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ANNALES

FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE

Comité de rédaction des Annales.

Rédacteur en chef :

L. GRANDEAU, directeur de la

ü. Gayon . directeur de la Station agronomique de Bordeaux.

Guinon, directeur de la Station agro¬ nomique de Chàteauroux.

Ph. Bonâme, directeur de la Station agronomique.de Pointe-à-Pitre (Gua¬ deloupe).

A. Mathieu, sous-directeur et profes¬ seur honoraire de l’École nationale forestière.

Station agronomique de l’Est.

Th. Schlœsing, de l’Institut, professeur à l’Institut national agronomique.

E. Risler, directeur de l’Institut na¬ tional agronomique.

A. Girard, professeur à l’Institut agro¬ nomique.

A. Müntz, chef des travaux chimiques à l’Institut national agronomique.

P. Fliche, professeur à l’École natio¬ nale forestière.

V '

Correspondants des Annales pour l’étranger.

ALLEMAGNE.

L. Ebermayer, professeur à l’Univer¬ sité de Munich.

J. Kônig, directeur de la Station agro¬ nomique de Munster.

Fr. Nobbe, directeur de la Station agronomique de Tharand.

Tollens, professeur à l’Université de Gôttingen.

ANGLETERRE.

R. Warington, chimiste du laboratoire de Rothamsted.

Ed. Kinch, professeur de chimie agri¬ cole au collège royal d’agriculture de Girencester.

AUTRICHE-HONGRIE.

Moser, chevalier de Moosbruch, direc¬ teur de la Station agronomique de Vienne.

A. de Seckendorff, directeur de la Station forestière de Vienne.

BELGIQUE.

A. Petermann, directeur de la Station agronomique de Gembloux.

ÉCOSSE.

T. Jamieson, directeur de la Station agronomique d’Aberdeen.

ESPAGNE ET PORTUGAL.

R. de Luna, professeur de chimie à l’Université de Madrid.

ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE.

E. W. Hilgard, professeur à l’Univer¬ sité de Californie.

HOLLANDE.

A. Mayer, directeur de la Station agro¬ nomique de Wageningen.

ITALIE.

A. Cossa, professeur de chimie à l’École d’application des ingénieurs, à Turin.

NORWÈGE ET SUEDE.

Bergstrand, directeur de la Station agronomique de Stockholm.

SUISSE.

E. Schultze, directeur du laboratoire agronomique de l’École polytech¬ nique de Zurich.

RUSSIE.

Thoms, directeur de la Station agro¬ nomique de Riga.

Nota. Tous les ouvrages adressés franco à la Rédaction seront annoncés dans le premier fascicule qui paraîtra après leur arrivée. Il sera , en outre, publié une analyse des ouvrages dont la spécialité rentre dans le cadre des Annales ( chimie , physique , géologie, minéralogie , physiologie végétale et animale, agriculture, sylviculture, technologie, etc.).

Toutes les communications relatives à la rédaction des Annales [manuscrits , mémoires, livres) doivent être adressées franco à M. L. Grandeau, rédacteur en chef des Annales, à Nancy.

K ANNALES

DE LA

AGRONOMIQUE

/ >

ORGANE

DES STATIONS AGRONOMIQUES ET DES LABORATOIRES AGRICOLES

PUBLIÉES

Sous les auspices du Ministère de l’Agriculture

PAR

Louis G R A N D E A U

DIRECTEUR DE LA STATION AGRONOMIQUE DE L’EST MEMBRE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’AGRICULTURE VICE-PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D’ENCOURAGEMENT A l’aGRICULTURE DOYEN DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE NANCY

PARIS

BERGER-LEVRAULT ET Cie, LIBRAIRES-ÉDITEURS

5, Rue des Beaux-Arts, 5 MÊME MAISON A NANCY

1884

"N

t

\

I

Au mois de juin 1881, dans sa sixième et dernière séance, le Congrès international des directeurs des Stations agrono¬ miques, réuni à Versailles, décidait, en principe, sur la propo¬ sition du Commissaire général, la fondation d’un organe spécial des Stations agronomiques l.

Le Congrès exprimait le vœu que cette publication fut faite avec le concours et sous les auspices du ministère de l’agri¬ culture.

Le savant professeur à l’Université de Madrid, R. de Luna, représentant l’Espagne au Congrès et président de la séance, proposa de rendre internationale la future publication, ce que l’assemblée vota par acclamation.

Dans la réunion annuelle des directeurs des Stations et des laboratoires agricoles français, tenue à Paris en septembre 1882, le Commissaire général du Congrès de 1881 rendit compte à ses collègues du résultat des démarches faites en vue de mettre à exécution la décision du Congrès. Il leur fit connaître l’accueil favorable qu’il avait rencontré auprès de MM. Tirard, Devès et de Mahy, devenus successivement, depuis la réunion du Congrès, ministres de l’agriculture, et le concours sympathique et empressé que l’éminent directeur de l’agriculture, M. le con¬ seiller d’État E. Tisserand, n’avait cessé de prêter à la réalisa¬ tion de ce vœu.

Les directeurs des Stations françaises chargèrent leur Com-

t. Comptes rendus des travaux du Congrès international des Stations agrono¬ miques, p. 279 et suiv. In-8°, Berger-Levrault et Cie, et Librairie agricole, 1881.

VI

missaire général de transmettre au ministre et au directeur de l’agriculture l’expression de leur gratitude. Ils lui confièrent, en outre, le soin de hâter, autant que possible, la publication d’un recueil appelé à établir un lien permanent entre les savants des divers pays voués à l’étude scientifique des questions agri¬ coles et forestières.

Une décision ministérielle, en date du décembre 1882, ratifiant le titre, le plan général et le programme du futur recueil, lui assurait, à partir de 1883, le patronage du dépar¬ tement de l’agriculture. Cette décision me fut notifiée au com¬ mencement de janvier; je m’occupai immédiatement de l’orga¬ nisation des Annales de la Science agronomique française et étrangère et de leur publication.

Mon premier soin a été de constituer un comité de rédaction et de m’assurer, en France et à l’étranger, la collaboration d’agronomes et de forestiers éminents dont le nom seul est, pour l'œuvre naissante, un puissant élément de succès. Je les remercie cordialement de l'empressement qu'ils ont mis à me donner leur concours. Les Annales auront, en effet, grâce aux correspondances de nos collègues des deux mondes, un carac¬ tère vraiment international et tout donne lieu d’espérer qu’elles prendront à bref délai, dans la littérature scientifique, une place digne des grands intérêts auxquels leurs savants collabo¬ rateurs ont consacré leur existence1.

Les Annales de la Science agronomique française et étran¬ gère seront l'organe, des Stations agronomiques et des labora¬ toires agricoles dont le nombre s’accroît rapidement et qui rendent des services chaque jour plus étendus et mieux ap¬ préciés par l’agriculture. Elles publieront les travaux de ces établissements présentant un intérêt général et que leurs auteurs étaient jusqu’ici réduits à insérer dans des recueils peu ré-

t. Voir, en tête des Annales, la composition du Comité de rédaction et la liste des correspondants pour la présente année.

VII

pandus ou n’arrivant pas, en raison de leur spécialité trop res¬ treinte, dans les mains des agriculteurs et des agronomes. Réservant pour le Bulletin, que la plupart d’entre eux publient, les résumés d’expériences et les travaux d’un intérêt local, les directeurs des Stations agronomiques trouveront dans les Annales un organe ouvert à l’exposé de leurs recherches de chimie, de physiologie, de géologie, etc., appliquées à la nutri¬ tion des plantes et des animaux, base fondamentale de l’agri¬ culture.

X

Ce recueil contiendra tous les documents de nature à faci¬ liter l’étude des questions professionnelles dont l’examen et la solution présentent un si haut intérêt pour les progrès de l’agriculture : organisation des Stations, direction générale et spéciale à donner aux travaux de ces établissements ; mode de recrutement de leur personnel ; développement, suivant les régions agricoles, des laboratoires, des champs et des étables d’expériences, spécialement adaptés aux besoins divers de l’agri¬ culture, sur les différents points du territoire; mode et fonctionnement des Stations étrangères et résultats obtenus par elles.

Grâce à ses relations constantes avec ses collaborateurs étrangers, la Rédaction des Annales sera en situation de porter rapidement à la connaissance des agronomes français les nou¬ velles scientifiques de nature à les intéresser. Les travaux parus en Allemagne, en Angleterre, en Relgique, en Espagne, en Ita¬ lie, en Suisse, en Suède, en Norwège, en Russie, aux États-Unis, etc..., en un mot, dans tous les pays la science agronomique et forestière est en honneur, occuperont une large place dans notre recueil.

Cette partie de la tâche des Annales ne sera pas la moins utile. Elle répondra au désir, bien des fois exprimé par nos collègues, de posséder un recueil qui offre, suivant l’importance des sujets, une indication, un résumé ou une traduction inté-

VIII

grale des mémoires publiés à l’étranger et trop souvent ignorés des savants français.

Les ouvrages traitant de l’une des branches des sciences appliquées à l’agriculture, seront l’objet d’une analyse plus ou moins étendue, suivant leur importance.

Chaque fois que cela sera nécessaire, des figures ou des planches accompagneront le texte.

Enfin, tous les actes officiels relatifs à la création et à l’orga¬ nisation des Stations agronomiques et des laboratoires agricoles, au mouvement de leur personnel et tous les autres documents de nature à intéresser les directeurs de ces établissements, se¬ ront insérés régulièrement dans les Annales.

Le recueil dont nous inaugurons aujourd’hui la publication paraîtra par fascicules et formera, par année, deux volumes de 500 pages environ.

Les Annales comprendront les principales divisions suivantes :

'1° Mémoires originaux français et étrangers;

Analyse de travaux français et étrangers;

Bibliographie. Indication des livres nouveaux et titres des mémoires parus dans les recueils étrangers les plus impor¬ tants;

Actes officiels concernant les Stations agronomiques et l’enseignement agricole;

Comptes rendus des réunions annuelles des directeurs et des sessions des Congrès internationaux des Stations agrono¬ miques et des laboratoires agricoles.

Le Comité de rédaction apportera tous ses soins au choix des travaux à publier. Il s’efforcera de rendre les Annales aussi in¬ téressantes que possible, par la valeur des mémoires originaux qui en formeront la partie capitale, et non moins utiles, par l’exactitude et par le nombre des indications bibliographiques. Nous espérons ainsi combler une lacune regrettable de notre littérature agronomique.

* IX

Le nom seul des éditeurs des Annales est une garantie cer¬ taine des soins matériels apportés à leur confection et de la parfaite exécution du texte et des figures qui raccompagneront chaque fois que cela sera nécessaire. Je saisis avec empresse¬ ment l’occasion de remercier, au nom des directeurs des Sta- tions agronomiques, MM. Berger-Levrault et Cie de la libéralité et du désintéressement avec lesquels ils ont accepté d’être les éditeurs des Annales.

Naître ne suffit pas; il faut vivre et se développer. Après avoir adressé mes remercîments à ceux de mes collègues fran¬ çais et étrangers qui ont accepté de partager la tâche de la rédaction, je fais appel au zèle et au dévouement de tous ceux qu’intéresse la science agricole et forestière, en faveur de la publication que nous inaugurons.

Œuvre de propagande scientifique en môme temps qu’organe autorisé des Stations agronomiques et forestières, nos Annales s’adressent à un public relativement restreint aujourd’hui, mais qui ira grandissant avec le développement et la faveur des études agricoles en France, avec le nombre chaque jour crois¬ sant des Stations expérimentales auxquelles flnstitut national agronomique prépare des directeurs à la hauteur de leur mis¬ sion. Dans le présent, le bon vouloir de tous est nécessaire au succès de notre Recueil. Le concours du ministère de l’a¬ griculture nous est largement acquis. Nous pensons pouvoir compter sur celui des agriculteurs.

Les directeurs des Stations espèrent que leurs Annales trou¬ veront dans le grand public agricole de la France, si directe¬ ment intéressé au progrès de la science agronomique, l’aide et les encouragements auxquels leur dévouement à l’œuvre com¬ mune, la plus féconde que puisse poursuivre une nation l’accroissement du rendement de son sol, leur donne peut- être quelque droit.

Décembre 1883.

L. Ghandeau.

SUR LA

CONDENSATION DES GAZ

PAR LA TERRE VÉGÉTALE

Par Th. SC HL CE SING

MEMBRE DE i/lNSTITUT, PROFESSEUR A l/lNSTITUT NATIONAL. AGRONOMIQUE

Plusieurs savants ont admis que la terre végétale pouvait, comme divers corps poreux, condenser les gaz. Ils s’appuyaient sur cette propriété pour expliquer l’énergie des combustions qui s’accom¬ plissent dans le sol, et particulièrement les phénomènes de la nitrification. A l’époque je m’occupais de cette dernière question, j’ai cherché à savoir si l’on avait tort ou raison de prêter à la terre le pouvoir dont il s’agit; j’ai trouvé qu’elle ne l’avait à aucun degré.

La méthode que j’ai employée consiste à extraire la totalité des gaz que renferme une masse déterminée de terre, à remplir ensuite avec de l’eau les espaces vides et à comparer le volume de l’eau absorbée avec celui des gaz ramenés à la pression et à la température de la terre.

On remplit de terre une carafe d’un demi-litre; on la ferme avec un bon bouchon de caoutchouc légèrement graissé. Le bouchon est traversé par un tube en T ; les deux extrémités a et b de ce tube sont effilées, la première est ouverte et l’autre fermée. Pour déter¬ miner exactement la température des gaz contenus dans la carafe, on la porte dans une cave et on la plonge dans une terrine pleine d’eau. Après un jour d’attente, on peut être certain que le contenu de la carafe est en équilibre de température avec le milieu ambiant;

2

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

un thermomètre placé dans l’eau de la terrine donne alors la tempé¬ rature cherchée.

On rapporte la carafe au laboratoire, après avoir fermé la pointe a par un trait de chalumeau, et l’on raccorde cette pointe avec une

trompe à mercure au moyen d’un caoutchouc c. La trompe est mise en marche, et, le vide obtenu dans le conduit de raccord, une cloche graduée est placée sur la cuve à mercure au-dessus de l’orifice de dégagement; puis la pointe a est brisée sous le caoutchouc. Quand tout le gaz est extrait de la carafe, on serre fortement le caoutchouc c avec une pince p.

On a préparé d’autre part un ballon plein d’eau bouillie et absolu¬ ment exempte d’air. A cet effet, pendant l’ébullition du liquide, le col du ballon a été fermé avec un bouchon de caoutchouc percé d’un trou, puis, tandis que la vapeur s’échappait abondamment par ce trou, on y a placé un obturateur en verre. La pointe b du tube en T est reliée par un caoutchouc avec un tube courbé F qu’on a rempli d’eau bouillie. Veut-on mesurer le volume des vides existant dans la terre après l’extraction des gaz, on débouche le ballon, on y plonge

SUR LA CONDENSATION DES GAZ PAR LA TERRE VÉGÉTALE.

le tube F et l’on brise la pointe b. L’eau appelée par le vide dans la carafe y remplit tous les espaces primitivement occupés par l’air,

compris le tube en T. Le ballon a été pesé avant d’être débouché; il est pesé de nouveau, après que l’eau a cessé de pénétrer dans la carafe. La perte de poids constatée donne le volume de l’eau intro¬ duite.

Les résultats obtenus ont besoin d’être légèrement corrigés. Si la terre est tout à fait sèche, il n’y a qu’une correction très simple à opérer. Le ballon a été pesé successivement exempt d’air intérieur, puis contenant de l’air. Pour que la différence des deux pesées représente exactement le poids de l’eau sortie du ballon, il faut augmenter cette différence du poids de l’air qui a pénétré dans le ballon.

Supposons la terre humide. La même correction est d’abord à faire. Il convient ensuite de considérer que l’eau renfermée dans la terre tient en dissolution une certaine quantité d’oxygène, d’azote et d’acide carbonique, que le vide fait dégager et qu’il faut déduire du volume total des gaz recueillis. Pour calculer cette quantité, il suffit de connaître le poids de l’eau en question (on détermine à cet effet l’humidité et le poids de la terre), les coefficients de solu¬ bilité des trois gaz et la composition de l’atmosphère confinée dans la carafe, composition qui s’obtient comme on va voir. Il y a enfin à tenir compte de ce que la terre contient des carbonates de chaux et de magnésie qui ont la propriété d’absorber l’acide carbonique en présence de l’eau pour former des bicarbonates et de restituer ce gaz dans le vide. 11 s’agit de savoir quelle est la quantité d’acide

4

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

carbonique due à cette cause dans notre expérience. Lorsqu’on commence à extraire les gaz de la carafe, on recueille à part, dans une petite cloche graduée, les premières bulles qui se dégagent. A ce moment, la décomposition des bicarbonates n’a pu encore souiller d’une manière appréciable l’atmosphère confinée. On a donc un échantillon fidèle de cette atmosphère ; on y dose l’acide carbonique. Si l’on détermine aussi cet acide dans le restant des gaz recueillis, la connaissance des deux taux obtenus permettra de calculer l’excès d’acide carbonique aux bicarbonates; on retranchera cet excès du volume total.

Ces diverses corrections opérées, on trouve constamment que le volume de l’eau introduite dans la terre est égal au volume des gaz extraits ramenés à la température et à la pression qu’on a observées dans la cave. Donc la terre ne condense pas les gaz.

On constaterait peut-être une condensation appréciable si la terre renfermait une forte proportion de débris de charbon. On sait, en effet, que ce corps a la propriété d’absorber les gaz. Si l’on calcine de la terre en vase clos, elle acquiert cette propriété ; elle la doit alors à la présence du charbon qui s’est formé par la décomposition de la matière organique.

Les tableaux suivants présentent les résultats de quelques-unes de mes expériences. La plus grande différence trouvée entre le volume de l’atmosphère confinée dans la carafe et celui de l’eau introduite n’a pas atteint tïït de ces volumes. Un tel résultat permet de con¬ clure qu’il n’y a pas condensation de gaz par la terre. Le tableau IV montre d’ailleurs, à quelle condensation peut donner lieu le char¬ bon fin provenant de la calcination de la matière organique en vase clos.

I- Terreau de jardin mêlé de terre maigre.

Poids de la terre . 427 grammes.

Humidité . 10,4 °/0

Par suite, eau contenue dans la terre . 44cc,4

Gaz de la carafe ramenés à la température de 8°, 2 et à la pression de 753mm ob¬ servées dans la cave :

SUR LA CONDENSATION DES GAZ PAR LA TERRE VÉGÉTALE.

O

lre portion des gaz extraits de la carafe, contenant 0,19 °/0 d’acide carbonique .... 2e portion, gaz restant . . .

Acide carbonique Volume

en excès sur le taux de des gaz diminué Volume 0,19 °/<>, ou acide car- de l’acide carbo^

des gaz bonique provenant de la nique dégagé recueillis. décomposition des par

bicarbonates par le vide, les bicarbonates.

3SCC,7 1 » 3SCC,7 1

291 ,13 lcc,29 2S9CC,S4

328 ,55

Volume calculé des gaz dissous dans les 44cc,4 d’eau de la terre, à

déduire . 0 ,93

Volume réel de l’atmosphère gazeuse de la carafe . 327cc,62

Eau introduite dans la carafe :

D’après la différence des pesées . . . . 327cc,05

Correction due à l’air introduit dans le ballon entre les deux pesées . 0 ,94

Volume réel de l’eau introduite . 327 ,99

Excès du volume de l’eau introduite sur le volume de l’at¬ mosphère confinée dans la carafe . . 0 ,37

II. Terre de Boulogne-sur- Seine.

Poids de la terre . 526", 5

Humidité . 16,45 °/o

Par suite, eau contenue dans la terre. . . 86cc,6

Gaz de la carafe ramenés à la température de 8°, 9 et à la pression de 756mm,8 observées dans la cave :

Volume des gaz recueillis

Acide carbonique en excès sur le taux de 0,42 o/o, ou acide car¬ bonique provenant de la décomposition des bicarbonates par le vide.

Volume

des gaz diminué de l’acide carbo¬ nique dégagé pai-

les bicarbonates.

lre portion des gaz extraits de

la carafe, contenant 0,42 °/0

d’acide carbonique ....

2e portion l 2 3 1 } (

> gaz restant . . <

3e portion.

42cc,21 244 ,27 9 ,33

» 42cc, 2 1

2CC,90 241 ,37

8 i48 0 ,85

2S4CC;43

1. On a recueilli les dernières traces des gaz de la carafe dans une petite cloche spéciale, en faisant fonctionner la trompe pendant très longtemps. On a obtenu ainsi quelques centimètres cubes de gaz très riches en acide carbonique ; c’est la 3e portion qui figure dans le tableau. La décomposition des bicarbonates, qui a fourni cet acide, ne s’achève d’une manière complète que lentement.

6 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Volume calculé des gaz dissous dans les 86Cc,6 d'eau de la terre, à

déduire . lcc,SO

Volume réel de l’atmosphère gazeuse de la carafe . 2S2CC,63

Eau introduite dans la carafe :

D'après la différence des pesées . 282cc,10

Correction due à l’air introduit dans le ballon entre les deux pesées . 0 ,78

Volume réel de l’eau introduite . 2S2CC,88

Excès du volume de l'eau introduite sur le volume de l’at¬ mosphère confinée dans la carafe . 0,25

III. Terre de Boulogne- sur-Seine.

Poids de la terre . 591 grammes.

Humidité . 4,25 °/0

Par suite, eau contenue dans la terre . 25cc,l

Gaz de la carafe ramenés à la température de 8°, 4 et à la pression de 75Snim,8 observées à la cave :

lre portion des gaz extraits de

la carafe, contenant 0,15 °/0

d’acide carbonique ....

2e portion. )

. gaz restant . . 3e portion1 &

Volume des gaz recueillis

Acide carbonique en excès sur le taux de 0,15 °j o, ou acide car¬ bonique provenant de la décomposition des bicaibonates par le vide.

Volume

des gaz diminué de l’acide carbo¬ nique dégagé par

les bicarbonates.

42cc,86 » 4 2 cc , 8 6

249 ,64 0CC,05 249 ,59

3 ,88 1 ,78 2 ,10

Volume calculé des gaz dissous dans les 25cc,l d’eau de la terre, à déduire . . . .

294cc,55 0 ,50

Volume réel de l’atmosphère gazeuse de la carafe

294cc,05

1 . Même observation que pour le tableau II.

Nota. Quand la terre a une humidité très faible, on ne peut plus admettre, pour les calculs, que l’atmosphère confinée dans la carafe est saturée de vapeur d’eau. J’ai déterminé directement par l’expérience la tension de la vapeur d’eau s'exerçant alors dans l’atmosphère confinée. A cet effet, j’ai fait passer un grand volume d’air sur de la terre semblable en tous points à celle de la carafe, et j’ai recueilli ensuite dans un tube desséchant l’eau dont s’était chargé l’air. Du poids de cette eau, j'ai déduit la tension cherchée. J'ai trouvé que lorsque l'humidité de la terre est de 4,25 °/0, la tension de la vapeur d'eau est réduite aux 77^7 de la tension maxima correspondant à la température de la terre.

SUR LA CONDENSATION DES GAZ PAR LA TERRE VÉGÉTALE. 7

Eau introduite dans la carafe : g

D’après la différence des pesées . 292CC,S0

Correction due à l’air introduit dans le ballon entre les deux pesées . 0 ,80

Volume réel de l’eau introduite . 293cc,60

Excès du volume de l’atmosphère confinée dans la carafe

sur le volume de l’eau introduite . 0,45

IV. Terreau de jardin tam isé et calciné en vase clos.

Après la calcination, le terreau a été étalé et exposé à l’air pendant plusieurs heures. Poids du terreau . 420 grammes.

Gaz de la carafe ramenés à la température de et à la pression de 7G0mra,9 obser¬ vées dans la cave :

Acide carbonique Volume

en excès sur le taux de des gaz diminué Volume 0,11 ®/o, ou acide car- de l’acide carbo-

des gaz bonique provenant de la nique dégagé recueillis. décomposition des par

bicarbonates par le vide, les bicarbonates.

tre portion des gaz extraits de la carafe, contenant 0,1 1 °/0

d’acide carbonique .... 43cc,23 » 43cc,23

2e portion. ) ( 436 ,18 0CC,83 435 ,35

3e portion1 ) { la ,65 1 ,25 14 ,40

Volume de l’atmosphère gazeuse de la carafe . 492cc,98

Eau introduite dans la carafe :

D’après la différence des pesées . . 375cc,20

Correction due à l'air introduit dans le ballon entre les deux

pesées . *. 0 ,88

' 376CC,0S

Excès du volume de l’atmosphère gazeuse contenue dans la

carafe sur l’eau introduite . 1 16 ,90

1 . Même observation que précédemment.

a

ANN. SCIENCE AGItON.

RECHERCHES CHIMIQUES

SUR LA

MATURATION DBS Gr TUAI NT S

Par M. A. MUNTZ

CHEF DES TRAVAUX CHIMIQUES A L’INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE

A côté de la fonction prédominante des végétaux supérieurs qui consiste à élaborer, par les parties vertes, la matière organique aux dépens de la matière minérale, se place une fonction secondaire qui tend à accumuler, dans certains organes, ces principes ainsi conquis à la vie végétale, en les transformant plus ou moins, de manière à en faire des réserves à utiliser ultérieurement. C’est ainsi que la graine, impuissante à soutirer directement au sol et à l’atmosphère les éléments destinés à fournir à l’embryon sa pre¬ mière nourriture, concentre dans ses tissus, à l’époque de la matu¬ rité, les substances que les organes foliacés ont préparées.

Le mécanisme de ce transport et les modifications produites à l’intérieur du grain peuvent être étudiés par le microscope; on a pu ainsi observer certains faits relatifs à la formation de l’amidon, des matières grasses, etc. Mais ce mode de recherche ne permet pas de saisir la présence de quelques corps' dont le rôle est impor¬ tant, tels que les sucres, les gommes, etc.; il a encore l’inconvénient de ne fournir aucune notion sur l’importance, comme quantité, des principes qui sont en jeu. L’analyse chimique peut intervenir utile¬ ment, conjointement avec l’examen microscopique, dans l’étude de l’accroissement et de la maturation du grain.

A côté des matières azotées et des sels minéraux que renferment tous les grains, se placent les éléments hydrocarbonés dont le rôle consiste surtout à fournir à la jeune plante, avant le commencement de sa vie propre, l’aliment respiratoire dont elle a besoin. Les ma-

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA MATURATION DES GRAINS. 9

tières amylacées et les corps gras sont les plus abondants parmi ces éléments qui ont, en outre, un intérêt considérable au point de vue de l’alimentation et des applications industrielles.

J’ai cherché à élucider quelques faits se rattachant à la formation de l’amidon et des graisses dans les grains, en examinant le grain à différentes époques, depuis sa formation jusqu’à sa maturité com¬ plète; j’ai aussi étudié quel était le moment de la maturité le plus favorable à un rendement élevé de récolte et quelle était l’influence, sur la conservation, d’une récolte prématurée. Dans la première partie de ce travail je ne parlerai que des céréales, qui sont les graines amylacées les plus usuelles.

Lorsqu’on examine le grain d^s graminées cultivées comme cé¬ réales, au moment il commence à se former, on le trouve rempli d’un liquide laiteux dans lequel le microscope montre de l’amidon à divers degrés de développement. Ce liquide qui a une saveur fade, existe avec le même aspect jusqu’au moment la maturité ap¬ proche; alors le grain durcit, se dessèche : c’est l’époque de la ré¬ colte. Quelles sont les transformations que subit la matière hydro- carbonée pour arriver à l’amidon qui paraît être dans ces grains un produit ultime?

Les matières hydrocarbonées, auxquelles leur composition a fait donner le nom d’hydrates de carbone, jouent dans la vie des plantes un rôle prépondérant. A l’état de sucres, de gommes, de matières amylacées, de cellulose, elles existent à tout moment dans les di¬ verses parties des végétaux. Sous les diverses formes qu’elles peu¬ vent affecter, elles constituent l’état que revêt le plus généralement le carbone pour passer d’un degré d’organisation plus simple à un degré plus élevé, et inversement. Les transformations de ces subs¬ tances les unes dans les autres, transformations dont le mécanisme nous échappe presque toujours, sont liées aux fonctions les plus intimes des végétaux. C’est pour cette raison que nous insistons sur les faits qui ont trait à ces substances.

Maturation du grain de seigle.

1) Le grain de seigle, à quelque degré de maturité qu’on le prenne, a une saveur insipide qui ferait penser à l’absence de ma-

10

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

tières sucrées; cependant en le traitant par l’alcool, on obtient une solution contenant abondamment une substance qui, sans action im¬ médiate sur les liqueurs cuivriques, en acquiert une très énergique après avoir été traitée par un acide minéral étendu. Il y a donc lieu d’y rechercher la présence d’un sucre analogue au sucre de canne. Dans ce but, on a traité par de l’alcool à 80° des grains du seigle pris 3 semaines après la floraison (15 juin 1877), au moment ils étaient encore laiteux; l’alcool étant chassé à basse tempéra¬ ture, on a précipité parle sous-acétate de plomb. La liqueur obtenue ne donnait aucune déviation au polarimètre; après avqir été traitée à 100°, pendant d'eux minutes, par une petite quantité d’acide sulfu¬ rique (1 p. 100), elle a donné une déviation de 3°15 à gauche, à la raie du sodium; elle réduisait la liqueur de Fehling; on a dosé pour 100 de liqueur, 3.06 de sucre réducteur. Le pouvoir rotatoire du sucre préexistant est donc nul; celui du glucose formé est égal

à. 51°4.

2) Dans une autre expérience (27 juin 1877), on a traité la graine de seigle non encore mûre par de l’eau froide additionnée de sous- acétate de plomb; le liquide obtenu a été traité par l’acétate de plomb ammoniacal, le précipité lavé et décomposé par l’hydro¬ gène sulfuré et la liqueur décolorée par le noir animal, puis intervertie en la chauffant pendant deux minutes avec 1 p. 100 d’acide sulfurique. Cette liqueur contenait, pour 100, 5.60 de sucre réducteur et donnait au polarimètre une déviation de 5°74 à la température de 15°. Le pouvoir rotatoire, calculé avec ces données, est de 51°2. A l’origine, le liquide ne donnait aucune déviation et ne contenait que des traces de sucre réducteur.

3) Du seigle au même degré de maturité (27 juin) a été broyé et traité par de l’alcool faible; l’alcool a été chassé à basse tempéra¬ ture, la liqueur décolorée par le noir animal et ensuite additionnée d’alcool fort. On a obtenu une masse gommeuse blanche, légère¬ ment chatoyante, qu’on a lavée à l’alcool, redissoute dans l’eau et précipitée une seconde fois. La substance ainsi obtenue est insipide, sans action sur la lumière polarisée et les liqueurs cuivriques, même à l’état de solution concentrée; mais traitée à chaud, pendant quel¬ ques instants, par les acides minéraux très étendus, elle acquiert

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA MATURATION DES GRAINS. Il

une saveur sucrée, réduit abondamment les liqueurs cuivriques et dévie fortement à gauche le plan de la lumière polarisée. Une solu¬ tion intervertie, dans laquelle on a dosé 8.75 p. 100 de sucre réducteur a donné, à la température de 16°, une déviation de 9°06. Le pouvoir rotatoire, calculé avec ces données, est de^ 51°7.

En répétant ces essais à divers degrés de maturité, on a toujours obtenu le même résultat ; la graine de seigle contient , comme ma¬ tière sucrée, une substance dépourvue de pouvoir rotatoire et sans action sur le réactif cuivrique, mais qui se transforme, avec la même facilité que le sucre de canne, en glucose lévogyre réduisant la liqueur de Fehling. Les propriétés de cette substance se confon¬ dent avec celles du synanthrose on lévuline que M. G. Ville a signalé dans les racines des synanthérées et que M. Pope a étudié. L’iden¬ tité des deux substances a été vérifiée par la comparaison avec le synanthrose extrait des tubercules du topinambour. Ce tubercule contient du synanthrose en grande quantité ; c’est à ce sucre à sa¬ veur insipide qu’il doit la plus grande partie de sa valeur alimentaire. La proportion qu’on y trouve généralement est de 15 p. 100, c’est- à-dire les 3/4 de la matière sèche du tubercule. Pour le préparer, on râpe et on exprime; on précipite le jus par du sous-acétate de plomb et on sépare l’excès de plomb, après filtration, par de l’hy¬ drogène sulfuré. La liqueur obtenue est additionnée de deux fois son volume d’alcool à 90° qui précipite l’inuline. On décante, on concentre à basse température et on précipite la liqueur sirupeuse, décolorée par le noir animal, au moyen d’alcool fort. On obtient ainsi une masse pâteuse, blanche, d’un aspect chatoyant, refusant de cristal¬ liser, qu’on lave à plusieurs reprises par l’alcool. Cette masse cons¬ titue le synanthrose sensiblement pur, qu’on peut regarder comme un analogue du sucre de canne. Son pouvoir rotatoire est nul; il ne réduit pas les liqueurs cuivriques; mais les acides minéraux étendus le transforment rapidement à chaud en un mélange de deux glu¬ coses, le glucose dextrogyre normal et le lévulose, comme le fait le sucre de canne lui-même. Mais ainsi interverti, il a un pouvoir ro¬ tatoire voisin de 52° et double de celui du saccharose interverti. Ce résultat s’explique par le fait, établi par M. Pope, qu’au lieu de donner par sa transformation, des parties égales de lévulose et de

12

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

glucose, comme le sucre de canne, il donne deux parties de lévu¬ lose et une de glucose. La comparaison de la substance extraite de la graine de seigle avec le synanthrose des topinambours a montré l’identité des deux corps. Comme dernière vérification, on a extrait du synantbrose de seigle interverti le lévulose dont on a pu cons¬ tater les caractères essentiels. Cette extraction est facile par le pro¬ cédé de M. Dubrunfaut, qui consiste à précipiter le lévulose sous la forme de lévulate de chaux, à basse température, et à décomposer par l’acide oxalique le précipité calcaire, qu’on a exprimé et lavé à l’eau glacée; on a obtenu pour le lévulose ainsi extrait du synan¬ throse de la graine de seigle les résultats suivants :

Sucre réducteur pour 100 de liqueur . 9.22

Déviation observée à la température de 23° . 17°95

Ce qui donne un pouvoir rotatoire de 98°0 à 23°, qui, amené parle calcul à la température de 15°, donne 104°0. C’est donc

du lévulose normal. L’existence du synanthrose dans le grain de seigle, pris avant la maturité, est ainsi démontrée; ce sucre est le seul qu’on ait pu y rencontrer.

On a examiné, par les mêmes procédés, du seigle mûr de 1877, conservé depuis un an. La liqueur obtenue n’avait aucune action sur la lumière polarisée et ne réduisait pas la liqueur cuivrique; traitée à chaud par l’acide sulfurique dilué, elle a donné une dé¬ viation de 6°7 à la température de 19° et contenait, pour 100, 6.36 de sucre réducteur. Le pouvoir rotatoire du sucre interverti, calculé avec ces données et ramené à 15°, est de 52°7. Le synan¬ throse a été constaté de même dans des échantillons de seigle conservés depuis plusieurs années.

Ces résultats montrent que dans le grain de seigle, avant et après la maturité et même après une conservation de quelques années, existe un sucre analogue au sucre de canne, le synanthrose, qui n’avait été trouvé jusqu’à présent que dans les racines ou tubercules de quelques synanthérées.

Le synanthrose existe en proportions très variables dans le grain do seigle; extrêmement abondant dans les premiers temps du dé¬ veloppement de la graine, il diminue graduellement à mesure que

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA MATURATION DES GRAINS. 13

'i .

la maturation se produit et, même dans le grain mûr, il continue à décroître lentement; il est à présumer que, dans des échantillons d’origine très ancienne, on n’en trouverait plus. A mesure que le synanthrose diminue, on voit augmenter la proportion d’amidon, qu’on peut ainsi regarder comme provenant de la transformation de ce sucre.

Les chiffres suivants établissent ce fait.

EAU

POUR CENT

DATE DE IjA PRISE d’échantillon.

pour 100 rl p

de graine

sèche t.

OBSERVATIONS.

ue

graine fraîche.

Synanthrose.

Amidon.

25 mai 1878. . .

73.20

45.00

24.55

10 jours après la floraison.

2 juin 1878. . .

72.90

30.49

37.70

»

1 2 juin 1878. . .

64.64

19.06

47.36

»

24 juin 1878. . .

55.01

15.29

56.82

»

6 juillet 1878. .

26.64

13.12

64.03

»

12 juillet 1878. .

14.97

6.85

68.75

Époque de la récolte

13 octobre 1878. .

15.10

5.19

70.45

Conservé en tas.

POIDS

POUR

CENT

POUR CENT

DATE DE LA PRISE

d’échantillon.

de 100 grains.

de grain.

de grain sec.

Frais. Secs.

Mat. sèche.

Eau.

Synanthrose. Amidon.

Gr. Gr.

3 juin 1880. . .

2,07 0,57

27.6

72.4

30.50 26.50

13 juin 1880. . .

3,28 1,16

34.9

65.1

15.45 44.90

24 juin 1880. . .

4,58 2,06

47.4

52.6

11.36 53.20

7 juillet 1880. .

2,87 2,11

75.6

24.4

7.60 66.30

Dans le grain mûr, nous trouvons des quantités de synanthrose variables, suivant l’âge de la graine; la transformation en amidon paraît donc se continuer longtemps; peut-être aussi le synanthrose disparaît-il par le fait de la respiration.

Les chiffres suivants sont rapportés au grain «à l’état sec ; l’analyse a été faite en octobre 1878.

Date de la

Synanthrose

, récolte.

p. 100.

Seigle de la ferme de Vinccnnes . . .

. . . . 1878

5.16

...

. . . r 1877

3.68

Seigle d’Alsace .

4.56

Seigle d'Aubusson (Creuse) .

. . . . 1873

3.44

Seigle d'origine inconnue .

. . . . 18551 2

1.99

1. Dessiccation faite à 105°.

2. Conservé dans les collections du Conservatoire des arts et métiers.

14

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Le synanlhrose n’est pas également réparti dans les diverses parties du grain. On a broyé, au moulin à noix, du seigle de la ferme de Yincennes et on a séparé grossièrement, par le tamisage: de la farine blanche, de la farine bise, du son. On a dosé :

Synanthrose p. 100.

Dans la farine blanche . 3.50

bise . 4.67

Dans le son . 6.23

Dans de la farine blanche du commerce . 2.32

Dans du son de seigle du commerce . 4.18

La corrélation" qui existe entre la disparition du synanthrose et Lapparition de l'amidon nous a fait rechercher si le synanthrose, pour passer à l’état d’amidon, ne se transformait pas préalablement en glucose et subséquemment en dextrines. La marche inverse se pro¬ duit généralement, sinon toujours, lorsque l’amidon donne naissance à un saccharose. Ainsi, pendant la germination des graines amylacées, la production de sucre de canne, que j’ai pu constater dans presque tous les cas, est précédée de la formation des produits de décomposi¬ tion de l’amidon, les corps dextrineux et les glucoses.

Il ne paraît pas que l’élaboration de l’amidon donne lieu à la pro¬ duction de corps intermédiaires; il n’a jamais été possible de découvrir la moindre trace de substances avant de l’analogie avec les dextrines

et dont les caractères principaux sont le pouvoir rotatoire élevé et la propriété de se transformer en glucoses sous l’action des acides.

L’inuline existe dans les racines et tubercules des synanthérées dans lesquels on rencontre le synanthrose, et il paraît exister un lien de parenté entre ces deux substances qui donnent, par leur hydratation, la première du lévulose pur, la seconde deux tiers de son poids de lévulose. Il y avait donc lieu de rechercher, dans les grains de seigle, si riches en synanthrose, la présence de l’inuline.

Aucune trace de ce corps n’y a été trouvée; mais on a rencontré, en abondance, une substance ayant toutes les propriétés des gommes. Pour extraire cette substance, on broie la graine avec une solution à 5 p. 100 d’acétate neutre de plomb; on exprime après digestion, on filtre et dans la liqueur débarrassée de l’excès de plomb par l’hydrogène sulfuré, on ajoute de l’alcool. La gomme se dépose en

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA MATURATION DES GRAINS. 15

flocons blancs, à peu près exempts de matières azotées; on la lave, la redissout et la précipite une seconde fois. Elle a toutes les réac¬ tions des gommes: le sous-acétate de plomb la précipite; traitée par l’acide azotique, elle donne d^ l’acide mucique; son pouvoir rotatoire est lévogyre et peu élevé. Chauffée avec les acides minéraux étendus; elle donne des quantités de glucose qui augmentent graduellement pendant quelques heures. Le pouvoir rotatoire du glucose formé est dextrogyre. Cette gomme existe dans le grain pris à tous les degrés de développement; le grain mûr en renferme encore de notables quantités.

Le 25 mai, 100 de grain sec ont donné . 0.94 de gomme.

Le 3 juin, 2.40

Le 12 juin, 2.30

Grain mûr, 2.30

La gomme de la graine de seigle ne paraît donc pas constituer un état transitoire des éléments hydrocarbonés; mais ici, comme dans la généralité des cas , elle semble être un produit d’excrétion immobilisé et ne jouant plus de rôle dans les faits de nutrition des cellules végétales.

Maturation du grain de blé.

1) Le 3 juin 1880, des grains de blé ont été triturés et délayés avec de l’eau contenant du sous-acétate de plomb. Le liquide filtré et débarrassé de l’excès de plomb donnait une déviation de 0°8 ; il ne réduisait pas sensiblement la liqueur de Fehling. Après avoir été interverti, il déviait de 5°3 et contenant 4.2 p. 100 de sucre réducteur. La déviation due à l’inversion était donc de 4Ü5, ce qui conduit, pour le sucre réducteur formé, à un pouvoir rotatoire de 53°0. On n’a pas examiné quelle était la substance qui avait donné originairement la déviation de 0°8.

2) Le 3 juillet 1881 , des grains de blé encore laiteux ont été broyés avec du sous-acétate de plomb, la liqueur donnait une déviation de 0°3 et contenait 0.9 p. 100 de sucre réducteur. Après l’inversion la déviation était de 2°5 et la proportion de sucre réducteur de 2.9 p. 100 , ce qui donne, pour le sucre réducteur formé, un pouvoir rotatoire de 49°1 .

16

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

3) Le 13 juillet 1881, des grains de blé, pris environ 15 jours avant la maturité, ont été broyés avec de l’alcool faible, la solution alcooli¬ que a été évaporée à basse température et le liquide obtenu purifié parle sous-acétate de plomb. La déviation a été de 9°9 à la tempéra¬ ture de 25°, et la quantité de sucre réducteur de 13 .4 p. 100; ce qui donne pour le pouvoir rotatoire de ce sucre réducteur préexistant - 47°, 0, en ramenant par le calcul à la température de 15°. En inter¬ vertissant, on a obtenu une déviation totale de 16.°2 à la tempéra¬ ture de 27° et il s’était développé 6.8 p. 100 de sucre réducteur. Ces chiffres conduisent, pour ce nouveau glucose développé, à un pouvoir rotatoire de 52°3.

Tous ces chiffres montrent que le synanthrose existe dans le grain de blé avant la maturité et que souvent il y est mélangé avec les glucoses qu’il produit par son interversion.

Les quantités de synanthrose existant dans le grain de blé avant la maturité sont aussi considérables que dans le seigle : le 30 juin 1881, le grain étant pris peu de temps après la floraison, 100 grains pesaient 3gr, 573 et contenaient 0Sr,99 de matière sèche; elles ren¬ fermaient, pour 100, 6.90 de synanthrose, soit, pour 100 de matière sèche, 24.7.11 n’v avait pas sensiblement de sucre réducteur.

La quantité de synanthrose va en diminuant à mesure que la maturation avance et on trouve fréquemment ce sucre accompagné du glucose qu’il produit par son interversion. Dans le grain presque mûr, les résultats donnés par le polarimètra montrent qu’il y a un mélange de sucres dans des proportions variables; un sucre dextro¬ gyre apparaît de plus en plus abondant et finit par exister seul dans le grain mûr. Ce sucre est du sucre de canne ; en effet, une solution obtenue en traitant le blé mûr par le sous-acétate de plomb a donné une déviation de -+- 11°0et ne réduisait pas la liqueur cuivrique ; après l’inversion, elle donnait une déviation de 4°0 et contenait 9.02 de sucre réducteur pour 100. Ces chiffres conduisent pour le sucre préexistant, à un pouvoir rotatoire de H- 64°7, et pour le glu¬ cose formé, à un pouvoir rotatoire de 22°2. C’est donc du sucre de canne. En opérant sur des blés mûrs d’origine et d’àges différents, on trouve des résultats pareils aux précédents. Les quantités de sucre de canne contenues dans le blé mûr sont variables ; mais elles

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA. MATURATION DES GRAINS. 17

dépassent rarement 1.5 p. 100. Dans le grain de blé à divers degrés de développement, on a cherché la dextrine ; on n’a pu observer aucun corps ayant un pouvoir rotatoire dextrogyre élevé et se trans¬ formant en glucose par l’action des acides étendus et chauds. Il convient cependant de faire remarquer ici que nous éliminons, par le sous-acétate de plomb, des substances qui pourraient exister, consti¬ tuant des états plus ou moins solubles de l’amidon et que nous ne con¬ sidérons comme dextrines que les produits analogues à ceux que l’on obtient en solubilisant l’amidon par un acide ou parles ferments dias¬ tasiques. La présence de l’inuline n’a pas non plus pu être constatée.

On a cherché la présence des gommes proprement dites. Nous attachons une grande importance à l’étude de la diffusion des gommes dans les produits alimentaires. On sait quelle relation étroite lie les gommes et leurs dérivés au sucre de lait, dont la molécule fondamen¬ tale paraît la même. Certaines gommes, comme celle que j’ai fait connaître sous le nom de galactine 4, donnent même, par l’action des acides, le principal produit de dédoublement du sucre de lait, le galac¬ tose. L’origine du sucre de lait sécrété par les glandes des mammi¬ fères n’est pas encore déterminée. En effet, s’il est admis aujourd’hui que le sucre de lait, chimiquement défini, n’est produit que par les herbivores, on ne sait pas encore quelles sont, dans les aliments végé¬ taux, les substances qui peuvent concourir à sa formation; en un mot, on ne sait pas si l’animal trouve, toute formée, la molécule fonda¬ mentale du lactose ou s’il l’élabore aux dépens de n’importe quelle substance bvdrocarbonée, réalisant ainsi une synthèse qui n’a pas encore pu être effectuée dans le laboratoire. Au point de vue des fonc¬ tions physiologiques des animaux, cette question a un grand intérêt. Nous ne l’abordons ici qu’en passant, mais avec l’intention d’y revenir.

Une gomme proprement dite a pu être constatée dans le grain de blé pris avant la maturité , aussi bien que dans le grain mûr.

Maturation de l'orge et de l'avoine.

Le 3 juillet 1880, des grains d’orge céleste, encore laiteux, ont été traités par les procédés décrits plus haut. La liqueur ne donnait

1. Annales de chimie et de physique, t. XXVI, p. 121. (5e série.)

18

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

qu’une réduction très faible du réactif cuivrique ; mais elle déviait à gauche, de 1°4, le plan de la lumière polarisée. Après avoir été chauffé avec un acide, le liquide contenait 4.60 p. 100 de sucre réducteur et sa déviation était de 6°3.

Le pouvoir rotatoire du sucre interverti, calculé avec ces données, est de 53° 0. Le grain d’orge contient donc également, avant sa maturité, du synanthrose qui, ici encore, paraît jouer un rôle impor¬ tant par la forte proportion dans laquelle il existe.

Le 29 juin 1880, le grain étant encore laiteux, 100 grains pesaient 3§r,252 donnant 0sr, 91 3 de matière sèche. Ces grains contenaient, pour 100, 7.44 de synanthrose, soit 26.6 p. 100 de matière sèche.

Le 11 juillet, au moment de la maturité, 100 grains pesaient 3gr,49 donnant 2§r, 95 de matière sèche. Ces grains contenaient, pour 100, 1.70 de sucre non réducteur.

Dans le grain mûr, le synanthrose a disparu et, comme dans le blé, est remplacé par du sucre de canne. L’orge céleste, prise 3 mois après la récolte, a donné 1.5 p. 1 00 de sucre, ayant un pouvoir rota¬ toire de -h 66°0 et donnant par l’inversion un glucose d’un pou¬ voir rotatoire de 23°0. On n’v a pas trouvé de dextrine ni d’inu- line. La gomme y existe assez abondamment.

L’avoine n’a pas pu être soumise à un examen aussi minutieux. L’impossibilité de séparer le grain non mûr des glumes qui l’en¬ tourent, ne permet pas d’opérer sur le grain isolé. Cependant les résultats montrent, quoique avec moins de netteté, que le grain con¬ tient, avant la maturité, du synanthrose, et lorsqu’il est mur, du sucre de canne seulement.

Le grain de maïs s’éloigne, sous le rapport des matières sucrées, des céréales proprement dites. Il contient avant la maturité du sucre de fruits, c’est-à-dire le mélange, à proportions égales, de glucose et de lévulose, que donne le sucre de canne par sa transformation.

Le 17 septembre 1878, on a examiné le grain encore laiteux du maïs rond. La liqueur donnait une déviation de 3°6 à la tempé¬ rature de 19° et contenait, pour 100, 7.5 de sucre réducteur, ce qui donne un pouvoir rotatoire de 26°0 à la température de 15°. L’ac¬ tion des acides n'a pas modifié la déviation ni la proportion de sucre réducteur; il n’v avait donc pas de saccharose ou de synanthrose-

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA MATURATION DES GRAINS. 19

Dans le grain mûr, on ne retrouve pas de glucose, mais 1 à 2 p. 100 de sucre de canne. Du grain mûr, traité par l’alcool, a donné une solution déviant de q- 3°5 et ne réduisant pas la liqueur cuivrique. Après le traitement par l’acide, la déviation était de 0°7 et la quantité de sucre réducteur de 3.0 p. 100. Ces chiffres conduisent, pour le sucre préexistant, au pouvoir rotatoire de h- 67°3 et pour le glucose formé à celui de 23°3, correspondant à ceux que donne le sucre de canne.

Du ferment inver sif des grains.

Dans le grain de seigle, à toutes les époques de la maturation, le synanthrose se trouve inaltéré ; dans le grain de blé il n’en est pas toujours ainsi ; on trouve souvent, à côté du synanthrose, son pro¬ duit de dédoublement, mélange de deux parties de lévulose et d’une de glucose. Il y avait lieu de chercher si le grain de blé contenait un ferment inversif agissant sur le synanthrose. Dans ce but, on a pris deux lots égaux de grains de blé, cueillis le 29 juin 1882, au moment le grain est déjà très développé, mais encore laiteux ; l’un des lots a été broyé immédiatement avec de l’eau chargée de sous-acétate de plomb, qui arrête toute transformation ; l’autre lot a été écrasé avec un peu d’eau, soumis pendant 2 heures à une température voisine de 40° et traité ensuite comme le premier. Le premier lot contenait :

Pour 100 de graine : Synanthrose . 3.0

Synanthrose interverti . 0.0

Le second lot, placé dans des conditions telles qu’un ferment inver- tif pût y exercer son action, contenait :

Pour 100 de graine : Synanthrose . 1.7

Synanthrose interverti . 1.5

11 y a donc eu, en 2 heures, une action inversive considérable qui ne peut être attribuée aux traces d’acide organique que contient le grain, acide qui n’agit qu’avec une extrême lenteur sur le synan-

20

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

throse. Il y a donc lieu d’attribuer à un ferment inversif cette trans¬ formation si énergique.

Le grain de seigle, pris le 29 juin, à un degré de maturité plus grand, a été soumis au même traitement. Le lot traité immédiate¬ ment a donné pour 100 de grain :

Synanthrose . 5.1

Synanthrose interverti . 0.0

Le lot broyé et resté 2 heures à 40° a donné pour 100 de grain :

Synanthrose > . 5.0

Synanthrose interverti . 0.2

Ici cette action d’un ferment inversif est à peine manifeste.

Le grain d’orge s’est comporté comme le grain de blé, c’est-à- dire intervertissant rapidement, après avoir été broyé, le synanthrose qu’il renferme.

Il convient de faire ici une remarque : le ferment soluble qui existe dans le grain, n’exerce son action que lorsque les cellules sont déchirées; dans les grains entiers, pourtant il existe plus de 50 p. 100 d’eau, l’inversion est nulle, au moins pendant un temps assez long. Cette transformation qui ne s’accomplit que très lente¬ ment dans le grain intact, se trouve donc exagérée par le fait de la destruction du tissu cellulaire, comme si le ferment inversif était produit en plus grande abondance lorsque la vie propre de la cellule a cessé.

Le ferment inversif contenu dans le grain de blé n’est pas seule¬ ment capable d’intervertir le synanthrose contenu dans ce grain, mais encore le sucre de canne avec lequel on le met en contact : 2 lots de grains de blé non mûr, de 10 grammes chacun, ont été tritu¬ rés avec de beau et additionnés de quelques gouttes de chloroforme destiné à empêcher l’intervention des ferments figurés ; l’un des lots a reçu 0gr,2 de sucre de canne ; il n’y avait pas de sucre réduc¬ teur préexistant. Après 36 heures, on a dosé :

Dans le premier lot .

Dans le lot additionné de sucre

Glucose formé. . 0gr,56

. . 0 ,70

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA MATURATION DES GRAINS. 21

70 p . 100 du sucre de canne ajouté ont donc été transformés en glucose dans cet espace de temps.

Détermination des sucres dans les tiges et les feuilles.

La nature des sucres étant déterminée dans les grains, il convient de chercher s’ils sont formés dans le grain même ou si les feuilles les élaborent pour les lui fournir.

Les feuilles de seigle, prises le 25 mai 1877, quelques jours après la floraison, contenaient à peu près parties égales de sucre et de glu¬ cose. Les résultats obtenus au polarimètre font penser qu’il y avait un mélange de sucre de canne et de synanthrose avec les produits de l’inversion de ces deux sucres ; le synanthrose dominait, mais il n’a pas été possible de déterminer les proportions des matières en présence.

Les feuilles de blé prises le 5 juillet 1882, encore parfaitement vertes, ont donné par l’expression un jus ayant une déviation de -h 0°6 avant l’inversion et de 4°7 après. 11 y avait 3.65 p. 100 de sucre réducteur et 3.70 de sucre interversible.

Si tout le sucre inversible avait été du saccharose, la déviation primitive eût été bien plus forte ; le glucose existant après l’inver¬ sion avait un pouvoir rotatoire de 32°. Ici encore on a certaine¬ ment un mélange de synanthrose, de sucre de canne et de leurs produits de déboublement. On a du reste pu extraire, des tiges et des feuilles de blé, du synanthrose dont on a vérifié les principaux caractères.

Pour les tiges et les feuilles d’orge, la matière sucrée qu’elles renferment est constituée par du synanthrose mélangé de synan¬ throse interverti, sans sucre de canne.

Le 5 juillet 1882, on a exprimé le jus des feuilles d’orge. La déviation primitive était de 4°6, et après l’inversion elle était de 9°55 à la température de 23°. Il y avait 5.24 p. 100 de glucose préxistant et 4.50 de sucre non réducteur. Ces chiffres conduisent, pour le glucose formé, au pouvoir rotatoire de 51°8, identique avec celui du synanthrose inverti.

22

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Le jus des feuilles d’avoine, cueillies le 22 juin 1882, a donné une déviation de -h 1°2 et contenait 1 .28 p. 100 de sucre réducteur. Après l’inversion, la déviation était de 1°25 à 28° de température et la quantité de sucre réducteur de 3.27. Le pouvoir rotatoire de ce glucose, ramené à 15°de température, est de 23°0.Dans ce cas, on ne trouve donc qu’un mélange de sucre de canne et de son pro¬ duit de doublement.

Le ferment inversif que nous avons trouvé dans le grain existe également dans les tiges et les feuilles. Exemples :

1 2 juillet.

SUCRES SUCRES réduc- non teurs. réducteurs.

100 grammes de tiges de blé contenaient originairement. . . .

broyés avec de l’eau, au bout de 5 heures. 100 grammes de tiges d’avoine contenaient originairement . . .

broyés avec de l’eau, au bout de 5 heures. 100 grammes de tiges d'orge contenaient originairement. . . .

broyés avec de l’eau, au bout de 5 heures.

1.00 2.00 1.70 1.30

0.33 2.17

0.62 1.S5

0.27 1.90

1.00 1.20

On voit qu’en 5 heures le ferment inversif a transformé la majeure partie des saccharoses en glucoses.

En résumé, nous trouvons dans les grains de seigle, de blé, d’orge, d’avoine, pris avant la maturité, de grandes quantités de synanthrose, quelquefois partiellement inverti, qui diminue à mesure que la maturation avance, faisant place à l’amidon ; le maïs ne contient que du sucre de fruits. Lorsque les grains sont mûrs, on ne trouve plus de synanthrose que dans le seigle ; le blé, l’orge, l’avoine, le maïs donnent du sucre de canne. Dans les tiges et les feuilles des mêmes espèces, on trouve tantôt du synanthrose seul avec son produit d’inversion, tantôt du sucre de canne seul avec son produit d’inver¬ sion, et plus souvent les deux sucres réunis, plus ou moins invertis.

Les sucres réducteurs sont absents ou n’existent qu’en petite quantité dans le grain ; ils sont abondants dans la tige et les feuilles. Les grains ne contiennent à aucun moment de la dextrine, en dési¬ gnant par ce nom les substances solubles d’un pouvoir rotatoire élevé dérivées de l’amidon; on ne trouve pas non plus d’inuline ; mais ils contiennent, à tous les degrés de la maturité, des gommes donnant

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA. MATURATION DES GRAINS. 23

de l’acide mucique et se transformant en sucres réducteurs par Faction des acides.

Les grains, les feuilles et les tiges contiennent un ferment capable d’invertir les sucres, qui ne paraît agir activement que lorsque les cellules sont déchirées.

De l’influence du point de maturation sur la quotité de la récolte .

Lorsqu’on suit le poids du grain à mesure que la maturation s’accomplit, en ne tenant compte que de la substance sèche qu’il renferme, on constate, au voisinage du point qu’on regarde comme celui de la maturité, un arrêt d’accroissement suivi bientôt d’une diminution graduelle \ Il y a donc un moment qu’il faut saisir pour la récolte, celui le grain a le poids le plus fort. Si la récolte se fait trop tôt, de même que si l’on diffère, il y a un rendement moins élevé. J’ai cherché à quelle cause il fallait attribuer cette diminution, quelle était, dans les conditions normales, la perte qui en résultait et à quel moment de la vie de la plante le grain renfer¬ mait le plus de substance.

La diminution du poids du grain, à partir d’un certain moment, s’explique par l’intensité de la respiration ; le grain, vers l’époque de la maturité, contient encore près de la moitié de son poids d’eau ; dans ce cas il y a une émission d’acide carbonique considérable, comme je l’ai montré ailleurs1 2, et, par suite, une déperdition de matière carbonée. Aussi longtemps que le grain reçoit les matériaux, élaborés par les organes verts, en plus forte proportion qu’il ne les perd par cette combustion, il accumule la matière carbonée. Lorsque l’égalité entre ces deux actions inverses se produit, le poids maximum est obtenu et il faut se hâter de procéder à la récolte, puisque, à partir de ce moment, le poids du grain ne fait que diminuer. Le tableau suivant met ce fait en évidence pour le seigle pris au voisi¬ nage de la maturité.

1. M. J. Pierre avait constaté pour la plante entière un fait analogue. [Annales de chi?n. et de phys., p. 129, t. LX (3).]

2. Annales de V Institut agronomique, 1881.

ANN. SCIENCE AGRON.

3

24 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

DATE DE LA RÉCOLTE.

POIDS

de 100 grains.

Frais. Secs.

EAU p. 100

de

grain frais

OBSERVATIONS.

EAU p. 100 dans le rachis.

Gr.

Gr.

28 juin 1881 .

6,140

2,858

53.45

Grain encore mou.

»

29 juin .

6,180

2,963

52.05

Id.

»

1er juillet .

6,681

3,308

50.50

A peu près mûr1.

28.54

2 juillet .

6,191

3,360

45.76

Maturité.

30.25

4 juillet .

5,812

3,294

43.33

Id.

15.48

6 juillet .

4,763

3,124

34.41

Maturité très complèîe.

14.57

11 juillet .

3,468

2,923

15.70

Maturité dépassée.

7.70

13 juillet .

3.291

2.877

12.60

Id.

6.76

On voit combien est grande la diminution de poids du grain resté sur pied au delà de la limite d’accroissement; récolté et séché dès que cette limite est atteinte, il ne perd plus que des quantités bien plus faibles, puisqu’on a enlevé ainsi la forte proportion d’eau du grain, cause principale de sa respiration active.

En prenant l’épi à une époque voisine de la maturité et lorsque la proportion d’eau est encore considérable dans le grain, nous pou¬ vons apprécier la perte éprouvée, par la production d’acide carbo¬ nique, pendant un temps donné.

Le 4 juillet 1881 on a pris 10 épis de seigle mûr pesant 31 grammes et renfermant 380 grains ; on les a placés sous une cloche dans laquelle on a fait passer un courant d’air; à la sortie on a dosé l’acide carbonique, en en retranchant celui qui est norma¬ lement contenu dans l’air. L’expérience a été faite au soleil, de 2 h. 5 m. à 3 b. 35 m., soit 1 heure et demie. Les 10 épis ont pro¬ duit 0gr, 0475 d’acide carbonique, épuivalent à carbone: 0gr,0129. Dans ce cas, en admettant, pour fixer les idées, qu’il y ait un épi de seigle par décimètre carré de surface, ce qui correspond à un million d’épis par hectare, et que l’intensité de la respiration soit constante, il y aurait en 24 heures, par cette respiration, 20kil,64 de car¬ bone brûlé par les épis d’un hectare, ce qui correspond à la dispa¬ rition de 47 kilogr. d’amidon. Ce chiffre peut être trop élevé puisque la nuit, la température s’abaisse, l’intensité de la respiration est moindre ; il montre cependant qu’au point de vue pratique, cette déperdition doit être prise en considération.

1. D'après 1 appréciation des praticiens.

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA. MATURATION DES GRAINS. 25

Le 13 juillet 1881 , 6 épis de blé presque mûr, pesant 17gr,5 et ayant en tout 140 grains, sont placés, dans les mêmes conditions, au soleil, de 3 heures à 6 heures et demie. L’acide carbonique produit a été de 0gr,040, ce qui équivaut, par 24 heures, «à une perte de carbone de 13 kilogr. par hectare, soit 30 kilogr. d’amidon.

La réparation de cette perte ne peut se faire que par les sucs qui affluent des organes foliacés vers le grain, dans lequel règne une transpiration active, qu’il est facile de mettre en évidence, en compa¬ rant l’humidité du grain dans les épis qui ont été privés de cet afflux, par leur séparation avec la tige, à celle du grain d’épis restés sur pied.

Le 8 juillet 1881 , à 2 heures et demie, on coupe des épis de seigle au haut de la tige et on les place au bout de longs tubes de verre fixés dans le sol, à côté des épis restés sur pied, et à la même hau¬ teur, exposés au même soleil, qui était ardent ; à 5 h. 15 m., après 2 heures trois quarts d’exposition, on prend comparativement les épis coupés et ceux qui sont restés sur pied ; on enlève le grain et on y détermine l’eau.

200 grains restés sur pied pèsent Î0gr,122 et contiennent 38.79 d’eau p. 100.

200 coupés 9 ,832 36.31

Les grains restés sur pied ont donc, étant placés dans les mêmes conditions d’évaporation, conservé une humidité plus grande, puis¬ qu’ils ont pu recevoir, par la tige, une compensation à l’eau qui leur était enlevée.

Le 13 juillet, une expérience semblable a été faite sur le blé pres¬ que mûr. Elle a commencé à 9 heures du matin ; à ce moment on a prélevé des épis qu’on a examinés immédiatement; d’autres épis, coupés au haut de la tige, ont été placés au bout de longs tubes de verre à côté des épis restés sur pied. A 5 heures du soir, après 8 heures, et par un soleil ardent, on a mis fin à l’expérience. Voici les résultats qu’on a obtenus :

POIDS

EAU P. 100

EAU P. 100

de

dans

dans

200 grains.

le grain.

le rachis.

Gr.

Pris à 9 heures du matin .

15,405

34.80

30.2

Pxesté de 9 heures à 5 heures sur pied. .

14,708

32.06

22.6

Coupé à 9 heures, resté au soleil jus¬ qu’à 5 heures .

11,910

27.38

5.3

26 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

En comparant le grain resté sur pied à celui pris le matin , nous voyons que la restitution par l’intermédiaire de la tige, pendant cette exposition au soleil, n’a pas été égale à la perte par la transpi¬ ration ; mais en le comparant à celui qui, séparé de la tige, est resté exposé au soleil, on voit que, resté sur pied, il a reçu un afflux de liquide considérable, quoique le chaume commençât à jaunir et à se dessécher. En prenant les poids de substance sèche du grain, nous avons les résultats suivants :

POIDS

de 200 grains secs.

Gr.

Pris à 9 heures du matin . 10,042

Resté sur pied de 9 heures à 5 heures . 9,991

Coupé à 9 heures, resté au soleil jusqu’à 5 heures .... 8,648

Pendant 8 heures d’exposition au soleil, les grains ont donc perdu de leur poids par la respiration ; mais dans les épis restés sur pied, cette perte a été très minime, à cause de l’apport incessant qui se fait par la tige.

Une circulation relativement active existe donc dans le chaume, puisque le grain continue à recevoir de notables quantités d’eau et de substances carbonées, à l’époque de la maturité, la tige et les feuilles commencent à jaunir et à se dessécher. Pour voir jusqu’à quel moment le grain peut continuer à recevoir des quantités de substances carbonées supérieures à celles qu’il perd par la respira¬ tion, on a déterminé, au voisinage de la maturité, l’eau de végétation que contient le rachis sur lequel sont implantés les grains et par lequel doit nécessairement passer le flux alimentaire qui va au grain. Les résultats sont contenus dans les tableaux qui précèdent. Ils montrent que le rachis se dessèche plus rapidement que le grain et que lorsque la proportion d’eau qu’il renferme devient inférieure à 15 p. 100, le grain ne reçoit plus les sucs nutritifs en quantité suffi¬ sante pour compenser la perte qu’il éprouve par la respiration ; aussi, à partir de ce moment le poids de substance sèche du grain va- t-il en décroissant ; son eau de végétation diminue également avec une grande rapidité. L’époque le rachis s’est desséché jusqu’à ne plus contenir que 15 p. 100 d’eau est donc celui qu’il faut saisir pour faire la récolte, puisqu’à ce moment le grain a accumulé la

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA MATURATION DES GRAINS. 27

plus grande quantité de substance et qu’à partir de ce point il ne fait que diminuer, si l’on n’arrête pas, par une dessiccation rapide, la déperdition qui résulte de la respiration si intense dans le grain gorgé d’eau.

Influence du degré de maturité sur la conservation des grains. Frappé de ce fait que des grains de même espèce, mais de prove¬ nances diverses offraient souvent des différences notables dans la proportion d’humidité qu’ils renferment, alors même qu’ils sont restés depuis longtemps exposés dans les mêmes conditions, il me parut intéressant de voir si le degré de maturité avait une influence sur l’hygroscopicité. La pratique fournit quelques données sur ce sujet, mais elles ne s’appuient pas sur des chiffres. Pour étudier cette question, on a fait des récoltes successives jusqu’au jour le grain était mûr. Le taux d’humidité a été déterminé à plusieurs reprises dans chacun des lots, qu’on avait placés à l’air dans des conditions absolument semblables.

Voici les résultats obtenus :

TAUX D HUMIDITÉ POUR CENT.

DATE DE LA RECOLTE.

10 octobre.

1er novembre.

13 novembre.

Blé de Hongrie.

21 juin 1882 .

14.4

15.7

15.2

1 9 juillet .

13.8

15.8

14.7

26 juillet. (Maturité.) .

13.2

14.9

14.4

Seigle de printemps.

22 juin 1882 .

15.2

18.0

16.9

29 juin .

14.3

16.1

15.8

5 juillet .

13.9

16.6

15.7

19 juillet. (Maturité.) .

14,2

16.2

15.1

Orge d'hiver.

22 juin 1882 .

16.3

17.5

16.9

29 juin .

15.8

16.6

16.4

5 juillet .

13.6

14.9

14.7

19 juillet. (Maturité.) .

12.1

14.1

13.6

Ces chiffres montrent, d’une manière générale, que les grains ré¬ coltés avant la maturité complète conservent une quantité d’eau hygrométrique plus grande que ceux qui sont mûrs et que, placés dans

28

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

un air humide, ils absorbent plus d’eau que ces derniers. La pro¬ portion d’eau que retient le grain influe sur sa conservation de deux manières ; si le grain est plus humide, non seulement il est plus sujet à s'échauffer et à se gâter sous l’influence des moisissures, mais encore sa respiration propre, rendue plus active, est une cause de déperdition des éléments carbonés. Dans les pays du Nord il arrive souvent que la maturité soit incomplète ; aussi les avoines venant de la Suède ont-elles fréquemment, même après un séjour prolongé dans nos climats, une proportion d’eau qui s’élève à plus de 18 p. 100; alors que les avoines indigènes, exposées sur les mêmes greniers, n’en retiennent que 13 ou 14 p. 100. De pareilles avoines sont peu aptes à la conservation ; j’ai montré 1 combien elles sont sujettes à se gâter, surtout dans les silos, qui sont aujourd’hui employés sur une si grande échelle pour l’emmagasinement des grains.

1. Recherches sur l'ensilage des grains. ( Annales de l’Institut agronomique , 1881.)

DE LA TRANSPIRATION

CHEZ LES VEGETAUX

Par. A. LECLERC

LICENCIÉ ÈS SCIENCES PHYSIQUES

HISTORIQUE

Un grand nombre de personnes se sont occupées de la transpiration des plantes. D’abord, en suivant l’ordre chronologique, Woodward au xvne siècle expérimente sur des plantes aquatiques et recherche en même temps l’influence qu’exerce la composition des eaux sur leur développement.

Haies, dans ses Essais statiques parus en 1727, publie d’intéressantes observations sur la faculté d’évaporation des feuilles.

Guettard, en 1748 et 1749, consigne ses observations dans les Mémoires de V Académie des sciences : il semble croire que la lumière solaire exerce une influence sur la transpiration.

Plus récemment, M. Lawes fait de longues séries d’expériences dans le but de déterminer la quantité d’eau évaporée par des arbres à feuilles caduques ou à feuilles persistantes.

Tous ces expérimentateurs ne s’étaient pas préoccupés de la cause première de la transpiration ; ils s’étaient contentés de mesurer l’in¬ tensité du phénomène. Mais il n’en est pas ainsi des observateurs suivants.

En 1836, Daubenyest conduit, d’après ses essais, à admettre que la transpiration est due « à l’action combinée de la chaleur et de la lumière ». M. Sachs dit: « La lumière est un des agents qui agissent le plus efficacement sur la transpiration; mais on ne peut dire si elle agit par elle-même ou par son union intime avec une élévation de

30

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

température. Il est facile de constater qu’une plante exposée alter¬ nativement au soleil et à l’ombre, transpire beaucoup plus dans la première des positions; l’effet est visible après quelques minutes,1 mais est peut-être à réchauffement des tissus. »

M. Déhérain dit : « C’est la lumière qui est la cause déterminante du phénomène d’évaporation. » ( Cours de chimie agricole , p. 172.)

Enfin, les nombreuses expériences de M. J. Boussingault tendent à montrer que le phénomène de transpiration est lié plus directement à la température et conséquemment à l’état hygrométrique de l’air ambiant, qu’à la lumière.

Pendant que je poursuivais les recherches qui font l’objet de ce mé¬ moire, M. Wiesner ( Sitzungsb . cler K. Akad. d. Wissensch., LXXIY, 1876) publiait à mon insu un important travail sur l’influence de la lumière et de la chaleur rayonnante sur la transpiration des plantes, dont la principale conclusion est qu’une partie de la lumière , trans¬ formée en chaleur par la chlorophylle, produit un échauffement des tissus et une élévation de la tension de la vapeur d’eau dans les méats intercellulaires capables d’activer la transpiration. Envisagé de cette façon, le phénomène de la transpiration devient un phénomène entièrement physique et fonction de la température de la plante, mais l’auteur ne semble pas avoir cherché s’il n’y aurait pas une relation entre la transpiration et l’état hygrométrique de l’air. J’ai tenté précisément, dès 1873, de nombreuses expériences dans le but d’éclairer ce point de la question. Elles constituent un travail original qui, je crois, même après la publication de M. Wiesner, ne perd rien de sa valeur et que, pour la clarté de l’exposition, j’ai divisé en plusieurs parties :

I. Expériences préliminaires et discussions des essais de M. Dé¬ hérain.

I a) dans des atmosphères non renouvelées l d’air sec ou humide.

II. Essais originaux ' b) dans des atmosphères renouvelées d’air

I sec ou humide.

' c) à l’air libre.

III- Beprésentation graphique des résultats. Conclusions.

IV. Applications.

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX.

I. Expériences préliminaires et discussion des essais

DE M. DÉHÉRAIN.

Les conclusions si affirmatives de M. Déhérain me suggérèrent l’idée de faire quelques essais comparatifs sur le même sujet, essais qui ont été le point de départ de toutes mes recherches.

J’ai pris des pieds d’orge de développement aussi égal que possible; ils végétaient dans une solution nutritive : deux pieds furent placés à l’air libre et à la lumière; deux autres pieds sous une cloche ren¬ fermant du chlorure de calcium, également à la lumière, et enfin deux autres pieds à la cave dans l’obscurité.

Voici les quantités d’eau évaporée :

DATES DES PESEES.

PIEDS

à l’air libre.

i irjp/o

sous cloche avec Ca Cl.

PIEDS

à l’obscurité.

1.

No 2.

No a.

No 4.

5.

6.

Gr.

Gr.

Gr.

Gr.

Gr.

Gr.

20

mai 1873 à

4

h

25 m.

soir- .

»

»

»

»

»

»

21

à

4

h.

25 m.

soir. .

0,277

0,890

0,596

0,357

0,200

0,202

22

à

4

h-.

25 m.

soir. .

0,250

0,282

0,398

0,455

0,176

0,185

23

à

4

h.

25 m.

soir. .

0,258

0,265

0,444

0,528

0,149

0,172

24

à

3

h.

soir .

0,225

0,015

1,461

0,520

0,160

0,156

25

à

■4

h.

soir .

0,4 68

0,368

0,579

0,692

0,182

0,172

26

à

3

h.

30 m.

soir. .

0,452

0,477

0,521

0,713

0,153

0,173

27

à

5

h.

30 m.

soir. .

»

»

0,759

0,967

0,190

0,205

28

à

4

h.

30 m.

soir. .

0,682

0,170

0,563

0,618

0,145

0,160

29

à

5

h.

30 m.

soir. .

0,373

0,170

0,722

0,775

1)

))

La transpiration moyenne par heure a été :

A l’air libre pour le 1 . 1 3mm,6S

pour le 2 . 13

À fair sec (sous cloche avec du chlorure de calcium) :

pour le 3 . 28mra,05

pour le 4 . 26 ,04

A l’obscurité pour le 5 . 7 ,04

pour le 6. . 6 ,56

On remarquera que dans l’air sec, la transpiration a été beaucoup plus forte qu'à l’air libre, bien que les plantes aient été également insolées : les pieds placés à l’obscurité, à la cave, c’est-à-dire dans

32

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

un lieu presque saturé de vapeur d’eau, n’ont pas évaporé plus du quart de ceux qui étaient dans l’air sec.

Un second essai fut recommencé à partir du 27 mai 1873, à Il heures du matin. Les pieds étaient pesés régulièrement à cette heure. Les nos 1 et 4 étaient sous cloche dans l’air sec; les nos 2 et 3 sous cloche dont les parois étaient constamment couvertes par un filet d’eau : l’air était ainsi saturé. Voici les résultats qui ont été obtenus :

DATES DES

PESÉES.

AIR

SEC.

AIR SATURÉ.

EXCRÉTION

No 1.

4.

No 2.

3. du no 2.

du no 3.

Gr.

Gr.

Gr.

Gr.

Gr.

Gr.

27

mai 1873 à 11

h. matin. .

))

))

))

»

»

»

28

à

. .

. 0,280

0,314

0.044

/

0,034

»

»

29

- cl

. .

. 0,265

0,300

0,067

0,051

0,016

0,0 17

80

à

. .

. 0,261

0,380

0,067

0,044

0,01 2

0,017

31

à

. .

. 0.288

0,378

0,079

0,083

0,012

0,018

jer

juin 1873

. .

. 0,322

0,347

0,087

0,083

0,018

0.022

2

à

. .

. 0,431

0,510

0,077

0,075

0,009

0,027

10

à

. .

. 7.445

8,455

1,036

1,193

))

0,013

La transpiration moyenne

par heure a été :

Dans l’air

sec pour le

1 de .

. 27mm,06

pour le

4 de .

. 31

,07

Dans l’air humide pour le 2 de pour le 4 de

,02

.06

Ainsi, pour une lumière de même intensité agissant sur ces plantes, la transpiration a été sept fois plus considérable dans l’air sec que dans l'air humide. Il n’est pas inutile de donner quelques indications sur l’état des plantes pendant et après ces essais. Les plantes nos 1 et 4 s’étaient bien développées, elles avaient une belle venue, et, à la fin de l’expérience, les feuilles ne paraissaient pas souffrir malgré un séjour de 43 jours dans une atmosphère sèche. Mais il n’en était pas ainsi des plantes 2 et 3. Bien que, le 28 mai, elles aient donné chacune naissance à une feuille, elles sont devenues jaunes et les feuilles tombaient courbées sous leur propre poids ; elles pouvaient à peine se soutenir et paraissaient beaucoup souffrir.

Cette coloration jaune qui s’est produite a été le point de départ de recherches rapportées plus loin, qui m’ont conduit, je crois, à l’explication du jaunissement des céréales.

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX.

33

J’ai inscrit au tableau précédent le poids de l'eau qui a été recueillie à la surface et à l’extrémité des feuilles des nos 2 et 3 dans l’air saturé. L’apparition de cette eau était due, d’une part à l’action des racines, et d’autre part à l’atmosphère saturée ambiante. Ces poids qui n’expriment que la quantité d’eau recueillie ainsi au moment de la pesée journalière, doivent être considérés comme des minima, d’où il résulte que les chiffres représentant la transpiration doivent être réduits d’autant. Il est probable que, dans une atmosphère entière¬ ment saturée, si l’excrétion n’existait pas, la transpiration deviendrait nulle ; il sera rapporté plus loin des expériences faites sur ce point.

Les conclusions auxquelles j’arrivais étaient si différentes de celles formulées par M. Déhérain, qu’elles m’ont engagé à répéter quelques- unes des expériences de cet observateur. J’ai en outre discuté tous les résultats qu’il a publiés, et j’ai le regret de dire que M. Déhérain les a mal interprétés. En effet, examinons, par exemple, son expé¬ rience relatée page 234 du tome XX, 4e série, des Annales de chimie et de physique :

Le tube et la feuille, placés dans un manchon d’eau froide renouvelée, étaient exposés au soleil. Pendant toute la durée de l’essai, l’eau fut à 15°, par conséquent aussi le tube, c’est-à-dire la paroi enveloppant la feuille. Or, l’eau laisse passer assez de chaleur solaire pour élever sensiblement la température de la feuille : il est aisé de vérifier ce fait en plaçant sous la feuille et à son contact un thermomètre. La variation de température est parfois notable. L’ex¬ périence de Prévost (de Genève) a bien établi ce point. La feuille étant à une température supérieure à celle des parois du tube, la tension de la vapeur qui se forme à sa surface est plus grande que la tension de la vapeur à la surface du tube, il doit par conséquent y avoir condensation partielle, de sorte que l’air ne peut, en aucun, cas, être constamment saturé. 11 est très probable que le même phé¬ nomène aurait lieu, si la feuille était plongée elle-même dans l’eau; l’expérience suivante tend à le démontrer: Prenons 2 thermomètres très sensibles plongés dans un vase rempli d’eau à la température T et placé à la lumière diffuse. Lorsque ces 2 thermomètres ont pris la température T de l’eau, on fait tomber sur le réservoir de l’un d’eux un rayon solaire. Aussitôt la colonne mercurielle du thermo-

34

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

mètre insolé monte de quelques dixièmes de degré, bien que le rayon solaire ait traversé une couche d’eau d’environ 10 centimètres d’é¬ paisseur. Le thermomètre non insolé donne toujours la température T de l’eau : l’explication de ce fait est facile. La chaleur lumineuse qui a traversé l’eau et le verre diathermane du réservoir thermo- métrique a été absorbée par le mercure athermane et a élevé la température de ce dernier. La chaleur lumineuse absorbée par la feuille plongée dans l’eau tend donc constamment à élever sa

température au-dessus de celle du liquide ambiant: on pourrait donc

\

la considérer comme plongée dans une atmosphère imparfaitement saturée. Le même phénomène se produit encore lorsque le tube de verre contenant la feuille est mis seulement à l’air. Il résulte de que cette conclusion de M. Déhérain, « l’évaporation de l’eau parles feuilles des plantes se continue aussi bien dans une atmosphère saturée qu’à l’air libre », n’est pas admissible, puisqu’il n’a jamais opéré dans une atmosphère saturée.

En substituant un thermomètre à la feuille dans l’appareil de M. Déhérain, on trouve la confirmation des faits précédents, voici quelques-uns des chiffres que j’ai obtenus :

Essai du i6 août i877 . À 9 heures du matin, à la lumière diffuse :

Thermomètre plongé dans l’eau du manchon . 20°6

Thermomètre dans le tube . 21°6

A 10 heures, au soleil :

Thermomètre plongé dans l’eau du manchon . 21°6

Thermomètre dans le tube . 23°3

La température de l’air à l’ombre était . 29°0

A 19 heures, au soleil :

Thermomètre plongé dans l’eau du manchon . 21°4

Thermomètre dans le tube. ... ! . 24°2

Température de l’air . 30°0

Le 18 août, j’obtins des résultats semblables à 10 heures, au

soleil :

Thermomètre plongé dans l'eau du manchon . 22°0

Thermomètre dans le tube . 2S°2

Température de l'air . 2ô°7

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX.

35

La seconde expérience de M. Déhérain faite à l’obscurité, qui ne donna que 3 milligrammes d’eau transpirée en une heure, s’explique tout aussi facilement; en effet, il n’y avait dans cet essai aucune cause extérieure venant modifier la température de la feuille et par conséquent l’état hygrométrique de l’air qui l’enveloppait.

L’hypothèse précédente de la non-saturation de l’atmosphère par suite de l’excès de température de la feuille sur l’air ambiant, soulève une objection. Puisque la température de la feuille est plus élevée que celle des parois du tube, il doit y avoir, en raison même de cette différence, un mouvement de gaz allant de la feuille vers le tube, et réciproquement, et c’est dans ce mouvement qu’une partie de la vapeur d’eau émise par la feuille se condense. Par suite, l’objection serait celle-ci : La quantité d’air qui vient ainsi lécher la feuille serait-elle suffisante pour enlever la totalité de l’eau perdue par transpiration? Il est aisé de répondre à cette objection: l°soit en se fondant sur l’expérience, soit en se basant sur des considérations théoriques du mouvement des gaz déterminé par leur dilatation ou changement de densité.

Adressons-nous d’abord à l’expérience !

Le 18 août 1877, je place dans un même tube divisé par le milieu de sa longueur en deux compartiments égaux une feuille d’avoine dont la surface était de 655 millimètres carrés et une nacelle en plomb remplie d’eau recouverte de papier-parchemin dont la surface d’é¬ vaporation était de 620 millimètres carrés. Le tube plongeait dans un manchon d’eau froide constamment renouvelée. L’essai, commencé à 1 1 heures du matin au soleil, donna les résultats suivants:

EAU

EAU

TEMPER

ATURE

PESÉES A

évaporée

par

la feuille.

évaporée

par

la nacelle.

de la feuille.

de la nacelle.

de l’eau du

manchon .

de l’air extérieur.

Milligr.

Miiligr.

11 h. . . .

. »

))

))

))

))

»

12 h. . . .

150

175

35°6

3 1

2G°5

29°4

1 h. . . .

191

ISO

32°1

32°3

24°7

30°0

2 h. . . .

153

177

32°6

3 1

24°5

31°0

3 h. . . .

US

175

30° 6

31°S

24°2

31°3

La température de la feuille était donnée par un thermomètre placé sous elle et à son contact.

36

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Déterminons le volume minimum de l’air qui a lécher la sur¬ face de la feuille pour enlever les 159 milligrammes d’eau, par exemple, qu’elle a évaporée dans la première heure d’expérience. On peut admettre sans commettre d’erreur notable que la tempé¬ rature du tube qui contenait la feuille était égale à celle de l’eau du manchon. -

Partant de là, la tension de la vapeur d’eau à la surface de la

feuille dont la température était 35°6 était de . 43mm,235

Celle de la vapeur d’eau à la surface du tube à 26°5

de température n’était que de . 25 ,738

La vapeur condensée correspond donc à une diffé- -

rence de tension de . 17rani,497

Et le mouvement du gaz a être produit par une différence de température de 9°1 .

De sorte que l’unité du volume d’air, après s’être saturée au con¬ tact de la feuille à 35°6, a perdre par condensation un poids de . 1 ,000 x 0 ,622 x 1 ,293 x 1 7 ,497

vapeur égal à

= 16mgr, 39.

760 (1 -h ai) 859,03 D’où il suit que le volume minimum de l’air nécessaire pour

159

enlever les 159 milligrammes d’eau transpirée est de -À-n Sr. = 9cC,70 1

10,39

9 701

et par seconde de = 2CC,694. En admettant, pour simplifier

que la feuille a transpiré également de ses deux côtés, ce qui donne alors une surface double, on trouve que la vitesse de l’air devrait

i 2,694 A etre de —, - s = 0cir,205.

0,0oo x 2 5

Ainsi, il suffit que l’air ait eu une vitesse de 2 millimètres par seconde pour que, dans les conditions de la première expérience, les 159 milligrammes d’eau aient pu être entraînés.

En opérant de la même manière pour les autres observations, on trouve que pour la transpiration de 194 milligrammes, l’air devait avoir une vitesse de 3mm,49 ; pour la transpiration de 153 milligrammes de 2mm,5, et pour la transpiration de 148 milligrammes de 3mm,23.

Il est aisé de voir que ces vitesses n’ont rien d’anormal et qu’elles sont parfaitement admissibles.

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX. 37

Les considérations suivantes permettent, d’un autre côté, de dé¬ terminer, dans les mêmes conditions expérimentales, la vitesse théorique de l’air.

Considérons l’unité de surface de la feuille dans le tube, soumise à Faction des rayons solaires et enveloppée d’air à 0°.

La pression atmosphérique qui s’exerce en CD peut G D se décomposer en deux pressions partielles, l’une qu’on peut considérer comme constante et égale à celle qui s’exerce au- dessus de la feuille en AB (sur la paroi du tube, dont je suppose l’épaisseur entièrement négligeable et égale à zéro), et l’autre va¬ riable avec la température de l’air du tube, et qui a pour mesure le poids d’une colonne d’air dont la section est l’unité de surface (égale à celle delà feuille) et la hauteur II la distance A C qui sépare la feuille de la paroi du tube.

La feuille insolée acquiert une température t> o; l’air ambiant, échauffé par contact, tend à s’élever d’autant plus rapidement que la différence t e est plus grande: il est sollicité de bas en haut par la différence de poids de deux colonnes de même hauteur II, l’une d’air à o de poids P, l’autre d’air à t de poids P'. La différence P P' repré¬ sente donc le poids, la force ou la pression en vertu de laquelle l’air échauffé à la surface de la feuille doit se mouvoir. Mais avec quelle vitesse ? Le principe de Toricelli, qui n’est qu’un cas particulier du théorème de Bernoulli sur la vitesse des fluides, permet de la déter¬ miner. La vitesse est donnée par la formule :

v = l/Zg H

H étant la hauteur génératrice de la vitesse, c’est-à-dire le poids de la colonne fluide sous l’influence de laquelle la vitesse est acquise, représente précisémentau cas particulier la pression P P' qui sollicit e la colonne d’air considérée.

Donc

P P" = II

et

|/2ÿ(P-P')

(R

4

38 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Il faut maintenant déterminer les valeurs P et P' en fonction de la température.

Si Ton considère une colonne verticale de molécules d’air, dont la section cls serait prise pour unité de surface et dont la hauteur serait H, c’est-à-dire égale à la distance de la surface supérieure de la feuille à l’enveloppe de verre, on trouve que le poids de cette colonne d’air supposé sec à est :

ds- H- 1,293(1 -b «9)

(1-4- uO)

Lorsque la température de la colonne d’air de même section et de même hauteur devient t, son poids, rapporté à la température de o, devient :

ds- H- 1,293(1 +«9)

P (1-4- ut)

La différence qui n’est autre chose que le poids de la dilatation de la colonne est :

Ha ( t 0)

P P'

1 -4- ut

Portant cette valeur dans (1) il vient :

v «,

(t-e)

ut

(2)

c’est-à-dire la vitesse de l’air à o, qui arrive au contact de la feuille pour s’échauffer.

Pour déterminer la vitesse avec laquelle Pair échauffé à s’élève, il suffît de remarquer que les vitesses sont en raison inverse des densités, d’où l’on a :

d

1 -4- ut

VA

vt

1 H— ut

d

1 -4- «0

et vt

Vo

1 -4- a0

d’où

Vt—

| /%Ha

V i-

V

0 0) x 1 -t- "t

1 -haO

ut

2^/Ha ( t 0) (1 X ut)

(1 + «0) 2

(3)

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX.

39

Toile est l’expression donnant la vitesse de l’air à t échauffé au contact de la feuille dans l’hypothèse d’une atmosphère sèche et ne subissant d’autre variation que celle qui résulte du changement de température. Mais les vapeurs émises par la feuille interviennent pour changer la densité de l’atmosphère ambiante : il est donc indispen¬ sable de tenir compte des variations qu’elles amènent.

Or, si l’on admet que l’air se sature de vapeur au contact de la feuille, la densité du mélange d’air et de vapeur devient cl' différente de celle de l’air sec qu’on avait prise pour unité, de sorte que le poids de la colonne verticale de molécules d’air à devient ramené 3. 0 *

-H -1,293 (1 +«8) ri'

(1 + a t)

et considérant le mélange d’air et de vapeur à o comme ayant une densité égale à l’unité, on obtient :

P P' H [1— d' + *(t d’e)]

d’où

(/

H [1 d' -h a (t - d'e)]

ïg

1 4 -ut

V,

-|A

H [1 d -ha {t d 0)] ( 1 -h a t)

(5)

(1 -h a0) 2

En tenant compte de la densité d du mélange d’air et de vapeur d’eau qui est dans le tube au début de l’expérience, les formules (4) et (5) deviennent :

2 ÿS-li

d j— a ( dt d ô)J

1 f- cx.t

(6)

V - S / C)n XL m w ~ V"1, ^ T- “*7 Z7 \

- (ï+W1 - (7)

Appliquons maintenant ces formules aux essais du 18 août.

Calcul de la vitesse théorique de l’air dans l’essai de 12 heures.

Le tube contenant la feuille avait un volume assez faible, puisque II était égal à 10 millimètres environ, on peut admettre sans erreur sensible que l’espace est saturé de vapeur d’eau, au moment l’expérience commence à la température de l’eau du manchon» Par-

4

ANN. SCIENCE AGRON.

40

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

tant de là, on trouve que : La composition de ce mélange à la température de 26°5 est de :

Vapeur d'eau. .... 3,08 ) I Oxygène . 20.315

contenant { ;

Air . . 96,92 \ f Azote . 76,605

100,00

Sa densité est :

0,622 X 0,0308 = 0,0191 1,1056 X 0,20315 = 0,2246 v 0,9713 X 0,76605 0,7440

0,9877

Calculant de la même manière la densité du mélange échauffé à 35°6 d’air et de vapeur (pour être tout à fait exact, il faudrait encore tenir compte de l’acide carbonique dégagé ou absorbé par la feuille, mais il n’a pas été possible de déterminer ses variations si faibles), on a :

Composition centésimale du mélange :

Vapeur d'eau Air .

5,68 / 94,32 j

contenant

\ Oxygène . . \ Azote . . .

19,77

74,55

Densité :

t

100,00

0,622 X 0,0568 = 0,0353 1,1056 X 0,1977 = 0,2185 0,9713 X 0,7455 - 0,72410

0,9779

Appliquant les formules (6) ou (7), on obtient :

Pour la vitesse de l’air à = 26°5 :

V6 = 2mm,75

Pour la vitesse de Pair à = 35°6 :

Vt = 2mm,83

En faisant des calculs analogues pour les autres expériences, on trouve que dans l’essai de 1 heure :

La vitesse de l’air à 24°7 était :

V d == 2ram,39

DE LA. TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX.

41

La vitesse de l’air à 32°1 était :

Vt = 2mm,45

Dans l’essai de 2 heures :

La vitesse de l’air à 24°5 était:

V9 = 2mm,256

La vitesse de l’air à 31 °1 était:

Vt = 2mm,306

Enfin, dans l’essai de 3 heures :

La vitesse de l’air à 24°2 était:

V9 = 2mm,212

La vitesse de l’air à 30°6 était :

Vt = 2mm,25

Il est vrai que, dans ces déterminations, on n’a pas tenu compte de la résistance due au frottement des gaz contre les parois de la feuille et du tube ; mais l’on sait que lorsque les gaz se meuvent avec des vitesses aussi faibles, l’influence du frottement tend à s’annuler et qu’il est permis de la négliger.

Si l’on met en regard les résultats obtenus dans les deux modes de détermination qui ont été appliqués à cette étude , on obtient le tableau suivant :

ÉVAPO¬

RATION.

VITESSE DÉDUITE

de

l’expérience.

VITESSE THÉORIQUE

calculée d’après la formule (7).

Essai de 12 h .

Milligr.

159

O

s

s

II

>■

-si

II

t4>

3

_3

00

CO

1 h .

194

Vt = 3 ,49

r-'

II

2 h .

153

Vt = 2 ,05

Vt = 2 ,306

3 h .

148

Vt = 3 ,23

Vt 2 ,25

La concordance de ces chiffres me semble suffisante pour justifier l’hypothèse que j’ai faite précédemment pour expliquer la transpi¬ ration continue dans les essais de M. Déhérain, à savoir que cet observateur n’a jamais opéré dans l’air saturé.

42

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Quant aux expériences faites avec des rayons lumineux diverse¬ ment colorés, je ne les examinerai pas, mes essais n’ayant pas porté sur ce genre de lumière ; je rappellerai seulement que M. Wiesner en a montré l’inexactitude des conclusions.

J’arrive maintenant aux recherches originales.

II. Évaporation dans les atmosphères renouvelées

D’air sec.

D’air humide.

1er cas. Air sec. La feuille est disposée comme dans l’essai précédemment rappelé du 18 août. On fait circuler dans le tube de l’air sec dont le volume était par heure de '17l,238 à et à 760. L’eau transpirée est recueillie dans des tubes à chlorure de calcium.

L’essai a commencé le 20 août 1877 à 4M 5 du soir la lu¬ mière). Voici les résultats obtenus avec une feuille d’avoine dont la surface de transpiration était de 705 millimètres carrés.

DORÉE DE L’ÉVAPORATION.

EAU

évaporée.

TEMPɬ

RATURE.

OBSERVATIONS.

(Moyenne.)

Milligr.

De 4 h. 15 m. à 5 h. 15 ni. soir.

200

33°3

Soleil.

De 6 il. 2 m. à 7 h. 2 m. . .

85

28°0

Nuageux.

De 7 h. 20 m. à 8 h. 20 m. . .

65

25°6

Coucher du soleil à 7 h. 5 m.

De 8 h. 35 ni. à 9 h. 35 m. . .

20

20°8

Orage à 9 h.

De 10 h. soir à 6 h. 30 m. matin.

348

18°5

Couvert et nuageux.

21 août.

De 5 h. 46 m. à 6 h. 46 m. .

10

1 8°6

»

De 10 h. 52 m. à 11 h. 52 m. .

126

24 °8

Soleil.

De 12 h. 3 ni. à 1 h. 3 m. .

81

21°5

De 1 h. 13 m. à 2 h. 13 m. .

62

20°0

De 2 II 23 m. à 3 h. 23 m. .

52

2 1 0 1

De 3 h. 29 m. à 4 h. 29 m. .

75

20°9 |

' A partir de 12 h. 3 ni. l’ap¬

De 4 il. 37 m. à 5 h. 37 m. .

63

20°7

De 5 h. 47 m. à 6 h. 47 m. .

67

20°2 1

pareil est couvert par une

De 6 h. 55 m. à 7 h. 55 m. .

52

1 8°8

couche épaisse de paille hu¬

De 8 li. 3 m. à 9 h. 3 m. .

40

1 7°6

mide et soustrait ainsi aux

De 9 li. 8 m. à 10 h. 8 m. .

38

17°2

radiations calorifiques et lu¬

De 1 0 il. 18 m. s à 6 h. 18 m. mat.

282

16°8

mineuses du soleil.

22 août.

De 6 h. 28 m. à 7 h. 28 m. . .

41

1 7°3 !

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX.

43

On le voit, la transpiration dans l’air sec continue, lors même que la feuille est plongée dans l’obscurité. On remarquera que la quan¬ tité d’eau transpirée varie sensiblement dans le même sens que la température. Lorsque cette dernière est basse, comme en hiver, la variation de la transpiration est la même.

Ainsi, deux expériences faites sur de l’avoine placée dans le même appareil le 7 décembre 1877, ont donné les chiffres sui¬ vants :

EAU TRANSPIRÉE

DURÉE DE LA TRANSPIRATION. -

par

TEMPɬ

RATURE

TEMPɬ

RATURE

OBSERVATIONS.

feuille no 1.

feuille 2.

no 1.

no 2.

De 10 h. 15 m. à 12 h. 15 m. mat.

Milligr.

108

Milligr.

121

))

»

9

Ciel couvert.

De 12 h. 15 m. à 1 h. 15 m. soir.

39,5

47,5

9°8

9°4

Id.

De 1 h. 15 m. à 2 h. 15 m. .

36,5

44

9°3

9°1

Pluie à 2 h. 45 m. soir.

De 2 h. 15 m. à 3 h. 1 5 m. .

34,5

44

9°1

9°0

Pluie à 3 h. 30 m. soir.

De 3 h. 15 m. à 4 h. 15 m. .

»

51

»

8°9

»

De 4 h. 15 m. à 6 h. matin. .

283

380

6°6

6°5

8 décembre 1877.

De 6 h. à 7 h. matin . . .

11

15

3

4°1

»

De 7 h. à 8 h .

11

()il7

28)

4°4

4°4)

))

De 8 h. à 9 b .

30,5

2

|4°6

4°8)

Soleil à 8 h. 45 m. mat.

De 9 h. à 10 h. .

28,5

29,5

7°0

7°3

On met à l’ombre.

A l’ombre.

De 10 b. à 1 1 h .

44

48,5

9°6

10°4

Id.

De 11 h. à 12 h .

44,5

55,5

1 1°3

1 1°6

Id.

De 12 h. à 2 h. soir. . . .

308,5

252,5

22°0

19°6

Au soleil.

De 2 h. à 3 h . .

28

41

1 1°3

1 1°3

A l’ombre.

De 3 h. à 4 h .

26

27

7°2

6°8

Id.

Dans ces essais, le même volume d’air passait sur les deux feuilles. Ce volume était de 5^660 à et à 7 GO.

On remarque encore ici que la transpiration varie avec la tempé¬ rature et a lieu également à l’obscurité.

Tous ces résultats seront discutés plus loin.

2e cas. Air humide . Les expériences dans l’air humide peuvent être faites, soit en opérant lorsque l’air libre est naturelle¬ ment très chargé de vapeur d’eau, soit en faisant passer sur la plante de l’air qu’on a enrichi en vapeur d’eau. Ce dernier mode

44

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

d’expérimentation a été suivi ; en outre, il a été fait simultanément un essai dans l’air sec : voici le dispositif de ces recherches effec¬ tuées.

Essai simultané dans l'air sec et dans l'air humide.

J’ai opéré sur du seigle se développant dans une solution nutri¬ tive.

Chaque pied était maintenu par pression du tube contenant la solution nutritive, dans un bouchon en liège fermant la partie inférieure d’un fnanchon de verre de 5 centimètres de diamètre intérieur et de 30 centimètres de hauteur. La partie supérieure du manchon était fermée par un bouchon en liège recevant un tube de 0m,60 de long et 0m ,01 3 de diamètre, rempli soit de chlorure de calcium (fig. 1, page 45), tubes 1, 2 et 6, soit de pierre ponce humectée d’eau, tubes 3, 4 et 5. Pour plus de sécurité, on a placé avant les manchons E et F deux tubes a et b de 1 mètre de longueur, de 0m,04 de diamètre intérieur, remplis l’un a de ponce gorgée d’eau, et b de chlorure de calcium desséché. Tous ces tubes et manchons sont réunis entre eux, comme l’indique la figure. À l’aide d’une trompe à perles, on forçait l’air à traverser tout l’appareil. Parla disposition des tubes, l’air passait sec clans les man¬ chons A, B et F et humide dans les manchons C, D et E. En outre, un appareil producteur d’acide carbonique permettait, à l’aide d’un robinet, de faire arriver dans le flacon A un certain volume du gaz carbonique, afin que l’air circulant dans l’appareil pût nourrir aisément les plantes en expérience. Le dégagement du gaz était très lent et le mélange d’air et d’acide carbonique effectué dans le flacon A était chassé ensuite dans tout l’appareil. Les plantes placées dans les manchons et exposées successivement soit à la lumière diffuse d’une salle de laboratoire, soit à l’obscurité complète, étaient pesées régulièrement toutes les douze heures. La quantité d’air qui passait pendant ce temps sur chacune d’elles, soit à l’état sec, soit saturé de vapeur d’eau, était de 220 \ 3 et à 760. Ces 220 litres d’air sec exigeaient pour se saturer, 2sr,221 de vapeur d’eau à la température moyenne de la salle. L’expérience commença le 6 avril 1878 et donna les résultats suivants :

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX. 45

(F=C

J §

1=^

k. -^4—

Il n i.1 . i

lin i i !

- j 1*3 -

536^

O

i

fi ~ •*

i

r

M ' ■ l

Fig. 1. Essai de transpiration dans l’air sec et dans l’air humide.

46

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Eau transpirée le 6 avril de 6 h. 1/2 du matin à 6 h. 1/2 du soir, à la lumière diffuse ; T = 1 1 °5 :

( 1. . .

324mgr

Plantes dans Pair sec . . . 1 2. . .

286

1 6. . .

427

( K0 3. . .

J gmgr

Observations. Les feuilles

Plantes dans Pair humide. . j 4. . .

15

se courbent sous leur propre

( 5. . .

15

1 poids.

4

Eau transpirée du 6 avril à 6 h. 1 /

2 du soir au 7 avril à 6 h. 1/2 du

matin, à l’obscurité ; T = 11°5

10°3 :

( 1. . .

Plantes dans Pair sec . . . J 2. . .

( 6. . .

2l5mgr

200

304

Une nouvelle feuille se i développe.

( 3. . .

Plantes dans Pair humide. . < 4. . .

1 smgr

12

1 La feuille continue à se

courber.

( 5. . .

29

Le 7 avril à 6 h. 1/2 du matin

i

les plantes qui étaient la veille

dans l’air sec sont mises dans l’air humide et réciproquement.

Eau transpirée le 7 avril de 6 1/2 du matin à 6 1/2 du soir, à la

lumière diffuse ; T = 10°3 11°

( 3. . .

Plantes dans Pair sec . . . < 4. . .

( 5. . .

326mgr

2G1

383

Les feuilles qui étaientcourbées se sont redressées.

( 1. . .

\ omgr

Les feuilles se courbent.

Plantes dans Pair humide. . < 2. . .

; |

( G. . .

27

Les feuilles se courbent.

Eau transpirée du 7 avril à 6 h.

1 /2 du soir au 8 avril à 6 1/2 du

matin, à l’obscurité ; T = 11°0

10°8.

( 3. .

2yQmgr

Plantes dans Pair sec . . .1 4. .

195

( 5. .

180

1 INT° 1. .

2|mgr

Plantes dans Pair humide. . | 2. .

38

\ 6. .

17

On replace les pieds ensuite comme précédemment, c’est-à-dire comme dans l’essai du 6 avril.

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX. 47

Eau transpirée le 8 avril de 6 h. 1/2 du mal in à 61i. 1/2 du soir, à la lumière ; T = 10°8 11° 8 :

1 1. . . 296mgr

Plantes dans l’air sec . . . 2. , . 287

! 6. . . 4G9

( 3. . . lmgr

Plantes dans Pair humide. . < 4. . . 1

( 5. . . 35

Eau transpirée du 8 avril à 6 h. 1/2 du soir au 9 avril à 6 h. 1/2

du soir, à l’obscurité :

( 1. . . 227rasr

Plantes dans l’air sec . . . J 2. . . 209

l 6. . . 400

l 3. . . 20mgr

Plantes dans l’air humide. . < 4. . . 14

! 5. . . IG

Les mêmes expériences ont été faites sur du blé ; voici les résul¬ tats que j’ai obtenus :

Eau transpirée du 12 avril à 6 h. 1/2 du soir au 13 avril à 6 h. 1 /2 du matin, à l’obscurité; T = 14°1 12°4 :

/ 1. . .

209rag

Plantes dans Pair sec . . .

2. . .

278

( Jü° 6. . .

210

i 3. . .

44mg

Plantes dans Pair humide. .

4. . .

38

f JN° 5. . .

25

Eau transpirée le 13 avril de 6 h. 1/2 du matin 5 6 b. 1/2 du soir, à la lumière diffuse; T = 12°4 13°4 :

j 1. . .

253mgl

Plantes dans Pair sec . . .

| 2. . .

273

( 6. . .

240

( 3. . .

3Smg

Plantes dans Pair humide. .

O

38

( 5. . .

19

Les plantes qui étaient dans l’air sec sont mises dans l’air humide et réciproquement.

48

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Eau transpirée du 13 avril à 6 h. 1 /2 du soir au 14 avril à 6 h. 1/2 du matin, à l’obscurité ; T = 13°4 13°3 :

Plantes dans l'air sec . . . ( 4. . . 336

( 5. . . 203

Plantes dans Pair humide. .

Eau transpirée le 14 avril de 6 h. 1/2 du matin à 6 h. 1/2 du soir, à la lumière diffuse ; T = 13°3 13°8 :

( 3. . . 22Gmgr

Plantes dans l'air sec . . . ! 4. . . 374

( 5. . . 362

( 1. . . I9mgr

Plantes dans Pair humide. . | N-° 2. . . 26

f 6. . . 17

Les plantes qui étaient dans l’air sec sont mises dans l’air humide et réciproquement.

Eau transpirée du 14 avril à 6 h. 1/2 du soir au 15 avril à 6 h. 1/2 du matin, à l’obscurité; T = 13°8 :

1. . . 136mgr

Plantes dans Pair sec . . . ! 2. . . 209

( 6. . . 187

Plantes dans Pair humide. . < 4. . . 12

( 5. . . 10

Eau transpirée le 15 avril de 6 h. 1 / 2 du matin à 6 h. 1/2 du soir, à la lumière diffuse ; T = 1 :

Plantes dans Pair sec . . .

Plantes dans Pair humide.

DE LA. TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX. 49

Eau transpirée du 15 avril à 6 1/2 du soir au 16 avril à 6 h. 1/2 du matin, à l’obscurité; T = 15° 14°8 :

( 1. . . 90m»r

Plantes dans l’air sec . . . J 2. . . 85

t 6. . . 1 18

( 3. . . 12mgr

Plantes dans l’air humide. . I 4. . . 21

( 5. . . 5

Pendant toute la durée de cette expérience sur le blé, il est passé le même volume d’air sec sur chaque plante : ce volume était de 370‘,8 par 12 heures. Ainsi, dans ces deux séries d’expériences sur le seigle et sur le hlé, les plantes dans l’air humide n’ont jamais évaporé autant que les mêmes plantes dans l’air sec, bien qu’elles aient été soumises à la même action lumineuse. On voit aussi que, dans l’air sec et pour des temps égaux, la transpiration à la lumière diffuse de 6 h. 1 / 2 du matin à 6 h. 1 / 2 du soir est un peu plus forte qu a l’obscurité de 6 h. 1/2 du soir à 6 h. 1/2 du matin. Cette diffé¬ rence est toutefois bien faible, puisque la transpiration nocturne pour le blé expérimenté du 12 au 16 avril est les 98 à 99 centièmes de la transpiration à la lumière diffuse. Dans l’air humide, on observe le même fait.

Les expériences qui précèdent sembleraient indiquer que la trans¬ piration, quoique fortement atténuée, se continue dans l’air humide. Par la disposition même des essais, on serait tenté d’admettre que l’air humide est constamment saturé au contact de la plante: mais il n’en est rien, il est aisé de montrer que, dans ces cas, la saturation est incomplète. En effet, l’on sait que les plantes ont une température propre indépendante de la température de l’air qui les enveloppe.

<.( Les transformations chimiques qui ont la cellule pour théâtre et qui commencent par l’absorption d’oxygène et se terminent par la production d’acide carbonique et d’eau, produisent de la chaleur. » La chaleur développée est , dans certains cas , assez notable : Garreau a trouvé que lespadice d’arum avait presque 8°3 d’excès de température sur celle de l’air, et Gôppertque 20 tiges de maïs et de Cyperus esculentus , attachées ensemble, se maintiennent de 1 à 1ü5 au-dessus de la température de l’air. D’après Dutroehet, cet excès de

50

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

température ne serait que de quelques dixièmes de degré. Dans un essai exécuté le 14 août 1878, j’ai placé un thermomètre très sensible dans le cône formé par les jeunes feuilles d’un pied de maïs : l’at¬ mosphère était entièrement saturée ; son état hygrométrique avait été constaté par l’hygromètre de Régnault.; il tombait une légère pluie très fine, semblable à un brouillard :

À 9 h. du matin, la température de la feuille était . 18°1

de l’air ambiant . 18°0

A 10 h. du matin, la température de la feuille était . 1S°2

. de l'air . 18°1

D’après cela, on peut admettre que les plantes dans l’essai du 14 avril, par exemple, avaient une température supérieure à celle de l’air de 0°1, soit 13°4 au lieu de 13°3. De il résulte que l’air qui arrivait saturé à la température de 13°3 dans les tubes 3, 4 et 5, ne l’était plus au contact des plantes ; en raison de l’excès de tempéra¬ ture de ces dernières, il s’échauffait et par suite pouvait encore se charger de vapeur d’eau cédée par les feuilles. Si cette hypothèse est fondée, il e.-t clair qu’en calculant la quantité d’eau qui a pu être enlevée de cette manière, on doit trouver des chiffres très voisins de ceux qui expriment la transpiration constatée.

Or, la tension de la vapeur d’eau, d’après M. Régnault, est :

A 13°4 . 1 lmm,456

A 13°3 . U ,383

Différence des tensions . 0 ,073

L’air humide arrivant au contact des feuilles a donc pu se charger de vapeur émise par ces dernières dont la tension était de 0mm,073.

Comme il passait 370^8 d’air dans chaque expérience, la quantité de vapeur d’eau que cet air a pu entraîner est de :

370,800 X 0,622 X 1,293 X 0,073 oc_ AO 797,27 = (1 -f- ut) =!36 ’08

Ainsi l’air humide a enlever aux plantes 36mgr,08 d’eau. Or, en

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX. 51

prenant la moyenne des résultats obtenus dans l’air humide, on trouve que la transpiration a été, par expérience de 12 heures :

Pour le pied 1 . 37msr

2 . 15

3. . . 19

4 . 23

5 . 27

6 . 16

L’excès moyen de température de 0°1 suffit donc pour rendre compte des transpirations constatées.

J’ai été ainsi conduit a admettre que si l’air pouvait être entière¬ ment saturé, la transpiration serait nulle chez toute plante qui y serait plongée. J’ai vérifié ce point par deux modes distincts d’expérimen¬ tation. (Voir fig. 2.)

1er mode. De l’air chargé d’acide carbonique vient barboter dans l’eau du ballon B légèrement chauffé.

Après s’y être saturé de vapeur, il est conduit par le tube b dans

52

ANNALES DE LA SCIENCE AfxRONOMIQ UE.

un manchon en verre M qui contient la plante. Afin d’éviter une trop grande condensation de la vapeur entraînée, le col du ballon et le tube b avaient été enveloppés par des lanières de drap. La plante qui s’est développée dans une solution nutritive que contenait le tube a est maintenue dans le manchon à l’aide d’un bouchon en liège portant deux tubes : l’un c permettant l’écoulement de l’eau condensée, l’autre laissant sortir l’air et l’acide carbonique. Deux thermomètres t et t' donnaient la température de l’air à son arrivée et au contact de la plante et par suite les tensions correspondantes de la vapeur. On pèse d’abord la plante avant son introduction dans le manchon, puis, après l’avoir laissée un certain temps dans l’appa¬ reil et essuyée soigneusement ; les différences de poids indiquaient la marche du phénomène. La plante était maintenue dans le vase a à l’aide d’une garniture de caoutchouc, de cire et un bouchon. Un essai préliminaire a montré que dans l’e-au sous une pression de 0m,20 il n’y avait aucune filtration d’eau par les ligatures.

Voici une expérience qui a été faite sur une forte touffe d’avoine, le 13 avril 1878, à la lumière.

A 7 h. 26 m., on place la plante dans le manchon, les tempéra¬ tures sont : T = 38°9 et T' = 30°5.

Elle pesait à 7 h. 26 m . 84gr,743

A 8 h. 26 m., son poids est . 84 ,746

Augmentation . 00 ,003

On remet en expérience à 8 h. 32 m. : T = 34°7, T' = 25° 1

Poids à 8 h. 32 m . 84gr,735

9 h. 32 m . 84 ,794

Augmentation . 00 ,059

On fait un troisième essai à 9 h. 41 m. :

Poids à 9 h. 41 m . 84gr,793

10 h. 41 m . 84 ,820

Augmentation . 00 ,027

Ainsi, dans ces expériences, la plante, au lieu de perdre par trans¬ piration de la vapeur d’eau, en aurait absorbé par ses feuilles, puisque son poids a constamment augmenté. On se rappelle que M. J. Bous- singault est arrivé à un semblable résultat avec des pervenches.

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX. 53

Laissée à l’air libre de 10 h. 41 m. à 12 h. 56 m., cette même touffe d’avoine a perdu par transpiration 979 milligrammes.

A 1 h. 2 m., on fait un quatrième essai; la plante paraît affaiblie par l’excès de transpiration qui a eu lieu de 10 h. 41 m. à 1 2 h. 56 m., les feuilles se courbent : T = 21°8, T' = 16°8 :

Poids à 1 h. 2 m . 83gr,S4l

2 h. 2 m . 83 ,980

Augmentation . 00gr, 139

A la fin de cet essai, les feuilles et les tiges paraissent être raffer¬ mies.

Le 15 avril, je répète les expériences à 8 h. 55 m. du matin. Les feuilles sont faibles : T = 29°5 :

Poids à 8 h. 55 m . 84gr,255

9 11. 55 m . 84 ,330

Augmentation . 00gr,075

Les feuilles se sont raffermies.

Remis en essai à 10 heures ; T = 30° :

Poids à 10 heures . 84gr,330

ïl heures . 84 ,402

Augmentation . 00gr,072

Les feuilles sont fermes.

Je laisse la plante dans l’appareil du 15 avril à 11 heures du matin au 16 avril à la même heure.

Température variable de 23°5 à 29° :

Poids le 15 avril à 11 heures du matin . 8 igr, 402

16 . 85 ,920

Augmentation . lgr,518

Les feuilles commencent à jaunir.

Je continue l’essai.

Température variable de 20° à 29° :

Poids le 16 avril à 11 heures du matin . 85gr.920

17 . 85 ,515

Eau évaporée . 00gr,405

64

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Les feuilles jaunissent fortement.

Je laisse enfin la plante dans le manchon du 17 au 19 avril. Température variable de 20° à 30° :

Poids le 17 avril à 11 heures du matin . 85gr, 515

1 9 . 85 ,490

Eau évaporée en 2 jours . 00gr,025

Les feuilles sont devenues entièrement jaunes. Je mets la plante au soleil, du 19 avril à 11 heures du matin au 20 avril à 7 h. 45 m. du matin, la plante évapore 4sr,330. Aussi les feuilles sont-elles presque fanées. Je place dans le manchon et j’obtiens :

Poids de la plante à 7 h. 45 in . 81gr, 160

à 9 h. 15 m . 81 ,505

Augmentation . 00gr,345

La plante a absorbé 345 milligrammes de vapeur d’eau, les feuilles se sont raffermies.

La transpiration constatée dans l’essai du 16 au 17 avril peut re¬ cevoir l’explication suivante :

Les feuilles ne peuvent absorber de vapeur d’eau qu’autant que les tissus ne sont pas arrivés à un certain degré de tension qui ne peut être dépassé sans rupture. A ce moment, il n’y a plus d’absorp¬ tion : mais les racines continuant à fonctionner, l’eau des tissus vient perler à la surface des feuilles en certains points particuliers à chaque plante : il y a alors une sécrétion d’eau et non une transpiration. Ce phénomène se produit souvent, surtout dans les nuits chaudes de l’été, lorsque l’atmosphère est entièrement saturée. J’ai observé plu¬ sieurs fois, à la suite de pluies, une sécrétion rapide et abondante de gouttes d’eau à l’extrémité des feuilles des graminées prairiales.

2e mode. Le second mode d’expérience est basé sur les consi¬ dérations suivantes : si la plante ne transpire pas dans une atmosphère saturée, il est clair qu’il doit y avoir entre la transpiration et la sécré¬ tion un instant pendant lequel la circulation de beau à travers les tissus est nulle : on conçoit en effet qu’au moment la transpiration cesse, la tension des tissus étant maximum fasse équilibre à la force d’absorption des racines : alors tout mouvement de liquide est arrêté ; la plante n’absorbe rien, mais elle ne perd rien puisque ce

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX. 55

n’est que sous un excès de tension que la sécrétion commence. L’expérience montre précisément que ce temps d’arrêt existe 4.

L’appareil consiste en un tube de fer de 50 millimètres de diamè¬ tre intérieur et de 0m,25 de longueur (voir fig. 3;. Une garniture en

cuivre G laissait passer une tige pleine maintenue en position par une bride à écrou B soudée au tube. Cette tige pleine faisant F office de piston plongeur avait une course de 0m,10 environ.

La partie supérieure était fermée par un bouchon en cuivre muni de deux ouvertures : l’une servait au passage de la plante, à l’autre était soudé un petit tuyau en plomb servant au remplissage, dont l’extrémité était garnie d’un caoutchouc muni d’une pince P. Laté¬ ralement un second tuyau en plomb A mettait l’appareil en corrimu-

1. Parallèlement aux essais de transpiration, j’ai déterminé, à l’aide de diverses mé¬ thodes, la quantité d’eau passant par les racines en un temps donné. Les résultats que j’ai obtenus feront l’objet d’un travail qui sera publié ultérieurement.

5 ,

ANN. SCIENCE AGRON.

56

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

nication avec un tube capillaire c exactement jaugé, qui reposait sur une petite tablette horizontale portant une division millimétrique. La plante était maintenue en place à l’aide d’un bouchon de caout¬ chouc. Tout le réservoir était ensuite plongé dans une grande caisse en bois remplie de sable fin dont un thermomètre t indiquait la température. Quand l’appareil était rempli d’eau nutritive et prêt à fonctionner, à l’aide du piston plongeur on amenait l’eau du tube capillaire à une division fixe de la tablette, au zéro, et à ce moment l’expérience commençait.

Au fur et à mesure que l’eau passait par les racines, la longueur

\

de la colonne d’eau dans le tube capillaire diminuait : il était donc facile, en tenant compte de la température du réservoir, du volume du tube capillaire, de déterminer la quantité d’eau passant par les racines en un temps donné.

Parmi les essais qui ont été effectués, je choisirai celui qui a été fait sur un marronnier d’Inde âgé d’un an.

Le 11 mai 1878, par une pluie fine qui tombait depuis une demi- heure environ, je commençai l’expérience en plein air.

La surface des feuilles était bien mouillée et de 4 h. 30 m. à 4 h. 46 m. du matin il n’y eut dans le tube capillaire aucun mouvement de la colonne liquide, l’atmosphère était saturée, l’hygromètre de Régnault donnait 100.

De 4 h. 46 m. à 5 h. 1 m., j’observai un allongement dans la colonne d’eau de 1 millimètre de longueur correspondant à un poids d’eau de lmgr,76 ; de 5 h. 1 m. à 5 h. 15 m. il y eut un allon¬ gement de 5 millimètres correspondant à un poids d’eau de 3mgr,82, et de 5 h. 15 m. à 5 h. 22 m. il y eut un nouvel allongement de 4 millimètres correspondant à 3mgr,16 d’eau.

A ce moment, la pluie cessa*: l’hygromètre marqua aussitôt 93.1. Les feuilles étaient toujours mouillées. La colonne continua son mouvement jusqu’à 6 h. 12 m. : l’allongement total avait été de 33mm,5 correspondant à un poids d’eau de 25mgr,6.

A 6 h. 12 m., il y eut un arrêt complet pendant 20 minutes, puis alors un mouvement inverse se produisant, indiquait le passage de l’eau à travers les racines : l’hygromètre marquait alors 91.9.

Pendant tout l’essai, la température du sable n’avait varié que de

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX. 57

17°15 à 17°1. Ainsi de 4 h. 46 m. à 5 h. 1 m., les racines n’ont pas absorbé d’eau : la transpiration a par conséquent été nulle lorsque l’atmosphère était saturée.

Lorsque la plante, au lieu d’être laissée dans l’atmosphère, est plon¬ gée dans l’eau, on remarque encore une contraction dans le tube ca¬ pillaire, c’est-à-dire que l’eau continue de passer à travers les racines ; j’ai observé plusieurs fois ce fait sur l’orge ; mais je dois dire que les volumes d’eau qui passent ainsi par les racines sont très faibles.

Des expériences qui précèdent, on peut conclure que, dans une atmosphère saturée :

1 0 La plante ne transpire pas ;

Elle peut, suivant l’état de ses tissus, absorber ou non de la vapeur d’eau par ses feuilles.

III. Évaporation a l’air libre.

Lorsque les plantes sont à l’air libre, les variations dans les quantités d’eau évaporée soit à la lumière, soit à l’obscurité, sont relativement faibles, si toutefois la différence de température l’est elle-même.

Le 3 avril 1878, je mets en expérience six pieds de seigle déve¬ loppés dans une même solution nutritive ; ils sont exposés à la lumière diffuse dans une salle du laboratoire et pesés régulièrement à 6 h. 1/2 du matin et à 6 h. 1/2 du soir ; ils étaient à la lumière de 6 h. 1 / 2 du matin à 6 b. 1 /2 du soir et dans l’obscurité de 6 h. 1 /2 du soir au lendemain à 6 h. 1 /2 du matin. Voici les résultats qui ont été obtenus :

DATES.

Le 3 avril de 9 h. du matin à 6 h.

30 m. du soir .

Du 3 avril à 6 h. 30 m. du soir au

4 avril à 6 h. 30 m. du matin . .

Le 4 avril de 6 h. 30 m. du matin à G h. 30 m. du soir .

Du 4 avril à 6 h. 30 m. du soir au

5 avril à G h. 30 m. du matin . .

Le 5 avril de 6 h. 30 m. du matin à

6 h. 30 m. du soir .

Du 5 avril à G h. 30 m. du soir au 6 avril à 6 h. 30 m. du matin . .

EAU

TRAN!

3 PIRE

E.

No 1.

2.

No 3.

4.

No 5.

6.

Ternp.

Jour.

120

134

148

114

176

168

1 1°8

Nuit.

85

101

147

86

151

146

1 1°5

Jour.

117

102

124

106

128

122

1 1 °7

Nuit.

61

59

76

50

80

84

1 1°5

Jour.

104

157

166

139

211

175

12°5

Nuit.

85

76

95

61

105

95

12°0

58

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

On voit que la quantité d’eau évaporée augmente en même temps que la température et baisse lorsque la température diminue. La transpiration a lieu pendant la nuit comme pendant le jour, et la lumière ne semble pas avoir encore ici une influence prépondérante.

Mais jusqu’ici je n’ai rapporté que des expériences faites lorsque l’air ambiant était sec ou entièrement saturé, c’est-à-dire dans deux cas extrêmes. Les essais qui vont suivre ont été effectués à l’air libre dont l’état hygrométrique, constamment variable d’un instant à l’autre, a été sans cesse déterminé. Les résultats auxquels ils ont conduit permettent, je crois, de rechercher d’abord et d’établir en¬ suite la loi d’évaporation chez les végétaux que j’ai expérimentés.

Toutes les recherches ont été faites de la même manière, soit avec des plantes développées dans des solutions nutritives, soit avec des plantes enracinées dans la terre que contenaient des vases de verre ou de fer-blanc. On avait pris grand soin de bien fermer les vases avec des feuilles de caoutchouc ou de liège, afin d’être bien certain de l’origine de la perte d’eau constatée. Les plantes étaient pesées avant et après l’expérience de durée très variable, la différence de poids donnait la quantité d’eau transpirée. Au moment de chaque pesée, on déterminait en outre, à l’aide de l’hygromètre de Régnault ou d’un psychromètre corrigé, l’état hygrométrique de l’air. On obser¬ vait aussi la marche de l’actinomètre à thermomètres conjugués dans le vide. J’espérais, d’après l’opinion émise par quelques météorolo¬ gistes, qu’avec les indications de cet actinomètre> je pourrais évaluer l’intensité lumineuse, mais après la discussion de mes observations et de celles qui ont été publiées dans l’Annuaire de Montsouris, il est resté, dans mon esprit, trop de doute sur l’exactitude de cet appa¬ reil pour que je considère ses indications comme bonnes : il ne m’a pas été possible de les utiliser L

Afin de ne pas étendre ce travail outre mesure , je ne rappor-

1. L’Annuaire de l’Observatoire de Montsouris pour 1875 donne, à propos de l’acti- nométrie, les indications suivantes qui ont été conservées plus ou moins dans les édi¬ tions ultérieures. « La loi qui lie l'intensité 0 des rayons transmis à l’épaisseur s de la couche atmosphérique traversée par eux est donnée par la formule de Bouguer : 0 = A p-, dans laquelle p est une quantité numérique sans cesse variable avec l'état de l’atmos¬ phère, et qu’on nomme constante atmosphérique , parce qu’elle est indépendante de £

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX.

59

terni que cinq séries d’essais comprenant 179 observations. Je dois ajouter qu’elles ont été prises parmi plus de vingt séries d’expériences ayant exigé plus de 850 déterminations d’eau transpirée et d’état

tout en changeant avec la quantité de vapeur contenue dans l’air . Parmi toutes les

données actinornétriques recueillies dans le cours de deux années à l’Observatoire de Montsouris à l’aide des deux thermomètres conjugués dans Je vide, nous avons d'abord choisi celles qui ont* été obtenues pnr des temps clairs, à ciel bleu et sans nuage. Nous avons ensuite pointé ces données sur une feuille de papier quadrillé. En prenant pour ordonnées les valeurs de 0 et pour abscisses les valeurs correspondantes de z, nous avons obtenu divers points d’une courbe très irrégulière. En rectifiant à la main celte première courbe, nous avons pu écarter un certain nombre de résultats influencés par des vapeurs souvent invisibles, bien que leur action sur l’actinom être soit très mar¬ quée. A la suite de cet examen particulier, il nous est resté seulement sur plus de mille, les neuf données suivantes rangées dans l'ordre décroissant de s :

DATE 3. fj Z

27 janvier 1 873 .

2,496

24 septembre 1873 .

1,524

25 mars 1 873 .

1 ,455

21 avril 1874 .

. . . 14,7

1,247

23 avril 1874 .

. . . 14,4

1,237

27 avril 1874 .

. . . 14,6

1,217

15 août 1873 .

1.216

21 mai 1874 .

. . . 14,9

1,138

20 juillet 1873 .

. . . 14,5

1,134

En appliquant à ces nombres la formule de Bouguer : 0 = A p z . il vient pour p :

p = 0,8875 p = 0,8762

p = 0,8661

p = 0,8737 p = 0,8719

Moyenne . 0,8751 »

Assurément, on ne pouvait souhaiter une plus grande concordance pour les valeurs de p déduites des données ci-dessus. Mais il est évident que si la formule de Bouguer et la courbe des neuf points surplus de mille représentent bien la loi qui lie l’intensité 9 des rayons transmis h l’épaisseur s de la couche atmosphérique, en combinant deux quelconques des données ci-dessus, on devrait obtenir pour p une valeur sensiblement constante. Or, il n’en est rien. En ne choisissant pas les équations et en les combinant indistinctement toutes entre elles, deux à deux, on arrive, si je ne me trompe, à attri¬ buer à p , trente-six valeurs différentes variant depuis 0,518 (23 avril 1 874-27 avril 1874) jusqu’à 997,240 (27 avril 1874-15 août 1873). Voici d'ailleurs les 36 valeurs de p déduites des données de l’Observatoire de Montsouris et que j’ai calculées :

p 0,5018 . Données des 23 avril 1874 et 27 avril 1874.

0,6455 . 15 août 1873 et 21 mai 1874.

60

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

hygrométrique de l’air. Gomme tous les phénomènes constatés varient dans le même sens, en présence de ce nombre considérable d’obser¬ vations, il me sera permis, je crois, de généraliser les conclusions des cinq séries d’essais dont voici le détail.

p = 0,7083. .*.... Données des 23 avril 1874 et 21 mai 1874.

0,7305 . 24 septembre 1873 et 25 mars 1873.

0,7729 . 27 avril 1874 et 21 mai 1874.

0,7754 . 24 septembre 1873 et 21 avril 1874.

0,7909 . 25 mars 1873 et 21 avril 1874.

0,8045 . 24 septembre 1873 et 21 mai 1874.

0,8129. ..... 24 septembre 1873 et 27 avril 1874.

0,8216. . . . . 25 mars 1873 et 21 mai 1874.

0,83S4 . 25 mars 1873 et 27 avril 1874.

0,8406 . 24 septembre 1873 et 23 avril 1874.

0,8506 . 24 septembre 1873 et 15 août 1873.

0,8613 . 27 janvier 1873 et 21 avril 1874.

0,8631 . 27 janvier 1873 et 21 mai 1874.

0,8646 . 24 septembre 1873 et 20 juillet 1873.

0,8690 . 27 janvier 1873 et 27 avril 1874.

0,8762 . 27 janvier 1873 et 25 mars 1873.

0,8766 . 27 janvier 1873 et 23 avril 1874.

0,8785 . 27 janvier 1873 et 15 août 1873.

0,8788. ..... 25 mars 1873 et 23 avril 1874.

0,8806 . 27 janvier 1873 et 20 juillet 1873.

0,8834 . 21 avril 1874 et 21 mai 1874.

0,8875. ..... 27 janvier 1873 et 24 septembre 1873.

0,8889 . 25 mars 1873 et 15 août 1873.

0,8964 . 25 mars 1873 et 20 juillet 1873.

0,9190 . 15 août 1873 et 20 juillet 1873.

0,9349 . 23 avril 1874 et 20 juillet 1873.

1,000 . 23 avril 1874 et 15 août 1873.

1,086 . 27 avril 1874 et 20 juillet 1873.

1,128 . 21 avril 1874 et 20 juillet 1873.

1.258 . 21 avril 1874 et 27 avril 1874.

1,945 . ' 21 avril 1874 et 15 août 1873.

7,871 . 21 avril 1874 et 23 avril 1874.

901,575 . 21 mai 1874 et 20 juillet 1873.

977,240 . 27 avril 1874 et 15 août 1873.

Des recherches personnelles poursuivies pendant plusieurs mois avec un actinomètre analogue à celui de l'Observatoire de Montsouris, m’ont donné pour p des valeurs extrêmement variables. Elles m’ont même fourni des observations qui montrent bien que cet instrument n’a pas les propriétés qu’on lui attribue. On sait que pendant le jour la différence des deux thermomètres conjugués dans le vide est toujours positive, c est-à-dire que la température T du thermomètre à boule noircie est plus grande que

61

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX.

Expériences sur le maïs Caragua.

lre série. Trois pieds de maïs Caragua, développés dans la terre que contenaient des flacons en verre, sont exposés au soleil le 5 août 1878 dès 5 h. 50 m. du matin. Ils sont pesés régulièrement toutes les heures et donnent les résultats consignés dans le tableau I.

Tableau I.

5 août 1878. MAÏS CARAGUA. Au soleil.

- - - - -

PESÉES A

EAU TRANSPIRÉ E PAR

PSYCHRO-

MÈTRE.

DIFFɬ

RENCES

des tensions. (F-/.)

pied 1.

pied 2.

pied 3.

Gr.

Gr.

Gr.

6 h. 50 m. mat.

0,600

0,690

0,590

15°1 16°5

2,04

7 h. 50 m.

1,500

1,640

1,650

16°5 19°8

5,20

8 h. 50 m.

2,000

2,160

2,100

18°3 22°0

6,27

9 h. 50 m.

2,450

2,750

2,790

O

O

1

o

C/O

9,04

10 h. 50 m.

3,430

3,830

3,910

19°6 26°3

12,53

1 1 h. 50 m.

4,200

4,760

4,850

19°2 27°2

15,18

12 h. 50 m.

3,460

3,750

3,790

18°9 2 6°4

13,91

2e série. Six pieds du même maïs, développés dans la terre, sont exposés à l’air libre, à la lumière diffuse, le 3 août 1878 dès 5 h. 45 m. du matin. Ils sont pesés régulièrement toutes les heures et donnent les résultats contenus dans le tableau II. Le ciel était

celle t du thermomètre à boule nue. On a donc T > t. Lorsque la nuit arrive, la diffé¬ rence T t diminue et devient nulle si la température de l'atmosphère varie peu. Mais il n'en est plus ainsi lorsque le rayonnement nocturne est considérable ; dans ce cas, les deux thermomètres ne marchent plus d’accord et on a T < t . Or, si T > t signifie lumière, T == t obscurité, que veut dire alors T < t? Les rayons lumineux solaires ne pouvant être isolés des rayons calorifiques qui seuls agissent sur les ther¬ momètres, on comprend aisément qu’on ait tenté de fixer la valeur des uns en mesu¬ rant les autres et d’en déduire la fonction qui les lie entre eux. Malheureusement, cette fonction paraît être très compliquée.

Par ce qui précède, l’on voit facilement que l’on ne saurait attendre de résultats précis ni série-ux par l’emploi de la formule de Bouguer.

62

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

couvert et il régnait un vent assez fort : vers 9 h. la pluie tomba jusqu’à 10 lî. 1/4. Tous les pieds étaient abrités sous un grand hangar ouvert de tous côtés.

Tableau II.

3 août 1878. MAÏS CARAGUA. A la lumière diffuse.

- ! _ !

EAU TRANSPIRÉE PAR J. E

a .

o

PSYOHlîO-

S

O T* S TE T? -

PESÉES A

tH '

ci

Ç£>

H «

a p

O

d

O

d

d

O

d

d

ç*

MÈTRE.

-M

YATIONS.

•d

d

d

d

"d

d

©

©

©

©

©

©

71 'P

p.

"p.

" s.

p.

p,

p<

O

Gr.

Gr.

Gr.

Gr.

Gr.

Gr.

Mil] .

5 h. 45 m. mat.

»

))

»

»

»

»

»

»

))

6 h. 45 m.

0,240

0,320

0,320

0,370

0,370

0,260

1 2°4 1 3°4

1,32

Ciel couv.

7 h. 45 m.

0,410

0,480

0.510

j

0,520

0,580

0,480

13°0 14°8

2,46

Vent fort.

8 h. 45 m.

0,530

0,650

0,630

0,750

0,720

0,620

13°2 15°2

2,75

»

9 h. 45 m.

0,370

0,380

0,430

0,720

0,330

0,260

13°8 1 4°4

1,55

Pluie de 9 h. |àlO h. 15 m.

10 h. 45 m.

0,320

0,420

0,380

0,430

0,550

0,410

14°3 15°4

2,14

»

1 1 h. 45 m.

0,400

0,460

0,510

0,700

0,550

0,350

14° 6 1 1

2,77

»

12 h. 45 m.

0,530

0,640

0,600

0,680

0,580

0,550

14°9 16°8

3,59

»

1 h. 45 m, soir.

0,600

0,730

0,700

0,760

0,750

0,700

1 5°3 17°7

4,34

»

2 h. 45 m.

0,720

0,920

0,920

1,020

0,870

0,780

1 5°1 18°0

5,83

»

3 h. 45 m.

0,950

1,120

1,130

1,240

1,200

0,960

1 5°5 19°2

5,68

»

4 h 45 m.

1,200

1,390

1,400

1,530

1,540

1,110

14°7 18°5

4,58

»

5 h. 45 m

0,710

0,880

0,800

0,870

1,010

0.750

14°7 17°8

4,02

»

6 h. 45 m.

0,520

0,660

0,740

0,830

0,740

0,490

15°1 17°8

»

»

3e série. Un pied de maïs Caragua qui s’est développé dans une solution nutritive est exposé à l’air libre, à l’ombre le 17 août 1878

dès 7 h. du matin. La durée d’évaporation dans chaque essai a été

*

éminemment variable (de 4'41" à 38'). Afin de suivre la marche de l’évaporation, on a déterminé pour chaque essai, la transpiration moyenne par minute : elle est donnée dans le tableau III.

série. Les expériences ont été faites sur le même pied qui a fourni les résultats de la 3e série et dans les mêmes conditions, le 22 août 1878, par un ciel couvert, à l’air libre. Les résultats sont inscrits dans le tableau IV (p. 64).

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX.

63

Tableau III.

17 août 1878. MAIS CARAGUA. A l’ombre.

a

PC

Q

PC

O

0

CO

O

Pi

-H

S

a

'A

DURÉE

de

l’évapo¬

ration.

EAU

transpirée

TRANS¬

PIRATION

par

minute.

PSYCIIROMÈTRE.

DIFFÉRENCE

des tensions (F /).

TRANSPIRATION

par minute calculée

d’après la formule

E 1,6299 (F—/) +0,540.

1

17'

Milligr.

22

Milligr.

1,29

12°6 12°2

Millim.

0,52

Milligr.

1,38

2

17'

47

2,76

14°2 1 3°1

1,57

3,09

3

14'

56

4,00

14°7 1 1

2,19

4,11

4

13'

61

4,69

14°7 13°1

2,19

4,11

5

8'30"

35

4,11

14°7 13°1

2,19

4,11

6

1 1 '20"

45

3,98

1 1 -

- 1 3°4

2,33

4,33

7

10'

44

4,40

15°4 13°4

2,76

5,03

8

9'40"

48

5,00

15°8 -

- 13°8

2,77

5,05

9

8'40"

46

5,34

16°2 -

- 14°0

3,05

5,51

10

7 '40''

47

6,18

16°4 14°0

3,43

6,13

11

7'15"

54

7,45

16°6. 13°9

3,91

6,91

12

6'45"

38

5,63

16°2 14°0

3,05

5,51

13

7'30"

46

6,13

OP

O

1

*— *•

O

O

3,43

6,13

14

6'50"

52

7,64

16°6 -

- 13°6

4,30

7,54

15

6'30"

49

7,53

17°2 14° 2

4,36

7,64

16

5'45"

45

7,82

O

»

1

«N

o

▼■H

4,36

7,64

17

515"

57

10,85

17°3 14°0

4,79

8,35

18

5' 1 5"

48

9,14

17°6 14°0

5,25

9,09

19

5' 1 5"

39

7,42

17°9 -

- 14°7

4,74

8,26

20

4'40"

42

9,01

18°0 14°8

4,75

8,28

21

4'40"

39

8,37

18°0 14°8

4,75

8,28

22

5'

49

9,08

1 1 14°3

5,61

9,68

23

8'

89

11,12

1 8°4 -

- 1 4°4

5,94

10,22

24

8'50"

89

10,07

1 7°8 13°8

5,87

10,11

25

8'50"

92

10,41

1 8°4 14°4

5,94

10,22

26

8' 10"

93

10,17

1 8°7 -

- 14°5

6,29

10,79

27

6'40"

87

13,06

19°0 14°6

6,63

11,34

2S

6'40"

7 S

11.71

19°0 1 4°4

6,73

11,51

29

7'

75

10,71

1 8°7 14°0

6,99

11,93

30

38'

421

13,71

20°2 1 5°0

8,08

13,71

31

8' 1 0"

85

10,41

19°2 14°7

6,82

11,65

32

7' 6"

83

1 1,69

19°0 1 4°4

6,73

11,51

33

12'25"

155

12,22

1 8°8 1 3°8

7,45

12,68

64

ANNALES de la science agronomique

Tableau IY.

22 août 1878. MAIS GARAGUA. Ciel couvert.

NUMÉROS D’ORDRE.

DURÉE’

de

la transpi¬ ration.

EAU

transpirée

ÉVA¬

PORATION

par

minute.

PSYCHROMÈTRE.

DIFFÉRENCE j

des tensions (F /).

TRANSPIRATION

par minute calculée

d’après la formule

E = 1,864 (F—/) + 1,994.

Milligr.

Milligr.

Millim.

Milligr.

1

1 1 '20"

v 38

2,82

1 2°4 _ 1 2°2

0,25

2,46

2

2 2' 1 0"

47

9 | 9

12°8 12°6

0,26

2,48

3

23'30"

80 *

3,40

14° 6 13°9

1,01

3,87

4

40'20"

223

5,53

1 1 14°9

1,72

5,20

5

9'45"

57

5,84

16°1 14° 9

1,72

5,20

6

10'

50

5,00

16°1 15°0

1,51

4,81

7

1 1 '50"

64

5,41

1 6°1 15°0

1,51

4,81

8

8' 15"

43

5,21

16°5 1 5°2

1,67

5,11

9

9'30"

52

5,47

16°6 1 5°2

2,05

5,81

10

8'45"

61

6,97

17°4 1 5°7

2,56

6,77

11

8'1 5"

63

7,63

18°0 16°0

3,03

7,64

12

7'40"

59

7,70

18°0 1 6°0

3,03

7,64

13

7'20"

60

8,18

18°4 16°2

3,37

8,27

14

12'

110

9,16

18°6 16°2

3,69

8,87

15

5'30"

45

8,18

1 8°3 1 6°2

3,21

7,98

16

5'35"

45

8,06

18°5 16°4

3,22

8,00

17

5'40"

44

7,77

1 8°4 1 6°4

3,06

7,70

18

6'30"

44

8,30

1 8°3 16°0

3,52

8,55

19

4'50"

37

7,66

18°4 1 6°4

3,06

7,70

20

6'45"

50

7,40

1 S°3 16°3

3,06

7,70

21

4'35"

34

7,42

1 8°3 16°3

3,06

7,70

22

6'30"

46

7,07

1 8°3 16°3

3,06

7,70

23

6'20"

50

7,89

1 S°4 16°4

3,06

7,70

24

6'

5 1

8,50

18°7 16°5

3,40

8,33

25

5'55"

50

8,46

18°9 16°7

3,42

8,37

26

5'30"

43

7,81

18°9 1 6°7

3,42

8,37

27

5'40"

53

9,36

1 1 16°7

3,75

8,98

28

5'

52

10,40

19°3 16°5

4,37

10,14

29

4'55"

47

9,57

19°5 1 6°8

4,24

9,90

30

4'35"

45

9,82

19°7 1 6°9

4,43

10,25

31

4'35"

45

9,82

1 9°7 16°9

4,43

10,25

32

4'40"

39

8,36

19°6 1 6°8

4,41

10,21

33

40'45"

453

11,11

20°5 17°5

4,89

11,11

/

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX.

65

5e série. Les expériences de la 5e série ont été faites sur grand pied (1 mètre environ de hauteur) de maïs Garagua qui s’était déve¬ loppé dans de la terre qu’une caisse rectangulaire en fer-blanc contenait. Il était exposé au soleil. Les essais ont commencé le 14 septembre 1878 à 7 h. 54 m. du matin. Toutes les pesées ont eu lieu régulièrement toutes les demi-heures. Les observations sont consignées dans le tableau V.

Tableau Y.

14 septembre 1878. MAÏS GARAGUA. Au soleil.

HEURES DES PESEES.

EAU

transpirée.

TRANS¬

PIRATION

par

demi-heure.

PSYCIIROMÈTRE.

DIFFÉRENCE des tensions (F /).

TRANSPIRATION

par demi-heure calculée

d’après la formule

E 1,338 (F /) + 1,044:.

Gr.

Gr.

Millim.

Gr.

7 h. 54 m .

»

))

»

))

»

8 h. 24 m. . . . .

4,400

4,400

14°1 1 2°6

2,01

3,733

8 h. 54 m .

5,650

5,650

1 6°2 13°8

3,44

5,650

9 h. 24 m .

7,400

7,400

17°7 1 4°4

4,85

7,533

9 h. 54 il) .

9,300

9,300

1 7°4 1 3°5

5,65

8,604

10 h. 24 m .

10,650

1 0,650

18°9 14°1

7,10

10,544

10 h. 54 m. . . . .

13,650

13,650

20°4 14°3

9,40

13,032

11 h. 54 m .

32,600

16,300

21°3 1 1

11,31

16,176

1 2 h. 24 m .

16,300

16,300

2 1 0 1 1 3°6

11,58

16,538

12 h. 54 m .

18,050

18,050

22°8 15°

12,69

18,023

1 h. 24 m .

18,200

18,200

22°8 15°

12,69

18,023

1 h. 54 m .

19,950

19,950

22°3 13°3

14,11

19,923

2 h. 24 m. . . . .

19,100

19,100

22°6 _ 14°2

13,43

19,013

3 11. 24 m .

40,400

20,200

23°4 14u6

14,36

20,257

3 h. 54 m .

18,800

18,800

22°9 14°8

13,14

18,625

IV. Représentation graphique des résultats.

Il restait ensuite à coordonner les résultats. Pour cela, j’ai d’abord représenté graphiquement la marche de la transpiration de l’état hygrométrique de l’air, de la température et de l’intensité lumineuse

66

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

telle que la fournissait la formule deBouguer pour mes expériences.

*

On prenait pour abscisses les temps et pour ordonnées les quantités d’eau transpirée par minute ou par heure ou l’état hygrométrique de l’air. On vit bientôt que la courbe de transpiration marche beaucoup plus avec la courbe de dessiccation de l’air, obtenue en prenant le complément à 100 de l’humidité relative, qu’avec la courbe actino- métrique. La conclusion ne pouvait être douteuse : c’est que la transpiration est fonction de l’état hygrométrique de l’air. Mais quelle est la forme de cette fonction? Si l’on représente graphiquement les essais dans l’air §ec des 21 août et 8 décembre 1877, en prenant les températures pour abscisses et les poids d’eau transpirée pour ordonnées, puis la courbe de la tension de la vapeur à ces mêmes températures, on trouve que la courbe des tensions et la courbe des transpirations sont sensiblement parallèles : il suit de que dans ces essais la transpiration est fonction de la tension de vapeur aux températures considérées et conséquemment fonction de ces tem¬ pératures. Il résulte de aussi que la courbe représentative de la transpiration devient une ligne sensiblement droite si l’on prend les tensions de vapeur d’eau pour abscisses et les quantités transpirées pour ordonnées; son équation générale sera :

E = a .F =t c

E, quantité d’eau transpirée ;

a, coefficient variable dans chaque série d’expériences ;

c, constante ;

F, tension de la vapeur aux diverses températures de l’expérience.

Avant d’aller plus loin, il est hon de faire quelques remarques.

Les observations ont toutes été intermittentes, on ne peut donc

s’attendre à voir les transpirations s’accroissant ou décroissant régu¬ lièrement, c’est-à-dire variant avec continuité. En effet, il peut se faire, par exemple, que pendant un certain temps la plante et l’atmos¬ phère ambiante se soient trouvées à la température t, il transpire alors une quantité d’eau correspondante à cette température; si, pour une cause quelconque qui arrive fréquemment dans ces sortes d’essais à l’air libre, la température devient subitement t' plus grande ou plus

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX.

67

petite que t au moment de l’observation, l’expérimentateur notant la température t' trouvera que la quantité d’eau transpirée ne corres¬ pond plus à t' , qu’elle est plus grande lorsque l’on a t' <t, et plus petite lorsque t’>t. Il y a un grave inconvénient provenant de la discon¬ tinuité des essais : on comprendra que, dans la représentation gra¬ phique, ces erreurs inhérentes aux expériences elles-mêmes soient reproduites. Aussi y a-t-il quelques points en dehors des courbes tra¬ cées, mais ces points ne peuvent en aucune façon amoindrir la valeur des résultats, puisqu’on ne s’est proposé que d’étudier le sens du phénomène de transpiration. Il est permis de supposer que s’il avait été possible d’observer d’nne manière continue les variations ther¬ mométriques, les variations dans la quantité d’eau transpirée au¬ raient suivi une marche continue.

Il résulte de ce qui précède que la quantité d’eau transpirée par une feuille peut être exprimée par la formule E ' = «F c lors¬ qu’elle transpire dans une atmosphère sèche.

Si l’on construit de la même manière les courbes représentatives de la loi de la transpiration lorsque l’atmosphère ambiante est partiel¬ lement saturée, et si l’on prend pour abscisses, non plus la tension maximum de la vapeur correspondant à la température d’expérience, mais bien la différence entre cette tension maximum et la tension de la vapeur dans l’air au moment de l’essai, on trouve encore que ces courbes se confondent sensiblement avec des lignes droites. Tous les résultats pourront donc être représentés algébriquement comme ces droites par l’équation générale :

E = a (F -t- f) =b c (t)

a étant un coefficient particulier à chaque plante et variable même avec chaque série d’expériences. Four montrer que cette équation est générale et applicable à l’évaporation, il suffit de comparer les résultats obtenus par le calcul à l’aide de cette formule à ceux donnés directement par l’expérience.

Pour chaque série d’essais, le coefficient a et la constante c ont été déterminés à l’aide de points se confondant avec la courbe d’évaporation.

68

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

lre série. Expérience du 5 août 1878.

La formule générale (1) devient dans ces expériences:

Pour le pied 1 . E = 0,266 (F /) 4-0,135

Pour le pied- 2 . E = 0,305 (F /) 4- 0,067

Pour le pied 3 . E = 0,320 (F /) 4- 0,063

Par l’application de ces formules, on obtient les quantités théoriques

d’eau évaporée suivantes :

HEURES

DIFFÉRENCE

des

tensions

F-/.

PIED

1.

PIED

2.

PIED

3.

des

expériences.

Calculé.

Observé. Calculé.

Observé.

Calculé.

Observé

\

« Gr.

Gr.

Gr.

Gr.

Gr.

Gr.

6 b. 50 m.

2,04

0,677

0,600

0,690

0,690

0,590

0.590

7 h. 50 m,

5,20

1,518

1,500

1,653

1,640

1,601

1,650

8 h. 50 m.

6,27

1,802

2,000

1,980

2,160

2,069

2,100

9 h. 50 m.

9,04

2,540

2,450

2,824

2,750

2,793

2,790

10 h. 50 m.

12,53

3,468

3,430

3,888

3,830

4,072

3,910

11 h. 50 ni.

15,18

4,173

4,200

4,697

4,760

4,920

4,850

12 h. 50 m.

13,91

3,835

3,460

4,309

3,750

4,514

3,790

2e série.

Expérience

du 3 août 1878.

L’équation générale E = a

(F - f)

=t c devient :

Pour le pied 1 . E = 0,154 (F f) 4- 0,052

Pour le pied 2 . E = 0,176 (F /) 4- 0,093

Pour le pied 3 . E = 0,179 (F /) 4- 0,083

Pour le pied 4 . E = 0,193 (F /) 4- 0,1 15

Pour le pied 5 . E = 0,184 (F f) 4- 0,127

Pour le pied 6 . E = 0,144 (F f) 4- 0,119

Par l’application de ces formules, on obtient pour :

HEURES

d’observaticn .

6 h. 45 m. .

7 b. 45 m. .

8 h. 45 ru. .

9 h, 45 m. .

10 h. 45 m. .

11 h. 45 m. .

12 h. 45 m. .

1 h. 45 m. .

2 li. 45 m. .

3 h. 45 m. .

4 h. 45 m. .

5 h. 45 ni. .

6 h. 45 m. .

PIED

1.

Calculé.

Observé.

Gr.

Gr.

0,255

0,240

0,430

0,410

0,476

0,530

»

0,370

0,291

0,320

0,381

o

o

o

0,478

0,530

0,605

0,600

0,720

0,720

0,950

0,950

0,926

1,200

0,757

0,710

0,671

0,520

PIED

NO 2.

Calculé.

Observé.

Gr.

Gr.

0,325

0,320

0,526

0,480

0,577

0,650

»

0,380

0,360

0,420

0,469

0,460

0,580

0,640

0,725

0,730

0,857

0,920

1,120

1,120

1,093

1,390

' -

0,899

0,880

0,800

0,660

PIED

3.

Calculé.

Observé.

Gr.

Gr.

0,319

0,320

0,523

0,510

0,575

0,630

»

0,430

0,360

0,380

0,466

0,510

0,579

0,600

0,725

0,700

0,860

0,920

1,130

1,130

1,099

1,400

0,903

0,800

0,802

0,740

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX.

69

HEURES

PIED

NO 4.

PIED

0.

PIED

b.

d’observation .

Calculé.

Observé.

Calculé.

Observé.

Calculé.

Observé.

Gr.

Gr.

Gr.

Gr.

Gr.

Gr.

G li. 45 ni. . . .

0,370 '

0,370

0,370

0,370

0,260

0,260

7 h. 45 m. . . .

0,589

0,520

0,580

0,580

0,473

0,480

8 h. 45 m. . .• .

0,646

0,750

0,633

0,720

0,515

0,620

9 11 45 m. . . .

»

0,520

)>

0,330

»

0,260

10 h. 45 m. . . .

0,414

0,430

0,412

0,550

0,342

0,440

11 h. 45 ni. . . .

0,528

0,700

0,521

0,550

0,427

0,350

12 h. 45 ni. . . .

0,650

0,680

0,636

0,580

0,518

0,550

1 h. 45 ni. . . .

0,808

0,760

0,787

0,750

0,636

0,700

2 h. 45 m. . . .

0,953

1,020

0,925

0,870

0,744

0,780

3 h. 45 m. . . .

1,240

1,240

1,200

1,200

0,960

0,960

4 h. 45 m. . . .

1,211

1,530

1,172

1,540

0,937

1,110

5 h. 45 m. . . .

0,998

0,870

0,920

1,010

0,778

0,750

6 h. 45 m. . . .

0,890

0,830

0,866

0,740

0,697

0,490

3e série. Expérience du 17 août 1878.

L’équation générale E = a (F f) c devient :

E = 1,6299 (F /) + (), 540

Les chiffres obtenus à Laide de cette formule sont inscrits dans le tableau III (p. 63.)

4e série. Expérience du 22 août 1878.

L’équation devient :

E = 1,864 (F 0 + 1,994

Les résultats qu’elle donne se trouvent inscrits dans le tableau IV (p. 64).

5e série. Expérience du 14 septembre 1878. L’équation est :

E = 1,338 (F 0 + 1,044

et donne les résultats consignés dans le tableau V (p. 65).

La coïncidence presque parfaite que l’on observe entre les quantités d’eau déterminées par la formule et celles données directement par l’expérience permet de formuler la loi de la transpiration. Les diffé¬ rences que l’on remarque entre les deux résultats sont de l’ordre de

70

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

celles qui résultent de la continuité de la transpiration pendant les pesées : conséquemment elles peuvent être parfaitement négligées.

CONCLUSIONS.

En résumé, toutes mes expériences m’autorisent à conclure que chez les plantes :

La transpiration est indépendante de la lumière;

Elle est nulle dans une atmosphère saturée;

Elle est fonction de l’état hygrométrique de l’air.

Cette fonction est représentée assez exactement par l’équation:

E = a (F f)~o

dans laquelle a est un coefficient variable avec chaque plante et chaque expérience;

F, tension de la vapeur d’eau correspondant à la température de l’atmosphère dans chaque expérience ;

f, tension de la vapeur d’eau contenue dans l’atmosphère au même moment ;

c, constante positive ou négative.

Dalton a trouvé que la quantité d’eau qu’évapore une surface d’eau située dans une atmosphère partiellement saturée, peut s’exprimer par une équation identique.

Si la transpiration est plus active chez la plante exposée au soleil que chez la plante à l’ombre, cela tient :

a) Aux rayons calorifiques qui accompagnant toujours les rayons lumineux échauffent les tissus >

b) Aux fonctions d’assimilation des feuilles.

APPLICATIONS.

L’étude qui vient d’être faite permet de rendre compte d’un certain nombre de phénomènes végétaux qui se produisent assez fréquemment à des époques indéterminées et qui, jusqu’ici, n’ont reçu, -je crois, ni explication suffisante, ni démonstration expéri¬ mentale : je veux parler du jaunissement des céréales au printemps et de la maladie de la vigne observée souvent dans le Midi et appelée folletage.

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX.

71

Jaunissement des céréales. Dans mes nombreuses expériences sur la transpiration, j’avais toujours remarqué que les plantes main¬ tenues pendant un certain temps dans des atmosphères saturées ou près de leur point de saturation ne tardaient pas à jaunir. Ce jaunisse¬ ment était produit par une trop grande humidité atmosphérique, tandis que jusque-là il avait toujours été considéré comme étant la consé¬ quence d’un excès d’eau dans le sol. J’ai examiné successivement ces deux opinions si différentes au fond et je suis arrivé, à l’aide d’expériences faciles à répéter, à cette conclusion que la cause du jaunissement est intimement liée au phénomène de transpiration, et réside par conséquent dans l’air.

Je choisis sur une belle touffe de blé présentant de nombreuses tiges de même force, quatre tiges très comparables que je place séparément dans 4 tubes de verre de 1 mètre de longueur: les tiges ont environ 0m,60 de hauteur. Je fais arriver, à l’aide d’un disposi¬ tif spécial qu’il est facile d’imaginer, dans chacun de ces tubes, le même volume d’air chargé d’acide carbonique; avec cette différence toutefois que deux tubes le reçoivent entièrement sec; les deux autres tubes le reçoivent entièrement saturé ; deux pieds sont donc dans l’air sec et deux pieds dans l’air saturé. Les quatre pieds sont également insolés. On a eu soin, en outre, d’établir autour de la touffe une sorte de petit bassin que l’on maintient constamment rempli d’eau. Les racines sont donc constamment soumises à un excès d’humidité, puisqu’elles sont noyées dans l’eau : les tiges seules sont différemment situées.

Un essai a été fait le 11 mai 1877 sur du blé. Le 21, c’est-à-dire dix jours après, les tiges plongées dans l’air humide étaient jaunes. On change les tiges jaunies ; le 5 juin, les tiges dans l’air sec sont •toujours vertes, mais les tiges dans l’air humide sont devenues jaunes. On intervertit l’expérience à ce moment, c’est-à-dire que l’on fait passer de l’air sec sur les tiges jaunies et de l’air humide sur les tiges vertes; le 11 juin, elles sont entièrement vertes comme les voisines ; mais les plantes qui étaient primitivement vertes sont devenues jaunes pendant ce temps.

On refait ensuite l’expérience, comme en premier lieu, du 1 1 au 80 juin; les feuilles vertes deviennent jaunes dans l’air humide et les

6

ANN. SCIENCE AGRON.

72

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

feuilles jaunies par l’air humide deviennent vertes dans l’air sec. On peut donc faire, à volonté, jaunir les feuilles vertes et verdir les feuilles jaunes. Ainsi les conditions atmosphériques seules suffisent pour produire ce jaunissement, et comme pendant tous ces essais les racines se sont constamment trouvées dans des conditions iden¬ tiques, il est permis de conclure que c’est à l’excès d’humidité atmosphérique qu’il faut attribuer la cause du jaunissement.

Des expériences semblables faites sans renouvellement d’air, du 24 avril au 14 mai, ont conduit aux memes résultats : les feuilles saturaient elles-mêmes l’atmosphère des tubes, et la dessiccation était obtenue à l’aide du chlorure de calcium.

Chez les arbustes, on remarque aussi le même fait, mais il est plus lent à se produire. Ainsi chez le Viburmim tinus mis en expé¬ rience le 20 avril 1877, le jaunissement a été très lent d’abord, puis très rapide vers le 20 mai.

Un essai rapporté précédemment, sur une touffe d’avoine (du 13 avril 1878 et suivants), a conduit au même résultat. Il a de plus montré que la transpiration avait été nulle. Conséquemment, le jaunis¬ sement des céréales a pour cause l’absence ou tout au moins la grande faiblesse de la transpiration due à la saturation presque complète de l’atmosphère.

Folletage. J’ai eu l’occasion de l’examiner à Mettray (Indre- et-Loire) sur la vigne et sur les tilleuls. Dans la vigne, des ceps pleins de vigueur se fanent et tout le développement de l’année périt. Les pieds atteints sont disséminés et un examen minutieux montre que l’on n’a affaire à aucune maladie, ni à aucun insecte connu. Par une observation attentive, j’ai, je crois, trouvé la cause de ce phénomène : il est à un excès d’évaporation développée sous l'in¬ fluence calorifique solaire. Il s’explique suffisamment de la façon * suivante :

Il est tombé, en 1878, une forte quantité d’eau qui, d’une part, a empêché réchauffement rapide du sol, et, d’autre part, constamment saturé l’atmosphère de vapeur d’eau. D’un autre côté, le ciel de la Touraine a été presque toujours couvert. La végétation a eu lieu pour ainsi dire à l’ombre et, dans ces conditions, les tissus de la plante n’ont pas acquis la résistance qu’ils auraient eue si le soleil avait

DE LA TRANSPIRATION CHEZ LES VÉGÉTAUX.

73

donné, plus souvent. Les tissus étaient gorgés d’eau. L’atmosphère ayant été aussi relativement humide, la transpiration de la plante se trouvait nécessairement très faible. Les expériences de M, Sachs, que mes recherches personnelles confirment, ont prouvé que la transpi¬ ration augmente lorsqu’on élève la température du sol.

Conséquemment, la circulation de l’eau à travers les racines et le bois a être très lente, puisque la transpiration l’était elle-même; il est du reste facile de s’en rendre compte par une expérience très simple dans laquelle on mesure, ainsi que je l’ai fait moi-même, la quantité d’eau qui passe par les racines et celle qui est transpirée simultanément lorsque la plante est placée, soit dans l’air sec, soit dans l’air humide. Un régime de circulation de l’eau dans les racines s’est pour ainsi dire établi, réglé d’après l’activitité de la transpira¬ tion. Qu’on suppose maintenant qu’à un instant donné le soleil frappe de ses rayons brûlants le feuillage très développé de la vigne. L’air s’échauffe, devient moins humide, se dessèche en un mot et par cela même détermine un accroissement dans la transpiration d’autant plus énergique que la température de la plante sera plus élevée, que l’air sera moins saturé de vapeur. Et comme la quantité d’eau perdue par les feuilles ne peut être instantanément remplacée en totalité par celle que les racines absorbent cause du régime de circulation établi), les feuilles et les jeunes tiges cèdent les liquides de leurs tissus, se fanent et périssent si la perte d’eau atteint une certaine limite. C’est donc un excès d’évaporation déterminé par un coup de soleil et la variation brusque de l’état hygrométrique de l’air qui en est la conséquence, qui occasionnent le dépérissement observé.

De nombreuses confirmations viennent à l’appui de cette expli¬ cation :

En diminuant autant que possible la transpiration des ceps atteints partiellement par la suppression d’un nombre suffisant de feuilles, on enraye le mal; j’ai traité ainsi de nombreux pieds qui, loin de continuer à dépérir, se sont entièrement remis. Aucun des pieds traités de cette façonn’a péri, tandis que les cepsmaladesnon soignés sont morts.

Les céréales sont atteintes de la même façon. Une feuille de blé

74

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

attenante à la tige en pleine terre fut maintenue dans l’air humide à l’ombre, le lÔjuin 1877, de 4 à 9 heures du matin; elle ne transpira en moyenne que 5 milligrammes d’eau par heure, bien que la température se soit élevée de 15°5 à 27°5. De 9 à 10 heures, on l’ex¬ posa au soleil, la température était de 30° et elle évapora 252 milli¬ grammes d’eau. De 10 à 11 heures, on la remit à l’ombre et dans l’air humide; elle ne transpira que 17 milligrammes, bien que la température ait été de 31 °5. Dell à 12 heures au soleil, elle évapora 174 milligrammes; de midi à 1 heure, 27 milligrammes; de 1 heure à 2 heures, 1 milligramme; de 2 à 3 heures, toujours au soleil, 1 milligramme ; la température était toujours de 31 °5. A 3 heures, la feuille était morte. Dans un second essai fait au soleil, le même jour, sur une autre feuille, j’obtins une transpiration de 234 milligrammes dans la première heure, de 108 dans la seconde, de 30 milligrammes dans la troisième et de 4 milligrammes dans la quatrième. La feuille après ce temps était morte \

Ainsi le jaunissement et le folletage ont pour cause la transpiration. L’étude à laquelle je me suis livré rend exactement compte des phénomènes : le jaunissement est à une absence de transpiration, le folletage à un excès de transpiration.

1. M. Saint-André est arrivé à une conclusion identique dans des expériences pos¬ térieures aux miennes, faites au laboratoire de recherches agronomiques, à l'École d’agriculture de Montpellier. Voir, à„ee sujet, le Journal de 1 Agriculture, 1 SS2 . t. IV, p. 144.

SUR UNE MÉTHODE

DE DOSAGE DE L’AZOTE

D’UNK APPLICATION GÉNÉRALE

Par Le Dr GROUVEN*

Traduit de l’allemand

Par H. GRANDE AU, licencié és sciences physiques

- °-®î38tî ° ° -

La combustion des matières organiques dans la vapeur d’eau seule est une réaction qui n’a été jusqu’ici que fort peu étudiée et dont l’importance considérable n’est pas connue.

J’ai institué sur ce sujet, dans les années 1875, 1876 et 1877, à mon laboratoire de Leipzig, de longues séries d’expériences qui me fourniren t de précieuses indications sur la transformation en ammo¬ niaque de l’azote des corps organiques et me conduisirent à l’éta¬ blissement d’ùn procédé spécial de fabrication d’ammoniaque.

J’ai appliqué récemment ce procédé dans une usine d’essai cons¬ truite en 1878, à Burgerhof, près Lauenbourg, l’on fabrique du sulfate d’ammoniaque avec l’azote des tourbes. Ces intéressants produits, qui sont regardés comme peu utilisables, renferment 3 à 3.5 p. 100 d’azote et les énormes couches qu’ils forment repré¬ sentent le plus grand amas d’azote organique (protéine) qui existe à la surface du globe.

Ma méthode opérant la transformation intégrale de l’azote con¬ tenu dans toute substance organique en carbonate d’ammoniaque, je fus tout naturellement conduit à l’appliquer aux recherches ana¬ lytiques, c’est-à-dire à examiner si l’on ne pouvait pas substituer d’une façon générale cette méthode à la méthode dite par la chaux

1. Landwirlschaftliche Versuchsstationen , tome XX VIII.

76

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

sodée , qui est employée aujourd’hui par presque tous les chi¬ mistes.

Il m’a paru d’autant plus opportun de poursuivre ce but que la méthode à la chaux sodée a été le sujet de discussions nombreuses entre les chimistes et que beaucoup d’entre eux mettent en doute sa valeur.

Pour ma part, je pense que cette méthode ne compte pas parmi les meilleures de la chimie analytique, malgré son emploi presque général et l’importance qu’elle a acquise, car elle donne des résul¬ tats trop faibles.

C’est pourquoi, j’ai fait construire un appareil à dosage d’azote qui, après avoir subi plusieurs modifications, est devenu d’un usage constant dans mon laboratoire et nous a servi à faire plus de 2000 dosages d’azote, depuis trois ans. C’est à la suite de nombreuses expériences que j’ai introduit les améliorations successives qui ont amené cet appareil à son état de perfection actuelle.

Les lignes suivantes sont les premières que je publie sur cette question.

Piemarquons d’abord que la combustion des matières organiques peut être ramenée à celle du charbon qui constitue leur élément principal. 6 kilogr. de charbon exigent 16 kilogr. d’oxygène pour leur combustion complète le produit constitue 22 kilogr. de gaz acide carbonique. Si cèt oxygène doit être fourni non par l’air at¬ mosphérique, mais par la vapeur d’eau, il faut, pour obtenir cette combustion, que 18 kilogr. de vapeur d’eau se décomposent en ses éléments, soit 16 kilogr. d’oxygène et 2 kilogr. d’hydrogène. Un tel dédoublement exige une dépense de force relativement con¬ sidérable.

La mesure en est donnée par la quantité de calories dégagées par l’oxydation de ces 2 kilogr. d’hydrogène. On sait que pour 1 kilogr. d’hydrogène, cette quantité est égale à 34460 calories; par consé¬ quent, pour 2 kilogr. d’hydrogène, 68920 calories.

La différence 68920 (18 x 640) = 57400 calories repré¬ sente donc le nombre de calories dégagées, si on admet, comme on le fait généralement dans la pratique, que le produit de l’oxydation est de la vapeur d’eau à 100°.

SUR UNE MÉTHODE DE DOSAGE DE l’aZOTE. 77

D’après cela, nous pouvons dire :

1 kilogr. de charbon exige pour sa complète combustion 3 kilogr. de vapeur d’eau à 100°, plus 9560 calories.

1 kilogr. de vapeur d’eau à 100° exige pour sa décomposition à l’aide du charbon 3190 calories.

1 kilogr. d’eau à exige, dans des conditions semblables, 3830 calories.

Si nous comparons maintenant la chaleur qui devient libre par la combustion de 1 kilogr. de charbon dans l’air atmosphérique , c’est-à-dire la chaleur superflue, soit 8080 calories, nous tradui¬ rons ainsi numériquement la grande et principale différence des deux méthodes de combustion.

On conçoit alors aisément comment, pour transformer en gaz 1 kilogr. de charbon au moyen de la vapeur d’eau, il faut théorique¬ ment au minimum une quantité de chaleur représentée par le rapport = lk,18 de charbon comburant; mais, en réalité, on doit compter environ le double, parce qu’en présence des difficultés pra¬ tiques et des pertes de calorique inévitables, même avec les appareils les plus parfaits, on n’utilise réellement que 50 p. 100 de charbon.

En pratique, ces rapports numériques subissent une certaine réfrac¬ tion qui est due, d’après mes observations, au fait suivant: L’oxyda¬ tion du charbon dans la vapeur d’eau au rouge ne produit jamais la transformation complète en acide carbonique; mais, à la tempéra¬ ture nécessaire à la formation de l’ammoniaque et qui doit être con¬ sidérée comme normale, une partie de l’oxygène est employée à former de l’oxyde de carbone. J’ai obtenu en moyenne 66 p. 100 de carbone sous forme d’acide carbonique et 34 p. 100 sous forme d’oxyde de carbone. Cette production d’oxyde de carbone réduit de 3 kilogr. à 2k,5 la quantité de vapeur d’eau nécessaire à l’oxydation.

Par suite, la combustion des substances organiques qui contien¬ nent 50 p. 100 de charbon (par exemple, la tourbe) exige par kilo¬ gramme 0,5 x 2,5 == lk,25 de vapeur d’eau; celle des matières qui renferment 75 p. 100 de charbon (par exemple, la graisse), nécessite par kilogramme 0,75 x 2,5 = lk,87 de vapeur d’eau. On voit que la quantité de vapeur d’eau nécessaire à l’oxydation com¬ plète est directement proportionnelle à la teneur en charbon.

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ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

La chaleur exigée par cette combustion dépasse, avec ses 3830 calories par kilogramme d’eau, d’environ six fois celle exigée par la vaporisation de l’eau (640 calories). C’est un des phénomènes natu¬ rels qui correspondent à une des plus considérables dépenses de chaleur.

D’après mes expériences, la décomposition de l’eau par le char¬ bon, ou autrement dit la transformation complète du charbon en gaz au moyen de la vapeur d’eau n’a pas lieu à une température in¬ férieure à 450°. Je considère qu’au début de l’opération il faut au moins 500° : c’est le minimum de température que doivent con¬ server le charbon et la vapeur.

Supposons le charbon ou une autre matière organique étendu sur une plaque de fer chauffée par en dessous étayant 1 mètre carré de surface et, au moyen d’un appel d’air, faisons arriver sur cette subs¬ tance, un courant constant de vapeur d’eau en faible excès. Si l’on transmet alors à travers la plaque 9560 calories par minute , on transformera en gaz, dans le même temps, 1 kilogr. de charbon. En transmettant le double, le triple, etc., de calories en une heure, on brûlera un poids dquble, triple, etc., de charbon.

La vitesse de combustion du charbon paraît donc être simplement proportionnelle au nombre de calories produites. Naturellement, si cette vitesse est triplée, la-température de la plaque ne restera pas celle du rouge foncé (*500°), mais elle s’élèvera jusqu’au blanc le plus brillant (peut-être 1000°). Toutefois, ce fait n’est en lui-même qu’accessoire.

Il est théoriquement peu important d’obtenir ce degré élevé de température, soit par une transmission directe, soit en amenant delà vapeur d’eau préalablement surchauffée à 1000° ou à 1500°. Par exemple, 1 kilogiv de vapeur d’eau n 1000° agissant sur le char¬ bon, peut, en se refroidissant jusqu’à 450°, abandonner 550°; ce qui, étant donnée la chaleur spécifique = 0,47, correspond à 550 X 0,47 = 258 calories. Avec -V-5-f 38 kilogr. de vapeur, on peut donc, sans chauffer le dessous de la plaque, transformer en gaz 1 kilogr. de charbon.

Dans de la vapeur d’eau ainsi surchauffée à 1000°, comme je l’ai constaté dans toutes mes expériences, toutes les substances organi-

SUR UNE MÉTHODE DE DOSAGE DE l’aZOTE.

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ques brûlent aussi vite et aussi facilement que dans un courant d’air à 1000°. Lorsqu’il s’agit de matières difficilement combustibles (telles que le lait, la substance cérébrale, la mélasse, le cuir, le gra¬ phite, etc.), la combustion dans la vapeur d’eau offre des avantages incontestables au point de vue de la rapidité et de la perfection. Le chimiste qui a vu une fois la différence des cendres obtenues dans les deux cas, ne se servira plus jamais, je crois, de son four à mou¬ fle, qui est considéré, à l’heure qu’il est, comme l’appareil à inci¬ nération le plus rationnel.

Voici comment j’explique ce fait: dans la vapeur surchauffée, les éléments de l’eau se trouvent dans un état de dissociation tel qu’ils agissent presque avec la même intensité que si l’oxygène était libre. Remarquons, en outre, que \ mètre cube de vapeur à 1000° four¬ nit au charbon chauffé au rouge, ainsi que l’indique la loi de Gay- Lussac, deux fois autant d’oxygène qu’en fournirait 1 mètre cube d’air à la même température:

1 mètre cube de vapeur à 1000° pèse 0k,14 et renferme 0k 1 25 d’oxygène.

d’air 0 ,28 0k0G4

Parmi les éléments de certaines substances organiques (la subs¬ tance protéique, par exemple), il faut compter le soufre : bien que cet élément n’entre que dans la proportion de 1 à 2 p. 100 à côté du carbone, de l’hydrogène, de l’oxygène et de l’azote, il est cependant intéressant de chercher comment il se comporte en présence de la vapeur d’eau chauffée au rouge. J’ai constaté qu’il ne décompose pas l’eau à la température de formation l’ammoniaque, qu’il n’est pas oxydé, mais, qu’il s’unit à l’hydrogène et qu’il passe à l’état d’hydrogène sulfuré dans le récipient, il se décompose par le refroi¬ dissement et par la présence des acides, en laissant déposer son soufre en flocons blancs. De plus, le soufre qui existe à l’état de sulfates dans les composés organiques, ne subit aucune altération : les sul¬ fates se retrouvent intacts, sans trace de décomposition dans les cendres.

Pour toute une série de produits les plus divers, tirés du règne animal et végétal, j’ai opéré l’incinération avec la vapeur d’eau seule, et comparativement, avec l’air seul Cette dernière méthode a

80 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

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donné, en général, des taux de cendres un peu plus élevés; mais un examen plus minutieux fit voir que cet excédent était composé uni¬ quement d’acide sulfurique, provenant du soufre de la protéine. Ce soufre, dans la calcination au moyen de la vapeur d’eau, est enlevé comme nous l’avons dit plus haut; tandis que, quand on opère avec l’air seul, la moitié de ce soufre environ est brûlée et forme de l’acide sulfurique qu’on retrouve dans les cendres à l’état de sulfate de chaux. Le taux des cendres obtenu au moyen de la vapeur d’eau est, à mon avis, plus exact théoriquement.

Comment se comporte enfin l’azote des composés organiques en présence de la vapeur d’eau chauffée au rouge ? Pour résoudre cette question primordiale, nous allons examiner tout d’abord les diffé¬ rents modes de décomposition des corps organiques, notamment : la combustion dans l’air atmosphérique, la distillation sèche, la fer¬ mentation et la putréfaction ; et nous chercherons ce que devient, dans chacun de ces cas, l’azote organique.

Dans la combustion ordinaire dans l’air atmosphérique, comme elle a lieu dans les fours à griller, 80 p. 100 environ de l’azote or¬ ganique se transforment en gaz azote; et l’on peut admettre que dans les circonstances les plus favorables, il ne s’en dégage que 10 à 15 p. 100 sous formelle carbonate d’ammoniaque.

Quand on opère par distillation sèche, produite dans des cornues l’on empêche l’accès de l’air, il reste en moyenne 40 p. 100 de l’azote organique non transformé, dans les goudrons et le charbon; 40 à 50 p. 100 de cet azote sont dégagés à l’état d’azote libre et environ 20 p. 100, c’est-à-dire pas beaucoup plus que dans le pro¬ cédé de combustion à l’air libre, se transforment en sulfure, cya¬ nure, chlorure, sulfate et carbonate d’ammonium. Les produits de condensation ces différents sels ammoniacaux se rassemblent sont très riches en goudrons et extrêmement difficiles à purifier. Ainsi s’explique que, dans les distillations de tourbes expérimentées en grand, on a rarement obtenu plus de de l’azote qu’elles con¬ tenaient en réalité.

En outre, dans la fabrication du gaz d’éclairage, l’on distille le charbon minéral dans des cornues, on n’obtient comme produit accessoire, dans les cas les plus favorables, que 0k,5 d’ammoniaque

SUR UNE MÉTHODE DE DOSAGE DE d’aZOTE.

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pour 100 kilogr. du charbon traité. En admettant que le charbon minéral renferme entre 0.5 et 0.8 p. 100 d’azote, ce serait environ la sixième partie de l’azote.

Dans les grandes usines «à coke, la quantité d’ammoniaque con¬ tenue dans les gaz qui s’échappent et qu’on a cherché bien des fois à fixer dans ces derniers temps, est encore plus faible.

Dans les fabriques d’engrais, l’on distille les détritus animaux riches en azote (cornes, cuirs, chiffons, laine, urine, plumes, viande, sang, etc.), on ajoute souvent de la chaux éteinte; cette addition fournit des produits de condensation plus purs, mais qui ne sont pas plus riches en ammoniaque. Bref, les expériences confirment par¬ tout que la fabrication de l’ammoniaque par la distillation sèche dé¬ gage la grande majorité de l’azote organique à l’état d’azote libre et, par suite, sans valeur; et l’on voit que, la production de l’ammoniaque est le but principal, ce mode d’opérer doit compter parmi les procédés les plus défectueux, théoriquement, de la fabri¬ cation des engrais.

On peut constater tous les jours que, pendant la fermentation (ce procédé de décomposition si général et si varié des corps organi¬ ques), il se développe des gaz ammoniacaux, notamment du sulfhy- drate d’ammoniaque qui est si infect; mais on ne peut pas sentir l’azote qui se dégage et est perdu.

M. Jules Reiset 1 a montré ce dégagement d’azote libre, il y a environ trente ans, comme produit de la putréfaction de toutes les substances animales et végétales; la proportion d’azote organique qui prend cette forme élémentaire varie, suivant les cas, de 10 à 80 p. 100. G. Ville2 a constaté plus tard qu’il s’en dégageait une aussi grande quantité dans les matériaux d’engrais épandus dans les sillons des champs.

D’après ce qui précède, je m’attendais à constater un dégagement d’azote analogue dans les combustions au'moyen de la vapeur d’eau. Je fus grandement surpris de voir que cela ne se passait pas de la sorte. J’expérimentai alors avec des échantillons de tourbes, de

1. C. R., t. XLII, p. 52-59.

2. G. R., t. XLIII, p. 143-148

82 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE

*

cuir, de haricots, etc., et pour ces substances organiques si différen¬ tes et si complexes, je retrouvai partout environ la moitié de l’azote sous forme de carbonate d’ammoniaque ; le reste, quelquefois le tout, passait dans les goudrons condensés dans le récipient. Jamais il ne s’est produit, dans les limites d’une chaleur convenable, une mise en liberté d’azote gazeux.

Je terminai mes expériences en mars 1876 ; après avoir déterminé les conditions théoriques qui font de cette réaction un phénomène si certain et si remarquable, j’en fis la base de mes travaux ultérieurs et j’eus ainsi un sujet d’études entièrement neuves.

Il ne me restait plus qu’à découvrir un procédé qui permît de transformer, également sans perte, en carbonate d’ammoniaque ces vapeurs alcalines ( ammoniaques composées) qui, ainsi que je l’ai si¬ gnalé, représentent la moitié environ de l’azote organique et qu’on doit considérer comme un phénomène inséparable de la combustion au moyen de la vapeur d’eau.

Me basant sur les idées ordinaires, j’entrepris de conduire ces va¬ peurs dans des tuyaux portés au rouge et remplis de morceaux de pierre ponce, écume de mer, grenat, grès poreux, terre argileuse, tuf calciné, chaux grise calcinée, cendres de charbon de terre tami- sées, etc., etc., c’est-à-dire à travers des substances inertes, tout à fait réfractaires et capables de présenter une énorme surface rouge. J’employai avec toutes ces substances un excès de vapeur d’eau; mais je n’obtins pas de résultats sati sfaisants. En effet, la plupart de ces substances ne transformaient en ammoniaque que le tiers des vapeurs et quelques-unes seulement la moitié. Les substances coû¬ teuses, comme la chaux sodée, la mousse de platine ou de palladium, doivent être rejetées pour une application industrielle.

Il devenait évident, d’après cela, qu’il fallait chercher un corps qui n’agit pas seulement par ses propriétés physiques de porosité et de structure intime, mais aussi chimiquement par son contact avec la vapeur d’eau au rouge. Mes expériences à ce sujet durèrent envi¬ ron un an et demi; ce fut en novembre 1877 que je découvris une substance peu coûteuse opérant la transformation en ammoniaque d’une façon complète, que j’appelai musse de contact et sur laquelle je donnerai tout à l’heure quelques détails.

SUR UNE MÉTHODE DE DOSAGE DE l’aZOTE.

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La combustion du lignite, du coke et de toute espèce de char¬ bon dans la vapeur d’eau, dans le but de produire industriellement des gaz chauds consistant principalement en hydrogène, n’est pas chose nouvelle, puisque c’est un problème technique, dont la solu¬ tion pratique, cherchée depuis plus de vingt ans, surtout en Amé¬ rique, n’a pas encore été trouvée d’une façon absolument satisfai¬ sante b

Au contraire, la combustion des matières azotées de toute espèce dans la vapeur d’eau et au contact d’une masse, dans le but de do¬ ser l’azote ou de convertir industriellement cet azote en ammo¬ niaque est une question absolument neuve ; c’est un nouveau prin¬ cipe dont la priorité m’appartient et que personne ne peut utiliser dans les pays j’ai pris en 1879-1881 les brevets nécessaires.

Au point de vue de la théorie chimique de cette formation d’am¬ moniaque, il suffît de montrer qu’en faisant agir de la vapeur d’eau chauffée au rouge sur le charbon de la matière organique également portée au rouge, on a une source très riche d’hydrogène qui dure continuellement, au moins jusqu’à ce que la dernière molécule d’azote de la matière soit dégagée et l’incinération complète.

L’hydrogène naissant et l’azote naissant se rencontrent immédia¬ tement et se trouvent constamment dans le conlact le plus intime. Le premier de ces gaz est en excès tel que, pour 1 volume d’azote, il y a toujours au moins 3 volumes d’hydrogène, comme cela est néces¬ saire pour la formation de l’ammoniaque. La combinaison chimique des deux gaz à l’état naissant et à haute température, paraît moins surprenante quand on se représente qu’au moment de leur dégage¬ ment ces gaz sont soumis en même temps à une très forte compres¬ sion. La vapeur d’eau, qui existe en grand excès pendant toute la durée du phénomène, enveloppe la molécule d’ammoniaque formée et l’entraîne rapidement loin des parties chaudes de l’appareil : c’est une des conditions les plus essentielles d’un rendement complet. Pour 1 volume d’ammoniaque gazeuse, on a environ 200 volumes de vapeur d’eau et 50 volumes d’hydrogène, acide carbonique et oxyde de carbone.

1. Jul. Quaglio, le Gaz à l’eau, ou le Combustible de l’avenir. Wiesbaden, 188CK

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ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Description de l’ appareil. (Voir la planche.)

À est une burette à eau ordinaire, de 25 millimètres de diamètre et de 300 millimètres de hauteur, divisée en demi-centimètres cubes et pourvue d’un flotteur.

B est un tube à écoulement, qui pend d’environ 1 mètre au- dessous de la burette et qui est alimenté par celle-ci. C’est un tube de caoutchouc à parois épaisses de 10 millimètres de largeur, qui est traversé dans sa longueur par une corde faite de tresses de coton qui garnit entièrement son intérieur. Ces tresses ont pour but de former à l’endroit se trouve le robinet à pression, une section d’écoulement assez grande pour que l’eau, même en très petite quan¬ tité, s’écoule régulièrement pendant des heures et qu’il ne se pro¬ duise jamais d’engorgement.

De cette amenée de l’eau au générateur de vapeur C, dépendait la régularité du courant de vapeur et ce n’était pas chose facile à réa¬ liser, vu la petite quantité de vapeur qu’emploie l’appareil (environ lgr,5 de vapeur par minute). Une burette de cette espèce offre un contrôle d’une certitude absolue.

Le générateur de vapeur C est un tube à gaz ordinaire, en fer, formé par un cylindre de 25 millimètres de diamètre, qui est fermé en B par un tampon d’amiante et soudé hermétiquement en D au tube à ammoniaque E. Ce tube est rempli avec des morceaux gros¬ siers de pierre ponce ordinaire qui absorbe, à la manière d’une éponge, l’eau qui tombe goutte à goutte de B, la répartit sur une grande surface et la transforme immédiatement en vapeur d’eau, grâce à la chaleur rouge à laquelle se trouve porté le tube.

La vapeur est ensuite entraînée à travers une colonne de 60 centimètres de pierre ponce chauffée au rouge et elle se sur¬ chauffe dans ce passage au degré élevé de température nécessaire pour incinérer les matières organiques avec une extrême vitesse. C’est dans le tube à ammoniaque E, dont la longueur est de 80 cen¬ timètres, qu’ont lieu l’incinération et la production d’ammoniaque. Ce tube E est également un tube à gaz, en fer, de 32 millimètres de diamètre, dont les extrémités sont fermées par des tampons d’amiante que je vais décrire.

PLANCHE I

Bouchon d’amiante. Demi-grandeur naturelle

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Calotte en toile métallique. Demi-grandeur.

APPAREIL DE GROUVEN POUR LE DOSAGE DE L’AZOTE (Échelle : i/io grandeur naturelle).

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*

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SUR UNE MÉTHODE DE DOSAGE DE l’azOTE.

Ces tampons consistent en deux plaques d’amiante découpées dans de la pâte américaine d’asbeste bien propre et épaisse de 10 millimètres : ces plaques sont taillées en forme de cylindre. Pour en faire un tout homogène et dense, on presse énergiquement ces bouchons dans un étau et l’on rive aux deux surfaces extrêmes des plaques de cuivre au moyen de clous qui sont indiqués sur la figure et qui les transpercent de part en part. Puis, au moyen d’une lime, on donne à ces bouchons une forme conique régulière qui s’appli¬ que exactement sur l’ouverture du tube. On a ainsi un bouchon qui ferme hermétiquement et qui a le précieux avantage de rester in¬ tact à la température élevée à laquelle on opère et qui de plus peut facilement s’enlever. Un bouchon en liège ne résisterait pas un quart d’heure à une telle température, tandis que ces tampons d’a¬ miante peuvent servir à une centaine de combustions. 11 est indis¬ pensable que les tubes soient coniques et bien lisses sur une lon¬ gueur de 20 millimètres, aux extrémités F, G et H, pour qu’ils s’a¬ daptent exactement aux tampons.

Le tampon F n’est pas foré ; mais le tampon II est traversé, à une distance d’environ 5 millimètres, par un fort tube de laiton. Le tam¬ pon G, dont le diamètre est un peu plus petit, est de même traversé par un tube de laiton qui sert à amener l’eau au milieu des grains de pierre ponce. Les deux tampons G et II restent ordinairement fermés, c’est-à-dire qu’on ne les enlève ni au commencement ni à la fin de la combustion. Le tampon F n’est mis en place qu’après l’in- roduction dans le tube de la nacelle qui renferme la substance à analyser, préalablement pesée.

Cette nacelle est placée, comme l’indique la figure, à une certaine distance de l’arrivée de la vapeur : aucune trace de charbon n’é¬ chappe à l’oxydation.

Les nacelles sont en platine et mesurent 120 millimètres de lon¬ gueur, 25 millimètres de largeur et 15 millimètres de profondeur. On peut employer aussi des nacelles en porcelaine ; mais elles s’usent si vite qu’il est plus économique d’avoir recours au platine. Deux nacelles en platine du prix de 50 fr. suffisent à un travail quo¬ tidien ininterrompu.

La paroi intérieure du tube en fer forgé au travers duquel passe

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ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

la vapeur d’eau, et qui se trouve porté environ à la température de fusion du cuivre, se recouvre, la première fois qu’on s’en sert et après deux heures de chauffe, d’une mince couche d’oxydule d’oxyde de fer (Fe0.'F2 03) qui, comme je m’en suis assuré, est tout à fait sans action sur l’ammoniaque. Cette couche ne s’accroît que de 1 à 2 millimètres, avec le temps.

Le tube en fer est le meilleur tube à gaz : aucun autre, quelle que soit sa qualité, ne résiste à la température du fourneau. Les tubes de porcelaine avec lesquels j’ai expérimenté longtemps, sont très réfractaires ; mais ils coûtent fort cher et se cassent tous les jours. Les tubes en laiton, en bronze, en maillechort et ceux en platine ne peuvent pas être employés, car ils décomposent l’ammoniaque avec une facilité surprenante.

Le tube en fer, qui est en même temps le plus économique, est le seul qui convienne dans ce cas. Mais les tubes en fer forgé qu’on chauffe dans un feu de charbon sont hors d’usage en deux jours : j’ai donc me préoccuper de protéger l’extérieur de mes tubes contre l’action oxydante de la chaleur rouge. Le meilleur moyen, parmi tous ceux que j’ai essayés, est de couler directement autour du tube forgé, une gnîne en fonte de fer écossaise de lre qualité et de 7 millimètres d’épaisseur. Des tubes ainsi préparés résistent à plusieurs centaines de combustions et ne laissent rien à désirer.

Nous arrivons maintenant à la masse de contact dont j’ai indiqué plus haut l’importante fonction au point de vue de la formation de l’ammoniaque.

Elle est placée dans la partie postérieure du tube à ammoniaque (comme le montre la figure), prise entre deux calottes en toile mé¬ tallique et elle occupe toute la section du tube sur une longueur de 800 millimètres. Lorsque cette matière est divisée en grains de 4 à 6 millimètres de diamètre et proprement tamisée, elle présente dans toute la section un accès facile aux gaz. Aucun passage ne peut ni ne doit se former au-dessus de cette masse.

Je prépare' la masse de contact en mélangeant en proportions déterminées de la tourbe, de la craie de prairie ( Wiesenkreide ) et de l’argile à ciment qui présentent un degré d’hydratation con¬ venable et je travaille cette masse tout à fait comme une pâte dans

SUR UNE MÉTHODE DE DOSAGE DE l’aZOTE.

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une machine «à pétrir. Je transforme ensuite cette masse en tubes très petits, au moyen d’une machine analogue à celle qui sert à faire des tuyaux de drainage ; je la sèche et je la calcine enfin à l’abri de l’air dans de grandes cornues verticales chauffées au gaz.

Les grands fours à ammoniaque de mon usine emploient chaque année plusieurs milliers de quintaux de ce produit ; les exigences annuelles de mon appareil à dosage d’azote qui utilise aussi cette masse de contact, ne dépassent pas quelques kilogrammes.

Comme ce produit est fabriqué industriellement en grandes quan¬ tités et mis à la disposition des chimistes, je ne juge pas nécessaire de donner ici une description plus détaillée de sa préparation et je n’insisterai que sur le côté théorique de la question.

Montrons d’abord l’énorme porosité d’une telle masse ; elle paraî¬ tra en quelque sorte évidente, si l’on considère que ces petits tubes qu’on débarrasse de leur eau perdent les deux tiers de leur poids par la calcination, sans que leur volume soit en aucune façon dimi¬ nué. On obtient ainsi une masse tendre, facilement friable entre les doigts, et qui, mise en grains de la grosseur d’un pois, ne pèse que 270 ou 300 grammes par litre. Les substances minérales les plus légères qu’on connaisse, mises sous la même forme, pèsent : l’écume de mer, 350 grammes ; la craie de prairie, 540 grammes ; le marbre calciné, 840 grammes; l’argile blanche, 970 et le muschelkalk, 1,900 grammes.

Au point de vue de la composition chimique, cette masse peut être définie comme étant un silicate de chaux aluminique renfermant 48 à 50 p. 100 de chaux. Elle présente une réaction alcaline, elle est exempte d’acide carbonique et ne s’assimile aucune trace de ce gaz quand elle fonctionne dans l’appareil à dosage d’azote. Elle se dis¬ sout facilement dans l’acide chlorhydrique en laissant un petit résidu de sable. Son point de fusion est supérieur à celui de la formation de l’ammoniaque.

Pour qu’un certain volume de cette masse puisse convertir en¬ tièrement en ammoniaque les vapeurs organiques qui la traversent, il faut que ces vapeurs restent au moins trois secondes dans l’es¬ pace occupé par la masse, en contact avec un excès de vapeur d’eau.

Une colonne de 300 millimètres de longueur suffît pour les essais

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ANN. SCIENCE AÜRON.

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ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

analytiques: à la sortie, les gaz et les vapeurs ne renferment plus de matières organiques, quelquefois seulement des combinaisons sim¬ ples de carbures d’hydrogène ; tous les éléments de la substance à analyser sortent de l’appareil à l’état de carbone, hydrogène, oxyde de carbone, acide carbonique et ammoniaque.

L’hydrogène est toujours prépondérant : l’analyse d’une tourbe, par exemple, a donné àja sortie un gaz d’une composition constante de 64 volumes p. 100 d’hydrogène, 12 p. 100 d’oxyde de carbone et 24 p. 100 d’acide carbonique.

Les gaz sont refroidis dans le tube à boules L et les produits de la condensation ne sont pas colorés et goudronneux comme ceux qu’on obtient dans la méthode à la chaux sodée : ils sont limpides comme de l’eau. Ce sont des solutions de carbonate d’ammoniaque qu’on peut titrer à it de centimètre cube près. Je mets dans le tube L de 10 à 25 centimètres cubes d’acide chlorhydrique titré suivant la teneur en azote de la substance à analyser, et je titre rapidement en présence du tournesol, avec une solution titrée de baryte que je préfère de beaucoup à la potasse.

Les boules du tub£ L ont 70 millimètres de diamètre : un faible courant d’eau refroidit ce tube, qui est relié au tube à ammonia¬ que par une solide ligature N faite avec un tuyau de caoutchouc épais, entouré de chanvre. Après chaque combustion, on n’a qu’à enlever le tube à boules et à en glisser un autre dans le tuyau de caoutchouc pour l’analyse suivante. Pour faciliter cette opération, j’étire en cône l’extrémité de mes tubes à boules.

La masse de contact qui se trouve dans le tube à ammoniaque peut servir environ à 50 combustions sans être renouvelée. Mais il est nécessaire, chaque fois qu’on aura fait six analyses, de la régé¬ nérer en faisant passer pendant un quart d’heure environ un cou¬ rant d’air, tout en maintenant le tube à la plus haute température. Ce courant d’air a en même temps pour effet de purifier les pores microscopiques de la masse.

La moitié du fourneau qui se trouve du côté du tampon F doit être refroidie avant l’introduction de la nacelle : pour cela, en même temps qu’on introduit en F, dans le tube à ammoniaque, une barre de fer froide et d’un pouce de diamètre jusqu’à la masse de contact.

SUR UNE MÉTHODE DE DOSAGE DE l’aZOTE. 89

on verse un demi-litre d’eau froide sur les charbons à l’extérieur du tube, en ayant bien soin que cette eau ne tombe pas sur le fer. Au bout de deux minutes, l’intérieur de cette moitié du tube est de¬ venu sombre, tandis que l’autre moitié, se trouve la masse de contact, reste rouge. Si alors, on glisse la nacelle qui contient la substance à analyser, le dégagement des gaz commence lentement et ne se manifeste bien que quatre ou cinq minutes après l’introduc¬ tion de la nacelle. En ne prenant pas cette précaution, on s’expose¬ rait à avoir un dégagement de gaz beaucoup trop vif qui déforme¬ rait la masse de contact.

Une teneur en eau considérable des substances à analyser est aussi une condition favorable à un dégagement lent des gaz. Jamais nous ne desséchons nos substances ; nous les plaçons dans la nacelle à l’état naturel, c’est-à-dire pouvant fournir 20, 50 et même 80 p. 100 de leur poids d’eau. Les végétaux verts (herbe, plantes, racines, feuilles, légumes, etc.), les substances animales fraîches (viande, sang, œufs, etc.), les déchets industriels humides (tourteaux, drê- ches, mélasses, etc.) sont placés dans la nacelle et brûlés directe¬ ment, sans avoir été ni desséchés ni pulvérisés comme on le fait d’ordinaire avec une si grande perte de temps.

Les grains, les semences, le pain, la farine, etc., ainsi que les engrais séchés à l’air, sont introduits de la même façon dans l’appa¬ reil sans pulvérisation préalable, mais en fragments convenables et après avoir été légèrement humectés d’eau. Pour les liquides qui ont l'a consistance du lait, du jus de betterave, de la bière, etc., je prélève, en général, vingt centimètres cubes que j’évapore au tiers du volume et que j’additionne dans la nacelle de deux grammes de masse de contact pulvérisée. Il faut bien se garder de les mélanger avec de l’oxyde de fer ou des sulfates (gypse, sulfate de magné¬ sie, etc.) ; car, ces corps qui, au rouge, cèdent de l’oxygène aux ma¬ tières organiques, détruisent facilement l’ammoniaque. Il est égale¬ ment mauvais d’ajouter des chlorures, comme le sel marin, etc.

On peut, avec cet appareil, opérer facilement l’incinération de trois grammes de substance sèche : on mélange convenablement la matière à analyser et on en pèse un échantillon homogène correspon¬ dant à 2 ou 8 grammes de substance sèche. La durée de la combustion

90

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

dépend de la nature de la matière. Elle est de 30 minutes pour la plupart d^es substances ; souvent même, elle ne dépasse pas 20 mi¬ nutes et il est rare qu’elle atteigne 40 minutes. Dans tous les cas, on reconnaît que l’opération est terminée au ralentissement consi¬ dérable du courant gazeux qui traverse le tube à boules.

J’emploie en moyenne pour une analyse comme matériaux de chauffage: 400 grammes de coke et 100 grammes de charbon de bois, tous deux en petits fragments de la grosseur d’une noix et mé¬ langés dans le rapport de trois à un, en volume.

Voici les raisôns importantes pour lesquelles je ne me sers pas du gaz pour chauffer le tube à ammoniaque :

Le fourneau à gaz qui serait nécessaire pour de telles opéra¬ tions devrait être pourvu d’un nombre considérable de brûleurs, d’une dimension inusitée et coûterait, pour cette raison, au moins cinq fois plus cher que le petit fourneau à charbon, que j’ai fait construire.

Un fourneau à gaz nécessiterait environ, par analyse, deux mè¬ tres cubes de gaz : soit une dépense de 60 centimes au lieu d’envi¬ ron 3 centimes de charbon.

Un chimi&te peut rester toute la journée auprès de mon four¬ neau chauffé au rouge qui ne donne pas de flamme, sans être in¬ commodé ni par le rayonnement de la chaleur, ni par la viciation de l’atmosphère, tandis qu’il est impossible de rester un certain temps près d’un fourneau qui brûle 2 mètres cubes de gaz par demi-heure. La chaleur rayonnée par toutes les parties d’un fourneau de ce genre est insupportable.

Pour obtenir en tout temps avec un fourneau à gaz et mainte¬ nir la chaleur rouge indispensable, il faut installer un gazomètre spécial qui puisse fournir constamment une pression d’environ 15 millimètres. Ce serait bien imprudent de chercher à se servir du gaz que les compagnies mettent dans les villes à la disposition du chimiste: ce gaz a généralement pendant le jour une pression moitié moindre que celle qui est nécessaire et qui varie souvent au point que les brûleurs s’éteignent au milieu de l’analyse.

La figure montre comment notre fourneau repose sur un socle en tôle quadrangulaire P qui, faisant cheminée, aspire l’air par en bas

SUR UNE MÉTHODE DE DOSAGE DE l’aZOTE.

91

et le conduit sous la grille chauffée au rouge. Sans cette disposition, si simple qu’elle puisse paraître, on ne parviendrait pas à brûler seulement une colonne de 100 millimètres de coke ; elle permet de maintenir constante, pendant toute la journée, la température rouge nécessaire. Les deux ouvertures RR servent à introduire, toutes les heures, un ringard pour nettoyer la grille du fourneau. Le fourneau repose librement sur le socle P : on empêche l’entrée de l’air, en cimentant le bord avec un peu de lut argileux. Les deux chenets qui sont placés sous le tube à ammoniaque, servent à le supporter et à empêcher sa déformation : ils sont hauts de 36 millimètres environ.

Pour allumer le feu, on met d’abord quelques charbons de bois sur lesquels on verse environ 200 centimètres cubes d’esprit-de-vin; on dispose au-dessus le mélange de coke et de charbon préparé à l’avance, puis on allume et le feu prend si rapidement, qu’au bout d’une demi- heure l’analyse ou plutôt la série d’analyses peut être mise en train. D’ordinaire, je prépare une série de substances dont j’exécute l’analyse à un intervalle d’environ dix minutes entre chacune d’elles.

Le tuyau qui surmonte le fourneau doit être mis en communica¬ tion avec une cheminée , ce qui est partout facilement réalisable ; de cette façon, le fourneau peut brûler la journée entière sans vicier l’atmosphère et être installé dans tous les laboratoires sans aucun inconvénient.

D’après mes expériences, l’appareil ne se trouve jamais à une tem¬ pérature trop élevée ou trop basse, si l’on a soin que la hauteur de la couche de coke qui se trouve dans la zone de la masse de contact, reste constamment dans la ligne ST. La plus grande partie du tube à vapeur G doit donc émerger au-dessus du niveau du charbon. Dans ces circonstances, la masse de contact ne subit jamais un échauffe- ment trop considérable, ce qui occasionnerait des pertes en ammo¬ niaque et doit être évité avec le plus grand soin par le chimiste.

A l’endroit se trouve la nacelle, la masse de coke doit au con¬ traire recouvrir le tube à vapeur G. Le coup de chauffe qu’on donne ainsi à cet endroit, accélère l’oxydation et l’incinération de la ma¬ tière placée dans la nacelle.

Un échauffement trop faible du fourneau est moins préjudiciable

92

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

à l’analyse qu’un échauffeinent trop considérable : mais la tempéra¬ ture ne doit jamais être assez basse pour que les produits de la con¬ densation deviennent colorés et goudronneux; car, dans ce cas, on aurait toujours une petite perte d’azote correspondante.

Quand la température est normale, l’intérieur du tube à ammo¬ niaque doit paraître d’un rouge brillant, quand on le regarde par

l’ouverture F ; j’estime cette température égale à 700° ou 800°. Les

vapeurs et les gaz sont seulement à 300° ou 350° à la sortie, c’est-à- dire après avoir traversé la masse de contact, ce qui montre que l’ammoniaque g'azeuse délayée dans le grand excès de vapeur d’eau qui existe dans l’appareil, résiste très bien à la température de 350°. Je ne puis dire exactement le nombre de degrés dont on pourrait encore élever la température sans détruire ce gaz : je sais seulement que, si on chauffe d’une façon exagérée, on observe des pertes con¬ sidérables d’ammoniaque.

Les chimistes qui voudront employer ma méthode d’après les in¬ dications précédentes, devront, comme dans tous les cas analogues, s’exercer pendant une semaine: ils acquerront vite une sûreté de main absolue, surtout en ce qui concerne la conduite du fourneau, en s’exerçant d’abord à l’analyse de substances dont la teneur en azote leur sera connue.

Une précaution indispensable avant chaque analyse, consiste à s’assurer de la fermeture hermétique des tampons d’amiante H et F. De tels tampons ne s’appliquent pas aussi complètement qu’un bou¬ chon ordinaire : il faut avoir soin de bien les tourner dans le tube et de s'assurer, au moyen d’un petit barreau de fer, qu’ils ferment hermétiquement. La plus petite fuite livre passage à la vapeur qui vient se condenser sur le barreau de fer froid.

Comme je l’ai déjà dit, le débit de la vapeur doit être de lgr, 5 par minute: au moyen du robinet B, on peut le maintenir entre lgr,4 et lgl',6.

Si le chimiste a besoin de connaître le poids des cendres de la substance, il n’a qu’à porter la nacelle sur la balance, après la fin de l’opération. Ces cendres sont toujours parfaitement blanches et exemptes de charbon, comme il est impossible de les obtenir par la calcination au moufle. Ces cendres, riches en carbonate quand on a

SUR UNE MÉTHODE DE DOSAGE DE l’aZOTE. 93

opéré la calcination par les procédés ordinaires, sont brûlées d’une façon parfaite dans mon appareil et entièrement caustifiées.

Quelle est maintenant l’exactitude de ce nouveau mode de dosage de l’azote ?

Je puis répondre, après le grand nombre d’expériences compara¬ tives que j’ai exécutées, qu’en général elle donne des résultats un peu plus forts que la méthode à la chaux sodée. Cet excès correspond toujours à un degré plus grand d’exactitude. Ainsi, en brûlant de la même façon cinq échantillons identiques d’une même substance, j’ai obtenu cinq titrages concordants, avec un petit excès de de centimètre cube, sans jamais trouver de différences inexplicables.

En opérant au contraire avec la chaux sodée, les mêmes échan¬ tillons m’ont donné des résultats très différents, sans doute à cause des produits de condensation goudronneux et colorés qui rendent le titrage difficile. Les différences obtenues ainsi avec la chaux sodée ont été quatre fois plus grandes que celles que j’ai observées en me servant de mon appareil.

Application à l’analyse des fourrages et des aliments.

La connaissance de l’alimentation de l’homme et des animaux forme un chapitre capital de chimie physiologique et agricole. Ce chapitre a été considérablement agrandi dans ces derniers temps, depuis qu’on a établi une distinction profonde entre les différentes combinaisons azotées et qu’on a montré que leur valeur nutritive ne dépend plus seulement, comme on le croyait autrefois, de leur teneur en azote total. C’est pourquoi, dans une analyse rationnelle, on doit séparer quantitativement les matières protéiques propre¬ ment dites des corps azotés qui les accompagnent, comme les ami- des, les alcaloïdes, les sels ammoniacaux et les nitrates qui, malgré leur richesse en azote, ont une valeur nutritive nulle ou tout au moins très douteuse *.

Nous allons montrer combien est grande, dans la plupart des ali¬ ments, la proportion de ces corps azotés sans valeur et avec quelle exactitude ma méthode peut s’appliquer à leur dosage rapide.

1. Voir: L. Grandeau , Traité d’analyse des matières agricoles , 2e édition, p. 448 et suiv.

94

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE

>

ALIMENTS ET FOURRAGES.

POIDS EMPLOYÉ |

pour l’extraction et 1

le dosage de l’azote. 1

AZOTE

avant l’extraction.

A Z O T E

après l’extraction

des nitrates, sels

ammoniacaux,

alcaloïdes etarnides.

PROTÉINE PURE

correspondante

à 100 du végétal.

RAPPORT

de l’azote de la pro¬

téine à l’azote des autres combi¬

naisons azotées.

TAUX DE CENDRES

du végétal p. 100

de substance sèche.

TENEUR

en eau du végétal.

Carottes jeunes . ,

Gr.

20

Mil l-

25

Milligr.

15

4,71

p. 100.

60 : 40

5,2

p. 100. 88,2

Choux-raves jeunes .

30

113

31

0,64

27 : 73

10,1

93,0

Pommes de terre blanches en-

tièrement vertes .

17

66

34

1,24

52 : 48

3,9

79,0

Pommes de terre rouges à moi-

tié mûres .

17

43

31

1,13

72 : 28

3,2

77,5

Tête de salade .

30

95

62

1,28

65 35

19,4

94,4

Pois verts à moitié mûrs. . .

10

134.

101

6,30

75 : 25

3,5

72,8

Radis .

30

57

29

0,61

50 : 50

10,6

94,0

(n° 1 .

30

78

43

0,90

55 45

7,4

94,0

Asperges {

F ( 2 .

30

84

45

0,94

54 : 46

»

93,8

Haricots verts (graines à peine

perceptibles) .

15

52

29

1,19

56 : 44

7,0

90,8

Concombres verts .

35

52

17

0,30

33 : 67

10,7

95,4

Oignon tout jeunb .

20

14

6

0,19

43 : 57

3,6

87,0

Herbe de prairie immédiatement

après la floraison .

9

38

32

9 99

84 : 16

5,4

75,0

Herbe de prairie, regain d’un

autre champ .

10

50

42

2,63

84 : 16

6,2

80,0

Trèfle rouge à la fin de la flo-

raison .

9

78

74

5,15

95 : 5

5,7

76,7

Grains de seigle, fin de juillet, provenant d’épis verts, encore

41,3

laiteux .

4

64

49

7,66

77 : 23

2,1

Pain de seigle, de Burgerhof

(Bavière), mêlé de son. . .

4

35

22

3,44

63 : 37

1,1

39,5

Pain de seigle de la boulangerie Schwanheide, visqueux, d’une odeur et d'une saveur re-

poussantes. Juillet 1882 . .

4

43

24

3,70

56 : 44

0,9

35,2

Pain blanc de la bou- ) Sortp T

4

56

46

7,22

82 : 18

1,5

29,8

langerie royale Rei- J

chel à Berlin. . . j feorte *

4

53

43

6,72

81 : 19

2,1

35,0

Voici la façon dont on a opéré : on a pesé en même temps deux échantillons identiques du végétal, découpé en morceaux convena¬ bles avec un couteau ou des ciseaux. L’un de ces échantillons était, sans aucune autre préparation, brûlé immédiatement dans l’appa¬ reil à dosage d’azote. L’autre échantillon était jeté dans 100 centi-

SUR UNE MÉTHODE DE DOSAGE DE l’aZOTE. 95

mètres cubes d’eau bouillante additionnée de 1 centimètre cube d’acide acétique, par petites portions et sans que l’eau cessât un ins¬ tant de bouillir: on maintenait l’ébullition pendant l’espace de dix minutes, temps qui a paru suffisant dans tous les cas; puis on je¬ tait sur un fïltf et, après l’écoulement de la dissolution qui se fait généralement en peu de temps, on lavait deux fois à l’eau bouillante. Si l’on avait affaire à des matières riches en amidon dont la filtra¬ tion s’opère trop lentement, on activait cette filtration par l’addi¬ tion de deux gouttes d’acétate d’alumine et de phosphate de soude. On enlevait ensuite rapidement le filtre de l’entonnoir et on le sou¬ mettait avec tout son contenu à l’incinération dans la nacelle en platine. L’humidité du filtre et le volume qui en résulte ne gênent en rien le dosage de l’azote.

Le taux d’azote trouvé dans ce deuxième échantillon représente la protéine proprement dite, c’est-à-dire l’azote qui a une réelle va¬ leur nutritive. La différence entre l’azote du premier échantillon et celui du second représente, au contraire, l’azote qui n’est pas utile: amides, alcaloïdes, sels ammoniacaux et nitrates. Je me suis assuré, par une série d’expériences comparatives, que la dissolution bouil¬ lante d’acide acétique au centième est le meilleur dissolvant de ces amides, alcaloïdes, etc., tandis qu’elle ne dissout que d’une façon insignifiante la protéine des groupes albumine, fibrine et caséine.

La question de savoir si cette protéine renferme des éléments non assimilables et en quelle proportion, ne regarde pas particulière¬ ment le chimiste, car la digestibilité est surtout une fonction qui dépend des aptitudes particulières de chaque individu, principale¬ ment de l’espèce, de la race, de la santé, de l’âge : c’est donc sur¬ tout l’affaire du physiologiste. Quant aux recherches qui sont de mode aujourd’hui et qui, au moyen de méthodes analytiques basées sur l’emploi de liquides de digestion artificiels, sont censées donner en nombres ronds la digestibilité d’un aliment, j’ai peine à les consi¬ dérer comme des travaux réellement scientifiques.

Les végétaux qui figurent dans le tableau précédent ont été re¬ cueillis et analysés par T. Meyer-Mulsen en juin et juillet de l’année 1883. M. Meyer a fait le compte du nombre d’heures qu’il a consacrées à ce. travail : il s’élève en tout à 48 heures de travail

96

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

dans le laboratoire, soit 6 jours à 8 heures de travail par jour. Quel 'est Je chimiste qui pourrait faire en six semaines 40 dosages d’azote, y compris le travail préparatoire et le dosage des cendres. Pour ma part, je ne m’en chargerais pas avec la méthode de la chaux sodée. On voit, au contraire, quelle besogne considérable un chi¬ miste peut exécuter saus peine avec ma méthode.

11 ne rentre pas dans le cadre de ce court travail de montrer toutes les conséquences intéressantes qui découlent de ces analyses ; je me réserve de le faire dans un autre mémoire. Je ferai seule¬ ment ressortir un fait remarquable au sujet de la proportion re¬ lative des deux sortes d’azote dans le pain : une proportion énorme d’azote, qui varie de 18 à 44p. 100 dans notre pain de tous les jours, ne renferme pas de protéine, c’est-à-dire n’a aucune valeur nutritive. La plus grande partie de cet azote est à l’état de sels ammoniacaux1 qui, comme j’ai tout lieu de le croire, prennent naissance dans la fermentation* que subit la pâte à pain avant la cuisson. Plus cette fermentation aura lieu d’une façon négligente et irrationnelle, plus la quantité de sels ammoniacaux qui proviennent de la protéine de la farine sera* grande, plus la qualité du pain sera mauvaise, et plus la perte de valeur nutritive sera considérable !

On ne devrait pas considérer cette perte d’azote avec autant d’in¬ différence, surtout pour le pain, cet aliment fondamental du peuple: il faudrait partout se rendre un compte plus exact de l’influence qu’exerce sur l’alimentation d’un peuple la qualité du pain, qualité qui dépend de la façon plus ou moins intelligente dont on fabrique cet aliment de première nécessité.

Analyse des végétaux riches en salpêtre.

Tous les végétaux qui figurent dans le tableau précédent sont plus ou moins riches 'en salpêtre; quelques-uns en renferment une si grande proportion, qu’on peut se demander si ma méthode trans¬ forme intégralement tout l’azote nitrique en ammoniaque et en per¬ met le dosagè certain.

Le tableau suivant répond à cette question.

1. On met en évidence ces sels ammoniacaux en distillant du pain frais avec une solution de potasse au centième.

SUR UNE MÉTHODE DE DOSAGE DE l’aZOTE. 97

POIDS

des substances brûlées dans la nacelle.

VOLUME

d’acide chlorhy¬

drique normal saturé dans

le tube à boules .

POIDS

correspondant

d’azote.

NOM

du chimiste

qui

a fait l’analyse.

3gr,8 de haricots blancs .

Cent. cub.

8,4

Milligr.

117

Wâchtler.

3gr,8 avec addition de 0gr, 1 d’azotate de potasse.

9,4

131

»

3gr,S de haricots blancs (2e dosage) .

8,4

117

Meyer.

3gr,8 avec addition de 0gr,l d’azotate de potasse.

9,4

131

))

9 grammes .

9,1

127

Wâchtler.

9 grammes avec addit. de 0gr,l d’azot. de potasse.

10,1

e 141

))

8 grammes .

8,1

113

Meyer.

8 grammes avec addit. de 0gr,l d’azot. de potasse.

9,1

127

))

7 grammes .

2,3

35

»

7 grammes avec addit. de 0gr,t d'azot. de potasse.

3,5

49

»

_

Le salpêtre employé était chimiquement pur : 0gr,1 contient théoriquement 13mgr,8 d’azote correspondant à 0CC,98 d’acide chlor¬ hydrique normal.

L’échantillon à analyser et le salpêtre étaient préalablement mé¬ langés dans la nacelle en platine, humectés avec de l’eau et aban¬ donnés pendant une demi-journée. On obtient ainsi un mélange in¬ time et homogène des deux corps : ce qui est indispensable.

Analyse des guanos et des superphosphates ammoniacaux.

Dans le guano du Pérou brut et dans le guano dissous, on trouve depuis quelques années 1/4 à 1/2 p. 100 d’azote à l’état d’acide ni¬ trique. On peut dire la même chose de plusieurs espèces de super¬ phosphates ammoniacaux. La méthode de la chaux sodée est tout à fait impuissante à déterminer cette proportion d’azote nitrique. Même, l’emploi de la chaux sodée avec le charbon, le soufre et l’hy- posulfîte de soude, comme Ruffle l’a indiqué, ne donne pas de résul¬ tats satisfaisants, d’après ce que m’ont écrit MM. le D1 Stutzer (Bonn) et le Dr Scheele (Emmerich).

Les marchands et les fabricants d’engrais se plaignent d’être lésés

98

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

par cette estimation insuffisante .de l'azote ; mais ils ne connaissent pas de remède à ce mal1.

Pour faire l’analyse d’un pareil engrais, je prends 2 grammes que je mélange dans la nacelle, au moyen d’un agitateur, avec 0gr,5 de sucre pur et pulvérisé et o grammes d’acétate de soude. Puis je glisse ma nacelle dans le tube circule la vapeur d’eau portée au rouge, après avoir, comme toujours, refroidi convenablement la partie antérieure du tube, et en un quart d’heure le dosage d’azote est terminé et donne intégralement l’acide nitrique.

Par exemple : v .

2 grammes de guano du Pérou dissous ont saturé 9CC,6 d’acide chlorhydrique normal, ce qui correspond à 134mgr,4 d’azote, soit 6.72 p. 100 d’azote.

2 grammes du même guano, mélangés à 0syl d’azotate de po¬ tasse, ont saturé 10cc,6 d’acide normal, ce qui correspond à 148 milligrammes* d’azote.

Les superphosphates dont j’ai parlé plus haut sont pauvres en matières organiques et renferment beaucoup de plâtre : ce plâtre, au moment de* la formation de l’ammoniaque, cède son oxygène et se transforme tout d’abord en sulfure de calcium.

C’est pourquoi j’ajoute du sucre et de l’acétate de soude : ce qui est indispensable pour avoir un dosage certain. -

Analyse des azotates de soude et de potasse.

La plus grosse difficulté que j’avais à vaincre dans l’analyse de ces produits, était d’arriver à produire un dégagement lent et régu¬ lier de l’azote nitrique dans le tube à combustion et de conduire cet azote sur la masse de contact avec un grand excès de vapeurs riches en carbone. 11 fallait qu’à l’intérieur de ce tube, il y eut une large répartition de vapeur d’eau, c’est-à-dire une source d’hydrogène naissant suffisamment riche pour transformer complètement en am¬ moniaque, l’azote nitrique provenant du salpêtre.

Conformément à ces idées théoriques, je fis dissoudre 500 mil¬ ligrammes du salpêtre à analyser dans 12 centimètres cubes d’eau

I. Conf. Procédés de dosage de l’azote nitrique dans les engrais. (Traité d’analyse des matières agricoles. 2e édition.)

SUR UNE MÉTHODE DE DOSAGE DE l’aZOTE.

99

additionnés de 7 grammes de sucre pur. Puis, je délayai dans cette solution, au moyen d’un agitateur, une quantité d’alumine de Dinas1 suffisante pour amener la masse à consistance pâteuse ; cette masse fut ensuite roulée sur une assiette de porcelaine en un cylindre de 20 millimètres d’épaisseur et d’environ 150 millimètres de longueur et glissée enfin sur une plaque de tôle très mince et large de 15 mil¬ limètres dans le tube à combustion convenablement refroidi à la partie antérieure. Mes expériences montrent que ce mélange homo¬ gène des dissolutions de salpêtre et de sucre, qui donne une masse considérable, épaisse, et en même temps humide, a pour résultat de donner au dégagement du gaz la lenteur et la régularité nécessaires.

Au bout d’une demi-heure, les gaz qui passent dans le tube à boules ne renferment plus trace d’ammoniaque. Les résultats obtenus sont concordants et ne laissent rien à désirer comme exactitude.

Par exemple :

Un échantillon de 500 milligrammes d’azotate de potasse = 4CC,93 d’acide chlorhydrique normal. On prépare la matière comme il a été dit. Un premier dosage donne 4CC,9 d’acide saturé et un deuxième 5 centimètres cubes. La quantité de vapeur d’eau em¬ ployée étant égale à 45 grammes dans 30 minutes.

Parmi les méthodes connues, celle de Schlœsing est la meilleure. La mienne est évidemment plus facile à manier et exige beaucoup moins de temps.

1. C’est une poudre argileuse d’une très grande plasticité et riche en magnésie qu'on trouve chez Wiseheropp, Berlin, Friederichstrasse, 13.

RECHERCHES

SUR LE

MEILLEUR MODE D’EMPLOI DES ENGRAIS ARTIFICIELS

APPLIQUÉS

A LA CULTURE DE LA BETTERAVE A SUCRE

I\yr a. petermann

DIRECTEUR DE LA STATION AGRICOLE EXPÉRIMENTALE DE l’ÉTAT A GEMBLOUX (BELGIQUE)

La couche arable d’un hectare du sol sablo-argileux de Gembloux l’enferme \ jusqu’à la profondeur de 0ra,20, en chiffres ronds : 800 kilogr. d’azote, 1 ,700 kilogr. d’acide phosphorique, 2,000 kilogr. de potasse, 6,200 kilogr. de chaux et 4,400 kilogr. de magnésie. Plus de 90 p. 100 de la quantité d’acide phosphorique contenu dans le sol sont engagés dans des combinaisons que nous pouvons con¬ sidérer comme favorables à la nutrition végétale, du moins un sel à acide organique, le citrate d’ammoniaque, dissout de cette terre presque autant d’acide phosphorique qu’un des dissolvants les plus puissants du chimiste : l’acide chlorhydrique. La faible proportion d’azote d’une part, et, d’autre part, le taux relativement élevé en acide phosphorique, expliquent aisément la conclusion que nous avons tirée des essais de culture poursuivis depuis douze ans, savoir : qu’en général, dans la terre sablo-argileuse du limon, les engrais azotés (nitrate de soude, sulfate d’ammoniaque, laine, sang) sont toujours très actifs, tandis que l’acide phosphorique n’agit que

1. Recherches de chimie et de physiologie appliquées à V agriculture , par A. Petermann, p. 417. Bruxelles, 1883.

RECHERCHES SUR LE MEILLEUR MODE d’eMPLOI DES ENGRAIS. 101

médiocrement sur le poids de la récolte et que la potasse n’est que d’un effet plus que douteux.

Nous voulons aller au-devant d’une fausse interprétation que l’on tendrait peut-être à donner à cette conclusion, en déduisant de nos recherches l’utilité exclusive des fumures azotées au détriment de l’emploi des phosphates.

Telle n’est pas notre pensée. D’abord, parmi nos essais, il n’en manque pas le superphosphate et le phosphate précipité ont agi très favorablement sur féveroles, avoine et froment. Ensuite, l’addi¬ tion de l’acide phosphorique à l’azote, même dans les cas elle n’a produit aucune augmentation de récolte, a toujours eu un effet favorable parfaitement déterminé : la hâtiveté des récoltes, tant pour les céréales que pour les betteraves, et souvent l’augmentation de l’élaboration du sucre.

S’il est vrai que dans nos essais en plein champ une fumure de 60 à 75 kilogr. d’azote, sous forme convenable, a régulièrement pro¬ duit une augmentation variant de 9,200 à 20,000 kilogr. de bette¬ raves par hectare, et que dans nos essais en pots, 25 centigrammes d’azote par 4 kilogr. de terre ont toujours au moins doublé, quel¬ quefois triplé, la récolte de l’avoine et du froment, il ne faut nulle¬ ment pour cela s’abstenir de l’emploi simultané d’engrais phos¬ phatés. Les exemples ne manquent d’ailleurs pas, et même dans les environs de Gembloux, il en existe l’application exclusive et abu¬ sive de l’azote, particulièrement du nitrate de soude, à la betterave, sans restitution de l’acide phosphorique, a eu une influence des plus fâcheuses sur le sol arable. Heureusement, la consommation consi¬ dérable d’engrais phosphatés démontre qu’il ne s’agit que d’exem¬ ples peu fréquents.

Mais si dans la zone limoneuse et sablo-limoneuse du pays, l’em¬ ploi des engrais chimiques a pris de vastes proportions et si la plupart des fermiers sont convaincus de tous les avantages qui résultent de l’emploi rationnel de ces puissants auxiliaires de la cul¬ ture intensive, il règne une très grande incertitude et des opinions fort contradictoires quant à leur meilleur mode d’emploi. Les pro¬ cédés différents que l’on voit suivre dans les fermes, les conseils les plus variés que donnent sur leurs prospectus les marchands d’en-

102

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

grais et les très nombreuses consultations que Ton nous demande sur cette question, nous prouvent, en effet, la confusion qui règne et l’absence complète de données exactes pouvant servir de base aux règles qui doivent guider le praticien dans le meilleur mode d’emploi des engrais artificiels pour la culture de la betterave à sucre.

Connaissant les bons effets produits par le fumier profondément enterré et jugeant par analogie, les fermiers, aussitôt que l'emploi des engrais artificiels s’est répandu, ont suivi cette pratique pour les engrais d’origine organique à décomposition lente : poudre de cuir, de sang, de cornes, d’os, laine, etc. Il en était tout autrement pour les engrais chimiques. La très grande solubilité de leurs principaux éléments faisait admettre que lepr répartition à la surface du sol était suffisante, l’eau du sol et des pluies se chargeant de leur diffu¬ sion convenable à travers la couche arable jusqu’à la profondeur des racines pivotantes. On se contentait, par conséquent, de répandre l’engrais chimique à la volée sur labour et de le mélanger aux par¬ ticules terreuses de la surface par quelques bons hersages ou de l’enterrer à l’extirpateur. Tel était et tel est encore aujourd’hui le mode presque exclusivement suivi.

Des opinions contraires ont cependant depuis longtemps vu le jour. M. G. Ville, dans ses conférences de 1868 déjà, émit l’idée, sans se prononcer d’une manière définitive,, d’enterrer au moins une partie de l’engrais « dans les couches profondes du sol ». En Alle¬ magne, la question de la fumure du sous-sol a été très souvent agitée et elle a donné lieu à toute une série de recherches de Liebig, de MM. Franck, Beyer, Peters, Treutler, Tuxen et autres, sur les moyens les plus aptes à faciliter la diffusion des éléments nutritifs dans les couches profondes. Elle a donné en outre l’idée de la cons¬ truction d’instruments spéciaux (charrue Funke) permettant de faire pénétrer très profondément les engrais pulvérulents du commerce. Quoique M. Grandeau ait, au champ d’expériences de la Station agro¬ nomique de Nancy1, toujours enterré les engrais chimiques à la

1. Yoy. Huit années d’expériences comparatives sur les fumures azotées et phos¬ phatées. Comptes rendus des travaux du Congrès international. Berger-Levrault et C,e, 1881.

RECHERCHES SUR LE MEILLEUR MODE d’eMPLOI DES ENGRAIS. 103

charrue et malgré la propagande faite par un agronome français, M. Derome, pour la même méthode, la grande pratique conserva comme principal mode d’emploi des engrais artificiels, leur épan¬ dage à la surface du sol. La solubilité des engrais chimiques faisait craindre leur perte en les employant autrement. Cette crainte était partagée par beaucoup d’auteurs ; pour les nitrates, elle était telle¬ ment prononcée, que M. Heiden, encore aujourd’hui, croit devoir en déconseiller d’une manière absolue l’emploi, sauf le cas on peut les répandre en couverture.

Nous avons longtemps partagé l’opinion qui considère comme suffisante l’application des engrais chimiques à la surface du sol. Les doutes nous sont seulement venus à la suite de nos recherches et de celles de M. Wagner sur les réactions qui s’opèrent entre le sol arable et l’acide phosphorique des engrais. Ne pouvant plus conserver le moindre doute sur la précipitation instantanée de l’acide phosphorique soluble dans l’eau des engrais, lorsqu’il venait à se mettre en contact avec l’oxyde de fer, l’alumine, la chaux et la magnésie du sol, nous devions nécessairement en conclure que l’on se faisait illusion sur l’importance du phénomène de la diffusion des engrais à travers la couche arable. Notre opinion fut partagée plus tard par M. Maercker, qui reconnut que si l’on veut répartir l’acide phosphorique dans le sol, il faut beaucoup plus compter dans ce but sur le concours des moyens mécaniques qu’emploie la culture que sur la distribution par voie chimique.

Bientôt même, M. Maercker, dans ses longues éludes sur la bette¬ rave à sucre, constata que le nitrate de soude, qu’il a toujours fait enterrer à la herse au printemps, lui donnait des résultats très favo¬ rables, même lorsqu’il était appliqué avant l’hiver pour culture d’été. Il paraîtrait donc que, malgré la solubilité des nitrates, malgré le manque d’affinité du sol pour l’acide nitrique, sa diffusion ne se fait nullement aussi vite que l’on serait tenté de l’admettre : l’attrac¬ tion des masses fonctionnant entre les particules terreuses et l’eau du sol chargée de nitrates retarderait la descente de l’azote nitrique. Donc, même pour les nitrates, l’on devrait aussi se préoccuper de les mettre à la portée dés racines pivotantes. Telle parait être aussi actuellement l’opinion de MM. Lawes et Gilbert qui, dans leurs céiè-

ANN. SCIENCE AGRON.

S

104

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

bres cultures expérimentales , appliquèrent longtemps les engrais chimiques^ la herse, tandis qu’ils recommandent maintenant de les semer au fond du sillon ouvert par la charrue.

L’état de la question sur le mode d’emploi des engrais artificiels, dont nous venons de donner un très court résumé, nous engagea à contribuer, par des recherches personnelles, à élucider le problème. Les expériences que nous publions aujourd’hui n’ont rapport qu’à un cas tout spécial et parfaitement déterminé ; elles ont eu pour objet la betterave à sucre en sol sablo-argileux. L’application des conclusions de nos recherches à d’autres conditions serait donc pré¬ maturée.

» 1

Avant d’entreprendre au champ d’expériences l’étude complète de cette question1, nous avons voulu, par quelques essais faits en petit, nou§ assurer d’abord si le mode différent d’application des engrais influe réellement sur la récolte et, s’il en était ainsi, nous renseigner par ces essais préliminaires sur la meilleure disposition à donner aux expériences définitives. Ces essais ont été entrepris au jardin de la Station agricole.

§ I. Essais de 1881 au jardin d'expériences.

Quatre parcelles de 23 mètres carrés chacune, se trouvant dans les mêmes conditions de culture, ont été bêchées dans les derniers jours du mois d’avril. Une des parcelles (n° I) est restée sans en¬ grais ; les trois autres ont reçu 2,300 grammes (soit 1 ,000 kilogr. à l’hectare) d’un engrais se composant de :

3.69 p. 100 d’azote nitrique.

6.39 de potasse anhydre soluble dans l'eau.

6.21 d’acide phosphorique anhydre soluble dans le citrate d’am¬

moniaque alcalin.

L’engrais a été semé à la volée, le 20 mai, à la surface de chacune des parcelles nos II, III et IV ; ensuite l’engrais de la parcelle II a été enterré au râteau, représentant le travail de la herse; l’engrais de

1. Ces expériences ont été faites avec le concours de M. l’ingénieur Warsage, pré¬ parateur à la Station agricole.

RECHERCHES SUR LE MEILLEUR MODE d’eMPLOI DES ENGRAIS. 105

la parcelle III a été enfoui à la houe, à 0m,12 de profondeur, et la parcelle IV a été bêchée à un fer de bêche de profondeur, ce qui représente un labour profond de üm,22.

22 mai : on plante la graine de bettèrave « Breslau acclimatée par Vilmorin », à la distance de O111, 40 X üm,25. 8 juin : levée. 18 juin : démariage et binage. 30 juin : second binage. A cette époque se manifeste déjà une forte différence entre les par¬ celles ayant reçu de l’engrais et la parcelle témoin. C’est le plant de la parcelle III qui paraît le plus vigoureux. Le 28 juillet, la par¬ celle I est des plus maigres, II assez faible, III et IV très belles, avec une légère prédominance de IV. La récolte a eu lieu le 25 octobre.

D’après les relevés journaliers faits par M. Motteu à l’observatoire de l’Institut agricole de Gembloux, il est tombé pendant la végéta¬ tion de nos betteraves, du 22 mai au 25 octobre 1881, 463 milli¬ mètres de pluie.

Rendement en kilogrammes des betteraves du jardin d' expériences de 1881.

, AUGMENTATION

MODE D EMPLOI

de l’engrais.

RENDEMENT

à l’hectare.

* de la récolte

en kilogr.

p. 100.

Sans engrais . .

17657

»

»

Engrais enterré au râteau . c

22590

4933

27.9

Engrais enterré à la houe . .

32674

15017

85.1

Engrais enterré à la bêche . .

38543

20886

118.3

Analyse des betteraves du jardin d'expériences de 1881.

Nombre

Mode d’emploi de l’engrais. de betteraves

analysées.

Sans engrais . 20

Engrais enterré au râteau . . 20

Engrais enterré à la houe . . 20

Engrais enterré à la bêche. . 20

Poids spécifique du jus.

Sucre

dans 100 grammes de betteraves.

Quotient de pureté du jus.

1.0576

10.52

78.58

1.0588

10.62

77.64

1 . 0584

11.02

81 . 18

1.0614

11.05

77.53

§ IL Essais de 1882 au jardin d'expériences.

L’engrais employé en 1881 renfermait tout son azote sous forme nitrique ; c’était un engrais chimique pur, composé d’un mélange de nitrate de soude, de chlorure de potassium et de superphosphate de chaux. Nous avons tenu à répéter l’essai de 1881 avec un engrais renfermant une partie de son azote à d’autres états de combinaisons.

106

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Celui-ci se composait de sang desséché, de nitrate de soude, de sul¬ fate d’amrooniaque, de chlorure de potassium, de superphosphate d’os et de phosphate précipité, titrant :

2.05 p. 100 d’azote organique.

1.98 d’azote ammoniacal.

1.52 d’azote nitrique.

5.18 de potasse anhydre soluble dans l'eau.

8.94- d’acide phosphorique anhydre soluble dans le citrate d’ammo¬

niaque alcalin.

C’est avec intention que nous avons choisi ce mélange complexe : il représente la composition d’un des engrais les plus estimés en Belgique pour la culture de la betterave à sucre.

L’engrais a été appliqué le 9 mai, à la dose de 1,000 kilogr. à l’hectare.

La surlace des parcelles et le mode d’emploi de l’engrais ont été les mêmes qu’en 1881.

10 mai : on plante la graine de betterave « Breslau acclimatée par Vilmorin » à la distance de 0m,40 x 0m,25. 19 mai : com¬ mencement de la levée dès parcelles I, III et IV. 21 mai : levée générale dans ces parcelles. 22 mai : commencement de la levée dans la parcelle IL 24 mai : levée générale de IL 8 juin : dé¬ mariage et binage. 4 juillet : dernier binage. A la fin de juillet, les parcelles III et IV montrent une végétation luxuriante, un déve¬ loppement abondant et une couleur verte saturée de l’appareil foliacé. II et I sont beaucoup plus faibles, sans montrer entre elles une différence appréciable. 10 octobre : récolte.

Les betteraves ont reçu pendant leur végétation une couche de pluie de 453 millimètres, donc sensiblement la même quantité d’eau que celles de 1881.

Rendement en kilogrammes des betteraves du jardin d' expériences de 1882.

MODE D’EMPLOI

de l’engrais.

RENDEMENT

à l'hectare.

AUGMENTATION de la récolte.

en kilogr.

p. 100.

Sans engrais .

21772

))

))

Engrais enterré au râteau . .

22453

6S1

3.1

Engrais enterré à la houe . .

36217

14445

66.4

Engrais enterré à la bêche . .

39030

17258

79.3

RECHERCHES SUR LE MEILLEUR MODE D’EMPLOI DES ENGRAIS. 107

Analyse des betteraves du jardin d'expériences de 1882.

Mode d’emploi de l’engrais.

Nombre de betteraves analysées.

Poids spécifique du jus.

Sucre

dans 100 grammes de betteraves.

Quotient de pureté du jus.

Sans engrais .

12

1.0601

10.88

77.95

Engrais enterré au rateau. ..

12

1.0541

9.81

77.76

Engrais enlerré à la houe . .

12

1.0576

10.78

80.35

Engrais enterré à la bêche . .

12

1.0563

10.54

80.43

§ III. Essais de 4882 et de 4883 au champ d'expériences.

Le champ d’expériences ayant servi à l’étude de la question du meilleur mode d’emploi des engrais chimiques appartient à la ferme

w

de l’Institut agricole de l’Etat; c’est une pièce de terre ayant fait partie, avant d’être mise en culture, d’un jardin-pépinière et ayant porté des carottes en 1881. Elle a été profondément bêchée pendant l’hiver 1882 et nivelée. On l’a partagée en 16 parcelles de 14m,60 de longueur sur 6n,,40 de largeur ; la surface mesure donc près d’un are, soit 93mq,44 par parcelle. Le chemin principal du milieu, qui partage le champ en deux bandes de huit parcelles chacune, a une largeur de lm,04; les petits chemins de séparation des différentes parcelles mesurent 0m,78 de largeur. Dix parcelles sont consacrées aux recherches sur le mode d’emploi des engrais artificiels, six sont réservées à d’autres expériences.

La question principale qui doit préoccuper celui qui entreprend des expériences de culture en pleine terre, c’est de se renseigner sur l’homogénéité du sol des différentes parcelles. Il faut, en effet, s’assurer tout d’abord si les différences dans les rendements obtenus par des essais comparatifs proviennent exclusivement des facteurs variables de l’expérience dont on se propose d’étudier l’influence, ou si elles n’ont pas été occasionnées par des différences dans la fer¬ tilité naturelle des parcelles, différences qui se rencontrent quelque¬ fois dans des pièces de terre paraissant très homogènes. Il est vrai que l’influence fâcheuse que le manque d’homogénéité d’un champ peut exercer sur le résultat d’un essai comparatif de fumure, peut être rendue moins préjudiciable par l’augmentation du nombre des

108 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

parcelles se trouvant dans les mêmes conditions d’expérimentation, recevant, par exemple, soit le même engrais, soit les mêmes façons de culture et d’entretien, et en basant ses conclusions seulement sur la moyenne des parcelles dont les rendements sont suffisamment rapprochés.

Nous avons toutefois préféré sacrifier toute une année et cultiver pendant un exercice la betterave sur toutes nos parcelles sans en¬ grais aucun et dans des conditions absolument identiques: nous avons fait, si nous pouvons nous exprimer ainsi, une expérience à blanc. Nous devions nous procurer de cette manière des renseignements d’une valeur incontestable sur l’état de notre champ d’expériences. En effet, si les rendements de nos diverses parcelles identiquement traitées se rapprochaient suffisamment, c’est-à-dire s’ils ne diffé- raient pas de la moyenne de plus de 4 à 5 p. 100, chiffre qu’il con¬ vient d’adopter comme limite des erreurs inévitables pour les expé¬ riences de grande culture1, nous étions certain, pour les essais définitifs de l’année suivante, que les différences beaucoup plus con¬ sidérables auxquelles nous devions nous attendre d’après nos essais préliminaires de 1881 et 1882, seraient réellement la conséquence du mode d’emploi différent de l’engrais et non l’effet d’un manque d’homogénéité du terrain. Si, au contraire, le poids des betteraves et leur composition variaient beaucoup d’une parcelle à l’autre, nous aurions établir nos essais ailleurs, dans de meilleures conditions. Cette expérience à blanc devait avoir aussi cet effet favorable d’éga¬ liser la fécondité naturelle des différentes parcelles.

Par conséquent, en même temps que les expériences au jardin, dont nous avons parlé plus haut, nous avons entrepris, en 1882, l’essai en vue de» vérifier l’homogénéité du champ expérimental.

A. Champ d'expériences de 1882.

Les parcelles du champ d’expériences ont été bêchées au commen¬ cement du mois d’avril, ensuite hersées et roulées. 19 avril : on

1. Recherches de chimie et de physiologie appliquées à l’agriculture , p. 243 et 278.

RECHERCHES SUR LE MEILLEUR MODE D’EMPLOI DES ENGRAIS. 109

herse et roule de nouveau. 21 et 22 avril : on plante à la distance de 0m,40 X 0m,25 la graine de la betterave « Breslau acclimatée par Vilmorin », trempée pendant 12 heures dans l’eau de pluie. Les parcelles comptent 16 lignes à 58 poquets = 928 plants chacune. 6 mai: commencement de la levée. 10 mai: levée générale. 15 et 16 mai : premier binage. 30 et 31 mai : second binage et démariage; on remplace quelques rares plants qui manquent. 21 et 22 juin: dernier binage. Les betteraves sont très bien venues, la végétation est uniforme; les quelques betteraves repiquées ayant repris, il ne manque aucun plant dans les parcelles. - 9 septem¬ bre : les betteraves sont encore en pleine végétation, le feuillage relevé et vert, sauf le centre des parcelles qui commence à jaunir un peu. 17 octobre : récolte. Les betteraves, après être restées un jour étalées sur le sol, ont été soigneusement nettoyées et pesées. On a ensuite fixé la tare de la terre adhérant encore malgré le net¬ toyage. Cette opération a été faite à part pour chaque parcelle.

Du 21 avril au 17 octobre 1882, il est tombé la quantité considé¬ rable de 520 millimètres d’eau. La température moyenne des trois derniers mois de végétation a été très basse; ensuite, le ciel ayant été presque toujours couvert, l’intensité de l’éclairage a été très faible. Toutes ces circonstances expliquent le titre saccharin peu élevé de notre récolte.

Rendement en kilogrammes des betteraves du champ d' expériences de 1882.

Numéro de la parcelle.

Racines

par

parcelle.

Racines

par

hectare.

Feuilles

par

parcelle.

Feuilles

par

hectare.

Rapport des racines aux feuilles.

1

562.7

60220

467

49978

1 : 0.83

2

575.5

61590

450

48159

1 : 0.78

3

567.9

60777

494

52868

1 : 0.87

4

555 . 9

59492

477

51049

1 : 0.86

5

558.8

59803

542

58005

1 : 0.97

6

551.8

59375

454

48587

1 : 0.82

7

580.8

62157

456 . 5

48855

1 : 0.79

8 '

574.1

61440

455

48694

1 : 0.79

9

564 . 7

60434

524.5

56132

1 : 0.93

10

564.6

60423

422

45162

1 : 0.75

110

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Analyse des betteraves du champ d'expériences de 1882.

Numéro de la parcelle.

Nombre des betteraves analysées.

Poids spécifique du jus.

Sucre

dans 100 grammes de betteraves.

Quotient de pureté du jus.

1

20

1.0520

9.77

80.39

2

20

1.0516

10.07

83.46

8

20

1.0512

9.84

82.22

4

20

1.0494

9.14

78.85

5

20

1.0494

9.14

78.93

6

20

1.0529

*

10.03

81.23

7

20

1.0494

9.13

78.85

8

20

1.0516

9.54

79.13

9

20

1.0486

9.13

80. 16

10

20

1.0529

9.56

77.46

En examinant les résultats obtenus dans notre culture expérimen¬ tale de 1882, nous constatons d’abord que les rendements des diverses parcelles ont varié entre les limites extrêmes de 59,375 et 62,157 kilogr., soit un écart de 2,780 kilogr. à l’hectare. Par con¬ séquent, la production de la parcelle la plus faible est de 4.6 p. 100 en dessous de la plus élevée ; mais comparativement au rendement moyen de toutes les parcelles réunies, lequel est de 60,571 kilogr., le maximum de rendement ne s’écarte de la moyenne que de 2.62 p. 100, le minimum de 1.97 p. 100. Cet écart est en dessous du chiffre que nous avions fixé comme limite des différences inévitables de l’expérimentation en grande culture. Il prouve qu’en prenant de grandes précautions et des soins minutieux, il est possible d’atteindre une concordance suffisante entre les diverses parcelles. De légères différences dans la fertilité et dans le degré d’humidité des parcelles, la difficulté de peser exactement des centaines de kilogrammes de bet¬ teraves et d’en enlever rigoureusement la terre, sont cause que cette concordance ne peut être poussée plus loin. Nous pouvons d’ail¬ leurs avoir toute sécurité à cet égard. Comme on le verra plus loin, les différences que nous avons observées en 1883, lors des essais définitifs, entre les parcelles différemment traitées, atteignant 18, 24, 33 et 41 p. 100, nos conclusions ne sauraient par consé-

RECHERCHES SUR LE MEILLEUR MODE d’eMPLOI DES ENGRAIS. 111

quent être altérées par les erreurs inévitables de l’expérimen¬ tation.

L’analyse des betteraves des dix parcelles varie du minimum de 9.13 au maximum de 10.07 p. 100 de sucre, soit une différence de 0.94; la moyenne des dix parcelles est de 9.53 p. 100. Cette concor¬ dance peu satisfaisante entre les analyses de dix échantillons de bet¬ teraves provenant de dix parcelles identiquement traitées et choisis avec toutes les précautions voulues, doit imposer aux expérimenta¬ teurs la plus grande prudence dans l’interprétation des différences constatées dans le titre des betteraves provenant des essais de cul¬ ture. En effet, on doit tenir compte des différences de ± 0.5 à 1 p. 100 dans le titre saccharin seulement lorsqu’on les constate plusieurs fois de suite et lorsqu’elles se présentent toujours dans le même sens, et faire abstraction de ces différences si ellfs restent en dessous du chiffre de 0.5 p. 100.

Si, pour toute recherche expérimentale, ce qui précède mé¬ rite une sérieuse attention, la différence, à première vue très grande, de 0.94 p. 100, n’a rien qui doive nous effrayer lorsque nous nous plaçons au point de vue de l’achat de la betterave sur analyse.

En effet, on sait que pour l’achat de la betterave, il est admis qu’on fait deux analyses par lot. Par conséquent, la moyenne de ces deux analyses s’écartera, même dans le cas le plus défavorable, très peu •du titre moyen de toutes les analyses, que nous devons considérer comme le vrai titre moyen du champ entier. Voici, en dehors de tous les cas intermédiaires qui peuvent éventuellement se présenter dans le groupement de nos dix lots lors de la levée de deux échantillons de vente, les trois cas produisant les plus forts écarts avec la moyenne: on peut tomber par hasard sur les deux lots les plus hauts : 10.07 et 10.03 , moyenne, 10,05 p. 100; ou bien sur les deux lots les plus bas : 9.13 et 9.13, moyenne, 9.13 p. 100; ou sur le lot le plus bas et sur le lot le plus haut: 10.07 et 9.13, moyenne: 9.60 p. 100. Ces trois titres ne s’écartent du chiffre 9.54 p. 100 le titre réel du champ que respectivement de -h 0.51 , 0.41 et h- 0.06 p. 100. On ne pourra pas nous objecter que cette concordance, suffisante dans l’analyse d’un produit tel que la betterave, ne peut être atteinte

112

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

que dans des champs d’expériences de petite étendue, car de 1873 à 1876, nous avons déjà faitdes prises analogues dans des cultures non expérimentales de grande surface, et alors déjà, nous avons émis cette opinion : qu’un échantillon bien choisi, ou mieux la moyenne de deux échantillons, suffit pour établir le titre saccharin de la récolte d’un hectare, car le chiffre ainsi obtenu ne s’écarte guère de celui qui résulte de l’analyse d’un plus grand nombre d’échantillons du même lot. Tous ceux qui, pendant de longues années, se sont adonnés à une étude attentive de la betterave à sucre ne trouveront dans cette conclusion rien qui puisse les surprendre. Ils savent, en effet, que la richesse saccharine de la betterave dépend avant tout de la variété de la graine ; en second lieu, de l’engrais et de la distance laissée entre les plantes; et en troisième lieu seulement, de la composition du sol. Les trois premières conditions étant les mêmes dans un champ donné, la quatrième pouvant varier, mais étant d’une influence toute secondaire, il en résulte que divers lots de betteraves prélevés sur un cbamp doivent avoir sensiblement le même titre saccharin. Ceci ne peut évidemment avoir lieu que lorsque les échantillons se composent d’un nombre suffisant de betteraves (12 à 20), afin d’an¬ nuler l’influence qu'exercent les différences individuelles qui existent de racine à racine, et lorsque les échantillons ont été choisis de manière que le poids total des racines composant chacun des lots soit sensiblement le même.

Après cette disgression qui nous a été inspirée par le résultat des analyses des betteraves provenant de parcelles identiquement trai¬ tées, nous arrivons aux expériences de 1883.

B. Expériences de 1883.

Ap rès les essais préliminaires de 1881 et de 1882, nous avons installé en 1883 des expériences définitives. Toutes les parcelles ont été bêchées et hersées au commencement du mois d’avril. La dispo¬ sition des carrés d’essais figure au plan ci-après.

L’engrais employé était composé, rapporté à l’hectare, d’un mé¬ lange de :

RECHERCHES SUR LE MEILLEUR MODE D’EMPLOI DES ENGRAIS. 113

500 kilogr. de nitrate de soude'(à 15.53 p. 100 d’azote);

650 kilogr. de superphosphate de chaux de Ciply-phosphate 14.51 p. 100 d'acide phosphorique anhydre soluble dans le citrate d’ammoniaque alcalin).

24 avril : on sème l’engrais à la volée et on l’enterre en variant le mode d’emploi d’après les indications détaillées du plan. 26 avril: on plante la graine de betterave « Breslau acclimatée par Vilmorin » ; espacement des lignes = 0m,40, espacement des poquets = 0m,25; 16 lignes à 58 pocpiets sur chaque parcelle. 8 mai : levée com¬ plète des parcelles 3, 4, 7 et 8 (bêchées). 10 mai : levée complète des parcelles 1,2, 9 et 10 (parcelles sans engrais et parcelles her¬ sées). 14 mai : faible commencement de levée des parcelles 5 et 6 (engrais dans les lignes en dessous de la graine). 16 mai : tous les poquets des parcelles 5 et 6 lèvent, mais le nombre des plants est et reste plus faible que dans les autres parcelles. 21 et 22 mai: premier binage. 7 et 8 juin : démariage et second binage ; on repique un très petit nombre de manquants. 15 juin: les quelques betteraves repiquées étant parfaitement venues, on compte absolu¬ ment le même nombre de plants par parcelle , savoir : 928.

25 juin : très belle végétation, dont l’abondance croît dans l’ordre suivant : 5 et 6, 1 et 10, 2 et 9, 3 et8, 4 et 7. La différence entre les extrêmes de cette échelle est frappante et visible de loin. 20 à 25 juillet: les différences signalées à la fin du mois de juin s’ef¬ facent peu à peu ; 5 et 6 prennent le dessus sur 1 et 10 et se rap¬ prochent des autres parcelles. Vers le 15 août, les parcelles fumées se ressemblent beaucoup et sont toutes beaucoup plus fortes que celles sans engrais. 10 octobre : récolte.

Pour prendre la tare, on a opéré de la même manière que pour la récolte de 1882.

La hauteur de pluie tombée pendant la durée de l’expérience, du

26 avril au 10 octobre 1883, a été beaucoup plus faible que celle de 1882; elle a été de 404%, 5 et la température des trois derniers mois de la période végétative des betteraves plus élevée; aussi nos betteraves de 1883 ont-elles été sensiblement plus riches que celles de l’année précédente.

114

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE

Plan du champ d’expériences de 1882 et de 1883.

6

»

1

ENGRAIS

ENTERRÉ DANS LES LIGNES

SANS ENGRAIS.

en dessous de la graine.

.*

7

2

ENGRAIS

» ENTERRÉ A LA BÊCHE

ENGRAIS

à 22 centimètres.

(Labour profond.;

ENTERRÉ A LA HERSE.

8

3

ENGRAIS

ENGRAIS

ENTERRÉ A LA BÊCHE

ENTERRÉ A LA BÊCHE

à 12 centimètres

à 12 centimètres.

(Labour superficiel.)

(Labour superficiel.)

9

4

ENGRAIS

ENGRAIS

ENTERRÉ A LA BÊCHE

ENTERRÉ A LA HERSE.

à 22 centimètres (Labour profond.)

10

5

ENGRAIS

SANS ENGRAIS.

ENTERRÉ DANS LES LIGNES

en dessous de la graine.

1

RECHERCHES SUR LE MEILLEUR MODE D’EMPLOI DES ENGRAIS. 115

Rendement en kilogrammes des betteraves du champ d’expériences de 1883.

Numéro

Racines

Racines

Feuilles

Feuilles

Rapport

des

de la

Engrais.

par

à

par

par

racines

parcelle.

parcelle.

l’hectare.

parcelle.

hectare.

aux

_

« __

___

_

_

-

feuilles.

1

Néant .

47827

240

25685

1 : 0.54

10

Néant ... .

. 474.6

50792

222

23758

1 : 0.47

Moyenne .

49310

231

24722

1 : 0.51

2

Enterré à la herse ....

. 552.6

59142

302

32320

1 : 0.55

9

Enterré à la herse ....

. 541.5

57952

289

30929

1 : 0.53

Moyenne. .......

58547

296

31625

1 : 0.54

3

Enterré à la bêche à 0m,12.

. 589.8

63120

350

37457

1 : 0.59

8

Enterré à la bêche à 0m, 1 2.

. 638.5

68332

298

31892

1 : 0.47

Moyenne .

. 614.2

65726

324

34675

1 : 0.53

4

Enterré à la bêche à 0ra,22.

. 650.1

69574

346

37029

1 : 0.53

7

Enterré à la bêche à 0m,22.

. 650.5

69617

350

37457

1 : 0.54

Moyenne .

69596

348

37243

1 : 0.54

5

Enterré dans les lignes . .

. 579.2

61986

330

35317

1 : 0.57

6

Enterré dans les lignes . .

. 508.1

60798

395

42273

1 : 0.70

Moyenne .

. 573.7

61392

362.5

38795

1 : 0 . 64

Le tableau précédent renferme les résultats de nos expériences tels qu’ils ont été notés dans le registre d’observations. L’action du mode d’emploi différent de l’engrais se dessine d’une manière très nette en groupant les chiffres comme suit et en établissant l’augmen¬ tation de la récolte produite comparativement à la parcelle n’ayant pas reçu de fumure :

MODE D'EMPLOI de l’engrais.

Sans engrais .

Engrais enterré à la herse. . . . Engrais enterré à la bêche à 0m,12 Engrais enterré à la bêche à Om,22 Engrais enterré dans les lignes. .

AUGMENTATION

RENDEMENT

à l’hectare.

de la récolte

en kilogr.

p. 100.

49310 kilogr.

))

))

58547

9237

18.74

05726

16416

33.29

69596

20283

41.14

61392

12082

24.50

116

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Analyse des betleraoes du champ d’ expériences de 1883.

Numéro de la parcelle.

» Engrais.

Nombre de bet¬ teraves

ana¬

lysées.

Poids spécifique du jus.

Sucre dans 100 grammes de bette¬ raves.

Quotient

de

pureté du jus.

Valeur propor¬ tionnelle du jus.

1

Néant . .

. 20

1.0610

11.26

79.59

9.44

10

Néant .

20

1.0610

11.67

82.48

10.14

Moyenne .

1.0610

11.47

81.04

9.79

2

Enterré à la herse ....

. 20

1.0601

11.45

82 . 04

9.89

9

Enterré à la herse ....

. 20

1.0605

11.47

81.62

9.86

Moyenne . . . .

1.0603

11.46

81.83

9.88

3

Enterré à la bêche à 0m,12.

. 20

1.0593

11.13

80.82

9.47

8

Enterré à la bêche à 0m, 1 2 .

20

1.0614

11.49

80.66

9.76

*

Moyenne .

1.06035

11.31

80.74

9.62

4

Enterré à la bêche à 0m,22

. 20

1.0597

10.94

78.90

9.09

7

Enterré à la bêche à 0m,22.

. 20

1.0597

11.24

81.09

9.60

Moyenne .

1.0597

11.09

80.00

9.35

5.

Enterré dans les lignes . .

. 20

1 .0605

11.19

79.59

9.38

6

Enterré dans les lignes . .

. 20

1.0567

10.77

81.58

9.25

Moyenne .

1.0586

10.98

80.59

9.32

Les rendements du champ d’expériences de 1883 nous fournis¬ sent encore un renseignement intéressant sur l’effet heureux exercé par une année de culture sans engrais. Les parcelles 4 et 7 (voir 1882, page 109) nous ont donné les rendements les plus écartés, tandis que l’année suivante (voir 1883, page 115) ils se sont beaucoup rapprochés, et sont même devenus très concordants.

§ IV. Discussion des expériences de i88i, i882 et 1883 .

Avant de nous occuper de la discussion des résultats concernant particulièrement la question à l’étude : « Quel est le meilleur mode d’emploi de l’engrais chimique sur betterave en terre sablo-argi- leuse ? » nous devons tout d’abord constater que les engrais artifi* ciels employés ont été d’un effet très favorable* En faisant abstraction du mode différent suivi dans l’application de l’engrais, nous voyons qu’il a produit dans les trois années d’expérimentation une augmenta¬ tion très sérieuse de la récolte comparativement aux parcelles n’ayant

RECHERCHES SUR LE MEILLEUR MODE D’EMPLOI DES ENGRAIS. 117

pas été fumées. C’est ainsi que, pour l’année 1883, année des expé¬ riences définitives, on a récolté sur la parcelle témoin 49,310 kilogr. de betteraves, tandis que la moyenne des parcelles fumées a monté à 64,315 kilogr. de racines, soit une augmentation de 15,005 kilogr. ou de 30.4 p. 100.

Ce résultat est une nouvelle preuve à l’appui de ce que nous avons dit, dans l’introduction de ce travail, sur l’efficacité des engrais arti¬ ficiels employés d’une manière rationnelle. Mais si, dans les trois séries d’expériences, l’engrais artificiel a produit un surcroît de récolte, son mode d’emploi n’est pas du tout indifférent. Les rende¬ ments ont considérablement varié suivant que l’engrais a été seule¬ ment réparti à la surface du sol ou qu’il a été mélangé aux couches inférieures de la terre.

Nous tirons donc d’abord de nos recherches cet enseignement :

« Qu’appliquer l’engrais artificiel à la surface du sol en se contentant de l’enterrer à la herse, est absolument insuffisant. » Nos conclusions sont formelles à cet égard, elles ne laissent pas le moindre doute. Pour trois années d’expériences, l’augmentation produite par l’en¬ grais enterré à la herse a été :

En 1881 de 27.9 p. 100.

En 1882 de 3. 1

En 1883 de 18.7

tandis que l’augmentation obtenue par la même dose d’engrais, mais enterré par un labour, a atteint les chiffres suivants :

En 1881. . 85.1 et 118.3 p. 100.

En 1882. . 66.4 et 79.3

En 1883. . 33.3 et 41.1

Même pour des années aussi pluvieuses que celles pendant les¬ quelles nous avons expérimenté, l’eau du sol n’a pu amener vers les couches inférieures les éléments nutritifs, le pouvoir absorbant du sol s’y étant opposé. Il a fallu l’intervention des moyens mécaniques dont nous disposons en culture pour faire descendre l’engrais, afin d’assurer la nutrition abondante delà racine pivotante et obtenir ainsi le maximum d’effet que l’engrais est capable de produire. Ceci

118 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

s’est manifesté, non seulement lors de l’emploi de l’engrais qui ren¬ fermait une partie de son azote sous forme organique (1882), mais même pour l’engrais chimique pur (1881 et 1883). En effet, quoique l’azote de la fumure appliquée en 1881 et en 1883 (élément dont dépend surtout le rendement de la betterave en sol sablo-argileux) s’y trouvât exclusivement à l’état nitrique, sous la forme le plus soluble, son pouvoir de diffusion à travers la couche arable n’a pas encore été assez puissant pour que son application à la surface du sol ait pu élever autan tla production que lorsqu’il a été enterré plus profondément.

*

Il y a une autre observation, faite lors des expériences de 1883, en faveur de l’enterrement des engrais chimiques par un labour. Les notes culturales relatent que les parcelles 3, 4, 7 et 8 ont levé deux jours avant les numéros 1,2, 9 et 10. Quoique toutes les parcelles aient été labourées au commencement du mois pendant lequel ont eu lieu les semailles, afin de les mettre dans les mêmes conditions, le second labour nécessité par l’enfouissement de l’engrais, a eu cet effet favorable de ramener à la surface de l’humidité, qui a accé¬ léré la germination. C’est la véritable cause de l’avance de deux jours des parcelles dont l’engrais a été enterré à la charrue sur celles l’engrais n’a été mélangé à la terre que par la herse. Le retard des dernières parcelles ne peut être attribué à l’influence fâcheuse du contact trop intime de la graine avec les sels de l’engrais resté à la surface, car les parcelles n’ayant reçu aucune espèce de fumure ont également levé deux jours après celles l’engrais enfoui à la charrue a favorisé la germination de la graine.

Le mode différent d’emploi de l’engrais a été sans influence ma¬ nifeste sur la composition de la racine. Les différences dans le titre saccharin des betteraves des carrés d’essais de 1881 ne dépassent pas 0.42 p. 100. En 1882, les betteraves de la parcelle l’engrais a été enterré au râteau montrent cependant une différence un peu plus sensible comparativement aux parcelles dont l’engrais a été enterré à la houe ou à la bêche. Les premières titrent respective¬ ment 0.97 et 0.73 p. 100 de sucre en moins. Mais, par contre, les analyses des divers carrés du champ d’expériences de 1883 (voir page 114) s’écartent très peu les unes des autres; elles tombent dans

RECHERCHES SUR LE MEILLEUR MODE D’EMPLOI DES ENGRAIS. 119

les limites de la tolérance admise sur le titre dans des essais de ce genre.

En considérant l’ensemble de nos recherches de trois années, on reconnaît que la composition des betteraves produites sous l’in¬ fluence d’un engrais appliqué, d’une part, à la herse, ou, d’autre part, à la charrue, ne diffère pas d’une manière assez sensible pour en déduire une conclusion en faveur de l’un ou de l’autre procédé de distribution de la matière fertilisante.

Si nous avons reconnu, par les considérations qui précèdent, que l’engrais artificiel appliqué au printemps, en terre sablo-argileuse, à la culture de la betterave à sucre doit être enterré par un labour, nous avons maintenant à nous occuper de la profondeur à laquelle il convient de l’enterrer.

Les résultats de nos trois années d’expériences sont concordants pour nous renseigner sur les rendements maxima lorsque l’engrais a été enterré à la profondeur de 0m,2Q à 0,22, aussi bien pour l’en¬ grais chimique pur que pour l’engrais mixte. Les différences sont même très sensibles :

ENGRAIS ENTERRÉ

à 0m,10-0m,12.

1 SS I . 32671

1SS2 . 36217

18S3 . 65726

La composition des racines n’a point présenté de différences.

Nos cultures 'expérimentales de 1881, 1882 et 1883 ont reçu res¬ pectivement 463, 453 et 404%, 5 d’eau, hauteur plus élevée que celle qui tombe en une année moyenne. 11 est plus que probable que, pendant une année plus sèche, la supériorité de l’engrais enterré à 20 et 22 centimètres sur celui enterré moins profondément eût été plus prononcée; la quantité énorme d’eau a certainement favorisé la diffusion de l’engrais enterré à une demi-profondeur.

L’avantage qui résulte d’un emploi rationnel de l’engrais artificiel est encore plus saillant lorsqu’on exprime en argent les rendements .obtenus dans les différentes conditions de l’expérience. Tandis que l’application de l’engrais à la surface se solde par une perte sérieuse

9

ENGRAIS ENTERRE

à 0™,20-0lll,22.

3S543

39030

69596

AUGMENTATION

en kilogr. p. 100.

5869

2813

3870

17.96

7.77

5.89

ANN. SCIENCE AÜRON.

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

120

l’enfouissement à une demi-profondeur produit un bénéfice de 125 fr. et le labour profond de l’engrais même, un bénéfice de près de 200 fr„ à l’hectare. Gela résulte en toute évidence des chiffres suivants :

Ren¬

Ren-

Mocle d’emploi de l’engrais. (^e^n*;

kilogr.

dement de la parcelle sans

Aug¬

menta¬

tion.

Bénéfice

brut1.

Frais de l'en¬ grais.

Frais

d’appli¬

cation.

Bénéfice

net.

engrais.

Kilogr .

Francs.

Francs.

Francs .

Francs.

Enterré à la herse .

. . . , 58547

49310

9237

228

248

16

36

Enterré a la charrue

à 0n#, 1 2 . 6572G

49310

16416

395

248

22

H- 125

Enterré à la charrue

à 0ra,22 . 6959G

49310

202SG

474

248

33

-h 193

Depuis quelques années déjà, une pratique tend beaucoup à se répandre, présentant, en effet, au point de vue de la facilité de l’application de l’engrais, plusieurs avantages sérieux. Nous parlons de l’emploi de l’engrais, ou du moins d’une partie de l’engrais, dans les lignes en dessous de la graine. Plusieurs semoirs fonctionnant très bien ont été construits à cet effet. Nous avons voulu expéri¬ menter ce procédé et le comparer à celui la répartition de l’en¬ grais a lieu à la herse ou à la charrue. Le champ d’expériences de 1883 comptait donc deux carrés d’essais traités identiquement aux autres, sauf que l’engrais a été semé à la main dans les lignes tra¬ cées au rayonneur et que celles-ci ont été légèrement couvertes de terre, sur laquelle on a placé la graine, etc.

Les notes de culture (voir page 118) nous signalent d’abord l’ob¬ servation intéressante que le commencement de la levée de ces deux parcelles était en retard de six jours, la levée complète en retard de huit jours, par rapport aux*parcelles l’engrais a été enterré par un labour. Il est vrai qir après deux mois de végétation, les betteraves à levée tardive ont presque rattrapé les autres ; cependant, elles sont loin d’arriver à la même production. La récolte nous renseigne en effet : 8,200 kilogr. en moins que le rendement donné par les par¬ celles à engrais labouré en terre. Le retard de végétation qu’ont

1. La valeur-argent des betteraves a été établie en attribuant à l’unité de la valeur proportionnelle du jus un prix de 2 fr. 50 c. (Recherches de chimie et de physiologie, etc., page 173.)

RECHERCHES SCR LE MEILLEUR MODE d’ E:MPLOI DES ENGRAIS. 121

éprouvé les betteraves dont la graine a été semée simultanément avec F engrais dans les lignes, ressort aussi du rapport entre les ra¬ cines et les feuilles, qui montait à 1 : 0.64, tandis qu’il n’était pour toutes les autres parcelles que de 1 : 0.51 à 0.54.

L’observation que nous venons de rapporter n’est d’ailleurs pas isolée. Déjà en 1882, à l’occasion de l’essai de culture d’une nou¬ velle variété de betterave à sucre, nous avonsconstaté identiquement le même fait. La graine a été semée sur deux parcelles; à part la fumure, toutes les autres conditions étaient égales ; l’un des carrés n’a pas été fumé, tandis que l’autre a reçu une fumure de 400 kilogr. de nitrate de soude et de 600 kilogr. de superphosphate de chaux à l’hectare. L’engrais, mélangé avec son volume égal de terre sèche, a été semé dans les lignes en dessous de la graine. Plantée le 1er mai, la graine lève dans la première parcelle le 11, dans la seconde le 16, soit avec un retard de 5 jours. Plusieurs grands producteurs de betteraves nous ont signalé des faits analogues.

Le retard de la levée des betteraves peut s’expliquer par un effet nuisible, une action corrosive exercée par le nitrate de soude ou l’acide phosphorique libre ou le phosphate acide de chaux de l'en¬ grais artificiel sur le jeune embryon perçant l’enveloppe protectrice de la graine. Cependant, malgré les efforts que nous avons faits pour constater cette réaction en examinant bon nombre de graines qui se sont trouvées dans les conditions des expériences précitées, nous n’avons pu recueillir aucune observation à l’appui de cette explica¬ tion. Il nous paraît donc plus probable que le retard de ia levée a été produit par une autre cause. Les matières dont se composent les engrais chimiques sont très hygroscopiques ; elles s’emparent avec avidité de l’eau du sol pour se dissoudre. En se trouvant dans la proximité de la graine, elles soustraient donc à celle-ci une partie de l’eau du sol dont elle a besoin pour ramollir son péricarpe et liqué¬ fier son endosperme.

Quelle que soit d’ailleurs l’explication à donner au fait observé, un retard de plusieurs jours dans la levée est un sérieux préjudice porté à une culture de betteraves. Nous admettons volontiers que, fréquemment, sous des conditions favorables de chaleur et de pluie, les betteraves en retard regagnent le temps perdu, mais il n’en est pas

ANNALES DE 1>A SCIENCE AGRONOMIQUE.

122

moins vrai que par Implication de l’engrais chimique se faisant simultanément avec la mise en terre de la graine, le cultivateur court un gfand risque. Une avance de quelquesjours sauve quelque¬ fois une récolte, tandis que des betteraves en retard sont compromises et même anéanties, s’il arrive une période sans pluie et des vents desséchants, dont nos contrées souffrent si souvent au printemps.

Sans vouloir trancher d’une manière définitive le dernier point étudié dans nos recherches, ayant rapport à l’emploi de l’engrais chimique dans les lignes, nous engageons les producteurs de bette¬ raves à continuera élucider cette question, afin de déterminer s’il n’est pas plus avantageux d’enterrer l’engrais artificiel par un labour prpfond que de l’appliquer dans les lignes en même temps que la graine. Nous allons d’ailleurs nous-même continuer à étudier le pro¬ blème du meilleur mode d’application de l’engrais artificiel.

Nos recherches de 1881 à 1883 peuvent se résumer comme suit:

a. U engrais artificiel composé de superphosphate de chaux et de nitrate de soude , ou de superphosphate, de nitrate de soude, de sul¬ fate d’ ammoniaque et d'azote organique , appliqué au printemps, en terre sabîo- argileuse , à la culture de la betterave à sucre, doit être enterré par un labour profond. L' enterrement à la herse ou par un labour superficiel est insuffisant pour retirer de l'engrais son maxi¬ mum d'effet, le pouvoir absorbant du sol s ablo- argileux étant trop énergique pour que les éléments nutritifs puissent, même dans les années pluvieuses, descendre dans les couches inférieures du sol arable oit les racines pivotantes puisent leur nourriture.

« mode différent d'emploi de l'engrais est sans influence sensible sur b élaboration du sucre.

« U application de b engrais dans les lignes en même temps que la plantation de la graine retarde la levée de plusieurs jours, ce qui peut compromettre une récolte par un printemps sans pluie et à vents desséchants. Des conditions climatériques favorables peuvent faire regagner ci la betterave le retard éprouvé, sans qu'elle arrive cependant, d'après nos expériences, au même rendement que les betteraves sur engrais enterré par un labour, et n'ayant éprouvé aucun retard dans leur levée. j>

DE

L’ESSAI COMMERCIAL DES NOIRS

ET DES PHOSPHATES FOSSILES

Par G. LECHARTIER

DIRECT EUR DR LA STATION AGRONOMIQUE DE RENNES

La méthode de l’essai commercial est encore employée en Bre¬ tagne dans le commerce des noirs et des phosphates fossiles pour servir de hase aux contrats de garantie entre vendeurs et acheteurs. Cependant ce mode de dosage est complètement défectueux : le poids de phosphate obtenu est supérieur à celui que fournit le calcul quand on transforme en phosphate tribasique de chaux la quantité d’acide phosphorique existant réellement dans l’engrais analysé ; l’excès n’est pas constant; non seulement il varie d’un échan¬ tillon à l’autre, ce qui s’explique facilement par la différence de composition des matières traitées, mais on constate aussi que, pour un même échantillon , le résultat de l’analyse se trouve modifié lorsque le mode opératoire subit des changements en apparence sans importance. Trop souvent, les nombres donnés par des expéri¬ mentateurs différents pour un même engrais présentent des diver¬ gences notables, quoique chacun d’eux soit resté dans les limites de la définition de l’essai dit commercial.

On sait que ce procédé consiste à traiter par l’acide azotique l’engrais que l’on a préalablement incinéré lorsqu’il contient du charbon ou des matières organiques. On sépare par filtration la so¬ lution acide que l’on précipite par l’ammoniaque. Le précipité recueilli sur un filtre est lavé, calciné et pesé. C’est le poids de ce précipité que l’on compte comme phosphates.

Le mélange complexe que l’on pèse dans ces conditions, donne

124

ANNALES DE La SCIENCE AGRONOMIQUE.

des rendements trop élevés, même avec les noirs, et, pour un même engrais, il peut varier dans sa composition et, par suite, dans son poids, suivant les conditions dans lesquelles il a été obtenu. Déjà Bobierre a signalé dans l’analyse des phosphates fossiles l’influence de la calcination préalable de l’engrais et du degré de dilution de l’acide; mais il faut ajouter à ces deux causes de variation la nature de l’acide employé, le degré de dilution de la liqueur dans laquelle on effectue la précipitation, sa température au moment l’on y verse de l’ammoniague, la quantité de réactif employée, le temps pendant lequel on abandonne le précipité dans la liqueur avant de le séparer par filtration, la durée du lavage.

•Ces influences diverses s’expliquent facilement à l’aide des deux remarques suivantes :

Dans le cas de l’analyse des noirs, c’est-à-dire dans le cas la liqueur acide que l’on précipite par l’ammoniaque contient seu¬ lement de l’acide phosphorique et de la chaux, cette dernière se trouvant en excès, le phosphate de chaux précipité n’est pas du phos¬ phate tribasique pur; il contient un excès de chaux qui lui donne une composition intermédiaire entre celle du phosphate tribasique et celle d’un phosphate à quatre équivalents de chaux. L’excès de chaux n’est pas constant, il peut varier avec les proportions rela¬ tives de chaux et d’acide phosphorique et avec les conditions de la précipitation; c’est ainsi qu’un précipité formé dans une liqueur chaude pèse plus que dans le cas il a été produit à froid.

Dans l’analyse des phosphates fossiles, la liqueur acide contient à la fois : acide phosphorique, chaux, magnésie, alumine et oxydes de fer. Le précipité ammoniacal est plus complexe et les causes de variation de sa composition sont plus nombreuses. Suivant que la matière a été calcinée ou non et qu’on La fait bouillir avec tel ou tel acide, les proportions d’alumine et de fer peuvent varier dans la liqueur et le degré d’oxydation du fer peut être modifié.

Le précipité ammoniacal contient des proportions variables de ces deux oxydes lorsqu’on modifie les conditions du traitement du phosphate fossile par l’acide. Mais, en dehors du fait de la dissolu¬ tion, la précipitation a aussi sa part d’influence, attendu que des solutions identiques contenant les mêmes proportions de fer, d’alu-

DE L’ESSAI COMMERCIAL DES NOIRS. 125

mine, de chaux et d’acide phosphorique, peuvent donner naissance à des précipités différant par le poids et par la composition.

Au moment l’on effectue la précipitation par l’ammoniaque, le fer et l’alumine se séparent d’abord, au moins en partie, à l’état de phosphate d’alumine et de phosphate de sesquioxyde de fer.

Par une neutralisation lente et ménagée de la liqueur acide, on arrive même à opérer la précipitation complète de ces phosphates avant de faire naître l’apparition d’une quantité sensible de phos¬ phate de chaux. Ce qu’on obtient tout d’abord par l’action de l’am¬ moniaque, c’est un mélange de phosphates de fer et d’alumine et de phosphate de chaux. Plus tard, sous l’influence de l’ammoniaque, il y a réaction entre le nitrate de chaux en excès et les phosphates de sesquioxydes ; il se sépare de l’alumine et de l’oxyde de fer en même temps que la proportion de phosphate de chaux augmente dans le précipité. Cette action est plus ou moins complète suivant les proportions relatives de fer, d’alumine et de chaux, suivant le degré de peroxydation du fer et les conditions dans lesquelles on effectue la précipitation et on recueille le précipité. On s’explique ainsi pourquoi une proportion plus grande d’alumine et de sesqui¬ oxyde de fer dans la liqueur acide peut ne pas produire toujours un poids de phosphate plus élevé, les phosphates d’alumine et de sesquioxyde de fer ayant un poids inférieur à celui du phosphate tribasique de chaux qui contiendrait la même quantité d’acide phos¬ phorique.

Ajoutons que les eaux de lavage retiennent toujours de petites quantités d’acide phosphorique, attendu qu’elles abandonnent par le repos des cristaux de phosphate ammoniaco-magnésien.

Ces causes multiples auraient faire proscrire depuis longtemps l’essai commercial, même pour les noirs, et cependant il est encore adopté comme hase de transaction pour des milliers de tonnes d’engrais.

Au début de l’industrie des phosphates fossiles, à une époque l’essai commercial était en vigueur pour les noirs, les négociants extracteurs de nodules se sont servis de ce procédé pour classer les divers produits de leur exploitation.

Ils pouvaient ainsi ranger rapidement leurs nodules, suivant la

126

ANNALES DE _LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

richesse des gisements, la perfection du lavage ou du fanage, en diverses catégories dont le titre restait compris entre des limites données. A chacune de ces catégories, ils affectaient des prix diffé-

K

rents; ils faisaient ensuite leurs offres et concluaient leur marché en prenant pour hase ce mode grossier d’évaluation. Ces phosphates fossiles reçus en Bretagne ont été livrés à l’agriculture avec les mêmes indications de titrage et, peu à peu, l’habitude de l’essai com¬ mercial et de la garantie qu’il fournit s’est implantée parmi les cul¬ tivateurs et dans le petit commerce des engrais. Les habitudes prises se sont perpétuées jen Bretagne, alors que les garanties ayant pour

base la teneur eir acide phosphorique sont seules adoptées à l’étran-

*

ger et dans la plus grande partie de la France.

"Depuis de nombreuses années, les hommes qui s’occupent active¬ ment des intérêts agricoles ont travaillé par leur enseignement, par leurs écrits, par leur influence auprès des cultivateurs, à déraciner ces habitudes invétérées et, malgré les résultats déjà obtenus, l’essai commercial n’a pas disparu. Il forme encore la base de marchés considérables localement offerts et lovalement acceptés entre les

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extracteurs des diverses régions de la France et les négociants de la Bretagne. Ce mode d’essai est stipulé dans les clauses du traité. Le chimiste se trouve en présence d’un texte formel ; il lui est demandé, non pas de déterminer la teneur exacte d’un engrais en acide phos¬ phorique, mais de rechercher si les livraisons sont conformes aux conditions d’un marché librement consenti, et le chimiste se trouve encore conduit à appliquer ce procédé d’analyse à un certain nombre d’échantillons, quoiqu’il le trouve mauvais pour plus d’un motif. Tout autre procédé, quelle que soit son exactitude, serait considéré comme nul et sans valeur, non seulement par les deux parties inté¬ ressées, mais encore par les tribunaux.

11 est souvent pénible d’effectuer des opérations analytiques qui fournissent des résultats plus ou moins approchés de la réalité et qui n’ont de valeur que par l’effet d’une convention.

Au lieu de séparer de l’engrais à analyser un mélange complexe de composition variable, il serait beaucoup plus satisfaisant à tous égards d’employer les méthodes qui sont à la fois rigoureuses et suf¬ fisamment rapides pour les besoins du commerce.

127

DE L ESSAI COMMERCIAL DES NOIRS.

Mais on se trouve en Bretagne aux prises avec des difficultés dont on ne peut se rendre un compte exact quand on ne connaît que les autres régions de la France. Une faudrait pas croire que l’ensemble des cultures de la Bretagne soit au même niveau que celles du nord de la France, les connaissances générales sont plus largement développées parmi les cultivateurs. Au lieu des noirs et des phos¬ phates fossiles, qui seraient sans action sur des terres riches et fer¬ tiles, on emploie dans le nord des engrais plus rapidement assimi¬ lables dont la valeur est plus grande et pour lesquels l’analyse commerciale n’a jamais été utilisée. Le prix relativement élevé de ces matières réclame un dosage précis et le cultivateur en connaît l’importance.

En Bretagne, dans la plupart des cas, le fermier qui a recours au phosphate fossile ne s’est décidé à l’employer que vaincu par une sorte d’entraînement, après avoir constaté ses effets sur les champs qui avoisinent son exploitation, mais, le plus souvent, il ne sait pas quel est le principe qui, dans la poudre qu’il achète, peut avoir de Futilité pour ses récoltes. Pour lui, les mots phosphate, pliospho- rique, phosphore ont la même valeur. On ne saurait affirmer que tous ceux qui emploient le phosphate fossile savent que c’est le mé¬ lange d’un principe fertilisant avec une matière inerte et qu’ils com¬ prennent l’utilité d’une analyse pour vérifier le degré de richesse d’un engrais. Trop souvent, le cultivateur achète au rabais une poudre qui ne contient que de minimes proportions d’acide phos- phorique; il se trouve satisfait de lui avoir reconnu la couleur et l’aspect qui caractérisent certains phosphates fossiles, alors qu’il refuse des engrais de bonne qualité vendus sur garantie, parce qu’il serait forcé de les payer quelques centimes de plus par sac de 100 kilogr. Ceux qui achètent des engrais avec garantie et qui ont recours à l’analyse pour obtenir la vérification de leur titre, sont encore en minorité, et l’agriculture en Bretagne éviterait chaque année des pertes considérables si elle consentait à n’acheter que des engrais de bonne qualité dont la teneur serait garantie par facture.

Dans une situation semblable, les cultivateurs ont besoin d’être encouragés et il faut éviter tout ce qui pourrait les rebuter.

128

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Lorsqu’ils se présentent dans un laboratoire départemental pour demander si l’engrais qu’ils ont reçu est conforme aux conditions de leur marché, on ne saurait les accueillir par un refus et les abandonner* à la merci de leur vendeur, parce qu’ils n’ont pas su réclamer une garantie plus satisfaisante.

Faut-il que le directeur, repoussant complètement l’essai com¬ mercial, applique à tous les échantillons, sans distinction, le dosage exact de l’acide phospborique ?

Considérons le cas des négociants de l’est de la France, s’a- dressant directement aux cultivateurs de la Bretagne, passent avec les fermiers d’une même commune des marchés plus ou moins importants.

Supposons, de plus, que l’essai commercial serve de hase à la ga¬ rantie de dosage. Ce n’est pas le cultivateur qui a exigé ce mode de

garantie ; mais il a pris celui qui lui a été offert , ignorant peut-être

qu’il en existe un autre moins imparfait. Les engrais sont expédiés ensemble et forment le chargement d’un ou de plusieurs wagons. A leur arrivée en gare, un échantillon est prélevé et envoyé au laboratoire départemental. L’acide phosphorique est dosé exacte¬ ment, on calcule la proportion correspondante de phosphate de chaux que l’on inscrit sur le certificat d’analyse.

11 est certain que le nombre trouvé se trouvera inférieur de plu¬ sieurs degrés au minimum garanti. Sur le vu du libellé d’une analyse dont ils ne comprennent pas la valeur, les cultivateurs refusent les engrais qui restent en gare. La série des frais commence : s’ils ne sont pas effrayés par la perspective de voir retomber à leur charge les frais d’un procès, ils portent leurs réclamations devant les tribu¬ naux. Il est alors constaté que l’analyse* n’a pas été faite conformé¬ ment aux clauses du marché et les fermiers sont forcés de prendre livraison et de payer tous les frais.

Nous avons parlé spécialement des cultivateurs, mais toutes les considérations précédentes s’appliquent aux petits marchands des campagnes qui cherchent un supplément de ressources dans le commerce des noirs et des phosphates fossiles. Rarement ils con¬ naissent la différence qui existe entre l’essai dit commercial et le dosage précis de l’acide phosphorique ; ils revendent les engrais

DE L7ESSAI COMMERCIAL DES NOIRS. 129

avec les indications de garantie qui leur ont été données à eux- mêmes.

Aussi, croyons-nous qu’en Bretagne, dans l’intérêt même des cul¬ tivateurs, les laboratoires départementaux et les stations agrono¬ miques ne peuvent pas refuser de faire les essais qui leur sont demandés, quoiqu’ils réprouvent le procédé d’analyse qui leur est pour ainsi dire imposé par des habiludes invétérées.

Seulement, tout en accordant leur concours, les directeurs ont la mission d’éclairer les fermiers et les propriétaires toutes les fois qu’ils s’adressent à eux, de manière à leur faire comprendre tout ce que le procédé d’analyse commerciale a de défectueux et à les ame¬ ner progressivement à exiger une garantie plus sérieuse. On peut déjà constater une amélioration sensible et citer le fait de cultiva¬ teurs demandant simultanément, pour un même échantillon, l’essai commercial et le dosage exact de l’acide phospborique.

Nous ne possédons pas de renseignements précis pour le dépar¬ tement d’Ille-et-Vilaine, le service gratuit des analyses d’engrais pour les cultivateurs a été fait jusqu’à ce jour par le laboratoire des mines. Mais voici quelques indications concernant le Morbihan : sur 69 échantillons de phosphate fossile envoyés en 1881 à notre labo¬ ratoire par les cultivateurs de ce département, 16 ont été soumis au dosage exact de l’acide phospborique. Les uns étaient vendus sur titre exact; pour les autres, on demandait simultanément les deux modes d’analyse. C’est une proportion de 28 p. 100 sur le nombre total des échantillons.

En 1882, la' proportion des dosages d’acide phosphorique effec¬ tués pour ce même département s’est élevée à 40 p. 100. Mais on doit remarquer, pour se faire une idée exacte de la situation, que les cultivateurs qui demandent des analyses sont certainement les plus instruits et les plus intelligents; ils forment une infime minorité. Combien d’autres acceptent leurs engrais sans aucune vérification !

Avec quelle rapidité s’effectuera la transformation que nous sou¬ haitons tous? On ne saurait le prévoir exactement. Pour obtenir un changement rapide, il faudrait disposer du concours volontaire du commerce tout entier et réaliser une entente générale entre les négociants,

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ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

A qui faire remonter la responsabilité de la prolongation de l’état de choses actuel? Est-ce au producteur des Ardennes, de la Meuse ou du Boulonnais? Est-ce au négociant de la Bretagne qui reçoit les chargements de plusieurs navires pour les distribuer ensuite à l’agriculture, soit directement, soit par l’intermédiaire du petit com¬ merce? Nous pourrions citer des négociants qui, dans l’ouest de la France, achètent et vendent d’après la teneur exacte en acide phos- phorique ; mais ils sont en petit nombre et nous croyons qu’il y a, de part et d’autre,, comme une espèce de consentement mutuel à ne pas recourir un mode de vente qui ferait immédiatement baisser de 5 à 10 degrés le titre nominal des phosphates qui sont annoncés comme dosant 40 à 45 degrés à l’analyse commerciale h

C’est à ceux qui sont à la tête du commerce des noirs et des phos¬ phates fossiles qu’il appartient de prendre l’initiative d’une réforme et d’user de leur influence auprès de leurs acheteurs. Pour les né¬ gociants en gros, l’adoption du dosage de l’acide phosphorique ne peut faire naître aucune difficulté, et se trouve profitable aux deux parties en présence.

Considérons les deux modes de vente les plus usités : souvent on fixe le prix du degré de phosphates et on stipule que la détermina¬ tion du nombre des degrés sera faite à l’aide de l’essai commercial sur un échantillon moyen prélévé contradictoirement. Aucune diffi¬ culté ne pourrait se produire, si le procédé d’analyse adopté con-

1. Tout en comprenant les difficultés que la routine des cultivateurs de la Bretagne oppose à la substitution du dosage de l'acide phosphorique réel à l’analyse dite com¬ merciale, je pense qu'il est du devoir des directeurs des Stations agronomiques de refuser de se prêter plus longtemps à l'application de méthodes absolument défec¬ tueuses. (Voir page 162 les observations de A. Bobieire sur ce sujet.) Four ma part , je me refuse absolument à faire une analyse de phosphates par la méthode dite commer¬ ciale : les vendeurs et les acheteurs qui s'adressent à la Station agronomique de l'Est en réclamant ce mode de dosage sont engagés à s’adresser à un autre labora¬ toire. En présence de ce refus, la plupart du temps, les parties intéressées reviennent sur leur première demande et acceptent d'un commun accord le dosage réel de l’acide phosphorique. Cette pratique constante de la Station agronomique de l’Est depuis 15 années, a réussi à amener presque tous les producteurs de phosphates fossiles des Ardennes et de la Meuse à rejeter la méthode dite commerciale. Nul doute qu'il n’en soit bientôt ainsi des régions mes collègues adopteront la même manière de procéder. L. Grandead.

DE L ESSAI COMMERCIAL DES NOIRS.

131

(luisait toujours au même résultat pour un même échantillon; mais il en est tout autrement dans la réalité. Les divergences observées entre les nombres fournis par divers laboratoires dépassent souvent un degré et les négociants savent très bien qu’une différence sem¬ blable exerce une influence notable sur la valeur du chargement d’un navire. Ces variations ne seraient pas à craindre avec le dosage précis de l’acide phosphorique. Quant au prix du kilogramme de phosphate de chaux réel, il est fixé par les cours du marché et il doit tenir compte de l’excès de titre fourni par l’essai commercial. En procédant de la sorte, on éviterait des causes de difficultés graves.

Le second mode adopté est le suivant : le titre des nodules doit, d’après le marché, rester compris entre deux limites fixes, 40 et 50 degrés par exemple. Les difficultés ne sont pas moindres que dans le cas précédent. Supposons que le titre des nodules soit très voisin du minimum garanti; comment déterminer rigoureusement qu’ils atteignent ce minimum, quand on ne dispose que d’un pro¬ cédé de dosage imparfait qui ne donne pas toujours des résultats identiques lorsqu’il est employé par des opérateurs différents ?

On peut donc dire que le vendeur et l’acheteur qui ne veulent pas profiter des incertitudes que peut laisser subsister dans le titre d’un engrais l’emploi de l’essai commercial, ont tout intérêt à aban¬ donner un mode de garantie essentiellement conventionnel et qui ne repose pas sur une base fixe.

Il resterait à entraîner le commerce de détail qui se fait avec les cultivateurs et les petits marchands encore peu instruits. Ici encore, l’influence du négociant en gros serait très efficace; il leur suffirait d’inscrire dans le libellé de la garantie de dosage le titre réel à côté du titre commercial fictif et de l’imprimer sur les sacs de phos¬ phate fossile.

Ce procédé serait certainement avantageux pour les négociants honnêtes qui désirent ne livrer à leurs acheteurs que des produits de bonne qualité. Ils se distingueraient ainsi nettement de ceux qui spéculent sur l’ignorance des cultivateurs pour leur faire accepter comme phosphates fossiles purs des mélanges dominent le sable de Loire et les schistes pulvérisés.

Eugène LAUGIER

FONDATEUR DE LA STATION AGRONOMIQUE DE NICE

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Au nombre des collaborateurs de la première heure, le comité de rédaction des Annales de la Science agronomique française et étran¬ gère comptait Eugène Laugier, directeur de la Station agronomique des Alpes-Maritimes, délégué de l’Académie des sciences et du mi¬ nistre de l’agriculture pour les travaux organisés contre le phyl¬ loxéra. Il avait accueilli avec la chaleur et le zèle qu’il apportait à toute œuvre utile la proposition que je lui avais faite d’être notre correspondant pour le midi de la France. Au moment je corri¬ geais les premières épreuves de notre recueil, une dépêche de Nice, datée du 22 novembre 1883, m’annonçait sa mort subite.

Cette nouvelle si inattendue me causa une vive douleur : des liens d’amitié déjà anciens et une profonde estime m’unissaient à Laugier qu’on ne pouvait connaître sans l’aimer. Chargé depuis trois années par M. le ministre de l’agriculture de l’inspection générale des Sta¬ tions agronomiques, j’ai eu de très nombreuses et étroites relations avec le fondateur de la Station de Nice. Nous avons d’abord étudié sur place, puis discuté ensemble, pour ainsi dire jour par jour, les plans des installations, leurs dispositions intérieures, le programme des études à entreprendre dans cette belle région de la culture ar- bustive et florale. Durant cette longue communauté d’études, j’ai pu apprécier les qualités supérieures de cette âme ardente, de cet es¬ prit généreux et sagace.

Je me faisais une fête d’aller, au mois de février 1884, comme nous l’avions décidé dans les dernières lettres échangées entre Laugier et moi, présider à l’inauguration officielle de la Sta-

I

EUGÈNE LAUGIER. 133

tion cle Nice. Cette inauguration d’un établissement des mieux ins-

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tallés ët confié aux mains les plus habiles devait coïncider avec la réunion annuelle des directeurs des Stations françaises, ajournée de quelques mois dans ce but.

La mort a brisé tous ces projets et c’est devant une tombe, si brusquement ouverte, qu’il me faut rendre au caractère et aux tra¬ vaux de Laugier l’hommage que je me réjouissais de lui adresser en présence des amis de l’agriculture, réunis pour inaugurer la Station de Nice. L’œuvre scientifique de Laugier si prématurément inter¬ rompue, a reçu en juin dernier une consécration justement mé¬ ritée : la Société nationale d’agriculture de France a récompensé l’ensemble de ses travaux de chimie appliquée à l’agriculture en lui décernant une médaille d’or, sûr le rapport de son secrétaire per¬ pétuel, M. J. A. Barrai.

Je vais résumer brièvement la carrière si courte, hélas ! de notre cher collègue, dont les brillants débuts faisaient favorablement augurer de l’avenir. Je ferai suivre cette notice de la liste des titres et travaux scientifiques d’Eugène Laugier.

Laugier (Eugène-Joseph-Marie) est à Marseille, le 2 septembre 1847, de parents aussi distingués de cœur que d’esprit. Le milieu intelligent dans lequel il vécut, dès sa naissance, développa de très bonne heure chez lui des qualités rares chez l’enfant : le goût de l’étude et la faculté d’attention. Reçu bachelier ès lettres à 15 ans, avec dispense d’âge, en août 1862, il subissait, l’année suivante, à la Faculté de Marseille les épreuves du baccalauréat ès sciences. Il s’adonna alors avec ardeur à l’étude des mathématiques, de la phy¬ sique et de la chimie. Admissible à l’École polytechnique en 1867, il entra la même année à l’École centrale des arts et manufactures, d’où il sortit le deuxième, sur une promotion de 180 élèves, en 1870, avec le diplôme de chimiste.

Pendant quelques mois, il chercha sa voie et ne tarda pas à entrer comme chimiste à la Société métallurgique, à Marseille. Il fit, en cette qualité, deux voyages en Grèce et en Espagne, explorant les mines, étudiant la géologie et la minéralogie de ces deux belles ré¬ gions. En 1875, il devint chimiste des raffineries de sucre de la Mé¬ diterranée, dirigées alors, comme aujourd’hui, par M. Commerson.

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ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Sous-lieutenant d’artillerie de mobile à Lyon pendant la campagne de 1870-1871, il fut détourné, par l’année terrible, de ses études de prédilection.* Dès que les événements le permirent, en mars 1871, il revint à Marseille et reprit ses travaux. Il publia quelques années plus tard, en collaboration avec M. Commerson, un Guide pour l'analyse des matières sucrées, ouvrage justement estimé des chimistes et des industriels et dont la deuxième édition est épuisée. De 1872 à 1877, les recherches de Laugier portèrent principalement sur les produits du sucre et sur les corps gras. A partir de 1878, les questions agri¬ coles et notamment les applications de la chimie à l’agrioulture atti¬ rèrent plus spécialement son attention. Dans une visite qu’il fit, dans le cours de 1877, à la Station agronomique de l’Est, il m’entretint de son désir de créer à Nice un établissement du même genre, de¬ vant avoir pour objectif particulier l’étude des cultures arbustives (olivier, oranger, vignes) et des plantes cultivées sur une grande échelle, dans les Alpes-Maritimes, en vue de l’extraction des huiles essentielles et des parfums. Je l’encourageai vivement dans cette pensée et lui promis tout mon concours. De retour d’un voyage en Allemagne et en Belgique, il visita les principales Stations agro¬ nomiques, soutenu par le zèle de ses amis, encouragé par le con¬ cours du ministre de l’agriculture, du conseil général et de la muni¬ cipalité, il amena les pouvoirs publics à décider la création, sur des bases larges et avec une dotation convenable, de la Station agrono¬ mique de Nice.

Nommé au concours, en 1878, directeur du futur établissement, il travailla sans relâche au projet de construction et d’installation du laboratoire et des champs d’expériences.. Dans la séance du 30 dé¬ cembre 1879, le conseil municipal de Nice, présidé par M. le député Borriglione, maire de la ville, votait l’abandon du terrain et les fonds nécessaires pour l’érection de la Station. A dater de ce jour, Laugier se mit à l’œuvre, et sans négliger aucun des devoirs que lui impo¬ sait sa tâche de commissaire du phylloxéra, il n’attendit pas pour ou¬ vrir la Station qu’elle fût bâtie. Il entreprit, dans un petit laboratoire organisé à ses frais, des études suivies, dont plusieurs l’ont conduit déjà à des résultats fort intéressants. L’Exposition internationale de Nice, dont il a été l’un des promoteurs et l’un des commissaires les

EUGENE LAUGIER.

135

plus actifs et les plus déyoués, ajouta une nouvelle charge et une grande fatigue, je le sais, aux charges déjà nombreuses qui se par¬ tageaient sa laborieuse existence.

Le 22 novembre, il meurt, subitement enlevé à la tendresse des siens, à l’affection de tous, avant d’avoir vu s’ouvrir cette exposition qui lui a coûté tant de veilles; avant d’avoir pu, avec un légitime orgueil, inaugurer la Station au milieu de ses collègues, dont la présence lui eût causé tant de joie !

Tous les agronomes s’associeront au deuil de la ville de Nice qui a conduit à sa dernière demeure le pauvre Laugier au jour même fixé, par ses soins, pour l’ouverture du Congrès des cultures arbustives, préparé par lui avec le zèle et l’ardeur qu’il apportait à toutes les œuvres de progrès et de science.

M. Méline, ministre de l’agriculture, qui a présidé, le 23 novembre dernier, la distribution des récompenses aux lauréats du concours régional agricole, s’est fait l’interprète ému des regrets que cause aux amis de l’agriculture la mort prématurée de ce vaillant apôtre de l’expérimentation agronomique dans la région méditerranéenne. Les directeurs des Stations françaises et étrangères qui ont pu ap¬ précier dans les Congrès de 1881 et de 1882 les éminentes qualités d’esprit et de cœur de notre regretté collègue, partageront la douleur que nous a causée sa perte. La mémoire d’Eugène Laugier vivra dans le souvenir de tous ceux qui l’ont connu. Puisse l'œuvre com¬ mencée par lui et poursuivie à Nice avec tant d’ardeur et d’intelli¬ gence, rencontrer un successeur digne de lui et à la hauteur de la tâche délicate à laquelle il a depuis quatre années consacré son temps, son ardeur et je pourrais ajouter sa santé et sa vie !

L. Grandeau.

ANN. SCIENCE AGRON.

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ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

TITRES ET TRAVAUX SCIENTIFIQUES DE LAUGIER

4

DIRECTEUR DE LA STATION AGRONOMIQUE DE NICE

- -

Services publics et missions.

Délégué du Ministre de V agriculture et du commerce. (Service départemental

j*

pour les travaux organisés contre le phylloxéra.)

Membre du Conseil d’administration de la Société centrale d’ agriculture et d’acclimatation des Alpes-Maritimes. (Élu en mars 1SS0 )

Membre de la Commission d'hygiène de la ville de Nice.

Secrétaire gérant de la Société scientifique et industrielle de Marseille. (Élu en 1878.)

Montre de la Société des ingénieurs et des architectes de Nice.

E. Laugier a rempli ses frais), en 1878, une mission d’études, avec l’au¬ torisation de M. le directeur de l’agriculture, pour visiter les Stations agrono¬ miques, en France, en Allemagne et en Belgique.

Membre du Jury de l’exposition industrielle de Marseille en mai-juin 1879.

A été nommé, en 1880, membre du Jury du concours régional de Perpignan.

Laugier a rempli, en 1SS0, une mission en Italie, d’après les ordres de M. le Ministre de l’agriculture et du commerce. (Pour visiter les foyers phyllox étiques de la Ligurie et faire un rapport sur les traitements adoptés par le gouver¬ nement italien.)

Enfin, il a été chargé, en décembre 1880, par M. le Ministre d’étudier la mouche de l'olive ( Dacus oleœ), ses ravages et les moyens de les combattre.

Services militaires.

Classe 1867. Campagne de 1870-1871. ( Lieutenant en second d'artillerie de mobile [Bouches-du-Rhône] du 20 décembre 1870.)

Lieutenant en second d’artillerie de mobile (2e batterie des Bouches-du-Rhône), de 1871 à 1874.

Sous-lieutenant d’artillerie (Réserve, au 38e régiment d’artillerie) du 13 avril 1875 au 1er juillet 1877.

Grandes manœuvres du 15e corps en septembre-octobre 1875.

Sous-lieutenant d'artillerie (Armée territoriale), commandant par intérim la 7e batterie du 15e régiment, depuis 1877.

A commandé effectivement la 7e batterie pendant la réunion d’exercices de mai 1878.

EUGÈNE LAUGIER.

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Distinctions honorifiques.

Chevalier de la Couronne d'Italie. la suite d’un rapport de M. le professeur Gentile. délégué du gouvernement italien, constatant que les résultats des trai¬ tements étaient des plus satisfaisants , dans les Alpes-Maritimes , et méritaient les elogts et la reconnaissance du gouvernement italien )

Chevalier d' Isabelle-la- Catholique, 1881.

À été nommé (en avril 1881) délégué de l’Académie des sciences , par la Com¬ mission académique du phylloxéra.

Lauréat de la Société d’agriculture de Nice (médaille d’or), 1883, et de la Société nationale d’ agriculture de France (médaille d’or), pour ses travaux scientifiques appliqués à l’agriculture.

Publications scientifiques.

Guide pour l’analyse des matières sucrées. (En collaboration avec M. Com- merson, directeur des raffineries de sucre de la Méditerranée.)

Cet ouvrage a ôté récompensé à l’Exposition universelle de 1878. (A obtenu la plus haute récompense décernée pour la Bibliothèque technologique, classe 54.) Il a fait l’objet :

D’un rapport favorable au nom du Comité des arts chimiques de la Société •nationale d’encouragement à l’industrie, présenté par M. F. Leblanc ;

D’une étude de M. Feltz, directeur des sucreries d’ÀUowetz, dans le Journal des fabricants de sucre.

D’une étude de M. le Dr Stammer, dans la Zeitschrift des Vereins fiir Ruben - Zucker Industrie.

Étude sur le dosage des acides gras dans les huiles et les graines oléagi¬ neuses, et sur l’analyse mécanique des huiles de graissage. ( Bulletin de la Société scientifique et industrielle * de Marseille; Annales du génie civil; Musée de l'Industrie belge ; Sucrerie indigène; Chemical News ; Zeitschrift des Vereins für Riïben-Zucker Industrie.)

Étude sur le dosage de l’eau, des sels et des acides organiques dans les matières sucrées et les végétaux saccharifères. (Note présentée à l’Académie par M. I’éligot ; Bulletin de la Société scientifique et industrielle de Marseille ; Journal des fabricants de sucre ; Sucrerie indigène; Annales industrielles.) Note sur la séparation du fer et du manganèse. ( Bulletin de la Société scien¬ tifique et industrielle de Marseille ; Bulletin de la Société d'agriculture des Alpes-Maritimes.)

Étude sur le phylloxéra et les traitements insecticides en 1879, dans les Alpes-Maritimes. [Bulletin de la Société d’ agriculture des Alpes-Maritimes.)

G0 Note sur le dosage des nitrates dans les matières sucrées. [Bulletin de la So¬ ciété scientifique et industrielle de Marseille; Annales industrielles.)

Étude sur une nouvelle huile de graissage (dite de Rangoon) et le dosage des huiles de résine par le polarimètre. [Bulletin de la Société scientifique et

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ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

industrielle de Marseille ; Annales industrielles ; Bulletin de V Association pour V avancement des sciences .)

Rapport sur le procédé d’analyse des huiles de M. Massie. ( Bulletin de la So¬ ciété scientifique et industrielle de Marseille.)

Étude sur les nouveaux laboratoires de l’Ecole des liantes études techniques d’Aix-la-Chapelle.

10° Rapport à M. le Ministre et au Conseil général des Alpes-Maritimes sur l’ins¬ tallation de la Station agronomique de Nice et les Stations agronomiques en France et à l’étranger. (Rapport de M. le Préfet, 2e session 1879.)

11° Rapport au Conseil "général sur les traitements des vignobles par voie admi-

, nistrative, en 1880. (Rapport de M. le Préfet , 2e session, août 1880.)

12° Rapport sur les travaux de traitement des vignobles pliylloxérés dans les Alpes-Maritimes en 1881-1883, in-4°, Nice. 1883.

13° Rapport sur les travaux de la Station agronomique de Nice en 1882-1883, in-4°, Nice. 1883.

E. Laugier a fait, en 1879, deux séries de conférences, dans les communes phylloxérées des Alpes-Maritimes, sur le phylloxéra et les syndicats de traite¬ ment; et, de 1878 à 1881, diverses conférences au siège de la Société d’agri¬ culture des Alpes-Maritimes.

E. Laugier a établi (avec le concours de M. le délégué départemental adjoint) les plans parcellaires et d’assemblage des diverses propriétés phylloxérées, plans qui composent plus de 100 feuilles de dessin, demi-grand aigle, et repré¬ sentent une valeur de plus de quatre mille francs. (Ces plans n’avaient pu être dressés par le service des agents voyers, comme dans les autres départements admis au bénéfice des traitements aux frais de l’État.)

Pi erre-Adolphe BOBIERRE

Par A. ANDOUARD

DIRECTEUR DIT LABORATOIRE DÉPARTEMENTAL DE CHIMIE AGRICOLE DE LA LOIRK-INFÉRIEURK 1

)KW03-

Au mois de septembre 1881, la ville de Nantes faisait une grande perte. Un homme de science, plus encore un homme de bien, s’étei¬ gnait presque subitement, à l’âge il semblait avoir devant lui de longs jours. Des collègues et des amis sincères ont adressé, sur sa tombe entrouverte, des adieux touchants à l’éminent concitoyen dont nous sentons si vivement l’absence. Les journaux scientifiques ont fait un éloge mérité de ses travaux ; mais son œuvre ne pouvait être appréciée que sommairement, dans des pages forcément très courtes.

Appelé à continuer une partie de sa mission, je me suis fait un devoir de tracer un tableau un peu moins incomplet d’une vie toute remplie d’honneur et de travail. La tâche est délicate Bobierre était aussi modeste qu’il était instruit, et faire son éloge sans mesure serait dénaturer la physionomie de son caractère et de ses travaux : je m’efforcerai donc de le peindre avec la simplicité qu’il mettait à parler de lui-même.

Pierre-Adolphe Bobierre est à Paris, le 7 mai 1823. De solides

1. Cette notice, lue au conseil d’hygiène du département de la Loire-Inférieure, nous a paru de nature intéresser vivement les lecteurs des Annales. Eile contient notam¬ ment un exposé à peu prés complet des phases par lesquelles a passé la législation des engrais dans notre pays. Bobierre s’est acquis un titre considérable à la recon¬ naissance des agriculteurs par l'ardeur avec laquelle il a lutté pendant près de 30 ans contre les fraudeurs.

(Note de la Rédaction.)

140

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

études faites au lycée Charlemagne, mais que le défaut de fortune interrompit malheureusement avant le terme, lui avaient donné le goût des sciences physiques, dans lesquelles il s’essaya dès la sortie du collège.

Il n’avait guère que dix-neuf ans et déjà il remplissait, à l’École primaire supérieure de Paris, les fonctions de préparateur du cours de chimie. De là, il passa, au même titre, au laboratoire de la Fa¬ culté de médecine, alors dirigé par l’illustre chimiste M. J. -B. Dumas, et presque aussitôt *il fut nommé professeur suppléant à l’École Turgot.

Ses brillants débuts révélèrent en lui les dons les plus heureux, et leur succès encouragea son penchant à l’étude. A Page l’on n’a pas habituellement cessé d'être élève, Bobierre possédait une ins¬ truction assez étendue pour se placer au rang des maîtres, et il pu¬ bliait, sous le titre de Traiié des manipulations chimiques, le fruit de ses observations de laboratoire. On trouve dans cette première œuvre, toutes les qualités qui distingueront un jour son auteur : elle est méthodique, rédigée avec une clarté parfaite et dans un style à la fois précis et correct, qui en rend la lecture facile, en dépit de l’aridité du sujet.

Ce livre à peine terminé, Bobierre faisait paraître un opuscule élégamment écrit, intitulé : De V Air considéré sous le rapport de la salubrité. A cette époque, on commençait à peine à se préoccuper d’observer les lois de l’hygiène, dans les constructions destinées à recevoir des agglomérations d’individus. Frappé des dangers que l’encombrement fait courir à la santé publique, Bobierre tente un plaidoyer énergique en faveur de la ventilation des lieux fermés. Il indique avec soin la quantité d’air indispensable à l’acte respi¬ ratoire, les causes multiples et inévitables de son altération, et il en déduit la nécessité du renouvellement complet de l’air dans les lieux habités d’une manière temporaire ou permanente. Il termine en formulant un projet de règlement sanitaire qu’on dirait écrit d’aujourd’hui, tant il répond aux besoins actuels, et dont on se prend à regretter que les prescriptions ne soient pas obligatoires.

En même temps qu’il se livrait à ces œuvres de longue haleine, Bobierre communiquait à l’Académie des sciences le résultat de ses

PIERRE-ADOLPHE BOBIERRE.

141

recherches sur la Conservation des substances animales par les sul¬ fites et par les sulfates alcalins. Son nom commençait à être connu du monde savant, et tout semblait faire supposer que sa vie s’achè¬ verait elle avait si heureusement débuté, lorsqu’une résolution soudaine le conduisit à Marseille.

Son dessein, en s’exilant à cette extrémité de la France, était d’étudier la grande industrie chimique. Il le poursuivit avec l’ardeur qui lui était naturelle et, de plus, il trouva le temps de présenter, au jury médical des Bouches-du-Rhône, une thèse sur Y Attraction uni¬ verselle et son rôle dans les phénomènes chimiques , qui lui valut le diplôme de pharmacien.

Presque aussitôt après avoir accompli ce double labeur, Bobierre se rendit dans le département du Nord, afin de perfectionner son ins¬ truction industrielle. Il n’y fit pas un long séjour. La direction d’une usine de produits chimiques lui ayant été offerte à Nantes, il se fixa définitivement dans cette ville, en 1846.

Dès son arrivée, il compta parmi les hommes supérieurs qui font de l’étude leur délassement, et bientôt il conquit la première place, par l’importance et par la variété de ses travaux. Telle était la sou¬ plesse de son esprit, qu’il abordait avec un égal succès les questions de science pure et leurs applications, la littérature et l’économie po¬ litique.

Son œuvre maîtresse, celle qui a répondu à la préoccupation do¬ minante de sa vie et à laquelle il a consacré la meilleure part de son infatigable activité, c’est l’œuvre agricole, inaugurée presque au lendemain de son arrivée à Nantes, et continuée sans interruption jusqu’à son dernier jour.

J’analyserai donc d’abord cette partie de ses travaux. Je dirai en-

0

suite le rôle qu’il a joué à la Société académique et au conseil d’hy¬ giène et de salubrité de la Loire-Inférieure; puis, j’essaierai de dé¬ rober aux écrits littéraires qu’il nous a légués un reflet de sa belle âme et de son noble caractère.

Au moment Bobierre a commencé à s’occuper de chimie agri¬ cole, presque tout était à faire dans cette science. Entre tous ses mérites, il a donc eu celui d’être l’un des ouvriers de la première heure, c’est-à-dire de l’heure difficile. Nous allons voir que sa main

142

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

vaillante a puissamment contribué à féconder le champ, si fertile aujourd’hui, des applications de la science à l’agriculture.

La première' étude qui s’offrit à sa pensée fut celle des matières fertilisantes, dont Nantes était alors, depuis près de quinze ans, le marché le plus important de France et peut-être d’Europe. Depuis longtemps, la fraude s’étalait cyniquement au grand jour, compro¬ mettant les intérêts immédiats des agriculteurs et l’avenir de l’agri¬ culture dans notre région. A la vue des honteuses manœuvres em¬ ployées pour satisfaire d’inavouables avidités, la droiture deBobierre

\

se révolta et lui fit concevoir aussitôt la résolution de déclarer une guerre sans trêve 'aux falsificateurs. L’entreprise ne laissait pas que d’être périlleuse. Le réformateur n’avait encore ni l’autorité de l’âge, ni celle d’une situation officielle. Les coupables étaient nombreux, habiles et, pour la plupart, en possession de la confiance publique. Enfin, la science ne se trouvait pas alors commodément armée pour le combat à soutenir.

Sans doute, l’idée de contrôler, par l’analyse chimique, les tran- saclions commerciales, avait déjà germé dans l’esprit de quelques hommes intelligents. Mais elle était à peu près demeurée à l’état de projet et l’on aurait peine aujourd’hui à réprimer un sourire à l’é¬ noncé des moyens primitifs mis à son service.

Bobierre ne se fit aucune illusion sur les difficultés de la lutte dans de pareilles conditions. Son courage n’en fut cependant point ébranlé ; seulement, avant de se jeter dans l’arène, il fit une étude approfondie des divers engrais employés, étude qu’il publia en colla¬ boration avec M. Moride, sous le titre de Technologie des engrais de l’ouest de la France.

Cet ouvrage n’est point seulement un résumé des connaissances acquises sur les principales matières fertilisantes. Les auteurs y débu¬ tent par un tableau magistralement tracé des révolutions dont notre 'globe fut le siège à l’origine, puis ils font assister le lecteur au dé¬ veloppement des espèces qui peuplèrent successivement son écorce refroidie. Cette introduction est d’une clarté remarquable. En la parcourant, les moins initiés comprennent la solidarité merveilleuse qui unit entre eux les êtres vivants et que peignait si bien l’un de nos plus illustres chimistes, lorsqu’il disait : « Tout ce que l’air

PIERRE-ADOLPHE BOBIERRE .

143

donne aux plantes, les plantes le cèdent aux animaux, les animaux le cèdent à l’air, cercle éternel dans lequel la vie s’agite, se manifeste, mais la matière ne fait que changer de place. »

Pour établir le mécanisme de ces migrations de la matière, la fin du premier chapitre esquisse à grands traits les différentes phases de la genèse et de la vie des plantes, leur nutrition, leur absorption par les herbivores, mangés eux-mêmes ultérieurement parles carni¬ vores, dont la décomposition finale restitue à la terre les substances qu’ils lui avaient indirectement empruntées.

La conclusion de cette première partie met en lumière deux vé¬ rités fondamentales en agriculture. Tout d’abord, pour vivre et pour se perpétuer, les plantes ont besoin d’éléments chimiques spéciaux, dont deux des plus importants, le phosphore et l’azote, doivent leur être fournis de préférence à l’état d’acide phosphorique et d’ammo¬ niaque. En second lieu, pour que le sol ne cesse pas d’être pro¬ ductif, il est nécessaire de lui rendre généreusement, au moyen des engrais, ce qui lui a été enlevé sous forme de récoltes.

Le reste du livre est consacré à l’examen des matières fertilisantes les plus employées, particulièrement du noir d’os, le plus recherché de tous à cette époque. Les noirs de France et de la plupart des au¬ tres contrées de l’Europe, ceux mêmes de l’Amérique du Nord, sont longuement étudiés et comparés. Leur composition est scientifique¬ ment discutée, et pour en déterminer l’un des termes essentiels, l’acide phosphorique, les auteurs indiquent un procédé nouveau, basé sur la précipitation à l’état de phosphate de plomb et plus exact que ceux auxquels on avait habituellement recours1.

Chemin faisant, ils relèvent l’erreur générale, qui consistait alors à baser l’estimation d’un noir exclusivement sur sa richesse en phos¬ phate de chaux. L’azote est également nécessaire à la végétation et il importe de rechercher ce que les noirs en contiennent.

En finissant, ils font remarquer combien il serait superflu de dé¬ couvrir de bonnes méthodes analytiques si elles ne devaient pas être

1. Ce procédé consistait à verser une solution normale d’acétate de plomb dans celle du phosphate à titrer, jusqu’à ce que l'iodure de potassium indiquât la présence d’un excès de plomb dans le mélange.

144 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

tftili sées. Cette réflexion les amène à solliciter l’intervention tutélaire du pouvoir, «à l’effet d’affranchir l’agriculture de la dîme qu’elle solde annuellement à la spéculation déshonnête.

Depuis l’année 1830, c'est-à-dire depuis l’instant, le noir animal avait obtenu les faveurs de l’agriculture, la fraude n’avait cessé d’al¬ térer audacieusement ce précieux engrais. La tourbe d’abord et plus tard le charbon de tourbe, la bouille, le carbonate de chaux noirci, les schistes, *les scories industrielles, furent tour à tour em¬ ployés à la falsification.

Par deux fois, en 1834 et en 1836, le conseil général réclama de l'administration préfectorale une surveillance active du commerce des engrais. Il offrit, en outre, de décerner à l’auteur d’une méthode pratique d’essai des noirs un prix de 2,000 fr., qui ne fut même pas disputé. On porta ce prix, sans plus.de succès, jusqu’à 2,500 fr., sous la réserve que la méthode s’appliquerait également aux autres engrais.

Les encouragements du conseil général n’eurent pas plus de ré¬ sultats que les menaces de l’administration. Le nombre des falsifi¬ cateurs grossissait toujours et s’enhardissait à mesure que se confir¬ mait. l’impuissance de l’autorité. Trois commissions, successivement nommées, tentèrent vainement de formuler un programme satisfai¬ sant d’analyse et de répression. La création d’un inspecteur spécial du commerce des engrais ne fut pas plus efficace.

La situation s’aggravant chaque jour, le préfet publia, le 49 mai 4841, un arrêté qui réglementait plus sévèrement que par le passé la vente des matières fertilisantes. Malheureusement, l’arrêté éta¬ blissait une classification si défectueuse de ces matières, qu’il eut pour effet immédiat d’organiser la fraude légale et de porter à son maximum l’audace des négociants peu scrupuleux.

Tel était l’état des choses, lorsque M. Dumas, alors ministre de l’agriculture, et M. Gauja, préfet de la Loire-Inférieure, appelèrent Bobierre à la réorganisation et à la direction du contrôle des engrais dans le département.

Un rapide examen de la législation de 4841 suffit au nouveau vé¬ rificateur pour en apercevoir les défauts. La distinction des engrais en Noirs de raffinerie et Engrais proprement dits était insuffisante et mai établie.

PIERRE-ADOLPHE BOBIERRE.

145

Les noirs , pour être considérés comme purs, devaient contenir au moins 75 p. 100 de phosphate de cliaux. Or, le charbon d’os, néces¬ sairement plus riche que les produits usés par la clarification des sirops, ne renferme que 70 p. 100 au plus de ce même phosphate. Il y avait donc une erreur matérielle conduisant à une impossi¬ bilité d’exécution de l’arrêté.

Sous la dénomination d 'engrais, on rangeait indistinctement les mélanges de toute nature et de tout titre. L’administration s’était

attribué le droit, je pourrais dire la lourde responsabilité, d’approu¬ ver les noms appliqués à ces mélanges. Mais leur composition n’étant pas définie et les marchands n’étant point tenus de la faire connaître, la fraude pouvait s’y donner carrière en toute sécurité. La seule obligation imposée au vendeur, précaution dérisoire, était de donner toujours sous le même nom un mélange de même nature.

Tant de facilités, inconsciemment laissées à l’indélicatesse, avaient découragé les commerçants honorables. Les produits de valeur avaient la même enseigne officielle que la tourbe pure ou légèrement animalisée. Rien ne marquait les différences de qualité ; la con¬ currence loyale était impossible et menaçait de s’éteindre complè¬ tement.

Bobierre fait ressortir tous ces dangers dans un intéressant rap¬ port adressé au ministre de l’agriculture, en 1850.

11 signale, en les flétrissant, les scandaleux abus auxquels donne lieu le commerce des engrais. Plus de 10 millions de francs ont été extorqués à l’agriculture, en 10 années consécutives, à l’abri de la réglementation soi-disant répressive do 1841. Il est urgent de pro¬ téger efficacement le cultivateur, mais il faut le faire sans porter at¬ teinte à la liberté commerciale.

L’esprit sagace et libéral de Bobierre devait triompher aisément de cette difficulté. Repoussant les moyens excessifs antérieurement proposés, tels que la proscription absolue de la tourbe et des mé¬ langes trop chargés de matières inertes, ou l’obligation de déclarer la composition des produits, c’est-à-dire la divulgation du secret de l’inventeur, il se contenta de demander qu’un écriteau placé sur chaque engrais, dans les chantiers, fil connaître sa richesse en azote et en phosphate de chaux. Nulle mesure n’était plus simple et d’exé-

146

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

cii lion plus facile. Le préfet comprit l’influence heureuse qu'elle de¬ vait cependant exercer sur la sincérité des marchés et il n’hésita pas

«

à en faire la base de son arrêté du 23 février 1850, sur le commerce

des engrais b

1. Je transcris cet arrêté et celui qui le remplaça parce que tous deux sont entière¬ ment l’œuvre de Bobierre.

Réglement de police sur le commerce des engrais.

Nous, Préfet de la Loire-Inférieure, .

\

«

Arrêtons :

Art. 1er. Tout commerçant vendant des matières quelconques non liquides, dési¬ gnées comme propres à fertiliser la terre, devra inscrire sur un écriteau placé à la porte de chacun de ses magasins, ou sur le tas de la substance mise en vente, le nom de l’engrais qu’il débité.

Art. 2. Si plusieurs espèces d’engrais sont contenues dans un magasin, chacune d’elles devra être enfermée dans une case distincte, entièrement séparée des autres, et portant sur un écriteau le nom particulier de l’espèce d’engrais.

Art. 3. Ne pourront être vendues comme noirs, noirs de raffinerie, ou résidus de raffinerie, des substances qui contiendraient des matières étrangères à l’industrie du raffineur. et dont la proportion de phosphate de chaux ne s’élèverait pas au moins à 45 p. 100 de l’engrais.

Art. 4. Ne pourront également être vendus sous le nom générique de charrées, des engrais contenant plus de 40 p. 100 de matière siliceuse insoluble dans les acides.

Art. 5. Quant aux noms divers à donner aux engrais, si la substance mise en vente n’est pas une de celles connues dans le commerce sous des noms spéciaux, le débitant pourra lui donner tel nom qu’il voudra, excepté les noms déjà consacrés par l’usage- toutefois, ce nom devra être approuvé par l’autorité municipale; il sera re¬ fusé, s’il prête à erreur ou à équivoque.

Art. 6. Le nom de l’engrais sera écrit sur les enseignes ou écriteaux intérieurs, sans abréviations, en lettres d’une grandeur uniforme et de 20 centimètres au moins de hauteur, de manière à être lu facilement et à ne pouvoir être confondu avec aucun autre.

Art. 7. Indépendamment du nom de l’engrais, l’écriteau fera connaître : le chiffre indiquant la richesse en phosphate de chaux, si la matière est un noir pur de raffi¬ nerie; la richesse en phosphate de chaux et en azote (principe animal), si l’engrais est constitué par un mélange de tourbes animalisées ou matières organiques quelconques, avec des résidus de la fabrication du sucre.

Ce chiffre sera de la même grandeur que les lettres portées sur l’écriteau.

Art. 8. Aucun marchand ne pourra mettre en vente une substance fertilisante, soit dans un chantier particulier, soit dans un dépôt public autorisé, avant qu’il ait placé sur le tas de celte substance un écriteau établi dans la forme et contenant les indications prescrites par les articles G et 7 qui précèdent.

Art. 9. A cet effet, le marchand fera au maire de la commune dans laquelle sera

PIERRE-ADOLPHE BOBIERRE.

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La réforme fut accueillie favorablement par les agriculteurs, exal¬ tée par la presse, acclamée par le commerce honnête. Pour la rendre plus fructueuse, on la doubla de la création d’un entrepôt public , placé sous la surveillance de l’administration et les mar-

établi un dépôt d’engrais, la déclaration du nom de la substance qu’il se propose de mettre en vente.

Art. 10. Aussitôt que le maire aura reçu cette déclaration, il se transportera au dépôt d’engrais, ou enverra un délégué, à l’effet de prendre sur les tas, des diverses qualités qu’aura déclarées le débitant, un échantillon de chacune de ces qualités. Tout échantillon pourra, si le marchand le désire, être partagé en deux portions, dont l’une étiquetée et revêtue du cachet ainsi que de la signature du maire ou de son délégué, restera entre les mains du propriétaire de l’engrais, comme garantie de la vérification à laquelle il doit être officiellement procédé; l'autre portion, cachetée par le marchand, sera munie d’une étiquette signée par lui, indiquant le nom de l’engrais. Les échan¬ tillons seront du poids de 200 à 250 grammes. Ils devront être enfermés dans des sacs de toile ou des flacons, selon la nature de la substance. Le paquet sera, au besoin, renfermé dans un sac de toile, pour pouvoir être expédié à Nantes, sans danger de rupture.

Art. 11. Aussitôt que l’échantillon nous sera parvenu, il en sera accusé récep¬ tion, et nous provoquerons immédiatement l’analyse de l’engrais, dont le résultat sera consigné sur un registre coté et paraphé par nous. Cette formalité remplie, le procès- verbal de la vérification sera transmis au maire, qui en fera le dépôt au secrétariat de la mairie, il sera communiqué à tous ceux qui voudront en prendre connaissance. Aussitôt réception de ce procès-verbal, le maire en remettra au marchand une copie certifiée, qui contiendra distinctement la désignation précise de l’inscription à porter sur l’écriteau ou enseigne de l’engrais, sans que le marchand puisse ni modifier ni changer cette inscription.

Art. 12. MM. les maires visiteront ou feront visiter fréquemment les dépôts par¬ ticuliers ou publics des marchands d’engrais, pour s’assurer que toutes les dispositions prescrites par le présent arrêté sont exactement observées.

Art. 13. Si, dans une de ces visites, un maire, l’inspecteur de l'agriculture, ou tout autre délégué de l’administration, croit reconnaître une altération quelconque dans un engiais analysé au moment il a été mis en vente, il devra en prélever immédiatement un nouvel échantillon, en présence du marchand ou de ses représen¬ tants, et en se conformant aux dispositions de l’article 10. Le marchand sera requis de cacheter et de signer le sac ou le flacon dans lequel l’échantillon aura été enfermé. L’étiquette qui sera placée sur cet échantillon, devra être signée par le marchand et mentionner textuellement l’inscription de l’écriteau placé sur le tas de l’engrais sus¬ pecté d’altération.

En cas de refus, le fonctionnaire requérant cachettera et signera lui-même l’enve¬ loppe de l’échantillon ; il dressera procès-verbal de son opération et du refus qu’il aura éprouvé. Le tout nous sera envoyé, et il sera procédé à la vérification chimique de la substance.

Art. 14. Si le résultat de l’analyse constate une altération notable sur la qualité

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ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

chands pouvaient déposer leurs engrais, moyennant l’observance d’un règlement particulier. L’institution paraissait appelée à un sérieux avenir ; elle ne dura cependant que quelques années, le com¬ merce s’étant montré plus sensible à la gêne causée par le déplace¬ ment de ses produits, qu’au bénéfice moral résultant de leur séjour dans le dépôt officiel.

En dépit de cet abandon, le zèle des falsificateurs subit un ralen¬ tissement marqué, sous le régime inauguré en 1850. De nombreuses

condamnations, -prononcées en première instance et confirmées en appel, produisirent un effet salutaire et eurent un retentissement considérable.

Dès 1851, la Société centrale d’agriculture de la Seine-Inférieure

de l’engrais, comparativement avec la qualité essayée lors de la déclaration du mar¬ chand, toutes les pièces seront remises à M. le procureur de la République pour ob¬ tenir la punition de la fraude.

Art. 15. Tout acheteur qui soupçonnera quelque falsification'dans la nature de l’engrais mis en vente, aura droit de requérir le marchand de prélever, sur la quantité vendue, un paquet de 200 grammes environ, cacheté et signé par le marchand ou ses représentants et indiquant l’inscription portée sur l'écriteau placé au-dessus du tas. Ce paquet sera déposé à la mairie pour nous être transmis ; il sera procédé comme il vient d'être dit pour l’examen de la substance suspecte, et pour la répression de la fraude s’il y a lieu.

Art. 16. Si le marchand refuse de signer et de cacheter le paquet contenant l'échantillon, l’acheteur pourra requérir le maire, qui procédera comme il est dit à l’article 10.

Art. 17. L’acheteur qui aura provoqué l'examen chimique prendra par écrit l’en¬ gagement de payer, s'il y a lieu, les frais de l’analyse, sauf recours contre qui de droit; cet engagement sera joint au paquet cacheté.

Art. 18. La plus grande publicité possible sera donnée aux résultats de ces épreuves et aux jugements des tribunaux qui pourront intervenir.

Art. 19. Quiconque vendra des engrais sans avoir rempli les conditions pres¬ crites par les neuf premiers articles du présent arrêté, sera poursuivi en simple po¬ lice, en vertu de l'article 471, 15, du Code pénal, et de plus traduit en police cor¬ rectionnelle, s’il a trompé les acheteurs en attribuant faussement à sa marchandise le nom d’engrais connus dans le commerce.

Art. 20. Tout marchand de noirs et engrais actuellement en vente, soit dans des chantiers particuliers, soit dans des dépôts publics, devra établir des écriteaux sur les tas de ces engrais, conformément aux prescriptions des articles 6 et 7 de cet arrêté, dans le délai d’un mois, sous peine d'être poursuivi comme il est indiqué à l'ar¬ ticle 19.

Art. 21. Le présent arrêté sera publié et affiché dans toutes les communes. Un

PIERRE-ADOLPHE BOBIERRE. 149

adoptait le programme codifié par M. Ganja et demandait qu’il fût appliqué d’office à tout le territoire français. Ce vœu, si flatteur pour Bobierre, ne reçut point satisfaction. Mais l’entraînement, à l’exemple et surtout au succès, amena peu à peu 14 départements à copier la réglementation établie dans la Loire-Inférieure.

Malheureusement, cette réglementation était en avance sur notre régime légal. Son principal instigateur ne l’ignorait pas. Il savait qu’un jour viendrait un fraudeur plus éclairé que les autres n’hé¬ siterait pas à épuiser toutes les juridictions, pour briser l’obstacle qui s'opposait d’une manière si gênante à ses malversations.

Pénétré de cette conviction, Bobierre songe de suite à faire con¬ vertir en loi l’arrêté préfectoral de 1850. Le moment semblait favo-

exemplaire en placard devra toujours être affiché dans chaque magasin particulier ou public d’engrais.

Nantes, le 6 avril 1850.

Le Préfet de la Loire-Inférieure ,

P. GÀUJA.

Entrepôt public d’engrais.

Arrêté du 23 février 1850.

Vous, Préfet de la Loire-Inférieure, .

Arrêtons :

Art. 1er. MM. les membres de la chambre de commerce sont autorisés à former à Nantes, prairie au Duc, un dépôt public, pourront être introduits et mis en vente tous les noirs et engrais, quelles qu'en soient la nature et la provenance.

Art. 2. Le magasinage à payer par les déposants sera fixé par un règlement pour le service intérieur du chantier, délibéré par la chambre de commerce et approuvé par nous.

Art. 3. Les engrais introduits dans ce dépôt seront soumis à toutes les mesures de surveillance et de police prescrites par l’arrêté du 19 mai 1811, et des instructions qui en font ou en feront le complément.

Art. 4. ün agent spécialement préposé à la surveillance et à la garde de cet éta¬ blissement sera nommé par nous, sur une liste de trois candidats présentés par la chambre de commerce.

Art. 5. M. le Maire de Nantes est chargé, en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté.

Nantes, le 23 février 1850.

Le Préfet de la Loire-Inférieure >

P. GAUJA.

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ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

rable à la réalisation de ses désirs. M. Dumas, ministre de l’agricul¬ ture, avait soumis au Conseil d’État un projet de loi qui donnai satisfaction aux vœux de notre concitoyen. Ce projet, présenté de nouveau à l’Assemblée nationale en 1851 et soutenu par un remar¬ quable rapport de son auteur, allait être admis, lorsque la dissolu¬ tion de l’Assemblée vint ruiner toutes ses espérances.

Bobierre ne se tint pas cependant pour battu. Fortement encou¬ ragé par le préfet, il va lui-même au ministère plaider la cause, dont le triomphe lui semble indispensable à l’agriculture. Sa démarche est sympathiquement accueillie, mais il ne lui est point caché que des préoccupations d’un autre ordre détourneront pour longtemps de cette question le bon vouloir du Gouvernement.

Il fallait donc chercher à faire vivre le plus longuement possible l’arrêté de 1850 ; et pour cela il était nécessaire d’en adoucir les as¬ pérités. Bobierre communique ses impressions à l’administration préfectorale, qui bientôt les partage et qui édicte, le 5 juin 1853, un arrêté nouveau moins rigoureux et pourtant plus efficace que le pré¬ cédent*.

1. Arrête du b juin 1 S53.

Nous, Préfet de la Loire-Inférieure,.' .

Arrêtons :

Art. 1er. Tout commerçant vendant des matières désignées comme propres à fer¬ tiliser la terre, devra placer à la porte de ses magasins et sur le tas de chacune des espèces qui y sont déposées, un écriteau indiquant le nom de la substance. Ce nom sera écrit sans abréviation, en lettres de dix centimètres au moins de hauteur.

Art. 2. Outre le nom de l’engrais, l’écriteau fera connaître la richesse en phos¬ phate de chaux, si la matière est un noir pur de raffinerie; en phosphate de chaux et en azote, si l’engrais est du guano ou un mélange à base de matières animales ou de sels ammoniacaux. Les chiffres devront avoir la même hauteur que les lettres de l’é¬ criteau.

Art. 3. Indépendamment de l'écriteau, un petit drapeau noir, de vingt centi¬ mètres de largeur sur trente centimètres de longueur, sera placé sur chaque tas de tourbe ou d’engrais mélangé de tourbe.

Art. 4. Lorsque plusieurs espèces d’engrais seront déposées dans un môme ma¬ gasin, chacune d’elles devra être renfermée dans une case distincte et portera un écri¬ teau indiquant le nom particulier de l’engrais.

Art. 5. Les noms déjà connus dans le commerce ne pourront être donnés qu'aux

PIERRE-ADOLPHE RORIERRE.

151

Grâce à cette atténuation, plus encore peut-être à l’appui moral de l’opinion publique, la répression conserva pendant neuf ans la même base. Mais le danger prévu par Bobierre approchait rapide¬ ment. Un marchand d’engrais du Finistère, condamné en vertu d’un arrêté semblable à celui de la Loire-Inférieure, demande à la Cour

matières qu’ils désignent habituellement et qui ne seront pas mélangées avec des subs¬ tances étrangères à leur composition.

Si la substance mise en vente n’a pas un nom spécial, consacré par l’usage, le mar¬ chand pourra lui donner le nom qui lui paraîtra convenable, pourvu qu'il ne prête ni à erreur ni à équivoque.

Art. G. Ne pourront être vendues comme noirs, noirs de raffinerie ou résidus^de raffinerie, des substances qui contiendraient des matières étrangères, par leur nature ou leur dose, à l’industrie du raffineur.

Art. 7. Ne pourront être vendus sous le nom générique de charrées, des engrais contenant plus de 30 p. 100 de matière siliceuse insoluble dans les acides.

Art. 8. Toute personne qui voudra mettre en vente une substance désignée comme propre à fertiliser la terre, devra préalablement en faire la déclaration au maire de la commune dans laquelle sera établi son magasin ou son dépôt.

Art. 9. Cette déclaration sera inscrite sur un registre ouvert à la mairie de la commune et qui indiquera :

La date de la déclaration;

Le nom, la profession et la demeure du déclarant ;

La situation du local le dépôt est effectué;

Le nom de chacune des substances fertilisantes qui doivent y être mises en vente.

Art. 10. Aussitôt que le maire aura reçu cette déclaration, il se transportera au dépôt d’engrais, ou y enverra le commissaire de police ou un délégué.

Un échantillon du poids de 200 à 250 grammes sera pris dans chacun des tas des substances destinées à être mises en vente.

Les échantillons seront renfermés dans des sacs de toile ou des flacons, selon la na¬ ture de la substance. Us seront bouchés, cachetés et étiquetés.

L’étiquette de chaque échantillon devra reproduire l’inscription de l’écriteau placé, conformément aux prescriptions des articles 1, 2 et 3 du présent arrêté, sur le tas d’engrais dans lequel il a été pris. Elle sera signée par le marchand ou le dépositaire et par le maire ou son délégué.

Art. 11. L’échantillon prélevé par le maire sera immédiatement adressé à la pré¬ fecture pour être analysé.

Le certificat de l'analyse fera connaître la composition de l’engrais et le texte de l’inscription à porter sur l’écriteau, l’enseigne ou la facture.

Le marchand ne pourra modifier cette désignation.

Art. 12. Le procès-verbal de l'analyse sera dressé en double minute; l’un des originaux sera conservé par M. le chimiste-vérificateur en chef des engrais du dépar¬ tement, 1 autre sera déposé à la préfecture.

Une copie certifiée de ce procès-verbal sera adressée au maire de la commune, qui

ANN. SCIENCE AGRON.

11

152

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

de cassation, en 1862, la réformation du jugement qui le frappe. La Cour admet son pourvoi et déclare que le préfet du Finistère a outre¬ passé ses attributions, en réglant, pour son département tout entier, le commerce des engrais.

Cette décision, qui ne surprit pas le personnel administratif, ré-

en délivrera au marchand une expédition et la déposera au secrétariat de la marie, ou chacun pourra en prendre connaissance.

Art. 13. MM.* les maires et les commissaires de police visiteront ou feront visiter fréquemment, surtout pendant le temps habituel des ventes, les magasins ou dépôts d'engrais, afin de s'assurer que toutes les dispositions prescrites par le présent arrêté sont exactement observées, et de dresser, s’il y a lieu, procès-verbal pour constater les contraventions.

Art. 14. MM. les maires et les commissaires de police, M. l’inspecteur d'agricul¬ ture du département et tout délégué de l’administration devront, s'ils croient recon¬ naître une altération quelconque dans un engrais, prélever un nouvel échantillon, en présence du marchand ou de son représentant. Cet échantillon sera clos et cacheté et l’étiquette sera signée ainsi qu’il est prescrit par l'article 10 du présent arrêté.

En cas de refus du marchand de cacheter et de signer l’échantillon, le fonctionnaire dressera procès-verbal de son opération.

Le procès-verbal et les échantillons seront adressés à la préfecture.

Art. 15. Si le résultat de l'analyse du nouvel échantillon constate une altération notable sur la qualité de l’engrais, les pièces seront transmises à M. le procureur im¬ périal pour la poursuite du délit.

Art. IG. Tout acheteur pourra requérir le marchand de prélever, sur la quantité de l’engrais vendu, un paquet de 200 grammes environ, de le cacheter et de le signer, en reproduisant sur l’étiquette l'inscription de l’écriteau. Le paquet sera déposé chez le maire de la commune, qui le transmettra à la préfecture, afin qu’il soit procédé à l'analyse et à la répression du délit, s'il y a lieu.

Art. 17. Si le marchand refuse de signer et de cacheter l'échantillon prélevé sur la quantité de l’engrais vendu, l'acheteur pourra requérir le maire, qui procédera sui¬ vant les dispositions de l'article 15 du présent arrêté.

Art. 18. L'acheteur qui réclamera une nouvelle analyse, prendra par écrit, l’en¬ gagement d’en payer, s’il y a lieu, les frais. Cet engagement sera joint au paquet ca¬ cheté.

Art. 13. Tout marchand d'engrais devra, dans le délai de quinze jours, à partir de la publication du présent arrêté, établir des écriteaux ou des drapeaux indicateurs sur tous les tas de matières existant dans ses magasins, conformément aux prescrip¬ tions des articles 1, 2 et 3.

Art. 20. Un exemplaire en placard du présent arrêté devra toujours être affiché dans chaque magasin d'engrais.

Art. 21. Toutes les contraventions aux prescriptions du présent arrêté seront poursuivies et réprimées conformément à la loi.

Nantes, le 16 juin 1853.

PIERRE-ADOLPHE ROBIERRE.

153

veilla subitement les appétits des falsificateurs et leur rendit leur assurance passée. L’un deux renouvela, l’année suivante, pour la Loire-Inférieure, l’épreuve tentée dans le Finistère et fit égale¬ ment taxer d’illégalité le règlement en vigueur dans ce départe¬ ment.

La digue opposée à la mauvaise foi pendant quatorze ans , était définitivement rompue. Une émotion vive et bien légitime s’empara de la population agricole. Quel moyen emploierait-on désormais pour assurer la loyauté des transactions?

L’écho des inquiétudes générales parvint rapidement au préfet. Sans perdre de temps, celui-ci s’adresse au vérificateur des engrais, et le prie de rendre un nouveau service à l’agriculture, en indiquant les moyens de suppléer à la législation récemment abolie.

Bobierre est depuis longtemps préparé à cette éventualité. Il ré¬ pond aussitôt, en rappelant les vœux réitérés émis sur sa demande par le conseil général, que le problème sera résolu le jour les tribunaux se trouveront armés de dispositions législatives plus sévè¬ res contre les fraudeurs.

En attendant, et pour ne pas abandonner les cultivateurs à la ra¬ pacité de ceux qui ne craignent pas de déshonorer le commerce, il propose de créer, dans le département, un laboratoire officiel d’ essai des engrais, analogue aux bureaux de conditionnement des soies et de vérification des matières d’or et d’argent. Les analyses seraient faites, dans ce laboratoire, d’après un tarif assez réduit pour être accessible aux agriculteurs, et le département prendrait le soin d' indemniser le chimiste chargé de les exécuter dans ces condi¬ tions.

Cette inspiration fut un trait de lumière. L’éducation des agricul¬ teurs s’était, faite, graduellement, pendant la période que je viens d’analyser. Ils savaient que la qualité des engrais se juge, non pas à leurs caractères extérieurs, mais à leur richesse en azote et en acide phosphorique. Le temps était peut-être arrivé il était possible de laisser à l’initiative individuelle le soin de faire vérifier la valeur des produits fertilisants.

L’événement justifia les prévisions de Bobierre. La Loire-Infé¬ rieure fut dotée d’une institution féconde, qui devint l’origine d’un

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ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

mouvement général, dont le développement grandit tous les jours et qui aura une immense portée sur l’avenir de l’agriculture1.

Ses débuts furent modestes. Un trouble profond avait été la con¬ séquence du changement de législation. Toute innovation progresse lentement à la campagne et Bobierre craignit un moment que la transition, trop brusque, ne déroutât le cultivateur.

SousJ’empire de celte préoccupation et dans son ardente sollici¬ tude pour les représentants de l’agriculture, il résolut de délivrer gratuitement les analyses d’engrais à tous ceux d’entre eux qui les réclameraient. L’administration loua hautement cette abnégation et

rendit la mesure exécutoire à partir du 23 février 1867.

*

Nous touchons enfin à l’heure les intérêts agricoles vont être l’objet d’une protection efficace ; les efforts courageux et incessants de Bobierre sont à la veille de porter leurs fruits. En 1864, il avait renouvelé personnellement, au ministre de l’agriculture, la demande d’une législation spécialement dirigée contre les falsificateurs d’en¬ grais. Persuadé par sa parole convaincue, le ministre avait prescrit une enquête, qui venait d’être résumée par le député le plus compé¬ tent en cette matière, M. Dumas. Un projet de loi, corollaire de son travail, fut porté au Conseil d’Etat et légèrement modifié par M. Les- tiboudois, rapporteur. Il vint ainsi devant le Corps législatif et, dès qu’il fut connu, Bobierre y signala des défauts que sa grande compé-

1. Arrêté du 20 mai 1864.

Nous, Préfet de la Loire-Inférieure, .

Arrêtons :

Art. 1er. Il est créé, à Nantes, un laboratoire public pour l'analyse des engrais et des matières utiles à l’agriculture.

Art. 2. Tout fabricant, marchand ou agriculteur du département pourra faire opérer, dans ce laboratoire, Cessai chimique des engrais, amendements, sols, eaux d'irrigation, etc., dont il lui serait utile de connaître la composition.

Art. 3. Un tarif, approuvé par nous, déterminera les frais à payer pour chaque analyse.

Art. 4. M Bobierre, docteur ès sciences, est nommé directeur du laboratoire dé- parlementai.

Art. 5. Est et demeure rapporté l’arrêté réglementaire du 16 juin 1853, sur le commerce des engrais dans le département.

Nantes, le 20 mai 1864.

PIERRE-ADOLPHE BOBIERRE .

155

tence lui révélait à première vue. La commission choisie pour la présentation du projet au Corps législatif voulut entendre Bobierre avant de déposer son rapport. Elle adopta sans réserve sa manière de voir et la loi qui sortit de ses délibérations fut votée intégrale¬ ment et promulguée en mai 1867 b

Un pas immense venait d’être fait en faveur de l’agriculture. Dé¬ sormais la tromperie sur les matières fertilisantes est punissable, elle rentre dans les délits de droit commun et l’on est en droit de suppo¬ ser qu’il ne dépend plus que des cultivateurs d’obtenir justice. Il en est ainsi, mais Bobierre sait avec quelle hésitation l’homme des champs se résigne à déposer une plainte près d’un tribunal. Or, il tient à cœur de rendre effective la protection qu’il a obtenue pour lui. 11 sollicite, à plusieurs reprises, le conseil général du départe¬ ment de demander au pouvoir que, toutes les fois qu’une fraude sera signalée, les parquets n’attendent pas, pour exercer les pour¬ suites, que l’agriculteur lésé se porte partie civile. Ce vœu était trop légitime pour n’ètre pas entendu et, le 25 juillet 1875, une circu¬ laire du ministre de l’agriculture et du commerce déclare que les

t. Loi répressive des fraudes dans la vente des engrais. ( Mai i S67 .)

Le Corps législatif a voté, et le Pouvoir exécutif a promulgué, au mois de juillet sui¬ vant, la loi dont la teneur suit :

Art. 1er. Seront punis d’un emprisonnement de trois mois à un an et d’une amende de 50 à 2,000 fr. :

Ceux qui, en vendant ou en mettant en vente des engrais ou amendements, au¬ ront trompé ou tenté de tromper l’acheteur, soit sur leur nature, leur composition ou le dosage des éléments qu’ils contiennent, soit sur leur provenance, soit en les dési¬ gnant sous un nom qui, d'après l’usage, est donné à d’autres substances fertilisantes ;

Ceux qui, sans avoir prévenu l’acheteur, auront vendu ou tenté de vendre des engrais ou amendements qu'ils sauront être falsifiés ou avariés.

Le tout sans préjudice de l’appiication de l’article 1er, § 3, de la loi du 27 mars 1851, en cas de tromperie sur la quantité de la marchandise.

Art. 2. En cas de récidive, commise dans les 5 ans qui ont suivi la condam¬ nation, la peine pourra être élevée jusqu’au double du maximum des peines édictées par l’article 1er de la présente loi.

Art. 3. Les tribunaux pourront ordonner que les jugements de condamnation soient, par extraits ou intégralement, aux frais des condamnés, affichés dans les lieux et publiés dans les journaux qu’ils détermineront.

Art. 4. - L’article 463 du Gode pénal est applicable aux délits prévus par la pré¬ sente loi.

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ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

poursuites d’office, ayant été reconnues nécessaires, auront lieu toutes les fois que des faits délictueux seront signalés aux membres des parquets par des hommes compétents et ayant qualité pour pren¬ dre en main les intérêts des cultivateurs.

V

Tous les désirs de Bobierre étaient comblés par cette dernière mesure, pourtant il ne pense pas un instant à se retirer de la lutte. Il avait publié sous fôrme de questionnaire, en 1870, pour l’instruction des habitants des campagnes, un manuel des connaissances qui sont indispensables à l’achat et à l’emploi raisonné des engrais commer¬ ciaux, manuel dont il fit imprimer une nouvelle édition en 1875.

* Gela ne suffisait pas à son zèle. Il excite sans cesse l’administration à prémunir les cultivateurs contre les manœuvres du commerce dé¬ loyal et à leur rappeler qu’il existe au chef-lieu un laboratoire créé pour les avertir, en cas de tromperie, et pour les aider, en cas de réparation à obtenir. Cette double mission a été remplie par lui avec un dévouement sans égal, et les tribunaux retentissent encore des accents chaleureux qu’il savait trouver pour la défense de ceux que l’on avait abusés.

Il a bien mérité le surnom de Pierre l'Ermite des engrais , qui lui fut donné par un éminent publiciste et qu’il avait accepté non seule¬ ment sans déplaisir, mais avec l’ambition de le justifier. 11 a bien mé¬ rité la médaille d’or dont la Société d’encouragement récompensait, en 1856, ses efforts persévérants en faveur de l’agriculture, et les témoignages sans nombre de l’enviable et universelle estime qui lui a fait cortège pendant toute son existence.

Nous venons de voir l’homme de cœur combattant avec un loua¬ ble désintéressement pour sauvegarder la fortune agricole, retour¬ nons maintenant au chimiste, qui trouvait encore le temps de s’affir¬ mer, malgré les occupations incessantes du laboratoire départemental.

L’une des questions qui passionna le plus vivement Bobierre, fut celle du défrichement des landes, si étendues, en 1850, dans le dé¬ partement de la Loire-Jnférieure. Au moment il commença cette étude, la charrée (cendres lessivées) était un des amendements les plus employés à la transformation des terres incultes. Plus d’une fois on avait tenté, sans succès, d’y substituer les cendres vierges et l’on ignorait encore la cause de leur différence d'action.

PIERRE-ADOLPHE ROBIERRE .

157

Cette différence, Bobierre la découvre expérimentalement : elle procède de la présence, dans les cendres vierges, de carbonates al¬ calins, qui saturent l’acidité du sol et qui s’opposent dès lors à la dissolution des phosphates.

11 n’est pas besoin que le carbonate agissant soit à base de potasse, pour produire cet effet. Le carbonate de chaux a la même influence, car si l’on traite, par une solution aqueuse d’acide carbonique, la charrée, les coprolithes ou le noir animal, le carbonate de chaux se dissout toujours en proportion 10, 15 et même 25 fois plus forte que celle du phosphate de chaux entraîné.

Lors donc que les acides du sol seront en présence de ces deux sels calcaires, ils choisiront d’abord le carbonate; d’où la nécessité de ne pas associer trop libéralement ce composé au phosphate de même nature, si l’on ne veut pas retarder l’action de celui-ci sur la végétation.

Ce n’est pas à dire que le carbonate de chaux, isolément consi¬ déré, soit un agent inerte, dont l’agriculture ne puisse tirer aucun parti. L’usage de la tangue, antérieur au xne siècle et plus répandu que jamais à l’heure actuelle, protesterait au besoin contre une sem¬ blable exagération. Loin de méconnaître son utilité, Bobierre saisit volontiers l’occasion de la défendre. Une société , dite Compagnie des Tan gui ères, s’était formée en Normandie et sollicitait de toute part des expériences multipliées sur l’action de la tangue. Notre con¬ citoyen se fait, à Nantes, l’avocat convaincu de cet amendement et il détermine sans peine la Société académique de la Loire-Inférieure à former une commission, chargée d’en étudier l’effet sur les cul¬ tures du département et surtout sur les bruyères.

Mais l’auxiliaire par excellence du défrichement en Bretagne, c’est le noir animal ; Bobierre s’épuise à le dire et les essais entrepris sont une éclatante démonstration de cette vérité. Lorsqu’on jette les yeux sur la carte de la Loire-Inférieure en 1818, on voit les deux arrondissements de Châteaubriant et de Savenay, plus une partie de celui d’Ancenis, couverts d’immenses landes, susceptibles, je le veux bien, de transporter d’aise l’âme d’un poète, mais qu’à coup sur un agronome eût envisagées d’un œil attristé. Vouloir, à cette époque, défricher une pareille surface de terrain aurait semblé une chimère,

158

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

presque une extravagance. Et pourtant, cette extravagance a été commise ; contre toute probabilité elle a réussi. En 1853, les bruyères ont à peu près disparu; à leur place on trouve d’opulentes cultures, sillonnées de routes nombreuses et parsemées de villages et de bourgs florissants, dont l’aspect respire l’aisance et la prospérité.

L’agent matériel de cette merveilleuse et rapide métamorphose a été, sans doute, le noir animal. Mais pour ébranler les incrédules et entraîner les indécis, il a fallu l’active intervention du savant, prodi¬ guant sans relâche les publications et les conseils et démontrant, par les résultats obtenus de leur application, la valeur de ses déductions théoriques.

On comprendra sans peine, maintenant, pourquoi Bobierre a voulu consacrer un volume spécial à l’étude du noir animal, envisagé sous tous les points de vue intéressant l’agriculture. Dans ce volume, on trouve réunis tous les documents concernant la composition et l’ana- lyse des noirs de diverses provenances, leur commerce et les fraudes dont ils peuvent être l’objet, puis un tableau saisissant des bénéfices que l’agriculture obtient de son emploi rationnellement conduit.

A cette date, le crédit du noir animal était à son apogée. Mais déjà se dressait près de lui un rival qui, sans atténuer l’importance de ses services, devait promptement arriver à partager avec lui la faveur des agriculteurs. D’intéressantes communications de M. Demolon avaient attiré l’attention de l’Académie des sciences sur la valeur agricole des phosphates fossiles et sur la prodigalité avec laquelle pouvait les fournir le sol de la France.

Bobierre pressentit de suite l’avenir du nouvel amendement et, quoique seul de son avis parmi les chimistes, il affirmait, dès 1856, que l’exploitation des nodules de phosphate de chaux déterminerait un prog rès agricole beaucoup plus important que celui qui était récem¬ ment résulté de la découverte du guano des îles péruviennes.

Pour pouvoir soutenir son opinion, preuves en main, il institua des expériences de culture, dont les résultats furent entièrement conformes à ses théories. Les nodules se montrèrent très actifs sur la végétation, surtout en présence des produits organiques azotés, et Bobierre formula hardiment les propositions suivantes, à l’expression desquelles le temps n’a rien changé :

PIERRE-ADOLPHE ROBIERRE.

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Les nodules de phosphate de chaux des Ardennes, réduits en poudre fine et exposés quelques mois à l’air, sont assimilables par les végétaux ;

Leur action favorable dans les sols granitiques et schisteux, dans les défrichements des landes et bruyères, peut être variable, selon qu’on les emploie seuls ou associés à des substances orga¬ niques ;

Ainsi que cela se remarque dans l’emploi des phosphates du noir animal, il y a convenance tantôt à associer des substances orga¬ niques aux nodules, pour fertiliser les terres pauvres en agents dissolvants ; tantôt, au contraire, à les employer seuls dans les défri¬ chements abondent les détritus végétaux;

L’addition du sang aux nodules en poudre fine donne des ré¬ sultats excellents, au triple point de vue du rendement en grain, de la vigueur de la paille et de la précocité ;

Il n’y aura probablement lieu d’employer l’action des acides, pour favoriser l’assimilation des nodules, que dans les terres ou les cultures pour lesquelles le superphosphate est actuellement reconnu utile par les agriculteurs. Dans tous les cas, au contraire, le noir d’os en grains est rapidement dissous, les nodules en poudre fine seront eux-mêmes assimilés.

Pour expliquer cette action inattendue, Bobierre avait soumis les phosphates fossiles à l’action d’eau chargée d’acide carbonique et il avait constaté que tous se dissolvent en proportion notable, dans un temps très court. L’expérience était concluante pour l’agriculture, car le sol est un véritable condensateur d’acide carbonique, en même temps qu’un réservoir d’humidité. Il doit donc agir exacte¬ ment comme la solution d’acide carbonique et même plus énergi¬ quement, parce qu’il contient d’autres agents susceptibles d’opérer dans le même sens que celui-ci.

Ces faits et bien d’autres que je suis obligé de passer sous silence fournirent à Bobierre le programme d’une série de leçons remar¬ quées, professées à l’École des sciences et des lettres et publiées en 1858. L’enseignement qui s’en dégageait fut d’abord accueilli avec une défiance excusable. Mais telle était l’évidence des résultats pra¬ tiques, obtenus par ceux qui avaient eu confiance en la parole du

160

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

maître, que moins de quatre années suffirent à effectuer dans les "esprits une révolution complète. D importants défrichements avaient affirmé la puissance fertilisante des nodules et convaincu les plus obstinés. Aussi, lorsqu’il réimprima ses conférences sur le phosphate de chaux, en 1861, Bobierre eut-il la vive satisfaction d’y consigner l’accomplissement de ses prophéties et de constater l’ardeur de la spéculation à la recherche des gisements de phosphates fossiles.

La nature même de ces leçons fait qu’elles ne se prêtent pas à l’a¬ nalyse. Il fauües lire ; nulle page de l’histoire de l’agriculture n’est plus attachante.

Elles furent reproduites, deux ans plus tard, dans un ouvrage plus considérable, dans les circonstances que voici :

Lorsque Bobierre vint à Nantes, son étonnement fut grand de trouver une cité aussi importante dépourvue de tout enseignement scientifique supérieur. Poussé par le désir de vulgarisation des dé¬ couvertes utiles, qui a été l’un des besoins de toute sa vie, il demanda l’autorisation d’ouvrir un cours public de chimie, sous les auspices de l’administration. L’autorisation lui fut gracieusement accordée par le maire, M. E. Golombel, mais la sanction du conseil municipal se fit désirer deux ans.

Pendant ce délai, il avait déjà gagné toutes les sympathies. Per¬ sonne n’avait mieux que lui, du reste, les qualités qui assurent le succès de l’enseignement oral et je puis dire, pour en avoir été té¬ moin, avec quel empressement soutenu on envahissait la salle se faisait entendre la parole élégante et instructive du jeune profes¬ seur.

Bobierre nous a conservé cette primeur de sa vie enseignante, dans un petit livre destiné, dit-il, à servir d’introduction aux traités abstraits et rédigé de manière à inspirer à ses lecteurs la tentation irrésistible d’approfondir une science présentée sous d’aussi at¬ trayantes perspectives.

Le plan de cet ouvrage ne pouvait longtemps suffire au cours mu¬ nicipal de chimie. La marche ascendante du commerce et de l’indus¬ trie dans la ville conduisit assez vite Bobierre à développer plus spécialement les questions en rapport avec les besoins de ses audi¬ teurs, dont le nombre grandissait tous les jours. Il n’eut qu’à s’applau-

PIERRE-ADOLPHE BOBIERRE.

161

dir de ce changement, et lorsqu’on 1855, il transporta sa chaire dans cette École des sciences et des lettres qu’il avait tant contribué à faire obtenir à la ville et qu’il devait diriger, onze ans plus tard, d’une main à la fois si sûre et si paternelle, l’amphithéâtre affecté à son cours fut souvent trop étroit pour contenir la foule avide de l’écouter.

Rien d’étonnant, dès lors, de voir ses disciples fervents lui deman¬ der, comme un service, la publication de son enseignement techni¬ que. Bobierre résista d’abord, puis il céda au renouvellement de leurs instances et il réunit dans un ouvrage intitulé : U Atmosphère, le sol et les engrais, une partie des mémoires qu’il avait écrits et des leçons qu’il avait professées sur divers sujets de chimie agricole.

L’utilité de ce livre ressort avec évidence des circonstances qui l’ont fait naître et de la rapidité avec laquelle deux éditions se succé¬ dèrent.

Dans l’intervalle de ces deux réimpressions, Bobierre, qui ne per¬ dait pas de vue ses obligations de directeur du laboratoire départe¬ mental, fit une étude comparée des méthodes appliquées à l’ana¬ lyse des engrais phosphatés. Deux procédés servaient alors et servent encore, en Bretagne, à doser l’acide phosphorique : l’un exact, minu¬ tieux, consistant à engager l’acide dans une combinaison ammoniaco- magnésienne insoluble ; l’autre plus court, réduit à la précipitation, par l’ammoniaque, de la solution de l’engrais dans l’acide nitrique.

Ce dernier moyen, dit analyse commerciale, d’exécution très sim¬ ple et très rapide, est par malheur marqué d’une double tache. D’une part, il ne donne de résultats comparables, entre les mains diffé¬ rentes, que s’il est exécuté avec des précautions particulières. En second lieu, et c’est son défaut le plus grave, il fait enregistrer, comme phosphate de chaux, des oxydes métalliques dont la valeur agricole est nulle ou très faible.

Bobierre démontre, par des chiffres nombreux, que ce double vice est maximum lorsque fessai porte sur un phosphate fossile. La mé¬ thode commerciale est donc inapplicable à ces phosphates, mais il admet qu’elle peut être conservée pour l’analyse des produits osseux, dont il pense qu’elle surélève peu le litre réel.

C’eût été se faire illusion que de penser que les extracteurs et les

162

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

marchands de nodules accepteraient la condamnation ainsi pronon¬ cée et renonceraient à baser leurs marchés sur un procédé analyti¬ que si favorable à leurs intérêts. Bobierre n’espéra point un si heu¬ reux résultat, mais il s’attacha à faire pénétrer peu à peu la vérité dans tous les esprits, par ses conseils de chaque jour. Dans le but de donner plus de poids à sa parole, il inséra même, dans les Annales agronomiques, un deuxième mémoire il établit, à nouveau, que les conditions au ^milieu desquelles on pratique l’analyse commer¬ ciale conduisent à des résultats notablement éloignés les uns des autres, et que l’écart, entre le titre vrai d’un nodule et son titre commercial, peut atteindre jusqu’au chiffre énorme de 9 p. 100.

Le noir animal et les coprolithes n’ont pas eu seuls le privilège de captiver l’attention de Bobierre. Presque toutes les matières fer¬ tilisantes ont été, de sa part, l’objet d’études plus ou moins éten¬ dues. Parmi ces matières, le guano tient un rang élevé, tant par l'énergie de ses effets que par la progression continue de son importation. Il devait, par conséquent, donner lieu, plus que d’au¬ tres, à d’intéressantes observations, dont on retrouve en effet des traces nombreuses dans les rapports annuels que Bobierre adressait au conseil général et dans ses communications aux sociétés savantes. De ces études, je relèverai seulement la suivante :

Le guano exposé à l’air s’appauvrit graduellement en ammonia¬ que ; c’est un fait accepté. La même déperdition a-t-elle également lieu dans le sol fouillé par la charrue ? est le point que Bobierre a voulu élucider. Il est plein d’intérêt, car si le sol n’est pas meilleur gardien que l’air de la richesse en azote du guano, il y a lieu de chercher à augmenter son pouvoir absorbant ou d’y suppléer d’une manière indirecte.

Pour résoudre le problème, Bobierre fait passer un courant d’air prolongé sur du guano pur et sur du guano mélangé soit de terre, soit d’un corps poreux, tel que le noir animal ou la tourbe. L’ana¬ lyse de l’air qui a traversé l’appareil disposé pour les expériences lui permet d’affirmer :

Que la déperdition en azote du guano péruvien, dont l’impor¬ tance est réelle sous l’influence des transports et de l’emmagasinage, devient insignifiante à la température ordinaire, si l’engrais est

PIERRE-ADOLPHE BOBIERRE. 163

additionné d’une suffisante quantité de non* animal fin (15 à 20

p. 100);

Que des terres arables, alors même qu’elles ne renferment que des traces de matières organiques, fixent énergiquement l’ammonia¬ que du guano, à la température de plus de 15 degrés ;

Que le pouvoir fixateur du sable siliceux est nul;

Que la terre ordinaire condense et relient fortement l’ammo¬ niaque du guano, alors même que cet engrais subit la décomposition que détermine dans sa masse faction de la chaux vive très di¬ visée ;

Qu’avec de la tourbe, la fixation de l’ammoniaque ainsi dégagée se fait d’une manière absolue ;

Qu’en raison même de ces observations, le traitement dispen¬ dieux du guano péruvien par l’acide sulfurique, traitement qui em¬ pêche évidemment toute perte d’azote pendant les transports et l’em¬ magasinage de l’engrais, n’a pas d’utilité pour l’agriculture1.

Je n’abandonnerai pas le sillon tracé par Bobier re dans le domaine de la chimie agricole, sans parler encore des recherches qu’il entre¬ prit pour apprécier l’influence des matériaux d’un sol, sur la compo¬ sition élémentaire des végétaux qui le recouvrent.

Les exemples choisis par lui étaient principalement une lande in¬ culte, d’une part, et de l’autre, une lande fumée et chaulée depuis trente ans à l’École d’agriculture de Grand-Jouan. Les mêmes plan¬ tes, cueillies dans ces deux terrains et dans quelques autres lieux, et soumises à l’examen chimique, offrirent constamment des différences de composition en harmonie avec la nature des terrains sur lesquels elles s’étaient développées.

La connaissance de cette dernière peut donc permettre de préju¬ ger de la prédominance de tel ou tel élément chimique dans les cellules des végétaux, et réciproquement. D’où résulte cette consé¬ quence intéressante, mais impossible à généraliser d’une manière absolue, que pour décider des amendements à fournir à un sol dé-

1. La loyauté scientifique de Bobierre éclate dans cette dernière conclusion, car dans un travail antérieur il s’était prononcé en faveur de la fabrication du guano dissous par l’acide sulfurique, en vue de conserver à ce produit son titre primitif en azote.

164

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

terminé, on pourrait étudier presque indifféremment le sol lui-même ou ses productions.

En même temps qu’il éclairait les agriculteurs par ses écrits, Bobierre' s’ingéniait à mettre à leur portée les opérations chimiques nécessaires à l’estimation des engrais. Ce fut cette pensée qui lui inspira la construction d’un petit appareil destiné au dosage rapide de l'azote.

L’ammonimètre, ainsi se nomme cet appareil, est très simple, commode à manier et d’un transport facile. Il eut l’approbation des hommes compétents et l’on peut dire que son règne n’est pas ter¬ miné.

Je bornerai l’exposé de l’œuvre agricole de Bobierre, bien que je n’aie pu toucher que ses points essentiels. Pour le présenter d’une manière complète, il faudrait y rattacher les nombreuses notes pra¬ tiques qu’il a disséminées partout il les croyait le plus utiles: les leçons inédites professées à l’École normale de Savenay, à partir de 1873, et à l’École des sciences ; les "discours éloquents et persuasifs prononcés au Comice agricole de la Loire-Inférieure, qu’il présidait avec tant d’autorité depuis 1874; enfin, tout ce qui, dans les réu¬ nions publiques ou dans les consultations privées, revêtait le carac¬ tère d’un enseignement neuf et original.

Une pareille révision est impossible, car personne ne s’est prodi¬ gué plus que Bobierre. Je ne ferai plus qu’une remarque, c’est qu’au moment il a cessé de coopérer aux progrès de la chimie agricole, cette science était bien loin du point il l’avait trouvée, en 1846, et qu’il peut avec un légitime orgueil revendiquer une place au nombre de ses transformateurs.

Mais nous ne nous séparons pas encore du chimiste. Nous allons le retrouver en feuilletant les Annales de la Société académique et du conseil d’hygiène et de salubrité de la Loire-Inférieure, dont il

J o /

devint un des collaborateurs les plus actifs, en 1850, pour les pre¬ mières, et en 1854, pour les secondes. Suivons-le sur cette double trace.

L’étude des eaux qui arrosent une contrée est une des plus fécon¬ des en résultats, pour l’hygiène aussi bien que pour l’agriculture et pour l’industrie. Bobierre ne l’ignorait pas, et ses débuts, à Nantes,

PIERRE-ADOLPHE BOBIERRE. 165

ont été marqués par un important travail en commun avec M. Moride, sur les rivières et les fleuves qui sillonnent la Loire-Inférieure. -

Ce travail embrasse l’étude des douze principaux cours d’eau du dé¬ partement1. Chacun d’eux est analysé avec soin, au point de vue des gaz et des substances minérales qu'il tient en dissolution ; souvent même sa composition chimique a été établie en plusieurs points de son parcours.

A côté de ce renseignement fondamental, on trouve de précieuses données sur la nature des terrains traversés par ces cours d’eau, sur leur navigabilité, sur les industries auxquelles ils sont favora¬ bles, etc. J’en extrais les détails suivants, qui ressortissent à l’hy¬ giène.

L’eau de la Loire est celle qui a toujours exclusivement servi à l’alimentation, à Nantes. Or, en 1846 et même bien plus tard, elle n’était dispensée aux consommateurs que par deux établissements, dans lesquels on employait le dangereux procédé de clarification par l’alun. Pour tout réservoir, ces deux établissements avaient six cuves, de la contenance de 34 barriques chacune et dans lesquelles on laissait reposer le liquide pendant 24 heures.

Quel minime cube d’eau pour une ville de 100,000 habitants ! Ab¬ solument insuffisant pour les usages alimentaires, il ne pouvait rien fournir à l’entretien de la voie publique, d’ailleurs fort négligé à cette époque. En formulant cette critique, les auteurs la font suivre d’un vœu qui en est la conséquence obligée : ils demandent à l’ad¬ ministration municipale la création de fontaines publiques, assez multipliées pour répandre abondamment, dans tous les quartiers, l’eau nécessaire à leur assainissement et aux besoins de la popu¬ lation.

Je ne saurais mieux préciser l’importance de ce long travail, qu’en disant qu'il fut intégralement inséré dans Y Annuaire des Eaux de la France et qu’il valut à MM. Moride et Bobierre un prix de l’Ins¬ titut, avec les félicitations de la savante compagnie.

Les lauréats s’étaient promis de compléter ce premier mémoire

1. La Loire, fErdre, la Sèvre, la Vilaine, le Don, le Brivet, la Moine, la Chère, la Maine, Tlsac, le Cens et la Chésine.

166

annales de la science agronomique.

par l’examen des eaux dormantes du département. Les hasards de la vie ne leur ont pas permis de tenir cet engagement d’une ma¬ nière complète, mais du moins nous ont-ils laissé une étude de va- *

leur sur quelques-unes de nos eaux ferrugineuses.

A la lumière de l’analyse chimique, ils ont prouvé que les sources de ],a Bernerie, de Préfailles, de Pornic, de la Barberie et de FÉbeau- pin contiennent assez de fer pour manifester des propriétés médi¬ cinales sérieuses.

La plus remarquable, sous ce rapport, est celle de Préfailles. Aussi Bobierre a-t-il cru devoir en reprendre l’analyse, à seize ans de dis¬ tance, à l’effet de rechercher si sa composition chimique n’avait pas varié. Il la retrouva, en 1878, exactement ce qu’elle était en 1852. Cette vérification lui servit de prétexte à redire tout le parti que la médecine pourrait tirer de cette source trop peu connue et dont le seul défaut est de couler plus près de nous que celle de Spa ou d’Orezza.

On ne pouvait pas faire autant d’éloges de la rivière d’Erdre. De puis 1825, le conseil d'hygiène ne cessait d’avertir l’administration municipale des dangers que faisait courir à la santé publique la par¬ tie de ce cours d’eau enclavée dans la ville. C’était alors une petite Tamise, infectée de longue main par la présence permanente de produits d’origine animale. Le défaut de courant provoquait, dans la saison chaude, la stagnation de ces produits éminemment pu¬ trescibles, dont la décomposition remplissait l’air d’émanations pes¬ tilentielles.

En 1858, Bobierre prend en main la cause de la salubrité, com¬ promise par l’Erdre. Pour démontrer que l’accusation portée contre la rivière n’est pas exagérée, il analyse ses eaux à différentes pro¬ fondeurs. Partout elles sont souillées et la mesure de leur altération est donnée par la proportion d’ammoniaque dont elles sont char¬ gées, proportion qui atteint le chiffre énorme de 49 milligrammes par litre dans les couches inférieures.

Le remède à ce fâcheux état de choses est ensuite indiqué. Il consiste à diriger vers la Loire les égouts qui infectent l’Erdre et à prescrire aux riverains de respecter le cours urbain de l’indolente rivière.

PIERRE-ADOLPHE BORIERRE.

167

Vers la même époque, Bobierre se livrait à de minutieuses re¬ cherches sur la composition des eaux pluviales à Nantes. Pendant de longs mois, il détermina les quantités d’ammoniaque, d’acide azotique, de matières organiques et de chlore enlevées à l’air par les eaux météoriques. 11 espérait déduire de ses observations des faits utiles à l’agriculture. Il s’aperçut promptement que le milieu dans lequel il opérait ne comportait pas l’assimilation des phéno¬ mènes constatés à ceux qui se produisent dans les campagnes. Mais l’hygiène pouvait tirer quelque profit de ses analyses.

On sait, par exemple, que dans les centres populeux, l’air est chargé de quantités souvent considérables de matières organiques azotées, dans lesquelles la science tend de plus en plus à voir les germes mystérieux des contagions. Après les impérissables décou¬ vertes de M! Pasteur et de la brillante phalange formée à son école, ce n’est pas trop s’avancer que de faire jouer à ces germes un rôle prépondérant dans l’insalubrité des villes. Les découvrir et donner la mesure de leur accumulation constitue donc un problème bien digne de préoccuper l’hygiéniste.

Ainsi pensait Bobierre ; et en cherchant le moyen de caractériser les matières organiques dans l’eau pluviale, il vit qu’elles étaient en relation constante de quantité avec l’ammoniaque dissoute. On peut donc en savoir approximativement la proportion, en dosant l’azote ammoniacal contenu dans l’eau de la pluie, ce qui simplifie notablement l’investigation chimique.

Avant de clore l’inventaire des services rendus par Bobierre en hydrologie, j’en dois mentionner un dernier. Le temps avait marché depuis le jour il réclamait pour Nantes une distribution d’eau proportionnée à son importance. Une compagnie puissante s’était chargée de satisfaire à ce besoin de première nécessité ; elle tenait aisément ses promesses relativement à la quantité, mais la qualité laissait souvent à désirer, aux époques de crues principalement.

Désireuse de mieux faire, la compagnie tenta d’utiliser comme agents de clarification naturelle les sables dont sont formées plusieurs îles de la Loire, Elle fit creuser, à 25 mètres de la berge, des puits qui se remplirent assez rapidement d’une eau, en apparence de bonne qualité, qu’on soumit néanmoins à l’appréciation de Bobierre.

12

ANN. SCIENCE AÜRON.

168

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

La précaution était sage, car l’eau, surchargée de fer et de ma¬ tières organiques, était absolument impropre aux usages alimen¬ taires. Il fallut renoncer à mettre à exécution le projet formé, les alluvions de File disponible se trouvant mêlées de débris végétaux et d’argiles ferrugineuses.

J’ai dit, en commençant, que le défaut de ressources avait empêché Bobierre de prendre ses grades universitaires au sortir du lycée Charlemagne. Je ne dois pas omettre d’ajouter qu’il combla de bonne heure cette lancune, de la manière la plus complète. Dès que, par un travail opiniâtre, il eut acquis à Nantes une position lui garantissant l’avenir, il songea à la conquête des titres qui rendent possibles toutes les nobles ambitions. Les aptitudes variées d’une intelligence cultivée sans interruption lui rendirent la tâche facile. Il fut en peu de temps bachelier, puis licencié ès sciences physiques. Pour cou¬ ronner l’édifice, il restait à préparer une thèse de doctorat ès sciences, et Bobierre n’avait que l’embarras du choix.

Le sujet sur lequel tombèrent ses préférences fut l’altération qu’éprouvent, à la mer, les doublages de navires, en cuivre, en bronze et en laiton. Sans parler de l’attrait scientifiqne de la ques¬ tion, elle offrait un intérêt de premier ordre, dans un port maritime animé d’un grand mouvement commercial.

Les doublages en cuivre étaient déjà employés au xvnre siècle ; mais leur règne ne fut pas de bien longue durée. La qualité essen¬ tielle d’un doublage est bien moins dans sa résistance absolue à Fac¬ tion corrosive de l’eau de mer, que dans l’uniformité de son altéra¬ tion. Or, le cuivre très pur, seul, est susceptible de cette égale dégradation. Pour peu qu’il contienne des métaux étrangers, la mer le ronge d’une façon irrégulière et qui devient impossible à prévoir, d’après les indications de l’analyse chimique.

L'obligation onéreuse de n’admettre à cette fabrication que du cuivre très pur et le désavantage de l’usure rapide de ce métal, firent naître l’idée d’appliquer.les principes de Davy, sur la préser¬ vation d’un métal négatif par un métal positif. On proposa le bronze riche de 6 p. 100 d’étain, dont la cohésion considérable assurait la durée. Mais cette cohésion, utile à l’armateur, avait pour l’industriel l’inconvénient de rendre très pénible le laminage du bronze. La

PIERRE- ADOLPHE BOBIERRE.

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conséquence de cette difficulté fut la substitution fréquente, et rui¬ neuse pour le commerce, d’alliages pauvres à l’alliage type.

Bobierre eut, à diverses reprises, l’occasion de constater cette tromperie ; il en profita pour étudier sous plusieurs aspects l’inté¬ ressante question des doublages en bronze. Il reconnut, après de longues recherches, que le minimum d’étain capable d’assurer la résistance de l’alliage, à la mer, était de 5 p. 100.

L’abaissement de ce titre à 4 et, à plus forte raison, à 3 p. 100, communique aux lames métalliques un double défaut. Tout d’abord, ces lames sont plus rapidement corrodées. En outre, la répartition de l’étain dans l’alliage devient d’autant plus inégale que sa propor¬ tion est plus faible ; il en résulte une usure capricieuse, qui compro¬ met rapidement l’efficacité de la protection chez lui.

La détermination du titre d’un bronze donnera donc à l’armateur une présomption fondée de sa conservation. Mais, quelque satisfai¬ sant que soit ce titre, il ne fera pas que le doublage en bronze vaille le doublage en cuivre, au point de vue de la marche du navire. Celui-ci se nettoie de lui-même, au frottement de Fonde, tandis que le premier se recouvre d’une croûte adhésive, sur laquelle coquilles et végétaux marins font bientôt élection de domicile permanent.

Du moment le bronze n’avait pas sur le cuivre toutes les supé¬ riorités, il était logique de le remplacer par un alliage moins coû¬ teux, et l’usage se généralisa de couvrir les carènes avec des feuilles de laiton.

Ce dernier produit offre moins de résistance à la mer que le bronze et le cuivre; cependant, quand il est de bonne nature, il fournit encore des résultats avantageux. Les travaux de Bobierre, sur ce point, ont eu précisément pour objet de déterminer les con¬ ditions qui doivent présider au choix du laiton à doublage.

Ses expériences l’ont conduit à proscrire d’une manière absolue l’alliage laminé à chaud, qui devient rapidement poreux par immer¬ sion dans la mer, en perdant tout le zinc dont il est chargé. Il est alors si friable, que le moindre choc le réduit en poudre. Au con¬ traire, l’alliage écrasé à froid reste dense, homogène et moins atta¬ quable à l’eau salée. C’est donc ce dernier qu’il faut employer exclu¬ sivement et, pour être sûr qu’il a été préparé dans les conditions

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ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

voulues, il suffira d’en rechercher la composition chimique. Tout alliage riche à plus de 34 centièmes de zinc aura été passé au lami¬ noir à une haute température et devra être rejeté.

Pour cette vérificalion, Bobierre conseille une méthode analytique d’une élégante simplicité, dont le principe consiste à volatiliser le zinc, à la chaleur rouge, dans un vif courant d’hydrogène pur et desséché. L’exactitude des résultats obtenus est des plus rigoureuses.

Les faits intéressants que je viens de résumer, réunis à quelques- unes des observations de chimie agricole déjà décrites, composèrent la thèse présentée par Bobierre à la Faculté des sciences de Paris et qui lui mérita le titre de docteur ès sciences.

Il n’avait pas la prétention d’avoir épuisé le sujet principal de cette thèse. Il s’avouait, en particulier, que l’analyse chimique ne garantissait pas assez l’homogénéité du laiton, base fondamentale de la prévision de sa durée à la mer.

Il eut alors la pensée d’attaquer l’alliage par un courant électrique dans un bain saturé de sulfate de cuivre. Douze à quinze heures suf¬ fisaient pour marquer d’une manière nette l’action du courant, par¬ tant le degré d’homogénéité du laiton. Cette épreuve n’a toutefois de valeur absolue qu’autant que l’alliage est exempt d’arsenic, dont la présence aurait faussé le sens du résultat. La conclusion de ce nou¬ veau mémoire est donc que l’essai chimique et l’essai électrique se complètent l’un l’autre et qu’ils doivent être consultés simultané¬ ment, si l’on veut se mettre à l’abri de toute fausse interprétation.

Je ne puis, à mon regret, suivre Bobierre pas à pas dans les com¬ munications incessantes qu’il faisait à l’Académie des sciences ou au conseil d’hygiène et à la Société académique de la Loire-Inférieure. Je ne voudrais pas cependant laisser dans l’ombre la croisade qu’il dirigea contre les industries qui emploient abusivement le plomb, au détriment de la santé publique.

Son attention fut attirée sur ce sujet par un empoisonnement grave, dont une famille tout entière se trouva victime au même ins¬ tant. Le mal coïncidait d’une manière si frappante avec le renouvel¬ lement de l’étamage de la batterie de cuisine, que les soupçons se portèrent aussitôt de ce côté. Bobierre fut chargé de l’examen des vaisseaux suspects.

PIERRE-ADOLPHE BOBIERRE .

171

L’analyse ayant révélé la présence d’une forte proportion de plomb et celle d’un autre métal, qui n’avait pu être suffisamment caracté¬ risé, Bobierre préleva de nombreux échantillons d’étain soi-disant pur, chez les étameurs de la ville, et il y découvrit d’énormes quan¬ tités de zinc et de plomb. Les propriétés vénéneuses bien connues de ces deux métaux expliquaient surabondamment les accidents ob¬ servés et la généralisation de l’étamage à l’étain impur appelait une répression énergique.

Déjà la prélecture de police de la Seine et l’administration supé¬ rieure de la marine s’étaient prononcées contre l’étamage fait avec de l’alliage contenant plus de 10 p. 100 de plomb. Cette tolérance était trop forte encore ; Bobierre insiste sur la nécessité de n’em¬ ployer que de l’étain fin, aucune économie n’étant plus mal comprise que celle qui réduit de quelques centimes le prix d’une opération la santé publique est si gravement engagée.

Son opinion, partagée par le conseil d’hygiène et de salubrité de la Loire-Inférieure tout entier, ne fut admise par l’autorité que bien plus tard. En attendant que la loi garantisse les populations contre les pratiques des étameurs, Bobierre leur donne le moyen de se protéger elles-mêmes. Quelques gouttes d’acide acétique dilué, maintenues dans un vase étamé pendant dix minutes et additionnées d’un peu d’iodure de potassium dissous, se troublent en prenant une belle couleur jaune, si l’étamage est plombifère. L’épreuve est simple, non moins fidèle, et devrait être souvent pratiquée par toutes les femmes de ménage.

L’habitude de faire servir le plomb à la conduite des eaux, dans les habitations et dans les villes, s’est perpétuée depuis les Romains jusqu’à notre époque. La plupart du temps cette coutume paraît inoffensive, mais il n’en est pas constamment ainsi. Plus d’un exem¬ ple a prouvé qu’elle n’est pas toujours sans danger, témoin celui qui est rapporté par Bobierre.

Il s’agit ici d’un empoisonnement confirmé, dont la cause était un tuyau de plomb servant à la distribution de l’eau employée à l’a¬ limentation. La constatation du métal vénéneux dans l’eau était chose facile, mais elle n’éclairait en rien le mécanisme de l’altération du tuyau. Bobierre voulut se rendre compte de ce mécanisme. Il dis-

172

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

posa d’ingénieuses expériences, à la suite desquelles il annonça que, ni l’eau la plus pure, ni l’eau séléniteuse ne respectent le plomb, au contact de l’air, tandis que l’eau distillée même, la plus dissolvante de toutes dans ces conditions, ne l’attaque plus si l’air n’a pas accès

dans l’intérieur du conduit.

*

On peut donc préciser les limites de la préservation, en disant que dans les tuyaux de plomb agissant sous charge et par suite constam¬ ment pleins de liquide, l’eau potable n’altère pas sensiblement le métal. D'où la conclusion pratique que, dans la pose des conduites de plomb, il est de toute prudence d’éviter de produire des flexuo¬ sités, l’air séjôurnant obstinément engendrerait l’oxydation de la surface interne et dès lors la souillure de l’eau.

Bobierre eut encore une fois à s’occuper du plomb, et ce fut l’un de ses derniers efforts. Depuis peu d’années, l’industrie des boîtes de conserves avait adopté de placer, à l’intérieur de la boîte, la sou¬ dure qui, jusque-là, s’était faite extérieurement. Le danger de ce changement était de mettre en contact avec les aliments conservés, par conséquent avec des solutions salines ou acides, des soudures plombifères dont la surface était parfois considérable. Dans une boîte de conserve de bœuf, la soudure ne mesurait pas moins de 50 centimètres carrés et contenait 45 p. 100 de plomb.

L’attaque du plomb, dans ces circonstances, n’était pas une sim¬ ple hypothèse. Un industriel avait soumis à l’examen de Bobierre un agrégat salin, du poids de 316 milligrammes, recueilli dans une boîte de conserves et dont la nature était plombique. C’était plus qu’il n’en fallait pour condamner l’innovation, et le conseil d’hygiène de la Loire-Inférieure s’empressa de mettre sous les yeux de l’admi¬ nistration le travail de Bobierre.

La publication de cette note eut un effet salutaire. Elle provoqua, du comité consultatif d’hygiène publique de France, une délibéra¬ tion conforme, à la suite de laquelle le ministre du commerce inter¬ dit complètement l’usage des soudures intérieures.

Cet arrêt, qui troublait soudainement et profondément les habitu¬ des prises, souleva de vives protestations, mais le ministre, soutenu par le comité consultatif, crut devoir maintenir sa décision.

Pendant qu’on imposait cette gène réelle à la fabrication fran-

PIERRE-ADOLPH K RORIERRE.

173

çaise, les conserves australiennes, entachées clu même défaut, péné¬ traient librement sur nos marchés. C’était un déni de justice, on plutôt un manque d’attention. Il appartenait à celui qui avait sollicité le retour à l’ancien usage, de signaler l’inégalité des exigences im¬ posées au commerce national et au commerce étranger. Bobierre n’y manqua pas et sa parole fut, une fois de plus, favorablement écoutée.

Je viens d’esquisser à grands traits sa vie scientifique ; mais Bo¬ bierre n’était pas seulement un chimiste : comme son illustre maître, M. Dumas, c’était aussi un penseur et un lettré. Il avait cultivé avec passion la littérature française et la littérature espagnole, qu’il aimait presque à l’égal de la première.

Pour apprécier l’élégance de sa plume, il n’est pas besoin de par¬ courir les éloges de Colombel et de Fouré, ni les discours prononcés aux diverses époques de sa vie publique. Il n’y a qu’à ouvrir, au ha¬ sard, le recueil de ses travaux de laboratoire, car il ne connaissait pas le laisser-aller. Il apportait le même soin à la rédaction d’un mo¬ deste rapport qu'à celle d’une page purement littéraire, et ce n’est, pas diminuer son mérite, que d’attribuer au charme du style une part du succès de ses ouvrages.

Mais si nous voulons connaître l’élévation de ses sentiments, reli¬ sons les pages attachantes auxquelles il a confié ses pensées

intimes.

La Société académique de la Loire-Inférieure l’a chargé de diri¬ ger ses travaux en 1856, puis en 1865.

Son premier discours présidentiel avait pour sujet le Génie scien¬ tifique. Nulle thèse ne convenait mieux au savant qui devait tout à l’étude et dont les connaissances étaient si variées. Aussi, quelle chaleur communicative lorsque, déroulant les annales de la science, il fait d’une voix émue le dénombrement des bienfaiteurs de l’hu¬ manité marqués du sceau du génie. Loin de trahir de secrètes pré¬ férences pour telle ou telle science, ainsi qu’il arrive aux natures incomplètes, Bobierre acclame toutes les manifestations de l’intelli¬ gence. 11 ne veut pas non plus que l’on éloigne les lettres des sciences, dans la synthèse du génie scientifique.

« Il serait, dit-il, aussi difficile de séparer les lettres des sciences,

174

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

« que le culte de la poésie de l’observation de la nature, et il est « plus digne des esprits élevés de confondre ces deux aspects du « génie humain dans la même unité philosophique, que de s’ingénier « laborieusement à leur tracer des routes opposées l’une à l’autre... * « Compris dans sa véritable acception, le génie scientifique se (( confond d’une manière tellement naturelle, tellement intime, tel- « lement nécessaire avec les lettres, qu’il devient impossible de l’en « séparer désormais...

« Unissons donc, dans une même pensée, le savant qui épelle un « brin d'herbe ou calcule les révolutions des astres, et le littérateur « qui traduit ces merveilles en langage humain. A chacun sa gloire; « mais à tous deux la mission de s’opposer à l’abaissement des es¬ te prits, en les maintenant dans ces régions sereines germent les « hautes pensées, les nobles vœux et les sentiments désintéressés. »

A son second avènement à la présidence de la Société académique, Bobierre aborde un sujet plus élevé encore : Y Idéal. Il peut nous convier à ces nobles aspirations, celui dont toute la vie a été une éloquente réfutation des doctrines qui placent le bonheur de l’homme dans la satisfaction de vulgaires jouissances. Certes, il est de son temps; mais il ne professe pas le mépris systématique du passé, et, vovant monter le flot menaçant des convoitises malsaines, son cœur

O o *

s’émeut, il craint de voir sombrer la gloire de la France dans la mer des appétits grossiers :

« Ab ! si la démocratie, dit-il, ne devait conduire qu’au dédain du « beau et à l’estime exclusive de l’utile, si l’ardente volonté de ser- « vir la France moderne était incompatible avec la piété des souve- (( nirs et le culte de ces idées élevées, de ces aimables manières qui « faisaient autrefois reconnaître un Français dans toutes les contrées

« sur l’humanité dont elle caractérise l’évolution.

« Mais, hâtons-nous de le dire, de tels destins ne seront pas les « nôtres... L’enthousiasme pour l’humanité, cette divine expression (( d’une confiance et d’un espoir noblement incorrigibles, tu le res¬ te sentiras toujours, ô mon pays! A l’ombre de tes drapeaux, sous la « plume de tes poètes et de tes historiens, dans les laboratoires de (.< tes savants triomphera le culte de l’idéal ; et dans les profondes

PIERRE-ADOLPHE BORIERRE.

175

« perspectives de ton avenir, j’entrevois, je veux entrevoir au milieu « des événements qui parlent, qui se précipitent impérieux et dé¬ fi chaînés, le niveau de l’éducation s’élevant avec celui de la démo- « crat.ie, la notion des devoirs dominant la connaissance des droits; « l’homme, enfin, trouvant dans son cœur ce que l’arithmétique so- « ciale prétend en vain lui donner, et rachetant par la grandeur de « sa pensée toutes les misères de son existence matérielle.

« Et si cette croyance n’était qu’un décevant mirage, si elle devait « se borner à passionner l’homme, en lui faisant voir les choses plus « grandes que nature, si, égarant sa pensée dans le vide, elle n’avait « pour effet que de l’empêcher de ramper sur la terre, j’ose dire qu’il « faudrait encore la bénir et la propager, car on se fatigue, à la fi longue, d’expérimenter sur des intérêts, et il est bon de rêver fi pour s’en distraire. Seule, la recherche de l’idéal répond à ce be- « soin de l’âme et de l’esprit, suscite les penseurs éminents et les fi artistes dignes de ce nom : seule, elle convie les sociétés à s’enivrer fi aux sources débordées de la belle littérature et de la haute science.»

J’ai cherché à mettre en relief les traits saillants de sa vie; mais je dois renoncer à dire toute l’étendue du labeur accompli par son étonnante activité.

La ville de Nantes lui doit beaucoup : il y a créé un cours de chi¬ mie, qui fut l’embryon de cette école des sciences et des lettres, au¬ jourd’hui si prospère et si appréciée ; il lui a prêté le concours de son dévouement éclairé au conseil de perfectionnement du lycée, au conseil d’hygiène et de salubrité, à la commission des logements in¬ salubres, à la commission d’inspection des pharmacies et partout l’on fit appel à ses lumières, à son inépuisable bonne volonté.

Mais l’agriculture lui doit plus encore et ne lui sera jamais assez reconnaissante des luttes qu’il a soutenues pour sa cause et des veilles qu’il s’est imposées pour sa prospérité. Il lui a consacré les plus belles années de son existence; elle avait toutes ses prédilec¬ tions, elle ne manquera pas d’inscrire son nom parmi ceux de ses bienfaiteurs.

Tant d’œuvres utiles, tant de zèle pour la chose publique ne pou¬ vaient rester sans récompense. Le comité des travaux .historiques et des sociétés savantes, plusieurs sociétés départementales d’agriculture

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ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

et l’Académie des sciences de Madrid, se sont empressés de bonne heure de s’attacher Bobierre, en qualité de membre correspondant.

Ses travaux ont été couronnés tour à tour par l’Institut, par les Sociétés d’agriculture, par le conseil central d’hygiène publique de TT ’ance. Et sur sa poitrine brillaient, à côté des plus hautes distinc¬ tions honorifiques de l’Espagne, les palmes d’officier de l’instruction publique et les insignes de la Légion d’honneur.

Il a été frappé dans l’accomplissement des devoirs que lui faisait sa position de directeur du laboratoire départemental de chimie agricole de la Loire-Inférieure. On crut, au premier moment, à une indisposition légère; mais bientôt le mal prit un caractère alarmant, et quelques semaines suffirent à briser son frêle organisme.

La mort de Bobierre laisse à Nantes un vide qui sera difficilement comblé, car depuis plus de trente ans, il tenait une grande place dans les institutions de la ville et dans l’affection de ses concitovens.

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Nature sympathique et charmante, pleine d’entrain et d’une exquise délicatesse, il gagnait sans effort tous ceux qui l’approchaient. Ses relations étaient empreintes d’une bienveillance peu commune qui en doublait le prix et dont j’aimerais à citer de touchants témoi¬ gnages. Que ne puis-je aussi pénétrer un instant dans ce foyer do¬ mestique hier si heureux, si désolé aujourd’hui, ou Bobierre était entouré d’intelligences et d’affections dignes de lui ! Mais, semblables à ces fleurs délicates qu’une trop vive clarté offense et fait se replier sur elles-mêmes, les qualités du cœur veulent être louées dans le demi-jour de l’intimité. Je me tairai donc. Qu’il me soit permis seu¬ lement de redire, comme je le faisais dernièrement au concours ré¬ gional de Nantes, combien il est regrettable qu’une si belle intelli¬ gence se soit voilée dans la plénitude de son expansion, qu’un cœur si sûr et si fidèle ait prématurément cessé de battre, pour ses amis, pour sa famille, pour son pays.

LISTE DES TRAVAUX DE A. BOBIERRE

Traité des manipulations chimiques. Paris, 1844.

De L’Air considéré sous le rapport de la salubrité. Paris, 1845.

Recherches sur la conservation des substances animales ( Comptes rendus de l'A¬ cadémie des sciences, t. 21, 1845).

PIE H RE-ADOLPHE BOBIERRE. 177

Emploi du sulfate de soude comme moyeu de prévenir la putréfaction des subs¬ tances animales ( Comptes rendus de l1 Académie des sciences, t. 2 2, 1845).

De l’Attraction universelle et de sou rôle dans les phénomènes chimiques ( Thèse pré¬ sentée et soutenue devant le jury médical des Bouches-du-Rhône. Marseille, (846).

Quelques mots sur l’impôt du sel destiné à l’industrie ( Courrier de Nantes, 1846).

Études chimiques sur les eaux de la Loire-Inférieure considérées au point de vue de l’hygiène et de l’industrie, en collaboration avec M. Moride ( Annuaire des eaux de la France).

Sur certaines circonstances relatives à la formation de la tourbe ( Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. 23, 1846).

De l’Emploi du chlorure de manganèse, résidu de la préparation du chlore ( Mo¬ niteur industriel , 1847).

Note sur un nouveau procédé propre à améliorer le blanchiment au moyen des chlorures, en absorbant les dernières traces de chlore que peuvent retenir les tissus ou les papiers blanchis, en collaboration avec M. Moride ( Comptes rendus de l’Académie des sciences , t. 25, 1847).

De l’Action chimique du chlore, dans le traitement de la phthisie pulmonaire (i Comptes rendus de V Académie des sciences, t. 26, 1847).

Recherches chimiques sur les engrais, en collaboration avec M. Moride ( Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. 26, 1847).

Technologie des engrais de l’Ouest de la France, en collaboration avec M. Moride. Paris, 1848.

De l’Intervention de l’Etat dans les industries insalubres.

Note sur une modification dans l’emploi du sang servant à clarifier les sirops, en collaboration avec M. B. Dureau ( Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. 27, 1848).

Note sur le dosage du phosphate de chaux contenu dans les engrais, en collabo¬ ration avec M. Moride [Comptes rendus de V Académie des sciences , t. 27 , 1848).

Étude sur l’ouvrage de Guizot : De la Démocratie en France ( Courrier de Nantes , 1849).

Commentaires sur la nouvelle législation des engrais promulguée par M. Gauja, préfet de la Loire-Inférieure, le 6 avril 1850. Nantes, 1850.

Rapport à M. le Ministre de l’agriculture et du commerce, sur la question des en¬ grais dans l’Ouest de la France. Nantes, 1850.

Rapport sur un système de foncement des puits, par M. Wolski ( Annales de la Société académique de la Loire-Inférieure, 1850).

Banc de goémon fossile dans le département du Finistère ( Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. 31, 1850).

Résultats de recherches relatives à la conservation des céréales, en collaboration avec M. Cartier ( Comptes rendus de V Académie des sciences, t. 31, 1850).

Sur la solubilité du phosphate de chaux dans le suerate de la même base ( Comptes rendus de l’ Académie des sciences , t. 32, 1850).

De l’Alliance Franco-Ibérique (Courrier de Nantes, 1851).

Notes sur l’influence du chlore humide dans le traitement de la glycosurie ( Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. 34, 1851).

Mémoire sur le commerce des engrais pendant l’année 1851-1852 ( Annales de la Société nationale et centrale d’ agriculture , 1852).

178

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Recherches sur l’altération des bronzes employés au doublage des navires ( Comptes rendus de l’Académie des sciences , t. 34, 1832).

Note sur la composition chimique des sources ferrugineuses de la Loire-Inférieure, en collaboration avec M. Moride. Nantes, 1832.

Leçons élémentaires de chimie appliquée aux arts, à l’industrie, à l’hygiène et à l’économie domestique, professées à la chaire municipale de Nantes. Paris, 1832.

Du Dosage du zinc contenu dans les laitons et les bronzes et de la séparation de l’oxyde de zinc de celui de cuivre ( Comptes rendus de V Académie des sciences, t. 36, 1832).

Note sur les différences observées dans l’emploi du noir animal en agriculture [Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. 35, 1852).

Note sur la composition chimique de la betterave à sucre cultivée dans les ter¬ rains alumino-siliceux de la Loire-Inférieure ( Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. ^6, 1852).

Recherches sur la composition des alliages destinés à doubler les navires ( An¬ nales de la Société académique de la Loire-Inférieure, 1853).

Rapport sur les travaux de la Société académique de Nantes et de la Loire-Infé¬ rieure, pendant l’année 1853-1854 (. Annales de la Société académique de la Loire-Inférieure, 1 854).

Le Noir animal, analyse, emploi, vente. Paris, 1856. Deuxième édition en 1860.

Notice nécrologique sur le Dr Fou ( Annales de la Société académique de la Loire- Inférieure, 1 856).

Rapport sur la production et le commerce des engrais, pendant l’exercice 1855- 1856. Nantes, 1856.

De l’Action des cendres lessivées dans les défrichements ( Comptes rendus de V Académie des sciences, t. 43 et 44, 1856).

Discours présidentiel prononcé en séance solennelle de la Société académique de la Loire-Inférieure ( Annales de la Société académique de la Loire-Inférieure , 1856).

Influence du débordement de la Loire sur la constitution chimique des eaux de ce fleuve ( Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. 43, 1856).

Note sur une substance dite guano phosphatique ( Comptes rendus de l’ Académie des sciences, t. 44, 1856).

Eloge d’Évariste Colombel ( Annales de la Société académique de la Loire-Infé¬ rieure, 1857).

De la Nécessité d’une législation répressive, en matière de transaction, sur les en¬ grais industriels ( Annales de la Société académique delà. Loire-Inférieure , 1857).

Note sur le moyen de doser rapidement l’azote du guano et des principaux en¬ grais ( Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. 45, 1857).

De l'Action des nodules de phosphate de chaux sur la végétation, dans les terres granitiques et schisteuses ( Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. 45, 1857).

Études sur quelques faits relatifs au raffinage des sucres ( Comptes rendus de l’Académie des sciences, l. 45, 1837).

Des Phénomènes électro-chimiques qui caractérisent l’altération, à la mer, des alliages employés pour doubler les navires. Observations relatives à l’agri¬ culture de l’Ouest de la France (Thèses présentées à la Faculté des sciences de Paris, le 2 août 1858, pour obtenir le grade de docteur es sciences).

PIERRE- ADOLPHE BOB1ERRE. 179

Études chimiques sur le phosphate de chaux et sou emploi en agriculture. Paris, 1859. Deuxième édition en 1 8 G 1 .

Études chimiques sur la composition des eaux du canal de Bretagne, dans la tra¬ versée de Nantes (Annales du conseil d'hygiène et de salubrité de la Loire- Inférieure, 1859).

Rapport à la Société académique de Nantes sur l'Exposition régionale de 1859 (. Annales de la Société académique de la Loire- Inférieure , 1859).

Note sur l’association des phosphates de chaux et de fer dans les nodules ex¬ ploités en France et en Angleterre ( Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. 49, 1859).

Études chimiques sur l’étamage des vases destinés aux usages alimentaires (An¬ nales du conseil d'hygiène et de salubrité de la Loire- Inférieure , 1860).

Discours prononcé en séance solennelle de rentrée de l’École préparatoire de médecine et de pharmacie et de l’École préparatoire des sciences et des lettres de Nantes, en 1861.

L’Atmosphère, le sol, les engrais. Leçons professées de 1850 à 1862, à la chaire municipale et à l’École préparatoire des sciences et des lettres de Nantes. Paris, 1863. Deuxième édition en 1872.

Note sur l’extraction et le dosage du gaz dissous dans l’eau ( Comptes rendus de V Académie clés sciences, t. 56, 1863).

Recherches sur la composition chimique de l’eau pluviale recueillie dans les villes à diverses altitudes ( Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. 58, 1864).

Discours présidentiel prononcé en séance solennelle de la Société académique de Nantes et de la Loire-Inférieure ( Annales de la Société académique de la Loire-Inférieure, 1865).

Analyse de l’eau du puits du pensionnat Saint-Stanislas (Annales du conseil d’hy¬ giène et de salubrité de la Loire-Inférieure, 1867).

Sur la fabrication de chlorure de chaux et sur la chloroméfrie (Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. 65, 1867).

Des Cendres siliceuses fournies par le pain et la farine (Annales de la Société académique de la Loire-Inférieure, 1868).

De la Composition des verres à bouteilles et de leur influence sur les vins (An¬ nales de la Société académique de la Loire-Inférieure, 1868).

Note sur le titrage de l’iode par la méthode des volumes (Annales de la Société académique de la Loire-Inférieure, 18 68).

De la Composition des têtes de sardines et de leur emploi en agriculture (. An¬ nales de la Société académique de la Loire-Inférieure, 1868).

Sur un fait remarquable de transport des métaux par l'électricité atmosphérique (Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. 67, 1868).

Sur le guano de Mejillones (Comptes rendus de V Académie des sciences, t. 66, 186S).

Sur un moyen de préjuger le mode d'altération des doublages de navires (Comptes rendus de l' Académie clés sciences , t. 66, 1868).

De la Fabrication des phosphates assimilables et de la production de la gélatine au moyen de l’acide sulfurique ( Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. 69, 1869).

Note sur l’analyse des phosphates fossiles (Annales de la Société académique de la Loire-Inférieure, 1870).

180

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Simples notions sur lâchât et l’emploi des engrais commerciaux. Paris, 1870. Deuxième édition en 1875.

Sur la composition de la chaux phosphatée, récemment exploitée dans les dépar¬ tements de Tarn-et-Garonne et du Lot ( Comptes rendus de l’Académie des

K

sciences, t. 73, 1871).

Étude chimique des eaux de la prairie d’ Amont.

Études chimiques sur la végétation des landes de Bretagne ( Annales de physique et de chimie , 1872).

Note sur un appareil appelé Clierche-Plomb ( Comptes rendus de l’Académie des sciences, t, 80, 1875).

Analyse de l’eau de la caserne de la Visitation ( Annales du conseil d’hygiène et de salubrité de la Loire-Inférieure, 1S71).

Réponse à M. Pasteur, de l’Institut ( Annales de la Société académique de la Loire- Inférieure, 1871).

De l’Altération du doublage des navires et des moyens d’en préjuger la nature ( Comptes rendus de V Académie des sciences, t. 72, 1871).

Sur les diverses conditions dans lesquelles le plomb est attaqué par l’eau ( Comptes rendus de V Académie des sciences, t. 77, 1873, et t. 78, 1874).

Détermination de la valeur agricole des phosphates ( Annales de la Société acadé¬ mique de la Loire- Inférieure, 1874).

Sur quelques alliages de cuivre et notamment sur le bronze à canons.

Observations sur les inexactitudes que peut présenter le dosage de l’azote dans l’analyse des matières azotées employées comme engrais ( Comptes rendus de V Académie des sciences, t. 80, 1875).

De l’Essai des phosphates fossiles considéré dans ses rapports avec les transac¬ tions commerciales ( Annales de la Société académique de la Loire-Inférieure, 1875).

Recherches sur la volatilisation de l’azote du guano péruvien [Annales agrono¬ miques, 1875).

Sur l’Ébullition de l’acide sulfurique ( Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. 80, 1875).

Compte rendu des travaux du laboratoire de chimie agricole de la Loire-Infé¬ rieure, 1850-1875. Paris, 1876.

Note sur le dosage de l'acide phospliorique par la méthode citro-uranique [An¬ nales agronomiques, 1877).

Étude sur les eaux ferrugineuses de la Loire-Inférieure [Annales de la Société académique de la Loire-Inférieure , 1877).

La Fuchsine dans le pain f Annales du conseil d’hygiène et de salubrité de la Loire-Inférieure, 1878).

Sur la Soudure des boites de conserves [Annales du conseil d’hygiène et de sa¬ lubrité de la Loire-Inférieure, 1879).

Note sur les boites de conserves d’Australie [Annales du conseil d’hygiène et de salubrité de la Loire-Inférieure , 1879).

Sur les Pulpes de diffusion de la sucrerie de Ghâtelaudren [Côtes-du-Nord] [An¬ nales de la Société académique de la Loire-Inférieure, 1880).

Rapport sur les conserves d’Australie [Annales cle la Société académique de la Loire-Inférieure, 1881).

BIBLIOGRAPHIE ÉTRANGÈRE 1

I. PUBLICATIONS PÉRIODIQUES

JOURNAUX ALLEMANDS

Die Landwirtschaftlichen Versuchs-Stationen. Organ fur Naturwissenschaftliche Forschungen auf dem Gebielc der Landœirlschaft , t. XXVIII et t. XXIX 1883 (Les Stations expérimentales agricoles , organe des recherches scientifiques dans le domaine de F agriculture), édité avec le con¬ cours des Stations allemandes, par le Dr F. Nobbe, professeur à l’Académie royale et directeur de la Station physiologique et de contrôle des graines de T ha r and.

TOME XXVIII

Atmosphère. Eau.

Dr À. Morgen. Détermination de l’acide carbonique dans l’air d’un silo de bette¬ raves, p. 466.

Physiologie végétale. Composition des végétaux.

Pr. Braungart. Études sur les houblons de Suède envisagés dans leurs rapports avec la géographie botanique, l’agriculture et la brasserie, p. 1-49. 1 pl. Dr H. Will. Sur l’Influence de l’hydratation et de la dessiccation successives, sur la faculté germinative des graines, p. 51-89.

Pr. A. Mayer et P. L. Van Pesch. Sur les Méthodes à appliquer dans la pratique du contrôle des graines, p. 167-178.

Pr. Nobbe. Même sujet, p. 175.

Sur la Technique du contrôle des semences. I. Détermination de la valeur des semences de betteraves, p. 283-306.

Pr. J. Kuhn. Plioma Gentianæ, nouveau champignon parasitaire, p. 455.

1T. E. Schulze. Sur la Présence de l’hypoxanthine dans les sucs de la pomme de terre, p. 111-161. '

F. Sestini et Fumaro. Sur l’Action drastique de quelques fourrages, p. 117-118. Dr A. Fumaro. Sur la Composition des fourrages italiens, p. 119-122.

Dr V. Dircks. Sur la Présence de l’acide myronique dans les huiles de cruci-

1. La bibliographie,^ pour 1884, commencera à paraître dans le prochain fascicule des Annales. Nous avons cru utile de résumer, en attendant, les titres des mémoires parus dans les principaux recueils agronomiques de l’étranger pendant l'année 1883.

(. Note de la Rédaction.)

182

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

fères et dans les tourteaux oléagineux et sur le dosage de l’essence de mou¬ tarde qui en provient, p. 179-200.

Dr C. Bühmer. Recherches sur quelques espèces de légumes au point de vue de leur teneur en principes azotés et en principes non azotés, p. 247-262.

Pr. M. Sièvert. De la Teneur en acide oxalique des pommes de terre, p. 263-270.

Baron Dael Yan Kqeth. Essais de culture de diverses sortes de betteraves, p. 4 o 1 -4 53.

Dr C. Krauch. Sur l’Action de l’eau contenant du sulfate de zinc ou du sel marin sur le sol et sur les plantes, p. 468-472.

Sol. Engrais. Essais de fumures.

Dr Loges. Sur le Dosage de l’humus dans la terre arable, p. 229-245.

Dr Paul Gisevius. Contributions à la méthode de détermination de la densité des minéraux et à la séparation mécanique des mélanges de minéraux, p. 369- 449.

M. Fleischer. Addition frauduleuse de tourbe en poudre aux engrais azotés, p. 447.

Pr. Wagner et Dr B. Stünkel. Recherches relatives à la fumure des vignes, p. 123-149.

Aliments et fourrages. Expériences d’alimentation.

.1

Dr À. Schmidt. Recherches sur le lait filant, p. 91-109.

Dr Hagemann. Contribution à la question de la conservation du beurre, p. 201- 227.

W. Fleischmann et Morgen. Sur le Lait conservé en bouteilles par le procédé de Scherff, p. 321-332.

Pr. À. Muller. Sur l’Utilisation la plus efficace du petit-lait pour la préparation de gâteaux de petit-lait, p. 456-457.

Pr. Maercker. Sur la Décomposition des pulpes de diffusion par la fermentation en tas, p. 465.

Pr. Henneberg et E. Kern. Sur la Digestion des substances azotées du foin de prairie et du foin de luzerne par la méthode de Stutzer, p. 458.

Technologie agricole.

Pr. Maercker. Sur un Appareil à dessécher les pulpes de diffusion, p. 466.

Analyse chimique.

Dr B. Schulze. Sur le Dosage de l’acide sulfurique en présence de grandes quan¬ tités de chlorures alcalins, p. 161-165.

Pr. F. Sestini. Action des halogènes sur les substances sacculmiques, p. 271- 281.

Dr E. Taüber. Contribution au dosage de l’acide phosphorique par la méthode molybdique, p. 333-341.

Dr H. Grouven. Méthode de dosage de l’azote d’une application générale, p. 343-367. (Ce mémoire a été traduit in extenso ; voir p. 75 et suiv. de ces Annales .)

BIBLIOGRAPHIE ÉTRANGÈRE. 183

Prof. J. Konig. Dosages comparatifs d’azote dans les guanos nitrates du Pérou, p. 4 G 1 -462.

Dr A. Grete. Dosage de l’azote dans le salpêtre à l’aide du xanthoginate de po¬ tasse, p. 460-461.

Sur le Dosage de l’acide pliosphorique, p. 467.

TOME XXIX

Physiologie végétale. Composition des végétaux.

E. v. Raujmer. Chaux et magnésie dans les plantes, p. 253.

Dr B. Schulze. Contributions à la chimie de l’asparagine, p. 233.

Dr C. Couxcler. Analyses comparatives de cendres d’arbustes élevés dans l’eau et dans le sol, p. 241.

Dr Niederstadt. Composition et propriétés de quelques végétaux aquatiques (. Stratiotes aloides, Nymphœa alba, Nuphar luteum), p. 2 47.

Recherches sur les pétales du Rosa centifolia, p. 253.

Dr Hornberger. Les Éléments minéraux des principales graines forestières,

p. 281.

Dr P. Baessler. Analyse du Labliyrus pratensis, p. 433.

Prof. E. Schulze et E. Bosshaiid. Sur la Glutinamine, p. 295.

Prof. Tüllens. Sur l’Oxymêthylène et la formylaldéhyde, p. 355.

De la Manière dont se comporte la dextrose, vis-à-vis des solutions d’argent ammoniacales, p. 392.

E. Schulze et Bosshaiid. Sur la Détermination quantitative de l’asparagine, de la glutinamine et de l’ammoniaque dans les végétaux, p. 399.

E. Taüber. Sur la Teneur en alcaloïde des différentes espèces et variétés de lu¬ pin, p. 451.

D1 Kayser. Sur la Présence de la saccharose et de quelques-uns de ses produits de transformation dans l’organisme et dans les plantes [Vilis vinifera, Pirus communis, Solanum tuberosum, Rata vulgaris , Allium cœpa, Brassica oleracea, Picca excelsa) , p. 461.

Sol. Engrais. - Expériences de fumure.

Prof. A. Mayer. Pour servir à la connaissance de la dopplérite, p. 313.

F. Sestini. Sur l’Application de la dialyse à l’analyse des sols, p. 459.

Prof. Nessler. Essais de fumure sur le tabac, p. 309.

Baron 1)ael Von Koetu. Nouvelles Recherches sur la fumure de la vigne, p. 413.

Aliments. Fourrages. Essais d’acclimatation.

Prof. G. Kuhn. Essais sur la digestibilité du son de blé et sa transformation par di¬ vers procédés de préparation et d’enrichissement ; essais sur la digestibilité du foin de prairie à l’état sec et à l’état humide : les expériences ont été faites de 1877 à 1881 à la Station de Mockern par M. Kühn avec la collabora¬ tion de F. Geryer, M. Schmüger, A. Thomas, 0. Kern, B. Struve et 0. Neubert,

p. 1.

ANN. SCIENCE AC-RON.

13

184

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Prof. A. Mayer. Le Beurre artificiel est-il de moindre valeur nutritive que le beurre naturel? p. 215.

Prof. N. Tscherwinsky. Contributions à l'étude de la formation de la graisse dans l’organisme animal, p. 317.

Analyse chimique.

Ûr P. Ferrari. Sur l’Exactitude de la méthode de Berthelot et Fleurieu pour le dosage de l’acide tartrique et du bitartrate de potasse, p. 353.

Dr H. Wilfarth. Sur le Dosage de l’acide nitrique, p. 439.

Journal für Landwirthschaft. Journal d'agriculture, rédigé par

le Prof. Henxeberg, directeur de la Station agronomique de Gottingen, et par le

Prof. Drechsler, directeur de l'Institut agronomique de Gottingen. Berlin.

In-S°, trimestriel. P. Parcy.

TOME XXXI (année 18S3).

Prof. Drechsler. Le Système de culture de M. Schultz à Lupitz, p. 1.

Prof. Hexneberg. De l’Évaluation en argent des principes nutritifs des fourrages, p. 45.

Prof. Kraut. Pour servir à l'histoire des sols et des marnes de la contrée de Lim- bourg, p. 115.

Prof. A. de Koenen. Sur les causes des inondations récentes, p. 123.

Prof. Leisevyitz. Sur un appareil destiné à la mesure de l’angle facial et de l'angle des membres des grands animaux domestiques (avec ligures), p. 119.

Enckhausex. Essais de fumure avec des composts de tourbe et les limons de la mer, p. 139.

Prof. Drechsler. Des Rapports de la paille au grain dans les céréales, p. 149.

Les Prairies de lupin à Lupitz, p. 163.

Dr Edler. Du Développement de l’analyse mécanique des sols, p. 185.

Prof. Weiske, Pr. Kexxepohl et Pr. B. Schulze. De la Digestibilité de diverses sortes de pailles de légumineuses, p. 209.

Dr Pfeiffer. Essais comparatifs de digestion naturelle et artificielle des prin¬ cipes immédiats azotés, p. 221.

Prof. P. Wagner. Quelques résultats d’expériences sur les fumures chimiques, p. 255.

Leo-Axderlixg. Communication sur l’agriculture de la Grèce, p. 275.

Prof. Mærcker. Sur la valeur nutritive des pulpes de diffusion desséchées, p. 305.

A. Morgex. Remarques critiques sur le précédent travail, p. 340.

Dr E. Kern. Expériences sur la nutrition chez le mouton adulte, p. 343.

Dr Rodewald. Sur les rapports de la transformation de la matière et de la force dans les graines en germination, p. 407.

BIBLIOGRAPHIE ÉTRANGÈRE. 185

Prof. Esser. Le Quatrième Congrès vétérinaire international tenu à Bruxelles, p. 441 .

Comptes rendus d’ouvrages. Analyses de mémoires. Documents divers, p. 463- 499.

Forschungen auf dem Gebiete der Agriculturphysik. T. VI.

1883. Le recueil des Recherches de physique agricole, publié par M. E. Wqllny, professeur à Munich, avec le concours de nombreux collaborateurs, est spécia¬ lement consacré, comme l’indique son titre, à la publication des travaux de physique appliqués à la végétation et à l’agriculture. Chaque numéro est divisé en trois parties distinctes sous les rubriques : 1. Physique du sol. 2. Physique de la plante. 3. Météorologie agricole. Il renferme, outre les mémoires origi¬ naux, une analyse des principaux travaux publiés dans divers recueils.

Nous croyons devoir nous borner, pour éviter les doubles emplois, à indiquer, dans cette bibliographie, les titres des travaux originaux.

TOME VI ((883).

1. Physique du sol.

F. Wagner. Recherches sur le pouvoir conducteur relatif pour la chaleur des différentes variétés de sols, p. 1.

E. Wollny. Recherches sur l’influence de la couverture végétale et de l’ombre sur les propriétés physiques des sols. 1. Influence sur la température du sol : a) Température de divers sols isolés ou abrités, b) Température du sol cou¬ vert de différentes espèces végétales, p. 197-227.

E. Wollny. Recherches sur l’influence de l’exposition du sol sur son degré d’humidité, p. 37 7.

R. W. Hilgard. Quelques observations sur l’analyse mécanique des sols, p. 52.

2. Physique de la plante.

E. Wollny. Expériences sur l’influence que des causes artificielles peuvent exercer sur la croissance intérieure des végétaux, p. 97-127.

G. Kraus. Circulation du suc dans les racines, notamment dans les parties jeunes. Circulation du suc dans les tubercules du Dahlia variabilis , p. 395.

P. Sorauer. Complément aux études sur l’évaporation chez les plantes, p. 79.

%

3. Météorologie agricole.

E. Ebermayer. Conditions climatologiques de la forêt de Bavière et du Spessart, p. 165.

E. Wollny. Des Dommages causés par les hautes eaux et des moyens de les prévenir au point de vue cultural, p. 318.

Ce volume renferme, outre les travaux originaux, de nombreuses analyses et des extraits des mémoires parus dans les divers recueils sur la chimie agricole, etc.

186

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Zeitschrift für Biologie. Journal de Biologie, édité par W. Kühm,

professeur à l’Université d’Heidelberg-, et C. Voit, professeur à l’ Université de

Munich.

TOME XIX (1883).

R. Tigerstedt et J. Bergquist. Sur la durée de perception des images de figures » composées, p. 4.

M. Rubner. Sur la valeur du son de blé pour l’alimentation humaine, p. 45.

K. Vierordt. Mesure de l’affaiblissement du son par son passage au travers des parties du corps humain, p. 101.

0. Mônninghqff et Piesbergen. Déterminations relatives à la profondeur du som¬ meil, p. 1 14.

E. Jessen. Quelques essais sur le temps nécessaire à la digestion de la viande et du lait dans divers états de préparation, p. 129.

A. Ewald et W. Krukenberg. Sur les particularités de la séparation de la guanine chez les poissons, p. 154.

W. Kuhne et H. Chittenden. Sur les produits immédiats du dédoublement des matières albuminoïdes, p. 159.

W. Kuhne. Sur l’hémi-albuminose de l’urine, p. 209.

Pr. Tappeiner. Les Gaz du tube digestif des herbivores, p. 228.

Dr B. Schulze. Influence du bromure de potassium sur la nutrition, p. 301.

M. Rubner. Sur la valeur de substitution des principales matières nutritives pour l’alimentation de l’animal, p. 313.

W. Javyorski. Essais sur la résorption relative des sels mixtes dans l’estomac de l’homme, p. 397.

A. Koch. De l’Élimination de l’urée et des sels inorganiques sous l’influence d’une élévation artificielle de température, p. 447.

H. Smith. Les os contiennent-ils de la kératine? p. 469.

A. Dexnig. Déterminations spectroscopiques de la consommation de l’oxygène par les tissus à l’état sain et à l’état pathologique, p. 4S3.

W. Kuhne. La Combinaison des terminaisons des nerfs avec la sarcoline, p. 501.

M. Rubner. De l’Influence de la dimension du corps des animaux sur la nutri¬ tion et sur la transformation de la force, p. 536.

M. Gruber. Deuxième mémoire sur le dégagement de l’azote à l’état libre dans le corps des animaux, p. 563.

M. Gruber. Sur le titrage du chlore dans l’urine du chien d’après Volharde, p. 569.

Cours d’agriculture comparée fait à l’Institut national agronomique, par E. PiiSLER, directeur de l’Institut agronomique, membre de la Société nationale d’agriculture de France et du Conseil supérieur de l’instruction publique. lre partie, Géologie agricole l.

Le savant directeur de l’Institut national agronomique professe depuis

1. l'n vol. in-8°. Paris, Bcrgcr-L'evrault et Cie.

BIBLIOGRAPHIE FRANÇAISE,

187

1878 dans cet établissement le cours d’agriculture comparée, qu’on peut définir avec lui « l’étude des lois suivant lesquelles les méthodes de culture et d’exploitation du sol varient avec le sol, le climat et les conditions éco¬ nomiques ». Cette définition montre combien est vaste le champ de cet enseignement, quelle étendue de connaissances variées il suppose chez le professeur et l’intérêt qu’il offre aux agronomes. M. E. Kisler a divisé son cours en quatre parties :

Climatologie agricole,

Géologie agricole,

Histoire de l’agriculture,

Géographie et statistique agricole.

C’est la deuxième partie qui vient de paraître. Depuis que le rôle des matières minérales dans la nutrition des plantes a été mis en lumière par la célèbre publication de J. de Liebig, en 1840, un très grand nombre de travaux analytiques sont venus établir la prépondérance de la compo¬ sition chimique du sol, sur ses propriétés physiques, jusque-là regardées comme le véritable régulateur de la fertilité des terres. La géologie, ou tout au moins la connaissance de la nature minéralogique des terrains d’après leur origine, est devenue le fondement le plus certain de toutes nos connaissances agronomiques et le guide du cultivateur, en ce qui concerne les- amendements et les engrais à introduire dans le sol pour accroître ou maintenir sa fertilité. L’ouvrage de M. E Risler, qui laisse de côté toutes les questions théoriques du domaine du géologue propre¬ ment dit, pour envisager l’étude de l’origine des sols et leurs propriétés dans leurs rapports avec l'agriculture, est donc appelé à rendre les plus grands services aux agronomes, et sa place est marquée dans la biblio¬ thèque des Stations agronomiques. L’auteur décrit les caractères agricoles des divers terrains, en les classant par formations géologiques, ce qui lui permet de présenter dans un espace relativement restreint une étude complète d’une même formation dans les diverses régions de l’Europe. Le plan adopté par M. E, Risler me semble excellent, les rapprochements qu’il permet entre les sols de contrées éloignées les unes des autres, mais appartenant à la même formation géologique, facilitera singulièrement l’étude de la production agricole et des méthodes culturales de ces diverses régions. Une semblable étude n’est guère susceptible d’analyse, aussi me bornerai-je à indiquer les grandes divisions de cet important ouvrage dont je ne saurais trop recommander l’étude à tous ceux qui s’occupent de chimie agricole et d’agriculture. Voici les titres des chapitres de la Géologie agricole :

Chapitre I. Uiilitë de la géologie pour l’étude des terres arables. l 1. Engrais complémentaires. § 2. Analyse chimique des terres. \ 3. Prise

188

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

des échantillons de terres d’après leur formation géologique. \ 4. Recherche des amendements et engrais. § 5. Recherches des sources et drainages. § G. Cartes agronomiques. £7. Cartes géologiques à grande échelle. § 8. Plan de. l’ouvrage.

Chapitre II. Terres formées par la décomposition des roches primitives : granité , gneiss, etc. § 1. Caractères généraux de ces terres. § 2. Les Vosges.

§ 3. Le Morvan. £ 4. Le Beaujolais, les montagnes du Lyonnais et le Forez.

§ 5. Le plateau central. § 6. La Bretagne. § 7. La Vendée. £ 8. Les Pyrénées et les Alpes. £9. Les Maures et l’Esterel, la Corse et l’Algérie. £ 10. Les îles anglaises de la Manche et les Highlands d’Écosse. § 1 1. La Suède et la Norvège.

Chapitre III. Terres formées par ta décomposition des roches volcaniques : trachytes, basaltes, laves, etc.

Chapitre IV. Terrains de transition. £ 1. La Bretagne. £ 2. L’Anjou et le Maine. £ 3. Le Bocage normand et le Cotentin. £ 4. Les Ardennes fran¬ çaises et belges. § 5. Le Sud de la France, l'Algérie et l'Espagne. £ G. L’Al¬ lemagne et la Russie. § 7. L’Angleterre.

Chapitre V. Terrains houillers ou système carbonifère .

Chapitre VI. Terrains permiens ou pénéens.

Chapitre VIL Le trias. £ 1. La Lorraine. § 2. Le trias dans les autres parties de la France et en Algérie. § 3. L’Allemagne. £ 4. L’Angleterre.

Chapitre VIII. Terrains jurassiques. § 1. Caractères généraux. £ 2. Le lias. £ 3. Le système oolithique dans l’ouest de la France. § 4. Le système oolithique dans le Berri, le Nivernais et la Bourgogne. £ 5. La Haute- Marne, la Lorraine et les Ardennes. - £ G. Les terrains jurassiques du midi de la France. § 7. Les montagnes du Jura. £ S. Les Alpes. £ 9. L’Autriche et la Grèce. £ 10. L’Angleterre. £ 11. L’Allemagne.

Nous espérons que M. E. Risler ne tardera pas à publier les autres parties de son cours que la lecture de la Géologie agricole nous fait souhaiter d’avoir bientôt entre les mains.

L. Grande au.

ÉTUDE

SXJÏt

(ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT)

EN ALLEMAGNE ET EN AUTRICHE'

PAR MM.

R EU SS et B A RT ET

INSPECTEUR ADJOINT DES FORÊTS, INSPECTEUR ADJOINT DES FORETS,

RÉPÉTITEUR ATTACHÉ

a l’école nationale forestière a la station de recherches de l’école forestière

Autrefois, tout le mérite du forestier consistait dans l’application plus ou moins habile de quelques règles pratiques consacrées par la routine et à l’établissement desquelles le sens critique n’avait que bien rarement présidé.

Il en fut ainsi jusqu’au début du xvme siècle, époque à laquelle prit naissance un mouvement très marqué vers l’étude des phéno¬ mènes naturels. On vit alors des savants illustres de notre pays Réaumur , Buflfon et Duhamel du Monceau , auxquels il faut ad¬ joindre des spécialistes d’une notoriété plus restreinte, Varenne de Fenille pour la France, Beckmann, Moser et Burgsdorf pour l’Allemagne, examiner les errements adoptés par leurs contem¬ porains en matière d’exploitation forestière, condamner les uns,

1. Les Annales publieront successivement des études sur Forganisation et le fonc¬ tionnement des stations agronomiques et forestières de l’Europe et du Nôuveau-Monde.

L. Grandead.

190

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

recommander les autres et jeter les bases de la sylviculture mo¬ derne.

Ces initiateurs furent suivis, vers la fin du siècle dernier et au commencement du nôtre, par toute une pléiade d’hommes émi¬ nents, les Louis Hartig, les Cotta, les Lorentz, les Parade, pour ne citer que les chefs d’écoles les plus connus en France. Grâce à eux, aux théories nouvelles qu’ils formulèrent ou aux modifi¬ cations qu’ils firent subir aux anciens systèmes, l’art de traiter et d’aménager les bois s’éleva au rang d’un véritable corps de doc¬ trine.

Mais la science qui fut ainsi constituée présentait à la fois des lacunes et des parties défectueuses, c’est-à-dire des conceptions en l’air, des considérations mal étayées et peu dignes de foi.

Les lacunes devaient, on le conçoit, forcément exister dans un ordre de connaissances d’origine récente, car aucune science natu¬ relle ne saurait être créée tout d’une pièce.

Quant aux théories hasardées qui ont été émises en matière d’ex¬ ploitation des forêts, il faut moins les reprocher à leurs inventeurs qu’en accuser l'époque ils vivaient.

Autrefois, en effet, tout en prétendant s’appuyer sur la nature, on employait le raisonnement à suppléer l’observation plutôt qu’à la diriger; on se contentait de conclusions prématurées, quelquefois de simples intuitions; on voulait être plus clair que les faits et expli¬ quer par un mot les phénomènes les plus complexes ; on se livrait à des généralisations -hâtives ; on étendait à de vastes contrées des règles qu’on n’était en droit d’appliquer qu’à une région étroitement circonscrite. Tous ces errements étaient largement tolérés ; ils fai¬ saient pour ainsi dire partie des mœurs scientifiques de l’époque.

De nos jours, les questions sont traitées avec plus de rigueur. Comme fa dit un de nos universitaires les plus distingués1 : « L’es¬ prit critique est la marque du travail de ce siècle; nous avons le besoin de l’exactitude, la passion de la précision. On ne se contente plus des observations de sentiment; on so défie des lumières de

1. M. 0. Gréard, membre de l’Institut, vice-recteur de l'Académie de Paris. Voir la Revue politique et littéraire , numéro du 1er avril 1882, page 392.

l’expérimentation forestière. 191

l’imagination ; on ne méconnaît pas ce qu’elles ont de juste dans leurs élans et leurs intuitions, mais on les soumet à la rigueur de la critique scientifique ; on décompose, on analyse, on passe tout au creuset, on veut voir, on veut toucher. »

La sylviculture n’a pas, heureusement pour elle, échappé à l’in¬ fluence des idées modernes. Parmi ses adeptes, il s’est élevé des voix de plus en plus nombreuses pour demander qu’on allât au fond des choses, qu’on soumît les théories en vigueur à des épreuves concluantes, en un mot qu’on appliquât à l’étude des questions fo¬ restières le moyen souverain employé dans les sciences physiques et naturelles, Y expérimentation.

En effet, il ne suffit pas d’observer purement et simplement la nature et de recueillir les faits tels qu’ils se produisent accidentelle¬ ment sur un point quelconque de la forêt, ou tels que les gérants de domaines boisés les provoquent dans leur pratique journalière.

Les phénomènes nés dans les circonstances ordinaires, sans pré¬ paration spéciale effectuée en vue de les étudier, ne se laissent pas toujours facilement observer ni expliquer; ils sont en connexité étroite avec d’autres phénomènes qui masquent en partie les pre¬ miers et qui ne permettent de reconnaître ni leurs caractères essen¬ tiels, ni, à plus forte raison, leurs causes et leurs effets.

Pour aborder les problèmes variés qui se posent en sylviculture, il faut choisir son terrain, se placer dans des conditions bien déter¬ minées de milieu et de temps, enfin opérer et observer avec mé¬ thode et esprit de suite.

Or, faire tout cela, c’est expérimenter , car Y expérience a été dé¬ finie : une observation provoquée1.

1. Cl. Bernard, Introduction à la médecine expérimentale.

En adoptant cette définition, il faut reconnaître qu’entre l’observation pure et simple et l’expérimentation, il y a tous les intermédiaires imaginables, et qu’il est parfois difficile de décider si l’on a recours à l’une ou à l’autre, notamment dans les cas la préparation de l’observation est réduite à un détail insignifiant, et l’opérateur agit d’une façon à peine sensible sur la production du phénomène étudié. Claude Bernard l’a dit, en 1870, dans sa première leçon au Collège de France: « Une distinction absolue entre ces deux procédés de recherche n’est jamais vraie, parce que dans la nature, il y a toujours des transitions, même entre les choses les plus opposées. « Et

192

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Des esprits chercheurs, des hommes de bonne volonté se mirent donc à l’œuvre et se livrèrent séparément à des expériences de toute espèce, pour vérifier les pratiques qui ne leur semblaient pas justifiées. Livrés à leurs inspirations personnelles, ils étudièrent tel ordre de faits ou tel autre, suivant la région ils se trouvaient et les moyens d’investigation dont ils pouvaient disposer.

Mais, malgré le zèle déployé, on dut bientôt s’avouer que les recherches effectuées dans ces conditions n’aboutiraient pas. Les expérimentateurs, faute de ressources pécuniaires suffisantes, n’opé¬ raient pas sur une assez grande échelle ; ou bien leur existence était trop courte pour qu’ils pussent poursuivre leurs travaux pen¬ dant tout le temps voulu ; ou bien encore ils procédaient suivant des méthodes variables de l’un à l’autre et ne permettant pas de comparaisons fructueuses.

Il y a, en effet, une chose capitale, essentielle, à noter : c’est que les recherches nécessaires au développement de la science fores-

pourtant l'illustre physiologiste concevait l'expérimentation d'une façon plus étroite que ne le font aujourd'hui la plupart des savants et que nous ne le faisons d'après eux, puisqu'il l’envisageait seulement dans les laboratoires de physiologie, de physique et de chimie l'expérimentateur provoque les phénomènes dans des conditions qu'il peut régler presque à volonté.

La méthode expérimentale est surtout mal caractérisée en ce qui concerne les études forestières ; elle tend sans cesse, alors, à se rapprocher de l’observation pure. Cela tient à ce que les recherches sylvicoles ont pour objet des arbres ou des peuplements, c'est- à-dire des êtres ou des collections d'êtres organisés, ne pouvant être détachés du sol ils sont nés, et à ce que le développement de ces êtres est influencé par des agents météoriques dont on ne saurait, en général, produire les effets artificiellement.

C’est sans doute le motif pour lequel différentes personnes, voire des hommes dis¬ tingués, ont émis des doutes sur l'efficacité de Texpérimentation forestière, du moins en ce qui concerne la solution de beaucoup de problèmes. A leurs yeux, la sylviculture, comme les autres sciences naturelles, ne relèverait que de l'observation pure et simple de la contemplation , pour employer l'expression de Claude Bernard. Mais ces mêmes personnes ne nient point l'intérêt qu’il y a à entourer l’observation de certaines ga¬ ranties de succès, à l’effectuer dans des conditions particulières, à la préparer en un mot. Aussi le dissentiment qui les sépare des partisans de l’expérimentation forestière n'est guère, en somme, qu’un malentendu portant sur la définition des termes employés.

C'est probablement pour la même cause, qu’on a quelquefois confondu l’expérimenta¬ tion forestière avec la statistique. Celle-ci doit, en effet, jouer un rôle très important dans la solution des questions qui nous intéressent, mais souvent elle est insuffisante, et il devient alors nécessaire de lui adjoindre d’autres instruments de progrès.

l’expérimentation forestière.

193

tièrc exigent non seulement des dépenses considérables, mais aussi de longues années et la collabo ration de nombreux expérimenta¬ teurs ; que, pour les exécuter, il faut des moyens puissants qui ne peuvent être créés ni par des particuliers, ni même par des associations; qu’enfîn, dans cet ordre d’idées, une organisation solide entraînant avec elle l’unité de direction et l’esprit de suite est absolument indispensable au succès de l’entreprise.

On arriva, au bout d’un certain temps, à comprendre cette vérité fondamentale et à reconnaître que les gouvernements seuls sont aptes à réaliser l’œuvre projetée, parce qüe seuls ils disposent de sommes élevées, jouissent d’une existence indéfinie et possèdent un personnel hiérarchisé étendant son action sur de vastes terri¬ toires* Dès lors, les Instituts ou Stations cl' expérimentation fores¬ tière ne devaient plus tarder à être fondés.

C’est en Allemagne et en Autriche que les premiers établisse¬ ments de ce genre ont été installés, et c’est aussi dans ces pays que leur utilité semble avoir été comprise et proclamée pour la pre¬ mière fois*

Telle est, du moins, la conclusion à tirer d’une brochure très intéressante consacrée à l’expérimentation forestière par M. le ba¬ ron de Seckendorff, directeur de la station de Vienne.

Nous ferons de fréquents emprunts à cet ouvrage, d’où sont ex¬ traits presque textuellement les renseignements historiques qui vont suivre1.

Par la publication, en 1854, de sa Statique forestière 2, Hun- deshagen avait cru porter un coup décisif à la foi aveugle en la parole des maîtres. Recrutant des adeptes et les mettant à l’œuvre, il avait compté sur les recherches exécutées volontairement par chacun d’eux, pour renouveler les bases de la sylviculture. Mais

1. Das forstliche Versuchswesèn , insbesondere dessert Zweck und wirtlischaft- liche Bedeulung. Vienne, tSSt, W. Frick. t vol. in-8° vi- 132 p.

2. Hundeshagen définissait la stalique : l’art de mesurer les forces mises en jeu dans la production ligneuse. Les Allemands appellent aujourd'hui stalique forestière tout l’ensemble de connaissances qui permet d’équilibrer le rendement des forêts avec leur production effective en bois.

194

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

son espoir ne tarda pas à être déçu et il dut renoncer à élaborer les nombreux matériaux qui, sur sa demande, lui avaient été en¬ voyés tous côtés. Ces documents présentaient, en effet, des la¬ cunes trop grandes pour être comblées par des interpolations ; d’ailleurs, beaucoup de données étaient à rejeter comme n’ayant pas été obtenues d’après un plan unique. Son projet n’eut donc pas de suite.

Sur ces entrefaites, Wedekind, stimulé par les travaux de Iiun- deshagen, avait, en 1826, mis au concours l’étude de l’utilisation de la couverture du sol. Ne se doutant pas que le sujet comportait des recherches 'persévérantes et précises, faites pendant une longue série d’années dans un champ d’expériences choisi avec soin, We¬ dekind ne demandait rien moins qu’une étude complète de la question et accordait, à cet effet, un délai de six mois ! Aussi ne réussit-il pas mieux que son savant émule.

Cependant, l’activité de Wedekind ne fut pas perdue pour la cause de l’expérimentation, car il proposa une sorte d’organisation en vue de rassembler, d’examiner et de mettre en ordre les don¬ nées déjà existantes. Dans ce but, il recommandait la formation

répartirait les différents travaux entre tous ses membres. Un groupe de grands propriétaires fonciers ou un gouvernement se¬ rait, pensait-il, le mieux à même de remplir ce rôle.

Mais, bien qu’excellentes, les idées de Wedekind restèrent sans écho : apparemment, le temps d’une expérimentation forestière méthodique et bien organisée n’était pas encore venu.

En 1838, au congrès des agriculteurs et des forestiers allemands tenu à Carlsruhe, la motion d’installer en grand des expériences comparatives sur les semis, les plantations et les éclaircies n’eut pas plus de succès. Il en fut de même dans les réunions postérieures où, pourtant, les modes d’exécution des repeuplements et les coupes d'amélioration servirent régulièrement de thèmes aux débats.

Le projet de Wedekind fut repris en 1845, sous une autre forme, au congrès des forestiers de l’Allemagne du Sud qui se tint à Darmstadt. Charles Ilever v distribua à ses collègues une

JJ O

brochure tendant à la formation d’une société de statique forestière ,

i/expérimentation forestière. 195

et il réussit de la sorte à faire porter la question de l’expérimenta¬ tion à l’ordre du jour des séances.

L’auteur montrait que c’était seulement depuis l’époque l’on avait accordé dans les études agronomiques une plus grande place aux mesures exactes et aux pesées, que l’agriculture s’était affran¬ chie des liens d’un empirisme grossier et qu’à des pratiques sans fondement avaient succédé des méthodes raisonnées et justifiées ; qu’un changement analogue était encore plus nécessaire en sylviculture, puisque les fautes commises dans les forêts y laissaient souvent des traces pendant plus d’un siècle ; qu’à la vérité, on avait déjà fait beaucoup dans ce sens, mais que les expérimen¬ tateurs avaient manqué de méthode et que, pour ce motif, leurs travaux avaient presque tous été infructueux; que, depuis l’é¬ poque à laquelle Hundeshagen avait soulevé la question, près de 21 ans s’étaient écoulés, et que les forestiers, malgré une instruc¬ tion scientifique généralement supérieure , avaient été dépassés par les agriculteurs ; que la cause de ce désavantage devait être attribuée à ce que les expériences de statique forestière étaient beaucoup plus difficiles et plus coûteuses que les expériences d’a¬ gronomie, l’agriculteur pouvant faire ses recherches pour ainsi dire en tout lieu- et à toute heure, tandis qu’en sylviculture il fallait se livrer à une longue série d’observations très délicates qui devaient être poursuivies souvent durant plusieurs décennies, aux époques- les plus diverses et dans les lieux les plus variés ; que, pour cette raison, le forestier isolé et réduit à ses propres forces ne pouvait arriver qu’à fort peu de résultats ; enfin que, jusqu’alors, le plus grand obstacle au progrès avait été l’absence d’une instruction

générale mettant de l’unité dans les recherches dont il s’agissait.

*

Cet exposé magistral convainquit les membres du congrès , et Charles Iîeyer fut chargé d’élaborer un projet d’organisation de f expérimentation forestière ainsi qu’un programme des études à entreprendre. Doué d’une activité infatigable, il s’acquitta de sa tâche dès l’année suivante, en 1846, par la publication de son Instruction pour tes recherches de statique forestière l.

1. Jnlei/ung za forst-stat/schen Untersuchumjen. Giessen, 1840.

196

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Au congrès qui eut lieu la même année, à Fribourg-en-Brisgau, Charles Heyer exprima le vœu qu’il se formât, avec le concours d’un des gouvernements confédérés et sous le patronage d’un prince d’une famille régnante, une société d’expérimenlation fo¬ restière. Mais celte idée fut immédiatement écartée par la motion d’un membre nommé Klauprecht, qui déclara avec emphase que solliciter de l’argent pour l’avancement de la sylviculture, c’était faire croire que l’amour de la science, le zèle et l’activité avaient disparu chez les forestiers.

A la suite de cette étrange sortie, la question disparut pour long¬ temps de l’ordrè du jour des congrès forestiers, jusqu’à ce qu’enfin, grâce à un certain nombre d’hommes éminents qui avaient conve¬ nablement préparé le terrain, elle reparut en 1868, au congrès de Vienne, avec de meilleures chances de succès.

Dans l’intervalle, il est vrai, plusieurs gouvernements avaient pris en main certaines parties de l’expérimentation, mais, quoiqu’ils obtinssent de très beaux résultats, leurs efforts ne pouvaient ré¬ pondre aux espérances qu’on était en droit de concevoir : ils ne produisaient que des fragments d’une œuvre dont l’accomplisse¬ ment exigeait une préparation plus complète, ainsi que des moyens d’action plus vastes et surtout mieux coordonnés.

Parmi les hommes de science, deux surtout avaient continué à faire une propagande active en faveur de la création d’un institut d’expérimentation : c’étaient MM. Gustave Heyer et François Baur, qui avaient publié chacun un article sur la question, le premier en i 856 1 2 , le second en 1858-.

M. Gustave Heyer proclamait la nécessité d’asseoir la sylviculture sur un fondement solide et, selon lui, cette base ne pouvait être fournie que par l’expérimentation et par l’application aux re¬ cherches forestières de la loi clés grands nombres de Lciplace 3.

1. Allgem. Forst- und Jagdzeitung, 1 S 5 7 . Pages 405-407.

2. Allgem. Forst- und Jagdzeitung , 1858. Pages 129-133.

3. On sait que la loi des grands nombres est celle suivant laquelle un événement, dont la probabilité n'est pas nécessairement constante à chaque épreuve, se répète dans un grand nombre d’épreuves. Elle a d’ailleurs été formulée par Poisson et non par Laplace qui l’a simplement reproduite dans son Traité des Probabilités.

l’expérimentation forestière.

197

M. Baur examinait de quelle façon il conviendrait d’organiser le service d’expérimentation en Autriche et faisait consister l’éco¬ nomie de son système dans le concours de l’administration fores¬ tière, des grands propriétaires fonciers et des diverses associations de sylviculteurs.

Le moment propice pour fonder des stations forestières n’était pas encore arrivé et les appels de ces deux écrivains ne furent pas plus écoutés que ceux de leurs devanciers.

Mais, comme le dit l’auteur à qui nous empruntons ces données historiques, si les idées nouvelles mettent longtemps à faire leur chemin, même dans un public éclairé, une fois que les esprits sont suffisamment préparés pour les recevoir elles sont accueillies avec enthousiasme, sans objection aucune, et l’on s’étonne sincèrement alors qu’elles n’aient pas été acceptées plus tôt.

C’est ce que l’on put constater dix ans plus tard, à la réunion des agriculteurs et des forestiers allemands qui eut lieu à Vienne, le 31 août 1868, et où, grâce à une nouvelle brochure de M. Baur1, le principe de l’expérimentation fut encore une fois vivement dis¬ cuté. Sur la motion de M. de Kirchbach, grand maître des forêts du royaume de Saxe, on décida la création d’un comité chargé de proposer un plan d’organisation de l’expérimentation forestière et d’examiner s’il convenait d’établir les stations de recherches auprès des écoles forestières ou auprès des administrations centrales, ou bien ailleurs.

Ce comité, composé de cinq membres, MM. les professeurs Gus¬ tave Heyer, Baur, Ebermayer, Judeich et Oser, ce dernier rem¬ plaçant M. Wessely, se réunit le 22 novembre 1868 à Ratisbonne. Il attacha beaucoup d’importance à ce que, dans chacun des plus

r

grands Etats de l’ Allemagne, le directeur de l’expérimentation fo¬ restière résidât dans la ville qui était le siège de l’administration centrale des forêts. Il regarda aussi comme indispensable que le directeur fut lui-même un haut fonctionnaire de l’administration, afin que, pour l’exécution des recherches, il jouît de l’autorité né-

1 Uebzr forsll/che Versuchsstalionen. Ein Wcck und Mahnruf an aile PJÏeger und Freunde des Waldes. Stuttgart, 1S63.

198 ANNALES de la science agronomique.

cessaire vis-à-vis des agents à qui elles étaient confiées et qu’il pût s’entendre verbalement avec le chef de F administration.

Le comité exprima en outre l’avis que, dans 1 intérêt général, les bureaux de recherches devraient constamment rester en rap¬ port les uns avec les autres, et les directeurs se réunir au moins une fois l’an pour donner aux travaux à entreprendre Limité de tendance et d’exécution indispensables.

Enfin, en ce qui concernait les questions à étudier en premier lieu, on indiqua une suite d’expériences ayant trait à la statique forestière ou à l’histoire naturelle appliquée aux forêts1 et on dis¬ cuta le mode à employer pour publier les résultats qui seraient obtenus.

A partir de ce moment, les choses marchèrent sans difficulté, les gouvernements intéressés créèrent les ressources en argent nécessaires et établirent des organisations solides et durables.

Le grand-duché de Bade donna l’exemple (organisation du 16 avril 1870 et réorganisation du 20 février 1875). Puis vinrent la Saxe (28 avril 1870), la Prusse (14 mars 1872), le Wurtemberg (11 juin 1872); les petits États de la Thuringe (1872), la Bavière (27 juin 1875), l’Autriche (8 juillet 1875), le Brunswick (7 décembre 1876), la Liesse (11 mai 1882), l’Alsace-Lorraine (1882).

En France, les conditions dans lesquelles se trouve la sylviculture sont toutes différentes de celles que l’on constate en Allemagne et en Autriche.

Les forêts des particuliers constituent, en général, des domaines d’étendue médiocre et sont rarement gérées par des personnes avant reçu une instruction professionnelle. 11 n’y a donc guère que les agents de l’État qui, par leurs connaissances techniques, soient aptes à faire progresser la science forestière. Or, ces agents ont à peu près tous la même origine ; ils ont puisé les mêmes doctrines aux mêmes sources ; ce sont tous des fonctionnaires dépendant d’une grande administration fortement constituée et hiérarchisée.

Une des conséquences de cet élat de choses est qu’on ne voit pas

1. Voir à l'annexe I le programme dont il s’agit.

l’expérimentation forestière.

199

chez nous les sylviculteurs s’associer par régions en dehors de toute intervention officielle, ni former des congrès scientifiques

»

se manifestent des divergences d’école à école, de groupe à groupe, et chacun vient exposer ses idées comme un simple parti¬ culier.

L’homogénéité du corps forestier français est peut-être aussi une des causes pour lesquelles les membres qui le constituent sont, en général, moins portés qu’on ne l’est en Allemagne et en Autriche à se servir de la voie de la presse pour faire part au public de leurs travaux, de leurs opinions et de leurs vœux.

C’est ce qui explique pourquoi la question de l’expérimentation n’a point donné lieu, dans notre pays, à des débats animés comme chez nos voisins et à une agitation du genre de celle dont nous ve¬ nons de rendre compte.

Mais il n’est pas à dire, pour cela, que de bons esprits comme il y en a eu de tout temps dans les rangs de notre administration, n’aient pas réclamé, à des époques déjà anciennes, l’organisation de recherches forestières méthodiques. Il est, au contraire, pro¬ bable que beaucoup de nos compatriotes ont manifesté, au moins dans leurs entretiens familiers ou leur correspondance privée, des vues analogues à celles que les Wedekind, les Heyer et consorts exposaient dans des congrès ou dans des articles de journaux. Les documents administratifs, souvent si remarquables, qui émanent des agents de tous grades, doivent sans doute aussi renfermer çà et des considérations fort justes sur le sujet dont nous nous occu¬ pons ; par malheur, ces pièces sont rarement livrées à l’impression, et elles ne sont jamais mises dans le commerce, d’où il résulte qu’on arrive difficilement à les consulter ; et, en fait, nous n’en avons au¬ cune, pour le moment, à citer à l’appui de notre opinion.

Quoi qu’il en soit, on peut au moins constater que l’adminis¬ tration forestière française, avant d’arriver à fonder une station spéciale d’expérimentation, a confié à ses agents différentes re¬ cherches qui rentrent dans les attributions de ce genre d’établis¬ sements.

La première série d’expériences importantes qui paraissent avoir été entreprises ainsi, avec un caractère officiel, consiste dans les

14

ANN. SCIENCE AGRON.

200

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

observations udométriques et atmidométriques dont l’École de Nancy a été chargée en 1866. Mises en train par notre vénéré maître, M. Mathieu, alors sous-directeur de cette école, elles n’ont pas cessé d’être poursuivies jusqu’à ce jour, dans le but de déter¬ miner l’influence que les forêts exercent sur la quantité d’eau at¬ mosphérique reçue par le sol et de mesurer l’évaporation sous bois et en plein champ. On y a joint, à partir de 1873, des observations sur la température de l’air mesurée en forêt et en terrain non boisé. Les résultats obtenus de 1866 à 1872 ont fait l’objet de di¬ verses circulaires ayant pour but de les porter à la connaissance du service1 2. Ils ont été récapitulés dans un rapport de M. Mathieu, en date du 25 février 1878, qui contient, en outre, les relevés de toute espèce effectués jusqu’en 1879 inclusivement \ A l’aide des données recueillies dans ce court laps de temps, l’éminent pro¬ fesseur a pu éclaircir un certain nombre de points de météorologie forestière et formuler quelques principes généraux confirmés de¬ puis par les recherches des observateurs étrangers.

Mais cette première tentative d’expérimentation, effectuée avec l’attache officielle, ne se rapportait pas à la sylviculture proprement dite et l’administration voulut aussi aborder des recherches qui ren¬ trassent dans le cadre étroit de cette science.

« Nous n’avons pas en France, déclara M. Faré, directeur général

A.

des forêts, dans le préambule d’une décision en date du 8 décembre 1 873 3, les données nécessaires pour déterminer exactement l’ex¬ ploitabilité absolue des essences d’élite. Il serait utile aussi de dé¬ terminer le revenu annuel correspondant à divers âges d’exploi¬ tation. Or, on ne peut acquérir ces notions qu'au moyen d'une série d'expériences ayant pour objet de constater le développement et les produits de massifs régulièrement traités depuis leur naissance jus¬ qu’à l’âge de maturité. C’est donc pour nous un devoir de ne point

1. Voir les circulaires de l'Administration des forêts, 60, 89, 109, 1 17, 127, 131 et 141, nouvelle série.

2. Météorologie comparée agricole et forestière. Rapport à M. le sous-secrétaire d'État, président du Conseil d’administration des forêts. Paris, Imprimerie nationale, 1878. In-4°, 70 pages.

3. Voir la circulaire de l'Administration des forêts, 145, nouvelle série.

l’expérimentation forestière. 201

tarder davantage à commencer les expériences dont nos successeurs recueilleront le fruit. »

En conséquence, la décision précitée a prescrit :

D’asseoir, dans toute forêt domaniale aménagée et traitée par la méthode du réensemencement naturel et des éclaircies, une place d’expérience d’au moins 50 ares, choisie parmi les jeunes peuple¬ ments des parcelles en tour de régénération, l’on n’aurait en¬ core fait aucune coupe intermédiaire ;

De déterminer, à chaque passage périodique des coupes d’a¬ mélioration, le volume , le poids et la valeur des produits prove¬ nant de ladite place et de cuber, en outre, les bois restant sur pied ;

De consigner le résultat de ces opérations sur un tableau dont on donnait le modèle.

L’idée qui a inspiré cette mesure est assurément très louable, et si les dispositions de l’arrêté du 8 décembre 1873 sont appliquées avec esprit de suite, elles fourniront sans aucun doute des données utiles sur la croissance des bois. Néanmoins, il restait encore après cela de grands progrès à réaliser et le dernier mot était certes loin d’avoir été dit en matière d’expérimentation.

Tout d’abord, en effet, parmi les nombreuses questions qui de- mandent à être étudiées expérimentalement, la décision précitée n’en vise qu’une, celle relative à l’exploitabilité absolue des peu¬ plements. Le programme dressé était donc très incomplet.

En second lieu, le soin de traiter les places d’expérience, d’y opérer des relevés et des inventaires a été laissé aux agents du ser¬ vice ordinaire. Or, ces derniers, malgré toutes les garanties de sa¬ voir et de dévouement qu’ils peuvent présenter sont, en général, hors d’état de mener de front les recherches scientifiques avec l’ac¬ complissement de leur tâche habituelle. Entre leurs mains, les places d’expérience risquent d’être négligées au profit d’une besogne plus pressante : c’est une vérité aujourd’hui reconnue en Allemagne et en Autriche, l’on a pu se former à ce sujet une opinion éclairée.

Enfin, en ce qui concerne spécialement la question mise à l’étude par la décision du 8 décembre 1873, il est à craindre quelle ne soit pas élucidée avec toute la précision désirable, à cause des imperfee-

202

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

tions de la méthode prescrite ; car, sans compter que cette méthode est fort longue et ne permettra de tirer des conclusions qu’au bout d’un siècle, elle est quelque peu incertaine. En effet, chaque place d’expérience doit être traitée conformément aux prescriptions de l’aménagement en vigueur dans la forêt elle est établie ; or, les règlements de l’espèce laissent, en général, une grande latitude aux agents d’exécution en ce qui concerne les opérations culturales, de sorte que des tendances différentes peuvent prévaloir tour à tour dans le griffage des éclaircies d’une même place. D’ailleurs, on sait que nos aménagements subissent des révisions fréquentes qui, elles aussi, exercent une influence sensible sur la manière dont est traité chaque peuplement particulier. Ajoutons, enfin, que la décision de 1873 laisse complètement dans l’ombre le procédé de cubage à employer pour l’inventaire du matériel restant sur pied après le passage de chaque éclaircie. Dans ces conditions , les recherches dont il s’agit risquent beaucoup, il faut l’avouer, de ne pas être pour¬ suivies avec l’esprit de suite et l’unité de méthode indispensables au succès de l’entreprise.

On pouvait donc, sans être taxé d’exagération, se plaindre que l’expérimentation forestière fût encore dans notre pays à l’état rudi¬ mentaire. C’est ce que des personnes, autorisées parleur situation à faire entendre la voix de la vérité, eurent l’occasion de proclamer hautement quelques années plus tard, en 1881.

Notons que, dans l’intervalle, l’administration montra encore par deux autres mesures quelle tendait peu à peu à étendre son activité aux recherches expérimentales.

Vers 1874, elle résolut de centraliserai! domaine des Barres les graines qu’elle achetait au commerce et de les soumettre à plusieurs vérifications dont la plus essentielle porterait sur leur faculté germi¬ native1. Elle fit installer à cet effet un laboratoire muni d’un outil¬ lage spécial qui comprenait, à côté des appareils usités en Alle¬ magne, un germinateur à gaz construit d’après les plans de M. Du- breuil, alors garde général des forêts et professeur à l’École des

1. Voir la circulaire de l’Administration des forêts, 158, nouvelle série, du 28 juillet 1871.

203

i/expérimentation forestière.

Barres1. D’après M. de Seckcndorff, qui visita rétablissement en 1878, ces recherches ont donné d’excellents résultats ; la faculté germinative des semences contrôlées a augmenté d’année en année et a même atteint son maximum ; enfin, l’administration réalise de ce chef une économie annuelle de 40,000 fr. sur ses fournitures de graines 2.

Le second fait que nous ayons à signaler concerne la météorolo¬ gie. Sur la demande du bureau central météorologique de France, M. Cyprien Girerd, sous-secrétaire d’État, président du conseil d’ad¬ ministration des forêts, décida, à la date du 20 mai 1880, que le personnel forestier participerait à des observations concernant les phénomènes généraux de la météorologie et les phases de la vie des animaux et des végétaux. Ces observations, qui ne nécessitent aucun instrument, doivent être faites dans chaque cantonnement par un ou plusieurs préposés, conformément à une instruction administrative annexée à la décision précitée.

Mais ce n’étaient toujours que des progrès de détail et nous ar¬ rivons maintenant seulement à l’époque la question de l’expéri¬ mentation a été envisagée dans son ensemble et a été l’objet de pourparlers décisifs.

Un congrès international des directeurs des Stations agronomi¬ ques devait se réunira Versailles, en juin 1881. M. L. Grandeau, que sa haute compétence avait tout naturellement désigné pour remplir les fonctions de commissaire général auprès de ce congrès, rédigea un projet d’ordre du jour dans lequel il inscrivit, à l’article inti¬ tulé : « Programmes d’études générales à entreprendre simultané¬ ment dans diverses stations » , les questions suivantes :

Observations sur la végétation forestière ;

Expériences sur la production annuelle des forêts de feuillus et de résineux (altitude, latitude, sols divers) ;

Expériences sur la formation de la couverture des forêts et son influence sur la production forestière ;

1. Voir le Catalogue raisonné des collections exposées par l’Administration des forêts, à l’Exposition universelle de 1878. Paris, Imprimerie nationale, 1878. In-S°.

2. Voir Das forstliche Vcrsucliswesen , ouvrage déjà cité.

204

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Influence cle l’élagage sur la conservation des arbres (qualités des bois).

Cette partie de l’ordre du jour vint en discussion à la séance du 23 juin 1881 M. L. Grandeau, en déposant sur le bureau la brochure, alors toute fécente, dans laquelle M. de SeckendorfF avait résumé l’état de l’expérimentation forestière en Allemagne et en Autriche s, insista énergiquement sur l’utilité de cette institution. 11 soumit en¬ suite au congrès les réflexions que le programme d’études men¬ tionné plus haut avait inspirées à une des autorités de la sylviculture française, M. Broilliard, que nous avons eu le bonheur d’avoir pour maître à l’École de Nancy1 * 3.

Enfin, comme conclusion de son exposé, M.L. Grandeau proposa à l’assemblée d’émettre formellement le vœu qu’il fût créé en France des stations de recherches spécialement consacrées à l’étude des questions forestières, et il demanda, en outre, d’appeler l’attention du ministre de l’agriculture et du sous-secrétaire d’État, président du conseil d’administration des forêts, sur l’infériorité des condi¬ tions matérielles d’enseignement de l’École forestière comparées à

1. « La comparaison avec ce qui se passe chez nous est triste à faire. Alors qu'en « France nous n’avons pas une seule station forestière, l’Allemagne dépense près « de 140,000 fr. par an pour les recherches relatives aux forêts. Le véritable pa¬ rt triotisme consiste à aimer son pays, mais à l’aimer d’une manière utile, en lui « signalant à côté des bonnes choses celles qui sont défectueuses. Eh bien ! nous « sommes peinés de l’état misérable dans lequel se trouve l’expérimentation fo- « restière dans notre pays. Si vous demandez à l’École forestière, aux professeurs de « sylviculture, sur quelles expériences directes ils peuvent s’appuyer pour évaluer la « production, en France, d'un hectare de sapins, de hêtres ou de chênes, ils vous ré- « pondront loyalement que, depuis cinquante ans qu’existe l’École forestière, il n’y a « eu aucune expérience faite à ce sujet dans les forêts françaises. »

Tels sont les termes dans lesquels j'ai cru devoir appeler l’attention des membres du Congrès et celle de l'Administration des forêts sur une situation que je déplore depuis longtemps avec tous les bons esprits du corps forestier. Cet appel paraît avoir été entendu, et l’organisation sérieuse des stations forestières expérimentales per¬ mettra d’ici à quelques années, je l’espère, d’utiliser, au grand profit de la science, le savoir et le dévouement d’un corps distingué auquel il ne semble pas qu’on ait de¬ mandé jusqu'ici tous les services qu’il est tout prêt à rendre. L. Grandeau.

Voir les Comptes rendus des travaux du Congrès. Paris, Berger-Levrault et Cie, 1881. 1 volume in-8°.

2 Das forstliche Versuchswesen, ouvrage déjà mentionné.

3. Ces réflexions se trouvent également dans les Comptes-rendus , visés à la note *.

l’expérimentation forestière. 205

celles que présente renseignement, similaire en Autriche et en Alle¬ magne.

Sa motion, empreinte d’un patriotisme éclairé, fut accueillie par des applaudissements et des marques unanimes d’approbation, et le congrès décida que le double vœu qui venait d’être exprimé serait transmis au ministre par les soins du commissaire général.

De son côté, M. Puton, récemment nommé directeur de l’École nationale forestière, n’était pas moins désireux de voir créer à Nancy un établissement de recherches sylvicoles analogue à ceux d’Allemagne et d’Autriche. Dans ce but, il prit, le 3 décembre 1881, l’initiative de demander aux professeurs d’économie forestière un rapport motivé qui lui fut remis le 13 janvier 1882, et dès le 27 fé¬ vrier suivant, sur la proposition de M. Lorentz, directeur des forêts, M. de Mahv, ministre de l’agriculture, prit un arrêté dont voici la substance 1 2 :

« Une station de recherches est établie à l'École de Nancy, avec le « concours des professeurs de cette école, et placée sous l'autorité du « directeur. Un agent spécial est attaché à cette station.

« Indépendamment des expériences qui pourront être effectuées « dans les forêts domaniales voisines, la station a pour champ « d'études cinq séries d'exploitation prises dans les forêts domania- « les de Haye et de Champenoux % plus la pépinière de Belle-Fon- « taine. Elle est chargée, en outre , de poursuivre les observations « météorologiques entreprises par V École depuis 1866. »

L’établissement ainsi créé a encore des proportions bien modestes et un outillage fort incomplet, mais le principe de l’expérimentation a été définitivement consacré par sa fondation, et c’est l’essentiel. Aujourd’hui, la France n’est plus étrangère à une œuvre à laquelle participent depuis plusieurs années l’Allemagne et l’Autriche, et il ne sera plus dit que les sylviculteurs français laissent à ceux des au¬ tres nations le soin de poursuivre les recherches que nos illustres compatriotes Buffon et Duhamel ont si magistralement inaugurées par leurs impérissables travaux.

1. Voir la circulaire de l'Administration des forêts, 299, nouvelle série, du 12 août 1882.

2. La contenance totale de ces cinq séries est de 2536 h 68 a.

206 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

La présentation à la signature du ministre de l’arrêté que nous venons de résumer a été un des premiers actes de M. Lorentz comme clîef de l’Administration des forêts, de sorte que le fils du

r

directeûr-fondateur de l’Ecole forestière a l’heureuse fortune de voir son nom attaché à deux créations qui se complètent l’une l’autre et sont les éléments essentiels du progrès de la sylviculture dans notre patrie.

Depuis lors, cette importante mesure a été complétée par l’instal¬ lation à Paris d’un nouveau service dénommé simplement section de . la statistique, mais qui, à en juger par une lettre de l’Administration du 26 août 1882, doit être un véritable bureau central de statistique et d’ expérimentation. Ce bureau aura pour mission d’organiser et de diriger des recherches méthodiques sur toute l’étendue du terri¬ toire.

Signalons enfin, comme rentrant dans le cadre de notre exposé, la création récemment décidée, sur le pic de l’Aigoual, dans les Cé- vennes, d’un observatoire météorologique qui dépendra du service des forêts et où, à côté des observations d’une portée plus générale, on se livrera à l’étude des phénomènes spécialement intéressants pour le sylviculteur

Mais il ne suffisait pas d’avoir créé une station de recherches; pour abréger autant que possible la période de tâtonnements que traverse toute institution naissante, il fallait faire profiter son per¬ sonnel de l’expérience acquise dans d’autres pays.

C’est pour ce motif que FAdministration nous a chargés d’étudier

l’organisation et le fonctionnement des stations de l’Allemagne du

Sud et de l’Autriche.

Bien que l’étude que nous publions dans les pages suivantes soit le résultat de cette mission, elle n’a aucun caractère officiel et les appréciations qu’elle renferme nous sont tout à fait personnelles.

Nous nous sommes attachés principalement à parler des choses que nous avons vues par nous-mêmes, nous bornant, en général, à

1. Voir la Revue scientifique , numéro du 2 juin 1883. (Académie des sciences. Séance du 28 mai 1883. Communication de M. le colonel Perrier.)

l’expérimentation forestière.

207

un court exposé des questions dont nous avons pris connaissance dans les livres et les recueils périodiques. Autrement, notre œuvre eût risqué de n’être qu’une compilation des publications déjà exis¬ tantes, sans compter qu’elle eût pris des proportions par trop con¬ sidérables, car la littérature forestière allemande est tellement vaste qu’un simple résumé des écrits relatifs à l’expérimentation serait déjà très volumineux.

Notre travail se divise en deux^ parties, l’une consacrée à l’Alle¬ magne, l’autre à l’Autriche. La première partie comprend à son tour un certain nombre de chapitres correspondant aux divers Etats que nous avons visités. Elle renferme, de plus, un chapitre spécial relatif à l’organisation fédérative de toutes les stations alle¬ mandes. Enfin, pour chaque pays, nous avons groupé en deux arti¬ cles, d’une part, les renseignements qui ont trait à l’organisation de la station de recherches, et, d’autre part, ceux qui concernent son fonctionnement et ses travaux.

Avant d’entrer dans le cœur du sujet, il nous reste à assurer de notre gratitude tous les forestiers avec lesquels nous nous sommes rencontrés dans notre voyage. Grâce à leur concours obligeant, nous avons pu récolter une ample moisson de faits et nous rendre compte par le menu de tout ce qui se rapportait à notre étude.

Nous devons en particulier des remerciements à MM. Ganghofer, directeur de l’administration des forêts de Bavière ; Heyer1, Eher- maver et Baur, professeurs à l’Université de Munich ; à M. Nôrd- linger, professeur à l’Université de Tubingue; à M. Schuberg, pro¬ fesseur à l’École polytechnique de Carlsruhe ; enfin, à M. le baron de Seckendorff, directeur de l’expérimentation forestière en Autriche, et à son collaborateur, M. l’ingénieur Bôhmerle. 11 faut dire, au sur¬ plus, que nous étions porteurs de lettres de recommandation de MM. Mathieu et Grandeau, qui ont bien voulu nous prêter l’appui de leur crédit auprès des hommes de science avec lesquels ils étaient

1. Le présent travail allait être livré à l'impression lorsque nous est parvenue la nouvelle delà mort de M. Gustave Heyer, enlevé prématurément à la science le 15 juil¬ let 1883.

208 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

en relations. Les prévenances dont nous avons été l’objet ne s’adres¬ saient donc pas à nos modestes personnalités, mais à ces éminents représentants de l’enseignement sylvicole français et à l’École de Nancy tout entière. C’est remplir un devoir facile que de constater à cette place le véritable motif pour lequel nous avons été partout si gracieusement accueillis.

6

l’expérimentation forestière.

209

PREMIÈRE PARTIE

i .

CHAPITRE Ier

ALLEMAGNE EN GÉNÉRAL

Étendue totale : 54,087,700 hectares.

Population au 1er décembre 1880 : 45,234,061 habitants. Accroissement de la population en 5 ans : 2,506,689 (taux d’ac¬ croissement annuel : 1,147).

Surface boisée : 13,851,121 hectares, soit 25.6 p. 100 de l’étendue totale du territoire \

Association des stations allemandes.

I. Organisation.

Toutes les stations de recherches forestières instituées en Alle¬ magne forment une association qui s’est constituée le 13 septembre 1872 sur l’initiative de la Prusse et à la suite d’une réunion tenue la même année à Brunswick par les forestiers allemands.

Des statuts qu’elle a adoptés et dont on trouvera la traduction aux annexes 1 2, il résulte que cette association s’est proposé pour but la solution des grandes questions forestières qui exigent tout à la fois des recherches de longue haleine et des essais effectués dans des conditions variéës de situation, de sol et de peuplement.

Le moyen, efficace entre tous, qui a été employé pour arriver à ce but, est V unification des méthodes de recherches.

Chaque sujet d’expérience soumis aux investigations des stations

1. Ces renseignements statistiques, ainsi que ceux qui sont placés en tête des cha¬ pitres suivants, sont empruntés à f Almanach des forêts et de la chasse pour 1883 {Forst- und Jagd-Kalender 1883, von Dr F. Judeich und H. Bohn. Berlin, Julius Springer) et à la Statistique forestière de l' Allemagne et de ï Axdriche-Hongne, de M. Léo ( ForststatistÜi über Deutschland und Oesterreich-Vngarn von Dr 0. V. Léo. Berlin, 1874, Julius Springer).

2. Voir l’annexe II.

210

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

donne lieu à un plan d’exécution uniforme. Ce plan, préparé de longue main, discuté à fond dans les réunions ordinaires ou extra¬ ordinaires tenues sous la présidence du chef de la station prus¬ sienne1, est arrêté d’un commun accord par les représentants des stations intéressées. Il est strictement obligatoire, non seulement pour les stations qui l’ont élaboré et accepté, mais encore pour celles qui, ultérieurement, voudraient s’associer aux recherches en¬ treprises 2.

On utilise également les réunions que nous venons de mentionner, pour effectuer à l’amiable une bonne répartition du travail entre les divers membres de l’association, pour passer en revue la situation des travaux en cours d’exécution, enfin pour se prononcer à la majorité des voix sur les moyens d’assurer une publicité convenable aux ré¬ sultats obtenus.

Font actuellement partie de l’association :

La station centrale prussienne de Neustadt-Eberswald dont le chef est président de l’association;

La station de recherches établie à Munich pour la Bavière ;

Tharand pour la Saxe;

Tubingue pour le Wurtemberg;

Carlsruhe pour le grand-duché de Bade ;

Brunswick pour le duché du même nom ;

Eisenach pour la Thuringe (Saxe-Weimar, Mei-

ningen, Gotha, Schwarzbourg-Rudolstadt et Sondershausen) ;

La station de recherches établie à Strasbourg pour LAlsace-Lorraine ;

Giessen pour le grand-duché de Hesse.

1. Les réunions qui ont eu lieu jusqu’à présent se sont tenues à :

Bamberg . . Wiesbaden . Baden-Baden Brunswick . Munich . .

septembre 1877

1878

1880

1881

1882

Eisenach . 1874

Greifswald et Stubben- kammer (île de Rü-

gen) . août 1875

Eisenach . septembre 1876

2. Les plans d'exécution adoptés jusqu’à ce jour ont été publiés dans les Annales de la législation et de l’administration forestière prussienne { Jahrbuch der preussi- schen Forst- Gesetzgebung und Venvaltung. Berlin, Julius Springer).

Ils figurent aussi avec des notes explicatives dans un ouvrage en cours de publica¬ tion que M. Auguste Ganghofer, conseiller forestier et chef du bureau d’expérimenta¬ tion de Bavière, consacre à l’œuvre des recherches forestières [Das forstliche Ver- suchswesen. Augsburg, Schmid).

Nous parlons, du reste, de cet ouvrage dans le chapitre consacré à la Bavière.

l’expérimentation forestière.

211

Il faut y ajouter les États ou seigneuries qui, directement subor¬ donnés à la station centrale de Prusse, sont représentés par elle dans l’association. Ce sont : les deux grands-duchés de Mecklem- bourg-Schwérin et Strélitz, le duché d’Anhalt, la seigneurie de Muskau et la ville de Gôrlitz.

II. Fonctionnement et résultats.

En parcourant les comptes rendus des travaux de l’association et en compulsant les nombreux ouvrages et articles de revue qui leur ont été consacrés, on constate que l’institution dont nous venons d’indiquer le but a déjà abordé un grand nombre de questions.

Les principales recherches qu’elle a entreprises jusqu’à présent sont relatives :

Au volume plein et au poids des bois empilés ;

Aux coefficients de forme 1 des arbres des différentes essences calculés en vue de l’établissement de tables de cubage ;

Aux avantages comparés des diverses méthodes de repeuple¬ ment artificiel ;

A l’influence exercée sur la végétation des massifs par le degré de desserrement dans les éclaircies ;

A la formation de la couverture des terrains forestiers, et à l’influence exercée sur la croissance des peuplements par l’enlève¬ ment de la litière ;

A l’accroissement en hauteur des principales essences forestiè¬ res, aux différents âges ;

A la croissance des peuplements étudiée en vue de l’établisse¬ ment de labiés de production1 2 ;

A la naturalisation d’essences exotiques;

1. Les Allemands appellent coefficient de forme (. Formzahl ) d’un arbre, le facteur par lequel il faut multiplier le volume cylindrique obtenu en fonction du diamètre pris à lra,30 au-dessus du sol, pour avoir le volume réel de l’arbre. Ce coefficient est très utile pour le cubage expéditif des arbres et des peuplements sur pied. Il en sera question plus loin dans le corps du travail.

2. Les tables de production ( Erfahrungs - ou Ertragstafeln) donnent le volume à l’unité de surface, et aux différents âges, d’un peuplement d’une essence déterminée. Elles sont très usitées en Allemagne et y rendent de grands services. On en reparlera également dans la présente étude.

212

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Au nombre de tiges, à l’unité de surface, dans les peuplements traités en futaie pleine qui paraissent le plus se rapprocher de l’état normal. -*

Enfin, l’association a généralisé dans toute l’Allemagne les obser¬ vations de météorologie forestière .

La première des questions énumérées ci-dessus est la seule qui paraisse avoir été complètement élucidée. C’est qu’elle peut se ré¬ soudre en un temps relativement court, au moyen de mesurages effectués sur des bois abattus, tandis que les recherches concernant des peuplements en croissance nécessitent des relevés effectués à desint ervalles plus ou moins éloignés 1.

Les autres parties du programme sont encore à l’étude et tout fo¬ restier comprendra sans peine, à leur simple énoncé, qu’il ne sau¬ rait en être autrement.

Certains travaux devront même, avant d’aboutir, rester encore en chantier pendant de longues séries d’années: ce sera notamment le cas des expériences relatives à l’influence des éclaircies.

Les recherches mentionnées plus haut sous les numéros 7 et 8 ont donné lieu à des débats approfondis dans la réunion ordinaire de l’association qui s’est tenue à Munich, du 1er au 5 septembre 1882.

Ayant eu la bonne fortune d’assisfer aux séances de cette réunion, nous a‘vons cru bon d’insérer aux annexes une traduction in extenso du protocole qui en a été rédigé 2.

On verra dans ce document que, d’après les communications du secrétaire, la situation des travaux est la suivante :

Il a été recueilli plus de 40,000 données pour la détermination des coefficients de forme; on a déjà installé 415 places d’essai concernant les repeuplements artificiels à l’aide d’essences indi¬ gènes ; on possède 119 groupes de 3 places chacun et 240 places d’essai isolées, soit en tout 597 emplacements destinés à étudier l’influence des éclaircies ; les expériences sur l’enlèvement de la litière sont également effectuées sur une vaste échelle ; enfin,

1. Voir, au sujet de cette branche de recherches, l’article inséré dans la Revue des eaux et forêts (année 1877, pages 201 et suivantes) par M. Sée, inspecteur général des forêts.

2. Voir l’annexe III.

l’expérimentation forestière. 213

1,435 places d’essai sont consacrées aux recherches relatives à la production des peuplements à l’hectare ; l’association possède à peu près tous les matériaux nécessaires pour dresser des tables de pro¬ duction concernant les peuplements d’épicéa ; la construction de ces tables sera commencée dès 1883 et on passera ensuite successi¬ vement aux autres essences.

L’association n’a pas encore réuni de renseignements sur les expé¬ riences de naturalisation d’essences exotiques, mais elle se propose d’en rassembler prochainement. L’initiative de ces dernières recher¬ ches est due à l’administration forestière de Prusse, qui les a déjà entreprises pour son propre compte sur une vaste échelle et leur accorde d’autant plus d’attention que le chancelier de l’empire y porte, paraît-il, un très vif intérêt. Ces recherches embrasseront une vingtaine d’essences, presque toutes originaires de l’Amérique du Nord et l’on étudiera la façon dont elles se comportent, soit à l’état de pieds isolés, soit en massif.

Dans l’une des séances de la réunion à laquelle nous avons assisté, on a aussi formé le projet d’effectuer dans tous les pays confédérés ce que les Allemands appellent des observations phénologiques. C’est un genre de relevés que M. le Dr Ebermayer, professeur à l’Uni¬ versité de Munich, fait exécuter depuis un certain temps en Bavière, conjointement avec les observations météorologiques.

Il consiste à déterminer les époques précises se manifestent les principaux phénomènes du règne végétal et du règne animal, par exemple, l’apparition des fleurs et des feuilles chez les arbres et ar¬ bustes, la maturation de leurs fruits; l’arrivée et le départ des oiseaux migrateurs, etc., etc. Il y a lieu, en effet, de recueillir dans cet ordre d’idées tout un ensemble de données qui permet¬ tront de caractériser les différents climats plus nettement qu’ils ne l’ont été jusqu’à présent, puis d’établir pour chaque région une sorte de calendrier climatologique très utile au forestier et à l’agri¬ culteur.

On sait, du reste, que des relevés de cette espèce ont aussi été prescrits par l’administration forestière française 1 ; mais ils sont exé-

1. Voir page 203.

214

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

cutés chez nous dans des proportions beaucoup plus modestes que "celles qu’on leur donne en Allemagne.

Enfin, àmette réunion ordinaire de 1882, les membres de l’asso¬ ciation ont décidé qu’ils comprendraient dans le programme de leurs travaux, des expériences sur les divers procédés d’élagage et sur l’utilité de l’élagage en général. L’étude de cette question paraît moins avancée en Allemagne qu’en France, l’élagage a eu des partisans très convaincus parmi les grands propriétaires de bois, et des adversaires non moins déclarés parmi les forestiers de profes¬ sion ; mais le dernier mot n’a pas encore été dit sur la matière, et on ne peut qu’approuver l’association d’avoir voulu soumettre les diver¬ ses faces de la question à un examen éclairé et approfondi.

Certes, on ne saurait, sans beaucoup d’exagération, prétendre que les résultats définitivement acquis jusqu’à ce jour par l’association des stations forestières d’Allemagne sont considérables. Mais on ne saurait non plus méconnaître l’esprit judicieux qui a présidé au choix des sujets à étudier, la netteté avec laquelle les questions ont été posées, la façon méthodique dont les plans de recherches ont été rédigés, enfin la rigueur scientifique avec laquelle ces plans d’exécution sont journellement et partout observés. En somme, le passé de l’institution laisse bien augurer de l’avenir, et tous ses actes semblent de nature à encourager les espérances de ses fonda¬ teurs qui ont une foi entière dans l’expérimentation et ne cessent d’affirmer que, bien organisée et bien conduite, elle contribuera, lentement peut-être, mais sûrement et puissamment, au progrès de la science forestière ainsi qu’au perfectionnement de ses applications pratiques. Les gouvernements eux-mêmes partagent cette convic¬ tion, car, après avoir créé les stations de recherches forestières, ils leur assurent largement les moyens d’existence et, à l’heure qu’il est, le budget total de l’expérimentation forestière pour les divers États de l’empire d’Allemagne ne doit pas être évalué à moins de 150,000 fr.

Outre les services directs qu’elle rend à la cause de l’avancement des sciences, l’association la sert encore d’une façon détournée, en introduisant dans le langage technique cette uniformité sans laquelle la confusion risque de régner dans les esprits comme dans les mots.

l’expérimentation forestière.

215

Car, en raison de la valeur scientifique de ses membres et de l’auto¬ rité dont ceux-ci jouissent dans le monde savant, l’association exerce une influence légitime sur la littérature et sur l’enseignement; il paraît très probable que les expressions et les nomenclatures qu’elle aura créées ou adoptées finiront par prévaloir dans toute l’Allemagne. Ainsi, pour prendre un exemple, on peut espérer que les écrivains forestiers renonceront aux diverses terminologies dont ils se sont servis jusqu’à ce jour en matière de description, et se conformeront dorénavant à Y Instruction relative à la description des peuplements et de leur station *, opuscule sont nettement définis et dénommés tous les états de peuplements que l’on peut distinguer dans une forêt traitée en futaie, en taillis sous-futaie ou bien en taillis simple, et l’on passe en revue les différentes sta¬ tions que peuvent occuper ces peuplements.

Enfin, l’association a un dernier mérite, mais celui-là n’existe guère qu’au point de vue purement allemand : elle est un instrument tout désigné de l’œuvre d’unification qui se poursuit dans l’empire d’Allemagne sous l’hégémonie de la Prusse et qui s’étend à l’organi¬ sation des services forestiers, à la législation et à la réglementation en matière de forêts, comme aux autres branches de l’activité natio¬ nale. Ainsi les représentants des diverses stations, munis des pleins pouvoirs de leurs gouvernements respectifs, se sont réunis, le 23 août 1875, à Stubbenkammer (île de Rügen), pour uniformiser, dans tout l’empire, le classement des produits ligneux en catégories de marchandises et les procédés de cubage des bois. C’est une mesure d’une grande portée dans des pays les bois sont en gé¬ néral exploités, soit par les propriétaires eux- mêmes, soit par leurs gérants, et ils sont mis seulement après façonnage à la disposition du commerce, au lieu d’être vendus sur pied comme en France1 2. Il ne nous a pas paru inutile de signaler en passant ce rôle spécial de l’association.

1. Anleitung zur Stanclorts- und Bestandsbesclireibung beim forsllichen Ver- suchswesen. Voir Ganghofer, Das forstliche Versuchswesen, tome Ier, pages 3 et sui¬ vantes.

2. Voir dans la Revue des eaux et forêts , l’article de M. Sée, mentionné plus haut.

ANN. SCIENCE AÜRÜN.

15

216

annales de la science agronomique.

Après avoir donné cet aperçu sommaire de l’organisation fédéra¬ tive des stations forestières allemandes, et de la nature des travaux auxquels elles se sont livrées, jusqu’à présent, en commun, nous

r

allons nous occuper successivement de chacun des Etats que nous avons visités, savoir : la Bavière, le Wurtemberg et le grand-duché de Bade, en nous attachant surtout, pour les raisons indiquées plus haut, à décrire les choses que nous avons vues de nos propres yeux.

CHAPITRE II

ROYAUME DE BAVIÈRE

Étendue totale : 7 ,586,3-49 hectares.

Population au 1er décembre 1880 : 5,28-4,7-78 habitants.

Surface boisée :

Forêts domaniales . 937,792 hectares.

avec un rendement moyen de 3,713,339 stères.

Forêts affectées au dépôt de la remonte militaire. .... 2,121

Forêts des communes et des établissements publics . . . 388,123

.Bois de particuliers . 1,276,146

Ensemble . . 2,604,182 hectares.

Soit 34 p. 100 de Y étendue totale du territoire.

I. Organisation.

Il y a longtemps qu’en Bavière l’administration des lorêts attache une grande importance à l’expérimentation forestière.

Ainsi, déjà en 1846, le bureau des aménagements a publié des tables de cubage pour les principales essences d’Allemagne. Depuis cette époque, beaucoup d’autres travaux scientifiques, basés sur des expé¬ riences, ont été accomplis sur l’ordre ou avec le concours de 1 admi¬ nistration. Il faut citer en première ligne les recherches sur le rôle des forêts au point de vue du climat, et sur la couverture du sol fo¬ restier, recherches dont les résultats sont consignés dans les deux remarquables ouvrages de M. le Dl Ebermayer : Influences physiques

217

l’expérimentation forestière.

de la forêt sur F atmosphère et sur le sol , etc. ', et Théorie de la cou¬ verture du sol dans les forêts 2 , puis les expériences d’éclaircie et d’élagage que M. le Dr Gayer a exécutées de 1864 à 1867. Mais l'ex¬ périmentation telle qu’on l’entend aujourd’hui n’a été définitivement organisée qu’en 1875, par un arrêté ministériel du 27 avril, rendu en suite d’une ordonnance royale du 10 décembre 1874, qui avait institué un bureau de recherches forestières1 2 3.

Ce bureau, autorisé dès sa fondation, à entrer dans l’association allemande, n’a pas seulement à s’occuper de l’expérimentation ; il est en outre chargé de recueillir les renseignements statistiques con¬ cernant la propriété boisée ; aussi l’a-t-on nommé : Bureau de V ex¬ périmentation et de la statistique. 11 constitue, avec le Bureau des aménagements, le service forestier central. Son chef est un fonc¬ tionnaire supérieur des forêts secondé par un sous-chef, et, au besoin, par des attachés temporaires.

Le ministre des finances (qui a dans ses attributions le service fo¬ restier) s’est réservé la haute direction de toute l’expérimentation, notamment en ce qui concerne les règlements d’ordre général.

A l’Université de Munich a été créée une station, dont font partie les professeurs des diverses branches de l’enseignement forestier et qui est considérée comme une subdivision du bureau central. Elle a pour mission d’exécuter en toute indépendance les travaux qui lui ont été confiés par le bureau ou qu’elle a entrepris spontanément, et de contrôler, au point de vue scientifique, les expériences exécutées en forêt par les agents du service extérieur.

Les membres de cette station, dite académique, élisent dans leur

t

sein un président chargé d’administrer l’institution. Afin de mieux répartir le travail, on a divisé la station en deux sections :

La première étudie les questions purement forestières sous la di¬ rection d’un professeur de sylviculture.

1 . - Die phy sikalischen Einwirkungen des Waldes cmf Luft und Boden, etc. Aschaffenburg, 1873, C. Krebs.

2. Die Gesammte Lehre der Waldslreu. Berlin, 1876.

M. L. Grandcau a donné une analyse détaillée de ce remarquable ouvrage dans les Annales de la Station agronomique de l'Est. In-8°, Berger-Levrault et Cie, 1878.

3. Voir aux annexes l’arrêté du 27 avril 1875, avec l’exposé des motifs (annexe IV).

218

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

La seconde s’occupe de recherches relatives à l’histoire naturelle dans ses applications aux forêts. Elle est en principe dirigée par un professeur de chimie agricole.

Tous les professeurs et les hommes de science peuvent, avec ou sans indemnité, prendre part aux recherches entreprises, pourvu qu’ils s’entendent au préalable avec le chef de la section académique compétente et qu’ils se conforment aux plans d’exécution arrêtés par le bureau central. La même faculté est accordée aux communes, aux établissements publics et aux grands propriétaires de forêts.

Deux comitésœonsullatifs sont institués, savoir :

Un comité ordinaire et permanent, formé par les chefs des deux sections de la station académique et le chef du bureau central ; il est présidé par ce dernier et se réunit de temps en temps, sur la proposition motivée d’un de ses membres, pour examiner la situation des travaux en cours d’exécution et prendre les décisions qu’il juge opportunes ;

Un comité extraordinaire, plus nombreux, composé des mem- bi œs du comité permanent, des agents supérieurs des forêts attachés au ministère des finances, des professeurs des diverses branches de l’enseignement forestier, enfin de certains agents du service exté¬ rieur. Ce comité extraordinaire n’est convoqué par le ministre que pour les questions très importantes.

C’est aussi le ministre des finances qui autorise l’assiette des places d’essai permanentes ou temporaires à installer dans les forêts.

Le chef du bureau central dirige les recherches, arrête les plans d’exécution et veille à ce qu’ils soient strictement observés. Il s’oc¬ cupe, en outre, de la vérification des travaux et de la mise en œuvre des documents obtenus. Enfin, il correspond avec les agents locaux, les autres stations, les sociétés scientifiques et les particuliers.

Les gardes généraux 1 sont tenus, chacun dans les forêts doma-

t. C’est le titre qui, grammaticalement, correspond le mieux à la qualification allemande d 'Oberfôrster (garde supérieur). Mais si les gardes généraux de Bavière se rapprochent des gardes généraux français en ce qu’ils ont des cantonnements (de 2,000 hectares en moyenne) dont ils ne sont pas les gérants responsables, ils en diffèrent essentiellement en ce qu’ils ont tous fait des études classiques et universi¬ taires, et n’ont rempli les fonctions de préposés que pour accomplir un stage, destiné à les familiariser avec les détails du métier.

l’expérimentation forestière.

219

niales de sa circonscription, d’effectuer tous les travaux d’expéri¬ mentation et les relevés statistiques qui leur sont confiés par le bureau central ; mais on choisit de préférence ceux qui s’offrent spontanément pour exécuter des travaux de ce genre. Quand l’im¬ portance de la tâche l’exige, on leur adjoint des aides-gardes et des aspirants forestiers (candidats aux fonctions d’agents).

L’agent chargé d’une expérience l’exécute en toute indépendance, sous sa responsabilité, pourvu qu’il se conforme aux instructions reçues. Ses recherches une fois terminées, il en envoie les résultats au bureau du chef de service de la province, qui les soumet à une première vérification et les transmet au bureau central.

Quant aux travaux de la station académique, ils sont adressés di¬ rectement au même bureau.

Les comptes rendus des études exécutées aux frais de l’État ne peuvent être publiés qu’avec l’assentiment du ministre des finances.

Ï1 importe d’observer ici qu’en Bavière, comme dans presque tous les États d’Allemagne, le choix des places d’essai et l’inventaire des peuplements qu’elles renferment sont essentiellement dans les at¬ tributions des fonctionnaires spéciaux chargés de l’expérimenta¬ tion. On a pensé avec raison, dans ces pays, que le personnel dn service ordinaire ne serait pas toujours à même d’effectuer convena¬ blement ces opérations, très délicates et très minutieuses, qui n’ont aucun rapport avec la simple gestion des forêts. Relativement au choix des places d’essai, en particulier, M. Baur dit, à la page 28 de sa Monographie du hêtre 1 : « Si le choix des places d’essai assises en vue de la construction de tables de production est fait par une seule personne, celle-ci acquiert bien vite un bon coup d’œil qui lui per¬ met de distinguer les peuplements convenables de ceux qui ne sont point normaux. Si, au contraire, plusieurs personnes sont chargées de désigner les places d’essai, on verra bientôt se fausser la notion de ce qui doit être regardé comme peuplement normal d’après le plan d’exécution de l’association allemande, et les endroits choisis ne seront plus comparables2. »

1. Die Rothbuclie. Berlin, 1881.

2. Nous apprenons, au moment de mettre la dernière main à ce travail, qu’un arrêté du ministre des finances, en date du 23 décembre 1882, a modifié considérablement for-

220

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

II. Fonctionnement et résultats.

Actuellement, le bureau central a pour chef M. Aug. Ganghofer, qui dirige en même temps, avec le titre de conseiller ministériel, le service des forêts au ministère des finances, et remplit, en cette der¬ nière qualité, les fonctions les plus élevées de la hiérarchie forestière dans le royaume.

M. Ganghofer est fauteur d’un ouvrage en cours de publication sur l’expérimentation forestière, et dont le premier volume, plus un fascicule du second volume, ont seuls paru jusqu’à présent* 1. Dans cet ouvrage justement estimé, M. Ganghofer reproduit les plans d’exécution, tant des expériences entreprises en commun par l’asso¬ ciation allemande, que de celles qui sont spéciales à la station bava-

r

roise et aux stations des autres Etats. Il les fait précéder quelquefois de notices donnant l’historique des questions étudiées, et il les accom¬ pagne toujours de notes explicatives, d’exemples et de modèles fort précieux pour les personnes qui désirent s’associer aux recherches dont il s’agit. Il accomplit d’ailleurs cette œuvre avec le concours de plusieurs collaborateurs particulièrement compétents.

En ce qui concerne l’expérimentation, M. Ganghofer est secondé de la façon la plus active et la plus intelligente par un maître des fo¬ rêts (. Forstmeister ), M. leDr Viernstein, et parmi jeune assistant fores¬ tier ( Forstassistent ), M. le baron de Kress.

La station académique est dirigée par M. le Dr Baur, professeur à l’Université de Munich et auteur d’un traité très complet sur le cu¬ bage des bois2, ainsi que de deux monographies il rend compte

ganisation du service d'expérimentation forestière en Bavière. N’ayant plus le temps d’analyser ce document, nous nous bornons à l'insérer aux annexes, à la suite de l’ar¬ rêté du 27 avril 1875, précédemment en vigueur. On ne manquera pas de voir que, d'après la nouvelle organisation, les liens qui unissaient déjà l’expérimentation à l’ensei¬ gnement sont devenus encore plus étroits qu’auparavant. (Voir l’annexe IV bis.)

1. Das forstliche Versuchswesen. Àugsbourg, Schmid.

2. Die Holzmesskunde, Anleitung zur Aufnahme der Baume und Bestande nach Masse, Aller und Zuwachs. 3e édition, 1 vol. in-8°, xvu-499 pages avec 77 gra¬ vures sur bois intercalées dans le texte. Vienne, 1882, Braumiiller. Prix: 12 fr. 50.

l’expérimentation forestière. 221

de ses patientes recherches sur l’épicéa et le hêtre1. M. Baur est en même temps chef de la section purement forestière.

L’autre section a pour le moment deux directeurs : M. le Dr Eber- mayer, l’éminent professeur de chimie agricole et forestière , et M. le Dr Robert Hàrtig, l’un des maîtres de la physiologie végétale, qui, digne descendant de son père Théodore et de son aïeul Gustave, continue à illustrer un nom célèbre dans les annales de la sylvi¬ culture.

Les assistants, MM. Brazza, Baumann et Mayer, qui, suivant un usage à peu près général en Allemagne, sont adjoints à ces trois professeurs pour les seconder dans leur enseignement ou dans leurs travaux scientifiques, coopèrent naturellement aussi à l’expéri¬ mentation.

Outre les expériences communes à toutes les stations allemandes, et dont beaucoup sont dues à l’initiative de la station bavaroise, celle-ci en a encore entrepris d’autres pour son propre compte.

Ainsi, elle s’occupe de dresser des tables de cubage pour l’estima¬ tion en matière des menus bois d’œuvre (perches à mines, à hou¬ blon, etc.) ; elle se livre aussi à des recherches sur la culture de l’épicéa en vue de l’écorcement et sur la production en écorces des taillis de chênes.'

Mais c’est surtout dans le domaine de la météorologie que la sta¬ tion bavaroise se distingue entre toutes les autres, grâce à la pré¬ sence parmi ses membres d’un spécialiste tel que M. Ehermayer, au¬ quel l’administration accorde largement les ressources en argent et en personnel nécessaires pour mener à bien les travaux nombreux et variés qu’il exécute, soit à l’Université même, soit en forêt.

Dès 1868, sur l’initiative de M. Ehermayer, l’administration des forêts de Bavière a fait paraître des instructions relatives aux obser¬ vations météorologiques proprement dites, aux observations phé- nologiques et climatologiques , enfin à une étude particulière des localités se produisent des gelées printanières ou automnales ( Frostorte ).

1. Die Fichte, in Bezug au f Erlrag, Zuwachs und Fonn. Berlin, 1877. Die Rot.hbuche, in Bezug auf Ertrag , Zuwachs und Form. Berlin, 1881.

222

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Les observations de météorologie forestière proprement dite ont pour but de faire connaître la quantité d’eau tombée sous forme de pluie ou déneige, sous bois et hors bois, la quantité d’eau évapo¬ rée, la température de l’air à différentes hauteurs, la température du sol à des profondeurs diverses (30, 60 et 90 centimètres), la température de l’intérieur des fûts des arbres forestiers, les hau¬ teurs barométriques, etc. Elles s’effectuent à l’aide d’instruments de précision construits sur un modèle uniforme et dont quelques-uns ont été inventés ou perfectionnés par M. Ebermayer lui-même. Elles ont lieu deux fois par jour dans six postes convenablement choisis, et sont confiées à des préposés ou à des agents subalternes, à qui il est accordé une indemnité de quelques centaines de francs, pour ce surcroît de besogne.

Les observations climatologiques et pliénologiques s’effectuent sans instruments ni appareils.

Les premières consistent seulement à noter les jours il a neigé pour la première ou la dernière fois dans l’année, la date à laquelle s’est produite la première gelée printanière ou automnale ; le nom¬ bre de jours il a gelé et il a neigé ; le temps pendant lequel un tapis de neige a couvert le sol ; l’époque de la fonte des neiges ; les jours il y a eu des orages, des ouragans, de la grêle, il s’est déposé de la rosée, il a plu, il a fait du brouillard, le ciel a été découvert, à demi couvert, voilé. Tous ces relevés s’exécu¬ tent sans grande peine, au fur et à mesure de l’apparition des phé¬ nomènes à constater.

Les observations pliénologiques , dont nous avons déjà parlé à propos des travaux de l’association allemande, ne sont pas plus com¬ pliquées. Elles ont trait à certains arbres forestiers ou fruitiers, à certains arbustes, à quelques plantes agricoles, enfin à différents animaux. En ce qui concerne les arbres et arbustes, on pointe les jours ils présentent leur première feuille, ils sont en complète foliaison, ils montrent pour la première fois une fleur épanouie, ils sont tout à fait en fleurs, ils ont des fruits en pleine matu¬ rité, ils perdent leur feuillage. Pour les arbres, on mesure, en outre, chaque année, la longueur de la pousse terminale. Quant aux plantes agricoles (céréales, plantes fourragères), on note l’époque des

l’expérimentation forestière.

223

semailles, de l’apparition des premières feuilles (de la levée) et des premières fleurs, la date de la maturité et de la récolte. Enfin, en ce qui touche le règne animal, on signale l’époque de l’arrivée et du départ des oiseaux migrateurs, de la mue et du rut des cerfs, des métamorphoses d’insectes tels que le hanneton, le bostriche typo¬ graphe, l’hvlésine piniperde, etc.

Tous ces relevés climatologiques et phénologiques, très simples par eux-mêmes, ont été rendus encore plus faciles par l’emploi de formules imprimées, sur lesquelles une ligne ou une caSe est consa¬ crée à chaque genre de phénomènes, et les observateurs n’ont qu’à consigner une date ou tirer un trait. Aussi a-t-on pu les entre¬ prendre dans une cinquantaine de cantonnements.

L 'élude spéciale des localités exposées aux gelées printanières ou automnales a pour but de déterminer dans quelles conditions atmos¬ phériques les essences forestières indigènes sont atteintes par le froid, et quelle influence exercent sur la production des gelées, le sol, la situation, les abris, etc. Aussi l’instruction prescrit-elle de décrire minutieusement quelques-uns des cantons forestiers les gelées sont habituelles, d’v faire des observations sur l’état couvert ou découvert du ciel, la direction des vents, le degré d’humidité de l’air, la quantité d’eau pluviale tombée, la température absolue et les différences de température par rapport aux lieux voisins épar¬ gnés par le froid. Il est inutile d’insister sur l’importance de ces recherches spéciales, étant donnés les ravages considérables que les gelées occasionnent tous les ans dans les propriétés boisées.

M. Ebermayer a déjà publié en 1873 les résultats fournis, au bout de trois années, par les observations de météorologie proprement dite \ Mais on comprendra sans peine que les conclusions formulées par lui à cette époque ne peuvent avoir que le caractère de pré¬ somptions plus ou moins fondées. Il s’occupe maintenant d’utiliser les matériaux réunis pendant une période de dix années, de sorte que le nouveau travail qu’il se propose de faire paraître prochai¬ nement résoudra d’une façon à peu près définitive la plupart des

1. Die phtjsikalisclien Einwirkungen des Waldes auf Luft und Boden , etc. Ouvrage déjà cité.

224

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

questions de météorologie forestière mises à l’étude et qui n’auraient pas encore été complètement élucidées1.

M. Ebermayer -a aussi l’intention de publier dans un avenir peu éloigné les résultats des observations climatologiques et phénolo- giques exécutées depuis douze ans dans les différentes parties du royaume.

Quant aux recherches relatives aux gelées printanières et autom¬ nales, elles ne semblent pas encore avoir donné lieu à des rappro¬ chements ni à des conclusions.

A côté de ces grands travaux qui s’étendent sur tout le territoire de la Bavière et sont l’œuvre d’un véritable service météorologique, M. Ebermayer, secondé par un seul assistant, M. Baumann, exécute à Munich même, dans le jardin de l’institut forestier, une série de recherches d’un ordre secondaire mais également très intéressantes.

L’une d’elles consiste à mesurer sur un emplacement d’une ving¬ taine de mètres carrés, pourvu d’une ingénieuse installation en ma¬ çonnerie, la quantité d’eau pluviale qui filtre à travers cinq genres de sols (sable siliceux fin, gravier siliceux, terre calcaire poussié¬ reuse, argile, terre tourbeuse). La même installation permet aussi de mesurer l’eau évaporée de chacun de ces sols et de déterminer le volume d’acide carbonique que l’air y renferme à différentes pro¬ fondeurs.

Il serait trop long de s’appesantir davantage sur la nature des tra¬ vaux entrepris par la station bavaroise, mais nous croyons qu’il n’est pas sans intérêt de décrire sommairement les locaux mis à la dispo¬ sition des membres de la station académique pour leurs travaux de cabinet et leurs conférences.

Ces locaux ont d’ailleurs une double affectation, car ils servent en même temps à l’enseignement sylvicole de l’Université de Munich.

Outre les salles qui ont été réservées à la chimie forestière dans le vaste bâtiment construit vers 1826 pour y loger les différentes fa-

1. On sait d'ailleurs que certaines de ces questions peuvent déjà être considérées comme résolues par les expériences de M. Mathieu dans la forêt de Haye.

225

l’expérimentation forestière.

cultés, l’institut forestier occupe à lui seul un pavillon à plusieurs étages édifié tout récemment. A côté des amphithéâtres, on y trouve des cabinets de travail pour les différents professeurs et leurs assis¬ tants, des laboratoires pour les étudiants, une bibliothèque, enfin de nombreuses salles de collections. Rien n’a été épargné pour créer une installation digne d’un grand établissement scientifique, et ce qui frappe surtout le visiteur, c’est l’esprit pratique qui a présidé à la distribution des pièces, à leur aménagement intérieur, ainsi qu’au classement des livres et des objets collectionnés.

On a voulu d’ailleurs rendre les travaux de recherches abordables aux élèves aussi bien qu’aux professeurs. En effet, ceux des étu¬ diants qui désirent entrer dans l’administration des forêts de l’État, en Bavière, sont tenus de se livrer au cabinet et sur le terrain à des exercices pratiques d’expérimentation. Dans ce but, on leur met entre les mains les instruments de toute espèce qui ont été imaginés par les expérimentateurs allemands. Parmi ces inventions , nous nous bornerons à citer les règles spécialement construites pour me¬ surer les accroissements des arbres sur des rondelles transversales et les xylomètres ou vases gradués destinés à servir au cubage des bois par le procédé hydrostatique. Munis de ces appareils, les élèves font ce qu’on appelle en Allemagne des analyses de tiges (Stammen- Analysen ), c’est-à-dire qu’ils étudient, sur des sections transver¬ sales et longitudinales, la croissance de certains arbres pris comme types d’une essence dans une station donnée. Ils déterminent aussi la densité de divers échantillons de bois et effectuent encore d’au¬ tres recherches du même genre. Enfin, ils exécutent au laboratoire de chimie des analyses de cendres et de terres et opèrent en forêt des cubages de peuplements. De cette façon, une fois entrés dans le service, ils sont familiarisés avec toutes les tâches dont le bureau d’expérimentation et de statistique pourra les charger.

Le pavillon que nous avons décrit plus haut est entouré d’un petit jardin planté de jeunes sujets d’essences forestières indigènes et exotiques. M. Ebermayer y a placé quelques instruments de météo¬ rologie. C’est aussi qu’il a fait construire l’appareil en maçonnerie au moyen duquel il veut étudier la perméabilité des sols nus à l’égard des eaux pluviales et leur faculté d’évaporation.

226

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

On voit, en somme, par l’exposé qui précède, que le gouverne¬ ment bavarois a monté sur un très grand pied l’expérimentation fo¬ restière, et" que le bureau central du ministère comme la section académique de l’Université déploient beaucoup de zèle pour mener à bonne fin les travaux multiples qu’ils se sont imposés. Aussi ne sera-t-on pas étonné d’apprendre que le chiffre total des crédits affectés chaque année à l’expérimentation en Bavière s’élève à en¬ viron cinquante-cinq mille francs. Il faut remarquer, d’ailleurs, que ce pays est très boisé, que les forêts, qui occupent un tiers du terri¬ toire, y sont une des principales sources des revenus publics, et que, par conséquent, les dépenses ayant pour but de faire progresser la sylviculture y ont un caractère d’utilité incontestable.

Pendant notre séjour en Bavière, nous avons pris part aux excur¬ sions organisées par le bureau central pour montrer aux membres de l’association des stations forestières allemandes, réunis à Munich, les places d’essai relatives aux recherches sur la production ligneuse à l’hectare et sur l’influence des éclaircies.

Nous croyons utile de compléter l’exposé qui précède par le compte rendu de ces tournées qui nous ont mis à même de recueil¬ lir plusieurs renseignements utiles sur la pratique de l’expérimen¬ tation.

Excursion dans le cantonnement de Schrobenhausen. La pre¬ mière excursion s’est faite dans le cantonnement de Schrobenhausen, qui ressortit à la maîtrise d’Ingolstadt et comprend environ 2,400 hectares de bois domaniaux dépendant d’un grand massif boisé de 10,000 hectares. Cette vaste forêt est située entre Augsbourg et Ingolstadt, à l’altitude moyenne de 450 mètres sur le haut plateau central de la Bavière, mais dans la partie nord, ce plateau commence à s’infléchir vers la rive droite du Danube. Dans les can¬ tons que nous avons visités, nous n’avons pas rencontré le moindre accident de terrain. Le sol, formé d’un diluvium siliceux très profond et mélangé d’une assez grande quantité d’argile, est éminemment propre à la culture forestière. C’est le pin sylvestre qui est l’essence principale de la forêt : s’accommodant parfaitement du sol et du cli-

l’expérimentation forestière.

227

mat de la région, il acquiert de fort belles dimensions et fournit des bois de première qualité. Aussi n’a-t-on pas manqué d’en faire l’objet d’une étude spéciale \

Nous donnons aux annexes1 2 la traduction du tableau autographié dont l’administration bavaroise a eu la gracieuseté de mettre un exemplaire entre les mains de chacun des excursionnistes, pour lui permettre de mieux se rendre compte des résultats fournis par les diverses places d’essai visitées.

On étudie dans ces places la production par hectare du pin syl¬ vestre aux différentes phases de la vie des massifs, afin de pouvoir dresser des tables de production pour cette essence. Les peuple¬ ments sont âgés de 27 à 97 ans et proviennent soit de semis naturels, soit de plantations. Même en négligeant les produits enlevés par les éclaircies antérieures, lesquelles, il est vrai, ont été généralement très modérées, on a trouvé des accroissements annuels moyens com¬ pris entre 6 et 12 mètres cubes. En outre, on a remarqué que, toutes circonstances égales d’ailleurs, les peuplements provenant de plan¬ tations avaient la supériorité sur les massifs naturels aussi bien pour la hauteur et la grosseur des tiges que pour les volumes du matériel sur pied 3.

1 . Tantôt le pin sylvestre constitue dans cette forêt des massifs absolument purs, tantôt l’épicéa lui est associé dans une proportion variable. La partie domaniale est aménagée en futaie régulière à la révolution de 120 ans. On a recours autant que possible à la régénération naturelle, mais sans attendre indéfiniment qu’elle se produise, et on y supplée dans une assez large mesure par des plantations ou des semis artifi¬ ciels. Nous avons traversé, dans le district dit Hagenauer Wald, une coupe définitive le semis naturel a précisément été complété au moyen de plantations faites par bandes avec du pin sylvestre, de l’épicéa et du mélèze. On y a réservé, au nombre de 20 environ par hectare, des pins destinés à parcourir une deuxième révolution ; ces arbres ont en moyenne 0m,50 de diamètre à 130 ans, avec une hauteur totale de 30 mètres; leur bois vaut 25 fr. le mètre cube sur pied. Plus loin, dans un haut-perchis, nous avons rencontré des sujets réservés depuis plus longtemps et dont l’un, âgé d’environ ISO ans, mesure 0m,90 de diamètre à hauteur d’homme et présente une hauteur totale de 40 à 45 mètres.

2. Voir l’annexe V.

3. La différence constatée tient sans doute à ce que, dans les peuplements créés par voie de plantations, on a pu mesurer à volonté la distance entre les tiges et adopter l’espacement le plus favorable. Au contraire, la régénération naturelle a fourni des massifs les sujets, extrêmement nombreux, se sont gênés longtemps à cause du

228

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Le cubage des places d’essai en question a été effectué à l’aide du procédé dit des tiges d’expérience ( Probestamme-Verfahren ) dont l’idée première est due à un forestier nommé Urich. Applicable à tous les peuplements réguliers, à partir de l’état de gaulis* 1, ce procédé est décrit sommairement à peu près comme il suit, à l’ar¬ ticle 13 du plan d’exécution adopté par l’association des stations alle¬ mandes pour la construction des tables de production 2 :

a) On mesure toutes les tiges avec le compas forestier, àlm,30 du sol, en évaluant leur diamètre en un nombre rond de centimètres, de telle sorte que 5 millimètres et plus sont comptés pour 1 centi¬ mètre et que les fractions inférieures à 5 millimètres sont négligées. On compte le nombre total des tiges N, on calcule la surface totale S de toutes les sections transversales des tiges à la hauteur de lm,30, et on déduit de ces deux nombres le diamètre moyen du peuplement ; c’est le diamètre correspondant au cercle de surface

g

La surface, S porte le nom de surface terrière ( Grundflache ) du

peuplement.

b) On répartit toutes les tiges en cinq classes renfermant chacune

.N

le même nombre de tiges, soit -g-, de façon que si le peuplement

se compose par exemple de 1,000 tiges, la première classe comprend les 200 tiges du plus petit diamètre, la deuxième les 200 suivantes, etc. ; puis on calcule les sommes slf s2, s3, s4, s5 des sections trans¬ versales de chaque classe.

c) On déduit de ces dernières quantités le diamètre moyen de

retard apporté, pour un motif quelconque, à l'exécution des premières éclaircies. Nous ne voyons là, bien entendu, ni une raison décisive pour proscrire la régénération na¬ turelle, ni un argument péremptoire en faveur de la régénération par plantations, car d’autres considérations importantes devraient entrer en ligne de compte s’il s’agissait de comparer ces deux modes de création des massifs et par suite de mettre en balance leurs avantages et leurs inconvénients respectifs.

1. Nous appelons régulier tout peuplement composé de tiges de même âge qui ont crû dans des conditions identiques, et nous le désignons par le mot gaulis depuis le moment les tiges se dénudent par le bas jusqu’à celui elles ont en moyenne Om, 10 de diamètre à lm,30 du sol.

2. Arbeitsplan fur die Aufstellung von Holzertragstafeln . Voir Ganghofer, Das forstliche Versuchswesen, tome 1er, pages 385 et suivantes.

l'expérimentation forestière. 229

chaque classe par une opération analogue à celle qui a donné tout à l’heure le diamètre moyen de tout le peuplement; on choisit pour chacune de ces classes, en dehors de la place d’essai, mais à proxi¬ mité, un même nombre de tiges d’expérience ayant un diamètre sensiblement égal au diamètre moyen calculé 1 ; on mesure les dia¬ mètres de ces tiges d’expérience à lm,30 du sol, au millimètre près, et on calcule en fonction de ces données la somme a des sections transversales des tiges d’expérience de toutes les classes réunies.

d) On abat les tiges d’expérience, à une hauteur au-dessus du collet de racine égale au 1/3 du diamètre qu’elles ont à ce collet, et on détermine :

Le volume du bois plein ( Derbholz ) 2 3, en le tronçonnant en bil- lons de 1 à 2 mètres assimilés à des cylindres ;

Le volume du menu bois ( Reisig)\ en le façonnant en fagots qu’on pèse et dont on immerge quelques spécimens dans l’eau.

V y

On obtient de la sorte le volume du bois plein et le volume

Vp vm

du menu bois de toutes les tiges d’expérience réunies .

e) Le volume X du bois plein de tout le peuplement, se tire alors de la proportion :

A

Vp <T

Et le volume Y du menu bois de tout le peuplement est de même donné par la proportion :

.1 A

Vm o-

f) L’âge moyen du peuplement est considéré comme égal à la moyenne arithmétique des âges de toutes les tiges d’expérience.

1. Dans chaque classe on prend au moins :

1 tige d’expérience si le peuplement est arrivé à l’état de futaie (. Baumholz ), c’est- à-dire si les tiges ont au moins 0m,20 de diamètre à lm, 30 au-dessus du sol ;

4 tiges d’expérience si le peuplement est à l’état de j perdus (Starkes Stangenholz), c'est-à-dire si les tiges ont de 0m,10 à 0m,20 de diamètre moyen;

10 tiges d’expérience si le peuplement est à l’état de gaulis ( Geringes Stangen - holz), c’est-à-dire si les tiges sont déjà dénudées par le bas, mais ont moins de 0m110 de diamètre moyen.

2. Bois de la tige et des branches ayant plus de 0m.07 de diamètre.

3. Bois de la tige et des branches ayant 0m,07 de diamètre et au-dessous.

230

ANIMALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

h) Enfin la hauteur moyenne du massif est aussi la moyenne arith¬ métique des hauteurs des tiges d’expérience employées.

Cette méthode de cubage ne s’applique qu’à l’ensemble des tiges qui doivent rester sur pied après l’éclaircie, c’est-à-dire à ce qu’on appelle en Allemagne peuplement principal ( Hauptbestand ).

Les tiges extraites dans l’opération et qui forment le peuplement accessoire ( Nebenbestand ) sont simplement cubées après façonnage.

Nous donnons d’ailleurs, aux annexes *, le spécimen d’un cubage de peuplement d’après cette méthode, ainsi que la théorie du procédé telle qu’elle est indiquée par M. Baur dans son Traité de cubage des bois f pages 305 à 307 (3e édition).

Dans le même cantonnement de Schrobenhausen, nous avons vu un groupe de places d’essai récemment établies pour étudier l’in¬ fluence des éclaircies sur le développement des massifs réguliers de pin sylvestre1 2.

Le groupe dont il s’agit ( Durchforstungshauptflàche ) se trouve dans un peuplement d’une vingtaine d’années, et se compose, con¬ formément au plan d’exécution dressé par l’association allemande, de trois pincettes (. Einzelflàclien ) de 25 ares chacune l’on fait res¬ pectivement l’éclaircie faible , moyenne ou forte .

Pour que ces épithètes correspondent à des degrés constants dans l’état de desserrement du massif, le plan d’exécution a posé les prin¬ cipes que nous transcrivons ci-après.

Dans tout peuplement régulier arrivé à l’état de gaulis, on dis¬ tingue les éléments suivants :

Des tiges dominantes qui, avec leurs cimes complètement épa¬ nouies, forment Y étage supérieur ;

1. Voiries annexes VI et VI bis.

2. Nous disons groupe de places , car à la différence de ce qui a lieu dans les recherches sur la production à l'hectare, les places d’essai sont indépendantes les unes des autres, les expériences relatives aux éclaircies nécessitent absolument la subdivision d'un même peuplement en deux ou plusieurs parties traitées d’une façon différente; autrement, les résultats des opérations de desserrement ne seraient point comparables. C’est ce que l’association allemande a très bien compris. (Voir le § 4 du plan d'exécution pour les expériences d’éclaircie, dressé par l’association des stations fores¬ tières d’Allemagne: Anleitung fur Durchforstungs-Versuche , aufgestelU vom Vereinc deutscher forstlicher Versuchs-Anstallen. Ganghofer, tome II, pages 247 et suivantes.)

l’expérimentation forestière.

231

Des tiges retardataires qui concourent encore à la formation de l’état de massif, mais chez lesquelles le plus grand diamètre hori¬ zontal de la cime est moins élevé que chez les tiges dominantes, et qui, par conséquent, constituent ensemble un étage un peu moins élevé que le précédent.

Des tiges dominées dont le bourgeon terminal est très visible¬ ment placé sous la cime des tiges dominantes ; les tiges courbées ap¬ partiennent à cette catégorie ;

Des tiges mourantes ou mortes.

Gela étant posé :

a) L’éclaircie faible enlève seulement les tiges mortes ;

b) L’éclaircie moyenne fait tomber en outre les tiges mourantes et les tiges dominées ;

c) L’éclaircie forte supprime avec les précédentes, toutes les tiges retardataires .

Ces définitions ne répondent d’une façon complète ni aux idées actuellement professées en France sur la manière de faire les éclair¬ cies dans les peuplements purs, ni même à la théorie de Lorentz et Parade convenablement interprétée ; mais on ne peut leur contester le mérite d’être nettes et de rendre les résultats des opérations com¬ parables entre eux. Empressons-nous, du reste, de constater que, si lesdites définitions conduisent à supprimer dans les éclaircies moyenne et forte toutes les tiges dominées, quels que soient leur tempérament et leur degré de vitalité et elles n’entraînent point la suppression du sous-bois que l’on rencontre si souvent dans les peu¬ plements à partir d’un certain âge et qui est si précieux pour l’enri¬ chissement du sol. En effet, le peuplement régulier que l’on éclaircit, c’est par définition l’ensemble des tiges de même âge qui ont déjà plus de 0m,l|) de diamètre et l’on n’y fait pas rentrer le sous-bois postérieurement à ces tiges. Le sous-bois est regardé comme une forme particulière de la couverture du sol et, à ce titre, il est tou¬ jours respecté. On ne peut donc pas accuser l’association allemande de préconiser dans les éclaircies la pratique déplorable condamnée chez nous sous le nom de débrous s aillement ou de nettoiement du sol.

Remarquons d’ailleurs que les forestiers allemands ne bornent pas toujours le desserrement du massif au degré, en somme assez mo¬ le

ANN. SCIENCE AüllON.

232 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

déré, qualifié ci-dessus d’éclaircie forte. Ils exécutent quelquefois dans les peuplements d’âge moyen, sous le nom de Lichtdurch- forstungen des éclaircies plus intenses qui espacent largement les cimes et qui conduisent même peu à peu à les isoler complètement les unes des autres. Le but principal de ces opérations est de favori¬ ser la croissance des tiges d’élite. Mais on comprend que, par la force des choses, en raison de ce qu’elles sont exécutées dans des peuplements arrivés à l’âge de fertilité et de ce qu’elles diminuent de plus en plus le couvert, elles prennent le caractère de coupes de régénération progressives. Aussi désigne-t-on sous le nom généri¬ que de Lichtungshiebe , que nous traduirons par coupes claires, des opérations qui participent à la fois de la nature de l’éclaircie et de la coupe de régénération. Nous aurons, du reste, l’occasion de par¬ ler de ces coupes en rendant compte de l’expérimentation dans le pays de Bade.

Après chaque éclaircie, les peuplements des places d’essai sont cubés par le. procédé dit des liges d’expérience exposé précédem¬ ment et les produits de l’opération mesurés après façonnage.

Les éclaircies reviennent généralement tous les 5 ou tous les 10 ans sur le même point.

Le groupe de trois pincettes que nous avons visité venait à peine d’être parcouru pour la première fois par l’éclaircie, de sorte qu’on n’a pu nous donner aucun renseignement intéressant sur les effets du traitement spécial appliqué à chaque placette.

Conformément à une prescription du plan d’expérience, chacune des trois placettes d’un même groupe est entouré d’une bande d’ iso¬ lement ( Isolirstreifen ) de 10 mètres de largeur que l’on traite comme la placette correspondante et qui a pour but de soustraire celle-ci aux perturbations que pourraient exercer les parties voisines. Les portions de peuplement comprises dans ces bandes ne sont pas cubées.

Excursion dans la forêt du Sachsenried. La deuxième excur¬ sion a été principalement consacrée à la visite des places d’essai éta-

1. Littéralement: éclaircies de lainière.

l'expérimentation forestière.

233

blies dans la forêt de Sachsenried pour déterminer la production à l’hectare de l’épicéa. Ce massif est situé à gauche de la route de Munich à Lindau, sur les confins du Vorarlberg, dans la partie la plus élevée du plateau bavarois, entre le cours supérieur du Lech et celui de la Wertach. Il a une contenance de 3, 574 hectares et forme, au point de vue de la gestion, les cantonnements de Dienhausen, Frankenhofen et Sachsenried, qui dépendent tous trois de la maî¬ trise de Kaufbeuren. Son altitude moyenne est de 750 mètres. Le plateau sur lequel il repose présente quelques dépressions parallè¬ les orientées N.-S. Le sol est un sable gras, très fertile, provenant d’alluvions quaternaires.

L’épicéa caractérise cette région au climat rude et humide, et les massifs serrés de cette essence bornent partout l’horizon de larges bandes noires, car ils n’ont été entamés par le pâturage ou par la culture du seigle et de l’avoine que dans les vallées et à proximité des villages ; même au milieu des champs, du reste, ils ont laissé de nom¬ breux vestiges sous forme de bouquets ou de pieds d’arbres isolés.

La forêt de Sachsenried est traitée en futaie régulière 1 à la révo-

1. Comme presque toutes les forêts d'Allemagne, la forêt de Sachsenried est aménagée suivant une méthode basée à la fois sur la contenance et sur le volume des peuple¬ ments. La révolution, qui était de 144 ans jusqu’en 1880, a été abaissée depuis à 120 ans, par le motif qu’il y avait un matériel surabondant et que, sous les vieux massifs qui s’entr’ouvraient et devenaient moins fertiles, l’herbe envahissait le sol. Mais on y rencontre encore des peuplements de 160 ans. La nouvelle révolution a été partagée en 5 périodes de 24 ans, et chaque période en 2 sous-périodes de 12 ans, à l’expiration desquelles ont lieu des révisions du plan spécial d’exploitation (Wirth- schaftsplan) et de la possibilité {État). Les peuplements à régénérer dans une même période ne sont pas groupés en une seule masse; ils sont disséminés dans toute la forêt, car on ne s’attache pas en Allemagne à ce que les bois des différents âges se succèdent de proche en proche sur le terrain. Mais la marche des exploitations est toujours scru¬ puleusement dirigée à l’encontre des vents dangereux. La possibilité annuelle de la forêt de Sachsenried est fixée à 30,000 mètres cubes, dont 24,000 mètres cubes pour les pro¬ duits principaux ( Hauptnutzungen ) et 6,000 mètres cubes pour les produits acces¬ soires (Nebennutzungen). Cela fait plus de 7 mètres cubes par hectare et par an. Mais ce chiffre n’est pas exagéré si l’on en juge par les résultats fournis par les places d’essai dont il est parlé plus haut. Nous avons traversé des coupes de régénération l’on complète le semis naturel en plantant des épicéas de 5 ans qui ont été repiqués en pépinière après la 2e année. Sur certains points, les massifs d’âge moyen renferment une proportion notable de bêtre, mais cette dernière essence est systématiquement éliminée des jeunes peuplements. Notons enfin qu’ici, comme dans toutes les forêts du

234

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

lution de 120 ans. Grâce à la fertilité du sol, qui peut être considéré comme de- première qualité, et à l’humidité du climat, l’épicéa y donne des résultats surprenants, au point de vue de la croissance. Cinq places d’essai sur neuf accusent, abstraction faite des produits antérieurs, des accroissements annuels moyens qui oscillent entre 13 et 14 mètres cubes, et, dans aucune place, on ne constate un accrois¬ sement inférieur à 9 mètres cubes.

Contrairement à ce que nous avons vu à Schrobenhausen, les peuplements dus à la régénération naturelle ne sont pas inférieurs, sous le rapport de la production ligneuse, à ceux qui ont été créés artificiellement. On trouvera d’ailleurs aux annexes le tableau des résultats fournis par les diverses places d’essai b

La forêt de Sachsenried renferme aussi des places d’expérience relatives aux éclaircies. L’une d’elles, que nous avons traversée chemin faisant, est assise dans un peuplement d’épicéa de 67 ans et divisée, conformément à la règle, en 3 placettes l’on a exécuté respectivement les trois sortes d’éclaircies. Les produits extraits dans l’éclaircie faible se sont trouvés réduits à néant par suite de l’absence de tiges mortes, de sorte que la placette correspondante a être laissée intacte. Dans l’éclaircie moyenne, on a enlevé 42 mètres cubes à l’hectare et dans l’éclaircie forte 60 mètres cubes. Ces résultats datent d’il y a deux ans ; l’éclaircie doit revenir tous les dix ans sur le même point.

Excursion dans le cantonnement de Welden et dans la forêt de Freising. Une troisième excursion, qui ne figurait pas sur le pro¬ gramme de la réunion, eut lieu le lendemain de la tournée précé¬ dente. M. le conseiller ministériel Ganghofer voulut, en effet, con¬ duire les représentants des stations forestières dans son ancien cantonnement de Welden, près d’Augsbourg, et dans la forêt de Freising, pour leur montrer différentes choses intéressantes, notam¬ ment des essais de naturalisation d’essences exotiques.

royaume, l’administration s’attache à faire disparaître les enclaves par voie de rachat; elle en a déjà acquis environ 90 et il n’en reste plus qu’une seule à supprimer; elle les reboise en épicéa et en pin sylvestre.

1 . Voir l’annexe V bis.

l’expérimentation forestière.

235

L’itinéraire adopté pour notre voyage ne nous permit pas de prendre part à cette excursion, mais nos regrets d’avoir y re¬ noncer sont atténués par la pensée que les questions de propagation de végétaux étrangers n’ont plus en France, au point de vue fores¬ tier, l’importance qu’on leur a attribuée jadis et qu’on leur accorde encore aujourd’hui en Allemagne.

CHAPITRE III

ROYAUME DE WURTEMBERG

Surface totale : 1,950,369 hectares. Population : 1,971,118 habitants.

Surface boisée :

Forêts de la couronne . 4, 916 hectares.

Forêts domaniales . 192,337

Forêts des communes et des établissements publics . 188,498

Bois de particuliers . 213,764

Ensemble. . . 599,515 hectares.

Soit 31 p. 100 de l’étendue totale du territoire.

I.

Organisation.

La station d’expérimentation forestière du Wurtemberg a été créée et organisée par un arrêté ministériel du 11 juin 1872*. D’abord placée à Hohenheim auprès de l’académie forestière du royaume, elle a été transférée à Tubingue en avril 1881, lorsque l’académie a été fusionnée avec l’Université de cette dernière ville.

La direction de toute l’expérimentation est confiée à l’un des

1 . Voir l’annexe VII.

236

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

deux professeurs d’économie forestière de l’Université qui, au sujet des expériences à exécuter, est tenu de prendre l’avis d’un comité consultatif comprenant :

L’autre professeur d’économie forestière et Y assistant attaché à l’expérimentation ;

Les professeurs de chimie, de physique et de physiologie vé¬ gétale.

Le directeur de la station correspond avec la direction des forêts et est autorisé à se mettre en relations avec les particuliers pro¬ priétaires de bois disposés à installer des expériences sur leurs do¬ maines.

Comme les deux établissements scientifiques auxquels elle a été successivement rattachée, la station wurtembergeoise dépend du mi¬ nistère de l’instruction publique et des cultes,. tandis que l’adminis¬ tration forestière du rovaume ressortit au ministère des finances. Néanmoins, il a été adressé, à la date du 6 août 1872, à tous les agents forestiers, une circulaire 1 qui assure aux fonctionnaires de la station, dans leurs expériences en forêt, le concours du service local et qui met à la charge de l’administration forestière tous les frais nécessités par l’abatage des arbres types, les cubages, les analyses de tiges, les essais de repeuplements artificiels, les expériences sur les éclaircies, etc...

Cette instruction pose d’ailleurs en principe que le choix des places d’essai, ainsi que les opérations auxquelles les recherches donnent lieu sur le terrain, doivent, dans la limite du possible, être exécutés par les fonctionnaires mêmes de la station, parce que, dit avec raison la circulaire, « pour obtenir des résultats utilisables , il faut absolument que les travaux soient conduits d’une manière uni¬ forme ».

C’est donc seulement dans des cas exceptionnels que les agents forestiers locaux ont à prendre une part directe aux opérations de recherches. Leur tâche consiste surtout à procurer aux expérimen¬ tateurs les moyens d’exécution dont ils ont besoin, tels que surveil¬ lants, bûcherons et ouvriers de toute espèce.

1. Voir l’annexe VII.

l’expérimentation forestière.

237

II. Fonctionnement.

M. le Dr Baur, alors professeur à l’Académie de Hohenheim et passé depuis au service de la Bavière, a été le premier chef de la sta¬ tion de recherches wurtembergeoise. Il a rendu compte des tra¬ vaux de cette station dans différentes publications périodiques, notamment dans la Revue mensuelle de sylviculture (Monatsschrift für das gesammte For slw es en) , dont il est le rédacteur en chef; et c’est pendant qu’il dirigeait l’expérimentation dans le Wurtemberg qu’il a fait paraître les deux études sur l’épicéa et le hêtre que nous avons mentionnées au chapitre précédent .

Après le départ de M. Baur, la direction de l’expérimentation a été partagée entre M. le Dr Nôrdlinger, conseiller des forêts, et M. le Dp Lorey, tous deux professeurs d’économie forestière à l’Université de Tubingue.

M. Nôrdlinger, un des plus anciens représentants de la science forestière en Allemagne, n’est pas tout à fait un étranger pour nous Français. C’est, en effet, dans notre pays qu’il a commencé sa car¬ rière. Après avoir, vers 1840, suivi comme élève libre, les cours de l’Ecole forestière de Nancy, il a longtemps enseigné l’histoire natu-

r

relie et la sylviculture à l’Ecole d’agriculture de Grandjouan et a publié alors, sur les essences forestières de la Bretagne, un ouvrage justement remarqué. De retour dans son pays natal, il est devenu " professeur à l’Académie de Hohenheim et s’est livré à de nombreux travaux ayant trait surtout la botanique, à l’entomologie et à la technologie forestières. Ses œuvres comprennent une Flore fores¬ tière, un Traité des propriétés techniques des bois ( Die technischen Eigenschaften der Hôlzer ), un ouvrage sur les insectes nuisibles (Die kleinen Feinde des Ackerbaus ), des compléments au célèbre traité d’entomologie forestière de Batzeburg, enfin une foule d’articles de journaux et de revues. La liste de ces derniers n’est d’ailleurs pas close, et l’un des principaux organes des forestiers allemands, le Centralblatt für das gesammte Forstivesen , continue à renfermer d’intéressantes publications dues à la plume infatigable du savant professeur de Tubingue. A côté de ses écrits, il faut encore citer une

238

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

autre production de son esprit inventif: nous voulons parler des albums il renferme pour toutes les essences, des sections trans¬ versales ayant la forme de lamelles extrêmement minces. Depuis

r

nombre d’années, les élèves de l’Ecole de Nancy reçoivent de ces albums et peuvent constater combien ils facilitent l’étude anatomique des tissus ligneux.

Quoique bien loin d’avoir parcouru une aussi longue carrière, M. Lorey, le collègue de M. Nôrdlinger, s’est déjà distingué par plu¬ sieurs productions scientifiques relatives à la technique forestière et il est depuis quelques années le principal rédacteur de YAUge- meine F or si- und Jagd-Zeitung, de Francfort, la plus ancienne et la plus importante des nombreuses revues allemandes qui s’occupent des forêts.

En ce qui concerne la station wurtembergeoise, les deux profes¬ seurs dont nous venons de parler se sont partagé les travaux d’ex¬ périmentation suivant la nature de leur enseignement et le genre d’occupations auquel ils se livrent de préférence.

M. Nôrdlinger continue dans son laboratoire les recherches qu’il a commencées depuis longtemps sur les propriétés techniques des bois (résistance à la traction, à la compression, à la flexion ; degré d’élasticité sous l’action de ces différentes forces, etc...).

Nous devons renoncer à décrire l’ingénieux appareil dont il se sert pour ces études, appareil qu’il a construit lui-même et qu’il perfec¬ tionne chaque jour. Si l’on voulait donner une idée de cette ma¬ chine assez compliquée, il faudrait lui consacrer une longue notice accompagnée de figures. Nous nous bornerons donc à dire que l’on fait agir sur les échantillons la force humaine, par l’intermédiaire d’une manivelle et d’un système de vis et d’engrenages qui la trans¬ mettent dans toutes les directions voulues et l’amplifient au besoin. D’autre part, aux mouvements de la manivelle sont liés ceux d’une aiguille qui parcourt un cadran gradué empiriquement et qui in¬ dique, en kilogrammes, l’intensité de l’effort exercé. Un ressort em¬ pêche l’aiguille de revenir en arrière lorsque la force qui la pousse en avant cesse d’agir; de sorte que, cet index restant en place au point extrême de sa course, on est dispensé d’avoir l’œil constam¬ ment fixé sur le cadran pendant la durée de l’expérience.

i/expérimentation forestière.

239

Les échantillons de bois, avant d’être placés sur l’appareil, reçoi¬ vent la forme de petits cylindres d’environ 3 centimètres de diamètre et d’une longueur variant de 1 à 5 décimètres. A leurs extrémités, ils sont façonnés de telle sorte qu’ils ne puissent vaciller dans les an¬ neaux qui les étreignent, autrement ils subiraient en ces points des pressions latérales qui influenceraient les résultats de l’expérience. C’est une précaution que tous les opérateurs n’ont pas soin de prendre dans les recherches de l’espèce.

M. Nôrdlinger se sert d’ailleurs d’échantillons parfaitement dessé¬ chés et dont il détermine la densité par des procédés rigoureux.

En attendant qu’il réunisse en un volume spécial les résultats ob¬ tenus dans cette branche d’études, il en rend compte, au fur et à mesure de leur constatation, dans le Centralblalt fur das gesammte Forstwesen \

M. Lorey se charge d’exécuter, conformément aux plans adoptés par l’association allemande, toutes les expériences de sylviculture proprement dite auxquelles s’est associée la station wurtembergeoise (construction de tables de production pour l’épicéa, détermination de l’influence des éclaircies sur la croissance des massifs, etc.). Il s’est occupé, en outre, tout particulièrement d 'analyses de tiges , et a publié un ouvrage à ce sujet1 2. Enfin, il dirige les observations de météorologie forestière installées sur quelques points du royaume. Dans tous ses travaux, il est secondé par M. Théodore Nôrdlinger, fils du professeur, qui remplit à la station les fonctions d 'assistant.

MM. Lorey et Nôrdlinger fils s’étant trouvés absents lors de notre passage à Tubingue, il ne nous a malheureusement pas été possible de visiter les places d’essai qui existent dans les environs de cette ville. Par contre, nous avons fait, en compagnie de M. le conseiller Nôrdlinger, deux excursions forestières très intéressantes dont nous croyons utile de donner le compte rendu , mais en le rejetant dans une note, parce qu’il ne se rapporte que très indirectement à l’ex¬ périmentation 3.

1. Revue mensuelle , publiée à Vienne chez W. Frick.

2. Ueber Stam-Analysen. Stuttgart, 1880.

3. Excursion dans la forêt de Schœnbuch. La première excursion a eu pour objet la forêt de Schœnbuch, grande masse boisée d’environ 20,000 hectares, dont

240

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

La subvention accordée chaque année à la station wurtember- geoise par ^administration des forêts, sous forme de salaires d’ou¬ vriers et de surveillants, s’élève en moyenne à 9,000 fr., et les dé¬ penses annuelles totales de l’expérimentation peuvent être évaluées

r

moitié à l’Etat. Cétte forêt est située sur une chaîne de collines de grès bigarré (?), dernier contrefort de la Forêt-Noire qui domine la vallée du Neckar, au nord de Tubingue. Elle est peuplée principalememt de hêtre , mais on y rencontre accessoirement le chêne et le charme, et l’on y exécute beaucoup de repeuplements en résineux. On régénère les futaies de hêtre pur par la méthode du réensemencement naturel, en faisant précéder la coupe d'ensemencement d'une éclaircie forte dite coupe prépa¬ ratoire ( Vorbereitungshieb) , destinée principalement à donner de l’ampleur aux cimes et à augmenter ainsi leur aptitude à produire des graines. Ce résultat obtenu, on établit la coupe d’ensemencement proprement dite, sous le couvert de laquelle on cultive le sol par bandes alternes distantes de lm,20 les unes des autres. Dans les massifs le hêtre est subordonné, on procède en général par semis artificiels et plan¬ tations. On est obligé souvent d’entreillager les emplacements repeuplés de la sorte, comme on le faisait en France dans beaucoup des forêts affectées à la liste civile impé¬ riale ; car, de même que dans ces dernières, le gibier, et notamment le cerf, est très abondant à Schœnbuch, et l'on y a fait jadis des battues princières mentionnées dans les fastes cynégétiques de l’Allemagne.

Au point de vue administratif, cette forêt, avec les bois communaux qui s'y rat¬ tachent, dépend de la maîtrise de Bebenhausen et forme neuf cantonnements d’un peu plus de 2,000 hectares chacun. M. le conseiller Tscherning, maître des forêts, qui nous a gracieusement facilité notre promenade en mettant un préposé à notre disposition, est logé par l'administration dans un ancien couvent de religieux de l’ordre de Cîteaux, une des plus belles constructions gothiques de la Souabe, restaurée depuis quelques années avec beaucoup de goût par le roi de Wurtemberg. Les chefs de cantonnement ou Revierforster sont aussi logés aux frais de l'administration dans le voisinage de leurs circonscriptions.

Excursion dans l’Alb souabe. Le deuxième jour, M. Nôrdlinger a bien voulu nous conduire à Urach, dans l’Alb souabe. On appelle ainsi une chaîne de collines cal¬ caires qui s’étend entre la Forêt-Noire à l'ouest, la vallée du Neckar au nord et celle du Danube au midi et qui forme le cœur de la Souabe. Son nom vient de albus, blanc, à cause de la couleur de la roche qui la constitue. Elle est couronnée par un plateau d'une altitude moyenne de 600 mètres, battu par les vents, sec et peu fertile, qui des¬ cend en pente insensible vers le Danube : c’est le commencement du grand plateau bavarois. Mais du côté du Neckar, la chaîne se termine par des versants rapides, sou¬ vent abrupts, dont les crêtes sont à 300 mètres au-dessus du thalweg, et qui sont découpés par une foule de vallées latérales très pittoresques. Cette partie de l'Alb rap¬ pelle le premier plateau du Jura, ce que l'identité de la formation géologique explique parfaitement; elle est d'ailleurs boisée à souhait, et c’est à peine si, çà et là, la roche blanche perce le tapis de verdure qui a été jeté sur ses aspérités. Le fond des peuple¬ ments est constitué par le hêtre qui est associé tantôt avec l’érable sycomore, tantôt

l’expérimentation forestière

241

à dix-sepl mille francs (17,000fr.), somme déjà importante par elle- même, mais qui le paraît encore davantage quand on la rapproche de la petite étendue de territoire que possède le pays.

CHAPITRE IV

GRAND-DUCHÉ DE BADE

Étendue totale : 1,508,113 hectares.

Population au 1er décembre 1880 : 1,570,254 habitants.

Surface boisée :

Forêts domaniales . . . . 89,246 hectares.

de la couronne . 5,045

des communes . 248,192

des établissements publics . 14,046

Bois de particuliers . 176,092

Total . 532,621 hectares.

Soit 35 p. 100 de l’étendue totale du territoire.

Nota. La possibilité des forêts de l’État, des communes et des établisse¬ ments publics est fixée à un chiffre total de 1,358,300 mètres cubes, ce qui représente un rendement annuel de 3mc,9 par hectare.

4

I. Historique et organisation.

Les habitants du pays de Bade ont toujours su mettre à profit les dons que la nature y a répandus d’une main si généreuse , et les riantes campagnes de la plaine du Rhin, comme les sombres futaies

avec le frêne ; ce dernier est surtout abondant dans les dépressions humides. Le traite¬ ment en futaie pleine, mais avec des révolutions assez courtes, paraît avoir été adopté partout. Il y aurait d’intéressants rapprochements à faire, au point de vue forestier, entre cette région et les portions de la Lorraine et de la Franche-Comté situées égale¬ ment sur foolithe, car le climat, le sol et les essences spontanées étant sensiblement les mêmes de part et d’autre, c’est le traitement seul et le mode d’aménagement qui ont produire dans les forêts les différences qu’un observateur quelque peu attentif peut y constater. Mais, pour rassembler les matériaux nécessaires à une étude de ce genre, il faudrait naturellement disposer d’un temps beaucoup plus long que celui que nous avons consacré à cette rapide excursion Aussi nous bornons-nous à indiquer l'impression générale qu’elle a laissée dans notre esprit.

242

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

de la Forêt-Noire, ont de tout temps été citées pour les soins judi¬ cieux dont-ielles étaient l’objet. Aussi, ne sera-t-on pas étonné d’ap¬ prendre que le grand-duché de Bade ait été le premier de tous les États de l’Allemagne à comprendre l’importance de la méthode expérimentale appliquée à la sylviculture.

à en 1836, l’administration forestière commença à recueillir des données sur le matériel ligneux des peuplements suivant les différents modes de traitement auxquels ils étaient soumis, et elle fit paraître à ce sujet, en 1838, le premier fascicule d’une publi¬ cation officielle intitulée : Expériences sur le volume et ï accroisse¬ ment des massifs élevés en futaie pleine1. Le deuxième fascicule, paru en 1840, renferme les résultats des travaux effectués dans les années 1838 et 1839. Ces recherches eurent trait : au matériel sur pied dans diverses sortes de peuplements, à la décroissance du fût des arbres élevés en futaie pleine, au déchet à l’écorce dans les tronces de sapin, enfin au volume réel des bois empilés et des fagots. Les expériences relatives au rendement en matière à l’unité de surface portèrent sur le chêne, le hêtre, le charme, le sapin, l’épicéa et le pin sylvestre, et le compte rendu indique pour chaque place d’essai la circonscription administrative, le canton, l’altitude, la formation géologique, le sol, la situation, la consti¬ tution du peuplement, l’âge, le nombre des tiges et leur hauteur moyenne, le volume sur pied et l’accroissement annuel moyen par arpent.

Malheureusement , ces documents ne purent servir à dresser des tables générales de production, parce que les vieux massifs avaient crû dans des conditions plus ou moins défavorables : ils avaient souffert dans leur jeunesse de la dent du bétail, du couvert, etc., et, plus tard, ils n’avaient pas été soumis à des éclaircies régulières. Aussi a-t-on fini par mettre de côté les résultats fournis par ces massifs, pour s’en tenir aux données recueillies à partir de 1840, lesquelles ne sont pas faussées au même degré par les causes sus¬ mentionnées.

I. Erfahrungen über den Massen-Yorralh und Zuicachs gescldossener Hoch- waldlestcinde.

l’expérimentation forestière.

243

Il a été publié en tout cinq fascicules. Dans le dernier, qui date de 1873, on trouve : les relevés relatifs à la production en ma¬ tière des places d’essai temporaires ou permanentes établies pour le hêtre, le sapin, l’épicéa et le pin sylvestre ; des données sur les coefficients de forme et les hauteurs indicatrices 1 se rapportant à ces quatre essences et au chêne ; quatre tables de production ; enfin une étude sur la croissance des résineux à l’état isolé.

Gomme on avait constaté, en se livrant à tous ces travaux, qu’ils gagnaient beaucoup à être exécutés par des agents spéciaux et qu’il fallait, autant que possible, en charger une seule et même per¬ sonne, on résolut de débarrasser à l’avenir les agents locaux de cette tâche et de la confier à des expérimentateurs de profession.

C’est ainsi qu’est née la station forestière de Carlsruhe, la pre¬ mière en date de toutes les institutions analogues. Gréée par un arrêté du ministre de l’intérieur du 16 avril 1870, elle fut placée, au début, dans les attributions de ce haut fonctionnaire, duquel relèvent, en général, les établissements ayant un caractère scien¬ tifique. Mais, depuis le 1er janvier 1876, elle a été rattachée au mi¬ nistère des finances, dont dépend le service des forêts. Ce chan¬ gement a été décidé par un arrêté du 23 mars 1875, pris de concert par les ministres des finances et de l’intérieur, et un autre arrêté du 17 juillet suivant a approuvé une organisation nouvelle, qu’une circulaire du directeur des domaines, en date du 20 décembre 1875, a portée à la connaissance du personnel forestier2.

L’expérimentation est placée sous l’autorité directe de ce dernier chef de service, qui désigne les agents chargés d’exécuter les re¬ cherches et les choisit parmi les membres du conseil d’adminis¬ tration des forêts et les professeurs de la section forestière de

r

l’Ecole polytechnique de Carlsruhe.

1. Nous avons déjà dit plus haut ce que les Allemands entendent par coefficient déformé. Ils appellent hauteur indicatrice ( Richthôhe ), la hauteur au-dessus du sol du point de la tige le diamètre est égal à la moitié du diamètre à la base. Cet élément leur sert à calculer le volume de la tige d’après une théorie qu’il serait trop long d’exposer ici.

2. Voir l’annexe VIII.

244

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Les chefs de cantonnement sont tenus de coopérer aux expé¬ riences entreprises dans leurs circonscriptions respectives, de four¬ nir les ouvriers nécessaires et de tenir un compte détaillé des frais de main-d’œuvre. Us peuvent, d’ailleurs, recevoir eux-mêmes des indemnités lorsqu'en participant aux travaux de la station ils sont entraînés à des pertes de temps notables ou à des déplacements prolongés.

II. Fonctionnement et résultats.

\

Deux commissaires, délégués par le directeur des domaines, di¬ rigent actuellement l’expérimentation dans le grand-duché de Bade; ce sont M. F. Krutina, conseiller forestier, et M. G. Schuberg, pro¬ fesseur d’économie forestière à l’École polytechnique de Carlsruhe.

y

Ce dernier a fait une grande partie de sa carrière dans le service actif, aussi conserve-t-il à son enseignement et à ses travaux scien¬ tifiques un caractère pratique qui ne peut qu’en augmenter la va¬ leur. Un assistant seconde les deux commissaires dans leur tâche multiple.

La station hadoise prend naturellement part à toutes les expé¬ riences pour l’exécution desquelles des plans d’ensemble ont été adoptés par l’association allemande. Mais elle donne des soins tout particuliers aux recherches qui ont pour but l’établissement de tables de production, d’autant qu’elle peut revendiquer la priorité dans ce genre de travaux. M. le professeur Schuberg a même pro¬ posé avec une grande compétence plusieurs modifications et ad¬ jonctions au plan commun qui sert de base h la construction de ces tables1.

Les expérimentateurs de Carlsruhe ont aussi entrepris, de leur propre initiative et. sans prendre rattache de leurs confrères du reste de l’Allemagne, un ordre de recherches qui a une importance capitale et qui embrasse des questions sur lesquelles les forestiers sont on ne peut plus divisés.

1. Voir Ganghofer, Bas forstlkhe Versuchswesen . Tome Ier, pages 465 à 504. Ouvrage déjà cité.

l’expérimentation forestière.

245

Il s’agit de l’étude d’un phénomène que les Allemands appellent d’ordinaire Zuwachs der Baume im Einzelstande, c’est-à-dire ac¬ croissement des arbres à l’état isolé. Mais cette étude a reçu de leur part une extension beaucoup plus considérable que la dénomination précédente ne pourrait le faire supposer. Aussi, pour donner une idée de la façon dont ils ont envisagé et traité la question, croyons- nous devoir entrer ci-après dans quelques développements. Nous emprunterons la substance de notre exposé à l’ouvrage de M. Gan- ghofer1 et, si nos explications laissent parfois à désirer sous le rap¬ port de la netteté, nous espérons qu’on voudra bien nous accorder les circonstances atténuantes en raison de la nature complexe du sujet.

Un fait pour ainsi dire incontesté, mais sur les causes duquel les svlviculteurs et les botanistes sont encore loin de s’accorder, c’est qu’un arbre d’une essence quelconque prend un accroissement en diamètre plus considérable, lorsqu’après avoir poussé dans un certain état de massif il vient à être isolé davantage2.

Ce phénomène se manifeste, non pas seulement dans la première moitié de l’existence des arbres, mais aussi à un âge et à une époque l’accroissement annuel en diamètre est déjà entré dans la phase décroissante, pourvu, bien entendu, que les sujets considérés soient encore susceptibles de croître en hauteur et d’étendre leur cime.

Cet accroissement en diamètre plus rapide que prennent les arbres lorsqu’on donne plus d’espace à leurs cimes, c’est-à-dire lorsqu’on expose davantage celles-ci à l’action de la lumière, a reçu des auteurs allemands trois désignations , savoir : Lichtungszu- wachs , Liclitstandszuwachs et Zuwachs der Baume im Einzelstande. Quoique, en général, employées indifféremment l’une pour l’autre, ces expressions n’ont pas absolument le même sens. Quand on parle du Lichtungszuwachs (littéralement : accroissement à l’é-

1. Ibidem. Tome Ier, pages 177 à 228.

2. On ne cite guère en Allemagne que le botaniste Hugo de Mohl (voir Bol. Zeüung, 1869, 1er fascicule) et l’inspecteur des forêts Schaal comme ayant nié l’exactitude de ce principe.

246 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

clairement ), on a surtout en vue l’effet résultant du desserrement du massif, sans se préoccuper du degré de ce desserrement ; en disant Lichtstandszuivaclis (littéralement : accroissement à l’état éclairé) , on vise plutôt le résultat qui se manifeste une fois que le massif a été interrompu; enfin, l’expression Zuwachs im Einzelstande (littéralement : accroissement à l’état isolé) se rap¬ porte spécialement à des arbres qui sont tout à fait isolés les uns des autres. Mais ces trois idées et les opérations qu’elles im¬ pliquent sont tellement connexes entre elles que, dans notre ex¬ posé, nous serons forcés, à l’exemple des Allemands, de passer plusieurs fois de l’une à l’autre et, par suite, de nous servir al¬ ternativement des trois expressions précitées ou plutôt des péri¬ phrases par lesquelles nous avons cherché à les traduire. Toute¬ fois, lorsque nous voudrons rester dans le domaine des généralités, nous emploierons de préférence le terme accroissement en coupe claire, et nous entendrons par coupe claire ce que les Allemands appellent Lichtungshieb , c’est-à-dire une opération qui, exécutée dans les peuplements à partir du milieu de la révolution, desserre largement ou même interrompt le massif et tient à la fois de la coupe d’amélioration et de la coupe de régénération1.

L accroissement à V éclairement a une grande importance en sylviculture.

C’est à ce facteur qu’il faut évidemment attribuer l’effet utile des éclaircies.

C’est sur la notion de cet accroissement qu’est basée la coupe

1. On comprend de suite pourquoi une coupe de cette nature arrive forcément à revêtir le double caractère de coupe d’amélioration et de coupe de régénération. Si, en effet, dans un peuplement voisin de l’âge de fertilité, on entr’ouvre le massif graduelle¬ ment, on ne tarde pas, en général, à provoquer la production de semis; il y a donc un moment Tune des coupes successives exécutées d’abord en vue du seul développe¬ ment des arbres constitués, devient par le fait une coupe d’ensemencement ; les opéra¬ tions suivantes seront alors des coupes secondaires, jusqu’à la dernière qui sera une coupe définitive. Les coupes claires forment donc une transition aussi insensible qu'on le veut, entre les éclaircies ( Durchforstungen ) qui, par définition, n'inter¬ rompent jamais le massif et la coupe définitive qui fait disparaître les derniers sujets du peuplement. Lorsque le semis ne se produit pas dans la coupe claire ou qu’il est est formé d’éléments qui ne conviennent pas, les Allemands recommandent de garnir le sol d’un sous-bois d’essences d'ombre introduites artificiellement.

l’expérimentation forestière. 247

de conservation ( Conservationshieb ) de Hfjjrtig 1 et la coupe claire (. Lichtungshieb ) de Seebach2.

C’est encore l’étude de ce phénomène qui permettra de décider s’il vaut mieux, pour régénérer les peuplements, faire des coupes à blanc étoc avec repeuplement artificiel, ou chercher à ensemencer le sol à l’aide d’arbres de l’ancien massif maintenus comme porte- graines et comme abris3.

L’accroissement à l’éclairement doit aussi entrer en ligne de compte lorsqu’on se demande combien on fera de coupes secon¬ daires et pendant combien de temps on retardera la coupe définitive.

On croit enfin avoir constaté, dans les sapinières de la Forêt- Noire, que la décroissance du fût est moins grande chez les arbres s’est produit l’accroissement en coupe claire que chez ceux qui ont crû constamment en massif serré. S’il en était ainsi, la valeur du bois au mètre cube serait augmentée par l’éclairement; mais il faudrait examiner si les branches basses qui se développent après l’isolement des fûts ne sont pas, par contre, une cause de déprécia¬ tion des tronces de sapin. D’ailleurs, la façon dont le dégagement des arbres influe sur la forme de leurs fûts est encore considérée, par la plupart des forestiers, comme une question pendante; il y en a même, et M. Robert Ilartig est du nombre, qui pensent que cette influence est nulle.

1. Hartig pensait que, par analogie avec l’arbre isolé, dont l’accroissement annuel va en grandissant jusqu’à un âge avancé, un peuplement mis en coupe claire peut avoir un regain d’accroissement assez considérable pour que son exploi labilité absolue doive être basée, non seulement sur le maximum d’accroissement moyen, correspondant à l’état de massif plein, mais encore sur l’accroissement à l’éclairement qui se produit postérieurement à ce maximum. Il recommandait en conséquence d’enlr’ouvrir large¬ ment le massif au début de la phase descendante de l'accroissement moyen, et de conserver le peuplement plus ou moins longtemps sur pied dans cet état. C’était ce qu’il appelait faire la coupe de conservation .

2. Seebach est l’auteur d’une théorie sur le traitement du hêtre en futaie qui lui a été suggérée par une pratique à laquelle il avait vu soumettre les perchis de hêtre du Solling.

3. On sait en effet que l’un des reproches que les partisans de la régénération arti¬ ficielle ont formulés contre le mode de traitement en futaie dit du réensemencemenl naturel et des éclaircies, c’est d’amoindrir considérablement la production du sol pen¬ dant tout le laps de temps qui s’écoule entre la coupe d’ensemencement et la coupe définitive.

ANN. SCIENCE ACRON.

1?

248

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Quoi qu’il en soit, on comprend, d’après ce qui précède, que les hommes qui, en Allemagne, cherchent à découvrir les lois de la croissance des arbres et des peuplements attachent une impor¬ tance particulière à l’étude de l’accroissement en coupe claire. Parmi les forestiers contemporains de ce pays qui se sont occupés de la question, il faut citer MM. Nôrdlinger, Pressler, R. Hartig, Schaal, Borggreve, Kraft, Wagener, Baur1.

On ne sera pas étonné non plus que les stations allemandes aient songé à étudier le phénomène et qu’elles se proposent de chercher si, et dans quelle onesure, la théorie de l’accroissement en coupe claire doit être prise en considération dans l’exploitation des forêts et, par conséquent, dans les aménagements.

Seulement, comme le fait très bien observer M. Ganghofer, il faudra procéder avec prudence en pareille matière et se rappeler qu’en généralisant hâtivement les résultats des expériences, on pourrait se préparer de graves mécomptes. En effet, plusieurs

1. Voici pour chacun des auteurs susmentionnés l’indication des écrits qui ont trait à la question :

M. Nôrdlinger, Kritisclie Blatter, tome XLVIII, p. 171 : Détermination de l'accrois¬ sement et taux d'accroissement. Ibidem, tomeXLIX, p. 112: Taux d’accroissement et accroissement en coupe claire. Ibidem, tome LII, p. 80 : Les résineux s’accrois¬ sent-ils autrement que les feuillus? IJ. 153 : Accroissement en coupe claire" taux de rendement et accroissement annuel moyen.

M. Pressler, Tharcinder Jahrbucli, tome XXVIII (1878) : L’accroissement en coupe claire et les éclaircies dans les forêts d’épicéa.

M. R. Hartig, Dankelmanns Zeitschrift , tome III, et Botanische Zeitung, 1870, fascicules 32 et 33: Réponse à un article de M. Hugo de Mohl paru dans la Botanische Zeitung, 1869, fascicule 1.

M. Schaal, Forstliche Blatter, 1876, page 235 : Article sur le traitement du hêtre, de l’épicéa et du sapin, dans lequel l’auteur nie le principe de l’accroissement en coupe claire et plaide en faveur des coupes à blanc étoc.

M. Borggreve, Forstliche Blatter , 1877, page 211 : Étude sur l’accroissement en coupe claire et sur son rôle, au point de vue économique. Réponse aux assertions de M. Schaal.

M. Kraft, Aus dem Walde (Recueil publié par M. Burkhardt), 1876, p. 40 : Résultats de la méthode de Seebach pour le traitement du hêtre en futaie, et contribu¬ tions à la théorie de l'accroissement.

M. Wagener, supplément de Y Allgemeine Foi^l- and Jagdzeitung , 1877 : Sur la croissance de l'épicéa à l’état isolé ou en massif.

M. Baur, Monatsschrift , 1866, p. 458, et 1867, p. 449: Importance pratique de l'accroissement en coupe claire au point de vue de l’aménagement des forêts.

l’expérimentation forestière.

249

circonstances, telles que la recrudescence de la fructification, les coups de soleil, les vents, enfin l’assèchement du sol, peuvent para¬ lyser l’effet utile de l’isolement.

M. Ganghofer recommande donc de n’étudier tout d’abord que l’accroissement en coupe claire des arbres considérés individuelle¬ ment et d’envisager l’action de ce phénomène au triple point de vue de l’accroissement en volume, de l’accroissement en hauteur et de la forme du fût. Une fois, dit-il, que l’on disposera des ma¬ tériaux précieux accumulés dans cette première série d’investiga¬ tions, et alors seulement, on sera peut-être en état d’étendre les recherches aux peuplements entiers ; d’ailleurs, en ce qui concerne ceux-ci , rien n’empêchera de recueillir, dès maintenant , dans la gestion ordinaire; des données utiles sur la question des forêts et par la voie de la statistique.

Ce sont précisément les principes dont semble s’être inspirée la station badoise, à qui, nous le répétons, revient l’honneur de s’être engagée la première dans la voie des recherches méthodiques relatives à l’accroissement en coupe claire.

Elle a rédigé, à cet effet, un plan d’exécution qui a paru sous la forme d’une circulaire adressée, le 12 septembre 1876, par le directeur des domaines aux agents du service des aménagements.

D’après ce document, qui est inséré dans l’ouvrage déjà cité de M. Ganghofer, avec des notes explicatives de M. Schuberg, les ex¬ périences se bornent, pour le moment, à l’étude d’une seule essence , le sapin , et elles n’ont trait qu’à des arbres considérés individuellement.

Les motifs qui ont déterminé la station badoise à choisir en pre¬ mière ligne le sapin sont les suivants :

Le sapin est la principale essence de la Forêt-Noire, celle qu’on a le plus intérêt à cultiver et à propager en raison des nombreux usages et de la valeur du bois d’œuvre qu’elle fournit. D’autre part, les forestiers du grand-duché ne sont nullement d’accord sur la question de savoir s’il faut l’élever en massifs purs ou le mélanger soit avec le hêtre et l’épicéa, soit avec le chêne et le pin. Ils ne s’en¬ tendent pas non plus sur la méthode de régénération à employer ; les uns sont partisans de la régénération naturelle , les autres opè-

250

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

rent par la régénération artificielle. Les premiers sont divisés, à leur tour,Vur la manière de faire les coupes et sur l’intervalle à mettre entre les exploitations ; ils veulent tantôt les concentrer sur de petites surfaces, en abattant beaucoup de bois à la fois et en régénérant les massifs à bref délai, tantôt les faire avec un caractère jardinatoire, en enlevant peu d’arbres sur un même point, sauf à répéter souvent les opérations et à en prolonger longtemps la suc¬ cession. Les champions du repeuplement artificiel, de leur côté, diffèrent d’avis au sujet de la supériorité du semis ou de la planta¬ tion. Enfin, depuis un temps immémorial, on a l’habitude, dans la Forêt-Noire , de réserver, lors des coupes définitives , des sapins d’élite pour leur faire atteindre des dimensions exceptionnelles ; comme les bûcherons savent les extraire sans causer de dommage sensible aux percbis qui finissent par les environner, on se trouve généralement très bien de cette pratique et elle mérite d’être exa¬ minée de près.

Dans ces conditions, il est naturel qu’on se soit proposé de déter¬ miner à quelles stations, à partir de quel âge, en quel nombre, suivant quelle disposition et pendant combien de temps on doit laisser les sapins pousser à l’état de coupe claire, et l’instruction précitée n’a pas d’autre but.

Il est vrai que les agents du service des aménagements avaient déjà reçu en 1869 l’ordre de faire différentes observations sur les arbres réservés dans les coupes de futaie régulière ou crûs à l’état isolé dans les forêts jardinées. Mais les quelques relevés effectués en vertu des anciennes instructions étaient incomplets et laissaient à désirer sous plus d’un rapport. La nouvelle circulaire, qui prescrit des recherches mieux entendues et plus précises, constitue donc un véritable progrès.

Aux termes de ce document, dont nous allons donner la subs¬ tance, les agents du service des aménagements ont la mission d’étudier la croissance du sapin à l'état isolé partout ils en trou¬ veront l’occasion. Plutôt que d’établir des coupes claires uniquement dans un but d’expérience, ils doivent, autant que possible, profiter des coupes existantes, qui remontent à une date certaine et y faire des cubages sur les sapins abattus ou tombés comme chablis.

251

l’expérimentation forestière.

Le volume actuel des arbres d’expérience se détermine par leur tronçonnage en bidons de 2 mètres, dont on prend le diamètre au milieu.

Le volume que présentaient ces arbres 20 et 10 ans avant leur isolement et au moment de la première coupe claire ; d’autre part, celui qu’ils ont pris 10, 20 et 30 ans après leur isolement s’obtient, dans chaque cas, par le mesurage des couches annuelles visibles aux extrémités des bidons (cela revient à dire que l’on fait V analyse de ces arbres).

On déduit de tous ces éléments le taux accroissement des arbres dans les différentes phases de leur existence

Les résultats des expériences sont consignés sur des formules ad hoc.

Jusqu’à présent, les expérimentateurs badois croient avoir cons¬ taté : -

Que le taux d’accroissement des sapins pris individuellement, après avoir baissé comme d’ordinaire avec l’âge tant que l’arbre croissait en massif plein, s’élève après la coupe claire et se main¬ tient souvent pendant 30 ans à un niveau supérieur à celui qu’il avait au moment du desserrement ;

Que chez les sujets âgés de 100 ans seulement, c’est-à-dire chez lesquels la valeur au mètre cube est encore faible, le taux d’ac¬ croissement en coupe claire va jusqu’à 5 p. 100 et que, par consé¬ quent, l’opération est très avantageuse au point de vue du ren¬ dement en argent.

Voilà comment la question si grave et si complexe de [accrois¬ sement en coupe claire a été envisagée en Allemagne et comment sa solution par voie d’expérience a ét.é entreprise dans le pays de Bade.

En France, elle a été soulevée également avec tous ses corol¬ laires. En effet, nous aussi, nous sommes divisés au sujet des nom¬ breuses modalités que comporte le traitement en futaie régulière ; nous aussi, nous nous demandons s’il faut entr’ ouvrir les massifs

1. Le taux d'accroissement est le rapport (exprimé en centièmes) de Faccrois- sement annuel d’une tige à son volume total au début de Tannée considérée.

252

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

de bonne heure, ou seulement à un âge avancé, et s’il faut , pro¬ longer ou réduire le laps de temps consacré à la régénération na¬ turelle des peuplements; nous aussi, nous comptons dans nos rangs des partisans de la régénération artificielle avec coupes à blanc étoc ou simples coupes d’abri. Seulement, le problème n’a pas été posé chez nous dans les mêmes termes qu’en Allemagne ; il a revêtu d’autres formes et on l’a discuté d’une façon différente, en raison de la tournure spéciale de notre esprit et des conditions parti¬ culières dans lesquelles la sylviculture est enseignée et pratiquée dans notre pays.

Plutôt que d’émettre explicitement à ce sujet des théories d’en¬ semble, nous avons, en général, considéré séparément les diffé¬ rentes faces de la question et avons pour ainsi dire traité celle-ci implicitement 1 .

Il y a même un grand côté du phénomène de l’accroissement en coupe claire qui nous préoccupe à un très haut degré en France et que les Allemands semblent, jusqu’à présent, avoir laissé tout à fait dans l’ombre.

En Allemagne, et notamment dans le pays de Bade, la plupart des forêts sont peuplées de sapins, d’épicéas, de pins sylvestres, de hêtres, c’est-à-dire d’essences pour lesquelles le traitement en futaie pleine ou bien est imposé ou bien se recommande de lui- même d’une manière évidente. On paraît donc n’y avoir envisagé l’accroissement en coupe claire qu’en ce qui concerne les peuple¬ ments nés de semence et destinés à être régénérés complètement par la semence.

En France, il en est autrement. Par suite de la nature spéciale de notre sol et de notre climat, le chêne, soit pur, soit mélangé au hêtre et au charme, a chez nous une aire d’habitation considé¬ rable et joue un si grand rôle dans la culture forestière qu’on a

1. Il a cependant été formulé en France, dans cet ordre d'idées, une véritable théorie parM. Gurnaud, ancien élève de l’École de Nancy, qui. pendant plusieurs années, s'est livré h des recherches intéressantes dans les sapinières du Jura. M. Gurnaud. zélé partisan des coupes claires, avait même obtenu qu’une place d’essai fût installée dans la forêt communale de Svàm (Jura) et traitée conformément à ses idées sur la matière ; mais l’expérience ne semble pas avoir été poursuivie.

l’expérimentation forestière. 253

pu le considérer, jusqu’à un certain point, comme une essence

nationale.

Or, tout le monde sait que le chêne réclame beaucoup de lu¬ mière ; qu’il a d’autant plus besoin d’avoir la cime dégagée qu’il se trouve à une station plus septentrionale ; que, dans un massif régulier quelque peu serré, il croît lentement et donne, en général, des bois de qualité inférieure; que si, de plus, il est mélangé dans ce massif avec des essences à couvert épais, il risque même d’être étouffé et éliminé; qu’au contraire, il court peu de dangers de la part des autres essences, qu’il a une végétation active et fournit un bois de premier choix quand il pousse dans un certain état d’isolement.

D’autre part, on sait aussi que, depuis un temps immémorial, la presque totalité des forêts à chênes ont été soumises, en France, au traitement en taillis sous futaie1 et que, dans ce mode, les chênes sont isolés de bonne heure à l’état de baliveaux de l’âge, pour croître constamment en pleine lumière jusqu’au moment on les exploite comme anciens ou vieilles écorces.

Enfin, on n’ignore pas non plus que d’excellents esprits sont portés à croire que, partout le chêne est dans sa station naturelle et le sol renferme une proportion notable d’argile, il fournit les meilleurs résultats qu’on puisse lui demander, au point de vue de la production à l’hectare en matière et en argent, lorsqu’il est traité en taillis sous futaie, à condition, pourtant, qu’on réserve dans chaque coupe le nombre maximum de baliveaux de toute catégorie qui puissent y tenir à l’état d’arbres isolés. Pour ces forestiers, le traitement en taillis sous futaie consiste, en somme, à élever les arbres à l’état de futaie irrégulière clair-plantée, et ils l’appellent quelquefois traitement en futaie sur taillis , afin de bien indiquer

1. Sur 3,000,000 d’hectares soumis au régime forestier, 1,500,000 environ, soit la moitié, sont traités en taillis sous futaie. Dans l’autre moitié, constituée en majeure partie parles forêts résineuses et les taillis simples, la part des forêts feuillues traitées en futaie pleine se réduit à 200,000 hectares au maximum. Les particuliers ne pos¬ sèdent pas de forêts feuillues traitées en futaie pleine. (Voir Broilliard, Cours d'amé¬ nagement, Paris, Berger-Levrault et Cie, 1878; voir aussi la Statistique forestière de 1878. Paris, lmp. nationale.)

254

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

que la réserve y est. l’élément principal et que le sous-bois 11e joue qu’un rôlé -cultural, celui de pépinière à baliveaux. Ils citent, à l’appui de leur opinion , de nombreux spécimens de taillis sous futaie, à réserve très abondante, situés en Flandre, en Picardie, en Lorraine et en Franche-Comté, et qui fournissent en effet des ren¬ dements remarquablement élevés.

De tout ce qui précède, il semble résulter que les expériences entreprises dans le grand-duché de Bade sur Faccroissement en coupe claire méritent d’être suivies de près et qu’il y a lieu d’exé¬ cuter en France des recherches du même genre, sauf, bien en¬ tendu, à en modifier le plan suivant nos propres inspirations et sans nous attarder à des observations trop minutieuses sur la crois¬ sance des arbres considérés individuellement ; qu’il convient de commencer chez nous par le chêne, qui est notre essence prin¬ cipale comme le sapin est l’essence maîtresse de la Forêt-Noire ; qu’il faut étudier le rendement à l’hectare en matière et en ar¬ gent des peuplements de chêne élevés en futaie régulière, à l’état pur ou mélangé, à tous les degrés d’espacement, depuis le massif serré jusqu’à la chênaie clair-plantée dont on voit de si beaux spé-

r

cimens en Angleterre et en Ecosse; enfin, qu’il importe d’é¬ tendre cette étude aux peuplements traités en futaie sur taillis.

Telle est la série d’expériences qui, selon nous, s’imposeront dès le début à la station nouvellement créée en France, et il n’y a pas d’entreprise qui intéresse à un plus haut degré l’avenir de nos forêts, ni qui puisse contribuer davantage au progrès de la sylvi¬ culture nationale. Ce sera, il est vrai, une œuvre de longue haleine, assez vaste pour occuper plusieurs existences de forestiers, car elle embrassera avec les théories de la régénération des peuplements, celles de leur éclaircissement, c’est-à-dire presque toute la sylvi¬ culture ; mais nous ne voyons qu’un motif de plus pour l’entre¬ prendre au plus tôt et la poursuivre sans relâche.

Pour en finir avec le fonctionnement de la station du grand-duché de Bade, il ne nous reste plus qu’à donner les deux renseignements ci-après :

Jusqu’à présent, la station de Carlsruhe ne s’est livrée à aucune recherche dans le domaine de la météorologie ;

L-- EXPÉRIMENTATION FORESTIÈRE.

255

Les dépenses annuelles consenties par la direction des domaines en faveur de rexpérimentation s’élèvent à environ neuf mille francs .

M. Schuberg a bien voulu nous faire faire deux excursions dans la partie de la Forêt-Noire qui avoisine Carlsruhe , pour nous mon¬ trer les nombreuses places d’essai qu’on y a installées.

Excursion dans le cantonnement de Mittelberg, près d’Ettlin- gen. Dans la première journée, nous avons visité les forêts do¬ maniales du cantonnement de Mittelberg. Ces forêts, d’une conte¬ nance de 2,441 hectares1, sont situées sur le grès bigarré et le grès vosgien, de chaque côté de la jolie vallée de l’Alb, qui dé¬ bouche dans la plaine du Rhin à Ettlingen ; leur altitude moyenne est de 400 mètres ; les essences principales y sont le hêtre et le sapin, mais on y rencontre accessoirement l’épicéa, le pin et le mé¬ lèze, ce dernier introduit par la main de l’homme 2.

Nous rencontrons tout d’abord une place (T éclaircies ; nous ap¬ pelons ainsi une place servant à étudier l’influence des éclaircies sur la végétation des massifs ( Durchforstungsflàche ). Les trois pla- cettes dont elle se compose ont été délimitées en 1880, dans un peuplement de hêtre de 60 ans. Chacune d’elles a. une surface de 25 ares qu’on a abornée et entourée d’une bande d’isolement de 10 mètres de large. Lors de leur établissement, on les a soumises respectivement aux trois genres d’éclaircie.

Après l’opération, il est resté sur pied à l’hectare :

Piacette I (Éclaircie faible) ............. 2,788 tiges.

Il (Éclaircie moyenne). .......... 1,520

III (Éclaircie forte) ............ 1,232

1. Le cantonnement renferme en outre 1,155 hectares de bois communaux.

2. Dans cette forêt, comme dans toute la Forêt-Noire, la régénération des massifs se fait par la méthode naturelle combinée avec les procédés artificiels. Les peuplements de sapins et d’épicéas sont exploités au moyen de coupes peu intenses, ayant le carac¬ tère jardinatoire et se succédant en assez grand nombre pendant un laps d’environ 40 ans. Ils restent donc longtemps à l’état de coupe claire. Les peuplements de hêtre ne sont soumis qu’à 3 coupes de régénération : une coupe d’ensemencement ( Schlag - slellung\ une coupe secondaire ( Lichtung ) et une coupe définitive ( Raüniung ); ces 3 coupes se font dans l’espace de 10 à 15 ans.

256 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Nous n’avons pu nous procurer ni le volume actuellement sur pied ni le .cube des tiges exploitées, mais nous pouvons donner à propos de ces trois placettes quelques renseignements pratiques sur les expériences d’éclaircie. Toutes les tiges des places d’essai sont marquées à lm,30 du sol d’un trait à la couleur blanche, afin qu’on les mesure toujours à la même hauteur; le diamètre de chaque sujet est pris dans deux directions rectangulaires ; pour ne pas compter deux fois la même tige, on place au pied de chacune d’elles un bardeau numéroté. On considère comme purs tous

les peuplements qui ne renferment pas plus de 10 p. 100 de tiges

\

appartenant à des essences autres que l’essence principale ; mais ces sujets disparates sont toujours cubés séparément à l’aide d’ar¬ bres d’expérience spéciaux.

Après avoir quitté ce canton, nous passons à côté d’un perchis de hêtres mélangés de quelques sapins, l’on a fait une de ces coupes claires dont nous avons parlé plus haut. Seulement, ici, le but poursuivi à été, non pas de favoriser la végétation du perchis, mais surtout d’assurer le développement d’un semis naturel de sapin qui, grâce à cette opération, permettra un jour au sapin d’occuper seul le terrain à la place du hêtre. Les coupes claires devront se répéter pendant une trentaine d’années, de telle sorte qu’on arrive graduellement à la coupe définitive.

Nous traversons ensuite le canton Gross-Klosterwald, une place d’essai de 35 ares a été assise dans un bas perchis de sapin de 39 ans, créé par voie de plantations. Elle est destinée à fournir des données pour la construction de tables de production ; c’est ce que les Allemands appellent place de rendement ( Ertragsflàche ). On la soumet tous les cinq ans à une éclaircie moyenne, en même temps qu’on y fait des mesurages pour déterminer l’accroissement des tiçes en diamètre, en hauteur et en volume. On v a trouvé ré- cemment un matériel à l’hectare de 5 1 5mc ,5 et, par conséquent, un accroissement annuel moyen de 13mc,22; l’éclaircie y avait en¬ levé 40mc,6 à l’hectare.

Dans la matinée, nous visitons encore quatre autres places d'é¬ clair des, dont chacune comprend les trois placettes réglementaires destinées à subir les trois degrés de desserrement. Elles sont toutes

l’expérimentation forestière»

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assises dans des peuplements de sapin; Tune d’elles renferme, il est vrai, un tiers de hêtres, ce qui dépasse les limites de la tolérance; mais on compte que les hêtres pourront être éliminés peu à peu.

La promenade de l’après-midi nous a mis, dès le début, en pré¬ sence de faits de végétation vraiment surprenants.

Au canton Maisenbach , dans un peuplement d’épicéa obtenu par voie de plantation et âgé de 77 ans } se trouve la 'place de rende¬ ment 9, le matériel sur pied à l’hectare est de 1,15 2 mètres cubes, ce qui correspond à un accroissement annuel moyen de près de 15 mètres cubes. A raison de 12 marcs, soit 16 fr., le mètre cube de tout bois, le peuplement vaut donc actuellement un peu plus de 18,000 fr. à l’hectare. Il est vrai que le sol est excellent: c’est une ancienne prairie marécageuse que le boisement a assainie et con¬ vertie en un terrain forestier simplement humide. Quelques pins Wevmouth disséminés dans le massif et, par suite, de même âge que les épicéas, mesurent près de 0m,70 de diamètre à lm,30 du sol ; du reste, les épicéas de la lisière atteignent aussi cette dimension1.

Un peu plus loin, un autre peuplement d’épicéa; qui pousse, comme le précédent, sur du grès bigarré recouvert d’une couche d’argile, a une végétation presque aussi active ; à 50 ans , il cube 763 mètres par hectare, ce qui porte son accroissement annuel moyen k 15 mètres cubes. C’est la place de rendement 8.

Les tables de production qui existent déjà en Allemagne pour les diverses essences ont, en général, attribué aux peuplements d’épicéa le rendement en matière le plus élevé2, mais aucune d’elles ne renferme de chiffres pareils à ceux que fournissent les deux places d’essai précitées. Ainsi, les tables de M. Kunze3 donnent, pour l’épicéa, sur les sols de première qualité, un volume à l’hec¬ tare de 938 mètres cubes à 80 ans (accroissement moyen : 11 mètres cubes) et de 659 mètres cubes à 50 ans (accroissement moyen : 13mc,2), et ce sont pourtant, parmi les documents de l’espèce, ceux

1. Le bois du pin Weymouth est assez recherché dans la région pour la fabrication de menus ouvrages, notamment de découpures ornementales.

2. Le sapin seul rivalise avec l’épicéa, d’après Pressler. (Voir Forstliches Hülfsbuch. Berlin, Wiegandt, 1874. lre partie. Tables 25.).

3. Voir Forst- und Jagd-Kalender , 1883. Berlin, J. Springer. lre partie, p. 103.

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ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

qui renferment les évaluations les moins modérées. D’autre part, les beau! peuplements d’épicéa que nous avons vus en Bavière, dans la forêt de Sachsenried, cubent en moyenne à l’hectare 968 mètres cubes à 80 ans (accroissement moyen : 12mc,1), et le plus grand ac¬ croissement moyen qu’on y ait constaté est celui de 14 mètres cubes à 75 ans.

Il faut conclure de que, dans les deux places de rendement n°s 8 et 9, dont nous venons de parler, l’épicéa est placé dans des conditions de production tout à fait exceptionnelles.

Nous visitons ensuite, au canton Mordio, une place de rendement installée, il y a*une vingtaine d’années, dans un peuplement de pin sylvestre. Les renseignements relatifs à cette expérience nous font défaut et si nous la signalons, c’est surtout pour mettre en évidence l’époque déjà ancienne à laquelle remontent les premières recher¬ ches entreprises dans cette région de la Forêt-Noire.

Au même canton se trouve une jeune futaie1 de mélèze qu’on a utilisée pour étudier l’influence des éclaircies sur cette essence, bien qu’il y ait des pins sylvestres en mélange dans la proportion de 1/8 environ. L’enceinte, divisée en deux pincettes portant les nos 71 et 711, est soumise à deux sortes d’éclaircie seulement, attendu que le mélèze, en sa qualité d’essence de lumière très caractérisée, forme des massifs extrêmement clairs il serait difficile de distin¬ guer trois degrés de desserrement. A l’âge de 40 ans, on a trouvé dans la placette I, après l’éclaircie faible, 393 mètres cubes et 1,670 tiges à l’hectare; dans la placette II, après l’éclaircie forte, 366 mètres cubes et 1 ,445 tiges (accroissements annuels moyens respectifs : 9mc,8 et 9mc,l)2.

1. Nous appelons jeune futaie un peuplement le diamètse moyen des tiges à 1 m, 30 du sol varie de 0m,20 à 0m,35.

2. L’idée d’introduire artificiellement le mélèze dans cette partie de la Forêt-Noire n'est pas aussi déraisonnable que les adversaires systématiques de toute naturalisation d’essences pourraient le penser. Le bois de mélèze crû dans la région est, paraît-il, aussi estimé que celui de chêne et se vend jusqu’à 35 fr. le mètre cube quand il pro¬ vient d’arbres de 0m,30 à 0m,40 de diamètre.

Le chef de cantonnement se propose de créer sous la jeune futaie de mélèze un étage de sapin et de hêtre. Ce sous-bois prospérera certainement et enrichira le sol dont il augmentera d’ailleurs dès le début la production annuelle.

259

l’expérimentation forestière.

Poursuivant notre promenade, nous arrivons à ia place (Té - clair de 6, assise dans un peuplement de pin sylvestre de 43 ans. Les éclaircies faible, moyenne et forte effectuées dans les pla- cettesl, II et III sont trop récentes pour qu’on ait déjà pu noter leur influence sur la végétation du peuplement. Nous doutons, d’ail¬ leurs, que les résultats recueillis dans cette place soient jamais très concluants, car elle ne semble pas suffisamment homogène : le cubage d’installation a révélé, en effet, un accroissement annuel moyen de li mètres cubes pour la division î et de 9 mètres cubes seulement pour les divisions II et III.

Enfin, avant de nous quitter, M. le garde général Gockel, qui nous a servi de guide dans cette intéressante excursion, a bien voulu nous donner quelques renseignements sur la façon dont est organisée la statistique forestière dans le grand-duché de Bade. Gomme cet ordre de relevés est intimement lié à l’expérimentation, nous croyons bien faire en résumant ici ce que nous avons appris dans notre entretien.

Déjà, depuis 1836, chaque garde général ( Oberfôrster ), gérant responsable d’un cantonnement ( Bezirksforstei ) de 3,500 hectares en moyenne, tient à jour un sommier de statistique. Dans ce re¬ gistre, en tête duquel sont consignés une fois pour toutes des ren¬ seignements sur la situation des forêts, leur historique, leur con¬ tenance, leur aménagement, le garde général inscrit, au fur et à mesure qu’ils se produisent, tous les changements survenus dans l’étendue des forêts, la longueur des chemins de vidange, empierrés ou non empierrés, le nombre des maisons forestières, la compo¬ sition du personnel de surveillance, etc. Des cbïonnes ou des cases sont préparées pour recevoir ces diverses données. De plus, le re¬ gistre renferme, et c’en est la partie la plus importante, une suite de tableaux relatifs à la comptabilité de la gestion en matière et en argent, l’on trouve les volumes des bois exploités chaque année en produits principaux et en produits accessoires, les résultats des ventes, enfin les dépenses occasionnées par F exploitation et les tra¬ vaux d’amélioration de toute espèce. Ces tableaux, assez détaillés pour donner à un moment quelconque un aperçu complet de la situation de la propriété forestière dans la circonscription, ne sont

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ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

pourtant pas assez compliqués pour que l’agent qui les tient à jour ait à se plaindre d’être surchargé de travail de bureau. D’ailleurs, le registre dont il s’agit simplifie considérablement le restant des écritures du chef de cantonnement. En effet, dans toutes les ad¬ ministrations, même celles un service spécial de statistique n’existe pas, on fait et on fera toujours des relevés statistiques au moins à titre de contrôle. Or, la rédaction des états périodiques exigés est souvent fort longue, attendu que les matériaux néces¬ saires pour les dresser sont épars dans une foule de dossiers et constitués par des feuilles volantes qu’on égare facilement. Au lieu de cela, les gardes généraux badois fournissent chaque année, à la direction des forêts, un extrait de leur sommier, et cette simple copie, en donnant à l’autorité supérieure tous les renseignements dont elle a besoin, a précisément pour avantage de rendre inutiles d’autres états périodiques. Les extraits dont il s’agit, réunis dans les bureaux du ministère des finances, publiés et mis dans le com¬ merce , forment un recueil de statistique forestière constamment à jour et que tout le monde peut se procurer.

Excursion dans les cantonnements de Gernsbach et de Bade.

La matinée de la deuxième journée a été consacrée au cantonne¬ ment de Gernsbach, situé à l’entrée de la vallée de la Murg1. Ce cours d’eau, l’un des plus importants de la Forêt-Noire, se jette dans le Rhin à la hauteur de Rastadt, et une canalisation intelligente permet de l’utiliser pour le flottage des bois. Nous rencontrons ici le granit qui affleure, dans la Forêt -Noire, à une latitude plus septentrionale que dans la chaîne symétrique des Vosges.

La petite forêt domaniale du Gernsberg (309 hectares) , la seule que nous ayons eu le temps de visiter, est une sapinière soumise au Lich - tungsschlagbetrieb , mode d’exploitation qui repose sur l’emploi des coupes claires, et qui exige un aménagement d’une nature spéciale2.

1. Cette circonscription administrative s’étend sur 3,764 hectares, dont 799 heetares de bois domaniaux.

2. On appelle aussi quelquefois ce mode d’exploitation Femelsclilagbetrieb, c’est-à- dire mode des coupes j ardinatoir es localisées , parce qu’en faisant des coupes de régénération répétées, on se rapproche du jardinage proprement dit qui s’appelle Femelbetrieb.

261

l’expérimentation forestière.

Dans les forêts résineuses du pays de Bade, on adopte généra¬ lement pour le sapin une révolution de 120 ans1, que l’on partage en 6 périodes de 20 ans, et l’on répartit les parcelles de chaque série d’exploitation entre ces différentes périodes, de façon à tenir compte des conditions d’exploitabilité et à assurer, autant que pos¬ sible, l’égalité entre les volumes à exploiter et les surfaces à par¬ courir2. Gela fait, on détermine le rendement annuel pour la pre¬ mière période en partant du 20e du matériel qui lui est attribué, mais en élevant ou en abaissant ce chiffre dans une proportion con¬ venable, suivant que le capital d’exploitation de la série est supé¬ rieur ou inférieur au capital normal et qu’il y a lieu de réaliser un excédent ou de constituer une épargne. D’après ce système, on ne met donc que 20 ans au plus à faire la régénération, et les peuplements ne restent en coupe claire que fort peu de temps. Dans la forêt du Gernsberg, on a modifié le type d’aménagement que nous venons de décrire ; et on a décidé que la réalisation du matériel de chaque parcelle serait répartie entre deux périodes con¬ sécutives. On peut, de la sorte, mettre près de 40 ans à régénérer les peuplements et se livrer, sans obstacle , à des recherches sur la croissance du sapin en coupe claire3.

M. Schuberg nous a fait voir une place d’expérience, installée pré¬ cisément dans ce but au canton Frauengrund. Elle se compose de deux placettes contiguës désignées par les numéros 10a et 105.

La placette 1 0a est occupée par un peuplement de sapin de 157 ans qui venait d’être mis à l’état de coupe claire lors de notre passage. Cette opération a enlevé à peu près le tiers du matériel sur

1. Cette révolution paraîtra peut-être un peu courte; mais nous avons dit plus haut qu’on a l’habitude de conserver dans les coupes définitives un grand nombre de sapins destinés à parcourir une ou plusieurs périodes d’une nouvelle révolution, ce qui permet d’obtenir de gros bois d’œuvre. Quant aux forêts de hêtre , qui ne fournissent que du bois de chauffage, l’administration badoise les aménage à la révolution de 90 ans.

2. Le groupe de parcelles attribué à une même période diffère de nos affectations périodiques en ce qu’il n’est pas nécessairement d’un seul tenant et peut se composer de parcelles prises à droite et à gauche dans la série.

3. Il est inutile de faire remarquer que la méthode d’aménagement française se prête d’une façon analogue aux modalités qu’on veut introduire dans le traitement cul¬ tural des peuplements.

262

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

pied, et il reste actuellement 401 mètres cubes à l’hectare, sans compter le sous-bois, qui est évalué à 4 mètres cubes. Les coupes claires se renouvelleront à cinq ans d’intervalle. Tous les arbres de la placette sont numérotés, et, au fur et à mesure qu’on les abattra dans les coupes successives, on les analysera , c’est-à-dire qu’on en étudiera la croissance, en remontant jusqu’aux cinq années qui ont précédé l’installation de l’expérience.

La placette 105 ne subira pas le traitement en coupe claire: choisie comme terme de comparaison, elle sera maintenue jusqu’à la fin de l’expériepce dans l'état se trouvait à l’origine le peuple¬ ment uniforme des deux placettes.

Quand on a choisi ce peuplement pour en faire l’objet d’une étude spéciale, il n’était déjà plus à l’élat de massif, parce que les premières coupes de régénération y avaient passé quelques années auparavant. Cette circonstance a engagé M. Schuberg à sortir du cadre tracé par le plan d’exécution et à chercher des indications sur la croissance antérieure du peuplement. En faisant abattre, dans chacune des cinq classes de diamètre habituelles, trois arbres-types et en appliquant à l’ensemble des arbres du peuplement les données fournies par les sujets d’expérience, il a trouvé que l’accroissement annuel moyen périodique', pendant les cinq années antérieures aux recherches , a été, à l’hectare, de 10mc,164 pour la placette 10a et de 12mc,791 pour la placette 10b. Or, d’après les tables de production, les massifs pleins, vers l’âge de 150 ans, n’ont plus guère qu’un accroissement annuel de 4 mètres cubes. Le résultat trouvé par M. Schuberg constituerait donc un indice très favorable à la prati¬ que des coupes claires; mais, étant donnée la façon dont on l’a obtenu, il faut se garder de les considérer comme définitivement acquis, et surtout de le généraliser.

La forêt du Gernsberg renferme aussi des places d’essai établies en vue de déterminer le rendement à l’hectare des massifs de sa-

1. V accroissement annuel moyen tébiodiqüe d'un arbre ou d'un peuplement est le quotient de son accroissement pendant une période de temps déterminée par le nombre d’années de cette période. Lorsque la période de temps envisagée embrasse toute l’existence de l’arbre ou du peuplement, on a Y accroissement annuel moyen total, ou accroissement annuel moyen proprement dit.

l’expérimentation forestière. 263

pin. Nous en traversons deux au sujet desquelles nous recueillons les renseignements suivants :

Place de rendement 5. Peuplement de 68 ans. 1,176 tiges à l’hectare. Diamètre moyen à 1 111 , 30 du sol, 23 centimètres; hau¬ teur moyenne, 22ra,80. Volume sur pied à l’hectare, 725 mètres cubes. Accroissement annuel moyen, 10mc,66. Produit de la der¬ nière éclaircie qui a été faite moyenne , comme dans toutes les places de rendement, 58mc,5 à l’hectare.

Place de rendement 8. Peuplement de sapin de 56 ans avec quelques chênes épars, créé par voie de régénération naturelle à l’aide de porte-graines, dont les derniers ont été enlevés en 1846. Volume actuel à l’hectare, 345 mètres cubes. Accroissement annuel moyen, 6 mètres cubes environ L

L’éclaircie moyenne qui a eu lieu en 1881 a enlevé 1,248 tiges et 29 mètres cubes à Fhectare ; elle a surtout porté sur des arbres chaudronnés1 2.

Enfin, la forêt domaniale du Gernsberg renferme des places d’é- elaircie, sur lesquelles nous avons pris quelques notes sommaires.

Place 2. Peuplement de sapin de 90 à 100 ans. Les 3 pla- cettes, de 25 ares chacune, ont fourni les résultats suivants par hectare :

1. M. Schuberg trouve ce chiffre extraordinairement faible et il se demande s’il ne faut pas l’attribuer à des circonstances ignorées, telles que l’enlèvement des feuilles mortes ou l'abroutissement. Mais il faut considérer que le massif actuel a été sur¬ monté, pendant une vingtaine d'années, d’une réserve sur laquelle a se porter une partie de la production du sol; dès lors, il nous semble que l'accroissement annuel moyen trouvé soit inférieur à celui des peuplements créés à découvert.

2. h'Œcidium elatinum cause autant de dommages dans la Forêt-Noire que dans les Vosges , et nous avons rencontré dans notre excursion un grand nombre de sapins attaqués par ce champignon. On nous a même affirmé que, dans une forêt communale, une coupe importante avait subi de ce chef une dépréciation de plusieurs milliers de marcs. Aussi l'association forestière badoisc (qu'il ne faut pas confondre avec la station d’expériences) a-t-elle, dans la réunion tenue du 17 au 19 septembre 1882 à Kmmendingen, examiné la question de savoir comment l'on pourrait lutter contre la propagation de YŒchlium elatinum dans les sapinières, ou du moins limiter ses effets désastreux. Four le moment, elle n'a encore trouvé d’autres moyens que d'abattre les arbres chaudronnés et de couper « les balais de sorcier » partout ils se pré¬ sentent.

ANN. SCIENCE AGRON.

18

2G4 annales de la science agronomique.

I (Éclaircie faible). Volume après l’éclaircie, 654 mètres cubes; produit de l'éclaircie, 7 mètrts cubes.

II (Éclaircie moyenne). Volume après l’éclaircie,

780 mètres cubes; produit de l’éclair¬

cie, 37 mètres cubes.

III (Éclaircie forte). Volume après l’éclaircie, 742 mètres cubes; produit de l’éclaircie, 64 mètres cubes.

Place 6. Peuplement de sapin de 65 ans. Elle ne se compose plus actuellement (]iie de 2 placettes; la 5e en a été distiaite paice qu’on a reconnu qu’elle n’était pas comparable aux deux autres.

I (Éclaircie faible). Volume sur pied à l’hectare, après l’éclaircie, 533 mètres cubes.

II (Éclaircie moyenne)". Volume sur pied à l’hectare, après l’éclaircie, 426 mètres cubes.

Place 7. Peuplement de sapin de 69 ans. C’est l’ancienne placette III détachée du groupe précédent. On y a exécuté une éclaircie forte, dont on étudiera les effets sans les rapprocher spé¬ cialement de ceux qu’auront produits les éclaircies dans la place

6.

Dans la seconde partie de la journée, après avoir traversé le joli parc de Rothenfels, un oncle du grand-duc, récemment décédé, a fait planter beaucoup d’arbres exotiques, nous gagnons le can¬ tonnement de Bade ( Baden-Baden ). Ce cantonnement1 s’étend tout à l’entour de la célèbre ville d’eaux, des deux côtés de la vallée de l’Oos, et les sites ravissants qu’il renferme sont bien connus sous les noms de Vieux-Château , Mercure , Ebersteinburg, Gerold- sau, etc. Mais, s’il est surtout fréquenté par des baigneurs et des touristes qui y cherchent le pittoresque, il offre aussi de l’intérêt pour les forestiers désireux d’observer et de s’instruire.

Nous pénétrons tout d’abord dans canton Grosskrappenloch de la forêt domaniale de Kuppenheim. On y a établi, pour le sapin et le hêtre, deux places de rendement, au sujet desquelles nous avons

recueilli les renseignements qui suivent :

Place de rendement 10. Peuplement de sapin de 67 ans. Nombre de tiges à l’hectare, 1,036. Volume à l’hectare, après l’éclaircie, 538 mètres cubes. Produits de l’éclaircie (moyenne) à

1. 3,427 hectares, dont 1,376 de bois domaniaux.

l’expérimentation forestière. 265

l’hectare, 32 mètres cubes. Accroissement annuel moyen, 8 mètres cubes.

Place de rendement 5. Peuplement de hêtres et sapins mé¬ langés, à raison de 2 tiges de hêtre pour 1 de sapin. Age moyen des unes et des autres, 74 ans. Volume total à l’hectare, 47 1 mètres cubes. Accroissement annuel moyen, pour V ensemble, 6'nc,36. Pour cuber ce peuplement mélangé, on a procédé pour chaque essence comme si elle était seule, en divisant les tiges en 5 classes de dia¬ mètres et en prenant 3 arbres d’expérience par classe. On a pu constater ainsi que, tout en présentant moins de tiges que les hê¬ tres, les sapins ont un cube et, par suite, un accroissement annuel moyen supérieur. On s’aperçoit, du reste, à première vue, qu’ils ont une végétation plus active.

Au canton Kalkofenrain, nous arrivons ensuite, est située une place de rendement pour l’épicéa qui porte le 6. Peuplement de 68 ans. 9 H tiges à l’hectare. Diamètre moyen à 1m,30 du sol, 0m,280. Volume total à l’hectare, 867 mètres cubes. Accroissement annuel moyen, 12mc,75. Produits de l’éclaircie (moyenne) à l’hec¬ tare, 46mc,6.

Enfin, au canton Balzenbcrg, on a eu l’heureuse idée de faire, à titre d’expérience, une coupe claire dans une magnifique futaie de chêne, hêtre et mélèze, surmontant un sous-bois de sapins plantés. Ce peuplement est situé à une altitude de 270 mètres, sur un sol argileux provenant de la désagrégation du porphyre. Il était âgé de 113 ans lors de la mise en coupe claire (en 1879) et renfermait à l’hectare, avant celte opération, 406 tiges de toutes essences. Leur diamètre moyen , à lm,30 du sol, était de 0m,41 et leur hau¬ teur de 32m,50. Elles cubaient ensemble à l’hectare 801 mètres cubes, ce qui correspond à un accroissement annuel moyen de 7myl. La coupe claire a enlevé à l’hectare 129 tiges et 198 mètres cubes ; elle a surtout porté sur les hêtres. On va voir maintenant comment les chênes et les mélèzes restants se comporteront dans ce massif interrompu, qu’on ouvrira encore davantage en 1884, les coupes claires devant se succéder à des intervalles de 5 ans.

La visite de ce superbe spécimen des futaies badoises a clos di¬ gnement notre excursion, et c’est avec le regret de ne pouvoir pro-

266 . ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE .

longer davantage notre séjour dans cette contrée, si riche en belles sapinières1, cpie nous avons pris conge des foiestieis cjui ont bien voulu nous en donner un rapide aperçu.

]Sota. _ ce travail allait être livré à l’impression, quand nous avens reçu de M. Schuberg un tableau contenant des renseigne¬ ments circonstanciés sur la plupart des places de rendement et d’ éclaircie dont il est question dans les pages ci-dessus. Nous in¬ sérons ce tableau aux annexes. (Aoir 1 annexe N 111 bis.) En s y reportant, on y trouvera quelques données complémentaires qui ne figurent pas dans nôtre narration.

t. Les forêts domaniales du grand-duché de Bade fournissent à 1 hectare un nient annuel en matière de 4mc,44, un revenu brut de o/ fr. 1? c. et un îevenu 37 fr. 25 c. La Saxe est le seul pays d’Europe la production en argent soit plus (Voir Zeitschrift far Forst- und Jagdwesen. Janvier 1880. pages 9 à 35.)

rendc- net de élevée.

DEUXIÈME PARTIE

AUTRICHE 1

Étendue totale: 30,020,800 hectares.

Population: 22,144,000 habitants.

Surface boisée 2 :

Forêts domaniales . 639,421 hectares.

des établissements publics 3 . 262,523

appartenant à d’autres propriétaires 4 . 8,775,499 .

Ensemble. . . . 9,677,443 hectares.

Soit 32 p. 100 de l’étendue totale du territoire.

I. HISTORIQUE ET ORGANISATION

L’Autriche est une des nations d’Europe les plus riches en bois, car près du tiers de son territoire est couvert de forêts et les produits ligneux y sont un des principaux objets d’exportation.

La question de l'expérimentation, si intimement liée à celle du

1. Il ne s’agit dans cet aperçu statistique, comme dans tout le présent chapitre, que de Y Empire (T Autriche ou Pa/js du Reichsrath, à l'exclusion du Royaume de Hongrie ou Pays de la Couronne hongroise , qui constitue une moitié de monarchie absolu¬ ment distincte de la précédente.

2. La répartition des forêts par nature de propriétaires, donnée par l’Almanach forestier de Judeich, ne cadrant pas avec la conlenance boisée totale tirée de l'ouvrage de M. Léo, nous avons modifier légèrement les chiffres de détail pour les mettre en harmonie avec le chiffre d’ensemble.

3. La presque totalité (235,000 hectares) des forêts rangées sous la rubrique Établissements publics est située en Bukovine et appartient à l’Église grecque.

4. La gestion des forêts communales n’est pas exercée par des agents de l’État, et cette catégorie de forêts, qui d’ailleurs paraît ne former qu’une portion très minime de la propriété boisée en Autriche, est placée, au point de vue de la législation forestière, dans la même situation que les forêts des particuliers, avec lesquelles elles sont con¬ fondues dans les renseignements statistiques ci-dessus.

268

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

traitement rationnel des forêts, a donc, pour ce pays, une impor¬ tance toute particulière. Aussi n’a-t-elle pas tardé à attirer l’atten¬ tion du Gouvernement qui, à partir de 1868, s’en est occupé d’une fa¬ çon très active. Des commissions consultatives d’agronomes et de sylviculteurs furent réunies à différentes reprises à Mariabrunn et à Vienne, et, six ans après, le ministre de l’agriculture, qui a les forêts dans son département, réussit à obtenir du Reichsrath le crédit né¬ cessaire pour organiser un service d’expérimentation forestière : il se mit alors immédiatement à l’œuvre.

Certaines recherches d’un ordre tout à fait général ont besoin de s’étendre sur les diverses provinces de la monarchie ; or, parmi ces dernières, il en est plusieurs qui ne présentent pas la moindre parcelle de bois domaniaux. 11 convenait donc, tout d’abord, de s’as¬ surer du concours des grands propriétaires forestiers de l’Empire, dont quelques-uns possèdent des massifs immenses. Dans ce but, le ministre leur adressa une circulaire à laquelle plusieurs répondi¬ rent en promettant leur appui à l’entreprise.. Leur concours devait consister : ou bien à faire exécuter des recherches et observations par leur propre personnel, sur les indications du directeur de la station, ou bien à laisser simplement les agents de l’État venir opérer dans leurs domaines.

Ce point acquis, le ministre de l’agriculture confia à M. le baron

r

de Seckendorff-Gudent, alors professeur à l’Ecole de Mariabrunn, la haute mission d’organiser et de diriger l’expérimentation forestière en Autriche. L’arrêté de nomination est du 8 juillet 1874.

M. de Seckendorff lit de suite preuve d’un grand zèle dans ses nouvelles fonctions. Son premier soin fut de visiter les stations d’expériences déjà établies en Allemagne et en Suisse et d’assister au congrès des chefs des stations allemandes qui se tint les 31 août

et 1er septembre 1874 à Fribourg- en -Brisgau. Puis il s’occupa d’aménager des locaux appropriés au but poursuivi, d’acheter les appareils et instruments nécessaires à l’expérimentation, de monter une bibliothèque spéciale qui compte maintenant plus de 700 vo¬ lumes, enfin de chercher des collaborateurs capables et dévoués.

Au printemps de 1875, alors que la station avait déjà à peu près une année de fonctionnement, il présenta un règlement d’organi-

i/expérimentation forestière.

269

sation qui, après avoir été d’abord adopté par une commission dont faisait partie l’un des forestiers les plus éminents d’Allemagne, M. le D1 Gustave Heyer1, fut sanctionné par l’Empereur le 8 juillet suivant2.

Afin d’obtenir le plus de résultats possibles, tout en ménageant les finances de l’Etat, ce règlement stipule dans les articles 2 et 5 que les recherches et expériences seront entreprises : par des fonctionnaires spécialement commissionnés à cet effet ; par des personnes attachées à la station d’une façon exclusive, mais tempo¬ raire, en vertu de décisions du ministre de l’agriculture; par des collaborateurs tout à fait accidentels, choisis soit parmi les fonc¬ tionnaires de l’État, soit dans le personnel forestier des particuliers. Les collaborateurs de cette dernière catégorie s’entendent à l’a¬ miable avec le chef de l’expérimentation sur les conditions de leur concours ; les indemnités ou honoraires auxquels ils peuvent pré¬ tendre sont réglés de gré à gré.

Les dispositions qui précèdent ont une importance très grande sur laquelle nous reviendrons plus loin en montrant leur côté pra¬ tique et l’avantage qu’on a su en tirer.

Un autre point à noter, c’est que M. de Seckendorff, tout en re¬ levant du ministère de l’agriculture, avec lequel il correspond di¬ rectement, n’est pas un fonctionnaire de l’administration centrale des forêts , et que , d’autre part , en tant que chef de l’expéri¬ mentation j il n’a aucune attache avec ses collègues les profes¬ seurs de l’Institut agronomique de Vienne. La station autrichienne constitue donc une sorte de service administratif distinct de tous les autres. En Allemagne, au contraire, les stations forestières sont, comme nous l’avons vu, soit des annexes des établissements d’en¬ seignement, soit des parties intégrantes des administrations cen¬ trales.

Le rôle du directeur de l’expérimentation consiste principa¬ lement :

A soumettre chaque année à l’approbation du ministre le pro-

1. Alors directeur de l'Académie forestière de Münden (Prusse), mort récemment comme professeur à l' Université de Munich.

2. Voir l’annexe IX.

270

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

gramme des recherches à entreprendre et le devis des dépenses qu’elles occasionneront ;

A se procurer, dans la limite des crédits obtenus, le personnel et le matériel nécessaires à ces recherches ;

A expliquer aux employés subalternes de la station les plans d’exécution adoptés et à contrôler la façon dont ils s’acquittent de leur tâche ;

Enfin, à adresser au ministre un rapport de gestion annuel.

Ajoutons, pour compléter les renseignements généraux sur l’or¬ ganisation, que le règlement du 8 juillet 1875 accorde au directeur quatre adjoints ou auxiliaires permanents, plus un personnel de commis et de domestiques à gages dont le nombre est à fixer par le ministre.

Le siège principal de l’expérimentation est à Vienne, des lo¬ caux spéciaux lui sont affectés.

La station autrichienne, tout en ayant des rapports assez fré¬ quents avec les stations allemandes, ne fait point partie de l’asso¬ ciation constituée par ces dernières.

II. FONCTIONNEMENT ET RÉSULTATS

L’expérimentation forestière, en Autriche, est dirigée, comme nous venons de le dire, par M. le baron de Seckendorff, qui est en même temps titulaire de la chaire d’estimation des forêts et de sta¬ tique forestière à F Institut agronomique de Vienne.

M. de Seckendorff a été, au début de sa carrière, professeur à l’École polytechnique de Zurich. En dehors des comptes rendus de ses travaux d’expérimentation, il s’est déjà fait une place hono¬ rable dans la littérature forestière allemande par différentes publi¬ cations, dont les deux principales se rapportent précisément à notre pays.

Ayant reçu, en 1878, de son gouvernement, la mission d’aller étudier, à Paris, la section forestière de l’Exposition universelle, il ne s’est pas contenté, à son retour, de rédiger sur ce qu’il avait

l’expérimentation forestière.

271

vu le rapport officiel de rigueur. Il a écrit sur la situation forestière de la France un véritable ouvrage1, en compulsant à cet effet tous les documents qu’il a pu trouver dans son voyage.

Comme ce livre, cpii a été analysé dans la plupart des revues d’Allemagne et d’Autriche et qui se rencontre dans toutes les biblio¬ thèques des universités et académies de ces deux pays, ne paraît pas avoir été signalé chez nous, nous croyons devoir lui consacrer ici quelques lignes. En réparant ainsi, dans la faible mesure de nos moyens, une omission dont l’écrivain autrichien a été naturelle¬ ment fort étonné, nous acquitterons une dette que l’ensemble du corps forestier français a contractée il y a déjà quatre ans. Nous regrettons seulement qu’une plume plus autorisée que la nôtre ne nous ait pas devancés dans cet acte de courtoisie internationale.

L’ouvrage se divise en trois parties. La première, relative à l’état de nos forêts et à l’organisation de notre service forestier, est un résumé de la statistique exécutée sous la direction de M. Ma¬ thieu2. Elle est partagée, comme ce dernier travail, en deux sec¬ tions, l’une concernant la propriété boisée en général, l’autre don¬ nant des renseignements détaillés sur les bois soumis au régime forestier et sur leur gestion.

La deuxième partie traite de l’enseignement forestier et de l’ex-

r

périrnentation. L’Ecole de Nancy et les établissements les pré¬ posés reçoivent l’instruction technique sont décrits dans une pre¬ mière section. Dans la seconde, l’auteur fait connaître ceux des travaux récents des forestiers français qui rentrent dans le domaine de l’expérimentation, notamment les observations météorologiques de M. Mathieu3, celles de M. Fautrat4, les analyses de végétaux et de sols exécutées par MM. Grandeau, Fliche et Henry5, les expé-

1. Die forstlichen VerlidUnisse Frankreichs. 1 vol. gr. in-S°, avec tableaux et figures. Leipzig, 1879. B. G. Teubner.

2. Statistique forestière. 1 vol. in-4°. Paris, 1878, Imprimerie nationale.

3. Météorologie comparée, agricole et forestière. 1 vol. in-4°. Paris, 1878, Impri¬ merie nationale. Ouvrage déjà cité.

4. Observations météorologiques faites de 1874 à 1878. 1 vol. in-4°. Paris, 1878, Imprimerie nationale.

5. Annales de la Station agronomique de l’Est. 1 vol. in-8°. Paris, 1878, Berger- Levrault et Cie. Prix : 9 fr.

272

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

riences d’élagage de M. Martinet1, les recherches de M. Rousset sur les écorces à tan2. M. de Seckendorff a utilisé, pour la rédaction de ce chapitre, toutes les notices que l’administration française a fait imprimer pour la circonstance.

La troisième partie, qui concerne le boisement des montagnes et des dunes, a été rédigée à l’aide du traité de M. Demontzey3 et du travail de M. de Vasselot de Régné4.

En somme, l’ouvrage dont nous venons de parler est un exposé complet et intéressant de l’organisation et des travaux de notre ser¬ vice forestier. Malheureusement, on n’y rencontre pas, en le parcou¬ rant, les appréciations personnelles qu’un visiteur compétent comme M. de Seckendorff était à même d’y faire figurer. Ces regrets 11e

r

diminuent pas, du reste, les droits que l’auteur s’est acquis à notre reconnaissance en montrant à nos voisins, justement fiers des pro¬ grès réalisés chez eux par la sylviculture, que notre pays a bien aussi contribué, pour sa part, à l’avancement de cette science et que, en France, comme en Allemagne et en Autriche, les forêts sont l’objet de soins assidus et raisonnés.

Mais le principal titre de M. de Seckendorff à la gratitude du corps forestier français, c’est la traduction de l’étude de M. De¬ montzey sur les travaux de reboisement et de gazonnement des montagnes5. En effet, la correction des torrents est, avec la produc¬ tion raisonnée des bois d’œuvre de fortes dimensions, la branche d’activité qui, de nos jours, caractérise le mieux notre administra¬ tion des forêts et, de même que l’on cite en première ligne, parmi les champions de l’éducation des gros arbres, notre éminent maître

1. Notice sur Vélarjage des arbres. In-4°. Paris, 1878, Imprimerie nationale.

2. Recherches expérimentales sur les écorces à tan du chêne yeuse. In-4°. Paris, 1878, Imprimerie nationale.

3. Études sur les travaux de reboisement et de gazonnement des montagnes. 1 vol. gr. in-4° avec allas. Paris, 1878, Imprimerie nationale.

4. Notice sur les dunes de la Coubre. In-4°. Paris, 1878, Imprimerie nationale.

5. Studien ûber die Arbeilen cler Wiederbewaldung und Berasung der Gebirge, von P. Üemontzey. Im Auftrage des k. k. Ackerbauministeriums und mit ausdrückli- cher Genehmigung des Verfassers übersetzt von Prof. Dr Arthur Prb. von Seckendorff. 1 vol. gr. in-8° avec un atlas et 54 figures interc. dans le texte. Vienne, 1880, Gcrold. Prix : 18 florins.

l’expérimentation forestière.

273

M. Broilliard, de même le nom de M. Demontzey est inséparable de l’idée de la restauration de nos forêts de montagne. Dès lors, répandre à l’étranger l’ouvrage déjà classique de M. Demontzey, c’était faire connaître nos travaux dans le domaine de la sylvicul¬ ture par un de leurs côtés à la fois les plus avantageux et les plus originaux.

C’est, d’ailleurs, sur l’invitation expresse de son gouvernement que M. de Seckendorff a exécuté la traduction dont il s’agit, afin de faire profiter les populations de l’Autriche de l’expérience ac¬ quise en France en ce qui concerne les ravages des torrents et les moyens d’v porter remède. 11 y a en effet, dans l’Empire, plusieurs provinces, telles que le Tyrol, la Styrie, la Carînthie, la Carniole, l’Istrie, la dénudation des montagnes a été opérée d’une façon aussi aveugle que dans les Alpes françaises et dans les Pyrénées. Tout le monde a entendu parler, notamment, de la région du Karst, qui s’étend au N.-E. de Trieste, à l’extrémité des Alpes Juliennes; les Romains, puis les Vénitiens, en tiraient jadis, paraît-il, des bois de marine de première qualité, tandis qu’aujourd’hui c’est un vaste désert aride et pierreux.

Aussi, la traduction de M. de Seckendorff a-t-elle été accueillie avec empressement en Autriche et a-t-elle valu à M. Demontzey, de la part du gouvernement impérial, des distinctions aussi flat¬ teuses que méritées.

M. de Seckendorff a publié, en outre, des tables de cubage mé¬ trique très appréciées en Allemagne1 et une brochure consacrée à l’expérimentation forestière, à son but et à son importance au point de vue pratique de l’exploitation des forêts2. C’est dans ce dernier ouvrage que nous avons puisé, ainsi qu’il a été dit dans l’avant-propos, la plupart des renseignements relatifs à l’historique, à l’organisation actuelle et au fonctionnement des stations de re¬ cherches d’Allemagne et d’Autriche.

Mettant à profit sa grande facilité de parole, l’habile directeur

1. Kr eisjlachehtaf eln fur Metermass , zum Gebrauclie bel Llolzmassenermill- lungen. 2e édition. 1 vol. in -8°. Leipzig, 1875, B. G. Teubner. Prix : 90 kreuzer.

2 Das forslliche Versuchswesen insbesondere dessen Zweck und wirthschaftliche Bedeulung. 1 vol. gr. in-S°. Vienne, 188 i, W. Frick. Ouvrage déjà cité.

274

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

de la station autrichienne fait de temps à autre des conférences dans les congrès forestiers et dans les réunions scientifiques. C’est ainsi qu’il a signalé, en 1879, au club scientifique de Vienne, les ser¬ vices rendus par l’administration française à la cause de la conser¬ vation des forêts; que, la même année, à Fiume, devant une nom¬ breuse assemblée de sylviculteurs, il a traité du reboisement des contrées dénudées, et qu’en 1880 il a entretenu les membres du club des employés de chemins de fer à Vienne de faction que peut exercer le forestier sur la sécurité et le rendement des lignes ferrées.

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Enfin, depuis quelques mois, il a succédé à M. le professeur Hempel comme rédacteur en chef du Centralblatt fur das gescimmte Forstivesen 1 : ce recueil mensuel, fondé en 1875 par M. Robert Micklitz, grand maître général des forets d’Autriche, est devenu en peu de temps fune des revues forestières les plus estimées parmi celles qui paraissent en langue allemande.

M. de Seckendorff a pour adjoint permanent, commissionné ad hoc par le ministre de f agriculture, M. l’ingénieur Charles Bôh- merlé2. Ce jeune agent, ancien élève de l’École polytechnique de Zurich, que ses études en mathématiques ont préparé à mettre de la précision dans les recherches forestières et qui a fait ses débuts comme Forstassistent en Gallicie, seconde le chef de la station dans toutes les branchés du service d’expérimentation, mais plus parti¬ culièrement en ce qui concerne la sylviculture proprement dite, lia, d'ailleurs, déjà publié en son nom différents travaux personnels3 et il alimente d’articles intéressants la revue mensuelle dont nous avons parlé au paragraphe qui précède.

Les dispositions du statut organique rapporté aux annexes4 per¬ mettent au directeur de la station de s’adjoindre des collaborateurs

1. Vienne. W. Frick. Revue déjà citée.

2. Application de l’article 2, \ a , du statut organique (voir l’annexe IX).

3. Notamment les résultats de ses recherches sur le volume plein et le poids du stère de bois empilé et desséché en forêt (Comptes rendus de l'expérimentation fores¬ tière en Autriche. Tome II. Ouvrage mentionné plus loin.)

4. Art. 2, § b , et art. 4 du statut organique (voir l’annexe IX).

l’expérimentation forestière.

275

temporaires et de les choisir soit dans le sein, soit en dehors du service forestier de l’État. Sachant tirer parti de cette précieuse faculté, M. de Seckendorff s’est entouré de spécialistes que leurs goûts dirigeaient vers les recherches expérimentales et qui, du reste, avaient déjà prouvé leur aptitude par des travaux antérieurs. Ce sont :

M. le garde général Fritz A. Wachtl, entomologiste aussi mo¬ deste que distingué, dont les belles collections d’insectes ont attiré l’attention de tous les connaisseurs lors des expositions universelles de Vienne en 1873 et de Paris en 1878 h M. Wachtl était au service de l’archiduc Charles lorsque, peu de temps après l’Exposition de

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1873, M. de Seckendorff obtint qu’il passât au service de l’Etat et fût attaché à la station. Depuis, il a fait plusieurs publications ac¬ compagnées, en général, de très belles plancbes coloriées. La plus importante est un ouvrage relatif aux dégâts causés par les tortrices dans les peuplements de sapin pectiné de la Basse-Autriche, de la Moravie et de la Silésie2 ;

M. Félix de Thümen, mycologue bien connu par ses nombreux écrits sur les champignons, notamment par son Ilerbarium rtiyco- logicum œconomicum. 11 est devenu le collaborateur de M. de Sec¬ kendorff en 1879 ;

M. le D1 Joseph Moller, botaniste voué aux recherches sur la physiologie et l’anatomie des végétaux forestiers3.

1 . M. Wachtl a naturalisé avec une patience et une habileté peu communes des échantillons de tous les insectes qui attaquent le pin laricio ou le mélèze ; chaque individu est représenté aux diverses phases de son existence et les sujets sont placés dans leur attitude habituelle auprès des spécimens de leurs dégâts. L’ancien sous- directeur de l'École de Nancy, M. Mathieu, juge compétent s'il en fut en la matière, a été littéralement émerveillé de cette collection entomologique. M. Wachtl a aussi disposé sous des vitrines tous les types imaginables de galles produites sur les chênes ou les rosiers de l’Autriche, en y ajoutant des échantillons des cynips qui les ont occasionnées.

2. Die Weisslannen- Triebwiekler . 1 vol. in-4°. Vienne, 1882, Faesy. Prix: G florins. M. Mathieu a rendu compte de cet ouvrage dans la Revue des eaux et forêts , numéro de janvier 1883.

3. M. Moller, attaché à la station depuis le 1er mars 1877, fut délégué par le ministre du commerce à l’Exposition universelle de Paris de 1878. 11 rédigea à son retour un travail sur les « tissus végétaux » qui forme le 8e fascicule des rapports relatifs à l'Exposition, édités par Faesy et brick à Vienne.

276

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

La présence à la station de ces spécialistes , notamment de MM. Waclitl et de Thümen, donne à l’établissement un caractère d’utilité pratique, directe et immédiate, qui la rapproche des stations agronomiques. On sait, en effet, que la mission de ces dernières consiste principalement à faire, pour le compte des particuliers, des analyses de sols et d’engrais. De même, les pro¬ priétaires forestiers, s’ils constatent dans leurs bois des maladies

quelconques attaquant les arbres sur pied, peuvent s’adresser à la station forestière de Vienne pour s’enquérir des causes du mal et des moyens d’en arrêter les ravages ; l’entomologiste et le my¬ cologue sont pour leur répondre.

Enfin, toujours en vertu du statut organique1, M. de Seckendorff est autorisé à s’adresser, pour des recherches d’un ordre déter¬ miné, à toutes les personnes de bonne volonté qui consentent à coopérer avec lui à l’avancement de la science forestière, quelle que soit leur position sociale ou leur nationalité.

C’est ainsi que le service des observations météorologiques a pu être placé entre les mains de M. le D1’ ,1. R. Lorenz, chevalier de Liburnau, ancien professeur à Goritz, qui s’est acquis une grande réputation dans le domaine de la météorologie agricole. Ce savant a « été nommé depuis conseiller ministériel au ministère de l’agricul¬ ture, et il dirige en cette qualité la 2e division de ce ministère, celle qui a dans ses attributions Renseignement, la statistique et l’expé¬ rimentation; il est donc à la fois le chef de M. de Seckendorff au point de vue administratif et son collaborateur au point de vue scientifique.

Parmi les autres personnes qui ont collaboré ou qui collaborent actuellement avec M. de Seckemlorff, nous citerons :

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M. Charles Mikolaschek, professeur à l’Ecole des arts et métiers de Reichenberg, qui a fait des expériences sur l’élasticité et la ré¬ sistance des principaux bois d’œuvre de Bohême, et dont les travaux ont été traduits en italien et en espagnol2;

1. Art. 2, l c, et art. 5 (voir l'annexe IX).

2. Voir les comptes rendus ne l'expérimentation forestière en Autriche. Tome II, fascicule I. Ouvrage mentionné plus loin.

L EXPERIMENTATION FORESTIERE.

277

M. Gollner, professeur à l’École polytechnique allemande de Prague, auteur de recherches relatives à la résistance du bois de pin noir1 ;

M. le conseiller Nôrdlinger, alors professeur à l’Académie fores¬ tière de Hohenheim, qui a étudié l’influence du gemmage sur le bois de la même essence2;

M. Gustave Hempel, professeur de sylviculture à l’Institut agro¬ nomique de Vienne, qui s’est livré à des expériences au sujet de l’élagage de l’épicéa, du sapin, du pin sylvestre et du chêne pé- donculé 3 ;

M. le chevalier de Hôhnel, qui s’est occupé de diverses questions de physiologie végétale4 ;

M. Hermann Reuss jun., secrétaire du prince de Colloredo- Mansfeld, qui a expérimenté avec M. Môller, dans le domaine de Dobrisch, divers procédés de semis et plantations5;

M. Guillaume Sioger, maître des forêts à Hôrnstein, qui a se¬ condé M. Môller dans des observations sur le gemmage du pin noir6.

On voit, par l’énumération qui précède, que les éléments les plus variés concourent au but en vue duquel la station autrichienne a été créée. Cet établissement est donc constitué à l’image de l’em¬ pire austro-hongrois lui-même, dont une foule de nationalités dis¬ tinctes sont appelées à assurer la grandeur et dont la devise est : Viribus unitis.

Des avantages incontestables résultent de cette organisation.

D’abord, elle a permis à M. de Seckendorff de prendre immé¬ diatement comme champ d’investigations tout le domaine de la science forestière et de confier les recherches aux spécialistes qui sont le mieux en état de les mener à bonne fin; tandis que, s’il avait été forcé par son statut de se contenter d’un petit nombre de colla-

1. Voir ibidem. Tome II, fascicule III.

2. Voir ibidem. Tome II, fascicule III.

3. Travail qui était sous presse en 1882.

4. Voir les comptes rendus de l'expérimentation forestière en Autriche. Tome I, fascicule III. Tome II, fascicules 1, II et III.

3. Voir ibidem. Tome II, fascicules II et III.

G. Voir ibidem. Tome II, fascicule III.

278

ANNALES de la science agronomique.

borateurs choisis seulement dans le sein de l’Institut agronomique

^ r

ou dans les rangs du personnel forestier de l’Etat, il eût laisser de côté certains ordres de travaux ou les confier à des hommes

moins compétents.

De plus, M. de Seckendorff, en ayant recours exclusivement à des collaborateurs volontaires, se flatte d’obtenir des résultats meilleurs que ceux auxquels parviendrait une administration qui exigerait de tous ses agents indistinctement la participation à des re¬ cherches expérimentales.

Enfin, malgré J’extension donnée au cadre des travaux de la sta¬ tion, les dépenses de celle-ci ont été maintenues à un chiffre relati¬ vement modéré. Le directeur, l’adjoint et les attachés temporaires sont, en effet, les seuls expérimentateurs qui reçoivent un traitement fixe ; les nombreuses personnes qui collaborent d’une façon inter¬ mittente avec M. de Seckendorff se font, en général, simplement rembourser des frais matériels occasionnés par leurs recherches. Quelques grands propriétaires particuliers vont même jusqu’à prendre absolument à leur charge les essais pratiqués dans leurs domaines. Quant au service d’observations météorologiques, M. Lo¬ renz le dirige sans toucher d’honoraires ; on le dédommage seu¬ lement de ses déplacements.

Après avoir exposé les ressources dont la station dispose au point de vue du personnel, il convient de donner un aperçu de son ins¬ tallation et de l’outillage qu’elle possède.

On a vu ci-dessus que le siège principal de la station est à Vienne. Le Gouvernement a loué pour elle dans le quartier universitaire de la ville , un étage d’une maison privée1. Ce local se compose du cabinet de M. de Seckendorff, d’une salle pour M. Bôhmerlé, son adjoint, et pour les commis (ceux-ci au nombre de deux), d’une autre salle réservée à M. Wachtl, l’entomologiste, enfin de plusieurs pièces servant de lieux de dépôt pour les instruments de recherches et les échantillons soumis aux expériences. Un garçon de bureau est attaché à l’établissement.

1. Tulpengasse, 3.

l’expérimentation forestière. 279

La station a, en outre, la jouissance d’une partie de l’ancien cou¬ vent de Mariabrunn, situé à quelques kilomètres de Vienne, au milieu du Wienerwald. Ces bâtiments monastiques, après avoir servi dans le courant du siècle à loger l’Ecole supérieure des forêts, devinrent disponibles, il y a quelques années, lorsque l’enseignement sylvicole fut transféré à l’Institut agronomique de Vienne ; cette me¬ sure répondait à la tendance qu’on a aujourd’hui, dans les pays allemands, de supprimer les écoles forestières spéciales , pour les fondre dans les universités ou d’autres grands établissements d’ins¬ truction. A la suite de ce transfert, quelques salles ont pu être attribuées à M. Môller pour ses travaux de physiologie végétale. Le jardin de l’ancienne École de Mariabrunn a été également affecté à l’expérimentation, et M. Môller s’y livre différents essais sur les repeuplements artificiels , les élagages, etc., tandis qu’un employé subalterne est chargé d’y faire des observations météorologiques, sur les indications de M. Lorenz de Liburnau.

L’établissement de recherches est aussi bien doté sous le rapport de l’outillage que de l’installation.

Les bureaux de Vienne renferment, en effet, une bibliothèque forestière figurent, avec les principaux ouvrages spéciaux, tous les recueils périodiques austro-hongrois et la plupart des revues étrangères ayant trait à la sylviculture.

A côté des livres, sont les ustensiles et appareils de toute sorte qu’on a inventés ou perfectionnés en Allemagne et en Autriche, pour mesurer les arbres sur pied ou pour cuber directement soit de grosses bûches, soit de petits échantillons de bois. 11 serait trop long de donner la description de ces instruments, connus sous les noms d ’hypsomètres1 , de compas forestiers , de xylomètres 2, etc., et dont le nombre prouve combien les forestiers de ces pays sont

1. En Allemagne, on appelle hypsomètres (de sommet) les instruments desti¬ nés à mesurer les hauteurs des arbres. Cette dénomination paraît préférable à celle de dendromèlros dont nous nous servons d’ordinaire en France, et qui conviendrait tout aussi bien à un instrument destiné à la mesure des diamètres ou des circonférences.

2. Les xylomètres sont les appareils construits en vue du cubage des pièces de bois par immersion. Nous en avons, du reste, déjà parlé au chapitre II de la lre partie, en décrivant l'installation de la station bavaroise.

ann. science agron.

280

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

amoureux de leur art et désireux d’allier, dans leurs travaux pro¬ fessionnels, la rapidité à la précision. Pourtant, nous croyons de¬ voir consacrer quelques mots à un instrument qui nous paraît digne d’une mention spéciale. C’est Vhypsomètre à miroir de Faustmann (Faustmanris Spiegel-Hypsometer) 1 .

On sait que le dendromètre de Regneault a, sur tous les instru¬ ments similaires employés en France, l’avantage de pouvoir être réglé d’après la distance à laquelle on se trouve de l’arbre observé et de donner, par conséquent, la hauteur cherchée par une simple

Fig. 2.

lecture. Mais l’on sait aussi que cet appareil a un grave inconvé¬ nient : i! faut être à deux pour en obtenir des résultats certains, l’un des opérateurs visant, l’autre regardant la graduation latérale et notant le point s’arrête le perpendicule ; sinon on risque, en déplaçant soit la tête, soit l’instrument après la visée, de déranger la position du fil à plomb. On a donc renoncé, chez nous, au den¬ dromètre de Regneault, malgré la supériorité que nous venons de lui reconnaître. Or, l’hypsomètre de Faustmann est construit abso-

1. On fabrique des hypsomêtres d'après le système Faustmann dans différentes villes d’Allemagne et d'Autriche. Mme veuve Faustmann à Darmstadt (grand-duché de Hesse) en vend au prix de G marcs, soit 7 fr. 50 la pièce. Voir la figure ci-dessus.

l’expérimentation forestière.

281

Jument d’après le même principe que celui de Regnéault, mais l’in¬ venteur, un garde général hessois, décédé depuis quelques années, a évité d’une façon aussi simple qu’ingénieuse l’inconvénient signalé plus haut. Il a adapté à l’alidade un miroir à charnière et a renversé - les chiffres de la graduation que porte l’alidade, si bien que l’obser¬ vateur, tout en visant, peut lire dans le miroir le numéro du trait ou s’arrête le perpendicule. Cet instrument, à la fois commode et peu coûteux, est celui dont se servent la plupart des forestiers au¬ trichiens et allemands.

Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence un appareil inventé tout récemment par M. Pfister, arpenteur forestier à Agram, et appelé par lui Zuivachsuhr (littéralement : montre des accroisse¬ ments). 11 a pour but de rendre compte, jour par jour, de l’accrois¬ sement des arbres en circonférence pendant la période de végé¬ tation. 11 consiste essentiellement dans un cadran gradué, parcouru par une aiguille qui se déplace au fur et à mesure que se tend un ruban métallique dont on a ceint la tige soumise à l’expérience. Cet instrument n’est peut-être pas irréprochable et il ne paraît guère avoir d’utilité en dehors du domaine de la spéculation pure, mais il est si curieux et il donne une idée si exacte de l’esprit chercheur et minutieux qui caractérise les forestiers d’Allemagne et d’Autriche, que nous en insérons aux annexes une description détaillée d’après l’article publié, par M. Bôhmerlé, dans le Centralblatt fur das gesammte Forslwesen (numéro de février 1883'). M. Bôhmerlé a, du reste, déjà expérimenté l’instrument, et l’article précité renferme le compte rendu de ses observations ; mais il n’a point encore dé¬ couvert de relation entre l’accroissement des arbres et la tempéra¬ ture ou l’état hygrométrique de l’air.

Disons, pour terminer ce qui concerne l’outillage de la station, que les nombreux calculs auxquels donnent lieu les cubages et les analyses d’arbres y sont effectués, autant que possible, à l’aide d’une machine à calculer, dite cirithmomètre , inventée par MM. R. Do- besch et K. Masseur1 2 3.

1. Voir l’annexe X.

2. Elle sort des ateliers de M. J. Mojka junior, mécanicien à Xeu-Lcrclienfeld,

ScÉmolzhofgasse, G, près Vienne, et a coûté! 200 florins.

282

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Les travaux de la station sont tous livrés à la publicité et mis dans le commerce. Chaque expérimentateur rédige et signe les comptes rendus de ses propres recherches, et le directeur, M. de Seckendorff, ne fait paraître sous son nom que les résultats des expériences auxquelles il a pris une part active et directe.

Jusque dans ces derniers temps, les publications ont revêtu la forme de fascicules renfermant chacun des communications de tous ordres (sylviculture proprement dite, physiologie végétale, météo¬ rologie, entomologie, etc.). Il a paru six de ces fascicules groupés eux-mêmes en deux volumes1 2. Mais on a renoncé à ce système, d’abord parce que la publication des articles prêts à être imprimés était sans cesse retardée par le non-achèvement de certains autres travaux encore en préparation, ensuite parce qu’il y avait de 1 incon¬ vénient à trop fragmenter les communications relatives à un même ordre de recherches. Maintenant, quand une étude de quelque im¬ portance est terminée, on la publie séparément en lui consacrant un fascicule spécial. Les ouvrages qui ont paru depuis cette nouvelle manière de procéder sont au nombre de trois :

Le premier volume d’une monographie du pin noir d’Autri¬ che, tout entier à la plume de M. de Seckendorff ". L auleui y traite des caractères botaniques de cette essence, de son aire cl ha¬ bitation , ainsi que des influences qu’exercent sur sa végétation le sol et. le climat. Un deuxième volume de cette monographie est actuellement en préparation ; il sera consacré à l’accroissement en diamètre, en hauteur et en volume du pin noir et à son coefficient de forme, le tout étudié dans l’arbre considéré individuellement.

°2Û L’ouvrage de M. Wachtl sur les tortrices du sapin pectiné, que nous avons déjà mentionne plus haut et dont M. Mathieu a fait l’analyse dans la Revue des eaux et forêts.

«J

1. Millheilungen ans de in forstiichen Versuchswesen Oesterreichs.

I. Band, Wien, 1877-1878, in-4°, W. Braumüller. (Prix : 8 florins 50 k.)

IL Band, 1. Heft. Wien, 1879. in 4°, W. Braumüller. (Prix: 3 florins 20 k.)

IL Band. 2. Heft,. Wien, 1879, in4°, Cari GerokLs Sohn. (Prix : 5 florins.)

IL Band, 3. Heft. Wien. 1881, in-4°, Cari Gerold's Sohn. (Prix: 7 florins.)

2. Beitruge zur Kenntniss der Schwûvzf olive. 1. Theil. Mien, 1881, in-4°, Cari Gerold's Sohn.

l’expérimentation forestière.

283

Une étude de M. Môller sur l’anatomie de l’écorce des arbres1. Tous ces ouvrages sont d’une exécution typographique très soi¬ gnée et accompagnés de figures ou même de planches coloriées qui justifient le prix élevé auquel ils sont vendus.

Il faudrait parcourir toutes ces publications pour se former une

idée complète des travaux effectués jusqu’à ce jour, par la station autrichienne. Nous aurions désiré en donner ici la substance, mais notre compte rendu prendrait des proportions beaucoup trop vastes, même si nous voulions simplement énumérer les recherches qui ont eu lieu dans les différentes branches de l’expérimentation. Nous ren¬ voyons aux ouvrages précités les personnes désireuses de connaître

la liste des travaux entrepris dans le domaine de la physiologie et de l’anatomie végétales, de la mycologie, de l’entomologie et de la technologie, et nous nous bornerons à esquisser un aperçu des tra¬ vaux relatifs à la sylviculture proprement dite et à la météorologie, qui sont ceux qui nous intéressent le plus en raison de leur utilité pratique.

Les rapports de gestion adressés périodiquement par le directeur de la station au ministre de l’agriculture2 et les renseignements que nous avons recueillis de la bouche de MM. de Seckendorff et Bob¬ ine rlé nous ont été particulièrement précieux pour la rédaction de l’exposé sommaire qui va suivre.

ï. Sylviculture.

Expériences ayant pour but de déterminer les facteurs de con¬ version des bois empilés. La première série de recherches que la station autrichienne ait abordée est relative aux facteurs de con-

1. Anatomie der Baumrinden. Vergleichende S Indien, von l)r Joseph Môller, Adjunkt der k. k. forstliehen Versuchsleitung, Docent in der technischen Hochschule in Wien. Berlin, 18S2, in-S°, Julius Springer. (Prix : 18 marcs.)

2. Le rapport de gestion pour la période qui va du 1er juillet 1875 au 31 décembre 1876 a été publié à Vienne, chez Faesy et Frick, en 1877.

Le rapport qui embrasse la période suivante (1er janvier 1877, 31 décembre 1880) est inséré m extenso dans la brochure déjà citée de M. de Seckendorff sur l’expéri¬ mentation forestière (Das forstliche Versucliswesen. Wien, 1881, Faesy et Frick).

284

ANNALES DE LA SGIENCE AGRONOMIQUE.

version du volume apparent au volume plein des bois empilés ou liés en fagots. l\I. Sée, inspecteur général des forêts, a déjà rendu compte de ces expériences dans la Revue des eaux et forêts1, et si nous ne renvoyons pas purement et simplement aux deux articles il a résumé d’une façon si lucide la publication de M. de Secken- dorff, c’est que nous avons à y ajouter quelques détails pratiques d’exécution qui ne se trouvent point dans l’ouvrage de Fexpéri- mentateur autrichien .

Les recherches dont il s’agit ont été entreprises en 1876, sur l’invitation de l’administration forestière, à la suite de l’introduction toute récente en Autriche du système métrique. Le plan suivi dans ces expériences est à peu près celui que l’association allemande avait rédigé, sur le même objet, un an auparavant2. L’emprunt fait dans cette circonstance par la stalion de Vienne n’est pas le seul de l’espèce, ainsi qu’on le verra plus loin : les expérimentateurs autri¬ chiens ont soin, et cela leur est très facile, de se tenir au courant des travaux de leurs collègues d’Allemagne ; ils s’inspirent donc tout naturellement de leurs programmes comme de leurs plans d’exécu¬ tion; parfois même, ils les adoptent entièrement afin d’obtenir des résultats qui se prêtent à des rapprochements fructueux.

Les expériences de M. de Seckendorff relatives aux facteurs de conversion ont porté sur 14 essences dont les principales sont : le hêtre, le charme, le chêne pédonculé, l’aune, le tremble, l’épi¬ céa, le sapin, le mélèze, le pin sylvestre et le pin d’Autriche. Elles ont été opérées avec des bois de tous âges et de toutes grosseurs.

Conformément au plan d’exécution allemand, la station autri¬ chienne partage les produits en deux catégories au double point de vue de leur grosseur et de la portion de l’arbre dont ils sont tirés,

savoir :

Le bois plein ( Derbhoh ), comprenant les parties de la tige et des branches ayant plus de 0m,07 de diamètre, mesurés sur l’é¬ corce ;

1. Année 1877, pages 201 à 207 et page 299.

2. Voir le chapitre 1er de la lre partie. Voir aussi l’article susvisé de M. Sée, page 201.

l’expérimentation forestière. 285

Le bois de 2e choix (Nicht-Derbholz) , provenant des autres parties de l’arbre et comprenant à son tour :

a) Le menu bois ( Reisig ), c’est-à-dire les parties de la tige et des branches qui ont jusqu’à 0m,G7 de diamètre ;

b) Le bois de souches (, Stockholz )>

D’un autre côté, au point de vue de l’emploi, les bois se divisent en bois d'oeuvre ( Nutzholz ) et en bois de feu, (Brennholz) .

Dans le bois d’œuvre, on distingue :

Le bois d’oeuvre de longueur (Langnulzholz) , c’est-à-dire les pièces qui ne sont jamais empilées, mais que l’on mesure et cube isolément;

Le bois d'œuvre empilé ( Schichtnulzholz ), c’est-à-dire les pièces qui sont cordées ou liées en fagots; par exemple, celles qu’on doit débiter en lattes, en échalas, en bardeaux, en allu¬ mettes. C’est la seule catégorie de bois d’œuvre qu’on ait envi¬ sagée dans les expériences que nous décrivons actuellement.

Le bois de feu comprend à son tour les assortiments qui sui¬ vent;

Le bois de quartier ( Scheilholz ), provenant de bi lions de plus de 14 centimètres de diamètre au petit bout et destinés à être re¬ fendus. Cette catégorie se subdivise elle-même en trois classes :

a) Le bois de quartier de Ve classe, qui doit être B droit, pas trop noueux et tel que la corde AB du

secteur figuré par la section transversale soit com¬ prise entre 16 et 24 centimètres; les bûches qui présenteraient une corde plus forte sont refen¬ dues ;

b) Le bois de quartier de 2e classe (. Ausschuss ), qui provient de la fente diamétrale de billons de 14 à 16 centimètres de diamètre ; on y range aussi

Fig. s. les bûches exclues de la lre classe, à cause des dé¬

fauts de conformation ou des tares qu’elles présentent;

c) Le bois de quartier de 3e classe , qui existe seulement pour les bois durs et qui comprend les bûches que des nœuds ou leur forme tortue rendent impropres à la fente (Knorren, Rumpen) ;

Le rondin (Knüppel ou Prügelholz), catégorie dans laquelle

286

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

rentrent les billons de 7 à 14 centimètres de diamètre au petit bout et qu’on ne fend pas ;

Le meme bois ( Reisig ), qui comprend, comme nous l’avons déjà dit, les parties de la tige et des branches ayant 7 centimètres et au-dessous au gros bout. Le menu bois est débité de deux façons différentes : ou bien on le découpe en bûchettes qui sont empilées en stères (charbonnette), ou bien on le lie en fagots, auxquels on donne 1 mètre de longueur et 1 mètre de tour.

Le bois cle souche et de racine ( Stock - et Wurzelholz).

Les expérimentateurs autrichiens ont voulu d’abord savoir si, en opérant sur des bois verts, ils obtiendraient des résultats autres que ceux fournis par des bois préalablement desséchés à l’air libre. En conséquence, une première série de recherches ont été effectuées avec des bûches qui étaient empilées et cubées le jour même l’arbre dont elles provenaient avait été abattu. Dans une autre série d’expériences, on a laissé séjourner les bois plus ou moins long¬ temps, voire pendant une année, sur le parterre des coupes avant de les façonner et de les empiler. Il a été constaté, en fin de compte, que le temps écoulé depuis l’abatage n’avait pas d’influence sensi¬ ble sur la valeur des facteurs de conversion.

On se demanda ensuite à quel procédé on aurait recours pour déterminer le volume plein des bois empilés et des fagots. Fallait-il se servir du xylomètre (procédé hydrostatique), ou mesurer chaque bûche à l’aide du compas forestier et l’assimiler à un solide géomé¬ trique (procédé stéréométrique) 1 ?

1. On rechercha aussi le résultat que donnerait une 3e méthode consistant à déter¬ miner directement le volume des vides du stère, et à le retrancher du volume appa¬ rent. Pour cela, on construisit une sorte de bac rectangulaire de dimensions convenables et de capacité connue dans lequel on plaça les bûches verticalement, mais en les dis¬ posant les unes par rapport aux autres comme elles l’eussent été dans .un rôle empilé. On avait, d’autre part, un petit récipient parfaitement jaugé qu’on remplissait de sable à la pression naturelle et on en versait le contenu dans les intervalles des bûches, jusqu à ce que le bac fût plein. En multipliant la capacité du petit récipient par le nombre de fois qu'on l’avait vidé dans le bac, on obtenait un produit qui, retranché de la conte¬ nance du bac, donnait le volume des bûches. Enfin on cubait également celles-ci à 1 aide du xylomètre. L’experience fut répétée trois fois et on reconnut que cette méthode était mauvaise. En effet, pour le 1er stère, il y eut un écart de 50 décimètres cubes environ par rapport au procédé hydrostatique; pour le 2e un écart de 4 décimètres

l’expérimentation forestière.

287

Le tome I (1er fascicule) des Mittheilungen renferme un exposé détaillé des recherches comparatives qu’on fit à ce sujet. On prit, de mètre en mètre, avec le compas forestier, le diamètre des billons de toute grosseur et on en calcula le volume géométriquement; puis on fendit les bûches de quartier ; enfin, on détermina séparément au xylomètre le volume des bûches de quartier, des bûches de rondin et du menu bois. On a reconnu, de la sorte, qu’en ce qui concerne le bois de quartier, la méthode stéréométrique donne un chiffre plus élevé que la méthode hydrostatique et que Y inverse a lieu pour le rondin et le menu bois.

Ce fait a été expliqué de la façon suivante :

L’élévation des résultats obtenus par le procédé stéréométrique en ce qui concerne le bois de quartier tient :

A la présence de l’écorce, qui est toujours plus ou moins ru¬ gueuse, et dont les crevasses ne sont point déduites dans le cubage géométrique, tandis qu’elles n’influent pas sur le procédé hydros¬ tatique ;

A ce que, lors de la fente des billons, il tombe toujours quelques copeaux ; or, ceux-ci sont compris dans le volume fourni par le pro¬ cédé stéréométrique, qui s’applique avant la fente, tandis qu’ils sont défalqués dans le procédé hydrostatique, que l’on emploie après le débit en quartiers. Les Mittheilungen citent deux cas de ce déchet occasionné par la fente, et on en a vérifié l’existence en cubant, au xylomèlre, les mêmes bûches avant et après la fente ; la seconde fois, on a eu un cube moins élevé que la première.

La faiblesse des résultats fournis par le procédé stéréométrique pour le rondin et le menu bois est due :

A ce que les bûches de ces catégories sont toujours plus ou

cubes clans le sens opposé; pour le 3e un écart de 39 décimètres cubes de nouveau dans le premier sens. Voici du reste le tableau récapitulatif des expériences:

Stères.

Résultats fournis par le xylomètre.

Résultats fournis par le cubage des vides.

Différences.

|er

0mc,749

0mc, 69 9

4- 0mc,050

2e

0 ,696

o

O

f'-

O

0 ,004

3e

0 ,723

0 ,684

H- 0 ,039

288

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

moins courbes et irrégulières , de telle sorte que leur longueur développée est plus grande que la distance rectiligne de leurs ex¬ trémités ;

A ce que les bâtonnets sont toujours hérissés de chicots de branches et d’aspérités qu’on néglige dans le procédé stéréomé- trique et qui fournissent du volume dans le procédé hydrostatique.

Mais, à vrai dire, la loi énoncée plus haut ne s’applique qu’au quartier de lre classe* comparé au rondin ou au menu bois. En ce qui concerne le quartier de 2e classe, c’est tantôt le procédé stéréo- métrique, tantôt le procédé hydrostatique qui a fourni les volumes les plus élevés. En effet, lorsque les bois considérés n’appartiennent à la 2e classe qu’à cause de leurs dimensions, et que, d’ailleurs, ils ont une forme régulière, le procédé stéréométrique devra donner un volume plus grand que l’autre, absolument comme s’il s’agissait de bois de quartier de lre classe; lorsque, au contraire, les bois auront été rangés dans la 2e classe par suite de leur forme tortue, ce sera presque toujours le procédé hydrostatique qui fournira les chiffres les plus élevés.

En somme, on peut poser le principe général suivant :

Le procédé stéréométrique donne , pour les gros billons réguliers destinés à être refendus, des volumes plus forts et, pour les petits rondins irréguliers, des volumes plus faibles que le procédé hydros¬ tatique.

Ce dernier procédé, dont les résultats sont indépendants de la forme des bûches, est donc plus exact que le premier; mais les différences entre les deux méthodes sont peu sensibles* 1. Aussi,

1. On a de divers côtés formulé contre le procédé hydrostatique cette objection que la pénétration de Peau dans l’intérieur du bois diminue l’exactitude du résultat. Pour voir jusqu’à quel point ce reproche était fondé, MM. de Seckendorff et Bohmerlé tirent les deux expériences suivantes.

lre Expérience. Ils prirent un stère de bois de hêtre composé de IG rondins et le cubèrent au xylomètre. L'instrument marquait 1341,6, avant Pimmersion du 1er ron¬ din: quand on en eut retiré le 16e, il ne marquait plus que 132],6; il y avait donc une perte de 2 litres. Quelle en était la cause? Chaque bûche était évidemment mouillée extérieurement. La surface totale des 16 bûches fut calculée et évaluée à 1 7mq,34 1 6 . On admit que la couche d’eau qui était restée adhérente à chaque morceau n'avait que 0mm,t d’épaisseur; cela faisait de ce chef une perte de l',73. Ou recueillit aussi Peau

l’expérimentation forestière.

289

M. de Seckendorff déclare-t-il que, dans la pratique, il suffît de cuber les bois par le procédé stéréométrique et qu’il n’y a lieu d’employer l’autre, plus long et plus coûteux, que dans les re¬ cherches scientifiques, lorsqu’il s’agit d’établir des formules ou des coefficients.

Conformément à cette manière de voir, on s’est servi du xylomè¬ tre dans les expériences définitives faites par la station. Les résultats de ces expériences, dont voici le résumé, sont consignés dans neuf tableaux des Miüheilungen :

Pour des longueurs de bûches égales, le volume plein (Derbge- halt) du stère augmente ou diminue d’une façon inversement pro¬ portionnelle au nombre des bûches (bien entendu la proportion n’est pas rigoureuse).

Le volume plein diminue avec la qualité de l’assortiment, c’est-

q»i dégouttait des bûches et on trouva de ce nouveau chef O1, 19. En ajoutant ces deux quantités et en retranchant leur somme des 2 litres précités, on obtint pour le volume d'eau infiltrée O1, 08 = 0mc, 00008, c’est-à-dire une valeur négligeable.

2e Expérience. On prit un stère de charme, on le mit sur la balance avant de l’immerger et on trouva qu’il pesait 72Gk,S55; après l'immersion, il accusa un poids de 727 kilogr. Le poids avait donc augmenté de 0k, 145, différence qui correspond à un volume d'eau de 0nic, 000145.

Ainsi , d’après ces deux expériences, l’erreur due à la pénétration de l'eau dans les tissus ligneux est sensiblement égale à 0mc, 0001. M. Bôhmerlé avait d’ailleurs, dès 1875, recherché la quantité d’eau qui pouvait pénétrer dans du bois vert. Dans ce but, il prit 4 bûches provenant de rondins de môme grosseur refendus en deux ( Halb - kluften ), savoir: une bûche de chêne pédoncuîé, une d’aune glutineux, une de bouleau blanc et une de pin sylvestre. Les bûches furent pesées immédiatement après l’abatage puis on les plongea dans un bassin plein d’eau on les laissa séjourner du 1er au 30 octobre. Mais, dans le courant du mois, on effectua plusieurs pesées successives, en ayant soin d’essuyer au préalable chaque bûche et de la replacer dans l’eau aussitôt après l’opération. On reconnut que le bouleau avait commencé, a parti?' du 6 octobre, à ne plus absorber d’eau, le pin à partir du 11, les deux autres essences à partir du 30. Les poids initiaux et les poids maxima des bûches sont consignés dans le tableau suivant :

Désignation

des

bûches.

Poids avaut l’immersion.

Poids maximum après

l'immersion.

Différence.

Bouleau . . .

2 2 k, 3 5 5 (au 1er octobre). .

22l

SI (au 6 octobre). ; .

-t- 0 k , 4 55

Pin .... .

15,825

16

,71 (au lf octobre) . .

4- 0 ,885

Chêne ....

22 ,016 . .

24

,17 (au 30 octobre) . .

4- 2 ,154

Aune ....

17 ,630 . .

19

,03

4— 1 ,400

290

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

à-clire que le volume plein du stère de quartier de lre classe, par exemple, est plus grand que celui du quartier de 2e classe.

Le volume plein diminue ou augmente d’une façon inverse¬ ment proportionnelle à la longueur des bûches.

La longueur des bûches étant constante , le volume plein est d’autant plus grand que les piles ont une longueur de couche plus considérable. Cela se comprend d’ailleurs, car plus le rôle est long, mieux le bois se tasse latéralement.

Quoique l’instruction ministérielle ne prescrivît pas de déter¬ miner le poids des bois empilés, la station a aussi fait des recher¬ ches à ce sujet vet elle a constaté qu’un stère pèse d’autant moins qu’il est formé avec des bûches plus complètement desséchées. Ce résultat s’explique facilement si l’on se rappelle ce que nous avons dit plus haut sur les facteurs de conversion des piles de bois verts et de bois secs.

Nous ferons observer que les quatre premières lois énoncées ci- dessus ne se vérifient pas lorsque les bois de l’une des deux caté¬ gories comparées ont une provenance et, par suite, une forme sensiblement différentes de celle des bûches de l’autre catégorie. Ainsi, par exemple, lesdites lois ne sont pas vraies pour du rondin de lige comparé avec du quartier de 2e classe provenant de bran¬ ches ; et cela tient principalement à ce fait que les stères composés de billons cylindriques ont un volume plein supérieur à celui des stères formés avec ces mêmes billons, une fois qu’ils ont été fendus en quartiers.

Nous croyons enfin devoir ajouter aux conclusions qui précèdent quelques détails pratiques sur la manière dont les expérimentateurs opéraient dans leurs recherches.

On donnait d’ordinaire 1 mètre de longueur aux bûches. Dans le cas contraire, c’était la longueur de couche qu’on modifiait, et non la hauteur , qui restait toujours égale à \ mètre. En ce qui concerne l’excédent de hauteur que, dans beaucoup de régions, les cordeurs donnent au stère en prévision du tassement, on y a renoncé ici, dès le début des expériences ; néanmoins, on a déterminé la quantité dont le stère s’affaisse au bout d’un certain laps de temps.

Avec une équipe de 4 ouvriers, le cubage des bûches au xylomè-

L EXPERIMENTATION FORESTIERE.

291

tre demandait, en moyenne, 28 minutes par slère; l’opération était naturellement d’autant plus longue que les bois avaient un plus faible diamètre. On a reconnu qu’il y avait intérêt à plonger plu¬ sieurs morceaux à la fois dans le xylomètre, afin de diminuer les erreurs de lecture. La quantité d’eau perdue par suite de l’immer¬ sion variait de O1, 5 à ll,3 par stère et de l',3 à 4 litres par fagot. En ce qui concerne les fagots, on ne les retirait pas de l’appareil immédiatement après les y avoir plongés; on les laissait, au con¬ traire, dans l’eau quelque temps avant de faire la lecture, pour per¬ mettre aux bulles d’air entraînées de s’échapper.

Enfin, pour rendre les résultats de leurs travaux plus compara¬ bles, les expérimentateurs emmenaient avec eux un cordeur spécial partout ils allaient opérer.

Monographie du pin noir. Cette première série d’expériences terminée, M. de Seckendorff a mis en chantier une œuvre consi¬ dérable, qui est en bonne voie d’exécution, mais que bien des an¬ nées encore séparent de son couronnement : c’est une étude com¬ plète et approfondie du pin noir <P Autriche (Pinus nigricans Link, Pinus austriaca Host.) L

M. de Seckendorff pense, avec raison, qu’en concentrant ses res¬ sources en personnel et en argent sur un seul objet à la fois, il arri¬ vera plus sûrement au succès qu’en portant ses efforts sur différents points; c’est pourquoi, laissant provisoirement de côté les autres essences, il a choisi tout d’abord le pin noir que les stations alle¬ mandes n’ont pas compris dans le cercle de leurs recherches2 et qui , d’ailleurs , ne peut bien s’étudier qu’en Autriche , son pays d’origine, il forme des peuplements purs et spontanés de grande étendue3. Ce ne sera que plus tard, une fois cette première mono¬ graphie parachevée, que l’on passera à d’autres espèces indigènes.

Les expérimentateurs autrichiens ont commencé par considérer

1 . Beitrage zur Kcnntniss der Schwarzfohre .Vienne , 1 SS 1. Ouvrage déjà mentionné.

2. Elles s’occupent surtout de l’épicéa, du pin sylvestre, du hêtre, du sapin.

3. En s’attachant ainsi, dès 1S7C, à l’étude du pin noir, M. de Seckendorff réalisait d’une façon anticipée le vœu présenté par M. Broilliard au Congrès tenu en t SS I , à Versailles, par les directeurs des stations agronomiques, vœu tendant à ce que chaque essence soit observée dans le milieu elle est le plus développée naturellement.

292

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

les arbres individuellement et à étudier leur croissance en hauteur, en diamètre. et en volume : ils s’occupent surtout, à l’heure qui! est, de déterminer le coefficient de forme du pin noir et de recher¬ cher les relations qui existent entre ce coefficient et l’âge de l’in¬ dividu, sa grosseur, son volume, le milieu il a vécu, etc., afin de pouvoir construire un tarif de cubage spécial pour cette essence. Ils n’ont pas mis moins de quatre années à accumuler des maté¬ riaux dans ce but; depuis deux ans déjà, ils les élaborent patiem¬ ment; aussi seront-ils bientôt à même de publier les résultats de leurs travaux. Cela fait, ils envisageront non plus les arbres isolé¬ ment mais les massifs, et se livreront à des expériences sur le ren¬ dement du pin noir à l’unité de surface, en vue de dresser des tables de production. Au surplus, lors de notre voyage, en septembre 1882, ils songeaient déjà à installer, à cette fin, des places d’expé¬ rience dans le Wiener-Wald.

La station a pris, comme base de ses recherches sur le coefficient de forme du pin noir, le plan d’exécution adopté par l’association allemande, en mars 1874, pour l’établissement de tarifs de cubage spéciaux à chaque essence1. Quelques explications sont nécessaires à ce sujet.

Les auteurs allemands distinguent le coefficient de forme du bois plein ( Berbholzformzahl ), celui de X arbre entier (Baumformzahl) et celui du fut ( Schaftformzahl ). Voici ce qu’il faut entendre par ces expressions :

Soit K le volume de bois plein que donne un arbre quelconque, soit s la surface transversale de cet arbre lm,30 du sol, enfin soit h la hauteur totale (Scheitellwhe) de l’arbre mesurée à partir de la section d’abatage.

Le coefficient du bois plein sera p == —y.

S tl

Si maintenant on appelle V le cube total réel de l’arbre, abstraction faite de la soucbe et des racines, le coefficient de l’arbre entier sera q =

Enfin, en désignant par F le cube du fût, on a pour coefficient du

(Pour le dire en passant, s h est ce qu’on appelle le volume cylin¬ drique de l’arbre.)

1. Arbeilsplan f ur die Aufstellinig von Formzahl und Baumniassentafeln. Voir Ganghofer, Das forstliche Versuchswesen. Tome Ier, pages 127 et suivantes.

l’expérimentation forestière.

Les coefficients détermines comme il vient d’être dit sont les coefficients vulgaires ( Br usthohen formzahlen ou unechte Formzahlen). Mais les expé¬ rimentateurs allemands ne calculent pas toujours les coefficients de forme en fonction du diamètre à lm,30 du sol. Eu vertu d’une théorie que nous ne pouvons exposer ici, ils pensent rendre les coefficients indépendants - de la hauteur totale de l’arbre en mesurant le diamètre à une distance du sol égale à ■— de ladite hauteur totale. D'ailleurs, ils attribuent alors à cette dernière la même valeur que dans le cas précédent. Les coefficients calculés de la sorte sont appelés coefficients vrais ( echte Formzahlen).

Il y a encore un troisième procédé imaginé par M. Rinicker. Ce fores¬ tier suisse recommande de mesurer le diamètre en un certain point cesse, selon lui, de se faire sentir l’empâtement aux racines, et que nous ne préciserons pas davantage1. La hauteur totale est alors pour lui la distance de ce point au sommet de l’arbre. Il obtient de cette façon les coefficients absolus ( absolute ou rinickersche Formzahlen).

La figure ci-con(re rend compte au surplus des trois procédés appliqués au calcul du coefficient de l'arbre entier.

Soient V le volume réel total de 1 arbre; AB d son diamètre mesuré h une distance du sol M M' = 1 m,30 ; et H IL = h la hauteur totale mesurée à partir de la section d’abatage : le

coefficient vulgaire sera q =

V

d* fl

Soit CD = d, le diamètre mesuré à une hauteur HH" au-dessus de la

HH' h 20 ~ 20 * Y

section d’abaiage égale à —, ;

le coefficient vrai sera q ,

'zd f li

Enfin, soit EF = d& le diamètre mesuré au point indiqué par M. Ri¬ nicker, et soit IL" W hs la distance de ce point au sommet de l’arbre: le

V

coefficient absolu sera q, = - -

T.dfhf

1. Voir 1 ouvrage de M. Rinicker : Ueber Bauviform und Bestandesmasse. Àarau, 1 873. Prix : 90 cent.

294 annales de la science agronomique.

Les coefficients du bois plein et du fût se calculeraient d’une façon ana¬ logue par les trois procédés. Il suffirait de remplacer, dans les toi mules ci-dessus, V par le volume du bois plein ou par le volume du fût.

Le but que se propose l’association allemande est d’établir pour tous ces coefficients des valeurs moyennes dont 1 utilité se compiend aisément.

Supposons en effet qu’à l’aide de nombreuses expériences on soit anivé à déterminer pour chaque catégorie de tiges d’une essence donnée, par exemple du sapin, le coefficient vulgaire moyen du bois plein. Supposons, d’un autre côté, qu’on veuille connaître le volume du bois plein d’un sapin d’une catégorie quelconque dont le coefficient vulgaire soit il est évi¬ dent que le rapport du volume du bois plein de ce sapin a son volume cylindrique sera -égal à la constante ©, de sorte que sa teneur en bois plein sera donnée immédiatement par la formule:

TT (P h ^ = —j-

dans laquelle d représente son diamètre à lm,30, h sa hauteur et par con¬ séquent " son volume cylindrique.

On utiliserait de la même manière le coefficient moyen du fût et celui de l’arbre entier.

Enfin, quand la série des coefficients de forme applicables à une cer¬ taine essence aura été établie, il est clair qu’on pourra effectuer, une fois pour toutes, les produits des volumes cylindriques par les coefficients de forme correspondants, et dresser de cette façon des tables ou tarifs de cubage pour l’essence considérée L

Cela étant posé, l’instruction de 1874 règle minutieusement la façon dont seront recueillis les éléments du calcul.

A) Éléments du volume cylindrique des arbres d'expérience.

Hauteur totale. On la mesure à partir de la section d’abatage jus¬ qu’au bourgeon terminal de l’arbre ; on l’exprime en mètres et en un nombre pair de décimètres.

Diamètre. Il est mesuré à 1 m ,30 du sol avec un bon compas fo¬ restier gradué en millimètres, et l’on prend la moyenne des lectures faites pour deux mensurations perpendiculaires l’une à l’autre (en croix).

Les coefficients qui serviront à la construction des tables de cubage seront donc les coefficients vulgaires.

1. Un essai a déjà été tenté dans ce sens par M. Ganghofer, à 1 aide des données recueillies par l'administration bavaroise, bien avant que les stations forestières fussent créées. Voir Ganghofer . Der praktische Holzrechner nach deux Metcrmass. 3L édition. Augsbourg, Schmid, 1883. Ouvrage cité précédemment.

l’expérimentation forestière.

295

Pourtant, afin de pouvoir déterminer au besoin les coefficients vrais , on doit aussi mesurer charjue fois le diamètre à ~ de la hauteur totale. Quant aux coefficients absolus , le calcul n’en est point exigé des stations.

B) Volume réel des arbres d' expérience .

Bois plein. L’arbre abattu est décomposé en billons de 1 ou de . 2 mètres de longueur jusqu’au point il n’a plus que 0m,07 de diamètre; le dernier billon peut naturellement avoir moins de 1 ou 2 mètres de lon¬ gueur. Chaque billon est assimilé à un cylindre 1 et cubé en fonction de son diamètre au milieu, lequel est mesuré en millimètres dans deux sens perpendiculaires. Le volume du billon est exprimé en mètres cubes et décimètres cubes.

Les parties des branches qui rentrent dans le bois plein sont naturelle¬ ment cubées de la même façon, mais leur volume, tout en étant réuni à celui du bois plein de la tige, est mis en évidence.

Arbre entier. Toutes les parties de l’arbre qui, en raison de leur grosseur, appartiennent à la catégorie du menu bois , sont fagotées et pesées. On calcule leur volume plein par voie de proportion, en cubant au xylomètre un nombre convenable de fagots d’expérience. L’instruction permet, d’ailleurs, d’attribuer aux fagots provenant d’un même peuple¬ ment régulier une densité constante, ou, ce qui revient au même, un vo¬ lume constant au kilogramme.

En additionnant les volumes du bois plein et du menu bois, on obtient le volume de l’arbre entier.

C) Prescription relative à la hauteur d'abatage. Comme les diamètres qui servent à calculer le volume cylindrique sont mesurés «à lm,30 au- dessus du sol, mais que la hauteur totale est la distance du bourgeon terminal à la section d'abatage, la hauteur de cette dernière par rapport au sol iTest pas chose indifférente. L’instruction prescrit, en conséquence, de couper toujours l’arbre à une hauteur au-dessus du sol égale à J/3 du diamètre de la souche mesuré rez-terre, abstraction faite de l’empâte¬ ment aux racines. Si, en réalité, l’arbre n’a pas été abattu conformé¬ ment à cette règle, on en tient compte dans les mensurations.

D) Les résultats des expériences doivent être consignés sur des im¬ primés ad hoc. A chaque arbre est consacrée une feuille, et les feuilles relatives à un même peuplement sont réunies en un fascicule.

L’instruction a réservé, pour la régler plus tard, la question du grou¬ pement des coefficients, du calcul des coefficients moyens, de l’interpo¬ lation des termes manquants et de la construction définitive des tables.

Les expérimentateurs autrichiens se conforment scrupuleusement

1. Ou, si l’on veut plus- d'exactitude, à un paroboloïde tronqué [abgestutzte para- boiiscke Kegel).

ANN. science agron.

20

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

296

à l’instruction que nous venons de résumer. Aussi n’avons-nous plus à donner, sur leur manière de procéder, que quelques renseigne¬ ments pratiques.

Tous les arbres d’expérience ont été immatriculés suivant une seule série de numéros d’ordre. Chaque tige et chaque échantillon provenant de cette tige ont été marqués de leur numéro matricule, à l’aide d’un appareil très commode dont on se sert beaucoup en Allemagne pour numéroter les piles de bois dans les coupes1.

L’âge des tiges a été compté sur des rondelles détachées de la base du tronc, numérotées avec soin et transportées au bureau de la station. Le comptage sur la souche même eût, en effet, absorbé un temps considérable qu’on pouvait employer plus utilement des mensurations; c’est, en outre, un travail de précision pour lequel on n’est pas outillé sur le terrain.

Pour peser les fagots, on s’est servi de bascules d’une force de 200 kilogr. , que l’on peut démonter et transporter facilement dans des caisses jusqu’aux lieux d’expériences.

Quand on a eu à mesurer des hauteurs d’arbres sur pied, en vue du choix des tiges d’expérience, on s’est servi de 1 hypsomètre de Faustmann, que nous avons déjà décrit plus haut. Quelquefois on a aussi employé l’hypsomètre de Pfister ( Pflsterscher Hôhenspiegel ), fondé sur les lois de la réflexion de la lumière; mais c est un instiu-

ment plus compliqué et moins commode que le précédent.

Les recherches de la station ont porté sur 6,410 tiges de pin noir. Pour chacun de ces arbres, on a calculé 6 coefficients de forme (les 3 coefficients vulgaires du bois choisi, de 1 arbre entier et du fût. et les 3 coefficients vrais correspondants). Gela fait donc en tout près de 40,000 coefficients. On comprend, dès lors, l’intérêt qu’a la station à posséder une machine à calculer. On a même avoir recours, pour effectuer des multiplications et des di\isions, a des salariés du dehors qui recevaient tant par mille opéi allons, défal¬ cation faite des opérations erronées; on chargeait alors deux indi¬ vidus, inconnus l’un à l'autre, de faire la même série de calculs et on vérifiait les résultats qui n’étaient pas concordants.

4. Pfitzenmaier’ sches JSumerir-Âppai cit . ti ix : 3 à 4 florins.

l’expérimentation forestière.

297

Outre les 6,410 tiges dont il vient d’être question, M. de Seckcn- dorff en a analysé une centaine. On se rappelle qu’analyser un arbre c’est étudier la végétation de cet arbre pendant le cours de son

existence et rechercher comment ont crû son diamètre, sa hauteur, son volume, et comment a varié son coefficient de forme.

Les analyses ont été pratiquées exclusivement sur de gros- arbres. En effet, on étudie la marche de l’accroissement d’une tige non pas année par année , mais pour des périodes com¬ prenant 10 ou au moins 5 ans ; un jeune arbre ne fournirait donc que deux ou trois séries de coefficients, tandis qu’un arbre âgé permet d’en calculer un très grand nombre et de tracer exactement la courbe de leurs variations.

Pour obtenir la hauteur d’un même arbre à différents âges, à 10, 20, 30 ans, etc., on a d’abord eu recours au procédé suivant (voir la figure ci-contre) :

On fendait par le cœur chacun des billons tirés de l’arbre, on cherchait dans quel billon venaient se terminer les couches annuelles formées respectivement dans la 10e, la 20e, la 30e, etc., année et l’on mesurait les longueurs des cônes correspondants1.

Ce procédé était très exact, mais d’une lon¬ gueur excessive. On le remplaça par le suivant, qu’on jugea suffisamment approché.

L'échelle des hauteurs est ri i , , i

dix fois plus petite que Supposons que, sur la section transversale

celle des diamètres. , , . , , . ,

Fig 5 1, detachee au niveau du sol, on ait compte

1. On conserve clans les bureaux de la station quelques arbres découpés en billons fendus diamétralement ; grâce à l’inscription, sur les sections longitudinales et trans¬ versales des millésimes correspondant aux couches annuelles, on peut suivre parfaite¬ ment sur ces échantillons la végétation des tiges dont ils proviennent. M. de Seckcndorff a collectionné aussi un certain nombre de rondelles remarquables. L’une d’elles, tirée d'un sujet exploité récemment, porte une brûlure dont la date a été fixée à l’an 1453, ce qui montre que le pin noir est doué d’une longévité comparable à celle du chêne.

298 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

75 couches, qu’on en ait trouvé 67 sur la section 2, située à 1 mètre au-dessus de la première, et 63 sur la section 3, effectuée à 1 mètre au-dessus de la précédente. On concluait de que la hauteur de l’arbre, à (75 67 =) 8 ans, était de 1 mètie, que sa hauteur, à (7o 63 m=—) 12 ans, était de 2 meties, etc. Les hau¬ teurs, à 10, 20, 30, etc., ans, s’obtenaient ensuite par des interpo¬ lations ou par une construction graphique.

Les volumes des arbres analysés ont été généralement calculés en fonction du diamètre et à l’aide de tables de surfaces circulaires. Cependant, pour quelques arbres, on a représenté sur du papier, en grandeur naturelle, les sections transversales avec leurs couches d’accroissement et l’on a mesuré graphiquement les sui faces de ces figures au planimètre polaire.

Les résultats obtenus dans les analyses ont été représentés gia- phiquement de différentes manières. Ils seront consignés dans le deuxième volume de la monographie du pin noir. On y trouvera notamment, pour chaque arbre analysé, la courbe de ses accroisse¬ ments annuels et celle de ses différents accroissements moyens totaux.

En ce qui concerne la première de ces courbes, il eut été trop long de déterminer, année par année, l’accroissement annuel véri¬ table : les expérimentateurs ont donc simplement mesuré l’accroisse¬ ment périodique pendant des périodes de 10 ans, et ils ont admis que l’accroissement annuel pendant chacune de ces décennies était égal à l’accroissement moyen périodique. Pour ce qui est de l’autre courbe, on a vu, à propos du pays de Bade, que 1 accroissement moyen total d’un arbre est, par définition, le quotient de son volume par son âge, à un moment quelconque de son existence. Quand on considère la courbe qui représente la marche de cet accroissement moyen total, on trouve que tantôt elle présente un maximum j tantôt elle n’en présente point, et que, quelquefois, mais très exceptionnelle¬ ment, elle en présente deux1.

MM. de Seckendorff et Bôhmerlé ont aussi voulu mettre à profit

1. On sait que, lorsqu’il s'agit d’un massif régulier et non plus d’un arbre, l’accrois¬ sement moyen présente toujours un maximum et un seul. C'est du moins ce qui résulte d’une théorie déjà fort ancienne, née en Allemagne et sur laquelle repose l’exploitabi¬ lité dite absolue des peuplements.

l’expérimentation forestière.

299

leurs analyses pour déterminer le rapport du volume de l’écorce au volume des tiges. Le procédé le plus exact consistait évidemment à cuber les bois au xylomètre, d’abord sans écorce, puis après écor¬ çage: c’est celui qui a été employé, et, pour les toutes jeunes tiges., on s’est servi de petits xylomètres de précision. On a constaté de la sorte que la 'proportion d’écorce, pour des arbres de même âge, est d autant plus faible que leur volume est plus grand, tandis que , pour des arbres de même volume , elle croît avec l’âge; puis, consi¬ dérant successivement le quart inférieur, le deuxième, le troisième et le quart supérieur de la tige, on a reconnu que cette proportion va en diminuant depuis le pied de V arbre jusque vers son milieu, et qu’elle croît, de nouveau vers le sommet. En même temps, on a trouvé que la densité de V écorce s’accroît vers le sommet de l’arbre, tandis que celle du bois diminue.

Mais ces analyses, quelque ingénieuses qu’elles soient, n’auront jamais d’intérêt qu’au point de vue spéculatif, et le seul travail qui doive conduire à des résultats pratiques est celui qui a pour but d’établir la loi suivant laquelle varient les coefficients de forme du pin noir. Trois professeurs allemands, MM. Baur, de Munich, Kunze, de Tharand, Weise, de Neustadt-Eberswald, se livrent respective¬ ment à une étude semblable pour le hêtre, l’épicéa et le pin sylves¬ tre : leurs recherches n’ont pas encore abouti, bien qu’elles remontent à une époque déjà assez éloignée. Les expérimentateurs autrichiens rencontrent, eux aussi, des difficultés nombreuses en ce qui concerne le pin noir. Ils ont d’abord rapproché les uns des autres les coeffi¬ cients des arbres de même hauteur, puis ceux des arbres de même diamètre; ils ont imaginé ensuite un classement reposant à la fois sur les hauteurs et les diamètres et, quoique ces combinaisons n’aient pas donné jusqu’ici de résultats satisfaisants, ils sont loin de se décourager. Lors de notre passage à Vienne, ils comparaient entre eux les arbres de même station (Wuchsgebiet) , en distinguant les régions de plaine, de coteau et de montagne et en tenant compte dans chaque cas de l’exposition.

Une fois la question des coefficients de forme résolue, on procé¬ dera à la construction des tables de cubage.

300

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Il reste à mentionner, à propos de l’étude du pin noir, une obser¬ vation intéressante relative à ce que M. de Seckendorff a appelé les couches annuelles caractéristiques {char aliter isïichc Jahresringe). Nous avons vu que, pour rassembler les matériaux nécessaires au calcul des coefficients de forme, on a déterminé l’âge des tiges d’ex¬ périence au cabinet, à l’aide de rondelles détachées de la base des fûts. Or, en comptant les couches annuelles, on eut l’idée de pren¬ dre note de celles qui étaient exceptionnellement minces ou larges. On examina surtout à ce point de vue les couches des dix dernières années, attendu que les circonstances météorologiques qui avaient accompagné leur formation étaient encore présentes à la mémoire et qu’on pouvait, dès lors, espérer d’en tirer des déductions. Mais ces rapprochements ne permirent aucune conclusion ; en général, il n’v avait pas de relation bien marquée entre l’épaisseur d’un accrois¬ sement et le degré de chaleur ou d’humidité de l’atmosphère pen¬ dant l’année il avait eu lieu. Gela conduisit à comparer, sur les différentes rondelles, l’épaisseur des couches correspondant à une même année. La comparaison fut fructueuse. Presque chaque ron¬ delle présentait un grand nombre de couches remarquables : tantôt c’était une zone de bois d’automne correspondant à une année donnée qui se distinguait, sur toutes les rondelles, par sa faible lar¬ geur ; tantôt il y avait deux couches minces qui étaient toujours contiguës ; tantôt une couche de bois d’automne très développée se trouvait, sur toutes les sections transversales, à côté d’une série de couches étroites. Il va de soi que les expressions de couches minces ou larges doivent être prises dans un sens relatif, attendu qu’à la couche qualifiée de mince, chez un arbre à croissance lente, cor¬ respondait une couche sensiblement plus large chez un sujet de même âge, ayant crû rapidement ; mais toujours cette dernière couche était plus étroite que les voisines, et inversement.

Le fait que les couches formées dans le courant de certaines années se dénonçaient immédiatement sur presque toutes les rondelles par leur largeur ou leur exiguïté anormales, a conduit à un résul¬ tat différent de celui qu’on avait cherché, mais non sans importance.

Souvent, en effet, dans la détermination de l’âge d’un arbre, on est arrêté par l’impossibilité de compter les couches ligneuses com-

l’expérimentation forestière.

301

prises dans une certaine partie de la tige. Mais il peut se faire que cette portion les accroissements sont indistincts se trouve entre deux couches caractéristiques ; alors, on est fondé à en conclure que le nombre d’accroissements cherché est égal à la différence entre les millésimes des deux anneaux caractéristiques Considérés.' Le raisonnement serait évidemment le même s’il s’agissait d’ac¬ croissements indistincts compris entre une couche caractéristique

r

et l’écorce de l’arbre.

La valeur pratique de ce procédé pour déterminer Page des arbres est démontrée par le fait suivant :

Sur une certaine rondelle analysée à Vienne, rondelle détachée d’un pin noir, au niveau du sol, il manquait un accroissement entre les couches caractéristiques qui devaient correspondre aux années 1830 et 1855; au lieu de 24 zones de bois d’automne, on n’en comptait que 23; même avec une forte loupe, on n’en découvrait pas davantage. Comme il ne pouvait y avoir aucun doute sur l’identité des couches de 1830 et de 1855, on voulut mettre la chose au clair et l’on compara toutes les rondelles du même arbre. Or, dès la rondelle 2, prise à 1 mètre au-dessus de la souche, on constata l’existence de l’accroissement qui manquait sur la première ron¬ delle; cet accroissement était, il est vrai, très étroitement soudé à une des couches voisines, mais il était reconnaissable avec un verre grossissant. Plus on s’approchait du sommet de l’arbre , plus il de¬ venait apparent, et, vers le liant de la lige, il arrivait même à être visible à l’œil nu. En examinant de nouveau avec soin la rondelle du pied, on finit par y découvrir également la couche annuelle cher¬ chée qui, partout, sauf sur un arc très court, se confondait avec celle de l’année précédente.

Il va sans dire, d’ailleurs, que pour déterminer l’âge d’un arbre, un seul anneau caractéristique ne peut suffire et qu’il faut toujours en rechercher plusieurs ; alors l’un est contrôlé par l’autre, et il n’y a pas d’erreur possible.

Les couches caractéristiques du pin noir, en Autriche-Hongrie, correspondent aux années suivantes :

Couches étroites : 1728, 1802, 1811, 1822, 1830, 1842, 1847, 4849, 1857, 1861, 1863, 1874.

302 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Couches larges : 1727, 1756, .1769, 1840, 1841, 1846, 1848, 1855, 1862, 1866, 1867, 1871.

Expériences relatives à l’influence des éclaircies et de l’enlève¬ ment de la litière sur la végétation des peuplements. Les expé¬ riences relatives aux éclaircies et à l’enlèvement de la litière ont été commencées dans le courant de l’année 1882, et on les effectue conformément aux plans d’exécution adoptés par l’association alle¬ mande.

Nous avons déjà fait connaître, à propos de la Bavière, le plan relatif aux éclaircies. Celui qui concerne l’enlèvement de la litière renferme les dispositions essentielles qui suivent1 :

Chaque place d’expérience est formée de trois pincettes ayant au moins 10 ares, entourées de bandes d’isolement2 et abornées. Le groupe des trois pincettes reçoit un numéro d’ordre en chiffres arabes; les placettes elles-mêmes sont distinguées les unes des autres par les chiffres romains

I, II, III.

Lors de l’installation de l'expérience* les peuplements sont cubés par le procédé prescrit pour les places d’ éclaircie3. Une éclaircie y est effectuée avant le cubage.

Sur la placette I, la couverture du sol sera toujours respectée; sur la placette II, on l’-enlèvera tous les ans, et, sur la placette III, tous les six ans.

La dénudation du sol doit avoir lieu le plus tôt possible après la chute des feuilles, à l’aide de râteaux en bois. La litière obtenue est pesée d’abord à l’état frais, puis après dessiccation.

Des éclaircies périodiques seront répétées tous les six ans sur les pla¬ cettes et les bandes d’isolement; elles ne porteront, que sur les tiges dominées ( übergipfeltes Hôte), c’est-à-dire qu’on les fera moyennes. Il sera tenu un compte exact de leur rendement sur des formules ad hoc, réunies en autant de fascicules qu’il y a de places d’expérience. Chaque éclaircie sera précédée d’un nouveau cubage de peuplement.

1. Anleitung zur Untersuchung des Waldstreu-Ertrages. (Voir Ganghofer, Das forstliche Versuchswesen, tome II, 1er fascicule, pages 139 et suivantes.)

2. On se rappelle que les bandes d’isolement ont pour but de soustraire chaque placette aux influences perturbatrices que pourraient exercer les parties voisines; aussi sont-elles traitées absolument comme les placettes qu elles entourent, sauf qu il n’est pas pris note des résultats qu’elles fournissent.

3. Voir le chapitre II, de la lre partie.

l’expérimentation forestière.

303

En ce qui concerne le choix des places d’expérience sur lesquelles on étudie l’action des éclaircies et de l’enlèvement de la litière, voici comment la station autrichienne procède :

Elle demande par écrit, à tous les gérants de forêts, si, dans leurs circonscriptions, il y a des emplacements propres aux expériences susmentionnées et s’il est possible de disposer de ces emplacements. En cas de réponse favorable, un expérimentateur va reconnaître le terrain et en rapporte des renseignements circonstanciés. Le mo¬ ment de commencer les recherches une fois arrivé, il retourne sur les lieux pour asseoir la place. Les placettes reçoivent, autant que possible, une forme carrée et l’équerre d’arpenteur est l’instrument employé pour les délimiter. Finalement, on en fixe l’assiette au moyen de bornes et de fossés.

Quant aux cubages, l’instruction allemande n’en ayant tracé que les grandes lignes, les expérimentateurs autrichiens ont eu à faire preuve d’une certaine initiative dans les détails.

Ils parcourent d’abord le peuplement de chaque placette et dis¬ tinguent, par un ceinturage fait avec de la couleur à l’huile, les tiges à conserver ( Hauptbestand ) des tiges à abattre ( Nebenbes - tand)1. Ils mesurent ensuite, avec le compas forestier, les diamètres de tous les sujets2. Les tiges désignées pour être abattues sont ex¬ ploitées, façonnées et cubées ; on commence l’opération par la bande d’isolement, puis on passe à la place d’expérience elle-même. Les tiges maintenues sur pied sont ensuite réparties entre les cinq

1. A l'origine, on griffait les tiges destinées à être extraites, mais on préféra bientôt les ceinturer avec de la couleur à l'huile, parce que, dans ces conditions, les délin¬ quants hésitent plus à s’en emparer avant l’abatage. Les tiges cortservées devant éga¬ lement, aux termes de l'instruction, être ceinturées à 1 m, 30 du sol, on adopte pour celles-ci une couleur différente.

2. Bien que l’instruction prescrive seulement de mesurer les diamètres en nom¬ bres ronds de centimètres, M. de Seckendorff les a fait inscrire en demi-centimètres. Mais comme il est possible que cette approximation soit exagérée, en raison de la forme irrégulière des arbres et de la manière de procéder ultérieurement au cubage, il a songé à rechercher quels résultats fourniraient des mensurations plus grossières et il a fait fabriquer dans ce but des compas gradués respectivement de 1 en 1, de 2 en 2, de 3 en 3, de i en 4, de 5 en 5 et de G en 6 centimètres : un même peuple¬ ment sera cubé à l’aide de ces différents compas et l’on verra, en tenant compte du temps et de la dépense, quel sera l’instrument dont l’emploi sera le plus avantageux.

304

AN N AL FS DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

classes dont nous avons parlé dans le chapitre relatif à la Bavière. Quand on a calculé le diamètre de la tige moyenne de chaque classe, on cherche , en dehors de la place d’expérience, des tiges-types ayant autant que possible ce diamètre et on en prend, en général, 10 par classe. Pour éviter toute confusion, on exploite et cuhe d’abord celles de la lre classe, puis celles de la 2e, etc. Toutes ces tiges sont, d’ailleurs, numérotées avec soin et l’on en tire des données analogues à celles dont il a été question à propos des coefficients de forme du pin noir. Un arbre d’expérience de chaque classe est, en outre, analvsé. Les volumes des tiges moyennes des différentes clas¬ ses sont obtenus à l’aide d’une construction graphique dans laquelle les abscisses correspondent aux diamètres réels mesurés à 1 ni , 3 0 du sol et les ordonnées sont proportionnelles aux cubes. L’épure comprend trois courbes pour chaque classe , 1 une concernant -le bois plein, une autre le menu bois , la troisième le volume total des tiges. Si par exemple (voir la figure ci-contre), l’arbre moyen d’une classe quelconque a un diamètre de 0m,352 et que les arbres d’expérience abattus aient des diamètres de 0m,343, 0m,367, etc., avec des vo¬ lumes totaux représentés par les ordon¬ nées AB, CD, etc., le volume cherché de l’arbre moyen est fourni par la lon¬ gueur de l’ordonnée EF, élevée à l’ex- trémité d’une abscisse proportionnelle à 0m,352.

Expériences sur l’accroissement en coupe claire. La station autrichienne se proposait aussi d’entreprendre, à la fin de l’année 1882, des expériences sur l’accroissement en coupe claire des diffé¬ rentes essences. Son but est d’étudier, à l’exemple de la station badoise1, les effets de cette pratique qui consiste, connue nous

A E C

0,343 0,352 0,307

Fig. 6.

1. Voir la lre partie, chapitre IV.

l’expérimentation forestière.

305

l’avons déjà dit, à interrompre les massifs vers le milieu de leur existence, pour donner à chaque arbre conservé une grande quantité de lumière, et, accessoirement, pour favoriser le repeuplement na¬ turel ou artificiel du sol. M. de Seckendorff a rédigé, dans ce but, un plan d’exécution dont nous allons reproduire les dispositions essentielles, à cause de l’intérêt considérable qui s’attache à ce pro¬ blème de sylviculture.

§ 1er. But de V expérience. Il s’agit de fixer les points suivants : la mise en coupe claire d’un peuplement ( die Lichtstellung eines Bestandes ) est-elle justifiée au point de vue de l'exploitation des forêts ( wirth - schaftlich gerechtfertigt )? Dans cpielle mesure doit-elle avoir Heu? A quelle période de l’existence du peuplement doit-elle commencer? Jusqu’à quelle époque faut-il la prolonger?

§ 2. Extension à donner aux recherches. Elles doivent être opérées dans toutes les régions forestières de l’Autriche, principalement sur le sapin, l’épicéa, le pin sylvestre, le chêne et le hêtre.

§ 3. Choix des peuplements d’ expérience . On ne soumettra tout d’abord à l’expérimentation que des peuplements purs. Les expériences seront exécutées dans des peuplements de différents Ages et diversement situés, et elles commenceront à l’époque l’essence qui composera chacun d’eux sera apte à se régénérer par la semence.

§§ 4 et 5. Grandeur , forme et limites des places. Chaque place sera assise dans un massif aussi régulier que possible, d’au moins 2 hec¬ tares, et subdivisée en 4 placettes d’égale étendue, limitées par des bornes et des fossés.

§ 6. Description des places. Elle se fera conformément à l’instruc¬ tion sur la matière rédigée par l’Association allemande *.

§ 7. Organisation de V expérience. Toutes les tiges du peuplement qui paraîtront se trouver dans des conditions identiques de vitalité et de développement seront provisoirement marquées en vue d’une étude ulté¬ rieure. Des 4 placettes :

Celle qui portera le I sera maintenue à l’état de massif;

Il sera mise en coupe sombre (Dunkelschlag)1 2 ;

III sera mise en coupe claire;

IV ne conservera que quelques arbres épars.

1. On en parle au chapitre I de la lre partie.

2. Il s’agit sans doute de l'état de consistance que nous définissons coupe d'ense¬ mencement sombre.

306

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Les tiges d’expérience, qu’il suffira de prendre au nombre de 5 h 10 par placette,' et que l’on choisira parmi les sujets marqués provisoire¬ ment, seront numérotées d’une façon durable; on en mesurera la hauteur totale et on en prendra le diamètre en des points de la tige distants de 2 mè¬ tres les uns des autres. En même temps, on en retirera à im,30 du sol, à l’aide de la tarière de Pressler1, un petit cylindre de bois qui servira à déterminer le taux d’accroissement de l’arbre pendant les cinq dernières années.

§ 8. Périodicité et durée des observations. Tous les cinq ans, on mesu¬ rera la hauteur et le diamètre des tiges d’expérience ainsi que leur taux d’accroissement, par le procédé de Pressler. Les observations dureront au moins 15 ans, et elles devront être prolongées plus longtemps si possible. Au terme de l’exploitabilité du peuplement, ou lorsque l’expérience sera close pour un motif quelconque, on déterminera exactement les dimen¬ sions, le taux d’accroissement et le volume des arbres d’expérience, après abatage.

§ 9. Tenue d'un sommier. On tiendra à jour, pour chaque place, un sommier seront consignés les résultats des relevés dont elle aura été l’objet.

Remarque. A ces expériences pourront être rattachées des observa¬ tions sur le développement des jeunes semis dans les différents étals de coupe de régénération; de plus, quand les localités le permettront, on devra installer, à côté des quatre placettes, un petit essai comparatif de repeuplement artificiel.

Ce programme répond à une intention très louable et renferme d’excellentes prescriptions, mais nous ne pouvons cependant nous empêcher de lui adresser une critique.

Aux termes de l'instruction, il s’agit d’étudier la végétation d’un ; peuplement à 4 degrés différents de consistance; cela signifie, ap¬ paremment, que l’on veut déterminer X accroissement annuel du peuplement entier et ne pas s’en tenir au taux d’accroissement de quelques arbres pris à part dans la masse. Dès lors, il eût été rationnel, selon nous, de faire cuber dans chaque placette, non pas seulement 5 à 10 sujets choisis çà et là, mais le peuplement entier.

1. On appelle ainsi une sorte de tarière creuse inventée pap M. Pressler, professeur à l'Académie forestière de Tharand, et qui permet de retirer des arbres de petits cylindres de bois sur lesquels on peut étudier leur croissance en diamètre.

l’expérimentation forestière.

307

Il est vrai qu’on peut, à la rigueur, en observant la végétation d’un certain nombre de tiges dans un peuplement, en inférer, par une série d’inductions, la production de ce peuplement à l’hectare; mais jamais cette manière de procéder ne sera aussi probante qu’un cubage direct.

11 est vrai aussi que la station badoise, dans les expériences ana¬ logues qu’elle a entreprises, se borne, comme la station autri¬ chienne, à étudier la croissance de quelques arbres considérés in¬ dividuellement, mais elle n’a pas spécifié qu’elle voulait conclure de à l’accroissement des peuplements eux-mêmes, tandis que ce dernier but ressort manifestement des dispositions du plan que nous venons d’examiner.

Expériences sur l’éducation des plants en pépinière. M. de

Seckendorff a également dressé un programme de recherches ayant pour objet de déterminer si l’emploi de plants repiqués en pépi¬ nière présente plus d’avantages pour les repeuplements artificiels que l’emploi de plants non repiqués. L’auteur n’a pas consacré moins de 12 pages à l’exposé de la méthode à suivre pour élucider cette question; c’est dire qu’il a formulé des prescriptions minu¬ tieuses dont l’observation ne peut manquer de donner de la valeur aux expériences projetées.

Essais de naturalisation d’essences exotiques. Dans le cou¬ rant de l’année 1882, M. de Seckendorff a encore abordé un troisième ordre de travaux en étendant à l’Autriche les essais de naturalisation d’essences exotiques commencés depuis quelque temps en Allemagne. 11 a adressé, à cet effet, aux propriétaires et aux gérants des forêts, avec des exemplaires de l’instruction allemande, une circulaire dans laquelle il précise l’objet de ces recherches.

« Elles devront, dit-il, porter sur les essences exotiques qui, par les qualités de leur bois, ou par leur croissance rapide, ou par leur résistance aux agents de destruction (gibier, insectes, champignons, météores), ou enfin par leurs produits accessoires, pourront augmen¬ ter les revenus des forêts sans nécessiter des changements dans famé-

308

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

nagement des massifs elles auront été introduites. Naturellement, ajoute-t-il, on exclura des essais toutes les essences qui îr auraient pas déjà donné des preuves de leur rusticité. »

A cette circulaire est annexé un questionnaire avec un modèle tout préparé, devant servir de guide pour l’inscription des rensei¬ gne m eut s demandés.

Expériences sur le rendement à l’hectare des massifs d’épicéa.

Enfin, toujours dans cette année 1882, la station a commencé, en Bohême, des expériences sur le rendement à l’hectare des mas¬ sifs d’épicéa; elfe se conformera, à cet égard, à l’instruction géné¬ rale de l’association allemande, dont nous avons donné un aperçu en décrivant l’expérimentation forestière en Bavière1.

2. Météorologie.

C’est dans une réunion tenue, en 1877, au ministère de l’asri- culture, et principalement sur la demande de forestiers praticiens, que l’on résolut de comprendre la météorologie dans le champ d’ac- thité de la station.

Sur la proposition de M. de Seckendorff, M. le D1’ Lorenz de Liburnau fut chargé de rédiger un programme des observations de météorologie forestière à organiser en Autriche et fut placé à la tête de cette branche de l’expérimentation.

Ce programme2 ne doit être réalisé qu’au fur et à mesure que le permettront les ressources en personnel et en argent. L’extrait sui¬ vant marque bien l’esprit dans lequel il est conçu :

11 ne s’agit pas de recommencer les recherches qui ont déjà donné ailleurs des résultats définitivement acquis, mais il faut combler par des travaux originaux les lacunes qui existent encore dans l’état actuel de nos connaissances.

1. tre partie, chapitre It.

2. 11 est inséré tout au long dans les comptes rendus des travaux de la station. Voir Mittheilungen aus dem forstliclien Versuchswesen Qesterreiclis. Tome Ier, 2e fascicule.

l’expérimentation forestière.

309

L’objet de la météorologie forestière, comme de la météorologie agricole en général, est double : d’un côté il y a lieu de déterminer l’influence que les différents facteurs du climat (température, insolation, humidité de l’air, pluie, etc.) exercent sur la vie des plantes et sur leurs produits; d’un autre côté, il importe de chercher dans quelle mesure la présence d’unê végétation quelconque, mais surtout la forêt agit sur le climat des régions circonvoisines. C’est particulièrement cette seconde partie de l’entreprise qui intéresse le forestier et l’agriculteur.

Deux méthodes conduisent a la solution de ces problèmes, savoir : la méthode statistique qui consiste à recueillir, dans des postes d’observation convenablement choisis et pendant une longue période de temps, des données aussi nombreuses que possible et à en dégager des lois; et la méthode physico - expérimentale, à l’aide de laquelle on résout par des expériences précises, mais de peu de durée, les questions qui n’exigent pas toute une série d’observations annuelles.

La première méthode ne peut être appliquée que lorsqu’on jouit d’une large dotation assurée pour un laps de temps considérable, car, pour l’œuvre dont il s’agit, on ne peut pas utiliser des observatoires quel¬ conques déjà existants : il faut en créer de nouveaux dans des localités déterminées et salarier des observateurs spéciaux.

Comme la station autrichienne ne disposait pas des ressources nécessaires pour établir un pareil réseau, elle se livra seulement, dans les années 1878 à 1880, à des travaux préliminaires, perfec- îionna les procédés d’observation, se procura des appareils et ef¬ fectua un certain nombre d’expériences destinées à éclaircir à bref délai quelques questions de détail.

M. Lorenz gagna plusieurs jeunes gens à la cause de l’expéri¬ mentation et il sut en faire des spécialistes qui se chargèrent de certains travaux, soit à titre gratuit, soit moyennant des honoraires modestes. Ces observateurs opéraient sous leur propre responsabi¬ lité, d’après les indications qu’on leur avait données. A leur con¬ cours sont dues l’invention et la construction de plusieurs appareils qui faisaient défaut jusque-là. Tel est le cas pour un mécanisme à l’aide duquel on peut, depuis le sol et sans échafaudages coûteux, installer divers instruments de mesure sur la cime des arbres ; tel est aussi le cas pour un appareil qui, conjointement avec le méca¬ nisme dont il vient d’être parlé, permet de déterminer, depuis h sol, l’humidité de l’air des couches supérieures. On se promet d’uti

310

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

liser en grand ces inventions dès qu’on aura les moyens d’établir des postes d’.observation en nombre considérable.

Les quelques travaux spéciaux auxquels nous avons fait allusion ont eu pour objet :

Les quantités de vapeur d’eau que les principales essences fores¬ tières émettent dans l’atmosphère, aux différentes saisons, par l’effet de la transpiration ;

Les quantités d’eau qui, lors des pluies, ruissellent le long des fûts des arbres' ;

Les divers degrés d’humidité de l’air, suivant qu’il se trouve au- dessus d’un sol nu, d’un terrain gazonné, de champs de céréales ou d’une forêt ;

L’influence que les différentes sortes de couvertures forestières (mousses, sphaignes, aiguilles sèches, feuilles mortes) exercent sur la pénétration de l’eau dans le sol et sur l’évaporation de cette eau, point qu’il est important de connaître pour déterminer l’action des forêts sur le régime des sources ;

Le meilleur mode d’installation et de 'protection des thermo¬ mètres, afm qu’ils donnent la température des couches d’air par lesquelles les végétaux sont entourés et influencés1 2 3.

D’ailleurs, tout en accomplissant ces recherches, on ne renonça pas complètement à créer des postes de météorologie sylvico-agri- cole. Ainsi, on installa dans les environs de Goriz, en Carniole, avec le concours du personnel administratif de la forêt domaniale de Ternowa, un groupe de postes ayant pour but d’établir en quoi le climat de la région dénudée du Karst diffère de celui de la con¬ trée boisée voisine. De plus, environ 70 chefs de cantonnement (Forstverivalter) et gardes ( Forslwarte ) de l’administration de l’État reçurent des pluviomètres construits exactement sur le même mo¬ dèle, avec des instructions détaillées pour le maniement de ces

1. D’autres observateurs, notamment M. Mathieu, ont recueilli dans leurs pluvio¬ mètres cette portion de l'eau météorique tombée; niais la station de Vienne paraît être la seule qui en ait mesuré le volume séparément.

2. Les rcsullats de ces recherches sont consignés in extenso dans les comptes rendus des travaux de la station. (Voir Mittheilungen aus clem forstlichen Versuchs-

wesen OesLrreichs . Tome 1er, 3e fascicule.)

l’expérimentation forestière.

311

appareils. Mais toutes ces entreprises ne furent alimentées que dans une faible mesure par les fonds de l’État; elles furent surtout sub¬ ventionnées par des particuliers désireux de mettre l’institution à même de prouver son utilité.

Les personnes et les sociétés compétentes de l’Autriche et de l’é¬ tranger ne ménagèrent pas leurs encouragements à tous ces efforts. La marque la plus importante de leur approbation fut la réunion à Vienne, en septembre 1880, d’une conférence internationale de mé¬ téorologie agricole. Les membres du congrès international de météorologie générale tenu à Rome, en 1879, avaient déclaré, en effet, qu’ils choisissaient Vienne pour siège d’une conférence spé¬ ciale de météorologie agricole, « parce que, dans ces derniers temps, l’Autriche s’était particulièrement occupée de cette branche de re¬ cherches ».

La conférence dont il s’agit et à laquelle prirent part des repré¬ sentants de F Autriche, de la Hongrie, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, de la Belgique, du Danemark et de la Suisse, approuva le programme autrichien et en recommanda l’introduction dans les

r

autres Etats.

En ce qui concerne l’organisation du service de météorologie agricole, il est à remarquer que les membres de la conférence, qui, cependant, n’appartenaient que pour moitié à la catégorie des mé¬ téorologistes agricoles et qui étaient, pour l’autre moitié, des chefs ou des délégués des établissements de météorologie générale, for¬ mulèrent la résolution suivante :

(( La conférence, vu la tâche multiple de la météorologie agri¬ cole, tient pour très désirable, qu’au moins dans les grands États il n’a pas encore été pris de dispositions à cet effet, on crée un certain nombre de stations centrales de météorologie agricole et forestière qui, se tenant toujours dans leur véritable rôle, contri¬ buent à combler les lacunes encore nombreuses que présentent les méthodes d’observation, fondent des stations secondaires, faci¬ litent l’installation d’établissements analogues par des particuliers ou des sociétés, contrôlent les travaux de ces établissements et mettent en œuvre les données recueillies. Elle estime, d’ailleurs, que ces stations centrales doivent conserver des rapports avec les

21

ANN. SCIENCE AGRON.

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

312

instituts de météorologie générale, surtout en ce qui concerne le choix raisonné des méthodes d’observation et la publication des résultats. »

A la suite de ce vœu tendant à la création d’observatoires spé¬

ciaux de météorologie agricole, le ministre de l’agriculture demanda aux Chambres un crédit pour cet objet. Mais, dans trois sessions consécutives, la Chambre des députés a repoussé la demande du ministre, de sorte que l’installation projetée est actuellement différée jusqu’à l’époque le Parlement se montrera plus généreux pour cette branche de recherches scientifiques.

Tel est l’exposé que nous avons cherché à rendre aussi fidèle que possible du fonctionnement de la station autrichienne et des ré¬ sultats quelle a produits jusqu’à présent. Nous aurions désiré le compléter en indiquant, comme nous l’avons fait pour les États d’Allemagne, la moyenne des dépenses nécessitées annuellement par l’expérimentation ; mais les notes que nous avons prises au cours de notre mission présentent malheureusement une lacune à cet égard, et les documents officiels et autres que nous avons à notre disposition ne nous permettent pas de la combler. On peut cepen¬ dant présumer, d’après le personnel attaché à la station, le local affecté à ses bureaux, le nombre et la nature des expériences entreprises, que la dotation annuelle de l’établissement est de 20,000 fr. au bas mot. Cela est d’autant plus probable que l’on ne suit pas en Autriche le principe qui est en vigueur en Allemagne et d’après lequel l’administration des forêts de l’État paie, sur son budget ordinaire, les frais de main-d’œuvre occasionnés par les expériences installées dans les bois domaniaux.

D’ailleurs, quelle que soit la somme dépensée annuellement par la station autrichienne, il est certain, comme nous l’avons fait ressortir plus haut, que les travaux effectués auraient coûté bien davantage si, grâce au statut organique, on ne faisait pas autant appel au concours temporaire d’expérimentateurs bénévoles.

Nous terminerons ce chapitre, comme les précédents, par le compte rendu des excursions que nous avons faites en vue d exa¬ miner, sur le terrain même, Y installation des expériences.

l’expérimentation forestière. 313

Excursion à Mariabrunn. M. de Seckendorff a bien voulu nous conduire tout d’abord à Mariabrunn, le jardin de l’ancienne école forestière sert de champ d’étude pour quelques questions d’in¬ térêt secondaire.

Ainsi, M. Lorenz de Liburnau s’y est livré à des recherches sur la quantité d’eau retenue par la cime des arbres. En fixant des gouttières aux fûts de certains sujets et en recueillant également l’eau qui dégouttait des branches et des feuilles, il a, paraît-il, cons¬ taté que, chez les arbres appartenant à des essences pivotantes, la plus grande partie de l’eau de pluie tombée sur la cime s’écoule le long du fût, tandis que le contraire a lieu chez les arbres à ra¬ cines traçantes.

M. Môller, de son côté, vient de disposer dans une partie du jardin des carrés de 2 mètres de surface; il les a fait remplir, à une profondeur de 1 mètre, de différentes sortes de terre (sable si¬ liceux, argile, terre calcaire, etc.), puis y a placé des plants d’es¬ sences variées pour constater la façon dont se comporteront ces jeunes végétaux.

Sur un emplacement voisin, il étudie l’influence qu’exercent sur la croissance des jeunes plants les diverses couvertures, telles que la mousse, les feuilles mortes, les composts artificiels, etc.

Nous avons visité, par la même occasion, le bâtiment même de l’ancienne école de Mariabrunn et parcouru les collections qui ont été provisoirement maintenues dans les belles salles basses du rez- de-chaussée. Mais, comme ce que nous y avons vu n’a point de rapport direct avec l’expérimentation, nous ne nous en occuperons pas davantage.

Excursion dans la forêt communale de Wiener-Neustadt.

L’excursion qui a été la plus instructive au point de vue spécial de notre mission est celle que M. de Seckendorff nous a fait faire dans la forêt communale de Wiener-Neustadt. Ce massif, d’environ 1,000 hectares, est situé près de la ville du même nom1, à une cin-

1. Wiener-Neustadt renferme deux sécheries importantes de graines forestières qui ont été montées par Tindustrie privée et dont les propriétaires font surtout le com¬ merce de semences de pin noir; Tune est exploitée par M. A. Grünwald (anciennement

314 ANNALES DE LA SGIENCE AGRONOMIQUE.

quantaine cio kilomotres do Vionno, dans la grande plaine qui s etend sur la rive droite du Danube, au pied du Semmering'. Non loin de là, coule la Leitha, la fameuse rivière qui sépare, sur un parcours de quelques lieues, les deux portions rivales de la monarchie austro- hongroise. L’altitude moyenne de la région est de 310 mètres au- dessus du niveau de la mer.

Le sol de la forêt est très mauvais ; il se compose principalement de cailloux roulés qui, à une profondeur de 50 à 60 centimètres, sont agglomérés par un ciment crayeux et forment une couche compacte sur laquelle les racines des aibies sont obligées de s e- taler. Ce sol est très sec et les sources y font complètement défaut.

Sur 700 hectares environ, les peuplements sont constitués uni¬ quement par le pin noir, qui se trouve ici au cœur même de sa patrie1. L’épithète employée pour le distinguer de ses congénères est certainement l’une des mieux choisies de toute la nomenclature botanique. Non seulement 1 arbre, consicleie individuellement, a un aspect noirâtre a cause de la teinte vert foncé de ses aiguilles et de la couleur gris de fer de son écorce, mais les massifs qu’il forme sont très sombres, et cette propriété est due d’abord au grand nombre de tiges qui peuvent végéter cote a côte sui une surface donnée, puis à l’épaisseur du feuillage de 1 essence.

En ce qui concerne le nombre des tiges pouvant exister à l’unité de surface, M. de Seckendorff est d’avis que les massifs de pin doivent être placés en quatrième ligne à ce point de vue, les trois

par M. J. Schwanghofer) , l'autre par MM. Stainer et Hoffmann. Nous avons visité le second de ces établissements. L’installation nous en a paru parfaitement entendue. On y voit fonctionner depuis peu un appareil perfectionné de séchage qui rappelle celui des malteries. Il se compose de 14 claies superposées, d’une vingtaine de mètres canes chacune, et renfermées dans une étuve chauffée par le bas. On dispose daboid les cônes sur la claie supérieure, d’où on les fait tomber par un mécanisme très simple sur la claie suivante et ainsi de suite, de façon qu’ils sont soumis graduellement à une température de plus en plus élevée, depuis 18° Réaumur au haut, jusqu à 40° au bas de l’appareil. On tourne à peu près toutes les demi-heures les manivelles qui font basculer les claies et la manipulation nécessitée par une fournée de cônes demande de 7 à 8 heures. Un compteur, qui indique les heures auxquelles les ouvriers ont retourné les claies, assure la régularité de l’opération jour et nuit. Les graines tombant sur 1 aire de l’étuve avec les cônes, il reste à les vanner dans un tambour.

1. Le tiers restant de la forêt est occupé par un taillis de charme et de morts-bois.

l’expérimentation forestière.

315

premiers rangs étant occupés respectivement par l’épicéa, le sapin et le hêtre. Ce qui prouve, du reste, que le pin noir s’accommode de l’état serré et qu’il supporte assez bien le couvert, c’est que nous avons rencontré çà et là, sous des perchis complets, des plants liants de 2 mètres qui avaient été dominés pendant assez longtemps et qui, néanmoins, ne paraissaient pas souffrir beaucoup du manque de lumière directe. Nous avons vu aussi de très beaux fourrés de pin noir sous de vieux massifs clairs.

Quant à la cime de l’arbre, elle est très touffue, parce que les branches sont robustes et serrées, que les jeunes pousses se gar¬ nissent de beaucoup d’aiguilles et que celles-ci restent vertes de quatre à six ans, parfois même demeurent marcescentes pendant une vingtaine d’années.

Ces remarques ont, d’ailleurs, été faites d’une façon infiniment

plus compétente par M. Mathieu, lors de son voyage en Autriche,

%

en 1873, et il les a consignées dans la dernière édition de sa Flore forestière1.

I. Voir Flore forestière. 3e édition, 1877. Paris, Berger-Levrauît et Ciâ, pages 525 et suivantes.

M. Mathieu, en signalant dans cet ouvrage P abondance des détritus du pin noir, parle de leur utilisation comme engrais. Nous avons vu dans notre tournée des exemples de cette pratique. En effet, avant de pénétrer dans la forêt communale de Wiener-Neustadt, nous traversâmes des bois de particuliers les pins sont exploités vers l’âge de 40 à 50 ans, après avoir été soumis pendant leur existence à 2 ou 3 éclaircies, et la couverture du sol est enlevée régulièrement chaque année pour être répandue sur les terres voisines ; les propriétaires coupent en même temps les branches basses des pins, soit pour les brûler, soit pour les mêler aux détritus. Les perchis ainsi traités ne sont pas, il est vrai, très bien venants, mais ils garantissent encore passablement le terrain. D’ailleurs, la production ligneuse n’y est que l’acces¬ soire et on les élève précisément pour en obtenir un engrais fort précieux dans une région le sol n'est guère favorable à la culture agricole.

M. Mathieu parle aussi, dans sa Flore forestière, du gemmage du pin noir. Nous avons précisément vu pratiquer cette opération dans la forêt de Wiener-Neustadt. Elle avait lieu dans un peuplement de 200 ans environ qu’on a commencé à résiner vers l’âge de 190 ans et qui va être bientôt exploité en coupe définitive. Du reste, tous les peuple¬ ments de pins de la forêt qui arrivent en tour de régénération sont soumis, pendant une dizaine d’années, à un gemmage intensif que M. Mathieu décrit sommairement (3e édi¬ tion, pages 527 et 528) et qui se trouve exposé tout au long dans un article de YAll- gemeine Forst - und Jagd-Zeitung (numéro de mai 1865), intitulé: Die Hdrznutzung in den Schwarzkiefernforsten Nieder-Oeslerreichs.

Le droit de résinage a été concédé pour une durée de 10 ans à un entrepreneur qui

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

316

De ce qui précède, il résulte, en somme, que le pin noir, tout en appartenant au genre pinus , est loin d’être une essence de lumière caractérisée comme le pin sylvestre, par exemple. Son couvert est moyennement épais et les peuplements qu’il forme sont, eux aussi, d’une consistance moyenne ; il ne ferait donc pas exception à la loi en vertu de laquelle il y aurait une relation étroite entre le degré du couvert de l’individu et l’état plus ou moins serré des massifs.

Dans la forêt communale de Wiener-Neustadt, en raison de la mauvaise qualité du sol et sans doute aussi de l’enlèvement funeste de la couverture", la végétation du pin noir n’est pas très active : ainsi, un peuplement de 110 ans que nous avons traversé au can¬ ton Alte-Strasse ne présente qu’un diamètre moyen de 0m, 20 àOm,25

à hauteur d’homme, et les tiges d’un massif de 200 ans qui subsiste encore sur un point de la forêt ont tout au plus une grosseur moyenne de 0m,45.

Sous les vieilles pineraies, on rencontre, avec le sous-bois habi¬ tuel des sols calcaires (genévrier, troène,' cornouiller, épine-vinette, viorne, etc.), un semis de pin généralement abondant.

La régénération du pin noir se fait par la voie naturelle. Dans les coupes d’ensemencement, l’enlèvement de la litière perd une partie de ses inconvénients parce qu’il donne une certaine culture au sol et facilite ainsi la germination des graines.

Le premier canton que nous avons visité, et qui s’appelle Schwarz- acher-Anbau, présente un perchis de 53 ans, renfermant environ 8,000 tiges à l’hectare. De loin, il a l’aspect d’un peuplement d’é¬ picéa. On y a délimité récemment une place d’expérience pour étudier l’influence de l’enlèvement de la couverture du sol sur la végétation des massifs. Elle porte le 5 et a été subdivisée en 3 placettes, désignées par les nos I, II et III ; chacune de ces pla-

verse à la caisse communale une redevance calculée à raison de 18 kreuzer, soit 45 centimes, par arbre gemmé. Peuvent seuls être soumis à l’opération les sujets qui ont été marqués à cet effet du marteau municipal. Les ouvriers employés par 1 entre¬ preneur reçoivent, à titre de salaire, la moitié de la résine qu’ils ont récoltée. Ces ouvriers sont très lestes : en trois quarts de minute, ils atteignent rapidement, à 1 aide d’une échelle, le sommet de la quarre à rafraîchir, allongent celle-ci d’environ 3 centi¬ mètres et redescendent. Aussi un ouvrier, quand il fait beau, rafraîchit-il à peu près 400 quarres par jour.

l’expérimentation forestière 317

cettes a une étendue de 10 ares et est entourée d’une bande d’iso¬ lement de 5 mètres. Les limites extérieures et intérieures des bandes d’isolement sont marquées par des bornes angulaires et des fossés. Conformément à l’instruction, les 3 placettes ont été par¬ courues par une éclaircie moyenne et les tiges maintenues sur pied (peuplement 'principal) ont été ceinturées à lm,30 du sol avec de la peinture à la céruse, afin qu’on en prenne plus tard le diamètre exactement au même point. On ne s’est pas contenté de cuber le peuplement principal par la méthode réglementaire, c’est-à-dire celle qui porte le nom de méthode Urich et qui repose essentielle¬ ment sur la division du peuplement en classes d’égal nombre de tiges1 2. Les expérimentateurs autrichiens se sont servis, en outre, à titre de contrôle, d’un procédé qu’ils appellent procédé Huber ou de la tige moyenne \ Les deux méthodes ont, d’ailleurs, donné à peu près les mêmes résultats.

Dans la placette 5/i, l’on n’enlève pas la couverture, on a obtenu les chiffres suivants à l’hectare après l’éclaircie :

Nombre de tiges . 7090

Surface terrière 3 . . . 38 m. q.

Hauteur moyenne des tiges . 8m,5

Volume du peuplement principal (procédé Urich) . 248 m. c.

(procédé Huber) .... 253 m. c.

Produits de l'éclaircie (volume du peuplement accessoire) . 14 m. c.

Dans la placette 5/n, l'on doit enlever la couverture tous les ans , on a trouvé par hectare après l’éclaircie :

Nombre de tiges . 0990

Surface terrière . 40 m. q.

1. Voirie chapitre II de la lre partie.

2. Nous n’avons pu découvrir en quoi consiste cette méthode. Nous avons bien trouvé dans l’ouvrage de M. Baur ( Die Holzmesskuncle, Vienne, 1882, page 228), l’exposé d’un procédé Huber, basé sur la mensuration d’une tige moyenne, mais il ne concerne pas le cubage des peuplements ; il a simplement pour but de faire reconnaître les peuplements qui appartiennent à la même classe de fertilité, et il vise la construc¬ tion de tables de production. Peut-être ce que M. de Seckendorff appelle procédé Huber consiste-t il à cuber le peuplement en fonction du volume d’une seule tige moyenne sans établissement préalable de classes de grosseur.

3. Somme des sections transversales des tiges à lm,30 du sol. Voir le chapitre II. de la lre partie et les annexes VI et VI bis.

318

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Hauteur moyenne . Sra,50

Volume (procédé Urich) . 25S m. c.

(procédé Huber) . 265 m. c.

Produits de l'éclaircie . 26 m. c.

La placette 5/m, Von doit enlever la couverture tous les 6 ans, a fourni à l’hectare, et également après l’éclaircie, les résultats ci- après :

Nombre de tiges . . . Surface terrière . . . Hauteur moyenne . . . Volume (procédé Urich) (procédé Huber) Produits de l'éclaircie .

7800 38 m. q. Sm,3

247 m. c. 245 m. c. 22 m. c.

1

D’après ces chiffres, les 3 pincettes sont comparables et les diffé¬ rences que l’on constatera plus tard dans leur végétation pourront être attribuées légitimement, au moins dans une certaine mesure, à la dénudation du sol.

Nous visitons encore une autre place d’expérience consacrée à l’étude des effets de l’enlèvement de la couverture. C’est celle qui porte le 3 (canton Saubersdorferfeld). Elle est assise dans un peuplement de 32 ans, provenant de semis naturels ( Vorsaaien ). Elle couvre 1 hectare, sans compter les bandes d’isolement, de sorte que chaque placette a 33 ares 33 centiares. Comme les tiges sont encore très grêles (il y en a de 11,000 à 14,000 à l’hectare), on ne les a pas toutes comptées et mesurées individuellement. Ainsique l’instruction le permet pour les gaùlis *, on a cubé le peuplement à l’aide de places Cessai (. Probeflctchen ) et on a étendu les résultats de ces places d’essai aux placettes à' expérience ( Versuchsflàchen ). En d’autres termes, on a pris dans chaque placette d’expérience une place d’essai de 4 ares; on a cubé le peuplement de cette place d’essai par la méthode ordinaire, en mesurant tous les diamètres, et on a multiplié le volume obtenu par le rapport de la surface de la place

1. Nous traduisons par le mot gaulis l'expression geringe Stangenhôlzer, qui désigne des peuplements les tiges, déjà dénudées par le bas, ont moins de 0m,10 de diamètre à 1 m, 30 du sol.

l’expérimentation forestière.

319

d’expérience à celle de la place d’essai soit par 3 3 ; . Les tiges du

peuplement principal de chaque place d’essai sont ceinturées à la couleur blanche, et celles du restant de la placette d’expérience à la couleur rouge. Pour éviter de compter deux fois la même tige dans les places d’essai, on a tendu des ficelles de manière à former de petites virées pce procédé a été jugé plus sûr et meilleur à tous égards que le griffa ge. Au moment de notre visite, l’éclaircie venait seulement d’être commencée et on n’avait encore abattu que le peu¬ plement accessoire des bandes d’isolement ; les cubages n’étaient donc pas encore effectués.

Le peuplement de la place d’expérience en question a souffert, sur certains points, de la neige, mais on ne disposait pas d’autre massif du même âge plus propre à l’expérimentation. D’ailleurs, les bois sont si jeunes que les dégâts n’auront qu’une influence insigni¬ fiante sur les résultats des cubages futurs.

La forêt communale de Wiener-Neustadt renferme aussi des 'places $ éclaircie. Nous avons pris quelques notes sur celle qui porte le 4 et qui est assise dans le même peuplement que la place 5 décrite plus haut, c’est-à-dire dans un perehis de 53 ans. Chacune des 3 placettes a 25 ares, mais les renseignements ci-après se rapportent à l’hectare.

Placette 4/j. Éclaircie faible (enlèvement des tiges mortes) :

Nombre de tiges (après l’éclaircie) . . 99G0

Surface terrière . . 4t m. q.

Hauteur moyenne . 8m,2

Volume (Procédé Urich) .... 261 m. c.

(Procédé Huber) . . . . 259 m. c.

Produits de l’éclaircie . . . 2 m. c.

Placette 4/ n. Eclaircie moyenne (enlèvement des tiges mortes et des tiges tout à fait dominées) 1 :

1. On a trouve dans cette placette que les tiges enlevées comme étant mortes ou dominées avaient., pour la plupart, moins de 0m,07 de diamètre à tm,30. Cela a suggéré à M. de Seckendorff l’idée de faire ce qu'il appelle des Kaliber-Diirchforstungen , ou éclaircies basées sur le calibre des tiges. L’opération consisterait, par exemple, à enlever dans les peuplements semblables à celui dont il s'agit, toutes les tiges de

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

320 ,

Nombre de tiges (après l'éclaircie) . 7236

Surface terrière . . 40 m. q.

Hauteur moyenne. . Sm,5

Volume (Procédé Urich). . . . 267 m. c.

(Procédé Huber). . . . 274 m. c.

Produits de l'éclaircie . 2o m. c.

Placette 4/m. Éclaircie forte (enlèvement des tiges mortes, des tiges dominées et des tiges retardataires) s.

Nombre de tiges (après l’éclaircie) Surface terrière

Hauteur moyenne

Volume

Produits de l’éclaircie .

. 5444

. 33 m. q.

. 8m,6

(Procédé Urich). . . . 183 m. c.

(Procédé Huber) . . . . 218 m. c.

. 53 m. c.

Excursion dans le Wiener-Wald. Pour couronner digne¬ ment notre séjour en Autriche, nos hôtes nous ont fait visiter quel¬ ques points de la vaste et célèbre forêt du Wiener-Wald h Nous

moins de 0m,07 de diamètre, sans se préoccuper de l’état des cimes, et en se fondant sur ce que, d’après l’expérience, les sujets morts ou dominés ont précisément cette grosseur. Mais sans doute, M. de Seckendorff ne songe à appliquer cette conception qu’à titre de curiosité, car baser là-dessus une pratique courante nous paraîtrait bien hasardé.

1. Le Wiener-Wald occupe 1- extrémité d’une ramification des Alpes styriennes qui, se détachant du Semmering, se dirige vers le N.-E. et vient heurter le Danube, juste en amont de Vienne. C’est un massif boisé qui doit bien couvrir une centaine de mille hectares, mais qui, naturellement, est interrompu sur une foule de points, notamment dans les vallées, par des cultures et des centres de population. De nombreux cours d'eau, la Wien, le Môdlingbach, la Schwechat, etc., le sillonnent et des localités char¬ mantes, telles que Schonbrunn, Mariabrunn, Môdling , Baden, sont disséminées à son intérieur ou sur son pourtour.

Dans les parties septentrionale et orientale du Wiener-Wald, des escarpements de calcaire dolomitique, dont les pieds sont garnis de vignobles réputés, dominent le Danube et la plaine de la Leitha. Ils sont couronnés par des peuplements de pin noir et de pin sylvestre. Cette dernière essence paraît avoir été à l’origine introduite demain d homme, mais elle est maintenant tout à fait naturalisée dans la région. Quand on s’avance vers l’ouest, c'est-à-dire, au fur et à mesure que l'on remonte les vallées, on voit le relief du terrain devenir de moins en moins âpre et les pins disparaître pour faire place au hêtre et au sapin sur le haut des versants, au charme et à différentes espèces de chênes dans le voisinage des vallées. Parmi ceux-ci, il faut citer le chêne chevelu ( Quercus cerris ), essence au bois médiocre et qu’il n y a pas grand intérêt à cultiver.

Au commencement du siècle, le Wiener-Wald présentait, dit-on, des recoins sous-

l’expérimentation forestière.

321

y avons revu le pin noir , mais sur un terrain accidenté , il croît dans d’autres conditions qu’à Wiener-Neustadt et où, sur le roc, il présente assez souvent le port en parasol. En outre, dans le Wiener -Wald, le pin noir ne constitue guère de massifs purs de grande étendue et vit généralement en mélange avec différentes

traits aux exploitations, des arbres gigantesques se dressaient sur un sol jonché de chablis. S’il en était ainsi, tout a bien changé depuis lors, car, sauf dans le canton¬ nement d’Alland qui renferme encore quelques vieux massifs de sapin et de hêtre, l’âge des bois atteint rarement 150 ans. C’est une conséquence de l’application de la théorie de la plus grande rente et de l’adoption de révolutions qui oscillent autour de 100 ans.

On régénère d’habitude les peuplements par la méthode naturelle, mais on tend de plus en plus à ne faire que deux coupes; bien que, de cette façon, les jeunes semis soient brusquement découverts, les agents locaux disent obtenir sans peine un repeu¬ plement en essences de bois durs.

La Schwechat et ses affluents ont été rendus flottables à bûches perdues, de manière à faciliter l’écoulement des produits vers Baden et Vienne. Ce système de voies de vidange fluviales a un développement total de 60 kilomètres environ et dessert quelque chose comme 8,000 hectares. Le vannage principal ( Hauptklause ), destiné à retenir les eaux en temps ordinaire pour provoquer une crue les jours de flot, trouve près d’Aliand, à 25 kilomètres environ en amont de Baden. C’est un vaste et solide ouvrage en maçonnerie construit en 1756, sous Marie-Thérèse, à la place d’une ancienne retenue en bois; il a coûté, paraît-il, 110,000 florins, ce qui représente peut-être 1,000,000 de francs en valeur d’aujourd'hui. En outre, 13 vannages secondaires sont installés sur les ruisseaux tributaires de la Schwechat. A Baden, point extrême du réseau du côté d’aval, est établi un grand barrage à claires-voies, ou râteau ( Reclien ), laissant passer les eaux, mais arrêtant les bûches qu’on repêche pour les charger sur des voitures. C'est l'administration forestière qui, vendant les produits façonnés et rendus au port de Baden, exerce elle-même le flottage. Le charroi des bois jusqu'aux ruisseaux se fait à l’aide de traîneaux ( Schlitten ) ; il coûte en moyenne 0 fl. 548, soit 1 fr. 37 c. par stère; le flottage jusqu’à Baden revient à 0 fl. 014 = 0 fr. 035. Cela met le prix du transport du stère, pour un parcours moyen d'une quarantaine de kilo¬ mètres, à la somme minime de 1 fr. 40 c. Mais les frais d’entretien du réseau et des ouvrages d’art qui en dépendent sont assez considérables et, pour le seul cantonne¬ ment d’Alland, ils se sont élevés en 1882 à une dizaine de mille francs.

Ce mode de vidange était surtout avantageux vers le commencement du siècle, à l'époque les routes faisaient presque complètement défaut dans les forêts, et la majeure partie des bois était utilisée pour le chauffage. Napoléon s’y intéressa pendant l’un des séjours qu’il fit à Schônbrunn en 1805 et en 1809; et le grand capitaine, qui aimait à envoyer, avec des bulletins de victoire, des instructions relatives à des détails d’administration intérieure, recommanda de généraliser en France le procédé qu’il avait vu fonctionner dans le Wiener-Wald. Les dossiers de l'inspection de Villers-Cotterets relatifs aux rûs de flottage de la forêt de Retz renferment une pièce qui constate celte préoccupation.

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

322

essences, telles que le hêtre et le sapin, de sorte que sa produc¬ tion à l’hectare n’y est point l’objet d’études spéciales. On ne pa¬ rait, d’ailleurs, se livrer actuellement, dans cette forêt, à des re¬ cherches expérimentales d’aucune sorte. Dès lors, les remarques que nous avons eu l’occasion de faire au cours de notre promenade,

quelque instructives qu’elles aient été pour nous-mêmes, ne rentrent pas dans le cadre nous devons renfermer le présent travail, et il y a lieu de clore ici un compte rendu qui, peut-être; a déjà été jugé trop long. Qu’on nous permette seulement encore de réitérer à M. le baron de S'eckendorff et à ses collaborateurs, MM. Bôhmerlé et Wachtl, l’expression de notre vive reconnaissance pour la façon cordiale dont ils nous ont accueillis et pour l’obligeance extrême avec laquelle ils nous ont facilité notre tâche. Les témoignages de sympathie que nous avons reçus des membres de l’Institut d’expé¬ rimentation forestière d’Autriche sont de sûrs garants des bonnes relations qui ne cesseront de régner entre l’établissement de Vienne et celui qui vient d’être fondé à Nancy. Puisse, maintenant, ce der¬ nier, si modeste à ses débuts, grandir et prospérer de manière à faire honneur à notre École, au corps dont nous faisons partie et à notre pays tout entier !

l’expérimentation forestière.

323

ANNEXES

ANNEXE F.

T

PROGRAMME de recherches dressé par le Comité d’expérimentation forestière réuni à Ratisbonne le 22 novembre 1868.

À. Recherches de statique forestière.

Elles comprennent les sujets suivants, dont chacun peut se sub¬ diviser, à son tour, en un plus ou moins grand nombre de ques-

r

tions secondaires : 1. Education des plants. 2. Méthodes de re¬ peuplements artificiels. 3. Régénération avec l’aide de coupes successives et régénération après exploitation à blanc étoc. 4. Irrigation des forêts. 5. Coupes d’éclaircie. 6 Élagage. 7. Faculté de rejeter de souches des diverses essences. 8. In¬ fluence de la station et du traitement sur la forme des arbres. 9. Récolte des produits de la forêt : a) instruments d’exploitation, b) procédés d’abatage, c) saison d’abatage, d) volume réel des di¬ verses catégories de marchandises d’après le nouveau système de mesures employé en Allemagne, e) choix des catégories de mar¬ chandises, f) procédés d’écorçage. 10. Influence des menus pro¬ duits sur les produits principaux : a) litière, b) résinage, c) pâtu¬ rage, etc. 11. Conservation des graines, sécheries. 12. Modes et instruments de transport. 13. Industries connexes de l’exploi¬ tation des forêts : carbonisation, distillation, préservation des bois, exploitation des scieries, etc. 14. Modes de cubage : a) pour les arbres, b) pour les massifs. 15. Accroissement en volume et en qualité. 16. Construction de tables de cubage. 17. Cubage du matériel sur pied dans les massifs purs et mélangés, en vue de la construction de tables de rendement. 18. Valeur en argent des bois selon l’âge et les dimensions. 19. Variation des prix dans

324 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

le passé, avec indication des circonstances qui ont pu influer sur ces variations. 20. Rendement des menus produits.

B. Recherches ayant trait à l’histoire naturelle.

Les principales questions qui s’y rattachent sont . a) Chimie et physiologie: 1. Faculté germinative des graines et conservation de cette faculté. 2. Résistance de l’enveloppe des graines. 3. Température dont les diverses graines forestières ont besoin pour germer et influence de ce facteur sur la duiée de la gei- mination. 4. Influence de la lumière sur le développement des plantes ligneuses. 5. Influence des différentes espèces de sols, de l’humidité et de la profondeur du sol sur la formation des racines et le développement des végétaux forestiers. 6. Influence des con¬ ditions de lieu sur la production en résine, ainsi que sur la quantité et la qualité de l’écorce et notamment sur la teneur en tannin. 7. Faculté de transpiration des végétaux ligneux aux différents âges, et influence exercée à ce point de vue par le degré de chaleur et d’humidité de l’air. 8. Détermination de la teneur en cendres et en eau des différentes essences et des diverses parties d’une même plante, avec les variations produites par l’àge, la station et la saison. 9. Recherches sur la réserve alimentaire emmaga¬ sinée dans l’écorce, les rayons médullaires et le parenchyme ligneux de l’aubier, ainsi que sur la manière dont se comportent les arbres qui, l’année précédente, ont perdu leurs feuilles par suite des la¬ vages des chenilles, de la chute de la grêle, etc... 10. Recher¬ ches, pour différentes stations, du degré moyen d’humidité des sols forestiers pendant la saison de végétation et particulièrement pen¬ dant la saison chaude, après une sécheresse prolongée ; rôle joué dans la question par le tapis végétal, le couvert et l’ameublissement (]u s0], 11. Étude des propriétés physiques des différentes es¬ pèces de sol et, en particulier, de leur aptitude à rayonner ou à absorber la chaleur. 12. Recherches sur l’influence exercée parles divers éléments minéralogiques sur la croissance des végétaux fores¬ tiers. 13. Recherches relatives à l’influence des principaux engrais artificiels sur le développement des plantes ligneuses, notamment

l’expérimentation forestière.

325

dans les pépinières. 14. Recherches sur la quantité et la nature des matières inorganiques des feuilles aux différentes phases de leur décomposition et de leur transformation en humus. 15. Ob¬ servations sur la rapidité plus ou moins grande de la décomposition des feuilles mortes, suivant les stations et les peuplements. 16. Mesurage de la quantité de feuilles tombant chaque année, non seulement pour différentes essences, mais encore aux différentes phases de l’existence des peuplements, et détermination de la quan¬ tité de cendres que perd le sol par l’enlèvement des feuilles mortes. 17. Exécution de recherches directes, sur une très grande échelle, en vue d’établir les propriétés physiques des différents bois dans des conditions diverses de station, d’àge et de consistance des peuplements, en mettant à profit les résultats fournis par les industries qui emploient le bois comme matière première. 18. Recherches sur les maladies et les défauts des bois ; détermina¬ tion, dans la mesure du possible, de leurs causes et du rôle des champignons dans ces maladies.

b) Météorologie forestière : 1. Observations comparées sur la température en forêt et en plein champ. 2. Recherches com¬ parées sur la température des arbres, du sol et de l’air. 3. Re¬ cherches sur la température du sol des forêts à différentes pro¬ fondeurs et dans des situations différentes, notamment à diverses expositions et sous des massifs de consistance diverse. 4. In¬ fluence de la station sur la production des gelées et sur les dommages qui en résultent. 5. Détermination de la quantité de pluie tom¬ bant dans les régions boisées et non boisées. 6. Influence de la litière des forêts sur la quantité d’eau que le sol reçoit et sur sa faculté d’évaporation. 7. Détermination de la faculté d’évaporation d’une nappe d’eau sous bois et hors bois. 8. Mesurage des quantités d’eau qui pénètrent dans le sol à différentes profondeurs, en forêt et en plein champ, à diverses expositions et sous un couvert d’in¬ tensité variable. 9. Détermination de la quantité d’acide carbo¬ nique et de vapeur d’eau que renferme l’air des forêts, pendant la saison de végétation, dans des massifs composés d’essences diffé¬ rentes occupant des situations diverses.

ANNALES DE LA SGIENCE AGRONOMIQUE.

ANNEXE II.

STATUTS de l’Association des Stations forestières

d’Allemagne.

EUT DE L’ASSOCIATION.

Art. 1er. L’Association se propose d’assurer, en Allemagne, le succès de l’expérimentation forestière en adoptant des plans d’exé¬ cution uniformes, en effectuant une bonne division du travail et en donnant aux résultats une publicité convenable.

v MEMBRES.

Art. 2. L’Association comprend les stations d’expérimentation

r

forestière instituées par les Etats de l’empire d’Allemagne, qui dé¬ clarent adhérer au principe de ladite Association et à ses statuts.

La déclaration d’adhésion sera faite au bureau de l’Association (art. 3) ; elle liera le chef de la station de recherches intéressée et l’obligera à l’obéissance aux statuts.

BUREAU.

Art. 3. Les membres de la station centrale d’expérimentation prussienne, située à Neustadt-Eberswald, constituent le bureau de l’Association.

Le bureau a dans ses attributions :

La convocation aux réunions (art. 4), la préparation des délibé¬ rations, la présidence des séances, la correspondance, l’ exécution des décisions de l’assemblée et la représentation de l’Association au dehors.

RÉSOLUTIONS.

Art. 4. Les questions qui ne sont pas de la compétence du bu¬ reau sont résolues par voie d’accord amiable, à moins que les déci¬ sions ne soient de celles qui, d’après une stipulation expresse des statuts, doivent être prises à la majorité des suffrages (art. 6, 8 et 9).

Les résolutions prises par voie d’accord amiable ne lient que les membres de l’Association qui y ont adhéré.

l’expérimentation forestière.

327

Les résolutions seront, en général, prises verbalement dans les séances ordinaires ou extraordinaires de l’Association. Mais, dans des cas peu importants et dont le bureau sera juge, elles pourront être prises par voie de correspondance.

Les réunions ordinaires ont lieu à l’occasion des congrès que les forestiers allemands tiennent, chaque année, dans une ville différente.

C’est le bureau qui fixe le lieu et la date des réunions extraor¬ dinaires.

Chaque station de recherches envoie au moins un représentant aux assemblées de l’Association.

Lorsqu’il s’agit de décisions à prendre à la majorité des voix, le vote par écrit peut être émis par toutes les stations qui ont droit de suffrage; quand le vote a lieu verbalement, les stations repré¬ sentées aux réunions de l’Association sont seules appelées à dé¬ libérer.

Excepté dans le cas prévu à l’article 9, les décisions doivent être prises à la majorité absolue des suffrages; s’il y a partage, la voix du président est prépondérante.

OBJET DES TRAVAUX

Art. 5. L’association doit s’occuper de préférence des recherches et expériences forestières qui exigent des études nombreuses et de¬ mandent à être exécutées dans des conditions variées.

Les sujets à aborder sont choisis par voie d’accord amiable, ainsi qu’il est dit à l’article 4.

Dans chaque cas particulier, l’obligation de participer aux re¬ cherches et expériences à poursuivre n’a lieu que pour les stations qui ont accepté le sujet proposé, ainsi que le plan d’exécution (art. 6).

i

PLANS d’EXÉCIJTION

Art. 6. Pour chacune des branches d’étude soumises aux in¬ vestigations de l’Association, on suivra un plan d’exécution uni¬ forme.

Les membres de l’Association prenant part à la recherche ou à l’expérience choisissent parmi eux, à la majorité, un rapporteur

22

ANN. SCIENCE AGRON.

328

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

chargé d’élaborer un projet de plan et de le livrer au bureau dans un délai à. déterminer de concert avec ledit bureau. De son côté, celui-ci soumet le projet à tous les membres de l’Association inté¬ ressés, lesquels le renvoient en formulant par écrit leurs obser¬ vations, ainsi que leurs propositions d’amendement.

L’adoption et la rédaction définitive du plan d’exécution ont lieu d’un commun accord, après l’exposé du rapporteur, dans une réu¬ nion de l’Association, à moins que, dans certains cas peu importants, le bureau . juge que la chose peut se faire par voie de correspon¬ dance.

RÉPARTITION DES TRAVAUX

Art. 7. Après l’établissement du plan d’exécution vient la ré¬ partition des travaux entre les membres de l’Association qui y prennent part. Cette division s’effectue à l’amiable, sur la base d’un plan que le rapporteur prépare et qu’il présente en même temps que son projet de plan d’exécution.

Les membres de l’Association participant aux travaux doivent en faire connaître la marche dans les assemblées ultérieures.

PUBLICATIONS

Art. 8. Tous les résultats provenant des travaux de recherches et d’ expériences que l’Association aura faits en commun seront pu¬ bliés en son nom.

L’époque de la publication, le mode suivant lequel cette publi¬ cation sera faite, ainsi que les conditions de mise en vente et les détails de la rédaction donneront lieu, pour chaque espèce de travail, à une décision prise à la majorité des voix par les stations de re¬ cherches intéressées.

Chaque membre de l’Association conserve le droit de publier iso¬ lément ses propres travaux.

Le soin de publier les résolutions de l’Association est laissé aux revues périodiques forestières.

MODIFICATION DES STATUTS

Art. 9. Pour modifier les statuts, il faut une majorité com¬ posée au moins des deux tiers des stations appartenant à 1 Asso¬ ciation.

l’expérimentation forestière.

329

ANNEXE III.

RÉUNION de l’Association des Stations forestières allemandes, à Munich, en 1882.

Première séance tenue à Munich le 4 septembre 1882.

Sont présents :

r

Pour la station centrale d’expérimentation prussienne : M. le Dr Danckelmann , grand maître des forêts , président, et M. Weise, maître des forêts ;

Pour le bureau d’expérimentation et de statistique bavarois : M. le Dr Viernstein, maître des forêts, et M. le baron de Kress, assistant de maîtrise forestière ;

Pour la station centrale d’expérimentation saxonne : M. le pro¬ fesseur Kunze.

Pour la station d’expérimentation wurtembergeoise : M. le pro¬ fesseur Dr Lorey et M. Nordlinger, assistant forestier ;

Pour la station d’expérimentation badoise : M. le professeur Scliu- berg ;

Pour la station d’expérimentation hessoise : M. le professeur D1' Hess et M. le professeur D1 Schwappach ;

Pour la station d’expérimentation brunswickoise : M. le conseiller des domaines Horn ;

Pour la station d’expérimentation d’Alsace-Lorraine : M. le baron de Berg, garde général des forêts.

Ont droit de suffrage :

pour la Prusse .......

la Bavière.' .

la Saxe .

le Wurtemberg .

le Grand duché de Bade.

la Hesse .

le Brunswick. .' . . . . l’Alsaee-Lorraine. . . .

M. le Dr Danckelmann.

M. le Dr Viernstein.

M. le Professeur Kunze.

M. le Professeur Dr Lorey. M. le Professeur Schuberg. M. le Professeur Dr Hess. M. IIorn.

M. le baron de Berg.

Avaient été admis à assister à la séance : M. Bôlnnerlé, de Vienne ;

MM. Reuss et Bartet, de Nancy.

330 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Après avoir ouvert la séance, le président souhaite la bienvenue aux membres nouveaux de l’Association, ainsi qu aux invités ; puis, avant d’aborder l’ordre du jour, il donne lecture d une lettre de M. le professeur D1' Nôrdlinger, dans laquelle celui-ci informe 1 as¬ semblée qu’il a l'intention de donner sa démission de directeur de la station d’expérimentation wurtembergeoise, mais qu’il est prêt à entreprendre, comme par le passé, des recherches sui les pio- priétés techniques des bois de provenance étrangère.

M. le professeur Lorey donne h l’assemblée, sur les attributions des deux directeurs de la station wurtembergeoise, des renseigne¬ ments qu’il reproduira plus tard par écrit, pour être déposés aux ar¬ chives de l’Association.

Le congrès aborde ensuite l’ordre du jour, après que M. TVeise et M. de Berg ont été nommés 1er et 2e secrétaires.

1 DE L’ORDRE DU JOUR :

De l'exécution des recherches relatives à la manière dont les essences étrangères se comportent au point de vue forestier .

Le programme adopté l’année dernière renferme, sous le 3, la décision suivante.

« Les recherches doivent être entreprises :

« a) Au moyen d’observations faites tant à l’intérieur qu’en dehors des forêts et portant sur l’état actuel d’arbres isolés et de massifs

plantés depuis un certain nombre d’années ;

cc b) Au moyen de places d’expérience permanentes, destinées à fournir des indications sur le rendement de ces essences tant à l’état

pur qu’en mélange.

« Pour le choix des arbres et des massifs qui doivent faire l’objet des recherches indiquées en a) et en b), il sera avantageux de con¬ sulter les relevés statistiques exécutés en 1881 et relatifs aux es¬ sences étrangères existant dans l’empire allemand. »

En vue de l’exécution de cette décision, le bureau de l’Association a tiré desdits relevés statistiques des matériaux utiles dont il a formé des tableaux. Des extraits de ces tableaux seront transmis à chaque

l’expérimentation forestière.

331

État. Le bureau propose que ces données soient mises en œuvre, dans un espace de 2 ans, suivant un plan arrêté.

M. le professeur Dr Hess déclare qu’il est désormais en état de fournir, pour la Hesse, les renseignements statistiques qui, jusqu’à ce jour, manquaient à la collection et qu’il est prêt, en outre, à entreprendre des expériences. On commencera d’ailleurs inces¬ samment, dans son pays, des essais de naturalisation. Il prie le bu¬ reau d’envoyer des formules pour les relevés statistiques, ce qui lui est accordé.

La Bavière veut pousser les recherches aussi loin que possible et même y soumettre des sujets situés dans des propriétés parti¬ culières.

Mais les représentants d’Alsace-Lorraine, de Brunswick et de Bade font remarquer ensuite que les observations dans les pro¬ priétés particulières ne pourront pas être complètes.

Finalement, la proposition du bureau est adoptée à l’unanimité.

2 de l’ordre du jour :

Communication sur le résultat des recherches relatives au rendement

des massifs d: épicéa.

(Rapporteur, M. Weise, maître des forêts, de la station prus¬ sienne.)

Les renseignements qui sont parvenus à la station prussienne, en exécution de la décision prise l’année dernière par l’Association, se rapportent :

À 128 places d'expérience pour la Bavière.

13

le pays de Bade.

20

le Brunswick.

98

la Crusse.

132

le Wurtemberg.

Les matériaux fournis par la Saxe et qui proviennent de 92 re¬ cherches ont été tirés des Annales de Tharand.

On disposait donc en tout de données fournies par 483 places différentes, dont 479 figurent au tableau ci-après* groupées par

r

classes d’âge et par Etat :

332 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

CLASSES D’AGE

NOMBRE DE PLACES D’EXPERIENCE

PAH ÉTAT.

par

de

à

classe

d’âge.

Bade.

Bavière.

Bruns¬

wick.

Prusse.

Saxe.

Wurtem¬

berg.

10 ans

19 ans

11

))

4

»

»

7

))

20

29

17

»

7

»

1

7

2

39

39

47

2

4

1

5

13

22

40

49

43

2

2

7

9

13

10

50

59

74

3

6

7

16

19

23

60

69

63

2

14

1

15

13

18

70

79

7 1

2

14

1

22

8

24

80

89

56

1

26

1

10

5

13

90

99

46

))

19

1

9

2

1 5

100

109

23

1

11

1

3

3

4

110

119

15

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11

»

2

1

1

120

129

13

»

6

))

6

•«

1

))

479

13

124

20

9 8

92

132

Les données recueillies dans ces places ont fait l’objet, de diverses représentations graphiques1 les abscisses correspondent aux âges et les ordonnées aux volumes sur pied par hectare, et chaque État est distingué par une couleur différente. Pour chaque âge et pour chaque État, il y a un volume maximum et un volume minimum.

Si l’on trace une courbe réunissant, sans distinction d’États, les movennes des maximums et une autre réunissant de même les

*j

moyennes des minimums, on voit que les volumes sont :

20 ans, compris entre

60

et

2 7 0mc

Différence 2 1 0mc

40

120

et

620

500

60

160

et

920

760

80

200

et

1200

1000

100

240

et

1330

1090

120

260

et

1370

1110

Si maintenant, pour chaque État, on réunit par des lignes con¬ tinues les données recueillies, en commençant par les peuplements

1. Xous n'avons pas pu nous procurer d’exemplaire de ces diverses constructions.

l’expérimentation forestière.

333

les plus jeunes et en passant à des âges de plus en plus élevés, et si on fait cette opération, d’abord pour les peuplements qui ont fourni les rendements les plus élevés, ensuite pour ceux qui ont fourni les rendements les plus bas, on obtient d’autres représentations gra¬ phiques qui sont mises également sous les yeux de l’assemblée. On voit ainsi entre quelles limites sont compris les rendements obte-

r r

nus par chaque Etat et quelles sont les relations entre les maxi¬ mums et les minimums trouvés pour les différents États. Si, pour chaque État séparément, on considère la surface comprise entre la courbe maximum et la courbe minimum, on constate que la plus grande surface correspond à la Bavière; puis viennent la Prusse, le Wurtemberg, la Saxe, le Brunswick et le pays de Bade. Si l’on pousse l’examen plus loin, on relève les faits suivants :

La courbe maximum de la Bavière suit à peu près la courbe moyenne des maximums de tous les États, mais sa courbe minimum s’écarte sensiblement de la courbe moyenne générale des minimums, surtout pour les jeunes âges jusqu’à 50 ans ; «à partir de là, elle se rapproche de cette courbe ;

Pour le pays de Bade , tous les peuplements ont fourni des rendements élevés, et, en ce qui concerne les plus riches, la courbe concorde avec la courbe moyenne générale des maximums ;

Pour le Brunswick , la courbe maximum reste presque tou¬ jours au-dessous de la courbe moyenne générale des maximums, avec un écart de 200 mètres cubes ; elle ne se rapproche davantage de celle-ci que vers l’âge de 50 ans, et la différence est alors d’environ 100 mètres cubes. Quant à la courbe moyenne générale des mini¬ mums, les rendements les plus faibles du Brunswick la dépassent, à 40 ans, de 100 mètres cubes et, à 100 ans, d’environ400 mètres cubes ;

La Prusse reste en arrière de 100 mètres cubes par rapport à la courbe moyenne générale des maximums ; elle se rapproche de la courbe moyenne générale des minimums jusqu’à 70 ans, avec un écart d’environ 150 mètres cubes ; au delà de cet âge, elle s’en éloigne sen¬ siblement, et, à 120 ans elle la dépasse d’environ 450 mètres cubes ;

Saxe . Les plus hauts rendements coïncident, jusqu’à 80 ans à peu près, avec ceux de la Prusse ; à partir de là, jusqu’à 120 ans, ils leur sont inférieurs. Les rendements les plus bas fournissent,

334

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

jusqu’à 50 ans, les éléments de la courbe moyenne générale des minimums. Après cet âge, ils se rapprochent jusqu’à 80 ans de la courbe prussienne et finissent par la dépasser. La différence, à 100 ans, entre la courbe moyenne générale des minimums et les rendements saxons les plus bas est d’environ 150 mètres cubes ;

Wurtemberg. Entre 30 et 50 ans, les rendements les plus hauts coïncident avec la courbe moyenne générale des maximums, mais ils s’abaissent, ensuite de plus en plus au fur et à mesure que les âges s’élèvent. Les rendements les plus faibles se tiennent, pour les jeunes bois, au-dessus du minimum général et s’en rapprochent entre 70 et 90 ans.

Si l’on se base sur les volumes trouvés, on arrive à grouper les peuplements par classes d’âge de la manière suivante :

CLASSES D’AGE.

NOMBRE

DE MÈTRES CUBES

à l'hectare.

1 10 à ]9 ans.

in

ci

Ci

CM

'd

CM

c c

ci

Ci

co

'd

o

CO

40 à 49 ans.

50 à 59 ans.

60 à 69 aus.

70 à 79 ans.

80 à 89 ans.

90 à 99 ans.

100 à 109 ans.

110 à 119 ans.

m

P

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03

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200

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300

399

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22

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599

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12

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1

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699

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14

14

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1

13

3

l’expérimentation forestière.

335

Les résultats obtenus sont très satisfaisants jusqu’à 80 ans. Passé cet âge, c’est d’abord la Bavière, puis le Wurtemberg qui déter¬ minent le minimum; par contre, la Bavière détermine seule le maximum et il n’y a qu’un massif prussien de 95 ans et de 1.270 mè¬ tres cubes qui arrive dans les environs du maximum.

Le rapporteur considère les éléments recueillis comme suscep¬ tibles de fournir une conclusion et il propose, en conséquence, que la réunion se déclare du même avis et mette à la disposition de la Prusse les différentes données, en vue de l’établissement de tables de production qu’on dressera conformément au plan adopté.

M. le professeur Kunze désire qu’on attende encore un an, parce qu’alors les seconds cubages de la Saxe pourront être utilisés. En Bavière, on est également en train de cuber une partie des places d’expérience pour la seconde fois et les matériaux recueillis ne pourront être présentés que plus tard. Les seconds cubages du Wurtemberg ont déjà été effectués, mais les résultats ne pourront être communiqués que l’année prochaine. Enfin, M. le professeur Schuberg demande que l’on attende le résultat des comptages de tiges en cours d’exécution.

Sous la réserve de ces desiderata , la délibération aboutit à la mo¬ tion suivante :

L’établissement des tables de production de l’épicéa doit être commencé. Les seconds cubages qu’on se propose de faire dans cer¬ taines « places de rendement » seront terminés fin 1883. En dres¬ sant lesdites tables, on tiendra compte de ces seconds cubages et, autant que possible, du résultat des comptages de tiges; quant aux matériaux fournis par les premiers cubages, ils seront immédia¬ tement mis à la disposition de la station prussienne.

L’assemblée déclare adopter ces propositions.

3 de l’ordre du jour :

Examen de la question de savoir si, chaque fois qu’on cubera à nouveau le matériel des 'places de rendement permanentes , on pourra négliger le « menu bois » (. Reisholz )L

1. Bois de la lige et des branches ayant 7 centimètres de diamètre et au-dessous.

i

Centièmes par rapport au bois plein.

336

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

(Rapporteur, M. le professeur D1’ Lorey, de la station wurtember-

geoise.)

Ce qui a donné lieu à cette question, c’est le désir d’épargner du temps et de l’argent. Le rapporteur voudrait cuber le menu bois à part dans le 1er, le 3e et le 5e cubage, mais ne pas en tenir compte dans les 2e et 4e.

M. le maître des forêts Viernstein est d’avis qu’on renonce com¬ plètement à déterminer le volume du menu bois, parce qu’il y a une relation constante entre le volume du « bois plein » ( Derbholz ) 1 et le menu bois. Les mesurages exécutés pour l’épicéa ont mon¬ tré que, dès le second cubage, on peut conclure directement du vo¬ lume du bois plein à celui du menu bois. Les deux représenta¬ tions graphiques suivantes, relatives à cette question, sont mises sous les yeux de l’assemblée.

ÂGE (Années).

Fig. 7.

M. le professeur Schuberg veut façonner le menu bois en fa-

1. Bois de la tige et des branches d'an diamètre supérieur à 7 centimètres.

Centièmes par rapport au 'bois plein.

l’expérimentation forestière» 337

gots normaux, mesurer quelques-uns de ceux-ci au xylomètre et conclure de leur volume au volume de l’ensemble.

100

90

80

70

60

50

40

30

20

10

10

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» * ' '

I °*

I ' \

Courbes indiquant, pour le pin sylvestre, le rendement normal en menu bois exprimé en centièmes par rapport au volume du bois plein.

(D’après les données qui ont servi de base

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o à M. Weise pour l’établissement des tables

o l de rendement relatives au pin sylvestre.)

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80 30 100 110 120 130

AGE (Années).

Fig. 8.

M. le conseiller des domaines Horn craint que l’abandon de la pratique suivie jusqu’à ce jour ne porte atteinte à la valeur des tra¬ vaux.

M. le Dr Danckelmann voudrait que l’on s’en tint provisoirement à l’exécution du plan adopté.

M. le professeur Dr Lorey formule alors la proposition suivante :

#c( L’Association permet, lors des 2e, 4e, etc., cubages, de se dis¬ penser de déterminer le volume du menu bois. »

Cette proposition est rejetée.

On discute alors la proposition de M. Schuberg, formulée comme il suit :

« On pourra déterminer le volume réel du menu bois en le façonnant en fagots normaux et en en cubant quelques-uns par le procédé hydrostatique. »

M. le maître des forêts Viernstein fait observer que, d’après son

338

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

expérience personnelle, il est difficile de trouver des ouvriers ca¬ pables de façonner des fagots normaux.

M. le professeur Dr Hess propose la rédaction suivante :

(( Il est désirable que l’on détermine le volume réel, etc... »

On passe au vote sur la proposition Hess.

Après que M. de Berg et M. Danckelmann ont combattu les deux avis exprimés, la proposition Hess est repoussée et la proposition Sclmberg est acceptée.

4 de l’ordre du jour :

Examen cle la question de savoir comment on doit déterminer l accroissement pour un laps detemps ne comprenant pas un nombi e entier d'années.

(Rapporteur, M. le professeur Dr Lorey, de la station wurtember- geoise.)

Quand on a mis en œuvre les résultats des 2es cubages des places de rendement on a été dans l’embarras au sujet du calcul des âges chaque fois que le 2e cubage ne tombait pas dans le même mois que le premier. Si, par exemple, un peuplement a été cubé le 15 mai 1874, puis le 30 juillet 1880, on ne peut plus regarder l’accroissement comme se rapportant à une période exacte de 6 ans, et il faut, dans les calculs, attribuer une plus longue durée à 1 intervalle dont il s agit. Le rapporteur propose de régler les choses de la façon suivante :

On admet une fois pour toutes que la période de végétation annuelle pendant laquelle se forme l’accroissement de toutes les parties aériennes de l’arbre est, en moyenne, de 5 mois (lel avril au 1er septembre), puis on suppose que la croissance de l’arbre est régulière pendant ces 5 mois et que l’accroissement se répartit également entre eux. Ensuite, dans chaque cas particulier, on éta¬ blit combien de mois de cette période de végétation doivent être ajoutés à un nombre d’années entières et on fait figurer cet ap¬ point pour j, |, |, j, 1 an, en négligeant les nombres de jours égaux ou inférieurs à 15, tandis que 16 jours et plus sont comptés pour 1 mois entier. Par exemple :

1er cubage . 10 mars 1874.

2e . 20 octobre 1S79.

l’expérimentation forestière. 339

Différence : 6 ans, parce que l’intervalle embrasse tonte la pé¬ riode de végétation :

Autre exemple :

1er cubage. ..... 15 juillet 1874.

2e . 30 septembre 1879.

Différence : 5 ans plus 1 mois et 16 jours = 5 ans et °2 mois == 5 j années.

Le rapporteur attire ensuite l’attention de l’assemblée sur les résultats discordants qu’on obtient pour l’âge d’un même peuple¬ ment, suivant qu’on le détermine directement à chaque inventaire, ou qu’on ajoute simplement à l’âge trouvé lors du cubage d’installa¬ tion le nombre d’années écoulé depuis cette époque.

L’assemblée met d’abord en délibération la première partie de la question.

M. le conseiller des domaines Horn s’est tiré d’affaire en négli¬ geant dans chaque arbre d’expérience la dernière couche en for¬ mation. Le calcul du « coefficient de forme1 » a eu lieu en fonc¬ tion des dimensions réelles de la tige considérée et le cubage de celle-ci s’est fait à l’aide du coefficient de forme et de la section trans¬ versale, non compris la dernière couche annuelle.

M. le maître des forêts Viernstein propose de partager la saison de végétation, non pas en cinq, mais seulement en deux parties.

M. le conseiller ÏJorn ne peut pas adopter cette manière de voir à cause de la courte durée de la période dont il s’agit.

M. le Dr Danckelmann voudrait qu’on ne précisât rien à cet égard, parce que la base de la répartition nous fait encore défaut, que la période de végétation diffère d’une année à l’autre, qu’enfm on ne peut arriver, quoi qu’on fasse, à une exactitude parfaite. Au surplus, d’après le plan d’exécution adopté antérieurement par l’Associa¬ tion, la date des cubag-es doit être indiquée ; il est, par conséquent, loisible à chacun, dans les recherches minutieuses, de tenir compte des différences de dates.

t. Voir clans la lre partie, chapitre I, la signification de cette expression.

340

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

M. le professeur D1' Lorey déclare se contenter de cette discussion et ne pas formuler de proposition.

En ce qui concerne la seconde difficulté soulevée, M. le Dv Danc- kelmann fait remarquer que le plan d’expérience limite les opéra¬ tions nécessitées par le 2e cubage à la détermination des surfaces transversales des arbres et de leur hauteur ; mais on n’y doit pas faire tomber d’arbres d’expérience.

M. le conseiller Horn reconnaît que si, à chaque inventaire, on recommence toute la série des opérations relatives au cubage, le nombre insuffisant des arbres-types peut être une source d’embarras; néanmoins il considère comme absolument nécessaire de recommen¬ cer les cubages tout à fait à nouveau, quand ils sont séparés par de longs intervalles. D’ailleurs, la détermination des âges a une impor¬ tance toute particulière pour l’application des méthodes des taux indicateurs (Weisermethoden)1 .

M. le professeur Schuberg dit que, dans le pays de Bade, on dé¬ termine toujours les âges à nouveau, afin de constater si bonne s’est pas servi antérieurement de tiges dont l’âge différait trop de la moyenne.

M. le D1’ Danckelmann fait observer que les expériences sont exé¬ cutées dans des peuplements réguliers (formés de tiges de même âge) et que, par conséquent, les écarts constatés d’un cubage à l’autre. ne pourront pas, en général, être très grands.

Enfin, tout le monde reconnaît que les recherches relatives à l’âge des peuplements sont intéressantes à plus d’un titre ; aussi la réunion exprime-t-elle formellement l’avis que, dans les cubages successifs, l’âge soit chaque fois déterminé à nouveau.

Là-dessus, on clôt le débat et la séance est levée.

Signé : Danckelmann, M. F. Iûmze, Lorey, C. Schuberg, von Berg, Hess, Schwappach, Horn, Viernstein, Nôrdlinger, von Kress, Weise.

1. Méthodes d'aménagement fort usitées en Allemagne et basées sur le calcul d’un taux de rendement normal ou taux indicateur ( Weiser procent) , c’est-à-dire, sur le rapport qui doit exister normalement entre raccroissement annuel de la forêt et le ma¬ tériel sur pied.

l’expérimentation forestière.

341

Deuxième séance tenue à Munich le 6 septembre 1882.

Sont présentes :

Les personnes qui ont pris part à la première réunion, plus M. le garde général Huber et M. l’assistant forestier Baumann.

Le protocole de la séance précédente est lu, approuvé et signé.

5 de l’ordre du jour :

Communication relative au projet d'organiser d’une façon uniforme

les observations « phénologiques 1 ».

(Rapporteur : M. le maître des forêts Weise, membre du bureau. Rapporteur en second: M. le professeur D1' Schwappach, de la station grand-ducale hessoise.)

Le rapporteur : Cette question nous a déjà plusieurs fois occupés, notamment et en dernier lieu à Baden-Baden ; mais, lors de la réu¬ nion tenue dans cette ville, les délibérations relatives à cet objet ont été rayées de l’ordre du jour, parce que le Congrès météorolo¬ gique international, qui se tenait à la même époque à Vienne, avait également inscrit à son ordre du jour l’établissement d’observations phénologiques et que nous voulions d’abord connaître les bases géné¬ rales qu’on adopterait audit Congrès. Il avait, en effet, paru. dési¬ rable et même nécessaire que l’Association acceptât, autant que possible, les décisions du Congrès. Celui-ci s’est borné à prescrire la rédaction d’un projet d’instruction générale et à confier le tra¬ vail à un comité spécial de trois membres, qui doit traiter la ques¬ tion par voie de conférences et veiller surtout à ce que les ob¬ servations n’embrassent pas un trop grand nombre de faits. A ce comité appartient M. le professeur Dr Ebermayer. Le bureau s’est adressé à ce savant pour apprendre en sont exactement les choses à l’heure qu’il est. M. le D1' Ebermayer a répondu que, jus¬ qu’à présent, le comité a rassemblé les instructions d’après les¬ quelles les observations phénologiques ont été exécutées dans diffé-

1. Pour Je sens de cette expression, voir ia tre partie, chapitre L

342 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

rents pays el a communiqué ces documents à chacun des trois membres, avec prière de les examiner en détail. Le comité espère qu’après avoir terminé ces travaux préparatoires, il pourra se réu¬ nir encore dans le courant de l’année pour jeter les bases du projet

d’instruction.

Le bureau propose d’attendre les résultats de ces pourparlers.

M. le professeur Dr Schwappach : Ce qui a suggéré l’idée de mettre à l’ordre du jour la question des observations phénolo- giques, c’est, le désir qu’on a eu, dans la Hesse, d entreprendre des observations de cette nature. Après avoir montré 1 importance de ce aenre de recherches au point de vue de la « statique » foi entière et* du traitement des bois, le rapporteur en second passe en ie\ ue les instructions déjà existantes. Entre autres reproches qu’il formule contre lesdites instructions, bien qu’en général elles méritent d’ètre

considérées comme bonnes, c’est d’abord qu’on n’y tient pas compte de l’exposition à laquelle est placé le sujet observé, ensuite que les observations n’y sont prescrites qu’en terrain découvert, enfin que le partage de l’année en saisons donne lieu à des critiques, comme il le fait voir par des exemples. 11 trouve aussi très désirable de faire des observations sur les orages et de s’entendre, sous ce rapport, avec les stations de météorologie générale, il ne veut pas qu’on tarde davantage, d’autant que la nouvelle instruction concoi- dera, pour toutes les parties essentielles, avec 1 instruction ba\a- roise et que le côté spécialement forestier y sera, sans doute, peu développé. 11 fait également remarquer que les formules imprimées ont- besoin d’une modification. Enfin, il pense qu on devrait instituei un journal et avoir recours à la représentation cartographique.

Le rapporteur en second, résumant sa manière de ^oii, expiime de nouveau le vœu que l’Association se décide à entreprendre des observations pliénologiques pour son compte et il est con\aincu qu’on pourra les commencer même avant que lmstiuction généiale

ait paru.

M. le maître des forêts D1 \ iernstein regrette 1 absence do M. le professeur Dr Ebermayer qui, sans cela, réfuterait immédiatement

1. Sur le sens de ce mot, voir l’Avant-propos.

L EXPERIMENTATION FORESTIERE.

343

les critiques formulées contre l’instruction bavaroise; d’ailleurs, il le fera certainement plus tard.

M. le professeur Kunze ne veut pas qu’on attende jusqu’à ce que l’instruction dont s’est occupé le Congrès de Vienne soit publiée, puisque la météorologie générale n’a pas spécialement en vue la science forestière:

M. le conseiller Horn croit cependant qu’il importe d’attendre l’instruction, car elle meltra fin à bien des divergences d’apprécia¬ tion, par exemple en ce qui concerne la première apparition des feuilles. Sous cette réserve, il voudrait aussi qu’on commençât immé¬ diatement.

Dans la suite de la discussion, on manifeste vivement le désir d’entreprendre, aussitôt que possible, les observations phénolo- giques et on propose de s’adresser à des spécialistes pour la solu¬ tion de certaines questions, comme, par exemple, celles qui sont du domaine de la botanique.

Le président exprime, à son tour, le désir que M. le professeur Dr Schwappach formule par écrit l’avis qu’il a exprimé et en fasse part à M. le professeur Dl Ebermaver. Il fait encore remarquer que, dans l’instruction prussienne, on tient compte de l’exposition à laquelle le sujet d’expérience est placé.

La discussion se clôt par une série de propositions parmi les¬ quelles les suivantes sont mises aux voix :

Différer la rédaction de l’instruction spéciale pour les obser¬ vations phénologiques forestières jusqu’à ce qu’ait paru l’instruction générale qu’on attend du Congrès des météorologistes. La pro¬ position est rejetée par 6 voix contre 2 (Bavière et Prusse).

Mettre à l’ordre du jour de la prochaine réunion de l’Associa¬ tion un projet d’instruction spéciale pour les observations phénolo¬ giques forestières. La proposition est adoptée par 5 voix contre 3 (Bade, Bavière, Hesse).

Une troisième proposition deM. Schuberg tend à faire nommer, dès maintenant, les rapporteurs qui soumettront à la prochaine réunion de l’Association un projet d’instruction sur les observations phénolo¬ giques forestières. Cette motion est considérée comme non avenue par le fait de l’adoption de la deuxième proposition.

23

ANN. SCIENCE AGRON.

344

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

6 de l’ordre du jour :

Examen de la question de savoir si V Association doit faire figurer dans le programme de ses travaux les recherches relatives aux procédés d'élagage et ci l’ utilité de celte opération.

(Rapporteur : M. le professeur Dr Hess, de la station grand- ducale hessoise).

L’élagage est déjà mentionné dans des ouvrages assez anciens, par exemple ceux de Moser, mais c’est seulement de nos jours que cette question a été reprise, et ce qui a contribué à lui donner de l’importance, c’est notamment l’extension de plus en plus grande donnée aux plantations et la théorie de l’exploitation par « coupes claires 1 » (Lichtungsbetrieb). Jusqu’à présent, les principales re¬ cherches faites à ce sujet, en Allemagne, sont celles de Pressler, ITartig, Alers, Tramnitz et autres.

Le rapporteur est d’avis de dresser un plan d’exécution sur les bases suivantes :

Les recherches devront être regardées comme intéressant toute l’Association.

11 faudra distinguer entre l’élagage des branches vives etl’élagage des branches mortes, mais c'est surtout l’ablation des branches vives

que l’on aura en vue. ,

Les expériences devront se restreindre aux essences principales; en ce qui concerne ces dernières, il y aura lieu de se rendre compte de la façon dont se fait le recouvrement de la plaie et de rechercher l’influence exercée par l’élagage sur l’accroissement en hauteur et en diamètre. Il conviendra de fixer les limites en deçà desquelles l’élagage est généralement avantageux.

Ces points ne sont pas encore suffisamment traités dans la litté¬

rature forestière.

L’époque de félagage quoique Robert Hartig de la question.

devra aussi faire l’objet d'investigations, ait déjà jeté de la lumière sur ce côté

1. En ce qui concerne le traitement par coupes claires, voir la lre partie, cha¬ pitre IV.

L EXPÉRIMENTATION FORESTIERE.

345

11 faudra également tenir compte de l’orientation des sections et examiner l’influence des différents instruments employés.

Il conviendra enfin de se préoccuper des effets de l’élagage au point de vue de la statique; par conséquent, on devra noter les frais de l’opération et constater la plus-value résultant de l’amé¬ lioration des fûts au point de vue de la longueur et peut-être du grossissement.

Tels sont les principaux objets à Comprendre dans un plan d’exé¬ cution.

Le rapporteur demande que l’Association des stations forestières allemandes veuille bien, en raison de l’importance scientifique de l’élagage, faire figurer aussi cette question dans la liste de ses tra¬ vaux et, pour cela, nommer dans son sein deux rapporteurs avec mission de lui soumettre, dans une de ses prochaines réunions, un plan d’exécution répondant au but poursuivi.

M. le maître des forêts D1' Viernstein formule les déclarations sui¬ vantes au nom de la Bavière :

Il y a lieu de faire entrer dans le cadre des recherches de l’Asso¬ ciation des expériences sur l’utilité de félagage et sur ses différents modes. La Bavière entreprendra tout au moins un certain nombre d’essais méthodiques. Elle tient aussi à ce qu’un plan d’exécution soit dressé aussitôt que possible. Elle accepte, en conséquence, la proposition du rapporteur et désire que la question vienne déjà en discussion à la prochaine réunion.

M. le professeur Schuberg a des craintes au sujet de la dépense; il n’a pas les pouvoirs nécessaires pour promettre que le grand-duché de Bade participera à ces travaux. Il lui paraît important que ceux- ci se restreignent à un petit nombre d’essences.

M. le conseiller Horn considère l’établissement d’un plan d’exé¬ cution comme désirable, afin que les expériences puissent, dans l’avenir, être faites d’une façon uniforme. Il serait bon que le nombre des essences étudiées ne fût pas trop réduit.

M. le professeur Dr Lorey reconnaît l’importance de la question, mais il craint la dispersion des forces et des moyens de la station qu’il représente. En conséquence, le Wurtemberg ne pourra guère non plus participer à ces travaux.

346

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

M. le professeur Kunze s’exprime dans le même sens. Il faudra, selon lui, laisser aux gardes généraux toute latitude pour l’exten¬ sion à donner aux expériences.

M. le garde général de Berg accepte la proposition au nom de l’Alsace-Lorraine.

M. le D’ Danckelmann ne croit pas que les expériences nécessi¬ teront une grande dépense ; il suffira qu’on fasse des essais dans le voisinage des stations. Les résultats obtenus sur un point quel¬ conque pourront être généralisés. L’orateur est d’avis que toute l’Association s’intéresse à cette étude. La Prusse s’en occupera.

président conclut, en résumé, que le rapporteur s’entende avec le rapporteur en second pour élaborer un plan d’exécution et le soumettre au bureau. Celui-ci le communiquera aux membres de l’Association et le fera figurer au prochain ordre du jour.

La proposition Hess est ensuite adoptée.

Le représentant de la station grand-ducale hessoise est nommé rapporteur et celui de la station de Brunswick rapporteur en second.

7 de l’ordre du jour :

Compte rendu de la situation des travaux de V Association.

(Rapporteur : M. le maître des forêts We.ise, membre du bu¬ reau.)

Les états de contrôle, arrêtés au 1er janvier 1882, montrent que les recherches relatives à la production à l’hectare ( Ertrags-Unter - suchungen ) se sont élevées, pendant l’année 1881, de 1,322 à 1,-435.

Les recherches sur le coefficient de forme sont montées de 36,660 à 40,677.

Les essais relatifs aux éclaircies comprennent 119 groupes de trois places chacun (Hauptflàchen) et 240 places isolées (. Einzel - flàchen). Cela fait en tout 597 places. D’après le relevé de l’année dernière, il n’y avait que 117 groupes de 3 places et 231 places isolées ; en tout, 582 places.

Les recherches sur les effets de l’enlèvement de la couverture des forêts sont restées au même chiffre que précédemment.

Les essais de repeuplement avec des essences indigènes sont

l’expérimentation forestière.

347

continués sur 115 groupes de places, soit 445 places en tout. Les documents particuliers, que quelques membres ont communiqués à ce sujet, leur sont restitués.

En ce qui concerne les essais de naturalisation d’essences étran¬ gères, le bureau n’a pas encore reçu de renseignements, mais il y aura lieu d’en fournir à dater de ce jour.

Le président rend compte des essais de cette nature effectués en Prusse.

Le Wurtemberg en a commencé avec Abies Douglasii et il con¬ tinuera prochainement avec Acer dasycarpum et saccharinum, Ca¬ rgo, alba, Jugions nigra et Quercus rubra.

M. le maître des forêts Dr Viernstein dit que, dans plusieurs can¬ tonnements de chacune des huit régences de la Bavière, on a entrepris des essais avec : Cargo alba, Cuprcssus lausoniana, Abies Douglasii et Pinus rigida. Les semis sont effectués. On est en train de faire la description exacte des terrains ensemencés. Les résultats observés seront consignés dans des sommiers.

M. le professeur Schuberg: Dans le pays de Bade, on se propose de faire des essais de naturalisation dans 16 cantonnements. Ils concerneront presque toutes les essences qui figurent au plan d’exé¬ cution.

M. le conseiller Horn : Dans le Brunswick, on a préparé des essais avec toutes les essences, en élevant dans des pépinières des plants dont quelques-uns ont déjà été extraits et mis en place. Les graines ont été fournies par M. Booth.

M. le garde général de Berg: En Alsace-Lorraine, on a choisi 7 essences dont 14 chefs de cantonnement ont reçu des graines.

M. le professeur Kunze : A Tharand, on a fait un essai avec Abies Douglasii, dans le voisinage de Leipzig. On en projette un autre avec Cary a alba .

8 de l’ordre du jour :

Fixation du lieu et de V époque de la prochaine réunion.

On choisit comme lieu de réunion Strasbourg, se tiendra, l’année prochaine, le Congrès des forestiers allemands. Les excur-

348

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

sions auront lieu dans le pays de Bade et dans le Wurtemberg, attendu que les travaux exécutés jusqu’à présent, en Alsace-Lor¬ raine, n’ont pas encore pris une extension suffisante.

Conformément aux statuts, la réunion coïncidera avec celle des forestiers allemands.

Signé : Danekelmann, G. Schuberg, Lorey, Viernstein, von Berg, M. F. Iùmze, Horn, Schwappach, Nôrdlinger, Hess, Huber, Weise.

ANNEXE IV.

ROYAUME DE BAVIÈRE

ARRÊTE du Ministre des finances en date du 27 avril 1875 organisant l’expérimentation forestière.

Avec le développement progressif de la science forestière, le be¬ soin s’est fait sentir d’examiner méthodiquement et d asseoir sur des bases scientifiques les doctrines qui, jusqu’alors, étaient nées prin¬ cipalement de l’empirisme.

C’est ce besoin qui a donné naissance à l’expérimentation et à la statistique forestières.

y

L’administration des forêts de l’Etat, en Bavière, a reconnu de bonne heure l’importance de ces investigations et a exécuté, sans interruption, depuis un grand nombre d’années, des recherches portant sur des points multiples.

Mais les expériences forestières entreprises en Bavière et dans d’autres États de l’Allemagne n’avaient point une base commune; elles n’étaient ni exécutées, ni examinées, quant aux résultats, d’a¬ près des vues uniques, ce qui leur enlevait beaucoup de valeur. L’idée naquit donc bientôt d’arriver au but poursuivi, d’une manière aussi parfaite que possible, en formant une association des stations de recherches forestières allemandes qui procéderait suivant une méthode uniforme.

l’expérimentation forestière.

349

Par une décision du 10 décembre 1874, Sa Majesté a daigné au¬ toriser la création d’un bureau de recherches forestières et l’entrée de celui-ci dans l’Association des stations d’Allemagne.

Grâce à la coopération des professeurs compétents et des autres représentants de la science, grâce aussi au concours des agents les plus capables du service extérieur, l’expérimentation et la statis¬ tique forestières seront conduites de façon à atteindre le but qui leur est assigné, savoir la solution approfondie des questions qui intéressent à la fois la pratique et la science pure.

r

Le personnel forestier de l’Etat trouvera une occasion de rendre des services et, en même temps, de perfectionner son instruction théorique et pratique. Aussi espère-t-on que, tout en continuant à remplir d’une manière complète ses autres devoirs professionnels, il apportera le plus grand soin aux questions de statistique et d’ex¬ périmentation.

En ce qui concerne l’organisation de ces deux branches de tra¬ vaux, il y aura lieu de se conformer rigoureusement aux indications suivantes :

1. Les travaux d’expérimentation forestière et ceux de sta¬ tistique que l’on doit y rattacher consisteront à faire des recherches rigoureuses, soit théoriques, soit pratiques, ayant pour but de dé¬ terminer les circonstances qui influent sur l’exploitation des forêts, de contrôler les faits d’expérience recueillis jusqu’à présent dans la gestion forestière et de donner des bases scientifiques aux ré¬ sultats obtenus. On devra, en outre, se livrer à des essais destinés à mettre à l’épreuve les doctrines établies au cabinet ; rechercher les moyens d’écarter les causes nuisibles à la production et de favo¬ riser le développement des facteurs qui lui sont propices ; dimi¬ nuer les dépenses, élever les recettes, etc. On pourra ainsi, non seulement calculer le rapport existant entre les frais de production et le rendement, mais encore le faire baisser et accroître ainsi le taux de rendement ( Uenlabilit'àt ) des forêts.

L’expérimentation forestière doit enfin tendre à assurer la conser¬ vation des forêts et à établir l’influence locale ou générale qu’elles peuvent avoir sur le climat.

2. Par conséquent, sont du domaine de l’expérimentation :

350

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

a) Les recherches purement pratiques relatives à l’exploitation des forêts ;

b) Les recherches purement scientifiques ;

c) L'application des résultats obtenus aux règles d’exploitation et d’administration.

On voit, d’après cela, que la tache de l’expérimentation se décom¬ pose en deux parties :

I. L’une relative à l’économie forestière ;

IL L’autre concernant les sciences naturelles appliquées aux forêts.

’I. La première partie se subdivise son tour en :

a) Travaux purement pratiques, tels que : essais de repeuple¬ ments, épreuves d’outils, etc.;

b) Études technologiques relatives aux qualités techniques des bois, à la construction des appareils, etc.;

c) Travaux de statistique forestière, à propos desquels on exa¬ minera les questions d’économie politique qui touchent aux forêts ;

d) Recherches ayant trait à la statique ou aux mathématiques fo¬ restières, par exemple celles qui sont relatives à l’accroissement des arbres vivant en massifs ou isolés, et celles qui concernent l’é¬ tablissement de tables de cubage et de production.

IL La partie du programme ayant trait aux sciences naturelles appliquées aux forêts comprendra des expériences physiologiques, physico-chimiques, géognostiques, zoologiques, météorologiques, etc...., qu’il faudra contrôler scientifiquement dans le but d’en tirer des conséquences et des règles au point de vue de l’exploi¬ tation des forêts. Dans cette catégorie, se rangent les recherches sur les effets des éclaircies et de l’enlèvement de la couverture du sol, sur l’accroissement des arbres en volume et en hauteur sur l’importance des forêts au point de vue du climat, etc.

3. L’expérimentation forestière de Bavière se rattache d’une façon permanente à V Association des stations forestières d’Alle¬ magne et elle prendra part aux travaux qui auront été décidés, d’un commun accord, avec cette association.

4. Le service de l’expérimentation et de la statistique fores¬ tières fait partie intégrante de Y administration des forêts.

l’expérimentation forestière.

351

Pour établir l'unité dans la direction et V exécution, il sera ins¬ titué au ministère des finances , parallèlement au bureau des amé¬ nagements, une division spéciale ayant le nom de bureau dr expéri¬ mentation et de statistique forestières.

Le chef de cette division sera un agent supérieur des forêts atta¬ ché, dans ce but, au ministère des finances ; il aura un adjoint et on pourra, plus tard, le cas échéant, lui accorder d’autres auxi¬ liaires pour les travaux de longue haleine.

La direction supérieure de toute l’expérimentation reste dévolue au ministre des finances, duquel émaneront toutes les prescriptions et instructions d’ordre général.

5. Une station académique, composée des professeurs de toutes les branches de l' enseignement forestier et considérée comme une section du bureau d’ expérimentation, aura pour mission d'exécuter en toute indépendance les travaux dont elle se sera chargée, sur la proposition du bureau, et de soumettre et un examen scientifique les expériences faites en forêt.

Un des membres de celte station académique est choisi comme directeur par ses collègues et il lui est attribué, si besoin est, un « assistant » spécial.

6. La station académique forme deux sections :

a) La section forestière proprement dite, dirigée par un professeur d'économie forestière ;

b) La section des sciences naturelles appliquées aux forêts, diri¬ gée, en général, par un professeur de chimie agricole .

''7. Tous les professeurs, comme aussi tous les représentants de la science, sont autorisés à prendre part aux travaux confiés à la station académique, sauf à s’entendre à ce sujet avec le chef de la section intéressée. Ils pourront, dans certains cas, recevoir des indemnités pour leur coopération. Les propositions des chefs de section relatives aux recherches ou aux expériences à installer de¬ vront être soumises au bureau d’expérimentation, pour recevoir l’autorisation supérieure quand elles entraîneront des dépenses ou qu’elles nécessiteront le concours du personnel forestier.

8. Pour ce qui est des recherches à exécuter totalement ou partiellement en forêt (art. 2, n03 1 et II), les places d’expérience per-

352

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

manentes ou temporaires seront autorisées par le ministre des finances, sur la proposition du chef du bureau central, après avis des régences intéressées.

Lorsque des gardes généraux auront reçu l’ordre d’exécuter des expériences, ils devront le faire avec exactitude et conformément aux instructions transmises. On leur adjoindra, en nombre suffisant, des assistants forestiers et des aides-gardes d’une aptitude reconnue.

C’est surtout aux gardes généraux qui auront demandé d’eux- mêmes à entreprendre des recherches que l’on devra confier des

travaux de cette nature.

9. Si des communes, des établissements publics ou d’autres grands propriétaires de forêts offrent leurs services pour l’exécution de recherches isolées, ils devront suivre strictemenUes plans géné¬ raux d’exécution adoptés par le bureau.

10. Le chef de ce bureau et les chefs de section de la station académique forment un comité permanent qui, sur la proposition motivée d’un de ses membres, se réunit de temps en temps et pro¬ cède à des discussions générales pour examiner les travaux en cours d’exécution et prendre des décisions.

La présidence du comité appartient au chef du bureau d’expé¬ rimentation.

11. Quand il s’agit de questions très importantes, le ministre des finances convoque, dans le même but, un comité plus nom¬ breux composé des membres du comité permanent et des agents su¬ périeurs des forêts attachés au ministère des finances, avec adjonc¬ tion des professeurs dont h enseignement touche de près ou de loin à la sylviculture, ainsi que de certains agents forestiers du service extérieur.

La présidence de ce grand comité est exercée par le fonctionnaire rapporteur des affaires forestières au ministère des finances ou, à défaut de celui-ci, par l’un des conseillers des forêts.

A moins qu’un rapporteur spécial n’ait été désigné, le chef du bu¬ reau central doit , et chaque session, fournir au comité un rapport sur l’état de l’expérimentation et diriger les débats que ce rapport peut motiver.

12. Après chacune des séances du comité permanent ou du

l’expérimentation forestière.

353

grand comité, les débats et les résolutions arrêtées à la majorité des voix font l’objet d 'un 'procès-verbal que le président soumet au ministre des finances, afin que les décisions prises puissent être exa¬ minées et approuvées.

13. Les recherches autorisées sont exécutées sous la direction du bureau d’ expérimentation et sous la responsabilité du chef de ce bureau. Ce fonctionnaire entre alors eij relation avec les bureaux forestiers des provinces, il se met également en rapport avec d' autres stations de recherches , avec des sociétés, des établissements scien¬ tifiques ou des particuliers ; s'assure que les expériences ont été con¬ duites suivant les plans d'exécution prescrits , enfin s'occupe de la vérification et de U utilisation des matériaux recueillies.

Le chef du bureau d’expérimentation ou ses remplaçants reçoi¬ vent du ministre des finances des instructions spéciales, soit pour représenter le bureau dans les réunions de l’association des stations forestières d’Allemagne, soit pour inspecter les places d’expérience avec l’un des agents forestiers attachés à la régence provinciale in¬ téressée et le maître des forêts local.

14. Les gardes généraux et les maîtres des forêts doivent bon- sidérer comme des affaires de service les travaux d’expérimentation, ainsi que les relevés statistiques à effectuer dans les forêts doma¬ niales et dans les limites de leurs circonscriptions respectives. Pour les travaux importants, on leur donnera, en cas de besoin, comme auxiliaires, des aides-gardes et des « assistants de maîtrise », qui trouveront ainsi l’occasion de perfectionner leur instruction théorique.

Dans les notes à donner au personnel forestier, on signalera les employés qui se seront distingués dans les travaux d’expérimentation et de statistique par leur zèle, leur aptitude et leur dévouement à la cause scientifique.

15. L’agent forestier chargé d’une expérience l’exécute en toute indépendance, sous réserve de contrôle ; il en rassemble les résultats et les envoie avec tous les documents au bureau fores¬ tier provincial pour qu’ils soient soumis à une première vérifi¬ cation et transmis ensuite au bureau central d’expérimentation.

Les travaux de la station académique ou de ses sections sont envoyés directement à ce dernier bureau.

354

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

16. Les résultats de toutes les recherches forestières exécu¬ tées aux frais de l’administration des forêts ne peuvent être publiés qu’avec l’agrément du ministre des finances.

17. Le règlement des dépenses se fait à l’aide de crédits spé¬ ciaux ouverts suivant les formes prescrites pour les dépenses d’ex¬ ploitation.

Munich, le 27 avril 1875.

Pour le Secrétaire général,

Signé : de Berr. Conseiller du Gouvernement,

Signé : Lurer.

*

Par un arrêté du même jour, M. Auguste Ganghofer, maître des forêts, a été nommé chef du Bureau d’expérimentation et de statis¬ tique forestières et M. le Dp Laurent Viernstein, assistant de maîtrise, lui a été donné comme adjoint.

ANNEXE IV bis.

ROYAUME DE BAVIÈRE

ARRÊTÉ du Ministre des finances en date du 30 dé¬ cembre 1882 modifiant l’organisation de l’expéri¬ mentation forestière.

En exécution de l’article 12 de l’ordonnance royale du 21 août 1881, relative à l’enseignement forestier dans le royaume de Ba¬ vière, le ministre des finances, de concert avec son collègue de l’in¬ térieur, de l’instruction publique et des cultes, a réglementé comme il suit le service d’expérimentation forestière institué à Munich.

Art. 1er. La station de recherches forestières a pour mission : De contribuer au progrès de la science forestière par tous les moyens en son pouvoir, et spécialement de coopérer à la détermi-

l’expérimentation forestière.

355

nation méthodique des lois de la production ligneuse dans le royaume de Bavière ;

De compléter renseignement forestier théorique au moyen d’exercices pratiques et de démonstrations à exécuter soit dans les laboratoires, les collections et le jardin forestier, soit dans des excur¬ sions au dehors, comme aussi de guider les étudiants dans leur re¬ cherches individuelles relatives à l’économie forestière et au traite-' ment des bois.

En ce qui concerne les travaux ayant pour but l’avancement de la science forestière en général, la station se met en rapport avec l’Association des stations d’expériences allemandes (voir art. 5, § 6 b, et art. 16).

Art. 2. La station de recherches forestières se divise en deux sections, savoir :

La section forestière proprement dite ;

La section de l’histoire naturelle appliquée aux forêts.

Cette dernière se partage elle-même en deux sous-sections, dont l’une s’occupe de l’analyse chimique des sols et de la météorologie forestière, tandis que l’autre s’attache aux questions de botanique forestière.

Ces deux divisions de la 2e section se répartissent entre elles les différentes recherches d’histoire naturelle qui touchent à la svlviculture.

Chacune des trois sections susmentionnées est dirigée en toute indépendance par un professeur spécialement désigné à cet effet et choisi parmi les représentants de l’enseignement forestier à l’univer¬ sité. En règle générale, ce sera le titulaire du cours principal corres¬ pondant.

Les chefs de section sont responsables de la bonne exécution des recherches qui rentrent dans leur spécialité au point de vue soit de l’enseignement, soit de l’expérimentation, et qui leur ont été confiées par le minisire des finances ou qu’ils ont spontanément entreprises.

Chaque année, on prélève sur le budget de l’enseignement fores¬ tier et sur le produit des cotisations à payer par les étudiants, con¬ formément à l’article 17, une certaine somme qu’on alloue à chacun

356

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

des chefs de section pour assurer le fonctionnement de l’expéri¬ mentation et pour compléter les collections, la bibliothèque cou¬ rante, etc.... Les chefs de section ne peuvent pas, de leur propre autorité, dépasser les crédits ainsi accordés.

Un « assistant » sera adjoint à chaque chef de section par le mi¬ nistre des finances. Sous réserve des dispositions contenues dans les articles 6 à 9, les chefs de section jouiront du droit de présen¬ tation à l’égard de ces assistants.

Pour l’exécution des recherches et expériences qui leur sont con¬ fiées, les chefs de section et, s’il y a lieu, leurs représentants, sont autorisés à correspondre directement avec les bureaux forestiers des régences et avec les agents forestiers du service extérieur (chefs des maîtrises et des cantonnements); les correspondances de celte espèce seront revêtues du timbre officiel de la station.

Art. 3. Afin d’atteindre le but de l’institution, les professeurs de l’université chargés de l’expérimentation forestière et leurs as¬ sistants auront à leur disposition le bâtiment nouvellement construit près de l’université, lequel comprend des amphithéâtres, des labo¬ ratoires, des collections, des bibliothèques courantes et autres ob¬ jets mobiliers. Ce bâtiment est entouré d’un jardin forestier affecté aux essais de semis et plantations et aux démonstrations de bota¬ nique forestière. La station peut aussi, dans le même but, utiliser: un laboratoire de chimie forestière établi dans le bâtiment même de l’université ; l’amphithéâtre qui est contigu â ce laboratoire.

Art. 4. Les amphithéâtres et les collections existant dans le bâtiment propre de la station pourront aussi être utilisés, dans cer¬ tains cas, par les autres professeurs de l’université pour y faire leurs cours ou les conférences et exercices pratiques qui se ratta¬ chent à leur enseignement.

Quant à la question de savoir, dans chaque cas particulier, si et jus¬ qu’à quel point les locaux et le matériel de la station devront, tem¬ porairement et pour les besoins de l’enseignement, être mis à la disposition des professeurs de Luniversité non spécialement chargés de l’expérimentation forestière, elle est tranchée par le ministre des finances, sur la proposition des membres de la station, après une décision préalable prise par ceux-ci réunis en assemblée collégiale.

l’expérimentation forestière. 357

Art. 5. - La direction de tout l’établissement est exercée par le chef de la station.

Celui-ci sera choisi parmi les professeurs de renseignement fo¬ restier de l’université et nommé pour une durée de 3 ans. Dans les cas d’empêchement, le ministre des finances lui désignera un suppléant.

Le rôle du chef de la station est de :

Pourvoir à l’entretien du bâtiment de la station, veiller à ce que tout soit en ordre dans les différents locaux et prendre les mesures nécessaires pour assurer le chauffage, l’éclairage et le net¬ toyage des diverses parties du bâtiment, auxquelles fins un con¬ cierge est placé sous ses ordres ;

Veiller, de concert avec les chefs de section, au bon état du jardin forestier ainsi que des collections et instruments placés dans l’établissement;

S’entendre avec les autres professeurs chargés de l’expérimen¬ tation pour établir le budget des dépenses, en ce qui concerne tout à la fois les besoins généraux de la station et les crédits spéciaux mis à la disposition des différents chefs de section pour exécuter des recherches, compléter les collections et les bibliothèques cou¬ rantes ;

Vérifier et arrêter tous les comptes relatifs aux dépenses géné¬ rales de la station, certifier la réception des travaux exécutés et des fournitures faites, enfin s’assurer que les objets acquis ont été in¬ ventoriés et qu’ils figurent sur les pièces de dépenses avec leurs numéros d’inventaire respectifs. De leur côté, les chefs de section examinent, vérifient et arrêtent, de la même manière, les comptes relatifs aux dépenses effectuées sur les crédits qui leur ont été res¬ pectivement accordés ;

Mandater sur la caisse centrale du royaume toutes les dépenses reconnues et arrêtées, en rappelant la nature ainsi que le montant du crédit, alloué et en ayant soin d’observer les prescriptions sur le mode d’ordonnancement qui pourront être édictées, dans la suite, par des décisions spéciales ;

Effectuer la correspondance de service :

a) Avec le ministre des finances ;

annales de la science agronomique.

358

b) Avec les stations de recherches forestières des autres États allemands et avec le bureau de l’association formée par ces stations, mais seulement pour ce qui concerne l’établissement ainsi que l’ap¬ plication des programmes d’expériences, la mise en œuvre des ré¬ sultats obtenus, etc.... Le ministre des finances se réserve de corres¬ pondre avec ledit bureau pour toutes les questions qui sont de sa compétence ;

Faire les rapports nécessaires et, notamment, présenter ceux que les chefs de section devront dresser, aux époques à fixer ulté¬ rieurement par le ministre des finances, sur la situation des travaux de recherches en cours d’exécution ;

Représenter la station au dehors, soit sans mandat spécial, soit après avoir reçu du ministre des finances des instructions parti¬ culières (cf. art. 1er, in fine ; art. 5, § 6 b, et art. 16).

Art. 6. La section forestière de la station a pour chef le professeur chargé d’enseigner le cubage des bois et l’expérimentation forestière.

Ce professeur est conservateur des collections d’instruments et d’appareils à lui confiés et inventoriés par ses soins ; il est, de plus, bibliothécaire pour l’ensemble de la bibliothèque forestière courante. Par suite de cette double fonction, il doit, dans la limite des crédits spéciaux alloués chaque année, procéder aux acquisitions de livres et d’objets de collection jugées opportunes, et c’est par son intermé¬ diaire que, dans le même ordre d’idées, les demandes faites par les autres professeurs de l’enseignement forestier recevront satisfac¬ tion dans la mesure du possible.

Le chef de la section forestière est tenu de s’occuper des « candi¬ dats forestiers », ainsi que des préposés du service actif qui doivent être employés dans le service extérieur à l’expérimentation fores¬ tière ; il leur donnera une instruction théorique et pratique, soit en les associant aux travaux de recherches entrepris à la station même sous sa direction, soit en les utilisant au dehors, suivant les besoins.

Dans les diverses fonctions énumérées précédemment, il sera se¬ condé par son assistant spécial qui, en règle générale, sera pris dans le personnel de l’administration forestière bavaroise et qui, pendant la durée de son emploi à la station, conservera son rang et son grade administratifs.

359

l’expérimentation forestière.

Quant aux aides supplémentaires qu’il pourra y avoir lieu de donner au chef de la section forestière, en sus de cet assistant, pour exécuter les travaux de recherches en forêt ou pour élaborer les matériaux fournis par les expériences, ils seront demandés au ministre des finances par le chef de la station.

Art. 7. Le chef de la sous-section d’analyse chimique des sols et de météorologie forestière est le professeur de l’ université chargé d’enseigner l’art de déterminer la composition des terrains boisés.

Il est conservateur du laboratoire de chimie installé dans le b⬠timent de l’université pour le service de l’enseignement forestier, ainsi que des collections relatives à l’étude des sols et à la météo¬ rologie ; ces dernières seront inventoriées par ses soins. Il est, de plus, bibliothécaire de la bibliothèque courante qui lui est accordée. Par suite de ces deux fonctions, il doit, dans la limite des crédits spéciaux qui lui sont alloués chaque année, effectuer pour la bi¬ bliothèque, les collections, etc..., les acquisitions nouvelles jugées opportunes.

A ce chef de section revient la mission de diriger à son gré tous les travaux de recherches rentrant dans le cadre de son enseigne¬ ment, notamment d’installer et de diriger le service des observa¬ tions de météorologie et de phénologie forestière ; il est, en même temps, chargé de faire exécuter chaque année, aux étudiants fores¬ tiers, des travaux pratiques sur l’analyse des sols et la météorologie.

Dans les diverses fonctions qui viennent d’être énumérées, le chef de la section dont il s’agit est secondé par un assistant, qui doit connaître les sciences naturelles. Ledit assistant peut, sous la ré¬ serve de cette condition, appartenir à l’administration des forêts ba¬ varoise ; dans ce cas il conserve, pendant la durée de son séjour à la station, son rang et son grade administratifs.

Art. 8. La sous-section de botanique a pour chef le professeur de l’université chargé d’enseigner la botanique forestière et d’exécuter les travaux d’expérimentation se rapportant à cette science.

Ledit chef de section est conservateur du laboratoire de bota¬ nique existant dans le bâtiment de la station, des microscopes et autres instruments dûment inventoriés qui sont mis à sa disposition, enfin de la collection dendrologique et des préparations de pathologie

ANN, SCIUNCL AGRON.

24

3G0 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

végétale. Il est aussi responsable de la bibliothèque courante de bo¬ tanique qu’on lui a attribuée. Il doit, en outre, avec les crédits qui lui sont alloués chaque année, pourvoir aux acquisitions jugées convenables pour la bibliothèque et les autres collections de sa section.

Une partie du jardin contigu au batiment de la station lui est abandonnée pour des recherches et des démonstrations de bota¬ nique forestière. Il dirige en toute indépendance les travaux d’ex¬ périmentation qui rentrent dans le domaine de son enseignement. Il est enfin chargé de faire exécuter chaque année, aux étudiants tores- tiers de l’université, des travaux pratiques de botanique forestière.

Dans toutes les fonctions qui viennent d’ètre énumérées et parti¬ culièrement dans l’accomplissement des recherches, le chef de la sous-section dont il s agit sera, comme ses collègues, secondé pai un assistant. Ce dernier devra connaître l’histoire naturelle; si, tout en remplissant cette condition, il appartient à l’administration forestière bavaroise, il conservera son rang et son grade adminis¬ tratifs pour la durée de son emploi a la station de îecbeiches.

Art. 9. Le professeur de l’université chargé d’enseigner les lois de la production forestière prend aussi part aux travaux d expérimenta¬ tion. Il est membre de la section forestière de la station et sert de con¬ seil technique pour les deux divisions de la section d histoire natm elle.

Ce professeur a la direction de la partie du jardin forestier affectée à l’enseignement de la sylviculture et aux démonstrations pratiques. Il est, en même temps, conservateur des collections relatives à son enseignement qui se trouvent dans le batiment de la station.

Il est aussi chargé, sous sa responsabilité, de diriger les recher¬ ches et expériences rentrant dans son enseignement et qui lui sont confiées par qui de droit.

Suivant les besoins, le ministre des finances mettra à sa dispo¬ sition des auxiliaires temporaires capables de le secondei dans 1 exé¬ cution des travaux de recherches. .

Enfin, ce professeur doit, chaque année, faire faire aux étudiants forestiers inscrits a l’uni versi te des exercices pi a tiques convena¬ blement choisis sur les matières de son enseignement.

Art. 10. Si, en outre des professeurs chargés de l’expérimen¬ tation et de leurs assistants, il y a lien de convier à l’exécution de

L EXPERIMENTATION FORESTIERE.

o / *

61

travaux de recherches d’autres hommes de science, ou si quelques-uns de ces derniers s’offrent spontanément, soit pour entreprendre, d’une manière indépendante, certains travaux, soit pour participer à des re¬ cherches déjà en voie d’exécution, il en est délibéré dans les séances prévues par l’article i l. Un rapport basé sur les résolutions prises par cette voie est adressé au ministre des finances, qui se prononce sur la suite à donner à l’affaire.

Art. 11. Les membres de la station se réunissent en comité pour délibérer sur les affaires intérieures de l’établissement et prennent, chacun avec le même droit de suffrage, des décisions sur les sujets examinés. En cas de partage des voix, celle du chef de la station est prépondérante.

Parmi les sujets de délibérations figurent, eu premier lieu, les pro¬ positions du chef de la station tendant à obtenir les crédits néces¬ saires chaque année pour subvenir à l’entretien du bâtiment de la sta¬ tion, du jardin forestier et des laboratoires, ainsi que pour entretenir et compléter d’une manière convenable les collections, bibliothèques courantes et autres objets mobiliers des trois sections (cf. art. o).

Feront aussi l’objet des délibérations du comité tous les travaux d’expérimentation qui exigent le recours aux crédits budgétaires et l’emploi du matériel de la station, particulièrement ceux qui sont exécutés d’après des plans déterminés et qui sont à la fois de la compétence de plusieurs membres de la station. Ces travaux seront déjà discutés avant leur mise en train, puis, s’il le faut, pendant leur exécution. Us le seront également après leur achèvement au point de vue de l’élaboration des matériaux recueillis et de la publication des résultats obtenus.

Chacun des professeurs de l’université entre lesquels sont répartis les travaux d’expérimentation, conformément aux articles 6 à 9 du pré¬ sent statut, a le droit de provoquer une délibération du comité sur les sujets qui sont du domaine de son enseignement ou de s esrecherches.

Quand les délibérations doivent porter sur des questions relatives à l’exécution des travaux d’expériences, le chef de la station peut, de sa propre autorité ou sur la demande des autres chefs de section, appeler aux séances du comité les assistants eux-mêmes, soit isolé¬ ment, soit tous ensemble, et leur accorder voix délibérative.

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Art. 12. Les résolutions prises par les membres de la station réunis en comité en vue de demander les crédits permanents des¬ tinés à assurer le fonctionnement de la station, sont soumises im¬ médiatement à l’approbation du ministre des finances par le chef de la station. Quand les demandes de crédit concernent en même temps des questions d’enseignement, la décision du ministre des finances allouant les fonds est prise après entente préalable avec le ministre de l’intérieur, de l’instruction publique et des cultes.

Art. 13. Lorsque les travaux de recherches exigent la coopé¬ ration d’agents forestiers ou l’emploi d’auxiliaires à prendre parmi les préposés, ou Lien lorsque la dépense est à imputer sur le fond des exploitations, il y a lieu d’adresser un rapport au ministre des finances. Ce rapport est rédigé après que le comité a délibéré sur le mode d’exécution des travaux, ainsi que sur l’élaboration des matériaux recueillis et la publication des résultats obtenus.

Art. 14. Le ministre des finances se réserve de prendre l’avis des membres de la station au sujet de l’exécution de recherches et d’expériences forestières et de les convoquer en séance pour qu’ils délibèrent sur des questions importantes d’expérimentation.

Art. 15. Les membres de la station reçoivent, pour le service

qui leur incombe de ce chef, un traitement annuel.

En cas de déplacements de service comme en cas de missions, ils toucheront, en outre, les indemnités réglementaires et on leur rem¬ boursera leurs frais de voyage effectifs (y compris les frais de trans¬ port des instruments, etc...). Dans certaines circonstances, au lieu de leur attribuer les indemnités réglementaires et de leur rem¬ bourser après coup les frais de voyage, on pourra leur faire des avances de fonds.

Le ministre des finances se réserve d’accorder aux membres de la station des gratifications exceptionnelles pour leurs travaux d’ex¬ périmentation, lorsque ces travaux nécessiteront une dépense de- temps et d’argent hors de proportion avec le traitement spécial touché par ces fonctionnaires.

Art. -16. C’est le chef de la station ou son suppléant qui représente normalement cette institution aux réunions périodiques de l’associa¬ tion des stations de recherches forestières allemandes (cf. art. 5, § 6 b).

l'expérimentation forestière.

363

Les chefs de section peuvent aussi être chargés d’assister aux séances de ladite association lorsqu’on doit y discuter des questions importantes rentrant dans le cadre de leurs travaux. Si plusieurs membres de la station sont délégués à une réunion de l’association et qu’on y ait, en. outre, envoyé un membre du bureau central des forêts, chaque délégué vote sur les questions de l’ordre du jour visées dans son mandat et il dépose un bulletin soit au nom de la station, soit, le cas échéant, au nom de l’administration forestière bavaroise.

Art. 17. Les étudiants forestiers qui, après avoir régulière¬ ment achevé leurs études à Aschaffenbourg, viendront à l’université

F

de Munich pour se préparer au service forestier de l’Etat, suivront gratuitement les démonstrations et les exercices pratiques exécutés par les divers membres de la station de recherches et par leurs assistants dans les laboratoires, dans le jardin forestier ou dans les excursions. Néanmoins, ces candidats forestiers auront à verser à la caisse de Funiversiié une cotisation de 6 marcs par semestre, pour consommation de réactifs dans les laboratoires, ainsi que pour dégradation d’appareils et instruments de toute nature.

Les étudiants non aspirants au service forestier de l’État sont également admis aux démonstrations et exercices dont il s’agit; mais il faut pour cela qu’ils se soient fait inscrire comme devant suivre, pendant le semestre correspondant, les leçons et les exer¬ cices pratiques du professeur intéressé, et qu’ils aient versé à la caisse de l’université une redevance de 12 marcs par semestre pour l’entretien des instruments et appareils, ainsi que pour l’achat de substances chimiques, etc....

En outre, les chefs de section sont autorisés à percevoir de tous les étudiants, sans exception, qui prennent part aux exercices pra¬ tiques dans les laboratoires de la station, une taxe individuelle de 1 marc pour le garçon de laboratoire.

Art. 18. Les cotisations versées par les étudiants à la caisse de l’université, en vertu des dispositions de l’article précédent, se¬ ront réparties entre les trois sections de la station. A moins qu’une décision contraire n’intervienne à ce sujet, la section de météoro¬ logie recevra 45 p. 100, celle de la botanique 35 p. 100 et celle de sylviculture 20 p. 100.

364

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

x\rt. 19. Tous les étudiants forestiers de l’université, ainsi que les aspirants au service forestier qui se seraient fait inscrire à la station de recherches uniquement pour suivre les exercices pra¬ tiques, sont autorisés à emprunter des livres aux trois biblio¬ thèques courantes de la station. Cependant, les conservateurs de ces bibliothèques peuvent retirer provisoirement de la circula¬ tion des ouvrages qui seraient momentanément, indispensables soit pour l’enseignement, soit pour les exercices pratiques; ils peuvent aussi réclamer aux détenteurs les ouvrages dont il s’agit avant que le délai habituel de prêt (fixé «à 4 semaines) soit arrivé à son terme. Les livres deslinés à être emportés hors du batiment de la station ne seront délivrés que contre reçu.

En outre, il existe dans l’intérieur de la station une salle de lec¬ ture dans laquelle seront déposées et mises à l’entière disposition des étudiants les publications périodiques les plus importantes re¬ çues par les trois bibliothèques courantes. Mais il est. Lien entendu que lesdit.es publications séjourneront, tout d’abord, pendant un temps convenable (ordinairement 10 jours), dans la salle de lecture des professeurs, un numéro quelconque devant, en règle générale, y rester jusqu’à l’arrivée du suivant.

L’entrée de la salle de lecture est permise aux candidats forestiers dans les conditions à déterminer par le chef de la station.

Art. 20. La comptabilité et la manutention des fonds de la station seront, confiées à la caisse centrale du royaume et feront l’objet d’un règlement que le ministre des finances se réserve de prendre par décision spéciale.

Art. 21. Le présent statut entre en vigueur à partir du jour de sa publication et annule les prescriptions contraires des deux décisions du 27 avili 1875, nos 6,566 et 6,568, concernant l’expé¬ rimentation et la statistique forestières.

Munich, le 30 décembre 1882. D1’ de Rîedel.

Le Secrétaire général , conseiller ministériel ,

Seissed.

Par une ordonnance royale en date du 6 janvier 1883, portée à la connaissance du service forestier par un arrêté ministériel du 8

l’expérimentation forestière.

365

du même mois, M. le Dr François Baur, professeur à F université, a été nommé chef de la station de recherches forestières de Munich pour une durée de 3 ans, de 1883 à 1885.

En cas d’empêchement, il sera remplacé par M. le D1’ Charles Gayer, également professeur à F université.

Les chefs des trois sections composant la station sont :

Pour la section forestière proprement dite, M. le Dr François Baur, dont il vient d’être-parlé ;

Pour la sous-section de chimie et météorologie, M. le D' Ernest Ebermayer, professeur à l’université ;

Pour la sous-section de botanique, M. le Dr Robert Hartig, éga¬ lement professeur à l’université.

Les fonctions dont il est question à l’article 9 de l’arrêté minis¬ tériel du 30 décembre 1882 sont dévolues à M. le D1 Charles Gayer.

ANNEXE Y.

ROYAUME DE BAVIÈRE

TABLE AlU des résultats fournis par les places d’ex¬ périence établies dans le cantonnement de Schro- benhausen en vue d’étudier le rendement du pin sylvestre.

Les parcelles du cantonnement de Sohrobenhausen dans lesquelles ont été installées les places d’expérience sont situées à une ail itudé d’environ 450 mètres, en terrain presque partout complètement plat. Le sol est formé par un épais dépôt de sable diluvien mélangé d’une proportion convenable d’argile ; il est, par conséquent, très propre à la culture forestière. Le pin sylvestre, qui se présente tantôt en massifs purs, tantôt en mélange avec l’épicéa, doit être considéré comme étant dans sa véritable station ; aussi ne laisse- t-il absolument rien à désirer tant sous le rapport de la forme des arbres qu’au point de vue du rendement en matière.

Les places d’expérience désignées ci-après et destinées à des re¬ cherches sur le rendement de cette essence ont été installées en 1878. Depuis, on n’y a pas fait de nouvel inventaire.

366

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE

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Toutes les places d'expérience ont une surface de 25 ares et sont en général des carrés de 50 mètres de côté.

l’expérimentation forestière.

367

ANNEXE Y bis.

ROYAUME DE BAVIÈRE

TABLEAU des résultats fournis par les places d’ex¬ périence établies dans la forêt de Sachsenried en vue d’étudier le rendement de l’épicéa.

La forêt de Sachsenried, d’une étendue de 4,000 hectares, est située à une attitude moyenne de 750 à 800 mètres. Elle repose sur le haut plateau qui est compris entre le Lech et la Wertach et dont quelques vallées, se dirigeant du Sud au Nord, rompent seules l’uniformité.

Les peuplements sont portés par un sol argilo-sableux, humide, provenant de dépôts diluviens.

L’humidité considérable de l’atmosphère contribue non moins que la fertilité de la terre végétale à donner à l’épicéa une croissance remarquable. La couverture du sol est généralement formée par des mousses ; mais lorsque les peuplements, en prenant de l’âge, vien¬ nent à s’éclaircir, le terrain est envahi par une végétation herbacée très vigoureuse qui rend presque toujours fort difficiles les essais de régénération naturelle.

Les places d’expérience qui figurent dans le tableau ci-après ont été installées en 1879 ; depuis cette époque, on y a pratiqué une éclair¬ cie portant exclusivement sur les bois morts. Les produits résultant de cette extraction ont été inscrits dans l’avant-dernière colonne du tableau.

368

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE

l’expérimentation forestière.

369

!

370

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

ANNEXE VI

PROCÉDÉ employé par l’Association des Stations de recherches allemandes pour cuber le « peuplement principal > » des places d’expérience.

Ce procédé, qui n’est d’ailleurs applicable qu’aux peuplements réguliers, repose essentiellement sur la notion de la tige moyenne d’un peuplement ; il est donc indispensable de bien définir ce qu’on entend par cette expression avant d’exposer la théorie du procédé lui-même.

Considérons un peuplement régulier composé de N tiges. Par définition, la tige moyenne devra être telle qu’il suffise d’en multi¬ plier le volume par N pour obtenir le volume total V du peuple¬ ment. La grosseur (diamètre ou circonférence) de cette tige moyenne est facile à déterminer. En effet, toutes les liges du peuplement ayant été réparties, d’après leur diamètre, en diverses catégories, dif cl, d3, etc., nous désignerons par n4, n2, ws, etc., le nombre des tiges des catégories successives et par s17 s2, s3, etc... leur « surface terrière1 », par 5 la surface terrière de la tige moyenne et S la sur¬ face terri ère du peuplement tout entier.

Comme le peuplement est régulier, on peut admettre que les tiges de toutes les catégories ainsi que la tige moyenne ont même hauteur H et même « coefficient de forme » F. Dès lors, le volume total du peuplement (somme des volumes des tiges des diverses ca¬ tégories) se présente sous la forme :

V = SjH Fîii -4- s2HF^2 -h S3HF/I3 -+-... etc.

Mais on a aussi par définition :

V = sHFN

donc

s N Sjfti h- s2n» -+- s3?i3

d’où

S

etc. t

donc, la surface terrière 5 de la tige moyenne s’obtient en divisant

I. Voir le nota placé à la fin de la présente annexe.

l’expérimentation forestière.

371

la surface terrière de tout le peuplement par le nombre total des tiges de ce peuplement.

Une fois 5 connu, on peut aisément en déduire le diamètre cor¬ respondant, soit par le calcul, soit au moyen de tables spéciales.

Gela posé, il est facile de se rendre compte du mode de cubage adopté par les stations allemandes. En effet, soient : Vt, V2, V3, V4, V5 les volumes des 5 classes de grosseur entre lesquelles sont réparties les tiges du peuplement et qui comprennent chacune le même nom-

N

bre de tiges T = T. Appelons :

S,, Sa, S3, S4, Ss les surfaces terrières de ces classes.

On a vu, dans le chapitre II (lre partie), que, pour chaque classe, les expérimentateurs allemands calculent le diamètre de la tige

S1

moyenne, c’est-à-dire le diamètre correspondant à la surface ^

g,

pour la lre classe, à ^ pour la 2e classe, etc.., puis que, dans chaque

classe, ils font abattre un même nombre t de tiges d’expérience. Appelons :

vlf va, v3, vs, les volumes des t tiges d’expérience abattues dans chaque classe et :

slf s2, s3, s4, sSf les surfaces terrières de ces tiges.

Par définition, on a, pour les classes successives :

Y1

v.

XT;Y

v2

T

x T; V3 = y X T; V4 = y XT;VS

donc

T

V Vt -4- Y 2 H- V:j -+- V4 h- V5 {v { v 2 -+- v3 ■+• vt -f- v 6) X ~~r

V l

Or, de ce qui a été dit précédemment à propos de la tige moyenne, il résulte que :

t T t T ; t T ; t T t T

d’où

T

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s

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Si

S, _ S, -4- Sa -4- S3 ~t~ S4 -4- S5

S 5 S j t— S 2 H— S 3 H- S 4 -h S 5

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372

el par suite :

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Y = {Vi + + i\'i -4- Vi -h v5) X!

ce qui peut s’écrire :

S i r- S2 i— S, + S4 + S5

Si

v = !,x-

si v représente la somme des volumes et 5 la somme des surfaces terrières de toutes les tiges d’expérience fournies par le peuple¬ ment.

Donc, dans les conditions l’on se place, le volume total du peuplement est égal à la somme des volumes de toutes les tiges d’expérience multipliée par le rapport des surfaces terrières de toutes les tiges du peuplement aux surfaces terrières de toutes les tiges d’expérience.

Les expérimentateurs allemands distinguent, dans chaque tige d’expérience, le « bois plein » ( Derbholz ) et le « menu bois » ( Reis - holz ), afin de calculer la proportion de chacune de ces deux espèces de marchandises fournie par le peuplement lui-même. Ils admettent que, pour le peuplement entier, le volume YP du bois plein peut être calculé au moyen d’une formule analogue à la précédente, en fonc¬ tion du volume vP du bois plein de toutes les tiges d’expérience, c’est-à-dire que

Ils calculent de même le volume Vm du menu bois du peuplement en fonction du volume vm du menu bois de toutes les tiges d’expé¬ rience réunies et obtiennent :

Ym = v™ X

S

s

Nota. Dans un peuplement quelconque, le peuplement princi¬ pal est l’ensemble des tiges qui doivent rester debout après l’exécu¬ tion de la prochaine éclaircie. Les tiges destinées à tomber dans cette opération constituent le peuplement accessoire.

373

l’expérimentation forestière.

La surface terrière d’une tige est la surface de la section qu’on obtiendrait en coupant la lige perpendiculairement à son axe, à une certaine hauteur qui, par convention, est fixée à lm,30 au- dessus du sol. Par suite, la surface terrière des tiges d’une catégorie quelconque ou d’un peuplement entier n’est autre chose que la somme des surfaces terrières de toutes les tiges de la catégorie considérée ou de toutes les tiges du peuplement.

Le coefficient de forme d’une tige est le rapport existant entre le volume réel de cette tige et le volume d’un cylindre de hauteur égale qui aurait pour base la surface terrière de la tige; ou, pour abréger, c’est le rapport entre le volume réel d’une tige et son volume cylin¬ drique. Conséquemment, si l’on désigne la hauteur d’une tige par h , sa surface terrière par s , son volume réel par v, son coeffi-

v

cient de forme par f, on a : f = et v = skf.

o 1 1

Du reste ces renseignements sont donnés d’une façon plus com¬ plète dans le corps du travail.

374

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

ANNEXE VI bis.

Spécimen d’un cubage de place d’expérience.

A. PEUPLEMENT PRINCIPAL

RÉSULTATS DU DÉNOMBREMENT Essence : pin sylvestre. Tableau I.

RÉSULTATS DES MENSURATIONS

DÉTERMINATION DU DIAMÈTRE DES TIGES D’EXPÉRIENCE A ABATTRE.

PAR CATÉGORIE

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273

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11

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8

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12

50

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8

140

0.70381

13

23

0.3053

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152

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0.7305

1 5

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0.0707

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0.5512

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0.0603

V

( 12

50

1530

0.5655

14.0621

0.0077

98

5

1 13

23

0.3053

Total

2.650

8.3110

14

. 7

0. 10781

Par hectare

10.600

33.2440

1

15

4

0.0707

16

3

0.0603

Totaux .

2650

2650

8.311 1

8.3111

0.0157

25

Moyenne pour le peuplement tout entier . .

0.0031

63

Lu surface de la place d’expérience est de 25 ares.

l’expérimentation forestière.

375

RÉSULTATS FOURNIS PAR LES TIGES D’EXPÉRIENCE Essence : pin sylvestre. Tableau II.

NUMERO

de la

CLASSE.

TIGES D’EXPÉRIENCE.

NUMÉRO

d'ordre.

AGE.

H

U

H O

CO

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SURFACE

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0.0007

6.5

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21

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42

0.0014

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Moyenne pour la classe.

21

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21

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0.0106

III

13

21

52

0.0021

7.1

»

0.0086

1 14

21

53

0.0022

8.1

»

0.0120

( 15

21

53

0.0022

8.9

h

0.0119

Moyenne pour la classe .

21

7.94

/ 16

21

69

0.0037

8.5

0.0046

0.0124

1 17

21

68

0.0036

8.4

0.0953

0.0148

IY

{ 18

21

68

0.0036

8.8

0.0049

0.0171

1 19

21

68

0.0036

9.1

0.0054

0.0122

l 20

21

68

0.0036

7.7

0.0044

0.0123

Moyenne pour la classe .

21

8.50

21

21

98

0.0075

9.7

0.0128

0.0201

\ 22

21

99

0.0077

9.9 *

0.0337

0.0142

V

{ 23

21

99

0.0077

9.8

0.0290

0.0197

1 24

21

98

0.0075

9.5

0.0290

0.0139

\ 25

21

98

0.0075

9.7

0.0262

0.0184

Moyenne pour la classe .

21

9.72

Totaux . . . .

0.0775

0.1553

0.2614

Moyenne générale. . .

21

8.07

S

8.3111

V =

- V

: - X

0 . 1553 =

s

0.0775

POUR LA PLACE D’EXPÉRIENCE

mis plein.

(V)

S 8.3111

Y, = v. r= - - X 0.2614 =

1 s 1 0.0775

Par hectare .

VOLUME DU

16mc,65

6Gmc,60

menu bois.

(V,)

28mc,03

112mc,12

178mC,72

La surface de la place d’expérience est de 25 ares.

ANN. SCIENCE AGRON,

25

376

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

B. PEUPLEMENT ACCESSOIRE

RÉSULTATS DU DÉNOMBREMENT

Essence : pin sylvestre.

Tableau I.

DIAMÈTRE

PAR CATÉGORIE.

TIGE MOYENNE DU PEUPLEMENT.

à

1 Ln ,30 au-dessus du sol.

NOMBRE

de tiges.

SURFACE

terrière.

SURFACE

terrière.

DIAMÈTRE

à 1^,30.

HAUTEUR

totale.

OBSERVATIONS.

Comme les tiges du peuplement acces¬ soire ne sont pas réparties en classes de grosseur, la surface terriere de la tige moyenne se calcule en divisant la surface terrière totale par le nombre des tiges.

La hauteur totale de celte lige moyenne s’obtient par des mesurages directs effec¬ tués apres l’abatage du peuplement acces¬ soire, sur des tiges ayant le diamètre cor¬ respondant à la tige moyenne.

l)u reste, ces deux données ne servent pas pour déterminer le volume du peu¬ plement accessoire, lequel est cubé après façonnage ; elles ne sont recueillies qu’à titre de renseignements.

Les trois premières colonnes du présent tableau sont remplies de la même manière que les trois colonnes similaires du ta¬ bleau I relatif au peuplement principal.

PRODUITS DE L’ÉCLAIRCIE

Essence : pin sylvestre.

Tableau II.

l’expérimentation forestière.

377

ANNEXE YII

ROYAUME DE WURTEMBERG

ARRÊTÉ du ministre de l’instruction publique et des cultes, en date du 11 juin 1872, organisant l’expé¬ rimentation forestière.

Art. 1er. La station d’expérimentation a pour but de faire pro¬ gresser la science forestière et d’assurer une exploitation plus ra¬ tionnelle des forêts, soit en poursuivant elle-même des recherches théoriques et pratiques, soit en réunissant et coordonnant les résul¬ tats des expériences exécutées en dehors de sa sphère d’action.

Art. 2. Elle fait partie intégrante de l’institut agronomique et forestier d’Holienheim1. Elle constitue une section de cet établisse¬ ment, de la direction duquel elle relève au point de vue administra¬ tif, et, par suite, elle ressortit au ministère de l’instruction publique et des cultes.

Art. 3. Les recherches à exécuter par la station d’Hohenheim consistent :

En recherches à entreprendre au siège même de l’académie :

a) Soit au laboratoire de chimie,

b) Soit dans un jardin forestier qu’on créera ultérieurement,

c) Soit avec tous les autres moyens dont dispose l’académie en ma¬ tériel et en personnel ;

En expériences qui seront faites dans les principales régions boisées du pays, c’est-à-dire dans un certain nombre de cantonne¬ ments forestiers domaniaux, de concert avec la direction royale des forêts.

Art. 4. Pour la préparation, l’installation et l’exécution des ex¬ périences mentionnées à l’article précédent, il est institué :

1. Un directeur (art. 5) ;

2. Un conseil technique (art. 6) ;

3. Un personnel d’exécution (art. 7, 8 et 9).

1. Au mois d’avril 1881, la station de recherches a été transférée à l'université de Tubingue, en même temps que la section forestière de l'institut ou académie d'Hohen- heim.

378

annales de la science agronomique.

Art. 5. La direction de toute l’expérimentation est confiée à l’un des professeurs de l’académie d’Hohenheim.

Gomme chef de la station de recherches, ce professeur a pour

mission de représenter ladite station a 1 exteneui. Il mstiuit et ex¬

pédie toutes les affaires d’ordre intérieur et extérieur et leur donne la suite qu’elles comportent.

En ce qui concerne les recherches à exécuter dans les différents can¬ tonnements (art. o, §2), le chef delà station prend 1 attache de la du ec- tion des forêts et même il assiste, avec voix délibérative, aux séances tenues a ce sujefipar les fonctionnaires de 1 administration centiale.

Les détails de ses attributions seront définis dans une instruction

spéciale.

L’autre professeur d’économie forestière peut prendre part en toute indépendance aux recherches, notamment à celles mentionnées à 1 ar¬ ticle 3, § Ier ; cependant, il doit s’entendre avec le chef de la station pour une répartition convenable des travaux et des ressouices budgé¬ taires, toutes choses qui feront l’objet d instructions plus détaillées.

Art. 6. Le comité technique donne son avis sur toutes les re¬

cherches à entreprendre ; il est convoqué, chaque fois que cela est nécessaire, par le directeur de la station. Il se compose .

\ 2e professeur d’économie forestière et de 1 assistant chai de l’exécution des recherches ayant spécialement trait à la sylvi¬

culture (art. 7) ;

2. Des professeurs de chimie, de physique et de physiologie végétale.

Art. 7. Un agent, jeune et instruit, du grade a d’assistant fo¬ restier )), est placé sous les ordres du chef de la station pour 1 aider dans les recherches ayant trait à la sylviculture. Le ministre de l’instruction publique et des cultes le nomme, sui la piésentation du chef de la station et de la direction de 1 institut d Hohenheim.

Les détails réglant ses attributions seront l’objet d’une instruction particulière.

Art. 8. Des décisions spéciales de la direction royale des forêts,

prises de concert avec le chef de la station, détei mineiont dans quelle mesure certains agents lorestiers du royaume aui ont à pi endi e part aux recherches mentionnées dans 1 article 3, § 2, et quels sei ont leurs rapports avec le chef de la station et son assistant, etc...

l’expérimentation forestière.

379

Art. 9. Les analyses chimiques jugées nécessaires pour les re¬ cherches de la station seront, jusqu’à nouvel ordre, exécutées dans le laboratoire de l’académie par l’assistant du professeur de chimie et sous la direction de ce dernier.

Art. 10. La station se mettra en rapport, non seulement avec l’ad¬ ministration forestière de l’État, mais encore avec les particuliers pro¬ priétaires de forêts qui seraient disposés à installer des expériences.

Pour assurer l’exécution de l’arrêté pris par son collègue de l’instruction publique et des cultes, le ministre des finances a adressé, le 0 août 1872, la circulaire suivante aux maîtres et aux gardes généraux des forêts :

1. Le chef de la station forestière d’Hohenheim correspond, sans intermédiaire, avec la direction des forêts, au sujet des expériences à entreprendre dans les différents cantonnements du royaume. En conséquence, il peut, soit par lui-même, soit en déléguant les assis¬ tants de la station, exécuter des recherches de toute espèce dans les forêts domaniales, sans avoir à justifier, dans chaque cas parti¬ culier, de pouvoirs spéciaux vis-à-vis des maîtres des forêts.

2. En règle générale, les cubages à effectuer dans les places d’ex¬ périence, ainsi que tous les travaux et relevés nécessités par l’expé¬ rimentation doivent être exécutés par les agents mêmes de la station , du moins en tant que cela est possible pendant leur présence sur le terrain ; on ne saurait, en effet, obtenir de résultats utilisables qu’en procédant avec des vues d’ensemble et d’une manière uniforme.

Mais il importe également, pour le succès de l’expérimentation, que l’on suive rigoureusement et ponctuellement toutes les pres¬ criptions faites par les fonctionnaires de la station relativement au traitement des places d’expérience, à leur délimitation et à leur pro¬ tection contre les causes perturbatrices de toute espèce; aussi est-il recommandé aux agents locaux d’apporter les plus grands soins à cette partie du service. On ne fera, d’ailleurs, appel au concours desdits agents que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu’il s’agira de travaux qui, par suite de leur nature, demanderont à être accomplis dans un court espace de temps et ne pourront, consé¬ quemment, être exécutés partout à la fois par les membres de la sta¬ tion. Tels seront, par exemple, les essais de repeuplements artificiels.

380

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

3. Il est enjoint aux chefs de cantonnement de fournir aux fonc¬ tionnaires de la station, quand ils en seront requis, tous les aides nécessaires à l’exécution des travaux, notamment des gardes (sans cependant que le service habituel de ces derniers ait à en souffrir), des bûcherons et d’autres ouvriers des forêts. Aux chefs de canton¬ nement reviendra, en outre, le soin de payer les ouvriers, au vu des feuilles d’attachement arrêtées soit par les agents de la station, soit par les gardes ou d’autres surveillants.

On subviendra aux frais entraînés par les essais de repeuplements artificiels à l’aide des crédits affectés aux repeuplements; pour toutes les autres recherches, on soldera les dépenses avec le crédit des exploi¬ tations. A la fin de l’exercice, les dépenses de chaque nature seront to¬ talisées et réunies en deux états distincts pour être imputées respec¬ tivement sur le fonds des repeuplements et sur celui des exploitations.

4. Lorsque les agents de la station voudront exécuter des recherches dans des forêts n’appartenant pas à l’État, ils s’adresseront directe¬ ment aux propriétaires intéressés, dans le but d’obtenir leur concours.

Le ministre, plein d’intérêt pour l’œuvre entreprise, espère que les recommandations et les désirs des fonctionnaires de la station au sujet de l’expérimentation seront toujours accueillis avec em¬ pressement ; il compte, en un mot, que ces fonctionnaires rencon¬ treront, chez les agents locaux, tout le bon vouloir possible pour les travaux qu’ils exécuteront dans les divers cantonnements du royaume.

ANNEXE VIII

GRAND-DUCHÉ DE BADE

CIRCULAIRE du directeur des domaines aux gardes généraux des forêts, concernant la réorganisation du service d’expérimentation forestière.

(Bulletin ojficiel de la direction des domaines du 20 décembre i875

17,492.)

L’arrêté du 23 mars courant, 2,063, pris par le ministre des finances, de concert avec sou collègue de l’intérieur, a introduit

l’expérimentation forestière.

381

des changements considérables dans l’organisation de l’expérimen¬ tation en stipulant, qu’à partir du prochain exercice, la station fo¬ restière ressortirait au ministère des finances et ferait partie inté¬ grante de notre administration. En conséquence, sont abrogés les statuts publiés dans notre arrêté du 13 mars 1873, 4,281 (Bulle¬ tin administratif , partie, page 153), et le règlement d’exécution y annexé qui devaient entrer en vigueur le 1er janvier 1876. Ils sont remplacés par les dispositions suivantes, approuvées par arrêté du ministre des finances en date du 17 juillet courant, nos 4,593 et 4,718.

Art. 1er. En instituant l’expérimentation forestière, on s’est proposé de faire progresser la science forestière et d’asseoir sur des bases plus solides l’exploitation des forêts.

Ce but doit être atteint :

a) Par des recherches purement scientifiques ;

b) Par des essais pratiques ayant trait à l’exploitation des forêts;

c ) Par la coordination des résultats de nos propres recherches et de ceux obtenus dans les autres pays.

Art. 2. La station de recherches forestières du grand-duché de Bade se rattache aux stations d’Allemagne et d’Autriche qui, toutes, unissent leurs efforts en vue d’atteindre également le but pré¬ cité.

En ce qui concerne le choix des recherches, la direction à leur imprimer et les modes d’exécution à adopter, la station badoise se conforme aux décisions prises par les autres stations ou par leurs délégués réunis en comité. Elle entretient des rapports constants avec ces institutions ; néanmoins, sans perdre de vue les intérêts communs, elle conserve son autonomie pleine et entière.

Art. 3. Les recherches forestières et les travaux qui en dé¬ coulent auront lieu :

a) Soit dans l’intérieur ou dans le voisinage de la ville de Caris- ruhe', résidence des fonctionnaires chargés de diriger et d’exécuter lesdites recherches (on mettra à la disposition de ces fonctionnaires les locaux et le matériel dont ils auront besoin) ;

b) Soit à l’extérieur, dans un certain nombre de cantonnements qui seront choisis à cet effet.

382

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Art. 4. La direction de l’expérimentation est confiée an direc¬ teur des domaines qui, à cet égard, dépend du ministre des finances.

Art. 5. Pour exécuter, dans les limites fixées par la direction des domaines, les travaux prescrits par l’association des stations de recherches forestières d’Allemagne, on nommera des commissaires qui seront des membres soit du conseil forestier établi près de la di¬ rection des domaines, soit du personnel enseignant de l’école fores¬ tière de Garlsruhe. Le nombre de ces commissaires variera suivant l’étendue et l’importance des travaux entrepris.

Art. 6. Les stipulations du présent arrêté entreront en vigueur à partir du 1er janvier 1876. Elles ne pourront être modifiées qu’a¬ vec l’assentiment de l’autorité supérieure.

A la même date que celle il a pris l’arrêté mentionné plus haut, le ministre des finances a nommé commissaires de la direction des domaines, pour l’expérimentation forestière, M. le professeur Scbuberg et M. le conseiller des forêts Krutina.

Pour la marche ultérieure des travaux de recherches, il a été dé¬ cidé ce qui suit :

En règle générale, les expériences à entreprendre seront exé¬ cutées par des personnes spécialement désignées par nous à cet effet. Elles n’auront lieu, pour le moment, que dans les forêts do¬ maniales.

La coopération aux travaux de recherches rentre dans les obli¬ gations professionnelles des chefs de cantonnement. On allouera des indemnités à ces agents quand leur participation directe à l’exécu¬ tion desdits travaux exigera d’eux une trop grande perte de temps et de trop fortes dépenses.

Les chefs de cantonnement seront tenus de fournir les ouvriers nécessaires pour l’exécution en forêt des travaux de recherches. Ils imputeront les frais de main-d’œuvre occasionnés de la sorte sur les crédits qui leur auront été ouverts sous les rubriques 34 ou 35, et, lorsque la nature des travaux ne permettra pas de faire cette imputation, ils produiront un état de dépenses afin d’en obtenir l’or¬ donnancement. Ils présenteront enfin un compte détaillé des sommes déboursées pour recherches de toute espèce, et distingueront soi-

l’expérimentation forestière. 383

gneusement les dépenses qui auraient eu lieu normalement d’avec celles qui sont le fait propre de l’expérimentation.

Ce décompte devra, pour le présent exercice, parvenir ici avant le 1er mai.

Carlsruhe, le 13 décembre 1875.

Le Directeur des domaines,

Signé : Boeckh.

ANNEXE VIII bis.

Places d’éclaircie et places de rendement installées dans les cantonnements de Mittelberg-, Gernsbach et Bade.

NOTA.

Observations sur la colonne i du tableau. -Les places d’ éclaircie (. Durchforstungsflâchen ) se reconnaissent à ce fait qu’elles sont sub¬ divisées en 2 ou 3 placettes qui portent les mêmes numéros d’ordre en chiffres arabes et qui se distinguent les unes des autres par des indices en chiffres romains.

Observations sur la colonne 2. Chaque groupe de parcelles ayant une même situation topographique constitue un district , qu’on désigne par un numéro d’ordre en chiffres romains; les parcelles (. Abtheilungen ) reçoivent elles-mêmes des numéros d’ordre en chiffres arabes qui sont placés à la suite des premiers. Ainsi la parcelle VIL 3 est la parcelle 3 du district VIL

Observations sur la colonne 4. - Les Allemands, en vue de l’éta¬ blissement de leurs tables de production, répartissent les sols en 5 classes de fertilité (Standorts- ou Bonitàtsklassen). La première cor¬ respond à la productivité la plus grande, la cinquième à la plus faible. Pour déterminer à quelle classe appartient un sol boisé quelconque, on se base sur la végétation du peuplement qui l’occupe, notamment sur le nombre de tiges que ce peuplement renferme à l’hectare et sur la hauteur des tiges; mais on tient compte aussi de l’altitude de la station et de son exposition.

384

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE

DÉSIGNATION ET DESCRIPTION

DES PLACES D’EXPÉRIENCE.

DESCRIPTION

SPÉCIALE

DU SO

COMPOSI¬

TION

minera-

SOOS-SOL

(formation

géo-

3

05

y

DEGRÉ

O

es

2

s

DISTRICT

et

ÉTENDUE.

3

H

CS

w

fa

a

P

ALTITUDE

EXPOSITION

et

ESSENCES.

b

O

<

0 S

H O

X

X ®

: = 0

'te 0

de

profondeur

de

D E G R

de

Z

parcelle.

liect.

ta

w

■<

CJ

ni.

inclinaison.

an¬

nées

logique.

logique).

de h

la terre

végétale.

cohésii

Canton

meme

,61

VII. 3. Maisen- bach, Mordio.

0,25

I

395

N. O. Pente douce

Pins.

43

Sable gras.

Grès

bigarré.

0,15

Très

profonde.

Meub

jeu

9

0,25

I

395

9

9

43

X 0

9

9

9

0

( G in

»

0,25

I

395

9

0

43

9

0

9

9

B

)71

9

0,20

I

390

N. E.

Mélèzes avec pins en mélange.

40

9

9

0

9

B

Î7U

9

0,20

I

390

9

9

40

9

9

0

0

»

8

9

0,25

I

390

N.

Épicéas.

50

Argile.

9

0

0

B

9

0

0,25

I

390

»

0

77

9

9

0

0

B

,111

II. 12. Grossklos- terwald.

0,20

I

474

N.

Sapins avec hêtres en mélange.

41

Sablegras.

9

0,10

Profonde.

B

jlin

9

0,20

I

9

»

9

42

9

9

9

0

9

( mu

9

0,20

I

9

9

»

42

0

0

))

9

B

12

II. 13.

0,35

I

474

N.

Sapins.

39

9

0

À

9

B

Cantonneme

f

II. 12. Heuweg- schlag.

0,25

III

280

N. O. ,

Sapins mélangés de chênes 1

et de quelques 1 châtaigniers.

65

Sablegras.

Granit.

0,03

Profonde.

9

(6 II

9

0,25

III

250

9

9

65

0

0

9

9

9

7

»

0,25

III

300

9

9

69

9

0

0,12

»

»

8

9

0,25

IV

250

9

9

56

9

B

0,15

9

9

9

9

0,25

IV

335

»

Sapins mélangés de mélèzes et de chênes. ;

66

9

0

0,15

9

0

Cantonneme

2

I. 9. Ochsen- wesen.

0,30

III

495'

N. E.

Pente douce’

Sapins mélangés de quelques hêtres et chênes.

109

Sablegras.

Porphyre.

0,20

Très

profonde.

Meub

10 1

III. 9. Gross- krappenloch.

0,25

III

238

N.

Pente douce

Sapins avec quelques hêtres.

67

9

Grès

bigarré.

0,10

9

0

6

I. 4. Kalk- ofenrain.

0,18

I

255

0.

Pente douce

f

Epicéas.

68

9

0

0,10

9

Tena

11

III. 6. Wolfs- brurmenklamm.

0,40

II

285

S. E.

Pente ’ass. rapide

1 et même

1 rapide par places.

Hêtres mélangés de chênes.

88

Calcaire

argileux.

Muschel-

kalk.

0,06

9

Meut

5

II. 2. Ziegel- wesen.

0,40

IV

264

N. O. Pente ass. rapide.

Hêtres et sapins.

74

Sablegras.

Grès

bigarré.

0,03

9

B

l’expérimentation forestière. 385

PEUPLEMENT PRINCIPAL.

PEUPLEMENT ACCESSOIRE.

R Ë

NOMBRE

de liges

SOMME

des surfaces terri ères

TIGE MOYENNE.

VOLUME

(menu bois compris)

OJ

c 2

C C3

« O w 0)

NOMBRE

de tiges

SURFACE

terri ère

G

2

2

G

VOLUME

mi¬

té.

QJ Zj

O

C3 C . o

C3 -O)

G-

a g

par hectare. j

pour la place d'expé¬ rience.

par

hec¬

tare.

Dia¬

mètre.

Longueur. j

pour la place d’expé¬ rience.

par

hectare.

G -G

V

S CO a>

<X)

c n G

-h qj

O ^

3 2

o S <

ur la place 1

expérience. j

par hectare. 1

pour la place

d’expérience, j

par hectare. 1

HAUTEUR MO

pour la place d’expé¬ rience.

par

hectare.

C/î *

m. q.

m. q.

mm.

m.

m. c.

m. c.

ni. c.

m. q.

m. q.

m.

m. c.

m. c.

[ittel

berg

iis.

604

2416

12,285

49,141

160

16,0

116,531

466,124

10,83

98

392

0,769

3,076

13,7

3,183

12,732

512

2048

11,850

47,401

171

17,0

103,222

412,888

9,60

129

516

1,269

5,076

15,1

8,190

32,760

406

1624

10,357

41,429

180

17,8

99,002

396,008

9,21

200

800

1,988

9,940

15,2

13,386

53,544

334

1670

7,356

36,780

166

18,5

78,575

392,875

9,82

109

545

0,855

4,275

14,8

5,978

29,890

289

1445

6,948

34,740

174

17,6

73,104

365,520

9,14

148

740

1,151

5,755

14,7

8,234

41,170

414

1656

14,416

57,662

210

21,6

190,670

762,680

15,25

93

372

1,150

4,600

16,7

10,769

43,076

205

820

18,747

74,987

341

31,3

287,969

1151,876

14,96

30

120

1 , 155

4,621

25,6

15,445

61,780

616

3080

10,230

51,148

154

15,3

99,348

496,740

12,11

107

535

0,650

3,250

11,1

3,967

19,835

486

2430

9,621

48,108

164

15,9

103,821

519,105

12,36

221

1105

1,427

7,135

10,3

7,899

39,495

364

1820

7,765

38,823

174

16,1

83,445

417,225

10,18

337

1685

2,076

10,380

11,6

15,245

76,225

1102

3149

17,323

49,496

142

15,5

180,420

515,486

13,22

476

1360

2,292

6,549

10,4

14,222

40,636

erns]

bach

447

1788

10,956

43,823

179

16,5

133,227

532,908

8,20

47

1S8

0,388

1,552

11,5

3,007

12,028

357

1428

9,367

37,467

184

16,3

106,622

426,488

6,56

235

940

2,307

9,228

12,0

17,872

71,488

293

1172

10,826

43,302

218

19,1

131,077

524,308

7,60

93

372

1 ,470

5,880

15,9

14,301

57,204

676

2704

9,278

37,110

132

12,8

86,196

344,784

6,16

312

1248

1,424

5,694

8,5

7,314

29,256

456

1824

9,183

36,731

158

14,8

96,663

386,652

5,86

251

1004

1,598

6,392

9,6

12,336

49,344

ade.

iis.

159

530

16,396

54,655

364

26,4

264,517

881,723

8,09

10

33

0,392

1,306

23,7

5,488

18,293

259

1036

10,442

41,767

228

18,4

134,430

537,720

8,03

83

332

0,858

3,431

8,004

32,016

lis

lênie

ide

1 164

911

10,314

57,298

280

25,2

156,045

866,990

12,75

26

132

0,769

3,945

9,214

46,623

aces.

iis.

304

760

14,223

35,559

243

23,9

193,060

482,650

5,48

135

338

2,036

5,091

23,152

57,800

393

982

14,277

35,693

Sap. 303 Hêt. 170

24,9

20,2

183,389

470,950

6,36

259

597

2,657

6 , 643

14,2

28,330

72,030

386

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

ANNEXE IX

EMPIRE D’AUTRICHE

STATUT ORGANIQUE du service d’expérimentation

forestière, homologué par l’Empereur, le 8 juillet

1875.

Art. 1er. Le service de Y expérimentation forestière en Au¬ triche a pour mission de faire des recherches et des expériences permettant de fonder sur des bases scientifiques une exploitation rationnelle des forêts.

Art. 2. Ces recherches et expériences seront entreprises :

a) Par des personnes occupées en permanence à l’expérimen- tation ;

b) Par des personnes employées aux recherches d’une manière provisoire , mais exclusive;

c ) Enfin, par des personnes qui, sans être distraites de leurs fonc¬ tions habituelles, seront, avec ou sans rétribution, utilisées pour l’exécution de certains travaux de recherches spécialement déter¬ minés.

Art. 3. Seront employés d’une manière permanente (art. 2,

§ a) :

Le directeur de l’expérimentation forestière et les adjoints.

Le premier sera nommé par l’Empereur, sur la proposition du ministre de l’agriculture. Pour le rang, les émoluments et les droits à la retraite, il sera assimilé à un professeur ordinaire de l’école supérieure i. r. d’agriculture de Vienne. Les adjoints sont rangés dans les classes nos 9 et 10 de la hiérarchie générale de l’Empire. Ils seront nommés parle ministre de l’agriculture, sur la proposition du chef de l’expérimentation, jusqu’à concurrence du nombre de quatre, et devront s’occuper des diverses branches de l’expérimen¬ tation forestière (art. 2, § c, du programme de l’expérimentation agri¬ cole et forestière approuvé le 22 novembre 1873).

Dans l’exercice de ses fonctions, le directeur pourra toucher des

l’expérimentation forestière. 387

émoluments égaux à ceux que comporterait sa situation hiérarchique et jouir encore de certains autres avantages.

Art. 4. Des arrêtés spéciaux du ministre de l’agriculture ré¬ gleront les attributions des personnes employées exclusivement, mais temporairement, à l’expérimentation, lorsqu’elles appartien-

r

dront au service forestier de l’Etat (art. 2, %b).

Art. 5.% Quand il s’agira de choisir les personnes à utiliser pour des recherches ou des expériences spécialement déterminées (art. 2, § c), on devra s’adresser de préférence aux professeurs des écoles supérieures, aux membres des différentes sociétés savantes, enfin aux agents forestiers de l’État et des particuliers, dont la com¬ pétence serait bien reconnue.

Les conditions dans lesquelles ces collaborateurs participeront à l’expérimentation et notamment les honoraires dus pour leurs tra¬ vaux seront réglés, pour chaque cas particulier, par voie d’arran¬ gement amiable.

Art. 6. La mission du chef de l’expérimentation consiste prin¬ cipalement :

a) A prendre en main les affaires intérieures de l’institution et à la représenter au dehors ;

fy A proposer les personnes auxquelles il convient de confier des travaux de recherches ;

c) A déterminer les particuliers à s’associer à l’œuvre de l’insti¬ tution et surtout à prendre de l’influence sur les propriétaires de forêts, dans le but d’obtenir la participation directe de leurs employés à l’expérimentation ;

d) A préparer le programme des travaux de toute nature qu’il convient d’entreprendre, à soumettre ce programme à l’approbation du ministre de l’agriculture et à demander l’ouverture des crédits nécessaires ;

è) A acquérir les instruments indispensables pour les expériences dans la mesure permise par la dotation de l’établissement ;

f) A veiller à ce que les travaux soient exécutés conformément au programme approuvé pour l’année courante ;

g) A discuter avec les fonctionnaires de la station les méthodes et les procédés d’exécution relatifs aux expériences qui leur sont con-

388

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

fiées, puis à exercer sur eux un contrôle efficace au moyen d’inspec¬ tions faites sur les lieux mêmes des recherches ;

h) A fournir au ministre de l’agriculture un rapport général de gestion dont la forme sera déterminée par une instruction ulté¬ rieure.

Art. 7. Des décisions du ministre de l’agriculture accorderont à la station i. r. forestière le nombre nécessaire de commis aux écritures et de domestiques.

ANNEXE X.

MONTRE DES ACCROISSEMENTS DE PFISTER

Pour rendre susceptibles de mesure les accroissements très mi¬ nimes que peut prendre chaque jour la circonférence d’un arbre pendant la période de végétation ,

M. le géomètre forestier Pfister a aug¬ menté l’amplitude de ces accroisse¬ ments dans la proportion de 1 à 50, grâce à un ingénieux système de deux leviers combinés.

Voici en quoi consiste « la montre des accroissements » ou instrument qu’il a construit à cet effet (voir la figure ci-contre).

Le ruban en acier ks qui entoure le fût de l’arbre est fixé, à- Tune de ses extrémités l, par une vis de pression, tandis qu’à l’autre bout il vient s’ac¬ crocher à un anneau e par lequel se termine un axe horizontal ef.

Cet axe, à l’extrémité f, opposée à

l’anneau, est muni d’uil filet de vis. échelle: lj 3 de la grandeur naturelle.

En outre, il est entouré d’une douille a Flg' 9‘

dont la tête g est elle-même pourvue intérieurement d’un filet de

L EXPERIMENTATION FORESTIERE.

389

vis, de sorte qu’il suffit de manœuvrer la tête g pour faire mouvoir la douille, dans un sens ou dans l’autre, le long de l’axe ef.

La douille glisse dans un manchon d, soudé à une plaque de mé¬ tal A, qui soutient tout l’appareil. Vers son milieu, elle porte un mentonnet b, qui fait corps avec elle. La course de ce mentonnet est égale à la longueur de la fenêtre pratiquée dans le manchon et à travers laquelle il fait saillie.

Le mentonnet vient buter contre le petit bras d’un premier le¬ vier ni qui agit, à son tour, sur un second levier n, dont le grand bras se meut le long d’un cadran présentant une division en milli¬ mètres et demi-millimètres ; ledit bras sert, par suite, d’aiguille in¬ dicatrice ; sa course, sur le cadran, est limitée par les chevilles d’ar¬ rêt p et q.

Lorsque l’arbre grossit, le ruban exerce à son extrémité mobile k, dans le sens de la flèche, une traction à laquelle obéissent tout à la fois l’axe, la douille et le mentonnet. Celte impulsion se transmet aux deux leviers, de sorte que l’index se met en marche dans le sens p q en décrivant un arc 50 fois plus grand que la longueur parcourue par le mentonnet.

Le ressort o agit constamment sur les deux leviers, qu’il, tend à ramener en arrière. Il rend ainsi plus facile le maniement de l’ap¬ pareil et contribue à en régulariser la marche en empêchant l’index d’obéir trop brusquement aux tractions qu’il subit.

Pour mettre l’instrument en observation, on fixe la plaque A au fût de l’arbre choisi, au moyen des deux vis i et h; on accroche l’ex¬ trémité h du ruban à l’anneau e et on serre l’autre extrémité au moyen de la vis l, après avoir tendu convenablement le ruban au¬ tour de l’arbre. On achève de régler l’appareil en faisant manœuvrer la douille au moyen de la tête de vis g, jusqu’à ce que, l’index étant au zéro, le mentonnet vienne exactement toucher le petit bras du levier inférieur.

Les diverses parties dont se compose l’instrument sont conservées dans une boîte en tôle B, à laquelle la plaque A est solidement reliée et qui est fermée par un couvercle vitré. En r et en s, cette boîte présente deux ouvertures par lesquelles passe le ruban d’acier; en t est une troisième ouverture permettant d’introduire une clef de vis

390

annales de la science agronomique.

et de faire mouvoir la douille. On peut donc effectuer les lectures sur le cadran et ramener l’index au zéro sans être obligé d’ouvrir la boîte. C’est seulement lorsque l’axe ef a parcouru, dans le sens de la flèche, toute la course dont il est susceptible, que l’on doit desserrer la vis de pression l pour allonger le ruban d’une quantité convenable. Cette opération exige naturellement l’ouverture de la boîte. On règle ensuite le reste de l’appareil comme pour le début de l’expérience.

Pour éviter que le ruban ne se rouille, on recommande de coller une bande de papier ou de toile sur la partie qui entoure l’arbre et qui se trouve conséquemment exposée à toutes les influences atmos¬ phériques. L’extrémité du ruban non utilisée est abritée dans l’inté¬ rieur de la boîte.

La course totale de l’index sur le cadran est de 90 millimètres, de sorte que la circonférence de l’arbre peut s’augmenter de

9Qium ^

= lmm,8 sans que l’on ait besoin de régler à nouveau l’ap-

50

pareil.

En outre, comme le cadran porte la division en demi-millimètres, on voit que l’instrument permet d’apprécier des accroissements très

minimes de

= 0,01 de millimètre.

M. 1 ’ingénieur Bôhmerlé, qui a décrit la « montre des accroisse¬ ments » dans le numéro du Centralblatt du mois de février 1883, estime avec raison que ses avantages essentiels sont : la régularité, la précision et surtout une très grande sensibilité.

Cet expérimentateur reconnaît, du reste, que le frottement du ruban sur l’écorce (surtout quand celle-ci est rugueuse) doit dimi¬ nuer la précision de l’instrument. 11 pense, en outre, que pour se prémunir contre les accidents pouvant provenir du fait de l'homme et des animaux, il serait prudent d’enfermer tout l’appareil dans une boîte de grande dimension, qui serait fixée à l’arbre choisi au moyen d’un système comportant plus de solidité que celui des deux vis décrites plus haut.

Mais M. Bôhmerlé ne croit pas qu’il y ait lieu de se préoccuper de l’influence que les variations de la température peuvent exercer

l'expérimentation forestière.

391

sur la marche de l’appareil. Il motive son avis en rappelant que le coefficient de dilatation de l’acier est si faible que, pour faire prendre au ruban un allongement de 1 millimètre par mètre, il faudrait une élévation de température de 100 degrés centigrades. Il s’appuie en outre sur ce que, pendant la durée des observations auxquelles il s’est livré du 12 avril au 9 août 1882, jamais l’index n’a manifesté le moindre recul, même dans les journées le ther¬ momètre a accusé des écarts de 15° à 17°.

Sans nier la valeur de ces arguments, nous ne pouvons nous em¬ pêcher de faire quelques réserves à leur sujet. Théoriquement, pour que finfluence de la température fût nulle, il faudrait que le bois de l’arbre soumis à l’expérience se dilatât, toujours et simultanément, de la même quantité que le ruban d’acier; or, il est à peu près hors de doute que les choses ne se passent pas ainsi, car les deux corps ont des coefficients de dilatalion différents et ils ne s’échauffent ou ne se refroidissent pas aussi rapidement l’un que l’autre. En fait, admettant pour l’acier le coefficient de dilatation indiqué plus haut et supposant que le ruban seul soit influencé par la chaleur ou le froid, on voit que, si la longueur du ruban employé est 0m,50 par exemple, il suffit d’une élévation de température de 2 degrés pour produire sur le ruban une dilatation de 0,01 de millimètre et pour masquer un accroissement égal de la circonférence, accroissement qui, sans cette cause de trouble, aurait été accusé par l’appareil. Or, on nous accordera bien que, pendant la durée d’une saison de végétation, il doit y avoir souvent, entre le ruban d’acier et la cir¬ conférence de l’arbre, des différences de dilatation égales ou supé¬ rieures à 0,01 de millimètre et provenant soit de l’inégalité d’échauf- fement des deux corps, soit de l’inégalité de leurs coefficients de dilatation1.

Que si, dans le cours de ses observations, M. Bôhmerlé n’a jamais vu l’index revenir sur lui-même et dénoncer ainsi une dilatation du ruban, cela peut fort bien tenir à ce que le ressort régulateur n’a pas eu assez de force pour vaincre la résistance opposée par le frot-

1. Il y aurait peut-être aussi à faire des réserves analogues en ee qui concerne Tin- fluence exercée dans certains cas par le degré .d’humidité de l’écorce.

ann. science agron.

2 G

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

392

tement du ruban sur l’écorce de l’arbre. Sans doute, ainsi que le fait remarquer M. Bôhmerlé, la température ne monte ni ne di¬ minue d’une manière progressive pendant toute la période de vé¬ gétation : après s’être élevée durant un ou plusieurs jours par exemple, elle s’abaisse ensuite pour revenir à son point de départ ; et alors, rien ne s’oppose à ce que l’aiguille de « la montre » marque l’accroissement réel pris par la circonférence de l’arbre. Mais cette remarque ne contient-elle pas l’aveu implicite que les variations de la température tendent à faire marcher l’aiguille par soubresauts et, par suite, à diminuer dans une mesure sensible la régularité et la précision de l’instrument?

Liste des Ouvrages et Articles de Revue ayant trait à l’expéri¬ mentation et qui sont cités dans le présent travail.

François Baur. Was kônnte in Oesterreich für forstlicbe Untersucliungen gesche- lien. [Allgemeine Forst- und Jagdzeitung . Année 185 S.)

Même auteur. Ueber forstliclie Yersuclisstationen. Lin Wepk une! Mahniuf an aile Pfleger und Freunde des Waldes. Stuttgard, 1868.

Même auteur. Die Ficbte, in Bezug au! Ertrag, Zuwachs und Form. Beilin, 1877.

Même auteur. Die Rothbuche in Bezug auf Ertrag, Zuvsaclis und Foim. Beilin, 1881.

Charles Bôhmerlé. Die Püster’sclie Zuvachsuhr. [Centralblatt für das gesammte Forstwesen. Numéro de février 1883.)

Ernest Ebermayer. Die physikalischen Einwirkungen des Waldes auf Luft und Boden, etc. Aschaffenbourg, C. Krebs. 1873.

Même auteur. Die gesammte Lehre der Waldstreu. Berlin, 1876.

Fautrat. Observations météorologiques faites de 1874 à 1878. Paris, Imprimerie nationale, 1878.

Auguste Ganghofer. Das forstliclie Yersuchswesen. Augsbourg, Schmid. 2 vol., en cours de publication.

L. Grandeau, H. Fliche et E. Henry. Annales de la Station agronomique de 1 Est. Paris. Berger-Levrault et Cie, 1878.

Charles Heyer. Anleitung zu forststatischen Untersucliungen. Giessen, 1846.

Gustave Heyer. Aufruf zu forststatischen Untersucliungen. [Allgemeine Forst- und Jagdzeitung . Année 1857.)

Tuisko Lorey. Ueber Stamm-Analysen. Stuttgart. 1880.

A. Martinet. Notice sur l’élagage des arbres. Paris, Imprimerie nationale, 1878.

l’expérimentation forestière.

393

A. Mathieu. Météorologie comparée agricole et forestière. Rapport à M. le sous- secrétaire d’État, président du conseil d’administration des forêts. Paris, Im¬ primerie nationale, 1878.

Joseph Moller. Anatomie der Baumrinden. Vergleiihende Studien. Berlin, Jules Springer, 1882.

H. Nôrdlinger. Die technischen Eigenscliaften der Holzer. Stuttgart, J. G. Cotta, 1860.

Antonin Rousset. Recherches expérimentales sur les écorces à tan du chêne yeuse. Paris, Imprimerie nationale, 1878.

Bon A. de Seckendorff. Das forstliche Yersuchswesen, insbesondere dessen Zweck und wirthschaftliche Bedeutung. Vienne, W. Frick, 1881.

Meme auteur. Beitrage zur Kenntniss der Schwarzfôhre. lre partie. Vienne, Gerold fils, 1881.

G. Sée. Détermination du volume réel et du poids des bois empilés. Compte rendu des expériences faites à ce sujet en Autriche. ( Revue des Eaux et Forets. Année 1877.)

Station d’expérimentation forestière de Vienne. Mittheilungen aus dem forst- lichen Versucliswesen Oesterreichs. Vienne, W. Braumüller et Gerold Fils. 2 vol. 1877 à 1881.

Fritz A. Wachtl. Die Weisstannentriebwickler. Vienne, Faesy, 1882.

RECHERCHES CHIMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES

SUR LA

BRTJYBRE COMMUNE

( Calliina vulgarls Salisb.)

PAR

P. FRICHE et L. GRANDE AU

PROFESSEURS A L’ÉCOLE NATIONALE FORESTIÈRE

La culture forestière ne comporte pas, comme la culture agricole, l’emploi des engrais; les sylviculteurs, par suite, n’ont pas d’abord attaché autant d’importance que les agriculteurs à l’étude de la composition chimique des végétaux objets de leurs soins, ni à leurs exigences à l’égard du sol qui les porte. Il y a là, cependant, toute une série de questions du plus haut intérêt pour la science pure et qui, en même temps, jettent une vive lumière sur la pratique fores¬ tière. Que d’argent dépensé en pure perte dans les reboisements, par exemple, pour avoir voulu introduire certaines essences, telles que le châtaignier ou le pin maritime, sur des sols qui ne leur con¬ venaient pas au point de vue chimique; que de sols forestiers déjà très pauvres ont vu leur fertilité diminuer par l’enlèvement incon¬ sidéré des herbes , des sous-arbrisseaux et des morts-bois que de trompeuses analogies ont fait et font encore assimiler par trop de forestiers aux mauvaises herbes de nos champs ! Depuis quelques années, on est revenu à des idées plus justes ; l’étude chimique du sol de la forêt, des végétaux qui la constituent ou qui vivent à son abri a donné naissance, particulièrement en Allemagne, à de nom¬ breux travaux. Nous sera-t-il permis de faire remarquer qu’une étude sur le pin maritime, insérée par nous en 1873 dans les Annales de chimie et de physique , a été une des premières consa-

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA BRUYÈRE COMMUNE. 395

crées à cet ordre de questions. Gomme suite à ce premier mémoire, nous avons publié dans le même recueil plusieurs travaux inspirés par la même pensée1 2. Depuis la dernière publication que nous y avons insérée, nous avons continué nos recherches et nous avons l’intention d’en présenter désormais les résultats aux lecteurs des Annales de la Science agronomique .

Nous soumettons aujourd’hui à leur appréciation un mémoire sur la bruyère commune, cette plante trop abondante dans beaucoup de forêts ou sur des sols qu’elle a complètement envahis au grand dé¬ triment de la production forestière.

Deux mémoires insérés par nous dans les Annales de chimie et de physique12 ont montré que, les conditions de climat étant identi¬ ques, la présence d’une grande quantité de calcaire dans le sol exerce une influence considérable sur la composition des cendres des végétaux qualifiés par les botanistes géographes de silicicoles ou mieux de calcifuges; que cette influence, d’après les résultats acquis aujourd’hui en physiologie, est fâcheuse, et qu’elle explique pourquoi ces plantes sont exclues des terrains calcaires. Nous avons ainsi ébranlé une des bases de la théorie édifiée par Thurmann à la suite d’ohservations d’ailleurs très remarquables, pour expliquer l’influence du sol sur la distribution des espèces végétales.

Par une conséquence naturelle de ses idées, l’auteur dont nous venons de rappeler le nom a été amené à penser que les plantes, exigeant, sous un même climat, des sols de nature déterminée, uniquement à cause des propriétés physiques de ceux-ci, le phéno-

1. De l'Influence de la composition chimique du sol sur la végétation du pin mari¬ time. ( Annales de chimie et de physique, 4e série, t. XXIX, 1873.)

Recherches chimiques sur la composition des feuilles, modifications résultant de l’âge et de l’espèce. [Annale s de chimie et de physique , 5e série, t. VIII.)

De l’Influence de la composition chimique du sol sur la végétation du châtaignier.

( Annales de chimie et de physique, 5e série, t. II.)

Recherches chimiques sur la composition des feuilles du pin noir d'Autriche. ( Annales de chimie et de physique, ôe série, t. XI, 1877.)

Recherches chimiques sur les papillonacées ligneuses. [Annales de chimie et de physique, 5e série, t. XVIII, 1879.)

On trouvera ces mémoires réunis dans les Annales de la Station agronomique de l'Est. ln-8°. Berger- Levrauit et Cie, 1878.

2. 4e série, t. XXIX, p. 383, et 5e série, t. II, 1874.

396

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

mène inverse serait susceptible de se produire : sous des climats différents, les végétaux pourraient se développer sur des sols variés. Une plante, par exemple, qui, sous le climat froid et humide du nord de la France et du sud de l’Angleterre, exigerait les sols secs et chauds constitués par les roches calcaires, pourrait croître,

dans la région méditerranéenne, sur les sols siliceux ou feldspathi- ques, et réciproquement. Après avoir formulé celte opinion d’une façon théorique \ Thurmann cherche, au chapitre dix-huitième de son ouvrage, à l’étayer de quelques exemples. Mais, obligé ici de se ré¬ férer à des renseignements puisés dans les livres, ses indications ne présentent pas en général la valeur qu’elles ont pour le Jura et pour la Forêt-Noire, régions qu’il avait étudiées personnellement avec tant de soin. Sans entrer dans des détails qui seraient hors de place dans ce travail, rappelons le contraste qui existe entre la flore de l’Esterel, des Maures, régions feldspathiques et siliceuses, et celle des montagnes calcaires qui les longent entre Toulon et Nice. Il est aussi profond que celui qui existe entre la végétation des Vosges et celles des collines calcaires de la Lorraine ou de la chaîne

jurassique, et les causes qui ont amené cette répartition des végétaux doivent, quelles qu’elles soient, être les mêmes de part et d’autre. Nous ne parlons d’ailleurs que des phénomènes généraux de ré¬ partition, sans nier que, pour certaines plantes, les idées de Thurmann soient l’expression de la vérité.

Lorsqu’on examine en détail la végétation des sols non calcaires de la région méditerranéenne, on est frappé de ce fait qu’à côté d’espèces spéciales an Midi, comme YErica arboreci, il en est d’autres qu’on rencontre sur les mêmes sols dans le Nord, la bruyère com¬ mune (Calluna viilgaris), par exemple. Il y a un fort argument con¬ tre l’opinion de Thurmann relative aux modifications que le climat apporterait dans les exigences des plantes à l’endroit du sol. Si la bruyère commune prospère sur les terrains brûlants elle croît en mélange avec les végétaux les plus franchement méditerranéens, on ne voit pas pourquoi elle ne se montrerait pas dans le Nord sur beaucoup de terrains calcaires assurément beaucoup moins secs.

1. Phytostatique du Jura, fc. I, p 290,

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA BRUYERE COMMUNE.

397

Il nous a semblé intéressant de faire pour cette plante la contre¬ partie de nos travaux précédents. Tandis que nous avions recherché quelle influence avait sur une plante, sous un même climat, la subs¬ titution d’un sol riche en carbonate de chaux à un sol renfermant une très faible quantité de ce sel, nous avons voulu, cette fois, exa¬ miner si, la plante restant sur un sol très pauvre en calcaire, la com¬ position chimique de ses cendres et, par suite, la vigueur de végéta¬ tion seraient influencées par un changement de climat. Si les sols sur lesquels nous avons recueilli les plantes à analyser ont tous le caractère commun que nous venons d’indiquer, ils diffèrent con¬ sidérablement par leur état physique, leur composition, les roches qui les ont produits, comme on le verra par la description que nous en ferons. Nos recherches fourniront par suite des documents pour la solution d’une seconde question : le sol, en dehors de sa teneur en chaux, exerce-t-il une influence sur les végétaux caloi- fuges ?

Deux motifs nous ont conduits à choisir la bruyère commune comme sujet d’étude; l’un est d’ordre purement scientifique : c’est la grande extension de cette plante, aussi bien en altitude qu’en latitude ; l’autre se réfère à des conditions d’ordre pratique, c’est sa grande fréquence sur les terrains siliceux vagues ou boisés.

Parmi les végétaux qui s’accommodent de conditions climatériques différentes, la bruyère commune est, en Europe, un de ceux qui présentent la plus grande extension, aussi bien en latitude qu’en altitude. On la trouve indiquée dans les flores depuis le midi de l’Espagne, un peu au nord du 36° de latitude boréale, jusqu’à la péninsule de Kola et au pays des Samoyèdes, en Russie, aux envi¬ rons du 69°, c’est-à-dire au-dessus du cercle polaire. Près de sa limite méridionale, elle devient plus rare et semble rechercher les montagnes ou au moins les collines élevées. Mais déjà, sur les points les plus chauds du midi de la France, elle n’est pas rare au bord de la mer, et de elle s’élève dans les montagnes, les Alpes notamment, jusqu’à des altitudes considérables. M. Willkomm 1 l’indique, d’après

1. Willkomm, Forstliche Flora Von Deutschland und Oestevreich , p. 528. Leipzig, 1875.

398

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Sauter et Sendtner, à 6,000 pieds, soit 1,949 mètres dans les Alpes de Salzbourg et de Bavière. L’un de nous l’a rencontrée à des altitudes supérieures en Suisse : à 25 mètres en dessous du col de la Furka (2436 m.), et à la limite de la végétation forestière, en montant de Pontresina au sommet du Piz-Languard, à une hauteur à peu près égale.

11 est à peine besoin de faire observer que, vers sa limite supé¬ rieure, la bruyère commune est moins vigoureuse et aussi moins abondante que dans les stations inférieures ; elle n’en montre pas moins, comme on le voit, une grande facilité à se plier à des condi¬ tions climatériques très différentes. Elle habite aussi sur les sols les plus variés dans leur composition chimique et aussi dans leurs pro¬ priétés physiques, l’humidité en particulier, puisqu’on la trouve sur les sols secs des bords de la Méditerranée et sur les tourbes du Nord. Il y a des sols toutefois qu’elle redoute, ceux qui présentent de la chaux en excès, c’est un fait relevé par de nombreux Aoristes et que nous avons toujours constaté chaque fois que nous avons rencontré l’espèce en France, en Allemagne, en Suisse et en Italie. Si l’on a cru observer des faits contradictoires, cela vient de ce qu’on a négligé une couche superficielle de sable argileux ou de terreau tourbeux, seule pénétrée par les racines de la plante, comme cela se présente, par exemple, dans le Jura.

Dans l’aire très étendue qu’elle occupe, la bruyère commune couvre des surfaces considérables, soit sur les terrains vagues, soit dans les forêts, lorsque celles-ci ne donnent pas un couvert trop épais. Plante de plein soleil et de terrains pauvres, la bruyère doit, en effet, le plus souvent son extension à des abus de jouis¬ sance du sob C’est lorsqu’on a déboisé inconsidérément des sols que l’agriculture doit ensuite abandonner; c’est lorsqu’on a ex¬ ploité une forêt sans souci de sa régénération ; lorsqu’on a laissé le pâturage s’exercer aux dépens des rejets ou des jeunes brins qui doivent assurer la perpétuité de la forêt, que la bruyère s’installe et qu’elle ne tarde pas, en qualité de plante sociale, à former, presque à elle seule, le tapis végétal. Elle détériore en même temps le sol par ses détritus acides, et le fait passer à l’état de terre de bruyère. Employée comme litière, pour faire des balais et pour

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA. BRUYÈRE COMMUNE. 399

d’autres menus usages, la bruyère commune est alors extraite en quantités souvent considérables des propriétés elle se trouve. Qu’il s’agisse d’apprécier l’avantage ou le dommage qui résultent de ces extractions, l’étude des exigences de la plante, de sa constitu- iion chimique présente donc un grand intérêt pratique.

Il n’est pas étonnant dès lors que la bruyère commune ait déjà attiré l’attention de plusieurs chimistes. On trouve un résumé de leurs travaux dans le recueil d’analyses publié parE. Wolff1. Les ré¬ sultats obtenus sont fort intéressants. Notre travail les confirmera, en même temps qu’il rapprochera les analyses des conditions de sol, d’altilude, de climat sous l’influence desquelles la plante a vécu, ce que nos devanciers avaient complètement négligé de faire ou imparfaitement indiqué*

Nous nous sommes trouvés* au début de notre travail, en pré¬ sence d’une difficulté, celle d’avoir des échantillons de la plante parfaitement comparables. Dans les recherches que nous avons rap¬ pelées au commencement de ce mémoire, comme nous opérions sur des sols très différents, mais situés à de très faibles distances les uns des autres, la récolte des échantillons pouvait être simultanée. Ici, au contraire, les distances considérables qui séparaient les diverses stations de la plante constituaient déjà un obstacle sérieux à un sem¬ blable mode d’opérer. Il est très bon, en effet, que les diverses récoltes soient faites par la même personne. Mais cette récolte si¬ multanée, en supposant que nous fussions arrivés à la pratiquer, ne nous aurait pas donné des échantillons comparables, parce que, à raison des grandes différences de climat qui existent entre les diver¬ ses stations, la bruyère ne parcourt pas les diverses phases de la végétation aux mêmes époques. C’est ainsi que la floraison est très tardive dans le Midi, contrairement à ce qu’on pourrait supposer, à cause de l’extrême sécheresse de l’été. Nous avons donc pris le parti de la recueillir dans les diverses stations au même état physio¬ logique, c’est-à-dire après complet épanouissement des fleurs. Une seule récolte a eu lieu après la maturité des fruits ; nous en donne¬ rons les résultats à titre de simple renseignement.

1. Wolff, Æ chenanalysen, p. 140.

400

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Les plantes ont été coupées au ras du sol, et on les a analysées dans leur intégralité, en se bornant à retrancher les organes morts. Il eût été intéressant de séparer les axes, les feuilles et les fleurs : mais, indépendamment du temps considérable qu’aurait exigé cette opération, à cause de l’exiguïté des organes, elle n’aurait pas donné des résultats absolument exacts, à cause de la difficulté qu’il y aurait eu à isoler complètement les feuilles des très jeunes axes. Notre manière d’opérer était du reste très suffisante pour la solution des problèmes que nous nous étions posés. Les stations que nous avons choisies sont : le^bois de Sixfours,aux environs de Toulon (Var); le bois de Champfétu, environs de Sens (Yonne); la forêt de Rosières, environs de Nancy (Meurthe-et-Moselle) ; la Roche-du-Diable et le Hohneck, environs de Gérardmer (Vosges). La première fait partie de la région des oliviers, au bord de la mer; les deux suivantes sont dans celle de la vigne;. la quatrième dans celle du sapin et du commencement de l’épicéa; la dernière se trouve au sommet des hautes Vosges, dans les pâturages connus sous le nom de Chaumes. La différence en latitude est d’environ cinq degrés et en altitude d’environ 1,200 mètres.

Avant de passer à l’analyse des sols et des plantes, nous allons indiquer pour chaque, récolte la date à laquelle elle s’est faite, l’état de la plante et les conditions dans lesquelles elle a vécu.

Bois de Six fours , environs de Toulon, 31 octobre 1878. La récolte a été faite dans un endroit rocheux, vers le sommet, à 70 mètres d’altitude environ au-dessus de la mer. La Calluna vulgaris est commune en pleine fleur. Elle atteint 80 centimètres de hauteur. Quelques pieds ont séché par suite du manque d’eau. La forêt est très claire et peuplée de chênes-lièges et de pins d’Alep ; YErica arborea y est très abondante, ainsi que le Calycotome spinosa, qui entre en végétation, mais dont plusieurs pieds ont séché. On a choisi, pour prendre les échantillons de terre et de plantes, un endroit bien éclairé, sans arbres. Dans un rayon de dix mètres, on observait au¬ tour de la Calluna vulgaris, les Quercus coccifera (peu abondant), Phyüirea angusti folia* Cistus salviæfolius * Lavandula Stœchas, Ju- niperus oxyœdrus. Parmi ces végétaux, il en est deux, ceux marqués d'un*, qui comptent au nombre des espèces les plus calcifuges de la

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA BRUYÈRE COMMUNE. 401

région méditerranéenne. La surface 'du sol est assez abondamment couverte de débris végétaux, parmi lesquels prédominent les feuilles de chêne-liège. La roche sous-jacente est un stéaschiste, avec filons de quartz, qui donne une terre peu abondante, mélangée de pierres, surtout de morceaux de quartz. La Calluna vulgciris est belle et très abondante dans presque tout le bois, sauf sur la petite pente E.-S.-E., vis-à-vis Reynier.

Bois de Champ fétu, aux environs de Sens (12 septembre 1879). La récolte a eu lieu au canton de la Mare, à environ 200 mètres d’altitude, dans un taillis sous futaie âgé de deux ans, peuplé principa¬ lement de chênes et de bouleaux. On a choisi un endroit bien éclairé, au bord d’un chemin. La Calluna vulgaris est très abondante, très vigoureuse, 80 à 90 centimètres de hauteur; elle est en pleine flo¬ raison. Elle est entourée de végétaux indifférents ou calcifuges* parmi lesquels la Sarothamnus vulgaris , très commune. Le sol est formé par la portion supérieure de sables meubles de l’époque ter¬ tiaire ; il est très profond et mêlé de quelques silex.

Roche- du- Diable, aux environs de Gérardmer, sur la route de la Schlucht, à 880 mètres environ d’altitude. - La récolte a eu lieu le 1er septembre 1879, sur la roche même, dans un endroit en pente très raide, au Sud-Est, très éclairé, parce que la forêt, qui est une sapinière, s’accommode mal du sol, qui est très superficiel. La Cal¬ luna vulgaris est commune, très vigoureuse, en pleine fleur. Elle croît en mélange avec les Digilalis purpurea, Fesluca ovina, Ga - leopsis tetrahit , Solidago virgaurea , Vaccinium myrtillus , Prenan * tlies purpurea, c’est-à-dire une végétation de montagne essentielle¬ ment ealcifuge. La roche donne fort peu de terre. Celle-ci est contenue dans les fentes du rocher et n’a pas plus de 9 à 10 centi¬ mètres de profondeur.

Ihhneck, aux environs de Gérardmer (1er septembre 1879). La récolte a eu lieu sur le versant ouest, à 50 mètres environ au- dessous du sommet, du côté du Frankenthal, à un peu plus de 1,300 mètres d’altitude, par conséquent. La Calluna vulgaris est très commune, bien venante, formant souvent à elle seule le tapis végétal, mais très courte, par suite de l’action du vent, très dense, un peu moins fleurie qu’à la Roche- du-Diable. Assez souvent, il n’y

402

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

a pas de fleurs sur un pied ; la coloration des fleurs est très vive. La forêt fait défaut connue sur tous les sommets de la région connue sous le nom de Chaumes. Autour des échantillons recueillis, on observe des graminées, des Hieracium, les Anemone alpin a, Lotus corniculatus , Ranunculus acris . La terre, qui provient delà destruc¬ tion des granits et d’une accumulation de débris organiques, est pro¬ fonde, plus de 35 centimètres. Elle est fine, très noire, sans mé¬ lange de débris rocheux.

Bois de Rosières , aux environs de Nancy (3 décembre 1879). La récolte a eu lieu dans un endroit bien éclairé, à la limite d’un perchis de pins sylvestres de 40 ans environ, beau mais clairsemé, et d’un semis de la même essence de 8 à 10 ans, opéré dans un taillis sous futaie ruiné de chêne et de bouleau. L’altitude est d’en¬ viron 240 mètres. Les bruyères sont vigoureuses; les plus hautes ont 60 centimètres, elles ont abondamment fleuri ; les capsules sont mûres et les graines en voie de dissémination. Avec la Calluna vul - garis, beaucoup de Sarothamnus vulgaris, Molinia cærulea ; un peu plus loin, Scabiosa succisa, Pteris aquilina. Le Juniperus commuais existe aussi en petite quantité. La terre végétale provient des allu- vions anciennes de la Meurthe ; elle est profonde , très meuble , renferme peu de gros débris organiques, peu de cailloux roulés quartz eux.

Les échantillons de terre ont été pris en fouillant le sol à 15 centi- mètres de profondeur, ce qui est bien suffisant, étant donné l’enraci- ment superficiel de la Calluna. A la Roche-du-Diable, on a rencon¬ tré la roche avant d’atteindre cette profondeur. Comme cela a été dit plus haut, on n’a pas prélevé d’échantillons de sol dans le bois de Champfétu ; on s’est servi d’une analyse faite, pour un travail précé¬ dent, de la terre du canton des Quatre-Arpents, contigu à celui de la Mare et dont le sol est identique.

Le tableau suivant donne les résultats des analyses de ces échan¬ tillons de sols :

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA BRUYÈRE COMMUNE. 403

SUBSTANCES DOSEES

dans les sols.

BOIS

de

Six-Fours.

BOIS

de

Champ-

fétu.

ROCHE

du

Diable.

CHAUME

du

Hohneck.

BOIS

de

Rosières.

Eau .

1.75

9.68

15.15

Matières organiques combusti-/ 9.20

6.4 0

blés .

5 . 50

31.88

28.05

Alumine et sesquioxyde de fer .

2.75

O

4.98

5.80

1.30

Carbonate de chaux .

0.33

0.35*

0.44

0.26

0.05

Acide sulfurique .

0.03/

»

0.09

0.17

Traces.

Magnésie .

Traces.

0.38

0.20

0.44

0.28

Potasse .

Traces.

0.07

0.37

0.10

0.09

Acide phosphorique .

Non dosé.

0.64

0.46

0.24

Traces.

Soude . . . . .

Non dosée.

0.06

Non dosée.

0.16

Non dosée.

Résidu insoluble .

87.70

90.55

49.70

50.10

92. 13

Acide carbonique ......

»

0. 70

»

»

))

* Ce chiffre est celui de la chaux vive

correspondant à 0.62 de carbonate de chaux.

AJ<

Si l’on rapproche les données de ce tableau de la description qui a été fournie précédemment de chacun des sols, on voit qu’ils n’ont qu’un caractère commun : leur extrême pauvreté en carbo¬ nate de chaux; celui qui en contient le plus, à Champfétu, n’en renferme que 0.62 p, 100, et celui qui est le plus pauvre en cet élément, dans la forêt de Rosières, 0.05 p. 100 seulement. D’ail¬ leurs, ils sont de profondeur aussi dissemblable que possible, du sol essentiellement superficiel de la Roche-du-Diable à ceux de Champfétu et de Rosières, formés par des sables meubles de plusieurs mètres d’épaisseur. La composition minéralogique des roches qui ont donné naissance à l’élément minéral de la terre n’est pas moins variable : schistes dans le Midi, sables quartzeux meubles à Champ¬ fétu et à Rosières, roches feldspal biques dans les Vosges. Quant à l’élément organique, il ne présente pas des différences moins re¬ marquables. Tandis que les sols de la plaine contiennent peu de terreau, le vingtième environ de leur poids, ceux de la montagne en renferment le tiers environ de leur poids.

Il est facile de constater que ces résultats d’observation ou d’ana¬ lyse sont peu favorables à la doctrine qui ne voit dans l’absence

404

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

de la bruyère commune sur les sols calcaires qu’un effet de leurs propriétés physiques et notamment de leur peu d’hygroscopicité. Sous ce dernier rapport, il ne peut guère se rencontrer deux sols plus différents que celui de Sixfours, superficiel, à gros éléments renfermant peu de terreau, placé dans une région très sèche et très chaude, et celui du Hohneck, profond, à éléments fins, constitué pour très grande partie par du terreau et placé dans une région de brouillards fréquents, de pluies abondantes.

Soumis à l’incinération, les divers échantillons de bruyères ont

donné les proportions suivantes de cendres pures rapportées au

\

poids de la matière sèche après dessiccation à l’étuve :

Bois de Sixfours . 2.17 p. 100

Bois de Champfetu . 1.60

Boche-du-Diable . 1.96

Chaume du Hohneck . 2.30

Bois de Rosières . 2.53

>1

On voit que la bruyère commune demande peu de chose au sol. Ces plantes, les axes jeunes, les feuilles, les fleurs, les fruits pour la provenance de Rosières, c’est-à-dire les organes les plus riches en cendres prédominent, renferment une quantité de matiè¬ res minérales qui rappelle celle qu’on observe chez les axes isolés de beaucoup de végétaux. Les conifères seuls, parmi les espèces qui fournissent les produits principaux des champs ou des forêts, présentent des exemples d’une semblable pauvreté.

Il est facile de voir que la différence de climat n’exerce aucune influence sur la teneur en cendres, puisque les deux maxima nous sont fournis, pour les. plantes en fleurs, par Sixfours et par le Hohneck, c’est-à-dire par les deux localités les plus dissemblables sous ce rapport. Nous avons vu aussi que ces stations diffèrent profondément par la composition du sol et par ses propriétés phy¬ siques.

Le résultat obtenu pour Rosières semblerait indiquer une légère augmentation du taux des cendres chez la plante fructifère, mais il s’agit d’une seule observation, et la différence très faible n’est point obtenue par comparaison avec des échantillons en fleurs de la

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA BRUYÈRE COMMUNE. 405

même localité. 11 est donc impossible de tirer de cette seule obser¬ vation une conclusion légitime.

Les résultats de l’analyse de foins récoltés à diverses altitudes ont donné à penser que la teneur en cendres diminue à mesure qu’on s’élève plus haut au-dessus de la mer. Des recherches faites en Bavière, sur les feuilles de quelques arbres forestiers % ont con¬ duit à la même opinion. Elle ne semble pas se vérifier en ce qui concerne la bruyère commune. Les légères différences constatées entre les différentes provenances n’obéissent à aucune loi de ce genre ; les deux maxima sont obtenus, l’un au bord de la mer, l’autre au sommet des Vosges ; c’est dans cette dernière localité qu’on a même trouvé le chiffre le plus élevé.

L’analyse quantitative des éléments des cendres de diverses pro¬ venances a donné les résultats consignés au tableau qui suit :

PRINCIPES

DES CENDRES DE BRUYÈRES

x’écoltées sur différents sols.

BOIS

de

Sixfours.

BOIS

de

Cliamp-

fétu.

ROCHE

du

Diable.

CHAUME

du

D

Hohneck.

BOIS

de

Rosières.

Acide phosphorique .

8. 17

10.76

9.60

11.40

5.25

Sesquioxyde de fer .

9.34

4.10

3.20

4.03

1.05

Chaux .

18.68

22.66

23.23

27.12

15.41

Magnésie. . . .

19.84

10.62

10.94

9.73

12.26

Potasse .

7.00

10.91

16.83

8.76

8.23

Soude . . .

Traces.

2.83

2.35

3.34

0.52

Acide sulfurique .

7.78

7.51

7.58

8.90

7.71

Silice .

29.19

2,6.65

23.91

24.76

49.57

Chlore .

Non dosé.

3.96

2.36

1.96

Non dosé.

Totaux .

100.00

100.00

100.00

100.00

100.00

L’examen de ce tableau montre une remarquable constance de composition dans les cendres des échantillons en fleurs des quatre provenances; elle est d’accord avec ce que nous avons constaté du bon état de végétation de la bruyère dans ces quatre stations ; la conclusion légitime à tirer de ces faits, c’est que, le sol restant le

1. Dr E. Ebermayer, Die gesammte Lehre cler Waldstreu, p. 88. Berlin, 1876.

406

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

même en ce qui concerne la pauvreté en chaux, les différences de composition, d’état physique de ce même sol, comme celles du climat, sont sans action sur la nutrition de la plante et par suite sur son état de végétation ; c’est donc l’excès de chaux dans la terre, et lui seul, qui exclut la bruyère des régions calcaires.

Lorsque nous disons cpie la composition des cendres reste cons¬ tante, il y a une réserve importante à faire pour la magnésie conte¬ nue en proportion beaucoup plus forte dans la bruyère de Sixfours,

alors que la chaux y est moins abondante. Nous voyons ici un exemple de plus de l’équivalence physiologique plusieurs fois constatée de ces deux bases, La bruyère du Ilohneck, plus riche en chaux, plus pauvre en magnésie que toutes les autres, la vérifie également.

Cette grande richesse de la bruyère de Sixfours en magnésie est remarquable à un autre titre. Si 1 on se reporte au tableau de 1 a- nalyse des sols, on voit que la terre elle a végété ne renferme que des traces de magnésie soluble, mais la roche d’où provient la terre est une stéatite, c’est-à-dire une roche formée, pour notable partie, de silicate de magnésie. La plante a donc pu s’approprier la base contenue dans ce sel insoluble. 11 y a une confirmation d’un fait aujourd’hui acquis à la physiologie végétale, mais qui avait été longtemps méconnu. C’est peut-être à raison de cette origine de la plus grande partie de la magnésie absorbée par la bruyère à Six¬ fours, qu’elle renferme aussi une proportion un peu plus forte de

silice.

Nous allons examiner chacun des éléments des cendres en expo¬ sant les remarques auxquelles ils semblent donner lieu.

L’acide phosphorique est en proportion moyenne, plutôt un peu faible, étant donné queia plante est prise dans son entier, c’est-à- dire avec beaucoup de jeunes axes, de feuilles et de fleurs. La te¬ neur est assez constante, cependant il se trouve en proportion plus forte au Ilohneck, en plus faible à Sixfours, sans qu’il soit possible d’établir aucune loi, puisqu’à la Roche-du-Diable, la station qui se rapproche le plus du Hohneck à tous égards, il y a également pro¬ portion plus faible de ce corps.

Le sesquioxyde de fer est, par comparaison avec ce qu’en ren¬ ferment en général les plantes, en proportion assez forte. Celle-

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA BRUYÈRE COMMUNE» 407

ci s’élève surtout à Sixfours, sans qu’il soit possible de comprendre pourquoi.

La teneur de la chaux n’est pas très élevée, cependant elle forme en moyenne pins du cinquième du poids des cendres, ce qui con¬ firme tout ce qu’a appris jusqu’à présent l’étude des plantes calcifu- ges. Comme les autres, elles exigent beaucoup de chaux pour se constituer, et c’est même parce qu’elles l’absorbent trop facilement que cette base leur devient nuisible lorsqu’elle existe en trop grande quantité dans le sol.

La teneur de la magnésie, sans être faible, n’est pas très élevée. Nous n’avons rien à ajouter à ce que nous avons dit plus haut de son rôle rapproché de celui de la chaux.

La quantité de potasse est faible et sujette à quelques variations difficilement explicables.

La soude existe en quantités qui ne sont pas négligeables pour trois localités. Il y en a des traces seulement à Sixfours, localité la plus rapprochée de la mer. C’est une de ces anomalies comme on en observe si fréquemment pour ce corps dont le rôle reste jusqu’à présent fort douteux dans beaucoup de cas et toujours très énigma¬ tique en physiologie végétale.

La teneur en acide sulfurique est forte ; elle se rattache certaine¬ ment. à une grande richesse en principes albuminoïdes; elle est, de plus, d’une remarquable constance.

La silice existe en quantité très forte ; c’est un fait intéressant. La plupart des espèces longtemps qualifiées de silicicoles, l’ajonc com¬ mun, le genêt à balais, le châtaignier, le pin maritime, ne se distin¬ guent pas par leur richesse en silice. La bruyère mériterait mieux ce titre. Cependant, si l’on tient compte du faihle taux total des cen¬ dres, cette exception est plus apparente que réelle; en réalité, le taux de silice contenue dans un poids donné du corps de la plante, ne diffère pas autant, chez, la bruyère, de celui des autres espèces dont nous venons de parler, qu’il semblerait résulter de l’analyse de ces mêmes cendres ; néanmoins, la quantité de cette substance y est certainement plus forte. Nous ne pensons pas que la silice joue chez elle un rôle plus actif que chez, les autres végétaux ; ce doit être, ici comme partout, une substance d’incrustation dont la: quan-

ANN.. SCIENCE AÜRON,.

27

408

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

tité serait plus considérable à cause de la plus grande proportion des tissus incrustés relativement aux autres, ce que justifie l’ob¬ servation, peut-être aussi parce qu’ils le seraient à un degré supé¬ rieur.

Le chlore présente des teneurs assez fortes, étant donnée la rareté habituelle de ce corps dans l’organisme végétal; il n’est pas en relation avec le taux de la soude.

En résumé, nous voyons que l’analyse quantitative des cendres confirme ce que nous avons pu déduire du taux total des matières

minérales au sujet de la frugalité de la bruyère commune. Il n’v

\

a d’exception notable que pour la silice, qu’elle absorbe en très forte quantité, et pour l’acide sulfurique, dont la teneur est forte. Celle-ci, comme nous l’avons déjà fait remarquer, suppose aussi une assez grande exigence en azote. 11 ne faudrait pas, cependant, exagérer cette dernière ; si l’on tient compte du faible taux total des cendres, on voit que la proportion de soufre renfermée dans la plante n’est pas, en définitive, très considérable.

Les cendres de la bruyère de Rosières donnent lieu à quelques observations qui, pour les raisons déjà exposées, ne figurent ici qu’à titre de simple renseignement et exigeraient des vérifications par d’autres analyses de plantes au même état physiologique.

L’acide phosphorique y est en très faible proportion ; peut-être est-ce à l’extrême pauvreté du sol en ce corps. On peut remarquer d’ailleurs que la bruyère y est sensiblement moins élevée qu’à Six- fours et à Champfétu, les deux autres stations d’altitudes inférieures, ce qui dénote une moindre vigueur.

La chaux est aussi en proportion sensiblement plus faible, tandis que la magnésie est plus abondante que d’habitude. Il y a un ré¬ sultat de l’extrême pauvreté du sol en carbonate de chaux et de la substitution que nous avons déjà signalées.

Quant à la teneur en silice, elle est beaucoup plus forte que pour les autres stations, et véritablement énorme, puisque ce corps forme environ la moitié du poids total des cendres.

La grande fugalité de la bruyère commune nous explique pour¬ quoi elle s’installe si facilement sur les sols les plus pauvres ; pour¬ quoi elle y est une espèce éminemment sociale ; la plupart des

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA BRUYÈRE COMMUNE. 409

espèces étant, à des degrés divers, plus exigeantes qu’elle, ne sauraient lui faire concurrence. Lorsque des sols siliceux ou feldspathiques ont été détériorés par des abus de jouissance; lorsque, par exemple, l’exploitation forestière s’est faite à trop courtes révo¬ lutions, ou bien sans souci de maintenir l’état de massif, ou bien en pratiquant de fréquents enlèvements de feuilles mortes, on peut être certain de voir la bruyère envahir le sol. Le tapis végétal qu’elle constitue est des plus funestes ; par elle-même, elle nuit à la germination des graines et au développement des jeunes sujets, en même temps que par ses détritus elle transforme la terre végétale en cette variété connue sous le nom de terre de bruyère, qui est si défavorable à la plupart de nos grandes espèces forestières.

La bruyère est assez recherchée par les riverains des forêts pour certains menus usages, comme la confection des balais, mais sur¬ tout pour faire de la litière. Aussi en enlève-t-on souvent des quan¬ tités considérables des forêts qu’elle a envahies. Les propriétaires s’y prêtent, en général, d’autant plus facilement, qu’ils pensent y trouver tout bénéfice, en se débarrassant d’une plante nuisible et gagnant en échange soit une rémunération en argent, faible, il est vrai, soit des journées de travail qu’ils peuvent employer pour l’amé¬ lioration de leurs propriétés.

En réalité, rien de plus faux que ce calcul; la bruyère simple¬ ment coupée et que rien ne vient gêner, si l’on n’a pas fait de tra¬ vaux de plantation ou de semis, se régénère par rejets et par grai¬ nes ; tout ce qu’on a obtenu, c’est d’augmenter la stérilité d’un sol déjà très pauvre le plus souvent, et cela en échange d’une rémuné¬ ration illusoire. Si la bruyère, en effet, n’est pas exigeante, il n’en est pas moins vrai que les quantités d’azote, de cendres, qu’elle en¬ lève au sol, sont très appréciables. Ainsi, à Sixfours, 1,000 kilogr. de matière sèche, correspondant à environ 11,000 kilogr. de matière vivante, contiennent 21k,700 de cendres, dont :

Acide phosphotique . tk,773

Chaux . . . 4 ,054

Totasse . 1 ,519

Ce qui, mis en regard de la très faible teneur du sol en ces

410 annales de l\ science AGRONOMIQUE,

substances, montre qu’il y a des quantités qui ne sont pas négli-

geables,

La conclusion à tirer des faits qui précèdent, c’est que l’enlève» ment des bruyères, qu’on soit en présence d’une forêt en mauvais état ou d’un sol enlevé complètement à la végétation forestière, ne remédie à rien et ne fait que diminuer la production dans le premier cas. Les opérations à exécuter sont la création ou la réfec¬ tion de massifs bien pleins au moyen d’une espèce peu exigeante, comme le pin sylvestre, chaque fois que le climat n’est pas trop chaud. Gette espèce, qui couvre bien le sol pendant la jeunesse, étouffe la bruyère ; plus tard, elle laisse arriver la lumière pour per¬ mettre à celle-ci de reparaître; mais, suivant les cas, on pourra lui substituer une autre espèce ou installer un sous-étage suscep¬ tible de protéger le sol. Le pin maritime peu rendre des services analogues dans les pays plus chauds,

Dans la région méditerranéenne, la bruyère est associée à un grand nombre d’autres arbustes dans la constitution des'* sous-bois si abondants, si puissants qui sont une des causes des incendies si fréquents et si redoutables qui désolent les forêts. Un intérêt de premier ordre commande donc le débroussaillement, qui s’effec¬ tue aujourd’hui sur une vaste échelle. L’étude que nous venons de faire de l’espèce la moins exigeante peut-être parmi celles qu’on enlève, montre que cette mesure, excellente pour la conservation des massifs forestiers, n’est pas cependant sans inconvénients au point de vue cultural. Nous pensons qu’il y a une difficulté qui mérite toute l’attention des forestiers de cette très intéressante ré» gion. Nous n’insistons pas; nous espérons fournir prochainement de nouveaux éléments à 1 étude de cette question.

Il nous semble qu’on peut résumer les conclusions du travail que nous venons d’exposer dans les propositions suivantes :

La bruyère commune ( Calluncivulgavis Salisb.) est une espèce calcifuge, quel que soit le climat sous lequel elle vit,

Elle est indifférente à la composition minéralogique ou chimi¬ que, aux propriétés physiques du sol, pourvu que celui-ci ne ren¬ ferme pas un excès de chaux,

Dans les limites de l’aire très vaste qu’elle habite, des différent

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA RRUŸÈRË COMMUNE. 411

ces très considérables de climat ne se traduisent par aucune modi- fication dans la composition chimique de la plante, et par suite dans son état de végétation. L'altitude même n’exerce aücnne in¬ fluence*

La bruyère demande fort peu de chose au sol pour se cons¬ tituer.

Comme celles de toutes les espèces calcifuges, les cendres de la bruyère commune renferment une forte proportion de chaux ; mais elles contiennent une quantité plus considérable encore de silice , ce qui n’est pas le cas chez la plupart d’entre elles.

Cette grande frugalité de la bruyère commune explique sort abondance sur les terres les plus pauvres* celles notamment qui ont été épuisées par des abus de jouissance ; elle explique aussi pour¬ quoi elle est à un haut degré une plante sociale*

Malgré cette frugalité, l’enlèvement des bruyères dans les forêts ruinées n’en est pas moins une mauvaise pratique il achève l'é¬ puisement du sol et, par suite, le mauvais état de la forêt ne cesse de s'accroître* Il ne fournit pas en compensation à F agriculture , lorsqu’on emploie la plante comme litière, une matière très fer¬ tilisante,

EXAMEN CHIMIQUE

DES

PHOSPHATES DE LOGROZAN1

( Espagne )

Par A. VIVIER

LICENCIÉ ÈS SCIENCES

PRÉPARATEUR DU COURS DE CHIMIE AGRICOLE A LA FACULTÉ DES SCIENCES

L’apatite de Logrozan se présente sous forme de prismes hexa¬ gonaux réguliers dont les bases portent des modifications pyrami¬ dales.

Les cristaux sont généralement troubles, d’une couleur jaunâtre ou verdâtre, à cassure vitreuse et inégale.

La plupart de ceux que j’ai examinés contenaient de nombreuses inclusions de fer spéculaire, en lamelles atteignant parfois jusque 8 millimètres de côté.

De plus, leur surface est souvent recouverte d’une croûte de car¬ bonate de chaux qui s’en sépare assez facilement, en gardant l’em¬ preinte du cristal dont elle avait épousé la forme. La surface parfai¬ tement polie et miroitante de la face interne de l’empreinte me porte à croire que ce carbonate de chaux est un dépôt aqueux len¬ tement formé sur l’apatite.

1. Je dois à l’obligeance du savant chimiste de Madrid, M. R. de Luna, de très beaux échantillons des phosphates découverts par lui à Logrozan et de la gangue tra- chytique qui les renferme. C’est avec ces matériaux que M. A. Vivier a fait dans mon laboratoire le travail le plus complet que nous possédions sur cet intéressant gisement dont l'exploitation constitue une source inépuisable de phosphate pour l’agriculture.

L. Grandeau.

EXAMEN CHIMIQUE DES PHOSPHATES DE LOGROZAN. 413

Les cristaux d’apatite sont inclus dans un trachyte altéré, poreux, d’une couleur gris-rougeâtre, parsemé de grains rouges de limonite. Cette roche contient aussi quelques veines de chaux carhonatée pa¬ raissant appartenir à la variété calcite ; puis de petites lamelles très brillantes de fer spéculaire, et quelques points brillants indéfinissa¬ bles à la loupe. Une coupe microscopique de cette roche, que M. le professeur Thoulet a bien voulu faire exécuter pour moi dans son laboratoire, montre que ces points brillants sont de petits prismes d’apatite qu’on retrouve dans la coupe sous forme de rectangles allongés déformés par glissement, et qu’on reconnaît d’ailleurs à leurs propriétés optiques.

L’apatite se trouve donc dans sa gangue d’abord en fragments de cristaux plus ou moins volumineux, ayant de 5 à 25 millimètres de longueur, puis en cristaux microscopiques, presque invisibles à l’œil et répartis dans la pâte de la roche.

J’ai fait l’analyse de la gangue et de l’apatite par les méthodes suivantes.

La gangue a été triée autant que possible de manière à en sépa¬ rer les morceaux d’apatite ; cette opération est du reste assez facile, étant donnée la grosseur des cristaux.

La matière a été ensuite broyée finement, desséchée au rouge très sombre, et analysée par la méthode de la voie moyenne, insti¬ tuée par H. Sainte-Claire Deville et telle qu’elle est décrite dans le Traité d'analyse des matières agricoles de M. Grandeau.

L’analyse portait sur lgr,060 de matière ; elle a donné les résultats

suivants :

Pour 100.

Acide carbonique. . . . 0,049 4.597

silicique . 0,534 50.090

phosphorique . 0,005 0.470

Alumine et sesquioxyde de fer. . . 0,292 27.392

Chaux . 0,029 2,720

Magnésie . 0,059 5.536

Potasse . 0,087 8.1 62

Soude . . . . . 0,011 1.033

1,066 tOO.OOO

On n’a pas cherché à déterminer la petite quantité de chlore et

414

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

de fluor que cette roche doit contenir dans le peu d’apalite qu’elle renferme, cette quantité est tout à fait négligeable.

Je dois faire remarquer en outre que la méthode de Deville ne s’applique pas en général aux matières phosphatées. Mais, dans ce cas particulier, l’alumine et le sexquioxyde de fer sont en très grand excès par rapport à l’acide phosphorique. Dans ces conditions, on est sûr de retrouver celui-ci dans le mélange des bases terreuses ; en reprenant ce mélange par l’acide azotique, on peut donc séparer l’a¬ cide phosphorique sous forme de phosphomolybdate d’ammoniaque et le doser à l’état de pyrophosphate de magnésie.

On voit que cette roche joint à une teneur notable en acide phos¬ phorique une richesse relativement grande en potasse ; d’ailleurs, comme elle est poreuse et friable et par conséquent facile à désa¬ gréger, il n’est pas douteux qu’elle fournisse à la longue, après l’ex¬ traction des apatites en gros cristaux qu’elle contient et à la suite d’un apport convenable de matières organiques, un sol des plus fertiles.

Apcitite. J’ai choisi pour l’analyse les cristaux ne contenant pas d’inclusions de fer spéculaire ; puis, pour les débarrasser des dépôts de carbonate de chaux qui les recouvrent souvent à l’extérieur ou qui tapissent l’intérieur de leurs cavités, je les ai concassés et lavés à l’acide azotique étendu jusqu’à cessation d’effervescence.

La poudre grossière ainsi obtenue et purifiée a été soigneusement lavée à l’eau distillée, égouttée et complètement desséchée.

L’analyse qualitative y a décélé la chaux et l’alumine (avec une petite quantité de glucine) à l’état de phosphates, du chlorure et du fluorure de calcium.

Le chlore a été dosé par le nitrate d’argent sur une prise d’essai spéciale, dissoute à froid et en vase clos dans l’acide azotique très étendu.

Pour la détermination des autres substances, on a employé la mar¬ che suivante : on dissout un poids connu de la matière dans l’acide azotique, puis on neutralise la solution par l’ammoniaque en léger

excès.

Les phosphates terreux et le phosphate de chaux se précipitent; on redissout celui-ci par l’acide acétique, et on filtre immédiatement, sans faire bouillir.

EXAMEN CHIMIQUE DES PHOSPHATES DE LOGROZAN. 415

J’ai en effet constaté nombre de fois que l’ébullition détermine souvent la précipitation en liqueur acétique d’une partie de la chaux et de l’acide phosphorique restant à l’état de phosphate bicalcique (rétrogradé); ceci est un fait analogue à ceux qu’ont mis en lumière les remarquables expériences, en partie inédites, de M. Joly sur la constitution des phosphates.

Le phosphate d’alumine, séparé comme il est dit plus haut, est fil¬ tré, lavé, calciné et pesé.

Dans le liquide filtré on précipite la chaux par Foxalate d’ammo¬ niaque; on recueille, lave et dessèche le précipité d’oxalate de chaux qui est ensuite calciné à la lampe à gaz, puis au four Leclerc et Forquignon pour être transformé en chaux vive qu’on pèse.

11 faut encore doser l’acide phosphorique combiné à la chaux, qui est resté dans la liqueur à l’état de phosphate d’ammoniaque, avec de l’acétate et du nitrate d’ammoniaque et l’acide acétique en excès ; on neutralise ce dernier par l’ammoniaque et on précipite l’acide phosphorique à l’état de phosphate ammoniaco-magnésien qui est transformé par calcination en pyrophosphate de magnésie et pesé.

On calcule d’abord la quantité de chaux combinée à l’acide phos¬ phorique sous forme de phosphate tricalcique, le reste de la chaux est transformé par le calcul en calcium ; on calcule la quantité de calcium correspondant au chlore ; le reste du calcium est combiné au fluor. Le poids de ce dernier est donné par un calcul d’équiva¬ lents.

Ainsi, on a déterminé directement le phosphate d’alumine , le phosphate de chaux, le chlorure de calcium et la quantité totale de calcium.

L’analyse ainsi conduite a donné les résultats suivants :

MATIÈRE EMPLOYÉE! 0,784 Polir 100.

Phosphate d’alumine . . 0,0350 4.4G

Acide phosphorique combiné à la chaux . .... 0,821 G 41.02

Chaux correspondante . . 0,3804 48.52

Chlorure de calcium . 0,0060 0.77

Fluorure de calcium ............ 0.0410 -=- 5.23

0.7840 100.00

416

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Quoique la somme des éléments dosés ou calculés représente exactement la quantité de matière employée pour l’analyse, il ne faut pas se faire illusion sur cette concordance ; elle est en effet for¬ tuite ; elle tient à ce que plusieurs erreurs sont commises en sens contraire dans la méthode d’analyse suivie, et il arrive, au cas parti¬ culier, qu’elles s’annulent.

Ainsi, le phosphate d’alumine et de glucine n’est pas pur ; il con¬ tient, comme je l’ai vérifié, une petite quantité de phosphate bicalci- que, d’où il suit que la chaux et l’acide phosphorique qui est combiné sont dosés trop bas.

Pour m’assurer de la quantité réelle d’acide phosphorique con¬ tenue dans cette apatite, j’ai cru utile de doser l’acide phosphorique total par la méthode de Sonnenschein modifiée par Alterherg1.

La modification d’Alterberg consiste à opérer la précipitation du phosphomolybdate à l’ébullition, au lieu de la faire à la température de 50° qu’indiquait Sonnenschein. On peut ainsi filtrer immédiatement le précipité, au lieu d’attendre 6 à 12 heures.

Cette méthode abrège donc de beaucoup la durée des opérations; je me suis rendu compte, dans plusieurs cas, de son exactitude, en comparant ses indications aux résultats obtenus par la méthode de Sonnenschein.

Je citerai en particulier le dosage de l’acide phosphorique dans une ammonite de la gaize provenant des environs d’Aire-sur-la- Lys.

Le phosphate a été broyé finement et on en a attaqué 5 grammes par l’acide nitrique. On évapore à sec pour séparer la silice, on re¬ prend par de l’eau aiguisée d’acide nitrique, on filtre et on étend à 500cc.

20cc de cette liqueur ont donné :

Acide phosphorique (méthode d'Àlterberg) . 0gr, 04544

(méthode de Sonnenschein) . 0gr, 04544

correspondant dans les deux cas à 22.72 p. 100.

1. Traité d’analyse des matières agricoles , par L. Grandeau. 2e édition.

EXAMEN CHIMIQUE DES PHOSPHATES DE LOGROZAN. 417

Une deuxième prise d’essai de lgr,519, attaquée de la même ma¬ nière, étendue à 15QCC a donné pour 20cc :

Acide pliosphorique (méthode d’Alterberg) . 0gr;04608

Soit 22.75 p. 100.

On ne saurait demander à deux méthodes analytiques une concor¬ dance plus parfaite.

Pour doser l’acide phosphorique total dans l’apatite de Logrozan, on a pesé lgr,222 de substance, on a attaqué par l’acide nitrique et étendu la liqueur à 100cc.

2GCC ont donné :

Phosphate . 0gr, 162

Phosphate correspondant . 0gr, 10368

Soit 42.42 p. 100.

Si on calcule la quantité d’acide phosphorique contenue dans le phosphate d’alumine, en supposant qu’il ne renferme pas de phos¬ phate de glucine, et qu’on ajoute cette quantité à celle qui est com¬ binée à la chaux, on t-rouve :

Phos. (de Phos. Al -O3) . 2.49

Phos. (de Phos. 3CaO) . . 41.02

43.51

On a trouvé directement : 42.42 Différence : 1.09

Cette différence n’est pas étonnante, étant données les causes d’er¬ reurs que j’ai signalées plus haut.

RECHERCHES

SUA LA

DÉPERDITION DE L’AMMONIAQUE

DANS LES

SOLS FUMÉS AU SULFATÉ D’AMMÔNÏAQUÊ

Par A. LECLERC

LICENCIÉ ÈS SCIENCES PHYSIQUES

Lorsqu’on mélange inlîmement du sulfate d’ammoniaque sec à du calcaire également sec, il ne se produit aucune réaction. Mais si au mélange on ajoute un peu d’eau* de manière à le rendre hu¬ mide, il y a aussitôt un dégagement de carbonate d’ammoniaque, Le sulfate d’ammoniaque et le calcaire, grâce à l’intervention de l’eau, ont réagi l’un sur l’autre; il en est résulté, d’une part, du carbonate d’ammoniaque volatil qui diffuse dans l’atmosphère et, d’autre part, du sulfate de chaux non volatil. En d’autres termes, l’ammoniaque qui, à la température ordinaire, était fixe et solide dans le sulfate, a pris, sous l’influence de l’eau et du calcaire, une forme gazeuse, volatile, éminemment propre à sa dispersion dans l’air.

Ce phénomène doit vraisemblablement se produire dans les sols calcaires à la suite de fumures ammoniacales copieuses1. M. Bous- singault admet cette production de carbonate d’ammoniaque, En effet, dans son Economie rurale (t, II, p, 104, 2e édition), il s’ex-

1. La quantité de sulfate d’ammoniaque employée dans certains cas est quelquefois considérable. Dans des expériences faites à Cognac pour combattre le phylloxéra, des ceps d'un terrain calcaire avaient été « filmés avec 3 kilogr. de sulfate d’ammoniaque et 10 kilogr. de bon fumier de cheval, soit par hectare 1 7,000 ceps), 21,000 kilogr. du premier produit et 70,000 du second ».

RECHERCHES SUR RA DÉPERDITION DE r’aMMONJAQUE , 419

prime ainsi à propos de la pénétration de l’azote ammoniacal dans les plantes : « Il est donc très vraisemblable que si les sels ammo¬ niacaux portent de l’azote dans les plantes, ils n’y pénètrent pas à l’état de chlorhydrate, de sulfate ou de phosphate, car on n’a abso¬ lument aucune raison de supposer que les acides unis à l’alcali sont éliminés presque en totalité pendant l’acte de la végétation. Î1 faut donc de toute nécessité que l’ammoniaque de ces sels, pour céder aux végétaux l’azote qui entre dans sa constitution, arrive dans leurs organes sous la forme de carbonate, d’autant plus que ce car¬ bonate est le seul sel ammoniacal qui paraît agir directement et favorablement sur les plantes,

« Cependant, s’il en est réellement ainsi, comment se fait-il que des sels d’ammoniaque, comme le chlorhydrate, le phosphate et le sul¬ fate, passent à l’état de carbonate une fois qu’ils sont incorporés dans le sol? La bonne terre arable renferme presque toujours, il est vrai, du carbonate calcaire, mais nous n’avons pas de motif pour admettre que ce calcaire échange son acide avec les sels ammo¬ niacaux. On sait au contraire que le carbonate d’ammoniaque réa¬ git instantanément sur le chlorhydrate et Je sulfate de chaux et que les produits de cette réaction sont, d’une part, du chlorhydrate et du sulfate d’ammoniaque, et, de l’autre, du carbonate calcaire, La théorie du plâtrage imaginée par M. Liebig, repose même sur le fait de cette double décomposition, par laquelle le carbonate am¬ moniacal des eaux de pluie se trouve fixé à l’état de sulfate, aux dépens du sulfate de chaux qui a été donné au sol comme amende¬ ment,

« Cette réaction du sulfate de chaux sur le carbonate d’ammoniaque est incontestable, c’est bien ce qui se passe dans nos laboratoires; mais dans les champs, quand la terre bien ameublie contient juste la dose d’humidité nécessaire à toute bonne culture, la réaction entre les deux sels a encore lieu, mais elle a lieu en sens inverse. Alors c’est le carbonate de chaux qui réagit sur le sulfate d’ammo- niate, pour former du carbonate d’ammoniaque et du sulfate de chaux. »

Cependant, il ne semble pas que M. Boussingault ait cherché à évaluer cette déperdition, car il ne donne aucun chiffre sur ce sujet.

420

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE .

J’ai pensé que la connaissance de cette perte pouvait offrir quelque intérêt : aussi ai-je tenté de mesurer celle qu’éprouve une terre de composition connue, à la suite de fortes ou de faibles fumures am¬ moniacales.

Comme les sols jouissent de propriétés absorbantes variables avec la nature de chacun d’eux, je n’ai pris, pour mes essais, qu’une seule terre1, afin de simplifier les recherches; mais j’ai fait varier dans cette terre la quantité de sulfate d’ammoniaque introduite ainsi que la teneur en eau.

Composition de la terre.

La partie fine, passée au tamis de 1 millimètre carré, était formée de :

Sable . 75.83

Argile . 12.00

Calcaire . 6.37

Matière organique . i.S7

Eau . 3.93

100.00

100 grammes de terre fine attaqués par l’acide nitrique bouillant ont donné :

Eau . 3.93

Matières organique et volatile au rouge . 3.59

Alumine et sesquioxyde de fer . 2.G7

Chaux . . 3.57

Magnésie . 0.18

Soude . 0.04

Potasse . 0.14

Acide phosphorique. . 0.09

Acide carbonique . 2.80

Résidu insoluble et matières non dosées . 82.99

100.00

Avec la terre tamisée, on a fait six lots de 50 grammes chacun auxquels on a ajouté les quantités suivantes de sulfate d’ammonia¬ que :

1. Cette terre provient de l'une des vignes de M. ïï. de Boissac à Margaux (Médoc).

RECHERCHES SUR LA DÉPERDITION DE l’aMMONIAQUE. 421

Série A

1er lot .

.... Rien.

2e

.... 0gr, 100 contenant

20mg

r,G d’azote

3e .

.... 0 ,200

41

9 _

? ~

4e .

.... 0 ,300

61

5e .

.... 0 ,400

82

,3 -

6e .

.... 0 ,500

102

,9

Ces six lots composent la série A des sols non mouillés.

Six autres lots de 50 grammes chacun forment une seconde série : la série B ; chaque lot a reçu, outre les proportions précédentes de sulfate d’ammoniaque, 5CC d’eau distillée exempte d’ammoniaque :

1er lot .

. Rien

H- 5CC d’eau distillée

2e _

. 0gr,100

contenant 20m

gr,6

d’azote -+- 5CC

3e .

. 0 ,200

41

9

-+- 5CC

4e .

. 0 ,300

61

,8

-h 5CC

5e .

. 0 ,400

00

1

,3

-t- 5CC

6e .

. 0 ,500

102

,9

-h 5CC

Après avoir été mélangé intimement, chaque lot est placé sur une assiette qu’on recouvre aussitôt d’une cloche. Une petite soucoupe en porcelaine contenant, de l’acide sulfurique titré et rougi par du tournesol est également placée sous la cloche; elle repose sur un trépied : l’acide sulfurique est destiné à absorber les vapeurs ammo¬ niacales au fur et à mesure de leur production et le tournesol doit indiquer le moment auquel l’acide est neutralisé. On a supprimé toute communication entre l’atmosphère intérieure de la cloche et l’air extérieur à l’aide d’une couche de suif fondu.

Lorsque le tournesol commençait à virer, on prenait le titre de l’a¬ cide sulfurique partiellement saturé par l’ammoniaque dégagée; cet acide sulfurique était donc renouvelé à chaque titrage ; mais la terre n’était en contact avec l’air extérieur que pendant un temps très court.

La quantité d’ammoniaque dégagée pendant ce temps était néces¬ sairement très petite et par conséquent aussi la perte qui en résul¬ tait : cette dernière peut être considérée comme négligeable. Du reste, on remarquera que cette erreur, si l’on pouvait en tenir compte, tendrait à augmenter les taux de déperdition d’ammoniaque qui ont été obtenus ; par conséquent, les chiffres donnés ci-après, qui expriment les quantités d’ammoniaque dégagées par le sol, doivent être considérés, pour ces essais du moins, comme des minima.

annales de la science agronomique.

Cette méthode de dosage de l’ammoniaque , imaginée par M. Schlœsing, offrait, par sa simplicité et son exactitude, les plus grands avantages dans ee genre de recherches.

Les essais ont commencé le 3 novembre 1876 ; ils ont pris fin le 19 septembre 1877, ils ont duré par conséquent 320 jours.

Au début de l’expérience, avant l’incorporation du sulfate d’am¬ moniaque, la terre renfermait par 50 grammes:

Azote ammoniacal, . , , , , . . 6mgr,9

Azote nitrique. Traces,

Voici maintenant les pertes qui ont été constatées pour chaque lot de chaque série.

Série A (sols non mouillés).

zn

O

’J2

-a 5 s g ©

yA

6 novembre 1876..

10 novembre 187 G,

15 novembre 187g,

21 novembre 1870.

4 décembre 1876.

2 janvier 1877.

12 février 1877.

2 mars

1877.

m

S CO

O tH (M

8 mai

1877.

19 septembre

1877.

PERTE TOTALE

en 320 jours.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

1

0,09

0,04

0,04

»

»

)>

»

»

»

»

0,50

0,67

2

0,72

0,83

0,83

0,89

0,45

1.05

»;

»

»

»

4,90

9,67

3

1,52

1,90

2,06

1,77

0,78

2,66

».

»

»

8,95

8,65

28,29

4

3,35

4,03

4,16

3,76

3,69

3,85

».

»

8,96

»

9,23

41,03

5

5,84

7,58

7,47

5,25

5,54

3,29

9,08

»

»

»

8,48

52,63

6

9,39

9,68

9,73

9,17

9.23

9,23

»

9,10

»

»

9,41

74,94

Série B (sols mouillés).

Ul

Sa •s a

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U

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Mgr.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

Mgr.

1

0,04

0,04

0,04

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0,05

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ft

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»,

))

0,50

0,67

O

'V

0,6.2

0,63

0,67

0,45

0,94

0,96.

»,

»,

»

»

»

7,52

11,79

3

0,72

0,72

0,67

0,62

1,39

1,77

»•

».

».

»,

»,

8.70

14,57

4

1,52

1,95,

2,24

1,50

3,29

4,19

»•

»,

9,10

»,

»*

8,48

32,27

5

4,72

4,72

4,67

2,28

7,04

4,38

»,

9,14

)),

9,01

»■

9,41

54, H

6

6,35

6,35

6,75

3,76

9,39

5,93

9,10

»

9,08

»,

9,15

9,79

74,02

RECHERCHES SUR LA DÉPERDITION DE l’âMMONIAQUE. 423

Les chiffres inscrits dans ces deux tableaux représentent les quan¬ tités d’azote ammoniacal perdues par les lots pendant le temps qui s’est écoulé entre deux dates successives, de sorte que la perte totale de chaque lot est la somme de toutes les pertes partielles constatées.

Si l’on calcule la proportion d’azote ammoniacal dégagé par rap¬ port à l’azote ammoniacal existant et incorporé dans les lots au

début des essais, on trouve les chiffres suivants :

».

SÉRIE A. SÉRIE B.

1er lot .

. 9.7 p. 100.

9.7

oe _

. . . . . 35.1

42.9

3e .... .

. . . . . 57.8

30.3

4e . . . .

. 59.7

46.9

5e .

. 59.0

60.7

6e .

. 68.2

67.4

Ainsi, dans les deux lots n’ayant pas reçu de sulfate d’ammonia¬ que, mais dont l’un (n° 1, série A) était presque sec et l’autre (n° 1, série B) mouillé, le dégagement d’ammoniaque a été le même : les deux terres ont perdu en 320 jours, 9.7 p. 100 de l’azote ammonia¬ cal qu’elles contenaient. La déperdition est notablement plus consi¬ dérable pour les autres lots de chaque série : elle varie pour les sols non mouillés de 35.1 à 68.2 p. 100 et pour les sols mouillés de 42.9 à 67.4 p. 100.

Afin de contrôler les résultats précédents, j’ai déterminé les quan¬ tités d’azote ammoniacal et d’azote nitrique qui restaient dans les terres à la fin de l’expérience, c’est-à-dire au 19 septembre 1877. Je suis arrivé aux résultats suivants :

SÉRIE A.

SÉRIE

B.

Azote

Azote

Azo te

Azote

ammoniacal.

nitrique.

ammoniacal.

nitrique.

Milligr.

Milligr.

Milligr.

Milligr.

Le 1er lot renfermait . . .

3.97

))

3.72

0.04

Le 2e ...

9.03

3.01

3.91

0.93

Le 3e ...

9.65

1.18

8.48

9.09

Le 4e ...

16.75

1.31

7.77

2.82

Le 5e ...

18.52

0.04

8.48

0.17

Le 6e ...

17.99

0.83

4.13

4.13

La nitrification a été nulle dans le lot 1 de la série A et exces-

ANN. SCIENCE AGRON.

28

424 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

sivement faible dans le lot correspondant de la série B. Si l’on fait, comme précédemment, abstraction de l’azote de la matière organi¬ que azotée, on peut dire que la somme des deux azotes inscrits dans ce tableau exprime la teneur de la terre après expérience. En comparant cette somme au taux de la même terre au début des essais, on trouve par différence que la perte en azote total a élé la suivante :

SÉRIE A.

SÉRIE B.

Azote au début.

Azote à la fin.

Perte totale eu 320 jours.

Azote au début.

Azote à la tin.

Perte totale eu 320 jours.

Milligr.

Milligr.

Milligr.

Milligr.

Milligr.

Milligr,

1er lot .

6.9

3.97

2.93

6.9

3.76

3.14

9e _

27.5

12.04

15.46

27.5

4.84

22.66

3e .

48.1

10.83

37.27

48.1

17.57

30.53

4e .

68.7

18.06

50.64

68.7

10.59

58.11

3e .

89.2

18.56

70.64

89.2

5.01

84.19

6e .

109.8

18.82

90.98

109.8

8.26

101.54

On remarque que cette perte totale déduite de deux dosages au commencement et à la fin de ces essais est supérieure à la somme des pertes successives déterminées aux diverses époques dans chaque série. Cette divergence dans les résulta! s est beaucoup trop forte pour qu’on puisse l’attribuer à des erreurs d’analyse ; on est donc con¬ duit à admettre qu’en outre du dégagement d’ammoniaque, il y a eu décomposition de l’ammoniaque ou des nitrates et par suite une perte d’azote sous forme gazeuse. Du reste, des expériences de M. Schlœsing sur la nitrification ont montré cette décomposition et ne laissent aucun doute sur ce point1. Dans ses essais, le savant pro¬ fesseur de l’Institut agronomique trouva :

Que le nitre disparu d’une terre n’est pas remplacé par une quantité équivalente d’ammoniaque et qu’une terre à laquelle il avait ajouté du nitrate de potasse pur, en séjournant dans une atmosphère privée d’oxygène, perd plus d’azote qu’il y en avait dans le nitrate;

Que dans les terres humides, remplissant d’ailleurs les condi¬ tions voulues de la nitrification, l’ammoniaque y est nécessairement transformée en nitrate2.

1. Comptes rendus de l’ Académie 4 août 1S73.

2. Comptes rendus de l'Académie 8 mai 1876.

425

RECHERCHES SUR LA DÉPERDITION DE l’aMMONIAQUE.

On comprend aisément que ces deux actions :

Transformation de l’ammoniaque en acide nitrique ;

Réduction de l’acide nitrique en ammoniaque, puissent se réaliser simultanément dans le sol, et comme la réduc¬ tion de l’acide nitrique occasionne toujours une perte no! able d’a¬ zote, il est extrêmement probable que c’est à ce phénomène qu’il faut attribuer la déperdition d’azote gazeux constatée dans mes essais.

Et comme cette déperdition a eu lieu aussi bien pour les deux lots qui n’ont pas reçu d’ammoniaque que pour les dix autres lots qui en avaient reçu des doses variables, on peut en conclure qu’en gé¬ néral, réservant toutefois la proportion d’azote dégagé, des per¬ tes analogues se produisent dans les sols agricoles. Les composés azotés d’un sol disparaissent donc naturellement sous deux formes distinctes :

Sous forme d’ammoniaque ;

Sous forme d’azote gazeux b

Les chiffres des tableaux précédents permettent de calculer les proportions d’ammoniaque et d’azote gazeux qui ont disparu pen¬ dant la durée de l’expérience. Si l’on représente par 100 l’azote total (ammoniacal et nitrique) contenu dans chaque lot au 3 no¬ vembre 1876, on trouve les proportions suivantes d’azote dégagé au 19 septembre 1877 sous les deux formes d’azote et d’ammonia-

que :

SÉRIE A.

SÉRIE B.

Azote

ammoniacal et nitrique restant dans le sol au 19 sept.

Azote dégagé sous forme d’ammo¬ niaque.

Azote dégagé sous forme de gaz azote.

Azote

ammoniacal et nitrique restant dans le sol au 19 sept.

Azote dégagé sous forme d’ammo¬ niaque.

Azote dégagé sous forme de gaz azote.

1er lot .

57.5

9.7

32.8

54 . 5

9.7

35.8

2e

43.8

35.1

21 . 1

17.6

42 . 9

39.5

3e .

22.5

58.8

18.7

36.5

30.3

33.2

4 e .

26.3

59.7

14.0

15.4

46 . 9

37.7

5e .

20.8

59.0

20.2

5.6

60.7

33.7

Ge .

17.1

68.2

14.7

7.5

67.4

74.9

1. Tendant ces expériences, on ignorait encore l’existence du microbe réducteur du nitrate dans le sol. Les belles recherches de MM. Gayon et Dupetit ( C . R. de l' Acadé¬ mie, t. XGX, p. G49 et 1365), Dehérain et Maquennes (C. R , t. XGV, p. 732) expli¬ quent aujourd’hui le dégagement d’azote gazeux.

426

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Il résulte des chiffres inscrits dans ce tableau que l’azote gazeux émis par suite de la décomposition des nitrates ou de l’ammoniaque est plus abondant dans le sol humide que dans le sol sec. Les deux sols 1, sec et humide, qui n’ont pas reçu de sulfate d’ammoniaque ont dégagé la même proportion d’azote ammoniacal, 9.7 p. f 00, l’hu¬ midité semble n’avoir eu dans ce cas aucune influence ; mais il n’en est plus de même pour l’azote dégagé sous forme de gaz azote pro¬ venant de la décomposition des composés azotés : tandis que la dé¬ perdition n’est que de 32.8 p. 100 dans la terre sèche, elle devient 35.8 dans la terre humide. En 320 jours, le sol naturel non fumé a donc perdu le tiers de son azote combiné. Les lots fumés présen¬ tent des différences plus notables encore. Il est vrai que les doses d’engrais employées correspondent à des fumures exceptionnelles. Le lot 2 correspondrait à une fumure de 3,000 kilogr. de sulfate d’ammoniaque par hectare cultivé à une profondeur de 0m,15 ou de 2,000 kilogr. si la profondeur du labour n’était que 0ai,10.

Mais avec des fumures moyennes de 200 kilogr. de sulfate d’ammoniaque à l’hectare, les mêmes faits s’observent. Dans le des¬ sein de les vérifier, j’ai fait les quelques essais suivants : j’ai pris 6 lots de 50 gr. chacun de la même terre que j’ai, comme précé¬ demment, divisés en deux séries de sols secs et de sol mouillés ; ils ont reçu le 26 février 1878 les quantités suivantes d’ammoniaque pure :

i 1er lot . Rien.

Sol sec: < 2e . . 5rasr contenant lmgr, 06 d'azote.

f 3e ...... 10 2 ,12

i 1er lot . Rien.

Solmouillé: <, 2e . . 5mgr contenant lmgr,06 d'azote.

( 3e . 10 2 ,12

Les lots ont été, comme précédemment, placés sous cloches avec de l’acide sulfurique titré. Le 7 février 1879, on prit le titre des acides sulfuriques : comme il importait d’être absolument sûr des liqueurs titrées en raison des faibles différences qui pouvaient être constatées, j’avais eu soin de mettre de côté, le 26 février 1878, assez d’acide sulfurique titré pour permettre le titrage exact de l’eau de chaux employée pour le titrage du 7 février 1879. De cette façon, il

RECHERCHES SUR LA DÉPERDITION DE l’aMMONIAQUE. 427

ne pouvait y avoir la moindre incertitude au sujet des différences constatées dans le titre de l’acide sulfurique au début et à la fin des essais.

Voici les pertes d’azote ammoniacal que j’ai constatées :

SOL. SBC. SOL, MOUILLÉ.

T0mgr,25 0mgr,25

0 ,42 0 ,30

0 ,42 0 ,50

Soit, par rapport à 100 d’azote ammoniacal interposé à la terre :

SOL SEC. SOL MOUILL.É.

2e lot ...... . 39 . G p. 100 28.3 p. 100.

3e . 19.8 -= 23.5

1er lot

oe _

3e

Le 2e lot, qui a reçu 5 milligrammes de sulfate d’ammoniaque pour 50 grammes de terre, correspond à une fumure de 200 kilogr. par hectare et le 3e lot, avec 10 milligrammes de sulfate d’ammoniaque, à une fumure de 400 kilogr. par hectare.

Ainsi, à faible dose, il y a encore perte d’ammoniaque. Et il en est de même des terres non fumées avec un sel d’ammoniaque, mais qui ont reçu des engrais organiques. Lorsque, en plein champ, on place sous cloche une soucoupe contenant de l’acide faible rougi par du tournesol, on voit, après quelques jours, que le tournesol a viré au bleu : le dégagement d’ammoniaque est incontestable et il est vraisemblablement toujours accompagné d’un dégagement d’azote gazeux au microbe signalé par MM. Gayon et Dupetit, Dehérain et Maquenne.

Ainsi, la terre naturelle, soit sèche, soit humide, émet constam¬ ment de l’azote ammoniacal et gazeux, et elle dissipe sous ces formes la majeure partie des nitrates et de l’ammoniaque qu’elle renferme ou quelle reçoit des engrais, de l’air ou des pluies. Il est très proba¬ ble qu’en fort peu de temps elle serait bien dépourvue des compo¬ sés azotés minéraux, si, grâce à ses propriétés absorbantes et à son contact permanent avec l’atmosphère, elle n’atténuait constamment cette perte. Il y a, en effet, entre la terre et l’air un échange continu d’azote ammoniacal soumis à de certaines lois* Il est clair que cet

428

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

échange varie avec les propriétés absorbantes et qu’une terre em¬ magasine d’autant plus d’ammoniaque atmosphérique qu’elle pos¬ sède un pouvoir absorbant plus considérable.

M. Schlœsing, à la suite des remarquables expériences qu’il a résumées dans des notes adressées à l’Académie sur les échano-es d’ammoniaque entre l’atmosphère, les eaux naturelles et la terre végétale, a été conduit à admettre que le phénomène d’absorption de l’ammoniaque atmosphérique revient à une question d’équilibre de tensions de l’ammoniaque entre les éléments considérés. D’après cela, si, d’une part, la teneur moyenne de l’atmosphère en ammonia¬ que était bien connue et, d’autre part, le pouvoir absorbant des terres, on conçoit qu’il serait possible de fixer par avance la quan¬ tité d’azote ammonical qu’on pourrait confier à ces terres sans qu’il y ait déperdition sensible d’ammoniaque. Malheureusement , dans la pratique, le problème ne se présente jamais avec cette simplicité : il intervient des conditions dont il faut tenir compte : la nitrifica¬ tion, la réduction des nitrates, la sécheresse, l’humidité ; cependant il semble que si l’agriculteur se basait sur les propriétés absorban¬ tes de ses terres pour fixer la quotité d’engrais ammoniacal à em¬

ployer, il pourrait faire des économies.

On sait que le sulfate d’ammoniaque n’agit pas ou peu sur la vé¬ gétation des terrains calcaires. Ce fait, que de nombreuses observa¬ tions ont continué, peut s’expliquer facilement d’après les expérien¬ ces qui précèdent : le sulfate d’ammoniaque a été décomposé par le calcaire ; il s’est formé du plâtre et du carbonate d’ammoniaque qui s’est dissipé dans l’atmosphère, et le terrain qu’on suppose enrichi de 200 kilogr. d’azote ammoniacal , par exemple , n’en renferme peut-être pas en réalité plus de 100 kilogr. et peut-être moins en¬ core. 11 y a une perte sèche que le cultivateur ne saurait éviter dans les sols calcaires, mais qu’il pourrait considérablement atté¬ nuer en se préoccupant plus des propriétés absorbantes de ses ter¬ rains.

Le pouvoir absorbant joue donc un rôle beaucoup plus important qu’on ne le suppose généralement. On sait, d’après les recherches de

1. Comptes rendus de V Académie 8 mai 1876.

RECHERCHES SUR LA DÉPERDITION DE L’AMMONIAQUE. 429

Bruestlein 4, que la propriété de la terre arable d’absorber l’ammonia¬ que dépend presque exclusivement de la constitution physique des substances minérales et même des matières organiques dont elle est formée. Voulant me rendre compte du pouvoir absorbant de la terre employée dans mes essais, j’ai institué l’expérience suivante :

50 grammes de terre sont étendus sur une assiette et placés sous une cloche au-dessus d’une seconde assiette contenant 10 centimètres cubes d’ammoniaque du commerce. La surface de la terre était de i décimètre carré. Après un séjour de 48 heures dans cette atmos¬ phère saturée d’ammoniaque, la terre est étendue en couche très mince à l’air libre et à l’ombre. On la remue fréquemment pour fa¬ ciliter la dissipation de l’ammoniaque et, après 24 heures, on la sou¬ met à l’analyse :

Les 50 grammes de terre après leur séjour dans ratmosphôre ammoniacale et leur exposition à l’air contenaient :

16mgl',70 d’azote ammoniacal.

Avant leur séjour, ils renfermaient. 6 ,88

Ils avaient donc absorbé. ..... 9mgl',82 d’azote ammoniacal.

Craignant que le séjour de 24 heures à l’air libre ne fût pas assez prolongé pour permettre la dissipation complète de l’ammoniaque qui ne serait retenue que mécaniquement et non absorbée en réalité, on fit une seconde expérience : la terre fut laissée seulement 24 heures dans l’atmosphère saturée d’ammoniaque, mais on l’exposa à l’air pendant huit jours. Les autres conditions d’expérience res¬ tèrent les mêmes. Après ce temps, le dosage de l’ammoniaque mon¬ tra que les 50 grammes de terre contenaient 16mgl',88 d’azote ammoniacal ; la terre n’avait donc pas plus absorbé d’ammoniaque en 48 heures qu’en 24 heures; il résulte de ces chiffres qu’un tel sol, placé dans les mêmes conditions favorables d’absorption, aurait pu absorber par hectare 294k,6 d’azote ammoniacal corres¬ pondant à 1,400 kilogr. de sulfate d’ammoniaque1 2 : 16mgr,70 repré¬ sentent donc le pouvoir absorbant de cette terre pour l’azote ammo-

1. Agronomie , 2, etc., t. II. Boussingault.

2. En supposant que cette absorption se soit produite également sur une profondeur moyenne de 0m, 1 0.

430

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

niacal. Mais dans les essais , tous les sols n’ont pas retenu cette quantité d’azote ammoniacal correspondant à leur pouvoir absor¬ bant : si les lots -4, 5 et 6 de la série A contiennent cette proportion d’ammoniaque, les autres lots des deux séries présentent des diffé¬ rences notables qui ne peuvent être expliquées sans l’intervention de la nitrification; en effet, les terres qui renferment au 19 octobre une proportion d’azote ammoniacal inférieure à celles qu’elles pouvaient retenir, contiennent les plus fortes proportions d’acide nitrique. L’acide nitrique joue donc un rôle considérable dans la déperdition de l’ammoniaque.'

Toutes les expériences qui précèdent ont été exécutées dans des atmosphères confinées, et il y avait lieu de se demander si les phé¬ nomènes observés se reproduiraient identiquement dans le cas l’atmosphère serait constamment renouvelée. Pour éclairer ce point, j’ai institué l’expérience suivante :

Dans un tube de verre de deux centimètres de diamètre, je place 100 grammes de la même terre à laquelle j’ai ajouté 100 milligram¬ mes de sulfate d’ammoniaque. La terre renfermait donc moitié moins d’ammoniaque que les lots 2 : elle occupait dans le tube une longueur de 0m,20 environ. Je fis passer à travers cette terre de l’air privé d’ammoniaque, d’eau et d’acide carbonique par une co¬ lonne de coke imprégné d’acide sulfurique, de chlorure de cal¬ cium et de chaux. L’air, au sortir de la terre, en barbotant dans un tube à boule contenant de l’acide sulfurique titré, y laissait l’ammoniaque qu'il avait enlevée au soi’.

L’expérience commença le 19 novembre 1876. Le 19 janvier

1877, on prit le titre de i 'acide : la terre avait cédé en deux mois

•*

0mgr,85 d’azote ammoniacal. On continua l’expérience et, le 19 mars, on prit de nouveau le titre de l’acide, du 19 janvier au 19 mars, la terre avait cédé 0mgr,162 d’azote ammoniacal.

Ainsi, l’air qui pendant 4 mois, du 19. novembre 1876 au 19 mars 1877, avait filtré à travers le sol, n’avait enlevé que lmgr,01 d’azote ammoniacal.

1. Au moyen d'une disposition très-simple de l’appareil, le même air traversait constamment la colonne de terre. Le moteur qui, pendant sept mois, a fonctionné sans discontinuer, n’est autre qu’une trompe à eau du système de M. Schlœsing.

RECHERCHES SUR LA. DÉPERDITION DE l’aMMONIAQUE. 431

A partir cia 19 mars, au lieu d’air sec, on fît passer de l’air saturé d’humidité et, le 19 avril, c’est-à-dire un mois après, on prit le titre de l’acide : du 19 mars au 19 avril, la terre avait cédé lmgl’,14 d’azote ammoniacal. On continua à faire passer l’air humide et, au 19 mai, la terre avait encore cédé lmgr,83 d’azote ammoniacal. L’air humide semblait donc favoriser la dissipation de l’ammoniaque, tandis que l’air sec semblait la retarder : cependant, la vitesse de l’air était restée constamment la même pendant toute la durée des expériences. Enfin, du 19 mai au 19 juin, on refit passer de l’air sec et pendant ce temps le dégagement d’azote ammoniacal tomba à 0mgr,31. Malheureusement, un accident arrivé à l’appareil ne permit pas de prolonger plus longtemps les essais.

Néanmoins, il semble résulter de ces chiffres que l’air humide et l’air sec ont chacun une influence opposée sur la déperdition des sols en ammoniaque : l’air humide active le dégagement d’ammo¬ niaque et l’air sec le restreint. J’arrive aussi aux mêmes conclusions que Bruestlein : « L’ammoniaque absorbée par la terre jouit d’une grande stabilité tant que la terre reste sèche ; mais sitôt que l’eau intervient, elle provoque la dissipation de l’ammoniaque »

On a vu jusqu’ici que les composés minéraux de l’azote des sols laissent dégager, soit par suite de décomposition, soit comme con¬ séquence des combinaisons nouvelles formées, de l’azote gazeux ou de l’ammoniaque. La matière organique azotée elle-même peut occasionner des pertes d’azote gazeux et d’ammoniaque : toute pu¬ tréfaction de la matière azotée est en effet accompagnée de ce double dégagement. Tous les sols ne décomposent pas également cette ma¬ tière azotée : on sait que le fumier persiste moins longtemps dans les terrains calcaires que dans les terres argileuses : aussi doit-il y avoir dans ces deux terrains une dissipation correspondante de l’azote organique. J’ai voulu déterminer la perte en ammoniaque qu’éprou¬ verait, en un tempsdonné, une matière organique azotée placée dans certaines conditions. Gomme la matière organique du sol pouvait intervenir dans le phénomène à étudier dans des proportions diffi¬ ciles à fixer, j’ai eu recours à des sols artificiels. De la luzerne

1. Agronomie, etc., Boussingault. t. II.

432

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

réduite en poudre sèche a fourni la matière azotée. J’ai opéré sur

six sols constitués ainsi :

! Sable calciné (fin) Luzerne. . . . Eau .

50gf.

1

10

Sol II :

Sable calciné. . .

Luzerne .

Carbonate de chaux Eau .

Sol no III :

Sable calciné. . . .

Luzerne .

Carbonate de magnésie Eau . .

Sol IV :

Sable calciné Luzerne. . Chaux vive. Eau . . .

S Carbonate de chaux

Luzerne .

Eau .

| Sulfate de chaux .

Sol VI : | Luzerne .

Eau .

50

1

1

10

50

1

1

10

50

1

l

10

50

1

10

20

1

10

Le mélange des matières sèches était fait aussi intimement que possible, puis, après avoir reçu 10 centimètres cubes d’eau, placé sous cloche hermétiquement close avec une soucoupe contenant l’acide sulfurique titré le 31 octobre 1877.

La luzerne, employée contenait 0mgr, 62 d’azote ammoniacal.

Voici les résultats qui ont été obtenus : on n’a pas cherché s’il y avait eu formation d’acide nitrique.

Sol I. Le 23 novembre, il y avait lm§T, 63 d’azote ammoniacal déjà recueilli dans la soucoupe. Le mélange en renfermait en outre 5 milligrammes, soit en totalité 6mgl',63 La luzerne en contenait 0 ,62

d’où azote ammoniacal formé 6mgl‘,01 La matière azotée de la luzerne a donc donné 6mgr,01 d’azote ammoniacal en 23 jours.

RECHERCHES SUR LA DÉPERDITION DE L’AMMONIAQUE. 433

Sol II. Le 10 novembre, on arrête l’essai et on trouve :

Azote ammoniacal dégagé . lmsr,49

restant dans le mélange . 5 ,51

total . . . . . . 7 ,00

préexistant . 0 ,62

formé . 6mgr,3S

La matière azotée de la luzerne a donné naissance à 6mgr,38 d’azote ammoniacal en 40 jours.

Sol lit. Le 10 novembre, on arrête l’essai; on trouve :

Azote ammoniacal dégagé . . lmgr,79

restant dans le mélange . 1 ,50

total . 3 ,29

préexistant . 0 ,62

formé . . . . T . . 2mgr,67

La matière azotée de la luzerne a donc donné 2mgr,G7 d’azote ammoniacal en 40 jours.

Sol IV. Le 10 novembre, on arrête aussi l’essai; on trouve :

Azote ammoniacal dégagé . 2msr,4S

restant dans le mélange . 0 ,35

-=■ total . . 2 ,83

préexistant . 0 ,62

formé . 2mgr,2l

La matière azotée de la luzerne a donné 2'ngl‘,21 d’azote ammonia¬ cal en 40 jours.

Sol V. L’essai a été arrêté le 8 décembre. On a trouvé :

Azote ammoniacal dégagé . 6m§r,34

restant dans le mélange . . . 7 ,20

total . . 10 ,54

préexistant . 0 ,62

formé. . 9mgr,92

La matière azotée de la luzerne a donné dans ce cas 9-mgr,92 d’a¬ zote ammoniacal en 3^ jours.

434

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Sol VI. L’essai a été terminé le 10 décembre. On a trouvé

Azote ammoniacal dégagé . lmgr,77

restant dans le mélange . O ,27

total . 2 ,04

‘préexistant . . . 0 ,62

formé . * . . . lmgr,42

La luzerne a donc donné lmgr,42 d’azote ammoniacal en 40 jours. La luzerne ne renfermait que 30mgl',07 d’azote total dont 0mgr,62 étaient sous forme d’ammoniaque. La déperdition a été la plus consi¬ dérable dans le calcaire pur (soin0 V), puisque, en 38 jours, il y avait ij9 de l'azote dégagé sous forme d’ammoniaque. De plus, dans ce sol, le 1/g de l’azote organique avait été transformé en ammo¬ niaque.

Cette étude est incomplète , il est vrai , puisqu’on n’a pas tenu compte de la nitrification : elle appelle donc de nouveaux essais ; cependant, elle montre encore clairement que, même sans addition de sels ammoniacaux, le phénomène de la déperdition d’ammo¬ niaque peut avoir lieu sous la seule influence du calcaire sur la ma¬ tière organique azotée.

CONCLUSIONS.

Des expériences qui précèdent on peut conclure que :

Les sols perdent constamment de leur azote combiné;

Cette perte a lieu dans l’atmosphère, soit sous forme de gaz azote, soit sous forme d’ammoniaque ;

A égalité de fumure, les sols dégagent d’autant plus d’ammonia¬ que qu’ils contiennent plus de calcaire : on comprend, pour cette raison, qu’un excès de fumure ammoniacale ne saurait produire un bien grand effet sur la végétation des sols calcaires;

L’humidité favorise la dissipation de l’ammoniaque ; la séche¬ resse au contraire la ralentit ;

Si la terre n’empruntait constamment à l’air de l’ammoniaque, elle en serait dépourvue en fort peu de temps par suite de la décom¬ position ou de la transformation de ses composés minéraux azotés. La terre absorbe et dégage de l’ammoniaque en même temps ; si

RECHERCHES SUR LA DÉPERDITION DE l’aMMONIAQUE. 435

l’absorption est plus considérable que le dégagement, la terre alors s’enrichit en ammoniaque ; mais lorsque le pouvoir absorbant est très faible, comme dans les sables ou le calcaire, la déperdition l’em¬ porte sur l’absorption et le terrain s’appauvrit. D’après cela, il est par conséquent inexact d’admettre, laissant de côté la nitrification, qu’une terre contient, outre l’ammoniaque préexistante, celle que les pluies lui ont apportée durant une année, par exemple. Dans l’éta¬ blissement de la statique d’un sol, il faudra donc tenir compte de cette absorption et de cette déperdition d’ammoniaque. La dissipation de l’ammoniaque des sols pouvait être prévue , car MM. Boussingault et Lœwy, dans leurs recherches sur la composi¬ tion de l’air confiné du sol, avaient constamment trouvé des traces d’ammoniaque.

SUR LE DOSAGE

DE

L’ACIDE PHOSPHORIQUE

DANS LES ENGRAIS1 Par'M. A. LADUREAU

DIRECTEUR DE LA STATION AGRONOMIQUE DU NORD

Depuis quelques années, c’est le procédé de dosage de l’acide phosphorique préconisé par M. Joulie qui est adopté presque exclu¬ sivement dans les transactions commerciales , et qui sert de base d’appréciation de la valeur des engrais phosphatés.

Aujourd’hui, dans le commerce des engrais, on n’établit plus les marchés comme jadis, sur la quantité d’acide phosphorique soluble dans l’eau que renferme un superphosphate ou un mélange de sels chimiques, mais sur la proportion de cet acide soluble dans le citrate ammoniacal alcalin et à froid.

Depuis que nous employons cette méthode, nous avons cepen¬ dant eu souvent à constater des désaccords parfois assez impor¬ tants entre nos résultats et ceux de plusieurs de nos collègues qui

1. Le dosage de l’acide phosphorique dans les matières fertilisantes est toujours à l'étude dans les laboratoires agricoles. Il présente les plus grandes difficultés, et nous ne possédons pas encore, à l’heure qu'il est, de méthode générale applicable à la re¬ cherche de l1 acide phosphorique à ses divers états dans les engrais. Le procédé au citrate laisse, comme les autres, beaucoup à désirer; il n’est pas applicable, notamment, à des engrais (tels que la poudrette par exemple) dont l’acide phosphorique est cependant rapidement assimilé par ies végétaux. La rédaction des Annales croit donc utile d appeler 1 attention de ses collaborateurs sur cette question, et elle enregistrera, sans en prendre la responsabilité, les renseignements qu'ils voudront bien lui adresser sur cet important sujet. L. Guandead.

SUR LE DOSAGE DE l’aCIDE PHOSPHORIQUE. 43 1

opéraient également par le procédé Joulie, et nous avons été appelé à rechercher quelles pouvaient être les causes de ces divergences.

C’est le résultat de ces recherches que nous soumettons aujour¬ d’hui aux chimistes et aux industriels qu’elles intéressent.

Chacun sait que le principe de la méthode en question est basé sur la solubilité de l’acide phosphorique libre, des phosphates mono- basique et bibasique de chaux, et des phosphates de fer et d’alumine, dans un sel organique, le citrate d’ammoniaque, en solution concen¬ trée et fortement alcaline.

Après avoir fait digérer un poids déterminé de phosphate à ana¬ lyser, dans un volume constant de cette solution citro-ammoniacale, durant une ou deux heures, on décante et on filtre la liqueur claire, puis on en précipite un volume connu par une dissolution alcaline de citrate de magnésie ammoniacal.

11 se forme un précipité de phosphate ammoniaco-magnésien que l’on redissout dans une petite quantité d’eau acidulée par l’acide ni¬ trique. On détermine ensuite la teneur de cette dissolution en acide phosphorique au moyen d’une liqueur titrée d’urane qu’on y intro¬ duit en prenant certaines précautions parfaitement décrites dans le mémoire de M. Joulie. L’acide phosphorique se précipite sous forme de phosphate d’urane insoluble, et l’on est averti que tout est préci¬ pité par la coloration que donne la liqueur sur laquelle on opère le dosage par son mélange avec un goutte de cyanoferrure de potas¬ sium en dissolution dans l’eau.

Le point précis ce phénomène se présente est assez facile à ob¬ server, et lorsqu’on opère 4 ou 5 essais successifs sur la même dis¬ solution phosphatée, on obtient généralement des résultats absolu¬ ment concordanls, surtout lorsqu’on a une certaine habitude de ce mode de dosage.

Mais avant d’en arriver là, plusieurs causes d’erreurs peuvent se produire et c’est elles que nous allons chercher à établir.

Temps d’ attaque. D’abord, quel est le temps de contact néces¬ saire pour que l’attaque d’un superphosphate par la liqueur citro- ammoniacale soit complète, c’est-à-dire que les divers phosphates solubles dans ce réactif s’y soient dissous ?

M. Joulie recommande de laisser séjourner durant une heure un

438

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE,

gramme de superphosphate à essayer dans 40 centimètres cubes de liqueur étendus d’un égal volume d’eau, puis de porter à un volume connu, de filtrer, et de précipiter par la liqueur magnésienne.

Or, en opérant ainsi, nous avons toujours trouvé des résultats no¬ tablement inférieurs à ceux que l’on obtenait en laissant le super¬ phosphate plus longtemps en contact, avant la précipitation magné¬ sienne.

Voici un exemple de ces différences : Nous opérons sur un produit qui renferme 15.36 p. 100 d’acide phosphorique total, dont 14.33 p. 100 sont solubles dans le citrate d’ammoniaque, c’est-à-dire ce que l’on est convenu d’appeler assimilables.

Après avoir laissé 1 gramme de ce superphosphate en contact pendant 1 heure avec la liqueur citro-ammoniacale, nous étendons d’eau , filtrons et précipitons. Le dosage par l’urane indique que 12.82 p. 100 d’acide phosphorique ont été dissous dans ces condi¬ tions.

En laissant en contact pendant 2 heures, on trouve encore 1 2.89 p. 100 d’acide solubilisé.

En portant à 6 heures le temps de contact, on reconnaît cette fois que 13.10 p. 100 d’acide phosphorique ont été dissous. Au bout de 12 heures de contact, on en trouve 14.23 ; et enfin, en laissant agir la liqueur durant 50 heures, on trouve que la presque totalité de l’acide phosphorique, soit 15.10 p. 100 (sur 15 36), est devenue soluble.

Plusieurs séries d’essais pareils ont donné des résultats identi¬ ques.

On voit donc que le délai d’une heure n’est pas suffisant pour que l’attaque d’un superphosphate soit complète, et qu’il est préférable que, dans tous les laboratoires agricoles ou commerciaux l’on emploie la méthode Joulie, on laisse la dissolution se faire durant 12 heures, c’est-à-dire du soir au lendemain matin.

Solubilité du phosphate tricalcique. Mais il ne faut pas dépas¬ ser ce temps qui est bien suffisant ; car en le dépassant, on pourrait courir le risque de dissoudre un peu de phosphate tricalcique ; en effet, ce sel n’est pas absolument insoluble dans la solution concen¬ trée et froide de citrate d’ammoniaque, comme le dit M. Joulie. La

439

DU DOSAGE DE l’aCIDE PHQSPHORIQUE.

vérité est qu’il y est assez peu soluble; cependant à la longue, une quantité notable s’y dissout, ainsi que nous nous en sommes assuré en opérant avec un phosphate minéral en poudre très fine que nous avons maintenu en contact avec cette liqueur dans les proportions indiquées, soit 1 gramme de phosphate et 40 centimètres cubes de liqueur.

Au bout de 6 heures d’attaque, ce phosphate fossile qui renfer¬ mait 14.53 p. 100 d’acide phospliorique à l’état de phosphate trical- cique, en avait abandonné 0gr,050. Après 1 2 heures, la liqueur renfermait 0gr,128 d’acide phospliorique dissous.

Après 2f4 heures de contact, on en trouve 0gr,44S d’acide dissous.

48

3 jours,

5

8 10

0 ,550 0 ,704 0 ,768 1 ,060 1 ,256

On voit donc, qu’après un temps assez considérable, 10 jours, la liqueur citro-ammoniacale a dissous environ 10 p. 100 de l’acide phosphorique engagé dans une combinaison tribasique insoluble; mais on voit également que la quantité du même acide dissoute après un contact de 12 heures est très faible (1 p. 100 environ) et peut être par conséquent négligée. En tout cas, elle ne ferait qu’augmenter très légèrement les résultats, ce dont personne ne se plaint jamais, tandis que d’autres causes d’erreurs que nous allons étudier produi¬ sent des résultats contraires et peuvent abaisser notablement le titre des superphosphates analysés.

Parmi ces causes, les plus importantes sont :

La solubilité du phosphate annnoniaco-magnésien dans une so¬ lution même étendue de citrate d’ammoniaque ;

La solubilité assez grande de ce phosphate dans l’eau insuffi¬ samment chargée d’ammoniaque.

Solubilité du phosphate ammoniaco-magnésien dans le citrate. Cette solubilité est très grande, ainsi que nous l’avons reconnu par les essais suivants :

Nous avons préparé du phosphate ammoniaco-magnésien avec tous les soins possibles, et l’avons analysé complètement après l’avoir

2 y

ANN. SCIENCE AGRON.

4 AO

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

soumis aux lavages les plus complets et à la dessiccation à 100°. Ayant reconnu ainsi que notre produit était presque chimiquement pur et renfermait 45.54 p. iOO d’acide phosphorique, nous l’avons employé pour faire nos essais.

Nous avons mis 0gr,500 de ce phosphate en digestion durant 12 heures avec 10, 20, 30 et 40 centimètres cubes de liqueur citro- amtnoniacale de Joulie : nous avons porté le volume à 100 centimètres cubes avec de l’eau ammoniacale et nous avons recherché quelle quan¬ tité de phosphate avait été dissoute dans ces diverses conditions. Dans le premier cas, nous avons trouvé que 0sr,055 de phosphate ammo- niaco-magnésien avait passé dans la dissolution. Avec 20 centimètres cubes de liqueur, on a dissous 0?r,150. Puis avec 30 et 40 centimètres cubes, on a trouvé chaque fois 0gr,235 en dissolution, ce qui repré¬ sente les 47 centièmes de la quantité employée : 0gr,500.

Dans une autre expérience faite sur 1 gramme de phosphate dou¬ ble, avec 20 centimètres cubes de liqueur de citrate alcalin portés à 70 centimètres cubes environ par l'addition d’eau très ammoniacale, je n’ai obtenu que 0SF,052 de phosphate dissous.

Dans tous les essais faits avec le phosphate ammoniaco-magnésien, nous n’avons jamais retrouvé complètement à l’état insoluble la to¬ talité de ce que nous avions employé. Toujours une certaine quan¬ tité, assez variable, est restée en dissolution dans le réactif et dans les eaux de lavage. Quand nous avons fait les mêmes recherches sur un pyrophosphate de magnésie préparé par nous avec soin, et qui renfermait 63.92 p. A00 d’acide phosphorique, ce qui est à peu près la quantité théorique que doit renfermer ce sel chimiquement pur, nous avons obtenu des résultats analogues. Voici du reste les essais faits : On a pesé 1 gramme de pyrophosphate qui a été dissous à chaud dans l’acide sulfurique étendu. Puis on a ajouté 40 centimètres cubes de citrate d’ammoniaque, de l’ammoniaque en excès et de l’eau pour faire en tout 80 centimètres cubes environ. On a laissé la précipi¬ tation se faire durant 6 heures dans un endroit chaud, puis décanté sur filtre, lavé le précipité avec 100 centimètres cubes environ d’eau am¬ moniacale et rassemblé le tout sur le filtre qui fut séché et calciné. On n’a plus retrouvé que 0?r,858 de pyrophosphate ; donc 0?r, 1 42, c’est-à- dire 14.20 p. 100, sont restés à l’état soluble.

DU DOSAGE DE l’aCIDE PHOSPHORIQUE.

441

D’autres opérations ont toujours accusé des pertes plus ou moins élevées, et ces pertes étaient d’autant plus considérables que l’eau employée aux lavages renfermait moins d’ammoniaque. Nous avons reconnu que l’eau utilisée ainsi devait contenir le tiers de son vo¬ lume d’ammoniaque pour que ces pertes, par suite de la solubilité du phosphate ammoniaco-magnésien, fussent aussi réduites que possible. Cette observation avait du reste été faite déjà par d’autres chimistes, nous 11e faisons que la confirmer ici en appelant de nouveau l’atten¬ tion de nos collègues sur cette condition qu’il faut toujours réaliser.

Solubilité du phosphate ammoniaco -magnésien dans l'eau. Frésénius dit, dans son Traité d’analyse quantitative, que I partie de ce phosphate se dissout dans 15,293 parties d’eau pure, soit 1 gramme dans 15L,293 d’eau. Les essais que nous avons recom¬ mencés nous ont montré que la solubilité du phosphate double ré¬ cemment précipité est beaucoup plus considérable que cela. Nous l’avons trouvée égale à 0?r,340 par litre, en faisant digérer durant 24 heures 1 gramme de ce sel dans 1 litre d’eau distillée pure, fil¬ trant et évaporant à sec le liquide limpide filtré.

Il en est de même pour la solubilité dans l’eau ammoniacale que Frésénius dit être égale à --- *80-, c’est-à-dire 1 gramme dans 451,880 d’eau, tandis que, dans l’expérience que nous avons faite avec 1 gramme de ce phosphate et 1 litre d’eau renfermant j de solution ammoniacale à 22°, nous avons observé que Cf1', 092 avaient été dis^ sous en 24 heures, soit 9.2 p. 100 ou 1 gramme dans 1 01 ,87 0 d'eau alcaline. Donc, pour conclure, le précipité de phosphate ammoniaco- magnésien étant assez soluble dans une liqueur renfermant du citrate d’ammoniaque, étant en outre un peu soluble dans les eaux, même fortement ammoniacales employées à son lavage, cette solubilité étant plus considérable qu’on ne l’avait cru jusqu’ici, il y a lieu d’en tenir compte dans les analyses. En ce qui concerne l’analyse des su¬ perphosphates, nous croyons qu’il serait préférable , pour éviter cette cause d’erreurs, d’opérer désormais la détermination de l’acide phosphorique soluble dans le citrate, non directement comme on le fait toujours, mais par différence entre la quantité totale de cet acide que renferme l’échantillon analysé, et la quantité que l’on re¬ trouve dans la portion insoluble dans le citrate.

442

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Voici comment nous proposons d’opérer à l’avenir:

D’abord on déterminera le titre de superphosphate en acide phos- phorique total. Puis on attaquera 1 gramme durant 12 heures dans un mortier avec 40 centimètres cubes de solution de citrate d’ammo¬ niaque alcaline. On décantera la liqueur claire sur filtre, on y jettera le précipité après l’avoir lavé avec de l’eau ammoniacale, on continuera à le laver sur filtre jusqu’à ce qu’une goutte évaporée sur une lame de platine, ne laisse plus de résidu; on jettera ensuite le filtre et son contenu dans une capsule de porcelaine, l’on ajoutera assez d’acide azotique étendu pour dissoudre les phosphates contenus dans la partie insoluble du superphosphate.

Après ébullition suffisante, on décantera le liquide, lavera le filtre à plusieurs reprises, portera le liquide et les eaux de lavage à un volume déterminé (100 ou 200 centimètres cubes par exemple) et on y dosera l’acide phosphorique par la méthode à l’urane, soit directe¬ ment quand cela sera possible, soit après avoir passé par la précipita¬ tion à l’état de phosphate ammoniaco-magnésien, quand on aura opéré sur un superphosphate fossile renfermant beaucoup de fer et d’alu¬ mine.

Par différence entre les deux chiffres obtenus, on aura la quantité d’acide phosphorique soluhle dans le citrate beaucoup plus exacte¬ ment qu’en la déterminant directement, parce que l’on aura ainsi échappé à une des causes d’erreurs que nous venons d’étudier.

Depuis quelque temps, nous n’opérons plus autrement à la sta¬ tion agronomique du Nord et nous sommes très satisfaits de nos ré¬ sultats.

Voici quelques expériences qui montrent jusqu’où peuvent s’éle¬ ver les pertes quand on o,père avec la méthode ordinaire. 1er essai : Un superphosphate renferme 13.47 p. 100 d’acide phosphorique to¬ tal et 1.29 d’acide insoluble dans le citrate. En précipitant le solu¬ ble au citrate, on n’en retrouve que 11.04 au lieu de 12.18 p. 100, chiffre obtenu par différence.

Dans un autre produit renfermant 15.45 d’acide total dont 2.12 insolubles dans le citrate, l’analyse ordinaire n’a donné que 12.07 au lieu de 13.33 calculé par la différence.

Nous ne multiplierons pas ces exemples dont nous avons cepen-

443

DU DOSAGE DE L?ACIDE PHOSPHORIQUE.

dant de nombreux cas. En général, on peut dire que, par la méthode ordinaire, les pertes de matière accumulées produisent des erreurs qui peuvent atteindre 1 et même 2 p. 100 delà quantité d’acide phosphorique soluble dans le citrate que renferment les échantillons, c’est ce qui explique les écarts souvent considérables qui existent entre deux chimistes également soigneux, analysant le même échan¬ tillon par la même méthode, mais en laissant un temps d’attaque plus ou moins long, puis un temps de précipitation variable et enfin lavant avec plus ou moins d’eau ammoniacale leurs précipités. J’ose à peine dire qu’il m’est arrivé plusieurs fois de trouver, dans cer¬ tains échantillons, une quantilé d’acide phosphorique soluble dans le citrate moins élevée que la quantité du même acide soluble dans l’eau, que les dosages avaient permis de constater. Cependant, l’eau ne dissout que l’acide phosphorique libre et le phosphate monobasi¬ que acide, tandis que le citrate d’ammoniaque alcalin dissout non seulement ces deux corps, mais en outre le phosphate bibasique ou rétrogradé et les phosphates de fer et d’alumine. Ces résultats ab¬ surdes, par conséquent, démontraient bien qu’une partie de ces phos¬ phates , même après leur précipitation magnésienne , était restée en dissolution et échappait ainsi au dosage.

Il existe encore une cause de divergence entre les analyses de di¬ vers chimistes qu’il importe de signaler.

Généralement, quand on veut déterminer la quantité d’acide phos¬ phorique soluble dans le citrate, contenue dans un superphosphate, on pèse 1 gramme de ce produit qu’on délaie dans 40 centimètres cubes de citrate.

Mais il y a des chimistes qui commencent par épuiser par l’eau froide en décantant sur filtre le liquide clair; puis, quand l’eau de lavage cesse d’être acide, ce qui prouve que tout l’acide phosphori¬ que libre et le phosphate acide de chaux ont été dissous, ils font di¬ gérer le résidu insoluble dans le citrate ; après quelques heures de digestion, ils jettent le tout sur le filtre ayant servi à la première fil¬ tration.

Par cette seconde opération, ils dissolvent le phosphate bibasique et les phosphates de chaux et d’alumine. Ils ont ainsi, d’une part, l’acide phosphorique soluble dans l’eau, puis l’acide soluble dans le

444

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

citrate. Or, nous avons fait un certain nombre d’essais comparatifs par chacune des deux méthodes et nous avons généralement observé qu’en opérant comme nous venons de l’indiquer, on obtenait des ré¬ sultats différents de ceux que donne l’attaque immédiate de tous les divers phosphates par la liqueur citro-ammoniacale.

La somme des poids d’acide phosphorique soluble dans l’eau et soluble dans le citrate est souvent plus élevée que le poids du même acide trouvé par la digestion entière dans le citrate. Cela tient sans doute a ce qu une petite quantité d’acide sulfurique ou phosphori¬ que, restée à l’état libre dans le produit, peut réagir, à la faveur de sa dissolution dans l'eau, sur des molécules de phosphate tribasique qui n’avaient pas été atteintes et les transformer en phosphates mono ou bibasiques.

Quand on met, au contraire, le superphosphate en contact immé¬ diat avec une liqueur fortement alcaline, comme le citrate d’ammo¬ niaque que l’on emploie pour ces essais, ces acides libres se combi¬ nent immédiatement avec l’alcali, et la seconde attaque dont nous parlons ci-dessus ne peut avoir lieu.

Pour résumer ces diverses observations, on peut dire : qu’il se¬ rait nécessaire que tous les chimistes adoptassent à l’avenir une mé¬ thode uniforme d’analyse des superphosphates, que cette méthode fût celle par différence dont nous avons démontré les avantages, et ^2° que la méthode de dosage de l’acide phosphorique actuellement

suivie, donne toujours des résultats inférieurs à la vérité, quelques

précautions que l’on prenne pour éviter les causes d’erreurs. Les cul¬ tivateurs qui achètent ces produits sont donc toujours à peu près

certains d’avoir une quantité d’acide phosphorique supérieure à celle

*

que les analyses ont constatée, cela au grand détriment des fabri¬ cants d’engrais chimiques, qui vendent en réalité plus de substance utile qu’on ne leur en paie.

RECHERCHES CHIMIQUES

SUR LA

MATURATION DES GRAINES OLÉAGINEUSES

Par M. A. MÜNTZ

CHEF DES TRAVAUX CHIMIQUES A L’iNSTITÜT NATIONAL AGRONOMIQUE

Dans un précédent travail1, j’ai étudié les transformations que su¬ bissaient les matières carbonées, dans les graines des graminées cultivées comme céréales, pour arriver au terme de leur évolution, à l’amidon. J’ai fait voir que cette accumulation augmentait jusqu’à un certain moment de la maturité, à partir duquel les phénomènes de combustion dont le grain est le siège sont plus intenses que les phénomènes de l’assimilation et que, par suite, le grain perdait une partie de la substance carbonée qu’il avait emmagasinée.

J’ai fait des observations analogues sur la maturation des graines oléagineuses, notamment sur le colza. J’ai cherché en particulier quels étaient les hydrates de carbone qui concouraient à la produc¬ tion de la graisse, à quels moments de la maturation se faisait la transformation en huile et quelle était la perte, en éléments carbo¬ nés, à partir du point la graisse en avait fixé le maximum.

Les hydrates de carbone que l’on rencontre dans la graine du colza sont les suivants :

L’amidon, que l’on vbit facilement au microscope ;

1. Voir page 8 de ces Annales.

446

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

Une gomme que l’on peut extraire par l’eau, d’où l’alcool la pré¬ cipite ;

Du sucre de canne;

Du sucre interverti.

Pour déterminer la nature des sucres, on a pris, à différentes épo¬ ques, une certaine quantité de graines qui, après avoir été épuisée par 1 éther, a été traitée par l’alcool bouillant. L’alcool ayant été chassé, on a traité par le sous-acétate de plomb la solution aqueuse des sucres et 1 on a examiné aupolarimètre, en même temps qu’on a déterminé par les liqueurs cuivriques la proportion de sucre réduc¬ teur et de sucre inversible.

Le 27 juin, on a pris des grains de colza encore tout à fait verts, par suite encore éloignés du point de maturité.

La liqueur obtenue donnait, à la température de 17 degrés, une déviation de -+- 2°58 ;

Et contenait p. 100 :

Sucre réducteur : 6.1 Sucre non réducteur : 4. 3

6.1 p. 100 de sucre inverti (pouv. rotat. 25°) auraient donné déviation 3°05 4.3 p. 100 de sucre de canne (pouv. rotat. -t- 67°) H- 5°76

Déviation théorique -h 2°71

On voit que ce dernier chiffre est extrêmement voisin de la dévia¬ tion observée.

La même liqueur, après inversion, a donné une déviation, à 17° de température, de 517, et contenait p. 100, 10.61 de sucre réduc¬ teur, qui, avec un pouvoir rotatoire de 25°, aurait donner une déviation de 5°30, chiffre peu différent de celui observé.

Il est donc permis d affirmer que le sucre non réducteur contenu dans la graine non mûre était du sucre de canne et le sucre réduc¬ teur qui l’accompagnait du sucre interverti.

On a pris également des grains de colza mûr qu’on a traités de la même manière.

La liqueur observée a donné déviation -f- 12°0.

Elle contenait 8.91 p. 100 de sucre non réducteur; il n’v avait

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA MATURATION DES GRAINES. 447

pas de sucre réducteur. Le pouvoir rotatoire de ce sucre était donc de 4- 67°5 au lieu de 67°0 attribué généralement au sucre de canne. C’est donc encore à ce dernier sucre qu’on a eu affaire dans ce cas.

On a examiné de la même manière les graines du pavot pris avant et au moment de la maturité, on a également trouvé dans le grain non mûr un mélange de sucre de canne et de sucre interverti; dans le grain mûr, du sucre de canne seulement.

On a étendu cet examen aux siliques du colza et on y a toujours trouvé avant la maturité un mélange de sucre interverti et de sucre de canne; au moment la silique commençait à se dessécher, du sucre de canne seulement.

Le colza a été choisi pour faire ces recherches à sept époques différentes, dont la première au moment le grain est encore très petit, c’est-à-dire peu de temps après la floraison et la dernière quand la maturité est dépassée.

On a fait chaque fois l’analyse séparée des grains et des siliques pour saisir les t reformations qui aboutissent à la formation de la matière grasse.

A côté de l’analyse chimique, on a cru devoir introduire un point de repère invariable, le nombre de grains, pour déterminer l’aug¬ mentation ou la diminution absolue des principes dont la proportion était intéressante à connaître.

Dans ce but, à chacune des sept prises, on a pris 1 00 grains repré¬ sentant la moyenne de chaque prise et on y a déterminé le poids de la matière sèche, ce qui permettait de ramener les résultats de l’a¬ nalyse à l’unité de grain.

Voici les résultats obtenus.

100 grains donnent matière sèche.

OBSERVATIONS.

j re

prise, 1er juin I8S2 . . .

0gr,121

Grains verts.

2e

7 ...

0 ,155

3e

16 ...

0 ,191

4e

27 ...

0 ,379

5e

2 juillet 1882 . . .

0 ,494

Grains commençant à noircir

6e

7 ...

0 ,549

Maturité complète.

7e

13 ...

0 ,498

Maturité dépassée.

448

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE,

On voit combien est brusque l’augmentation de la 3e à la 4e prise. C’est à ce moment que la production de l’huile a été la plus active.

L’analyse a donné les résultats suivants pour ces différentes prises :

POUR 100.

Inprise.

2e PRISE.

3e PRISE.

4e PRISE.

5e PRISE.

6e PRISE.

7e PRISE

Eau .

80.77

79.63

74.55

58.90

42.14

11.12

6.64

Glucose .

1.60

1.52

1.28

1.28

1.45

traces

0

Sucre .

2.07

1.58

1.30

0.88

2.6S

4.08

4.64

Amidon .

3.84

3.76

3.41

2.83

1 . 54

1.52

1.26

Graisse .

2.73

4.28

8.01

18.30

25.25

36.90

38.95

Matière azotée . .

3.88

4.39

10. 10

9.70

11.00

17.06

21.50

Pour rendre ces résultats plus frappants, on peut les rapporter à la matière sèche et on a alors le tableau suivant :

POUR 100. IrepRISE. 2ePRISE. 3eFRISE. Eprise. 5e PRISE. 6e PRISE. 7e PRISE.

Glucose . 8.32 7.47 5.03 3.11 2.51 traces 0

Sucre . 10.76 7.77 5.1 1 2.14 4.63 4.59 4.97

Amidon . 19.96 18.49 13.39 6.88 2.66 1.69 1.36

Graisse . 14.19 21.05 31.49 44.47 43.64 41.52 41.72

Matière azotée . . 20.17 21.59 39.68 23.60 19.01 19.19 23.03

L’inspection de ces chiffres ne donne comme résultats frappants que la diminution graduelle de l’amidon qui disparaît presque entière¬ ment, celle du glucose, dont on ne retrouve aucune trace dans le grain mûr, la persistance du sucre de canne et enfin l’augmentation de la graisse. Mais pour que ces chiffres aient toute leur significa¬ tion, il faut les rapporter ft l’unité de grain $ point de repère d’une fixité invariable. Nous pouvons ainsi supposer qu’au lieu de prendre des poids de grains, nous en avons pris un nombre toujours égal, 100 par exemple, et que nous y avons déterminé aux différentes époques de la maturité la proportion des substances qui nous inté¬ ressent ; la différence d’une prise à l’autre représentera donc la quantité absolue des substances qui ont apparu ou disparu dans l’in¬ tervalle de ces prises.

RECHERCHES CHIMIQUES SUR L A MAT U R AT 1 0 N DES GRAINES. 449

Voici le tableau ainsi constitué :

POIDS

de

100 grains secs.

QUANTITÉS CONTENUES DANS LES 100 GRAINS.

Glucose.

Sucre.

Amidon. Graisse.

Matière

azotée.

Milligr.

Milligr.

Milligr.

Milligr.

Milligr.

Milligr.

j re

prise

. . . . 121

10.1

13.0

24.2

17.2

24.4

2e

. . . . 155

11.6

12.0

28.7

32.6

33.5

3e

191

9.6

9.8

25.6

60.1

75.8

4e

. . . . 379

11.8

8.1

26.1

168.5

89.4

5e

. . . . 494

12.4

22.9

13.1

215.6

93.9

Ge

. . . . 549

0

25.2

8.3

227.9

105.3

7e

. . . . 498

0

24.7

6.7

207.8

105.5

Nous

voydns que la formation

de la

graine

procède

par sauts

assez brusques, pour se ralentir beaucoup au moment la matu¬ rité complète approche; ces sauts brusques paraissent suivre les époques une forte proportion de matière azotée a été assimilée. Cette matière grasse augmente en proportion d’une manière assez régulière jusqu’au moment de la maturité. L’amidon et les sucres paraissent se maintenir assez constants pendant tout le temps que la graisse se forme abondamment, comme s’ils ne concouraient pas à cette formation, ou peut-être plutôt comme s’ils étaient incessam¬ ment renouvelés. Ce n’est que lorsque la quantité d’huile est deve¬ nue à peu près stationnaire, que nous voyons l’amidon diminuer et simultanément le sucre de canne augmenter. On dirait qu’à ce mo¬ ment des fonctions nouvelles s’accomplissent dans le grain.

Un point encore qui doit nous frapper, c’est la diminution de l’huile à partir d’un certain moment qu’on peut regarder comme ce¬ lui de la maturité vraie. Là, comme dans les graines amylacées, lors^ que, par suite de la dessiccation des tissus, la circulation et, par suite, l’apport, vers le grain, d’éléments déjà élaborés, se trouve arrêtée, le grain continue cependant à respirer et brûle ainsi une partie des éléments carbonés qu’il avait assimilés.

Il est facile de constater qu’à la dessiccation du grain, comme on le voit dans un tableau précédent, et à la dessiccation de la silique, comme on le verra plus bas, correspond l’arrêt de l’accilmulation de l’huile dans le grain.

450

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE*

L’analyse des siliques a été faite aux mêmes époques que celle des grains; elle a donné les résultats suivants :

lre PRISE.

2e PRISE.

3e PRISE.

P. 100 de matière

P. 100 de matière

P. 100 de matière

fraîche. sèche.

fraîche. sèche.

fraîche. sèche.

Eau .

78. S5

»

78.60

))

76.24

))

Glucose .

4.06

19.20

3.91

18.27

2.81

11.83

Sucre .

1.22

5 . 77

0.75

5.30

0.64

2.69

Graisse et résines.

0.71

3.36

0.63

2.94

0.58

2.44

PRISE.

PRISE.

PRISE.

p.vioo

de matière

P. 100

de matière

P. 100

de matière

fraîche.

sèche.

fraîche.

sèche.

fraîche.

sèche.

Eau .

72.38

»

72.77

»

13.33

J)

Glucose .

1.69

6.12

Traces.

Traces.

Traces.

Traces.

Sucre. .....

0.40

1.44

0.81

2.97

0.75

0.86

Graisse et résines.

0.99

3.58

0.90

3.31

3.77

4.35

On n’a pas fait de 7e

prise.

Nous remarquons dans la silique la diminution rapide du glucose qui disparaît en totalité; celle du sucre de canne, dont une partie persiste à la fin, et nous pouvons, en conclure que ce sont les ma¬ tières sucrées concentrées dans la silique qui ont fourni au grain la matière carbonée nécessaire à l'élaboration de la graisse. Gela est d’autant plus probable que la réserve de matière sucrée de la sili¬ que est très considérable relativement aux besoins du grain, puis¬ que, au moment même se fait la principale production de graisse, le poids de la silique dépasse de beaucoup le poids des grains qu’elle renferme. Nous regardons donc la matière sucrée contenue dans la silique comme la principale source à laquelle le grain puise les élé¬ ments carbonés nécessaires à la production de la graisse.

Un autre problème se pose ici : La graisse se forme-t-elle dans la silique ou dans le grain? Nous croyons que la transformation ne se fait que dans le grain. On voit en effet que la proportion de graisse contenue dans la silique est peu considérable ; elle l’est moins que ne l’indiquent les chiffres donnés plus haut qui représentent l’en¬ semble de l’extrait éthéré, c’est-à-dire qui comprennent, outre la graisse proprement dite , les substances résineuses si abondantes

RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA MATURATION DES GRAINES. 45 i

dans les tissus végétaux, surtout dans ceux qui sont colorés en vert. La proportion de graisse contenue dans la silique ne dépasse pas celle qu’on trouve généralement dans la plupart des parties simi¬ laires de toutes les plantes ; la silique ne paraît donc pas intervenir directement dans la formation de la matière grasse.

Je dois encore relever ici un fait, dont j’ai déjà eu l’occasion de parler ailleurs, relatif aux hydrates de carbone: nous voyons partout le glucose se former et disparaître très rapidement, comme s’il avait une plus grande aptitude à circuler et à se dépenser il peut servir à une transformation ou à une combustion.

Les hydrates de carbone contenant moins d’eau, tels que l’ami¬ don, le sucre de canne, au contraire une fois emmagasinés, parais¬ sent ne se prêter que très difficilement et jamais intégralement à des transformations. Aussi, à mesure que la graine avance vers l’état de maturité complet, voyons-nous toujours l’hydrate de carbone G12 H12 O12 disparaître et les hydrates de carbone C12 H11 O11 et G12 H10 O10 persister et très fréquemment se concentrer dans le grain.

C’est le produit ultime de cette transformation G12 H10 O10 qui persiste de préférence, lorsque l’un des deux derniers doit dispa¬ raître.

CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’AGRICULTURE1

RAPPORT DE LA COMMISSION

RELATIF A LA RÉPRESSION DES FRAUDES

COMMISES DANS LE COMMERCE DES ENGRAIS 2

Messieurs,

Sur la proposition de M. le Ministre de l’agriculture, vous avez chargé une Commission de rechercher les dispositions qu’il pourrait être utile d ajouter a la loi de 1867, relative à la répression des fraudes dans la vente des engrais. La tâche était délicate et difficile, caria loi qu’il s’agirait d’améliorer a été faite avec beaucoup de soin, après une enquête longue et approfondie sur le commerce des engrais. Plusieurs de ses auteurs se trouvent aujourd’hui faire partie du Conseil supérieur, et ce n’est, pas sans étonnement qu ils ont entendu dire que si la loi n’a pas produit les bons effets qu on en attendait, cela tiendrait, d’après l’opinion générale des agriculteurs, non pas à un défaut de prévoyance dans les mesures édic¬ tées, mais à ce que les pouvoirs publics, à qui incombe le devoir d’appli¬ quer ces mesures, seraient souvent restés inactifs ou impuissants.

Cela est-il exact? N’a-t-on pas exagéré les faits relatifs à une recrudes¬ cence qui se serait produite dans la falsification des engrais de com¬ merce ? Est-il vrai que les pertes que fait éprouver à l’agriculture un commerce déloyal soient de plus en plus considérables?

"Votre Commission ne pouvait pas se prononcer sur ces questions dans

1. Lg l ai lement doit être ssi si prochainement d un projet de loi sur la répression

des fraudes dans le commerce des engrais. 11 nous a paru utile de porter à la connais¬ sance de nos lecteurs le Rapport présenté au Conseil supérieur de l’agriculture par M. J. -B. Barrai sur cette question qui intéresse à un haut degré l’agriculture de tous les pajs. l. Grandeau.

2. Cette Commission était composée de MM. Boussingault, president ; J. -B. Dumas,

lasfeur, Schlœsing, Mir, Grandeau, Risler, de Molon, Tisserand; J. -B. Barrai, rappor¬ tai? .

RAPPORT RELATIF A LA RÉPRESSION DES FRAUDES. 453

i’élat actuel des choses; mais elle a pensé que, comme l’a demandé la Société nationale d’agriculture, on pourrait trouver les renseignements les plus utiles dans des rapports détaillés que feraient les divers parquets des procureurs généraux.

Il est certain que si l’on connaissait les résultats des poursuites exercées en vertu de la loi de 1867 sur tout le territoire de la République, les con¬ damnations ou les acquittements qui ont été prononcés, les considérants des jugements et arrêts rendus, on se ferait plus facilement une idée exacte des difficultés que l’application de la loi a rencontrées et des améliora¬ tions à y introduire.

D’un autre côté, il n’est pas douteux que la fabrication des engrais du commerce a pris une grande extension et que les agriculteurs cherchent et trouvent souvent dans leur emploi un complément avantageux des en¬ grais des fermes. L’extraction des phosphates minéraux, l’usage des sels ammoniacaux et des nitrates, l’emploi de tous les débris d’animaux et des résidus innombrables des usines et des manufactures, ont pris, dans ces dernières années, un développement considérable, au moins dans les parties de la France l’agriculture a fait les plus grands progrès ; en même temps, les fumiers de ferme sont plus soignés et mieux employés. Dans beaucoup de cultures, on se sert maintenant de matières fertili¬ santes, alors qu’autrefois on ne leur donnait pour ainsi dire aucune atten¬ tion. Ainsi, dans la culture de la vigne, depuis l’invasion du phylloxéra surtout; ainsi encore dans la culture des prairies, depuis qu’on sent la nécessité d’augmenter la production de la viande, les cultivateurs se ser¬ vent de plus en plus de tous les engrais qu’ils peuvent se procurer; ils font de grands efforts pour en produire ou pour en acheter. Comme il ar¬ rive toujours dans les affaires qui aboutissent à des transactions commer¬ ciales, l’accroissement de la consommation a être accompagné d’une augmentation dans les fraudes ou les falsifications, d’autant plus que les prix des substances fertilisantes s’étant élevés à mesure que la demande en était plus grande, les bénéfices des fraudeurs se sont aussi accrus dans une proportion dont l’excès audacieux a fini par exciter les plaintes des victimes. Il paraît certain que les fortunes scandaleuses n’ont pas eu d’autres bases que l’exploitation des besoins et de la crédulité des cultivateurs; mais il serait utile qu’une lumière complète fût faite à cet égard et que l’enquêle projetée parla Société nationale d’agriculture, sur l’initiative de M. Dumas, fournît des documents complets sur la véritable situation de la fabrication et du commerce des engrais. Nulle question n’est plus importante pour l’avenir de notre agriculture.

La loi de 1867 a édicté la peine d’un emprisonnement de cinq mois à un an, et d’une amende de cinquante à deux mille francs pour tous ceux qui, « en vendant ou en mettant en vente des engrais ou amendements,

454

ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

auront trompé ou tenté de tromper l’acheteur, soit sur leur nature, leur composition ou le dosage des éléments qu’ils contiennent, soit sur leur provenance, soit en les désignant sous un nom qui, d’après l’usage, est donné à d’autres substances fertilisantes ».

Il semble que, dans cette spécification, tous les moyens de fraudes étaient bien prévus; mais, d’après des documents authentiques qui ont passé sous les yeux de votre Commission, il a été démontré que la dé¬ fense de désigner un engrais sous un nom appartenant déjà à d’autres substances fertilisantes est restée à peu près lettre morte, attendu que le commerce, par l’addition d’épithètes plus ou moins ingénieuses, a pu se mettre à l’abri de toute pénalité.

Des arrêts ont, en effet, décidé que ce n’est pas commettre une fraude que d’employer, pour spécifier des engrais, des noms qui, d’abord carac¬ téristiques d une espèce définie, ont ensuite été généralisés dans leur ac¬ ception, surtout quand des épithètes appelaient suffisamment l’attention du cultivateur. C’est ainsi qu’on a pu vendre impunément des guanos et des phospho-guanos de tous genres, ne contenant pas trace de guano, ni même trace de phosphate, ou bien du noir d’os ou du noir animal dans lesquels il n’entrait pas la moindre parcelle d’os d’aucun animal. De même, on a laissé sans efficacité les prescriptions relatives à la prove¬ nance en tolérant des indications qui, à cet égard, étaient absolument vagues. Quant au dosage des éléments contenus dans les engrais, on au¬ rait pu croire à la difficulté d’esquiver les sévérités de la loi, à cause de la précision que l’indication d’un dosage paraît exiger ; mais les fraudeurs ayant eu soin d’indiquer que les dosages étaient faits par des méthodes dites commerciales, les tribunaux y ont vu une impossibilité de condamner les déliquants, comme si une analyse commerciale ne devait pas être une analyse exacte, comme si la tromperie devenait licite par suite de l’indi¬ cation de l’emploi d’un procédé de dosage susceptible de causer des er¬ reurs considérables.

Il est d’ailleurs impossible de se prononcer sur la fourniture loyale d un engrais d après les seuls résultats que cet engrais peut avoir produits dans la culture. En effet, les circonstances météorologiques influent tel¬ lement sur les récoltes, qu’il arrive souvent que, dans le même sol, un engrais fait merveille dans une année, tandis qu’une autre année il ne produit absolument rien du tout. Si le cultivateur se plaint, l’expertise est très difficile à faire sur la légitimité de ses doléances, surtout alors que l’engrais a été enfoui dans le sol et a ainsi disparu. Il serait désirable que des échantillons authentiques pussent être prélevés et conservés pour permettre de prononcer en connaissance de cause en cas de contestations fui lires.

Dans ce but, un membre de la Société nationale d’agriculture, M. d’Es-

RAPPORT RELATIF A LA RÉPRESSION DES FRAUDES. 455

terno, a demandé que les chefs de gare fussent appelés à prélever des échantillons qui, pris au moment des livraisons et introduits dans des flacons et bien scellés, pourraient faire foi dans l’avenir. Les analyses qui interviendraient pourraient être alors utilement rapprochées des in¬ dications inscrites dans les factures.

Il y aurait peut-être à prendre quelque règlement d’administration pu¬ blique à cet égard, surtout si vous adoptez un article additionnel à la loi, article auquel s’est arrêtée votre Commission, après une longue discus¬ sion.

Comme la loi de 1867 poursuit exclusivement des délits commis dans le commerce des engrais, elle admet implicitement que les prévenus peu¬ vent exciper de leur bonne foi. De ce résultat, que la plus grande partie des transactions en matière d’engrais se faisant par des courtiers, par des vendeurs de seconde main, par des intermédiaires de tous genres, ceux-ci ont su échapper aux pénalités qu’ils encouraient dans leur trafic déloyal en alléguant leur prétendue bonne foi. Ils ont soutenu qu’ils ignoraient la valeur des spécifications chimiques employées, qu’ils avaient acheté ou accepté loyalement des dépôts d’engrais dont ils n’étaient pas en état de vérifier la bonté. Le contraire n’ayant pas été prouvé, les pour¬ suites ont été abandonnées.

De des acquittements qui, affirme-t-on, ont été nombreux. Dans tous les cas, quelques-uns ont empêché toute répression. En effet, des culti¬ vateurs qui avaient déposé des plaintes ont été invités par des parquets à se porter parties civiles, et ils ont alors éprouvé toutes sortes de déboires. Votre Commission a eu entre les mains les jugements et arrêts rendus. Par exemple, un tribunal de première instance avait condamné sévère¬ ment ; mais la cour d’appel a décidé, attendu, dit l’arrêt, que la mauvaise foi n’était pas certaine, et, quoiqu’il fût bien établi que le cultivateur avait été trompé et frustré, qu’il y avait lieu d’acquitter le prévenu et de con¬ damner le cultivateur partie civile à tous les frais du procès. Celui-ci a été ainsi deux fois victime; il avait été authentiquement volé, et il a payé l’amende ; cela n’a pas encouragé ses voisins à porter plainte à leur tour.

Sans aucun doute, il ne faut pas trop généraliser et dire que la fraude a toujours échappé à la répression, ni que les parquets ont constamment refusé de poursuivre à moins d’avoir à côté d’eux des parties civiles. On ne connaît bien, le plus souvent, que les défauts des choses. Les mauvais résultats sautent aux yeux, les bons effets passent inaperçus. Il serait donc utile qu’une enquête intervînt comme cela est demandé, pour bien faire connaître la vérité ; mais, en attendant, votre Commission a pensé qu’il pourrait être fait dès maintenant quelque chose. Elle entend respecter la liberté commerciale et elle ne veut pas vous proposer une mesure qui

ANN. SCIENCE AC BON. 30

456 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.

aurait pour conséquence d’entraver les progrès de l’industrie honnête et du commerce loyal; mais elle a pensé que la loi pourrait astreindre le marchand d’engrais à garantir d’une manière précise la dose de certains principes fertilisants aujourd’hui bien connus. Ainsi, on sait bien que la teneur en azote pour les produits azotés, la teneur en acide phosphorique pour les phospates, celle en potasse dans divers engrais complexes ou dans quelques sels, sont des indications de la plus haute utilité pour les divers emplois agricoles et peuvent servir en quelque sorte de mesure des effets à obtenir ou de la valeur des matières fertilisantes.

Votre Commission vous propose de décider que tout marchand d’engrais devra fournir cette spécification sur sa facture, au moment même de la livraison. Le nom, lamature, la provenance de l’engrais, devront de même être ajoutés. L’absence de ces indications serait une contravention, et, par conséquent, les tribunaux devraient toujours condamner et punir, l’excuse de la bonne foi ne pouvant pas être acceptée. L’exécution de la prescription nouvelle concourrait à rendre plus facile et plus certaine la répression des falsifications; elle les préviendrait dans beaucoup de cas.

La Commission n’entend viser, dans cet article nouveau, que les mar¬ chands d’engrais et non pas le cultivateur qui vendrait son fumier et qui, le plus souvent, ignore absolument sa teneur en matières fertilisantes. Il est bien entendu toutefois que les vendeurs de fumiers ne seraient pas soustraits à la responsabilité de leurs tromperies s’ils en commettaient ; la loi de 1867 continuera à leur être applicable, quoique l’on n’exige pas d’eux des factures avec des dosages garantis.

L’article additionnel proposé deviendrait l’article 3 de la loi de 1867.

Son adoption ne gênerait en rien le commerce loyal, car tout fabricant sait parfaitement ou dans tous les cas peut facilement connaître les do¬ sages, en azote, en acide phosphorique et en potasse, des engrais qu’il livre au commerce.

Une difficulté cependant se présente. Elle consiste en ce que les élé¬ ments indiqués peuvent quelquefois être engagés dans des combinaisons absolument inefficaces pour production des récoltes. Ainsi l’azote de la houille, l’acide phosphorique des phosphates d’alumine, la potasse des feldspaths à l’état cristallin, n’ont aucune utilité directe pour l’agricul¬ ture. On pourrait donc livrer aux cultivateurs des matières d’un dosage plus ou moins fort en azote, en acide phosphorique ou en potasse qui ne seraient d’aucune efficacité immédiate. L’indication de ce dosage pourrait induire en erreur si l’on ne trouvait pas moyen de faire spécifier qu’il ne concerne que des matières réellement propres à nourrir les plantes.

La Commission pense, en conséquence, qu’il faut ajouter un adjectif pour bien définir les matières fertilisantes vendues: elle vous propose de mettre le mot à « l’état assimilable » à côté des doses en azote, acide

RAPPORT RELATIF A LA RÉPRESSION DES FRAUDES. 457

phosphorique ou potasse. Elle ne se dissimule pas que ce mot peut sou¬ lever des incertitudes, en ce que l’assimilation possible peut être immé¬ diate ou plus ou moins éloignée. Mais les expertises qui sont nécessaires pour préciser les fraudes et qui deviennent plus faciles au furet à mesure que les stations de recherches agronomiques se multiplient, éclaireront toujours la question ; les expertises donneraient des résultats satisfaisants dès que l’on aurait établi des moyens de garantir l’authenticité des échan¬ tillons.

L’article additionnel serait ainsi conçu :

c< Sont punis d’un emprisonnement de 1 à 5 jours et d’une amende de \ à 15 francs, tous marchands d’engrais qui n'auront pas indiqué à l’ache¬ teur, sur la facture à fournir au moment de la livraison et sur les lettres de facture ou de connaissement, le nom, la nature, la provenance et la teneur en azote, en acide phosphorique et en potasse à l’état assimilable pour 100 kilogr. d’engrais.

a Un règlement d’administration publique déterminera les formes et conditions dans lesquelles seront prélevés les échantillons des engrais livrés par le commerce aux cultivateurs. »

Le cultivateur a besoin d’être défendu contre la fraude, car celle-ci fait chaque jour des progrès parallèles à ceux de la science. Il n’a pas la possibilité de reconnaître la falsification par l’aspect de l’engrais, ni de savoir par le simple examen des propriétés extérieures des denrées qu’on lui propose d’acheter, si celles ci ont été altérées; il n’a aucun moyen immédiat de déceler le piège dans lequel on veut le faire tomber; il prodigue à la terre son travail; il lui confie toutes ses espérances; ce n’est que de longs mois après qu’il se trouve parfois en présence d’une récolte presque nulle, et, à ce moment-là même, on lyi dit souvent: « Vous ne pouvez affirmer ni démontrer que la cause de votre insuçcès est due à une tromperie dont vous auriez été victime; il est probable que vous avez raison de vous plaindre; mais la loi n’v peut rien. » Celte situation peut changer par l’application de la mesure que nous proposons.

Vous voudrez, Messieurs, en adoptant le projet de votre Commission, donner une preuve de votre ferme désir d’assurer une protection plus eTicice aux cultivateurs contre tous ceux qui veulent abuser de leur con¬ fiance dans les progrès des sciences.

TABLE DES MATIÈRES

DU TOME PREMIER

PAGES.

L. Grandeau. Avant-propos . v

Th. Schlœsing. Sur la condensation des gaz par la terre végé¬ tale . . . . 1

A. Müntz. Recherches chimiques sur la maturation des grains. 8

A. Leclerc. De la transpiration chez les végétaux . 29

Dr Grouven. Sur une méthode de dosage de l’azote d’une appli¬ cation générale (Traduit de l’allemand, par H. Grandeau). ... 75

A. Petermann. Recherches sur le meilleur mode d’emploi des engrais artificiels appliqués à la culture de la betterave .... 100

G. Lechartier. De l’essai commercial des noirs et des phos¬ phates fossiles . « . 123

L. Grandeau. Émile Laugier, directeur de la Station agrono¬ mique de Nice . . . . . 132

A. Andouard. Pierre-Adolphe Bobierre . 139

L. Grandeau. Bibliographie étrangère (Périodiques allemands). 181 L. Grandeau. Cours d’agriculture comparée de E. Risler . . . 184

Reuss et Bartet. Étude sur l’expérimentation forestière en Alle¬ magne et en Autriche . 187

P. Fliche et L. Grandeau. Recherches chimiques et physiolo¬ giques sur la Bruyère commune ( Callvna vulgaris Salisb.) . . . 394

A. Vivier. Examen chimique des phosphates de Logrozan . . . 412

A. Leclerc. Recherches sur la déperdition de l’ammoniaque dans les sols fumés au sulfate d’ammoniaque . 418

460

TABLE DES MATIERES.

A. Ladureau. Sur le dosage de l’acide phosphorique dans les engrais . *

A. Müntz. Recherches chimiques sur la maturation des graines oléagineuses .

Conseil supérieur de l’agriculture. Rapport de la commission relative a la répression des fraudes commises dans le commerce des engrais .

PAGES.

436

445

452

t

Nancy, imp. Berger-Levrault et 0 *.