La quantité d’eau nécessaire pour l’imbibition complète étant 100.) 100 p 100. 80 p. 100. 60 p.100. %O p.100. 20 p. 100. 0 p. 100. grammes. grammes. grammes. grammes. grammes. grammes. Argile. . 114 2 404 9 537 11 870 15 037 20 037 Sable. . 167 2 937 4 237 51137 8 370 2 370 Humus . 115 1 40t 1 904 1 S04 870 487 Si, pour mieux se rendre compté, on prend les moyennes pour tous les élats d'humidité des matièrés employées en supposant la 1. Forschungen auf dem Gebiete der Agrikullurphysik. Édité par E. Wozzny. Vol. XII, 1889, p. 195. 2, Les cylindres étaient fabriqués avec des matières saturées puis desséchés jusqu'au taux d'eau voulu. C'est ce qui explique que le sable quartzeux et l'humus séchés à l'air ont pu garder leur forme primitive. 396 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. cohésion absolue de l’argile et sa résistance à la rupture égales à 100, on trouve : | POUR POUR LA RÉSISTANCE LA COHÉSION ABSOLUE. A LA RUPTURE. © ——— Un Rapport Un Rapport poids de à l'argile. poids de à l’argile. APS; Se 24 251 100.00 9 833 100.00 SABLES APCE 3415 14.08 3 870 39.36 ÉUMUS ET 120 D AO 1 097 AS Il résulte de ces chiffres que la cohésion de l'humus est très faible relativement à celle des autres éléments du soi et surlout de l'argile. | Les données précédentes ne s'appliquent qu’à l’humus pulvéru- lent qui se trouve en mélange dans le sol ou plus ou moins divisé par l’eremacausis ou par une opération mécanique. Dans les dépôts importants, tels que les tourbières, la cohésion de. l'humus s’écarte sensiblement de ce qui vient d’être dit. Tant que la tourbe forme une masse continue, elle est toujours molle à l’état humide, mais elle devient plus dure à mesure qu’elle se dessèche. Le durcissement de la tourbe par le desséchement est en genéral d'autant plus accusé qu'est plus forte la contraction, c’est-à-dire l’humification et la pres- sion supportée par les couches. Au reste, la consistance de la tourbe dépend des plantes qui la forment, de son mélange avec les parties du sous-sol, des éléments minéraux qui ont élé charriés ou des mé- langes qui se sont produits par intervalles. Le mélange d'éléments minéraux fait subir à la tourbe une diminution de cohésion ; quand de la pyrite est répartie dans la masse, une tourbe assez compacte se fragmente si elle est restée exposée un an à l’air et que le sulfure soit décomposé ; elle prend une texture pulvérulente. E) La tenacité de l'humus, sa propriété d’adhérer plus ou moins aux instruments en bois ou en fer est relativement faible et ne peut se constater que dans les sols saturés. D’après les essais de J. ScHacaBasraN” pour faire tomber une plaque de 100 centimètres carrés reposant à plat; il a fallu les poids. 1. Forschungen, etc., vol. XIIT, 1890, p. 193. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 397 suivants, avec un taux d’eau de 100 p. 100, 80 p. 100, 60 p. 100 du pouvoir maximum d’imbibition : . 400 p, 100. 80 p. 100. 60 p. 100. grammes. grammes, grammes. Sur de l’acier poli : AVOHO SPL 3 347,4 5 212,8 3 623,6 Sable LA 1956,8 0 0 Humus ou. 1 492,6 0 0 Sur du bois : TOUR ANA 3 997,0 4 362,0 1 954,0 SADIE M ARTE 1 653,2 0 0 HUMUSANT EN 1 349,6 0 0 Il en résulte que l’humus n’adhère à l'acier el au bois que quand il est saturé et avec une force bien moindre que l'argile, voire que le sable. | F) Les essais concordants de J. ScHacaBasraN ‘ ont établi que le coefficient de frottement * pour la tourbe était intermédiaire entre ceux du sable et de l'argile et qu’il diminuait avec le taux d'humidité, comme le montrent les chiffres suivants : COEFFICIENT DE FROTTEMENT, SURFACE DE FROTTEMENT. * ——— Argile. Humus, . Sable. A l’état humide. nf. Cu. ou 0,4335 0,6545 0,8250 One te ce ON à 0,5345 0,5110 0,8120 A l’élat sec. DÉEPETIDRES 4 reve 0,3320 0,3930 0,3830 DO DT ut 0,4195 0,4810 0,5860 G) Le poids spécifique (rapport du poids du corps à un égal volume d’eau pris pour unité), déterminé au pycnomètre en employant la pompe à air, a élé trouvé, dans mes essais”, de 1,462 pour l’humus”, 1. Forschungen, etc., vol. XIII, 1890, p. 214. 2. C'est le nombre qui exprime le rapport du frottement à la pression, 3. Forschungen, etc., vol. VIIL, 1885, p. 341. 4. Tourbe pulvérulente traitée par l’éther et l'alcool, reprise par l'acide chlorhydrique. 398 ANNALES DE LA SCIENCE: AGRONOMIQUE. de 2,503 pour l'argile et de 2,622 pour le sable. D’autres recherches ont donné des résultats semblables, comme en témoignent les chiffres suivants : POIDS SPÉCIFIQUE —— © de l’humus. de l’argile. du sable, D'après G. ScHÜBLER!. . . . LS 7) 21538 2,653 D'après GC. TRoMMER?. . . . 1,246 2,492 2,739 Donc, parmi les éléments constitutifs du sol, lhumus possède une densité notablement moindre que les principes minéraux. Les bumus naturels ont une densité plus grande à mesure qu’ils sont-plus mé- langés d’autres substances. Plus une tourbe est riche en cendres, plus forte est sa densité et réciproquement. Ce qui contribue sur- tout à l’élever, c’est la présence des sels de fer si lourds, tels que le fer des marais dont la densité varie de 3,4 à 4,5 et la pyrite qui va de 5,0 à 5,2. H) La densité apparente de l’humus s'éloigne encore beaucoup plus de celle des éléments minéraux du sol que le poids spécifique. Pour celui-ci, on ne considère que le volume plein du sol sans les vides qui séparent les particules, tandis que la densité apparente tient compte de ces vides. Ceux-ci étant extrêmement nombreux, vu la texture poreuse de l’humus dont le poids spécifique est déjà faible, la densité apparente de l’humus devient minime. Pour les princi- paux éléments du sol chimiquement purs supposés séchés à l'air et en couches modérément compactes, j'ai trouvé les nombres ci-des- SOUS * : DENSITÉ APPARENTE. EE — —— — Humus. Argile. Sable. 0,3349 1,0108 1,4485 La densité apparente de l'humus est donc trois et quatre fois plus petite que celle de l'argile et du quartz. Naturellement elle se mo- 1. G. Scaüscer, Grundsäülzse der Agrikulturchemie, 2° édition, Leipzig, 1838, 2e vol., p. 61. 2. CG. Troumer, Die Bodenkunde. Berlin, 1857, p. 258. 3. Forschungen, etc., vol. VIII, 1885, p. 349. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES, 399 difie suivant la cohérence plus ou moins grande des particules et suivant le degré de décomposition qui augmentent ou diminuent le poids spécifique. Des modifications se produisent dans le même sens par les éléments minéraux mélangés à l’humus et dont la densité est beaucoup plus forte que celle de l’humus. Pour ces motifs, il n’est pas étonnant que la densité apparente des humus naturels soit parfois plus faible, mais généralement plus élevée que les chiffres ci-dessus ; on constate le mieux ces écarts en comparant les densités apparentes des différentes variétés de tourbe. D’après F. Sirensk* ‘, les tourbes non ou très peu décomposées et formées soit de sphaignes, soit d’ériophorums et de sphaignes, ont une densité apparente de 0,18 à 0,27 prise sur la substance sé- chée à l’air. Elle est un peu plus grande pour la tourbe faiblement humifiée faite d’hypnums et de carex (0,25-0,34). Les tourbes bru- nes, plus fortement humifiées, pures de mélanges minéraux, telles que la plupart des tourbières supra-aquatiques ont une densité appa- rente moyenne de 0,30 à 0,60. Ce sont les vieilles tourbes infra ou supra-aquatiques plastiques, plus ou moins dures à l’état sec et souil- lées par le mélange des éléments minéraux du sous-sol, qui présen- tent les chiffres les plus élevés (0,90-1,50). Les formations tourbeuses renfermant du fer des marais ont une densité apparente qui dépasse 2. D’après les recherches de M. Fceiscuer*, la densité apparente, prise sur la matière complètement sèche, varie, pour l’humus de bruyère qui se trouve à la surface des lourbières à sphaignes jusqu’à 15 centimètres de profondeur, entre 0,107 et 0,211; la moyenne de 39 essais a donné 0,140 ; la tourbe de sphaigne oscille entre 0,048 et 0,098. L'humus saturé d’eau a une densité bien plus élevée qu’à l’état sec ; l’eau exerce sur cette substance une influence beaucoup plus grande que sur les autres éléments du sol; cela va de soi, puisque l’humus est de tous celui qui possède la plus grande faculté d’imbi- 1. F. Srrenskv, Uber die Torfmoore Bühmens. Prag, 1891, p. 195. 2, M. FLeiscaen, Landw. Jahrbucher, par H. Taie, vol. XX, 1591, p. 378 et suivantes. 400 . ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. bition. Les nombres suivants, tirés de mes expériences, mettent ce fait en lumière : DENSITÉ APPARENTE AUGMENTATION ——— © du poids à à par l’état sec. l’état saturé. bhumectation. HUMUS EEE 0,356 1,1024 209,2 p. 100 Arvileis CREER 1,0395 1,6208 95,9 — SADIE Ed MER A its 1,4508 1,8270 25,9 — F. Sirensky a constaté des différences semblables, comme le montrent les chiffres ci-dessous : DENSITÉ APPARENTE . à à l'état sec. l’état humide, Humus de sphagnum. ARE 0,125 0,893 Humus de sphagnum et ne EPo Te 0,18 0,73 Humus de callune et d’airelle . . . . . . 0,40 0,61 M. FLEISCHER a trouvé pour 39 échantillons d’humus de bruyère une densité apparente moyenne de 0,140 à l’état sec et 0,869 à l’état humide. 1) Quant à la facilité de culture des sols humiques, on peut la pré- juger d’après les propriétés décrites aux paragraphes D, E, F, H. Parmi les résistances qu’il y a à surmonter dans le travail mécanique des terres, il faut surtout considérer la cohésion, la ténacité, le frot- tement et le poids. D’après ce qui vient d’en être dit, on peut les représenter d’une manière approchée de la façon suivante : ARGILE. SABLE. Cohésion. une SE NE MEN a de forte faible Ténacité (60 °/, du pouvoir maximum d imbibition). forte faible + Frottement (sur acier et bois). . . . . . . . faible fort Densité-apparente. A Eu ÆNCORRE A ALL -ARIMOMENTE SA MOLLE HUMUS. faible faible moyen faible En somme, dans le travail du sol, l’humus offre les plus faibles résistances, l'argile les plus fortes et le sable se place entre les deux. {. Tourbe pulvérisée, traitée par l'acide chlorhydrique et le mélange d'éther et d'alcool. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 401 b) Rapports de l'humus avec l'eau. La quantité d’eau du sol dépend d’un certain nombre de proprié- tés physiques dont chacune doit ici être étudiée de près, si l’on veut comprendre les processus compliqués qui se passent dans la na- ture. A) Circulation de l'eau dans le sol. — Comme tous les corps po- reux, les divers humus ont la propriété de conduire l’eau à l’état capillaire. Elle s’y meut ainsi, lentement d’ordinaire, surtout si la masse est compacte ‘; à mesure que le taux d'humidité augmente, les conduits capillaires se rétrécissent sensiblement par suite de l'augmentation de volume des particules. Dans ces conditions, la circulation capillaire y est plus lente que dans l’argile qui, de tous les éléments minéraux des sols, oppose le plus de résistance au mouvement de l’eau. Quand les particules sont en couches plus meubles, que la substance est à l’état pulvérulent, la circulation est notablement activée, mais n'alteint pas encore la vitesse qu’elle a dans le sable quartzeux, tout en étant supérieure à celle de l’argile*. En ce qui concerne la vitesse de circulation, ce qui influe surtout c’est la texture plus ou moins compacte. L’humus exerce une in- fluence marquée sur la hauteur à laquelle l’eau peut s'élever; pour- tant c’est seulement dans certains cas et dans des circonstances favo- rables que l’humus pur, d’après les observations faites jusqu'ici, pourrait élever l’eau par capillarité à plus de 1,50 ou 2 mètres de hauteur. La circulation capillaire ne se produit qu'avec un taux d’eau assez élevé. Elle cesse dans l’humus quand le sol ne contient plus qu’en- viron la moitié de son taux d’eau maximum, et elle est remplacée par un mouvement beaucoup plus lent provoqué par le passage d’une particule à l’autre de l’eau retenue énergiquement à leur sur- face, Quand la couche d’eau qui entoure chaque particule descend au-dessous d’une certaine limite, toute circulation s'arrête. 1. H. v. Kzenze, Landw. Jahrbücher, 1877, 1°* fascicule. 2. E. WozLny, Forschungen, etc., vol. VIII, 1885, p. 209. ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE, — 1899. — 11. 26 402 ANNALES DE LA SCIENCE : AGRONOMIQUE. La pénétration de l’eau dans la masse, son mouvement de haut en bas se fait aussi très lentement dans l’humus. Dans les couches saturées, les pores se rapetissent par gonfle- ment des molécules et opposent au mouvement de l’eau une éner- gique résistance. Quand les couches sont plus meubles, qu’elles possèdent d’assez gros interstices, l’infiltration de l’eau est plus prompte. Dans les dépôts naturels d’humus (tourbières), la circulation de l’eau ne se fait remarquer que quand la tourbe s’est éloignée du plan d’eau par les progrès de son accroissement ou quand ce niveau des eaux souterraines s’est abaissé par le desséchement. Dans ces conditions, la capillarité est extrèmement variable ; elle dépend des plantes qui ont formé lPhumus et de leur degré de décomposition. En général, la tourbe des tourbières à sphaignes est, toutes cir- constances égales, capable de pomper l’eau à un bien plus haut degré que celle des tourbières infra-aquatiques. Ges différences tien- nent surtout à la structure anatomique des plantes. Comme nous l'avons dit plus haut, les tiges de sphagnums des tourbières supra-aqualiques forment un amas de tubes cylindriques extrêmement étroits qui conduisent très bien l’eau grâce à leur grande capillarité. Ges tiges se ramifiant chaque année deviennent toujours plus drues. L'eau y est bien mieux pompée que dans les tourbières infra-aquatiques, où manquent les cellules capillaires des tiges et où le nombre des tubes capillaires est beaucoup plus res- treint. Du reste, la circulation de l’eau dans la tourbe des deux oroupes de tourbières peut être différente ; elle dépend, disions- nous, lant de la structure et de la densité des plantes formatrices que de leur degré de décomposition. Quand celle décomposition est peu avancée, l’eau circule bien mieux que dans le cas contraire. La pulvérisation mécanique de la tourbe favorise singulièrement la ca- pillarilé et d'autant plus que les fragments sont plus fins. Ge fait est de grande importance pour la culture de ces sols, comme on le montrera dans le troisième chapitre. B) La facullé d'imbibition est la propriété que possède le sol de retenir l’eau plus ou moins avidement. Ces quantités d’eau s’expri- DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 403 ment utilement en pour-cent du volume du sol pour des raisons qui ne peuvent trouver place ici”. L'eau, après cessation de tout mouvement, est retenue dans le sol tant par l'attraction de surface que par la force capillaire et par l’ab- soption qu’exercent les substances colloïdales. Si l’on examine une tranche de sol humide quand toute circula- tion y est arrêtée, on voit que le taux d’eau augmente de haut en bas et devient constant à partir d’une certaine limite, quand la tran- che de sol est suffisamment épaisse. La cause de ce fait tient à ce que l’eau dans les couches superficielles n’est retenue que par l’attrac- tion de surface et les plus fins capillaires, tandis que les espaces moins étroits se vident. Plus la couche est profonde, plus il y a de pores assez larges qui contribuent à retenir l’eau jusqu’à ce qu’enfin, dans la partie la plus basse, des colonnes d’eau se forment même dans les larges vides ; alors le sol est saturé. C’est en se fondant sur cette observation que l’on distingue une faculté d’imbibition absolue ou minima qui est celle des couches superficielles, dans les sols pro- fonds, due à l'intervention des plus fins capillaires et une faculté d’'imbibition complète ou maxima pour laquelle tous les espaces ca- pillaires du sol sont remplis d’eau. Voici d’ailleurs les différences que j'ai trouvées pour les princi- paux éléments du sol” à l’état pur et pulvérulent : Faculté d’imbibition en pour-cent du volume. MAXIMA. MINIMA. HOUMUS EMA 0 74.59 9530 ATOTLORES LIN EME 58.13 53.19 Sables RARE: 37.62 33.04 Ces chiffres prouvent que la facullé d'imbibilion est la plus forte pour l’humus, ensuile pour l'argile et qu’elle est la plus faible dans le sable. Cette faculté extraordinaire d’imbibition de l’humus, qui ressort des chiffres précédents, est due, d’une part, à la ténuité de ses ca- 1. À. Mayer, Landw.Jahrbücher, 1874, p. 753, et Füurinc's Landiw. Zeilung, 1875. 2, Forschungen auf dem Geb, der Agrikulturphysik, vol. VIII, 1885, p. 195 et 198. 404 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. pillaires, d’autre part, à la porosilé des éléments du sol et à sa te- neur en substances colloïdales. Les particules résultant de la décom- posilion des végétaux sont comme traversées par des capillaires très fins, qui absorbent énergiquement l’eau à leur portée. Il en est de même des substances colloïdes qui, en s’imbibant, augmentent de volume et diminuent le diamètre des capillaires en les comprimant, d’où résulte un ralentissement du courant. Bien que la faculté d’imbibition des humus qui existent dans la nature en grande masse (tourbières) soit aussi très élevée, elle oscille pourtant dans de larges limites. Ces différences dépendent surtout des propriétés des plantes constituant l’humus, du degré de décom- posilion et de pulvérisation de la masse, et enfin de sa compacité. On peut s’en rendre compte d’ailleurs en constatant que la tourbe des tourbières à sphaignes possède une faculté d’imbibition supé- rieure à celle de la tourbe des tourbières infra-aquatiques formée surtout de carex. Dans la première, entre en ligne de compte non seulement la ca- pillarité déjà mentionnée des tiges de sphaignes, mais encore la faculté d'imbibition de leur enveloppe, notamment des cellules bhyalines des feuilles, dont les pores nombreux permettent la péné- tralion facile de l’eau qui y est retenue grâce aux fibres en bande- lettes ; tandis que dans la seconde catégorie de tourbes, loutes ces conditions manquent. Pour montrer à quel point diffèrent les facultés d'imbibition des tourbes hautes et des tourbes basses, il n’y a qu'à consulter mes chiffres ci-dessous. Les matériaux utilisés pour mes recherches se trouvaient à l’état compact et finement pulvérisés ; ils furent employés de telle façon que, toutes choses égales d’ailleurs, les chiffres obtenus expriment la faculté moyenne d’imbibition. Faculté d’imbibition. VOLUME POIDS VARIETES DE TOURBES : p. 100. p. 100. _Tourbières hautes : — Tourbe de Oldenbourg, peu décomposée, fine (<< 1m), 78,6 454.0 Tourbe de Oldenbourg, peu décomposée, fine (<< 1mm),. 70.3 497.2 Tourbe de Oldenbourg, peu décomposée, fine (<< 1m), 81.8 621.6 Tourbe de Oldenbourg, peu décomposés, grosse (> 4m), 79,7 465.2 Tourbière de Haspel (Mul!), plus décomposée, fine (Es) 3 339.4 SC US) de a CN TOR DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 405 VOLUME POIDS VARIÉTÉS DE TOURBES ! p.100. p.100. Tourbières basses : ü EE Gr Tourbière de Schleissheim, très décomposée, fine (> 1"). 55.5 128.8 Tourbière de Schleissheim, très décomposée, fine (> 1m). 62.4 149.7 Tourbière de Schleissheim, très décomposée; fine (> 1mm). 55.2 163.5 Tourbière de Schleissheim, très décomposée, grosse RE STE AT O0 Gun LOS Tourbière du Danube, très décomposée, fine (<< 1") . 67.2 153.1 D'après ces chiffres, les tourbes des tourbières hautes ou supra- aquatiques possèdent une facullé d'imbibilion supérieure à celle des tourbes des tourbières basses. Les matériaux employés ayant été com- plètement séchés au préalable absorbaient beaucoup moins d’eau que s'ils avaient été humides ; les chiffres précédents ne donnent done que les différences relatives entre les deux sortes de tourbes et nullement des valeurs absolues. En réalité et dans les conditions naturelles, la faculté d’imbibition absolue est beaucoup plus grande. La tourbe de sphaignes non ou peu décomposée peut, dans certaines circonstances, absorber de 1000-2000 p. 100 d’eau en poids, tandis que dans les mêmes conditions la tourbe infra-aquatique n’en absorbe que de 350-600 p. 100". On voit donc que la faculté d’imbibition peut beaucoup varier pour les deux espèces de tourbe. Ceci s’ex- plique très simplement par les différences entre les plantes qui les constituent et par les différences dans leur élat et leur végétation. La facullé d'imbibilion de la tourbe diminue à mesure que pro- gresse la décomposition de ses végétaux. Cette assertion de prime abord paraît plutôt bizarre, et en réfléchissant qu’avec l’humification il se produit une quantité de substances colluïdales attirant l’eau, 1. Les différences dans les facultés d'imbibition relativement au volume sont natu- rellement beaucoup plus légères, puisque les taux sont toujours inférieurs à 100. Une tourbe de sphaignes peu décomposées, par exemple, peut contenir sous une densité apparente de 0,050, 10 p. 100 d'humidité hygroscopique, et sous un poids spécifique de 0,3,98.50 volumes d'eau pour 100 volumes (état de saturation). La faculté d'imbi- bition est donc en volumes de 98.5 p. 100, tandis que suivant la densité, dans les mêmes circonstances, elle est de 1.973 p. 100. Dans les mêmes conditions, la faculté d'imbibition avec une densité apparente de 0,150 serait, rapportée au volume, de 95.52 p. 100 et rapportée à la densité, de 637 p. (00. À saturation. le volume d’eau absorbé est d'autant plus petit que l'espace occupé par les particules solides est plus grand, c'est-à-dire que, sous volume égal, la faculté d'imbibition de l'humus est inver- sement proportionnelle à sa densité apparente. 406 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. on serait porté à admettre le contraire. Cependant, 1l est connu que ce sont les plantes intactes ou peu décomposées qui possèdent au pius haut degré la propriété d’absorber l’eau. Au fur et à mesure qu’elles se détruisent èt deviennent amorphes, leur faculté d’imbibi- tion subit une diminution qui ne peut être compensée par l’accrois- sement concomitant, mais peu important, des substances colloïdales. A côté du degré de décomposition des végétaux, la densité de la tourbe ainsi que son émiettement ont aussi leur influence sur la faculté d’imbibition. Plus la tourbe est dense, plus, à égalité de com- posihion, sa facullé d'imbibition est faible, el réciproquement. Par une pulvérisation mécanique on augmente d'autant plus cette pro- priété que les particules sont plus fines. Dans une tourbe pulvérisée en partie amorphe, renfermant encore des feuilles de sphaignes non décomposées, la faculté d’imbibition sera d'autant plus grande qu’il y aura plus de feuilles et de cellules corticales de sphaignes dont l’humification sera peu avancée ; ceci s'explique par la structure des sphaignes (F. SiTEeNsky). Cette der- nière espèce de tourbe absorbe, grâce à son état meuble, propor- üonnellemerit à sa densité, plus d’eau que la tourbe plus compacte, ce que prouvent d’ailleurs mes chiffres. Faculté d'imbibition en pour-cent du poids TOURBE 7 — d’Oldenbourg. de Haspel. de Schleissheim. ne Et —— _" — fine. fine. fine. grossière. p. 100. p. 100. p. 100. p- 100. Couche meuble. . . . . . 59099 183.9 202.3 181.4 Couche compacte. . . . . 497.2 339.4 163.5 152.1 La faculté d’imbibition rapportée au volume augmente à mesure que les particules sont plus serrées ; voici mes chiffres : Faculté d'imbibition en pour-cent du volume, TOURBE Te 2 d'Oldenbourg. de Haspel. de Schleissheim. a — TT fine. fine. fine. grossière, p. 100. p. 100. p. 100. p. 100. Couche meuble. . . . . . 64.4 DS RE "PS 59.3 Couche plus compacte. . . 70.3 70.3 55.2 66.6 La faculté d’imbibition varie encore suivant le taux. d'humidité de DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 407 la tourbe. En général, plus elle est sèche, plus l'absorption est diffi- cile. Tandis que les matières peu ou pas décomposées, malaxées avec l’eau, s’en saturent, quoique lentement, la tourbe fortement humifiée r’absorbe pas d’eau quand elle est sèche ; elle devient inimbibable. On peut s’en convaincre dans les tourbières fortement desséchées dont les couches amorphes ne s’imbibent jamais. Elles ne font pas remon- ter l’eau des couches inférieures et les précipitations atmosphériques s’infiltrent à travers les vides non capillaires sans humecter leurs parois. La cause de ce phénomène est encore peu connue. Il est pro- bable que les éléments de la tourbe desséchée sont recouverts d’une fine couche de résine, qui empêche l’imbibition". Enfin il ne faut pas oublier que la gelée provoque dans les sols tourbeux humides des modifications liées à une diminution de la faculté d’imbibition. D’a- près FLEISCHER * un échantillon de sol tourbeux qui contenait 1 631 grammes d’eau a perdu après la première gelée 125 grammes et après la seconde 25 grammes, soit en tout 150 grammes d’eau ou 9.1 p. 100 de son taux primitif. Plus les vides produits par la gelée dans la tourbe sont grands, plus sa faculté d’imbibition diminue. C) La perméabilité (à l’eau), c’est-à-dire la quantité d’eau capable de filtrer dans un temps donné à travers une couche de soi d’épais- seur déterminée est extrêmement faible pour l'humus pulvérisé. La quantité de liquide exprimée en litres, filtrée dans lespace de 10 heures sous une pression de 100 centimètres cubes d’eau, à travers une couche de 30 centimètres de haut et de 19,634 centimètres carrés de seclion est, suivant mes recherches, pour les tourbes de *: GROSSEUR DES PARTICULES en millinetres. Aïbling (Bavière du Nord). . . . . 0,01-0,114 0,0182 finenDourers: eue «+ à 0,01-0,250 0,2582 Are RAD). + CRE ST « » 0,000 DA REAICre À. ee 10: 01-0,250 2,586 1. Lorenz, Drittes Programm des K. K. Gymnasiums. Salzburg, 1853. Moore von Salzburg. Flora 1858. Wircmanx (Uber die Entslehung, Bildung und das Wesen des Torfes, Braunschweig, 1837, p. 17) fait observer que l'acide humique complètement sec n'est que très difficilement soluble dans l'eau. 2. M. Fceiscuer, Landwithschaftliche Jahrbücher, vol. XX, 1891, p. 784. ” 3. E. Wozzny, Forschung; etc., vol. XIV, 1891, p. 16. 408 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Donc l’humus pulvérisé est presque imperméable à l’eau. La per- méabilité augmente avec le volume des particules, mais elle w’at- teint jamais celle des sols minéraux à particules égales. La cause de celte propriété de l’humus est sans contredit celle-ci : par suite de l’imbibition, les particules gonflent et s'étendent en tous sens au détriment des espaces capillaires qui se rétrécissent et finissent même parfois par s’oblitérer complètement. Dans la nature, où l’humus se trouve en grande masse, comme, par exemple, dans les tourbières, la perméabilité est en général un peu plus grande que ne l’indiquent les chiffres ci-dessus, parce que d’abord il existe dans la masse de grands espaces qui se vident rapidement et que, par ia dessiccalion, il se forme d’autres vides dus à la contraction de la matière. La perméabilité dépend d’ailleurs de la densité plus ou moins grande de la masse. Ainsi, moins la tourbe est dense, plus les quantités d’eaux filtrantes sont grandes, el vice versa. D) La facullé d'évaporation se mesure par la quantité d’eau que l’unité de surface évapore dans l'atmosphère. Elle dépend, d’une part, de la richesse du sol en humidité, d’autre part, de la manière suivant laquelle cette dernière est remplacée à la surface par capillarité. En considérant que l'humus a une faculté d’imbibition très grande et une conduclbilité faible, mais suffisante pour élever l’eau à d’assez grandes hanteurs, on comprendra que l’évaporation acquiert une certaine importance dans les sols humiques. On peut d’ailleurs s’en convaincre en jetant un coup d'œil sur les chiffres suivants! qui montrent en même lemps les différences avec les autres éléments des sols à l’état finement pulvérisé : Quantité évaporée par 1 000 centimètres carrés exprimée en grammes. SOLS DRAINÉS. TOURBE. ARGILE. SABLE. Du 5 juin AUSGAUUIE TASSE PS 7 078 5 248 4465 Du 11 septembre au 17 octobre 1883. . 4 447 4 172 3 328 On voit donc d’après ces résultats que l’humus est de tous les élé- ments des sols celui qui possède la plus grande faculté d'évaporation. Ceci, d’après d’autres observations, n'arrive que quand, comme 1. G. Esen, Forschungen, etc., vol. VIL, 1884, p. 81. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 409 dans les recherches précédentes, la couche de sol est peu épaisse ! et finement pulvérisée. Mais lorsqu'elle est plus épaisse et que les grains sont plus gros, l'humus s’évapore moins que l'argile, car en ce cas 1] ne conduit plus assez rapidement l’eau à la surface et ses grandes lacunes en ralentissent encore l'ascension *. C’est ce qui arrive par la dessiccation des couches superficielles. Dès qu’elles sont desséchées, l'influence des facteurs de l’évaporation sur l’hu- midité du sol diminue considérablement *. Cet asséchement des couches säperficielles ne se montre que quand la richesse en eau du sol est tombée à 50 p. 100 environ de sa faculté d’imbibition maxima et que l’ascension par capillarité a cessé. L’évaporation est d’aulant plus favorisée, au contraire, que le sol contient plus d’eau au delà de cette limite. En se basant sur ces phénomènes, on explique facilement le fait suivant. A la suite d’une dessiccation prolongée, l’évaporation d’un sol humide. diminue’ constamment pour arriver à un minimum, dès que l’action de la capillarité s’ar- rête, par diminution de la provision d’eau en dessous d’une limite déterminée. Cette couche superficielle desséchée protégeant ainsi le sol contre une dessiccation plus profonde, fait que, s’il est nu, son taux reste désormais constant et assez considérable. A côté de la grosseur des particules constituant l’humus, leur degré de cohésion joue aussi un rôle au point de vue de l’évapora- tion. Elle est d’autant plus forte que la masse est plus dense et la conductibilité plus grande et réciproquement. Lorsqu'il y a satura- lion, les différences entre les facultés d'évaporation des diverses cs- pèces de sols disparaissent, puisque chacun est, dans ces conditions, pourvu à peu près de la même dose d'humidité et fournit à l’évapo- ration des quantités égales *. E) L'influence globale des facteurs de l'humidité du sol se fait sen- tir dans la nature différemment, suivant l’état de l'atmosphère. Par un temps humide, le sol, après avoir absorbé la quantité d’eau que 1. 10-20 centimètres. 2. E. Wociny, Forschungen, etc., vol. VII, 1884, p. 283. 3. E. Wozcny, Forschungen, etc., vol. IT, 1880, p. 325. 4. G. Esen, Forschungen, etc., vol. VIT, 1884, p. 81. — E. Worzny, Landwirth- schaftliche, elc., vol. V, 1876, p. 457. | 410 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. lui permet sa faculté d’imbibition, laisse filtrer le surplus dans la pro- fondeur. Par un temps sec, au contraire, le so] perd par l’évaporation une plus ou moins grande quantité d’eau d’imbibition qui est exacte- ment remplacée jusqu’à saturation par les pluies qui surviennent, leur surplus s’écoulant toujours dans la profondeur. De là des variations et des oscillations continuelles du degré d'humidité du sol, dépen- dant de sa composition physique et de l’état atmosphérique. Mes recherches’ au moyen du lysimètre en donnent une idée suffisante. 6 Taux moyen d'eau, en pour-cent du volume, jusqu'à une profondeur de 0,30. TOURBE. LEHM. SABLE. Du 1° avril au 30 septembre 1882. . 43.90 34.35 11.68 Du 5 avril au 30 scptembre 1884. . . 42.19 34.23 12.34 Moyennes des 2 années... . . 43.01 34.29 42.01 TAUX TEASER PR DIE ARMES 3.59 2489 Î Nous voyons donc, d’après ces chiffres, que l’humus (tourbe) con- tient le plus d’eau ; vient ensuile l'argile et en dernier lieu le sable. La tourbe contient trois fois et demie, l'argile presque trois fois plus d’eau que le sable. Évidemment, la faculté d'imbibition est de la plus haute impor- tance pour la teneur du sol en eau; on peut déjà Le prévoir d’après ce fait que les matériaux employés dans les recherches précédentes se rangent d’après leur taux d’eau en volume dans le même ordre que d’après leur faculté d’imbibition. Plus celle-ci est grande, plus l’in- filtration dans les couches profondes diminue nécessairement et vice versa. C’est pour pour cela que la quantité d’eau qui s’infiltre dans les sables est supérieure à celle qui s’infiltre dans l’humus et dans l'argile. L’inverse a lieu pour l’évaporation, puisque les pertes d’eau par la surface augmentent ou diminuent avec le taux d’eau du sol et que-les couches superficielles se dessèchent dans le même rapport d'autant plus lentement ou d'autant plus vite et protègent plus ou moins efficacement les couches sous-jacentes contre l’évaporation. Les deux facteurs, filtration, évaporation, qui avec la faculté d’im- bibition règlent le taux d’eau du sol, varient suivant la composition 1. E. Wozrny, Forschungen, elc., vol. XNIII, 1895, p. 36. . DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 411 mécanique des matériaux. Dans le sable, la filtration l'emporte sur l’évaporation, tandis que le contraire a lieu dans l’humus et dans Pargile. Cela résulte clairement de la comparaison des résultats ob- tenus ci-dessous : TOURBE. LEHM. SABLE. 1882 : cent. cubes. cent. cubes. cent. cubes. Évaporation par surface de 400 centim. carrés. 13 216 15 718 7 593 Infiltration par surface de 400 centim. carrés Sur 02700" profondeur 0 2 SUP 10415 5 395 16 63$ 1884 : Évaporation par surface de 400 centim. carrés. 11 186 14 373 7 198 Infiltration par surface de 400 centim. carrés ; SUD UE SF UEMPIDIDNUEUR, 2.1 1. 0e . 8 888 5 991 13 256 De ces chiffres il ressort nettement qu’en moyenne, abstraction faite de la marche de l'humidité du sol, les effets de l’évaporation et de la perméabilité se contre-balancent, c’est-à-dire qu’à l'augmenta- tion de l’un fait contrepoids la diminution de l’autre, de telle sorte que les sommes de ces chiffres sont égales et que, par suite, la fa- culté d'imbibition trouve sa principale expression dans la provision d'humidité du sol. Pour bien apprécier ces rapports, 1] ne faut pas oublier que dans un seul et même genre de sol l'humidité est régie par la grosseur des grains *. La tourbe à gros grains, employée dans les recherches précédentes, aurait eu un taux d’eau plus élevé si les particules avaient été plus fines. De même, l'argile pure, formée des plus fines particules du sol, aurait eu une faculté d’imbibition plus grande que le lehm employé à sa place. Il est certain enfin que, pour le sable aussi, les résultats auraient été différents avec des éléments plus fins. Donc pour avoir une image exacte des rapports de chaque sol avec l’eau, il faut tenir grand compte de son état mécanique. Les diffé- rences respectives seront, dans chaque cas concret, en partie autres que celles que nous avons trouvées, mais elles présenteront néan- moins les faits dans le même ordre, car, comme nous l'avons montré plus haut, l’humus et l'argile absorbent, en towtes circonstances, plus d’eau que le sable. 1. E. Worzny, Forschungen, elc., vol. XVI, 1893, p. 884. 412 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. F) La couverture vivante, on l’a prouvé précédemment avec dé- tails, provoque une absorption notable d’eau qui augmente à mesure que les plantes poussent plus serrées et que les circonstances exté- rieures sont plus favorables à l'évaporation. C’est pour cette raison que, pendant la saison chaude et en l'absence de pluies, l'humidité dans les sols humiques peut descendre, jusqu'à une assez grande profondeur, à un taux nuisible à la végétation d’autant plus facile- ment que le degré d'humidité, pour lequel les plantes peuvent végéler le mieux, donner leur maximum de produit, est beaucoup plus haut pour l'humus que pour les aulres éléments constituants du sol. Je l'ai démontré ‘ en cultivant une seule et même plante dans trois sols variant par leurs propriétés physiques (sable, lehm, tourbe) et munis d’un taux d'eau variant de la même manière pour chacun des trois sols. La perte d’eau par l’évaporalion à été remplacée par des arrosages quotidiens, de sorte que, pendant toute la durée des recherches, le sol de chaque pot avait presque constamment Le degré d'humidité mdiqué ci-dessous. Voici Les résultats : Orge de printemps (5 plantes). (Volume du sol : 3550 centimètres cubes.) TAUX D'EAU TOURBE. > H M. SABLE. du sol outre ë a — : EE l'humidité . | Poïds de la récolte : Poids de la récolte 3 Poids de la récolte en grammes. D hygroscopique. en grammes. en grammes. À EE Vol. |Absolu p. 100. gr. Nombre des grains Nombre des grains Nombre des grains | Grains. | Paille. Total. Total. Grains. Paille à [æ) à EX Cote en) ë =] © 5 rs © ©t 1 © SES OO D + [SA] 7 _ _ ee À © == € © OT À C2 = © os = s ” - Or = HR r9 Cr ee J VI mm mm © © [=] [æ) & © © à = © © D 0 & À D OO & D À © © mm Î Î 2 29 3 3 4 (=) Le] CS OT =1 Go R 0 Ut 1 à © © Ot OO O1 © © © D 00 © © SUOMI OT _ (2) _ _ re I À = © Où © © © D © D WW À WW © 1 OO O1 ©) © _ PS © 19 © 19 D © I 29 À [22] © OO © ct mi 29 [SA mi 19 mm © 1 OO © > © © [—) 1080 D 22 2 … 1. E. Wozzxy, Forschungen, elc., vol. XV, 1892, p. 427. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 413 D'après ces chiffres, nous voyons nettement que les plantes peu- vent végéter et donner une récolte dans le sable déjà avec un taux d’eau de 5 à 15 p. 100 en volume, tandis que dans le lehm et la tourbe ce taux étail insuffisant pour faire germer les graines ou les porter à un degré de développement appréciable. Avec 20, 95 et 30 p. 100 d'humidité en volume, le sable l’emportait encore sur les deux autres et ce n’est qu'à partir de 35 p. 100 en volume que le contraire commençait à s’accuser dans les récoltes. Ce qui est re- marquable, et que nous voyons d’après les récoltes, c’est que dans le sable avec un taux d’eau de 50 p. 100 on dépasse déjà la teneur correspondant à la récolte maxima, tandis que pour la tourbe et le lehm, ce n’est qu'avec cette provision d’eau que le maximum de production a été atteint. Nous pouvons donc conclure que, pour arriver à leur maximum de développement, les plantes végétant dans l'humus (tourbe) ou dans l'argile (lehm) exigent une plus forte teneur du sol en eau que dans le sable, toutes conditions égales. Pour l'explication de ce phénomène, il est bon de remarquer qu’aux forces en vertu desquelles les plantes puisent l’eau du sol par leurs racines (osmose, faculté d’imbibition du protoplasma des cellules de la racine, etc.) s'opposent celles qui résident dans le sol et qui dépendent de sa structure mécanique (attraction de la part des élé- ments du sol, capillarité, etc.), si bien que les actions réciproques qui se passent dans la nature en sens divers entre ces forces doivent différer suivant l'énergie avec laquelle l'eau est retenue par le sol. Celle-ci étant, comme il résulte de ce qui précède, plus élevée pour l’humus et l'argile que pour le sable, les deux premiers élé- ments offriront une résistance bien plus grande à l’absorption des plantes que le dernier. Ce fait doit être pris en considération tout spécialement au point de vue du desséchement des sols humiques mouilleux, comme nous le montrerons plus loin. La dessiccation provoquée par les plantes a, sur les sols d'humus pur (tourbières), non seulement l’inconvénient d’abaisser leur humi- dité jusqu’à un taux insuffisant au développement des plantes, mais encore elle peut avoir un effet nuisible en ce que la sol, fortement desséché à de grandes profondeurs, persiste dans cet état désavan- tageux lors de l’arrivée des grandes pluies. N’étant plus imbibable, 414 . ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. il laisse écouler l’eau rapidement à travers ses grands vides sans s’humecter, C’est pour ce motif qu’il faut, lors du desséchément de ces sols, prendre des dispositions qui permettent de maintenir leur humidité dans certaines limites. c) Rapports de l'humus avec l'air el les gaz. A) La porosilé s'exprime par le rapport existant entre le volume des vides du sol (pores) et le volume total (— 100). Le volume des pores de l’humus varie dans de larges limites, surtout si ce dernier est à l’état sec, entre 60-85 p. 100. L’humus séché à l'air possède, en comparaison avec les autres éléments du sol, la plus grande porosilé, comme on peut le voir dans les recherches de A. von Scawarz ‘, dont voici les résultats : Porosité en pour-cent du volume. TOURBE. ARGILE. LEHM. SABLE. 84.0 DA 45.1 39.4 Mes recherches?, faites avec des substances pulvérisées, ont donné les résultats suivants : TOURBE. ARGILE. LEHM. SABLE. 12.38 626 22.99 41.50 Les différences tiennent aux variations de l’état mécanique des matières humiques. La porosité est donc dépendante des propriétés des plantes ou parties de plante constituant l’humus, ainsi que du degré de décomposition et de la densité de la masse. La tourbe de sphaignes est, par exemple, plus poreuse que la tourbe infra-aqua- tique. Plus la décomposition avance, plus le volume des pores di- minue, à mesure que la matière passe à l’état amorphe. Naturellement, la porosité diminue à mesure que le taux d’eau 1. À. von Scuwanz, Ersler Bericht über Arbeiten der K. K. landwirtschaftlich- chemischen Versuchsstalion in Wien aus den Jahren 1870-1877. Wien, 1878, p. 51. 2. E. Wourny, Forschungen, etc., vol. VIII, 1885, p. 369-370. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 415 augmente, et ceci à un degré notable pour l’humus qui, comme uous l’avons vu, peut absorber des quantités considérables d’eau. Voici les chiffres pris dans mes recherches précédemment citées : Porosité en volume p. 100. AVEC SA FACULTÉ D'IMBIBITION SÉOHÉE A L’AIR. —— © © TT — minima. maxima, Fourhew 10e 12.38 DO TU. 0.0 Le volume des pores de l’huinus diminue donc à mesure que le taux d'eau augmente; il est réduit à téro lorsque l'humus esl salure. B) La perméabilité à l'air se mesure d’après les quantités d’air passant à travers le sol dans des conditions déterminées. Voici ce que j'ai pu trouver ‘ comme différences pour les éléments du sol à l’état sec, en expérimentant sur une couche de sol ayant 50 centi- mètres de haut, 5 centimètres de diamètre sous une pression de 100 millimètres d’eau : Quantités d'air passées par heures et exprimées en litres. Kaolin. NES ÉRES DOVE PRE 0,175 SANE UPS OURS D AMSUT EME MCE TL DT - 0,390 SON TO7 EN, DÉEIZ 7,050 SO Ne UT NI Re CIRE 15,425 MDI A0 EL 28,000 OMS 0- DT OU ME 71,650 ESHOUIURETMEDQIEMIME RECU LE 3,400 Touthe el Sn er oki 32,740 D’après ces chiffres, on peut conclure que l’humus desséché à l'air, comparativement aux éléments minéraux du sol, possède une très grande perméabilité, louchant de prés celle des gros sables. La provision en eau du sol a une très grande influence sur sa perméa- bilité, ce dont on peut se convaincre par les chiffres ci-après. À travers une couche de sol de 50 centimètres de haut, de 5 centi- 1. WozLny, Forschungen, etc., vol. XVI, 1893, p. 202. 416 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. mètres de diamètre et sous une pression atmosphérique égale à une colonne d’eau de 50 millimètres, il a passé : Quantité d’air exprimée en litres par heure en volume p. 100. AVEC UN TAUX D'EAU DK [o) 8.15 16.30 24.45 32.60 40.75 Tourbe d'Oldenbourg en poudre. 46.37 7.86 4.25 1.14 0.03 0.00 La perméabilité diminue donc à mesure que le taux d'eau de l’hu- mus augmente, el elle tombe à zéro avant même que le degré de saturation de ce dernier soil atteint, car la tourbe dans nos recher- ches pouvait absorber de 60-70 volumes p. 100 d’eau. La diminution de la perméabilité par suite de augmentation du taux d’eau s’explique parce que l’eau prend la place de l'air dans les pores et que, par l’imbibition des substances colloïdes, les pores se rétrécissent. La perméabilité dépend encore de l’origine, du degré de décom- position et de la densité des éléments de l’humus. La tourbe de sphaignes, non décomposée et peu dense, est plus perméable à Pair qu’une tourbe infra-aquatique qui sera très humifiée et compacte. C) Diffusion des gaz à travers le sol. — Les pores du sol contien- nent, outre de l’air atmosphérique et de la vapeur d’eau, divers gaz parmi lesquels l'acide carbonique est le plus important, vu qu'il se trouve dans le sol en plus grande quantité que les autres. L’acide carbonique provient de la décomposition des matières organiques et, suivant que le sol est plus ou moins riche en matières humiques, il existe en quantité variable, mais toujours bien plus grande que dans l’atmosphère. Il n’est donc pas étonnant que, même sans aucune influence extérieure, il Y ait un mouvement continuel dans les gaz du sol produit par la diffusion, c’est-à-dire par la tendance du gaz ocelus à se mettre en équilibre de tension avec celui de l'atmosphère. La diffusion de l'acide carbonique, de l’ammoniaque et des autres gaz existants dépend surtout, à température constante, de la somme des pores de la coupe transversale et non de leur grandeur ‘. Aussi, 1. F. Haxnen, Forschungen, etc., vol. XV, 1882, p. 6. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 417 plus la somme des volumes des pores est grande, plus les quantités absolues des gaz qui se diffusent sont considérables, et vice versa. Toute diminution du volume des pores, comme celle qui arrive par augmentation soit de la densité du sol, soit de son taux d’eau, a pour conséquence une diminution dans la quantité de gaz diffusé. En ce qui concerne l’humus, on pourra conclure, d’après ces lois générales et d’après ce que l’on sait de la porosité de cet élément, qu’il est très favorable à la diffusion des gaz quand il est sec, et qu'il offre une résistance assez grande, au contraire, lorsqu'il est humide el surtout saturé. D) La facullé que possède le sol de condenser les gaz est une pro- priété moléculaire et, entendue ainsi, elle embrasse toutes les causes qui reliennent les molécules gazeuses dans et sur les corps solides. Il est d'usage de distinguer entre hygroscopicité et absorption des gaz ; mais au fond ce sont des phénomènes identiques. Si l’on considère que les substances humiques sont douées d’une porosité extraordinaire et offrent par suite aux gaz une très grande surface, on peut prévoir déjà que leur faculté de condenser les gaz, avec lesquels elles sont en contact, atteindra un haut degré d’inten- sité. En effet, c’est ce qui arrive, comme on peut s’en convaincre d’après les recherches nombreuses faites à ce sujet. L’hygroscopicité ou facullé de condenser la vapeur d'eau qui se trouve dans l’air est considérable chez l’humus, ainsi que le prou- vent les recherches suivantes de A. VON DOBENECK. Dans l’air saturé, 100 grammes de sol condensent à 0° et sous la pression atmosphérique de 760 millimètres : CARBONATE HYDROXYDE SABLE. de KAOLIN. de HUMUS. chaux. fer. 05,159 057,224 28,558 1587,512 1557,904 197cm3 278cm3 Tres 19 2360: 19 7290 de vapeur d’eau. 1. G. Ammox, Forschungen, etc., vol. II, 1879, p. 1. — À. von DoBENnEcx, Forschungen, etc., vol. XV, 1892, p. 163. ANN. SCIENCE AGRON. — 9° SÉRIE. — 1899. — 11 27 418 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. D'après ces chiffres, nous voyons que l’humus dépasse de beau- coup, au point de vue de l'hygroscopicilé, tous les éléments miné- raux du sol, sauf l’'hydroxyde de fer. En fait, l’hygroscopicité, dépendant et des agents extérieurs et de la composition de la substance, oscille dans certaines limites. Elle diminue à mesure que la température s'élève et que la tension de la vapeur d’eau augmente. La régularité de la condensation de la va- peur d’eau dans un air saturé n’est modifiée que par ce fait que le taux d’eau absolu augmente avec la température. Dans ce cas, l'influence de la température est presque compensée par le taux croissant d'humidité de l’air. Mais si ce taux d’eau ab- solu de l’air reste constant même avec des températures variables, la loi énoncée ci-dessus, relativement à linfluence de la tempéra- ture, garde toute sa valeur. Par température constante l’hygrosco- picité augmente avec le taux relatif de l'humidité dans l’air. La composition de la substance influe sur la quantité d’humidité qu’elle absorbe ; celle-ci est d'autant plus grande que la substance est plus poreuse et plus meuble. C’est pour cela que la tourbe de sphai- gnes possède en général une faculté de condensation supérieure à la tourbe infra-aquatique, et cette faculté va en diminuant à mesure que la décomposition progresse. Enfin, certains éléments acces- soires, les hydrates de fer, de silice et d’alumine notamment, influent aussi sur l’hygroscopicité ; elle est d’autant plus grande qu'ils sont plus abondants”: Agissent de même quelques sels ? qui condensent énergiquement la vapeur d’eau.et s’y dissolvent, comme on peut l'observer, par exemple, dans la tourbe contenant du fer oxydulé ou de l’epsomite*. | D’après ce que nous venons de dire, on comprend que l’humus à l’état sec contient des quantités très variables d’eau hygroscopique et qu’il sé comporte à cet égard fort différemment suivant les cir- conslances extérieures. D’après F. Sirensky “, la teneur des différentes tourbes de la . E. W. Hiccarn, Forschungen, etc., vol. XVIIL, 1895, p. 351. . F. SiTensky, loc. cit., p. 201. . L'epsomite est du sulfate de magnésie naturel. . F. SiTensky, loc. cât., p. 208-211. : © 19 — DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 419 Bohême oscille entre 4.45 et 15.14 p. 100 et peut s'élever, d’ aprés A. v. Scawarz, à 21.6 p. 100. Quant à l’importance de l’hygroscopicité pour la végétation, on a souvent soutenu que les plantes pouvaient absorber l’eau par celte voie et se maintenir ainsi en vie surtout dans les périodes de séche- resse. Il existe pourtant une série de motifs qui empêchent d’ad- mettre cette opinion ; d’abord l'impossibilité pour les racines d’ab- sorber la vapeur d’eau condensée, puisqu'elle n’est pas liquide. Ceci ne serait possible que si, par suite d’un fort abaissement de la tem- pérature, il se produisait une liquéfaction de la vapeur d’eau de l'atmosphère saturée. Des faits de ce genre se voient rarement dans la nature, et seulement sur le sol nu par un fort rayonnement et pendant la nuit, tandis que sous les plantes la température du sol ne s’abaisse pas assez pour amener la liquéfaction de l’eau conden- sée ‘. En outre, la condensation de la vapeur d’eau n’a lieu, d’après S. Sikorski?, que dans les couches superficielles (3-5 centimètres), et l’eau condensée pendant la nuit retourne à l'atmosphère pendant le jour par suite de l'élévation de la températare et de la diminution de l'humidité aérienne. Si déjà les faits exposés montrent clairement que l idée d'un effet utile de l’hygroscopicité du sol sur la végétation n’est pas exacte, on s’en convainc en examinant de plus près les circonstances suivant lesquelles la condensation de la vapeur d’eau se produit, ainsi que le minimum d’eau nécessaire à l'existence des plantes. Évidemment il ne peut y avoir condensation que lorsque toute l’eau liquide du sol a disparu et que celui-ci est passé à l’état sec. Mais alors les plantes ne peuvent se maintenir en vie, comme le montre le résultat obtenu par R. HeINricH, A. MAYER et d’autres auteurs, d’après le- quel les plantes commencent à se faner déjà avec un taux d’eau qui dépasse sensiblement la limite à laquelle se montre surtout l’hygros- copicité. Les chiffres oblenus dans ma recherche précédente montrent net- tement aussi que, dans l’humus par exemple, la végétation n’a été 1..E. Woziny, Forschungen, elc., vol. XV, 1892, p. 111. 2. S. Sixonski, Forschungen, etc., vol. IX, 1856, p. 413. 420 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. possible qu’en ajoutant 15 p. 100 d’eau en volume au sol desséché à l'air et par suite ayant son maximum de pouvoir hygroscopique. Mais, au reste, l’eau apportée par hygroscopicité est sans signifi- cation sur la végétation, parce que, d’un côté, même dans les cas les plus favorables (4 millimètres de hauteur pour l’humus), elle est très petite, insignifiante, relativement au besoin d’eau des plantes, et que, d’autre part, juste aux périodes sèches où une telle humec- {ation pourrait être d’une certaine utilité, la faculté condensatrice du sol, par suite du faible taux d'humidité de l’air et de la tempéra- ture élevée qui rêgne, se trouve non seulement amoindrie, mais encore le sol rend à l’atmosphère de notables quantités d’eau con- densées dans la période précédente. D’après tout ceci, il semble rai- sonnable d'effacer du tableau des propriétés utiles du sol l'hygros- copicité au point de vue de l’apport d’eau aux plantes. L’absorplion des gaz (au sens strict) par l’humus est en général, comme celle de la vapeur d’eau, très élevée. Voici les chiffres trou- vés par À. VON DOBENECK pour l’ammoniaque et l'acide carbonique : A 0° et sous 760 millimètres de pression, 100 grammes de sol absorbent : CARBONATE OXYDE SABLE. de KAOLIN. de fer HUMUS. chaux. hydraté. RILE 0,107 08,256 Osr,721 57,004 185,452 DA di ee LA Sens Er iqo pee Q4TmI H275mM 94 228em9 ve 0: ,023 51,028 08,329 5 975 28 501 cos carhonqne soon em 1660ms 3526m 1 2640m Si nous comparons les quantités de gaz condensées par chaque espèce de sol, nous voyons que pour l’ammoniaque l’humus d’abord, ensuite l’hydroxyde de fer, possèdent la plus grande faculté conden- satrice, le sable et le carbonate de chaux la plus petite, et le kaolin tient le milieu entre ces deux groupes. Pour lacide carbonique, la faculté condensatrice des sols est moindre que pour l’ammoniaque, mais s’exerce dans le même sens, sauf pour l’hydroxyde de fer qui prend la place de l’humus. La condensation du gaz des marais (CH*) et de l’hydrogène sul- furé est, d’après les recherches de G. AMMoN, très intense pour Phydroxyde de fer et l’humus, tandis que les autres éléments cons- DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 421 tituants du sol restent de beaucoup en arrière. En réunissant tous ces faits, nous pouvons dire que l’humus se distingue par sa faculté condensatrice très forte pour l'ammoniuque, le gaz des marais, l'hy- drogène sulfuré, et iln’est surpassé par l'hydroxyde de fer que pour les deux derniers gaz. Ce que nous venons de dire ne s’applique qu’à la matière complé- tement sèche et probablement aussi à celle qui est séchée à Pair. Il reste à déterminer quelles seront les différences avec une substance humide. Les recherches de A. von DoBENECK ont montré que l'ab- sorption de l’acide carbonique, relativement faible dans le sol sec, diminue jusqu’au minimum lorsqu'il est humide, et qu’au contraire la condensation de l’ammoniaque est extraordinairement augmentée dans cette dernière condition. Voici les chiffres : À 20° centigrades, 100 grammes de sol condensent : HYDROXYDE SABLE. CaCO'. KAOLIN. AS tSel HUMUS. AMICÉLATR SPC ARE Ve 037,055 027,130 057,422 28,649 105,515 DE AMONT arts on "14191 08/52 La os Donc, avec l’état humide des substances, les quantités de gaz ab- sorbées sont très supérieures à ce qu’on trouve à l’état sec. Ici aussi l'humus est en tête des autres éléments. L'influence, exercée ici par l'humidité, tient surtout à ce que le gaz ammoniac est absorbé par la solution du sol. Lorsque les éléments sont humides, la condensa- tion du gaz dans l’eau du sol vient prendre la place de celle pro- duite par les forces physiques. d) Rapports entre l'humus el La chaleur. Les sources de chaleur du sol sont: la chaleur produite par les processus chimiques ou la condensation des gaz, la chaleur centrale de la terre et enfin la chaleur venant du soleil. La chaleur produite par l’eremacausis des matières organiques est, comme nous l'avons vu plus haut, insuffisante pour produire une élévation notable de la température du sol. C’est seulement quand les matières organiques sont en grande quantité et facilement 422 ‘ .’ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. décomposables (par exemple : fumier de cheval, plantes vertes fanées, plantes sèches humectées) que, par suite de la décomposition, il se produit une élévation notable de Ia température; elle peut être utile dans les cultures sur couches ou dans la dessiccation des fourrages (foin brun). Au point de vue de la chaleur du sol, celle qui est produite par l’arrivée de l’eau ou par la condensation des gaz et de la vapeur d’eau est encore bien moins importante que celle qui se développe dans l’eremacausis, bien que cette dernière puisse être momentané- ment assez élevée, surtout dans l’humus qui, à ce point de vue, sur- passe tous les autres éléments du sol. C’est ainsi que, par exemple, les recherches de À. STELLWAAG * nous donnent pour : ÉLÉVATION DE TEMPÉRATURE de la matière séchée à l'air ARR ; par l’absorption de : ÉLÉMENTS DU SOL. a ——— — bee d’eau Gaz ammoniaque (à + 30°C). (à + 120 C). en dés one en Sable (fin pulvérisé) . . . . . . : 1,08 0,80 Farbonatete CAUSES 1,47 0,80 RAD HT LEE ANSE ME RE RR 2,63 2,90 Hydroxyde) detente PME NE 9,30 18,05 Humus {tourbe} 25 ae 12529 28,30 On voit que le calorique, devenant libre par la condensation de la vapeur d’eau et des gaz, peut être considérable, surtout pour l’hu- mus ; son action sur le sol dans la nature est quand même très lé- gère, parce que les processus ci-dessus ne sont pas continus et que très rarement on rencontre les conditions auxquelles sont liés ces processus de condensation. Par suite de la mauvaise conductbilité de la croûte terrestre, le sol ne reçoit qu’une quantité insignifiante de la chaleur centrale. Aussi, cette faible source de chaleur est à peu près égale pour tous les sols. Nous pouvons donc conclure que les différences dans l’échauffe- ment du sol observées dans la nature sont provoquées par le soleil seul, puisqu'il n'existe pas d’autres sources de chaleur que celles 1. AT. SEELWAAG, Forschungen, elc., vol. V, 1882, p. 210. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 423 que nous avons mentionnées. Pour comprendre ces phénomènes assez compliqués, 1l faut d’abord parler de chacun des facteurs qui influent sur eux. À) Pouvoir absorbant et émissif du sol. — I n’a pas été fait de recherches sur le pouvoir absorbant du sol pour les rayons calori- ques proprement dits, c’est-à-dire pour les rayons ultrarouges invi- sibles du spectre solaire ; sur l’absorption des rayons lumineux la couleur du soi nous renseigne. On peut donc dire qu’à égalité d’ac- tion des rayons obscurs, les sols, à capacité calorifique égale, s’é- chaufferont d'autant plus que leur couleur sera plus foncée. L’humus, par suile de sa couleur, aura un très grand pouvoir absorbant, ce qui est vrai en effet. Sous l’action directe du soleil, la température d’un sol humique peut à la surface surpasser de 10° celle des sols minéraux de couleur claire, et atteindre parfois 50-60° centigrades. Sur le pouvoir émissif la couleur du sol ne donne aucun rensei- gnement; la loi de KircaHorr dit que le rapport entre le pouvoir absorbant et le pouvoir émissif est le même pour tous les corps, mais ceci n’est vrai que pour des rayons ayant une longueur d’onde égale à la même température. Les sols absorbent sous l’influence de l’insolation un mélange de rayons de toute réfrangibilité et de toute température, mais n’émettent jamais que des rayons d’une faible réfrangibilité et d’une faible température. Les rayons absorbés sont donc autres que les rayons émis, d’où il suit qu’il ne faut pas juger de plano le pouvoir émissif d’après le pouvoir absorbant (A. von LIEBENBERG). D'après les recherches: faites jusqu'ici, nous pouvons actuelle- ment accepter que la couleur du sol n’a aucune influence sur l’émis- sion des rayons calorifiques et que les différences du pouvoir rayon- nant des divers éléments du sol sont relativement faibles. Soit 100 le rayonnement du noir de fumée, celui des éléments du sol sera, d'après J. AH‘: POUR LE SABLE. POUR LE KAOLIN. POUR L'HUMUS. 96,5 91,5 59,8 1..J. Ann, Forschungen, etc., vol. XVII, 1894, p. 397. 424 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Donc, d’après ceci, nous voyons que l’humus à l'élal sec est celui des éléments du sol qui a le plux faible pouvoir rayonnant ; vient ensuile l'argile (kaolin), tandis que le sable possède ce pouvoir au plus haut degré. Si lon pense que dans ces recherches l’erreur moyenne probable est de + 1,4, et que dans les sols mélangés les chiffres obtenus sont très approchés, on doit conclure que les diffé- rences de rayonnement des divers sols ne sont pas très importantes. Comme le pouvoir rayonnant de l’eau est supérieur à celui des élé- ments du sol, le taux d’eau influera naturellement sur ce pouvoir, l’augmentant si lui-même augmente, et dans les divers sols dimi- nuant les différences existant à l’état sec d'autant plus que ce taux d’eau est plus grand. B) Perte de chaleur par l’évaporation à la surface du sol. — La quantité de chaleur solaire reçue par le sol est en partie perdue pour le réchauffement des couches profondes, parce que la chaleur est liée à l’évaporation. Cette perte de chaleur augmente ou diminue suivant le degré de l’évaporation, et elle a pour résultat un abaisse- ment notable de la température du sol. Ce résultat peut se mesurer en comparant les températures de la surface des sols humides et des sols secs. Mes chiffres‘ peuvent en donner une idée suffisante : TEMPÉRATURE MOYENNE des sols à leur surface. en degrés centigr. en degrés centigr. Se Tourbe = 2 — saturée. humide. Dutl5 au 23 in ep EEE 16,69 16,83 17,43 Saturée. Séchée à l'air, Du 2 juillet au 9 juillet 1875. . 19,73 22,11 24,63 Donc la surface du sol s'échauffe, toutes choses égales d'ailleurs, d'autant plus que son taux d’eau est plus faible, el réciproquement. C) Conductibilité du sol pour la chaleur.—La chaleur reçue par les couches superficielles se transmet aux couches profondes par conductibilité. Les différences de température entre les couches su- 1. E. Wozrny, Landwirthschaftliche Jahrbücher, vol. V, 1876, p. 441-168. DÉCOMPOSITION DÈS MATIÈRES ORGANIQUES. 425 perficielles et les couches profondes tendent à s’atténuer ; mais il faut un certain temps, ce qui explique une série de phénomènes que l’on observe dans l’étude des sols au point de vue thermique. La marche de la chaleur, de haut en bas aussi bien que de bas en haut, est la plus lente pour l'humus, la plus rapide pour le sable, l'argile tenant le milieu entre les deux. D’après F. Wacner, l’aug- mentation moyenne de température d’une colonne de sol, de 24 cen- timètres de haut, de 10 centimètres de diamètre, celle du sable étant — 100, était : POUR L'HUMUS. POUR L’ARGILE. POUR LE SABLE. 80,6 84,5 100,0 Plus les particules du sol sont étroitement juxtaposées, plus sa conductibilité est grande. Les différences à cet égard sont en géné- ral d’autant plus grandes: que le taux d’eau de la masse est plus élevé. L'eau augmente la conductibilité du sol dans une assez forte proportion, et d'autant plus que le taux d'humidité est plus grand et que les éléments sont meilleurs conducteurs, et vice versa. C’est pour cette dernière raison que l'influence de l’eau sur la conducti- bilité de l’humus est mcomparablement plus faible que celle qu’elle exerce sur les sols minéraux, surtout le sable *. D) La capacité calorifique (chaleur spécifique) du sol, comme la faculté d’imbibition, se rapporte au volume et s'exprime par la quantité de calories nécessaire pour élever d’un degré la tempéra- ture d’un volume donné de sol, en comparaison avec un volume égal d’eau dont la chaleur spécifique est — 1. La chaleur spécifique des sols à l’état sec est seulement 1/6 à 1/3 environ de celle de l’eau. Des divers éléments du sol, l'humus a la plus petite chaleur spé- 1. J. Wacwer, Forschungen, etc., vol. VI, 1883, p. 1. V. aussi E. Porr, Die landwirthschafllichen Versuchsstationen, vol. XX, 1877, p. 273 et 321. 2. Comparez E. Porr, Loc. cit., p. 339. | 3. À, von Liesensenc, Unlersuchungen über die Bodenwärme. Habililationsschrift. Halle, 1875, p. 13-25. 426 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. cifique, le sable la plus grande, l'argile tenant le milieu entre les deux, comme Île prouvent d’ailleurs les chiffres de R. ULricu : : Chaleur spécifique, rapportée au volume. HUMUS. ARGILE. SABLE. 0,1647 0,2333 0,2919 La chaleur spécifique du sol augmente naturellement avec l’élé- vation de son taux d’eau. Elle est donc pour le même sol d'autant plus grande que son hygroscopicité et sa faculté d’imbibition sont plus élevées. Les chiffres de R. ULricu le montrent clairement : CHALEUR SPÉCIFIQUE rapportée au volume. TAUX D'EAU DES ÉLÉMENTS. EP Hunus. Argile. Sable. Tout A ASC AS RM LE RTS PE RAM De Ne 0e ECM EUS RU OIE DÉCRET AIRE ANT RE Si br AU RU MONO GT MO 2 GTR RG 10 p. 100 de la faculté d'imbibition maxima . . 0,2427 0,2945 0,3300 20 = En MU S 2070035580 8082 30 — — . «+ 0,3987 0,4170 0,4063 40 = = , + 0,4767 0,4783 0,4445 20 == = 0,59548 0,5395 0,4826 60 = = . «+ 0,6328 0,6008 0,5208 70 — == ..2..00,7108-70,6620%0,3581 S0 — — 0,7888 0,7233 0.5972 90 = —= 0,8669 :0,7812::0,6353 100 — = 0,9449 O0,S458 0,6735 La chaleur spécifique, avec un taux d'humidité assez élevé et une égale saturation relative d’eau, est donc la plus grande pour l’hu- mus ; vient ensuile l'argile et enfin le sable. W faut ajouter que la chaleur spécifique augmente dans le même sol avec sa compacité. E) Action générale des facteurs de la température du sol. — La température du sol, observée dans des conditions déterminées, est la résultante des actions de chacun des facteurs énumérés. Les in- fluences qui résident dans le sol même réagissent entre elles d’une manière si compliquée, qu'il est impossible de se faire une idée exacte des propriétés spéciales des différents sols par des moyennes obtenues dans des observations de longue durée, et que seules les 1. R. Urrica, Forschungen, etc., vol. XVII, 1894, p. 1. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 427 divergences (pour des périodes déterminées) avec les variations extérieures de température peuvent fournir des notions précises à ce sujet. Cela résulte de ce fait que, à conditions extérieures égales, les divers sols, malgré leur manière d’être sensiblement différente vis-à-vis des variations de température, n’accusent, pour la moyenne annuelle, ou aucune ou seulement une très faible différence. Ceci s'explique encore mieux quand on voit que les différences, pour ces diverses périodes, sont telles qu’elles s’équilibrent en addition- nant, Les états thermiques du sol ne se laissent donc nettement saisir que-lorsqu’on considère la marche de sa température. Pour caractériser les rapports des différentes espèces de sols avec la tem- pérature reporlons-nous aux chiffres suivants * : Moyenne des pentades du mois d'août 1882 (degrés centigrades). PROFONDEUR de la boule du thermomètre. ; centimètres, Température de MALTE 1.F. Wacner, Forschungen, etc., vol. VI, 1883, p. 56. 428 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Observations quotidiennes du 11-15 août 1882 (degrés centigrades). PROFONDEUR de la boule du thermo- |Matin.| Soir. |Matin. Soir. [Matin.| Soir. mètre. centimètres. Température de l’air. . 1] rSs CS 12 t] t CS (er) ©2 7 +2 M (o21] Tourbe. . OO À SOUS mn CT 1] © mm mi ei 19 19 D © ww nn Où 19 19 9 © © — À : mi 19 1 WW !S . 19 1] © 1 19 © © =, © 1 19 D — © 1 (Je) o Lo. (@ 0 D DAOMCS [Sa] - 12 © 1 ei 19 à ] © © . ei 29 O1 1 ” 7 D mm 4 [Le] CRE C2 (= mi 19 19 © © Ù] © © © rw] © Om re m OO me © À = M 19 19 9 19 1 1] s 2 7 7 - OO OO LL 1 OS À& © D © oO 1 #2) mi © 19 © © + © «1 (UT) =} Sable _ 19 19 19 19 WW 2 œ@ or > OO AI9 À & _ I 1] 19 1 1 C2 +29 Ro] ©2 LO 19 9 19 1 mm 19 19 49 19 9 09 12 ©! s 1. Les chiffres de la température de l'air donnent le minimum et le maximum. Si l’on jette un coup d'œil sur les chiffres du premier tableau, on voit que le sable, dans presque toutes les couches, subit, de la première à la troisième pentade, une élévation de température plus considérable que la tourbe ; le lehm (ou l'argile) tient le milieu entre ces deux éléments extrêmes. Quant à l’abaissement de la température de la troisième à la sixième pentade, nous voyons que l'humus se refroidit beaucoup plus lentement dans toutes les cou- ches du sol que ne le ferait le sable. Le lehm tient encore ici le milieu. Cette marche de la température n’a pas seulement lieu 1 œ © DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 499 pour une période, mais encore pour un seul jour, comme on peut s’en convaincre par les chiffres du second tableau. L’abaissement de la température pendant la nuit exerce une influence très dépri- mante sur celle des différentes couches de sable, tandis que la tem- pérature du sol de tourbe est relativement peu altérée (comparez les observations du matin). L'élévation de la température de l'air pendant le jour augmente beaucoup la chaleur du sable jusque dans les couches profondes, l’humus au contraire ne subit que très len- tement l’action des rayons solaires (comparez les observalions du soir). Ges lois, qui ont été trouvées pour les périodes chaudes et froides d’un même jour, s'appliquent aussi aux variations de tempé- rature des saisons. Il est donc permis de conclure que pendant l’élé- vation de la température (insolation ou saison chaude) l’humus est de tous les éléments du sol celui qui s’échauffe le moins ; vient en- suile l'argile, le sable se réchauffant le plus ; pendant l’abaissement de la température (nuit ou saison froide), les rapports caloriques des différents éléments du sol sont renversés, c’est-à-dire que l'humus se refroidit le moins vile, le sable le plus vite, l'argile tenant le nu- lieu. Nous voyons par là que, avec une marche normale de la lempéra- ture, l'humus est en moyenne plus froid que le sable en élé, plus chaud en hiver, l'argile tenant le milieu entre les deux. Cette règle souffre cependant quelques exceptions par des temps anormaux, pour des périodes plus ou moins longues. Ainsi, lorsque pendant l'été il se produit fréquemment des abaissements de température, et que celle-ci est en général fraiche et humide, la température moyenne de l’humus peut être supérieure à celle du sable. De même pendant les hivers doux, ensoleillés et secs, l’humus peut avoir une température inférieure à celle du sable. Les précédentes données sur les rapports thermiques des divers éléments du sol montrent encore que les oscillations de la lempé- rature sont les moins amples chez l’humus, les plus amples chez le sable, et moyennes pour l'argile. Ges différences; qui diminuent avec la profondeur, sont très considérables, comme on peut le voir d’ailleurs d’après les observations du matin et du soir du deuxième tableau. 430 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. : Les chiffres suivants! donnent une idée encore plus nette à ce point de vue : Oscillations mensuelles moyennes. A 10 CENTIM. DE PROFONDEUR (degrés centigrades). 1880. TOURBES à M RER ren ne Lehm. Sable. Avril . Er 5,30 8,98 10,25 Mar CB RE) 9,08 14,20 15,90 IATENTE SR FRAIS AMP MEMT re 7,31 11,43 .15,5 LAURE 0 SM PRNEER 6,91 11.93 13,98 ROME PURE An 4,77 8,91 12,01 SÉDLCHIUTE RD 4,93 7,37 9,87 Ce qui concerne la pénétration de la geléc dans le sol et son dégel peut être prévu d’après ce qui vient d’être dit sur les rapports des sols avec la chaleur. Il est clair que plus l'effet de la température exté- rieure sur les éléments du sol sera entravé, plus le gel et le dégel de l’eau du sol se fera lentement, et réciproquement. Les recherches de A. Perir? nous renseignent sur les lois qui régissent ce phénomène. Cet auteur s’est servi de caisses cubiques de 8 litres de contenance et faites avec des planches d’une épaisseur de 3 centimètres. Il les a remplies avec des sols à l’état de saturation capillaire, qu'il a expo- sés d’abord au froid à l’air libre, puis qu’il a fait dégeler dans une chambre à température assez élevée. Les lectures faites à une pro- fondeur de 10 centimètres donnent les résultats suivants : Congélation du sol. TEMPÉRATURE TEMPÉRATURE DES SOLS. TEMPS. de mm — l'air. Sable. Argile. Tourbe. Premier jour. 10 heures matin . il 3,60 3,39 2,65 2 heures soir. . — Tai 0,05 0,55 1,80 6 = eue — 8,3 0,00 0,00 0,20 Deuxième jour. 6 heures matin . MNT — 9,10 — 0,90 — 0,70 10 — : —110,6 al O0 — :5,10 — 0,70 2 heures soir. . = OU 25 1.1, 30 00 4 — Ve — 16,1 — ‘8,65 — 7,30 10:10 1. E. WozLny, Forschungen, etc., vol. VI, 1883, p. 205-210. 2. A. Perir, Forschungen, elc., vol. XVI, 1893, p. 285. DÉCGOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 431 ; TEMPÉRATURE TEMPÉRATURE DES SOLS. TEMPS. de 2 l'air. Sable. . Argile, Tourbe. Troisième jour. 8 heures matin . — 10,5 — 12,50 — 11,90 240 8 heures soir. . —. 7,9 a ) — 5,60 5 (l Quatrième jour. D'e 8 heures matin . — 8,9 a) , — 9,60 — 8,50 Dans la nature ces trois éléments du sol se comportent de même, comme le prouvent mes chiffres que voici : TOURBE. ARGILE. TEMPÉ- — RATURE A , . Température moyenne du sol (degrés centigrades), à une profondeur de ——— 0 0 10 centi-| 40 centi-| 70 centi-| 10 centi-| 40 centi-| 70 centi-| 10 centi- | 40 centi-| 70 centi- 7 L ‘ ô 4 ; L 41e S 1879. mètres. mètres. mètres. metres. metres, metres. mètres. metres, metres. Décembre LAON — 3,10| + + 0,59| + 2,46 31|+ 1,44 | 6-10 , 4,94| + ; 7 £ 0,33| + 1,74 27|+ 0,71 AE 6,40| + 1,33| 1/14 47|+ 0,05 || 16-20 . 11,09| — 3,66| + 0,49 52 |— 1,43 21-25 . 11,00| — 0,4 50 4,59| — 0,16 5,46|— 1,98 26-31 . 6,61| — 0,9 55 4,37| — 0,85 5 91/01 Voici les résultats de À. Perrr sur la marche de la température dans le sol congelé, sous l'influence d’une température élevée de l'air. Dégel du sol. TEMPÉRATURE TEMPÉRATURE DU SOL. TEMPS. de + l'air. Sable. Argile, Tourbe. Premier jour. 9 heures matin. 23.1 — 10,15 — 9,65 — 8,50 10 — + 23,1 — 6,90 — 8,90 — 8,05 11 — L +, 24,2 — 2,60 — 5,175 16230 12 heures (midi). + 25,0 — 0,60 — 3,70 — 5,00 1 heure soir. + 24,6 — 0,15 — 2,40 — 4,15 2 USER SE + 23,2 0,00 — 1,70 — 3,65 D) RES AM + 21,6 0,00 — 1,25 — 3,30 4 — + 20,0 0,00 — 0,95 — 3,05 ù = + 19,4 0,00 070 — 2,09 bi — Sa CRE 210800 — 0,60 — 9,70 8 — + 17,4 + 0,20 — 0,50 —, 2,40 432 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. TEMPÉRATURE TEMPÉRATURE DES SOLS. TEMPS. de © l'air. Sable. Argile. Tourbe, Deuxième jour. 51,30m matin + 10,5 + 3,80 — 0,20 — 1,80 6 ,30 EN 1: + 15,9 — 4,60 — 0,20 ie 0 120 Se 420,8 0 NS 80 ND Men SOUPER SI OAER + 7410 20,100 00 4860 9 .30 = + 22,9 _. 8,40 0,00 — 1,50 10 ,30 = + 21,8 —+ 9,70 0,00 — 1.40 Il ressort de ces chiffres que la gelée pénètre le plus lentement dans l'humus, le plus rapidement dans le sable, l'argile tenant en- core le milieu ; et qu'au point de vue du dégel au printemps ces élé- ments du sol conservent les mêmes relations. Les causes des phénomènes précédents résident surtout dans les différences que présentent les sols dans leur chaleur spécifique et leur conductibilité. Dans l’humus, la surface libre du sol, surtout à l’état sec, peut, en raison de la forte absorption de rayons solaires résultant de sa couleur foncée, s’échauffer par le soleil beaucoup plus que la couche correspondante d’un sol minéral ; mais la chaleur reçue ne profite pas aux couches profondes, à cause de la mauvaise conduclibilité et de la grande chaleur spécifique de ce sol à l’état hu- mide. Ce sont encore ces deux dernières propriétés qui sont causes, comme nous l'avons montré d’ailleurs, du refroidissement très lent de l'humus. Le sable conduit très rapidement dans la profondeur la chaleur qu’il reçoit, et quand la température s’abaisse, il se refroidit aussi très rapidement, parce qu’il est, nous l’avons vu, parmi tous les éléments du sol celui dont la conductibilité est la meilleure, et que, d’autre part, en raison de son faible taux d’eau relatif, il pos- sède la chaleur spécifique la moins forte. C’est pour cela que la perte de chaleur produite par l’évaporation est relativement légère pour.celte espèce de sol. Comme les propriétés de l’argile tien- nent le milieu entre celles des deux sols précédents, la température dans les sols argileux se meut aussi entre les deux autres courbes. On doit enfin mentionner ici, à propos des sols humiques (tour- bières), un fait très important pour la culture ; c’est que, dans ces sols, les gelées nocturnes du printemps el de l’automne non seule- ment sont plus fréquentes, mais encore apparaissent plus tôt et plus DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 433 lard que dans les sols minéraux. Les plantes sensibles aux basses températures voient donc leur existence menacée au plus haut de- gré dans ces sols tourbeux. On a trouvé les causes de ce fait, d’une part, dans le froid pro- duit par l’évaporation abondante, d'autre part, dans le plus grand rayonnement des sols tourbeux comparés aux sols minéraux. On a encore exprimé l'opinion que l’évaporation et le rayonnement s’unis- sent pour refroidir pendant les nuits claires d’été et d’hiver la sur- face des sols tourbeux et la couche d’air qui l’avoisine, à un degré tel que les plantes sensibles gèlent*. Mais ces explications sont en contradiction avec la réalité, et ne peuvent aucunement s’appliquer à ces phénomènes, comme nous allons essayer de le démontrer. Le froid produit par l’évaporation ne peut être la cause réelle de ces gelées nocturnes, puisque des sols minéraux qui évaporent au- tant d’eau et même plus que ceux dont on parle, comme, par exem- ple, les sols de lehn et d’argile, n’éprouvent pas du tout ou n’éprou- vent que rarement à la surface un refroidissement nuisible aux plantes. On ne peut pas non plus faire valoir que le pouvoir rayon- nant supérieur des sols humiques dù à leur couleur foncée abaisse- rail la température superficielle au-dessous du point de congélation, puisque, d’une part, la couleur d’un corps n’est pas décisive pour son rayonnement, et que, d'autre part, l’humus ne possède pas un pouvoir rayonnant plus grand, mais au contraire plus petit que tous les autres éléments du sol. Le rayonnement est, il est vrai, la cause la plus proche des gelées nocturnes qui peuvent se produire uniquement par un fort rayonne- ment comme on le constate dans des nuits claires, calmes et pures ; mais cetle cause ne peut être prise en considération dans la ques- tion qui nous occupe, car les conditions extérieures qui influent ici doivent exister sur. tous les sols, lorsque leur surface se refroidit outre mesure. Il s’agit donc de préciser pourquoi, en cas de gelée, un refroidissement nuisible se produit plutôt dans les couches in- férieures de l'atmosphère sur les sols humiques que sur les autres. 1. M. Fceiscaer, Landw. Jahrb., vol. XX, 1891, p. 853. ANN. SCIENCE AGRON, — 9° SÉRIE, — 1899. — 71, 28 434 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Nous avons vu que l’humus possède un pouvoir rayonnant non pas plus grand, mais plus faible que les autres éléments du sol. Cette loi ne peut servir de suite à résoudre la question, puisqu'elle n’a de valeur que pour des égales différences de température des sols que l’on compare. Dès qu’elles changent, le chiffre du rayonnement change. Si l’on chauffe un corps à des températures de plus en plus hautes, non seulement l’intensité des rayons caloriques qu’il envoyail tout d’abord s’accroit, mais encore 1l s'ajoute de nou- veaux rayons d’une autre largeur d'onde. C’est pourquoi, à pouvoir émissif égal, les corps fortement chauffés perdent plus de chaleur par le rayonnement que ceux qui sont moins chauffés et la quan- tité de chaleur rayonnée est proportionnelle à la température pour des différences de température allant jusque 60° centigrades. Un sol humique dont la surface est chauffée à 50° centigrades perdra, pour les causes que nous venons d’énumérer, malgré son faible pouvoir rayonnant, plus de chaleur par rayonnement qu’un sol ar- gileux, par exemple, chauffé à 30° centigrades seulement. On se de- mande si, d’après cela, les différences ci-dessus indiquées ne se- raient pas en cause dans l’abaissement de la température. Pour décider la question, il n’est pas superflu d'expliquer un peu plus clairement les circonstances dans lesquelles se produisent les gelées tardives sur les sols tourbeux. La simple observation nous apprend que les gelées nocturnes destruclives du printemps ou de l'automne ne se font sentir dans les sols lourbeux que quand les couches su- perficielles sont desséchées *. En tenant compte de ce fait, on peut expliquer ainsi les causes du phénomène en question. Le sol tourbeux sec, chauffé fortement pendant l’insolation, se re- froidira pendant les nuits elaires par rayonnement beaucoup plus vite que le sol argileux, humide, à température moins élevée, et atteindra bien vite la température de ce dernier. Mais à ce moment le sol tourbeux rayonnera moins de chaleur que l'argile, puisque, à température égale, comme nous l'avons vu, son pouvoir rayon nant est plus petit. Pourtant si, comme l’expérience et l'observation 1. E. WozLxy, Forschungen, etc., vol. XVII, 1894, p. 286. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 439 le montrent, la température de l’humus tombe beaucoup plus bas que celle de l'argile, il faut évidemment admettre, pour l’explica- tion de ce fait, d’autres causes que celle du rayonnement. En fait, ces relations dépendent en première ligne de la provision de cha- leur du sol, laquelle est en rapport avec sa chaleur spécifique, et de la plus ou moins grande aptitude du sol à transmettre la chaleur par conductibilité”. La couche superficielle de l’humus desséché ayant une faible chaleur spécifique et une mauvaise conductibilité, ne peut pas remplacer la perte de chaleur due au ravonnement ; il est donc obligé de se refroidir avec l’air extérieur, beaucoup plus que ne le ferait l'argile qui, elle, est capable, tant par sa plus grande chaleur spécifique que par sa meilleure conductibilité, de dégager plus de chaleur et de remédier ainsi au refroidissement des couches d’air inférieures. Avec une surface humide, le sol humique se tire mieux d’affaire, parce qu’il possède alors, par suite de son taux d’eau plus élevé, une plus grande chaleur spécifique et une meilleure conductibilité. 3. — Autres propriétés de l’humus. Parmi les autres propriétés de l’humus qui ne sont ni physiques ni chimiques, on doit compter l’odeur, le goût, les propriétés anti- septiques et surtout la combustibilité (notamment pour la tourbe dans les pays à tourbières). A) Odeur. — La plupart des tourbes fortement décomposées, principalement les tourbes infra-aquatiques riches en eau, ont une odeur plus ou moins marquée, due probablement aux gaz qui y sont contenus, tels que le formène, l’éthylène, l'hydrogène sulfuré, etc., et qui peut être perçue même à d'assez grandes distances quand on déplace la tourbe en grandes masses. Il faut encore citer l’odeur propre de la terre, odeur presque aromatique qui se perçoit surtout dans les sols très humiques (terre de jardin) après une petite pluie chaude. D’après les recherches de 1. J. Ann, Forschungen, elc., vol. XVII, 1894, p. 436. 436 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. BERTHELOT et AnDRÉ', elle est due à une matière organique neutre de la série aromatique qui s’évapore avec la vapeur d’eau et qui possède une odeur camphrée pénétrante, presque piquante. Cette matière n’est ni un alcali, ni un acide, ni un aldéhyde. Elle est pré- cipitée de la solution aqueuse concentrée par un carbonate alcalin en formant un anneau de résine. Chauffée avec de la potasse, elle donne une odeur pénétrante semblable à celle d’une résine d’aldé- hyde. La quantité obtenue par les chimistes précédents était trop faible pour qu'il fül possible de mieux déterminer sa composition chimique. | F. L. Parpson® croit devoir attribuer l’odeur de la terre à des matières organiques voisines des huiles éthérées qui, pendant les saisons sèches et chaudes, sont absorbées par la terre poreuse et se dégagent à nouveau quand elle est humectée par des pluies chaudes, comme cela arrive quand on souffle sur l'argile et la marne. Il obtint de la craie poreuse la substance odorante qui ne fut absorbée que par l’eau de brome. Le même chimiste isola l’odeur du bois de cèdre et montra dans ses propriétés physiques et chimiques de grandes ressemblances avec la cédrine bromée dérivant de l'huile de cèdre. Dernièrement W. RuLLManx° réussit à obtenir la substance odo- rante sous forme de petits cristaux aciculaires. Après avoir trouvé à propos d’autres recherches qu’un champignon schizomycète, le Cladothrix odorifera, dégage en culture pure une forte odeur de terre, il éleva ce champignon dans du bouillon stérilisé pour séparer la matière odorante, distilla quand l’odeur se fut développée, agita le produit de la distillation avec de l’éther, reprit après évaporation le résidu par de l’eau contenant de l’acide chlorhydrique et obtint les cristaux dont il vient d’être question après évaporation complète de la solution. D'autre part, l’auteur obtint avec le produit de la distillation acidulé par l’acide chlorhydrique et après addition de chlorure de platine, un sel de platine qui, évaporé, cristallisa sous 1. €. R., t. CXII, p. 598-599. 2. Chemical News., vol. LXIIT, 1891, p. 179. 3. W. RuzzmAnx, Chemisch- bacteriologische Untersuchungen von Zwischenfül- lungen mit besonderer Berücksichtigung von Cladothrix odorifera. München, 1895. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 437 forme d’octaèdres à angles émoussés. L’on a ainsi la certitude d’ob- tenir la matière odorante en quantités assez grandes pour pouvoir déterminer exaclement sa composition chimique. Ce sera d’autant plus facile que le Cladothrix odorifera, cultivé dans l'urine stérilisée à la proportion de 1/5, dégage déjà l’odeur terreuse au bout de huit jours. On ne peut encore dire s’il y a une seule ou plusieurs espèces de microorganismes qui produisent cette odeur ; mais 1l est certain que le Bacillus subtilis et le B. mycoides, si fréquents dans le sol, ne la dégagent pas d’après les observations de W. RULLMANN. L'espèce précédente n’est pas morphologiquement distincte du Cladothrix dichotoma, mais elle en diffère par ses propriétés bio- chimiques, celle-ci ne dégageant jamais l'odeur terreuse. B) Saveur. — Parmi les divers humus, la tourbe seule possède une saveur propre, plus ou moins acide. Elle est styptique comme celle de l'encre si la tourbe contient du sulfate de fer. C) Propriétés antiseptiques de la tourbe. — Par suite de l’absence presque complète de microorganismes et de la présence de certains composés organiques solubles (acide humique, huiles résineuses, etc.), la putréfaction de toutes les parties charnues de l’homme et des animaux enfouis dans la tourbe est arrêtée. Elles se transfor- ment seulement, en général, en gras de cadavre (adipocire). Les diverses observations qui ont prouvé la faculté de conservalion de la tourbe ont conduit naturellement à se demander si la tourbe avait la propriété d'empêcher la pullulation des bactéries et de les tuer. Un grand intérêt s'attache à cette question, parce qu’on a fait des objections, au point de vue sanitaire, aux essais récents relatifs à l'emploi du terreau de tourbe comme agglomérant pour les excré- ments humains et à son utilisation sous cette forme comme engrais ; on prétendait qu’il pouvait y avoir là un danger par la propagation des bactéries pathogènes. Cette objection était d'autant plus fondée que les anciennes observations n'avaient pas permis d'y Fire une réponse catégorique. En raison de l'importance du sujet, la commission des. engrais de 438 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. la Deutsche Landwirthschafts-Gesellschaft" a fait instituer par divers savants (FRÆNKEL à Marburg, GÆRTNER à Iéna, LŒFFLER à Greifs- wald, STuTzEr à Bonn) une série de recherches qui ont d’abord conduit à ce résultat que le terreau de lourbe possède un pouvoir désinfectant assez considérable; car les bactéries pathogènes qu’on y a mélangées, entre autres les bacilles du choléra, y ont élé tuées. Ce résultat concorde avec cette observation que la tourbe employée comme bandage prévient la suppuration des blessures et amène leur prompte guérison et avec la conclusion de quelques anciennes expé- riences de Garrky?, NEUBER* et C. REINL*, d’après lesquelles la tourbe empêche la multiplication des bactéries et arrête complète- ment leur développement. Cela tient sans doute principalement à ce que la tourbe contient des acides libres qui, on l’a vu, arrêtent le développement des bactéries. Mélangée aux excréments humains la tourbe perd plus ou moins ses propriélés désinfectantes, parce qu’a- lors ses acides se combinent au carbonate d'ammoniaque qui se dégage surtout de l'urée et que la masse, devenant alcaline, présente une composilion chimique favorable à la pullulation des bactéries. En réalité, comme l’ont montré les résultats des expériences de la Deutsche Landwirthschafts-Gesellschaft, Vadjonction de terreau de tourbe ne tue pas d’une manière certaine les germes des maladies contagieuses contenus dans les matières fécales. Ce résullatl ne peut étre alleint qu'en ajoutant à la tourbe assez d'acide pour que la masse ail une réaction acide el tue les bactéries qui transforment l'urée en carbonale d'ammoniaque. D) La combustibililé de la tourbe varie énormément suivant sa composition; elle dépend surtout de son taux de carbone, d’eau et de principes minéraux. La puissance calorifique de la tourbe, toutes choses égales d’ailleurs, croît avec son taux de carbone. H en résulte {. L'action microbicide du terreau de tourbe. Quatre expériences faites sous les auspices de la commission des engrais, avec explications par J. H. Vocez. Arbeiten der deutschen Landwirthschafts-Gesellschaft, 1°* fascicule, Berlin, 1894. 2. Garrky, Archiv für klinische Chirurgie, 28° volume, 3° fascicule. 3. Neuper, idem, 27° volume, 4° fascicule, et 28° volume, 3° fascicule. 4. C. Rein, Prager medicinische Wochenschrift, 1886, n®% 13-15. DÉCOMPOSITION DES MATIÈRES ORGANIQUES. 439 qu’elle est d’autant plus élevée que la tourbe est plus vieille, À me- sure que les laux d’eau et de cendres augmentent dans la tourbe, la chaleur qu’elle développe en brélant diminue, ainsi que l’attestent les chiffres suivants” : 1 kilogr. de tourbe à 60 p. 100 de carbone, 6 p. 100 d'hydrogène et 54 p. 100 d'oxygène développe : CALORIES. TEMPÉRATURE. degrés. Avec O0 p. 100 de cendres, à l'état sec . . 5 451 2 100 — 5 — — 21e 5 179 2 092 10 — — Fe 4 906 2 081 — 20 — — LS 4 360 2 042 a LO0 DS LODEICATE SEE NUE CESR 4 906 2 052 — 25 — STE A tan CEST 4 089 1933 — 15 p. 100 d'eau et 10 p. 100 de cendres. 4 089 1 967 — 30 — 20 — : 2 125 1 761 Plus la tourbe renferme d’eau, plus se réduit la partie pratique- ment utilisable de la chaleur dégagée, puisqu'une portion de la chaleur produite doit être employée à volatiliser l’eau de la tourbe. Il s’ensuil que, dans une même tourbière, la valeur calorifique de la tourbe augmente en général avec la profondeur et que celle de la tourbe supra-aquatique est plus grande que celle de La tourbe infra- aquatique, parce que celle-ci renferme plus de cendres, La première est donc très supérieure comme combustible. Remarquons aussi que ses couches superficielles n’ont qu’une faible valeur calorifique à cause de leur incomplète décomposition, tandis qu’elles ont un grand pouvoir d'absorption pour l’eau et les gaz ; il est donc logique d’utiliser les couches superficielles de ces tourbières à sphaignes comme litière et les couches profondes seu- lement comme combustible. 1. C. et K. Birnsauu, Die Torf-Industrie und die Moorkullur. Braunsthweig, 1880, p. 195. LA CULTURE DES CÉRÉALES EN FRANCE AXDIX. ANS" DE’ DISENNCGE 1889 A 1898 Par LOUIS GRANDEAU SommaIRE : La récolte du blé dans le monde en 1899, — Récoltes comparées des céréales en France en 1889 et en 1898. — Surfaces ensemencées. — Production du froment, du seigle, de l'orge et de l'avoine, — Rendements à l’hectare. — Écarts dans la valeur vénale du quintal des différentes graines. — Évaluation et compa- raison des récoltes de 1889 et de 1898. — Compensation de la baisse des prix par l'accroissement des rendements. — Bilan chimique de la récolte des céréales en 1898. — Avenir de la culture des céréales. Les céréales occupent en France une surface d’environ 14 mil- lions d'hectares correspondant à près des trois cinquièmes du sol cultivé, les prairies, pâturages, forêts et vignes couvrant le reste du territoire agricole. La culture du blé seul s'étend sur 7 millions d'hectares, superficie très voisine du dixième de l'étendue consacrée dans le monde entier à la production du froment'. On voit, par ces quelques indications, l'intérêt qui s'attache, pour notre pays et par- ticulièrement pour son agriculture, à toutes les questions relatives à la culture du blé, à ses conditions, à ses progrès. La France, si longtemps tributaire de l'étranger pour son ali- mentation en pain, d’importatrice qu’elle était jusqu'ici, prendra désormais rang parmi les pays exportateurs. Cette année déjà, grâce 1. Voir les Annales de la science agronomique, t. W, 1898. Production des céréales dans le monde. CULTURE DES CÉRÉALES EN FRANCE. 441 aux deux bonnes récoltes de 1898 et de 1899, nous disposons d’un excédent de grain qu’on évalue entre 15 et 20 millions d’hectolitres, et l’accroissement régulier de nos rendements non seulement conti- nuera à couvrir les besoins de notre population, mais laissera dispo- nible une quantité de froment dont nous aurons désormais à chercher le débouché dans les meilleures conditions pour le producteur. Avant d'aborder les questions que cette situation nouvelle soulève, il nous faut préciser, autant que le permet l’imperfection de la stalis- tique agricole, l'importance numérique de la récolte de 1899 dans le monde, sa répartition et les conditions spéciales à la France, en ce qui regarde l’accroissement des rendements, la diminution des prix et les moyens que le cultivateur doit mettre en œuvre pour contre- balancer cette diminution et sortir victorieux de la lutte qu'a rendue inévitable le développement des communications internationales. L’Associalion nationale de la meunerie française a dressé, d’après les renseignements qui lui sont parvenus des sources les plus sûres auxquelles elle a pu puiser, le relevé ci-dessous de la production du blé dans le monde en 1899 : Pays exportateurs. PRODUCTION. DISPONIBILITÉS. hectolitres. hectolitres. États-Unis . 190 000 000 0 000 000 Erance. 0 137 423 630 20 000 000 Russie. . 130 000 000 35 000 000 Indes . 85 000 000 4 000 000 Hongrie . . 50 000 000 17 000 000 Roumanie . 10 000 000 2 000 000 SeTDIE 0e re 3 500 000 1 000 000 Bulgarie, Roumélie. . 11 000 600 2 000 000 Canada . 23 500 000 7 000 000 Empire ottoman . . 33 000 000 4 000 000 Algérie, Tunisie . . 8 500 000 1 500 000 PR M RE 4 000 000 500 000 République Argentine . 20 000 000 {6 000 000 Chili, Uruguay. . . 9 500 000 4 000 000 Australie. . . 19 500 000 5 000 000 Toraux : 744 923 630 199 000 000 Contre, en 1898. . 656 500 900 188 500 000 En plus, en 1899 . SS 423 630 10 500 000 442 ANNALES DE ZA SCIENCE AGRONOMIQUE. Pays importateurs. PRODUCTION. hectolitres. DÉFICIT. hectolitres. Royaume-Uni . 23 500 000 64 000 000 Allemagne . 37 500 000 19 000 000 Belgique . . 6-000 000 13 000 000 Hollande . . 2 000 000 » 000 000 Autriche . . 15 250 000 17 000 000 Italie . . 48 600 000 5 000 000 Espagne . . 32 000 000 6 000 000 Portugal . . 900 000 4 000 000 Suisse . s 1 500 000 5 000 000 Suède et Norvège . 2 000 000 2 500 000 Danemark 1 500 000 1 000 000 Grèce . 1 500 000 2 500 000 Divers RER » 10 000 000 LOTAUXS 08e LV br 172 250 000 154 000 000 Contre, en 1898. . . 326 200 000 143 700 000 1899 en moins . . 153 950 000 | » (enplus 02e » 10 300 000 La récolte universelle s’élèverait, d’après cela, cette année, à 917 millions d'hectolitres, dont les quatre cinquièmes produits par les pays exportateurs qui peuvent disposer, en faveur des nations im- portatrices, de près de 200 millions d’hectolitres, pour faire face au déficit de la production de ces nations, évalué dans le tableau précé- dent à 194 millions. Il y aurait donc, cette année, dans le monde, un excédent de 45 millions d’hectolitres sur la consommation pré- vue. Sans attacher à ces chiffres une valeur absolue qu’ils ne sau- raient avoir, on en peut lirer celte conclusion satisfaisante que l’ali- mentation en blé de la population humaine qui, actuellement, demande au pain sa nourriture habituelle, se trouve pleinement as- surée d'ici à la prochaine récolte. Les famines locales qui pourraient se produire seraient dues à l'insuffisance des moyens de communi- cation dans les pays que ce fléau atteindrait. Dans le tableau précédent, la récolte de la France est évaluée par l'Association de la meunerie à 137 400 000 hectolitres, chiffre qui CULTURE DES CÉRÉALES EN FRANCE. 443 assigne à notre pays le deuxième rang pour la production du fro- ment. Ce chiffre appelle quelques réflexions sur l’imperfection des éléments d’information dont nous disposons pour dresser la statisti- que d’une récolte et l’impossibilité qui en découle d’en fixer l’im- porlance autrement que d’une manière approximative. Les diverses évaluations qui ont été publiées jusqu'ici sur la récolte du blé en France, dans la dernière campagne, sont les suivantes : HECTOLITRES. Association nationale de la meunerie . . . . . . . 137 423 630 Mauistére ne PSereulinre2 0." DORSENONT cote 129 005 500 Corn Trade News, de Liverpool. . . . . . . . . 125 035 000 Société des agriculteurs de France . . . . RES 123 000 000 Bulletin des Halles et Écho agricole de Paris DM 122 242 000 Becrbohm, de Londres . . . . £ 118 900 000 Le Fermier et le Messager d': commerce, ae patis 115 000 000 J'ai lieu de penser qu’étant donnés le soin avec lequel l’Associa- tion de la meunerie française se livre chaque année à son enquête, . le nombre et la variété des correspondants volontaires de l’Associa- tion, cullivateurs et industriels, qui ont un intérêt professionnel particulier à s’éclairer de leur mieux sur l’état de la production, les données recueillies par elle peuvent être provisoirement admises comme l'expression assez approchée de la réalité. Cependant, pour les calculs relatifs à l'augmentation des rendements et le bilan chi- mique de la récolte actuelle de la France, je m’en tiendrai aux chif- fres de la statistique du ministère de l'Agriculture. Mon argumenta- tion n’en sera que plus probante, puisque je m’appuierai sur des chiffres plutôt inférieurs à la réalité. Tous les ans, à pareille époque, le ministère de l'Agriculture, l’Associalion nationale de la meunerie française et le Bulletin des halles (Écho agricole) publient leurs appréciations sur la production du blé en France. Chacune de ces enquêtes porte sur les surfaces emblavées et sur les rendements en hectolitres et en quintaux, pour chacun des départements répartis, suivant le groupement conven- tionnel, en dix régions agricoles. Les divergences dans ces évalua- tions portent à la fois sur les surfaces ensemencées et sur le nombre d’hectolitres récoltés, de sorte que les rendements à l’hectare qu’on 444 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. en peut déduire sont également divergents, ainsi que le montre le résumé des trois enquêtes : SURFACES RENDEMENT RÉCOLTES ensemencées à totales en hectares. l’'hectare. en hectolitres. Ministère de l'Agriculture . . 6 919 400 18 78 129 005 500 Association française . . . . 6 959 240 19 74 137 423 630 Bulletin des halles . . . . . 6 959 500 17 56 122 242 000 Les écarts entre les évalualions extrêmes sont donc les suivants : Surface emblavée . : . . . à 40 000 hectares. Rendement à l’hectare. . . 2hl 18 Récolte totales 1% 78 15 180 000 hectolitres. D’après le ministère de l'Agriculture, le poids moyen de lhec- tolitre serait de 7756,3 ; il atteindrait 78*,12 d’après l'Association française de la meunerie. Quoi qu'il en soit de ces écarts qui font ressortir l'insuffisance et l’imperfection des moyens mis en œuvre pour dresser le bilan de nos récoltes, le chiffre le moins élevé, qui est assurément beaucoup trop bas (122 millions d’hecto- litres, soit 94 millions 4/2 de quintaux), assurerait encore ample- ment, avec le stock en blé de l’an dernier, l'alimentation du pays, les emblavures d'automne et l’approvisionnement des industries dont le froment est la matière première (pâtes alimentaires, etc.) et laisserait disponible pour l’exportation une quantité notable de blé. Par uue singulière coïncidence, la moyenne du rendement à l’hectare des deux évaluations extrêmes (171,56 et 19",74) se trouve être exactement égale (18",64) au chiffre indiqué par le mi- nistère de l'Agriculture pour le rendement moyen en 1899. De l’ensemble des chiffres qui précèdent, quelles que soient les rectifications qu’il y aura sans doute lieu de leur faire subir, il ré- sulte : 1° Que la récolte en froment de 1899 compte en E deux ou trois meilleures du siècle ; 2° Que le progrès ire l'élévation des eee continue et s’accentue d'année en année, ainsi que je le démontrerai plus loin; 9° Qu’en tout état de cause, avec une récolte de.129 millions CULTURE DES CÉRÉALES EN FRANCE. 445 d’hectolitres, soit en nombre rond de 100 millions de quintaux, chif- fre de l’évaluation du ministère de l'Agriculture, inférieur de 8 mil- lions d’hectolitres (6 millions de quintaux) à celle de l’Association de la meunerie française, et sans même tenir compte des réserves en blé que possède la France, l'alimentation, l’ensemencement et les besoins de l’industrie sont largement assurés. On évalue, en effet, ces trois ordres de consommation aux chiffres suivants (nom- bres ronds) : EN QUINTAUX. EN HECTOLITRES. Alimentation. . . 80 500 000 109 500 000 Ensemencement . 10 300 000 13 300 000 Madustire ee 4 500 000 5 800 000 Lotaux= tr 100 300 000 e 128 600 000 Notre pays est donc arrivé à produire la quantité de blé nécessaire à ses divers besoins et, grâce à la succession de deux bonnes récol- tes, on est autorisé à le faire figurer au nombre des pays exporta- teurs. Ce progrès est dû incontestablement à l’amélioration des métho- des de culture, et principalement à l'emploi croissant des engrais commerciaux, par la moyenne et la petite culture. Je suis convaincu que la démonstration évidente de cette appréciation ressortirait d’une statistique plus complète que celle que nous possédons. Il faudrait, pour cela, que les procédés d'évaluation des surfaces em- blavées et des rendements correspondants permissent d'établir la part des petits et des moyens cultivateurs dans l’aécroissement des rendements, car actuellement la statistique nous fait connaître seu- lement les rendements moyens par département. En effet, les grands cultivateurs des régions à haute production, tels que ceux du dépar- tement du Nord et du Centre, où les rendements de 25, 30 et 40 hectolitres sont fréquents, ont réalisé depuis longtemps déjà, dans la fumure et dans les procédés culturaux, presque tous les progrès suscités par les travaux des agronomes contemporains. Chez eux, il y a aujourd’hui autant à apprendre qu’à enseigner. Il en a élé au- trement jusqu'ici de la plupart des moyennes et petites exploitations longtemps restées stationnaires, faute d’instruction ou manque de 446 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ressources financières de leurs tenanciers. Les deux dernières récol- tes de la France dénotent, à coup sûr, chez ces catégories de culliva- teurs un progrès considérable dont la mesure exacte nous échappe, par suite de l’imperfeclion de nos statistiques, mais qui se révèle d’une façon certaine par l’augmentalion du rendement moyen de la terre dans tous nos départements. L’active propagande de la presse et des associations agricoles, la créalion de champs d'expériences et de démonstration, si incomplète qu'elle soit encore, le dévelop- pement de l’enseignement technique agricole à tous ses degrés, le zèle intelligent du corps professoral à vulgariser l’emploi des en- grais commerciaux et à en démontrer les avantages, tels sont, on n’en saurait douter, les principaux facteurs du progrès qui pénètre lentement, mais sûremgnt, dans nos campagnes. Je suis convaincu que le départ entre les résultats obtenus par la grande moyenne et la petite culture, si les données statistiques permettaient de le faire, montrerait que c’est aux deux dernières que revient la part la plus notable dans l’accroissement de la production du blé. Il me paraît intéressant d'établir ce qu’a été l’accroissement des rendements en céréales dans la période décennale 1889-1898 et de rechercher dans quelle limite l'augmentation de la production à pu compenser la baisse considérable survenue dans la valeur vénale des grains. Nous connaissons aujourd’hui approximativement, sous les réser- ves faites plus haut au sujet de l’imperfection de la statistique agri- cole, la production en 1899 du blé, du seigle, de l’avoine, de l'orge et du méteil (mélange à parties égales de blé et de seigle). Les chiffres provisoires publiés par le ministère de l'Agriculture éva- luent comme suit la récolte de chacune des céréales, exprimée en quintaux métriques : Béton 99 732 500 quint. métr. DOIcle RUE ASE 17 510 000 == METEO PA MEET CPS 3 153 200 — AVONEY AIRE TENTE 45 637 500 — Orge eme Airrs 10 855 300 = Ces chiffres sont légèrement supérieurs aux évaluations définiti- CULTURE DES CÉRÉALES EN FRANCE. 447 ves du ministère de l’Agriculture pour 1898. En prenant, pour les comparer à ceux de la récolte de 1889, les nombres afférents à l’an- née (1898), je resterai donc légèrement au-dessus de la réalité en ce qui regarde les augmentations des rendements. Dans cette étude critique, j'examinerai successivement, à dix ans de distance, les sur- faces ensemencées, les rendements à l’hectare, les écarts dans le prix des denrées et la valeur argent des deux récoltes en grain et en paille qui en résulte. Je chercherai ensuite à donner une idée de la consommation colossale d'éléments minéraux qui correspond à la production actuelle de froment pour en tirer les conclusions re- latives à l'entretien de la fertilité de notre sol. Get ensemble de con- sidéralions nous conduira à montrer que seule aujourd’hui l’aug- mentation des rendements et la diminution du prix de revient, qui en est la conséquence, peut parer à l’affaissement du prix de vente impossible à combattre par des mesures factices, telles que les droits douaniers notamment. Surfaces ensemencées. — Si l’on compare les surfaces consacrées aux céréales, en 1889 et en 1898, prises en nombres ronds, on constate les différences suivantes : En diminution sur 1889 : DÉPENSES Auf le 75 000 hectares. SPEARS ENS SE 125 000 — MOTS Men AN ner. 62 700 — OTLE PRE RAMEC MERS | 59 000 — ASTON er me JAIMIOONR— En augmentation : avoine . . . . 129 000 hectares. Il y a donc, en réalité, une diminution de 192700 hectares qui, rapportée à la surface totale cultivée en céréales en 1889 — soit 13 750 000 hectares, — correspond à une réduction de 1.12 p.100. Malgré cette diminulion de la surface ensemencée, et grâce à l’ac- croissement des rendements, la récolte des céréales en 1898 a dé- passé, dans son ensemble, de plus de 22 millions de quintaux celle de 1889 qui, sans être exceptionnelle, a été très bonne. La produc- tion du blé en 1889 a, en effet, été supérieure à 108 millions d’hec- 448 ANNALES ‘DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tolitres, chiffre suffisant pour l'alimentation de la population (semail- les non comprises). Rendements à l’hectare. — Le tableau ci-dessous met en paral- lèle les rendements moyens à l'hectare dans les deux années : AUGMENTATIONS 1882; 2895; en faveur en 4 de 1898. centièmes;, quint. métr. quint. métr. quint. métr. p- 100 Blé ane k 11,85 14,16 + 2,31 19.49 Seigle + 0. 10,60 11,69 + 1,09 10.28 Méteil . . . LRO 13,25 + 1,94 17.07 Avoine . . . 10,74 11,59 —+ 0,85 8.84 Orge A: 11,57 19,97 4340 12.10 Si les prix des différentes céréales en 1889 s'étaient maintenus, cet accroissement des rendements se füt traduit par un excédent de recettes, en 1898, proportionnel à l’augmentation de la production ; mais il n’en a point été ainsi et, malgré les tarifs douaniers, les prix du blé, du seigle et du méteil ont subi une dépréciation considéra- ble ; l'orge est restée stationnaire ; seule, l’avoine a très notable- ment augmenté de valeur vénale ; c’est ce que montre le tableau comparatif suivant : VALEUR Prés . DU QUINTAL MÉTRIQUE DIFFÉRENCES francs francs à p- 100 Blé mena 23,49 18,60 — 4,89 — 20.8 Seigle. . . 19,72 13,80 2:50 END Méteil . . 20,38 15,23 to 15 — 25.3 Avoine . . 11,85 16,50 + 4,69 + 39.3 “Orgèrers. 16,21 16:02 Stationnaire. Pour apprécier le retentissement qu'ont eu sur la valeur brute Lo- tale des deux récoltes l'accroissement des rendements d’une part, la baisse du prix de l’autre, il faut appliquer à chacune des récoltes 1. Cours d'octobre 1899. CULTURE DES CÉRÉALES EN FRANCE: 449 les prix respectifs du quintal en 1889 et en 1898 et ajouter à la somme ainsi obtenue la valeur de la paille correspondante à la ré- colte du grain. Cette dernière donnée est nécessairement sujette à un certain aléa, puisque le poids des pailles n’est pas établi directement. Nous admettrons, avec les agronomes les plus autorisés, les rapports sui- vants de la paille au grain. pour l'évaluation de la production des pailles : Pour 100 kilogr. blé. . . . . 200 kilogr. paille. — 100 kilogr. seigle . , . 300 kilogr. — — 100 kilogr. méteil . . . 250 kilogr. — — 100 kilogr. avoine . . . 225 kilogr. — — 100 kilogr. orge. . . . 140 kilogr. — Nous compterons la paille indistinctement à 3 fr. 50 c. les 100 ki- logrammes pour les deux campagnes, prix inférieur à la valeur moyenne des pailles des différentes céréales. Valeur brute de la récolte de grains. — En partant des cours ac- tuels indiqués ci-dessus, la valeur argent de la récolte du grain en 1889 et en 1898 s'établit comme suit, en nombres ronds : 1889. 1898. francs. francs. DIU 0 ARRET ON 1 950 000 000 1 540 250 800 ST AO PO UE PAAONETE. FOURS 274 170 000 233 000 000 Méteil MERE UE 68 600 000 47 900 000 AVOINE AL se de 726 800 000 769 200 000 Orge. SA ACTA PRE EC SITES 163 900 000 169 200 000 TOTAUX,. EN 3 192 970 000 3 059 550 000 L'écart est donc de 133 420 000 en faveur de la récolte de 1889 (133 millions de francs), mais il faut tenir compte de la pailie récol- tée dans les deux années. Valeur de la récolle paille. — Établissons d’abord, d’après les rapports admis plus haut entre le poids du grain et celui de la paille, ANN. SCIENCE AGRON. — ?° SÉRIE. — 1899 — 11. 29 450 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. le nombre de tonnes auquel on peut évaluer la production des pailles de céréaies en 1889 et en 1898. Je ferai remarquer qu’en prenant pour base du calcul les mêmes rapports de la paille au grain et en admettant un prix uniforme pour le quintal de paille dans les deux années, on obtient des nombres absolument comparables entre eux, ce qui est l’essentiel pour un calcul hypothétique du genre de celui que nous sommes conduits à faire. Les poids de paille récoltée, dans les deux campagnes que nous comparons, peuvent, sur les bases précédemment indiquées, être évalués comme suit : : ; 1898. 1889. quint. métr. quint. métr. BB: LE Re ne tee Te M 199 600 000 167 SC0 000 DOIELO RD NE SE MSA TES 51 000 000 50 800 000 Mételss te CORSA 7 750 000 8 00 000 AVOINE SR EME Te PE 105 000 000 91 000 000 Orge LV MEURTRE ARE PES 14 800 000 14 140 000 TOTATX LORS 378 150 000 331 240 000 Estimée à raison de 3 fr. 50 les 100 kilogrammes, la récolte en paille de 1889 aurait valu 4 159 340 000 fr. La récolte de 1898 vaudrait 1 323 525 000 fr. Si l’on ajoute respectivement ces deux sommes à la valeur du grain récolté, on arrive pour la production des céréales (grain et paille) à une valeur totale brute de plus de quatre milliards et un tiers savoir : 1889. 1898. francs. francs. CTAIDS rm ea 3 192 970 000 3 059 550 000 PATTES ENS CREER 1 159 340 000 1 323 525 000 TOTAUX ASE TEEN 4 352 310 000 4 383 075 000. D’après ce rapprochement, la valeur brute de la récolte, aux cours actuellement si bas des céréales, présente, en faveur de 1898, un excédent d'environ 81 millions de francs sur la récolte de 1898. | | Les éléments d’un calcul rigoureux dont la conclusion serait que - CULTURE DES CÉRÉALES EN FRANCE. 451 la culture du blé a été ou non rémunératrice suivant les cas parti- culiers me font défaut. Il faudrait, pour pousser plus avant la com- paraison entre la situation de la culture des céréales à dix ans de distance, faire entrer en ligne de compte les variations dans les frais d'exploitation, fumures, salaires, impôts, frais de récoltes, ete, élé- ments de discussion qui nous manquent. J’estime, malgré cette la- cune, qu'il est licile de tirer des chiffres qui précèdent deux ovnclu- sions importantes : 1° La récolte de 1898, malgré l’affaissement des prix de (20 à 30 p. 100), a, grâce à l’accroissement des rendements, une valeur brute supérieure à celle de l’année 1889, qui était une bonne année ; 2° Les efforts des cullivateurs français doivent tendre de plus en plus à augmenter économiquement le rendement du sol, puisque seule la diminution du prix de revient qui en résulte peut arriver à atténuer et même à compenser dans une certaine limite la diminu- tion de la valeur vénale des denrées agricoles. Il est certain que nous touchons au moment où régulièrement, c'est-à-dire abstraction faite des conditions climatériques acciden- telles, notre production excédant depuis deux ans notre consomma- lion, l'exportation s’imposera. Quelques lieues a peine nous séparent d’un pays obligé à deman- der annuellement à l'importation étrangère plus de 60 millions d’hectolitres de blé (cette année, le Royaume-Uni en importera 67 millions d’hectolitres). Quelle part pourrait nous revenir dans cette importation? Quelles mesures y aideraient ? Le sujet vaut certaine- ment la peine d’être étuaié de près. Je ne puis envisager ici qu’une des conditions qui nous achemineraient vers le but enviable de con- currencer avec profit les pays importaleurs dans l’approvisionne- ment en blé de l'Angleterre, à savoir : un abaissement des prix de revient coïncidant nécessairement avec une augmentalion dans les rendements. Pour cela, deux moyens principaux s'offrent au cultivateur fran- Çais : 4° Restreindre la culture du blé aux terrains aptes par leur cons- titution physique à fournir de bonnes récoltes ; 452 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 2% Appliquer à tous les sols soumis aux emblavures une abon- dante fumure, afin de compenser, et au delà, par l’accroissement des rendements, la réduction des emblavures. La plupart des terres qui donnent de faibles rendements en blé, par suile de leurs propriétés physiques (sols caillouteux, trop peu profonds, trop argileux, etc.), fourniraient d'excellents herbages per- manents ou temporaires. Le bétail qu’on y pourrait nourrir serait une source de profits bien supérieure à la maigre récolte de blé qu'ils donnent, surtout si, par l'introduction de la coopération, on multipliait dans notre pays les laiteries, beurreries, fromageries, etc. Sur bien des points de notre territoire, la culture des arbres fruitiers, beaucoup trop négligée chez nous, deviendrait pour ces terrains un élément de rapport considérable. Au besoin, le reboisement, dans nombre de cas, vaudrait mieux encore, malgré la longue échéance des produits, que le maintien de la culture du blé, là où elle ne peut pas devenir rémunéralrice, c’est-à-dire dans les terres dont la nature physique est peu favora- ble au développement de céréales, même en présence de fumures convenables. Le pelit cultivateur, placé dans les conditions aux- quelles je fais allusion, devrait se borner tout au plus à produire la quantité de blé nécessaire à son alimentation et chercher dans le développement de la culture herbagère les bénéfices que lui refu- sera de plus en plus le froment, en raison de sa faible valeur vénale. Bilan chimique de la récolte de 1898. — Pour se faire une idée de la part prépondérante de la fumure dans l'accroissement des ren- dements, 1l n’est pas inutile de chercher à fixer approximativement à quelles quantités de chacun des éléments fondamentaux, azote, acide phosphorique et potasse, correspondent les prélèvements exercés dans le sol par la récolte des céréales. Prenant comme exem- ple la récolte de 1898, dont j'ai indiqué plus haut les principaux élé- ments, nous allons établir le bilan chimique des quatre céréales : blé, seigle, orge et avoine. Pour permettre à ceux de nos lecteurs que la question intéresserait particulièrement, d'appliquer ces cal- culs à une récolte donnée, je réunis dans la note ci-après les indi- CULTURE DES CÉRÉALES EN FRANCE. 453 cations nécessaires pour établir, à l’aide de quelques simples opéra- tions, les quantités d’azote, d'acide phosphorique et de potasse qu’exporte une récolte dont on a déterminé le poids en grain et en paille *. En appliquant aux rendements en grains et en paille de la récolte de 1898 les données numériques qui représentent la teneur de ces produits en azote, en potasse et en acide phosphorique, on trouve 1. Connaissant le nombre des quintaux de grain et de paille qu'un champ a produits, il suffit de leur appliquer, pour connaître l'exportation en matière minérale, les chiffres | qui expriment, en kilogrammes, les poids d'azote, de potasse et d'acide phosphorique contenus dans { 000 kilogr. de grain ou de paille : 1000 KILOGR. DE GRAIN 1000 KILOGR. DE PAILLE contiennent : contiennent : TE — — ——— — —— Acide Acide Azote. Potasse,. phospho- Azote. Potasse. phospho- rique. rique. * kilogr. kilogr. kilogr. kilogr. kilogr. kilogr. HSRSEMILE 20,8 4,2 7,9 1,8 6,3 DD Seigle . . 17,6 5,8 8,5 4,0 8,6 2,5 Méteil . . 19,2 5,5 8,2 4,4 7,4 2,3 Avoine . . 17,6 4,8 6,8 o,6 15,3 2.8 1 pt A 16,0 4,7 7,8 6,4 10,7 1,9 Exemple : On a récolté, sur un hectare, 22 quintaux métriques de blé, soit 2 200 kilogr., et 46 quintaux métriques, soit 4 600 kilogr., de paille: cette récolte ren- ferme en azote : 208,08 XX 2,2 — 455,76 + 4k5,8 3 4,6 — 22k5,08, au total : 67k3,84 d'azote. On trouvera de la même manière que la récolte renferme 40“,42 de potasse et 273,50 d'acide phosphorique. En proportion très variable avec la richesse des terres, une partie de l'azote, de la potasse et de l'acide phosphorique est fournie à la plante par le sol : le reste lui est apporté par la fumure. Si, ce qui heureusement n'est pour ainsi dire jamais le cas, la fumure devait fournir à la récolte que nous supposons la totalité des quantités d'azote, de potasse et d'acide phosphorique qu'elle renferme, les poids minima d'engrais à donner au sol seraient : 430 kilogr. de nitrate de soude *, 80 kilogr. de chlorure de potassium? et 180 kilogr. d'engrais phosphaté (scories ou superphosphates ). Dans une terre de moyenne qualité, la dose de nitrate peut être réduite à 150 ou 200 kilogr. à l'hectare, la nitrification incessante des ma- tières organiques fournissant une grande partie de l'azote nécessaire. Mais les quan- tités ci-dessus de phosphate et de chlorure de potassium n'ont rien d'exagéré, étant donné que la récolte doit trouver dans le sol, à un état assimilable, une quantité d'acide phosphorique et de potasse très supérieure à celle qu'indique sa composition. a. À 15.6 p. 100 d’azote. b. À 50 p. 100 de potasse, ©. À 15 p. 100 d’acide phosphorique. 454 que les prélèvements, en ces trois aliments fondamentaux des plan- tes, s'élèvent aux quantités colossales que voici : ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. DANS LES GRAINS. UE DANS LES PAILLES, TT Acide Acide Azote. Potasse. phospho- Azote. Potasse. phospho- rique. rique. tonnes. tonnes. tonnes. tonnes. tonnes. tonnes. Blé . 206 500 51 600 78 500 95 800 125700 43 900 Seigle . 29 900 9 860 14450 20 400 43 900 12 750 Méteil . » 950 17091 2 540 3 300 » 700 1 780 Avoine. 82200 22 400 31 750 8 800 171100 29 400 Orge. . 16 900 4 960 8 240 9 300 15 840 2 800 Toraux. 341450 90525 135 480 187800 362240 90630 La récolte (grain et paille) de 1898 contenait donc : AzOteR RE 529 250 tonxes. POTASSE RENE RARE 4527853 — Acide phosphorique. 226 110 — Les quantités d'engrais commerciaux qui correspondraient à ces prélèvements sont les suivantes : Nitrate de soude correspondant au grain. 2 188 000 tonnes. = — Atla pale eee 1203000 — ENSEMBLE . 3 391000 — Engrais phosphatés grain . 903: 200— = paille . 600 000 — ENSEMBLE . 1 503 200 — Chlorure de potassium grain. . . . . . . 45260 — — paille. . 181130 — ENSEMBLE . . 236390 — En supposant, ce qui est loin d’être vrai’, que l'azote, l'acide phosphorique et la potasse des pailles fassent, sous forme de fu- mier, retour à la terre, le déficit que la richesse naturelle ou acquise 1. Une grande partie du fumier produit par les animaux ne fait pas retour au sol; d'autre part, la paille consommée par le bétail lui cède une quantité notable des élé- ments minéraux qu'elle renferme et qui servent à constituer ses tissus: chair, os, son lait et sa laine. CULTURE DES CÉRÉALES EN FRANCE. 455 du sol et les engrais complémentaires du fumier de ferme doivent nécessairement lournir à la récolte des céréales dans une campagne comme celle de 1898, dépasserait 340 000 tonnes d’azote, 135 000 tonnes d’acide phosphorique et 90 000 tonnes de potasse. Que sont, auprès des 2 millions de quintaux de nitrate de soude, des 900 000 tonnes d'engrais phosphatés, des 45 000 tonnes de chlorure de potassium correspondant aux prélèvements du gram seul, les quantités d’engrais minéraux que nous fournissons à nos terres à céréales ? Beaucoup 1rop peu de chose encore, car c’est à peine si nous donnons à la lotalité de nos terres en culture, à notre vignoble et à nos prairies les quantités d'engrais phosphatés que ré- clameraient à eux seuls nos sols emblavés. Le nitrage des céréales, à raison de 100 kilogr. seulement à l’hectare pouvant, en présence de quantités suffisantes d'acide phosphorique et de potasse dans le sol, augmenter la production en grain de 5 à 5 quintaux par hectare, représenterait une consommation de 1 400 000 tonnes (14 millions d'hectares à 100 kilogr., par hectare). La conclusion générale de ce qui précède, c’est que le rendement des céréales à l’hectare a très notablement augmenté depuis dix ans et que c’est incontestablement à l'emploi, chaque année croissant, des engrais commerciaux que cet heureux résultat est attribuable. Dans cette constatation les cullivateurs doivent voir une indication très nette des profits à attendre d’avances plus larges aux terres en engrais phosphatés et azotés notamment. C’est l’abaissement du prix de revient par l’accroissement des rendements, c’est-à-dire la fumure intensive des bonnes lerres qui peut le plus efficacement compenser laffaiblissement de la valeur vénale des produits. L'agriculture française a encore devant elle une large marge dans l'accroissement des rendements que le bon marché des engrais commerciaux doit l’inciter à poursuivre comme le remède le plus efficace au nivellement des prix. Son objectif doit être d'arriver à produire le quintal de blé à un prix assez bas pour entrer le plus tôt possible en concurrence, dans les pays importateurs, avec les pays à grande production extensive. CHAMP D'EXPÉRIENCES DE LA STATION AGRONOMIQUE DE LA LOIRE-INFÉRIEURE : (M. ANDOUARD, directeur). Essai de betteraves demi-sucrières. Dans les deux précédents exercices, j'ai cultivé pour l’étable des betteraves sucrières, et j'ai constaté que, tout en étant beaucoup plus nourrissantes que les variétés fourragères, elles ne fournissaient pas toujours, dans le sol de la Station, un produit notablement plus rémunéraleur que celui de ces dernières. J'ai tenté cette fois la même comparaison avec des betteraves demi-sucrières, sélectionnées par M. Florimond Desprez et dont le distingué directeur de la Station expérimentale de Cappelle m'a gra- cieusement offert des semences. J'ai semé, en place et en poquets, le 10 mai 1898, sur 6000 mètres de superficie, trois espèces de betteraves venant de Cappelle, dont deux riches en sucre et la variété fourragère dite Géante de Vauriac. La fumure suivante avait été donnée à toutes les parcelles et par hectare : FUIT DÉPIT EE 20 000 kilogr. Sue TeMMOIASSe MA AMATAMENN IEEE 2000 Nitrate defsoude Re ee ET 100 — De plus, le terrain affecté à chacune des semences avait été divisé en deux parties égales, dont l’une avait reçu des scories phospho- reuses, l’autre du phosphate des Grès-Verts, à la dose de 1 000 ki- 1. Bulletin de la Société d'agriculture de la Loire-Inférieure, mars 1899, CHAMP D'EXPÉRIENCES DE LA LOIRE-INFÉRIEURE. 457 logr. par hectare. Les deux engrais contenaient 18 p. 100 d’acide phosphorique. La germination s’est normalement accomplie, mais les plantes commençaient à peine à se développer que la sécheresse les saisis- sait et menaçait de les anéantir. Elles se sont soutenues cependant tout l’été, assez misérablement, et elles n’ont végété sérieusement qu’à partir du mois de septembre. Leur développement à été alors des plus rapides ; mais, limité à moins de deux mois, il n’a pu leur faire acquérir ni le poids ni la richesse en principes nutritifs qu’elles auraient obtenus d’une évolution normale. Voici les rendements, en racines bien neltoyées, accusés par la bascule, pour 1 hectare de chaque culture sur les deux engrais phosphorés : Rendements à l’hectare. 1° En poids. PHOSPHATE SCORIES VARIÉTÉS. des phospho- Grès-V'erts. reuses. Kilogr. Kilogr. Betterave demi-sucrière pauvre . . . . . 40 900 42 167 — — PICHES ETES CET 41 050 42 000 — — MICHEL TE 40 750 43 667 — Géante de Vauriac . . . . . . 25 010 25 200 20 En préncipes nutritifs. MATIÈRE SÈCHE SUCRE ET 2 CP —, VARIETES. ENGRAIS. 2 ar p. 100. A0) p: 100. Dre , Kilogr. Kilogr. Demi-sucrière pauvre. Phosphate . 11.80 4 826 4.55 1 820 — — Scories . . 11.40 4 807 4.25 1 792 — riche . Phosphate . 18.00 7 359 7.60 3 120 — — Scories . 18.06 7 560 Code 3 255 == riche . Phosphate . 18.25 7.612 9.50 3 871 ne — Scories . . 15.6S 8 157 9.27 3 04S Géante de Vauriac . . Phosphate . 11.00 2750 4.08 1 020 — ie AE Scories.. . 10.13 91598 3.92 988 Il ressort de ce qui précède un avantage considérable pour les betteraves demi-sucrières sur la Géante de Vauriac, aussi bien au 458 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. point de vue du poids total de la récolte que du sucre et de la matière sèche élaborés. Notons, toutefois, que le hasard a infligé à la Géante de Vauriac une infériorité pondérale qui ne lui est pas ordinaire à la Station. Elle semble avoir plus souffert de la sécheresse que les variétés demi-sucrières de M. Desprez; peut-être est-elle plus exigeante que celles-ci sous le rapport de l'humidité du sol. I u’y a donc pas lieu de prendre, en valeur absolue, les écarts constatés entre les susdites variétés. Mais il faut remarquer que, même à récolte égale, ce qui n'aurait rien de surprenant, les betteraves riches de Cappelle auraient produit environ deux fois plus de sucre et Lrois fois plus de matière sèche que la Géante de Vauriac. : Il résulte de cette différence de richesse nutritive que la substi- tution des betteraves demi-sucrières aux races fourragères procure un bénéfice très grand, par rapport à l’alimentation de l’étable, alors même que le rendement en poids est semblable. Action comparée des scories phosphoreuses et des autres engrais phosphorés. La comparaison de l'efficacité des scories à celle des autres sources d'acide phosphorique a été plusieurs fois renouvelée à la Station, mais d’une manière partielle. Pendant le dernier exercice, elle a été généralisée, tant au point de vue des matières fertilisantes employées que sous le rapport des cultures appelées à leur servir de témoins. Les engrais phosphorés mis en parallèle avec les scories, à dose égale d'acide phosphorique, sont : le superphosphate minéral, les phos- phates des Grès-Verts et de Tocqueville, les os dégélatinés. Ils ont contribué à nourrir : quatre variétés de blés, deux variétés de choux fourrages, des rutabagas, deux espèces de betteraves, six variétés de pommes de terre, des prairies nalurelles et des prairies artifi- cielles. I. — Blés. Cinq espèces de blés devaient être cultivées à la Station en 1897- 1898, à savoir: Bordier, Champlan, Chinois, Gatellier, Redchaff. CHAMP D'EXPÉRIENCES DE LA LOIRE-INFÉRIEURE. 459 Le blé Chinois, qui s’était assez mal comporté l’année d’avant, a encore plus mal réussi cette fois. Sa germination a été tellement défectueuse, qu’il n’a pas été possible de le maintenir sur le terrain. Les quatre autres, seuls, ont servi de sujets d'observation. Le blé Champlan a occupé les cinq parcelles du champ d’expé- riences (90 ares). Chacune de ces parcelles avait reçu, avant les semailles, 20 kilogr. de sulfate de potasse, soit 200 kilogr. par hec- tare. On y avait ajouté, à la dose de 1 000 kilogr. par hectare : des scories phosphoreuses sur les parcelles 1 et 4, du superphosphate minéral sur les parcelles 2 et 5, du phosphate des Grès-Verts sur la parcelle 3. Ces trois engrais étaient au titre de 18 p. 100 d’acide phosphorique, i Dans l’annexe, et sur des surfaces variant de 3 000 à 7 500 mètres carrés, avaient été réparties les variétés : Bordier, Galellier, Red- chaff. Mèmes fumures que pour le blé Champlan. L’ensemencement, commencé le 29 septembre, a duré jusqu’au 14 octobre et a été fait sur planches de 1 mètre, en lignes distantes de 30 centimètres les unes des autres et à raison de 45 kilogr. de semences par hectare pour le Redchaff et le Gatellier, et de 54 kilogr. pour le Champlan et le Bordier. La levée s’est très régulièrement et très promptement effectuée, grâce à la douceur de la température. Sur l’une des parcelles, le blé Bordier à eu sa végétation momentanément retardée, sans cause appréciable. Il s’est relevé quelques semaines plus tard et, l’humi- dité de l'hiver aidant, tous les blés ont fait une pousse d’une vigueur exceptionnelle. Le 50 mars, chacun d’eux reçoit, en couverture, une application de nitrate de soude. Mais ils sont si beaux, que la proportion de l’engrais azoté est réduite à 90 kilogr. par hectare. Le 8 mai, la rouille fait son apparition dans le champ d’expériences, qu’elle achève d’envahir en moins de trois semaines, sans arrêter le développement inusité de la tige du Champlan. Les blés de l’annexe n’ont pas subi les atteintes du même champignon. Malgré cet accident et la sécheresse persistante qui a régné depuis le commencement du printemps jusqu’à la fin de l’été, tous les blés ont tallé d’une façon remarquable. 460 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. L’épiage a eu lieu du 20 au 25 mai. Aucune différence à cet égard n’était sensible entre les quatre variétés cultivées. Le mois de juin a presque suffi à conduire tous les blés à matu- rité. Ils ont été coupés le 48 juillet et battus quinze jours plus tard. La récolte a donné, à la bascule, les résultats suivants : Rendement à l'hectare. NOMBRE POIDS VARIÉTÉS. ENGRAIS. GRAIN. PAILLE. d’hec- Tres tolitres. tolitre. Kilogr. Kilogr. Kilogr. C2 Champ d'expériences. Champlan. 1 Scories LE 2 550 8 900 31,0 82 — 2 Superphosphate . . 2 200 8 100 26,8 — —- 3 Phosphate Grès-Verts. . 2 150 8 050 26,3 = — 4 Scories : 1 S03 8 290 22,0 — — > Superphosphate . 1 900 8 300 23,2 — Annexe, | Phosphate Grès-Verts. . 2 400 7 019 28,9 83 Bordier. £ SCOTIES SE SRE VE 2 420 7 480 29 — | Superphosphate . . . . DIE HONTE 30,3 \ Phosphate Grès-Verts. . 4 344 9 040 53.1 81 Gatellier . EASCOMIES EAP AIRIPERTE 1 300 6 490 16,0 — | Superphosphate . . . . 2 750 7 600 34,0 — | Phosphate Grès-Verts. . 2 450 6 295 2953 83 Redchaff . SCOTIES RSR TE eee 2 480 6 150 28.8 — | Superphosphate . . . . 2 500 7 200 30,1 — C’est la première fois que le blé se montre aussi lourd à la Station. Rarement le poids de l’hectolitre s’élève jusqu’à 80 kilogr. Les scories n’ont pas modifié ce poids, dont les variations ne relè- vent que de la variété de blé cultivée. Il en est de même pour les rendements en paille el en grains, où elles n’ont pas constamment l’avantage sur les autres engrais. Dans le champ d’expériences, elles tiennent à la fois le premier et le der- nier rang, sous le rapport de la production du grain. Le fait n’a pas lieu de surprendre, en raison de l'inégalité avec laquelle la rouille a CHAMP D'EXPÉRIENCES DE LA LOIRE-INFÉRIEURE. 461 frappé les différentes planches de Ghamplan. Il n’y a donc pas de déduction à lirer de cette partie des expériences. La richesse des divers blés en matière protéique est en harmonie avec leur densité, sans lui être rigoureusement proportionnelle. Elle est exceptionnelle. Composition centésimale du grain. ACIDE VARIÉTÉ. AZOTE. GLUTEN. phos- POTASSE. phorique. Champlan . 2.00 11.60 0.92 0.43 Bordier. . . 1.90 11.10 0.90 0.52 Gatellier 1.90 DO 0.95 0.47 Redehaff LTO 10.20 0.90 0.47 II. — Prairies. Les scories ont été mises en concurrence avec le phosphate des Grès-Verts, à la dose de 1 000 kilogr. par hectare, sur une prairie naturelle de 16 000 mètres carrés de superficie, partagée à cet effet en deux parties égales; et sur deux prairies temporaires de même étendue, formées l’une de trèfle incarnat tardif, l’autre dé jarosse. Les deux engrais titraient 18 p. 100 d’acide phosphorique. Il leur avait été associé du sulfate de potasse et du nitrate de soude, à rai- son de 100 kilogr. du premier et de 200 kilogr. du second pour 1 hectare. La végétation a élé satisfaisante sur tous les points, favorisée qu’elle était par une température douce et par une humidité modérée mais constante. La récolte a eu lieu au commencement de mai, pour les prairies arüficielles, et à la fin du même mois pour la prairie naturelle. PHOSPHATE SCORIES PRAIRIES, des phos- Grès-Verts. phoreuses. Kilogr. Kilogr. Artificielles Trèfle incarnat . . . . 60 550 65 5950 à ice: Ne RON 57 770 62 200 Naturel . Foin état vert . . . 4 355 4 885 aturelies r 5 100 » 350 462 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La différence entre les rendements n’est pas très considérable ; elle est cependant sensible, pour la prairie naturelle A surtout, et à l’avantage des scories dans les deux cas. JL. — Choux-fourrages. La plantation a été faite le 14 juiliet 1897, en chou branchu, sur six parcelles de 10 ares chacune. Fumure commune, par hectare : FUME ÉtADIC RENE AP EEE 20 000 kilogr. NitTAteNUSOUTC RE UC RCE 200 — SUIALENTENPDOLASSE EM ER 100 La moitié des parcelles avait reçu, comme complément de fumure calculé à l’hectare, 4 000 kilogr. de scories à 18 p. 100 d’acide phos- phorique ; l’autre moitié, 1 000 kilogr. de phosphate des Grès-Verts au même titre. Rendement à l'hectare. Sie PHOSPHATE CE SCORTES d phos- CRUE: GriNeis CERErS: Fo Il 37 320 kilogr. 2 30 100 kilogr. 3 26180 4 31200, — 6] BHAUD 6 39 TOOL Les récoltes sont bien voisines les unes des autres. Aucune d’elles ne permet de reconnaitre à l’un des deux engrais une supériorité d'action réelle. IV. — Betteraves. Il en est des betteraves comme des choux branchus. Les variétés demi-sucrières ont présenté au rendement, sur scories et sur phos- phate des Grès-Verts, des écarts compris entre 3 et 7 p. 100, c’est- à-dire faibles. La Géante de Vauriac a produit le même poids de racines dans les deux cas. L'influence des scories n’a pas été plus prononcée sur la richesse nutritive des diverses variétés, Le sucre et les matières protéiques ont été élaborés en proportions peu différentes, sur les deux engrais. CHAMP D'EXPÉRIENCES DE LA LOIRE-INFÉRIEURE. 463 V. — Rulabagas. .Les rutabagas couvraient une surface de 4 000 mètres, divisée en quatre parties égales el fumée avec de l’engrais complet (1000 kilogr. par hectare), dont l’élément phosphorique était, alternativement : des scories phosphoreuses, du superphosphate minéral, du phos- phate des Grès-Verts et du phosphate précipité. Par suite de la siccité prolongée de la terre, les semences ont germé péniblement et les racines ne se sont pas développées, même au contact des pluies de l'automne. La récolle a été des plus réduites et elle n'autorise aucune déduction. VE — Pommes de terre. 11 000 mètres carrés de terrain ont élé consacrés à six variétés de pommes de terre: Early rose, Czarine, Magnum bonum, Mer- veille d'Algérie, Phœbus, Violette nantaise. Fumure générale pour 1 hectare : Eunier 2détaDIe OEMPRR 30 000 kilogr. SUIfAte de DOLASSE MEME ME E .. …. 200 — Nitrate de SOUHCRMEMERRR EEE 2, 200 — À cette alimentation commune, on a joint une ration uniforme de 90 kilogr. d'acide phosphorique emprunté aux scories, au super- phosphate minéral, aux os dégélatinés, au phosphate des Grès-Verts et au phosphate de Tocqueville. Plantation le 1° avril, pour Early rose ; le 14 et le 19 du même mois, pour toutes les autres, en tubercules entiers, de moyen volume. La végétation a été très belle jusqu’à la fin de juin. Elle a rapide- ment périclité à partir de ce.moment, par suite de la dessiccation du sol. Le développement des tubercules a suivi la même marche. Très satisfaisant d’abord, il s’est arrêté brusquement au commencement de juillet, et il n’a pas repris. Les fanes ont manifesté, à cette épo- 464 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE que, une décoloration qui s’est accentuée en très peu de jours, au point de simuler une invasion parasitaire. Elles ne recélaient pour- tant aucun champignon. Elles avaient, du reste, été sulfatées le 17 mai, puis le 27 juin, et leur examen microscopique a prouvé qu’elles ne dépérissaient que faute d’humidité. | Leur maturation, hâtée par trois mois de chaleur sèche et conti- nue, s’est accomplie dans de mauvaises conditions. Le poids total des tubercules s’en est ressenti, de même que leur volume. Rendement à l'hectare. VARIÉTÉ. EE Lborenless Are total. Kilogr. Kilogr. Kilogr. Champ d'expériences. Mavnum eee SCOTIeS EE Re k 17 500 6 680 24 180 = SUN ENRE Phosphate Grès- Verts , 15 250 4 750 20 000 — RENTE Phosphate Tocqueville. 17 700 6 890 24 590 —= Prince Superphosphate . . . 15 570 6 050 21 620 —= Rs er Os dégélatinés. . . . 11 050 6 240 17 290 Annexe. Gzatine tm SCOTIES Eee : 12 120 3 950 16 070 — sata AE Phosphate Grès- Vert ; 13 400 3 600 17 000 Early rose. : . . SCOTIES EEE 0e 6 430 1 570 8 000 SA Phosphate Éree Verts É 6 500 1 450 7 950 Merveille d'Algérie. SCOTIES ee : 19 680 3 625 22 805 _ Phosphate Grès- Ver ts ! 16 700 4 850 21 550 PhŒDusS Aer it. SCOrIES =. Ce ; 16 S40 4750 21 590 —— RARE Phosphate Grès- Vente É 17 500 3 S00 21 300 Violette nantaise . SCOCICS EE : 12 600 3 070 15 670 _ Phosphate Grès- eds i 10 950 3 400 14 350 Dans le champ d’expériences, l’action des scories est manifeste- ment supérieure à celles du phosphate des Grès-Verts, du super- phosphate minéral et des os dégélatinés. Elle est égalée, fortuitement peut-être, par celle du phosphate de Tocqueville. Dans l’annexe, où les scories n’ont été mises en parallèle qu’avec du phosphate des Grès-Verts, elles n’ont fourni un rendement un CHAMP D'EXPÉRIENCES DE LA LOIRE-INFÉRIEURE. 465 peu plus élevé que celui de ce dernier engrais, que sur la parcelle cultivée en Violette nantaise. Ailleurs, il y a presque égalité entre les deux matières fertilisantes, sauf une fois où le phosphate l’em- porte (Czarine). | Le nombre des petits tubercules est un peu élevé, pour toutes les variétés ; mais, ce qui est plus fâcheux encore, c’est que la dénomi- nation de gros lubercules a dû être appliquée à des organes relati- vement peu développés, lant la nutrition à été entravée. Si le poids des tiges souterraines est réduit, leur valeur nutritive ne laisse rien à désirer. Cette compensation aurait bien pu faire défaut, étant données les conditions défectueuses au milieu desquelles s'était déroulée la végétation. Les nombres qui suivent représentent la moyenne des analyses effectuées sur les tubercules, gros et pelits, récoltés sur les différentes sources d’acide phosphorique. Composition centésimale. MATIÈRES ACIDE VARIÉTÉS. ENGRAIS. FÉCULE. pro- phos- téiques. phorique. Maenume eee DCOLICS EE NE UE 20.16 1.66 0.19 == TT Phosphate Grès-Verts M 19.40 1.95 0.17 — AUS Pt — Tocqueville . . 18.75 1.62 0.16 — RAGE Superphosphate . . . . 19.84 1.81 Q21 — MES Os dégélatinés . . . . . 17.958 162 0.18 (zarmeras sr: 16e Series mins Me 18.95 LAS 0.20 PS AE Phosphate Grès- far ae 19.10 184 0.19 HArIITOSC Rene Scories . 5 16.25 1.58 0.22 — rene Ne Phosphate GréVerts AS 16.60 1292 0.20 Merveille d'Algérie. SCDLLES NME EN Nf: 21.00 1.85 0.19 — Phosphate Grès- Verts ee 20.15 1.85 0.20 EDTEDUS EE RE SCOTIE Se ee Fe 16.80 1.43 0.23 — Let ht Phosphate Grès- Verts 544 15.96 1.56 (182) Violette/nantaise . SCories . . . Ab 17.70 1.65 0.16 — Phosphate Grès-Verts ue 16.92 1.50 0.17 Tout en démontrant la richesse nutrilive de la plupart des pommes de terre, le tableau ci-dessus accuse, en général, un excédent de fécule, d'azote et souvent d’acide phosphorique à l'actif des scories ; mais cet excédent est faible. ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE. — 1899. — n. 30 466 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Résumé. A. — Essai de betteraves demi-sucrières. Les betleraves demi-sucrières de M. Florimond Desprez ont pré- senté, sur la Géante de Vauriac, prise comme lype de variété four- ravère, de très grands avantages. Elles ont donné : Environ le double de sucre et un tiers de matière sèche en plus, pour 100; Et, par hectare, trois fois plus de matière sèche et six fois plus de sucre que la Géante. Elles sont, par conséquent, beaucoup plus nutrilives et plus avan- tageuses que les betteraves fourragères. En renouvelantles semences, de manière à éviter la dégénérescence, on aura, pour une même superficie cultivée, plus de poids brut, ou tout au moins plus de matières alimentaires avec ces betteraves qu'avec les variétés habi- tuellement usitées à la ferme. B. — Action cumparée des scories. 1° Sur les blés : Les scories n’ont pas modifié notablement le rendement des blés Redchaff et Bordier, par rapport au superphosphate minéral et au phosphate des Grès-Verts. Elles ont donné une récolte très inférieure à celles de ces deux engrais pour le blé Gatellier. Enfin, dans le champ d'expériences, elles ont fourni la production la plus forte et la plus faible, en blé Champlan (deux parcelles diffé- rentes), toujours en concurrence avec les engrais précités. La richesse des quatre blés en principes nutritifs n’a pas été influencée par les scories d’une manière spéciale. I en esi de même de leur densilé, qui a été exceptionnelle et Cgale pour tous les engrais : 81 à 83 kilogr. à lPhectolitre. Notons en passant que la plus belle récolte de l’année (53 hecto- CHAMP D'EXPÉRIENCES DE LA LOIRE-INFÉRIEURE. 467 litres par hectare) a été produite par le blé Gatellier, sur famure au phosphate des Grès-Verts. = Le blé Chinois, semé en même temps que les autres, n’a pas réussi. Il a été remplacé par une autre culture. 2° Sur prairies naturelles et artificielles : Dans les deux cas, les scories, mises en parallèle avec le phosphate des Grès-Verts, ont procuré sur ce dernier un excédent de récolte faible, mais sensible cependant sur les prairies naturelles, où il atteint 5 et 10 p. 100 du poids total du foin. 9° Sur choux-fourrages : Les scories n’ont présenté aucune supériorité d’action sur le phosphate fossile des Grès-Verts. 4° Sur betteraves : Comparées au phosphate des Grès-Verts, les scories ont donné, sur celui-ci, un excédent de récolte de 3 à 7 p. 100, avec les hette- raves demi-sucrières de M. Florimond Desprez. Elles n’ont même pas eu cette faible action sur la Géante de Vau- riac. 9° Sur les rulabagus : La récolle ayant manqué, aucune observation n’a pu être faite. 6° Sur les pommes de terre : La variété Magnum bonum a produit 17 p.100 de plus sur scories que sur phosphate des Grès-Verts ; 10 p. 100 de plus que sur super- phosphate et 28 p. 100 de plus que sur les os dégélatinés. Elle a fourni même rendement sur scories et sur phosphate de Tocqueville. Les variétés Czarine, Early rose, Merveille d'Algérie et Phæbus ont donné une récolte sensiblement égale, sur scories et sur phos- phate des Grès-Verts. Dans les mêmes conditions, la Violelle nantaise a müûri 8 p. 100 de tubercules de plus sur scories. 468 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. En outre, les scories paraissent avoir influé, mais très faiblement, sur la richesse nutritive de toutes les variétés. Remarque. — Lorsque les plantes souflrent, pour une cause quelconque, ainsi qu’elles ont souffert cette année par le fait de la chaleur et de la sécheresse, il est impossible de considérer comme entièrement valables les résultats acquis. Je ne les relève qu’à titre d'indications à contrôler. INFLUENCE DE L’ESPACEMENT SUR LE FORNID EM EN DES BETTERAVE.S: PAR MM. A. COURAUD et A. ANDOUARD DE LA STATION AGRONOMIQUE DE LA LOIRE-INFÉRIEURE Nous avons continué, cette année, à l’orphelinat départemental du Plessis- Grimaud, les expériences commencées en 1897 relative- ment à l'influence du rapprochement sur le rendement de la bette- rave fourragère. Outre cette recherche, nous nous sommes proposé, cette fois, d'établir la différence de production que pouvait donner la culture à plat et la culture en billons. Les essais ont tous été faits avec la variété Géante de Vauriac. La superficie du champ d’expériences était de 2,58. Les betteraves succédaient à une récolte de blé. Tout le terrain a reçu comme famure et par hectare : Fumier .d'élables AL De 30 000 kilogr. Engrais COMpIe Lee MR: AQO0E La composition de l’engrais complet était la suivante : Azote ammoniacal, Re que 2.30) p. 100 Acide phosphorique soluble dans l'eau . 7.00 — — — dans le citrate. 1.85 — Potasse, . 8.66 — 1. Bulletin de la Société d'agriculture de la Loire-Inférieure, mars 1899. % 470 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Le champ d’essai avait une longueur de 130 mètres. Il a été divisé en deux parties. Sur la première, on a tracé 24 planches, d’une largeur de 4 mètres. La deuxième à été divisée en billons larges d’un mètre. Des 2% planches, les 4 premières ont été semées à la main; les autres ont été ensemencées au semoir, en lignes distantes de 60 cen- timètres les unes des autres. Les betteraves ont été conservées en place et éclaircies aux distances successives de 20, 95, 30, 35, 40 et o0 centimètres. Chacun de ces espacements était répété sur 4 planches contiguës. | Sur les billons, les plantes ont été repiquées aux six écartements adoptés pour les planches. Voici les résultats obtenus dans les deux systèmes de culture et rapportés à un hectare ; ils sont faibles, par suite de la sécheresse très grande de l’été, mais leurs différents termes n’en sont pas moins comparables entre eux : ES ES En Soie VOLUME CEMENT MENT des CARSRES . des en racines nl ! racines, kilogr. ee TACIPERE 1° Culture en planches. 0220 28 754 GAL 2 Petit. 025 291472 TU Î Idem. 0 ,30 23 154 DNE 1 3 Moyen. OS5 21 910 Sel 4 Idem. 0 ,40 18 900 Te | 6 Assez gros. 0 ,50 19 760 SORA 6) Gros. 20 Culture en billons. 0220 30 732 DH 1 Moyen. 0% ,25 28 648 oo dl 2 Idem. 0 ,30 28 000 ail 3 Idem. 0 ,39 26 000 Seul o Assez gros. 0 ,40 25 500 3,0 : Î 6 Gros. 0 ,50 26 700 > Oil 4 Idem. L'examen du relevé qui précède montre que le rendement des six parcelles diminue, d’une manière presque régulière, à mesure INFLUENCE DE L'ESPACEME NT SUR LE RENDEMENT DES BETTERAVES. 471 qu’augmente l’espacement des racines. L'écart entre les deux ex- trêmes est deux fois plus grand sur les planches que sur les billons. En second lieu, la culture en billons a donné une récolte totale un peu supérieure à celle de la culture à plat. Les différences sont faibles et d'ordre inverse, pour les deux parcelles dont les racines sont dis- tantes de 20 et de 25 centimètres. Elles se compensent. Elles sont, au contraire, notables pour les quatre dernières parcelles, où les billons ont produit de 14 à 25 p. 100 de racines de plus que les planches. Notons encore que les billons ont fourni, partout, des betteraves plus volumineuses que celles qui leur correspondaient sur les plan- ches, ce qui concorde aussi avec une production de feuilles plus considérable dans le premier cas que dans le second. Cherchons maintenant la valeur alimentaire des douze récoltes obtenues, tant en planches que sur billons. Rendement à l’hectare. ÉCAR- MATIÈRES SUCRE TEMENT RE des s rO- ; ES = racines. PATES tarde p. 100. total. Mètr. Kilogr. Kilogr. Kilogr. 1° Culture en planches. 0,20 4 260 312 6.40 49 0,25 4 AS 358 6.16 15 0,30 3 133 267 5.80 1 276 0,35 3 067 249 5.64 1 236 0,40 2457 231 » .00 945 0,50 22529 217 2.20 1 027 20 Culture en billons. 0,20 à 495 365 6.00 1 543 0,25 3 696 379 5.90 1 690 0,30 2 874 315 5.10 1 428 07350 2 600 276 4.65 1 209 0,40 DAT 265 1425 1 083 0,50 2 563 250 3.80 1015 Si nous comparons les chiffres inscrits dans les colonnes ci-dessus, nous voyons, el on pouvait s’y attendre, qu'il n’y a pas de différence bien sensible entre la richesse nutritive des betteraves obtenues sur billon et sur planche. 412 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La matière sèche fournie par les unes et par les autres est à peu près en même proportion. L’azote présente aussi un quantum analogue, sur les quatre pre- mières parcelles. Il a fléchi un peu sur les deux dernières de celles qui étaient façonnées en billons ; mais comme le poids de la récolte était, là, supérieur à celui de la récolte en planches, l’avantage lui resle en lan! que production de malières protéiques. Quant au sucre, non seulement sa production centésimale a dimi- nué quand augmentait l’espacement des racines, mais elle a toujours été un peu plus faible sur les billons que sur les planches. Il est difficile de considérer ce résultat comme la conséquence du mode de culture. Il peut être dû au hasard ou à des conditions locales qui nous échappent. Il appelle néanmoins l’attention et il sera vérifié à la prochaine récolte. Si ce point reste indécis, nous pouvons, du moins, dégager de la présente expérience quelques faits : 1° Le rapprochement des betteraves, dans les lignes, élève nota- blement leur rendement en poids; 2° Le maximum d'augmentation correspond aux écartements de 20 et 25 centimètres ; 3° La culture en billons a donné plus que la culture en planches, pour les espacements de 50 à 50 centimètres ; 4 Le résultat a été le même pour les espacements de 20 et 25 centimètres, pris ensemble. Planches: 58 256 kilogr. ; billons : 09 380 kilogr. Il y a lieu de remarquer que, sur les planches, les lignes auraient pu êlre distancées de moins de 60 centimètres, ce qui eût certaine- ment changé le rendement. Les prochains essais résoudront cette question ; 9° La production foliacée a été plus grande sur billons que sur planches ; É 6° Le volume des racines était plus grand également sur billons, mais ce n’est pas un avantage; le rendement en sucre l’indique d’une manière très nelte. TABLE DES MATIÈRES PUMTOME, DEUXIEME. (1899) D' Wollny. — La décomposition des matières organiques et les formes d’humus dans leurs rapports avec l’agriculture (suite) . J. Graftiau. — Les bases du prix de vente des scories de déphos- phoration . — Les laboratoires d’ analyses de l État. Rapport présenté à l'assem- blée générale extraordinaire du 18 décembre 1898. E. Kayser. — Application des levures sélectionnées en vinification. Méthodes conventionnelles adoptées par les laboratoires belges, les stations agricoles hollandaises et la station agricole du grand-du- ché de Luxembourg pour l'analyse des matières fertilisantes et des substances alimentaires du bétail . He J. Graftiau. — Composition de betteraves sucrières très riches de la campagne 1898 . RELEASES RD A. Girard et L. Lindet. — Recherches sur le on progressif de la grappe de raisin . D' Wollny. — La décomposition des de orc ganiques et îles formes d’humus dans leurs rapports avec l’agriculture (suile) . P. Ototzky. — Influence des forêts sur les eaux souterraines (Ex- cursion hydrologique de 1897 dans les forêts septentrionales). H. Coudon. — Recherches expérimentales sur la culture de la fraise dans les environs de Paris . D" Wollny. — La décomposition des matières Orcniques el es formes d’humus dans leurs rapports avec l’agriculture (suite) . L. Grandeau. — La culture des céréales en France à dix ans de distance (1889 à 1898). Ve A. Andouard. — Champ d’' expériences de la station agronomique de la Loire-[nférieure . A. Couraud et A. Andouard. — Influence de ee sur r le rendement des betteraves . Nancy, impr. Berger-Levrault et Cie. 1441 " — ee 4 EE A OT LS Mi 185